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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, August 16, 2016 - Vol. 44 N° 81

Special consultations and public hearings on Bill 110, An Act respecting the process of negotiation of collective agreements and the settlement of disputes in the municipal sector


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Martin Coiteux

M. Martin Ouellet

M. Mario Laframboise

Auditions

Ville de Québec

Ville de Montréal

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Regroupement des associations de pompiers du Québec (RAPQ)

Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ)

Fraternité des policiers et policières de Montréal inc. (FPPM)

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Autres intervenants

M. Pierre Michel Auger, président

M. Jean Rousselle

M. Sylvain Rochon

*          M. Régis Labeaume, ville de Québec

*          M. Denis Coderre, ville de Montréal

*          Mme Diane Bouchard, idem

*          M. Pierre Desrochers, idem

*          M. Daniel Boyer, FTQ

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          M. Denis Marcoux, idem

*          M. Richard Fortin, idem

*          M. Ronald Martin, RAPQ

*          M. Claude Leblanc, idem

*          M. Robin Côté, FPMQ

*          M. Frédéric Nadeau, idem

*          M. Luc Lalonde, idem

*          M. Yves Francoeur, FPPM

*          M. Laurent Roy, idem

*          M. Bernard Sévigny, UMQ

*          M. Alexandre Cusson, idem

*          Mme Caroline St-Hilaire, idem

*          M. Yves Létourneau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

5847 <R>Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. LeBel (Rimouski) est remplacé par M. Rochon (Richelieu).

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous débuterons cet avant-midi par des remarques préliminaires puis nous entendrons les organismes suivants : la ville de Québec, la ville de Montréal, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Confédération des syndicats nationaux.

Remarques préliminaires

Nous débutons avec les remarques préliminaires. J'invite d'abord le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de six minutes. M. le ministre.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Oui. Alors, merci, M. le Président et également député de Champlain. Donc, c'est toujours un plaisir de travailler avec vous. On a l'occasion de travailler assez régulièrement depuis un certain temps. Vous savez, on est dans une ère de modernisation de beaucoup de choses dans le secteur municipal, et donc on aura l'occasion, comme on a l'occasion aujourd'hui, de se rencontrer assez souvent dans cette commission au cours des prochaines semaines et des prochains mois, comme vous le savez. Évidemment, je tiens à saluer l'ensemble de mes collègues de la Commission de l'aménagement du territoire, les invités d'aujourd'hui, les personnes qui les accompagnent, alors, autant du côté gouvernemental, en ce qui me concerne, comme du côté des oppositions, content d'être avec vous aujourd'hui également, et évidemment les groupes qui vont nous présenter des mémoires, des positions aujourd'hui. Vous savez, c'est un exercice qui est très important, c'est un exercice qui fait partie de notre démocratie, et sachez que tous les groupes présents, qui feront valoir un point de vue ici, vont être écoutés attentivement.

Alors, quelques remarques ici. Le projet de loi n° 110, qui s'appelle Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal, projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 10 juin dernier, c'est un projet de loi qui s'inscrit dans un désir de moderniser le cadre de négociation des relations de travail dans le secteur municipal. On pense qu'à la lueur de ce qui a été vécu au cours des dernières décennies il y a un certain nombre de choses qui méritent d'être revues et qui méritent d'être modifiées dans le sens de la modernisation, dans le sens de tenir compte de l'intérêt de l'ensemble des citoyens, parce que c'est de ça qu'il s'agit, c'est un projet de loi qui met le citoyen au coeur de nos préoccupations d'abord et avant tout.

Lorsque le gouvernement du Québec négocie le renouvellement des conventions collectives dans le secteur québécois, dans le secteur public québécois, tout le monde comprend bien, tout le monde comprend bien qu'il négocie dans l'intérêt de l'ensemble des Québécois, ce qui ne veut pas dire qu'il ne doit pas respecter des principes fondamentaux dans notre société, des principes fondamentaux dans notre société démocratique qui est celui du droit des travailleurs, du droit à une négociation de bonne foi, un certain nombre de principes qui doivent être obligatoirement respectés, mais il n'y a personne qui met en doute le fait que le gouvernement du Québec, comme entité démocratique dans une société démocratique, n'est pas en train de négocier dans l'intérêt collectif de l'ensemble des Québécois. Or, nous avons dans nos mécanismes actuels, dans le secteur municipal, un régime qui est à peu près calqué comme si une municipalité était une entreprise privée qui négocie au bénéfice d'actionnaires privés. Nous, on croit que cette façon de voir les choses doit être revue. Il faut que la municipalité soit considérée pour ce qu'elle est, une entité démocratique redevable devant l'ensemble de sa population, et il faut que les principes mêmes à la base du régime de négociation mettent cette réalité au coeur du régime. Et c'est ce que vient faire le projet de loi n° 110, c'est exactement ce que vient faire le projet de loi n° 110.

Alors, l'article 1 du projet de loi est très important parce que justement il jette les bases du principe d'équilibre entre les attentes des salariés, leurs droits et les impératifs d'une gestion efficace et efficiente des ressources financières municipales. Il introduit les principes directeurs qui devront guider les parties et les personnes concernées dans la négociation et la détermination des conditions de travail des salariés dans le monde municipal. On y aborde les notions d'équité, de conditions de travail justes et raisonnables, mais on y affirme également que la municipalité est une institution démocratique qui détient un pouvoir de taxation. C'est particulier, là, ça n'existe pas dans le secteur privé, ce pouvoir de taxation; ce n'est pas une entité démocratique, une entreprise privée. Ce principe est au coeur du projet de loi. Pour la première fois de l'histoire du Québec, un projet de loi viendrait reconnaître qu'une municipalité a des caractéristiques qui lui sont propres et qu'ainsi elle ne doit pas être vue comme une entreprise privée. Ainsi, les processus doivent tenir compte de ces caractéristiques dans un contexte où les élus sont redevables devant leurs contribuables et qu'ils doivent respecter la capacité de payer des citoyens.

C'est un projet de loi qui propose des règles propres aux deux groupes de salariés syndiqués, soit celui des policiers et des pompiers et celui composé par les autres salariés syndiqués. Il y a des éléments communs aux deux groupes, ceci étant dit, comme par exemple le délai minimal de 120 jours de négociation qui doit avoir été observé avant qu'on puisse faire intervenir un tiers, il y a le principe de la médiation obligatoire, mais, bien entendu, dans le cas des policiers et des pompiers, il y a un régime particulier qui est celui de la constitution d'un conseil de règlement des différends, avec trois arbitres nommés par le gouvernement en fonction de compétences spécifiques en droit du travail mais également des connaissances en matière économique, des connaissances en matière de fiscalité municipale. Pour les autres salariés, évidemment, c'est un autre régime qui s'applique. Il y a des éléments communs, mais il existe la possibilité, dans des circonstances exceptionnelles, que l'une ou l'autre des parties puisse demander au gouvernement de nommer un mandataire spécial, qui peut faire des recommandations au gouvernement.

Alors, nous aurons l'occasion de discuter de l'ensemble de ces questions, mais aujourd'hui la place est aux groupes qui viennent présenter leurs mémoires, et ça va évidemment, pour nous, être très important d'écouter attentivement leur opinion, leur analyse et leur vision des choses. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle et député de René-Lévesque à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 3 min 30 s. M. le député.

M. Martin Ouellet

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, permettez-moi de vous saluer en ce retour en session parlementaire, M. le ministre aussi — j'espère que vous avez passé de bonnes et de grandes vacances parce que nous avons effectivement un horaire chargé cet automne — les collègues députés aussi, collègue de l'opposition, mais spécifiquement mon collègue Sylvain Rochon, ministère du... affaires municipales, pardon, et surtout affaires du travail. Et pourquoi je veux souligner la présence du député de Richelieu? La partie la plus importante qu'on va regarder aujourd'hui, c'est que, dans le projet de loi en question, on est aux affaires municipales, mais on va réécrire une grande partie du Code du travail. Dans certains cas, on va charcuter des articles et, dans d'autres cas, on va créer une voie de contournement. Alors, au Parti québécois, nous trouvons plus qu'important que le responsable du travail soit avec nous, ce que je déplore, du côté de la partie gouvernementale, de ne pas avoir eu avec nous les gens issus du ministère du Travail.

Le projet de loi en question est une réponse, M. le Président, du pacte fiscal, qui a effectivement demandé aux municipalités de faire un effort de 300 millions annuel pendant quatre ans. Lors des questions que nous aurons, nous allons effectivement évaluer si cette réponse satisfait les différentes parties à cette promesse brisée. On a entendu beaucoup parler dans les médias et on va le voir dans les mémoires, la capacité de payer et de retrouver un certain équilibre dans les relations de travail, alors nos questions vont assurément être orientées sur cette recherche d'équilibre et cette supposée incapacité de payer des municipalités.

Lors des commissions parlementaires, M. le Président, nous allons assurément porter une attention très particulière au mandataire spécial, sa notion semble un peu floue dans le projet de loi du ministre. On lui confie certains pouvoirs. Ça manque beaucoup de transparence, et, on va le voir dans les différents mémoires qui seront déposés, effectivement, plusieurs parties demandent des éclaircissements à ce sujet. Mais on est tentés d'avouer, présentement, que le mandataire spécial ou du moins sa mécanique n'offre pas ce que M. le ministre a toujours voulu démontrer, une plus grande autonomie et un gouvernement de proximité. Avec le mandataire spécial, ça pourrait être l'Assemblée nationale qui décrète les conditions de travail, alors je ne vois pas en quoi on donne de l'autonomie quand c'est un tiers qui décide à la place des municipalités. Et la seule proximité que je vois dans ce gouvernement-là, c'est de jouer le rôle à l'intérieur d'une municipalité. Alors, j'aurai des questions à ce sujet.

Et assurément, M. le Président, l'article 1, ses principes directeurs, et l'article 17, qui doivent tenir compte de plusieurs critères dans le cadre de la fixation des conditions de travail par le conseil des différends des pompiers et policiers, amènent plusieurs interprétations, plusieurs questionnements. Alors, nous allons être aux aguets pour assurer d'avoir l'ensemble des informations, pour pouvoir avoir un travail... assurer notre pleine satisfaction dans ce dépôt de projet de loi. Alors, merci beaucoup, M. le Président.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le député de René-Lévesque. J'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition, le député de Blainville, pour un maximum de 2 min 30 s.

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue, M. le ministre, collègues députés gouvernementaux, collègues de l'opposition officielle, représentants du milieu municipal, du milieu syndical.

Évidemment, je suis heureux d'être ici parmi vous aujourd'hui au nom de ma formation politique, la Coalition avenir Québec, d'autant plus qu'avant les années 2000, bien, j'étais assis dans le siège des élus municipaux. Et, quand je fais un petit peu d'histoire, dans les années 2000, l'écart, que je défendais à l'époque, évidemment, au nom des élus municipaux, l'écart entre la rémunération des employés de l'État et ceux du milieu municipal était entre 15 % et 25 %; aujourd'hui, c'est entre 20 % et 35 %, 36 %. Donc, on s'aperçoit que cet écart-là a encore augmenté. Donc, il n'y a rien, je vous dirais, qui s'est emmieuté dans le milieu municipal, là, au cours des 15 dernières années. Donc, je pense qu'aujourd'hui, avoir un projet de loi qui a pour but d'encadrer la façon dont les négociations dans le milieu municipal se fait... je pense qu'on est rendus là.

Souvenons-nous qu'il y a eu un gouvernement courageux en 1982‑1983, le gouvernement de René Lévesque, qui a adopté des séries de projets de loi, là, 68, 70, 72, 105, et même le fameux projet de loi 111, pas loin du 110 qu'on dépose aujourd'hui, là. Mais il reste quand même que, depuis 1982‑1983, cet écart-là entre les employés municipaux, qui n'étaient pas visés par les projets de loi du gouvernement Lévesque de l'époque... l'écart s'est toujours agrandi. Et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui on est rendus à cette situation-là. Et il faut, et c'est ce qu'on défendra aujourd'hui... il faut respecter la capacité de payer des citoyens, puis c'est ce que M. le ministre dépose comme projet de loi. On va juste nous assurer, en tant que formation, notre formation politique, que, les nominations sur les différents comités ou sur le conseil de règlement des différends, il n'y ait pas trop de nominations partisanes, là, on va juste s'assurer que ça se fait respectueux, puis qu'il n'y a pas de partisanerie politique là-dedans, puis que c'est respectueux de toutes les parties, autant du milieu municipal que du milieu syndical. Mais, pour le reste, on va essayer de faire évoluer le projet de loi dans le bon sens, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le député de Blainville. Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la ville de Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc, dans un premier temps, à vous présenter, et par la suite vous pouvez commencer votre exposé.

Ville de Québec

M. Labeaume (Régis) : Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés — il n'y a pas de dame, d'après ce que je peux voir — permettez-moi tout d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent : M. Jonatan Julien, vice-président du comité exécutif de la ville, André Legault, le directeur général de la ville, et Benoît Richer, le directeur du Service des ressources humaines.

Alors, d'entrée de jeu, évidemment, nous vous remercions pour votre invitation. C'est un sujet qui, vous le savez, nous, à Québec, nous préoccupe au plus haut point. Depuis mon entrée en politique, j'ai le souci de placer tout d'abord l'intérêt des contribuables au coeur des finances publiques, et sincèrement ce doit être d'eux dont on doit se préoccuper dans nos discussions aujourd'hui.

L'existence d'un écart salarial de près de 40 %, selon l'Institut de la statistique du Québec, entre les employés municipaux et leurs collègues provinciaux constitue un élément majeur dans l'objectif d'assainissement des finances municipales, et on ne peut pas l'ignorer. La question que l'on doit se poser aujourd'hui est : Comment en sommes-nous arrivés à un tel écart? Deux éléments majeurs sont en cause : un déséquilibre dans le rapport de force lors des négociations salariales et le mécanisme d'arbitrage applicable à certains corps d'emploi du secteur municipal qui a tiré les salaires vers le haut.

Alors, je remercie très sincèrement le ministre et le gouvernement de s'attaquer à ce problème et d'avoir le courage — parce que je pense que ça prend du courage — de présenter le projet de loi n° 110.

Mon intervention sera courte et simple. La question : Est-ce que les dispositions de ce projet de loi permettront de régler le problème?

Le projet de loi se divise en deux parties : les dispositions applicables aux policiers et aux pompiers et celles applicables aux autres salariés. Pour les policiers et les pompiers, le projet de loi vient modifier le mécanisme d'arbitrage existant par un nouveau mécanisme renforcé, croyons-nous, et composé d'un conseil de règlement de différends qui devra fonder ses décisions sur des critères prévus par la loi. À cet égard, mes préoccupations premières sont la qualité et l'indépendance des membres de ce conseil et les critères que ces membres utiliseront pour rendre leurs décisions. Dans l'éventualité de former un conseil de règlement de différends dans le cas d'une négociation, il est primordial que ces membres aient tout d'abord, évidemment, les compétences, l'impartialité et surtout l'indépendance des magistrats de nos tribunaux civils. Et, pour atteindre ce résultat, leur cheminement professionnel ne doit pas dépendre des décisions qu'ils rendront.

En ce qui a trait aux critères à considérer par le conseil de règlement des différends, ils sont nombreux, peut-être trop nombreux, selon nous, et tous sur le même pied d'égalité. Il nous apparaîtrait judicieux de faire comme certaines autres juridictions et se limiter aux critères suivants, c'est-à-dire la situation financière et fiscale de la municipalité, les conditions de travail applicables aux autres employés de la municipalité et finalement les exigences relatives à la saine gestion des finances publiques. Il faut surtout éviter de référer aux conditions applicables aux autres municipalités. Une telle comparaison a mené à un nivellement vers le haut dans le passé, un nivellement qui a coûté beaucoup trop cher aux payeurs de taxes.

Finalement, en toute transparence, quant à la l'imputabilité des élus municipaux et de leur responsabilisation, il serait judicieux que les dernières propositions patronales, celles à être analysées par le conseil de règlement de différends, aient d'abord été entérinées par le conseil municipal.

Le deuxième volet du projet de loi introduit la possibilité qu'une tierce personne vienne déterminer ou proposer les conditions de travail dans le processus de négociation avec les autres employés. Avec ces dispositions législatives, ne serions-nous pas en train de reproduire peut-être ou réintroduire un mécanisme que nous tentons de corriger pour les pompiers et les policiers? J'admets que ce mécanisme est en grande partie optionnel, mais ne risque-t-il pas de devenir éventuellement la norme?

En fait, et je me dois d'insister, il est de la responsabilité des élus municipaux de gérer les dépenses et d'établir les conditions de travail des employés selon la capacité de payer des citoyens. Pour cette raison, je vois mal que l'on puisse encore une fois les dépouiller de cette responsabilité en confiant ce devoir à un tiers non élu lorsque d'autres voies peuvent être envisagées. Que ce soit un arbitre, un conseil de règlement des différends ou un mandataire spécial, nous arriverons à la même finalité : les conditions de travail et particulièrement leurs coûts sont déterminés par d'autres que les élus municipaux. Et n'oublions jamais que ce sont eux qui sont jugés tous les quatre ans sur la gestion des deniers publics.

Je verrais plutôt qu'après négociation et médiation les élus municipaux, par résolution du conseil municipal, recommandent au ministre les conditions de travail qui devraient s'appliquer et que le ministre les fasse examiner par un mandataire spécial. La responsabilité de ce mandataire spécial serait de se prononcer sur leur raisonnabilité en regard des mêmes critères arrêtés par le conseil de règlement de différends à l'égard des policiers et des pompiers. En bout de piste, il appartiendrait au ministre, en tant qu'élu, de trancher.

Je considère que le projet de loi n° 110, bien qu'extrêmement courageux, ajusté en fonction des observations dont je viens de vous faire part, constituerait un autre pas important vers l'assainissement des finances publiques municipales et la responsabilisation des élus municipaux. Et je suis évidemment disposé, avec mes collègues, à échanger avec les membres de la commission. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup, M. Labeaume, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole pour 16 min 30 s.

M. Coiteux : Merci pour la présentation, M. le maire, merci beaucoup. Je voudrais juste vous entendre peut-être un petit peu plus sur la question suivante. Vous avez insisté sur l'importance de l'indépendance et de l'expertise des membres du conseil de règlement des différends. Cette expertise-là, les expertises qui sont nécessaires sont explicitement inscrites dans le projet de loi. Quels sont les éléments qui vous apparaîtraient insuffisants tel qu'il est écrit actuellement?

• (9 h 50) •

M. Labeaume (Régis) : Écoutez, on ne dit pas qu'il y a des éléments insuffisants, on veut juste répéter notre inquiétude, parce qu'actuellement, pour nous... C'est un métier, celui d'arbitre. À la limite, c'est un business. Vous savez, un arbitre, lorsqu'il est choisi par la partie patronale et syndicale, c'est parce qu'il est raisonnable, souvent un peu trop, et ce qu'on comprend, nous autres, des arbitres, ça fait neuf ans qu'on est là, là, c'est qu'ils donnent toujours... rendent toujours des décisions un peu «wishy-wisha» pour faire en sorte d'être toujours dans le milieu, tenter de plaire ou de ne pas trop déplaire à toutes les parties. Et ça, ça fait qu'au long des années ça a créé l'écart de 40 % entre les employés municipaux et les employés du gouvernement du Québec.

Un arbitre, lorsqu'il rend sa décision, voudrait avoir d'autres mandats dans le futur, alors ce qu'il fait, c'est de ne pas trop déplaire à toutes les parties pour pouvoir être embauché de nouveau par ces mêmes parties. Nous, on considère que ce ne sont pas des gens indépendants. C'est clair pour nous, très clair pour nous. Alors, je vous dirais que, le mandataire spécial, les membres du comité de règlement des différends... nous, on exclut l'arbitre, mais éventuellement un arbitre...

En passant, l'arbitre, même si nous, on l'exclut, on sait que dans le Code du travail les parties peuvent toujours demander l'intervention d'un arbitre. Ces gens-là doivent être embauchés d'une façon telle que jamais leur avenir professionnel ne dépende des décisions qu'ils vont rendre. Ils doivent être totalement indépendants de la partie patronale et de la partie syndicale. Ça ne doit pas être des gens qu'on va chercher au besoin. Je vous dirais, puis ce n'est pas tout à fait ma philosophie, que, s'ils devaient faire ce travail-là, ce sont des gens qui devraient être embauchés comme les juges, pour très longtemps, qui devraient être, à la limite, permanents, quoique je ne suis pas trop pour les permanences, mais ils doivent vraiment être choisis sur les mêmes critères que les juges, à long terme, pour que jamais leur avenir professionnel ne dépende des décisions qu'ils vont rendre, et il ne faut pas que ces gens-là se demandent si dans l'avenir ils vont pouvoir être embauchés ou par les syndicats ou par les patrons pour intervenir dans des questions de relations de travail.

Alors, c'est ça, notre grand souci. Ce qui est prévu dans le projet de loi me semble très correct, c'est juste que nous insistons de nouveau sur notre très grande inquiétude parce que, chez tous les élus municipaux, on est tous d'accord pour dire, normalement, que les arbitres, malheureusement, ne sont pas impartiaux parce qu'ils veulent être embauchés de nouveau. Ce ne sont pas des gens qui sont malhonnêtes, mais, comme ils sont embauchés au besoin, ils surveillent leurs arrières pour avoir de l'ouvrage pour l'avenir.

Alors, quand on engage, on embauche des juges, normalement ils n'ont plus d'inquiétude pour leur avenir professionnel, à moins qu'ils fassent une coche mal taillée. Il faudrait que ce soit la même chose pour les membres, par exemple, du comité de règlement des différends, la même chose pour le ou les mandataires spéciaux. Alors, l'indépendance totale de ces gens-là est primordiale, et c'est le fondement même de leur capacité de rendre de bonnes décisions.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

M. Coiteux : M. le maire, j'aimerais vous entendre sur un autre aspect de votre présentation. Vous avez parlé des critères qui sont énoncés dans la loi pour guider les décisions du conseil de règlement des différends, d'une part, mais qui doivent également guider le rapport qu'un éventuel mandataire spécial soumettrait au gouvernement, le cas échéant, si une demande justifiée a été présentée et acceptée par le gouvernement. Vous avez dit qu'il y a trop de critères, selon vous, et que ça devrait être réduit à un nombre plus restreint de critères, et vous avez nommément questionné le critère de comparabilité avec d'autres municipalités. Vous le savez, à l'heure actuelle il y a comme deux grands principes dans le mécanisme d'arbitrage existant, l'équité interne, l'équité externe, et donc, lorsqu'on fait une comparaison, on se réfère au critère d'équité externe. Mais est-ce que vous avez un inconfort face à, disons, le fait que cette équité externe ne s'applique qu'à des situations de villes qui sont vraiment comparables, autrement dit qui sont dans des situations économiques et fiscales qu'on puisse comparer?

M. Labeaume (Régis) : Le critère qui nous semble le plus dangereux, c'est celui qui est de comparer les conditions de travail applicables dans des municipalités semblables. Je vais donner un exemple : Pour les policiers de Québec, on n'a pas eu de meurtre depuis 13 mois ici, là. Je ne sais pas combien qu'il y en a eu à Montréal, mais je présume qu'il y en a eu un peu plus, hein? Comment comparer le travail des policiers de Drummondville avec ceux de Montréal? On ne parle pas de la même affaire. Montréal, c'est la moitié de la ville... la moitié du Québec, avec la banlieue, c'est un milieu totalement différent. Et donc comment négocier, comment le maire peut négocier avec les policiers de la ville de Drummondville quand ils veulent comparer leurs salaires avec ceux de Montréal? Ça n'a pas de bon sens, il n'y a aucune comparaison à faire avec le même métier ailleurs. Et ça, même malgré toute la... D'ailleurs, je veux dire, c'est parce qu'ils sont compétents, si on est en sécurité à Québec, mais le milieu urbain montréalais est plus dangereux, je pense, que le milieu urbain québécois, la ville de Québec. Alors, par exemple, c'est un exemple. Ce n'est pas le même travail. Et c'est ça qui fait que, quand on va s'accoter sur le plus gros à chaque fois, bien, on s'accote... puis l'autre monte, puis on s'accote, puis à un moment donné on se ramasse avec 40 % de différence dans la rémunération pour le même travail dans le domaine municipal et dans le domaine provincial.

Bon, la situation économique locale, Québec, ça va bien, là, nous autres. Mais qu'est-ce que ça va être dans deux ans? Bien, dans deux ans, on va avoir la même convention collective, là. Tu sais, si on se fie, pour négocier, sur la situation circonstancielle temporaire, économique locale, bien, si on signe une convention de cinq ans, si l'économie change drastiquement en trois ans, puis ça se peut très facilement, bien, c'est un peu délicat, hein, c'est une comparaison un peu subjective. Les perspectives économiques, sauf le respect que j'ai pour les économistes, je ne sais pas qui qui pourrait nous garantir les perspectives économiques du Québec dans les cinq prochaines années. L'avantage des économistes, c'est qu'ils oublient toujours ce qu'ils ont dit auparavant puis ils se projettent toujours dans le futur; ils peuvent se tromper toute leur vie, tu sais. Alors, tu sais, les perspectives économiques, ça me semble un peu subjectif.

Alors, moi, la politique de rémunération du secteur public et parapublic, on pourrait l'inclure avec plaisir, parce qu'on se compare tellement facilement. Puis, si ça peut vous être utile, M. le ministre, ça nous ferait plaisir aussi, honnêtement.

Alors, c'est à peu près ce qui nous titille un peu dans toutes ces conditions-là. Ceci dit, les conditions que je vais énumérer, peut-être, peuvent être prises en considération, mais on pense qu'à un moment donné il faut que ce soit encadré assez serré, hein, avec le moins de critères possible, puis parce que plus il y a de critères, moins ceux qui ont à vous recommander, comment dire... Le mandataire spécial, s'il y a un paquet de critères, c'est plus difficile d'évaluer la raisonnabilité. Ceux qui sont membres du comité de règlement des différends, s'il y a plein de critères, ça va être plus compliqué aussi. Moi, je pense que ce doit être encadré très serré. Alors, ça peut être des critères absolus puis des critères optionnels. Moi, j'aurais tendance à en garder à peu près trois ou quatre, ce serait mon choix, parce que, la question des perspectives économiques puis de l'économie locale, on est un peu souvent dans des sciences occultes, hein?

M. Coiteux : J'ai combien de temps encore, M. le Président?

Le Président (M. Auger) : 7 min 30 s.

M. Coiteux : J'ai encore sept minutes. Il se trouve, M. le maire, puis je le dis comme ça... Dans une ancienne vie, j'étais économiste.

M. Labeaume (Régis) : M. le ministre, je le savais, et c'est pour ça que j'ai gardé une petite retenue dans ce que j'ai dit.

M. Coiteux : Dans une ancienne...

M. Labeaume (Régis) : ...

M. Coiteux : Néanmoins, ce qui apparaît raisonnable... Lorsque les perspectives sont difficiles, il arrive parfois... le hasard des choses fait en sorte qu'il y a des négociations qui se font en temps de récession, en temps de crise financière, et il m'apparaît sage, de ce point de vue là, même si l'avenir est incertain... il m'apparaîtrait sage que ça puisse être un critère, de tenir compte de ça, parce que sinon, à l'inverse... Parce que vous évoquez la possibilité que, les perspectives paraissant très favorables, de l'avis des économistes, qui projettent le passé dans l'avenir, puis on a eu un passé glorieux à certaines époques, effectivement, puis l'avenir s'est avéré un petit peu plus difficile dans certaines circonstances, puis pas seulement ici, au Québec, partout dans le monde... Il m'apparaît prudent de maintenir un critère comme celui-là si jamais, au contraire, on allait dans l'autre sens, c'est-à-dire qu'on allait vers des conditions qui ne tiennent absolument pas compte des perspectives, qui pourrait être très difficile, là, du point de vue fiscal.

Mais je reviens, si vous me permettez, à la question de l'équité externe, parce que le projet de loi est rédigé d'une manière telle qu'il dit qu'il faut comparer des comparables... Et vous nous disiez tout à l'heure : Bien, on ne peut pas comparer Drummondville et Montréal. J'en conviens. Surtout du côté des services policiers, c'est quand même différent. Mais est-ce qu'on peut comparer des villes de 100 000 habitants entre elles, par exemple, si elles avaient des perspectives fiscales semblables? Est-ce que vous pensez que, là aussi, ça pourrait poser problème?

• (10 heures) •

M. Labeaume (Régis) : Le Québec, ce n'est pas grand, là, tu sais, tu as Québec, Montréal, tu es rendu à à peu près à 60 % du Québec. Ensuite, des villes d'à peu près, je ne sais pas, 200 000, 250 000, jusqu'à 100 000, il n'y en a pas beaucoup, là. C'est sûr que tu peux comparer Victoriaville, Drummondville, Saguenay, mais normalement les policiers de Saguenay, ils ne se comparent pas avec Victoriaville, ils se comparent avec Montréal. Eux autres, leur argumentaire, c'est qu'ils n'ont pas à être payés moins cher que ceux de Montréal, éventuellement ceux de Québec.

Alors, les demandes syndicales, dans le cas des policiers et pompiers, c'est toujours se comparer à ceux qui ont le plus haut salaire au Québec et si ce n'est pas au Canada, éventuellement. Alors, tu sais, vous avez raison, mais, dans la pratique, ce n'est pas ça qui se passe. Le policier de Saguenay va vous dire que lui, il travaille aussi fort que le policier de Montréal, que le milieu ambiant est peut-être plus difficile qu'on pense, parce qu'on ne fait pas ce métier-là, pendant la nuit, par exemple, tu sais, et, bon, ce sont des arguments, souvent, qui sont difficiles à réfuter. Alors, vous avez raison. C'est juste que, dans la pratique, tous les syndicats de policiers et pompiers vont tenter de décrocher le même salaire que le plus haut salarié dans le même métier dans la province ou sinon dans le pays. Alors, vous avez raison, mais en même temps moi, je pense que, dans la pratique, ça ne se passera pas tout à fait comme ça.

M. Coiteux : Je comprends de votre argumentaire ici que c'est dans la pratique actuelle que vous voyez qu'on compare des fois des incomparables.

M. Labeaume (Régis) : Oui, mais je pense que... Même dans le futur, je ne vois pas pourquoi le policier de Saguenay, à cause de la nouvelle loi, cesserait de demander d'avoir la même rémunération que le policier de Montréal. Il n'y a pas objectivement de raison de ne pas le faire, selon moi.

M. Coiteux : Est-ce que tu veux poser une... J'ai mon collègue ici, le député de...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci. Bonjour, M. le maire.

Dans votre mémoire, vous parlez d'écart de 40 % entre les employés municipaux et provinciaux. Certaines centrales syndicales semblent douter, justement, de l'Institut de la statistique du Québec. Vous, vous en dites quoi, de ça, vous?

M. Labeaume (Régis) : Les centrales syndicales, leur travail, c'est de douter, là. Quand ça ne fait pas ton affaire, il faut que tu doutes, là. Mais je ne sais pas pourquoi on remettrait en question la compétence des gens de l'ISQ, là. L'ISQ, ce n'est pas patronal, ce n'est pas syndical. Nous, à la ville de Québec, pour tous les travaux, à chaque fois qu'on a besoin de statistiques, c'est la référence. On est toujours très bien servis, puis normalement ils ont tout à fait raison. Mais c'est normal que les syndicats réfutent ça, parce que ce n'est pas à leur avantage. Chacun fait sa job. Moi, je suis totalement d'accord, là. Puis je ne vois pas comment on peut réfuter l'impartialité et la compétence des gens de l'ISQ. Il faut être culotté, quand même, là, tu sais.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Sauf que vous, ville de Québec, est-ce que vous la voyez, vous, chez vous, la différence entre les employés provinciaux?

M. Labeaume (Régis) : Je pense que tous les employés du gouvernement du Québec voudraient travailler à la ville de Québec, parce qu'ils seraient mieux payés.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont... M. le ministre. Deux minutes.

M. Coiteux : Deux minutes. Le mandataire spécial, peut-être juste... j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus sur la question du mandataire spécial. Le projet de loi prévoit que la demande peut être faite au ministre par la municipalité mais aussi par le syndicat...

M. Labeaume (Régis) : ...l'arbitre.

M. Coiteux : Pour le mandataire spécial, dans le cas du mandataire spécial. Ça peut être l'un ou l'autre, s'il y a une impasse, alors, ça peut être invoqué par l'une ou l'autre des deux parties.

M. Labeaume (Régis) : Le mandataire spécial, il est présent de toute façon dans la loi, là.

M. Coiteux : ...ce que je veux dire, c'est parce que...

M. Labeaume (Régis) : ...je vous dirais que...

M. Coiteux : Ce n'est pas un arbitre, le mandataire spécial n'est pas un arbitre.

M. Labeaume (Régis) : Le mandataire spécial, on est tout à fait d'accord avec ça. Je pense qu'avant que ça arrive à vous quelqu'un doit évaluer, analyser — le critère qu'on préfère, qu'on suggère — la raisonnabilité. Tu sais, à un moment donné, dans ces affaires-là, c'est raisonnable ou ça ne l'est pas.

Là où on n'est pas à l'aise, c'est la question de l'arbitrage. Vous savez, l'arbitrage, nous autres, dans les villes, là, c'est une phobie pour nous autres, ça nous a menés à un écart de 40 % dans les conditions salariales. Et on pense que l'arbitrage, ce n'est pas une étape nécessaire à inscrire dans la loi, parce que de toute façon l'arbitrage peut être demandé en tout temps, selon les lois du travail, par les deux parties. Alors, c'est implicite dans la loi.

Quand on parle de négociation, médiation, rapport au mandataire spécial puis le ministre, ça fait déjà beaucoup, beaucoup, c'est un itinéraire assez... avec plusieurs haies à sauter. Et, la question de l'arbitrage, nous, comme chat échaudé craint l'eau froide, on a toujours peur que, malgré que le gouvernement aurait fait des efforts suprêmes pour trouver des arbitres impartiaux, il se dégage une tendance dans les décisions, mais tendance qu'on ne considérerait pas à notre avantage, et qui pourrait inciter, par exemple, le syndicat à faire appel à l'arbitrage. Puis, s'ils décelaient une tendance à leur avantage, ils auraient raison de le faire. Alors, l'arbitrage, nous autres, c'est...

Puis, quand... Et, si ça se fait, ça veut dire que c'est quelqu'un d'autre qui décide pour les élus. Fondamentalement, nous autres, ce qu'on ne veut pas, c'est quelqu'un...

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est tout le temps que nous avions pour ce bloc d'échange, nous devons poursuivre avec l'opposition officielle. M. le porte-parole. À moins que vous décidiez de laisser M. le maire continuer la réponse.

M. Ouellet : Oui, M. le maire, vous pouvez terminer votre réponse.

M. Labeaume (Régis) : Bien, ce que je dis, c'est qu'on n'accepte plus qu'un tiers décide à notre place, c'est assez simple, à part le ministre. Parce que, vous savez, les villes auraient voulu avoir le droit de décréter; constitutionnellement, elles ne peuvent pas le faire. Et c'est pour ça qu'on a bien accueilli le projet de loi du ministre. On trouvait ça brillant, intelligent, parce qu'à part le droit de décréter c'est la meilleure chose qui puisse se faire, dans le fond, c'est de transférer... Cette capacité-là que nous n'avons pas, le gouvernement l'a, alors on était, constitutionnellement parlant, casher.

Alors, nous, les arbitres, honnêtement, on n'en veut pas, d'arbitre. On pense que, s'il y a un arbitre, ça va travailler moins fort aux négociations, ça va travailler moins fort en médiation, parce que, si... À un moment donné, quand tu ne peux pas t'entendre, tu peux toujours dire : On va aller à l'arbitre, puis, si l'arbitre dit que ce n'est pas en ta faveur, tu peux mettre ça sur la faute de l'arbitre. Politiquement, autant pour les villes que pour le syndicat, tu peux t'en débarrasser politiquement, tu dis : Coudon, on s'est fait fourrer par l'arbitre. Tu sais, ça arrive des fois, là, que des syndicats puis des villes disent : Bien, on va aller là, puis il prendra les décisions à notre place; au moins, nous, politiquement, hein — parce que les gens des syndicats, ce sont des élus aussi, comme nous autres — politiquement, ce ne sera pas de notre faute. C'est malsain, selon nous, c'est malsain.

Alors, s'il n'y a pas d'arbitrage, ça va travailler beaucoup plus fort dans la négociation, ça va travailler beaucoup plus fort dans la médiation, parce que, si tu ne t'entends pas en négociant et dans la médiation, tu vas savoir que tu t'en vas — puis c'est ce qui va arriver dans les faits — à la merci de l'estimation d'un mandataire spécial qui va conseiller le ministre. Tu n'as pas trop envie de finir avec une loi spéciale.

Moi, je pense que, négociation, médiation, estimation, évaluation d'un mandataire spécial, on ne se rendra pas au projet de loi, excepté peut-être dans des cas extrêmes. L'arbitrage ne semble pas utile là-dedans, ne semble pas nécessaire. Et, philosophiquement, nous autres, on a des problèmes à avoir un arbitre dans le processus, c'est-à-dire avoir quelqu'un qui a la capacité de décider à notre place. Ça a eu des vices dans le passé, on ne veut pas revivre ça. Et en plus de ça, en termes de responsabilisation, on trouve ça incorrect par rapport aux élus.

Le Président (M. Auger) : M. le député, je vous rappelle que vous avez 7 min 30 s.

M. Ouellet : Dans le cas du mandataire spécial... Parce qu'à l'intérieur de votre mémoire vous faites mention, M. le maire, de l'importance de l'impartialité et de la transparence de ceux et celles qui doivent rendre les décisions. Dans le cas du mandataire spécial, c'est le ministre qui va le nommer. En quoi, selon vous, vous allez obtenir des garanties que cette nomination-là sera impartiale et transparente?

Et, deuxièmement, considérant le rapport du mandataire spécial, il est confidentiel, il sera remis au ministre pour décision, alors l'appareil municipal, les gens du public ne pourront pas connaître la teneur du rapport, et peut-être qu'en bout de course nous aurons à voter sur quelque chose pour lequel nous n'aurions pas eu et su la teneur.

M. Labeaume (Régis) : C'est pour ça que nous, on dit tout d'abord qu'à chaque fois ça doit être voté par le conseil municipal de la ville. C'est, à la ville de Québec, 39 % de la masse... du budget total, la ville de Montréal, 45 %, 46 %, puis c'est toujours fait en catimini.

Quand le rapport... Quand le mandataire spécial doit examiner l'issue des négociations et de la médiation et conseiller le ministre, ce que nous disons, c'est que nous, on doit transmettre au médiateur... mandataire spécial nos recommandations, et ça doit passer par le conseil de ville, et voté par le conseil de ville. Parce que, vous savez, le gros vice aussi des négociations, dans le secteur municipal, c'est que c'est personnalisé, c'est Labeaume contre l'ensemble des travailleurs, tu sais, c'est toujours personnalisé, et les élus ne peuvent jamais savoir ce qui se passe. Ce n'est pas normal, en démocratie, ça. Alors, avant d'envoyer... avant que le médiateur spécial analyse l'issue de ces discussions-là, nous, ce qu'on dit, c'est que la ville doit, par résolution du conseil municipal — parce qu'une ville, ça marche par résolutions — transmettre au médiateur spécial son offre finale, mais ça doit absolument, absolument passer par le conseil municipal. Il faut que les élus...

Vous savez, dans une ville, on fait des résolutions pour tout, les élus ont le droit de discuter de tout, à l'exception des négociations, ce qui n'a aucun sens. Chez nous, c'est 39 % à 40 % du budget. Ça n'a aucun... C'est le plus gros poste budgétaire.

Et donc, le mandataire spécial, s'il fallait que le gouvernement se trompe dans sa nomination, c'est beaucoup moins dommageable qu'un arbitre, parce que l'arbitre, il prend la décision; le mandataire, il conseille le ministre. Alors, ça peut toujours arriver, mais ce qu'on dit, nous autres, c'est : Autant pour les membres du comité de règlement de différends que pour le mandataire spécial, on souhaite que ce soit l'impartialité totale puis qu'il soit choisi selon les mêmes critères que les juges. Mais, s'il y avait une erreur, c'est moins pire que l'arbitre, qui, lui, va décider.

• (10 h 10) •

Le Président (M. Auger) : Merci. Je vais recéder la parole à M. le député de René-Lévesque parce que je dois équilibrer le temps entre la question et la réponse. Donc, M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Oui. Donc, dans ce même principe là, M. le maire, je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais vous seriez à l'aise aussi à ce que la partie syndicale puisse transmettre ses recommandations au mandataire aussi.

M. Labeaume (Régis) : Aucun problème.

M. Ouellet : Aucun problème avec ça.

M. Labeaume (Régis) : Absolument.

M. Ouellet : Parfait. Je vais passer la parole à mon collègue de Richelieu.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le maire.

Vous estimez que, dans le régime actuel, le rapport de force est déséquilibré, hein, dans les négos entre les municipalités et leurs syndiqués. Vous trouvez courageux — c'est vos mots — que le gouvernement s'y attaque, courageux.

Vous avez la réputation de parler franc. Le projet de loi qu'on a sous les yeux, M. le maire, il rééquilibre le rapport de force ou il le déséquilibre à la faveur des municipalités, à la défaveur des syndiqués, ce qui vous fait le trouver courageux?

M. Labeaume (Régis) : C'est parce qu'il ne faut pas se tromper, là, il y a souvent une confusion des genres. Là, on devrait parler des payeurs de taxes, là, on parle de deux entités qui sont... Parlons des payeurs de taxes, c'est eux autres qui sont importants, là, ce n'est pas de voir la ville comme un employeur, là. Puis il y a confusion des genres. Un syndicat, c'est une organisation privée dont le rôle est de défendre les intérêts d'un certain nombre d'individus, c'est une organisation privée, puis c'est correct. Nous, on est des élus qui défendent l'intérêt des citoyens, c'est bien différent. Il y a souvent une confusion des genres.

Alors, idéalement, moi, ce que j'aurais voulu, c'est le droit de décréter; je ne l'ai pas. Ce droit-là, maintenant, appartient à l'Assemblée nationale, et le projet de loi, là, si on ne s'entend pas, se rend jusque-là. C'est parfait. Oui, c'est un projet courageux, parce que personne n'a osé faire ce pas-là avant, et honnêtement il est très courageux. Et, vous savez, l'idée qu'il n'y a pas de rapport de force... On dit : Bien oui, mais on a toujours réglé. Bien, oui, mais on règle avec le couteau sur la gorge. C'est sûr, on règle, là, tu sais. On règle avec le couteau sur la gorge puis on sait que, si on dit non, ils ont toujours la balance du pouvoir, tu sais. Alors, on règle, mais ça donne un écart éventuellement, au long des années, 40 % avec les travailleurs du gouvernement. On règle, mais on règle avec le couteau sur la gorge, c'est comme ça que ça se fait. Ça vient rééquilibrer, c'est certain.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Mais le couteau, pour reprendre votre image, il ne serait pas, avec ce projet de loi là, sur la gorge de quelqu'un d'autre?

M. Labeaume (Régis) : Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Rochon : Vous dites que vous réglez avec le couteau sur la gorge.

M. Labeaume (Régis) : Moi, je pense que le projet de loi oblige tout le monde à être raisonnable, correct, juste et les force à négocier et à s'entendre. Ce que ça fait, le projet de loi, là, ça force tout le monde à régler. Il n'y a personne qui va vouloir se rendre au ministre avec une loi spéciale, et ça va rendre tout le monde plus raisonnable. Et surtout, et c'est pour ça que j'insiste, en plus de ça, il faut que le public, les payeurs de taxes sachent ce qui se passe. Et c'est ça, la beauté du projet de loi, c'est qu'il force les gens à s'entendre, ce qu'on n'était pas capable de faire avant.

Le Président (M. Auger) : Une minute. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Rapidement, M. Labeaume, à l'intérieur de votre mémoire vous faites référence — et à plusieurs reprises dans les médias — à la capacité de payer de vos contribuables dans les négociations. Sur quelle base vous évaluez, lorsque vous négociez, cette capacité ou non de vos contribuables de payer? Parce qu'on sait que dans la colonne des dépenses il y a effectivement la masse salariale, mais il y a tous les investissements que la municipalité peut faire et tous les projets que vous mettez de l'avant. Sur quelle base vous évaluez cette capacité ou cette non-capacité de payer des citoyens? L'inflation?

M. Labeaume (Régis) : Si on a trois quarts d'heure, on va en parler, là, mais...

Le Président (M. Auger) : On a 45 secondes.

M. Labeaume (Régis) : Tu sais, je pense que vous savez comme moi ce que ça veut dire, la capacité de payer, là.

M. Ouellet : Mais pour vous?

M. Labeaume (Régis) : Pour moi, c'est qu'à un moment donné c'est parce que ça suffit. Le monde est taxé jusqu'ici par tous les ordres de gouvernement, là, ça suffit. Tu sais, à un moment donné, nous autres, des augmentations de taxes de 3 %, 4 % par année, c'est trop. C'est ça qu'on doit faire parce qu'à chaque année, par exemple, s'il n'y avait pas de règlement sur les fonds de pension, on ne savait jamais ce qui nous pendait au bout du nez. Alors, c'est une spirale, hein, c'est une escalade qui fait en sorte qu'à un moment donné...

Le Président (M. Auger) : En terminant.

M. Labeaume (Régis) : ...la majorité des taxes payées par les citoyens s'en vont dans la masse salariale, ce qui est anormal, là.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre avec la deuxième opposition. M. le député de Blainville.

M. Labeaume (Régis) : Juste dire que nous autres...

Le Président (M. Auger) : Peut-être permettre... Juste un instant! Juste un instant! Peut-être que le député pourra vous... Le temps est au député de Blainville.

M. Laframboise : Vous pouvez terminer, M. le maire.

M. Labeaume (Régis) : Non, mais, la capacité de payer, ce qui est normal, nous autres, c'est l'inflation, c'est ce qu'on fait à Québec depuis neuf ans. Mais, pour faire de l'inflation, on a coupé en tabarouette. À un moment donné, on ne pourra plus là.

Ce qui serait normal, là, la capacité de payer, c'est de ne pas aller au-dessus de l'inflation, c'est vraiment ça. C'est notre politique, à Québec, c'est ce qu'on fait depuis neuf ans, mais, je vais vous dire, pour y arriver là, là, ce n'est pas pour rien qu'on a fait cette bataille-là, c'est parce que ce ne serait plus possible aujourd'hui, là. C'est compliqué, il y a des limites à couper. À un moment donné, tu ne peux pas toujours couper dans les services pour augmenter la masse salariale, ça n'a plus de sens. Alors, moi, la limite, quelque part, c'est l'inflation.

Le Président (M. Auger) : Merci. M. le député de Blainville. Six minutes.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. M. le maire, M. Julien, M. Legault, M. Richer, merci d'être présents.

Ma première question va être... Pour que les gens comprennent bien, là, la situation actuelle, parce que, pour qu'il y ait eu un écart jusqu'à 40 %, comme vous dites, là, c'est parce qu'on a vécu une situation, puis, dans la vraie vie, là, tu sais, quand on décide de signer une convention... Parce que ce que vont vous dire les syndicats, c'est, bon : Il y a des négociations, puis ça se signe, là. Donc, théoriquement, ça va bien, là, le fonctionnement. Mais, quand vous analysez, vous, à la ville, là, avant de signer, vous analysez la possibilité d'aller en arbitrage, vous regardez ce qui se passe, puis à un moment donné votre contentieux vous recommande de signer parce que, finalement, la fameuse capacité de payer, vous ne l'atteindrez pas, mais vous risquez de dépenser plus d'argent dans d'autre chose. C'est ça, le principe, je crois, là.

M. Labeaume (Régis) : Bien, quand on est devant des résultats de négociation puis on doit décider, on sait qu'on ne peut pas... on n'a pas le droit au lock-out, on n'a pas le droit de décréter. De l'autre côté, ils ont le droit d'aller en grève puis ils peuvent même, à la limite, puis c'est à eux que ça revient... ils peuvent même décréter les services essentiels. Qu'est-ce que c'est qu'il te reste? Il ne te reste rien. Quand même que tu diras non, tu peux bien te péter la tête après les murs, ils ont le droit d'aller en grève, puis ultimement c'est eux autres qui décrètent les services essentiels. Tu n'as pas le droit de lock-out puis tu n'as pas le droit de décréter. Tu n'as rien, là. Alors, tu te dis juste : Bon, est-ce que je dis non, puis le bordel va prendre dans la ville, les vidanges ne seront plus ramassées, le neige ne sera plus grattée, juste les services essentiels que les syndiqués, le syndicat vont décrire eux-mêmes? Tu n'en as pas, de moyen, c'est assez simple, tu n'as aucun moyen.

Quand on dit qu'on a le couteau sur la gorge, c'est ça qu'on veut dire. Quand tu n'as pas le droit de lock-out comme n'importe quel employeur, puis comme gouvernement municipal tu n'as pas le droit de décréter, ton choix, c'est : Ou je dis oui ou je tourne la vis puis en nous souhaitant bonne chance; il va y avoir une grève, puis on va se ramasser avec des services essentiels sur lesquels ultimement je n'ai pas un droit de regard. Ça fait que tu n'en a pas, de moyen, tu as le couteau sur la gorge.

M. Laframboise : Donc, c'est pour ça qu'il y a beaucoup de conventions qui se signent puis que les villes signent. Elles n'ont pas le choix, tu sais, c'est le principe, là.

M. Labeaume (Régis) : Bien, on ne les signe pas quand ça... On s'obstine quand vraiment c'est interplanétaire, là, mais, à un moment donné, quand ça se rapproche du normal... Les maires qui m'ont précédé, ils ont fait ce qu'ils pouvaient, là, ils ne voulaient pas de bordel en ville, là.

M. Laframboise : Et, bon, vous apportez, dans vos recommandations... J'aime l'idée, là, d'avoir une résolution du conseil, là, expliquez-nous ça, là, parce qu'il faut vraiment, là, comprendre que... il faut que les citoyens sachent que toute la ville est d'accord avec la position, là, c'est ça.

M. Labeaume (Régis) : Bien, premièrement, une négociation, jusqu'à temps que ça se signe, ça se rende public, ça peut durer cinq ans, puis le citoyen ne sait jamais ce qui se passe. Il y a le maire qui va être démagogue, il y a le président du syndicat qui va être démagogue, mais il ne saura jamais ce qui se passe, jamais, jamais. Les élus, hein, peut-être que les élus de l'équipe Labeaume vont savoir, il faut que je fasse attention; les gens de l'opposition ne le sauront jamais. C'est la démocratie, ça? C'est antidémocratique, ça. On peut s'obstiner cinq ans, être démagogue d'un bord puis de l'autre, le citoyen ne saura jamais ce qui se passe, et tous les membres du conseil municipal élus ne sauront pas ce qui se passe. C'est ça, la démocratie? C'est complètement antidémocratique.

À un moment donné, il faut que ça finisse, cette affaire-là, il faut que les élus aient la chance de débattre des négociations, parce que les élus, moi, les gens de l'opposition, ils posent des questions, mais ils ne savent pas de quoi ils parlent. Normalement, ils sont «feedés» par les syndicats, mais ils n'ont aucune idée de quoi ils parlent, ils ne sont pas au courant, ils n'ont pas l'information. Puis ça, c'est le plus gros poste budgétaire de la ville. Ça n'a aucun sens, ça ne se peut pas.

Et ça, c'est essentiel, là. Dans les deux cas, autant pour le comité de règlement des différends puis le médiateur spécial, il faut qu'il y ait une résolution du conseil municipal, sinon on va encore... on va rester dans le système actuel. Puis c'est extrêmement malsain, hein, parce que, quand il n'y a pas d'information, tout le monde devient démagogue, puis ça atteint des niveaux assez originaux, hein?

Le Président (M. Auger) : Deux minutes, M. le député de Blainville.

• (10 h 20) •

M. Laframboise : Tout à fait. Et c'est ce qui vous fait dire que, bon, finalement, la résolution de conseil pourrait... Autant, tantôt, quand vous avez répondu au PQ, vous avez dit : Le syndicat fera aussi sa proposition, nous, on passera notre résolution de conseil... Allez-y.

M. Labeaume (Régis) : Est-ce que je peux ajouter quelque chose? Les syndicats peuvent faire une assemblée syndicale, dire à leur syndicat ce qui se passe; le maire ne peut pas faire la même affaire avec les membres du conseil et les citoyens. C'est fou raide, cette affaire-là, là, c'est fou raide.

M. Laframboise : Ah! c'est sûr, c'est sûr.

M. Labeaume (Régis) : Le chef syndical peut envoyer... à tout le monde : Voici où est-ce qu'on est rendus, ils m'offrent tant, tatati, tatata, tout le monde le sait. Le maire ne peut pas même dire ça au conseil municipal, aux élus. C'est fou raide, ça n'a aucun sens. C'est antidémocratique.

M. Laframboise : Tout à fait. Ça fait que c'est pour ça que vous proposez, vous, la résolution au conseil puis qui irait directement au médiateur, qui ferait sa recommandation, comme le syndicat pourra faire la même chose, on...

M. Labeaume (Régis) : Mais pourquoi qu'on aurait peur que la population le sache? Pourquoi qu'on aurait peur que les élus le sachent? Pourquoi?

Le Président (M. Auger) : Une minute.

M. Laframboise : Une minute. Et, bon, quand on... Vous parlez des nominations, vous là, là, vous voulez que ce soit vraiment indépendant, là, vous avez insisté là-dessus, là. Vous souhaitez avoir des nominations... vous n'aimez pas le mot «permanent», là, mais, juste terminer là-dessus, là, vous voulez vraiment... c'est la seule façon que vous voyez pour...

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Labeaume (Régis) : Bien, écoutez, quand on nomme un juge, on s'organise pour qu'il soit indépendant puis qu'il ne soit jamais influencé dans ses décisions. Bon, je ne sais pas si ça peut aller jusque-là, parce que, bon, un juge, c'est un juge, là, mais prenons cet exemple-là puis tentons de s'y rapprocher le plus possible, parce que l'indépendance, l'impartialité, c'est très important. Puis, vous savez, dépendamment des gouvernements, on peut avoir des goûts différents aussi, hein, je pense qu'on se comprend bien.

M. Laframboise : ...fait partie de la confiance que vous voulez avoir dans...

M. Labeaume (Régis) : Oui.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Donc, M. Labeaume, M. Julien, M. Richer et M. Legault, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre aux représentants de la ville de Montréal de prendre place.

(Suspension de la séance à 10 h 22)

(Reprise à 10 h 26)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de la ville de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc, dans un premier temps, à vous présenter, et par la suite vous pourrez commencer votre exposé.

Ville de Montréal

M. Coderre (Denis) : M. le Président, c'est toujours un plaisir. Merci de nous accueillir. Alors, je vous présente M. Pierre Desrochers, qui est mon président du comité exécutif et aussi particulièrement responsable des ressources humaines à la ville de Montréal, ainsi que Mme Diane Bouchard, qui est la directrice des ressources humaines. Voilà.

Alors, la ville de Montréal tient à remercier les membres de la Commission de l'aménagement du territoire de l'avoir conviée aux consultations relatives au projet de loi n° 110 concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

La ville de Montréal salue l'initiative du gouvernement quant au dépôt du présent projet de loi, qui introduit plusieurs changements importants dans le processus de négociation collective des municipalités. C'est avec satisfaction que nous constatons que le gouvernement donne suite à l'engagement qu'il a pris dans l'accord de partenariat avec les municipalités 2016‑2019.

Le projet de loi n° 110 reconnaît les municipalités comme des gouvernements de proximité en mettant à leur disposition un régime spécifique de négociation de convention collective. Il s'agit pour nous d'une avancée importante qui contribuera à rééquilibrer le rapport de force dans les relations de travail entre les municipalités et leurs employés. Vous avez entendu mon collègue de Québec, vous allez entendre aussi mes collègues de l'Union des municipalités du Québec, on parle d'une seule et même voix.

Il est primordial pour la ville de Montréal de bien contrôler l'augmentation de ses coûts de main-d'oeuvre afin de restreindre la pression exercée sur le budget de fonctionnement et de préserver sa compétitivité fiscale, c'est pourquoi nous réclamons depuis plusieurs années de nouveaux outils pour nous aider à contrôler la croissance de nos coûts de main-d'oeuvre en fonction de la capacité de payer des contribuables montréalais. À cet égard, le projet de loi comporte des gains très intéressants, notamment en ce qui concerne le régime d'arbitrage des policiers et des pompiers.

Nous pensons toutefois que le projet de loi doit être amélioré pour accroître nos chances d'atteindre l'objectif recherché, à savoir réduire la croissance des coûts de main-d'oeuvre dans le monde municipal. C'est donc dans un esprit de collaboration et de recherche des meilleures avenues possible que la ville de Montréal formule aujourd'hui les recommandations qu'elle porte à l'attention du gouvernement.

D'entrée de jeu, nous tenons à préciser que la négociation demeure la voie privilégiée par la ville de Montréal, je veux être très clair à ce sujet. Quelles que soient les dispositions qui seront adoptées au final, l'objectif demeure de favoriser une négociation saine et équilibrée entre les parties.

Pour l'essentiel, la ville de Montréal adhère aux principes généraux énoncés à l'article 1, qui traite de l'objet de la loi. Nous estimons cependant que cet article devrait être plus explicite en regard des intentions du législateur. Ainsi, cet article devrait spécifier clairement que l'objectif de la loi vise la création d'un régime de négociation et de règlement des différends plus propice au respect de la capacité de payer des contribuables et à l'atteinte d'un traitement équitable entre les salariés d'un même employeur public.

Concernant le conseil de règlement des différends proposé par le projet de loi, on sait que ce n'est pas un tribunal composé de membres à temps plein. Nous, M. le Président, ce n'est pas compliqué, ce qu'on dit, dans le fond, là, c'est que... oui à cette façon d'arbitrer, c'est correct pour les policiers et les pompiers, je reviendrai pour les autres par la suite, mais ce qui est essentiel, pour nous, c'est le caractère, moi, je dis, permanent et autonome, parce que, si ces gens-là peuvent faire, entre-temps, d'autre chose en même temps, on ne change rien avec le système d'arbitrage actuel.

• (10 h 30) •

Donc, pour nous, là, le processus est essentiel. On est tout à fait d'accord avec le principe et la façon dont vous le proposez, mais la qualification de ces arbitres-là, pour nous, c'est essentiel. Donc, ils doivent être permanents et autonomes. Comme ça, ça enlève toute ambiguïté, tout problème de perception. Et puis, à ce moment-là, quand on va embarquer, par la suite, au niveau des critères, ça va nous donner les coudées beaucoup plus franches. Et je pense que ça va donner... En termes de justice naturelle, ça va créer une situation beaucoup plus propice à une résultante, comme tel.

Donc, la qualification des arbitres, pour nous, c'est extrêmement important. Donc, cette saine indépendance va... L'avenue de l'intégration du conseil de règlement des différends à une structure déjà établie permettra, pour nous, une importante économie des coûts.

Concernant les critères de décision, maintenant, le projet de loi propose huit critères dont le conseil de règlement des différends doit tenir compte dans l'exercice de son mandat, d'où l'importance que ces gens-là doivent être indépendants et autonomes. Cependant, le projet de loi n'établit aucune interrelation entre les principes de l'article 1 et les articles de l'article 17. De plus, il ne propose aucune hiérarchisation de ces critères, laissant le tout à la seule appréciation des membres du conseil de règlement des différends.

On est évidemment... Nous aussi, on sait qu'on a subi beaucoup, là, ce phénomène d'arbitrage, là, dans le passé, puis qu'il y a eu une... les coûts, le 40 %, ça s'explique là-dedans aussi, là. Donc, pour nous, la question de l'équité externe, on oublie ça, je pense qu'il faut l'oublier. Ça fait que, si vous voulez faire des comparables avec la ville de Montréal, je ne sais pas avec lesquels, là, mais, dans le pratico-pratique... on comprend le principe, et tout ça, mais nous, dans le pratico-pratique, on pense que l'équité externe devrait être enlevée.

On devrait avoir des critères obligatoires, donc les trois premiers, c'est des critères obligatoires, puis, hormis la question de l'équité externe, les autres critères qu'on utilise devraient, à ce moment-là, être des critères facultatifs, pour donner quand même une latitude au travail de l'arbitrage, comme tel. Donc, critères obligatoires et critères facultatifs.

Dans le cas, donc, des salariés et pompiers, on est très heureux. Concernant les autres, à ce moment-là, bien, on pense qu'on devrait, étant donné que le Code du travail est clair, laisser tomber la question de l'arbitrage. Si vous voulez quand même garder l'arbitrage, à ce moment-là, bien, la position que Montréal défend, d'avoir des arbitres autonomes et indépendants, je pense que ça pourrait passer adéquatement, ça pourrait devenir une solution de compromis. Mais, à l'instar de l'UMQ et de la ville de Québec, on pense qu'on n'a pas besoin de cet arbitrage.

Pour le mandat spécial, nous souscrivons totalement à cette question. Vous savez, on parle beaucoup d'autonomie des municipalités. Donc, le fait d'avoir une résolution qui passe au niveau de la ville va envoyer un message très clair. Donc, le mandataire spécial est là pour voir à la raisonnabilité, il n'est pas là pour refaire le tout puis réouvrir le tout. Donc, ça enverrait un message, puis on souscrit sur la question publique. Ça envoie un équilibre, je dirais, entre... J'entendais tantôt, votre collègue de René-Lévesque disait : Oui, mais on ne pourra pas regarder ça, au niveau de l'Assemblée nationale. Bien, je m'excuse, ce n'est pas à l'Assemblée nationale à négocier ce qui se passe au niveau de nos villes. Cependant, on n'a pas le pouvoir de décréter. Et, si on veut passer par le mandataire spécial, bien, à ce moment-là, vous allez avoir une résolution entre les mains où vous allez savoir exactement ce qui se passe du côté de la ville. Donc, on pense que c'est un équilibre entre... sur le plan démocratique, tout en respectant l'autonomie.

Concernant l'application de la loi, moi, je pense qu'on devrait l'appliquer seulement au niveau du MAMOT. Pourquoi? Parce que, ça semble peut-être paradoxal par rapport au Code du travail, et tout ça, nous, on pense qu'étant donné que dans la réalité de la vie, dans... le fait d'avoir le ministre qui connaît, qui a la sensibilité puis qui sait exactement comment ça se passe du côté du monde municipal, bien, c'est quelque chose à part, ce projet de loi là peut... on pourra s'assurer, à ce moment-là, qu'il relève du ministre des Affaires municipales comme tel, parce que de toute façon, avec les processus qui vont jusqu'au mandataire spécial, déjà, je pense que ça va de soi.

En terminant, la ville de Montréal souhaite exprimer sa préoccupation en regard de l'article 56 dans sa mouture actuelle. Le premier alinéa de l'article 56 prévoit que «tout arbitrage dont l'instruction en vertu des dispositions du Code du travail a débuté le [10 juin dernier] continue d'être régi par les dispositions de ce code, telles qu'elles se lisent à cette date». Bien que la notion d'instruction soit bien connue, la ville de Montréal considère que l'intérêt public requiert que le projet de loi soit modifié afin d'éviter la judiciarisation des dossiers en cours. Dans cet esprit, la ville propose que l'article 56 soit modifié afin de préciser que tout arbitrage dont un arbitre est saisi en vertu du Code du travail se poursuit seulement si les deux parties le demandent conjointement dans un délai donné, après la sanction de la loi. Dans le cas contraire, l'arbitre est dessaisi du différend.

Évidemment, si, nous autres, les policiers ont convoqué les deux parties avec la médiation, nous, on ne l'avait pas saisi, on était là en mode écoute, il n'y a rien qui se fait entre-temps, peut-être parce qu'il y a des gens qui avaient eu vent qu'un projet de loi s'en venait puis qui disent : Bon, bien, là, cette loi-là ne s'appliquera pas à nous autres, donc, je pense que ce n'est pas correct, comme tel, là. Et puis, pour nous, c'est important, là, en toute équité, de nous assurer, pour l'intérêt public, que le projet de loi n° 110 puisse également s'appliquer à la question de nos policiers.

Entre-temps, bien, je suis prêt à répondre à vos questions. Je vous remercie de nous donner cette capacité. Je pense que ce projet de loi, dans ce qu'on propose, c'est un peaufinement, mais, en termes de processus, je pense que la question de la qualification des arbitres est importante. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, vous avez la parole pour 16 min 30 s.

M. Coiteux : Oui. Merci, M. le maire, pour la présentation et d'avoir soulevé des points, là, qui sont notés pour réflexion, bien entendu.

Il y a un certain nombre d'enjeux que vous avez abordés sur lesquels j'aimerais peut-être vous entendre un peu davantage. Puis il y a un enjeu qui a également été soulevé par Québec, un petit peu différemment, mais néanmoins il y a une certaine convergence des préoccupations par rapport au mandataire spécial.

Le projet de loi prévoit que la demande d'une intervention d'un mandataire spécial... Qui, je le répète, là, puis pour que ce soit clair pour tout le monde, ce n'est pas un arbitre, là, ce n'est pas quelqu'un qui va trancher, là. Le mandataire spécial, ce n'est absolument pas un arbitre. Alors, il ne faut pas qu'il y ait de confusion des genres ici, ce n'est pas un arbitre. Le mandataire spécial, il est là dans des circonstances exceptionnelles, qui auront été justifiées par l'une ou l'autre des parties, là, qui disent : Il y a une impasse, les services publics sont menacés; il y a une impasse, et puis on a tout essayé, puis on n'y arrive pas, puis il y a un enjeu majeur, puis il faudrait que le gouvernement se penche là-dessus. Et le gouvernement, à ce moment-là, peut nommer un mandataire spécial.

Maintenant, vous faites le lien entre une résolution du conseil municipal et l'enclenchement de ce processus-là. Et si c'était la partie syndicale qui, dans des circonstances exceptionnelles, demandait au gouvernement de considérer la nomination d'un mandataire spécial, vous verriez ça comment, de votre point de vue?

M. Coderre (Denis) : ...je n'ai pas de problème. Sauf que ce qui est important, dans ce sens-là, je pense, et en toute démocratie, si on veut respecter le principe de l'autonomie municipale... Parce que, tu sais, on se bat pour un statut de métropole, qu'on va avoir, vous avez déposé un statut de capitale nationale, il va y avoir l'application du livre blanc ou du livre bleu dans une loi-cadre au niveau des municipalités. Donc, comment on peut trouver une façon équilibrée de se dire... Parce qu'on comprend qu'on ne peut pas décréter. Même vous, vous ne décrétez pas. Quand c'est une loi spéciale, c'est un pouvoir législatif, vous ne décrétez pas les conditions de travail. Donc, dans ce sens-là, comment on peut envoyer un message qu'on prend nos responsabilités puis ça relève de nous? Bien, cette résolution-là, ça veut dire que, de façon large, toute l'assemblée, notre conseil va pouvoir se pencher sur cette question-là. Que le syndicat de toute façon fasse sa demande, nous, on va passer notre résolution quand même, et puis, à ce moment-là, tout va être public. Donc, c'est pour ça que c'est important qu'il y ait le principe de transparence, que ce soit public à ce niveau-là.

Moi, je n'ai pas de problème, là, je ne dis pas que j'enlève une capacité aux syndicats de le faire, on privilégie la négociation, mais, dans cet équilibre de rapport de force, puis tout en étant cohérents avec notre façon de voir sur les principes d'autonomie municipale dont on fait la promotion, je pense qu'à ce moment-là ce peaufinement-là pourrait nous aider.

M. Coiteux : Vous l'avez mentionné dans votre présentation, mais j'aimerais en entendre un petit peu plus là-dessus. Il y a d'autres présentations qui vont être faites aujourd'hui, je pense que l'opposition officielle aussi se questionnait sur le rôle du ministre des Affaires municipales, dans le cadre de ce projet de loi là, par rapport au ministre ou à la ministre du Travail, et vous, vous avez été très clair, tout à l'heure, il faut que ce soit le ministre des Affaires municipales qui soit responsable de l'application de ce projet de loi. Pouvez-vous... à la lueur de l'expérience vécue par Montréal?

M. Coderre (Denis) : C'est parce que, dans la réalité de la vie, là, quand ça commence à jouer au tennis entre deux ministres, c'est peut-être le fun à regarder, mais je ne suis pas sûr qu'on va régler quoi que ce soit. Puis ça n'enlève pas la bonne foi puis les qualités des ministres ou des ministères. Mais je pense que, le fait que vous avez un processus qui amène jusqu'au mandataire spécial, et par la suite vous êtes tributaire de ça, c'est vous qui êtes en charge de ce processus-là, en toute cohérence...

Vous savez, c'est important, là, il faut qu'il y ait justice et apparence de justice. On peut être en désaccord avec les syndicats sur les façons de voir, on peut se dire des gros mots de temps en temps, mais le but premier, c'est la capacité de payer des gens puis de respecter les gens qu'on représente. Donc, si le processus vient alourdir et enlève toute cette notion de ce qu'on défend avant, bien, je pense qu'il y a un problème.

Donc, c'est vraiment une question pratico-pratique. En termes réels, là, de «realpolitik», là, je pense qu'à ce moment-là ça rend la loi encore plus forte, moins questionnable, et puis ça vient renforcer le rôle, comme il se doit, du ministre des Affaires municipales. On parle de dossiers municipaux, là, ce n'est pas juste une question de relations de travail.

Parce que, quand vous ajoutez le processus du mandataire spécial, là, c'est une nouveauté, là. Donc, en ce sens-là, il faut qu'il y ait quand même un lien très précis en ce sens.

• (10 h 40) •

M. Coiteux : Un autre enjeu... Et puis le maire de Québec, tout à l'heure, dans la présentation, aussi a mentionné cette question-là, l'importance de l'indépendance des membres qui composent le conseil des règlements des différends. Puis vous avez évoqué, vous, M. le maire, la notion de permanence, la notion d'incapacité de faire autre chose que cela pendant un certain mandat. Je voudrais juste vous entendre sur la chose suivante. Supposons...

Puis c'est certainement le souhait, là, que dans la majorité des cas les choses se règlent par négociation. Et d'ailleurs le projet de loi prévoit un nombre minimal de jours de négociation, oui, bien entendu, parce qu'il faut quand même que les gens démontrent leur bonne foi, on ne peut pas aller à deux, trois séances de négociation sur une semaine puis demander un arbitrage, là, même avec le nouveau régime. Donc, il faut travailler fort en négociation, parce que ce qu'on veut, c'est qu'il y ait des règlements négociés, mais on a la médiation obligatoire.

Bon, notre espoir, bien entendu, c'est que, le nouveau cadre, l'équilibre entre les grands principes, démocratie municipale, au service de l'ensemble des citoyens — donc ce n'est pas une entreprise privée qui négocie avec un syndicat, c'est une entité publique, démocratiquement élue, redevable devant ses citoyens — notre espoir, c'est qu'il n'y aura pas tant que ça besoin d'utiliser le conseil de règlement des différends, hein? Si tout le monde s'oriente, là, vers une négociation raisonnable, sachant qu'il y a des principes d'équilibre, peut-être qu'il y aura moins la nécessité de recourir à des mécanismes comme celui-là.

Supposons, peut-être pas, mais supposons que c'était ça qui arrivait et qu'on a un conseil des règlements des différends qui n'a que quelques cas à régler à l'intérieur d'une période de cinq ans, est-ce qu'ils peuvent ne vivre que de ça? Est-ce que vous voyez un enjeu ici ou...

M. Coderre (Denis) : Si vous me demandez ce qu'ils pourraient faire en plus, on pourrait mettre les griefs là-dedans, ça pourrait être intéressant, ils ne manqueront pas d'ouvrage, inquiétez-vous pas, de ce côté-là. Mais je pense que, si on veut être conséquent, si c'est exactement comme les arbitres actuels, bien, je m'excuse, ça ne change rien. Parce que ça nous coûte 52 % de la masse salariale, il y a eu des coûts de 40 %, là. Ça explique ça, là. Alors, moi, je pense qu'il faut aussi... Puis même vous allez en avoir du côté syndical qui ne seront pas en accord avec la façon dont les arbitres fonctionnent. Donc, pour être sûr, là, au lieu d'embarquer sur le processus, qu'on embarque sur les critères et sur le résultat, à ce moment-là... Puis, écoutez, moi, en 30 ans de vie politique, je peux vous dire qu'il y a des moments où on a besoin presque du quasi judiciaire pour assurer que de part et d'autre on ne questionne pas le processus, mais on va vraiment vers les résultats. À ce moment-là, la qualification de ces arbitres-là est essentielle, à mon avis. Et, par expérience, et puis la façon dont je vois les choses, si on veut que le processus fonctionne et qu'on ne s'empêtre pas... Peut-être les avocats vont vouloir questionner la constitutionnalité puis jouer là-dedans, mais je pense que le but — puis vous le faites depuis le début, là — le but d'un projet de loi puis le rôle d'une commission parlementaire, c'est justement de travailler en matière de prévention pour assurer, justement, qu'elle soit la plus complète possible et la plus solide possible. Alors, moi, je pense qu'on réglerait énormément de problèmes au niveau du processus.

Et en plus, comme je vous ai dit, puis ça n'a rien à voir avec la loi, mais elle peut être utile par la suite pour d'autres secteurs, exemple les griefs. Ça, vous ne manquerez pas d'ouvrage là-dedans.

Mais je pense qu'on ne veut pas avoir un système qui va nous dire : Bon, bien, c'est sûr qu'on va aller là, mais tant qu'il y a de l'homme il y a de l'hommerie, hein? La nature humaine étant ce qu'elle est, bien, c'est sûr que les gens vont regarder ça puis ils vont dire : C'est quoi, l'intérêt? puis : Comment je peux aller en chercher plus?

On fait beaucoup d'arbitrage, du côté de Montréal, comme vous le savez, M. le ministre. Alors, on recherche évidemment des résultats négociés, mais je pense que ça, ça pourrait répondre à beaucoup de questions.

M. Coiteux : Mais le projet de loi, tel qu'il est proposé, quand même oblige à ce que ces nominations-là consacrent des expertises particulières, ce qui n'est pas le cas actuellement dans les mécanismes d'arbitrage que nous avons, là.

M. Coderre (Denis) : Ce que je vous dis, en fait, c'est qu'on est contents de la façon dont vous le sortez, mais ce qu'on dit en plus... Je pense que l'élément qui manque, là, c'est au niveau, là, de la permanence ou de l'autonomie, là. Alors, moi, je pense qu'on a fait des pas de géant au niveau des policiers et des pompiers. Pour l'autre côté... C'est pour ça que je vous dis : Si on embarque, dans les autres syndicats, sur l'arbitrage... On ne veut pas non plus que tout se fasse par arbitrage, là, de dire : On recule, à ce moment-là, quand on parle des autres syndicats, on comprend que... au niveau des services essentiels, et tout ça, mais moi, je pense qu'à ce moment-là, si, dans les policiers et pompiers, vous qualifiez les arbitres comme je vous le propose, on parle du mandataire spécial de l'autre côté, vous avez de toute façon le Code du travail qui prévoit l'arbitrage, de toute façon, bien, si, au bout de la ligne, vous vous entendez tous pour dire que ça nous le prend pareil, ce conseil des différends, pour les autres syndicats, moi, je vous dis que ça pourrait passer la rampe puis ça devient une solution de compromis, si à ce moment-là... En renforçant le processus sur la qualification des arbitres, ça va vous donner une chance supplémentaire.

M. Coiteux : Je voudrais maintenant vous entendre sur les critères qui doivent guider la décision du conseil de règlement des différends et qui doivent être pris en compte par un mandataire spécial qui ferait des recommandations au gouvernement. Il y a quand même un changement par rapport aux critères qui sont appliqués à l'heure actuelle, dans les mécanismes actuels. Vous avez évoqué à la fois comme une espèce de jugement partagé. Il y a une partie de ça que ça va, il y a une partie de ça que vous questionnez un peu. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu plus sur les critères?

M. Coderre (Denis) : Bien, écoutez, moi, je pense qu'il y a deux éléments. Le premier, c'est la notion obligatoire versus facultative. Si on met tout ça là-dedans, c'est sûr que nous, la question de l'équité externe, on pense qu'on devrait l'enlever, mais, si on s'en tient, par exemple, aux critères obligatoires, à ce moment-là, on dit que... La situation financière et fiscale de la municipalité, tout à fait. Les conditions de travail applicables aux salariés concernés, tout à fait. Les conditions de travail applicables aux autres salariés d'une municipalité, ça va. Au niveau facultatif, si on dit facultatif, c'est-à-dire qu'on peut s'en inspirer, mais il ne faut pas que ce soit obligatoire. Les exigences relatives à la saine gestion des finances publiques, la question de la situation économique locale puis la situation de la perspective salariale et économique du Québec, ça, ça devient un élément d'inspiration. Mais, étant donné que vous avez... Surtout pour Montréal, en plus, on parle ici de la métropole, et puis c'est quand même unique par rapport à son statut, bien, on pense qu'à ce moment-là... Mais on comprend qu'on ne doit pas tout enlever. C'est sûr que, dans le meilleur des mondes... On dit que, si on n'avait que des critères obligatoires, ça va, mais on veut donner quand même une latitude aussi aux experts, au conseil de différends, comme tel, alors c'est pour ça qu'on dit : Hormis l'équité externe, les autres critères pourront être facultatifs, à ce moment-là.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

M. Coiteux : M. le député de Vimont voulait...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Combien de temps?

Le Président (M. Auger) : Quatre minutes.

M. Rousselle : Parfait, merci. M. Coderre, M. Desrochers, Mme Bouchard, merci d'être ici.

Écoutez, je vais poser la même question que j'ai posée au maire de Québec, parce qu'en entrée de jeu vous parlez d'évolution de la rémunération globale, et puis il y a certaines centrales syndicales... Puis j'en profite parce que je sais que tantôt on va les entendre, puis ils vont sûrement arriver avec ces statistiques-là...

M. Coderre (Denis) : ...

M. Rousselle : Non, mais, ce 40 % là, il y en a qui doutent, ce 40 % là, de la différence, parce que, là, il y en a qui vont parler : Oui, mais il n'y a pas une différence si grande que ça... en tout cas, il n'y en a pas une entre les policiers de Montréal ou de Laval, peu importe. Donc, c'est là-dessus que je voudrais vous entendre.

• (10 h 50) •

M. Coderre (Denis) : Bien, moi, je suis factuel, là, on regarde l'Institut de statistique, je suis factuel. Alors, on peut être en accord ou en désaccord, là, les chiffres sont là.

Deuxièmement, moi, là, je ne veux pas me retrouver où vous avez eu une loi sur les régimes de retraite qui a un impact important, auquel on souscrit totalement, et de se dire que par la porte d'à côté, par la façon de négocier, avec des enjeux, on va revenir exactement à la même situation.

Nous, là, on est passés d'une masse salariale de 52 % à 46 %, on a coupé dans les dépenses. La capacité de payer des gens, ce n'est pas n'importe quoi, là. Moi, j'ai le choix. Si vous voulez qu'on finance les régimes, puis ce à quoi on s'entend, parce qu'on n'a pas le choix, en quelque part, bien, on a deux choix : ou bien on coupe, puis là ils vont dire qu'on coupe dans les services, puis je ne veux pas ça, ou bien on augmente les taxes. C'est ça, la capacité de payer, là.

Donc, on se dit qu'à la lumière des chiffres, à la lumière des statistiques... On pense que ce qu'on a de besoin, suite à la loi des régimes de retraite, bien, c'est justement cette façon de négocier les différends, et puis à ce moment-là, bien, on se base sur des chiffres. Je pense que les chiffres sont clairs par eux-mêmes, là. Vous avez juste à regarder nos budgets puis les comparables; bien, ça nous coûte cher. On est fiers de nos policiers, de nos pompiers, de nos employés, on est très fiers, mais à un moment donné on le sait, comment ça fonctionne. Puis M. Labeaume l'a dit, Régis l'a dit tantôt, là, quand on compare, là, le policier de Châteauguay ou de Saguenay par rapport à Montréal, ils vont regarder comment ils ont pu avoir. Puis, si l'arbitre dit : Bon, bien, regarde, c'est ça, les échelles, puis ils vont appliquer cette échelle-là, bien, c'est sûr qu'au bout du compte c'est le payeur de taxes, c'est le contribuable qui va payer. Donc, nécessairement, on doit trouver une façon correcte, et c'est pour ça qu'on salue ce projet de loi là, parce que vous avez déjà des éléments qui nous permettent d'encadrer comme il se doit. On vous a dit de parler d'intérêt public, de parler au niveau des comparables, de se donner des critères. Puis je pense qu'il faut les hiérarchiser, dans le sens que... au niveau obligatoire puis au niveau facultatif. Puis à ce moment-là je pense qu'on va être en mesure d'équilibrer ce rapport.

Le Président (M. Auger) : Oui, M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Toujours dans le même sujet... Vous, là, d'ailleurs, vous devez le voir, à ce moment-là, dans vos budgets, vous devez le voir, ce déséquilibre-là, à ce moment-là, avec les employés provinciaux, sûrement. Parce que, là, les gens qui nous écoutent, tu sais, on parle de chiffres ou quoi que ce soit, mais là ils vont juste voir... Ils veulent savoir, eux autres, la différence, exemple, entre un travailleur manuel de la ville de Montréal et puis celui du gouvernement du Québec.

M. Coderre (Denis) : Quand on le prend en général, là, on parle environ de 40 %. Vous avez eu des études, là, Robert Gagné au niveau du HEC, vous avez l'Institut de la statistique du Québec, écoutez, les chiffres corroborent en ce sens-là. Alors, c'est pour ça que nous, bon, bien, c'est sûr que, si on veut comparer des comparables, on se dit qu'un employé... Tu sais, on ne peut pas payer à moins d'augmenter les taxes, là. Alors, on se dit... nous, on pense que, si on veut faire les choses adéquatement tout en offrant des services de qualité, bien, il faut, à ce moment-là, nous assurer qu'on puisse avoir ce rééquilibre-là.

Peut-être, Mme Bouchard... Avez-vous des choses à rajouter?

Le Président (M. Auger) : Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Diane) : Oui. Bien là, on parle de 40 %; ça, c'est par rapport... c'est une moyenne des municipalités. Montréal, les études du HEC, ce que ça nous démontre, c'est que Montréal, on est 30 % supérieur que la moyenne des municipalités. Donc, quand on dit 40 %, là, c'est conservateur, on ne risque pas trop de se tromper, là, on est 30 %, Montréal, au-dessus de la moyenne des municipalités. Ça fait que je pense que le 40 % est assez conservateur.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant poursuivre avec l'opposition officielle pour 10 minutes. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. le maire.

Je voudrais d'abord vous amener à la page 7 de votre mémoire. Vous y allez d'une recommandation, une première recommandation, de l'article 1, et vous voulez qu'il soit modifié pour «prévoir plus explicitement que les objectifs de la loi [soient] de prioriser la capacité de payer des contribuables et la recherche de l'équité entre les salariés d'un même employeur». J'ai posé la question tantôt au maire de Québec et j'aimerais vous entendre. Vous, M. le maire, de façon explicite, comment vous interprétez cette capacité de payer là? Je vous ai entendu tout à l'heure, la masse salariale fait partie d'une colonne de dépenses à la ville de Montréal, il y a d'autres colonnes de dépenses, les différents projets que la ville peut mener. Quand on voit le rapport des HEC, on voit que les dépenses de la ville de Montréal ont baissé de 3,4 %. Donc, comment vous faites ce juste équilibre, comment vous faites ce juste équilibre pour dire : Toute augmentation de salaire des employés ou de la masse salariale égale une augmentation de taxes, et en contrepartie toute baisse des transferts du gouvernement vers les municipalités n'amène pas nécessairement une augmentation de taxes? Ça fait que j'aimerais que vous m'expliquiez, sur la capacité de payer, sur quel raisonnement vous arrivez à...

M. Coderre (Denis) : Bien, le raisonnement, c'est que ça nous prend tant de revenus puis ça nous prend tant... puis ça coûte tant. Je veux dire, c'est sûr qu'on regarde de façon globale. Si vous avez... En commençant, moi, quand je suis arrivé, j'ai dit : On n'augmentera pas plus que le taux de l'inflation. Donc, il y a la notion du taux d'inflation. Deuxièmement, on avait un taux de masse... le taux, juste la masse salariale, c'était 52 %. En plus, on avait négligé, de la façon dont on investissait dans nos infrastructures. On a fait un ménage, on a changé notre culture de gouvernance à l'intérieur.

Puis, au bout de la ligne, notre rôle, on n'est pas une business, là, notre rôle, c'est de donner un service tout en nous assurant qu'on ait un sain climat de travail. Bon, il y a eu ce qui est arrivé, il y a eu le saccage, il y a eu toutes sortes de choses. C'est pour ça qu'on... On est en 2016, on ne veut plus revivre dans le passé, là. Quand on vous parlait de couteau sur la gorge, tantôt, là, puis on parlait des gros bras, puis tout ça, là, les médias ont plein de films, ils vont vous en montrer. Moi, je regarde vers l'avenir, alors je me dis : Qu'est-ce qu'on est capables de faire vers l'avenir pour trouver cet équilibre-là?

Donc, la capacité de payer, c'est quoi? Bien c'est d'être capables de remplir nos engagements sans avoir à augmenter le fardeau de nos citoyens. Alors, on a enlevé les silos, on a réorganisé notre façon de faire. Il y a eu le projet de loi que... la loi sur les régimes de retraite. Il y a maintenant cette loi sur les différends, la question des conditions de travail. Alors, tout ça... Le statut de métropole qui s'en vient également. Donc, quand vous prenez tout ça ensemble, ça va nous permettre d'avoir... respecter la capacité de payer des gens. Pourquoi? Parce que vous savez qu'entre 2002 puis aujourd'hui, là, juste en termes de régimes de retraite, ça a coûté 500 millions de dollars de plus, au moins. Et moi, là, ce que je veux, c'est de m'assurer qu'il puisse y avoir un avenir tant pour nos employés que dans la façon de livrer les services. Bien, pour ça, bien, il faut être en mesure de gérer nos finances puis d'avoir le contrôle de nos dépenses, on a à poser des gestes. On les a faits nous-mêmes, vous l'avez dit avec raison, c'était la première fois en 30 ans qu'on coupait les dépenses. Ça fait qu'on l'a fait, là, je veux dire, M. Desrochers a fait un travail colossal avec notre équipe. Tous les employés, M. Marcoux, notre directeur général, et les autres, on a travaillé ensemble pour arriver à ça. On peut être en accord ou en désaccord sur certains points, mais la finalité, c'est qu'il y a une personne qui décide, c'est le citoyen, puis moi, je les représente. S'ils ne sont pas contents, il y a une élection l'année prochaine.

M. Ouellet : Donc, si on prend l'essence même de la loi — merci, M. le Président — et que... on prend pour acquis que le mandataire qui aura à évaluer, suite aux recommandations, pour recommander au ministre les conditions de travail aura à faire une évaluation aussi de cette capacité de payer là, donc le travail que l'administration publique aura fait, dans le cas de Montréal, pour dire : Écoutez, avec le travail qui a été fait, on évalue que la capacité de payer des citoyens se situe entre telle et telle zone.

M. Coderre (Denis) : En fait, M. Ouellet, le rôle du mandataire spécial, c'est de voir à la raisonnabilité des demandes. Ce n'est pas à l'Assemblée nationale à négocier nos conventions collectives puis à décider ce qui est bon, ce qui n'est pas bon, puis que, là, à ce moment-là, on transporte ce qui s'est passé, mettons, à Montréal, puis là... Vous allez avoir plein de visites, ça va être le fun, mais il y a d'autres façons de se faire des amis. Alors, nous, on se dit, à ce moment-là, dans la mesure où... Puis on souhaite que ça ne se rende pas jusqu'au ministre, parce que, dans le fond, c'est ça, là, on se dit : Si vous voulez, là, que ça se rende jusqu'au ministre, bien, ce n'est pas tout le monde qui va être content non plus. Mais, au nom de l'autonomie municipale, on se dit, on va passer la résolution, ça va être public. Vous avez le mandataire spécial qui soit par la demande du syndicat ou de la ville... bon, bien là vous regardez la raisonnabilité de ça, puis le ministre, par la suite, va faire son projet de loi en conséquence. Pour nous, je pense que ça vient avec la notion, je dirais, de la démocratie, là, de la représentativité, de ce qu'on est, là, de l'autonomie municipale. Je pense qu'avec ça, là, on est en business.

Le Président (M. Auger) : Cinq minutes.

M. Ouellet : Encore sur le mandataire spécial, vous disiez tout à l'heure, M. le maire... vous parliez de la raisonnabilité, donc on va évaluer la raisonnabilité de la demande. Et je pense que, plus loin dans le mémoire, vous y allez jusque... qu'on puisse, le conseil de ville puisse... je ne veux pas dire «influencer», mais donner son avis sur... ou l'appréciation de la teneur des négociations pour arriver à un règlement.

Est-ce que, d'une part, vous acceptez à ce que la partie syndicale fasse aussi ces mêmes représentations là? Parce que, un, d'une part, ils sont...

M. Coderre (Denis) : Tout à fait.

M. Ouellet : Oui? O.K.

M. Coderre (Denis) : Oui, oui, moi, je n'ai pas de trouble avec ça. Mais ce que je ne veux pas, c'est que le mandataire spécial soit un arbitre. Puis le ministre l'a dit avec éloquence tantôt, ce n'est pas un arbitre. Ça, c'est la première étape. Là, on se dit... Nous, on pense qu'on ne devrait pas avoir de l'arbitrage, sauf pour les policiers puis les pompiers, pour des raisons évidentes, mais, si l'arbitrage demeure quand même, bien là je vous ai donné une proposition qu'à ce moment-là la qualification de ces arbitres-là est importante. Je pense qu'il y a un équilibre dans tout ce qu'on a dit, là. Mais je suis tout à fait solidaire tant avec l'Union des municipalités du Québec, dont est mon ami Régis, dont la ville de Québec fait partie également, là. Je pense que la notion de démocratie, la notion de transparence, que ce soit public... je pense que ça envoie aussi un message, là, et au mandataire, et au ministre, puis à ceux qui éventuellement... s'il y a un projet de loi rattaché à ça.

Le Président (M. Auger) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Dernière question, pour ma part : Dans ce cas-là, est-ce que le mandataire peut effectivement modifier ce qui aurait été présenté par la municipalité ou par le syndicat en question?

M. Coderre (Denis) : Je pense que non, parce que ce n'est pas un arbitre. Il est là... Ce n'est pas le rôle du mandataire spécial de changer, c'est de voir à la raisonnabilité des demandes, et puis à ce moment-là le ministre va trancher. Puis de toute façon le Code du travail est clair, ils pourront toujours retourner en arbitrage.

M. Ouellet : ...à dire, oui ou non, c'est raisonnable ou pas?

M. Coderre (Denis) : C'est tout.

M. Ouellet : O.K. J'aimerais passer la parole à mon collègue de Richelieu.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Merci, M. le Président. M. le maire, bonjour.

Mon collègue de René-Lévesque notait dans ses remarques préliminaires l'absence de la ministre du Travail pour l'étude de ce projet de loi qui pourtant modifie le Code du travail et dont elle est la gardienne. Ça doit plutôt vous réjouir, parce que vous estimez... c'est écrit noir sur blanc dans votre mémoire : «La ville [...] estime que, pour des raisons de simplicité et d'efficacité, seul le ministre des Affaires municipales devrait être responsable de l'application des dispositions de la loi et des relations de travail pour le monde municipal.»

Vous avez quand même confié verbalement, tout à l'heure, que ça pouvait sembler plutôt paradoxal. Ne l'est-ce pas pas mal plus que plutôt, paradoxal, M. le maire, genre particulièrement paradoxal? Le gouvernement du Québec a un ministère du Travail que vous ne voudriez plus voir se mêler des relations de travail dans le monde municipal, ce qui a paru de la musique aux oreilles du ministre.

• (11 heures) •

M. Coderre (Denis) : Juste au ministre. Quand j'ai dit : Ça paraît paradoxal, bien, je vous expliquais que ça ne l'était pas, justement, parce que, si en plus il a à trancher sur le mandataire spécial, donc, il a un rôle spécifique à jouer dans ce dossier-là. Le Code du travail existe pareil de toute façon, là, mais, si vous voulez avoir un projet de loi qui va régler les différends... Et pourquoi qu'on fait un projet de loi sur le municipal, d'abord?

Alors, on se dit que, tant qu'à être cohérent... La notion de cohérence, sur le plan législatif, c'est important. Et le rôle d'une commission parlementaire, respectueusement, c'est de s'assurer justement qu'on regarde, vous faites l'avocat du diable avec succès, et à ce moment-là, bien, au bout de la ligne, vous décidez article par article ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, puis on vient peaufiner en conséquence. Mais il n'y a pas... Dans une loi, il y a l'esprit de la loi, donc l'interprétation de la loi, et il y a la réalité de la vie aussi. Alors, à ce moment-là, on se dit que, dans la mesure où vous allez avoir à travailler et à saisir ce qui se passe du côté des municipalités, puis que le ministre a déjà un rôle à jouer, au lieu d'avoir deux ministres qui se garrochent la balle... qui peut être intéressant, là, pendant les Olympiques, là...

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Coderre (Denis) : ...mais je pense que ce qui est clair pour moi, c'est, à ce moment-là, que ça dépende seulement du ministre des Affaires municipales.

Le Président (M. Auger) : Dernière question.

Une voix : Combien de temps...

Le Président (M. Auger) : 30 secondes.

M. Rochon : 30 secondes. Les villes parlent beaucoup d'un rapport de force déséquilibré, applaudissent ce projet de loi, parlent d'un nouvel équilibre. J'aimerais que vous qualifiiez... vous entendre qualifier ce nouvel équilibre. Est-ce que vous ne vous en réjouissez pas parce qu'il est...

Une voix : ...nécessaire.

Le Président (M. Auger) : Il n'en reste plus.

M. Coderre (Denis) : Merci.

Le Président (M. Auger) : Donc, nous allons poursuivre avec la deuxième opposition pour 6 min 30 s. M. le député de Blainville et porte-parole.

M. Laframboise : Oui, merci beaucoup, M. le Président. M. le maire, M. Desrochers, Mme Bouchard, merci d'être présents.

Ma première question... Puis je pense que ça fait le portrait d'un peu tout le projet de loi, quand vous dites : L'équité externe, il faut enlever ça comme critère. Moi, je voudrais que vous me donniez, parce que... l'équité externe, l'importance que ça peut avoir, l'impact que ça a eu sur la ville de Montréal, que des villes paient des fonctionnaires qui font le même travail que vous dans d'autres municipalités... et parfois un peu plus cher. Quel impact ça a sur vos propres négociations à la prochaine négociation, là?

M. Coderre (Denis) : Je vais justifier la présence du président du comité exécutif, je vais le faire parler un peu. Il va justifier son voyage.

Le Président (M. Auger) : M. Desrochers.

M. Desrochers (Pierre) : Oui, merci beaucoup. Merci beaucoup pour la question.

En fait, une ville comme la ville de Montréal doit quand même demeurer attractive. C'est certain qu'on a toujours un objectif, et le maire l'a dit, de vouloir assurer qu'on règle nos conventions collectives par la négociation, et on doit en même temps être en mesure de recruter des employés de qualité, qui remplissent... et qui nous permettent de les attirer. Ça, ce sera toujours un objectif qu'on aura, indépendamment de n'importe quel critère qui sera fait. C'est une réalité de la vie, là, si on veut avoir du monde.

D'un autre côté, on sait que, dans les mécanismes qui sont mis en place, en regardant cette question d'équité externe, elle a fait qu'au cours du temps, et ce qui est tout à fait normal, c'est d'aller chercher toujours la petite chose qui est la meilleure des choses, et qui a créé une spirale inflationniste. On peut parler de la ville de Montréal, mais je suis certain que vous avez 32 autres exemples, qu'on parle du baseball, du sport et tout ça, là, où cette recherche d'arbitrage, d'aller chercher toujours l'équité, là, bien, les gens deviennent très spécialistes, et aujourd'hui, bien, ça a créé des écarts, ça a créé les écarts auxquels on fait face aujourd'hui. Et il y aura toujours, pour différentes raisons... et je ne peux pas comprendre les raisons des autres, on va parler des nôtres, là, qui vont faire que quelqu'un va donner quelque chose que peut-être quelqu'un d'autre ne donnerait pas et ne peut pas donner, mais soudainement il se retrouve dans une position à être obligé de donner à cause de quelqu'un d'autre, et là ça enlève à notre propre pouvoir décisionnel, à la ville de pouvoir décider pour elle-même en fonction de certains critères. Et l'expérience, très clair, démontre par les chiffres, et ce n'est pas nous autres, là, qui le fait, par les chiffres que cet écart-là ne fait que s'agrandir.

Donc, il faut éliminer ça. On a proposé de prioriser six autres critères, il y en a qui sont prioritaires, c'est clair, il y en a trois autres qui sont facultatifs et dont on devra tenir compte, mais on croit que l'équité externe nous a amenés où on en est, et on ne peut plus se fier que sur ça, on ne peut pas.

Ça n'empêchera pas la ville de demeurer une ville compétitive, attractive. Ça, on a une obligation de faire ça. On veut que les gens travaillent à la ville de Montréal, on veut des gens de qualité à la ville de Montréal, mais il y a d'autres moyens d'y arriver, puis ça, bien, on a une responsabilité vis-à-vis ça.

M. Coderre (Denis) : Mme Bouchard va vous donner quelques exemples, d'ailleurs.

Mme Bouchard (Diane) : Oui, j'avais un exemple concret. Quand vous demandez comment ça se manifeste, chez les pompiers, là, si on prend de 1997 à 2014, les policiers ont eu 16 % de plus que les autres groupes en augmentations, en partie parce qu'on est allés à quelques reprises en arbitrage. Ça fait que ça, c'est un effet, c'est un exemple concret du fait qu'on ait laissé juger un arbitre avec des critères externes, qui comparent toujours la ville de Montréal à d'autres villes qui paient plus.

Souvent, les... Montréal, il n'y a pas de comparatif, là, on l'a dit. Québec l'a illustré tout à l'heure, il n'y a pas de ville comparable. Les arbitres changent... Dépendamment, dans un arbitrage, il y a des arbitres qui vont prendre les villes avec des populations de 100 000 habitants, d'autres arbitres qui vont prendre des villes avec 200 000 habitants, donc ce n'est pas des villes qui sont nécessairement comparables. Nos policiers sont groupe 5. Dans d'autres villes, c'est des groupes 3, au niveau, là, des responsabilités. Donc, c'est difficile de trouver des comparables.

Il y a toujours des villes, pour différentes raisons... Puis c'est ça qui est dangereux avec l'équité externe, hein, on connaît les salaires, mais on ne connaît pas l'historique des négociations, on ne connaît pas le contexte, les enjeux particuliers. On ne sait pas, pour avoir tel salaire, quel compromis ils ont fait, ils ont peut-être obtenu de la sous-traitance, ils ont peut-être obtenu autre chose. Ça, on ne le connaît pas, puis ce n'est pas pris en considération. Donc, c'est dangereux quand on n'a que des chiffres, quand on fait de l'équité externe. On le voit avec les policiers, qu'est-ce que ça a donné, là, c'est des faits concrets.

M. Laframboise : M. le maire, pour arriver à la confiance, dans le projet de loi, vous, ce que vous nous dites, il faudrait que toutes les nominations relèvent du ministère des Affaires municipales, tu sais, par principe, d'abord, premièrement, par...

M. Coderre (Denis) : Bien, c'est-à-dire, le processus par le ministre. Mais, si vous vous entendez... Dans le fond, moi, ce qui m'importe, c'est la qualification des arbitres et la définition, là. Donc, c'est des gens qui sont autonomes et indépendants. S'ils peuvent faire des choses en même temps... On souhaite évidemment qu'on ne se rende pas souvent là, mais il y a une réalité, là, quand même. Alors, moi, je me dis que, tant qu'à l'avoir, un peu comme un tribunal quasi judiciaire ce soit vraiment une entité qui ne portera pas à perception, d'un côté comme de l'autre, hein, vous allez avoir des syndicats qui vont vous dire, là, qu'ils ont été désavantagés par l'arbitrage aussi, là. Mais, nous, ce qu'on pense, à ce moment-là, cet équilibre recherché, on va le trouver aussi dans la pertinence de la façon que le processus va se faire.

Le Président (M. Auger) : Une minute, M. le député.

M. Laframboise : ...le ministre des Affaires municipales responsable, compte tenu que ça a un impact sur les taxes des contribuables du Québec, ça mérite un processus qui peut...

M. Coderre (Denis) : Ça va jusqu'au mandataire aussi par la suite. Donc, oui, moi, je pense que ça devrait relever du ministre.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Blainville. Ça va? Bien, M. Coderre, Mme Bouchard et M. Desrochers, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je vais suspendre quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

(Reprise à 11 h 13)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc, dans un premier temps, à vous présenter, et par la suite vous pourrez commencer votre présentation.

Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)

M. Boyer (Daniel) : Alors, Daniel Boyer. Je suis le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Daniel Pépin, président du Syndicat des pompiers et pompières du Québec, affilié à la FTQ; Denis Bolduc, président du SCFP-Québec, du Syndicat canadien de la fonction publique, affilié aussi à la FTQ; Kateri Lefebvre, directrice du SEPB-Québec, également affilié à la FTQ; et Alexandre Leduc, du Service de la recherche de la FTQ. Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. Merci aux membres de la commission de permettre à la FTQ de vous faire quelques observations, quelques critiques concernant le projet de loi n° 110.

Tout d'abord, la FTQ représente bon nombre... plusieurs milliers de membres dans toutes les régions du Québec, que ce soient des pompiers, des cols bleus, des cols blancs, des chauffeurs, du personnel administratif, des architectes, des préposés en entretien de société de transport, etc. Donc, je vous ai nommé les syndicats affiliés qui représentent des membres.

Écoutez, d'entrée de jeu, je vous dirais qu'on juge le projet de loi n° 110 inutile. Je vous dirais une remarque bien particulière : Laissez-nous négocier. J'entendais le maire de Montréal tantôt. Mécanisme de règlement des différends, il faudrait à tout le moins qu'il y ait des différends, et ce n'est pas ce qu'on constate dans le secteur municipal. En tout cas, nous, au Syndicat des pompiers et pompières du Québec, 118 conventions collectives dans les six dernières années, cinq ont dû passer par le processus d'arbitrage, un maigre 4 %. Au SCFP, 118 conventions collectives depuis 2014 : 29 en conciliation, quatre arrêts de travail, donc un maigre 3 %. Donc, c'est mieux que les objectifs que s'est fixés le ministère du Travail, parce que le ministère du Travail a des mécanismes de conciliation, de médiation, d'arbitrage où il vise 95 % de règlement sans conflit. On est au-delà de ça avec nos syndicats affiliés de la FTQ dans le secteur municipal. Donc, quand on dit que le projet de loi est inutile, on pense que les mécanismes qui sont prévus actuellement au Code du travail font la job.

Le droit de négocier, c'est un droit fondamental, c'est un droit qui est prévu aux chartes, autant celle du Québec que celle du Canada, droit d'association, droit de négociation, droit de grève. Le droit de grève, la Cour suprême est venue statuer. La Cour supérieure de l'Ontario aussi, appuyée sur la décision de la Cour suprême, est venue dire que c'est un droit fondamental. Donc, pour passer outre ces droits fondamentaux, ça prend des motifs exceptionnels, ce qu'on n'a pas ici parce que, on vient de vous le mentionner, on trouve des règlements, dans le secteur municipal, pour l'ensemble des catégories d'emploi.

Je vous le dis d'entrée de jeu, je n'entrerai pas dans le détail, on va rester sur le régime de négociation de façon générale. Vous aurez l'occasion d'entendre un peu plus tard cette semaine le SCFP et le SPQ avec leurs présentations respectives, spécifiques à leurs secteurs d'activité, donc je vais rester de façon un peu plus générale.

Le droit de négocier, je l'ai dit, c'est un droit fondamental, mais on a plusieurs irritants dans ce projet de loi là. Entre autres, et ça a été soulevé, on questionne le rôle inapproprié du ministère des Affaires municipales. Le Code du travail, les relations de travail, au Québec, c'est quelque chose d'important, c'est quelque chose de sensible. On en discute régulièrement au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Quand on veut bouger quelque chose dans le Code du travail, il faut être éminemment précis. Les parties patronale et syndicale travaillent sur des bases de consensus; ici, il n'y a eu aucune consultation. On a un tripotage, on a un dépeçage du Code du travail par le ministère des Affaires municipales. Et là je n'en veux pas... ce n'est pas une question, là... Je ne vise pas M. le ministre actuel, là, je vise... j'ai un problème avec la fonction du ministre des Affaires municipales dans ce contexte-ci. Le ministère du Travail a un rôle de neutralité entre les parties patronale et syndicale. On ne retrouve pas ça ici. Le ministère des Affaires municipales, c'est le ministre des maires, c'est le ministre des municipalités, on voit mal un rôle neutre de la part du ministère. Et ça ouvre la porte à toutes sortes de scénarios loufoques. Demain matin, est-ce que ce sera le ministre des Mines qui viendra également modifier le Code du travail dans le but de l'adapter au secteur des mines? Est-ce que ce sera le ministre responsable de la Forêt qui viendra également modifier le Code du travail? Écoutez, ça doit être le ministère du Travail qui détermine les règles des relations de travail au Québec. Donc, la revendication première, c'est que le ministre du Travail demeure le seul interlocuteur des parties syndicale et patronale dans le monde municipal.

Quand je dis : Laissez-nous négocier, il y a un délai de 120 jours, ça ne donne pas le temps aux parties de négocier. Le temps de négociation doit aussi appartenir aux parties. On a des obligations de négocier, on a des obligations de régler, et le temps doit appartenir aux parties, partie patronale et partie syndicale, pour toutes sortes de bonnes raisons. Des fois, il y a un timing qui n'est pas bon pour régler, et on va laisser passer un peu de temps. Des fois, ça peut se passer très rapidement. Donc, il faut laisser aux parties le temps de négocier, et là on nous amène rapidement avec l'intervention d'un tiers, on nous précipite vers une procédure d'arbitrage, on nous précipite vers un mandataire spécial. Et on se doit de donner toute la place aux parties de négocier.

• (11 h 20) •

La médiation obligatoire, ça ne fonctionne pas, plein d'experts viennent nous le dire, nos expériences nous portent à croire que ça ne fonctionne pas. D'ailleurs, il y a eu un comité, le rapport Morency-Thérien... Il n'y a pas eu un rapport comme tel, mais, au niveau des policiers et des pompiers, il y a eu un exercice entre les parties patronale et syndicale, et également le ministère de la Sécurité publique et le ministère du Travail se sont impliqués, et la médiation obligatoire, ça devait demeurer volontaire. Donc, on pense qu'il ne devrait pas y avoir de caractère obligatoire.

Dans les principes directeurs et des facteurs de décision contraignants, là je vous avoue qu'on a une multitude de facteurs, et déjà les arbitres, actuellement, tiennent compte de plusieurs facteurs qui sont autres que ceux qui sont mentionnés actuellement au Code du travail. Mais, quand on parle de la capacité de payer des citoyens, de la disparité entre les villes, moi, j'ai juste une petite interrogation, là : S'il y a une disparité bien grande, je veux bien croire qu'on va attirer et retenir du personnel, mais il faut faire attention; si on veut attirer et retenir du personnel, on doit avoir des conditions de travail assez similaires d'une ville à l'autre. Puis, la capacité de payer des citoyens, j'achète ça, mais il n'en demeure pas moins que c'est les maires qui font les choix politiques pour leurs villes. Et ça, on ne conteste absolument pas ça, mais, quand ça met en péril les conditions de travail des employés, là on peut peut-être contester ce fait-là. Donc, les choix politiques qui sont faits ne doivent pas mettre en péril les conditions de travail des employés.

Le partage des frais d'arbitrage, écoutez, actuellement, on voit mal comment les petits syndicats, de plus petits syndicats, de plus petites municipalités, je ne parle pas juste des organisations syndicales, peuvent faire face à ces coûts-là, qui actuellement sont assumés par le gouvernement.

La disparition injustifiée du droit de regard sur les arbitres, ça aussi, on veut que le gouvernement maintienne la possibilité octroyée aux parties de s'entendre. On revient toujours à la même base : Laissez les parties négocier. On est capables de le faire. La preuve, c'est qu'on règle dans la majorité des cas.

Que soit maintenue la possibilité d'avoir recours à des assesseurs, vous savez, des fois, à l'occasion, les arbitres ne maîtrisent pas l'ensemble des facettes, et les assesseurs sont d'une grande utilité dans le but de faire comprendre à l'arbitre certaines facettes qui sont méconnues de sa part. Donc, il y a une utilité pour les assesseurs, il y a une utilité aussi de crédibilité auprès des parties qu'il représente. Donc, on souhaite que ce soit maintenu.

La médiation arbitrale, c'est une solution appropriée pour les pompiers et les policiers. Je vous en ai parlé tantôt, il y a eu un comité de travail, et on fait fi de ce comité, des recommandations de ce comité de travail là, on n'en tient pas compte nulle part, on fait abstraction totalement des travaux. Il y a eu des consensus qui ont été faits entre les deux ministères, entre les employeurs, entre les syndicats, et on n'en tient pas compte. Donc, on voudrait que la médiation arbitrale soit utilisée comme possibilité de processus de règlement.

Le mandataire spécial, écoutez, on juge que c'est une procédure inacceptable, qui va nous amener directement vers le décret de conditions de travail de la part du gouvernement du Québec. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. On n'a pas besoin de ça, on vous l'a dit. Autant dans le cas des pompiers que des autres salariés du secteur municipal, on réussit à s'entendre, on réussit à régler, donc on est capables de le faire. Donc, on veut que toute la section concernant le mandataire spécial soit retirée du projet de loi.

Dans le cas de l'arbitrage, durée trop longue des conventions, on impose un minimum de cinq ans. On juge que c'est trop long, trop long pour vivre avec une décision d'un tiers. On pense que de un à trois ans, tel que prévu au Code du travail actuellement, c'est drôlement suffisant. Et, si les parties, comme c'est le cas... si les parties le veulent, elles conviendront d'appliquer cette décision-là pour une période plus longue.

Je vous dirais, en concluant, si le gouvernement décidait de retourner à la table à dessin, il serait à propos qu'une réflexion plus en profondeur soit initiée sur les inéquités alléguées des conditions de travail des employés municipaux et les déséquilibres du rapport de force.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour 16 min 30 s.

M. Coiteux : D'abord, merci pour la présentation. Bienvenue à vous, bien entendu, M. Boyer, mais à toutes les personnes qui vous accompagnent ce matin.

J'ai écouté attentivement votre présentation. Moi, j'aurais une question d'ordre assez général pour commencer, si vous me permettez, qui serait la suivante : Est-ce que les syndicats que vous représentez, qui sont présents pas seulement dans le secteur municipal, qui sont présents beaucoup dans le secteur privé, dont le secteur manufacturier, notamment... Traditionnellement, la FTQ est très représentée dans le secteur privé, manufacturier notamment; pas exclusivement mais notamment. Est-ce que vous négociez de la même façon avec une ville qu'avec une entreprise?

M. Boyer (Daniel) : Sensiblement. Mais vous voulez dire quoi? Toutes les...

Une voix : ...

M. Boyer (Daniel) : Non, mais c'est parce que toutes les négociations sont différentes en soi, là, que ce soit... Qu'on prenne deux entreprises privées distinctes, les négociations sont différentes d'une entreprise privée à l'autre.

Les négociations dans le secteur public ont un caractère un peu particulier, j'inclus les municipalités dans ça, là, les négociations dans le secteur public ont un caractère un peu plus particulier puisqu'elles sont de nature publique, donc il y a des relations publiques qui se font aussi autour de ces négociations-là, mais les principes de négociation sont les mêmes, là. Et, si on tient compte de la capacité de payer des citoyens, on tient compte de la capacité de payer de l'employeur aussi, dans le cadre d'une négociation, on n'est pas des êtres carrément irresponsables, là.

M. Coiteux : Donc, selon vous, ça devrait être exactement les mêmes principes. Je ne parle pas des tactiques, là, je ne parle pas des finalités de la négociation, mais, les principes mêmes, pour vous, il n'y a aucune différence entre une municipalité puis une entreprise.

M. Boyer (Daniel) : ...dans des municipalités... Je ne vous ferai pas... Écoutez, c'est évident, vous savez que les policiers et les pompiers n'ont pas le droit à la grève. Les cols bleus, cols blancs, ils ont un droit de grève limité avec un maintien de services essentiels. C'est sûr que ça joue, là, ça rentre en ligne de compte, tout ça.

M. Coiteux : Parce que moi, je pense qu'il y a une différence. Puis peut-être qu'on ne s'entendra pas là-dessus, mais échangeons là-dessus, échangeons un petit peu là-dessus.

Supposons, là, que, dans une négociation avec une entreprise privée, vous auriez des grands pans, disons, surtout sur le côté salarial, ça peut arriver effectivement, puis cette entreprise-là, elle serait obligée d'augmenter ses prix pour être capable de couvrir sa nouvelle convention collective. Elle a des concurrents, hein, elle a des concurrents, cette entreprise-là, il n'y a rien qui oblige les consommateurs de cette entreprise-là à acheter d'une entreprise qui a augmenté ses prix si l'autre a négocié d'une façon un petit peu plus serrée puis elle n'est pas obligée d'augmenter ses prix, donc il y a la liberté, là... Mais les taxes, ça, c'est obligatoire. C'est-à-dire, si la municipalité a mal négocié puis est obligée d'augmenter les taxes trois fois plus que l'inflation, le citoyen, là, il n'a pas le choix, là, il ne peut pas dire : Aïe! non, moi, je ne peux pas... je ne paierai pas mes taxes. Le consommateur, lui, il a le choix. Vous ne pensez pas que ça, en soi, ça crée une différence importante dont on doit tenir compte?

M. Boyer (Daniel) : Bien là, il y a une prémisse, d'abord, que je dois... Là, vous partez avec la prémisse qu'on a mal négocié. Ça, c'est bien triste, qu'un maire ou qu'une municipalité ait mal négocié, ça nous arrive à nous aussi, là, mais, écoutez, a mal négocié... Ça, c'est la même affaire que de négocier avec le couteau sur la gorge, là.

Moi, ce que je vois dans le secteur municipal, là, ce que je vois dans le secteur municipal, c'est des conventions collectives signées. J'en ai depuis le mois de février puis des très récentes, qui ont été signées après le dépôt du projet de loi n° 110. J'en ai... je ne vous les énumérerai pas, là, mais je dois en avoir plus que 25, là, au SCFP, de signées depuis le mois de février. Des maires, j'ai des photos des maires, là, des conseillers, des représentants syndicaux avec un beau sourire qui signent la convention collective. Moi, je ne vois pas de couteau nulle part, là, je ne vois pas de couteau nulle part.

Donc, oui, quand on me parle qu'il y a une capacité de payer des citoyens, bien, effectivement, mais moi, je pense que les maires en tiennent compte. Et pensez-vous qu'on est des êtres totalement irresponsables, et que les maires sont des êtres totalement irresponsables, et qu'on ne tient pas compte de la capacité de payer des citoyens? On tient compte de ça, on tient compte de tout ça, bien évidemment.

Mais on négocie des conventions collectives de gré à gré, on se donne la main, on signe de gré à gré. Est-ce qu'il y a des choses, dans une convention collective, qui nous plaît moins? Bien oui. Il y en a pour les maires, mais il y en a aussi pour nous.

M. Coiteux : Permettez-moi quand même de revenir à ma question. Puis je reviens à l'idée, est-ce que c'est pareil pour... Est-ce que vous tenez compte de la capacité de payer d'une ville, de ses citoyens, ultimement, qui sont soumis à l'impôt obligatoire, les taxes sont obligatoires... est-ce que vous en tenez compte dans vos négociations de la même façon que vous tiendriez compte de la capacité de payer d'une entreprise privée?

M. Boyer (Daniel) : Pourquoi pas?

M. Coiteux : Bien, je vous pose la question. Est-ce que vous le faites dans... Est-ce que c'est comme ça que vous...

M. Boyer (Daniel) : Mais bien sûr, bien sûr. Écoutez, si on avait des demandes extravagantes qui feraient en sorte que ça doublerait les taxes municipales... On est responsables, là, je veux dire, on tient compte de ça. Je veux dire, vous en savez quelque chose, M. Coiteux... M. le ministre, M. le ministre, la procédure parlementaire, des fois, elle m'échappe, là, mais, M. le ministre, vous en savez quelque chose. Dans le secteur public, là, il n'y a à peu près personne qui pensait qu'on trouverait un règlement, on en a trouvé un. Est-ce qu'on a tenu compte de la capacité de payer des citoyens? Je pense que, oui, on a été responsables. Est-ce qu'on a tenu compte que les travailleurs devaient être bien payés, avoir des augmentations de salaire? Je pense que, oui, on a été responsables. Vous l'avez été, vous aussi. C'est la même chose dans les municipalités, là, c'est exactement la même chose.

M. Coiteux : Néanmoins, dans les municipalités, il y a plusieurs années d'augmentations de taxes qui sont supérieures à l'inflation, au point où l'ISQ — puis l'ISQ, je pense, c'est impartial, là, ils font des études statistiques qui sont difficilement contestables — documente non seulement qu'il y a un écart très grand entre la rémunération dans le secteur municipal et le reste du secteur public, mais que cet écart-là, il a augmenté dans le temps. Donc, en quelque part, ça ne s'est pas passé de la même façon dans le secteur municipal que dans le secteur public québécois. Comment est-ce que vous expliquez ça?

M. Boyer (Daniel) : C'est parce que ça n'a pas augmenté suffisamment dans le secteur public québécois.

M. Coiteux : Le régime est parfait dans le secteur municipal?

• (11 h 30) •

M. Boyer (Daniel) : Non, bien, écoutez, oui, le régime est... bien oui, le régime est parfait dans le secteur municipal, on vous dit qu'il n'y a pas lieu d'avoir un projet de loi amendant les dispositions du Code du travail pour le secteur municipal. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'il y a des conditions de travail... qu'elles soient bonnes ou qu'elles soient moins bonnes, il y a des conditions de travail qui ont été négociées de gré à gré entre les parties. Si les maires ont été totalement irresponsables, parce qu'ils prétendent que la masse salariale est dans le plafond, écoutez, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Moi, je vous dis que la masse salariale, elle n'est pas dans le plafond.

Puis M. Labeaume, le maire de Québec, peut bien dire que l'ISQ, ça ne se trompe pas, vous-même, vous contestiez les chiffres de l'ISQ lors de la dernière négociation dans le secteur public. Donc, oui, ça peut se contester.

Puis, écoutez, la dernière étude de l'ISQ, là, elle ne tient pas compte de la loi n° 15 sur les régimes de retraite, et ça, c'est une diminution de la masse salariale dans les municipalités. Elle ne tient pas compte de ça.

Et là vous allez avoir l'occasion, lorsque le SCFP fera sa présentation en commission parlementaire, de questionner de façon beaucoup plus précise. C'est eux qui ont fait l'étude, ils pourront vous répondre de façon pointue, pour chacun des types d'emploi importants dans le secteur municipal, où se situent les salaires du secteur municipal, des fois un peu en haut de la médiane, des fois un peu en bas, des fois dans la médiane. Mais je vous avoue que ce qui baisse la médiane, là, c'est les employés du secteur public, de la fonction publique québécoise, là.

M. Coiteux : Donc, dans le fond, vous, vous auriez souhaité un projet de loi qui modifie le régime de négociation dans le secteur public québécois pour qu'il y ait une explosion des coûts dans le secteur public québécois, pour qu'on rattrape le secteur municipal puis qu'on augmente les impôts des Québécois. C'est ça, dans le fond.

M. Boyer (Daniel) : M. le ministre, on a négocié une convention collective de cinq ans dont je suis fier. C'est correct, dans le secteur public, c'est réglé, là. On s'en reparlera dans la prochaine négociation.

M. Coiteux : Ah! justement, c'est parce qu'il y a un autre ordre de gouvernement, qui est l'ordre de gouvernement municipal, qui, lui, n'est pas d'accord avec votre interprétation des faits qu'ils vivent dans le meilleur des mondes possibles puis qu'il n'y a rien à changer dans le régime de négociation actuel. Dans le fond, quand je vous écoute... puis vous avez le droit de penser comme ça, là, tout à fait, mais, quand je vous écoute, le statu quo est non seulement souhaitable, mais c'est l'idéal. C'est comme... on est dans le meilleur des mondes. Alors, j'essaie de comprendre pourquoi vous êtes les seuls à penser comme ça, dans le secteur municipal, parce que nous, on cherche un équilibre, là, entre tout le monde.

M. Boyer (Daniel) : Bien, on n'est pas les seuls... Mais on n'est pas les seuls. L'ensemble des organisations syndicales qui vont défiler devant vous cette semaine vont venir vous dire que les dispositions du Code du travail actuelles font la job. Écoutez, quand le ministère du Travail se fixe comme objectif 95 % des conventions signées sans conflit, puis que dans le secteur municipal on est à 96 virgule quelque chose pour cent, on atteint les objectifs, on est supérieurs aux objectifs du ministère du Travail. Donc, pourquoi modifier les règles? Parce qu'il y a deux maires à chaque bout de la 20 qui veulent qu'on modifie les règles?

Écoutez, M. Labeaume a souligné... le maire de Québec a souligné votre courage d'entrée de jeu. Ça prend du courage pour négocier, M. Coiteux... M. le ministre, ça prend du courage.

M. Coiteux : Moi, je pense que ça s'applique à tout gouvernement qui veut moderniser les choses. Des fois, moderniser, ça prend du courage, effectivement, parce que ça veut dire changer les manières de faire, remettre en question des choses qui n'ont pas été remises en question auparavant. Je pense que c'est de ça qu'on parle.

Mais je reviens sur une chose. Vous avez dit : Ça fait la job. Ma question est simple : Ça fait la job pour qui?

M. Boyer (Daniel) : Pour les deux parties. Je vous l'ai mentionné, écoutez, je pourrais vous les nommer, toutes les villes qui ont signé, toutes les municipalités qui ont signé des conventions collectives, puis ça se fait avec le sourire. Écoutez, ça fait la job. Si vous m'aviez dit, là, qu'il y a 50 % des conventions collectives qui sont signées, puis, toutes les autres, il y a des conflits interminables où on met la santé et la sécurité du public en danger, je vous dirais : Il y a un véritable problème.

Puis, s'il y a un véritable problème, là, appelez-nous, là, on va s'asseoir à une table puis on va trouver les solutions. Puis c'est ça aussi qu'on déplore dans le projet de loi n° 110, c'est qu'en aucun temps on n'a été impliqués. Il y avait un comité qui a été formé pour les pompiers puis les policiers, un comité où le ministère de la Sécurité publique était là, un comité où le ministère du Travail était là, les associations patronales et les associations syndicales, un comité qui ne date pas de Mathusalem, là, 2012‑2013. On a fait fi de l'ensemble des consensus que ce monde-là avait convenus puis on se tricote autre chose.

Écoutez, le dialogue social, là, si on veut modifier les règles... Et ça, on le sait, on le fait avec nos partenaires patronaux. Quand on veut modifier les règles, on s'assoit, on trouve des solutions, quand il y a un problème. Quand il n'y en a pas, on n'a pas à se gratter la tête, là. Il n'y a pas de problème? On va continuer à fonctionner avec les règles actuelles.

M. Coiteux : C'est parce qu'il y a beaucoup de gens qui pensent qu'il y a un problème. Et honnêtement, à sa face même, ce n'est pas parce qu'il y a des signatures qui se font, même avec le sourire, qu'il n'y a pas nécessairement un problème.

Moi, si j'avais vu évoluer les conditions de travail puis les salaires de façon à peu près parallèle dans le secteur public québécois puis dans le secteur municipal, je me dirais : Bon, bien, il y a peut-être deux régimes différents, mais en quelque part il y a une espèce de cohérence globale, là, parce qu'ultimement le citoyen, il paie de l'impôt sur le revenu, il paie des taxes municipales, c'est le même qui paie, bon, mais il y a une cohérence. Mais là cet écart de 39,5 %... Qui est une moyenne. Ça cache, là, des fois des choses qui peuvent aller jusqu'à 60 et quelques pour cent d'écart entre le secteur municipal puis le secteur public québécois. Quand moi, je vois ça, même si c'est signé avec le sourire dans certains cas, juste ça, c'est un symptôme de quelque chose qui ne fonctionne pas. Vous ne pensez pas?

M. Boyer (Daniel) : Non, je ne pense pas. Écoutez, M. le ministre, je pense que, depuis le pacte fiscal, il y a eu toutes sortes de rumeurs sur toutes sortes de possibilités. Il y a eu le dépôt de votre projet de loi au mois de juin, et, pendant tout ce temps-là, il a continué à se négocier et à se signer des conventions collectives, il n'y a aucun maire qui s'est assis sur son steak puis qui a décidé d'attendre un projet de loi ou d'attendre un nouveau pouvoir qu'on lui donnerait. Pourquoi? Parce que ça marche.

Il n'y a personne qui avait le couteau sur la gorge, là. Écoutez, moi, qu'on me dise que le maire de Québec puis le maire de Montréal ont le couteau sur la gorge, là, je ne le sais pas, là, mais je pense qu'ils n'ont pas tant le couteau sur la gorge que ça. Je pense qu'ils sont très bien capables de se défendre, je pense qu'ils sont très bien capables de se défendre puis ils sont très bien capables de négocier à une table de négociation. Puis c'est pour ça, d'ailleurs, que les cols bleus puis les cols blancs de Montréal et de Québec ont des conventions collectives de signées.

M. Coiteux : Mais pourquoi alors auraient-ils consenti, à travers le temps, des conditions 40 % supérieures à celles du secteur public québécois?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, moi, je pense que ce n'est pas 40 %, premièrement, il faudrait remettre les bons chiffres aux bonnes places. Puis, deuxièmement, écoutez, les parties ont convenu parce qu'ils ont convenu. Je veux dire, pourquoi Bombardier accorde des augmentations moindres qu'une autre entreprise? Écoutez, ça, ça regarde les parties. Puis c'est ça, notre régime, notre Code du travail est fait entre les parties. C'est les parties qui ont l'obligation de négocier de bonne foi et c'est les parties qui ont l'obligation de convenir d'une convention collective. Ça appartient aux parties, tout ça.

Le Président (M. Auger) : Trois minutes.

M. Coiteux : Oui. Puis ça, le projet de loi ne remet absolument pas ça en question. Par contre, le projet de loi, lui, puis c'est pour ça que j'avais commencé mon échange avec vous là-dessus, il fait quand même une distinction entre un gouvernement de proximité... Dans ce cas-ci, on s'entend, là, c'est un gouvernement municipal, mais qui est redevable devant l'ensemble de ses citoyens puis qui soumet ses citoyens à l'impôt obligatoire. Les taxes municipales, ce n'est pas optionnel, là, nous, on pense que c'est très différent d'une entreprise privée. C'est pour ça que j'ai commencé avec ça, mais vous avez dit : Non, ce n'est pas différent.

M. Boyer (Daniel) : Oui, mais, pour ça, il faut se donner des mécanismes différents qui bafouent les droits des travailleurs puis des travailleuses? Bien non. On est capables d'en tenir compte, nous aussi, à une table de négociation, de ces critères-là. On en tient compte.

C'est sûr que... Écoutez, vous me dites : Est-ce qu'on se comporte différemment? Non, on ne se comporte pas différemment, on est toujours sur la capacité de payer de l'employeur en face. On tient compte de ça, bien évidemment, autant dans le privé, autant dans le public.

M. Coiteux : Mais vous comprenez un peu comment ça marche, là. Une entreprise privée, si vous pensez qu'elle va faire faillite si vous avez trop demandé, vous allez faire un peu attention, vous allez être au chômage. Mais, si vous pensez que la ville va augmenter les taxes puis que ça va passer, peut-être que vous allez le traiter différemment. C'est pour ça que je vous ai posé cette question-là. Ne pensez-vous pas qu'il y a vraiment une différence telle que ça nécessite un ajustement des mécanismes?

M. Boyer (Daniel) : Mais, M. Coiteux, est-ce que vous pensez que, quand on s'assoit à une table de négociation... M. le ministre, est-ce que vous pensez que, quand on s'assoit à une table de négociation, on se dit : Il n'y a pas de problème, on va demander la lune; de toute façon, la ville, elle peut augmenter les taxes de 50 %? Ce n'est pas de même qu'on se comporte. On ne se comporte pas comme ça, on ne se comporte vraiment pas comme ça.

Puis, écoutez, la capacité de payer de la ville, ça dépend de quoi, ça? Puis je ne remets pas en question le pouvoir des maires de choisir où ils dépensent les taxes des citoyens et où ils rendent des services, mais, moi, un maire qui décide de construire — je caricature, là — 20 bibliothèques, 50 piscines puis un amphithéâtre, puis qui met bien de l'argent, bien des millions là-dedans, puis qui n'en a pas à donner à ses employés, on peut questionner ça aussi. Mais ça, on n'a jamais été là-dedans.

Le Président (M. Auger) : Une minute.

M. Coiteux : Peut-être le député de Vimont voudrait conclure avec sa propre question.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Oui, merci. M. Boyer, je regardais dans votre mémoire, à la page 10, vous parlez justement du délai de négociation, un délai de 120 jours, vous aimeriez qu'il soit retiré. Vous savez qu'il y a un 30 jours supplémentaire qui peut être ajouté? Vous, 150 jours, ce n'est pas assez pour négocier ou... Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Boyer (Daniel) : Ah! même que pour les autres salariés c'est même 90 jours de plus avant le... Le délai officiel de négociation, là, il peut être de 90 jours de plus, on peut donner un avis avant la fin de la convention, sinon... Je ne veux pas entrer dans le détail du code, là, mais ça peut être 90 plus 120. Mais, écoutez, ça...

Puis, dans le cas des pompiers et des policiers, c'est complètement différent, parce que ce n'est pas le même 120 jours. Là, on se parle de 120 jours du début de la phase de négo.

Bien, écoutez, est-ce que c'est suffisant ou pas? Peut-être que dans certains cas c'est suffisant, mais ça appartient aux parties. Ça se peut que ça prenne 18 mois pour négocier. Ça a pris, dans le secteur public, deux ans, je pense.

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour 10 minutes. M. le député de Richelieu.

• (11 h 40) •

M. Rochon : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.

Vous avez entendu, vous venez d'en parler, le maire de Québec, dans son langage très imagé, utiliser l'expression «couteau sur la gorge». Le maire de Montréal, qui a aussi un langage assez imagé, l'a faite sienne, cette expression-là. Ils estiment tous les deux le rapport de force déséquilibré et ils applaudissent ce projet de loi qui rééquilibre, à leur point de vue, là, le rapport de force.

Votre opinion, elle est tout à fait contraire, puis vous êtes particulièrement préoccupés par le fait que le ministère du Travail soit tassé des relations de travail dans le monde municipal. Vous nous avez entendus, nous, de l'opposition officielle, regretter l'absence de la ministre du Travail, gardienne du code. Vous vous préoccupez que ce soit le ministre des Affaires municipales qui devienne en quelque sorte responsable des relations de travail dans le monde municipal.

Ce serait quoi, le rapport de force, si ce projet de loi devait être adopté tel quel? Et les payeurs de taxes en tireraient-ils des bénéfices?

M. Boyer (Daniel) : Bien, à notre avis, non, ils n'en tireraient pas de bénéfice, pour la bonne et simple raison, puis je vous l'ai mentionné... les parties, actuellement, trouvent des règlements sans conflit. Là, on vient ratatiner la période où les parties pourront trouver un règlement, 120 jours plus 30, peut-être plus 90, là, et on met ça... Puis il y a différents facteurs qui pourraient amener une municipalité ou un syndicat à prendre du temps pour régler, s'il y a des élections, s'il y a une activité quelconque, un 375e anniversaire ou peu importe. Les parties sont libres de décider du temps qu'elles prennent pour négocier. Là, on catapulte les parties avec l'intervention d'un tiers, et ça va nous pousser vers un arbitrage obligatoire éventuellement, parce qu'on sait que, sinon, il y a un mandataire spécial, puis le mandataire spécial, il sert à ce qu'il y ait une loi spéciale à un moment donné, donc ça va nous catapulter vers un arbitrage obligatoire.

Qu'est-ce que ça donne, un arbitrage obligatoire? On ne le sait pas. L'intervention d'un tiers aussi rapidement, ça peut provoquer des décisions qui sont favorables à une partie ou favorables à l'autre partie. Qu'est-ce que ça va donner aux payeurs de taxes? Je n'en ai aucune espèce d'idée, mais ça risque d'avoir des conséquences encore plus graves, parce que ce n'est pas les parties qui auront convenu ensemble des salaires, des conditions de travail.

M. Rochon : Il risque d'y avoir — puis c'est commencé, là, dans le cadre de ces consultations — une abondante référence à l'étude de l'Institut de la statistique du Québec qui démontre qu'il y a un écart important entre les salaires versés dans le monde municipal et ceux versés dans la fonction publique, là, un écart à la faveur des syndiqués que vous représentez dans le monde municipal, on parle de près de 40 % d'écart. Vous contestez ça. J'aimerais que vous vous expliquiez un peu, là, sur les travers de cette étude de l'Institut de statistique du Québec. Qu'est-ce que vous reprochez à cette étude?

M. Boyer (Daniel) : Bien, je vous dirais, je l'ai mentionné tantôt, d'abord, cette étude-là, elle est antérieure à l'application de la loi n° 15 concernant les régimes de retraite, qui vont faire en sorte de toute façon que la masse salariale des municipalités risque de diminuer. Donc, il faudrait avoir une étude un peu plus à date.

Deuxièmement, ça dépend quel morceau on prend, quelle catégorie de salariés on prend, mais, si on regarde les entreprises privées, syndiquées, de plus de 200 travailleurs, si on regarde le monde municipal, si on regarde la fonction publique fédérale, si on regarde l'administration québécoise et si on regarde les entreprises publiques, moi, je vous le dis, et le SCFP pourra vous en faire la démonstration cette semaine en commission parlementaire, les salaires des employés municipaux se retrouvent la plupart du temps dans la médiane, sinon très près de la médiane.

Écoutez, je l'ai mentionné, là. Ce qui fait... Pourquoi ils se ramassent à la médiane, c'est que vous avez aussi des salariés qui sont des bas salariés, des salariés de l'administration publique, qui font baisser la médiane. C'est sûr que, si les salariés de l'administration publique étaient mieux payés, peut-être que nos employés municipaux seraient peut-être un peu au-dessus de la médiane, mais là on est dans la médiane pour la plupart des types d'emploi, les plus populeux dans le secteur municipal. On est dans la médiane.

M. Rochon : Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit, pour les citoyennes et les citoyens québécois, pour les payeurs de taxes, d'une question très sensible, n'est-ce pas? Les salaires payés dans le monde municipal doivent, à leur point de vue, et je crois que c'est légitime qu'ils le pensent, être raisonnables. C'est le cas, à votre point de vue, ils le sont, ils se situent dans la, dites-vous, médiane, et vous ne semblez pas impressionnés du fait qu'ils puissent être 40 % plus élevés que les salaires versés dans la fonction publique québécoise, ce que vous contestez, venons-nous d'entendre.

M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, ce que je vous dis, là, c'est que, si on calcule la rémunération globale avec l'ensemble des avantages sociaux, les secteurs dont je vous ai parlé tantôt... C'est sûr que, si on se parle des entreprises non syndiquées, là, on se parle d'une autre affaire. Mais, si on se compare, on prend des comparables, les grandes entreprises privées syndiquées et la fonction publique fédérale, les entreprises d'État, si on met tout ça ensemble, nous sommes... les employés municipaux sont dans la médiane.

Et, écoutez, moi, je vous dis, le critère le plus important, c'est que ces salaires-là ont été convenus par les parties. Puis moi, je pense qu'il n'y a personne qui est innocent, là, je veux dire, on a tous convenu de gré à gré de ces salaires-là.

Le Président (M. Auger) : M. le député de René-Lévesque. 3 min 30 s.

M. Ouellet : D'accord. J'aimerais vous entendre. Dans le chapitre I du projet de loi, dans les principes directeurs, au quatrième alinéa, «il est de la responsabilité de l'employeur de pourvoir à l'embauche de [personnes qualifiées], de gérer ses effectifs et d'en contrôler le niveau de manière à combler ses besoins opérationnels». Vous savez, tout ce qui n'est pas convenu en convention collective est reconnu être un droit de gérance. Selon vous, avec ce principe directeur là... Avez-vous peur que dans certains cas on vienne chercher des droits de gérance qui étaient déjà convenus dans la convention collective? On peut peut-être parler, dans le cas d'une organisation du travail, dans certains cas, un nombre minimal d'emplois garantis, dans certaines municipalités. Avez-vous peur que ce quatrième alinéa là vienne de façon à vous enlever certaines dispositions qui étaient déjà prévues dans la convention collective et donc qui n'étaient plus un droit de gérance de l'employeur?

M. Boyer (Daniel) : Tant et aussi longtemps qu'on donne du temps aux parties pour convenir d'une convention collective, on n'a aucune crainte face à ça. Sauf que le processus, tel qu'il est formulé au moment où on se parle, je l'ai mentionné tantôt, nous catapulte vers l'arbitrage, nous catapulte vers un mandataire spécial et, en bout de piste, peut-être une intervention de l'État. Bien, oui, ça nous inquiète effectivement, parce qu'un arbitre pourrait, en fonction de ces principes directeurs là, balayer du revers de la main un plancher d'emploi qui existe dans une convention collective qui a été convenue de gré à gré au fil du temps entre un employeur puis un syndicat. À notre avis... Puis c'est pour ça qu'on dit : Il faut se donner absolument le temps de négocier, laisser les parties négocier pour qu'on puisse convenir de dispositions. Et, écoutez, s'il faut abolir un plancher d'emploi, là, qui de mieux que les parties pour le négocier? Et il ne faut surtout pas donner le pouvoir à un tiers de décider de ça.

M. Ouellet : Dans votre mémoire, revendication n° 4, vous demandez que le secteur des transports soit exclu du projet de loi n° 110. Vous semblez surpris de voir apparaître cette constatation-là dans le projet de loi. J'aimerais vous entendre. Pourquoi vous demandez de sortir le transport? Et quels sont les enjeux qui n'étaient pas discutés et que vous voyez maintenant apparaître dans ce projet de loi concernant le secteur du transport?

M. Boyer (Daniel) : De nos membres, là, aucun conflit dans le secteur du transport terrestre depuis 2011, aucun, aucun, des conventions collectives renégociées convention après convention. Écoutez, ça sort d'où, ça? On n'a jamais entendu parler de ça avant, on dépose le projet de loi n° 110, et coucou! Le transport terrestre est là-dedans.

Est-ce qu'il y a des problématiques là aussi, dans le transport... Bien non, il n'y a pas de problématique. Donc, oui, on est surpris. Ça n'a jamais fait partie d'aucune discussion, et là, tout d'un coup, on arrive avec ça.

Le Président (M. Auger) : Dernière question, M. le député? 30 secondes.

M. Ouellet : Non, ça va. 30 secondes, c'est...

Le Président (M. Auger) : Ça va. Merci beaucoup. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition et M. le député de Blainville pour 6 min 30 s.

M. Laframboise : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Boyer, M. Leduc, M. Pépin, M. Bolduc, Mme Lefebvre. Merci d'être présents, présente.

D'abord, je vous trouve quand même assez brillants, là, dans... Vous êtes bien organisés, vous êtes bien organisés. Puis vous terminez tout en disant que, le projet de loi, vous ne trouvez rien de bon là-dedans, mais vous terminez en disant, votre dernier paragraphe : «Si d'aventure le gouvernement décidait de retourner à la table à dessin, il serait à propos qu'une réflexion plus en profondeur soit initiée sur les iniquités alléguées des conditions de travail des employés et employées — masculins et féminins — municipaux et les déséquilibres [du] rapport de force.» Donc, évidemment, ça, ça veut dire que vous êtes conscients qu'il y a un certain déséquilibre du rapport de force. Et ça...

Une voix : ...

• (11 h 50) •

M. Laframboise : Non, mais ça, je comprends, parce que je vous écoutais tantôt, là, par rapport aux négociations dans le secteur public, vous dites : Bon, on a négocié, il y avait une convention, mais le ministre puis président du Conseil du trésor, il avait toujours la possibilité d'imposer une loi spéciale. Donc, ça, ça fait partie des négociations. Je veux dire, vous avez signé, il était content, M. le président du Conseil du trésor, de signer, mais il reste quand même que, si jamais vous ne vous étiez pas entendus sur quelque chose de raisonnable, il aurait pu imposer la loi spéciale. Et d'ailleurs la rumeur voulait qu'on soit rappelés pour une loi spéciale. Donc, vous étiez au courant de ça. Si nous, on était au courant, vous étiez au courant.

Donc, à quelque part, le rapport de force qu'a le gouvernement, ce n'est pas le rapport de force qu'ont les municipalités. Quand le maire de Montréal vient nous dire : Ma crainte à moi, c'est que, les gains que j'aurais pu faire avec la loi sur les pensions, là, évidemment, là, le projet de loi n° 15, là, bon, je puisse les... je vais les perdre si le projet de loi actuel n'est pas adopté, puis honnêtement, là, quand je regarde les relations de travail puis la... Vous, vous dites : Il n'y a pas... les gens signent, là. M. le maire de Québec vous l'a dit, là : Je ne signe pas... j'ai un couteau sur la gorge parce que de toute façon je n'ai pas de moyen, je ne suis pas capable, c'est ça ou il y a une désobéissance civile, puis, à la fin, bien, j'aime autant faire ça, parce que je ne vois pas la façon dont je suis capable de régler à l'avantage de mes contribuables, sinon d'étirer une négociation, qui va se ramasser dans les rues, avec tout le tralala qui va avec, là. Donc, lui, il n'a pas cette capacité-là, puis le maire de Montréal n'a pas dit non, n'a pas dit le contraire, là, tu sais. Donc, à quelque part, si les maires des deux grandes villes viennent nous dire... imaginez-vous les maires des 1 100 municipalités au Québec qu'il reste, là. Si le maire de Montréal puis le maire de Québec n'ont pas de rapport de force, pensez-vous vraiment que les maires des autres municipalités ont des rapports de force? Ils n'en ont pas du tout, là.

Donc, à quelque part, c'est vrai qu'ils signent, puis c'est correct, parce que la façon dont les négociations, actuellement, se passent, ça force les signatures, tout simplement. Moi, je vois ça comme ça. Puis ça a été quoi, le résultat? C'est que les maires, au cours des années, ont délaissé des infrastructures parce qu'ils avaient à payer, justement, des salaires des employés. Puis ça, là, je ne reviens pas sur le passé, là, je fais juste vous dire que c'est ça, la réalité, là. Il y a un déficit. Il y a des salaires des employés qui augmentent de 40 %, puis vous avez un déficit de plus de 10 milliards dans les infrastructures des municipalités au Québec. Donc, ça, à quelque part, vous pouvez me dire : Il y a des bâtisses neuves là-dessus, mais il y aurait quand même... il y a des bâtisses existantes, puis il y a des réseaux d'aqueduc, puis il y a des réseaux d'égout, puis il y a des routes, puis des rues, puis des citoyens qui vont vous envoyer plein de courriels pour vous dire c'est quoi qu'aurait dû faire la ville plutôt que de donner une augmentation de salaire aux employés.

Donc, tout ce que fait ce projet de loi là, c'est d'essayer de faire un équilibre par rapport à ça. Donc, moi, à quelque part, en tout cas, j'espère que vous êtes conscients de ça. Moi, le message que je veux vous livrer, c'est : C'est terminé, là. À quelque part... Je vous l'ai dit d'entrée de jeu dans ma prémisse, quand j'ai fait mon introduction, en 1982 il y a eu René Lévesque qui a eu le courage de déposer le projet de loi qu'il a déposé parce qu'à quelque part, à un moment donné, c'était assez. Bon, ça a commencé là, l'écart. Il l'a fait pour la fonction publique, puis l'écart a commencé là, en 1982‑1983, puis, le monde municipal, il y a eu un écart qui s'est étiré depuis ce temps-là. C'est ça, la réalité. Puis ça, c'est correct, c'est fait. Le problème, puis, moi, pour lequel j'ai un problème, c'est quand le maire de Montréal vient me dire : Bien là, on vient de faire des gains avec les fonds de pension, puis je risque de les perdre si vous ne m'adoptez pas ce projet de loi là. Moi, là, ma question, c'est : Pouvez-vous sécuriser le maire de Montréal puis dire : Si vous n'adoptez pas ce projet de loi là, M. le maire, on ne récupérera pas tout ce qu'on a perdu dans les fonds de pension? Êtes-vous capables de me dire ça, vous, là?

M. Boyer (Daniel) : Je ne vous dirai pas ça, parce qu'on n'est pas d'accord avec la loi n° 15 non plus. Bon, bien, écoutez...

M. Laframboise : Mais imaginez-vous. C'est qu'au pire ça veut dire que, si, admettons, la loi n° 15... Ça veut dire que, si vous augmentez... si en plus vous récupérez dans des négociations, puis que, le projet de loi n° 15, admettons, vous gagnez devant les tribunaux, puis qu'ils sont obligés de rembourser, ils vont avoir donné les augmentations de salaire plus la récupération qu'ils vont avoir... Tu sais, c'est pour ça que, je vous dis, à quelque part, il n'y a jamais de milieu là-dedans, là. Il y a une loi, puis, à un moment donné, moi, je pense que les élus municipaux ont besoin, pour les contribuables... Puis, quand je parle des élus, là, je suis content que les maires disent : Ça prend une résolution de conseil pour que tout le monde soit bien conscient, à la ville, qu'est-ce qui se passe par rapport aux salaires, aux rémunérations des employés. Je pense que c'est ça, la réalité, on est rendus là, là, présentement. Les citoyens ne sont plus capables de payer, puis ça, il va falloir qu'on arrive à quelque chose — puis j'espère — avec l'entente avec les syndicats, pour dire : Oui, on va avoir un cadre qui va peut-être favoriser une plus juste négociation. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Boyer (Daniel) : Oui, je suis d'accord, puis c'est ce qu'on fait négociation après négociation. Quand on vous dit qu'on règle des conventions collectives, c'est ça qu'on fait.

Quand vous me dites que les maires ont délaissé les infrastructures pour payer leurs employés, on pourrait en jaser longtemps, là. Premièrement, c'est des choix politiques qui appartiennent aux municipalités. Puis, écoutez, j'écoutais les deux maires tantôt qui nous mentionnaient le pourcentage de leur masse salariale. C'est sûr que le pourcentage de la masse salariale, ça va être une partie importante des dépenses de la ville. C'est une entreprise de services, on donne des services, puis à date il n'y a pas de robot qui fait la plupart de nos jobs. Donc, bien évidemment, le pourcentage de la masse salariale va être important.

Puis là vous me parliez de loi spéciale, là. Nulle part dans la loi sur le régime de négociation dans le secteur public vous ne voyez que le gouvernement a le droit de décréter les conditions de travail. Quand il le fait, c'est un pouvoir d'urgence qu'il exerce, et ça, c'est très, très, très balisé par les tribunaux supérieurs maintenant.

Le Président (M. Auger) : ...15 secondes. M. le député de Blainville.

M. Laframboise : ...pouvoir, le gouvernement du Québec, alors que les villes n'ont aucun pouvoir. Quand le maire de Montréal vous dit : Les comparables avec les autres villes, je n'en veux plus, êtes-vous d'accord avec ça, d'enlever le critère des comparables?

M. Boyer (Daniel) : Écoutez, moi, ce que je vous dis, là, c'est que, premièrement, l'arbitrage n'est pas tellement utilisé, les parties conviennent entre eux. Donc, qu'on se parle de comparables ou pas, là, dans la majorité des cas, les parties s'entendent...

Le Président (M. Auger) : Merci. Merci, messieurs. Désolé de couper vos élans respectifs, mais un petit message d'intérêt parce que dans les quatre prochaines minutes vous allez avoir une petite séance de dynamitage, donc, pour ne pas rester surpris de la secousse que ça peut occasionner.

Donc, M. Boyer, Mme Lefebvre, M. Bolduc et M. Pépin, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

(Reprise à 12 heures)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons débuter avec une période d'échange. Donc, dans un premier temps, bien vouloir vous présenter. Par la suite, vous pourrez commencer votre exposé.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Bien. Alors, merci, M. le Président. M. le ministre. Ça nous fait extrêmement plaisir d'être aujourd'hui devant vous pour vous exposer nos appréhensions sur le projet de loi n° 110. Je suis accompagné de Minh Nguyen, du Service de recherche et des relations de travail de la CSN, Michel Forget, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN, Denis Marcoux, qui est le président de la fédération des employés de services publics de la CSN, et Richard Fortin, qui est le coordonnateur de la fédération et qui a aussi été appelé, là, souvent à intervenir dans des dossiers de négociation dans le secteur municipal.

Alors, comme il n'y aura qu'une seule présentation par la CSN et sa fédération dans le cadre de la présente commission parlementaire, c'est clair que mes amis de la fédération seront appelés à intervenir lors de la période de questions, là, pour préciser un certain nombre d'éléments. Mais c'est quand même important de mentionner que, dans le secteur municipal, la CSN représente 11 200 travailleuses et travailleurs qui sont répartis dans 188 syndicats qui les représentent au niveau des municipalités.

D'entrée de jeu, là, je pense que, si vous avez lu notre mémoire, évidemment, vous comprenez que, sur le fond, nous serions évidemment favorables au retrait du projet de loi, dans la mesure où on considère que le régime des relations de travail au Québec et même que l'expérience historique des négociations dans le secteur municipal ne justifient en rien un état ou une politique d'exception comme celle qui est mise sur la table ce matin, d'autant plus que nous, on considère que le projet de loi n° 110 repose sur de fausses prémisses.

J'écoutais attentivement, ce matin, le maire de Québec et le maire de Montréal — et j'écoutais aussi la période d'échange, là — qui prétextent qu'il y a un écart de rémunération important entre les employés municipaux et les gens de la fonction publique au Québec, alors que nous, on pense que la fameuse étude de l'ISQ pose problème au niveau méthodologique, dans la façon dont on utilise les données. D'abord, c'est important de rappeler que l'ISQ exclut toutes les municipalités de 25 000 personnes et moins, et ça considère... donc il y a à peu près 96 % des municipalités qui sont carrément exclues de l'étude de l'ISQ. Et, par le passé, il y a des études de l'ISQ qui ont démontré, dans des municipalités où il y avait moins de 25 000 habitants, que les employés municipaux bénéficiaient d'une rémunération globale, je dis bien «globale», qui était moins élevée que celle des grandes municipalités. Donc, plusieurs emplois ont été même exclus par l'ISQ de la méthodologie pour être capable de faire les comparaisons avec l'administration publique. Et, en bout de ligne, nous, on dit qu'il y a à peu près 17 % des employés de l'administration publique au Québec qui ont un retard salarial de 18 % et un écart de 39,5 % avec un pourcentage inconnu d'employés municipaux, complètement inconnu, parce que cette référence-là, dans l'étude de l'ISQ, considérant ce que je vous ai dit précédemment, donc, nous amène loin de l'affirmation qui est colportée quasiment comme une légende urbaine que tous les employés municipaux, toutes catégories confondues, auraient presque 40 % de rémunération globale plus élevée que les travailleuses et les travailleurs qui sont dans le secteur public et la fonction publique. On pourrait même dire, si on tient compte des périodes de gel salarial qu'on a connues dans le secteur public et des faibles augmentations de salaire qu'on a connues lors des dernières négociations dans le secteur public, que ce sont les travailleurs puis les travailleuses du secteur public et des employés municipaux qui accusent un retard qui est important.

L'autre prémisse qui est inquiétante, c'est celle sur laquelle on prétend qu'il y a des conflits de travail. Tu sais, quand on écoute les maires de Québec et de Montréal, c'est comme si c'était la pagaille partout dans le monde municipal, au Québec, au niveau des relations de travail, alors qu'au cours des dernières années, je dirais même depuis à peu près l'an 2000, là, il y a 539 négociations de convention collective qui ont fait en sorte qu'on a réussi à régler sans problème. Donc, la très grande majorité des conventions collectives sont négociées sans conflit de travail, on parle de 3,5 conflits de travail sur 16 années, là, de 2000 à 2016. Donc, contrairement à ce qu'on nous laisse croire, il n'y a pas une situation alarmante ou dramatique en matière de relations de travail et surtout en matière de conflits dans le monde municipal au Québec. Ça aussi, ça fait partie d'une légende urbaine qu'il faut absolument déconstruire et ramener, je dirais, dans sa juste perspective.

Donc, nous, on pense que la façon dont le projet de loi n° 110 est conçu, là, comme une action politique d'urgence qui... fait quasiment qu'on est dans un état d'exception pour pallier un déséquilibre qui est carrément inexistant et pour agir sur des tensions qui n'existent pas. Donc, c'est pour ça que la CSN réclame carrément le retrait de ce projet de loi.

Bon, évidemment, vous allez le voir à la lecture de notre mémoire, si jamais le projet de loi était maintenu, on va souhaiter de revoir, justement, cette idée-là d'un mandataire spécial, là, qui serait sous la responsabilité du ministère des Municipalités. Vous savez, dans notre histoire, au Québec, puis dans l'histoire des relations de travail de façon générale, il y a toujours un équilibre fragile, hein, entre le capital et le travail, et on a construit les lois du travail, on a construit un code du travail, au Québec, au cours des années, pour maintenir justement un équilibre dans les relations de travail entre les syndicats, les représentants des travailleuses et des travailleurs et les patrons. J'ajouterais même, ça a été dit un peu plus tôt, quand on fait affaire avec le ministère de la Santé ou encore on négocie, actuellement, dans le secteur de l'hôtellerie, à la CSN, bien, ce n'est pas le ministère de l'Industrie et du Commerce qui va se mêler des relations de travail, au contraire. Le ministère de l'Industrie puis du Commerce, il va réfléchir au développement de l'industrie puis du commerce au Québec de façon plus générale, mais ce n'est pas lui qui va s'immiscer dans les relations de travail. Même chose dans le ministère de la Santé, on ne demandera pas au ministre de la Santé de s'immiscer... on ne souhaitera pas qu'il s'immisce dans les relations de travail. Donc, pourquoi donner au ministère des Municipalités ce pouvoir extraordinaire qui vient remettre carrément en question le régime puis le mode de relations de travail qu'on a constitué au Québec au cours des dernières années et, comme d'autres l'ont dit précédemment, qui fonctionne très bien, qui permet justement, notamment sous la responsabilité du ministère du Travail, de faire des interventions ponctuelles tant dans le secteur public que dans le secteur privé, quand les parties le demandent, pour être capable, justement, de trouver un équilibre, puis de trouver des solutions, puis de trouver un règlement aux différentes négociations de convention collective?

Donc, nous, on a un problème sérieux avec cette idée-là que le MAMOT va faire autre chose que de la gouvernance puis de l'administration générale par rapport à la façon dont les municipalités doivent évoluer et fonctionner au Québec. Et on pense que pas plus que le MAMOT que d'autres ministères ne devraient avoir des pouvoirs qui viennent lui permettre, justement, d'intervenir directement sur le terrain des relations de travail.

L'autre élément sur lequel on va souhaiter que la commission parlementaire se penche, c'est que le projet de loi ne tient pas compte non plus que l'exercice de négociation, c'est quelque chose qui peut prendre de temps. Donc, l'imposition d'un médiateur après une période déterminée de négociation, c'est quelque chose qui peut bâcler le processus de négociation, alors que, dans le fond, nous, on a toujours considéré qu'il faut donner le temps aux parties justement de faire correctement la négociation, pour permettre d'atterrir puis d'arriver à une négociation de convention collective. Mes collègues pourront vous démontrer tantôt que dans bon nombre de cas on a réussi, quand on a pris le temps puis on a mis les énergies nécessaires pour être capable d'investir le terrain de la négociation, d'en arriver à un règlement.

Alors, en considérant, donc, que le Code du travail prévoit déjà des balises, là, pour arbitrer la question des différends, on pense que les principes directeurs qui sont prévus dans le projet de loi sont superflus et que ce qui existe déjà dans le Code du travail, ça fait amplement la job. Et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on demande de retirer l'article 1 et l'article 17, qui sont, à notre avis, totalement inutiles.

Peut-être rapidement conclure en disant que, sur la durée des conventions collectives, bon, nous, à tout le moins, on pense que la première convention collective devrait durer trois ans, pour permettre justement de faire les ajustements nécessaires, puis après ça c'est aux parties de voir si on négocie des conventions de plus longue durée, mais minimalement, quand il y a une première convention, on devrait s'en tenir à une convention collective de trois ans. Et on considère aussi que... Compte tenu que le paradigme, je dirais, de la négociation collective dans le secteur municipal a été pas mal chamboulé avec la loi n° 15 sur notamment la question des régimes de retraite, bien, on pense qu'on devrait laisser tomber la notion d'application rétroactive de la loi puis de l'appliquer plutôt en fonction de la date de signature des conventions collectives, plutôt que de fonctionner de façon rétroactive.

Alors, voilà pour les commentaires de la CSN et de la fédération.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre exposé. M. le ministre, pour 16 min 30 s.

M. Coiteux : Oui. Merci beaucoup, M. Létourneau. Merci à ceux aussi qui vous accompagnent, qui vont peut-être répondre à certaines questions. Mais je vais certainement commencer avec vous, si vous voulez bien. Et vous m'en donnez l'occasion encore plus que dans le dialogue qu'on a eu tout à l'heure sur cette question, est-ce qu'il y a une différence entre négocier dans le secteur privé puis négocier dans le secteur public, parce que vous avez utilisé cette image du capital contre le travail. Vous l'avez utilisée, cette image-là, puis je saisis ça au bond parce que c'est justement ça que j'essaie d'expliquer depuis le début avec ce projet de loi là. On ne peut pas transposer ça dans le secteur municipal, selon moi — peut-être que vous avez une autre vision, puis je voudrais vous entendre là-dessus — parce qu'un gouvernement, ça ne représente pas le capital; un gouvernement, c'est là pour l'intérêt collectif. Et la vision qu'on a, la vision que j'ai, certainement, mais la vision qu'on a comme gouvernement, c'est que les municipalités, ce sont des gouvernements, appelons-les gouvernements de proximité, là, si on veut, là, c'est sûr qu'ils n'ont pas les mêmes fonctions, les mêmes devoirs, les mêmes responsabilités et les mêmes capacités législatives que le gouvernement provincial, bien sûr, mais néanmoins ce sont des gouvernements. Il y a une démocratie qui s'exprime dans les villes, il y a des gens qui vont voter. Ils votent un conseil municipal, des conseillers, ils votent un maire. Ces gens-là sont redevables devant leurs citoyens et ils ont à prendre des décisions pas dans l'intérêt d'actionnaires, là, ils ne représentent pas le capital, ils représentent leurs citoyens. Puis leurs citoyens, bien, comme c'est le cas pour l'ensemble des gouvernements, ils doivent payer les services publics, puis ce n'est pas facultatif, payer les services publics, c'est obligatoire. Il faut payer des taxes, les taxes sont obligatoires.

Alors, la vision capital-travail dans le secteur gouvernemental, même celui de proximité que sont les villes, pour moi, ça m'apparaît être un anachronisme. Si on a déjà pensé ça dans le passé, je pense sincèrement que ça a été une erreur.

Alors, vous dites : Le Code du travail est parfait, il est excellent, il ne faut pas le toucher; il s'applique là-dessus comme il s'applique avec Bombardier puis les syndicats ou avec d'autres entreprises privées, y compris des entreprises étrangères installées au Québec, on devrait transposer cette vision-là dans le secteur municipal, qui est un secteur gouvernemental de proximité. Moi, je ne suis pas d'accord avec ça, mais j'aimerais comprendre pourquoi vous, vous êtes d'accord avec cette vision-là.

M. Létourneau (Jacques) : Bien, quand on utilise l'exemple des relations de travail de façon historique entre le capital ou les grandes entreprises et les travailleuses, les travailleurs, on réfère directement au régime de relations de travail qui s'est constitué pour permettre... J'insisterais plus sur les équilibres fragiles entre les deux parties constituantes dans le cadre d'une négociation. Et là, au risque de vous décevoir, c'est vrai que le gouvernement, qu'il soit national ou municipal, n'est pas représentant du capital, dans la mesure où on définit le capital en fonction des entreprises, mais il a une responsabilité comme employeur, par contre. Non seulement il a une responsabilité comme employeur, mais, quand le gouvernement municipal ou national donne des services à la population, bien, il embauche de la main-d'oeuvre puis il s'assure de donner une prestation de services de qualité avec des conditions de travail de qualité.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où on vient briser cet équilibre fragile... Parce que ça ne prend pas grand-chose. Et ma crainte, avec le projet de loi, c'est qu'on introduise... Il y a quelqu'un tantôt qui a fait référence au couteau. Bien là, je peux vous dire que le couteau risque de se transférer de l'autre côté, avec des municipalités, par exemple, qui diraient : Bien, de toute façon, le mandataire spécial, on fera appel à lui, surtout que la période est tellement cadrée puis limitée dans le temps, puis ultimement l'Assemblée nationale tranchera. On veut-u ça comme régime de relations de travail au Québec? La réponse, c'est non, et encore moins dans le secteur municipal ou, par exemple, dans le cadre des négociations du secteur public.

Donc, la référence, c'est vraiment les équilibres fragiles dans les relations de travail. Nous, on pense... Il n'y a pas de régime parfait, là, c'est sûr que tu peux avoir des débordements d'un côté comme de l'autre, à un moment donné, en négociation, mais, de façon générale, on pense que c'est un système de relations de travail qui fonctionne bien. Et c'est la raison pour laquelle c'est un système de relations de travail qui relève historiquement d'un ministre du Travail, qui, lui, a une responsabilité indépendante des autres fonctions que l'État peut avoir, que ce soit en éducation, en santé ou ailleurs. Et c'est un ministère qui peut être appelé globalement à intervenir quand il y a un conflit de travail itou dans le secteur privé.

Donc, c'est pour ça que nous, on dit : Ces équilibres-là, ils sont fragiles, et, quand tu déséquilibres, tu risques de provoquer des problématiques que tu n'avais pas dans le passé puis les multiplier.

M. Coiteux : Je suis d'accord avec vous qu'il faut viser l'équilibre, totalement d'accord avec vous, puis je suis d'accord avec vous que c'est un équilibre dont on doit se préoccuper parce qu'il est potentiellement fragile, il faut faire attention à ça. Je suis totalement... Je conviens de ça parfaitement.

Par contre, j'ai du mal à penser qu'on puisse résoudre cette question de l'équilibre fragile de la même façon que dans le secteur public, où il y a un gouvernement redevable vis-à-vis l'ensemble de ses citoyens, soumettant ses citoyens à l'impôt obligatoire, puis transposer ça dans le secteur privé ou vice versa puis penser que c'est la même façon de régler les choses. Moi, j'ai un enjeu avec ça, puis c'est pour ça que je veux creuser la discussion avec vous, là.

Pourquoi ça devrait être pareil, les négociations dans le secteur privé, que dans le secteur public? Pourquoi ça devrait être la même espèce d'affaire, régi par les mêmes mécanismes, qui ne tiennent pas compte du caractère institution démocratique et municipalité?

Le Président (M. Auger) : M. Marcoux.

M. Marcoux (Denis) : Merci. M. le ministre, moi, j'aurais le goût de dire, parce que ça a été mentionné tantôt, là, qu'on a l'impression, comme syndicat, qu'on arrive dans une ville X ou Y, qu'on est complètement désincarné de la réalité. La vraie vie, là, quand on négocie des conventions collectives, là, c'est qu'on s'assoit avec une équipe de négociation, qui par ailleurs... Tu sais, on a parlé de la compétence, là; c'est des bureaux d'avocats, à peu près partout, qui négocient, là. Donc, il faut éliminer ce critère-là. Mais, comme vous l'avez mentionné tantôt, dans votre ex-vie, vous étiez économiste, vous savez très bien que, quand on arrive dans une municipalité, il y a des marchés de travail locaux puis il y a des dynamiques aussi régionales qui relèvent de la rémunération qui est payée. Un exemple : à Baie-Comeau, à Saguenay, il y a des dynamiques régionales, des déterminants salariaux qui jouent, hein? Et ça, ça fait partie de la vie aussi, là, O.K.? Donc, toute cette notion-là de réalités régionales, d'efficacité... Parce que, si on n'est plus capable, mettons, d'embaucher des gens spécialisés, là, ça, c'est plus problématique pour les citoyens, parce que qu'est-ce qu'on est obligé de faire, on est obligé d'aller à sous-contrat, avec tous les problèmes que ça... C'est là qu'on a des problèmes d'explosion de coûts beaucoup plus importants. On en parlait tantôt, la construction, là, il y a plein de responsabilités qui vont revenir au municipal. Pourquoi? Parce que ça coûte moins cher, ce n'est pas compliqué. Donc, quand on dit, là, qu'on arrive dans une ville, dans une région, qu'on fait... il faut viser l'efficience de l'organisation. Et, si on n'est pas capable d'avoir des conditions de travail attractives pour le monde, bien là, il y a une panoplie d'autres problèmes qui viennent en compte, et à la fin de la journée, pour le contribuable, là, je ne suis pas sûr que c'est lui qui est gagnant.

C'est ça qu'il faut faire attention. Ce n'est pas désincarné, comme on peut se faire dire, de toutes les réalités. Puis il y a d'autres facteurs, tu sais, on sait que la taille des organisations aussi, ça compte, les réalités régionales. Tout ça, là, ça fait partie, là, des analyses qui sont faites quand on arrive à une table de négociation dans les diverses régions, il faut prendre en compte les réalités régionales. Puis, quand on commence à jouer à l'apprenti sorcier, hein, on n'a pas des experts en relations de travail, puis qu'on a du monde qui ne connaissent pas l'ensemble de la dynamique, moi, je pense qu'on se réserve des lendemains pas mal plus douloureux pour la population, M. le ministre.

M. Coiteux : Je vais prendre deux éléments de ce que vous venez de dire juste pour questionner davantage. Je vais commencer par le suivant, en tout cas, les statistiques.

J'ai compris, là, M. Létourneau a dit tout à l'heure : Bien, nous, on n'est pas tout à fait d'accord avec ces statistiques-là. En tout cas, c'est les statistiques neutres que nous avons, puis elles sont... ils font un travail très professionnel, de comparables avec des comparables. Mais, enfin, les statistiques montrent que les conditions de travail dans le secteur municipal sont particulièrement bonnes, là, quand on regarde par rapport à l'administration publique. Même M. Boyer, tout à l'heure, c'est la FTQ, ce n'est pas la CSN, il peut y avoir une vision différente, mais il a dit : Bien, dans le fond, le problème, c'est que le secteur public devrait s'ajuster au secteur municipal, dans le fond, c'est un peu ça, alors il ne contestait pas que les conditions étaient bonnes dans le secteur municipal. Puis, comme vous trouvez qu'actuellement on a un bon régime, j'imagine que vous trouvez que les conditions dans le secteur municipal sont bonnes également. Alors, il semblerait que ce n'est pas ça, le problème.

Mais je voudrais vous amener sur l'autre terrain, qui est le suivant, vous avez dit, la question des disparités régionales : Il faut tenir compte des réalités régionales. Je voudrais vous entendre sur un sujet puis je vais faire un lien, parce qu'on a eu avant le maire de Québec et le maire de Montréal, les deux nous ont demandé de retirer un des critères qui est dans la loi, qui est celui de regarder aussi les conditions de villes comparables. Est-ce que vous seriez d'accord avec retirer le critère d'équité externe, puisque c'est si important de différencier les réalités régionales?

Le Président (M. Auger) : M. Marcoux.

• (12 h 20) •

M. Marcoux (Denis) : Bien, moi, j'ai trouvé ça un peu particulier parce que l'UMQ elle-même, hein, elle a un bureau d'évaluation des relations de travail, de toutes les conditions, qui est extrêmement efficace et efficient, et les gens, de façon régulière, ils bénéficient de ça. Je ne comprends pas ça, parce que même l'UMQ a développé des outils extrêmement performants pour justement faire le contraire de ce que vous nous dites. Tu sais, des fois, dans la vie, là, il faut faire attention, là, de, tu sais... quand on est sur la place publique, là, puis quand on arrive dans la vraie vie, là.

Puis je peux vous dire que, pour négocier des conventions collectives dans le secteur municipal, là, on a près de 200 syndicats, 188, là, je veux dire, les règlements, dans les régions, là, c'est à la moyenne provinciale. On parle à peu près de 2,5 %, là, pour l'ensemble des employés, là? On est dans cette moyenne-là partout, là. Il n'y a personne qui joue avec les poignées de sa tombe, là, en demandant des 20 % puis des 30 % d'augmentation, c'est ancré dans les réalités régionales.

M. Coiteux : Et sur le critère de l'équité externe?

M. Fortin (Richard) : Bien, écoutez, dans la vie, quand on est à une table de négociation, c'est un des critères qu'on considère. Alors, évidemment, quand on négocie, dans une municipalité, et qu'on a l'impression que... soit que l'employeur considère que leur rémunération est trop élevée, nous, on considère qu'elle n'est pas suffisamment élevée, à ce moment-là c'est un des critères qui va être utilisé, et là on va y aller avec des villes de taille comparable, avec une richesse foncière uniformisée semblable, etc. On avait fait ça, entre autres, dans une négociation à ville de Baie-Saint-Paul, où on avait fait une étude de 10 villes comparables au Québec mais de même taille, c'était entre 5 000 et 10 000, avec la même richesse, etc. Donc, c'est déjà un élément qui est utilisé dans l'argumentaire qui se développe dans le cadre d'une négociation pour trouver une augmentation salariale qui est correcte.

Puis, vous savez, on parle beaucoup du salaire ici, depuis ce matin, puis souvent ce n'est pas vraiment ça qui pose problème, ce n'est pas l'endroit le plus difficile où on doit régler, c'est beaucoup sur l'organisation du travail, les conditions d'exercice du travail, et ce projet de loi là semble s'adresser uniquement à la question salariale.

Et je m'en voudrais de ne pas intervenir suite à la question que vous avez posée au président de la CSN. Vous savez, le droit de négocier, c'est un droit fondamental garanti en vertu de la charte, et c'est un plein droit à la négociation, et je trouvais ça regrettable que des gens qui travaillent pour la collectivité n'aient pas les mêmes droits que les autres travailleurs à une vraie négociation de convention collective avec une possibilité de rapport de force. La charte et la Cour suprême, avec les trois décisions qu'on connaît, qu'on appelle la trilogie, avec police montée, Meredith et Saskatchewan, elle ne fait pas cette distinction-là. Elle parle du droit fondamental à la négociation pour l'ensemble des travailleurs, elle ne dit pas, pour les gens du secteur public ou pour les gens qui travaillent pour une collectivité : Vous, votre droit, il est altéré parce que vous travaillez pour une collectivité.

M. Coiteux : Oui, puis c'est un projet de loi qui reconnaît ces droits-là, bien entendu, mais c'est un projet de loi qui fait quand même la différence entre un gouvernement qui négocie au nom de l'intérêt collectif puis une entreprise privée qui négocie au nom des actionnaires, puis face à la capacité de taxer les citoyens de manière obligatoire, face à proposer un produit à vendre à des citoyens qui peuvent décider de l'acheter d'une entreprise concurrente. Nous, on pense que c'est une différence qui est fondamentale. Et je pense qu'implicitement on la sent dans toutes les négociations entre le secteur public québécois et les syndicats qui représentent ces employés, mais le secteur municipal a été historiquement considéré comme si c'était une entreprise puis que c'était régi par les mêmes types de mécanisme, fondamentalement, alors ça a créé un déséquilibre entre... pas nécessairement... ce n'est pas juste une question de rapport de force, c'est entre deux principes, là, le principe au droit de négocier, les droits fondamentaux d'association, oui, mais en même temps l'assurance qu'on sert l'intérêt public, surtout dans le cadre d'une société démocratique, puis c'est ça qui est dans le secteur municipal.

Donc, moi, je veux beaucoup vous entendre sur ces questions-là, parce que normalement vous représentez des gens qui veulent faire du changement, faire avancer la société, reconnaître l'intérêt public. Alors, pourquoi, là, ici, vous seriez braqués contre un projet de loi qui vient faire ça?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, si vous permettez, d'abord, ce n'est pas vrai que, dans le positionnement, les organisations syndicales, de façon générale, sont contre le changement. Dans le secteur public puis dans le secteur municipal, depuis des années on est de réforme en réforme, de transformation en transformation. Quand l'État, par exemple, compresse les dépenses dans les municipalités, ça a un impact, ça, sur les enveloppes budgétaires, puis sur le régime de relations de travail, puis sur l'organisation du travail. Alors, ce n'est pas vrai que les syndicats n'ont jamais négocié d'aménagements, que les syndicats n'ont jamais négocié de particularités aux conventions collectives pour être capables de permettre justement aux municipalités puis aux travailleuses puis aux travailleurs de pérenniser les régimes de relations de travail.

Donc, pour nous, quand on pose la question du droit, le droit de négocier, ça fait aussi partie, comme Richard l'a dit, des chartes, puis il y a le droit de grève aussi. Et notre crainte, avec ce pouvoir du mandataire, c'est que le mandataire intervienne justement pour discipliner la relation de travail, en disant : À partir du moment où il y a risque de conflit, il y a risque, effectivement, d'imposition de convention collective ou de conditions de travail.

Et, encore une fois, même s'il n'y a pas beaucoup de conflits de travail qui vont jusqu'à la grève — on l'a dit tantôt, entre 2000 puis 2016 il n'y en a à peu près pas eu — c'est quand même un droit qui est fondamental. Si tu mets au-dessus de la tête du monde une épée de Damoclès puis que tu leur dis : Aussitôt que vous allez commencer à parler de grève à l'assemblée générale, on va faire la demande d'un mandataire pour venir discipliner le rapport au travail, c'est un peu comme si, dans le secteur public, vous nous aviez menacés de décréter en commençant la négo, alors qu'il y avait des grèves qui se faisaient de façon tout à fait respectueuse à la fois du Code du travail et des services publics qui étaient donnés à la population.

Donc, moi, je pense qu'il faut faire attention à cette idée-là reçue, souvent, et colportée que les syndicats, ce n'est pas des acteurs de changement. Les syndicats, là, de façon générale... On se racontait tantôt... À La Pocatière, quand on a négocié, au niveau de la municipalité, quand Bombardier s'est mis à avoir des difficultés, ça a eu des répercussions sur la négociation avec la ville de La Pocatière, là. On n'est pas fous à plein temps, là, on est capables de comprendre la réalité dans laquelle se déroule le cadre de négociation. Mais en même temps, quand vous introduisez des dispositions comme celles-là, je le vous dis, ça risque de justement briser cet équilibre fragile là, et là vous pouvez vous retrouver avec des dynamiques de relations de travail qui vont être beaucoup plus difficiles que celles qu'on a connues au cours des dernières années.

Le Président (M. Auger) : ...15 secondes.

M. Coiteux : Simplement pour rappeler que, le mandataire, les syndicats peuvent aussi faire la demande au gouvernement de considérer la nomination d'un mandataire. Donc, c'est symétrique, hein, il ne faut pas penser que ça ne l'est pas.

M. Létourneau (Jacques) : Disons que c'est les villes qui se plaignent plus que nous autres du déséquilibre en matière de régime de relations de travail. Donc, je serais quasiment prêt à parier avec vous aujourd'hui que les mandataires risquent de venir...

Le Président (M. Auger) : Merci. Nous allons poursuivre les échanges avec l'opposition officielle. M. le député de Richelieu, en vous mentionnant que vous avez 10 minutes à votre disposition.

M. Rochon : Merci, M. le Président. En tout respect pour la ministre du Travail, c'est quand même hallucinant qu'elle ne soit pas là pour assister à ces consultations sur un projet de loi qui modifiera le Code du travail, dont elle est la gardienne.

Alors, vous abordez justement dans votre mémoire, messieurs, cette question d'un projet de loi qui «crée un régime d'exception au Code du travail et aux relations de travail au Québec en déplaçant l'encadrement et la supervision des processus de négociation — je cite votre mémoire au texte, là — et d'arbitrage du secteur municipal vers une des parties intéressées au résultat des négociations, soit le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire». Pourquoi, vous demandez-vous dans votre mémoire, être parmi les seuls travailleurs de juridiction québécoise pour lesquels les relations de travail ne seront plus supervisées par le ministère spécialisé en la matière? Et vous répondez à votre propre question en parlant des apparences qui vous «permettent de conclure raisonnablement que ce transfert de compétences vers le MAMOT a pour but de changer le paradigme actuel sur lequel repose l'équilibre du rapport de force dans le secteur municipal». Vous ne vous étonnez donc pas que les municipalités applaudissent ce projet de loi.

• (12 h 30) •

M. Létourneau (Jacques) : Ça, c'est sûr qu'on n'est pas du tout étonnés d'entendre les municipalités comme elles l'ont fait ce matin.

Sur le Code du travail, je veux quand même porter à votre attention que les organisations syndicales, depuis un certain nombre d'années, sont intervenues auprès du ministère du Travail pour parfois bonifier, améliorer, je dirais même moderniser le Code du travail. La réponse même d'un des derniers ministres du Travail qu'on a côtoyé, Sam Hamad, c'était : On ne peut pas toucher au Code du travail parce que, le jour où on touche au code, c'est clair que, si on en donne aux syndicats, les patrons vont s'inviter, le bordel va prendre, puis on va casser justement l'équilibre prévu au code pour être capable de maintenir une dynamique de relations de travail et de paix industrielle. Donc, ce que vous soulevez là, c'est fondamental. Effectivement, c'est inquiétant de voir que, par le truchement du projet de loi n° 110, on est en train, justement, de remettre en question des pans importants du Code du travail.

L'autre chose que je veux signaler, c'est que, malgré les difficultés qu'on a avec le gouvernement libéral depuis qu'il est au pouvoir, on a quand même, comme mon collègue de la FTQ l'a dit tantôt, réussi à négocier, dans le secteur public, une entente de bonne foi. Même si le gouvernement du Québec a découvert 1,8 milliard de surplus, là, récemment, là, alors qu'à l'époque on était à la gorge, on a négocié de façon responsable en fonction de la situation des finances publiques en décembre 2015.

Et on a, dans notre régime de relations de travail, au Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui relève du ministère du Travail, trouvé des voies de passage pour les régimes à prestations déterminées, incroyable quand même, on s'est assis avec les employeurs. Contrairement à ce qui s'est passé par rapport aux régimes de retraite dans les municipalités, où on a été obligés de le faire, sur le terrain, un peu plus dur, les relations de travail dans les municipalités, au CCTM on s'est assis, patrons, employeurs, syndicats, pour trouver des voies de passage aux régimes à prestations. Dans les universités, la même affaire.

Donc, il y a une logique de relations de travail qui existe dans notre histoire et qui fonctionne. Et le ministère du Travail, même dans les municipalités, est régulièrement appelé à intervenir, conciliation, médiateur, et de façon générale on comprend que ça fonctionne.

Donc, c'est inquiétant de voir effectivement que le ministère du Travail ne soit pas associé de près à cette question-là, parce que c'est un peu comme si demain matin on venait donner au ministre de la Santé des pouvoirs d'intervenir directement dans le domaine de la santé au niveau des relations de travail, en éducation ou ailleurs. Ce ne serait pas tenable, là, parce qu'en termes de responsabilité puis de gouvernance — vous comprenez très bien ce que je vous explique — ça viendrait créer des conflits d'intérêts majeurs entre les politiques publiques puis la dimension des lois du travail.

Donc, pour nous, comme on trouve que le régime actuel... Il n'est pas parfait, là, il n'y a personne qui dit que c'est la perfection puis qu'il n'y a pas de débordements des fois, mais honnêtement on est loin de la situation dramatique qu'on prétend pour, justement, justifier un coup de force comme celui-là, avec une loi d'exception qui va venir changer profondément le régime de relations de travail qui existe puis qui a été débattu de façon sociétale puis discuté entre les patrons, les syndicats puis les différents gouvernements.

Le Président (M. Auger) : M. le député.

M. Rochon : Le ministre aime bien vous amener sur ce qui devrait distinguer les négos dans les secteurs public et privé, vous demandant notamment si vous abordez ces négos-là dans le même esprit, hein, au public et au privé. Il y a une distinction, que ne soulève jamais, cependant, le ministre, entre des négos que vous menez au public et au privé, c'est celle des regards tournés, quand ces syndicats négocient au public, et notamment dans le monde municipal, des regards tournés vers eux de tous les contribuables des municipalités dans lesquelles se déroulent ces négociations et qui souhaitent bien que ces syndicats tiennent compte de leur capacité de payer. N'est-ce pas, en effet, une distinction fondamentale entre les négos menées au privé et au public que ce regard des contribuables tourné vers vous dans les pourparlers que vous avez avec vos vis-à-vis du secteur public, que ce soit municipalité ou gouvernement québécois?

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je peux en faire un bout, puis, si les collègues veulent prolonger... Il y a des nuances, évidemment. On ne peut pas faire du copier-coller d'une entreprise privée versus les différents ordres de gouvernance, qu'ils soient provinciaux, ou municipaux, ou régionaux, et notamment sur la question des services essentiels, hein, on n'a pas le rapport aux services essentiels chez Bridgestone-Firestone qu'on peut les avoir dans le réseau de la santé et des services sociaux ou dans les municipalités. Mais il y a une chose, par contre, qui est certaine, c'est que, quand on négocie, on tient compte de la réalité de l'entreprise et on tient compte de la réalité gouvernementale et municipale, avec les enveloppes qui sont dégagées par les municipalités, pour être capables, justement, de négocier. Moi, j'habite à Montréal depuis 25 ans, là, puis, quand on agite le fameux compte de taxes, là, qui a doublé en l'espace de 15 ans, puis que j'entendais que dans une autre époque, à la ville de Montréal, il y avait des contrats d'asphalte qui s'étaient donnés 40 % plus cher que ce qu'on aurait dû payer, bien, moi, je le trouvais dur, dur, dur, le phénomène de l'augmentation du compte de taxes municipales, pas mal plus que la réalité des conditions de travail des cols bleus de la ville de Montréal, là, pas mal plus. Mais évidemment, ça, on n'en parle pas, puis on ne parle pas des compressions budgétaires, même des dernières coupures qui ont été faites avec le pacte fiscal pour permettre justement aux municipalités de donner les services, et on s'en prend toujours aux conditions de travail du monde comme si c'étaient des conditions inacceptables, alors que, je suis d'accord, effectivement, il faudrait viser à aller vers le haut, pas vers le bas; il ne faut pas ramener le monde du secteur public vers le bas, il faut les ramener vers le haut, en fonction toujours de la capacité, bien sûr, d'un gouvernement puis d'un État, en matière de fiscalité, de payer puis de se donner des priorités comme société. Et, bien, ça fait partie, ça... Quand tu priorises l'éducation, la santé puis les municipalités, au Québec, bien, ça fait aussi partie des responsabilités, de donner des bonnes conditions de travail au monde, incluant même des conditions de régime de retraite, pour éviter que le monde arrive à la retraite puis qu'ils soient pauvres comme Job.

Je n'en revenais pas, moi, les préjugés développés dans les médias en général à l'endroit des régimes de retraite des employés municipaux, comme si le monde partait à la retraite avec 200 000 $ dans leurs poches, passaient leurs hivers dans le Sud, puis alors qu'ils partent avec en moyenne 20 000 $, 21 000 $ par année. Alors, ce n'est pas vrai, là, que tu t'enrichis. Puis c'est des conditions qu'on peut considérer comme acceptables parce qu'il y a eu des négociations, il y a des travailleuses et des travailleurs qui se sont battus à une autre époque, qui se battent peut-être différemment aujourd'hui, mais qui ont fait en sorte qu'on a donné minimalement des conditions au monde pour qu'ils aient le goût de donner des services de qualité à la population.

Donc, inquiétez-vous pas, en général on tient compte des capacités. On l'a fait dans le secteur public, on le fait dans le secteur municipal puis on le fait de façon responsable dans le secteur privé, dans les entreprises, quand une entreprise est en difficulté.

Le Président (M. Auger) : 45 secondes. M. le député de Richelieu... M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. Écoutez, on a fait beaucoup un débat de chiffres, avec les différentes positions, par rapport à ce que l'ISQ est venu déposer, alors j'inviterais le ministre à réfléchir à la possibilité d'accueillir l'ISQ ici, en commission parlementaire, pour effectivement avoir des précisions sur sa méthodologie et avoir peut-être, effectivement, cette possibilité de questionner ces chiffres-là, qui nous amène à se positionner en fonction de ce qui est véhiculé.

Ma question, très courte : J'aimerais vous entendre sur, dans le projet de loi, pourquoi on devrait... ou on ne devrait pas, plutôt, limiter ou obliger un minimum pour la signature d'une convention collective.

Le Président (M. Auger) : 15 secondes. Très rapidement.

M. Marcoux (Denis) : Bien, c'est parce que ce n'est pas de même que ça marche, parce que des fois on a des problèmes, hein, qui sont très différents. Je vais vous donner quelques exemples...

Le Président (M. Auger) : Désolé, c'est tout le temps que nous avions. Je dois céder maintenant la parole au député de Blainville, porte-parole de la deuxième opposition. Et il peut effectivement vous permettre de répondre, il a six minutes à sa disposition.

M. Laframboise : ...le temps de...

M. Marcoux (Denis) : L'entretien et transport de Montréal, c'est chez nous, hein? On se rappelle, il y a eu des périodes de mouvements extrêmement importants, des périodes très dures en relations de travail. Il y a du monde qui a été emprisonné, il y a eu toutes sortes d'affaires qui se sont passées. Deux ans pour négocier, hein? Là, on a négocié, voilà quatre ans, un pacte avec la société de transport pour augmenter l'efficience de l'organisation, avec des aspects monétaires à cette entente-là; ça a pris plus de deux ans. Ville de Gatineau, on a suspendu les négociations pour une grande période pour revoir l'organisation du travail voilà quelques années, hein?

Il y a des caractéristiques qui sont propres à chacune des villes. Je le disais tantôt, quand on joue à l'apprenti sorcier, on va faire plus de dommages. Puis à la fin de la journée, là, c'est le contribuable qui est important, moi, je suis d'accord avec vous, M. le ministre, là-dessus, mais, si on arrive, là, puis on sabote toute la dynamique qu'il y a à l'heure actuelle...

Juste sur les services essentiels, la notion de prestation de services, là, ça fait 35 ans qu'on vit avec les services essentiels. Pourquoi? Parce qu'on nous disait à l'époque : Il ne faut pas prendre la population en otage, hein? On est d'accord avec ça. Droit de lock-out, là, tu ne prends pas moins la population en otage si la ville est en lock-out. Il y a un équilibre sur le rapport de force. Ça, c'est une grosse différence avec le privé.

Le Président (M. Auger) : Je vais céder la parole au député de Blainville parce que son temps s'écoule. Cinq minutes.

• (12 h 40) •

M. Laframboise : Oui, c'est ça, sinon il va tout le prendre, là. Bon. Non, mais... Donc, M. Létourneau, M. Forget, M. Marcoux, M. Fortin, M. Nguyen, merci d'être présents.

Je vous écoutais, M. Létourneau. C'est sûr que, comme le ministre, par rapport à capital-travail, là, je vous ai entendu, l'entreprise privée, le milieu municipal doivent se comporter comme un bon employeur, mais autant tantôt, pour le milieu municipal, ce que je disais par rapport aux propos de la FTQ, les négociations se sont passées avec le gouvernement du Québec, mais le gouvernement a toujours le pouvoir d'imposer une loi spéciale, ce que n'a pas le monde municipal. Dans l'entreprise privée, l'entreprise a toujours le pouvoir de faire faillite si jamais les conditions de travail de ses employés ne sont plus supportables, mais le monde municipal... En tout cas, si vous ne le savez pas, là... sûrement que vous le savez, là, une municipalité, au Québec, ça ne peut pas faire faillite, c'est une créature du gouvernement du Québec. J'ai connu, dans un temps passé, où un premier ministre a nommé le directeur général de la ville de Montréal parce qu'à quelque part, à la fin de l'année, il fallait que le gouvernement du Québec comble le déficit de la ville.

Donc, on est rendus à un moment où les négociations que vous faites, avec les lois telles qu'elles sont, c'est passé date. Il faut être capable de donner aux villes ce sentiment, au nom des citoyens puis de leur capacité de payer, qu'elles sont capables de s'asseoir à une table de négo puis réussir, dans le cadre des budgets qu'elles ont puis, comme le demandent les villes, voté au conseil municipal... qu'elles sont capables de prendre les négociations avec leurs employés. On est rendus là. Et c'est la main que je vous tends parce que, dans le fond, je le sais, puis c'est parfait, vous avez fait votre travail avec les lois qui étaient là, mais, au moment où on se parle, on a besoin d'une modernisation de la loi pour que les villes se sentent en confiance, pour être capables d'entreprendre des négociations serrées puis correctes, dans la capacité de payer des contribuables. Vous ne pensez pas qu'on est rendus là puis qu'on devrait tous ensemble faire évoluer ce projet de loi là?

M. Létourneau (Jacques) : Moi, écoutez, j'ai bien de la misère avec le concept de modernisation, là. Je pense qu'on est plutôt en train de faire l'inverse puis on va reculer à une époque où effectivement peut-être que les lois du travail n'étaient pas celles que nous connaissons, puis que c'était beaucoup plus difficile de négocier les conventions collectives, puis il y avait des conflits de travail. Quand Denis parlait de l'emprisonnement de dirigeants à la Société de transport de Montréal, vous avez deviné que ce n'était pas la semaine passée, là, c'était il y a peut-être une quarantaine d'années.

Donc, nous, on ne partage pas cette idée-là générale qu'il y a un déséquilibre dans le rapport de force. À preuve, on n'entend pas beaucoup de municipalités nous annoncer qu'elles sont sur le point de fermer les livres. De toute façon, elles ne pourraient pas fermer les livres, puis c'est une maudite bonne nouvelle — pardon — parce que ça serait justement de venir remettre en question le droit des citoyens puis des citoyennes d'avoir des services de qualité puis de se donner les moyens d'avoir des services de qualité. Moi, je pense que le régime actuel, c'est un régime qui permet justement de maintenir ces équilibres-là. Et, si vous déséquilibrez les rapports de force, vous risquez malheureusement de vous retrouver dans une dynamique où il va y avoir peut-être plus de conflits de travail qu'on a eus dans le passé.

Donc, moderniser les lois du travail, je vous l'ai dit tantôt. Quand on posait la question au ministre du Travail, de moderniser le code, la réponse qu'on a depuis... moi, ça fait 20 ans que je fais du syndicalisme, ça fait 20 ans qu'on se fait dire : On ne peut pas toucher au Code du travail parce que, si on le modernise en fonction des intérêts des syndicats, les patrons vont s'inviter, on va être obligés de tout rebrasser ça; laissons le Code du travail. Et ça, même le gouvernement libéral qui est actuellement au pouvoir nous a servi cet argumentaire-là : Laissons le Code du travail comme il est là parce qu'il fait, de façon générale, le travail. Alors, je ne sais pas pourquoi aujourd'hui on a besoin de revenir sur des aspects du code pour donner des pouvoirs extraordinaires à un ministère qui normalement devrait gérer la bonne gouvernance.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Blainville. Une minute.

M. Laframboise : C'est parce qu'on a présentement des maires comme le maire de Québec puis le maire de Montréal... Ça ne s'est jamais vu, là, moi, je suis le monde municipal depuis des dizaines d'années, là, des maires qui sont prêts à aller au front puis qui veulent un projet de loi, malgré tout ce que vous dites, là. Puis ils en veulent un, avec une union des municipalités qui est solidaire par rapport à ça puis des maires qui ont signé des conventions collectives puis qui sentent qu'ils l'ont, le couteau sur la gorge, je veux dire, à quelque part, parce que la loi fait présentement qu'ils ne peuvent pas faire autrement, parce que leurs services juridiques leur disent : C'est la meilleure façon. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il est temps qu'on change les lois, vous ne pensez pas? On pourrait le faire ensemble, là, ce serait un bon moment pour qu'on fasse... au nom des citoyens puis de leur capacité de payer.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes. M. Fortin.

M. Fortin (Richard) : Oui, bien, premièrement, sur la question des relations de travail, elles se sont modernisées par elles-mêmes. Il y a 15 ans, 20 ans, il y avait plein de conflits dans le monde municipal puis dans le monde du transport, et les gens ont appris à trouver des solutions aux problématiques qui étaient posées, y compris celle de la rémunération. Alors, dans le monde du transport, il n'y a pas eu de conflit depuis sept ans, approximativement, alors qu'avant on parlait d'un conflit par année. Donc, elles se sont modernisées avec l'aide du ministère du Travail et également avec une plus grande maturité de la part des parties.

Deuxièmement, la rémunération des employés du secteur municipal, ce n'est pas des gens qui font 125 000 $, 150 000 $ par année, ce sont des travailleurs de la classe moyenne. Quand on va les rencontrer, dans le stationnement, ce n'est pas des Porsche puis des Mercedes. C'est des gens qui gagnent 50 000 $, 55 000 $, des fois un peu moins, donc c'est des gens... et qui travaillent fort, qui ont une rémunération qui est parfaitement équilibrée par rapport au travail qu'ils rendent.

Et, sur la question du couteau sur la gorge...

Le Président (M. Auger) : Rapidement.

M. Fortin (Richard) : ...les augmentations salariales qui sont consenties, à l'heure actuelle, c'est des augmentations salariales qui sont équivalentes à ce que le Conseil du patronat du Québec prévoyait de ce qui devait se donner comme augmentations salariales en 2016 puis en 2015. Donc, ce n'est pas des gens qui font des hold-up puis qui négocient avec un couteau sur la gorge...

Le Président (M. Auger) : Merci. Merci beaucoup. Donc, merci à vous tous, messieurs, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 14 heures)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 110, Loi concernant le régime de négociation des conventions collectives et de règlement des différends dans le secteur municipal.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : le Regroupement des associations de pompiers du Québec, la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal et l'Union des municipalités du Québec.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Regroupement des associations de pompiers du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons débuter la période d'échange. Dans un premier temps, bien vouloir vous présenter, et par la suite vous pourrez commencer votre exposé.

Regroupement des associations de pompiers du Québec (RAPQ)

M. Martin (Ronald) : M. le Président, M. le ministre, membres de la commission. D'entrée de jeu, nous remercions la commission et ses membres de l'occasion qui nous est donnée d'exprimer notre point de vue, point de vue franc et, croyons-nous, constructif.

Je m'appelle Ronald Martin et je suis président du Regroupement des associations de pompiers du Québec, le RAPQ, formé des associations de pompiers accréditées en vertu du Code du travail, qui représente les pompiers de la majorité des grandes agglomérations du Québec, dont Montréal, Québec, Laval, Gatineau, Longueuil et Terrebonne. Je suis incidemment aussi président de l'Association des pompiers de Montréal. Nos membres, représentant plus de 3 600 pompiers professionnels, protègent 24 heures sur 24 à longueur d'année un peu plus de 3,5 millions de citoyens, soit environ 45 % de la population du Québec. Je suis aussi accompagné à cette table du premier vice-président du RAPQ, M. Éric Gosselin, aussi président de l'Association des pompiers professionnels de Québec, et de Me Claude Leblanc, notre procureur, du cabinet d'avocats Philion Leblanc Beaudry.

Je vais laisser maintenant le soin à Me Leblanc de faire la présentation de notre argumentaire. Nous nous ferons un plaisir et un devoir de répondre clairement à toutes vos questions. Merci.

M. Leblanc (Claude) : Merci. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je vais aller rapidement à l'essentiel du message que l'on veut vous livrer cet après-midi. Le projet de loi n° 110, s'il était adopté dans sa mouture actuelle, va nécessairement entraîner, et sur ce point-là je veux être clair, nécessairement entraîner des contestations juridiques, contestations juridiques qui, on l'expose dans notre mémoire, mais je vais développer principalement un seul argument devant vous, je le répète, compte tenu du temps qui m'est imparti, contestations juridiques basées sur le fait... Et on s'adresse ici, évidemment, au niveau du processus d'arbitrage chez les pompiers, hein? Dans le projet de loi n° 110, il y a des dispositions qui touchent d'autres corps d'emploi au niveau des municipalités; mon propos s'adresse aux dispositions touchant le processus d'arbitrage chez les pompiers.

Une loi, en principe, lorsque le législateur décide d'intervenir dans un secteur, quel qu'il soit, en principe, le législateur se devrait d'intervenir généralement pour deux raisons principales, soit pour guérir un mal ou soit pour prévenir un mal. C'est là une fonction importante du législateur, prévenir ou guérir, pas réjouir des maires. Le projet de loi n° 110, dans sa mouture actuelle, quant à nous, n'est là que pour faire en sorte que certains maires qui décrient un système d'arbitrage depuis plusieurs années aient effectivement satisfaction.

Ce qui est percutant dans le projet de loi n° 110 — et je m'adresse particulièrement à vous, M. le ministre — ce qui est percutant dans le projet de loi n° 110 : toutes les dispositions qui traitent de l'arbitrage chez les pompiers et chez les policiers, au total on parle d'environ 35 dispositions dans le projet de loi, on fait état dans notre mémoire que, sur la trentaine de dispositions relatives à l'arbitrage chez les pompiers et chez les policiers, la majorité de ces dispositions-là se retrouvent déjà contenues au Code du travail. On n'a pas innové. On a pris des dispositions se trouvant dans le Code du travail du Québec et on les a enlevées du Code du travail, c'est l'objectif de la loi, pour les ramener dans ce fameux projet de loi n° 110 là.

On peut se poser la question. Pourquoi? Pourquoi le législateur veut-il retirer du Code du travail des dispositions pour les amener dans la loi n° 110? Il y a une explication qui saute aux yeux. Le Code du travail, actuellement — et c'est l'article 152.1 — est très clair : «Le ministre du Travail est responsable de l'application du présent code.» Donc, tout ce qui relève du Code du travail, c'est le ministre du Travail qui s'en occupe. Le projet de loi n° 110, dans son article 58 actuel : «Le ministre qui est responsable des affaires municipales est responsable de l'application de la présente loi.» Ça semble banal de dire : Oui, mais on fait juste changer de ministre. Non. Non. Un processus d'arbitrage, pour qu'il soit reconnu comme étant valable par les tribunaux, et là je parle de décisions de la Cour suprême, il y a des décisions de la Cour suprême qui se sont déjà prononcées sur qu'est-ce que devrait être un processus d'arbitrage mis en place par le législateur pour un groupe d'employés à qui on a retiré le droit de grève, comme c'est le cas chez les pompiers et chez les policiers, et le critère retenu, c'est qu'on dit que ce processus-là doit être raisonnablement perçu, raisonnablement perçu comme étant neutre et crédible. C'est ça, le critère. Le fait que dorénavant, hein, ce ne soit plus le ou la ministre du Travail qui va s'occuper de tout ce qui touche les différends chez les pompiers et les policiers, mais que ça va être dorénavant le ministre des Affaires municipales, ça change tout. C'est qui, le ministre des Affaires municipales? Évidemment, M. le ministre, répondez-moi pas : C'est moi, là, je le sais. Mais en droit c'est qui?

La Loi sur le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire — et là je cite la loi — l'article 7 nous dit ceci : «Le ministre veille à la bonne administration du système municipal dans l'intérêt des municipalités — c'est la loi, là, qui le dit — et [également des] citoyens.» Et, pour s'assurer que le ministre gère effectivement dans l'intérêt des municipalités, on va même prévoir qu'il doit, et je suis au cinquième alinéa de l'article 7, «aider et soutenir les municipalités dans l'exercice de leurs fonctions». C'est ça, le ministre des Affaires municipales. Le ministre du Travail, ce n'est pas ça. Ce n'est pas banal, parce que, dans le projet de loi tel qu'il est, le ministre des Affaires municipales, c'est quoi, les pouvoirs qu'il a en lien avec le processus d'arbitrage? L'article 10, pour ne citer que celui-là : «Le conseil de règlement des différends...» Parce qu'il faut comprendre qu'avec le projet de loi n° 110 le système d'arbitrage traditionnel avec les arbitres nommés en vertu du Code du travail, sous la responsabilité du ministre du Travail, après consultation des parties, c'est évacué, ça n'existe plus. Ce qu'on a va avoir dorénavant, c'est que le ministre qui est en charge d'aider et soutenir les municipalités dans l'exercice de leurs fonctions va être le ministre qui va recommander la nomination des arbitres qui devront composer le fameux nouveau conseil de règlement de différends. C'est ça, la réalité. C'est ce qu'amène le projet de loi n° 110.

C'est trop simple de dire : Oui, mais, écoutez, on a préservé l'arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers, là, dans le projet de loi n° 110. Non. Ce qui est le coeur de l'arbitrage des différends chez les policiers, chez les pompiers, au Québec, depuis plusieurs dizaines d'années, ce n'est pas nouveau, là, ce n'est pas nouveau, c'est que le processus de nomination des arbitres — c'est les arbitres qui entendent les parties après, hein? — se fait avec le ministre du Travail, après discussion entre les parties, mais c'est surtout que, si le ministre du Travail décide de la nomination de certains arbitres, on sait que ce n'est pas le ministre qui est là pour soutenir les municipalités dans l'exercice de leurs fonctions.

Autrement dit, le ministre qui va nommer les arbitres, ultimement, est le même ministre qui prend parti pour l'une des deux qui vont être en arbitrage. C'est aussi simple que ça. Et, les critères de la Cour suprême en ce qui concerne le fait qu'on doit raisonnablement croire que le système est neutre et impartial, ça ne rencontrera pas ce critère-là. Et on ne veut pas vous dire : On va contester la loi pour la contester. On est ici devant vous aujourd'hui pour être très clairs sur le fait que, oui, on va la contester, et on vous dit même comment on va la contester. Il n'y aura pas de cachette. On vous le dit, comment on va la contester.

• (14 h 10) •

Et pourquoi le législateur s'est-il senti obligé de déposer un projet de loi comme celui-là? On va vous dire — et j'ai entendu ce matin M. le ministre dans une mêlée de presse que vous avez eue — qu'entre autres le système d'arbitrage de différends chez les pompiers et les policiers devait être modernisé et ramené au XXIe siècle. Oui.

On a déposé... Dans notre mémoire, on va parler d'une ville où le maire est l'un des principaux, hein, partisans — une minute — de la modification proposée par le projet de loi n° 110, le maire Labeaume, le maire Labeaume qui est appuyé dans ses démarches par son lieutenant, le maire Coderre, hein, puis qui demande ces modifications-là. Le maire Labeaume est maire de la ville de Québec depuis 2007, on est au XXIe siècle. Le maire Labeaume a vécu, depuis qu'il est en poste, un seul arbitrage de différends, celui des pompiers de la ville de Québec, décision rendue en 2014. Quand la décision est sortie, concernant les pompiers de la ville de Québec, en 2014, le maire Labeaume — et on vous a mis l'extrait dans nos différents onglets, c'est l'onglet 5 — le maire Labeaume, et je cite, disait : «La décision de l'arbitre reconnaît la légitimité et la pertinence des enjeux propres à la ville [de Québec] pourtant déjà acceptés par les autres employés...» Régis Labeaume dans un communiqué de presse : «Le fait que les enjeux des régimes de retraite et de la rémunération aient été rééquilibrés pour cette période est une excellente nouvelle pour les contribuables.»

Le Président (M. Auger) : Merci, maître, c'est tout le temps que nous avions. À moins qu'on ait un temps supplémentaire pour continuer la représentation, M. le ministre. Sinon, la parole est à vous.

M. Coiteux : Bien, s'il restait... Pour terminer la phrase et le paragraphe, peut-être. Je n'ai pas de problème avec ça, là.

M. Leblanc (Claude) : Oui, finir la phrase et le paragraphe.

Le Président (M. Auger) : M. Leblanc.

M. Leblanc (Claude) : Ça va?

Le Président (M. Auger) : Allez-y.

M. Leblanc (Claude) : Alors, pour le seul cas d'arbitrage que le maire Labeaume a vécu depuis qu'il est en poste, en 2007, il s'est déclaré satisfait de la sentence que l'arbitre a rendue.

Je finis le paragraphe. Il y a un mythe sur le fait que, présumément, et on l'a encore entendu ce matin, les arbitres n'exerceraient pas leurs pouvoirs correctement. Mais en vertu de quoi? Sur quelle étude le gouvernement se base, outre des propos du maire Labeaume, répétés par le maire Coderre? Ça vient d'où, ces mythes-là? La dernière... Je vous le répète : La seule décision qu'a vécue le maire Labeaume, il était satisfait.

Il n'y a pas lieu d'intervenir dans le processus d'arbitrage chez les pompiers et les policiers. Il y a peut-être lieu à ce qu'il y ait des modifications, par exemple, en ce qui concerne le délai à l'intérieur duquel doit se tenir un arbitrage, les associations de pompiers, les associations de policiers sont d'accord avec ça. Il y a peut-être lieu de rafraîchir la liste des arbitres. Encore ce printemps, la ministre du Travail a nommé cinq nouveaux arbitres, on est toujours ouverts à ces choses-là. Mais de sortir du Code du travail les dispositions sur l'arbitrage des policiers et des pompiers et de confier ça au ministre qui est, en vertu de la loi, responsable d'aider les villes, d'aider les municipalités, ça ne se fait pas sur le plan de la garantie que l'on a au niveau des chartes. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci. M. le ministre, pour à peu près 14 min 30 s.

M. Coiteux : Me Leblanc, d'abord, merci pour la plaidoirie, hein, parce que c'est un mémoire, mais en même temps c'est une plaidoirie aussi, je pense, sur la forme. Et on ne peut pas... Autant moi, j'ai été économiste dans une vie antérieure, vous êtes toujours avocat. Donc, notre façon de présenter les choses en est teintée, et c'est normal.

Je voudrais juste commencer par une question : Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'une municipalité est un gouvernement?

M. Leblanc (Claude) : Je suis d'accord avec le fait qu'une municipalité est un organisme pour lequel les gens qui représentent sont démocratiquement élus par la population, effectivement, et à qui le gouvernement provincial a donné un certain nombre de responsabilités, une délégation de pouvoirs.

M. Coiteux : Mais est-ce que, selon vous, c'est une forme de gouvernement?

M. Leblanc (Claude) : C'est une forme... Ce que je vous dis, c'est que, le gouvernement, il n'y en a pas 10; il y a le gouvernement fédéral, il y a le gouvernement provincial. On ne parle pas des municipalités comme étant un gouvernement. On parle des municipalités comme étant un organisme municipal, donc des gens, un organisme, à qui on a confié un certain nombre de responsabilités que vous, comme gouvernement, que l'Assemblée nationale décide de bien vouloir déférer à ces municipalités-là, de la même façon qu'on va élire, par exemple, je ne sais pas combien de temps que ça va durer, mais, pour le temps... au niveau des commissions scolaires, on va élire des commissaires. Est-ce qu'on peut dire qu'une commission scolaire est un gouvernement? Je pense qu'au niveau constitutionnel on ne peut pas parler de gouvernement. On peut parler effectivement d'organisme légalement constitué à qui le gouvernement décide de déléguer un certain nombre de responsabilités. C'est ce que je peux vous répondre, M. le ministre.

M. Coiteux : Mais qui a certainement certains des attributs d'un gouvernement, dont le pouvoir de taxer.

M. Leblanc (Claude) : Qui a un certain nombre de pouvoirs...

M. Coiteux : Encadré par les lois, bien sûr, mais dont le pouvoir de taxer.

M. Leblanc (Claude) : Tout à fait. Mais ça n'en fait pas un gouvernement. Le gouvernement, je vous le répète, au sens de la constitution, il y a le gouvernement fédéral, il y a le gouvernement provincial... comme les commissions scolaires ont un pouvoir de taxation, mais on ne peut pas dire que la commission scolaire est un gouvernement. On peut dire qu'effectivement une commission scolaire comme une municipalité sont des organismes créés par le gouvernement du Québec pour le bon fonctionnement d'un certain nombre de services qui doivent être offerts à la population, entre autres choses.

M. Coiteux : Oui. Donc, une entité démocratiquement élue, redevable devant sa population, répondant, donc, à des intérêts d'ordre public dans un certain nombre de domaines qui sont de la compétence des villes et avec un pouvoir de taxation. Bon, on peut jouer sur les mots, mais c'est une forme de gouvernement, c'est une forme de gouvernement.

M. Leblanc (Claude) : Bien, déjà, votre question n'est pas la même. Là, vous êtes rendu avec une forme de gouvernement. Moi, je vous dis... Il n'y a pas 10 formes de gouvernement, M. le ministre. Il y a des gouvernements, il y a un gouvernement fédéral, il y a un gouvernement provincial. Le reste, c'est des organismes. Une municipalité, c'est un organisme que le gouvernement a créé, à qui on a donné des pouvoirs.

Vous pourriez décider de donner des pouvoirs de taxation à d'autres organismes. Est-ce que vous en feriez un gouvernement? La réponse, c'est non.

Alors, je ne joue pas sur les mots, je réponds le mieux possible à la question telle que formulée. Vous aimeriez que je vous dise qu'une municipalité, c'est un gouvernement; je vous dis : Une municipalité n'est pas un gouvernement. Ça, c'est clair.

M. Coiteux : Alors, moi, je l'appellerais un gouvernement local, un gouvernement de proximité, mais c'est certainement une entité démocratique, redevable devant ses citoyens, qui doit rendre des services puis qui a un pouvoir particulier qu'une entreprise n'a pas, qui est celui de taxer les citoyens.

Et c'est un peu normal, dans un contexte comme celui-là, qu'on se pose la question : Est-ce qu'on a le régime approprié pour ce type de gouvernement local qui a ce pouvoir de taxation? Puis j'ai posé la question à d'autres groupes qui sont venus ce matin, particulièrement du côté des syndicats : Est-ce que vous négociez avec une entreprise privée comme vous négociez avec un gouvernement? Et la raison pour laquelle le régime de négociation actuel nous apparaît peu approprié à la réalité d'un gouvernement local, c'est précisément celle-là : C'est un régime qui est conçu, et ça a été dit ce matin par d'autres qui sont venus présenter leur position... c'est un régime qui est conçu en vertu d'équilibrer un rapport entre capital et travail. Or, la ville représente le capital et les actionnaires ou elle représente l'intérêt public, avec un pouvoir de taxation obligatoire sur ses citoyens? Vous comprenez?

Alors, c'est ça, la prémisse de base, là, derrière un projet de loi comme celui-là, c'est ça qui est la prémisse de base. Et ça, je ne vous ai pas entendus là-dessus, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Leblanc (Claude) : Absolument. Au niveau des policiers et des pompiers, hein, on s'entend qu'il s'agit là de deux services publics, hein, qui sont essentiels à la population. La question n'est pas de dire : A-t-on les moyens d'éteindre les feux, ou : A-t-on les moyens de faire en sorte que la criminalité diminue, hein? On est dans un domaine de services publics, hein, où... Même, au niveau de l'entreprise privée, l'entreprise privée, ce n'est pas ça. Les services d'incendie, les services de police, c'est des domaines qui sont très particuliers, à ce point particuliers, M. le ministre, que le législateur, depuis les années 40, leur a dit : Vous autres, là, le droit de grève, vous n'en aurez pas, vous ne pouvez pas cesser, hein, de donner les prestations que vous avez à donner à la population, c'est au coeur des services auxquels les citoyens ont le droit d'avoir. Alors, toute la notion d'entreprise privée, là, c'est clair qu'on n'est pas là.

À partir du moment où, cependant, et c'est là où j'en suis... À partir du moment où on leur a retiré ce droit de grève là, on a mis un mécanisme en place qui était différent, qui n'a jamais été contesté devant les tribunaux... On n'a jamais eu de décision qui disait que le système n'était pas bon, et là on arrive, en 2016, avec une prémisse qui dit : Oui, mais le système a besoin d'être modernisé. Pourquoi? Qu'est-ce qui, dans le système d'arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers, nécessite, en 2016, une opération de sabotage du régime comme celle qui est proposée dans le projet de loi n° 110? Ça vient d'où? Ça vient de la pression d'un certain nombre de maires influents et d'un pacte fiscal où... Puis les liens ont été faits. Puis, M. le ministre, je ne vous ferai pas de cachette, on les fait aujourd'hui devant vous, on va les faire devant d'autres instances si le projet de loi est adopté, hein? On a fait ce projet de loi là parce qu'on sait qu'au niveau du pacte fiscal, bien, il y a de l'argent qui a été coupé aux municipalités, puis on dit aux municipalités : Bien, on va vous donner des outils pour essayer de récupérer cet argent-là, puis entre autres en espérant que nos outils soient assez efficaces pour faire en sorte qu'au niveau du coût de main-d'oeuvre, bien, vous le récupériez.

Mais ce n'est pas vrai que le système d'arbitrage chez les pompiers et les policiers a besoin d'être ramené au XXIe siècle. Il y a peut-être des maires qui ont besoin d'être ramenés au XXIe siècle, mais pas le système. Le système fonctionne depuis les années... fonctionne bien depuis plusieurs années, depuis plusieurs dizaines d'années. On n'a pas une seule étude, M. le ministre... C'est ça qui est inquiétant. Il y a des propos politiques qui ont été dits, mais il n'y a pas une seule étude, au niveau des policiers, des pompiers, qui démontre que le système d'arbitrage de différends est inadéquat, il n'y en a pas. Et on cite dans le mémoire quatre commissions d'enquête qui se sont penchées sur le système, qui ont proposé, au fil des ans, des modifications. Pour certaines, ça a été appliqué. On l'a modernisé, le système, au fil des ans. Ce n'est plus de la modernisation, qu'on fait, c'est de la démolition, on dit : On n'en veut plus. Le maire Labeaume vous l'a dit ce matin : Les arbitres, ce n'est plus bon, ça rend des décisions — je ne me rappelle pas de l'expression — couci-couça... ou, enfin, ça ressemblait à ça, ça finissait par «a» puis ça commençait par «i», mais, je veux dire...

• (14 h 20) •

M. Coiteux : Je vais vous prendre au mot. Vous avez...

M. Leblanc (Claude) : «Wishy-wisha». Bon. Mais ça, ce n'est pas très juridique, du «wishy-wisha».

M. Coiteux : Non, mais vous avez parlé, tout à l'heure, de l'importance que le mécanisme d'arbitrage soit neutre, soit basé sur des critères objectifs, vous avez parlé de tout ça. Il se trouve qu'il n'y a qu'un côté, là, qui dit que ça fonctionne bien, il n'y a qu'un côté qui dit qu'il ne faut pas que ce soit changé. Donc, en quelque part, il y a un malaise profond. Il y a plus que 1 100 municipalités, au Québec, puis il n'y en a pas une qui ne dit pas que le mécanisme doit être revu, il n'y a pas une qui ne dit pas qu'il y a un malaise à l'heure actuelle.

Donc, de votre côté, il n'y a rien à changer, le statu quo est excellent, mais les 1 100 municipalités... Puis ce n'est pas juste un employeur banal, là, une municipalité, ils représentent des citoyens. Puis, quand ils négocient avec les pompiers, avec les policiers, avec les cols bleus et les cols blancs, ils négocient dans l'intérêt de l'ensemble de ses citoyens. Ce n'est pas un acteur banal. Quand il y en a 1 100 qui nous disent qu'il y a un problème puis quand on constate... Puis là on ne va pas commencer à chaque catégorie, parce qu'on a plus de mal à comparer les pompiers provinciaux avec les pompiers municipaux. Mais néanmoins, quand on prend l'ensemble de la rémunération dans le secteur municipal, c'est un fait objectif, ça fait des décennies que ça augmente plus vite que dans le secteur public québécois. Alors, il y a un problème.

Alors, nier le problème, c'est donc de dire... Les gens tombent des nues parce que tout d'un coup on apporterait des modifications et une modernisation, mais il y a un problème, il est perçu par plus de 1 100 municipalités puis il est perçu dans les statistiques. Et c'est assez sérieux comme problème. Ce n'est pas né du pacte fiscal, ça, ça fait des décennies que ça existe. Mais à un moment donné il faut avoir le courage de regarder les choses.

Alors, je vous écoute, et vous me dites : Il n'y a pas nécessité de changer les choses. Vous n'êtes pas seuls, il y a quelques groupes qui défendez ça, mais la vaste majorité des citoyens du Québec, représentés notamment par les municipalités qui ont été... les maires, les conseillers qui ont été élus, nous disent depuis longtemps, pas depuis le pacte fiscal, nous disent depuis longtemps qu'il y a un problème.

Alors, de temps en temps, le gouvernement doit regarder les choses puis se poser la question : Est-ce qu'on a le bon régime de négociation dans ce cas-ci? Nous, on pense que non. C'est pour ça qu'on propose cette loi-là. Ça n'a rien à voir avec des intentions comme vous nous les prêtez. C'est l'intention de moderniser dans le sens de l'intérêt des citoyens, pas l'intérêt des maires, l'intérêt des citoyens qui habitent dans les villes, y compris les pompiers et les policiers qui vivent dans les villes. Et le projet de loi, de ce point de vue là, vise un équilibre.

Le Président (M. Auger) : M. Martin.

M. Martin (Ronald) : Écoutez, avec tout le respect, je ne partage pas le même point de vue. Historiquement, probablement avant les refontes qui ont eu lieu au Code du travail pour — je vais utiliser le terme — moderniser l'arbitrage de différends, qu'il y a eu dans le milieu des années 90... On ne peut plus parler comme ça.

Vous avez dit «pompiers provinciaux». Des pompiers provinciaux, ça n'existe pas. Des comparables au niveau des pompiers, il n'y en a pas, au Québec, il n'y en a pas. Alors, quand les maires font référence à l'Institut de la statistique pour le 40 %, on ne se sent pas, vraiment pas visés par ça. Et, quand le maire Coderre, ce matin, dit : Il faut enlever l'équité externe, avec quoi qu'on va se comparer? Des pompiers, c'est des pompiers. On peut les mesurer en fonction de soit la population, les appels qu'ils ont, le genre de services qu'ils ont.

Mais nous, à notre sens, ce qu'on partage — et je ne vous demande pas d'être d'accord avec nous — le système d'arbitrage, depuis qu'il a été modernisé, dans le milieu des années 90, fonctionne. Et, quand il y a eu un problème, on a toujours été interpelés par la ministre du Travail ou le ministre du Travail et on a discuté. On est arrivés à un consensus, qui a été formé à la demande de M. Morency, sous-ministre des Affaires policières à la Sécurité publique, et Mme Suzanne Thérien, qui était sous-ministre au Travail, on est arrivés à un consensus. Pas un consensus avec le milieu syndical; avec les associations patronales municipales et les municipalités. On ne voit rien de ça.

On est prêts à regarder les choses, de moderniser dans le sens... le temps. Parce qu'ils nous disaient, dans le temps, les associations patronales et les villes : Le système d'arbitrage, dans des grosses agglomérations, prend trop de temps. Je crois bien. Quand tu arrives avec une convention collective complète sur la table, bien, c'est sûr que ça prend plus que 120 jours. Et on voulait raccourcir ça et commencer à négocier avant l'expiration de la convention collective, et il y a eu consensus là-dessus, M. le ministre.

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

M. Coiteux : Vous me permettrez une question un petit peu plus spécifique. Parce que, là, jusqu'à maintenant, on a une discussion au niveau des grands principes de base. On a un désaccord sur le fait que, semble-t-il, peut-être... En tout cas, j'interprète qu'on a un désaccord sur le caractère de gouvernement de proximité d'une ville. Donc, vous voudriez qu'on le traite comme un employeur comme un autre; nous, on ne pense pas que c'est un employeur comme un autre.

Mais je veux aller plus spécifique, maintenant, parce que vous avez parlé de l'équité externe. Donc, pour vous, c'est un critère important.

Est-ce que le critère de la capacité de payer des contribuables de la ville devrait être aussi un critère important dans l'arbitrage?

M. Martin (Ronald) : Il est déjà dans le Code du travail, présentement, et plusieurs arbitres en ont tenu compte et surtout dans les arbitrages récents. Et on l'a vécu à Montréal, les pompiers de Montréal, avec l'arbitrage des années 2007 à 2009. L'arbitre, François Hamelin, a beaucoup misé là-dessus, sur ce critère-là. Alors, il est déjà dans le code, et on ne l'a pas contesté.

Le Président (M. Auger) : Deux minutes, M. le ministre.

M. Coiteux : Mais, la capacité de payer n'étant pas la même d'une ville à l'autre, la situation fiscale n'étant pas la même d'une ville à l'autre, d'une communauté à l'autre, d'une région à l'autre... Vous avez dit tout à l'heure : Un pompier, c'est un pompier, c'est un pompier, c'est un pompier, mais la capacité de payer, elle peut différer d'un endroit à l'autre. Est-ce que vous trouvez que cette caractéristique-là, capacité de payer, est pleinement prise en compte dans les mécanismes d'arbitrage actuels? Parce que ce n'est pas ça qu'on entend.

M. Martin (Ronald) : Je vais laisser Me Leblanc répondre à la question, il brûle des lèvres de répondre.

Le Président (M. Auger) : 1 min 30 s, maître.

M. Leblanc (Claude) : O.K. Le problème de la notion de la capacité de payer est le suivant. Ça a déjà été abordé, d'ailleurs, dans certains des mémoires, les quatre mémoires dont on vous a parlé, ça a déjà été suggéré d'inclure, cette notion-là, mais on en est toujours... les comités qui se sont penchés sur cette question-là en sont toujours arrivés à la conclusion, particulièrement chez les pompiers et les policiers... Comment la capacité de payer des citoyens va-t-elle être prise en compte par un tribunal quand va venir le temps de décider que l'on doit éteindre des feux et contrôler la criminalité? Comment est-ce qu'on va réussir? On va demander à des tiers, des arbitres de définir des notions aussi vagues? Ça se dit peut-être bien dans un discours politique, «il faut respecter la capacité de payer», mais, quand vient le temps de transcrire ce discours politique là par des décisions, on fait quoi avec cette notion-là? Un arbitre va venir dire : Bien, on va couper 50 pompiers à la ville de Montréal, les citoyens n'ont plus la capacité de les payer. Imaginez-vous ce que ça va donner.

Vous comprenez? On est dans des services publics de première ligne. Ce qui est prévu au niveau de l'arbitrage de différends, ce n'est pas pour tout le monde, c'est les policiers et les pompiers, à cause de la nature du service.

Alors, cette fameuse notion là de capacité de payer, les arbitres vont effectivement regarder quelle est la situation financière d'une ville. Ils le font depuis 40 ans.

Le Président (M. Auger) : Merci, Me Leblanc. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour une période de 10 minutes avec le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.

Alors, j'ai écouté avec grand intérêt votre plaidoyer et j'en ai, comme le ministre, apprécié la qualité de livraison. Je ne trouve pas non plus banal, comme vous, que la responsabilité des relations de travail en matière municipale passe de la ministre du Travail — qui est absente, et pourtant on est en train de modifier un code dont elle est responsable — au ministre des Affaires municipales, je ne trouve pas ça banal.

Les maires estiment par ailleurs que les intérêts des payeurs de taxes seront ainsi mieux servis. Vous avez un peu élaboré là-dessus, mais j'aimerais vous réentendre. Est-ce que c'est une évaluation... Vous savez que c'est une évaluation, là, celle selon laquelle les intérêts des payeurs de taxes seront ainsi mieux servis... vous savez que c'est une évaluation à laquelle lesdits payeurs de taxes ne pourront qu'être sensibles. Est-ce qu'on leur fait miroiter quelque chose de réel? Est-ce de la poudre aux yeux? J'aimerais vous entendre là-dessus.

• (14 h 30) •

M. Leblanc (Claude) : Merci, M. le député. Le problème du projet de loi n° 110, c'est qu'il risque d'atteindre exactement ce que vous venez de décrire. Et c'est là que le bât blesse.

Quand un gouvernement met en place un système d'arbitrage... Les décisions de la Cour suprême, là, ce n'est pas moi qui les ai écrites, là, loin de là, hein? Quand la Cour suprême dit que le système doit être perçu comme neutre et impartial, elle fait référence au fait qu'on ne doit jamais penser qu'un tribunal, qu'un système d'arbitrage est là pour servir les intérêts de l'une des parties ou du gouvernement, on en parle dans les décisions de la Cour suprême, l'une des parties ou le gouvernement. Or, là, pour permettre aux municipalités d'obtenir éventuellement des réductions de coûts de main-d'oeuvre, on met sur pied un tribunal en nommant comme ministre responsable de l'application de ces règles-là le ministre qui est là pour aider les municipalités. C'est là que le bât blesse, vous comprenez? C'est justement le danger, c'est que les municipalités obtiennent ce qu'elles veulent par le biais de ces tribunaux-là, et c'est ce que la Cour suprême défend.

Ne nous embarquons pas encore une fois dans des débats juridiques, vous allez dire, ça fait peut-être votre affaire, vous êtes avocat, mais je ne suis pas ici pour ça. Je suis ici pour prévenir le législateur, de dire : Si vous faites ça, vous ne respectez pas les enseignements pourtant bien connus de la Cour suprême du Canada, déjà rendus en 2003, répétés en 2015. C'est ce que j'ai à vous répondre, M. le député.

M. Rochon : C'est très clair. Je vais laisser mon collègue...

Le Président (M. Auger) : M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci. Ce matin, on a entendu un maire, entre autres, nous exposer qu'on avait vécu un véritable bordel dans les négociations ou du moins dans les relations de travail. En quoi, selon vous, ce projet de loi là pourrait éviter ce soi-disant bordel?

M. Leblanc (Claude) : En rien. Écoutez, le projet de loi n'est pas là, c'est clair, quant à nous, pour régler un problème de relations de travail. Et là, je le répète, je parle spécifiquement de l'arbitrage chez les policiers et les pompiers qui existe. Comment voulez-vous résoudre un problème qui n'existe pas? Il n'est pas là, c'est des discours politiques. M. le ministre a terminé tout à l'heure en disant : Vous n'êtes presque pas corrects de nier le problème. Mais quel problème? Oubliez le discours. Qui... Les 1 100 maires, c'est quoi, les exemples qu'ils sont venus vous donner de décisions arbitrales chez les policiers ou les pompiers, depuis 1990 — on va partir de là, ça va faire 25 ans — qui n'ont pas fait leur affaire? Vous comprenez?

Alors, non, il n'y a pas de... Ça, ça ne réglera rien. Ça va en créer d'autres, oui.

M. Ouellet : Ce qu'on a entendu, ce matin, c'était la présomption qu'un arbitre rendait des décisions plus favorables du côté syndical versus du côté de l'employeur. En refondant le Code du travail et en créant ce fameux conseil des différends, on enlève l'arbitre unique et ses deux assesseurs et on le remplace par un conseil nommé de trois personnes. Avec votre éloquence et surtout votre pedigree dans le domaine du droit, j'aimerais vous entendre en quoi la nomination de trois personnes mais surtout ayant une expérience reconnue en relations de travail ou dans le domaine municipal ou économique serait mal servir le droit du travail.

M. Leblanc (Claude) : Le système actuel est composé d'un arbitre assisté de deux assesseurs, donc on a déjà un tribunal de trois, O.K.? C'est une chose que de venir affirmer... Parce que, je vous le répète, quand on se pose la question : Pourquoi remplacer ça par le fameux nouveau conseil, là?, le système actuel, il n'y a pas un exemple... C'est facile d'avancer des... de dire des choses du genre : Écoutez, ce n'est peut-être pas partial; les arbitres, on ne les aime pas. Mais sur quoi on se base?

Le nouveau système qu'on crée, on n'est même pas sûr... On sait que c'est le ministre des Affaires municipales qui ultimement va faire la recommandation, on ignore de quelle façon, évidemment, ces sélections-là vont se faire. On dit : Il faut que... ça prend des gens qui sont compétents. Mais, la compétence, en quoi on ne l'a pas... pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas déjà dans le Code du travail?

Encore au mois de mai 2016, M. le député, ça ne fait pas longtemps, il y a cinq nouveaux arbitres qui ont été nommés par le ministre du Travail, et le ministre du Travail, pour nommer ces cinq nouveaux arbitres là, a obtenu l'accord des syndicats de pompiers, des syndicats de policiers et des représentants de l'Union des municipalités du Québec, ce n'est pas rien. On va nous dire qu'on a nommé cinq personnes incompétentes? On va nous dire qu'on a nommé cinq personnes qui ont un parti pris? Ça sort d'où? Puis ça, je vous le répète, là, ce n'est pas des nominations qui remontent à 1991. Mai 2016. On vient de les faire, ces nominations-là.

Alors, je ne vois pas en quoi ce nouveau système là, que l'on ne connaît pas mais dont on connaît, cependant, que la composition va être décidée par le ministre des Affaires municipales, ça va régler un problème, je vous le répète, qu'on n'a de toute façon pas identifié encore aujourd'hui. Ce n'est pas que je nie le problème, j'aimerais qu'on me l'explique. J'aimerais qu'on me dise : Regardez, Me Leblanc, prenez la décision rendue par l'arbitre Y concernant la municipalité X. Puis qu'est-ce que vous pensez de cette décision-là? Vous ne trouvez pas que c'est un non-sens? On n'a rien. Je vous ai donné... Le seul cas que Régis Labeaume, comme maire, a vécu en arbitrage, il s'est déclaré satisfait de la décision, puis c'est au XXIe siècle, c'est en 2014 que la décision est sortie, ça ne fait même pas deux ans.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Vous avez dit tout à l'heure — ou peut-être l'ai-je lu simplement dans votre mémoire — avoir cherché en vain une étude rigoureuse récente qui aurait pu démontrer le caractère inadéquat du système mis en place dans le Code du travail. Alors, recherche vaine?

M. Leblanc (Claude) : Tout à fait.

M. Rochon : Vous ne détesteriez sans doute pas que, pendant l'étude du projet de loi, nous demandions au ministre de produire une étude, qu'il a peut-être entre les mains et qui n'a pas été rendue publique, pour enrichir notre réflexion.

M. Leblanc (Claude) : Effectivement, ce serait une excellente idée. Et on aimerait en avoir une copie.

M. Rochon : Il y a bien eu, par ailleurs, des groupes de travail qui se sont penchés sur les mécanismes, là, de négociation, d'arbitrage, et ainsi de suite, n'est-ce pas, au cours des...

M. Leblanc (Claude) : Tout à fait. Depuis, je vous dirais, les années 80, il y a eu au moins quatre études. Et, pour avoir lu les mémoires de d'autres groupes qui vont nous suivre, je sais, entre autres, qu'au niveau des policiers on a détaillé... la fraternité des policiers de Montréal a pris soin de détailler le contenu de ces quatre études-là, alors il serait peut-être approprié, concernant peut-être le détail de ces études-là, de poser ces questions-là aux groupes qui vont suivre. Mais je peux vous dire une chose, c'est que ces quatre études-là n'ont jamais proposé d'abolir le système d'arbitrage de différends chez les policiers et les pompiers et de donner au ministre des Affaires municipales un pouvoir de nomination des arbitres. Ça n'a jamais même été demandé avant l'arrivée de certains maires au Québec, là, ce n'était pas du tout dans les cartons d'aucun gouvernement avant le dernier pacte fiscal.

Le Président (M. Auger) : 45 secondes d'échange.

M. Rochon : Ce pourquoi vous concluez en un deal récent, là, entre le ministre et les maires?

M. Leblanc (Claude) : ...pacte fiscal, bien oui.

M. Rochon : C'est tout.

Le Président (M. Auger) : D'autres interventions? M. le député de René-Lévesque. 30 secondes.

M. Ouellet : Vous parlez, à l'article 17, de la capacité de payer. Il y en a huit, critères qui ont été instaurés, et on a entendu ce matin dans certaines interventions l'importance d'en prioriser, d'en mettre certains obligatoires et d'autres facultatifs. Selon vous, en quoi ces critères-là supplémentaires seraient une mauvaise chose dans le cas de l'arbitrage... du conseil des différends, pardon?

Le Président (M. Auger) : Très rapidement.

M. Leblanc (Claude) : Oui. Écoutez, M. le député, ce serait une chose si on avait un projet de loi qui ne contenait que des modifications au Code du travail, en laissant le ministre du Travail responsable de l'application, de dire : On va peut-être regarder des nouveaux critères, on va peut-être en enlever, en rajouter. Évidemment, je n'ai pas fait l'analyse sous cet angle-là parce que ce n'est pas le projet de loi que l'on a.

Le Président (M. Auger) : Merci, Me Leblanc. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition pour 6 min 30 s. M. le député de Blainville.

• (14 h 40) •

M. Laframboise : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Martin, M. Gosselin, Me Leblanc, d'être présents.

D'entrée de jeu, je vous dirai qu'en partant j'ai un faible pour le travail qu'effectuent vos membres, parce qu'autant les policiers que les pompiers font de l'excellent travail au Québec. Par contre, les relations de travail puis le salaire, ça, c'est un autre domaine.

Je vous entendais, Me Leblanc, parce que vous avez fait votre plaidoirie, vous avez parlé de l'article 7 de la Loi sur le ministère des Affaires municipales. Quand je le lis... Puis, si je le lis, vous l'avez lu à votre façon, là, mais l'introduction : «Le ministre veille à la bonne administration du système municipal dans l'intérêt des municipalités et de leurs citoyens», hein, il faut comprendre que le ministre gère pour l'intérêt des citoyens. Puis, quand on arrive au troisième alinéa, oui, au troisième alinéa : «3° s'assurer que l'administration municipale gère sainement les deniers publics et voit au bien-être des personnes dans les limites de sa compétence.» Donc, moi, déjà là, là, quand je vois ça, je ne suis pas avocat, je suis notaire, moi, là, mais de confier au ministre des Affaires municipales le pouvoir de peut-être encadrer... ou la gestion de la plus grosse dépense de chacune des villes — je pense, là-dessus, on ne reviendra pas, la dépense en salaires, c'est la plus grosse dépense de chacune des villes — c'est quelque chose que... ça se défend. Moi, vous pouvez faire votre argumentaire, là, puis vous pouvez aller devant les tribunaux, moi, je suis certain que le gouvernement va avoir ses avocats pour être capable de défendre ça, de dire que, les relations de travail dans le milieu municipal, bien, on a besoin que ça relève du milieu municipal, tout en respectant... Puis là je comprends, la Cour suprême, ce qu'elle nous dit, c'est qu'il faut respecter la libre négociation, mais il ne faut jamais oublier que dans la négociation actuelle, Me Leblanc, vous le savez, il y a des critères, il y a déjà des critères qui ont été imposés par le gouvernement. Le gouvernement peut donc changer les critères. Vous, vous l'aimiez, là, l'équité externe; le maire de Montréal, il ne l'aime pas, l'équité externe. Si nous, on lui enlève l'équité externe, bien, on a le droit de le faire. Vous pouvez contester, mais vous ne pourrez pas dire que c'est anticonstitutionnel d'enlever ça, là. C'est des critères que les gouvernements, avec les années, ont imposés.

Ce qu'on dit, depuis le tout début, c'est : On est rendus à un moment de la vie municipale où il faut être capable de respecter la capacité de payer des citoyens. Je pense qu'on est rendus là. Donc, qu'il y ait des arbitres qui le fassent, vous l'aviez dit, il y en a qui en tiennent compte. Le maire de Montréal, ce qu'il est venu nous dire, ce matin, c'est : Moi, ce que j'ai peur, c'est que je viens d'avoir des gains par rapport au projet de loi n° 15, ce que vous contestez, là, bon, par rapport aux fonds de pension, puis tout ça, là, mais je ne veux pas les perdre avec les prochaines négociations, puis honnêtement je suis inquiet pour lui, tu sais, dans l'état actuel des relations de travail puis des lois. Donc, à quelque part, comment on fait, nous, pour essayer de dire aux maires : Bon, bien là, à quelque part, là, on essaie, là, que vous ne perdiez pas le petit avantage que vous venez d'avoir puis d'essayer...

Donc, ça, c'est les relations de travail. Que ça relève du ministère des Affaires municipales, en autant qu'il y ait une libre négociation, moi, je pense qu'il n'y a aucun problème avec ça. Vous pouvez ne pas être d'accord, mais on peut-u s'entendre qu'il faut moderniser les lois du travail par rapport au secteur municipal? Puis comme on l'a dit ce matin, d'abord, il n'y a pas la possibilité du gouvernement d'imposer, le milieu municipal, comme le gouvernement peut faire, là, le président du Conseil du trésor peut dire : Je ne suis pas content, j'impose, je vais faire un décret ou une loi spéciale. Puis ce n'est pas une entreprise privée, donc elle ne peut pas faire faillite, je vous l'ai dit ce matin, c'est impossible, au Québec. Aux États-Unis, les villes peuvent faire faillite; pas au Québec. Les villes relèvent... c'est des créatures du monde municipal, puis, si jamais elles ne paient pas, bien, c'est bien de valeur, c'est le gouvernement qui va payer à sa place.

Donc, vous ne trouvez pas qu'on est rendus à ce moment-là où on devrait s'asseoir ensemble puis concocter quelque chose qui serait intéressant pour tout le monde?

Le Président (M. Auger) : Me Leblanc.

M. Leblanc (Claude) : Non. Et voici pourquoi.

Vous avez très bien exprimé la prémisse, et, je vous dirais de façon un peu humoristique, le jour où on se retrouvera devant les tribunaux, on risque de se servir de ces extraits-là. Vous nous dites : Le maire de Montréal est venu nous dire ce matin qu'il ne voulait pas perdre les acquis de la loi n° 15 dans les prochaines négociations. On fait quoi? On va demander au ministre des Affaires municipales de nous faire un tribunal sur mesure pour s'assurer qu'on ne perde pas nos acquis qu'on a eus avec la loi n° 15. C'est ça qu'on dénonce.

M. le député, l'article 7 de la loi sur le ministère, s'il nous disait ceci, hein, que «le ministre veille à la bonne administration du système dans l'intérêt des municipalités, de ses employés et des citoyens», pas de problème. L'article 7, il n'a jamais été contesté avant aujourd'hui. Puis pourquoi vous en parle-t-on aujourd'hui, c'est que c'est le ministre qui dorénavant va avoir à nommer des arbitres pour venir régler des litiges avec les municipalités, une des parties que le ministre se doit... On n'est pas là, nous autres, là, l'article 7 ne dit pas : Bonne administration dans l'intérêt des municipalités, de ses employés et de leurs citoyens. Puis vous avez raison de dire qu'avant aujourd'hui, l'article 7, on ne s'en souciait pas, parce que le ministre n'avait pas le pouvoir que le projet de loi n° 110 lui accorde. C'est ça qui est nouveau, c'est ça qui est nouveau.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Blainville. Une minute.

M. Laframboise : ...par le fait même, par le fait que la dépense en salaires est la plus importante, moi, je pense que c'est justifié qu'on le retrouve là, comprenez-vous, là? Mais ça, ça va faire des débats, ça va faire des débats juridiques.

Mais à quelque part on est dans une position où il faut être capable d'avoir une nouvelle façon de voir les relations de travail dans le milieu municipal. Et il y a eu des moments dans la vie politique, je l'ai dit ce matin... En 1982, il y a eu un gouvernement de M. René Lévesque qui a imposé des lois à ses fonctionnaires, et tout ça. Mais le monde municipal ne peut pas faire ça, tu ne peux pas dire, demain matin, dans le monde municipal : On va baisser le salaire des employés puis on va reculer parce que je n'arrive pas, c'est impossible, c'est impossible, là. Il faut que ça passe par une négociation. Puis, quand il y a une négociation, bien, inévitablement, si tu veux... Ce matin, on nous disait : Le plancher d'emploi, il faut que ça se négocie. Essaie de négocier pour enlever un plancher d'emploi. Comment ça va te coûter pour essayer d'enlever le plancher d'emploi?

Donc, à quelque part, tout est là, par rapport aux critères. Donc, inévitablement, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on modifie les critères.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le député de Blainville. C'est tout pour ce premier bloc d'échange... ce dernier bloc d'échange, pardon. Donc, Me Leblanc, M. Martin et M. Gosselin, merci pour votre contribution.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 14 h 44)

(Reprise à 14 h 48)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé, puis par la suite nous allons procéder à une période d'échange. Mais, avant de continuer, vers 15 heures nous aurons également une autre séance de dynamitage, donc je vous avertis d'avance pour ne pas que vous ayez trop de surprise. Donc, dans un premier temps, bien vouloir vous présenter, et par la suite vous allez pouvoir commencer votre exposé.

Fédération des policiers et policières
municipaux du Québec (FPMQ)

M. Côté (Robin) : Parfait, merci. Bien, bonjour. Je suis Robin Côté, le président de la fédération des policiers municipaux du Québec. Je suis accompagné du directeur exécutif de la fédération des policiers municipaux, Luc Lalonde, et de Me Frédéric Nadeau, du bureau Roy Bélanger Dupras.

La fédération remercie d'abord la Commission de l'aménagement du territoire de lui donner la possibilité d'exprimer son opinion sur le projet de loi n° 110. La FPMQ regroupe l'ensemble des associations de policiers municipaux du Québec, incluant la Fraternité des policiers et policières de Montréal, qui en fait partie à titre de membre associé.

D'entrée de jeu, la FPMQ dénonce le projet de loi n° 110, qui porte atteinte à la liberté d'association en ce que le processus proposé pour le règlement des conflits de travail en milieu policier et pompier n'est pas un substitut valable au droit de grève. Lorsque le droit de grève n'est pas accessible aux salariés pour des motifs d'intérêt public, il doit être remplacé par un mécanisme véritable de règlement de différends, tel que décidé par la Cour suprême du Canada.

• (14 h 50) •

L'arbitrage de différends en milieu policier et pompier a fait couler beaucoup d'encre au cours des 35 dernières années, et, pendant ces 35 dernières années là, il y a eu au moins sept comités qui se sont penchés là-dessus, et ce, depuis 1980. Ces comités ont tous rejeté le genre de proposition qu'on retrouve dans le projet de loi n° 110.

De plus, le recours à l'arbitrage de différends est beaucoup moins fréquent en milieu policier depuis l'an 2000, pour plusieurs raisons, mais principalement à cause du nombre réduit de corps de police municipaux, qui est passé de 150 en 2000, en fait, à 31 aujourd'hui. La très grande majorité des différends en milieu policier se règlent en négociation. L'arbitrage demeure une exception de dernier recours, comme il se doit, au même titre que la grève.

L'arbitrage de différends fonctionne bien et ne nécessite au pire que des ajustements mineurs. Sinon, comment expliquer que les villes ont adhéré, en 2012‑2013, au comité Thérien-Morency?

Pour notre part, le projet de loi n° 110 est inacceptable et enlève toute crédibilité à l'arbitrage de différends. Nous ne pouvons que le dénoncer. Nous allons d'ailleurs, au cours des prochaines minutes, couvrir les éléments de notre mémoire qui nous apparaissent les plus importants.

Premièrement, la création d'un tribunal de différends permanent. Le projet de loi prévoit de remplacer le mécanisme actuel d'arbitrage par l'établissement d'un conseil de règlement des différends. D'une part, le processus proposé prendrait une tangente davantage judiciarisée. D'autre part, l'arbitrage des différends assumé par une ou deux formations à caractère permanent et oeuvrant dans un même contexte et un même environnement sera très rapidement étiqueté après une ou deux décisions rendues dans un sens donné. La jurisprudence du conseil ferait en sorte que les salariés seraient justifiés de croire que les dés sont pipés d'avance et que l'arbitrage n'est pas la solution au règlement de leur conflit.

Le comité Boivin disait ceci, en rejetant l'idée d'un tel tribunal : «...on peut [...] craindre qu'avec l'intervention d'un tribunal permanent il s'établirait, à moyen terme, quelques courants jurisprudentiels bien tracés et desquels il serait difficile de sortir, étant donné la permanence et le nombre réduit de juges.» Même le processus de négociation en serait affecté. Sachant par ailleurs qu'ils n'auraient aucune marge de manoeuvre devant un tribunal campé dans sa jurisprudence, les salariés chercheraient à régler leurs conflits autrement, au détriment du climat de travail.

Deuxièmement, la désignation des membres du conseil. Le choix des membres du conseil de règlement des différends soulève aussi un questionnement, ils seraient choisis par le gouvernement parmi les personnes recommandées par un comité de sélection dont la composition reste à définir. Il n'est pas clair que les représentants des parties auraient encore leur mot à dire dans la sélection des membres du conseil de règlement des différends. Or, le choix des arbitres par les parties est important pour la crédibilité et l'acceptabilité du processus d'arbitrage, comme le souligne la Cour suprême dans une affaire impliquant le SCFP et le ministre du Travail de l'Ontario : «L'arbitrage en matière de relations de travail en tant que mécanisme de règlement des différends repose traditionnellement et fonctionnellement sur le consentement, l'arbitre étant choisi par les parties ou étant acceptable par chacune d'elles.»

Troisièmement, les critères de décision du tribunal. L'article 17 du projet de loi propose huit critères dont le conseil de règlement des différends devrait tenir compte. À ces huit critères s'ajoutent ceux découlant de l'article 1, qui énonce des soi-disant principes qui doivent guider en tout temps la détermination des conditions de travail dans le secteur municipal, notamment l'alinéa 3°, qui pourrait être interprété comme ayant pour effet de prioriser l'équité interne comme critère de décision en matière de différends au détriment de l'équité externe; l'alinéa 4°, qui pourrait être interprété comme ayant pour effet d'empêcher la négociation d'un plancher d'emploi, de fixer les règles de dotation, de promotion, de transfert, de mutation ou de rétrogradation. Une telle interprétation pourrait également empêcher un tribunal de fixer les règles relatives à la gestion des effectifs en matière de santé et de sécurité au travail. Toutes ces matières ont constitué en tout temps des matières négociables et, de fait, ont été négociées. Les enjeux entourant la protection de l'emploi, l'intégrité de l'unité de négociation, la dotation de personnel, la gestion des effectifs, la charge de travail sont des enjeux importants qui influencent considérablement les conditions de travail des policiers. Et que dire de l'amalgame de ces deux propositions, tribunal permanent et critères décisionnels obligatoires?

Malgré la clause privative prévue à l'article 37 du projet de loi, il est évident que la multiplication des critères décisionnels donnera lieu à des recours en révision judiciaire, comme le soulignait le comité Lemieux dans son rapport. Le comité Boivin refuse d'adhérer à la demande des municipalités d'ajouter un critère relatif à la capacité de payer. Il fait d'abord remarquer que le critère de l'équité interne est un bon indicateur de la capacité de payer, la ville l'ayant elle-même exprimé dans ses autres conventions collectives.

Les policiers municipaux font le même travail partout en province, il n'y a pas de raison qu'un policier soit moins bien rémunéré qu'un autre à cause de la soi-disant capacité de payer de son employeur. Et d'ailleurs, dans le comité Boivin, il y avait une référence qui en était tirée, et on disait que «nous ne pouvons accepter qu'en matière de sécurité publique le niveau de salaire ou les conditions de travail des fournisseurs de service soit dicté, du moins principalement, par la richesse de la municipalité. S'agissant des services policiers de base, en quoi devrait-on accepter qu'un policier travaillant à Montréal soit, pour cette raison, moins bien rémunéré que son collègue exerçant le même métier à Sillery?»

La capacité de payer d'un organisme n'est pas un critère applicable à l'arbitrage de différends dans le secteur public, comme le fait remarquer un arbitre dans une sentence 2013 concernant les policiers de Springhill, en Nouvelle-Écosse : «In the public sector, ability to pay means simply that the employer, for reasons which are often political, does not want to pay.»

Les critères que les articles 1 et 17 du projet de loi proposent d'ajouter à ceux déjà prévus à l'article 99.5 du Code du travail sont tous du même acabit, ayant pour but évident de faire pencher la balance d'un seul bord, celui des employeurs. On impose aussi au tribunal une obligation de tenir compte des augmentations consenties aux employés de l'État. Autant dire que c'est le gouvernement qui va fixer les salaires des policiers et pompiers municipaux. Avec tous ces critères à saveur économique et politique, l'arbitre perd sa marge de manoeuvre et devient le pantin d'un système biaisé qui n'a aucune valeur comme moyen de règlement des différends en milieu policier et pompier.

Les comités d'experts qui se sont penchés sur ces questions depuis plus de 35 ans nous ont donné les meilleures raisons du monde pour rejeter les éternelles revendications des municipalités, il faudrait en tenir compte. Avec un tel régime, tant la négociation proprement dite que le substitut à la grève seraient entravés de façon substantielle, portant ainsi atteinte à la liberté d'association de nos membres.

Quatrièmement : Présentement, les coûts de l'arbitre de différends sont assumés par le ministère du Travail, et chaque partie assume les frais et honoraires de son assesseur. En ce qui concerne la très grande majorité des associations policières, l'assesseur syndical fait partie du contentieux dont la FPMQ s'est dotée pour la défense de ses membres dans tous les domaines reliés au droit du travail. Les policiers n'ont rien d'autre à débourser que leurs cotisations syndicales et, s'ils doivent se soumettre à un arbitrage de différends, ils n'ont pas de déboursé additionnel à faire, sauf pour des témoins experts.

Les associations policières devraient désormais assumer le coût d'une ressource et demie. Si les villes ont les moyens de payer ces sommes, ce n'est pas le cas des associations policières. Avec en plus la preuve d'expert que requièrent les critères imposés par le projet de loi n° 110, on parle de dépenses exorbitantes. Certaines villes en profiteront pour pousser les négociateurs syndicaux dans les câbles, sachant qu'ils n'ont pas les moyens d'aller en arbitrage, alors que le coût, pour une ville, constitue une infirme partie de son budget et de ses ressources.

Au niveau de l'arbitrage, au-delà des coûts, il nous apparaît essentiel qu'il y ait un représentant de chaque partie sur un tribunal d'arbitrage de différends, en l'occurrence un assesseur, comme c'est le cas dans le cadre de la législation actuelle. Le rôle des assesseurs est essentiel lors d'un délibéré. Les assesseurs permettent la recherche du consensus et, par leurs connaissances des milieux des parties, ils aident les arbitres à rendre des décisions qui ressemblent davantage à ce que les parties auraient négocié.

Au niveau de la durée, il nous apparaît clairement qu'une durée minimale de cinq ans imposée à tous les salariés du secteur municipal ne se justifie aucunement et porte atteinte de façon substantielle à leur liberté de négociation. De fait, on prive ces salariés de leur droit de négocier pendant cinq ans, on suspend leur liberté d'association pendant cinq ans. Le droit de négocier, c'est une norme constitutionnelle, et son exercice doit, pour être raisonnable, demeurer dans la sphère de l'exception.

Par ailleurs, une sentence de différend doit être limitée dans le temps, parce qu'elle est imposée aux parties. Une convention imposée par un tiers est en soi une limite à la liberté de négocier. Cette limite doit être raisonnable. Le projet de loi n° 110 ne prévoit, non plus, aucune limite maximale à la durée d'une sentence de différend. Ainsi donc, le conseil de règlement des différends pourrait imposer aux policiers et aux pompiers une convention collective d'une durée de 10 ans, les privant ainsi de leur droit de négocier pendant 10 ans. Et plus la sentence sera insatisfaisante, plus le climat de travail en souffrira. La loi doit prévoir un maximum acceptable, le même que celui applicable à tous les secteurs d'emploi, soit trois ans.

En terminant, pour revenir au comité Thérien-Morency, sous l'égide du ministère de la Sécurité publique et du ministère du Travail, un comité composé de représentants syndicaux et patronaux du milieu policier et pompier a entamé en 2012 une réflexion sur les améliorations pouvant être apportées au régime d'arbitrage de différends. Le comité, il a réussi à...

Le Président (M. Auger) : Est-ce que vous en avez encore pour...

M. Côté (Robin) : Peut-être une minute.

Le Président (M. Auger) : Pardon, c'est parce que tout le temps que nous avions. M. le ministre... À moins qu'on puisse continuer sur le temps de la partie gouvernementale.

M. Coiteux : Comme tout à l'heure, je peux laisser le temps de terminer la phrase et le paragraphe.

Le Président (M. Auger) : Allez-y, M. Côté.

M. Côté (Robin) : Bien là, on a un paragraphe très court. J'étais à... O.K. Les parties, donc, représentées au comité Thérien-Morency avaient convenu de, un, rendre obligatoire la médiation-arbitrage, qui est présentement facultative; deux, de maintenir le statu quo sur la durée de la période couverte par la sentence de différend, soit 36 mois à compter de la date d'échéance, et raccourcir les délais en faisant débuter le processus six mois avant la date d'expiration de la convention et le faisant se terminer dans les neuf mois de cette date. Cette proposition-là... La proposition unanime des intervenants vise à déjudiciariser le processus, écourter les délais et le nombre de rencontres que requiert habituellement une preuve fastidieuse, favoriser la négociation et amener les parties à s'entendre sur l'ensemble ou sur une grande partie des enjeux, plutôt que d'en disposer après audition d'une preuve formelle et risquer de rendre une décision qui pourrait ne satisfaire personne. Le projet de loi n° 110 prend une direction complètement opposée à ce qui avait été convenu entre les acteurs du milieu, et c'est à ne rien y comprendre.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Côté. Je vais céder maintenant la parole au ministre pour 14 minutes.

• (15 heures) •

M. Coiteux : Oui. Bien, merci pour cette présentation, M. Côté. Mais, avant de commencer avec mes questions, pour fins d'échange, j'aimerais d'abord et avant tout vous féliciter pour votre... On n'appellera pas les pompiers, je pense que ce n'est pas nécessaire, c'est des travaux qui sont en train de se faire. Je voudrais d'abord vous féliciter, vous avez été élu, le 16 juin dernier, président, donc, de la Fédération des policiers et policières, là, municipaux du Québec. Donc, je voulais vous féliciter pour ça pour commencer. Donc, alors, bienvenue dans ce nouveau rôle. Et puis on aura certainement l'occasion d'échanger pas seulement sur le projet de loi n° 110, mais sur tous les enjeux qui touchent la sécurité publique au Québec. Alors, heureux qu'on puisse se rencontrer aujourd'hui dans ce contexte-là.

Écoutez, il y a beaucoup, beaucoup de questions à poser, évidemment. D'abord, confirmez ou infirmez, mais je crois comprendre que, pour vous, le système actuel est impeccable, là, il n'y a rien à questionner dans le système actuel. Est-ce que c'est ça, votre interprétation, ou vous pensez qu'il y a des lacunes dans le système actuel?

M. Côté (Robin) : Bien, nous, ce qu'on sait, là, le système actuel, il fonctionne très bien. Et les propositions... en fait, les modifications qui ont été proposées en 2012 ou 2013, lors du comité Thérien-Morency, bien, on a beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi que ce n'est pas ça qui se retrouve sur la table aujourd'hui puis pourquoi que ce n'est pas ça qui a continué, qui n'a pas fait l'objet de travaux pour en faire une finalité. Parce que, quand on regarde le mandat que ce comité-là avait, les participants qui étaient autour de cette table-là, je ne vois pas pourquoi... il y a vraiment le ministère du Travail, le ministère de la Sécurité publique, l'ensemble des intervenants au niveau syndical, autant au niveau police, pompiers, tout le monde était là. Ça a duré des mois, il y a eu sept rencontres ou six rencontres plus une conférence téléphonique au mois de mai 2013 qui a finalisé le tout. Il restait juste à discuter des coûts, au niveau de qui assumerait les coûts de l'arbitrage, en mai 2013, et c'était le seul point qui restait à régler. Le ministère du Travail est arrivé, ils ont dit : Correct, on va assumer les frais. Tout le monde était content, les maires étaient contents, l'UMQ avait obtenu ce qu'ils voulaient. Puis, on se retrouve, là, en 2016, avec un tout nouveau projet de loi qui met complètement de côté les conclusions du rapport Thérien. J'ai de la difficulté à comprendre ce bout-là.

M. Coiteux : Écoutez, on a un autre son de cloche des 1 100 et quelques municipalités du Québec à l'effet que, pour eux, le système actuel, il a des lacunes importantes. Donc, vous, vous me dites : Le système actuel a besoin d'améliorations à la marge. Eux, ils n'ont pas confiance dans le système actuel. En particulier, ils ont l'impression que le système actuel est biaisé, pour toutes sortes de raisons. Et ce n'est pas d'hier, là, ça fait déjà un certain nombre d'années qu'on entend cette critique-là, puis tôt ou tard, à un moment donné, il faut se poser la question : Est-ce qu'on ne doit pas revoir tout ça?

Mais il y a un aspect de votre présentation, tout à l'heure, qui — ce n'est peut-être pas le bon mot, mais je vais le prendre quand même — m'inquiétait un petit peu, qui est le suivant : vous avez laissé entendre que la capacité de payer des contribuables ne devrait absolument pas être un critère en matière d'arbitrage dans le cas des policiers et pompiers. Autrement dit, peu importe le coût, peu importent les résultats des négociations, même si c'est irréaliste quant à la capacité de payer des citoyens, bien, il faut payer la note, indépendamment de ce que ça va avoir comme impact sur les taxes municipales, donc sur la qualité de vie ultime des citoyens, là, parce que, s'il ne leur en reste pas dans les poches, il y a un paquet de choses qu'ils ne pourront plus avoir. Peut-être même que les villes vont être obligées de couper les services parce qu'elles auront à payer des frais qui sont au-delà de leur capacité de taxer raisonnablement leurs citoyens et en même temps livrer des services de qualité. Et ce que j'entendais tout à l'heure de votre part qui m'inquiète, c'est comme si, écoutez, là, il ne faudrait pas que ce soit un critère, il ne faut absolument pas que ce soit un critère, il faut laisser le maximum de marge de manoeuvre aux arbitres actuels sans utiliser un tel critère. Moi, ça me fait peur un peu, parce que notre but, comme gouvernement, là, ce n'est pas de protéger les maires, ce n'est pas de protéger un groupe plutôt qu'un autre, c'est de s'assurer de l'intérêt des citoyens dans le secteur municipal comme dans les autres secteurs dans lesquels on intervient.

Alors, j'aimerais ça peut-être vous entendre sur les justificatifs, là, profonds, profonds à l'égard desquels vous pourriez dire : Bien, non, écoutez, la capacité de payer des citoyens, il ne faut absolument pas que ce soit pris en compte. Parce qu'à sa face même, oui, c'est un gros conflit avec le projet de loi qui est proposé, mais c'est un conflit avec les citoyens, finalement.

M. Côté (Robin) : Bien, nous pensons que la capacité de payer des citoyens, on ne devrait pas en tenir compte dans le cas des policiers, c'est exactement notre position. Pourquoi? Parce qu'un policier qui travaille à... puis je l'ai dit tantôt, un policier qui travaille à Gatineau, ou qui travaille à Longueuil, ou qui travaille à Sherbrooke, ou à Trois-Rivières, ou à Saguenay, bien, il a la même job à faire, il a les mêmes tâches à faire.

Et ce matin j'entendais le maire de Québec dire : Bien là, nous autres, on n'a pas eu de meurtre depuis 13 mois, ça fait qu'on pourrait baisser les salaires, c'est un peu ça qu'il venait dire. J'espère qu'on ne commencera pas à payer nos policiers en fonction des statistiques, parce qu'il y a une année qu'ils vont gagner cher, puis l'autre année ils vont gagner moins, puis ça n'a aucun bon sens, là, ça n'a ni queue ni tête. Je pense qu'il y a des moyennes globales qui ont été établies avec les années.

Puis c'est une tâche spécialisée, être policier, là, je veux dire, il y a des formations qui sont prévues, vous le savez, l'École nationale de police forme des policiers à chaque mois, à chaque année, et c'est de plus en plus une fonction spécialisée. Et la fonction est aussi spécialisée, je pense — puis pas «je pense», je crois et je sais — à Sherbrooke qu'elle l'est à Trois-Rivières, qu'elle l'est à Montréal ou qu'elle l'est à Gatineau. C'est ce que je pense.

M. Coiteux : Écoutez, je suis d'accord avec vous que le rôle des policiers est un rôle extrêmement important, très spécialisé, qu'il faut avoir les meilleurs policiers qu'on peut trouver, il faut former les meilleurs policiers possible. Il faut qu'on s'assure, dans nos lois, d'avoir une couverture policière qui correspond aux enjeux de sécurité qu'on vit sur le territoire, il faut s'assurer d'une équité dans les dessertes policières à travers tout le Québec, nos lois visent à faire ça, puis il faut que les municipalités qui ont des corps policiers assument les responsabilités qui sont les leurs. Ça, je suis totalement d'accord avec vous. Et ça implique évidemment d'offrir aux policiers des conditions de travail adéquates, des conditions de rémunération qui correspondent à ce qu'on leur demande comme fonctions, puis aux exigences de la fonction, puis aux risques qui sont inhérents à cette fonction-là. Ça, totalement d'accord avec ça, vous ne pouvez pas avoir plus d'accord. Je pense qu'on est tous d'accord, mais moi, comme ministre de la Sécurité publique, laissez-moi vous dire que je suis totalement d'accord avec ça. C'est un de mes rôles fondamentaux comme ministre de la Sécurité publique.

Mais, en même temps, de dire que dans les mécanismes d'arbitrage, lorsqu'on n'a pas réussi à s'entendre par voie de négociation, il faudrait qu'on ne tienne absolument pas compte de la capacité fiscale de la municipalité et de ses citoyens, de la situation économique, de ce qui se verse ailleurs dans le secteur public, autrement dit de déconnecter totalement, une fois qu'on a dit tout cela, les policiers du reste des travailleurs du secteur public, à sa face même, à sa face même, si c'est vers ça qu'on irait, on rempirerait même le système actuel. Puis, dans le système actuel, bien, ce que nous disent les élus municipaux, redevables devant l'ensemble de leurs citoyens, ils nous disent que les mécanismes actuels, justement, c'est un des principaux problèmes, ils ne tiennent pas suffisamment compte de la situation fiscale puis de la capacité de payer.

Alors là, on a un enjeu. Vous dites : Le mécanisme actuel est parfait, changeons-le pas, mais les citoyens, représentés par leurs élus municipaux notamment, mais nous, comme gouvernement, quand on regarde la situation de façon objective, dans l'intérêt collectif, on se dit : Ça ne va pas, il y a un déséquilibre, il y a un déséquilibre.

Alors, est-ce qu'il y a moyen de reconnaître les droits de tout le monde, y compris le droit des contribuables, dans une affaire comme ça? C'est ça, la proposition qu'on met sur la table. Ne pensez-vous pas que c'est important, ce critère-là?

M. Côté (Robin) : Je vais laisser Me Nadeau poursuivre la réponse à la question.

Le Président (M. Auger) : Me Nadeau.

• (15 h 10) •

M. Nadeau (Frédéric) : Oui. Bonjour, tout le monde. En fait, ce qui est dit spécifiquement dans le mémoire, c'est qu'il y a des décisions arbitrales qui ont été rendues où les arbitres des tribunaux ont dit : Le critère de la capacité de payer est très difficilement applicable dans le domaine public. Et c'est embêtant pour un tribunal parce que ça commande nécessairement la réouverture de toutes les décisions qui ont été prises par la ville pour regarder, en fait, comment ça a été géré, où est-ce qu'on a mis l'argent, qu'est-ce qu'on a dépensé, et fouiller, dans le fond, dans le détail la situation financière et politique de la ville, parce qu'il y a des choix politiques qui sont faits par les villes, et c'est ça qui rend la chose embêtante.

Maintenant, pour répondre à vos préoccupations, la capacité de payer, elle est prise en compte déjà par le système, comme vous l'avez mentionné. Les villes font des demandes qu'elles vont justifier, qu'elles vont défendre, et ces demandes-là sont faites, évidemment, en tenant compte de la capacité de payer. Quand on parle de l'équité interne, on parle aussi de la capacité de payer. L'effort qui est demandé aux citoyens est déjà pris en compte.

Là, ici, on ne parle pas, en fait, de principes généraux, on parle de l'établissement ou la création d'un tribunal auquel on va donner une fonction, en fait, un tribunal qui, selon nous, ne rencontre pas les exigences qui ont été posées par la Cour suprême en matière de protection de la liberté d'association, puis du droit de négocier, puis du droit de grève, mais ce tribunal-là va devoir appliquer ça. Et c'est pour ça qu'on vous dit dans le mémoire : Attention! L'imposition d'un certain nombre de critères va nécessairement amener bon nombre de contestations et de critiques, et ce critère-là en particulier risque malheureusement d'alourdir grandement le processus de ce tribunal-là ou d'un tribunal d'arbitrage qui pourrait demeurer comme il l'est à l'heure actuelle.

Alors, il faut faire attention avec les critères. Plus on ajoute des critères, plus on alourdit le processus, plus on prête le flanc à des contestations et plus on réduit la marge de manoeuvre du tribunal, qui, il faut le répéter... Un tribunal d'arbitrage de différends, ce n'est pas un tribunal ordinaire. Ce n'est pas un tribunal qui est là pour régler un conflit de droit, c'est un tribunal qui est là pour, dans le fond, régler un différend qui est un conflit en intérêts et qui ultimement... L'objectif principal d'un tribunal d'arbitrage de différends, c'est de reproduire le résultat qu'aurait eu la négociation entre les parties si elle s'était poursuivie, alors, forcément, ce tribunal-là va prendre en compte tous les facteurs qui auraient été pris en compte lors d'une négociation.

M. Coiteux : Mais j'ai eu cette discussion-là avec d'autres groupes aujourd'hui, il y a quand même une différence fondamentale entre une ville, là, puis une entreprise, hein? Si une entreprise, pour x raison, a négocié dans une position de faiblesse, admettons, et signé une convention collective qu'elle n'aurait pas eu vraiment les moyens de se payer dans son univers concurrentiel, puis qu'elle doit augmenter ses prix pour la couvrir, bien, vous savez peut-être qu'elle risque de faire faillite, alors il est peut-être possible que juste ça, ça fasse en sorte que vous allez négocier un peu différemment. Mais ce n'est pas votre cas à vous, vous êtes dans le secteur public. Alors, dans le secteur public, vous, quand vous négociez avec le secteur public, vous dites : Bien, de toute façon, ils ont juste à augmenter les taxes. Puis les taxes, c'est obligatoire.

Alors, c'est ce phénomène-là qui fait en sorte qu'on ne peut pas ignorer la capacité de payer des citoyens, parce qu'ils n'ont pas le choix, ils n'ont aucune façon de s'ajuster à une situation où ils seraient taxés davantage, au-delà de ce qu'ils peuvent, parce qu'il y aurait une négociation ou une sentence d'arbitrage qui aurait imposé des conditions qui n'étaient pas du domaine de leur capacité de payer. Alors, nous, comme législateurs publics, comme législateurs, il faut qu'on en tienne compte.

Alors, vous vous déclarez satisfaits du régime actuel, mais les élus municipaux, puis il y en a plusieurs, là, qui représentent leurs citoyens dans différentes régions du Québec, eux, ils nous disent exactement le contraire de vous, exactement le contraire de vous. Alors, en quelque part, il y a un malaise, il y a un malaise. Et je vous écoute, puis c'est comme si on vivait dans le meilleur des mondes, là, c'est comme si on avait le système parfait. Or, ce n'est pas ça qu'on entend sur le terrain. Donc, on se pose la question.

Il arrive un jour où il faut changer les choses. Je comprends que ça change la donne un peu, ça change la donne, mais est-ce qu'il n'est pas venu le temps, justement, de changer les choses dans le secteur municipal pour tenir compte de ce que je viens de dire?

Dans le fond, c'est un gouvernement qui a une capacité de taxer. Ce n'est pas un gouvernement comme le gouvernement du Québec, mais il joue un rôle de gouvernement de proximité. C'est ça qui est sur la table. Ce n'est pas une négation des droits, au contraire, les principes qui sont établis dans le projet de loi n° 110 parlent très bien des droits d'association, de négocier, la négociation de bonne foi est encadrée, mais cet argument sur la capacité de payer est important pour le législateur dans le projet de loi qui est proposé ici.

Donc, c'est pour ça que je ne comprends pas qu'on ne puisse pas s'entendre minimalement là-dessus. On peut ne pas s'entendre sur les formes que ça va prendre par la suite puis on peut avoir une discussion, mais là sur le principe même je sens un désaccord. C'est ça qui m'étonne.

Le Président (M. Auger) : Dernier 30 secondes. Une intervention, M. Côté, Me Nadeau? M. Côté.

M. Côté (Robin) : Bien, écoutez, je peux juste vous dire que... Puis vous êtes au courant, vous êtes très au courant du dossier du financement des services de police municipaux au Québec. Et, si les municipalités cherchent de l'argent puis elles cherchent une façon équitable d'aller chercher de l'argent, je pense qu'elles seraient bien mieux de s'unir avec la fédération des policiers municipaux puis de nous aider, avec l'UMQ, à convaincre le gouvernement de financer les services de police municipaux au Québec à la même hauteur que le gouvernement finance les services dans les municipalités où la Sûreté du Québec couvre.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Côté. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. M. le député de Richelieu, pour environ neuf minutes.

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.

Des salaires dictés dans la fonction publique municipale par la capacité de payer des citoyens de ces municipalités, ça peut paraître bien séduisant, hein, voire d'un réalisme absolu, mais ça ne rend pas moins pertinentes les questions, M. le ministre, les questions que ce monsieur nous pose aujourd'hui. «Les policiers municipaux font le même travail, partout en province. Il n'y a pas de raison — dit le mémoire de ce groupe — qu'un policier soit moins bien rémunéré qu'un autre, à cause de la soi-disant capacité de payer de son employeur[...]. Une infirmière — ajoute le mémoire — est-elle moins bien rémunérée en Gaspésie que sa collègue du CHUM, [en raison] de la situation économique locale? Les policiers de Mont-Tremblant et ceux de Bromont devraient-ils être mieux rémunérés que ceux de Montréal, de Trois-Rivières ou de Sherbrooke, eu égard à la richesse foncière de la ville où ils travaillent?» On ne peut pas évacuer, je crois, ces questions-là. Elles méritent d'être posées, elles sont pertinentes au débat.

Et, dans votre mémoire, vous dites aussi : Encore faudra-t-il voir ce qui a pu influencer la capacité de payer des municipalités concernées. Est-ce qu'on s'y attardera dans l'analyse? Est-ce qu'on poussera le raisonnement jusque-là? Est-ce qu'on s'interrogera sur les choix politiques des municipalités, qui influencent indirectement et même directement leur capacité de payer?

En fait, j'aimerais vous entendre encore là-dessus plus abondamment, sur la notion de capacité de payer sur laquelle... qui dicterait les salaires dévolus aux employés d'une municipalité.

Le Président (M. Auger) : M. Côté.

M. Côté (Robin) : Bien, aux employés d'une municipalité... Écoutez, je peux vous parler des policiers. Mais je vais vous amener un autre exemple. Prenez l'agglomération de Longueuil, hein? Là, on va analyser chacune des municipalités que la police de Longueuil couvre puis on va dire : Bon, bien, toi... on pense que Brossard a peut-être une richesse plus élevée que, je ne sais pas, Greenfield Park, puis là on va dire : Bon, bien, les résidents de Brossard, vous allez payer un peu plus pour le même service de police, puis à Greenfield Park vous allez payer un peu moins, puis là, le policier qui patrouille le secteur de Brossard, tu vas être mieux payé que le patrouilleur qui patrouille le secteur de Greenfield Park. Je veux dire, c'est un non-sens. Ça ne fonctionne pas, on ne peut pas. C'est pour ça qu'on vous dit...

Puis je reviens, je tape sur le même clou, mais le policier qui... En plus, dans ce cas-là, le policier, qui travaille pour le même service de police, dans le même service de police, parce qu'il travaille dans une municipalité qui aurait moins de capacité de payer, serait payé moins cher, alors que l'autre qui travaille à l'autre bout du territoire, bien... Ça ne fonctionne pas, là, ça ne fonctionne pas. C'est le même métier partout, peu importe où le policier travaille. Puis on pense que... Puis notre position demeure la même, c'est qu'il doit être payé de façon à ce que ça respecte les exigences de son métier puis ses compétences.

M. Rochon : Vous avez fait état d'un rapport, dont malheureusement, là, j'oublie le nom, je l'avais noté, Thérien et...

Une voix : Morency.

M. Rochon : ...Morency, qui avait été accueilli favorablement par les municipalités, vous l'avez fait remarquer au ministre. On était alors en 2013. Est-ce que c'est ça?

M. Côté (Robin) : C'est 2012‑2013.

M. Rochon : 2012‑2013. Alors, vous le faites remarquer au ministre, qui évacue assez rapidement votre remarque pour vous répondre laconiquement : Bien, ils ne sont plus contents aujourd'hui, les maires, en 2016.

Qu'est-ce qui a changé entre 2016 et 2012‑2013 pour que les maires ne soient plus contents et réclament autre chose que ce qui se retrouvait dans ce rapport qu'ils avaient bien apprécié?

M. Côté (Robin) : Il faudrait poser la question aux maires, qu'est-ce qui fait que... Écoutez, nous, on était satisfaits du consensus qui avait eu lieu là. Qu'est-ce qui a fait, entre les deux, que les maires ont changé d'idée? C'est la question que je posais un peu dans le mémoire, là. Pourquoi? Pourquoi est-ce que ce comité-là et les conclusions du comité ont été écartés? Aucune idée.

Le Président (M. Auger) : M. le député de René-Lévesque, en vous rappelant que vous avez 4 min 30 s.

M. Ouellet : Merci, M. le Président. Je vous entendais tout à l'heure, et vous nous avez fait mention que le conseil de différends... ou en tout cas, du moins, l'arbitrage déjà existant, plutôt, n'était pas... on ne traitait pas de conflit de droits mais plutôt de conflit d'intérêts entre deux parties.

Ma question va être la suivante. Avec les nouvelles dispositions du projet de loi n° 110, on laisse tomber l'arbitrage et on tombe avec le conseil des différends, pour lequel le ministre va nommer trois membres pour rendre une décision. J'aimerais connaître votre... si vous êtes à l'aise avec le fait que le ministre des Affaires municipales, qui est aussi le ministre de la Sécurité publique, va nommer trois personnes, dont un issu du milieu du travail, disons-le, et deux autres qui pourraient être issus des milieux économique et municipal. Êtes-vous à l'aise avec ça, qu'il va être celui qui va décréter... bien, décréter... déterminer les conditions dans les différends? Êtes-vous à l'aise avec ça?

• (15 h 20) •

M. Nadeau (Frédéric) : Avec respect, pas du tout, pas du tout, parce qu'en fait on parle de moderniser l'arbitrage de différends, et, à notre sens, puis je pense que c'est clairement expliqué dans notre mémoire, on va à contre-courant de ce qui est aujourd'hui, en 2016, des relations de travail modernes.

À l'heure actuelle, on met beaucoup l'emphase sur la médiation-arbitrage, sur les modes alternatifs de règlement des conflits, des différends. Le travail des assesseurs, c'est le seul point... le point le plus positif, le plus important, je pense, qui, à l'heure actuelle, fait partie de l'arbitrage de différends, puis on l'évacue, on les enlève. Et, quand on dit qu'il faut que les parties se parlent, il faut que les parties négocient, bien, ils le font aussi à travers leurs assesseurs, et ça, on enlève ça.

Donc, ce qu'on fait, dans le fond, avec le projet de loi n° 110, c'est qu'au lieu d'aller dans la modernisation d'un processus où on commence déjà... les parties ont déjà commencé par elles-mêmes à trouver des modes alternatifs de règlement des conflits on va créer un tribunal qui va judiciariser davantage la situation ou les conflits, et ça, ce n'est pas du modernisme, en fait, c'est de la rétrogradation, en fait. Et c'est là où nous, évidemment, on n'est pas à l'aise; non seulement avec le mode de nomination des gens qui vont siéger sur ce tribunal-là, mais également avec la façon dont ce tribunal-là va opérer.

M. Ouellet : On en a parlé longuement, on en a parlé beaucoup, de la capacité de payer du contribuable. On essaie, dans le projet de loi, de nous dire que le citoyen est au centre de ce projet de loi là.

Donc, on présume que, dans les différends des policiers... On a parlé beaucoup de rémunération, mais je crois comprendre que, dans ces différends-là, on règle aussi de l'organisation du travail. Alors, la question que j'aurais pour vous ou la crainte que j'aimerais qu'on partage ou, du moins, que vous précisiez, c'est que maintenant le conseil pourrait rendre une décision sur l'organisation du travail qui n'a aucunement rapport sur le coût mais plutôt sur la façon dont on pourrait organiser les factions, dans ce cas-là, les policiers. Donc, pour ma part, je pense qu'il y aurait un impact sur la sécurité, les services à offrir, et que, là, dans le comité, on pourrait avoir effectivement quelqu'un issu du milieu municipal et quelqu'un issu du milieu économique qui auraient à trancher une décision d'organisation du travail sans connaître toutes les nuances et les technicalités qui, si on se trompe, auraient un impact sur la sécurité des individus. Est-ce que cette prétention-là... cette crainte-là pourrait être légitime?

M. Nadeau (Frédéric) : Tout à fait. L'inquiétude est immense, en fait, à ce niveau-là, parce qu'à l'heure actuelle, avec la nomination des assesseurs, tant patronaux que syndicaux, on s'assure quand même... les parties s'assurent par elles-mêmes d'une connaissance du milieu policier puis de l'organisation policière, ce qui ne serait pas nécessairement le cas avec le projet de loi dans la façon dont il est rédigé à l'heure actuelle. Et ça, c'est très, très inquiétant pour nous parce qu'effectivement ça pourrait avoir des conséquences même sur les opérations policières, en fait, parce que les horaires de travail, la façon d'opérer, les rappels au travail, tout ça fait partie du quotidien des activités, en fait, d'un corps de police, et, évidemment, si ce sont des gens qui ne sont pas rompus à ces réalités-là qui tranchent, ça va effectivement causer des problèmes.

Et, pendant que vous êtes là-dessus, je ne peux pas passer sous silence non plus l'article du projet de loi qui fixe les conventions collectives à un minimum de cinq ans. Et j'ai beaucoup de difficultés à voir, là, en quoi la capacité de payer d'un citoyen, par hypothèse, ou la situation économique justifie une telle entrave à la liberté de négociation des syndicats... et des employeurs, par la bande. J'écoutais le maire de Québec, ce matin, dire : Moi, après trois ans, si ça ne fait pas, j'aime ça être capable de changer. Nous aussi, alors...

Le Président (M. Auger) : Merci. C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre avec le porte-parole de la deuxième opposition, le député de Blainville, pour environ six minutes.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Côté. Encore félicitations! On avait eu la chance de se voir. M. Lalonde, Me Nadeau, merci de votre présence.

Évidemment, on sent, là, depuis ce matin, là, puis je suis un peu d'accord avec M. le ministre, là... C'est que la capacité de payer, d'abord, vous, vous le dites carrément, là, la capacité de payer des citoyens, ce n'est pas votre problème, mais nous, en tant que législateurs, on a un problème.

Moi, j'ai un problème, puis on a eu la chance de se rencontrer, parce que moi, j'ai des villes qui veulent quitter les bleus — j'appelle les syndicats municipaux «les bleus» — pour s'en aller aux verts parce que ça coûte moins cher. Tantôt, vous avez dit : Bien là, il faudrait subventionner les bleus, donc ça, ça veut dire augmenter les impôts des contribuables pour essayer... ou, à l'inverse, augmenter le coût des verts pour... puis là c'est les... Tu sais, c'est qu'on est rendus là, là. On est rendus, aujourd'hui, à discuter de la capacité de payer.

Puis tantôt, là, j'aurais voulu le dire aux pompiers, tu sais, moi, je suis député à Blainville, je vis à Rosemère, qui met fin à son service de pompiers puis qui se fusionne carrément dans l'espace de deux jours, sans avertissement. C'est-u correct? Non. Mais la capacité de payer, par exemple, c'est qu'on est rendus là, on est rendus où une ville... Rosemère qui dit demain matin : Bien, moi, j'abolis mon corps de pompiers puis je m'en vais avec Blainville, de l'autre côté. On est là.

Donc, si on veut des exemples de la capacité... On est rendus là, il faut discuter de la capacité de payer. Que ça ne fasse pas votre affaire, je peux comprendre ça, mais nous, en tant que législateurs, on est rendus avec la capacité de payer des citoyens, sinon il va arriver des Rosemère puis il va arriver des situations où des villes vont vouloir quitter les bleus pour s'en aller aux verts parce que ça coûte moins cher puis... Donc, il faut être capable de discuter de ça.

Et c'est pour ça que, dans votre mémoire, je comprends, mais je ne sens pas d'ouverture par rapport au projet de loi. Ça, je pense qu'il n'y a pas nécessairement d'ouverture. Vous vous posiez la question tantôt, M. Côté : Je ne comprends pas pourquoi que les villes... Les villes étaient à une table de négociation où l'obligation était un résultat avec tous les intervenants, et là ils ont la chance d'avoir un gouvernement, là, je vous le dis, là... parce qu'il faut être courageux, puis là, là-dessus, je le souligne, là, de déposer un projet de loi, puis les villes, elles ont plus que qu'est-ce qu'elles auraient eu avec le comité Thérien-Morency, là, c'est tout simplement ça. Pourquoi qu'ils ne se sont pas contentés de ça? Parce qu'à quelque part il est temps qu'on discute de la législation.

Donc, pour vous, là, est-ce qu'il n'y a rien à négocier, il faut rester comme ça, ou on peut discuter? Pour vous, c'est clos, le débat est fait, puis, ce projet de loi là, il ne faut pas qu'on...

Le Président (M. Auger) : M. Côté.

M. Côté (Robin) : Nous, la position est assez claire là-dessus : On ne pense pas que le projet de loi, il est bénéfique pour les membres de la fédération. On a été clairs dans notre mémoire là-dessus. Il y a un paquet... Juste au niveau des critères, on a parlé amplement de la capacité de payer, je ne reviendrai pas là-dessus, mais il y a des critères qui vont être imposés à un tribunal, un comité... ou appelez ça comme vous voulez, un tribunal décisionnel dans lequel on ne croit pas.

On vous dit que le système actuel est fonctionnel, qu'il y a des allègements qui avaient été prévus au comité Thérien pour faciliter la vie de tout le monde. J'ai un peu de misère à entendre quand vous me dites que, bien, ça, c'est un compromis acceptable, mais là ils ont eu un deal du gouvernement, ça fait qu'ils aiment mieux avoir le deal. C'est un peu ça que vous venez de nous dire. Je trouve ça spécial parce que ça, c'était la paix industrielle, là, c'était vraiment un compromis entre les syndicats, les maires de toutes les municipalités au Québec, là, tout le monde était content de ça, là, puis là, aujourd'hui, à la place, comment je pourrais dire, on remet le trouble dans quelque chose qu'il n'y en avait pas.

Ça fait que, non, on n'est pas d'accord avec le projet de loi. Puis, non, on ne voit pas où on pourrait apporter une amélioration alors que le système qu'on a présentement est fonctionnel.

M. Laframboise : Parce que... Puis je reviens à ce que je disais tantôt, c'est que c'est évident que, pour les élus municipaux, puis je ne me gêne pas, là, parce que le maire de Montréal l'a dit ce matin, là, il ne veut pas... tout ce qu'il ne souhaiterait pas, c'est que les prochaines négociations fassent que la récupération qu'il a faite dans le cadre des fonds de pension, bien, soit éliminée tout simplement parce que les lois du travail actuelles font qu'à quelque part, à cause du... Ce n'est pas pour rien, là, que l'équité externe, il n'en veut pas, là; parce qu'à quelque part il y a une ville qui a donné quelque chose, bien, qu'il soit obligé de donner aux policiers ou aux pompiers la même chose qu'une ville qui aurait octroyé... parce qu'à quelque part l'arbitre lui donnerait, là. Tu sais, c'est ça, la réalité, là. Puis ça, c'est une réalité qui pourrait arriver, là, dans l'espace d'une décision dans une ville au Québec toutes les relations de travail viennent d'être changées, puis la récupération qui peut avoir lieu, pour lesquelles, moi, je suis...

On a travaillé fort, puis à quelque part la population était d'accord avec la réforme des fonds de pension. Même si pour nous, personnellement, il y avait certains endroits où on a été trop durs, là, mais il reste quand même qu'il y avait quand même un appui de la population. Donc, on ne peut pas non plus, à cause du système de relations de travail actuel, faire que dans une convention collective on va tout éliminer tout le travail qu'on a fait pendant les deux, trois dernières années. Tu sais, c'est pour ça qu'il faut moderniser les relations de travail, pour être capable d'évoluer dans la capacité de payer des citoyens. Mais ça, la capacité de payer des citoyens, vous, là, c'est...

Le Président (M. Auger) : 40 secondes pour une dernière intervention. M. Lalonde.

• (15 h 30) •

M. Lalonde (Luc) : Bien, écoutez, là, je vous entends, mais je ne comprends pas très bien. Et je vais vous expliquer pourquoi.

Le passé est garant du futur. La situation passée, là, n'a jamais été un problème. On n'en a pas, de problème. Me Leblanc vous expliquait tantôt, là, que même M. Labeaume était content de la seule décision qu'il y a eu durant son mandat. Ça fait 30 ans que je négocie à travers le Québec, j'ai même négocié avec M. Carrière. Demandez-lui, il n'y en a pas eu, de couteau sur la gorge. Pantoute. On s'est toujours entendus, on a toujours trouvé des solutions.

Quand il n'y en avait pas, on allait en arbitrage de différends. Puis, quand on allait en arbitrage de différends, bien, comme assesseurs ou comme procureurs, on venait à bout de présenter notre preuve. Les villes faisaient zéro.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Lalonde. Merci. Désolé, c'est tout le temps que nous avions. Donc, M. Côté, M. Lalonde et Me Nadeau, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 31)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en souhaitant la bienvenue à la Fraternité des policiers et policières de Montréal. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous procéderons à une période d'échange. Dans un premier temps, bien vouloir vous identifier, et par la suite vous pouvez commencer votre présentation.

Fraternité des policiers et policières de Montréal inc. (FPPM)

M. Francoeur (Yves) : Oui, bonjour, M. le Président, membres de la commission, M. le ministre. On vous remercie de nous recevoir, même si on commence à trouver qu'on vient ici un peu trop souvent. Mais c'est une autre histoire.

Je suis accompagné, à ma droite, de Me Laurent Roy, qui pratique en droit du travail depuis 42 ans, dont une quarantaine d'années en milieu policier et pompier. À ma gauche, André Gendron, vice-président exécutif à la fraternité des policiers de Montréal, et, à sa gauche, M. Jean-François Potvin, vice-président aux relations de travail à la fraternité des policiers de Montréal. Et moi-même, Yves Francoeur, président de la fraternité des policiers de Montréal.

Donc, la fraternité représente les 4 500 policiers et policières de Montréal et assure la sécurité de 2 millions de citoyens et citoyennes de la métropole du Québec et de l'île de Montréal, une tâche dont la complexité au quotidien est majeure, avec annuellement près de 2 millions d'interventions, dont 30 000 qui se rapportent à une personne en crise ou des problèmes de santé mentale. À cela s'ajoutent près de 1 500 services d'ordre des grands rassemblements publics, la lutte au terrorisme, la lutte au crime organisé, les gangs de rue, des problématiques sociales diverses, bien d'autres choses encore qui mènent souvent nos membres à gérer les côtés les plus sombres de l'être humain. D'ailleurs, je remercie le maire de Québec, qui a répété à plusieurs reprises ce matin qu'être policier à Montréal était particulier. Pour une fois que quelqu'un du monde syndical est d'accord avec le maire de Québec...

D'entrée de jeu, je dois dire que la dernière fois que nous sommes venus ici, c'était pour le projet de loi n° 3, qui allait devenir la loi n° 15, une loi qui brime clairement nos droits constitutionnels et pour laquelle nous sommes devant les tribunaux. Nous avions pourtant fait toutes les mises en garde possibles mais, au final, sans être écoutés. C'est donc avec bien peu d'illusions que nous nous retrouvons ici devant un nouveau projet de loi.

On doit rappeler que les 4 500 policiers de Montréal ont été frappés par la loi n° 15 plus durement que n'importe qui d'autre, loi qui est censée assurer la pérennité d'un régime de retraite, un régime de retraite pourtant excédentaire, capitalisé entre 90 % et 134 % sur une période de 25 ans, et où la ville de Montréal a bénéficié de 500 millions de congé de cotisation, c'est-à-dire qu'ils ont payé 0 $ pour le régime de retraite des policiers de Montréal entre 1996 et 2007. Et maintenant cette loi-là impose à nos policiers une coupure de 9 000 $ par année, 3 000 $ par année en hausses de cotisation et 6 000 $ par année en coupures de bénéfices, tout ça, comme je le disais, pour un régime de retraite performant. On se peut se poser la question : Est-ce que les contribuables de Montréal ont pour autant bénéficié d'une baisse de taxes pour cette économie d'un demi-milliard sur un peu plus de 10 ans pour notre bonne gestion? Pas à notre connaissance.

Arrive ensuite le projet de loi n° 10, issu des promesses faites aux maires en matière de fiscalité municipale. Ces promesses ont motivé la ville de Montréal à refuser de négocier sérieusement et de bonne foi avant de voir la couleur du projet de loi que vous avez devant vous, et ce, malgré le fait que notre convention collective est échue depuis deux ans et le régime de retraite, depuis décembre 2011.

Le projet de loi n° 110 torpille le droit à la négociation. Et je citerai en entrée de jeu l'honorable juge Dickson, alors juge en chef de la Cour suprême dans le renvoi relatif à l'Alberta en 1987, qui disait : «Je suis d'accord avec ce que dit l'Alberta International Fire Fighters Association [dans] son mémoire, à savoir qu'"il est généralement reconnu qu'employeurs et employés doivent être sur un pied d'égalité en situation de grève ou d'arbitrage obligatoire lorsque le droit de grève est retiré". Le but d'un tel mécanisme est d'assurer que la perte du pouvoir de négociation par suite de l'interdiction législative des grèves est compensée par l'accès à un système qui permet de résoudre équitablement, efficacement et promptement les différends mettant aux prises employés et employeurs.»

• (15 h 40) •

Donc, le projet de loi n° 110 stipule qu'après quatre mois de négociation et deux mois de médiation obligatoire on envoie les policiers devant un conseil de règlement des différends qui remplacerait les tribunaux d'arbitrage habituels. Ce conseil de règlement n'inspire absolument aucune confiance. Il est expressément créé pour faire plaisir aux maires. C'est un cadeau, un tribunal dont le mandat principal est de baisser les coûts, un tribunal dont le mandat est de mettre en oeuvre le pacte fiscal promis aux maires par le gouvernement, un tribunal qui ne rencontre pas les paramètres légaux de l'arbitrage obligatoire, lequel doit, selon la Cour suprême du Canada, pallier au fait que nous n'ayons pas le droit de grève.

Six personnes choisies par le gouvernement auront la main haute sur nos conditions de travail. Les membres du conseil de règlement pourront n'avoir aucune expérience dans le domaine extrêmement complexe de l'arbitrage des différends, des gens sans garantie d'indépendance, choisis pour livrer le pacte fiscal. Pourtant, dans un arbitrage digne de ce nom, ce sont les parties qui choisissent l'arbitre, l'équilibre des forces et la crédibilité du processus en dépendent. Ce tribunal ne tient pas la route.

De plus, la fraternité est totalement opposée à ce que le ministre des Affaires municipales devienne le chien de garde des relations de travail dans le secteur municipal. Il y a non seulement apparence de conflit d'intérêts, mais carrément conflit d'intérêts.

Par conséquent, il est très difficile d'avoir confiance en un processus comme celui-là. Un ministère en aussi étroite relation avec les villes, qui sont l'une des parties, ne peut agir comme gardien d'un processus équitable, c'est évident. Le ministre du Travail est un agent neutre, ce qui n'est pas le cas du ministre des Municipalités, en ce qui a trait aux relations de travail dans le monde municipal. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir la chose.

MM. les parlementaires, on pourrait s'étendre longtemps sur les nombreux problèmes que créerait l'adoption du projet de loi n° 110. Depuis quelques années, les policiers et policières de Montréal sont injustement attaqués de toutes parts. La ville et le gouvernement font preuve de populisme, et les relations de travail sont en train d'être durablement détruites. Il est temps de mettre en place les conditions favorables à de véritables négociations de bonne foi, justes, équitables et qui respectent les chartes et le droit.

Malheureusement, le projet de loi n° 110 est un nouveau pas dans la mauvaise direction, qui mine encore davantage le principe fondamental de la libre négociation, notamment en imposant des délais mais surtout un cadre qui brime les droits constitutionnels des travailleurs. Nous l'estimons nuisible et nous déplorons qu'il s'apprête à sérieusement et durablement dégrader quelque chose qui fonctionne pourtant bien.

Avant de conclure, je me permettrai de citer le paragraphe 72 de la décision de la Cour suprême dans l'affaire récente de l'Association de la police montée de l'Ontario contre le Procureur général du Canada en 2015 et qui dit : «L'équilibre nécessaire à la poursuite véritable d'objectifs relatifs au travail peut être rompu de maintes façons. Des lois et des règlements peuvent restreindre les sujets susceptibles de faire l'objet de négociation ou imposer des résultats arbitraires. Ils peuvent interdire l'action collective des employés sans offrir de mesures de protection adéquate en compensation et réduire ainsi leur pouvoir de négociation. Ils peuvent rendre impossible la réalisation des objectifs des employés relatifs aux conditions de travail. Ou encore, des lois et des règlements pourraient établir un processus que les employés seraient incapables de contrôler ou d'influencer. Quelle que soit la nature de la restriction, il faut [absolument] déterminer si les mesures en question perturbent l'équilibre des rapports de force entre les employés et l'employeur que l'article 2d [de la Charte canadienne] vise à établir, de telle sorte qu'elles interfèrent de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective.»

Donc, en conséquent, et pour toutes ces raisons et certaines autres que vous retrouverez dans le mémoire, qui est beaucoup plus complet, nous considérons que le plus sage serait de retirer le projet de loi n° 110, de cesser d'envenimer les relations de travail, qui sont déjà sur la corde raide, et réitérer que nous sommes prêts à négocier et à travailler avec le gouvernement pour améliorer le système actuel. Merci.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Francoeur. M. le ministre, pour 15 minutes.

M. Coiteux : Merci beaucoup, M. Francoeur. Merci également à ceux qui vous accompagnent aujourd'hui. Et on a quelques minutes, là, pour échanger. Honnêtement, je ne m'attendais pas nécessairement à ce que vous arriviez pour nous dire que le projet de loi n° 110 était un projet de loi formidable, que vous appuyez à 100 %, mais, dans les échanges que j'ai avec des groupes aujourd'hui, je m'étonne tout de même qu'il n'y ait aucune ouverture à un certain nombre de choses qui sont dans ce projet de loi là. Puis avec tout le monde j'essaie d'explorer un peu les mêmes avenues.

Nous, puis je pense que ça commence à faire consensus, nous, on est absolument convaincus que c'est une mauvaise idée que d'assimiler une ville, qui a un pouvoir de taxation obligatoire sur ses citoyens... c'est une mauvaise idée de l'assimiler à une entité que serait, par exemple, une entreprise privée, qui, elle, elle refile le coût, peut-être, à ses consommateurs, mais ses consommateurs, ils ont toujours la liberté d'acheter de quelqu'un d'autre. Alors, c'est pour ça qu'en même temps qu'on reconnaît, là, pleinement, là, le droit d'association, qu'on veut s'assurer qu'on maintienne toutes, toutes, toutes les dispositions à l'égard de ces droits fondamentaux, puis c'est ce que fait le projet de loi, on veut s'assurer que soit mieux prise en compte cette caractéristique-là. Il y a un impact direct sur les taxes des citoyens, du régime de négociation.

Alors, est-ce que vous êtes prêts à reconnaître en quelque part qu'effectivement, négocier avec une municipalité... Je comprends que, vous, c'est avec une municipalité que vous négociez tout le temps, mais il y a d'autres groupes qui sont venus ce matin, puis des fois ils sont avec le secteur privé, puis des fois ils sont avec le secteur public. Êtes-vous quand même prêts à admettre que c'est une entité différente puis qui doit être traitée de façon différente d'autres acteurs dans le monde du travail?

M. Francoeur (Yves) : Bien, tout à fait, parce que nous n'avons jamais fait d'amalgame entre la négociation avec les policiers, pompiers et le secteur privé. C'est complètement deux choses différentes. Les critères du Code du travail sont différents, le travail est différent. La sécurité publique, ce n'est pas la même chose que de vendre des automobiles, des thermopompes ou des hot-dogs. On a toujours été d'accord avec ça puis on a toujours coopéré.

Mais je reviendrai à ce que plusieurs intervenants ont dit : Il est où, le problème? Montréal, les derniers 35 ans : 10 conventions collectives négociées, deux sentences arbitrales. La dernière sentence arbitrale date de 2007 à 2010, l'arbitre nous a accordé 8,25 %. Nos membres étaient fâchés après nous autres, étaient en furie après nous autres, puis la ville était en furie après l'arbitre. Tout le monde était mécontent. Je présume que c'était peut-être une décision arbitrale qui a fait la job. Mais, oui, il y a des critères différents, puis, oui, ce sont des choses complètement différentes, je suis entièrement d'accord avec vous, on ne fera pas de débat là-dessus.

M. Coiteux : Donc, ce que vous dites, c'est qu'à l'heure actuelle les arbitres tiendraient compte des dimensions... la situation fiscale de la municipalité, sa situation économique?

M. Francoeur (Yves) : Bien, si ce n'est pas le cas, moi, je peux vous dire que, dans une audition de 40 journées d'arbitrage, il y a eu six ou huit journées, l'économiste syndical, l'économiste patronal, des rapports économiques d'une soixantaine de pages de chacun des deux côtés, et qui a donné la décision qu'il a donnée.

Mais on ne peut pas non plus isoler seulement la capacité de payer. Si c'est ce que le gouvernement veut faire, il faudrait travailler puis la définir, cette capacité de payer là. Vous envoyez 300 millions de facture aux... excusez, vous coupez 300 millions de transferts fiscaux aux municipalités. C'est les travailleurs municipaux qui doivent payer pour ça? Si vous décidez de couper 150 millions l'année prochaine, c'est les travailleurs municipaux qui vont travailler pour ça? Il y a un maire qui se fait un amphithéâtre de 400 ou 500 millions, puis jusqu'à maintenant il n'est pas rentable. C'est les employés municipaux qui font ça? Le maire de Montréal se paie une équipe de baseball à 1 milliard qui va s'avérer déficitaire dans 10 ans. C'est les employés municipaux qui vont payer pour ça? Il faudrait la définir, la capacité de payer.

M. Coiteux : Mais à l'inverse, de façon symétrique, s'il y a des conventions collectives, imposées ou négociées, qui imposent un coût tel qu'on est obligé de couper dans les services publics, qu'est-ce que vous diriez?

M. Francoeur (Yves) : Oui, vas-y, Laurent.

• (15 h 50) •

M. Roy (Laurent) : Bien, M. le ministre, avec respect, ce n'est jamais arrivé. Vous évoquez une possibilité, une hypothèse qui ne s'est jamais avérée vraie.

Vous nous arrivez avec un projet de loi en nous disant dans vos remarques préliminaires qu'il va servir, il va être très utile parce qu'il va moderniser les relations de travail. Est-ce que vous nous permettez de vous dire qu'au lieu de moderniser on va faire plutôt un retour en arrière prodigieux, dangereux et sûrement pas souhaitable?

En 1947, le régime Duplessis, que tout le monde connaît bien, a adopté une loi qui est frappante tant il y a des analogies à faire entre le projet de loi n° 110 actuel et la loi, le chapitre 54, qui alors a été adoptée, pour trois raisons. La première, c'est qu'on a sorti le secteur municipal de la Loi des relations ouvrières, comme on le fait aujourd'hui avec le Code du travail. Ensuite, on a introduit les soi-disant critères relatifs à la capacité de payer des citoyens, on a imposé dans les critères la taxation, les conséquences qu'une sentence arbitrale pourrait avoir sur ce que les citoyens paient comme taxes. Et on a créé un tribunal permanent, c'est-à-dire que l'arbitre, lorsqu'il décidait du différend, pouvait voir sa décision portée en appel par la municipalité devant un tribunal permanent qui pouvait intervenir s'il en venait à la conclusion que, finalement, le critère de la capacité de payer n'avait pas été respecté. J'ai curieusement l'impression qu'on retourne en 1947 au lieu d'avancer, parce que c'était ça, à l'époque, on a fait exactement ce que vous proposez comme solution. Et un gouvernement libéral, en 1964, s'est empressé de l'enlever, parce que ce n'était pas une façon à la fois moderne, correcte, juste et souhaitable.

Ce n'est pas d'hier qu'on parle de la capacité de payer des citoyens, puis, croyez-nous, là, on ne dit pas que ce n'est pas en soi un élément qui est légitime dans la considération des salaires. La preuve, c'est qu'il y a eu deux arbitrages en 34 ans à Montréal pour les policiers, un en 1985‑1986 puis un autre en 2007‑2010. En 1985‑1986, l'arbitre a accordé l'inflation. Ça a été ça, sa sentence arbitrale. Je suis certain qu'il n'y a personne qui a déchiré sa chemise sur la place publique, et ce n'est certainement pas cette sentence arbitrale qui par la suite a amené la ville à dire : On va négocier plutôt que... on va essayer de s'entendre, puis on a le couteau sur la gorge, plutôt que d'aller devant un arbitre, parce que c'est ce qu'on a eu, l'inflation. Et il a fallu attendre 20 ans avant d'aller de nouveau devant un arbitre, qui nous a donné 0 % en 2007, c'est-à-dire exactement l'offre de la ville, qui nous a donné 2 % en 2008, exactement l'offre de la ville, qui nous a donné 2 % en 2009, exactement l'offre de la ville, puis qui, le 31 décembre de l'année en question, 2009, nous a accordé une légère augmentation pour tenir compte d'un rattrapage qui manifestement s'imposait. Deux arbitrages au cours desquels la ville a fait valoir tous ces points de vue là. La preuve économique a été faite, le taux de taxation, la capacité foncière de la municipalité, son niveau d'endettement. Le directeur général de la ville est venu témoigner, le trésorier est venu témoigner. Tous ces éléments-là ont été mis en preuve devant l'arbitre, qui en a tenu compte.

Alors, je ne vois pas en quoi on évolue, puisque ça a toujours été la situation devant laquelle nous avons été placés, faire attention, ne pas trop demander parce qu'effectivement il y a un élément qui va nous être reproché si on n'est pas raisonnables, puis l'arbitre ne nous donnera pas raison. Alors, ces éléments-là sont déjà, en soi, dans la jurisprudence, mais le législateur, en 1964, a choisi de ne pas l'introduire comme critère formel parce que partout au Canada, partout au Canada...

On serait la seule province du Canada, là, où on va se faire dire qu'un tribunal d'arbitrage, ce n'est pas le forum approprié pour imposer les conditions de travail des policiers et des pompiers, la seule province du Canada où on va avoir un tribunal permanent, nommé, évidemment, par le gouvernement, en fonction de critères qui sont très vagues. Un expert en économie, là, pour moi, ça ne veut pas dire grand-chose, comme, du reste, être un avocat, ça ne veut pas dire grand-chose. Pourquoi? Parce qu'il y a à peu près 22 spécialités dans le domaine juridique. Quelqu'un qui n'a jamais fait de différends de sa vie vaut zéro quand il se présente devant un tribunal d'arbitrage.

Alors, un expert en économie, ça veut dire quelque chose, oui, il a des connaissances économiques. Puis l'expert du monde municipal, lui, il connaît quoi dans le domaine des relations de travail, dans le domaine propre au milieu policier, quand on va parler d'horaires de travail, quand on va parler de promotions, de critères d'ancienneté? Qu'est-ce qu'il connaît là-dedans? On n'a pas d'assesseur dans le projet de loi que vous...

M. Coiteux : ...mais, quand on va parler d'impact sur les taxes municipales, je pense qu'il est utile qu'il y ait une certaine expertise dans ce domaine-là.

M. Roy (Laurent) : On en parle. J'en ai parlé dans ma réponse, M. le ministre.

M. Coiteux : Mais, si vous me permettez... Parce que vous nous avez ramenés en... Vous m'avez dit en 1947?

M. Roy (Laurent) : 1947.

M. Coiteux : Moi, j'aimerais, si vous me permettez, juste nous ramener en 2016. Il y a quand même un article 1 ici sur lequel j'aimerais vous entendre, et en particulier il y a deux alinéas qui disent ceci... Parce que c'est un tout, là, on ne faut pas prendre juste un petit morceau, c'est un tout, ce projet de loi là. Dans cet article 1, notamment, on parle de... «L'attraction et le maintien à l'emploi d'un personnel qualifié commandent des conditions de travail justes et raisonnables eu égard aux qualifications requises, aux tâches à exécuter et à la nature des services rendus.» J'imagine que vous n'êtes pas contre ça. «L'équité entre les membres du personnel exige de maintenir un rapport approprié entre les conditions afférentes aux différentes catégories ou classes d'emploi, notamment en ce qui concerne les salaires, les augmentations salariales et les avantages pouvant être consentis.» Il y a un équilibre là-dedans.

Donc, vous dites : Actuellement, on a un équilibre parfait, ou, en tout cas, idéal dans les circonstances, ou immuable, vous dites : On a trouvé la solution en 1964. L'évolution de la situation, depuis 1964, ne commande aucune révision?

M. Roy (Laurent) : Ce n'est pas ça qu'on dit, M. le ministre. Mais, pour commander une solution, encore faut-il que la solution qu'on amène soit viable. Et qu'est-ce que vous allez véritablement changer en introduisant autant de critères?

M. Coiteux : Pourquoi est-ce qu'elle n'est pas viable?

M. Roy (Laurent) : Pour une simple et bonne raison. D'abord, un, tous les experts... Bien, première des choses, M. le ministre, lorsque, comme disait Me Leblanc, on veut introduire un aspect législatif, c'est soit pour prévenir ou pour guérir quelque chose, c'est parce qu'on veut solutionner un problème. Or, il est où, le problème? Vous voulez solutionner quoi?

La capacité de payer des citoyens, tous les experts au Canada disent que c'est le critère le plus difficile à appliquer. Pourquoi? Parce qu'il y a des choix qui sont derrière les décisions qui sont prises par les élus municipaux. Alors, vous allez demander à l'arbitre d'intervenir dans ces choix-là, d'en tenir compte? Est-ce qu'on va payer un policier de Montréal moins cher sous prétexte qu'une décision municipale malheureuse aurait privé la municipalité de son pouvoir, de sa capacité de payer les policiers pour avoir une police compétente, des policiers compétents, qui ne sont pas corrompus, qui donnent un bon service aux citoyens? Le policier de la SQ, est-ce qu'il est moins bien payé sous prétexte qu'il est dans une ville plutôt que dans une autre?

M. Coiteux : Mais il n'y a personne qui remet ça en question ici, là, puis il n'y a rien dans le projet de loi ici qui remet ça en question, là.

M. Roy (Laurent) : Mais alors pourquoi le changer, le système?

M. Coiteux : Pourquoi le changer? Parce que l'évolution des finances publiques municipales au cours des dernières décennies nous montre qu'il y a un réel problème, l'évolution des taxes municipales nous montre qu'il y a un réel problème. L'évolution des transferts du gouvernement vers les municipalités pour s'assurer qu'elles soient capables de faire arriver les deux parties de l'équation, les revenus et les dépenses montrent qu'il y a un sacré problème.

Quand on regarde l'évolution des rémunérations dans le secteur public québécois puis à quoi on a dû s'assujettir, nous, comme gouvernement, puis, dans le fond, demander des efforts à la population, ils n'ont pas trouvé leur contrepartie, dans le secteur municipal, alors que ce sont des gouvernements qui ont le pouvoir de taxation. Alors, ou bien ils réclamaient plus de transferts du gouvernement ou alors ils taxaient davantage les citoyens.

Cet aspect-là, puis on n'est pas les seuls à le dire, il est mal pris en compte par les mécanismes actuels. C'est ça, le problème. C'est ça, le problème qu'on doit guérir vite.

Il n'y a rien à guérir? Je ne suis pas d'accord avec vous et je ne suis pas le seul à ne pas être d'accord avec vous. Il y a des gens qui sont élus par leur population, ils sont élus, là, ce n'est pas des fonctionnaires, là, ils sont élus, redevables devant leurs citoyens, il y en a plus de 1 100 au Québec. Je vous le dis franchement, là, unanimement ils voient les choses de cette façon-là, qu'il y a un réel problème. Puis nous, on les regarde aller, là, dans les transferts qu'on fait aux municipalités, dans l'évolution des taxes et des impôts. On le voit, le problème.

Alors, on ne veut pas remettre en question aucun droit. Donc, il s'agit ici de trouver un équilibre entre ce principe de la saine gestion des finances publiques dans le secteur municipal — puis le secteur municipal, je répète, c'est un gouvernement, c'est un gouvernement local avec pouvoir de taxation — puis les exigences de donner des conditions de travail qui correspondent aussi aux droits fondamentaux des travailleurs, et notamment, bien sûr, des policiers. C'est ça, l'équilibre qu'on recherche ici.

M. Roy (Laurent) : Est-ce que ça veut dire que le Québec est la seule province du Canada où à cause du système d'arbitrage il y a un déséquilibre, mais pas ailleurs? Partout ailleurs au Canada, le système d'arbitrage répondrait adéquatement à la situation des municipalités, mais pas au Québec?

Puis vous remplacez l'arbitrage par un tribunal qui de toute façon, lui aussi, va avoir à appliquer des critères. Il va avoir à tenir compte du critère de l'équité externe, même si le maire de Montréal ne le veut pas. Je ne sais pas comment est-ce qu'il va faire pour engager un technicien en informatique s'il ne sait pas quel est le marché de référence pour un technicien en informatique. Les salaires des médecins, à ce que je sache, ont tenu compte du critère externe, lorsque le gouvernement a négocié avec les médecins du Québec, il a tenu compte du rattrapage qu'il devait y avoir sur l'Ontario. C'est le premier critère dans la détermination des salaires, le critère externe, et les municipalités ne le veulent pas. Pourquoi? C'est ça, le déséquilibre, parce que les arbitres appliquent un principe universellement appliqué que... C'est quoi, cette certitude tranquille que les élus ont vis-à-vis de ce prochain conseil de règlement...

Le Président (M. Auger) : M. le ministre.

M. Coiteux : S'il y avait un seul critère, s'il y avait un seul critère, on pourrait avoir cette discussion-là, mais, dans le projet de loi, il n'y a pas un seul critère qui est proposé.

Mais c'est normal qu'il y ait des critères s'il y a un arbitrage. Vous n'êtes pas d'accord avec le fait qu'il y ait des critères?

M. Roy (Laurent) : Oui. Les arbitres en tiennent compte.

Le Président (M. Auger) : Merci, messieurs. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour un bloc d'échange de neuf minutes. M. le député de Richelieu.

• (16 heures) •

M. Rochon : Oui, merci, M. le Président. Laissez-moi d'abord saluer cette leçon d'histoire qui nous a été servie, servie comme commentaire, là, sur la volonté de moderniser. Il emploie beaucoup cette expression, le ministre, de moderniser les relations de travail dans le monde municipal. Alors, la leçon d'histoire nous permet d'apprendre que ce que préconise le gouvernement d'aujourd'hui est ce que préconisait celui de Maurice Duplessis en 1947. Et ce qu'il a implanté comme relations de travail dans le monde municipal, ça a été retiré par le progressiste gouvernement libéral de Jean Lesage en 1964. Alors, voilà pour la modernité. Mais je vais mettre le nez dans mes cahiers d'histoire, là, pour en apprendre un peu plus sur ce sujet-là.

Je veux aussi dire que j'ai bien entendu l'opinion du groupe qui vient d'exposer son mémoire et ses remarques sur l'aberration que constitue, selon ce groupe, le fait de confier au ministre des Affaires municipales les relations de travail dans ce domaine plutôt qu'à la ministre du Travail, qui brille par son absence et qui pourtant est la gardienne du Code du travail, n'est-ce pas?

Le Président (M. Auger) : ...M. le député, de faire attention de ne pas souligner la présence ou la non-présence, là, d'une ministre ou d'un député. Donc, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Rochon : Bon, c'était de notoriété, par ailleurs, M. le Président, mais je prends note, là.

Mon collègue de la deuxième opposition, suite au mémoire déposé ici par des opposants au projet de loi — et Dieu sait que nous en avons entendu plusieurs aujourd'hui — leur demandait : Bon, c'est bien, vous êtes contre, mais qu'est-ce que vous avez à proposer pour moderniser — il reprenait avant la leçon d'histoire, lui aussi, le verbe du ministre, là — pour moderniser les relations de travail?

Alors, vous, dans votre document, vous proposez quelque chose, et je veux vous entendre sur cette proposition. Vous proposez au gouvernement «de prendre une pause et de considérer les recommandations du comité Thérien-Morency — dont on a entendu parler déjà — comme étant la plateforme qui [va permettre], à la satisfaction de tous, d'améliorer le processus de négociation dans le secteur municipal, au bénéfice des citoyens», écrivez-vous, là. «Ces recommandations, précisez-vous, sont le fruit des travaux effectués par les associations représentatives du monde municipal sous la supervision professionnelle et experte du ministère du Travail — ça sert à quelque chose, ce ministère, j'espère que ça continuera à servir à quelque chose. Elles sont le résultat d'un examen approfondi de la situation et d'une analyse de solutions pratiques, réalistes, prometteuses et qui sont mutuellement acceptables.»

Donc, voilà la voie que vous préconisez. Je souhaite vous entendre plus abondamment là-dessus.

M. Francoeur (Yves) : Pour avoir été présent... Oui, excusez.

Le Président (M. Auger) : ...la parole.

M. Francoeur (Yves) : Pour avoir été présent, effectivement, le constat qui a été fait, c'est qu'il n'y avait pas de décision déraisonnable — et je suis toujours ouvert à ce qu'on m'en présente une — il n'y avait pas de décision déraisonnable qui était rendue. Les problématiques étaient au niveau des délais, des situations qui traînaient et qui se salissaient, malheureusement.

Et donc il y a eu — que succinctement j'ai ici, là — des conclusions du rapport Thérien-Morency, qui regroupait des représentants des villes de Montréal, des villes de Québec... Il y en avait une ou deux autres, je ne veux pas induire personne en erreur, mais je me demande si Gatineau et Laval n'étaient pas là. Mais en tout cas il y avait Montréal, Québec, l'UMQ, il y avait des représentants du monde syndical, policier et pompier, et il y a eu un consensus. Le premier consensus, c'était de rendre obligatoire la médiation-arbitrage, ce qui fait en sorte que l'arbitre, s'il n'y a pas entente lors de la médiation-arbitrage, rend une décision arbitrale sur les matières qui n'ont pas fait l'objet d'entente; une sentence de 36 mois, puis, je le répète, qui faisait consensus chez les parties, parce qu'une mauvaise décision, pour une ville ou pour un syndicat, cinq ans, c'est long, c'est beaucoup trop long; un début de négociation six mois avant l'échéance de la convention collective et une médiation-arbitrage délimitée dans le temps de trois mois, incluant le délibéré de l'arbitre, ça fait que, si on tient compte de la période des fêtes, là, dépendamment s'il y a une... en tout cas, c'est quelque chose qui se réglait en neuf, 10, 11 mois, là, maximalement. Et, je le répète, il y avait un consensus des villes, Québec, Montréal, l'Union des municipalités du Québec, les grands syndicats policiers puis les grands syndicats pompiers.

Et, je le répète encore, moi, je suis à la recherche d'une décision arbitrale qui pourrait être jugée déraisonnable. Je n'en connais pas et je suis présent dans le monde du travail depuis près de 20 ans.

Donc, on revient à la prémisse de départ : Il est où, le problème? La capacité de payer, on l'a dit, ça a été abordé dans notre arbitrage, c'est déjà un critère du code. Il y a eu huit jours de preuve sur la capacité de payer de la municipalité en question.

M. Rochon : Vous vous demandez, toujours dans le mémoire, là, que nous avons sous les yeux et sur lequel nous vous interrogeons, comment expliquer, au-delà de considérations — et là je vous cite, là — de petite politique, que le présent gouvernement se soit engagé dans la voie qu'il préconise aujourd'hui avec le dépôt du projet de loi n° 110, et vous constatez qu'il l'a fait sans étude. Ça, vous n'êtes pas les premiers à nous dire ça. Il n'y a pas d'étude sur laquelle le gouvernement se base pour nous arriver avec ce projet de loi, qui modifie sérieusement, sérieusement le Code du travail, qui joue dans le droit à la négociation, un droit fort important, là. Il lui faut agir avec sérieux, et il n'est pas clair qu'il agisse actuellement, le gouvernement, avec sérieux.

Vous serez donc du même avis que moi, je présume, qu'il serait fort pertinent que le gouvernement retourne faire mieux ses devoirs et étaie un argumentaire qui nous fasse mieux comprendre la voie dans laquelle il souhaite engager tout le Québec.

Le Président (M. Auger) : Il reste une minute à l'échange. M. Francoeur.

M. Francoeur (Yves) : Oui, effectivement. C'est un long débat, on pourrait en parler longtemps, mais je remonte aussi loin que des maires de Montréal qui ont gelé les taxes pendant six ans, ils n'ont pas investi dans les infrastructures, et qui se retrouvent que, 10, 15 puis 20 ans après, ça ne fonctionne plus. C'est un grand débat.

On est conscients de la capacité de payer, on vous l'a expliqué, on est prêts à des méthodes ou des façons de faire novatives pour améliorer la situation, mais le projet de loi n'arrangera en rien la situation. Au contraire, ça va faire des employés, des policiers démotivés, désengagés, une productivité à la baisse, il ne faut pas se le cacher.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes. M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Je vais les laisser à mon collègue.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup. Donc, nous allons poursuivre avec M. le député de Blainville pour six minutes.

• (16 h 10) •

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Francoeur, M. Potvin, Me Nadeau. Merci d'être présents.

D'abord, d'entrée de jeu, je vous dirai que j'ai beaucoup de respect pour vos membres, surtout que dans le cadre du projet de loi n° 3 et de la loi n° 15, vous avez raison, vous avez été injustement traités. Ça, c'est des choses qui arrivent. Votre régime était capitalisé, donc n'avait pas besoin d'un projet de loi pour le remettre à flot, il l'était déjà, à flot. Ça, là-dessus...

Mais par contre, là, on est dans les relations de travail, et là, dans les relations de travail, c'est dur depuis... Parce qu'effectivement vous avez un bon discours parce que c'est vrai qu'il n'y a pas eu d'arbitrage, souvent, puis il y a eu beaucoup de signatures de convention collective, mais je vous dirais que c'est toujours par rapport aux lois qui existaient et le système d'arbitrage qui existait. Donc, il y a plusieurs élus qui ont signé puis qui, même s'ils étaient souriants quand ils ont signé l'entente, et tout ça, avaient comme leurs conseillers qui leur disaient : D'une manière ou d'une autre, c'est mieux ça que d'aller en arbitrage ou quoi que ce soit. Alors, c'est ça, la réalité, c'est qu'on vit avec un système qui vous a été favorable. Puis ça, là-dessus, je pense que c'est ça, la réalité. Vous pourrez... Mais la réalité, là, je vous dirais, macropolitique, vue de l'extérieur par les citoyens du Québec, puis les statistiques le donnent, les employés municipaux n'ont pas été perdants au cours des 25, 30 dernières années. Disons que vous avez été avantagés par le système qu'il y a là.

C'est normal que les élus municipaux demandent à ce que... un certain rééquilibre, et tout en conservant la liberté de négociation, et tout ça, parce que les critères... Tu sais, ce n'est pas banal quand le maire de Montréal nous dit : L'équité externe, je n'en veux plus. Ça veut dire qu'elle lui a coûté cher à lui, comme maire, puis aux autres maires qu'il y avait avant. Je veux dire, on peut dire que c'est un critère qui est rendu international ou quoi que ce soit, mais, en tant que gouvernement, on peut décider qu'il y a des critères qui sont obligatoires puis qu'il y aura d'autres critères qui seront facultatifs pour la... tu sais. Donc, à quelque part, c'est à nous, en tant qu'élus, à essayer de voir comment on peut essayer d'ajuster.

Puis je pense qu'on est rendus là. On est rendus... Puis je le répète, là, je l'ai dit ce matin, là, quand le maire de Montréal nous dit : Ma crainte, c'est que, mes prochaines négociations, je perde tous les avantages que j'ai eus avec le projet de loi n° 3, que vous ne méritiez pas, en passant, là, tu sais, c'est pour ça que j'ai un problème majeur, mais il reste quand même que ce serait difficile de... Tu sais, il y a quand même du travail qui a été fait pendant deux ans. Il y a des parties du projet de loi n° 3 pour lesquelles je n'étais pas d'accord, mais il y en a pour lesquelles j'étais d'accord. Donc, il fallait qu'il y ait un renflouement des fonds de pension. Puis inévitablement, quelque part, il ne faut pas que les villes, avec une prochaine négociation, avec les conditions de travail qu'on a présentement, bien, qu'elles soient obligées de payer tout ce qu'elles ont eu comme récupération au cours des deux dernières années.

Vous ne trouvez pas qu'on est rendus au moment où... Puis c'est vrai que, dans l'histoire, il y a eu des gouvernements... vous avez raison, là, il y a des gouvernements qui ont pris des décisions, il y a d'autres gouvernements qui les ont renversées, il y a eu le gouvernement Lévesque, en 1982‑1983, qui a imposé même la loi matraque pour être capable de faire rentrer ses propres employés. C'est que, dans l'histoire d'une société, il y a des temps où on est dus pour faire une modification, puis je pense que... Je l'ai donné tantôt, là. Quand on voit la ville de Rosemère qui, parce qu'elle n'est pas capable de trouver des façons de négocier avec ses employés, elle abolit son service de pompiers pour s'en aller avec Blainville, bien, on est rendus au temps où il faut prendre en considération la capacité de payer. Vous ne trouvez pas qu'on est rendus là?

M. Francoeur (Yves) : J'ai combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Auger) : Deux minutes, M. Francoeur.

M. Laframboise : Je vous les donne, en plus, je vous les donne.

M. Francoeur (Yves) : Deux minutes? Je vais essayer de faire ça vite.

Première des choses, si je me rapporte aux 20 dernières années, là, pour les policiers de Montréal, je peux me tromper, à peu de chose près, là, mais les augmentations salariales ont varié entre 1,5 % et 2,5 % par année, avec au moins une année de gel. Est-ce que c'est déraisonnable? Je ne le crois pas. Si on demande aux élus municipaux : Est-ce que ça coûte trop cher?, peu importe ce qu'on rajoute après, la cueillette des ordures, la voirie, les polices, les pompiers, la réponse va toujours être oui, ça, ce n'est pas compliqué, là, en partant.

L'équité externe, on peut s'en parler, mais, moi, jamais je ne vais accepter, nonobstant le respect que j'ai pour le travail effectué par les cols bleus puis le travail effectué par les cols blancs, que des policiers qui comme chez nous sont tireurs d'élite, démineurs d'explosifs, peuvent intervenir en matière d'antiterrorisme, enquêtes crime organisé, enquêtes motards, enquêtes gangs de rue, enquêtes terrorisme... Puis nous, on va se comparer, à l'interne, avec des blancs et des bleus? Si c'est ça que vous voulez, vous êtes complètement à l'inverse de la tendance nord-américaine, où partout c'est reconnu que les policiers, les pompiers, les intervenants d'urgence font un travail particulier.

Ça fait que c'est pour ça que l'équité externe, là... Le maire a beau ne pas aimer ça, là, mais le maire, quand il compare son salaire, il ne compare pas son salaire avec le maire de Rosemère, mais je suis certain qu'il le compare avec celui de Toronto puis celui de Vancouver.

Le Président (M. Auger) : 30 secondes, M. le député.

M. Laframboise : ...quand on écoute M. Desrochers, qui nous dit : Moi, dans l'équité externe, mon problème... Probablement, même, pour lui, ce n'est pas le salaire, parce qu'il faut qu'il soit capable, s'il veut garder son personnel, puis la rétention... C'est tout ce qui peut se donner que je n'avais pas vu venir puis qui s'est donné dans une ville parce qu'à quelque part on a donné quelque chose, qu'on est obligé de rajouter, parce que ça arrive dans une négociation, tout simplement, là. C'est ça que M. Desrochers nous disait ce matin.

Le Président (M. Auger) : 15 secondes.

M. Roy (Laurent) : ...en rémunération globale. Rappelez-vous, lors de la loi n° 15, les travaux de la commission parlementaire, on vous l'a expliqué : le régime de retraite, il est négocié en rémunération globale. Le salaire des policiers de Montréal est moins élevé que partout ailleurs au Québec parce que notre régime coûte plus cher. Alors, on peut...

Le Président (M. Auger) : Merci, maître. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions. Donc, MM. Francoeur, Gendron, Potvin et Me Roy, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Auger) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux en souhaitant la bienvenue aux représentants de l'Union des municipalités du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite nous allons procéder à une période d'échange avec les trois groupes parlementaires. Dans un premier temps, bien vouloir vous présenter, et par la suite vous pouvez commencer.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Sévigny (Bernard) : Merci, M. le Président. M. le ministre, chers membres de l'Assemblée nationale. Alors, d'abord, au nom de l'UMQ, je vous remercie, je veux remercier les membres de la commission de bien vouloir nous entendre aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de vous présenter les gens qui m'accompagnent : Mme Caroline St-Hilaire, qui est mairesse de Longueuil et présidente du Caucus des grandes villes de l'UMQ; Alexandre Cusson, maire de Drummondville et premier vice-président du l'union. Je suis également accompagné de Jasmin Savard, qui est directeur général de l'UMQ, et de M. Yves Létourneau, conseiller aux politiques à l'UMQ.

Alors, brièvement, avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais simplement vous rappeler que l'UMQ représente, depuis près d'un siècle, des municipalités de toutes tailles dans toutes les régions du Québec. En fait, ses membres représentent 80 % de la population et 80 % du territoire du Québec.

• (16 h 20) •

L'UMQ dénonce depuis des années le déséquilibre du rapport de force dans les relations de travail municipales et réclame des outils pour rééquilibrer ce rapport et permettre aux municipalités de gérer les services publics selon la capacité de payer des citoyens. D'ailleurs, dans son livre blanc municipal, l'UMQ recommandait au gouvernement du Québec une révision de l'encadrement législatif des relations de travail dans un souci justement d'un meilleur contrôle des dépenses municipales et de limiter la croissance des coûts.

D'ailleurs, il y a une étude qui a été réalisée par Raymond Chabot Grant Thornton pour l'UMQ, en 2015, qui démontre que la part des budgets municipaux consacrée à la rémunération des employés est en croissance continue. Et je vais vous faire grâce du 40 % de l'Institut de la statistique du Québec, statistique que vous connaissez parfaitement bien, et qui représente un écart moyen de 20 000 $ par année chez les employés municipaux par rapport aux employés de la fonction publique québécoise. À ce faible rapport de force des municipalités dans la négociation des conventions collectives s'ajoute un mode d'arbitrage pour les policiers et pompiers qui entraîne une spirale vers le haut des conditions de travail.

Bref, il faut se rendre à l'évidence, le cadre des relations de travail actuel, dans les municipalités, a généré les résultats que nous connaissons, donc les statistiques que nous connaissons, et n'est pas adapté aux réalités municipales du XXIe siècle. Il faut rétablir, donc, un équilibre, sans rien enlever à personne et dans le plus grand respect des employés municipaux. Il faut rétablir un équilibre dans lequel les citoyens, payeurs de taxes, feront partie de l'adéquation. Il faut rétablir un équilibre dans lequel les municipalités sont reconnues pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des gouvernements de proximité qui gèrent des services publics.

Or, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui va dans ce sens, et je tiens ici à saluer le travail du ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire à cet égard. Le projet de loi n° 110 marque un changement majeur dans le processus de négociation collective des municipalités, que nous saluons d'ailleurs.

D'abord, soulignons l'importance du paragraphe 1°, article 1 du projet de loi, qui reconnaît que les municipalités constituent des institutions démocratiques redevables auprès de leurs contribuables et qu'à ce titre elles ont la responsabilité de dispenser des services de qualité aux résidents de leur territoire. Et cette disposition est majeure, car elle met en évidence l'intérêt public et la légitimité démocratique qui fondent l'action des municipalités. Et pour la première fois une loi en matière de relations de travail reconnaît le caractère spécifique des municipalités, ce principe directeur est la base même de la nouvelle approche proposée par ce projet de loi. Et nous souhaitons un régime de négociation distinct qui reconnaisse que les municipalités sont des institutions démocratiques redevables auprès de leurs contribuables, et ça, c'est fondamental, c'est capital.

Alors, avant de céder la parole à mes collègues pour vous présenter nos principales recommandations, je veux réaffirmer haut et fort que l'UMQ a toujours préconisé et privilégié la négociation avec la partie syndicale, et cela ne changera pas après l'adoption de ce projet de loi. L'objectif demeure de favoriser une négociation de bonne foi.

Le mémoire de l'UMQ regroupe 14 recommandations, et j'invite mon collègue vice-président de l'UMQ de vous présenter quelques-unes d'entre elles. M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : Merci, M. Sévigny. Alors, M. le ministre, M. le président de la commission, membres de la commission.

Alors, pour compléter la mise en contexte qui a été faite par notre président, j'ajouterais que la rémunération globale plus élevée dans le secteur municipal a un impact qui est significatif sur le coût des services. Par ailleurs, les pressions financières exercées sur les municipalités se sont accrues considérablement par des demandes de plus en plus nombreuses des citoyens, qui réclament davantage de services pour répondre à leurs besoins évolutifs. De plus, il ne faut pas les oublier aussi, il y a les nouvelles obligations auxquelles doivent répondre les municipalités, notamment en matière d'environnement, en matière de transport, de développement économique. Tout ça ajoute aux pressions financières. Ces pressions, conjuguées avec la capacité de payer des citoyens, commandent des changements du cadre des relations de travail dans les municipalités.

Permettez-moi donc d'attirer votre attention sur quelques-unes de nos recommandations concernant les employés municipaux autres que les policiers et pompiers.

Alors, d'abord, je vous réfère à l'article 41 du projet de loi, qui prévoit que, et je cite, «si des circonstances exceptionnelles le justifient», l'une ou l'autre des parties peut, après le dépôt du rapport du médiateur, demander par écrit, avec justification à l'appui, la nomination d'un mandataire spécial qui aura comme mission de favoriser le règlement du différend. L'Union des municipalités du Québec considère que le conseil municipal doit également pouvoir intervenir auprès du ministre lorsqu'il y a refus de négocier de bonne foi ou dans le cadre d'une négociation qui perdure. Dans ce contexte, on propose donc de clarifier l'article 41 pour préciser concrètement les cas où il peut y avoir intervention auprès du ministre.

De plus, le conseil municipal doit avoir la possibilité de préciser au ministre ses orientations. Alors, on suggère donc qu'après la médiation le conseil municipal puisse, et par résolution, soumettre ses positions au ministre, de même que ses recommandations.

Par ailleurs, après une médiation infructueuse tenue conformément aux dispositions de la section II, le projet de loi prévoit que les parties peuvent demander conjointement que leur différend soit soumis à un arbitre unique. Ici, j'aimerais souligner que cette option, qui est déjà prévue au Code du travail, n'est jamais utilisée par les municipalités. Sauf dans le cas des policiers, pompiers, et pour des raisons évidentes, les municipalités ne souhaitent pas confier à un tiers non élu la responsabilité de décider des conditions de travail et, par conséquent, des dépenses municipales. Dans ce contexte, l'UMQ ne voit pas la pertinence d'inclure cette option dans le présent projet de loi.

Alors, voici l'essentiel de nos recommandations concernant les salariés autres que les policiers et pompiers. Je cède maintenant la parole à ma collègue présidente du Caucus des grandes villes pour compléter.

Mme St-Hilaire (Caroline) : Merci, Alexandre. Alors, à mon tour de saluer le ministre, le président de la commission, messieurs, puisque ça semble être essentiellement masculin ici.

Alors, oui, à titre de présidente du Caucus des grandes villes, je veux aussi saluer le travail du ministre des Affaires municipales pour livrer les engagements de l'accord de partenariat avec le monde municipal.

Depuis sept ans maintenant que je suis mairesse de Longueuil, et comme mes collègues je constate que les municipalités ont bien peu de marge de manoeuvre en ce qui a trait à la gestion de leurs ressources humaines. Pourtant, le conseil municipal est la meilleure instance pour apprécier la capacité de payer des citoyens lorsque vient le temps de décider des conditions de travail de ses employés.

Nous avons salué le courage du gouvernement de revoir le dossier des régimes de retraite. Maintenant, avec la permettrait aux villes de mieux gérer la prestation des services publics aux citoyens et à meilleur coût.

Il faut se rappeler que les conventions collectives actuelles sont le fruit de dizaines d'années de compromis par les villes, durant lesquelles elles ont privilégié la paix sociale et évité de longs et surtout de coûteux conflits de travail. En gros, on a plié pour la bonne entente. C'est sans doute pourquoi on dit, du côté syndical, que 94 %, 96 % des négociations se règlent sans arrêt de travail. Ces compromis, qui sont devenus des privilèges ou même parfois des aberrations, doivent être remis en question aujourd'hui dans le respect de la capacité de nos citoyens, à qui nous sommes redevables.

Une autre aberration est le régime d'arbitrage des différends des policiers et des pompiers, qui nous a fait perdre tout contrôle. Il en a résulté une spirale — je vois qu'il me reste une minute, alors j'accélère.

Les municipalités sont ainsi tributaires des décisions et des choix des autres municipalités, qui souvent ont un contexte économique et un cadre financier fort différents. C'est pourquoi l'UMQ a toujours revendiqué la mise sur pied d'un tribunal permanent et spécialisé qui déciderait d'une sentence arbitrale tenant lieu de convention collective selon des critères tenant compte de la réalité de chaque municipalité.

Alors, l'UMQ appuie l'ajout de critères tels que la situation financière et fiscale de la municipalité. Néanmoins, nous proposons de retirer du projet de loi la référence au critère lié à l'équité externe.

De plus, il sera difficile pour les membres du conseil et pour les parties en cause de considérer huit critères différents ayant tous le même poids. L'UMQ recommande donc de modifier le projet de loi afin de prévoir des critères obligatoires et des critères optionnels.

Je vous remercie de votre attention et je cède la parole au président de l'UMQ.

M. Sévigny (Bernard) : Alors, M. le Président...

Le Président (M. Auger) : C'est tout le temps, pardon, que nous avions. M. le ministre, on peut permettre... Allez-y, M. Sévigny.

M. Sévigny (Bernard) : En deux mots, M. le ministre, simplement rappeler les trois enjeux prioritaires : l'autonomie — nous y tenons — la reconnaissance des municipalités comme gouvernements de proximité et l'indépendance des arbitres et des critères d'arbitrage. Merci beaucoup.

Le Président (M. Auger) : Merci beaucoup pour votre présentation. M. le ministre, vous avez 15 minutes.

• (16 h 30) •

M. Coiteux : Oui. Alors, d'abord et avant tout, bien, merci beaucoup, M. Sévigny, M. Cusson, Mme St-Hilaire, ceux qui ne se sont pas exprimés mais qui auront peut-être l'occasion de s'exprimer, mais vous avez certainement participé aux travaux, là, donc merci beaucoup d'être ici présents pour présenter ce mémoire.

Alors, on a un peu moins d'une quinzaine de minutes, maintenant, pour échanger. Regardez, il y a eu... vous êtes les huitièmes aujourd'hui à venir présenter un mémoire, à faire une présentation, et on a souvent entendu, du côté des syndicats qui représentent les intérêts des cols bleus, des cols blancs ou bien des associations qui représentent les policiers et les pompiers, le fait que, pour eux, en fait, vous avez toujours manifesté, dans le passé, votre grande satisfaction par rapport au régime actuel. La preuve en est qu'il y aurait eu peu de conflits de travail, beaucoup d'ententes négociées, peu de renvois en arbitrage. Et donc pourquoi réparer quelque chose qui fonctionne bien et à la satisfaction de tous?

Votre présentation laisse entendre que ce n'est pas le cas, que ce n'est pas à la satisfaction de tous, que vous n'avez pas toujours signé avec grande conviction, disons. Et vous dites que les mécanismes actuels vous ont amenés des fois, au nom de la paix sociale, à signer des choses que vous auriez préféré ne pas signer, parce que vous pensiez que ce n'était pas une bonne solution.

Je pense que c'est important de prendre l'opportunité, maintenant, pour expliquer comment ça a été vécu très concrètement, au cours des dernières années, je dirais, au cours des dernières décennies mais y compris dans l'époque la plus récente, comment tout ça a été vécu et pourquoi vous pensez que les mécanismes actuels sont inadéquats.

M. Sévigny (Bernard) : Bien, en fait, M. le ministre, il y a deux mécanismes distincts, le premier, parce qu'on parle, dans un premier temps, des policiers et des pompiers, où l'équité externe fait partie des critères prioritaires des arbitres, donc qui fixent à partir d'un échantillon, enfin, d'une appréciation externe, pour fixer les critères, et ces critères-là, en tout cas, les conditions qui sont accordées par un tiers, deviennent des critères d'équité interne pour les autres employés, d'où l'effet, l'effet spirale, que les employés, que ce soient les cols blancs, les cols bleus, à des tables de négociation, réclament les mêmes conditions qui sont accordées par ceux et celles qui ont bénéficié de l'arbitrage. Ça, c'est un élément.

Le deuxième élément, on parle de paix sociale. Et ça, évidemment, c'est réel. Encore une fois, les municipalités ne gèrent pas des meubles ou des vélos, on gère des services publics, et, quand il y a arrêt de ces services publics là, un conflit de travail, par exemple, que j'ai personnellement vécu il y a cinq ans à Sherbrooke, bien, évidemment, ça pose des questions, ça pose toutes sortes de difficultés, notamment... Et d'ailleurs on a un petit couplet à la fin de notre mémoire sur les services essentiels, où la liste des services essentiels est proposée par la partie syndicale, et ça fait en sorte... Dans notre cas très précis, parce que vous voulez des exemples, ça fait en sorte qu'il y a 15 % des employés cols bleus qui étaient véritablement en grève, donc ne travaillaient pas, alors que 85 % travaillaient pour les services essentiels, et ce 15 % là, ce sont les services, évidemment, dits non essentiels : loisirs, arénas, parcs, etc. Et, après quelques semaines, vous comprendrez que la population se manifeste, et on a eu à gérer, par exemple, des conflits où des parents sortaient les tondeuses pour aller tondre les terrains de soccer parce que les enfants étaient privés de sport. Et évidemment cette pression-là fait en sorte qu'on a finalement consenti ce que le syndicat demandait pour retrouver cette paix sociale là.

Donc, ce sont des exemples réels, qui fait en sorte que, quand on parle de spirale... Puis évidemment les villes négocient de façon individuelle avec leurs syndicats, et le syndicat, évidemment, aussi font de l'étalonnage sur les meilleures conditions à gauche et à droite, donc un bouquet de demandes qui sont fondées sur les meilleures pratiques, et qui fait en sorte, là... ce qui nous place dans une situation difficile, parce qu'encore une fois nous gérons des services publics.

M. Coiteux : Une autre question sur laquelle j'aimerais vous entendre, puis j'ai eu, encore une fois, cet échange-là avec plusieurs aujourd'hui, j'amenais les gens... je leur posais la question : Est-ce que vous reconnaissez que, les municipalités, on ne peut pas traiter ça comme une entreprise, que c'est un gouvernement, vous, vous définissez ça comme un gouvernement de proximité, mais une entité où il y a un processus démocratique, qui élit des représentants qui sont redevables devant leurs citoyens, qui doivent gérer des services publics dans l'intérêt de tous, qui ont un pouvoir de taxation? Vous allez me dire qu'ils sont limités par les lois, ça, c'est bien entendu, ça, c'est une autre histoire, mais vous avez un pouvoir de taxation. Si vous décidez d'augmenter l'impôt foncier, vos citoyens n'ont pas le choix, n'est-ce pas? Ils n'ont pas l'option de dire : Bien non, moi, je ne paie pas plus que 1 % de plus. Vous le savez, tout ça. Donc, j'essayais d'amener les gens à se prononcer là-dessus : Est-ce que c'est un gouvernement? Et donc, s'il s'agit d'un gouvernement, même de proximité, est-ce que ça ne justifie pas un régime de négociation qui soit distinct, qui tienne compte de ça? J'ai entendu des gens qui, sans remettre ça en question, disaient : Oui, mais peut-être que ça ne veut pas dire nécessairement qu'il faut un régime de négociation distinct, mais j'en ai entendu d'autres qui ont nié ce caractère de gouvernement de proximité. Alors, qu'est-ce que vous avez à dire là-dessus à ceux qui en douteraient ou qui auraient un point de vue différent du vôtre?

M. Sévigny (Bernard) : D'abord, on apprécie que, dans le projet de loi, on reconnaisse, je dirais, quasiment enfin les municipalités, dans le cadre de relations de travail, comme étant des gouvernements de proximité, un véritable palier de gouvernement local. Et à ce titre, compte tenu de la nature des activités municipales, qu'on soit considérés... qu'on ait un cadre, un cadre spécifique qui relève du ministre des Affaires municipales, pour nous, ça va de soi, c'est dans l'ordre des choses, parce qu'encore une fois nous gérons... Vous l'avez dit : Lorsqu'on taxe des citoyens, c'est direct, et, je vous dirais, là, le feed-back est assez rapide.

Donc, on a... je ne dirais pas tous les pouvoirs, mais les pouvoirs de taxation, etc., et le seul que nous n'avons pas, c'est celui de pouvoir contrôler notre principal poste de dépenses, qui est celui de la masse salariale. Donc, dans ce contexte-là, la reconnaissance du gouvernement local comme étant une instance spécifique en matière de droit du travail, donc, qui relèverait du ministère, en ce qui nous concerne, là, c'est ce qu'il faut faire, et c'est ce que nous souhaitons également.

M. Coiteux : Vous êtes en contact avec d'autres associations municipales à travers le Canada, et tout à l'heure on a eu des échanges à savoir si on était tellement différents, pourquoi nous, on ferait les choses différemment du reste du pays. Est-ce que vous sentez le même genre de pression puis le même genre de préoccupations du côté des municipalités dans le reste du pays?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, on l'a senti. Vous savez, on a tenu un sommet il y a quelques mois ici, à Québec, qui regroupait les associations municipales des autres provinces canadiennes, et, je vous dirais, peut-être pas de façon spécifique sur le cadre des relations de travail, mais je vous dirais que, lorsqu'on a parlé du projet de loi n° 110 qui avait été déposé en juin puis... évidemment, ça fait l'envie, honnêtement, d'un certain nombre d'associations municipales provinciales.

Par ailleurs, sur le plan de la taxation, évidemment, il y a des différences, et c'était l'occasion d'échanger sur les pratiques dans les différentes provinces canadiennes, les pratiques, évidemment, des ministères desquels relèvent... le ministère des Affaires municipales dans les autres provinces, et effectivement, en matière de relations de travail, on n'est pas les seuls. Je ne pourrais pas spécifiquement, là, vous parler d'un cas en particulier, mais on a constaté qu'on n'était pas les seuls qui avions un problème de rapport de force avec les parties syndicales, dans les municipalités canadiennes.

M. Coiteux : D'autre chose, encore une fois, parce que je veux entendre tout le monde sur ces sujets-là, donc, pour vraiment qu'on puisse, comme parlementaires, avoir accès aux deux versions... ou aux trois ou quatre versions, selon le cas, là, on nous a dit aussi qu'à défaut de modifier comme propose de le faire le projet de loi n° 110 il y a d'autres avenues pour améliorer le système actuel. Alors, on nous a dit que des travaux avaient été faits entre les associations de policiers et de pompiers et les villes du Québec pour améliorer le processus actuel d'arbitrage dans le sens d'en accélérer la cadence, de faire en sorte que les délais sont moins longs. Est-ce que vous avez participé à ces travaux? Qu'est-ce que vous concluez de votre participation à ces travaux? Et est-ce que vous pensez que ce serait une voie... que ça suffirait, dans le fond, pour améliorer et moderniser notre cadre actuel?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, l'union a participé, effectivement, aux travaux de ce comité, et l'objet, l'objet du comité était les délais, spécifiquement et exclusivement. Donc, les travaux n'ont pas porté sur les mécanismes, sur le fond, sur l'appréciation que peuvent faire les arbitres à partir d'un certain nombre de critères, notamment d'équité externe, ça s'est vraiment limité... Et, oui, ça a donné des résultats dans la mesure où on s'est entendus sur la durée, donc, sur les délais, qui nous semblaient disproportionnés. Donc, ça a permis effectivement...

Et ça ne veut pas dire... Encore une fois, puis j'aimerais faire le parallèle, si vous me permettez, M. le ministre, on veut continuer à parler à nos employés, on veut continuer à parler aux représentants syndicaux. Ce qu'on veut, c'est de s'entendre de bonne foi. Ça, c'est la prémisse de base. Et c'est vrai pour les délais en arbitrage dans le cadre d'un comité et c'est vrai pour chacune des villes, chacun des conseils municipaux à l'égard de leurs employés municipaux, et ça, je pense, il ne faut pas le perdre de vue. Oui, quand il y a des difficultés, ça nous prend des outils spécifiques, mais à la base nous voulons régler, nous voulons des conventions de bonne foi, là.

M. Coiteux : Rappelez-moi juste la date où a été publié le livre blanc.

M. Sévigny (Bernard) : 2011.

M. Coiteux : C'est en 2011 que le livre blanc a été produit. Puis, dans le livre blanc, la demande de moderniser le cadre de négociation des relations de travail avait été faite. Donc, c'était déjà, en 2011, un constat que vous faisiez, qu'il y avait un enjeu sérieux, là.

M. Sévigny (Bernard) : Tout à fait. Et, si on l'a écrit en 2011, dans le cadre du livre blanc, bien, c'est parce qu'on en a discuté bon nombre d'années précédemment. Donc, ça fait plusieurs années qu'on s'interroge et qu'on réclame du gouvernement du Québec un régime spécifique pour le monde municipal en matière de relations de travail.

• (16 h 40) •

M. Coiteux : C'est une demande qui est venue bien avant à la fois le projet de loi qui a revu les régimes de retraite, le partage du coût des régimes de retraite au Québec, et c'est une demande qui est venue, bien entendu, bien avant le pacte fiscal.

M. Sévigny (Bernard) : Tout à fait.

M. Coiteux : Tout à fait exact, hein? Tout comme la demande de reconnaître les gouvernements de proximité est venue avant qu'on reconnaisse, nous, comme gouvernement du Québec, qu'on devait aller dans ce sens-là, dans une modernisation de l'ensemble des relations entre le gouvernement du Québec et les municipalités.

Je dis ça, puis c'est simplement pour que tout le monde enregistre bien, parce que certains, des fois, font un lien entre les difficultés budgétaires récentes du gouvernement et puis le projet de loi qu'on est en train de regarder ensemble, alors que ce débat-là, il a commencé bien avant. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus? Bien.

Je pense que le député de Vimont aurait peut-être quelques questions.

M. Rousselle : Oui. Bien, écoutez...

Le Président (M. Auger) : M. le député de Vimont.

M. Rousselle : Merci, M. le Président. MM. les maires, Mme la mairesse.

Écoutez, je regardais juste, dans vos recommandations... Tantôt, on a parlé de durée qui lie les parties, j'ai écouté tantôt les représentants syndicaux qui parlaient justement que trois ans, ce serait comme le maximum, que ça devrait rester comme au niveau du Travail. Vous, vous amenez toujours... vous suggérez d'au moins cinq ans. Voulez-vous élaborer là-dessus, là, pourquoi le cinq ans au lieu d'un trois ans?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, trois ans, bien, c'est un peu court dans la mesure où souvent on commence à négocier avant, mais parfois on signe des conventions collectives qui sont déjà à échéance depuis deux ans et on s'entend pour trois ans, on recommence à négocier l'année prochaine. Aujourd'hui, il y a des conventions de sept ans qui se signent. Donc, cinq ans nous semble un moment... À partir du moment où il y a une décision, évidemment, du ministre, cinq ans, ça nous donne le temps de faire autre chose que de négocier, pendant quelques années, avant de se rasseoir et de négocier les conditions de travail et salariales.

Le Président (M. Auger) : Deux minutes. M. le député.

M. Rousselle : Actuellement, dans les municipalités que... puisque vous couvrez bon nombre de municipalités au Québec, les négociations, en moyenne, au niveau de la durée de la convention, c'est...

M. Sévigny (Bernard) : C'est environ trois ans, qu'on me dit, oui.

M. Létourneau (Yves) : Oui. Mais, lorsqu'il y a des sentences arbitrales, parfois, bien, le délai court... On cite souvent l'exemple de Gatineau, par exemple, en 2011, où la décision arbitrale a été rendue, et ça couvrait la période 2007 à 2009, donc, quand la décision a été rendue, il y avait déjà deux ans de couvert. Même, sur une période de trois ans, elle était déjà terminée. Ça fait que trois ans est la durée de la convention collective, mais avec des délais, qui est une des raisons pour lesquelles on s'est rencontrés en comité, ce qui faisait que la décision de trois ans était déjà passée en partie.

Le Président (M. Auger) : Dernière minute, M. le député.

M. Rousselle : Juste... Vous voulez avoir quelque chose de spécifié au paragraphe 4° de l'article 1 concernant l'organisation du travail, vous dites que vous voulez avoir en plus, là... que ce soit bien spécifié que l'organisation du travail est la responsabilité de l'employeur. Ce n'est pas le cas actuellement ou vous voulez l'avoir vraiment spécifié, là? Je voulais juste comprendre.

M. Sévigny (Bernard) : Oui, on le réitère, en fait. Effectivement, l'organisation du travail relève de l'employeur, mais évidemment, dans les processus de convention collective, on le fait souvent... on discute avec nos employés, là, il ne faut juste pas penser qu'on veut exercer de façon unilatérale, voici les conditions de travail, ça se discute avec les instances syndicales. Mais ultimement, effectivement, l'organisation du travail appartient à l'employeur. La responsabilité, en tout cas.

Le Président (M. Auger) : Ça va? Merci. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle pour neuf minutes. M. le député de René-Lévesque.

M. Ouellet : Merci beaucoup, M. le Président. Encore une fois, bienvenue à vous tous.

On va aller dans le vif du sujet tout de suite en commençant. On a entendu les représentants de la ville de Québec, ce matin, de Montréal, on vous écoute aujourd'hui, l'UMQ, et j'ai l'impression que c'est un peu un copier-coller, que vous êtes tous à peu près alignés sur les mêmes recommandations ou du moins la même satisfaction. M. le ministre, au courant de la journée, nous a dit à plusieurs reprises avoir discuté avec des municipalités, et tout le monde semblait heureux de la réponse du gouvernement, donc le p.l. n° 110. J'aimerais savoir : Est-ce que, du côté de l'UMQ, c'est effectivement le cas, tous vos membres sont heureux du dépôt du projet de loi n° 110, après, effectivement, avoir subi une ponction de 300 millions par année? Est-ce que c'est unanime, là, tout le monde dit : M. Sévigny, on est d'accord, on est heureux, et c'est la meilleure chose qui est jamais arrivée?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, je vous dirais qu'il y a un très, très large consensus. Puis évidemment l'UMQ, là, ce n'est pas une secte, vous allez entendre des municipalités qui pensent un peu différemment, mais, je vous dirais, il y a un très large consensus. Oui, on est satisfaits parce que le projet de loi est un peu la contrepartie, justement, du pacte fiscal et de l'entente de partenariat. C'est-à-dire, oui, il y a un effort à faire, puis je pense qu'on a consenti à le faire. Maintenant, ça nous prend des outils pour contrôler nos dépenses. Ça faisait partie des engagements du gouvernement, et on nous livre ces engagements-là, la raison pour laquelle nous sommes satisfaits de façon extrêmement générale, à quelques exceptions près, là, mais, de façon générale, nous sommes tous satisfaits du dépôt du projet de loi.

M. Ouellet : Donc, si je comprends bien, puis vous venez bien de le dire, M. Sévigny, c'est la contrepartie du pacte fiscal, puisque tantôt M. le ministre nous disait : Écoute, les discussions ou les réflexions ont commencé en 2011 pour revoir un peu les façons de faire en matière de relations de travail municipales. Je crois comprendre qu'avec le pacte fiscal on a augmenté l'intensité ou l'urgence d'agir, c'est ce que je comprends.

Le Président (M. Auger) : Mme St-Hilaire.

Mme St-Hilaire (Caroline) : En fait, rappelez-vous les débats qu'on a eus, ils étaient assez houleux, sur le pacte fiscal, tout le monde faisait le rapport et faisait la conclusion que, oui, ça nous coûtait trop cher partout dans les municipalités. Alors, ce n'est pas nécessairement une contrepartie, c'est la suite logique. On a dit : Si vous voulez qu'on assume nos responsabilités comme un gouvernement de proximité que nous pensons être, donnez-nous les moyens pour justement s'occuper de nos ressources humaines, c'est tout. Ce n'est pas une contrepartie, c'est une suite logique.

M. Ouellet : Donc, vous êtes entièrement satisfaits ou plus que satisfaits dans le projet de loi, mais vous y allez quand même, l'UMQ, d'une proposition quand même assez audacieuse, qui métamorphose le projet de loi, à savoir votre recommandation n° 10, que «le conseil municipal peut soumettre, par résolution au ministre, les conditions de travail qui devraient être appliquées. Dans ce cas, le mandat du mandataire spécial est d'analyser le caractère raisonnable de la proposition municipale.» Donc, vous êtes d'accord avec nous que cette proposition-là va un petit peu plus loin que ce qu'il y a dans le projet de loi et qu'au final ça va arriver par un décret des conditions de travail par l'Assemblée nationale. C'est ça que vous cherchez dans la proposition... recommandation, pardon, n° 10? C'est bien ça?

M. Sévigny (Bernard) : Tout à fait, par résolution, pour la simple et bonne raison que, vous savez, on agit publiquement et que les contribuables, les citoyens de la ville concernée puissent prendre acte de la proposition qui est sur la table.

Maintenant, nous, on propose également... Le volet arbitrage, dans ce mécanisme-là, on propose de l'enlever et que le mandat du mandataire spécial porte sur l'appréciation, sur la raisonnabilité de la proposition municipale, et non de jouer un rôle d'arbitrage, en fait. Donc, à partir du moment où il y a une proposition de déposée, le mandataire spécial aura à faire ses recommandations au ministre mais sur le caractère raisonnable de la proposition municipale.

M. Ouellet : On a eu la précision aujourd'hui de M. le ministre qu'effectivement le mandataire n'était pas un arbitre. Alors, ma question va être la suivante, et j'aimerais vous entendre là-dessus : Si, d'un côté, vous permettez ou vous demandez que les municipalités puissent, par résolution, déposer au mandataire ses recommandations, en contrepartie les organisations syndicales pourraient, eux autres aussi, faire des représentations et déposer leurs recommandations?

M. Sévigny (Bernard) : Tout à fait. C'est ce que prévoit, d'ailleurs, le projet de loi, c'est-à-dire les deux parties peuvent le faire. Mais, dans la mesure où il y a une appréciation à partir de critères, les mêmes critères qu'on va retrouver au conseil du règlement de différends... Il y aura une appréciation de portée. Mais l'idée, c'est le mandat. Je pense que la clé, dans le questionnement, c'est le mandat. Est-ce que le mandat consiste à prendre une... les deux demandes, et de porter un jugement là-dessus, et non de s'engager dans un mécanisme d'arbitrage? Je pense, c'est une question de nuances. Et ces nuances-là sont importantes parce que nous, on veut qu'ultimement ce soit le ministre qui soit saisi de la proposition. Et, si nous, on peut s'en remettre au mandataire spécial, je ne vois pas pourquoi on empêcherait la partie syndicale de le faire. Je pense que c'est tout à fait raisonnable de le penser, là.

M. Ouellet : On va faire un cas de figure, exemple, parce que... pour bien comprendre la nature de votre proposition, là. Donc, la partie patronale, une municipalité décide de demander l'intervention du mandataire spécial, ce que la partie syndicale ne veut pas, mais un des deux le demande, donc il y a accès. Donc, la partie patronale remet ses recommandations. À ce moment-là, le côté syndical, sachant qu'il y a une demande, vont, eux autres aussi, remettre leur proposition. Au final, le mandataire va évaluer la raisonnabilité des deux propositions et va déposer au ministre pour décision. Donc, au final, selon les différentes propositions, ce sera le ministre qui va décréter si c'est la décision de la municipalité qu'il va tenir compte ou celle du syndicat. C'est bien ça?

• (16 h 50) •

M. Sévigny (Bernard) : Bien, honnêtement, je ne peux pas déterminer la façon dont le mandataire spécial va apprécier une proposition syndicale. Nous, ce qu'on dit, c'est que la proposition municipale doit être appréciée pour qu'est-ce qu'elle est en termes de raisonnabilité, et il appartiendra au ministre par la suite de porter cette proposition-là en projet de loi ou pas. Mais c'est l'exercice que nous, on considère être le plus approprié pour la position municipale. Encore une fois, on n'a pas de proposition à vous faire pour analyser une proposition, le cas échéant, qui vient de la partie syndicale.

Le Président (M. Auger) : M. le député de Richelieu.

M. Rochon : Oui. Sur le rapport de force, là, les négociations, qui a fait dire à votre collègue de Québec ce matin qu'il négociait le couteau sur la gorge, est-ce que ce projet de loi, qui vous satisfait, dites-vous, ne vient pas tout simplement de transférer l'ustensile auquel il référait de main?

Moi, j'entends, là, la profession de foi émouvante du ministre à l'égard des gouvernements de proximité, mais j'ai beaucoup de difficultés à y croire, ayant encore trop fraîchement à la mémoire votre quête difficile de financement, également le... je ne sais pas comment le dire de façon politiquement correcte, mais l'agression perpétrée contre nos outils de développement locaux par ce gouvernement.

Est-ce que vous saisissez le vilain sentiment qu'ont vos travailleurs de payer pour cette défection du gouvernement? Est-ce que vous saisissez ça, leur sentiment qu'ils paient pour les pots cassés, pour la défection du gouvernement à l'égard de ces gouvernements de proximité et de nos régions?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, écoutez, les municipalités ont à gérer plusieurs phénomènes, c'est-à-dire, qui ont des impacts, et depuis toujours, sur le budget municipal. Et ça peut être des nouvelles responsabilités, donc, c'est varié. Et, bon, est-ce que c'est une raison, nous, pour dire : Est-ce qu'on peut avoir le contrôle de notre principal poste de dépenses, qui est celui de la masse salariale? Et on ne le reçoit pas, je dirais, dans cette contradiction-là, c'est-à-dire : Bien, voici ce qu'on nous a fait. Non. Nous, on a des responsabilités.

Vous savez, quand on accorde à des employés municipaux, puis évidemment avec la progression des échelons, des augmentations salariales qui vont bien au-delà de l'indice des prix à la consommation, on se pose des questions sur notre capacité. C'est ça, la capacité de payer des contribuables.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. Sévigny. Merci. Nous allons poursuivre avec la deuxième opposition et le porte-parole, M. le député de Blainville, pour six minutes.

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. M. Sévigny, M. Cusson, Mme St-Hilaire, M. Létourneau, M. Savard, merci beaucoup d'être présents.

D'abord, ça me fait plaisir, parce qu'évidemment j'ai eu la chance d'occuper le même siège que vous, là, de 1997 à 2000. Puis il y avait effectivement, à ce moment-là, un pacte fiscal de 360 millions. C'était un autre gouvernement, celui du Parti québécois. Il y avait des demandes par rapport aux relations de travail, qui sont mortes dans tout le dossier des fusions municipales. Donc, c'est ce qui s'est passé à l'époque, mais il y avait des demandes par rapport aux lois du travail, je me souviens d'avoir discuté, à l'époque, avec Mme Diane Lemieux. Donc, c'étaient les demandes traditionnelles. Donc, l'UMQ a toujours eu ces demandes-là.

Je pense que c'est bien, et il faut comprendre aussi... Parce que ce que le milieu syndical est venu nous dire, puis c'est correct, c'est qu'il n'y a pas eu beaucoup d'arbitrages au cours des dernières années, des dernières décennies. Puis vous avez utilisé un terme, Mme St-Hilaire, qui est «plier», de votre bouche — c'est rare que vous pliez, donc, mais vous avez utilisé le mot «plier» — donc, pour la bonne entente. Ça, ça veut dire que, dans les relations de travail, par rapport à la façon... aux lois actuelles puis à l'arbitrage tel qu'il est géré, vous devez signer des ententes que théoriquement, bon, on vous recommande, probablement vos services juridiques ou quoi que ce soit vous disent : De toute façon, si on va en arbitrage, on va perdre, parce que ça s'est donné dans tel autre... Donc, c'est ça que j'aimerais que les citoyens comprennent, là, que les gens qui nous écoutent comprennent.

Mme St-Hilaire (Caroline) : Alors, merci, M. Laframboise, de rappeler que je ne plie pas souvent.

En fait, il y a des raisons pour lesquelles on peut plier, dans la vie. On peut plier pour la paix sociale, mais on peut aussi plier — je me sens un petit peu obligée de répondre au député de Richelieu — parce que, comme maires, nous sommes gestionnaires de fonds publics, nous sommes imputables à la population, ultimement c'est à eux que nous sommes redevables. Et je pense que nos employés sont aussi des citoyens, alors ce n'est pas contre nos employés, au contraire. Et je pense que le président l'a bien rappelé, on travaille avec eux.

Moi, je vais vous expliquer un exemple concret, là. Tout à l'heure... J'en ai plein, d'exemples, mais je vais vous en montrer un, parce que justement ça fait le rappel des fusions et des défusions. Et je ne vise pas personne, puis je salue le président des cols bleus qui est ici, de Longueuil, mais, par exemple, si j'ai un bris d'aqueduc à Longueuil... Parce qu'à Longueuil il y a trois arrondissements, O.K.? Si j'ai un bris d'aqueduc à la frontière de deux arrondissements, il faut que je fasse recours à deux équipes, parce que les employés cols bleus ne traversent pas d'un arrondissement à l'autre.

Alors, vous me parlez d'aberrations, vous me parlez d'équité, vous me parlez de mes citoyens? C'est à ça que je fais face au quotidien. Je peux vous en donner plein, d'exemples comme ça où les employés ne traversent pas d'un arrondissement à l'autre parce que c'est conventionné, ça a été signé.

Je comprends très bien, mais dites-moi pas que ça a été signé... En tout cas, si ça a été signé de bonne foi de la part du maire de l'époque, je pense qu'il a plié pour rien, parce que ça n'a pas de bon sens. Puis je peux vous en donner plein, d'exemples comme ça. Voilà.

Le Président (M. Auger) : M. Sévigny, vous voulez... En complémentaire?

Une voix : M. Cusson...

Le Président (M. Auger) : M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : ...mentionné, Drummondville est ce qu'on appelle, à l'UMQ, une cité régionale, donc 27 municipalités de 25 000 à 100 000 de population, à peu près. Et souvent, pour rester dans le même terme, souvent, dans les cités régionales, on va plier parce qu'on sait que, si on ne paie pas plus, et plus, et plus, on va perdre nos employés. Ils vont s'en aller ailleurs, ils vont s'en aller dans les grandes villes. Ils vont s'en aller à Sherbrooke, ils vont s'en aller à Longueuil. Et l'instabilité, ça a un coût aussi dans une ville. Ça prolonge les délais. Ça fait en sorte que nos services à la population ne sont pas à la hauteur de ce qu'on voudrait parce que, là, woups! la personne qui faisait ça s'en va, ça prend trois à quatre mois à remplacer la personne parce qu'on fait un processus qui est efficace, et etc., mais c'est long. Et donc l'instabilité, ça a un coût aussi. Alors, on regarde ça, on dit : Bon, ils vont aller le chercher ailleurs; aussi bien leur donner ici puis les garder.

Alors, d'avoir un régime particulier qui va permettre à l'ensemble des municipalités de mieux contrôler la croissance des coûts de main-d'oeuvre, c'est bon pour tout le monde.

M. Laframboise : Parce que, là, ce que vous nous dites, c'est que l'équité externe, c'est ça que ça a comme impact macropolitique, c'est-à-dire qu'inévitablement ça augmente les coûts pour tout le monde, puis je suis obligé, à la fin, de payer parce que d'une manière ou d'une autre il y a quelque chose qui s'est donné ailleurs ou ça... Tu sais, c'est ça, le problème, là, c'est que... C'est pour ça que, finalement, on arrive à un écart si important par rapport à la fonction publique. C'est-à-dire qu'on a des critères qui font que macropolitiquement on ne peut pas gagner sur une longueur de vie, là, finalement. C'est ça qui se passe, là, présentement, là, c'est ce que je comprends, M. le Président.

M. Sévigny (Bernard) : Et, quand on a le choix, une municipalité, un maire ne souhaite pas un conflit de travail, encore une fois, qui affecte des services à la population, et effectivement l'achat de la paix sociale, ça existe dans ce cas-là. On est souvent à la marge. Est-ce que ça vaut la peine pour 1 %, par exemple? Et c'est un peu le jeu de la négociation, mais il y a cet ultime effet là que bien souvent on veut éviter pour nos citoyens, là.

Le Président (M. Auger) : 45 secondes. M. le député.

M. Laframboise : Juste peut-être pour la résolution du conseil municipal, M. le maire de Québec nous a dit que c'est important que la ville se positionne, qu'il y ait une résolution. Vous êtes dans ce sens-là, pour que ce soit publicisé, quoi, finalement? C'est ce qu'on veut?

M. Sévigny (Bernard) : Bien, une ville, ça parle par règlements et par résolutions, de façon publique, et on tient à ce que les propositions soient publiques, donc soient adoptées par le conseil municipal, qui est redevable envers les contribuables.

Le Président (M. Auger) : Merci, M. le député. Donc, Mme St-Hilaire, M. Sévigny... On vient de me couper les noms! Donc, à vous tous, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

La commission ajourne ses travaux à demain, le mercredi 17 août, à 14 heures, où elle poursuivra son mandat à la salle des Premiers-Ministres de l'édifice Pamphile-Le May.

(Fin de la séance à 16 h 59)

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