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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, March 18, 1982 - Vol. 26 N° 188

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 188 - Loi concernant un contrat d'approvisionnement à l'Hôpital Charles LeMoyne


Journal des débats

 

(Quinze heures quarante-sept minutes)

Le Président (M. Blank): C'est la séance de la commission permanente des affaires sociales qui est ici pour étudier le projet de loi no 188, Loi concernant un contrat d'approvisionnement à l'Hôpital Charles Le Moyne.

Les membres de la commission sont: M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), M. Lincoln (Nelligan) qui remplace Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Houde (Berthier), M. Payne (Vachon) qui remplace M. Johnson (Anjou), Mme Harel (Maisonneuve) qui remplace Mme Juneau (Johnson), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) qui remplace Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Leduc (Fabre), M. Rochefort (Gouin), M. Saintonge (Laprairie) qui remplace M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bélanger (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou) qui remplace Mme Harel (Maisonneuve), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Laplante (Bourassa), M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Polak (Sainte-Anne) qui remplace M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Deux représentants des deux parties intéressées par ce bill sont présents: pour la première, ce sont Mme Annie Michaluk, et Mme Cécile Roy, présidente du conseil d'administration, pour l'autre, M. Gérard Lanoue, directeur général, et M. Gilles Bourque, de l'Hôpital Charles Le Moyne.

On va commencer avec les remarques générales des deux côtés et ensuite on va entendre les représentants de chaque partie. Ce bill a seulement trois articles; en fait, un seul est important, c'est le principe de la loi qu'on va discuter ensemble.

M. Johnson: M. le Président, mes remarques seront très brèves, étant donné que je laisserai à mon collègue qui a parrainé ce bill le soin d'assumer son cheminement au cours des travaux de cette commission. Essentiellement, il s'agit d'une mesure assez exceptionnelle où le législateur...

Le Président (M. Blank): Excusez-moi, j'ai oublié quelque chose. Après le bill 39, j'ai oublié de demander de nommer un rapporteur.

M. Johnson: Oui, oui, évidemment.

M. Polak: M. le Président, on évoque la jurisprudence oubliée par vous.

M. Johnson: Vous allez me parler de vos habitudes alimentaires.

M. Lalonde: Le député de Bourassa fait bien cela.

M. Johnson: Le député de Bourassa comme rapporteur de la commission.

Le Président CM. Blank): Adopté, le député de Bourassa est nommé rapporteur.

M. Lalonde: II aime cela se lever en Chambre pour parler.

Le Président (M. Blank): Le député de Bourassa sera rapporteur de la commission.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson: Alors, M. le Président, il s'agit donc d'un projet de loi d'une nature un peu exceptionnelle. Je laisserai aux parties, qui se sont sûrement fort bien préparées, le soin de nous donner les séquences, leur interprétation des faits et leur position quant au droit. Je rappellerai très simplement en termes généraux qu'il s'agit dans ce projet de loi de mettre fin à un contrat en matière d'approvisionnement à l'Hôpital Charles Le Moyne qui, compte tenu des stipulations du contrat qui remonte à 1960, a un caractère abusif à l'égard des fonds publics qu'il implique et du manque à gagner de l'hôpital. De plus, ce contrat qui remonte au mois de juin 1960 impose des contraintes à un établissement du réseau des Affaires sociales, notamment l'Hôpital Charles Le Moyne. Les sommes considérées sont extrêmement importantes pour l'hôpital en cette période que nous vivons et dont nous ne pouvons faire abstraction dans quoi que ce soit que nous faisons.

Nous devons à l'occasion nous référer, puisque c'est notre rôle ici, comme les tribunaux ne peuvent pas le faire, à certains principes, je pense, d'équité, certains principes qui impliquent, je dirais presque des jugements de valeur des hommes et des femmes autour de cette table qui ont le pouvoir, en vertu de notre constitution, de faire les lois. Si nous n'avions pas à invoquer

ce type de jugement que nous souhaitons le plus éclairé possible, mais qui est toujours imparfait, si nous n'avions pas à invoquer, dis-je, ces jugements, la question serait résolue depuis longtemps devant les tribunaux, mais si nous sommes ici c'est qu'elle ne peut pas l'être. Le caractère, je dirai exceptionnel sur le plan juridique que pose ce contrat et ses conséquences et la façon de résoudre cette situation carrément intolérable, il faut bien s'en rendre compte, nous obligera, au cours de l'heure ou peut-être des heures qui viennent, à être extrêmement attentifs à ce qu'auront à nous dire les deux parties.

Encore une fois, je suis très conscient du caractère exceptionnel, mais néanmoins, je dois dire que le ministère des Affaires sociales, après avoir analysé ce dossier assez longuement, dans un esprit qui n'est pas celui des jurisconsultes, mais de celui qui recherche l'équité, en même temps qu'il cherche à régler des problèmes, le ministère des Affaires sociales, dis-je, juge que cette mesure ou une mesure analogue ou un principe dont on peut s'inspirer dans le projet de loi 188 s'impose dans les circonstances.

Ce sont les seules remarques que j'avais à faire au début de cette commission. Je me permets de dire que mon collègue, le député de Vachon, assumera tout au cours de l'après-midi la responsabilité du côté ministériel, si je peux m'exprimer ainsi. C'est un "private member's bill" au sens de notre règlement. Je serai cependant disponible dans le courant de l'après-midi si nous pouvions apporter quelque support à mon collègue ou aux membres de la commission.

Le Président (M. Blank): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, il y a quelques points que nous aurions voulu soulever. Quand le projet a été étudié en Chambre en deuxième lecture, quelques faits ont été soulevés, et j'aurais voulu les commenter brièvement. Le député de Vachon avait dit: En 1960, le gouvernement de l'époque avait décidé avec son sens renommé de la justice, de l'équité, etc. d'accorder un contrat de 220 $ par mois pour exploiter un casse-croûte dans cet hôpital.

Je pense que ce n'est pas tout à fait correct, parce que d'après ce que j'ai pu lire des dossiers que nous avons vus, c'est un contrat privé qui s'est fait entre deux parties privées parce que c'était un hôpital privé, à ce moment. Ce n'est qu'en 1962 que l'hôpital a été cédé au gouvernement. Nous sommes d'accord pour dire qu'il aurait dû y avoir une intervention du côté du gouvernement pour essayer de changer le sens du contrat, mais en fait, le gouvernement n'est pas intervenu, à tort ou à raison. On se trouve donc devant un cas tout à fait différent de ce qui est annoncé ici, ce n'est pas un contrat qui a été passé par le gouvernement avec une autre partie, mais un contrat entre deux parties privées, qu'il soit raisonnable ou non pour un contrat de durer vingt ans et d'être automatiquement renouvelable. Qu'on dise que c'est raisonnable ou non, ce n'est pas le cas, mais je voulais souligner que c'était un contrat entre deux parties privées et que l'hôpital qui avait été acheté par le gouvernement avait assumé le contrat qui était déjà là.

Le député de Vachon a fait la référence que, si cela s'était fait dans l'ordre, il y aurait eu des appels d'offres, etc., et qu'on n'aurait pas besoin de la loi maintenant. En fait, cela explique que c'était un contrat privé et qui s'était fait entre deux parties privées.

Ensuite, une question a été apportée par le député en ce sens que l'hôpital n'aurait pas le droit maintenant - cela a été une des raisons apportées pour la présentation du projet de loi - selon la loi, d'avoir des distributrices automatiques. Or, notre service de recherche n'a rien relevé dans ce contrat qui semble indiquer que des distributrices automatiques ne pourraient pas être installées par l'hôpital à ce moment-ci.

Nous devons assurément souligner que nous ne voulons pas prendre cause là-dedans. Nous le réalisons même sans avoir entendu les parties. Du reste, Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie, avait fait une requête en ce sens dans sa brève intervention d'entendre les parties pour justement se situer sur le problème. Nous réalisons que c'est un contraste cette fois entre les droits d'équité d'un particulier, d'une partie privée, un contrat qui est dans l'ordre légalement et respecte l'intérêt public. Alors, comment pourra-t-on concilier ces choses? Mme Lavoie-Roux, députée de L'Acadie, avait bien souligné dans son intervention que nous n'avions aucune objection au principe du projet de loi pour autant que les droits des personnes impliquées ne sont pas brimés. C'est cela qui va nous préoccuper, c'est que, de part et d'autre, on puisse concilier ces droits. Nous réalisons que l'intérêt public est d'ordre capital et j'aurais peut-être voulu apporter une petite suggestion. Nous avons, en faisant de la recherche, trouvé deux précédents qui se sont passés dans des cas assez semblables où il y avait eu des contrats privés, où le gouvernement a voulu présenter un projet de loi pour cesser ces contrats. Un contrat avait trait à la construction de la Place Dupuis, où le ministre de la Justice d'alors avait remis deux fois le projet de loi pour permettre aux parties intéressées de faire une négociation

quelconque pour s'entendre. Je crois que cela a été le cas, en fait. Il y a eu un autre cas, celui de la ville de Westmount et de la famille Gault, qui s'opposait à l'expropriation d'un terrain pour le prolongement de la rue Dorchester, je pense; cela a été le même genre de cas. Une partie se sentait brimée dans ses droits privés et, là aussi, je pense, il y a eu négociation. Alors, nous, nous voudrions, peut-être, abonder dans le sens qu'il n'y a pas eu, dans ce dossier qu'on a pu voir, de requête de négociation entre les parties. Peut-être que ce serait là une suggestion à faire, qu'elles se rencontrent et décident, parce que c'est certain que le montant qui est exigé de la personne en question semble dérisoire dans les faits et que, peut-être, il y aurait une raison de faire des négociations et de s'entendre là-dessus. (16 heures)

Le Président (M. Blank): M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Je serai très bref, parce que l'esprit de notre commission est effectivement d'entendre les parties. Le projet de loi, comme le disait le ministre des Affaires sociales, que je présente et qu'on discute aujourd'hui, vise essentiellement à annuler un contrat liant actuellement l'Hôpital Charles Le Moyne à Mme Annie Michaluk, relativement à l'exploitation d'un casse-croûte et d'un magasin de cadeaux. Ce contrat, effectivement, a été signé par les deux parties en 1960 par l'Hôpital Général de Saint-Lambert, un hôpital privé, le locataire ayant l'option de renouveler le contrat après 20 ans pour une deuxième période de 20 ans. Le gouvernement provincial s'est engagé à l'époque, c'était le 25 octobre 1962 - je m'excuse s'il y avait une erreur dans la présentation des dates - lors de l'achat de tous les biens de l'Hôpital Général de Saint-Lambert, à respecter le bail. Lors du transfert de ces biens à l'Hôpital Charles Le Moyne, le bail fut aussi transféré et, depuis l'ouverture de l'Hôpital Charles Le Moyne, Mme Michaluk a exploité son restaurant et un comptoir de cadeaux. Le député de Nelligan a fait tout à l'heure référence aux droits de l'individu. Justement, si l'Assemblée nationale est appelée aujourd'hui à discuter du problème avec les parties et à trancher la question, c'est justement parce que les deux parties n'ont pas réussi à s'entendre.

Or, j'ai le devoir de proposer aujourd'hui en deuxième lecture l'étude article par article d'un projet de loi, de chercher, avec tous les membres présents de l'Assemblée nationale, à concilier deux droits: d'une part, un droit collectif qui est représenté par une des deux parties ici présente aujourd'hui et, d'autre part, le droit de l'individu qui va être présumément représenté par l'autre partie.

Notre responsabilité collective est de trouver les paramètres, les critères d'évaluation pour se prononcer sur l'équité nécessaire entre ces deux droits. C'est donc dans cet esprit que j'aimerais bien entendre les parties sans autre délai, M. le Président.

Le Président (M. Blank): Y a-t-il d'autres députés qui veulent s'exprimer?

M. Lalonde: M. le Président, je vais passer pour cette fois-ci. J'aurai beaucoup de réticences et beaucoup de considérations à apporter plus tard, mais je pense qu'en ayant invité les parties à nous adresser la parole on devrait commencer maintenant. Merci.

Auditions Hôpital Charles Le Moyne

Le Président (M. Blank): On va commencer avec l'hôpital parce que ce sont eux qui demandent l'annulation. Écoutons la demanderesse en cause. Votre nom s'il vous plaît:

M. Bourque (Gilles): Gilles Bourque, procureur de l'hôpital. Je crois que les membres de cette commission ont en main une copie du mémoire préparé par le Centre hospitalier Hôpital Charles Le Moyne.

Le Président (M. Blank): Voudriez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Bourque: À ma droite, Mme Roy, qui est la présidente du conseil d'administration de l'Hôpital Charles Le Moyne, et M. Gérard Lanoue, qui est le directeur général de l'Hôpital Charles Le Moyne.

Dans ce mémoire qui paraît volumineux, il y a douze pages de représentations à la commission. Toutes les annexes consistent en différents contrats ainsi que des extraits de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Pour un contrat de services, depuis la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le centre hospitalier, lors d'un contrat d'approvisionnement, doit aller en soumissions publiques selon les articles 6.3.1 et suivants des règlements. Ce contrat a été fait, tel que mentionné par deux membres de la commission, en 1960, il a été corrigé en 1960 lors de la vente de l'hôpital Saint-Lambert au gouvernement en 1962, le gouvernement a assumé ce contrat et, en 1972, après la construction de l'hôpital qui s'est ouvert en 1966, il n'y avait pas de corporation qui était propriétaire, c'était uniquement en location avec le

gouvernement. En 1972, une vente est intervenue entre le gouvernement et la Corporation de l'Hôpital Charles Le Moyne; à ce moment-là, le gouvernement a passé à l'Hôpital Charles Le Moyne le contrat. Dans le bail, aux pages 3, 4 et 5 du mémoire, nous avons extrait des contrats intervenus tant au 23 juin 1960 qu'au 19 août I960 les articles pertinents.

En résumé, c'est un bail de 20 ans qui s'est renouvelé en 1980 pour une autre période de 20 ans, et dont le locataire avait seul le droit de renouveler pour une période de 20 ans, le locateur ne pouvant pas mettre fin au bail.

L'Hôpital Charles Le Moyne a tenté de mettre fin au bail, en envoyant un avis au locataire et en lui offrant de se conformer à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est-à-dire que l'hôpital ferait un appel d'offres. Le locateur a répondu qu'il demandait le renouvellement de son bail.

Ce coup-ci, selon les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est une activité accessoire. Selon les règlements toute activité accessoire dans un établissement, dans un centre hospitalier ou dans un établissement de santé publique, doit s'autofinancer. Selon l'hôpital, et chiffres à l'appui que vous retrouvez aux pages 10 et suivantes le loyer ne correspond même pas aux coûts de fonctionnement du restaurant et de la boutique de cadeaux. L'hôpital paie l'électricité et le chauffage. Il a fourni les comptoirs, les tabourets, les étagères et les équipements électriques. Pour que l'hôpital puisse aller en soumissions, il faut absolument que ce bail puisse être annulé puisqu'il vient de se renouveler pour une autre période de 20 ans, sans qu'il soit possible d'y mettre fin. Le but de cette loi, pour l'Hôpital Charles Le Moyne, c'est de pouvoir se conformer à la Loi sur les services de santé et les services sociaux. En allant en soumissions publiques, le locataire, qui est présentement à l'intérieur de l'hôpital, peut soumissionner et, selon les appels d'offres, le contrat va être accordé, dans ce cas-ci, non pas au plus bas soumissionnaire, mais au plus haut soumissionnaire. C'est le but de la loi, permettre des soumissions publiques pour se conformer à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le Président (M. Blank): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne sais pas si les autres membres ont des questions, mais, avant de passer à l'autre intervenant... C'était votre intention, M. le Président?

Le Président (M. Blank): Oui.

M. Lalonde: J'aurais quelques questions à poser au conseiller juridique, en particulier. Est-ce que vous avez examiné l'aspect juridique? La valeur de ce contrat, juridiquement, est-elle correcte?

M. Bourque: Pour l'aspect juridique, c'est un contrat qui lie les parties.

M. Lalonde: D'après vous, il est inattaquable?

M. Bourque: II est inattaquable. En fin de compte, l'hôpital a aussi fait examiner le contrat. C'est également l'opinion d'autres conseillers juridiques.

M. Lalonde: Vous mentionnez, dans votre mémoire, l'un des objectifs dans votre conclusion, à la page 12, "de régulariser cette situation pour la rendre en accord avec le règlement de la loi déjà citée". Donc, le contrat précédant la loi en question ou le règlement ne vient pas en contravention avec ce règlement-là. Il ne peut pas être annulé ou changé en fonction de ce règlement.

M. Bourque: En fonction de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est impossible, dans l'état actuel de la loi et des règlements. C'est un contrat passé en 1960 et la loi est entrée en vigueur en 1972, le 1er juillet. Depuis cette date, en vertu des articles 6.3.1 et suivants des règlements, pour tout contrat d'approvisionnement, il doit y avoir un appel d'offres. Le centre hospitalier ne peut pas du tout donner un contrat privé avec négociation uniquement entre deux parties. Pour se conformer à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, il doit faire un appel d'offres et avoir au moins trois soumissionnaires, au minimum, selon les articles 6.3.1 et suivants des règlements.

M. Lalonde: Je comprends cela, mais vous ne prétendez pas que la loi que vous avez citée a un effet rétroactif.

M. Bourque: Non, je n'ai jamais prétendu cela.

M. Lalonde: En annulant un contrat en vigueur qui, d'après vous, est inattaquable légalement, pour pouvoir aller en appel d'offres, comme vous dites, on se trouverait à donner un caractère rétroactif à cette loi.

M. Bourque: Si vous prenez ça dans le sens que le contrat a été passé en 1960, qu'il a été renouvelé en 1980 pour une autre période de 20 ans, et si vous dites qu'en 1982 vous annulez un contrat qui a déjà 22 ans en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ce que vous dites est probablement vrai. Mais ce n'est

pas donner un caractère rétroactif à la loi, c'est permettre que, sur un contrat intervenu pour une période de 40 ans, sans que le locateur n'ait quoi que ce soit à dire et qu'à travers les temps, entre 1960 et 1980... Après 1960, il y a eu la loi sur les hôpitaux, mais on ne touchait pas à cela, même dans ses règlements. Avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux, on a inclus, au point de vue de la réglementation dans les établissements publics, des formules à suivre, ce qui permettrait tant à la locataire qu'aux autres de se conformer à cette loi.

M. Lalonde: Ce que je veux dire, c'est que, quand vous plaidez votre désir de vous conformer aux règlements et à la loi qui est intervenue après le contrat, vous exprimez un désir de vous conformer à cette loi, d'agir conformément à cette loi; vous ne dites pas que vous êtes obligé de vous conformer à la loi actuellement parce que vous n'avez rien à louer actuellement, c'est déjà loué.

M. Bourque: C'est déjà loué et la Loi sur les services de santé et les services sociaux ne nous permet pas de mettre fin à ce contrat; si la loi nous le permettait, nous ne serions pas ici.

M. Lalonde: Et cette loi ne vous oblige pas non plus à aller en appel d'offres aussi longtemps que vous n'avez pas quelque chose à louer.

M. Bourque: Exactement.

M. Lalonde: Alors, ce n'est pas une obligation qui est créée par la loi de venir ici.

M. Bourque: Non.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a eu des négociations avec la locataire pour tenter de changer d'un commun accord les termes de l'entente, du bail?

M. Bourque: Des négociations telles quelles.. Il y a eu des échanges, on a déjà écrit, on s'est fait répondre que le contrat était renouvelé, on demandait le renouvellement du contrat.

M. Lalonde: Cela, vous en avez fait état, mais au-delà de cela.

M. Bourque: C'est cela, mais au-delà de ça, d'autres négociations, il n'y en n'a pas eu. Je me demande même s'il serait possible, en accord avec la Loi sur les services de santé et les services sociaux, d'aller négocier un contrat pour augmenter le loyer que l'hôpital pourra obtenir sans retourner en appel d'offres.

M. Lalonde: Je ne veux pas entrer dans une discussion juridique, mais ça serait un peu absurde que la loi qui vous oblige d'aller en appel d'offres vous interdise en même temps d'améliorer vos revenus en fonction d'un contrat qui vous lie; de toute façon, je ne veux pas entrer dans la disccusion juridique. Je veux seulement que ce soit bien clair pour les membres de la commission que ce n'est pas la loi qui vous oblige à mettre fin au contrat et que, légalement, ce contrat-là est inattaquable.

M. Bourque: C'est clair.

Le Président (M. Gratton): Merci.

M. le député de Vachon. (16 h 15)

M. Payne: M. le Président, très brièvement, ma question s'adresse au représentant de l'hôpital. La nature même de la question à laquelle on fait face aujourd'hui me fait poser une question. Quelle est l'origine de ce contrat? On remarque tout de suite un bail signé en 1960; présumément, c'était au moment où les discussions étaient déjà en cours avec le gouvernement de l'époque pour assumer la responsabilité d'acheter l'hôpital. Pouvez-vous nous expliquer, avec toute la discrétion qui s'impose, les origines de ce contrat qui, il faut le constater, est assez spécial?

M. Johnson (Anjou): M. Lanoue peut-être? Je n'oserais pas demander à Mme Roy si elle était là à cette époque.

M. Lanoue (Gérard): M. le Président, en 1960, le Dr Pilon était constructeur et propriétaire de l'Hôpital Général Saint-Lambert. À ce moment, l'hôpital était privé. Étant propriétaire d'un hôpital privé, il pouvait passer le contrat qu'il désirait avec les personnes qu'il désirait. Comme le bail est notarié, lorsque l'hôpital privé du Dr Pilon a été vendu à la Corporation de l'hôpital public Saint-Lambert, les clauses contenues dans le contrat ont suivi. Lorsque cela a été vendu en 1972 à la province de Québec, le bail, qui faisait partie intégrante du contrat de vente, a suivi. C'est une succession de 20 ans qui s'est perpétuée par les transactions.

M. Payne: Selon votre souvenir, cela date de 1962, présumément, dans ce dossier?

M. Lanoue: 1960. Oui, j'étais là en 1960.

M. Payne: Vous étiez?

M. Lanoue: À l'hôpital Saint-Lambert, en 1960.

M. Payne: Ce que nous voyons...

M. Lanoue: J'avais été désigné par un conseil d'administration qui existait dans le temps pour signer ce contrat et ce bail.

M. Payne: On aura l'occasion tout à l'heure de discuter avec l'autre partie, mais il semble qu'il y a une personne qui, pour une raison ou pour une autre, a été privilégiée par un contrat particulier, une obligation morale qui a été assumée justement par le gouvernement en 1962. Notre objectif aujourd'hui, c'est d'essayer de trancher cette question délicate en toute équité et en toute justice, à savoir comment on peut à la fois respecter les droits de la collectivité et ceux de l'individu. Je pense que c'est important, pour que cette commission puisse trancher la question, d'avoir une idée sur les origines de ce contrat. J'aimerais avoir quelque chose de plus précis. Le bail a été signé en 1960, ce n'était pas en 1950, c'était une date particulière, seulement deux ans avant la vente de l'hôpital. S'agit-il d'un employé de l'hôpital, d'un bénéficiaire? Vous dites que M. Pilon était propriétaire de l'hôpital. Pouvez-vous élucider les origines de ce contrat?

M. Lanoue: Les origines mêmes, je crois que la locataire elle-même pourrait les exposer plus facilement que moi parce que, quand je suis arrivé, l'hôpital était déjà construit. Mlle Michaluk en ce moment, en 1960, était employée de l'hôpital.

M. Payne: À quel poste?

M. Lanoue: Elle était trésorière de la corporation, elle était comptable de l'hôpital.

M. Payne: Vous étiez vous-même directeur général.

M. Lanoue: J'ai été nommé directeur général à la fin de septembre 1959. Je suis arrivé là alors que l'hôpital était privé.

M. Payne: Vous souvenez-vous du poste qu'elle occupait à ce moment?

M. Lanoue: Comptable.

M. Payne: Auprès de?

M. Lanoue: De l'hôpital Saint-Lambert.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Me Bourque, j'ai quelques questions à vous poser. Je vous parle comme confrère parce que je suis avocat comme vous. D'abord, je dois comprendre que le contrat a été signé en bonne et due forme et qu'il n'y a aucun problème avec cela ni avec le renouvellement. N'est-ce pas?

M. Bourque: Oui.

M. Polak: Le député de Vachon vient de dire: Les origines du contrat. Dans les origines du contrat, comme il y avait quelque chose là-dedans entre 1960 et 1962, est-ce que l'hôpital a déjà essayé d'attaquer la validité de ce contrat à cause d'erreur, de fraude ou en tout cas peut-être de petite chose en arrière? A-t-on essayé de faire cela?

M. Bourque: Non. Vous avez un contrat...

M. Polak: Non, parce que...

M. Bourque: Si vous me permettez, un contrat est intervenu le 23 juin 1960. Le 19 août, on y a apporté une correction. Si quelque chose s'était passé le 23 juin 1960, on a fait une correction le 19 août 1960, il n'y a donc pas d'erreur, pas de fraude; je ne peux pas soulever cela.

M. Polak: Là, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'on est devant le contrat signé et accepté par les deux parties. Dans le projet de loi, évidemment, vous n'offrez aucune indemnité j'imagine parce que vous dites: On n'a même pas le droit de la faire en vertu de la loi. Est-ce la raison? Au point de vue de l'indemnité à offrir à Mme Michaluk, vous dites qu'il y a eu de petits pourparlers, mais cela n'a abouti à rien, parce que, en vertu de la loi, on n'a pas le droit de le faire de toute façon. Est-ce la raison?

M. Bourque: Non, on ne peut pas en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. Polak: Si la loi ne vous défendait pas de faire une offre d'indemnité, seriez-vous prêt à faire une offre d'indemnité pour obtenir l'annulation du bail?

M. Bourque: Si vous aviez un bail qui était renouvelé pour une période de vingt ans et qui était très avantageux, qu'est-ce que vous demanderiez comme indemnité?

M. Polak: Deux parties vont négocier. Oublions le gouvernement, le ministère des Affaires sociales qui est intervenu en disant: On ne peut pas le faire. Pour obtenir l'annulation du bail, le renouvellement du bail pour vingt ans, seriez-vous prêt à considérer une indemnité basée sur les pertes de profits de madame?

M. Bourque: Répondre pour et au nom de l'hôpital... premièrement, l'hôpital ne pourrait même pas répondre et, à ce moment-là, il faudrait retourner au ministère des Affaires sociales et faire approuver quelque montant que ce soit, parce que cela ne ferait pas partie du budget.

M. Johnson: ... au ministère des Affaires sociales.

Une voix: Oui, mais on ne peut pas l'oublier.

M. Polak: C'est cela, on va régler cela après.

M. Bourque: Je n'ai pas parlé du ministre, j'ai dit au ministère des Affaires sociales, pour faire approuver quelque dépense que ce soit qui ne serait pas dans le budget. Cela deviendrait une dépense hors budget et il faudrait, ni plus ni moins, obtenir des fonds du ministère des Affaires sociales.

M. Polak: Je comprends. Oublions cela pour le moment, comme le ministre vient de le confirmer. On parle de deux parties privées. Tout le monde sait qu'on demande l'annulation d'un contrat - cela arrive souvent - en échange d'une indemnité.

M. Bourque: Oui, mais la partie privée de 1960 n'est plus une partie privée en 1981...

M. Polak: Non, je comprends.

M. Bourque: ... elle est devenue un établissement public. Ni plus ni moins l'Hôpital Charles Le Moyne est un établissement public. Ce n'est même pas l'Hôpital Charles Le Moyne qui a signé le contrat en 1960, c'était une institution privée qui s'appelait l'Hôpital général de Saint-Lambert.

M. Polak: Êtes-vous au courant du profit que madame fait avec l'exploitation de ce commerce?

M. Bourque: L'hôpital n'est absolument...

M. Polak: Vous n'avez jamais discuté de cela?

M. Bourque: ... pas au courant.

M. Polak: Si on comprend bien cela sur le plan national, parce que je suis un peu laïque, vous prenez la position de demander l'annulation du contrat en bonne et due forme et, comme on ne peut pas le faire devant les tribunaux, on demande au législateur d'intervenir. Vous prenez un peu la position de Terre-Neuve vis-à-vis du Québec, si on compare cela au problème d'Hydro-Québec, n'est-ce pas?

M. Bourque: Je ne voudrais pas mélanger cela.

M. Polak: Non, je veux seulement situer le problème. Le ministre a dit au commencement dans ses remarques qu'il s'agit d'un contrat à caractère abusif. Êtes-vous d'accord avec cette déclaration? Si oui, en quoi consiste le caractère abusif de ce contrat?

M. Bourque: Le moins qu'on puisse dire, c'est que les fonds publics servent à financer un locataire dans un établissement public.

M. Polak: Au moment où le contrat a été conclu entre l'hôpital privé, qui existait dans le temps, en 1960, et le locataire, il n'y avait j'imagine aucun aspect abusif?

M. Bourque: C'étaient deux parties privées qui faisaient un contrat.

M. Polak: Donc, l'aspect abusif pour vous, c'est que la bourse publique doit assumer cela?

M. Bourque: Cela ne fait même pas ses frais.

M. Polak: Excusez-moi?

M. Bourque: Cela ne fait même pas ses frais.

M. Polak: J'imagine que vous êtes au courant d'autres contrats qui existent où peut-être la bourse publique subventionne des dépenses qu'elle n'aurait pas dû subventionner. J'imagine que vous n'êtes pas le seul cas.

M. Bourque: Je représente l'Hôpital Charles Le Moyne.

M. Polak: D'accord. Maintenant, une dernière question. Quand on voit ce beau document-là, Hôpital Charles Le Moyne, bien préparé, j'imagine que vous avez déjà déboursé une jolie somme pour finalement arriver ici.

M. Bourque: Cela s'est fait avec les photocopies de l'Hôpital Charles Lemoyne.

M. Polak: Oui, mais je veux dire, je ne vous demande pas combien cela a coûté, mais on parle d'une indemnité, savez-vous, on n'a pas pensé à l'autre partie. Mais on vient avec une documentation bien préparée, j'imagine que ça ne coûte pas 200 $, cette

affaire-là. Combien a coûté à votre hôpital, au point de vue administratif, toute la représentation, venir ici, tout, tout, tout? Avez-vous une idée?

M. Bourque: Je n'ai pas encore le compte de l'hôtel, mais c'est seulement un soir. Préparer ce document, je l'ai préparé et je l'ai composé. C'est l'imprimeur de l'hôpital qui l'a imprimé sur nos machines avec quatre heures de temps supplémentaire, à peu près. C'est tout.

M, Polak: Parfait. Merci.

M. Laplante: M. le Président, je ne tomberai pas dans le même genre de questions que le député de Sainte-Anne, parce que je friserais la mesquinerie, à un moment donné, pour essayer de défendre les droits publics d'un établissement. Mais je voudrais revenir, M. Lanoue, vers 1959, quand vous avez été nommé directeur général de cet hôpital. En 1960, on vous a présenté ce contrat-là, un contrat que j'ai de la misère à accepter moi-même, parce que ça se voit très peu souvent. Mais quelle a été votre réaction, à ce moment-là?

M. Lanoue: Ma réaction, M. le Président, c'est que j'étais un employé, moi aussi, pur et simple, d'une entreprise privée. J'ai été autorisé, par une résolution, à aller le signer chez le notaire qui l'avait préparé et j'en ai pris connaissance là.

M. Laplante: Vous n'avez pas eu une réaction, sur un tel contrat, comme administrateur, comme entreprise privée?

M. Lanoue: C'était une entreprise privée. Il n'y avait aucune loi qui guidait les administrateurs.

M. Laplante: Non, mais je parle en dehors de la loi, en dehors de tout ça. Vous êtes un administrateur...

M. Lanoue: Je n'étais pas administrateur, j'étais directeur général, employé d'une entreprise privée. Il n'y avait pas...

M. Laplante: Directeur général, qui exécutait seulement. On parlait tout à l'heure... à, c'est beau, présenter une loi ici, mais mon opinion n'est pas faite encore, à savoir si je pourrais voter pour ou contre un tel projet. Je sais que, dans certaines lois, il y a des exceptions qui peuvent se faire à l'intérieur d'une loi générale pour des cas qui se présentent. Le contrat actuel, dans la période qu'il y a là, j'avoue très sincèrement que mon opinion est faite là-dessus. Pour moi, c'est un contrat abusif, avec les années qu'il peut y avoir et aussi dans le sens que l'hôpital ne touche pas, comme institution publique, les revenus justes et équitables qu'il doit recevoir dans son établissement. Je suis d'accord avec ça.

Par contre, je suis d'accord aussi qu'on fait face à une entreprise privée; cette dame a fondé sa vie et ses revenus sur un revenu d'un petit magasin et d'un petit restaurant qu'il peut y avoir à l'intérieur de cet établissement. Elle s'est fait, elle aussi, un tracé de carrière de cette façon-là pour combler ses besoins. Je me demande, avant de venir ici avec un tel projet de loi, s'il n'y aurait pas eu possibilité d'une négociation sérieuse, de dire à cette dame-là: Écoutez, ça nous coûte 3300 $ pas année juste pour ce petit coin-là, plus amortir les meubles qu'il peut y avoir dedans. Si vous nous donniez au moins les 4000 $ que ça coûte... Laissez-moi finir, s'il vous plaît. D'autant plus, en rouvrant, avant de venir avec une loi, ce contrat-là, dire: À présent, nous aurons le droit de mettre des machines, vos activités seraient restreintes aux comptoirs de vente qui sont là, à tel étage, avec votre petit restaurant à tel étage. Ailleurs, on aurait le droit de mettre nos machines un peu partout. J'aimerais que ces efforts-là puissent se faire quelque part. Moi, je serais beaucoup plus sensible à modifier notre loi, à faire une exception à l'intérieur d'une loi, pour autant que les deux parties puissent s'accorder. S'il y a eu des coches mal faites, depuis 22 ans, que vous endurez, il faut un peu vivre avec ça à un moment donné mais il y a une façon de le vivre autrement. Avez-vous pensé à toutes ces choses-là? (16 h 30)

M. Bourque: M. le Président, on ne pouvait même pas y penser en fonction de l'article 6.3.1.

M. Laplante: Vous n'avez pas pensé à ce que je vous disais tout à l'heure. Dans une loi générale, on se trouve dans une situation telle qu'il ne reste peut-être seulement que votre cas qui est comme ça parmi tous les hôpitaux et qui peut aussi être corrigée aussi à l'intérieur d'une loi. Je ne serais pas prêt à la corriger par exemple en redonnant tous les droits, parce que c'est abusif. Je pense que la dame qui est là -j'ai hâte de la questionner tout à l'heure -ça fait elle même son affaire actuellement. Si elle était une femme d'affaires aujourd'hui et qu'elle était obligée elle-même de louer une affaire comme ça, elle se poserait des questions, j'en suis sûr. C'est normal actuellement qu'elle tire de son bord, c'est son atout, mais il y a moyen, à un moment donné, au lieu de tout perdre...

En formant mon idée, ce que je ne voudrais pas non plus là-dedans, c'est laver cette personne-là, vu qu'elle a un bail qui est abusif mais sur lequel elle a fondé sa vie. Il faut aussi toucher à ces personnes-là.

M. Bourque: Je suis parfaitement d'accord et, dans la lettre que j'adressais à Mme Michaluk au mois de septembre 1979, on la prévient, à l'avant-dernier paragraphe -vous le retrouverez dans une des annexes -qu'elle pourra en tout temps soumissionner lorsqu'on ira en appel d'offres conformément à l'article 6.3.1 du règlement de la loi.

M. Laplante: En tout cas, on va écouter le reste, allez-y.

M. Bourque: Seulement, en me servant de la Loi sur les services de santé et de ses règlements, aux articles 6.3.1 et suivants, on a le dernier article des règlements qui se lit comme suit, je ne veux pas m'engager pour parler au nom du conseil d'administration, je veux juste vous lire cet article-là: "Le responsable des achats d'un établissement ou toute personne ayant reçu un mandat écrit du conseil d'administration à cet effet prend connaissance des soumissions reçues et accorde le contrat au plus bas soumissionnaire. Ici, il faudrait lire, à l'inverse, "au plus haut". Il peut toutefois, pour des motifs sérieux, l'accorder à un soumissionnaire dont l'offre est plus élevée -ici, il faudrait lire, "moins élevée". Les motifs d'une telle décision doivent être consignés par écrit sur un document conservé dans les archives de l'établissement." Même les règlements permettent des ouvertures lors d'un appel d'offres.

M. Laplante: D'accord. Je pense que vous venez d'ouvrir une porte qui serait très intéressante. C'est pourquoi, après avoir entendu les parties tout à l'heure, j'aurais peut-être une proposition à faire aux deux parties sans nous obliger d'adopter un tel projet de loi.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Concernant l'exploitation du commerce comme tel, du restaurant et de la boutique de cadeaux, je pense, j'aurais une question à poser. Est-ce que l'hôpital a eu quelques récriminations à faire à la suite de plaintes ou quoi que ce soit sur la façon d'exploiter le commerce en question? En d'autres mots, est-ce que le commerce était administré de façon usuelle, de façon conforme aux règles de l'art, pourrait-on dire, dans un tel genre d'établissement?

M. Lanoue: C'est exploité conformément aux règles de l'art, à notre connaissance. Par moments, il y a eu quelques plaintes sur les prix excessifs qui étaient exigés pour les services rendus.

M. Saintonge: Vous n'avez jamais eu de récriminations à faire, vous n'avez jamais adressé de récriminations par écrit ou de toute autre façon.

M. Lanoue: Une fois, oui, il m'est arrivé, une plainte de patients ou de personnes qui accompagnaient des patients, à propos de prix trop élevés; par exemple, un verre d'eau à 0,10 $, c'était un peu fort. J'ai dit aux gens: Nous n'exploitons pas ce commerce, ces dernières concessions mais je préviendrai qui de droit et, à ce moment-là, je l'avais fait.

M. Saintonge: C'était exceptionnel, disons, sur la durée de 22 ans.

M. Lanoue: Oui, c'était exceptionnel.

M. Saintonge: Au niveau de l'équipement qui est à l'intérieur même de la boutique de cadeaux ou du restaurant, est-ce que cet équipement appartient à Mme Michaluk ou si c'est l'hôpital même qui est propriétaire de ces biens-là?

M. Lanoue: Une partie appartient à Mlle Michaluk et le reste a été fourni par l'hôpital lors de la construction; par exemple, le comptoir, les tabourets et les appareils électriques.

M. Saintonge: On pourrait dire que ce qui appartient à l'hôpital, c'est ce qui est intégré dans la structure même.

M. Lanoue: ... dans la structure et même de l'équipement au début.

Le Président (M. Gratton): M. le ministre.

M. Johnson: Peut-être que je demanderais à M. Lanoue, pour l'information des membres de la commission, de nous dire comment il voit en ça en termes de coût, ce que représente ce contrat. Je disais tout à l'heure, et le député de Sainte-Anne l'a aussi soulevé, mais avec une nuance qu'il n'a cependant pas faite et que j'avais faite, que les effets de ce contrat sont nettement abusifs pour un établissement public et peut-être que M. Lanoue pourrait détailler un peu là-dessus?

M. Lanoue: M. le Président, M. le ministre, nous avons fait des calculs très détaillés sur le coût de fonctionnement qui émarge au budget de l'hôpital pour l'entretien des lieux loués. Vous retrouverez, je crois, à la page 10, le résultat de cette étude. Si vous prenez, vous l'avez en annexe, cela a été fait, je crois, très sérieusement, la dépréciation du bâtiment pour la partie qui y est occupée, soit 964 pieds carrés, cette dépréciation de l'immeuble, calculée à 2% seulement, représente 443,20 $. Le

chauffage, qui a été calculé en BTU et en pieds carrés, en livres de vapeur, multiplié dans le temps au prix de l'huile, qui était de 0,43 $ le gallon - il est rendu à 0,73 $, comme vous le savez - se montait à 502,25 $. La climatisation a été faite par le tonnage et sur les appareils qui sont raccordés; on peut connaftre par le tonnage quelle est la consommation d'énergie et on en fait le calcul. On a fait vérifier ces calculs par l'Hydro-Québec, 486 $. L'électricité, la même chose. Tout ce qui est installé et raccordé dans le casse-croûte et le magasin, ça représente 1456 $. L'entretien, que ce soit l'entretien courant, ou en nombre d'heures pour le personnel qui y travaille, ou des expertises par exemple contre le feu, je ne veux pas nommer de compagnies en particulier, mais disons Safety First, qui a fait les expertises, tout ça a coûté 400 $. Si on le totalise, ça fait 3287 $. Nous avons reçu en loyer, parce que le loyer est basé sur le coût de 1960, alors que c'était 50 $ par mois pour les 150 premiers lits et, chaque fois que l'hôpital augmentait de 25 lits on augmentait de 10 $ le coût du loyer, or, cette année 1979-1980, qui a servi de base aux calculs, nous avons reçu 2620 $, nous sommes donc en déficit de 667,80 $ et dans ce montant n'est pas incluse la dépréciation sur les équipements originellement installés, comme je vous le disais tantôt, comptoirs, tabourets et autre équipement. En plus de cela, on pourrait ajouter la taxe d'eau qu'on payait également. On pourrait aussi tenir compte de la question 157 du DGF-1 du ministère des Affaires sociales, qui dit qu'on doit faire nos frais directs et indirects. A ce moment-là, nous sommes déficitaires.

Mme Vermette-Roy (Cécile): On pourrait peut-être aussi ajouter quelques mots en fonction du plan de redressement de notre établissement. Ce n'est pas uniquement que nous devons donner des sommes pour exploiter le restaurant actuellement, mais nous avons en plus un plan de redressement que nous avons établi et qui nous permettrait d'atteindre un certain équilibre budgétaire pour l'année 1982-1983. Maintenant, comment pouvons-nous atteindre un certain équilibre budgétaire dans notre plan de redressement en prenant le bail, en restructurant tout ce qui s'appelle cafétéria, heures d'ouverture en ce qui concerne les repas et la fermeture des collations et une meilleure organisation finalement entre le restaurant, la cafétéria et éventuellement des machines distributrices. Ainsi, on fait des additions de profits à ce moment-là, parce qu'il y a des postes pour les collations qui ne sont plus nécessaires, qui disparaissent. On fait une économie à ce niveau-là. Le deuxième point, c'est qu'on va chercher une certaine somme d'argent par machine distributrice, évidemment. C'est toute une structure qui nous permet d'atteindre cet objectif. On peut se permettre d'avoir des machines distributrices, mais je pense que deux concessionnaires dans un même établissement, ça devient des problèmes administratifs: lequel par rapport à l'autre aura le contrôle, cela va amener des rivalités. Nous voulons avoir un tout cohérent pour avoir une administration cohérente à l'intérieur du service d'approvisionnement.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu demander à Mme Roy ou à M. Lanoue, pour faire suite à ce que disait le député de Bourassa - le ministre aussi en a fait mention - sur la question des coûts, il semble que vous ayez réussi à chiffrer des coûts, mais si, par exemple, ce n'étaient pas les règlements de la loi qui vous empêchaient de négocier, est-ce qu'il aurait été possible de chiffrer des coûts, si le restaurant restait en fonction? Il y a certains arguments qui ont été apportés, par exemple les machines distributrices -vous en avez parlé dans votre rapport - est-ce que vous êtes d'accord qu'il n'y a rien dans le bail qui vous empêche d'installer une ou des machines distributrices, est-ce que vous êtes d'accord là-dessus?

M. Lanoue: Je suis d'accord avec cela, M. le Président.

M. Lincoln: Vous dites que le problème est de coordonner les machines distributrices avec...

Mme Roy: II y a un problème.

M. Lanoue: II existe un problème, comme l'a expliqué Mme la présidente il y a un instant. Il faut faire la coordination et, à ce moment-là, il va y avoir concurrence entre deux commerces. Comment voulez-vous que j'aille en demande de soumissions ou en appel d'offres alors qu'il y a déjà un bail qui nous lie? Est-ce que je peux aller en soumissions ou en appel d'offres alors qu'il y a déjà un bail qui nous lie pour une autre période de 20 ans? Est-ce que je peux faire une concurrence à l'intérieur avec deux services?

M. Lincoln: J'aimerais vous demander si la concurrence est l'unique solution? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de coordonner, en faisant abstraction de la loi, une négociation possible? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de coordonner avec la locataire toute la question de la coordination des machines et de son restaurant, quant aux heures d'ouverture et de fermeture de votre cafétéria dont a parlé Mme Roy? Est-ce que

ce sont des problèmes insolubles? Si, par exemple, il fallait le faire, est-ce qu'il n'y a pas une façon de négocier tout cela? Est-ce que c'est essentiel que vous fassiez des appels d'offres et de nouvelles formules pour en arriver à une négociation? Si, par exemple, il était essentiel de garder ce restaurant, est-ce qu'il y a une façon de coordonner tout cela? Est-ce que vous voulez dire qu'il n'y a pas de façon de coordonner tout cela et que la concurrence devient impossible?

M. Bourque: Si vous me permettez, en vertu des règlements, il y aurait peut-être une façon, tel que vous dites, de coordonner tout cela. En vertu de règlements que je vous ai cités tout à l'heure, comment l'hôpital peut-il avoir, puisque c'est une activité accessoire et que le principe derrière les règlements et les appels d'offres, c'est d'obtenir les meilleurs prix, comment l'hôpital peut-il avoir, dis-je, les meilleurs prix s'il ne peut pas retourner en appel d'offres? Pour retourner en appel d'offres, il ne faut pas avoir de contrat.

M. Lincoln: Je voulais en arriver à ceci. Si vous admettez vous-même que c'est une situation juridiquement inattaquable, donc, le projet de loi deviendrait lui-même attaquable par le fait même...

M. Johnson: Non, non. On fait les lois, on ne les interprète pas ici.

M. Lincoln: J'ai le droit de dire ce que je pense. Le ministre aura son tour tout à l'heure. Vous avez dit que, selon vous, ce bail est inattaquable, n'est-ce pas? Il faut une loi pour le rendre nul, d'accord. Pour faire suite à ce que disait le député de Bourassa, si on peut faire une loi pour rendre le bail nul, est-ce qu'on ne peut pas faire un règlement d'exception ou apporter un rouage à la loi qui permettrait la coordination qu'il faudrait faire pour vous pour s'accorder avec le bail qui est là, à tort ou à raison. C'est ce que je vous demande. (16 h 45)

M. Bourque: Oui, mais même les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, lorsque j'ai répondu au député de Bourassa, même les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en allant en appel d'offres, à l'article 639, permettent certaines exceptions pour des raisons très sérieuses à la suite d'un appel d'offres; alors, à 639, on disait le plus bas soumissionnaire, mais ici il faut l'interpréter à l'inverse, s'il y a des raisons très sérieuses de donner le contrat pas nécessairement au plus haut soumissionnaire, les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux le permettent.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Vachon.

M. Payne: Je lisais un petit extrait de la commission Trahan de 1969 et c'est bien marqué là, je cite: "Le gouvernement a commis un impair le 25 octobre 1962 en s'engageant à respecter le bail du restaurant lors de l'achat des biens de l'hôpital Saint-Lambert. La commission se demande pourquoi le gouvernement a décidé de respecter ce bail de 20 ans alors qu'il n'accordait à l'Hôpital Charles Le Moyne qu'un bail mensuel résiliable à dix jours d'avis. Pour une raison ou pour une autre, il me semble que le gouvernement n'ait pas consenti à continuer ce contrat, à respecter ce contrat, mais aussi l'hôpital était témoin de certains privilèges, de certains droits dans ce bail-là qui vont dans le sens suivant - je reviens à ce que j'ai posé tout à l'heure et j'ai une question par la suite - le présent bail est accordé pour tous locaux que le bailleur, c'est-à-dire l'hôpital général de Saint-Lambert, pourrait posséder, par exemple, et je cite le texte du bail: Si l'Hôpital Général de Saint-Lambert décide d'ouvrir un ou plusieurs hôpitaux dans la province de Québec, la locataire aura le droit et le privilège d'avoir un restaurant sujet aux mêmes loyer et conditions que ci-dessus stipulé dans chaque nouvel hôpital qui sera ouvert et exploité par le bailleur. "Moi, je me demande pourquoi, comment, dans votre témoignage, quelqu'un employé par l'hôpital même était privilégié à ce point-là pendant une période de 40 ans avec tous ces privilèges-là. Ma question se pose au directeur général de l'époque. Est-ce que vous avez la moindre idée quelle était la philosophie derrière cette décision de l'hôpital, présumément le conseil d'administration d'une part, et d'autre part, avez-vous jamais eu une discussion à l'époque avec le gouvernement sur la nature de ce bail?

La deuxième partie de ma question, c'est à savoir si, premièrement, il y avait des représentations faites par le milieu, c'est-à-dire la population ou le bénéficiaire de l'hôpital à analyser, à savoir pourquoi cette iniquité était inscrite sous forme de bail?

Trosièmement, j'aimerais savoir, pour le bénéfice de la commission, si c'est bien vrai que vous n'avez reçu aucune demande de la part du gouvernement justement pour amener ce projet de loi, est-ce que c'est bien l'initiative du conseil d'administration qui est à l'origine? Donc, il y a trois questions.

M. Lanoue: Je réponds immédiatement à la troisième, il n'y a eu aucune demande du ministère des Affaires sociales pour que

nous demandions la passation de cette loi, mais lors de rencontres avec différents hauts fonctionnaires du ministère, lorsque nous avons analysé nos états financiers, il y a une note à l'article 157 des états financiers par nos vérificateurs qui dit: Est-ce que l'hôpital s'est soumis au règlement concernant la location? Le vérificateur répond: II s'est soumis à un bail de 1960 par lequel il est lié.

Concernant les choses antérieures, est-ce qu'il y a eu de la part du public ou de qui que ce soit des pressions concernant l'interprétation, si je comprends bien votre question? Il n'y en a pas eu. Ce qui semble un peu anormal, et je retourne à la remarque du juge Trahan, c'est que le juge Trahan, lorsqu'il a analysé ce bail, s'est demandé comment il se faisait que ce bail ait pu être réaccepté en 1962 lors de la vente, alors que l'hôpital peut voir son propre bail avec le gouvernement résilié dans dix jours. Il faut se rappeler qu'en 1961 le gouvernement du temps avait décidé que tout nouvel hôpital qui se construisait devait être construit par la province de Québec sous le contrôle du ministère des Travaux publics du temps. Or, nous avons été le premier hôpital qui s'est construit en 1962 selon cette méthode. L'hôpital qui était construit de cette façon devait payer un loyer à la province de Québec. Ce loyer correspondait à la récupération de la différence entre les chambres privées et les chambres semi-privées. C'était le loyer qu'on payait. Le gouvernement, en tout temps, suivant le bail que nous avions signé, pouvait résilier son bail à dix jours de préavis.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Vachon.

M. Payne: La première partie a illustré pour les membres de la commission le contenu du bail. Comme je le disais tout à l'heure, c'est quelque chose qui est très large, qui favorise particulièrement un employé de l'hôpital de l'époque. Avez-vous, comme directeur général, pour notre information, quelque idée que ce soit à savoir pourquoi ce contrat est préparé en faveur d'un de vos employés?

M. Lanoue: J'étais un employé comme un autre. Cela aurait peut-être pu être mon bénéfice, mais cela n'a pas été le mien. Pourquoi? Je ne peux pas répondre. Peut-être que la locataire pourrait répondre, parce que c'est elle qui en est la bénéficiaire, mais dans mon cas je ne peux pas répondre. Je fus, comme je vous l'ai dit tantôt, mandaté par le conseil d'administration pour aller signer un bail qui était déjà prêt à ce moment chez le notaire.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, pour enchaîner un peu avec les questions du député de Vachon, la dernière et la première qu'il avait posées, quant à l'origine du bail -cela rejoint aussi l'échange que j'ai eu avec votre conseiller juridique sur la validité du bail - est-ce que vous êtes au courant de circonstances qui, lors de la conclusion du bail, expliqueraient d'abord la longueur du contrat?

M. Lanoue: Je regrette, je ne sais pas.

M. Lalonde: Vous n'êtes pas au courant de circonstances qui pourraient constituer un vice de consentement au bail et qui pourraient en justifier l'annulation par la cour?

M. Lanoue: Je n'en connais pas. Mlle Michaluk, je crois, travaillait...

M. Lalonde: Non, je vous pose la question à vous, ensuite on verra à poser les mêmes questions plus tard. Étant donné que vous étiez là à ce moment, vous n'êtes au courant d'aucune... Est-ce qu'au moment où le bail a été conclu le loyer était raisonnable dans le temps, en 1960?

M. Lanoue: En 1960, à l'hôpital Saint-Lambert, il y avait 132 lits. Il n'y avait pas la circulation qu'on connaft aujourd'hui dans un hôpital de 590 lits. Il y avait l'urgence qui était à un bout de corridor, alors que l'urgence couvre aujourd'hui 20 000 pieds carrés. Il n'y avait pas le même nombre de visiteurs parce qu'on calcule généralement quatre visiteurs par lit par jour dans un hôpital. Ce n'était pas du tout la même perspective, la même image dans le temps par comparaison à aujourd'hui.

M. Lalonde: Est-ce que je peux conclure de votre réponse que, lorsque vous avez été appelé à signer ce bail devant le notaire, vous n'avez pas été frappé par le caractère déraisonnable du loyer?

M. Lanoue: Comme je l'ai dit tantôt, M. le député, c'était une entreprise privée qui louait à une entreprise privée.

M. Lalonde: Je sais que vous avez déjà répondu cela, mais c'est parce qu'il y a deux éléments qui auraient pu attirer votre attention: la longueur du bail - son option de renouvellement de 40 ans en tout - et le loyer. Si le loyer avait été dérisoire, vous pourriez nous expliquer qu'à ce moment-là cela vous a paru dérisoire, mais que vous aviez été mandaté et que vous n'étiez pas celui qui devait prendre la décision. Est-ce que le loyer vous a paru dérisoire?

M. Lanoue: Le taux par rapport au nombre de lits, non, parce que dans l'hôpital où j'étais antérieurement, il y avait 152 lits - j'étais à l'Hôpital de la Miséricorde de Montréal - du côté des dames, 250 lits du côté des filles-mères et 100 lits du côté de la crèche où il y avait des enfants qui n'attiraient pas beaucoup de visites. À ce moment-là, le loyer pour un hôpital de cette envergure était de 140 $ par mois. Là, c'était 50 $ pour un hôpital de 132 lits et un petit coin qui pouvait occuper peut-être, à l'oeil, quatorze pieds sur huit pieds maximum, plus un petit lieu d'entreposage à l'arrière de la grandeur d'une garde-robe. Ce n'était pas tellement grand dans le temps. Donc, 50 $, en 1960, cela se pouvait.

M. Lalonde: Je vous remercie. Dernière question. Je vous demanderais d'expliquer ce que vous dites à la page 11: "Il prévoit réaliser des économies - en parlant du conseil d'administration - annualisées de l'ordre de 100 000 $ lorsque le projet sera appliqué." Vous parlez d'un projet de réorganisation de ce service, si le bail est annulé. Pouvez-vous expliquer ce montant de 100 000 $?

M. Lanoue: Assurément, M. le Président. C'est que, dans notre plan de redressement budgétaire, nous avons examiné en détail et à la loupe tout ce qui pouvait être éliminé - on ne peut pas appeler cela tout à fait du gras, mais entre le gras et le maigre - pour pouvoir réaliser notre plan de redressement. Vous savez que, selon les conventions collectives, nous devons fournir des repas, jour, soir et nuit, à chaque équipe. Nous continuons à le faire. Nous servions également les petits déjeuners du matin que nous avons abolis et nous économisons 30 000 $ par année, parce que les montants que paie le personnel ne correspondent pas réellement au coût réel de ce qu'on lui fournit. Cela fait partie des avantages sociaux à ajouter aux conventions collectives.

Par contre, étant donné que tous nos espaces sont pris à l'hôpital et qu'on n'a pas de salon où le personnel peut se rendre durant ses quinze minutes le matin et l'après-midi, que tous nos locaux sont occupés, le seul local c'est la cafétéria. Or, à la cafétéria, par une entente antérieure avec les syndicats, pour éviter certains problèmes, on a dit: D'accord, on va mettre le personnel qu'il faut et on va vous servir des collations. Or, on sert des collations. J'ai ici l'horaire de l'ouverture de la cafétéria. Pour les collations, le jour, c'est de 9 heures à 10 heures; l'après-midi, de 14 h 15 à 15 h 30; le soir, de 20 heures à 23 heures et de 23 heures à 0 h 30; la nuit, de 0 h 30 à 2 heures et de 2 heures à 3 heures.

Or, on éliminant le personnel qui sert ces collations de jour, de soir et de nuit, sept jours par semaine et 365 jours par année, on élimine cinq postes à temps plein et quatre postes à temps partiel, ce qui fait neuf postes, plus les coûts de ces collations que le personnel récupère par ses avantages sociaux. Non seulement on élimine neuf postes d'employés, mais nous faisons également une économie sur la nourriture, le lavage de la vaisselle et tout ce qu'il faut pour servir ces collations. En plus de cela, on prévoit, selon des expériences vécues dans d'autres hôpitaux, faire des profits avec une concession de machines distributrices et le restaurant, évidemment, où on fera nos frais. Il est bien dit à l'article 624 du règlement que, lorsqu'on loue une partie de l'hôpital, il faut absolument qu'elle fasse ses frais. C'est également inscrit dans le règlement de la loi. Vous le retrouvez en annexe 8 ou 9.

M. Lalonde: Le gouvernement a aussi des lois comme cela pour lui-même et il ne fait pas ses frais tout le temps. En tout cas, c'est une autre considération. (17 heures)

Je vais vous dire, en conclusion - on aura le loisir de revenir là-dessus - que ça soulève deux problèmes majeurs. Tout d'abord, c'est un contrat parfaitement légal qui, même si ce n'est pas notre fonction usuelle, d'après les questions qu'on a posées et les réponses qu'on a eues, ne présente pas non plus de vice de consentement ou d'autres caractères qui permettraient de le faire annuler, que ce soit le caractère léonin ou autrement exorbitant.

M. Polak: ... insinuations du député de Vachon.

M. Lalonde: Oui, mais les insinuations du député de Vachon ne trouvent...

M. Polak: Oui, d'accord.

M. Lalonde: ... aucun écho dans la bouche de celui qui était là même pour signer le contrat. Alors, s'il y a des insinuations, je pense qu'elles sont... Il faut les mettre de côté...

M. Polak: Ah oui!

M. Lalonde: ... si elles ne sont pas confirmées par le témoin qui était là. C'est d'ailleurs assez exceptionnel que, 22 ans après la conclusion du contrat, on soit devant celui qui l'a signé. Donc, il y a ce caractère-là. Il y en a un autre. C'est que c'est devenu sûrement "abusif" - je le dis entre guillemets parce que je ne prends pas ce terme pour moi-même, mais il a été mentionné par le ministre, en particulier -c'est devenu "abusif" à cause du passage du

temps, puisque vous m'avez dit que le loyer ne vous est pas apparu dérisoire ou déraisonnable au moment où le contrat a été fait. Petit exemple. C'est vrai qu'on fait affaires avec des fonds publics, c'est vrai, mais lorsque, par exemple, la Société canadienne d'hypothèques et de logement - je prends ça comme exemple, il y en a sûrement d'autres; ce sont des fonds publics - accordait des hypothèques, il y a 20 ans, à 6 1/4%, et qui sont encore en vigueur, qui vont venir à échéance, éventuellement...

M. Saintonge: Hydro-Québec a ses employés à 3 1/4%...

M. Lalonde: ... Hydro-Québec a ses employés à 3 1/4%. S'il fallait donner suite à votre demande - je n'ai pas pris de décision encore, quoique, je vous le dis, ce soit une préoccupation - il faudrait annuler un paquet de contrats. La Société canadienne d'hypothèques et de logement devrait être ici ou à une autre tribune, peut-être au Parlement d'Ottawa, tous les jours pour faire annuler ces contrats-là qui sont devenus abusifs. Cette société emprunte actuellement, probablement, à 15 3/4%, elle empruntait à 17%, 18%, 19% dans l'année qui a passé, elle prête encore à 6%, 6 1/4%. Je parle de la société parce que c'est la même chose pour les compagnies d'assurances et les autres sociétés prêteuses qui sont liées par ces contrats-là, mais on parle d'organismes publics, de fonds publics.

Alors, j'avoue que les objectifs que vous poursuivez sont sûrement louables, c'est-à-dire essayer de vous conformer à deux choses, d'abord à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et les formalités de contrats et aussi à un autre objectif qui vous est imposé par les circonstances, votre plan de redressement, tout à fait louable aussi. Mais vous en demandez beaucoup. Enfin, je vous donne à peu près l'état de la réflexion qui m'anime.

M. Bourque: Si vous permettez, c'est 40 ans ici.

M. Lalonde: Oui, c'est 40 ans. Maintenant, est-ce que - je vais vous renvoyer votre réponse - c'est légal?

M. Bourque: Disons qu'aller...

M. Johnson (Anjou): Si ce n'était pas légal, on ne serait pas ici en train d'en parler.

M. Bourque: ... c'est ça, aller à la Cour supérieure.

M. Lalonde: Non, mais...

M. Bourque: Aller à la Cour supérieure, je ne peux pas.

M. Lalonde: Le ministre dit que, si c'était illégal, on ne serait pas ici en train d'en parler. Ce n'est pas, du moins, dans notre tradition - j'espère que ça va rester comme ça - ce n'est pas la fonction du Parlement de changer les lois, de changer l'application des lois pour des cas particuliers, quel que soit le caractère légal et les objectifs poursuivis. Généralement, ça fait partie, ces discussions-là... Au fond, on se torture les méninges dans des cas qui sont présentés ici par voie de bill privé généralement. À ce moment-là, le gouvernement n'a pas pris position et on s'entend assez bien parce que, de toute façon, même ici, je ne pense pas qu'il y ait de partisanerie. Ce n'est pas un projet de loi du gouvernement de toute façon; c'est un projet de loi de député.

Quand ils viennent ici, justement ce qu'on essaie traditionnellement d'éviter, c'est de changer les principes de base de la loi. Il faut que ce soit très exceptionnel, pour des raisons humanitaires. Je me souviens d'un ancien pompier qui était venu ici. Il avait été limogé illégalement; il y avait eu toutes sortes de décisions de cour et de tribunaux du travail - je ne me souviens plus exactement - qui avaient dit à la ville de Montréal: Reprenez-le. La ville de Montréal s'était entêtée à ne pas le reprendre. On a fait un "redress" ici, tout à fait au nom du caractère humanitaire de l'affaire. On a, à ce moment-là, violé les principes de base du droit, mais c'est très exceptionnel. Je vous le donne pour ce que ça vaut, pour tout de suite; ensuite, on va continuer avec l'autre partie.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Vachon.

M. Payne: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys, au début de sa dernière intervention, faisait référence à la Société d'hypothèques et de logement et il parlait du besoin d'avoir quelque chose d'exeptionnel dans ce cas-ci. À mon avis, son préjugé, c'est qu'il y a une exception ici, à savoir qu'il y avait un individu qui était privilégié; ce n'était pas une société d'hypothèques ou un organisme qui distribue les fonds publics à tout le monde, c'est-à-dire à tous ceux qui sont admissibles au programme. Il s'agit bien d'un privilège. Appelez ça un contrat signé en bonne et due forme, mais c'est quand même quelqu'un qui est privilégié sous forme de droit à l'exclusion de tous les autres. Il n'y a pas eu de concours, pas d'autres personnes qui étaient admissibles ou privilégiées par ce contrat-là. C'est ça l'exception dans ce cas-ci.

Personnellement, je prends en

considération les remarques du député de Marguerite-Bourgeoys, mais je tiendrais à souligner, M. le Président, qu'à mon avis il s'agit bien ici d'une exception qui a très peu de choses en commun avec l'exemple qu'il a soulevé.

En ce qui nous concerne, ça termine nos interventions parce que, pour vraiment avoir une idée équilibrée, on aimerait bien peut-être écouter Mme Michaluk.

Le Président (M. Gratton): Le député de Marguerite-Bourgeoys a une remarque et M. le député de Bourassa.

M. Lalonde: Juste deux mots. C'est exceptionnel parce que, sans ça, ça ne serait pas venu ici. C'est vrai que c'est exceptionnel, mais il n'y a pas d'experts devant nous, et je ne pense pas qu'il y en ait autour de la table, sur les caractéristiques des contrats commerciaux, des baux commerciaux. Mais, je sais qu'un bail commercial est plus long qu'un bail privé, un bail civil, un bail de maison ou de logement. Je devrai puiser dans ma petite expérience pour me souvenir que les baux commerciaux peuvent être 10 ans plus 5 ans, ou 10 ans, 10 ans, ou 15 ans, 10 ans. J'en ai vu de cette longueur-là, aussi longs que 20 ans, 20 ans, c'est assez exceptionnel, mais ce n'est pas tellement exorbitant quand on parle de bail commercial. Deuxièmement, il faut se souvenir toujours - peut-être qu'il y a eu une erreur en 1962 de l'avoir assumé -qu'au moment de la conclusion du bail, c'était deux parties privées. On a tenté, avec les faibles moyens que nous avons, d'aller chercher, au début, au moment de la conclusion du bail, des raisons qui auraient pu vicier le consentement. À part peut-être pas les insinuations malveillantes, mais le caractère suggestif des questions du député de Vachon, je n'ai rien trouvé chez les témoins.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: C'est une loi qu'on peut adopter comme on adopte d'autres lois changeant un testament; ça, on le fait régulièrement ici. C'est fondamental pour des familles, ça aussi. Il y a aussi d'autres lois qu'on fait où on prend un terrain et on change la vocation du terrain par loi privée, ce qu'ils ne peuvent pas avoir en cour. On en a eu la preuve avec Métro-Richelieu tout dernièrement avec les cadastres de la ville de Montréal, avec les parcs industriels qui ont atteint aussi une certaine liberté là-dedans. Mais ce ne sont pas des arguments que j'apporterais. Ce que je voudrais savoir de la direction de l'hôpital, c'est ceci: Seriez-vous prêts à renégocier un nouveau bail, si vous en aviez l'occasion, par entente, adapté à 1982, suivant les besoins de l'hôpital? Parce que vous avez une ouverture dans la loi et vous avez avoué que s'il y avait entente des deux parties, cela nous dispenserait peut-être de passer une loi semblable. Seriez-vous prêts à tenter cette chose?

M. Bourque: Disons qu'il faudrait suivre les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Dans les règlements adoptés en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, je vous ai donné tout à l'heure toutes les occasions possibles, mais dès qu'on arrive... C'est un centre hospitalier public soumis à la Loi sur les services de santé et les services sociaux et l'article 631 nous donne des règles très précises; la seule petite exception qu'il pourrait y avoir, comme je vous l'ai dit, sans engager le conseil d'administration, mais en vous donnant uniquement le texte légal...

M. Laplante: Ce que je vous pose comme question, ce n'est pas ça. La seule question que je vous pose - le reste, on pourra en parler avec le ministre pour essayer de s'entendre. Je vous demande ceci: Si vous aviez la permission de négocier un nouveau bail, en tenant compte des intérêts de l'hôpital, est-ce que vous seriez prêts à en négocier un? C'est ce que je veux savoir, en dehors de ce que vous donnez comme argumentation.

M. Bourque: Le but de ce projet de loi, c'est de permettre à l'hôpital d'aller en soumissions et de renégocier un nouveau bail.

M. Laplante: J'aimerais que vous répondiez à ma question. Avec ce locataire qui est là depuis 22 ans et qui a un contrat en bonne et due forme, je vous demande actuellement d'oublier la dernière loi des services sociaux. Si vous aviez l'occasion de négocier un nouveau bail adapté aux conditions de 1982, est-ce que vous le feriez?

Mme Vermette-Roy: II nous faut absolument la permission du ministère des Affaires sociales.

M. Lapiante: Je vous ai demandé d'oublier ça, cela sera notre problème.

Mme Vermette-Roy: ... vous serez obligés de faire une nouvelle loi.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez, pour ne pas mettre dans l'embarras la présidente du conseil d'administration, le conseiller juridique et le directeur général de l'hôpital, je comprends qu'ils ne puissent faire abstraction du fait

qu'en vertu de nos lois et règlements, si le problème se posait aujourd'hui quant à la négociation d'un bail, ils seraient obligés de renvoyer le dossier au ministère. Évidemment, vous pouvez toujours poser la question à M. Lanoue: Qu'est-ce qu'il ferait s'il était ministre des Affaires sociales? C'est une autre chose, mais je ne suis pas sûr qu'il voudrait cet emploi de ce temps-ci.

La concessionnaire

Le Président (M. Gratton): Est-ce que cela termine les questions à l'endroit de l'hôpital? On pourrait y revenir tantôt. La commission désire maintenant entendre Mlle Annie Michaluk et je prierais son procureur de bien vouloir s'identifier pour les fins du journal des Débats.

M. Lamarre (Claude): Alors, mon nom est Claude Lamarre et, à ma gauche, Mlle Annie Michaluk. J'ai préparé pour Mlle Michaluk un mémoire de ses prétentions, que j'aimerais peut-être déposer et distribuer s'il y avait moyen. C'est un résumé beaucoup plus modeste, comme mémoire, de ce qui a déjà été distribué tout à l'heure; c'est également un résumé d'à peu près tout ce que vous avez souligné tout à l'heure, de ce dont vous avez parlé.

Qu'il me soit permis d'abord, je pense que vous connaissez un peu les faits, d'effacer peut-être des malentendus qui peuvent présentement planer sur les débats, en ce sens que s'il est exact que le bail en question date de 1960, je pense qu'il est très facile de laisser sous-entendre les choses qui auraient pu se passer et des privilèges qui auraient pu être accordés. Jusqu'à ce qu'on prouve le contraire - et je pense que l'Assemblée en est consciente, elle en est même responsable, responsable des valeurs sociales que notre société véhicule - jusqu'à preuve du contraire, les individus peuvent faire entre eux les contrats qu'effectivement ils désirent. (17 h 15)

Jusqu'à un certain point, la corporation qui, en 1960, a donné le bail à Mlle Michaluk aurait pu légalement le donner pour 100 ans, si elle le désirait, et même gratuitement. C'était son droit le plus strict. C'est facile, aujourd'hui, de prétendre que des dangers ou des choses illégales auraient pu se produire. D'ailleurs, je vous réfère aux conclusions du juge Trahan. Lors de sa commission, ce n'est pas ce qu'il prétend. Il nous dit que le gouvernement a commis un impair. C'est là le problème. Lorsque, en 1960, la corporation donne le bail à Mlle Michaluk, elle le fait à son gré, c'est une corporation privée. Ce n'est que deux ans plus tard que le gouvernement achète l'hôpital et, en 1966, l'hôpital est achevé. Effectivement, c'est en 1962, lorsqu'elle accepte le bail, que le gouvernement et l'hôpital peuvent commettre cet impair, mais elle doit aujourd'hui en assumer les risques et les conséquences. C'est en 1966, encore plus loin, lorsque le bail est ouvert pour la première fois, c'est-à-dire que le local est accordé à Mlle Michaluk, parce que, en 1962 et 1966, elle n'avait pas son commerce à l'hôpital Charles Le Moyne; ce n'est qu'en 1966 qu'elle a pris possession des lieux, et à ce moment-là seulement elle a pu commencer à jouir des avantages que le bail lui donnait. Je voudrais souligner - cela a déjà été souligné une première fois - qu'en 1960, lors de la signature des deux baux présentés, M. Gérard Lanoue était signataire de ces baux et qu'en 1962 et 1966, il était déjà le directeur général de l'hôpital.

Avant de commencer le texte que j'avais préparé, vous avez parlé tout à l'heure, des possibilités de négociation. Je dois vous dire, dès le départ, que nous avons toujours été prêts à négocier. Cependant, lorsqu'on nous a demandé de négocier, cela a été dans le cadre suivant: Vous partez et vous faites une soumission. Aujourd'hui, j'ai appris quelque chose de nouveau à ce niveau. Je me demande quel est le sens de la soumission qu'on va donner lorsque, effectivement, on parle d'un réaménagement budgétaire de l'hôpital et que celui-ci veut, si j'ai bien compris tout à l'heure, reprendre possession du local et de l'administration complète des services. Effectivement, je pense que ce n'est pas exactement ce que l'hôpital veut faire en termes de renégociation; ce qu'il veut, c'est reprendre le bail, le local, point final, remettre les machines où il veut. C'est son souhait.

Je voudrais soulever - je dirais - une anomalie. Je pense que c'est amusant. On prétend que, suivant le projet de loi no 188 - je suis toujours à l'introduction - "il y a lieu que le renouvellement d'un contrat d'approvisionnement..." J'aimerais référer les membres de la commission à l'annexe 9, à la page cinq. On définit, dans les règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, ce qu'est un contrat d'approvisionnement de la façon suivante: "Tout contrat d'achat ou de location de biens ou de services, à l'exception des contrats de travail, des contrats pour services professionnels ou des contrats pour l'achat ou la location de biens immobiliers". Il n'en est même pas question. De toute façon, ce n'est pas un contrat d'approvisionnement. Alors, dites-moi dans quel sens la loi 188, en annulant le bail, peut permettre le renouvellement d'un contrat d'approvisionnement suivant la loi et suivant ses règlements. Cela n'en est pas un; c'est un contrat, point final! À ce titre, il n'y a pas de règles qui peuvent être suivies comme telles.

Vous avez, dans le document que j'ai

préparé, une preuve historique. Je pense qu'on a déjà un peu élaboré de part et d'autre sur ce qui a pu se passer à ce niveau. Je veux seulement soulever quelque chose qui est important quant à moi. Quand je parle de bonne foi dans mon texte, c'est à ce niveau que je parle et je voudrais le souligner. Le bail a été respecté pendant 20 ans de part et d'autre. On a avoué tout à l'heure qu'on n'avait rien à reprocher à Mlle Michaluk. Son loyer a toujours été payé, etc.

En 1979, soit un an avant la reconduction du bail en question, on a communiqué avec Mlle Michaluk dans une lettre qui est reproduite dans les documents fournis par l'hôpital, qui dit: Dans les circonstances, avec la nouvelle loi et ses règlements qui ne s'appliquent pas, de toute façon, selon nous, il y a lieu que vous nous remettiez le local et que vous alliez en soumissions. Évidemment, Mlle Michaluk nous a consultés, nous lui avons donné une opinion relativement à son bail que l'on considère comme très valide, et nous avons répondu à l'hôpital et à ses procureurs leur disant: Voici, dans les circonstances, le bail est valide, nous exerçons notre clause de renouvellement, un point c'est tout. Depuis septembre 1979 ou approximativement, soit la date où nous avons répondu - plus précisément, ma lettre, que j'avais signée personnellement, était en date du 19 septembre 1979 - nous n'avons pas eu ou presque pas eu de nouvelle de l'hôpital, à tel point que le 1er juin 1980, l'hôpital avait permis que le bail soit reconduit, donc continué pendant un autre 20 ans; ils n'ont pas bougé d'aucune façon. Ce n'est pas à ce moment-là qu'ils ont fait des représentations pour obtenir l'annulation, ce n'est qu'en décembre 1980, soit six mois plus tard que l'hôpital a communiqué avec Mlle Michaluk pour lui faire part qu'ils avaient fait des représentations auprès du ministère et du gouvernement pour obtenir l'annulation du contrat de location.

Fait intéressant, entre décembre 1980 et aujourd'hui - j'imagine à cause des élections - le bail n'a jamais été présenté. Ce n'est que la semaine passée, soit jeudi passé plus précisément, que Mlle Michaluk a appris qu'effectivement le projet de loi no 188 avait été adopté en première et en deuxième lecture et qu'on allait en commission parlementaire. Je voudrais souligner ici un point assez intéressant qui vient de l'administration de l'hôpital. Quand je parle de bonne foi et de suite dans les idées, c'est un fait qui est assez cocasse. En novembre, décembre 1981, soit il y a environ trois ou quatre mois, le poêle qui est utilisé dans le restaurant de Mlle Michaluk a fait défaut, or, ce poêle appartenait effectivement à l'hôpital; alors, les administrateurs de l'hôpital ont fait part à Mlle Michaluk que le poêle en question était fini, que cela faisait suffisamment de fois qu'il était réparé, et qu'en conséquence on l'invitait à s'en acheter un neuf. Lorsque je parle de bonne foi, ce sont de choses semblables, et lorsque, effectivement, un peu plus loin on va parler des préjudices, ce sera un préjudice à ajouter.

Je comprends que l'hôpital et peut-être indirectement le ministère et le gouvernement ont considéré en tout temps le bail comme valide, comme quelqu'un le disait tout à l'heure. De toute évidence, de 1960 à 1980, on l'a respecté, et même après 1980, on respecte le bail en question, à tel point qu'on impose toujours des obligations, on prend les loyers, etc.

Je voudrais maintenant continuer mon court exposé avec le mémoire que j'ai préparé. Il est certain, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, que le Parlement possède tous les privilèges, tous les droits inhérents à sa souveraineté. Je pense qu'en droit - vous êtes plusieurs avocats ici -personne ne pourrait discuter cela. Cependant, comme le disait M. Payne tout à l'heure et comme disait M. Johnson tout à l'heure également il y a un esprit du ministère, il y a une obligation qui existe auprès de l'État, qui est encore plus forte sûrement que pour tout autre citoyen, parce que c'est, en fait, le premier citoyen, c'est une obligation d'équité et de justice naturelle. Et cela, par rapport aux faits qui nous sont présentés aujourd'hui, aux contrats qui sont sur la table, qui existent entre les parties, je pense que ç'a une importance majeure.

Lorsque les parties, en 1960, ont signé le bail, les deux parties se sont déclarées satisfaites. Le loyer était un loyer qui était équitable, et encore aujourd'hui on prétend que le loyer était un loyer qui était très bien basé et, effectivement, valait le prix du lieu pour lequel on payait. Peut-être qu'on l'a sous-évalué à cette époque, mais il n'en demeure pas moins que les parties n'ont jamais avant 1980 essayé... Je parle ici plutôt de l'hôpital. Jamais l'hôpital, avant 1980, ne s'est plainte du montant du loyer, du propre aveu de M. Lanoue tout à l'heure et des autres représentants de l'hôpital. Jamais on n'a demandé à Mlle Michaluk une augmentation de loyer comme telle, jamais on n'a demandé de corriger la situation. Contrairement à ce que mon confrère disait tout à l'heure, je pense que, s'il est vrai que le bail en question a été continué et reconduit tacitement et volontairement entre les parties en 1980, il y a quand même un point important, c'est que les accessoires du contrat de location, c'est-à-dire le prix, les avantages, la durée, etc., ça, c'est toujours négociable. Si le bail continue, la jurisprudence, les tribunaux ont toujours décidé que tout le reste peut être négocié. Ce sont les accessoires du contrat comme

tel.

Je pense que l'Hôpital Charles Le Moyne est, malgré tout, un organisme civil. C'est une corporation civile qui répond à certains critères de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, mais c'est un corps en lui-même, c'est une personne morale qui a des obligations. C'est une corporation qui présentement, à notre opinion, cherche à se faire justice elle-même. Elle a peut-être fait une erreur en 1962, en 1966, en 1980, lorsque le bail a été reconduit, et, aujourd'hui, elle cherche à récupérer et à réparer son erreur en se servant du Parlement. Je vous soumets qu'aujourd'hui on cherche carrément à se servir du Parlement pour intervenir dans les droits, les privilèges et les obligations de deux parties civiles, parce que, en dehors de la Chambre, en dehors du Parlement, le gouvernement comme tel est une partie civile lorsqu'il contracte. Y compris le gouvernement, y compris l'Hôpital Charles Le Moyne doivent être considérés comme des parties civiles et, comme tel, le Parlement qui est une entité à part ne doit pas servir ainsi de caution pour changer les règles qui avaient été établies et surtout acceptées par les parties pendant 22 ans.

Au contraire, comme on le disait tout à l'heure, c'est aux parties elles-mêmes de se rencontrer pour discuter des accessoires du contrat, soit le bail. Or, jamais on n'a fait appel à nous, jamais on ne produira une lettre disant qu'on voudrait renégocier les conditions, le prix ou des choses semblables. Je dois vous dire, à ce moment-ci, qu'au niveau des renégociations nous aurions des intérêts, nous aussi. On voudrait installer les machines dans l'hôpital. Pourquoi pas? Dans tous les autres hôpitaux de Montréal, c'est donné à concession. On serait prêt à payer. Ce serait une possibilité. Jamais on ne nous a permis d'installer ces machines. Jamais l'hôpital ne l'a fait lui-même.

Je dois à ce niveau établir une petite différence. Dans la plupart des hôpitaux, lorsque vous avez un local qui est donné à soumission semblable, c'est un local important de 2000 ou de 3000 pieds carrés et où, inévitablement, existe le droit d'installer des machines distributrices. Alors, le prix est, évidemment, beaucoup plus élevé.

Aujourd'hui, Mlle Michaluk ne paie que 220 $ par mois. C'est exact. Cependant, elle n'a qu'un local de 494 pieds carrés, soit 22 pieds sur 27 pieds pour faire un total de 494 pieds. C'est tout petit. Si vous installez quelques tables, un comptoir, un four, des tablettes, des revues, il ne reste presque plus de place. Et ensuite, c'est séparé, parce que, pour faire plaisir à l'hôpital durant des années, Mlle Michaluk a permis que son local soit séparé et qu'effectivement on obtienne que la petite boutique à cadeaux soit séparée et qu'elle occupe un autre petit local à proximité qui est encore plus petit, celui-ci. Finalement, le total complet des pieds carrés qu'elle occupe, c'est 964 pieds carrés. C'est quand même très minime puisque cela peut faire environ 20 pieds sur 50 pieds ou 20 pieds sur 45 pieds, ou quelque chose de semblable. (17 h 30)

Nous vous soumettons, comme il a été dit tout à l'heure, qu'il n'y a aucune clause d'exclusivité dans le contrat de location dont vous avez une copie. En tout cas, je n'en ai pas vu. Ce qui fait que l'argument de l'exclusivité et des dommages que nous faisons subir à l'hôpital en dehors de notre petit local ne peut tenir debout. L'hôpital pourrait faire ce qu'il voudrait; il pourrait ouvrir un autre local, en faire deux, en faire trois, quatre ou cinq, la quantité qu'il voudrait; il pourrait installer la machine qu'il voudrait.

Je vous soumets, de toute façon, que les véritable pouvoirs qui ont été établis par notre société, il y en a trois à ma connaissance: il y a le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Je vous soumets que ce problème-ci est de la compétence du pouvoir judiciaire seulement, parce qu'il touche des droits et des privilèges des parties qui découlent d'un contrat. La preuve en est que la commission a demandé à entendre les parties pour connaître le fondement de toute cette histoire. En conséquence, il n'en demeure pas moins que les parties auraient peut-être intérêt à faire entendre beaucoup plus de personnes et beaucoup plus de témoins sur ce contrat. Cela pourrait être une possibilité. Jamais, je vous le soumets, le Parlement ne pourra permettre à une partie de se faire entendre aussi bien qu'un tribunal pourrait le faire avec ses témoins, ses experts, etc., et ceci même pour la partie adverse qui, effectivement, tout à l'heure nous disait qu'elle n'avait pas fait faire une expertise complète, mais qu'elle aurait quand même peut-être pu le faire. Jamais vous ne pourrez entendre tout ce qui a pu se dire au sujet de ce contrat depuis les vingt dernières années. Tout à l'heure, c'était très facile de soulever des possibilités d'acoquinement ou de choses semblables avant 1960 et autour des années soixante, mais même la commission Trahan, avec ses enquêtes, n'a jamais établi cela. Ce que la commission Trahan a dit, c'est que le gouvernement a fait un impair et je pense que cela veut dire une erreur. Une erreur, on la garde et on dfne avec elle.

Je pense que ce serait un cheminement normal. L'intérêt public, l'ordre public, l'urgence, le côté humain ici, il n'y a absolument rien qui est à ce point grave pour faire en sorte que le Parlement prenne la peine de trancher la question entre les personnes. Je le vois difficilement. En tout

cas, cela fait 22 ans que l'Hôpital Charles Le Moyne se dit satisfait du bail et, tout à coup, c'est très grave, c'est urgent, l'intérêt public dit qu'il faut bouger.

Là-dessus, je voudrais enchaîner avec les préjudices subis. Y a-t-il quelqu'un, au ministère ou à l'Hôpital Charles Le Moyne, qui s'est arrêté sur le préjudice que pourrait subir Mlle Michaluk à la suite de cette loi? Cela pourrait être intéressant. Cela fait vingt ans que Mlle Michaluk exploite le petit snack-bar situé à l'hôpital. Elle y investit son temps, ses énergies et ses économies. Elle a présentement environ 15 000 $ d'équipement sur les lieux et effectivement environ 18 000 $ de marchandise sur les tablettes un peu partout. Quelle serait la valeur de cet équipement demain matin, si on le sortait, ou de la marchandise? Vous connaissez la conjoncture économique. Combien vaut l'équipement de restaurant ajourd'hui lorqu'on le sort dans la rue? Sur le trottoir, cela ne vaut rien. Des magasins qui sont pleins essaient de vendre, de sous-vendre à d'autres individus? Elle y travaille sept jours par semaine et, tel que le dit notre mémoire... Peut-être que vous auriez été intéressés à ce qu'on produise des rapports d'impôt. Malheureusement, on n'y a pas pensé et j'ose espérer que vous allez croire la parole de Mlle Michaluk. Elle en retire un revenu d'environ 12 000 $ par année. Elle est parfois là sept jours par semaine et parfois là plusieurs heures par jour. Effectivement, elle délègue certains pouvoirs, il n'y a aucun doute, parce que c'est quand même un travail qu'elle ne serait plus capable de faire. Mais c'est quand même quelque chose d'important pour elle.

Mlle Michaluk est âgée de 56 ans. Soyons honnête, si on lui enlève son commerce, quelles sont ses chances de se replacer ailleurs, dans un autre travail? Cela fait 20 ans qu'elle n'agit plus à titre de comptable pour les hôpitaux. Cela pourrait être, effectivement, difficile pour elle. Avec un petit commerce comme celui-ci, elle n'a aucune sécurité pour l'avenir; c'est-à-dire que sa sécurité, comme pour tous les commerçants, c'est son commerce. C'est là qu'est sa valeur. Point final. Si vous le lui enlevez, il lui en reste une autre: c'est ou son commerce et sa sécurité ou l'aide sociale. Je vous pose la question: La loi qui la met dehors, qu'est-ce qu'elle va lui laisser comme choix? Le commerce ne vaut plus rien. Il lui reste le seul choix de l'aide sociale.

Enfin, il y a onze personnes, également, qui travaillent pour elle. Cela, je pense, que le Parlement, sur le plan humain, sur le plan de l'importance, doit le prendre en considération. Il y a onze personnes qui travaillent pour elle à temps plein, sept jours par semaine; pas tous, mais il y a des croisements entre les heures. Onze personnes qui retirent un salaire et qui paient des impôts. Ces personnes-là, quel choix la loi va-t-elle leur laisser après? Je vous pose encore la question: Qu'est-ce qu'elles vont faire, ces personnes-là? Ce sont, évidemment, des personnes non spécialisées et, sûrement, pour la majorité, non instruites. Quel choix la loi, qui va leur faire perdre leur emploi, va-t-elle leur laisser? D'autant plus que ce qui devient intéressant, c'est qu'à ces onze personnes-là qui vont perdre leur emploi, nous allons ajouter la personne de Mlle Annie Michaluk et nous allons ajouter les neuf autres personnes que l'hôpital veut mettre à pied.

Cela fait 20 autres personnes qui vont se retrouver sans travail, ça fait 20 autres personnes qui vont sûrement cesser de payer, mettons, une moyenne d'environ 2000 $ ou 2500 $ d'impôt à l'État par année, pour une moyenne d'environ 40 000 $ ou 50 000 $ de moins de revenus directs, et qui vont retirer, peut-être, des prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale. Je sais que ce n'est peut-être pas, quant à l'assurance-chômage, de la juridiction de cette Chambre ou de cet État, mais comme tel, de toute façon, l'État, à gauche ou à droite, va perdre 40 000 $ à 50 000 $ en revenus directs et va peut-être payer 30 000 $ ou 40 000 $ à des personnes qui vont retirer de l'aide sociale ou de l'assurance-chômage. Finalement, la perte de ce côté-ci sera peut-être de 80 000 $ à 85 000 $ et on allègue, de l'autre côté, qu'on va, possiblement, perdre 100 000 $. Il y a le côté humain, également, qui est très important.

Enfin, ça peut peut-être avoir l'air amusant, ce dernier argument, mais je me permets quand même de le soulever, puisque, avec votre permission, Mlle Michaluk fait siennes toutes et chacune des représentations que le gouvernement du Québec fait présentement dans le contentieux Terre-Neuve-Québec relatif à l'affaire des chutes Churchill. Un contrat, c'est un contrat. Cela devient très facile de se servir de la loi, 20 ans après, pour dire: II y a 20 ans, ça faisait notre affaire; aujourd'hui, ça ne fait plus notre affaire. C'est facile, ça. Je vous demande de prendre cela en considération. C'est exact que c'est très facile de le plaider. Cependant, dans un sens comme dans l'autre, si jamais un tribunal donnait raison, dans deux ans, dans cinq ans ou dans dix ans, au gouvernement du Québec sur des arguments annulant une loi semblable qui interfère dans des droits et des contrats qui sont déjà établis, j'imagine qu'il sera facile, à ce moment-là, que les mêmes tribunaux donnent encore raison à Mlle Michaluk pour annuler, peut-être, une loi qui pourrait être votée, de la même façon qu'elle a pu l'être à Terre-Neuve. En fait, c'est simple; ce que le gouvernement du Québec allègue, on demande tout simplement que ce soit

appliqué à nous également. Autrement dit, ça fait peut-être moralisateur mais je me permets quand même de le dire: II ne faut pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas que les autres nous fassent. À ce niveau-ci, lorsque je parle de "on", je ne parle pas de la Chambre, je ne parle pas du gouvernement, je parle également du peuple du Québec parce que c'est à ce niveau-là, au niveau du contentieux de Churchill Falls, c'est à ce niveau-là que ça se joue. On parle de peuple.

M. Johnson (Anjou): De la loi 188, maître.

M. Lamarre: D'accord. M. Johnson (Anjou): Merci.

M. Lamarre: En terminant, je voudrais souligner quelques derniers points. J'aimerais savoir quel citoyen, quel organisme pourra encore, de bonne foi, contracter avec l'État ou encore avec ses organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux, si l'État prend la nouvelle habitude de briser unilatéralement les contrats lorsque, effectivement, à un moment donné, ça ne fait plus son affaire.

Dernièrement, je vous signale que cette loi est tout simplement une loi qui exproprie carrément Mlle Michaluk du local et de ses droits, qu'elle ne prévoit absolument aucun dédommagement. Il n'y a absolument rien de prévu et ça, ce serait sûrement quelque chose de tout à fait nouveau.

Je souligne enfin que c'est la bonne foi, la parole et la crédibilité de l'État et de ses organismes qui sont mis en jeu par cette loi.

Le Président (M. Gratton): Merci, Me Lamarre. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Très brièvement, M. le Président. D'abord, je veux m'excuser auprès des membres de la commission, je devrai quitter dans quelques minutes. Je voudrais simplement souligner que je pense que l'effort que nous devons faire ici, dans le cadre d'un projet de loi qui a un caractère exceptionnel, c'est d'essayer de se pénétrer plutôt de la dimension de l'équité ou de l'absence d'équité, et, finalement, de ce qui n'est pas contraignant au niveau purement légal. Je pense qu'on sait qu'il y a eu admission, de la part du procureur de l'hôpital, que c'est très clair qu'en loi et à ses yeux, le contrat est un contrat. Encore une fois, je pense qu'on pourrait peut-être éviter ce terrain, à nouveau, le reprendre dans un autre contexte, mais il y a des traités qui ont été longuement écrits là-dessus. Je pense que la meilleure façon de nous éclairer quant aux décisions qu'on a à prendre, c'est de se concentrer sur les faits pertinents au projet de loi 188 et qui ont entouré la conclusion du contrat, comme les événements qui ont entouré sa reconduction ou ses confirmations, etc., pour nous permettre de savoir de quelle façon on peut envisager le projet de loi 188 dans les étapes subséquentes, notamment la fin de cette commission, les possibilités d'amendement et la troisième lecture. J'inviterais nos invités de l'hôpital et de l'autre partie au contrat, si c'est possible, à se concentrer plus spécifiquement sur ces éléments. C'est ça qui va nous éclairer, rien d'autre.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'attendais du ministre quelque chose d'un peu plus éclairant. Je sais que ce n'est pas son projet de loi, c'est un projet de loi du gouvernement, mais sa présence ici - non pas comme membre de la commission, il a cédé sa place au député de Vachon et s'est inscrit comme intervenant, donc sans droit de vote - témoigne d'une pudeur, tardive, peut-être, mais d'une certaine pudeur à l'égard de ce qu'on demande à la commission de faire à la place du gouvernement. J'avoue que je suis de plus en plus mal à l'aise durant l'étude de ce projet de loi. Je me demande de plus en plus comment il se fait qu'il s'est rendu jusqu'ici. Je sais qu'on a voté en faveur, nous, en deuxième lecture, sur la foi de ce qu'on avait, et surtout de ce qu'on n'avait pas à ce moment-là. Mais je souligne encore la réserve que le député de Nelligan a mentionnée, qui était: pourvu que personne ne soit lésé. C'est un projet de loi qui est absolument incomplet, exorbitant. Je ne veux pas faire de politique, mais ça me tente.

M. Johnson (Anjou): Vous n'êtes même pas capable de vous retenir. (17 h 45)

M. Lalonde: Très bien, je suis le conseil du ministre; je ne serai pas capable de me retenir - c'est le ministre de la santé de toute façon - puis ça ne serait pas bon pour ma santé que je me retienne. Demain matin, un projet de loi, avec la complicité du leader du gouvernement, que je n'aurai pas, je pourrais en présenter un pour mettre fin à un contrat que je pense inéquitable, par exemple: le contrat qu'on a dénoncé nous, à l'Assemblée nationale, avec un ancien président de la SHQ qui a eu 471 000 $ pour 6 ans. Je le trouve totalement inéquitable; on pourrait en faire des projets de loi comme cela. J'ai de plus en plus honte, je vais vous le dire. On a fait l'exercice honnêtement, on a posé des questions, on est allé même dans la voie...

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas

terminé. Si vous permettez, M. le Président, je suis sûr que le député de Marguerite-Bourgeoys va me le permettre. C'était le sens de mon intervention, tout à l'heure, compte tenu de ce qu'avait dit le député de Marguerite-Bourgeoys, compte tenu de certains des propos de mes collègues, le député de Bourassa notamment, le député de Sainte-Anne, je pense qu'il est important d'essayer d'explorer des faits. On peut encore refaire des grands débats cosmiques sur l'intervention du Parlement par projets de loi privés, comme il le fait dix fois par année dans les testaments, puis comme il le fait 40 fois par année dans les questions de lotissement et de zonage. Je pense qu'il y a des éléments de fait à considérer. La position de l'hôpital a été présentée abondamment et de façon exhaustive, peut-être pas, au niveau des questions que je posais à des membres, entièrement à leur satisfaction. Il faudrait peut-être maintenant entreprendre le reste dans le même esprit avant de présumer ou de préjuger des conclusions auxquelles on devrait arriver.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre m'a interrompu, je n'ai pas terminé. S'il vous plaît, M. le ministre, je vous interromps, je sais que vous allez le permettre. D'ailleurs les quelques mots qu'on s'est dits avant, à savoir qu'on était un peu mal à l'aise, il faudrait peut-être que les gens s'entendent ensemble. J'espérais qu'on nous apporte des éléments sur lesquels on puisse s'accrocher, peut-être qu'il y aurait une entente, mais je refuserais de me rendre complice, de forcer ces gens-là à négocier sous la menace d'un projet de loi qui va exproprier une femme qui a un contrat.

Une voix: ...900 000 $.

M. Lalonde: 900 000 $ par année, M. le ministre. J'ai essayé d'avoir des explications. On m'a dit: On va enlever des postes. Je sais que l'hôpital - je ne veux pas, non plus, les accabler - est accablé par les politiques du gouvernement qui coupe partout. Cela fait que des gens posent des gestes qu'ils ne poseraient pas dans une situation normale. On voit un peu pourquoi le ministre est ici aujourd'hui. Il est sûrement responsable, en partie, de cette situation. Je ne voudrais même pas me rendre complice de forcer des gens à négocier sous la menace qu'on va vous enlever vos droits, madame.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Vachon.

M. Payne: Justement, au niveau des faits, vous avez mentionné tout à l'heure, M. Lamarre, qu'à votre grande surprise vous avez pris connaissance du projet de loi il y a à peine quelques jours. Or dans votre intervention privée, dans vos représentations auprès de moi, vous avez mentionné que vous connaissiez l'ancien député de Laprairie et lui, justement, l'année passée, avait préparé un projet de loi. Présumément, vous étiez en contact ou, au moins, au courant de la situation et de la proposition.

M. Lamarre: Est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Gratton): Oui. M. Lamarre: C'est en décembre...

M. Payne: Est-ce que je peux terminer, à la volonté du député de Marguerite-Bourgeoys? Les informations que j'avais obtenues de la direction générale des programmes de santé - le ministre n'est pas ici, mais je pense que c'est sans indiscrétion si je fais référence à une note du 29 novembre 1981 - sont que, "dans le passé, l'établissement a déjà essayé de mettre fin à ce bail, mais sans résultat, en 1962, lors de la vente de l'Hôpital Général de Saint-Lambert à l'Hôpital Charles Le Moyne; deuxièmement, en 1966, lors de l'ouverture du nouvel hôpital; troisièmement, en 1968, lors de l'enquête Trahan." Je l'ai mentionné tout à l'heure dans la discussion avec la direction de l'hôpital et son conseil d'administration. "Quatrièmement, en 1979, avec un préavis de six mois." Je continue: "Toutes ces démarches s'étant avérées vaines, il appert que le seul moyen de mettre fin à ce bail est de procéder par l'adoption d'un bill privé."

Est-ce que vous êtes en train de nous dire, M. Lamarre, que vous n'étiez pas au courant, comme représentant de votre cliente, qu'il y avait eu plusieurs essais dans le passé justement pour mettre fin à cette aberration? Je m'excuse de mon français, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Non, "aberration", c'est français. Votre mot est bien choisi, bien prononcé. C'est le sens que je ne partage pas.

M. Payne: "Aberration" Peut-être que mon français me trompe, mais je faisais référence tout à l'heure...

M. Lalonde: Ce n'est pas quant au français.

M. Payne: ... au juge Trahan lorsqu'il m'avait dit que le gouvernement de l'époque - c'était bien votre gouvernement - avait -et je cite - "commis un impair" d'accord? C'est dans cet esprit que je cherche un mot pour traduire le mot impair.

M. Lalonde: En 1962?

M. Payne: Oui, en 1962. Il faisait référence à cela.

M. Lalonde: C'est le gouvernement dont faisait partie M. René Lévesque, ça.

M. Payne: Ce n'était pas votre gouvernement?

M. Lalonde: Non, je n'étais pas là.

M. Payne: Alors, si vous êtes intéressé à commenter.

M. Lamarre: Pour répondre à la première question, je me permettrai d'abord de dire qu'autant je connais M. Gilles Michaud, ancien député de Laprairie, autant je connais M. Saintonge, qui est le nouveau député de Laprairie, étant donné que je suis un citoyen du comté de Laprairie. Premièrement, c'est une mise au point.

Deuxièmement, je vous dirai que ce n'est pas M. Gilles Michaud qui nous a mis au courant de l'existence de la loi no 188, mais bien une lettre qui date du 12 décembre 1980, signée par M. Gérard Lanoue, nous disant: "Nous désirons par la présente vous informer que l'Hôpital Charles Le Moyne a fait des représentations à l'effet qu'un projet de loi soit adopté par l'Assemblée nationale du Québec afin de mettre fin à la location de locaux pour l'exploitation du casse-croûte et de la boutique à cadeaux."

En fait, c'est à ce moment-là que nous avons été mis au courant de l'existence du projet de loi no 188, mais honnêtement je ne sais pas quand il a été officiellement déposé. Ce n'est que jeudi dernier, sur un appel téléphonique de vous-même à Mlle Annie Michaluk, qu'effectivement Mlle Michaluk a communiqué avec moi.

M. Payne: Vous faites référence au projet de loi 188, mais vous n'êtes pas sans savoir, à moins que vous vouliez commenter, qu'il y avait le même contenu dans un projet de loi présenté par l'ancien député de Laprairie. Oui ou non?

M. Lamarre: À ma connaissance personnelle, sauf erreur, je ne crois pas que le projet no 188 avait été présenté à la dernière session, qu'il avait été déposé...

M. Payne: Vous ne comprenez pas...

M. Lamarre: ... alors, on ne connaissait pas l'existence du dépôt.

M. Payne: Le projet de loi no 188 est déposé en mon nom, d'accord, mais il y avait un autre projet de loi qui avait déjà été préparé, par l'ancien député. Si vous ne connaissez pas l'historique du dossier, j'aimerais bien que vous le disiez à cette commission parce que je viens d'invoquer qu'à quelques reprises depuis 1962 différentes instances ont essayé justement de discuter du problème avec Mme Michaluk.

M. Lamarre: Entre 1960 et 1979, plutôt 1980, la date du premier projet de la loi no 188, celui qui était présenté par M. Gilles Michaud, si l'Hôpital Charles Le Moyne a fait des tentatives pour faire annuler le bail, ce ne sont pas, je ne le crois pas personnellement, je serais prêt à le soutenir devant les tribunaux, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui... l'hôpital n'a jamais tenté, essayé d'obtenir l'annulation d'un bail, soit en communiquant avec elle ou en faisant des représentations auprès de Mlle Michaluk.

Le Président (M. Gratton): Je m'excuse, Me Lamarre. On nous appelle pour le vote à l'Assemblée nationale. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous irons voter. Est-ce que c'est le désir de la commission que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures?

Une voix: Oui.

M. Laplante: S'il n'avait pris que cinq minutes, j'aurais pu présenter une motion qui aurait pu être votée tout de suite et cela aurait peut-être libéré ces gens.

Le Président (M. Gratton): Je ne peux pas présumer des intentions de la commission. Je demande à ce moment-ci si la commission veut que nous suspendions. Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 56)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Gratton): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des affaires sociales reprend ses travaux pour entendre les intéressés au projet de loi no 188. Au moment de la suspension de nos travaux, la parole appartenait au député de Vachon.

M. Payne: À ce moment-ci, j'aimerais bien passer la parole à mon collègue, le député de Bourassa, M. le Président, si c'est possible.

Le Président (M. Gratton): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Compte tenu de faits nouveaux à l'heure du souper où les deux parties ont convenu entre

elles de se parler, d'étudier le bail actuel entre elles, à leur demande aussi, sans préjudice de leurs droits, on nous demande s'il n'y aurait pas possibilité d'ajourner nos travaux sine die, et j'en fais motion.

Le Président (M. Gratton): Cette motion est-elle adoptée?

M. Polak: Non. Est-ce qu'on peut parler là-dessus?

Le Président (M. Gratton): M. le député, on sait que, selon les règles...

M. Laplante: D'accord. C'est qu'ils auraient aimé se prononcer là-dessus, eux aussi. Je sais que ce n'est pas tellement conforme au règlement, mais je pense que les témoins auraient une déclaration à faire à ce moment-ci.

Le Président (M. Gratton): La commission consent-elle à ce que Me Lamarre nous fasse une déclaration?

M. Laplante: Qui, d'accord. Une voix: Oui.

M. Lamarre: J'aurais une première demande à faire. Y aurait-il moyen, plutôt que de l'ajourner sine die, de l'ajourner à deux semaines? Si elle est ajournée sine die, je pense qu'on peut être appelé à se présenter ici dans un délai de 24 ou de 48 heures et cela peut amener des difficultés pour Mme Michaluk, moi et les trois autres personnes ici présentes. Y aurait-il moyen de fixer une date exacte où effectivement la commission reprendra ses activités?

M. Laplante: Oui. Si...

Le Président (M. Gratton): Vous me permettrez une précision. Les commissions ne peuvent siéger qu'au moment où l'Assemblée nationale leur en donne le mandat. La commission ne peut donc décider d'elle-même d'avance d'une date où elle pourrait siéger. Elle peut faire un rapport spécial à l'Assemblée, lui demandant de lui donner le mandat de siéger à une date précise. À ce moment-là, il faudrait procéder autrement que par une motion d'ajournement; il faudrait procéder par une motion demandant qu'on fasse rapport à l'Assemblée nationale.

M. Lamarre: Je retire ma demande, tout simplement. Ce sera moins de problèmes pour tout le monde. Deuxièmement, je voudrais établir immédiatement que...

M. Lincoln: Pardon, M. Lamarre, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.

Le Président (M. Gratton): On vous entend mal, M. Lamarre. Pouvez-vous rapprocher le microphone, s'il vous plaît?

M. Lamarre: Entendez-vous maintenant? Une voix: Oui.

M. Lamarre: C'est que, deuxièmement, il est exact que nous avons eu des représentations et des rencontres, les deux parties, pour négocier, possiblement, mais je voudrais établir clairement que les négociations que nous entendons entreprendre sont faites - quant à nous, je pense, et sûrement quant à l'autre partie également -de bonne foi, sans préjudice. Je voudrais établir également, surtout, qu'autant on va négocier de bonne foi, autant on n'entend pas, à ce stade-ci ou à aucun autre stade, abandonner tous les droits et privilèges. Ce n'est pas avec - là je ne voudrais quand même pas aller trop loin dans mes paroles, par respect pour l'Assemblée - un couteau sur la gorge ou avec une loi qu'on entend négocier; je pense que ça sera quand même de bonne foi.

Le Président (M. Gratton): Qui demande la parole sur la motion d'ajournement? On sait que chaque partie a droit à un intervenant pour une période maximale de dix minutes.

M. Polak: Moi, je veux demander à... M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Gratton): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai déjà indiqué, avant la suspension de nos travaux, que nous avions des réserves très sérieuses à permettre que la menace d'une loi, d'une loi d'expropriation, sans compensation, demeure pendant qu'il y aurait des négociations. Naturellement, à ce moment-là, nous n'étions pas informés que les parties avaient décidé de se parler. Mais il reste que je trouve dangereux, périlleux, en fait, même pour les négociations, même dans l'hypothèse où y aurait une entente, pour la validité de cette entente, qu'elle soit faite sous la menace d'une loi qui enlèverait brutalement les droits d'une personne, d'une citoyenne, droits qui sont, de l'avis de tout le monde, ici, cet après-midi et ce soir, inattaquables devant les tribunaux. Dans cette perspective, je ne pense pas que nous puissions nous associer à une demande de suspension ou d'ajournement. Nous allons voter contre. Nous préférerions que le gouvernement retire son projet de loi. En fait, idéalement, les membres autour de cette table devraient voter contre. Étant donné qu'il y a déjà une motion, je ne peux

pas vous demander, M. le Président, d'appeler l'article 1 pour voter contre. Il y a une demande de suspension, d'ajournement, mais je pense que nous allons voter contre. Si nous votons contre, ce n'est pas - et c'est très important de le dire - comme lors de la deuxième lecture. Le député de Nelligan me permettra de le répéter, si nous avons voté en faveur de ce projet de loi lors de la deuxième lecture, c'est que nous ne connaissions pas tous les tenants et aboutissants du problème. Nous l'avons fait -et je répète ce que M. le député de Nelligan a dit - sous réserve que les parties soient entendues. Je cite Mme la députée de L'Acadie, Mme Lavoie-Roux qui disait: "II s'agit d'annuler un contrat. Je pense que l'Assemblée nationale doit se préoccuper que les droits de personne ne soient brimés. Je ne porte pas de jugement à savoir si cela est fait ou pas mais, dans les circonstances, il serait sage que les intéressés soient entendus en commission parlementaire avant qu'on procède à l'étude article par article." Donc, c'est à la demande de l'Opposition que les parties intéressées sont ici et nous ont éclairés, et c'est sous réserve de ces conditions que le Parti libéral, l'Opposition officielle a voté en faveur de la deuxième lecture.

Maintenant, l'éclairage que nous avons eu cet après-midi est évident. Nous n'avons pas, en ce qui nous concerne, le droit, comme Assemblée nationale, de nous interposer dans cette situation. Je parle pour moi-même mais je pense que mes collègues partagent mon point de vue. Nous nous inquiétons de cette situation où les parties auraient à négocier sous la menace d'un projet de loi adopté en première lecture, adopté en deuxième lecture, un projet de loi dont l'effet serait de trancher, de faire disparaître les droits d'une personne. C'est pour ces raisons que, tout en appréciant l'intention du député de Bourassa, tout en reconnaissant que ses intentions sont sûrement bonnes, nous devons voter contre cette motion d'ajournement ou de suspension parce que nous préférerions que la loi soit rejetée ce soir ou soit retirée par son proposeur dont le plaidoyer, M. le Président, m'a rempli de déception. Réellement, je ne sais pas ce que le député de Vachon a en tête, je n'ai aucune felicitation à lui adresser; je suis extrêmement déçu de sa participation dans tout ce dossier. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Est-ce que le député de Bourassa veut exercer son droit de réplique?

M. Laplante: C'est le député de Vachon, vu qu'il est le proposeur, le parrain de la loi.

Le Président (M. Gratton): Je regrette, le député de Bourassa sait fort bien que, lorsqu'une motion d'amendement est présentée, d'ajournement, oui...

M. Laplante: M. le Président, on a le droit de s'essayer.

Le Président (M. Gratton): Cela m'arrive à l'occasion.

M. Laplante: Cela vous arrive à l'occasion. Maintenant, je voudrais assurer les témoins qui sont là que, dès la première intervention que j'ai faite, j'ai essayé de faire ressortir l'aspect humain de cette loi. J'ai essayé aussi de comprendre dans quelle situation l'hôpital était pris aussi d'avoir un contrat d'une si longue portée. Par contre aussi, je ne pouvais pas détruire une vie; c'est toute une vie qu'une personne a mise comme travail là-dedans. Je ne veux même pas penser, non plus, à la façon dont - parce que ça ne me regarde pas à ce moment-ci -elle a pu obtenir cette concession. Ce que j'ai regardé là-dedans, sans lire votre mémoire, madame, qui a répété à peu près de ce que j'avais fait ressortir comme pensée, c'est que je ne voudrais pas que vous pensiez, ni d'un bord ni de l'autre, si on demande un ajournement sine die pour votre projet de loi, que c'est réellement une épée de Damoclès qui est sur vous. Je ne voudrais pas que vos gestes, vos actions soient brimés parce qu'il y a un projet de loi qui est là en deuxième lecture. Je voudrais que vous l'oubliiez complètement. Ce n'est pas ça, notre intention. Notre intention ici, c'est plutôt que vous vous parliez entre vous, afin d'essayer de trouver une solution qui conviendrait à l'établissement hospitalier, mais qui conviendrait aussi pour que madame puisse continuer à vivre librement aussi la vie qu'elle s'était tracée. Je sais que vous avez des problèmes d'espace, des problèmes de distributrices automatiques et d'autres problèmes que vous connaissez entre vous. Je ne souhaite pas revenir avec ce projet de loi, oubliez-le. Ce n'est pas notre intention. Vous avez déclaré vous-mêmes ne vous être jamais parlé. C'est le temps, aujourd'hui, de le faire. Là-dessus, je vous souhaite bonne chance. Je sais que vous êtes tous des adultes et que vous allez pouvoir le faire. Je vous remercie d'avance, à part cela.

Le Président (M. Gratton): Merci, monsieur Laplante.

M. Polak: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Question de règlement, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, une

résolution ou une motion, pour réussir, doit au moins avoir un résultat. Je ne comprends pas. Les deux parties vont négocier. Est-ce que le ministre des Affaires sociales va intervenir dans ce dossier? L'hôpital ne peut jamais prendre de décision, c'est au ministère des Affaires sociales de le faire.

Le Président (M. Gratton): II ne s'agit pas là d'une question de règlement. Je ne veux pas être désagréable à l'endroit de quiconque, mais une motion d'ajournement a été proposée en bonne et due forme, débattue selon nos règles, il ne peut donc y avoir d'autre débat. Je le regrette.

M. le député de Vachon sur une autre question de règlement?

M. Payne: Oui. Le député de Sainte-Anne est allé au fond de la discussion. La question de règlement que je pose est pour savoir si l'Opposition, en toute équité, serait intéressée que je conclue, en deux mots, là-dessus.

M. Polak: Non.

M. Payne: Merci. C'est bien l'équité qu'on connaît très bien et qui caractérise l'Opposition.

M. Lalonde: Vous avez fait assez d'impairs jusqu'à maintenant.

M. Polak: Assez d'insinuations!

Le Président (M. Gratton): À l'ordre, s'il vous plaît!

Au nom de la commission, mesdames, messieurs qui êtes venus nous renseigner, merci. La commission ajourne ses travaux sine die. Est-ce que la motion d'amendement est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Polak: Sur division.

Le Président (M. Gratton): Sur division. La commission ajourne donc ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 20 h 29)

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