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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, June 3, 2025 - Vol. 47 N° 113

Special consultations and public hearings on Bill 97, An Act mainly to modernize the forest regime


Aller directement au contenu du Journal des débats


 

Journal des débats

10 h (version non révisée)

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Schneeberger) : Alors, bon matin à tous. Ayant le quorum, je déclare la Commission de l'aménagement du territoire ouverte.

Alors, je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 97, Loi visant principalement à moderniser le régime forestier.

Alors, juste aussi vérifiez vos appareils téléphoniques, qu'ils soient bien fermés. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplaçants?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Abitibi-Ouest)

est remplacée par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Gagnon (Jonquière), par M. Bernard (Rouyn-Noranda—Témiscamingue); Mme Jeannotte (Labelle), par M. Rivest (Côte-du-Sud); Mme Poulet (Laporte), par Mme Guillemette (Roberval); M. Ciccone (Marquette), par M. Fortin (Pontiac); Mme Setlakwe (Mont-Royal—Outremont), par Mme Dufour (Mille-Îles); et Mme Labrie (Sherbrooke), par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Le Président (M. Schneeberger) : Merci beaucoup. Alors, ce matin, nous entendons l'Assemblée des Premières Nations Québec, Labrador et la Fédération québécoise des municipalités.

Alors, je salue les représentants des Premières Nations. Bonjour à vous. Alors, dans un premier temps, je vous inviterais à vous présenter à tour de rôle et, par la suite, enchaîner avec votre présentation. Vous avez un 10 minutes total, et, par la suite, nous allons débuter un échange avec les députés et la ministre. Vous avez la parole.

M. Bacon St-Onge (Jérôme) : Bonjour à tous et merci de nous recevoir. Moi, c'est Jérôme Bacon St-Onge, je suis vice-chef au Conseil des Innus de Pessamit sur la Côte-Nord Nitassinan...

M. Verreault-Paul (Francis) : Kuei kassinu. Bonjour, tout le monde. Francis Verreault-Paul, chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec, Labrador.

M. Wababonick (Lucien) : Kwe kakina. Lucien Wababonick, chef anishnabe de Lac-Simon. Merci de nous accueillir ici.

M. Gill-Verreault (Jonathan) : Kuei kassinu. Jonathan Gill-Verreault...

M. Gill-Verreault (Jonathan) : ...vice-chef de la première nation des Pekuakamiulnuatsh de Mashteuiatsh. Merci beaucoup.

Le Président (M. Schneeberger) : Bonjour. Vous pouvez débuter.

M. Verreault-Paul (Francis) : «Kuei», tout le monde. Tout d'abord, je tiens à remercier le territoire non cédé des Premières Nations sur lequel nous sommes. Je m'appelle Francis Verreault-Paul, chef de l'Assemblée des Premières Nations, Québec, Labrador. Je suis également accompagné par plusieurs grands chefs, chefs élus et, à cette table, les chefs et vice-chefs qui viennent de se présenter.

La mission de l'APNQL est d'appuyer les élus des 43 Premières Nations sur le plan politique, dans la défense et la reconnaissance du titre et de leurs droits ancestraux par les autres gouvernements.

Notre présence aujourd'hui en tant que gouvernement des Premières Nations doit être reçue par cette commission comme une démonstration de bonne foi et de respect envers ses travaux. Elle ne doit cependant pas être considérée comme une consultation.

Nous attendons de cette commission qu'elle respecte l'autonomie et la souveraineté de chacune des Premières Nations. Contrairement aux 22 autres participants, nous ne sommes pas des parties prenantes, nous sommes détenteurs de droits ancestraux et du titre.

La gestion de la forêt doit s'effectuer dans une cogestion réelle entre votre gouvernement et les gouvernements des Premières Nations afin d'assurer un avenir durable et profitable pour tous. D'ailleurs, ce que nous recherchons est un réel équilibre entre le développement, la pérennité des forêts, la protection de la biodiversité et de nos modes de vie.

Le respect des droits ancestraux des Premières Nations n'est pas une option à laquelle les gouvernements peuvent décider d'adhérer ou de se soustraire. Au contraire, ils ont la responsabilité d'utiliser leur pouvoir législatif afin de reconnaître et de faciliter l'exercice des droits ancestraux afin d'établir des relations fondées sur le respect mutuel.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 97 ne comble pas cet aspect incontournable. Ce projet ne favorise pas une réconciliation législative et sa pleine mise en œuvre. D'ailleurs, les quelques mentions au droit des Premières Nations dans le texte actuel ne visent pas une reconnaissance de droits, comme l'expose le mémoire de la ministre des Ressources naturelles et des Forêts au Conseil des ministres.

Depuis février 2024, nous avons participé avec le ministère des Ressources naturelles à des discussions sur l'avenir des forêts. Les Premières Nations ont partagé leurs préoccupations, leurs enjeux et surtout leurs solutions. Actuellement, un comité des chefs des Premières Nations a été mis en place pour participer à une table de haut niveau avec la ministre. Nous espérons que cette ouverture mène à des changements majeurs.

Il est important de souligner que nous avons été pris par surprise par le dépôt du projet de loi n° 97 et le processus expéditif imposé pour la réforme du régime forestier. Rappelons que nous avions en ce sens proposé un rapport... un report du projet de loi et d'étaler les auditions jusqu'à l'automne.

La politique de consultations autochtones prévue dans le projet de loi actuelle n'ajoute rien de nouveau et n'engage aucunement le ministère à un cadre légal clair sur la consultation et l'accommodement. Ces propositions ne font que rappeler que le processus législatif à lui seul n'est pas adapté ni propice aux obligations constitutionnelles de consultations et de consentement.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones établit des mécanismes assurant le respect de notre consentement préalable, libre et éclairé. Force est de constater que le gouvernement du Québec, pour le moment, a décidé de ne pas s'engager pleinement dans cette direction, et ce, malgré la motion unanime de reconnaissance de la DNUDPA par votre assemblée en 2019.

Une consultation tenant compte du consentement préalable, libre et éclairé de nos gouvernements n'est pas négociable. Je le réitère, la reconnaissance des droits ancestraux et du titre des Premières Nations n'est pas une option.

Le gouvernement du Québec a une opportunité unique de créer un précédent législatif en intégrant ces aspects incontournables et en s'y engageant pleinement à travers ce nouveau projet de loi qui touche le cœur de nos nations.

Je me tournerai maintenant vers le chef Wababonick pour la suite.

• (10 h 10) •

M. Wababonick (Lucien) : «Kwe kakina», M. le Président. Merci de nous accueillir encore. Mme la ministre, à l'opposé de ce qu'affirme votre cabinet aux journalistes ou du projet de loi n° 97, il n'offre pas d'avancées majeures pour les Premières Nations. Bien au contraire, il imposera des reculs inacceptables quant au respect de nos droits ancestraux...

M. Wababonick (Lucien) : ...un, à plusieurs reprises, nous vous avons demandé de collaborer à l'écriture du projet de loi afin de s'assurer du respect de nos droits. À l'inverse, vous nous avez refusé l'accès au projet et n'avez retenu aucune de nos solutions, alors que la révision du régime aurait été l'occasion pour Québec d'emboîter le pas vers une véritable réconciliation par la cogestion du territoire. J'ai bien dit «cogestion». C'est à l'industrie que vous avez donné la cogestion et c'est avec elle que vous avez coécrit le projet de loi.

Deux, le zonage forestier, tel que conçu au projet de loi, est inacceptable et constitue un acte de dépossession de nos terres et l'octroi d'un statut légal qui donne primauté à l'industrie forestière sur un minimum de 30 % de nos territoires ancestraux où les droits des Premières Nations seront subordonnés aux droits forestiers. Cette mesure est une provocation directe à nos membres dans le territoire. Ce que leur dit le projet de loi, c'est : On vous tolère en n'interdisant pas vos activités traditionnelles, mais vous ne devez sous aucun cas ou prétexte nuire à l'exploitation forestière, qui a primauté sur vos droits, nos droits ancestraux. Il n'y a rien de ce projet de loi qui permet d'assurer le maintien de la qualité de nos territoires nécessaires à la préservation de nos modes de vie, de nos langues, de nos cultures, tel que nous l'avons demandé à plusieurs reprises.

Il n'y a rien dans le projet de loi qui engage le gouvernement à respecter nos droits, à nous consulter véritablement et à nous accommoder adéquatement, tel que nous l'avons demandé. La ministre dit elle-même, en page 11 de son mémoire : «L'ajout de droits dans le projet de loi n'est pas une reconnaissance des droits.» Dans le projet de loi, ce n'est pas une reconnaissance des droits, c'est ce qu'elle affirme. Elle se donne de plein pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne notre droit à la consultation et à l'accommodement par l'usage de termes tels que «prise en compte», «considération», «qui n'engage en rien le gouvernement». Puis, en étant juge et partie de ce qu'il y a lieu, entre parenthèses, et de comment nous accommoder... nous accommoder, ce projet de loi est entièrement contraire à la demande que nous avons faite d'intégrer le consentement libre, préalable et éclairé des Premières Nations pour toutes les décisions prises concernant leurs terres. Peut-être mentionner que cela fait déjà... ça se fait déjà en Colombie-Britannique. Dans la loi, ça se fait déjà.

Le projet de loi n° 87 est inacceptable, il ne sera bénéfique pour personne, pas même l'industrie. Mme la ministre, nous avons partagé à maintes reprises nos craintes à l'effet que ce projet de loi menacerait la paix sociale en territoire, on le voit déjà, ce qui, contrairement à l'objectif premier de cette modernisation, compromettrait la prévisibilité que recherche l'industrie. La crise a déjà débuté en territoire et s'accentue de jour en jour sans que nous ne puissions rien y faire devant votre manque d'écoute et de considération des droits. Jusqu'à ce jour, il n'y a pas eu de véritable dialogue. Vous avez évité nos demandes et avez écarté nos solutions.

Mme la ministre, avez-vous maintenant l'intention de travailler avec nous? Au moment où nous devrions chercher à nous unir pour faire face à l'incertitude climatique et l'incertitude économique dans laquelle nous plongent les menaces tarifaires de Trump, ce projet de loi nous divise tous. Ce projet de loi est à refaire dans son entier afin de permettre de bâtir des ponts et de rétablir un climat social et d'unité. Il doit être élaboré en co-construction avec nos Premières Nations et tous les acteurs du territoire, dans un véritable dialogue social et en respect de nos droits et titres ancestraux. C'est aussi la conclusion à laquelle adhéraient les intervenants présents au Sommet sur la forêt à Chicoutimi le 20 mai dernier.

Nous terminons sur la mention que nos droits et titres ancestraux ne doivent pas être vus comme un obstacle, mais plutôt comme un tremplin qui permettra de bâtir un avenir meilleur pour tous, tous et chacun...

Le Président (M. Schneeberger) : Vous avez terminé?

M. Wababonick (Lucien) : Oui.

Le Président (M. Schneeberger) : Alors, merci beaucoup. Bien, félicitations, vous êtes dans les temps, donc, merci pour le respect du temps. Alors, nous allons débuter une période d'échange avec la ministre. Vous avez 16min 30s.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Kwe! C'est un plaisir de vous voir. Merci de vous être déplacés. Puis je sais que, pour plusieurs, ça prend de la route. Certains sont juste de l'autre bord du fleuve, mais d'autres, pour M.... notamment, là, chef... c'est plusieurs heures de route. Ça fait que je vous remercie d'être présents aujourd'hui, de pouvoir partager ce que vous avez à dire sur le projet de loi. Ça fait plusieurs rencontres qu'on a, là, on...

Mme Blanchette Vézina : ...notre côté, là, 14, pour discuter de différents... différents sujets, au départ les tables de réflexion sur l'avenir de la forêt, qui ont fait le tour du Québec mais qui ont eu des consultations en parallèle, des rencontres en parallèle pour les Premières Nations, parce que je tenais à avoir une vision qui n'était pas diluée dans le reste des consultations qu'on menait avec les citoyens du Québec, l'ensemble de la population. Donc, pour moi, c'était important puis c'est toujours important, là, de faire une place spécifique. C'est en ce sens-là aussi qu'on a débuté des travaux sur la table de haut niveau, qui était une demande aussi qui avait été formulée, là, dans le cadre des échanges que nous avions eus. Donc, sachez qu'au-delà des mots, pour moi, c'est important, tu sais, de pouvoir avoir cette place de discussion là, où on va pouvoir poursuivre le travail. Parce que ce que vous m'avez nommé aussi, c'est que le format en ce moment, c'est-à-dire le format des commissions parlementaires, pour vous, ça ne permet pas nécessairement de pouvoir vous sentir... sentir que vous pouvez vous exprimer puis apporter des réels changements. Donc, l'objectif... l'objectif de poursuivre les travaux avec la table de réflexion, pas... pardon, la table de haut niveau, c'est justement de pouvoir travailler ensemble dans un format qui va permettre que vous ayez plus d'espace, plus de temps puis une place spécifique.

Vous avez nommé que, la rencontre d'aujourd'hui, vous considérez que ce n'est pas une consultation, que l'ensemble des 14 rencontres qu'on a eues, des discussions, des échanges, ce n'est pas des consultations. J'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qu'une consultation, pour vous.

M. Verreault-Paul (Francis) : Merci, Mme la ministre. Bien, tout d'abord, concernant les éléments que vous avez énumérés, tout à fait, on a participé de bonne foi, depuis... depuis plus d'un an, aux tables de réflexion, aux différentes... aux différentes rencontres qu'il a pu y avoir concernant l'avenir des forêts. On se rappelle également, l'hiver dernier, une rencontre où, juste avant le dépôt du projet de loi... qu'une entente de confidentialité nous avait été demandée de signer avant même de prendre part à cette rencontre. C'est totalement à l'encontre de qu'est-ce que c'est qu'une consultation et de la transparence et de la gouvernance dans nos modes de gouvernance envers nos populations en tant que Premières Nations. On l'a vu, on l'a souligné, on l'a... on a mentionné qu'on n'allait pas signer cette entente de confidentialité. Il n'y a pas eu d'entente de confidentialité, finalement. J'ai participé à cette rencontre en compagnie de plusieurs autres Premières Nations et je vous dirais que c'était une rencontre avec des très, très grands principes, très larges, où est-ce qu'il n'y avait pas de discussion. C'était un message qui nous était partagé, encore une fois, qu'il n'y avait pas de détail sur le futur du projet de loi. Et, lorsqu'on avait des questions, on nous répondait qu'on allait la prendre en note et nous revenir. Pour nous, ce n'est définitivement pas le concept d'une consultation et de consentement préalable libre et éclairé.

Vous savez, là, le consentement préalable libre et éclairé, ce n'est pas un concept que l'on magasine. Ce que je veux dire, c'est que ça doit tout d'abord faire partie en amont, pour revenir à l'aspect de consultation, c'est l'aspect d'être en amont. Je pense qu'on en a discuté entre les chefs et vous, Mme la ministre. Il y a le pendant, mais il y a aussi l'après. Et, dans l'après, actuellement, malgré notre participation de bonne foi, malgré toutes les recommandations, les solutions qu'on a partagées à l'ensemble du ministère, actuellement, la mouture actuelle, ces recommandations n'y sont pas reflétées ou que très peu reflétées.

Donc, pour revenir à l'aspect de consultation, sans rentrer dans le détail qu'est-ce que c'est exactement l'aspect de consultation, je pense que l'aspect où est-ce qu'on doit... on doit définir encore mieux, c'est l'aspect de gouvernement à gouvernement, et c'est dans cette approche que nous sommes depuis le début et que nous sommes encore aujourd'hui. Et, bien sûr, je ne parle pas en tant que : l'APNQL est un gouvernement, mais je parle au niveau de : chacune des Premières Nations est un gouvernement. Donc, pour le moment... Est-ce qu'il y avait des ajouts?

• (10 h 20) •

M. Wababonick (Lucien) : Oui. Merci pour la question. Je pense, c'est une question qui est importante pour tout le monde, qu'il puisse bien comprendre qu'est-ce que c'est que ça veut dire, ça, ce concept-là de consultation.

Vous savez, les droits sont entérinés dans la Constitution canadienne, reconnus aussi par la Déclaration des Nations Unies. Mais la question de consultation, vous savez... je ne sais pas si vous le saviez, mais je vous l'apprends, c'est que chacun des ministères ont leur propre modèle de consultation. Il n'y a absolument rien de standard dans les différents ministères. C'est ce qui crée problème, beaucoup de problèmes. Si je parle...

M. Wababonick (Lucien) : ...quelqu'un du ministère de l'Environnement, ils vont lui répondre d'autres choses. Il va avoir sa façon de faire. C'est ce qui complique beaucoup, beaucoup la chose. Puis je pense qu'au Québec on est... il y a moyen de travailler collaborativement puis justement de mettre les choses en place. C'est ce qu'on a proposé. Nous, on a voulu travailler avec la ministre en disant avoir commencé par le modèle de consultation qu'on voudrait avoir, à tout le moins certains éléments ou les principes directeurs, mais ça n'a pas été le cas. Non, on nous a dit : Ça va se faire après la législation, après cette adoption de la loi p.l. n° 97. Mais là on met-tu un peu la charrue avant les bœufs, là, ou... C'est ça, le questionnement, là. C'est quand même des questions de droits. Les droits des personnes de nos nations, ce n'est pas un jeu, ce n'est pas une option. Ça doit être respecté partout au pays. On est quand même un pays de droit, un État de droit. Donc, je vous le rappelle. (S'exprime dans sa langue)

Mme Blanchette Vézina : Merci. Puis j'entends que vous voulez travailler de nation à nation, que vous voulez le processus en amont, là. C'est d'ailleurs pour ça qu'on a un aménagiste forestier régional, puis on vous a proposé un calendrier de... une séquence de consultation pour être capable de bien comprendre dans la mesure comment on peut travailler. Je sais que mon collègue Ian Lafrenière a des travaux qui sont fait avec vous afin d'harmoniser, là, les processus de consultation. Et aujourd'hui on parle du secteur forêt, qui est un secteur qui, je sais, est névralgique pour les communautés autochtones, mais j'aimerais donc m'assurer de comprendre si les processus, en ce moment, qu'on a utilisés pour le projet de loi ou pour les tables de réflexion sur l'avenir de la forêt, ne conviennent pas, comment ils pourraient convenir. Au-delà d'un principe de reconnaissance de droits, au-delà d'un principe de consultation en amant... en amont, comment, dans les faits, vous pourriez vous considérer consultés? Puis, vous le savez, la table, elle est là pour discuter de ça. Là, le projet de loi, si vous souhaitez qu'on mette sur pause les travaux du projet de loi pour parler de la politique de consultation, on pourra en rediscuter à la table. On a convenu, là, qu'on pouvait discuter du projet de loi, de la politique, là. Il n'y a pas d'enjeu à ce qu'on... à ce qu'on regarde ça en parallèle, l'idée étant de pouvoir s'assurer de bien respecter vos droits.

Mais, dans ce que vous nommez, j'entends que ça ne convient pas. Qu'est-ce qui conviendrait comme consultation, comme processus de consultation?

M. Wababonick (Lucien) : Je pense qu'on vous l'a déjà dit à quelques fois, moi-même, je l'ai dit devant les médias, les prémisses dont est fondé ce projet de loi est brisée. Est-ce qu'on veut continuer à, entre guillemets, patcher un projet de loi qui est déjà brisé devant les yeux des Premières Nations? Moi, je ne crois pas. Il faut recommencer avec les bonnes bases, cette fois-ci avec nous les Premières Nations en coconstruction. C'est ce qu'on vous a proposé. Aller dire qu'on veut travailler avec vous, oui, on veut, on veut collaborer, mais pas sur les bases de votre projet de loi. Nous, on le rejette, votre projet de loi. On ne peut pas recommencer sur les bases qui sont déjà brisées. Il faut recommencer tout le processus, cette fois avec les autres utilisateurs qui ont des intérêts. Je peux parler des chasseurs, des pourvoyeurs et autres. On utilise le territoire. C'est nous qui vivons dans ces territoires-là.

Mme Blanchette Vézina : Bien, pour les tables de réflexion sur l'avenir de la forêt, c'est exactement ça, là. On avait un dialogue où vous pouviez participer aux tables de réflexion. Il y avait les pourvoyeurs, les chasseurs, les pêcheurs, les villégiateurs. Il y avait les producteurs agricoles, il y avait des gens... des scientifiques. Vous aviez la possibilité de venir. On vous avait aussi prévu un canal de communication distinct, avec des tables distinctes.

Je répète ma question parce que c'est important que tout le monde comprenne la difficulté que nous avons en ce moment, c'est-à-dire de pouvoir, malgré les processus qu'on met en place, de ne pas répondre à vos attentes. Ça fait que, moi, aujourd'hui, ma question, elle est louable, c'est-à-dire je veux pouvoir m'assurer que, si on reprend le processus, on ne me redise pas à la fin du processus : Ce processus, il est vicié. Comment on peut faire? Parce qu'on a essayé. Puis, en toute franchise et en vraie bonne foi avec Ian Lafrenière, mon collègue aux affaires... aux Relations avec les Premières Nations, on a mis en place un processus qu'on souhaitait qu'il soit justement celui que vous nommez. Bien là, aujourd'hui, vous me dites qu'il est vicié. Comment il pourrait, si on reprend le processus, ne pas être vicié?

M. Gill-Verreault (Jonathan) : Mme la ministre, en tout respect, c'est la première question que vous nous avez posée, là, lors des tables de réflexion sur l'avenir des forêts. Je vous ai répondu par une co-écriture...

M. Gill-Verreault (Jonathan) : ...du projet de loi. Ce qui est important à rappeler ici aujourd'hui, c'est... vous avez les enlignements clairs, par rapport au dernier jugement au niveau de la Cour supérieure du Québec, lorsqu'il y a fort risque d'atteinte aux droits ancestraux. La cour vous l'a rappelé, pas plus tard que l'année dernière, que vous devez élaborer une toute nouvelle stratégie, un nouveau projet de loi avec les Premières Nations. Cependant, c'est votre gouvernement qui refuse de mettre en application les jugements de la cour. On le vit présentement dans un dossier similaire, qui est le dossier caribous. Je vous laisse poursuivre.

M. Verreault-Paul (Francis) : Je vais peut-être ajouter un élément. Mme la ministre, vous nous amenez beaucoup sur le sujet de... du comment, par rapport à vos questions actuellement, et, en tout respect, c'est... c'est les fondements du projet de loi actuel, qui a été déposé il y a quelque temps, qui, comme le mentionnait le chef Wababonick, ne répond définitivement pas aux attentes. On a... on met en place un nouveau processus, notamment par la mise en place de la table de haut niveau, mais, je le rappelle à tous et à toutes, et en toute transparence, on a eu deux rencontres de cette table et on est aux premiers balbutiements.

Nous, on s'assure d'avoir... que l'information circule avec l'ensemble des chefs des Premières Nations, mais, également, cette table, pour le moment, on ne sait pas quel est son avenir, dans le sens qu'on a simplement jusqu'à maintenant, discuté de la suite. Et, d'abord et avant tout, avant même la mise en place de cette table, qui a été demandée par une vingtaine de signataires des gouvernements des Premières Nations... demandaient à la mise en place de cette table avant même le projet... le dépôt du projet de loi. Cette table a été mise en place à la suite du dépôt du projet de loi. Donc, encore une fois, on est mis devant le fait accompli. Et le pourquoi on demandait la mise en place d'une table de haut niveau, c'est, justement, pour pouvoir réellement influencer des articles et des... et des... et les grands fondements de ce projet de loi, qu'on ne connaissait pas à l'époque donc.

Et, pour revenir à cette table, on a eu deux rencontres. La première rencontre a été plutôt une rencontre d'échange sur le projet de loi, qui venait d'être déposé, et, par la suite, vous nous avez présenté, Mme la ministre, les grands principes du projet de loi, que l'on avait pris connaissance, et on vous avait demandé de nous présenter un peu les intouchables. Parce que pourquoi s'engager dans un processus où est-ce que, si on n'a pas une réelle influence à la fin, des retombées concrètes, on doit se questionner sur la suite? Donc, oui, il y a un processus en place, mais encore, c'est les résultats qui comptent, et nous, c'est ce qu'on... c'est ce qu'on demande.

Et, pour terminer sur ce point, au niveau de la table de haut niveau, vous nous avez demandé, à la dernière rencontre, de venir vous présenter les intouchables, nos intouchables, et afin de poursuivre la table. On vous a également partagé des termes de référence, à votre cabinet, pour la mise en place de cette table de haut niveau là, à laquelle on attend un retour par écrit, pour la mise en place de ce processus. Mais, encore une fois, Mme la ministre, je comprends que vous tentez de vouloir définir l'aspect de consultations, qui est un devoir constitutionnel, mais je pense que l'important, aujourd'hui, c'est... c'est... on fait face à un certain résultat, avec le dépôt du projet de loi, et les fondements sont... on demande que les fondements de ce projet de loi aient des changements majeurs, sinon, qu'ils soient retirés et qu'ils soient réécrits avec les gouvernements des Premières Nations.

Le Président (M. Schneeberger) : Mme la ministre.

• (10 h 30) •

Mme Blanchette Vézina : Bien, tu sais, je pense que, pour le bénéfice de tout le monde, si on recommençait... Puis je reviens à ça, parce que vous me dites que vous ne souhaitez pas avancer avec ce projet de loi. Si on recommence, qu'est-ce qui me dit qu'on ne reviendra pas dans le même processus? Vous demandez de co-écrire. Tu sais, moi, j'en suis, là, de regarder avec vous, puis c'est là l'objectif de la table, tu sais, puis on va vous revenir, là.

Moi, je vous ai dit qu'on... je souhaitais qu'on avance rapidement. C'est encore le calendrier que j'ai donné à mes équipes pour pouvoir aussi avancer sur la politique de consultations. Mais moi, ce que j'entends depuis mon arrivée en poste, il y a trois ans, c'est toute la difficulté d'arrimer la façon de fonctionner de l'État québécois avec l'obligation de consultations. Donc, si on reprenait un processus, il ne faudrait pas faire... reprendre un processus qui ne fonctionnerait pas. Ça fait que ma question, elle est légitime. Je veux entendre, j'aimerais comprendre comment on s'assure, comme État québécois...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Blanchette Vézina : ...on respecte le processus de consultation. Si 14 rencontres, des tables, en parallèle, une table de réflexion sur l'avenir de la forêt, une table nationale où on peut parler de nation à nation pour regarder des amendements pour le projet de loi, ça ne convient pas, qu'est-ce qui va convenir?

M. Verreault-Paul (Francis) : Rapidement, on nous a déjà partagé, à l'intérieur de rencontres avec des gens de votre gouvernement, qu'une consultation... on peut consulter M. et Mme Tout-le-monde et, à la fin de la journée, vous retournez, et c'est vous qui écrivez le projet de loi. Et vous prenez ou non les éléments qui vous ont été partagés, et c'est beaucoup trop complexe, de prendre l'ensemble des éléments. C'est ce qu'on nous a dit. Donc, ce n'est pas le... oui, il y a le processus de consultation, lequel on doit discuter et qui appartiendra à chacun des gouvernements des Premières Nations de définir quel est son processus de consultation. Mais, encore une fois, c'est les retombées, Mme la ministre. Vous nous dites : Comment... Comment on peut s'assurer? Bien, on va s'en assurer si ce qu'on vous recommande et ce qu'on coécrit ou ce qu'on travaille ensemble soit réellement écrit, noir sur blanc, à la fin de la journée.

En fait, c'est vous qui avez la solution, Mme la ministre, pour la suite des choses. Parce que nous, on aimerait l'avoir, la solution.

Le Président (M. Schneeberger) : En terminant.

M. Verreault-Paul (Francis) : On aimerait le tenir, le crayon, avec vous pour la suite. Mais, à la fin de la journée, c'est vous qui avez le crayon. Donc, encore une fois, la solution, c'est... c'est à vous. Et, je le mentionnais d'entrée de jeu, on cherche un équilibre. Et je crois que votre gouvernement a une... a une opportunité unique de créer un précédent législatif pour la suite des choses. On parle de nos droits ancestraux et du titre qui est reconnu dans la Constitution depuis 1982. On est en 2025.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci. Je m'excuse mais le temps est déjà presque passé d'une minute, alors je dois vous couper, pour le respect de tout le monde. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Et j'entends le député de Pontiac pour 10 minutes 24 s.

M. Fortin :Merci, M. le Président. Bonjour, bonjour à vous quatre. M. le chef Verreault-Paul, M. le chef Wababonick, M. le chef Bacon St-Onge, M. le vice-chef Gill-Verreault, merci d'être avec nous. Merci de partager... partager votre point de vue avec nous aujourd'hui, et de le faire, comme vous l'avez dit d'entrée de jeu, là, de bonne foi et dans le respect du processus qui est le nôtre ici, à l'Assemblée.

Vous mentionnez ce que vous recherchez d'emblée, c'est-à-dire un équilibre entre le développement de l'industrie, un équilibre entre la pérennité... pour la pérennité de la forêt, de la diversité, de la préservation de votre mode de vie également. Et, tout ce que vous dites, je veux vous rassurer, là, pour plusieurs d'entre nous à tout le moins, c'est légitime, c'est souhaitable d'avoir cet équilibre-là et d'arriver à trouver une façon... une façon d'y arriver.

Cependant, je vous ai déjà entendu, entre autres, M. le chef Wababonick, au sommet sur la forêt qui a eu lieu il y a quelques semaines, mentionner... vous parlez de la question des tensions sociales qu'on vit présentement. Vous l'avez répété d'entrée de jeu ce matin. Et vous avez mentionné à ce moment-là avoir averti le gouvernement qu'il y aurait des tensions sociales avec son approche, l'approche qu'il préconise en ce moment. Pouvez-vous vous expliquer? Est-ce que vous comprenez pourquoi, dans un contexte comme celui-là où il y a eu des drapeaux rouges qui ont été... qui ont été levés, des avertissements répétés qui ont été envoyés au gouvernement, pourquoi on fonce de l'avant quand même, malgré le cœur de vos préoccupations?

M. Wababonick (Lucien) : Oui. Merci pour la question. Je pense que c'est une question vraiment importante. Vous savez, on vous l'a dit, on le dit encore, on est de bonne foi. On veut vraiment sensibiliser les gens, les parlementaires de ce qui se passe sur le terrain. On n'a pas tout le contrôle sur personne. C'est ça qui rend la chose vraiment difficile.

On a averti Mme la ministre, pas une fois ni deux fois, mais trois fois, même par le biais des journaux. On a essayé de sensibiliser la ministre de ce qui peut arriver. Ce n'était pas notre souhait, ça. Ce n'est pas le souhait de personne de voir la haine, le racisme ou la division au sein d'une société démocratique, là. On est une société démocratique. La démocratie provient des Premières Nations. Nous, quand on prend une décision, c'est par consensus la plupart du temps. Quand on y arrive, on est capables d'entendre les autres parties.

Ceci dit, on ne voulait pas...

M. Wababonick (Lucien) : ...nécessairement avoir un dérapage au niveau société. On veut vraiment unifier les gens puis dire au gouvernement : Bien, votre approche s'en va vers un mur. Les scientifiques, les forestiers, les syndicats et autres utilisateurs qui étaient à Chicoutimi ont clairement dit ça : On s'en va vers un mur. Je le dis mot pour mot, là, c'est ce qui a été dit à Chicoutimi. Donc, nous, c'est vraiment aviser le gouvernement que, s'il continue à aller dans ce sens-là, il ne nous rassure pas du tout. C'est plutôt l'inverse.

M. Fortin :Puis j'apprécie votre point de vue, chef Wababonick, là. Et vous avez raison de dire : Les tensions sociales et la façon que... la façon que le discours, présentement, a lieu, là, ça, ça n'aide ni les Premières Nations ni les relations entre le gouvernement et les Premières Nations. Ça n'aide pas non plus l'industrie forestière, hein, Mme la ministre. En fait, il n'y a pas grand monde qui se trouve gagnant de la situation, la situation dans laquelle on se retrouve.

Et peut-être un mot rapide pour la ministre, là. Quand elle parle des tables de réflexion et qu'elle dit : Bien, vous savez, il y avait des chasseurs, il y avait des pourvoiries, il y avait... il y avait des villégiateurs, et vous aviez la chance de venir, je vous dirais, Mme la ministre, en tout respect, que ce discours-là démontre à quel point... Je ne suis pas convaincu que le gouvernement a compris l'importance de la relation avec les Premières Nations puis le... à quel point il représente le cœur de la discussion qu'on se doit d'avoir ici à l'Assemblée, autour de l'avenir de la forêt.

Je veux vous entendre sur le... peut-être sur le fond des principes qui sont énoncés dans le projet de loi, tout de même, là. Et je comprends, vous dites : Ce n'est pas une consultation, c'est un dialogue. Mais j'aimerais quand même comprendre le fond de certains enjeux. Vous avez parlé de... le principe de triade et le fameux 30 % qui est évoqué, 30 % du territoire qui serait réservé de façon, disons, prioritaire à l'industrie, et vous prenez ça comme une provocation directe. Pouvez-vous nous expliquer? Est-ce que c'est le principe de triade, est-ce que c'est l'ampleur du territoire qui est réservé, est-ce que c'est la façon de s'y prendre? Qu'est-ce que vous considérez comme une provocation directe?

M. Verreault-Paul (Francis) : Peut-être juste... Merci pour la question. Peut-être juste revenir un peu sur ce que j'étais en train de terminer précédemment. L'aspect de base, c'est la reconnaissance de nos droits ancestraux et titres. Les termes sont extrêmement importants. Depuis 1982, c'est enchâssé dans la Loi constitutionnelle. Et ici, présentement, comme le mémoire le faisait mention, on parle de droits, mais on ne fait pas référence à la reconnaissance des droits ancestraux et titres. Donc, c'est la base fondamentale pour la suite, pour ce projet de loi.

Comme je le mentionnais, je pense que c'est une opportunité unique au gouvernement du Québec de prendre cette opportunité puis de l'enchâsser enfin, ces aspects extrêmement importants pour la suite des choses. Il y a définitivement d'autres éléments, donc je vais laisser les autres chefs commenter également.

M. Bacon St-Onge (Jérôme) : Je vais y aller. Pour ma part, j'aimerais peut-être soulever le point que, quand on parle de dialogue ou sinon d'échange à tenir entre des individus, ça prend de la bonne foi des deux parties. «Consultation» est un grand mot, mais moi, je trouve important de soulever le point que ça prend une ouverture pour intégrer des préoccupations et non pas juste s'échanger sur les préoccupations. Parce qu'échanger, on peut le faire pendant 10 autres années, mais, sans les intégrer à même l'écriture d'un projet de loi, je pense qu'on va tourner en rond puis on va encore favoriser la dégradation de nos forêts qui sont l'élément central de notre identité au niveau des Premières Nations.

Puis pour revenir à la triade, de ce que j'ai compris de la communauté scientifique, je pense que c'est important de comprendre qu'à la base de tout c'est pour préserver, justement, les forêts que ça a été créé comme tel et non pas pour favoriser l'exploitation forestière. Donc le 30 %, 30, 30, 30, n'est pas un principe qui est avantageux. Il faudrait que ce soit plus 60 % de préservation de la biodiversité, en premier lieu, dans le haut de la pyramide qui constitue la triade. Donc, je pense essentiel, là, de nous sensibiliser à ça à cet égard-là. La communauté scientifique est claire à ce sujet, on n'a qu'à lire les articles dans les journaux qui en parlent. Ça fait que c'est un principe fondamental.

• (10 h 40) •

M. Fortin :Je ne veux pas vous interrompre. Est-ce que vous aviez d'autres commentaires?

M. Wababonick (Lucien) : Oui, peut-être une dernière chose. Quand on parle de triade, vous savez que c'est une privatisation du territoire qui est donnée...

M. Wababonick (Lucien) : …à l'industrie, puis aucun autre gouvernement ne pourra changer ça. Je ne sais pas si vous le saviez, mais moi, je vais vous l'apprendre. C'est comme ça qu'a été écrit ce projet de loi là. Puis on est tout à fait contre ça, nous.

M. Fortin : Très bien. Je ne pensais pas devoir aller dans cette direction puis peut-être remettre en contexte, là, l'importance du dialogue de nation à nation, là. Mais moi, j'ai entendu quelque chose de la partie gouvernementale, tantôt, la ministre nous a dit essentiellement : On comprend ça, le dialogue de nation à nation puis l'importance de la chose, et c'est pour ça qu'on nomme un aménagement régional, entre autres. C'est tellement loin du principe de nation à nation que moi, j'ai de la misère à comprendre comment un gouvernement peut penser comme ça, là. Mais je veux vous donner l'opportunité quand même de répondre à ça, de ce que vous vous attendez, ce à quoi vous attendez d'un gouvernement quand on parle de nation à nation. Puis est-ce qu'il y a quelque chose dans le projet de loi ou dans le discours du gouvernement, autour de ce projet de loi là, qui vous rassure d'une quelconque façon qu'il y a une possibilité d'avoir un vrai dialogue sur la question de la forêt québécoise de nation à nation?

M. Wababonick (Lucien) : O.K. Je vais répondre. Merci, mes collègues. Moi, je ne suis pas rassuré du tout avec ce langage-là ni ce comportement-là de ce gouvernement-ci. De là à déléguer à un aménagiste les droits ancestraux, les droits millénaires sur ce continent-ci, c'est une insulte à notre intelligence. C'est vraiment une insulte qui, dans d'autres nations, accepterait ce genre de langage là? Je pose la question au gouvernement. Personne. Pas une nation qui se tient debout. Nous, on va se tenir debout. Non, ce n'est pas rassurant du tout pour moi.

M. Fortin :Je vous remercie. Je sais qu'il me reste peu de temps, M. le Président. Je veux juste vous dire, je pense que c'est possible quand même d'avoir un réel dialogue pour arriver à une réelle… une réelle construction d'un modèle qui fonctionne pour tout le monde et pas juste… Je ne veux pas dire que vous en faites partie. Vous êtes au cœur de cet enjeu-là, de ces discussions-là et j'espère que… que ce soit ce gouvernement-ci ou n'importe quel autre, va respecter ça. Je vous remercie.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté de la deuxième opposition et j'entends le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le chef et le Grand chef, merci d'être ici. Je réitère, vous avez fait beaucoup d'efforts pour être ici ce matin. Écoutez, j'aimerais commencer par la reconnaissance de vos droits ancestraux, il m'apparaît important, là. Dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été ratifiée par le Canada et dont les principes ont été reconnus par une motion de l'Assemblée nationale en 2019, à l'article 26, je prends la peine de le lire, le paragraphe 2 dit que «les peuples autochtones ont le droit de posséder, d'utiliser, de mettre en valeur et de contrôler les terres, territoires et ressources qu'ils possèdent parce qu'ils leur appartiennent ou qu'ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux qu'ils ont acquis ».

Dans le mémoire présenté au Conseil des ministres par la ministre, on lit qu'il est proposé d'ajouter le mot « droit » aux articles six et sept de la LADTF, de façon à ce que ces termes s'ajoutent aux éléments pris en compte pendant l'aménagement durable des forêts, la gestion du milieu forestier. Cela inclurait les consultations et, s'il y a lieu, les accommodements, s'il y a lieu, des accommodements à l'endroit des communautés autochtones. Cet ajout ne vise pas une reconnaissance des droits et n'aura pas pour le fait d'en définir la nature ou la portée. Est-ce que vous pensez que cette clarification donnée au Conseil des ministres clarifie, définit la portée de ce projet de loi qui ne reconnaît pas les droits… les droits tels que définis par la Déclaration des Nations Unies?

M. Verreault-Paul (Francis) : On en parlait d'entrée de jeu, le fondement de base de ce projet de loi doit passer par la reconnaissance pleine et entière des droits ancestraux et titres. Vous avez parlé des articles... L'article 26, il y a l'article également 19 qui est extrêmement important, où est-ce que les États doivent prévoir le consentement préalable, libre et éclairé lorsque des législations les concernant. Et c'est exactement un exemple parfait dans lequel on est actuellement. Et je crois qu'il y a également un consensus au fait qu'on doit mettre pleins feux sur cette réconciliation législative où est-ce que l'ensemble des projets de loi qui sont ici, qui passent par l'Assemblée nationale, qui ont des impacts sur nos droits, nos territoires, nos langues, nos cultures… on se doit de jouer un rôle prépondérant…

M. Verreault-Paul (Francis) : …par rapport à ces différents projets de loi qui ont des impacts sur nos nations. Donc, vous l'avez mentionné, monsieur, je crois que l'aspect de droits, tel que défini, d'abord et avant tout, ça a été demandé, via une lettre qui a été envoyée à la ministre, d'inclure cet aspect de droit à l'intérieur du projet de loi, et, en contrepartie, on est revenus avec l'aspect de simplement de mention de droits qui est à définir et qui n'a… et qui n'est pas un aspect de reconnaissance pleine et entière des droits des Premières Nations. Donc, c'est un concept qui… actuellement, là, qui est loin d'être satisfaisant au niveau de la reconnaissance de nos droits.

M. Fontecilla : Vous n'êtes pas… vous êtes… vous n'êtes pas une partie prenante comme les autres. Vous êtes les gardiens de la forêt. Vous avez des droits constitutionnels. Vous appelez à la coécriture. Qu'est-ce que ça veut dire pour vous, une véritable coécriture?

M. Verreault-Paul (Francis) : Je tiens d'abord à mentionner… en mentionnant qu'on n'est pas une partie prenante, c'est… en tout respect à tous les groupes, organisations et tout le monde qui participe à cette commission et qui… pour qui la forêt est essentielle et… pour leurs organisations et pour le futur, pour l'avenir. Vous savez, nous sommes ici pour… oui, pour le présent, mais également pour assurer une pérennité de la forêt pour les futures générations. Et je crois qu'il y a définitivement un consensus de l'ensemble des gens qui passent à cette commission actuellement. Lorsqu'on parle de… que nous ne sommes pas une partie prenante, encore une fois, je reviens à cet aspect de la Loi constitutionnelle où est-ce qu'on a un statut distinct en tant que première nation, que nous sommes des gouvernements, et que l'aspect de droits ancestraux, encore une fois, et de titres doit être pleinement reconnu et surtout mis en œuvre par les gouvernements.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci beaucoup. Alors, nous allons maintenant du côté du député de Matane-Matapédia pour 2 min 38 s.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Il y a 40 ans, en mars 1985, le premier ministre René Lévesque a fait adopter une résolution reconnaissant les droits ancestraux des Premières Nations, la reconnaissance des peuples, et cela devait nous guider en toutes circonstances dans l'ensemble de notre action politique, dans l'ensemble des projets de loi. Je me sens fiduciaire et héritier de cette motion et je regrette qu'elle ne guide pas ce projet de loi et d'autres projets de loi. Ce que vous nous dites est troublant, empreint de vérité. C'est votre volonté de faire respecter le territoire, d'être des partenaires à part entière, et ce qui se passe dans ce projet de loi se passe ailleurs aussi. Alors, moi, j'ai une responsabilité, comme parlementaire, lorsque vous exprimez cela. Ainsi, pour le peu de temps que j'ai, je vous l'accorde pour continuer à nous expliquer pourquoi ce projet de loi ne convient pas à cette reconnaissance fraternelle et ces relations de peuple à peuple.

M. Verreault-Paul (Francis) : Peut-être…

M. Bacon (Jérôme) : Oui, c'est bon. Bon, quant à moi, je pense que, dans sa forme actuelle telle que présentée, la refonte du régime forestier est complètement inacceptable. C'est un recul majeur face à nos droits, à la réconciliation qu'on parle souvent, la réconciliation législative et économique, et face à une gestion durable de nos forêts en période d'adaptation aux changements climatiques et au respect des droits des Premières Nations également. Évidemment, ça entraîne une dépossession d'une grande partie de nos territoires au profit, malheureusement, de l'industrie par l'établissement d'un zonage forestier prioritaire. Je dis malheureusement parce que ça ne respecte pas les standards en termes de conservation de la biodiversité et en termes de pérennité de nos forêts. De toute évidence, si on continue d'aménager le territoire comme ça se fait présentement, il va y avoir des fermetures d'usines, des fermetures de chantiers, ou quoi que ce soit, qui vont mener à des pertes d'emplois massives. Quand il n'y aura plus d'arbres à couper, bien, on va se buter à un mur. C'est ce qui est malheureux.

• (10 h 50) •

En donnant le le pouvoir de… le plein pouvoir discrétionnaire à la ministre en ce qui concerne nos droits à la consultation, à l'accommodement, c'est un danger réel parce que c'est elle qui va déterminer dans le… s'il y a lieu… Quand on dit «s'il y a lieu», ça, ça va être de dire : Je vais pouvoir décider que non, je vais pouvoir décider que, oui, il y a lieu. Alors, c'est un recul majeur. Ça fait, évidemment, au risque de me répéter, accélérer la dégradation de nos forêts, menaçant encore notre survie culturelle et la vitalité économique des communautés. On n'est pas contre le développement économique. On est en faveur d'un équilibre entre la vitalité économique des régions et la vitalité culturelle de nos Premières Nations qu'on représente. On est, je le rappelle, des représentants de nos Premières Nations qui sommes assis aujourd'hui devant vous pour passer le message qu'on porte haut et fort.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci, mais le temps est déjà écoulé, malheureusement. Alors, je vous remercie pour…

Le Président (M. Schneeberger) : ...à la commission, nous allons suspendre quelques instants afin d'accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 51)

(Reprise à 11 heures)

Le Président (M. Schneeberger) : Alors, nous reprenons les travaux. Nous recevons maintenant les membres de la Fédération québécoise des municipalités. Alors, juste avant de débuter, j'aurais besoin du consentement pour qu'on puisse poursuivre nos travaux jusqu'à 11 h 45, étant donné qu'on a 10 minutes de retard. Consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Schneeberger) : Parfait. Alors, bonjour à vous quatre. Comme d'habitude, je vous invite à vous présenter à tour de rôle et, par la suite, enchaîner avec votre présentation.

M. Demers (Jacques) :Parfait. Merci beaucoup. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, M. le Président, Mmes, MM. les députés. Au nom de la Fédération québécoise des municipalités, je vais présenter dans quelques instants, mais, quand même, vous présenter la fédération. On représente quand même 1 050 municipalités, l'ensemble des MRC du Québec. C'est pour ça qu'on est les porte-parole des régions. Je m'appelle Jacques Demers. Je suis président de la Fédération québécoise des municipalités, maire de Sainte-Catherine, préfet de la MRC de Memphrémagog. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Luc Simard, préfet de la MRC de Maria-Chapdelaine et membre de l'exécutif...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Demers (Jacques) :...de la FQM ainsi que de M. Guy Bernatchez, préfet de la MRC de Haute-Gaspésie, membre du conseil d'administration et président du Regroupement des communautés forestières. Aussi, Pierre Châteauvert, notre directeur des politiques. Derrière, Marie-Hélène est parmi nous quand même aussi, qui travaille... notre conseillère qui travaille sur ce dossier là, Marie-Hélène Wolfe.

Ce projet de loi là, c'est annoncé depuis longtemps. Il y a eu beaucoup de démarches, j'ose dire de consultations. On est... on s'est promené beaucoup sur le territoire, on a... ça fait des années qu'on en entend parler. C'est tellement important pour la vitalité de notre territoire.

Au niveau de la fédération, c'est sûrement le dossier sur lequel on a fait le plus de mémoires, d'interventions. L'impact de la forêt au Québec sur notre territoire, c'est essentiel. C'est ce qu'on essaie d'exprimer aujourd'hui. Puis c'est pour ça qu'à chaque fois qu'il y avait une consultation, qu'il y avait quoi que ce soit, on est présent, on ne le fait pas un peu, on le fait. Si vous regardez nos mémoires, si vous regardez ce qu'on met à l'intérieur, on n'est pas là juste pour s'opposer à des choses, on est là pour faire des suggestions dans les dossiers. C'est ce qu'on souhaite faire dans ce dossier-là aussi.

Nous avons organisé trois rendez-vous des communautés forestières, on a tenu des ateliers, on a dirigé des documents d'orientation, on a participé aux forums gouvernementaux, on a fait plusieurs propositions majeures, constructives dans ce dossier. Force est de constater qu'aucune des propositions n'a été retenue. C'est gros ça, quand on dit... On avait la semaine passée même la réunion des MRC, l'ensemble du... toutes les MRC du Québec sont présents. Puis quand on leur donne notre position, on leur explique ce qui se passe là-dedans, il n'y a personne qui est content de ça. C'est rare. D'habitude, on peut se diviser. Des fois, des communautés où est-ce qu'ils ont plus de production sur leur territoire, ils y voient un aspect économique, peuvent y voir des axes différents, mais là il n'y a personne qui se retrouve. Rarement vu une telle chose.

Notre mémoire, de toute façon, explique l'entièreté de ces choses-là. On est en profond désaccord, particulièrement sur un point. Je vais laisser mes confrères expliquer peut-être les autres, mais particulièrement celui où est-ce qu'on enlève le pouvoir aux municipalités de décider sur son territoire. Pourtant, c'est le même gouvernement qui nous parle d'un comité... d'un gouvernement de proximité qui là nous dit : Non, ce n'est plus à vous, ça, on envoie ça à la MRC de décider sur notre territoire, là où est-ce qu'on va planter, à quelle densité, là où on va couper, de quelle façon on va jardiner nos forêts sont nos terres privées. Vraiment particulier. J'aimerais vraiment comprendre au moins quel est l'objectif, parce que, sûrement, que l'objectif, c'est de récolter puis d'avoir une gestion saine, mais est ce qu'on va l'obtenir de cette façon-là? On va probablement se rendre compte que dans une MRC où est-ce que tu es 18, 20 municipalités, il y a des variantes. Il y a des fois des petites municipalités, près de cours d'eau, de lacs d'eau potable qui disent : Oh non, non, nous autres, c'est important d'être beaucoup plus sévères. D'autres municipalités où est-ce qu'ils ont plus de forêts qui disent : Oh! De notre côté, on veut le jardiner, on veut la cultiver, puis il y a des revenus à aller chercher de ce côté-là. Ça fait qu'il y une variante à l'intérieur de ces municipalités-là, puis de vouloir amalgamer ça dans des terres privées puis sur d'une base MRC, on va probablement se rendre compte qu'on va faire une moyenne des choses, c'est-à-dire celui qui était le plus sévère va devoir être un peu moins sévère, mais l'autre va le devenir.

En finalité, probablement, qu'il va se couper encore moins de bois sur ces terres-là si c'était le but d'en couper plus, parce qu'on va avoir une ligne qui maintenant va être une ligne mrcéenne et qui ne correspondra pas nécessairement au territoire. Puis, dans ces MRC-là, il y a des territoires qui sont très grands et des municipalités sont très différentes des unes des autres. Mais surtout d'enlever un pouvoir ou même de nous dire : Bon, on aurait pu mettre un ingénieur, on aurait pu mettre quelqu'un qui va le dire de la façon que ça va se cultiver sur votre territoire. Notre rôle, c'est l'aménagement de notre territoire.

Je vais laisser M. Simard continuer de ce côté-là.

M. Simard (Luc) : D'abord, bonjour, Mme la ministre. Je voudrais saluer aussi Nancy, là, ma députée. On se voit, on se rencontre souvent, ça fait plaisir.

Je voulais tout d'abord parler, dans le projet de loi, là, tous les éléments qui, malheureusement, mettent fin au processus de consultation puis qui évacuent les élus municipaux des processus décisionnels.

Donc, en premier lieu, le gouvernement désire mettre fin aux tables GIR qu'on appelle. Donc, on sait que ces tables-là, il y avait une efficacité quand même un peu inégale par tout territoire, tout dépendant des régions, mais que cette instance-là doit quand même portait des fruits... a porté fruit dans bien des régions, mais c'était quand même un lieu où est-ce qu'on pouvait discuter des enjeux forestiers. Donc, c'est pour ça qu'on...

M. Simard (Luc) : ...questionne vraiment sur l'abolition de ces tables-là. Parce qu'on le sait que ça peut dépendre de beaucoup de facteurs, mais c'était une table qui était très, très appréciée dans les milieux, même si... comme on le mentionnait, que ce n'était pas parfait.

Donc, le ministère a choisi de retirer de la loi aussi toute référence au processus de consultation au profit de la nomination de fonctionnaires, sous la gouverne de Québec, qui seront responsables de déterminer de façons... de façons d'associer les acteurs locaux. Nous nous opposons à cette façon de faire qui équivaut à de la centralisation pure et simple de la gestion du territoire.

Pour les régions, l'approche actuelle a la qualité d'être inscrite dans la loi. Et il aurait été préférable de s'investir davantage pour améliorer les processus de consultation et de concertation actuelle que de faire table rase, comme le prévoit le projet de loi.

Les élus sont vos meilleurs alliés pour assurer l'acceptabilité sociale des activités forestières sur le territoire. Et vous comprendrez donc notre incompréhension face au choix de la ministre de retirer toute description des processus de consultation de la loi. Un fonctionnaire, quel qu'il soit, ne peut remplacer les élus et assurer la concertation des acteurs d'un territoire. C'est pourquoi on fait fausse route à ce sujet.

De plus, comme vous avez pu le constater dans notre mémoire, nous sommes préoccupés des impacts de ces choix sur l'indépendance du forestier en chef. Cette institution est primordiale pour la préservation de la ressource, de cette ressource essentielle aux régions. Et nous questionnons les propositions contenues dans le projet de loi qui risquent de limiter son action.

Par ailleurs, les MRC forestières réclament depuis plus de 10 ans la mise en place d'une politique sur les forêts de proximité et le lancement d'appels à projets pour les concrétiser. Force est de constater que, malgré les promesses, la volonté du ministère ne s'est jamais concrétisée. Aussi, la FQM demande aux membres de cette Assemblée de modifier le projet de loi afin de favoriser la mise en place de forêts de proximité et de procéder au redécoupage des unités d'aménagement en ce sens, selon les demandes du milieu municipal.

Il y a la problématique des chemins multi-usages qui est abordée aussi dans le projet de loi. C'est un vaste réseau complexe. Puis c'est une question très, très importante pour l'accès au territoire, pour les territoires de la MRC. Notre mémoire est également clair sur cette question. Le financement est complexe et les intervenants se concertent sur les bases des territoires de MRC pour réaliser les projets. Aussi, l'approche du ministère doit être revue afin que la planification des chemins multi-usages soit réalisée sur la base des territoires de MRC et non des unités d'aménagement.

La forêt appartient à tous les Québécois et Québécoises et à tous... qui vivent sur ce territoire-là, entre autres dans les communautés locales, et celle-ci doit demeurer accessible. C'est pourquoi nous nous interrogeons également sur la proposition de zonage contenue dans le projet de loi.

Il nous fera plaisir d'aborder ces questions lors de la période d'échange avec vous. Mais je vais passer la parole à mon collègue, là, Guy Bernatchez pour la suite de la présentation.

M. Bernatchez (Guy) : Merci, Luc. Mesdames, Messieurs, nous sommes tous d'accord, nous désirons des communautés forestières dynamiques et prospères. Dans le contexte actuel, où les conditions économiques sont décidées ailleurs, ce n'est pas chose simple et facile. Une intervention législative doit donc de surcroît être bien réfléchie, s'appuyer sur de réels consensus et la capacité et le rôle des intervenants pour être porteuse. On s'entend, là, un régime, là, une modernisation, on n'en fera pas une aux deux, trois ans, on va l'avoir pour 10 à 15 ans, comme le dernier de 2013, c'est important de bien se positionner pour la suite.

J'ai présidé les trois derniers forums des communautés forestières à la FMQ, dirigé les travaux qui ont mené à la publication de nos cinq documents majeurs produits depuis 2022. J'aurais aimé apporter mon soutien au projet de loi, mais trop de questions demeurent en suspens pour ce faire, pour toutes les raisons décrites dans notre mémoire.

• (11 h 10) •

Toutefois, je ne jette pas la serviette - nous sommes des élus constructifs et pragmatiques - et vous indique que nous accepterons d'emblée toute invitation à nous asseoir pour discuter d'améliorations à apporter au projet de loi pour le bien du Québec et des régions. Nous croyons toujours qu'il est possible de s'entendre et de permettre à tous d'avoir accès à cette ressource et au territoire. À preuve, les propositions constructives que nous avons faites ces derniers mois.

En effet, soucieux de proposer des pistes de solutions mobilisatrices, la FQM proposait plutôt cette année de créer des sociétés régionales d'aménagement forestier pour faire le lien entre les propositions de la ministre et les intervenants et décideurs locaux. L'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec a repris les grandes lignes de cette proposition lors de son intervention de la semaine dernière, suggestion qui a reçu un accueil des plus favorable depuis. Cette société régionale serait composée d'élus et d'autres partenaires et serait chargée de la concertation et de la planification des activités. Elle serait également chargée de l'aménagement forestier, avec l'objectif d'assurer la prévisibilité des interventions en forêt, une condition essentielle pour les entreprises et travailleurs...

M. Bernatchez (Guy) : ...en ce domaine. L'aménagiste régional proposé dans le projet de loi serait partie prenante de cette société. Les communautés autochtones pourraient également participer à cette instance, une nécessité pour assurer la paix et la cohésion sur le territoire. On en a la preuve en ce moment.

Nous croyons sincèrement qu'il s'agit d'une proposition porteuse qui nous éloignerait de la centralisation actuelle. Il ne faut jamais perdre de vue que les élus municipaux sont les plus près des communautés, des gens qui habitent le territoire. Puis, quand il y a un problème en forêt, ils n'appellent pas les députés ou les gens du ministère, mais ils appellent les maires puis les préfets en premier...

Une voix : ...

M. Bernatchez (Guy) : Ils vous appellent sûrement, mais les maires, mettons qu'on est proches. On est proches du monde.

Le Québec mérite sans aucun doute un régime forestier au bénéfice des communautés et des intervenants présents et actifs sur le territoire. Les défis sont grands, et il est impensable d'imposer ses vues en 2025. Pour la FQM, les communautés forestières doivent être au premier plan d'une vraie réforme ancrée dans le territoire. Nous vous remercions et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci beaucoup. Alors, juste... Vous avez empiété du temps, alors je l'ai mis sur le temps de la ministre. Alors, Mme la ministre, vous avez 14min 38s.

Mme Blanchette Vézina : ...mais je pense que c'était important que vous finissiez votre point. Merci d'être là, à vous quatre. Bien contente de pouvoir poursuivre, effectivement, un dialogue qu'on a eu en continu, M. Bernatchez, et moi, et d'autres, effectivement.

Et, tu sais, je comprends votre position. Pour moi, il y a certains objectifs... en fait, les objectifs du projet de loi m'amènent à difficilement pouvoir donner plus de pouvoirs de manière à ce que... de la façon dont vous le demandiez, mais... puis ça, on en a eu, des discussions, là, à ce sujet-là, hors micro, là, puis je ne veux pas prendre tout le temps, là, pour exposer ces échanges, mais, quand même, pour moi, il était important de faire de la place aux municipalités.

Puis, d'ailleurs, tu sais, alors que vous mentionnez que les processus de consultation sont terminés, là... pas du tout, l'aménagiste forestier va devoir consulter les MRC, là, c'est nommé dans l'article 17 doit... là, je le cherche, là, 17.2, pour la proposition du zonage. Pour moi, l'aménagiste forestier régional, tu sais, je tiens à vous rassurer, là, c'est une réponse à votre demande de régionaliser. L'objectif, là, c'est vraiment de s'assurer qu'on puisse régionaliser des décisions, que ça arrête d'être pris par des gens à Québec qui ne connaissent pas vos régions, qui ne connaissent pas les régions ou les acteurs, ou moins les acteurs sur le terrain, je devrais dire, pas «pas». Mais donc, pour moi c'est la solution. Et il devra consulter les MRC. C'est nommément prévu dans le projet de loi.

On a aussi venu... on est aussi venu solidifier, quand même, les forêts de proximité, à 17.21.1, dans la délégation, là, des territoires délimités en forêt de proximité. Je sais que c'étaient des demandes que vous aviez formulées, là, de pouvoir avoir des assises, pouvoir travailler avec les forêts de proximité. Alors, c'est en réponse à cette demande-là, à ces discussions-là qu'on a eues qu'on est venu solidifier cet élément, cet outil qui pourrait être utilisé par des MRC, là, comme vous le savez très bien.

La semaine dernière, on a entendu l'UMQ, qui, elle, s'est montrée favorable, là, à la création en plusieurs temps, là, du projet de loi, avait des réserves sur certains éléments, mais, quand même, mentionnait une position qui est beaucoup plus nuancée quant au projet de loi, alors qu'ils représentent... vous représentez... vous êtes représentés par des membres similaires, là, tu sais. Je me questionne, mais, quand même, pour moi, il était important d'écouter ce que vous avez à dire.

J'aimerais vous entendre, d'ailleurs, sur la gestion des chemins, parce que... des chemins multi-usages. Pour vous, c'est, je le sais, un enjeu de sécurité, un enjeu d'accès au territoire. On est venu, à l'intérieur du projet de loi, proposer un plan de gestion des chemins dans lequel des partenaires du milieu pourront être impliqués, l'idée étant de mieux planifier. Puis il y a des choses qui se travaillent en Gaspésie aussi sur la gestion des chemins, auxquelles on participe, comme ministère, pour s'assurer d'avoir une meilleure planification, une meilleure gestion des chemins. Donc, j'aimerais entendre ce que vous avez à proposer, là, pour... par rapport au plan de gestion des chemins.

M. Demers (Jacques) :On va peut-être commencer à répondre dans quelques-unes de vos interventions. Quand vous voulez voir la différence entre l'UMQ et la FQM, bien, regardez nos nombres de membres. On est 1050 membres, il y a 1108... 1110 municipalités dans l'ensemble du Québec. Vous leur demanderez le nombre de membres puis vous leur demanderez qui ils représentent, mais je peux vous dire clairement qui nous, nous représentons, puis on représente, entre autres, l'ensemble des...

M. Demers (Jacques) :...MRC du Québec. C'est ça, le territoire au Québec. C'est chez nous que la forêt se trouve. C'est pour ça qu'on sait ce qui se passe. C'est pour ça qu'on a tenu des colloques forestiers que d'autres organisations ne peuvent pas tenir de la même façon parce que le besoin n'est pas à la même place. Mais, si, pour vous, ce n'est pas encore assez clair, la distinction, je pense qu'on peut le démontrer de plein de façons. Quand on nous dit que, oui, on va avoir quelqu'un encore de plus régional puis qu'on va nous consulter, c'est peut-être ce qui nous fait peur. Quand ça fait des années qu'on nous consulte puis qu'on ne garde rien de la consultation, qu'on nous dise qu'il va y avoir quelqu'un pour diriger au niveau de nos régions puis qui va nous consulter... On veut être entendus, on veut être dans les décisions. Ce qu'on nous enlève présentement, c'est notre pouvoir de décision. D'être consultés, c'est toujours bien agréable, mais, si ça reste ça, ce n'est pas suffisant.

Je vais vous laisser, messieurs. Vous connaissez mieux les chemins, et tout ça.

M. Bernatchez (Guy) : Mais je vais laisser les forêts de proximité à Luc, mais, d'entrée de jeu, oui, la... nous, on veut... on veut être partie prenante. On s'en est déjà parlé, Mme la ministre, les élus, c'est extrêmement important. Je l'ai dit tantôt un peu maladroitement, là, en lien avec les élus municipaux, qu'on est vraiment près de nos populations, mais on est redevables envers eux, parce que, quand... Un bon exemple d'accès au territoire : les chemins, l'entretien des chemins. Ils appellent aux MRC, aux municipalités, ils veulent aller à leurs chalets, ils veulent avoir un entretien, un pont... un ponceau coupé ou quoi que ce soit, ils appellent... ils n'appellent pas l'industrie, là, ils appellent au bureau du maire ou du préfet puis ils demandent à ce que le chemin soit réparé. Donc, il faut qu'on soit partie prenante, au-delà de la consultation, pour la suite des choses.

Puis, si vous voulez... si vous souhaitez avoir un minimum d'acceptabilité sociale avec votre projet de loi, il faudra encore plus impliquer les élus municipaux, c'est incontournable, en lien avec la gouvernance. Pour les chemins multiusages, il y a beaucoup de zones d'ombre en ce moment en lien avec l'utilisateur payeur. Qui? Quand? Comment? Où? Quels chemins? On a beaucoup de questions à ce niveau-là. C'est sûr et certain que, comme gouvernements de proximité, on a reçu beaucoup de responsabilités au fil des derniers mois, dernières années. On ne veut pas avoir la responsabilité d'entretenir les chemins, on veut travailler en équipe, sauf qu'il faut absolument être... faire partie de la discussion, à savoir quels chemins et quels accès seront entretenus puis quels fonds, d'où l'argent va venir. Ça, c'est la question, la prémisse de base. Puis les gens qui ont les connaissances pour faire de l'entretien de chemins sont les entreprises forestières. C'est eux qui ont des ingénieurs, des techniciens, de la machinerie. Donc, il faudra travailler tout le monde en équipe pour faire en sorte qu'au niveau de la voirie forestière, puis des chemins multiusages, puis de l'accès à notre territoire, qui est extrêmement important... que les élus soient concertés pour la suite.

M. Simard (Luc) : Pour ce qui est des chemins, il faut qu'il y ait des plans, il faut que ce soit fait à l'échelle la MRC. Moi, chez nous, dans ma MRC, j'ai 30 associations de villégiateurs. Il y en a partout, du monde, sur le territoire. Puis on a peut-être 30 000 à 35 000 kilomètres de chemins forestiers sur notre territoire. On sait bien qu'on ne sera pas capables d'entretenir ça. Puis ce n'est pas à l'État d'entretenir l'ensemble de ces chemins-là non plus. Mais, à tout le moins, il faut qu'on ait un plan par territoire de MRC puis identifier des axes de pénétration de classe un, de classe deux, où là, oui, le gouvernement devra s'impliquer avec des sous pour en faire l'entretien, parce que ça permet de lutter contre les feux de forêt, ça permet... ça permet d'accéder rapidement au territoire, mais on ne peut pas commencer à entretenir l'ensemble des chemins. Puis nous, les MRC, on est prêts à travailler avec nos associations de villégiateurs pour soutenir l'entretien des dernières branches, des dernières... là, mais on a besoin de soutien, de support puis de sous pour entretenir, à tout le moins, les chemins de pénétration, surtout avec les aires protégées, les industriels forestiers viennent de moins en moins. Ils ont changé leurs opérations aussi dans les dernières années, donc ça fait en sorte qu'il va y avoir un besoin sur les chemins principaux d'entretien, puis on devra se faire un plan pour participer avec les MRC pour ces chemins-là.

• (11 h 20) •

Puis il y a des programmes de ponts et ponceaux aussi. On parle de chemins qui sont là puis qu'on ne veut pas perdre, parce que, si on n'avait pas ça, là, on aurait au moins 40 % de nos villégiateurs qui n'auraient plus accès à leurs chalets, je vais vous le dire, là, bien franchement, là, parce qu'on en remplace. Mais c'est un programme qui est très bien utilisé, c'est fait par des bénévoles, ça ne coûte pas cher. Donc, on a des...

On a besoin de support, je ne vous le cache pas, mais, en même temps, les MRC, on démontre de la bonne foi, parce qu'on met déjà aussi beaucoup d'efforts à entretenir, à tout le moins, le réseau plus secondaire, plus tertiaire des chemins. Donc, c'est un partenariat qu'on veut travailler avec l'État pour l'entretien des chemins forestiers.

Pour ce qui est... On a parlé de forêt de proximité. Nous, c'est un... Forêt de proximité, là, on a déjà fait nos preuves. Je pense, ça fait 25 ans qu'on gère les terres publiques intramunicipales dans les conventions de gestion territoriale, où on a fait...

M. Simard (Luc) : ...puis je vous dirais que... sur des territoires qui sont entre les municipalités, collés sur le monde, les territoires les plus forestiers publics, les plus utilisés qu'il n'y a pas au Québec. Puis, là-dessus, là, je vais vous donner un exemple chez nous, là. Bien, on a des bases de plein air, on a des sentiers de ski de fond, on a des sentiers pédestres, on a développé l'entièreté, ou presque, de notre parc régional, le parc régional de Grande-Rivière, on a des bleuetières, on a des pistes de motoneige, on a des pistes de quad, puis là-dessus, là, on récolte notre possibilité forestière quand même. Ça vous donne... Puis on a planté notre cinq millionième arbre il y a deux ans, 5 millions d'arbres sur un petit territoire, gros comme rien.

Donc, c'est pour vous démontrer que les communautés locales, on est capables... puis on est capables d'avoir des opérations rentables, on est capables de gérer des territoires, on est capables de travailler des territoires, même en partenariat avec la société civile, chez nous, avec notre comité multi-ressources, où est-ce qu'on a des gens de l'environnement, de toutes les sphères. Donc, c'est pour ça qu'on veut en faire plus. Puis il y a des territoires qui ont besoin d'agrandir ces territoires-là, parce qu'ils ne sont pas rentables non plus, ils ont des superficies trop petites, ou ils ont des territoires qui n'ont pas de potentiel ligneux sur pied, si on peut dire. Donc, on veut avoir une ouverture pour discuter de l'agrandissement de ces territoires-là, puis c'est l'ensemble des communautés... de la... des communautés forestières qui vont en bénéficier, mais aussi l'ensemble de l'État québécois qui va en bénéficier.

Ces territoires-là, on veut expérimenter des nouvelles façons de récolter. C'est des lieux d'innovation sociale aussi, de par notre concertation qu'on fait, Il y a plein de bonnes idées qui vont sortir de ces territoires-là, qu'on va pouvoir faire ailleurs sur le territoire forestier. Donc, c'est un besoin, là, qu'on a dans l'ensemble des communautés, de déployer davantage de territoires en forêt de proximité. Mais, actuellement, on semble vouloir convertir les conventions de gestion territoriale en forêt de proximité, donc il n'y a aucun gain, là, c'est... c'est un 30 sous pour un autre 30 sous, là. Ça fait que c'est là, là, qu'on a un questionnement pour ce qui est de la... de la forêt de proximité.

Le Président (M. Schneeberger) : Mme la ministre.

Mme Blanchette Vézina : Merci. On a entendu, la semaine dernière, la Fédération des producteurs forestiers privés, là, qui mentionnait, là, que c'était important pour elle d'avoir un environnement d'affaires qui est plus clair, parce que... puis c'est pour ça, d'ailleurs, là, qu'on en arrive à demander... ou à aller modifier, là, la compétence... pour envoyer aux MRC, là, la compétence de légiférer sur la question de l'abattage d'arbres. Depuis que je suis en poste, là, j'ai vu de nombreux règlements. J'ai constaté aussi, malheureusement, que des municipalités n'utilisent pas l'expertise des ingénieurs pour pouvoir faire leur réglementation. C'est une minorité qui utilise, malheureusement, l'expertise des ingénieurs. Ce qui arrive trop souvent, c'est aussi soit des récoltes qui font du développement sans avoir de reboisement. Il y a ça aussi qu'on souhaite pouvoir contrôler, utiliser l'expertise des ingénieurs forestiers qui sont là pour conseiller les élus municipaux.

Et on le sait que la compétence de la MRC, elle est importante, en termes de gestion du territoire, et... tu sais, on la reconnaît, on le sait. Alors, d'avoir une meilleure harmonisation, c'est ce qu'ils sont venus nous nommer, d'avoir une meilleure harmonisation, considérant qu'une municipalité, la forêt ne va pas être nécessairement délimitée en fonction des limites territoriales. Un producteur, même, producteur, un propriétaire terrien pourrait avoir plusieurs municipalités sur un même lot, avec des plans de gestion, d'aménagement qui sont plus... qui sont différents selon une municipalité. Alors, eux ont accueilli très favorablement... On sait que la forêt privée, c'est une solution à l'approvisionnement des usines, et je sais que vous avez à cœur, aussi, la vitalité économique des régions, comme nous.

Ça fait que, quand je vous parlais d'objectifs communs, nous, on ne veut pas enlever complètement la possibilité aux municipalités de pouvoir légiférer en terres privées. On veut une meilleure harmonisation, considérant que le morcellement puis l'expertise ou l'utilisation des experts ingénieurs forestiers est à géométrie très variable. On veut s'assurer de pouvoir à la fois avoir un meilleur environnement d'affaires tout en ayant une possibilité, pour les MRC, donc les municipalités qui sont sur les conseils de MRC, de pouvoir s'exprimer, de pouvoir décider, entre eux, d'un règlement qui sera plus uniforme, qui va permettre, là, donc, d'avoir à la fois une meilleure vision d'ensemble, une meilleure harmonisation des usages. Alors, c'est pour ça aussi qu'on vient... qu'on vient proposer de monter aux MRC.

J'aimerais comprendre en quoi... quelles autres solutions pourraient être envisagées pour atteindre cet objectif-là, puisque ce que vous semblez me dire, c'est qu'il faudrait garder ça d'un point de vue municipal. Je prends l'exemple de la MRC de La Mitis, que mon collègue de Matane-Matapédia connaît bien, 16 municipalités au sein de la MRC, 16 règlements distincts. Bien que j'aie, à plusieurs reprises, tendu la main à la FQM pour dire : Pouvons-nous parler d'une harmonisation, pouvons-nous aider les municipalités dans leur façon de réglementer?, malheureusement, la réponse a été : Bien, c'est municipal, on va laisser ça comme ça. Donc, pour moi, tu sais... j'aimerais vous entendre sur comment on peut y arriver, à cette harmonisation ou à cette possibilité d'éviter des dérives, de part et d'autre, là, des... dans la réglementation...

M. Demers (Jacques) :...bout-là. Évidemment, d'habitude, je serais bien surpris, quand que vous demandez à la FQM des pistes de solution, qu'on n'en mette pas. À chaque fois, on en trouve. Mais il faut d'abord connaître l'objectif. Si vous dites que c'est pour uniformiser, c'est bien, mais uniformiser pourquoi? C'est quoi, l'impact? L'uniformiser, c'est-tu pour le producteur? Si vous me parlez en terres publiques, c'est une chose, mais, quand vous parlez en terres privées, c'est une autre chose. Les grands terrains privés sont plus rares. On ne parle pas de même superficie. Quand on regarde sur un territoire ce qu'on a à vivre... Puis je suis aussi producteur forestier, j'en ai, de la forêt que j'ai à gérer, dans une MRC voisine de la mienne. Les règlements, on est capables. On a nos regroupements forestiers, on gère ça, puis je pense qu'on le gère de la bonne façon. Je pense plutôt que, dans certaines... Puis, quand tu as une MRC comme Memphrémagog, celle que je connais le mieux, c'est la mienne, là, tu as des grands propriétaires qui n'ont peut-être pas le goût d'en couper, du bois. Ils sont en terres privées. Est-ce qu'on est en train de dire qu'on va les obliger? Je pense qu'on n'est pas à ce niveau-là.

Si on regarde ce qui se passe, il faudrait comprendre l'objectif. Puis ça, on pourrait probablement... Puis je suis un des premiers, puis je l'ai fait de maintes et maintes fois, d'expliquer à des municipalités l'importance de jardiner nos forêts, pour plein de raisons. On est capables. On pourrait en parler longtemps, mais passons d'abord par l'objectif. Il y a des OGAT au niveau du gouvernement. Quand ils veulent passer par la bonne porte puis qu'ils nous demandent à nous de trouver des solutions, des orientations gouvernementales, ça règle des choses aussi, plutôt que de l'imposition, comme qu'on semble vouloir faire.

Une voix : Si vous permettez, premièrement...

Mme Blanchette Vézina : Bien, je tiens à vous rassurer, peut-être avant, M. Châteauvert, il n'y a pas d'imposition, là, aux MRC. Il n'y aura...

Le Président (M. Schneeberger) : ...Je veux bien, mais on a... C'est parce qu'on a dépassé... minutes, là.

Mme Blanchette Vézina : Tu sais, mais je veux juste peut-être rementionner, il n'y a pas d'imposition aux MRC, là. Tu sais, ce n'est pas... c'est inexact de dire qu'on vient imposer.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci. Alors, on va passer à l'opposition officielle, et j'entends le député... Ah! députée de Mille-Îles, alors, bonjour à vous, pour 10 minutes 24.

Mme Dufour : Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous quatre d'être ici aujourd'hui. Vous êtes le deuxième groupe qu'on entend ce matin, deuxième groupe qui représente des gouvernements de proximité. Et un constat est clair : les deux, les deux groupes viennent nous dire que, visiblement, le projet de loi, ils n'ont pas été assez consultés, il ne répond pas aux préoccupations qu'ils ont exprimées. J'ai compris avec les Premières Nations qui sont... vous ont précédé que, sans une réécriture complète en cocréation, il n'y aurait pas de voie de passage pour ce projet de loi là. Qu'en est-il de votre côté?

M. Demers (Jacques) :Bien, je n'aurais pas osé dire qu'on n'a pas été assez consultés. Je pense qu'on a été beaucoup consultés, depuis des années, dans ce dossier-là, mais on n'a pas été considérés ou on ne retrouve pas là où on pensait... Probablement, comme les Premières Nations disaient, c'est souvent de travailler ensemble ces choses-là qu'on fait quoi de plus solide. Là, il me semble qu'on est arrivés avec des pistes de solution puis on a des surprises, en finalité, où est-ce qu'on ne se retrouve pas. C'est vraiment le sentiment qu'on a présentement.

Mme Dufour : Mais est-ce que vous pensez que... S'il n'y a pas une réécriture, là, globale, vraiment majeure, est-ce que vous pensez que vos membres adhéreraient au projet de loi?

M. Demers (Jacques) :Les membres n'adhèrent pas. Je peux vous dire, là, quand je dis qu'on l'a présenté dans l'ensemble des MRC, ça donne un bon signal de ce qui se passe sur l'entièreté du Québec. Je pense que ça, ça nous a beaucoup parlé. C'est pour ça qu'on est ici. Mais, oui, on a de l'ouverture, on veut... on veut travailler ensemble. On a un devoir de le faire aussi, puis ça, on va être là. Mais, ce qui est présenté, il y a des choses qu'on ne peut pas accepter. Puis, quand on décide qu'on enlève des décisions municipales en disant : On ne l'impose pas, mais, quand on l'enlève aux municipalités puis on le met à la MRC, pour moi... je n'ai peut-être pas le bon terme, mais c'est ce que ça signifie.

• (11 h 30) •

M. Châteauvert (Pierre) :Si vous permettez, un exemple concret, ce qu'on vient de parler, la réglementation municipale. Le gouvernement du Québec, les nouvelles orientations gouvernementales en aménagement, ça fait 25 ans, qu'il n'y en avait pas eu, elles ont été... elles sont rentrées en décembre. L'objectif 6.2 ou 6.3, Forêt privée, nous l'avons très bien accueilli. On l'avait commenté, on a dit : C'est excellent. Et, comme ça, les MRC le reproduisent dans leurs schémas et donnent des balises aux municipalités. Ça répond exactement à ce que la ministre nous a dit tout à l'heure, ses objectifs par rapport à normaliser ou, tu sais, équilibrer l'ensemble des interventions, mais le choix qui a été fait est : On retire le pouvoir aux municipalités locales. On ne peut pas comprendre ce choix-là. On vient de décider, le gouvernement... On a passé quatre, cinq ans à rédiger tous ensemble ces OGAT là...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Châteauvert (Pierre) : ...travailler, collaborer, et on arrive, décembre, et là on fait un choix différent et surtout dans le contexte que la réalité... le bois du privé n'est pas mis en marché à cause du prix, pas à cause de la réglementation. Tous les spécialistes vont vous le confirmer. Ce n'est pas ça. Et donc pourquoi on retire... Ah! il y a quelques cas, effectivement, dans le mémoire on reconnaît quelques cas problématiques, là, mais on ne généralise... Moi, je suis allée à l'université. On m'a toujours dit il ne faut pas généraliser. Donc, on ne comprend pas. Et ça, c'est ça qu'il faudrait arriver changer.

M. Simard (Luc) : ... si on veut que ça fasse l'affaire de nos membres, je pense qu'il faut qu'on ait un très gros exercice. Parce que, oui, on a été écoutés, mais pas entendus. Donc, ça prend énormément de travail de vous le mentionner. Puis on ne sent pas la relation partenariale de gouvernement de proximité. On la sent quand on travaille avec le ministère des Affaires municipales, mais là on la... on ne la sent pas, on ne la sent pas du tout. Puis pourtant l'acceptabilité sociale des projets de mise en valeur des ressources naturelles, ça se fait que les communautés locales, si on veut aller la chercher. Puis on l'a fait avec l'énergie, avec tout... tous les derniers... dans les 10, 15 dernières années, les projets de développement énergétique ont été faits en collaboration puis par les communautés locales. Puis c'est là qu'on a été chercher l'acceptabilité sociale, puis ça a bénéficié grandement au Québec. Puis on s'est associés avec les communautés autochtones dans chacun de nos territoires. Chez nous, on a deux centrales hydroélectriques où est-ce qu'on est avec... en partenariats avec les autochtones. On fait des projets de développement éolien en partenariat avec eux autres. On est prêts à travailler ensemble, mais ça prend une implication directe. Mais, dans le cas de la forêt, on dirait qu'on n'est pas considérés, qu'on n'est pas là, qu'on n'existe pas. C'est ça qu'il y a de la difficulté à passer auprès de nos membres.

Mme Dufour : Donc, je comprends que ce n'est pas des changements cosmétiques qui vont faire l'affaire. Puis on va parler peut-être du projet de loi, là, qui vient abolir les tables... là. Elles n'étaient pas parfaites, mais, bon, ça a amené quand même un dialogue qui est nécessaire.

Pour vous, là, qu'est-ce qui aurait pu être modifié à ces tables-là? Et peut-être les mettre en lien avec votre proposition, là, de faire des sociétés régionales d'aménagement, là. Tu sais, peut-être les comparer.

M. Simard (Luc) : Bien, écoutez, oui, les tables... bien, les tables... c'est un... on dirait que c'est un moindre mot, là. Tout dépendant de qui planifie les opérations forestières, ça prend une structure de concertation régionale. Si on a une société de gestion des forêts régionale, ou, tout dépendant, chacun des territoires régionaux, ça peut être des sous-régions aussi, là, il y a des territoires qui sont très, très vastes, mais, nous autres, on pense qu'avec... avec des gens, des élus qui sont présents en grande partie sur ces conseils d'administration là... avec des gens multiressources, hein? On n'est pas... On ne veut pas éliminer le monde de l'environnement. On ne veut pas éliminer les autres utilisateurs. Puis on veut impliquer les communautés autochtones dans ces structures-là. Nous, on pense que ça aurait été une bonne façon de faire une vraie concertation puis une concertation en amont, dès le début du processus de planification, de prendre en compte l'ensemble des besoins. Puis, même en ayant des gens du domaine économique, on aurait eu une planification qui aurait été structurée puis qui aurait amené un aménagement du territoire qui aurait été sensé, qui aurait pris en compte nos préoccupations.

Donc... Mais, advenant le cas qu'on n'ait... qu'on n'ait pas cette structure-là, ça prend, de toute façon, une structure de concertation régionale. Mais il faudrait analyser. Moi, je pense qu'avec ce qui a été fait, il y a des places ça marchait très très, très bien, là. Je pense que ça aurait pris une analyse de voir c'est quoi, les recettes de succès dans les endroits où que ça va bien pour les rapporter ailleurs, de regarder où ça allait moins bien, pourquoi ça allait moins bien. Des fois, c'est des échelles territoriales. Des fois, c'est tout simplement des personnes en la place. Donc, c'est vraiment très, très variable. Mais on ne peut pas non plus arriver... parce que, oui, on parle, dans beaucoup de places, qu'on va être consultés, mais là, mettez-vous dans notre peau, on a été consultés, on a proposé cinq documents dans les dernières années, mais on ne semble pas être entendus. Donc, les processus de consultation, bien, on vient un peu futés, on va le dire de même.

M. Bernatchez (Guy) : Puis j'ajouterais, tu sais, on a un bel exemple concret, là, l'alliance de l'Est avec l'éolien, les régies de l'énergie. On a des belles concertations entre les élus puis les différents acteurs du territoire, puis on a réussi à implanter la filière éolienne, exemple, chez nous, en Gaspésie, puis avec les communautés autochtones, tout le monde, tous les acteurs du milieu. Puis on est capables. Puis tout le monde est partie prenante, puis les redevances deviennent extrêmement importantes pour les communautés.

Puis quand on parle, encore une fois, de consultations, s'écouter, discuter, c'est bien beau, mais, à un moment donné, il faudrait retenir des volets, il faudrait retenir des solutions qu'on propose. Puis on ne se reconnaît pas dans le projet de loi actuel.

Mme Dufour : Merci. Vous parlez aussi, dans votre mémoire, de lourdeur administrative liée aux conventions des gestions... de gestion territoriale, page 7 de votre mémoire. Est-ce que c'est possible d'avoir des exemples?

M. Simard (Luc) : Bien, la convention de gestion territoriale n'est pas nécessairement directement touchée, outre que ça deviendrait des projets de forêts de proximité. On est actuellement à discuter le renouvellement de ces conventions-là. On a démarré des comités de négociation pour discuter un peu du renouvellement parce qu'on veut en faire des outils... des outils vraiment plus modernes, plus souples, où on aurait plus de facilité à gérer.

Puis, moi, je vous donne un exemple. Nous, on fait de la foresterie à très très, très petite échelle, là. Puis je dis des «très», il faudrait que j'en donne pas mal, des «très», parce que c'est vraiment des petits...

M. Simard (Luc) : ...les petits morceaux qu'on récolte à travers des sentiers de ski de fond, mais ça déroge aux normes. Puis pour être capable de faire ça, il faut que ça remonte à Québec pour avoir l'autorisation. Ça peut prendre cinq, six mois avant de revenir chez nous, pour aller récolter un petit morceau, là, de même pas un hectare ou un demi-hectare. Tu sais, c'est un exemple, là, mais il y en a beaucoup d'autres. Mais ces conventions-là, on a un processus de négociation pour renouveler ces conventions-là, mais on veut plus de souplesse. Puis on veut expérimenter peut-être plus par gestion par objectifs, en responsabilisant les communautés locales, parce qu'on est des commettants, on est imputables face à nos citoyens. Si on fait un travail tout croche, on va se faire mettre dehors. Un peu comme vous autres. On est tous dans le même bateau.

Mme Dufour : Oui, mais pour avoir été élue municipale, je confirme que vous êtes pas mal plus au fond que nous. Le concept de forêt de proximité, pourquoi, selon vous... vous en parlez quand même abondamment, là, pourquoi, selon vous, ça n'a pas été encore mis en place? Ça semblait prometteur, là.

M. Bernatchez (Guy) : Bien, on l'entend, là, dans le projet de loi... Tantôt, on a dit : On renforce. Mais on renforce quoi? Il y en a eu un, depuis 10 ans, en Abitibi, puis c'est tout. On ne renforce pas grand-chose. On renforce de quoi qui n'a pas été mis en place, qui était dans le régime de 2013. Ça fait que c'est ça que... on se désole devant ce constat-là, parce qu'on a démontré l'efficacité.

Vous avez eu le représentant de l'Abitibi, la semaine passée, qui en a fait mention, qui dit qu'ils réussissent très bien à gérer leur territoire. Pis là, quand tu te concentres, dans ta MRC puis sur ton territoire, pour aller chercher une acceptabilité sociale, bien, c'est là que tu peux jouer, en lien avec les historiques des différentes municipalités. Il y en a qui sont plus vers le récréotourisme, il y en a où ils ont une usine de bois dans le milieu de leur village, donc ils sont plus habitués au passage des camions, exemple. Donc, c'est à ça qu'une MRC avec une forêt de proximité pourrait s'ajuster, encore plus régional, territorial, en lien avec l'aménagement de la forêt.

Puis la forêt de proximité, bien, on s'entend, ce n'est pas juste de l'aménagement forestier, là, c'est plein d'autres activités. Donc là tu t'ajustes aux différents... visions des municipalités sur le territoire, puis c'est beaucoup plus facile, je me répète, d'aller chercher cette fameuse acceptabilité sociale qui est extrêmement importante. Parce que, du bois, on en aura toujours besoin. On le sait, c'est un matériau vert, ça combat les GES, etc. Mais il faut le faire de la bonne manière. Puis on croit qu'avec la grandeur de notre territoire, quand on est capables de le faire de la bonne manière puis en faisant encore plus régional, bien, ça devient plus facile.

M. Simard (Luc) : ...c'était le seul endroit où est-ce qu'il y avait des volumes de bois disponibles. C'est pour ça qu'il y en a eu là et qu'il n'en a pas eu ailleurs. Tous les volumes de bois étaient octroyés, donc il n'y avait pas de possibilité d'en développer d'autres. Mais là, avec l'abolition du BMMB, les garanties... peuvent être maintenues puis de l'espace pour faire des projets de gestion locale des territoires forestiers de forêts de proximité, il y en a avec ces volumes de bois là, Donc, il faut regarder comment on peut les déployer. Nous, on pense qu'il faut que ça se fasse dans les unités d'aménagement. Il faut peut-être redécouper, probablement redécouper des unités d'aménagement. On peut se donner quelques années, mais on veut démarrer un chantier là-dessus pour voir où et comment on pourrait déployer des projets de forêts de proximité, parce que c'est important pour les communautés locales. Puis ce n'est pas la majorité du territoire québécois, hein, c'est des territoires à proximité des municipalités où est-ce qu'il y a le plus de monde, où est-ce que c'est le plus dur d'aller chercher l'acceptabilité sociale.

Le Président (M. Schneeberger) : Merci. Merci beaucoup. Nous allons du côté de la deuxième opposition, et j'entends le député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci, M. Le Président. Bonjour, messieurs, merci beaucoup d'être ici avec nous. Écoutez, on a entendu plusieurs opinions, pendant ces consultations, dans le sens que ce projet de loi favorise et a été rédigé pour favoriser les intérêts de l'industrie forestière, là. Et, moi, la question que je me pose : Est-ce que le retrait des responsabilités des plus petites... des municipalités... de transfert vers les MRC, est-ce que ça favorise l'industrie? Est-ce que c'est un... Ou ce n'est pas sur ce terrain-là que ça se situe, là, c'est vraiment qu'on dépossède les municipalités de vos prérogatives?

• (11 h 40) •

M. Demers (Jacques) : Ce qu'on entend, avec la consultation qu'on fait auprès des MRC, des MRC où est-ce qu'ils ont vraiment beaucoup de terres publiques, souvent, c'est déjà harmonisé de façon générale. On a deux préfets, ici, que... ça ne semble pas être un problème. Dans des territoires où est-ce que, là, on parle de terres privées, oui, là, ça cause une problématique. Puis je ne suis pas sûr, je pense que... C'est pour ça que je demandais pourquoi qu'on fait ça. Je comprends, l'harmonisation, mais, l'harmonisation, il y a une raison. Il y a des gens qui se sentent probablement enfargés par certaines réglementations. Puis il y a des fois que je suis d'accord avec eux qu'il y a des réglementations municipales, dans des petites municipalités, qui sont trop sévères. On essaie de convaincre, de dire : Oh! faites attention.

En même temps, quand on regarde les superficies qu'ils ont, c'est souvent minime, ça n'aura pas un gros impact. Puis, où est-ce qu'il y en a plus, bien là, le risque que l'impact soit là mais que tout le monde le ressert... Ça fait qu'en finalité, la forêt, le monde forestier n'aura rien gagné à amener...

M. Demers (Jacques) : ...au niveau de la MRC. Ça va être harmonisé. Mais si c'est harmonisé exactement à ce que vous ne voulez pas. Est-ce que c'est l'harmonisation que vous souhaitez?

M. Simard (Luc) : C'est un faux débat. C'est un faux débat de porter... de faire porter l'odieux du manque de mobilisation des bois de la forêt privée sur les règlements municipaux. Le prix du bois n'a pas monté depuis 10 ou 15 ans. C'est le même prix. Puis souvent, quand tu récoltes, tu te fais, on va le dire comme ça, tu te fais... tu paies en impôt par après. Les gens étaient futés. Les gens, ce n'est plus aussi rentable de faire des opérations forestières sur les forêts privées. Puis il y a aussi un certain phénomène où est ce que des gens s'achètent des lots pour s'y récréer. Ils ne veulent pas nécessairement récolter du bois. D'ailleurs, chez nous, le prix des lots a triplé ou quadruplé, là, depuis 10 ans, là, parce que c'est très, très recherché. Donc, il y a beaucoup de phénomènes qui sont liés à ça, mais on fait porter l'odieux de la sévérité des règlements d'abattage municipaux, mais c'est vraiment un faux débat. L'enjeu n'est pas là, là, pour moi, la mobilisation des bois pour l'industrie.

M. Fontecilla : Je vous ai entendu parler d'acceptabilité sociale, là. J'aimerais comprendre en quoi ce projet de loi pourrait diminuer l'acceptabilité sociale, là, de l'industrie de l'exploitation du bois, là.

M. Bernatchez (Guy) : Bien, il y a plusieurs facteurs. Il y a plusieurs facteurs qui font en sorte qu'on risque de frapper un mur. Là, on le voit dans les sorties médiatiques des dernières semaines, combien il y a des groupes qui se positionnent contre le projet de loi. Nous, on parle pour nous, en lien avec la gouvernance puis la planification. On veut être autour de la table, les élus, parce qu'on est... C'est nous qui sommes proches de nos populations. Puis on connaît ce qui... ce qu'elles désirent sur le territoire. On parle de triade aussi sur la forêt publique. Nous, on a des doutes aussi en lien avec la manière de fonctionner sur les différents parterres de coupe qui sont définis, c'est-à-dire la production ligneuse, le multiusage puis la protection. On se dit où est ce qu'il y a de la production ligneuse, il y aura de l'aménagement intensif, mais on a de sérieux questionnements en lien avec ça. Est-ce que l'argent va être sur la table pour faire justement de l'aménagement intensif et augmenter la possibilité forestière? Parce que ce serait ça l'objectif d'une triade. Tu augmentes la possibilité forestière sur un territoire donné, ce qui fait en sorte que tu peux te donner le luxe de protéger plus de territoire. Mais on a des sérieux doutes en lien avec ça. Va-t-il y avoir les argents nécessaires qui seront investis dans ces territoires-là? C'est là que, nous, on est pour le fait que les entreprises, l'industrie forestière aient plus de prévisibilité puis la licence de 10 ans et des choses comme ça qui ont été mises sur la table. Mais l'implication des communautés et de leurs représentants est incontournable. Et c'est là-dessus où on...

Le Président (M. Schneeberger) : Merci. Merci beaucoup. Et je suis très lousse ce matin sur le temps, je peux vous le dire, là. Alors je vous... On s'en va du côté de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je veux saluer votre organisation, sa grande représentativité. J'ai 45 municipalités dans ma circonscription. C'est le record au Québec. Je ne sais pas si elles sont toutes membres de la FQM. Si c'est le cas, donc, ça inclut Sainte-Luce que la ministre a représentée comme mairesse. Donc, elle a eu à travailler avec la FQM. C'est important parce que je connais votre expertise. Je connais même l'expertise personnelle du préfet de la Haute-Gaspésie dans le domaine forestier. Je connais celle de son père avant. Il ne parle pas pour ne rien dire. Alors, je veux saluer son engagement parce qu'il a annoncé qu'il n'allait pas se représenter. Ceci étant dit, j'ai lu un article dans LaPresse, je pense, où vous commentez le projet de loi. Vous dites qu'on reviendrait à une époque avant la commission Coulombe. Ce n'est pas rien. Donc, si ce n'est pas les municipalités qui sont maître d'oeuvre ou qui sont partie prenante, qu'est ce que ça pourrait donner comme phénomène? Est-ce à dire que des grands industriels seraient rois et maîtres, là, dans nos... dans nos localités et dans nos régions, puis on reviendrait à une époque qu'on croyait révolue?

M. Bernatchez (Guy) : Ça ne serait pas bon pour eux... pour elles, pour les entreprises forestières, là. Elles vont porter l'odieux. Vous dites mes 30 ans d'expérience au niveau de l'aménagement forestier, M. Bérubé? Je suis propriétaire d'un lot, donc la forêt privée, je trappe, je chasse, je pêche, je suis, en bon Québécois, un gars de bois. Donc, je l'ai vue, l'évolution de la forêt au fil du temps. Puis oui, l'amélioration continue sur notre territoire, ça a eu lieu au fil des décennies. Puis là on parle de moderniser le régime. Je n'ai pas l'impression qu'on va le moderniser avec ce qu'il y a sur la table. C'est là que sont nos craintes.

M. Bérubé : Vous avez entendu les Premières Nations avant vous. Si ce n'est pas bon pour les Premières Nations, si ce n'est pas bon pour les municipalités, si ce n'est pas bon pour la chasse et la pêche, si ce n'est pas bon pour les environnementalistes, où réside l'intérêt d'adopter un projet de loi comme celui-là pour le gouvernement selon vous?

M. Bernatchez (Guy) : Bien, en ce moment, il y a beaucoup de zones d'ombre. Donc, oui, la prévisibilité pour les entreprises, mais à quel prix? Il faut faire en sorte qu'on ait une pérennité...

M. Bernatchez (Guy) : ...qu'on ait un aménagement digne de ce nom de notre territoire pour faire en sorte que nos entreprises justement aient une prévisibilité, pas juste sur 10 ans, mais pour des décennies, qu'on puisse continuer d'avoir accès à ce territoire-là puis de pratiquer tous les loisirs possibles parce que c'est important. C'est important, la forêt au Québec, là. L'accès au territoire est extrêmement important. Puis la présence d'industries fait en sorte qu'on a des chemins qui donnent accès à ce territoire-là, donc il faut trouver le juste milieu, le juste équilibre en lien avec l'aménagement forestier puis l'occupation de ce territoire-là.

M. Simard (Luc) : Parce que l'industrie... De reconfier ça à l'industrie, c'est une perte de confiance du public, je pense, dans le système forestier, dans le régime forestier. C'est là qu'il y a un enjeu qu'il faut éviter absolument. Puis c'est pour ça qu'on veut impliquer les communautés locales. C'est les mieux placés pour faire les choix. Puis on veut en faire, du développement économique chez nous, je peux vous le garantir. Puis on veut des entreprises rentables chez nous. Puis on ne veut pas nuire à cette industrie-là. Mais on veut aussi protéger notre territoire, l'aménager, développer nos parcs. Donc, c'est pour ça qu'on trouve que de ramener l'industrie à la planification, bien, on part avec deux prises puis... avec un enjeu de confiance du public envers... envers le régime. Puis on l'a vu avec le groupe avant nous, mais on le voit dans plein de groupes dans nos consultations.

Une voix : Merci.

Le Président (M. Schneeberger) : Alors, merci à vous quatre pour votre apport à la commission.

Alors, étant donné l'heure, nous suspendons dans la commission jusqu'à cet après-midi, après la période de questions.

(Suspension de la séance à 11 h 47)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 18)

Le Président (M. Bernard) : Bonjour, bonjour, tout le monde. Donc à l'ordre, s'il vous plaît, là, La Commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux cet après-midi.

Alors, je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît. Alors, cet après-midi, nous allons poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 97, Loi visant principalement à moderniser le régime forestier.

Cet après-midi, nous allons entendre trois groupes. Nous allons commencer avec Unifor Québec, suivi de la Centrale des syndicats démocratiques et nous terminerons l'après-midi avec la Fédération de l'industrie manufacturière CSN. Donc, pour tout de suite, donc, je vous rappelle que les interventions sont de 10 minutes pour… par exposé. Alors, je vous souhaite la bienvenue, M. Cloutier et M. Lavigne, content de vous revoir, M. Cloutier. Alors donc, vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation, et par la suite, nous allons procéder avec les échanges avec les groupes parlementaires. Alors, d'entrée de jeu, je vous invite à vous inviter et à commencer votre présentation. Merci.

M. Cloutier (Daniel) : Merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, mesdames et Messieurs les membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner l'occasion de contribuer à vos travaux entourant le projet de loi n° 97 et, plus largement, la réforme du régime forestier du Québec.

Je me présente, Daniel Cloutier, directeur québécois du syndicat Unifor. Je suis accompagné de M. Simon Lavigne, représentant national au service de la recherche. Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Nous représentons près de 320 000 membres, dont 55 000 au Québec et près de 14 000 qui œuvrent dans les filières forestières partout au Québec, de l'Abitibi-Témiscamingue jusqu'à la Gaspésie. Nos membres travaillent à toutes les étapes de la chaîne forestière, de la sylviculture aux produits finis, en passant également par les pompiers, pompières de la SOPFEU. On peut dire sans exagérer que les travaux qui se déroulent ici aujourd'hui les concernent à plus d'un titre.

• (15 h 20) •

Après plus de 10 ans d'application du régime actuel et à la lumière des transformations du secteur, Unifor reconnaît la nécessité d'une réforme du régime forestier. Nous avons salué dès le départ la volonté gouvernementale de moderniser les dispositions en place dans une optique de durabilité économique, sociale et environnementale. Nous reconnaissons également que les entreprises forestières ont besoin d'un cadre normatif prévisible, stable et cohérent. Sans cela, impossible…

M. Cloutier (Daniel) : …de planifier, d'investir ou de maintenir des chaînes d'approvisionnement fiables.

La réforme de 2013 avait introduit des améliorations importantes, notamment sur le plan environnemental, mais la centralisation accrue de plusieurs fonctions a parfois nui à la cohérence sur le terrain et a contribué à une hausse continue des coûts qui affectent la compétitivité du Québec face à d'autres provinces comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, pour ne nommer que celles-ci. Les défis économiques aujourd'hui appellent à une réponse plus large

 Nous faisons face à un contexte difficile, c'est-à-dire faiblesse des prix sur le marché, incertitude géopolitique, guerre commerciale avec les États-Unis. Dans ce contexte, la stratégie industrielle forestière doit être repensée. Elle doit intégrer l'innovation, la diversification et s'appuyer sur des politiques publiques ambitieuses. Pour nous, ces dimensions sont indissociables de la régime d'un régime forestier… de la réforme du régime forestier, je m'excuse.

Par ailleurs, les usages de la forêt se diversifient. Elle ne sert plus seulement à produire du bois. De plus en plus d'acteurs revendiquent un droit de regard sur sa gestion. Cela appelle à des mécanismes de concertation renforcés si on veut assurer la prévisibilité et l'acceptabilité sociale.

Nous faisons également face à des obligations environnementales croissantes, la réponse du déclin des populations de caribou, par exemple, les cibles de 30 % d'aires protégées d'ici 2030 et des réglementations internationales plus contraignantes. Aucune réforme ne peut être crédible si elle néglige ces aspects, et surtout aucune réforme ne peut être durable sans un engagement sincère avec les Premières Nations. À défaut, nous verrons se multiplier les blocus, les tensions, les pertes économiques et une détérioration de la réputation du Québec à l'international.

Nous appelons à une réforme tournée vers l'avenir, mais qui reconnaît aussi les acquis du passé. Le projet de loi n° 97, en l'état, nous apparaît déséquilibré. Trop peu de voix ont été entendues dans sa conception et le processus de consultation, tel que mené jusqu'ici, a compromis sa légitimité. Face à ce vide, les organisations syndicales ont pris l'initiative d'agir. Elles ont organisé à Chicoutimi un sommet sur l'avenir du secteur forestier. Plus de 200 participants y ont pris part : syndicats, entreprises, Premières Nations, groupes environnementaux, scientifiques, municipalités. Ce sommet a montré une chose claire. Le milieu est prêt au dialogue. Il veut contribuer activement à des solutions, mais il manque aujourd'hui un cadre institutionnel pour que ce dialogue prenne forme.

Notre principal défi à toutes et à tous, c'est de trouver les voies de passage et, ce faisant, de parvenir à protéger les emplois de qualité. Certaines mesures contenues dans le projet de loi peuvent favoriser l'accès à la fibre et alléger les coûts d'opération. Nous en reconnaissons l'intérêt, mais, si ces mesures ne permettent pas en retour, un, d'assurer des approvisionnements fiables à moyen et long terme, comme le mettent en doute de nombreux experts, si elles contribuent à un climat de conflit avec tous les autres partenaires du milieu forestier et si elles nuisent à notre capacité de certification qui nous ouvrent des opportunités sur les marchés internationaux, alors nous ne serons pas plus avancés.

M. Lavigne (Simon) : En ce moment, nous sommes préoccupés par ce que nous voyons. Le transfert de responsabilités vers l'industrie comporte des risques, et plusieurs y voient un recul important par rapport à… le régime actuel. L'affaiblissement des mesures de consultation et de concertation stratégique, on peut penser à l'abolition des tables GIRT, laisse entrevoir une dynamique qui est plus conflictuelle à l'avenir. En principe, nous accueillons favorablement l'idée de zonage et de sylviculture intensive, mais la façon dont on veut s'y prendre est répudiée par le chercheur même qui l'a proposée, et l'absence de stratégie d'investissement sylvicole nous laisse penser que l'on va surtout intensifier, c'est la coupe.

D'autre part, l'architecture de gouvernance régionale proposée ne semble pas destinée à permettre une véritable prise en charge régionale. Je pense que, ce matin, vous en avez entendu parler aussi. Finalement, la redéfinition de l'aménagement écosystémique est loin de faire l'unanimité parmi la communauté scientifique. Plusieurs y voient un affaiblissement et aussi une surestimation de nos capacités d'intervention en forêt. On se rappelle qu'on fait de la forêt extensive au Québec. On croit qu'il faut faire… il faut trouver un équilibre. Depuis 25 ans, le secteur forestier québécois a perdu plus de 30 000 emplois, des emplois de qualité…

M. Lavigne (Simon) : ...ce ne sont pas que des chiffres, ce sont des familles, ce sont des communautés, des économies locales. Et, pour nous, il devient inacceptable de continuer à gérer crise après crise, sans solution durable. Le temps est venu de sortir d'une logique défensive de court terme. Le moment est venu d'innover, de transformer et surtout de mieux planifier. C'est pourquoi nous portons aujourd'hui des recommandations concrètes qui, à nos yeux, devraient trouver écho dans cette réforme forestière globale. On parle, par exemple, d'élaborer une stratégie industrielle intégrée qui va miser sur la transformation, la valeur ajoutée et l'innovation. On parle d'adopter aussi, en lien avec ça, des politiques publiques qui vont soutenir l'innovation puis la consommation locale des produits du bois, notamment en contexte de guerre commerciale. On parle de créer un bureau de transition forestière pour décloisonner l'action publique et accompagner le rebond de notre industrie. On parle de mettre sur pied un fonds de transition parce qu'on sait que ça prend de l'argent en allant chercher l'argent à Ottawa pour financer la modernisation et soutenir les régions et les travailleurs. On parle de planifier des mesures de soutien équitables et une transition juste pour ces travailleurs et leurs communautés également. On parle d'engager une véritable réconciliation avec les Premières Nations, une réconciliation économique et territoriale pour stabiliser le climat social. On parle aussi de créer des sociétés d'aménagement régionales dotées de réels pouvoirs de gouvernance territoriale. On veut aussi favoriser la concertation, notamment en instaurant un Conseil national des partenaires de la forêt pour éviter de se ramasser dans des rencontres puis des sommets ad hoc; avoir vraiment un endroit permanent pour discuter de ces enjeux. Et finalement on veut déployer un effort sylvicole soutenu, crédible, financé pour réussir une intensification réaliste — et le mot est important, réaliste — sur le territoire. Finalement, on veut aussi évidemment maintenir la biodiversité, c'est le socle de la résilience de la forêt face aux changements climatiques. On ne peut pas passer à côté de ça.

Donc, en conclusion, on ne vient pas ici pour défendre le statu quo, on vient pour affirmer notre volonté de construire une réforme durable, équilibrée, crédible, une réforme qui va permettre aux Québécois et aux Québécoises, aux travailleurs, aux travailleuses de continuer à vivre dignement de la forêt pour les 50 prochaines années et au-delà. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Cloutier, M. Lavigne. Nous allons débuter les périodes d'échange avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, vous disposez d'un bloc de 16 min 30 s.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Merci, M. le Président. Merci à vous d'être là aujourd'hui.

Il s'est dit beaucoup de choses sur la place publique, puis je pense que, tu sais, c'est important que je vous nomme les objectifs que j'ai derrière le projet de loi, mais surtout pourquoi je fais les ajustements qui sont nécessaires. Moi, je pense aux travailleurs, à vos membres. Ceux qui, comme vous le dites, sont dans la forêt, ceux qui sont des conjoints de d'autres qui travaillent ailleurs dans nos régions, ça fait que ce que vous nommez aujourd'hui, là, je partage exactement les mêmes objectifs que vous. Je tiens à vous le dire parce que beaucoup de choses ont été dites et sans fondement nécessairement réels, parce que, pour moi, si je veux, mais à prévisibilité sur le long terme, un équilibre entre protection de biodiversité et activités économiques liées à la forêt, c'est parce que je pense moi aussi aux pertes d'emplois des dernières années, je pense à nos communautés forestières qui se... dévitalisent, pardon, puis c'est à ça que je... c'est ce qui drive, c'est ce qui dirige mes objectifs derrière le projet de loi. Ça fait qu'on partage les mêmes objectifs, puis je pense que, dans les échanges que vous avez eus avec mon équipe, là, ça vous a été nommé. Donc, soyez rassurés, sur cet élément-là.

• (15 h 30) •

Puis ce que j'entends depuis plusieurs mois, on a fait de nombreuses consultations, et je sais que vous avez participé aux tables de réflexion sur l'avenir de la forêt, de vos membres aussi partout au Québec, plus de 1 000 participants, le statu quo, il n'est plus possible, puis je le sais, là, on le voit avec en plus l'arrivée de Trump au pouvoir aux États-Unis, le conflit du bois d'œuvre qui se... qui perdure et qui va s'amplifier dans les prochains mois. Il est urgent d'agir.

Donc, suite aux consultations, nombreuses consultations, aujourd'hui, il est important d'avancer pour sécuriser des emplois dans nos régions. Pour moi, c'est... puis pour notre gouvernement, c'est névralgique. Ça fait que je pense à vos travailleurs, soyez-en assuré.

Contexte difficile amène, oui, à vouloir travailler une stratégie industrielle, pas juste travailler, il y a du financement dans le budget que vous avez vu également. Alors, les équipes sont à pied d'oeuvre en ce moment, parce qu'effectivement, projet de loi, c'est une chose, améliorer un environnement d'affaires, de prévisibilité puis d'aménagement pour permettre d'avoir une sécurisation, disons, des activités économiques liées à la forêt, mais ça prend une stratégie aussi...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

Mme Blanchette Vézina : ...monétaires. Et ça, toute mon équipe est à côté, là, bien, on y travaille ardemment. Le plus tôt possible, on souhaite vous présenter, mais ça va inclure, bien sûr, deuxième, troisième transformations, innovation. La filière forestière, elle a déjà entamé ce virage-là, et vous le savez, mais on peut donner un coup de pouce encore plus grand pour que ce secteur-là demeure un secteur intéressant puis valorisé puis que ça reste une fierté pour les Québécois. Pour moi, c'est vraiment important.

Et puis j'habite une région forestière, je suis... vous êtes probablement dans une région forestière, vous y allez assez régulièrement. Les gens sont fiers de comment on fait les choses en forêt. Puis on va demeurer avec un forestier en chef qui est là pour surveiller la possibilité forestière. Ça fait que, quand vous parlez d'investissements sylvicoles, sylviculture intensive, là, c'est des sommes colossales que... je dis «je», là, que je suis allée chercher, dans les dernières années, aux Finances, pour pouvoir financer des travaux sylvicoles, puis je voudrais éviter que ces sommes-là soient investies sans qu'on s'assure d'avoir une pérennité pour les activités économiques aussi liées à la forêt, en lien avec ces investissements-là. C'est long à pousser, un arbre, hein, puis moi, je pense à... je ne pense pas à court terme, je ne pense pas à ma prochaine élection, je pense à dans 30, 40, 50 ans, quand ces investissements-là vont être encore en forêt pour que ça serve aux gens des forêts. Ça fait que je voulais commencer par ça.

J'ai une question à vous poser par rapport à, justement, la stratégie industrielle, parce que c'est des choses qui reviennent, là, dans ce que j'ai noté, là, que vous aviez partagé, autant dans l'étape de réflexion sur l'avenir de la forêt que sur le projet de loi. Vous parlez de deuxième, troisième transformations. En fait, je voulais juste comprendre comment vous voyez la place de la filière forestière, l'ensemble des activités économiques liées à la forêt dans le cadre de cette stratégie-là.

M. Cloutier (Daniel) : Bien, je peux commencer, puis tu compléteras, Simon. Je vous donne un exemple. Les technologies et les connaissances actuelles permettent de bâtir des édifices jusqu'à 18 étages de haut en poutres de bois et en produits du bois. On a des entreprises au Québec, d'ailleurs, qui se démarquent dans la production de tels produits et qui pourraient encore aller plus loin. Il pourrait y avoir d'autres joueurs aussi qui sont intéressés. Donc, dans le cadre d'une politique industrielle, notamment, on pourrait favoriser et modifier, peut-être, d'autres règlements, inciter la Régie du bâtiment, inciter les architectes à rentrer beaucoup plus de composantes de bois dans les buildings. Et ça peut donc s'inscrire dans une nécessité qu'on a de bâtir plus de logements au Québec pour faire face à la pénurie de logements, se dégager des marchés et développer de la technologie qui pourrait par la suite être exportable. Donc, c'est le genre d'exemple.

Maintenant, bien, ça, ça se multiplie par les biocarburants, les biocarbones ou les biocharbons. Ça se multiplie également... des projets comme Domtar, à Gatineau, actuellement, qui transforme l'usine à papier en usine à carton. Ce faisant, Ils vont utiliser 100 % de la matière recyclée, donc ils vont libérer de la fibre, peut-être, pour d'autres projets, et ils vont aussi réduire le coût énergétique en libérant une cinquantaine de mégawatts pour retourner sur le marché.

Donc, c'est... Pour nous, une politique industrielle innovante, audacieuse et mobilisante, bien, ça peut créer cet engouement-là, et c'est toute la motivation de nous donner, tu sais, la raison de... pourquoi est-ce qu'on veut le faire et pourquoi est-ce qu'il faut qu'on réussisse. Simon.

M. Lavigne (Simon) : Je rajouterais à ça, on est très conscients du fait qu'on a une structure industrielle donnée qui est axée sur l'exportation, puis la première transformation, elle est essentielle, elle est partie intégrante de ça. Donc, on n'est pas en train de dire qu'on veut remplacer complètement cette dimension-là par quelque chose qui est de la... On n'est pas là. Ce qu'on veut puis ce qu'on voit, c'est que, de plus en plus, les modèles d'affaires des entreprises qui réussissent, c'est des modèles qui intègrent différents... on va dire. Différentes cordes à leur arc. Puis on pense que ça, c'est quelque chose qu'une politique industrielle peut pousser, peut aider.

Puis, de l'autre côté, bien, on voit que ça va prendre quelque chose de plus que de l'exemplarité gouvernementale, ça va prendre quelque chose de plus que de la bonne volonté pour aller utiliser du bois. Et on croit que, là-dessus, il y a vraiment une ambition. Il y a une détermination dans l'action gouvernementale plus forte qui pourrait advenir et qui pourrait supporter des emplois de qualité. Et c'est des signaux que le gouvernement peut envoyer. On est un peu dans une situation où on pense qu'on ne peut plus simplement laisser certains acteurs privés un peu dicter la marche. On croit que le gouvernement ne va pas aller nationaliser ou faire le travail à la place des entreprises, mais il peut envoyer vraiment des signaux, en termes industriels, des signaux de vers où il veut aller, comment il veut transformer la fibre, des signaux à long terme. Puis il peut aussi offrir des facilités puis mobiliser des acteurs financiers, comme, par exemple, les fonds de travailleurs dans... qui sont déjà impliqués énormément en foresterie, qui peuvent aussi davantage jouer un...

M. Lavigne (Simon) : ...là-dessus. Puis on les a rencontrés. Je pense qu'il y a un intérêt aussi de ce côté-là. Donc, pour nous, c'est vraiment... Puis ça va... L'arrimage entre... on comprend que le régime puis la pièce législative ici, le 97, ce n'est pas là nécessairement qu'on parle de politique industrielle. On comprend très bien. Mais, pour nous, il est essentiel qu'il y ait un arrimage puis qu'il y ait une réflexion entre les deux. Puis c'est ce qu'on a dit d'entrée de jeu. À partir de février 2024, à Chicoutimi, toutes les centrales syndicales réunies, on a dit : On veut parler de stratégie industrielle et de réforme du régime d'aménagement ensemble, on croit que c'est... c'est une discussion qui mérite d'être abordée de façon cohérente, les deux en même temps.

Mme Blanchette Vézina : Bien, effectivement. Puis, tu sais, c'est pour ça que je vous pose la question aujourd'hui, parce que je le sais que ça fait partie de vos demandes, puis c'est dans le mémoire. Ça fait que, cette discussion-là, je suis contente qu'on va pouvoir la poursuivre, là. Moi, j'y travaille. Je vous le dis, les équipes sont à pied d'œuvre, là. D'ailleurs, ça devrait commencer bientôt, les consultations hors ministère, là. Ça fait que c'est certain qu'on va... qu'on va parler au terrain, là, puis s'assurer qu'on est... qu'on va... qu'on va consulter les parties prenantes pertinentes et intéressées.

Juste vous mentionner, Cecobois, tu sais, qu'on a renouvelé le financement, qui est l'outil, là, qui permet de calculer l'impact des GES, l'utilisation... encourager l'utilisation du bois. Ça fait que, ça, on est toujours alignés vers cette mesure, là, qui est vraiment importante, avec le programme aussi d'innovation de la construction en bois, en tout cas, plusieurs programmes existants.

J'ai une question pour vous. Dans votre mémoire, vous soulevez, là, l'importance que vous a accordée à l'accréditation syndicale, à savoir qu'elle ne soit pas impactée par le projet de loi n° 97. J'aimerais ça comprendre, tu sais, avoir un exemple, là, de changement issu du p.l. qui... du projet de loi qui aurait un impact négatif sur vos accréditations.

M. Cloutier (Daniel) : On est en train de l'étudier comme il faut, cet aspect-là, et peut-être qu'on aura des revendications particulières. Mais, actuellement, les travailleurs syndiqués en forêt, les entrepreneurs forestiers et tous ceux... et les membres de leur équipe, l'accréditation va avec le détenteur de la GA. Et là, comme il y a abolition de la GA, est transférée sur une... c'est quoi le terme?

Une voix : ...

M. Cloutier (Daniel) : ...titulaire de licence, bien, on va vouloir s'assurer que les accréditations syndicales qui étaient sur une GA donnée suivent le titulaire de licence. Ce que ça évite, par exemple, si je prends l'exemple de Domtar, qui ont des garanties d'approvisionnement, Domtar peut faire affaire avec plusieurs dizaines, voire dans certains cas centaines d'opérateurs forestiers. Et le régime fait en sorte que ces gens-là sont syndiqués mais sont aussi propriétaires d'une machine. Donc, vous avez quelqu'un qui va acheter pour quatre ou 5 millions de dollars d'équipement, une abatteuse, une débusqueuse, un chargeur, et il va avoir des membres de son équipe. Tous les gens sont payés en fonction de la convention collective. Ils ont les régimes de pension, les avantages sociaux prévus par la convention collective. Mais le propriétaire, lui, à la fin, reçoit aussi des compensations par le détenteur de la GA pour essence, machinerie, etc. Et là, on comprend qu'il dégage un certain profit pour financer ses emprunts, mais également pour son usage personnel. Et ce régime-là, donc, on souhaite qu'il demeure puis on souhaite que ça n'en vienne pas à une situation où les accréditations syndicales tomberaient parce qu'on a changé la structure des donneurs d'ouvrage au niveau de la forêt.

• (15 h 40) •

Mme Blanchette Vézina : O.K. Merci. Ça précise. En fait, le principe du projet de loi, là, c'est s'assurer d'avoir des zones de conservation qui vont aussi... bien, se permettre d'avoir des zones d'aménagement forestier prioritaires pour, comme je disais, trouver l'équilibre. Il y aura toujours la zone multi-usage. J'aimerais, tu sais... Vous avez nommé, là, que ça, c'est un principe qui peut être intéressant. Considérant, là, qu'on veut sécuriser des emplois bien sûr forestiers, autant pour l'activité en forêt que pour après ce qui découle de la récolte, comment vous voyez autrement? Parce que, tu sais, j'entends que les gens veulent discuter puis... mais quelles seraient les autres solutions à envisager si on souhaite atteindre à la fois des objectifs de protection de biodiversité, avoir d'autres activités économiques liées à la forêt, chasse, pêche, pourvoiries, etc., récréotouristique et sécuriser des emplois? Parce que, vous l'avez dit, là, les emplois périclitent depuis la modernisation du régime... donc le régime actuel. Ça fait que comment vous voyez ça autrement?

M. Cloutier (Daniel) : Bien... Puis tu pourras compléter, peut-être, Simon. Bien, on est tout à fait... on souscrit tout à fait au principe de la triade. Maintenant, la différence qu'on voit ou la difficulté qu'on voit, c'est l'ampleur du territoire. Si on prend la Suède ou la Norvège, c'est des plus petits territoires, et à peu près 100 % de leur forêt est cultivée. Mais, nous, on a des territoires...

M. Cloutier (Daniel) : …qui peuvent être 10 fois la taille de la Belgique. Donc, penser qu'on va cultiver tout ça, bien, actuellement, je ne suis pas sûr qu'on a ni les moyens en ressources humaines, ni les moyens financiers, etc., pour y arriver. Donc, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il doit y avoir des zones où on va faire ça, bien, ça ne peut pas être sur un territoire aussi large que 35 % ou 30 %. Il faudrait délimiter à l'intérieur de chaque région des zones où on va faire la culture intensive. Puis peut-être, nous ramener peut-être, à l'ensemble de ces zones-là, l'équivalent de ce que ferait la Suède.

Maintenant, une fois qu'on a tout fait ça, bien, il reste encore plein de territoires, dans lesquels l'aménagement actuel, qui est écosystémique, va perdurer ou devrait perdurer. Puis je dis ça aussi en précisant que notre expertise à nous, ce n'est pas tellement l'aménagement forestier ni la compréhension scientifique de tout ça, ceci étant dit, on est capables de faire preuve d'intelligence. Donc, on a consulté un paquet de gens, les scientifiques, les spécialistes en la matière. Et comme je vous dis, c'est beaucoup plus la taille du territoire à couvrir qui nous dit : Bien, peut-être il faut l'aménager différemment, d'où la composante régionale.

M. Lavigne (Simon) : Bien, je pense qu'il y a un élément là-dedans où on se questionne. En fait, il y a plusieurs questionnements. Puis comme le dit Daniel, nous, ce qu'on a fait, on n'est pas des ingénieurs forestiers. On est allé… on est allé parler avec des ingénieurs forestiers, on est allé parler avec différents intervenants, différents usagers du territoire. Puis ce qu'on voit, c'est qu'il y a des enjeux au niveau de l'harmonisation, évidemment, des utilisations en forêt. Il y a aussi des enjeux au niveau de la détermination de ces zones-là puis du séquençage par rapport, par exemple, aux zones de conservation. Qu'est-ce qui va être fait avant, après? Est-ce que... Puis on entend des gens nous dire : Bien, il faudrait y aller un petit peu tout en même temps. On ne peut pas commencer à dire : Bien, on prend 30 % et voilà, c'est du prioritaire puis… Donc, il y a cet élément-là.

Il y a aussi l'élément… Puis vous l'avez dit, c'est quand même onéreux, faire de la sylviculture intensive. Et là ça, c'est l'autre élément. On voit… ça... On laisse présumer un peu dans le projet de loi qu'on pourrait faire de l'intensif sur 30 % du territoire. La réalité, c'est que ça prendrait des investissements… bien, en fait, que l'État québécois n'est pas prêt, jusqu'à preuve du contraire, à donner. Donc, partir à ce moment-là, il faut choisir une portion de territoire qui est raisonnable, dans lequel on peut faire cette intensification-là. Et ce n'est pas tout à fait clair en ce moment. Comment on va y arriver? La stratégie d'investissement sylvicole, on… Il y a beaucoup de gens qui mentionnaient que ce n'était pas clair jusqu'à quel point on va être capable d'avoir un peu la capacité de nos ambitions là-dessus, donc.

Et le zonage aussi, en tant que tel, ça amène une rigidité. C'est un autre élément qui nous a été apporté, à savoir : si on détermine que pour 10 ans, bien, c'est comme ça que ça va se passer dans tel endroit, bien ,on sait que ça change, les changements climatiques. La forêt change à un rythme qui est plus rapide, plus rapide qu'avant. Donc, le zonage aussi, oui, on trouve ça intéressant, mais ce n'est pas non plus, là, une solution, une panacée complète.

Donc, sur la base d'un peu du survol qu'on a fait auprès de différents intervenants, différents experts, on en est venu à la conclusion qu'en ce moment, puis c'est la crainte qu'on a, puis on espère qu'on se trompe, mais c'est que c'est surtout une intensification, finalement, de la coupe. Il y a un certain affaiblissement des mesures de concertation qui sont mises en place dans ce régime-là. On veut donner plus de prévisibilité, mais d'une façon qui est déséquilibrée à l'industrie, puis faites-nous confiance, là, on veut avoir une industrie qui est en santé, qui est en mesure… avec laquelle on est en mesure de transiger puis d'aller chercher les bonnes conditions de travail, là. On ne veut pas nuire à sa rentabilité, mais à un moment donné, on sait que sa rentabilité, sa durabilité à long terme, elle va être affectée s'il n'y a pas un équilibre qui est trouvé avec l'ensemble de ces éléments dont je viens de mentionner, que ce soit la conservation, les autres usagers, que ce soient les budgets qu'on peut dédier à l'intensification, on a déjà en ce moment une incapacité à juste restaurer les feux de forêt, les échecs de régénération, etc. Et là on s'en va dire qu'on va aller faire de l'intensif potentiellement sur 30 % du territoire. C'est ça un peu qui est remis en question ici, là.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup. La période est maintenant terminée. La… je transfère la parole à l'opposition officielle. Merci, Mme la députée Mille-Îles.

Mme Dufour : Pour combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bernard) : Dix minutes, 24.

Mme Dufour : Merci. Merci beaucoup pour votre présence ici aujourd'hui. D'abord, on voit dans votre mémoire, là, vous mentionnez qu'il y a eu quand même 30 000 emplois perdus dans les… depuis quand même un… quelque temps, mais 30 000 emplois, c'est beaucoup. Mais est-ce que vous avez l'impression qu'avec une telle réforme, là, celle qui est proposée aujourd'hui dans le projet de loi n° 97, que ça va… qu'on va renverser la tendance?

M. Cloutier (Daniel) : Bien, c'est ce qu'on souhaite, c'est qu'on soit capable de renverser la tendance. Maintenant, on n'a pas de boule de cristal ni de pensée magique, là. Est-ce qu'on va créer 30 000 nouveaux emplois dans le secteur dans les prochaines années? Possiblement pas. Mais ce qu'on souhaite, c'est que, un, l'érosion arrête et qu'il y ait des projets d'avenir.

Mme Dufour : Mais la mouture… la mouture… C'est ça, mais la mouture qu'on a ici, là…

M. Lavigne (Simon) : ...bien, sur actuelle, je vous dirais qu'on a pas cette impression-là. Puis c'est pour ça qu'on met beaucoup l'accent sur la stratégie industrielle parce qu'on croit qu'en... Il y a différents facteurs qui expliquent l'attrition, là. C'est, tu sais, il y a des éléments de marché, il y a des éléments au niveau des gains d'efficience et de l'automatisation. Il y a beaucoup, beaucoup d'éléments là-dedans qui sont derrière les 30 000 emplois qui ont été perdus. Nous, ce qu'on croit, et c'est pour ça qu'on juge qu'il faut arrimer à la réforme de l'aménagement une réforme industrielle. Parce que les deux, c'est les deux faces d'une même pièce. C'est ce qu'on dit. Puis ce qu'on veut, nous, c'est atteindre ce plancher-là. On ne l'a pas atteint, on dirait encore ce plancher. On est toujours en train de perdre des emplois. Encore aujourd'hui, les annonces d'Arbec nous demandent... nous le mettent au visage. Donc, ce qu'on dit, c'est arrimons cette stratégie industrielle là à une nouvelle stratégie d'aménagement qui est basée sur la science, qui est basée sur des connaissances. Puis ça, ça va nous permettre... Mais en l'état, actuellement, on n'est pas là.

Mme Dufour : Oui. Puis je voudrais lire un passage de votre mémoire que j'ai trouvé extrêmement éclairant. «Le gouvernement cherche à se présenter comme défenseur de l'emploi et du développement régional, tout en contournant les débats de fond sur la réconciliation des Premières Nations... avec les Premières Nations, les lacunes en matière de gouvernance forestière et l'élaboration d'une nouvelle stratégie industrielle, pour ne nommer que ceux-ci». C'est quand même extrêmement préoccupant, effectivement, quand on lit votre mémoire. Et je voudrais vous féliciter pour avoir participé à l'organisation du Sommet sur l'avenir de la forêt. De ce que je comprends, mon collègue député de Pontiac était présent et a vraiment apprécié sa présence. Et vous mentionnez dans votre mémoire que vous avez fait ça parce que, finalement, il y avait... il y avait un manque, là. La consultation qui est... qui aurait dû se faire, n'avait pas eu lieu. Peut-être nous en parler davantage, là. Comment... Comment ça s'est fait, l'avant, avec le gouvernement, considérant les ententes de confidentialité, et lors de ce sommet?

M. Lavigne (Simon) : Bien, je vous dirais, puis on veut quand même s'assurer d'avoir des faits très clairs, il est faux de dire que le gouvernement n'a pas consulté. Le gouvernement a consulté. Notre principal grief porte sur la façon de consulter. Il y a une façon d'établir une concertation stratégique structurée. Et c'est excessivement lacunaire, ce qui a été mis en place au cours de la dernière année. Et l'étape de réflexion, c'était une chose, mais une fois le rapport final dévoilé en juin, jusqu'à des courriels qu'on a reçus qui demandaient de signer des ententes de confidentialité extrêmement restrictives pour voir finalement un «deck» de huit pages avec très peu de détails sur les orientations. C'est là que, nous, on a un problème. Si le gouvernement avait mis au jeu ses orientations qui nous ont été dévoilées à huis clos en novembre, qu'on avait pu avoir un exercice de concertation stratégique sur ces orientations-là, je pense qu'on ne serait pas dans une posture aussi critique. Et c'est ça que nous décrions surtout. Et ce n'est pas, je vous dirais, ça percole l'ensemble de l'action du gouvernement. Actuellement, on le voit dans d'autres dossiers. C'est quelque chose qu'on... Puis, bien, on l'a écrit dans le mémoire, on le dit, au-delà de toutes les recommandations qu'on peut formuler, là, spécifiques au projet loi n° 97, on leur demande de revoir leur alignement en termes... en ce qui concerne la concertation stratégique et des partenaires de la société civile. Ça aiderait grandement. Mais pour le dialogue social, oui, le sommet a été fait dans l'optique de pallier ces lacunes-là. Puis on pense qu'avec les 200 personnes qui ont participé, ça a quand même... Ça a donné l'impression qu'il y avait pas mal de monde qui avait pas mal de choses à dire.

• (15 h 50) •

Mme Dufour : Oui. Et de ce que je comprends, c'est que lors du sommet, les gens, les groupes ont pu se parler, ce qui n'était pas possible précédemment. Donc, oui, il y a eu des consultations du gouvernement, mais il n'y avait pas de possibilité d'échanger avec les autres groupes, là. C'est bien ça? Peut-être vous mentionner... Et ça, ça.... Je me suis posé une question, là, vous mentionnez dans votre mémoire, on laisse actuellement miroiter une proportion de 30 %. Et là vous parlez, je pense, d'investissement en sylviculture, mais la capacité effective ne serait d'à peine 5 % et encore. Est-ce que vous pouvez détailler parce que l'on nous dit qu'actuellement il y a 30 %, là, qui est reboisé et puis qu'on cultive, là, son...

M. Cloutier (Daniel) : Ça revient ce que je disais tantôt. Si on prend 30 % de la forêt publique québécoise, c'est immense comme territoire. Donc, est-ce qu'on peut raisonnablement, avec les moyens financiers et les ressources humaines qu'on a, cultiver 30 % de notre territoire? On pense que ce n'est pas réaliste. À cette heure, 5 % de notre territoire qui fait quand même, 5 % de notre territoire, une zone plus grande que la Norvège, là, bien ça, c'est peut-être plus accessible. Et donc c'est dans ce sens-là qu'on a des réserves. Et donc, si on permet à des entreprises...

M. Cloutier (Daniel) : ...d'intensifier la coupe sur 30 % du territoire en se disant : Il y aura sylviculture associée pour compenser ça sur 30 % du territoire. Bien, on a hâte de voir les budgets, parce qu'on a l'impression que ça va en prendre beaucoup plus de centaines de millions de dollars que ce qui est annoncé aujourd'hui, là.

Mme Dufour : C'est ça. Mais actuellement est-ce qu'on met l'argent ou... est-ce qu'on fait ce qu'on devrait faire pour qu'actuellement la forêt se régénère actuellement ou est-ce qu'on est déjà en déficit, là, de...

M. Lavigne (Simon) : On est déjà en déficit, on est en déficit. Puis encore là on n'est pas des experts en sylviculture, mais quand on parle à des experts en sylviculture, ce qu'ils nous ont dit, puis c'est de là que la formule de 5 % vient, c'est que déjà 5 % ce serait majeur, majeur.

Puis on s'entend, on va le rappeler, on a des enjeux sérieux de main-d'œuvre en sylviculture, on a une perte de main-d'œuvre, déficit d'attraction, rétention qui est immense. Puis ça, ce n'est même pas les budgets, là. Donc, on peut avoir tous les budgets du monde, si on n'a pas la main-d'œuvre pour les faire, ces travaux là d'intensification, on va avoir un problème. C'est d'où cette idée de dire : Est-ce que c'est deux, trois? Est-ce qu'on peut se rendre à cinq? Nous, les gens qu'on a consultés, nous, on dit que déjà à cinq, c'est énorme.

Mme Dufour : O.K. Donc, le 30 % est peu probable, effectivement.

Il y a quand même une bonne portion de votre mémoire qui traite des relations avec les Premières Nations. Vous lui donnez une importance quand même capitale, là, dans votre mémoire. On a entendu des représentants ce matin. Pourquoi c'est aussi important pour vous? Peut-être, nous l'expliquer.

M. Cloutier (Daniel) : Bien, quand on parle de prévisibilité, de l'accès à la fibre, et prévisibilité de l'emploi, bien, actuellement, il y a beaucoup de... beaucoup de la réalité du conflit avec les autochtones qui explique que les annonces d'Arbec aujourd'hui. Pour avoir discuté, nous, avec l'entreprise, on a déjà des travailleurs dans le coin de Girardville au nord du lac, qui sont empêchés d'aller travailler à cause de blocus autochtones dans ce cas là. Sur la Côte-Nord, c'est plus des avis d'éviction. Donc, Arbec a décidé de ne pas provoquer un affrontement, donc a accepté l'avis d'éviction. Mais Girardville, c'est un blocus. À la scierie, il y a à peine trois semaines de bois dans la cour, donc si ça se prolonge dans trois semaines, ce ne sera pas juste les récolteurs qui y vont être sans emploi, ça va être aussi les gens de l'usine. Bon, on coupe du bois d'oeuvre. Plus de bois dans la cour, on ne coupe plus de bois d'oeuvre, donc ça veut dire qu'il n'y a plus de résidus, plus de copeaux, plus de brans de scie. Donc, éventuellement, ça va arrêter une usine à papier quelque part. Et donc si on veut véritablement parler de prévisibilité de l'emploi et de la ressource, il faut éviter qu'il y ait des tensions comme ça.

Il y en a eu l'année passée dans la Haute Mauricie, dans le Lac-Saint-Jean. Là, on en annonce encore plus cette année. Ce qu'on souhaite, donc, c'est des ententes durables pour éviter ça puis de pas se demander, de saison à saison, où il faut aller bûcher ou pas.

Mme Dufour : Donc, pour préserver les emplois à long terme, il faut que les Premières Nations se sentent partie prenante et plus que ça même, parce que ce qu'ils nous ont dit, c'est ils voudraient cocréer le projet de loi, là. Donc, pour vous, là, c'est une évidence qu'il faudrait qu'ils soient beaucoup mieux impliqués.

M. Lavigne (Simon) : Il faut rétablir le lien de confiance. C'est ce qu'on voit. Puis le pourrissement de ce lien là actuellement fait en sorte qu'on a des craintes très, très élevées sur les tensions qui pourraient émerger dans différents blocus. On ne se cachera pas, quand tu te fais mettre à pied, ça peut faire remonter toutes sortes d'émotions chez nos membres qui ne sont pas toujours calculées, et donc on est extrêmement inquiets du développement. Puis, nous, ce qu'on dit, c'est il faut rebâtir ce lien confiance là.

Puis ce n'est pas un hasard, puis je tiens à le mentionner, le sommet qu'on a organisé, bien, c'est la première fois qu'on réunissait aussi des Premières Nations, le mouvement syndical forestier. Donc, on voulait avoir une politique de main tendue. On n'a pas la prétention qu'on a les solutions, qu'on sait exactement tout ce qu'il faut faire, mais on se disait : On va au moins leur envoyer un signal très clair, très, très... sans ambages. Puis les recommandations qu'on a mises dans le cadre de la plateforme qu'on a soumise durant le sommet, bien, elles ont été révisées et regardées par des gens issus de ces communautés-là. Donc, ce n'est pas des personnes qui les ont écrites qui étaient à l'extérieur de tout ça. On a eu ce souci-là. Puis ce qu'on croit, c'est qu'il faut bâtir ce lien-là. Si on ne bâtit pas ce lien-là, on va détruire la prévisibilité, on va détruire l'environnement d'affaires à terme. Et il faut commencer ça maintenant, là, à bâtir ça pour le futur. Mais ce n'est pas une mince tâche. Puis peu importe qui serait en position gouvernementale, on reconnaît que ce n'est pas une mince tâche à réaliser, mais il faut s'y atteler avec la bonne foi la plus évidente possible, dès maintenant, depuis hier, finalement.

Mme Dufour : Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la deuxième opposition. M. le député de Laurier-Dorion, vous disposez de 3 min 28 s.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président, bonjour, messieurs. Merci beaucoup d'être là. Si je comprends bien votre propos, l'absence de prévisibilité...

M. Fontecilla :  ...provient surtout de la contestation qui existe dans les différents territoires, là, sur le sujet de la forêt, et vous nous dites, et c'est ça que je veux vous confirmer, que c'est le... le projet de loi n° 97 va aggraver cette situation-là? Donc, ça va susciter davantage de conflits. Est-ce qu'il va mettre encore davantage en péril la prévisibilité?

M. Cloutier (Daniel) : Bien, ce n'est pas le seul facteur. On ne prétend pas que les difficultés avec les Premières Nations sont le seul facteur qui impacte la prévisibilité. Il y en a d'autres, des données de marché, par exemple, l'aménagement régional, des fois des difficultés reliées à ça. Bon. Bref... Par contre, évidemment, la question autochtone est une question centrale, qui affecte grandement la prévisibilité des enjeux. Et, quand on est confrontés à des blocus, bien, évidemment, ça, c'est la pire des situations. Nous, on ne pourra pas garder... je dis «on ne pourra pas garder», mais nos membres ne toléreront pas ad vitam aeternam d'être sur le chômage puis de perdre une saison complète. Ça fait que là on essaie d'éviter qu'il y ait des situations de tension. Ça fait que, si une telle situation peut survenir... survenir régulièrement, bien, effectivement, ça affecte la prévisibilité de la rentrée de bois, et ça, bien... et aussi pour les investissements, dans le sens qu'ouvrir un nouveau camp forestier, bâtir les chemins, etc., c'est des millions de dollars d'investissement. Donc, qui va investir cet argent-là s'il ne sait pas, dans deux ans, s'il va y avoir des blocus, s'il y a des contestations, si... Et là ça retarde énormément l'investissement.

M. Fontecilla : Merci beaucoup. J'ai parcouru très attentivement votre mémoire, fort complet, et je vous en... et... mais il y a une... un endroit qui m'a particulièrement intrigué. Vous dites : «Il y a lieu de s'interroger sur les liens étroits qui existent entre certains groupes d'intérêt issus de ce palier de gouvernement, les milieux industriels et les pratiques de financement qui trouvent leurs sources dans les coffres mêmes de l'État.» Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par cette affirmation-là?

M. Lavigne (Simon) : La référence à ça, c'est un article qui est paru dans La Presse sur des liens entre un groupe, le financement et certaines positions par rapport au développement forestier.

M. Fontecilla : Et qu'est-ce que... qu'est-ce que ça veut dire plus...

M. Lavigne (Simon) : Bien, ce que ça veut dire, c'est que, d'une certaine façon, il y a des groupes qui parlent... qui parlent pour les communautés forestières, mais des fois on se pose des questions sur quel est leur véritable agenda, on va dire, derrière ça, quels intérêts véritablement ils représentent. Et c'est... ce sont... Donc, nous, on a questionné ça à partir de l'article qu'on a lu dans La Presse. On trouvait qu'il y avait là matière à... disons, à se poser des questions.

M. Fontecilla : Et, selon vous, quels sont ces intérêts-là qui sont représentés?

M. Lavigne (Simon) : Bien, je pense qu'on est dans une logique un peu de statu quo ou en tout cas une logique qui nous amène à penser qu'on peut continuer à faire comme on a toujours fait, il faudrait juste pouvoir le faire avec moins de contraintes, puis qu'on va arriver à un résultat qui va être plus de prévisibilité pour les travailleurs, plus d'avantages économiques pour les communautés, puis ce n'est pas une vision qu'on partage nécessairement.

M. Cloutier (Daniel) : Il y a encore des... de ces organisations-là qui, par exemple, vont être très campées à dire : Bien, ce n'est pas vrai que les populations de caribous déclinent, ce n'est pas vrai que la forêt s'appauvrissent... s'appauvrit, alors que les données scientifiques probantes, pertinentes, consensuelles, nous disent : Bien, les arbres sont plus petits, il faut aller couper plus loin, le tissu forestier s'affaiblit, les populations de caribous diminuent.

Le Président (M. Bernard) : Merci.

M. Cloutier (Daniel) : Donc...

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup. Désolé. La période est terminée. Maintenant, je cède la parole au député de Matane-Matapédia pour une période de deux minutes 38.

• (16 heures) •

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Je vais citer directement votre mémoire : «L'analyse des choix sous-jacents de la réforme proposée laisse entrevoir une logique essentiellement électoraliste qui compromet la portée structurante et durable du projet de loi. Le gouvernement semble avoir privilégié une stratégie politique à court terme, fondée sur une lecture opportuniste des rapports de force plutôt qu'un réel souci d'équilibre entre les parties prenantes.»

C'est chargé, on en conviendra. Je cherche les motivations du gouvernement. Les Premières Nations nous ont dit ce matin qu'ils étaient contre, les municipalités sont contre, les représentants des travailleurs et des travailleuses, ce qui est très noble, parce que j'entends toutes sortes de choses de la part du gouvernement sur les syndicats aujourd'hui, c'est noble aussi. Alors, dites-nous, selon vous, si ce n'est pas pour les travailleurs, c'est pour qui?

M. Cloutier (Daniel) : Bien, je pense, puis on va voir, là, aux fins des travaux, à peu près les seuls qui, actuellement, se sont prononcés, là, en faveur totalement ou pratiquement totalement, c'est le CIFQ, donc la très grosse entreprise. Et, dans ce sens-là, bien, si... je pense qu'on a fait le pari quelque part que, si la très grosse entreprise était satisfaite... que nécessairement les travailleuses et les travailleurs seraient satisfaits. Bien, ça, c'est... c'est sans compter les 30 000 emplois qu'on a perdus, c'est sans compter toutes les...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Cloutier (Daniel) : ...forestière qu'on vit année après année, cinq ans après cinq ans. Et donc, à un moment donné, ce que les travailleurs réclament, c'est une vision durable, à long terme, pas donnez-moi une dose de sucre, là, puis là, là, je vais commencer mon après-midi bien crinqué, mais à 15 h 30, je suis de même. C'est un peu ça que ça donne, comme impression. Et donc c'est vraiment sur le long terme, je trouve, qu'il faut regarder ça, là.

M. Bérubé : Merci.

Le Président (M. Bernard) : 50 secondes.

M. Bérubé : J'ai terminé.

Le Président (M. Bernard) : Vous avez terminé? Merci beaucoup. Merci beaucoup, messieurs, pour votre contribution à la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 02)

(Reprise à 16 h 05)

Le Président (M. Bernard) : Bonjour. Merci. La commission va poursuivre ses travaux. Maintenant, nous allons entendre les gens de la Centrale des syndicats démocratiques. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre présentation. Après, nous passerons aux échanges. Je vous prie, s'il vous plaît, de vous présenter et d'entreprendre votre exposé. Merci.

M. Vachon (Luc) :ALors, merci beaucoup. Alors, je suis Luc Vachon, je suis le président de la Centrale des syndicats démocratiques, la CSD. Je suis accompagné de Simon Lajoie, qui est conseiller à la recherche et aux communications à la CSD.

Alors, merci beaucoup, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, toutes vos équipes. Alors, merci à vous toutes et tous de nous recevoir, de nous donner la parole aujourd'hui au nom de la Centrale des syndicats démocratiques, qui, pour votre connaissance, représente aux environs de 71 000 travailleuses et travailleurs dans une diversité des secteurs économiques, notamment dans les régions où l'industrie forestière constitue un pilier structurant...

M. Vachon (Luc) :…nous tenons d'abord à préciser que nous ne venons pas ici en attaque, mais en ouverture et la main tendue à un meilleur dialogue entourant le projet de loi n° 97. Nos commentaires ou critiques visent plus le déroulement de cette réforme et ce qu'elle introduit comme inquiétude pour le futur que ce qu'elle contient car, dans son imperfection, le projet de loi n° 97 contient des éléments qui, sur le fond, ont un certain mérite et peuvent constituer une bonne base de réflexion et d'échange.

C'est d'ailleurs justement sur ce dernier aspect que la réforme proposée fait le plus grand défaut. La CSD reconnaît la nécessité de moderniser notre régime forestier. Personne ne remet en question que la forêt québécoise traverse des défis majeurs : bouleversements climatiques, crise de la main-d'oeuvre, pressions sur la ressource, transformation industrielle urgente, contextes tarifaires et commerciaux. Ce n'est pas le premier épisode et il est bien évident que des changements significatifs sont requis, mais la réussite de cette réforme repose sur des attentes d'une vision long terme de même que sur une collaboration et un devoir collectif.

Réussir cette réforme, ce n'est pas simplement accélérer les coupes à court terme, de réduire les coûts d'opération et encore moins de déléguer des responsabilités névralgiques à l'industrie. Réussir une réforme, c'est bâtir un régime forestier qui soit résilient, équitable et durable, c'est doter nos régions forestières d'une vision à long terme, développer et soutenir les actions en conséquence, c'est garantir que notre forêt demeure un bien commun, géré dans l'intérêt collectif.

Mme la ministre, nous vous le disons sans détour, le projet de loi tel que déposé nous inquiète profondément non seulement à cause de ce qu'il contient, mais surtout à cause de ce qu'il ne contient pas. Nous sommes préoccupés par le fait que plusieurs éléments structurants du régime seront définis ultérieurement par voie réglementaire. Cette approche crée une zone grise importante, rendant difficile l'évaluation complète ou, du moins, suffisante des impacts du projet de loi, soulevant ainsi une certaine méfiance et des inquiétudes sur la portée globale de la réforme et quant à la transparence et à l'encadrement démocratique des décisions à venir.

Nous y voyons un recul important de la gouvernance publique. Le transfert des responsabilités en matière de planification forestière vers les entreprises, combinée à la réduction de la capacité d'intervention de l'État sur le terrain, marque un retour aux logiques de concessions privées que la dernière réforme visait justement à corriger. Ce virage s'opère alors même que le ministère des Ressources naturelles et des Forêts compte déjà suffisamment d'inspecteurs pour surveiller l'ensemble du territoire. Peut-on sérieusement croire que l'aménagement durable sera respecté dans ces conditions?

La situation est d'autant plus préoccupante que le projet de loi délègue, comme nous l'avons mentionné précédemment, une part importante de sa mise en œuvre à des règlements qui seront définis ultérieurement, hors du débat parlementaire. Cette latitude réglementaire, ajoutée au contexte actuel, laisse planer une grande incertitude, voire inquiétude sur les objectifs de rendement, sur les critères d'aménagement, sur les mécanismes de suivi.

Le projet de loi transfère des responsabilités vers l'industrie, ne prévoit aucune obligation claire en matière de résultats sylvicoles, alors même que la régénération forestière est cruciale pour assurer la pérennité de la ressource. Il ne met en place aucun mécanisme robuste de concertation territorial, laissant les communautés et les parties prenantes sans espace formel de dialogue et de contribution aux décisions. Enfin, il ignore complètement les répercussions sur les travailleuses et travailleurs de la forêt, pas de plan d'accompagnement, pas de fonds de transition, pas de garantie pour préserver les emplois ni les conditions de travail, ni même d'orientation en ce sens.

• (16 h 10) •

Nous avons aussi de grandes préoccupations quant au zonage proposé. Le projet de triade prévoit consacrer jusqu'à 30 % du territoire à une vocation exclusivement industrielle, les zones d'aménagement forestier prioritaire. Dans ces zones, toute désignation de conservation sera grandement limitée, quasi impossible à modifier même par le ministère de l'Environnement. Comment justifier une telle décision dans un contexte de changements climatiques? Pourquoi figer ce territoire dans une seule vocation sans garde-fou, sans séquence de planification cohérente et de moyens d'adaptation?

Il faut cesser de mettre en opposition la protection de l'environnement et de la production forestière ou, du moins, de donner l'impression de se comporter comme tel. Ces objectifs ne sont pas incompatibles. Ils sont complémentaires et doivent être pensés ensemble de manière concertée. Et, pendant que le projet de loi semble s'empresser de répondre aux impératifs de production à court terme, il reste silencieux sur des chantiers essentiels. Aucune politique industrielle ambitieuse n'y a été annoncée pour stimuler la transformation en valeur ajoutée, aucune mesure de soutien ni même de vision quant à une éventuelle mise en place…

M. Vachon (Luc) :...n'est prévu pour les travailleuses et travailleurs affectés par la reconfiguration du régime, eux qui pourtant souvent font les frais bien plus qu'à leur tour des bouleversements.

Aucun plan structurant n'est mis de l'avant pour assurer la prévisibilité de l'approvisionnement forestier, mais pas que sur 10 ans, mais sur des décennies, prévisibilité qui est pourtant au cœur de la vitalité des communautés dépendantes de cette industrie.

Face à cela, la CSD formule huit recommandations majeures, dont celle- ci : nous demandons que l'État conserve une emprise forte sur la planification forestière avec des mécanismes de reddition de comptes clairs et une capacité d'intervention accrue. Nous proposons la création d'un conseil national des partenaires de la forêt afin de sortir du tête-à-tête entre le gouvernement et les industriels. Ce conseil doit inclure les syndicats, Premières Nations, les élus régionaux, le milieu scientifique, les industriels et la société civile.

Nous réclamons également la mise en place de sociétés régionales d'aménagement autonomes et représentatives qui pourraient assurer la coordination territoriale des opérations dans une logique d'innovation, de concertation et d'équilibre entre les usages.

Et surtout, nous appelons à ce que cette réforme s'accompagne d'une véritable politique industrielle forestière, avec des investissements pour développer la deuxième, troisième transformation. C'est la seule manière de créer de la valeur ici, de sécuriser les emplois et de maintenir un tissu économique solide dans nos régions.

Nous ne sommes pas seuls à porter ces constats. Plusieurs chercheurs, acteurs du milieu et représentants autochtones s'inquiètent de la direction que prend cette réforme. Le Québec a perdu plus de 30 000 emplois forestiers depuis 2000, nous ne pouvons pas nous permettre une réforme qui, sous prétexte d'agilité et d'optimisation, ajoute de l'instabilité et accentue le désencrage territorial de l'industrie.

Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, nous partageons l'objectif du gouvernement de moderniser notre régime forestier. Mais, pour y arriver, il faut prendre le temps de bien faire les choses. Il faut cesser de gouverner la forêt en vase clos. Il faut écouter les gens du milieu, ceux et celles qui en vivent, y travaillent, y chassent, y récoltent, y transmettent leur culture. La forêt québécoise est un bien commun. Elle fait vivre économiquement plusieurs régions. Elle est un lieu de récréation pour des milliers de Québécois. Elle est aussi un territoire sacré pour les Premières Nations. Elle mérite mieux qu'une réforme opaque dictée par les besoins à court terme de l'industrie.

La CSD est prête à collaborer. Nous avons contribué activement à la plateforme Pour vivre de la forêt, propositions d'avenir, nous avons consulté nos membres, nous croyons qu'il est possible de faire mieux, mais ensemble. Merci de votre écoute.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Vachon, pour votre exposé. Nous allons maintenant entreprendre les échanges avec, en premier, la partie gouvernementale. Mme la ministre, vous disposez de 16 minutes 30 secondes.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Je me permets de vous remercier officiellement d'être là aujourd'hui puis de réitérer ce que je mentionnais tout à l'heure. Je sais que ce n'est pas le même syndicat qui était présent avec nous, mais quand même, mentionner que pour moi, il est clair que ce qu'on fait comme changement, c'est pour éviter d'autres pertes d'emplois au maximum, avoir un environnement d'affaires qui est facilitant pour qu'il demeure avec des emplois qui sont intéressants dans l'ensemble de la filière forestière dans nos régions du Québec. Ça fait que c'est ce qui... c'est ce qui me guide depuis le début des consultations, mais aussi, dans un souci de continuer et de vouloir atteindre des cibles de conservation, d'avoir un aménagement qui est durable pour nos forêts, parce que je pense à long terme.

Je vous invite... tu sais, vous mentionniez dans votre introduction en début d'allocation, là, que vous étiez en attente d'une vision long terme. Mais peut-être pour le bénéfice de tous... D'ailleurs, là, si vous allez dans le rapport d'étape de réflexion sur l'avenir de la forêt, bien... un grand résumé, là, de toutes les discussions qui ont eu lieu. Et j'invite les gens à le lire, si ce n'est pas déjà fait. Plus de 1 000 personnes qui ont participé, je le rappelle, à ces consultations, dont vous en faisiez partie. Et, à l'intérieur de ce rapport, il y a justement une vision, une vision long terme pour l'ensemble des acteurs de la forêt.

Puis je vais me permettre de la lire, M. le Président, parce que je pense que ça va être bon pour, tu sais, comprendre où je loge et où on veut aller avec le gouvernement, la partie gouvernementale. Alors, pour nous, on est en train de repenser l'aménagement de la forêt québécoise pour les générations actuelles et futures, en ayant en tête d'augmenter sa contribution sur le plan des retombées économiques, de la décarbonation, de la transition énergétique du Québec et de ses régions. Alors, on vise une gestion simplifiée, compétitive, agile, adaptée aux régions. Et on veut avoir une meilleure... plus grande prévisibilité, une meilleure harmonisation des usages, notamment avec les communautés forestières et autochtones.

Donc, la vision, elle est là...

Mme Blanchette Vézina : ...je vous invite, tu sais, si vous ne le savez pas, à pouvoir aller consulter. Beaucoup d'informations, d'ailleurs, qui se retrouvent à l'intérieur de ce rapport, là, qui est important, qui faisait le tour. Puis d'ailleurs je remercie Monsieur le Président, qui a travaillé très fort sur ce processus.

Vous parliez, bien sûr, d'une stratégie industrielle. J'en suis totalement. Puis d'ailleurs un courriel vous a été transmis hier pour participer à l'élaboration de cette stratégie industrielle. Tout à l'heure, je disais : Ça devrait être... ça devrait partir bientôt. Bien, là, on me confirme que le courriel est parti hier pour convoquer les partenaires. Comme quoi on n'y travaille pas juste théoriquement, mais activement. Et je tiens à vous le dire parce que, deuxième, troisième transformation, encore une fois, ça fait partie des clés pour avoir un secteur qui... des emplois qui sont intéressants dans nos régions puis qui viennent consolider les emplois puis arrêter les pertes d'emplois.

J'ai une question pour vous. Dans votre mémoire, en fait, vous mentionniez, là, la crainte que vous avez par rapport au fait que la planification forestière sera faite dans les zones d'aménagement forestier prioritaires par l'industrie. Vous mentionniez cette crainte, puis vous l'avez nommée aussi, là, à l'effet qu'il faut qu'on encadre rigoureusement le travail qui va être fait pour s'assurer d'éviter d'avoir des abus. Ça fait que j'ai une question à vous poser, mais peut-être recadrer, là. Oui, on est venus resserrer de manière importante, là, les sanctions qui pourraient être applicables. Ça, je tiens à vous le dire. C'est d'ailleurs très clairement établi. Ce qu'on n'avait pas dans le passé, c'est un forestier en chef qui venait s'assurer de la possibilité forestière. Alors, si l'aménagement forestier n'était pas fait correctement, il y aurait une baisse de possibilité forestière, comme ça se fait actuellement, comme on l'a vu pour les feux de forêt. Pour ceux qui ne le savaient pas, bien, les feux de forêt ont nécessité une baisse de possibilité forestière. Alors, ce mécanisme va demeurer. On vient augmenter les sanctions jusqu'à l'expropriation même des usines. Ça va loin, là. Donc, sachez-le, c'est important de contrebalancer pour nous également. Donc, on vient... on vient aussi se donner la possibilité, là, de retirer la licence à une entreprise qui était... qui serait délinquante. Est-ce que vous voyez d'autres mécanismes d'encadrement qui pourraient permettre d'équilibrer, dans l'objectif, bien sûr, de s'assurer d'avoir une meilleure... une meilleure planification? En ce moment, il y a des défis dans la planification, dans l'harmonisation qu'on souhaite régler par les changements qu'on apporte avec le projet de loi. Mais j'aimerais vous entendre sur qu'est-ce qui pourrait être des mécanismes qui viendraient encore plus consolider, disons, ou solidifier l'assise, là, face à des partenaires récalcitrants, par exemple, notamment, dans les cas de fermeture d'usine, là. Ça, ça peut être une piste sur laquelle je vous apporte.

M. Vachon (Luc) :Bien, en fait, j'aurais toujours tendance à départager le rôle de celui qui a la responsabilité, en fait. Puis c'est... On est d'accord que les entreprises soient plus responsables qu'elles ne l'étaient, O.K.? Parce que ça a donné lieu, la déresponsabilisation qui s'est produite au cours des dernières années... Je peux vous dire que j'ai parlé à des industriels qui... où je leur disais carrément : Le fait que vous ne soyez plus engagés, là, dans le reboisement, que vous ne serez engagé plus dans la remise en état une fois votre passage, ça a donné lieu, des fois, à la coupe qu'ils laissaient... puis je vais faire un mauvais jeu de mots, mais qui est un peu une politique de terre brûlée, là. Des fois, quand ce n'est pas toi qui a à faire l'étape suivante, tu t'en fous un petit peu de comment tu laisses l'état des lieux. Donc, il y a un réengagement de l'industrie à faire attention pour faire en sorte que l'étape suivante soit plus efficace, qu'elle se passe mieux puis que le reboisement se passe mieux. C'est une excellente nouvelle. De leur confier cette responsabilité-là, de le faire puis de le gérer, je ne suis pas certain que c'est une si bonne nouvelle.

• (16 h 20) •

Et là ça prendrait vraiment des... de la... un haut volume d'inspection, si on veut, pour venir surveiller si, en fonction... Parce qu'on comprend aussi que, dans l'aménagement régional, il va y avoir des guides, des orientations qui vont être développés avec l'aménagiste forestier régional, puis, bon, tout ça. Et là est-ce que ce qui devait être fait réellement a été accompli? Il faut le vérifier. Il faut le vérifier. Est-ce qu'on soit plus mettre d'effectifs d'inspection ou on souhaite, par exemple, mettre un caractère de responsabilité, mais mettre un tiers dans l'exécution? Ce serait peut-être une solution. Ce serait peut-être une meilleure solution, à notre avis, pour... quelqu'un qui n'est engagé que dans une seule mission de reboiser et de reboiser pas parce que ça va lui servir à lui ou à... à peut importe à qui ça va servir, mais qui a à cœur la forêt. L'industrie, je suis désolé, mais, tu sais... Vous savez, vous l'avez nommé tout à l'heure, tu sais, le bois, ça pousse à sa vitesse, hein? On...

M. Vachon (Luc) :...auras beau tirer dessus, ça ne pousse pas plus vite. Alors, ça prend 50, 60 ans. Est-ce que... Si vous me demandez si une entreprise, une industrie a une optique d'affaires de 50 ou 60 ans, la réponse, c'est non. Alors, peut-être que je mettrais une autre... une autre partie pour s'occuper de ça.

M. Lajoie (Simon) : J'ajouterais peut-être quelque chose. Aussi, un élément qu'il peut être intéressant de mettre à contribution, c'est... tu sais, les sociétés d'aménagement régional, dont on propose, c'est un élément qui peut aussi faire partie des responsabilités d'un tel organisme d'avoir un pied sur le terrain. Ils vont connaître la forêt, ils vont connaître les enjeux du territoire, donc, tu sais, en plus d'avoir plus d'inspectorat. C'est le genre de proposition qui peut aider à atteindre cet objectif.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Peut-être... Je pense que ma... il y avait la députée de Saint-Maurice qui souhaitait poser une question. Voulez-vous... voulez-vous y aller?

Mme Tardif : Merci. Je suis un peu à l'envers de vous entendre, d'entendre les... Je suis d'accord, en grande partie, avec ce que vous énoncez, mais il y a beaucoup de choses que vous énoncez que vous prenez comme acquis, puis je vais vous dire sincèrement, il y a des faussetés dans ce que vous énoncez. Moi, je suis une aménagiste...

Le Président (M. Bernard) : ...attention, s'il vous plaît, à vos propos.

Mme Tardif : Merci, c'est très gentil de me rappeler à l'ordre. Donc, les propos que vous tenez... je ne suis pas en accord totalement avec ce que vous dites et j'aimerais avoir davantage d'information. Parce que, quand on parle de triade, «triade» est un trois, trois n'étant pas trois parties égales automatiquement, et c'est ce que j'espère, et c'est ce que nous espérons, et c'est pourquoi il y aura un aménagiste, s'il y en ait, par région, et qu'en fonction de ça... moi, mon rêve, je vois ça, un aménagement qui va être... qui va respecter les lieux, qui va respecter les gens, mais qui va respecter le territoire. On fait ça davantage pour respecter notre territoire.

Il y a des lacs, il y a des rivières, il y a des ruisseaux, il y a des forêts, il y en a partout, et chaque région est différente, et chaque région est, aussi, différente en termes d'essences d'arbres, de croissance, de possibilités, en fonction de... du sol sur lequel ça pousse. Et ce n'est pas vrai de dire que l'industrie forestière s'en fout et n'a pas de vision. Parce qu'avant, les... il y a 100 ans, il y a 80 ans, il y a 50 ans, l'industrie forestière avait des concessions forestières au Québec, et la forêt n'a jamais été aussi bien aménagée, à ce moment-là, parce que, justement, il y avait une vision à long terme, ce que nous n'avons plus présentement, je vous l'accorde. Mais il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier par rapport à l'industrie forestière, et on ne les aide pas, vous l'avez nommé, on ne les aide pas en ne leur donnant pas de prévisibilité forestière, et ce n'est pas bon pour les employés non plus. Et c'est la même chose...

Mais quand vous dites... bon, là, j'ai parlé un peu du triade, mais... aucune orientation visant la mise en place de mesures pour soutenir les travailleuses et les travailleurs dans les transformations à venir, quelles sont les transformations à venir qui impacteraient... Parce que moi, je ne sais pas quel type d'employés vous représentez en foresterie, parce qu'on parle de travailleurs forestiers en usine ou sur le terrain. Quel type d'employés forestiers vous représentez, et quelles sont ces transformations-là à venir que vous craignez qui auraient un impact sur ces gens-là? Parce que moi, je ne vois que du positif.

M. Vachon (Luc) :Bien, je ne sais pas... je ne sais pas comment vous avez compris nos propos, mais, d'abord, la triade, si je commence par là, on n'a aucunement prétendu que c'était trois zones égales en termes de... on n'a pas nommé ça. Maintenant, si j'arrive sur la question, le deuxième volet, sur la perspective des entreprises, je peux vous dire que j'ai moi-même — je l'ai nommé tantôt — discuté avec une entreprise, que je ne nommerai pas, et... sur leur désengagement face à l'étape suivante, une fois qu'ils sont passés, et ça a été une réponse affirmative, une réponse affirmative, O.K. Mais...

Mme Tardif : ...une entreprise qui va faire des opérations forestières, on parle, en forêt...

M. Vachon (Luc) :Qui va... qui va faire de la coupe.

Mme Tardif : ...ne fait pas, ne fera pas ou n'est pas intéressée à faire le reboisement par la suite. Est-ce que c'est ça?

M. Vachon (Luc) :Je n'ai pas dit qu'ils n'étaient pas intéressés. Dans la formule actuelle, ils ne sont pas responsables de l'étape suivante, donc ils sont désengagés, un petit peu, de...

M. Vachon (Luc) :...c'est ça, dans l'état des lieux, que ce soit le plus favorable, si je veux dire ça comme ça, mais, par contre, il était intéressé. La réponse de l'engagement si on avait une prévisibilité... il y a un intérêt à se réengager. Ce n'est pas un désengagement complet. Ça prenait des conditions, certaines sont rencontrées. On est tout à fait d'accord aussi avec la prévision sur 10 ans, qui va permettre cet engagement-là. Là, après, c'est comment on le balise, le tout est dans le comment on le balise.

Après, nous, on représente un peu... essentiellement, des travailleurs, bon, des scieries et, après, de différentes transformations du bois... deuxième, troisième transformations. Et, si on... si vous me posez la question de... sur qu'est-ce qu'elles sont, les transformations qui nous inquiètent, ce n'est pas les... les transformations, ça ne nous inquiète pas. Des transformations, là, il y en a eu, il y en a et il y en aura. C'est comment on les gère.

Et le plus bel exemple, ça a été discuté tout à l'heure, mais ce qui s'appelle aujourd'hui... ce que les entreprises appellent des complexes intégrés, c'est qu'on s'occupe de l'approvisionnement en bois des scieries, et on s'occupe de l'utilisation des résidus, vous avez parlé du biocarburant, ça parle du biochar, ça parle... bon, de différentes affaires. Mais ça, c'est généré par comment on fait pour utiliser les résidus. Parce qu'avant, les résidus, c'était beaucoup utilisé avec les pâtes et papiers. Les pâtes et papiers, maintenant, pas besoin de vous faire un long descriptif de ce que c'est rendu, l'industrie se ramasse avec des résidus dont... qui avaient une valeur avant, commerciale, qui n'a plus autant de valeur commerciale, donc ils trouvent des nouvelles idées pour utiliser les résidus, pour rentabiliser leurs opérations, pas que par le 2X4, mais par d'autres choses.

Mais ça, ça implique des transformations au niveau de la main-d'œuvre avec les nouvelles... nouveaux emplois qui vont arriver, les nouvelles technologies qui s'introduisent, les... Et là on se dit : Bien, ça, c'est vrai dans bien des secteurs d'activité, comment on va prendre... On va faire soit du rehaussement des compétences, des qualifications, ou soit on va faire de la requalification en fonction des nouveaux besoins que l'industrie, au global, aura.

Mme Tardif : Et vous croyez qu'on doit aller aussi loin que ça dans le projet de loi, dans la réforme?

M. Vachon (Luc) :Je n'ai pas dit ça.

Mme Tardif : Parce que je lis, là, je lis votre texte : »Aucun plan structurant pour garantir un approvisionnement durable, aucune stratégie industrielle ambitieuse.» J'essaie de comprendre...

M. Vachon (Luc) :Ni même l'intention.

Mme Tardif : ...parce qu'on a les mêmes objectifs.

M. Vachon (Luc) :Oui. Ni même l'intention. Puis, dans une des rencontres qu'on a eues, ce qu'on disait... Puis on comprend que ça ne figurera pas dans un projet de loi de réforme, le projet d'adaptation de la main-d'œuvre, ça va se coordonner par le ministère de l'Emploi, O.K.? Et, dans certains cas, au niveau des entreprises, les investissements technologiques, quoi que ce soit, ça, c'est peut-être le ministère de l'Économie.

Ce qu'on a proposé, à ce moment-là, dans la rencontre... On le sait, on comprend ça, ce n'est pas le premier... la première transformation puis le premier projet qu'on fait, là, bon, mais à partir du moment où on pilote la réforme, pourquoi on ne pourrait pas agir comme un certain leadership pour coordonner les interventions au niveau de l'Économie, au niveau de l'Emploi, puis agir dans cette coordination-là? Bon.

On a eu le courriel hier, peut-être que c'est ça qui va s'initier tout à coup, puis d'agir comme... un certain leadership à ce niveau-là. Si c'est ça, parfait, on est heureux, on va en être, mais ça, c'est ce qu'on nommait un peu : Travaillons ensemble, assurons un certain leadership. S'il y a plusieurs ministères à mettre autour de la table pour assurer cette transition-là, puis cette réforme-là, puis d'accompagner, coordonnons-la, l'activité au niveau des autres ministères. On peut le faire.

• (16 h 30) •

Le Président (M. Bernard) : ...secondes, Mme la ministre.

Mme Blanchette Vézina : Bien oui, je vais reprendre, mais simplement... bien, 30 secondes, peut-être, tu sais, vous réitérer qu'effectivement, je suis contente que vous puissiez participer à l'exercice d'élaboration d'une stratégie industrielle, mais d'une vision aussi en lien avec les activités des travailleurs dans le secteur forestier. Pour moi, c'est privilégié puis c'est primordial. Alors, merci à vous deux encore une fois.

Le Président (M. Bernard) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle. Mme la députée des Mille-Îles, pour 10min 24s.

Mme Dufour : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation et votre mémoire que je trouve... Je trouve particulièrement intéressant comment vous détaillez le secteur de l'emploi du milieu... du domaine forestier. Vous mentionnez, là, qu'il y a quand même eu, tu sais, dans tout ce qui tourne autour de la forêt, entre les années 2000 et 2024, près de 140 000 emplois en moins. Donc, ça, c'est majeur. Et vous parlez aussi de la main-d'oeuvre qui est peut-être moins outillée, disons, pour changer de domaine, là...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Dufour : ...notamment parce que, bon, on est souvent dans le mono-industriel, mais aussi vous parlez de quand même 29 % de la main-d'œuvre qui n'a même pas de diplôme. J'ai été surprise d'apprendre que presque 25 % de la main-d'œuvre est quand même dans la tranche d'âge qui prendra peut-être sa retraite dans les prochaines années. Donc, vraiment, merci pour ce portrait fort intéressant.

Et peut-être j'en profiterais, là, pour vous vous donner la chance de parler du Fonds de transition forestière puis le bureau de transition forestière. Pourquoi c'est important compte tenu de ce portrait, là, pourquoi c'est important pour vous que ce soit mis en œuvre?

M. Vachon (Luc) :Bien, en fait, c'est que tout ce qui appelle un changement, disons, relativement rapide va requérir les énergies pour que ça se produise. Alors, effectivement, là, si on veut accentuer, si on veut produire plus de valeur mais avec moins, donc ça va impliquer une plus grande transformation de l'industrie. Et ça, si on veut faire ce passage-là, prenons exemple au niveau de la main-d'œuvre, on sait que, dans l'industrie forestière, la main-d'œuvre dans l'industrie forestière... Tu sais, entre vous et moi, nous sommes en région, et on est... Ce n'est pas forcément un secteur d'activités où les gens qui ont des formations, je veux dire, académiques plus poussés vont aller travailler. Alors, c'est un secteur qui est dur, c'est un secteur qui est encore physique, c'est un... Bon. Puis je dis ça avec tout le respect que ça mérite pour les gens qui font ce travail-là, c'est des gens qui travaillent très fort. Mais, en même temps, des fois, quand tu choisis d'aller travailler dans une scierie, mais c'est peut-être... tu n'as peut-être pas un baccalauréat, là, O.K.? Alors, puis là on se retrouve dans des organisations du travail qui sont relativement statiques, une organisation du travail qui n'appelle pas forcément de la formation continue, le développement des compétences, donc. Et ça, on a ce débat-là, pas juste dans le secteur forestier, dans plusieurs autres secteurs. D'ailleurs, je siège à la Commission des partenaires du marché du travail, et c'est un enjeu qu'on a dans l'ensemble du manufacturier. Souvent, ce sont des gens qui sont plus éloignés d'un parcours de formation. Et là ça va appeler à un parcours d'accompagnement puis de formation. Si on veut être capable de faire ça, il va falloir qu'on dégage des ressources. Il va falloir qu'on dégage du temps, du temps disponible à l'intérieur des heures de travail pour que ces gens-là puissent augmenter leur qualification, parce que ce n'est pas vrai que des gens qui sont dans l'entreprise depuis 20 ans vont aller faire des formations le soir ou les fins de semaine. Ce n'est pas de même que ça va se produire, ça ne se produit pas dans aucun secteur d'activité comme ça. Donc, il va falloir avoir des moyens d'accompagner tout ce monde-là véritablement, si on veut que ça produise les effets escomptés.

Mme Dufour : Oui. Et vous parlez aussi de la stratégie industrielle qui est nécessaire, puis là, peut-être, j'aimerais vous entendre pourquoi, selon vous, là, elle devrait être faite en même temps que la réforme du régime forestier?

M. Vachon (Luc) :Mais parce qu'elle a... À quelque part, on s'attend qu'il y ait une moins grande capacité de coupe en bout de ligne. Et l'industrie a commencé ces réflexions-là. L'industrie, là, elle a commencé ces réflexions-là. Mais c'est sûr que la voie facile, la voie facile, c'est de faire du deux par quatre ou du deux par six, ça, c'est ce qu'on est habitué de faire puis on est relativement bons dans ça, on est relativement bons. Maintenant, il faut forcer cette transformation-là pour être capable de rentabiliser les opérations, de faire des profits, de faire de l'argent, mais avec plus que la première transformation, plus qu'à scier du bois : l'exemple que je donnais sur l'utilisation des résidus. Puis forcément, peu importe, en supposant qu'on a un aménagement du territoire, peu importe le concept de la triade, il va y avoir des aires protégées, il va y avoir... Il pourrait facilement résulter une moins grande quantité de bois disponible pour faire du deux par quatre à l'état pur, là, si on prend juste ça comme ça.

Donc, comment on rentabilise les opérations puis on garde nos industries en vie dans l'ensemble des bouleversements qui sont les changements climatiques? Mais moi, j'ai vu les tarifs compensatoires depuis des années et des années avec le commerce américain qui ont provoqué la fermeture d'entreprises, le déclin des emplois dans les régions au niveau du secteur forestier, puis la raison était simple, c'est que c'est trop vulnérable à tous les bouleversements, aussi minimes soient-ils. Il faut sortir de là pour aller faire du profit, faire la meilleure utilisation de la ressource. Puis ça, plus on va le retarder, moins on va l'accomplir.

Mme Dufour : Donc, si je comprends bien, en revoyant le... dans le fond, le...

Mme Dufour : ...la façon qu'on travaille et les produits qu'on fabrique, il y aurait moyen d'aller chercher plus de valeur ajoutée, en considérant, là, qu'il y aurait peut-être moins de bois récolté, là.

M. Vachon (Luc) :Absolument. Absolument. Il faut regarder, tu sais? Puis, ça, je veux dire, je n'invente rien aujourd'hui, là, je ne pourrais pas... je ne serais pas honnête si je vous dirais que j'invente cette idée-là aujourd'hui. Même l'industrie le sait. Même l'industrie sait que la voie de passage, pour le futur, elle n'est pas dans ce qu'ils faisaient avant, d'uniquement faire du bois d'oeuvre. La meilleure utilisation des résidus, le développement des nouveaux... des nouveaux usages au niveau des résidus, faire du bois à plus grande valeur ajoutée, du laminé, des choses comme ça, c'est par là que ça passe, c'est une façon de réduire la vulnérabilité de l'industrie.

Mme Dufour : Parlant de vulnérabilité, vous mentionnez... ça vous inquiète, là, dans le mémoire, là, que, dans le fond, on veuille assigner 30 % des zones d'aménagement forestier prioritaires d'ici 2028, c'est-à-dire deux ans avant l'échéance pour la cible de protection de 30 % des territoires québécois, donc, et là vous dites, dans le fond, que ça vous inquiète, là, qu'on ne prenne pas compte la protection des écosystèmes. Je vous avoue que, tu sais, c'est un peu contradictoire à l'idée de, bien : il faut couper davantage. Vous êtes dans une autre approche. Donc, peut-être vous entendre : Pourquoi c'est préoccupant?

M. Vachon (Luc) : Bien, en fait, ce qui est... ce n'est pas le chiffre, qui est préoccupant, la question n'est pas là. Ça pourrait être, dans certaines régions, vrai, le 30 %, je ne le sais pas. Là, je vais rentrer dans des sphères de connaissance qui ne sont pas forcément les miennes, mais qu'on vienne cristalliser qu'il faut atteindre 30 %, alors qu'on a une obligation de protéger l'écosystème, on a une obligation de protéger l'environnement, il faut regarder aussi tout le multi-usage, il faut regarder comment on est capables de mieux, certains appellent, jardiner la forêt et comment on va tenir compte des différentes choses, des feux de forêt, des épidémies, de tout ça, de se fixer des balises comme celle-là où on doit atteindre, c'est ça, ce qui nous inquiète, c'est plus d'avoir ce paradigme-là. Le 30 %, ça se peut qu'il l'est, dans certaines régions. C'est qu'on se donne une obligation, sans qu'on ait pris soin d'examiner l'ensemble de l'œuvre puis de faire une planification régionale et globale, aussi, avant de le déterminer.

Mme Dufour : De ce que j'ai compris, la préservation de la biodiversité, c'est aussi important, là, pour vous, là. Peut-être juste nous expliquer pourquoi, qu'est-ce que ça amène à la forêt, quand il y a une meilleure protection.

M. Vachon (Luc) :Bien, en fait, depuis le début des interventions, moi je me rappelle, depuis le début des interventions, avant qu'on embarque même dans le processus de consultation qui a été fait, j'avais des discussions avec mes travailleurs du secteur forestier. Et on était dans... on a déjà été dans un bout où il y avait une opposition entre le caribou... la protection de l'espèce et la protection de l'industrie, si on veut. Et moi, j'avais eu des discussions avec... puis je disais : Il faut sortir de cette opposition-là. Nous devons être capables de trouver des solutions qui ne mettront pas en opposition, que ce soit l'un ou l'autre, mais que ce soit l'un et l'autre.

• (16 h 40) •

Puis notre obligation de réussite, selon nous, au niveau de la protection de l'espèce qui était, à l'époque, plus le caribou, qui était discutée avec le décret, et tout ça, c'est que c'était notre démonstration de réussite collective. Il n'y a aucune raison pour laquelle on ne serait pas capables de protéger une espèce et de protéger une industrie en étant plus créatifs, plus ingénieux, plus inventifs aussi. Puis la preuve, c'est qu'on est en train de le faire, on est en train de le faire. Puis on ne peut pas abdiquer comme ça, parce que, quand on n'est pas capable de le faire pour une espèce, là, après, j'ai une deuxième, une troisième, une quatrième, une dixième. Cette logique-là ne peut pas tenir dans le contexte qu'on a aujourd'hui, dans le contexte des changements climatiques qu'on a, dans le contexte... On ne peut pas tenir ce raisonnement-là, il faut sortir de là.

Et c'est ce qu'on disait, donc : Protection de l'environnement, c'est, pour nous, une chose incontournable. Maintenant, comment on le fait? Quelle est la meilleure façon de le faire en tenant compte des autres? Puis il peut y avoir des questions, des zones de compromis dans certaines régions aussi, là. Ce n'est pas nous qui allons être les meilleurs pour le faire. Il y a des gens qui sont excellents dans le domaine environnemental, il y a des gens qui vont pouvoir compléter...

Le Président (M. Bernard) : Merci, M. Vachon. Désolé, je dois maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier-Dorion, vous...

Le Président (M. Bernard) : ...de 3 min 28 s.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Écoutez, je veux continuer sur votre analogie avec les caribous forestiers, soit l'un ou l'autre. C'est comme... on est emprisonnés dans cette dichotomie-là. Vous dites qu'il faut dépasser ça. Mais est-ce que vous croyez que le projet de loi que nous avons sous les yeux persiste dans cette dichotomie? C'est soit l'un ou l'autre, soit pour le caribou forestier ou d'autres? C'est soit l'industrie, les communautés locales ou la biodiversité, et on doit choisir?

M. Vachon (Luc) :Je vais vous dire... je vais vous dire, je ne le sais pas, je ne le sais pas. Puis la raison est la suivante, c'est que je pense que ce qu'il y a dans ce projet de loi là, et ce que je disais, c'est... ce n'est pas tant sur ce qu'il y a dedans comme ce qui n'est pas dedans qui crée tout le brouhaha que vous avez. Puis, si on a... si on a... On a eu cette participation-là au Sommet sur la forêt, au niveau des organisations syndicales. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens qui disaient que le projet de loi était hyperdestructif comme tel puis que tout le monde était en opposition complète. J'ai entendu des gens nommer des points d'interrogation, des inquiétudes, des insécurités, des absences de compréhension. C'est... C'est beaucoup plus sur cet aspect-là.

Alors, si vous me demandez si le projet de loi, il perpétue ça ou il s'en va dans ce sens-là, je vous dirais : Je ne le sais pas encore. Il y a ce qui est là, puis il y a tout ce qui n'y est pas, puis qui va venir de manière réglementaire. Puis ce bout-là nous inquiète un peu, pas parce que... parce qu'on se dit... ça donne plus de souplesse, les règlements, là, ça donne plus de souplesse, le réglementaire, donc ça peut être excellent d'avoir de la souplesse. Ça peut être préoccupant de donner trop de souplesse. Je ne le sais pas, ça va être quoi, le futur.

Alors... Puis, comme on n'a pas tant que ça été impliqués concrètement dans des travaux, il y a eu des séances de consultation, ça va, mais impliqués concrètement et de manière... ensemble, les différents intervenants, dans les travaux, je vais dire non. Alors, on se dit : Si la suite ressemble à ça, tout le monde a raison d'être inquiété. Si la suite est différente, il y a peut-être un exercice de communication à faire, parce que c'est clair que le monde, ils ont beaucoup plus de préoccupations. Pas, je le répète, pas tant d'affrontements par rapport au projet de loi, des préoccupations par rapport au projet de loi. Puis, ça, je peux écouter toutes les présentations, mais, vos collègues qui étaient avant nous, il y a des pistes intéressantes, il y a de quoi faire là-dedans, tout dépend comment ça va se décliner. C'est le comment ça va se décliner qui est, pour l'instant, notre grande obscurité.

Alors, est-ce que le projet de loi met en porte-à-faux ou va faire la protection des espèces? Je ne suis pas capable de dire ça. Ça va dépendre comment l'aménagement régional va se faire. Puis ça, c'est ce qu'on ne sait pas encore. Mais il y a des propositions là-dessus pour que ça soit plus... ça tienne plus compte aussi de la biodiversité.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup. Il vous reste cinq secondes.

M. Fontecilla : C'est bon. Merci.

Le Président (M. Bernard) : Merci. Maintenant, la parole au député de Matane-Matapédia pour 2 min 38 s.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Bienvenue. Je m'intéresse beaucoup aux stratégies de transition et d'accompagnement des travailleurs. J'en ai beaucoup dans ma circonscription. Souvent, ils sont plus âgés. On aimerait qu'il y ait de la relève. C'est compliqué. Ils ont des conditions difficiles. Donc, je vous remercie d'avoir écrit là-dessus. Et j'aimerais ça, vous donner du temps pour vous permettre d'échanger sur ce que vous voyez comme des dispositions pour accompagner les travailleurs qu'on pourrait mettre en place pour améliorer le projet de loi. Il y a bien des groupes qui voudraient qu'il soit retiré, mais nous, on va y travailler du mieux qu'on peut, maintenant qu'il est déposé. Comment vous voyez ça, le type de mesures qu'on devrait mettre en place?

M. Vachon (Luc) : Bien, en fait, ça a déjà été... ça a déjà été éprouvé dans d'autres secteurs d'activité. Et les mesures ne sont pas forcément les mêmes pour tout le monde. Tu sais, quand on a identifié, dans le mémoire, le 25 % qui est dans la tranche d'âge qui s'approche de la retraite, peut-être que, dans l'impact des transformations, s'il y a de l'attrition naturelle à faire, il y aura peut-être un... des programmes d'accompagnement des gens vers une retraite anticipée. Ça pourrait arriver que ce soit ça. Il faut faire l'exercice avec la démographie. Il faut regarder, en fonction des nouveaux emplois, quelles seront les qualifications ou les compétences qui seront demandées puis voir le décalage entre ce qu'on a comme portrait démographique et ce que ça va prendre. Et ça, c'est facile à dire, ce n'est pas si évident que ça. Moi, je...

M. Vachon (Luc) :...déjà eu une rencontre avec le ministère où on se posait la question justement. Puis, à l'époque, on était dans la question des tarifaires, là, les tarifs compensatoires. Puis il y avait des pertes d'emplois, puis on se disait : Bien, on va faire des programmes. Mais, pour ça, il faut commencer par identifier c'est quoi, la démographie. Et il n'y a personne autour de la table, personne qui connaissait la démographie du secteur d'activité. Ça fait que là, le premier exercice, il faut savoir à qui on va s'adresser pour être capables de trouver les bonnes solutions. Trouver des solutions, tout le monde peut faire ça, les bonnes, qui vont avoir une bonne réponse, ça, c'est beaucoup plus compliqué.

M. Bérubé : ...d'avoir pris un moment pour échanger avec vous. Parce que c'est la base. C'est nos premiers travailleurs, c'est eux qui sont au début de la chaîne, donc ça valait la peine de poser cette question-là. Et merci pour votre réponse parce qu'il faut les considérer. Et je pense que plusieurs seront heureux qu'on ait une pensée pour eux en premier, les travailleurs, les fiers travailleurs et travailleuses de la forêt. Merci.

M. Vachon (Luc) :Je les sens tous les jours.

M. Bérubé : Moi aussi.

Le Président (M. Bernard) : Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le député. Merci beaucoup, Messieurs Vachon et Lajoie, pour votre contribution aux travaux.

Je suspends la commission pendant quelque temps pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 47)

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Bernard) : Parfait. Merci. La commission va reprendre ses travaux. Et maintenant nous allons entendre la Fédération de l'industrie manufacturière de la Confédération des syndicats nationaux. Merci beaucoup, messieurs. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour présenter votre exposé, et je vous inviterais, s'il vous plaît, à vous présenter en partant. Merci beaucoup. À vous la parole.

M. Enault (François) : Oui, merci, M. le Président. Je vous remercie de nous accueillir. Donc, François Enault, premier vice-président de la Confédération des syndicats nationaux. Je suis accompagné de Kevin Gagnon, qui est le président de la Fédération de l'industrie manufacturière à la CSN, à ma gauche, François Bélanger, qui est… conseiller syndical, économiste à notre service de recherche à la CSN, et à droite, Dominic Demers, notre éminent savant en ce qui concerne la forêt, conseiller syndical, au Lac-Saint-Jean… Saguenay—Lac-Saint-Jean, je m'excuse, Saguenay—Lac-Saint-Jean.

Donc, écoutez, la CSN, bon, vous le savez, on représente 330 000 travailleuses et travailleurs répartis un peu partout au Québec. Et la Fédération de l'industrie manufacturière est une des huit fédérations de la CSN. On parle d'environ 25 000 travailleuses et travailleurs répartis dans 320 syndicats. On représente des gens de l'industrie du papier et de la forêt, et donc on parle d'environ 66 syndicats pour à peu près un peu plus de 5 000 travailleuses, travailleurs qui travaillent dans l'industrie de la forêt pour la fédération.

Donc, pour nous, on est ici dans un esprit de collaboration que… c'est dans cet état-là où est-ce qu'on a formulé huit recommandations dans le mémoire, donc, et ce qu'on veut avec ces huit recommandations-là, c'est d'avoir vraiment une véritable modernisation du régime forestier. Cette réforme, elle est attendue depuis plusieurs années et doit être l'occasion de revoir de façon structurante l'utilisation de la forêt. Il faut que cette transition soit une occasion d'assurer l'avenir des activités forestières de manière jusqu'à l'égard… de manière juste à l'égard des travailleuses et des travailleurs et équitable envers les prochaines générations.

Malheureusement, les travailleurs de la forêt ont toujours fait le frais de gestion approximative de la forêt. À chaque fois que l'industrie va mal, on se retourne vers les travailleuses pour demander des coupures dans les conditions de travail. L'absence de stratégie industrielle claire, dynamique et intégrée des deux paliers de gouvernement nuit à la pérennité des emplois et la vitalité des communautés forestières dans les régions du Québec.

Le projet de loi est un retour vers le futur et la… je m'excuse, la modernisation annoncée reprend malheureusement plusieurs mécanismes ayant appartenu à l'époque des CAF, période qui n'a pas permis d'assurer la pérennité recherchée. Les divers segments de l'industrie forestière sont affectés par des problèmes structurels et conjoncturels depuis plus de deux décennies. Au début des années 2000…

M. Enault (François) : ...appréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain a rendu les exportations et l'industrie québécoise moins compétitives aux États-Unis. À l'époque, j'étais conseiller syndical dans l'industrie et j'ai négocié beaucoup de reculs. Compte tenu que notre argent était à parité, on s'est dit : Ça prend des concessions pour être compétitifs. Malheureusement, ça marche toujours d'un côté. Lorsque l'argent tombe à 70 sous, on n'a pas de retour sur l'investissement. On redemande encore d'autres concessions pour être encore plus efficaces. Ça, ça fait 20 ans que ça dure comme ça.

Les conflits commerciaux avec les États-Unis sur le bois d'oeuvre qui résultent par l'imposition de droits compensateurs et de droits antidumping ont aussi contribué à rendre plus difficile l'accès au marché américain. On va comprendre que la situation avec Donald Trump présentement ne va pas s'améliorer.

La population québécoise a aussi pris conscience, à la suite des travaux de la commission Coulombe, que la forêt publique québécoise était exploitée de façon non durable par l'industrie forestière, ce qui s'est traduit par une réduction non négligeable des possibilités forestières. S'ajoute à cela que le secteur forestier doit de plus en plus composer avec des catastrophes naturelles en lien avec les changements climatiques. Les difficultés des dernières décennies ont amené l'industrie forestière à se restructurer pour prioriser des produits plus porteurs, bois d'œuvre et bois d'ingénierie, pâtes et carton, papier d'emballage, papier tissus, produits de chimie du bois. Toutefois, très peu d'entreprises ont fait la transition vers des créneaux d'avenir qui permettraient de maintenir le niveau d'activité et de renouer avec la... voyons, excusez, de renouer avec la croissance.

Je vais passer la parole à mon collègue Kevin.

M. Gagnon (Kevin) : La forêt va mal. Les unités de production ferment les unes après les autres. À titre d'exemple, chez nous, à la FIM, on a vécu les fermetures de la scierie Rivière-aux-Rats en Mauricie, fermeture de la scierie Petit Paris au Lac-Saint-Jean, scierie Val-d'Or en Abitibi, tout ça entraînant des pertes de plusieurs centaines d'emplois dans les régions et aussi ayant un impact sur le tissu économique et social de ces communautés.

Comme on le pouvait... on pouvait s'y attendre, les modifications proposées par le régime forestier vont dans le sens de plusieurs demandes de l'industrie forestière.

Le projet de loi n° 97 propose notamment la mise en place d'un zonage délimitant le territoire forestier public en trois zones, dont une d'au moins 30 % du territoire qui serait réservée prioritairement aux activités de l'industrie forestière. Selon le gouvernement, ce changement permettrait d'assurer la pérennité de la filière forestière partout au Québec et de protéger les communautés qui en dépendent. La priorité du régime forestier proposée est donc d'assurer l'approvisionnement en bois des usines.

Par ailleurs, afin d'améliorer la compétitivité des entreprises du secteur forestier, le projet de loi prévoit, dans certaines zones, la prévisibilité des volumes de récolte qui passeront de 5 à 10 ans, chose avec laquelle on est en accord. Par contre, on va se le dire, on aurait souhaité, en contrepartie, que ça vienne avec des garanties pour les emplois ou certains investissements dans les régions.

La CSN et la FIM-CSN de même que plusieurs autres organisations dénoncent le processus opaque mené à la rédaction du projet numéro 97 et l'absence de véritable dialogue social sur cette importante réforme. Pour la CSN et l'ensemble des syndicats du secteur forestier, il faut que la gestion de la forêt publique soit confiée à des sociétés régionales d'aménagement où tous les joueurs concernés y seraient représentés.

• (17 heures) •

Une grande majorité des compagnies forestières ont tendance à écrémer la forêt au plus vite pour augmenter les profits à court terme. Pour les travailleuses puis les travailleurs, ce qui est important, c'est de maintenir des emplois durables dans le secteur. C'est en partie pourquoi la CSN estime que le gouvernement doit considérer l'économie de chaque région avant de transférer des garanties d'approvisionnement en bois de la forêt publique d'une région à l'autre.

La CSN et la FIM-CSN, en coalition avec plusieurs autres organisations, demandent à la ministre des Ressources naturelles et de la Forêt une réelle modernisation du régime forestier afin d'assurer une foresterie durable et inclusive au Québec puisque le projet de loi comporte d'importants reculs environnementaux et sociaux.

Sur le plan économique, les changements proposés comportent des risques importants. La réforme du régime forestier doit être impérativement couplée à une stratégie de développement industriel et de transition juste qui permettront ensemble de diminuer les pressions sur les écosystèmes, les espèces, et d'apaiser les conflits entre les autres usagères et usagers de la forêt, et de répondre aux menaces tarifaires, d'assurer la pérennité des emplois, et d'adapter les forêts à la crise climatique.

Le gouvernement du Québec devrait créer un conseil national de l'industrie forestière qui regrouperait les principaux intervenants du secteur. Un tel exercice de concertation...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Gagnon (Kevin) : ...au niveau national permettrait d'identifier les objectifs et les mesures les plus à même de favoriser la relance de l'industrie forestière au Québec.

M. Enault (François) : Il y a quelques semaines, on a participé au Sommet de la forêt. Ce sommet rassemblait une diversité d'acteurs du milieu forestier ayant pour objectif de trouver des solutions durables à l'ensemble des problématiques économiques, sociales et environnementales inhérentes à la gestion des forêts québécoises.

Les discussions du sommet s'articulaient autour de trois piliers : le premier, la mise en place d'une stratégie industrielle apte à soutenir des emplois durables; deux, la pratique d'un aménagement forestier apte à soutenir la filière; et, finalement, l'instauration d'un dialogue social constructif dans le respect des valeurs des partenaires du milieu forestier et des Premières Nations.

Donc, Mme la ministre, nous, ce qu'on vous demande, c'est d'être le pôle qui coalise tous les intervenants du milieu. La CSN et la FIM-CSN seront des alliées d'un gouvernement qui voudra véritablement avoir une concertation pour moderniser le régime forestier. Merci.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Enault puis M. Gagnon. Nous allons entreprendre des échanges avec les parlementaires en débutant avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, vous disposez de 16 min 30 s.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Merci, M. le Président. Merci à vous quatre d'être là aujourd'hui. Je vais me permettre, parce que je ne sais pas si vous étiez là, présents tout à l'heure, mais ça fait que... comme, je pense, troisième groupe de syndicat qu'on rencontre, donc, je vais vous réitérer, je pense, les fondements ou les objectifs derrière le projet de loi parce que, pour moi, il est important que vous compreniez que je m'adresse aux travailleurs des régions du Québec. C'est à eux que je pense, et c'est à eux qu'on pense pour avoir un meilleur environnement d'affaires, parce qu'on sait qu'environnement d'affaires prévisible égale emplois qui vont demeurer. Puis moi, je l'ai vu, les baisses d'emplois dans les dernières années, mais qui datent depuis le nouveau... l'ancien nouveau régime, et ça, c'est... ce n'est plus tenable pour moi. Puis je pense que le statu quo... En fait, s'il y a un consensus partout au Québec, c'est que le statu quo, il ne peut pas être maintenu. Et ça, vous l'avez entendu autant à votre sommet qu'au mien, c'est-à-dire, Table de réflexion sur l'avenir de la forêt, plus de 1 000 personnes auxquelles plusieurs de groupes... syndicats ont participé. Puis je vous en remercie d'ailleurs. Pour moi, il est important d'agir maintenant pour éviter, avec en plus l'arrivée de Trump au pouvoir aux États-Unis... éviter des pertes d'emplois dans nos régions. Je pense à l'économie, je pense aux travailleurs des régions.

Puis je sais que vous demandez une stratégie industrielle. J'ai entendu ce message, et j'ai plus qu'entendu. D'ailleurs, il y a une convocation. Là, je ne sais pas si votre syndicat a été invité, mais on a invité des partenaires du milieu de l'emploi à consulter... à participer aux travaux sur la stratégie industrielle. Donc, on est plus qu'à l'écoute, on est en train de travailler en parallèle. Pour moi, c'était primordial parce qu'effectivement solutions légales, ça améliore un environnement d'affaires, une prévisibilité, différentes pratiques pour l'aménagement forestier, notamment quant aux changements climatiques, mais il fallait une réponse aussi solide pour maintenir des emplois, faire un virage encore plus rapide et soutenu pour une deuxième, troisième transformation, maximisation d'utilisation des produits du bois autant dans la construction que pour de l'énergie, par exemple. Alors, sachez que, tu sais... en fait, je suis en action pour également atterrir avec une stratégie industrielle à laquelle les partenaires, travailleurs du milieu forestier sont impliqués. C'est névralgique pour moi. Puis je le répète, là, c'est à eux que je pense, c'est au travers des communautés, des communautés forestières.

Je sais que vous avez nommé également avoir une plus grande... avoir une meilleure régionalisation, là, dans les objectifs que devraient... le projet de loi. Moi aussi, j'en suis de ça, d'une meilleure régionalisation. C'est pour ça qu'on place l'aménagiste... le rôle d'aménagiste forestier régional. C'est pour ça aussi qu'il n'est pas télégraphié, l'ensemble des façons de faire, parce qu'on veut s'assurer que ce ne soit pas du mur-à-mur. Puis ça, c'est quelque chose qu'on entend régulièrement dans les régions, éviter le mur-à-mur législatif. Donc, si tout est écrit dans la loi, comme c'est le cas en ce moment, ça amène les ingénieurs forestiers à avoir des grandes difficultés à pouvoir faire preuve d'agilité en fonction des régions du Québec. Et c'est ça qu'on vient... qu'on vient alléger, qu'on vient faciliter, meilleure prise en compte des particularités régionales.

J'aimerais peut-être, là, vous mentionner une réflexion que j'ai faite à la lecture de votre mémoire. Puis, pour moi, il est clair que protection du territoire, si on veut atteindre ces cibles-là, sans créer...

Mme Blanchette Vézina : …des pertes massives d'emplois dans le secteur forestier. Bien, il faut concentrer nos investissements aux bons endroits. Bien, à la lecture du mémoire, là, je me questionne puisque vous citez Nature Québec, vous mentionnez… vous mentionnez, là, les travaux qui sont faits par ce groupe-là et d'autres groupes, là, plus environnementaux. Pour moi, je me questionne parce que je me disais : Est-ce que vos travailleurs comprennent que si on ne change pas les choses en ce moment et qu'on protège du territoire, c'est des pertes directes d'emplois dans les régions? Est-ce que c'est compris ça de votre côté? Parce que moi, ce que j'essaie de trouver comme solution, c'est d'arriver à la fois à concilier la protection du territoire et la protection des emplois liés au secteur forestier. Est-ce que c'est compris de votre côté que, si je protège du territoire, c'est automatiquement une baisse de la possibilité forestière? Baisse de possibilités forestières égale pertes d'emplois.

M. Enault (François) : C'est à nous? Bon, O.K., bon, écoutez, bien, je vais débuter par premièrement, bien, je suis heureux de vous entendre, de dire que, bon, bien, votre priorité c'est les emplois puis c'est les travailleuses et travailleurs du secteur. Mais… puis je suis encore plus heureux parce que si vous êtes d'accord avec ça, mais vous allez sûrement être d'accord avec la recommandation Cinq qu'on amène, parce que la recommandation cinq, ce qu'on veut, c'est protéger les travailleuses et travailleurs d'une région donnée, d'une usine donnée. Puis là ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi présentement, c'est ça. Puis c'est ça le danger présentement, c'est que si le bois peut être traité à l'usine X, Y, Z, bien, à un moment donné, ce que les employeurs vont faire, c'est qu'ils vont jouer les usines une vers l'autre, hein, en abaissant les conditions de travail pour leur dire : Si tu n'es pas fin, bien, regarde, tu n'auras pas le bois, on va le traiter ailleurs. Puis ça, oui, les travailleurs, les travailleuses, je pourrais être super corporatiste puis dire : C'est seulement ça, mon objectif, c'est les travailleurs et travailleuses. Mais c'est plus que ça. C'est la survie d'un village, d'une ville. Parce que si on ferme l'usine x à quelque part pour profiter l'autre, bien, à un moment donné, mais là on va mettre… on va assoiffer certaines régions. Ça fait que ça, c'est… la recommandation cinq, c'est ça qu'on veut placer. On veut s'assurer que les… les compagnies ne jouent pas les travailleurs, les usines une contre les autres, s'assurer que le bois est rattaché à une usine et non pas qu'il peut se promener n'importe quand et fermer des usines comme bon lui semble.

En 20 ans, là, j'en ai vu, là, j'ai vu des concessions, régimes de retraite, baisses de salaire, augmentation des horaires. Il n'y a rien qu'on n'a pas fait pour maintenir cette industrie-là en vie. Puis à chaque fois, on nous demandait des concessions. Puis après ça, les directions partaient. Je peux vous assurer que, quand les directions partaient, le… toutes les entreprises, que ce soit de PFR ou toutes les autres avant, il n'y a pas un directeur qui est parti de là… ou un président de compagnie qui allait dans une banque alimentaire par la suite. Ça, je peux vous le jurer, mais c'est ça. Il y a eu des concessions, puis les gens sont partis avec les poches pleines, puis c'est ça qu'on vous dit, on vous flague un drapeau, dire : Il faut être plus restrictif parce que si on ne le fait pas, ça ne passera pas. Puis c'est encore en bout de ligne les travailleurs, les travailleuses qui vont faire des concessions et ces compagnies-là vont s'en mettre plein les poches. Sur…

Des voix :

• (17 h 10) •

M. Gagnon (Kevin) : O.K., juste sur la partie du compromis, là, vous vous posiez la question à savoir, tu sais, est-ce que les travailleurs sont conscients? Évidemment, ils sont conscients. Mais toute la question de l'environnement, de la gestion saine de la forêt, là, ça fait aussi réaliser aux gens que, pour penser à long terme, bien, on doit prendre en considération également cet aspect-là. Ça fait que ce n'est pas nécessairement toujours l'environnement contre l'emploi. Puis ça, il faut arrêter de le placer dans nos discours, là. On n'est pas... on n'est pas de cette école de pensée là, mais pas du tout. Ça fait qu'à la question : Est-ce qu'ils en sont conscients? Évidemment, ils sont conscients. Une des inquiétudes d'ailleurs, c'est de dire : Bien, si on ne fait pas les travaux comme il faut, est-ce qu'on va être capable de rester certifiés avec FSC sur les différentes normes? Parce que ça aussi, ça a un impact directement sur les emplois puis sur les entreprises. Ça fait que c'est des aspects qu'on doit évaluer aussi.

M. Enault (François) : Parce que vous comprenez que, FSC, si on n'est pas FSC, même au Canada, mais en Europe, oubliez ça, là, il faut avoir cette certification-là. Puis présentement, on est loin d'être sûr, avec le projet de loi, qu'on va être capable de garder cette… la certification également.

Mme Blanchette Vézina : Bien, ça fait partie des éléments sur… tu sais, on veut s'assurer, bien sûr, de garder un environnement qui est… de gestion de nos forêts qui est durable, là, soyez-en rassurés. Le forestier en chef va demeurer, les possibilités forestières… s'il n'y a pas de travaux d'aménagement, d'investissement dans la sylviculture qui permettent de garder un couvert forestier qui est pérenne, la… il va y avoir une baisse de possibilités, là. Donc, on n'a… on n'a pas… on... Il faut le mentionner qu'on fait des reculs…

Mme Blanchette Vézina : ...parce qu'on veut renforcer, plutôt, ce mécanisme-là en rapprochant les travaux sylvicoles de la récolte, les travaux sylvicoles des entreprises qui font... qui utilisent le bois. Donc, pour moi, tu sais, je tiens à vous le dire, là, la pérennité de la forêt, on veut la garder, puis, oui, en pensant, justement, à s'assurer d'avoir des investissements qui sont maximisés pour sécuriser des emplois.

Vous parliez des licences d'aménagement, là, de la possibilité de régionaliser, là. Il y a déjà... en fait, la garantie d'approvisionnement, elle suit l'usine, là, c'est déjà ça. Dans le projet de loi, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais on passe... on vient resserrer, là, les mesures en cas de fermeture. Moi, c'est quelque chose qui a été porté à mon attention puis qui me dérange, les fermetures d'usines dans des régions qui deviennent avec... des éléphants blancs, parfois, où on utilise la garantie d'approvisionnement, on ferme un peu, on réouvre pour conserver la garantie d'approvisionnement. Il y a des... On le voit, là, que certaines entreprises veulent conserver la garantie. Donc, c'est pour ça aussi qu'on vient ajuster plusieurs éléments dans le projet de loi, pour venir éviter que des communautés forestières soient prises en otage ou des travailleurs soient pris en otage par des entreprises qui utilisent ce mécanisme-là pour conserver leurs garanties. Alors, pour moi, tu sais, je tiens à le dire, là, on vient resserrer, là, ces mécanismes, puis, au regard de situations qu'on a vécues dans les 10 dernières années, là, que vous nommez, qui ne sont pas nécessairement acceptables, effectivement.

Je voulais revenir peut-être à votre position sur les mécanismes, là, les inquiétudes que vous avez quant aux mécanismes, d'arriver à concilier la protection de la biodiversité puis la récolte forestière. C'est un travail qui va se faire en parallèle. Beaucoup de choses ont circulé, là, dans l'espace public,  là, qui sont inexactes, là, c'est-à-dire qu'on ne va pas se dépêcher à faire des zones d'aménagement forestier prioritaire sans regarder ce qui est fait en termes de protection, d'aires protégées, par exemple, qui ont été déposées. Ce travail-là, il se fait en arrimage avec le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, qui a fait un appel de projets, probablement, que vous avez vu passer, mais pour des aires protégées, des projets d'aires protégées, auxquels de nombreuses personnes ont participé, des groupes de la société civile, des partenaires dans la protection du territoire. Alors, le travail va se faire en parallèle, tu sais, il n'est pas... il est faux, il est inexact de dire qu'on va se précipiter pour faire des 30 %, là, puis, en fait, le seuil va être déterminé régionalement. Une triade, un principe, on se dit : C'est un tiers, un tiers, un tiers, mais avant d'en arriver là, on va regarder régionalement c'est quoi, l'écosystème. L'aménagiste forestier régional va devoir prendre en compte et consulter les partenaires dans la forêt publique.

Donc, là-dessus, je tiens à vous à vous rassurer, également, là, l'idée, c'est de vraiment s'assurer qu'on ne regarde pas un secteur, c'est-à-dire protection de biodiversité, sans regarder les impacts économiques sur les travailleurs.

Puis je pense que vous... en tout cas, moi, de ce que j'entends, c'est que vous souscrivez à ce besoin-là de dire : On veut garder des emplois puis on veut que nos travailleurs gardent des emplois qui sont payants puis intéressants. Bien, moi aussi, puis je veux atteindre des cibles de protection de biodiversité, autant que mon collègue de l'Environnement, autant que mes collègues de la banquette gouvernementale, mais je ne veux pas le faire au détriment des employés du secteur forestier.

Est-ce que, M. le Président, il reste quelque temps?

Le Président (M. Bernard) : Quatre minutes, Mme la ministre.

Mme Blanchette Vézina : Quatre minutes. Je pense que ma collègue de Roberval, députée de Roberval, aurait aimé poser une question, donc je lui laisserais la parole, M. le Président.

Le Président (M. Bernard) : Merci, Mme la députée de Roberval.

Mme Guillemette : Merci, M. le Président. Donc, bonjour, messieurs. Députée de Roberval, un des plus grands parterres de coupe au Québec. La forêt, chez nous, c'est dans notre ADN. Puis j'imagine que vous étiez là dans les années où les syndicats disaient qu'on la cultive, notre forêt. Puis chez nous, on la cultive, notre forêt, et c'est encore vrai, encore vrai aujourd'hui.

Vous parlez de l'aménagiste puis vous dites qu'il n'est que pour l'industrie, qu'il est là pour servir l'industrie. Bien, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus parce que vous vous dites ça, mais, en même temps, dans le projet de loi, on a l'obligation de consultation et de s'asseoir avec les parties prenantes pour faire un cahier de charges pour les industries. Donc, je voudrais vous entendre un peu là-dessus, à savoir, bon, est-ce qu'on peut améliorer ça puis qu'est-ce que vous avez d'autre à proposer, là, sur l'aménagiste régional.

M. Enault (François) : Quoi de mieux pour parler qu'une personne de Roberval qu'une personne du Saguenay-Lac-Saint-Jean? Ça fait que je vais donner la parole à Dominic.

M. Demers (Dominic) : Bien, c'est un peu... la réponse est...

M. Demers (Dominic) : ...un peu facile et complexe en même temps. C'est un peu comme bien des éléments du projet de loi, il y a beaucoup de choses qui ont... qu'on voit une bonne volonté, qu'on voit du potentiel, mais il y a un équilibre à placer au travers de tout ça. Puis nous, ce qu'on dit, c'est que la l'aménagiste régionale doit être capable d'aller chercher, là, la prise de décision, le pouls, puis on doit l'encadrer de la manière que ça doit se faire. C'est ça qui est un peu problématique, que nous, on voit comme étant un problème du projet, ce n'est pas tant la consultation que la concertation. Et nous, on pense que les gens qui sont bien placés pour pouvoir, justement, donner une opinion qui est positive puis qui est réaliste de la forêt, c'est les gens qui y travaillent.

Hein, tu sais, nous on représente des sylviculteurs, puis ces gens-là, souvent nous disent même actuellement, puis c'était comme ça aussi sous l'ancien, ancien régime, là, c'était la même chose : Crime, des fois, on ne comprend pourquoi qu'on fait tel type de travaux, pourquoi qu'on retourne là rapidement, pourquoi qu'on ne respecte pas ci, on ne respecte pas ça. Bien, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on veut casser ce pattern-là de dire : On a des gens sur le terrain qui vivent la forêt, qui voient les résultats, puis malheureusement ils n'ont pas de forum pour l'exprimer. Ça fait que, oui, l'aménagiste, oui, si on ne le met pas dans un process de concertation encadré, effectivement, ça peut avoir l'air d'être là pour l'industrie, puis on ne pense pas que c'est ça qui va être profitable.

Mme Guillemette : Mais en fait ce n'est pas le but non plus. Le but, c'est justement pour que ça se gère régionalement. Vous savez qu'on veut prendre les décisions en région, on veut prendre... Chaque région à sa couleur. Il y a des régions qui sont plus dans le... la forêt privée. Nous, chez nous, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, je dirais, on est plus dans la forêt publique. Puis oui, ça va être pour l'ensemble des utilisateurs mais aussi les partenaires forestiers, là. Donc...

M. Demers (Dominic) : Mais il faut... mais je rappelle quand même qu'il faut le prévoir. Tu sais, avant, on avait les tables GIR qui n'étaient pas parfaites. Tu sais, quant à nous, les tables GIR sont un principe de base à bonifier... sur la modernisation, on va améliorer ce qui, justement, se faisait avant sur plein d'éléments. Puis, entre autres, les tables GIR, c'est un élément qui ne fonctionnait pas toujours, ce n'était pas... égal dans toutes les régions, mais c'est une bonne base, il faut le bonifier, ça, cet élément-là. Puis ça, c'est le genre de mesure qui va rassurer les travailleurs pour le futur.

Mme Guillemette : Merci. Peut-être une dernière question, s'il nous reste du temps, M. le Président.

Le Président (M. Bernard) : 25 secondes.

Mme Guillemette : 25 secondes. Il n'y a pas plus tard que la semaine passée, j'avais 20 entrepreneurs forestiers dans mon bureau et plusieurs employés et ils m'ont dit qu'ils ne comprenaient pas la sortie des syndicats et la position de leur syndicat.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Même message pour moi.

M. Enault (François) : Mais, écoutez, les membres viennent nous rejoindre tout le temps. Puis moi, la seule affaire que je peux placer, c'est demander à la ministre que j'attends son invitation, là. Mais nous, ce qu'on propose, là, c'est une espèce... comme un CCTM, un CPMT de la forêt. C'est ce qu'on propose, pas seulement un groupe avec des employeurs. C'est ce qu'on propose.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Enault. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle, Mme la députée de Mille-Îles, pour 12 min 23 s.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Messieurs, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je vous ai entendu, un mot qui m'a frappé, c'est «retour vers le futur» pour décrire le projet de loi. On a compris qu'il fallait une réforme, que ce qu'on a en place présentement ne fonctionne pas. Mais ce qu'il y avait avant la dernière réforme, on nous a dit que ce n'était pas mieux. Moi, je n'étais pas dans l'industrie, peut-être plus vous. Donc, le retour vers le futur, si on retourne vers ce qu'il y avait avant la dernière réforme de 2013, est-ce que ce serait finalement pire que ce qu'on a présentement?

• (17 h 20) •

M. Demers (Dominic) : Mais, dans le fond, pour... Tu sais,  je pense que la réponse est relativement simple. Puis je veux juste vous recorrigez sur un élément, là, c'est que moi, je ne suis pas prêt à dire qu'autant l'ancien régime que ce régime-là qu'on parle que le prochain, là, tout va être mauvais. Il y a eu du bon dans tout. La commission Coulombe, c'est quand même un exercice sérieux qui a amené un certain nombre de recommandations qu'on a intégrées au régime qu'on vit actuellement. Moi, je pense qu'une des problématiques, puis on a probablement tout le monde manqué, c'est qu'on a mis quelque chose de complètement nouveau puis on ne s'est pas mis des mécanismes de révision. Tu sais, moi, la problématique que j'ai aujourd'hui, c'est de dire : Le régime là n'est pas bon, on repart à zéro. Ça, je ne pense pas que ce soit une bonne idée, mais oui, il y a des améliorations à faire. Tu sais, la prévisibilité, c'est tout à fait normal que cinq ans, ça cause des problématiques, que 10 ans ce soit mieux. Nous autres aussi on parle aux entrepreneurs qui nous disent : Des fois, on se ramasse, là, trois compagnies différentes, là, dans le même secteur de coupe, ce qui fait qu'on va déménager de place trois fois dans l'année, on va faire trois fois plus de chemin. Effectivement, c'est des choses qui ne fonctionnent pas. Ça, on est tous d'accord avec ça. Où est-ce qu'on a un petit problème, c'est-à-dire est-ce qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. On n'est pas convaincu que c'est la bonne décision. Tu sais, il y a quelque chose de bien, pas parfait, améliorons-le.

Mme Dufour : Oui. Permettez-moi, là, juste de rephraser, là, ce que je vous ai demandé, c'est, dans le fond, ce que j'ai compris, là, c'est que la... le régime actuel, avant le projet de loi n° 97, il y a des imperfections, il aurait dû peut-être être amélioré, mais la... ce qui est proposé dans le projet de loi n° 97, est-ce que ça, c'est pire que ce qu'il y a actuellement?

Mme Dufour : ...c'est ça, ma question. Selon vous, là.

M. Demers (Dominic) : Bien, ça dépend des éléments. Il y a des éléments, effectivement, que c'est mieux, puis il y en a que ce n'est pas mieux. Exemple, la planification forestière qui est ramenée beaucoup dans la cour des entreprises, au niveau autant de la récolte que de la sylviculture. Tant qu'à nous, ce n'est pas la meilleure option. Il y a des choses à améliorer. Que le ministère fasse toute la planification en vase clos, ce n'est pas bon non plus. Il y a un hybride entre les deux. Juste la sylviculture, on essaie de comprendre. Tu sais, l'ancien régime, la problématique, tu sais, les entreprises, là, sylvicoles ne savaient jamais quel type de travaux puis la quantité de travaux qu'ils feraient année après année. Comment est-ce qu'on fait pour maintenir une main-d'œuvre compétente, intéressée, quand on ne sait pas si on travaille, dans un an, deux ans, trois ans? Tu sais, ça, cet élément-là, ce n'est pas... Il ne faut pas revenir à ça. Il faut être capable d'avoir une stratégie, il faut qu'il y ait une continuité dans le temps. Il faut que la sylviculture, tant chez nous, ça devienne la base du régime forestier. Effectivement, c'est là que ça passe, hein? Les zones d'intensification, ça va fonctionner si on est capables de faire des bons travaux sylvicoles avec de la main-d'œuvre compétente, des entreprises compétentes.

Mme Dufour : Bien, écoutez, merci d'avoir parlé de la sylviculture, là. Vous êtes le premier syndicat, je pense, qui couvre les travailleurs de la sylviculture, qu'on a rencontré aujourd'hui. Et vous en parlez, là, vous mentionnez dans votre mémoire que le budget actuel qui est dévoué à la sylviculture est environ 250 millions de dollars, ce qui revient à un taux de 1 080 à l'hectare. Et là vous faites le calcul qu'avec la triade on arrivait à peut être 7,8 millions d'hectares à traiter de manière intensive puis là vous dites : Finalement, avec l'argent qu'on met présentement, bien, on arriverait à traiter le territoire à chaque 33 ans seulement. Ça prendrait 33 ans pour couvrir l'ensemble du territoire. Donc, ce que je comprends, c'est qu'actuellement les budgets ne sont pas à la hauteur de ce que ça prendrait pour que la triade soit réussie, là. Et ce serait quoi qu'on devrait voir, à ce moment-là, comme budget?

M. Enault (François) : Écoutez, pour les budgets, je vais laisser François y aller. Mais ce qu'on place aussi, c'est le bout du projet de loi qu'on dit qu'il y a des éléments que... C'est clair que les employeurs sont là, mais il faut... on l'a marqué dans le mémoire qu'il faut penser pour les travailleuses et travailleurs, présentement, mais pour les générations futures aussi, qu'on soit capable d'exploiter la forêt tout le temps. Donc c'est ça, le problème. Sur les chiffres exacts, bien là, je vais laisser mon économiste y aller.

M. Bélanger (François) : O.K. Donc, c'est ça, en fait, sur la triade, tu sais, la zone d'approvisionnement, là, forestier prioritaire, en fait, là, tu sais, je veux dire, avec l'argent qui est dépensé actuellement, ce serait même insuffisant, comme on le montre dans le mémoire, là, pour arriver à faire de la sylviculture à un niveau intensif, là. Donc, tu sais, comme le disait la ministre, donc, ça nous apparaît peut-être un peu inconcevable d'arriver rapidement à 30 %, là. Puis ces choses-là vont devoir être décidées en fonction des investissements qui sont faits, là. Puis de toute façon il ne faut pas perdre de vue non plus que la production forestière va continuer d'exister aussi dans la zone multi-usage, là, tu sais? En tout cas, selon certains chercheurs, tu sais, ça va continuer à représenter 55 % de la production de l'industrie, là.

Mais, c'est ça, pour prétendre faire de la triade comme il faut aussi... là, je déborde un peu, là, mais, tu sais, nous autres, on est assez d'accord avec les scientifiques, tu sais, là-dessus, là, puis qu'il faut faire ça dans le bon ordre, là, tu sais, puis il faut commencer par définir les zones à protéger, ensuite, avec tous les partenaires locaux, la question des zones multi-usages, puis après ça, bien évidemment, là, identifier les zones de production et de récolte, là, qui sont nécessaires à maintenir le niveau d'activité dans l'industrie, actuellement, là.

Mme Dufour : Oui. J'ai entendu la ministre vous parler tout à l'heure, là, que, s'il y avait des zones, davantage de zones protégées, que ça aurait un impact, qu'il y aurait moins de bois à récolter, donc moins d'emplois, à terme. Mais, dans les trois mémoires qu'on a lus cet après-midi, trois syndicats qui représentent les travailleurs, on lit l'inverse, on lit que, si on ne protège pas, la forêt sera moins résiliente, et éventuellement il y aura moins d'emplois parce qu'il y aura moins de bois.

M. Enault (François) : Bien, c'est ça, tu sais, il y a une vision court terme, hein, la vision court terme de l'ensemble, généralement, des employeurs de l'industrie du bois qui est une vision court terme... le rendement, le rendement. Nous, ce qu'on dit : On veut travailler pour que ça se fasse. Puis l'autre élément... pour ça qu'on dit qu'il faut parler à l'ensemble des personnes, les Premières Nations, les gens de l'environnement. Parce qu'on n'est pas mieux, là. On peut avoir un beau projet de loi, mais, si les routes sont fermées, rendus à la forêt, bien, on ne va rien, rien faire, ce ne sera pas mieux. Donc nous, on veut s'assurer qu'on puisse discuter puis travailler ensemble. Puis, je veux dire, oui, peut-être qu'il y a 20, 30, 40 ans, on ne le faisait pas. Mais là on n'est plus là, je veux dire, il y a 40 ans, on...

M. Enault (François) : ...on ne parlait pas... On parlait peut-être moins de l'environnement, mais on est plus là. Ça fait qu'il faut... il faut travailler là-dessus pour justement que tout le monde soit ensemble, qu'on soit capables d'être efficaces à long terme.

Mme Dufour : Merci. Peut-être une... Peut-être nous parler du coût de la main-d'œuvre dans le domaine de la sylviculture, là, parce que vous mentionnez que si on intensifie la sylviculture, bien, il va falloir avoir de la main-d'œuvre qu'actuellement on n'a pas. Donc, peut-être nous en parler davantage.

M. Demers (Dominic) : Bien là, pour nous, c'est une évidence qu'il faut intensifier la sylviculture. C'est la base de la triade, il faut l'intensifier. Donc, pour l'intensifier, il faut avoir plus de travailleurs. Présentement, c'est un milieu, la sylviculture, qui peine à attirer et à conserver leurs travailleurs. Savez-vous que c'est un des seuls métiers au Québec présentement qui n'est que payé à forfait? Les gens sont payés en fonction de l'hectare qu'ils vont débroussailler. Peu importe qu'il y ait des orages, qu'il y ait des mouches, que ce soit en montagne ou une coulée, mettez-les toutes, là, ils sont payés comme ça encore, ce qui fait qu'évidemment tu ne peux même pas prévoir ta paye à chaque fois. Moi, je vous invite à regarder le Conseil de développement régional du Bas-Saint-Laurent. Ils ont fait un projet pilote dans les dernières années où est-ce que les travailleurs étaient payés à l'heure en fonction d'un taux annualisé. Il y avait différentes tranches, les travailleurs requis, qu'on appelait, les travailleurs moyens, puis les travailleurs expérimentés, ce qui a permis effectivement de recruter plus de travailleurs à la base et de conserver des travailleurs à l'emploi plus longtemps. Ça va être une des... une des problématiques majeures présentement la main-d'œuvre en sylviculture. Il va falloir donner un coup de barre sérieux, soit en faisant des programmes, un peu, de formation intensive qu'on a vus quand même au niveau de la construction. Mais même ça, pour attirer les gens c'est des conditions de travail qui leur permettent de faire vivre leur famille. Et c'est une partie importante de la problématique.

Mme Dufour : Oui. Merci. Parce que c'est comme un aspect qu'on a moins entendu parler. Ça fait que je vous remercie de le mentionner.

M. Enault (François) : Vous avez juste à regarder, on a une vidéo qu'on a faite il y a une quinzaine d'années sur la sylviculture qui était encore vraiment, là...

Mme Dufour : Encore d'actualité?

M. Enault (François) : Oui, oui, d'actualité. Puis vous pouvez le trouver le site de la fédération.

Mme Dufour : Excellent! Merci! Peut-être... J'aimerais revenir sur la certification environnementale FSC. Vous avez vous l'avez évoquée, là, rapidement, mais vous avez une crainte réelle que cette certification-là soit à risque avec la proposition qui est sur la table, le projet de loi n° 97. Peut-être vous pouvez nous en parler davantage.

M. Gagnon (Kevin) : Bien, en fait, c'est plus qu'une crainte parce que, bien, justement, au départ de la rencontre, Mme la ministre, elle a parlé du sommet sur la forêt qui a eu lieu au Saguenay dans les derniers jours. Puis on avait un dirigeant ou un ancien dirigeant de FSC qui était là puis qui, devant la salle pleine, là, qui avait, quoi, 200 personnes, qui nous a confirmé que, pour lui, ce n'était pas certifiable, le projet de loi, actuellement, comme il est. Cfq, tu sais, c'est évidemment un enjeu important parce que, comme François le disait tout à l'heure, bien, à partir du moment où il y a certains marchés qu'on ne pourra pas... auxquels on ne pourra pas avoir accès, ce qui est... ce qui peut avoir pour effet d'avoir un impact direct, là. Puis on a eu une deuxième confirmation de la même chose, là. Ça fait que, tu sais, il y a certaines entreprises qui nous disent : Ah non! Ne vous inquiétez pas pour ça, on l'a validé. Bien, malheureusement, mais ce n'est pas... Ce n'est pas le son de cloche qu'on a de notre côté avec FSC.

Mme Dufour : Et ça serait quoi l'impact pour les emplois si les entreprises perdaient cette certification?

M. Enault (François) : Bien, certains impacts, c'est le marché. C'est le marché européen notamment. C'est aussi... Les produits FSC sont vendus plus cher qu'un produit normal. Donc, il y a tout ça également qu'il y aurait comme impact, là.

Mme Dufour : Donc, la compétitivité des entreprises serait mise à mal. Puis actuellement, on le voit, là, les tarifs au sud de la frontière font mal. Puis là on se fermerait le marché européen, c'est bien ça?

M. Enault (François) : C'est ce que je veux dire.

Mme Dufour : Bon. O.K. Et pourquoi il y a un risque de perdre cette certification-là? Qu'est-ce qui le... qu'est-ce qui l'explique?

• (17 h 30) •

M. Demers (Dominic) : Je dirais qu'un des principes de base... Là, il y a comme deux principes qui prédominent chez FSC, qui est tout l'aménagement écosystémique. Donc, au niveau des zones de production intensive, ça nous amène une certaine crainte à ce niveau-là. Et un autre élément important de FSC, c'est cet élément de concertation, hein, l'accord des usagers de la forêt. Et là, on n'est pas juste sur... Notre inquiétude n'est pas juste qu'au niveau des Premières Nations, mais effectivement qu'il y ait des conflits d'usagers qui permettent à des gens de faire des requêtes auprès de FSC de supprimer des certifications.

Mme Dufour : Ah oui! O.K. Et donc là, là, vous proposez d'ailleurs des instances de consultation. Je pense qu'il me reste juste une minute, là, mais peut-être nous parler de qu'est-ce qu'on pourrait avoir comme instance de consultation qui viendrait pallier à la disparition des tables...

M. Demers (Dominic) : Bien, là-dessus, notre position est assez simple. On pense que la table GIR, là, c'était quelque chose qui n'était pas parfait, mais il faut continuer à bâtir à partir de cette table-là, tu sais. Vous allez voir, on parle aussi, là, je pense que c'est à la recommandation 8, là, d'un genre de conseil national des partenaires, là, tu sais. Nous, on pense que tous les utilisateurs de la forêt, là, sont des gens qui sont assez responsables et intelligents pour faire la part des choses et être capables de...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Demers (Dominic) : ...de prendre aussi l'intérêt de tout le monde. On veut que ce soit équilibré, qu'il y ait un rapport de force équilibré. Puis c'est clair qu'une des craintes qu'on a, c'est que... si on a tendance à retourner au régime... de 85, une des lacunes, c'est effectivement qu'il y avait un déséquilibre des pouvoirs entre les industriels, puis là je vous dirais même les grands industriels versus les petits industriels et les utilisateurs de la forêt.

Mme Dufour : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier-Dorion, vous disposez de 4 min 8 s.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Merci beaucoup d'être là. Écoutez, je vais aller avec votre recommandation 1, là. On doit d'abord définir les zones de conservation, ensuite identifier les zones multiusages, troisièmement, à la fin du processus, les zones prioritaires. Est-ce que vous pensez que les projets de loi, tels qu'il nous est présenté, reflètent cette méthodologie-là?

M. Enault (François) : Définitivement. C'est pour ça qu'on fait la recommandation, là, justement. Donc... puis, si tu veux compléter de façon plus précise, là, mais...

M. Demers (Dominic) : ...c'est relativement simple. Si on regarde le projet pilote dans la Mauricie qui a été produit au niveau de Messier, puis M. Messier s'est, effectivement, exprimé dernièrement dans les journaux, là, pour commenter ce principe-là de triade, c'est que le principe des zones de production intensive, là, c'est justement le fait de dire : On va compenser, probablement, une diminution des zones de récoltes, hein, parce qu'on a une superficie, on partage en trois, bon, les zones protégées, multiusages... un paquet de conflits d'utilisateur qui fait restreindre la possibilité, les possibilités de coupes, et là on dit : Voici la pointe de tarte qui reste à l'industrie, mais là, celle-là, là, on va lui donner la chance d'en retirer le maximum possible de rendement pour compenser ce qu'elle a dû laisser pour les aires protégées, pour la zone multiusage. C'est exactement comme ça qu'on le voit. Tu sais, nous, on trouve ça particulier, qu'on détermine déjà à l'avance quelle sera la zone de production intensive, parce que... En plus, ça pourrait varier d'une région à l'autre. Il y a des régions qui pourraient décider qu'eux c'est full récréotouristique puis qui vont aller à 70 % d'aires protégées puis d'autres régions, peut-être, qui pourraient faire le choix de dire : Au niveau industriel, on va en mettre 40 % en zone de production intensive. On ne voit pas comment est-ce qu'on peut le déterminer à l'avance comme ça de façon réaliste. Puis c'est un peu, heureusement et malheureusement, la même chose que M. Messier est venu dire dernièrement, là.

M. Fontecilla : Merci. M. Enault, vous avez parlé d'une crise structurelle qui affecte le secteur depuis 20 ans, là, au moins, là. Vous avez dit que vous avez... Bon, les 20 dernières années, vous n'avez fait que négocier... une détérioration des conditions de travail, là. On a l'impression que le projet de loi aussi est en train de nous ancrer dans un modèle... un vieux modèle un peu... un peu dépassé. C'est l'impression que plusieurs travailleurs me donnent. Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là va permettre d'améliorer les conditions de travail des travailleurs et travailleuses du secteur?

M. Enault (François) : Pas à moyen et long terme. Ça, c'est clair. Puis, sérieusement, là, je ne blâme pas la ministre du projet de loi. Je crois que la ministre, son groupe sous-estiment ou surestiment, plutôt, la bonne foi des employeurs du milieu. Moi, je n'y crois pas. Je n'y crois pas parce que je l'ai vécu durant trop d'années. À toutes les fois qu'on faisait des concessions... Tu sais, on a fermé... à l'époque, on en a fermé plein, puis, à toutes les fois, on disait : Oui, oui, mais c'est pour restructurer, mais on n'a pas... on a pas été chercher puis changer de créneau. Certains l'ont fait, mais pas beaucoup. Puis c'est ça, notre crainte, de donner un chèque en blanc, de donner 30 % de la forêt à ces gens-là. Ils vont... ils sont là pour faire du cash, puis après ça ils vont partir, puis ils vont retrouver d'autre chose ailleurs. C'est ça, notre crainte.

Puis c'est pour ça que, je veux dire, ceux qui m'ont vu dans le p.l. 89, j'étais pas mal plus incisif, je ne blâme pas ministre, je dis juste qu'on sous-estime les employeurs là-dedans. Parce qu'on les connaît. Nous, là, on fait affaire avec eux autres depuis des années. C'est toujours la même histoire. Ils ont toujours besoin de plus pour quelque chose, toujours besoin de plus pour quelque chose, puis, en bout de ligne, bien, c'est nous qui se font avoir. Parlez-en, parlez-en aux travailleurs de la Rivière-aux-Rats, là. J'étais avec eux, moi, il y a un mois. Tu sais, ce n'est pas drôle, là. On se fait fermer puis... Ils ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête, ces travailleurs-là.

Ça fait que moi, je veux juste m'assurer que ce soit correct puis que tous les groupes au Québec puissent placer les choses et à ce qu'il n'ait pas juste un interlocuteur, mais l'ensemble des interlocuteurs alentour d'une table pour pérenniser ces emplois-là, des emplois de région de qualités.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, M. Enault, M. Gagnon, M. Demers et M. Bélanger, pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend les travaux jusqu'à 19 heures. Merci. Bon souper, tout le monde. Merci, mesdames.

(Suspension de la séance à 17 h 36)


 
 

18 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 19 heures)

Le Président (M. Bernard) : Bonsoir, tout le monde. Merci d'être de retour. Alors donc, la Commission de l'aménagement du territoire reprend ses travaux.

Première chose, encore pour les gens présents dans la salle, s'il vous plaît, éteindre vos sonneries de téléphones cellulaires.

Merci d'être là en cette soirée. On va avoir une belle soirée. En premier lieu, nous aurons le plaisir d'entendre la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et, par la suite, les gens de Nature Québec.

Alors donc, nous allons commencer nos travaux. Les gens de la fédération, s'il vous plaît, vous vous présenterez puis vous avez une période de 10 minutes pour présenter vos exposés, et, par la suite, nous procéderons avec les échanges avec les groupes parlementaires. Merci. À vous la parole.

M. Bolduc (Denis) :Alors, merci. Merci, M. le Président. Merci de nous permettre de nous exprimer, d'exprimer nos préoccupations relativement au projet de loi n° 97. Je me présente, Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ. M'accompagnent Nicolas Lapierre, vice-président de la FTQ et directeur québécois des Métallos, ainsi que Patrick Rondeau, conseiller syndical à la FTQ, directeur du service de l'environnement transition juste.

Alors, la FTQ compte plus de 600 000 membres issus de toutes les régions du Québec, de tous les...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Bolduc (Denis) :...secteurs d'activité. On représente près de 20 000 travailleurs et travailleuses dans le secteur de l'industrie forestière au Québec.

Le projet de loi n° 97 va avoir un impact sur l'ensemble des communautés québécoises qui dépendent de l'industrie forestière. C'est pourquoi on est hautement préoccupés par la pièce législative qu'on nous présente. On reconnaît l'importance de réformer le régime forestier, mais on demeure convaincus que le gouvernement n'a pas pris le bon chemin, qu'il a manqué un virage, celui de la large consultation de l'ensemble des parties prenantes au dossier. Le processus de consultation menant à ce projet de loi... se sont déroulées à huis clos, sans véritable consultation avec la société civile, et en oubliant les recommandations des Premières Nations. En fait, ce sont les grands... les grands de l'industrie forestière, à eux seuls, qui sortent gagnants du processus qui a été privilégié par le gouvernement, et pourtant, la forêt québécoise appartient d'abord aux Québécois et aux Québécoises, pas aux intérêts privés.

La FTQ demande depuis longtemps l'adoption d'une politique industrielle assortie de stratégies sectorielles, et le projet de loi n° 97 ne peut pas être adopté sans qu'il ne soit révisé en profondeur, afin d'inclure les ingrédients de base, soit le dialogue social, la transition juste, puis une réelle démocratisation du processus. Le Parlement, ce Parlement, a adopté deux motions à l'Assemblée nationale, en 2021, demandant au gouvernement de mettre sur pied, sans délai, un groupe de travail interministériel et paritaire, entre travailleurs et employeurs, sur la transition juste, ainsi que la production d'une étude prospective des impacts des changements climatiques sur l'emploi, et d'identifier des sources de financement de la transition juste. Le gouvernement a déjà oublié ces deux motions. Les travailleuses et les travailleurs, tout comme les Premières Nations, d'ailleurs, n'ont pas été invités à la table des discussions qui ont mené à la rédaction du projet de loi n° 97, et jamais, jamais la FTQ ne va accepter que les employeurs parlent pour les travailleuses et les travailleurs. Malheureusement, ce manque de consultations au préalable vient discréditer le projet de loi n° 97. Pourtant, il y avait moyen de faire autrement.

Il y a deux semaines, la FTQ, avec ses affiliés, Unifor, les Métallos, a organisé un important sommet sur la forêt, avec les collègues des autres centrales syndicales québécoises. Plus d'une cinquantaine d'organisations y ont participé, vous avez la liste en annexe de notre mémoire. Le sommet s'est conclu sur neuf propositions, non contestées, de ce qui devrait guider le gouvernement dans une réforme de notre régime forestier. Alors, la FTQ fait de ces neuf propositions ses recommandations, c'est ce que vous lisez dans notre mémoire, et, sans vouloir revoir avec vous l'ensemble des propositions, permettez-moi de souligner les deux premières : développer, mettre en œuvre une stratégie de transition industrielle, qui va permettre de rehausser, de façon significative, la fabrication de produits de bois à haute valeur ajoutée, créer un bureau de transition forestière, chargé de coordonner les efforts de transition, et planifier une transition juste pour les travailleuses et travailleurs ainsi que pour les communautés.

Et, juste avant de passer la parole à mon collègue Nicolas Lapierre, j'aimerais vous adresser un mot relativement aux blocus autochtones qui apparaissent en Mauricie et au Saguenay—Lac-Saint-Jean depuis quelques jours. Et, pour nous, pour nous, la FTQ, ce manque de consultations qu'on déplore, du gouvernement, explique la réaction des gens des Premières Nations. L'approche unilatérale qui a été adoptée par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts a mené à cette impasse politique et sociale, qui risque, qui risque d'être difficile à dénouer, et qui menace directement des centaines d'emplois dans le secteur forestier, on le ressent déjà, d'ailleurs. Et ce résultat prévisible est la conséquence directe de ce que la FTQ dénonce aujourd'hui, l'incapacité de ce gouvernement à entreprendre un dialogue social avec tous les partenaires clés du milieu forestier.

Alors, plutôt que de s'isoler dans ses processus décisionnels, le gouvernement aurait intérêt à s'inspirer de ce qui fait ailleurs, par exemple... de ce qui se fait ailleurs. Par exemple, la Colombie-Britannique a récemment annoncé la création d'un conseil consultatif provincial...

M. Bolduc (Denis) : …sur la foresterie. Il s'agira d'un espace permanent de dialogue multipartie chargé de formuler des recommandations en matière de gestion forestière durable, en appui aux communautés, en appui aux travailleurs et aux travailleuses. Alors voilà un exemple de ce qui pourrait inspirer le gouvernement, de ce qui pourrait être fait. Je passe maintenant la parole à mon collègue Nicolas.

M. Lapierre (Nicolas) : Oui. Bien, merci beaucoup. Merci de nous recevoir, écoutez, le cœur de notre mémoire. C'est la… toute la question de la transition juste. Et l'idée, c'est le plus tôt on l'a fait, plus tôt le virage sera harmonieux. Il aurait dû être commencé bien avant, soit dit en passant. Ça fait qu'évidemment, la transition juste doit être… doit se faire pour l'ensemble de l'industrie puis toutes les parties prenantes de l'industrie. J'inclus les travailleurs, les travailleuses, j'inclus l'ensemble des communautés qui dépendent, pour bien des places, des opérations forestières. Et aussi, quand je parle de communautés, je parle évidemment des communautés autochtones qui se doivent d'être consultées en amont de tout processus, évidemment.

Puis évidemment, notre mémoire parle d'une stratégie industrielle qui doit soutenir des emplois durables. Pour nous, c'est le cœur, c'est le cœur de la chose. Il est fort important et vital pour la pérennité de la forêt qu'on s'assure de mettre en place des emplois durables. Il faut sortir du paradigme, qu'on transforme la forêt comme on le fait actuellement, qu'on fait du deux par quatre et qu'on continue comme ça. On peut le faire quelques années, mais clairement, on va frapper un mur comme organisation. Donc, ça nous prend de développer une politique industrielle qui va parler des produits à valeur ajoutée du bois. On parle du bois d'ingénierie, du bois massif, de la construction préfabriquée aussi. Ça aussi, ça commence à prendre son essor, du bio raffinage et ainsi de suite.

Ça nous prend des cadres réglementaires qui vont favoriser que les politiques gouvernementales vont utiliser le bois de plus en plus. Ça, il faut que ça soit clair. Il faut sentir qu'il y a une… qu'il y ait une volonté du gouvernement, une volonté de l'État de favoriser le bois. Il faut créer un bureau de transition forestière. Pour nous aussi, toute cette politique industrielle là, c'est tellement complexe. Il y a des mois de réflexion là-dedans. Il faut que le bureau de transition forestière soit mis en place avec les personnes habilitées pour réfléchir. Il faut aussi créer un fonds de transition pour appuyer les entreprises qui devront faire un virage. Parce que je vous le dis, on ne pourra pas continuer à opérer la forêt comme on le fait là. Et évidemment, il va falloir réfléchir à des appuis financiers, parce que c'est bien beau, l'État, mais il va falloir penser aussi à des bailleurs de fonds, projet par projet.

Notre deuxième élément là-dedans, en termes de transition, c'est la transition juste pour les travailleurs, pour pouvoir voir comment est-ce qu'on les forme, comment est-ce qu'on s'assure qu'eux on les… dans une transition des emplois, comment est-ce qu'on les aide à se former, à se requalifier. Évidemment, il va falloir… tu sais, puis je pense à la commission des partenaires du marché du travail qui devrait être mise à profit. Comment est-ce qu'on outille nos travailleurs là-dedans?

Puis il va falloir faire un audit de toutes nos communautés. Comment est-ce qu'ils sont vulnérables? C'est quoi le statut de chacune des entreprises? C'est quoi, la proximité avec le bois? On dit souvent que le bois, il est plus loin, puis il est plus petit, mais… puis les territoires de coupe qu'on va perdre, on va perdre des territoires de coupe avec le caribou forestier, on va perdre des territoires de coupe avec les crises climatiques, les feux de forêt, on le sait qu'on va perdre. Puis je ne parle même pas des autochtones qui devront être consultés en amont par rapport aux territoires ancestraux.

Donc, il y a toute une réflexion qui devra s'arrimer par des spécialistes en la matière. Puis c'est là que le bureau de transition forestière doit être mis en place avec une structure à l'abri de toute pression politique pour réfléchir à c'est quoi la forêt de demain. Parce que clairement, il y aura des impacts. Mais plus longtemps on attend, plus le mur va nous arriver dans la face, plus ça va être difficile pour tout le monde. Plus tôt on commence, plus tôt le virage sera harmonieux.

• (19 h 10) •

Le Président (M. Bernard) : Merci. Merci beaucoup messieurs Bolduc, Lapierre et Rondeau. Nous allons entreprendre la période d'échange avec le groupe gouvernemental. Mme la ministre, vous disposez de 16 minutes et 30 secondes.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Merci à vous trois d'être là aujourd'hui. Je suis contente de pouvoir avoir cet échange-là avec vous. Je vais commencer ma question, mais avec plutôt une affirmation, là, parce que bon, ça fait… Je pense que vous êtes le quatrième groupe syndical qu'on rencontre aujourd'hui, avec des positions qui, vous l'avez dit, là, sont somme toute similaires. Ça fait que je vais me permettre de passer le même message. Peut-être dans les grands objectifs du projet de loi, moi, j'ai encore confiance qu'on peut garder des jobs en forêt. Je ne suis pas rendue à une transition. Je suis rendue à me dire : Il faut faire un virage parce que moi, je pense aux 57 000 travailleurs. C'est à eux que je pense, à vos membres. Pour consolider des emplois dans les régions, ça prend… il faut…

Mme Blanchette Vézina : …changer les choses, il faut changer les façons de faire en forêt. Puis, vous l'avez dit, là, le statu quo, il ne tient plus. Il y a un consensus sur ça. Puis moi, je n'abandonnerai pas les communautés forestières. Je suis pas rendue au point où on va dire qu'on fait une transition. Pour moi, il y a des solutions. Elles existent. Ça prend du courage pour les mettre en place, mais on y croit puis on croit encore que les emplois dans la forêt, dans les régions du Québec, sont importantes… sont importants, puis ces gens-là sont importants. Ça fait que c'est pour ça qu'on fait des changements.

Vous avez nommé tout à l'heure la Colombie-Britannique, là, qu'il y a des pratiques qui sont… qui ont été mises en œuvre. Je ne sais pas si vous… Moi, j'ai fait des analyses comparatives. On a demandé à des équipes du ministère de faire des analyses comparatives entre les différentes juridictions au Canada. Les changements qui ont été apportés en Colombie-Britannique, ça a diminué de moitié les emplois forestiers. On ne laissera pas tomber nos travailleurs. On sait qu'il y a eu un déclin des emplois dans les dernières années, 30 000, à peu près, 40 000, dépendamment des chiffres et des données. Je pense que c'est assez.

Puis, oui, il y aura des… la protection de la biodiversité, puis on en est. En fait, on a même… mon collègue de l'Environnement a fait un appel à projets. On a des objectifs d'atteindre 30 % de protection de biodiversité. Bien, si on veut atteindre ces objectifs-là, il faut faire des changements dans la façon dont on aménage nos forêts. Puis, oui, il y aura des pertes de possibilté forestière associées à cette protection de biodiversité là, vous l'avez dit, pour le caribou, pour d'autres activités qui nécessiteraient de la protection, puis on… j'en suis là, je souscris à ça, mais il faut, donc, concentrer nos efforts sur des secteurs en forêt pour pouvoir avoir à la fois la protection de la biodiversité et des activités économiques forestières, parce que la forêt, le bois, bien, on en a besoin dans notre quotidien.

C'est aussi utile dans la décarbonation. On a… On finance des partenaires, Cecobois notamment, qui calculent l'impact de la réduction des GES lié à l'utilisation du bois. Ça fait que, pour y arriver, ça prend des usines. Pour avoir cette récolte-là, avoir du bois d'ingénierie ou du bois d'oeuvre dans les constructions dont on a besoin, ça prend des gens qui vont récolter en forêt. Ça fait que c'est à eux qu'on pense, parce que moi, je ne lâche pas prise, puis notre gouvernement ne lâchera pas prise pour les travailleurs dans la forêt. Ça fait que je tiens à vous rassurer, puis ça, c'est mon premier message.

Le deuxième message, stratégie industrielle, vous avez reçu une invitation hier, justement, là, puis ça vient de l'équipe du ministère, parce que, oui, ça fait partie des solutions parce qu'on a besoin de faire ce virage-là, mais on veut le faire de manière intelligente avec les partenaires du milieu. Il y a du budget, là, dans… des sommes dans le budget qui ont été octroyées directement pour une stratégie. Alors, on va travailler avec vous, puis j'espère… c'est ma main tendue pour travailler avec vous pour m'assurer que la stratégie industrielle qu'on mettra en place, en parallèle d'améliorations quant aux façons de faire en forêt, pour sécuriser des emplois, bien, que ce soit fait en ayant conscience des besoins… puis je le sais de la connaissance terrain que vous avez dans les usines puis que vos travailleurs ont. Ça fait que soyez rassurés sur ces deux éléments-là.

J'ai posé la question tout à l'heure à des partenaires, là, vous vous collez beaucoup aux groupes environnementaux, puis, tu sais, je ne veux pas… Je ne pas vous dire que ce n'est pas une bonne idée. Ceci étant, je ne sais pas si vous savez et que vous avez dit à vos membres que baisse de possibilité forestière, associée à de la protection du territoire, c'est directement lié à des pertes d'emplois, puis c'est de la consolidation, c'est de l'approvisionnement d'usines. À un moment donné, l'usine, elle n'a pas assez d'approvisionnement pour être capable de garder des emplois, des chiffres ouverts, puis c'est ce qui fait une roue décroissante, là, défavorable. Comment vous expliquez à vos membres cette prise de position là, je dirais, qui est défavorable à la fin? Tu sais, sans… Moi, je n'entends pas les solutions, là, qui permettraient de continuer d'avoir un équilibre dans l'activité économique versus la protection du territoire. J'aimerais comprendre votre position.

M. Bolduc (Denis) : Bon, il y a deux éléments, puis je vais inviter par la suite mes deux collègues à… un sur un élément puis Nicolas sur l'autre. Il y a deux éléments, là, dans ce que vous dites.

D'abord, la protection des emplois, bien, à la FTQ, chez les Métallos, chez Unifor, évidemment qu'on a le même objectif de préserver les emplois, sauf qu'on a aussi à l'esprit qu'il y a une réalité actuellement, le changement climatique. Il y a une réalité autochtone. Il faut protéger la biodiversité, la forêt, il faut… la pérennité de la forêt. Et nous, on dit : Il faut s'asseoir, tout le monde… C'est un peu le message qu'on vous livre aujourd'hui. Il faut s'asseoir ensemble, trouver des solutions qui vont faire en sorte qu'on va protéger le caribou, qu'on va protéger le plus possible nos emplois, qu'on va protéger la biodiversité, puis qu'ensemble on va trouver des solutions. Je parle, des fois… Par exemple, je vais prendre un exemple, là, mais je…

M. Bolduc (Denis) :...je le prends, qui n'a pas rapport avec la forêt, mais qui explique bien l'état de pensée, ce qu'on veut dire quand on dit de consulter.

Pendant la pandémie, hein, on a vu des enfants arriver sur le marché du travail. Le CCTM a produit un avis, les travailleurs, les travailleuses, les patrons, ils ont produit un avis., ils ont dit : Ça devrait être ça, le cadre. Le ministre part avec ça, il fait une pièce législative, ça ne crie pas, ça ne déchire pas des chemises parce qu'on s'est entendu avant. Là, on fait le processus à l'envers.

Sur la stratégie industrielle, donc, bien, en fait, les deux questions, là, Nicolas et... Patrick, Patrick, merci, Patrick, concernant les emplois, l'environnement, etc., là.

M. Lapierre (Nicolas) : Je peux y aller. Bien, écoutez, oui, on l'adresse avec nos travailleurs, Mme la ministre, mais il faut avoir du... puis on l'adresse avec beaucoup de courage, mais, en même temps, qu'on l'adresse ou pas, quand on regarde le secteur depuis 30 ans, il y a une décroissance, il y a une fermeture des scieries, il y a une fermeture des usines. Qu'on soit d'accord ou pas, c'est un secteur en déclin pour toutes sortes de raisons, pas toutes sortes de raisons.

C'est sûr qu'on l'adresse avec nos travailleurs, mais l'idée d'avoir une transition juste, c'est justement de dire aux travailleurs : Il y aura probablement des impacts parce qu'on ne pourra plus couper les mêmes volumes qu'on coupe depuis des décennies, donc nos emplois vont se transformer.

Moi, j'ai des histoires à succès puis, tu sais, moi, je suis natif de la Côte-Nord, puis, sur la Côte-Nord, on a une usine qui croulait sous les copeaux. On a pris les copeaux, on fabrique de l'huile pyrolitique puis on alimente une minière qui... elle, ça évite de faire venir du mazout lourd par bateau, tu sais. Ça fait que ça, c'est un exemple frappant des emplois qui se transforment.

Ça fait qu'il n'est pas question d'abandonner les travailleurs dans la forêt, il n'en est pas question, mais il faut changer notre paradigme qu'on continue à couper du bois pour couper du bois puis faire du 2X4, puis aux aléas des soubresauts des tarifs, etc. Il faut transformer, il faut faire de la deuxième puis de la troisième transformation.

Je ne suis pas en train de vous dire, Mme la ministre, qu'on va arrêter de faire du 2X4, ce n'est pas ça que je vous dis, mais je vous dis qu'il faut penser autrement. Il faut penser transformation pour le bien de nos... Puis quand on vous dit un bureau de transition forestière, bien, c'est là qu'un audit doit se faire, de chacune des régions. Quel industriel qui est là, la proximité de la forêt, on est-tu proche du fleuve, on est-tu proche d'une voie ferrée? Qu'est-ce qu'on peut faire? C'est quoi, les résidus qui sont disponibles? Parce que les résidus ne sont pas tous les mêmes puis les régions ne seront pas toutes affectées par la même perte de territoire. Donc, il y a toute cette réflexion-là qui doit se faire. Je suis bien content de vous l'entendre... qu'on pourra avoir une consultation, mais ça ne pourra pas être une consultation dans une journée ou deux. Ça prend des gens alentour de la table qui sont habilités, des experts qui sont capables de réfléchir à la forêt autrement qu'on le fait là. C'est ça qu'on passe... le message, aujourd'hui : Il faut sortir de notre paradigme actuel.

M. Rondeau (Patrick) : ...intervenir rapidement sur, effectivement, ce biais-là qu'on entend souvent, que la transition amène systématiquement des pertes d'emplois. Je vais mettre un autre chapeau que j'ai aussi, je suis aussi expert syndical en transition juste à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et j'ai cette expertise au niveau international, de la transition juste. Et ce qu'on voit, c'est, lorsqu'il y a des démarches concertées, dans d'autres États et dans d'autres secteurs, ça ne se traduit pas systématiquement en pertes d'emplois, mais en transformation des milieux d'activités. Et ça, c'est important. Donc, je pense qu'il faut arrêter d'avoir ce biais-là que, si on va vers la transition, systématiquement, c'est une perte d'emplois. Ce n'est pas le cas.

Et c'est la discussion que nous avons avec nos membres, parce qu'on travaille avec eux sur des solutions à leur portée, et on arrive à avoir ce dialogue-là, pas tout le temps facilement, mais on arrive à l'avoir avec les travailleurs, travailleuses du Québec qui sont nos membres et auxquels on... et qui nous tiennent, naturellement, très à cœur.

• (19 h 20) •

Et, en fait, je vous renverrais la balle, Mme la ministre, à savoir sur quelles données vous basez-vous pour systématiquement nous apporter des pertes d'emploi? Parce qu'on sait... Et malheureusement, c'est quelque chose qu'on demande au ministre, à votre collègue ministre de l'Environnement, depuis longtemps, d'avoir des données sur l'impact des changements climatiques sur les emplois. On sait que ça n'existe pas. Il n'y a pas de chiffres qui existent, on va un peu à l'aveugle. Et c'est quelque chose qu'on demande : Est-ce qu'on peut, par secteur d'activité, avoir des études prospectives sur l'impact des changements climatiques, pour pouvoir bâtir des plans de transition ou des scénarios de décarbonation et apporter les correctifs sur les emplois à la lumière de ces scénarios-là? Donc, la demande demeure. On aimerait simplement savoir où on va. Avant de dire que ça crée ou ça perd des emplois, on a besoin d'avoir ces chiffres-là, et cette concertation, et cette grande discussion autour de ce sujet-là.

Mme Blanchette Vézina : Bien, vous mentionnez... Je sais que mon collègue se penche sur les impacts des...

Mme Blanchette Vézina :  ...changements climatiques, pas juste se penche... On a un plan de mise en œuvre, là, chiffré, financé, sur lequel il travaille. Moi, je me fie sur les travaux du forestier en chef aussi, là. Tu sais, quand on fait des travaux comme celui d'un régime forestier, on se base sur plusieurs expertises. Au sein des équipes du ministère, on a des expertises en économie, notamment au bureau de mise en marché des bois, là, mais des gens qui vont demeurer dans les équipes du ministère, parce qu'on chiffre les impacts des décisions qu'on prend. Puis, oui, c'est directement relié : baisse de possibilités égale baisse d'approvisionnement égale difficile d'avoir une rentabilité pour les usines.

Donc, moi, je trouve des solutions puis j'en suis de vouloir continuer de dialoguer avec vous, là. Je sais que vous avez participé aux tables de réflexion sur l'avenir de la forêt, plus de 1 000 participants, et, des propositions, il y en a eu. D'ailleurs, je vous invite à aller voir le rapport qui a été mis en ligne. On est à l'étape de prendre des décisions, parce que, vous le savez, le contexte économique, il est très difficile. En fait, il aurait pu y avoir des actions avant, mais je pense qu'il faut agir maintenant. Puis le dialogue, on l'a. Ça fait quatre groupes en... syndicales qu'on entend aujourd'hui. On veut entendre ce que vous avez à dire. Vous représentez les travailleurs, puis c'est important de vous avoir en commission. Mais, si vous voulez, tu sais, qu'on discute de la science puis des impressions, parfois, qu'on a sur la situation des forêts du Québec, je vous invite à aller lire le bilan quinquennal du forestier en chef. Le forestier en chef, ce qu'il vient nous dire, c'est que l'état des forêts, avant les feux, ça datait de... dans le fond, la période terminait en 2023, mais les forêts vont bien. Ça, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le vérificateur de l'état des forêts.

Ça fait qu'il faut... il ne faut juste pas jeter le bébé avec l'eau du bain puis penser que tout va mal dans la forêt. Il y a beaucoup de perceptions et il y a des choses à changer, puis c'est pour ça qu'on fait un projet de loi aujourd'hui. Si tout allait bien, on n'en serait pas là. Mais moi, je veux cesser ces pertes d'emplois, je veux consolider des emplois, je veux créer des emplois plus payants puis, oui, aider les travailleurs à faire ce virage-là, lorsqu'il y a une deuxième, troisième transformation, vers l'huile pyrolytique par exemple. C'est un très bel exemple. D'ailleurs, ma collègue Kateri a fait l'annonce avec l'entreprise qui est derrière le projet... les entreprises qui sont derrière le projet, je devrais dire. C'est des... C'est des projets qui sont porteurs, mais, pour arriver à avoir des résidus, il faut que le bois soit récolté. Ça nous prend des entreprises pour aller en forêt, ça nous prend des travailleurs qui vont dans la forêt, et moi, je ne les laisserai pas tomber.

Ça fait que les changements qui sont proposés... Je vous invite aussi à aller voir l'avis, le conseil du forestier en chef. Le forestier en chef mentionnait qu'il faut faire un zonage pour pouvoir se concentrer sur les fonctions du territoire, protection, activités multiusages, mais, oui, intensification des activités d'aménagement forestier, pour une pérennité des emplois.

Donc, je pense, M. le Président, de mon côté, là, j'ai fait le tour. J'ai le collègue de... du Lac-Saint-Jean qui aimerait intervenir, poser une question. Merci, Messieurs.

Le Président (M. Bernard) : Monsieur... Oui.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...

Le Président (M. Bernard) : M. le député, il vous reste 2 minutes 40.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Bien, merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Éric Girard, qui vient d'une région très forestière, premier secteur d'économie en termes de PIB, vous le savez très bien.

Je vous écoutais parler. Il y a des choses que vous dites. Oui, on peut discuter, on peut argumenter, mais, à vous entendre parler, ce n'est pas très, très, très positif, mais pourtant il y a beaucoup de choses qui se font au domaine forestier, avec les communautés forestières qui s'impliquent énormément, les citoyens, les élus.

Je prends juste à l'UQAC, on a quand même quelque chose d'intéressant avec un centre de recherche, où est-ce que les entreprises s'impliquent, participent, justement, entre autres, avec des projets de recherche au niveau, là, de tout ce qui est la question des changements climatiques. Vous irez voir la littérature là-dessus, c'est intéressant.

On a aussi beaucoup de choses qui se développent en termes des équipements forestiers, tout comme l'agriculture, hein, moi, je compare ça beaucoup à l'agriculture, des équipements qui sont de mieux en mieux adaptés, avec des systèmes LIDAR, avec des... Maintenant, on peut même... des essais avec des drones. Il y a beaucoup de développement qui se fait avec le milieu, avec nos hommes et nos femmes d'affaires qui veulent bien vivre de la foresterie, qui veulent s'impliquer, qui veulent la protéger.

Puis on a quand même aussi des organisations, à mon avis, qui ont fait leurs preuves, entre autres le forestier en chef, vous semblez avoir des opinions à ce niveau-là, puis qui est un spécialiste. Justement, j'aimerais ça vous entendre un peu. Vous en pensez quoi?

M. Bolduc (Denis) : ...forestier en chef?

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Oui.

  M. Bolduc (Denis) : Bien, en tout cas...

M. Bolduc (Denis) :...sur le forestier en chef. Moi, je ne pointe pas le forestier en chef. Mais ce qu'on dit... ce qu'on dit, là, c'est que, quand on est consultés, les travailleurs, les travailleuses, face à un projet de loi, ça va beaucoup mieux par la suite. On arrive avec une pièce législative... Cherchez-le, dans le projet de loi, l'endroit où on dit : On va s'occuper des travailleurs et des travailleuses. Je ne l'ai pas vue, cette phrase-là, moi, dans le projet de loi, comment on va s'occuper des travailleurs, des travailleuses et qu'est-ce qu'on va mettre en place pour assurer un suivi sur la politique qu'on veut, qu'on préconise au gouvernement, l'application, puis comment ça va les impacter, puis comment on va les aider là-dedans, quelle structure on va mettre en place. Je ne le trouve pas dans le projet de loi. Si on nous avait consultés avant, c'est ce qu'on vous aurait dit : Trouvez-nous... on a besoin de ça pour rassurer.

Mme... Mme la ministre nous parlait tout à l'heure des travailleurs, des travailleuses, protéger les emplois. Bien, quand on fait des tournées provinciales, puis mon collègue l'a dit, ce n'est pas toujours facile d'aller dire à des gens dans les régions comme la vôtre...

Le Président (M. Bernard) : Merci, M. Bolduc. Désolé. Le temps était maintenant écoulé. Je cède maintenant la parole à l'opposition officielle. M. le député de Pontiac, vous disposez de 12 minutes 23 s.

M. Fortin :Merci, M. le Président. M. Bolduc, M. Lapierre, M. Rondeau, merci, merci d'être avec nous ce soir.

Juste avant de... avant de commencer à vous questionner, là, vous dites... vous dites que vous n'avez pas trouvé, dans le projet de loi, là, où on parle des travailleurs, là. Puis c'est... ce n'est pas parce qu'on répète, Mme la ministre, souvent, dans un exposé, qu'on pense aux travailleurs qu'on est nécessairement en train de faire les bonnes choses pour eux non plus. Puis je pense que c'est ce que les gens qui sont ici ce soir sont en train de vous dire. On peut répéter ça toute la journée, là, qu'on pense aux travailleurs, mais la preuve est dans les documents qu'on dépose, puis à savoir est-ce que c'est la bonne chose à faire pour eux ou pas.

Je vous ai entendu à la fin de votre... de votre exposé initial, M. Bolduc, dire... parler du blocus ou appelons ça, là... utilisons le terme que les Premières Nations utilisaient ce matin, là, des tensions sociales, là. Est-ce que... Est-ce que c'est votre appréciation que ces tensions sociales là, qui, on l'a entendu cet après-midi, là, ont un impact sur des décisions des industriels, sont un résultat du manque de consultation de la ministre et de son équipe?

M. Bolduc (Denis) :Bien, on a émis un... pardon, on a émis un communiqué, la FTQ, là-dessus. On pointe... puis on ne veut pas encourager les blocus outre mesure, mais on... c'est ce qu'on dit. On dit : S'ils avaient été consultés à leur satisfaction, s'ils avaient l'impression d'avoir été consultés correctement, puis que leur opinion aurait été prise en compte, bien, on n'aurait pas de blocus aujourd'hui. C'est simplement ce qu'on dit. Si on avait été consultés, il y aurait, dans la pièce justificative, des mesures pour protéger les travailleurs, les travailleuses dans une transition, bien, on ne viendrait pas déchirer notre chemise devant vous, M. le Président, pour dire : Il manque ça dans le projet de loi. Et donc c'est ce qui arrive. C'est pour ça qu'on n'est pas trop surpris, là, de...

Puis là, bien, ce que j'entends, on va envoyer des forces de l'ordre si on veut mettre de l'huile sur le feu, je pense, ce serait mieux d'essayer d'entreprendre un dialogue avec les Premières Nations dès maintenant pour essayer de redresser le navire, là. Parce que, des fois, ce que j'entends, je ne sais pas si c'est... c'est vrai ou c'est juste des rumeurs, mais, si on veut envoyer les forces de l'ordre pour intervenir, je pense que ce ne serait pas une bonne idée, là. Il vaut mieux leur parler, entreprendre un dialogue avec eux, les comprendre, pas dire qu'ils comprennent ne pas, essayer de comprendre leurs préoccupations, puis de répondre à leurs préoccupations.

• (19 h 30) •

M. Lapierre (Nicolas) : Puis, si je peux me permettre, bien, tu sais, ce qui se passe avec le blocus autochtone, c'est clairement un manque de... c'est le résultat d'un manque de dialogue, ça, c'est clair, puis un manque de dialogue, pas seulement avec les communautés autochtones, avec l'ensemble des parties prenantes.

Écoutez, moi, je représente les travailleurs. Je négocie des conventions collectives. Ça, c'est ma spécialité. Mais, quand je regarde tous les experts dans la forêt, puis que je lis toute la nomenclature, puis pour avoir participé au sommet qu'on a organisé, je ne vois pas beaucoup de gens qui sont rassurés par le pl... le projet de loi n° 97. Ça, ça me préoccupe. Peut-être qu'on est tous dans le champ, mais tout le monde est préoccupé par ça. Ah! peut-être... peut-être certains industriels qui voient une possibilité de faire ce qu'ils veulent dans un certain pourcentage de territoire, mais au-delà de ça, je vois beaucoup de monde qui sont mécontents de ça. Écoutez, peut-être que le diable est dans les détails, puis on verra par la suite, mais il y a clairement eu un manque de consultation. Moi en tout cas, moi, de ce que j'entends puis les échos qu'on a de notre monde...


 
 

19 h 30 (version non révisée)

M. Lapierre (Nicolas) : ...nos gens ne sont pas satisfaits, n'ont pas eu l'impression d'avoir été écouté. Après ça, on verra où on va atterrir avec le projet de loi, mais clairement ça dénote une problématique.

M. Fortin :Et c'est quand même quelque chose. Tu sais, la ministre a dit qu'elle fait ça en pensant aux travailleurs, puis le résultat de la façon de faire de l'équipe du gouvernement, c'est d'attiser les tensions sociales qui mènent à un impact direct sur les travailleurs. Tu sais, quand on dit : Y penser, que ce n'est pas tout, là, il faut mettre de l'avant les bonnes solutions, je pense qu'on est pas mal loin de là. A moins que vous ayez quelque chose, M. Lapierre, moi, j'irais sur une autre partie de votre...

M. Lapierre (Nicolas) : Bon, bien, allez-y, parce que je ne voulais rien que vous dire que les sons de cloche qu'on a, c'est que nous, on va commencer à voir des mises à pied dans certaines opérations forestières dû au blocus. Ça fait que, clairement, si notre idée, c'était de penser aux travailleurs, il va falloir revoir notre écoute.

M. Fortin : Recalibrer, recalibrer notre façon de voir les choses. Très bien. O.K., ça, c'est pour la consultation, là. Parlons... Parlons du fond des choses, parce qu'il y a quand même un impact à long terme de ce projet de loi là, non seulement l'impact à court terme de la façon de faire qui se fait sentir déjà, mais l'impact à long terme du projet de loi. Vous, le procédé, là, qui est au cœur du projet de loi, le procédé, la triade, là, est-ce que ça... est-ce que c'est quelque chose qui vous interpelle positivement? Est-ce que vous y voyez des grands écueils? Comment? J'aimerais ça, comprendre votre position là-dessus. Parce qu'on a des groupes qui sont complètement réfractaires à ça, il y a des groupes qui appuient l'idée, mais qui n'aiment pas la façon de faire du gouvernement ou les pourcentages qui sont... qui sont présentés. Il y en a qui ont d'autres préoccupations. J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

M. Lapierre (Nicolas) : Mon collègue Patrick va...

M. Fortin : Oui.

M. Rondeau (Patrick) : Non, bien, à l'instar de nos collègues syndicaux aujourd'hui, là, on n'est pas contre la triade du tout. Je pense que cet aménagement-là, sous le principe de triade, est bienvenu. Maintenant, c'est : Comment on investit? Dans quel ordre on fait la triade? Et c'est ça qui nous préoccupe énormément. Et même, en regardant rapidement, on peut voir des incohérences avec la Loi sur le développement durable, au moins des doutes de compatibilité, même chose pour le Plan Nature 2030, où on se dit, justement, il y a un déséquilibre dans la façon dont le projet de loi est écrit. Je comprends qu'on veut prendre soin des trois, mais, à la lecture du projet de loi, on donne une priorité à l'exploitation et à l'industriel. Donc, il y a... on a un doute à ce niveau-là.

Même chose sur les principes de consultation. On a entendu... J'ai entendu, aujourd'hui, là, la ministre quand elle nous parlait de... et sa collègue que, oui, il y a le forestier en chef, et après ça il y a les aménagements urbains... pas urbains, mais régionaux, et c'est comme si on ne leur faisait pas confiance. En fait, le problème n'est pas là. C'est qu'on dit : Oui, mais ils vont consulter les gens. Mais ce n'est pas dans le projet de loi. On n'a aucune idée, il y a aucun mécanisme, il n'y a rien du tout. Donc... Et on a enlevé, même, des structures de consultation. Donc, c'est ça qui nous inquiète dans le principe de la triade et pas la triade comme telle.

M. Lapierre (Nicolas) : Oui, ils appellent ça la triade, c'est comment est-ce qu'on attribue, tu sais, les territoires ancestraux. La protection du caribou forestier, c'est dans quel ordre qu'on va le faire? Puis, dans la triade, dans la mesure où on attribue un territoire pour... pour l'exploitation forestière, est-ce qu'il va être confiné là-dedans? Qu'est-ce qu'on fait avec les territoires d'aménagement mixes où est-ce qu'on a déjà des industriels qui sont là puis des communautés qui en vivent? Comment est-ce qu'on va faire? Le jeu du casse-tête dans tout ça, c'est... ça qui nous préoccupe beaucoup, ça, c'est clair.

M. Fortin :Sur la nécessité d'avoir une... Vous demandez une stratégie d'investissement sylvicole cohérente et réaliste parce que la triade sans stratégie d'investissement sylvicole, ça comporte des risques majeurs, là. Est-ce que vous... Tu sais, vous connaissez le contexte financier du gouvernement du Québec probablement aussi bien que n'importe qui. Est-ce que vous y croyez, qu'on... que la ministre va être capable de dégager des sommes nécessaires à faire de la sylviculture de la façon que c'est nécessaire dans un processus de triade de cette ampleur-là?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, effectivement, on a des doutes sérieux. Tu sais, en investissement, le principe de base, c'est la prévisibilité. Et, en ce moment, oui, même si on dit : C'est une prévisibilité industrielle, elle ne tient pas compte des changements climatiques et de la biodiversité, entre autres choses.

Donc, le principe de base, même en finance, n'est pas respecté à ce niveau-là. Et ça a été dit aussi aujourd'hui, et je l'ai entendu aussi de mes oreilles d'un responsable de la certification FSC à notre sommet qui disait qu'il n'est vraiment pas sûr, et même qu'il est pas mal sûr que ça ne passe pas la barre de la certification. Donc là, on vient mettre en péril, un peu, des principes d'investissement.

M. Fortin :Mais je me dois d'être d'accord avec vous sur le processus de certification. Moi aussi, j'étais au sommet, je l'ai entendu. Le responsable de la certification, puis, tant au niveau de la consultation avec les Premières Nations qu'au niveau de la protection de la biodiversité, il y a des... il y a des doutes, disons, là. Je pense qu'on a utilisé le mot «potentiellement incompatible» avec la certification FSC qui est... qui est... appelons...

M. Fortin :...ça plus que nécessaire pour plusieurs de nos industriels, là.

Je crois que ma collègue de Mille-Îles avait une question, M. le Président.

Le Président (M. Bernard) : Parfait. Oui, la parole est à vous, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Merci à vous trois d'être ici. D'abord, je voudrais peut-être préciser... Vous avez mentionné la transition juste, et la ministre a parlé, là, du plan de mise en œuvre du ministère de l'Environnement. En toute franchise, je suis allée voir, là, il n'y a pas le mot «emplois» une seule fois dans le plan, donc, visiblement, ce n'est pas là qu'on va trouver des réponses. Donc, je comprends, là, que vos affirmations, là, comme quoi ça n'a pas été fait, l'exercice, c'est fondé. Vous mentionnez dans votre mémoire que la FTQ et le Conseil du patronat du Québec ont rencontré le ministre de l'Environnement lors de la COP27, en 2022, et qu'à ce moment-là il y avait la discussion d'un projet pilote sur la transition juste dans le secteur forestier. Ça, ça fait presque trois ans de ça. Et qu'est-ce qui s'est passé?

M. Rondeau (Patrick) : On a... on nous a référés au programme Action-Climat, à déposer un projet, puis ça s'est arrêté là.

Mme Dufour : Donc... Puis vous avez déposé un projet?

M. Rondeau (Patrick) : Le CPQ a même tenté de le déposer, et le projet a été refusé.

Mme Dufour : O.K. Donc, ça fait que, finalement, il n'y avait pas... il n'y a pas eu d'ouverture du gouvernement.

M. Rondeau (Patrick) : Bien, en fait, ce qui est fascinant, c'est que vous avez là une association de travailleurs et de... et d'employeurs qui dit : On est prêts, parce qu'on pense que le Québec est rendu là, parce que le Québec a adopté à l'Assemblée nationale à deux reprises, une motion sur la transition juste, et qu'on est prêts à développer un projet pilote avant d'arriver à une crise. On nous a reconduits à un programme de financement. Donc, ça a été la réponse du gouvernement.

Mme Dufour : O.K. Donc, on a perdu plusieurs années, là, où on aurait pu déjà travailler pour améliorer le secteur. C'est ce que je comprends.

M. Rondeau (Patrick) : Bien, écoutez, nous, on porte notre bâton de pèlerin depuis 2015...

Mme Dufour : Quand même.

M. Rondeau (Patrick) : ...sur l'enjeu de la transition juste et on attend toujours d'avoir une écoute.

Mme Dufour : Bravo, bravo. Je vais peut-être... une dernière question, là. Vous avez, justement, toujours dans votre proposition 2, là, planifier une transition juste pour les travailleurs et les communautés... où vous suggérez de confier un sous-mandat formel au Bureau de la transition forestière... ça, c'est une autre proposition que vous avez, là aussi... chargé de planifier et coordonner les mesures qui ciblent directement les travailleurs. Comment... Tu sais, si, ça, c'était mis en place, là, ce serait quoi, là, pour vous, le futur? Comment vous voyez ça pour les travailleurs, là, dans le futur?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, c'est encore le même principe, il faut savoir de quoi on parle pour planifier et mettre en œuvre par la suite. Donc, on a besoin d'études d'impact prospectives pour pouvoir faire les scénarios de correctifs et de transition nécessaires, et, après ça, apporter les correctifs. Et ça, à ce moment-là, ça prend plusieurs parties prenantes autour d'une table, avec une planification intégrée et échelonnée, et non pas en réaction à une crise économique ou une crise quelconque, comme on le voit un peu en ce moment.

Donc, c'est cette planification-là que nous cherchons, et cette concertation-là, à laquelle on n'a pas de réponse pour l'instant, et, pour nous, c'est absolument nécessaire de fonctionner de cette façon-là. Et, encore une fois, à l'instar d'autres pays qui ont eu à faire face à des transitions dans des secteurs industriels, ils y sont arrivés, ils y sont arrivés, et sans nécessairement pertes d'emplois, parce que les emplois se sont transformés. Si on pense... Par exemple, dans les mines, très rapidement, les camions, qui sont maintenant automatisés, puis on s'est dit : Bien, on va perdre tellement de chauffeurs. Mais, maintenant, les opérateurs de camions sont plus nombreux que ceux qui étaient directement dans le camion. Alors, c'est un exemple parmi tant d'autres.

Mme Dufour : Parfait. Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier-Dorion, vous disposez de 4 min 8 s.

• (19 h 40) •

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjour... bonsoir, messieurs. M. Lapierre nous a dit tantôt : Il faut changer les paradigmes du deux-par-quatre, et qu'on s'en allait frapper un mur là, si on continuait là-dedans, dans cette direction-là. Est-ce que vous pensez que... Et puis, en même temps, il y a... on parle deux langages différents. Mme la ministre nous dit qu'elle est déterminée à protéger les emplois avec son... avec ce projet de loi là. La question que je me pose, c'est que, si on continue dans la voie qu'on... tel qu'on nous le propose, qui est un peu donner la priorité à l'extraction de la ressource et les deux-par-quatre, finalement, est-ce qu'on n'est pas en train d'accélérer justement, ce moment où est-ce qu'on va frapper un mur, là? C'est-à-dire, est-ce qu'on s'en va dans la bonne direction d'un point de vue... d'un point de vue de disponibilité de la ressource?

M. Lapierre (Nicolas) : Non, clairement pas, on ne s'en va pas dans la bonne direction. Puis, tu sais, si je veux faire un... tu sais, référer à Mme la ministre, qui nous disait : On n'abandonnera pas nos travailleurs, bien, moi, je pense que, dans l'inaction, puis dans la continuité de notre opération actuelle, on va abandonner nos travailleurs, on va abandonner nos régions, on va abandonner nos communautés. C'est ça qu'on va faire. Ça... On va continuer à couper du bois pendant quelques années...

M. Lapierre (Nicolas) : ...cinq, 10 ans, mais on va frapper un mur et solide, solide. Ça s'en vient. Puis, écoutez, il en ferme, des opérations forestières, là Tu sais, le bois va peut-être bien, selon le forestier en chef, là, mais il y a quelque chose qui ne tourne pas rond en termes de coûts opérationnels. Et le bois est de plus en plus loin, le bois est de plus en plus petit. Donc, il y a une préoccupation pour faire une opération qui est viable aussi.

Puis on a des entreprises qui ferme, qui ferme puis... Tu sais, la tendance est lourde dans le secteur, là. Depuis 30 ans, on le voit, le nombre d'emplois qu'on a perdus. Donc, c'est une tendance lourde qu'on... qui ne sera pas renversée, à moins de réfléchir l'opération forestière en termes de deuxième et de troisième transformation, pour justement que nos emplois se transforment, avoir des emplois à valeur ajoutée. Tu sais, je pense à l'exemple de... On va toujours prendre l'exemple d'économie circulaire sur la Côte-Nord avec l'huile pyrolytique. C'est un exemple extraordinaire, mais ça a pris une entreprise qui a osé.

Est-ce que ce ne serait pas plus cohérent de sentir qu'il y a une politique gouvernementale, qu'on mette des fonds à la disponibilité de ces entreprises-là pour dire : On va vous supporter, comme gouvernement, on va vous supporter pour faire une transition, on va vous... Vous allez avoir un bureau de transition forestière. On va regarder votre milieu de travail, on va regarder comment est-ce que votre opération se passe puis on va regarder si... des histoires à succès, si on est capables de les exporter dans les régions données. Puis ça ne peut pas être négatif, ça, mais c'est clair qu'on s'embarque dans un projet de plusieurs années puis ce sera quelque chose qu'on devra faire toujours en maintien.

Mais, pour ça, il faut changer notre vision comme gouvernement, ne pas être seulement dans l'extraction. Parce que le problème à continuer dans l'extraction, c'est qu'on ne pourra plus continuer à couper les mêmes volumes de bois. Ça fait que, mathématiquement, ce n'est pas dur à comprendre, qu'il y aura des pertes d'emplois si on continue à réfléchir la forêt comme on le fait actuellement.

Puis c'est ça qu'on veut, on veut avoir une vision. Tu sais, moi, je donne souvent l'exemple que, dans une entreprise, quand il y a une culture de santé et sécurité qui part de la tête, bien, ça descend chez les travailleurs. Mais il faut que les travailleurs, pour y adhérer, sentent qu'il y a une... il y a quelque chose, il y a une culture qui vienne de la tête. Il faut sentir qu'il y a une culture qui vient de l'appareil gouvernemental, en disant : On va vous supporter et on va transformer nos emplois pour pérenniser notre forêt. C'est de ça qu'il est question, c'est de pérenniser nos emplois, en région particulièrement.

M. Fontecilla : Vous parlez beaucoup des transitions, et on sent que la question du dialogue social fait partie de cette transition-là. On a beaucoup critiqué, les intervenants qui sont passés avant vous, là, le processus de consultations qui a eu lieu, qui a mené à cette loi-là. Est-ce que vous pensez que le processus de dialogue, tel que vous le concevez, a été respecté ou qu'il faudrait aller beaucoup plus loin, là, changer peut-être les paradigmes du dialogue social?

M. Rondeau (Patrick) : Bien, c'est presque une question rhétorique à ce point-là, effectivement. Donc...

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup.

M. Rondeau (Patrick) : Merci.

Le Président (M. Bernard) : Désolé, la période est maintenant terminée. Donc, merci beaucoup à M. Bolduc, Lapierre et Rondeau pour votre contribution à la commission ce soir.

Et je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 19 h 45)

(Reprise à 19 h 48)

Le Président (M. Bernard) : Bonsoir, merci, merci. On poursuit nos travaux en accueillant les gens de Nature Québec. Bonsoir. Alors donc, je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis, par la suite, on va procéder aux échanges avec les membres de la commission. Alors, sur ce, je vous invite à vous présenter et à entamer votre exposé.

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci. Bonsoir, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés. Bonsoir. Merci pour l'invitation. Donc, je me présente, je suis Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec, et je suis accompagnée de M. Antoine Clément, analyste forêt.

Nature Québec, c'est une organisation environnementale à but non lucratif qui œuvre à la conservation des milieux naturels et à l'utilisation durable des ressources depuis 1981. Depuis notre fondation, en fait, on a participé aux nombreux débats et réformes entourant l'aménagement forestier au Québec. On a participé, en 1982, au BAPE sur la foresterie, là, qui a mené à l'adoption de la Loi sur les forêts. On a aussi été parmi les organismes qui ont demandé la tenue de la Commission d'étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, la fameuse commission Coulombe. On avait participé activement aussi à ce vaste exercice de dialogue social qui a suivi la commission Coulombe. Et on a aussi contribué à l'élaboration de la loi, bien, celle qui est modifiée aujourd'hui, donc, la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier, là, en 2010.

En 40 ans, donc, on en a vu, des réformes, des changements dans le domaine de l'aménagement forestier, mais jamais on n'a vu des reculs aussi majeurs que ce que propose le projet de loi n° 97 et on n'est pas les seuls à le critiquer fortement. Vous devez commencer à vous en rendre compte après trois jours d'auditions, mais en fait vous avez sans doute remarqué aussi la grande opposition qu'il y a eu dans les dernières semaines, là, des dizaines de lettres ouvertes, des reportages, des communiqués de presse qui sont sortis depuis que la ministre a déposé son projet de loi. Les critiques, elles sont nombreuses et elles sont convergentes.

• (19 h 50) •

Donc, Premières Nations, syndicats des travailleurs et travailleuses de la filière forestière, les groupes environnementaux comme nous, mais aussi des acteurs et actrices du récréotourisme, les fédérations des zecs, des pourvoiries, des chasseurs et pêcheurs et des activités de plein air, des biologistes, des scientifiques, des ingénieurs forestiers, des groupes citoyens, des villégiateurs et même une grande partie des municipalités en région dénoncent tous et toutes les reculs environnementaux et sociaux que contient la réforme et constatent que le projet de loi ne va pas régler les problèmes à court terme en forêt.

Sans prioriser la durabilité, ce projet de réforme ne va pas assurer la prévisibilité que le gouvernement affirme vouloir garantir. Ce qu'il fait, c'est qu'il priorise la production de bois au détriment de tout ce qu'on peut faire d'autre avec la forêt. En piétinant des acquis environnementaux majeurs, cette réforme ne répond pas aux conditions écologiques d'un aménagement forestier réellement durable qui serait fondé sur des processus naturels qui assurent la résilience des forêts face à la crise climatique. La réforme proposée, en fait, elle risque d'appauvrir la biodiversité et les écosystèmes, de mettre en péril la cohésion sociale, de fragiliser la crédibilité des engagements internationaux du Québec, de menacer la réconciliation avec les Premières Nations, le tout sans répondre à notre besoin criant d'adaptation à la crise climatique et en compromettant le potentiel de la filière bois québécoise sur les marchés internationaux.

M. Clément (Antoine) : Oui, puis le projet de loi évacue plusieurs principes fondamentaux de la Loi sur l'aménagement durable du territoire forestier…

M. Clément (Antoine) : ...forestier sans analyse rigoureuse ni appui scientifique et tourne le dos aux acquis de la commission Coulombe. La réduction de la portée de l'aménagement écosystémique sous prétexte des changements climatiques nous préoccupe particulièrement. Elle est sans fondement scientifique et elle entraînerait une dégradation des forêts du Québec.

Appelons un chat un chat. Cette proposition n'est qu'un moyen pour se débarrasser des contraintes à une augmentation de la récolte. Si le gouvernement va de l'avant avec cette proposition, ça va nuire à la réputation du bois québécois sur les marchés internationaux à un moment où le Québec cherche justement à diversifier ses débouchés en réponse à la politique économique agressive des États-Unis.

Comme l'aménagement écosystémique était une recommandation centrale du rapport Coulombe, la remise en question de cet acquis requiert une analyse rigoureuse et une proposition étoffée pour une alternative sérieuse. Aucune de ces démonstrations n'a été faite par le gouvernement. Tout porte à croire que ce recul va non seulement nuire grandement aux écosystèmes et à la biodiversité forestière mais qu'il va aussi nuire aux travailleurs et travailleuses du secteur, qui risquent de voir leurs emplois menacés à moyen long terme par l'appauvrissement écologique des forêts. Soyons clairs, une industrie basée sur des écosystèmes forestiers dégradés n'assurera jamais des emplois durables.

Nous dénonçons aussi, comme plusieurs, le zonage en triade proposé, qui est complètement déséquilibré. Il aligne le régime forestier sur les intérêts à court terme de l'industrie au détriment des intérêts de tous les autres usagers et usagères de la forêt. Le gouvernement veut accorder la priorité à la production de la matière ligneuse par rapport aux autres usages et remettre la planification forestière entre les mains de l'industrie tout en éliminant les processus de consultation publique. Ce serait un recul de plusieurs décennies. La réforme ne doit pas résulter en une dépossession du territoire pour les peuples autochtones, les Québécois et les Québécoises. Il serait inacceptable de céder le tiers de la forêt publique à l'industrie forestière.

Mme Simard (Alice-Anne) : Récemment, M. Christian Messier, qui est sommité mondiale, là, en écologie forestière, professeur à l'Université du Québec en Outaouais, s'est exprimé dans les médias, là, pour dénoncer le fait que, je cite : «Le projet de réforme détourne un principe censé aider à protéger la forêt pour donner carte blanche à l'industrie forestière.» Donc, ce chercheur que la ministre nomme pour justifier le bien-fondé de cette approche, là, est catégorique : le projet de loi ne met pas en place une triade.

Donc, ma question est la suivante pour vous, Mmes et MM. les députés : Pourquoi est-ce que Christian Messier n'a pas été invité en commission parlementaire pour expliquer le concept scientifique de la triade? Si ce concept constitue le cœur de la réforme, pourquoi ne pas entendre celui qui l'a testé et développé au Québec? Donc, pour justifier sa réforme, la ministre aussi dit qu'elle veut protéger les emplois du secteur forestier. Pourtant, vous l'avez vu, aujourd'hui, les syndicats, qui représentent l'ensemble des travailleurs et travailleuses syndiqués de la filière forestière étaient en commission pour critiquer sévèrement le projet de loi parce qu'il ne va pas assurer la pérennité des emplois.

La ministre dit aussi qu'elle veut protéger les communautés forestières avec le projet de loi. Pourtant, la Fédération québécoise des municipalités vous a expliqué aujourd'hui aussi que cette réforme ne répond pas aux attentes exprimées par la région. La FQM, elle a même indiqué dans son mémoire, et je cite : «On assiste essentiellement à un retour à l'ancienne mode de gestion de nos forêts, décrié par tous à l'époque et qui avait nécessité une importante réforme.»La ministre dit qu'elle fait cette réforme au nom des travailleurs, des travailleuses et des communautés, mais, avec raison, ils en sont grandement insatisfaits.

Alors, je vous demande aujourd'hui aussi, chers membres de la commission, qui avez-vous entendu jusqu'à maintenant dans les médias et lors des audiences publiques qui se dit satisfait du projet de loi no 97? En voyant la liste des groupes inquiets qui ne cesse de s'allonger, il faut aussi que vous vous demandiez à quels enjeux est-ce que le projet de loi va réellement répondre. Pire, quel nouveau problème est-ce que cette réforme-là va engendrer?

Nature Québec, comme la très grande majorité des acteurs et actrices du milieu forestier, on souhaite une modernisation du régime forestier pour répondre aux enjeux actuels et aux défis de demain, mais, comme l'a clairement exprimé un intervenant, là, lors du Sommet sur la forêt, le 20 mai, à Chicoutimi, ça presse, d'avoir une réforme, mais ça ne presse pas de se tromper.

Si le gouvernement de François Legault va de l'avant avec le projet de loi no 97, il va se tromper. Ce n'est pas la réforme dont on a besoin, ce n'est pas la réforme qui est demandée par le milieu. Ce projet de réforme est voué à l'échec. Alors, il est temps que la ministre des Forêts et le premier ministre reconnaissent qu'ils se sont trompés avec ce projet de réforme du régime forestier et qu'ils retournent à la table à dessin pour réécrire le projet de loi no 97.

On leur recommande de revoir les éléments hautement problématiques du projet de loi en intégrant les préoccupations des acteurs et actrices concernées, incluant les Premières Nations, et en engageant un dialogue social fondé sur la consultation et la science. C'est seulement après cette réelle concertation que le processus législatif pourra se poursuivre, avec un projet de loi révisé qui pourra faire l'objet d'un débat public plus consensuel. On ne peut pas construire en divisant.

En forêt, le temps ne se mesure pas en cycles électoraux. Il faut des dizaines d'années pour qu'un arbre atteigne sa maturité et encore plus longtemps pour qu'un écosystème forestier retrouve son équilibre après une perturbation majeure. Les décisions qu'on prend aujourd'hui façonnent la santé de nos forêts pour...

Mme Simard (Alice-Anne) : …au moins les 50 prochaines années. Nous voulons… On ne veut pas en fait d'un régime forestier pour les prochaines élections. On veut un régime forestier pour les prochaines générations. Avec un projet de loi grandement révisé, Nature Québec répondra présent pour travailler ensemble un aménagement forestier véritablement durable et inclusif. Il est encore temps de faire mieux pour les forêts, pour les personnes qui en vivent et pour l'avenir des régions. On invite donc le gouvernement à faire un pas de côté pour mieux avancer. Merci.

Le Président (M. Bernard) : Merci beaucoup, Mme Simard. M. Clément, nous allons commencer les échanges avec la partie gouvernementale. Mme la ministre, comme toujours, vous disposez de 16 minutes 30 secondes.

Mme Blanchette Vézina : Merci. Merci, M. le Président. Merci à vous deux d'être là aujourd'hui. Je sais que vous avez participé aux tables de réflexion sur l'avenir de la forêt puis que ça fait quelques fois qu'on se rencontre, là, je connais bien vos positions. Puis écoutez, moi, je sais que ce que je fais, c'est pour le long terme. J'habite une région forestière, je viens d'une famille qui travaille en forêt, qui connaît les pratiques du secteur forestier, qui s'appuient sur des ingénieurs forestiers. Quand vous parlez de recul, moi, ce que je vous dis, c'est : il y aura toujours ce forestier en chef qui est important pour notre forêt, qui est… Qui vient de la commission Coulombe, des discussions qui ont eu lieu il y a plusieurs années, qui permettent maintenant de positionner le Québec comme le premier en Amérique du Nord, en termes… notamment par la foresterie, en termes de leader environnemental. Puis ça, je le sais que les groupes environnementaux, vous le reconnaissez.

Moi, je n'abandonnerai pas le secteur forestier, qui est une activité économique importante pour les régions d'où je viens, que nos collègues viennent, le Député de Pontiac vient également, parce qu'on veut faire de la protection de biodiversité. Puis ces cibles de protection de biodiversité, on les a adoptées de manière commune, autant le ministre de l'Environnement que moi-même, que l'ensemble du gouvernement, que les députés sont d'accord avec ça, mais ça ne peut pas se faire au détriment des emplois du secteur forestier puis des emplois dans la forêt. Ça fait qu'il faut trouver une façon de concilier.

Et le principe de triade, c'est celui-là, c'est d'arriver à atteindre des cibles de protection en biodiversité, mais de continuer d'avoir des activités économiques, puis d'autres activités…, des activités autres, ça fait que c'est une solution et c'est, je pense, la solution qui nous permet de regarder sur le long terme. Je ne regarde pas le court terme. Si je regardais court terme, je ne serais pas ici devant vous aujourd'hui. Je pense à long terme, je pense aux employés, je l'ai dit tout à l'heure, puis je vais le répéter, c'est des gens qui travaillent dans la forêt qui m'importent, puis c'est la forêt puis sa santé aussi.

Vous avez nommé, là, qu'on fait un saccage, qu'on cède la forêt, il n'y a pas de dépossession, hein, toujours du territoire public. Le ministère va avoir un regard encore plus sévère puisqu'on aura des redditions de comptes. On est venu resserrer plusieurs mesures pour se permettre d'aller jusqu'à une expropriation d'un détenteur de licence qui ne respecterait pas ses engagements en termes de reboisement, de travaux sylvicoles, qui sera déposée.

Puis au-delà de ça, il y aura toujours le forestier en chef qui va venir calculer la possibilité forestière et la diminuer si les investissements sylvicoles ne sont pas au rendez-vous, ne permettent pas de pérenniser la forêt. Parce que rappelons que le forestier en chef, c'est notre vérificateur des forêts. C'est lui qui s'assure qu'on ne récolte que les intérêts du capital forestier. Il va être là encore et on vient même solidifier son assise à plusieurs reprises. Donc, c'est des socles importants pour lesquels on ne fera pas de… on ne fera pas de sacrifice, là. Bien, moi, il est important… puis je suis prête à vous entendre sur atteindre une cible de 30 % d'aires protégées. Comment vous voyez… Puis vous le dites, je pense, dans votre mémoire, là, vous ne voulez pas opposer environnement et emploi, mais comment vous… comment vous pouvez protéger, continuer d'avoir des activités économiques dans nos régions forestières si on souhaite atteindre ce 30 % de protection de biodiversité? J'aimerais vous entendre.

• (20 heures) •

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, tout d'abord, vous avez entendu aujourd'hui les syndicats qui représentent les travailleurs, travailleuses de la forêt, qui vous disent que ce projet de loi là ne va pas permettre d'assurer des emplois de façon durable. C'est sûr que si le gouvernement écoute seulement l'industrie, elle va lui dire que tout va bien en forêt, que ça… le projet de loi va être bon, parce qu'au final, ça va permettre de faire des profits à court terme. Mais, quand on écoute vraiment les travailleurs, travailleuses puis les régions… et là vous avez même la FQM qui dit la même chose, ce qu'ils nous disent, c'est qu'au contraire c'est une vision à court terme que le projet de loi propose et qu'on va frapper un mur dans cinq, 10, 15 ans, on va en frapper un, mur, et les emplois vont se perdre, les usines vont fermer.

Puis on vient aussi tous les deux, là, de régions forestières, là, on vient tous les deux de familles aussi qui vivent… qui vivent dans le milieu forestier. On a grandi en forêt tous les deux, moi et M. Clément. Puis on comprend aussi que les travailleurs forestiers, là, ils font d'autres choses aussi en forêt, là, ce sont des chasseurs et des pêcheurs, c'est des gens qui ont des camps dans le bois. C'est des gens qui ont des… qui vont dans des zecs, dans des pourvoiries. C'est des gens…


 
 

20 h (version non révisée)

Mme Simard (Alice-Anne) : ...qui vont dans les parcs nationaux, qui profitent des aires protégées et des territoires fauniques structurés. Ils sont capables de comprendre, ces gens-là aussi, que saccager la forêt, de redonner 30 % du territoire public à l'industrie forestière pour lever les contraintes, pour qu'elle puisse faire des profits à court terme, ça ne va pas être bénéfique pour les régions forestières. Ça ne va pas être bénéfique pour toutes les retombées économiques qu'on peut recevoir de la forêt.

Mme Blanchette Vézina : Mais j'aimerais entendre c'est quoi vos solutions.

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, on en a proposé plusieurs dans le mémoire. Oui, la triade peut être un concept intéressant si on fait de la triade telle que le présente la science, tel que M. Messier l'explique, c'est-à-dire qu'on fait une zone, peut-être 5 % à 10 % du territoire sur lequel on fait réellement de l'intensification, où est-ce qu'on investit massivement pour avoir une sylviculture. On ne fait pas juste lever les contraintes à la récolte. Par la suite, il faut aussi une concertation, s'assurer que les parties prenantes sont justement parties prenantes de la délimitation des autres zones d'une façon qu'on délimite réellement les zones importantes pour les Premières Nations, pour les territoires fauniques structurés, pour la conservation. Tout ça est possible d'être fait, mais présentement, ce n'est pas ça qui est proposé dans le projet de loi, là. Donc, oui, le concept de triade est intéressant. Puis on le dit, ça peut être... ça peut fonctionner, mais pas de la façon qui a été présentée, absolument pas. Ça ne vient pas du tout répondre aux besoins et ça ne suit pas du tout ce que la science dit.

Mme Blanchette Vézina : Bien, en fait, au contraire, le projet de loi propose justement de concilier ces usages-là, de s'assurer d'avoir une meilleure planification, une meilleure prévisibilité des usages pour la chasse, la pêche également. Il est nommé spécifiquement, là, avec les Premières Nations, leurs droits ne sont pas atteints par aucune des zones, que l'aménagiste forestier régional va devoir s'asseoir et écouter à la fois les communautés autochtones, les communautés locales pour faire ce zonage-là. Et dans le projet de loi, il n'y a pas de pourcentage d'indiqué. C'est qu'on va regarder de manière régionale chacun des... chacune des régions avec leurs particularités propres. Donc, il est certain que cette sensibilité là à la conservation, elle est présente. C'est écrit noir sur blanc dans le projet de loi. Et plus que ça, on a convenu, et c'est nommé également dans le projet de loi, que les zones de conservation vont émaner, là, donc des sites exceptionnels, des forêts exceptionnelles, les refuges biologiques, les milieux humides d'intérêt, là, c'est 17.7, qui émane du ministère de l'Environnement. On ne travaillera pas en silo, le ministère des Forêts, pour établir des zones. On travaille en collaboration. Il y a eu des appels de projets, je crois, auxquels vous avez participé, pour lesquels il y a eu beaucoup de municipalités et MRC réfractaires à embarquer dans les projets qui étaient proposés, d'appuyer des projets d'aires protégées parce qu'ils ont une volonté également de s'assurer d'avoir une pérennité de l'activité économique.

Donc, le projet de loi vient directement concilier ces deux objectifs pour en arriver à un équilibre. Et moi, je n'abandonne pas, je n'abandonnerai pas les activités liées à la filière forestière. Ce n'est pas vrai. Je comprends que vous, vous avez peut-être lancé la serviette, mais pas moi. Puis je ne pense pas que notre gouvernement va laisser tomber les régions puis l'économie liée aux régions, mais on va travailler en collaboration avec les partenaires, c'est écrit noir sur blanc dans le projet de loi, pour arriver à faire ce zonage-là. Puis il est important d'avoir un virage qui se fait. Puis je ne sais pas où vous prenez vos données, là, en termes de santé des forêts, mais je vous invite à aller voir le rapport quinquennal récent du forestier en chef, très éclairant, sur la santé de nos forêts. Puis je ne sais pas si les collègues l'ont lu, mais sincèrement, ce que vous parlez comme étant une hécatombe, ce n'est pas ce qui est nommé.

Ce qui est nommé, par exemple, c'est que dans un de ses conseils, il mentionnait, suite aux feux de forêt, qu'il faut revoir la façon dont on aménage nos forêts. Il faut penser à un zonage. Ça, ça vient du forestier en chef. Il faut faire un aménagement écosystémique qui s'adapte aux changements climatiques parce qu'il y a des feux de forêt et on va en avoir d'autres. Nos communautés forestières...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...je peux répondre.

Mme Blanchette Vézina : Non, mais j'aimerais juste terminer ce que je voulais vous mentionner. Moi, je m'assis aussi et je m'appuie sur la science et sur le forestier en chef qui est notre vérificateur des forêts. Ça fait que j'aimerais savoir sur quelles données vous vous basez pour avoir des données aussi divergentes de notre vérificateur des forêts.

Mme Simard (Alice-Anne) : Dans le projet de loi, il n'est pas mentionné en effet qu'il y a un tiers de la forêt qui va être pour la zone d'aménagement forestier prioritaire. Puis, par contre, dans le mémoire que la ministre a déposé au Conseil des ministres pour justifier son projet de loi, elle indique clairement qu'il y a le tiers des forêts. Ça fait que... Et dans des entrevues que la ministre a données, elle a mentionné à plusieurs reprises que ça va être un tiers, un tiers, un tiers pour la... le triade. Donc, c'est des choses... Dans le mémoire de la ministre au Conseil des ministres, il est mentionné que ce sera de l'aménagement forestier prioritaire sur un tiers du territoire. On n'a pas abandonné les emplois forestiers, au contraire, on travaille depuis des mois, des années avec les syndicats qui représentent les travailleurs forestiers, justement pour faire comprendre au gouvernement l'importance d'une transition juste. Pendant trop longtemps, le gouvernement a toujours opposé économie, environnement. On oppose les travailleurs puis les écologistes. Puis là c'est... on travaille ensemble.

Mme Simard (Alice-Anne) : ...puis on essaie de vous faire comprendre que des écosystèmes dégradés ne vont jamais donner des emplois durables, tout simplement, et qu'il faut travailler sur une transition juste du secteur pour maintenir ces emplois-là à long terme, puis pas juste avoir une vision à court terme pour que l'industrie fasse des profits à court terme.

Au niveau de la conservation, le ministère de l'Environnement a été consulté vraiment en toute fin du processus, pour la consultation sur le projet de loi. Et, dans les faits, la séquence ne fonctionne pas. La séquence ne fonctionne pas parce qu'encore une fois, dans le mémoire que la... dans le mémoire que la ministre... elle a mentionné au Conseil des ministres ou même dans le projet de loi, on mentionne qu'on veut avoir, en 2028, finalement, l'instauration de la triade. Par contre, en 2028, on n'aura pas déterminé encore seront où les zones de conservation, les aires protégées. Le ministère de l'Environnement, présentement, il prévoit toujours, et c'est toujours sur son site Web, un deuxième appel à projets pour les aires protégées qui va débuter en 2027. Et, si on tient compte, là, du temps que le premier appel à projets a eu, on devrait se retrouver en 2030 finalement, où est-ce que là on aura déterminé toutes les zones qui deviendront des aires protégées et d'autres mesures de conservation efficaces.

Donc, si la triade est instaurée en 2028, on ne peut pas... ça ne fonctionne pas. La séquence ne fonctionne pas. C'est pour ça que nous, ce qu'on dit, c'est que cette séquence-là est essentielle. Il faut d'abord déterminer où sont les zones de conservation. Et, ça, c'est le ministère de l'Environnement qui doit déterminer. Ce n'est pas le ministère des Forêts, c'est encore moins l'aménagiste forestier régional, le forestier en chef ou même l'industrie. C'est le ministère de l'Environnement qui doit déterminer les zones sont où, avec sa concertation, qu'il est en train de faire. Ensuite de ça, avec les acteurs du milieu, on détermine où sont les zones multi-usages. Et, par la suite, on peut déterminer les endroits où est-ce que l'aménagement prioritaire peut être fait, les zones où est-ce qu'on va vraiment investir ressources humaines, ressources financières pour faire de la sylviculture intensive pour réellement mettre en place une triade.

Le Président (M. Bernard) : ...député de Lac-Saint-Jean.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Merci, M. le Président. Oui, bonjour à vous deux. Vous venez de... Vous avez dit que vous venez d'un secteur, d'une région, d'une localité forestière, moi aussi, Saguenay-Lac-Saint-Jean, avec des particularités. Il y a la Côte-Nord, il y a La Tuque, l'Abitibi-Témiscamingue, il y a aussi tout le Centre-du-Québec, avec des forêts différentes, du terrain différent. Mais je vais juste vous dire puis vous rassurer, là, le projet de loi, ce qui est important, puis l'esprit du projet de loi, là, c'est adapter aux régions du Québec. Puis, ça, c'est bien important dans l'esprit de nos gens qui travaillent en forêt, qui font vivre cette industrie-là, nos communautés forestières aussi.

Moi, je veux juste revenir un petit peu avec ce que vous avez dit. Vous avez fait... Vous avez parlé de la commission Coulombe, hein, du rapport de la commission Coulombe, qui avait des choses qui étaient intéressantes là-dessus. Entre autres, je pense que la coupe... la coupe en mosaïque, je veux vous entendre un petit peu là-dessus. C'est-tu quelque chose qui est... qui est bien? Je veux vous attendre un petit peu à ce niveau-là.

Mme Simard (Alice-Anne) : ...dans le fond, dans l'aménagement dont il est question présentement, c'est vraiment l'aménagement écosystémique. Ça, c'est une mesure vraiment essentielle qui a... qui est fondée finalement sur la science et qui était un acquis environnemental majeur, qui a... qui a été introduit finalement dans la loi, là, suite au rapport de la commission Coulombe notamment. Puis, cet aménagement écosystémique là, ce qu'il dit, c'est que c'était essentiel. Pour que la forêt soit résiliente et qu'elle puisse se régénérer de façon naturelle, on doit se baser sur les processus naturels de la forêt. Et, pour ça, ce qu'il faut faire, c'est vraiment diminuer finalement les écarts entre la forêt naturelle et la forêt aménagée. Ce qu'on essaie vraiment de reproduire, c'est les perturbations naturelles, comme les feux de forêt par exemple, les chablis, les tordeuses, les épidémies d'insectes. Bref, avec tout ça, on permet finalement d'avoir une forêt qui est plus résiliente face aux changements climatiques.

• (20 h 10) •

Et là, le projet de loi, ce qu'il vient faire, c'est vraiment affaiblir la définition de l'aménagement écosystémique. Donc, on vient sabrer un acquis environnemental important de la commission Coulombe. Alors que, dans les faits, cet aménagement écosystémique là, c'est ça qui va permettre à la forêt d'être la plus résiliente face à la crise climatique.

Il y a encore des scientifiques, hier même, qui ont écrit une lettre ouverte dans Le Devoir, qui expriment finalement l'importance de maintenir la référence à la forêt naturelle dans le projet de loi. Parce qu'on ne peut pas démolir finalement un acquis environnemental sur lequel on s'est basé, là, avec des années d'études scientifiques et dénaturer ce concept-là complètement seulement sur des prémisses qui sont fausses, finalement.

Donc, on recommande vraiment au gouvernement d'écouter ce que les scientifiques disent au niveau de l'aménagement écosystémique, d'écouter ce que le Centre d'études de la forêt dit également. Ça aurait été intéressant d'ailleurs de les entendre, là, en commission parlementaire à ce niveau-là, à savoir pourquoi, finalement, c'est important de maintenir la forêt naturelle pour la rendre plus résiliente aux perturbations.

Et, oui, il y a une certaine forme de sylviculture, là, qui peut être réalisée, là, finalement, pour venir faire quelques ajustements. Et, ça, c'est permis, là, finalement, dans le concept d'aménagement écosystémique. Pour ça, donc, on recommande vraiment au gouvernement de suivre ses propres directives, sa propre...

Mme Simard (Alice-Anne) :  ...réglementation par rapport à ça, notamment en 2017.

Une voix : ...

Mme Simard (Alice-Anne) : Mais je n'ai pas terminé.

Une voix : ...

Mme Simard (Alice-Anne) : Mais je n'ai pas terminé. En fait, je voulais vous parler d'un avis en 2017, là, du ministère, là, qui explique très bien que l'aménagement écosystémique, ce n'est pas vraiment pour reproduire les forêts du passé, c'est vraiment pour s'assurer qu'on respecte les processus naturels de la forêt. Donc, c'est un avis, ça, vraiment du ministère lui-même. Et, en 2017, il y a même un comité scientifique aussi qui a été formé par le ministère de l'époque, là, qui a conclu que le concept d'aménagement écosystémique, il demeurait pertinent même dans le contexte des changements climatiques. Donc, il recommandait que, oui, il y a des ajustements qui doit être faits à la manière qu'on fait cet aménagement écosystémique là, mais que, depuis le dépôt de ce rapport-là, le ministère n'a pas mis en oeuvre cette recommandation-là...

Le Président (M. Bernard) : Oui, s'il vous plaît, Mme Simard, il reste une minute. Je vais laisser la parole.

Mme Simard (Alice-Anne) : Ah! O.K. Excusez-moi.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : ...bon, là, vous m'avez répondu avec une grande réponse. Donc, vous êtes d'accord avec l'approche de la... des coupes en mosaïque, c'était bien ça, ma question, puis vous l'avez même dit. Mais vous dites qu'on a trop de chemins multiusages. Comment qu'on fait pour travailler, avec le discours que vous avez, tout en réduisant le nombre de chemins multiusages? J'aimerais vous entendre. Comment... Comment qu'on fait ça?

Mme Simard (Alice-Anne) : Je fais unerecherche rapide dans le mémoire et je vois que nulle part on n'a écrit qu'il y avait trop de chemins multiusages.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mais vous... ça adéjà été mentionné, là, dans des articles, dans des séances avec des gens. Mais comment qu'on fait ça, pour faire de la coupe en mosaïque, tout en réduisant le nombre de chemins multiusages? Parce que vous dites qu'il y en a trop.

Mme Simard (Alice-Anne) : Il faudrait... Il faudrait demander aux gens qui sont cités dans les articles dont vous parlez.

M. Girard (Lac-Saint-Jean) : Mais c'est... Comment... Comment vous voyez ça, madame, les... Justement, on fait ça comment, de garder le principe de ce que vous amenez? Parce qu'on fait beaucoup de chemins multiusages, justement, pour respecter le principe que vous amenez. Comment qu'on fait pour rejoindre les deux? C'est...

Mme Simard (Alice-Anne) : Donc, à l'initiative des ordres... de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec, là, il y a une vaste...

Une voix : ...

Mme Simard (Alice-Anne) : Merci.

Le Président (M. Bernard) : Le temps alloué est écoulé. Je passe donc maintenant la parole à l'opposition officielle. M. le député de Pontiac, vous... une période de 12 minutes 23 secondes.

M. Fortin :Oui, mais, si... Par respect, allez-y, vous pouvez compléter votre réponse.

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est correct.

M. Fortin :Ça va? O.K. Moi, j'ai entendu beaucoup d'affirmations, là, dans votre échange avec le gouvernement, là, de leur part, là, et j'aimerais ça vous entendre sur chacun d'entre eux, là, juste pour essayer de comprendre si c'est votre vision à vous.

J'ai entendu la ministre dire : Le ministère va avoir un regard encore plus sévère sur les coupes forestières. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Est-ce que c'est votre interprétation du projet de loi?

Mme Simard (Alice-Anne) : Non.

M. Fortin : J'ai entendu la ministre dire : Le projet de loi va nous permettre de mieux conseiller... concilier, pardon, les usages entre les chasseurs, les pêcheurs, les forestiers et tout le monde en forêt. Est-ce que c'est votre lecture de la situation?

Mme Simard (Alice-Anne) : Absolument pas. Et demain vous allez entendre, là, justement, là, la Fédération des zecs, la Fédération des pourvoiries qui pourra vous expliquer pourquoi ça ne sera pas le cas. Et, de toute façon, on abolit l'étape de gestion intégrée des ressources et du territoire, qui était le lieu de concertation, finalement, avec le milieu.

M. Fortin :J'ai entendu la ministre dire : Les droits des Premières Nations ne sont pas affectés par le projet de loi. Est-ce que c'est votre lecture de la chose?

Mme Simard (Alice-Anne) : Personnellement, je n'ose jamais parler au nom des Premières Nations, mais, sinon, on peut peut-être réécouter l'enregistrement de leurs présences en commission ce matin.

M. Fortin :La ministre a dit, et je vous ai entendus là-dessus par la suite, là : Le projet de loi ne mentionne pas le pourcentage de l'aménagement forestier prioritaire, mais ça, c'est un peu jouer sur les mots, non? Parce que c'est quand même dans l'avis du Conseil des ministres.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exact.

M. Fortin : C'est bien. D'accord. Revenons sur le fameux rapport de 2017, là, l'avis de 2017 du forestier en chef. Si j'ai bien compris, à ce moment-là, l'ordre de grandeur qui était... et ça, c'est cité comme ça dans votre mémoire, là, l'ordre de grandeur véhiculé pour les zones de sylviculture intensive, c'était de 25 % de la superficie destinée à l'aménagement forestier. Là, vous citez un rapport d'expert également, qui date de 2013, qui dit que «la sylviculture intensive peut s'intégrer dans une matrice d'aménagement à condition de limiter son ampleur à 10 % du territoire à l'échelle du paysage». Alors, je veux juste bien comprendre. Si le gouvernement choisit d'aller de l'avant avec son... le procédé qu'il suggère, là, c'est quoi, le maximum qu'il peut faire réellement?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, déjà d'avoir un bilan financier, ça nous aiderait à savoir, comme, financièrement, c'est quoi, le maximum qui est possible. Parce que nous, à Nature Québec, on ne croit vraiment pas qu'on peut faire de la sylviculture intensive sur 30 % de la forêt publique au Québec. Financièrement, ce n'est pas possible. Puis, même au niveau de la main-d'oeuvre, ce n'est pas possible.

Maintenant, ce que la science dit, justement, c'est que, si on vient artificialiser les forêts d'une telle ampleur, ça va être problématique pour la forêt et pour...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...ça va amener un appauvrissement des forêts et ça va amener un appauvrissement aussi des travailleurs, travailleuses. Donc, au final, ce que le projet de loi, de toute façon, propose, ce n'est pas de la sylviculture intensive. Encore une fois, on vient juste lever les contraintes à la récolte sur 30 % du territoire. L'industrie va pouvoir venir récolter puis, bah, c'est elle qui va pouvoir faire la planification aussi, tout ça. Et, par la suite, bien, il va devoir falloir réinvestir massivement pour venir replanter dans ces secteurs-là. Mais on sait que les droits... les redevances, un peu, là, qu'on reçoit de l'industrie ne seront pas suffisantes pour venir financer, là, la sylviculture, ce qu'on va devoir reboiser. Donc, au final, rapidement, là, ce modèle-là risque d'aller vers un échec, là.

M. Fortin :Et quand vous dites un échec, vous voulez dire que la forêt ne se régénère pas parce qu'on ne fera pas les investissements nécessaires pour la sylviculture intensive.

Mme Simard (Alice-Anne) : Assurément, la forêt ne pas se régénérer sur 30 % du territoire, mais il va y avoir assurément des échelles de régénération. Et là quand on vient ajouter à ça en plus la crise climatique, bien, on l'a vu en 2023 dans les secteurs qui ont été touchés par les feux de forêt, il y a plusieurs secteurs, où la forêt, elle avait été rajeunie, qui sont en échec de régénération présentement. Donc, si on vient encore plus rajeunir la forêt dans ces secteurs-là, tu sais, les feux de forêt, là, la crise climatique, malheureusement, il y a beaucoup de facteurs qu'on ne va pas pouvoir contrôler, mais ces forêts-là, ces zones d'aménagement forestier prioritaires là, vont devenir très, très, très... finalement, il y aura assurément moins de résilience pour ces forêts-là et ils vont devenir vraiment très... possibilité qu'il y a des échecs de régénération, voilà, tout simplement.

M. Clément (Antoine) : Si je peux me permettre.

M. Fortin : Oui. Bien sûr.

M. Clément (Antoine) : Dans le projet de loi, on voit qu'il y a quand même un manque de précaution que, tu sais, on a mentionné souvent, la ministre, le député du Lac-Saint-Jean également, que la filière bois est complexe, puis oui, elle l'est, on ne l'a jamais nié, puis comme tout plein d'autres écosystèmes industriels, mais ce qui est encore plus complexe, là, c'est des écosystèmes forestiers, c'est des systèmes vivants qui sont interconnectés, qui évoluent sur des dizaines, même des centaines d'années y intègrent des dynamiques entre le sol, l'eau, les espèces végétales, les espèces animales, les champignons, les micro-organismes, puis tout ça, c'est dans un équilibre qui se construit très lentement puis qui peut se détruire très rapidement. Ça fait que de voir ensuite une triade qui a déjà été expérimentée en projet pilote sur une partie du territoire québécois, de le voir sur l'ensemble du territoire québécois, pour nous, ça sonne des signaux d'alarme.

M. Fortin :Mais la triade qui a été faite en projet pilote, là, est-ce qu'elle a été faite correctement selon vous, ou selon les études que vous avez vues, ou les résultats que vous avez vus?

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien là, après ça, c'est vraiment... tu sais, c'est les études, notamment de M. Messier, tu sais, puis, à ce moment-là, nous, on ne remet pas en doute, là, finalement, là, ce qui a été réalisé, là. Puis justement ce serait vraiment intéressant d'entendre M. Messier sur comment ça a été réalisé puis comment ça pourrait être fait, et à quelle échelle ça pourrait être fait.

• (20 h 20) •

M. Fortin :Oui. Outre, disons, outre ces commentaires publics, là, espérons que la saison estivale permettra aux membres de la commission d'aller puiser dans les... dans des échanges avec M. Messier.

Tu sais, la... Je veux juste revenir deux secondes sur la question... sur la question de ce qu'on est capables de faire avec les budgets qu'on a en matière de sylviculture intensive, là, parce que je pense que ça demeure une des grandes préoccupations par rapport à la triade, c'est si on instaure un programme comme celui-là, bien, est-ce qu'on est capables d'aller au bout de nos ambitions et est-ce qu'on est capables de s'assurer de faire cette régénération-là, d'encadrer cette régénération-là, de lui donner les moyens de ses ambitions? Moi, j'ai de la difficulté à identifier qu'est-ce qu'on est capables de faire avec les moyens qu'on a en ce moment. Et je vous entends quand vous dites : On aimerait ça avoir des prévisions financières du gouvernement par rapport à ça. Une prévisibilité, je pense que n'êtes pas le seul groupe qui l'a mentionné, là, cette prévisibilité-là, qui permettrait au moins de voir : O.K., mais si on fait tel niveau d'investissement, on va être capables d'aménager tant de pourcentage du territoire. Avec les budgets qu'on a en ce moment, là, qui sont connus, avez-vous une idée de ce qu'on est capables de faire?

Mme Simard (Alice-Anne) : C'est vraiment difficile, là, d'estimer, là, les calculs, parce que, bon, on peut essayer de voir combien ça a coûté après les feux de forêt, mais, tu sais, ce n'est pas nécessairement le même... ça ne coûterait pas nécessairement le même prix, tout ça. Donc, c'est sûr que de trouver un chiffre, c'est difficile, mais après tout, tu sais, ce n'est pas nécessairement à Nature Québec, là, à sortir ce bilan-là, là, ce serait vraiment au gouvernement de le faire.

Par contre, par rapport à ça, tu sais, nous, dans notre mémoire, on mentionne que, dans la loi actuellement, il y a déjà un concept qui permet de faire, finalement, de l'aménagement intensif puis c'est le concept d'aires d'identification de la production ligneuse. Puis vous en avez parlé déjà en commission, il y a eu des projets pilotes un petit peu, tu sais, au Bas-Saint-Laurent, tout ça, mais, dans les faits, il n'y a jamais... il n'y a pas beaucoup, là, d'AIPL au Québec, ça n'a jamais été, tu sais, intégré dans l'approche globale, puis tout ça...

Mme Simard (Alice-Anne) : ...Donc, pour nous, on devrait... Avant de se lancer justement dans cette triade-là, il faudrait commencer par voir qu'est-ce qui n'a pas marché avec les AIPL, pourquoi qu'on n'a pas été capable de les mettre à l'ensemble du Québec, par exemple? Tu sais, ça prendrait vraiment un bilan. Puis, dans les faits, ce qu'on constate aussi, c'est que c'est souvent les manques de soins qui sont accordés aux investissements sylvicoles qui sont problématiques, finalement, donc. Il y a même, d'ailleurs, là, le Vérificateur général en 2017 qui l'avait mentionné. Ça fait qu'avant c'est comme... On doit, en premier, poser le bon diagnostic, avec les problèmes qu'on rencontre avec la sylviculture, avant de commencer à penser qu'on pourrait faire ce genre d'investissements là, là.

M. Fortin :Très bien. Je sais que ma collègue de Mille-Îles a des questions, M. le Président.

Le Président (M. Bernard) : Mme la députée de Mille-Îles, vous disposez de trois minutes 57 s.

Mme Dufour : Merci, M. le Président. Je sais, vous... ça a été évoqué tout à l'heure, mais juste bien comprendre la notion de forêt naturelle, c'est ça, dans la définition de l'aménagement écosystémique. Pourquoi ça, c'est aussi important pour vous, que ça reste dans la définition.

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, la référence à la forêt naturelle est vraiment, vraiment importante parce que, justement, on doit absolument se baser sur les processus naturels de la forêt de régénération. Tu sais, quand il y a un feu, quand il y a une épidémie, quand il y a un... la forêt, elle a développé depuis des millénaires des façons de se régénérer toute seule, tu sais. Et c'est ça que l'aménagement écosystémique dit, c'est que, quand on fait de l'aménagement forestier, on essaie d'imiter les perturbations naturelles et on s'assure aussi que, par exemple, il y a des mesures où est-ce que... bien, au niveau des arbres, de la taille des arbres, tu sais, le... au niveau du paysage aussi, au niveau de, justement, comment on fait attention au sol, à la régénération.

Présentement, en fait, la façon qu'on fait l'aménagement forestier, là, c'est vraiment, mettons, le minimum, là, pour s'assurer qu'on respecte quand même la forêt naturelle le plus possible. Parce que, dans les faits, tu sais, des CPRS, des coupes de... avec protection de la régénération des sols, ça reste que c'est quand même une coupe assez majeure, tu sais, c'est une perturbation assez majeure pour nous. Ça fait que, pour nous, ça, ce serait vraiment le strict minimum. On ne doit pas aller plus loin à rendre la forêt encore plus artificielle parce que ça va nous coûter très, très cher et on va vraiment mettre la forêt à risque, finalement, face à la crise climatique.

Mme Dufour : Elle va être moins résiliente si... surtout si c'est de la monoculture.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exact.

Mme Dufour : Ça, on peut le comprendre. On l'a vu dans nos villes avec les... pour ceux qui sont plus urbains, là, l'agrile du frêne commence à perturber nos villes. Vous mentionnez dans votre mémoire le risque... dans le fond, l'Union européenne qui serait en train de voter, là, une réglementation pour interdire l'importation de bois provenant de territoires de forêts en dégradation, et ça, vous voyez un risque, là, pour le Québec, avec le projet de loi n° 97.

Mme Simard (Alice-Anne) : Exactement. Parce que, dans ces discussions-là à l'international, la dégradation, ça inclut aussi la perte d'attributs écologiques des forêts. Donc, dans les faits, si on va de l'avant avec le projet de loi... Tu sais, c'est vrai qu'au Québec il n'y a pas de déforestation, en bonne et due forme, là, selon la définition internationale. Par contre, si on va de l'avant avec ce qui est proposé dans le projet de loi, venir affaiblir, finalement, le concept d'aménagement écosystémique, de venir faire 30 % du territoire, finalement, qui serait en zone d'intensification de la production ligneuse, bref, au final, ça viendrait diminuer, finalement, affaiblir les processus naturels, ça viendrait affecter les attributs écologiques des forêts. Et ça, ça pourrait être qualifié de dégradation, et, à ce moment-là, bien, il y a des fortes chances que ça ne pourra plus être des produits qui seraient exportables vers l'Europe.

M. Clément (Antoine) : Puis, si je peux ajouter, justement, oui, il n'y a pas de déforestation au Québec, mais, quand on parle de dégradation, dans les PAFI, il y a des documents complémentaires aux PAFI, dont l'analyse des enjeux, puis il y a possibilité de voir dans ces documents-là par la MRNF, avec des indicateurs sur les modalités d'aménagement écosystémique, qu'il y a des degrés d'altération assez importants dans différentes régions du Québec. C'est possible d'aller voir. Vous allez voir des tableaux puis des indicateurs en rouge, il y en a. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de dégradation. C'est difficile de voir qu'en ce moment que tout est vert aussi. Puis, oui, on est très optimistes, puis on peut voir aussi un monde meilleur, puis on veut travailler pour une foresterie véritablement durable, mais il ne faut pas nier ces faits-là.

Mme Dufour : Merci beaucoup. On va aller voir ça. Une dernière question pour moi. Votre recommandation 18 : assurer aux aménagistes forestiers régionaux un encadrement éthique rigoureux. C'est quoi, votre crainte ici, avec les aménagistes forestiers régionaux?

Le Président (M. Bernard) : ...

Mme Simard (Alice-Anne) :  Oui. Bien, c'est sûr qu'on craint quand même, là, la proximité avec ces aménagistes-là et l'industrie forestière, le lobby forestier, donc d'où l'importance de se doter de garde-fous qui va s'assurer que ces aménagistes-là travaillent vraiment pour le bien commun.

Mme Dufour : Parfait. Merci.

Le Président (M. Bernard) : Merci, merci. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition. M. le député de Laurier Dorion, vous disposez de quatre minutes zéro huit.

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Bonjours, Mesdames Messieurs. Bien, écoutez, on a souvent... on présente souvent le milieu environnementaliste en opposition avec le milieu de, comment dire, développement économique, comme si c'était... comme s'il y avait une contradiction flagrante. Plusieurs personnes sont venues nous dire, en particulier les syndicats...

M. Fontecilla : ...qu'il y a possibilité de voir... de voir le développement économique en termes de protection de l'environnement aussi. On nous a dit : C'est établi, l'industrie forestière est en déclin au Québec, des milliers de pertes d'emplois, etc. La question que je me pose : Vous, là, comme... qu'est-ce qui... comment... pourquoi vous avez inclus des préoccupations pour les pertes d'emplois, là, dans votre mémoire?

Mme Simard (Alice-Anne) : Oui, parce qu'on est préoccupés, nous aussi, là. On ne veut pas non plus qu'il y ait de pertes d'emploi dans les régions. On ne veut pas qu'il y ait des villages qui ferment, là, assurément, là. Nature Québec, on n'est absolument pas contre la foresterie. Il y a possibilité d'exploiter cette ressource-là, renouvelable, si on le fait de la bonne façon.

Par contre, présentement, ce qu'on voit, puis c'est ce avec quoi on est d'accord avec les syndicats, c'est que la forêt s'appauvrit et les travailleurs aussi, tout simplement. Et c'est pour ça que ça fait des mois, même, avec certains, des années qu'on travaille pour travailler un plan de transition juste et demander un plan de transition juste, une stratégie aussi de révolution industrielle, finalement.

Puis c'est pour ça qu'on était présents aussi au Sommet sur la forêt, qui a été organisé par les syndicats à Chicoutimi, puis qu'on appuie, finalement, les recommandations, là, qui ont été mises de l'avant par les syndicats, là.

Donc, il y a... il y a une plateforme intersyndicale qui a été mise au jeu, là, et nous, on l'appuie. Puis on demande vraiment que ces mesures-là soient intégrées au projet de loi. C'est essentiel parce que... justement, on est d'accord, la filière forestière, elle crée des emplois dans les régions, il faut la maintenir. Par contre, ce qu'on dit, c'est que, présentement, et c'est ce qu'on... c'est ce qu'on entend aussi, ce que les travailleurs disent, c'est ce qui a été dit au sommet aussi, il y en a encore qui l'a dit tout à l'heure, monsieur de la FTQ, les arbres sont de plus en plus petits, ils sont de plus en plus loin à aller chercher. C'est de plus en plus difficile pour l'industrie d'être rentable, donc, nécessairement, ça vient... avoir des répercussions sur les travailleurs, travailleuses.

Si on ajoute à ça aussi des conflits finalement d'usage, des tensions sociales, qui vient faire que, finalement, il peut y avoir, comme on voit présentement, bon, des blocus qui peuvent apporter, finalement, des fermetures d'usines, tout ça, là, finalement, ça... ce n'est personne qui est gagnant. Il n'y a personne qui va être gagnant.

Et nous, à Nature Québec, c'est pour ça qu'on travaille avec ces syndicats-là, qui représentent les travailleurs forestiers et forestières pour dire : Ça nous prend des écosystèmes forestiers qui sont en bonne santé, puis c'est comme ça que les travailleurs vont être gagnants, c'est comme ça que tous les autres utilisateurs de la forêt aussi vont être gagnants. Puis, pour nous, à Nature Québec, bien, c'est ce qu'on cherche aussi, avoir des écosystèmes forestiers en santé.

M. Fontecilla : On a... Des fois, j'ai comme l'impression qu'avec toute la complexité du monde forestier... une grande complexité, mais, des fois, on a l'impression que ce n'est que... pour le traitement de cette question-là, ce n'est qu'un élément, parce qu'on parle beaucoup de diversification industrielle, etc., lutte aux changements climatiques. Est-ce que vous... ça vous paraît que ce n'est que.... c'est une pièce législative qui devrait être accompagnée de plusieurs autres éléments d'intervention, là, afin d'agir véritablement de façon productive sur la forêt?

• (20 h 30) •

Mme Simard (Alice-Anne) : Bien, clairement que le projet de loi mériterait à avoir plusieurs clarifications puis plusieurs ajustements, là. Puis c'est pour ça, même... Plus que ça, là. Nous, on demande vraiment une réécriture en profondeur, là, qui serait faite, là, en concertation avec les différentes parties prenantes. Mais, assurément, il y a possibilité de... Il faut changer la façon aussi, le paradigme, la façon que le ministère des Forêts voit, finalement, la forêt. Puis même que le ministère, théoriquement, a une stratégie nationale de production du bois qui a été faite en 2019, qui dit qu'on devrait opérer un virage valeur, finalement, que... plutôt que de chercher toujours à récolter des plus en plus gros volumes de bois, on devrait chercher à aller... aller chercher le plus de valeur de la forêt possible. Et c'est là qu'il faut se dire : Bien, dans certains secteurs, peut-être que la plus grande valeur, c'est que la forêt, elle reste debout pour qu'il puisse y avoir, par exemple, des activités récréotouristiques, des chasseurs pêcheurs qui puissent être là, les zecs, les pourvoiries. Dans certains secteurs, O.K., là il y a vraiment un bon potentiel, finalement, d'aller chercher une bonne valeur en récoltant le bois.

Le Président (M. Bernard) : Merci. Merci beaucoup, Mme Simard, M. Clément, pour votre contribution à la commission. Merci aux membres de la commission, le personnel qui les accompagne, puis merci au personnel de la commission ce soir. Bonne soirée à tous.

Puis la commission ajourne ses travaux au mercredi 4 juin, après les avis touchant les travaux des commissions, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 20 h 31)


 
 

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