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Commission conjointe des affaires sociales et de la
justice
Avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse
Séance du mardi 24 février 1976
(Onze heures)
M. Pilote (président de la commission conjointe des affaires
sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
La commission conjointe des affaires sociales et de la justice se
réunit ce matin pour entendre des mémoires sur l'avant-projet de
loi sur la protection de la jeunesse.
Sont membres de la commission, M. Bédard (Chicoutimi); M.
Bellemare (Johnson); M. Bellemare (Rosemont) est remplacé par M. Harvey
(Charlesbourg); M. Bienvenue (Crémazie); M. Bonnier (Taschereau); M.
Boudreault (Bourget); M. Burns (Maisonneuve); M. Charron (Saint-Jacques); M.
Choquette (Outremont); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Desjardins
(Louis-Hébert); M. Forget (Saint-Laurent); M. Fortier (Gaspé); M.
Giasson est remplacé par M. Côté (Matane); M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys); M. Lecours (Frontenac); M. Levesque (Bonaventure); M.
Malépart (Sainte-Marie); M. Massicotte (Lotbinière); M.
Pagé (Portneuf) est remplacé par M. Assad (Papineau); M.
Perreault (L'Assomption); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Samson
(Rouyn-Noranda); M. Springate (Sainte-Anne) est remplacé par M. Faucher
(Yamaska); M. Sylvain (Beauce-Nord); et M. Tardif (Anjou). M. Levesque
(Bonaventure) fait partie de la commission, mais on va alterner entre M.
Levesque et M. Lalonde.
Conseil de la santé et des services sociaux de
Montréal métropolitain
J'inviterais à présent le Conseil de la santé et
des services sociaux de Montréal métropolitain, à bien
vouloir se présenter. Si vous voulez vous identifier.
M. Lapointe (Guy): Mon nom est Guy La-pointe. Je suis membre du
conseil d'administration du Conseil de la santé. Mme Rachel
Therriault-Hartenberg est secrétaire générale du Conseil
de la santé et des services sociaux du Montréal
métropolitain.
Je vous demande d'exouser l'absence du président et du directeur,
M. Jean Morin et M. Gilles Gaudreault qui, pour des raisons
particulières, n'ont pas pu se joindre à nous ce matin.
Le mémoire présenté...
Le Président (M. Pilote): Vous pouvez lire le
mémoire vu qu'il est court ou tout simplement en faire un
résumé. Vous avez, de toute façon, 20 minutes pour le
faire.
M. Lapointe (Guy): Je vais présenter une brève
introduction du mémoire. Comme tous les membres, M. le Président,
MM. les ministres et les députés en ont déjà pris
connaissance, on pourra passer immédiatement à la période
des questions, si vous le voulez bien.
Le mémoire présenté a été
élaboré par un sous-comité du conseil et accompagné
de diverses consultations dans la région de Montréal. Il a
reçu l'appui unanime du conseil d'administration.
Comme vous le savez, le conseil d'administration est très
représentatif de toutes les dimensions sociosanitaires de la
région 6-A. Il a, en outre, des responsabilités importantes
stipulées par la loi sur les services de santé et les services
sociaux qui, entre autres choses, sont la planification, la coordination.
Aussi, un de ses rôles est d'éviter le dédoublement des
services, responsabilité que le conseil de la santé et des
services sociaux de Montréal métropolitain entend assumer sans
réserve.
Ce rôle du conseil régional apparaît d'autant plus
essentiel dans le secteur de l'enfance que la région est vaste,
diversifiée, complexe. De façon particulière, au niveau de
la population, il est important de ne pas rendre plus complexes les points de
référence et l'accès aux services. A cet égard,
tout dédoublement de structures, de ressources doit être
évité. De ce fait, des sommes d'argent et du personnel
compétent ne seront pas drainés vers les structures et vers les
services, que ce soit au niveau des centres d'accueil, des CSS, des CLSC et des
différentes autres ressources de la région.
Voilà donc la perspective dans laquelle a été
rédigé notre mémoire, laissant à d'autres groupes
de développer des points de vue plus particuliers. Si vous voulez, on
est à votre disposition pour toute question.
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais souhaiter la
bienvenue d'abord aux membres de cette commission qui reprend l'étude de
l'avant-projet de loi amorcé l'automne dernier dans deux séances
qui se sont tenues respectivement le 25 novembre et le 4 décembre. Comme
vous le savez, nous aurons, en plus de la séance prévue pour
aujourd'hui, une autre séance le 9 mars prochain. J'aimerais
également souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil
régional de la santé et des services sociaux de Montréal
métropolitain et les remercier, non seulement pour leur présence,
mais pour les recommandations et les observations que contient leur
mémoire. Je n'ai que très peu de questions à poser parce
que ce mémoire est très explicite. Il contient, de façon
très précise, les modifications que le conseil souhaite voir
apporter dans l'avant-projet de loi, dans la préparation d'un projet
définitif.
J'aimerais peut-être leur demander de nous expliquer le sens de
certaines recommandations, toutefois. Je les prends un peu dans l'ordre dans
lequel elles viennent.
En tout premier lieu, l'article 6 qui fait ressortir un principe
passablement différent de celui qu'on retrouve dans l'avant-projet de
loi, où l'on
suggère une limite à l'exercice d'un pouvoir disciplinaire
par les centres d'accueil. Je ne reviendrai pas, ici, sur les recommandations
qui ont été faites par différents autres groupes sur
l'exercice du pouvoir disciplinaire; je pense qu'on a déjà eu des
recommandations visant à assortir ce pouvoir disciplinaire du centre
d'accueil d'autres précautions et d'autres conditions. Mais il me semble
que le conseil régional, ici, propose de substituer un principe
différent et beaucoup plus large visant à appliquer des mesures
de traitement dans les centres d'accueil qui ont été...
présumément, ces mesures de traitement incluent des mesures
disciplinaires, mais le texte suggéré ne le dit pas. On introduit
cependant l'idée nouvelle de l'approbation de ces programmes par des
professionnels des sciences de l'homme et par le ministre des Affaires
sociales. C'est-à-dire c'est un principe qui m'apparaît
extrêmement nouveau, qui mériterait d'être discuté
que le ministre, selon cette proposition, aurait un pouvoir d'intervenir
dans des questions d'ordre professionnel, de dire aux gens comment faire leur
travail. Comme on le sait, ce n'est pas la règle actuellement
observée dans nos établissements. Nous nous abstenons de donner
des directives portant sur le contenu professionnel de l'activité.
J'aimerais savoir ce qui pousse le conseil régional à
vouloir augmenter l'autorité ministérielle de cette
façon.
M. Lapointe (Guy): Au niveau des mesures disciplinaires comme
telles, pour le conseil régional, la première réflexion
était qu'une mesure disciplinaire ne doit pas s'exercer contre un
enfant. C'est pour son bien qu'une mesure disciplinaire peut être prise.
Si on parle de centres d'accueil, c'est que, si les enfants y sont, c'est
normalement pour leur bien à eux et toute mesure disciplinaire doit
s'inscrire dans un programme de traitement et non pas, disons, être
étranger au programme d'éducation, de prévention,
d'insertion sociale ou de rééducation. De sorte qu'à ce
moment-là, cela s'inscrit dans un grand programme d'intervention, sauf
qu'en même temps, on est conscient... C'est là qu'on disait: S'il
y a un programme de rééducation ou d'insertion sociale ou de
prévention et que s'y inscrivent les mesures disciplinaires, c'est
nécessaire qu'il y ait quelqu'un qui voit à ce que les grands
programmes dans l'ensemble ne permettent pas qu'il y ait des abus contre les
enfants.
Mme Therriault-Hartenberg: Vous faites mention du
règlement interne. Dans l'article 6, tel que rédigé
présentement, on dit que les centres d'accueil ne peuvent prendre des
mesures disciplinaires contre les enfants qu'ils hébergent que
conformément à des règles internes qui ne doivent pas
déroger aux règlements adoptés à ce sujet par le
lieutenant-gouverneur en conseil.
C'est en relation avec cela qu'on dit que l'établissement devrait
et c'est bien évident; je pense que c'est dans cet esprit que cet
article a été écrit se conformer aux
règlements que, pos- siblement, le lieutenant-gouverneur en conseil
ferait sur les mesures disciplinaires.
Mais, actuellement, on sait que dans les centres d'accueil, ces mesures
disciplinaires sont établies en collaboration avec tout le personnel
à l'intérieur. Plusieurs centres d'accueil, actuellement, le
mentionnent aux jeunes qu'ils ont des services à l'intérieur. Ils
leur disent: La mesure disciplinaire, c'est ceci, c'est cela. Alors, ils n'ont
pas de surprise. C'est dans ce sens que nous mentionnons cela pour être
en conformité avec la stipulation qu'il y a présentement à
l'article 6 en mentionnant que, d'une part, cela devrait être une
régie interne tout simplement comme cela existe actuellement.
M. Forget: Plutôt qu'une réglementation
provinciale.
Mme Therriault-Hartenberg: C'est cela, parce que vous
n'êtes pas sans savoir que les centres d'accueil, de l'un à
l'autre, parfois, ont des particularités et c'est plus facile, je crois,
aux personnes en place de jouer avec une mesure disciplinaire qui, parfois, va
être plus importante ou moins importante, étant directement
impliquée avec sa clientèle.
M. Forget: J'admets, sans doute, qu'il y a des différences
dans les centres d'accueil. Cependant, on pourrait avoir à l'esprit,
dans une réglementation provinciale, des propositions comme celles, par
exemple, formulées par le comité d'étude sur les centres
d'accueil de réadaptation et de détention à l'effet que
sur le plan de la procédure d'application des mesures disciplinaires, un
éducateur qui s'est senti lésé dans l'exercice de son
autorité et de ses responsabilités professionnelles ne soit pas
celui qui applique la mesure disciplinaire, mais qu'on exige l'intervention
d'un tiers, par exemple.
C'est plutôt au niveau de la procédure et cela ne
préjuge pas du contenu de la mesure disciplinaire en quelque sorte.
C'est peut-être une règle d'équité ou une assurance
qui pourrait se retrouver dans une réglementation provinciale, par
exemple. Alors, je crois qu'il faut distinguer le contenu de la façon
d'appliquer la mesure disciplinaire.
Mais vous souhaitez, malgré tout, souligner la
nécessité que toute la réglementation soit faite dans
l'établissement lui-même.
Mme Therriault-Hartenberg: C'est bien cela.
M. Lapointe (Guy): Normalement, par exemple, ce que vous avez
soulevé venant du comité d'étude Batshaw, c'est une mesure
qu'un centre doit inscrire dans son programme d'intervention,
c'est-à-dire qu'au niveau de l'éthique ou de l'intervention de
l'éducateur, si c'est lui qui a été en difficulté
avec tel jeune, tel autre doit intervenir. Mais je pense que le problème
que cela soulève, c'est au cours de la croissance actuelle des centres
d'accueil et de ceux qui exerceraient des mesures
disciplinaires. Est-ce que la population est assez avertie pour pouvoir
apporter des plaintes au conseil régional pour aller voir et
vérifier à ces centres d'accueil? Parce que le conseil
régional a un rôle de surveillance sur les services et, dans les
hôpitaux, c'est fréquent que le conseil régional
reçoive les plaintes, mais, de la part des centres d'accueil, je pense
que cela pose un autre genre de problème.
Maintenant, le conseil régional a un rôle d'intervenant en
regard de ces points.
M. Forget: Est-ce qu'il vous plairait de commenter la
deuxième partie de ma question relativement à l'approbation du
ministre?
Mme Therriault-Hartenberg: Si vous faites allusion, à ce
moment-là, au fait d'avoir une procédure sur les mesures
disciplinaires, je n'y verrais pas d'objection en tant que telle, pour autant
qu'on ait une consultation avec les personnes directement impliquées
à appliquer ces mesures disciplinaires. C'est cela qu'il y a
d'important, c'est au niveau de la consultation. Je pense qu'un par rapport
à l'autre n'est pas contradictoire en soi; seulement, il peut arriver
que ce soit une contrainte qui pourrait, à mon avis, être
néfaste peut-être pour le bien de l'enfant. En fait, c'est ce
qu'on cherche. L'objectif primaire, dans ce projet de loi, c'est l'enfant,
alors, c'est de bien mesurer l'importance qu'un peut avoir sur l'autre. Si vous
jugez qu'une est préférable à l'autre, et bien... Mais je
crois que...
M. Lapointe (Guy): Mais je crois qu'on ne répond pas
à votre question actuellement, ni un ni l'autre. Votre question est de
savoir si le ministère doit intervenir dans les responsabilités
professionnelles au sein des centres d'accueil, par rapport à son
programme de traitement. Et vous nous demandez si le conseil régional
propose cette chose au ministre. Je pense bien que ce n'est pas cela. Votre
question déborde le sens de notre proposition.
M. Forget: C'est ce dont je voulais m'assurer. Je vous
remercie.
M. Lapointe (Guy): C'est beaucoup plus dans le sens que les
règles internes ne dépassent pas une réglementation
générale au niveau de la population.
M. Forget: A l'article 67, vous suggérez un nouveau
libellé qui aurait pour effet d'enlever la limite qui serait
imposée d'office à des placements volontaires en familles
d'accueil. J'aimerais savoir pourquoi vous faites cette recommandation.
Mme Therriault-Hartenberg: On dit dans l'article
présentement "un placement volontaire dans une famille d'accueil ou un
centre d'accueil ne peut durer plus de six mois". Plus loin, on dit: "S'il se
révèle nécessaire que le placement volontaire dure plus de
six mois", on rediscutera de cela. On dit: C'est inverser le problème.
Pourquoi ne pas laisser l'enfant où il est et, si on juge
nécessaire à ce moment, qu'il est préférable pour
lui que son stage soit prolongé, c'est beaucoup plus facile que de le
déplacer effectivement et rediscuter de la chose. C'est inverser les
étapes à ce niveau-là.
M. Lapointe (Guy): II y a aussi une raison qui est
fréquente. C'est que les parents qui ont des enfants très
perturbés, ceux des enfants de six ou douze ans, par exemple, c'est
peut-être plus marqué, quand ils savent que le placement est pour
six mois et qu'il est assez clair qu'ils auraient besoin de plus de six mois au
départ, ou s'ils risquent d'avoir besoin de plus de six mois au
départ, les parents vivent dans une insécurité. Souvent,
dans six mois, les discussions au sujet de l'enfant reprennent. Ce n'est pas
sûr qu'il va pouvoir rester là. Est-ce que les parents vont avoir
l'enfant? C'est le message que les parents reçoivent à ce
moment-là par la loi. C'est incertain que la mesure qui vient
d'être déterminée comme nécessaire va durer. Il y a
une reprise complète. Alors, c'est mieux de dire: L'enfant est
placé pour la durée du besoin, mais au sein de la loi ou dans une
autre loi, la fréquence des révisions de cas... Le comité
d'étude Batshaw souligne aussi cette nécessité qu'à
tous les trois mois ou à un autre rythme, il y ait une
réévaluation qui fait qu'on peut changer la décision. Pour
les parents et l'enfant, il n'y a pas d'insécurité. Ils savent
qu'il est placé et, si la mesure doit être changée et si
une autre mesure doit être prise, c'est la révision continuelle de
cas qui va amener cette décision-là plutôt que de partir du
fait qu'à tous les six mois, automatiquement, il y a une complète
révision qui est faite, une insécurité qui est
donnée.
Mme Therriault-Hartenberg: Le principe à
l'intérieur de notre recommandation, c'est qu'on dit que l'enfant reste
où on le place jusqu'à ce que ce soit nécessaire, mais
avec une révision possible dans six mois. C'est la formulation qui est
différente de celle qui existe présentement, si vous voulez. Au
lieu de dire: dans six mois, on examine, on dit: non, il demeure en place si
c'est nécessaire, mais, dans six mois, on va vérifier si son
stage devrait se poursuivre et s'il est apte à retourner dans sa
famille, etc. C'est tout.
M. Forget: Je vous remercie. A l'article 93, vous suggérez
un nouveau libellé. Cette recommandation, chez vous, en recoupe une
autre contenue dans le rapport du comité d'étude
également. C'est sur la destruction d'office des dossiers.
Je comprends parfaitement ce qui motive une recommandation comme
celle-là, c'est-à-dire d'éviter que demeurent en existence
des documents, malgré qu'ils soient confidentiels mais je ne suis
pas sûr qu'on tienne bien compte du caractère confidentiel de ces
documents lorsqu'on fait cette recommandation malgré tout, on
veut éviter que demeurent des documents qui pourraient
subséquemment, dans la vie d'adulte de cette personne, devenir un
handicap sur le plan social.
D'un autre côté, on sait que le dossier, dans bien d'autres
domaines, est un instrument indispensable à la défense des droits
des personnes à propos desquelles, soit des professionnels, soit
l'administration publique est intervenue. C'est parce que c'est sur la base du
dossier que l'on peut, à l'occasion, obtenir un redressement de torts
qui ont pu être causés. C'est ce qu'on remarque du
côté médical où, loin de demander la destruction des
dossiers, il y a des lois qui assurent que les dossiers demeurent aussi
longtemps que tous les recours légaux n'ont pas expiré par la
prescription des droits de poursuite.
Dans le domaine de l'enfance, on semble, par cette recommandation,
suggérer que la responsabilité professionnelle, dont on a
pourtant défendu le principe ailleurs dans la loi, ne puisse pas avoir
cet effet, c'est-à-dire que l'on présume on semble, du
moins, présumer que les professionnels ne seront pas tenus
responsables d'erreurs de jugement ou de pratiques qui iraient contre
l'éthique ou contre les normes professionnelles
généralement appliquées par leurs collègues ou leur
profession.
Est-ce qu'il n'y a pas une certaine contradiction dans le désir
de protéger généralement les enfants et une recommandation
qui a pour effet de détruire les preuves, dans le fond, par lesquelles
on pourrait assurer que cette responsabilité que l'on confie à
des individus, il va y avoir des moyens de la sanctionner? Ce n'est pas une
protection illusoire, parce qu'elle est de plus en plus utilisée dans
bien des domaines.
J'aimerais que vous commentiez cela un peu.
M. Lapointe (Guy): La question de l'éventuelle
réouverture de dossiers pour un droit d'appel quelconque, en cas de...
Peut-être faut-il ajouter un appendice donnant un laps de temps. C'est
peut-être une question d'expérience, car il y a beaucoup de jeunes
qui ont des démêlés avec la justice. Quand on parle de la
Loi sur la protection de la jeunesse ou de la Loi sur les jeunes
délinquants, dans l'une ou l'autre des deux lois, c'est quand même
exoeptionnel. C'est d'abord l'antériorité de la protection
sociale. De façon fréquente, dans le passé, on a vu des
gens qui ont eu facilement accès à des dossiers judiciaires ou il
est arrivé qu'un jeune a comparu à la cour des adultes et qu'une
partie de son dossier a été, là aussi, connue et
même parfois a été amenée. Il y a même eu des
employeurs qui ont eu accès à des dossiers à la cour.
Je pense que la personne étant jeune, ayant moins de 18 ans, ne
se sent pas... En tout oas, il y a peut-être eu là-dessus des abus
antérieurs d'utilisation des dossiers ou de prise de connaissance des
contenus de dossiers, alors que le jeune n'avait pas de dossier criminel comme
tel. On dit: Pourquoi conserver ces dossiers si, actuellement, cela ne donne
rien au niveau de sa vie adulte de le conserver et s'il y a des risques que ce
soit utilisé? Comme son passé, c'est sa période de
formation, est-ce que la société peut en assurer la disparition?
Pourquoi les oonserver?
Mme Therriault-Hartenberg: Le danger, c'est que, si vous avez un
enfant qui a commis un délit mineur, vous le poursuivez toute sa vie
avec un dossier auquel plusieurs personnes peuvent avoir accès. S'il
veut vraiment se réhabiliter dans la société, c'est assez
difficile. Je trouve que c'est lui faire porter le fardeau de sa faute assez
longtemps. Je pense que c'est dans le sens de vous sensibiliser à
l'importance de conserver ou de détruire des dossiers, parce que, quand
même, vous avez plusieurs cas où les enfants n'ont qu'une fugue ou
commettent un délit mineur. A ce moment, je trouve que c'est
exagéré qu'on lui fasse supporter une pénalité pour
le reste de sa vie. Ce n'est pas une question de vouloir enlever les droits aux
membres de la société, mais c'est une question de
réhabilitation à ce moment.
Si, par exemple vous le savez les gens font une demande
pour travailler dans un corps policier ou pour l'armée et qu'ils ont un
dossier judiciaire, ils ne peuvent pas; ils sont refusés pour cela.
M. Lapointe (Guy): C'est une double question. C'est
l'accès à ces dossiers qui ne doivent pas, pour aucune raison,
être entre les mains d'employeurs. De façon particulière,
on peut dire la police, par exemple. C'est certain que quelqu'un qui a
passé à la Cour de bien-être social, qui a
été confié à un centre d'accueil en vertu de
l'article 20 de la Loi sur les jeunes délinquants ne peut pas être
admis dans un corps policier ou dans un corps de pompiers de la ville de
Montréal.
C'est quand même une espèce d'ostracisme à
l'égard de jeunes qui ont été réhabilités,
et qui continue à durer. Quand ces corps ont la facilité, avec
leurs contacts, d'obtenir des dossiers ou copies des dossiers, je pense que
c'est néfaste pour un jeune. Au moins, qu'on garantisse qu'il n'y ait
aucun dossier qui puisse être accessible à qui que ce soit au
niveau judiciaire.
M. Forget: Vous voulez faire une distinction entre dossier
judiciaire et toute autre espèce de dossier. Vous établissez une
distinction entre le dossier, par exemple, qui serait maintenu par le centre de
services sociaux et le dossier judiciaire proprement dit.
Mme Therriault-Hartenberg: Ce serait très important.
M. Forget: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je veux me joindre au
ministre aussi pour remercier de son mémoire le Conseil régional
des services sociaux de Montréal métropolitain. Je ne peux pas
oublier non plus que celui qui nous le présente est le directeur
général de Boscoville, ce qui peut nous amener à des
précisions sur un certain nombre de
questions. Je voudrais m'en tenir quand même au corridor que vous
avez choisi vous-même, celui de votre mémoire, celui de la
régionalisation et du partage des responsabilités. Il faudrait y
revenir dans quelques instants; je me suis fait apporter un document qui
devrait m'arriver bientôt.
Je vais enchaîner sur les questions du ministre qui m'ont
semblé théoriques tout à l'heure à propos des
mesures disciplinaires. J'aimerais savoir, par expérience
concrète, quelles sont donc les mesures disciplinaires dont on parle
avant de savoir si cela doit être laissé aux mains mêmes
d'une institution ou s'il doit y avoir une sorte de réglementation
provinciale à cet effet. Les mesures disciplinaires, telles que j'ai pu
les percevoir dans les centres d'accueil et les informations que j'ai pu avoir,
il y en a de deux sortes. L'une consisterait à une diminution de la
liberté de mouvements, disons encore plus grande que celle qui est
automatique quand on est dans un centre d'accueil. Par exemple, on m'a
informé que, dans certains centres, un jeune qui avait fait une fuite
pendant un certain temps, qui récidivait dans un espace de temps assez
limité, pouvait être confiné à sa chambre ou
à sa cellule, dans certains cas, pendant un certain temps. Ces
règlements sont connus des jeunes. Les jeunes aveo lesquels j'ai
parlé dans les centres d'accueil me disaient: Cela marche comme cela
ici. Si tu fais cela, c'est cela qui arrive, et si tu fais cela, c'est cela qui
arrive.
L'autre mesure disciplinaire qui est venue à ma connaissance,
c'est celle dans les institutions où on fonctionne avec une
rémunération au travail. Les jeunes sont appelés à
faire différentes tâches, peuvent recevoir un salaire vraiment
minime mais qui peut leur permettre de faire des dépenses à leur
guise. Dans le cas de mal comportement par rapport à l'éthique de
la maison, on va couper son salaire. Il recevra donc moins que ce qui
était prévu pour le travail qu'il avait à faire.
Est-ce qu'il existe d'autres mesures disciplinaires dans les centres
d'accueil, des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'à
l'application physique sur le jeune? Dans cet esprit, une fois qu'on aura
identifié quelles sont les mesures disciplinaires dont on parle,
j'aimerais que vous repreniez, un tant soit peu, l'argumentation que vous avez
eue avec le ministre sur le sujet de votre recommandation à l'article
6.
M. Lapointe (Guy): Je pense qu'il y a une chose qui est
essentielle, et que le comité d'accueil souligne aussi. La question, par
exemple je crois que cela arrive de tenir un enfant debout trois
heures durant. Un éducateur qui perd patience et qui frappe un enfant.
Il semble que ce genre de choses arrivent encore dans des endroits. Je pense
que c'est à ce point de vue que la population, par le
législateur, doit voir à ce que les enfants ne soient pas
maltraités, au moins dans les mesures sociales qu'on doit prendre
à leur égard, et qu'à ce moment, on doit exiger d'une
équipe d'être assez compétente pour avoir des
règlements, avoir un programme dans lequel les règles sont
connues autant des parents, ce qui est bien aussi... C'est comment à la
fois voir à ce qu'on assure que les enfants ne soient pas
maltraités quand on parle de mesures disciplinaires contre les
enfants, c'est ce que j'ai été porté à comprendre
mais à la fois aussi sans intervenir dans des programmes de
traitements qui sont faits dans des perspectives cliniques. Je ne sais pas si
je comprends assez bien votre question.
M. Charron: Vous dites que chacune des maisons a ses propres
mesures disciplinaires. Par exemple, Berthelet, pour prendre des exemples
concrets, a une série de cellules qui sont à peu près de
six pieds sur huit en tout cas, vous le connaissez comme moi
elles sont en bas, cela s'appelle le trou. Il peut arriver, à un moment
donné, qu'un jeune soit envoyé dans le trou. Ce ne sont pas
toutes les maisons, ce ne sont pas tous les centres d'accueil qui ont ce genre
de trou et qui ont ces mêmes mesures disciplinaires pouvant aller
jusqu'à une réclusion fermée pendant un certain temps dans
une pièce sans air et sans fenêtre. Est-ce qu'il existe d'autres
mesures disciplinaires que celles que je vous ai mentionnées, soit une
diminution de la liberté de mouvements ou une diminution sur le gain en
argent qu'on peut avoir?
M. Lapointe (Guy): II y a d'autres mesures. Si on prend une
mesure disciplinaire au sens traditionnel du mot, on peut parler de mesures
cliniques. Par exemple, il y a un des points qui porte sur la
confidentialité, la correspondance des enfants. C'est certain que c'est
parfois restreint, c'est un droit fondamental des enfants d'être capables
d'écrire et recevoir du courrier. C'est un droit qui est parfois
restreint pour des raisons précises mais qui ne doivent pas être
arbitraires. C'est ce qui est important au niveau d'un programme à
établir au niveau de chacun des centres. C'est comment s'assurer que,
dans chacun des centres, le programme respecte les droits et, quand il y a des
mesures restrictives qui sont prises sur des droits des enfants, c'est en
regard de leur bien et que c'est connu et accepté de l'enfant ou des
parents ou d'un groupe interdisciplinaire.
Par exemple, je parle de la confidentialité de la correspondance,
des appels téléphoniques d'un jeune. C'est évident qu'il
doit, de façon inaliénable, avoir le droit d'écrire
à des organismes publics, le protecteur du citoyen, la cour,
c'est-à-dire son juge, les officiers du CSS ou tout autre officier
public, tout corps public, et recevoir sans aucune intervention d'aucune
direction d'un établissement ou d'un organisme à ce sujet...
Par contre, si je prends le cas d'un jeune qui a eu des
démêlés avec la justice, qui est pris dans un trafic de
drogue ou dans un trafic de diamants, ou n'importe quoi, ou dans un groupe
d'homicides ou dans le monde interlope, c'est certain que je ne peux pas lui
permettre de communiquer avec son groupe ou sa "gang" le lendemain matin, pour
dire: Ecoute, téléphone, les gars vont t'apporter une arme
à feu, tu peux t'emparer de quelqu'un et partir avec. Il y a une
restriction qui est nécessaire à cause de l'agissement, à
un moment donné.
Mais cela doit être un programme pour le bien du jeune, et
établi de façon claire.
M. Charron: Quelle est la règle, à Boscoville, sur
la confidentialité de la correspondance?
M. Lapointe (Guy): Je ne sais pas, là on risque de partir
du conseil régional à Boscoville...
M. Charron: Je veux juste cette parenthèse, pour nous
donner un exemple sur l'article 9.
M. Lapointe (Guy): La règle de confidentialité pour
les jeunes à Boscoville, par rapport au courrier, vous voulez dire?
M. Charron: Oui.
M. Lapointe (Guy): Bon, pour un nouvel arrivé, par
exemple, quant au courrier, au téléphone et à la
communication avec l'extérieur en général, les
communications se font avec l'éducateur, le jeune et la famille au
départ. En cours d'acclimatation, disons après au maximum deux
mois, il y a des boîtes téléphoniques qui sont accessibles
à tous les jeunes; à moins de cas très exceptionnels,
après une étude disciplinaire, il n'y aura pas restriction
à ces droits après une période d'acclimatation.
M. Charron: D'accord. Je voudrais vous demander maintenant, en
faisant référence au rapport Batshaw lui-même... La
recommandation 42 du rapport Batshaw vi. e, à mon avis, directement le
CRSSS de Montréal métropolitain ou n'importe lequel CRSSS, en
fait. Le rapport Batshaw suggère la création elle a
déjà été refusée d'une direction
régionale ayant pour rôle de diriger et coordonner les
activités des organismes chargés de donner les services aux
jeunes mésadaptés sociaux, c'est-à-dire les centres
d'accueil et les organismes privés. Je pense être dans le corridor
où vous avez vous-même choisi d'intervenir.
Plaidant pour cette direction régionale, le rapport Batshaw
mentionne un certain nombre de tâches. Je vais vous les mentionner
à nouveau, il y en a cinq, et j'aimerais que vous me disiez si, à
chaque endroit, vous croyez que les CRSSS, tels qu'existant en vertu de la loi
65, le chapitre 48, peuvent accomplir cette tâche. Parce que, à
mon avis, cela a été le contenu de la réponse du ministre.
Quand le ministre a refusé cette recommandation du rapport Batshaw, il a
plaidé si je l'ai bien compris aussi et si j'ai bien lu ce qu'on
m'en a rapporté le fait que cette compétence est de toute
façon déjà comblée.
Premièrement, cette direction générale aurait le
développement d'un éventail des mesures pour jeunes
mésadaptés sociaux. Partant des besoins des jeunes de la
région et s'inspirant de la liste de douze mesures qu'on propose
ailleurs, elle aurait pour mission de développer un éventail des
mesures qui puissent répondre le plus parfaitement possible aux besoins
de la région. En d'autres termes, la direction générale
définit les politiques générales en matière de
développement de mesures pour jeunes mésadaptés.
Sur ce premier point j'en ai cinq ma question est donc:
Est-ce que le CRSSS, tel que structuré actuellement, peut remplir cette
tâche? Deuxièmement, est-ce que le CRSSS, tel que structuré
actuellement en vertu de la loi 65, peut faire cette deuxième
tâche, que je cite: Définir le mandat des centres d'accueil de la
région; la direction générale devra, au moins à
tous les deux ans, entreprendre des négociations avec les centres
d'accueil de la région en vue de définir leur mandat.
Le mandat devrait comprendre, entre autres choses: objectifs
opérationnels du centre, critères d'admission, mesures offertes
aux jeunes. Il devrait être conçu comme un contrat qui lie aussi
bien la direction régionale que le centre d'accueil.
Troisième question: Est-ce que le CRSSS, tel que construit
actuellement, en vertu de la loi 65, a le pouvoir de faire cette
troisième tâche, soit d'approuver le budget des centres
d'accueil?
Quatrièmement, le CRSSS actuel a-t-il le pouvoir d'accomplir
cette quatrième tâche, les ententes avec les organismes
privés de la région? Batshaw ajoute que la direction
régionale pourrait demander à des organismes privés
d'assumer certains services ou de développer certaines mesures. Elle
pourrait le faire en signant un contrat, soit en achetant des placements, etc.
Tout cela devient des détails, en fin de compte.
Cinquième responsabilité que le rapport Batshaw voulait
voir remettre à la direction régionale: Est-ce que le CRSSS peut
contrôler la qualité des services rendus par les centres d'accueil
et les organismes privés?
Ma question peut paraître ambiguë, mais elle est très
simple. Est-ce que ces tâches qui je pense que tous les membres de
la commission en conviendront doivent être accomplies peuvent
être, actuellement, accomplies par les structures existantes du
réseau des affaires sociales ou s'il faut se rendre à l'avis de
M. Batshaw, que ce n'est pas actuellement accompli et qu'il faut donc
créer une structure supplémentaire, soit une direction
régionale au niveau de chacune des régions socio-sanitaires du
Québec?
M. Lapointe (Guy): Je pense qu'il est un peu
prématuré pour le conseil régional, comme tel, de se
prononcer en détail là-dessus, comme en détail comme sur
le comité Batshaw. On est en possession du rapport de façon tout
à fait récente. Les permanents du conseil régional comme
les membres du conseil d'administration ont commencé à
l'étudier dans les différentes régions.
M. Charron: Mais le CRSSS l'a déjà
commenté.
M. Lapointe (Guy): Non. Le Centre des services sociaux de
Montréal métropolitain a fait un premier commentaire.
M. Charron: Je reviendrai avec cela tantôt.
M. Lapointe (Guy): Le conseil régional a commencé
à l'étudier...
Au niveau de la loi, je pense bien que le ministre peut confier un
ensemble de responsabilités au conseil régional. La loi le
permet. Si on regarde, au chapitre 48, les fonctions principales du conseil
régional, on voit que le conseil régional a, de façon
particulière, un pouvoir de faire des recommandations annuellement au
ministre. De façon précise, on voit ici: "de promouvoir la mise
en place de services communs à ces établissements,
l'échange de services entre eux, l'élimination des
dédoublements de services et une meilleure répartition de ces
services dans la région; de conseiller et assister les
établissements dans l'élaboration de leurs programmes de
développement et de fonctionnement, d'assumer les fonctions que le
ministre lui confie pour l'exécution de tels programmes."
Alors, il est évident que les différents conseils
régionaux peuvent assumer peut-être une partie... Je ne sais pas
si vous voulez qu'on les reprenne les unes après les autres, mais je ne
peux pas me prononcer ce matin au nom du conseil régional puisque le
conseil d'administration n'a pas eu...
M. Charron: Ecoutez. Sans que vous vous prononciez sur un
document que vous avez absolument droit de considérer plus longuement
avant de prendre une position publique, j'aimerais que vous informiez les
membres de la commission sur le fonctionnement actuel du CRSSS dans ce domaine.
Est-ce qu'effectivement, si je prends le troisième point, actuellement,
c'est le CRSSS qui approuve les budgets des centres d'accueil?
M. Lapointe (Guy): Non.
M. Charron: Est-ce, actuellement, les CRSSS qui ont le pouvoir
d'établir des ententes avec des organismes privés de la
région en vue de développer certaines mesures pour jeunes?
Mme Therriault-Hartenberg: Les ententes se font entre les
diverses catégories d'établissements. Le conseil régional
n'a qu'un pouvoir de promouvoir cette action, parce que c'est plus facile pour
un échange de services entre les diverses catégories à ce
moment.
M. Charron: Est-ce que le CRSSS a, actuellement, le pouvoir de
définir le mandat des centres d'accueil dans la région?
M. Lapointe (Guy): Une fois par année, actuellement, le
conseil régional a le pouvoir de faire des recommandations au ministre
sur l'ensemble des ressources dans le réseau des centres d'accueil, des
CLSC et tout ce que vous voulez, tous les organismes sociaux et de
santé, de sorte que, par rapport au développement de mesures,
c'est plus au niveau de la définition de mandat ou des objectifs. C'est
plus par rapport à l'ensemble des besoins de la région, des
ressources recueillies ou du réaménagement de ressources que le
conseil régional a un pouvoir de faire des recommandations, selon la
loi, au ministre.
M. Charron: Mais, quant à la cinquième tâche,
qui est peut-être la plus importante, est-ce que le CRSSS, dans la
structure actuelle, exerce un contrôle sur la qualité des services
rendus par les centres d'accueil et par les organismes privés du
territoire de la région?
Mme Therriault-Hartenberg: On pourrait dire qu'il exerce une
certaine forme de contrôle par son département des plaintes. Si,
par exemple, quelqu'un qui reçoit des services dans un
établissement n'est pas satisfait, il a toujours, au moyen d'une
plainte, une possibilité, mais il n'a pas un contrôle en tant que
tel. Encore là, il a un pouvoir de recommandation au ministre pour que
des correctifs soient apportés.
M. Lapointe (Guy): Dans chacun des organismes sociaux
prévus, ceux qui sont publics ou parapublics, il y a un contrôle
de la qualité des services par la direction des services professionnels.
Au niveau des organismes, la suggestion, si j'ai bien compris, était,
pour les organismes privés, de voir à ce que la qualité
des services dans ces organismes privés, soit assurée là
aussi.
M. Charron: M. le Président, j'ai posé ces
questions et je veux clarifier tout de suite aussi je ne veux
endosser aucune des recommandations du rapport Batschaw, moi non plus, en me
lançant la tête contre les murs, sauf que ces tâches, les
cinq que j'ai mentionnées et sur lesquelles j'ai posé des
questions à nos invités, ce matin, sont des tâches qui
doivent être nécessairement accomplies. Une des difficultés
du réseau actuel, dans tout le domaine des centres d'accueil, est
qu'effectivement chacune de ces tâches a été accomplie
tantôt par l'un, tantôt par l'autre, tantôt dans le conflit
de l'un avec l'autre. C'est clair, dans ce dont j'ai pu prendre connaissance du
rapport Batshaw actuellement. Je n'appuie pas nécessairement non plus sa
solution de dire qu'il faut créer une direction régionale
uniquement pour cela. Mon inquiétude était la suivante. Sans me
rendre à la nécessité, encore une fois, de créer
une structure additionnelle qui s'appellerait une direction régionale
ayant pour rôle de diriger et de coordonner les activités pour les
jeunes, je veux quand même m'assurer que ces tâches sont remplies.
Si, comme le ministre, on doit refuser cette recommandation de la
création d'une direction régionale supplémentaire, j'en
conviendrai à condition que l'on me dise que ces cinq tâches
seront effectivement accomplies par les CRSSS semblables à celui que
nous avons devant nous ce matin.
D'après les réponses qu'on vient de me fournir, il me
semble plutôt obscur que chacune de ces cinq tâches soit
effectivement accomplie par une autorité effectivement nommée
dans la structure sur laquelle nous pouvons reposer. Par exemple, je ne peux
pas me satisfaire de ce que le contrôle de la qualité des services
rendus dans les
maisons d'accueil soit actuellement dit assumé par les CRSSS
parce que les CRSSS ont un service de plaintes. C'est un contrôle a
posteriori et très souvent après que le gâchis a eu lieu.
Je pense que le rapport du comité Batschaw parle d'un contrôle
avant que cela ne dégénère en conflit, avant qu'on ne soit
obligé de mettre des institutions en tutelle, avant qu'on ne soit
obligé de faire des bingos, avant qu'on ne soit obligé de
détruire des murs pour reconstruire. Est-ce que c'est effectivement
rendu? J'espère que ma question aux représentants du CRSSS est
claire dans cette affaire. Je ne soutiens pas la recommandation du rapport
Batschaw nécessairement, parce que j'ai les craintes, aussi, au sujet de
la création de structures additionnelles, mais je soutiens amplement
chacune des cinq tâches pour lesquelles on a cru bon de construire cette
structure.
M. Lapointe (Guy): Votre préoccupation de ne pas
dédoubler les structures rejoint la nôtre, mais je pense bien que
les pouvoirs du conseil régional ne comprennent pas tous ces pouvoirs.
Je crois qu'une des choses à éviter, c'est le double emploi. On
pourrait parler ici du comité de surveillance, si on revient à la
loi. On nous soulignait que le conseil régional a un rôle à
jouer à ce niveau. C'est la même chose ici dans l'ensemble de ce
mandat. Le conseil régional a un rôle de recommandation annuelle
au ministère. Il faudrait éviter un double emploi, mais c'est ce
qu'on dit: Le conseil régional, dans un avenir assez bref, fera
connaître ses positions à ce sujet.
Mme Therriault-Hartenberg: Votre préoccupation me semble
être d'un ordre préventif et je suis tout à fait d'accord
avec vous là-dessus, mais il ne faut pas ignorer que les conseils
régionaux n'ont été mis en fonction que depuis deux ans.
Alors, vous nous introduisez dans un système où on est pris, si
vous voulez, pour arranger les pots cassés.
M. Charron: Ce n'est pas moi qui le fais. C'est de l'autre
côté que cela se passe.
Mme Therriault-Hartenberg: C'est une réalité qu'il
ne faut quand même pas que vous ignoriez.
M. Charron: Dans les réactions du ministre, si je peux me
permettre de faire ce commentaire sur ce sujet, dans le rapport Batshaw, ce
qu'il a accepté et ce qu'il a refusé, un des points qui m'est
apparu parmi les plus faibles de son argumentation, en refusant ces structures,
c'est de dire que cette tâche sera comblée par des tables
régionales de concertation et de programmation. Personnellement, je ne
crois pas à cette norme, si elle n'est pas effectivement
identifiée quelque part et si elle se fait à la bonne franquette,
si elle est basée sur la volonté de collaboration d'une
institution ou d'une structure déjà existante ou d'une nouvelle
structure. On n'aboutira à rien, à mon avis, si ce n'est pas
précisé; ou je n'ai alors absolument rien compris à ce que
le rapport Batshaw voulait dire dans les améliorations et dans les
structures administratives qui devaient être apportées.
J'ai une dernière question, M. le Président, à
poser aux représentants. Je vais avoir de la difficulté à
la retrouver, mais peut-être que le ministre peut m'aider, lui qui a une
excellente mémoire.
Lorsque nous avons rencontré l'Association des centres de
services sociaux du Québec, qui s'est présentée à
cette table avant vous, entre autres se trouvait le CSSMM, dont on vient de
faire mention et qui était membre de la délégation. J'ai,
sur l'article 37, sa recommandation. Je fonctionnais de mémoire, mais,
voilà, j'ai le document. A propos de la surveillance, l'article 37 de la
loi stipule que le "conseil de surveillance a pour fonction de surveiller
l'application générale de la présente loi dans la
région pour laquelle il est formé, d'informer la population des
dispositions de la présente loi, de recevoir et d'étudier les
plaintes du public et d'effectuer toutes autres tâches qui peuvent lui
être confiées par la commission et le ministre." La réponse
des centres, je ne veux pas caricaturer, mais je veux simplifier, leur
réponse, c'est qu'il n'y a pas besoin de faire un conseil de
surveillance, il y a déjà toutes les structures sociales qui sont
faites pour eux, d'ailleurs vous-même vous en avez fait mention. Or, eux
ils nous proposaient, ils ont fait comme vous, ils ont mis une proposition
différente suivant l'article. Ils ont dit: Nos commentaires sont les
suivants sur cet article:
Les fonctions de surveiller l'application générale de la
présente loi de même que d'informer la population sur les
dispositions seraient dévolues à la commission de la jeunesse,
celle qui est créée dans les articles précédents de
la loi.
Ils disent, quant aux responsabilités concernant les plaintes,
qu'elles seraient assumées de la façon suivante: les plaintes
pour services non fournis, les CRSSS; les plaintes relatives aux services
rendus, le directeur des services professionnels du CSS; les plaintes relatives
aux actes professionnels posés, le Code des professions; les plaintes
relatives au fonctionnement du CLO, la Commission de la protection de la
jeunesse.
Cela nous a fait dire, à nous je dis à nous parce
que d'autres députés se sont joints à moi sur cette
remarque lorsque nous les avons rencontrés que, devant toute
cette multitude d'endroits où se plaindre selon le cas, la nature de la
plainte, une chatte ne retrouverait plus ses chats et que, la plupart du temps,
cela va arriver sur le bureau du député. On va dire: Qu'est-ce
que je vais faire? C'est le député qui va dire: Ecoutez, il y a
le CRSSS qui existe pour cela, il y a le CSS qui existe pour cela ou, à
la rigueur, le CLSC du coin qui existe pour cela. Je ne sais pas.
Ils ont donc voulu séparer les différentes plaintes qu'il
y avait mais ils avaient bien spécifié que la surveillance de
l'application de la loi et l'information de la population relèveraient
de la commission de la jeunesse qui est formée dans cette loi. Or, je
n'essaie pas de vous mettre en conflit avec l'Association des centres sociaux,
mais vos deux témoignages sont tellement importants qu'il faut que nous
nous y retrouvions aussi.
Le CRSSS de Montréal métropolitain nous dit à la
fin de son mémoire, à la première page de sa
conclusion: C'est pourquoi, en conclusion, nous ne voyons pas
l'utilité d'instaurer une commission de protection de la jeunesse alors
que ce travail peut être facilement assumé par la Commission des
affaires sociales, celle qui existe en vertu de la loi 40.
Vous répétez plus loin: "1- Que l'application de la Loi de
la protection de la jeunesse concernant la protection sociale des jeunes soit
confiée aux centres de services sociaux, en conformité avec
l'esprit de la Loi sur les services de santé".
Eux, ils nous ont dit que cela devait être à la commission
de la protection de la jeunesse. Vous, vous nous dites: II ne devrait pas y
avoir de commission de la protection de la jeunesse, que cela devrait
être à eux, eux-mêmes qui sont venus ici, nous demandant de
les dépouiller de cette tâche.
Maintenant, c'est nous qui nous ne nous y retrouvons plus, si nous
voulons faire un bon travail. Vos témoignages, je veux dire ceux des
CSS, bien sûr, auxquels nous avons consacré beaucoup de temps
lorsqu'ils sont venus, au nom de l'association et ceux des CRSSS qui ont
effectivement, en vertu de la loi 65, les pouvoirs de recevoir les plaintes, il
va falloir que quelqu'un, de ce côté-là de la table,
s'entende pour nous suggérer une structure à partir de laquelle
nous pourrons travailler pour l'inclure dans la loi, au besoin. Mais comme
c'est là, nous sommes devant des propositions presque
contradictoires.
Mme Therriault-Hartenberg: Je pense qu'il n'y a pas de
contradiction. On est sensiblement au même niveau. Il faut simplement
faire une différence. Si ma mémoire est bonne, le CSSMM a fait
une différence entre la protection sociale et la protection judiciaire.
C'est ce que nous faisons nous aussi.
Nous disons que présentement, c'est notre philosophie de base
concernant le mémoire, la protection sociale existe par les centres
d'accueil, les familles d'accueil et tout ce que vous pourrez
développer, tel que recommandé par la commission Batshaw.
On dit là-dessus: Pourquoi embarquer une autre structure telle
que le projet de loi le demande présentement puisqu'elle existe? On dit:
On ne se préoccupera, à ce moment-là, que de la protection
judiciaire. La protection judiciaire, pour nous, c'est une loi d'application
d'exception, c'est-à-dire au moment où un enfant a des
problèmes vraiment judiciaires à ce moment-là. Là,
on rejoint encore une fois les centres de services sociaux là-dessus,
sauf que nous, nous avons été plus loin en regardant ce qui
existe présentement.
On a dit: Dans la structure actuelle, il y a une nouvelle commission des
affaires sociales qui a été instituée l'année
dernière, qui s'occupe de l'aide des allocations sociales, de la
protection du malade mental, des services de santé, des services sociaux
et des régimes de rentes. Alors, on a dit: Pourquoi ne pas prendre la
structure qu'on a actuellement et lui mettre une commission à
l'intérieur, une deuxième branche, si vous voulez, qui
s'occuperait de la commission de la protection de la jeunesse?
M. Charron: Je leur ai posé, madame, cette question,
lorsqu'ils sont venus, les gens de l'association. Ils nous ont même
affirmé je n'étais pas d'accord avec cela; en anglais, on
dit le "hard core" que l'objet principal de l'avant-projet de loi que
nous avons, c'est la création de la commission de la protection de la
jeunesse. Eux, ils rassemblaient tout là. C'était la "king-pin"
à partir de laquelle tout allait découler.
Mais à mon avis, non, ce qu'il y a d'innovateur dans le projet de
loi, c'est le CLO, beaucoup plus que la commission de la protection de la
jeunesse. Je leur ai signalé que la commission des affaires sociales
existait, un peu comme vous le faites ce matin, qu'à la rigueur elle
pourrait remplir cette tâche de recevoir les plaintes et de surveiller
l'application de la loi.
Je vous réfère aux témoignages enregistrés
qu'ils nous ont donnés lorsqu'ils sont venus. Pour eux, cette structure
n'était pas satisfaisante, ils s'en tenaient au projet de loi tel qu'il
est là, et que la commission de la protection de la jeunesse devrait
être à part.
Je ne dis pas que c'est une contradiction, mais il y a une
différence, je pense, dans vos positions.
Quant à votre réponse si vous me permettez
d'enchaîner avec cela pour conclure à ma dernière
question, vous nous ramenez à cette dualité du social et du
judiciaire qui est l'objet même de notre rencontre. Lorsqu'il s'agit de
parler de jeunes, je ne suis pas certain, à moins de refaire la loi de
fond en comble, que cette dualité soit maintenue partout et tout le
temps dans la loi. Il va falloir, à un moment donné, identifier
on parlait de plaintes tantôt ce qui est une plainte quant
au comportement judiciaire, quant à l'aspect judiciaire, avec
possibilité d'appel, de tribunaux, etc. le ministre de la Justice
est ici pour cela et ce qui est plainte concernant le déroulement
social de la réhabilitation et de la réadaptation du jeune, soit
traitements dans les maisons, rapports avec les éducateurs,
thérapie, etc., ce qui est une tout autre chose.
Ce sont deux canaux qui, à mon avis, sont intrinsèquement
mêlés dans le projet de loi. C'est peut-être pour cela qu'on
a une ambiguïté encore ce matin, quand on essaie de trouver la
structure la plus efficace possible.
M. Lapointe (Guy): Je ne sais pas si je comprends bien la
question que vous voulez nous poser. Je pense bien qu'il y a déjà
une commission pour les enfants maltraités qui a été mise
sur pied. Il y a déjà la Loi sur les services de santé.
Actuellement, dans cette loi, des mesures sont relatives aux services.
Quand on parle de la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est une
mesure exceptionnelle que les gens prennent et qui est prise par le juge. A
huis clos, par exemple, on va déterminer qu'on enverra le jeune
chercher, au niveau des services
sociaux, les services requis, étant donné la
gravité ou les refus d'aide volontaire, d'accepter de l'aide. C'est
envoyé aux tribunaux. L'utilisation, c'est toujours une mesure
judiciaire additionnelle. Tout doit ordinairement passer par les services de
santé et les services sociaux qui existent avant d'aboutir à une
structure judiciaire. La Loi de protection de la jeunesse est une loi
exceptionnelle pour nous autres.
M. Charron: Vous la développez essentiellement du
côté social, plus que du côté judiciaire. La
structure que vous nous proposez, dans les amendements à la loi, c'est
beaucoup plus pour la fonction sociale de réhabilitation?
M. Lapointe (Guy): Pour la fonction sociale, la structure existe.
Les CSS, la Commission des affaires sociales, les services de santé et
services sociaux à la Commission des affaires sociales ont
déjà comme responsabilité de les surveiller. C'est qu'au
niveau de l'utilisation de la loi de protection des jeunes délinquants
le titre va changer éventuellement sont traités
à tous égards actuellement comme ceux qui sont jugés par
le juge en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.
C'est évident qu'il faut un groupe, que la commission de la
protection de la jeunesse est nécessaire, mais on envisageait la
possibilité d'élargir le mandat de la commission des affaires
sociales existante, plutôt que de créer une commission tout
à fait autonome. Si une commission autonome est préférable
pour être mieux identifiée auprès de la population, on n'a
pas d'objection, mais on trouve nécessaire de la rattacher au
ministère des Affaires sociales pour que toutes ces mesures puissent
être attachées au même ministère. Il ne faut pas
qu'il y ait d'ambiguïté entre les deux ministères et que la
population ne sache pas où s'adreser, pour obtenir les services des
organismes.
M. Charron: D'accord. J'ai fini, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions? On vous
remercie, M. Lapointe et votre compagne, des suggestions faites à la
commission.
J'inviterais à présent, M. Jacques Duval,
secrétaire général de la Corporation professionnelle des
travailleurs sociaux du Québec. Je vous inviterais à
présenter celle et celui qui vous accompagnent.
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux
du Québec
Mme Leduc (Claire): Je m'appelle Claire Leduc, présidente
de la Corporation des travailleurs sociaux. J'ai, à mes
côtés, à ma droite, M. Roméo Malenfant, membre du
bureau de la corporation et, à ma gauche, M. Jacques Duval,
secrétaire-général de la Corporation des travailleurs
sociaux. M. le Président, M. le ministre des Affaires sociales, M. le
ministre de la Justice, MM. les dépu- tés, cher public, la
Corporation des travailleurs sociaux est une corporation professionnelle
composée de 1,600 membres. Les travailleurs sociaux ont, par tradition,
toujours été impliqués dans les problèmes des
jeunes. C'est vraiment avec beaucoup d'intérêt que nous avons
suivi les travaux de l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse.
Nous avons d'ailleurs présenté un mémoire lors de la
dernière commission parlementaire.
D'une façon globale, nous pouvons dire que nous sommes
très favorables aux modifications dans l'actuel avant-projet de loi.
Nous croyons vraiment indispensable de faire passer la protection sociale avant
les aspects judiciaires lorsqu'un problème avec un jeune se pose.
Le changement de la loi actuelle nous apparaît indispensable. Nous
désirons enrichir le présent projet de loi. Par nos prises de
position, nous désirons insister sur la nécessité, tout
d'abord, d'une déclaration des droits de l'enfant. Nous croyons que la
notion d'intérêt de l'enfant est vraiment la perpétuation
d'un paternalisme ou, en service social, de tendances maternelles
sûrement exagérées à l'égard des enfants.
Nous croyons qu'il est indispensable de faire reposer toutes nos interventions
sur le plan social sur les droits des jeunes. Plusieurs groupements vous ont
présenté différents droits qui doivent être
respectés. Nous ne reviendrons pas là-dessus. Nous
espérons que le législateur pourra incorporer à
l'avant-projet de loi une charte des droits de l'enfant sur laquelle reposeront
toutes les interventions des professionnels. Nous croyons aussi qu'il est
indispensable d'élaborer une philosophie et des politiques sociales pour
l'enfance et la famille. Nous pensons qu'à l'heure actuelle, plusieurs
ministères, dont le ministère des Affaires sociales, de la
Justice et de l'Education, et aussi le travail et les loisirs sont
impliqués, mais qu'il n'y a pas de consensus à l'intérieur
de notre société. Je pense qu'il y a des morceaux qui se mettent
ensemble, mais c'est assez difficile dans leur articulation.
Nous pensons aussi qu'il doit exister au Québec un climat qui
favorise la responsabilité parentale et sociale à l'égard
des enfants ainsi que l'autonomie des individus et des familles. Je pense qu'il
est un peu trop facile au Québec de placer ses enfants. Par contre, il
n'y a peut-être pas suffisamment de services de support permettant aux
parents d'assumer leurs responsabilités. Nous croyons aussi que l'un des
rôles de la future commission pourrait être une campagne
d'information sur le rôle des parents. Je pense aussi au travail que font
les unions de familles et autres groupements dans ce sens. Ils sont, à
mon avis, extrêmement positifs. Dans ce contexte, nous croyons que
l'application des mesures de protection doit être minimale, dans le sens
que ce devraient être des cas d'exception qui passent devant le
comité, qui soient acceptés du moins par le comité local
d'orientation. On doit, à mon avis, favoriser la responsabilité
personnelle des gens et les engager à utiliser les services sociaux et
de
santé et les autres services qui existent dans la
communauté. Par contre, il est vrai que des jeunes sont en grave
difficulté, par négligence ou par leur comportement, et
qu'à ce moment, leur protection est absolument indispensable.
Nous désirons aussi insister sur la nécessité, tout
au moins en termes de services, de la prise en charge de la protection de la
jeunesse par le ministère des Affaires sociales. Nous croyons que les
jeunes en difficulté doivent être aidés dans le contexte le
plus humain possible. Il est donc important de réduire au minimum
l'aspect judiciaire du processus actuel. Le législateur doit aussi
songer sérieusement à alléger les structures
proposées en les intégrant au réseau actuel de services
sociaux, de santé et scolaires. Evidemment, la corporation des
travailleurs sociaux ne désire pas vraiment s'impliquer à ce
niveau. Je pense que la CSS, les conseils régionaux de la santé
ont largement expliqué ce qu'ils entendaient à ce niveau. Nous
nous plaçons du point de vue du client qui doit se promener dans le
dédale actuel des services et trouver la bonne personne qui peut
vraiment l'aider. A mon avis, c'est pour cela qu'on doit simplifier le
cheminement des gens à travers le réseau.
Bien que croyant à l'approche multidisciplinaire, la Corporation
des travailleurs sociaux désire faire part à la commission
parlementaire et au public de l'engagement traditionnel et toujours actuel de
ses membres envers les jeunes en situation difficile. Cela implique que nous
sommes d'accord sur le fait que la protection de la jeunesse soit
confiée aux centres de services sociaux, qui sont actuellement les plus
grands réservoirs de travailleurs sociaux. Cependant, d'après
nous, un travailleur social ne peut vraiment jouer son rôle que si on
diminue, à l'intérieur de sa charge de travail, ces unités
de traitement, ces cas. A l'heure actuelle, on connaît certains centres
de services sociaux qui ont vraiment beaucoup de cas et cela empêche les
travailleurs sociaux de vraiment jouer leur rôle.
Nous insistons particulièrement sur la nécessité
d'abolir les articles 55 b et 90 b) concernant la détention des jeunes.
Il est impensable pour nous que des jeunes soient envoyés en
détention pour des raisons d'ordre social. D'autre part, lorsque c'est
absolument nécessaire à cause d'un comportement violent, il est
nécessaire que le réseau des affaires sociales s'organise pour
assurer une protection à la fois aux jeunes qui ont besoin des services
dans ces moments et à la société. La porte très
grande ouverte à l'emprisonnement dans les prisons pour adultes pour des
raisons sociales et judiciaires qu'offre cette loi est scandaleuse et contraire
à l'esprit progressif qu'on trouve dès le début de la
lecture et que nous souhaitons trouver dans cette nouvelle
législation.
Enfin, nous souhaitons qu'en ce qui concerne la protection sociale, des
juges n'interviennent qu'en cas de litige entre les parties concernées
et que la prise en charge d'un jeune soit vraiment faite par le service de
protection de la jeunesse, à l'intérieur des centres de services
sociaux.
La Corporation professionnelle des travail- leurs sociaux pense que la
Commission de protection de la jeunesse, formée de représentants
de la justice et des affaires sociales, est une amorce vers une meilleure
intégration des services à la jeunesse. Elle croit que les
services médicaux à l'intérieur des affaires sociales et
que l'éducation, le travail, les loisirs devraient être aussi
représentés et ainsi, éventuellement, former une
régie ou une commission en fait, je pense qu'il ne faudra pas
jouer trop sur ces mots qui ferait une approche globale des
problèmes à la jeunesse. Merci.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Je désirerais remercier la Corporation
professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, et en particulier
ses représentants auprès de nous, ce matin. Nous avons devant
nous un mémoire extrêmement bref mais qui, malgré tout,
insiste sur des aspects extrêmement importants de la législation
envisagée. Je n'ai pas, M. le Président, de questions portant
spécifiquement sur cas aspects parce que je crois qu'on a
été très explicite lorsqu'on les a exposés. Je me
réserve toutefois la possibilité de revenir au cours de la
discussion s'il m'apparaît que certains aspects méritent un
éclaircissement plus considérable. J'aimerais, de toute
manière, remercier ceux qui sont venus et qui nous ont fait cette
représentation; je crois qu'elle est susceptible de nous aider dans la
rédaction finale d'un projet définitif.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, en remerciant aussi la
Corporation professionnelle des travailleurs sociaux du Québec de son
mémoire, j'aimerais insister puisqu'elle a limité ce
mémoire à quatre points d'intervention bien précis
sur le tout premier point, celui de la déclaration des droits de
l'enfant. Je vais vous poser la question que nous avons à peu
près posée à tous ceux qui vous ont
précédés à cette table: Est-ce que vous
considérez que la description des droits de l'enfant contenue dans
l'avant-projet de loi que nous étudions actuellement, en vertu de ce que
vous attendez dites-vous dans votre mémoire d'une
déclaration des droits, est satisfaisante? Ou cette déclaration
devrait-elle, un peu sur le modèle du chapitre 8 du rapport Batshaw,
être beaucoup plus exhaustive et inclure beaucoup plus d'autres choses
que ne le font les premiers articles de l'avant-projet de loi actuel?
Mme Therriault-Hartenberg: Je crois que dans l'avant-projet de
loi il y a effectivement des points importants comme le maintien de l'enfant
dans son milieu naturel le plus possible. Je pense que c'est un point
absolument important. Nous croyons que c'est insuffisant pour pouvoir garantir
tous les droits des jeunes. Nous croyons qu'on doit en ajouter davantage, qu'on
doit considérer l'enfant comme un sujet de droits comme toute
personne, avant tout, et peut-être ajouter des droits plus
spécifiques au fait qu'une personne est un enfant et qu'elle est
peut-être plus sujette à des abus qu'un adulte.
M. Charron: Votre quatrième remarque sur
l'intégration des services à la jeunesse vous a amenés
à faire mention aussi du travail actuel des travailleurs sociaux que
vous représentez dans les CSS.
L'expérience du bas de la ville de Montréal, que je peux
avoir, de contacts avec les travailleurs sociaux du CSSMM m'incite à
vous poser une question. Vous avez vous-même mentionné surcharge
de travail. Y a-t-il des directives spécifiques d'approche d'un
problème, qui sont celles d'un travailleur social, ou si chaque
travailleur social possède sa propre façon d'approcher un
problème?
J'ai vu des cas qui sont venus jusque chez nous où, par exemple,
un travailleur social m'expliquait qu'il était beaucoup plus important
de travailler avec les parents dans un cas précis, que c'était
là qu'il fallait faire porter l'intervention plutôt qu'avec le
jeune. En d'autres cas, la croyance, qui me semblait tout à fait
personnelle au travailleur social en question, de retirer le jeune de son
milieu familial le plus rapidement possible j'imagine que c'était
son évaluation professionnelle faisait qu'il négligeait le
côté parental pour s'attacher à peu près uniquement
au jeune et lui chercher le plus rapidement possible une famille d'accueil.
Est-ce que tout cela est laissé à la pièce? Je
dirais aussi qu'à l'intérieur des structures actuelles les
travailleurs sociaux à l'emploi des CSS fonctionnent sur une directive
à peu près générale.
Mme Therriault-Hartenberg: L'approche d'un cas repose avant tout
sur l'évaluation sociale et, à ce moment, il faut évaluer
les possibilités de la famille, le développement de l'enfant et
voir dans quelle mesure on peut travailler avec l'un et avec l'autre. Je crois
qu'il faut, de toute façon, individualiser l'approche.
Cependant, la mesure qui vise à retirer un enfant de sa famille
ne se fait jamais par une seule personne. Dans les centres de services sociaux,
il y a des comités qui se penchent sur cette question. Jamais une
décision d'une aussi grande importance n'est prise par une seule
personne.
M. Charron: Je vous pose la question un peu plus
concrètement. Un travailleur social à l'emploi du CSS de
Montréal je vais encore prendre cet exemple est au courant
des ressources disponibles sur le territoire de la région,
forcément; possibilité de trouver rapidement une famille
d'accueil ou non, possibilité de trouver un centre d'accueil sur le
territoire de la région qui soit, selon son diagnostic professionnel,
celui qui conviendrait au jeune. Si, dans son esprit, pareille
disponibilité, pareille place n'existe pas, il en est informé.
Est-ce que tous ces détails matériels de l'existence du
réseau des affaires sociales sur le territoire de Mon- tréal, par
exemple, connaissance des ressources humaines et, je dirais, en espace qui
existent pour cela, affectent et conduisent le diagnostic que vous allez
poser?
Par exemple, dans un cas bien précis, il vous semblerait
essentiel de recommander parce que je sais que vous ne prenez pas seul
cette décision qu'un jeune soit retiré de sa famille pour
être confié à une famille d'accueil. Mais sachant la
difficulté de trouver une famille d'accueil qui, au prix
où on les paie, accepterait d'offrir convenablement les services
auxquels, vous, professionnellement, identifiez le besoin du jeune cela
va vous inciter à chercher un autre moyen ou à adopter une autre
méthode de travail auprès du jeune.
M. Malenfant (Roméo): C'est entendu que lorsqu'il y a un
manque de ressources, le diagnostic n'en sera pas tellement affecté,
mais la façon de trouver une solution au problème va en
être affectée. A ce moment-là, ce n'est pas le diagnostic
qui est affecté, mais vraiment la solution à apporter au
problème... C'est cela.
M. Charron: Oui, qu'est-ce que...
M. Duval (Jacques): Je voulais dire que, forcément, comme
l'approche est individualisée, comme le mentionnait la présidente
tantôt, compte tenu de ce que vous venez de dire, il est
élémentaire ou de base qu'un travailleur social soit au courant
du réseau des ressources globales qu'il peut utiliser. Comme le
mentionne mon confrère, cela ne changera pas, le diagnostic reste le
même, cela va de soi, mais la méthode c'est ce que je
disais d'intervention va forcément être influencée
par la réalité qu'est le manque, par exemple, de ressources
adéquates.
M. Charron: Prenons le constat que le rapport Batshaw a fait sur
l'équipement appelons cela comme cela pour les besoins de la
discussion les ressources disponibles d'intervention auprès des
jeunes, par exemple, l'absence à peu près totale de ressources
dites communautaires dans les milieux mêmes où les jeunes se
trouvent, soit des auberges, enfin toute la liste est là disponible
à notre attention. Le fait que certains centres d'accueil sont plus ou
moins bien cotés quant à leurs capacités, très
concrètement, d'effectivement apporter une oeuvre de réadaptation
auprès du jeune et qu'un travailleur social, par exemple, au courant de
l'allure interne de Berthelet, fera qu'il hésitera longtemps avant de
recommander à ses supérieurs ou à la cour, s'il doit
être appelé à offrir sa collaboration à la cour, que
le jeune X, en particulier j'admets que les cas sont
individualisés doit s'y trouver, est-ce que cette contrainte de
l'équipement affecte énormément le travail des
travailleurs sociaux sur le territoire de Montréal, par exemple.
Mme Leduc: Oui, elle affecte tout le monde. Elle affecte les
clients, elle affecte les gens qui travaillent. C'est une préoccupation
de tous le
monde, la difficulté d'avoir des ressources disponibles. Je pense
qu'il y a un effort collectif à faire à ce niveau. Ce qui est le
plus difficile, je crois, c'est la variété des mesures pour
pouvoir continuer notre travail d'individualisation de chacun des cas. Je crois
que c'est impossible de faire entrer tout le monde dans le même moule
pour un temps donné. Il faut au contraire pouvoir trouver la mesure
exacte qu'il faut. Cela peut être, pour un jeune, de pouvoir passer une
fin de semaine ou trois fins de semaines dans un centre quelconque pour
peut-être l'aider à contrôler son comportement durant la fin
de semaine alors que c'est à ce moment-là que le problème
se pose. C'est ce type de mesures qu'il est difficile de trouver à
l'intérieur du réseau. Je pense que le rapport Batshaw, à
ce niveau, ouvre une possibilité d'éventail de mesures qui va
pouvoir permettre l'individualisation.
M. Charron: Je ne sais pas si vous êtes
Montréalaise.
Mme Leduc: Oui.
M. Charron: Actuellement, de quoi disposent les travailleurs
sociaux oeuvrant sur le territoire de Montréal dans le domaine de la
prévention, purement et simplement? Non pas un cas qui vous est soumis
à la suite d'un gâchis, mais comme action préventive. Je
pense à chez nous, dans le bas de la ville ou dans d'autres territoires,
la banlieue de Montréal, par exemple. Quelles sont les ressources dont
vous disposez, comme équipement, pour intervenir dans votre travail?
Mme Leduc: En termes de prévention? M. Charron: Oui, en
termes de prévention.
Mme Leduc: C'est très difficile à définir.
La prévention de quoi? En fait, une mesure de prévention, cela
peut être de l'éducation, cela peut être...
M. Charron: Oui. Je ne pense pas que...
M. Malenfant: Une des bonnes mesures de prévention, je
pense que ce serait des garderies.
M. Charron: Des garderies, jusqu'à un certain
âge.
M. Malenfant: Oui, jusqu'à un certain âge. Cela
permettrait aux parents de se dégager et de respirer mentalement, si on
veut, de pouvoir laisser leur enfant une journée ou deux dans une
garderie. C'est une espèce de halte familiale. Dans le terme
préventif, c'est vraiment un type de ressource qui manque.
M. Charron: Est-ce qu'il existe à Montréal des
groupes oeuvrant dans des quartiers populaires, par exemple, où le taux
de délinquance peut être plus élevé que dans
d'autres quartiers qui vont intervenir auprès des jeunes avant que le
jeune soit mis en situation de délit avec la justice, ou si la plupart
du temps les cas qui vous sont soumis sont des cas où déjà
le tort a été causé?
Mme Leduc: Oui, il y a des groupes de citoyens qui,
effectivement, s'impliquent et qui désirent des services, principalement
au niveau des loisirs, pour pouvoir permettre à leurs jeunes de
s'épanouir, que l'école soit plus humaine et puisse intervenir
rapidement lorsqu'un jeune présente un problème d'adaptation
à l'école, qui n'est pas un milieu facile actuellement. Je pense
qu'il y a un désir collectif à ce niveau-là et les
travailleurs sociaux appuient toutes ces mesures ou toutes ces interventions en
ce sens.
M. Charron: J'ai deux courtes questions qui sont strictement de
l'information sur votre travail, puisque vous nous l'apportez ici à la
commission. Un travailleur social à l'emploi du CSS qui va s'occuper de
certains cas de jeunes dont on parle ce matin, peut-il être appelé
à travailler à l'occasion aussi, a d'autres dossiers que le
dossier jeunesse ou si les travailleurs sociaux aux CSS de Montréal, par
exemple, travaillent uniquement aux dossiers de jeunes, des mineurs, et que
c'est avec eux essentiellement qu'ils travaillent ou s'ils peuvent s'occuper
des différents problèmes sociaux?
Mme Leduc: Une organisation du CSS est quelque chose de
très vaste; il y a des travailleurs sociaux en milieu scolaire, en
milieu psychiatrique qui donnent des services aux familles et il y a des
travailleurs sociaux plus spécialisés dans les services de
jeunesse qui sont rattachés à la cour.
M. Charron: Combien est-ce qu'il y en a à Montréal,
à peu près?
Mme Leduc: Je ne pourrais pas vous dire le chiffre exact.
M. Duval: II en manque beaucoup, il y a une mobilité,
surtout dans le domaine des services à la jeunesse qui est apeurante,
effarante, apeurante, c'est le mot.
M. Charron: Quelle en est la mobilité?
M. Duval: Je pense aux travailleurs sociaux qui ont 100 ou 150
dossiers d'enfants, quel que soit l'âge, en tout cas ceux qui nous
concernent par le projet de loi, dont ils doivent s'occuper...
M. Charron: De 100 à 150.
M. Duval: Je mentionne ce chiffre, quelques-uns en ont
sûrement comme ça. Nous, on pense que ça devrait être
beaucoup moins que ça. De toute façon, disons environ une
centaine de dossiers.
M. Charron: Je m'excuse, je veux préciser. Est-ce que
ça concerne aussi des jeunes que vous comptez au nombre de vos dossiers,
dans votre
"case load", comme on dit dans le langage du métier, des jeunes
qui sont en centre d'aocueil, qui demeurent votre cas, mais dont vous n'avez
pas nécessairement besoin de vous occuper quotidiennement puisqu'ils se
trouvent en centre d'accueil et qu'il y a là des gens qui s'en
occupent?
M. Duval: II peut y en avoir. M. Charron: D'accord.
M. Duval: Les proportions exactes, je ne sais pas, mais ce que
j'aimerais dire, c'est pourquoi la mobilité. C'est qu'après un
certain temps, ça passe par-dessus, je veux dire que c'est trop fort
pour pouvoir intervenir d'une façon professionnelle dans ces
cas-là. Après un certain temps, le travailleur social change de
domaine ou change de boîte, parce que les moyens d'intervention devant un
"case load" si élevé, ça prendrait peut-être trois
ou quatre travailleurs sociaux pour le même "case load". Ces chiffres
sont relatifs, ça pourrait être vérifié, de toute
façon. De là la très grande mobilité,
particulièrement dans le domaine de la jeunesse.
M. Charron: Particulièrement dans le domaine de la
jeunesse. Pourquoi particulièrement dans le domaine de la jeunesse?
Mme Leduc: C'est un des secteurs certainement les plus
difficiles, en partie à cause du manque de ressources et aussi de la
difficulté d'impliquer les parents; c'est vraiment un domaine
très difficile.
M. Charron: Peut-être que l'absence de ressources dans le
territoire va faire qu'à un moment donné, les solutions vont vous
apparaître tellement limitées, les pouvoirs d'intervention
tellement limités que, devant la multitude de solutions qui pourraient
être apportées, ça finit par être frustrant de devoir
toujours s'en remettre aux mêmes solutions parce que ce sont les seules
qui existent, qui sont disponibles, alors que ce n'est pas toujours ce qu'on
pense qui devrait être donné à celui qu'on a entre les
mains à ce moment-là.
M. Duval: En fait, le travailleur social est un professionnel qui
intervient avec des méthodes qui lui sont propres auprès de
l'enfance, mais qui doit tenir compte... A l'intérieur des boîtes
des CSS, il y a beaucoup de contraintes bureaucrati-aues.
Si on est vraiment conscient des besoins des jeunes auxquels on a
affaire, c'est là qu'on a un problème. Si on agit en
professionnel, on refuse, dans certains cas, d'en prendre plus que tant.
Autrement, on ne peut pas donner un service vraiment professionnel. Je vous
dirai aussi que les enfants exigent beaucoup plus que des adultes, justement
parce qu'ils n'ont pas tous les moyens que la majorité des adultes
doivent avoir, moyens dans un sens large.
M. Charron: D'accord. J'en ai assez, M. le Président.
Merci.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions? On vous
remercie de vos suggestions.
M. Duval: Est-ce qu'il m'est permis de faire un commentaire
très bref?
Le Président (M. Pilote): Oui, allez!
M. Duval: Je ne veux pas retenir la commission plus longtemps.
J'ai remarqué que la loi 78, je l'ai mentionné, nous a
particulièrement intéressés. L'enfance, par cette loi, a
un recours qu'elle n'avait pas et je crois que l'actuel projet de loi, par
cette mesure...
Je crois que la communauté a répondu à cette loi 78
et qu'il est, à mon avis, de la responsabilité de tout le monde,
mais aussi du gouvernement, d'inciter, par d'autres mesures du genre, la
population, la communauté, l'environnement de l'enfant, à partir
de sa famille, son école, son quartier, d'inciter cette
communauté à prendre ses responsabilités vis-à-vis
des enfants de son quartier, par exemple. D'autres exemples peuvent être
amenés. Merci beaucoup.
Fédération professionnelle des
journalistes de la province de Québec
Le Président (M. Pilote): On vous remercie. J'inviterais
à présent M. René Mailhot, porte-parole de la
Fédération professionnelle des journalistes de la provinces de
Québec, à bien vouloir se faire entendre.
Veuillez, M. Mailhot, identifier ceux qui vous accompagnent.
M. Mailhot (René): A ma droite, Louis Falar-deau,
vice-président général de la fédération, et
Jacques Plante du bureau de direction de la fédération. Je vous
prie d'excuser l'absence de deux autres journalistes qui devaient faire partie
de notre groupe: Florian Sauvageau qui, malheureusement, devait retourner
à l'université pour un cours, et Laurent Laplante qui, comme vous
le savez, a amorcé un travail de médiation à l'institut
Archambault ce matin.
Notre intervention, qui est une position de la fédération
adoptée en congrès par l'ensemble des journalistes, se situe
à deux points, sur deux articles seulement, mais deux articles que l'on
considère extrêmement importants de l'avant-projet de loi,
c'est-à-dire les articles 83 et 84.
La Fédération professionnelle des journalistes du
Québec, depuis sa fondation en 1969, a toujours accordé beaucoup
d'importance à la question des relations de la presse avec
l'administration de la justice.
A plusieurs reprises, au cours des dernières années, la
FPJQ s'est présentée devant les commissions parlementaires
à Québec et à Ottawa pour soulever des questions
reliées à ce domaine: l'outrage au tribunal, le sub judice, le
secret professionnel, etc.
Il n'y a pas si longtemps, la fédération a exposé
devant les parlementaires québécois la nécessité
d'inscrire dans la charte des droits de la
personne le droit du public à l'information. Vous avez reconnu,
messieurs, la justesse de cette demande. Ce droit fondamental fait maintenant
partie de ladite charte.
C'est en vertu de ce droit que la fédération revient
devant vous aujourd'hui, cette fois pour soulever la question du huis clos dans
les cours de bien-être.
Au Québec, en 1975, alors que le phénomène de la
délinquance juvénile augmente de façon effarante,
l'ensemble du secteur de la justice rendue aux enfants baigne toujours dans une
grande noirceur. Ce secteur échappe à peu près
complètement à l'opinion publique. A la cour des mineurs, la
justice se rend enoore derrière des portes fermées, dans le
seoret du huis clos.
En tant que journalistes, nous savons, mieux que quiconque, que le huis
clos est rarement la garantie d'une saine administration. Dans le domaine
judiciaire, en particulier, la diffusion des débats constitue, aux yeux
de toutes les démocraties, un élément essentiel d'une
administration acceptable de la justice.
Pour ce motif, les arrêts judiciaires rendus dans le secret n'ont
jamais inspiré le moindre respect. Pour ce même motif, les
journalistes ont toujours eu, en luttant pour une justice pratiquée
à ciel ouvert, la conviction de faire progresser la démocratie et
de modifier pour le mieux la situation des justiciables.
Dans le cas des justiciables mineurs, le principe de la diffusion des
débats et des décisions est presque partout tempéré
par le souci de protéger l'enfant. La réhabilitation du
délinquant constitue un objectif d'autant plus souhaitable et d'autant
plus accessible qu'elle vise un mineur.
D'autre part, cette réhabilitation n'a de chance de
réussir que si le délinquant échappe au traumatisme que
risque de causer la diffusion des débats. Selon les
sociétés, l'un de ces deux soucis a pris le pas sur l'autre.
Certains pays comme le nôtre ont, à ce point, insisté sur
la nécessité de protéger l'anonymat du délinquant
mineur que le huis clos a recouvert l'ensemble des activités des cours
de bien-être. D'autres sociétés ont maintenu l'interdiction
d'identifier publiquement les délinquants mineurs, mais elles ont
néanmoins permis, par diverses formules, la présence de la presse
auprès des tribunaux pour mineurs.
Il nous semble que la justice québécoise gagnerait
à s'engager dans cette seconde voie. Nous sommes d'accord pour que les
débats judiciaires qui mettent en cause les mineurs fassent l'objet
d'une attention toute spéciale de manière à réduire
les risques de traumatisme et à augmenter les chances de
réinsertion sociale heureuse, mais nous croyons qu'il convient
d'accorder au justiciable mineur les avantages d'une justice plus
aérée.
Dans ce contexte, la fédération reconnaît le
bien-fondé de l'article 84 de l'avant-projet de loi sur la protection de
la jeunesse qui parle de la protection de l'anonymat du délinquant
mineur, mais, du même souffle, la fédération rejette, sans
réserve, l'article 83 qui impose le huis clos dans ses cours. Nous ne
pouvons admettre non plus les dispositions de cet article qui prévoient
certains cas d'exception, car ces cas seront soumis aux décisions
discrétionnaires des juges et de la Commission de la protection de la
jeunesse.
Jusqu'à présent, seul un usage imposé par les
juges, et non une loi, a empêché la présence de la presse
dans ces cours. Dans notre tradition juridique, il est un principe, admis par
tous, selon lequel l'administration de la justice doit se faire au grand jour.
Le législateur québécois, en vertu de ce principe et du
droit du public à l'information, doit s'assurer que les citoyens sachent
ce qui se passe dans les cours de bien-être, que l'appareil et ceux qui
l'administrent soient soumis à la critique.
Il faut en arriver à un nouvel équilibre entre le droit du
délinquant mineur, à la discrétion des débats
judiciaires et son droit à une justice plus aérée,
à ciel ouvert. Ce dernier droit précieux, il n'en jouit pas
présentement.
C'est la position de principe que nous adoptons. Nous aimerions
déposer, comme référence auprès des membres de la
commission, une étude qui a été publiée dans la
revue du Barreau, en septembre 1974. C'est une étude qui a
été faite par Me Adrian Popovici, avocat et professeur à
la faculté de droit de l'Université de Montréal.
L'intérêt de ce document, selon nous, vient du fait que
c'est un historique complet de la jurisprudence, tant des lois
fédérales que provinciales. Les points saillants qui ressortent
de ce document, c'est que le caractère public doit toujours être
reconnu. Il est toujours reconnu dans les faits. Le huis clos est vraiment
l'exception, bien que le juge puisse toujours décréter le huis
clos.
Les avantages: On insiste beaucoup dans cette étude sur les
avantages de la publicité des débats. On rappelle les grands
points. C'est-à-dire que c'est un frein aux abus des juges. Cela assure
la véracité des témoignages. Cela peut attirer l'attention
de témoins inconnus. On met aussi l'accent sur le caractère
pédagogique des procès. Nous autres, ce qu'on pense, c'est que ce
qui s'applique aux cours en général, doit aussi s'appliquer aux
cours de bien-être social. J'aimerais déposer ce document en
annexe.
Dans les faits, pour être pratique, nous aurions tendance à
nous rallier assez facilement à la recommandation de la Ligue des droits
de l'homme dont les dirigeants, je pense, ont témoigné devant
vous lors des dernières audiences. La proposition ou encore le nouvel
article 83 que la ligue vous suggérait, la question de principes y est
respectée. A quelques nuances près, nous serions passablement
d'accord sur cette proposition ou encore, ce qui serait intéressant, ce
qui serait encore moins compliqué, c'est qu'on intervienne tout
simplement, directement à l'article 83 de l'avant-projet de loi et que,
quand on regarde les deux premiers paragraphes, qu'on en change le sens. Au
lieu de dire: Que l'enquête a lieu à huis clos et sans
publicité, on dit: Que l'enquête doit avoir lieu en public. Au
deuxième paragraphe, là où on dit que le juge peut
admettre à l'audition des personnes, c'est que le juge pourrait
forcé-
ment, cela lui est reconnu de toute façon
décréter le huis clos si nécessaire, etc. Il suffirait
tout simplement de changer le sens de ces deux paragraphes et le tour serait
joué. Alors, on est disponible pour les questions.
Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice.
M. Levesque: M. le Président, on comprendra facilement que
c'est l'intérêt de l'enfant qui a sûrement motivé ce
qu'on reproohe à l'article en question. Je ne peux pas ce matin prendre
position ou donner l'impression que notre attitude est irréversible,
mais j'aimerais, cependant, tout en félicitant la
fédération de ce mémoire, demander simplement si, dans la
nouvelle formulation, il y a place pour une sanction contre les journalistes
qui pourraient, dans un certain moment d'oubli ou passionnés par une
certaine cause, enfreindre la règle de l'anonymat.
M. Falardeau (Louis): C'est une sanction qui existe dans toutes
les lois, d'ailleurs, une sanction de "common law" qui est l'outrage au
tribunal, qui s'appliquerait aussi bien dans ce cas que dans les cours pour
adultes. Par exemple, si un journaliste ne respecte pas un huis clos partiel ou
total ou particulier décrété dans une cour pour adulte, il
peut être sanctionné pour outrage au tribunal.
M. Levesque: ... pas que vous avez raison s'il s'agit d'une
décision du tribunal qui décrète le huis clos. Dans ce
cas-ci, vous voulez plutôt, si je comprends bien, en faire une loi
générale. A ce moment, cette loi devrait comporter des
sanctions.
M. Falardeau: Oui, mais on maintient à l'article 84 qui
défend à la presse de publier toute information pouvant
révéler l'identité, soit du jeune, soit des adultes qui
peuvent comparaître devant ces cours. Si un journaliste enfreignait
l'article 84, il est certain qu'il serait passible de poursuites pour outrage
au tribunal...
M. Forget: Ou d'une infraction à la loi.
M. Falardeau:... ou d'une infraction à la loi.
M. Levesque: Une infraction à la loi avec la
procédure suivie en cas d'infraction aux lois provinciales tout
simplement, sans plus de gravité que cela pour l'accroc.
Une Voix: Une amende.
M. Falardeau: II existe peut-être plusieurs façons
de sanctionner...
M. Levesque: Vous comprendrez qu'on est bien
préoccupé, justement, par les mêmes sentiments qui
inspirent votre suggestion, mais, en même temps, je crois qu'il faut bien
s'assurer que l'enfant soit protégé. J'imagine que, si
c'était un enfant de quelqu'un qui est ici dans la salle, peut-
être que le parent en question voudrait bien s'assurer qu'il y ait une
protection réelle et efficace.
M. Falardeau: On est bien d'accord pour que le législateur
prenne les moyens pour faire respecter la loi.
M. Mailhot: J'attirerais l'attention des membres de la commission
sur un petit livre extrêmement bien fait, qui s'intitule "La protection
de la vie privée et la déontologie des journalistes." C'est un
bouquin qui a été publié par l'institution internationale
de presse, qui fait état précisément de ces questions et
qui fait un peu l'historique, si vous voulez, des systèmes en usage un
peu partout, entre autres, dans les pays Scandinaves où le
système est beaucoup plus libéral sur la question du huis clos
qu'il ne peut l'être ici.
Ce livre fait état aussi de toutes sortes de cas je vous
le donne de mémoire et en arrive à la conclusion que ce
genre de système où les cours de bien-être sont sur un pied
d'égalité avec n'importe quelle cour, c'est-à-dire
très ouvertes au public, a fait que l'expérience a
été heureuse dans l'ensemble et que, finalement, cela a
été fait au profit et des justiciables et du public en
général, etc. C'est un bouquin qui est assez facilement
accessible.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Je voudrais remercier la Fédération
professionnelle des journalistes pour sa contribution. Vous avez fait allusion
à un groupe, la Ligue des droits de l'homme, qui nous a fait une
recommandation qui consiste à renverser, en quelque sorte, comme vous
l'avez indiqué, les dispositions de l'article 83, c'est-à-dire de
faire du caractère public des audiences et de l'enquête judiciaire
la règle générale et de prévoir la
possibilité d'un huis clos dans certains cas précis.
Cela va bien. Je crois qu'un autre groupe a, cependant,
suggéré qu'il y avait un point important de
mémoire, je crois que ce groupe était la Corporation des services
juridiques en soulignant que, parmi ceux qui pouvaient demander le huis
clos, on devait trouver non seulement le juge, qui a le pouvoir d'en
décider, mais explicitement l'enfant et ses parents. Devant la question
qui a été posée à ce moment-là, on nous a
dit: Bien, cela revient au même; si vous demandez particulièrement
aux parents d'un enfant qui est devant la cour si, oui ou non, ils souhaitent
le huis clos, dans 99.9% des cas on va demander le huis clos parce qu'aucune
famille ne se réjouit ou n'a l'occasion de se réjouir de
façon particulière du caractère public d'un
événement comme celui-là. Et on nous a dit: Bien, que vous
fassiez l'un ou l'autre, cela va revenir au même dans les faits.
Peut-être que vous n'admettez pas cette conclusion; si vous
l'admettez, iriez-vous jusqu'à dire que les audiences sont publiques,
point; que le juge peut décider le huis clos, mais qu'il doit avoir pour
cela des raisons d'ordre public, en ex-
cluant, peut-être même explicitement, le souhait de la
partie principalement intéressée? Si on a des raisons de croire
qu'il va toujours s'exercer dans le sens de demander le huis clos,
évidemment, on aura un grand circuit législatif pour aboutir
à la même solution. Alors, iriez-vous aussi loin que cela,
d'exclure en quelque sorte, sauf pour des motifs d'ordre public, toute
objection des parties l'enfant et ses parents au caractère
public de l'audience?
M. Falardeau: C'est-à-dire que la jurisprudence
reconnaît à tous les juges, dans toute circonstance, le droit de
demander le huis clos dans cinq possibilités: pour des questions d'ordre
moral, d'ordre public, de sécurité nationale, de protection des
enfants et de bonne administration de la justice. C'est reconnu, le droit du
juge au huis clos, même si une loi particulière ne le
précise pas.
M. Forget: Oui, je veux bien, mais...
M. Falardeau: Alors, on peut soit indiquer dans la loi que le
juge conserve ce droit, mais je ne pense pas qu'on doive lui faire obligation
de décréter le huis clos à la demande d'une ou des
parties.
D'autre part, pour revenir à ce que vous avez dit, je pense qu'il
faut toujours garder en mémoire le fait qu'on demande la protection de
l'identité et la protection totale de l'identité. Cela peut
vouloir dire ne pas révéler son nom, mais ne pas
révéler non plus la ville d'où il vient, la profession de
ses parents. Quand on protège l'identité, il faut que la
protection soit totale.
A ce moment, le danger, finalement, que l'enfant ou que la famille en
souffre, si on prend toutes les mesures pour qu'elle ne soit pas
identifiée, je pense que c'est un faux problème, un peu
partiellement, qu'on se pose.
Il est bien sûr que le juge, dans les cas, par exemple, de viol
présentement devant les tribunaux pour adultes, décrète
toujours le huis clos et les journalistes, que je sache, l'ont toujours
respecté. Il décrète un huis clos qui va être
partiel, c'est-à-dire que les journalistes peuvent rester à
l'intérieur de la salle d'audience, mais qu'ils ne peuvent
révéler ni le nom, ni les circonstances, etc., pour que les
journalistes ne soient pas portés à faire du jaunisme, par
exemple, en racontant les circonstances d'un viol.
Les journalistes respectent ces règles. Cela existe, les juges
s'en servent devant les tribunaux pour adultes. Je pense que cela ne pose pas
de problème devant les tribunaux pour enfants si on respecte
l'identité et si on laisse au juge son droit qu'il a, de toute
façon, dans des cas précis, mais avec l'obligation, par contre,
de justifier sa décision du huis clos. Je pense qu'à ce moment on
protège l'enfant et qu'on protège aussi la justice.
M. Forget: Ce qui me laisse un peu songeur, c'est que, parmi les
cinq critères que vous avez énumérés tout à
l'heure, il y a un critère de la pro- tection de l'enfant. Comme on est
devant une tradition où on a interprété, parce qu'on a
choisi de l'interpréter ainsi, l'intérêt de l'enfant dans
le sens d'ordonner le huis clos, évidemment, si on dit: II n'y a pas de
huis clos, sauf pour la protection de l'enfant, à mon avis, on va donner
l'impression dans la loi d'avoir réglé le problème et on
va être exactement dans la même situation après.
Croyez bien que je ne fais pas cette argumentation pour démontrer
l'intérêt du huis clos. Là-dessus, mon collègue
vient de l'indiquer, on a l'esprit tout à fait ouvert.
Généralement, il n'y a pas de huis clos dans les tribunaux. Il
n'y a pas de raison d'en avoir dans ce cas-là à moins que
justement l'intérêt de l'enfant n'intervienne de façon bien
précise. Mais, si on met un critère aussi vague que
celui-là, sachant la façon dont il a été
interprété dans le passé, j'ai un peu l'impression qu'on
n'aura rien changé.
M. Falardeau: Ce critère, c'est devant les tribunaux pour
adultes et cela vient de la jurisprudence pour la protection des enfants. Ce
sont, par exemple, les causes de séparation, les causes de divorce, les
causes de contestation de paternité, de telles choses, mais c'est une
exception. C'est prévu comme une exception et c'est une règle qui
s'applique aux tribunaux pour adultes.
M. Forget: Evidemment, c'est exceptionnel de traiter du cas d'un
enfant dans un tribunal pour adultes, alors que, par définition, c'est
toujours un problème d'enfant.
M. Charron: Devant un tribunal pour adultes, on en parle tout le
temps comme d'une tierce partie. Comme on le dit, c'est dans les cas de
divorce, de séparation.
M. Forget: Mais là il est principalement
intéressé.
M. Charron: Oui.
M. Forget: Si on a un critère qui dit que, dans la
protection de l'enfant, on peut faire le huis clos, dans le fond, n'importe qui
veut faire le huis olos pourra le faire.
M. Falardeau: Le problème, c'est que, devant un tribunal
pour adultes, en principe, il est identifié. Si les parents sont
là, l'enfant est identifié. A ce moment, comme il n'y a pas la
protection de l'identité de l'enfant, il peut être bon de recourir
au huis clos.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: La Fédération professionnelle des
journalistes, que je remercie également de sa contribution ce matin,
à nos travaux, a dit, à la page 3, le modèle à
partir duquel elle voulait nous inspirer pour améliorer la loi que nous
avons devant nous.
Elle dit: "D'autres sociétés que la nôtre ont
maintenu l'interdiction d'identifier publiquement les délinquants
mineurs." Je ne crois pas qu'on soit venu ce matin peut-être que
le ministre a mal compris cela nous demander, en abolissant le huis
clos, c'est-à-dire en inversant l'actuel article 83, d'identifier
publiquement le délinquant mineur. "Mais elles ont néanmoins
permis ces sociétés par diverses formules, la
présence de la presse auprès des tribunaux pour mineurs". Ce qui
est important, c'est que le cas soit raconté et que le jugement du juge
soit apposé au cas et que ce soit public, de sorte que nous sachions ce
que font nos juges avec nos jeunes. Ne pas savoir si c'est Daniel Lefebvre ou
si c'est Alain Marcoux, mais savoir, devant le cas d'un jeune de 17 ans, ayant
commis cet acte dans tel domaine, comment le juge a raisonné, comment il
a rendu justice. Nous avons le droit de savoir comment on rend justice. Il faut
protéger le jeune.
Le ministre de la Justice, intervenant tout à l'heure, demandait
des sanctions contre les journalistes; il y a aussi des sanctions contre les
journaux.
M. Levesque: Une question de privilège. Je n'ai pas
demandé de sanctions contre les journalistes.
M. Charron: Non, vous posiez des questions.
M. Levesque: J'ai posé la question suivante: Est-ce que,
dans votre formulation, vous incluez une sanction?
M. Charron: D'accord. Vous posez la question sur une sanction
éventuelle et admissible, d'ailleurs déjà prévue.
Il n'y a pas simplement ce que font les journalistes. Il y a ce que font les
journaux avec les articles des journalistes, qui pourrait être sujet
à une sanction. Je prends simplement la première page, absolument
dégoûtante, du Journal de Québec de ce matin: "Du sang sur
les mains?", avec une gigantesque photo. Si cela n'identifie pas ici un
mineur... Regardez à la page 3. C'est dit: "Un mineur et un barbu
cela fait partie des dégueulasseries que ce journal a l'habitude de
mettre dans ses titres soupçonnés de meurtre". Le jeune a
17 ans, il s'appelle Daniel Simard et il demeure à Limoilou.
Voilà la confidentialité. Accusé de meurtre, amené
hier en prison et tout le tralala. On raconte tout ce qui est arrivé
dans sa famille, etc. Cela est devant le coroner.
Il y a un huis clos devant la Cour de bien-être social, d'accord,
mais quand c'est devant le coroner... Ce gars, qui va peut-être
être acquitté, est fini dans son quartier, dans son patelin, pour
un maudit bon bout de temps. Photographié avec un autre, majeur
celui-là, menottes à la main et traîné pour meurtre.
Je ne sors pas cela des limbes ou des archives; mardi, 24 février 1976.
C'est aujourd'hui.
Le ministre de la Justice se posait des questions, tantôt, sur les
sanctions éventuelles contre les journalistes. Quand un journal comme
celui-là, un court-piastres et un mange-cennes, court après le
tirage avec des sensations en se servant de mineurs, cela aussi devrait
être, à un moment donné, punissable quelque part. Cela
aussi a un aspect absolument dégueulasse. Quelle est la protection pour
ce jeune, actuellement, même avec l'article 83? Nous parlons de huis clos
devant la Cour de bien-être social, mais, dans les cas devant le coroner,
il n'est absolument pas protégé, même mineur. On a eu le
droit de brandir sa photo en toute première page du Journal de
Québec ce matin et on a le droit de raconter des insinuations et des
insanités non seulement sur lui, qui n'est absolument coupable de rien
jusqu'à ce jour, jusqu'à ce que justice soit rendue, mais
également sur sa famille, ce qui constitue, à mon humble avis, du
jaunisme absolument inadmissible.
Je veux demander aux journalistes, dans l'hypothèse où
nous devrions accepter votre suggestion, soit d'ouvrir au public les cas devant
la Cour de bien-être social, sans identifier publiquement, autrement dit,
j'imagine que, vous comme moi, désapprouvons ce genre de nouvelles de ce
matin. Quelles sont les possibilités de recours d'un journaliste dans
nos médias actuels au Québec, sans extrapoler plus loin, pour
contrôler l'utilisation que le propriétaire du journal ou que le
directeur du journal fera de sa nouvelle qui est une information? Autrement
dit, si le journaliste, il est identifié ici, M. Yvon Pellerin du
Journal de Québec, qui était hier, vraisemblablement, à la
cour du coroner de Québec, qui a rédigé un papier qui,
à mon avis, doit, dans votre langage, couvrir à peine une page...
Quelle est sa responsabilité à lui, du fait que son patron, quel
qu'il soit dans la hiérarchie des journaux que je ne connais pas, a
décidé d'en faire la première page avec une gigantesque
photo que même Kissinger n'a jamais reçu dans le Journal de
Québec, à la page 3, qui est une des pages, si je donne bien
l'information, bien cotée dans la lecture d'un journal, sur laquelle on
tombe inévitablement, de donner cette importance, ce titre et à
nouveau cette photo du jeune homme, à peu près de la même
grandeur que celle que nous trouvons en première page?
On parlait de recours contre les journalistes. Est-ce que les
journalistes peuvent avoir des recours contre les propriétaires des
journaux qui utilisent ce qu'ils apportent comme information, puisque les
Québécois ont, en vertu de la charte des droits de l'homme
québécoise, droit à l'information, l'utilisation
sensationnelle qu'on veut en faire en se servant parfois d'enfants, comme c'est
le cas?
M. Falardeau: Pour répondre à la question, le
recours que le journaliste peut avoir, c'est sa convention collective, d'une
part. Je ne connais pas la convention du Journal de Québec, je pense que
les journalistes sont syndiqués. En principe, je n'ai pas lu le texte,
je ne sais pas si effectivement le journal a dénaturé le texte du
journaliste, mais, en fait, il y a probablement un recours dans sa convention
collective. Il y a aussi très probable-
ment des recours civils, mais qui sont très difficiles à
mettre en oeuvre. Il peut aussi faire appel au conseil de presse qui pourrait
sanctionner cette façon d'agir du journal.
Je pense que des choses comme ça ne pourraient pas arriver,
même de la part des entreprises de presse, si, dans ce cas-là,
elles n'avaient pas eu le droit de publier la photo et de publier le nom. Pour
ce genre de journalisme à sensation, seulement raconter des faits,
ça devient beaucoup moins intéressant. Je pense que c'est un bon
exemple; ça n'aurait probablement pas fait la première page,
cette histoire, si on n'avait pas eu le droit...
M. Charron: Oui.
M. Falardeau: Encore, que je sois étonné qu'on
publie la photo et le nom d'un...
M. Charron: D'un mineur.
M. Falardeau: ... mineur de 17 ans, c'est dans une cour du
coroner. Habituellement, les coroners interdisent, lorsqu'il s'agit d'un
mineur, la publication de photos, de même que le nom. A Montréal,
en tout cas, cela se fait toujours comme cela. Je n'ai jamais vu qu'on
l'identifie, parce qu'il n'est même pas accusé; il n'y a
même pas d'accusation portée contre lui, en principe.
M. Charron: II n'y a même pas d'accusation. Effectivement,
il n'y a même pas d'accusation. Il aura une accusation, il devra subir
une accusation...
M. Falardeau: Selon les règles habituelles de pratique
devant les cours du coroner, on n'a pas le droit de publier les noms, mais si,
pour revenir aux Cours de bien-être...
M. Charron: Savez-vous, pour mon information, actuellement, dans
la pratique des tribunaux, si les cours du coroner disposent d'un pouvoir de
huis clos discrétionnaire comme celui que vous voudriez voir inclure
à la loi...
M. Falardeau: Les juges ont toujours assimilé les
coroners, les coroners sont assimilés à ce moment-là, et
les coroners ne se gênent pas pour mettre parfois une dizaine de huis
clos partiels; par exemple, tel nom, tel adresse, telle circonstance. Ils le
font très généralement.
M. Charron: Autrement dit, l'honorable juge mais il n'est
pas nommé dans l'article présidant à la Cour du
coroner hier, à Québec, aurait pu décréter
que...
M. Falardeau: Je me demande même si la Loi du coroner ne
défend pas, je ne suis pas certain...
M. Charron: II faudrait peut-être demander au ministre de
la Justice.
M. Falardeau: ... la publication du nom d'un adolescent de moins
de 18 ans qui est devant la cour du coroner.
M. Levesque: Nous nous posions la question il y a quelques
instants, je voulais...
M. Falardeau: Je pense que oui, mais, en tout cas, la pratique le
défend.
M. Charron: J'espère que, si effectivement la pratique ou
même la loi interdisait telle pratique du coroner, le ministre de la
Justice, soucieux de sanctions, en posera également à l'endroit
de celui qui n'a pas respecté le droit à l'intimité et
à la vie privée d'un jeune de 17 ans de la ville de Québec
actuellement.
Je veux poser une autre question. Celle-là m'a frappé ce
matin, parce que je savais de quoi on allait parler. Une autre question sur
cette présence des journalistes dans les...
Je l'ai mentionné tantôt et ce pourquoi, à priori,
je partage votre position sur l'ouverture au public de la Cour de
bien-être social. Je retrouve dans vos arguments ce sont les miens
aussi qu'il s'agit d'une justice à ciel ouvert je pense
que vous employez l'expression à un moment donné et de
permettre aux Québécois vivant dans une démocratie de voir
quelle sorte de justice il y a.
Poussant ce raisonnement que je considère acceptable et souvent
détruit ou attaqué par des opposants en disant que c'est
permettre aux journalistes de faire, avec leur style et leur droit
d'intervention, une superjustice. C'est-à-dire que même si on
devait se rendre à votre opinion, en maintenant encore une fois
l'identification en dehors de nos cas, s'il ne s'agissait que de relater le
cas, par exemple, les circonstances d'un crime, si le procès vous avait
permis à vous, observateurs, assis à la Cour de bien-être
social, de prendre des notes: témoins défilant, parents du jeune
venant raconter, à l'occasion, les troubles qu'ils ont eus lors de
l'adolescence du jeune, etc., comment il était un enfant turbulent, tout
cela, professeurs venant rendre compte de son dossier scolaire et encore et
encore, de tout cela vous prenez des notes, comme juges, et, en même
temps que le juge, venez-vous, comme observateurs, de vous faire une
idée, c'est le moins que je puisse dire, du passé de ce jeune,
autrement dit de ce qu'il a pu éventuellement faire pour l'amener
aujourd'hui devant le tribunal.
J'ai soutenu, à l'ouverture des travaux de cette commission, que
nous disons, quand on parle de jeunes en délit avec la justice, la
plupart du temps, des victimes: victimes de conflits familiaux, victimes d'une
situation sociale et économique de la famille qui les a amenés
tôt ou tard sur le chemin où ils se trouvent.
Effectivement, au cours d'un procès, vous pourriez vous faire une
opinion que ce jeune n'y est en fait je pense à des jeunes du
comté de chez nous, comme j'ai eu l'occasion un grand nombre de fois de
vous le dire que conduit par la force des choses. Quand vous
apprenez
comment la famille a vécu, quand vous apprenez dans quelle
misère on vivait, quand vous apprenez quelles maladies sont
tombées sur la famille, qu'il a grandi tout seul, à toutes fins
pratiques, qu'il a été en contact avec quelqu'un et qu'il s'est
retrouvé sur le chemin de la déviance sociale et sur le chemin de
la criminalité à l'occasion, le juge prend en
considération tout ce qu'il entend comme vous et il se présente
à un autre moment et rend justice. Je dois dire que ce jeune,
accusé de vol, de viol, de meurtre, doit être retiré de la
circulation sociale, remis à Berthelet. Il se fera faire, à
l'occasion, une morale, parce que ces juges de la Cour de bien-être
social sont souvent très moralistes, laquelle morale ne sera
peut-être pas nécessairement partagée par le journaliste
qui observe la question.
J'ai déjà moi-même entendu dans une cour, non pas de
bien-être social, des sermons de bonne conduite que faisaient des juges
à d'autres accusés devant moi; personnellement, je n'aurais
jamais accepté qu'on me les fasse. J'aurais dit: Mêle-toi de tes
affaires. Je ne suis pas venu ici pour cela, je ne suis pas venu ici pour me
faire raconter comment vivre. Vous, comme journalistes, vous pouvez
développer la même opinion, trouver que le juge est
extrêmement sévère à l'égard d'un jeune,
qu'il a fait abstraction dans son jugement de certaines choses qui ont pourtant
été affirmées sous serment devant le juge et vous pouvez
vous faire légitimement, vous êtes humains, l'opinion que la
sentence est disproportionnée par rapport à l'ampleur du
délit qui lui est reproché.
Tout en respectant l'identité, c'est-à-dire en ne
mentionnant pas l'identité du jeune, mais en ne relatant que le cas,
pour que les contribuables québécois aient une idée de ce
qui se passe à la Cour du bien-être social, est-ce que vous ne
courez pas le risque de commettre un outrage au tribunal, soit à cause
du style de votre article, soit à cause de la façon dont vous
interprétrez la chose, en disant à peu près ceci: Jugement
incroyable rendu hier à la Cour de bien-être social. Tel cas que
nous vous relatons depuis deux ou trois semaines a finalement connu sa sentence
et, croyez-le ou non, c'est cela qu'on lui a dit. Je ne dis pas que vous le
faites comme cela, mais il y a du sous-entendu à l'occasion.
Je sais qu'il y a toujours la poursuite d'outrage au tribunal qui peut
vous peser sur la tête n'importe quand, mais, effectivement, cette
accusation de superjustice qui est souvent portée contre vous, comment
la Fédération professionnelle des journalistes y
répond-elle?
M. Mailhot: Ecoutez, je ne vois pas pourquoi l'attitude du
journaliste pourrait être différente devant une Cour de
bien-être que devant une cour ordinaire ou devant n'importe quelle
activité, n'importe quelle représentation d'activité
humaine au Québec ou ailleurs. C'est le public qui demeure le juge. Il y
a une question de crédibilité qui joue, il y a une question
d'éthique professionnelle qui joue. C'est le public qui demeure le juge
de tout cela. Je suis bien d'accord pour qu'on examine tous les angles
possibles et imaginables de ce problème, c'est une question très
importante. Il faut quand même se rendre à la
réalité suivante, c'est qu'il ne faut pas s'attendre, même
si demain on ouvre les cours aux journalistes, que chaque jour, dans les
journaux, on lira ce qu'on peut lire au sujet de la Cour des sessions de la
paix ou d'autres cours, c'est-à-dire que tel jeune de quatorze ans, a
comparu hier devant le juge Untel pour avoir, je ne sais pas, enfoncé
une vitrine sur la rue Sainte-Catherine. Ce n'est pas forcément le genre
de chose que la presse peut rechercher à la Cour de bien-être.
Ce qu'on pourrait lire, par exemple, c'est qu'au cours du mois de mai
1975, 46 jeunes ont comparu devant la Cour de bien-être social, sous tel
délit, ou tel chef d'accusation; ou, encore, il y a eu tel et tel cas.
Je pense que le public est en droit de savoir ce genre de choses. On se rend
compte, au moment où le législateur québécois tente
par toutes sortes de façons, et au niveau de commissions
d'enquête, et au niveau d'amendements ou de changements aux lois, de
dépoussiérer l'ensemble de ce secteur... Je pense que c'est pas
mal acquis maintenant. En tout cas, la grande majorité des commissions
d'enquête, il y en a eu des douzaines depuis quelques années, ont
démontré jusqu'à quel point cela pouvait être
poussiéreux, l'ensemble de cela. Au moment où on tente, donc,
d'ouvrir un peu le milieu, de l'oxygéner, il me semble qu'il est
extrêmement important que le public puisse avoir accès à ce
genre d'information, non seulement aux conditions qui prévalent avant la
comparution en cour ou après, ce qui est à peu près
possible à l'heure actuelle, bien qu'il y ait des barrières
là aussi, mais surtout l'étape majeure, c'est-à-dire
comment la justice québécoise tient compte des problèmes
de la délinquance ou des enfants problèmes au Québec,
quelle est son attitude face à cela, quelle est sa façon de
trancher ce genre de dilemme.
C'est surtout dans ce contexte, je crois, que le travail des
journalistes serait extrêmement important.
M. Charron: M. Mailhot, j'admets votre comparaison du travail
qu'effectuerait, éventuellement, un journaliste à la Cour de
bien-être social, du travail que certains journalistes font
quotidiennement dans les différentes cours québécoises
pour adultes. C'est-à-dire qu'il faudrait croire que le journaliste
appliquerait le même professionnalisme là qu'ailleurs.
Sauf que, par exemple, dans un cas pour adulte, aux yeux même du
journaliste, la sévérité du jugement est excessive.
Très souvent, il sera capable de contenir, dans son article, de
simplement rapporter ce que le juge a dit, les réactions de
l'accusé, les réactions de ceux qui accompagnaient
l'accusé et qui, eux, à l'occasion, blâmeront
sévèrement le juge et risqueront l'outrage au tribunal. Mais je
vous assure, et je crois que vous partagerez mon opinion là-dessus, que,
lorsque l'injustice ou la sévérité excessive d'un
jugement
se porte sur des enfants, sur des jeunes, il est difficile de rester
impartial et de ne pas devenir bouillant.
Quand on va condamner un monsieur de 40 ans qui a fait, parce qu'il
était mal pris, disons, un hold-up, il va assurer que c'était
pour faire vivre sa famille et il gagnait ainsi une sympathie, mais le juge
dira: Vous avez commis un hold-up et vous avez la sentence que tout le monde
doit avoir. A un journaliste professionnel, cela apparaîtra
peut-être comme excessif, effectivement, parce qu'il semblait avoir des
circonstances atténuantes; mais je pense que, sans difficulté, la
plupart des journalistes rapportent le jugement, etc., comme cela a
été rendu.
Mais lorsque cela concerne un jeune, et personne ne peut croire un jeune
de seize ans fini, que c'est sur lui qu'effectivement on sent que la
sévérité et parfois la bêtise d'une certaine logique
sociale, à travers les juges, a frappé le jeune, je vous
assure...
J'ai déjà assisté à ces affaires et c'est
difficile de rester je ne sais pas si tous les journalistes partagent
mon calme insensible à cela. Je pense, par exemple, au journal de
ce matin je prends seulement ce cas c'est révoltant. Il y
a des fois où vous allez voir un prévenu à qui on va
accorder à peu près le même traitement parce que c'est une
arrestation spectaculaire ou n'importe quoi. Parfois, on lui crée
préjudice à lui aussi quand ou lui donne un traitement de ce
genre, mais on a l'habitude de passer un peu par-dessus parce qu'il a
été pris en flagrant délit ou je ne sais quoi. Mais quand
cela s'adresse à un jeune, cela devient... Parce que lui, il a dix-sept
ans de vécu. Il lui en reste au moins 55 ou 60 encore à vivre. Il
a toutes les chances. On ne sait pas d'où il vient. On ne sait pas ce
qui lui est arrivé. On va peut-être le savoir
éventuellement. Cela devient encore plus inacceptable quand cela porte
sur des enfants et c'est là que la difficulté de se contenir
paraît plus sévère.
M. Mailhot: C'est l'argument en sens inverse, c'est-à-dire
que vous avez vous-même qualifié l'article, ou la façon
dont on a traité de ce problème, d'écoeuranterie ou d'un
mot analogue. Mais on peut se poser la question: combien y a-t-il
d'écoeuranteries semblables ou encore plus graves que celles qui se
passent derrière les portes closes et qui peuvent être encore
beaucoup plus dommageables à l'enfant que, par exemple, le cas dont on
parle? C'est une question qu'on peut se poser.
Il est assez remarquable de voir aussi que la fédération
travaille sur ce dossier depuis maintenant presque deux ans, et on a vu
beaucoup de gens dans deux ans. On a à peu près rencontré
tous les gens impliqués dans le domaine social, à partir des
juges en descendant. En fait, on pourrait parler d'agents de probation, de
travailleurs sociaux, de psycho-éducateurs, d'avocats de la Commission
des services juridiques, etc., et il est assez remarquable, sauf quelques rares
exceptions, de voir l'unanimité de pensée vis-à-vis de
cette question. En fait, la grande majorité des gens impliqués
sont d'accord pour la présence des journalistes.
Là où on s'entend moins, c'est sur les modalités de
la présence de la presse dans ces cours, de dire qu'on a toujours la
crainte et c'est tout à fait normal, et je pense que cela ne
surprend personne, cela ne nous surprend pas en tout cas du
sensationnalisme. On a peur de voir dans les journaux de grosses manchettes le
lendemain, un peu dans le style de cela ou autrement, mais on pense et
c'est aussi l'attitude de beaucoup de ces gens, dont plusieurs juges, c'est
assez surprenant... Pour des raisons évidentes, les juges ne sont pas en
mesure de se prononcer publiquement sur la question à cause d'un
contexte particulier. Il est assez évident, je crois, que c'est un
risque que la démocratie doit prendre. C'est presque
élémentaire finalement.
M. Charron: Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
On vous remercie, messieurs.
La CEQ a communiqué avec le secrétaire des commissions, M.
Pouliot, pour mentionner qu'elle ne se présentera pas à la
commission. Nous n'avons pas d'autre organisme à entendre aujourd'hui.
Alors, la commission ajourne sine die.
M. Levesque: Non.
Le Président (M. Pilote): Au 9 mars. A 10 h 30?
M. Levesque: A 10 h 30.
Le Président (M. Pilote): Le 9 mars à 10 h 30.
(Fin de la séance à 13 h 11)