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(Onze heures cinq minutes)
Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration se réunit aux fins
d'étudier les crédits budgétaires du ministère des
Finances pour l'année financière 1984-1985.
Les membres de la commission sont: MM. Baril (Arthabaska), Bisaillon
(Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Blank (Saint-Louis), Boucher
(Rivière-du-Loup), Caron (Verdun), Gauthier (Roberval), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Mme Juneau (Johnson), MM. Lachance (Bellechasse),
Laplante (Bourassa), Polak (Sainte-Anne), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) et
Tremblay (Chambly).
Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: II n'y a aucun remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Lachance): Merci! À la suite de
l'entente prise avec les leaders des deux formations politiques, il nous reste
une heure d'étude des crédits du ministère des Finances.
Je vous rappelle que nous avons déjà adopté les programmes
6 et 7 antérieurement. La discussion...
M. Laplante: Quel programme va-t-on...
Le Président (M. Lachance): La discussion pourrait se
faire sur chacun des programmes qui restent. On ferait ensuite l'adoption en
bloc des différents programmes du ministère des Finances.
M. Laplante: Ce qui voudrait dire, M. le Président, qu'on
peut parler sur n'importe quel autre programme que 6 et 7? C'est cela?
Le Président (M. Lachance); Oui, il n'y a pas de
problème. C'est très général, les discussions qui
peuvent avoir cours en ce qui concerne les crédits du ministère
des Finances; la latitude est grande.
M. Laplante: Merci.
Le Président (M. Lachance): Est-ce que ça va, M. le
député de Bourassa?
M. Laplante: Cela va.
Ponction sur les salaires et crédits
périmés
Le Président (M. Lachance): Avant de céder la
parole au député de Vaudreuil-Soulanges, j'aimerais demander au
ministre des Finances de commenter l'argumentation de certains syndicats des
secteurs public et parapublic selon laquelle la ponction de quelque 500 000 000
$ qui a été faite l'an dernier on la retrouve dans les
crédits périmés pour 1983-1984. Donc, de là
à déduire que ce n'était pas nécessaire de faire la
ponction, le pas est vite franchi. J'aimerais savoir comment le ministre des
Finances réagit à une telle affirmation?
M. Parizeau: M. le Président, chaque année, nous
avons un certain nombre de centaines de millions en crédits
périmés. Je pense qu'il est important de bien déterminer
de quoi il s'agit quand on parle de crédits périmés. On ne
peut pas imaginer un instant que, sur 24 000 000 000 $ de dépenses
affectées programme par programme, à chacun des
ministères, tout sera dépensé dans les délais
normaux, c'est-à-dire avant le 31 mars. Il peut y avoir certains
crédits qui ne seront pas dépensés pour des raisons qui
sont absolument en dehors de la volonté des ministères. Je veux
dire par ça qu'il peut y avoir des raisons d'ordre simplement physique.
Par exemple, pour les programmes de stabilisation dans le domaine agricole, on
prévoit une certaine somme et, effectivement, le temps est infiniment
mieux que ce qu'on prévoyait et, dans ces conditions, les sommes ne
seront pas dépensées. C'est cela que je veux dire par des
critères physiques. Les mêmes critères physiques pourront
provoquer des dépassements, j'y reviendrai dans un instant. Il pleut
beaucoup trop ou une route, en Gaspésie, se fait défoncer par la
tempête et on doit y entreprendre des travaux de réparation bien
plus élevés que ce qu'on pensait.
D'autre part, il y a en cours de route, au cours de l'année, des
décisions qui peuvent être prises dans les ministères de ne
pas dépenser certaines sommes parce qu'un programme sur lequel on
voulait mettre l'accent a donné lieu à une
réévaluation, qu'on considère que tel ou tel
élément de programme est moins urgent que ce qui avait
été prévu et que le ministère
préférerait ne pas dépenser tout cet argent avant
certains
éléments de programme et reporter cela sur autre
chose.
Troisièmement, il y a les délais inévitables des
machines. On peut se dire: En un an, la machine que je dirige aura
réussi à dépenser tout cet argent. Mais, d'un autre
côté, comme on le sait, le contrôle de la rapidité
d'exécution des machines n'est pas quelque chose de purement automatique
ou déterminé de façon volontaire. Administrer le travail
et le rendement de 70 000 personnes est loin d'être une opération
purement mécanique. J'oubliais aussi que nous avons des programmes qui
sont indexés au coût de la vie; le coût de la vie peut
peut-être augmenter moins rapidement que prévu, ce qui a
été le cas l'an dernier. Forcément, il y aura des
crédits qui ne seront pas dépensés ou bien les taux
d'intérêt sont inférieurs à ce qui avait
été prévu et les sommes ne seront pas
dépensées. Si on additionne tout cela, il est parfaitement normal
que, sur 24 000 000 000 $ de dépenses, il y ait quelques centaines de
millions de dollars qui n'ont pas été dépensés
à la fin de chaque année.
C'est une question de pure coïncidence que de dire: Voici ce que
vous avez récupéré en termes de centaines de millions sur
le plan salarial et voici, d'autre part, les crédits
périmés qui sont apparus. Il n'y a pas de rapport, au fond, entre
les deux, d'autant plus que les crédits de l'an dernier
prévoyaient justement une récupération salariale de cet
ordre.
Les crédit périmés servent d'abord et avant tout
à financer les crédits supplémentaires de l'automne. Comme
vous le savez, chaque automne, on présente en Chambre, normalement, un
jeu de crédits supplémentaires. Il peut arriver qu'on en fasse
deux. Les crédits supplémentaires sont, en un certain sens,
l'inverse des crédits périmés. Il y a certains programmes
qui ont coûté plus cher pour toutes les raisons dont je parlais
tout à l'heure, mais à l'inverse, il y a des programmes qui ont
coûté plus cher que prévu. Il y a des ministères qui
ont décidé que certaines choses sont devenues prioritaires alors
qu'au printemps précédent, elles n'étaient pas
considérées comme prioritaires.
Les taux d'intérêt sont plus élevés que
prévu ou les taux d'indexation sont plus élevés que
prévu. Prenez tout ce que je disais tout à l'heure et
renversez-le. Il y a des crédits supplémentaires, chaque
année, qui sont présentés à l'automne. Normalement,
ce que l'on cherche à faire - on ne réussit pas toujours - c'est
d'équilibrer dans les crédits totaux du gouvernement les
crédits périmés qui apparaissent et les crédits
supplémentaires qui sont présentés en Chambre.
Si on veut établir une concordance quant à la politique de
crédit du gouvernement, ce qu'il y a d'intéressant, c'est de
comparer les crédits périmés et les crédits
supplémentaires et de voir s'il y a excédent, et si c'est en
moins ou en plus. Là, on peut établir une sorte de rapport. Mais,
entre l'opération salariale qui a été conduite depuis un
an et demi et les crédits périmés de l'année
1983-1984, il n'y a pas d'autre lien qu'un lien possible de coïncidence
quant aux montants.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges et vice-président de la commission.
Recherche économique et
financière
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Le temps est très court, cette année, à ce moment-ci,
à la suite des autres entrevues que nous avons eues la semaine
précédente, avec différents présidents
d'organismes. Quant à nous, compte tenu du temps qui reste, j'entends
soulever deux ou trois problèmes dans mes remarques
générales. Comme l'a fait remarquer le député de
Bourassa, on ne peut quand même pas s'octroyer des droits de parole de 20
minutes par élément de chacun des programmes qui restent à
discuter afin de demander au ministre certaines de ses réactions sur
certains postes, certains programmes qui apparaissent dans les crédits
de son ministère. J'en soulèverai trois: les deux premiers, de
façon relativement sommaire pour me concentrer - vous le verrez - sur ce
qui m'apparaît être une façon assez extraordinaire du
ministère des Finances, de gérer les fonds publics notamment de
développement économique et quant au genre de contrôle que
les élus doivent avoir sur les dépenses publiques.
Les deux premiers éléments traitent essentiellement de ce
que l'on retrouve au programme 1 du ministère, soit, plus
précisément, à l'intérieur de ce programme, le
deuxième élément: la recherche économique et
financière.
On sait qu'au point de vue de l'organisation et de tout le processus
budgétaire, il y a un tas de gens qui, au ministère, doivent se
livrer à des études de prévisions. Si le gouvernement veut
savoir où il va, s'il veut marier d'une certaine façon ses
décisions budgétaires à la conjoncture qu'il
évalue, on a besoin de s'équiper en conséquence pour se
donner à cette tâche vraiment importante. Une tâche
importante dans le processus budgétaire annuel, je veux bien croire,
c'est de regarder les prévisions économiques sur lesquelles
devront reposer les décisions budgétaires, mais tâche
beaucoup plus importante et qui m'apparaît encore absente des
préoccupations du ministre c'est la recherche de la façon la plus
complète possible d'en arriver à la
budgétisation à moyen terme. On a vu, il y a une couple
d'années, dans un des énoncés du ministre, dans les
renseignements complémentaires, une projection extrêmement
sommaire des équilibres budgétaires du gouvernement du
Québec, à moyen terme, disait-on. Il y avait un horizon
d'à peu près trois ans. C'était extrêmement
sommaire. (11 h 15)
On nous avait dit, en commission parlementaire, lorsqu'on avait
examiné les crédits, à la suite de ces
déclarations, qu'il n'y avait là, essentiellement, que des
projections mécaniques. À mon sens, ce qui était
important, si on veut véritablement décider de la direction que
doivent emprunter les finances publiques, les différents programmes,
c'est qu'on doit quand même s'équiper pour que la
budgétisation, que les prévisions à moyen terme
contiennent des éléments de flexibilité, des
modèles conditionnels, des modèles "what if" de la
prévision tenant compte de certaines hypothèses extrêmement
importantes sur la direction qu'empruntent les programmes. Cela permettrait au
ministre, à ce moment-là, d'étayer beaucoup mieux ses
réponses à nos questions en s'appuyant sur des scénarios
qui feraient partie de la politique gouvernementale. Autrement dit, on semble
encore aujourd'hui lié au ministère des Finances et au
gouvernement par un horizon de douze mois. On semble refuser d'indiquer plus
clairement aux élus et à la population quelle est la direction
générale qu'empruntent les finances publiques et les
équilibres budgétaires, en détaillant les
hypothèses qui sous-tendent ces prévisions.
On se limite encore - le ministre nous l'avait dit il y a deux ans, je
ne vois aucunement comment cela aurait pu changer à des projections
mécaniques dans l'ensemble des chiffres qui sont à notre
disposition. Je dirais même que, malgré les chiffres
extrêmement sommaires qu'on avait il y a deux ans, on n'a rien vu de
mieux, on a même vu encore moins que rien depuis ce temps-là. On
ne semble pas saisir, du côté du gouvernement, l'importance qu'il
y a d'indiquer le plus clairement possible quelle est la direction
qu'empruntent les finances publiques au Québec. On ne semble
s'être équipé ou, alors, si on l'est, on ne veut pas en
faire part aux députés. On ne semble pas s'être
équipé, dis-je, pour tenir compte de cette demande qu'on doit
absolument respecter, à laquelle on doit absolument apporter une
réponse devant les élus.
Quelle direction empruntent les finances publiques? Le ministre peut
bien affirmer que ses équilibres financiers seront extraordi-nairement
avantageux à moyen terme. On aimerait savoir pourquoi. On aimerait
également savoir - c'est le deuxième volet, si l'on veut - quelle
est la nature véritable du déficit que le Québec
connaît, notamment depuis trois ans, qui a atteint un niveau, à
notre sens, inégalé et, à certains égards,
injustifiable? Est-ce que le ministère, s'il se donnait la peine de
s'équiper de telle façon, pourrait nous répondre s'il
s'agit d'un déficit qui tient à la structure des dépenses
publiques ou un déficit qui tient à des effets passagers de la
conjoncture économique? Autrement dit, est-ce qu'au ministère on
s'est équipé pour réaliser des projections de budget de
plein emploi qui nous permettraient de croire qu'un nouveau déficit de
trois milliards de dollars, en haute ou en basse conjoncture, se compare
à quelque chose, à une donnée de base, si on veut,
à un scénario de plein emploi, de sorte qu'on verrait, à
ce moment-là, quelle que soit la conjoncture, quels sont, d'une part,
les éléments conjoncturels et, d'autre part, structurels du
déficit du Québec?
Nous soutenons une variété de thèses, de part et
d'autre de la Chambre. J'ai le regret de constater chaque fois que le ministre
veut apporter une réponse à son déficit fort
élevé, notamment depuis deux ans, mais qu'il n'a rien
trouvé de mieux encore que de prétendre que c'était la
faute du fédéral, dans beaucoup trop de cas.
J'ai la certitude que le ministre reprendra son argument dans les
minutes qui viennent. Mais je lui indique tout de suite que ce n'est pas
satisfaisant de se limiter à une argumentation comme celle qui est la
sienne depuis deux ans, à moins qu'il nous apprenne - c'est pour cela
qu'on pose la question - qu'il est équipé au ministère
pour réaliser des projections de budget de plein emploi, qu'il
s'apprêterait à nous faire part des résultats de ces
exercices et qu'en conséquence, on verrait précisément
quels sont les aspects du déficit considérable des finances
publiques au Québec qui tiennent à la conjoncture par rapport
à la structure des programmes de dépenses du gouvernement du
Québec.
Cela me paraît extrêmement important pour pouvoir passer un
jugement sur la capacité du ministre des Finances à vraiment
contrôler la croissance effrénée à mon sens de la
dette publique au Québec, du fardeau que les contribuables continuent et
continueront à porter, ceci à cause du niveau d'endettement que
l'on peut inscrire au passif du ministre des Finances depuis qu'il est en
poste.
Il s'agit là des deux volets que l'on retrouve dans le programme
1 du ministère, notamment à l'élément 2. J'aimerais
entendre les commentaires du ministre.
Nous passerons très rapidement sur le programme 3 pour relever
que le ministère semble particulièrement pressé de
réaliser un nouveau système de gestion budgétaire et
comptable. On voit dans les cahiers explicatifs que des disponibilités
financières de 625 000 $ ont été prévues afin de
voir à
une restructuration des activités de contrôle
budgétaire et comptable du ministère des Finances.
Nous aimerions entendre le ministre assez brièvement sur ce qui
l'a amené à requérir cette aide extérieure. Je veux
bien, je n'ai pas de problème avec cela, mais j'aimerais savoir ce qui
l'a incité à se lancer dans ce programme d'améliorations,
évidemment, si on parle de changement, j'espère bien, du
système de gestion budgétaire et comptable au ministère
des Finances.
L'élément le plus important que l'on retrouve dans le
cahier des crédits qui émarge au ministère des Finances,
c'est celui qui est contenu au programme 4: Fonds de suppléance. Ce
programme est divisé de façon assez théorique, à
mon sens, en quatre éléments qui totalisaient, l'an dernier, des
crédits de 626 000 000 $, des crédits prévus pour
1984-1985 d'un peu plus d'un quart de milliard de dollars, soit 267 000 000
$.
Ce fonds de suppléance s'apparente selon moi beaucoup plus
à une boîte noire qu'à un système cohérent de
contrôle d'une masse considérable de ressources financières
qui semble essentiellement dirigé par le ministre des Finances, une
boîte noire dont le fonctionnement, si on se fie au cahier explicatif, ne
semble répondre à aucune espèce de règle logique,
et, qui plus est, constitue, à l'égard d'un montant
considérable comme celui de l'an dernier, plus de 600 000 000 $, un
chèque en blanc. C'est essentiellement ce que l'Assemblée
nationale donne au ministre des finances, un chèque en blanc parce qu'il
n'y a pas de contrôle a priori sur l'utilisation qu'on fera durant
l'année financière de ces montants.
On a beau dire que l'élément 1 propose ou indique, qu'il
s'agit d'une provision pour augmenter tout crédit avec l'approbation du
Conseil du trésor "lorsqu'il y a certains dépassements, à
cela, il n'y a aucune difficulté dans une administration qui gère
25 000 000 000 $ de prévoir que certains programmes connaîtront
des dépassements. Cela expliquait, l'an dernier, 72 000 000 $. Mais
quant à la provision pour augmenter tout crédit applicable aux
traitements, salaires et allocations des employés du gouvernement et du
secteur parapublic, les détails manquent considérablement.
Le troisième élément, "provision pour augmenter,
avec l'approbation du Conseil du trésor, tout crédit pour la
réalisation par les ministères de projets de soutien et de
développement économique", est vraiment un fourre-tout qui a
servi au gouvernement à faire des annonces, de la publicité, qui
appuyait par des chiffres et par un élément de programme dans les
crédits la soi-disant relance économique à laquelle le
gouvernement et le ministre des Finances conviaient tous les
Québécois.
Un fonds de suppléance, finalement -c'est le quatrième
élément - est constitué "pour augmenter tout crédit
applicable au coût afférent aux arrérages dans les
réseaux des affaires sociales et de l'éducation", les fameux
arrérages dont nous avons souvent fait largement état à
l'Assemblée nationale.
Donc, aucun contrôle a priori, lorsque ces crédits sont
votés. On n'a essentiellement aucune idée de ce que le
gouvernement entend faire de sommes semblables. Il n'y a certainement aucun
contrôle après le fait. Beaucoup de ces dépenses ne passent
pas aux engagements financiers que nous connaissions autrefois. Sur papier,
c'est un fonds de suppléance qui est constitué de quatre
éléments de programme. Dans une des réalités, celle
du cahier explicatif que le ministère nous a fait parvenir, on pourrait
prétendre qu'il existe sept éléments ou sept fonds
distincts, sept fonds de suppléance. L'an dernier, il y en avait neuf,
en vertu du même principe. Mais l'autre réalité, la seule
à mon sens, c'est qu'il ne s'agit que d'un seul fonds.
Si on regarde la fréquence des virements de certains fonds vers
d'autres, si on regarde les montants considérables qui ont vidé
la plupart des éléments de ce programme vers un seul poste,
c'est-à-dire celui qui a servi à payer à l'avance les
arrérages dans les réseaux des commissions scolaires, on voit
qu'il s'agit d'un seul fonds. Les vases communicants, essentiellement, c'est
donc quatre, sept ou neuf éléments, peu importe comment on le
prend.
Les étiquettes ne veulent alors strictement rien dire. Je vais
prendre l'exemple le plus percutant, à mon sens, dans
l'élément 3, catégorie 10, les transferts: Un fonds
doté, au départ, de 59 000 000 $ auquel on a ajouté 40 000
000 $, lors du budget supplémentaire, et une autre tranche de 30 000 000
$ au budget supplémentaire de novembre. Les premiers 40 000 000 $
étaient dans le budget supplémentaire de juin, donc, des
initiatives consacrées à la relance, au développement
économique du Québec.
On se souvient des discours interminables que non seulement le ministre
des Finances, mais tous ses collègues ont tenus sur la volonté du
gouvernement du Québec de consacrer des dizaines de millions de dollars
à des initiatives de développement économique. On a de
façon extrêmement précise logé à l'antenne du
fonds de suppléance du ministère des Finances ces dizaines de
millions de dollars qui devaient servir à relancer l'économie du
Québec, grâce à des choix judicieux, nous disait-on,
grâce à des initiatives frappées, marquées au sceau
de l'originalité et, si on en croyait tous les discours qu'on entendait,
de l'obsession du gouvernement d'appuyer des projets valables de relance
économique pour
créer des emplois au Québec. Qu'est-il arrivé des
127 000 000 $ de ce programme de relance économique? Le 29 mars 1983, 8
000 000 $ pour Quebecair, le 14 juin 1983, 8 000 000 $ pour Quebecair, le 13
décembre 1983, 16 000 000 $ pour Quebecair, le 15 mars 1984, 15 000 000
$ pour Quebecair. Le fonds de solidarité: 10 000 000 $. (11 h 30)
Quant aux autres initiatives, il en resterait sur les 129 000 000 $ ou
à peu près, 18 000 000 $, dont près de 10 000 000 $ ont
été virés au programme 4 à, l'élément
1, catégorie 10: "Paiement à l'avance des arrérages du
réseau des commissions scolaires." Il reste donc, dans les initiatives
économiques que le ministre nous a annoncées trois fois
plutôt que deux, plutôt qu'une, 8 500 000 $ à
l'intérieur de son fonds de suppléance qui était
constitué et étiqueté à cette fin spécifique
pour un montant de 129 000 000 $, le fonds de suppléance où on a
des mentions "hors les virements" de toutes ces raisons pour lesquelles on
constitue les quatre éléments du fonds de suppléance,
"Hors les virements" qui ont servi, en fin de compte, à payer l'avance
de 247 000 000 $ aux commissions scolaires; les mentions de détails
comptables de l'utilisation de ces sommes: 27 000 000 $, par exemple, à
l'élément 4, affectés au ministère des Affaires
sociales, en fin d'année financière, détails à
venir; 4 000 000 $ sans détail aucun dans l'élément 1:
"Plan d'action de fin d'année"; 3 000 000 $ au ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, en fin d'année
financière, dans l'élément 2: "Plan d'action de fin
d'année."
Il n'y a donc manifestement aucun contrôle confié aux
élus avant l'adoption des crédits, pour qu'on sache un peu ce
qu'il y a là-dedans et, après, comme je le souligne, on a droit
à une longue énumération de virements considérables
à un des éléments et une liste interminable de
dépenses de toutes sortes, y compris la création de quatre
postes. À titre d'exemple, au Haut-commissariat à la jeunesse:
440 000 000 $ pour la création de quatre postes; c'est dans les cahiers
explicatifs qu'on nous a remis, des versements à des festivals, des
subventions de toutes sortes à des organismes qui n'avaient jamais, par
ailleurs, bénéficié d'aide. C'est essentiellement une
boîte noire. On ne sait trop ce qui s'y passe. Très certainement,
les élus ne peuvent pas contrôler ce que le gouvernement fait et
il n'est pas clair pourquoi c'est le ministre des Finances, plutôt que le
Conseil du trésor, qui a la responsabilité de l'utilisation de
ces sommes. Très certainement, on ne sait pas qui décide
d'engager ces ressources. On peut donc se demander pourquoi, du point de vue
administratif, du point de vue politique et à tous les points de vue, on
persiste à maintenir cette fiction qu'est le fonds de suppléance,
qu'on persiste à maintenir les élus dans l'obscurité la
plus totale et qu'on persiste à prétendre que c'est à
travers les dépenses, dans des postes comme l'élément 3,
que le gouvernement du Québec relancera l'économie, que c'est
à travers des initiatives comme l'élément 2 qu'on relance
l'économie, lorsqu'on voit, essentiellement, que, l'an dernier, on a mis
énormément d'argent dans des sociétés
d'État. J'ai oublié SIDBEC pour 54 000 000 $, tout à
l'heure, dans la description de ce qu'il y a à l'élément
3, à la catégorie 10, ce qui laissait un solde de 8 000 000 $
pour la relance économique sur 626 000 000 $ dans le fonds de
suppléance. C'est très peu. Les Québécois sont
même convaincus que ce n'est rien.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, compte tenu de la
variété des sujets soulevés par le vice-président
de cette commission, on ne m'en voudra pas, j'espère, de répondre
assez longuement aux questions qui ont été soulevées. Je
vais les prendre dans l'ordre.
Pour ce qui a trait à la recherche économique et
financière, le deuxième élément du programme 1, je
voudrais souligner à quel point nous sommes constamment
préoccupés par autre chose qu'une simple perspective de douze
mois. En fait, je ne vois pas très bien comment un ministère des
Finances pourrait fonctionner dans le cadre strict de l'année qui vient.
Ce n'est pas faisable. On ne peut pas, sur le plan des dépenses,
considérer ce qu'un programme ou un élément de programme
va coûter tant qu'on ne l'a pas annualisé. Ce que je veux dire par
là, c'est que, sous prétexte qu'on ouvre une nouvelle
dépense trois mois avant la fin de l'année, cela ne veut rien
dire quant à ce que ce programme coûtera sur une année
entière. Donc, forcément, il faut se poser la question à
savoir combien ce programme va coûter l'année suivante et l'autre
année après.
Sur le plan des revenus, on ne peut pas s'imaginer un instant que les
revenus ne sont pas liés, sous une forme ou sous une autre -j'y
reviendrai tout à l'heure - à l'évolution de
l'activité économique. Et l'activité économique,
avec tous les aléas qu'inévitablement, surtout depuis quelques
année, cela peut poser, cela ne peut s'examiner que sur un horizon plus
long qu'un an. L'année financière d'un gouvernement ne s'applique
pas à l'évolution de l'économie. L'évolution de
l'économie est assez indépendante de cela.
Bien sûr, il faut monter des scénarios et il faut monter
d'autant plus de scénarios
à notre époque que, sur le plan des prévisions
économiques, les résultats ont été passablement
aléatoires depuis trois ans et pas spécialement au
ministère des Finances ici. Un peu partout, les projections qu'on a
faites de l'évolution économique, soit dit entre nous, il y a un
an, à pareille date, étaient beaucoup plus basses que maintenant
pour 1984. Il suffit de regarder ce que les organismes qui font de la
projection pensent qu'il va se produire en 1985 et 1986 pour se rendre compte
à quel point c'est assez différent.
Il faut donc fonctionner avec des tests de sensibilité. Disons
qu'on imagine que, pour telle année, l'augmentation du produit
intérieur brut serait de 4%. Mais si c'est 1% de moins ou 1% de plus,
quel est l'effet sur les revenus? L'inflation ne correspond pas à
l'année financière d'un gouvernement. On peut faire, pour
l'année prochaine et l'année d'après, des projections
quant au niveau de l'inflation. Mais, là encore, on doit se servir de
tests de sensibilité. Si c'est 1% de plus ou 1% de moins, qu'est-ce que
cela provoque dans le budget?
Ce genre de travail se fait dans tous les ministères des
Finances. Je ne vois pas comment un ministère des Finances pourrait
fonctionner sans cela. Dans ce sens, je dois dire que le député
de Vaudreuil-Soulanges me paraît un peu enfoncer une porte ouverte. Un
ministre des Finances et un ministère des Finances doivent fonctionner
avec un horizon beaucoup plus large que simplement l'année
financière.
Cependant, nous nous trouvons, au Québec - je pourrais
peut-être en dire autant des provinces maritimes, mais disons qu'on
laissera cela de côté dans nos discussions -dans une situation
assez spéciale sur le plan de la traduction en revenus de changements
dans l'activité économique, essentiellement due aux programmes de
transferts du gouvernement fédéral vers les gouvernements de
province qui reçoivent de la péréquation.
Le député de Vaudreuil-Soulanges avait parfaitement raison
de dire que j'allais parler du gouvernement fédéral. Soit dit en
passant, quant à la dynamique des paiements du gouvernement
fédéral au Québec et dans les provinces en
général, il y a une brochure remarquablement bien faite sur la
dynamique des finances publiques par le ministère des Finances qui a
été publiée, il y a un an ou un an et demi, qui a un
horizon bien plus long qu'un an et qui explique tout cela.
Ce n'est pas tout de dire qu'on va faire porter la responsabilité
par le gouvernement fédéral. Si on veut vraiment
s'intéresser aux finances, il faut savoir comment la machine fonctionne.
Or, comment fonctionne cette machine?
En raison de dernières ententes
fédérales-provinciales - ententes, cela n'a pas été
des ententes, on ne s'est jamais entendu - en raison donc, des derniers
arrangements fédéraux-provinciaux que le gouvernement
fédéral a imposés aux provinces - pas au Québec,
à toutes les provinces - contre lesquels nous avons tellement
protesté dans le cadre de cette dynamique des finances publiques,
lorsque nous augmentons le rythme de croissance au Québec par rapport
à ce qui se fait ailleurs, le gouvernement fédéral, en
vertu de ces arrangements et non par un geste du prince, vient chercher
à peu près les trois quarts de l'effet que cela pourrait avoir
sur notre déficit. En somme, il vient chercher l'équivalent des
trois quarts des ressources de revenus additionnels que nous allons chercher.
Dans certains cas, cela peut aller jusqu'à 80%, alors qu'en Ontario, qui
ne reçoit pas de péréquation, qui n'a pas ce niveau aussi
élevé et une mécanique aussi diversifiée de
transferts fédéraux, lorsque, toujours grâce aux efforts du
gouvernement de l'Ontario pour accélérer la croissance
économique, le revenu du gouvernement de l'Ontario augmente de 1 $, il
ne lui en reste pas 0,20 $ comme ici il lui en reste 0,80 $. C'est exactement
la situation inverse. Qu'est-ce que cela a comme conséquence? Cela a
comme conséquence que les gouvernements qui reçoivent moins de
transferts du gouvernement fédéral, et, en particulier, ceux qui
ne reçoivent pas de péréquation, peuvent, en
période de récession, se taper des déficits beaucoup plus
rapidement croissants que nous parce que le relèvement des
activités économiques - puisque, comme gouvernements, ils en
profitent beaucoup -va ramener leur déficit plus rapidement vers la
baisse, alors que les gouvernements qui reçoivent de la
péréquation doivent faire très attention ici à leur
déficit et au niveau de leur déficit parce qu'il n'est pas du
tout évident que si, en période de récession, ils
augmentaient le déficit considérablement pour lutter contre le
chômage, par exemple, ils pourraient, à la suite de la reprise de
l'économie, voir leur déficit redescendre aussi bas et aussi
rapidement.
Qu'est-ce que cela veut dire en pratique pour le Québec? C'est
qu'il faut être d'une prudence de serpent, même en période
de récession, pour ne pas laisser nos déficits galoper trop haut,
et c'est ce que nous avons fait. Le gouvernement du Québec est le seul
au Canada, en pratique, qui a passé à travers la récession
sans augmenter son déficit pour la peine. On l'a augmenté de
façon tout à fait marginale, entre le début de la
récession, si vous voulez et la fin de la récession,
peut-être de 6% ou 7%, pas plus, alors qu'on a vu dans d'autres provinces
le déficit... L'Alberta, qui avait un surplus, a eu un déficit
considérable; le gouvernement fédéral est passé de
10 000 000 000 $ à 30 000 000 000 $; le gouvernement de l'Ontario a vu
son déficit tripler; le gouvernement de Québec a passé
à
travers la récession à peu près sans augmenter son
déficit ou ses besoins financiers nets. C'est unique au Canada. On ne le
note pas suffisamment et, surtout, on ne se rend pas compte à cause de
quelle dynamique des finances publiques cette espèce de carcan nous est
imposé.
C'est vrai que je fais appel au gouvernement fédéral dans
le cadre de mes explications, mais en fonction d'une mécanique
existante, non pas à cause d'un sombre dessein qui fait que, de trois
mois en trois mois, le gouvernement fédéral viendrait faire des
razzias dans le trésor public québécois. Remarquez que,
parfois, il en fait quand même. Mais, parce que la mécanique
implique cela, et tant qu'on n'a pas compris la chose, on ne peut pas
comprendre pourquoi on prend certaines décisions à l'égard
de nos déficits au Québec qu'on ne peut pas éviter de
prendre alors qu'on se compare à d'autres provinces et, à plus
forte raison, au gouvernement fédéral qui, lui, laisse galoper
son déficit autant qu'il veut.
Je conclurai sur ce sujet pour mes remarques au programme 1,
élément 2.
Programme 3, élément 3. Là, il y a un peu maldonne,
je pense. Nous allons effectivement consacrer pas mal d'argent à la
réfection du système comptable, mais il s'agit essentiellement
d'une réorganisation de SYGBEC, qui est un système comptable et
de paiements qui s'applique à tout le gouvernement. Ce n'est pas une
opération pour le ministère des Finances seul, c'est l'appareil
de gestion comptable de l'ensemble du gouvernement. Dans cela, il y a -comment
dire? - des possibilités d'amélioration considérable dans
le cadre de SYGBEC et nous avons décidé cette année, d'y
consacrer pas mal d'argent et d'accélérer cette
réfection.
Le fonds de suppléance
Passons maintenant au programme 4, le fonds de suppléance.
Là, je pense que le vice-président de la commission des finances
n'a pas très bien saisi comment fonctionne le fonds de
suppléance. Je suis ravi de lui présenter des explications ce
matin, parce que, effectivement, je ne nie pas que le programme 4,
habituellement, ne provoque pas d'excitation particulière dans le public
et ce n'est pas autour de la répartition du fonds de suppléance
qu'on se bat dans les autobus. Je profite de l'occasion pour essayer d'indiquer
comment cela fonctionne. Commençons d'abord par souligner que l'appel au
fait que les élus n'auraient pas de façon de contrôler
l'affectation du fonds de suppléance est un petit argument qui,
j'imagine, peut faire son millage parce que, de nos jours, c'est assez
populaire de pouvoir dire qu'effectivement, on empêche les élus de
voir ce qui se passe véritablement, sauf que ce n'est pas vrai. Il y a
dans chacun des quatre éléments de programme pour le fonds de
suppléance une petite phrase que, systématiquement, dans ses
commentaires sur les quatre programmes, le député de
Vaudreuil-Soulanges a sautée. C'est que, dans chacun des quatre
programmes, il y a, entre virgules, "avec l'approbation du Conseil du
trésor". Cela veut dire quelque chose.
Il n'est donc pas question que le ministre des Finances, avec 626 000
000 $ sur des coups de téléphone, répartisse le pognon. Ce
n'est pas vrai. Il faut d'abord que le Conseil du trésor, dans chaque
cas, ait examiné la question et l'ait approuvée.
Deuxièmement, il dit que cela ne va pas aux engagements
financiers.
Certainement que cela va aux engagements financiers, mais cela va aux
engagements financiers quand la dépense a été faite par le
ministère et, une fois que la dépense a été faite
par le ministère, il y a une mention qui indique que cela est
financé à même le fonds de suppléance. Ce qui doit
aller dans ces dépenses, ce n'est pas tout; on sait qu'il y a des choses
transférables et d'autres qui ne le sont pas, mais c'est pour l'ensemble
des dépenses gouvernementales. D'ailleurs, il y a toujours une mention
sur chaque CT indiquant si cela est transférable ou non. Dans le cadre
des pratiques administratives établies, tout est envoyé aux
engagements financiers lorsque le ministère a fait la dépense. Ce
n'est pas parce que c'est dans le fonds de suppléance du
ministère des Finances que, si j'affecte de l'argent au reboisement,
j'administre le programme et j'envoie les chèques à ceux qui
reboisent. Je vais passer par le maire. Quand la dépense sera faite par
le maire, cela ira aux engagements financiers. Il y a donc contrôle ex
ante et il y a contrôle ex post. C'est important de le dire au
départ, parce qu'il serait facile de considérer simplement que le
ministre des Finances, avec 626 000 000 $, peut faire à peu près
ce qu'il veut. Ce n'est pas vrai. (11 h 45)
À quoi servent ce fonds de suppléance et les
éléments qui le constituent? Essentiellement, à des fins
qui sont très distinctes. Le premier a trait à des
dépassements inattendus. Comme le disait lui-même le
député de Vaudreuil-Soulanges, dans n'importe quel budget, il
faudra toujours un montant pour les inattendus. Certains de ces inattendus ont
une très grande urgence. Il faut être en mesure... Cet
élément 1 fonctionne de la façon suivante: les
dépassements sont imputés une fois acceptés par le Conseil
du trésor, à l'élément 1. Au moment des
crédits supplémentaires de l'automne, les crédits
correspondants pour chacun des ministères sont votés et alors,
chaque ministère rembourse l'élément 1. Donc, on ne met
jamais des sommes particulièrement considérables à
l'élément 1,
sauf que, chaque automne, les ministères, au moment des
crédits supplémentaires qui vont consacrer les
dépassements, remboursent le fonds de suppléance et
l'élément 1 se trouve renouvelé.
Le deuxième poste des fonds de suppléance a trait
essentiellement aux traitements, salaires et allocations des employés.
Pourquoi? Nous faisons chaque année, à l'occasion, par exemple,
de l'examen des postes vacants dans chaque ministère, une
hypothèse quant au rythme auquel ces postes vacants vont être
comblés. On peut se tromper. On peut avoir imaginé que les postes
vacants se combleraient au rythme d'un douzième par mois pendant toute
l'année alors que, là, plusieurs concours sont tenus et qu'on a
plusieurs postes vacants qui sont comblés le même mois. Cela
coûtera plus cher que l'hypothèse qu'on a faite. Il faut quand
même être capable de payer ces gens-là. On impute cela
à l'élément 2.
Dans d'autres cas, lors des projections -cela arrive assez
fréquemment et c'est inévitable - du coût des pensions par
la CARR, la Commission administrative des régimes de retraite, celle-ci
évalue ce qu'on doit placer comme coût de l'application des
régimes de retraite. Il s'agit d'une masse d'argent considérable
et, invariablement, chaque année, on nous demande de corriger de 10 000
000 $ à la baisse, auquel cas il n'y a pas de problème, ou de 20
000 000 $ à la hausse, auquel cas il y a problème. Il faut
l'imputer quelque part. C'est là que ce sera imputé.
Au programme 4, l'élément 3, j'avais dit, je vous le
rappelle, dans le discours sur le budget de mai dernier, que je mettais 40 000
000 $ à des programmes d'investissements qui n'étaient pas encore
visibles à ce moment et pour lesquels je préférais avoir
une provision. On avait placé dans les crédits des
ministères toute une série de possibilités de financer des
programmes d'investissements dans le cadre du programme du mont Sainte-Anne. On
se disait qu'il y avait des choses non identifiées qui allaient
apparaître au cours de l'année. Je mets donc 40 000 000 $ à
ces fins. Je disais: Dans l'intervalle, dès que les crédits de 40
000 000 $ de subventions additionnelles que j'engage ce soir auront
été épuisés je reviendrai devant cette Chambre en
réclamer davantage. Nous avons tout à gagner à ce que les
fonds en question soient renouvelés fréquemment. C'était
quoi? C'était de dire: Nous avons prévu toute une série de
programmes d'investissements dans les ministères, c'est bien du diable
s'il n'y en a pas d'autres. Et là, il faudra être capable de les
imputer quelque part.
Qu'est-ce qui s'est passé? C'est une idée que je soutiens
depuis fort longtemps; il s'est passé, en dépit de - comment dire
- certaines affirmations de l'Opposition et je dois dire aussi d'un certain
nombre de représentants des médias, que le relèvement
économique ne s'assure pas nécessairement avec un gouvernement
qui paie tout. On ne règle pas nécessairement des
problèmes de relèvement économique en lançant de
l'argent sur les problèmes. Il y a moyen de faire en sorte que des
investissements se fassent, qu'un relèvement économique important
puisse se produire avec des sommes relativement faibles. Cela représente
évidemment des changements dans les optiques du gouvernement et des
changements dans ses instruments, toutes choses que nous avons faites depuis un
an et demi. C'était majeur d'avoir à maintenir le déficit
pas plus haut qu'il l'était à travers une récession et
d'être capable de déclencher des milliards d'investissements. Je
dis bien des milliards d'investissements parce que, en fait, l'ensemble de nos
programmes d'aide à l'investissement sont associés à
l'apparition dans notre économie, depuis mont Sainte-Anne, en fait
depuis le début de 1983, à 8 000 000 000 $ d'investissements.
Évidemment, cela a coûté très cher et je vais vous
en donner un exemple.
Prenons le programme 4, élément 3, je vois bien qu'on y a
ajouté en chemin des subventions pour Quebecair et des choses comme
celles-là. Encore là, il faut l'imputer quelque part. Mais avec
les 40 000 000 $ dont je parlais, nous avons financé une, deux, trois,
quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze mines. Il y a eu une explosion
dans passablement d'autres budgets et il y avait les fonds nécessaires.
Par exemple, pour Bell Helicopter, les subventions sont imputées au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Dans le domaine
minier, on a eu une explosion d'investissements à cause du régime
de subventions que nous avons données pour accélérer les
investissements miniers. Cela implique des investissements pour l'ensemble des
projets miniers et certains autres, il y a aussi quelques projets industriels
là-dedans. Ce qui est sorti de cet élément de programme
représente des investissements totaux de 605 000 000 $ dont une
subvention autorisée totale de 104 000 000 $, l'utilisation d'une partie
seulement des 40 000 000 $ pour 1983-1984, mais évidemment, cela va
coûter plus cher. Ces projets vont coûter en subventions 36 000 000
$, en 1984-1985, toujours dans ce programme 4, élément 3. En
somme, avec 104 000 000 $ de subventions venant surtout de cette source, on
aura fait 605 000 000 $ d'investissements dans le secteur privé et c'est
par-dessus tout ce qui a été fait à même les
crédits des ministères. Cet élément 3 du programme
4, bien sûr, il faut le maintenir là, bien sûr qu'il faut
l'avoir là, parce que cela permet au gouvernement d'appuyer davantage la
croissance quand des
programmes d'investissements se révèlent au cours de
l'année.
Nous ne comptons pas seulement sur les subventions de cet ordre. Le fait
qu'on ait à ce point compté sur les rabais
d'électricité a eu l'impact que l'on sait dans l'industrie de
l'aluminium et dans l'industrie chimique. Les subventions dont nous parlons
dans un programme d'accélération comme je l'ai dit tout à
l'heure - il y en a dans les ministères, il y en a dans 4.3. Il est
clair que les programmes de prêts garantis aux entreprises qui ont
d'abord commencé par le programme d'urgence et qui, dans le nouveau
programme de relance, sont consolidés dans un vaste programme de
garanties et d'assurances contre les hausses de taux d'intérêt de
2 000 000 000 $, la part du gouvernement, et de 1 000 000 000 $, la part des
institutions financières, tout cela ne représente pas des sorties
de fonds considérables, mais cela représente des milliards
d'investissements. Il ne faut pas s'étonner dans ces conditions que ce
qui se passe au Québec depuis quelque temps soit considéré
comme tout à fait étonnant d'abord parce que cela va mieux
qu'ailleurs au Canada et d'autre part parce que cela coûte moins
cher.
Je dirai quelques mots du programme 4, élément 4, mais je
pensais avoir tout expliqué cela dans l'énoncé
complémentaire au budget de novembre dernier. Qu'est-ce qui se passe?
Nous savons qu'après une augmentation importante des transferts
fédéraux en 1983-1984, anormalement élevés, nous
allons voir les transferts fédéraux tomber en dollars en
1984-1985. Donc, nous décidons, puisque l'argent, grâce à
ces transferts fédéraux pour la majeure partie, je le reconnais,
est rentré plus qu'on pensait en 1983-1984 - mais il rentrera moins
qu'on le croyait au départ en 1984-1985- nous décidons de prendre
les paiements d'arrérages aux réseaux qu'on devait payer en
1984-1985 et de les payer à l'avance. Étant donné qu'on ne
peut déterminer une telle opération de remboursement à
l'avance de ces comptes, on ne peut en déterminer le montant exact
qu'à la fin de l'année, on le voit bien quand on ferme les
livres, c'est dans les derniers jours qu'on ajuste ces montants. On a mis cela
au programme 4, élément 4. On a ouvert ce poste destiné
essentiellement à ce genre de paiements à l'avance de comptes de
1984-1985.
Je crois que tout cela est parfaitement intelligible. Le
député de Vaudreuil-Soulanges dit oui, mais, en fin
d'année, comme cela, vous faites du brassage entre les quatre
éléments. Bien oui, on fait du brassage entre les quatre
éléments. Il est évident qu'à la fin de
l'année, si j'ai des soldes dans certains de ces éléments
et que je peux, dans ces conditions, payer plus de comptes à l'avance
que j'aurais pu le faire autrement, je serais bien bête de ne pas
procéder. Qui va blâmer un ministre des Finances de payer ses
comptes à l'avance? Voyons! Je prends les soldes. À la fin de
mars, je regarde les soldes que je vais avoir dans les trois premiers
éléments et je rajuste le quatrième en conséquence.
Ce n'est ni une boîte noire, ni un trou noir, ni une absence de
contrôle sur les dépenses. C'est simplement une gestion normale
des comptes, quand on arrive à la fin de l'année.
Je crois, M. le Président... Dernier élément que je
voulais simplement indiquer en passant, dans 4,3, il n'y a pas de
publicité, d'annonces ou autres choses comme cela, ce sont des
programmes. Ce sont des projets d'investissements, tel que je l'ai dit. Je
crois avoir fait le tour des interventions du député de
Vaudreuil-Soulanges.
Le Président (M. Lachance): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Vu qu'on finit à midi, j'aurais deux courtes
questions, M. le ministre.
Le Président (M. Lachance): M. le député, je
voudrais vous dire que nous avons commencé à 11 h 5. Il n'y a pas
de problème pour se rendre jusqu'à 12 h 5, en termes de
temps.
La loi 43 et les entrées fiscales
M. Laplante: D'accord! Je voulais aborder, messieurs, les
difficultés d'équilibre budgétaire dont M. le
député parlait tout à l'heure, mais cela serait trop long.
Je vais vous demander de nous parler des effets de la loi 43 sur les
entrées fiscales, des effets que cela a pu avoir et,
deuxièmement, sur le budget, comparé à 1983-1984, sur le
paiement de nos employés, le pourcentage qu'il y a entre les deux. C'est
qu'une année, on avait 51% du budget qui était pour nos
employés et, cette année sur la différence qu'il peut y
avoir entre 1983-1984 et les entrées fiscales qu'il a pu y avoir en
vertu de la loi 43, depuis son application en janvier.
Le Président (M. Lachance): M. le ministre.
M. Parizeau: En fait, M. le Président, nous constatons,
depuis deux mois, une hausse des déclarations des pourboires des
employés. C'est difficile, sur la base de deux mois seulement,
d'être tout à fait exact. Je vais essayer de vous expliquer
pourquoi. C'est que, normalement, l'affectation entre les différentes
sources de revenu ne peut se faire de façon exacte que trois semaines
après la fin d'un mois. Donc, nous n'avons pas encore en main les
résultats terminaux
des recettes de mars. On ne peut donc se fier que, sur janvier, qui
était une sorte de mois de démarrage, d'impact, et sur
février. Donc, ce que je vais dire ici, c'est sous toutes
réserves, mais c'est une sorte d'impression. L'impression qu'on a,
à l'heure actuelle, c'est que, devant les discussions publiques
considérables autour de la loi 43, passablement d'employés
à pourboires n'ont pas pris de chance, ils ont commencé à
en déclarer. L'impression qu'on aurait, à l'heure actuelle, c'est
que ce qui serait déclaré ne serait pas de l'ordre de 8%, comme
ce qui était visé par la loi, mais peut-être que cela doit
se rapprocher de 6% à l'heure actuelle. (12 heures)
Je dis cela sous toutes réserves, parce que vous comprendrez
qu'un mois de janvier qui démarre, un mois de février comme mois
entier et mars, dont on n'aura pas encore avant trois ou quatre jours la
décomposition exacte, c'est très aléatoire, la
réponse que je viens de donner. Mais il n'y a pas de doute qu'au moins
sur le plan psychologique, du fait d'inciter les employés au pourboire
à déclarer les pourboires, on constate déjà qu'il y
un impact. Quant au pourcentage de l'impact des salaires payés par le
gouvernement, directement ou par le truchement des réseaux, par rapport
au budget total du gouvernement, je ne sais pas si... On me dit que nous sommes
à 48% cette année, 52% à un moment donné.
Adoption des programmes
Le Président (M. Lachance): Pardon? Est-ce que le
programme 1 est adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté sur division.
Le Président (M. Lachance): Adopté sur division.
Est-ce que le programme 2 est adopté?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Programme
3?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Programme
4?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sur division.
Le Président (M. Lachance): Adopté sur division.
Programme 5?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Programme
8?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Est-ce que
l'ensemble des programmes du ministère des Finances seront
adoptés?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Lachance): Adopté. Je remercie les
membres de la commission. Ceci termine l'étude des crédits
dévolue à la commission du budget et de l'administration. La
commission ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 2)