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(Vingt heures dix minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration est réunie ce soir
afin de procéder à une consultation générale dans
le cadre du projet de loi 54, Loi sur le registre des associations et
entreprises. Je remercie nos invités d'aujourd'hui de leur patience car,
comme on le sait, le début de nos travaux a été quelque
peu retardé par un débat d'urgence qui a eu lieu en Chambre, cet
après-midi, concernant la situation sur les marchés
boursiers.
Je voudrais indiquer qu'il y a eu entente entre les leaders
parlementaires afin que le temps que nous n'avons pu consacrer pour les
auditions sur le projet de loi 54 soit repris ce soir, de sorte que la
période des remarques préliminaires sera limitée à
une intervention de cinq minutes pour chaque groupe parlementaire. Nous
entamerons ensuite l'audition des trois organismes prévus pour
aujourd'hui et ce, jusqu'à 23 heures.
Dès la fin des remarques préliminaires, le temps sera
divisé en trois blocs égaux pour chacun des trois organismes.
À l'intérieur de chaque bloc, le temps sera divisé en
portions égales, dans un premier temps, pour l'exposé de
l'organisme; dans un deuxième temps, pour les questions des membres du
gouvernement et, dans un troisième temps, pour les questions des membres
de l'Opposition. L'ordre du jour de nos travaux sera donc le suivant: de 20 h
13 à 21 h 10, nous entendrons la Chambre des notaires du Québec;
de 21 h 10 à 22 h 5, le Barreau du Québec, de 22 h 5 à 23
heures, l'Association des banquiers canadiens. Je demande donc à chaque
organisme de nous exposer son mémoire en dix à quinze minutes
afin de favoriser les discussions avec les membres de la commission; plus ou
moins quinze minutes.
Avant que nous commencions la période des remarques
préliminaires, je dépose un avis de la Commission d'accès
à l'information du Québec sur le projet de loi 54, qui a
été reçu aujourd'hui au secrétariat des
commissions. Ce document vous sera distribué immédiatement.
Sans plus tarder, nous allons passer aux remarques préliminaires
et j'inviterais M. le ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation à faire sa déclaration d'ouverture.
Déclarations d'ouverture M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, brièvement, je
m'associe à vous pour m'excuser ou, du moins, solliciter la
compréhension de ceux qui devaient être entendus cet
après-midi, en raison du débat important qui a eu lieu à
l'Assemblée nationale et qui a perturbé nos travaux, ce qui a
fait en sorte que nous avons dû reporter l'ouverture de la commission
à ce soir.
Ceux qui sont ici savent l'importance de la Loi sur le registre des
associations et entreprises. Dès le départ, lorsqu'on m'a
confié ce travail, lorsqu'on m'a demandé, l'an dernier, de
m'occuper des institutions financières et de tout ce qui touche à
la Loi sur les compagnies, je me suis aperçu qu'un travail assez
important avait été fait dans le passé relativement
à ce projet de loi. Immédiatement, j'ai consulté mes
collègues des autres ministères pour m'assurer que leurs
fonctionnaires avaient été consultés. De fait, plusieurs
m'ont confirmé que les fonctionnaires de plusieurs des ministères
concernés avaient été consultés. Par la suite, au
mois de février, je crois, nous avons fait un effort de consultation non
pas sur le projet de loi comme tel, mais sur un document qui résumait
les intentions, le pourquoi, les objectifs qui étaient poursuivis par le
gouvernement, et nous avons approché un certain nombre d'associations
qui, dans la très grande mesure, si ce n'est la totalité, nous
ont dit, à ce moment-là, qu'elles étaient d'accord avec
l'objectif fondamental recherché.
C'est la raison pour laquelle nous avons tenu compte de certains
commentaires qu'on nous a faits, que nous avons déposé le projet
de loi, je crois, au mois de mai et que j'ai alors demandé au leader du
gouvernement de convoquer ou de faire en sorte qu'il puisse y avoir une
commission parlementaire pour entendre le plus grand nombre d'associations ou
de corps intermédiaires qui manifesteraient leur intention de participer
à nos travaux pour nous exposer leur point de vue. C'est la raison pour
laquelle, M. le Président, nous sommes arrivés à cette
étape.
Je dois dire que, pour ma part, j'ai lu tous les mémoires et que
nous aurons des questions à poser de façon toute
particulière. L'objectif du projet de loi en est un de
rationalisation. II existait un certain nombre de lois, sous la
juridiction de différents ministères, qui étaient
vétustés et dont les réglementations étaient encore
plus vétustés. L'effort qui a été fait en est un de
concertation, de concrétisation, de simplification. Par
l'élimination d'un certain nombre de lois et d'un très grand
nombre de règlements, nous croyons avoir atteint cet objectif qui, en
fin de compte, fera en sorte que le registre des associations et entreprises,
qui pourra être utilisé par des moyens modernes de communication,
fournira toute l'information nécessaire à ceux qui y oeuvrent et
qui ont besoin de telles informations. M. le Président, je crois que je
vais arrêter là mes propos, pour ne pas nous retarder davantage.
Je vous invite à procéder dans les meilleurs délais.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
ministre délégué aux Finances.
M. le porte-parole de l'Opposition, M. le député de
Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Je voudrais, d'abord, saluer les gens qui viendront
ici, au nom de la Chambre des notaires du Québec, du Barreau du
Québec et de l'Association des banquiers canadiens, nous faire part de
leurs observations, de leurs commentaires et de leurs recommandations
concernant l'étude du projet de loi 54 dont nous avons reçu
dépôt, à l'Assemblée nationale, il y a
déjà quelque temps.
Le ministre a dit que ce projet de loi fait partie des projets de loi
qui ne sont pas à caractère très politique, qu'il ne
relève pas de l'idéologie, qu'une bonne partie du sujet avait
été travaillée sous l'ancien gouvernement et que son
gouvernement n'avait pas vu d'objection à ce que les travaux se
continuent.
Au fond, le but du projet est de constituer un fichier unique et de
faire en sorte que le registre des associations et des entreprises puisse
être organisé de façon plus moderne. Un grand nombre de
lois ou de dispositions, qui sont touchées par un tel projet de loi et
qui seront abrogées, sont mentionnées dans l'introduction. On
voit qu'il y en a près de trois pages. Normalement, le projet de loi
devrait simplifier l'administration, mais on peut se demander, sur d'autres
aspects, pourquoi il n'y aurait pas eu davantage de
déréglementation, surtout dans un projet de loi qui est
plutôt administratif. On sait qu'au gouvernement il y a un grand nombre
de lois, mais qu'il y a des milliers de règlements qui peuvent faire des
milliers et des milliers de pages de réglementation.
On constate, aux articles 89 et suivants, qu'encore là le projet
de loi regorge de pouvoirs de réglementation conférés au
gouvernement. On aurait pu s'attendre à retrouver davantage de
dispositions dans la loi et moins de réglementation pour qu'on aille
dans le sens d'une véritable déréglementation parce qu'on
dit, dans la théorie de l'évolution, que le besoin crée
l'organe, mais quand l'organe existe déjà, on peut se rendre
compte à quel point il peut fonctionner pour susciter davantage son
appréciation ou son expansion ou sa nécessité. L'ouverture
à la réglementation étant considérable dans le
projet de loi, on peut être certain que le vide n'existera pas et qu'il y
aura bientôt un nombre considérable de règlements.
On peut se demander aussi pourquoi le contrôle administratif sur
les dénominations sociales a été abandonné.
Même si on vient de déposer un document sur l'accès aux
documents des organismes publics, on peut se demander pourquoi également
la loi sur le registre ne sera pas assujettie à la loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et, également,
pourquoi cette volonté, à l'article 625, de passer outre à
la Loi sur les règlements.
M. le Président, comme nous avons convenu de limiter nos
remarques préliminaires afin de compenser un peu pour les débats
que nous avons eus cet après-midi, qui ont retardé la tenue de la
commission parlementaire à ce soir, je limiterai là mes
interventions pour entendre les organismes. Je sais qu'à la fin des
auditions on aura l'occasion de faire des conclusions et d'exprimer davantage
notre point de vue concernant ce projet de loi.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Lévis, de votre promptitude. J'inviterais les
membres de la Chambre des notaires - je crois qu'ils sont présentement
à la table des témoins - à bien vouloir s'identifier.
J'aimerais leur rappeler que la durée de leur exposé sera environ
de dix minutes et qu'il y aura un échange d'environ vingt minutes de
part et d'autre. Au total, 50 minutes seront consacrées au débat
qui pourra avoir lieu entre les différents groupes parlementaires. Pour
pouvoir faire votre exposé, vous avez environ dix à quinze
minutes. C'est bien cela, M. le secrétaire? Alors, pour les fins de
l'enregistrement du Journal des débats, voulez-vous vous identifier et
identifier la personne qui vous accompagne?
Auditions Chambre des notaires du Québec
M. Mackay (Julien S. )ï Oui, M. le Président. Merci. Mon nom
est Julien S. Mackay et je suis directeur de la recherche
à la Chambre des notaires du Québec. Je suis
assisté d'un de mes adjoints, le notaire Michel Perreault.
M. le Président, M. le ministre, M. l'inspecteur
général, M. le représentant de l'Opposition, il fait
plaisir à la Chambre des notaires de venir faire la présentation
de son mémoire et de vous indiquer que la chambre accueille
favorablement le projet de loi sur le registre. Ce mémoire est
divisé en deux parties: une première partie qui concerne
l'appréciation générale du projet et une deuxième
partie qui comporte surtout des commentaires d'ordre technique. Je demanderai
à mon adjoint, Me Perreault, de toucher cet aspect technique.
Nous apprécions particulièrement certains principes
intéressants amenés par ce projet de loi. D'abord, le principe de
centralisation de l'information constitue un gros avantage. Nous
considérons que c'est tellement mieux d'avoir à consulter
seulement un registre qui nous fournira toute l'information, plutôt que
d'avoir à vérifier les registres de chacun des districts
judiciaires pour obtenir une information que la technologie moderne peut
maintenant nous permettre de rassembler. Cela nous évite de chercher
partout l'information, parce que le système aura été
conçu comme un système simple et complet.
Nous constatons que les personnes assujetties à l'enregistrement
ou à l'inscription au registre sont beaucoup plus nombreuses. Le projet
de loi tente de couvrir toutes les personnes qui exercent une activité
commerciale ou professionnelle. Nous vous faisons remarquer, cependant, que les
groupements de propriétaires indivis d'immeubles ne sont pas couverts.
Nous croyons que ces personnes devraient aussi être incluses comme
personnes assujetties à l'inscription au registre.
Le registre prévoit un régime simple et transparent qui
permet de fournir le maximum d'informations sur les gens avec qui on a à
transiger dans le milieu des affaires. Nous constatons que cet avantage nous
permet de remplir une des obligations imposées au notaire par sa
qualité d'officier public. Dans les actes authentiques que le notaire
reçoit, il doit garantir l'identité des parties et ce n'est pas
toujours facile dans le monde compliqué où on évolue avec
les grandes villes, les grandes agglomérations -on n'est plus dans les
villages comme auparavant - d'être capable de s'assurer de
l'identité des personnes et des personnes morales aussi avec qui on fait
affaire. Le registre va nous permettre de répondre beaucoup plus
facilement à cette obligation.
Nous constatons aussi que le public aura un accès beaucoup plus
facile à l'information. Le public y a accès aussi actuellement,
mais ce sera encore beaucoup plus facile d'avoir un accès complet. Ce
n'est pas un système réservé exclusivement aux juristes,
c'est un système qui va être d'accès facile à tout
le monde.
Nous constatons que le nom n'est pas enregistré; on immatricule
les noms. Cela ne chambarde rien aux habitudes qu'on avait déjà.
On avait développé des habitudes en ce qui concerne
l'enregistrement ou l'inscription de tous les noms des organismes qu'on
créait et on ne fait que modifier la méthode d'inscription,
plutôt que de transformer tout le mode d'enregistrement. Quant à
nous, cela nous sécurise, plutôt que d'avoir à
développer de nouvelles méthodes de fonctionnement. Nous
espérons que la mise à jour des informations sera plus efficace
ou très efficace du fait que nous allons fonctionner avec un registre
informatisé.
Cependant, on aimerait mettre le ministère ou le gouvernement en
garde contre l'accumulation de retards que nous connaissons dans d'autres
services. Ce n'est pas nécessairement parce qu'il s'agit d'un registre
informatisé que ce sera plus facile. Â preuve, l'enregistrement
des droits réels à Montréal et à Laval: ce n'est
pas un système idéal, ce que nous avons connu au cours de
l'été. Nous avons aussi énormément de
difficultés à obtenir des permis de distribution de biens dans
les successions, les TPX-14. On a inventé un nouveau système,
mais on n'a pas inventé la rapidité. Alors, là, on nous
dit; II va y avoir un système informatisé qui va permettre une
mise à jour beaucoup plus simple et beaucoup plus efficace. On croit
qu'idéalement c'est vrai et on aimerait que ces voeux soient maintenus
en" pratique.
Nous apprécions que la loi abolisse le principe de la main-morte.
On ne savait jamais, d'ailleurs, dans quel contexte cela s'appliquait et dans
quels cas on devait s'en assurer.
Nous apprécions l'ouverture d'esprit du gouvernement qui a
imaginé de permettre aux notaires - à l'article 510, je crois -
de demander l'annulation d'enregistrements faits sans droit, par voie d'une
procédure judiciaire non contentieuse plutôt que par voie d'une
procédure administrative qui aurait pu être très
complexe.
Enfin, nous savons que le droit au nom dépend de l'usage qu'on en
fait. Ce n'est pas l'enregistrement qui crée le droit au nom, mais son
usage. Alors, l'absence de contrôle est conforme au droit. Comme nous
avons facilement accès à toute l'information, nous
considérons qu'il est logique de ne plus contrôler l'accès
au nom et de laisser à chacun le soin de faire ses propres
vérifications, avant d'utiliser un nom qui fait déjà
l'objet d'une utilisation active. Il y a un autre aspect, M. le
Président, que j'aimerais vous souligner: il s'agit de l'utilisation de
l'informatique dans le développement du registre. Il en est mention
à l'article 38, 3e
alinéa, au chapitre de la publicité. On voit aussi
apparaître, à certains endroits dans le projet de loi, une
référence au support que l'inspecteur voudra bien désigner
pour le maintien du registre et de ses informations. Cela présuppose
qu'éventuellement l'informatique pourra permettre un
développement très efficace du registre. (20 h 30)
Nous désirons vous souligner la qualité de l'officier
public, qui est une des qualités du notaire et qui permet de certifier,
entre autres, l'identité des parties. L'officier public est une personne
qui détient une parcelle de l'autorité publique. Cette
qualité est confirmée dans la Loi sur la preuve, dans le chapitre
de la preuve du Code civil.
Nous imaginons qu'éventuellement l'informatique permettra au
notaire, à partir de son bureau, de donner des instructions au service
de l'inspecteur général sur la création d'une corporation
et son statut d'officier public pourra lui permettre de certifier
l'identité des parties qui sont dans son bureau afin
qu'instantanément, par voie d'un code, l'on puisse confirmer
l'émission de la certification des statuts.
Cela n'empêche pas qu'éventuellement la documentation
pourrait être envoyée manuellement au registre. Mais on imagine
que c'est un développement possible. Vous le verrez prochainement, c'est
déjà l'objet d'une certaine publication. On a vu cela, entre
autres, dans Le monde juridique en s'en venant. Le développement de
l'informatique d'une façon massive dans les bureaux de notaires, nous
sommes à travailler là-dessus d'une façon intensive. Nous
avons l'impression que par la présence de cette justice
décentralisée que le notaire exerce à travers la province,
il sera peut-être en mesure de pouvoir apporter une aide au bureau de
l'inspecteur général en ce qui concerne la préparation, la
confection et l'émission des statuts d'incorporation. Sa propre
qualité d'officier public pourrait être un gage de garantie quant
à l'identité des parties. Je pense que c'est une avenue qui
pourra tranquillement être développée. Au même titre
que pour l'enregistrement des droits réels, on pense
qu'éventuellement on pourra faire de l'enregistrement à partir
des bureaux de notaires par voie de système différé avec
les bureaux d'enregistrement et les bordereaux d'inscription qui sont en train
de se développer. C'est un aspect qu'on voulait souligner comme une
avenue possible de développement et de collaboration de la part de ce
professionnel du droit qu'est le notaire, à cause de sa qualité
d'officier public.
J'aimerais, M. le Président, demander maintenant à mon
adjoint, M. Perreault, de continuer sur certains aspects techniques qu'il
voulait vous présenter lui-même.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, M.
Perreault, en trois minutes, si possible, afin que nous puissions avoir des
échanges de part et d'autre. Si vous sentez le besoin qu'on prolonge,
vous pourrez alors nous le demander et nous prolongerons quelque peu.
M. Perreault (Michel): Bon, je vais tenter de faire cela le plus
brièvement possible. Je fais référence à la page 10
du mémoire, dans la partie II, simplement pour souligner qu'au
paragraphe 9 de l'article 1 on utilise un terme qui nous semble pouvoir
prêter à confusion, soit le terme "administrateurs" dans un cadre
autre qu'un cadre administratif ou qu'un cadre corporatif. 11 nous semble que,
même si on utilisera prochainement, avec la loi 20, le mot
"administrateurs", cela ne comprenne pas l'ensemble des personnes qui
représentent ou gèrent l'ensemble des biens d'un groupement. On
vous demanderait donc de prêter attention à ce
terme-là.
Me Mackay a souligné que la liste des assujettis ne comprenait
pas le groupement de personnes physiques exerçant une activité
civile à but lucratif sous un nom d'emprunt. On pense qu'il serait utile
de joindre ce groupement à la liste des assujettis, étant
donné que les sociétés civiles ou commerciales qui peuvent
accomplir ces mêmes activités sont déjà comprises.
De la même façon, nous souhaitons - je répète ce que
Me Mackay a dit - que le contrôle et l'application du projet de loi se
fassent avec rigueur pour éviter les exagérations qui nous
semblent faites actuellement, du moins dans le système d'enregistrement
des raisons sociales.
En ce qui concerne la radiation, au chapitre V, nous constatons qu'on
accorde une certaine importance ou un certain poids à la radiation dans
le cas des compagnies et sociétés en commandite qui perdent leur
personnalité juridique de ce fait, par la radiation de leur
immatriculation.
Oans la loi 20, à l'article 324, on établit
également que l'absence d'immatriculation fera perdre toute
personnalité morale aux associations, sociétés et autres
groupements de droit privé. On note, cependant, que, quant aux personnes
physiques, la radiation porte moins d'effet. Evidemment, on ne peut pas leur
faire perdre une personnalité juridique qui existe par la naissance,
mais on se demande si, pour avoir un effet plus incitatif ou plus efficace, on
ne devrait pas doter ces personnes physiques d'un patrimoine d'affectation et,
en cas de manquement, leur retirer ce patrimoine d'affectation. Cela pourrait
être une mesure aussi efficace que la révocation de
l'immatriculation.
Quant au chapitre de l'administration du registre, on a une petite
remarque. On a
noté qu'à l'article 48 l'inspecteur pouvait décider
de différer l'émission d'un certificat ou des documents
jusqu'à ce que l'effet de commerce qui doit honorer les droits prescrits
soit effectivement honoré. Il nous semble un peu contradictoire d'aller
si loin en retardant ou en différant l'émission d'un certificat
pour une telle cause. À certaines occasions dans le projet de loi - on
pense, par exemple, à l'article 44 ou à l'article 65 et aux
suivants - il semble qu'on accorde plus d'importance à ce qui nous
semble accessoire, entre autres, des fins administratives, comme le fait qu'un
chèque puisse être honoré ou pas. On donne plus
d'importance à ce genre d'information qu'à l'immatriculation
comme telle qui nous semble importante et qui est traitée
différemment.
Sur le plan des dispositions pénales, le projet de loi contient
des quantums d'amende. On se demande s'il n'y aurait pas lieu, afin de rendre
les sanctions plus contemporaines ou plus actuelles, d'insérer cela dans
un mécanisme plus souple, administratif, par décret ou peu
importe. Il nous semble qu'une loi, c'est un peu lourd sur le plan
administratif pour modifier ces quantums.
Finalement, l'article 301 du projet de loi propose de laisser à
l'inspecteur général le droit d'attribuer d'office une
dénomination sociale dans certains cas. Nous pensons, par exemple,
à un cas où le nom prête à confusion. Il nous semble
qu'en donnant à l'inspecteur le droit d'attribuer un nom on court le
risque de créer un problème en tentant d'en résoudre un,
dans le sens suivant. Le nom qui serait attribué peut très bien
être utilisé par une autre personne. L'inspecteur ne pourra pas
faire le contrôle nécessaire pour s'assurer de l'usage d'un nom.
Nous pensons que l'attribution d'un nom, de cette façon, pourrait
effectivement donner lieu à un nom qui est déjà en usage
ailleurs et apporter plus de problèmes qu'on ne pourrait avoir
tenté d'en résoudre.
Nous suggérons plutôt, dans un tel cas, la radiation de
l'immatriculation avec la possibilité de révoquer la radiation.
On le fait, par exemple, lorsque les corporations ou les assujettis ne
fournissent pas les mises à jour ou certains documents. Il nous semble
donc qu'il pourrait être aussi indiqué de procéder de cette
façon pour de tels cas.
Enfin, l'abandon du contrôle du nom par le gouvernement rend
désuet, selon nous, le premier paragraphe de l'article 357 du Code civil
du Bas-Canada et nous recommandons son abrogation. Brièvement,
c'étaient les commentaires techniques que nous avions à
faire.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Perreault
et M. Mackay. Je vais céder la parole à M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation. M. le
ministre.
M. Fortier: Je remercie la Chambre des notaires de son appui.
Bien sûr, vous faites des commentaires pertinents et des suggestions.
J'espère qu'on aura l'occasion de revenir sur tous les commentaires que
vous avez faits ce soir. Étant l'une des deux corporations
professionnelles, l'une des deux professions juridiques, votre point de vue
nous intéresse au plus haut point.
Vous soulignez avec beaucoup d'à-propos - j'imagine que votre
profession vous amène à le faire - que la mise sur pied d'un
registre comme celui-là est unique. Ce sera un registre assez unique en
Amérique du Nord. On est fier de cette loi et je pense que cela va nous
permettre de moderniser tous les mécanismes de publicité des noms
des organismes et des compagnies. Cela sera donc un moyen de travail
extrêmement important pour tous.
M. Mackay a porté à notre attention un potentiel de
développement par l'informatique en raison de votre
caractéristique d'officiers publics. Nous en prenons bonne note. Nous
croyons que, de plus en plus, les professionnels vont utiliser l'informatique
et, comme vous, ils trouveront des moyens de l'utiliser au maximum.
Nous avons, pour notre part, indiqué que, dans les bureaux de
l'inspecteur général et dans les palais de justice, il y aura des
moyens de communiquer en vue de l'obtention de l'information entrée dans
l'ordinateur, mais un article nous permet d'utiliser d'autres moyens de
communication. On peut penser qu'éventuellement un avocat ou un notaire,
dans son bureau, pourrait communiquer directement et obtenir l'information qui
se trouve dans l'ordinateur.
J'aimerais revenir sur une couple de points, quitte à laisser mes
collègues continuer et on reviendra sur de très nombreux points
qui nous semblent importants. Vous êtes d'avis, et c'est le nôtre
également, que le droit au nom vient de l'usage, en conséquence
que le contrôle a priori ne s'impose pas. J'aimerais que la Chambre des
notaires nous en dise davantage là-dessus. J'aimerais que vous nous
précisiez votre point de vue. Dans votre document, vous le mentionnez au
passage. D'après votre expérience, croyez-vous que cela
créera des problèmes et est-ce que cette façon de
procéder, d'après la pratique que vous vivez, est la meilleure
dans les circonstances?
M. Perreault: Si on le regarde du point de vue pratique, cela
peut effectivement, comme on le dit dans le mémoire, créer une
certaine insécurité parce que cette règle est relativement
mal connue des praticiens. De ce point de vue, cela peut créer un
inconvénient, mais, d'un autre côté, si le
registre fonctionne de la façon dont le projet de loi nous
l'indique, il nous semble assez évident que là masse
d'information, d'abord, sera très complète sur ce qu'il est
nécessaire ou utile pour tout usager de connaître quand il
transige avec les assujettis. D'autre part, il sera très facile d'avoir
accès à cette information. Quand il sera question de
vérifier l'état d'un nom, il sera facile de consulter le registre
pour vérifier si ce nom est déjà utilisé par toute
personne, tout groupement, toute société ou toute association qui
est définie dans les assujettis. Il nous semble qu'en procédant
de façon centralisée on ne peut pas faire autrement qu'avoir plus
d'information qu'auparavant pour vérifier l'usage qui est fait d'un
nom.
Évidemment, on ne peut pas avoir l'information à la
seconde près. Il se présentera toujours des cas où ce sera
plus difficile, mais je pense que, de toute façon, les problèmes
de la confusion qui étaient reliés au choix d'un nom
n'étaient pas nombreux, du moins ceux qui devaient se rendre devant le
tribunal n'étaient pas nombreux. Il ne nous semble pas que cela
crée de difficulté à ce niveau. En insérant dans le
projet de loi la règle selon laquelle l'immatriculation ne crée
pas de droit sur le nom, je pense que c'est suffisant, avec le reste, pour
sécuriser la pratique.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Perreault.
(20 h 45)
M. Fortier: Je vous remercie de votre commentaire. Au passage,
j'aimerais noter qu'on m'informe que l'article 357 du Code civil, dont vous
dites qu'il devrait être aboli, a été aboli au moment
où on se parle. Nous sommes tout à fait d'accord avec votre
commentaire à propos de la liste des assujettis qui ne comprend pas le
groupement de personnes physiques exerçant une activité civile.
Et vous donnez l'exemple des propriétés indivises d'immeuble. Je
crois que voilà une recommandation importante. Il y a eu un oubli de
notre part et nous la prendrons en très sérieuse
considération. Cela, c'étaient deux points où on ne voyait
pas de problème.
Je crois que c'est M. Mackay ou vous-même, M. Perreault, qui
parliez des administrateurs, À ce sujet, l'information que nous avons
est que nous serions effectivement en droit de référer au terme
"administrateurs". On me réfère à la thèse de
maîtrise en droit présentée à l'Université
Laval en 1933 sur l'association non personnifiée. Me Michel Filion
démontre clairement que ce type de groupement est administré par
des administrateurs. Leurs pouvoirs sont prévus dans les
règlements de l'association. Cette thèse se retrouve en substance
dans le Répertoire du droit publié par la Chambre des notaires du
Québec en 1987 d'ailleurs.
Il en est de même des sociétés de personnes
formées en vertu du Code civil du Québec. Ces groupements,
même s'ils ne jouissent pas de la personnalité morale, sont
dotés d'une structure administrative qui, parfois, s'apparente beaucoup
à celle du droit corporatif et les administrateurs exercent une telle
fonction par rapport au groupement et spécialement à ses biens.
En définitive, le projet de loi 20, Loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens,
adopté le 15 avril 1987, consacre un titre entier aux dispositions
relatives à l'administration du bien d'autrui. Ces dispositions
consacrent le rôle de l'administrateur. Ce sont les informations
techniques qu'on m'a données et il semblerait qu'elles contredisent
quelque peu les informations que vous nous avez données tout à
l'heure,
M. le Président, je vais laisser la parole à mon
collègue de Lévis et je reviendrai avec d'autres commentaires par
la suite.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: On a dit qu'on avait chacun 20 minutes. Plutôt
que de couper, comme vous êtes dans une lancée, vous pourriez
faire vos 20 minutes et ensuite...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
député de Lévis. Si on regarde les règles de
procédure? on dit simplement que "le président partage entre les
députés de la majorité et ceux de l'Opposition le temps
que la commission consacre à chaque personne ou organisme. Sous
réserve de l'alternance, chaque député peut parler aussi
souvent qu'il le désire, sans excéder dix minutes
consécutives". Sauf s'il y a consentement. Nous pourrions excéder
ces dix minutes si M. le ministre est d'accord, mais je me devrai, quand
même, de faire respecter la règle de l'alternance...
M. Fortier: La règle de l'alternance aux dix minutes?
Le Président (M. Lemieux): Oui, parce que vous allez
épuiser tout votre temps et vous ne pourrez plus parler.
M. Garon: II a 20 minutes de toute façon. Si on le coupe,
cela lui nuit plus que s'il les prend d'un coup.
Le Président (M. Lemieux): C'est à M. le ministre
de décider. Moi, je dois faire respecter le règlement, M. le
député de Lévis, qui prévoit dix minutes
consécutives, selon la règle de l'alternance.
M. Fortier: On est chanceux d'avoir un président qui fait
respecter le règlement. J'espère que vous êtes d'accord
avec nous.
M. Garon: II faut dire que la semaine dernière...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, je me dois de vous souligner que la parole est à vous.
M. Garon:... on a fait des audiences, j'ai été
à peu près trois semaines en audiences sur des condos, sur les
transports en commun, sur l'assurance automobile et partout on prenait 20
minutes chacun notre tour et c'était fini. Cela nous évite de
faire...
M. Fortier: Je n'ai pas d'objection si c'est la pratique.
Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire qu'il y a
la pratique et le règlement, mais si j'ai le consentement de part et
d'autre, je vais l'accepter. Si j'ai consentement pour procéder de cette
façon-là, qu'on épuise en une ou plusieurs interventions
ces 20 minutes, je n'ai pas d'objection sauf que j'ai devant moi un
règlement. Si vous êtes prêt à continuer pour prendre
vos 20 minutes en totalité, M. le ministre...
M. Fortier: J'ai encore une couple de questions à
poser...
Le Président (M. Lemieux): Vous pouvez continuer.
M. Fortier:... et si je suis à court de questions je
laisserai la parole à mon collègue.
Le Président (M. Lemieux): C'est bien, M. le ministre.
M. Fortier: En fait, vous avez fait des commentaires
également sur les dispositions pénales. Vous dites qu'il faudrait
les rendre plus actuelles de temps à autre. Ne croyez-vous pas que des
dispositions pénales comme celles-là qui sont, bien sûr,
des mesures d'exception, doivent s'insérer dans un encadrement
très précis qui implique la participation de tous les
représentants du peuple? Vous savez, on nous accuse toujours de faire en
sorte que le gouvernement puisse, par réglementation, changer un tas de
choses et voilà ici que des dispositions pénales sont, de fait,
inscrites dans la loi. En fait, ce que vous nous recommandez, c'est de faire en
sorte que l'on puisse les modifier beaucoup plus fréquemment. À
ce moment, c'est un peu en contradiction avec les recommandations qu'on a
l'habitude de nous faire à ce sujet.
M. Perreault: Si vous permettez, l'idée qu'on voulait
poursuivre là-dedans, c'est qu'il nous semble que, pour que ce soit
actualisé, cela doit être davantage basé sur des
données économiques ou techniques et que de tels quanta peuvent
être plus facilement formulés par les administrateurs du
régime ou du registre que par l'Assemblée nationale. Il nous
semble que cela apporte plus de souplesse, étant donné que ces
règles exigent plus de technique pour la fixation des proportions.
Si vous le permettez, je voudrais revenir, par exemple, à ce que
vous aviez dit tantôt relativement aux administrateurs. Je suis d'accord
avec l'opinion de Me Filion que vous avez rapportée, sauf que le
contexte dans lequel on voulait situer notre commentaire, c'est effectivement
celui des personnes qui se retrouvent dans un groupement non organisé,
justement. On conçoit très bien que les personnes qui sont
organisées réfèrent à des procédures qui
ressemblent au droit corporatif, mais il y a un ensemble de personnes qui se
regroupent sans avoir aucune structure et qui sont laissées au droit
commun. C'est plutôt à celles-là qu'on faisait
référence.
M. Fortier: Cela va aller pour le moment, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, en une ou plusieurs interventions.
M. Garon: Me Perreault, Me Mackay, il me fait plaisir de vous
saluer et de voir qu'encore une fois la Chambre des notaires est vigilante et
présente. Le président a dit, tout à l'heure, à Me
Perreault: Trois minutes. J'aimerais vous dire s'il y a des points que vous
auriez voulu élaborer davantage, s'il y a autre chose que vous auriez
voulu dire et que vous avez dû abréger, bien, allez-y donc sur mon
temps de parole.
M. Perreault: Quant à moi, cela complétait
l'ensemble des commentaires qu'on avait à faire.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Mackay: On vous remercie de votre
générosité, mais...
M. Garon: Je voulais vous donner une chance.
Une voix: Vous allez être obligé d'improviser.
M. Garon: Non. Pas du tout. J'ai une série de deux pages
de questions.
Une voix: Commencez par la première.
M. Garon: J'ai cru comprendre, dans votre commentaire, que vous
estimez que l'inspecteur ne devrait pas conserver un contrôle sur le
choix de la dénomination sociale, ce qui serait susceptible d'induire le
public en erreur et de prêter à confusion avec le nom des
entreprises existantes au Québec. Vous estimez qu'il ne devrait pas y
avoir de contrôle administratif sur la dénomination sociale*
Est-ce que j'ai tort ou raison?
M. Perreault: Non. C'est notre position. On juge que ce n'est pas
essentiel avec l'implantation d'un registre comme celui-là, tenant
compte également de la règle de droit actuelle.
M. Maekay: Le contrôle en est assez facile lorsque
l'accès est généralisé. Je pense que
l'expérience actuelle veut qu'il n'y ait pas de contestation majeure,
qu'il n'y ait pas de problème majeur dans ce domaine. En
conséquence, on calcule que le contrôle a priori par l'inspecteur
n'est pas une chose souhaitable. On va laisser à l'entreprise
privée, à l'initiative des individus, le soin de vérifier
leur propre nom. S'il y a des cas douteux, il y a toujours les tribunaux qui
pourront trancher dans les cas où quelqu'un peut se sentir
lésé. D'après les recherches qu'on a faites, ces recours
sont quand même assez rares.
M. Garon: Il y en a assez pour voir qu'on est obligé,
chaque année, non pas - concernant les noms en particulier, mais sur des
choses encore plus simples, par exemple, concernant les rapports annuels,
d'adopter des lois d'intérêt privé parce que des organismes
qui, parfois, il faut l'admettre, sont conseillés par des
professionnels, ne remettent pas leur rapport annuel. Il faut siéger ici
pendant un certain temps pour faire revivre des compagnies qui sont mortes
pendant un certain nombre d'années. J'ai eu l'occasion d'écrire
au ministre, cet après-midi, pour lui souligner un cas, par exemple,
où, même avec l'intérêt privé et même
avec des professionnels, les gens n'ont pas remis leur rapport annuel pendant
plusieurs années et après cela, c'est assez onéreux pour
eux de faire revivre leur entreprise.
M. Mackay: Vous pensez qu'il n'y aurait pas lieu d'imaginer
d'autres moyens qu'un moyen aussi drastique que celui-là. Il y a
certainement d'autres moyens, avec les lois qu'on possède et le
système de droit qu'on possède, pour faire revivre l'existence
corporative d'un organisme qui, pour une raison technique, la non-production
d'un rapport, est mort et qui, malgré cela, a quand même
continué à exister, à payer des taxes, à payer de
l'impôt. Je pense que c'est une sanction disproportionnée, avec
l'effet qu'on recherche, c'est tuer une mouche avec un douze à deux
barils. Il y a moyen de faire revivre cela d'une façon beaucoup plus
facile que de demander ce que vous suggérez, une loi
spéciale.
M. Garon: II faudrait peut-être avoir une
pénalité assez forte pour le professionnel qui ne se soucie pas
de faire les rapports annuels.
M. Perreault: Je pense que cela ne relève pas de
l'obligation du professionnel de les faire, d'une part, et je voudrais
répondre également à votre question en disant que ce que
vous soumettez là comme exemple ne s'applique pas tout à fait au
contrôle du nom...
M. Garon: Non.
M. Perreault:... parce que le contrôle du nom repose sur
une règle de droit qui n'est pas du tout l'application technique.
Là, on vous dit: Si vous ne remplissez pas vos rapports annuels au bout
de deux ans, l'inspecteur... Tandis que là, il n'y a personne qui
pourrait rabattre je couperet d'une façon draconienne. C'est une
question d'usage, c'est une question de vérification de faits. Cela
n'implique pas nécessairement une application draconienne. Alors, je
pense qu'on peut difficilement comparer les deux situations.
M. Fortier: Si M. le député de Lévis me le
permet, il m'écrivait, cet après-midi, justement, pour porter
à mon attention un cas qui fait qu'en commission parlementaire nous
avons ce qu'on appelle des bills privés pour que certaines
sociétés qui étaient tombées dans l'oubli revivent.
Il me disait; II faudrait peut-être prévoir cela dans la loi sur
le registre. M. te député de Lévis, je vous dis: C'est
fait. Regardez à l'article 37, il y a un article qui dit: "L'inspecteur
général peut, sur demande, aux conditions qu'il détermine
et sur paiement des droits prescrits par règlement, révoquer la
radiation.
Donc, cela a été prévu par l'inspecteur parce qu'on
se rend compte que, dans certains cas, il est nécessaire de
révoquer cette radiation, de redonner vie à des personnes morales
qui ont cessé d'exister et qui doivent exister à nouveau.
À tout bout de champ, en fin de session, on doit 'faire face à
ces demandes qui nous viennent.
Chaque fois, dans la plupart des cas, les membres de l'Assemblée
ou les membres de la commission disent: La recommandation que vous avez faite
est déjà inscrite dans la loi sur le registre ou dans le projet
de loi sur le registre.
M. Garon: Ce que je voulais dire, c'est que c'est plus simple si
on prévoit, avant d'envoyer les gens en cour, si l'inspecteur
général a le pouvoir de refuser des nominations, de demander
à l'entreprise, à la société ou la corporation,
d'abord, de changer sa dénomination sociale. Cela m'apparaît plus
simple.
M. Fortier: On ne parle pas de la même chose. On parlait de
la révocation de la radiation.
M. Garon: Oui, oui.
M. Fortier: On ne parle pas des noms là...
M. Garon: Non, non.
M. Fortier:... parce que vous avez mêlé deux
dossiers.
M. Garon: Oui. Je n'ai pas mêlé, j'ai comparé
pour dire qu'on a, à ce moment-là, des procédures trop
onéreuses. Il me semble que pour un nom c'est beaucoup plus simple que
l'inspecteur général dise: Voyons donc, ce nom-là, on l'a
déjà utilisé pour différentes raisons. Vous ne
devriez pas alerter et vous retrouver devant les tribunaux. Il me semble que ce
pourrait être plus simple si l'inspecteur général pouvait
avoir la possibilité de dire: Le nom est déjà
utilisé; plutôt que les gens aillent en cour.
M. Fortier: Non. Le point est capital. Je pensais que les
représentants de la Chambre des notaires avaient fait... C'est que c'est
l'usage qui détermine le droit et même si quelqu'un enregistrait
le nom d'une compagnie, s'il n'utilise pas ce nom pendant dix ans, il n'aurait
pas plus droit au nom que quelqu'un d'autre qui aurait enregistré ce nom
et qui l'aurait utilisé. Donc, l'usage déterminant le droit, le
fait de contrôler l'inscription du nom au moment de l'incorporation d'une
compagnie ou autrement ne donne pas plus de droit à la personne qui
l'inscrit.
M. Perreault: Je vais apporter un exemple pratique qui est
soulevé de temps à autre et qui est un peu cocace, mais qui
reflète la situation actuelle. C'est qu'avec un contrôle comme il
existe actuellement, vous avez, par exemple, un dépanneur, dans
l'Outaouais, qui veut s'incorporer sous le nom de Dépanneur Jos. Bleau
inc. et demande sa réservation de nom sous ce nom, parce que c'est son
nom. Si vous en avez un autre Dépanneur Jos. Bleau inc. en
Gaspésie, ni l'un ni l'autre ne risque de nuire à l'autre. Ils
seront bloqués par le contrôle actuellement. Alors, je pense que
cela créait certaines inéquités à ce
sujet-là.
(21 heures)
M. Mackay: M. le ministre...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Mackay.
M. Mackay: La révocation de ta radiation que vous invoquez
dans l'article 37, avez-vous l'intention ou pensez-vous la rendre
rétroactive de façon à couvrir tous les cas de
révocation qui ont pu avoir lieu antérieurement et la laisser
entièrement à la discrétion de l'inspecteur
général?
M. Fortier: C'est-à-dire que la demande de
révocation nous viendrait après l'adoption de la loi, bien
sûr.
M. Mackay: Oui, oui, après l'adoption de la loi, mais pas
simplement pour les révocations qui ont pu être accordées
selon l'article 34 pour les révocations après la mise en vigueur
de la loi.
Une voix:...
M. Mackay: Cela prendrait un article spécial. Il faudrait
un article de droit transitoire pour être capable de dire: II est et il a
toujours été possible à l'inspecteur général
de révoquer la radiation, de façon à le rendre pour le
passé. Je vous ferai remarquer que le problème soulevé par
le député de Lévis...
M. Fortier: M. Mackay, on m'indique... Je savais que
c'était là parce qu'on en avait discuté et c'est à
l'article 632, c'est le complément. L'article 632 dit: L'inspecteur
général peut, sur demande, aux conditions qu'il détermine
et sur paiement des droits prescrits (... ) en vertu des articles 26 et 27 de
la Loi sur les compagnies ou en vertu de la Loi concernant les renseignements
sur les compagnies, en déposant au registre un arrêté
à cet effet. Alors là, je crois que cela complète les
dispositions qui permettent à l'inspecteur général de
procéder dans les circonstances que vous évoquez.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, vous aviez la parole, c'était cela que vous aviez...
M. Garon: Non, je regardais l'article 632.
Le Président (M. Lemieux): Ah bon! Je m'excuse, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Cela va.
Le Président (M. Lemieux): Oui, cela va. Alors,
possiblement que j'aurais une question sur le pouvoir de l'inspecteur
général de différer le dépôt de documents.
Vous semblez nous dire que l'article 48 qui
permet à l'inspecteur de différer le dépôt de
documents tant qu'un effet de commerce n'est pas honoré vous semble,
comme tel, déraisonnable. D'abord, ce que je trouve un peu curieux,
c'est que, lorsqu'on regarde la loi, on constate que c'est un pouvoir, dans un
premier temps, ce n'est pas un devoir comme tel - c'est ce qu'il m'a
semblé être -et que l'inspecteur général pourrait
quand même continuer sa politique actuelle d'accepter les paiements au
moyen d'un effet de commerce comme tel. Je pense surtout en termes
d'efficacité et de souci administratif et, en ce sens-là,
j'aimerais savoir pourquoi il retarderait le dépôt comme tel pour
une raison qui est tout à fait indépendante des documents
présentés et qui n'est qu'une simple formalité
administrative. J'aimerais savoir ce que vous avez à l'esprit lorsque
vous dites, dans votre mémoire, que cet aspect vous semble
déraisonnable puisqu'en somme ce n'est simplement qu'un pouvoir comme
tel, ce n'est pas un devoir en tant que tel.
M. Perreault: Je comprends que c'est un pouvoir. Il nous semble
seulement, dans notre esprit, que cela serait triste que ce pouvoir soit
exercé. Il nous semble que de retarder l'émission des documents
ou de retarder la prise de connaissance par l'usager de son immatriculation
serait suffisant dans un cas semblable, pour ne pas retarder indûment des
dossiers. On accepte, par exemple, le certificat d'immatriculation sur simple
production sans en vérifier le contenu alors qu'on bloque
l'immatriculation pour une question de chèque. C'est là où
cela nous semble un peu... Je comprends que le gouvernement vise
l'efficacité là-dedans, mais...
M. Fortier: Bien, on vise l'efficacité, mais il y a une
question, bien sûr, de s'assurer qu'il y a réellement
dépôt. On veut percevoir nos droits, bien sûr, et comme le
dépôt fait qu'il y a décision administrative de la part de
l'inspecteur par le fait même, au moment où il y a
dépôt, il y a incorporation par le fait même; alors, c'est
assez difficile de revenir en arrière par la suite. Et c'est la raison
pour laquelle on croyait que c'était important de faire coïncider
les deux au moment où une opération comme celle-là
était enclenchée.
Le Président (M. Lemieux): En quelque sorte, c'est
remettre en cause un des fondements propres du projet de loi, parce que la
personnalité morale s'acquiert par immatriculation, je pense, au
registre. Alors, c'est dans ce sens-là.
M. le député de Lévis, il reste dix minutes
à votre formation politique et, du côté ministériel,
il n'y a plus de temps.
M. Garon: J'aimerais savoir si vous considérez que le
registre doit être exclu de la loi sur l'accès à
l'information et, notamment, les dispositions concernant la gratuité des
documents.
M. Perreault: Je vous avoue franchement que je n'ai pas
étudié la question et que je ne pourrais y répondre.
M. Garon: Vous êtes indifférent à
ça?
M. Perreault: Pardon?
M. Garon: Vous êtes indifférent à
ça?
M. Perreault: Non. Je n'ai pas étudié la question
et je ne pourrais pas y répondre.
M. Garon: Considérez-vous qu'il s'agît d'une
véritable déréglementation dans les articles 88 et
suivants où le gouvernement se réserve un pouvoir
réglementaire aussi important?
M. Perreault: Je n'ai pas compris le début de votre
question.
M. Garon: La Chambre des notaires estîme-t-elle que, dans
ce projet de loi où, à partir des articles 88 et suivants, le
pouvoir réglementaire est aussi considérable, que nous sommes
véritablement dans une déréglementation ou si elle ne
pense pas que le gouvernement pourrait faire un effort plus grand afin que le
pouvoir réglementaire soit moins important?
M. Perreault: À la lecture des articles 88, 89 et 90, il
me semble que ces pouvoirs peuvent être pour le moins utiles à
l'administration de ce système-là. Oisons que c'est, quand
même, une loi d'application assez stricte et qui doit vieillir avec le
temps. Je pense qu'avec un pouvoir de réglementation ça
permettrait au système de se développer selon les besoins.
M. Mackays II me semble, M. le ministre, qu'on a le droit, la
possibilité de ne pas réglementer certaines choses, d'en inclure
d'autres dans la loi ou de faire un règlement pour la majorité
d'entre elles, ou de laisser cela à la discrétion de l'inspecteur
général. Alors, c'est la balance des inconvénients qui va
faire en sorte qu'une majorité de points vont être
déterminés par règlement plutôt que d'être
laissés sans réglementation ou d'être laissés
à la discrétion de l'inspecteur général, ou
d'être inclus dans la loi pour la raison qu'on soulevait tantôt en
ce qui concerne les amendes, avec toutes les complications que cela
entraîne lorsque c'est dans une loi.
M. Garon: Est-ce que la Chambre des
notaires estime que, pour le gouvernement, la
déréglementation doit être un objectif ou simplement que ce
n'est pas un objectif important? Je ne vous dis pas que je suis partisan de
l'un ou de l'autre. Le gouvernement a beaucoup parlé de
déréglementation, que c'était un objectif à suivre,
qu'il fallait déréglementer au maximum. Est-ce que la Chambre des
notaires partage cet objectif qu'il est important, dans une
société, d'avoir le moins de réglementation possible ou si
elle considère qu'au contraire le public est mieux protégé
par plus de règlements?
M. Mackay: Je vous dirais que cela dépend des
circonstances et des sujets. Je pense que c'est un bon principe de
déréglementer, mais il y a des choses qui n'ont pas avantage
à l'être et il y a des choses qui sont trop
réglementées. Il faudrait examiner cela au mérite de
chaque cas. On en a soulevé un, tout à l'heure, quand on a dit au
ministère qu'il serait préférable que les amendes soient
indiquées par règlement, parce que c'est plus facile à
modifier ou à changer, que de les inclure carrément dans la loi.
Mais on ne discutait pas du montant. Il se pouvait que le montant soit
très bon, mais, avec la dégringolade qu'on a eue, aujourd'hui et
hier, à la Bourse, peut-être que ce montant, dans cinq ou dix ans,
ou cinq ou dix mois, aura besoin d'être modifié. On ne le sait
pas. C'était simplement une question de principe qu'on soulevait. C'est
plus facile de modifier un chiffre, surtout un montant d'amende, par voie de
règlement plutôt que de le laisser dans la loi.
M. Garon: C'est évident que ce ne sont pas
nécessairement des critères objectifs, quand vous parlez de la
Bourse comme d'une dégringolade. Aujourd'hui, le ministre des Finances
et le ministre délégué aux Finances ont plutôt dit
que ce n'était pas grave, que c'était un réajustement
temporaire, que cela se réajusterait sans problème. On voit qu'on
peut apprécier les choses de façons différentes. On
était plutôt de votre opinion, que c'était une
dégringolade. Mais vous avez pu entendre les discours qui ont
été faits cet après-midi en Chambre. Il n'y a pas eu de
déclaration ministérielle, il n'y a rien eu, c'était une
journée, apparemment, sans histoire. C'est pour cela que je dis: Quand
on parle de ces objectifs, que veut-on dire? Mais vous avez bien répondu
à la question. Je pense que ce que vous avez dit était clair,
concernant cet objectif de déréglementation.
La question a été posée tantôt;
peut-être que l'Inspecteur général des institutions
financières ou la Chambre des notaires pourrait y répondre. Quand
une entreprise n'avait pas déposé ses rapports annuels pendant
deux années, on faisait un régime différent, selon qu'on
était avant 1975. Cette loi a été adoptée par le
Parti libéral. Avant 1975, une loi privée était
nécessaire. La loi prévoit qu'à partir de 1975 on peut
demander l'autorisation au ministre de faire revivre la compagnie, mais celles
qui n'ont pas remis leur rapport avant 1975 doivent procéder par projet
de loi privé devant le Parlement pour être autorisées
à demander au ministre de les faire revivre. Ce n'est pas la loi qui
fait revivre, c'est la loi qui permet aux gens de faire leur requête au
ministre. Il y a deux régimes différents. Par ces dispositions,
vient-on d'établir un seul régime? Cela ne me paraît pas
clair à la lecture des articles, parce que, antérieurement, ce
n'était que les entreprises à partir de 1975 qui pouvaient faire
une demande.
M. Fortier: Est-ce que le député désire que
l'inspecteur lui donne une réponse?
Le Président (M. Lemieux): Oui? M. l'Inspecteur
général des institutions financières.
M. Bouchard (Jean-Marie): II y avait un régime qui
était prévu en vertu de la Loi sur les compagnies et un
régime en vertu de la Loi concernant les renseignements sur les
compagnies. La Loi concernant les renseignements sur les compagnies a
été modifiée presque tous les ans depuis 1972, ce qui fait
qu'en 1975 le délai qui était prévu pour la reprise
d'existence était de deux ans. C'est la raison pour laquelle les
corporations, passé le délai de 1975, ne peuvent plus demander
maintenant, en vertu de la loi actuelle sur les renseignements, la reprise
d'existence parce que la loi actuelle ne prévoit plus de tels
délais pour la reprise d'existence. Celles qui ont été
dissoutes subséquemment, par exemple, celles qui sont dissoutes depuis
deux ans, peuvent reprendre existence sans être obligées de
recourir à un projet de loi privé.
Le problème que vous avez soumis -c'est le cas d'à peu
près tous les projets de loi privés qu'on a au Comité de
législation -ce sont d'anciennes corporations qui ont été
dissoutes avant cette période où, en 1975, on a dit une fois pour
toutes que ces délais cessaient de courir. Donc, la computation des
délais depuis 1975 compte là-dessus.
Dans le nouveau projet de loi, pour couvrir le problème que vous
soulignez, c'est l'article 632 selon lequel, nonobstant les délais, que
ce soit avant 1975 ou que ce soit subséquemment, la reprise d'existence
pourra être permise pour une corporation dissoute en vertu de la Loi
concernant les renseignements sur les compagnies. C'est l'objet que vous avez
à l'article 632. C'est la raison pour laquelle il a été
libellé de cette façon.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. l'Inspecteur
général des
institutions financières, très brièvement parce que
j'ai un horaire à faire respecter, je vous donne environ une minute,
s'il vous plaît, pour permettre au Barreau du Québec de prendre la
parole. M. le député de Lévis, je m'excuse. Vous pouvez
terminer votre explication brièvement.
M. Bouchard: Cela, c'est pour les vieilles corporations. En ce
qui concerne celles qui ne seraient pas couvertes par l'article 632, comme le
ministre l'a dit tout à l'heure, l'article 37 ne fixe plus de
délais pour la reprise d'existence.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M.
l'Inspecteur général des institutions financières. Je
remercie les représentants de la Chambre des notaires du Québec.
Nous allons suspendre quelques minutes pour permettre au Barreau du
Québec de prendre place à la table des témoins.
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Nous vous remercions de votre
collaboration.
(Suspension de la séance à 21 h 17)
(Reprise à 21 h 18)
Le Président (M. Lemieux): Selon la procédure
parlementaire, votre exposé, brièvement, doit prendre de dix
à quinze minutes. Pour l'enregistrement du Journal des débats,
veuillez vous identifier, s'il vous plaît!
Barreau du Québec
M. Brisset des Nos (Jean): Mon nom est
Jean Brisset des Nos, bâtonnier de la section de Québec et,
à ce titre, il me fait plaisir de représenter le bâtonnier
du Québec, Me Michel Jolin, qui, malheureusement, ne peut être
présent et s'en excuse.
Il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui
m'accompagnent, qui ont travaillé à la rédaction de ce
mémoire et qui sauront sans doute répondre aux questions des
membres de cette commission. À ma gauche, Me Paul Martel,
président de notre comité, de l'étude Martel, Cantin et
Associés, de Montréal; à mon extrême gauche, Me
Daniel Picotte, de l'étude Martineau, Walker et Associés, de
Montréal. Un autre membre de notre comité, Me Bruno Arnould, n'a
pu se joindre à nous. Les trois membres de ce comité
étaient assistés de Me Suzanne Vadboncoeur ici présente,
directrice du Service de la recherche et de la législation au Barreau du
Québec, qui agissait comme secrétaire de ce comité.
Comme les personnes qut m'accompagnent ont un avion à prendre
à 22 h 50, je me bornerai à remercier la commission du budget et
de l'administration de nous fournir l'occasion de nous exprimer sur cet
important projet de loi. Je cède immédiatement la parole à
Me Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): Merci, M. le bâtonnier. M. le
Président, M. le ministre, M. l'inspecteur général, MM.
les députés, je vais me concentrer uniquement sur les points les
plus chauds et les plus importants. Mes collègues, Me Picotte et Me
Martel, insisteront davantage sur deux points en particulier.
D'abord, j'aimerais dire que le Barreau du Québec souscrit
à la philosophie générale du projet de loi qui a pour but
d'unifier, de regrouper en un seul système toute l'information relative
aux entreprises commerciales et civiles exerçant leurs activités
au Québec.
Le champ d'application. Nous avons quelques remarques et je vous
réfère aux pages 3 et suivantes de notre mémoire. Il me
suffit de préciser que l'enregistrement obligatoire en ce qui concerne
les professionnels nous semble bon, mais étant donné que les
professionnels, en vertu du Code des professions et des lois professionnelles,
doivent également s'enregistrer auprès de leur propre corporation
professionnelle, il y aurait peut-être lieu d'harmoniser cet
enregistrement.
Les personnes physiques qui exercent des activités commerciales
sous leur propre nom, à notre avis, ne devraient pas devoir
s'enregistrer, étant donné que le but de ce projet de loi est de
protéger le public et de faire connaître au public en
général, aux justiciables en général, les personnes
qui sont derrière une identité corporative ou une
dénomination sociale.
Les personnes physiques qui exercent une activité sous un nom de
plume devront dorénavant s'enregistrer. Tous les écrivains, les
peintres, enfin, tous les artisans, tous ceux qui exerceront quelque
activité que ce soit, par exemple au Salon des métiers d'art,
devront s'enregistrer. On se demande si le gouvernement a estimé le
nombre d'inscriptions supplémentaires que ces dispositions
nécessiteront.
Je passe immédiatement au contrôle pour vous indiquer
simplement que, pour assurer la protection du public, nous sommes d'avis qu'un
contrôle a priori des dénominations sociales identiques pour les
compagnies, donc, pour les sociétés par actions, devrait
être effectué. Ce serait une procédure administrative fort
simple qui est expliquée dans le mémoire*
Quant au contrôle a posteriori, nous recommandons qu'un tel
contrôle qui consisterait en une procédure administrative
également, existe pour les dénominations sociales portant
à confusion. Mon collègue insistera davantage sur ces
contrôles.
Quant aux recours, on voulait attirer votre attention sur le fait que
les recours prévus en Cour provinciale en vertu de l'article 75
pourraient, dans certains cas, être un peu illusoires dans la mesure
où quelqu'un qui demanderait l'annulation d'un dépôt et qui
l'obtiendrait, par exemple, pourrait voir dès le lendemain le même
dépôt être repris.
Deuxièmement, il peut y avoir également un problème
au niveau des marques de commerce. La Cour fédérale et la Cour
supérieure ont une juridiction en matière de marques de commerce
et il peut y avoir un problème constitutionnel à ce
niveau-là.
Quant à la publicité, nous vous référons aux
commentaires du mémoire, à savoir que le Barreau du Québec
trouve que la Gazette officielle du Québec constitue une forme
adéquate de publicité à cause de l'accessibilité,
de la certitude qu'elle procure, de même que de la rapidité avec
laquelle on peut avoir des informations. On souhaite simplement que le nouveau
système informatique réponde exactement aux mêmes
critères de façon assurée.
On souligne également dans les commentaires
généraux quelques imprécisions au niveau du langage. Je
passe outre à cela. Quant aux commentaires particuliers, il y en a
quelques-uns que je veux vous souligner, notamment l'article 625 du projet de
loi qui a pour but de soustraire les projets de règlement à
l'application de la Loi sur les règlements. Le Barreau du Québec
s'élève de façon vigoureuse contre cette disposition.
Dans l'hypothèse où les règlements ne seraient pas
finalisés en temps opportun, donc, pour concorder avec la mise en
vigueur de la loi, le législateur devrait tout simplement retarder la
promulgation de la loi et se conformer aux dispositions de la Loi sur les
règlements.
Il y a également l'article 97 du projet de loi qui devrait
prévoir une responsabilité pénale pour le déposant.
On ne sait pas du tout qui est le déposant dans le projet de loi, il n'y
a aucune précision là-dessus et, en cas de déclaration
fausse ou trompeuse, il n'y a aucune responsabilité pénale
encourue par le déposant. Il devrait y avoir une disposition à
cet effet-là à l'article 97.
Finalement, on voudrait également vous souligner qu'en ce qui
concerne une des dispositions transitoires, notamment l'article 621, il ne
devrait pas y avoir de droits exigibles pour les sociétés par
actions, les sociétés de personnes et les raisons sociales
déjà enregistrées en vertu des lois existantes. Donc, ces
entités juridiques qui existent déjà ne devraient pas
être pénalisées simplement du fait qu'on introduit un
nouveau système.
Il y a plusieurs modifications techniques ou lacunes, notamment en ce
qui concerne les articles 42, 43 et 44. Le temps nous presse un peu. Si vous
avez des questions là-dessus, il nous fera plaisir d'y répondre,
mais je pense qu'on peut passer tout de suite sur les commentaires un peu plus
précis en ce qui concerne les contrôles et le champ d'application.
Merci.
M. Picotte (Daniel): M. le Président, permettez-moi de
vous présenter brièvement les points que nous soulevons et qui
sont expliqués aux pages 4 et suivantes de notre mémoire
concernant le champ d'application. Il nous semble que c'est une question
d'importance qu'on doit considérer.
Bref rappel. Actuellement, seules les compagnies et les
sociétés commerciales, de commerce, et les personnes qui font
commerce sous un nom autre que le leur sont tenues de s'immatriculer. C'est
là la règle actuelle dans l'ensemble.
L'article 1 du projet de loi veut élargir, pense-t-on,
considérablement l'obligation de s'immatriculer. Concrètement, on
voit cinq cas qui sont visés. Le premier, ce sont les professionnels qui
exercent en société, hormis le cas où tous les
professionnels sont nommés dans la raison sociale, ce qui n'est pas la
pratique courante. On parle des individus qui exercent une activité
civile sous un nom autre que le leur. Ma collègue a énoncé
les noms de plume. Je n'élaborerai pas là-dessus davantage. J'y
reviendrai dans un moment. Troisièmement, il y a les associations sans
but lucratif qui contractent soi-disant fréquemment avec les tiers - ce
pourquoi on s'imagine qu'elles auront à faire un examen de conscience
pour se demander si elles le font fréquemment ou non - et qui seraient
tenues de s'immatriculer. Finalement, les individus qui font commerce. Nous
déduisons du paragraphe 1, 1°, que ce soit sous leur nom ou
autrement, non seulement va-t-on avoir le droit de voir qui se cache
derrière les noms de plume, mais en plus on va avoir le pedigree du
garagiste du coin, si vous me permettez l'expression.
Au Barreau, nous nous demandons dans une certaine mesure si on a
considéré naturellement les frais que cet élargissement va
entraîner. Vous prenez sans doute conscience de cela. On s'est
demandé également si la protection de l'intérêt
public requérait la mise en place de méthodes qui peuvent, aux
yeux de certains et peut-être pas nécessairement aux yeux des
nôtres, avoir un caractère inquisiteur. On se demande si c'est
nécessaire pour la protection de l'intérêt public.
Comme on le souligne dans notre mémoire, pour les individus qui
ont une activité civile, on vous suggère quand même de
procéder, et on sait que l'inspecteur a des pouvoirs de dispense
là-dessus qu'il a
peut-être jugé opportun d'exercer dans des cas comme cela,
mais pour ceux qui ont une occupation saisonnière ou pour ceux dont
l'identité ne présente pas d'intérêt
véritable pour les consommateurs qui peuvent traiter de ce
côté.
Pour ce qui est des professionnels, on dit certes qu'on pense que les
organismes professionnels ont peut-être acquis une place suffisante dans
notre société. Ils jouent peut-être un rôle
économique suffisant pour qu'on leur demande de l'information
additionnelle et disponible immédiatement. On pense et vous
suggère - et nous osons le croire - que cette information va se faire de
concert avec les corporations professionnelles afin d'éviter un double
emploi aux professionnels qui auront à s'y plier. (21 h 30)
Au chapitre des individus qui font commerce sous leur nom propre, je
vous suggère, au fil de nombreuses années de pratique, qu'il
s'agit d'individus qui ont une activité économique très
restreinte, d'individus qui sont généralement extrêmement
bien connus des gens avec qui ils traitent et pour lesquels nous ne voyons pas
d'obligation de s'immatriculer. Nous proposons et nous suggérons que le
droit existant soit maintenu sous cet égard.
En ce qui a trait aux associations sans but lucratif, je pense qu'il est
vrai - on soulignait tantôt la thèse de Me Filion - que des
sociétés sans but lucratif sont dotées d'administrateurs,
sont dotées d'une structure. L'expérience de la pratique
démontre cependant d'abord que de nombreuses associations ont certes des
gens qui les administrent, mais ce n'est pas toujours défini clairement.
Elles ont une multitude de comités. Je peux vous nommer des grands
cabinets d'avocats qui sont gérés de cette manière. Et,
deuxièmement, l'expérience démontre que, lorsqu'il s'agit
d'associations sans but lucratif qui n'ont pas pris la peine de se constituer,
généralement ce sont des cercles de fermières, des cercles
ad hoc, des événements où des bénévoles sont
engagés et nous nous demandons, encore une fois, si
l'intérêt public le requiert et, deuxièmement, nous nous
interrogeons fortement à savoir si ces organismes vont de fait
s'immatriculer. Je dois vous confesser mon pessimisme de ce côté
et l'expérience de la pratique me le démontre.
On serait tenté de dire que c'est une mesure qui est souhaitable
et que ces gens ne sont quand même pas forcés de s'immatriculer.
Je vous rappelle que les administrateurs encourent des pénalités,
des sanctions pénales qui sont sévères pour cela et qu'il
s'agit le plus souvent de bénévoles. À ce moment, je pense
qu'il ne s'agit pas d'un jeu, il s'agit véritablement d'une mesure
à être acceptée.
En terminant, une mesure qui est un peu inhabituelle; on dit: Ceux qui
voudront faire un dépôt volontairement, toute personne ou tout
organisme, même s'il n'est pas vraiment lié par la toi, qui
voudrait faire un dépôt pourra s'y plier. Eh bieni il ne faut pas
oublier qu'on a une toi d'intérêt public, encore une fois, qui
nous occupe ici. Je suis conscient du fait que plusieurs organismes pourraient
venir se pointer et que les organismes de contrôle, les services de
l'inspecteur ne pourront pas nécessairement faire une enquête sur
chacun de ces organismes.
Il me semble cependant incongru dans une loi que l'on essaie de couvrir
des gens qui ne sont pas visés par la loi. Là, après en
avoir appris sur les noms de plume, sur les artistes, sur le garagiste du coin,
on va peut-être apprendre la composition d'organismes indigènes
dans des pays étrangers, ce qui pourra nous intéresser,
j'imagine. Je ne suis pas sûr que cela justifie la mise en place d'une
mesure qui, encore une fois, est sanctionnée par des sanctions
pénales et d'ordre public. C'est l'essentiel de nos propos, M. le
Président, sur ce sujet.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Je voudrais passer la parole au député
de Mille-Îles pour le moment.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. Bienvenue, bien
entendu, ici, malgré que vous ayez à attraper un avion dans
quelques minutes. Moi, je m'intéresse surtout aux pages 5 et 6 de votre
document. Je comprends très bien le but visé et je pense que vous
le partagez - par l'ensemble du projet de loi. C'est le nombre de personnes qui
vont être sujettes à l'enregistrement qui me fatigue, qui me
chicote beaucoup. Prenons un cas bien simple. Dans mon comté, j'ai une
grosse troupe de scouts, Scouts Saint-Noël Chabanel. La troupe de scouts a
une base de plein air qui fonctionne avec un compte de banque
séparé. La base de plein air organise un tournoi de hockey pour
financer son activité. Est-ce que la troupe de scouts qui en ce moment
n'est assujettie à aucune forme d'enregistrement, et la base de plein
air qui est une entité totalement différente, mais non
légale comme telle, sans personnalité morale, que ce soit reconnu
par statut ou autrement, à cause d'une activité quelconque de
financement, d'après votre compréhension du projet de loi, ces
entités, la troupe de scouts et la base de plein air, seraient
obligées de s'enregistrer?
M. Picotte (Daniel): Je conçois que
c'est une question qui m'est adressée. Dans la mesure où
on peut dire qu'ils font appel à des dons du public, s'ils le faisaient
sur une base régulière, certainement, et non seulement ça,
mais les administrateurs, s'ils ne le faisaient pas, sont passibles de
sanctions pénales.
M. Bélisle: Qu'est-ce que vous auriez à recommander
à ma troupe de scouts qui vend des calendriers de porte à porte
pour essayer de se financer et qui vous demanderait un conseil juridique?
Est-ce que vous leur recommanderiez de s'immatriculer, c'est-à-dire de
produire un certificat d'immatriculation?
M- Picotte (Daniel): Certainement.
M. Bélisle: Les Clubs optimistes, tout le mouvement d'aide
à la jeunesse et tout le reste?
M. Picotte (Daniel): II faut considérer cela.
M. Bélisle: La même chose. M. Picotte (Daniel):
Oui.
M. Bélisle: Votre interprétation du projet de loi,
est-ce que toutes les associations qui viennent d'ailleurs qu'au Québec
et qui sollicitent par voie de téléthons ou de demandes de
souscriptions à des fonds généraux - que ce soit le
téléthon de Jerry Lewis ou quelque chose de semblable - vous
considérez effectivement que c'est inclus également?
M. Picotte (Daniel): Oui, dans la mesure où on va en
apprendre, vous savez, sur tous ces clubs qui viennent et sollicitent
régulièrement des dons du public; c'est le critère
énoncé à l'article 1, paragraphe 9°.
M. Bélisle: Est-ce que vous avez fait une sorte
d'évaluation du nombre d'immatriculations?
M. Picotte (Daniel): Je n'étais pas en mesure de le faire,
mais je présume que les services administratifs du ministère ont
dû le faire.
M. Bélisle: M. le Président, me permettriez-vous
une question à l'inspecteur général?
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles, oui.
M. Bélisle: M. l'inspecteur général, est-ce
que vos services ont fait une évaluation du nombre de
déclarations d'immatriculation annuelles que le projet de loi va
requérir dans l'économie du Québec?
M. Bouchard: Nous basant sur les assujettis ou les nouveaux qui
sont prévus, que ce soient les associations, que ce soient les
professionnels, que ce soient les agriculteurs, que ce soient les artisans,
nous avons déjà relevé un pourcentage assez
élevé, de l'ordre - je vous parle de mémoire - d'à
peu près 65 % il me semble ou de cet ordre de grandeur, de ce type
d'assujettis qui, sans être actuellement obligés de s'enregistrer
et de déposer un certificat au bureau du protonotaire, le faisaient.
Alors, nous basant sur ces statistiques-là, nous avons figuré que
les déclarations annuelles, par exemple, des entreprises individuelles
-cela comprend toutes les entreprises qui, actuellement, s'enregistrent au
bureau du protonotaire sous une déclaration sociale -seraient d'environ
138 000 par année...
M. Bélisle: M. l'inspecteur générai...
M. Bouchard: Excusez-moi... par rapport à un nombre
d'enregistrements annuels en ce qui a trait au bureau du protonotaire d'environ
28 000 par année, chaque nouvelle raison sociale qui s'enregistre, mais
qui ne se met pas à jour parce que le système n'est pas à
jour.
M. Bélisle: M. l'inspecteur général, je
pense que vous avez mal compris ma question. Ce que je veux savoir, c'est que
je suis sûr qu'au Québec il y a plus de 100 000 agriculteurs.
M. Garon: Non.
M- Bélisle: Combien y en-a-t-il?
M. Garon: 50 000.
M. Bélisle: 50 000.
M. Garon: Sans compter les avocats qui s'amusent ou les
comptables.
M. Bélisle: Et ceux qui ont déjà eu deux
mandats, comme le député de Lévis.
Des voix: Les ex-ministres.
M. Bélisle: Les ex-ministres, bon, excellent, mais
seulement 138 000 s'il y a 50 000 agriculteurs et tous les autres qui ont des
commerces, tous ceux qui seraient sujets à une déclaration, tous
les Clubs optimistes, tous les groupes...
M. Bouchard: Je n'ai pas fini ma réponse.
M. Bélisle: Ah! Ah!
M. Bouchard: Je vous ai donné les entreprises
individuelles.
M. Bélisle: D'accord.
M. Bouchard: Mais, dans ce qui fait partie également de ce
qui est couvert dans la loi du registre, vous allez avoir les
sociétés professionnelles.
M. Bélisle; Oui.
M. Bouchard: Vous allez avoir les sociétés
commerciales.
M. Bélisle: Oui.
M. Bouchard: Vous allez avoir les sociétés en noms
collectifs et les sociétés en commandite. Il y a actuellement au
registre de considérées - mais le chiffre n'est pas à jour
parce que nous n'avons pas de mise à jour, c'est justement ce qui fait
défaut actuellement au registre central - au-delà de 658 000
entreprises supposées actives. De ce groupe, considérés
enregistrés au bureau des protonotaires de la province de Québec,
les individus seuls, il y en aurait environ 291 000, les sociétés
commerciales, 75 000, les sociétés professionnelles, 4583, et les
sociétés en commandite, environ 1700. Là, je
m'arrête parce que je pourrais vous donner les compagnies et les parties
la et les parties III, et ainsi de suite.
Si vous additionnez le pourcentage...
M. Garon: Allez-y. M. Bouchard: Pardon?
M. Garon: Allez-y, je pense que c'est bon, ce que vous dites
là.
M. Bouchard: Oui, bon. Les compagnies à charte
fédérale, 103 000; les compagnies à charte du
Québec, partie I et partie la, environ 120 000. Bon. Ce qui fait que, si
je prends - il y a des sociétés, il y a des compagnies
d'assurances, il y a des compagnies de fiducie, il y a des compagnies
minières - enfin, toutes les entreprises à but lucratif au
Québec, le chiffre, qui n'est pas certifié - parce qu'on n'est
pas certains de la mise à jour...
M. Bélisle: D'accord.
M. Bouchard:... serait de l'ordre de 603 000. Si, à ce
chiffre, nous ajoutons les entreprises à but non lucratif, la partie
III...
M. Bélisle: Sans but lucratif, d'accord.
M. Bouchard:... et là, je vous lis des pages et des
pages...
M. Bélisle: Ou les associations.
M. Bouchard:... sur les associations bona fide...
M. Bélisle: C'est cela.
M. Bouchard:... la Loi sur les assurances, la Loi sur les clubs
de chasse et de pêche, la loi sur les différentes sortes possibles
d'associations sans but lucratif.
M. Bélisle: Ou tout ce qui n'est pas couvert par une loi,
mais qui est quand même sans but lucratif.
M. Bouchard: Alors, il y en a même de couverts par des
projets de loi privés pour des corporations spéciales...
M. Bélisle: Oui, oui!
M. Bouchard: II y en a pour 54 000. Ce qui fait que, si vous
additionnez le chiffre que je vous ai donné tantôt, vous avez 603
000, supposément actives, et 54 000 entreprises sans but lucratif.
M. Bélisle: Environ 700 000.
M. Bouchards Mais, à partir de ce chiffre-là, il faut
composer, parce que ce n'est pas tout le monde au Québec, parmi, par
exemple, les 103 000 compagnies supposément à charte
fédérale du Québec, qui produit son rapport annuel en
vertu de la loi sur les renseignements des compagnies. Et là, c'est le
problème de l'inspecteur général de courir après
des compagnies fédérales qui ne sont pas incorporées au
Québec, pour qu'elles produisent leur état annuel. Alors...
M. Garon: C'est pire.
M. Bouchard: Pardoni Parmi les rapports annuels, nous recevons et
nous traitons, M. le député, au-delà de 159 000 rapports
annuels de compagnies. Tenant pour acquis que nous incorporons au
Québec, maintenant, environ 20 000 compagnies par année...
M. Fortier: Cela augmente de ce temps-là.
M. Bouchard:... alors qu'il y a quelques années nous
avions un chiffre d'à peu près 10 000...
M. Garon:...
M. Bouchard: Et c'était l'inverse. Il s'incorpore
maintenant au Québec, au maximum, 7000 à 8000 compagnies en vertu
de la loi fédérale et 20 000 québécoises;
c'était l'inverse autrefois.
C'était à peu près en proportions inverses.
M. Garon: Aujourd'hui, il semble y avoir un certain laxisme.
M. Bouchard: Non, c'est à cause de la loi, de la partie la
qui est plus parfaite que celle de la loi fédérale.
M. Fortier: On a une meilleure législation, M. le
député.
Le Président (M. Lemieux): Plus efficace.
M. Garon: Depuis quand?
Le Président (M. Lemieux): Depuis qu'on est au
pouvoir.
M. Garon: Depuis quand?
Le Président (M. Lemieux): Le 2 décembre 1985.
M. Garon: Quoi? Depuis quelle loi, d'après vous?
Une voix: Le 3 décembre...
Le Président (M. Lemieux): Est-ce que cela répond
à M. le député de Mille-Îles?
M. Bélisle: Oui, cela répond au chiffre de 700 000,
d'après ce que j'ai compris, qui n'est pas un chiffre
vérifié, en aucune façon. Il sera très
intéressant de regarder, après possiblement une année de
mise en vigueur, pour voir combien, de l'estimation projetée sans
certitude, il va y en avoir exactement de...
M. Bouchard: Mais là, on n'aura plus le choix, parce qu'en
vertu de la loi n'oubliez pas qu'une compagnie fédérale ou une
compagnie étrangère...
M. Bélisle: Oui, cela, je...
M. Bouchard:... pour pouvoir oeuvrer au Québec, sinon elle
va perdre son pouvoir de prendre des procédures, elle devra
s'enregistrer au Québec.
M. Bélisle: Non, je comprends très bien cela. C'est
que je pense aussi aux droits, aux tarifs et à tout le reste. Vous
savez, mon problème, M. le Président, vous le comprenez bien, et
peut-être que c'est un problème qu'on vit, tout le monde, c'est
que, faisant affaire avec des organismes sans but lucratif qui viennent tous
nous voir, tous et chacun, pour qu'on les aide du mieux qu'on peut, on gratte
des fonds de tiroirs, on fait 56 choses, et je ne connais pas du tout
l'exactitude des tarifs qui vont être imposés.
Cela va poser des petits problèmes, en tout cas, à
certains des organismes que je connais.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Mille-Îles. M. le ministre. M. le
député de Saint-Louis. Brièvement, parce que... Je
m'excuse, M. le député de Saint-Louis, c'est parce que certains
membres du Barreau m'ont demandé que nous puissions terminer à 10
heures, si possible, et je passerais la parole à l'Opposition parce
qu'ils doivent prendre un avion.
M. Garon: Je vous l'ai dit tantôt...
Le Président (M. Lemieux): Selon l'alternance, M. le
député de Lévis, vous avez raison. M. le
député de Saint-Louis, je m'excuse. M. le député de
Lévis, vous avez raison.
M. Fortier: C'est encore pire.
Le Président (M- Lemieux): Vous avez raison, M. le
député de Lévis.
M. Bélisle: II ne pensait pas d'avoir l'alternance...
M. Garon: Je l'ai? Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, vous êtes
tellement ambivalent, M. le député de Lévis.
M. Garon: Non, mais c'est parce que j'essaie de...
Le Président (M. Lemieux): Vous êtes tellement
ambivalent, M. le député de Lévis, que j'essaie de garder
la corde...
M. Garon: Cela fait deux ans que j'essaie de vous garder
cohérent, j'ai beaucoup de misère.
Le Président (M. Lemieux): Vous savez, avec vous,
l'incohérence est la mère des sûretés. Vous avez la
parole, M. le député de Lévis.
M. Garon: Alors, M. le Président, je voudrais d'abord
saluer les membres du Barreau, qui sont venus nous rencontrer ici. Je voudrais
les féliciter pour leur mémoire, parce que c'est un
mémoire ni chair, ni poisson, c'est un mémoire qui prend
position. On peut être d'accord ou non, mais j'aime lire un
mémoire quand, à la fin, je vois des conclusions, plutôt
que lire des choses et, après les avoir lues, ne pas se sentir plus
avancés qu'avant de les avoir lues. Je dois vous dire qu'à ce
point de vue-là le mémoire
du Barreau est un mémoire clair, précis, et qui prend
position. (21 h 45)
M. Chagnon: A part le reste.
M. Garon; Pardon?
M. Chagnon: A part le reste.
M. Garon: Comment, le reste?
M. Chagnon: Bien, le reste de ce que vous avez dit.
Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: II ne le sait pas!
M. Garon: Non. J'aimerais vous faire épiloguer davantage
sur la question du nom, de la dénomination sociale des entreprises. Vous
avez mentionné quelque chose, on a entendu d'ailleurs, tantôt, les
commentaires de la Chambre des notaires. Je n'ai rien dit, mais je vois que le
Barreau ne dit pas la même chose, j'aimerais vous entendre dire les
avantages et les inconvénients qu'il y aurait à adopter la
position que propose le projet de loi.
Une voix: Je laisserais Me Paul Martel répondre à
cette question.
M. Martel (Paul): Je suis heureux qu'on puisse aborder ce point,
je n'avais pas eu le temps d'y toucher. La question du contrôle des noms
est effectivement un point névralgique pour nous. On ne partage pas du
tout l'opinion de la Chambre des notaires. On considère que ce
contrôle là est important et devrait être maintenu d'une
façon à peu près similaire à celle qui existe. Il
existe actuellement, sur les noms d'entreprises, je parle surtout des noms des
compagnies, un contrôle, autant a priori qu'a posteriori, au point de vue
administratif. C'est-à-dire que, si un nom qui est demandé
prête à confusion avec un nom qui existe déjà, il
sera refusé. Même, s'il a réussi à passer, c'est
possible de le faire annuler après cela. Il existe déjà,
en plus de cela, des recours devant les tribunaux, en vertu de deux lois: le
Code civil et la loi des marques de commerce.
Maintenant, le système proposé veut abroger
complètement le contrôle, autant a priori qu'a posteriori, par le
gouvernement, et remettre tout entre les mains des tribunaux. Normalement, on
pourrait dire: Cela devrait faire l'affaire des avocats. Mais on a
considéré qu'au point de vue de l'intérêt public
cela ne servirait vraiment pas l'intérêt des gens. Car, si on
permet aux gens d'obtenir un nom même identique à celui d'une
autre entreprise, sans aucun contrôle, si on le donne comme cela, cela va
passer et on dira: Maintenant, arrangez-vous avec les tribunaux. Cela va nuire,
d'abord, aux gens qui ont des entreprises dont le nom sera piraté par
n'importe qui. Ils vont être obligés de se défendre devant
les tribunaux on ne sait pas combien de fois. Pour de petites entreprises, cela
occasionnera de grosses dépenses, même si on dit que le recours
peut être simplifié. Pour le publie aussi, parce qu'on oublie le
public là-dedans. Les gens qui font affaire avec les entreprises, s'il y
en a plusieurs tout à coup qui se mettent à prendre le même
nom, ne sauront plus avec qui il font affaire et vont être induits en
erreur. Ce n'est pas eux qui prendront les recours dont on parle dans cette
loi.
On considère qu'une compagnie, c'est une personne
créée par l'État et que l'État a une certaine
responsabilité par rapport à cette créature,
responsabilité qu'il a toujours assumée, justement en
contrôlant le nom qu'il allait lui accorder. Dire que 1'usage du nom,
c'est seulement cela qui confère un droit, cela n'a rien à voir
avec la question de la protection du public et du contrôle de la
confusion. On est d'accord avec le fait que, pour pouvoir réclamer un
droit sur un nom, il faut s'en servir. Mais c'est autre chose de dire: Je peux
maintenant prendre le même nom que quelqu'un d'autre, et, à ce
moment-là, induire les gens en erreur. Il faudrait que les compagnies,
au moins à ce chapitre, ne puissent pas être utilisées pour
tromper le public. On considère qu'à ce moment il relève
vraiment du travail de l'inspecteur général de veiller à
ce que cette chose ne se fasse, plutôt que de déférer cela
aux tribunaux.
On peut imaginer, en fait, si on veut, des scénarios un peu
fantaisistes, mais quand même pas impossibles. On ouvre la porte, en
laissant comme cela le nom totalement libre, à toutes sortes d'abus, de
dire: Ecoutez, qu'est-ce que votre pratique, dans votre expérience, cela
pose-t-il des problèmes? Ce n'est pas une bonne question, parce que,
dans la situation actuelle, il y a un contrôle. Donc, c'est sûr
qu'il n'y a pas de problème et qu'on ne se retrouve pas souvent devant
les tribunaux. Mais si, tout à coup, on enlève
complètement le contrôle, peut-être que les gens ne se
retrouveront pas tellement non plus devant les tribunaux, mais cela ne veut pas
dire qu'ils n'auront pas de problème non plus.
Quelqu'un pourrait très bien décider lui-même
d'utiliser plusieurs fois le même nom, dans plusieurs entreprises
distinctes. Il ne se poursuivra pas lui-même pour s'empêcher de le
faire, mais cela n'empêchera pas le public d'être induit en erreur
en faisant cela. Quelqu'un pourrait obtenir une charte, ici, sous le nom de
Bell Canada et, après, aller transiger avec des pays étrangers
qui se laisseraient abuser par une telle charte, avec
le drapeau québécois dessus. Là aussi, on aurait
seulement laissé la porte ouverte à ces abus.
Pour toutes ces raisons, on insiste vraiment sur l'importance du
contrôle des noms, du moins, les noms des compagnies. C'est un
contrôle qui peut facilement être fait lorsqu'on parle de noms qui
sont identiques. Cela peut être fait a priori. Il devrait aussi y avoir
un contrôle administratif en ce qui concerne les noms qui prêtent
à confusion et cela rendrait inutiles les recours proposés qui,
de toute façon, d'après nous, ne sont pas satisfaisants.
Voilà.
M. Garon: Vous avez parlé des contrôles a priori;
pourriez-vous nous parler davantage des contrôles a posteriori?
M. Martel: Le contrôle a posteriori dont on parle, c'est
celui qui existe déjà dans la loi et qui dit que, si quelqu'un
considère qu'un nom qui a été accordé prête
à confusion avec le sien, il peut demander à l'inspecteur
général, si ce dernier le juge à propos, de changer le nom
de l'autre personne.
M. Garon: Quels sont les avantages pour vous?
M. Martel: L'avantage évident, c'est qu'on n'a pas besoin
de s'en aller devant les tribunaux pour faire cela. C'est l'inspecteur
général, de lui-même, qui peut prendre cette
décision. Cela élimine les délais, les coûts et
c'est vraiment beaucoup plus accessible pour le public.
À la limite, si l'inspecteur général ne veut pas
exercer ce pouvoir, il reste quand même les recours qu'on connaît
devant les tribunaux. Et encore, si l'inspecteur l'exerce et que quelqu'un
n'est pas d'accord, il peut aussi aller devant les tribunaux pour faire
réviser cette décision, chose qui se produit très
rarement, de toute façon.
M. Garon: II y a aussi la rapidité...
M. Martel: Évidemment, il y a la rapidité aussi,
c'est une décision qui peut être prise immédiatement.
M. Garon: Quelqu'un peut choisir de se conformer plutôt que
de choisir un nom qui peut lui causer des problèmes.
M. Martel: Dans la situation actuelle des choses, on est
obligé de faire la recherche et, si on s'aperçoit qu'il y a un
nom semblable, on va se faire refuser ce nom. Peut-être qu'il y aura lieu
d'argumenter, peut-être qu'on pourra contester la décision de
l'Inspecteur général, mais il n'y a pas un client qui va nous
demander d'aller en cour pour faire cela alors que l'entreprise n'est
même pas encore créée. Il va dire: Si je suis pour avoir
des problèmes avec ce nom, je vais en prendre un autre. L'effet de tout
cela, c'est que les gens ne prennent pas des noms semblables.
M. Garon: Maintenant, considérez-vous qu'en vertu de la
loi telle que proposée les partis politiques et les syndicats
coopératifs devraient être immatriculés?
M. Martel: En vertu de ce projet, je ne vois pas pourquoi ils ne
le seraient pas.
M. Garon: Ils le seraient comme partis politiques du
Québec ou dans chacun des comtés? Il y a autant d'associations
que de comtés, habituellement.
M. Martel: À ce moment-là, c'est encore le
paragraphe 9 de l'article 1 qui parle, c'est une association dépourvue
de personnalité morale qui transige souvent avec le public. Seulement
cela, c'est assez pour dire qu'il faut les immatriculer. Tantôt, vous
nous avez posé la question à savoir quel serait le nombre de
personnes qui seraient immatriculées. On a répondu en donnant le
nombre de celles qui sont immatriculées aujourd'hui. Mais, maintenant,
il va s'ajouter de nombreuses autres personnes, c'est ce nombre qui n'est pas
connu. Si on dit que toute personne qui fait affaire au Québec,
même sous son propre nom, doit être immatriculée, ce ne sont
plus les 291 000 dont on vient de parler qui, elles, utilisaient un nom autre
que le leur. Maintenant, ce sont tous les gens qui sont en affaire. Ce peut
être aussi bien le camelot au coin de la rue, il fait affaire, alors, il
faudra qu'il soit immatriculé.
On va parler du point de vue administratif, c'est lourd pour le
gouvernement et cela va coûter cher. C'est peut-être vrai, mais
pensez aussi aux problèmes pour la population. On lui impose vraiment un
souci de plus. Dans le fond, c'est une Loi sur le registre des associations et
entreprises.
M. Garon: Selon vous, dans ce qui est proposé dans le
projet de loi, pour les fins de l'immatriculation, au fond, cela veut dire que
les 122 associations de chaque parti politique devraient être
immatriculées, dans chacun des comtés, avec la liste de leurs
administrateurs, etc. Cela veut dire, au fond, que le député de
Mille-Îles est chanceux, il n'a qu'une association de scouts - je ne sais
pas, il est peut-être malchanceux - dans mon comté, il y en a...
Lauzon, Lévis, 5aint-Romuald, Bernières et Saint-Nicolas sont
ensemble, il y a au moins cinq associations de scouts, c'est un comté
plus jeune. Selon vous, comme avocats du Barreau, étant
continuellement impliqués dans les litiges, quels seront les
avantages d'avoir un système d'immatriculation aussi
généralisé et quels seraient les désavantages?
M. Picotte (Daniel): Comme j'ai essayé de le clarifier
tantôt, peut-être un peu trop longuement, l'argument qu'on
soulève... Si on prend le camelot qui vend des journaux au coin de la
rue, il fait affaire sous son nom, il fait commerce sous son nom, si vous
voulez voir cela ainsi, parce qu'il vend des journaux. Vendre des journaux,
c'est commercial. Il contracte avec moi et il me vend un journal. On peut voir
cela ainsi. Il n'est pas le mandataire de la presse, il n'est pas le
préposé de la presse, il n'est rien de cela. Je caricature, mais
il y a combien de milliers d'exemples?
Je pense que, dans plusieurs cas, de petits commerçants traitent
avec le public et, lorsqu'il y a une poursuite quelconque, ils sont bien
connus; leur adresse est connue. Ce qu'on a besoin de connaître dans ces
cas-là, c'est leur adresse, qui ils sont, car,
généralement, ils font affaire dans leur quartier; ils sont
connus.
Pour votre association sans but lucratif, je comprends très bien
les abus, certains abus que l'on peut vouloir réprimer. Je pense aux
associations occultes qui viennent soutirer des fonds subrepticement dans le
public et qui vont cacher cela, à l'avenir. Je vois cela. Je vois bien,
moi. 3e suis assez fin pour voir qu'il y a des cas comme ceux-là qui
peuvent se poser, mais je m'interroge fortement à savoir si c'est la
majorité des cas. Je m'interroge à savoir si c'est même un
pourcentage significatif des cas des associations sans but lucratif, que je
présume faire affaire bona fide dans la province de Québec.
Vous m'interrogez au sujet des poursuites. Du strict point de vue des
procédures, pour ceux qui font commercialement affaire sous leur nom
dans une région où leur adresse est bien connue, dans un quartier
où ils sont bien connus, cela n'ajoutera pas grand-chose de les voir
immatriculés au registre. Je dirais pour 90 % à 95 % des cas.
Pour ce qui est des associations sans but lucratif, le seul cas qu'on
pourrait avoir, c'est de poursuivre des associations qui sont plus ou moins
floues et qui se sauvent du public. Ces cas-là, mon Dieu - probablement
que les autorités qui sont ici présentes seraient bien mieux
placées que moi pour faire des statistiques - d'après notre
expérience, sont extrêmement rares; on les rencontre rarement en
pratique.
M. Garon: Est-ce que je pourrais poser...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, il vous reste une minute. M. Garon:... une question au
ministre?
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute, M. le
député de Lévis.
M. Garon: J'aimerais demander au ministre s'il y a eu une analyse
coûts-bénéfices ou de l'impact économique d'une
telle loi. Je ne sais pas si votre gouvernement l'exige, mais, autrefois, les
gouvernements exigeaient, quand un projet de loi était
présenté, qu'il y ait une analyse d'impact, sur le plan
économique, des coûts qu'il générerait pour
l'administrer. J'aimerais savoir si cette analyse a été faite,
s'il y a eu un rapport, une étude de faite pour indiquer les coûts
que générerait ce projet de loi.
M. Fortier: Évidemment, il va falloir qu'on s'entende sur
la portée de la loi avant de l'adopter. Je ne suis pas d'accord avec la
définition que fait le Barreau. Je trouve même que le Barreau
charrie beaucoup. Quand il dit que le camelot est un auxiliaire de commerce,
franchement, il ne faudrait pas trop charrier! Si on s'entend sur les
différentes associations, je pense bien qu'il s'agit, à ce
moment-là, de s'assurer que le plus grand nombre possible soit à
l'intérieur du registre pour que, si elles sollicitent des fonds et si
elles font affaire avec le public, on puisse y avoir accès.
Nous avons les coûts. Les coûts sont connus. Je pourrais les
donner à un autre moment. Je ne voudrais pas trop abuser du temps parce
que j'ai des questions à poser, mais on pourra vous donner, demain
matin, les coûts pertinents à l'implantation d'un tel
système.
Nous croyons que, pour les raisons qui ont été mises de
l'avant par le Conseil du patronat, par la Chambre des notaires et même
par le Barreau, en principe, il y a certainement des avantages à avoir
le plus grand nombre d'associations et d'entreprises au registre, puisqu'en
définitive les gens veulent savoir à qui ils ont affaire quand on
sollicite des fonds ou lorsqu'ils décident de conclure des ententes
contractuelles avec d'autres personnes. De ce côté-là,
l'objectif fondamental a été agréé et les
commentaires que j'entends sont plutôt de s'assurer qu'il n'y ait pas
abus pour inclure des gens qui, dans le fond, ne devraient pas être
là. Si c'est cela, on va essayer de s'entendre, mais l'objectif
fondamental a été reconnu par une vingtaine d'associations. Je
pense bien que l'impact économique ou l'impact positif d'une telle
mesure fait évidence.
M. Garon: Une chose est certaine, quand on a parlé des
cultivateurs... Souvent, les cultivateurs donnent un nom à leur
ferme. Je pense, par exemple, à l'ex-député
d'Arthabaska, Jacques Baril. Tout le monde sait que c'est le cultivateur
Jacques Baril, mais sa ferme s'appelle la ferme Monopole. On a vu
récemment des...
Une voix:...
M. Garon: Pardon? Une voix: La ferme...
M. Garon: On donne un nom, souvent un nom sentimental, qui
signifie quelque chose. C'est le nom de la ferme du cultivateur. Est-ce qu'il
fait affaire sous son nom ou sous le nom de sa ferme qui apparaît, la
plupart du temps, sur son silo?
Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi, M. le
député de Lévis. Votre temps de parole est
expiré.
M. Garon: Ah bon. Vous ne me l'avez pas dit.
M. Fortier: J'ai seulement une question.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Garon: Vous ne me l'avez pas dit.
M. Chagnon: M. le Président, vous m'avez donné la
parole une fois, pas longtemps. Ensuite, vous me l'avez enlevée.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Chagnon: Est-ce que je pourrais la ravoir pour
expliquer...
M- Garon: C'est un peu comme Job dans l'Évangile:
Seigneur, vous m'avez tout donné, mais vous m'avez tout
enlevé...
M. Chagnon: Vous m'avez tout repris.
M. Garon:... que votre saint nom soit béni.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, dans un premier temps, M. le ministre m'a demandé la
parole. Alors, consentez-vous à ce que M. le ministre prenne votre droit
de parole?
M. Fortier: C'est parce que...
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Louis. M. le député de Chambly a
également demandé la parole après vous. Il nous reste
environ trois ou quatre minutes. M. le ministre. (22 heures)
M. Fortier: Je crois que les membres du Barreau veulent prendre
l'avion alors, je vais essayer d'aller le plus vite possible. J'ai deux
questions sur le contrôle a priori et le contrôle a posteriori. Ce
qui me fatigue avec votre position concernant le contrôle a priori, c'est
le fait que, très souvent, la petite et la moyenne entreprise du
Québec, on parle du petit, les petites personnes qui ne s'enregistrent
pas en compagnie et qui n'ont pas les moyens de payer un avocat, elles ne font
qu'enregistrer un nom. Et là, vous nous dites: On va contrôler a
priori les noms des compagnies et, si une petite ou une moyenne entreprise qui
a commencé uniquement par le dépôt d'un nom
enregistré désire s'enregistrer, ses représentants iront
frapper à la porte de l'inspecteur qui dira: Excusez-nous, vous
étiez trop pauvres pour vous incorporer, pour enregistrer votre nom,
vous n'avez plus le droit de le prendre. Cela me fatigue
énormément, et je demande au Barreau s'il s'agit de
protéger uniquement les gens qui sont capables de se payer un avocat ou
si on peut protéger également la petite et la moyenne entreprise
du Québec.
La deuxième question a trait au contrôle a posteriori. Ce
qui me surprend du Barreau et je pose la question, cela ne vous fatigue pas de
donner un pouvoir à l'inspecteur qui, sans respecter les règles
reconnues par la Charte des droits et libertés, dira que la personne qui
va se faire brimer dans son droit n'aura pas le droit d'être entendue?
Cela me fatigue et je vous pose la question. Cela ne vous fatigue pas de donner
le pouvoir à l'inspecteur, alors qu'on ne sera même pas entendu,
de dire: Le nom que vous avez, on le change, et c'est l'inspecteur qui le
change en plus? Sans être entendu aucunement.
Le Président (M. Lemieux): Brièvement.
M. Picotte (Daniel): Peut-être simplement sur le recours et
sans vouloir épiloguer là-dessus, comme nous le suggérons
à la page 7 de notre mémoire, il agirait sur une base prima
facie. Il faut bien distinguer deux recours: celui de l'inscription au registre
et celui au droit à la marque. Notre propos n'est pas d'écarter
la juridiction des tribunaux en matière de marque de commerce. De toute
façon, il est douteux que ce projet de loi pourrait le faire. La Cour
supérieure l'a, la Cour fédérale l'a en vertu de la Loi
sur les marques de commerce, et c'est cette loi qui s'applique et qui donne la
priorité de nom, etc.
Nous disons simplement qu'en allant devant la Cour provinciale on risque
d'allonger le débat inutilement puisque l'intimé pourrait prendre
un recours en marque de commerce qui va se ramasser en Cour supérieure
et qui sera onéreux. C'est le seul point que nous voulions soulever
à ce point de vue-là.
La procédure que nous préconisons, c'est que nous
n'écartons pas te recours aux tribunaux, nous disons: Laissez le recours
aux tribunaux comme il existe actuellement devant la Cour supérieure et
donnez à l'inspecteur un droit de bonne garde, de ménage sur son
registre et permettez-lui, aux fins du ménage de son registre et sans
préjudicier les droits des parties, de garder le ménage sur son
registre en lui évitant de faire enquête sur la priorité
d'utilisation du nom et de trancher sur les marques de commerce.
M. Fortier: Mais sans que la personne ne soit entendue.
M. Picotte (Daniel): Si vous le suggérez, on serait
très favorables à ce que la personne puisse être entendue,
ou le juge opportun.
M. Chagnon: II me semble que cela va à rencontre de
l'article 23 de la charte.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, vous n'avez pas la parole. S'il vous plaît.
M. le député de Chambly a la parole avant vous,
M. Latulippe: Moi, ma question, c'est en rapport avec le
contrôle a priori des dénominations. Vous le suggérez
lorsque les dénominations sociales sont identiques. Or, très
souvent, elles ne sont pas identiques. Cela peut être une
différence infime entre deux noms. Comment allez-vous appliquer cela?
Souvent, vou3 voulez éviter des abus, mais ces abus se produisent non
pas lorsque deux dénominations sont identiques, ce qui est très
très rare, mais lorsqu'on fait un petit changement entre une
dénomination et une autre. Donc, je trouve que votre contrôle a
priori est passablement inutile.
M. Martel: Écoutezl ce qu'on aurait aimé, nous
autres, c'est qu'il garde exactement le même contrôle qu'il y a
aujourd'hui. Mais après avoir discuté, et tout cela, on se rend
compte que c'est un contrôle difficile à faire. Mais il y en a un
qui est certainement très facile à faire, c'est l'identique.
Là, il n'y a pas de question, c'est le même nom. Si ce n'est pas
identique, c'est très semblable, là on s'en ira dans le
posteriori. On ne peut pas faire mieux que cela.
M. Latulippe: Or, quand vous regardez maintenant le posteriori,
vous suggérez un contrôle administratif a posteriori basé
sur l'antériorité, alors que les tribunaux le feront en fonction
de l'usage. C'est l'usage qui crée le droit.
M. Martel: Oui.
M. Latulippe: Vous introduisez deux concepts différents,
ce qui n'a pas d'allure.
M. Martel: Si l'intervention de l'inspecteur
général est jugée insatisfaisante, on ira devant le
tribunal et on fera rétablir la situation. Mais, l'idée,
c'était de réprimer un abus, et vite. C'est la façon la
plus simple, la plus rapide, la moins coûteuse pour les gens de le
faire.
M. Latulippe: Mais comment faites-vous la différence entre
l'usage qui crée le droit et le contrôle administratif?
M. Picotte (Daniel): Si je peux nVexprimer sur le recours,
concrètement, cela prendra la forme suivante. Mon client viendra me voir
et me dira que quelqu'un a enregistré un nom semblable au sien. Deux
recours doivent se faire. Normalement, actuellement, vous pouvez
procéder en demandant à l'inspecteur de radier le registre, mais
vous pouvez aussi procéder en injonction devant la Cour
supérieure en marques de commerce pour interdire à l'autre de se
servir de ce nom-là. Mais, en attendant, vous ne voulez pas que votre
concurrent puisse s'en servir. Il faut que vous alliez rapidement, Le point,
c'est que vous faites rétablir le registre et que vous dites à
celui qui ne s'est pas immatriculé: Bien, écoutez, vous auriez
peut-être pu vous immatriculer avant. Pourquoi ne vous êtes-vous
pas immatriculé? Vous faîtes écarter votre registre pour
l'instant. Et on prend son recours devant la Cour supérieure en
injonction parce que c'est cela qu'on va aller chercher. On ne veut pas jouer
à avoir une ordonnance de lever l'inscription au registre et qu'elle se
refasse le lendemain matin. Cela ne nous avance pas à grand-chose.
Au surplus, je recommanderais à mon client tout simplement de
dire: L'intimé va pouvoir de toute façon prendre un recours en
marques contre vous, soulever un motif en marques, poursuivre en marques de
commerce, et il va faire cela devant la Cour supérieure. Par les
litispendance, comme vous le savez peut-être, la Cour provinciale va
être obligée de surseoir à son débat en attendant
que la Cour supérieure l'ait tranché.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Picotte.
Une chose est certaine, c'est que le mémoire du Barreau et celui de la
Chambre des notaires sont totalement opposés. On constate
peut-être qu'avocats et notaires ne se comprendront peut-être
jamais, y compris même dans le champ d'application du projet de loi
où la Chambre des notaires dit que l'élargissement du nombre de
ceux qui seront assujettis aux règles de publicité légale
est une mesure positivement appréciable, alors que, selon
l'expertise du mémoire que vous avez présenté, vous
êtes totalement à l'opposé de tout cela. Évidemment,
cela mérite réflexion.
Là-dessus, comme le temps passe tellement vite, je tiens à
vous souligner que nous vous remercions, l'ensemble des groupes parlementaires,
pour votre participation qui a été très enrichissante.
Nous allons suspendre pendant quelques minutes., J'inviterais le
prochain groupe à bien vouloir prendre place à la table des
témoins. Il s'agit de l'Association des banquiers.
(Suspension de la séance à 22 h 7)
(Reprise à 22 h 8)
Le Président (M. Lemieux): Â l'ordre, s'il vous
plaît!
S'il vous plaît, M. le député de Jonquière!
M. le député de Mille-Îles, M. le député de
Lévis, s'il vous plaît! Alors, je souhaite la bienvenue à
l'Association des banquiers canadiens. Vous avez... M. te député
de Lévis, s'il vous plaît! Selon la procédure
parlementaire, vous avez de dix à quinze minutes pour faire votre
exposé, et nous procéderons à une période entre les
différents groupes parlementaires. Auriez-vous l'amabilité de
vous identifier avant le début de votre exposé aux fins de
l'enregistrement du Journal des débats?
Association des banquiers canadiens
M. Dufresne (Martin): Oui. M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, merci de nous donner l'occasion
d'être ici ce soir, même à cette heure tardive. Je voulais
me présenter. Martin Dufresne, président du comité du
Québec de l'Association des banquiers canadiens. À ma droite,
Louise Desormeaux, avocate et membre du sous-comité juridique de
l'Association des banquiers, et, à ma gauche, Daniel Ferron,
secrétaire de l'Association des banquiers canadiens pour la province de
Québec.
Si vous me permettez, je vais demander à Daniel ici de vous faire
une lecture rapide de notre mémoire que vous avez tous reçu il y
a déjà un certain temps et qui va résumer, je crois, la
position de l'Association des banquiers, qui est une position relativement
simple. Je vais laisser à Daniel Ferron le soin de faire cet
exposé.
M. Ferron (Daniel): Je vous remercie. Première chose,
notre mémoire est divisé en deux parties. Une première
partie établit un peu les dispositions du projet de loi 54 qui touche
plus particulièrement les banques. Je pense qu'il n'est pas
nécessaire de revenir sur cette partie parce que vous la connaissez
probablement aussi bien que nous. Ce qu'on a voulu souligner dans la
première partie, c'est qu'il est clair que les banques, qu'elles soient
des banques de l'annexe A, c'est-à-dire des banques canadiennes, et des
banques de l'annexe 8, c'est-à-dire étrangères, sont
couvertes par le projet de loi 54. Cela est clair à notre avis. Ce qui
implique évidemment qu'elles sont couvertes par les dispositions
concernant l'immatriculation et la fourniture de renseignements à
l'Inspecteur général des institutions financières. Elles
sont aussi couvertes par les dispositions concernant les
pénalités, ce qui nous agace un peu, comme vous allez le voir
dans la deuxième partie.
Je vais passer tout de suite à la deuxième partie qui
concerne les commentaires plus spécifiques qu'on voudrait vous
exposer.
Bien qu'elle trouve extrêmement louable l'effort entrepris par le
gouvernement pour rationaliser son système d'enregistrement des
associations et entreprises et qu'elle ne s'oppose aucunement au principe de la
réforme proposée dans le projet de loi 54, l'Association des
banquiers canadiens est cependant extrêmement surprise et
déçue de constater que le projet de loi déposé vise
sans distinction toutes les personnes morales exerçant une
activité quelconque au Québec, même dans le cas où
ces personnes morales tombent sous la juridiction exclusive du gouvernement
fédéral. Les membres de l'ABC sont unanimement d'avis que les
banques devraient être exclues de l'application du projet de loi 54 au
moyen d'une disposition expresse pour les raisons ci-après
énoncées.
Premièrement, il y a l'aspect constitutionnel. On voudrait
simplement mentionner, et je pense que vous le savez de toute façon, que
l'article 91, alinéa 15, de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au
gouvernement fédéral une juridiction exclusive sur les banques,
de même que sur leur constitution en corporation. Donc, selon nous,
à première vue, on ne devrait pas être couverts par ce
projet de loi parce qu'on est d'avis que c'est inconstitutionnel. Mais ce n'est
pas notre argument le plus fort. On ne veut pas trop insister
là-dessus.
M. Garon: Cela veut dire que vous ne gagnez pas à
être connus?
M. Ferron: Le deuxième point sur lequel on veut plus
insister, c'est qu'il y a deux lois actuellement qui régissent
l'enregistrement et les renseignements. Ce sont la Loi sur les
déclarations des compagnies et sociétés et la Loi
concernant les renseignements sur les compagnies. En ce qui a trait à la
Loi sur les déclarations des compagnies et sociétés, on
retrouve, à l'article 1, une exemption on ne peut plus claire qui exclut
complètement les banques
de l'application de cette loi. Donc, on se demande pourquoi vous n'avez
pas reproduit cette exemption dans le projet de loi 54 et on ne voit pas la
raison pour laquelle on ne serait pas exemptés en ce qui concerne
l'immatriculation.
L'autre point, c'est qu'en ce qui a trait à la Loi concernant les
renseignements sur les compagnies, on aimerait vous faire remarquer qu'à
l'heure actuelle, même si les banques semblent théoriquement
couvertes par cette loi, elles n'ont jamais soumis en pratique le rapport
annuel exigé à l'article 4 et elles n'ont jamais
été requises de le faire par l'Inspecteur général
des institutions financières en vertu des pouvoirs prévus
à l'article 5 de cette loi. Tout au plus, certaines banques
fournissent-elles à l'Inspecteur général des institutions
financières, sur une base purement volontaire, certains renseignements
qu'elles sont tenues de produire aux autorités fédérales
en vertu de la Loi sur les banques.
En ce qui a trait à la fourniture de l'information concernant les
banques, nous croyons donc que le projet de loi 54 devrait tenir compte de la
situation présente et éviter d'obliger les banques à
fournir des renseignements que l'Inspecteur général des
institutions financières ne les oblige même pas à fournir
actuellement, en vertu de la Loi concernant les renseignements sur les
compagnies.
Le troisième point, c'est la question de la loi actuelle des
banques. Indépendamment des motifs ci-dessus invoqués,
l'Association des banquiers canadiens croit que le projet de loi 54 ferait
double emploi avec la Loi sur les banques car les banques sont
déjà tenues de fournir aux autorités
fédérales les renseignements visés par la Loi sur le
registre des associations et entreprises. Plus que n'importe quelle autre
catégorie d'institutions financières, les banques sont
déjà soumises à des règles de divulgation
extrêmement lourdes et détaillées en vertu de la Loi sur
les banques. Cette loi contient en effet un nombre impressionnant de
dispositions obligeant les banques à soumettre toutes sortes de rapports
concernant leurs opérations, sur une base annuelle, semestrielle,
mensuelle et même, dans certains cas, hebdomadaire, au ministre des
Finances, au Surintendant des institutions financières, à la
Banque du Canada, aux actionnaires, aux administrateurs et au public en
général par la voie des journaux. On est d'ailleurs prêts
à vous soumettre, sur-le-champ, toute la liste des exigences que la Loi
sur les banques impose aux banques en ce qui a trait aux renseignements
à fournir. Et vous allez constater qu'il y en a passablement. (22 h
15)
L'ABC et donc d'avis que les banques sont déjà soumises
à des règles extrêmement serrées et contraignantes
en ce qui concerne leur enregistrement et la divulgation de renseignements
concernant leurs opérations en vertu de la Loi sur les banques et qu'il
serait, par conséquent, inacceptable et inutile d'alourdir davantage le
fardeau des banques en les obligeant à se conformer en plus à des
règles de nature provinciale en matière de divulgation de
renseignements sous peine d'encourir des sanctions et des amendes lourdes.
L'ABC croit à juste titre que le projet de loi 54, s'il
était adopté dans sa forme actuelle, constituerait un dangereux
précédent et que les autres provinces canadiennes seraient alors
fortement tentées d'imiter le Québec en imposant, elles aussi,
aux banques des règles nouvelles en matière d'enregistrement et
de divulgation de renseignements, ce qui alourdirait considérablement Je
fonctionnement des banques et risquerait également d'éloigner des
banques étrangères désireuses de s'établir au
Québec.
Sur ce dernier point, nous aimerions vous faire remarquer que l'article
59 du projet de loi 54 permet la conclusion d'ententes entre l'Inspecteur
général des institutions financières et un
ministère ou organisme du gouvernement fédéral
prévoyant le transfert au registre de documents déjà
produits par un assujetti auprès des autorités
fédérales.
À défaut d'exclusion totale des banques du champ
d'application du projet de loi 54, nous croyons qu'il serait primordial qu'une
entente soit conclue entre l'inspecteur général et le
Surintendant des institutions financières afin que les renseignements
fournis par les banques aux autorités fédérales puissent
être transmis aux autorités québécoises et que le
fardeau des banques, quant à la paperasserie, soit allégé
en conséquence.
Si on regarde les objectifs du projet de loi 54, l'article 9 du projet
de loi indique d'abord que le registre des associations et entreprises a pour
objet de recevoir des informations relatives aux assujettis et de les rendre
publiques. Comme nous l'avons mentionné en faisant état des
exigences de la Loi sur les banques, les renseignements demandés dans le
cadre du projet de loi font déjà partie des renseignements que
les banques sont tenues de fournir. Si les banques n'étaient pas exclues
de l'application du projet de loi 54, il y aurait donc duplication inutile de
la publication des renseignements, ce qui ne profiterait à personne et
alourdirait les activités des banques.
Quant au deuxième objectif mentionné à l'article 9,
c'est-à-dire de constater la création des sociétés
en commandite et l'existence des personnes morales qui, en vertu des lois du
Québec, sont constituées
par leur immatriculation au registre, il ne concerne d'aucune
façon les banques puisque celles-ci sont des personnes morales qui sont
constituées exclusivement en vertu de la Loi sur les banques et qui ne
sont donc pas soumises aux lois québécoises en matière de
constitution et d'immatriculation.
On peut donc conclure que les objectifs de la loi ne pourraient
être remplis adéquatement vis-à-vis des banques puisque
celles-ci sont exclusivement soumises aux dispositions de la Loi sur les
banques pour ce qui est de la constitution et qu'elles sont déjà
tenues de fournir les renseignements prévus au projet de loi 54 en vertu
de la Loi sur les banques.
En conclusion, considérant que l'inclusion des banques dans le
champ d'application de la Loi sur le registre des associations et entreprises
apparaît inconstitutionnelle, considérant que l'actuelle Loi sur
les déclarations des compagnies et sociétés
reconnaît la juridiction fédérale en prévoyant
clairement l'exclusion des banques de son champ d'application et, enfin,
considérant que les règles d'enregistrement et de divulgation
imposées aux banques par le projet de loi 54 feraient double emploi avec
les exigences extrêmement contraignantes qui sont déjà
imposées aux banques par la Loi sur les banques, l'Association des
banquiers demande expressément au gouvernement de prévoir, dans
le projet de loi 54, une disposition claire afin d'exclure complètement
les banques du champ d'application de la loi.
Bien que l'article 89 et le premier alinéa de l'article 90 du
projet de loi 54 permettent au gouvernement d'exclure par règlement
certaines catégories d'assujettis de tout ou partie des obligations
résultant de la loi et de ses règlements, l'Association des
banquiers canadiens croit cependant qu'il serait beaucoup plus rassurant pour
les banques que leur exclusion du champ d'application de la loi soit
prévue dans la loi elle-même plutôt que par
règlement, comme c'est d'ailleurs le cas actuellement dans la Loi sur
les déclarations des compagnies et sociétés, afin
d'assurer la pérennité de cette exclusion et d'éviter
qu'elle ne soit modifiée de façon arbitraire et
unilatérale.
À défaut d'exclusion totale des banques, nous croyons que
celles-ci devraient au moins être exemptées de l'application des
dispositions concernant l'immatriculation et qu'en ce qui concerne la
fourniture de renseignements, une entente intervienne entre les
autorités provinciales et fédérales, afin que les
renseignements déjà fournis par les banques, en vertu de la Loi
sur les banques, puissent être transmis directement à l'Inspecteur
général des institutions financières.
En terminant, l'Association des banquiers canadiens tient à
remercier à nouveau le gouvernement de lui avoir donné l'occasion
d'exprimer le point de vue de l'industrie bancaire sur le projet de loi 54 et
espère sincèrement que le présent mémoire sera pris
en considération lors de l'élaboration du texte final de la Loi
sur le registre des associations et entreprises. L'ABC demeure, par ailleurs,
à la disposition du gouvernement pour toute discussion personnelle sur
le projet de loi 54 et les commentaires présentés dans le
présent mémoire. On vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
député de Saint-Louis, la parole est vous.
M. Chagnon: Je suis tout à fait surpris, je vais faire une
crise d'apoplexie. M. le Président, je vous remercie.
Des voix: Ha! Ha! Ha! Une voix: He is speechless.
M. Chagnon: Oui, à peu près. MM. les membres de
l'Association des banquiers canadiens, je tiens à vous remercier
d'être venus nous rencontrer. Je vous avoue que je trouve votre discours
un peu curieux. C'est pour le moins... J'ai déjà traité
avec l'Association des banquiers canadiens dans le passé. C'est la
première fois que j'entends ce discours. Selon vous, le fait
d'être constitué en tant qu'organisme fédéral fait
en sorte que vous n'êtes pas sous la juridiction des lois
provinciales?
Mme Desormeaux (Louise): Non. Dans la mesure, évidemment,
où une banque fait affaires au Québec, a un réseau de
succursales au Québec, qu'elle est régie par les lois civiles du
Québec, il est certain qu'une banque sera régie par les lois du
Québec dans certaines de ses activités. Je pense que l'essentiel
du mémoire est de distinguer l'enregistrement, l'immatriculation - de
toute façon, même si une banque ne s'immatricule pas en vertu de
cette loi, je ne vois pas comment le gouvernement provincial pourrait la
dissoudre ou quoi que ce soit, parce qu'on a une charte fédérale
-donc, de distinguer l'immatriculation de la divulgation des renseignements,
qui est déjà faite de façon, comme l'expliquait Me Ferron
tantôt, très élaborée auprès de l'Inspecteur
général des banques. Le but, je pense, de l'Association des
banquiers canadiens, est de préciser de façon expresse dans la
loi qu'en ce qui concerne l'immatriculation, comme c'est le cas à
l'heure actuelle en vertu de la Loi sur les déclarations des compagnies
et sociétés, les banques sont exclues. De toute façon, je
ne vois pas quelles pourraient être les conséquences du
défaut d'immatriculation. Donc, de le prévoir dans la loi et de
prévoir
également dans la loi de façon spécique que
l'Inspecteur général des institutions financières s'engage
à prendre des engagements avec l'Inspecteur générai des
banques. C'est que toute la paperasse qu'on fournit à l'Inspecteur
général des banques, aux actionnaires et aux autres... Â un
moment donné, on devient encombré de paperasse. Je pense qu'en
résumé c'est cela. Je ne peux pas vous dire qu'on n'est pas
régis par les lois du Québec, vraiment non.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: Parce qu'après tout vous devez être
régis par la loi de l'impôt du Québec?
Mme Desormeaux: Oui.
M. Chagnon: II y a aussi, évidemment, le côté
pénal de la loi de l'impôt, lorsqu'on ne s'y assujettit pas de
façon normale, comme tout bon citoyen doit le faire. La Loi sur la
protection du consommateur est aussi une loi provinciale à laquelle vous
êtes assujettis.
Mme Desormeaux: Là-dessus, oui, entre guillemets.
M. Chagnon: Non, pas entre guillemets. Je pense que des jugements
récents de la Cour supérieure et de la Cour d'appel sont
clairs.
Mme Desormeaux: Cela dépend des articles. Dans la Loi sur
la protection du consommateur, dans la mesure où on a les mêmes
dispositions dans le règlement d'application de la Loi sur la protection
du consommateurs et qu'on a des dispositions à effet semblable dans le
règlement sur la déclaration du coût d'emprunt
adopté en vertu de la Loi sur les banques, je ne vois pas comment le
gouvernement provincial pourrait avoir juridiction là-dessus. C'est une
parenthèse.
M. Chagnon: Entre parenthèses. Mme Desormeaux: Oui.
M. Chagnon: Mais cela pourrait toujours se plaider.
Mme Desormeaux: Exactement. Une voix: Cela se plaide.
M. Chagnon: Voilà. Et la Loi sur les valeurs
mobilières?
Mme Desormeaux: Oui.
M. Chagnon: Cela aussi, on peut le plaider.
Mme Desormeaux: Oui. Non, je n'ai pas nié dès le
départ que les banques qui faisaient affaires au Québec
n'étaient pas tenues de respecter les lois québécoises.
Non, on est dans un régime fédéraliste, alors, on a
automatiquement un partage des pouvoirs. Mais c'est ce partage qui doit
être équitable et ne pas imposer un fardeau inhumain.
M. Chagnon: Votre problème, ce n'est pas un
problème de droit, c'est un problème de paperasse.
Mme Desormeaux: De paperasse qui pourrait être
réglé par un problème de droit, en l'indiquant dans la
loi.
M. Chagnon: Vous avez parlé d'un précédent
dangereux par rapport aux autres provinces. Il y a d'autres provinces où
cela se fait?
Mme Desormeaux: Je ne sais pas du tout.
M. Chagnon: L'Alberta en 1981, Terre-Neuve en 1986, la
Nouvelle-Écosse en 1967, l'île-du-Prince-Édouard en 1974.
Licensing Act en 1974, à l'île-du-Prince-Édouard,
Corporation's Registration Act en 1967, Corporation's Act en 1986 à
Terre-Neuve, Business Corporation's Act en 1981, en Alberta, lois qui ont
exactement le même type d'approche et dans lesquelles les banques sont
strictement visées, comme toutes les autres corporations.
Mme Desormeaux: Je ne connais pas ces lois, je tiens pour acquis
qu'elles ont été effectivement adoptées. mais, par contre,
est-ce qu'il y a eu des ordonnances, est-ce que les banques sont soumises
à ces lois et quelle a été leur sanction? Est-ce qu'on les
a obligées à s'y soumettre?
M. Chagnon: Je donne toujours le bénéfice du doute.
Je présume que, oui, les banques, en citoyens corporatifs responsables,
se sont soumises à ces lois.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
député de Saint-Louis? M. le député de
Lévis.
M. Garon: Moi aussi, M. le Président, je voudrais
remercier l'Association des banquiers d'être ici présente pour
faire ses représentations. J'ai été un peu surpris que les
banques veuillent être exclues, au fond, entièrement du projet de
loi. Je me demande en quoi la Loi sur les banques permet de protéger le
public et d'offrir une publicité adéquate sur ces personnes
morales.
Mme Desormeaux: Les banques - je pense que je ne vous
l'apprendrai pas, M. le député de Lévis - sont très
suivies par le Surintendant des institutions financières, elles ne
peuvent pas faire de placements à gauche et à droite, elles ne
peuvent pas faire ce qu'elles veulent. Je ne vois pas comment
l'intérêt du public, l'intérêt des déposants,
des actionnaires, des banques pourrait être lésé si nos
revendications étaient... Il y a deux points. Ce qu'on demande,
concernant l'immatriculation, c'est: Laissez cela comme c'est dans la loi
actuelle, exemptez-nous carrément; et, sur le plan de la divulgation:
Faites une entente, en vertu de l'article 59, avec l'Inspecteur
général des banques. On fournit les renseignements, ils sont
déjà tous fournis. Le public, nos actionnaires et nos
déposants sont protégés.
M. Garon: Niez-vous que, quand le rapport Porter a
été fait, en 1962 ou 1964, l'un des principaux griefs, sinon le
principal grief, était que les administrateurs de banques se
prêtaient plus de 30 % des prêts de plus de 100 000 $, dans des
entreprises où ils sont eux-mêmes administrateurs?
Mme Desormeaux: Avec la nouvelle loi, ce n'est plus possible
maintenant. C'est peut-être ce qui a donné lieu à la
réforme de la législation bancaire, qui a lieu tous les cinq ans.
À l'heure actuelle, une banque ne peut pas prêter à son
administrateur ou à son employé des montants aussi faramineux que
ceux qui avaient été soulevés dans le rapport Porter.
M. Garon: Non, les entreprises où les administrateurs de
banques siègent comme administrateurs.
Mme Desormeaux: Oui, dans la Loi sur les banques, on dit qu'une
banque ne peut pas faire indirectement ce que la loi lui interdit de faire
directement. Si on ne peut pas le faire directement, on ne pourra pas le
faire...
M. Garon: Oh!.
Mme Desormeaux: Bien, c'est ce que la loi dit. Je n'ai
malheureusement pas avec moi la Loi sur les banques, mais c'est très
clair qu'on ne peut pas faire indirectement ce qui nous est interdit de faire
directement.
M. Garon: Je ne pense pas seulement à la banque par
rapport à ses actionnaires. Étant donné les pouvoirs
financiers considérables des banques par rapport à d'autres
entreprises, le fait de connaître publiquement qui sont les
administrateurs des banques et qui sont les administrateurs d'autres
entreprises permettrait justement au public de mieux vérifier. La
Commission des valeurs mobilières, au fond, ce qu'elle surveille le
plus, ce sont les transactions des initiés.
Mme Desormeaux: On le fait... (22 h 30)
M. Garon: Ils peuvent faire des choses à leur avantage
parce qu'eux savent... Prenons un exemple. On a vu le krach qui s'est produit
hier.
Mme Desormeaux: Ne rendez pas les banques responsables.
M. Garon: Non. Je ne dis pas cela, mais vous ne pensez pas que
quelqu'un qui est dans le domaine financier, qui est pris dans le krach, va
penser aux autres avant de penser à lui-même?
Mme Desormeaux: Non, charité bien ordonnée commence
par soi-même.
M. Garon: C'est justement. C'est pour cela que le public a le
droit de pouvoir vérifier, comme il vérifie pour les autres.
Mme Desormeaux: Oui, mais, M. le député, on n'a pas
d'objection à fournir les divulgations. Étant donné le
monceau de documents qu'on fournit déjà à l'Inspecteur
général des banques, tout ce qu'on veut, c'est que l'Inspecteur
général des institutions financières conclue une entente
avec l'inspecteur, maintenant Surintendant des institutions financières.
Échangez-vous les documents, cela ne nous fait rien, vous allez tout
avoir là-dedans. D'ailleurs, les banques, toutes les filiales des
banques incorporées en vertu d'une loi sur... Pardon, monsieur?
M. Chagnon:...
Mme Desormeaux: Pardon?
M. Chagnon:... toute la documentation...
Le Président (M. Lemieux): Excusez-moi, M. le
député de Saint-Louis. Vous pouvez continuer, madame.
Mme Desormeaux: Je vais vous donner un exemple. Toutes les
filiales des banques qui sont habituellement incorporées en vertu d'une
loi sur les sociétés commerciales canadiennes produisent les
rapports requis par la Loi sur la divulgation des renseignements. On ne touche
pas aux filiales. Vous parliez de compagnies affiliées tantôt. On
produit ces rapports-là.
M. Garon: Je ne parlais pas des compagnies affiliées.
Mme Desormeaux: J'ai mal compris, à ce
moment-là.
M. Garon: Non, je ne parlais pas de compagnies affiliées.
Je me suis peut-être mal exprimé. Je veux dire qu'on retrouve la
même personne. Il y a des gens qui sont reconnus pour leurs talents,
leurs connaissances. Ils peuvent se retrouver administrateurs de plusieurs
entreprises différentes.
Mme Desormeaux: Ce n'est pas uniquement le cas des banques.
M. Garon: Non. Je ne dis pas cela, sauf que, quand quelqu'un
arrive au conseil d'administration de la banque - les banques ont des pouvoirs
très grands - il ne peut pas laisser son chapeau et ses connaissances
d'administrateur de telle ou telle compagnie. Il ne peut pas non plus, quand il
analyse un prêt... Quand il analyse quelque chose d'importants cela peut
le toucher lui-même indirectement parce que, dans une autre
entreprise...
Mme Desormeaux: Non, un instant! II n'aura pas le droit de
statuer.
M. Garon: Non. Je sais cela.
Mme Desormeaux: II n'aura pas le droit de voter.
M. Garon: Je sais cela.
M. Dufresne: Vous savez, M. le député, lorsque des
décisions sur ces prêts...
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous adresser au
président, s'il vous plaît, et non à M. le
député de Lévis directement?
M. Dufresne: M. le Président, excusez-moi pour ce faux
pas.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Dufresne: Je me ferai élire député...
Le Président (M. Lemieux): Ce n'est pas bien grave. C'est
simplement pour la forme et non pour le fond.
M. Dufresne: Je voulais dire que, lorsqu'un prêt de
l'envergure dont vous parlez est discuté à un conseil
d'administration, les administrateurs autour de la table qui sont, d'une
manière ou d'une autre, mêlés à cette transaction,
on leur demande de quitter la salle. Alors, ils n'ont aucun droit de vote. Ils
n'ont aucun droit de regard sur ces transactions.
M. Garon: Je suis d'accord avec vous. On a trouvé qu'il y
avait au moins cela à faire. On ne peut pas ignorer entièrement
la femme de César.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Desormeaux: M. le Président...
Des voix:...
Mme Desormeaux: Excusez-moi, M. le Président. Il y a
plusieurs César. Il n'y a pas seulement les banques.
M. Garon: Je suis d'accord avec vous. C'est justement...
Mme Desormeaux: II y a plusieurs femmes de César
également.
Une voix: Les femmes de César d'abord.
Mme Desormeaux: Je ne voudrais pas non plus que le débat
soit vraiment trop politisé...
M. Garon: Ah! il n'est pas politique.
Mme Desormeaux:... en visant les banques parce que, finalement,
les grandes entreprises sont dans le même panier.
M. Garon: Non. Je ne vise même pas les banques. Je vais
vous poser une autre question qui va dans le même sens. En cas de
décloisonnement, parce qu'on parle de plus en plus de
décloisonnement, on n'est plus dans le monde d'autrefois,
Mme Desormeaux: Au provincial aussi d'ailleurs.
M. Garon: Oui, je suis d'accord. C'est justement, dans ce monde
en évolution vers le décloisonhement, s'il y a
décloisonnement - il y a de plus en plus de décloisonnement et
tout le monde s'attend qu'il y ait un certain décloisonneraient, qui est
déjà commencé, d'ailleurs, depuis un certain nombre
d'années - certaines activités effectuées par les banques
pourraient éventuellement être de juridiction provinciale en
matière de valeurs mobilières, d'assurances, etc. Quelle est la
position de l'Association des banquiers canadiens face à cet
éventuel problème et les activités régies par le
Québec devraient-elles être publicisées auprès du
public par le registre?
Mme Desormeaux: M. le Président, je ne comprends pas
tellement la question de M. le député.
Le Président (M. Lemieux): II faudrait que le
député de Lévis précise que c'est dans le cadre du
projet de loi, effectivement.
Mme Desormeaux: Je ne vois pas le
lien entre le décloisonnement et le projet de loi à
l'étude, à moins que je n'aie des éclaircissements
là-dessus.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Dans une perspective de décloisonnement...
Mme Desormeaux: Je ne sais pas, M. le Président, mais
vraiment...
Le Président (M. Lemieux): Je vais demander au
député de Lévis de préciser le sens de son
intervention afin qu'il n'y ait pas d'incompréhension de part et
d'autre. M. le député de Lévis, s'il vous plaît!
M. Garon: M. le Président, je voudrais demander aux gens
de comprendre la question. Au fond, on le sait, on s'en va vers le
décloisonnement. Cela veut dire qu'il y a des activités qui
pourront sans doute être contrôlées par les banques et
être entièrement de juridiction québécoise. Je ne
parierai pas de l'île-du-Prince-Édouard parce que je pense qu'on
n'est pas dans le même ordre de grandeur. Ne pensez-vous pas qu'il serait
utile de penser qu'au Québec, dans l'ordre de ce qui est proposé
dans ce cas-là, si on regarde l'avenir, les banques pourraient se
retrouver dans des activités d'assurances, de valeurs mobilières,
de différents secteurs qui sont de juridiction québécoise?
À ce moment-là, on ne pourra pas simplement demander de
connaître une partie des activités, ii faudra que l'ensemble soit
connu. Alors, que les banques soient visées, je ne trouve pas cela
anormal. C'est pour cela que je dis que dans une perspective de
décloisonnement...
Mme Desormeaux: Oui, monsieur...
M. Garon:... est-ce que vous pouvez penser que cela sera
entièrement de juridiction fédérale ou, parce qu'il y aura
des activités qui seront décloisonnées, qui seront de
juridiction québécoise, la banque sera assujettie davantage
à des contrôles au niveau du Québec parce que, autrement,
cela ne voudrait rien dire de contrôler, de surveiller?
Mme Desormeaux: M. le Président, je vais répondre
à la question quoique je n'en voie pas tellement la pertinence dans le
cadre de ce projet de loi, alors qu'on n'a pas encore de décloisonnement
en vue.
Le Président (M. Lemieux): C'est-à-dire qu'on
n'étudie pas actuellement le projet de loi détaillé,
article par article, mais globalement, dans les grandes lignes. Disons qu'il y
a un lien très très large avec le projet de loi pour satisfaire
la curiosité intellectuelle du député de Lévis.
Mme Desormeaux: D'accord. On va donc satisfaire cette
curiosité avec plaisir, M. le Président.
M. Garon: D'autant plus que, lorsque je vous écoute, si
vous étiez la femme de César, j'ai l'impression que vous vous
prendriez pas mal pour César.
Mme Desormeaux: Césanne, si vous
préférez.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, s'il vous plaît! Me Desormeaux, vous avez la parole.
Mme Desormeaux: D'accord. Merci, M. le Président. Dans le
livre blanc du ministère des Finances qui traite du
décloisonnement, le gouvernement fédéral a l'intention de
décloisonner certaines activités qui seront de juridiction
provinciale, valeurs immobilières ou assurances, mais les banques, de
même que les compagnies d'assurances, qui pourront faire des
activités bancaires parce que ce ne seront pas juste les banques qui
pourront le faire, ce sont les quatre piliers financiers qui se marcheront sur
les pieds les uns les autres... Donc, ce décloisonnement, les banques
devront le faire par le biais de filiales et, comme je l'ai dit tantôt,
pour toutes les filiales des banques, nous produisons la divulgation des
renseignements requis par le ministère, par l'Inspecteur
général.
Le Président (M. Lemieux): Des institutions
financières.
Mme Desormeaux: C'est donc de distinguer entre la banque et les
filiales incorporées en vertu d'une loi provinciale ou de la loi sur les
sociétés commerciales canadiennes. Mais les filiales, on n'en
parle pas dans notre mémoire. Â l'heure actuelle, on respecte les
deux lois, on va continuer de respecter le projet de loi, on ne vise que la
banque. C'est pourquoi je trouve que la question du décloisonnement est
peut-être hors contexte.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Me
Desormeaux.
M. le député de Lévis, vous avez terminé? Il
vous reste trois minutes, si je suis honnête avec moi-même, M. le
député de Lévis. Est-ce que vous cédez la parole
à M. le ministre ou...
M. Garon: J'aimerais autant que vous le soyez avec moi qu'avec
vous-même.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Garon: Mais cela ne me fait rien d'alterner pour revenir
ensuite.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Fortier: Bien sûr, je voudrais remercier l'Association
des banquiers canadiens pour l'intérêt qu'elle porte au projet de
loi. Je pense que vous avez un intérêt parce que vous cherchez
à minimiser l'impact que cela pourrait avoir pour les banques, mais,
d'un autre côté, je pense qu'il y a un intérêt
certain pour les banquiers parce que, il ne faut pas se le cacher, l'objectif
fondamental du registre est d'avoir dans un ordinateur la quasi-totalité
- on pourra en discuter entre nous pour savoir où on s'arrête -
des gens qui font affaire au Québec, qui sollicitent des fonds et qui
demandent des prêts à des banques. Et de pouvoir avoir
accès à cette information, je crois que cela représente
pour l'Association des banquiers, ou cela va représenter une source
d'information extrêmement utile. Cela va vous permettre, cela va
permettre à votre gérant de banque, à votre directeur de
banque d'avoir accès très facilement à des informations
qui, autrement, prendraient beaucoup de temps et d'énergie à
corriger.
Sur l'objectif fondamental, on semble se rejoindre. Bien que vous ne
l'ayez pas dit aussi ouvertement, je pense bien que, dans une certaine mesure,
on cherche à se rendre utile et on cherche à se rendre utile aux
banques également. Il est bien certain qu'il est loin de mon intention
de vouloir partir un débat constitutionnel. Je pense qu'on a assez
d'autres problèmes sans s'en créer de nouveaux. Si notre projet
de loi cherchait à atteindre les pouvoirs, le statut des banques, je
pense bien que vous pourriez crier gare et nous dire: Vous êtes sur la
mauvaise voie parce que vous êtes en train de définir la
capacité juridique de la banque. Et là n'est pas notre propos*
Notre propos est de créer un système de divulgation des
identités. C'est aussi simple que cela.
Vous disiez tout à l'heure que vous faisiez des rapports
très importants au Surintendant des institutions financières au
fédéral, et j'en suis bien conscient, mais, ici, notre propos
n'est pas d'aller chercher tous les rapports financiers que vous pourriez
fournir au gouvernement fédéral. Notre propos est d'avoir une
divulgation des identités des dirigeants des conseils d'administration,
des gens qui font affaires au Québec. Vous devez reconnaître que
c'est un but louable et que ce faisant, on n'outrepasse pas la
responsabilité qui est la nôtre selon la constitution canadienne.
Tout à l'heure, mon collègue de Saint-Louis en disait quelque
chose. Encore là, on peut épiloguer longtemps, mais il est
certain que les banques sont soumises à plusieurs lois.
D'ailleurs, plusieurs institutions financières, si. je prends la
Loi sur les assurances, et je l'ai dit à plusieurs reprises à des
conférences fédérale-provinciales dernièrement, le
fait pour le gouvernement fédéral, à part les banques, de
fournir une charte n'est pas, sur le plan constitutionnel, l'autorité
pour réglementer nécessairement une telle compagnie. Un bon
exemple, ce sont les compagnies qui obtiennent des chartes
fédérales dans le secteur des assurances qui sont assujetties
à l'autorité provinciale. C'est la même chose dans le cas
des valeurs mobilières, elles sont assujetties à
l'autorité provinciale. Même si elles ont une charte
fédérale, elles sont assujetties à l'autorité de
l'Inspecteur général des institutions financières du
Québec, C'est là où on a des petits échanges, M.
Hockin et moi-même, qu'on lui rappelle gentiment que nous avons des
droits, que nous avons nos autorités et que nous avons l'intention
d'occuper tout le champ qui est le nôtre.
On est bien conscients que le projet de loi ne touche pas à la
question constitutionnelle. Il s'agit pour nous d'avoir un moyen, un
mécanisme le plus moderne possible, le plus complet possible qui
permette à ceux qui font des affaires au Québec, qui permette aux
citoyens du Québec qui sont sollicités par des organismes qui
sollicitent des fonds de savoir qui se cache derrière quelle
entité ou quel prête-nom. Je pense bien que c'est cela clairement
et c'est la raison pour laquelle nous croyons qu'en particulier toutes les
institutions financières qui opèrent au Québec devraient
se retrouver dans ce registre des compagnies .. et des institutions
financières. C'est là notre propos et je' pense bien qu'on ne
peut pas nous convaincre que notre désir n'est pas fondé.
Vous parliez, bien sûr, de la loi sur les déclarations qui
ne s'applique pas aux banques. J'ai l'explication ici. La Loi sur les banques a
été adoptée en 1849 alors que la loi sur les
déclarations de compagnies a été adoptée la
première fois en 1876. Bien sûr qu'à ce moment, on a cru
bon de vous exclure. Par ailleurs, vous étiez assujettis à la loi
sur les renseignements. J'ai ici devant moi... Vous disiez que, jusqu'à
récemment, les banques ne remplissaient ces rapports. J'ai ici le
rapport de la Banque de Montréal. Jusqu'à 1981, la Banque de
Montréal remplissait ce genre d'information, c'est-à-dire que,
jusqu'à tout récemment, la Banque de Montréal en
particulier y a été assujettie. Donc, c'est jusqu'à tout
récemment que les banques, ou qu'une banque en particulier a
été assujettie à cette divulgation de l'information.
Je pense que, si on s'entend sur l'objectif, il s'agit, à ce
moment, de définir les moyens. Vous faites allusion, bien sûr, au
fait que l'article 59 nous permettrait - c'est la raison pour laquelle on l'a
mis ici -
d'avoir des ententes avec l'organisme fédéral. On a bien
l'intention de se prévaloir de l'article 59. Reste à savoir si,
en dépit de cela, on exclurait les banques de l'application de la loi.
Je n'en suis pas certain. Je prends bonne note de vos représentations.
Nous aimerions, bien sûr, que les banques s'inscrivent, soient soumises
à une inscription. Est-ce que, par la suite, on pourrait se
prévaloir de l'article 59 pour minimiser l'impact... Parce que c'est
cela que vous visez dans le fond, minimiser l'impact bureaucratique. Je pense
que c'est un peu l'objectif de votre mémoire. Si on peut le faire, on le
fera. Quant à nous, il s'agit de trouver un moyen pour obtenir
l'information de base, pour les raisons que le député de
Lévis évoquait, je pense bien, qui permettrait à toute
personne qui fait affaires avec une banque au Québec de savoir qui
siège au conseil d'administration, quels sont les dirigeants, quels sont
ceux qui la représentent au Québec? C'est ce genre d'information
qui nous importe.
C'est à peu près... Je pense bien que si on s'entend sur
les objectifs, on verra sur les moyens. On a pris bonne note de vos
représentations. Enfin, il y a eu d'autres mémoires qui ont
été présentés ce soir et qui s'inquiètent de
l'aspect que je dirais bureaucratique. Il reste que tout le monde semble
s'entendre sur l'objectif final d'avoir le meilleur registre possible où
se retrouve le plus grand nombre possible d'informations. C'était le
sens du mémoire de la Chambre des notaires. Si on peut le simplifier, on
va le voir à la lumière des commentaires qui auront
été. faits. On va le faire. Je peux vous dire que l'inspecteur
m'a fourni, la semaine dernière, un projet de réglementation que
je n'ai pas encore approuvé. La réglementation va être
très simple. On n'ira pas chercher une information financière par
le biais de cette loi, cela est certain.
Quant à moi, je vous remercie. Je pense que j'ai compris le sens
de votre intervention. J'ose croire que vous comprenez le sens de notre
intervention. On espère agir à l'intérieur de notre
juridiction, faisant en sorte que nous puissions avoir la meilleure information
possible. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, il vous reste une couple de minutes.
M. Garon: M. le Président, moi aussi, je pense que la
représentation était assez claire. Il faut dire que nous sommes
au courant de votre vision des choses. J'ai beaucoup aimé, Mme
Desormeaux, votre détermination à défendre l'institution
que vous représentez.
Mme Desormeaux: Est-ce que c'est enregistré, M. le
Président?
Le Président (M. Lemieux): C'est enregistré,
madame.
M. Garon: Vous savez, je vous dirai...
Mme Desormeaux: Je vais en envoyer une copie à M. Michel
Bélanger.
M. Garon: Je vous dirai que dans mon association de comté
j'aime beaucoup avoir un grand nombre de femmes parmi mes organisateurs parce
que je sais que, quand elles prennent cause pour quelque chose, elles sont
habituellement plus combatives. Ce soir, je pense que vous avez
démontré que vous défendiez le dossier que vous avez
présenté ici. Je pense que c'est clair. Le ministre a dit que
c'était clair pour lui. C'est clair pour l'Opposition aussi ce que vous
signifiez dans votre intervention.
Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de
votre collaboration et du mémoire que vous avez présenté
devant cette commission. Nous allons donc ajourner nos travaux jusqu'à
demain, 10 heures, n'ayant plus d'autres questions et d'autres mémoires
à entendre ce soir.
La commission du budget et de l'administration ajourne ses travaux
jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 49)