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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Lachance): La commission du budget et de
l'administration se réunit ce matin aux fins d'étudier les
crédits budgétaires du ministère des Finances pour
l'année financière 1984-1985.
Sont membres de cette commission: MM. Baril (Arthabaska), Bisaillon
(Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Blank (Saint-Louis), Boucher
(Rivière-du-Loup), Caron (Verdun), Gauthier (Roberval), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges); Mme Juneau (Johnson); MM. Lachance (Bellechasse),
Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et
Tremblay (Chambly).
Je demanderais maintenant au secrétaire permanent de la
commission que je désire vous présenter, M. Donald Chouinard, de
nous indiquer s'il y a des remplacements.
Le Secrétaire: M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Blank
(Saint-Louis). C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Merci. Nous en sommes à
la première séance de travail de la nouvelle commission
parlementaire du budget et de l'administration. Nous faisons
l'expérimentation ce matin des nouvelles règles de
procédure en vigueur. Je compte sur la collaboration de tous les membres
de la commission pour que nos travaux se déroulent dans la plus grande
harmonie possible.
Je voudrais d'abord indiquer que le temps imparti aux travaux de cette
commission pour la journée d'aujourd'hui serait le suivant: de 10 heures
à 12 heures, de 15 heures à 18 heures environ, puisque c'est
après les affaires courantes à l'Assemblée et, finalement,
de 20 heures à 22 heures ce soir.
Une entente est intervenue entre les formations politiques pour que
certains organismes qui n'apparaissent pas comme tels dans les crédits
du ministère des Finances puissent être entendus ici ou faire
l'objet d'une discussion. Dans l'ordre, il y aurait la Caisse de
dépôt et placement du Québec, la Commission des valeurs
mobilières, la Société des loteries et courses du
Québec, l'Inspecteur général des institutions
financières et, finalement, la Curatelle publique.
J'inviterais maintenant le ministre des Finances à nous faire
part de ses remarques préliminaires.
Remarques préliminaires M. Jacques
Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, alors que nous
commençons cette nouvelle formule des commissions parlementaires, je
voudrais d'abord vous indiquer tout le plaisir que j'ai de voir que s'est enfin
constituée dans notre système parlementaire une commission du
budget et de l'administration. J'avais souligné à plusieurs
reprises, dans le passé, à quel point une institution de ce type
me paraissait non seulement utile, mais nécessaire. Puisqu'elle est
créée, cherchons à faire en sorte qu'elle corresponde le
plus possible aux fins qu'une telle commission, dans n'importe quel Parlement,
doit remplir.
Je ne ferai de commentaires de fond que ce soir - j'imagine que ce sera
ce soir -lorsque nous aborderons les crédits du ministère des
Finances proprement dits puisque nous nous sommes entendus pour entendre, dans
un premier temps, des organismes et des sociétés d'État.
Je me contenterai de laisser cette opération se dérouler sans
faire de commentaires généraux, pour le moment, sur certaines des
orientations financières fondamentales du gouvernement.
Je voudrais, cependant, à l'égard des heures que nous
allons passer ensemble en compagnie des dirigeants de ces organismes, faire un
certain nombre d'observations sur le plan de la méthode. Comme vous
l'avez dit, M. le Président, normalement, si on n'utilisait que le
mandat strict de la commission, il n'y a vraiment que la Commission des valeurs
mobilières et l'Inspecteur général des institutions
financières qui auraient dû être discutés aujourd'hui
parce que seules ces deux institutions apparaissent dans les crédits du
ministère des Finances.
Nous avons, d'un commun accord, décidé d'entendre ou
d'interroger la Caisse de dépôt, Loto-Québec et le Curateur
public. Il s'agit, bien sûr, de trois organismes qui n'apparaissent pas
aux crédits du ministère des Finances, mais qui sont aussi des
institutions répondant à la Chambre par le truchement du ministre
des Finances. Il n'y
en a pas davantage. Il faut être conscient que la liste des
organismes que nous allons entendre aujourd'hui représente l'ensemble
des organismes et des sociétés d'État qui relèvent
du ministre des Finances ou qui répondent, par son entremise, à
l'Assemblée nationale. La liste est exhaustive, à cet
égard.
Je pense que, dans la transition entre l'ancien règlement ou
l'ancienne commission des crédits et la nouvelle, cela n'était
pas prévu. Ce qui était prévu, c'est que la commission des
finances puisse, de temps à autre, demander à l'un ou l'autre de
ces organismes de se présenter devant elle et, alors, de donner lieu
à des discussions exhaustives. Je souhaiterais vivement que la
commission des finances réfléchisse à cette question de
façon que ce qui a été le résultat un peu impromptu
d'une entente entre les partis hier puisse, à l'avenir, ou bien
être confirmé - à ce moment, il faudrait s'entendre pour
que, chaque année, ce soit comme cela qu'on procède - ou qu'on
procède différemment. Cela n'est pas urgent. On n'a pas besoin
d'en décider aujourd'hui, mais je souhaiterais vivement que la
commission des finances me donne une directive pour l'avenir. Voilà ce
que j'avais à dire dans un premier temps. Est-ce que je peux demander au
président de la Caisse de dépôt de venir à la
table?
Le Président (M. Lachance): Avant de passer la parole
à l'organisme suivant, la caisse de dépôt, je laisse la
parole au vice-président de la commission du budget et de
l'administration, le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Un peu à l'instar du ministre, je souhaite également que
l'expérience que nous commençons aujourd'hui avec le nouveau mode
de fonctionnement des commissions nous réserve de grands avantages. J'ai
au moins un plaisir, à ce moment-ci, c'est celui de voir le ministre
à la barre. La dernière fois que cela s'est produit dans le
système parlementaire, je crois, c'est lorsque le ministre s'est
adressé à un comité du Sénat à
l'égard de la présentation du projet de loi S-31. C'est donc un
rôle dans lequel le ministre peut se sentir familier.
Par ailleurs, j'ai une inquiétude quant à la tendance
qu'ont semblé prendre les débats dans d'autres commissions avec
le nouveau mode de fonctionnement. Alors qu'à l'étude des
crédits la tradition parlementaire a toujours voulu que ce soit une
occasion privilégiée pour l'Opposition de poser des questions aux
responsables du gouvernement et même à certains responsables des
organismes gouvernementaux, il semble que dans le nouveau mode de
fonctionnement l'Opposition ait beaucoup moins de temps qu'avant. Si on regarde
l'expérience de certaines commissions qui ont siégé hier,
on voit que les porte-parole de l'Opposition, en général, n'ont
pas bénéficié du même nombre d'interventions, de la
même longueur d'intervention que ce que la tradition avait toujours
prévu. On verra évidemment à l'usage jusqu'à quel
point les intervenants pourront poser les questions que l'étude des
crédits prévoit de la part de l'Opposition à l'endroit du
gouvernement.
C'est donc une petite inquiétude, mais qui est
tempérée - je suis heureux de voir que cela commence sur le bon
pied - par le fait que la tradition, lors des discussions du Bureau de
l'Assemblée nationale, a prévalu dans la mesure où - je
rejoins le ministre là-dessus - les organismes auraient pu ne pas
être ici, compte tenu du nouveau règlement. Ils y sont ce matin;
ils y seront cet après-midi. Je suis heureux de voir - comme le
ministre, d'ailleurs, ce grand parlementaire qui est attaché à la
tradition comme je le suis - quant au fonctionnement de cette commission, que
nous aurons encore le plaisir de rencontrer les présidents des
organismes qui ne sont pas mentionnés dans les crédits. C'est
sans regret, je dois le dire, que nous les convoquons, beau temps, mauvais
temps, une fois par année, parce que j'ai toujours constaté que
c'est avec plaisir qu'ils se rendaient à notre invitation.
Je présume que, sans plus tarder, nous pourrons passer à
l'examen - le terme est un peu fort - ou plutôt à une discussion
générale de certains points avec le président de la Caisse
de dépôt et placement du Québec.
Le Président (M. Lachance): Le député de
Chambly a demandé la parole.
M. Tremblay: J'ai compris, par les interventions du ministre et
du vice-président de la commission, qu'il y avait eu une entente unanime
des membres de la commission pour procéder d'une façon qui
n'était pas prévue au règlement. J'aimerais que vous
m'informiez de cette entente unanime puisque je n'ai pas été
informé des modalités de fonctionnement.
Le Président (M. Lachance): Avec plaisir, M. le
député. Il y a eu, comme cela se passe souvent ici à
l'Assemblée nationale, une entente entre le parti ministériel et
le parti de l'Opposition, entre leurs porte-parole respectifs, selon laquelle
les sociétés d'État qui n'apparaissent pas au livre des
crédits puissent venir en commission.
Cependant, hier, en fin d'après-midi, il y a eu une rencontre de
la commission de l'Assemblée nationale où on a pris une
décision sur ce qu'on pouvait entrevoir comme
problématique ce matin. La décision qui a été prise
à cette occasion décrète que la tradition existant dans ce
Parlement va se poursuivre même avec le nouveau règlement. On
verra s'il y a lieu de modifier le règlement un peu plus tard, lorsqu'on
aura fait l'évaluation du fonctionnement mais, pour ce qui est de
l'étude des crédits de 1984, on va procéder sensiblement
de la même façon que pendant les années
antérieures.
Or, je voudrais apporter une précision. Tout à l'heure,
lorsque les porte-parole des organismes se présenteront, des questions
seront posées par les intervenants de chaque côté de la
table et c'est le ministre des Finances qui y répondra, mais il pourra,
à sa discrétion, laisser répondre le porte-parole de
l'organisme concerné. Cela est à la discrétion du
ministre.
M. Tremblay: Donc, si j'ai bien compris, les modifications qui
ont été apportées hier... Je ne veux pas me prononcer
quant au fond; je pense que c'est une bonne chose que ces organismes puissent
venir témoigner ici ce matin sur les crédits. Comme
député dûment élu par la population, j'aurais
souhaité, cependant, avec les ententes qui se produisent, compte tenu de
la nouvelle mentalité qui doit prévaloir avec la réforme
parlementaire, que les députés en aient été
informés même avant que ces choses soient en discussion. Il aurait
été normal que ce soit fait. Ce n'est pas un blâme que je
fais à l'endroit de qui que ce soit, mais, à l'avenir, il serait
important - et il est important de le dire maintenant - que ces changements
soient discutés au préalable avec les membres de la
commission.
Ceci dit, je ne voudrais pas laisser passer l'affirmation du
vice-président de la commission qui suggère que, dans les autres
commissions qui ont déjà siégé, il y avait eu une
attitude différente de celle qui avait prévalu dans le
passé quant à l'étude des crédits. À deux
reprises au moins, il a suggéré que c'était là un
exercice pour l'Opposition. Je tiens à lui faire remarquer très
humblement que, si c'était un exercice réservé à
l'Opposition, nous ne serions pas requis d'être présents pour
regarder le spectacle entre l'Opposition et le ministre. Si ce spectacle
était réservé à l'Opposition, cela pourrait
très bien se faire par courrier avec le ministre. Nous sommes des
élus à part entière. Nous avons la responsabilité,
autant que l'Opposition, de vérifier la bonne marche des
ministères ainsi que la façon dont ils disposent des sommes
d'argent mises à leur disposition. Je pense que le fait d'accepter
l'affirmation du député de Vaudreuil-Soulanges suggérerait
qu'il y a deux catégories de députés ici et, à mon
sens, il n'y en a qu'une sorte: des députés dûment
élus par la population.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
voudrais faire une remarque concernant vos propos relatifs à une
entente. Si vous avez des remarques à faire à ce niveau, vous
devriez les faire au leader de votre formation politique. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. (10 h 30)
M. Scowen: Je suis entièrement d'accord avec le
député de Chambly. S'il a des remarques de ce genre à
faire, je pense qu'il doit les faire au président et au
vice-président de la commission. Je ne veux pas répéter
tout ce qu'il a dit, parce qu'on commence aujourd'hui quelque chose de nouveau,
mais je pense que le président et le vice-président doivent
prendre la déclaration ou l'expression d'opinion du député
de Chambly comme un avertissement. Le président et le
vice-président doivent faire très attention aux principes qui ont
guidé la création de cette commission. Tous les membres doivent
être consultés jusqu'au bout dans les décisions qui sont
prises à l'extérieur des séances et au cours des
séances; tous les membres doivent être traités de la
même façon. Ce n'est pas le leader du gouvernement qui a la
responsabilité de cette affaire, c'est nous. Je souscris
entièrement aux paroles du député de Chambly et je pense
qu'il est important de le dire ce matin, au départ. C'est à vous
- vous êtes payés pour cela - d'administrer cette commission avec
une sollicitude totale à l'endroit de tous les membres.
Le Président (M. Lachance): Ces remarques étant
faites, j'inviterais le porte-parole de la Caisse de dépôt et
placement à prendre place à la table. J'invite aussi le ministre
des Finances à présenter ces personnes ou alors, qu'elles se
présentent elles-mêmes au fur et à mesure que les
organismes vont défiler à la table.
Caisse de dépôt et placement du
Québec
M. Parizeau: M. le Président, j'ai à ma droite M.
Jean Campeau, qui est président de la Caisse de dépôt et
placement et qui présentera lui-même ceux qui l'accompagnent.
M. Campeau (Jean): M. le Président, j'ai, à ma
droite, M. Jean-Claude Scraire, premier vice-président aux affaires
juridiques et institutionnelles; à sa droite, M. Louis Journault,
directeur à la répartition de l'actif; par la suite, Mme Denise
Simard-Chaput, vice-présidente aux relations avec les déposants;
M. Alain Tessier, directeur des ressources comptables et M. Jean-Pierre Guay,
qui travaille à la direction de
l'information.
Une voix: Et M. Nadeau.
M. Campeau: M. Nadeau n'est pas encore un employé de la
Caisse de dépôt et placement.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La semaine prochaine.
M. Campeau: Si cela peut vous intéresser, M. Nadeau ne
sera pas aux communications, mais il deviendra premier vice-président
à la planification et aux relations avec les déposants à
partir du 17 avril prochain. Merci, M. le Président.
Exposés généraux M. Daniel
Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M.
Campeau, madame et messieurs qui l'accompagnez, je vous souhaite la
bienvenue et encore une fois, je le répète, je vous remercie
d'avoir accepté si gracieusement de nous rencontrer. C'est un
pèlerinage annuel qui nous permet, à la commission, de scruter un
peu plus attentivement l'un ou l'autre des aspects du fonctionnement de la
caisse, certains de vos comportements, certaines de vos pratiques
administratives, et d'aller un peu plus loin que le ministre ne peut le faire
dans ses réponses, comme il l'admet lui-même à l'occasion,
étant donné qu'il n'a pas la main haute sur la façon dont
vous fonctionnez.
Par ailleurs, cet exercice n'est pas similaire à celui que la
commission pourrait entreprendre, soit de vous convoquer à une
commission parlementaire portant exclusivement sur la Caisse de
dépôt et placement. Je veux qu'on se comprenne bien. Cela pourrait
prendre non pas une douzaine de minutes ou quelques heures, mais sans doute
quelques jours, si on en croit les affirmations qui ont été
faites depuis quelques années de part et d'autre de la Chambre.
Nous allons donc, ce matin, isoler nos interventions et les concentrer
sur une des caractéristiques importantes, à mon sens, que la
caisse doit maintenir, c'est-à-dire le concept de l'indépendance
et de l'autonomie. Cela peut être abordé d'une façon
relativement circonscrite ou cela peut donner lieu à une commission
parlementaire de plusieurs jours; cela peut également, comme je vais
tenter de le faire, être abordé d'une façon beaucoup plus
précise, beaucoup plus réduite que ce que le terme
"indépendance" ou "autonomie" peut laisser entendre.
Le sujet en lui-même est évidemment extrêmement
important à cause du rôle de la caisse, qui est un
réservoir d'épargnes obligatoires que les Québécois
doivent lui confier en vertu de différentes lois. Il est important
à cause des gestes que la caisse pose de toutes sortes de façons,
qui sont des gestes très publics pour un ensemble de raisons: à
cause de sa taille particulière sur les marchés financiers; dans
certains cas, selon l'histoire récente, à cause des
coïncidences que certains ont pu voir entre l'action de la caisse et celle
d'autres organismes publics qui pouvaient laisser croire que la caisse agissait
de concert avec ces organismes publics lors de l'achat d'actions de certaines
sociétés. Nous en avons déjà discuté ici et
vous aviez vous-même, à l'époque, parlé de
coïncidence, d'occasion d'investissement, etc.; nous ne reviendrons pas
sur les débats des années antérieures.
De façon plus récente, la caisse a posé des gestes
extrêmement publics dans sa défense que certains ont
qualifié de politique par opposition à une défense
purement financière. À titre d'exemple, lors de la
présentation du projet de loi S-31, certains ont vu, dans les
interventions publiques de la caisse à l'époque, dans son
témoignage devant le comité du Sénat, une prise de
position un peu plus politique que ce à quoi on se serait attendu dans
le cadre général des fonctions de la caisse. La caisse
établissait alors - j'ai pris connaissance de tous les textes - une
relation entre les effets que pourrait avoir la loi S-31 dans un contexte
purement politique, d'une part -c'était soulevé publiquement,
qu'on le veuille ou pas - et son effet net sur certaines possibilités
d'investissements additionnels que la caisse pouvait faire, compte tenu des
nouvelles restrictions pouvant faire partie du projet de loi S-31.
C'était clairement le rôle de la caisse de faire ressortir comment
son rendement, quant à elle, compte tenu de ses activités,
pouvait être affecté par l'imposition de ces nouvelles
restrictions. Je n'ai aucune difficulté avec cela.
Il y a, évidemment, la participation substantielle, encore une
fois, de la caisse au financement du secteur public. On peut remarquer, dans le
dernier rapport annuel, que la Caisse de dépôt s'est portée
preneuse d'un tas d'émissions privées quant à leur
totalité et n'a participé, quant à sa prise d'obligations
du Québec l'an dernier, que dans un seul cas à une fraction d'une
émission publique. On voit donc qu'il y a des relations
particulièrement privilégiées, si on veut, dans la
façon dont la caisse soutient, à certains égards, les
emprunts du secteur public, notamment par le biais des obligations du
Québec.
Il est bien évident qu'on doit maintenir - tout le monde en
convient - le plus haut degré possible d'indépendance et
d'économie de la caisse. Tout cela est bien beau, mais on doit quand
même se poser la question, à
savoir: À qui se rapporte cet organisme? Ce n'est pas
théorique du tout de savoir à qui doit se rapporter l'organisme.
Évidemment, dans votre cas, vous agissez sur les marchés
financiers, vous devez vous préoccuper du rendement; vous devez vous
préoccuper, comme l'exprime le mandat fixé par la loi du soutien
au développement économique du Québec. Il est
évident que vous devez conserver un minimum de flexibilité et
vous n'avez certainement pas besoin de toute une série de gérants
d'estrade ou de gérants de taverne qui, après le fait ou
même avant, prétendraient, de la droite ou de la gauche, vous
imposer une manière d'agir. Il est évident que, dans les
matières financières qui sont les vôtres de façon
quotidienne, la dernière chose dont vous ayez besoin, la chose dont,
quant à moi, je voudrais vous garder, c'est une série de gens, de
structures en dehors de la caisse qui passeraient leur temps à vous dire
comment agir. Ce serait, à mon sens, absolument en contradiction avec la
façon dont un véhicule comme le vôtre doit pouvoir agir
dans le but de rechercher un rendement.
Par ailleurs, vous devez toujours vous rapporter à quelqu'un. Je
reviens à la même question. On pourrait prétendre que, de
façon publique, tout en conservant une autonomie absolument parfaite,
une indépendance absolument exemplaire, une évaluation objective
de votre rendement et de votre rôle pourrait avoir lieu si les objectifs
étaient clairs. On revient - et c'est là que la confusion
s'insère toujours dans le débat -au vieux débat entre la
vocation de rechercher le meilleur rendement possible pour les déposants
et le rôle que le gouvernement vous a confié, il y a une vingtaine
d'années, de voir également au soutien du développement
économique du Québec.
Dans le simple énoncé de ces deux objectifs, on voit tout
de suite qu'il est extrêmement difficile de dégager des mesures
d'évaluation de votre rôle et de l'exécution de ce mandat
double satisfaisant les électeurs, les analystes et les gens en
général quant à la façon dont vous remplissez ce
mandat. Les termes du mandat sont tellement larges que je ne vois pas comment
on pourrait dégager quelque chose d'un peu plus objectif que le simple
énoncé, à moins d'y consacrer des heures, des jours et des
mois. Qu'on l'illustre d'une façon ou d'une autre, d'une fois à
l'autre, d'une transaction plus importante par rapport à l'autre, chaque
fois, il existe un tas de justifications qui démontreraient que le
rendement et le développement économique ont été
favorisés. Mais il n'y a rien d'objectif. C'est toujours à la
pièce qu'on examine certains de vos gestes, qu'on entre dans une
discussion générale et qu'on dégage que le rendement
était là et que le mandat de voir au développement
économique du
Québec a été rempli. On n'arrive à rien de
substantiel. On n'arrive à rien de satisfaisant quant à donner,
une fois pour toutes, un caractère objectif et un peu plus
éclairant sur la façon dont le rôle que vous jouez dans
l'économie aurait pu être rempli.
Donc, à défaut de ces mesures en vue d'assurer son
indépendance et son autonomie - parce qu'elles font encore
défaut, à mon sens - il faudrait peut-être regarder, du
côté de son mode de fonctionnement même, de sa structure
interne, de ses relations avec ses différents clients, l'éventail
de choix que la caisse donne aux clients. L'autonomie et l'indépendance
des clients, quant à la façon dont ils pourraient plus ou moins
vous donner des directives ou des indications sur la façon dont vous
devriez faire fructifier leurs biens, deviendraient un gage de votre propre
indépendance et de votre propre autonomie. Dans la mesure où tous
vos déposants désirent s'équiper eux-mêmes de
conseillers, désirent devenir plus actifs - vous l'avez
déjà dit, l'an dernier, à l'égard de certains
d'entre eux - dans la façon dont ils tentent de se constituer un
portefeuille à même l'épargne qui leur est versée;
dans la mesure où ces gens-là deviennent des participants plus
directs dans la façon dont cet avoir fructifie, nécessairement,
on pourrait commencer à en conclure que la Caisse de dépôt
et placement du Québec, comme organisme, est elle-même
passée au-dessus de tout soupçon quant à son
indépendance et à son autonomie. Il me semble, plus
particulièrement, que le degré d'autonomie, de liberté de
choix que pourraient exercer de façon grandissante vos différents
clients rejaillirait sur les jugements qu'on pourrait porter quant à
votre propre indépendance et autonomie.
Qu'en est-il, depuis quelques années, de l'évolution que
nous souhaitons afin de renforcer au moins la perception d'indépendance
et d'autonomie - ce qui est extrêmement important - de la Caisse de
dépôt sur les marchés financiers? Nous avions
suggéré, il y a deux ans, que des structures soient être
mises en place afin que certains de vos déposants aient les
coudées franches. On se souvient que lors d'une discussion, il y a deux
ans, il me semble, on avait fait le tour du fonds général, des
fonds spécialisés qui existaient alors et on avait
arrêté plus particulièrement notre discussion sur la
façon dont le fonds particulier constitué pour la CSST semblait
permettre à un de vos clients d'exercer un peu plus d'influence sur la
politique de placement dont il devenait éventuellement
bénéficiaire par vos gestes, une fois que vous les aviez
rencontrés. (10 h 45)
D'une chose à l'autre, vous avez décidé de mettre
à l'écart la notion des fonds spécialisés, il y a
un peu plus d'un an, et de
constituer pour les différents clients des fonds particuliers.
Ceci laisserait soupçonner qu'il existe maintenant à la caisse,
quant à sa structure même, des occasions additionnelles pour vos
clients de demander... Je devrais plutôt dire que, quant à leurs
objectifs de placement, il y a des gestes qu'ils souhaiteraient que vous posiez
dans votre politique générale d'investissement afin de
refléter leurs désirs. La structure elle-même laisse
soupçonner cela.
Cependant, quand on regarde comment s'est fait le transfert des fonds
spécialisés vers les fonds particuliers, il ne m'apparaît
pas, de quelque façon que ce soit, que le souhait qu'on exprimait se
soit concrétisé par la nouvelle structure. Par exemple, vous
aviez dit, il y a environ deux ans, quant au fonds particulier de la CSST, que
ce client pouvait exiger un peu plus de la Caisse de dépôt
contrairement à d'autres, il n'était pas limité quant au
pourcentage d'actions, d'obligations, etc., qu'il désirait se constituer
en portefeuille. Vous nous aviez fait remarquer en commission, il y a deux ans,
quant à la CSST, qu'elle pouvait aller un peu plus loin que cela,
qu'elle pouvait même dire: Nous aimerions des titres en actions
susceptibles d'une meilleure croissance ou gain de capital; ou alors, nous
préférons des titres à plus hauts revenus
d'intérêts en parlant des obligations, à titre d'exemple,
ou des titres de sociétés dont les dividendes sont plus
élevés que ceux d'autres sociétés.
Vous aviez fait remarquer - et très justement, car on ne peut
aller jusque-là, c'est pour cela que je parle des gérants de
taverne - le fait qu'on permette à vos clients de faire du "stock
picking". Cela n'a aucun sens, quant à moi, si l'on veut que vous
fonctionniez de façon efficace sur les marchés financiers. Ce que
j'avais dégagé de votre intervention à l'époque,
c'était que le titulaire d'un fonds particulier avait davantage les
coudées franches que les autres déposants. On en arrive, depuis
l'an dernier, à une situation où un grand nombre de
déposants ont un fonds particulier. Cela pourrait laisser
soupçonner que tout le monde peut commencer à exiger plus de
détails quant à la répartition de son portefeuille entre
diverses sortes de véhicules d'investissement.
Cependant, je remarque que c'est par la voie de l'attribution
d'unités, avec des valeurs nominales de 1000 $ qui représentent
la valeur sous-jacente, je présume, des anciens fonds
spécialisés, que vous aviez constitué ces fonds
particuliers. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a une très
grande homogénéisation, au niveau de chaque fonds particulier,
des valeurs sous-jacentes qu'on retrouve dans les fonds particuliers. Ils
m'apparaissent tous être les heureux propriétaires d'une
unité de fonds mutuel qui trouve sa valeur dans les anciens fonds
spécialisés ou, enfin, dans les quatre catégories
traditionnelles d'investissement que vous aviez autrefois identifiées
comme des fonds spécialisés.
Je ne vois donc pas en quoi la restructuration qui a été
faite, quant à la constitution de votre portefeuille distinct ou
particulier pour les différents déposants, ajoute quoi que ce
soit à la situation antérieure. Je ne vois pas en quoi les
déposants peuvent maintenant plus facilement vous faire part de leurs
demandes spécifiques quant à la composition de leur portefeuille
ou même à l'intérieur de certains éléments de
ce portefeuille, comme vous le laissiez entendre à l'égard de la
CSST il y a deux ans. Je ne vois pas en quoi les clients ont aujourd'hui une
plus grande indépendance, une plus grande autonomie qu'il n'en avait
autrefois. Je ne vois donc pas comment, en conclusion, l'indépendance et
l'autonomie de la caisse, telles que perçues de l'extérieur,
peuvent de quelque façon avoir été renforcées par
cette nouvelle façon de fonctionner.
Comme vous le voyez, c'est donc surtout autour du fonctionnement de la
nouvelle structure, des changements quant à vos relations avec vos
clients, que j'aimerais vous entendre aujourd'hui commenter cette nouvelle
structure et son effet, quant à vous, sur l'indépendance et
l'autonomie de la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances ou
M. Campeau.
M. Parizeau: M. Campeau présentera ses commentaires au
sujet de ce qui vient d'être dit et par la suite, M. le Président,
je souhaiterais ajouter quelques mots.
Le Président (M. Lachance): M. Campeau.
M. Jean Campeau
M. Campeau: M. le Président, je me permettrai de parler
d'abord du devoir du président du conseil et directeur
général de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, qui est de défendre les intérêts financiers
de la caisse et de ses déposants. C'est la raison pour laquelle la
présentation d'un projet de loi tel que le S-31 exigeait que le
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec fasse valoir les droits des déposants et les fasse
connaître dans toute la population. On a accusé le
président de la caisse d'avoir fait de la politique à ce
moment-là. Est-ce que le fait de défendre les droits de ses
déposants, de son institution, c'est faire de la politique? C'est un peu
là-dessus que je n'étais évidemment pas d'accord.
Quant à l'indépendance de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, si je comprends bien,
vous souhaiteriez qu'elle soit assurée par une plus grande
dépendance de la caisse vis-à-vis de ses clients. Or, vous
disiez: De qui dépend la Caisse de dépôt et placement du
Québec? Inutile de le répéter, le
président-directeur général de la Caisse de
dépôt et placement du Québec est nommé pour dix ans
et les membres du conseil d'administration sont nommés pour trois ans en
rotation.
La Caisse de dépôt et placement du Québec
dépend de son conseil d'administration. Elle doit répondre
à l'Assemblée nationale par l'entremise du ministre des Finances
et, évidemment, quand une question est posée à
l'Assemblée nationale, la réponse et les informations sont
fournies au ministre des Finances.
On parle des fonds. Il existe à la Caisse de dépôt
et placement du Québec, depuis le nouveau procédé des
fonds particuliers, deux genres de fonds: le fonds général - le
même qu'avant, il n'y a pas eu de changement - où on retrouve la
Régie des rentes et la Régie de l'assurance automobile, et les
fonds particuliers pour chacun des autres déposants de la Caisse de
dépôt et placement du Québec.
C'est la Caisse de dépôt et placement du Québec qui
est gestionnaire du fonds général. Quant aux fonds particuliers,
les déposants qui ont l'usage d'un tel fonds peuvent indiquer des normes
générales relatives à la distribution de leur avoir ou de
leur actif entre de grandes catégories de placement qui sont les
actions, les obligations, les hypothèques, les immeubles -qu'on a
maintenant et j'aimerais faire un commentaire sur le vôtre d'il y a deux
ans -et le placement à court terme. En fait, ce sont de grandes normes
générales qui doivent être conciliables en tout temps,
d'autre part, avec les objectifs et les politiques de la caisse.
Quant aux différents secteurs, une fois que ces normes ont
été établies par la caisse, en coopération avec les
déposants aux fonds particuliers, pour ce qui est du reste, c'est le
devoir de la caisse de voir à investir dans ces catégories pour
le meilleur rendement de chacun des déposants. Leur indépendance
est assurée par une consultation quant au choix qu'ils doivent faire
dans les différents véhicules.
Au cours des dernières années, on a tâché
aussi d'améliorer les relations avec les déposants. Je devrais
peut-être dire: Augmenter les relations. On ne voyait peut-être pas
nos déposants assez souvent. On tâche donc maintenant d'organiser
des rencontres fréquentes en vue de les informer de la politique de la
caisse, des marchés, de leur suggérer un plus grand nombre
d'investissements, soit en actions, soit en obligations, et de leur faire
connaître aussi les nouveaux investissements que nous avons en
immeubles.
On a donc intensifié auprès d'eux notre rôle de
conseiller financier. C'est peut-être pour cela que certains fonds ont
pensé avoir un conseiller financier. Dans le passé,
peut-être que la caisse - je dis bien "peut-être", parce que cela
reste à prouver - n'a pas mis ou aurait pu apporter une attention plus
grande à chacun de ses déposants et garder une relation plus
étroite avec chacun d'eux.
D'autre part, c'est aussi le résultat d'une plus grande
compréhension de nos déposants qui a amené la
création de fonds particuliers où chacun peut maintenant, dans
son fonds, retrouver dans quoi il a investi: obligations, actions et immeubles.
Il peut voir où est situé l'immeuble dans lequel il a investi et
aussi les hypothèques, etc. Il peut avoir un portefeuille
détaillé et voir qu'il détient X actions d'Alcan ou X
actions de Provigo.
J'ajouterais que la politique de la Caisse de dépôt,
évidemment, est basée sur les scénarios économiques
qui nous font décider, au début d'une année, des
pourcentages qu'il serait souhaitable d'établir dans les
différents véhicules: actions, obligations, hypothèques,
etc.
Un dernier commentaire avant de donner la parole au ministre des
Finances, la CSST, à un certain moment, désirait avoir des
revenus courants plus élevés et non pas uniquement une
appréciation de capital. C'est la raison pour laquelle on a
essayé d'investir dans des titres où le revenu courant
était plus élevé. Cela peut être un besoin passager,
mais le fait de ne pas avoir un revenu courant élevé ne veut pas
dire que le revenu en soi n'est pas bon. C'est simplement une
caractéristique d'un an ou deux qui nous permettait d'aider la CSST
à mieux gérer son fonds.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, les questions qui ont
été abordées par le député de
Vaudreuil-Soulanges nous permettent d'aller peut-être un peu plus loin
qu'on ne l'a fait dans les années passées quant au rôle de
la Caisse de dépôt, son degré d'autonomie et, comment dire,
les tâches essentielles qu'elle a à satisfaire. Je vais reprendre,
à cet égard, un certain nombre d'observations que faisait le
député de Vaudreuil-Soulanges.
À l'égard de la Caisse de dépôt, il s'est
posé la question à savoir si, à certains moments, il
était normal ou judicieux qu'elle s'associe, pour certaines
opérations, avec d'autres organismes publics. La question est
intéressante. Beaucoup d'organismes publics sont, à l'heure
actuelle, depuis fort longtemps d'ailleurs, impliqués dans des
opérations à caractère économique importantes. Cela
semble couler de source
que, si la Caisse de dépôt peut s'associer avec des
intérêts privés pour développer davantage certains
secteurs de l'économie, faire des placements intéressants, elle
le fasse aussi avec des organismes publics. Il est évident que tous ces
organismes publics au Québec occupent un rôle très
important, beaucoup plus important que dans les autres provinces canadiennes,
si on veut faire une comparaison. Il n'y a pas d'autres provinces où
autant d'organismes publics ont une vocation économique. Donc, il est
inévitable, à cause de la taille même de la Caisse de
dépôt, qu'elle soit amenée non pas seulement à
s'associer avec des groupes privés, mais à trouver, j'allais
dire, sur son chemin, régulièrement, toute une série
d'organismes publics qui peuvent avoir des projets d'investissement tout aussi
intéressants que certains groupes privés et que, dans ces
conditions, on voie la Caisse de dépôt avoir des rapports
très étroits avec certains groupes privés sur le plan des
placements et des rapports tout aussi étroits avec certains organismes
publics. Je pense que c'est dans la nature des choses. Cela vient du
développement du secteur privé, tel qu'il s'est fait au
Québec depuis 20 ans. (11 heures)
Le député de Vaudreuil-Soulanges soulevait certaines
questions au sujet de la présentation, c'est-à-dire ce qui s'est
produit au moment de la loi S-31. On a voulu voir dans certaines
déclarations émanant de la caisse une sorte de point de vue
politique. À mon sens, d'aucune espèce de façon la caisse
n'a eu une position plus politique dans le sens large du terme que, par
exemple, ces 21 hommes d'affaires au Québec qui, à un moment
donné, ont envoyé à Ottawa une pétition. Il fallait
lire le texte de la pétition. Il s'agissait de 21 présidents
d'organismes tout ce qu'il y a de plus privé qui faisaient appel
à des considérations qui allaient, comment dire, un peu plus loin
que de simples comparaisons de rendement attendu selon que S-31 était
adopté ou pas. On en tenait compte, bien sûr, mais leur
perspective était beaucoup plus large sur le plan du fonctionnement des
marchés, du fonctionnement des institutions qui s'y trouvent. Dans ce
sens, là encore, la Caisse de dépôt, comme le disait le
président tout à l'heure, avait tout à fait raison de
vouloir défendre les intérêts de ses déposants et
les intérêts, d'ailleurs, de la caisse comme organisme.
Le député de Vaudreuil-Soulanges disait, dans un
troisième type d'observations, qu'on peut se poser des questions quant
à l'autonomie de la caisse dans la mesure où elle est
financée de façon aussi importante par le secteur public
québécois et, en particulier, le gouvernement. Il faisait appel,
comme illustration du phénomène, à un assez grand nombre
de placements privés que le gouvernement fait auprès de la
caisse. Ici, il y a toujours eu, depuis quelques années, dans notre
milieu, une extraordinaire ambiguïté à ce sujet. Des fonds
publics comme la Régie des rentes ou la Régie de l'assurance
automobile, là où cela existe dans d'autres provinces, ou la CSST
ou l'équivalent dans les autres provinces canadiennes, normalement
placent la quasi-totalité de leur fonds dans le secteur public -
habituellement, c'est la totalité de leur fonds; dans certaines
provinces, c'est la quasi-totalité - soit sous forme de financement
gouvernemental, soit sous forme de financement d'autorité locale, mais
tout va là.
Le produit du Canada Pension Plan est totalement prêté aux
gouvernements des provinces à un taux, d'ailleurs, très
subventionné puisque cet argent est prêté au taux de la
dette fédérale à court terme plus 0,25%, ce qui est
très inférieur au taux que ces provinces auraient à payer
sur les marchés privés. Cela s'est toujours fait comme cela. Le
Québec est le seul endroit où une très forte partie des
fonds provenant d'organismes gouvernementaux ou publics sont replacés
dans le secteur privé. Il n'y a qu'au Québec que cela se
présente. C'est le seul endroit où on peut considérer que
la règle du jeu, c'est celle-là. On me dira que le Heritage Fund
en Alberta contribue moins au financement gouvernemental. Oh non! pas moins,
pas mal plus! C'est peut-être le seul fonds, d'ailleurs, autre que
québécois qui place une partie quand même
appréciable de ses avoirs ailleurs que dans le secteur public albertain
proprement dit. Encore que, depuis deux ans, ils se sont repliés sur
l'Alberta considérablement, mais il n'y a pas de doute que la partie du
Heritage Fund qui va dans le secteur privé est beaucoup plus faible que
ce qu'on constate à la Caisse de dépôt. C'est
peut-être la seule exception dans les autres provinces. Partout ailleurs,
les fonds dont nous parlons financent le gouvernement ou les autorités
locales.
Que le gouvernement du Québec place à la Caisse de
dépôt une partie appréciable de ses emprunts et que la
Caisse de dépôt place une partie appréciable de son actif
dans des titres du gouvernement du Québec ou d'Hydro-Québec ou
des municipalités, cela n'a rien d'anormal. Ce qu'il y a d'original dans
la formule québécoise, c'est que tant d'argent de ces fonds soit
placé dans le secteur privé. C'est tout à fait original.
C'est tout à fait propre au Québec. Si, à un moment
donné, le gouvernement du Québec trouvait le moyen d'obtenir de
la Caisse de dépôt qu'elle place 80% ou 90% et, à plus
forte raison, 100% de toute l'augmentation des fonds, de tout son "cash flow"
pour un an dans des titres d'État, je comprendrais qu'on se pose des
questions sur l'autonomie de la caisse. Cela représenterait un virage
tel, par rapport aux pratiques usuelles, qu'on
pourrait dire qu'il s'est passé quelque chose. Quand, depuis que
la caisse existe, a-t-on constaté des virages comme celui-là?
Jamais. D'une année à l'autre, le pourcentage du "cash flow" de
la caisse qui va dans le secteur public - gouvernement, Hydro-Québec,
municipalités - par opposition à ce qui va au secteur
privé, change un peu, mais pas de façon spectaculaire. Depuis
quelques années, ces changements ont eu trait plutôt au fait
d'envoyer davantage de fonds dans le secteur privé, en particulier dans
un portefeuille d'actions qui représentait un pourcentage beaucoup plus
faible de l'actif total de la caisse que ce n'est le cas à l'heure
actuelle.
Je reviens au pourcentage d'actions. Il y a un an, un an et demi - c'est
peut-être moins vrai à l'heure actuelle - dans un certain nombre
de milieux, on disait: Pourquoi la caisse ne ferait-elle pas passer le
pourcentage de son actif total en actions - environ 20%, à
l'époque - de 20% à 40%? Le choix qui a été fait au
Québec n'était pas de passer de 20% à 40%, c'était
de passer, par rapport aux pratiques qui existent partout ailleurs au Canada,
de 0% à 20%. C'est un choix qui a été fait il y a
plusieurs années. L'alternative normale, dans les autres gouvernements
que nous connaissons, ne serait pas de passer de 20% à 40%, ce serait de
passer de 20% à 0%. Soit dit en passant, cela aurait beaucoup
simplifié la vie du ministre des Finances.
J'en viens maintenant - je terminerai là-dessus, M. le
Président, puisque M. Campeau y a fait allusion assez longuement -
à cette question de l'autonomie des clients par rapport au genre de
placements qu'ils pourraient vouloir, je ne veux pas dire imposer à la
caisse, car je sais que le député de Vaudreuil-Soulanges n'allait
pas aussi loin que cela quand il parlait des gérants d'estrade.
Cependant, ils pourraient avoir une influence très accentuée sur
la façon dont la caisse gère son portefeuille. Il voit
là-dedans une sorte de consécration d'autonomie plus grande de la
Caisse de dépôt et placement du Québec, de la direction de
la Caisse de dépôt. Je n'en suis pas certain. En fait, si on
procédait trop loin dans cette voie, on pourrait en arriver à
ceci: des pressions pourraient être faites auprès de chacun des
déposants, du moins un bon nombre d'entre eux, pour que les pratiques de
placement qu'ils suggèrent et qu'ils cherchent à pousser puissent
être orientées en fonction d'autres éléments que les
objectifs de la caisse.
N'oubliez pas que plusieurs des organismes dont nous parlons n'existent
pas en eux-mêmes; ce sont des organismes gouvernementaux. Je ne suis pas
du tout certain qu'il serait sage de donner à un gouvernement, quel
qu'il soit, la tentation de se dire: II me serait effectivement plus facile de
passer par la CSST, la RAAQ, la Régie des rentes du Québec, pour
orienter la politique de la caisse de dépôt. La caisse tient son
autonomie de son président et de son conseil d'administration. J'allais
dire que cette autonomie est beaucoup plus visible à ce niveau que des
influences qui pourraient s'exercer sur toute une série d'organismes
publics qui déposent de l'argent à la Caisse de
dépôt et à qui on aurait donné des pouvoirs assez
importants pour orienter les placements de la caisse. On se retrouverait, je
pense, devant un problème plus embêtant que celui qui, parfois,
préoccupe le député de Vaudreuil-Soulanges dans certaines
de ses interventions. Au moins la caisse, dans son mode de fonctionnement et
dans ce qu'elle fait, est remarquablement visible et peut l'être par
n'importe qui. Des interventions par le truchement des déposants
seraient, j'imagine, beaucoup moins visibles.
À tous égards, dans ce sens, je pense que l'espèce
d'adéquation que faisait le député de Vaudreuil-Soulanges
de l'autonomie de la caisse provenant d'une grande autonomie des
déposants était beaucoup moins étroite qu'il ne le
suggère. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, pour
m'accrocher aux propos que le ministre vient de tenir en dernier lieu, il n'en
reste pas moins qu'il est plus facile d'influencer un seul organisme que tous
ceux qui déposent dans tous les fonds particuliers, plus les deux qui
déposent dans le fonds général. À sa face
même, cela m'apparaît, au point de vue politique ou même
pratique, une entreprise assez considérable que de demander à une
dizaine d'organismes de se comporter de telle façon pour influencer le
comportement du pool qu'ils constituent, plutôt que de fixer les balises
d'une façon ou d'une autre afin de dicter ou de guider essentiellement
le comportement d'un seul organisme, qu'il soit gros ou petit. C'est la
réflexion immédiate qui me vient à l'esprit.
Par ailleurs, ce qui m'ennuie un peu dans la réponse que la
caisse nous a donnée tout à l'heure, c'est qu'elle prétend
que la recherche d'une plus grande autonomie qu'on suggère de ce
côté-ci se ferait au prix d'une dépendance vis-à-vis
de ses clients-déposants. Ma conception du rôle de la caisse est
manifestement différente de celle du président de l'organisme.
J'ai toujours pensé quand même que l'un de vos premiers devoirs
était de défendre le plus adéquatement possible la
position de vos clients-déposants et de vous assurer que leurs objectifs
soient atteints autant que possible. Vous êtes le
récipiendaire, le réservoir des dépôts que
ces gens doivent faire chez vous plutôt qu'ailleurs et, à ce
titre, on ne peut pas véritablement parler de dépendance par
rapport à vos clients, mais d'accomplissement d'une obligation qui est
vôtre en vertu, d'une part, de votre loi constitutive et, d'autre part,
des lois constitutives des autres organismes qui leur dictent de déposer
chez vous.
Dans ce sens, l'explication que vous m'avez donnée ne me
satisfait pas, d'autant plus - c'est pour cela que j'y reviens - qu'il ne
m'apparaît pas encore clairement comment on peut aujourd'hui, à la
lumière de la constitution des fonds particuliers, à la
lumière de ce que vous avez dit tout à l'heure sur la
façon dont vous êtes réceptifs, à certains
égards, aux objectifs d'investissement de ces différentes
sociétés, atteindre le degré d'autonomie minimal que vous
évoquiez il y a deux ans, environ, ici même alors qu'on parlait,
comme je vous le rappelle, du fonds particulier de la CSST? D'abord, on se
rejoignait quant à la l'impossibilité quand même pour les
déposants de vous dire d'acheter tel ou tel titre plutôt que tel
autre Je cite: "Le déposant peut émettre le souhait d'avoir des
titres à dividendes plus élevés. Dans ce cas, c'est au
gestionnaire de la caisse à bien choisir la catégorie de titres
qui lui fera rencontrer les objectifs de son déposant là-dessus,
mais il ne peut pas lui stipuler le titre lui-même." C'est bien
évident. C'est un fait qu'il peut aller un peu plus loin que ce que j'ai
dit au début, vous avez raison. Je me suis peut-être mal
exprimé sur le fonds particulier, en disant qu'en plus de
l'équité de l'action il peut déclarer qu'il veut de
l'équité plus agressive.
C'est donc, me semble-t-il à la simple lecture, quelque chose
qu'il était possible de faire pour celui qui avait un fonds particulier.
Il ne m'apparaît pas - je le répète - que tous les
déposants, dans la dizaine de fonds particuliers que vous avez
maintenant, ont les coudées franches autant que ce que vous laissiez
entrevoir, à l'époque, pour le seul et unique détenteur
d'un fonds particulier, mais c'est peut-être une mauvaise
compréhension de la façon dont les fonds particuliers sont
constitués. (11 h 15)
Si je lis les notes des états financiers, si je me rapporte
à vos explications de l'an dernier, je crois comprendre que les
différents fonds spécialisés étaient divisés
de façon qu'on attribue à chacun des déposants, en
proportion de son portefeuille théorique et à la lumière
de ses objectifs d'investissement; des unités. Ils auraient tous la
même chose. Aujourd'hui, au début de l'année 1983, dans
chaque fonds particulier, il y avait un certain nombre d'actions d'une valeur
nominale de 1000 $ représentant la valeur sous-jacente à chacun
des fonds spécialisés et je ne vois pas autre chose qu'une
homogénéisation, à l'intérieur de chaque fonds
particulier, de la valeur générale des quatre fonds
spécialisés. C'est peut-être là que je commets une
erreur. Vous voudrez bien me corriger, le cas échéant.
Par ailleurs, on trouve aux états financiers de chaque fonds la
même indication, à savoir que le fonds particulier a une valeur
fondée sur des unités qui prennent de la valeur compte tenu du
rendement d'une année à l'autre. Je ne vois pas la
différence entre des unités de 1000 $ que pourrait détenir
un fonds plutôt qu'un autre, qui sont constituées de
l'agrégat des anciens fonds spécialisés. Il ne semble pas
y avoir des unités d'une valeur de 1000 $ représentant une
portion du fonds A, du fonds H, du fonds O ou du fonds G. Vous allez
peut-être corriger cela tout de suite. Je le souhaite, d'ailleurs.
Là, on pourra comprendre que le déposant sache
immédiatement quelle est la composition de son portefeuille par rapport
à ces quatre grandes catégories. Encore une fois, je demeure
surpris de votre affirmation additionnelle à savoir que, maintenant,
chaque fonds particulier sait pertinemment quels titres il possède. Je
ne vois pas comment cela se traduit dans le mécanisme des unités
de 1000 $. On peut immédiatement dire: Votre unité de 1000 $,
c'est tant d'actions de CP ou peu importe. Cela ne ressort pas clairement, en
tout cas, des renseignements qui nous sont parvenus et, si vous pouviez
m'expliquer comment on en est venu à une situation où les clients
savent précisément quels sont les titres qui sont les leurs, cela
éclairerait passablement le débat qui va suivre.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre ou M.
Campeau.
M. Campeau: En écoutant vos commentaires, M. le
député de Vaudreuil-Soulanges, je me rends compte que notre
rapport de gestion n'est peut-être pas assez clair sur ce problème
des unités et des fonds particuliers. Il y aurait peut-être eu
lieu, étant donné que c'était la première
année, de passer un peu plus de temps dans le rapport sur le
mécanisme. D'abord, la première chose que je voudrais dire, c'est
que les fonds particuliers actuels ont la même autonomie que la CSST, il
y a deux ans. Quand on parle d'unités, c'est peut-être là
que vient le problème. Les unités sont séparées
dans un fonds. Quand vous achetez une unité, ce n'est pas une
unité comme... Chaque fonds particulier a son unité propre.
L'unité d'un fonds est basée sur l'avoir du déposant dans
ce fonds-là. Elle ne représente pas, comme autrefois, des fonds
spécialisés.
On aurait pu tout aussi bien enlever le
mot "unité". Par exemple, vous pourriez avoir un fonds
particulier 301, pour lequel vous investissez continuellement. Le
déposant discute avec nous de la répartition des actifs qu'il
veut avoir à l'intérieur de ce fonds-là. Quand il
dépose de nouveaux fonds, il achète des unités de ce
fonds-là uniquement, qui est son fonds à lui. Donc, vous pouvez
retrouver dans un certain fonds 301, une répartition de l'actif qui
n'est pas du tout la même que dans le fonds 302. Vous pourriez aussi
retrouver dans ce fonds des actions d'une certaine compagnie et ne pas les
retrouver dans un autre fonds. Notre notion d'unité vient
peut-être mélanger tout notre concept et c'est de là que
vient ce qui vous semble obscur. J'aurais de la difficulté à
établir ou à vous prouver qu'on n'aura pas, l'an prochain,
à faire un certain chapitre pour bien expliquer notre théorie
là-dessus, mais ce que je veux bien faire comprendre ici, c'est que ce
sont maintenant des fonds particuliers séparés, parce que c'est
vraiment le fonds du déposant lui-même. Les unités à
l'intérieur de ce fonds sont à lui et ce ne sont plus des
unités générales qui se promènent dans la Caisse de
dépôt.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval m'a demandé la parole.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. M. Campeau, il y a un
aspect qui a été soulevé tout à l'heure par le
député de Vaudreuil-Soulanges sur lequel j'aimerais revenir pour
obtenir des éclaircissements. Votre action concernant le projet de loi
S-31 a fait couler beaucoup d'encre. Il y a eu une diffusion d'information qui
a été très variée dans les différents
médias. On a vu, comme l'indiquait le ministre des Finances tout
à l'heure, un bon groupe d'hommes d'affaires extrêmement
importants s'associer à cette démarche. Pour la bonne
compréhension des membres de la commission et sans vous demander de
dévoiler des stratégies de placement, j'aimerais savoir quel a
été l'impact réel de ce projet de loi qui visait à
empêcher la caisse d'accéder à au-delà de 10% des
actions d'une entreprise de transport interprovincial? Bien des chiffres ont
été avancés. Des chiffres ont été
avancés également quant à la valeur des actions en
question. Il y a également dans le paysage un projet de loi S-31 qui
s'est perdu quelque part dans le décor du Parlement
fédéral.
Je voudrais d'abord savoir si vous pouvez nous donner des
éclaircissements sur tout cet aspect, nous parler des incidences
négatives que cet épisode a pu avoir sur le fonctionnement de la
caisse, d'une part. D'autre part, j'aimerais savoir si le fait que ce projet de
loi se soit perdu dans la nuit des temps vous redonne maintenant toute la marge
de manoeuvre que vous aviez antérieurement ou s'il reste dans le paysage
un peu comme une épée de Damoclès au-dessus des
institutions financières qui voudraient entreprendre certaines
démarches dans le sens de celles que vous vouliez entreprendre.
J'aimerais que nous fassiez, autant que possible, toute la
lumière sur cette question.
Le Président (M. Gagnon): M. Campeau.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, juste
une seconde...
Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je pourrais peut-être
suggérer au député de Roberval d'inviter le
président de la Caisse de dépôt et placement à un
dîner-causerie dans son comté au profit du député
parce que, quant à moi, je trouve qu'on l'a déjà
passablement entendu. C'est pourquoi, pour ma part, j'ai glissé
rapidement là-dessus. Cela fait partie du dossier public. Je me
demandais si on pouvait...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, je crois que tous les parlementaires des deux
côtés de la table ont le droit de s'exprimer ici. Jusqu'à
maintenant, je pense que le parti gouvernemental n'a pas abusé de...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non. Je ne prétends
pas cela.
M. Gauthier: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Je songe d'ailleurs à me rendre à la
suggestion du député de Vaudreuil-Soulanges. Je suis convaincu
que les gens du comté de Roberval, qui s'intéressent de plus en
plus aux débats économiques, tireraient grand avantage et grand
profit à recevoir un invité de marque comme M. Campeau. C'est
d'ailleurs dans ce but que j'ai amorcé cette chose. Je songerai à
cette suggestion de M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
Quant au fait que vous avez glissé rapidement là-dessus,
M. le député de Vaudreuil-Soulanges, vous pouvez toujours glisser
sur ce que vous voulez, cela ne m'empêchera pas d'approfondir certains
aspects qui m'intéressent particulièrement et qui, j'en suis
convaincu, intéressent grandement la population et les membres de la
commission.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'était vrai, il y a six
mois.
Le Président (M. Lachance): M.
Campeau, s'il vous plaît.
M. Campeau: Évidemment, le projet de loi S-31, on en a
parlé à la caisse pendant fort longtemps. Je pense que cela a
duré au moins un an. Si vous me demandez quel impact cela a eu sur les
rendements de la caisse, j'espère que cela n'en a pas eu ou qu'ils n'ont
pas été trop importants, du moins. Mais, évidemment, cela
a pris beaucoup de temps, si vous pensez seulement à la
préparation de nos exposés, tant au Sénat qu'ailleurs,
à notre défense devant le projet de loi S-31. Cela nous
paraissait tellement inéquitable qu'il était très facile
de se décider à prendre position.
Je dois ajouter qu'on a quand même été fort
privilégiés. Cela nous a permis de constater que tous les
citoyens du Québec, je pense, avaient la Caisse de dépôt et
placement à coeur. Cela nous a permis de mieux la faire connaître.
Je ne pense pas me tromper pas en disant qu'on a eu un appui d'à peu
près partout, de quelque région du Québec que ce soit, de
quelque formation politique que ce soit. Cet appui, évidemment, n'a pas
toujours été publié, mais nous avons eu plusieurs
rencontres qui nous ont permis de voir que les gens pensaient comme nous quant
au projet de loi S-31 et que les gens appréciaient, je ne dirais pas le
travail qui est fait à la Caisse de dépôt à l'heure
actuelle, mais l'institution qui avait été fondée en 1965.
On appréciait aussi de mieux la connaître, on sentait le besoin de
mieux la connaître. Si jamais vous m'invitez dans votre comté, il
me fera plaisir de mieux vous l'expliquer encore.
Quant à l'impact financier, il est très difficile à
établir. Au moment où la loi a été
présentée - je le répète - les actions se vendaient
aux environs de 33 $ sur le marché. Aujourd'hui, nous parlons de 43 $,
44 $ ou 45 $, à peu près. Toute action peut être bonne, ce
peut être un bon placement, tout dépend du prix. C'est à
cela qu'il faut faire bien attention et c'est pour cela que nous avons
hésité tellement longuement, à la Caisse de
dépôt, avant de publier notre portefeuille d'actions. Le fait
qu'on détienne des actions de Bell ou de Provigo ne veut pas dire
qu'aujourd'hui, c'est nécessairement un bon achat, tout dépend du
prix. Canadien Pacifique, à 33 $, nous semblait encore un bon achat. Il
y a des fois où une action est un bon achat et d'autre où c'est
à un point neutre; disons qu'aujourd'hui, c'est à un point
neutre. Si les actions montaient beaucoup, il faudrait peut-être penser
à vendre.
Cela nous a empêchés de faire des achats, il nous a fallu
nous retourner vers d'autres secteurs. Les gestionnaires de la Caisse de
dépôt étant des gens assez avertis dans les actions, ils
ont pu rapidement trouver d'autres avenues et compenser un peu ce handicap. Je
rappellerai que le Canadien Pacifique étant très fort dans le
secteur du transport, c'était quand même un stock très
important.
Aujourd'hui, nous n'avons pas l'intention d'augmenter notre
participation dans Canadien Pacifique, nous avons encore 9,9% des actions.
Quand vendrons-nous? Quand les conditions du marché nous justifieront de
les vendre. On tentera de réaliser un profit important et de travailler
sur le rendement de la Caisse de dépôt, sur le rendement de
l'actif.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai une ou deux petites
questions, M. Campeau. Dans un rapport du 2 mars 1984, vous dites: "Au cours de
l'?xercice, le conseil a veillé constamment à servir les
intérêts économiques de notre collectivité sans pour
autant sacrifier la recherche du rendement maximum sur le placement." C'est
très bien dit, mais, à mon avis, il peut y avoir un conflit. Il y
a peut-être des gens qui disent que vous ne pensez pas assez aux
intérêts économiques de la collectivité et d'autres
qui disent que vous n'avez pas pensé assez au rendement maximal sur les
placements.
Pour concilier ces deux principes - je parle peut-être en termes
laïques, mais je comprends qu'il y a peut-être une sorte de devoir
social dans le fait d'aider les secteurs de la collectivité qui en ont
besoin; d'autre part, les déposants ont le droit d'obtenir le rendement
le plus élevé possible - quels sont les barèmes
utilisés? Y a-t-il des démarches établies? Par exemple,
est-ce que le ministre des Finances - parlons en termes simples -pourrait
appeler M. Campeau, à un moment donné, pour lui dire:
Écoutez, on a un problème dans tel secteur, voulez-vous prendre
un intérêt là-dedans? Comment cela fonctionne-t-il dans la
vie de tous les jours, pour l'information d'un simple député? Y
a-t-il des règles qui existent là-dessus ou si c'est
laissé à l'imprévu?
En même temps, je voulais revenir sur quelque chose. On a eu le
fameux problème des ordinateurs avec la compagnie Comterm; on a dit que
votre caisse avait un intérêt là-dedans. Est-ce qu'elle a
un intérêt là-dedans? Y a-t-il des pressions possibles?
Pourriez-vous nous donner quelques explications sur la manière de
fonctionner?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je vais laisser M. Campeau
répondre dans un premier temps; j'aurai aussi quelques observations
à faire par la suite.
M. Campeau: Pour répondre à la partie facile de la
question, le ministre des Finances n'appelle pas le président de la
Caisse de dépôt pour lui suggérer des investissements. (11
h 30)
Deuxièmement, quant à la compatibilité du rendement
et du soutien au développement économique, je me permettrai de
vous citer la fin du paragraphe. Comme vous avez cité le début,
je citerai la fin: "Car il ne saurait y avoir à long terme de rendement
financier maximum dans un milieu économique affaibli." Or, si nous
voulons un rendement financier fort, il nous faut une économie forte au
Québec. Alors, il est évident que nous allons regarder tout
investissement au Québec d'un oeil sympathique. Cela ne veut pas dire
que nous investirons. Il y a des sociétés, au Québec, pour
donner des subventions et pour aider les compagnies, au départ. Ce n'est
pas le rôle de la Caisse de dépôt et placement, qui doit
toujours chercher un excellent rendement.
Au début de l'année, on travaille avec des
scénarios économiques qui nous permettent d'établir la
répartition de nos actifs au cours de l'année, répartition
des actifs qu'on traduit souvent en anglais par "assets mix", ce qui comprend
le pourcentage de nos revenus que nous investirons - quelque deux milliards de
dollars par année - en actions, obligations, hypothèques,
immeubles et le pourcentage que nous garderons en encaisse, c'est-à-dire
en placements à court terme.
Une fois que la répartition des actifs est faite, que les
pourcentages ont été établis, il s'agit pour nous de
choisir le secteur. Alors, si on décide de tant d'obligations disons
dans le secteur gouvernemental, on va déterminer un montant pour les
sociétés d'État, les municipalités, les commissions
scolaires, les cégeps, les universités et ainsi de suite. Et
aussi le domaine corporatif.
Si on opte pour les actions, on va choisir ou établir quels
secteurs seront les plus profitables à l'investissement. Or, il peut
arriver que, dans certaines périodes, les secteurs bancaires soient les
plus intéressants; d'autres fois, ce peuvent être les secteurs
miniers. Il s'agit de pondérer nos portefeuilles. On dit, à un
moment donné, dans le secteur des actions, qu'on passe d'un portefeuille
offensif à un portefeuille défensif. S'il est défensif,
cela veut dire qu'il résistera mieux aux soubresauts du marché,
mais les possibilités d'appréciation de capital sont aussi moins
grandes; les risques de perte sont moins grands. Cela veut dire qu'on joue de
façon plus défensive et il y a moins de chances de faire beaucoup
d'argent, mais moins de risques d'en perdre aussi.
Alors, je me demande si cela répond à votre question.
Merci.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai une courte question et un commentaire, si vous
voulez. La question est la suivante: Hier, le ministre des Finances
n'était pas capable de répondre à une question qui lui
était posée au sujet de la Caisse de dépôt et
placement; il disait qu'il ne le savait pas. Alors, on est content que vous
soyez ici ce matin. Pouvez-vous nous dire exactement combien d'actions sont
détenues par la Caisse de dépôt et placement dans la
compagnie Bytec-Comterm, quand elles ont été achetées et
à quel prix?
M. Campeau: On avait demandé à la Caisse de
dépôt et placement de fournir cette réponse au ministre des
Finances, lequel devait donner la réplique à l'Assemblée
nationale cet après-midi. Je me demande s'il va de soi... D'abord, je
n'ai pas la réponse exacte, à l'heure actuelle; j'ai fait faire
des recherches ce matin.
M. Scowen: L'Assemblée nationale, c'est l'Assemblée
nationale. Si vous pouvez nous donner la réponse, ce sera
apprécié.
M. Campeau: J'avoue être ignorant de la procédure.
Je vais demander à M. le Président ce que je dois faire à
ce sujet.
Le Président (M. Lachance): Écoutez, je pense que
nous sommes ici à la suite d'un mandat de l'Assemblée nationale.
Par contre, l'Assemblée nationale a préséance sur le
travail de la commission, d'autant plus que les discussions que nous avons ici
se font sur entente entre les deux formations politiques. Alors, M. Campeau, je
vous laisse tout à fait libre de répondre à cette
question. Oui, M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, il y avait, dans la question
qui a été posée à l'Assemblée nationale
hier, un élément se rapportant à la participation de la
Caisse de dépôt et placement dans le capital-actions de
Bytec-Comterm. Cette réponse était facile à trouver, en ce
sens qu'à partir du rapport annuel on voit bien que la caisse en
détient. Cela apparaît à la page 51 de l'annexe. Mais il y
avait le deuxième volet de la question qui a trait au moment où
ces actions ont été achetées. Je me suis fait inscrire
pour un complément de réponse cet après-midi à
l'Assemblée nationale. J'aurai les dates d'achat des actions à ce
moment-là et je les fournirai.
M. Scowen: Et le coût?
M. Parizeau: Pardon?
M. Scowen: Le prix de chaque action?
M. Parizeau: Ah! Au 31 décembre, toujours à la page
51, c'est 1 311 875 actions, pour un montant de 10 002 000 $. Vous l'avez
à la page 51 non pas du rapport principal, mais de l'annexe, enfin, les
états financiers.
M. Scowen: Depuis le 31 décembre, est-ce qu'il y a eu des
achats additionnels?
M. Campeau: Jusqu'ici, dans notre rapport annuel, on s'est
limité à dévoiler notre portefeuille au 31
décembre. Le fait de dévoiler une position aujourd'hui,
évidemment, vient dévoiler aussi notre stratégie, une
partie de notre stratégie. Vous remarquerez que nos rapports sont faits
au 31 décembre. Cela nous donne quand même deux mois et demi pour
dévoiler notre position. Alors, il peut se passer une foule de choses en
deux mois et demi, ce qui ne vient pas nuire à notre stratégie de
portefeuille.
M. Scowen: Si vous me permettez, M. Campeau, je pense que vous
comprenez que la question de Bytec-Comterm déborde un peu la question de
votre stratégie. C'est un investissement minimal pour vous, mais c'est
un investissement très important dans le cadre du débat sur la
question des ordinateurs. Dans ce cas, je vous répète la
question: Pouvez-vous me dire si, depuis le 31 décembre, vous avez
acheté des parts additionnelles de cette compagnie? Si oui, combien? Par
ailleurs, est-ce que vous en avez vendu?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, avant de
répondre à la question, je voudrais vous rappeler l'article 82 de
notre règlement qui dit ceci: "Le ministre auquel une question est
posée peut refuser d'y répondre, notamment: 1 s'il juge contraire
à l'intérêt public de fournir les renseignements
demandés."
M. Parizeau: Au contraire.
Le Président (M. Lachance): Alors, M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Parizeau: M. le Président, la question qui est
soulevée par le député de Notre-Dame-de-Grâce est
intéressante. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, d'en discuter hier avec
d'autres députés de sa formation politique,
précisément à la suite de la question qui a
été posée. J'avais l'intention cet après-midi, en
complément de réponse, de dire quelques mots à ce sujet.
Mais enfin, puisqu'on veut en discuter ce matin, parlons- en ce matin.
L'une des raisons fondamentales pour lesquelles, pendant tant
d'années, la Caisse de dépôt ne dévoilait pas le
détail de son portefeuille d'actions venait de ce que la caisse a une
importance telle sur les marchés boursiers que, si de tels
renseignements étaient dévoilés - c'était du moins
la thèse pendant plusieurs années -c'était susceptible
d'influencer le marché boursier lui-même. Après une longue
évolution que, personnellement, j'ai trouvée souhaitable - parce
que je me souviens, lorsque j'étais membre du conseil d'administration
de la Caisse de dépôt, il y a bien des années, d'avoir
insisté pour qu'on publie quand même ce portefeuille d'actions car
cela me paraissait important que les gens le sachent - cela a été
fait.
Encore une fois, j'en suis fort content, sauf qu'il ne faut pas que ce
portefeuille soit révélé pour une période trop
récente. Ce que je veux dire par là, c'est ceci. On pourrait me
demander, par exemple, par une question au feuilleton ou une question en
Chambre: Voulez-vous nous donner la liste de toutes les transactions se
rapportant à des actions de la caisse au cours des quinze derniers
jours? Non seulement ce n'est pas dans l'intérêt public, mais cela
pourrait avoir des résultats tout à fait déplorables sur
le fonctionnement de la Bourse, soit provoquer des spéculations inutiles
ou faire en sorte que des gens se disent: Si la caisse achète depuis
quinze jours, ce doit être bon. Ou alors, on pourrait interpréter
diversement les ventes ou les achats de la caisse. Je crois que ce n'est pas
dans l'intérêt public.
Dans le cas de Bytec-Comterm, évidemment, il y a un débat
qui porte non pas sur les achats ou les ventes de la caisse, mais sur autre
chose, c'est-à-dire le contrat d'achat des ordinateurs. Il est
évident que cela provoque beaucoup d'intérêt dans toute
espèce de milieu et à l'Assemblée nationale. Ce que je
voulais faire, avant d'entrer en Chambre, c'était de discuter avec M.
Campeau de ce qu'on peut considérer, encore une fois, comme étant
contraire à l'intérêt public dans le sens que je viens de
l'expliquer. D'autre part, il y a ce qu'on peut fournir comme renseignements
nécessaires à la compréhension du dossier.
Avant que ma position soit prise à cet égard, comme
l'article 82 me permet de le faire, j'aimerais en discuter quand nous
sortirons. Je devais voir M. Campeau vers 9 h 30 ce matin mais, à cause
d'une réunion interministérielle que j'ai eue, cela n'a pas
été possible. Je vais le voir à l'heure du lunch et,
à l'Assemblée nationale, je prendrai position à cet
égard en fournissant autant de renseignements que je peux en fournir,
compte tenu de ce que je viens de dire.
M. Scowen: M. le Président, permettez-
moi de dire que je trouve la réponse du ministre totalement
irresponsable, et pour deux raisons...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
vous arrête. Je vous réfère à l'article 82,
dernière ligne, dont le libellé est très clair: "Le refus
de répondre ne peut être discuté."
M. Scowen: M. le Président...
Le Président (M. Lachance): Si vous voulez intervenir, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous pouvez le faire,
mais pas à partir de la réponse qui vient d'être
donnée par le ministre des Finances.
M. Scowen: Je ne fais aucune allusion aux déclarations qui
ont été faites par le ministre.
Le Président (M. Lachance): Parfait. Allez-y!
M. Scowen: J'espère que le député de
Chambly, M. Tremblay, m'écoute, parce que c'est lui qui m'inspire ce
matin.
Il est question, pour moi, du rôle de cette commission et je pense
que l'expérience qu'on vient de vivre depuis les dernières cinq
ou dix minutes doit être cause de réflexion pour tous les membres
de cette commission. Je m'arrête là, mais je pense que
l'expérience des dix dernières minutes met en cause, d'une
façon assez importante, le rôle de cette commission.
Ceci étant dit, la question a été posée au
ministre des Finances vers 15 h 30 hier après-midi et il existe des
moyens de communication modernes entre Montréal et Québec, si le
président était à Montréal, ce qui aurait permis au
ministre ou aux membres de son personnel d'obtenir immédiatement les
informations sur cette question. Ce n'est pas une question d'attendre à
9 h 30 et connaissant le ministre et son équipe, il peut être
immédiatement mis en contact avec le président pour obtenir les
informations qu'il n'avait pas et qui étaient certainement d'une
importance exceptionnelle.
Je répète ma demande à M. Campeau, parce que le
ministre des Finances dit qu'il ne le sait pas. Est-ce qu'il peut nous dire si,
depuis le 31 décembre, la Caisse de dépôt et placement du
Québec a augmenté ou réduit son portefeuille d'actions
dans la compagnie Bytec-Comterm et, si oui, de combien? C'est une question de
fonds publics qui relève de l'Assemblée nationale. Il est certain
que, dans le sens large -je vais terminer...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, il y a une question de règlement qui est
soulevée par le député de Chambly. Je voudrais
l'entendre.
M. Tremblay: Ce matin, j'étais bien heureux que le
député de Notre-Dame-de-Grâce me donne son appui. Je l'ai
beaucoup apprécié. Là, je suis malheureux de devoir
être en désaccord avec lui. Laissez-moi finir ma question de
règlement.
Le député est perdu dans le règlement. Nous sommes
ici, ce matin, pour étudier les crédits du ministère et il
y a, traditionnellement - notre règlement le prévoit - une
période où les gens peuvent poser des questions
générales ou faire des interventions générales. Le
ministre...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: ...n'a pas d'obligation...
Le Président (M. Lachance): De toute évidence, M.
le député de Chambly, votre intervention ne se rapporte pas
à une violation de notre règlement. Je vous arrête.
M. Tremblay: C'est une incompréhension globale de la part
du député de Notre-Dame-de-Grâce de ce que nous faisons
ici. (11 h 45)
M. Caron: Moi aussi, je voudrais avoir une directive de votre
part. Depuis nombre d'années, vous savez qu'on ne peut pas poser toutes
les questions à l'Assemblée nationale. On est limité par
le temps. Alors, pour une raison ou une autre, les réponses de certains
ministres sont très courtes. C'est pratique, parce qu'on peut en poser
d'autres, même du côté ministériel. On se dit: C'est
durant l'étude des crédits qu'on peut poser toutes les questions
qu'on souhaite, aussi bien du côté de l'Opposition que du
côté ministériel.
Je pense que la question de mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce est très bien placée. C'est ici qu'on a
l'occasion de demander des renseignements aux hauts fonctionnaires qui sont
présents; je pense que c'est la place pour les demander. Ils ne sont pas
à l'Assemblée nationale et ils ne peuvent pas nous
répondre. Si le gouvernement n'a rien à cacher, c'est le temps de
le dire et de le prouver.
J'endosse le geste du député de Notre-Dame-de-Grâce.
C'est la place pour poser cette question. Si le ministre ne veut pas
répondre...
M. Tremblay: Je voudrais savoir où est la pertinence?
M. Caron: Un instant, ce ne sera pas long, monsieur! Je vous ai
laissé parler tout à l'heure, laissez-moi parler à mon
tour.
M. Tremblay: Quel est le règlement qu'il évoque,
quel est l'article?
M. Caron: Si le ministre ne veut pas répondre, il sera
jugé en conséquence. Le député de
Notre-Dame-de-Grâce a sa place ici pour poser des questions soit au
ministre ou aux hauts fonctionnaires de la Caisse de dépôt.
Le Président (M. Lachance): D'abord, je dois vous dire, M.
le député de Verdun, que ce n'était pas une question de
règlement...
M. Caron: Je demandais une directive.
M. Tremblay: Et il a fait des affirmations tout le temps.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly, s'il vous plaît, veuillez me faciliter la tâche! Je
voudrais dire que, s'il est exact que les députés ont la
possibilité de poser toutes les questions qu'ils veulent en commission,
de la même façon, le ministre responsable a la possibilité,
lorsqu'il juge que c'est contraire à l'intérêt public, de
ne pas répondre aux questions. Alors, c'est ce qui vient de se produire.
Il y a un article très précis de notre règlement et, moi,
je dois voir à ce que cet article soit respecté, M. le
député de Verdun. Si on change le règlement, je n'ai pas
d'objection, mais, pour le moment, je me conforme à la lettre du
règlement. Vous aurez peut-être d'autres moyens de poser des
questions si vous le jugez à propos. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je vais terminer assez rapidement sur ce point, parce
que j'en ai un autre. Vous avez dit que vous hésitiez à
révéler si vous aviez acheté des actions dans cette
compagnie depuis le 1er janvier, parce que cela pourrait affecter la
stratégie de votre groupe. C'est un achat qui ne peut pas
dépasser 5 000 000 $ additionnels, j'imagine, ou 10 000 000 $, à
la limite, d'investissement et je...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous essayez de faire indirectement ce que je vous
ai interdit de faire directement.
M. Scowen: Non, je m'excuse. Laissez-moi terminer la question et,
après, vous pourrez décider...
Le Président (M. Lachance): Vous lancez des chiffres et
vous essayez d'obtenir des confirmations. Je ne peux pas accepter que vous
continuiez...
M. Scowen: Je pose une autre question.
Le Président (M. Lachance): Vous faites le tour...
M. Scowen: Je suis en train de poser une autre question. Le
président a dit qu'il ne peut pas, qu'il ne veut pas répondre
à la première question, à savoir s'il y avait des achats
additionnels depuis le 1er janvier. Il dit que c'est parce que cela peut avoir
une influence négative sur la stratégie de la Caisse de
dépôt. Je voudrais qu'il soit plus précis. Comment est-il
possible de dévoiler des chiffres sur une affaire aussi petite quand
vous détenez un portefeuille d'actions qui est rendu à presque 2
000 000 000 $? Comment pouvez-vous justifier ce refus sur une base de
stratégie? Il me semble que c'est se cacher derrière quelque
chose de complètement idéaliste.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
vous répète le libellé de l'article 82, dernière
ligne: "Le refus de répondre ne peut être discuté." Alors,
ils n'ont pas à justifier le fait de ne pas répondre à
cette question. C'est très clair.
M. Scowen: C'est de toute beauté!
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, puisque le
député de Notre-Dame-de-Grâce insiste sur le fait qu'il a
posé une deuxième question, avec votre permission, je
souhaiterais aussi lui présenter une deuxième réponse, si
je peux le faire. Le député de Notre-Dame-de-Grâce, pas
plus dans sa deuxième question que dans sa première - j'ai dit
qu'en vertu de la première j'invoquais l'intérêt public -ne
comprend ce que j'ai essayé d'expliquer tout à l'heure.
Le problème ne consiste pas à considérer les
transactions d'une compagnie en particulier, sous prétexte que cette
compagnie représenterait, dans l'ensemble du portefeuille de la caisse,
quelque chose de relativement mineur. C'est cela, le sens de sa deuxième
question. Ce n'est pas cela qui est en cause. C'est le fait que, si on
crée un précédent comme celui-là - même dans
l'hypothèse où il n'y aurait pas eu de transaction du tout, dans
le cas qui nous préoccupe - il n'y a rigoureusement rien pour
empêcher que, littéralement, à tout bout de champ, on
demande de l'information sur toute une série de placements de la caisse
-en actions, je parle.
Du côté des obligations, le problème ne se
présente pas de la même façon mais, du côté
des actions de la caisse, que l'on puisse demander à la moindre
agitation, par rapport à un stock quelconque à la Bourse, au
cours des 48 dernières heures, d'indiquer où en sont ses
transactions, cela, c'est contraire à l'intérêt public.
C'est dans ce sens-là que je l'invoque, tout en fournissant pas mal de
renseignements à l'Assemblée nationale, cet
après-midi. J'invoquerai aussi l'intérêt public
à ce moment-là.
M. Scowen: Si vous ne révélez pas les achats faits
depuis le 1er janvier, vous allez avoir beaucoup de misère à
défendre cela auprès de l'opinion publique pendant les prochains
jours. Préparez-vous!
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Scowen: C'est, hélas! un avertissement, une bonne
pensée envers un collègue à qui je souhaite le moins de
problèmes possible.
M. Parizeau: M. le Président...
M. Scowen: Est-ce que je peux poser ma deuxième
question?
Le Président (M. Lachance): M. le ministre a la parole.
Vous lui avez posé une première question ou, enfin, vous avez
fait des commentaires; je pense qu'en réplique il peut répondre
aux commentaires.
M. Parizeau: M. le Président, je remercie le
député de Notre-Dame-de-Grâce pour la sollicitude qu'il a
à mon égard.
Le Président (M. Lachance): Mme la députée
de Johnson, qui attend patiemment son droit de parole.
M. Scowen: J'avais une autre question.
Le Président (M. Lachance): Mme la
députée.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Dans votre rapport de
gestion, M. Campeau, tout comme dans les journaux, on a pu lire que pour la
première fois la Régie des rentes du Québec a
puisé, en 1983, 157 000 000 $ à même les quelque 958 000
000 $ de revenus de placements, pour faire face à ses obligations
courantes. Est-ce que vous pourriez informer les membres de cette commission
à savoir si vous prévoyez que, l'an prochain, il y aura aussi une
ponction ou si vous avez d'autres mécanismes pour prévoir une
chose comme celle-ci?
Le Président (M. Lachance): M.
Campeau.
M. Campeau: Selon nos prévisions, la Régie des
rentes du Québec viendra encore prendre une portion de ses revenus de
placements dans l'année 1984. Alors, si vous vous reportez à la
page 18, on voit que, sur 958 000 000 $ de revenus de placements, l'an
passé, comme vous l'avez dit tout à l'heure, la Régie des
rentes du Québec a prélevé 157 000 000 $; donc, le fonds
n'a augmenté que de 801 000 000 $. Mais le fonds de la Régie des
rentes en soi n'a pas diminué; le fonds de capital n'a pas
été touché, c'est seulement une partie des revenus qui ont
été utilisés par la Régie des rentes. Alors, cette
partie des revenus sera plus importante en 1984 qu'en 1983, la partie des
revenus utilisée par la Régie des rentes.
Alors, le fonds continuera quand même de croître en 1984. Il
ne croîtra qu'avec une partie de ses revenus.
Mme Juneau: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Juste une question, M. le Président. Il y a une
chose qui m'inquiète, c'est quand le ministre des Finances a dit que
c'était dans l'intérêt public. Je comprends très
bien le principe, mais il y a deux principes en jeu: il y a ce principe de
l'intérêt public et il y a aussi le principe qu'on a le droit,
dans une commission comme la nôtre, d'obtenir tous les renseignements
possibles quand il s'agit d'un cas où il y a des soupçons. Tout
le monde est d'accord, on ne parlera pas ici de l'investissement en soi, mais
j'espère que le ministre des Finances, quand il donnera sa
réponse plus tard, cet après-midi, prendra en
considération ces deux principes. Autrement, ce sera bien difficile car,
chaque fois qu'il y a un problème, on se cache derrière le
principe de l'intérêt public. Il faut tout de même
démontrer que la violation du principe de l'intérêt public,
cela existe. Il faut choisir entre les deux principes. J'espère que cet
après-midi, peut-être, on aura plus de renseignements qu'on n'en a
ici.
M. Parizeau: M. le Président.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: Je pense que cela va être une des
règles à établir dans le fonctionnement de cette
commission. Je vous rappelle cependant que trois organismes sur cinq que nous
allons entendre aujourd'hui ne participent même pas au mandat de la
commission. On les a fait venir simplement selon une entente entre nous. Le
fonctionnement d'une commission pour l'étude des crédits a
été élargi. Il faudra, je pense, dans le rôle de la
commission des finances, dans son déroulement dans les mois qui
viennent, savoir et déterminer les règles de fonctionnement qui
seront établies à l'occasion d'une séance de la commission
portant spécifiquement, comme le règlement le prévoit, sur
une société d'État. Ce sont
des choses qui, aujourd'hui, ne sont pas établies du tout puisque
nous avons simplement décidé que trois organismes qui ne relevant
pas de l'examen des crédits, en tout état de cause, viendraient
s'asseoir à cette table et discuter. Nous n'avons pas
déterminé, en vertu de cette deuxième partie de notre
règlement lorsque c'est prévu, M. le Président, qu'une
fois par année la commission entend un organisme ou une
société d'État... J'imagine qu'il y aura aussi des
règles et il faudra déterminer comment ces règles se
concilient avec un intérêt public correctement compris. Je n'ai
pas l'impression, en invoquant ce que j'ai invoqué ce matin à ce
sujet, de faire preuve d'autre chose que d'une prudence
élémentaire par rapport à l'intérêt public
lui-même.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. Campeau, vous avez commencé votre
intervention ce matin en défendant vos interventions publiques, ce que
j'ai bien compris, il n'y a pas de problème. Le ministre vous a
appuyé, il pense que cela va de soi que vous défendiez les
intérêts de vos déposants et de la caisse comme organisme.
Cela m'amène à une réflexion sur cette question de
l'indépendance de la caisse. On en a beaucoup parlé depuis des
années et je sais que l'affaire ne sera jamais très claire. Comme
vous le savez, dans votre charte, vous avez trois mandats. Il y en a un qui, si
je ne m'abuse, dit: De contribuer au développement économique du
Québec. C'est à peu près cela. Il y a deux façons
de concevoir ce mandat. La première - en respectant l'autonomie de la
caisse de dépôt - c'est de donner au conseil d'administration de
la caisse le droit et la responsabilité de comprendre l'économie
du Québec et de prendre d'une façon autonome les décisions
qu'il pense être à l'avantage de l'économie du
Québec sans tenir compte des orientations du gouvernement ou des
suggestions qui pourraient être faites par le ministre.
Une autre façon de concevoir ce mandat, c'est de dire: Le
développement économique du Québec, les grandes
orientations sont la responsabilité du gouvernement. Nous avons la
responsabilité d'aligner nos politiques sur celles du gouvernement parce
que c'est lui qui décide, par définition, de l'orientation que
doit prendre l'économie du Québec.
J'ai l'impression que c'est selon la deuxième façon que
vous avez toujours agi, que vous avez toujours pris vos décisions. J'ai
l'impression que, très souvent, les gestes que vous avez posés,
surtout depuis que vous êtes devenu président, qui étaient
fidèles au deuxième ou au troisième aspect du mandat de la
caisse qui est de développer l'économie, vous ont
été suggérés, directement ou indirectement, de
près ou de loin, par le gouvernement.
Le Président (M. Lachance): Je m'excuse. Je vous signale
qu'on dépasse midi, heure qui nous avait été fixée
par mandat de l'Assemblée. Si vous désirez continuer
peut-être quelques minutes, pour reprendre le retard de ce matin, on me
signale que...
M. Scowen: Je vais terminer... M. Parizeau: 12, 13
minutes.
Le Président (M. Lachance): 13 minutes
précisément. S'il y a consentement des membres de la
commission...
M. Scowen: Je vais être assez bref. Je pose la question
parce que je pense que ce serait un peu irréaliste que vous disiez: On
ne s'aligne pas sur la politique économique du gouvernement, mais...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
dois vous arrêter. Je viens d'entendre le député de Chambly
dire qu'il ne consent pas. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Tremblay: Effectivement, il n'y a pas de consentement.
Le Président (M. Lachance): La commission est
ajournée sine die, en attendant un nouvel ordre du leader de la
Chambre.
Je remercie madame et messieurs les représentants de la Caisse de
dépôt. Le tout sera terminé. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise de la séance à 15 h 35)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration se réunit aux fins
d'étudier les crédits budgétaires du ministères des
Finances pour l'année financière 1984-1985.
Je demanderais au secrétaire de la commission si des
remplacements ont été indiqués.
Le Secrétaire: M. le Président, aucun remplacement
ne nous a été indiqué.
Le Président (M. Lachance): Merci. Selon l'ordre qui avait
été préétabli concernant les organismes
rattachés au ministère des Finances, après avoir entendu
ce matin la Caisse dépôt et placement, nous en sommes à la
Commission des valeurs mobilières.
M. Tremblay: Justement, le leader est là. J'aimerais
connaître la directive qui nous a été donnée par la
commission de l'Assemblée nationale, hier. Vu la présence du
leader, on pourrait peut-être avoir un rapport sur cela.
Vous êtes interpellé, M. le leader. Est-ce qu'on peut avoir
votre présence à la commission pour deux minutes?
J'aimerais connaître la directive que la commission de
l'Assemblée nationale nous a donnée quant à la
procédure pour l'étude des crédits du ministère des
Finances.
M. Bédard: II est bien clair que c'est l'étude des
crédits d'un ministère dont la responsabilité appartient
au ministre. Ce n'est pas un moyen détourné pour essayer de faire
comparaître des commissions ou des organismes. Si le ministre veut en
prendre l'initiative, il appartient à l'initiative du ministre de faire
répondre à une question par un membre d'organisme, s'il le juge
à propos, ou non, s'il croit que ce n'est pas nécessaire, mais ce
n'est pas un exercice qui aurait pour effet de faire témoigner des
organismes par le biais de l'étude des crédits. Je pense que les
nouvelles commissions peuvent se donner ce droit d'entendre des organismes par
initiative, mais il faut que ce soit à partir d'une décision
prise en ce sens par une commission.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, si je comprends bien, nous
allons procéder selon la tradition de l'étude des crédits,
c'est-à-dire que chacun des députés a une période
de vingt minutes où il peut poser ses questions au ministre et le
ministre peut faire répondre une autre personne au cours de cette
période de vingt minutes et, par la suite, nous passerons à
l'étude des crédits programme par programme.
Le Président (M. Lachance): Dans le règlement, il
est spécifiquement question, lors de l'étude des crédits,
d'un droit de parole de vingt minutes par élément. Or,
jusqu'à maintenant, nous n'avons pas abordé, comme telle,
l'étude des crédits selon l'ordre dans lequel ils se trouvent. Je
pense que le fonctionnement que nous avons eu jusqu'à maintenant - c'est
mon opinion - a été assez satisfaisant pour permettre au
ministre, lorsqu'il le désire, de laisser la parole au porte-parole de
l'organisme qui relève de sa juridiction. C'est bien clair, comme je le
disais ce matin, que le ministre possède entière liberté
de laisser la parole au président ou au porte-parole de l'organisme
concerné et ceci n'est, en aucune façon, un droit établi
à partir du règlement. C'est laissé à la
discrétion du ministre.
M. Tremblay: M. le Président, je suis en parfait accord
sur cela, mais la seule chose que je voudrais vous faire remarquer, c'est qu'il
n'y a pas de changement ni de précédent dans le fait qu'au
début d'une commission où on étudie les crédits
d'un ministère, chacun des députés peut, s'il le
désire, s'exprimer durant 20 minutes d'une façon
générale. On le faisait auparavant, ce n'est pas changé.
Je prétends que ce que nous faisons présentement, nous utilisons
cette disposion que nous permet le règlement.
Le Président (M. Lachance): Certainement, M. le
député de Chambly.
M. Tremblay: Alors, nous sommes d'accord.
Le Président (M. Lachance): Je crois qu'on peut maintenant
procéder. J'invite le ministre des Finances à nous
présenter les personnes à la table.
Commission des valeurs mobilières
M. Parizeau: M. le Président, à ma droite, se
trouve M. Paul Guy, le président de la Commission des valeurs
mobilières du Québec, qui présentera maintenant ceux qui
l'accompagnent.
M. Guy (Paul): M. le Président, à ma droite
immédiate, M. Raymond Hardy, chef du service de la gestion interne et du
personnel de la commission et, à mon extrême droite, M.
Frédéric Laberge, responsable de la division de la gestion
interne à la commission.
Le Président (M. Lachance): La parole est au
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci. Bienvenue à M. Guy et à ses
collègues.
Je veux demander la permission au ministre de poser quelques questions
à M. Guy, parce que, cette année, la commission même a pris
un certain nombre de décisions dont une est connue maintenant sous le no
6861 et qui était une décision, semble-t-il, assez importante. Ce
n'était pas une décision du ministre ou du ministère comme
tel, mais une décision de la commission. J'aimerais inviter M. Guy
à nous parler brièvement de la décision et du
raisonnement, où elle peut vous mener et surtout de parler
brièvement du fait qu'il y a une étude faite
spécifiquement pour les fins de régler ce problème et qui
a proposé une solution qui était tout à fait le contraire
de celle qui a été finalement adoptée par la
commission.
Alors, j'aimerais commencer. Je pense que tout le monde est d'accord
pour dire que c'est un élément important à nos
activités
cette année. J'aimerais que vous nous expliquiez ce qui est
arrivé et ce que vous pensez que seront les avantages et les
conséquences de cette décision.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: Je vais céder la parole à M. Guy.
M. Guy: M. le Président, je vais remonter un peu en
arrière pour essayer de faire brièvement l'historique de ce
dossier. Une des premières étapes remonte au début de
l'année 1981 où les bourses et les associations de courtiers au
Canada avaient proposé que les courtiers puissent à l'avenir
faire appel publiquement à l'épargne pour placer leurs titres
auprès du public et, de cette façon, financer leurs
activités en vendant leurs propres actions au public. À partir de
ce moment-là, il y a eu de ces organismes certaines propositions qui ont
été faites aux Commissions de valeurs mobilières dans tout
le Canada. Des audiences publiques ont été tenues à ce
sujet et ont donné lieu, à la suite d'un accord entre la
commission du Québec, de l'Ontario et de la Colombie britannique,
à une décision dans laquelle les commissions s'étaient
mises d'accord pour permettre ce mode de financement aux courtiers, mais en
enlevant certaines propositions, certaines restrictions qui ont
été faites par les Bourses. Notamment, les commissions se sont
mises d'accord sur le fait que toute personne pourrait acquérir plus de
10% des titres d'un courtier, mais pour autant qu'elle obtenait la permission
des Commissions de valeurs mobilières et des Bourses concernées
et aussi, que pour exercer une autre activité que celle du courtage
mobilier comme tel, les courtiers devaient obtenir la permission des Bourses et
des commissions. Alors, à la suite de cette décision, il y a eu
des rencontres entre la commission du Québec, la commission de
l'Ontario, la Bourse de Toronto et la Bourse de Montréal, sur deux
éléments de cette décision. (15 h 45)
Ce sont les derniers éléments que je viens de mentionner
qui, d'après les Bourses, devaient faire l'objet d'une nouvelle audience
des commissions pour discuter de ces deux points précis qui sont la
diversification de l'activité d'un courtier et aussi la
propriété des courtiers. L'argument étant à ce
moment que ces sujets n'avaient pas été traités
suffisamment bien lors des audiences de 1981. La commission a accepté de
suspendre cette partie de la décision de 1981 et de tenir plus tard
d'autres audiences sur ce sujet. La commission de l'Ontario a fait de
même. J'essaie d'aller aussi vite que possible dans ce dossier. À
la commission au Québec, on s'était aussi mis d'accord avec la
Bourse de Montréal pour former un comité qui soumettrait un
rapport lors des audiences, c'était quand même un rapport parmi
d'autres intervenants, un intervenant parmi d'autres à l'audience qui
avait été prévue. La commission de l'Ontario a rendu une
certaine décision à la fin de l'année 1982. La commission
du Québec, après avoir tenu ses audiences, a rendu sa
décision le 15 juin 1983. Maintenant, selon les éléments
essentiels de cette décision, un courtier pouvait diversifier son
activité dans certaines limites et selon certaines conditions qui sont
énumérées dans la décision.
Deuxièmement, qu'une personne pouvait détenir plus de 10%
des titres d'un courtier pour autant qu'il obtienne la permission de la
commission et que ce n'était pas contraire à
l'intérêt public que cette personne détienne plus de 10%
des titres d'un courtier. L'autre partie de la décision permettait de
conclure qu'une institution financière pouvait également obtenir
de la commission une inscription à titre de courtier; il n'y avait rien
de nouveau dans cette partie de la décision contrairement à ce
qui a été rapporté dans les médias, ce que
plusieurs personnes pensent. Même sous l'ancienne loi, il était
possible, il y en a eu même un certain nombre, à une institution
de s'inscrire à titre de courtier auprès de la commission. Il n'y
a jamais eu d'interdiction à ce niveau. La décision 6861 a
précisé un certain nombre de conditions qui n'existaient pas
auparavant concernant l'inscription des institutions. On a mis certaines
balises concernant l'inscription des institutions qui n'étaient pas
là auparavant. Ce n'est pas quelque chose qui était nouveau. Si
on regarde les deux autres aspects, la commission a tenu des audiences de
quelques jours, elle a délibéré longuement et elle est
arrivée à la suite de cette délibération à
la conclusion qu'il était dans l'intérêt public, et non pas
contraire à la protection des épargnants au Québec, de
permettre la diversification d'un courtier, selon certaines limites, les
conditions qui sont énumérées à la décision,
et également de permettre dans certains cas qu'une personne
détienne plus de 10% des titres d'un courtier.
M. Scowen: Merci, juste quelques questions précises.
L'aspect qui a suscité le plus d'intérêt, c'est l'aspect
qui donnait le droit à n'importe quelle organisation soit
québécoise ou étrangère, d'acheter des parts sans
limite à un courtier. Je pense que c'est la partie de la chose qui a
créé le plus d'intérêt. Il est vrai que
l'étude qui a été préparée par le groupe de
travail quant à la diversification et la participation des institutions
financières a recommandé le contraire. C'est aussi vrai, si je ne
m'abuse, qu'il y avait au moins deux membres de la
commission qui ont émis une opinion opposée à celle
de la majorité et qui ont appuyé le rapport du groupe de travail.
Je soulève ces points, parce que c'est clair qu'il y a une
différence d'opinions quant à cette idée. Je peux ajouter
que c'est une règle qui existe au Québec, mais non pas dans les
autres provinces, certainement pas en Ontario, le plus grand marché.
Pouvez-vous me dire, premièrement, quelles sont les raisons essentielles
qui vous ont amené à vous opposer à la recommandation du
groupe de travail et à supporter l'idée d'ouvrir l'affaire
à 100% et, deuxièmement, s'il existe encore des oppositions
à cette décision?
M. Guy: Premièrement, s'opposer aux recommandations du
groupe de travail, je dis ce que j'ai dit tout à l'heure: Le groupe de
travail n'était qu'un intervenant parmi un certain nombre d'intervenants
à l'audience de la commission.
M. Scowen: Combien?
M. Guy: La commission ne s'est pas nécessairement
opposée aux recommandations du groupe de travail, elle a pris une
décision après avoir entendu toutes les parties qui se sont
présentées à l'audience. Alors, j'admets que la
décision de la commission n'allait pas dans le sens de la recommandation
du groupe de travail. C'est exact.
M. Scowen: M. Guy, puis-je seulement préciser un point?
À moins de me tromper, le groupe de travail dont je parle a
été créé conjointement par votre commission et la
Bourse de Montréal. Vous dites aujourd'hui que ce n'en était
qu'un parmi un nombre d'intervenants, mais il me semble qu'un groupe de travail
créé par la commission même pour étudier l'affaire
n'est pas exactement un parmi plusieurs.
M. Guy: Non.
M. Scowen: Est-ce vrai que, pour vous, cette commission n'avait
pas un statut différent des autres personnes qui ont
présenté leur opinion?
M. Guy: Absolument pas, parce qu'il a été
très clair quand ce groupe de travail a été
créé que ce groupe ne visait pas à faire une
recommandation et la commission n'était tenue, en aucune manière,
aux conclusions de ce groupe de travail. Tout ce que la commission a fait, cela
a été de trouver une ou deux personnes pour faire partie du
groupe, mais ce n'était pas un groupe de travail qui préparait un
rapport pour le bénéfice de la commission. Je ne l'ai pas avec
moi, mais si vous relisez l'avis qui a été publié au
bulletin de la commission lors de la création de ce groupe de travail,
vous verrez que c'était très clair dans l'esprit de la
commission. A-t-il eu une importance un peu plus grande qu'un autre
intervenant? C'est possible. Quand même, il y avait un certain nombre de
personnes et son rapport a plus d'importance qu'un individu qui s'est
présenté devant la commission; mais, à part cela,
c'était quand même un intervenant parmi le groupe
d'intervenants.
Deuxièmement, l'autre question que vous m'avez posée?
M. Scowen: C'est clair qu'il y a des opinions qui
diffèrent.
M. Guy: Ah oui!
M. Scowen: Est-ce que, d'après vous, tout le monde a
accepté la décision? Vous trouvez-vous aujourd'hui devant une
opposition à cette décision? En particulier, pensez-vous que cela
peut avoir des retombées négatives pour l'intégration du
marché canadien?
M. Guy: Pour la première question: Est-ce que tout le
monde a accepté? Je pense que ce ne serait pas juste de dire oui. La
réponse est non. Du côté des courtiers en valeurs
mobilières, très peu de courtiers acceptent. Ici, je dois
souligner que ce n'est pas la première fois que les courtiers
n'acceptent pas une décision venant aussi bien de notre commission que
d'autres commissions. Je peux vous souligner qu'en 1984 la commission
américaine avait demandé aux bourses d'abroger les règles
concernant les taux fixes de courtage et qu'elle a rendu une décision
pour abroger effectivement ces taux le 1er mai 1985 et que ce n'est que le 30
avril 1985 que les bourses et les courtiers ont finalement accepté de ne
pas contester la décision de la Securities and Exchange Commission. Tout
le monde réalise aujourd'hui que la décision était
excellente. Quand la commission a abrogé les taux de courtage au
Québec en même temps que la commission de l'Ontario a
abrogé les taux de courtage fixes sur la Bourse de Toronto le 1er avril
1983, cela n'a pas été accepté non plus par l'industrie.
Alors, c'est une autre de ses décisions. Je ne vous le cacherai pas.
C'est évident qu'à l'heure actuelle il n'y a pas une acceptation
totale des courtiers sur cette décision-là. Cela ne veut pas dire
que la décision est mauvaise pour cela. Dans l'esprit de la commission,
les retombées qu'on y voit non seulement ne sont pas négatives,
mais elles sont très positives. Elles vont permettre de
développer au maximum un potentiel qui existe au Québec et qui
n'est peut-être pas développé à son maximum
actuellement. Cela va permettre d'avoir de nouveaux intervenants dans le
marché et cela va aussi amener plus de concurrence avec les
intervenants en place présentement.
Je pense qu'il n'y a pas, à court terme, de risque ou de danger
qu'il y ait une prise de contrôle de plusieurs courtiers canadiens par
des institutions financières, car c'est permis, comme vous venez de le
dire, exactement au Québec actuellement. Alors, je pense qu'il faut
être assez réaliste, il ne faut pas penser qu'il va y avoir,
demain matin, un changement énorme dans l'industrie.
M. Scowen: Pouvez-vous me dire que si l'une de vos
préoccupations comme président de la Commission des valeurs
immobilières est de favoriser une plus grande intégration des
marchés boursiers et de tout le marché secondaire avec le reste
du Canada? Si c'est une priorité, est-ce que vous pensez que cette
décision va dans cette direction?
M. Guy: C'est certainement une de nos priorités. Non
seulement une de nos priorités, mais, depuis que je suis là en
1981, la commission a toujours travaillé dans ce sens. Je pourrais
signaler plusieurs décisions de la commission, notamment les prospectus
simplifiés, les ententes avec l'Ontario récemment sur le
régime concernant les offres publiques, les ententes avec les autres
commissions pour uniformiser et intégrer les marchés le plus
possible. Il y a une différence entre intégrer des marchés
au Canada, tout le monde est d'accord qu'il devrait y avoir un marché de
valeurs mobilières intégré, et des situations qui visent
l'exercice de l'activité d'un courtier. Et là, il n'est pas
nécessaire, dans l'esprit de la commission, qu'il y ait
intégration ou uniformité en ce qui concerne l'exercice d'une
activité de courtier. Un courtier pourrait fort bien exercer une
activité au Québec qu'il ne peut pas exercer ailleurs. Et cela ne
met nullement en danger l'intégration du marché canadien.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, quelques mots dans la
même foulée. Il faut établir une distinction entre la
situation actuelle des courtiers, disons, sur la place de Montréal parce
que c'est surtout là que leurs activités s'exercent au
Québec, et le développement du courtage. Cela n'est pas la
même chose. C'est un secret de polichinelle que, depuis un certain nombre
d'années, les maisons de courtage ont eu, pour un bon nombre d'entre
elles, des problèmes indiscutables de croissance. Sans doute, une
d'entre elles, il y a une sorte de vaisseau amiral dans la profession. Il y a
une très grande maison de courtage de Montréal qui a
étendu ses affaires considérablement et qui a pris beaucoup
d'ampleur depuis quelques années, mais on ne peut pas dire la même
chose de l'ensemble de la profession. Nous avons assisté à des
fusions, dans certains cas, inévitables. La base de capitalisation de
plusieurs de ces maisons est, depuis fort longtemps, notoirement
insuffisante.
Donc, le problème se présente. La façon dont on
peut renforcer l'activité de courtage et le moyen utilisé par la
Commission des valeurs mobilières me semblent être tout à
fait orientés dans cette voie. Je pense, comme le disait le
président de la commission, que nous devrions voir d'ici un certain
nombre d'années cette fonction de courtage considérablement
consolidée, solidifiée, par rapport à ce qu'elle a
été depuis les derniers cinq ou dix ans.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce. (16 heures)
M. Scowen: Merci. M. le ministre. Lors d'une entrevue qu'il a
accordée - je m'excuse, c'était un discours devant le Canadian
Institute of Actuaries; finalement, on est dans le processus, aujourd'hui, de
faire une réforme très importante dans l'ensemble de nos
institutions financières - le ministre a dit: "Québec is about
half way along the road to modernising its laws, governing provincially
incorporated financial institutions of all types. The process will be completed
by the end of 1985. A key change will be a new law for mutual life insurance
companies that will have very broad consequences for Québec firms, very
broad consequences." He goes on and talks about other changes and then he says,
and I quote: "There are many questions being asked and we are moving only as
fast as the institutions themselves want to go. We are not going to do any
bulldozing with these changes."
Cette semaine, la Revue Commerce publie un long article avec un
éditorial du président dans lequel il est assez clair que les
courtiers - j'ai l'impression, la bourse aussi - s'inquiètent beaucoup
des changements qui ont été faits dans le cadre des articles 61
et 68. Je vais citer juste un ou deux éléments de ces articles
pour que ce soit très clair. Dans l'éditorial, M. Lord dit:
Décidé à modifier les règles du jeu, Québec
s'apprête à faire fi de l'indépendance parfois
chèrement acquise des courtiers pour favoriser la croissance de
puissants groupes financiers autochtones. Peut-être que c'est vrai et
peut-être que ce ne l'est pas, mais c'est la conclusion de M. Lord.
Dans l'article de M. Dauphin dans le même journal, vous avez des
citations d'un nombre important de courtiers, notamment de M. Pierre Brunet, le
président de Lévesque, Beaubien, qui est la maison de courtage
dont le ministre vient juste de
parler, qui dit: Un des dangers les plus évidents du regroupement
des fonctions tient à la multiplication des conflits
d'intérêts qui entraînent... Il y en a d'autres qui
s'inquiètent de l'efficacité. Il y en a d'autres qui
s'inquiètent de la concentration du pouvoir. Dans cette même
revue, M. Claude Castonguay qui, en général, est favorable
à ce qui a été fait, s'inquiète de cette
possibilité. Il dit que les opposants au regroupement des fonctions
tiennent là un bon argument. C'est M. Castonguay qui parle de la
possibilité d'une surconcentration.
C'est seulement un élément des articles 61 et 68. Une
décision qui a été prise non pas par le gouvernement mais
par une commission. C'est un élément, semble-t-il, très
important, certainement mal compris dans le sens qu'il y a très peu de
monde avec qui j'ai parlé qui est capable de comprendre les
conséquences probables de cette démarche qui a été
entreprise dans le cadre d'une réforme globale du ministre des Finances
qui touche effectivement toutes les institutions financières - les
quatre piliers, si vous le voulez. Je pense que je dois dire que je ne suis pas
la seule personne à s'inquiéter énormément de tout
ce qui se passe. Le ministre jusqu'ici - même s'il dit qu'il n'a pas
l'intention de bulldozer - donne l'impression qu'il veut bulldozer mais
bulldozer doucement, tranquillement et pas publiquement, parce que c'est un
sujet, qui passionne très peu de monde en général, et
qu'il va faire un petit peu ici et là. Finalement, il va arriver an 1985
- juste avant sa démission comme ministre des Finances - avec la
réalisation d'un nouvel ordre dans le domaine des finances. Il y a
beaucoup de monde qui parle du manque de cohérence dans les gestes de la
commission, d'après les gestes qui ont été posés et
les politiques des autres marchés du Canada. Il y a ceux qui vont aussi
loin de dire qu'il semble avoir même un désir de ne pas coordonner
les affaires comme il faut avec le marché canadien et que le
modèle pour la Commission des valeurs mobilières du Québec
est devenu plutôt New York qui est un marché avec lequel on peut
difficilement s'intégrer. J'ai certaines conclusions que j'apporte
à toutes ces réflexions. J'ai même une suggestion à
faire au ministre, mais avant que je le fasse, j'aimerais avoir sa
réaction à mes propos. Est-ce que j'exagère? Est-ce qu'il
y a quelque chose là? Est-ce que toutes les inquiétudes qui me
sont adressées ces jours-ci par un peu tout le monde - je ne parle pas
seulement des courtiers - sont exagérées?
Le Président (M. Lachance): M. le Président.
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, je dois dire que
nous sommes à cheval sur deux parties de notre ordre du jour
d'aujourd'hui: la Commission des valeurs mobilières, bien sûr,
pour ce qui a trait aux décisions qui concernent les courtiers, mais
Inspecteur général des institutions financières que nous
verrons plus tard dans la journée, pour toute autre partie. Enfin, quoi
qu'il en soit, on peut en dire quelques mots maintenant, quitte à
revenir plus tard sur le même sujet. Lorsque j'ai indiqué à
l'occasion de cette conférence aux actuaires que je n'avais pas
l'intention de bulldozer dans la prochaine loi, cela avait le sens suivant.
Nous allons présenter en Chambre, d'ici quelques jours, une
révision complète du chapitre de la Loi sur les assurances qui a
trait aux compagnies d'assurances. On verra là qu'il y aura des
changements très profonds. Ces changements ont été
longuement discutés avec l'industrie et je pense qu'on peut dire,
à la suite de ces consultations, qu'il y a un très large appui
dans la profession à l'égard de ce que nous avons l'intention de
faire. J'avais annoncé déjà, il y a un certain temps,
à l'Assemblée nationale que j'envisageais une révision de
la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, des
coopératives d'épargne et de crédit, c'est-à-dire
essentiellement dans notre milieu, ce n'est pas le seul organisme
d'épargne et de crédit, c'est surtout les caisses populaires qui
sont visées. Je vais avoir à modifier considérablement -
mais là probablement en 1985 - la loi sur les compagnies de fiducie et
ajouter à cette loi sur les compagnies de fiducie ce que nous n'avons
pas au Québec, à l'heure actuelle, c'est-à-dire une loi
sur les compagnies de prêts. Des décisions sont déjà
prises qui ont parfois un caractère plus précis, plus
parcellaire, si l'on veut. C'est ainsi que récemment par
règlement, le gouvernement a accepté pour les mutuelles
d'assurances les "down stream rulings". Le règlement est en vigueur
maintenant, sauf erreur, je pense que tous les avis à la Gazette
officielle sont passés. Le règlement doit être en vigueur,
et cela est un règlement qui a été demandé par les
mutuelles d'assurances et qui a été demandé depuis quelque
temps. Tout cela doit se faire en discussion très étroite
étant entendu, je n'en disconviens pas, qu'à un moment
donné un groupe peut dire dans cette mouvance générale:
Nous, on n'est pas favorisés autant qu'on voudrait l'être ou bien
on considère que certains des gestes qui ont été faits
favorisent un groupe davantage que nous, bien sûr. J'imagine que c'est
surtout de cela dont le député de Notre-Dame-de-Grâce
entend parler ces jours-ci. Mais pourquoi cette mise en oeuvre? Pourquoi cette
transformation importante de nos lois relatives aux institutions
financières? Il faut reconnaître que, depuis un bon nombre
d'années, en fait depuis 1954, la Loi sur les banques a
été changée à Ottawa dans le sens
de donner aux banques à charte des pouvoirs constamment
croissants. Ce n'est pas par hasard si le développement des
activités bancaires s'est fait avec une telle rapidité, alors que
d'autres institutions financières, les compagnies d'assurances, par
exemple, par rapport aux banques traînaient de la patte. Dans le contexte
canadien, cela a amené un degré de concentration
considérable. Il n'y a pas tant de banques que cela, il y a
peut-être beaucoup de banques aux États-Unis, mais au Canada, il
n'y en a pas tant que cela.
Sur le plan du service à la clientèle, il est
évident que l'introduction de banques étrangères de
l'annexe b aura permis d'accroître le degré de concurrence, mais
bien davantage dans le domaine industriel et commercial que dans le domaine du
service à la petite clientèle, si je peux m'exprimer ainsi.
Je suis profondément convaincu depuis bien des années,
à la suite d'une commission d'étude que j'ai eu l'honneur de
présider à la fin des années soixante, que nous avons un
intérêt direct à faire en sorte que les institutions
québécoises, qui reçoivent l'épargne et la placent,
soient considérablement renforcées; dans ce monde financier,
où on connaît à quel point les géants jouent une
importance très grande, il est important qu'un certain nombre
d'institutions dans le milieu québécois puissent prendre une
très grande ampleur et puissent acquérir une taille importante.
Dans ce domaine, j'allais dire, il y a une sorte de jetons de présence
minimum qu'il faut être en mesure d'assurer. Certaines de nos
institutions financières ont déjà une taille
considérable. La Caisse de dépôt et de placement du
Québec dont on parlait ce matin, le Mouvement Desjardins
indiscutablement, une banque à charte qu'on peut considérer comme
fonctionnant essentiellement au Québec, mais il s'en faut de beaucoup
que nous ayons suffisamment de ces institutions financières qui, d'une
part, fournissent au public des services relativement diversifiés et,
d'autre part, puissent s'appuyer sur une taille considérable et
importante. Si nous ne faisons pas cela, il ne faudra pas s'étonner
qu'on continue dans tant de secteurs d'avoir des entreprises
québécoises qui n'occupent finalement qu'une petite part du
marché québécois, des institutions de caractère
international ou pancanadiennes qui occupent passablement de place au
Québec.
À tous égards, nous avons intérêt à
avoir au Québec plusieurs pivots financiers que l'on peut
considérer comme indigènes, si vous me passez l'expression, qui
assurent entre eux suffisamment de concurrence, mais qui ont une force
suffisante. C'est indiscutablement dans cette voie que, comme ministre
responsable des institutions financières, je suis en train de me diriger
avec des appuis très importants de la part de groupes financiers
québécois. Encore une fois, je comprends que ce n'est pas unanime
et que cela ne pourra jamais l'être. Il est tout à fait clair que
ce que nous essayons de faire au Québec n'est pas perçu ailleurs
comme étant défavorable aux intérêts du
Québec et aux intérêts des entreprises qui oeuvrent au
Québec, loin de là.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce citait certaines
choses qu'il avait ramassées dans une revue ou dans un journal.
Laissez-moi aussi vous citer un article que j'ai devant moi qui est tiré
du Financial Times du 27 février, non pas le Financial Times
britannique, mais le Financial Times canadien. On cherche dans cet article,
fort bien fait d'ailleurs, à décrire tout ce qui est en train de
se produire au Québec à cet effet. Soit dit en passant, je vois
que le Financial Post, cette semaine, a aussi en première page un long
article sur le même sujet, sur ce qui se fait au Québec à
cet égard. Je tire cela donc de l'article en question qui s'intitulait
Financial barriers falling in Québec: Firms will be given greater powers
to diversify. Robert Mclntosh, president of the Canadian Bankers Association,
claims it is destructive for one province to grant special powers to local
firms. Obviously, the whole strategy is to bolster Québec base
institutions. Je n'en disconviens pas; ce n'est pas dans l'article. (16 h
15)
John Rhind, president and chief executor of the Confederation Life
Insurance Company of Toronto, says that he is alarmed by Québec moves
because it may generate an explosion of business in the Province and create a
situation of chaos in the financial system. "What Québec is doing blows
the lid off the whole system. Everyone is going to rush through this big hole
in the dam and do their business through Québec."
Je n'ai pas l'impression, M. le Président, en suivant cette voie,
de nuire aux intérêts du Québec, des entreprises
québécoises ou des Québécois. Si l'on peut attaquer
ce qui se passe au Québec à partir d'arguments comme
ceux-là, je crois que nous sommes dans la bonne voie.
M. Scowen: M. le ministre, je vous remercie de votre
exposé. Il est clair que les personnes qui sont avantagées par
les mesures que vous proposez, les groupes d'intérêt qui sont
avantagés, expriment leur support et vous l'avez. C'est sûr que
les personnes qui sont défavorisées, entre autres les grandes
maisons de courtage comme Lévesque, Beaubien, qui se sentent
menacées, vont exprimer leur opposition. Cela va de soi. Il y a
cependant l'intérêt public dans cette affaire. Vous avez
cité une monsieur de Toronto, qui a droit à son opinion. Si
vous pouvez faire quelque chose qui ne créera pas de chaos dans
les marchés financiers du Canada, mais qui amènerait 80% de
toutes les affaires ici au Québec plutôt qu'en Ontario, bravo!
Mais le simple fait que ce bonhomme cité dans le Financial Times l'ait
dit ne signifie pas la vérité absolue, comme vous le savez. C'est
une opinion parmi les autres.
Je pense qu'il y a un aspect plus important. Dans l'article qui a paru
cette semaine dans la Revue Commerce, la personne qui écrit l'article
dit: Qu'est-ce qu'il arrive? Ne retrouve-t-on pas un peu un sempiternel
argument, défense d'un service personnalisé, coopératisme,
bienfait de la tradition du côté de ceux qui risquent d'être
mangés et la nécessité de progrès, besoins plus
sophistiqués des consommateurs, etc., du côté de ceux qui
ambitionnent de dévorer... jusqu'à un certain point, oui.
Cependant, si les arguments d'une bataille à l'autre se ressemblent,
l'enjeu est d'une taille sans précédent. Ce qui est en cause,
c'est le système financier lui-même c'est-à-dire qu'il
détermine finalement la vie quotidienne de tous, les orientations d'une
société. S'il est vrai que ses orientations politiques et son
système financier définissent l'État moderne, alors la
question va droit au coeur de l'État.
M. le ministre, ce que je vous propose ne vous surprendra pas. M.
Camille Laurin, l'ex-ministre de l'Éducation, avait ses opinions sur la
réforme scolaire. C'est un homme informé. Il avait droit à
ses opinions, tout comme vous. Il a été obligé de passer
à travers une période de consultations publiques pendant laquelle
le monde - pas seulement les personnes qui pourraient profiter ou être
désavantagées mais tout le monde - avait l'occasion de
s'exprimer. M. Léonard, le ministre des Affaires municipales, avait ses
idées concernant la loi 38. Il a été obligé, parce
que lui non plus n'avait pas le monopole de la vérité,
d'écouter le monde.
Voici ce qu'on devrait proposer. Je me demande si vous auriez objection
à ce que les membres de cette commission organisent, dans les plus brefs
délais, des audiences publiques d'une étendue assez grande pour
que nous puissions saisir l'ampleur de la question à laquelle vous,
certainement parmi d'autres, aurez l'occasion de donner votre opinion
basée sur votre expérience. Bien sûr, c'est quelque chose
de très important parce que vous n'êtes pas seulement le ministre
des Finances, vous avez une expérience datant de plusieurs
années, mais vous n'avez pas le monopole de la vérité dans
cela. Ce qui est en jeu, comme le dit très bien cet article, c'est
l'avenir de tout notre système financier. En terminant, je pose la
question...
M. Tremblay: M. le Président, une question de
règlement.
M. Scowen: Est-ce que mes collègues de cette commission
croient que c'est utile...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly sur une question de règlement.
M. Tremblay: M. le Président, je prétends que le
député est en train de s'éloigner de la pertinence de
l'étude des crédits en soumettant au mauvais moment un sujet
d'étude à notre commission. Il y a deux manières de
soumettre des projets à notre commission: d'une part, par un ordre de
l'Assemblée nationale; d'autre part, la commission peut de sa propre
intitiative décider d'un sujet qu'elle étudiera. Or, cela ne
devrait pas se faire à ce moment-ci de nos travaux, mais à
l'occasion de réunion plénière de notre commission.
Le Président (M. Lachance): Si je comprends bien le
député de Chambly, c'est un rappel à la pertinence.
M. Tremblay: Ce que le député est en train de faire
peut être très intéressant, mais ce n'est pas le moment de
le faire. Il ne peut pas utiliser l'étude des crédits pour faire
ce qu'il est en train de faire.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Le député de Chambly et moi avons si
bien commencé notre journée.
M. Tremblay: Cela va bien quand...
M. Scowen: C'est triste de voir comment cela s'est
détérioré. Je suis en train de terminer mon intervention.
Vous allez probablement en faire une plus tard. Je vous promets que je ne vous
rappellerai pas à la pertinence du débat, entre collègues.
À moins que je ne vous insulte ou quelque chose du genre, je suis en
train de poser une question au ministre et j'ai presque terminé.
M. Tremblay: Le député n'a pas compris, j'essaie de
l'aider.
M. Scowen: Je vais terminer.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Tremblay: Je sais que ce matin, M. le Président, il m'a
appuyé et là j'essaie de l'aider puisqu'il est en train de faire
une erreur. Il est en train de faire une opération qui ne doit pas se
faire à ce moment-ci de la commission. Je veux tout simplement
poursuivre la contribution qu'on avait commencée ce matin.
M. Scowen: Est-ce que le ministre aurait objection qu'on essaie
d'organiser dans les plus brefs délais - si les membres de cette
commission sont d'accord puisqu'il faut absolument que les membres de la
commission soient d'accord - une consultation publique sur le grand sujet de la
réforme des institutions financières au Québec qui est
déjà en marche, qui est loin d'être complétée
et qui suscite déjà quelques réserves de la part des
éléments importants dans notre société?
Le Président (M. Lachance): M. le député, le
ministre n'a pas à répondre à cette question.
M. Scowen: II n'a pas à répondre à n'importe
quelle question.
Le Président (M. Lachance): II n'a pas à
répondre à cette question parce que effectivement, comme l'a
souligné le député de Chambly, il n'appartient pas
à cette commission, lors de l'étude des crédits,
d'indiquer des décisions à ce niveau. En outre, je voudrais vous
indiquer, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, qu'il vous
reste moins de deux minutes de temps de parole. Nous en sommes maintenant au
programme 7 des crédits du ministère des Finances et chaque
député a un droit de parole de 20 minutes.
M. Scowen: Sur chaque élément.
Le Président (M. Lachance): II y a seulement un
élément dans ce programme.
M. Scowen: Ah! il y a seulement un élément! Parce
que je voulais poser une autre question.
Le Président (M. Lachance): Déjà, vos
collègues de Vaudreuil-Soulanges et de Sainte-Anne...
M. Scowen: Ce n'est pas mon tour.
Le Président (M. Lachance): ...m'ont demandé de
prendre la parole.
M. Scowen: J'ai terminé cette partie de mon intervention.
Je vais demander plus tard, s'il reste du temps, la permission de poser une
autre question qui sera beaucoup plus brève.
M. Tremblay: Consentement.
M. Scowen: C'est tout ce que je voulais dire.
Le Président (M. Lachance): Je passe la parole au
député de...
Oui, M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je ne vous cacherai pas que
je trouve un peu curieux le procédé qui consiste à dire,
quand je cite des gens: Bah! après tout, ce n'est pas bien grave, c'est
leur opinion et d'autre part, qu'on accorde le plus grand cas à
quelqu'un d'autre qui dit autre chose. Bien entendu, je pourrais renvoyer
l'argument de la même façon et dire: Oui, c'est l'opinion de
quelqu'un. La question n'est pas là. Nous sommes fort avancés
à l'heure actuelle dans nos lois sur les institutions
financières. Je vous signalerai qu'en moins de deux mois nous avons
passé deux lois au sujet des caisses d'entraide que nous avons
transformées en sociétés d'entraide. Nous avons
transformé une crise financière très grave et très
sérieuse en la plus grosse émission d'actions ordinaires qu'on
ait vu passer depuis bien longtemps dans les milieux
québécois.
On a créé le poste d'Inspecteur général des
institutions financières avec des responsabilités
complètement nouvelles. On a modifié la Loi sur
l'assurance-dépôts. On a présenté une loi flambant
neuve sur les valeurs mobilières. Tous ces gestes transformaient
profondément la façon dont notre système financier
était monté. D'autres gestes dont j'ai parlé tout à
l'heure comme par exemple les règlements relatifs au "down stream
holding", où certaines des décisions qui ont été
prises par la Commission des valeurs mobilières il y a neuf mois, la
décision dont on parle de la Commission des valeurs mobilières
datent de neuf mois. Cela a été pris et a suivi son
cheminement.
Nous allons avoir à l'égard des sociétés
d'assurances, d'ici quelques jours, une nouvelle loi qui est
déposée. Ce que je dois dire, c'est que le cheminement se
poursuit. Ce n'est pas une question d'avoir une sorte de possession tranquille
de la vérité, ce n'est pas cela qui est en cause. C'est que nous
sommes en train de transformer profondément ces institutions, le milieu
financier québécois, que cela se fait je pense tout à fait
clairement, que tous ceux qui veulent voir, cela le voit, que cela se discute
publiquement - heureusement que cela se discute publiquement rendu là -
mais que j'aurais des réserves très sérieuses de dire:
Maintenant que nous sommes à la moitié du processus,
bientôt, largement au-delà de la moitié du processus, on
arrête tout et on dit: Peut-être, est-ce que depuis deux ans, cela
a manqué de consultation et de discussion? Dites donc... Je n'arrive pas
ici avec une sorte de transformation qui se fait d'un seul coup à partir
d'un projet de loi en disant: Qu'est-ce qu'on en pense? Encore une fois, cela
fait deux ans que le processus est enclenché et quant aux choses dans
les discussions cet après-midi, la décision de la Commission des
valeurs mobilières je vous rappelle que c'est juin
1983. Si certains d'entre nous se réveillent un peu tardivement
en disant: Ah! que c'est intéressant! Je ne peux que déplorer en
un certain sens le degré d'inertie qu'ils auraient peut-être
manifesté jusqu'à maintenant. Mais une chose me paraît
claire à l'heure actuelle, c'est qu'effectivement, c'est débattu
par des tas de gens, par toutes espèces de milieux avec beaucoup
d'intérêt pour ceux qui, encore une fois, n'auraient pas vu le
Financial Post d'aujourd'hui. Je vous incite à le lire. Vous allez
constater qu'effectivement à l'heure actuelle, un peu partout, on
regarde ce qui se passe au Québec, en trouvant que c'est une sorte de
voie de l'avenir. D'ailleurs, soit dit en passant, nous ne sommes pas les seuls
à bouger dans cette voie. Aux États-Unis, le processus aussi est
relativement enclenché. La position de M. Volcker telle
qu'exprimée, je crois, la semaine dernière ou peut-être il
y a une dizaine de jours, j'oublie, mais récemment, le président
du Federal Reserve Board indique que nous ne sommes, au Québec, ni en
retard, ni à côté d'une coche, cela lui semble non
seulement acceptable mais utile. Dans ce sens, il est très important que
tous les milieux impliqués soient consultés, parce que lorsqu'on
veut faire des transformations de cet ordre, il faut que les gens qui vont
avoir à faire ces transformations, à passer à travers,
comprennent bien de quoi il s'agit et qu'ils sachent qu'ils peuvent s'y
engager. Mais laissons la mise en marche rouler, elle est trop directement dans
l'intérêt du Québec pour qu'on cherche à la
reporter.
Cela dit, M. le Président, à une des questions
posées tout à l'heure par le député de
Notre-Dame-de-Grâce, le président de la Commission des valeurs
mobilières me demandait en aparté s'il pourrait apporter des
éclaircissements. Est-ce qu'on le lui permettrait?
Le Président (M. Lachance): M. Guy. (16 h 30)
M. Guy: Merci, M. le Président. J'espère que j'ai
les bons mots. Je me souviens bien de ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce a dit, mais je crois que vous avez parlé du
manque de cohérence avec les autres commissions sur les décisions
d'importance. Je m'en voudrais de laisser passer un commentaire comme
celui-là, car il y a eu sur toutes les décisions importantes qui
ont été prises, dans les trois dernières années,
des consultations très larges entre toutes les commissions de valeurs
mobilières et, au moins, dans la majorité des cas avec la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, celle du Québec
et celle de la Colombie britannique. Alors, il y a eu une large
consultation.
De plus, chaque commission est autonome et maîtresse de ses
décisions.
Alors, ce n'est pas parce qu'il y a une consultation sur un sujet
important qui a fait l'objet d'audiences publiques et que les commissions
discutent entre elles pour voir si elles sont capables d'arriver à une
décision uniforme ou à une politique uniforme qu'elles sont
obligées de prendre la même décision, parce qu'il y a, et
je pense que je dois le souligner, des différences importantes entre le
contrôle des courtiers par les différentes commissions de valeurs
mobilières et par les différentes provinces. Par exemple, je peux
vous citer qu'en Ontario il y a des restrictions sur le capital
étranger. Il n'y a pas de restriction sur le capital étranger au
Québec, ni en Alberta, ni en Colombie britannique. Je ne suis pas
sûr que cela cause une entrave au développement du marché
au Canada. Au Canada, à l'heure actuelle, quand on parle de courtiers en
valeurs mobilières, il y a des différences importantes entre les
provinces, entre les commissions de valeurs mobilières et entre les
règles appliquées aux courtiers. Je pense que c'est assez normal,
parce que l'activité d'un courtier est réglementée
d'après l'activité, qu'il exerce dans le territoire sur lequel la
Commission des valeurs mobilières a compétence. Alors, il y a des
différences, mais elles ne causent pas d'entrave au développement
du marché.
M. Scowen: En effet, la panique qu'on voyait dans le dire de
l'homme d'affaires de Toronto cité par le ministre des Finances
était probablement un peu exagérée.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Ce que je remarque dans les commentaires du ministre et du président de
la Commission des valeurs mobilières, notamment, dans le dernier cas,
c'est la façon dont on voudrait nous faire croire qu'il existe un large
consensus dont personne n'a entendu parler. C'est un peu fidèle à
ses habitudes, que le président de la Commission des valeurs
mobilières tente de minimiser, dans le fond, les petits points qui
accrochent un peu partout, quand on soulève que, par exemple, à
l'égard du groupe de travail, il y a un tas de gens qui sont
censés connaître cela, qui viennent de tous les milieux, qui vont
dans un sens relativement opposé à ce que la commission est en
train de faire. Le président nous a dit, tout de suite au début,
que la Commission des valeurs mobilières considérait ces
gens-là un peu comme un intervenant parmi plusieurs. On a fait remarquer
que la commission avait nommé des gens à ce comité. Je
suis absolument confiant que la transcription des débats nous
indiquerait que le président de la commission a dit: On a nommé
une couple de personnes
là-dessus. Si vous me le permettez, je vais vous lire le premier
paragraphe du groupe de travail qui était coprésidé par
MM. Brunet et McDonald, présumément à la suite de l'accord
de coprésidence de la bourse et de la Commission des valeurs
mobilières, je ne conçois pas que cela puisse fonctionner
autrement. Vous venez donc d'en nommer au moins un, sinon deux, par le fait
même. Les autres membres du groupe de travail nommés, d'une part,
par la bourse: un, deux et trois, et les autres membres nommés par la
commission: un, deux et trois autres. Vous avez au bas mot nommé la
moitié des membres. Vous avez désigné des gens auxquels
vous aviez confiance pour regarder l'industrie et de cette
façon-là arriver à vous éclairer le mieux possible.
Aller dire un peu plus tard que c'était un intervenant ou un
témoin parmi d'autres à l'audience qui a donné lieu
à la décision de juin 1983, c'est un peu fort.
De la même façon, le consensus très large dont
autant le président que le ministre font état n'échappe
très certainement pas à toute espèce de preuve
documentaire au-delà des citations éparses qu'on retrouve dans
différents journaux de gens qui sont plutôt en faveur dans
certains cas et dans d'autres cas sont plutôt contre. C'est merveilleux
que souvent ce sont les mêmes personnes qui sont pour et contre, auxquel
cas, je ne vois pas très bien une espèce de consensus très
large sur lequel la commission et le ministre sont en train de vouloir
prétendre se fonder pour donner lieu à cette réforme.
On parle également d'un consensus avec les autres provinces. On
parle d'ententes extrêmement fréquentes avec les commissions des
valeurs des autres juridictions au Canada comme gage d'une espèce de
commencement de preuve par écrit, si l'on veut, comme l'on dit en termes
juridiques, qu'il y aurait un consensus. Il y a beaucoup de gens, plus que le
Québec, qui sont en train de marcher d'une façon ou d'une autre
dans cette direction. Cela m'apparaît beaucoup plus, à ce
moment-ci, quand on voit le retard encore assez récent de l'Ontario
à se lancer dans cela, quand on voit que l'Ontario n'a certainement pas
senti l'urgence de s'adresser à ce problème. Je suis convaincu
qu'il y a un grand nombre d'intervenants, notamment les courtiers, qui font des
pressions à droite et à gauche, dans les autres provinces, en
disant: Voyez ce qui arrive au Québec, faites quelque chose. C'est donc
ce qu'on croit comprendre. Le milieu ne trouve pas que cela bouge ailleurs. Il
n'y a pas urgence, il n'y a pas péril en la demeure. Il n'y a
certainement même pas un début de preuve que, ailleurs, cela s'en
va dans ce sens, c'est-à-dire qu'il y aurait un consensus non seulement
au Québec mais au Canada d'emprunter la direction que vous
suggérez. Cela apparaît, je peux le reconnaître en termes
politiques, être légitime de faire, d'essayer aussi de forcer la
main aux autres juridictions. Forcer la main, le ministre connaît ce que
cela veut dire. Je l'écoutais à la radio dire que probablement
quelqu'un essayait de lui forcer la main à propos des casinos de
Loto-Québec en laissant couler des choses dans les journaux, cela
s'appelle mettre de la pression, cela s'appelle poser des gestes qui obligent
les autres à réagir et à s'aligner d'une façon ou
d'une autre afin que nous sachions tous où l'on s'en va, là
où tout le monde s'en va. Si on peut évoquer les
conséquences probables des gestes de la direction que le gouvernement
est en train d'emprunter dans cela, tout le monde se demande quel genre de
conséquences il y aura; bon, personne ne le sait. La plupart des gens se
sentent bien mal pris pour savoir où l'on sera dans cinq ans, ce que ce
changement signifie véritablement, ce décloisonnement, cette
concentration possible dans les services financiers, les gros blocs qui
pourraient se former ou ne pas se former, on n'en sait rien essentiellement,
mais il faudrait peut-être regarder pas simplement du point de vue de
faciliter la présence au Québec, ni au Canada, de certains grands
groupes d'institutions francophones.
Le ministre a avoué - il ne s'en cache pas, au contraire - depuis
des mois maintenant, nous parler du préjugé favorable qu'il
entretient à l'endroit de la garde montante. Il vient, et c'est
là qu'on diffère totalement d'opinions, de découvrir qu'il
y a une garde montante dans le monde financier francophone au Québec, au
Canada, je dirais. À ma connaissance, elle a commencé à
monter, elle a atteint des sommets considérables dans certains secteurs
industriels canadiens depuis des années sans l'aide d'ailleurs du
ministre des Finances, que ce soit le ministre actuel ou celui qui était
là avant. Dans ce sens, je ne vois pas véritablement que ce soit
à l'avantage des consommateurs, des épargnants, parce que
là on est en train de parler du véhicule d'intermédiation
de l'épargne. Tous ces gens, les compagnies d'assurances, les fameux
quatre piliers traditionnels qu'on évoque toujours, les compagnies de
fiducie, les banques, les courtiers, sont en train de parler du choix
éventuel qu'auront les épargnants de confier la gestion de leurs
biens à certains intervenants, certains intermédiaires
financiers. Seront-ils plus nombreux lorsque vous aurez restructuré le
marché comme vous entendez le faire manifestement? J'en doute.
Seront-ils ceux qui existeront encore? Seront-ils plus solides? Sans aucun
doute, dans beaucoup de cas. Il y aura des gagnants et des perdants. Il y aura
certaines maisons dans l'une ou l'autre des
quatre secteurs en question qui auront disparu, d'autres seront devenues
beaucoup plus fortes. Il y aura des degrés de diversification qui auront
été atteints par certains de ces blocs. Cela sera
extrêmement variable. Est-ce que quant à l'épargnant, quant
au citoyen qui se retourne vers un de ces quatre intermédiaires, on aura
donné plus de choix au consommateur? C'est une notion
d'intérêt public aussi que de se demander si la concurrence
grandissante que prétend faciliter ou favoriser le président de
la Commission des valeurs mobilières en résulterait. Une
concurrence qui limite le choix des épargnants m'apparaît si
évidente dans l'intérêt public. C'est un modèle
qu'on retrouve à certains égards en Europe. Il y a de grands
groupes financiers où on voit une banque "housesold names", comme on le
dit en américain, présente partout dans la souscription
d'actions, d'obligations de toutes sortes. Il y a des groupes formés de
très grosses banques qui ont des ramifications absolument partout, qui
sont dans le détail et également dans la distribution en gros de
certains services financiers. Je ne trouve pas que le consommateur
européen est mieux servi par un système comme celui-là
où il a affaire à quelques grosses boîtes qui
contrôlent un paquet de ramifications à l'intérieur du
monde de l'inter médiation financière par opposition à ce
qu'on pourrait connaître si on laissait certaines boîtes,
particulièrement dynamiques dans chacun des quatre secteurs, trouver
leur place au soleil, non pas au soleil québécois mais au soleil
canadien.
Donc, il m'apparaît particulièrement important de souligner
que la façon d'aider les entreprises francophones à un service
financier n'est pas d'imposer un changement - comme semble vouloir le faire le
ministre - qui, par la force des choses, à cause de la frontière
qui existera entre le Québec et les autres juridictions dans certains de
ces domaines d'activité, va favoriser deux ou trois gros groupes ici au
Québec. Je ne vois pas en quoi on atteindra ainsi, pour la garde
montante et pour les francophones qui sont depuis au moins une
génération, M. le ministre, et non pas depuis sept ans, dans le
monde financier canadien, où ces gens-là vont atteindre des
occasions d'envergure additionnelles par rapport à ce que nombre d'entre
eux sont en train de réaliser à partir du Québec surtout
de la scène canadienne.
Je pense que c'est essentiellement une illustration qu'on a devant nous,
une espèce de théorie qui veut que la seule façon
d'encourager les Québécois, notamment les francophones, c'est que
le gouvernement fixe des règles du jeu qui créent des
frontières autour du Québec, qui font que ce sont donc les
entreprises autochtones qui deviendront plus grosses à cause de ces
nouvelles règles. Donc, on aura réglé le problème
parce qu'il va y avoir des Québécois qui vont être en
charge d'un gros bloc quelconque. Ce n'est pas à l'avantage de ces
Québécois et certainement pas à l'avantage du
Québec, sous prétexte de faire devenir nos entreprises plus
grosses, de les restreindre à des activités sur la scène
québécoise.
La tendance des dernières années est
précisément pour la garde montante - je le rappelle - qui est
beaucoup plus vieille, beaucoup plus ancienne que ce que le ministre
prétend, un débordement à partir du Québec dans des
secteurs d'activité qui ont amené beaucoup d'entreprises
québécoises à faire affaires non seulement au Canada, mais
en Amérique du Nord et même en Europe. Je ne vois aucunement en
quoi les plans du ministre vont continuer à favoriser cet essor qui n'a
pas eu autant besoin du Québec qu'on le prétend. Au contraire, je
vois que cela travaille à l'encontre des souhaits, des aspirations des
francophones qui sont dans le monde financier canadien.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.
(16 h 45)
M. Parizeau: M. le Président, quant à la garde
montante, j'en ai parlé pendant des années et cela n'attirait pas
beaucoup l'attention. Finalement, c'est sorti dans un journal et il m'a fait
plaisir d'écrire trois ou quatre pages là-dessus. Enfin, on a
commencé à en parler. Que cette garde montante commence, qu'on ne
vienne pas me dire cela à moi. J'ai enseigné aux Hautes
études commerciales pendant trop longtemps pour ne pas l'avoir vu
partir, cette garde montante. La moitié de ceux qui sont dedans sont de
mes anciens élèves. Ce n'est pas nécessaire de me faire
des démonstrations. Je ne comprends par le point de vue du
député de Vaudreuil-Soulanges à cet égard. J'ai
passé ma vie là-dedans.
Revenons au fond de la question. Une des questions soulevées par
le député de Vaudreuil-Soulanges est: Est-ce vraiment à
l'avantage du consommateur? C'est une question importante, c'est une question
tout à fait fondamentale. Je pense que nous avons un groupe dans notre
société qui a montré à quel point une très
grande diversification de services fournis aux consommateurs est à leur
avantage, c'est le Mouvement Desjardins. Au fond, c'est un des seuls mouvements
qui soient vraiment - à bien des égards, pas complètement
- décloisonnés dans le sens de ce que nous sommes en train de
faire.
Le Mouvement Desjardins a été décloisonné,
sauf erreur quelque part en 1965-1966 au moment où il est devenu
très clair que les caisses populaires et leurs fédérations
n'avaient pas le droit d'acheter des filiales. Cela fait partie du folklore
financier de se souvenir comment le
Mouvement Desjardins a acquis le contrôle de Fiducie du
Québec à cette époque sans que, justement, il ait le
moindrement la base juridique qui lui permettait de l'opérer facilement.
C'est à partir des années 1965-1966 que toute cette
législation qu'on appellerait aujourd'hui de décom-
partimentation a été faite. Cela a donné un service
remarquable aux consommateurs. Tout le monde en convient. Cela a permis une
croissance considérable de ce mouvement.
Par opposition à quoi? Par opposition à des institutions
financières chez nous, prenons des compagnies d'assurances, la loi dans
ses principes mêmes n'a pas été changée depuis fort
longtemps. Elles ont eu des problèmes d'expansion de leurs affaires
parce qu'elles n'avaient pas le véhicule pour le faire. Je pense en
particulier aux mutuelles ici qui, parce qu'elles étaient des mutuelles,
étaient dans un carcan financier tel que, par exemple, elles ne
pouvaient pas émettre des actions sur le marché et se financer
autrement qu'avec leurs propres fonds.
On a interdit à des compagnies d'assurances pendant très
longtemps, à cet égard, d'entrer dans des services financiers ou
publics qui leur auraient permis de ne pas offrir un type de service, mais d'en
offrir une gamme. Elles en ont pâti sérieusement. Elles demandent
depuis longtemps, 20 ou 25 ans, au gouvernement fédéral
d'étendre leurs pouvoirs. Soit dit en passant, tant que ce
n'était pas le Québec qui le faisait, on trouvait que les
demandes des compagnies d'assurances à Ottawa étaient pleines de
bon sens. C'est parce que c'est seulement au Québec qu'à l'heure
actuelle cela provoque dans certains milieux des commentaires analogues
à ceux que nous entendons cet après-midi. Parce que si le
fédéral l'avait fait, on trouverait que c'est magnifique, c'est
extraordinaire.
Au fond, le fédéral s'est trouvé placé
à avoir à choisir entre des pouvoirs très étendus
aux banques à charte et les restreindre du côté des
compagnies d'assurances. Personne ne soulève dans notre milieu que
l'extension des services aux consommateurs donnés par les banques
à charte n'a pas été à leur avantage. Avant 1954,
une banque n'avait pas le droit de faire du crédit hypothécaire.
Elle ne faisait pas de prêt personnel à moins de rentrer sous le
plafond ridicule de taux d'intérêt de 6% qui lui était
collé si bien qu'il n'y avait qu'une seule banque à charte qui
faisait du prêt personnel. Le prêt à long terme aux
entreprises, les banques n'avaient pas le droit de faire cela. Tout cela, ce
sont des pouvoirs qui leur ont été donnés. Le consommateur
a été bien mieux servi depuis qu'on a fait cela. Pourquoi on ne
l'a pas fait à l'égard des autres institutions
financières?
Ici, je voudrais citer M. Claude Castonguay, qui n'est pas exactement un
inconnu dans cette maison, dans la même revue, la Revue Commerce que
citait le député de Notre-Dame-de-Grâce tout à
l'heure. La question de la Revue Commerce: "Que gagnerait la clientèle
advenant le décloisonnement"? Réponse de M.
Castonguay: "Les gens veulent voir analyser leur situation
financière par un même individu ou par des gens reliés
à une même entreprise. Outre qu'il rend possible un tel service,
le regroupement permet de réaliser des économies dont
bénéficiera finalement le client." Je ne parle pas d'abord ici
d'économies d'échelle, mais de réduction de coûts
résultant d'une plus grande facilité à agir. Cela tombe
sous le sens commun. L'urgence de faire cela? Écoutons toujours M.
Castonguay: "Les Américains ont déjà
décloisonné. Si nous ne réagissons pas suffisamment vite,
les firmes regroupées d'outre-frontières trouveront des moyens
détournés d'offrir leurs services ici. Il ne faudrait pas, comme
c'est arrivé trop souvent, manquer encore une fois le bateau par
excès de lenteur."
Le problème de pouvoir agir dans tout le Canada? L'entreprise que
dirige M. Castonguay n'est pas exactement une "finerie", on en conviendra,
n'est-ce pas? Le groupe de La Laurentienne a une certaine importance dans notre
milieu. Écoutons ceci: Question posée par la Revue Commerce: "Les
tenants du décloisonnement semblent présentement
préférer débattre leur cas sur les arènes
provinciales plutôt que sur celles, plus difficiles, du
fédéral. N'est-ce pas tenter d'entrer par les portes de
côté après avoir constaté que la porte avant
était fermée?" La réponse de M. Castonguay: "Aux
États-Unis, le contrôle du système bancaire et financier
relève beaucoup plus nettement qu'au Canada du contrôle des
États pris un à un. Ici, comme là-bas pourtant, la
majorité des transactions ont un caractère local. Que les
provinces fassent valoir leur désir pour la portion du système
qui tombe sous leur juridiction n'a rien que de très normal. Il s'agit
de gouvernements responsables tout comme l'est le gouvernement
fédéral. Je considérerais plutôt, quant à
moi, le déplacement vers les provinces du débat relatif au
décloisonnement comme un signe de dynamisme." Ce n'est pas un candidat
du Parti québécois qui dit cela. Ce n'est pas exactement
quelqu'un qui n'est pas sur le plan financier une des personnalités
marquantes qu'il y a au Québec.
Comprenons-nous bien. Je sais bien qu'au bout du compte, une fois une
réforme comme cela terminée, il va y avoir, comme le disait
très justement le député de Vaudreuil-Soulanges, de grands
groupes qui vont s'organiser. Il y a des maisons qui vont être
absorbées, cela est clair. Est-ce que
cela veut dire la disparition des petites maisons? Non, pas
nécessairement. Il va rester et il restera toujours un marché
considérable pour le service très spécialisé. Il y
a des maisons qui, dans le jeu normal de la concurrence, en offrant un service
très spécialisé, vont cependant arriver à non
seulement prospérer, mais à livrer concurrence aux plus grandes
boîtes.
Je voudrais vous donner un exemple qui me paraît tout à
fait remarquable à l'heure actuelle. C'est une maison de courtage qui
n'est pas de premier ordre, de première importance dans notre milieu,
McNeil Mantha. Ces gens ont développé une sorte d'expertise pour
la préparation d'émissions publiques de PME qui est tout à
fait de premier ordre. Je ne devrais peut-être pas faire leur
publicité ici, mais enfin! Face à des courtiers pour le
financement d'entreprises qui ont très souvent plusieurs fois leur
taille, ils se sont fait une sorte de spécialité dans ce domaine
qui donne déjà des résultats étonnants. Même
si un certain nombre de grandes institutions financières se constituent
grâce aux changements qui y sont apportés on va garder cette
nécessité dans le système d'avoir des boîtes
très spécialisées qui n'ont évidemment pas une
ampleur nécessairement considérable.
Dans ce sens, je pense que ce que nous cherchons à faire à
l'heure actuelle est très nettement favorable aux intérêts
du consommateur. C'est très favorable aux intérêts des
entreprises québécoises et, au bout du compte, quand les
consommateurs et les entreprises québécoises trouvent le
même intérêt quelque part, c'est favorable au Québec
tout entier.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Sainte-Anne avait demandé la parole, il y a un bout de temps.
M. Polak: Je ne vais pas prendre mes vingt minutes comme les
autres.
M. Guy, juste quelques questions sur ce que vous appelez la
défense des crédits pour me renseigner. Les autres s'occupent de
grandes théories; je veux juste toucher quelques petits points
pratiques. À la page 3.1, du chapitre intitulé Détails des
ressources financières, vous dites: "La commission prévoit que
l'augmentation de 1,9% pour son budget de traitement ne sera pas suffisante
pour l'indexation du salaire de ses employés en 1984-1985." Quel est le
taux d'indexation dont vous vous servez à votre commission pour vos
employés?
M. Guy: M. le Président, nos employés sont tous
membres de la fonction publique. Alors, ils ont les mêmes augmentations
et rémunérations que les syndiqués de la fonction
publique, soit dans le cadre des syndicats de professionnels ou de
fonctionnaires.
M. Polak: Ils sont traités de la même manière
que les autres fonctionnaires.
M. Guy: C'est cela, de la même manière que les
autres.
M. Polak: Cela inclut le président aussi, j'imagine, je
l'espère.
M. Guy: Peut-être que cela serait mieux si cela incluait le
président.
M. Polak: D'accord. La liste à la fin du volume des
contrats de moins de 25 000 $, page 6.3. Par exemple, deux
éléments: une étude de Raymond, Chabot et Associés:
analyse qualitative des états financiers d'émetteurs assujettis:
4000 $. Une autre de Clarkson, Gordon pour 8996 $. Est-ce que je dois
comprendre que ces compagnies sont engagées pour vérifier
indépendamment certaines données qui ne peuvent pas se faire par
votre propre personnel?
M. Guy: L'année dernière, la commission a
accordé ses contrats après des appels d'offres qu'elle a faits
auprès de bureaux de comptables. Le personnel de la commission
n'étant pas suffisant pour faire l'analyse qualitative de l'ensemble des
états financiers qui étaient déposés, on a fait
appel à l'extérieur par offres de soumissions. Si vous allez
voir, il y a quatre bureaux de comptables qui nous ont fait des offres et on a
pris ces quatre bureaux pour faire le travail.
M. Polak: S'il y en a un qui coûte deux fois le prix de
l'autre, est-ce que cela veut dire qu'il y a deux fois plus de travail ou s'il
coûte simplement plus cher?
M. Guy: C'est un taux horaire. Ils étaient tous
rémunérés au même taux horaire.
M. Polak: D'accord. Je note également qu'il y a une
étude de la part d'une firme d'avocats sur les moyens de défense
utilisés par la société visée dans le cas d'offres
publiques. Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Guy: Au cours de l'année dernière, il y a une
offre publique d'achat faite par Exco et Halifax Development Ltd sur les titres
de Nova Scotia Savings and Loan Company et qui a créé une
série de problèmes aux commissions de valeurs mobilières
aussi bien en Ontario qu'au Québec, parce que les dirigeants de la
société visée, qui était Nova Scotia, a émis
des titres pendant l'offre publique à des initiés ou à des
dirigeants. Ce qui a, en fin de compte, fait avorter l'offre qui pouvait
être faite par un autre initiateur. Alors, la question
posée est la même question posée ces jours-ci par la
commission de l'Ontario: Ce genre de moyen de défense devrait-il
être interdit? L'étude visait à faire une recommandation
à la commission, à savoir si elle devait recommander des
modifications dans ce sens-là.
M. Polak: Je note à la dernière page, 6.6, une
autre étude d'avocats sur les recours civils fondés sur
l'information fausse ou trompeuse. Une étude comme celle-là doit
être très intéressante; j'aimerais peut-être la lire,
est-ce disponible? Que faites-vous avec une telle étude?
M. Guy: Depuis un an, il existe ce qu'on appelle le prospectus
simplifié. Le prospectus simplifié est un document de quelques
pages, mais qui intègre les autres documents d'information
déposés auprès des commissions des valeurs
mobilières. Il y a dans les lois sur les valeurs mobilières,
aussi bien au Québec qu'en Ontario, des recours civils basés sur
l'information intégrée au prospectus. La question qui se pose -
elle est d'actualité à ce moment-ci, on en a même fait
état lors des audiences publiques qui ont eu lieu il y a quelques
semaines à Toronto où j'étais présent - est: Si
vous achetez des titres par un prospectus simplifié... Prenons un
exemple, ce sera plus facile. Si vous achetez un prospectus d'Entreprises Bell,
que vous achetez des titres sur le prospectus et qu'il y avait, dans ce
prospectus ou dans les documents qui y sont intégrés, une
information fausse ou trompeuse, vous auriez un recours en
responsabilité civile. Par contre, si vous achetez au même moment
des titres sur la bourse d'Entreprises Bell, vous n'auriez pas de recours,
alors que c'est la même information. Alors, la question qui se pose par
notre commission, c'est: Est-ce que la commission devrait faire une
recommandation au gouvernement pour accorder des recours civils dans le cas
où il y aurait des informations fausses ou trompeuses dans les documents
d'information déposées par un émetteur?
Alors, cette étude a été faite par le
«cabinet Martineau, Walker. Dans les jours qui vont venir, la commission
va publier un avis à son bulletin qui va donner les grands points de
cette étude, demander les observations des personnes
intéressées et après peut-être tenir des audiences
publiques et peut-être faire une recommandation au gouvernement. Alors,
on est loin dans le temps...
M. Polak: Donc, le résultat genre sommaire de cette
étude va bénéficier à beaucoup d'autres personnes
qui pourront en prendre connaissance.
M. Guy: Oui, M. le Président. L'étude est
disponible et n'importe qui peut la consulter au bureau de la commission. (17
heures)
M. Polak: D'accord, dernière question. À la page
6.4, on lit: Travaux d'analyse et de recherche comptable afin d'émettre
une opinion définitive à titre d'expert devant la cour
compétente. Donc, qui était appelé pour témoigner
comme expert?
M. Guy: Cela doit être un comptable du cabinet Raymond,
Chabot et Associés. C'est une enquête qui a été
commencée par la commission - je ne peux mentionner ici le nom de la
société qui fait l'objet de l'enquête - et qui a
débouché sur une enquête criminelle pour possibilité
d'accusation devant les tribunaux criminels et l'expertise comptable devait
être faite par quelqu'un...
M. Polak: ...de l'extérieur. M. Guy: ...de
l'extérieur.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Polak: Merci.
Le Président (M. Lachance): II lui reste deux minutes et
il m'avait indiqué, il y a déjà un bon bout de
temps...
M. Laplante: Cela fait déjà trois minutes qu'ils
parlent. Ils peuvent garder leurs deux minutes pour la fin.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Scowen: M. le Président, d'abord, je n'ai aucune
objection si le député veut parler avant moi...
M. Laplante: Posez votre question.
M. Scowen: Deuxièmement, j'aimerais demander...
Le Président (M. Lachance): Quel article, M. le
député?
M. Tremblay: Je vais vous demander une directive, si vous
m'interpellez de la sorte. Lors de l'étude des crédits et
à toute commission, est-ce que l'Assemblée nationale a une
tradition d'alternance entre un côté de la Chambre et l'autre?
Le Président (M. Lachance): Je pense que le
président a la discrétion de déterminer s'il revient
à un député... Parce qu'il faut aussi bien se dire que,
dans les questions posées, il y a des réponses qui sont fournies
et les réponses qui sont fournies le
sont par le porte-parole gouvernemental ou bien par celui qu'il
délègue. Je ne veux donc en aucune façon brimer le droit
de parole des députés de la majorité, mais,
considérant le fait que, dans le cas qui nous préoccupe
présentement, il reste deux minutes au député de
Notre-Dame-de-Grâce, je pense qu'il n'y a pas de problème pour
laisser la parole au député de Bourassa par la suite.
M. Tremblay: M. le Président, je pense qu'il est
important, dès le début de nos travaux, c'est nouveau, qu'on
établisse ces choses.
Dans votre esprit, ne parlons pas du cas qui nous préoccupe
présentement, est-ce qu'il y a un droit d'alternance entre un
député ministériel et un député de
l'Opposition? Dans l'esprit de la réforme parlementaire, le ministre
n'est pas considéré comme un député
ministériel, mais comme un invité à cette commission. En
ce sens, je pense que vous auriez dû, sans vouloir mettre votre
décision en cause, reconnaître mon collègue de
Bourassa.
M. Polak: Les crédits, c'est spécial...
M. Tremblay: Effectivement, mais le principe est là quand
même. M. le Président, un bref ajournement pour pouvoir discuter
du cas?
M. Laplante: M. le Président, je lui donne mon
consentement pour qu'il finisse...
Le Président (M. Lachance): Je veux répondre au
député de Chambly.
M. Tremblay: Le principe, c'est l'alternance.
Le Président (M. Lachance): Sans retourner aussi loin que
Jean sans Terre, la Grande Charte de 1215, M. le député de
Chambly, je voudrais vous dire que, dans le règlement, le principe de
l'alternance n'est pas indiqué comme tel lors de l'étude des
crédits. Il y a l'article 33 qui laisse beaucoup de marge de manoeuvre
au président: en l'occurrence, le député qui désire
faire une intervention doit se lever et demander la parole au
président.
M. Laplante: C'est cela, c'est par la coutume qu'il est
là.
Le Président (M. Lachance): II y a effectivement une
coutume ou une tradition qui laisse une large part aux députés de
l'Opposition pour prendre la parole lors de l'étude des crédits.
Néanmoins, je pense que les députés de la majorité
gouvernementale doivent eux aussi avoir la possibilité de s'exprimer.
Quant à moi, je ne pense avoir brimé personne dans ce
sens-là. C'est ce qui va me guider dans mon travail de
président.
M. Tremblay: Je ne veux pas critiquer votre décision, mais
ce que je cherche à faire maintenant est de bien faire reconnaître
la tradition qui, à ma connaissance, n'était inscrite dans aucun
des règlements, mais qui a toujours été une tradition dans
cette Chambre, savoir qu'il y avait alternance entre les députés
de l'Opposition et les députés ministériels à
toutes les commissions parlementaires y compris celles des crédits. Je
vous prierais, M. le Président, d'être très prudent dans ce
que vous allez faire maintenant, parce que cela peut créer un
précédent qui fera qu'à l'avenir on sera lié par
votre décision. Je vous suggère d'être très prudent.
Si vous préférez prendre la chose en
délibéré...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly, effectivement, je me rends à votre suggestion. C'est ce que
j'ai l'intention de faire. Alors, on va prendre vos propos en
délibéré.
M. Tremblay: Vous pouvez, dans ce sens-là, donner - comme
vous l'avez fait, M. le Président, et je reconnais votre droit de le
faire - la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce, mais ce
fait ne crée par un précédent. C'est cela qui est
important pour le moment. Il faut tous reconnaître ici que le fait de
donner présentement la parole au député de
Notre-Dame-de-Grâce ne crée pas un précédent.
Le Président (M. Lachance): Sur le même point, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, l'alternance étant,
à mon point de vue, un mode de fonctionnement plus qu'autre chose, plus
qu'une garantie pour les députés, je voudrais savoir de votre
part s'il est exact qu'il est inscrit dans notre règlement que chaque
député de cette commission peut utiliser un droit de parole
allant jusqu'à 20 minutes, si ce droit est garanti à
l'intérieur de la banque de temps qui nous est imparti pour
l'étude des crédits. À ce moment-là, l'alternance
devient, à toutes fins utiles, le mode de fonctionnement qui permet aux
deux formations politiques d'y retrouver un avantage à savoir... Je n'ai
pas l'impression que les membres de l'Opposition ou les membres de
l'équipe ministérielle auraient intérêt ou
aimeraient absolument passer tous les uns derrière les autres pour
laisser par la suite le terrain à la partie adverse. En ce sens, vous
auriez tout intérêt à reconnaître l'alternance comme
un mode de fonctionnement de bon aloi qui sert les deux parties
également. La question de base est de savoir, s'il est exact que, si les
formations politiques le désirent et si les
députés membres de cette commission le désirent,
ils peuvent intervenir 20 minutes sur chacun des sujets? Si la réponse
est oui, dans ce cas-là l'alternance devient quelque chose d'accessoire
mais d'utile.
Le Président (M. Lachance): Toujours sur le même
sujet, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Précisément, ce que je voudrais qu'on évite ici,
c'est de confondre, ou de prétendre qu'il y a une équivalence
entre le principe d'alternance et le principe de la division égale du
temps disponible lors de l'étude des crédits selon chaque
formation politique. La tradition dont on parle a toujours été -
je vous invite à consulter le journal des Débats depuis qu'il
existe en commission parlementaire - que c'est une occasion
privilégiée pour l'Opposition... Ce n'est pas la même chose
dans le cas des projets de loi, je suis d'accord avec la limite. Ce n'est
certainement pas le cas - même dans l'histoire récente, je vais
accepter cela - des commissions parlementaires où l'on convoque un
paquet de monde. Il y a vraiment là alternance, il y a vraiment les 20
minutes. Tout ce qu'on veut dans le cas de l'étude des crédits,
c'est que j'ai confiance que la tradition favorise, comme elle devrait le
faire, l'Opposition qui a là une occasion privilégiée de
demander à un représentant de la majorité - en
l'occurrence le ministre qui est convoqué selon la nouvelle formule -
des explications sur ses priorités budgétaires pour
l'année.
Cela dit, je pense qu'on a réglé pour permettre au
président de délibérer là-dessus. En pratique, cela
veut dire que je présume que la commission de l'Assemblée
nationale va se pencher sur ce sujet avec tous les présidents qui en
font partie, et on aura essentiellement le même mode de fonctionnement
dans toutes les commissions, pas celle-ci d'une façon et l'autre d'une
autre façon.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Autrement dit, il est trop
tôt pour décider puisqu'on ne sait pas comment cela se passe
ailleurs.
M. Laplante: Depuis 1976, M. le Président, j'assiste
à ce genre de commission. Il est vrai que, dans beaucoup de commissions,
beaucoup d'études, le parti ministériel a donné beaucoup
de latitude à l'Opposition pour poser les questions qu'elle veut mais,
sans brimer son propre droit. Nous sommes des députés comme vous,
on a besoin de savoir. Même si les ministres font partie de notre
formation, on n'est pas toujours à leurs souliers pour avoir une
réponse à toutes les questions qu'on aimerait poser sur les
crédits.
Une voix: Juste pour les cas de comté.
M. Laplante: Je pense que cela fait partie du travail des
députés. On est élus pour cela, pour suivre la chose
publique, autant d'un côté que de l'autre. Ce qui serait
peut-être difficile de notre part, parce que vous vous êtes tous
prévalus de vos 20 minutes de droit de parole serait de dire: On met fin
à la commission étant donné que votre temps est
écoulé. Ce n'est pas ce qu'on veut. On veut être plus large
d'esprit, mais on pourrait le faire si on voulait, tel que le règlement
le stipule actuellement, parce qu'il y a juste un programme dans le projet. Sur
ce, j'invite le député de Notre-Dame-de-Grâce à
utiliser ses deux minutes.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval m'a demandé la parole.
M. Gauthier: M. le Président, cette année,
l'exemple du fonctionnement de notre commission porte un peu à
confusion, en ce sens que l'utilisation qu'on en fait est un peu une formule
mitoyenne qui permet un transfert d'une procédure à l'autre.
Cependant, il ne faudrait pas créer de précédent à
partir du fonctionnement temporaire de cette année. Il ne faut pas
oublier que le principe de l'imputabilité de hauts fonctionnaires, de
présidents de sociétés d'État, de responsables
d'organismes fait en sorte qu'ils peuvent être appelés ici
à la commission et être interrogés également, avec
le même intérêt, par les députés des deux
formations politiques. C'est essentiellement le sens de la réforme qui a
été acceptée à l'unanimité de la part des
deux partis. C'est de revaloriser le rôle du député en lui
permettant d'interroger des personnes qui, antérieurement, se
réfugiaient, d'une certaine façon, totalement sous la
responsabilité ministérielle.
Je pense que toute cette façon de procéder a
été acceptée. Il nous reste à regarder ce que
prévoit le règlement à l'article 276 qui, sans aucune
espèce de distinction - je me permets de le citer - dit: "Le temps de
parole dont dispose chaque membre d'une commission vaut pour chaque
élément d'un programme." Ce temps, il est de 20 minutes. Comme il
n'y a pas de distinction de formation politique, il faudrait faire attention
pour ne pas utiliser la formule de transfert de cette année pour
établir un précédent qui pourrait être
dangereux.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
voudrais vous dire que je suis très
sensible à vos remarques, à votre préoccupation.
Cependant, vous devriez admettre que le règlement est assez
théorique. Je m'explique: si on devait, par exemple, aller à
l'utilisation maximale du temps qui nous est imparti par élément,
c'est-à-dire 20 minutes par député ici, dans cette
commission, nous sommes quatorze membres, cela voudrait dire que cela prendrait
76 heures si chacun des députés utilisait son temps. Nous avons,
jusqu'à maintenant, moins de sept heures de prévues. Cela prend
des consensus quelque part. Néanmoins, je pense qu'il y aura lieu de
trouver un fonctionnement qui sera acceptable pour tout le monde. J'ai dit
tantôt qu'on prenait en délibéré la question
soulevée par le député de Chambly et cela se fera
probablement au début de la prochaine séance. J'accorde la parole
au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci. M. le Président, sans vouloir
créer un précédent, je voulais juste demander à mes
collègues si je peux poser ma question. C'est possible que cela puisse
dépasser légèrement les deux minutes. Je vous promets
d'être le plus bref possible et je vais poser des questions très
précises pour que les réponses soient brèves aussi.
M. Gauthier: M. le Président, pour autant que le ministre
ait le temps nécessaire de réplique pour répondre à
la question, il n'y a aucune objection à prolonger.
M. Scowen: La question s'adresse surtout à M. Guy parce
qu'on ne le voit pas souvent et on espère qu'il peut nous aider à
régler un mystère qui, récemment, a pu faire sursauter un
paquet de monde. Le 10 mai 1983, le ministre des Finances a fait son discours
sur le budget et il a proposé quelques modifications à certaines
lois dont le régime d'épargne-actions. De plus, il a dit, et je
cite: "D'autres modifications sont également apportées au
régime d'épargne-actions afin, premièrement, d'exiger
qu'une action ordinaire pouvant faire l'objet d'un régime
d'épargne-actions comporte un droit de vote en toute circonstance". (17
h 15)
C'était très clair. Quelques mois plus tard, on avait eu
droit au projet de loi 44 qui avait comme objectif, entre autres, de faire
suite à cette déclaration dans le budget. Mais, dans ce projet de
loi, article 965.7, sous-article a, on voit cette phrase: "Une action est
admissible à un régime d'épargne-actions si elle est une
action ordinaire qui, après le 10 mai 1983, comporte un droit de vote en
toute circonstance". Une réflexion absolument fidèle à la
déclaration qu'on trouvait dans le budget du 10 mai. Par la suite -
c'était le 24 novembre 1983 - avant l'étude article par article
de ce projet de loi, il y a eu un amendement qui disait: II faut que le droit
de vote qui y est rattaché soit équivalent à celui de
toutes autres actions du capital-actions. Vous connaissez l'histoire, j'en suis
certain. Tout le monde se plaignait, j'ai posé la question. Il y avait
d'autres gaffes. Le ministre admettait qu'il y avait plusieurs gaffes dans
l'histoire. Mais, moi, je veux juste vous poser la question sur les gaffes de
fond.
Quand le ministre a essayé d'expliquer la chose, il y a quelques
semaines, il a semblé dire que l'esprit de sa déclaration dans le
budget était en ce sens que le droit de vote doit être égal
à tout autre droit de vote. Mais cela est clairement faux, son argument
est faux. J'aimerais savoir, M. Guy, si c'est à cause de vous - je
prends sa déclaration - que ce changement a été fait.
À la suite des recommandations de la Commission des valeurs
mobilières, le ministre des Finances, par l'entremise d'une lettre, a
fait des changements afin que l'amendement qui a été
apporté ne soit pas respecté. Le budget, changement, retour au
budget original.
La question que je veux vous poser est en trois volets:
Premièrement, est-ce que c'est la Commission des valeurs
mobilières ou vous personnellement ou un membre de votre personnel qui a
recommandé au ministre, après le dépôt de ce projet
de loi, de faire ces changements? Si oui, pourquoi? Est-ce que cette
décision de faire des changements a été prise à la
suite d'une consultation auprès des personnes impliquées?
La deuxième question que je veux vous poser est la suivante:
Est-ce que c'est vous qui avez recommandé au ministre quelques semaines
plus tard de renverser votre première suggestion et de retourner au
texte qu'on trouve dans le budget et dans le projet de loi quand il a
été déposé le 24 novembre?
Finalement, la troisième et la dernière question que je
veux poser au ministre: Quand, précisément, a-t-il l'intention de
faire suite à son engagement fait dans un telbec le 1er mars, je crois,
de faire, au cours des prochains jours, un réexamen de certains articles
en vue de proposer les changements appropriés? Ce sont là les
trois questions: deux adressées à M. Guy pour nous faire
comprendre comment une telle chose est arrivée et une dernière au
ministre, pour comprendre ce qu'il a l'intention de faire et quand.
Le Président (M. Lachance): Avant de permettre de
répondre, je voudrais rappeler au député de
Notre-Dame-de-Grâce qui siège tout de même ici depuis
quelques années que le règlement prévoit qu'on ne
s'adresse pas directement aux personnes, mais à la
présidence.
Alors, M. le ministre des Finances ou M. Guy.
M. Parizeau: M. le Président, je peux commencer et, si M.
Guy a des choses à ajouter, il le fera. Je dois d'ailleurs dire que je
ne comprends pas du tout la première partie de l'intervention du
député de Notre-Dame-de-Grâce quant au rapport que nous
aurions eu au départ de cette affaire entre la Commission des valeurs
mobilières et moi. Je ne sais pas à quoi il fait allusion, mais
je pense que la chose la plus simple consiste à lire...
M. Scowen: M. le ministre, je parle de votre énoncé
que vous avez sorti quand vous avez clairement dit que c'est à la suite
des recommandations...
M. Parizeau: M. le Président.
M. Scowen: ...de la Commission des valeurs mobilières. Je
suis prêt à vous déposer une copie si...
Le Président (M. Lachance): M. le député,
vous avez largement utilisé votre temps et cela a été fait
sur consentement. La parole est maintenant au ministre des Finances.
M. Parizeau: La chose la plus simple consiste pour moi à
lire le communiqué de presse auquel le député faisait
allusion et dont il citait des extraits. D'autre part, une note que j'ai fait
assez largement circuler et qui lui a d'ailleurs été
communiquée aussi. Cela clarifiera les choses et cela me permettra de
répondre à la question.
C'est daté du jeudi 8 mars 1984: "Le ministre des Finances a pris
connaissance ce matin, dans le Devoir, des questions que se pose M. Reed Scowen
au sujet d'une lettre que M. Parizeau aurait expédiée à
une entreprise qui, semble-t-il, l'exempterait de l'application de la Loi sur
l'impôt relative au régime d'épargne-actions telle
qu'amendée le 21 décembre dernier. M. Scowen a demandé ce
matin au ministre des Finances de lui communiquer le texte de cette lettre. Le
ministre des Finances lui a indiqué qu'il était possible que
plusieurs lettres aient été expédiées par le
ministère ou par lui-même et qu'il examinerait cette question. Le
chef de cabinet du ministre des Finances indiquait à M. Scowen au
début de l'après-midi que la lettre à laquelle il faisait
allusion lui serait communiquée, ce qui est tout à fait normal,
avec une note explicative en particulier quant aux erreurs de rédaction
de certains amendements de la Loi sur le régime d'épargne-actions
adoptés le 21 décembre dernier. "Il apparaît clairement
à la lecture de cette note que la correspondance émanant à
la fois du ministère et du ministre était destinée
à éviter certains effets rétroactifs des amendements qui
auraient inutilement pénalisé les entreprises ou des entreprises.
"Nous joignons au présent communiqué la note explicative
envoyée aujourd'hui à M. Scowen et la lettre du 18 janvier du
ministre qui a aussi été communiquée au
député de Notre-Dame-de-Grâce. On ne comprend pas dans ces
circonstances l'excitation manifestée par M. Scowen au cours de la
journée du 8 mars."
Voici la note: "II a été dit dans le communiqué de
presse du ministre des Finances du 8 mars 1984 intitulé: Une
tempête dans un verre d'eau - ce que je viens de lire - que des
modifications seraient apportées à certains articles de la Loi
sur les impôts, afin de corriger les erreurs techniques qui s'y sont
glissées au moment de l'adoption en deuxième lecture du projet de
loi 44 sanctionné le 21 décembre 1983. Ces modifications
techniques ont effectivement été rédigées par le
ministère du Revenu et sont présentement à l'étude
au ministère des Finances. Elles seront déposées à
l'Assemblée nationale au cours de la présente session
parlementaire. "Il avait également été annoncé,
dans ce communiqué de presse et dans celui du 1er mars 1984 dont le
titre est: Révision de certaines dispositions du régime
d'épargne-actions, que les représentations de la Bourse de
Montréal et de certains fiscalistes et compagnies qui s'opposent
à la modification introduite dans le REA relative, et je cite: "au
nombre de droits de vote au moins équivalents à celui de toute
autre action" seraient analysées par le ministère des Finances,
de concert avec les différents intervenants dans le dossier et qu'une
déclaration ministérielle du ministre des Finances aurait lieu
dès que les décisions seraient prises à cet égard.
"Les personnes responsables de ce dossier au ministère des Finances
travaillent actuellement sur le sujet et ont rencontré des
représentants du ministère du Revenu, de la Société
de développement industriel, de la Commission des valeurs
mobilières et de certaines compagnies québécoises qui
émettent des actions admissibles au REA. Elles font également
l'analyse des mémoires de la Bourse de Montréal, de la Commission
des valeurs mobilières du Québec et de M. Jacques Saint-Pierre,
conseiller financier, et doivent recevoir sous peu un mémoire d'un
représentant de plusieurs compagnies effectuant des émissions
admissibles au REA. "Un rapport à ce sujet est donc en voie de
réalisation à la Direction des politiques de taxation du
ministère des Finances et ses conclusions devraient être
transmises au ministre des Finances dans la semaine du 25 mars."
M. le Président, le fond de la question
est ceci, et c'est là où nous avons pas mal
discuté, le président de la Commission des valeurs
mobilières et moi, de cette question. Je remercie, M. le
Président, le député de Notre-Dame-de-Grâce de son
intervention.
M. le Président, je ne suis pas membre de la commission et,
à ce titre, je ne peux donc pas protester, comme je pourrais le faire si
j'étais membre, contre des interventions de ce genre.
M. Scowen: II y a plus d'une personne ici, à cette
Assemblée nationale, M. le ministre, et je pense que, si vous n'aimez
pas cela, vous devriez choisir un autre métier.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je pense que vous avez eu amplement le temps
d'utiliser votre droit de parole et je...
M. Scowen: Qu'il arrête de m'adresser la parole...
M. Parizeau: M. le Président, la nature du
problème...
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: ...est la suivante: En vertu de nos lois sur les
valeurs mobilières, il est tout à fait possible pour la
commission d'accepter l'émission de toute forme d'actions; actions
à droit de vote, le même pour toutes les actions, ou bien encore
des catégories d'actions ayant des droits de vote très
différents les uns des autres. Vous pouvez même imaginer que - je
ne sais pas moi - une action aurait un droit de vote et une autre
catégorie d'actions en aurait 500 par action; ou même, à la
limite, la Commission des valeurs mobilières pourra accepter - je dis
à la limite, mais il y a des cas - des actions sans droit de vote. Cela
fait partie, en somme, des attributions de la commission en vertu de sa loi
d'accepter toutes ces formes. Il s'agit de savoir si le régime
d'épargne-actions n'est accessible qu'à certaines formes de ces
actions. Il s'agit de déterminer, en somme, s'il devrait y avoir deux
catégories d'actions: celles qui sont légalement, parfaitement
admissibles par la Commission des valeurs mobilières et celles qui ne
seraient admissibles au régime d'épargne-actions que dans la
mesure où elles satisfont, sur le plan des droits de vote, à
certaines conditions. C'est, au fond, le débat. Je n'ai pas encore
tranché cette question, elle est fort importante. Je ne suis pas...
M. Scowen: ...
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous pouvez
continuer, vous aviez la parole.
M. Parizeau: Merci, M. le Président. Il y a du
mérite aux deux aspects de la question. On peut se dire: Un avantage
fiscal aussi important que celui du régime d'épargne-actions ne
devrait pas permettre ou plutôt faciliter qu'un petit groupe garde le
contrôle d'une compagnie et distribue dans le public des actions qui,
j'allais dire presque à la limite, ne donneront jamais au public la
possibilité de contrôler la compagnie en question. On ne devrait
pas donner un avantage fiscal à une perte de contrôle par tous les
actionnaires qui ne sont pas dans le groupe initial. C'est l'aspect
positif.
Le second aspect de la question, mais qui le contredit absolument,
consiste à dire: Qu'est-ce que nous cherchons par le programme
d'épargne-actions? Faciliter l'achat de capital de risques et d'actions
ordinaires par le grand public. L'État n'a pas à
déterminer qu'il y a des actions qui sont, sur le plan du contrôle
de la compagnie, meilleures presque dans le sens moral du terme ou moins
bonnes. Les deux argumentations peuvent être en parallèle
basées sur l'un ou l'autre de ces deux principes, sauf qu'ils se
contredisent absolument et qu'il va falloir trancher. Et dans ces conditions,
le député de Notre-Dame-de Grâce me disait: Quand
allez-vous trancher cela? Je pense, le plus rapidement possible. Il est
évident que je ne peux pas laisser maintenant la question en l'air pour
très longtemps. Il faut quand même que d'ici - je ne sais pas, ce
n'est pas un engagement que je prends, mais c'est un peu le genre d'horizon sur
lequel je travaille - quinze jours il faudrait que la question soit à
peu près réglée, c'est-à-dire dans environ quinze
jours à trois semaines, et donne lieu à une déclaration
ministérielle en Chambre.
Quant aux erreurs de rédaction, évidemment, il va falloir
les corriger. (17 h 30)
II reste un troisième point qui était à l'origine
de la question du député de Notre-Dame-de-Grâce: Qu'est-ce
que c'est que ces lettres qui ont été envoyées en janvier
à certaines compagnies et qui avaient l'air de les exempter, si l'on
peut dire, de l'application de la loi? Là, il faut dire une chose, c'est
qu'il s'agit de sociétés dont, ou bien les prospectus avaient
été acceptés et les négociations étaient
terminées quant à leur placement, ou même, dans certains
cas, le placement avait été fait et, alors il restait ou il y
avait besoin d'une clarification très précise de la question. Je
crois, d'ailleurs, qu'à cette occasion, j'ai dû recevoir une
lettre de la Commission des valeurs mobilières qui me signalait un cas.
Je crois que c'est en décembre plutôt qu'en janvier et cela devait
être le Château. Il me semble bien qu'effectivement j'ai
reçu une
lettre de la Commission des valeurs mobilières me signalant ce
cas-là. Je crois que dans le cas en question, les souscriptions
étaient terminées. Voilà un bref historique de la
question, M. le Président. Encore une fois, je pense qu'il va falloir
régler tout cela d'ici quinze jours ou trois semaines.
M. Scowen: Est-ce que le ministre peut répondre à
la question que je lui avais posée?
Le Président (M. Lachance): Le ministre est libre de
répondre lui-même ou de décider que le porte-parole puisse
le faire.
M. Parizeau: Si M. Guy a quelque chose à ajouter, je ne
vois pas d'objection.
Le Président (M. Lachance): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, je n'ai pas grand-chose à
ajouter. Je ne suis pas capable de répondre aux deux questions qui ont
été posées, parce que je ne sais pas à quelle
lettre et à quel document on se réfère, lesquels je n'ai
pas. Il n'y a pas de doute, comme le ministre le disait tout à l'heure,
que la question des actions sans droit de vote, à droit de vote multiple
ou droit de vote restreint est très complexe. Ce n'est pas une question
qui peut être tranchée comme cela d'une façon aussi exacte,
c'est-à-dire que ce n'est pas blanc ou noir. C'est une question à
laquelle les commissions de valeurs mobilières s'intéressent
depuis fort longtemps. Déjà en 1979, on commençait
à s'intéresser à ce sujet. En 1981, les commissions ont
tenu des audiences sur ce sujet. Elles ont rendu une décision. En fin de
compte, toutes les commissions étaient partie d'une opinion de position
assez rigide sur la question. En fait, le consensus entre les commissions
était que ces actions devraient être interdites, qu'on ne devrait
pas pouvoir les placer auprès du public. À la suite des
audiences, les commissions ont rendu une décision qui n'allait pas du
tout dans ce sens-là. Elles ont plutôt décidé qu'il
y ait plus d'information sur ce type de titres plutôt que de les
interdire. Encore récemment, il y a quelques mois, les commissions se
sont intéressées de nouveau à ce sujet. L'Ontario et le
Québec ont édicté de nouvelles règles concernant ce
type d'actions. Elles ne sont pas interdites. Ce n'est pas interdit de les
placer auprès du public par voie de prospectus. Par contre, maintenant
on doit les appeler des actions subalternes au lieu des actions ordinaires,
dans certains cas. C'est quand même une situation qui fait l'objet
d'études et d'analyses par les commissions de valeurs mobilières
d'une façon continue, parce qu'il y a quand même une
prolifération de ce type d'actions dans les derniers mois.
M. Scowen: Et le projet de loi?
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je pense que, franchement, vous abusez du temps de
la commission.
M. Scowen: C'est tout.
Le Président (M. Lachance): Si vous voulez faire poser vos
questions, je pense que vous savez quoi faire.
M. Scowen: Je sais quoi faire. Merci, M. Guy.
Le Président (M. Lachance): Je remercie, au nom des
membres de la commission... Certainement, mais il faut le manifester,
messieurs.
M. Laplante: Cela fait longtemps puisqu'on a eu un débat
là-dessus tout à l'heure.
Le Président (M. Lachance): Je pense qu'en tant que
président, j'aimerais que vous le manifestiez de façon assez
claire.
M. Laplante: M. le Président, je ne veux pas être
méchant, mais il y a eu un débat tout à l'heure à
savoir qui aurait la parole entre nous deux. J'ai dit qu'il pouvait continuer
ses deux minutes.
Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Ce n'est pas que je sois un spécialiste dans
les valeures immobilières, mais j'aurais tout de même des
questions dont une entre autres qui m'a été posée à
un moment donné, dans notre bureau de député, sur le
fonctionnement et sur les crédits. Disons qu'un individu détient
des actions d'une compagnie d'un titre au comptoir. À ce
moment-là, il avait acheté 1000 actions et aujourd'hui il cherche
où ses actions sont allées puisque la compagnie n'existe plus.
Qu'est-ce qu'il peut faire, comme citoyen, pour retracer si cette mine pourrait
être en opération dans une autre compagnie ou si c'est
complètement perdu?
M. Guy: M. le Président, d'abord la personne peut
s'adresser à la Commission des valeurs mobilières. Dans certains
cas, quand il nous est possible de le faire, on fait les recherches. Il y a des
agences spécialisées qui font ce type de recherches.
Habituellement, ce que font nos services, c'est qu'ils réfèrent
la personne à une agence spécialisée qui s'occupe de faire
ces recherches qui sont quelquefois très longues. Si on a les
renseignements à la commission, habituellement on va les donner quand
il
s'agit d'un épargnant. Bien souvent, on ne les a pas et on se
réfère à une agence spécialisée.
M. Laplante: C'est parce que vous ne faites pas le suivi
après ces actions qui sont admises.
M. Guy: Non, il y en a tellement dans ce genre d'entreprise qu'il
est absolument impossible pour nous de faire cela.
M. Laplante: D'accord. Maintenant, si on prend le tableau 1 du
recueil que vous nous avez transmis, on va commencer à l'employer. C'est
également pour des renseignements personnels parce que je voudrais
connaître un peu plus de choses concernant les valeurs
immobilières. Au paragraphe a vous dites: "Poursuite pour infraction
à la loi sur les valeurs...". Je constate qu'il y a une augmentation
pour les années 1982, 1983 et 1984; cela passe de 27% à 36%, ce
qui me paraît assez gros comme chiffre de poursuite.
M. Guy: M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait
quelque chose de significatif à tirer de cela. Je pense que cela varie
au cours des années et cela dépend beaucoup de l'ampleur des
enquêtes qui sont effectuées, du temps que l'enquête prend,
des recommandations et que le temps... Dans une année, si des
enquêtes sont moins longues, il y aura peut-être plus de poursuites
qui vont suivre à la suite de ces enquêtes. Par contre, si
l'enquête prend beaucoup de temps, il y en aura moins. Je ne pense pas
qu'ici l'augmentation est significative. C'est à peu près dans le
même...
M. Laplante: Quelles sont les principales poursuites à ce
moment?
M. Guy: Les principales poursuites que la commission a
intentées, c'est pour exercer l'activité de courtier sans
être inscrit auprès de la commission, faire des placements sans
prospectus ou agir à titre de représentant sans être
inscrit auprès de la commission. Aussi, des poursuites pour des actes
frauduleux ou des informations fausses ou trompeuses dans des documents.
M. Laplante: Je remarque aussi au paragraphe b des blocages de
fonds suivant l'article 249, cela a passé de 3% à 23%. Je pense
que c'est une bonne chose pour vous, c'est de la vigilance. Pourriez-vous me
donner des explications là-dessus?
M. Guy: M. le Président, je ne voudrais pas citer les noms
des entreprises...
M. Laplante: Je ne demanderai pas de noms.
M. Guy: Disons qu'on a eu quelques cas durant le dernier exercice
où il s'agissait d'un grand nombre de sociétés qui avaient
des liens entre elles et le chiffre ici est élevé surtout
à cause de cela. Dans un cas qui a fait l'objet de recommandations du
ministre - vous allez trouver plus loin -c'était pour la nomination d'un
administrateur. On peut nommer le nom, c'est la Société Daperli
parce que cela a été rendu public. Il y avait là-dedans
quinze ou vingt sociétés qui avaient des liens entre elles. Quand
on fait un blocage dans un cas comme celui-là, bien entendu, on bloque
dans chacune des sociétés. C'est pour cela que le chiffre
était beaucoup plus considérable l'année dernière.
Dans un autre cas, également, il y avait un certain nombre de
sociétés qui avaient des liens entre elles.
M. Laplante: Maintenant, l'interdiction de faire des
opérations sur les valeurs, cela a augmenté de 7% à 19%
suivant les articles 265 et 266.
M. Guy: M. le Président, cela non plus n'est pas
très significatif. Les interdictions sont prononcées par les
commissions de valeurs mobilières d'une façon assez uniforme
à travers le Canada quand un émetteur ne dépose pas ses
états financiers auprès d'une Commission des valeurs
mobilières. Il y a ces cas qui arrivent, il y a des retards, des
émetteurs omettent de déposer leurs états financiers, cela
peut varier d'une année à l'autre. Quelques autres interdictions,
des fois, pour des opérations sur le marché qui ne semblent pas
tout à fait honnêtes. Je ne pense pas que ce soit un chiffre qui
est très élevé.
M. Laplante: À l'autre page, on parle de 27
vérifications. Comment se fait une vérification? Sur quel motif
faites-vous des vérifications?
M. Guy: M. le Président, la commission peut ordonner une
enquête, c'est-à-dire une enquête formelle avec une
ordonnace, elle nomme un enquêteur et ainsi de suite. Mais, dans
plusieurs cas, soit qu'on ait une plainte d'un épargnant, soit qu'on
note qu'il y a quelque chose d'anormal qui se passe, soit qu'on pense que
quelqu'un commet une infraction; on peut faire une vérification sans
tout le mécanisme de l'enquête, c'est-à-dire que bien
souvent on se rend sur place ou on téléphone, on va voir les gens
et on leur demande ce qu'ils font. Si tout est normal, cela ne donne pas lieu
à une enquête. S'il y a quelque chose qui ne va pas, qu'il y a des
infractions à la loi et que la commission doit intervenir, quelquefois
cela donne lieu à une enquête ou à une interdiction. Mais
cela nous permet tout de même de faire une vérification,
préalablement à une enquête.
M. Laplante: D'accord. À la page suivante, je regarde
où vous donnez une explication sur les dispenses qui passent de 681
à 892. Vous l'attribuez le 6 avril 1983. Maintenant, le terme
"dispense", à mes yeux, ne dit pas grand-chose. Je pense qu'il n'y a pas
de gêne à dire ces choses quand on ne connaît pas trop bien
ce domaine. Pourriez-vous m'expliquer, en somme...
M. Guy: Ici, il s'agit de dispense d'établir le prospectus
qui est exigé par la loi. Pour faire appel publiquement à
l'épargne, pour vendre ces titres auprès du public, il faut
établir un document qui s'appelle un prospectus. Il y a dans la Loi sur
les valeurs mobilières un certain nombre de dispenses d'établir
le prospectus, mais qui demandent tout de même un examen des documents
par la commission, c'est-à-dire que la commission a quinze jours durant
lesquels elle peut s'opposer au placement, elle peut donner son accord dans les
quinze jours. C'est une façon beaucoup plus rapide de faire appel
à l'épargne du public sans établir un prospectus.
Là, il y a une augmentation, mais une augmentation normale.
L'année dernière, il y a eu une augmentation de l'activité
de la commission assez grande et ce n'est pas dû nécessairement
à la nouvelle loi, c'est dû aux conditions économiques. Il
y a eu beaucoup plus de prospectus, il y a eu beaucoup de ce genre de
documents, l'année dernière aussi.
M. Laplante: D'accord. Maintenant dans les renseignements et
plaintes - je ne sais pas si c'est à cause du bon fonctionnement -c'est
de 151 à 83 d'une année à l'autre, ce qui est une
diminution de près de 50%.
M. Guy: M. le Président, par exemple, vous allez noter
qu'il y a une augmentation si vous prenez le premier tableau: Demandes de
renseignements du public. Depuis deux ans, il y a un service à la
commission qui reçoit la plupart des plaintes et des demandes de
renseignements du public. Il y en a moins dans les directions qui s'occupent
des activités normales de la commission. Au tableau 4-2, vous allez voir
qu'il y a une assez grande augmentation du nombre de demandes de renseignements
et de plaintes.
M. Laplante: D'accord.
M. Guy: Je m'excuse, page 42, et non pas le tableau.
M. Laplante: C'est cela. Maintenant on va aller au 4-6. Sur les
courtiers en plein exercice, ils ont passé de 60 à 52. Vous
donnez la série; en 1982-1983, vous aviez inscrit les courtiers qui, par
la suite, ont fait l'objet de regroupements ou d'acquisitions ou n'ont pas
renouvelé leur inscription. Ceux qui ne renouvellent pas leur
inscription, ordinairement, c'est pour quelle cause? Êtes-vous
obligé de faire des enquêtes sur cela vu qu'ils ont
déjà joué avec...
M. Guy: C'est assez rare quand même. Il n'y a pas beaucoup
de courtiers qui ne renouvellent pas leur inscription. Si un courtier veut
abandonner son activité, d'abord, il doit avoir l'accord de la
commission qui fixe à ce moment des conditions pour s'assurer que les
clients du courtier ne subiront pas de préjudice. Un courtier ne peut
pas abandonner comme cela à moins que la commission ne mette fin
à ses activités, cela peut arriver également s'il y a des
lacunes sérieuses dans son fonctionnement. Mais si un courtier de plein
exercice veut abandonner, habituellement, il peut le faire avec l'accord de la
commission et à certaines conditions, pour s'assurer que les clients
vont être traités d'une façon équitable.
M. Laplante: Ce qui me surprend dans cela, c'est que la Bourse
veut de l'expansion et que le nombre de courtiers diminue. Quel
parallèle puis-je...
M. Guy: Je pense que c'est assez difficile de prendre les
chiffres comme cela et essayer de faire cette relation. Il y a tout de
même des courtiers qui sont beaucoup plus... Il y a eu des fusions, il y
a eu Richardson qui a fusionné avec Greenshields, il y a eu deux ou
trois fusions de courtiers comme cela, ce qui fait que les courtiers sont
beaucoup plus gros. C'est difficile à dire, parce qu'il y en a moins,
que ce n'est pas la même chose. Je pense qu'il y en a qui sont beaucoup
plus gros qu'ils n'étaient auparavant. Il y a eu des fusions, il y a eu
des acquisitions de courtiers durant les dernières années, ce qui
fait que le nombre ou le chiffre global a diminué. Mais, par contre,
l'activité des courtiers n'a pas diminué ni le nombre de
représentants, parce que si vous regardez le nombre des
représentants, vous verrez qu'ils n'ont pas diminué. (17 h
45)
M. Laplante: Cela peut arriver qu'un courtier fasse faillite.
M. Guy: Cela peut arriver.
M. Laplante: S'il fait une cession de ses biens, soit par
faillite ou autrement, où vont les transactions qu'il a pu faire dans
ses biens ou ses choses? Comment est-ce contrôlé après?
M. Guy: Si un courtier fait faillite, bien entendu, il y a un
fonds de prévoyance qui existe actuellement, qui est mis sur pied
par les organismes d'autoréglementation au Canada. Il y a aussi
un fonds de prévoyance qui est mis sur pied par la commission, de
façon à protéger les clients qui avaient des soldes
"créditeurs libres" qu'on appelle, chez les courtiers ou auxquels le
courtier devait de l'argent. Alors, pour que ces clients ne soient pas
pénalisés, ce fonds rembourse les clients du courtier. En
général, il n'y a pas eu beaucoup de faillites des courtiers dans
les dernières années. Il y en a eu une à Vancouver - je ne
voudrais pas me tromper -en 1982 ou au début de 1983 et l'ensemble des
clients qui avaient des soldes créditeurs libres chez le courtier ou qui
avaient des valeurs là ont été remboursés.
M. Laplante: D'accord. Sur 4.7, il y a un grand nombre de
courtiers de plein exercice, ceux qui détiennent une licence, j'imagine,
comme un type qui veut vendre de l'immeuble et qui est obligé d'avoir
une licence, il y a le courtier et l'agent aussi. Ce sont tous des agents, en
somme, de plein exercice. Cela part de 1300 à près de 1700.
M. Guy: Oui, M. le Président. Il y a eu une augmentation,
comme je le disais tout à l'heure. Il ne faut pas prendre le nombre de
courtiers et dire: Le nombre de courtiers a diminué. Le nombre de
courtiers a peut-être diminué, mais le nombre de
représentants chez les courtiers n'a pas diminué, il a
augmenté l'année dernière. Il y a une augmentation assez
importante, parce que le nombre de représentants avait quand même
été assez stable durant les dernières années. Il y
a eu quand même une augmentation assez importante du nombre de
représentants l'année dernière.
M. Laplante: Attribuez-vous cela, par exemple, à la crise
économique qu'on a pu avoir? Les personnes étaient à la
recherche d'emplois nouveaux et de défis nouveaux?
M. Guy: Non, M. le Président. Je pense que l'année
dernière a été une année extraordinaire pour la
Bourse. En fait, le volume d'activités en Bourse, l'année
dernière, a dépassé pas mal tous les records. Il y a eu
une activité très forte chez l'ensemble des courtiers. Ils ont
embauché d'autres représentants pour faire face à la
demande.
M. Laplante: Pour aller au 4-13, vous avez des publications que
vous sortez. Je m'aperçois qu'il y en a au moins une qui s'autofinance:
recette d'abonnement, 23 300 $ et un coût de production 23 000 $.
Avez-vous des chiffres pour savoir si, réellement, les vulgarisations,
ou publications, ou bulletins hebdomadaires que vous sortez, les gens s'y
intéressent beaucoup? Avez-vous déjà fait un genre de
"survey", comme on appelle, ou sondage? Jusqu'où ces publications
peuvent-elles être lues et bien adaptées au milieu que cela
concerne?
M. Guy: M. le Président, j'ai quelques chiffres ici. Le
bulletin hebdomadaire de la commission est publié sur abonnement, sauf
pour les courtiers inscrits auprès de la commission. Il est donné
gratuitement à chaque courtier, aux autres commissions des valeurs
mobilières dans tout le Canada et à quelques autres organismes.
Alors, ce sont les personnes abonnées. Actuellement, il y a 500
abonnés au bulletin hebdomadaire.
Si je regarde dans les autres brochures, je vois que, pour la brochure
de la commission, on a fait un tirage de 30 000 à peu près par
année, alors il y a une assez grande demande. On a également fait
un tirage de 30 000 par année sur la brochure traduite en anglais. Pour
les autres brochures, dans celles qui ont nécessité le plus grand
tirage, c'est la brochure: Les dix conseils avant d'y voir clair: 20 000
exemplaires, et la brochure sur la formule du temps partagé: 10 000
exemplaires. Les autres varient entre 5000 et 6500 exemplaires. Mais il y a une
grande demande, parce que la commission, durant la dernière
année, a participé au Salon d'Épargne Placement de
Québec, de Montréal et de Jonquière - j'espère que
je ne me trompe pas - au Salon de la PME et, dans quelques jours, au Salon de
la femme. Il y a eu beaucoup d'intérêt pour les publications de la
commission qui donnent, quand même, un aperçu de ce que fait la
commission, quel genre d'activités elle exerce et comment elle peut
répondre aux questions du public.
M. Laplante: M. Guy, c'est justement pour en venir là,
à 4-14. Pour la promotion et la publicité, je trouve vos budgets
minces, très minces même, à titre d'information au grand
public. De plus en plus, si l'on fait un lien avec les salons auxquels vous
avez participez, à partir de Jonquière, Montréal,
Québec et ailleurs, ce que vous dépensez ensuite en
publicité, lorsqu'on connaît le prix des publications dans un
grand quotidien et ce que le public peut retenir d'une annonce passagère
comme cela, je pense que, pour la protection et l'intérêt du
citoyen, ces budgets devraient être augmentés pour faire
connaître beaucoup plus les valeurs mobilières au Québec.
Le petit épargnant se sentirait peut-être beaucoup plus
rassuré. Je trouve minime, en somme, le nombre, vu qu'on est une
population de 6 000 000 ici, les 30 000 feuillets qui peuvent avoir
été distribués ou autres, si bien faits qu'ils soient. Une
publicité un peu plus grande pourrait être donnée, pour
intéresser ce même public à avoir confiance aux
institutions qu'on a ici au Québec, surtout
dans le domaine de la finance.
Je ne sais pas ce que vous pensez de cela.
M. Guy: M. le Président, je suis content d'entendre ces
mots. Il n'y a pas de doute que, dans notre esprit à nous, ce budget est
loin d'être suffisant. On sait cela, on a fait, l'année
dernière, avec un budget très petit, des efforts
considérables, mais je ne pense pas que ce soit à nous à
décider si l'on doit nous accorder davantage.
M. Laplante: Mais il y a des pressions qui peuvent se faire. Dans
tout ce qui regarde ces choses, le public a besoin de s'y intéresser,
parce qu'on a, aujourd'hui, une population beaucoup plus instruite
qu'auparavant. Elle est beaucoup plus connaissante. Aussi, on a commencé
dans nos écoles à expliquer ce qu'est l'économie à
nos jeunes, contrairement à ce nous pouvions avoir dans notre temps
lorsqu'on fréquentait l'école secondaire. Quant à moi, je
vous encourage à aller dans cette direction, je serai peut-être
l'un de vos défenseurs.
Je vous remercie des réponses que vous m'avez données. Je
sais que cela m'a été utile et que ce ne fut pas seulement des
objets de critique, mais des choses constructives qu'il faut se dire entre
nous, parce que le journal des Débats n'est pas lu seulement par des
parlementaires. Il est aussi lu par le grand public. Alors, lorsqu'il y a des
choses constructives à donner, je pense qu'il faut être
honnête avec nos organismes. Il faut avoir confiance en nos organismes.
Ils sont là. Ils marchent avec le gouvernement en place. Il ne faut pas
toujours leur donner des coups de pilon sur la tête mais, à un
moment donné, les ressortir et démontrer au public qu'on a de
bons organismes au Québec et qu'on est capable de continuer de les
appuyer lorsque c'est le temps. Je vous remercie, M. Guy.
Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres
personnes qui veulent parler? Bon.
Une voix: Pas après cela.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que le programme 7 des
crédits du ministère des Finances est adopté?
Une voix: Adopté sur division.
Le Président (M. Lachance): Je remercie, au nom des
membres de la commission, les porte-parole, M. Guy et ses collègues, de
la Commission des valeurs mobilières. Merci.
J'inviterais maintenant le ou les porte-parole de la
Société des loteries et courses du Québec à bien
vouloir prendre place.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour que nos invités
sachent ce qui se passe ici à l'avant, étant donné
l'heure, étant donné l'ordre de la Chambre, qui, par ailleurs, si
je comprends bien, peut être modifié avec consentement unanime,
l'alternative est de permettre à M. Lafaille de rester avec nous
après s'être présenté tout de suite avant 18 heures.
Quant à nous, ce ne sera pas tellement long. On pourrait donc
déborder au-delà de 18 heures alternativement. On suspendrait
à 18 heures jusqu'à 20 heures pour prolonger en fin de
soirée après 22 heures.
Le Président (M. Lachance): Oui, M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, compte tenu probablement de
l'importance des questions qui seront posées, compte tenu aussi de
l'importance d'avoir un débat suivi, puisqu'il reste à peine
trois minutes ou trois minutes et demie, il m'apparaîtrait plus
respectueux pour nos visiteurs et plus intéressant pour tout le monde
qu'on reprenne tout simplement à 20 heures quitte à prolonger de
cinq minutes à 22 heures pour aller jusqu'à 22 h 5. Cela ne
semble pas indiqué du tout de commencer à ce moment-ci.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que cela vous
convient?
M. Tremblay: Je voudrais le consentement jusqu'à 22 h
30.
Le Président (M. Lachance): Alors, la commission du budget
et de l'administration suspend ses travaux jusqu'à 20 heures pour les
reprendre dans cette même salle ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 4)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La
commission permanente du budget et de l'administration poursuit ses travaux aux
fins d'étudier les crédits budgétaires du ministère
des Finances pour l'année financière 1984-1985.
Je souhaite la bienvenue au président de la Société
des loteries et courses, M. Jean-Marc Lafaille, un personnage
particulièrement connu depuis quelques semaines, quelques mois, et
j'invite le député de Vaudreuil-Soulanges à soumettre ses
commentaires ou questions.
Société des loteries et courses du
Québec
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci,
M. le Président. D'abord, on le fait tous les ans, je m'en
aperçois, et je m'excuse auprès d'un tas de présidents
d'organisme de les retenir aussi tardivement. Il est évident que, d'une
part, on accuse un certain retard en début de journée; d'autre
part, la période de questions et tout ce qui s'ensuit comme
débat, à l'Assemblée nationale, nous retardent
également. On aime bien, par ailleurs, avoir l'occasion - cette
année, dans les circonstances que nous avons discutées ce matin -
de rencontrer chaque année les différents présidents
d'organisme. C'est la seule occasion que nous ayons. On peut toujours poser des
questions au ministre responsable mais il y a des choses, comme vous le verrez
à la lumière de nos questions - vous l'avez peut-être
déjà constaté à la lumière de nos questions
de ce matin et de celles qu'on pourrait vous poser - auxquelles le ministre est
incapable de répondre devant la Chambre. Il ne faut pas s'attendre qu'il
sache tout, en détail, côté administration; il doit prendre
avis. Il vous rappelle; vous lui écrivez; il nous en fait part; on pose
une question additionnelle. Bref, une discussion qui pourrait durer entre 6 et
49 minutes, pour employer des chiffres que vous connaissez, peut prendre de 6
à 49 semaines si, par ailleurs, on suit la mécanique strictement
parlementaire au salon de l'Assemblée nationale.
M. Lafaille, ce serait dans l'intérêt public, à
certains égards, et cela éclairerait peut-être quant au
genre d'administration de Loto-Québec si je vous demandais certains
commentaires sur les incidents qui ont entouré l'engouement
extraordinaire qu'on a connu autour de la 6/49, lorsque le gros lot a atteint,
d'une semaine à l'autre, des montants mirobolants.
Il y a eu - comme consommateur, la question se pose de bonne foi - des
difficultés de machinerie, d'outillage, d'ordinateur, manifestement.
Est-ce que c'était au niveau de la préparation de certains
programmes qui ne pouvaient traiter le volume? Est-ce que c'était une
interférence purement mécanique, électrique,
électronique quelconque que vous avez vécue à ce
moment-là? Est-ce que ce sont des choses de cette nature que vous avez
connues? C'est peut-être l'utilisation parallèle que vous devez
faire, je présume, de votre équipement à un tas d'autres
fins, que ce soit pour préparer des rapports internes, que ce soit pour
tester à l'avance certains projets que vous pouvez avoir à
l'esprit. Vous les soumettez, quand ils sont prêts, au ministre et au
cabinet pour approbation, lorsque vous inventez des nouveaux jeux. On en a
déjà discuté dans les années
précédentes. Vous nous avez fait part, à ce
moment-là, du processus d'approbation de nouveaux jeux pour remplacer,
évidemment, des jeux vieillissants, qui ont atteint un point de
maturité dans la courbe comme produits.
Donc, tout simplement en vue de maintenir une opération
commerciale qui a du bon sens, avec certaines prévisions en vue
d'augmenter un peu votre dividende d'une année à l'autre, comme
c'est certainement votre mandat au point de vue financier, vous devez soumettre
des hypothèses de nouveaux jeux, certains projets au ministre
responsable. Vous devez, je présume, à ce moment-là, vous
servir de votre équipement électronique pour tester des options,
des hypothèses, développer des choses qui ne sont pas juste des
projets en l'air quand vous arrivez devant le ministre.
Est-ce que l'une ou l'autre ou plusieurs des causes que j'évoque,
qui sont purement mécaniques - question d'équipement, de
compatibilité de l'équipement avec le volume de traitement des
données requis lors de l'épisode 6/49 à 14 000 000 $,
utilisation parallèle de votre équipement - ont frustré
beaucoup les consommateurs de vos produits à cette époque?
Le Président (M. Lachance): M. Lafaille
répondra.
M. Lafaille (Jean-Marc): M. le Président, lorsqu'il y a eu
l'engouement du LOTTO 6/49, je pense que c'était une surprise non
seulement pour le public qu'on puisse atteindre des niveaux de vente comme
ceux-là, mais également pour Loto-Québec. Je pense qu'il
ne s'agissait pas d'un problème de capacité de nos
équipements, pour employer le terme communément utilisé,
le hardware, car nos ordinateurs, normalement, auraient dû suffire
à la tâche. Mais on n'avait jamais - et c'est là un autre
problème - expérimenté des volumes aussi
considérables de vente à la minute. Nos systèmes ont
été capables de prendre le volume de ventes considérable;
la preuve en est qu'on a suffi à la tâche après certains
ajustements. Mais jamais on n'avait pensé, par exemple, qu'il nous
serait nécessaire d'enregistrer plus de 1200 transactions à la
minute.
Nos systèmes avaient été testés avec un
volume maximal - c'est ce qu'on pensait à ce moment-là, il y a
déjà un an - de 1200 transactions à la minute. Alors,
lorsque est arrivé l'engouement dans les deux dernières semaines,
tout à coup, on s'est aperçu que le volume de transactions
montait jusqu'à des pointes de 3000 transactions à la minute. Il
arrivait des choses qui surprenaient un peu nos informaticiens, à savoir
que les logiciels d'application des ordinateurs ne répondaient plus
à un volume aussi élevé que celui-là. En termes
populaires, cela faisait sauter le système, l'ensemble des programmes
devait être arrêté et la machine remise en marche
tranquillement jusqu'à ce qu'elle soit capable d'absorber le volume.
Cela nous a pris, en
somme, deux jours et demi, à toutes fins utiles, travaillant 24
heures par jour, pour modifier les logiciels d'application de telle sorte que
les ordinateurs soient en mesure de prendre un volume aussi
considérable, des pointes de l'ordre de 3000 transactions à la
minute. Après deux jours, deux jours et demi d'ajustement des logiciels,
d'ajustement mineur des équipements, on était en mesure de
prendre ce volume considérable de ventes.
En somme, pour répondre précisément à votre
question, c'est uniquement qu'il était tout à fait
imprévisible d'atteindre un niveau considérable de ventes et on
n'avait pas, à ce moment, fait des tests pour des volumes comme
ceux-là. Il a fallu résoudre le problème en deux jours,
deux jours et demi.
Également, en parallèle à ce problème, au
moment où le gros lot atteignait des proportions importantes, nous
étions à déménager notre centre informatique, ce
qui signifie peut-être que si le gros lot était arrivé au
mois de février, plutôt qu'au mois de janvier, on n'aurait
éprouvé aucun problème de capacité parce qu'on
avait déjà prévu, au mois de février, une fois
l'équipement déménagé, d'arriver avec des
modifications à nos logiciels d'application permettant - après
coup et, là, on peut le voir - de prendre des volumes de transactions
aussi importants. C'est essentiellement la réponse. L'équipement
était là et fonctionnait bien; les logiciels également.
Cependant, on ne s'attendait pas à un volume considérable
à la minute et les logiciels ont dû être adaptés pour
absorber un volume considérable.
Cependant, on ne pense pas que cela nous ait fait perdre des ventes. Par
contre, cela a occasionné beaucoup de problèmes à nos
détaillants et à notre force de vente en général et
des inconvénients aux consommateurs qui avaient à attendre chez
les détaillants que le terminal soit remis en fonction.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous remercie. La question
me venait à l'esprit, d'abord, parce que c'est un fait public. Par
ailleurs, comme votre dernier rapport annuel est disponible et en fait foi,
vous y affirmez que "la direction des systèmes a récemment
complété son programme de migration des systèmes-jeux
à un environnement d'ordinateurs de grande puissance lui
conférant désormais un potentiel de croissance adéquat
pour permettre l'expansion du réseau de terminaux-jeux, etc". C'est ce
qu'on a vécu donc, ce que vous nous aviez annoncé.
Je dirais qu'il y a une contradiction apparente entre le fait que vous
parliez d'une croissance extraordinaire du réseau de terminaux-jeux,
d'une part, quand on regarde la date à laquelle cela a été
fait, avant l'épisode 6/49, et le fait que, lorsque la croissance du
volume quotidien est arrivée, vous n'ayez pas été capables
d'assurer le service. Vous avez mentionné - évidemment, je ne
suis pas informaticien, vous l'êtes sans doute plus que moi à ce
moment-ci - que ce n'est pas une question de capacité, c'est une
question d'habileté, de capacité du logiciel à
répondre à la demande.
M. Lafaille: Exactement. On n'a pas eu à ajouter ou
à acquérir de l'équipement supplémentaire pour
répondre à la demande. Tout ce qu'on a eu à faire, au
point de vue pratique, c'est d'ajuster les logiciels d'exploitation des
systèmes pour qu'ils soient capables d'absorber un volume
considérable comme celui-là. La seule raison pour laquelle les
systèmes n'avaient pas été mis au point avec cette
possibilité de pointe, c'est que, dans toutes nos projections de ventes,
on ne pouvait pas imaginer atteindre un volume de 3000 transactions à la
minute.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Maintenant, à quoi sert votre parc d'ordinateurs à part
cela? Les applications internes dont je parlais tout à l'heure ne
doivent pas être d'une magnitude épouvantable. J'aimerais
plutôt attirer votre attention ou, enfin, que vous m'éclairiez sur
l'utilisation que vous pouvez faire de votre équipement pour mettre en
place à l'avance des systèmes de nouveaux jeux que vous
présenterez éventuellement. Je présume que vous arrivez
avez la proposition d'un nouveau jeu que vous devez faire approuver. Est-ce que
cette histoire est à moitié enceinte? Est-ce l'idée de
quelqu'un, et sur papier seulement? Est-ce que cela fonctionne? Est-ce que les
machines ont été testées? A-t-on simulé la
capacité requise de la part des ordinateurs afin que cela fonctionne sur
des roulettes? À quoi sert tout ce parc? (20 h 15)
M. Lafaille: Notre parc informatique est essentiellement
voué à deux vocations. Il y a un ordinateur principal voué
essentiellement aux jeux sur terminaux: le LOTTO 6/49, le 6/36 et la
Quotidienne. Cet ordinateur ne sert qu'aux jeux, ce qui signifie qu'on ne fait
pas autre chose avec cet ordinateur, sauf de gérer des jeux sur
terminaux. Évidemment, lorsqu'on a fait l'acquisition de ces
ordinateurs, c'était en planifiant une possibilité d'expansion en
termes de volume au cours des cinq prochaines années. Si le volume est
beaucoup plus considérable, après trois ans, que ce qu'on a pu
planifier il y a déjà un an, on devra faire des ajustements;
mais, normalement, cet ordinateur-jeux devrait suffir à nos besoins pour
les cinq prochaines années.
Comme je l'ai dit, cet ordinateur ne sert qu'aux jeux, pour une raison
bien simple qui en est une essentiellement de sécurité.
On ne veut pas que les programmes servant à la gestion de
Loto-Québec soient faits sur le même ordinateur que les jeux
essentiellement pour des raisons de sécurité. Évidemment,
un billet émis par un terminal peut valoir 1 000 000 $ ou même 14
000 000 $, alors il est important, au point de vue de la
sécurité, de séparer les deux environnements:
l'environnement jeux et l'environnement gestion.
On a donc un autre ordinateur, cette fois pour suffire à nos
besoins de gestion et de développement des systèmes. Pour la
gestion, c'est comme dans n'importe quelle autre entreprise, il y a le service
financier, le personnel, l'indicateur de gestion, statistiques et tout et,
évidemment, le développement de nouveaux systèmes.
Pour répondre à la deuxième partie de votre
question, lorsque Loto-Québec conçoit de nouveaux jeux et que
ceux-ci doivent être informatisés, certains nouveaux jeux peuvent
ne nécessiter aucun travail informatique. Par exemple, s'il s'agit de
mettre en marché une nouvelle loterie instantanée, il n'y a
absolument aucun travail informatique à faire. Si, par ailleurs, il
s'agit de mettre en marché un autre jeu de loterie, avec
l'expérience qu'on a acquise au cours des années, on sait
exactement combien il faut de mois pour programmer un jeu comme
celui-là. Habituellement, c'est entre trois et quatre mois.
Aucun travail de programmation ou autre ne se fait avant d'en avoir
obtenu l'autorisation du gouvernement, parce qu'il y a des coûts
évidents impliqués dans la programmation de ces jeux et dans la
préparation des logiciels. On ne veut pas faire et on ne fait pas de
telles dépenses avant d'en avoir été autorisé par
le gouvernement.
Donc, lorsqu'on fait la conception de nouveaux jeux, les dépenses
essentielles sont des dépenses de recherche et de développement.
Des spécialistes analysent d'une façon générale le
marché des jeux de hasard, aussi bien au Québec qu'à
l'extérieur du Québec, et, à l'aide de ces études,
ils peuvent concevoir de nouveaux jeux. Ce sont donc essentiellement des
coûts reliés à la recherche qui sont effectués avant
la décision gouvernementale, et non pas d'autres coûts.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Donc, à ce
moment-là, l'utilisation de capacités informatiques n'est pas
requise de quelque façon que ce soit. Cela est fait sur papier par des
gens qui connaissent cela, autrement dit, qui prévoient la demande
informatique pouvant résulter de l'introduction de nouveaux jeux
fondée, entre autres, sur l'utilisation de l'informatique pour le
traitement du volume.
Je me demandais, toujours à l'égard du parc informatique,
si vous y avez apporté des changements. Avez-vous changé de
fournisseur récemment? Êtes-vous propriétaire ou locataire,
en général? J'essaie de voir exactement l'approche que vous avez
prise pour cela.
M. Lafaille: Comme c'est indiqué dans le dernier rapport
déposé à l'Assemblée nationale, le rapport pour
l'année financière 1982-1983, on a fait un changement dans notre
parc d'ordinateurs durant l'année en question» Auparavant, nous
avions ce qu'on peut appeler des mini-ordinateurs, nous avions des appareils
digitaux que nous avons modifiés et nous avons fait l'acquisition
d'ordinateurs IBM de grande puissance. C'était pour passer d'un
environnement de mini-ordinateurs à un environnement d'ordinateurs de
grande puissance en vue de pouvoir répondre à un besoin de
capacité plus grande.
Cette décision a été prise au moment du lancement
du LOTTO 6/49. Lorsque cette décision a été prise, on
savait que l'on devrait augmenter de façon considérable la
capacité de nos ordinateurs pour répondre non seulement à
cette nouvelle demande, mais également à l'augmentation de notre
parc de terminaux.
À la même époque où on a décidé
de lancer le 6/49, on a également décidé d'augmenter le
nombre de terminaux permettant de vendre nos loteries sur terminal. On avait,
auparavant, 2000 terminaux-jeux. Pour tracer un tableau complet, nous avons
actuellement 12 000 détaillants, c'est-à-dire 12 000
commerçants qui vendent nos loteries au Québec, l'ensemble de nos
huit loteries. Parmi ces 12 000 détaillants, 2000 avaient des terminaux.
Seulement ces 2000 détaillants pouvaient vendre le 6/36 et la
Quotidienne. On a décidé d'augmenter ce parc de 2000 à
4000.
En même temps qu'on prenait cette décision d'augmenter le
parc de terminaux, on augmentait le nombre de jeux sur terminaux en
introduisant le LOTTO 6/49. Les évaluations faites par notre personnel,
à ce moment-là, quant à la capacité de nos
ordinateurs, ont démontré qu'on devait se diriger vers des
ordinateurs de grande puissance plutôt que vers des mini- ordinateurs
comme ceux que nous avions à l'époque. C'est ce qui nous a
incités à changer notre parc, à ce moment-là. La
décision de s'en aller vers des ordinateurs IBM s'est faite à la
suite du processus normal d'achat ou d'acquisition à Loto-Québec
qui est, j'imagine, similaire à ce qui existe dans les autres
sociétés d'État: les appels d'offres et tout.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à savoir si, au
point de vue de l'actualité,
quant à l'implantation d'une nouvelle série de salons de
jeux, des casinos électroniques ou je ne sais trop, enfin le genre de
jeux dont on parle à ce moment-ci, dont je vous ai entendu parler,
d'ailleurs, récemment à la radio... Vous avez fort bien fait
cela. Je ne sais pas si c'était pour forcer la main du ministre, comme
il le dit, que tout cela est dans le domaine public aujourd'hui, certains de
vos projets - ce ne sont peut-être pas des projets, vous nous le direz -
mais est-ce que ce sont des jeux qui appelleront l'utilisation d'une
capacité informatique plus grande?
M. Lafaille: Non. Je vais décrire un peu le genre de jeux
dont il s'agit. Le concept de la loterie vidéo - parce que c'est le
terme exact - est à l'étude et a été
développé aux États-Unis depuis maintenant plus de deux
ans. Je pense que toutes les loteries nord-américaines étudient
cette question depuis deux ans. Alors, Loto-Québec ne fait pas bande
à part. On est dans le même bain, on est du même cercle
d'étude que les loteries d'État nord-américaines.
Evidemment, Loto-Québec fait des rapports sur cette question; elle
étudie cette question depuis maintenant deux ans.
C'est un concept qui est complètement différent, à
savoir qu'il s'agit d'appareils vidéo du genre Pac-Man ou Asteroid pour
les jeunes qui connaissent un petit peu le milieu des arcades, qui aiment jouer
dans les arcades. Ce concept de la loterie vidéo provient, justement, de
ces jeux vidéo. Cela peut prendre, évidemment, différentes
formes. Cela peut prendre la forme d'un bingo, cela peut prendre d'autres
formes, mais, essentiellement, ces machines ou ces appareils sont autonomes.
Pour des fins de contrôle, non seulement il y a intérêt,
mais il est évident que si jamais il y avait exploitation de ces jeux
par Loto-Québec celle-ci les relierait, ces appareils, entre-eux et les
contrôlerait par ordinateur.
À ce moment-là, les besoins seraient complètement
différents de nos besoins actuels en termes de hardware, en termes
d'équipement. C'est complètement différent des
équipements qu'on possède actuellement, à savoir que si
Loto-Québec allait vers ce genre d'activité il faudrait
s'équiper non seulement en termes d'appareils, mais également en
termes d'ordinateurs pour répondre à ces besoins. Nos ordinateurs
actuels ne seraient donc pas utilisés à cette fin, ils ne
pourraient pas être utilisés à cette fin. La
capacité demandée pour opérer ces appareils de loterie
vidéo n'est pas tellement importante en termes de capacité
informatique; donc, ce n'est pas utile de relier ces appareils à un
ordinateur central aussi gros et aussi important. Cela serait plutôt
encombrant qu'autre chose. On serait peut-être mieux d'avoir des
micro-ordinateurs au niveau d'un salon de jeux pour contrôler ces
appareils, plutôt que de relier cela à un ordinateur central
important.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je ne voudrais pas qu'il y
ait de confusion quant à une déclaration que M. Lafaille a faite
et une autre que j'ai faite de mon côté et que le
député de Vaudreuil-Soulanges cherche à relier l'une
à l'autre. J'ai dit, effectivement, que je pensais que quelqu'un, en
rendant public, récemment, ce projet, cherchait à me forcer la
main. Les renseignements que j'obtiens depuis quelque temps ne font que me
confirmer en ce sens. Les premières nouvelles qui ont été
diffusées dans les médias venaient, si je comprends bien, de
Trois-Rivières, et c'est à partir de là que cela s'est mis
en effervescence. Cela n'avait aucun rapport avec ce que le président de
Loto-Québec a dû faire après. Dans la mesure où
l'affaire sortait dans les médias, c'était la moindre des choses
que le président de Loto-Québec explique ce dont il s'agissait de
la même façon que, moi, j'ai dû présenter en Chambre
des explications quant à ma version des faits.
Le projet qui nous est présenté par Loto-Québec est
très intéressant à la fois par ses aspects sociaux que par
ses aspects financiers. Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'il y a un
marché pour ces jeux vidéo et que, dans le cadre normal où
les jeux apparaissent, prennent de l'ampleur, mûrissent et s'estompent
petit à petit, il faut relancer la mise, si je peux m'exprimer ainsi, et
proposer au public de nouveaux jeux périodiquement. Je crois que la
démonstration faite par Loto-Québec au gouvernement qu'il y a des
possibilités commerciales importantes dans ce domaine est tout à
fait évidente.
Il n'est pas toujours évident qu'en lançant un nouveau jeu
il va y avoir de l'argent à tirer de là. Pour ce qui est des
paris sportifs - Loto-Québec en était persuadée en nous le
proposant, le gouvernement en était aussi persuadé en examinant
les données de Loto-Québec et ce que nous avons vu l'a
confirmé - il n'y a pas beaucoup d'argent à faire dans un jeu
comme celui-là. Il était important, cependant, de le lancer,
alors même que le gouvernement fédéral voulait se lancer
dans ce type de jeux, soi-disant pour ramasser l'argent nécessaire pour
les jeux de Calgary, mais en fait pour intervenir à nouveau dans le
domaine général des loteries. Il s'agissait donc, en
lançant des paris sportifs au Québec, d'une opération
essentiellement défensive, alors qu'au contraire les jeux d'appareils
vidéo, semble-t-il, commercialement sont fort intéressants.
Cependant, pour Loto-Québec, il y a un
aspect social au moins aussi important que l'aspect simplement
commercial à ces jeux vidéo - je pense que le
député de Westmount y faisait allusion à
l'Assemblée nationale, il y a quelque temps - c'est que les arcades se
sont multipliées à une vitesse extraordinaire et
présentent, sur le plan de la moralité publique, de la
criminalité, et singulièrement chez les jeunes, des
problèmes de plus en plus sérieux. Comme toujours, lorsque nous
avons à discuter de ces questions, je cherche à me renseigner
auprès des autorités policières, puisque je dois faire une
recommandation au Conseil des ministres, finalement, et les rapports de ces
autorités policières quant au fonctionnement des arcades à
l'heure actuelle sont un peu effrayants. Je n'ai pas l'impression
d'exagérer en disant cela. (20 h 30)
II s'agit donc de déterminer si nous devons nous engager dans une
triple opération: premièrement, réduire le champ
d'activité, ou même possiblement éliminer
complètement l'arcade, comme commerce; deuxièmement, organiser
des jeux, dans des salons, à partir de Loto-Québec. Ce ne serait
pas la première fois que Loto-Québec se substituerait - comment
dire - à des opérations privées douteuses, pour le plus
grand bien du contribuable québécois et pour le plus grand bien
de la moralité publique, d'ailleurs.
Mais - troisième volet de l'opération -il est
évident que les jeunes qui ne sont pas normalement admis à des
salons de jeux ont développé un enthousiame considérable
pour ce genre de jeux. Donc, il y a lieu d'envisager que, dans des maisons de
jeunes et d'autres lieux fréquentés par les jeunes, on puisse
disposer de jeux vidéo qui n'impliqueront pas d'argent, ou de lots, ou
de choses semblables mais qui, néanmoins, correspondraient à une
demande évidente.
Ce que nous devons donc examiner au gouvernement, ce sont ces trois
choses ensemble. Cela rend, bien sûr, l'opération un peu plus
compliquée que de savoir si on remplace un 6/36 par un 6/49, ou un 6/49
par un 6/72; enfin, la décision que le gouvernement doit prendre est de
nature différente, en raison des implications que je viens
d'indiquer.
Je ne sais pas encore quand exactement la décision sera rendue,
mais il est évident que d'autres ministères sont directement
impliqués dans ce genre de choses: le ministère de la Justice
sûrement, le ministère des Affaires sociales. C'est une raison
pour laquelle je discute présentement de cette question avec plusieurs
de mes collègues; je ne pense pas aller devant le Conseil des ministres
avec une recommandation avant que tous les ministres impliqués dans les
diverses facettes de l'opération aient été
consultés et aient jugé l'opération souhaitable.
Qu'elle soit souhaitable sur le plan des revenus du gouvernement, c'est
indiscutable. Je pense que les démonstrations que la Loto-Québec
a pu nous faire crèvent les yeux, mais ce sont les autres dimentions qui
doivent être examinées et la décision sera prise quand
toutes les facettes auront été examinées par les ministres
impliqués. Il faut qu'on soit prêt à faire une sorte de
démarche commune auprès du Conseil des ministres en disant:
Voilà, on pense que la formule est au point ou, au contraire, non, cela
a des implications qui nous amènent à faire des recommandations
défavorables, toutes choses considérées.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): J'aimerais relever en passant
une remarque que le ministre a faite. Je comprends le jeu vidéo, tel que
vous l'envisagez comme source de revenus, mais il y a des baux à payer
là-dessus. On est en train de regarder, entre autres choses, un volet
où, dans certains milieux - maisons de jeunes, etc. - la
Loto-Québec installerait peut-être des machines vidéo, sans
lot, c'est bien ça?
M. Parizeau: Oui, sans cet élément de jeu pour les
jeunes et, normalement...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec coût, mais sans
lot...
M. Parizeau: Écoutez, avec ou sans coût, le
problème n'est pas là. Est-ce qu'il y aura là des tickets
modérateurs ou non, on verra cela plus tard. On n'en est pas là
pour le moment.
Je que je veux dire, c'est que normalement, dans une arcade, ces jeux ne
doivent pas amener de lot. On sait bien que des lots sont payés sous la
table, mais ces jeux ne donnent pas lieu à des lots, en fin de compte,
théoriquement. Les rapports de police que je reçois sont d'une
tout autre nature. Enfin, ça, c'est autre chose. Il est évident
que, si on fait intervenir des jeux comme ceux-là dans des maisons de
jeunes, ce n'est tout de même pas pour les habituer, à 14 ans,
à s'initier aux jeux, aux jeux payants.
M. Lafaille veut rajouter quelque chose.
M. Lafaille: Pour donner un exemple, on sait que les jeux que
l'on trouve dans plusieurs familles, soit de l'équipement Atari,
Intellivision ou Coleco, permettent différentes sortes de jeux
d'amusement, tout comme les jeux Pac-Man que l'on retrouve dans les arcades ou
Asteroid. Le problème dans les arcades, actuellement, c'est que les
jeunes sont obligés de débourser 25 cents à chaque fois
qu'ils jouent à Pac-Man et de redébourser 25 cents pour un autre
jeu. Le problème que l'on retrouve dans les arcades,
c'est que les jeunes sont obligés de débourser des sommes
d'argent importantes pour jouer à ces jeux-là.
Si, comme le mentionnait le ministre Parizeau, les jeux comme Pac-Man et
Asteroid étaient rendus disponibles gratuitement à des jeunes
dans des endroits autres que des arcades, évidemment, vous n'auriez plus
les problèmes reliés au fait que ces jeux sont lucratifs dans les
arcades et que les jeunes doivent débourser des sommes d'argent.
On sait, par ailleurs, que, selon différentes études
sociologiques, les jeux vidéo ne sont pas néfastes pour les
jeunes; il y a même plusieurs études qui soutiennent que c'est
très formateur à différents niveaux, ces jeux
vidéo. Le problème, c'est ceci: de la façon dont c'est
exploité dans les arcades, les jeunes, pour avoir suffisamment d'argent
pour jouer aux jeux vidéo, posent des gestes illégaux ou sont
incités par d'autres à poser des gestes illégaux. C'est ce
que tous les corps de police mentionnent. Alors, la solution sociale est
justement de rendre disponibles ces jeux, qui ont quelque chose de bon en soi,
mais en enlevant l'aspect négatif qui est relié à
l'argent, à savoir de devoir débourser pour jouer à ces
jeux.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je serais juste curieux de
savoir, aujourd'hui, si jamais le gouvernement...
M. Laplante: M. le Président, on voudrait avoir la
possibilité, nous aussi, de questionner un peu. Cela fait
déjà une demi-heure...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, mais il y a eu des
réponses.
M. Laplante: Oui, mais, tout de même, cela fait 38
minutes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
C'était la dernière.
M. Laplante: ...au-delà de 20 minutes...
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa, pour votre information, j'ai vérifié et il reste encore
au député de Vaudreuil-Soulanges 9 minutes, s'il veut
épuiser son temps de 20 minutes.
M. Laplante: Combien?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne l'épuiserai pas,
M. le Président. Je vais rassurer tout de suite le député
de Bourassa.
M. Tremblay: Je pensais qu'on prenait une demi-heure, qu'on
s'était entendu.
Une voix: C'est un droit de parole de 20 minutes.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.
M. Tremblay: Alors, on ne s'est pas entendu.
M. Laplante: ...une entente d'une demi-heure, je m'en
excuse....
M. Tremblay: Non, non, si on ne s'est pas entendu, c'est bien.
Cela va.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...30 à 35 minutes, cela
fait combien de temps?
M. Tremblay: On joue selon les règles du jeu.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si on est pour jouer avec le
chronomètre... Cela rentre dans les trente-cinq minutes, je veux bien
croire.
Un dernier commentaire, dans ce cas-là. J'essayais de voir si,
dans le mandat de Loto-Québec, une évolution l'avait
amenée à recommander un jeu comme celui-là. Je me base,
pour poser ma question, sur le fait que l'on peut presque présumer qu'il
y a un marché relativement illimité; c'est limité
uniquement par l'imagination des concepteurs, ou à peu près. La
croissance à moyen terme - je vais nuancer - des revenus possibles d'une
opération comme la vôtre pourrait être limitée par la
seule imagination des concepteurs, d'une part, et les efforts de promotion que
vous pourriez faire de ces jeux-là, d'autre part.
Or, il m'apparaît y avoir quelque chose d'un peu différent
ici, qui vous a amenés à suggérer la nature de ce jeu qui,
à mon sens, est substantiellement différente. C'est une
différence de nature, je dirais, entre les jeux où quelqu'un
achète un billet - c'est une opération purement personnelle, on
cherche un gain, on achète un rêve, peu importe; quelqu'un
achète un billet de loto quelconque ou choisit ses numéros - et,
d'autre part, les salons de loto-vidéo avec lots, où un paquet de
monde se ramasse et cela devient une activité sociale fort distincte de
celle que vous avez encouragée jusqu'à maintenant ou à
laquelle vous vous êtes livrés, qui est de vendre un produit
à un consommateur qui pourrait, à la limite, l'acheter de chez
lui par téléphone, si on peut envisager cela, ce qui
l'amènera peut-être un jour à se déplacer vers un
salon de jeux.
Je me demandais si vous aviez redéfini votre rôle comme
proposeur de nouveaux jeux au gouvernement, dans le sens qu'une dimension
sociale très nette - c'est cela, la différence, à mon
sens, et le ministre l'a soulevée - entre ce qui est proposé,
loto-
vidéo, et ce qui existait déjà, s'est
ajoutée dans cette proposition au mandat que vous aviez l'habitude de
remplir. J'essaie de voir si vous avez changé de point de vue quant
à la façon dont vous poussez un jeu.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je pense que je devrais répondre à
cela parce qu'il n'y a pas de doute que, comme ministre responsable, je dois
intervenir assez fréquemment pour essayer de réconcilier la pure
technique de développer de nouveaux jeux et les conséquences
d'ordre social que cela peut entraîner dans un sens ou dans l'autre. Je
pense que cela est inévitable, le gouvernement doit faire cela et, comme
j'ai des recommandations à faire au gouvernement, il faut que
j'intervienne très directement dans l'équilibre de ces
objectifs.
Loto-Québec - il ne faut pas oublier que nous parlons ici de la
Société des loteries et courses - à l'origine, avait dans
son mandat aussi bien des jeux individuels que des jeux, j'allais dire, de
société, puisqu'il y a dans le mandat de Loto-Québec une
aide à l'industrie des courses qui n'est pas du tout un jeu individuel,
c'est collectif. Des tas de gens font des paris ensemble au même
hippodrome. Loto-Québec, par exemple, a une filiale qui existe depuis
une dizaine d'années, la SODIC: la Société de
développement de l'industrie des courses de chevaux. Celle-ci
intervient, par cette filiale, assez directement dans l'industrie des
courses.
Donc, il n'y a pas vraiment de changement de mandat: Loto-Québec
doit, aussi bien pour le jeu individuel dans le sens où le
définissait le député de Vaudreuil-Soulanges que pour le
jeu collectif, intervenir et, effectivement, elle intervient, suggère
des formules, des nouveaux jeux, le remplacement des jeux qui mûrissent
par autre chose.
C'est ainsi que Loto-Québec, depuis déjà plusieurs
années, s'est intéressée à la question des casinos;
elle a fait un certain nombre de propositions au gouvernement quant à
l'implantation de casinos. Là, forcément, comme gouvernement, il
a bien fallu qu'on examine cette question et toutes ses conséquences. Je
ne vous cacherai pas que, aussi convaincante que soit la démonstration
faite par Loto-Québec de la façon dont cela pourrait bien
fonctionner, j'ai aussi été guidé dans cette question,
comme ministre responsable de Loto-Québec, par des démonstrations
que m'ont faites les corps policiers à l'égard de choses que - je
dois le dire - avant qu'on m'y initie, je ne connaissais pas du tout. Par
exemple: Comment lave-t-on de l'argent à travers un casino? Je ne savais
pas comment cela fonctionnait. On me l'a expliqué.
Il n'y a pas de doute qu'en raison du caractère, de
l'intérêt particulier qu'apporte la pègre à
certaines formes de jeux je n'accompagne jamais les diverses propositions
techniques qu'on me fait sans garder un contact très, très
permanent avec les corps policiers en leur demandant: Est-ce que vous pensez
que c'est administrable, que c'est contrôlable? De votre point de vue,
sur le plan du maintien de l'ordre public, pourriez-vous vivre avec telle ou
telle formule? Dans le cas des casinos, on s'est dit que le risque est
peut-être grand, compte tenu de ce que les gens de la Sûreté
du Québec ou de la police de la CUM nous disent. Cela pourrait
être plus difficile qu'on ne le pense de contrôler la situation sur
le plan de l'ordre public. La décision a été non.
Il est clair que, dans cette proposition qui nous est faite par
Loto-Québec, celle des salons de jeux, l'argument qui nous était
présenté par les corps policiers dans le cas des casinos tombe.
On ne pourrait pas imaginer qu'on lave - pour utiliser l'expression commune
dans ce milieu, si je comprends bien - 500 000 $ par soir à coups de
0,25 $. Cela n'est pas faisable. Un des arguments soulevés par les corps
policiers tombe. En somme, le contrôle de ces salons de jeux serait
beaucoup plus facile à effectuer que dans le cas d'un casino. Mais cela
soulève un problème qui n'existe pas pour le casino: celui de la
concurrence ou de la non-concurrence à l'égard des arcades, des
problèmes que soulèvent les arcades à l'heure
actuelle.
Ce sont, en un certain sens, des problèmes de gouvernement,
à partir d'études techniques qui sont faites. Nous, on a à
apprécier la possibilité de faire le contrôle correctement
ou non, mais dans aucun cas ne peut-on considérer que le mandat de
Loto-Québec change. Loto-Québec, très proprement et
très correctement, nous présente, invariablement, des solutions,
des nouveaux jeux qui peuvent apporter des profits additionnels, des
propositions qui permettraient de corriger tel ou tel aspect du contrôle
du jeu par des intérêts illégaux, et c'est au gouvernement
d'apprécier l'orientation à donner à cela. (20 h 45)
Évidemment, c'est un domaine où, indiscutablement, le
gouvernement - j'allais dire - intervient davantage dans les décisions
de l'organisme qui est Loto-Québec. D'ailleurs, c'est la raison pour
laquelle, tout nouveau jeu que Loto-Québec propose doit être
accepté par arrêté en conseil. Par analogie, si vous le
voulez, avec la Caisse de dépôt qui est venue ce matin, le
gouvernement ne détermine pas si le passage du portefeuille-actions de
la Caisse de dépôt de 15% à 25% doit être
autorisé par arrêté en conseil ou si le déplacement
du
portefeuille obligataire en immeubles doit être autorisé
par arrêté en conseil; ce ne sont pas des choses dans lesquelles
nous interviendrons. Lorsqu'il s'agit du jeu, il est tout à fait normal
que le gouvernement en définisse la politique.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Si je comprends bien, les affaires sont bonnes.
Le Président (M. Lachance): Vous me demandez cela à
moi, si les affaires sont bonnes?
M. Parizeau: M. le Président, seulement à titre
d'illustration, le dividende payé par Loto-Québec au
Trésor public, en 1980-1981, a été de 135 000 000 $;
l'année suivante, 150 000 000 $; l'année suivante 162 000 000 $;
en 1983-1984, 205 000 000 $ et, en 1984-1985, une estimation modeste, comme
auraient pu le dire de plus célèbres que moi, situerait cela
à 225 000 000 $, sans salon de jeux et de façon tout à
fait raisonnable.
M. Tremblay: On pourrait dire que le seul gagnant de
Loto-Québec, c'est le gouvernement.
M. Parizeau: C'est le but de l'exercice.
M. Lafaille: Si vous permettez, M. le Président,
j'ajouterais qu'il y a également certaines personnes qui gagnent. Cette
année, il y a plus de 12 gagnants de 1 000 000 $; je pense bien que ces
personnes se considèrent comme des gagnantes elles aussi. En
particulier, une personne avait gagné 3 800 000 $ à
Loto-Québec, l'année dernière; je pense bien qu'elle se
considère comme gagnante elle aussi. Il faut tout de même
considérer que Loto-Québec retourne 45% de ses revenus en lots,
en somme; Loto-Québec en retourne également approximativement 33%
au gouvernement. Elle retourne donc plus d'argent en lots qu'au
gouvernement.
M. Tremblay: Ce qui fait un profit plus que raisonnable. Je
voudrais vous questionner surtout quant à votre association avec les
autres provinces canadiennes. Est-ce que c'est avec les neuf autres provinces
que vous avez cette association ou s'il y en a qui sont dissidentes, des
provinces canadiennes?
M. Lafaille: II existe une société qui s'appelle la
Société de la loterie interprovinciale. C'est une
société dont les actionnaires sont les dix provinces canadiennes,
c'est-à-dire que le Québec et neuf autres provinces sont
actionnaires, détiennent une action de cette société.
C'est, en somme, une société chapeau qui administre des loteries
vendues dans les dix provinces. Par exemple, actuellement, la
Société de la loterie interprovinciale administre le LOTTO 6/49,
le Provincial et la Super Loto. La raison pour laquelle cette
société interprovinciale a été créée,
c'est que, la population du Québec étant de 6 300 000, il y a
certains jeux que Loto-Québec peut concevoir pour une population de 6
300 000 et il y a des jeux plus gros, plus intéressants qui peuvent
être conçus pour une population de 24 000 000.
Il existe, au Canada, des loteries dans les dix provinces. Elles sont
regroupées de la façon suivante. Il y a un organisme, qui
s'appelle la Western Canada Lottery Foundation, qui regroupe les quatre
provinces de l'Ouest et le Yukon et qui administre des loteries dans ces quatre
provinces et ce territoire. L'Ontario a l'Ontario Lottery Corporation, il y a
la Loto-Québec pour le Québec et l'Atlantic Lottery Corporation
pour les quatre provinces de l'Atlantique. Ces quatre organismes de loterie
canadienne se réunissent: ils peuvent concevoir des jeux pour 24 000 000
d'habitants. Et nous nous entendons.
Il s'agit vraiment d'une société chapeau, puisqu'il n'y a
que cinq employés faisant partie de la Société de la
loterie interprovinciale. Tout est fait, le marketing, la distribution, les
ventes, par chacune des régions. Par exemple, le LOTTO 6/49 est
administré par des ordinateurs de Loto-Québec. Tout est fait
vraiment dans chacune des régions, mais on doit avoir un organisme
chapeau car il faut mettre en commun les mises et payer les lots ensemble.
C'est la structure actuelle de la Société de la loterie
interprovinciale, soit quatre organismes régionaux de loterie.
Évidemment, chaque organisation régionale est libre de lancer les
jeux qu'elle désire lancer mais, si on désire lancer une loterie
interprovinciale, cela prend l'accord des autres régions, des autres
provinces.
M. Tremblay: Est-ce que c'est une corporation par actions ou si
vous avez choisi une autre modalité pour concrétiser
l'association?
M. Lafaille: C'est une société par actions, une
société fédérale incorporée en vertu de la
partie 1-A de la Loi sur les compagnies.
M. Tremblay: J'imagine que chacun aurait voulu acheter beaucoup
d'actions de cette entreprise et qu'il y a eu une méthode de
répartition de l'achat possible d'actions par groupes.
M. Lafaille: Évidemment, lorsque les gouvernements des dix
provinces ont décidé
de former une société, on a alloué une action par
province. Chaque action coûtait 1 $. Cela vous indique l'importance
qu'accordait chaque gouvernement à l'investissement en question. Je
pense qu'aujourd'hui ce dollar donne un rendement très important.
M. Tremblay: Mais comment répartis-sez-vous les
profits?
M. Lafaille: Tout étant fait d'une façon
régionale, c'est au prorata des ventes dans chacune des
régions
M. Tremblay: En fonction des ventes.
M. Lafaille: Ce qui signifie que ce que Loto-Québec vend,
nous en profitons à 100%. Ce qui se vend en Ontario...
M. Tremblay: Est-ce que cela a été long avant de
mettre sur pied cette association avec les autres provinces canadiennes?
M. Lafaille: La Société de la loterie
interprovinciale comme telle a été créée - je ne
voudrais pas me tromper dans les dates -en 1976. Elle a d'abord regroupé
l'Ontario et les quatre provinces de l'Ouest, The Western Canada Lottery
Foundation et l'Ontario Lottery Corporation. Loto-Québec s'est jointe
à cette société en 1978. Lorsqu'on a décidé
de créer le Provincial et la Super Loto, à cette
époque-là, c'était pour faire concurrence au jeu de
Loto-Canada. Je pense qu'à la fin de 1978 ou au début de 1979
l'Atlantic Lottery Corporation s'est également jointe à cette
société interprovinciale. C'est depuis la fin de 1978 ou le
début de 1979 que toutes les provinces font partie de la
société, mais elle existe depuis 1976. Cela a d'abord
été créé par les provinces de l'Ouest et par
l'Ontario.
M. Tremblay: Nous nous y avons adhéré parce que
cela faisait notre affaire et, volontairement, on s'est joint aux autres.
M. Lafaille: Comme je l'ai expliqué tout à l'heure,
si on prend le LOTTO 6/49, on peut difficilement concevoir un jeu de cette
taille uniquement avec une population de 6 300 000, alors qu'avec une
population de 24 000 000 on peut concevoir un jeu comme celui-là.
Évidemment, on lance un jeu interprovincial si, commercialement, il y a
un intérêt à le faire d'une façon interprovinciale.
Évidemment, c'est plus simple et moins compliqué, puisqu'il n'y a
pas d'entente à signer, de le faire uniquement au Québec par
Loto-Québec.
M. Tremblay: On pourrait donc dire que, quand chacun trouve son
compte dans une association, c'est assez facile de la réaliser.
Le Président (M. Lachance): Alors, tout à
l'heure... J'interviens, M. le ministre, parce que vous savez que nos
règles permettent au président d'intervenir. Je n'ai pas
abusé aujourd'hui mais, comme c'est un sujet intéressant,
j'aimerais savoir si vous avez atteint votre premier milliard de dollars en
versant des dividendes au gouvernement du Québec. Sinon, quand
prévoyez-vous l'obtenir? M. le ministre des Finances, tantôt, nous
donnait des chiffres. J'ai fait une compilation rapide - c'est vrai que cela
comprend les prévisions pour l'année en cours mais j'en arrive au
total de 877 000 000 $.
M. Parizeau: Je pense qu'on doit avoir atteint le milliard.
M. Lafaille: Écoutez, depuis le début de
Loto-Québec, en 1970, je pense qu'on a atteint... Malheureusement, je ne
peux pas vous donner les chiffres exacts, mais je pense qu'on a versé 1
300 000 000 $, depuis 1970, au gouvernement du Québec et plus de 1 500
000 000 $ en lots.
M. Parizeau: J'aimerais ajouter, cependant, une chose à
cela, c'est qu'il n'y a pas seulement le montant qui est remarquable. En
même temps, Loto-Québec aura réussi à occuper un
champ d'activité fort rémunérateur à la place
d'organismes ou d'organisations finalement assez douteuses et en gardant,
à travers toutes ces années, une réputation absolument
impeccable. Je pense qu'il faut reconnaître que, dans ce domaine qui peut
si facilement devenir glissant, Loto-Québec, à travers toutes ces
années, a non seulement fourni 1 300 000 000 $ au Trésor public,
mais a gardé une réputation absolument impeccable.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. M. Lafaille,
j'aimerais savoir - c'est peut-être inclus dans le rapport, je ne l'ai
pas vu comme tel - par dollar de vente, si la performance de Loto-Québec
sur le plan des dépenses administratives peut se comparer à ce
qui se fait ailleurs dans des sociétés comparables, s'il en
existe. Avez-vous des indications qui nous permettraient d'évaluer le
coût de l'administration par dollar de vente?
M. Lafaille: Évidemment, M. le Président, on fait
ce genre d'études. On obtient les statistiques, les résultats des
ventes des autres loteries. Je pourrais même dire que, d'une façon
presque hebdomadaire,
je reçois les statistiques de ventes et les informations de
gestion des autres loteries nord-américaines et, périodiquement,
des autres loteries dans le monde. Cela nous permet de faire des
comparaisons.
Par contre, il est très difficile de faire des comparaisons, en
termes de dollars et de pourcentage, parce que la façon d'administrer
les loteries varie beaucoup d'une organisation à une autre, d'un
État à l'autre et d'un pays à l'autre. Par exemple, j'ai
eu l'occasion d'en discuter l'année dernière, Loto-Québec
ne comptabilise pas ses billets gratuits. Si on comptabilisait nos billets
gratuits, nos ventes augmenteraient d'une façon considérable. Par
exemple, l'année dernière, notre chiffre de ventes a
été de 25 000 000 $ supérieur et notre pourcentage de
retour en lots aurait augmenté proportionnellement, en termes de
pourcentage.
Si on regarde - je vous cite des chiffres approximatifs - notre
pourcentage actuel de retour en lots, tel qu'indiqué dans notre rapport,
on retourne environ 44% en lots. Si l'on tient compte des billets gratuits, ce
pourcentage monterait aux alentours de 48% ou 49%. Lorsqu'on se compare
à l'Ontario, on affiche un taux de retour en lots de cet ordre, 48% ou
49%, mais on comptabilise les billets gratuits. C'est toujours dangereux,
à la face même des états financiers, de comparer une
organisation de loterie avec une autre. Il faut donc tenir compte des
méthodes comptables différentes d'une loterie à
l'autre.
On fait ce genre d'études, on compare nos frais d'administration
avec ceux des autres organisations de loterie et, si on tient compte de tous
les facteurs, il en coûtera toujours moins cher pour une loterie qui
opère avec une population très dense sur un tout petit
territoire; on paie toujours moins cher pour l'opérer qu'une entreprise
qui travaille sur un très vaste territoire et qui a à desservir
une petite population. Je m'explique - là, je parle à l'avantage
de mes collègues des provinces de l'Ouest - la Western Canada Lottery
Foundation dessert une population similaire à celle du Québec,
mais un territoire beaucoup plus vaste que le Québec. C'est normal que
ses frais de vente et de distribution soient plus élevés qu'au
Québec. Ce n'est pas qu'on soit meilleur qu'eux; si nos frais de vente
et de distribution sont moins élevés, c'est tout simplement parce
qu'ils ont des problèmes différents.
Si l'on tient compte de tous ces éléments et facteurs, je
pense que nos frais d'opération sont très concurrentiels, si vous
me permettez cette expression, avec ce qui se passe ailleurs dans les autres
organisations de loterie, principalement en Amérique du Nord et
également dans le monde.
M. Gauthier: II est fait mention dans le rapport, à la
page 19, du programme de commandite. Ce programme est de plus en plus connu
pour des raisons évidentes, dans les différentes régions,
et il sert à aider des festivals ou des activités sportives de
différentes natures. Est-ce que le choix des organismes à qui
l'on accorde une aide quelconque est fait sur une base régionale ou si
toutes les demandes sont centralisées au bureau où sont faits les
choix? Existe-il une grille de critères ou si des montants sont
alloués selon une répartition régionale?
M. Lafaille: M. le Président, au niveau des commandites de
Loto-Québec, je pense que la principale commandite de Loto-Québec
est le circuit de course à pied de Loto-Québec. La gestion du
programme de commandite est centralisée à Montréal. Il y a
un responsable du programme de commandite de Loto-Québec et des
critères très précis. Nous publions ces critères;
un dépliant explique les critères qui nous font choisir tel
événement plutôt que tel autre. Ces critères sont
publics et ils sont disponibles à l'ensemble de la population et des
organisations intéressées au programme de commandite de
Loto-Québec.
C'est en vertu de ces critères qu'on choisit tel
événement plutôt que tel autre. Il est évident qu'on
a des considérations d'ordre régional. Prenons le circuit de
course à pied; si on commandite 30 courses à pied au
Québec, on ne commanditera pas deux courses à pied à
Matane et ne pas en commanditer dans une autre ville importante comme Rimouski,
par exemple. (21 heures)
Alors, on tient compte, évidemment, de la question
régionale dans le choix de nos commandites. Cependant, le critère
essentiel et primordial en est un de rentabilité commerciale. Je
m'explique. Si un événement attire 15 000 personnes et un autre
n'en attire que 10 000, on va commanditer l'événement qui attire
15 000 personnes. Pour nous, le critère de rentabilité
commerciale de nos commandites est essentiel, c'est d'abord cela et avant tout
qui nous guide. Mais il y a un aspect régional, également, qui
entre en ligne de compte.
M. Gauthier: Et, dans le même ordre d'idées, une
très courte question. Je vois que vous avez prêté un
concours important à la finale des Jeux du Québec de
Saint-Léonard. Est-ce que c'était la première fois que
vous embarquiez dans la commandite ou dans une aide quelconque aux Jeux du
Québec? Est-ce que la période a été suffisamment
concluante pour, dorénavant, y aller dans les finales provinciales des
Jeux du Québec ou si c'est de juger à la pièce, selon des
projets qui vous sont présentés?
M. Lafaille: M. le Président, ce n'est pas la
première fois que Loto-Québec s'est impliquée dans les
Jeux du Québec; Loto-Québec s'est impliquée dans le sport
amateur depuis, si ma mémoire est bonne, 1976, peut-être
même avant, peut-être 1975. L'implication de Loto-Québec
était très importante, dans le sport amateur, dans les
années 1976, 1977 et 1978 parce que, à l'époque,
Loto-Canada était également très présente dans le
domaine du sport amateur. Nous avons fait une réévaluation de nos
commandites dans le sport amateur. En plus de cette réévaluation
de nos commandites dans le sport amateur, on a également
réévalué l'ensemble de notre politique de commandites. On
s'est aperçu que, dans le domaine du sport amateur, en
réalité, le problème auquel on faisait face, dans le cas
des Jeux du Québec, pour prendre cet exemple, c'est que les commandites
s'adressaient, essentiellement, à des jeunes de moins de 18 ans; parce
que les jeunes, qui participent aux Jeux du Québec, ce sont des gens de
moins de 18 ans. Alors, on s'est donné comme politique commerciale,
publicitaire, promotionnel et tout, de ne jamais s'adresser à des gens
de moins de 18 ans; d'adresser notre publicité et nos commerciaux
à des gens de plus de 18 ans. Par exemple, vous ne verrez jamais un
commercial de Loto-Québec pendant des émissions pour enfants,
à la télévision. Alors, ce sont des "guide lines", si vous
me permettez l'expression anglaise, que l'on s'est donnés
déjà depuis quelque temps.
Donc, cela nous a amenés à réviser notre politique
face au sport amateur, notre commandite des Jeux du Québec. Je retourne
encore une fois aux années 1978-1979, alors qu'on était
très impliqué financièrement, même avec des
ressources personnelles de Loto-Québec, dans les Jeux du Québec,
on s'est graduellement "désimpliqué", si je peux employer
l'expression. Maintenant, je pense même que, cette année, nous ne
sommes plus impliqués du tout dans les Jeux du Québec. C'est
justement pour éviter que nos activités de promotion, de
commandite et de publicité s'adressent à des gens de moins de 18
ans, pour vraiment axer cela uniquement, dans la mesure du possible
évidemment, sur la population adulte du Québec.
M. Gauthier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lachance): Alors, très
brièvement, M. le député de Bourassa puisqu'on commence
à avoir des problèmes de temps. Vous savez que le temps qui nous
est imparti est jusqu'à 22 heures, ce soir. Alors, j'aurais besoin d'un
consentement pour prolonger et, de toute façon, à partir de ce
qui avait été prédéterminé, cela ne pourrait
aller au-delà de 23 heures...
M. Laplante: Cinq minutes, trois minutes.
Le Président (M. Lachance): D'accord.
M. Laplante: En ce qui concerne les valideuses, il y en a deux
sortes, actuellement, sur le marché et ne peut-on pas employer les
mêmes coupons? Est-ce qu'il est de votre intention d'uniformiser ces
valideuses, en cours de route?
M. Lafaille: Oui. C'est un problème qui s'est posé
lorsque nous avons fait l'acquisition de terminaux supplémentaires. Les
2000 premiers terminaux que nous avons achetés étaient d'une
génération de terminaux qui remonte à cinq ans. Les
nouveaux terminaux dont on a fait l'acquisition sont d'une nouvelle
génération et acceptent des fiches de format différent. Je
pense que tant que nos vieux terminaux, si on peut employer l'expression,
fonctionneront encore et nous apportent de bons revenus, ce sera rentable de
les conserver et on va les conserver. Parce que, toute de même, il s'agit
d'un coût d'achat important.
M. Laplante: D'accord. C'est justement...
M. Lafaille: Un terminal, c'est une valeur de 6000 $ ou 7000
$.
M. Laplante: C'est justement là-dessus que je voudrais
vous poser deux questions. Ce sera terminé ensuite.
Au coût de base de ces valideuses, le coût de celui qui
l'opère lorsqu'il la reçoit, est-ce qu'il a une taxe ou un
équipement quelconque à payer? Aussi, vous avez porté de
2000 à 4000 les valideuses. Est-ce que, selon vos profits, par rapport
au coût de ces valideuses, il a été bénéfique
de porter cela de 2000 à 4000?
M. Lafaille: La première question, à savoir le
coût du terminal, je vous donne encore une fois, un chiffre approximatif.
Il est de l'ordre de $7000 ou $7500 l'unité.
Quant au commerçant qui reçoit le terminal, il n'a pas de
taxe, pas de coût à défrayer, à l'exception
cependant des frais suivants: si le terminal doit être branché sur
une prise électrique et qu'il n'en a pas, il devra engager un
électricien et faire installer une prise électrique sur son
comptoir. Il a peut-être des frais qui sont reliés à
l'administration du terminal mais ce sont des frais que le commerçant
doit faire de toute façon s'il veut installer une caisse enregistreuse.
Loto Québec ne demande rien au commerçant pour obtenir un
terminal.
Quant à votre troisième question au sujet du nombre de
terminaux, évidemment, lorsqu'on a décidé d'augmenter
notre parc de
terminaux de 2000 à 4000, on a fait des études. À
ce moment, le chiffre que je retiens, c'est qu'on croyait que l'augmentation du
parc de terminaux était pour augmenter les profits de Loto Québec
de l'ordre de $26 000 000, par année. Je pense que l'expérience
du 6/49 au mois de janvier dernier, on ne peut que confirmer ces pronostics et
on peut facilement dire aujourd'hui que les profits additionnels
générés par le nombre de terminaux supplémentaires
sera beaucoup plus élevé que les premières
prévisions déjà faites.
Le Président (M. Lachance): Je remercie M. Lafaille, au
nom de tous les membres de la commission, pour votre présence ici.
Je me réfère maintenant au programme 6 des crédits
du ministère des Finances intitulé: Inspecteur
général des institutions financières.
J'inviterais l'inspecteur à bien vouloir se présenter
à la table.
Inspecteur général des institutions
financières
M. Parizeau: M. le Président, j'ai, à ma droite, M.
Jean-Marie Bouchard, Inspecteur général des institutions
financières qui, selon une procédure que nous avons
adoptée depuis ce matin, présentera lui-même ceux qui
l'accompagnent.
M. Bouchard (Jean-Marie): Voici, M. le Président: à
ma droite, M. Jacques Cardinal, directeur général de
l'administration des entreprises, M. Guy Monfette, surintendant de l'assurance
et M. Victor Guerci, surintendant des institutions de dépôts.
Le Président (M. Lachance): J'ai une question à
poser au ministre des Finances, puisqu'il est question d'une loi sur les
assurances. Je rencontrais récemment quelqu'un de la
Fédération des mutuelles d'incendie du Québec et il
manifestait le désir de voir disparaître dans les obligations que
les mutuelles possèdent présentement un aspect qui remonte assez
loin dans le temps. Je me demande si le ministre des Finances serait en mesure
de nous dire si cet aspect, que l'on peut considérer assez vieillot...
Je m'excuse, mais je ne me souviens plus exactement du nom qu'on utilise pour
cela.
M. Parizeau: II y a plusieurs questions que nous avons
cherché à régler à l'égard des mutuelles
d'incendie. Comme il y en a plusieurs, je ne sais pas à laquelle vous
faites allusion. Par exemple, la question du territoire, de la
délimitation du territoire, leur crée des problèmes depuis
fort longtemps. Nous en avons eu un exemple récent, je pense, dans
Portneuf. Dans un certain sens, ce fut un des cas qui nous a alertés
à la nécessité de moderniser, d'enlever, comme vous dites,
certains aspects vieillots. Cela apparaîtra dans le projet de loi que
nous déposons. Comme il y a quatre ou cinq de ces aspects vieillots, je
ne sais pas exactement à qui vous faites référence. Si
c'est le territoire, par exemple, oui, ça...
Le Président (M. Lachance): Probablement, M. le ministre,
que ça viendra un peu plus tard au cours de la discussion. On verra,
à ce moment-là. J'inviterais le député de
Notre-Dame-de-Grâce à poser ses questions.
M. Scowen: Merci. M. Bouchard, j'ai l'intention d'être
très bref avec vous ce soir. Nous sommes très en retard, en
grande partie à cause de l'écran de fumée que le ministre
a développé autour des activités de la Commission des
valeurs mobilières cet après-midi et des gaffes qu'il a faites
dans la loi 44. On n'était pas capable de le percer et cela nous a pris
un grand temps pour accepter ce fait. Je vais me limiter strictement aux
questions budgétaires à moins que les autres ne lancent un
débat. Je n'ai que deux ou trois questions.
Le Président (M. Lachance): Sur une question de
règlement, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Je trouve dommage les paroles du
député de Notre-Dame-de-Grâce. Il me semble que vous
pourriez, comme président, rappeler à l'ordre le
député de Notre-Dame-de-Grâce à la suite des
affirmations qu'il vient de faire.
Le Président (M. Lachance): En vertu de quel article du
règlement, M. le député de Bourassa?
M. Laplante: Je n'ai pas mon règlement, M. le
Président. Vous comprenez très bien ce que je veux dire. Vous
avez entendu, tout comme moi, ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce a dit, les insinuations qu'il a faites. Ce n'est pas
comme cela qu'on peut faire un travail constructif autour d'une table, surtout
lorsqu'on étudie les crédits...
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
vous arrête immédiatement. Je laisse la parole au
député de Notre-Dame-de-Grâce. Il faut avancer.
M. Scowen: M. le Président, j'ai droit à une
opinion et j'ai le droit de l'exprimer. C'est ce que j'ai fait.
M. Bouchard, on constate qu'il y a une augmentation importante. Je
regarde à la page 15-7 dans le livre des crédits et il y a
une augmentation très importante dans le total des sommes qui y
sont affectées: de 12 000 000 000 $ à 15 900 000 000 $. Quand on
regarde le livre supplémentaire qui nous a été remis,
c'est essentiellement dans l'élément 2: Contrôle et
surveillance des institutions de dépôts. On constate qu'il est
question d'ajouter une cinquantaine de nouveaux inspecteurs. Il s'impose donc,
dans un premier temps, que vous expliquiez ce point.
Voici le deuxième point auquel j'aimerais que vous
répondiez. Si je regarde à la page 15-7, je remarque que, pour
1983-1984, il y avait des sommes importantes qu'on appelle les crédits
permanents qui disparaissent. Il s'impose donc que ce changement soit
également expliqué. Je crois que c'est probablement la question
des revenus. Je ne sais pas exactement comment c'est traité, mais une
explication s'impose.
La troisième question est complètement technique. Si
j'ajoute le nombre d'effectifs dans les éléments du programme 6,
sur les quatre pages ici, j'arrive au total suivant: pour l'année
passée, élément 1, 101; élément 2, 103;
élément 3, 7; élément 4, 240; soit 451; tandis que,
dans le livre des crédits, pour l'année 1983-1984, vous
prétendez qu'il y en avait 499. Cela m'a frappé, parce qu'il y a
une augmentation énorme dans les budgets. Selon les pages dans les
crédits, il y a une diminution dans le nombre des effectifs même
si vous dites, dans le texte, qu'il y a une augmentation de 50 inspecteurs. Si
ce n'est pas clair, comme plusieurs autres aspects du ministère des
Finances qu'on a examinés aujourd'hui, je vous demande de nous donner
une explication.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances.
(21 h 15)
M. Parizeau: M. le Président, à titre -nouveau pour
moi - de témoin devant cette commission plutôt que membre, je dois
utiliser le droit de parole que me reconnaît le règlement pour
protester contre ce qu'a dit le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Je souhaite, dans la mesure où les ministres ne sont pas membres
et sont appelés à témoigner devant les commissions, que
les éléments de politesse élémentaire qu'on utilise
habituellement à l'égard des témoins puissent être
maintenus, même à l'égard des ministres. Cela dit, je pense
que je vais laisser maintenant l'inspecteur général
répondre aux questions spécifiques qui lui ont été
posées.
Le Président (M. Lachance): M.
Bouchard.
M. Bouchard: M. le Président, d'abord en ce qui concerne
l'augmentation des effectifs au niveau des inspecteurs. Vous vous rappelez que,
lors de la défense des crédits, l'an dernier, peu de temps
après la création du poste d'inspecteur général des
institutions financières qui marquait un nouveau départ dans la
surveillance et le contrôle des institutions financières, on avait
expliqué que nous devions procéder à
l'établissement d'un nouveau système de vérification et de
contrôle des institutions financières proprement dites.
Nous avions déjà un certain nombre de postes.
Effectivement, nous avions à ce moment, au niveau des institutions
financières proprement dites autres qu'assurances, 18 personnes. Nous
avions, dans le domaine des assurances, 8 postes. Cela s'expliquait par le fait
suivant. Le domaine des institutions financières comprend, comme vous le
savez, M. le Président, les compagnies d'assurances et toutes les
institutions de dépôts. Les institutions de dépôts
couvrent le secteur des caisses d'épargne et de crédit, les
compagnies de fiducie et les compagnies de prêts.
Le secteur des caisses d'épargne et de crédit,
principalement le Mouvement Desjardins, en vertu d'une entente qui existait
depuis fort longtemps - au-delà de 20 ans - procédait
lui-même à sa propre inspection. Les autorités publiques ne
vérifiaient pas les institutions financières du Mouvement
Desjardins. Par ailleurs, le ministère des Institutions
financières du temps faisait les inspections de toutes les autres
institutions financières, les compagnies d'assurances et les compagnies
de fiducie.
À cause de la responsabilité de l'inspecteur
général chargé de l'administration de toutes les lois des
institutions financières et dont l'une des missions premières est
de voir à l'observance des lois et à ce que les institutions
soient solvables, rentables et qu'elles correspondent à toutes les
normes fixées par les lois, il importait que la responsabilité
publique soit assumée envers le secteur. C'est ainsi qu'en novembre
1982, le Conseil du trésor nous octroyait 15 nouveaux postes et, en juin
1983, 50 nouveaux postes, ce qui fait le total que vous voyez. Ce qui fait
qu'actuellement, dans le seul secteur des institutions de dépôts,
il y a 58 inspecteurs avec encore 25 postes vacants. Il est difficile de
recruter des gens et de les former tranquillement; il y a quand même une
difficulté d'adaptation et d'ingurgitation pour ces postes.
L'augmentation du budget vient donc du traitement de ces nouveaux
inspecteurs qui seront chargés de surveiller les institutions
financières proprement institutions de dépôts et
également les charges inhérentes, les frais de déplacement
et ainsi de suite. Ce qui veut dire qu'à ce chapitre, au cours de
l'année, et même si au budget vous avez un
montant d'environ 100 000 $ prévu à ce moment, nous avons
effectivement dépensé beaucoup plus que cela, non pas à
cause de l'engagement périodique des inspecteurs, mais nous nous sommes
rendus à plus de 300 000 $ de frais d'inspection du secteur. Avec les
postes que nous continuons de combler dans le courant de l'année, nous
prévoyons donc une augmentation équivalente pour le service
d'inspection, ce qui explique en partie les frais pour l'inspection.
M. Scowen: Si je comprends bien, si le livre de crédits
pour 1983-1984 accordait un nombre d'effectifs de 406, à la page 2 du
livre supplémentaire des crédits, vous voyez le premier
chiffre...
M. Bouchard: 456.
M. Scowen: ...406, c'était le livre de crédits
1983-1984...
M. Bouchard: J'ai 456.
M. Scowen: Page 2 de ce livre, cahier bleu que vous nous avez
donné: 406. Livre de crédits 1983: 406.
M. Bouchard: En haut de la page: employés
réguliers.
M. Scowen: Je vois aussi, dans le livre des crédits pour
1984-1985, que le chiffre n'est pas 406, mais 499. J'essaie de comprendre
l'écart. Comment se peut-il qu'un livre nous dise qu'il y en a 406 et
l'autre 499 pour l'année passée?
M. Bouchard: Cela s'explique, M. le Président, par
beaucoup de mutations qui sont arrivées en cours de route. Pour vous
faire l'historique, on va partir de 1982. En 1982, nous avions 545 postes, mais
nous avons transféré 83 postes, car, à ce
moment-là, la Commission des valeurs mobilières faisait partie de
nos effectifs. Nous avons transféré à la Commission des
valeurs mobilières 83 postes. Nous avons subi 25 réductions de
compressions budgétaires d'effectifs et nous avons eu également,
durant la même période, les 15 nouveaux postes dont je vous ai
fait mention tout à l'heure, ce qui fait qu'en 1983 nous avions en
fonction 451 personnes.
Au début de l'exercice - 451 personnes - de mars 1983, nous avons
eu encore des transferts de responsabilité, 47 postes ont
été transférés. Parmi les postes
transférés, entre autres, il y a eu 23 postes du courtage
immobilier au ministère de l'Habitation et de la Protection du
consommateur et les 24 postes du secteur des associations coopératives
au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Nous avons eu
une compression budgétaire de 5 employés et nous avons obtenu du
Conseil du trésor, dont je vous ai fait mention tout à l'heure,
55 postes, ce qui fait que le total d'effectifs pour l'année dont nous
parlons est de 453, plus 43 occasionnels, ce qui fait 496. La grosse
différence, ce sont les occasionnels. Les occasionnels ne sont pas
comptés dans le 406.
M. Scowen: Parce que c'est complexe, je crois, vous allez
être d'accord avec moi qu'à la page 2, ainsi que les pages 3, 4,
5, 6 et la page du livre de crédits, ce n'est pas tout à fait
clair; plutôt que d'éterniser le débat de ce soir,
peut-être que je peux vous demander de me faire parvenir une fiche dans
laquelle le tout sera expliqué.
Voici l'autre question que je désire poser. Pourquoi ne
trouve-t-on pas dans l'année courante, le budget de 1984-1985, les
crédits permanents? Si vous regardez à la page 15-7 dans le livre
des crédits, c'est quoi...
M. Bouchard: Cela s'explique, M. le député, pour
une raison bien simple, c'est que, l'an dernier, comme les postes ont
été créés au début de l'exercice, nous
puisions nos budgets à même les crédits du fonds
consolidé du revenu. Ce qui fait que cette année, cela
n'apparaît pas.
Le Président (M. Lachance): Pour compléter la
réponse.
M. Parizeau: Je voudrais simplement rappeler, à cet
égard, que chaque fois qu'un nouvel organisme est créé par
une loi, jusqu'à la fin de cette année-là, l'organisme
nouveau s'approvisionne directement au fonds consolidé et ce n'est que
l'année suivante qu'il embarque, si vous me passez l'expression, sur les
crédits réguliers. C'est vrai de tout nouvel organisme
créé au cours d'une année par une loi. Comme nous avons
aboli le ministère des Institutions financières et
créé par une loi l'inspecteur général des finances,
c'est ce qui explique pour l'exercice 1983-1984 que l'on trouve, dans les
crédits permanents, Loi sur l'inspecteur général des
institutions financières.
M. Scowen: Une dernière...
M. Parizeau: Si vous me permettez, des feuilles ont
été préparées qui appuient ce que l'inspecteur
général vient d'indiquer de tous ces mouvements d'effectifs qui
correspondent, dans l'espace d'un an et demi, à la fermeture du
ministère des Institutions financières, à la
création de l'inspecteur général, et à l'envoi,
dans divers autres ministères, de services qui, jusqu'alors,
appartenaient au ministère des Institutions financières. Ce que
je suggérerais peut-être, c'est de distribuer quelques copies
aux
membres de la commission de chacun de ces mouvements d'effectifs au
cours des deux dernières années. Je crois que cela
éclaircira la question.
M. Scowen: Une dernière question. Dans ce cas, on peut
dire que, durant les derniers 18 ou 20 mois, on a effectivement augmenté
le nombre d'inspecteurs de 50, dans le secteur de l'inspection des institutions
de dépôts. La question que je veux vous poser est la suivante:
Qu'est-ce que vous faites aujourd'hui, avec ces 50 inspecteurs, que vous ne
faisiez pas avant? Quel était le but de cet exercice?
M. Bouchard: M. le Président, avec les postes nouveaux,
nous allons maintenant pouvoir procéder à l'inspection des
institutions financières qui n'étaient pas couvertes,
c'est-à-dire le Mouvement Desjardins.
M. Scowen: Pardon?
M. Bouchard: Le Mouvement des caisses populaires Desjardins.
M. Scowen: Ah bon! C'est fait, effectivement...
M. Bouchard: Exactement.
M. Scowen: ...les caisses populaires Desjardins...
M. Bouchard: Effectivement, oui, les...
M. Scowen: ...seront inspectées. Cela a été
discuté l'année dernière. C'était quelque chose qui
n'était pas fait.
M. Bouchard: Effectivement, nous avons commencé...
M. Scowen: L'auto-inspection n'existe plus. Maintenant elles sont
inspectées comme toutes les autres institutions.
M. Bouchard: Effectivement, M. le Président, même si
nous n'avions pas encore tous nos effectifs, nous avons fait, cette
année, un effort considérable. Nous avons inspecté toutes
les fédérations, ce qui ne s'était jamais fait. Nous avons
inspecté à fond la Caisse centrale Desjardins et, par
pourcentage, par sondage, un certain nombre de caisses qui variait de 5%
à 10% de chacune des fédérations.
M. Scowen: La thèse que quelqu'un a soutenue voulant que
le gouvernement devrait inspecter plutôt les inspecteurs et encourager
l'auto-inspection a été rejetée.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que cela ne se
présente pas de façon aussi radicale, soit dire qu'une
thèse est rejetée nécessairement. Il n'y a pas de doute
qu'il faut, dans ces nouveaux services d'inspection que nous créons, que
l'expérience se fasse, se prenne, que la connaissance de la
matière s'étende et après cela, on détermine quel
est le niveau d'inspection et comment on veut stabiliser l'inspection. Il est
clair qu'à l'heure actuelle, avant d'être en mesure de
déterminer ce qui sera inspecté: est-ce que l'accent sera surtout
mis sur l'inspection des inspecteurs? Quel sera le partage entre
l'auto-inspection et l'inspection directe? Il faut que ce nouveau champ
d'inspection que nous avons ouvert puisse prendre l'expérience
élémentaire du terrain. Dans ce sens, la stabilisation du type
d'inspection qu'il faut faire ne se fera qu'une fois l'expérience faite.
Cela peut prendre quelque temps.
M. Scowen: Une avant-dernière question. Dans le projet de
loi sur les assurances qui doit être bientôt déposé,
est-il de votre intention de boucher l'autre trou dont on a discuté
l'année dernière, de changer cette inspection, l'assurance d'un
an au lieu de trois ans? Est-ce que cela doit rester à trois ans?
M. Parizeau: Cela reste à trois ans.
M. Scowen: En terminant, M. le Président, je voudrais
faire un commentaire sur des paroles que le ministre m'a adressées au
début de son intervention.
Mes commentaires, ce soir, concernant l'écran de fumée,
n'étaient pas quelque chose que j'ai dit au hasard. Je suis
complètement d'accord que les ministres ont droit à notre
respect, qu'ils soient de ce côté ou de l'autre. Cependant, ce
soir, dans le cas des questions que j'ai posées sur la loi 44 - j'ai
posé des questions très précises - le ministre a choisi de
répondre avec la lecture d'un communiqué de presse qui a
été rendu public, il y a quelques semaines. C'est son droit de ne
pas répondre aux questions qui sont posées et ne pas permettre au
président de la Commission des valeurs mobilières de le faire
lui-même. Il ne doit pas s'attendre qu'on respecte cette attitude ou que
l'on va être impressionné par celle-ci; nous allons garder notre
opinion sur lui comme nous gardons notre opinion sur n'importe quel autre
témoin qui agit de cette façon. Il doit s'attendre que, si les
non-réponses, ce que l'on a vécu cet après-midi... (21 h
30)
M. Gauthier: M. le Président...
M. Scowen: ...qu'il attende une réaction comme il a...
M. Gauthier: ...une question de règlement.
Le Président (M. Lachance): Oui, une question de
règlement, M. le député de Roberbal.
M. Gauthier: M. le Président, le député de
Notre-Dame-de-Grâce veut-il se donner la peine de considérer que
son intervention est complètement déplacée? S'il
n'était pas satisfait des réponses qu'il a obtenues, il a eu tout
le loisir de questionner et de sous-questionner, aujourd'hui. Et ce n'est pas
le temps, maintenant que nous sommes rendus à 21 h 30, de revenir sur
des réponses qui ne l'auraient pas satisfait. Alors, il apprendra,
à l'avenir, qu'il faut intervenir au bon moment, ici à la
commission. Et lorsque les réponses ne sont pas satisfaisantes, venant
de qui que ce soit, il posera une question additionnelle, comme nous le faisons
du côté ministériel.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Je voudrais simplement rétablir les faits,
brièvement, M. le Président. Je rappellerai que j'ai
passé, après m'être exprimé sur les interrogations
du député de Notre-Dame-de-Grâce, la parole au
président de la Commission des valeurs mobilières qui cherchait
encore, à la fin de cette épisode, à savoir exactement
à quel document et à quelle déclaration le
député de Notre-Dame-de-Grâce faisait allusion.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des Finances,
la disposition archaïque, dont je voulais vous parler tout à
l'heure, c'est celle qui consiste à obliger un détenteur d'une
police dans une mutuelle d'incendie à signer un billet de souscription.
Ma question est celle-ci: Est-ce que vous envisagez de donner suite aux
revendications qui sont faites par la fédération des mutuelles
d'incendie? Je rencontrais, dernièrement, M. Normand Fontaine qui
faisait part, justement, de cet aspect et de bien d'autres, mais surtout de
celui-là. Est-ce que vous entendez donner suite pour corriger cette
situation?
M. Parizeau: La réponse est oui, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Je vous remercie. Alors, je
remercie M. Bouchard ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Est-ce que le
programme 6, concernant l'Inspecteur général des institutions
financières, est adopté?
M. Tremblay: Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté.
Nous allons, maintenant, inviter le curateur public à bien
vouloir se présenter à la table.
M. Parizeau: M. le Président, j'ai, à ma droite, Me
Rémi Lussier, qui est curateur public du Québec. Et je comprends
qu'il sera le seul, je pense bien, à m'accompagner à cette
table.
Curatelle publique
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
M. Lussier, il se fait tard, mais, étant donné qu'il ne faisait
pas du tout beau dehors, je suis convaincu que vous étiez heureux
d'être ici, dans cette salle, toute la journée.
Un peu dans le même sens que les remarques que j'ai
adressées à M. Lafaille, de Loto-Québec, tout à
l'heure - vous étiez présent, je ne veux pas les
répéter au complet - cette séance d'aujourd'hui est quand
même une occasion de rencontrer un président d'organisme. Pour les
raisons que j'ai évoquées, il est bien difficile d'aller dans le
détail de certains gestes de votre administration par
l'intermédiaire de questions au ministre responsable.
Ce que je voulais éclaircir avec vous, essentiellement,
c'était le "problème" - entre guillemets - du budget de
publicité de la Curatelle publique à l'occasion de
procédures devant la Commission de la fonction publique, ainsi de suite,
sur lesquelles je n'ai pas du tout l'intention de revenir. C'est classé,
c'est chose jugée, comme on dit. Il y a eu, également, des
articles dans au moins un journal sur le contentieux qui semblait vous opposer
au Vérificateur général quant à la source de
revenus dont vous vous serviez pour défrayer les dépenses de
publicité. Par ailleurs, d'une façon plus générale,
j'aurais aimé vous poser des questions sur le budget de publicité
que vous prévoyez pour l'année 1984. Vous avez eu
l'amabilité de nous faire parvenir un budget sommaire pour
l'année 1984 dans lequel, tel que rédigé, n'apparaissent
pas les dépenses de publicité, mais vous avez, en réponse
à une autre question de l'Opposition, indiqué que vous
prévoyiez dépenser environ 350 000 $ en 1984 au titre de la
publicité. J'aurais aimé savoir, essentiellement, comment vous
envisagez que la Curatelle publique doit faire de la publicité. Vous
pourriez également préciser quels sont, selon vous, les
marchés visés et à quelles fins vous visez ces
marchés. Pourquoi employez-vous, c'est inévitable lorsqu'il y a
des budgets de publicité, certains médias plutôt que
d'autres?
Le Président (M. Lachance): M. Lussier.
M. Parizeau: M. le Président, je vais demander à Me
Lussier de répondre.
M. Lussier (Rémi): La raison de la publicité se
résume dans le fait suivant. La Curatelle publique existe, mais je ne
sais pas si 1% de la population est au courant qu'elle existe. Les psychiatres
sont au nombre de 550 dans la province de Québec. Je me demande combien,
parmi eux, connaissent l'existence du curateur public. C'est grave parce qu'il
faut absolument un certificat, une opinion des psychiatres pour établir
la juridiction du curateur public. C'est une situation qui a toujours
existé: le curateur public, on ne le connaît pas. L'année
passée, la publicité que nous avons faite a été
faite par brochures. Nous avons rencontré des gens dans les
hôpitaux. Nous avons rencontré, dans un premier temps, les milieux
intermédiaires, c'est-à-dire les hôpitaux et les gens qui y
oeuvrent, comme les médecins, les gardes-malades, les infirmiers, les
travailleurs sociaux, etc. Nous avons atteint un certain but, un certain
succès.
Nous nous sommes aperçus, à travers les années, que
les médecins en général, ne comprenaient pas l'importance,
entre autres, du consentement à l'acte médical. En vertu de la
Loi sur les services de santé et les services sociaux, un traitement ne
peut être infligé à qui que ce soit sans le consentement de
cette personne ou d'une personne nommée en vertu de la loi. On
s'aperçoit que c'est une chose qui ne se fait pas souvent et pas
toujours. Lorsque arrive la question d'une personne incapable de donner sa
décision, il y a des gens qui décident pour cette personne. On le
fait dans des conditions... Je ne dis pas que les personnes reçoivent
des mauvais traitements, pas du tout. C'est que les personnes qui donnent les
consentements pour une personne incapable ne sont pas autorisées
à le faire autant que la loi. En d'autres mots, elles n'ont pas de
tuteur, elles n'ont pas de curateur et c'est l'entourage. Vous pouvez avoir,
dans un centre d'accueil, des personnes âgées et, lorsqu'elles
sont malades, c'est le directeur des services professionnels ou le directeur
général de l'établissement qui va donner les
consentements. La même chose existe, également, au niveau des
biens. Qui administre? Ce sont encore ces personnes-là. Cela
amène des complications. La loi prévoit soit le curateur
privé ou le curateur public pour opérer dans ces conditions. Cela
n'existe pas. Nous sommes intervenus graduellement. Il est arrivé des
situations où, dans un centre d'accueil, je leur ai annoncé que
ce qu'il faisait depuis des années était parfaitement
illégal. Il prenait les décisions pour leurs gens. Il prenait les
décisions. C'était des gens qui prenaient soin, qui avaient pris
un engagement, qui avaient à coeur le bien-être de leur entourage,
de leurs pupilles, des gens dont ils s'occupaient et ils prenaient leur
décision. Je suis allé leur dire: Écoutez, vous n'avez pas
le droit de faire cela. C'est à peu près la même chose que
de dire que cette feuille blanche est noire. À un moment donné,
il y en a un qui m'a demandé si je n'arrivais pas de la planète
Mars et si je n'appliquais pas les lois d'un autre pays.
Maintenant, là où j'ai été vraiment surpris,
c'est que le niveau du consentement est une notion que l'on ne comprenait pas.
La première personne à attaquer, dans le sens de contacter,
c'était le médecin. Nous nous sommes aperçus que les
médecins ne connaissent pas la notion légale du consentement. Le
médecin est un animal entraîné pour guérir. Il a
passé sa jeunesse, toutes ses études à apprendre à
devenir un guérisseur. On lui dit: C'est beau la médecine; c'est
beau guérir, mais attention! Il faut que tu fasses ceci et cela. En
d'autres mots, on veut en faire un avocat. Il est tanné de cela et il
dit: Tout ce qui n'est pas médecine, ce ne sont que des moyens pour
m'empêcher de pratiquer ma médecine. Et il s'en va, pose des
gestes qui dépassent sa responsabilité médicale et,
souvent, cela peut amener des complications. Il a fallu les contacter.
Le problème c'est de dire à un médecin qu'il
pratique mal sa médecine, surtout lorsque cela vient d'un notaire - le
curateur public est un notaire - il le prend mal. Si on fait une
conférence de presse et qu'on dit à tout le monde: Messieurs,
faites attention au consentement, on va alerter tout le monde, on va
s'aliéner les professionnels de la santé et bien des personnes
qui diront: Un instant, on abuse de nous.
On aurait pu tenir des conférences ou des rencontres. Mais, les
rencontres - cela fait maintenant quinze ans que je suis curateur public - avec
les médecins, quand on les organise, les médecins ne sont pas
là, parce qu'ils ont d'autres occupations. Alors, il reste une chose:
faire un document pour les rejoindre. Nous avons préparé un
document légal, nous avons organisé une équipe
formée d'un conseiller juridique, de deux médecins-conseils du
curateur et de deux personnes en publicité. Nous avons
préparé un document de vulgarisation à l'intention des
médecins. Cela a été fait. Mais, de quelle façon
peut-on aller chercher l'attention du médecin quand on sait qu'il est
complètement inondé par une publicité très belle,
très illustrée, de première classe, provenant des produits
pharmaceutiques? Il a fallu sortir un document assez précis et assez
beau. Nous l'avons fait et nous avons atteint notre but. Vous allez me dire que
cela a coûté cher. Oui, monsieur. Mais, nous avons atteint notre
but qui était d'aller chercher ces gens.
Cette réussite était tellement belle, tellement
époustouflante que, dès la première semaine, on a eu
à la curatelle une demande d'au moins 2000 exemplaires
supplémentaires.
Nous en avons fait imprimer 110 000 autres et nous les avons
envoyés aux juges, aux avocats, aux notaires, aux infirmières et
aux travailleurs sociaux. Nous avons inondé le marché du domaine
intermédiaire.
Aujourd'hui, personne ne peut dire qu'il n'est pas au courant du
consentement dans le milieu, personne. Nous avons atteint notre but premier.
C'est beau aller rejoindre les médecins, mais, lorsque vous avez dans
votre entourage un problème de maladie mentale, vous ne savez pas quoi
faire en tant qu'homme. Que fait-on? J'ai des appels de juges, d'avocats, de
notaires et de médecins qui me demandent: Qu'est-ce qu'on fait?
Qu'est-ce qu'il arrive: je suis arrivé à l'hôpital et ils
n'ont pas voulu prendre soin de ma mère, parce qu'ils n'ont pas son
consentement et qu'elle n'est pas capable de donner un consentement? On ne sait
plus quoi faire. Que fait-on? Là, j'en ai sorti une autre, je la lui ai
citée et c'est celle que vous voyez durant l'année 1984.
La première chose, ce sont les campagnes que vous avez tous vues
à la télévision, je l'espère. Le but était
de rejoindre le citoyen. Le citoyen avait des images qui le frappaient. C'est
à la télévision, c'est très simple comme annonce;
elle durait 30 secondes. Vous avez l'image d'un type qui fait une
dépression et vous le voyez ensuite à l'hôpital
psychiatrique et il se pose la question: Qu'est-ce qui va m'arriver? Ensuite,
vous avez une autre séquence: celle de la vieille dame assise dans sa
chaise qui dit: Cela va bien actuellement, mais quand je ne serai plus capable,
qui s'occupera de moi? La troisième, c'est celle de la petite fille qui
nage dans une piscine. Elle est incapable d'atteindre l'autre
extrémité de la piscine et c'est son tuteur qui vient la
chercher, parce que nous protégeons et nous surveillons également
la gestion des tuteurs. (21 h 45)
Cette publicité était aidée par une
publicité dans des périodiques comme le TV-Hebdo,
Actualité et d'autres. Là où nous avions le détail,
si les gens désiraient des informations, ils pouvaient s'informer
à tel endroit. Cette publicité se déroule très bien
et, maintenant, la population commence à connaître le curateur
public. Cela a coûté cher? Peut-être. Parce qu'on ne va pas
à la télévision pour des prunes. Cela coûte
énormément cher. Maintenant, il y a quelque chose, par exemple,
c'est que le gouvernement a créé la Curatelle publique, un
service pour le public et c'est un service qui n'était pas connu. Nous y
sommes allés. Et cet argent-là, ce ne sont pas les malades
mentaux qui le paient, ce sont les revenus que le curateur public a avec la
gestion de ces biens et ce n'est pas pris à même les biens des
malades mentaux, mais à même des revenus que je fais avec la
gestion des biens que j'ai, en conformité avec la loi.
En d'autres mots, les malades mentaux, avant ces campagnes de
publicité, avaient un tarif, ils payaient; actuellement, ils sont
assujettis au même tarif. Sauf que la loi du 16 décembre 1982 m'a
permis d'agencer certaines dépenses, certains revenus, qui sont
maintenant les revenus du carateur public.
Les 350 000 $, c'est 270 000 $ que cela a coûté pour la
campagne de publicité à la télévision et dans les
périodiques: la télévision, les journaux et la
conception.
J'ai un autre problème. La différence, vous avez des
brochures publicitaires, environ 50 000 $, parce qu'on a beaucoup de demandes.
De ces brochures - que je vous ai fait parvenir - puisque la demande
était plus forte, il a fallu se réapprovisionner.
La dernière partie, c'est un autre problème majeur que
nous avons à la Curatelle publique - pas tellement un problème
majeur pour nous, mais bien plus pour la société - la
confidentialité du dossier médical. Le dossier médical et
une grange ouverte, c'est la même affaire. Tout le monde rentre
là-dedans, tout le monde sort le document qu'il veut, alors que c'est
confidentiel. Et, encore une fois, la Loi sur les services de santé et
les services sociaux dit: Aucun renseignement ne peut sortir du dossier
médical sans la permission du malade ou de l'ayant droit du patient. Si
le patient n'est pas capable de donner un consentement, c'est bien de valeur,
le document reste là et l'information aussi.
Alors, il m'arrive des situations où on va demander à un
médecin: Docteur, mon père n'est pas trop bien. Voulez-vous lui
faire un petit examen médical et donnez-moi le rapport, parce qu'on va
l'interdire? Je regrette, le médecin n'a pas le droit de donner le
résultat de l'examen médical. Oui, mais on dit: Si on n'a pas le
certificat médical, on ne peut pas l'interdire. Justement, le Code civil
ne demande pas ce certificat médical. Vous savez, quand on demande un
certificat médical pour une interdiction, ce n'est pas
nécessairement l'interdiction qui s'en vient. Cela peut être pour
un divorce et cela peut être aussi pour lui enlever son job. On dit au
médecin: II est fou, il est fini ce gars-là, il perd tout. Ou
vous rentrez à l'hôpital ou votre dame entre à
l'hôpital, elle ne veut pas se faire opérer, là vous
arrivez et vous dites: Un instant, je vais y voir, passez-moi le dossier et je
vais regarder si c'est bon. Non. La femme n'est pas la propriété
du mari et la confidentialité est là. Cela est un autre document
que je prépare à l'intention de tous les corps
intermédiaires, encore une fois, parce qu'un avocat va demander à
un travailleur social ou à une garde-malade: Est-ce qu'il y a quelque
chose dans le dossier médical que je pourrais avoir pour appuyer ma
requête en interdiction? Alors, ce n'est pas
nécessairement le médecin qui sort l'information. Ce sont
tous ceux qui y ont accès. Il y a 153 personnes qui peuvent y avoir
accès. Il est à peu près temps qu'on leur dise: Messieurs,
vous avez accès au dossier, mais vous n'avez pas le droit de sortir ce
qu'il y a dedans sans le consentement du patient. Et si le patient n'est pas
capable, ne le sortez pas, vous n'avez pas le droit; à ce
moment-là, il faudra qu'on nomme un curateur privé, ou un tuteur,
ou un curateur public. Et c'est lui qui va juger. Cela est en vertu de la loi;
ce sont les deux seuls qui peuvent autoriser le médecin à sortir
le résultat de son examen médical.
Il est arrivé, quelquefois, où on m'a envoyé des
subpoenas. Réalisez une chose. Si M. Jos. Bleau tombe sous ma
juridiction, le curateur public devient Jos. Bleau. C'est aussi simple que
cela. Alors, on demande à Jos. Bleau de prendre son dossier
médical, d'aller le porter à la cour pour le faire interdire. Je
trouve cela grotesque, indécent et scandaleux. Je dis: Je regrette
énormément, subpoena ou pas subpoena, je ne le donnerai pas,
même au juge. S'il me donne ordre de dévoiler le dossier
médical, j'irai en appel, parce qu'il n'y a pas de litige. Dans les
conditions non contentieuses, de non-litige, personne ne peut imposer à
une autre personne de sortir son dossier médical.
S'il y avait divorce, ce n'est plus la même chose, il y a un
litige et on sort le document. Ce qui va vraiment provenir des $350 000, c'est
la publicité qui viendra.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est une réponse pas
mal complète, je dois dire. Ce que j'avais à l'esprit, par
ailleurs, c'est que, lorsque vous avez fait état du succès de
votre campagne, vous avez souligné que vous avez eu une demande de
dépliants additionnels, je ne me souviens pas bien, je crois que c'est
2000, la première semaine, lorsque l'histoire est sortie... Cela peut
être une mesure à succès, une mesure de la
pénétration des marchés que vous voulez, parce que, si on
parle de publicité, on parle de l'utilisation la plus rationnelle
possible de vos ressources et d'envoyer cela vers un vrai public cible qui vous
réfère votre clientèle.
À la limite, je peux comprendre que tous les gens qui regardent
le canal 10, TVA, peu importe, ont peut-être dans leur famille quelqu'un
qui pourrait être protégé du fait qu'ils savent qu'elle
existe, la Curatelle publique. C'est ce que vous m'avez expliqué.
J'essayais de voir surtout, comme gage de succès de votre
première grosse campagne, combien de cas particuliers, de
références additionnelles cela peut avoir créés?
Est-ce qu'il y a eu une croissance extraordinaire de votre clientèle
à la suite de tout cela? De quel endroit venaient surtout ces
références additionnelles? Cela nous permettrait d'avoir une
meilleure idée du vrai succès de ces $274 000.
M. Lussier: La première campagne publicitaire vient tout
juste de se terminer. On aura les résultats bientôt. Avec mon
dépliant, ma brochure, Le consentement à l'acte médical et
dentaire, nous avons inondé le marché, nous avons fait des
représentations, nous avons rencontré des gens. Au début
de l'année qui vient de se terminer, j'avais 12 000 dossiers de malades
mentaux. À la fin de l'année 1983, j'en avais 13 000. Je suis
allé chercher 1000 patients en surplus. Parce que dans les 12 000, il y
a une rotation, ça entre et ça sort, ce n'est pas stable, ce
n'est pas stagnant. Les gens qui entrent à la Curatelle publique sont
des personnes qui sont dans un hôpital, dans un centre hospitalier ou
dans un établissement au sens de la Loi sur les services de santé
et les services sociaux, pour qui un psychiatre a recommandé une
protection, une curatelle. Cette recommandation est attestée par le
directeur médical. Ces personnes sont alors placées à la
Curatelle publique immédiatement. En recevant le certificat chez nous,
automatiquement, le curateur public a juridiction.
Cela est en attendant que la famille intervienne. J'en ai 12 000. La
famille n'intervient pas toujours pour différentes raisons que je ne
connais pas. Alors, le curateur fonctionne.
Maintenant, les malades sont placés à la curatelle,
vérifiés régulièrement parce qu'ils sont à
peu près tous dans des établissements et sont vus pas des
médecins. Après un certain temps, le médecin revoit le
malade et constate l'évolution de la maladie. Celui-ci est capable de
prendre soin de lui, il a bien réagi aux drogues, il n'a qu'à
continuer à prendre ses médicaments; il n'y a pas de
problème, certificat de capacité. D'accord?
Cette année, on a eu une diminution des certificats de
capacité - ils ont eu moins de succès avec les patients, cette
année -mais, j'en ai eu 700 autres qui sont dûs directement
à des rencontres et à mon fameux document. Maintenant, les gens
savent qu'à l'hôpital la Curatelle publique n'est plus seulement
une question de gestion de biens, comme cela a toujours été dans
l'opinion des gens.
Le curateur public est, d'abord et avant tout, un protecteur des droits
de la personne. Il a les mêmes pouvoirs qu'un tuteur ou un curateur,
c'est-à-dire qu'il a les mêmes pouvoirs qu'un tuteur sur les biens
de la personne. Dans les hôpitaux, les centres, surtout les centres
d'accueil, on se rend compte que les personnes qui sont là ne sont pas
capables de donner de consentement et beaucoup de gens ont été
placés sous notre
juridiction parce qu'ils ne peuvent consentir à leur traitement
et sont incapables d'administrer leurs biens. C'est de cette façon que
je puis dire immédiatement que cette chose existe.
Il y a aussi des facteurs. Maintenant que les gens savent qu'il faut
donner une curatelle, il y en a qui réagissent différemment.
C'est à force d'intervenir et de les rencontrer à
l'intérieur du système et ce n'est pas en faisant une
conférence de presse qu'on réglera le problème. C'est en
continuant à travailler et à les rencontrer à
l'intérieur du système, des services hospitaliers, à voir
les gens les uns après les autres, les organisations et à
répéter cela graduellement pour qu'ils en viennent à
pratiquer la médecine selon la loi.
N'oubliez pas qu'il ne faut pas blâmer les médecins plus
qu'il ne faut. Ces types n'ont aucune notion médicale. Ils n'en ont
pas...
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Légale.
M. Lussier: Excusez-moi!
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Juridique.
M. Lussier: Merci. Légale... Je me rends compte que vous
m'écoutez!
Une voix: Je l'espère.
M. Lussier: ...ils réagissent. Cela leur prend du temps
à réagir, surtout un médecin avant 1970 qui était
habitué à regarder quelqu'un et à lui dire: T'es malade,
je t'opère et je te règle ton problème. Aujourd'hui, ce
n'est plus comme cela. Il faut attendre le consentement. Ça prend du
temps; il faudra une génération avant qu'on passe à
travers tout cela.
Actuellement, je vois le résultat, juste avec un dépliant,
bien placé, aux bons endroits: nous avons eu une augmentation de 1000.
C'est beaucoup de travail d'aller chercher 1000 personnes d'un seul coup, dans
un an.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Je voudrais avoir des réponses courtes.
Le Président (M. Lachance): Cela dépend de la
durée des questions.
M. Laplante: La question ne sera pas longue. Lorsque vous placez
un malade en tutelle dans un centre d'accueil privé, quelles sont les
bases de rémunération que vous avez pour l'alimentation, la
pension de ce patient?
M. Lussier: Le curateur public a les pouvoirs, obligations et
charges d'un tuteur sur les droits de la personne et sur ses biens. Il n'a pas
la garde de la personne. Cela veut donc dire que ce n'est pas le curateur
public qui place les gens dans les centres, les foyers et les résidences
pour personnes âgées, mais bien les travailleurs sociaux de
l'hôpital. De façon générale, ils vont les placer
dans des endroits publics. Nous n'avons, pour payer, que leur argent à
eux. Strictement, nous ne sommes pas l'aide sociale. Nous n'administrons que ce
que nous avons. En bon français, le curateur public n'a pas un sou.
C'est un cassé. Il administre des biens qui appartiennent aux autres.
C'est selon ces biens et, s'ils n'ont pas assez de biens, il va entamer la
procédure pour aller chercher l'aide sociale qui va payer
l'hébergement et qui donnera 90 $ par mois par personne.
M. Laplante: D'accord. Merci.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On vous remercie, M. le
curateur.
Le Président (M. Lachance): M. le curateur, au nom des
membres de la commission, je vous remercie de votre présence ici ce
soir.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): De sa présence, toute la
journée même.
Le Président (M. Lachance): Je dois quand même
constater qu'il est 22 heures ou à peu près. Il me faut
maintenant le consentement des membres de la commission pour pouvoir poursuivre
les travaux de la commission.
Nous avons fait une compilation du temps qui a été
consacré depuis le début de la journée et le maximum de
temps dont nous pouvons, en vertu de notre règlement, disposer, ne
pourrait excéder 22 h 55. C'est vraiment le maximum. Bien sûr, on
peut terminer n'importe quand à partir de maintenant jusqu'à 22 h
55, mais à la suite du consentement des membres de la commission.
M. Laplante: M. le Président, est-ce qu'on pourrait...
Allez donc, monsieur.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Étant donné qu'on
arrive à l'heure fixée pour la fin des travaux et qu'il reste -
on n'interrompt pas un témoignage en cours ou quoi que ce soit à
22 heures - de nombreuses heures pour que notre commission puisse
siéger, que le total de sept heures n'est même pas atteint,
il y a à peine six heures de crédits de faites, quant
à nous, notre proposition serait de reporter à une date
ultérieure l'étude en une heure, c'est tout ce qu'il reste,
malheureusement, des crédits du ministère. Nous avions, à
un moment donné, l'impression qu'on aurait pu aller plus vite sur la
base du minutage qui avait été observé dans les
années précédentes en 1982, en 1983, y compris une des
deux années où il y avait eu quatre organismes dont la caisse
à laquelle on a passé beaucoup de temps. Nous aurions cru pouvoir
terminer dans la même journée. Il est évident qu'à
l'époque, on pouvait aller jusqu'à minuit. Il est par ailleurs
surtout évident qu'il reste 55 minutes et, compte tenu de la
complexité, dans certains cas, des postes, des programmes, des
éléments qui apparaissent aux crédits du ministère,
55 minutes plus serrées, en même temps, à un autre moment,
feraient notre affaire. À ce moment-ci, notre préférence
serait de mettre fin à nos travaux à 22 heures et de revenir plus
tard. Que les leaders s'entendent pour un moment convenable, notamment pour le
ministre, compte tenu de ses occupations. Quant à nous, avec toutes les
commissions qui siègent de front d'ici le 19, ce n'est pas tellement
important de savoir à quel moment ce sera. C'est surtout compte tenu de
la disponibilité du ministre, s'il a une heure à nous consacrer
en un bloc, et qu'il nous réunisse autrement qu'à 22 heures,
après avoir entendu un paquet de monde. Cela sera probablement plus
productif.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre, vous
avez...
M. Parizeau: Non, non, je...
Le Président (M. Lachance): Alors, cela va.
M. Parizeau: ...suis tout à fait disposé à
accepter cette formule.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: M. le Président, je pense que cela peut
être terriblement compliqué pour les gens qui organisent le temps
des travaux des commissions, de toutes les commissions. Dans ce sens, je ferais
une autre proposition au vice-président de la commission. On pourrait
travailler jusqu'à 10 h 30 et régler cela aujourd'hui. Cela nous
ferait presque sept heures. Cela clarifierait la situation et cela ne serait
quand même pas trop pénible pour les membres de la commission,
j'espère.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui! Deux choses; d'abord,
à 10 h 30, ce n'est pas seulement 25 ou 30 minutes de plus quand,
d'après les calculs du Secrétariat de la commission, on parle
d'une heure plutôt que d'une demi-heure qu'il resterait dans l'enveloppe.
D'autre part, quant à l'aspect technique de l'organisation des travaux,
des horaires, des locaux, on a pris les renseignements auprès des
représentants de notre leader qui a communiqué avec son homologue
ou un de ses adjoints et qui nous assure - je le cite - qu'il n'y a rien
là. Trouver un bloc d'une heure à l'intérieur des
enveloppes qui restent, les disponibilités de locaux, etc., la semaine
prochaine ou la semaine suivante, cela devrait aller assez bien. Cela sera
selon les disponibilités du ministre.
M. Tremblay: De toute façon, cela prendrait votre
consentement pour aller plus tard que dix heures.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Roberval.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Peu importe.
M. Gauthier: Si je comprends bien, M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, il y a eu entente entre les leaders pour reporter l'heure
à un autre moment.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, non, je n'ai pas dit cela.
J'ai prétendu, je maintiens, je dis, je vous affirme qu'on en a
parlé du côté du bureau de notre leader de l'Opposition qui
nous a indiqué, renseignements pris - je suis obligé de
présumer cela - qu'il n'y avait pas de difficulté pour
l'organisation des travaux entre lui et son homologue.
Le Président (M. Lachance): Alors, faute de consentement,
les travaux de la commission du budget et de l'administration sont
ajournés sine die. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 4)