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Commission conjointe des affaires sociales et de la
justice
Avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse
Séance du mardi 9 mars 1976
(Dix heures quarante-trois minutes)
M. Pilote (président de la commission conjointe des affaires
sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
La commission conjointe de la justice et des affaires sociales est
réunie ce matin pour entendre les mémoires qui sont
présentés par différents organismes.
Sont membres de cette commission: M. Bé-dard (Chicoutimi); M.
Bellemare (Johnson); M. Bellemare (Rosemont); M. Chagnon (Lévis) qui
remplace M. Bienvenue (Crémazie); M. Bonnier (Taschereau); M. Boudreault
(Bourget); M. Burns (Maisonneuve); M. Charron (Saint-Jacques); M. Cho-quette
(Outremont); M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Desjardins (Louis-Hébert); M.
Forget (Saint-Laurent); M. Fortier (Gaspé); M. Giasson
(Montmagny-L'Islet); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Lachance
(Mille-Iles) qui remplace M. Lecours (Frontenac); M. Levesque (Bonaventure); M.
Malépart (Sainte-Marie); M. Massicotte (Lotbinière); M. Harvey
(Charlesbourg) qui remplace M. Pagé (Portneuf); M. Perreault
(L'Assomption); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) qui est remplacé par
M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Springate
(Sainte-Anne); M. Sylvain (Beauce-Nord) et M. Tardif (Anjou). Il y a une
correction. M. Lacroix remplace M. Tardif (Anjou), M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier) étant présent.
Nous entendrons dans l'ordre, aujourd'hui, les organismes suivants: La
Fédération des unions de familles Inc., le Conseil du
Québec de l'enfance exceptionnelle, l'Association professionnelle des
criminologues du Québec, l'Association des centres d'accueil du
Québec, le Centre communautaire juridique de Montréal, la maison
Notre-Dame-de-Laval et les officiers de probation à titre personnel.
J'inviterais M. Robert Dubuc, porte-parole de la
Fédération des unions de familles Inc., à bien vouloir
prendre place et à présenter son mémoire ainsi qu'à
identifier ceux et celles qui l'accompagnent. Vous avez 20 minutes pour
présenter votre mémoire. Le parti ministériel a 20 minutes
pour vous poser des questions et les partis d'Opposition ont 20 minutes chacun
pour vous poser des questions. La parole est à M. Dubuc.
M. Dubuc (Robert): Comme c'est Mme Bédard qui est chef de
la délégation, je lui passe la parole.
Fédération des unions de
familles
Mme Bédard (Colette): Nous représentons la
Fédération des unions de familles Inc. C'est un organisme qui
regroupe des locales et des associations régionales.
Le but de notre organisme est une promotion de la politique familiale
à tous les niveaux et l'obtention de services à ses membres. Nous
désirons vous demander d'excuser, M. le Président, Gilles Dupont
et notre secrétaire-général, Jacques Lizée que des
engagements antérieurs empêchent de se rendre ici; c'est pourquoi
nous venons.
Je suis Colette Bédard, membre du comité
famille-école et j'ai fait partie du comité qui a
étudié le projet. M. Robert Dubuc est membre du comité qui
a étudié l'avant-projet.
En 1973, lors de la présentation de l'avant-projet, nous avions
déjà présenté un mémoire et ce
mémoire... L'année dernière, M.Choquette et M. Forget ont
envoyé une lettre à la fédération soulignant le
fait que certaines des présentations que nous avions faites
étaient retenues pour la base et on nous a demandé de revenir.
Comme à lafédération, la politique familiale peut en
être une de prévention, nous sommes très
intéressés à faire entendre notre point de vue. Je passe
la parole à M. Dubuc.
M. Dubuc: M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire, la Fédération des unions de familles
tient d'abord à vous exprimer sa satisfaction face à la
présentation de cet avant-projet de loi. Nous croyons que c'est une
question qui est extrêmement importante, qui est extrêmement
urgente. La fédération se réjouit de constater que des
points sur lesquels elle avait insisté en particulier, la
nécessité de décentraliser les services, de rattacher la
partie fonctionnelle de ces services au ministère des Affaires sociales
et la nécessité de maintenir l'enfant, dans toute la mesure du
possible, dans son milieu familial naturel, apparaissent avoir
été à la base de la restructuration de cet avant-projet de
loi.
Il nous semble important que, dans toute cette question de la protection
de la jeunesse, on puisse avoir une vision globale, on envisage l'enfant dans
son milieu familial, dans son milieu de dépannage, soit dans les foyers
nourriciers ou les garderies, dans son milieu scolaire, les classes
régulières et les classes pour l'enfance exceptionnelle, mais
aussi dans son milieu social, loisirs, sports, etc.
La Fédération des unions de famille soumet à
l'attention du législateur certaines propositions sur des points
particuliers de l'avant-projet. En particulier à l'article 8, il nous
semble opportun d'insister sur la nécessité de ne pas multiplier
les milieux de vie de l'enfant et que les transferts de l'enfant en
différents foyers fassent l'objet d'une planification et d'une
préparation et qu'ils n'obligent pas l'enfant à des
réadaptations constantes.
A l'article 12 où il est prévu que les recommandations
pour la nomination des membres de la commission soient faites par les ministres
de la Justice et des Affaires sociales, nous demandons d'ajouter que ces
recommandations s'appuient aussi sur les recommandations d'associations et
d'organismes représentatifs des parents, puisqu'ils sont, au premier
chef, intéressés à l'enfance.
Il nous apparaît opportun que les corps intermédiaires,
à ce stade, aient leur mot à dire.
Nous soulignons aussi, à l'article 26, la nécessité
absolue du service de 24 heures; cette permanence à assurer, je pense
qu'elle est absolument importante. Quand les cas urgents se posent, il faut
absolument que les gens qui sont impliqués dans le conflit puissent
savoir à qui ils vont s'adresser.
A l'article 32, il nous apparaîtrait opportun de donner à
la formulation de cet article une forme plus positive, de façon à
assurer la destruction effective du dossier pour que l'enfant, une fois parvenu
à sa majorité, ne coure pas le risque d'être entravé
par la présence d'un dossier cumulatif qu'il traîne avec lui.
A l'article 42, nous recommandons également la
représentation de la base dans la nomination du personnel, des membres
de la direction de la protection de la jeunesse dans les centres de services
sociaux. Il nous apparaît que cette participation de la base est une
garantie à la fois d'efficacité et de protection pour
l'enfant.
A l'article 44, nous demandons de faire disparaître de la
cinquième ligne l'expression "agent de la paix" parce que nous craignons
qu'à cause de cette possibilité explicitement prévue par
la loi, en particulier durant les fins de semaine et dans des circonstances
particulièrement difficiles, les responsables délèguent
trop facilement leurs responsabilités à cet égard à
un agent de la paix. Il nous apparaît opportun que la coloration
policière de ces diverses opérations soit atténuée
le plus possible.
A l'article 48, en plus de tous les cas énumérés
à cet article, nous en ajoutons un autre. Il s'agit évidemment
des cas où on peut considérer que l'enfant est en danger. C'est
le cas où l'enfant est soumis à des pressions d'ordre
psychologique et affectif excessives de la part de l'un ou l'autre parent.
Evidemment, la loi prévoit des cas de mauvais traitement, mais il
y a certainement des cas aussi où des parents qui sont
émotivement troublés peuvent exercer sur leurs enfants des
pressions aussi nocives que peuvent être des mauvais traitements.
Parfois, on peut étouffer davantage un enfant par excès
d'affection que par des mauvais traitements.
A l'article 55, puisqu'on parle des mesures provisoires qui s'imposent
de façon urgente, il nous semble nécessaire d'ajouter, à
l'alinéa a), la formulation suivante: "en changeant les conditions
compromettant la protection de l'enfant et en appliquant immédiatement
certaines mesures", parce que si on se contente de laisser l'enfant dans la
situation telle qu'elle est et si, effectivement, la situation est urgente et
qu'on ne fait rien pour y remédier, il semble absolument superflu de
mettre cet alinéa dans la loi.
A l'article 65, on ajouterait, au paragraphe d): "Si des
problèmes d'ordre financier ont été identifiés
comme une des causes importantes du problème, que des
possibilités financières soient accordées à la
famille." Cela nous semble simplement implicite dans le texte de loi, à
l'heure actuelle. Il nous semble que cela devrait être explicité
davantage.
De même, à l'article 68 où on parle de la
contribution financière des parents au placement de l'enfant, il nous
semble qu'il faudrait ajouter que l'impossibilité dûment
attestée de respecter cette norme de la part des parents ne puisse pas
remettre en question le placement lui-même.
A l'article 96 où il est question de la protection judiciaire de
la jeunesse, on se demande pourquoi, l'âge de la majorité
étant désormais fixé à 18 ans, on exige le maintien
du dossier jusqu'à 21 ans. Il nous semble que le dossier doit être
effectivement détruit lorsque l'enfant a atteint sa majorité.
Pour la même raison qu'on avait soulignée tout à l'heure,
il nous semble qu'à la majorité, tout le monde doit avoir la
chance de partir sur le même pied et que personne ne doit être
impunément lésé par la présence d'un dossier qui,
dans certains cas, pourrait être invoqué de façon
défavorable pour la personne qui en a fait l'objet.
L'article 128, qui traite de la réglementation, nous
apparaît important parce que, dans l'équipe qui a
étudié cet avant-projet de loi, certaines personnes avaient
été saisies de circonstances où, un règlement ayant
été invalidé par un tribunal, le règlement restait
quand même en vigueur et continuait d'être appliqué dans les
autres endroits. Alors, il nous apparaît opportun de réclamer que,
si une directive est prouvée aller à l'encontre de la loi
après jugement, cette directive doit être nécessairement,
et dans un court délai, révisée, modifiée ou
retirée selon le cas, de façon à assurer la
compatibilité entre la loi et le règlement.
Dans les dispositions transitoires et finales, c'est simplement des
précisions qu'il nous apparaît opportun d'ajouter; par exemple,
à l'article 132, on se réfère aux articles 109 et 110,
sans dire de quelle loi il s'agit. Je pense que, pour la clarté et la
compréhension de cet article, il faudrait dire explicitement à
quelle loi les articles 109 et 110 se rapportent. Même chose à
l'article 140; pour éviter toute ambiguïté, il faudrait
préciser de quel conseil d'administration il s'agit à l'article
74 b).
La Fédération des unions de familles, je pense, regrette
que cet avant-projet ne fasse pas davantage état de l'aspect
préventif de la protection de la jeunesse. Par contre, nous constatons
qu'il est prévu dans la loi une fonction d'information qui est
extrêmement importante et qui devrait être, je pense,
développée le plus possible pour que les jeunes et leurs parents
soient au courant de leurs droits et de leurs prérogatives. Il nous
semble, à cet égard, que le milieu scolaire pourrait
s'avérer un excellent agent d'information et de prévention dans
ce domaine.
La Fédération des unions de familles, comme le soulignait
tout à l'heure Mme Bédard, envisage la question de la protection
de la jeunesse dans une optique de prévention qui devrait
s'insérer dans une politique familiale globale, de façon à
permettre à la famille de jouer pleinement son rôle qui est
d'être le lieu privilégié et normal de
l'épanouissement de l'enfant. C'est bien sûr que, si tout
l'environnement et si tout le contexte social ne permettent pas à la
famille de jouer pleinement son rôle, les cas où il faudra
recourir à la loi se multiplieront. Il nous apparaît que c'est
encore en
intensifiant le réseau de services aux familles dans tous les
milieux de vie que le nombre de cas visés par un tel projet sera
effectivement réduit.
Enfin, il nous semble, pour conclure, qu'il y a trois points sur
lesquels il serait bon qu'on insiste. C'est d'abord la multiplication des
centres d'accueil, l'amélioration en qualité et en
quantité des services qu'ils offrent, et ensuite l'amélioration
de la compétence du personnel qui oeuvre à l'intérieur des
centres existants.
Je pense que cela résume la position de notre organisme face
à ce projet de loi. Nous sommes disposés, Mme Bédard et
moi-même, à répondre aux questions que vous voudrez bien
nous poser.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
les représentants de la Fédération des unions de familles
pour leur présentation et leur mémoire.
Je n'ai que très peu de questions, à leur poser, M. le
Président. J'aimerais, m'inspirant de l'introduction à leur
mémoire, relever une affirmation qu'ils considèrent
sûrement comme très importante, puisqu'elle est soulignée
dans leur texte, mais au sujet de laquelle, même si on la retrouve dans
le projet de loi, certains groupes ont exprimé un peu de scepticisme
disons.
Il s'agit de cette notion que l'intérêt des enfants doit
être le motif déterminant des décisions prises à
leur sujet en vertu de la nouvelle loi. Il semble que, pour certaines
personnes, une affirmation comme celle-là ouvre la porte à
l'arbitraire, puisque, à défaut de préciser comment
interpréter l'intérêt des enfants, on peut, en utilisant
une telle expression justifier à peu près n'importe quoi, y
compris même, à la limite, des situations que la loi a le but de
changer.
J'aimerais demander à ceux qui sont devant nous si, sans
abandonner ce principe, ils pourraient nous aider à formuler
différemment le but véritable qu'on recherche par une affirmation
comme celle-là, et peut-être diminuer la part de l'arbitraire dans
l'interprétation d'une formule qui, dans le fond, ne veut rien dire,
sauf par un rappel assez vague à des bons sentiments, si vous voulez. Je
crois que, dans la rédaction d'une loi, même s'il est assez facile
de tomber d'accord sur l'expression "de bons sentiments" on le retrouve
à ce moment-ci, on le retrouve ailleurs également il faut
se rendre compte qu'une loi est interprétée par un très
grand nombre de personnes qui ont des optiques différentes, des
motivations différentes, qui font face à des contraintes
différentes les unes des autres. Je crois que l'effort qu'il faut faire,
de tous côtés, c'est de bien préciser ce que l'on veut
atteindre par des principes généraux qui, justement, parce qu'ils
veulent dire bien des choses à bien des personnes peuvent ne vouloir
rien dire du tout.
M. Dubuc: Certainement, M. le ministre, mais je pense qu'on peut
dire d'un principe ce qu'on peut dire de n'importe quelle loi ou de n'importe
quel texte de portée générale: Avec de bonnes ou de
mauvaises intentions, on peut en faire n'importe quoi.
Mais il nous apparaîtrait peut-être opportun de remplacer le
mot "intérêt" par un terme plus précis comme
"bien-être" à condition qu'on entende "bien-être" dans un
sens extrêmement global.
Au fond, ce qu'on veut, c'est que l'enfant ait le droit fondamental et
légitime de tout être humain de pouvoir développer ses
ressources et d'être un citoyen, parvenu à l'âge adulte,
capable de fonctionner efficacement à l'intérieur du cadre social
que nous connaissons.
Alors, si c'est cette intention qui est derrière la loi,
c'est-à-dire permettre à l'enfant d'accéder à son
épanouissement intégral et complet, je pense qu'on ne peut aller
plus loin que cela. Si on veut invoquer ce principe pour légitimer des
intentions plus douteuses, à ce moment, c'est aux gens qui ont ces
intentions qu'il faudrait s'en prendre. Parce qu'il est difficile de formuler
quelque chose d'une façon tellement précise qu'on ne puisse pas
jouer sur l'interprétation. Mais en substituant le concept
d'intérêt à celui de l'épanouissement
intégral, on aurait peut-être quelque chose de plus
précis.
M. Forget: Je vais essayer de donner un exemple de ce que je veux
dire par cette imprécision. Je ne mets pas du tout en doute la bonne
volonté de ceux qui ont à interpréter ou à
appliquer la loi; pour l'appliquer, il faut l'interpréter.
Il est clair, par exemple, qu'on a insisté beaucoup, et avec
raison, sur le fait qu'un enfant devait avoir d'ailleurs, c'est la loi
fondamentale sur les droits et les libertés des personnes qui le
proclame tous les droits qu'ont les adultes et, en plus, certains droits
spécifiques qui découlent de leur situation particulière.
Ils ont droit à une protection, dans le fond, qu'on n'étend pas
aux adultes.
Donc, ils ont au moins les droits des adultes et ils ont en plus de cela
quelques droits quant à une protection spéciale.
Quand, en plus de ce principe qu'on retrouve ailleurs dans la loi, on a
une notion dans un des articles qui est censée nous aider à
interpréter la loi, c'est donc qu'on a à l'esprit des situations
où le principe précédent ne nous sera d'aucun secours.
Ces situations sont peut-être celles où l'enfant ayant des
droits et lui reconnaissant des droits, il y a aussi d'autres individus,
d'autres personnes qui ont des droits, par exemple, des adultes.
Est-ce que le principe que l'intérêt des enfants doit
être le motif déterminant veut dire, dans ces cas, que
l'intérêt de l'enfant, c'est-à-dire le droit d'un enfant,
en fonction des lois, est supérieur au droit des adultes? On peut
imaginer des cas, par exemple, où des décisions sont prises par
les tribunaux dans des causes de divorce, relativement au placement des
enfants, ou à la garde des enfants. Est-ce qu'effectivement, en parlant
de la suprématie de l'intérêt des enfants, on veut dire que
des décisions relatives à la garde, mais découlant
de procédures légales qui mettent en présence les
droits d'adultes, peuvent être écartées au
bénéfice d'une disposition ou d'une décision qui porte
strictement sur la situation de l'enfant? Vous voyez là que c'est un
principe qui peut être extrêmement important. Mais quand on dit:
L'intérêt des enfants doit être le motif déterminant,
on ne tranche pas cette question et on reste dans le même doute, avec une
disposition comme celle-là, qu'on peut l'être dans le moment;
donc, on n'a fait aucun progrès. Je me demande si, sur un sujet comme
celui-là, vous allez jusqu'au point de dire: Non seulement un enfant
a-t-il des droits comme un adulte, mais quand on actualise son droit, quand on
cherche à lui octroyer ce droit, à lui permettre d'en jouir, si
vous voulez, cela est supérieur aux droits d'un adulte.
M. Dubuc: II me semble qu'il y a une hiérarchie de droits
aussi et qu'à ce moment-là, c'est justement cette
hiérarchie des droits qu'il faut respecter. Si le droit de l'adulte,
pour reprendre l'exemple que vous nous avez cité dans le cas de la garde
d'un enfant, peut mettre en péril le droit fondamental de
l'épanouissement de l'enfant, qui m'apparaît supérieur
à celui de pouvoir garder son enfant, à ce moment-là, il
me semble qu'il n'y a pas de doute que c'est l'intérêt de l'enfant
qui doit primer. Par contre, si l'intérêt de l'enfant tombe sur un
droit accessoire et que cela enfreint un droit important de l'adulte, il me
semble, encore là, que c'est le droit important qui doit primer. Il me
semble qu'il y a une notion de hiérarchisation des droits dont on ne
peut pas faire abstraction dans un cas comme celui-là. Mais il reste
qu'à la baseje reviens encore à cette notion de
l'épanouissement de l'enfantje pense que c'est le bien fondamental
que la loi doit sauvegarder et je pense qu'il doit être prioritaire sur
un même plan quand les droits se situent à un même
niveau.
M. Forget: Merci. Une autre question. Si je peux la trouver, je
vais vous la poser. Vous suggérez, relativement à l'article 48,
d'ajouter un autre paragraphe. L'article 48 est celui qui, dans le fond, est la
charnière de toute la loi, puisque c'est l'article qui
énumère les cas où, se prévalant d'une loi, les
autorités professionnelles, administratives et même judiciaires
peuvent intervenir dans une famille. Il y a une enumeration qui est fort
longue, mais je pense qu'elle doit être longue si l'on veut être
bien clair sur les faits de la loi.
Vous suggérez d'ajouter une autre cause d'intervention et
j'aimerais que vous précisiez un peu le sens que vous donnez à
cette autre disposition. Vous dites: "L'enfant est soumis à des
pressions d'ordre psychologique et affectif de la part de l'un ou l'autre
parent." J'aimerais que vous développiez un peu cette idée ou que
vous donniez des exemples.
M. Dubuc: D'accord. D'abord, on a ajouté des pressions
d'ordre affectif et psychologique excessives. Je pense que ce n'était
pas une précision inutile; elle ne figure pas dans le texte original. Il
nous est apparu que, dans les divers cas qui avaient été
énumérés par la loi, la plupart des choses étaient
prévues, sauf le cas où l'enfant, en présence de parents
peut-être émotivement dérangés, pouvait être
soumis à des influences ou à des pressions qui pouvaient
justement être de nature à gêner son épanouissement
normal. Je sais que c'est beaucoup plus difficile à quantifier que quand
il s'agit de mauvais traitements physiques. Mais il m'apparaîtrait
incomplet de laisser de côté cette possibilité de tenir
compte de certains facteurs d'ordre psychologique ou affectif dans une
situation familiale donnée qui, souvent, peut traumatiser l'enfant
encore plus que des mauvais traitements physiques. Pensons à une
mère absolument tyrannique, par exemple, qui ne permet pas à
l'enfant de mener une vie d'enfant normale et qui est extrêmement
possessive ou des cas comme ça qui peuvent, je pense, se
présenter. Ou encore elle peut inculquer à son enfant ses propres
problèmes émotifs de telle sorte que l'enfant lui-même se
trouve dérangé émotivement dans son fonctionnement. Cela
m'apparaît des cas dont il faut tenir compte dans certaines
circonstances. Est-ce que c'est plus clair?
M. Forget: C'est plus clair, mais j'aimerais peut-être
attirer votre attention sur le danger qu'il y a, malgré tout, sous la
meilleure des intentions de protéger l'enfant, de développer,
basé sur des lois, donc avec possibilité d'infractions, de
mesures judiciaires à la limite, un système qui soit trop
inquisitorial sur le plan des intentions. Je pense que ce qu'il est utile de
faire dans la loi, c'est de distinguer des effets d'un comportement
néfaste chez des parents, puisqu'on peut facilement s'entendre sur
l'existence des effets que sur l'existence des intentions indépendamment
des effets. L'avant-projet souligne, par exemple, qu'évidemment le
développement émotif ou mental d'un enfant peut être mis en
péril par une privation d'affection ou un rejet. Je pense que c'est
déjà aller très loin, mais je crois qu'il y a là
des comportements qui sont vérifiables, dont on peut témoigner ou
dont des tiers peuvent témoigner.
Un autre paragraphe prévoit que, si un enfant est privé de
tout contact avec la société extérieure, qu'on le tient
tellement dans un cocon pour le protéger qu'il devient impossible pour
lui de se socialiser normalement, ça peut être des motifs
d'intervention. Mais j'aurais beaucoup de réticence à dire: Si
des parents exercent des pressions, mais dont on ne peut pas encore constater
les effets, il y a là un motif d'une intervention, même par la
cour.
M. Dubuc: Ne croyez-vous pas que l'excès d'affection peut
être aussi pernicieux que la privation, dans certains cas, quand c'est
pathologique, bien sûr?
M. Forget: Je pense que vous avez raison, mais mon argumentation
et ce sur quoi j'attire votre attention, c'est la nécessité de
constater les effets de cet excès d'affection ou de cette privation
d'affection, des effets qui sont démontrables, plutôt que des
attitudes et des traits de personnalité
chez les parents. Il ne faut quand même pas faire le procès
des parents sur la base de leur personnalité.
Je pense que si leur personnalité est telle que, vis-à-vis
de leurs enfants, ils ont des comportements qui sont démontrables et qui
sont, sur un certain plan, matériellement démontrables, à
ce moment-là, on est justifié d'invoquer la loi.
M. Dubuc: Dans notre intention, en tout cas, c'étaient des
comportement nettement pathologiques et non pas des choses qui pouvaient se
situer à la limite de la normalité.
Mme Bédard: II pouvait y avoir aussi le cas des enfants
dont les parents préparent le divorce ou une séparation et font
du chantage vis-à-vis de l'enfant. C'était aussi un des aspects
qui avaient attiré notre attention. C'est ce point de vue de chantage,
pour avoir l'enfant d'un côté ou de l'autre et on trouvait que
c'était malsain de placer l'enfant dans une situation malsaine.
M. Forget: Je pense que vous avez touché des points
importants. Il ne faut pas oublieret je pense que c'est un facteur qu'il
est important de rappeler, du moins en commission parlementaire que nous
étudions un texte de loi. Nous n'étudions pas un traité de
pédagogie enfantine, par exemple, et il est nécessaire de faire
la distinction. Un texte de loi acquiert une autorité, devient un
levier, un instrument d'intervention, même dans les cas où cette
intervention n'est pas souhaitée, ni par l'enfant, ni par les adultes.
Je crois qu'il faut respercter un certain équilibre dans les ouvertures
qu'on fait aux possiblités d'intervention, parce qu'il faut
également respecter la vie privée des familles, leurs
responsabilités premières. Il ne s'agit pas de les assumer
toutes.
Si l'on intervient, je pense qu'il faut baser notre intervention sur des
choses assez concrètes, assez palpables, assez facilement
démontrables éventuellement même devant une cour de justice
pour ne pas tomber dans un certain arbitraire et pour éviter que la loi
donne sa bénédiction, en quelque sorte, à une intrusion
pour n'importe quel prétexte, si léger soit-il, dans la vie
privée des familles. C'est cet équilibre qu'il est
nécessaire de respecter.
Je ne prendrais pas tout ce temps-là pour faire ce
développement et en discuter avec vous si, justement, cet article 48
n'était pas tellement important à mes yeux. On se souviendra des
rédactions antérieures qui sont extrêmement sommaires. Dans
les rédactions antérieures, on disait: Tout ce qui est mauvais,
dans le fond, donne ouverture à la protection de la jeunesse. Je pense
qu'on ouvre la porte, à ce moment-là, à ce que des
situations, que la plupart des gens trouveraient mauvaises, ne soient pas
sanctionnées, puisque l'individu qui est chargé des services,
lui, trouve que ce n'est pas mauvais, donc de trop peu faire. D'autre part, on
prend le risque, par une rédaction trop générale, de trop
faire.
La seule solution, c'est de nommer spécifiquement des cas
où, d'un commun accord, le concensus social justifie une intervention,
une intervention qui peut aller jusqu'à l'action devant le tribunal.
Il faut être très précis. Il faut que toutes les
causes d'intervention soient mentionnées, mais toutes les causes qui ont
suffisamment un caractère d'objectivité, que l'on puisse prouver
autrement que par des querelles d'intention ou des procès
d'intention.
Je crois qu'un effort de réflexion là-dessus peut
très certainement nous aider pour ajouter, au besoin, des clauses
additionnelles, toujours s'assurer que ces clauses additionnelles aient
suffisamment de caractère d'objectivité pour ne pas qu'on tombe
dans un régime inquisitorial, un régime dont personne ne veut, je
pense, même si c'est pour un grand principe qui est la protection de la
jeunesse.
M. Dubuc: Je pense que nous sommes tout à fait d'accord
avec le principe, mais il nous apparaît comme une lacune que les cas de
comportement de pathologie affective, à l'intérieur d'un milieu
familial, ne soient pas entrés en ligne de compte.
M. Forget: D'accord. Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: M. Dubuc, Mme Bédard, je vous remercie aussi
du témoignage que vous avez apporté ce matin. Je suis très
heureux que ce soit la Fédération des unions de familles qui
apporte cet élément nouveau dans notre discussion. Vous
êtes le premier groupe qui identifiez, dans les causes qui peuvent
conduire un jeune à être sous l'empire de la loi dont nous
traitons, les excès d'affection.
D'ailleurs, la loi fait mention, à l'article 48, qu'une des
causes, au sens de la présente loi, qui peut toucher la santé de
l'enfant, c'est l'absence, la privation d'affection. Vous êtes le premier
groupe qui venez nous parler de la situation inverse.
J'ai fait une émission de radio, dernièrement, à
Montréal, sur cette question. Une auditrice, très
généreuse, semble-t-il, m'a identifié le problème
fondamental de la jeunesse québécoise d'aujourd'hui comme
étant la disparition des coeurs de maman; si les coeurs de maman
revenaient à la surface, une bonne partie des problèmes serait
réglée. Je n'ai pas partagé totalement son opinion
vous me comprendrezmais j'aimerais avoir des explications, parce que, au
moment où vous disiez cela, j'avais aussi en tête une statistique.
Une famille sur douze dont nous parlons, et probablement membre de la
fédération ou touchée par les politiques que vous
réclamez, est, au Québec, une famille monoparentale. Est-ce que
vous pouvez identifier ces cas où il y a présence de l'enfant
auprès d'une personne seule, devenue seule, pour cause de
décès de l'autre ou disparition de l'autre? Est-ce que c'est dans
ces cas que vous pouvez identifier le fait que l'enfant prend
une valeur encore plus importante, à cause de la privation de
l'autre personne du couple et que ce serait dans cette situation, souvent,
qu'on retrouverait des cas d'excès d'affection, comme vous le dites, qui
peuvent nuire au développement et à l'épanouissement
intégral de l'enfant?
M. Dubuc: C'est certain que, dans ces cas, cela constitue un
milieu propice à l'éclosion de situations comme celle-là.
Evidemment, c'est beaucoup fonction de l'équilibre du parent restant.
C'est certain que, dans certaines familles monoparentales, l'attitude des
parents est tout à fait saine, excellente et ils s'adaptent très
bien à une situation difficile, Mais, si, déjà, la
personne qui a la garde de l'enfant a un équilibre émotif un peu
précaire, c'est certain que, dans des situations comme celle-là,
oela peut être générateur de comportements où
l'excès d'affection peut être vraiment traumatisant et
gênant pour le développement normal de l'enfant.
M. Charron: Vous êtes, encore une fois, le premier groupe
à nous faire réfléchir là-dessus; j'aimerais que
vous développiez encore un peu à partir de quelle
expérience, de quelle analyse vous avez identifié cela.
M. Dubuc: C'est peut-être beaucoup de parler d'analyse.
Dans un mouvement comme le nôtre, on fonctionne beaucoup par empirisme,
parce que, évidemment, nos crédits ne sont pas très
généreux et on ne peut pas affecter des fonds à la
recherche par des sociologues.
C'est certain que, dans nos expériences quotidiennes, on est
témoin de cas d'enfants dont le développement de la
personnalité a été entravé par ce qu'on a
appelé, faute peut-être d'un terme plus technique, l'excès
d'affection ou le comportement pathologique d'un parent à l'égard
de cet enfant. Je pense que le cas se présente assez fréquemment
dans certaines situations difficiles où la famille ne peut pas retrouver
son équilibre normal. A ce moment, évidemment, cela donne prise
à des comportements qui ne sont pas normaux effectivement et qui sont au
détriment de l'enfant.
M. Charron: Cela vous apparaît suffisamment important et
même répandu pour que vous nous suggériez d'ajouter
à la loi qui, elle, parle de privation de l'affection, son
contraire?
M. Dubuc: Je pense que la loi parle de mauvais traitements
physiques aussi. Les "mauvais traitements psychologiques" sont peut-être
aussi fréquents que les cas de lésions physiques ou de mauvais
traitements physiques. C'est moins constatable, si vous voulez, mais...
M. Charron: M. Dubuc, l'avant-projet de loi porte
déjà des mentions quant aux traitements psychologiques
infligés à l'enfant; l'article 48, je vous y réfère
tout de suite, parce que c'est là-dessus que je veux poursuivre la
discussion, dit dans son paragraphe b): ... lorsque le développement
émotif ou mental de l'enfant est mis en péril par le rejet de la
part de ses parents ou par privation d'affection...
M. Dubuc: C'est cela. Alors, ce qui manque, à notre avis,
à cette dimension, c'est la contrepartie. Cela peut être mis en
péril aussi par un excès ou une déviation.
M. Charron: D'accord. Là, je rejoins un peu les propos du
ministre. Quand on se met à ajouter tous ces... cela devient
difficile.
M. Dubuc: C'est sûr.
M. Charron: Je vous réfère aussi au premier
paragraphe de l'article 48. C'est le cas où la sécurité,
le développement et la santé d'un enfant peuvent être
considérés en danger, si et c'est la toute première
remarque que fait l'avant-projet de loi l'enfant ne
bénéficie pas de conditions matérielles d'existence
appropriées à ses besoins et proportionnelles aux ressources de
sa famille.
La commission s'est déjà arrêtée à ce
paragraphe de l'article 48 en disant que si on le prend à la lettre,
encore une fois il y a toujours un danger lorsqu'on intervient
là-dedans. Ainsi, une bonne partie de mes concitoyens du centre-sud de
Montréal se trouveraient visés par ce paragraphe, parce
qu'effectivement plusieurs des enfants du centre-sud de Montréal ne
bénéficient pas de conditions matérielles d'existence
appropriées à leurs besoins. Vous nous suggérez à
votre article 65 d'ajouter au pouvoir d'intervention du CLO, si des
problèmes d'ordre financier ont été identifiés
comme une des causes importantes du problème, que des
possibilités financières accrues soient accordées à
la famille. C'est encore une fort généreuse intention, en
même temps que, à mon avis, une analyse très
poussée, parce qu'effectivement, à l'origine de plusieurs
déviations, de plusieurs problèmes, il y a la situation
socio-économique de la famille dans le milieu. Cela rejoint le
paragraphe a) de l'article 48, votre suggestion à l'article 65, mais
j'aimerais que vous la concrétisiez, parce que vous imaginez bien que,
de l'autre côté, on ne doit pas être très favorable
à l'inclusion de ce genre de projet dans la loi. Cela voudrait dire que
le CLO aurait en même temps des ressources financières qui lui
permettraient d'intervenir presqu'à discrétion pour combler une
lacune financière dans une famille, donc jouer dans une politique
sociale que, jusqu'ici, le ministre a voulu conserver très jalousement
entre ses mains. C'est lui qui veut continuer à faire vivre des familles
à $347 par mois et il n'aime pas que d'autres interviennent pour
corriger des lacunes financières de ces familles.
Est-ce que, quand la fédération a posé cette
suggestion à l'article 65, vous vous doutiez des arguments à
l'encontre qu'on allait apporter? Est-ce que vous en avez pesé toute la
portée réelle, si on devait jamais se pencher
là-dessus?
M. Dubuc: Je pense que notre intention, en ajoutant cette
disposition à l'article 65, se situait dans les cas de crise.
Evidemment, si ce qui a amené le conflit ou la crise est à
l'origine un problème strictement financier et qu'il faut faire face,
dans les 24 ou 48 heures, à une situation de crise dont la solution
implique une intervention financière directe, il nous apparaît
important que l'organisme compétent puisse bénéficier des
crédits pour au moins remédier à la crise dans ce qu'elle
a d'aigu. On n'a pas envisagé cette disposition comme un
mécanisme social permanent. Mais si le cas qui a amené la crise a
sa racine dans une situation d'urgence, il faudrait que l'organisme
compétent puisse bénéficier des crédits
nécessaires pour pouvoir intervenir et au moins enlever ce qu'il peut y
avoir de critique dans cette situation, quitte à trouver, à long
terme, des solutions plus équitables et plus acceptables, compte tenu de
l'équilibre financier de l'Etat et d'autres facteurs analogues.
M. Charron: Je comprends le sens de votre intervention. Votre
conclusion rejoint celle du mémoire, où vous dites, et c'est en
caractères gras: "La Fédération des unions de familles
recommande la mise en place d'une politique de prévention qui devrait
s'insérer dans une politique familiale globale."
Ce n'est pas la première fois qu'un organisme parle d'une
politique familiale globale. Le Conseil des affaires sociales a souvent
employé cette expression, mais c'est curieux, quand on vient à
parler concrètement d'un certain nombre de mesures qui font une
politique familiale globale, les arguments tombent. Quelles seraient ces
mesures de prévention à insérer dans une politique
familiale globale que suggère la fédération?
M. Dubuc: On rejoint évidemment des questions très
fondamentales, mais il nous apparaît que, pour que la famille puisse
jouer son rôle qui est, en fait, d'être le lieu
privilégié d'épanouissement de l'enfant et c'est
son rôle normal, c'est ce qu'elle doit parvenir à faire il
ne faut pas qu'elle soit constamment en butte à des difficultés
qui l'écrasent et la dépassent, qui ce soit sur le plan du
logement, que ce soit sur le plan du revenu garanti, que ce soit sur le plan
scolaire ou autre. Si on est toujours réduit à des solutions de
cataplasme,... si chaque fois qu'il se présente un petit bobo, on
applique le cataplasme, finalement, la personne est toujours malade. Il n'y a
pas de solution de base, parce qu'on est toujours confronté avec des
problèmes précis qu'il faut régler dans l'immédiat,
et, à ce moment, je pense qu'on ne peut pas permettre à la
famille de jouer son rôle proprement parce que les énergies
qu'elle pourrait appliquer à être un milieu propice à
l'épanouissement de l'enfant, elle doit les absorber pour régler
les problèmes auxquels elle peut difficilement faire face et s'en
sortir.
M. Charron: Une dernière question, M. le Président,
à M. Dubuc.
Le dernier paragraphe de votre mémoire vous permet de revenir
à l'article III. Vous dites: "II faudrait que la présente loi
prévoie soit la multiplica- tion de centres d'accueil, soit
l'amélioration tant des services en qualité et en quantité
que la compétence du personnel..."
Vous n'avez pas attiré pour rien, j'imagine, l'attention de la
commission, en dernier lieu de votre mémoire, sur ce
phénomène qui nous a déjà d'ailleurs beaucoup
occupés depuis les travaux, parce que c'est fondamental. Quelle est
l'opinion que vous vous faites actuellement des centres d'accueil du
Québec?
M. Dubuc: De l'avis des personnes qui ont travaillé
à la révision de cet avant-projet de loi et qui ont
participé à la rédaction de ce mémoire, au fond,
les centres d'accueil nous apparaissent, à l'heure actuelle, comme des
outils qui ne disposent pas de ce qu'il faut pour faire leur travail
efficacement. Ils sont trop peu nombreux et, à l'intérieur de ce
petit nombre, ils sont mal équipés pour faire face à
l'ampleur des problèmes auxquels ils doivent répondre.
Il nous semble qu'il y a une disproportion entre la multiplicité
des problèmes, la complexité des problèmes et les moyens
dont ces centres d'accueil disposent pour les résoudre.
M. Charron: Merci.
Le Président (M. Pilote): Y a-t-il d'autres questions?
Nous vous remercions, madame et monsieur.
J'inviterais M. Pierre Paradis, porte-parole du Conseil du Québec
de l'enfance exceptionnelle, à bien vouloir s'approcher et à nous
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle
M. Paradis (Pierre): M. le Président, j'aimerais vous
présenter les membres du conseil d'administration qui sont avec moi et
qui interviendront, à tour de rôle, dans la présentation de
notre mémoire.
Il y a d'abord le président de notre organisme, M. Gaétan
Reid. Il y a le vice-président du Conseil du Québec de l'enfance
exceptionnelle, M. Pierre Gauthier et le secrétaire-trésorier, M.
Mario Tardif.
Nous avons choisi de faire une présentation visuelle de notre
mémoire et cette présentation est aussi complémentaire au
contenu de notre mémoire.
Vous trouverez, dans cette présentation visuelle, des suggestions
pour appuyer nos positions philosophiques.
Présentation audio-visuelle
Une Voix: Quatre mois après l'adoption du bill 78 sur la
protection des enfants maltraités physiquement, plus de 2,000 plaintes
étaient portées par le public et, de ce nombre, plus de 900
étaient retenues pour vérification sérieuse par le
personnel du comité mis en place par la loi. Plus de 900 enfants de
zéro à dix-sept ans en seulement quatre mois.
Les premières statistiques nous permettent la projection
suivante: Durant sa première année d'entrée en vigueur, la
loi aura identifié près de 3,000 enfants soumis à de
mauvais traitements physiques seulement.
Qu'en sera-t-il lorsque le projet de loi sur la protection de la
jeunesse dont il est question à cette commission parlementaire aura
élargi les motifs de plainte ou situation morale et physique?
Le Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle désire
vous faire part aujourd'hui de ses préoccupations et de ses
recommandations pour donner à cette loi l'ampleur qui protégera
efficacement la jeunesse du Québec.
M. Paradis: Voici la présentation. Nous aimerions d'abord
situer notre organisme. Nous aimerions aussi poser le problème tel qu'il
nous est apparu dans son envergure et surtout vous faire
réfléchir sur ce que nous avons considéré comme
très important, c'est-à-dire les moyens de prévention
possibles. On vous donnera quelques suggestions. Nous avons identifié
dans la loi, telle qu'elle nous est présentée dans
l'avant-projet, des paliers de décision. Nous vous expliquerons nos
appréhensions face au cheminement de l'enfant dans ces différents
paliers. Nous aimerions donner notre opposition, aussi, aux services qui
pourraient supporter l'application d'une telle loi et, finalement, nous allons
terminer avec une synthèse et nos recommandations. il est
évident, dans notre présentation, que nous aimerions, si
possible, éviter le formalisme et nous aimerions que les membres de la
commission puissent intervenir et nous questionner, dialoguer avec nous au
moment qui leur semblera bon, si c'est possible, M. le Président.
D'abord, la présentation de notre organisme sera faite par M.
Gaétan Reid, notre président.
M. Reid (Gaétan): J'aimerais brièvement vous situer
notre organisme, parce que ce n'est pas l'élément important de
notre présentation. D'abord, c'est un organisme professionnel et
scientifique qui regroupe actuellement au-delà de 1,500 membres
professionnels de toutes les disciplines oeuvrant directement ou indirectement
auprès de l'enfance en difficulté. On n'a pas comme objectif de
donner des services directs aux enfants, mais plutôt de donner des
services par les professionnels que l'on regroupe et cela dépasse
même les professionnels parce qu'on regroupe aussi les futurs
professionnels, les étudiants, et des parents et des membres d'autres
organismes qui s'occupent de l'enfance en difficulté. Le principal but
est de favoriser le mieux-être individuel et collectif des exceptionnels
et les objectifs sont donc le perfectionnement, la sensibilisation de la
société en général, la définition de normes
professionnelles en éducation spéciale, la prévention et
l'étude de législations et recommandations aux autorités
compétentes ainsi que l'identification de besoins et de pistes de
recherche. Les principaux services offerts sont donc de permettre aux membres
de se regrouper selon leur champ d'intérêt par
l'intermédiaire de nos divisions et groupe- ments d'étude,
ensuite de donner de l'information par notre revue qui est L'enfant
exceptionnel ainsi que d'autres publications scientifiques, par des
journées scientifiques, des journées d'étude et un
congrès annuel.
La principale caractéristique de l'organisme est donc de
regrouper des professionnels de plusieurs disciplines allant des
médecins aux travailleurs sociaux, aux psychologues, aux
éducateurs, aux enseignants, aux administrateurs, etc., et ensuite
d'avoir des actions qui sont centrées nettement en fonction des enfants
et non pas de l'aide à apporter à des catégories de
professionnels. Une des principales caractéristiques, c'est que
l'ensemble de cette action est bénévole. La structure: Le conseil
d'administration est constitué de personnes représentant
l'ensemble des régions administratives du Québec. Le
comité de rédaction du mémoire vous a déjà
été présenté. Ce sont les trois personnes qui
m'accompagnent.
M. Paradis: On arrive maintenant à la situation du
problème. Aussi étonnant que cela puisse paraître, le
oheminement qu'on a fait nous dégage, jusqu'à un certain point,
un diagramme qui pourrait représenter un enfant. Vous remarquerez que
nous identifions trois paliers, c'est-à-dire qu'il y a la
société où il y a des familles et ces familles peuvent
être monoparentales, soit le père qui est responsable de l'enfant
ou la mère, ou encore le couple. Il arrive que des situations difficiles
de ces familles amènent qu'un enfant a besoin d'être
protégé. La loi précise que c'est le devoir de tout
citoyen ou organisme d'identifier, à un comité local
d'orientation, la situation difficile dans laquelle un enfant peut être
placé.
Le comité local d'orientation doit le diriger au directeur de la
protection de la jeunesse et celui-ci a une alternative, c'est-à-dire,
tenter de trouver des mesures volontaires ou encore, s'il n'y a aucune entente
possible, acheminer la situation à une cour de bien-être, de
là, il doit y avoir des services. Il y a donc trois paliers qui, pour
nous, sont impliqués dans cette Loi de la protection de la jeunesse,
c'est-à-dire la famille, la loi et ensuite les services. Si on regarde,
si on étudie la première partie, c'est-à-dire la situation
de la famille, des études nous indiquent que les parents qui soumettent
leur enfant à des difficultés sociales ou psychologiques ou
à des mauvais traitements physiques sont la plupart du temps
financièrement défavorisés. Ils ont connu eux-mêmes
des échecs sociaux répétés, ils ont des conditions
d'habitation laissant à désirer, ils vivent dans un isolement
social, c'est-à-dire qu'ils sont pris avec leurs problèmes, ils
ne peuvent pas communiquer, c'est ce qui les intéresse et les
préoccupe au prime abord et leurs voisins les mettent dans un isolement,
si vous voulez. Ils ont eux-mêmes vécu des situations familiales
pénibles, ils les perpétuent.
Finalement, ils attendent beaucoup trop, ils sont constamment soumis
à des frustrations. A ce moment-là, ils attendent beaucoup de la
part des enfants et les enfants ne sont pas des adultes, ils ne peuvent pas
remplir ces attentes. Nos préoccupations, au CQEE, face à ces
problèmes, c'est que,
d'après nous, il faut s'attaquer aux causes, il faut
dépister très rapidement et surtout offrir des services
adéquats.
Maintenant, que fait-on au Québec et surtout, peut-être,
que peut-on faire de plus? Pour nous, quand il s'agit d'étudier des
besoins de protection pour la jeunesse du Québec, il y a deux solutions
qui nous apparaissent évidentes. D'abord, il y a une solution de
correction, c'est ce que la loi prévoit, c'est-à-dire mettre une
structure en place qui va permettre que des enfants qui sont soumis à
des difficultés seront pris en charge, il y aura une correction
établie. Mais aussi pour nous, c'est peut-être une chose
importante, il y a la prévention.
Nous nous sommes permis, dans le cadre de notre présentation
cela a été suggéré tantôt, on a
demandé s'il y avait des suggestions ou des modèles pratiques
de vous faire réfléchir très rapidement sur une
politique de prévention qui pourrait être mise en place
très facilement avec les moyens qui existent actuellement au
Québec.
D'abord, les objectifs généraux qui devraient animer
cettre présentation ou cette prévention seraient d'abord une
offensive générale au Québec pour revaloriser d'abord le
rôle de parents. Ce n'est plus important d'être parents. On n'a pas
de préparation pour être parents et ce n'est pas valorisant tout
simplement de jouer le rôle de parents, d'intervenir auprès d'un
enfant, parce qu'on ne connaît pas nos possibilités. Une
deuxième chose, c'est de respecter les aspects positifs des jeunes. On
les voit très souvent, toujours comme des gens qui nous dérangent
et il faudrait peut-être essayer de trouver ce qu'il y a de positif en
eux et ne pas toujours voir simplement l'aspect négatif.
Un troisième objectif ou une troisième philosophie
pourrait nous guider et ça peut peut-être sembler paradoxal
venant d'une association de professionnels c'est d'utiliser les
ressources non professionnelles du milieu. On a, je pense, peut-être trop
éduqué les gens à chercher la compétence en dehors
de leur propre compétence. Ils ont des ressources dans la
communauté, mais on est porté souvent à les faire se
considérer comme non compétents et ils ont des
compétences, ils peuvent faire quelque chose.
Maintenant, des moyens. Vous avez les trois éléments de
notre philosophie. Les moyens qui peuvent exister, par exemple, nous donnons
notre appui à une formule de revenu minimum garanti, nous croyons que la
partie financière est une partie importante. Nous donnons aussi notre
appui par des moyens qui peuvent être mis à la disposition des
différents groupes de la communauté, un support parental
communautaire. C'est-à-dire qu'il existe, dans la communauté, une
philosophie véhiculée qui permet à des parents de se
rencontrer socialement, de s'apercevoir qu'il y a d'autres parents comme eux
qui ne sont pas isolés comme parents, que ça peut être
intéressant d'être parents, et on devrait donner notre appui
à tout ce qui s'appelle soutien parental communautaire.
On pourrait, comme troisième moyen, sous le principe de
l'utilisation d'une bibliothèque, avoir ce qu'on appelle une
joujouthèque ou un centre de jouets. Vous savez comment ça peut
être dispendieux de se procurer des jouets, vous savez comment ça
peut être difficile, le choix des jouets.
Pourquoi n'y aurait-il pas selon le même principe qu'une
bibliothèque dans les différentes communautés, des
centres de jouets où les parents pourraient être
conseillés, selon l'âge de l'enfant, à utiliser tel jouet,
pour tel objectif? Du fait que ce serait sous la forme de prêt, il ne
serait pas question de dépenses et ce serait pour le plus grand bien de
l'enfant. Je pense que c'est cela qui est important.
Finalement, il y aurait une quatrième possibilité de
préparer les adolescents graduellement à leur rôle de
parents. Il pourrait y avoir, par exemple, des garderies dans les écoles
secondaires où les adolescents feraient des stages afin de prendre
contact avec des plus jeunes, les amuser, etc.
D'autres suggestions ou solutions, si vous les considérez ainsi.
Nous appuyons une politique générale qui pourrait s'appeler
planification familiale, mais dans une optique positive, dans une optique
où on donnerait toute une série de renseignements sur le fait
d'avoir un enfant, sur le fait d'élever un enfant, de préparer
à accepter un enfant dans la famille. Il y a toutes sortes de
modalités communautaires possibles autour de cette idée.
M. Gauthier (Pierre): M. le Président, on a convenu entre
nous d'intervenir à mesure que l'occasion se présenterait. Je
pense que les mesures dont Pierre Paradis vient de parler s'inscrivent dans une
espèce de démarche qu'on a faite, à savoir que l'enfant
qui est battu, l'enfant qui est maltraité, fait partie d'une famille qui
vit dans une situation d'échec. Au lieu d'être une structure de
support et de protection de l'enfant, c'est devenu une structure d'oppression
de l'enfant, c'est devenu une structure hostile à l'enfant.
Quand on examine comme il faut dans quelle situation se trouvent les
parents qui battent les enfants, par exemple, on s'aperçoit
qu'habituellement, eux-mêmes sont soumis à un stress
socio-économique très important; ils sont isolés, comme on
l'a déjà mentionné, socialement, ils sont soumis à
un stress économique très fort, de sorte qu'ils ne font que
transférer la pression à laquelle ils sont eux-mêmes
soumis.
Si on s'en va dans la ligne des solutions, évidemment, il y a des
mesures correctives immédiates qui doivent être apportées
une fois qu'une famille ou qu'un couple parental ou qu'un parent est dans cette
situation, le mal est déjà fait dans une grande mesure.
Là, il y a des mesures de correction à prendre.
Mais si on se place dans une perspective préventive,
l'échelle de temps change. Au lieu d'intervenir dans les heures qui
suivent ou dans les jours qui suivent, il faut presque intervenir sur une
génération. Cela veut dire qu'on veut préparer la
génération actuelle à pouvoir mieux jouer son rôle
parental. Et si on veut que la génération actuelle joue mieux son
rôle parental, cela veut dire que la fonction qu'on a confiée
à la famille, qu'on a confiée presque exclusivement à la
famille et à l'école, celle de préparer la
génération suivante,
soit assumée par l'ensemble de la société
plutôt que de simplement dire aux parents: C'est vous qui êtes
responsables d'éduquer les enfants et vous ferez cette tâche comme
vous pourrez, on vous donnera des mesures le plus possible. Mais, à
toutes fins pratiques, la préparation de la nouvelle
génération, c'est l'affaire de la famille et de
l'école.
On s'aperçoit que la famille est de moins en moins capable
d'accomplir cette fonction toute seule, de socialiser la nouvelle
génération. Les taux de divorce augmentent, le nombre de familles
monoparentales augmente constamment et il semble bien que le nombre de parents
qui maltraitent leurs enfants augmente aussi.
Donc, cela veut dire une action concertée et cela veut dire une
espèce de train de mesures qui vont faire que la jeunesse n'est plus
seulement l'affaire de la famille et de l'école, mais la jeunesse est
l'affaire de tout le monde.
Sur ce plan, on a constaté surtout aux Etats-Unis
dernièrement, à une commission parlementaire américaine,
sous Coleman et d'autres qu'au cours des dernières cinquante
années, la jeunesse a été de plus en plus
"ségré-guée" dans la société. On a de moins
en moins confié de véritables tâches à la jeunesse
et on l'a de plus en plus confinée dans des tâches d'apprentissage
purement scolaires. Le lien entre l'école et, par exemple, le milieu de
travail, la participation des jeunes à l'activité
économique, est devenu de plus en plus marginal et a eu lieu de plus en
plus tard, à un âge de plus en plus reculé, de sorte que,
malgré des dépenses de milliards de dollars dans des secteurs
comme la santé, l'éducation et le bien-être, on
s'aperçoit que nos jeunes vivent dans un état de confort
relativement grand, matériellement, ils ne sont pas trop mal pris,
surtout lorsqu'on pense aux adolescents et aux jeunes adultes.
A l'âge où ils veulent absolument jouer un rôle
social, où ils ont même besoin de cela pour leur
développement personnel, tout ce qu'on leur offre, ce sont des
tâches d'apprentissage et souvent d'apprentissage dans des domaines de
simulation. Ils sont à l'école où ils simulent les
situations où ils seront quand ils seront adultes.
C'est sûr qu'il faut qu'une société soit
drôlement riche pour être capable de se passer complètement
de sa jeunesse. Il y a un bonhomme comme Hobbs, par exemple, aux Etats-nis, qui
pousse le concept de l'inutilité relative de la jeunesse. On n'a
qu'à se demander ce qui arriverait, aujourd'hui, si l'ensemble des
jeunes qui ont entre 10 et 16 ans cessaient d'être là. Je pense
qu'il n'y a rien dans notre société qui arrêterait. Les
jeunes, il faut le constater, on n'en a vraiment pas besoin, actuellement, au
rythme où vont les choses.
Cette situation suppose qu'on ne peut pas simplement dire aux parents:
Travaillez plus fort ou bien à l'école travaillez plus fort. Cela
suppose qu'on redéfinit la fonction de la jeunesse dans la
société moderne. Ce n'est pas une mince tâche, mais il ne
nous semble pas que ce soit impossible de le faire. Une des avenues, c'est de
réintégrer le jeune dans des activités économiques.
Il y a actuellement des entreprises, des efforts partiels, un peu partout en
Amérique du Nord, qui se font où la fonction économique du
jeune fait partie de sa formation tout court. De même que les
étudiants en médecine font des stages dans des hôpitaux
où ils font vraiment de la médecine, de même des jeunes
font des stages dans des commerces, dans des industries, dans l'agriculture,
dans toutes sortes d'entreprises où ils exercent une fonction
réelle. Cette fonction est supervisée cela sert
d'apprentissage mais ils jouent un rôle vraiment
économique.
L'autre domaine, qui est le dépistage et le soutien à
l'école se place plus dans la perspective corrective. C'est que, si le
jeune est maltraité, la première personne, habituellement, hors
de sa famille, qui peut s'en apercevoir, c'est la maîtresse
d'école ou le maître d'école. Donc, si l'école est
conscientisée à cela, à une fonction potentielle de
dépistage, il y a énormément de cas qui peuvent être
décelés très rapidement. Il y a des enfants, par exemple,
qui ont été littéralement assassinés par des
mauvais traitements. La maîtresse d'école disait, par la suite,
qu'elle s'en était bien aperçue, mais qu'elle ne savait pas quoi
faire avec ces cas.
Simplement, une espèce de structure qui fait que les responsables
scolaires savent effectivement quels mécanismes prendre et peuvent
effectivement les prendre, accomplirait une fonction de dépistage
très grande. La seule crainte qu'on a, c'est que, si on se met à
dépister plus, il est fort possible qu'on inonde tous les services,
parce que, sans doute, si le taux de mauvais traitements augmente, avec une
plus grande attention, on va en déceler beaucoup plus. On peut
présumer que ce qu'on décèle, ce n'est qu'une fraction de
ce qui existe. Là encore, on revient à la nécessité
de l'aspect préventif. Evidemment, le dépistage en soi est
absolument nécessaire et le support, c'est-à-dire l'intervention
immédiate, dans le milieu scolaire même, est une chose très
possible et très faisable, mais qui supposerait une espèce de
réaménagement du rôle actuel des enseignants et aussi une
diversification des fonctions actuelles de l'école, qui s'est
très spécialisée dans la fonction de l'instruction.
M. Charron: M. le Président, me permettez-vous
d'intervenir tout de suite, parce que cette intervention théorique
je ne le dis pas dans le sens péjoratif du tout qu'on
vient de faire m'incite à ajouter une réflexion qui ne me vient
pas sur-le-champ, mais parce que je travaille depuis un bout de temps à
chercher une explication de la jeunesse nord-américaine dont vous avez
parlé, québécoise, en particulier, et de son
comportement?
Je me fais souvent poser la question je ne sais pas pourquoi,
d'ailleurs, cela persiste sur ce que je pense des jeunes, ce qui arrive
avec les jeunes et tout cela. Vous venez de parler de la fonction
économique de la jeunesse. Les mesures que vous proposez vont dans le
sens d'un développement de la fonction économique de la
jeunesse.
Je ne suis pas convaincu que vous ayez enfourché le bon cheval en
insistant sur ce point. Je crois que la jeunesse québécoise
actuelle, celle dont on parle, celle que l'on veut protéger, est
profondément marquée par des phénomènes de la fin
des années quarante, de ceux qui sont nés à la fin de la
guerre, comme moi, en descendant, des phénomènes bien propres
qu'aucune autre génération de Québécois n'avait
jamais connus auparavant. La première chose, qui tranche, c'est que
c'est la première génération de Québécois
instruite. Ce n'est pas un mince facteur, quand on y pense.
On est la première génération de
Québécois qui a une moyenne de scolarité plus
élevée que huit ans. On peut chialer sur la qualité de ce
qu'on reçoit dans les polyvalentes et dans les CEGEP, sur l'humanisation
de cette éducation, mais il reste un fait, il n'y a pas une
génération de Québécois qui a eu autant
d'accès à l'information et à l'instruction que nous
autres. On a vécu, à part cela, dans une période de
développement technologique incroyable. On est né avec la bombe
atomique. Cela s'est développé par la suite. Ce qui a fait que la
planète a pris une toute petite dimension. On est la première
génération de la télévision qui a eu le loisir de
voir des peuples se faire assassiner tous les soirs entre 10 h 30 et II heures
quand cela nous tentait. On est le premier peuple qui a eu des images
réelles quotidiennes d'autres humains qui vivent aux antipodes et qui,
auparavant, devaient nous écrire à trois mois de distance avant
qu'on se rejoigne. Là, on peut le faire quotidiennement.
Finalement, je pense aussi que le fait que la plupart des
sociétés occidentales vivent encore dans des institutions
politiques, des institutions économiques qui ont été
tracées dans un autre siècle, qu'on s'efforce de faire durer en
les aménageant, affecte beaucoup aussi le développement
intégral des Québécois. Cela a amené les jeunes
Québécois, dans l'ensemble, à être beaucoup plus
exigeants ayant tout ce stock que les autres n'ont pas eu.
Quand on cherche une valeur culturelle chez les jeunes
Québécois, je dis qu'ils font la différence avec les
autres. Je ne dis pas avoir trouvé le Pérou en disant cela, mais
le point fondamental de divergence des jeunes Québécois par
rapport aux autres, c'est la chute fantastique que le mythe du travail a pris
dans cette jeune génération québécoise, c'est la
valorisation du travail dans laquelle mon père s'est enfoncé
à l'âge de 14 ans et où il est encore prisonnier à
56 ans, et même la génération qui me précède
juste d'un peu plus. On ne se posait même pas de question
là-dessus, c'était obligatoire que de travailler, tu étais
à l'index si tu ne travaillais pas, etc.
Maintenant, le travail est beaucoup moins considéré comme
un objet de valeur, mais il est considéré malheureusement comme
un des fardeaux de la condition humaine. On se sent bien plus apte à
faire autre chose qu'à travailler. Ce courant social est tellement fort
que même les Etats ont été obligés d'y
répondre. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des Initiatives locales, des
Perspectives-jeunesse, ce gaspillage économique de ressources
financières incroyables auquel les gouvernements se prêtent pour
répondre à un phénomène culturel. Tu ne peux plus
convaincre un jeune d'entrer dans une usine à 20 ans en disant: Tu vas
prendre ta retraite à 65 ans. Tu vas toujours travailler là. Il
n'y a plus aucun attrait à cela.
Quand vous arrivez avec des fonctions économiques, quand vous
dites que vous allez valoriser le jeune dans une fonction économique, je
pense que vous allez faire face au même problème aussi, vous allez
devoir développer vous aussi des à-côtés, parce que
la qualité intellectuelle de jeunes québécois qui ne
veulent plus se prêter à ce jeu d'un travail, à moins qu'il
ne soit intéressant, qu'il ne développe leur personnalité,
fait qu'ils aiment autant ne pas en avoir. Ils choisissent de vivre. L'Etat
leur fournit les moyens: six mois avec Perspectives-jeunesse, six mois avec
Initiatives locales. On a une loi d'assurance-chômage parmi lés
plus généreuses. Tu peux travailler trois mois, et tu te "sacres"
sur l'assurance-chômage pendant 40 semaines. Il y en a beaucoup de jeunes
qui choisissent cela. Pourquoi? Parce que la société n'est plus
capable de leur offrir un travail intelligent. Le système
économique dans lequel on vit est rendu dans une super production
monstrueuse où ils se sentent happés dès l'âge de 18
ans. Ils ne veulent plus y aller. La fonction économique que leur
propose le système actuel leur apparaît tellement
dévalorisante ils n'ont qu'à regarder la
génération qui les précède pour savoir comment ces
gens ont été prisonniers d'un mythe du travail qu'ils ne
veulent plus s'y lancer.
Je ne m'éloigne pas tant que cela. Je me permets de faire cette
digression parce qu'on s'est demandé, quand on parlait des jeunes
délinquants, pourquoi le milieu que vous avez identifié, qui est
un milieu que je connais bien, pourquoi c'est ce milieu qui en projette le plus
de délinquants? Ils voient devant eux, ils ont 16 ans... Je connais des
adultes de 50 ans qui ne l'ont pas encore découvert. Il y a des jeunes
de 16 ans qui découvrent très vite que tout ce qui leur est
offert, c'est cela, c'est le travail. Le travail comme leurs pères en
ont eu, c'est-à-dire au salaire minimum ou dans une petite maudite
"shop" ou une "job-bine" ou une affaire comme cela. A 16 ans, ils se sentent
déjà prisonniers pour embarquer là-dedans jusqu'à
60 ans et disent: Je n'embarque pas, je vais faire une passe quelque part, je
vais faire un coup de "bacon", et je ne travaillerai plus jusqu'à la fin
de mes jours.
La voie du crime, à l'occasion, les voies illégales sont
favorablement tentantes pour ces jeunes, parce qu'il n'y a plus rien en avant
deux.
Je pense que, quand on s'adresse à la fonction économique
de la jeunesse et qu'on essaie de la valoriser, on a besoin de changer
l'économie dans laquelle on veut introduire les jeunes, parce
qu'actuellement on ne leur offre à peu près rien.
M. Gauthier: Nous sommes d'accord avec
vous là-dessus dans une grande mesure. Evidemment, valoriser la
fonction économique des jeunes et leur en donner une, cela ne veut pas
nécessairement dire les entrer dans ce qui existe, dans un statu quo
irréversible. On pense bien, en tout cas, que s'il y avait un influx
important de jeunes dans les milieux de travail, les conditions mêmes de
travail devraient changer si on veut que ce soit éducatif.
Evidemment, on ne voulait pas refaire toute la société ce
matin, et on présume qu'à l'aide des expériences qu'on a
vues, il y a certains milieux où les jeunes peuvent effectivement
travailler sans que ce soit un travail déshumanisant ou un travail qui
en fasse des gens aliénés définitivement.
L'autre élément que vous apportez, celui qui est au bas de
la liste, c'est que si on veut intégrer un grand nombre de jeunes dans
une fonction socio-économique significative, cela veut dire qu'on aura
à définir les grands projets qu'on leur confiera, par exemple,
des projets qui ne sont peut-être pas économiques au sens
traditionnel du terme, mais qui ont besoin d'être faits, la mise en
valeur des ressources naturelles, la participation à l'agriculture d'une
façon significative, tout ce qui s'appelle rénovation urbaine et
revalorisation du milieu urbain.
Il y a là un grand nombre de possibilités de
définition de tâches vraies où des jeunes seront
volontaires, si on peut dire, assez joyeusement, et auxquelles ils accepteront
de participer plutôt que d'être dans des espèces de limbes
sociales où ils se trouvent, surtout si on pense aux adolescents
"dropouts", que vous connaissez bien, je pense, et qu'on voit dans les milieux
urbains, des adolescents qui sont officiellement à l'école, dans
le sens qu'ils sont inscrits au mois de septembre, mais qui ne vont pas
à l'école. Comme la loi même leur défend de
travailler, même pour pourvoir à leur propre subsistance ou
à celle de leur famille, ils se trouvent à être dans une
espèce de "no man's land" social, parce qu'ils font un petit peu de
travail pour subsister, ils sont censés être à
l'école, mais ils n'y sont pas. Ils ne peuvent pas être au
travail, parce que s'ils veulent entrer dans un travail un peu significatif,
cela deviendra officiel et cela n'a pas le droit d'être officiel. On
pense que c'est un bouillon de culture pour la mésadaptation sociale, et
que des jeunes qui ont vécu dans ces conditions seront appelés
à être des parents qui vont maltraiter leurs enfants, parce qu'ils
n'auront pas les compétences requises et ne seront pas assez socialement
intégrés pour être, eux, ce qu'on appelle "de bons
parents", c'est-à-dire des parents qui offrent un soutien d'une
qualité minimale à leurs enfants.
De ce plan, le problème des enfants battus pose le
problème de la réintégration dans le grand courant social
de la jeunesse québécoise, et on pense qu'on n'est pas trop
farfelu, on a osé aborder le problème de ce biais,
premièrement, parce qu'on pense qu'actuellement, au ministère, il
y a certainement des disponibilités et des capacités
d'élargir la portée de la loi actuelle et que c'est une bonne
occasion de le faire. C'est peut-être beaucoup de travail, mais on pense
que c'est pos- sible de le faire, et qu'à ce moment cela rendrait un
service énorme à toute la jeunesse actuelle. Cela aurait des
effets sur le taux d'incidence de mauvais traitements infligés aux
enfants. Cela ne corrigera évidemment pas les situations des parents
qui, aujourd'hui ou hier, ont battu ou battent leurs enfants. C'est un autre
genre d'intervention qu'il faut à ce niveau.
Quand on parle des grands projets, à la fin, cela couvre les
domaines écologique, civique et culturel, où il y a
énormément de possibilités. On a vu, par des choses comme
les Initiatives locales et Perspectives-Jeunesse, qu'il y a une espèce
de désir chez un grand nombre de jeunes de se lancer dans des
initiatives nouvelles et de faire des travaux qui ont une signification, qui
sont neufs.
Organisation de la vie parascolaire, évidemment par un autre
personnel que le personnel scolaire, non pas parce que le personnel scolaire
n'est pas compétent, mais parce que la tâche qu'on lui a
confiée est déjà très lourde. Ils ont la
tâche d'instruire un très grand nombre de jeunes. Même si la
dénatalité est avec nous maitenant, il reste que la tâche
des enseignants n'est pas négligeable. C'est une tâche importante
et relativement lourde.
Si on veut revaloriser la vie étudiante et revaloriser la vie
autre que strictement d'instruction à l'école, si on veut
créer une société jeune, intéressante à
vivre, cela suppose que tout le niveau parascolaire et culturel est
réactivé et cela suppose un influx de nouvelles personnes, des
personnes qui sont dans le milieu, qui ne sont pas nécessairement des
professionnels, des mères de famille qui ont du temps, des personnes
âgées qui ont du temps, d'autres jeunes qui ont du temps. On s'est
aperçu que les jeunes, entre eux, sont "ségré-gués"
non seulement comme jeunes, mais qu'à l'intérieur même de
la catégorie jeunesse, les jeunes sont "ségrégués"
par mince couche d'âge.
Un jeune a affaire à des gens qui ont un an de plus ou de moins
que lui, point. Les jeunes adolescents, par exemple, ne savent pas comment
avoir affaire à un tout jeune, à un bébé. Ils ne
savent pas quoi faire avec eux. Quand ils sont parents, ils ne le savent pas
plus, évidemment, alors que, dans le temps des grosses familles, ces
compétences se transmettaient comme par la force des choses.
Actuellement, il faut presque faire consciemment le développement
de cette compétence, d'avoir affaire à des plus jeunes et d'avoir
affaire aussi à des plus vieux. Qu'un jeune homme de dix-sept ans ou une
jeune fille de seize ans ou de dix-sept ans ait affaire à des personnes
âgées, c'est inouï. Cela ne se voit pas. Ils n'ont jamais
l'occasion de se rencontrer.
S'il y a des stages, par exemple, des stages de travail ou des projets
communs où ces gens sont dans la situation d'agir les uns avec les
autres, à ce moment, évidemment, il y a ce fameux dialogue
"intergénérationnel" dont on parle tout le temps.
L'autre aspect, je pense que je vais laisser à mes
confrères, peut-être, la formation à la tâche
parentale...
M. Paradis: Rapidement, il s'agit tout simplement peut-être
de considérer... C'est un exemple qu'on donne. Dans tout ce qu'on vient
d'énumé-rer, ce sont des exemples de possibilités.
Peut-être y aurait-il moyen de former, d'offrir quelque chose cela
pourrait être obligatoire ou cela pourrait ne pas l'être, cela
pourrait être accessible une formation à ceux qui vont
devenir parents, tout simplement. Il est sûr que la mère qui est
enceinte va avoir un enfant. Alors, il y a peut-être possibilité
d'offrir des services un peu plus élaborés et on profite de
l'occasion pour souligner à M. Forget que nous apprécions
énormément les nouveaux films qui sont faits sur la
périnatalité. Nous croyons que c'est un élément
important dans cette optique.
Comme je vous dis, c'étaient simplement quelques suggestions que
nous avons proposées. Nous aimerions que les différents
organismes qui composent notre communauté puissent peut-être les
étudier et que chacun puisse intervenir à son niveau.
Nous avons identifié neuf paliers de décisions dans la loi
en ce qui concerne le cheminement d'un enfant.
M. Tardif (Mario): En ce moment-ci, on trouve quand même
important de faire certaines mises en garde, quoique nous soyons conscients
qu'avec ce qui a été énuméré, les solutions
efficaces ne pleuvent pas. mais il y a un risque de danger quand on
connaît les services professionnels qui sont offerts actuellement. Il y a
un danger très grand de multiplier les intervenants auprès de
l'enfant et c'est sur ce point que nous voulons attirer votre attention
maintenant.
Les statistiques du comité de protection aux enfants battus
démontrent que l'ensemble des interventions qu'il a eu à faire,
dans une proportion approchant 50%, se situe entre la naissance et cinq ans...
On se rend compte, à la lumière des facteurs qui ont
été énumérés tout à l'heure, comme
l'isolement social et ces choses, qu'il y a risque qu'il y ait un délai
très long qui ait lieu avant l'intervention de la loi ou des
intervenants auprès de cet enfant.
Ce qu'on veut éviter, dans le fond, par une telle loi, ce sont
les causes mêmes, en fait, qui créent des situations où les
enfants sont soumis à des mauvais traitements physiques ou
psychologiques.
Il arrive que les enfants sont soumis à des mauvais traitements
par des parents qui sont eux-mêmes je le disais tout à
l'heure isolés et une des causes est justement
l'instabilité de la famille ou du milieu dans lequel ils vivent et c'est
ce qui risque de se répéter au niveau de l'intervention en
soumettant le jeune à une batterie de professionnels.
On a pu identifier, à un certain moment, que cela pouvait aller
jusqu'à treize dans les 36 premières heures de son intervention.
A ce moment-là, on désire mettre en garde les législateurs
contre le fait de reproduire la cause même dans un désir de bien
faire, une situation presque iden- tique à celle qui a amené
l'enfant à s'insérer dans le processus de protection,
c'est-à-dire un milieu qui est instable et où l'enfant est
charrié d'un professionnel à l'autre. Nous trouvons primordial
d'identifier clairement la responsabilité. A ce niveau, la
médecine fournit peut-être certaines pistes; quand un parent ou un
malade entre à l'hôpital, on confie la responsabilité
à un praticien qui assume le malade du début de son traitement
jusqu'à la fin. Au niveau de la protection, on trouverait important de
retrouver ce même parrain ou cette même responsabilité
légale de l'enfant assumée par un seul professionnel qui
accompagnerait le jeune et qui pourrait servir de tampon au cours de ce
cheminement que nous croyons difficile, compte tenu de toutes les
prérogatives adultes et de la loi qui nous est imposée pour
respecter différentes lois qui sont là. Il servirait de tampon
entre l'enfant et tout ce cheminement; il protégerait l'enfant de toutes
ces difficultés bureaucratiques, administratives et de communication qui
peuvent s'insérer et être multipliées à chacun de
ces paliers.
M. Gauthier: De plus, je pense qu'on peut dire qu'il semble bien
que les paliers qui sont là doivent exister ou, enfin, qu'il serait
difficile de s'en passer. L'application de la loi suppose que chaque palier
fonctionne adéquatement. Mais, si on imagine que chaque palier
fonctionne inadéquatement, qu'il y a des erreurs, on s'aperçoit
qu'il y a multiplication d'erreurs et que l'enfant qu'on a voulu aider, en
dernière analyse, on lui nuit peut-être autant que la situation
d'origine. Cela est un danger considérable qui habituellement ne
dépend pas de la mauvaise volonté de qui que ce soit. Exemple:
Supposons qu'à tel palier de décision l'enfant est obligé
d'être en attente; il doit être quelque part en attendant le
processus qui doit se dérouler à ce palier. Pendant qu'il est en
attente, il y a quelqu'un qui doit s'en charger. Supposons que l'attente est
terminée, il passe au palier et il doit aller ensuite à un autre
niveau. Là, on le transfère d'un groupe de personnes à un
autre groupe, il devient à la charge d'autres personnes, de sorte que
pour lui le milieu, les gens qui sont autour de lui et qui s'occupent de lui
changent constamment. Cet enfant se trouve littéralement perdu,
aliéné, dans des sentiments très pénibles, surtout
s'il est très jeune.
Alors, la solution que Mario souligne c'est que peut-être il faut
que toutes ces opérations se fassent, mais qu'à ce
moment-là ce soit un adulte qui voie à ce qu'elles se fassent,
mais toujours le même. Que l'enfant soit confié à un adulte
et que tout au long du processus il ait affaire à cet adulte comme
personne centrale, constamment, de sorte qu'il n'y ait pas cette espèce
de comme on dit en bon français "run around" de tous les
bureaux, de tous les spécialistes, de toutes les phases administratives.
Qu'il ne soit pas littéralement acheminé, un peu
mécaniquement, comme quand on produit une automobile ou quelque chose,
il y a différentes phases dans le processus, et, peu à peu, le
processus se complète.
Lorsqu'il s'agit d'un être vivant et fragile, ce processus doit se
dérouler aussi puisqu'il y a toutes sortes d'instances administratives
en cause, mais il n'est pas nécessaire que physiquement, l'enfant passe
à travers tout cela. Ce peut être un adulte qui l'accompagne ou
qui fait les démarches requises en son nom.
M. Tardif: (Mario): Un autre des dangers qui a été
identifié aussi à la lumière de ce qu'on sait du
Comité de protection de la jeunesse pour les enfants battus, c'est de
polariser et de canaliser l'ensemble des ressources humaines dans des
structures. C'est-à-dire que si on regarde, par exemple, les conseils
d'administration, les cadres, ça va, les gens sont en place. Mais quand
on arrive au niveau du praticien sur la ligne de feu, on remarque que les
sommes engagées sont déjà presque dépensées.
En termes de structures, c'est parfait, la population est
sécurisée. Mais en termes de services, sur la ligne de feu, pour
les gens qui sont dans des situations où ils ont besoin d'aide et de
soutien, ça devient plus difficile, ça devient plus
pénible pour eux d'avoir du personnel.
Il y a des ajustements qui seraient importants, je pense. Il y a un
danger là aussi qui guette le législateur et dont il devrait
être conscient.
M. Paradis: L'étude que nous avons faite de l'avant-projet
de loi nous amène à des mises en garde. Nous considérons
que, dans la rédaction que nous avons consultée,
l'énumération des droits de l'enfant, sous le titre, Droits des
enfants, est très restrictive. Ce sont finalement les droits des enfants
qui tombent dans le processus de la loi, mais on n'a pas dit que ce sont les
droits des enfants du Québec. Peut-être qu'il y aurait moyen de
changer la formulation à l'intérieur de la loi et, au lieu
d'être les droits des enfants, ce seraient plutôt les droits des
enfants tombant sous le processus de la loi.
Une deuxième mise en garde. Il y a certainement danger, vous le
comprendrez, de faire porter sur des enfants la responsabilité de gestes
d'adultes ou provenant de la structure sociale. Il est dangereux d'escamoter
tout les système et de tout simplement placer l'enfant et penser qu'on a
résolu les problèmes. Il faut éviter que l'enfant soit
pénalisé, surtout s'il est évident qu'il n'est pas
responsable. C'est pour ça que nous suggérons un appui
pratiquement inconditionnel au rôle parental.
Une troisième mise en garde porte sur la portée corrective
et non préventive du projet. Je pense que la présentation que
nous en avons faite vous a bien dégagé cet aspect, que vous le
voyez aussi bien que nous. La loi, en fin de compte, pour nous, ne
protège pas réellement les enfants du Québec. Elle veut
éviter des abus. Même si nous sommes d'avis que le projet est un
effort louable et très intéressant, nous aurions aimé
qu'il déborde les cadres de la correction et qu'il envisage une
protection réelle pour tous les enfants du Québec. C'est la
génération de demain. C'est important, je pense, que les jeunes
du Québec continuent ce que nous pensons avoir bien fait.
Une quatrième mise en garde. On l'a vu il y a quelques instants,
il y a un accent sur des structures de contrôle plutôt que sur des
services de première ligne. Dans notre mémoire, vous remarquerez
que nous disons que nous attendons les suites qui seront données, entre
autres, au rapport Batshaw.
Une cinquième mise en garde. Il y a définitivement danger
de multiplier les réseaux parallèles. Nous ne voulons pas dire
que la loi multiplie les réseaux parallèles, mais il nous a
semblé qu'elle n'indiquait pas réellement de quelle façon
elle s'insérait dans la loi 65 des services sociaux et de
santé.
Nous croyons quand même que cela doit être
considéré dans les règlements, qu'elle s'insère
très bien dans les cadres qui existent déjà, de
façon que les utilisants le public ne soient pas
continuellement confus sur les endroits où ils doivent aller pour avoir
de l'aide.
Il y a le danger aussi, vous en conviendrez, qu'une structure unique
à l'étendue de la province puisse ne pas respecter les besoins de
certaines régions, les besoins de certains groupements. Il y a
assurément là un danger. Il y a aussi un danger et nous
aimerions vous mettre en garde, c'est difficile de le contrôler, nous en
convenons de se servir de la délation comme un moyen de
vengeance, mais je pense que la structure de vérification du
bien-fondé de la délation ou de l'alerte, si vous voulez, parce
que délation peut être pris péjorativement, nous pensons,
dis-je, que la loi est quand même prudente face à cela.
Il y a et pour nous c'est peut-être le point majeur
absence totale de responsabilité bien identifiée, légale,
continue, d'un praticien à l'égard de l'enfant impliqué
dans le processus prévu dans la loi, et cela est dangereux. C'est
dangereux que personne ne se sente responsable de cet enfant et qu'il dise: Je
prendrai une décision la semaine prochaine. Si vous en avez l'occasion,
regardez notre position face au système judiciaire.
Il serait peut-être important que toute la communauté, que
toutes les structures du Québec soient disponibles pour l'enfant et
qu'il n'y ait pas d'horaires précis et spéciaux.
Finalement, il y a la structure à neuf paliers de
décision. Vous conviendrez, si vous avez lu notre mémoire, qu'il
y a des gens qui doivent prendre des décisions; il y a des
décisions qui peuvent être retardées; comme il n'y a
personne de responsable, il n'y a personne qui suit l'enfant, on peut
escamoter; par exemple, au niveau des droits de l'enfant, qui va le faire? De
quelle façon cela va-t-il être fait? Est-ce que les droits
expliqués retarderont le processus? Il y a du danger.
Nos recommandations finales. Nous proposons l'adoption et nous ne
sommes pas les seuls d'une charte québécoise des droits de
l'enfant. Cela se situerait dans une philosophie ou dans une
considération positive des enfants. Nous recommandons que le public et
les enfants soient informés, avec des moyens à leur niveau. Nous
sommes informés actuellement que le comité qui met en place le
bill 78 n'ose pas faire de publicité sur la loi et sur la
délation, entre autres, ou, si
vous voulez, l'alerte, parce qu'il n'a pas actuellement les moyens de
répondre aux demandes.
Il reste quand même que lorsque cette loi devra être
portée à la connaissance du public, il faut que les enfants
sachent qu'ils peuvent être protégés ou se protéger
eux-mêmes et qu'aussi le public comprenne bien l'esprit de la loi.
En passant, nous avons remarqué que le projet de loi du
gouvernement fédéral sur les jeunes en conflit avec la justice,
l'avant-projet de loi, a une présentation théorique
jusqu'à un certain point de l'esprit de la loi. Nous aurions aimé
qu'en introduction on ait aussi l'esprit ou les contenus de l'esprit de la
loi.
Finalement, il est évident pour nous que ce serait
peut-être souhaitable que soient fondus les services du comité
régional de protection de l'enfance et la structure du bill 65, tel
qu'on l'a mentionné il y a quelques instants, et que le CLO, le
Comité local d'orientation, soit présent dans le CLSC, de sorte
qu'au niveau des centres de services sociaux on ne soit pas porté
à être juge et partie en même temps, c'est-à-dire
qu'on soit amené à évaluer la situation et qu'en
même temps on soit amené à donner le service. Il est
important que la référence et l'orientation soient faites
à deux niveaux différents.
Finalement, nous considérons qu'il est très important
d'exiger que le système judiciaire offre un service de 24 heures par
jour et de 7 jours par semaine, comme dans tous les autres services sociaux. Si
la justice est un service social, elle devrait être disponible aux
enfants à toute heure.
Finalement, nous croyons que l'avant-projet de loi sur la protection de
la jeunesse, tel qu'il est présenté, s'est fait attendre
beaucoup. Nous croyons qu'analyser et interpréter la protection de la
jeunesse déborde un sens correctif et que, s'il doit rester comme il
est, on devrait en modifier le titre, en parlant de la protection des enfants
qui sont en difficulté et ne pas dire que c'est la protection de la
jeunesse du Québec. Nous sommes disponibles pour vos questions.
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: M. le Président, je remercie les
représentants du Conseil du Québec de l'enfance exceptionnelle.
Je ne voudrais pas que mes questions soient interprétées trop
négativement, mais j'ai, malgré tout, un sentiment que, dans une
certaine mesure, on n'a peut-être pas progressé beaucoup dans
l'étude de ce projet à la lumière des commentaires que je
viens d'entendre.
L'impression générale qui se dégage de la lecture
de votre mémoire est assez ambiguë. En effet, d'une part, vous
attirez l'attention sur une chose qui m'apparaît évidente, mais je
suis content que vous partagiez cette perception, soit que la loi
s'insère dans un contexte beaucoup plus large, de mesures sociales, de
mesures de toutes sortes qui touchent au plan de l'éducation comme au
plan de l'organisation des loisirs, comme au plan du travail même,
puisqu'on en a parlé aussi. Si votre ob- jectif était de
souligner que la loi sur la protection de la jeunesse ne peut pas régler
tous ces aspects qui constituent l'environnement dans lequel se trouvent les
jeunes et les moins jeunes dans n'importe quelle société, je
crois que vous avez raison. Je pourrais concourir au jugement que vous
portez.
D'un autre côté, lorsqu'on finit l'étude du dossier,
il y a tellement de qualifications qu'on se demande si cela vaut la peine de
parler de changements à la loi.
Il est évident qu'on ne pourra pas, par une loi de protection de
la jeunesse, modifier l'organisation scolaire, changer la disponibilité
ou la non-disponibilité des enseignants, changer les mécanismes
ou le fonctionnement du marché du travail. J'ai peine à
comprendre si votre jugement, dans le fond, est positif ou négatif quant
à l'opportunité d'adopter cette loi.
Pour être plus spécifique, vous parlez de
prévention. Alors, je crois que la prévention est essentiellement
meilleure, mais c'est un vieux proverbe qui le dit: Mieux vaut prévenir
que guérir. Donc, personne ici n'a inventé cela. La
prévention des problèmes de l'enfance, à supposer qu'on
sache comment la faire, il faudrait le démontrer. Existe-t-il un point
précis par lequel on doit, dans une loi, imposer à une personne,
à un intervenant sur le plan social ou judiciaire, à une famille
ou à un enfant, quelque chose qui soit obligatoire? On parle, encore une
fois, non pas, je l'ai dit tantôt, d'un traité de
pédo-psychiatrie, de pédagogie infantile ou quoi que ce soit,
mais on traite essentiellement d'une loi. Si vous insistez tellement pour
parler de ces autres aspects, est-ce que vous avez un cas où, dans une
loi, on devrait dire: Une personne est obligée de se soumettre à
telle ou telle intervention de nature préventive? Que serait cette
intervention? Est-ce approprié de faire cela dans une loi?
Cela m'échappe un peu, ce genre de discussions, à moins
qu'on puisse dire de façon assez concrète: D'accord, il faut que
ce soit dans un contexte, il faut qu'il y ait toutes sortes de choses qui se
passent dans la société; en plus de faire des lois, j'en
suis.
Mais dans cette loi, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on a omis de
dire, qu'il est important de dire et qui a un caractère obligatoire? Si
cela n'a pas de caractère obligatoire, ce n'est pas la peine de le
mentionner dans une loi. Les lois ne sont pas faites pour exprimer des voeux
pieux, mais pour dire à des gens: Vous avez telles
responsabilités, tels devoirs, telles obligations. Qu'est-ce qu'on
pourrait faire de plus au niveau d'une loi sur le plan de la
prévention?
M. Reid: J'aimerais simplement peut-être, pour
répondre partiellement à la question du ministre des Affaires
sociales, dire qu'en principe, le conseil du Québec est d'accord sur le
projet de loi qui est présenté. Maintenant, on voulait par notre
mémoire le situer comme étant quand même une mesure qui est
très partielle pour essayer d'aider davantage la jeunesse du
Québec. On a voulu dé-
border le cadre de la loi. C'est évident que notre mémoire
déborde de beaucoup toutes les mesures préventives.
On ne croit pas non plus qu'on puisse intégrer à
l'intérieur même du projet de loi les mesures préventives
dont on a parlé. Mais on voulait faire connaître aux membres de la
commission que ce projet de loi n'est qu'un élément dans la
solution des problèmes de la jeunesse et qu'il y a beaucoup d'autres
paliers où le gouvernement devra intervenir pour vraiment
protéger non pas la jeunesse en difficulté seulement, mais
l'ensemble de la jeunesse du Québec.
On pense que le projet est davantage centré sur la jeunesse qui
est déjà aux prises avec des difficultés de famille.
M. Forget: Sur un autre point, M. le Président, le
mémoire souligne on est revenu là-dessus à
plusieurs reprises la complexité du mécanisme de
protection.
Je dois vous avouer que j'ai peine à être d'accord avec la
description d'un mécanisme de décision en neuf paliers.
Premièrement, parce qu'un certain nombre de ces paliers ne sont pas des
paliers de décision, le premier étant que l'enfant fait face
à des difficultés. Je pense qu'on voudrait bien le supprimer,
mais si cela arrive, si on appelle cela un palier, il est là et on n'a
qu'à le constater.
Par ailleurs, dans les remarques que M. Tardif a faites, je pense,
à la fin, vous indiquez que la référence et l'orientation
doivent être deux phases distinctes d'une prise en charge quelconque d'un
enfant qui a besoin de protection.
On sait par ailleurs que beaucoup de groupes ont demandé une
chose qui n'était pas présente dans le projet initial d'il y a
trois ans, à savoir qu'il y ait possibilité d'appel d'une
décision du tribunal.
J'ai donc peine à voir quels paliers au juste on souhaiterait
éliminer. Je les énumère: la délation... Je crois
que sur la délation, vous avez jugé que même s'il y a un
danger je pense que tout le monde en est conscient
l'avant-projet, tel qu'il est rédigé, établit un certain
équilibre entre le danger d'un abus et la nécessité qu'il
y ait quelque chose de prévu. L'intervention pour vérifier si la
délation est bien fondée, je pense qu'on ne peut pas supprimer
cela. Il faut quand même s'assurer qu'on ne fait pas des délations
à la légère. L'information sur les droits, ce n'est pas un
palier de décision. On pourrait évidemment éliminer
l'information. Je pense que personne ne le souhaite non plus.
L'évaluation, dans certains cas, faite par des professionnels qui sont
seuls capables de le faire, est également inévitable, et, enfin,
il faut prendre des décisions. Ces décisions sont soumises
à un processus de contestation judiciaire qui va jusqu'à
l'appel.
Si je pose la question c'est que, sur ce point aussi, je trouve une
certaine ambiguïté. Je pense que nous déplorons tous que la
vie et la société soient aussi compliquées qu'elles le
sont.
Je pense que c'est bien clair que si on pouvait en trois paragraphes
disposer de la protection de la jeunesse, tout le monde serait largement sou-
lagé. Malgré tout, si, dans un mémoire, vous dites:
Ecoutez, c'est compliqué et cela nous cause un souci, une
inquiétude, je partage avec vous le souci et l'inquiétude, mais
je ne vois pas de façon de simplifier les choses sans éliminer un
élément essentiel. Et je me dis: S'entend-on là-dessus?
Etes-vous d'accord avec nous? Avez-vous une proposition qui aurait pour effet
de trancher le noeud gordien, d'éliminer les complications inutiles?
Vous soulignez et ceci est important et il me semblait que
c'était une chose nouvelle dans l'avant-projet et sur laquelle j'ai
personnellement beaucoup insisté, même au moment où
l'avant-projet a été rendu public, la désignation
de la responsabilité et de la continuité dans la
responsabilité.
Il y a d'ailleurs un chapitre dans l'avant-projet qui parle de la
continuité. Il est clair qu'on ne veut pas demander à tous les
services sociaux, aux services de la cour, d'affecter une personne individuelle
du début à la fin du processus. D'ailleurs, vous êtes
d'accord avec nous pour dire que certaines de ces choses sont presque des
situations de conflits, sinon d'intérêts, du moins d'opinions,
qu'il faut que quelqu'un contrôle, qu'il n'y ait pas d'abus dans
l'exercice d'un pouvoir par une autre personne. Mais malgré tout, il y a
une désignation de responsabilité, c'est-à-dire de
façon nominative, en quelque sorte, dans la loi, il y a la
responsabilité du protecteur de la jeunesse, du directeur de la
protection de la jeunesse.
Ce n'est pas, remarquez-le bien, la direction. Ce n'est pas à une
structure que nous donnons cette responsabilité dans l'avant-projet de
loi. C'est au directeur de la protection de la jeunesse. Pourquoi cette
expression? Pour, justement, qu'il y ait dans la loi une base à une
responsabilité individuelle.
Il est bien évident que le directeur ne sera pas en mesure
d'assumer la responsabilité vis-à-vis de tous les enfants. Mais
il n'y a pas d'autre mécanisme, dans une loi, que de l'attribuer
à un individu et d'avoir une disposition très claire qui indique
que cet individu, étant responsable de la protection de la jeunesse, va
lui déléguer cette responsabilité. Et la
délégation sera faite par la loi, ce qui veut dire que celui qui
va la recevoir va disposer de tous les pouvoirs et va assumer toutes les
responsabilités que la loi donne au directeur de la protection de la
jeunesse, et ceci, du moment de la prise en charge jusqu'au moment où on
ferme le dossier.
Et il peut arriver des cas où plus qu'une delegation successive
se fait dans le cas d'un enfant en particulier, un enfant, par exemple, qui est
référé dans un centre d'accueil pour une phase de
réadaptation, de rééducation prolongée; il est
normal qu'il y ait une délégation d'autorité à
quelqu'un dans le centre d'accueil qui va être en contact avec cet
enfant. Il ne faudrait pas que le souci de rigueur dans le concept de la
continuité soit tel que, quand un enfant est situé dans des
circonstances radicalement différentes de celles du départ, on
adhère, de façon trop absolue, à la
notion de continuité, mais il s'agit que la continuité se
déplace d'un individu à l'autre selon des procédures
prévues dans la loi. Il me semble que cela est clair. Si cela ne l'est
pas, de toute façon, je serais intéressé à ce qu'on
nous aide à l'éclaircir parce que je pense que c'est,
effectivement, à travers toutes les complexités
inévitables, jusqu'à preuve du contraire de la loi, le filon
conducteur qui va permettre qu'un enfant ne soit pas perdu dans ce
dédale, un dédale qui, encore une fois, peut-être, peut
être simplifié, mais je ne vois vraiment pas où, dans le
moment du moins.
M. Paradis: Est-ce que je peux répondre, M. le
Président?
Le Président (M. Pilote): Oui, parlez.
M. Paradis: Vous avez deux questions majeures. Voici la
réponse à la première question: Est-ce qu'il y a moyen
d'éliminer, au niveau des paliers? Ce n'était pas notre objectif,
en identifiant des paliers de décision, de suggérer d'en
éliminer. Notre objectif était surtout de souligner les dangers
et il faut qu'on vous précise que, quand on a étudié ces
paliers de décision, on s'est placé du point de vue d'un enfant
plutôt que du point de vue d'une structure et on a dit: L'enfant, du
début jusqu'à la fin, par quoi passe-t-il au niveau des
décisions? Quelles décisions prend-on à son endroit? Il
n'est pas question de dire: On peut éliminer. Ce n'était pas
notre objectif. C'était d'identifier le cheminement de l'enfant. On a
dit: II y a neuf endroits où on prend des décisions. Si je
reviens, par exemple, au premier que vous avez souligné, il y a un
enfant qui est en danger. L'idée était simplement celle-ci. Il
semble, dans les 900 cas... On est allé au comité de protection
des enfants maltraités et, dans les quatre premiers mois, dans les 900
cas, il y avait 43% des cas qui étaient pour des enfants de zéro
à cinq ans. On s'est dit: Ce n'est pas l'enfant entre zéro et
cinq ans qui va prendre le téléphone pour dire: On vient de me
battre. Il ne faut pas s'attendre non plus que le parent dise: Je viens de
battre mon enfant, venez me voir. On a dit: II y a 43% des cas comme cela qui
vont devoir être soumis à une décision d'un voisin ou d'un
individu qui dit: Selon mon schème de valeur, cet enfant est
maltraité ou il est soumis à des situations qui seront au
détriment de son développement. Il faut faire quelque chose.
C'est la moitié des cas, jusqu'à maintenant, en quatre mois
d'existence de la loi. Pour nous, c'est important. C'est un palier, il y a une
décision qui se prend-là. On ne peut pas l'éliminer. Il
n'y a aucun des neuf qui peut être éliminé.
Je ne sais pas si je réponds à votre première
question. Il faut voir notre position ce matin dans un contexte global; on a
essayé de situer la loi dans une politique globale de l'enfant. La
deuxième question, vous parlez de responsabilité. Vous dites que
c'est le directeur qui a la responsabilité. A notre connaissance, nous
avons présenté un rapport à la commission Batshaw et c'est
un des phénomènes de cette délégation de pouvoir
qui existait. Cela allait mal dans les centres d'accueil, parce que chacun se
délègue le pouvoir de l'un à l'autre. On se dit: Dans la
loi telle qu'elle est présentée actuellement, c'est encore la
même affaire; qui va donner à qui, à qui, à qui
finalement la responsabilité réelle de cet enfant? On sait, vous
le savez, M. le ministre, qu'il y a des enfants qui ont poireauté, si on
peut employer le terme, dans des centres d'accueil, dans des centres de
détention à sécurité minimum ou maximum pendant des
mois, parce que leur cas ne pouvait pas passer, leur juge était en
vacances, ainsi de suite.
On se dit: Cet enfant qui est pris dans la structure de la loi telle
qu'elle nous est présentée, qui va en avoir la
responsabilité, qui va dire au juge demain matin que cela fait trois
semaines qu'il est ici, qu'il faut qu'il y ait une décision qui soit
prise? C'est vrai que dans la loi on dit qu'après un certain temps, s'il
n'y a pas de décision prise pour l'enfant, c'est fini. Mais il reste que
cet enfant continue à avoir des besoins. Nous, on se dit: Dans une
perspective de donner à cet enfant l'appui qu'il lui faut, qui s'assure
que, dans tout le réseau des délégations, l'enfant va
s'acheminer et ça va être bon pour lui? C'est ça, notre
préoccupation.
J'espère que cette fois-ci aussi, dans la deuxième
question, on précise notre pensée. Pour nous, on ne voit pas le
directeur s'occuper de tous les enfants. Il va certainement
déléguer des pouvoirs et la loi le lui permet. Mais c'est
très dangereux, justement parce qu'on a l'expérience
antécédente de l'ancienne loi de protection de l'enfance qui n'a
pas démontré, à notre avis, toute la perfection de
cheminement ou de fonctionnement qu'elle aurait dû démontrer. Il
ne semble pas qu'il y ait une amélioration pour le moment, au niveau de
cette responsabilité.
M. Forget: J'aimerais relever cette remarque parce que je pense
qu'on aurait avantage à regarder de plus près la
différence entre la loi qui est actuellement en vigueur et ce que
l'avant-projet contient à ce sujet. Dans le moment, il n'y a pas de
dispositions équivalentes et il ne faut pas se méprendre sur la
signification des termes. Quand on dit que les enfants sont envoyés d'un
individu à l'autre à l'intérieur du réseau, on ne
parle pas de délégation faite en vertu d'une loi. On dit tout
simplement que les gens n'assument pas peut-être de façon
convenable des responsabilités qui sont, par contre, fort
imprécisément définies et qui sont, s'il y a quelque
chose, attribuées à des structures, c'est-à-dire, par
exemple, en certain cas, au ministre lui-même et, si le directeur, dans
chaque région, n'est pas capable de s'occuper de tous les enfants, je
n'ai pas besoin de vous dire que le ministre non plus, et à plus forte
raison.
Donc, quand des lois pour la protection de la jeunesse attribuent au
ministre la tutelle des enfants ou la garde des enfants, c'est une fiction. Ce
n'est même pas une fiction, c'est tellement fantaisiste que cela n'a
aucune raison d'exister à mon avis, même à titre de fiction
juridique, parce que cela ne peut pas correspondre à quoi que ce soit de
réel.
Dans l'avant-projet, il y a une responsabilité
qui est attribuée au directeur et le directeur va la
déléguer. Mais justement, il va la déléguer
à quelqu'un qu'il va désigner lui-même parce qu'il est le
patron de tous ceux qui s'en occupent ou qui peuvent s'en occuper et qu'il va
le faire nominativement. Il va y avoir au dossier une désignation de
cette personne, personne qui va demeurer légalement responsable au point
même d'engager sa responsabilité professionnelle devant les
tribunaux jusqu'à ce qu'il soit levé ou qu'il soit
dégagé de cette responsabilité par une reprise en main du
dossier par le directeur qui peut la confier à une troisième
personne ou parce que le dossier est fermé. Donc, il y a là un
ensemble de dispositions qui assurent qu'il y a un adulte à chaque
moment, entre la prise en charge et la fermeture du dossier, qui va être
responsable, professionnellement, légalement, de ce qui arrive à
cet enfant et qui devra se comporter en conséquence.
Si jamais il y a des problèmes dans la façon dont c'est
rédigé, on va s'assurer à ce que cet effet, qui est
poursuivi depuis le début c'est un des éléments
essentiels de cet avant-projet de loi on le retrouve intact ou
amélioré, si possible, dans la version finale. C'est
évident, on l'a tous constaté à la vue de certains
dossiers, que la discontinuité dans la prise en charge, l'absence de
points précis où la responsabilité portait, étaient
à la racine d'un tas de problèmes. Je crois que, si la loi ne
faisait presque rien que cela, personnellement, je crois qu'on aurait
déjà un progrès significatif, indépendamment de
tout le reste.
Je pense que, même avec les structures actuelles, les
mécanismes actuels, pourvu qu'on ait déterminé clairement
la responsabilité vis-à-vis un enfant, on aurait
déjà un bon bout de chemin.
M. Tardif (Mario): A ce niveau, je trouve primordial que ce soit
vraiment spécifié et on se demande même si ce n'est pas
possible d'aller jusqu'à préciser le nombre de
délégations possibles, parce qu'à ce niveau-là,
dans l'application, en travaillant directement auprès des enfants, je
peux vous dire qu'il y a des situations qui sont vraiment très
déplorables. Ce n'est pas une recherche scientifique, mais il y a
à peu près un mois et demi, lorsqu'on nous a avisé qu'on
devait venir ici, j'ai relevé dans trente dossiers, dont neuf en centre
d'accueil et 21 en milieux ouverts, à l'intérieur d'un an, de
quatre à neuf chargés de cas par enfant. Le minimum de
chargés de cas pour un enfant a été de quatre, le maximum
étant de neuf.
Aussi, au niveau de l'évaluation, je pense qu'il y a là un
abus. On parle aussi de protéger les gens contre l'ingérence,
mais je pense qu'il faut aussi spécifier d'une façon très
claire l'ingérence au niveau des enfants. C'est fantastique de voir
comment un enfant de neuf ans ou de dix ans peut en arriver, à un moment
donné, avec un paquet incompréhensible d'évaluations. Il y
a des enfants qui nous arrivent à dix ans avec six, sept ou huit
évaluations qui ont été faites dans un laps de temps d'un
an. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond à ce niveau. Ce n'est
pas l'esprit comme tel, mais il s'agit d'être le plus spécifique
possible, pour éviter ces situations dans l'application pratique.
M. Forget: Je pense que vous avez aussi mis le doigt sur un
problème qu'il est peut-être difficife ou même impossible de
régler législativement. J'ai été conscient aussi de
ce qu'on fait une succession rapide de chargés de cas. Il reste que
l'explication qu'on obtient souvent, lorsqu'on pose la question, c'est que le
chargé de cas a démissionné, a
déménagé, travaille ailleurs ou Dieu sait quoi. Il est
possible que, dans la majorité des cas, ce soit ce genre d'explication.
Si le taux de roulement du personnel professionnel, par exemple, dans les
centres de services sociaux, est trop élevé, sans que personne
n'y puisse rien, à court terme, on va trouver plusieurs chargés
de cas pour le même enfant. Même si la loi l'interdisait, je pense
bien qu'il faudrait faire des exceptions tellement nombreuses... Vous posez,
dans le fond, le problème, et je suis heureux que vous le fassiez, parce
que vous êtes un groupe multidisciplinaire, des standards
d'éthique professionnelle et des standards de pratique professionnelle
pour les différents groupes qui sont chargés de la protection de
la jeunesse.
Je n'ai pas besoin de vous souligner que la Loi sur la protection de la
jeunesse n'abroge pas le Code des professions et qu'on suppose que les
mécanismes de surveillance professionnelle et de discipline
professionnelle vont s'appliquer pour les groupes professionnels qui sont
impliqués et où cela peut jouer. Je pense qu'il y a passablement
de chemin à faire de ce oôté. Je pense que les corporations
et les groupes professionnels impliqués en sont également
conscients, mais j'ai de grandes réticences à voir l'Etat ou le
gouvernement devenir un organisme qui dit directement aux professionnels
comment faire leur travail.
C'est évident, d'après les résultats, que c'est
parfois moins que souhaitable, ce que l'on fait, mais je ne pense pas que ce
soit à la loi de préciser qu'un professionnel qui s'occupe d'un
enfant doit s'en occuper de la façon la plus continue possible, qu'il
doit téléphoner à la famille une fois par semaine, dans
certaines circonstances, une fois tous les quinze jours et tous les mois, dans
d'autres circonstances.
Je ne crois pas que ce soit le rôle de lEtat, du gouvernement, de
faire ce travail. Cependant, par l'Office des professions, comme vous le savez,
l'Etat, malgré tout, doit s'assurer que les groupes professionnels font
leur travail. On part de zéro dans certaines situations. Je suis
sûr que les groupes professionnels impliqués voudront
améliorer leur pratique. C'est de ce côté, à mon
avis, qu'il faut mettre nos espoirs dans l'immédiat. Par ailleurs, sur
le plan des établissements, vous savez qu'à la suite de la
publication du rapport du comité d'études sur les enfants, on a
annoncé notre acceptation d'une recommandation visant à
créer un conseil d'agrément des services à l'en-
fance inadaptée. Je crois que tous les groupes, y compris le
groupe que vous représentez, seront invités à participer
à cet organisme qui ne sera pas un organisme gouvernemental, qui n'aura
donc pas à juger si les programmes gouvernementaux qu'il applique sont
bons ou pas bons, mais qui pourra le faire de l'extérieur, qui pourra
aussi tourner son attention, ce qui est très important, sur les
standards de pratique professionnelle, sur les dossiers qui n'existent pas. Ce
n'est pas parce qu'il y a des directives gouvernementales qui interdisent qu'il
y ait des dossiers pour les enfants. On se rend compte, dans certains milieux,
que les dossiers n'existent pas ou que les éléments essentiels ne
s'y trouvent pas.
Je crois qu'il y a là énormément de travail
à faire qui se situe en dehors de la loi et qui doit se situer en dehors
de la loi si l'on veut que chacun joue son rôle de façon
appropriée. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions?
M. Charron: M. le Président, j'ai une seule remarque
à faire, et non pas une question. Le conseil a voulu faire porter la
majeure partie de son intervention sur la nécessité de la
prévention. Ma remarque, je la rattache à la première
question que le ministre lui a posée sur l'incapacité de mettre
dans une loi des mesures de prévention. Pour un certain temps, j'ai
suivi son raisonnement. Effectivement, il est difficile de mettre dans une loi
de la prévention, autrement que de la souhaiter; mais je ne partage pas
son opinion. Je pense que le conseil avait raison d'insister là-dessus.
La prévention n'est pas complètement absente dans la loi. Par
exemple, la loi crée un nouvel organisme qui s'appelle le CLO, le Centre
local d'orientation. Nous pouvons, par la loi et dans la loi, donner comme
mandat et vocation au CLO, également sur le territoire qu'il sera
appelé à desservir, un véritable rôle de
prévention. Ce pourquoi le ministre peut être réticent, je
pense, ce n'est pas à cause des difficultés légales que
cela apporterait, mais nécessairement des difficultés
financières que cela voudrait dire, parce qu'on ne dit pas à un
organisme: "Vous avez le rôle de faire de la prévention sur un
territoire", si on ne lui donne pas l'argent pour le faire.
Je pense que, si vous disiez à la commission que votre objection
porte sur les engagements financiers que cela vous obligerait à faire,
la commission aurait peut-être une véritable réponse. Mais
rien ne nous empêche, dans la loi, de créer un organisme à
l'intérieur duquel on fixe des mandats. Nous avons, nous tous ici,
adopté des lois, comme la loi 65, par exemple, qui régit
maintenant les services sociaux et les services de santé du
Québec, où nous ne nous sommes pas gênés pour donner
des mandats. Par exemple, il y en a eu lors de la création des centres
locaux de services communautaires. Mais on savait, quand on faisait ce mandat,
qu'on allait leur donner le budget pour le faire par la suite.
On pourrait faire cela du CLO. D'ailleurs, le rapport Batshaw, auquel
vous venez, vous-même, de vous référer, parle d'un centre
d'accueil de l'avenir. On pourrait aussi, à l'intérieur de la loi
qui est là, lorsqu'on atteint le chapitre des centres d'accueil, donner
une vocation. En parlant du centre d'accueil de l'avenir, le rapport parle d'un
rôle de prévention des centres d'accueil. Il dit: Ils ne doivent
plus être seulement des maisons closes où des jeunes sont
forcés de se retrouver parce qu'ils ont passé devant les
tribunaux ou parce qu'ils y ont été référés.
Ils doivent oeuvrer sur le milieu. On doit ouvrir les centres d'accueil sur le
milieu. Rien ne nous empêche, dans cette loi je ne sais pas
à quel article, M. le Président lorsque nous
procéderons à l'étude article par article, de le faire
effectivement. Mais là, le ministre pourra peut-être me dire ses
argumentations légales pour le refuser. Moi, je pense que son
argumentation est financière. On ne peut pas faire le mauvais jeu de
donner aux gens le mandat de prévention à oeuvrer dans le milieu
si on ne leur donne pas les moyens pour le faire par la suite. On aura
trompé la population. On aura une loi qui ne sera pas efficace.
C'est la seule remarque que je voulais faire en remerciant le Conseil du
Québec de l'enfance exceptionnelle, parce que l'intervention qu'il a
faite en insistant sur le devoir de prévention n'est pas absente de la
loi que nous sommes en train d'étudier. Il ne s'agissait pas de voeux
pieux. On peut effectivement inclure certaines mesures, certaines obligations
d'oeuvrer à la prévention par certains des organismes que nous
mettons sur pied dans ce projet de loi, mais encore faudrait-il s'assurer que
ces organismes auront le budget pour remplir le mandat qu'on leur donnera.
Le Président (M. Pilote): On vous remercie, messieurs.
Il est déjà une heure moins dix. Il nous reste cinq
organismes à entendre cet après-midi. La commission suspend ses
travaux jusqu'à 2 heures cet après-midi.
M. Charron: Deux heures?
Le Président (M. Pilote): A 2 heures, parce qu'il nous
reste cinq organismes que nous avons convoqués.
M. Charron: M. le Président, 2 h 30. On ira plus vite,
c'est tout.
M. Forget: Est-ce qu'on peut faire un compromis pour 2 h 15?
Le Président (M. Pilote): A 2 h 15, d'accord! M.
Charron: A 2 h 15, d'accord
Le Président (M. Pilote): La séance est suspendue
jusqu'à 2 h 15.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
Reprise de la séance à 14 h 30
M. Pilote (président de la commission conjointe des affaires
sociales et de la justice): A l'ordre, messieurs!
J'inviterais M. Pierre Brien, président de l'Association
professionnelle des criminologues du Québec, à bien vouloir
s'approcher et à nous présenter celui qui l'accompagne.
Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire. Le parti au pouvoir...
Association professionnelle des criminologues du
Québec
M. Brien (Pierre): C'est une contrainte que d'autres organismes
n'ont pas eue. J'imagine que qualitativement vous vous êtes
sensibilisés à notre mémoire pour éviter une trop
longue période d'éclaircissement, mais j'aimerais que les
règles du jeu, sans trop empiéter et sans exagérer dans la
longueur de notre mémoire, soient les mêmes que pour d'autres
organismes. Sans charrier, sans aller trop...
Le Président (M. Pilote): Bien, j'espère,
monsieur.
M. Brien: Toutes choses étant égales, c'est pour
éviter les approches discriminatoires.
Le Président (M. Pilote): Allez, on verra.
M. Brien: D'accord. M. Marc Côté est celui qui
m'accompagne. C'est une personne-ressource comme criminologue qui vit dans le
milieu, qui a coordonné notre groupe de travail et qui, suite à
la présentation du mémoire que je vais vous faire, ajoutera des
commentaires pertinents en prolongement de ce mémoire parce que nous
avons consulté nos cellules régionales et sectorielles en
criminologie réparties dans toute la province. Nous avons reçu
des mémoires qui nous ont été acheminés de sorte
que ce que vous avez reçu est le fruit d'une consultation au niveau des
criminologues répartis dans toute la province et dans leur secteur de
spécialisation.
L'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse et le projet
concernant les jeunes qui ont des démêlés avec la justice,
inclus dans le rapport du comité du ministère du Solliciteur
général sur les propositions formulées en remplacement de
la loi sur les jeunes délinquants, ont été rendus publics
presque simultanément par les gouvernements du Québec et du
Canada.
Cette coïncidence chronologique ne nous semble pas être le
fruit du hasard, mais bien celui d'une action concertée
d'ailleurs, les fonctionnaires des deux paliers se rencontrent
fréquemment; on l'a senti dans cet avant-projet de loi, tout comme dans
celui du fédéral visant à une certaine
complémentarité entre les deux lois. L'APCQ, dont plusieurs
membres sont en contact quotidien avec des jeunes ayant des problèmes
re- levant de l'une ou de l'autre de ces lois, se propose donc dans le
présent mémoire de soumettre ses commentaires et
recommandations.
Notre approche s'effectuera à travers l'étude des
objectifs fondamentaux qui sont ou doivent être visés par lesdites
lois. Ceux-ci seront explicités et commentés dans un premier
chapitre.
Compte tenu des mémoires présentés par d'autres
associations d'ailleurs, il y a eu des réunions avec les autres
associations pour tâcher d'éviter la répétition dans
notre mémoire comme dans celui des autres; on doit souligner cela dans
les mécanismes de consultation et de l'analyse des textes des
deux lois, certaines finalités nous ont semblé quelque peu
reléguées au second plan.
Il s'agit, nommément, de la coordination entre les
ministères impliqués et plus particulièrement entre les
services qui relèvent ou qui pourraient relever de chacun d'entre eux.
Nous y consacrerons, par conséquent, un second chapitre.
Finalement, nous tenterons de dégager nos principales conclusions
et recommandations dans l'espoir qu'il en soit tenu compte lors de la
rédaction des textes définitifs.
En termes de philosophie de base au niveau des objectifs de
l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse, on reprend un peu la
démarche du ministre, M. Claude Forget, dans un discours prononcé
au congrès du "Child Welfare League of America", en date du 7 mai I975,
où il donnait déjà les principaux objectifs visés
par la loi sur la protection de la jeunesse, à savoir, comme objectif
premier, la reconnaissance de l'enfant comme sujet de droits: Droit
d'être informé, droit d'être entendu cela a
été repris un peu ce matin, comme on l'a vu droit
d'être représenté par un avocat, droit à des
services de réadaptation conformes à ses besoins.
Le deuxième objectif était celui du droit de l'enfant
à vivre dans son milieu familial naturel.
Enfin, un troisième objectif. M. Forget insistait aussi sur
l'action sociale préventive comme étant de toute première
importance.
Une telle action pourrait s'exercer, selon ses déclarations,
quant à l'orientation des enfants et des jeunes dans le système
de protection de la jeunesse ou même par un effort important de
dé-judiciarisation pour les jeunes impliqués dans le processus
judiciaire. D'ailleurs, comme vous le savez, le fédéral, au
niveau du Solliciteur général du Canada, a des projets dans ce
sens, en termes de diversion, de déjudiciarisation.
Le cheminement de ladite action préventive se ferait via les
comités d'"intake" ou comités locaux d'orientation.
Pour rendre effectif de tels objectifs, M. Forget envisageait, à
l'époque, une meilleure coordination de l'appareil judiciaire et des
services sociaux, le souci d'individualisation de la relation entre l'enfant en
besoin de protection et les services de protection et, finalement,
l'accroissement de la qualité et de l'efficacité des mesures de
protection et de réadaptation de l'enfance.
Donc, trois objectifs importants, si on re-
prend: reconnaissance des droits de l'enfant, droit de l'enfant à
vivre dans son milieu familial naturel; d'ailleurs, même dans les
récentes répliques du ministre Forget au rapport Batshaw, il y a
l'histoire des familles d'accueil qui remplacent la famille naturelle, et dont
le rôle est de se rapprocher j'imagine que c'est dans l'esprit de
cela aussi le plus proche possible de la famille naturelle, d'où
responsabilité des parents à l'égard de leurs enfants, et
action sociale préventive.
Ces objectifs peuvent être mis en parallèle, voire
même étoffés par l'article 4 de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, chapitre 48. Ledit article précise
que toute personne a droit de recevoir des services de santé et des
services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique,
humain et social, avec continuité et de façon
personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources des
établissements qui dispensent ces services.
Le ministère des Affaires sociales met donc l'accent sur le droit
de toute personne, donc l'enfant, le jeune, à des services accessibles
de qualité, continus, efficaces, complémentaires et, somme toute,
des services personnalisés. C'est un peu une préoccupation,
aussi, qu'on a constatée en écoutant les rapports de ce
matin.
Nous aborderons donc les objectifs sous-jacents à la loi de
protection de la jeunesse avec l'éclairage de la loi sur les jeunes qui
ont des démêlés avec la justice. L'un et l'autre palier,
fédéral et provincial, semblent nourrir, à l'égard
de la jeunesse en danger, une même philosophie qui apparaît
acceptable, de prime abord.
C'est, toutefois, au niveau de la coordination entre les
ministères provinciaux de la Justice et des Affaires sociales que se
posent des problèmes de nature organisationnelle qui semblent avoir
d'importantes implications sur le plan de la duplication des institutions
relevant de chacun de ces paliers, duplication qui serait préjudiciable
à la concrétisation des objectifs mentionnés. On irait
même jusqu'à la structurer, des fois.
La reconnaissance de l'enfant comme sujet de droit, la reconnaissance,
donc, des droits fondamentaux de l'enfant. La reconnaissance, le respect des
droits de l'enfant sont une nouvelle fois soulignés dans une monographie
du ministère des Affaires sociales intitulée "Les services
à l'enfance, mémoire de programmes". Je passe la citation, vous
la retrouvez à la page 15 de ce mémoire de programmes.
L'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse insiste, tantôt
à l'affirmative, tantôt à la négative, sur certains
de ces droits. Il y a là, nous le reconnaissons, un effort louable de la
part du législateur. A ce sujet, une nette amélioration sur
l'actuelle Loi de la protection de la jeunesse est perceptible, mais le
législateur devrait aller beaucoup plus loin et instaurer une charte des
droits et devoirs de l'enfant. Par extension, les droits et devoirs des parents
devraient aussi être clairement définis. Ce sujet ayant
été largement abordé par des mémoires
émanant d'autres associations, nous estimons qu'il serait superflu d'y
reve-
Le milieu familial naturel de l'enfant comme milieu
privilégié. Ce principe, nous le trouvons fondamental. Il pose
toute la question du maintien de la responsabilité parentale. De
nouveau, on cite dans notre mémoire l'ouvrage que nous vous avions
déjà indiqué.
L'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse, dans ses
articles 2 et 3, confirme et cristallise cet objectif du ministère des
Affaires sociales, à savoir l'intérêt des enfants, qui doit
être le motif déterminant des décisions qui sont prises
à leur sujet en vertu de la présente loi. Ces décisions
doivent tendre à maintenir les enfants dans leur milieu familial
naturel. Nous ne pouvons donc que souhaiter l'application à la fois
fidèle et lucide de ces principes. Nous disons fidèle, car il
faut que la famille soit consciente de ses responsabilités et qu'en
même temps le recours à l'institutionnalisation ne soit pas pris
comme une solution de facilité. Nous disons, par ailleurs, lucide, car
le milieu familial n'est pas toujours propice au développement normal de
l'enfant. Dans pareil cas, il est du devoir de la société,
à travers les services communautaires, notamment, de prendre en charge
la réalisation de l'épanouissement de l'enfant dans un cadre qui
se rapproche le plus possible de celui de la famille naturelle.
La coordination entre les structures préconisées par les
deux lois en question en constituerait, à notre avis, la garantie.
On parle, Marc y reviendra tantôt, je vais aller plus vite ici,
d'action préventive tertiaire et d'action préventive secondaire
et on revient, dans un deuxième chapitre, sur la coordination entre les
deux lois; on fait état je vais vite, je réponds à
votre désir en page 9 de ce mémoire de l'éclairage
de la loi fédérale; on y indique de façon
schématique le double emploi qu'on a noté. Il y a, par exemple,
le bureau de sélection, qui peut se retrouver dans le projet de loi
fédéral au niveau du comité local d'orientation, au niveau
de "l'intake", et le comité de révision fédéral,
qui ressemble étrangement, dans ses termes de référence,
à la commission de protection de la jeunesse, d'une part, et le conseil
de surveillance régional, d'autre part; et, à la fin, où
il était question du directeur de protection de la jeunesse comme
responsable, qui, à son tour, délègue à des
chargés de cas, ce matin, on voit un directeur au provincial et au
niveau fédéral également.
Donc, il nous a semblé qu'il y avait certains recoupements,
jusqu'à un certain point, entre les deux textes de loi. C'est ce qu'on
soulève ici. Egalement, en termes de la coordination des structures,
dans un souci certain d'individualisation, de la relation de protection,
d'accroissement de la qualité et d'efficacité des mesures de
protection et des mesures de réadaptation de l'enfance et de la
jeunesse, dans un souci certain d'obtention pour la jeunesse de services
accessibles continus, efficaces, personnalisés, on propose, comme
association, ci-dessous, un organigramme où vous avez la commission de
protection de la jeunesse pour ce qui est de la protection, du bien-être,
de la probation, de la santé; le comité local d'orientation
ou
bureau de sélection, selon l'appellation qu'on veut lui donner au
plan fédéral, au plan provincial, le directeur de protection de
la jeunesse et en dessous, protection sociale d'une part, la protection
judiciaire d'une part, la protection sociale qui se veut volontaire, la
protection judiciaire qui émane de l'application des lois
fédérales ou du code criminel avec en dessous des agents de
protection de la jeunesse.
Les attributions des uns et des autres c'est un peu important, on
va s'y attarder la commission de protection de la jeunesse aurait les
mêmes fonctions que lui a dévolues l'avant-projet de loi à
l'exception de l'institution de conseils de surveillance régionaux
à l'article 22 b); en plus, elle assumerait les fonctions du
comité de révision prévu par la législation
fédérale, dont l'importance nous paraît
considérable, et qui pourrait prendre le style du comité de
révision défini dans la Loi sur la santé mentale; ainsi,
selon certaines modalités, les jeunes en protection sociale ou
judiciaire pourraient voir réviser leur cas au moins une fois par six
mois. Ladite commission devrait, dans sa composition, tenir d'une égale
représentation des ministères de la Justice et des Affaires
sociales.
Pour les fins de la loi fédérale, le président de
la commission pourrait également assumer la fonction de directeur
provincial. Le comité local d'orientation devrait également
être constitué à part égale de représentants
des ministères des Affaires sociales et de la Justice. Il servirait
d'organisme d'"intake" ou, encore, comme le prévoit la loi
fédérale, de bureau de sélection. Ce même
comité recevrait les enfants dont la sécurité, le
développement ou la santé sont considérés
être en danger. Les circonstances où la sécurité, le
développement ou la santé d'un enfant peuvent être en
danger sont énumérées aux articles, comme on le sait, 48
a) et r) de l'avant-projet de loi de la protection de la jeunesse.
En ce qui concerne l'article 48j) de lavant-projet, lorsque des
dispositions d'une loi du Canada sont visées, il faudrait s'en
référer à la procédure décrite dans la loi
fédérale sur les jeunes qui ont des démêlés
avec la justice.
Grosso modo, le processus pourrait être le suivant: le jeune
âgé de plus de 14 ans est amené devant le procureur
général ou son substitut, substitut qui serait
intégré au CLO, qui peut, avant de décider si une
dénonciation doit être portée contre un jeune, utiliser les
autres services du bureau de sélection approprié, le bureau de
sélection détermine si les besoins de la justice,
l'intérêt du jeune ou celui de la société peuvent
être satisfaits sans avoir recours aux procédures judiciaires,
à savoir déjudiciarisation, la recommandation du bureau de
sélection au procureur général ou à son substitut
de porter une dénonciation n'est pas exécutoire mais bien
discrétionnaire.
Si le bureau de sélection recommande de ne déposer aucune
dénonciation, il ne peut être déposé de
dénonciation à aucun moment. Avant de formuler sa recommandation,
le bureau de sélection peut proposer aux jeunes des conditions telles
dédommagement, restitution, services communautaires et, si le jeune les
accepte, le bureau de sélection est considéré comme ayant
recommandé au procureur ou à son substitut de ne pas
procéder contre le jeune.
Les fonctions du comité local d'orientation seraient donc celles
libellées aux articles 51 a), b), c) de l'avant-projet. Ces articles
précisent que le CLO doit effectuer sans délai une
évaluation de la situation, appliquer les mesures provisoires qui
s'imposent de façon urgente et acheminer l'information à la DPJ
avec les recommandations appropriées.
Il nous semble toutefois inutile que ladite direction fournisse un
rapport sur la situation dans les 72 heures, tel que mentionné à
l'article 51 c). Dans les cas visés par une disposition d'une loi du
Canada, Code criminel, statut fédéral, il est recommandé
de se référer aux fonctions du bureau de sélection, tel
que stipulé dans la loi sur les jeunes qui ont des
démêlés avec la justice.
La direction de la protection de la jeunesse, pour sa part, se verrait
confier la pleine responsabilité des cas que lui réfère le
comité local d'orientation, ce qui n'empêche nullement la
création d'un comité de révision intégré
à la commission. La DPJ aurait donc à voir à l'application
des mesures de prévention et de 'déjudiciarisation ' pour les
jeunes de 0 à 18 ans.
Maintenant, il est impérieux de situer la DPJ dans l'organigramme
des services sociaux. Sous forme schématique, de nouveau, nous avons
reproduit un peu le portrait que cela nous donnait et nous avons fait des
commentaires.
En conclusion de ce mémoire, nous voulons dégager les
principales conclusions auxquelles la réflexion effectuée dans
les pages précédentes nous conduit: Nécessité
d'élaborer une charte des droits et devoirs de l'enfant; application
fidèle et lucide des principes de maintien de l'enfant dans son milieu
familial naturel; inclusion dans les fonctions du directeur de la protection de
la jeunesse, de la planification des programmes de prévention
secondaires; allégement des structures prévues à
l'intérieur de l'avant-projet de loi, afin de permettre une relation de
protection plus individualisée et plus efficace; coordination des
organismes créés par les deux lois, fédérale et
provinciale, selon les détails mentionnés à notre chapitre
2.
Nous aimerions, en outre, formuler les recommandations suivantes:
Dans le but de limiter l'inférence de l'Etat dans la vie des
particuliers, faire disparaître, dans l'avant-projet de loi, les
énoncés par lesquels on dévolue à peu près
à n'importe qui le rôle d'agent de la paix. D'ailleurs, nulle part
là-dedans, il n'est question du domaine policier et ce qu'on entend
précisément par agent de la paix. Evidemment je travaille
à la Commission de police, je fais cette remarque à titre
personnel.
Si un besoin en est, se référer à la cour pour
l'obtention d'un mandat. Limiter les évaluations psychosociales
conformément à l'esprit de la loi fédérale,
évidemment, dans les rapports prédécisionnels. Que le CLO
ne puisse contraindre quiconque à comparaître devant lui.
2- Préciser les notions de protection sociale et de protection
judiciaire. Selon nous, une protection sociale ne devient pas judiciaire parce
qu'autorisée par la cour. On pourrait parler de protection sociale
volontaire ou non ou de protection sociale à incidence judiciaire,
uniquement quand il y a délit.
L'avocat, enfin, se devrait d'avoir une formation spéciale pour
la population de la cour juvénile, l'intérêt de l'enfant
n'étant pas nécessairement uniquement dans la preuve de la
matérialité des faits et de l'imputabilité de l'acte.
Pour terminer notre présentation, M. Marc Côté va
revenir sur certains aspects du mémoire en étoffant davantage et
en prolongement de ce mémoire qui était présenté au
mois de novembre, en réalité, pour relever les problèmes
de concordance entre les deux projets de loi, de direction
intégrée et d'expérience vécue, car il est
lui-même dans un CSS présentement. Il va vous situer certains
problèmes que pourrait soulever l'avant-projet de loi, les aspects
préventifs si on parle de prévention tertiaire et secondaire et
leurs implications, de même que la distance qui est apparue chez nous
entre l'évaluation et le traitement.
On donne à deux structures différentes l'évaluation
et le traitement. Il va vous indiquer en quoi cela nous apparaît un
certain danger. J'ai communiqué avec Maurice Cusson, criminologue, qui
faisait partie du comité Batshaw. Au niveau de notre association, je
dois vous rappeler que cela a une incidence sur l'article 55 a) et b) de
l'avant-projet de loi sur la protection de la jeunesse; c'est pertinent au
sujet d'aujourd'hui le comité Batshaw demandait à tout
prix que les cas de protection ne puissent être l'objet de
détention dans des prisons provinciales, par exemple, ou à un
centre de détention de sécurité tel que cela traumatise ou
que cela ait une influence de contamination plus grave que ce qu'on veut viser
par cet article. C'est un autre aspect que je relève et que je vous
signale.
M. Côté (Marc): Pour ma part, j'aimerais donner mes
coordonnées qui, disons-le, sont très particulières dans
l'actuel réseau des affaires sociales. En fait, j'appartiens à un
service de consultation en délinquance, service de consultation en
délinquance qui est intégré à un CSS, le CSS
Richelieu pour ne pas le nommer. C'est le seul service de consultation en
délinquance au Québec intégré à un centre de
services sociaux.
Ailleurs, ce qu'on retrouve, finalement, ce sont des criminologues qui
sont intégrés au service jeunesse ou à un service qu'on
appelle famille-jeunesse, selon le CSS dans lequel on se trouve.
Traditionnellement, dans le réseau des affaires sociales, les cas
de protection, qu'on appelait les articles 15, allaient automatiquement ou
à peu près aux gens du service jeunesse, par opposition, par
exemple, aux articles 20. Encore là, on l'a mentionné à
une session antérieure de la commission, souvent même on collait
un article 20 à un enfant pour pouvoir mieux le placer ou le placer plus
vite. Ces cas de l'article 20 étaient acheminés à peu
près automatiquement au service de probation.
Avec la création d'un service de consultation en
délinquance, nous autres, on arrive et, évidemment, on boycotte
tout le réseau. Le travail qui est fait jusqu'ici par la probation, on
peut, d'une part, le prendre et non seulement on peut le prendre ou le donner
à un équivalent, lorsqu'il y a un service judiciaire ou à
la demande du juge, mais on peut aussi aller beaucoup plus loin, dans le sens
d'un visage, par exemple, psychosocial de délinquance et non pas
uniquement une définition juridique de la délinquance, parce que,
lorsque l'on parle de délinquance, les délits, c'est une chose,
mais des caractères prédélinquants ou des comportements
prédélinquants ou délinquantiels, c'est également
une chose. Ce n'est pas parce que quelqu'un fait un délit que
nécessairement c'est un délinquant.
Notre objectif général, au niveau d'un service, c'est de
promouvoir la création, le développement, la coordination des
services de traitement et de prévention de la délinquance
juvénile. C'était là rapidement ma présentation, un
peu ce que je fais comme travail. Je voudrais déboucher sur le
mémoire et apporter rapidement un peu plus de précision.
On a parlé tantôt de concordance entre les deux projets de
loi. C'est important pour nous. Si on a présenté notre
mémoire en tenant compte à la fois des deux projets de loi, c'est
que les gens que nous représentons oeuvrent dans différents
secteurs juvéniles, à savoir probation, milieu ouvert, milieu
institutionnel et même milieu scolaire, parce qu'on a tout de même
des criminologues scolaires, travail de rue, travail de milieu, etc. Ils sont
en contact quotidien, comme le disait tantôt Pierre, ou à
l'intérieur du mémoire, avec des jeunes visés dans l'un et
dans l'autre projet de loi.
Il va donc de soi que nous ne pouvions aborder l'étude de
l'avant-projet de loi sans aborder parallèlement le projet de loi
fédéral. Raison de plus, lorsque nous savons que la probation
sera intégrée officiellement au CSS en avril 1976 et que ce
même service de probation, qui travaille en contexte judiciaire et
à la demande du juge, devra sûrement être pensé
à nouveau à la lumière de la nouvelle pièce de la
législation fédérale.
Pour notre part, les concordances qu'on retrouve à
l'intérieur des deux projets de loi sont donc on ne peut plus heureuses
si nous voulons déboucher sur une politique globale et unifiée de
la protection de la jeunesse en danger au Québec. Je voulais aller plus
loin à l'intérieur des concordances entre les deux projets de
loi, mais je vais en parler assez rapidement. Si vous avez des questions par la
suite, je pourrais y revenir.
On parlait tantôt de concordance quant à la date de
parution de ces deux projets de loi, concordance aussi quant à la
philosophie, concordance quant aux organismes créés. On parlait
du CLO, on parlait aussi du bureau de sélection.
Encore une fois, je pense que pour la plupart d'entre vous, cette
concordance, vous l'avez su-
rement vue jusqu'ici. D'ailleurs M. Forget je lisais le journal
des Débats en parlait même, à savoir que
c'étaient des organismes identiques. Alors, qu'on parle donc de CLO, au
fédéral, on parle de bureaux de sélection. Par contre, un
bonhomme qui est un peu plus difficle à placer là-dedans, c'est
celui que la loi fédérale appelle directeur provincial. Est-ce
l'équivalent du directeur de la protection de la jeunesse? Pour nous
autres, la somme de pouvoirs qu'on lui donnait semblait nous faire croire que
non. Ce bonhomme, on le situait davantage au niveau de la commission, ce qui
aurait pu être, par exemple, le président de la commission de la
protection de la jeunesse.
Un deuxième point que je voudrais apporter au nom du groupe, ce
sont les difficultés soulevées par les notions de direction de
protection de la jeunesse et par la notion elle-même de protection de la
jeunesse. J'aimerais, M. Forget, que vous puissiez tantôt nous donner
plus de précisions là-dessus. Il est important de savoir que,
compte tenu des responsabilités importantes qui sont dévolues au
directeur de la protection de la jeunesse, et là, notre point de vue
n'est pas nécessairement lié à une question de
structurite, mais compte tenu des pouvoirs importants qu'on semble lui donner,
il est important donc que ce directeur soit vraiment à la tête
d'une direction, non pas à la tête d'un chef de service. Si on se
situe un peu, et c'est pour cela que c'est intéressant ici de le
mentionner... Si vous prenez l'organigramme des centres de services sociaux,
vous avez une direction générale, vous avez des directeurs de
directions, vous avez des directeurs de divisions, vous avez aussi des chefs de
services. C'est clair que si le directeur de la protection de la jeunesse, avec
les pouvoirs qu'on lui veut dans la loi, est nommé ou est dans la DPJ,
c'est-à-dire, si ce directeur est intégré à ce
qu'on appelle actuellement dans les CSS la direction de la gestion des
programmes, il y aurait donc le directeur de la gestion des programmes, il y
aurait le directeur et son subalterne de la protection de la jeunesse, et
ensuite, il y aurait ses praticiens. Si de fait, on veut une loi efficace et
personnalisée, je pense qu'il sera tout de même important de
préciser cette notion de direction.
Il en va de même, pour la notion de protection qui est
étroitement liée à cette notion de direction, à
savoir que si on s'en tient au libellé actuel de l'article 48, c'est
qu'on peut toucher à peu près tous les enfants du Québec.
Evidemment, si on reprend le mémoire de l'ACSS, l'Association des
centres de services sociaux, le gros de l'argumentation, c'était tout
simplement de restreindre la portée de cette notion de protection pour
l'attribuer uniquement à des cas d'exception, à savoir, les
enfants en danger moral ou physique. Alors, c'est pour cela que je trouverais
drôlement important qu'on puisse revenir là-dessus. Quant à
notre position à nous, comme association, cette direction de la
protection de la jeunesse, pour qu'elle soit le plus efficace possible, on
l'avait vue liée directement au directeur général, et non
pas sous le directeur de la gestion des programmes, pour qu'on puisse nettement
identifier qui est responsable de qui dans les CSS et au niveau, par exemple,
des enfants qui ont des problèmes, à la fois de
délinquance ou sont en besoin de protection.
On pourrait même aller, parce que je n'ai pas
nécessairement toutes les réponses pour situer cette direction
dans les CSS, on pourrait même prévoir aussi, ce qui serait
probablement plus efficace à l'intérieur des structures actuelles
des CSS, un programme juvénile par opposition à un programme
adulte, ou le programme juvénile, si on tient compte actuellement de
l'étendue de la notion de protection. Alors, le directeur de la
protection de la jeunesse pourrait avoir sous lui tout ce qui touche
actuellement les juvéniles qui se présentent dans les centres de
services sociaux. Je parle là de services cliniques, également de
ressources.
On a parlé ce matin de prévention. Il semble que
c'était difficile de prévoir cette notion dans le texte de loi.
M. Charron, par contre, a repris ensuite. Pour nous, ce qui est important, si
on se réfère à la monographie du ministère des
Affaires sociales, intitulée les services à l'enfance,
mémoires de programmes, on parle de prévention primaire,
secondaire et tertiaire. La prévention étant davantage
liée à des grandes mesures socio-économiques, la
prévention tertiaire, de son côté, étant davantage
au niveau de la limitation des conséquences. Lorsqu'on intervient au
niveau des centres de services sociaux ou lorsqu'on fait une demande de
protection, il s'agit, selon nous, davantage de prévention
tertiaire.
Bien souvent, la notion de prévention secondaire est
laissée de côté, cette notion de prévention
secondaire, qui est tout de même incluse actuellement dans le chapitre de
la loi sur les services de santé et services sociaux et qui serait
dévolue aux CLSC. Je pense qu'il devrait y avoir ici un lien plus
étroit de fait entre les CLO ou entre tout cet aspect de direction de la
protection de la jeunesse et, en même temps, les CLSC.
Un autre point important aussi que nous voulions apporter. Le ministre
disait, ce matin, qu'on ne dit pas quoi faire aux professionnels. Je voudrais
bien, mais lorsqu'il passe une directive, par exemple, pour les CSS je
ne sais pas si la directive est encore la même de créer,
à l'intérieur d'une direction de la protection de la jeunesse, un
service "accueil et évaluation" et, à côté de cela,
par exemple, un service "probation" ou un service de protection judiciaire,
c'est donc d'arriver à scinder l'aspect évaluation de l'aspect
traitement. Pour les professionnels que nous représentons, c'est clair
que le fait de dichotomiser ce processus, on ne peut pas accepter cela, si vous
voulez. Pour nous, on ne se situe pas là-dedans.
Je pourrais tantôt développer les avantages
là-dessus, mais je ne veux pas tout de même prendre trop de votre
temps. Il serait important, par contre, de se référer à
l'expérience qui se fait présentement en Belgique. On a
adopté la Loi de la protection de la jeunesse en Belgique, en 1965, et
depuis onze ans, ceux qui font l'évaluation auprès de la cour
essaient de sortir de ce guêpier, et
ce qui est cocasse, c'est que nous, actuellement, on est en train de
vouloir y sombrer. Je pourrai expliquer cela aussi, avec les problèmes
que cela peut poser. C'est tout!
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: Merci! J'aimerais féliciter
particulièrement l'Association des criminologues du Québec de son
mémoire qui est très bien fait et qui nous permet d'aborder un
domaine qui n'a peut-être pas suffisamment fait l'objet des travaux de
cette commission jusqu'à maintenant. C'est le problème de
concordance entre la législation fédérale et la
législation provinciale.
Il est tout à fait exact, comme l'a perçu le groupe qui
est devant nous, que ce n'est pas par hasard que les deux projets sont
présentés au même moment. D'ailleurs, on se souviendra
peut-être que, lorsqu'en 1974 on pressait le gouvernement de
dévoiler à quel moment il déposerait enfin une nouvelle
version de la Loi de la protection de la jeunesse, j'ai, à chaque
occasion, répété qu'il était important d'essayer,
le plus possible, de coordonner cette nouvelle version avec ce que l'on savait
qui se préparait du côté de la législation
fédérale. D'ailleurs, et je crois qu'il est important de le
souligner ici, des fonctionnaires du gouvernement du Québec, tant sur le
plan de la Justice que des services sociaux, ont travaillé à un
comité d'étude fédéral-provincial pendant plusieurs
mois plus d'un an à l'élaboration du document qui a
été rendu public l'automne dernier et qui suggère un cadre
qui s'intègre assez bien avec celui qui fait l'objet de l'avant-projet
de loi que nous étudions maintenant.
Cela nous amène peut-être à apporter quelques
précisions sur ce problème de coordination. Vous avez dit, avec
raison, qu'une des préoccupations qui nous a guidés était
précisément d'assurer une meilleure coordination entre l'appareil
judiciaire et les services sociaux. Ceci peut se faire, évidemment, de
bien des façons. Le problème se pose à plusieurs niveaux.
Il se pose d'abord au niveau des relations, sans doute, entre les deux
ministères, le ministère de la Justice et le ministère des
Affaires sociales.
Cependant, je crois qu'il y a beaucoup de choses qui ont
été dites un peu sans fondement, et je parle de façon
très générale, à ce moment-ci, relativement
à des problèmes de coordination à ce niveau. Bien
sûr, il y a des discussions entre les fonctionnaires, occasionnellement
les ministres. Les points de vue ne sont pas toujours absolument les
mêmes, mais, de façon générale, il y a une
très remarquable convergence au niveau gouvernemental, parce
qu'après tout, c'est le gouvernement qui propose le projet de loi, et
non pas seulement un des deux ministères.
Les problèmes beaucoup plus substantiels apparaissent non pas au
niveau administratif et gouvernemental mais apparaissent soit dans les lois
elles-mêmes, qui sont administrées, bien sûr, dans deux
optiques différentes: l'une est une version pour les jeunes du Code
criminel, l'autre est une loi qui aménage certains services de protec-
tion sociale.
Il est évident qu'il y a là deux conceptions. Le
problème se pose au niveau des individus qui, ayant des formations
différentes, formation juridique ou formation dans les sciences de
l'homme, n'abordent pas les problèmes exactement de la même
façon. C'est essentiel de sentir qu'il y a ces différents niveaux
dans les problèmes de coordination parce que l'appel que l'on entend
souvent, de confier à un seul ministère la juridiction, par
exemple, sur l'ensemble des problèmes de l'enfance, ne résoudrait
pas la plus importante des difficultés on s'attache beaucoup
plus, je pense, au symbole qu'à la réalité ne
changerait pas le fait qu'il y aurait quand même une loi
fédérale et une loi provinciale, et ne changerait pas le fait
que, la formation professionnelle, les orientations, la personnalité
même, dans certains cas, des gens étant différente, il y
aura toujours, quels que soient les aménagements administratifs, des
difficultés et des nécessités de concilier les choses.
Vous avez très bien perçu que le comité local
d'orientation et le bureau de sélection étaient une seule et
même chose, dans le fond. Je pense qu'il n'y a aucune objection à
ce que, dans une loi provinciale, on lui donne un nom différent et aussi
une vocation plus large. Il restera, sur les derniers milles de la
législation, à préciser dans une des clauses à la
fin que ce que, dans cette loi-ci de protection de la jeunesse, on appelle un
comité local d'orientation doit être compris en
interprétant la loi fédérale comme étant un bureau
de sélection. C'est une question très minime.
Vous avez soulevé, cependant, une question plus importante, c'est
celle du directeur provincial de la jeunesse qui est prévu dans la
législation fédérale. A première vue, l'attitude
qu'on semble pouvoir adopter de ce côté il faudra voir, sur
le plan législatif, s'il n'y a pas d'erreur dans cette position
-c'est de dire que, pour le Québec, au moins, le directeur
provincial de la jeunesse c'est, pour chacune des régions du
Québec, le directeur régional de la protection de la jeunesse. Il
semble qu'on puisse interpréter comme cela la loi
fédérale. Autrement dit, il n'y aurait pas de directeur
provincial, il y aurait des directeurs généraux qui auraient tous
les pouvoirs que la loi de protection leur donnerait plus ceux que la loi
fédérale donne au directeur provincial de la jeunesse.
Cela, avant de vous dire que c'est nécessairement comme cela
qu'on trancherait le problème, vous semblez avoir peut-être des
réserves et des hésitations à ce qu'on n'ait pas du tout,
par exemple, de directeur de la protection de la jeunesse sur un plan
provincial. Vous semblez suggérer que la commission de la protection de
la jeunesse joue un certain rôle de révision.
J'aimerais peut-être que vous développiez cela un peu,
parce qu'on nous fait déjà le reproche, je pense, avec raison,
qu'il y a peut-être des améliorations à apporter, que c'est
un peu compliqué. Là, vous suggérez, dans le fond, un
rôle peut-être qui s'ajoute à d'autres. J'aimerais que vous
soyez un peu plus complet là-dessus.
M. Côté (Marc): Pour le directeur,
c'est-à-dire
pour le comité de révision, actuellement, c'est clair que
ce n'est pas prévu dans l'avant-projet de loi sur la protection de la
jeunesse. Maintenant, à partir du moment où on met sur pied une
commission qui s'appelle commission de protection de la jeunesse et qui doit
voir à l'application donc de la protection de cette même jeunesse,
ce que nous considérons important, c'est que les gens qui sont
présentement sous le coup de cette loi-là, qui sont
touchés par cette loi, par exemple si quelqu'un se retrouve dans un
centre d'accueil, il peut y être pour six mois, il peut y être pour
un an, il peut y être pour dix ans...
Ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'à l'intérieur de
cette même commission, il pourrait tout simplement y avoir un
comité permanent qui réviserait tous les cas de ce genre, par
exemple. Il est facile de faire un parallèle, comme on le disait
tantôt, avec le comité de révision où, au niveau de
la Loi de protection de la santé mentale, sur demande du patient, des
parents, ou bien automatiquement une fois par année, par exemple, il y a
nécessairement une révision. Alors, c'est dans ce sens qu'on
parle, en tout cas... le souhait actuellement est très bien
défini au niveau de la loi fédérale, à savoir que
ce même comité de révision soit également
intégré, ici dans la loi sur la protection de la jeunesse. On le
voyait au niveau de la commission de protection de la jeunesse.
M. Brien: M. Forget, si je peux me permettre d'ajouter un mot
brièvement, il s'agit d'utiliser les ressources en place, les structures
existantes; c'est un peu le sens de notre intervention. S'il y a un
mécanisme d'établi au niveau de la santé mentale, ou s'il
y a des structures qui sont envisagées au niveau du
fédéral, il faut qu'il y ait une saine coordination, il faut
éviter les duplications, soit internement ou au niveau du
fédéral. C'est le sens de notre intervention.
M. Forget: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Dans le
fond, ce que vous suggérez, c'est que ce pouvoir de révision qui
existerait en vertu de la loi fédérale soit attribué
à des organismes qui existent déjà, ou qui sont
prévus de toute manière dans le cadre de cette loi. Je cherche
l'article, mais il me semble que, dans la rédaction actuelle, sauf
erreur, on prévoit une révision périodique justement des
cas d'hébergement obligatoire et il me semble que ce pouvoir est
donné à la commission; de mémoire, je dois vous avouer que
je ne peux pas retrouver l'article rapidement, mais il me semble que c'est
déjà là.
M. Côté (Marc): il peut se présenter une
difficulté toutefois. On a mis à l'intérieur des CSS, des
comités de révision au niveau des centres d'accueil; mais le
problème, c'est que ceux qui font partie du comité de
révision sont à la fois juges et parties, à savoir que ce
sont des représentants du centre d'accueil et du CSS.
Alors, si moi, j'arrive, comme praticien, et je dis: Le jeune qui est
là, il n'a pas d'affaire à être là, c'est clair que
le gars qui représente le centre d'accueil ne viendra pas dire: Ecoute,
nous sommes capables de travailler avec lui. Alors, c'est important d'avoir un
organisme indépendant. C'est dans ce sens que notre intervention est
faite.
M. Forget: Si vous me permettez, il y a un dernier aspect qui
devient de plus en plus d'actualité dans ce problème
d'interrelation entre la législation fédérale et la
législation provinciale; c'est que, maintenant que plusieurs
étapes ont été franchies ici, dans l'étude de
l'avant-projet, il semble, d'autre part, que le projet fédéral,
tout en étant public, n'est pas encore sur le point d'être
adopté. Je dois vous avouer que, sur le plan de la préparation
d'un projet final, tant et aussi longtemps que cette situation d'incertitude
existe, il faudra envisager une rédaction un peu plus compliquée,
peut-être, de notre projet, de manière à prévoir les
deux situations, c'est-à-dire la situation dans laquelle on sera si la
loi fédérale n'est pas changée ou si elle changeait
seulement dans un an ou un an et demi, et la situation qui prévaudra au
moment où la loi sera effectivement changée.
C'est un peu ennuyeux cette situation-là. Je ne sais pas si c'est
le temps de le dire, mais je crois qu'il y a, du côté des
provinces et du côté du Québec, certainement, une certaine
impatience à attendre que la révision de la loi
fédérale se fasse et se termine de manière que la
coordination qu'il faut réaliser, on puisse la faire avec un texte qui
soit définitif. Sinon, nous serons obligés d'avoir une loi un peu
compliquée en disant: Tant que ce n'est pas changé, c'est d'une
façon et, quand ce sera changé, ce sera d'une autre
façon.
Il ne faut pas oublier l'ampleur des modifications qui sont
impliquées parce que la loi fédérale à envisager a
pour effet de restreindre son champ d'application aux infractions au Code
criminel. Toutes les infractions à des lois provinciales ou à des
règlements municipaux deviendront des délits, si on peut dire,
qui seront punissables en vertu d'une loi provinciale. Il faudra le
prévoir dans la loi de la protection de la jeunesse, de manière
qu'on couvre complètement le champ. Ce qui veut dire que non seulement
certains articles fonctionnels, en quelque sorte, du projet de loi risquent
d'être modifiés, mais son champ même d'application sera
conditionné par l'adoption d'une autre loi.
Je pense qu'il est bon d'en être conscient, à ce moment-ci,
parce que, évidemment, on risque d'être un peu déçu
par l'apparition d'un texte qui doit faire la part de toutes ces
possibilités-là si, au moment où on sera prêt
à le faire, ce qui ne devrait pas tarder, on est encore dans la
même situation d'incertitude du côté
fédéral.
J'aimerais que vous expliquiez un peu une affirmation que vous avez
faite à l'effet de limiter l'évaluation psychosociale. Vous avez
cela dans une partie de votre texte. Vous avez également dit: Dans le
domaine de l'évaluation auprès de la cour, la division de
l'évaluation et du traitement, nous ne sommes pas trop en faveur de
cela; nous trouvons que ce n'est pas extrêmement bon.
Je serais porté à être d'accord avec vous et je
pense que les deux questions sont liées. Ils est clair que
l'évaluation qui se fait indépendamment de tout traitement
devient rapidement une espèce d'exercice un peu théorique, un peu
futile. D'autre part, un traitement qui n'est pas basé sur une
évaluation l'est également. N'y aurait-il pas lieu de
préciser un peu davantage justement l'évaluation? C'est
peut-être cela que vous voulez dire, de ne pas faire constamment des
évaluations pour des gens pour lesquels l'évaluation n'est pas
fondamentalement nécessaire. C'est un peu une présomption,
à moins d'avoir des signes clairs, qu'il n'est pas nécessaire
d'évaluer les gens sur le plan psychiatrique ou psychologique.
Il y a une présomption d'intelligence et de normalité
envers n'importe qui, dans le fond, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas une
évaluation au moins sommaire sur le plan social, sur le plan du contexte
familial, etc., qui est requise, qui, elle, peut se faire par les mêmes
équipes que celles qui s'occupent du traitement proprement dit.
M. Côté (Marc): D'accord, mais, avant de
répondre à votre question, j'aurais peut-être deux
commentaires très rapides. Vous avez parlé tantôt du
directeur provincial. Vous avez dit également que cela pourrait
être l'équivalent du directeur de la protection de la jeunesse;
encore faudrait-il que la loi sur la protection de la jeunesse soit
amendée sûrement de façon significative. En effet, on dit
dans la loi fédérale que le directeur provincial pourrait
même ordonner, à un moment donné, l'hébergement
obligatoire, ce qui n'est pas le cas actuellement pour le directeur de la
protection de la jeunesse; c'est un premier commentaire.
Un deuxième commentaire pour ce qui est des délits
mineurs. Les délits mineurs sont également prévus à
la Loi de la protection de la jeunesse, à l'article 48; ils sont tout de
même inclus. Il y a à la fois ceux dont on parle qui tomberaient
sous le coup des règlements municipaux ou de statuts provinciaux. C'est
tout de même défini à l'article 48 de la loi sur la
protection de la jeunesse.
M. Forget: Oui, mais sur ce point-là je suis
content que vous le mentionniez il y a un aspect très important
de la coordination des deux lois. Ce paragraphe-là de l'article 48 ne
vise pas seulement les délits mineurs, dans le sens suivant, c'est qu'il
parait possible de dire ceci dans une loi provinciale visant la protection de
la jeunesse; dans tous les cas où un jeune est mis en rapport avec les
autorités judiciaires, que ce soit pour des délits mineurs ou
même pour des délits majeurs, toutes les dispositions non
incompatibles de la loi sur la protection de la jeunesse s'appliquent
également.
La proposition à ce moment-là et c'est ce que
certains groupes n'ont pas saisi dans, par exemple, les articles relatifs
à la détention, etc., quoiqu'il y ait des aménagements
nécessaires ce que nous cherchons à faire, mais qu'il
faudra faire plus explicitement, c'est de dire que, même dans le cas de
délinquance, même dans le cas d'infractions au code criminel et
qui devient passible, à ce moment-là, de sanctions en vertu de la
Loi sur les jeunes délinquants, toutes les dispositions de protection de
la jeunesse s'appliquent même à ces jeunes, toutes les
dispositions non incompatibles.
Ceci permet d'envisager que, même dans les cas de
délinquance, les mesures de protection peuvent également
être invoquées. Certaines provinces nous ont
précédé sur cette voie et je crois que c'est un aspect
extrêmement important. Non seulement il y a un trou à boucher,
mais il y a une espèce de couverture générale qu'il semble
possible de donner par le projet de loi sur la protection de la jeunesse.
M. Brien: Si vous voulez, c'est l'aspect de l'évaluation
et du traitement, que vous avez soulevé et Marc va compléter
tantôt, qui nous a paru significatif. Dans un continuum normal entre
l'aspect de l'évaluation psychosociale et le plan de traitement qui est
décidé on parle de concordance, là on peut parler
d'interrelation entre deux rôles qui sont, de fait,
complémentaires nous on voyait un danger de
réévaluation. C'est que vous avez une structure qui s'occupe
d'évaluation et une autre qui va déterminer le plan de
traitement. Cela peut, des fois, s'il n'y a pas de concertation entre les deux,
amener une réévaluation ni plus ni moins du cas, et on voulait
éviter ce danger dans un continuum normal.
D'ailleurs et Marc va faire un commentaire là-dessus
M. Debuyst est ici présentement, avec lequel il a des
séminars; il vient de Belgique comme on le sait, c'est une
autorité en la matière. Je sais que vous vous êtes
inspirés fortement, entre autres schèmes de
référence, du projet belge; ils sont en train de réviser
cela et ils se demandent s'ils n'ont pas fait fausse route eux-mêmes
depuis onze ans, là-bas, en Belgique. Or, c'est pour cela qu'on a un
moment d'arrêt et qu'on dit: N'y aurait-il pas lieu de réviser le
présent texte de loi pour éviter ce danger dans lequel la
Belgique même a versé jusqu'à un certain point.
M. Côté (Marc): Je veux faire une application
pratique. Par exemple, je faisais tantôt un peu une boutade, en reprenant
le fait que vous avez dit que vous ne dictiez pas aux professionnels quoi
faire; c'est un peu une boutade. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il semble y
avoir une directive au niveau des CSS de préparer une direction de la
protection de la jeunesse avec un service accueil-évaluation, lequel
service est même d'ailleurs opérant actuellement au CSSMM, de
sorte qu'il y a une série de cas, donc tous les cas de protection
à ce moment-là, qui sont acheminés aux CSS qui sont
nécessairement évalués. Donc, liste d'attente et tout ce
que cela peut comporter.
A côté de cela, il y a d'autres services qui font
uniquement de la pratique. Nos soupçons étaient vraiment
fondés parce que cela fait plusieurs fois que je me fais dire par des
praticiens qui travaillent a l'intérieur des autres services que,
déjà, cela peut créer une certaine classe entre les
évalua-teurs chevronnés et les petits praticiens, les minus. Ce
que je veux dire, c'est que les praticiens
qui sont là, à côté, doivent reprendre
l'évaluation qui a été faite parce qu'elle ne colle pas
nécessairement à la réalité qui est la leur,
à savoir le service vers lequel on les achemine.
Dans ce sens, si on reprend, par exemple, le projet de loi sur la
protection de la jeunesse et qu'il y a une première évaluation au
CLO, même si elle est la plus succincte possible, si on veut, cela
voudrait dire qu'il pourrait y en avoir une deuxième à ce service
d'accueil et d'évaluation, une troisième à
l'intérieur du service où on les envoie parce que les praticiens
ne sont pas nécessairement satisfaits. Ce qui arrive, aussi, c'est que
plus des gens se prêtent uniquement à faire de
l'évaluation, plus ils deviennent des spécialistes et plus ils
sont coupés de la réalité avec laquelle ils ont à
travailler.
La contrepartie à cela, c'est que pour les praticiens qui n'ont
pas fait l'évaluation, cela ne veut pas dire... et non seulement cela ne
veut pas dire mais, la plupart du temps, ils vont boycotter le plan de
traitement qui peut être fixé par les évalua-teurs.
M. Forget: Je crois que c'est un point très valable que
vous soulevez là, qui mérite une très sérieuse
attention, effectivement.
Assez brièvement, j'aimerais peut-être vous demander
comment vous interpréteriez cette disposition de l'article 2 où
on dit que, dans l'application des mesures, etc., la mise en vigueur de la loi,
il faut donner la priorité au meilleur intérêt de l'enfant?
Selon vous, qu'est-ce que cela veut dire, si cela veut dire quelque chose?
M. Côté (Marc): Bonne question! En fait, vous me
prenez un peu, comme on dit, les culottes baissées parce qu'on est
passé, disons, assez rapidement là-dessus à
l'intérieur du mémoire. C'est dans ce sens que je vous dis que
vous nous prenez les culottes baissées. A ce moment-là, la
réponse que je vais vous donner n'engage que moi.
Quand on parle de l'intérêt des enfants, par exemple, un
point sur lequel on a très peu insisté au niveau du projet ou au
niveau des commentaires que j'ai eus des sessions, c'est et j'y reviens
le point de l'ingérence de l'Etat dans la vie privée de
ces mêmes enfants. Cela peut être un danger aussi grand. Je
parlais, tantôt, d'évaluation-traitement. Je pense que
l'évaluation-traitement vous l'avez mentionné tantôt
peut être importante pour certains cas alors que pour les autres,
cela n'a absolument rien à voir.
Dans ce sens, si on parle d'ingérence bien souvent aussi du
domaine judiciaire, on peut avoir aussi de l'ingérence du domaine
psychosocial. Pour moi, en tout cas, l'intérêt de l'enfant peut
déboucher là-dessus; il a certains droits, c'est clair, mais, en
même temps aussi, il a droit à ce que sa vie privée soit
sauvegardée. Mais je ne pourrais pas vraiment aller plus loin que
cela.
M. Brien: M. le ministre, en réalité, je pense que
tous les organismes sont préoccupés par la même chose;
quand on parle d'une charte des droits de l'enfant, c'est que l'on ne veut pas
que l'enfant soit l'objet de manipulation ou de maraudage d'un professionnel
à l'autre, d'une structure à l'autre; on veut qu'il y ait
vraiment à travers cela un cheminement qui évite toute forme de
traumatisme à l'enfant qui peut être exposé, qui est
déjà en danger moral et qu'on expose davantage, par exemple, en
milieu de détention sécuritaire. Dans le même style, si les
interventions de professionnels se multiplient, si les structures qu'on
crée amènent davantage d'ambiguïté, c'est lui qu'on
oublie dans tout le processus, car on est plus préoccupé à
se donner des mécanismes de fonctionnement que des intérêts
de l'enfant, lui-même. Du moins, je le perçois comme cela.
M. Forget: Merci. Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Pilote): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, le ministre a attaché
le grelot sur les points vraiment spécifiques. L'association nous a fait
valoir, par rapport à tous les autres mémoires qu'on a entendus,
plusieurs des questions que j'avais à l'esprit, notamment sur la
concordance des deux lois. Il a même devancé le ministre sur une
question que j'allais lui adresser à lui. C'est dans l'hypothèse
où le cheminement fédéral se faisait plus lent que le
nôtre. Avec la session qui débute, la semaine prochaine, on peut
espérer cette loi avant l'été. J'avais remarqué
aussi, dans le mémoire, qu'il pouvait y avoir des difficultés
dont il faudrait tenir compte dans l'action finale, lorsque l'avant-projet de
loi deviendrait un projet de loi déposé.
Je vais poser également cette question à nos
invités. Si le projet de loi fédéral, tel
qu'annoncé dans le livre bleu, ne devait jamais se rendre ou tardait
à se rendre ou il peut arriver modifié, comme on le sait,
eux aussi peuvent modifier un livre en route est-ce que, à votre
avis, cela peut toucher fondamentalement la réussite du projet de loi
sur lequel nous allons travailler ?
M. Brlen: Surtout pour l'officier de probation, cela crée
davantage de difficultés. Nous, c'est là qu'on a commencé
à avoir des préoccupations premières en voyant des
concordances. Evidemment, si on en met sur pied des mécanismes qui
viennent se superposer à une structure antérieure qui est
drôlement semblable, avec d'autres personnes en poste, qui
détiennent une autorité, cela peut amener une certaine confusion.
Si on veut éviter un climat confusionnel, je pense qu'il va falloir
qu'il y ait vraiment une bonne coordination entre les deux paliers.
M. Charron: Est-ce que...
M. Côté (Marc): ... plus loin que cela, je ne pense
pas que cela amène la remise en question de la réussite du projet
de loi, mais cela va sûre-
ment avoir un effet très important, par exemple, sur le
comité local d'orientation. A partir du moment où le seuil de
responsabilité pénale est haussé à 14 ans, à
partir du moment où certains délits, par exemple, l'article 59 a)
et b) et les récidives... Cela, nécessairement, va être
touché. A partir du moment aussi où on intègre les
officiers de probation à l'intérieur d'un réseau des
Affaires sociales et que ces mêmes officiers de probation travaillent
dans un contexte judiciaire et à la demande du juge, à savoir,
actuellement, par la loi des jeunes délinquants, c'est clair que cela va
être touché. Comment va-t-on pouvoir concilier cela? Je ne le sais
pas.
Par exemple, il pourrait y avoir un enfant de onze ans. Il est puni au
fédéral, il est rendu ici et il ne serait pas punissable; dans ce
sens-là, on va parler d'inconstitutionnalité. C'est clair que
c'est nécessairement touché.
M. Charron: Vous avez fort bien fait d'attirer notre attention
là-dessus parce que c'est la réussite même de certains
objectifs auxquels on va travailler, quand on s'apprêtera à
adopter la loi, qui peuvent être mis en cause. Le deuxième point
sur lequel je voulais vous interroger parce que cela m'a frappé
hier soir quand j'ai pris connaissance de votre mémoire c'est sur
l'évaluation. Mais, je pense que la réponse que vous avez
donnée était fort complète. Il y a quand même un
point que j'ai moi-même pris en note hier soir. A la page 11 de votre
mémoire, je veux savoir si je vous ai bien compris. C'est juste cela que
je veux savoir.
En parlant du fonctionnement du comité local d'orientation, que
moi, j'estime être peut-être l'innovation principale du projet de
loi que nous avons en tout cas, les chances de
"déjudiciarisa-tion" y résident vous dites, à
l'avant-dernier paragraphe précédé d'un tiret, que le
jeune âgé de plus de 14 ans est amené devant le procureur
général ou son substitut lequel serait intégré au
CLO.
M. Côté (Marc): Cela, c'est une grosse
difficulté lorsqu'on parle de concordance. M. Forget en a parlé
tantôt, c'est clair qu'il faut y aller beaucoup plus à fond. C'est
beau de dire que le comité local d'orientation serait la même
chose qu'un bureau de sélection, mais une difficulté majeure est
justement ce que vous touchez là. Si, par exemple, dans l'avant-projet
de loi de la protection de la jeunesse, le jeune passe directement au CLO, au
niveau de la loi fédérale, il y a discrétion de la part du
procureur général de l'envoyer au bureau de sélection ou
bien de l'envoyer directement, de le confier directement à la Cour de
bien-être.
M. Charron: C'est une différence fondamentale, cela.
M. Côté (Marc): C'est une différence qui
n'est pas nécessairement fondamentale. Je pense que le texte de loi
provincial peut résoudre cette difficulté. Si, par exemple, on se
réfère à l'article 27 du projet de loi provincial,
à ce moment-là, on y dit à peu près qu'une seule
personne du comité local d'orientation peut être mandatée
pour prendre seule une décision. Je pense qu'au niveau des cas des
jeunes qui ont des démêlés avec la justice, il pourrait
être fait état de cet article de sorte que le procureur ou son
substitut soit mandaté pour, face à ces cas, acheminer
directement les...
M. Charron: Oui, mais l'effet escompté de la loi peut
être différent dans son fonctionnement pratique. Si vous laissez
le représentant du ministère de la Justice, membre du CLO,
à l'occasion, prendre des décisions seul, presque au nom du CLO,
l'esprit que nous voulions et que nous voulons encore quant à cette
décision, cette évaluation, quant à savoir par quelle
porte le cheminement du jeune va commencer dans les dédales de la loi,
c'est qu'on aurait voulu une approche multidisciplinaire qui fasse que
quelqu'un venant du milieu social pourrait faire valoir d'autres arguments.
Si on dit que le représentant du procureur général
peut, à toutes fins pratiques, faire lui-même la "job", on ne
modifiera pas grand-chose, mais la porte sur le plan judiciaire peut être
à l'occasion plus... Moi, ce que j'aime dans le fait que cela commence
devant le CLO, c'est que là, il y aura au moins trois personnes
différentes qui auront l'occasion de se prononcer, d'étudier. Le
représentant du procureur général pourra à sa guise
suggérer le cheminement judiciaire là où la loi lui laisse
une certaine discrétion en vertu de 59 et l'autre pourra plaider une
autre approche. Ainsi, il me semble que le meilleur intérêt de
l'enfant, prenons l'expression, sera protégé.
Si, à cause de la loi fédérale, c'est le procureur
général, ipso facto, qui est l'initiateur du cheminement,
beaucoup de fruits escomptés d'une approche différente, d'une
"déjudiciarisa-tion" du processus, je ne dis pas disparaissent, mais
sont en veilleuse en tout cas.
M. Côté (Marc): Je pense que ce que vous soulevez
est très important. D'ailleurs, un groupe précédent ici
l'a déjà mentionné, il serait important qu'au niveau
fédéral aussi, il y ait une obligation de la part du procureur de
déférer le cas, même si ensuite la décision qu'il
prend peut être discrétionnaire.
M. Charron: Oui, actuellement il n'y en a pas.
M. Côté (Marc): Non. Savez-vous il y a un grand
problème. Si on parle de déjudiciarisation actuellement, il n'y a
pas de consensus d'établi nécessairement entre les diverses
disciplines qui perçoivent la déjudiciarisation, la magistrature
voit la déjudiciarisation d'une façon, le policier la voit comme
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le clinicien la voit comme un
moyen de travail interdisciplinaire. Chacun a une perception de
déjudiciarisation qui fait que concrètement, au moment où
on se parle, je pense que c'est très difficile d'articuler cela à
l'intérieur des lois.
M. Charron: Vous avez raison, mais je vous remercie d'avoir
attiré mon... Pourtant, il me semblait que je l'avais lu assez de fois,
l'article 27, effectivement. On verra quand le projet de loi reviendra, mais
j'en prends bonne note comme dirait le ministre. Je vais vous poser une
dernière question. C'est dans la présentation que M.
Côté a faite, en parlant de la prévention cela
aussi, j'aime y revenir en parlant de la prévention secondaire,
vous avez parlé de la possibilité de joindre cette action sur le
terrain, à la structure actuelle des services sociaux et de
santé, c'est-à-dire les centres locaux de services
communautaires, les CLSC.
Moi, je pense qu'effectivement les CLSC peuvent, le ministre va dire que
je prêche pour ma paroisse, mais je pense effectivement que les CLSC
peuvent prendre cette vocation.
M. Côté (Marc): ...dans la loi, d'ailleurs.
M. Charron: C'est cela, mais j'aimerais que vous
précisiez, parce que vous l'avez juste mentionné. Est-ce
qu'à votre avis, cela va jusqu'à dire que ce sont les centres
locaux de services communautaires qui voudraient prendre cette tâche?
M. Côté (Marc): Mais, si on se réfère
tout simplement au texte de loi, sur les services de santé et les
services sociaux, je pense, enfin pour plusieurs il semble que ce soit clair,
mais, en tout cas, pour moi cela me paraît assez clair, lorsqu'on parle
d'action sociale préventive, d'action de première ligne, à
ce moment-là d'action peut-être à caractère
communautaire et pour moi, cela c'est de la prévention. C'est clair
qu'à l'intérieur de services du CSS vous ne pouvez pas faire,
vous ne pouvez pas rendre ces services et si vous avez des gens qui font de
l'évaluation du traitement, cela ne veut pas dire nécessairement
qu'ils sont prêts à aller faire du travail de rue.
M. Charron: Vous croyez qu'étant donné... Ma
question est plus précise que cela. Je sais que, dans la loi constituant
les centres locaux de services communautaires, lorsqu'on parle d'action sociale
préventive, donc la possibilité égale de leur confier
cette action de la prévention en milieu de jeunes, cela n'est même
pas un embarras comme on dirait prévu, mais je veux savoir, s'il est
souhaitable c'est une autre chose à votre avis, que les
centres locaux de services communautaires, comme ils fonctionnent là,
avec la structure qu'ils ont là, prennent cette
responsabilité.
M. Côté (Marc): Pour moi, c'est peut-être une
réponse personnelle, c'est sûr que ce soit souhaitable. Quand on
parlait de prévention, ce matin, je pense qu'au niveau de la commission
ou bien même au niveau de la direction de la protection de la jeunesse,
il serait important qu'on puisse au moins en faire état et qu'on puisse
en faire mention.
M. Charron: Je vous remercie, M. le Président. Je remercie
les invités.
Le Président (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs.
M. Côté (Marc): II y a peut-être juste une
question finale où M. Forget s'est peut-être défilé
un peu rapidement. J'avais demandé des précisions,
peut-être, sur la direction, la notion de direction et sur la notion de
protection. Pour nous c'est très important, et si vraiment on veut
donner un pouvoir réel, des responsabilités vraies à notre
directeur, on n'en fera pas un chef de service.
M. Forget: Là-dessus, je pense que le point de vue,
d'ailleurs, qui a été exprimé aux centres de services
sociaux était conforme au voeu que vous exprimez dans votre
mémoire. Il est évident que si la loi fait de la protection de la
jeunesse une vocation majeure des centres de services sociaux, il importe que
cette responsabilité soit située assez haut dans son
organisation. Cela peut se faire, je pense, seulement s'il y a, effectivement,
au niveau d'un directeur ou d'une direction, plutôt que d'un service, une
responsabilité d'ensemble sur les services à la jeunesse, y
compris la mise en application des dispositions de la loi mais sans exclure
d'autres responsabilités également.
Je pense que c'est une chose qui n'est pas encore complètement
finalisée...
M. Côté (Marc): Cela va sûrement causer de
gros conflits, parce que, pour les centres de services sociaux, c'est ce qu'ils
veulent, justement, cette notion de protection qui va de pair aussi, soit la
plus rétrécie possible, si on veut, à savoir d'arriver
tout simplement à des cas d'exception, alors que c'est vraiment le
contraire qu'on veut faire avec l'avant-projet de loi.
M. Forget: II y a deux aspects différents dans votre
intervention, il y a l'aspect administratif; il s'agit que la
responsabilité soit assumée suffisamment haut pour qu'il n'y ait
pas de contrainte ni d'empêchement à un véritable
fonctionnement efficace. Pour ce qui est de l'autre option, il est clair que,
comme pas seulement les centres de services sociaux mais un tas d'autres
groupes l'ont précisé, une loi de protection de la jeunesse c'est
une loi d'exception. Enfin, on espère que cela ne s'applique pas
à tous les jeunes et à tous les enfants du Québec. C'est
une loi qui donne des instructions d'intervention légaux dans les
situations où la santé, la sécurité ou le
développement des enfants est menacé.
Je pense que c'est encore vrai que c'est une minorité de jeunes.
Et même parmi ceux qui ont besoin de certains services, c'est une
minorité pour laquelle il est nécessaire d'avoir un instrument
légal pour intervenir.
Donc, je crois que les deux propositions sont justifiables; le service
de la protection de la jeunesse constitue une des responsabilités
majeures des centres de services sociaux, et leur organisation devrait
réfléter ce fait-là. Il demeure que ce n'est pas tous les
services qu'ils donnent qui doivent être donnés en fonction d'une
loi ou des dispositions d'une loi. La loi est un mécanisme d'in-
tervention assez sérieux et assez grave et n'a besoin
d'être invoquée que dans des cas exceptionnels.
Je crois que les deux propositions ne sont pas en contradiction du tout
l'une avec l'autre; ce sont deux aspects très différents de la
question. L'une reflète l'importance générale des services
à l'enfance, alors que l'autre reflète le caractère
très exceptionnel d'une intervention, où toute l'autorité
de l'appareil de l'Etat et de l'appareil judiciaire doit être mise
à la disposition de ceux qui donnent des services.
M. Côté (Marc): Est-ce que l'article 48, à ce
moment-là, sera amendé? Si vous prenez le libellé
présentement de l'article 48, même lorsqu'il y aurait certaines
difficultés, par exemple, au niveau scolaire, si quelqu'un était
malade et tout cela, en forçant un peu et même pas en
forçant beaucoup, on pourrait entrer le jeune dans la loi. C'est dans ce
sens que je posais ma question. Parce que l'article 48 est tout de même
très englobant.
M. Forget: M est très englobant dans le sens où on
énumère toutes les causes où il peut être
nécessaire d'invoquer la loi. Ce qui ne veut pas dire que la loi doit
être invoquée dans tous ces cas-là, de manière
à appliquer des mesures obligatoires. Mais il est clair que si un enfant
est privé de soins médicaux, privé même d'affection
à un point où on croit que sa santé et sa
sécurité sont en jeu, il faut pouvoir disposer des moyens
d'intervention qui vont jusqu'à forcer la famille à recevoir
certains services ou à donner à l'enfant des soins
médicaux appropriés.
C'est l'utilisation qu'on en fait qui est exceptionnelle. Il est clair
que les causes énumérées là sont toutes des
occasions où il semble nécessaire de disposer de l'instrument. Je
ne dis pas que, dans tous les cas, on sera nécessairement obligé
de s'en servir.
Le Président (M. Pilote): Merci, messieurs! J'inviterais
M. Gaspard Massue, directeur général de l'Association des centre
d'accueil du Québec, à bien vouloir se présenter.
Association des centres d'accueil du
Québec
M. Gaudreault: Je me présente, Denis Gau-dreault,
président de l'Association des centres d'accueil. M. Massue aura de la
difficulté à venir vous parler aujourd'hui. Est-ce le contexte de
la loi qui a fait qu'il est rendu aujourd'hui au Cameroun? Je ne le crois pas.
Alors, mes deux collègues qui se présentent avec moi: M.
Paul-Emile Parent, qui est président du comité d'étude de
l'avant-projet de loi et vice-président de l'Association des centres
d'accueil, et M. Armand Tremblay, membre du comité d'étude et
ex-président de l'Association provinciale des institutions pour
enfants.
M. le Président, je tiens, en premier lieu, à remercier
cette commission d'avoir bien voulu rece- voir, d'une part, notre
mémoire et, d'autre part, de nous entendre aujourd'hui.
L'Association des centres d'accueil du Québec est née, le
1er juillet 1974, de la fusion de deux associations: l'Association des centres
d'accueil pour adultes et l'Association provinciale des institutions pour
enfants. Ces deux dernières associations avaient été
fondées en 1974. Les objectifs de l'association se trouvent dans le
mémoire et je vous en fais grâce. Disons qu'au niveau des
structures, pour comprendre notre fonctionnement, nous avons nos membres, notre
conseil d'administration, un comité exécutif, des comités
régionaux qui s'appellent des conseils régionaux des centres
d'accueil, des comités consultatifs et des comités ad hoc. C'est
un de ces comités ad hoc qui a produit le présent travail.
Notre personnel comprend une dizaine de permanents. L'association
regroupe 104 institutions pour enfants et 208 pour adultes. Nos
établissements ont une capacité d'environ 26,538 lits, dont
16,000 d'hébergement pour les adultes et 10,000 de réadaptation
et de transition pour les enfants.
Le rapport a été déposé depuis quelques mois
déjà et ce n'est pas notre intention aujourd'hui de venir le
reprendre en détail; c'est surtout notre intention de venir
répondre à des questions. Toutefois, parmi les dix-huit
recommandations qui s'y trouvent, certaines sont, à notre point de vue,
fondamentales. Mais, avant d'y référer, nous aimerions signaler
que notre comité s'est attaché à l'esprit de la loi plus
qu'à la lettre, laissant ainsi aux spécialistes le soin de
traduire nos préoccupations dans un langage plus juridique.
Voici les recommandations sur lesquelles nous nous permettons
d'insister. La première: que l'avant-projet de loi soit
révisé de manière à attribuer au ministère
des Affaires sociales le premier rôle dans le domaine de la protection de
la jeunesse; la deuxième: qu'aucune intervention judiciaire
auprès des jeunes ne s'apparente aux procédures habituellement
utilisées pour les adultes, tant en matière criminelle que
civile.
La neuvième recommandation: que la loi prévoie appui et
aide supplémentaires aux parents les plus dépourvus de ressources
et incapables, de ce fait, d'élever et d'éduquer convenablement
leurs enfants. La douzième: que la commission de la protection de la
jeunesse soit rattachée au ministère des Affaires sociales; soit
composée de représentants des ministères des Affaires
sociales, de la Justice et de l'Education, d'organismes parapu-blics et de
groupes socio-économiques intéressés à la
protection de la jeunesse; qu'elle assume, en plus des rôles
énoncés dans l'avant-projet de loi, celui de protecteur du jeune
citoyen. La treizième: que les conseils de surveillance ne soient pas
crées et que les pouvoirs, fonctions et devoirs qui leur sont
attribués par l'avant-projet de loi soient répartis comme suit:
à la commission de la protection de la jeunesse, la surveillance de
l'application de la loi et aux conseils régionaux de la santé et
des services sociaux, l'étude des plaintes et des
programmes d'information à la population, au niveau
régional.
La seizième est, pour nous aussi, fondamentale: Que pour
atteindre pleinement ces objectifs, la Loi sur la protection de la jeunesse
doit assurer aux centre d'accueil et aux centres de services sociaux le
concours effectif des centres hospitaliers généraux et
spécialisés dans le traitement psychiatrique des enfants.
La dernière, la dix-huitième: Que la loi appuie sur la
notion de traitement et de besoins de l'enfant plutôt que celle de
culpabilité lorsqu'il s'agit d'assurer protection, soins ou traitements
aux enfants et adolescents en difficulté. Nous aimerions, si vous le
permettez, ajouter la dimension suivante à la dix-huitième
recommandation: Que le directeur de la protection de la jeunesse oriente
l'enfant vers le service ou l'établissement, c'est-à-dire centre
d'accueil ou centre hospitalier, le plus susceptible de répondre
à ses besoins, compte tenu de leurs critères d'admission.
Voilà pour les recommandations que nous jugeons les plus
prioritaires sans minimiser pour autant le mémoire dans son ensemble.
Nous demeurons à votre entière disposition si des questions se
posent et c'est principalement pour cela d'ailleurs que nous sommes ici. Enfin,
nous tenons à mentionner que nous considérons que la loi vient
à son heure et qu'elle est certainement supérieure à la
loi actuelle. C'est pour qu'elle le soit davantage que nous avons cru bon
d'intervenir. Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): L'honorable ministre des
Affaires sociales.
M. Forget: M. le Président, je suis reconnaissant à
l'Association des centres d'accueil de son mémoire, dont j'ai pris
connaissance. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de discuter avec elle à
une autre occasion. Je me demande si, étant donné l'avancement de
l'heure, on me permettrait je ne voudrais pas que ce soit vu comme un
manque d'intérêt; au contraire, c'est un mémoire qui est
très complet de m'abstenir de poser des questions, de
manière à essayer peut-être d'entendre aujourd'hui tous les
groupes qui ont été convoqués, étant donné
la difficulté de siéger ce soir.
Le Président (M. Pilote): D'autres questions? L'honorable
député de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je veux remercier les
représentants de l'Association des centres d'accueil, dont nous
attendions avec impatience le mémoire. Il a été beaucoup
question de vous depuis que nous sommes alentour de cette table. Effectivement,
j'ai fait remarquer à mes collègues membres de la commission,
dès le départ, que la loi ne faisait qu'une toute petite partie
du chemin, c'est-à-dire qu'elle nous explique le jeune à partir
du moment où il est en démêlé avec la justice,
où il est sous la protection. Elle demande à la
société de lui offrir une protection qu'il ne reçoit plus
dans sa famille. Elle explique toutes les conditions et tous les cheminements
jusqu'au centre d'accueil, mais la loi s'arrête à la porte du
centre d'accueil.
Pour nous qui sommes intéressés à la
réadaptation et à la réhabilitation de ces enfants, il est
évident que ce qui se passe dans les centres d'accueil est encore mille
fois plus important que le cheminement pour y faire entrer un jeune.
Il a été question des centres d'accueil. Je puis à
peu près souscrire aux recommandations que vous avez choisi d'isoler
parmi les 18 que vous avez déposées au début de votre
mémoire. J'ai déjà souscrit, depuis l'ouverture des
travaux de la commission, à peu près à tous les principes
que vous défendez dans ces points. Donc, je suis prêt, sans
ambages, à les reprendre lorsque la loi franchira le cap de
l'étude régulière.
L'Association des centres d'accueil est mêlée de
très près, je pense, à la négociation en cours dans
le secteur des affaires sociales. Pour nous, c'est capital. Quand je dis que ce
qui arrive dans les centres d'accueil, c'est en fin de compte l'objet de
l'intérêt de tous les membres de la commission, savoir aux mains
de qui nous remettons les enfants après tout le cheminement le plus
sécuritaire et le moins aliénant possible que nous puissions
choisir dans cette loi demeure une question fondamentale.
Je vous pose une question très directe: Est-ce que vous estimez
que les travailleurs, dans les centres d'accueil, ceux à qui on remet le
soin de réhabiliter ces enfants, de travailler avec eux à leur
épanouissement, sont des travailleurs qui reçoivent le traitement
je ne veux pas dire uniquement le salaire équivalant
à la charge que nous leur remettons?
M. Gaudreault: C'est une question à laquelle on ne pouvait
pas s'attendre d'avoir à répondre aujourd'hui. Quand même,
je pense que lorsqu'on pose la question de cette façon, nous, qui
représentons la partie patronale, nous pouvons quand même
répondre qu'un salaire qui est échu depuis le 30 juin 1975 ne
peut pas être suffisant en 1976. C'est le premier élément
de réponse.
Pour le deuxième élément de réponse, en ce
qui concerne les travailleurs qui sont plus près des enfants, les
éducateurs entre autres, je me réfère aux propos de M.
Forget lors d'une conférence de presse, qui insistait personnellement
pour que cette rémunération soit plus appropriée à
la compétence et à la qualité que l'on exigeait de ces
personnes.
Nous, tout comme vous, déplorons le fait que, parfois, la
négociation en cours puisse ralentir les activités dans les
centres d'accueil, mais je puis vous assurer qu'on a pris les moyens pour que
cela fonctionne relativement bien quand même dans les centres d'accueil,
compte tenu de la clientèle que nous avons.
M. Tremblay.
M. Tremblay (Armand): Pour prendre la question sous un angle plus
éloigné, je pense que votre
question est on ne peut plus pertinente dans le contexte actuel. Cela
fait plus de 20 ans que je suis dans le domaine des centres d'accueil. Il n'est
pas facile, présentement, de travailler dans un centre d'accueil. Le
traitement qu'on reçoit, généralement, soit de l'opinion
publique, soit des journaux ou même parfois, pour ne pas dire souvent,
les "come-back" qu'on reçoit du côté du gouvernement, ce
n'est pas facile à assumer parce qu'on a nettement
discrédité, je pense, dans l'image du public, le rôle des
centres d'accueil depuis un certain temps.
C'est parti de situations assez explosives. On parle de
Notre-Dame-de-Laval, de Berthelet et d'autres qui faisaient appel
forcément à des correctifs. Mais à côté de
cela, il y a quantité de soins et de soins très pertinents
qui ont été apportés à un grand nombre
d'enfants par les centres d'accueil qui ont pris des enfants à charge.
Ce n'est pas une facette qu'on reconnaît volontiers à l'heure
actuelle.
Bien sûr, pour les enfants qui ont été placés
la demande est grande et parfois il faut même se battre pour qu'on
ne nous amène pas les enfants bien des fois, c'était la
seule ressource qui existait. C'est une ressource qui s'est voulue... Si on
considère les progrès et l'évolution qui se sont faits
dans les centres d'accueil depuis une dizaine d'années, on a fait des
progrès énormes. Il y a des maisons qui ont fait des
progrès énormes. La formation du personnel a fait des
progrès énormes, si on se réfère aux dix ou quinze
dernières années.
C'est une ressource. En tout cas, il y a une lueur d'espoir dans ce qui
découle du rapport Batshaw voulant qu'on donne aux centres d'accueil un
rôle encore plus étendu, plus ouvert, correspondant mieux,
peut-être pas encore à ce qu'est notre société mais
à ce qu'on pourrait souhaiter qu'elle soit idéalement face aux
problèmes qu'elle rencontre quand il y a des enfants difficiles.
A côté de cela je voudrais essayer de ne pas
être long mais cela ne m'est pas facile car j'aurais tellement de choses
à dire; c'est regrettable qu'il n'y ait pas plus de questions de
posées actuellement, on ne retrouve pas, dans la loi, grand-chose
sur les centres d'accueil. On ne retrouve à peu près rien, sinon
qu'ils ont l'obligation de prendre des enfants. Tout à l'heure, on a
même soulevé une question absolument pertinente. On s'est dit: Si
le directeur prévoit un plan de traitement et que le plan de traitement
consiste à prendre cet enfant et à le placer dans un centre
d'accueil qui est le plus pertinent pour lui, est-ce qu'il y aurait conflit
entre ce qu'on propose et ce que l'établissement a charge, à
travers ses professionnels, d'assumer? C'est fort possible et il faut arriver
à définir ces rôles de façon un peu plus claire.
Sans cela, nos maisons vont devenir strictement de l'hébergement.
Quand on parle d'un placement en centre d'accueil pour une
période de six mois, par exemple, à mon avis, il est très
important que les établissements aient à se justifier de garder
un enfant en traitement plus longtemps que telle ou telle période.
Par ailleurs, il est inacceptable qu'on ne conçoive pas encore le
traitement des enfants comme une mesure, des fois, à long terme, parce
que la difficulté psychique de certains enfants est toute là. Et,
des fois, elle est très grave. On ne la considère souvent que du
côté de sa manifestation sociale; tant que l'enfant n'a pas
cassé de vitre on s'en préoccupe peu. Mais la question
pathologique est derrière; il y a des enfants qui ont des
difficultés d'adaptation telles que vous avez beau les déplacer
d'un foyer à l'autre, d'une famille à l'autre, à un moment
donné, il faut une approche plus globale.
M. Charron: Si vous me permettez. Je ne veux vous interdire
aucunement de dire ce que vous voulez; je voulais même y venir tôt
ou tard à votre opinion sur ce qui doit se faire et ce qui se fait et ce
que la loi prévoit. Mais je n'avais pas commencé ma série
de questions par celle que je vous ai posée au départ par hasard,
non plus. J'allais, en partant de la question du personnel que vous avez chez
vous, comme A conduit à B, vous poser des questions sur ce que vous
pouvez offrir dans un centre d'accueil. Par la suite, je voulais m'interroger
et vous laisser me répondre quant aux conditions et aux obligations
qu'on vous fait, à la liberté que la loi vous donne ou ne vous
donne pas de faire. Mais, avant de discuter de la liberté que vous avez
ou pas de faire quoi que vous vouliez à l'intérieur du centre
d'accueil dont vous êtes le directeur, je veux savoir quelles sont les
ressources humaines que vous avez en main, avant de savoir ce que la loi
devrait vous laisser faire ou pas. C'est fondamental pour nous, cette
question.
Vous pouvez me dire que vous disposez d'un personnel absolument
insatisfait des conditions de travail dans lesquelles il est. Plusieurs
directeurs de centres d'accueil, j'en ai visité, m'ont fait état
du fait que vous pouvez peut-être me le confirmer on
assiste dans les centres d'accueil à un roulement de personnel
incroyable. Certains ont une longévité qui dépasse
à peine six mois à l'intérieur du centre d'accueil. On
procède à des réaménagements administratifs
continuels avec ou sans l'accord du syndicat local des travailleurs, mais tout
cela pour moi se trouve à informer les membres de la commission sur ce
qui se passe dans un centre d'accueil. Ainsi, tantôt, par exemple
c'est une question éventuelle que j'ai toute prête pour vous
quand je vous poserai des questions sur ce que le rapport Batshaw
suggère pour cela, on saura de quoi on parle.
Ma première question est quand même là. Est-ce que
vous vous êtes de la partie patronale estimez que les travailleurs
dans les centres d'accueil, actuellement, reçoivent un traitement
convenable ou que ce traitement qui leur est actuellement offert vous
empêche de recruter du personnel plus compétent, ainsi que vous
l'espéreriez? Est-ce que cela vous oblige à des contingences, du
fait que vous avez parfois à assumer de difficiles relations
patronales-ouvrières qui ne sont pas nécessairement dans le
meilleur intérêt de l'enfant qui vous est confié? Je pense
que la question vous l'avez dit vous-même est pertinente.
M. Tremblay (Armand): La question est très pertinente.
Mais, il faut drôlement distinguer. Je pense qu'il y a des
établissements qui ont des objectifs clairs, qui ont
développé, à l'intérieur, des programmes tout
à fait significatifs et valables. On rejoint une certaine
quantité de gens qui aiment leur travail. D'autres maisons, au
contraire, n'ont pas atteint ces objectifs du tout; certaines ont
éclaté complètement. Mais je ne ferais pas un
parallèle direct, je ne pense pas qu'il y ait de malaises fondamentaux.
Il y a des problèmes qui sont reliés, par exemple, au fait
qu'actuellement, professionnellement, quelqu'un qui est formé est
pénalisé de travailler dans un centre d'accueil. Il faut qu'il
aime vraiment son travail, parce qu'il est près des enfants et
près du client, ce que tout le monde ne fait pas naturellement. Il y a
beaucoup de monde qui intellectualise les enfants, mais il n'y a pas beaucoup
de monde qui les assume. Quelqu'un est pénalisé par le fait que,
par exemple, il peut remplir souvent la même fonction, à d'autres
niveaux, à de bien meilleures conditions de travail. C'est la motivation
qui fait la différence. Eventuellement cela est appelé à
être reconnu, certainement.
M. Charron: Quand vous dites à d'autres niveaux, c'est
à quels niveaux? Il peut le faire à quels niveaux?
M. Tremblay (Armand): II peut travailler à
l'intérieur d'une commission scolaire, d'un hôpital ou bien des
services comme cela; on peut même travailler dans un CSS. Puis je pense
au personnel qui veut travailler auprès des enfants à
l'intérieur d'un certain cadre d'activités. Ceux qui travaillent,
par exemple, dans les commissions scolaires, le personnel
spécialisé, ils travaillent auprès des enfants dans le
jour, mais ils ne les assument que très partiellement. Ils n'assument
forcément pas les enfants qui ont les plus graves problèmes.
Alors cela nous dévalorise un peu par rapport au reste; cela nous
désavantage, en tout cas, par rapport au reste. Actuellement, cela
maintient un certain dynamisme mais c'est cliniquement parfois plus gratifiant
d'assumer plus pleinement les enfants. Et ce serait encore plus gratifiant si
on ouvrait un peu les cadres de nos interventions de centre d'accueil. Parce
qu'il y a justement une notion de centre d'accueil qui est prévue dans
la loi.
On dit: Un enfant placé dans un centre d'accueil. Mais est-ce
qu'on parle du centre d'accueil qui est le lit d'établissement ou si on
parle aussi du centre d'accueil avec une notion plus élargie, à
l'heure actuelle, qui pourrait être celle de foyers de groupes
attachés à ce centre d'accueil et des choses comme cela. Il
faudrait peut-être faire attention, dans la loi, pour qu'on ne soit pas
bloqué éventuellement par ces notions. Si un enfant a un
placement volontaire de six mois ou est dans un centre d'accueil, il faut que
le centre d'accueil ait la possibilité de le placer dans un foyer de
groupes.
M. Charron: Est-ce que les centres d'accueil sont assez bien
équipés actuellement pour procéder comme ils l'entendent
à une formation du personnel, de leurs employés?
M. Parent (Paul-Emile): Je ne suis pas capable de répondre
oui, dans certains centres d'accueil tout au moins. Actuellement, si vous
regardez la clientèle qui fréquente les CEGEP, dans la
spécialisation de l'enfance inadaptée, on retrouve un très
faible pourcentage de garçons par rapport aux filles.
M. Charron: Oui, c'est vrai.
M. Parent (Paul-Emile): Deuxièmement, sur le marché
du travail, actuellement, dans un établissement pour garçons et
même pour filles, on ne trouve pas de diplômés de CEGEP
actuellement disponibles. Il faut donc, pour beaucoup de centres, vraiment
remplacer par de la formation en cours d'emploi. Là, on est pris dans un
dilemme: S'il remplit son horaire régulier, qui est déjà
très lourd... Quand vous parliez, tantôt, de conditions de travail
et qu'Armand parlait de plus de facilités dans une commission scolaire,
c'est que, forcément, ayant les enfants 24 heures par jour et sept jours
par semaine, l'horaire de travail prévoit que les éducateurs ou
les éducatrices vont travailler le soir, vont travailler en fin de
semaine, en rotation. Ce sont donc des conditions de travail beaucoup plus
difficiles. Ils sont en contact direct avec l'enfant; il y a certains aspects
gratifiants, mais il y a certains aspects aussi qui présentent le
contraire. Il faut prendre cela comme un "package deal".
Au point de vue de la formation, il y a des ouvertures qui nous
permettent de grandes espérances à la suite des
déclarations qui ont été faites le 16 février et
des propositions pas trop nuancées mais assez fortes du comité
Batshaw, parce que, quand le comité Batshaw a visité les centres
pour assistés sociaux affectifs, il a pu faire une étude assez
complète de la situation qui prévalait au point de vue de la
formation. C'est un problème majeur. Si l'éducateur suit des
cours d'emploi, il peut prendre, pour terminer son "deck", trois, quatre ou
cinq ans. S'il prend trop de cours, il va ou négliger son travail,
négliger ses études ou s'épuiser. Le travail, en soi, est
un travail épuisant, c'est entendu. Il y a un coup de barre à
donner de ce côté-là; quant à nous, il est
actuellement annoncé et on pense bien que pour nous c'est une chose...
C'est la première fois, de toute façon, que c'est annoncé
comme cela.
M. Charron: Quand vous dites que cela occasionnera pour lui, s'il
veut compléter sa formation pour donner un meilleur rendement, à
l'occasion, une surcharge ou que cela affectera le travail qu'il a à
faire actuellement dans le centre d'accueil, comment procède-t-on dans
la majorité des centres d'accueil actuels? Est-ce qu'il y a des
libérations pures et simples?
M. Parent (Paul-Emile): Non. M. Charron: Non?
M. Parent (Paul-Emile): Dans la majorité des cas, il n'y a
pas de libération pure et simple. Le sujet remplit ses heures de travail
régulières. Il y a des adaptations à son horaire, mais il
va suivre un ou deux cours à la fois au CEGEP. Encore là, c'est
important qu'il n'aille pas trop vite; autrement, ce serait certainement
acquérir une formation académique ou technique sous forme de
garage. Il doit assimiler graduellement la formation qu'il reçoit et
c'est excellent qu'il puisse suivre des cours d'emploi, mais il faudrait
pouvoir alléger son travail par la suppléance, ce qui demande
qu'automatiquement l'individu qui est libéré pour quelques heures
de travail soit remplacé et qu'il soit payé tout de même.
Ce sont sur le plan des dépenses des complications assez
considérables. Ce serait la formule idéale, par cours-bloc ou
autrement.
M. Charron: M. le Président, le rapport Bat-shaw a
touché la litigieuse question des admissions dans les centres d'accueil.
Je vais profiter du passage des représentants de l'association pour leur
poser la question fondamentale: Qui devrait être responsable des
admissions dans les centres d'accueil, selon vous? Qui y fixerait les
critères?
M. Gaudreault: II y a deux questions: Qui devrait être
responsable de l'admission et quels seraient les critères? En ce qui
concerne le rapport Batshaw, je dois vous signaler immédiatement que
nous avons formé un comité de travail qui s'est mis en branle
pour étudier en profondeur toutes les recommandations. Nous n'avons pas
encore les opinions de nos membres sur le rapport Batshaw. Si mes
collègues veulent tenter une réponse, je ne peux prétendre
parler au nom des membres sur ce point.
M. Tremblay: Je peux tenter de répondre malgré que
je sois un peu gêné de prolonger la conversation. Je pense qu'il
est très important que chaque enfant trouve une réponse à
son besoin. Je pense que c'est dans l'optique, dans l'existence d'un
éventail complet de services d'accueil en particulier qu'on peut
établir, de s'assurer que chaque enfant va trouver réponse
à son besoin. Normalement, ceux qui connaissent le mieux l'enfant qui a
besoin d'être référé, ce sont les membres du centre
de service social. Même si vous regardez notre mémoire, on y fera
même disparaître les CLO ou presque. On le suggère
délicatement...
M. Charron: Cette année, cela?
M. Tremblay: ... pour que la direction de la jeunesse qui se
rattache au CSS assume pleinement l'admission au service. Après cela,
c'est elle, normalement, qui est censée connaître
l'éventail et devrait proposer, en s'assurant de par la démarche
de complimentarité qui a été souventefois
désirée dans la région de Montréal... On s'assure
que, s'il y a suffisamment de places ou s'il y a suffisamment de services
satellites dans un centre d'accueil qui présente des lits
d'hébergement, pour être capable d'avoir de la place pour tout le
monde, cela suppose... Dans le rapport Batshaw on retrouve un éventail
assez complet des genres de besoins qui sont nécessaires. Il y a des
genres de besoins qu'il faut développer. Berthelet est une institution
qui devrait recevoir des garçons au niveau sécuritaire.
Naturellement, s'il n'a que trente places et qu'il y a 75 enfants, vous avez
là un impact. S'il a 75 places et qu'il y a une demande d'à peu
près 75 clients, vous n'avez plus d'impact au niveau des places. Vous
n'avez pas réglé le problème de la réadaptation,
mais c'est une autre facette. La même chose quand je regarde les maisons
pour les enfants en bas de douze ans, la politique est d'en placer le moins
possible dans les établissements. Il reste que, dans la région de
Montréal, actuellement, la demande est énorme. Mais il y a tant
de places et c'est vite rempli. Naturellement, il y a certaines
catégories qui sont mal assumées. Cela, je pense que c'est la
responsabilité des divers établissements, et c'est dans ce sens
que le travail est commencé dans la région de Montréal et
les tables de concertations promises par M. le ministre, à la suite du
rapport Batshaw, devraient permettre une table de travail et une concertation
sérieuse. Il y a le conseil régional, la CSS et tout le monde. La
responsabilité finale, je pense qu'il faut que ce soit une entente entre
les deux partis, c'est-à-dire la CSS qui dit: J'ai un enfant qui a tel
besoin et vous offrez un service qui est de telle nature. Il est censé y
avoir une concordance. S'il y a vraiment un secteur de la population qui n'est
pas servi, il s'agit de savoir si les centres d'accueil peuvent y
répondre ou si on doit mettre sur pied un service complémentaire
pour y répondre. Ce n'est pas magique cela. Je parle beaucoup dans
l'optique de la région de Montréal parce que je donne la
réponse là.
M. Charron: Je vous comprends très bien quand vous parlez
dans cette optique aussi. Je voudrais revenir, M. le Président, en
avant-dernier lieu, sur la formation du personnel et la vie à
l'intérieur des centres d'accueil. J'écoutais la réponse
d'un représentant de l'association et j'imagine qu'il a pris
connaissance de cette nouvelle publiée dans le Devoir du mercredi 25
février dernier, selon laquelle le ministère de l'Education a
décidé de contingenter les effectifs en éducation
spécialisée. L'article débute en disant: "L'enthousiasme
des éducateurs spécialisés pour le rapport Batshaw sur la
réadaptation des enfants et des adolescents placés s'est
considérablement refroidi hier.
Les éducateurs se réjouissaient, la semaine
dernière, de ce que le comité d'étude et le ministre des
Affaires sociales leur donnent une place plus importante, mais voici que, dans
une lettre du 23 janvier dont ils ont pris connaissance de façon
indirecte, les éducateurs spécialisés apprennent de la
DIGEC que leurs effectifs seront désormais contingentés à
30%. En chiffres, cela signifie qu'au lieu de former 750 étudiants par
année dans cette discipline, et on connaît l'état actuel,
il n'y en aura plus que 480 d'admis. Actuellement, quatorze
CEGEP publics, trois CEGEP privés offrent ce programme
d'éducation, mais les malsons d'enseignement privé ne sont pas
touchées par les mesures de la DIGEC, comme par miracle, car, en vertu
de la loi 56, elles peuvent admettre autant d'élèves qu'elles le
veulent.
L'Association des éducateurs spécialisés, qui
regroupe environ 10,000 membres, dont 3,000 dans les 73 centres d'accueil
visités par le comité Bat-shaw, s'insurge contre le
contingentement qui va à rencontre de l'évolution de la
profession et voue à l'échec la réforme des centres
d'accueil préconisée par le ministère des Affaires
sociales.
M. Forget recommandait en priorité la revalorisation
professionnelle du personnel de base qui s'occupe des enfants et des
adolescents perturbés. Cette priorité s'expliquait ainsi: 44%
des employés des 73 centres de transition n'ont pas de diplôme
d'enseignement collégial et cette situation ne peut être
corrigée que par des cours de perfectionnement. C'est grâce
à un corps d'éducateurs de carrière bien
sélectionné, bien formé et bien payé, disait le
rapport Batshaw, que tout naturellement les centres d'accueil s'orienteront
vers des modes d'intervention diversifiés et mieux adaptés aux
besoins des jeunes.
L'association qualifie la décision du ministère
d'incroyable, en complète contradiction avec les besoins de la
société québécoise et avec les affirmations du
ministre des Affaires sociales. C'est ce qui s'appelle avoir deux poids et deux
mesures, j'ai l'impression.
Je voudrais avoir, de la part de l'Association des centres d'accueil du
Québec, une réaction à cette décision du
ministère de l'Education, puisque ce n'est pas passer du
coq-à-l'âne, je pense que nous nous comprenons bien autour de
cette table, il en va même de la chance de succès des centres
d'accueil. SI, maintenant, on doit se limiter à ce contingentement, quel
espoir entretenez-vous encore même d'aboutir à cette espèce
d'ouverture sur le monde que proposait le rapport Batshaw?
M. Gaudreault: Si vous parlez de contingentement, le
problème a plusieurs aspects. Je crois que le contingentement
lui-même du ministère de l'Education... Chez moi, en tout cas,
dans une région, par exemple, comme la région 02, cela n'a pas de
consonnance particulière. Si je le définis de façon
différente, c'est que l'ensemble des institutions pour enfants de la
région 02 aura 90% ou 95% de son personnel qui aura pris, par les soirs
ou autrement, d'ici un an, qui aura son DEC, diplôme d'éducation
collégiale en éducation spécialisée.
Alors, les étudiants, maintenant, qui sortent des cours de CEGEP
à Jonquière vont avoir un problème puisque, à ma
connaissance, la plupart doivent aller travailler à l'extérieur,
ne peuvent pas se placer à l'intérieur de la région.
J'imagine que cela reflète assez bien le portrait des
régions en dehors des centres urbains; peut-être que quelqu'un
pourra répondre pour les centres urbains. Il y a aussi un
deuxième aspect dont il faut tenir compte; c'est que, dans les cen- tres
d'accueil, dans le recrutement de personnel compétent, de personnel
qualifié au point de vue scolaire, il est plus difficile, selon les
informations que j'ai, de recruter le personnel masculin. Alors, moi, le
contingentement, je vous répète que cela n'a pas de consonnance
particulière. Mes inquiétudes, quand je parle en tant que
représentant d'une région, puisque je suis aussi président
d'un conseil régional de centres d'accueil, c'est de trouver, de
recruter suffisamment d'éducateurs, par rapport aux éducatrices,
spécialisés et bien formés au niveau scolaire. Dans le
contexte urbain de Montréal ou de Québec, est-ce que les
difficultés de recrutement sont les mêmes? Est-ce que le
contingentement aurait une signification différente? Mes
collègues, tous les deux, connaissent cela mieux que moi.
M. Parent (Paul-Emile): Je voudrais juste ajouter un mot. Moi, je
ne sais pas sur quoi est basée l'histoire de contingentement, mais j'ai
été mêlé à la préparation du programme
des CEGEP, lorsque cela a commencé, avant que cela ouvre. Ce
programme-là en particulier, le programme pour l'éducation
spécialisée, ainsi que pour les assistantes sociales, c'est
à peu près le même niveau, avec des cours
diversifiés, j'y ai été mêlé en cours de
route quand cela a commencé et je m'en mêle moins maintenant, mais
il m'est arrivé souvent de différer d'opinion avec ceux qui
faisaient un calcul de projection sur le besoin de main-d'oeuvre dans cette
spécialisation et le besoin que je pourrais constater dans le milieu
où je travaille depuis un grand nombre d'années.
Nous ne sommes jamais venus d'accord là-dessus, mais ce
contingentement, s'il ne touche pas du tout le personnel masculin, cela ne
crée pas de problèmes particuliers, sauf qu'on en manque
énormément. Il me faudrait plus d'explications, plus
d'informations pour pouvoir prononcer un jugement de valeur. Je m'excuse de ne
pas être capable... je n'avais même pas lu cet article dans le
journal et je ne suis vraiment pas capable de me prononcer ou de
répondre intelligemment à cette question.
M. Charron: En fait, c'est que dans le rapport Batshaw, on dit
que, et vous l'avez affirmé vous-même, 44% des employés des
centres d'accueil à qui on confie les jeunes et, comme vous disiez
tantôt, il y en a plusieurs qui théorisent sur les jeunes, mais
ceux qui vivent en contact avec eux, ce sont eux qui sont importants quand on
parle de réhabilitation, ceux qui vont leur donner le goût de se
réhabiliter et qui vont rater... le rapport, après avoir fait le
tour de 73 centres d'accueil dit que 44% des employés n'ont aucune
formation collégiale. Ce sont eux, j'imagine, que vous encouragez
à aller chercher une formation professionnelle, et c'est pour eux que
les places vont diminuer.
M. Parent: Je me demandais si le contingentement, dont il
était question, était pour des élèves à
temps plein ou si c'était pour des élèves qui suivaient
les cours à court d'emploi. On dit couram-
ment "cours aux adultes", je ne sais pas, remarquez. Je me posais la
question.
M. Charron: Je vais vous le dire.
Le Président (M. Cornellier): M. le ministre aimerait
ajouter quelque chose à ce stade-ci.
M. Forget: Merci M. le Président. J'aimerais intervenir
brièvement sur cette question puisque, évidemment cela
déborde un peu le texte de la loi, ce sont des problèmes
budgétaires administratifs, d'une part, et des problèmes de
formation professionnelle, d'autre part, qui ne peuvent pas être
réglés par la loi. Cependant comme on a déjà
passé plusieurs minutes là-dessus, il faudrait peut-être
indiquer que le ministère de l'Education, le lendemain de la parution de
cet article, a indiqué que tout cela demeurait, de toute manière,
révisable, que la décision qui, par hasard, a été
publiée après la publication du rapport et notre propre prise de
position sur la nécessité d'une meilleure formation, etc... cette
décision du ministère de l'Education datait d'avant la
publication, à la fois du rapport et de la réponse
apportée par le ministère des Affaires sociales, et qu'il
était disposé quant à lui à revoir ce dossier. Mais
les réponses qu'on vient d'avoir des représentants de
l'Association des centres d'accueil montrent qu'il y a plus qu'une simple
question de quantité dans le problème de la formation.
Effectivement, on sait par ailleurs que l'Association des éducateurs
spécialisés compte quelque dix mille membres et c'est beaucoup de
monde si l'on compare le nombre d'éducateurs qu'il pourrait y avoir dans
les centres d'accueil. Effectivement ce nombre ne pourrait pas dépasser
quelque 2000 ou peut-être, au grand maximum, 3000 personnes, même
si tout le monde était formé.
C'est donc dire que le problème n'est pas tellement un
problème de quantité, il y a des problèmes qualitatifs. On
vient d'illustrer l'équilibre nécessaire entre le nombre
d'éducateurs masculins et féminins. Cela est un premier
élément aussi qui manifeste que cela n'est pas simplement une
question de nombre. Il y a aussi des problèmes de mieux intégrer
la formation clinique, si l'on peut dire, et la formation théorique. De
ce côté, ce que nous recherchons, ce n'est pas simplement à
multiplier les cours et les crédits qui, sans aucun doute, ont leur
mérite, mais à vraiment équiper l'éducateur
à faire face aux situations de crises qu'il rencontre dans sa vie
quotidienne à l'intérieur du centre d'accueil, à
l'équiper de manière que le travail de réinsertion sociale
puisse se faire et à savoir à quel moment il doit avoir recours
à des ressources plus spécialisées.
Ces deux ou trois aspects de sa formation, y compris la dimension
clinique et la dimension pratique, sont des dimensions extrêmement
importantes et qui, à mon avis, ont fait un peu défaut dans la
formation des éducateurs. Je crois que c'est un aveu qu'il est facile
d'obtenir en parlant à ceux qui s'intéressent à cette
question. Une partie du roulement des éducateurs découle sans
doute du fait que les conditions matérielles de paie, etc., pourraient
être meilleures.
Là-dessus, nous avons indiqué notre intention de faire
tous les ajustements raisonnables qu'il est possible de faire. Il y a aussi le
sentiment, qui est très désespérant pour une personne qui
a un diplôme, de se sentir incapable parfois de faire face au défi
parce que la formation qu'elle a reçue ne l'a pas préparée
à faire face à certaines situations extrêmement difficiles
que l'on rencontre dans les centres d'accueil pour les jeunes
mésadaptés sociaux.
C'est sur le plan qualitatif qu'on sent le besoin de faire des efforts
particuliers. Les tables de concertation qui seront mises sur pied ces jours-ci
seront en mesure, je pense, de faire le lien entre l'élargissement du
rôle des centres d'accueil, que vous appelez de vos voeux et que le
comité Bat-shaw également a indiqué comme étant une
priorité, et aussi la nécessité de transformer les
programmes de formation, de les élargir de la même façon
qu'on veut élargir le rôle des centres d'accueil, mais aussi
d'avoir une meilleure intégration des périodes de formation
pratique aux périodes de formation théorique.
Des éducateurs m'ont confessé bien des fois que, devant
des situations qu'ils rencontraient dans les centres d'accueil, ils se
sentaient incapables d'appliquer les connaissances théoriques qu'on leur
avait inculquées au CEGEP et que, au CEGEP, on rejetait également
du revers de la main la pertinence des expériences pratiques qu'ils
avaient accumulées au cours de leur travail. C'est cette jonction entre
le pratique et le théorique qu'il est particulièrement
nécessaire de faire, je pense; du moins, c'est le sentiment qu'on peut
avoir, à la suite de nombreuses discussions, de nombreuses interventions
sur le sujet. Je crois qu'il faut éviter, là comme dans bien
d'autres domaines, de privilégier la quantité par rapport
à la qualité. Si on a une meilleure qualité de formation,
une meilleure intégration des formations pratiques et des formations
théoriques, on va voir baisser le taux de roulement, on va voir le
recrutement s'améliorer, quelles que soient, par ailleurs, les
difficultés au niveau de la rémunération.
Vous savez, même avec un taux de salaire double de ce qu'il est,
il est difficile de persuader les gens de faire un travail qu'ils se sentent
incapables de faire parfois. Je ne veux pas dire par là qu'ils se
sentent toujours incapables de le faire, mais il y a, malgré tout,
particulièrement dans les centres sécuritaires, des situations
extrêmement dures, extrêmement difficiles et dont les gens
s'écartent à l'expérience, souvent parce qu'ils n'ont
peut-être pas eu la préparation et aussi l'encadrement
nécessaires. La quantité là-dessus est une
considération qui est bien secondaire, je pense. Je crois qu'il
était nécessaire de préciser ces choses-là parce
que l'indication donnée par le ministère de l'Education ne met
pas du tout en péril cette orientation; au contraire, il y a un
comité conjoint des affaires sociales et de l'éducation qui va,
avec les tables de concertation régionales, essayer de nous faire
progresser dans la direction souhaitée.
M. Gaudreault: M. le Président, puisqu'on m'en donne
l'occasion en ayant posé des questions sur la formation, je voudrais
corriger une impression qu'on a souvent dans le public en lisant des journaux
ou encore à la suite du rapport de M. Batshaw, quand on parle des 44%.
Je puis vous affirmer^ pour avoir été dans le réseau
depuis quinze ans, que les centres d'accueil ont été parmi les
instigateurs et, dans certaines régions, les seuls instigateurs de cours
de formation pour leur personnel.
Oisons que les employés en place, au fur et à mesure
qu'ont évolué les centres d'accueil, que les objectifs de
réadaptation se sont précisés, que les orphelinats se sont
fermés... L'histoire des orphelinats qui ont été
fermés en masse, de ces enfants qu'on a sortis des institutions, qui ne
devaient pas y être, est quand même jeune. On a
hérité d'un personnel et, en plus, on a précisé nos
objectifs. Nous avions non seulement le devoir, mais l'obligation aussi,
à cause des conventions collectives, de garder le personnel en place.
Mais c'était pour nous plus un devoir qu'une obligation; les centres
d'accueil ont participé à l'organisation de cours de formation
pour le personnel et ont travaillé étroitement avec le
ministère de l'Education pour le faire.
Qu'il s'agisse de la psychoéducation, qu'il s'agisse de
l'éducation spécialisée, de la génago-gie, du cours
d'éducateur de groupe, et j'en passe, tous ces cours ont eu et ont
obtenu une collaboration étroite de la part des centres d'accueil.
J'affirme que, dans plusieurs régions, c'est seulement
l'intervention des centres d'accueil qui ont, en quelque sorte, forcé le
milieu enseignant à venir offrir des cours, quand même, à
des gens qui, sur place, ne pouvaient pas bénéficier d'autres
moyens pour parfaire leur formation.
M. Charron: Je veux bien prêter foi aux propos que vient de
tenir le représentant de l'Association des centres d'accueil, mais je
crois que si cela s'est produit comme il le dit, il admettra avec moi qu'il
s'agit de cas exceptionnels.
Je cite le rapport Batshaw lui-même sur les centres d'accueil, qui
dit ceci: "Sur le plan de la supervision, la situation est, elle aussi,
insatisfaisante. Rares sont les centres d'accueil qui offrent à leurs
éducateurs la supervision et la consultation dont ils ont besoin. C'est
ainsi que l'éducateur doit affronter seul des situations difficiles sans
support, sans conseils, sans encouragement. "Soulignons finalement que la
définition du rôle de l'éducateur, ou, du moins, la
manière dont cette définition est comprise dans de nombreux
centres d'accueil, relègue l'éducateur à des tâches
de surveillant (être présent, voir à la discipline,
activités occupationnelles). On hésite trop souvent à
faire confiance à l'éducateur, on limite son initiative. "Devant
ces faits, il nous apparaît essentiel d'améliorer la condition de
l'éducateur et de valoriser son rôle, et la première mesure
devrait se faire sur le plan salarial".
Je pense que ce témoignage d'un comité d'étude qui
a visité 73 centres d'accueil, dont la plupart, j'imagine, sont membres
de l'association qui est devant nous, mérite la considération de
la commission.
Je n'ai plus d'autres questions, M. le Président.
Le Président (M. Cornelller): Est-ce qu'il y a d'autres
questions à l'adresse de l'Association des centres d'accueil? Messieurs,
je vous remercie.
J'inviterais maintenant les représentants du Centre communautaire
juridique de Montréal.
Centre communautaire juridique de
Montréal
M. Boisvert (Marc): Je me présente: Marc Boisvert,
directeur de la section jeunesse du Centre communautaire juridique de
Montréal. A ma droite, Me Françoise Plante, avocate permanente
à la section; Marc Bélanger, également employé
permanent de la section; et Me Yolande Brassard, qui a travaillé
à la rédaction du mémoire.
Je vais essayer de résumer brièvement la philosophie qui
est à la base de notre mémoire. Ensuite, Me Plante vous
rappellera les grandes lignes de notre mémoire.
Depuis 1971, la section jeunesse du Centre communautaire juridique de
Montréal est présente aux activités des Cours de
bien-être social de Montréal, de Verdun et de Pointe-Claire. A
l'heure actuelle, un bureau de neuf avocats représente quotidiennement
auprès du tribunal une partie appréciable des jeunes qui y sont
traduits en vertu de la Loi des jeunes délinquants.
La représentation des jeunes qui y sont amenés en vertu de
la Loi de la protection, la représentation des parents de ces jeunes,
quoique moins considérable en volume, est toutefois aussi étendue
quant à la gamme des situations familiales et sociales faisant l'objet
d'une décision de la Cour.
Notre rôle premier est d'assurer une représentation
légale aux personnes qui font appel à nous. L'exercice de ce
rôle nous permet, par ailleurs, d'observer quotidiennement la naissance
et le dénouement de situations de crises personnelles et sociales dont
la gravité est variable à l'infini. Notre rôle nous permet
également d'observer directement le processus par lequel le jeune ou ses
parents ont été amenés devant le tribunal, le processus
selon lequel la situation de crise trouve un dénouement plus ou moins
adéquat, les nombreuses situations où l'action du tribunal
n'était pas requise.
En un mot, notre contact avec le réseau des personnes ou
établissements chargés de dépistage, de diagnostic, de
traitement, est quotidien. La cadre législatif dans lequel
opèrent ces personnes et établissements nous est également
connu, et nous sommes heureux de constater que le législateur
s'apprête à le réviser en profondeur.
Nous sommes tout particulièrement préoccupés par la
situation du jeune en contact avec le tribunal. Cette préoccupation
fondamentale nous amène inévitablement à prendre position
sur tout
le système afin d'éviter toute intervention inutile ou
abusive du système judiciaire.
Je veux attirer ici votre attention sur la philosophie de base de notre
mémoire.
Premièrement, nous affirmons que l'intervention de la cour doit
être limitée aux cas où elle s'avère strictement
nécessaire. Les frontières de cette nécessité en ce
domaine doivent reculer de plus en plus, grâce à une meilleure
utilisation des ressources de la communauté.
Deuxièmement, nous affirmons que toutes les procédures
prises en vertu de la présente loi doivent l'être en accord avec
les droits fondamentaux de l'individu.
Enfin, troisièmement, nous affirmons que lorsque des
procédures judiciaires ont lieu, en vertu de la présente loi,
elles doivent se faire selon des règles de stricte
légalité évitant tout abus pouvant résulter d'une
justice expéditive.
L'intervention de la cour doit être limitée aux cas de
nécessité. Les pratiques actuelles font de la Cour de
bien-être social un fourre-tout où le justiciable est forcé
de comparaître pour un motif souvent futile. Il y a
nécessité absolue d'un mécanisme unique d'accueil et de
tamisage des cas de délinquance et de protection. La constitution et le
fonctionnement des comités locaux d'orientation, tels que nous les avons
décrits tout au long de notre document, constituent ce mécanisme.
Les comités locaux doivent être strictement autonomes par rapport
à tout établissement de traitements, et coordonnés au
niveau provincial par la Commission de protection de la jeunesse.
Nous affirmons également que toutes les procédures prises
doivent respecter les droits individuels. A l'article 32 de notre
mémoire, nous prévoyons la nomination d'un défenseur
public chargé de voir à ce que les droits des individus soient
respectés. Les procédures prises par le CLO pour saisir la cour
ne doivent, en aucune façon, se faire au détriment de
l'individu.
L'article 59 de notre document l'exprime clairement. Le CLO ne peut se
servir des informations qu'il recueille pour incriminer l'enfant ou ses
parents. Le fait de ne pas avoir collaboré avec un établissement
communautaire ou un comité n'est pas en soi l'indication d'un besoin de
thérapie. En ce sens, la cour elle-même doit tenir une
enquête impartiale avant de rendre une décision.
Enfin, nous sommes heureux de constater que les règles
d'enquête prévues au Code de procédure civile
s'appliqueront désormais aux enquêtes tenues en vertu de la
nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse. Par ailleurs, nous
désirons voir la cour ouverte aux média d'information
accrédités par la commission. Nous avons vécu tous les
défauts inhérents aux enquêtes à huis clos et
croyons qu'une saine justice se doit d'être relativement publique. Nous
croyons, enfin, qu'en matière de protection de la jeunesse, toute
décision est importante et peut être portée en appel. Cet
appel, selon nous, vu l'importance des questions soulevées pour l'avenir
du jeune et de ses parents, devrait entraîner un procès de novo,
c'est-à-dire, donner à la personne qui veut en appeler la possi-
bilité de faire réentendre sa cause par un tribunal
supérieur.
En conclusion, nous désirons assurer le respect des droits de
l'enfant. Le ministre des Affaires sociales introduit des dispositions pour
faciliter la continuité des mesures de protection obtenues. Nous
suggérons, pour notre part, que les dispositions facilitant la
qualité des premières décisions concernant la vie d'un
enfant sont pour le moins aussi importantes. Les droits de l'enfant seront
assurés par la haute qualité d'organismes qui président
à l'entrée dans le système de protections sociales ou
judiciaires. Le meilleur des effectifs professionnels doit y être
représenté.
Maintenant, Me Plante va vous faire un bref résumé des
principales recommandations de notre mémoire.
Me Plante (Françoise): Nous avons cru nécessaire de
regrouper les droits des enfants en un chapitre spécial afin que ces
droits fassent partie intégrante de la Loi sur la protection de la
jeunesse et non pas simplement une considération d'ordre purement
philosophique.
Nous croyons également indispensable d'affirmer, en lien avec la
charte des droits de la personne au Québec, que les enfants jouissent
des mêmes libertés et droits fondamentaux que les adultes. De
plus, ils auraient un droit aux mesures spéciales qui assurent la
sauvegarde de leurs droits individuels. Nous prévoyons cela aux articles
2, 3 et 5. Les enfants auraient également droit à la
scolarisation. L'enfant a droit en pleine égalité à une
audition impartiale par un tribunal indépendant et qui ne soit pas
préjugé. L'enfant a droit d'être représenté
par un avocat à tous les stades de la procédure prévue
à la présente loi.
Au sujet de la Commission de la protection de la jeunesse, nous croyons
que la commission doit jouer un rôle prépondérant au
Québec, en matière de protection de la jeunesse. En plus des
fonctions générales de promotion, de recherche
d'éducation, la commission doit jouer un rôle administratif
étendu et précis. Sa principale fonction doit être, selon
nous, de constituer des comités locaux d'orientation et d'en coordonner
les activités. La même tâche s'applique aux comités
consultatifs que nous suggérons en remplacement des conseils de
surveillance. Nous croyons qu'instaurer une commission responsable de
l'évaluation des besoins et de la relance des cas, par
l'intermédiaire des comités locaux d'orientation, ne mène
pas à la constitution d'un réseau de services parallèles.
Nous croyons, par ailleurs, que la commission est indispensable à
l'amélioration des services sociaux aux jeunes pour l'ensemble du
Québec. Cette commission ne doit pas empiéter sur le travail
naturellement assigné à d'autres commissions.
Après mûre réflexion, nous optons également
pour que la gestion des centres de services sociaux et des centres d'accueil
demeure indépendante de l'autorité directe de la commission.
Nous croyons que la commission doit jouer un rôle particulier en
ce qui a trait à la protection
des enfants maltraités physiquement. La tâche
spécifique confiée à ce titre à la commission
consiste à établir un fichier central pour tout le Québec.
Ce serait un outil indispensable pour assurer une protection efficace auxdits
enfants.
Au sujet des comités locaux d'orientation, nous croyons que les
comités locaux d'orientation constituent la base du système de
toute la protection de la jeunesse. Au comité local doivent être
assignées les tâches suivantes: 1) faire l'accueil et
l'évaluation de toutes les situations où la
sécurité, la santé et le développement d'un enfant
sont en danger; 2) faire l'accueil et l'évaluation de toutes les
situations où un jeune a été arrêté au sens
de la loi. Le CLO doit, selon nous, jouer le rôle du bureau de
sélection prévu au projet de loi fédéral sur les
jeunes qui ont des démêlés avec la justice.
Les fonctions assignées au comité local d'orientation
justifient sa composition de la façon suivante: un avocat en exercice,
une personne dont l'expérience de travail antérieure vient du
secteur des services sociaux, une personne dont l'expérience vient du
secteur scolaire et un résident du territoire compétent en
matière de protection de la jeunesse. La nomination de ces personnes
doit être faite par la commission. De plus, nous croyons opportun
d'ajouter à ces quatre personnes un défenseur public nommé
par la Commission des droits de la personne et dont les fonctions sont
décrites à l'article 32 de notre mémoire.
Au sujet des comités consultatifs, nous avons remplacé les
conseils régionaux de surveillance par des comités consultatifs
rattachés au CLO. Nous croyons que la principale tâche
confiée à ces comités devrait être de conseiller le
CLO sur les besoins de la jeunesse du territoire et d'assurer une bonne
diffusion des informations appropriées. Cette limitation au mandat des
comités consultatifs constitue, selon nous, une approche originale
à la participation de la population aux organismes professionnels. Nous
estimons également qu'à un CLO desservant plusieurs
localités puissent être rattachés plus d'un comité
consultatif. Il appartiendra à ce moment-là à la
commission de déterminer, après étude des besoins du
milieu, le nombre de comités requis pour chaque CLO.
Au chapitre de la protection sociale, considérant que le CLO est,
dans notre optique, un organisme très près de la
collectivité locale et de ses besoins, et considérant qu'il est
composé d'un personnel diversifié et compétent, nous
croyons qu'il vaut mieux s'abstenir d'une longue énumération de
situations où l'enfant peut être en danger, tel que prévu
à l'avant-projet de loi, d'autant plus que cette
énumération ouvre la porte à des abus. Nous faisons
référence à l'article 48-a), b), f), g), et k) de l'avant
projet de loi.
Nous croyons que tout mineur détenu ou arrêté
à quelque titre que ce soit doit être immédiatement
confié au comité local d'orientation, seul organisme
habilité à décider des premières mesures à
prendre à l'égard d'un enfant.
Nous croyons que le CLO doit être avisé de toute situation
où un enfant est retiré de sa famille d'origine pour être
placé en famille d'accueil ou en centre d'accueil, même sur une
base volontaire.
Nous optons en faveur d'une déjudiciarisation authentique. Chaque
fois que cela est souhaitable et réalisable, les délits
posés par les mineurs doivent être traités en dehors du
contexte de la cour. Inversement, des délits même objectivement
moins graves que d'autres pourront donner lieu à une dénonciation
auprès du tribunal lorsque l'intérêt du jeune l'exige. Une
telle option se situe dans la ligne des pratiques courantes et leur assure une
plus grande objectivité et plus de chance de succès lorsqu'il
s'agit de réhabilitation. Le pouvoir discrétionnaire de la police
et du procureur devient, à ce moment-là, en partie celui d'un
groupe multidisciplinaire attaché à une localité ou
à une région. Cette activité locale est, par ailleurs,
sous le contrôle d'une commission provinciale, rappelons-le.
Nous affirmons l'indépendance du tribunal qui doit
procéder de lui-même à toute enquête menant à
une décision du pouvoir judiciaire. La cour n'a pas à rendre une
décision écrite et motivée uniquement lorsque celle-ci va
à rencontre des recommandations faites par les organismes de protection
sociale ou les services de communauté, nous croyons qu'en tout temps,
elle doit le faire.
Selon nous, le moment est venu d'admettre les journalistes à la
Cour de bien-être social. Toutefois, ces journalistes devront être
reconnus par la commission et auront de ce fait de plein droit accès
à toute cour de bien-être. La possibilité d'un appel de
piano à la Cour supérieure est indispensable, selon nous,
à la saine administration de la justice. Les décisions prises par
la cour sont en effet d'une importance primordiale pour toutes les parties
concernées.
Nous affirmons avec insistance que la cour peut confier l'enfant
à une autre ressource que le centre des services sociaux et nous
songeons ici à tous les projets de la communauté financés
par des sources diverses.
M. Boisvert: Je remercie les membres de la commission de leur
attention et nous sommes prêts à apporter des lumières sur
certaines de nos recommandations.
Le Président (M. Cornellier): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je remercie le groupe
qui est devant nous pour un mémoire qui nous amène à
discuter de certains articles qui n'ont pas jusqu'à maintenant
été l'objet de beaucoup de discussion, dans certains cas du
moins, mais, avant de passer à ces articles-là, je note que le
groupe... Comme c'est un groupe juridique, c'est peut-être une discussion
qu'il est plus approprié de faire avec vous qu'avec d'autres.
Je pense à toute cette question du droit des enfants. Il semble
qu'il n'y ait rien de plus populaire à faire que de proclamer le droit
des enfants et je pense qu'aucun groupe n'a fait défaut de
souhaiter que le droit des enfants soit assuré le plus
complètement possible et c'est évident, cela devrait du moins
être évident à ce moment-ci, que tout le monde souscrit
à ce voeu-là.
Cependant, sur un plan juridique, il semble qu'on ait un certain nombre
de problèmes à trancher pour être bien sûr que l'on
parle tous de la même chose. On a, d'une part, l'opposition entre
l'interprétation de cet avant-projet de loi comme définissant des
mesures d'exception, et je crois que c'est là l'approche que vous prenez
également, par rapport à une autre option qui verrait dans cette
loi de protection de la jeunesse une espèce de charte
générale visant tous les services donnés à
l'enfance. Je crois que, sans faire d'injustice à aucun des groupes qui
se sont présentés devant la commission, le consensus semble
être de considérer que c'est une loi d'exception, que la loi sur
l'organisation des services de santé et des services sociaux permet
déjà d'organiser des services pour les enfants, entre autres
groupes qui peuvent avoir besoin de services de santé ou de services
sociaux, et que cette loi-ci a pour but d'aménager des interventions
où l'autorité administrative ou judiciaire doit intervenir pour
protéger l'enfant.
Il ne s'agit donc pas simplement de disposer un contexte qui permet de
donner des services, mais de faire intervenir une notion d'autorité,
d'obligation, de coercition dans la réalisation de l'objectif qui est la
protection de la jeunesse. A ce moment-là, comment interpréter un
chapitre sur les droits des enfants? Il est clair que l'on ne veut pas invoquer
les droits des enfants seulement dans des situations d'exception, mais de
façon beaucoup plus générale. Plusieurs
possibilités s'offrent de ce côté-là. Nous avons
déjà une loi qui proclame les droits et les libertés
fondamentales de la personne. Je crois qu'il est clair dans cette loi qu'elle
s'applique aux enfants comme aux adultes. Si ce n'est pas clair, on peut le
préciser, mais se borner à apporter cette précision.
Il y a également, dans le dernier volume, le volume II du rapport
de l'Office de révision du Code civil, une proposition que, s'il y a un
endroit où les droits des enfants doivent être proclamés,
c'est dans le Code civil puisque, dans le chapitre des droits de la personne,
on a le cadre absolument général le plus approprié pour
proclamer de tels droits.
Alors, lorsque l'on passe à la phase législative, il
faudra clarifier un peu ces notions, en tenant pour acquis que tout le monde
veut protéger le droit des enfants au moins aussi bien que celui des
adultes et en tenant, je pense, pour acquis un certain consensus que la loi sur
la protection de la jeunesse est une loi d'exception et qu'on ne veut
certainement pas promulguer les droits des enfants seulement dans les
situations d'exception.
Qu'est-ce qu'il vous semble donc le plus approprié de faire,
à ce moment-ci, tenant compte de ces deux impératifs? Que
souhaitez-vous? Je pense que, sur le plan législatif, on ne souhaite pas
qu'on reprenne dans toutes les lois les mêmes déclarations puisque
cela deviendrait peut-être un peu odieux, et ce n'est pas le rôle
des lois de se faire des références les unes aux autres. Comment
répondez-vous à cette interrogation? Est-ce qu'il y a une des
voies suggérées qui semble plus appropriée qu'une
autre?
M. Bélanger: Je pense que la rédaction de notre
mémoire indique déjà cette voie. Comme d'autres groupes,
nous sommes conscients qu'il peut exister une charte des droits de l'enfant.
Cela peut exister, c'est sans doute souhaitable, cela existe peut-être
dans d'autres Etats, entre autres, aux Etats-Unis. Ils ont fait un effort
particulier sur le sujet. De toute façon, nous nous sommes
limités, très consciemment et volontairement, au cadre
législatif de la loi sur la protection de la jeunesse. Si vous vous
rappelez , quand on a donné, dans le chapitre II, les droits des
enfants, après une affirmation de principe général qui ne
soit jamais en contradiction avec aucune charte, qui, de toute façon,
repose justement sur les chartes existantes, nous nous sommes limités
à tenter une définition de droits dans le cadre de la
présente loi.
Nous avons essayé d'être assez factuels, à la
lumière de l'expérience la plus concrète que l'on peut
vivre à la Cour de bien-être social; quand on dit, par exemple,
que l'enfant qui fait l'objet d'une décision en vertu de la
présente loi a droit à la scolarisation, c'est fondé sur
des choses qui se passent et ce n'est pas fondé sur des théories
ou sur une belle affirmation de principe. Comme le soulignait Me Plante tout
à l'heure, si nous avons inscrit ces droits des enfants à
l'intérieur même de la loi et non pas dans des attendus, c'est que
nous comptons qu'un juge puisse fonder une décision sur un article de
loi. On ne fonde pas, à ma connaissance, des décisions sur des
préambules, mais on peut fonder des décisions sur la
définition qui a été donnée des droits.
Donc, c'est dans ce cadre très limitatif que l'on a voulu
apporter une contribution. Si on essaie de mêler toutes les sauces
à la fois, je pense qu'on ne s'entendra jamais. Les enfants qui font
l'objet d'une mesure de protection ont des droits on en a
peut-être oublié plusieurs mais, en tout cas, ils ont des
droits qui sont énumérés, pour nous, dans la loi.
M. Forget: Fort bien. A ce moment-là, je suis heureux que
vous cherchiez, comme cela, à énoncer les droits qui puissent
justement être invoqués devant le tribunal. C'est également
le but que nous recherchons. Dans ce sens, je m'interroge un peu sur votre
suggestion que l'article 48 soit réduit dans le fond à sa plus
simple expression. Si vous regardez l'article 48, vous avez une série de
propositions qui sont toutes rattachées à des choses
vérifiables, démontrables. Vous dites, par exemple, qu'il y a des
possibilités d'abus; à l'article 48, paragraphe b), on dit, que,
au sens de la présente loi, la sécurité, le
développement et la santé d'un enfant peuvent être
considérés en danger si, notamment, le développement
émotif ou mental de l'enfant est mis en péril par le rejet, de la
part des parents, ou par la privation d'affection.
Je comprends très bien que cela peut constituer un danger. Le
fait d'éliminer l'article et de lui substituer une déclaration
générale qu'il faut éviter de mettre en danger la
santé, la sécurité et le développement d'un enfant,
à mon avis, ne fait pas progresser beaucoup la discussion.
Des actes posés vis-à-vis d'un enfant contreviennent
à cette disposition et, à ce moment, on demande à chacun
d'appliquer son jugement, son évaluation subjective de ce que nos normes
éthiques générales veulent dire ou ne veulent pas dire.
Autrement dit, on dit: Bon, on ne réglera pas ce problème dans la
loi, on va laisser chacun évaluer ce que sont les standards sociaux
vis-à-vis du comportement des parents dans ce domaine. Je comprends que
c'est dangereux de le dire, mais c'est également dangereux de ne pas le
dire, dans le même souci d'avoir des choses qu'on peut invoquer devant
les tribunaux et qui circonscrivent justement le pouvoir d'intervention
même d'un centre de services sociaux, d'une dénonciation. Peut-on
dénoncer n'importe quoi qui ne nous apparaît pas valable ou des
choses qu'on ne ferait pas à ses propres enfants?
Je crois qu'il y a une nécessité de circonscrire cela si
on ne veut pas, d'une part, envahir la vie privée des gens sur la base
de conceptions purement suggestives de ce qui est bon ou mauvais ou, d'autre
part, rien faire sous prétexte que la loi ne l'interdit pas
expressément. Je crois qu'au moment de regarder l'article 48, il faut
s'entendre sur ce qu'est la protection de la jeunesse. On peut,
évidemment, laisser cela à l'arbitraire de tout le monde, mais on
n'a pas fait un progrès, à mon sens, très visible si on
fait cela.
M. Bélanger: II va sans dire que nous partageons
totalement ce que vous venez de mentionner comme préoccupation. Si on
l'a supprimé, ce n'est pas parce qu'on voulait tomber dans l'arbitraire
dont vous parlez. Je pense qu'on peut faire la remarque préliminaire
qu'il y a des positions ou certains aspects de notre avant-projet de loi que
l'on sait évidemment très relatifs. Cela dépend de
l'expérience de travail, cela dépend d'une série de
choses. Cela en est un. Maintenant, si on l'a fait comme cela, c'est parce
qu'on a vu tous les abus qu'entraîne une définition, parce
qu'à ce moment des gens qui présentent un cas ne font qu'utiliser
un mot dans la loi et ne ('étoffent pas. Si vous saviez combien il y a
d'enfants pour qui on fait des plaintes par rejet. On n'a rien dit après
et on n'a rien dit avant.
C'est donc un choix qui présente des inconvénients. Sur
quoi repose-t-il maintenant si je réponds d'une façon positive?
Là, je pense qu'on entre plus à fond dans le sujet. Il y a des
questions qui ont été discutées ce matin, sur lesquelles
on reviendra certainement en réponse à des questions où on
entrera.
C'est que pour nous tout le système repose finalement sur le
comité local d'orientation. Or, le comité local d'orientation,
premièrement, a une assise locale et communautaire. Quand je prends, par
exemple, le paragraphe a) de l'article 48, je le trouve extrêmement
dangereux, parce que si ce sont les gens qui appartiennent à telle
couche sociale ou tel milieu spécialisé de travail qui ont
à l'appliquer pour une population qui, elle, ne correspond pas aux
mêmes normes... On l'a mentionné, je pense, ce matin. Je parle de
milieux de travail que je connais, à titre d'intervenant social,
où j'ai travaillé moi-même pendant plusieurs années.
Ainsi, 80% des enfants du secteur centre-sud de Montréal tombent sous le
coup de l'article 48a) tel que formulé ici.
M. Boisvert: C'est qu'on a peur aussi finalement que l'article
48, avec l'énumération, soit interprété comme
étant des cas où, nécessairement, on doit intervenir.
M. Bélanger: Je pense qu'il faut ajouter une autre
dimension. Dans les attendus de la loi, on a souligné qu'il y a des
situations où la santé ou le développement d'un enfant
peuvent être mis en danger et on a ajouté ceci: à cause du
refus ou de l'incapacité de leurs parents ou substituts à ceux-ci
d'en prendre soin. On affirme par là le principe général
de la loi d'exception. Cette loi n'est pour nous, en aucune façon, une
loi d'organisation générale des services sociaux et de
santé au Québec. Je pense que cela complète.
M. Forget: Je suis d'accord, mais cela ne me satisfait pas
malgré tout, parce que même si vous me répétez qu'il
y a des dangers à interpréter ce que c'est que de
bénéficier de conditions matérielles d'existence
appropriées aux besoins, mais aussi proportionnées aux ressources
de sa famille, je comprends que c'est dangereux cette affirmation. Vous ne
calmez cependant pas du tout mes inquiétudes quand vous me dites: On va
mettre au contraire dans la loi qu'il ne faut pas que la vie, la
sécurité, la santé d'un enfant soient menacées,
parce que le caractère subjectif de l'interprétation qui
s'applique aux conditions matérielles d'existence, appropriées ou
non, je comprends qu'on peut l'évaluer de façon très
subjective, c'est encore plus vrai pour une affirmation plus
générale de principe.
A ce moment-là, on ne sait même plus si une famille qui
aurait les moyens de s'occuper d'un enfant d'une certaine façon, de lui
donner des conditions matérielles d'alimentation et de logement
convenables, qui aurait les moyens de le faire et qui ne le fait pas, on ne
sait même plus si c'est contraire à la loi ou si ce ne l'est plus.
On tombe dans le subjectivisme le plus total; vous allez voir un intervenant
qui va juger que, pour lui, d'après son expérience personnelle,
c'est inacceptable, et son voisin va juger que non, tout est bien, après
tout, tout le monde n'a pas le droit d'avoir tels ou tels
éléments de confort. C'est très subjectif.
Je ne vois encore pas comment on fait un progrès en étant
plus vague, parce que le problème d'interprétation qui
crée le danger, il faut bien le situer quelque part. Si vous exigez que,
dans la loi, il soit basé au moins sur certains élé-
merits un peu plus précis, vous aurez une interprétation
par la jurisprudence. Quand les lois donnent ouverture à des
possibilités d'interprétation, au moins y a-t-il la jurisprudence
qui, avec le temps, vient apporter des précisions: qu'est-ce que cela
veut dire que de priver un enfant de conditions d'existence matérielle
appropriées à ses besoins mais aussi proportionnelles à ce
que sa famille peut lui offrir? Bien, on le verra par l'accumulation de
l'expérience.
Sauf que si on n'a aucune jurisprudence sur une clause comme
celle-là, on restera toujours devant la position où, si c'est
monsieur X qui pose le jugement, cela veut dire une chose, et si c'est monsieur
Y qui pose le jugement, cela veut dire quelque chose d'entièrement
différent. Et ils seront tous les deux en fonction de la loi.
Interprétons ce que veulent dire la sécurité et la
santé. C'est la situation que nous avons dans le moment. Il y a des
situations, et on l'a vu d'ailleurs à l'automne 1974, où enfermer
un enfant dans un placard, apparemment pendant six semaines, c'était
quelque chose qui n'était pas anormal et il n'y a aucune loi qui
empêchait cela. Des gens, très sincèrement, et même
des corporations professionnelles, ont dit: Cela fait partie du traitement, ou
je ne sais pas quoi.
Bien, écoutez, c'est cela, parce que, avec la bonne foi, on peut
justifier n'importe quoi. Or, je crois qu'on a le devoir, comme
législateurs, de dire à un moment donné: II y a un
début de preuve; si un enfant est vraiment privé d'alimentation,
s'il a une diète vraiment inappropriée, ce n'est pas parce que
les gens sont dans une situation de pauvreté abjecte; à ce
moment-là, cela peut toujours se comprendre. Il y a quelqu'un qui a
manqué à son devoir et, là, il y a au moins une cause
raisonnable et probable pour qu'un mécanisme d'intervention
débouchant éventuellement même sur une action devant le
tribunal puisse être entrepris. Mais si on ne peut pas au moins prouver
cela, bien, pour l'amour du ciel, laissez-les tranquilles, ces
gens-là.
M. Bélanger: Je voudrais reprendre d'abord la remarque
qu'on a faite tout à l'heure, que c'est d'une position que l'on sent
très relative. Deuxièmement, l'actuelle Loi de la protection de
la jeunesse, à l'article 15, a à peu près la même
formulation que celle que l'on projette. S'il y a des problèmes, cela ne
vient pas expérience faite couramment du manque de
définitions en priorité. Vous vous référez au cas
de l'enfant placé dans le placard; j'en ai déjà
discuté avec vous dans un autre contexte. Le problème ne vient
pas de ce que la personne trouvait que c'était une situation normale; il
portait sur l'obligation ou la non-obligation de signaler le cas et tout le
monde s'entend sur un consensus que ce n'est pas normal. C'est sur le
signalement et non pas sur la nature du problème.
Quand on prend le fonctionnement général de la Cour de
bien-être social et de tout ce qui y arrive, habituellement, le
problème est au niveau et on y reviendra de
l'évaluation et non pas du signalement du besoin. Pour le signalement de
la situation problématique, il y a un consensus social très
facile à réaliser et il n'y a pas d'arbitraire à ce
niveau. Mais l'évaluation de l'importance de cette situation et surtout
l'évaluation de la décision qu'il faut prendre pour y
remédier et, encore plus, surtout, sur qui va le faire après,
c'est là que le système accroche actuellement. Tout le reste de
notre mémoire propose, vous l'avez sans doute noté, un certain
basculement du centre de gravité des établissements
créés par la loi 48 à des organismes créés
éventuellement par cette loi-ci. C'est là le noeud de la question
et non pas, selon nous, sur la définition, parce qu'il y en a un
consensus social. Il n'y a personne qui accepte qu'un enfant ne soit pas
nourri, mais le problème est de savoir qui va dire qu'il n'est pas
nourri, par exemple. Et, une fois qu'on l'a dit, qu'est-ce qu'on fait avec cet
enfant? Bien, là, c'est une autre histoire.
M. Forget: Oui, mais il reste que, si l'évaluation
plutôt que le signalement est le problème, on n'aide pas le
problème de l'évaluation en soustrayant les critères ou en
les reléguant à d'autres instances. Le problème de
l'évaluation va demeurer. S'il n'y a pas de consensus sur
l'évaluation, à plus forte raison il me semblerait, à
première vue au moins, qu'il faut essayer de circonscrire le domaine
où le consensus va demeurer à être fait.
Il y a des exemples nombreux qu'on pourrait signaler dans le domaine de
l'intervention même des services sociaux mettons de
côté même l'intervention du tribunal dans ces questions
où ce qui est vérité en deça des
Pyrénées est erreur au-delà. C'est un problème de
valeurs, c'est un problème de s'entendre sur ce qui constitue un signal
suffisant pour justifier l'intervention et sur ce qui est en dehors de ces
situations. Aussi, on pourrait citer un très grand nombre de cas
où, presque d'autorité, même les services sociaux
interviennent dans des situations familiales, alors que, dans le fond, c'est
une ingérence qui n'est basée sur rien de précis.
M. Bélanger: Je ne voudrais pas qu'on prolonge
indûment, peut-être, cet aspect. Je voudrais ajouter une autre
chose qui fait suite aux discussions qui ont eu lieu ce matin, auxquelles on
assistait.
L'évaluation et la continuité des mesures, et la
responsabilité légale dont il a été question
à plusieurs reprises, je pense que, si on veut y comprendre quelque
chose, il faut que l'on fasse une différence très nette entre
l'évaluation sociale d'un besoin et l'évaluation des personnes
qui vivent ce besoin. J'espère que cela allume des choses,
là.
Pour nous, le comité local d'orientation n'a, en aucune
façon, le rôle de faire une évaluation des personnes, donc
des correctifs à apporter. Le comité local a pour objectif de
faire l'évaluation des situations. C'est pour cela qu'il doit avoir une
assise strictement locale. C'est pour cela qu'il doit avoir une assise
strictement multidisciplinaire,
c'est-à-dire, dans tel contexte, telle situation sociale est un
symptôme de mauvais fonctionnement très général,
alors que, dans tel autre contexte social, le même symptôme, tout
simplement, fait partie d'un mode culturel.
La fonction donnée au comité local d'orientation, pour
nous, elle est là. C'est là qu'on fait une distinction entre les
évaluations à caractère psychologique, psychiatrique,
médical et tout ce qu'on voudra. Expérience faite, il est
extrêmement dangereux de confier à un homme qui a une
compétence limitée heureusement, il en a une, mais il ne
peut en avoir qu'une une responsabilité sociale globale.
Est-il nécessaire de donner des exemples dans d'autres cadres que
celui-ci? Prenons la médecine. Pensons aux maladies industrielles. Bon.
Dans le cas de la protection de la jeunesse, cela se révèle
encore plus vrai. Si le centre de services sociaux je pourrais dire tout
autre organisme; je prends celui-là parce qu'on se réfère
ici surtout à celui-là a pour objet de faire
l'évaluation du besoin de la personne en même temps qu'il fait
l'évaluation implicite des traitements qu'il peut lui donner, c'est
faussé au départ, pas par mauvaise volonté, mais c'est au
départ faussé parce qu'il ne peut pas faire autre chose que le
voir à travers ce qu'il peut offrir.
Pour cette première fonction d'évaluation sociale: est-ce
que, oui ou non, c'est tolérable? Est-ce que c'est urgent? Est-ce que
c'est un faux problème que, dans cette communauté, telle relation
entre les parents et l'enfant soit de tel ordre, ce n'est pas pour nous un seul
professionnel ou un seul organisme habilité à donner des
traitements qui peut poser la meilleure évaluation? C'est un organisme
social, c'est une responsabilité sociale venant de personnes qui sont
multiples dans leur provenance.
A ce moment-là, cet organisme est ouvertc'est un autre
aspect primordial de notre mémoire, je le souligne sur la gamme
la plus large possible des ressources. L'expérience courante, ce qui est
à retenir de l'expérience qui s'est faite au Massachusetts, aux
Etats-Unis, on le revoit continuellement; c'est qu'il n'y en a pas de
système thérapeutique d'intervention sociale parfait.
Le seul système qui a de l'allure est celui qui permet une gamme
de possibilités où les gens sont habilités à
décider et non pas tout simplement des clients. Il faut donc que la
porte d'entrée soit ouverte sur des possibilités multiples et
c'est dans ce sens qu'on croit que le comité local d'orientation doit
être important.
Juste pour terminer le dernier point là-dessus, je voudrais
mentionner que je doute de l'efficacité qui va suivre de la
responsabilité légale, comme on le mentionnait ce matin. Quand un
cas est confié au directeur de la protection de la jeunesse, je ne suis
pas sûr que c'est parce qu'il y a une loi qui va dire qu'il est
responsable que cela va être plus efficace. De toute façon, comme
on vient de le mentionner, si le personnel change toujours dans la boîte,
il faut s'habituer cliniquement à penser des nouveaux modèles,
compte tenu des changements de mentalité professionnelle. Il n'existe
plus de professionnels qui veulent des clients pour cinq ans ou pour trois ans.
Non seulement cela est passé à un niveau théorique mais
c'est probablement beaucoup plus dommageable pour l'individu. Plus il est
longtemps en thérapie, moins il a de chance de succès
actuellement.
Donc, on croit que la responsabilité de relance devrait
plutôt relever d'un organisme qui a une responsabilité sociale
globale et non pas limitative au plan professionnel. Je me permets, à
titre d'hypothèse, de douter sérieusement de l'efficacité
du caractère légal qu'on attribue à quelqu'un pour faire
une thérapie à un autre. En cour, il va être capable de
s'en sortir facilement.
M. Forget: Vous faites une distinction entre le comité
consultatif et le conseil de surveillance. Vous suggérez qu'on n'ait pas
de conseil de surveillance et vous suggérez un comité
consultatif. Pourriez-vous résumer très brièvement la
différence entre les deux, parce que je ne suis pas sûr que je la
perçoive très clairement?
M. Boisvert: En ce qui a trait au comité de surveillance,
on trouvait que les pouvoirs qu'on leur donnait étaient un peu les
mêmes que ceux donnés au CLO, des pouvoirs d'enquête, et on
trouvait que c'était peut-être augmenter la complexité de
la loi. On ne voyait pas la nécessité de ces conseils de
surveillance. Pour nous, la commission de protection de la jeunesse telle qu'on
la voit a tous les pouvoirs en fait. Parce qu'il y a déjà une
trop grande multiplicité d'organismes de surveillance en place, on croit
que le CLO devrait avoir tous ces pouvoirs. Par contre, on est très
favorable à une participation des gens de la base à la protection
de la jeunesse.
Peut-être que nous, à l'aide juridique, on a ces
comités consultatifs. Je trouve que, dans certaines régions
où j'ai déjà été directeur, comme celle du
Nord-Ouest, on en avait créés et j'ai trouvé cela
très utile pour connaître les besoins des gens et même pour
les informer. On ne voit pas vraiment la nécessité des conseils
de surveillance tels que créés dans la loi, mais on croit qu'un
comité consultatif pourrait être d'un apport assez
appréciable.
M. Forget: Moins de pouvoirs...
M. Bélanger: L'expérience est qu'il est
extrêmement facile de mettre en boîte n'importe quel comité
consultatif si on lui demande de s'occuper de question administrative. Qu'on
regarde tous les organismes actuellement en place. Ce qu'on a voulu dire, ce
qu'on a voulu centrer, c'est que là où il n'est pas facile de
mettre les gens en boîte pour un organisme professionnel, c'est sur les
besoins de la population. Ce n'est pas facile, parce que, à ce moment,
ils vont le dire. Indirectement, ayant défini les besoins et pouvant
parler au niveau des besoins, ils auront un pouvoir réel au niveau de
parler de la qualité des ressources qui sont offertes en réponse
à ces besoins.
M. Forget: Cela répond à ma question. Je vous
remercie. Il y a un dernier aspect. Je vais vous suggérer que le huis
clos soit abandonné. Plusieurs groupes en ont discuté et je crois
que c'est le Barreau, entre autres, qui a pris la position que la disposition
qu'on trouve dans l'avant-projet ne change rien puisqu'on dit que ce n'est
essentiellement pas de huis clos et que les audiences peuvent être
publiques, mais qu'il y a un élément de discrétion qui
demeure. Par contre, vous suggérez que le huis clos demeure avec une
exception qui ne serait pas discrétionnaire au niveau du juge, mais au
niveau de la commission, par la désignation de journalistes
accrédités.
J'aimerais savoir, dans le domaine de l'enfance parce qu'il y a
aussi d'autres propositions visant à considérer les tribunaux
pour l'enfance de la même façon que les tribunaux d'adultes, sous
réserve, bien sûr, que le nom des parties ne soit pas
révélé, etc. pourquoi vous tenez ou vous jugez bon
de restreindre, malgré tout, l'accès aux Cours de bien-être
social à seulement certaines personnes accréditées.
M. Boisvert: En fait, la restriction qu'on propose n'est pas sur
telle ou telle cause. On demande que la Commission de la protection de la
jeunesse accrédite les journalistes pour éviter, en fait, de
tomber dans le jaunisme. On est conscient du fait que, si, demain matin, la
Cour du bien-être social était ouverte à tous les
journalistes, on pourrait très facilement tomber dans le jaunisme; les
situations, on pourrait les monter en épingle. Maintenant, on pense que
la présence de journalistes sérieux... D'abord, personnellement,
le grand public je ne vois pas pourquoi il devrait être admis dans ces
causes-là; mais on croit que la présence de journalistes
sérieux serait une garantie, premièrement, d'objectivité
et, deuxièmement, de respect de la loi.
En fait, je suis convaincu que, si les journalistes étaient admis
présentement à la Cour du bien-être social, il n'y aurait
peut-être pas, comme la semaine dernière, des jeunes
détenus, en vertu d'un article de protection, pendant des
journées aux quartiers généraux de la police de la
Communauté urbaine de Montréal. Nous croyons qu'en fait la
présence du journaliste serait une garantie que le juge respecterait
je ne dis pas qu'il ne le respecte pas mais il serait
forcé de tenir davantage compte du fait que le jeune est un sujet de
droit et non pas un objet de droit.
M. Forget: Je n'ai pas d'autres... La question de l'appel de
piano... Malgré tout, l'on veut aider les jeunes dans des situations
où parfois leur protection est quand même un objectif assez
impératif; il ne s'agit pas de conflit entre des intérêts
pécuniaires ou, enfin les appels peuvent durer des années entre
deux compagnies d'assurance ou Dieu sait comment. Il n'y a pas de coût
social attaché au délai. Cependant, si toutes les
décisions, dans tous les cas, peuvent être l'objet d'un appel,
cela pose certains problèmes. Dans le domaine de l'enfance, qu'est-ce
qui arrive pendant l'appel?
Est-ce que la décision s'applique? Si elle ne s'applique pas, il
y a des droits des adultes ou des parents, des droits des enfants qui sont
impliqués là-dedans. Il y a quand même une menace là
aussi, il y a un danger que l'on abuse des procédures de manière
à retarder les choses, dans le fond à prolonger le mal qu'on veut
guérir. N'est-ce pas un peu imprudent d'aller aussi libéralement
sur la voie de procédures judiciaires?
Je pense que le droit d'appel est important, il est consacré dans
l'avant-projet mais, si on ne l'assortit pas de certaines précautions,
est-ce qu'on ne tombera pas dans une procédurite aiguë?
M. Boisvert: Moi, je trouve que le droit d'appel donné par
l'avant-projet de loi n'est, en fait, que la codification des brefs de
prérogative du Code de procédure civile. En fait, avec le droit
d'appel tel qu'il est là, on n'en a presque pas. Nous, peut-être
avons-nous trop vécu l'absence de droit d'appel. Pour des situations
d'urgence, on n'en a pas, de droit d'appel, présentement, en vertu de la
Loi de la protection de la jeunesse. Peut-être qu'on va un peu trop loin,
mais on pense qu'en matière de protection de la jeunesse toute
décision est importante et que, s'il y a un cas où on pourrait
peut-être permettre l'appel, c'est bien dans ces cas-là.
Pourquoi l'appel... En fait, on demande un appel de piano et on demande
également un procès de novo parce qu'on croit que, vu qu'il
s'agit de situations humaines, il est important de permettre aux juges qui vont
siéger en appel de pouvoir connaître précisément,
exactement toute la situation, voir les témoins, etc. J'admets avec vous
qu'il y aurait peut-être un abus du droit d'appel mais pratiquement je ne
crois pas que les avocats vont abuser de ce droit d'appel parce qu'un avocat
n'est jamais intéressé à aller plaider n'importe quoi en
appel.
Moi, je ne vois pas énormément de dangers,
présentement. C'est clair qu'il faudrait prévoir, par exemple,
des articles dans la loi pour voir ce qui pourrait se faire en attendant que
l'appel soit entendu, je suis d'accord avec vous.
Je crois que le droit d'appel doit exister de piano, parce que ce sont
des décisions trop importantes, quand on enlève un enfant
à sa mère ou, en fait qu'on le place pour deux ou trois ans. Ce
sont tout de même des situations, d'après moi, qu'on devrait
pouvoir faire réviser.
M. Forget: Oui, on peut y réfléchir, mais, enfin,
il y a des dangers des deux côtés. Merci.
M. Boisvert: ... trop, nous, les dangers inhérents
à ce système, parce qu'actuellement il n'y en a pas, de fait.
Le Président (M. Cornellier): Le député de
Saint-Jacques.
M. Charron: Merci, M. le Président. Cela va être
à mon tour de faire ce que le ministre a fait tantôt, parce que
j'ai déjà rencontré le groupe
aussi, puis, deuxièmement, parce que le ministre a fait pas mal
tout le tour du terrain. La question que je voulais poser au groupe, et c'est
ce qui m'avait frappé à la lecture du mémoire, avait trait
à la place importante qu'ils accordent on s'était entendu,
je pense, quand on s'était rencontré aussi au
comité local d'orientation. Je pense que nos invités ont
répondu à cette question tout à l'heure. Je les remercie
d'avoir apporté ce mémoire et des lumières qu'ils nous ont
données davantage.
Le Président (M. Cornellier): Est-ce qu'il y a d'autres
questions de la part des membres de la commission? Me Bélanger.
M. Bélanger: On peut ajouter que c'est la double fonction
du fédéral et du provincial, le comité local d'orientation
étant considéré comme organisme de
déjudiciarisation. Je pense qu'il y a assez de positions, surtout avec
le groupe précédent, le groupe des criminologues, qui ont
été données là-dessus. I! reste qu'il y a une
nuance assez importante que l'on introduit dans notre mémoire. Je veux
juste la souligner. La déjudiciarisation pour nous doit être
intégrale. L'avocat en exercice dont on parle au comité local
d'orientation, ce n'est pas par oubli que cela n'a pas été
nommé un substitut du procureur général. C'est qu'on n'est
pas au niveau où c'est le procureur général qui a le
pouvoir. Il est délégué, ce pouvoir, à un groupe,
de la même façon qu'il existe actuellement au sein de la police un
pouvoir de classer une série de choses dans la communauté, qui ne
vont jamais à aucun niveau. Malheureusement, très souvent, cela
dépend des quartiers, s'ils sont riches ou pauvres. Si le quartier est
pauvre, cela s'en va automatiquement à la cour ou ailleurs. Si dans le
quartier c'est riche, on va voir papa, pas parce qu'il est riche, mais parce
qu'on présume qu'il peut assumer la situation.
Donc, il semble que juridiquement, à ce moment-là, on soit
dans un cadre qui demeure possible. Maintenant, l'autre élément
important aussi je rejoins un point qui a été
discuté tout à l'heure c'est qu'il semble bien que la
fonction de directeur provincial nommé au projet de loi
fédéral puisse être reporté, au niveau
québécois, au président ou enfin à la commission de
protection de la jeunesse.
Il est extrêmement important pour nous que la commission de
protection de la jeunesse puisse non seulement nommer les membres du
comité local d'orientation ou les instituer par régions
administratives, mais leur donner un pouvoir réel de coordonner les
activités, entre autres toute la fameuse question de
déjudiciarisation qui fait l'objet de discussions à travers tout
le pays, pas simplement au Québec, avec vous en êtes au
courant des divergences d'opinions assez radicales, dans certains coins.
Je pense que la meilleure garantie que l'on peut offrir, c'est d'avoir une
commission provinciale qui va être chargée d'établir, je ne
dirai pas une nouvelle jurisprudence, mais une nouvelle façon de
procéder, parce que tout le champ est nouveau. Si cette pratique de
déjudiciarisation est laissée aux interventions
sectionnées, non coordonnées entre elles et
l'expérience de Kingston, en Ontario, où cela a été
fait pendant un an, va dans ce sens je pense qu'à ce
moment-là on va aboutir à un échec et, là, on va
dire: Ce n'est pas possible. Mais, cela n'a pas été possible
uniquement parce qu'on ne s'est pas donné les outils pour le
réaliser. Pour nous, la commission de protection de la jeunesse doit
avoir un rôle indispensable à ce niveau.
Si on l'a fait relever du ministre des Affaires sociales et non de celui
de la Justice, ce n'est pas par évaluation de l'un ou l'autre des
ministères. C'est tout simplement que la philosophie de base est
orientée précisément vers le règlement hors cour,
le traitement, les décisions et tout ce qu'on voudra hors cour le plus
possible pour toutes les raisons qu'on voudra imaginer, y compris les raisons
économiques.
A ce titre-là, le rôle de la commission est
extrêmement important.
Le Président (M. Cornellier): Alors, mesdames, messieurs,
nous vous remercions. J'invite maintenant les représentants de la Maison
Notre-Dame-de-Laval.
Maison Notre-Dame-de-Laval
M. Foucault (Pierre): Mon nom est Pierre Foucault. Je suis
psychologue consultant à la Maison Notre-Dame-de-Laval. Je suis
accompagné de M. Germain Plamondon, qui est directeur de la vie de
groupe dans cette institution et de M. Pierre Charest, qui est directeur
responsable du service des consultants et lui-même psychologue consultant
à la même institution.
Nous voudrions d'abord situer la présentation du mémoire
que vous avez entre les mains. Nous sommes conscients, en venant
présenter un mémoire à la commission parlementaire, de
représenter ici à peu près 1% ou 1.5% du réseau des
enfants en institution; ce qui est, finalement, fort peu. C'est un centre qui
est conçu pour recevoir, en milieu sécuritaire partiellement et
en milieu non sécuritaire, des adolescentes délinquantes
avancées. C'est ce qu'on peut appeler le bout de la ligne, en ce sens
que, quand les filles viennent à Laval elles le disent
elles-mêmes on ne peut pas aller plus loin, il n'y a plus de place
après cela.
Nous sommes donc bien conscients que notre point de vue est
extrêmement limité, il est très étroit. Il ressort
d'un travail de cliniciens; c'est-à-dire que ce sont des gens qui sont
en pratique courante, tous les jours, avec les adolescentes et avec des
adolescentes hautement perturbées. Ils sont en contact avec
énormément de souffrances, énormément aussi, je
pense, d'injustices dont la majorité, nous le reconnaissons, ne viennent
pas de la structure du réseau, mais dont une certaine partie sont les
résultats des faiblesses du réseau et, en ce sens, sont
peut-être plus criantes pour ceux qui y travaillent.
Vous pourrez retrouver, à l'intérieur du texte,
à un moment ou l'autre, un certain sentiment de frustration ou
d'impuissance qui se manifeste par des termes qui sont souvent durs et par des
jugements qui sont souvent beaucoup plus orientés vers les aspects
négatifs, ou les aspects qui nous semblent manquer dans le projet de
loi. Il y a quand même des points extrêmement positifs que nous
tenons à relever à l'intérieur de ce texte-là.
C'est, je pense, le point de vue de gens qui travaillent à la base et
tout à fait à la base, dans des situations que le ministre
qualifiait tantôt de très dures et, je pense, avec raison, dans
des situations de frustration et d'échecs souvent
répétés, parce que les conditions ne favorisent pas,
peut-être autant qu'on le voudrait, des résultats plus
positifs.
Nous voudrions, dans la présentation du mémoire, insister
un peu sur chacune des trois parties en lesquelles le mémoire se divise,
à savoir, l'esprit de la loi, sa philosophie et les modèles qu'il
emploie, en faisant remarquer que dans la première partie, sur l'esprit
de la loi, nous avons voulu montrer d'abord comment l'intentionnalité
profonde de la loi nous apparaît excellente. A cet égard, je pense
que nul ne peut trouver à redire. On n'a pas à refaire
l'historique de la situation sociale de l'enfant, mais cela s'inscrit dans le
prolongement du développement du droit de l'enfant et cela nous
apparaît tout à fait valable, tout à fait remarquable.
Par ailleurs et c'est peut-être le point de vue que nous
souhaiterions apporter ici aujourd'hui sa
généralité même, à certains égards, ou
appelons cela son étroitesse, si vous voulez, sur le plan strictement
légal, nous semble en limiter la portée d'une façon
regrettable. Par exemple, au niveau du droit de l'enfant ou au niveau de
l'intérêt de l'enfant qui est défini au chapitre deux, on
peut se demander si le respect du droit légal de l'enfant, le respect du
droit à la santé physique, le respect de sa situation physique
est suffisant pour garantir son intérêt réel. Les droits
légaux étant respectés, est-ce que l'intérêt
réel de l'enfant sera respecté? Personnellement, nous sommes en
mesure de pouvoir en douter, au moins en certaines occasions. On a l'impression
qu'il devient important, dans le contexte où nous sommes situés
en tout cas, d'élargir de façon très notable le sens du
mot "intérêt" de l'enfant.
Je le rapporte ici, parce qu'on a eu l'occasion de le faire en
rencontrant un juge de la Cour de bien-être social de Montréal,
d'avoir entendu dire, à un moment donné, à un avocat:
Ecoute, que penses-tu que cela va donner à l'enfant ce que tu es en
train de faire en lui demandant de plaider non coupable? J'admets que c'est un
cas d'exception, je le reconnais bien volontiers. L'avocat aurait simplement
répondu: Je m'en fiche, ce que cela va lui donner, mais ses droits vont
être respectés. Je pense que c'est une position qui ne devrait pas
pouvoir se produire, au sens où le droit légal doit être
respecté. Cela nous apparaît extrêmement important qu'il le
soit, mais il y a plus que le droit légal et le projet de loi devrait,
en ce sens, élargir la notion de l'intérêt de l'enfant et y
inclure la dimension sociale, que le rapport Batshaw a mise en évidence
de façon très notable, et la dimension psychologique qui, je
pense, n'a pas été mise en évidence, ni dans le rapport
Batshaw, ni dans l'avant-projet de loi.
Un point sur lequel il nous apparaît important d'insister, c'est
la distinction que le projet de loi ne fait pas entre l'enfant et le jeune,
distinction que nous avons faite dans le mémoire. La distinction est
psychologique et, par le fait même, délicate à manipuler au
niveau d'un texte de loi. Quand on parle de la responsabilité d'un
enfant, quand on parle de la possibilité de déjudiciariser le
processus, est-ce que, parce que l'enfant a 14 ans, il va pouvoir se retrouver
devant le tribunal alors qu'au moment où il en a seulement 12, il ne
pourra pas se retrouver devant le tribunal? Au point de vue légal, c'est
relativement facile de faire la distinction à l'âge de 14 ans. Je
pense qu'elle est souvent inopérante au point de vue psychologique, au
sens où l'enfant peut très bien, à l'âge de 12 ans,
avoir un certain nombre d'acquis de son milieu ou de sa formation ou de son
éducation qui l'amènent à avoir une structure ou un agir
psychologique d'adolescent, tandis que, rendu à 14 ans ou même
à 15 ans dans certains cas, il n'aura pas encore cette structure ou cet
agir psychologique qui pourrait le faire considérer comme judiciable. Et
c'est dans ce sens qu'on souhaiterait que la loi prévoie la distinction,
laisse cela à la compétence de ceux qui seront chargés
d'évaluer l'enfant au moment où ils auront à entrer en
contact avec lui.
Est-ce qu'on est en face de quelqu'un qui a la responsabilité au
moins partielle de ses actes et donc susceptible de se retrouver en cour ou
devant la justice ou si on n'est pas en face de ce cas-là, quelque soit,
par ailleurs, son âge? La distinction de 14 ans est facile, elle est
utile, facilement manipulable; je pense qu'elle est un peu courte au sens
où, psychologiquement, on pourrait se situer; ce qui fait, par exemple,
qu'on se retrouve chez nous, dans la maison, avec des adolescentes qui ont
treize ans. On ne voit pas très bien comment il se fait que des
adolescentes de treize ans soient dans une maison comme la nôtre, il n'y
a pas de raison pour qu'elles soient là et elles y sont quand
même. Ce n'est pas nous qui pouvons en décider autrement. C'est
regrettable, je pense. Une évaluation plus stricte, plus rigoureuse
aurait permis d'éviter cela. Comme, dans certains cas, il faut que les
adolescentes soient peut-être dans la maison, chez nous, elles sont
rendues à un stade où il est nécessaire qu'une
intervention se fasse à ce niveau.
On me permettra de signaler, de façon peut-être un peu
aigre, le fait que. dans certains cas c'est loin d'être l'ensemble
du projet de loi on a l'impression que telle ou telle mention, tel
article du projet de loi est plus réactionnel à l'opinion
publique ou à la peur de l'opinion publique qu'au bien des enfants comme
tel.
Nous avons été évidemment frappés, parce que
nous étions directement concernés, par la mention qui est faite
dans le projet de loi du fait que certaines mesures disciplinaires peuvent
être
prises par les centres d'accueil contre les enfants. Vous allez
retrouver cela au niveau de l'article 128, d'abord pour le
lieutenant-gouverneur en conseil, et, à l'article 6, par rapport aux
centres d'accueil. Il est dit ceci: Les centres d'accueil ne peuvent prendre de
mesures disciplinaires contre les enfants qu'ils hébergent que
conformément, etc., et, à l'article 128, la même phrase est
répétée exactement et on dit ceci: Les mesures
disciplinaires ne peuvent être prises à l'égard des enfants
par le lieutenant-gouverneur en conseil que... Je pense que les centres
d'accueil, malgré tout ce qu'on a pu en dire dans les journaux et,
à cet égard, M. Tremblay a été explicite tout
à l'heure, ont été fort mal jugés et
présentés à l'opinion publique et en particulier celui
dans lequel nous avons la charge de travailler.
Les centres d'accueil ne travaillent pas contre les enfants,
malgré tout ce qu'on peut en dire par ailleurs. Ils font un travail qui
est souvent difficile, souvent ardu et le fait qu'à un moment
donné, dans un texte comme celui-là, on retrouve une certaine
réactivité à l'opinion publique plus qu'au travail qui, de
fait, se fait dans les centres d'accueil, devient à la fois
dévalorisant, démoralisant et devient une source de laisser-aller
ou de goût de laisser faire. L'insistance qui est mise, par exemple, sur
les mauvais traitements physiques dans les centres d'accueil ou,
éventuellement, hors des centres d'accueil, mais, en particulier, bien
sûr, chez nous, parce qu'on a été directement
concerné par cette situation...
C'est une chose qui, bien sûr, existe. Il y en a eu, il n'est pas
question de le nier. Il y a aussi le fait que cela reste épisodique,
cela reste quelque chose qui est malheureux et qui ne doit pas se reproduire,
mais qui reste aussi quelque chose de fort partiel et qui ne correspond pas
à la réalité globale d'une institution comme
celle-là. Je pense que la tonalité est souvent regrettable
à entendre.
Je soulève un point particulier, qui m'apparaît très
caractéristique à cet égard, c'est la
confidentialité du courrier. Autant, je pense, on a un bon exemple de ce
que je voulais dire tantôt par la responsabilité qu'on peut
attendre d'un enfant ou d'un adolescent, autant le droit à la
confidentialité du courrier doit être quelque chose de
sacré et respecté intégralement, autant s'il était
consacré comme tel dans le projet de loi, sans nuance, on se retrouve,
dans un centre comme le nôtre, avec un problème de drogue qui va
courir la grandeur de la maison dans le temps de le dire et avec des scandales
qui risquent d'être autrement plus importants que ceux qu'on a
déjà connus. Parce que, inévitablement, les adolescentes
qui sont chez nous ne sont pas des adolescentes qui fonctionnent comme des
enfants dans une famille normale, elles sont perturbées. Quand on dit
perturbées, c'est qu'elles ont tendance à utiliser
différents moyens qui ne sont pas ceux qu'on retrouve tous les
jours.
A cet égard, une loi trop catégorique au niveau des droits
à la confidentialité du courrier nous mettrait dans une situation
quasi impossible pour protéger l'enfant dans des droits qui sont, me
semble-t-il, fort importants aussi, à savoir sa santé, sa
sécurité au point de vue simplement du fait de ne pas absorber
une quantité de drogue anormale ou hors de propos.
Un point nous apparaît important dans la première partie,
aussi, au niveau de la fonction du directeur de la protection de la jeunesse;
c'est une fonction qui, du point de vue de la base, nous apparaît
capitale au sens où il a en main le centre nerveux de l'application des
mesures que le comité local d'orientation pourrait être
amené à décider. Nous craignons un peu que le directeur de
la protection de la jeunesse ait, de par la loi, beaucoup de pouvoirs; il ne
nous apparaît pas clair, à la lecture du texte de l'avant-projet
de loi, qu'il va avoir à sa disposition beaucoup de moyens nouveaux.
S'il devait avoir la responsabilité directe des enfants, ce que M. le
ministre ce matin a simplement contredit, je pense avec raison que cela devient
une impossibilité, il va devoir déléguer ses pouvoirs;
à ce moment-là, la délégation va se faire à
des gens, je pense, comme des travailleurs sociaux, des officiers de probation
ou des criminologues actuels, qui vont se retrouver devant les mêmes
problèmes que ceux qu'on a actuellement, avec pas plus de moyens que
ceux qu'on a actuellement et dans une situation où on va se retrouver
avec des enfants en centres d'accueil qui ne devraient pas y être, parce
qu'on n'a pas de place où les mettre.
Je pense que le fait de prévoir des pouvoirs spécifiques
ou des responsabilités spécifiques attachées au directeur
de la protection de la jeunesse ne lui donne pas les moyens de réaliser
ces obligations. C'est, on en a parlé du moins, une des faiblesses du
projet de loi que de développer, je pense, avec beaucoup de valeur la
structure qui se situe entre l'enfant et les ministères mais peu entre
le directeur de la protection de la jeunesse et l'enfant comme tel. C'est que
les différents moyens qui pourraient être mis à la
disposition des officiers ou des agents de probation ne sont pas assez
explicités, à notre avis. En ce sens, le ministère des
Affaires sociales a fait un pas dans le bon sens avec l'acceptation du rapport
Bat-shaw; peut-être qu'il y aura des mesures très concrètes
qui pourront suivre de façon plus explicite mais peut-être qu'il
serait intéressant aussi de les insérer dans le projet de
loi.
Dans la deuxième partie de cette première section, sur
l'esprit de la loi, il y a un point qui nous apparaît capital et qu'on
souhaiterait beaucoup mettre en évidence. Par rapport aux adolescentes
qui nous sont confiées, chez nous, en tout cas, c'est l'importance
primordiale de la stabilité dans le processus par lequel on essaie
d'aider l'adolescente qui est perturbée. Il n'est pas rare chez nous de
voir des adolescentes qui arrivent, indépendamment du fait qu'elles ont
eu plusieurs responsables dans leur cas, plusieurs agents de probation, par
exemple, avec quatre, cinq, six placements; je pense que la moyenne est de
huit. J'ai en traitement actuellement une adolescente qui a eu 30 placements et
elle a quatorze ans. Je ne suis pas convaincu que ce soit
bénéfique à l'enfant que
de vivre des situations qui sont des situations de rejet, parce qu'elle
le vit comme cela, indépendamment de ce qu'on peut en dire. Ce n'est pas
le cas de celui qui le fait, bien sûr, mais c'est le cas de l'enfant qui
le reçoit. C'est absolument dévastateur au point de vue
psychologique pour l'enfant que d'être "barrouetté" constamment
d'un centre, d'une maison ou d'un foyer à un autre et cela sans
arrêt, indépendamment du fait que c'est la même personne qui
change chaque fois de place.
Peut-être que l'évaluation, au point de départ,
devrait être mieux faite, de façon plus rigoureuse, que le plan de
traitement devrait être mieux établi, mais une fois qu'on
décide qu'un enfant va avoir besoin de tel type de ressources, si c'est
bien fait, on peut assurer une certaine stabilité qui va lui permettre,
à lui, de créer une relation telle qu'à travers cela il va
pouvoir se retrouver et retomber sur ses pieds. Quand un enfant nous arrive
après avoir subi 15, ou 20, ou 21 placements et ce sont des cas
relativement fréquents c'est désespérant
d'entreprendre de vouloir créer une relation avec lui; il a toujours
vécu une relation qui a duré trois mois et il a été
mis dehors.
Essayer de restituer cela dans un contexte où on va essayer,
nous, d'entrer en contact avec lui et de lui dire que cela va durer, on peut
s'atteler. Cela va prendre un certain temps avant qu'il nous croie que cela va
durer. Quand il commencera à nous croire, il va "tester", il va "tester"
toujours pour être bien sûr qu'on ne le mettra pas dehors. C'est
chanceux si, à ce moment-là, la justice n'intervient pas pour
décider que cela ne sert à rien, qu'on ne pourra pas
réussir et qu'on va le changer de place encore une fois. C'est ce qui
arrive malheureusement.
La stabilité nous apparaît donc extrêmement
importante. A cet égard, le projet de loi demande la collaboration de
l'enfant dans la mesure du possible et nous trouvons que c'est une mesure qui
est fort intéressante. Dans la mesure où elle peut être
acquise, cela doit être maintenu.
Il est peut-être bon de signaler que, dans une perspective qui est
plus psychologique, si vous arrivez avec un délinquant je pense
en particulier au garçon, bien sûr, mais cela va arriver aussi
avec la délinquante et que vous lui demandez s'il est
disposé à suivre tel type de procédure pour réussir
à se sortir des difficultés dans lesquelles il se trouve, il va
vous répondre non, et de façon bien simple. Il va vous
répondre: Non, en aucune façon.
Cela ne veut pas dire je pense que c'est une partie importante du
mémoire qui vous est présenté quand il vous dit non, qu'il
ne veut pas, au fond de lui-même, arriver à sortir des
difficultés à cause même de ce qu'il a vécu,
à cause même de sa situation, à cause même des
frustrations qui l'ont blessé pendant de nombreuses années, il
n'est plus en mesure de vous dire: Oui, je le veux. Il n'y croit plus. Il n'a
plus cette conviction intérieure que c'est possible pour lui d'en
sortir. Alors, n'importe quoi que vous pouvez essayer, il va vous dire non
d'abord.
On table, en un sens, sur le fond positif qu'on croit toujours
présent chez l'enfant ou chez l'adolescent en particulier et on dit: Au
fond, je pense que tu veux, oui, et je vais essayer de prendre le temps de te
faire voir que tu veux, oui. Quand ils ont vu c'est le fait qui se
présente chez bien des adolescents de chez nous et qu'ils savent
qu'ils peuvent en sortir, ils embarquent tout de suite. On n'a plus de
difficulté. Il n'est plus question de les garder en milieu
sécuritaire, ils peuvent facilement sortir les fins de semaine, sortir
pendant les vacances et ils reviennent à la maison. C'est très
facile de le vérifier opérationnellement tous les jours.
Maintenant, le temps de lui faire prendre conscience que c'est possible
d'en sortir, c'est plus délicat. Si on se fie à sa
première réponse, quand il vous dit non, et que tout de suite on
l'envoie devant le juge, on le place dans une situation où il est
porté à s'ancrer davantage devant ses positions. En ce sens, il
nous apparaîtrait que le directeur de la protection de la jeunesse
devrait avoir le pouvoir, même si l'enfant lui dit non, qu'il ne veut pas
collaborer aux mesures, de les lui imposer, indépendamment du processus
judiciaire s'il n'y a pas de conflit ouvert avec les parents. Bien sûr,
si les parents tiennent à maintenir leurs droits sur l'enfant, il y a
une question de conflit où les droits des parents sont en cause, mais il
ne devrait pas nécessairement faire intervenir un juge pour forcer un
enfant à accepter une mesure alors que l'enfant, au fond, la veut
peut-être sans pouvoir le dire qu'il la veut.
Il faudrait peut-être tenir compte du fait qu'on est dans une
situation qui ressemble souvent à cela. A cet égard, au niveau de
la stabilité, le groupe qui nous a précédés parlait
du droit d'appel et nous aimerions le signaler. Il nous apparaît
extrêmement important qu'au niveau des faits, au niveau de
l'établissement des faits, la cour ait toute latitude lorsque l'enfant
s'y trouve, et que l'avocat puisse faire appel tant et aussi longtemps que
c'est nécessaire pour statuer sur l'état des faits. Mais une fois
que c'est fait et une fois que la procédure est suivie jusqu'au bout,
pour assurer même la stabilité du processus, il nous
apparaîtrait important que le droit d'appel soit effectivement
limité au sens où si, à tous les six mois, un adolescent
peut faire appel à son juge pour recommencer toute la procédure
et remettre en cause tout le processus de développement, la
réhabilitation devient littéralement impossible. Elle est
toujours en espérance de pouvoir échapper à des choses qui
sont souvent difficiles à vivre et on n'a aucune chance d'aller la
chercher.
Dans la mesure même où, à un moment donné,
une décision est prise, et fermement prise, il est clair qu'il est
important qu'à ce moment-là tous ses droits soient
respectés, par exemple, mais une fois que la décision est prise,
qu'on ne puisse plus revenir dessus. Je pense que l'enfant, à ce
moment-là, se trouve dans une situation où il doit faire face
à une réalité qui n'est pas facile mais il doit y faire
face et il va apprendre à passer à travers.
A l'égard des droits de l'enfant, il y a un point
qui nous apparaît bien caractéristique, du
côté professionnel où nous nous trouvons, bien sûr,
c'est que les droits de l'enfant tels qu'ils sont présentés dans
le projet de loi, c'est intéressant, cela doit être maintenu dans
sa totalité mais cela doit être étendu au sens suivant.
L'enfant est souvent considéré, dans lavant-projet de loi, comme
un adulte miniature, au sens où on veut lui accorder la même chose
qu'on accorde aux adultes. Il nous apparaît, en particulier comme
professionnels cliniciens, que l'enfant n'est pas un adulte miniature. C'est un
être complet en lui-même à qui il ne manque rien mais qui
est en développement, qui est en mouvement et qui, à ce titre, a
des droits qui sont les siens mais qui ne sont pas nécessairement ceux
d'un adulte. Je pense il doit y avoir des pères de famille parmi
vous qu'il n'y en a pas beaucoup qui laisseraient indifféremment
leurs enfants, je pense, aller jouer avec n'importe qui sans tenir compte de
qui c'est, de quelle sorte de bonhomme c'est, quelles sortes d'habitudes il a
et ce qu'il fait. Ces droits, en ce sens, sont limités. On lui donne la
possibilité d'agir ou d'interagir avec les autres dans la mesure
où on est capable d'évaluer son sens des
responsabilités.
Il ne faudrait pas que le projet de loi arrive à consacrer ce
qu'on appelle, nous autres, une certaine indépendance de fait de
l'enfant, face à toute structure et toute autorité. L'enfant
n'est pas un être indépendant, c'est un être qui, de fait,
est dépendant; que ce soit de sa famille ou de quelqu'un d'autre, il
reste dépendant. Et même dans l'exercice de ses droits il reste
dépendant. Cela nous paraît important qu'à cet égard
le projet de loi soit nuancé, que la dépendance de fait de
l'enfant soit remise en question ou signalée de façon plus forte
dans le texte de loi.
Cela se manifeste en particulier au niveau de la question de
l'âge. De temps en temps, à onze ans, vous vous retrouvez devant
un enfant dont la maturité, à cause même de son
évolution, est nettement plus grande qu'un autre qui a quatorze ou
quinze ans. Puis, peut-être qu'à ce moment il y a lieu, même
si les âges sont différents, de traiter différemment un
enfant de onze ans de celui de quatorze. Ils n'ont pas nécessairement le
même sens des responsabilités, ils n'ont pas nécessairement
la même maturité.
A cet égard, c'est peut-être le résumé, et
peut-être le point le plus central de ce que nous voulons apporter par
rapport au projet de loi, nous nous opposons au projet de loi. Vous le voyez
dans la conclusion; c'est dit: Nous croyons que, tel qu'il est là, il ne
devrait pas être adopté. Ce n'est pas que ce qui est là
n'est pas bon, c'est qu'à notre avis il est encore trop incomplet, il
suit trop la voie actuelle de la réflexion de l'opinion publique, sans
la précéder pour créer le mouvement évolutif qui
nous permettrait d'avoir une loi qui orienterait davantage le mouvement dans
les années à venir. Ce qu'on veut dire par là, c'est que
les droits légaux de l'enfant, en particulier médicaux, ou
appelons cela les droits physiques, si vous voulez, d'un enfant, sont bien
précisés, sont bien structurés, sont bien établis,
et on pense que cela doit demeurer.
L'aspect plus social des droits de l'enfant et en particulier l'aspect
plus psychologique pour ce qui nous concerne ne sont pas mentionnés ou
à peu près pas mentionnés si ce n'est en passant dans le
projet de loi, et cela nous paraît une faiblesse. C'est comme si vous
aviez un livre qui sur la page de droite est bien imprimé et sur la page
de gauche ne l'est que d'une façon épisodique. En ce sens, on
souhaiterait que le projet de loi soit aussi complet du point de vue social et
du point de vue psychologique qu'il peut l'être du point de vue
légal et du point de vue physique. On pense qu'à ce moment on
obtiendrait quelque chose de plus complet, plus susceptible d'aider l'enfant
mais aussi, à long terme, plus susceptible de créer des
ressources et des moyens d'intervention plus efficaces, plus valables
auprès des adolescents en particulier. C'est un peu ce...
Le Président (M. Pilote): Le ministre des Affaires
sociales.
M. Forget: Je vous remercie. J'étais très
intéressé d'entendre ce mémoire. Je pense qu'on a, comme
ses auteurs l'indiquent, certains développements extrêmement
importants et qu'il est très difficile de traduire dans les lois. Je ne
m'arrêterai pas au détail, si vous me le permettez, étant
donné que c'est un mémoire passablement long et assez explicite.
Ce ne sont pas tellement des questions que d'attirer l'attention sur le fait
qu'aujourd'hui, en particulier, on a, à l'occasion, discuté du
sens à donner à l'article 2, et il faut que toute la loi soit
interprétée dans l'intérêt de l'enfant. On proclame
très clairement des droits et, d'un autre côté, on nous
fait part, dans le fond, de l'extrême ambiguïté de cette
notion sur un plan juridique; les considérations que vous amenez, par
exemple, sont que, parfois, même si on consulte l'enfant, il faut pouvoir
prendre des mesures en dépit de lui et dans son intérêt.
Evidemment, je comprends très bien le sens dans lequel vous le
dites.
Je peux imaginer facilement qu'au début d'un programme de
rééducation dans un centre sécuritaire, il n'y a pas
beaucoup de consultations qui vont déboucher sur l'harmonie parfaite et
le consensus. Dans ce sens, les droits de l'enfant ne doivent pas être
interprétés à la lettre, impliquant le droit pour l'enfant
de quitter le centre d'accueil. C'est un cas peut-être évident;
l'autre que vous indiquez l'est peut-être davantage: Jusqu'à quel
point un enfant, tout en ayant des droits, doit-il être
considéré comme indépendant du monde des adultes et
être capable de s'autodéterminer dans tous les cas?
Cependant, je pense que les informations ou les indications que vous
nous avez données seront très certainement utiles pour essayer de
donner un sens le moins ambigu possible à la notion
d'intérêt de l'enfant.
Sur la question des mesures disciplinaires, vous avez avec raison
je le dis parce que le rapport du comité d'étude le dit aussi
affirmé que les centres d'accueil d'ailleurs,
l'Association des centres d'accueil l'avait dit de façon plus
générale avant vous ont souvent été
méjugés à cause
d'éléments particuliers et très isolés. Le
comité d'étude également a dit que, dans l'immense
majorité des cas, les centres d'accueil font un travail valable et qu'il
ne fallait pas se laisser emporter dans nos jugements par certains
éléments isolés. Je crois que cela mérite
d'être répété parce que c'est la
vérité, premièrement, et qu'une autre impression est
susceptible de nous amener beaucoup plus loin qu'il est souhaitable de le
faire.
Malgré tout, le même comité d'étude a
suggéré, relativement aux mesures disciplinaires, qu'il y ait
certaines règles du jeu qui soient précisées. Je ne suis
pas sûr que cela devrait se faire par voie réglementaire, j'ai
plutôt l'impression que cela pourrait se faire dans la loi comme telle,
mais les principes qui sont suggérés par le comité
d'étude semblent, malgré tout, établir des conditions
minimales pour que cela se fasse correctement, que l'application de mesures
disciplinaires, qui sont parfois inévitables dans un centre d'accueil...
En particulier, il cite le fait que la mesure soit décidée par un
tiers et non pas par la personne qui a pu être directement visée
par les incartades de langage ou de comportement d'un jeune; je pense que c'est
normal qu'une personne ne soit pas juge et partie et je crois que la loi
pourrait très bien dire cela.
Il suggère également que lorsqu'il y a implication d'une
mesure d'isolement, qu'il y ait une négligence légale comme on le
retrouve dans le secteur de la santé, dans le fond, s'il y a
l'application de moyens de contention dans un hôpital psychiatrique, par
exemple, qui est une mesure courante, qu'il y ait, à ce
moment-là, un membre du personnel professionnel qui soit constamment en
présence de la personne de manière que ce ne soit pas une
façon de régler le problème et de l'oublier.
Enfin, que toute espèce de mesures disciplinaires, et les raisons
qui leur ont donné lieu, soit consignée au dossier. Des
règles du jeu de ce genre peuvent facilement être prévues,
donnent un sens plus complet et plus concret à la notion des droits de
l'enfant sans malgré tout enlever des possibilités d'action
légitimes de la part des éducateurs et du personnel des centres
d'accueil qui ont, malgré tout, une tâche assez difficile à
assumer.
Je n'ai pas de question. Je crois qu'il était peut-être
opportun d'apporter cette précision pour souligner
l'intérêt des remarques qu'on vient d'entendre. J'aimerais
féliciter le groupe qui les a faites et les remercier de leur
présence devant nous.
Le Président (M. Pilote): L'honorable député
de Saint-Jacques.
M. Charron: M. le Président, je veux remercier aussi les
gens de la Maison Notre-Dame-de-Laval de ce témoignage très
personnel et dont on avait besoin.
J'ai l'impression que vous avez utilisé une approche que personne
n'avait employée encore. Il y a non seulement quelques-unes des
remarques que vous avez faites, mais quelques passages du mémoire que
j'ai parcouru hier sur lesquels j'aimerais revenir, parce que ce sont des
suggestions nouvelles. Prenons la première qui me vient à
l'esprit. Vous mentionnez à un endroit qu'il serait important qu'il y
ait une contribution des parents. Je ne me rappelle plus à quel endroit,
mais j'ai vu cela, qu'il y ait une contribution des parents, fixée par
le directeur de la protection de la jeunesse, au traitement de l'enfant, une
fois qu'il aurait été retiré et placé en centre
d'accueil. J'aimerais que vous défendiez non seulement la philosophie de
cette suggestion, mais que vous en manifestiez la faisabilité, quand on
sait le milieu d'où peuvent provenir ces gens.
M. Foucault: Au niveau de la philosophie, je n'ai pas de
difficulté. Si je ne me trompe pas, au moment où la
recommandation est formulée, on ne demande pas que ce soit statué
dans la loi que les parents doivent contribuer, mais que ce soit laissé
à l'initiative du directeur de la protection de la jeunesse...
M. Charron: C'est cela, oui.
M. Foucault: ...pour que lui puisse évaluer si, de fait,
les parents peuvent le faire ou pas et l'imposer selon que les parents peuvent
ou non le faire. Dans le cas du principe philosophique qui est en dessous, il
est bien sûr que, si on peut amener les parents à collaborer
à la réhabilitation et à la rééducation de
l'enfant, on a 90% des chances de réussir.
M. Charron: Vous croyez que, si l'argument de l'argent est en
jeu, vous allez attirer encore plus l'attention des parents au traitement que
reçoivent leurs enfants dans un centre d'accueil.
M. Plamondon (Germain): C'est-à-dire qu'on ne s'adresse
pas à ce moment-là ou, du moins, très peu à la
notion d'argent et beaucoup plus à cette participation d'ordre
psychologique ou à ce qu'ils peuvent apporter en tant que parents.
Alors, ce n'est pas, pour nous, une question de rémunération
comme telle pécuniaire ou économique, mais il s'agit d'amener les
parents justement à cette participation concrète dans le
traitement de leur enfant.
M. Charron: Mais je ne dis pas qu'on veut faire de l'argent avec
cela. Je veux dire: Vous croyez que l'intérêt économique
est tel que, si les parents ont $25 à $30 par mois à payer pour
cela, ils vont, étant donné que chacun est très soucieux
de l'utilisation de son avoir, faire plus attention que si... Je trouvais cela
curieux parce qu'il me semble qu'un centre d'accueil ou un directeur peut
développer d'autres moyens pour attirer l'attention des parents sur ce
qui arrive à leurs enfants.
M. Plamondon: Je répète ce que je viens de dire: Ce
qui est important pour nous, ce n'est pas cette notion d'ordre
pécuniaire justement; c'est
d'amener les parents, dans la mesure où ils sont capables,
à une participation, mais vraiment à une participation au plan du
traitement comme tel et non pas d'ordre économique.
M. Charron: Ah bon! C'est parce qu'il mentionnait d'ordre
économique.
M. Foucault: Je vais vous lire la recommandation, si vous voulez.
La recommandation 19 dit ceci: "Que l'avant-projet de loi exige une
participation active des parents au processus d'aide apportée à
leur enfant. Que cela soit laissé au jugement du directeur de la
protection de la jeunesse, en particulier pour la responsabilité de
fixer la participation financière qu'on pourra exiger des parents...
M. Charron: Bon, c'est cela.
M. Foucault: ...s'il y a lieu. Si, à un moment
donné, quand on met un enfant en isolement, on exige de
l'éducateur qu'il aille le voir toutes les cinq minutes, de telle sorte
qu'il ne s'en débarrasse pas comme cela, mais qu'il soit obligé
d'entrer en contact avec lui, il est bien sûr que, si on force les
parents d'une certaine façon à poser des gestes, ils ne se
débarrasseront pas non plus de l'enfant parce que c'est tentant de se
débarrasser de l'enfant et de l'envoyer au centre d'accueil. Une fois
qu'il est là, on l'oublie.
M. Charron: Vous devancez ma question. Est-ce un
phénomène courant, le désintérêt des parents
à l'égard des enfants qui vous sont confiés?
M. Foucault: Si je me réfère à ce que je
connais du réseau, il semble bien que, plus les difficultés des
enfants sont grandes, plus les parents s'en désintéressent. Chez
nous, on peut calculer que 80% des enfants ont des familles brisées,
dont les parents ne s'occupent plus ou dont les parents ne veulent plus.
M. Charron: Complètement seules quand elles vont sortir du
centre.
M. Foucault: Quand elles sortent, il faut pratiquement qu'elles
soient autonomes pour être capables de fonctionner adéquatement;
autrement, il est trop tard; il n'y a personne pour les prendre en
relève. Souvent, les expériences qu'elles ont vécues sont
tellement négatives qu'il n'est pas question d'envisager de foyer de
remplacement ou de foyer d'accueil; elles ne veulent plus en entendre parler,
mais il faut les préparer à fonctionner de façon quasi
autonome. On est en train d'essayer de penser à des foyers de groupes,
mais je veux dire...
M. Charron: Oui.
M. Charest (Pierre): La preuve de ce qu'il avance c'est que,
souvent pour l'adolescente, c'est la première fois qu'elle a une
chambre.
M. Charron: Oui.
M. Charest: Une chambrette qui lui appartient dans
l'unité, c'est la première chambre qu'elle a. Parce qu'elle n'en
a pas chez elle, ou elle n'en avait pas. Même lorsqu'elle sort, que ce
soit pour une fin de semaine ou pour des vacances, lorsqu'elle va chez elle,
elle ne retrouve pas une chambre.
M. Charron: Vous avez mentionné aussi une objection que
d'autres groupes avaient signalée avant vous, savoir la limite de six
mois de traitement, de séjour dans un centre d'accueil. Pour ma part,
tel que j'ai suivi les travaux de la commission et tel que j'ai entendu le
ministre l'expliquer également, cela m'a toujours apparu comme
n'étant pas une obligation que d'y mettre fin après six mois,
mais qu'on procède à une réévaluation de six mois,
laquelle évaluation, si elle s'avère positive, dans le sens de
poursuite du traitement, il n'y a pas d'objection; il n'est pas question de
retirer un enfant à qui, après une évaluation, on aurait
dit: II est nécessaire de maintenir le traitement.
M. Charest: Par rapport à cela, quant aux professionnels
qui travaillons au centre, cette évaluation se fait, je pourrais dire,
quotidiennement. Mais je pense que le fait que Pierre voulait souligner est
que, tout ce qui est impliqué ou tout ce qui peut être
impliqué, par exemple, du point de vue judiciaire, si on fait cette
révision au bout de six mois et qui peut être en somme, à
un moment donné, une contre-indication au traitement comme tel...
M. Foucault: Ce que je veux dire par cela, c'est qu'il
m'apparaît important de distinguer bien clairement que
l'évaluation est faite nettement plus souvent qu'à tous les six
mois dans la maison pour voir où on en est rendu; est-ce que le plan de
traitement est suivi? Est-ce que cela avance? A tous les six mois, c'est bien
sûr que c'est bien trop long; régulièrement l'adolescente
est suivie chaque semaine et il y a une étude de son cas chaque mois,
à peu près, pour savoir où on en est rendu.
Au point de vue judiciaire, que le responsable de l'enfant soit
informé régulièrement, à tous les six mois, de
l'état ou du développement du traitement, très bien. Que
cela ne remette pas en cause, dans l'esprit de l'enfant, le fait qu'il est
impliqué dans un processus et que ce processus doit se poursuivre. Cela
nous apparaît extrêmement important, parce que... Essayez de penser
à l'adolescente de 15 ans qui vit quelque chose de pas facile, au sens
qu'elle est en train de prendre conscience d'un paquet d'affaires qui ne font
peut-être pas son affaire, mais dont elle est obligée de prendre
conscience. Si on lui offre la possibilité d'en sortir dans six mois,
trois mois avant, elle ne bronche plus. C'est un peu comme aux Etats-Unis,
quand le président sera réélu, il attend, il ne fait plus
rien jusqu'à ce que la réaction soit passée. C'est un peu
la même chose pour l'adolescente, elle attend que le jugement de la cour
soit venu et là, si je suis libérée, je m'en tire. Alors,
pendant trois mois
elle ne fait plus rien. Elle perd littéralement trois mois et
elle prolonge son séjour de trois mois, parce qu'elle attend le jugement
de la cour. Si le processus n'est pas remis en cause à tous les six
mois, mais que l'évaluation est refaite et au besoin que l'enfant soit
consulté, oui, mais le processus n'est pas remis en cause,
nécessairement.
M. Charron: Est-ce qu'il n'y a pas une autre raison, aussi, je
vous demande presque de me répondre par oui ou par non? Est-ce que vous
ne craignez pas qu'à l'occasion, contrairement à votre avis
professionnel sur l'évolution d'une adolescente, par exemple, qui vous
est confiée à Notre-Dame-de-Laval, pour une raison ou pour une
autre, le secteur judiciaire propose un avis contraire à celui que vous
pourriez formuler professionnellement?
M. Foucault: Je ne voudrais pas être trop dur dans ma
réponse, mais je ne vous cache pas que les expériences que nous
venons de vivre dans la maison, au cours des trois dernières semaines,
me porteraient à être assez mordant. Oui, cela arrive. Cela arrive
et c'est particulièrement, à notre avis en tout cas,
désastreux pour les adolescentes et démoralisant pour le
personnel, en ce sens qu'à un moment donné vous avez un processus
qui est impliqué, l'adolescente, simplement, s'y conforme. Vous savez,
une bonne délinquante est comme n'importe quel bon délinquant, si
vous les embarquez dans un système ils s'y conforment.
Et, après quatre mois, il a acquis la conviction qu'il peut en
sortir, c'est déjà quelque chose, et il a acquis en plus la
conviction qu'il est capable de fonctionner parce que là cela fait
quatre mois qu'il fonctionne et qu'il ne fait de "flagosse" nulle part. Son
affaire va bien. Seulement, il ne réalise pas qu'il est
structuré, qu'il est encadré et qu'il est protégé.
Alors, il se présente devant son juge et il demande d'être
libéré et il dit: Je fais cela, cela et cela et il n'y a plus de
problème, je suis capable de me trouver une job et cela va marcher. Le
juge décide de la fin du traitement. Je pense, avec tout le respect
qu'il faut avoir pour les juges, qu'ils n'ont pas la compétence pour
décider si le traitement est fini ou pas. Que l'évaluation
décide de la qualité ou du type de traitement qui est
nécessaire et, une fois que cela est décidé ou qu'il a
fait son statut avec le juge, qu'il a pris sa décision, que la fin du
traitement soit laissée aux professionnels qui en sont responsables et
non pas à la cour. Je pense que cela est indispensable parce qu'on n'a
pas de possibilités autrement. Le personnel qui est impliqué dans
le processus de réhabilitation avec l'adolescente est habituellement pas
formé ou peu formé. Il se forme au fur et à mesure de son
expérience, mais il devient, à un moment donné,
profondément engagé face à l'adolescente; s'il a la
frustration de voir son travail brisé par une décision
extérieure qui lui apparaît bien souvent arbitraire, il se
démoralise et il s'en va.
Alors, on a un taux de roulement qui fait qu'on est toujours en train de
former du personnel et de recommencer à zéro.
M. Charron: Bon, vous vous êtes conduit vous-même
à ma dernière question sur ce sujet. Vous avez mentionné
tout à l'heure l'importance de la stabilité pour une enfant, non
seulement dans son lieu de séjour, ne pas faire 30 places ou 15 places
en dedans de trois ans, mais j'imagine, même à l'intérieur
d'un temps de séjour, une stabilité dans le milieu avec lequel
elle évolue. Si elle doit changer de figure perpétuellement, cela
ne doit pas, j'imagine, faciliter, si j'ai bien compris ce que vous disiez
tantôt, son développement. En m'adressant au directeur de la vie
de groupe de Notre-Dame-de-Laval, j'aimerais que vous me traciez rapidement
à l'intention des membres de la commission puisque ce centre est un des
plus importants de Montréal, un portrait de la mobilité du
personnel et de la formation du personnel à Notre-Dame-de-Laval.
M. Plamondon: Je pense qu'il est connu quand même que, dans
la plupart des centres d'accueil, nous avons une rotation de personnel
relativement grande, j'apporterais quand même une nuance, de l'ordre
peut-être globalement et je nuancerai après de 25%
à 30%. Par contre, il faut aussi distinguer la rotation qui se passe du
côté de la détention par rapport à ce qui se passe
du côté de la rééducation, parce que, le processus
au niveau du personnel est généralement beaucoup plus stable au
niveau de la rééducation qu'il ne l'est au niveau de la
détention. M. le ministre disait tout à l'heure que
c'était un milieu de travail extrêmement complexe,
extrêmement difficile. Par contre, au niveau de la
rééducation, il est plus facile d'impliquer l'éducateur ou
l'éducatrice à travers tout le processus qu'on fait suivre
à l'adolescente, au niveau de la continuité du traitement, ce qui
n'est pas le cas, bien sûr, en détention, du fait que
l'adolescente reste là trois jours, cinq jours, deux mois ou trois mois,
mais avec une rotation très grande aussi au niveau des adolescentes, qui
sont très peu connues en termes d'évaluation; à ce moment,
on se retrouve donc avec des groupes qui peuvent être ou bien très
perturbés ou bien très calmes, mais, de toute façon, avec
une hétérogénéité très grande
Alors, cela provoque nécessairement une relation encore plus
grande du côté du personnel, du côté de la
détention.
M. Charron: Je me rappelle, quand je suis allé à
Notre-Dame-de-Laval, d'avoir discuté avec des employés, des
syndiqués et les deux membres du syndicat avec qui je m'étais
entretenu dans une des unités me disaient qu'une avait un an et demi et
l'autre deux ans d'existence dans la maison et elles étaient les deux
plus vieilles employées.
M. Plamondon: C'est un fait. Si on sortait les statistiques
là-dessus, les plus anciennes se situent peut-être à
environ trois ans, mais ce sont des exceptions. Quelques-unes sont à
deux ans, mais on a actuellement une moyenne peut-être d'un an et
demi.
M. Foucault: C'est vrai du côté de Franc-Bord tout
particulièrement; c'est moins vrai du côté du Tournesol, en
rééducation, où vous avez des édu-catrices qui sont
plus âgées que moi, mais j'ai quand même quatre ans dans la
maison. Il y a des éducatrices qui sont nettement plus stables du
côté du Tournesol, mais le travail est aussi plus gratifiant, au
sens où on voit l'adolescente progresser, on la voit avancer. Alors,
c'est nettement plus intéressant, c'est bien sûr.
M. Charron: Je vous remercie.
Le Président (M. Pilote): On vous remercie, messieurs. A
moins qu'il y ait d'autres questions? J'inviterais MM. Walter Lienert et Claude
Guillemette, porte-parole des officiers de probation, à titre
personnel.
Officiers de probation (à titre
personnel)
M. Guillemette (Claude): M. le Président, messieurs, moi,
c'est Claude Guillemette; lui, c'est Walter Lienert. Si vous me permettez un
rappel de quelques lignes d'un poème de Khalil Gibran qui dit que vos
enfants ne sont pas vos enfants, ils viennent à travers vous, vous
êtes...
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, est-ce que je
peux poser une question, s'il vous plaît, avant que ces messieurs
débutent?
M. Guillemette: Oui.
M. Bellemare (Rosemont): Vous êtes ici à titre
personnel?
M. Guillemette: Oui, à titre d'officiers de probation.
M. Bellemare (Rosemont): Les officiers de probation.
M. Guillemette: Oui.
M. Bellemare (Rosemont): Au départ, j'ai lu votre texte en
diagonale; cela m'inquiéterait que vous soyez le mien, en partant, et
vous nous dites que c'est la secrétaire qui a écrit la lettre
à la machine, excusez les fautes. Est-ce que vous avez une
secrétaire pour deux officiers de probation?
M. Guillemette: Non, ce n'est pas le contexte. Moi, je suis
à Val-d'Or et j'ai une secrétaire; lui est à Rouyn avec
d'autres officiers de probation et ils ont une secrétaire.
M. Bellemare (Rosemont): Mais vous représentez seulement
vous deux?
M. Guillemette: On représente seulement nous deux, on ne
représente pas le service; c'est en notre nom personnel, au nom de
Claude Guillemette et de Walter Lienert.
M. Bellemare (Rosemont): D'accord.
M. Guillemette: On travaille dans la probation.
M. Bellemare (Rosemont): C'est ce que je voulais faire
préciser, merci.
M. Guillemette: Le poème qui dit que vos enfants viennent
à travers vous; de même qu'il aime la flèche qui vole, il
aime l'arc qui est stable.
Nous autres, on a relu notre mémoire et on essaie aussi de se
tenir au courant de ceux des autres qui suivent tout cela. On garde un peu la
même position qu'avant. On a trois points majeurs; c'est la faiblesse du
statut accordé aux jeunes, le traitement répressif
réservé aux délinquants. Le troisième point qui est
soulevé au niveau des structures, cela, je pense qu'on peut le
concéder bien facilement, ce n'est pas notre inquiétude à
nous autres. Par contre, pour d'autres développements qui ont
été faits, nous autres, on est assez d'accord pour l'ouverture du
huis clos et pour garder une espèce de lien personnel avec le
collaborateur, avec l'enfant, puis moi, on est pris de même.
Pourquoi nous disons cela? C'est à partir de nos
expériences quotidiennes, on ne fait que cela, de la probation, puis
à cause des trous qu'on croit remarquer dans les deux lois
antérieures, la Loi des jeunes délinquants et la Loi des
écoles de protection. On trouve que le projet de loi reproduit les
côtés déplaisants de ces deux lois, les trous qu'il y a
dans les deux autres; on trouve que c'est une protection possessive et on
trouve que notre principal mouton noir, dans la Loi des jeunes
délinquants, c'est l'article 9. Et c'est reproduit dans une autre forme,
même dans ce projet de loi, quand on parle de la partie
délinquante. La réponse qu'on veut essayer d'apporter, c'est
qu'il faudrait peut-être aller encore plus avant que cela et laisser les
jeunes vivre. Si on donne les moyens au jeune, bien souvent, il est bien plus
capable qu'on pense.
Il a un grand degré de capacité et de compréhension
de lui-même et c'est peut-être, en résumé, un pari
à prendre avec ces jeunes.
M. Lienert (Walter): Je voudrais seulement renchérir un
peu en disant que nous avons essayé de voir le projet de loi à
travers les yeux de l'enfant et nous pouvons dire que ce n'est pas facile. Ce
n'est pas facile d'expliquer à l'enfant qui est devant un tribunal qu'il
perd de la crédibilité. Je m'explique.
L'enfant commet une infraction au code de la route. Cela passe par la
machine du ministère des Transports et du ministère de la Justice
et il reçoit une réclamation pour un montant. Le montant peut
aller on a eu des cas à $50 alors que la Loi sur les
jeunes délinquants dit que le maximum, c'est $25. Donc, parfois il
arrive que l'enfant a payé son montant et il est amené par la
cour quand même à cause de bonnes raisons administratives mais il
se trouve devant le juge et qui va lui remettre ses $25? Lui, il sait qu'il a
payé $25 de trop. Le juge lui dit: Cela, ce n'est pas mon
problème. On essaie de faire éclaircir la chose au niveau du
ministère pour avoir, nous, vis-à-vis de cet enfant, une certaine
crédibilité et on nous dit: C'est ainsi.
Alors, les $25, ce n'est pas grave. Mais, après cela, on est pris
avec un enfant qui se dit: Leur affaire, elle ne marche pas. Quand on arrive
avec de la motivation vis-à-vis de cet enfant, on trouve que ces
tracasseries sont plus importantes qu'on peut le penser. Lorsqu'on essaie de
voir cela à travers les yeux de l'enfant je pense qu'on l'a
répété à l'autre commission parlementaire à
laquelle on est venu c'est le jargon du sine die, tout cela. L'enfant
est perdu là-dedans. Il ne se sent pas chez lui. Il se sent
obligé de jouer le jeu de l'adulte.
En gros, nous, si on pouvait juste... Vous avez demandé, à
une couple de reprises, pour nous, c'est quoi, l'intérêt de
l'enfant. Si on pouvait vous le dire, j'essaierais de vous dire que c'est si,
à chaque article de la loi, on se posait la question suivante: De quelle
façon j'aide l'enfant comme tel et non pas le gars qui est sur la
machine, l'autre qui est chargé de l'administration des greffes?
C'est un autre exemple. Les greffes ont décidé de
centraliser leur mode de paiement. On a une Cour de bien-être avec notre
greffier et tout cela. Mais, pour des raisons administratives qui sont
certainement valables, on dit à l'enfant: Va payer ton amende en haut
avec les adultes. Donc, je suis sûr qu'on n'a pas regardé l'enfant
et qu'on n'a pas été prêt à payer le prix que cela
aurait coûté pour le traiter en enfant. On dit: Bon, c'est
cela.
M. Guillemette: Tout à l'heure, M. le ministre, à
un autre groupe, vous avez demandé: Est-ce qu'il y a une omission dans
la loi? Lui, il vous parle de l'utilisation des mots "intérêt de
l'enfant". Dans l'autre projet de loi, il y a deux ans, on disait à un
moment donné: Le juge peut dispenser l'enfant de comparaître si
son meilleur intérêt exige qu'il soit ailleurs, probablement
à l'hôpital ou quelque part. Dans le nouveau projet, on a
corrigé, on dit: Avec le consentement de l'enfant. Mais si l'on gratte
là-dedans, on s'aperçoit que ce n'est pas l'enfant qui est
dispensé, c'est la cour qui se dispense. Son meilleur
intérêt va être là où va se décider son
affaire. Autrement on va lui donner deux billets pour aller à une partie
de hockey et on va lui régler son afffaire. S'il est à
l'hôpital, la cour doit être capable d'attendre. C'est pour cela
qu'on dit qe l'intérêt de l'enfant, nous on ne le voit pas de la
même façon que vous autres parce que le petit gars il nous dit que
ce n'est pas cela. Jeudi passé, il y en a un qui vient me voir et il me
dit: Cela n'a plus de bon sens, Claude, cela fait X fois que je me fais
arrêter par la police. C'est réellement un cas grave. Je me
chicane avec le juge pour que le juge dise à la police de ne plus
l'arrêter. Je pensais même ce matin que la meilleure réponse
était peut-être de vous le dire à vous, M. le ministre.
Quand le ministre dit: Au jour J je suis sûr qu'il n'y a pas d'enfants en
prison, je dis qu'il ne doit pas être sûr parce que moi je suis
seulement le plus petit représentant du ministre à Val-d'Or et il
m'arrive que je ne le sais pas. C'est bien simple, ils viennent des fois me
parler à la maison; en fin de semaine, mon téléphone reste
ouvert et, quand je suis fatigué, je dis à ma petite fille: Dis
que je ne suis pas là. Des fois, je le sais une semaine après
parce qu'il y a un des deux qui est venu me le dire. Voyez-vous dans quelle
situation on est placé? On est là-dedans et c'est pour cela qu'on
dit: les côtés déplaisants qui existaient auparavant
vis-à-vis des enfants, ils sont encore là.
Dans le nouveau projet, il y a une notion nouvelle, les trois ans. Mais
ces trois ans réfèrent à un délit qui a
été commis par un adulte. Bien, tout de suite, cela me
paraît faux; ce n'est pas un adulte, c'est un enfant. Pourquoi
réfère-t-on à un gars de 30 ans, quand c'est un gars de
quinze ans? Je sais bien que, si c'était un homme de 30 ans, c'est autre
chose qu'il aurait, lui. Puis l'enfant, on ne peut pas le référer
de cette façon. C'est pour cela qu'on dit que, dans les autres lois
avant, il y avait ces failles, puis on revient d'une autre façon,
peut-être.
On avait toute une série d'exemples de petits bonshommes qui nous
disent des choses. C'est pour cela qu'on marquait cela dans notre
mémoire; c'est peut-être un peu balourd, cette affaire C'est parce
qu'on est toujours pris avec cela, nous autres. Les gars qu'on a, le jeune
qu'on a, il nous demande toujours des choses, puis des fois lui-même il
nous dit des choses. Il ne me pose pas une question. Ce qu'il m'a
demandé jeudi passé, là je l'ai compris ce matin. Il faut
que je vous le dise, mais il faudra que je retourne le dire encore au juge et
peut-être aller le dire au chef de police, parce que cela n'a vraiment
plus d'allure. Le petit gars, il va croire encore à moi.
Voilà peut-être deux mois je me suis rappelé
cela ce matin le juge m'a promis de prendre cet enfant, de le
présenter à la cour et de servir son avocat, à cet enfant.
Littéralement, à trois reprises on a ajourné. On avait
pris cinq causes. J'y suis allé tout seul avec le petit gars et
remarquez que l'aide juridique était là, disponible, et le
procureur de la couronne était là. Moi et le procureur de la
couronne, on ne marche pas toujours. Je suis allé tout seul avec le
petit bonhomme. On s'est entendu sur trois causes et je pensais que
c'était seulement cela. On est revenu devant le juge, on a plaidé
coupable. Il a dit: Vous ne pouvez pas continuer sur les autres aussi? On y est
retourné et ce n'était pas des peccadilles. A un moment
donné, il faut que je lui donne sa réponse.
Il est venu encore vendredi passé me dire cela. La
réponse, c'est même lui qui me l'a donnée. Il m'a dit
à un moment donné qu'au commencement il était bien
monté contre la police. Ensuite, il est allé à
l'hôpital et il est revenu une heure plus tard. Là, il parlait un
petit peu mieux. Il me dit, à un moment donné: Qui est
responsable de toute cette affaire? Il dit: C'est toi, Claude, et c'est Diane
à côté, c'est moi et c'est tout nous autres. Si ce petit
bonhomme qui est vraiment perturbé de même et qui vient tout juste
d'avoir ses seize ans, comprend cela, il me semble que cela doit se voir.
M. Lienert: C'est difficile de parler au nom de l'enfant, mais on
a essayé à notre façon.
M. Forget: Je suis très intéressé à
ce que vous dites, parce que ce que vous essayez de cerner, et
vous le faites de façon très concrète, c'est ce que
beaucoup de gens essaient de cerner avec des mots, mais c'est beaucoup plus
difficile parfois de le faire avec des mots qu'avec des exemples concrets:
c'est l'intérêt de l'enfant.
Ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que, lorsque vous
essayez d'aider un jeune, il y a tellement de gens qui interviennent à
droite et à gauche que vous n'êtes plus capables de
contrôler la situation, vous n'êtes plus capables de vraiment
l'aider parce qu'il n'a plus confiance en vous. Est-ce essentiellement
cela?
M. Guillemette: Pas tellement qu'il y a des gens qui
interviennent, mais qu'il y a des situations. A un moment donné, on
parle de législateurs anonymes. Je suis obligé de regarder le
tableau en haut parce que la loi remonte à 1927. Je ne sais même
pas qui l'a faite à ce moment. Je ne peux pas accuser quelqu'un. Si
c'était seulement vous, je pourrais m'obstiner avec vous, mais l'autre,
il n'est même plus là. Je vois quand même qu'il a
resté des trous, mais, à cause de cela, on est pris avec
cela.
M. Forget: Le trou en particulier, est-ce que ce n'est pas ce
qu'on essaie de combler par le comité d'orientation? Le rôle de ce
comité sera justement d'éviter que vous comme officier de
probation, que les services sociaux d'un autre côté, que la cour
ou le procureur interviennent de leur façon à eux, chacun de son
côté, vis-à-vis d'un même enfant.
On veut s'assurer que la décision est prise, en tenant compte du
point de vue de la justice, du point de vue des services sociaux, mais de
prendre une décision et de la prendre rapidement. Est-ce que cela ne
vous paraît pas une façon de trancher, de boucher ce trou, pour
employer votre expression?
M. Guillemette: Ce n'est peut-être pas qu'il n'y a pas de
décisions de prises, il y en a peut-être trop de prises, c'est
pour cela que nous autres... Elles sont possessives.
M. Forget: II va y en avoir une, là, il n'y en aura pas
cinq.
M. Guillemette: Oui, mais elles sont possessives. On prend
l'enfant... et après cela, il reste pris là-dedans. Moi, un des
principaux griefs que j'ai toujours eus, cela a été que j'ai eu
des sentences indéterminées et j'ai demandé à peu
près à tout le monde d'essayer de m'aider là-dessus. On
disait: Non, c'est impossible, parce que le gars va penser qu'il fait du temps
quand il est en institution. Il a fallu que je leur dise moi-même:
Pourtant, tous les enfants qui vont à l'école savent que
l'école commence en septembre et va finir au mois de juin. Ils ne
passent pas tout leur temps à faire du temps.
Si les enfants ordinaires sont capables de comprendre cela, pourquoi les
autres enfants que nous avons ne peuvent-ils pas comprendre cela aussi un peu?
L'éducateur, lui, a un problème. C'est difficile de fixer le
temps et cela joue, à un moment donné, carré comme cela.
Le petit bonhomme est là, il accepte d'aller en institution et il dit au
juge: M. le juge, je veux savoir pour combien de temps. Puis, le juge dit: Je
ne peux pas déterminer ton temps, c'est l'éducateur qui va te
dire cela. Mais il dit: Je voudrais savoir combien de temps je vais être
là. Mais l'éducateur dit: Cela va dépendre de toi, en
voulant dire de ta démarche, de cela. Bien, il dit: Si cela
dépend de moi, ce ne sera pas long que je vais m'en aller.
M. Lienert: Vous riez, mais on serait porté à
pleurer.
M. Forget: Oui, mais comment réglez-vous cela?
M. Guillemette: Bien, comment voulez-vous régler au moins
vis-à-vis d'une institution? Je peux dire: Quand tu t'en vas à
telle place, c'est basé sur un cours de métier et cela prend deux
termes scolaires. Il est capable de comprendre cela? Un cours de métier,
cela ne s'apprend pas dans deux semaines.
M. Charron: Mais il y en a des maisons qui marchent de
même. Il y en a des maisons comme cela!
M. Guillemette: On marche de même nous aussi.
M. Charron: Oui.
M. Lienert: J'aimerais juste souligner l'intervention de ceux qui
étaient avant nous à Notre-Dame-de-Laval et qui parlent d'une
contribution. A ma connaissance, il y en a une obligatoire pour tout enfant
placé dans une institution selon les barèmes. Le ministère
a fait parvenir aux centres de services sociaux une directive disant que, selon
les allocations familiales et les revenus de... On est là à
demander cela quand on l'a. On demande la scolarisation, on a
déjà des lois, le Code scolaire. C'est là qu'on se dit:
L'intérêt de l'enfant serait peut-être de tenter de
coordonner tout ce qu'on a déjà parce qu'on se dit:
Décider aujourd'hui avec une nouvelle loi quelque chose qui est
déjà décidé dans un autre et qu'on n'applique pas.
Comment ferons-nous aujourd'hui pour appliquer celle-là?
C'est là que nous autres on se perd avec l'enfant. Pour des
choses qui existent déjà, on dit: II n'a pas droit à plus
que $25 d'amende et il reçoit $50, puis il paie et cela a l'air correct,
toute cette affaire, et cela ne devrait pas être correct. C'est dommage
que je n'aie pas amené ces documents. J'ai fait de la correspondance
avec le ministère de la Justice pour essayer de comprendre ces choses,
pour pouvoir les dire à mon enfant, si je viens à les comprendre,
mais tant que je ne les comprendrai pas, je ne pourrai pas les lui faire
comprendre. Mais je n'ai rien eu encore. C'est cela qu'on essaie de venir vous
dire aujourd'hui.
M. Forget: Oui, vous avez des éléments de solution
malgré tout, si on veut essayer de distinguer les choses, prenez votre
exemple d'amende, c'est vrai, vous avez une amende de $50 dans la loi
provinciale et vous avez une limite de $25 dans la loi fédérale
sur les jeunes délinquants,
M. Lienert: Exactement.
M. Forget: Mais il y a quand même une situation qui va
être plus claire quand la loi fédérale va être
changée et va dire: La question fédérale est simplement
l'application du Code criminel quand c'est un mineur qui commet une offense
criminelle. Là, il ne sera plus question de mélanger les choses.
Quand on va appliquer la loi des jeunes délinquants, on va appliquer
cela, point.
Maintenant, dans la loi provinciale, il va falloir dire que lorsqu'on
commet une infraction à une loi provinciale ou à un
règlement municipal, ce qui revient au même, mais à ce
moment, c'est la Cour de bien-être social qui est compétente et,
indépendamment de ce que toute autre loi peut dire, les sanctions qui
peuvent être adoptées sont les sanctions que prévoit la Loi
de la protection de la jeunesse.
Je crois que ce genre de problème va être
réglé. Il sera réglé parce qu'il ne sera pas
question de modifier l'effet d'une loi provinciale dans une loi
fédérale. Les deux choses seront carrément bien
identifiées.
J'ai l'impression à moins que je ne comprenne pas la
nature de votre intervention que s'il y a trop de monde qui décide,
évidemment, on est dans une situation impossible. Le comité local
d'orientation cherche justement à faire prendre les décisions par
un même organisme, que ce soient des conséquences judiciaires ou
des conséquences de services sociaux. A partir de ce moment, les
officiers de probation qui continueront, comme vous le savez, à
intervenir dans les cas qui leur seront confiés il n'y a pas de
doute là-dessus parce que c'est une des mesures qui va rester, qui va
demeurer, qui est nécessaire n'auront pas à se demander de
qui ils relèvent, à qui ils se rapportent et qui est responsable
de la décision. Je pense que cette question sera assez bien
clarifiée.
Evidemment, il ne faut pas supprimer les différences de points de
vue entre les gens qui ont une opinion et d'autres qui en ont d'autres, mais,
de toute façon, ce n'est pas par les lois qu'on va régler
cela.
M. Lienert: Justement, on a le cas des Bérets blancs. On a
eu une cause dans notre bout. Les Bérets blancs ne croient pas à
l'école. Il y a quelqu'un qui a dit: II faudrait bien leur montrer que
dans le code scolaire, il y a une obligation d'aller à l'école.
Ils ont fait une grosse cause et cela a eu pour conséquence qu'ils ne
sont pas plus allés à l'école.
Mais on se dit: On les a toutes. Si on pouvait seulement se servir des
lois que nous avons, on serait un peu mieux, mais espérons, comme vous
dites que...
M. Forget: Je suis tout à fait d'accord avec vous
là-dessus. Je n'ai pas d'autres questions.
M. Charron: Merci, M. le Président.
M. Bellemare (Rosemont): J'aimerais savoir de la part de ces deux
messieurs quelle est la pensée de vos confrères qui sont comme
vous des agents de probation, suivant le document que vous nous
présentez. Avez-vous fait des sondages parmi eux?
M. Lienert: Non. On peut vous dire que nous n'avons pas fait de
sondage. C'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas
présentés au nom de tout ce monde. Nous pouvons vous dire que, vu
la situation telle que décrite dans le rapport Batshaw vis-à-vis
de la probation, dans laquelle on est sensiblement en état de crise, nos
rapports avec nos confrères des grands centres se sont un peu
amenuisés.
M. Guillemette: J'aimerais peut-être ajouter que nous ne
voulons pas non plus, sous cet aspect... Ce n'est pas sur ce plan. Je pense que
nous ne représentons même pas l'enfant. Nous présumons que
nous n'avons pas le droit de... Nous faisons seulement vous dire ce que nous
vivons et ce qu'il vit avec nous. Nous ne venons pas parler au nom du petit
gars. Cela ne l'intéresse peut-être pas que nous venions ici
aujourd'hui.
M. Lienert: Cela serait curieux...
M. Bellemare (Rosemont): Je m'excuse. Je n'ai pas
terminé.
M. Lienert: Pardon.
M. Bellemare (Rosemont): Si vous me permettez. Vous me dites que
vous ne représentez pas les enfants, mais j'aimerais que vous
définissiez votre pensée parce que vous nous dites, dans le
chapitre La faiblesse du statut de l'enfant: "Tout d'abord, au sens de cette
loi, qui est un enfant? A partir de la définition
générale, excluant (peu importe son âge) tout enfant
marié, on lui accorde un quelconque intérêt, on lui
concède quelques vagues droits (avoir un milieu familial, etc.)"
Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie?
M. Guillemette: Nous voulons dire que c'est difficile justement
de se sentir comme un enfant.
M. Bellemare (Rosemont): II n'est plus enfant. Il est
marié. Vous parlez d'un enfant marié.
M. Guillemette: Non. Je pense qu'il y a une erreur.
M. Bellemare (Rosemont): Je ne sais pas ce que vous entendez par
enfant marié.
M. Guillemette: Nous voulons dire que même un enfant qui a
moins de 18 ans... Le projet de loi dit qu'un enfant qui est marié n'est
plus un enfant
à ce moment. C'est seulement cela que nous disons, mais on dit
que peu importe l'âge, même quatorze ans.
On dit: Lorsqu'il a quatorze ans, on peut le consulter, et nous pensons
que nous pouvons aussi le consulter en bas de ça et à un certain
moment, il y a quelqu'un qui nous a dit: Mais il faudrait terminer quelque
part. Que cela finisse en bas, au moins à huit ans. Même en bas de
huit ans ou en bas de six ans quand on prend un petit bonhomme, il faut lui
dire qu'il sera placé parce que c'est lui qui aura le contrecoup. Il est
capable de comprendre qu'il y a quelque chose qui ne va pas et qu'il a besoin
d'aller coucher ailleurs ce soir.
C'est dans ce sens qu'on dit que c'est faible. Cela ne le rejoint
pas.
M. Bellemare (Rosemont): Cela revient-il à dire, ce que
vous avez dit tantôt au ministre, que vous manquiez peut-être de
personnel?
M. Guillemette: Non, parce que nous...
M. Bellemare (Rosemont): C'est un peu dans ce sens-là.
M. Lienert: Si on va au service social, on va en avoir du
monde.
M. Bellemare (Rosemont): Je sais très bien parce que
vous....
M. Guillemette: Pour nous d'ailleurs, ce n'est pas notre
point.
M. Bellemare (Rosemont): Ma dernière question serait
celle-ci: Comme agents de probation, présentez-vous de tels documents
aux jeunes parce que, si vous nous avez pris pour des enfants en nous
présentant de telles niaiseries... Je trouve que ce que vous nous
présentez je vous le dis en toute honnêteté, en
toute sincérité c'est très vulgaire; je ne parle
pas de vos idées, je parle de votre présentation. Il va chez
"l'yabe", "c'te fois là on était supposé d'être",
"plusse" et tout le "kit", tout ce qui est là-dedans, je vous assure que
vous nous prenez pour des enfants. Du moins, c'est l'impression que j'ai et je
ne parle pas au nom de mes collègues. Je parle en mon nom personnel.
M. Guillemette: Pour essayer de me comprendre à mon tour,
le petit bonhomme que je citais tout à l'heure, si je vous disais que je
suis pris avec lui. Il y a une semaine, il était à
l'hôpital à L'Assomption et le psychiatre m'a envoyé un
petit rapport qui dit telle chose, que le gars est un psychopathe. C'est moi
qui l'ai. Quand je disais qu'il était allé dans tous les
hôpitaux, il est entré et il a cassé la vitre. Quand j'ai
plaidé avec lui à cause du délit, c'étaient des
menaces à tel docteur.
M. Bellemare (Rosemont): Qu'est-ce que cela vient faire dans
votre présentation de document?
M. Lienert: C'est pour cela que je vous dis qu'il y a
moyen...
M. Bellemare (Rosemont): Bien certain. Qu'est-ce que cela peut
faire quand vous nous parlez qu'il va chez "l'yable", chez "l'bonyeu"?
M. Lienert: Non. On fait une blague tout simplement. On ne parle
pas de personne.
M. Bellemare (Rosemont): Justement, vous nous prenez pour des
enfants. Si vous travaillez ainsi comme agent de probation, je vous assure que,
si vous parlez ainsi aux enfants, sans chercher des mots classiques, c'est
normal qu'ils doutent un peu parce que vous savez que les enfants à dix
ans sont aussi intelligents que n'importe quel adulte.
M. Lienert: C'est cela que nous essayons de vous dire, qu'ils
sont intelligents et je regrette que ,ous l'ayez pris ainsi. Je peux vous dire
que ce n'est pas ainsi que nous l'avons envoyé. Maintenant, si ce que
nous vous avons dit aujourd'hui confirme ce que vous pensiez au début,
je m'excuse. Je vous présente des excuses.
M. Bellemare (Rosemont): J'accepte les excuses et retire tout ce
que j'ai dit.
Le Président (M. Pilote): Messieurs, nous vous
remercions...
M. Lienert: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Pilote): ...et peut-être que je
suggérerais au député de Rosemont, comme votre texte
finit: "Sans rancune, Messieurs, Dames, et achetez-vous une musique à
bouche".
La commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 23)