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(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît. La commission du budget et de l'administration est réunie
ce matin afin de poursuivre la consultation générale dans le
cadre du projet de loi 54, Loi sur le registre des associations et
entreprises.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président. Il n'y a pas
de remplacement pour la séance.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.
L'ordre du jour pour le mercredi 21 octobre 1987 est le suivant. Nous
entendrons dans un premier temps la Chambre de commerce du Québec;
suivra par la suite, à 11 heures. l'Association des manufacturiers
canadiens.
Maintenant, j'inviterais les membres de la Chambre de commerce du
Québec à bien vouloir prendre place à la table des
témoins. La procédure parlementaire est la suivante. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire; suivra ensuite une
période de 40 minutes d'échanges avec les membres de la
commission dont 20 minutes avec les membres du gouvernement et 20 minutes avec
les membres de l'Opposition.
Auriez-vous l'amabilité de vous identifier pour les fins de
l'enregistrement du Journal des débats et, par la suite, passer
à l'exposé de votre mémoire.
Chambre de commerce du Québec
M. Arsenault (Louis): Merci, M. le Président. Mon nom est
Louis Arsenault. Je suis vice-président, ressources humaines, à
la Chambre de commerce du Québec. À droite, M. Jean-Paul
Létourneau, qui est vice-président exécutif à la
Chambre de commerce du Québec; à ma gauche, Mme Pierrette Fortin,
qui est directrice des communications à la Chambre de commerce du
Québec. J'allais souligner que M. Talbot n'était pas encore
arrivé mais le voilà, M. Pierre Talbot, vice-président et
directeur général à la Chambre de commerce et d'industrie
du Québec métropolitain.
Le Président (M. Lemieux): Toujours à la bonne
place, au bon moment. Alors, sans plus tarder, vous pouvez procéder
à l'exposé de votre mémoire et vous avez une
période de 20 minutes pour ce faire.
M. Arsenault: Merci, M. le Président. Madame, messieurs
les membres de la commission du budget et de l'administration, la Chambre de
commerce du Québec donne un avis favorable mais prudent au projet de loi
54 sur le registre des associations et entreprises.
Ce projet de loi rationalise la gestion de registres déjà
existants pour n'en former qu'un seul. Le nouveau registre vise
également à corriger les lacunes actuelles du fichier centrai des
entreprises. Les mesures de contrôle prévues permettront d'assurer
une plus grande fiabilité des informations incluses dans le registre.
Par ailleurs, le projet de loi abolit 6 lois, 13 règlements et 51
formulaires. Enfin, le gouvernement utilisera l'infrastructure
déjà existante pour mettre en place le registre et ce, pour une
économie de coût pour le Trésor public.
Toutefois, il y a lieu d'émettre quelques réserves sur ce
projet de loi. Premièrement, le gouvernement n'a pas fait la
démonstration claire et nette de l'utilité du registre selon une
analyse coûts-bénéfices. De même, il n'a pas
été démontré que le registre répondait
à un besoin réel pour l'entreprise. La Chambre de commerce
déplore également l'absence d'information quant au coût
d'implantation du nouveau système. Les prévisions
gouvernementales, en matière de personnel, d'informatique, de
publicité, etc., restent peu détaillées. En outre, pour 75
% des entreprises québécoises, l'obligation d'une
déclaration annuelle s'ajoutera à la réglementation
actuelle.
Enfin, la Chambre de commerce recommande au gouvernement d'envisager
l'extension du réseau de consultation à des organismes du type de
la chambre. Je pense que maintenant mon collègue Jean-Paul
Létourneau aura quelques commentaires à ajouter au contenu du
mémoire que vous avez déjà en main. M.
Létourneau.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, si vous
me permettez d'enchaîner sur les propos qui ont résumé
l'essentiel de notre mémoire, nous aimerions, dans un premier temps,
marquer notre appréciation et nos remerciements pour l'aide que nous
avons reçue, dans l'analyse de ce projet de loi, de la part de M. Roger
Lequy, directeur du projet, de Me Marc-André Labrecque, conseiller
juridique, de M. Daniel Bouchard,
directeur de la clientèle, et du chef de cabinet du ministre, qui
a bien voulu coordonner les échanges que nous avons eus avec ces
personnes pour nous éclairer sur le contenu de ce projet de loi, vers le
mois de juillet dernier.
Les échanges que nous avons eus avec ces personnes nous ont
considérablement aidés à comprendre, à
apprécier les énormes défis que pose la mise en oeuvre des
différents objectifs de ce projet de loi de 638 articles et de 119
pages. Évidemment, je dis cela plutôt pour le registre; tout le
monde qui est ici le sait aussi bien que nous, depuis le temps que vous
l'examinez et vous I'étudiez.
Au cours de ces échanges, nous avons aussi été
à même d'apprécier la compétence des personnes
présentement chargées de ce projet et, à plusieurs
égards, l'attitude pragmatique et rassurante de leur approche par
rapport à l'application de la loi. Il arrive cependant que la pleine
réalisation de cette loi constituera une tâche administrative
énorme et remplie d'embûches. Nous sommes, il est vrai, face
à une loi qui réduit ou regroupe plusieurs réglementations
mais qui crée, par ailleurs, plusieurs nouveaux pouvoirs
réglementaires discrétionnaires dont nous ne pouvons
évaluer la portée.
Les coûts et l'utilité de l'application de cette loi
peuvent être présumés dans une certaine mesure. Toutefois,
son ou ses scénarios de mise en oeuvre et de fonctionnement
précis ne nous sont pas connus, ce qui laisse certains doutes dans notre
esprit quant au ratio final coûts-avantages de toute l'opération
pour les entreprises du Québec.
La question de présomption d'authenticité des informations
émises qui est évoquée dans le projet de loi, entre autres
aux articles 43 et 618, en provenance du registre nous laisse également
perplexes. Nous souhaitons que toutes les conséquences possibles d'une
telle présomption soient soigneusement examinées afin qu'elles ne
résultent pas en des inconvénients et des embarras majeurs pour
les personnes assujetties ou d'autres personnes.
Nous reconnaissons finalement qu'un registre des entreprises et
associations complet, fiable et adéquatement accessible peut être
un instrument très utile pour les entreprises du Québec. C'est
principalement pour cette raison, d'ailleurs, que nous sommes favorables
à son implantation.
Nous sommes heureux, M. le Président, d'offrir au ministre et au
directeur des institutions financières notre collaboration et notre aide
si cela peut être utile dans la diffusion des informations
nécessaires pour la connaissance par les assujettis de l'existence de la
loi et de son application.
Quant à cette diffusion, nous avons fait allusion, dans notre
mémoire, à la possibilité et à l'utilité que
cela pourrait avoir que le réseau des chambres de commerce soit, si on
peut dire, affilié ou associé ou en ligne, pour utiliser un terme
commun aux gens qui travaillent dans le domaine de l'informatique, pour pouvoir
diffuser à ses membres l'information contenue dans le registre sur une
base, je dirais, privilégiée, compte tenu de l'importance du
réseau de nos chambres de commerce à travers le Québec,
environ 230, du nombre des membres qu'elles regroupent, environ 60 000, et
aussi du nombre d'entreprises qui sont associées directement à la
Chambre de commerce du Québec, qui sont plus de 6000 à travers le
Québec, un chiffre en croissance constante.
Le vice-président et directeur général de la
chambre de commerce de Québec, dès les premiers moments des
consultations faites par M. le ministre au mois de février ou de mars, a
indiqué l'intérêt de cette chambre en particulier d'avoir
dans ses locaux un terminal qui pourrait lui permettre de donner à ses
membres accès à l'information contenue dans le registre. Nous
cherchons, en ce faisant, à rendre le plus accessibles possible et le
plus facilement possible les informations contenues dans le registre en
présumant qu'elles seront évidemment d'une grande utilité
pour les entreprises et qu'elles auront la fiabilité
nécessaire.
Alors, M. le Président, c'est l'essentiel de notre
présentation. J'aimerais pour quelques instants laisser la parole
à M. Talbot, qui est vice-président et directeur
général de... avec la permission de...
Une voîxî Je vous en prie.
M. Létourneau:... la Chambre de commerce de Québec
et qui pourrait vous expliquer comment il voit, de sa perspective, la
possibilité de cette diffusion des informations du registre.
Le Président (M. Lemieux): M. Talbot, s'il vous
plaît.
M. Talbot (Pierre): Je voudrais d'abord souligner que la chambre
considère que c'est un pas décisif important qu'avec cette loi on
va franchir dans la simplification et la mise en place d'un guichet unique.
Actuellement, on a, je pense - je vais utiliser un mot brutal - le chaos, pour
ne pas dire le bordel en ce qui concerne l'enregistrement des compagnies, des
associations et autres. Ce qui m'apparaît important et ce que je voudrais
souligner, c'est le côté utilitaire de cela. Il est en train de se
développer à travers le monde un réseau
électronique de communications des firmes par le truchement, notamment,
du réseau des chambres de commerce.
J'ai eu l'occasion d'aller à la communauté
européenne et, en France,
examiner le réseau téléfirmes. Vous êtes
à Marseille et vous pouvez interroger sur le réseau la Chambre de
commerce de Paris pour savoir les fournisseurs de béton ou de plastique,
les brevets, etc. Alors, ce réseau électronique qui a
commencé à se développer il y a cinq ans,
s'accélère et la commission européenne est en train de
l'universaliser à l'intérieur du marché commun. Aux
États-Unis aussi, on se préoccupe actuellement d'inscrire les
chambres de commerce et les milieux à ce réseau
électronique. L'Ontario est allé examiner l'expérience
française. Il m'apparaîtrait important qu'on puisse, à
partir du registre que vous allez constituer, extraire un fichier des
entreprises et qu'il soit dans un langage universel pour pouvoir
éventuellement s'inscrire dans ce réseau électronique.
On pense que le milieu des chambres de commerce devrait, comme ailleurs,
être mandaté en ce qui concerne les chambres de commerce pour
articuler, je dirais, nos régions dans ce réseau
électronique. Ce qu'on souhaiterait, c'est qu'on puisse avoir
accès sans frais à ce réseau pour, avec le
ministère de l'Industrie et les ministères à vocation
économique, extraire un fichier régional. Alors, j'ai de la
documentation que je peux vous remettre sur ce qui existe actuellement en
France sur la télématique au service des entreprises, un document
sur le centre des formalités des entreprises, parce qu'ils ont
là-bas le guichet unique. La France, qui est en retard sur tous les
pays, prend maintenant de l'avance. Ils ont un guichet unique où l'homme
d'affaires peut se présenter à un comptoir des chambres de
commerce au centre des formalités des entreprises, y faire une
déclaration pour la CSST et pour tous les organismes gouvernementaux.
L'homme d'affaires reçoit aussi une assistance pour faire cette
déclaration. (10 h 30)
Je vous remets cette documentation. Je pense qu'il est dans
l'intérêt du Québec, dans la dynamique des échanges
au plan de l'offre et de la demande des produits et services, que l'on
développe ce fichier des entreprises. Cela peut même devenir un
outil formidable à l'intérieur des régions, parce que, si
on veut maximiser le développement des régions
économiques, il faut que l'on maximise la dynamique des échanges
à l'intérieur même d'une région. Donc, un bon
fichier d'entreprises servirait à ces deux plans. Il nous semble que ce
que vous mettez en place est l'étape première, décisive
pour cela. Les chambres de commerce voudraient bien avoir accès
gratuitement un jour ou l'autre à ce réseau parce qu'ailleurs les
gouvernements paient et aident les chambres de commerce à
développer ces réseaux. Ils les mandatent. En France, par
exemple, elles ont même un pouvoir de taxer ou un retour sur la taxe
d'affaires. Ces gens sont en train de s'organiser d'une façon formidable
à l'ère électronique. J'espère que le Québec
sera également en mesure d'entrer dans cette ère, grâce
à votre projet de loi.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Talbot.
Comme il s'agit de documents publics, je vais autoriser la distribution aux
membres de la commission parlementaire, à titre d'information. Ce n'en
est pas le dépôt mais seulement la distribution. Vous avez
terminé, M. Talbot?
M. Talbot: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Fortier: J'aimerais remercier bien sincèrement les
représentants de la Chambre de commerce du Québec et ceux de la
Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain qui
nous font part de leurs représentations aujourd'hui. Effectivement, au
mois de février ou au mois de mars, nous avions consulté, non pas
sur le projet de loi comme tel, parce qu'il n'était pas disponible il
n'a été disponible qu'après le dépôt à
l'Assemblée nationale - mais sur le concept lui-même et,
dès ce moment, vous aviez exprimé, en particulier M. Talbot, un
désir de faire en sorte que le système puisse aller encore plus
loin que ce que nous avions en tête.
Je prends note, M. Létourneau, du fait que vous nous offrez la
collaboration de la Chambre de commerce pour nous conseiller, pour assurer la
diffusion du système et pour conseiller vos membres sur son
utilité. En retour, je crois qu'on peut vous assurer du fait que - comme
vous l'avez dit, nous avons une équipe très pragmatique - si on
peut faire des retouches ou des amendements à notre projet pour le
rendre le plus réaliste possible, c'est ce que nous visons.
Bien sûr, la Chambre de commerce du Québec réunit
toutes les chambres de commerce de toutes les régions du Québec,
et il y a une préoccupation très forte du gouvernement pour le
développement régional. Cela rejoint la recommandation de M.
Talbot, à savoir que le registre comme tel va être utile, mais
est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'aller encore plus loin? À ce sujet,
M. Talbot, je pense que vous êtes au courant du fait qu'en France les
chambres de commerce ont un statut tout à fait spécial, que les
chambres de commerce au Québec ou au Canada n'ont pas. En France, ce
sont des organismes de droit public qui ont des prérogatives très
spéciales. Cependant, nous avons reçu un avis hier de la
Commission d'accès à l'information qui nous dit, dans une de ses
recommandations, ce qui suit: "La Commission d'accès enjoint les membres
de cette commission parlementaire à prendre les
moyens nécessaires pour que les renseignements personnels ayant
un caractère public en vertu de cette loi ne puissent jamais être
utilisés, regroupés, comparés et produits à
d'autres fins que celles édictées par la Loi sur le registre. "
Donc, les gens responsables de la loi sur l'accès à l'information
semblent aller un petit peu à l'encontre de ce que vous recommandez
mais, néanmoins, j'imagine qu'il y a moyen d'établir le contact.
Ce que j'ai l'intention de faire à la suite de cette commission
parlementaire - j'ose espérer que ce serait une recommandation qui vous
agréerait - c'est de m'asseoir avec M. Daniel Johnson, le ministre de
l'Industrie et du Commerce, pour voir, eu égard à l'avis que nous
avons reçu de la Commission d'accès à l'information, ce
qui peut être fait eu égard à votre statut de chambre de
commerce, qui est différent de celui qui existe en France et en Europe,
d'une façon particulière. Nous verrons si des choses peuvent
être faites.
Au fond, ce que vous proposez, c'est que le registre réunisse une
multitude d'informations regroupées d'une certaine façon pour
que, lorsqu'une entreprise européenne ou américaine voudra
établir une collaboration avec une entreprise de telle ou telle
région du Québec, elle puisse ou que vous puissiez
vous-même pilonner sur l'ordinateur pour détecter la ou les
compagnies en mesure d'établir une relation fraternelle et souhaitable.
Je pense bien que c'est là le but de votre recommandation.
Tout ce que je peux vous dire à ce moment-ci c'est que nous
devrons discuter de cette possibilité avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce et nous asseoir avec vous éventuellement.
Entre-temps, cela nous permet quand même de faire avancer le projet de
loi parce qu'il ne s'agirait en définitive que de retouches
peut-être importantes, mais de retouches qui n'affecteront pas le fond du
projet de loi comme tel.
M. Talbot: M. le ministre, est-ce que...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Talbot.
M. Talbot:... je peux souligner que le ministre d'État aux
PME demande qu'il y ait ce fichier des entreprises? On veut absolument que cela
se concilie avec la loi sur l'information. Alors, il y a une partie
confidentielle qui demeurera toujours confidentielle, mais il y a une partie
des données de base... J'ai eu des échanges avec des
fonctionnaires de M. Jean-Marie Bouchard et je peux vous dire que pratiquement
tout est là. Il n'y a pas grand-chose à faire. Je pense que c'est
très bien ce que vous pensez faire actuellement. Les propositions sont
excellentes. II n'y a pas grand-chose qui nous sépare. C'est la
mécanique de diffusion.
M. Fortier: Alors, parmi d'autres sujets soulevés par le
mémoire de la chambre, il y a, bien sûr, l'utilité du
registre comme tel. On s'entend sur le fait que l'on vise la protection du
public. C'est un des premiers objectifs. Il y a des gens qui s'affichent sous
différentes bannières, sous différents noms. Très
souvent on ne sait pas qui se cache derrière tel nom ou telle
bannière. Cela va aussi favoriser la sécurité
économique. Les informations, comme vous l'avez dit vous-même,
seraient dans un registre unique.
Alors, maintenant, si on essaie de faire... Et c'est la question que
vous avez posée: Peut-on faire un bilan économique des
coûts et des bénéfices? Sur le plan des
bénéfices, cela me semble évident. Est-ce qu'on peut les
quantifier? M. Talbot a fort insisté en disant que de toute façon
cela serait une mesure très bien reçue. L'augmentation de la
sécurité économique se mesure difficilement en termes que
l'on peut quantifier, mais on peut parler, étant donné le produit
intérieur brut du Québec, d'une centaine de milliards de dollars,
Si on ajoute à la sécurité économique par une
meilleure information et tout cela, on peut penser que cela va être un
ajout extraordinaire. Comme vous l'avez dit vous-même, c'est un pas
décisif important et - excusez l'expression -dans l'information qui peut
exister à droite et à gauche, c'est un peu le "bordel", entre
guillemets. L'information qui est disponible dans le moment, personne ne peut
la trouver parce qu'elle se trouve dans des liasses de documents qui,
très souvent, ne sont pas sur informatique.
De plus, sur les coûts, je suis bien prêt à donner
certains chiffres. Il s'agit de chiffres préliminaires. Les coûts
sont plutôt du côté du développement de
l'informatique et de la bureautique. Pour la première année, on
calcule environ 445 000 $; pour les quatre années subséquentes,
environ 400 000 $ par année et, donc, c'est 400 000 $ pour les quatre
années suivantes, On parle, sur cinq ans, d'environ 1 000 000 $ de
coûts. Il y aura des frais pour la publicité. On dit, pour la
première année, environ 335 000 $; pour les quatre années
subséquentes, 200 000 $. Donc, on parle d'environ 500 000 $. C'est dire
que l'on parle de frais d'implantation de la bureautique et de la
publicité, sur cinq ans, d'environ 1 500 000 $.
Pour l'administration, M. Bouchard m'assure que, dans une certaine
mesure, il a déjà le personnel en place et que peut-être il
aura besoin de cinq postes. Donc, onze postes nouveaux seront peut-être
requis. Il en a déjà cinq. Alors, l'arithmétique que l'on
me propose ici c'est qu'il y aura une dizaine de postes manquants.
Somme toute, quand je regarde les
besoins les plus importants ou les coûts les plus importants, de
toute évidence, ils seront du côté de l'informatique. Pour
le reste, l'inspecteur a te personnel qui est déjà
entraîné, du côté des entreprises, à faire ce
travail et c'est cette cellule, dans le fond, qui va prendre un peu
d'expansion. Les coûts véritables seraient du côté de
l'informatique, l'achat de l'ordinateur, la préparation des programmes,
et de la publicité; alors, on parle de 1 500 000 $ sur cinq ans. Cela ne
me semble pas un chiffre extraordinaire eu égard au
bénéfice auquel vous avez fait allusion vous-même, sans
qu'on puisse le calculer d'une façon bien mathématique. La
sécurité économique qui sera apportée sera beaucoup
plus grande que les coûts que les contribuables devront assumer
indirectement.
Il y a plusieurs autres points que vous avez abordés. Je pensais
que ceux-là étaient plus importants pour le moment. Je vais
laisser la parole à mon député, le député de
Lévis, qui me permettra plus tard de revenir, ou un de mes
collègues, si on en a encore l'occasion et le temps.
Le Président (M. Lemieux): Oui, il vous reste du temps, M.
le ministre.
M. Garon: On a combien de temps de fait?
Le Président (M. Lemieux): Dix minutes, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Dix minutes?
Le Président (M. Lemieux): Dix minutes, oui. Alors, M. le
député de Lévis, vous avez la parole.
M. Garon: J'aimerais d'abord remercier les gens de la Chambre de
commerce du Québec d'être ici présents aujourd'hui. Je suis
un peu surpris. La Chambre de commerce dit toujours qu'il faut qu'il y ait des
tickets modérateurs pour tout le monde et que cela coûte moins
cher au gouvernement. Mais, quand c'est pour eux autres, habituellement, ils
veulent un accès beaucoup plus gratuit. Je suis surpris de cela et un
peu surpris aussi de votre mémoire parce que vous avez des
réserves tout le long du mémoire. Vous y êtes favorables
mais les arguments favorables ne sont pas nombreux. Ce sont les arguments
défavorables qui priment et vous dîtes même: "Si le
gouvernement parvient à expliquer aisément l'amélioration
du taux de fiabilité du registre comparativement à celui du
fichier central, il lui reste toutefois à démontrer
l'utilité réelle du registre. " C'est une question un peu
importante. Vous dites que vous trouvez cela bon, excepté que vous
n'êtes pas certains que c'est utile. Je trouve cela fort un peu. J'avais
l'impression que quand c'était l'ancien gouvernement vas mémoires
étaient plus cohérents. Quand les arguments étaient
contre, vous étiez contre. Là, actuellement, vous avez toutes
sortes d'arguments contre, ensuite vous arrivez à être pour. C'est
la raison pour laquelle j'aimerais vous demander qui sont ces personnes qui
vous ont aidés, à part le chef de cabinet du ministre. Vous dites
que pour former votre opinion vous vous êtes fait aider par des
personnes, vous avez remercié le ministre, alors j'aimerais savoir qui
sont ces personnes qui vous ont aidés. Il y a le chef de cabinet du
ministre que vous avez mentionné mais, les autres, qui sont-ils?
M. Fortier: Ils ont dit que le chef de cabinet avait
facilité les rencontres.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez parlé de
collaboration, M. Létourneau. M. le député de
Lévis. Vous avez la parole, M. le député de
Lévis.
M. Garon: Bien, laissez faire. Qu'est-ce que vous voulez, je pose
mes questions... J'ai d'autres occasions de demander l'opinion du
ministre...
Le Président (M. Lemieux): Oui, vous avez la parole.
M. Létouneau: M. le Président, j'ai
mentionné les noms de ces personnes dans ma présentation
tantôt comme étant M. Roger Lequy, le directeur du projet,
Me...
M. Garon: Directeur du projet de...
M. Létourneau: Bien, enfin, il l'était. Quand on
parle de ce projet de loi et de ce que cela signifie, je pense qu'il est la
personne responsable mandatée par le directeur général. Il
y a Me Marc-André Labrecque, un conseilleur juridique qui a aidé
à la préparation du projet de loi, et M. Daniel Bouchard, qui est
directeur à la clientèle actuellement, je pense, au fichier
central des entreprises. Ce sont des gens qui, techniquement, connaissent
déjà les difficultés et les défis que pose
l'application de ce projet de loi et qui ont une idée de la façon
dont ils veulent l'appliquer. Nous avons discuté là-dessus et
nous avons été rassurés par leur approche très
pragmatique de ce défi que nous considérons par ailleurs
très important.
M. Garon: Vous semblez dire que le réseau sera utile
d'abord aux gens dans le domaine des affaires et vous demandez un accès
gratuit pour la Chambre de commerce. Seriez-vous d'accord avec le même
accès gratuit aux consommateurs, aux différentes associations qui
s'occupent de protéger les consommateurs dans les opérations
com-
merciaies ou encore pour faire connaître davantage quels sont les
noms des administrateurs qui sont derrière les organismes et les
entreprises? Hier, on avait les banques qui souhaitaient être
soustraites. Considérez-vous que cet accès devrait, s'il est
gratuit pour la Chambre de commerce, être gratuit pour tous? (10 h
45)
M. Létoumeau: M. le Président, si vous le
permettez, je dirai que notre chambre de commerce affiliée à
Québec a demandé l'accès gratuit pour la Chambre de
commerce et d'industrie du Québec métropolitain. Dans notre
mémoire nous avons demandé l'accès. Il y a certainement
à discuter de la façon dont cette gratuité pourrait
être exercée, pourrait être gratuite pour nous,
peut-être en bout de piste à des personnes qui en ont besoin et
pour qui cela pourrait représenter un avantage considérable,
compte tenu aussi de l'importance de l'information sollicitée, II
pourrait y avoir discussion avec le ministère là-dessus, à
savoir de quelle façon on peut avoir un accès qui ne soit pas
abusif quant à ce qui concerne les coûts que nous
générerions par cet accès. C'est une chose qui reste
à discuter pour nous. Ce qui est premièrement important, c'est
l'accès avec des terminaux à l'intérieur des bureaux des
chambres de commerce qui désirent l'avoir. La Chambre de commerce et
d'industrie du Québec métropolitain vous dit: Nous aimerions
l'avoir gratuitement. C'est une chose discutable. La chambre vous le sollicite.
La Chambre de commerce du Québec vous demande pour le moment
l'accès, quitte à discuter de la façon dont on pourrait
l'avoir, à des termes qui rendent l'industrie accessible à nous,
c'est-à-dire selon nos moyens, selon un examen de la nature de
l'information requise et du coût de cette information et ensuite selon
l'utilité qu'elle peut avoir pour certaines personnes. Alors, je vous
précise une position qui est la nôtre et celle qui est la demande
de notre chambre de commerce locale de Québec.
Le Président (M. Lemieux): Vous voulez compléter la
réponse, M. Talbot?
M. Talbot: La gratuité est peut-être un grand mot.
Il faut examiner les modalités, mais il faut que l'État comprenne
qu'actuellement sur une base volontaire les chambres de commerce et vos
associations de consommateurs constituent des réseaux de diffusion
d'informations et allègent financièrement le fardeau de l'Etat.
C'est pour cela d'ailleurs que dans toutes les chambres de commerce
européennes les contribuables paient une taxe pour que des chambres de
commerce puissent constituer ce réseau électronique, parce que la
dynamique de l'économique profite à tout le monde. Il y a des
discussions à faire sur ce plan.
Si on perçoit la dynamique de cela, on va dire: Est-ce que les
chambres de commerce on les charge, en plus des sommes d'argent qu'elles
consacrent à la promotion d'une société? Ce sont ces
aspects à examiner.
M. Létoumeau: M. le Président, si vous me permettez
un complément de réponse, je dirai que, lorsqu'on parle
d'accessibilité pour nous, nous ne connaissons pas présentement
ce que sera la tarification imposée par les gens du registre pour donner
l'information. II est question d'avoir une tarification. Si cette tarification,
à cause de son taux, rendait inaccessible à toutes fins utiles
l'information pour des organismes comme le nôtre, il faut discuter de la
question.
M. Portiers M. le Président, j'aimerais juste préciser, si
vous le permettez...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je suis encore assez surpris
que la Chambre de commerce prenne le modèle français, parce
qu'habituellement elle le trouve beaucoup trop bureaucratique, elle ne le
trouve pas assez nord-américain, elle ne le trouve pas assez rapide. Et
là, comme il y a une taxe pour la chambre de commerce en France»
d'un coup sec on prend le modèle français. Je suis vraiment
surpris de la cohérence de pensée de la chambre de commerce
concernant les relations avec l'État et avec le public. C'est pour cela
que je suis vraiment surpris, je n'ai jamais entendu ce discours avant.
M. Létouneau: M. le Président.
M. Garon: C'est pourquoi je veux demander à la chambre de
commerce, si elle calcule que le registre vaut quelque chose, si elle est
prête à payer ce que cela vaut. Il vaut quelque chose ou il ne
vaut rien. S'il ne vaut rien, je comprends que c'est gratuit; s'il vaut quelque
chose, je calcule ce que cela vaut. Les gens qui sont prêts à
recommander des tickets modérateurs pour les gens malades, ils devraient
être bons pour payer quelque chose quand ils sont en santé.
M. Létouneau: M. le Président.
M. Garon: Alors, c'est pour cela que j'aimerais demander si vous
souhaitez un accès a peu près identique pour les avocats, par
exemple, qui vont avoir besoin de ces renseignements pour protéger le
public. Les avocats, à mon avis, devraient avoir au moins... Les
associations de consommateurs,
ceux qui en ont besoin pour défendre leurs clients devraient
avoir un accès au moins aussi grand. C'est pour cela que, dans une
pensée plus universelle, j'aimerais savoir la pensée de la
chambre de commerce par rapport à l'accès à d'autres, aux
consommateurs, aux avocats, à ceux qui vont devoir protéger leurs
clients.
Maintenant, hier, si vous avez été ici -vous n'avez pas
été ici - on se rendait compte, par les questions du
député de Mille-Îles, que les troupes de scouts, les
camelots devraient être enregistrés au registre. On a parlé
de 700 000 personnes qui seraient inscrites au registre. Je suis un peu surpris
de voir que la chambre de commerce est heureuse, elle qui voulait toujours la
déréglementation, qui voulait toujours moins de paperasse. On a
l'impression que vous avez une 123e filiale. Je suis vraiment surpris du
mémoire que vous présentez; c'est pour cela que j'aimerais
savoir, dans un esprit plus universel, ce que vous préconisez pour
l'ensemble des citoyens par rapport à cela.
Le Président (M. Lemieux): M. le représentant de la
Chambre de commerce, M. Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, nous pensons que
chacun peut faire ses demandes comme il le désire. Si les associations
de consommateurs pensent que cela peut leur être utile, ils peuvent
demander un accès gratuit ou autrement, c'est leur affaire. Nous sommes
ici pour représenter l'ensemble des "chambres" de commerce et nous le
faisons en demandant l'accès. Nous avons une de nos chambres qui vous
demande l'accès gratuit, et M. Talbot vient d'expliquer que même
cela peut être discutable. Nous n'avons aucune objection à ce que
quiconque qui est capable d'apporter une contribution valable à la
diffusion de l'information sollicite, ici ou ailleurs, la possibilité
physique ou financière de le faire. La raison, je le
répète, c'est que nous ne connaissons pas la tarification ni si
la tarification rendra onéreuse pour des organismes comme les
nôtres la consultation du système. Il faudra peut-être
discuter des prix, comme on dit, des prix de gros et des prix faits à
des gens qui contribuent par leur réseau à diminuer les
coûts de l'État dans la diffusion de l'information et qui
contribuent à une meilleure application de la loi.
Incidemment, une des choses qui ne nous est pas connue encore et
à laquelle nous aimerions bien pouvoir contribuer, c'est la forme avec
laquelle on colligera l'information et sous laquelle elle sera disponible. Pour
des fins d'utilité commerciale, il y a des formes qui sont plus utiles
que d'autres, il y en a qui ne sont pas utiles du tout. Cela dépend de
la nature des entreprises, de la nature des commerces, etc.
Cela dépend aussi, d'une façon générale, de
la nature de l'information nécessaire, par exemple, pour organiser une
bonne campagne de marketing ou de diffusion de différents produits ou de
pénétration de marché par différentes entreprises.
Toutes sortes d'informations vont être contenues dans le registre. Mais
la façon dont elles seront compilées et disponibles par
régions, dans l'ensemble du Québec ou par localités, cela
va être très important afin de déterminer de
l'utilité pour les entreprises, de ce registre.
Dans ce sens-là, étant donné l'attitude que nous
avons rencontrée chez ceux qui constituent ce registre, l'attitude de
collaboration et d'ouverture, nous espérons que ces échanges se
feront, de sorte que nous pourrons dire que les renseignements disponibles sont
fiables et utiles à l'entreprise.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Fortier: Je voulais juste préciser, concernant la
question de la gratuité, qu'effectivement le système va
être... Pour ceux qui devront s'enregistrer au registre, bien sûr,
il y aura une tarification comme il y en a une dans le moment. Mais, si l'on
parle d'accès au registre, l'accès va être gratuit si les
gens se rendent, soit au bureau de l'inspecteur général à
Québec ou à Montréal. Cela sera gratuit, également,
s'ils se rendent dans l'un des 34 palais de justice de la province. Alors,
cela, ça va être gratuit. Nous avons voulu cela parce qu'il s'agit
- d'un système centralisé. Nous avons pensé aux
régions. Je sais que cela intéresse la chambre de commerce et
vous représentez les chambres de commerce de toutes les régions.
Donc, le système sera tout à fait gratuit pour ceux qui se
rendront au bureau de l'inspecteur, à Québec ou à
Montréal, ou dans un des 34 palais de justice de la province.
Là-dessus, c'est donc l'accès gratuit.
Le système le prévoit et, éventuellement, j'imagine
qu'il y aura des négociations. Je ne sais pas de quelle façon on
va le faire, on a pensé permettre à une institution - je pense
à Inet 2000, il y a des systèmes disponibles... À ce
moment-là, ceux qui voudront se brancher dans leur propre bureau, si un
avocat, en particulier, voulait se brancher... Disons qu'il est à Place
Victoria, à Montréal, mais au lieu d'aller... À quel
étage êtes-vous?
Une voix: Au rez-de-chaussée.
M. Fortier: Vous êtes au rez-de-chaussée, à
la Place Victoria. Au lieu de se rendre au rez-de-chaussée, s'il veut
avoir un terminal dans son bureau, il y aura probablement une tarification.
Comme l'inspecteur a
son bureau à la Place Victoria, si quelqu'un se rend à la
Place Victoria, ce sera tout à fait gratuit. Il y aura probablement une
tarification pour ceux qui voudront avoir -j'allais dire le luxe - la
possibilité d'avoir un terminal dans leur propre bureau. C'est la raison
pour laquelle M. Talbot nous faisait deux demandes. La première demande,
c'était plutôt d'étendre le registre pour avoir
accès à l'information et pouvoir - excusez l'expression -
pitonner pour aller chercher l'information qui serait différente de
celle qui est prévue dans le moment. C'est une première
demande.
Quant à votre deuxième demande, vous dites: On aimerait
que ce soit gratuit si on avait un terminal à nos bureaux de la chambre
de commerce à Québec. C'est une deuxième demande. La
première demande, je l'ai dit, on va l'étudier. La
deuxième, je dois vous avouer que, pour le moment, à moins qu'on
puisse justifier... M. Létourneau apporte des arguments. En ce moment,
ce n'était pas notre intention. En ce moment, il s'agit de le rendre
gratuit pour ceux qui se rendraient dans les 34 palais de justice et pour ceux
qui se rendraient au bureau de l'inspecteur, à Québec ou à
Montréal.
Par ailleurs, j'aimerais que l'inspecteur commente un sujet que vous
avez abordé vous-même, l'inquiétude envers les
présomptions de vérité du registre. Il s'agit d'un point
de droit et de pratique. Peut-être M. Bouchard pourrait-il nous informer
à ce sujet.
Le Président (M. Lemieux): M. l'Inspecteur
général des institutions financières, sur le temps de
parole du ministre.
M. Bouchard (Jean-Marie): Oui, rapidement. Le projet de loi
comporte deux principes complètement distincts: le principe de
véracité et le principe d'opposabilité. Le principe de
véracité est essentiel pour assurer la viabilité
même du registre; il existe d'ailleurs déjà dans la loi sur
les sociétés commerciales canadiennes. Ce n'est pas un principe
nouveau. On dit que les renseignements qui sont contenus principalement dans
les articles 14 à 16 et, enfin, tous ceux qui seront
complétés par les règlements qui seront
édictés ont une valeur de vérité pour les
renseignements. C'est le premier point.
Le deuxième point. L'onus est donné à celui qui
dépose ces renseignements; c'est l'opposabilité. Cela veut dire
que le tiers qui aura affaire au registre doit pouvoir se baser sur les
renseignements contenus dans le registre. Cela veut dire que celui qui a
déposé le renseignement ne pourra pas opposer au tiers une erreur
qui appartient au registre. Donc, c'est un droit qui est donné au tiers
de pouvoir se fier sur le premier principe de véracité en
opposant le principe de l'opposabilité à celui qui l'a
déposé. Ce n'est pas nouveau dans la loi actuelle. Vous avez la
même règle d'opposabilité qui existe dans le vieux Code
civil du Québec depuis 1800, aux articles 1834 et 1834a, et vous trouvez
également le même principe dans la loi sur les
société commerciales canadiennes. Donc, véracité et
opposabilité, ce sont deux éléments
complémentaires; l'un, pour assurer la fiabilité de la masse de
renseignements qui y seront contenus et l'autre, pour empêcher que celui
qui a fourni ces renseignements ne puisse se disculper des fausses informations
qui y seraient données.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. l'Inspecteur
général des institutions financières et M. le ministre. M.
le député d'Abitibi-Ouest. (11 heures)
M. Gendron: Oui, M. le Président. Je dois également
remercier la chambre de commerce d'avoir donné son avis, comme c'est un
peu régulier et normal de le faire dans des dossiers importants de
l'administration gouvernementale. Mais, dans le présent cas, je suis,
moi aussi, très étonné et surpris. Je vous avoue que si
j'étais ministre délégué aux Finances et à
la Privatisation, j'aurais de sérieux problèmes quant à
l'interprétation que je dois donner à votre mémoire. J'y
verrais sûrement là un appui au projet de loi par alliance
naturelle mais sûrement pas sur le contenu de votre mémoire.
Je ne suis pas capable de concilier certains faits. Dans le
résumé de votre mémoire et à deux autres reprises,
vous indiquez clairement, et là c'est un jugement que la chambre porte:
"II n'a pas été démontré que le registre
répondait à un réel besoin pour l'entreprise. " C'est vous
qui parlez dans un jugement que vous exposez à deux places. Page 4 dans
le même mémoire: "La chambre considère le projet de loi 54
comme un atout pour l'entreprise. " Là, j'ai des problèmes.
Comment voulez-vous porter le jugement que... La chambre de commerce dit: On
est loin d'être sûr que l'utilité du registre pour
l'entreprise a été démontrée. Mais, à la
page 4, vous dites: On considère que c'est tout un atout pour
l'entreprise. Alors, est-ce qu'il s'agit d'un alléluia ou d'une ode au
ministre ou à ce gouvernement parce que c'est naturel que vous fassiez
cela? Sur le contenu, avez-vous un avis à formuler?
Dans la même question - j'en aurai une autre - même si votre
mémoire est court et succinct, il me semble que, comme l'a dît le
collègue de Lévis, votre dimension réserve est beaucoup
plus importante dans ce mémoire que dans votre premier coup d'envoi en
disant: Bien, on est d'accord sur cela. Règle générale, la
chambre de commerce est
favorable. Mais toutes nos questions qui n'ont pas reçu de
réponse devraient vous amener à une position contraire. Si vous
étiez en étroite relation avec ces éclaireurs
intéressants au cabinet du ministre, à tout le moins, ils
auraient dû vous convaincre de la nécessité de
répondre aux questions les plus fondamentales. L'entreprise en
veut-elle? Est-ce que cela va répondre à un besoin pour elle?
Cela n'en a pas l'air, d'après ce que vous dites dans votre
mémoire. Troisièmement, vous ajoutez, et cela m'apparaît
être le comble, vous portez le jugement que la plupart des entreprises
disent que le problème numéro un, c'est la paperasse, la perte de
temps et ainsi de suite. Vous dites: Pour 75 % des entreprises, cela va
constituer un geste qui va être un accroissement des obligations qu'on va
exiger d'elles. J'aimerais que vous essayiez de me préciser ces choses.
À moins que je ne sache pas lire, il me semble qu'il y a des
contradictions qui sont fortes et qui sont complètement
atténuées dans votre premier commentaire favorable à
l'éventuel projet de loi du ministre.
M. Létouneau: M. le Président, d'abord, si on fait
des citations de notre mémoire, je pense qu'il faut lire les phrases au
complet. Dans la conclusion, ce que nous disons, c'est: "La chambre
considère le projet de loi 54 comme un atout pour l'entreprise dans la
mesure où celle-ci aura réellement accès à une
information juste et ponctuelle. " Alors, comme je l'ai expliqué
précédemment, nous faisons... Après avoir rencontré
les personnes responsables de la mise en oeuvre de ce projet de loi, nous avons
acquis une certitude, nous avons fait la présomption que cela sera fait
dans les formes que nous espérons. C'est sur la foi de cette
opération et de l'expérience des gens qui vont la mener que nous
disons: Nous sommes favorables, parce que nous voyons toutes sortes de
possibilités et qu'on nous a ouvert la porte à la consultation
pour aider à ce que l'information prenne la forme que nous croyons utile
pour l'entreprise. C'est à partir de là que nous arrivons
à cette conclusion que nous sommes favorables. Cela ne veut pas dire
qu'on n'y voit pas des difficultés considérables à
surmonter. Mais, étant donné la flexibilité qu'on trouve
dans le projet de loi qui tient compte de l'importance du défi à
surmonter, on est prêt à faire le saut et dire: On est d'accord.
C'est un instrument de base qui existe ailleurs et, si on le fait bien et qu'on
a de bonnes raisons qu'on va bien le faire... Plutôt que de dire tout
simplement qu'on a de bonnes raisons qu'on va bien le faire, on mentionne tout
de suite ici les endroits où on pense qu'il peut y avoir des
difficultés qui pourront être surmontées et on s'offre
à collaborer.
M. Gendron: Si vous permettez, M. Létourneau. J'avais lu
cela. Je reconnais que je ne l'ai pas cité au complet, mais je l'avais
lu. Toutefois, vous admettrez avec moi que vous portez un jugement sur
l'accessibilité quand vous dites: Le projet de loi 54, on le
considère comme un atout pour l'entreprise dans la mesure où il
sera accessible et qu'on aura accès à l'information. C'est une
dimension. Ce n'est pas le fond, ni la pertinence.
À la première page - j'en ai déjà vu des
mémoires, ce n'est pas la première fois, et je l'ai lu - il n'y a
plus cette réserve, vous dites carrément: La pertinence du
registre n'a pas été démontrée. Là, il n'y a
pas de petite brimbale ou un fion qu'on ajoute: Oui, mais cela dépend de
l'accès. Ma question portait sur le fond. C'est vous qui portez le
jugement: Vous n'êtes pas convaincus que le registre soit pertinent pour
les entreprises. Ce n'est pas moi qui ai écrit cela. On doit discuter de
votre mémoire. Alors, je vous demande comment il se fait que... Dans
votre premier point, vous posiez, à ma connaissance, la vraie question:
Est-ce que l'entreprise pense que le registre correspond à un besoin
pour elle? Si les entreprises disent qu'elles ne sont pas d'accord avec cela,
même si la chambre de commerce se disait d'accord, j'ai pensé que
les intéressés là-dedans, ce n'est pas la chambre de
commerce, mais l'entreprise, qui devra collaborer pour inscrire les
données pour rendre le registre significatif et utile à
d'autres.
Bien amicalement, je pense que votre première constatation est
fondamentale. C'est à ce sujet que je voudrais vous entendre, M.
Létourneau. Vous dites: On n'a pas vu, dans ce projet de loi... Dans
l'information que vous avez de vos commettants - la plupart des entreprises
sont membres de la chambre de commerce -quelqu'un a dû vous le dire. Si
les entreprises ne perçoivent pas un réel besoin du registre sur
le fond... Je ne veux pas que vous me parliez de l'accessibilité qui est
un aspect important, mais secondaire, qui n'a rien à voir avec le fond.
Devra-t-il, oui ou non, y avoir un registre des entreprises du
Québecs compliqué ou non? Pour les entreprises, est-ce
un besoin? C'est là-dessus que je veux vous entendre.
M. Létourneau: M. le Président,
premièrement, pour nous l'accessibilité n'est pas un accessoire;
elle est fondamentale. En bout de piste, c'est la qualité, la forme de
l'information et son accessibilité qui vont !a rendre utile ou non
utile. C'est ce qui va faire cela. Ce n'est pas la première fois, cela
remonte à plusieurs années, que nous sommes devant un projet
gouvernemental où il n'y a pas d'analyse
coûts-bénéfices et où il n'est pas
déposé, avec le projet de loi, un
projet de réglementation qu'on aimerait voir et qu'on sollicite
depuis longtemps. Même si cette information n'existe pas, il faut
toujours, à un moment donné, porter un jugement. Nous en sommes
arrivés, en équilibrant le pour et le contre, en voyant le
potentiel qui existe dans l'information qui doit être colligée et
en voyant que les autres sociétés industrialisées se
dotent d'instruments semblables, à nous dire: Allons-y, on est d'accord
sur le fond de la question. Il y aura des difficultés; cela va
coûter de l'argent, on ne sait malheureusement pas combien, mais,
même si on se battait, il faut qu'on le répète parce que
c'est notre demande continuelle auprès des autorités
gouvernementales: S'il vous plaît, quand vous présentez un projet
de loi, donnez-nous donc une analyse coûts-bénéfices.
L'ancien premier ministre, M. Lévesque, nous l'avait promis; il
était venu nous déclarer formellement, au cours d'une visite
à la chambre de commerce, que ces documents accompagneraient les projets
de loi à l'avenir. Malheureusement, ce n'est pas ce qu'on a pu observer.
Je ne sais pas si cela a été fait, mais ce n'est pas ce qu'on a
pu observer. Si cela a été fait, cela n'a pas été
rendu public; en tout cas, on ne l'a pas vu.
Donc, nous revenons ici avec une bien vieille requête de plusieurs
années: S'il vous plaît, quand vous nous présentez un
projet de loi de cette nature, est-ce qu'on pourrait avoir une analyse
coûts-avantages nous montrant un peu comment cela peut se solder pour les
contribuables, les Intéressés et les assujettis? On le regrette,
on le dit dans notre mémoire; cependant, à un moment
donné, il faut tracer la ligne et se demander si la proposition, dans le
fond, est utile et valable ou si on va la saboter parce qu'on n'a pas
l'information à ce moment-ci ou si on va être contre. Finalement,
on a décidé d'être pour. Je pense qu'il y a là, M.
le Président, une certaine cohérence. À part cela, qu'il y
ait une, deux, trois, quatre ou cinq chambres de commerce qui demandent un
accès différent à la liste, que nous, au niveau de la
fédération, puissions le demander, c'est fort possible, nous
acceptons chez nous aussi la dissidence.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M.
Létourneau. Pour rejoindre la préoccupation du
député d'Abitibi-Ouest - et vous me corrigerez si je fais erreur
- ce que vous craignez dans un premier temps, c'est qu'il y ait de nouvelles
pratiques pour les entreprises et ce que vous ne voulez surtout pas c'est qu'on
accroisse la charge des entreprises. Je remarque, dans la déclaration
que vous avez faite, vous avez parlé de la qualité, de la
fiabilité de l'information comme étant votre
préoccupation. Lorsque le député d'Abitibi-Ouest a fait
état de 75 % des entreprises, ce que la chambre de commerce dit, c'est
ceci. Elle tient "à faire remarquer que le projet de loi
entraînerait de nouvelles pratiques pour 75 % des entreprises. En effet,
les entreprises à propriétaire unique représentent les
trois quarts des entreprises au Québec. Celles-ci n'avaient pas à
émettre de déclaration annuelle. " Ce que je voudrais faire
remarquer au député d'Abitibi-Ouest - comme il l'a si bien dit
tout à l'heure, des mémoires il en a lu, il a été
aussi ministre de l'ancien gouvernement, il connaît bien cela et il est
assez rapide pour en analyser les effets et les conséquences, je le sais
très bien, pour avoir travaillé assez souvent avec lui - c'est
qu'actuellement le registre des protonotaires, sans déclaration
annuelle, n'est fiable qu'à environ 20 %; celui des compagnies, avec
rapport annuel, est fiable à plus de 95 %. Qu'est-ce que cela veut dire?
Vous n'êtes pas sans savoir - et M. le député de
Lévis qui est avocat le sait fort bien - qu'en vertu de la Loi sur les
déclarations des compagnies et sociétés on a à
faire des mises à jour multiples. Ce que ce projet de loi signifie, pour
quelqu'un qui est dans la pratique, c'est la fin des mises à jour
multiples par une mise à jour sous forme d'une déclaration
annuelle qui pourrait être réimprimée. C'est très
facile d'accès. Il ne faut pas oublier qu'actuellement il y a six lois
et treize règlements; c'est donc dire qu'on remplace ces six lois et ces
treize règlements par une loi, quatre règlements, dont deux sont
d'utilité courante.
J'aimerais vous faire remarquer, M. le député de
Lévis, lorsque vous parlez de 600 et quelques articles, que les
règles relatives à la constitution et au fonctionnement du
registre sont toutes regroupées dans une centaine d'articles environ.
Quant aux 500 autres articles, une vingtaine de ces articles sont de nature
transitoire, alors que le reste a pour effet de réduire le volume de la
législation actuelle, notamment en adaptant les dispositions de plus
d'une cinquantaine de lois actuelles, pour les rendre conformes au concept
élaboré par le projet de loi. C'est donc dire que vous n'avez
strictement qu'une centaine d'articles. Je suis bien conscient qu'on n'a pas vu
le projet de règlement. Mais vous êtes un praticien, vous aussi,
M. le député de Lévis, et un enseignant à la
Faculté de droit de l'Université Laval...
M. Garon: Cela fait longtemps...
Le Président (M. Lemieux): Un "ex", M. le
député de Lévis. Je peux vous dire que nous
considérons que c'est un outil de développement à l'usage
des entreprises. Ma préoccupation est la suivante. Il semblerait que,
à la Chambre de commerce du Québec, vous n'auriez pas objection
à devenir un point d'accès privé pour vos membres. Vous
avez dit tout à l'heure que vous touchiez
environ 60 000 membres; est-ce que ce n'est qu'une question de
coût pour vous?
M. Létourneau: Évidemment, c'est une question de
coût. Cette information va être tarifée, à moins
qu'on y ait un accès direct au même titre que les bureaux de
protonotaire, comme des diffuseurs et non pas des utilisateurs de
première main. Nous sommes en position d'être des diffuseurs,
comme les bureaux de protonotaire le sont. Plus il y a de points de chute de
l'information, plus l'accessibilité est grande, moins les coûts
sont élevés. Alors, cela fait partie de nos
préoccupations.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M.
Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, M. Bouchard a
parlé tantôt des principes juridiques...
Le Président (M. Lemieux): II vous reste 40 secondes
seulement.
M. Arsenault: Quarante secondes pour conclure, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a consentement
pour quelques minutes de plus? M. le député de Lévis, il
reste 40 secondes, est-ce que vous consentez à donner quelques minutes
de plus?
M. Garon: Certainement, je suis toujours disposé à
donner plus de minutes.
Le Président (M. Lemieux): Avec le consentement du
député de Lévis. M. le député de Chauveau,
s'il vous plaît! Vous pouvez conclure en quelques minutes de plus.
M. Chagnon: Je voudrais poser une question.
Le Président (M. Lemieux): Si le député de
Lévis le permet.
M. Garon: Ce n'est plus la même chose.
M. Chagnon: Cela fait trois fois que je demande la parole.
Le Président (M. Lemieux): Je vous ai bien vu, M. le
député de Saint-Louis, mais malheureusement...
M. Garon: C'est parce que le président a pris le temps
à votre place.
Le Président (M. Lemieux): Comme président j'ai
décidé d'utiliser une partie du temps qui vous était
alloué et cela doit compter sur le temps des ministériels. Mais
nous nous reprendrons au mémoire suivant, M. le député de
Saint-Louis.
Vous pouvez conclure, en deux minutes.
M. Arsenault: Merci, M. le Président et membres de la
commission, de nous avoir permis de vous exposer nos préoccupations face
à ce projet de loi. Je remercie mes collègues Jean-Paul
Létourneau et Pierre Talbot qui ont assumé à peu
près seuls le poids de l'argumentation. J'allais vous lire en conclusion
la première phrase du paragraphe qui porte ce titre à la page 4.
Mais, comme cette phrase a déjà été citée
à quelques reprises pendant la rencontre, cela sera inutile.
J'ajouterais simplement que la chambre ne peut qu'être satisfaite du fait
que 6 lois, 13 règlements et 51 formulaires disparaissent. Je pense que
personne ne peut être contre cela. On pense qu'effectivement ce registre
sera un atout. On est prêts à jouer un rôle dans la
diffusion des informations et là-dessus je vous remercie de nous avoir
permis de vous rencontrer sur ce sujet ce matin, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député
de Lévis, vous pouvez remercier.
M. Garon: Oui. Je voudrais vous remercier également. Vous
ne pourrez pas savoir s'il y a simplification tant que vous n'aurez pas vu les
règlements, parce qu'on peut avoir une loi simple, mais on peut avoir
des règlements tellement importants que cela devient plus
considérable. J'ai pratiqué moi-même cette vertu de
déposer les règlements en même temps que la loi à de
nombreuses reprises, notamment dès 1977 à ma première
année comme ministre dans le dossier des petits abattoirs. Il s'agissait
essentiellement d'une loi qui avait peut-être un huitième de pouce
d'épais et les règlements avaient un demi-pouce. Je
considérais que les gens avaient raison de vouloir connaître les
règlements et, dans la mesure du possible, j'ai toujours pratiqué
cela.
De plus, j'aimerais vous dire aussi que le premier ministre du
Québec, M. Lévesque, exigeait qu'avec les mémoires que
l'on présentait il y ait une étude
coûts-bénéfices qui les accompagne. Elle n'était pas
toujours publique, pas toujours connue, mais il demandait toujours qu'il y en
ait, non seulement pour le gouvernement, mais surtout pour la population. Il
demandait qu'il y ait une étude coûts-bénéfices qui
dise ce que représente l'application d'une loi en termes de coûts
additionnels ou de coûts réduits pour la population.
Avant de porter un jugement au Conseil des ministres, cette étude
était connue des autres ministres pour faire leur jugement sur un
projet.
Le Président (M. Lemieux): Je vous
remercie, M. le député de Lévis. Votre conclusion a
été un peu plus longue que celle de M. Fortier.
J'invite maintenant l'Association des manufacturiers canadiens à
bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous allons
ajourner environ deux minutes pour leur permettre de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 22)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
pour entendre l'Association des manufacturiers canadiens.
Dans un premier temps, je tiens à vous préciser que la
procédure est la suivante: vous aurez 20 minutes pour l'exposé de
votre mémoire et 40 minutes seront réparties équitablement
entre les deux formations politiques. Je vous inviterais maintenant à
nous présenter les gens qui vous accompagnent et à vous
identifier aux fins de l'enregistrement du Journal des
débats.
Association des manufacturiers canadiens
Mme Fecteau (Louise): Bien sûr. Mon nom est Louise Fecteau.
Je suis responsable de la division du Québec de l'Association des
manufacturiers canadiens. M'accompagnent, à ma gauche, Me Jacques
Beauchamp, secrétaire corporatif chez CIP inc., et, à ma droite,
Me Pierre Labelle, de l'étude d'avocats de Grandpré et Godin.
Je vais tenter de résumer le mémoire -je dis bien tenter,
parce que ce n'est pas facile de résumer un mémoire qui est
déjà résumé et de résumer un mémoire
très technique - mais enfin, je vais le tenter, après quoi je
céderai, si vous le permettez, M. le Président, la place à
mes collègues qui vont mettre l'accent sur des points bien précis
du mémoire. Voilà!
Alors, l'Association des manufacturiers canadiens, division du
Québec, est heureuse de l'occasion qui lui est fournie d'exprimer son
opinion devant cette commission parlementaire sur le projet de loi 54
intitulé "Loi sur le registre des associations et entreprises". Elle
félicite dès maintenant le ministre responsable du projet de loi,
M. Fortier, d'avoir bien voulu consulter au préalable les entreprises du
secteur privé avant de procéder à la réforme
proposée.
C'est au nom des entreprises manufacturières qu'elle
représente, qui souhaitent d'abord et avant tout pouvoir fonctionner
harmonieusement dans un système de publicité des informations
relatives aux associations et entreprises, que l'association commente le projet
de loi. La seule question qui lui importe est alors de savoir si tes
dispositions contenues dans le projet de loi sont de nature à
améliorer le système actuel et à simplifier la tâche
de ceux qui y sont assujettis.
Sans vouloir se livrer à une étude exhaustive du texte,
l'association fera tout de même porter l'essentiel de ses interventions
sur les grandes questions que le projet de loi soulève auprès de
ses membres eu égard au caractère de l'association. En tant
qu'organisation pancanadienne, l'association se préoccupe
également de représenter les intérêts de tous ses
membres afin que l'épanouissement des spécificités
régionales légitimes, une des caractéristiques
essentielles du Canada, ne vienne entraver la liberté
d'établissement des citoyens ou imposer des barrières à la
libre circulation des biens et services.
Ceci dit, l'Association des manufacturiers canadiens est consciente de
la situation actuelle qui se caractérise par une multiplicité de
sources d'information concernant les associations et entreprises de droit
privé. L'association réalise également le problème
que pose la complexité du système actuel et, de ce fait, appuie
la démarche de simplification du système en proposant une
rationalisation des informations existantes.
On ne peut toutefois, avant de s'attaquer au vif du sujet, passer sous
silence le fait que les motifs qui ont présidé à
l'élaboration du projet de loi ont conduit à la
nécessité de refaire complètement le système.
L'Association des manufacturiers canadiens s'interroge quant à savoir
s'il n'eut pas été possible de conserver les composantes du
système en vigueur tout en permettant que des interfaces
appropriées soient implantées pour créer ce guichet unique
que propose le projet de loi.
La documentation et les informations fournies dans les documents
d'accompagnement du projet de loi ne font également aucune mention des
coûts qui résulteraient de la création de l'infrastructure
proposée qui entraînera certes des déplacements de
personnel au sein de la fonction publique.
Il n'est pas assuré non plus que le projet de loi, bien que
présenté sous l'égide d'un effort de
déréglementation, ait réellement cet impact. Le document
explicatif d'accompagnement du projet de loi comptabilise en effet
minutieusement les effets quantitatifs de la mise en vigueur de la loi sur les
lois du Québec en indiquant le nombre de lois, de règlements et
de formules supprimé par la mise en vigueur de la loi proposée.
Peut-on interpréter ce geste comme un de mouvement vers une
déréglementation ou si ce n'est qu'un simple exercice de
révision des lois et règlements qui deviendraient, par l'adoption
du projet de loi, désuets, inapplicables ou inappliqués?
Commentaires spécifiques. Avec jus-
tesse, le document explicatif du projet de loi à l'étude,
publié par l'Inspecteur général des institutions
financières, faisait ressortir les lacunes et le manque de
cohérence du système que le projet de loi entend réformer
et unifier. La lecture du chapitre I du projet, clé du système
dont on propose la mise en place, annonce l'ampleur de la réforme et
l'effort d'unification et de globalisation recherché par le
législateur.
Deux remarques nous semblent importantes à préciser. La
première résulte du libellé de l'article 1. 9 du projet de
loi qui manque la cible à l'égard d'une des catégories
d'assujettis, soit les associations dépourvues de personnalité
morale. Ce qu'on veut dire, c'est que les associations dépourvues de
personnalité morale, celles qui perçoivent des cotisations de
leurs membres, ne sont pas assujetties au projet de loi. On se demande pourquoi
elles n'y seraient pas assujetties, alors qu'à d'autres endroits, par
exemple, aux articles 5, 6 et 7, on place des présomptions
"réfragables" certainement à l'égard d'autres
catégories d'assujettis, on exclut celle que je viens de citer,
c'est-à-dire les associations qui perçoivent des cotisations de
leurs membres, du projet de loi. Alors, on s'interroge sur cet état de
fait.
La seconde remarque résulte du régime des
présomptions créé par les articles 5 et 6 du projet de
loi. Ces présomptions sont susceptibles d'affecter des personnes morales
ou des groupements dépourvus de la personnalité morale qui
peuvent ne faire affaires au Québec que sporadiquement et de
façon très limitée. Cependant, les articles
susmentionnés du chapitre I risquent de nuire, selon nous, à
l'objectif gouvernemental qui vise à encourager et à intensifier
des échanges commerciaux avec les autres provinces et avec
l'étranger.
Ce qu'on dit, finalement, c'est que, par le biais de ces articles, on
veut inclure tous les actes exercés par des compagnies qui sont
incorporées à l'extérieur du Québec et tous les
gestes qu'elles posent au Québec. De ce fait, on suggère
plutôt d'ajouter à l'article 1, aux paragraphes 5, 6 et 8, le mot
"fréquemment". Donc, toute société étrangère
qui exercerait fréquemment une activité commerciale au
Québec, par exemple, serait assujettie au projet de loi ou à la
loi éventuelle. Mes confrères reviendront sur ces
éléments plus tard.
Les renseignements divulgués au registre. Les chapitres II et III
du projet de loi instituent le registre et créent l'obligation pour
l'assujetti d'y être immatriculé. Les articles 14, 15 et 16
établissent les paramètres généraux des
renseignements qui devront être fournis par les assujettis.
Pour l'essentiel, ces renseignements, et particulièrement ceux
énoncés aux articles 14 et 15, s'apparentent à ceux que
les corporations ou les personnes physiques ou sociétés
fournissent déjà aux termes des lois existantes.
Cependant, l'association se perd sur le sens qu'il faut donner à
l'article 17 du projet de loi qui donne à entendre que la
déclaration d'immatriculation contiendra également, en sus des
informations dont la nature est énumérée aux articles 14,
15 et 16, "les informations prescrites par règlement". L'association
s'inquiète tout simplement de cette latitude que confère au
gouvernement l'article 17, qui traite d'un élément crucial pour
les assujettis, soit l'information qui devra être divulguée.
Ce qui m'amène à parler d'une réglementation qui
demeure inconnue. Je cite l'article 17 et l'article 88. 2 qui parlent d'un
pouvoir réglementaire qui n'est pas encore défini. Je n'ajouterai
rien à cela puisque mon confrère y reviendra. (11 h 30)
Publicité et administration du registre. Hormis les
réserves qui précèdent, l'instauration du registre
constitue sans conteste une amélioration par rapport à la
situation actuelle. Le chapitre VI consacre en effet le caractère public
du registre et le droit de le consulter pour le public. Il fixe
également les limites de la connaissance présumée des
informations contenues au registre pour les tiers et les assujettis.
Par ailleurs, les articles 59 et 60 du projet de loi annoncent la mise
en place de transferts d'informations d'un secteur de l'administration publique
à un autre ou d'une administration publique à une autre, ce qui
est de nature à réduire, à moyen ou à long terme,
espérons-le, le nombre de formulaires que doivent compléter et
acheminer annuellement les associations, entreprises ou groupements aux termes
des lois et règlements. L'AMC estime à propos que le
législateur insère dans les textes législatifs qui s'y
prêtent les dispositions appropriées qui habiliteront
l'administration à pouvoir recourir aux développements
technologiques qui réduisent la paperasserie bureaucratique, pourvu que
le droit au respect de la vie privée et à la
confidentialité soit sauvegardé.
Les droits acquis et recours. L'association a déjà
souligné les avantages que la loi future conférera en
créant un guichet unique d'acheminement, de traitement, d'archivage et
de consultation des données relatives aux associations et entreprises.
Malgré l'intérêt de l'innovation, l'association n'est
cependant pas sans appréhender l'impact que la centralisation de ces
données aura nécessairement sur les noms commerciaux
utilisés comme raisons sociales qui, pour l'instant, coexistent dans
l'ensemble des circuits fermés que constitue chaque district
judiciaire.
Avec la centralisation des informations
portant sur les noms en usage, l'obligation est faite à
l'assujetti de déclarer non seulement son nom, mais aussi tout autre nom
qu'il utilise au Québec. C'est ainsi que, pour la première fois,
toutes les raisons sociales utilisées par des corporations ou des
compagnies, toutes les marques de commerce pouvant également être
utilisées comme "autres noms" d'un assujetti se retrouveront non pas
dans les compartiments que constituaient les différents districts
judiciaires du Québec, mais dans un seul et même fichier. C'est
à partir de cette hypothèse et de l'examen comparatif des
dispositions législatives adoptées soit par le Parlement
fédéral, soit par l'Ontario que l'association tire la conclusion
suivante: le choix du législateur québécois de
conférer juridiction à la Cour provinciale pour entendre tous les
recours pouvant découler de l'application de la loi paraît
inapproprié. On cite un exemple; un détenteur d'une marque
déposée et utilisée au Canada, ailleurs qu'au
Québec, devient assujetti au sens du projet de loi. Ce nouvel assujetti
se proposera d'utiliser ou utilisera déjà au Québec,
depuis peu, sa marque de commerce. Il sera donc tenu de la divulguer.
Cependant, cette marque de commerce utilisée comme nom par ce nouvel
assujetti vient en conflit, parce que prêtant à confusion, avec le
nom au sens de l'article 14 du projet de loi ou un autre nom utilisé par
un assujetti déjà immatriculé au registre parce
qu'incorporé au Québec.
Que peut-il se passer? Là, je fais état d'une situation.
Je pense que je vais m'exempter de la lire. En fait, ce qu'on pense, c'est
qu'il pourrait y avoir conflit entre les juridictions parce que, dans le cas
dont je viens de vous parler, un individu pourrait très bien recourir au
tribunal de la Cour supérieure ou au tribunal de la Cour
fédérale et, en même temps, au tribunal de la Cour
provinciale. Donc, on pense qu'il y a peut-être lieu de regarder ou
d'examiner d'une façon plus approfondie l'état de la situation
afin d'éviter, à l'avenir, de faire face à des conflits
semblables.
Conclusion. Premièrement, l'association se réjouit du fait
que le gouvernement du Québec ait pour objectif de rationaliser et de
simplifier le système de publicité des informations relatives aux
associations et entreprises.
Deuxièmement, l'association considère que l'instauration
du registre des associations et entreprises constitue une amélioration
par rapport à la situation actuelle.
Troisièmement, dans une perspective destinée à
encourager et à intensifier les échanges commerciaux avec les
autres provinces et à l'étranger, l'association ne croit pas
utile d'assujettir, par ce projet de loi, les sociétés ou
entreprises étrangères qui peuvent n'avoir au Québec que
des activités sporadiques et très limitées.
Quatrièmement, du même souffle, l'association croit que le
pouvoir de réglementation contenu dans le projet de ioi n'est pas
suffisamment circonscrit, surtout lorsque l'on constate que le projet de loi,
tel que présenté, pourrait permettre au gouvernement de
promulguer la réglementation sans qu'il soit obligé de la
publier. Je fais référence à l'article 625.
Cinquièmement, et dans une perspective plus large du
caractère public du registre et de ses informations, l'Association des
manufacturiers canadiens est persuadée que l'approche proposée
par ce projet de loi favorisera l'actualisation des données contenues au
registre. La seule préoccupation de l'association consiste en ce que ces
nouvelles approches respectent la vie privée et sauvegardent la
confidentialité de certaines données.
Enfin, l'association persiste à croire que l'attribution de la
juridiction qu'entend conférer à la Cour provinciale le projet de
loi est de nature à poser problème et contient tous les
éléments requis pour qu'une partie puisse mettre en doute la
compétence du Québec de légiférer dans ce domaine
précis.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Fecteau.
Mme Fecteau: Puis-je passer, si vous le permettez, la parole
à mes deux collègues? D'abord, mon collègue de droite, Me
Pierre Labelle.
Le Président (M. Lemieux): Oui, cela va.
M. Labelle (Pierre): MM. les membres de la commission, je
m'attarderai à deux aspects, à savoir le champ d'application et
la réglementation.
Pour commencer, le champ d'application. L'objectif fondamental de la loi
est de rationaliser le système de publicité des informations
d'identification relatives aux associations et aux entreprises exerçant
quelque activité économique au Québec. Bref,
l'instauration d'un registre est de rendre publics les principaux
renseignements qu'a intérêt - je souligne le mot
"intérêt" - à connaître toute personne qui
établit une relation économique avec une association ou une
entreprise. Or, cet intérêt est évident pour le public en
général dans le cas d'une association dépourvue de la
personnalité morale et, encore plus, si elle sollicite des dons. Je me
réfère à l'article 1. 9 qui parle des associations
dépourvues de personnalité morale. Nous estimons que cet
intérêt public ne naît pas de la fréquence ou de la
régularité des activités de ladite association
dépourvue de personnalité morale. Cette
indulgence du législateur est difficilement compréhensible
lorsque c'est un public, entre guillemets, consommateur qui est
concerné.
De l'autre côté, aux articles 1. 5°, 1. 6° et 1.
8°, une société étrangère pourvue, cette
fois-ci, d'une personnalité morale, qui désire soit envisager
l'ouverture d'un nouveau marché, soit faire distribuer son produit au
Québec, soit faire fabriquer au Québec une composante d'un
produit et, en règle générale, transiger avec un public,
entre guillemets, commerçant et peut-être plus averti, doit
obligatoirement être immatriculée. N'y a-t-il pas deux poids, deux
mesures? Dans le premier cas, l'intérêt de la population ne
commande-t-il pas qu'elle soit informée pleinement quant à
l'identité de cette association dépourvue de personnalité
morale et dont la fréquence et la régularité des
activités n'a rien à voir? Dans le second cas, dans un monde
économique fondé avant tout sur la confiance et la libre
circulation des capitaux - et on l'a bien vu cette semaine - et où tous
les gouvernements polissent continuellement leur image afin que leur territoire
devienne une terre d'accueil pour l'investisseur, comment concilier cela avec
cette obligation de s'immatriculer à un registre dès qu'on foule
le territoire québécois et dont l'inexécution
entraînera des pénalités, d'autant plus que cette exigence
d'immatriculation sera, à toutes fins utiles, inconnue à
l'extérieur du Québec? Le législateur ne désire
sûrement pas projeter l'image d'un État bureaucratique à
l'extérieur de ses frontières. Est-ce que les
délégations générales du Québec se
chargeront de publiciser ces exigences?
Nous estimons que la balance des inconvénients favorise nettement
une modification au projet de loi. Donc, nous proposons d'enlever les mots
"fréquemment" et "régulièrement" à l'article 1.
9° et d'ajouter les mots "ou perçoit des cotisations de ses
membres". On parle bien d'une association qui "sollicite
régulièrement des dons du public", mais il faut également
voir qu'il peut s'agir d'une association qui perçoit des cotisations de
ses membres. Ces mots "fréquemment" et "régulièrement"
feront l'objet d'une jurisprudence à venir dont tous les contribuables
feront les frais. Naturellement, tel que mentionné dans le
mémoire, il serait peut-être opportun d'ajouter les mots
"fréquemment" et "régulièrement" aux articles 1. 5°,
1. 6° et 1. 8°, concernant les sociétés
étrangères.
Dans un deuxième point, concernant les renseignements au
registre, le pouvoir de réglementation accordé à
l'administration est en cause. Les articles 14 et 15 énumèrent
les renseignements à fournir dans la déclaration
d'immatriculation. Ces renseignements ne sont pas limitatifs puisqu'à
l'article 17 on prévoit que d'autres renseignements seront exigés
par voie de réglementation. Il y a le caractère confidentiel,
également, une réglementation pourrait exiger de
l'immatriculé, par exemple, un chiffre d'affaires ou le territoire
d'opérations. Alors, je passe immédiatement la parole à
monsieur...
Le Président (M. Lemieux): Oui. Malheureusement, il ne
vous reste que deux minutes pour compléter vos vingts minutes.
M. Garon: Sur notre temps.
Le Président (M. Lemieux): On pourra le déduire de
votre temps. Bon. M. le ministre, êtes-vous d'accord avec la solution du
député de Lévis?
M. Beauchamp (Jacques): M. le Président, MM. les membres
de la commission.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez la parole.
M. Beauchamp:... je voudrais faire porter mon intervention sur
les conséquences pratiques d'une telle législation pour une
grande entreprise comme CIP. Le premier point qui me vient à l'esprit,
c'est l'assujettissement de sociétés étrangères qui
feraient affaire au Québec. À défaut d'une
définition des mots "activités commerciales", je me demande
jusqu'à quel point cela peut causer des problèmes pour une
entreprise comme CIP. Par exemple, on peut faire affaire, dans une semaine,
avec des compagnies italiennes, allemandes ou Scandinaves et pour des choses
qui vont durer un très court laps de temps, pour signer des contrats ou
des ententes particulières. Cela poserait vraiment un problème
pratique, pour une entreprise, d'exiger de ces compagnies-là de
s'immatriculer et d'obtenir tous les renseignements nécessaires pour
avoir l'immatriculation.
L'autre point que je voudrais soulever: c'est évident que, pour
une entreprise comme CIP, une entreprise manufacturière d'envergure qui
possède le personnel nécessaire, remplir des déclarations
chaque année ne pose pas un gros problème. Et, je me demande
jusqu'à quel point, compte tenu du nombre de personnes qu'on veut
assujettir à la loi, le système, à la fin, sera efficace.
Est-ce que l'on va pouvoir consulter ces informations-là et être
certain que les informations que le système contiendra seront exactes?
Surtout que je constate que les pénalités ne peuvent être
exercées que, disons, après deux ans, si une personne ne fait pas
sa déclaration annuelle. Au bout de deux ans, on peut demander d'enlever
l'immatriculation.
Il est certain que, dans une grande
entreprise, si on a besoin d'avoir une information exacte, on va
être obligés, en même temps, de consulter d'autres sources
d'information pour voir si ce que contient le fichier ou le registre est exact.
Alors, cela peut poser des problèmes.
Aussi, je m'interroge un peu sur le fait qu'il y a plusieurs mots dont
an ne trouve pas la définition au début du projet de loi. Par
exemple, "une activité commerciale", qu'est-ce que cela veut dire
exactement? Il y aussi la définition de "principal établissement"
pour une compagnie; quelle adresse on va donner? Enfin, je pense que le dernier
point sur lequel je voudrais revenir, c'est la question de ia quantité
de personnes à qui on demande d'être assujetties à la loi.
Il m'apparaît que presque tous les Québécois, à un
moment ou à l'autre, font des activités commerciales de quelque
nature que ce soit. Est-ce que, chaque fois, ces personnes devront
s'immatriculer? Avec la quantité d'informations que cela va
représenter, est-ce qu'on aura les mécanismes pour s'assurer que
ce sera à jour et fiable? J'ai personnellement des doutes que cela
pourrait l'être.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
ministre, vous avez la parole.
M. Fortier: Alors, j'aimerais remercier l'Association des
manufacturiers canadiens. On était habitués à des
présentations étoffées. Encore une fois, on voit que vous
avez fait vos devoirs. Je remercie, Mme Fecteau, directrice
générale, M. Beaucharnp, M. Labelle.
Je dois vous avouer que les questions que vous vous posez, nous nous les
sommes posées également et on va essayer, aujourd'hui, dans une
certaine mesure, d'y répondre. Je dois vous dire qu'un des aspects qui
m'ont préoccupé, dès le départ, c'était le
danger d'une réglementation qui serait plus lourde que celle qui existe.
C'est pour cela que, bien honnêtement, je pense qu'on peut vous dire que
nous nous sommes posé les mêmes questions. Je crois que la
réponse à laquelle nous sommes arrivés, c'est non. S'il y
avait une ambiguïté, je serais le premier à vouloir la lever
en faisant des modifications au projet de loi. D'ailleurs, c'est la raison pour
laquelle nous sommes ici, en commission parlementaire. (11 h 45)
Je peux vous faire immédiatement une proposition. À
l'article 17, bien sûr, on dit: "La déclaration contient en plus
les informations prescrites par règlement. " Je suis prêt à
proposer que ce qui est prévu dans un projet de règlement, que M.
Bouchard a préparé, qui n'a pas encore été
approuvé par moi-même, soit inclus dans le projet de loi. De fait,
cela se résume à sept points. La seule difficulté, c'est
que, s'il fallait ajouter un huitième point éventuellement, on
serait obligé d'amender la loi.
Je vais vous donner les sept points. Le député de
Lévis s'inquiétait. Je peux vous dire que le règlement de
cinq, six pages est très très simple. C'est la plus simple
expression. Le projet de règlement propose d'ajouter à la liste
d'informations les informations suivantes: 1° l'adresse de chacun des
établissements de l'assujetti au Québec; 2° la nature de ses
trois principales activités; 3° le nombre de salariés dont le
lieu de travail est au Québec et ailleurs au Canada; 4° la fonction
occupée dans l'entreprise par chaque administrateur; 5° une mention
indiquant si son activité est saisonnière; 6° dans le cas des
sociétés en commandite, les nom et adresse des trois principaux
commanditaires; 7° dans tes cas des sociétés par action, les
nom et adresse des trois principaux actionnaires.
Franchement, c'est ce qu'on peut appeler la plus simple expression. Je
comprends votre inquiétude en disant: Peut-être qu'un
gouvernement, au lieu d'avoir sept informations additionnelles, il voudrait en
avoir 75, pour nous, c'est sept. Je suis prêt à le mettre dans le
projet de loi si cela peut rassurer les gens, d'autant plus que Mme Fecteau
faisait allusion à l'article...
Mme Fecteau: L'article 625.
M. Fortier: 625. Mais il faut bien comprendre que de 1 à
100 à peu près, ce sont des articles qui constituent le registre
et que les autres articles, ce sont des articles de concordance où on
enlève, à d'autres lois qui existaient dans le passé, une
réglementation. C'est parce que ces réglementations-là,
qui existaient avant, n'existeront plus; donc, on change leur
réglementation par une nouvelle réglementation. La
réglementation qui sera pertinente à ce projet de loi-là
suivra toutes les modalités normales; donc, il n'y aura pas de
réglementation faite en catimini. Parce que je vois que c'était
un point très important pour vous.
Donc, notre objectif est sûrement de faire en sorte que la
réglementation soit minimale. Je pense que notre gouvernement a assez
insisté à ce sujet, on a même critiqué l'ancien
gouvernement parce qu'il réglementait trop. Alors, celui qui vous parle
et qui est ministre délégué à la Privatisation,
certainement dans l'intérêt de l'industrie
québécoise, doit faire en sorte que le gouvernement n'en impose
pas davantage. C'était une de mes inquiétudes
également.
Maintenant, là-dessus vous dites et avec raison: Bien, ce n'est
pas seulement une question de quantité. Vous avez donné des
chiffres sur le nombre de lois. On réduit le nombre de lois de six
à une, on réduit le nombre de règlements de treize
à quatre. Alors, vous avez raison, le nombre, c'est une chose. On peut
vous donner également le nombre d'articles et de règlements;
alors, il en tombe, quand même, beaucoup. Mais je pense que ce qui est le
plus important, c'est la définition de la réglementation. Est-ce
que l'État s'ingère dans l'activité économique et
de quelle façon le fait-il?
J'aimerais bien préciser ici qu'on abolit, quand même, des
réglementations existantes qui sont importantes. Premièrement, on
abolit la nécessité pour les compagnies étrangères
d'obtenir un permis avant de faire affaire au Québec. Dans le moment,
elles sont obligées d'obtenir un permis. Cela, on l'a aboli.
Deuxièmement, on abolit la nécessité pour certaines
corporations, surtout étrangères, d'obtenir un permis de
mainmorte avant d'acquérir des immeubles. Vous allez me dire que ce
n'est pas tout le monde, mais il y avait la loi de mainmorte et on abolit cette
loi-là tout simplement.
On élimine l'obligation de déposer une déclaration
dans chacun des districts judiciaires dans lesquels une entreprise avait une
activité. Ce n'est pas seulement pour les compagnies
étrangères, c'est pour tout le monde. Tout le monde devait
déposer, dans chaque district judiciaire, une déclaration
lorsqu'il y faisait affaire. Maintenant, c'est centralisé. Combien
a-t-on de districts judiciaires au Québec, M. Bouchard?
M. Bouchard: 34
M. Fortier: 34. Le même nombre que les palais de justice.
J'espère que vous serez d'accord avec moi que là, il y a un
effort de simplification pour plusieurs entreprises du Québec.
Quatrièmement, on fait disparaître le contrôle de la
confusion des noms des compagnies québécoises. Nous croyons que
le contrôle a priori n'est pas nécessaire. J'ai noté vos
commentaires sur le contrôle a posteriori. Jfai cru comprendre
que vos commentaires voulaient dire que le recours en justice était
peut-être trop lourd. Je crois que c'était le sens de votre
commentaire, Mme Fecteau.
Mme Fecteau: Non. Si, par exemple, il s'agit, d'une
société qui fait affaire à l'extérieur du
Québec actuellement, d'une marque de commerce utilisée à
l'extérieur du Québec, et qui se verrait assujettie à ta
loi éventuelle, on a dit que, pour les marques de commerce, les recours
prévus sont la Cour supérieure et la Cour fédérale.
Donc, quelle cour pourrait-on saisir? La Cour provinciale eu égard au
projet de loi? La Cour supérieure eu égard aux marques de
commerce? C'est tout simplement une observation que l'on fait en vue
d'éviter ce genre de situation. Peut-être a-t-on vu trop loin,
mais c'est seulement qu'on se pose la question. Je crois qu'une commission
parlementaire est faîte, justement, pour donner de l'information et c'est
de cette façon qu'on le fait; on pose seulement la question: Est-ce
qu'il n'y a pas lieu?
M. Labelle: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire
à cela, si la commission le permet? Théoriquement, si une
personne du Québec prétend que son nom corporatif ou commercial
est utilisé par une autre et fait une demande devant la Cour
provinciale, la personne attaquée, qui détiendrait une marque de
commerce, pourrait finalement paralyser la Cour provinciale en instituant des
procédures devant la Cour supérieure. On n'a qu'à lire
l'article 270 du Code de procédure civile qui dit que, lorsque les
mêmes questions sont en litige, la Cour provinciale doit tenir en suspens
ses procédures dans l'attente d'un jugement de la Cour
supérieure. C'est pour cela que je pense qu'il sera "assez facile",
entre guillemets, de paralyser la Cour provinciale.
M. Fortier: Vous tombez dans un débat constitutionnel.
Moi, qui suis simple ingénieur, je vais céder la parole à
M. Bouchard pour qu'il nous donne l'éclairage qu'il faut sur les
décisions de la Cour suprême. On me dit que vous n'avez pas
raison, mais j'aimerais que M. Bouchard nous éclaire
là-dessus.
M. Labelle: Ah bon!
Mme Fecteau: Tant mieux!
Le Président (M. Lemieux): M.
Bouchard.
M. Bouchard: Rapidement, vous êtes au courant de
l'arrêt MacDonald C. Vapor Can. Ltd. de 1977, rendu par la Cour
suprême, qui a mis sérieusement en doute la validité totale
de la Cour fédérale en matière de marques de commerce. Il
s'est prononcé, entre autres, sur l'article 7b. Mais il y a une autre
cause, l'arrêt Motel 6 inc. c. no. 6 Motel inc., où la Cour
fédérale, cette fois-là, a décidé
qu'effectivement la loi fédérale ne s'appliquait pas en
matière de marques de commerce comme telles. Ce qui est de juridiction
fédérale en matière de marques de commerce, c'est
l'enregistrement de la marque de commerce. Mais, en ce qui concerne le recours
judiciaire comme tel, la Cour suprême a très sérieusement
ébranlé la constitutionnalité en matière de
marques
de commerce.
M. Labelle: Oui, mais pourquoi...
M. Bouchard: Le deuxième point concernant en dossier de la
Cour provinciale qui pourrait, bien sûr, être
référé à la Cour supérieure, c'est vrai pour
à peu près n'importe quelle procédure qu'on peut exercer
actuellement, c'est le droit commun. Une personne peut changer de forum et
demander, ratione materiae, de transférer le dossier à la Cour
supérieure. Mais c'est vrai pour n'importe quoi.
M. Labelle: Pourquoi créer une dualité potentielle
à ce moment-là?
M. Bouchard: La réponse, c'est pour faciliter au public le
recours provincial qui est beaucoup plus expéditif. Le délai
d'audition en Cour provinciale est d'environ trois à cinq mois et celui
en Cour supérieure est de combien? Deux ans? Trois ans? Un an et
demi?
M. Labelle: Je suis un avocat qui fait du litige et c'est
plutôt l'inverse actuellement. Avec les nouvelles directives du juge
Gold, on peut maintenant être entendu à l'intérieur d'un
an...
M. Fortier: Bien oui! Le nouveau gouvernement.
M. Labelle: Ce que vous dites était vrai, il y a
peut-être deux ou trois ans, mais, actuellement, c'est carrément
l'inverse.
M. Fortier: Tant mieux! J'ai cru comprendre que le ministre de la
Justice avait incité le juge Gold à améliorer
l'administration de la justice au Québec, tant mieuxl
M. Labelle: Cela y va rondement en Cour supérieure
actuellement.
M. Fortier: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Je ne sais pas si vous évoquiez ce
problème comme tel. D'autres mouvements, bien sûr, ont dit qu'ils
s'inquiétaient du fait que, étant donné qu'on abolissait
le contrôle a priori, on devrait faciliter le contrôle a
posteriori. Nous, an croyait qu'aller en Cour provinciale était
relativement facile. Je ne suis pas contre l'idée de demander
peut-être de donner à l'inspecteur un pouvoir quasi judiciaire
où il entendrait des parties, mais je ne sais pas si cela rencontrerait
l'une de vos préoccupations.
M. Labelle: J'aurais peut-être aimé entendre des
commentaires concernant l'article 1. 9 du projet de loi. Pourquoi avoir
ajouté les mots "fréquemment" et "régulièrement",
alors qu'à la seule consonance de ces mots je vois déjà
des brefs introductifs d'instances et une jurisprudence à venir sur
l'interprétation de ces mots?
M. Fortier: M. Bouchard, s'il vous plaît!
Le Président (M. Lemieux): M.
Bouchard.
M. Bouchard: On n'a pas ajouté le mot "fréquemment"
parce que c'est un pléonasme. "Exercer une activité commerciale"
a le même sens que "carry on business". Dans toutes les lois canadiennes
et américaines, vous ne rencontrez jamais "carry on business
frequently".
Deuxièmement, souvent dans la définition, il faut faire
une distinction entre un acte et une activité. Une activité,
c'est un ensemble d'actes coordonnés, donc qui implique
nécessairement la notion de fréquence. Si on ajoutait la notion
de fréquence à une activité commerciale, cela pourrait
aller jusqu'à dire, à la limite, que les tribunaux qui auraient
interprété une expression qui est claire en elle-même, qui
implique un élément de fréquence et non pas d'acte
isolé, qu'une activité qu'il exercerait par ailleurs
fréquemment, mais aurait le malheur de ne pas avoir... Si on avait le
mot "fréquen!", il faudrait que ces activités cessent pour
pouvoir reprendre afin que nous ayons la certitude qu'elles soient assujetties
à la loi sur le registre. Le mot "fréquence" est
déjà inclus dans la définition. Deuxièmement, dans
toutes les législations au Canada où vous avez des
décisions à peu près identiques, vous avez la même
chose, le même terme qui est "carry on business" et jamais le mot
"fréquent" n'a été utilisé.
En ce qui concerne 1. 9, rapidement, pour les associations. Si on
donnait suite à votre suggestion, cela aurait pour effet
d'étendre encore beaucoup plus l'application de la loi du registre. Vous
allez jusqu'à proposer les associations qui perçoivent des
cotisations des membres. Ce n'est pas ce qui est visé par le registre.
Les clubs de bridge, de raquetteurs ou de pétanque. ce ne sont pas ces
associations qui vont être couvertes par le registre. La
définition qu'on retrouve à 1. 9, c'est une association qui a des
relations contractuelles, donc, relations contractuelles avec le public
fréquemment ou qui reçoit des dons. On a le même
parallèle avec les associations, partis, associations bona fide sans but
lucratif, les mêmes éléments que ce que vous retrouvez dans
une activité commerciale, mais exprimés diffé-
remment.
Mme Fecteau: On ne voulait pas le mentionner, mais qu'est-ce que
vous faites, M. Bouchard, des syndicats, de plusieurs syndicats privés
qui ne sont pas incorporés?
M. Bouchard: Les syndicats professionnels sont assujettis...
M. Fortier: Ils vont être assujettis par la loi
actuelle.
Mme Fecteau: À quel endroit?
M. Labelle: Vous parlez des syndicats professionnels?
Mme Fecteau: Non, des syndicats privés.
M. Labelle: Je fais référence à l'article 60
du Code de procédure civile - et j'ai le texte ici - qui dit qu'un
groupement dépourvu de personnalité morale peut aussi se porter
demandeur s'il dépose au greffe du tribunal, avec l'acte introductif
d'instance, un certificat du commissaire général du travail. De
la façon que c'est rédigé, les syndicats ne seraient pas
assujettis à la loi.
M. Fortier: M. Bouchard peut vous l'expliquer, mais notre
intention, c'était justement que les syndicats soient assujettis. De
fait, il y a eu des rencontres avec certains d'entre eux qui n'ont pas
daigné présenter un mémoire ici parce que cela avait
l'air...
Mme Fecteau: Ce n'est pas des grandes centrales syndicales qu'on
parle, c'est des syndicats, pas privés, mais indépendants. C'est
ceux-là qui, nous le croyons, ne sont pas visés par le projet de
loi. Il y a plusieurs syndicats...
Le Président (M. Lemieux): Vous pariez des syndicats de
boutique, entre autres?
Mme Fecteau: Oui, des syndicats de boutique. Voilà!
M. Fortier: On me dit que, selon 1. 9, notre intention est qu'ils
seraient couverts.
M. Labelle: Oui, mais, si on lit l'article, on dit: "toute
association dépourvue de la personnalité morale dont les
administrateurs contractent fréquemment avec des tiers... " Que je
sache, les membres ne seraient pas des tiers. L'employeur serait un tiers, mais
je ne crois pas qu'un syndicat qui contracte une convention collective une fois
tous Ies deux ans contracte fréquemment avec son employeur. C'est pour
cela que je dis que, quand on parle de tiers, je ne pense pas qu'on ait
visé les membres.
M- Fortier: C'est sûr que, si vous signez une convention
qui est bonne pour trois ans, la fréquence est à tous les trois
ans. Cela dépend, c'est une fréquence régulière,
c'est fréquent. L'autre côté pour lequel des gens ont fait
des représentations hier, c'est qu'on ne voudrait pas que toutes les
associations de bridge... Hier, le Barreau nous parlait même des
camelots. Ce n'est pas notre intention de couvrir tous ceux qui exerceraient,
semble-t-il, selon certaines interprétations, une certaine
activité qui n'est pas visée par la loi sur le registre. Les
juristes nous disent que les syndicats auxquels vous faites allusion seraient
couverts. Est-ce qu'il y a moyen de l'écrire autrement pour que cela
soit plus clair, sans inclure ceux qui réellement ne devraient pas
être là pour d'autres raisons et qui sont des associations qui ont
un intérêt pour leurs propres membres? On parle des clubs de
bridge et des clubs de pétanque. On n'est certainement pas
intéressés à cela. À ce sujet, étant
donné que vous vous préoccupez de la couverture, si je comprends
bien, vous aimeriez que les syndicats soient couverts. Il y a un article qui
nous permet... Quel est le numéro de l'article, M. Bouchard? L'article
50 ou 54? En tout cas, il y a un article qui nous permet par règlement
d'exclure certaines sociétés. Certaines recommandations nous
avaient été faites d'exclure toutes les sociétés
d'État provinciales, fédérales, etc. C'est l'article 89:
"Le gouvernement peut, par règlement, établir des groupes
d'assujettis; il peut également, par règlement, dispenser chacun
de ces groupes, avec ou sans conditions, de tout ou partie des obligations...
(12 heures)
II y avait des recommandations qui nous disaient d'exclure toute
société d'État, municipale, provinciale,
fédérale, tout organisme public comme tel, toute
municiipalité, etc. On se posait ta question et j'aimerais avoir votre
opinion. 5i l'intention est d'assujettir tous ceux qui contractent ou tous ceux
qui font appel au public, tous ceux qui établissent des liens
commerciaux, est-ce qu'on ne devrait pas établir... Prenons le cas
d'Hydro-Québec ou de la Société générale de
financement. Selon vous, est-ce que ce serait une extension trop grande ou si,
du fait que ces sociétés soient reconnues comme des
sociétés d'État, les gens savent où s'adresser pour
avoir l'information?
Le Président (M. Lemieux): Je vous demanderais de donner
une réponse brève parce que je dois céder la parole au
député d'Abitibi-Ouest, qui doit se rendre en Chambre. Comme le
temps de parole du ministre est écoulé, s'il vous
plaît...
M. Labelle: Je dois vous avouer bien candidement que nous n'y
avons pas réfléchi. Cependant, je pense que, si on parle
d'association, l'ajout des mots "et cotisations de ses membres",,. Il me semble
qu'il est clair qu'une association ne contracte pas avec des tiers lorsqu'elle
perçoit des cotisations de ses membres. Il me semble que c'est
évident. Mais il nous semble, au point de vue rédactionnel, qu'il
faudrait le préciser.
Le Président (M. Lemieux): M. le député
d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, rapidement, M. le Président. Je voudrais
remercier également au nom de l'Opposition Mme Fecteau, M. Beauchamp et
M. Labelle pour la qualité de leur mémoire. Effectivement, je
pense que l'Association des manufacturiers canadiens a aussi l'habitude de
s'exprimer sur des sujets majeurs qui concernent la gestion des affaires
publiques, des affaires de l'État, En conséquence, je pense que
vous avez un mémoire qui est passablement étoffé,
fouillé et qui donne un avis plus éclairant, en tout cas en ce
qui me concerne, que d'autres récemment entendus.
Je dois effectivement, pour un autre projet de loi, aller en Chambre
dans quelques minutes. Mon collègue poursuivra. Quant à moi, je
veux seulement poser une question. On en a discuté avec mon
collègue de Lévis. Vous savez que l'article 126 du projet de loi
est un article qui exclut totalement le registre de l'application de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels. Sans être un spécialiste de la
question, je pense que c'est une question importante quand on discute du fait
que l'État puisse emmagasiner une série d'informations qui sont
pertinentes et qui peuvent effectivement aider des entreprises et d'autres
intervenants dans le secteur commercial. L'Association des manufacturiers
canadiens n'a pas émis d'opinion sur cet aspect; alors, la question est
simple. Est-ce que vous en avez une? Au-delà du mémoire que vous
avez présenté, est-ce qu'on pourrait profiter de votre expertise,
pourriez-vous, nous dire ce que vous en pensez, même si dans votre
mémoire comme tel, vous n'avez pas couvert cet aspect? Est-ce qu'il y a
des raisons de ne pas l'avoir couvert? Pensez-vous effectivement qu'il est bon
qu'il en soit ainsi, que cela soit exclu de la loi sur l'accès aux
documents? Ou pensez-vous qu'il y aurait lieu d'avoir une position plus
nuancée là-dessus? Quelle est votre position, Mme Fecteau,
là-dessus?
Le Président (M. Lemieux): Mme Fecteau.
Mme Fecteau: Je vais tenter d'y répondre, mais on a quand
même mentionné dans notre mémoire, si je me souviens bien,
qu'on avait une préoccupation en ce qui a trait à la vie
privée, à la sauvegarde et à la confidentialité de
certaines données. Or, me paraît logique le fait d'exclure ce
projet de loi de la loi que vous venez de mentionner. Cela nous assure
peut-être ce caractère privé des informations.
Peut-être que mes collègues aimeraient ajouter quelque chose, mais
il n'y a pas de raison fondamentale. Peut-être qu'on n'y a pas
pensé...
Le Président (M, Lemieux): Tout simplement pour votre
information, M. le député d'Abitibi-Ouest, il y a eu le
dépôt d'un avis en cette commission. J'ai un avis de la Commission
d'accès à l'information auprès de la commission
parlementaire qui concluait que le projet de loi 54 ne présente pas
d'incompatibilité avec la loi sur l'accès et que la modification
proposée à l'article 2 de la loi sur l'accès visant
à y ajouter une cinquième exception est raisonnable et a le
mérite d'apporter aux lois respectives plus de clarté. C'est
simplement pour vous le souligner parce que vous n'étiez pas
présent, M. le député d'Abitibi-Ouest. Vous avez la
possibilité de prendre connaissance de cet avis de la Commission
d'accès à l'information. Merci, monsieur.
M. le député de Lévis.
Une voix: L'alternance.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, je respecte la règle de l'alternance, mais il ne vous reste
plus de temps.
M. Gendron: Donnez-lui deux minutes.
Le Président (M. Lemieux): II me serait difficile...
M. Garon: Non, non. Ne donnez rien. Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Lemieux): II me serait...
M. Fortier: C'est la meilleure! Je pense que, par consentement,
M. le député de Lévis va accepter de...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, sur votre temps, permettez-vous au député de
Saint-Louis de s'exprimer?
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Garon: Non, non,
Le Président (M. Lemieux): M. le
député de Lévis.
M. Garon: On voit le manque d'organisation du côté
ministériel puisque le ministre accapare tout le temps à lui tout
seul et ne permet pas à ses députés...
Une voix: J'ai laissé beaucoup de temps à mon
collègue.
M. Garon: Mon collègue a eu besoin de temps en
commençant et j'ai dit: Certainement. Mais on essaie de s'ajuster avant.
Cela démontre que le gouvernement, dans ses choses sérieuses, ne
planifie pas plus qu'ailleurs dans les droits de parole à ses
représentants.
Je voudrais revenir à l'article 625 qui m'apparaît
très important. Tantôt, le ministre a fait des
représentations qui m'ont paru un peu curieuses. Il a laissé
entendre que les règlements à être adoptés en vertu
de la loi unique, qui remplace six lois, seraient beaucoup moins
considérables que les réglements existants. On n'a aucune preuve
de cela. II nous a donné un petit bout rapidement. Il n'a pas
parlé du nombre de règlements. Il n'a donné aucun chiffre.
Surtout, il n'a pas déposé ses règlements pour qu'on
puisse en prendre connaissance en même temps que la loi. Lorsqu'on a six
lois avec six systèmes de règlements qui sont remplacées
par une loi unique, normalement le ministre devrait déposer ces
règlements. Je peux lui dire à l'avance qu'on va en parler
férocement d'ici là et lors de l'étude en deuxième
lecture parce qu'il n'est pas normal que ces règlements, s'ils
n'apportent pas de bouleversements, ne soient pas encore faits, d'autant plus
que la Chambre de commerce de Québec a dit que le projet de loi, dans
ses grandes lignes, était prêt il y a deux ans. Si le projet de
loi était prêt dès 1985, en grande partie, non pas
entièrement achevé, parce que le gouvernement a dû vouloir
y mettre son fion, par ailleurs, il y a eu certainement du travail de fait sur
la réglementation et, normalement, le règlement devrait
être prêt à être déposé en même
temps que le projet de loi. On ne peut pas seulement se fier à la parole
du ministre là-dessus. Il faut un peu voir ce qu'il y a dans cela. Cela
devrait être déposé. Je pense que ce serait normal. Le
Parti libéral demandait constamment le dépôt des
règlements. Il y a eu très souvent des règlements qui ont
été proposés, montrés ou, en tout cas, comme
projets, en même temps que les projets de loi et, depuis que le
gouvernement est là, je ne pense pas que ce soit arrivé une seule
fois qu'on ait vu les règlements en même temps que la loi. Je ne
me rappelle pas un seul cas. Cela veut dire que c'est facile de pratiquer la
vertu dans l'Opposition et le vice quand on est au pouvoir. Mais j'aimerais que
le gouvernement se conforme un peu à ce qu'il a demandé et
à ce qu'on lui a fourni, nous, dans le temps, parce qu'on ne sentait pas
l'obligation de cacher des choses.
M. Fortier:...
M. Garon: Non, non, votre tour va venir tout à
l'heure.
M. Fortier: Alors, merci.
M. Garon: À l'article 625, par exemple, le ministre a fait
des représentations tout à l'heure et je ne suis pas d'accord
avec celles-ci. L'article 625, ce n'est pas une mesure transitoire. On a
laissé entendre que les 100 premiers articles étaient la loi,
mais que le reste était du transitoire. C'est faux. L'article 625 ici
est très clair. II dit qu'à l'avenir un projet de
règlement peut être édicté en vertu de l'un des
articles 88, 89 ou 624. On voit que le pouvoir réglementaire des
articles 88 et 89 est considérable à l'expiration d'un
délai plus court que celui qui lui est applicable en vertu de l'article
11 de la Loi sur les règlements ou sans avoir fait l'objet d'une
publication, conformément à cet article, lorsque le gouvernement
est d'avis que ce délai ou cette publication empêcherait la mise
en vigueur des règlements à la même date que celle
fixée pour l'entrée en vigueur des dispositions relatives
à l'immatriculation des assujettis.
On dit: De plus, un règlement peut entrer en vigueur dès
la date de sa publication dans la Gazette officielle du Québec ou
entre celle-ci et celle applicable en vertu de l'article 17 de la Loi sur les
règlements lorsque le gouvernement est d'avis que les mêmes
circonstances le justifient. On voit qu'il y a un pouvoir assez grand de faire
en sorte que l'étape de l'étude de la publication pour
l'information du public qui peut réagir soit escamotée et que les
gens puissent se retrouver avec des règlements appliqués sur
lesquels ils n'auront pu faire aucune représentation. C'est beau pour le
ministre de la Justice de nous prêcher la vertu. Il fait des grands
discours sur la vertu, disant qu'il va y avoir des règlements et qu'il a
fait une loi sur les règlements. D'ailleurs, je lui ai dit en
deuxième lecture qu'en principe son projet de loi était beau,
mais que j'étais certain que le gouvernement ne l'appliquerait pas.
C'est cela qu'on voit. Là, maintenant, on met des dispositions dans
d'autres lois pour dire qu'on n'appliquera pas la Loi sur les
règlements. Alors, j'aimerais savoir pourquoi les manufacturiers, eux
aussi, s'apposent à cette disposition puisqu'ils en parlent clairement
dans leur mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Mme Fecteau.
Mme Fecteau: M. le député de Lévis, c'est
aussi quelque chose qu'on redit chaque fois. Maintenant, sans vouloir
défendre M. Fortier, je peux vous dire que c'est le moins pire des
projets de loi que j'ai vus depuis que je viens m'asseoir en commission
parlementaire. J'ai vu, bien souvent, des projets de loi qui contenaient des
pouvoirs réglementaires à 23 et à 24 places et qui
n'étaient pas déposés et, même après la
commission parlementaire, les projets de règlement n'étaient
toujours pas déposés.
Or, M. le ministre vient de nous dire, en ce qui nous concerne, que,
finalement, le règlement en ce qui a trait à l'article 17, il
n'était pas gêné de le déposer en même temps
et, deuxièmement, en ce qui a trait à l'article 625, il nous a
également dit que l'objet de cet article n'était pas de ne pas
publier les projets de règlement. C'était simplement, je crois,
en guise de concordance. Alors, je me fie au bon dire de M. le ministre
puisque, de toute façon, jusqu'à maintenant les promesses qu'il a
faites il les a tenues.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, vous avez la parole.
M. Fortier: Et je n'ai pas de promesses privées, à
part cela.
M. Garon: Alors, je veux demander officiellement et formellement
au ministre ceci: Pourrons-nous avoir le projet de règlement avant
l'étude en deuxième lecture?
M. Fortier: Deux bonnes nouvelles. On m'informe, après
consultation avec l'inspecteur général, que l'article 625 avait
été mis là... À un moment donné, on croyait
que le projet serait adopté plus tôt et il avait besoin de
s'assurer que tous les règlements étaient promulgués au
môme moment. On me dit maintenant qu'on n'en a plus besoin. Donc,
l'article 625, on va le faire sauter.
En ce qui concerne le dépôt des règlements,
j'étais pour vous dire: Je vais les déposer au moment où
on ira en deuxième lecture. Je peux bien vous dire qu'on va le
déposer, ce sera un projet de règlement, ce ne sera pas pour fins
d'information.
M. Garon: Oui, oui.
M. Fortier: Le projet de règlement, je peux prendre
l'engagement de le déposer quelques jours avant qu'on soit en
deuxième lecture, je le ferai circuler au moment de la commission et je
le ferai parvenir à tous ceux qui sont venus en commission parlementaire
et, à ce moment, vous aurez l'occasion d'en discuter lorsqu'on parlera
du projet de loi.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Est-ce qu'il est prêt?
M. Fortier: II y a un projet qui a été
préparé par M. Bouchard. Je n'ai pas eu l'occasion, quant
à moi, de l'étudier a fond; à j'ai l'intention de le faire
parce que j'aime bien regarder ces choses avant de les rendre publiques et,
donc, dès que je me serai convaincu et que je serai en accord... Mais je
peux vous dire que le règlement est très sommaire et ne contient
que quelques pages. Donc, il ne s'agît pas d'une réglementation
vraiment excessive.
M. Garon: Il s'agit de l'avoir.
M. Fortier: Vous allez l'avoir, monsieur, avant la
deuxième lecture. J'en ferai le dépôt officiellement en
Chambre lors du débat en deuxième lecture; je m'assurerai que
l'Opposition l'aura obtenu à ce moment.
M. Garon: J'aimerais demander à l'Association des
manufacturiers canadiens ce qu'elle pense de l'article 1 in fine.
Mme Fecteau: Je crois que cela va dans le même sens que
l'essence même du projet de loi, c'est qu'on veut tout couvrir et
voilà cela va recouvrir une activité. J'ai un exemple dans ma
tête qui pourrait couvrir certaines personnes qui font effectivement de
la publicité commerciale et qui viennent de l'extérieur, mais je
pense que ça va même dans l'économie du projet de loi; je
ne suis pas surprise que cet article soit là.
Peut-être que mes collègues veulent ajouter des
commentaires. Je vous avoue, M. le député de Lévis, que ce
n'est pas un article qui nous a préoccupés. En ne s'attardant
qu'aux articles 1, 5, 6, 7, 8 et 9, on en avait déjà assez en ce
qui a trait à l'assujettissement.
M. Labelle: Si on lit l'article 1 in fine avec l'article 5,
où on dit qu'il y a une présomption d'exercice d'une
activité lorsqu'il y a une ligne téléphonique ou un casier
postal, il me semble que, si on y met de la publicité, cela recoupe un
peu, d'autant plus, peut-être même, que la force publicitaire est
encore plus grande qu'un casier postal ou une ligne
téléphonique.
M. Garons Vous êtes d'accord ou non?
M. Labelle: Je pense que cela va dans le même sens que
l'article 5. Je pense qu'on peut dire: Oui, il y a un certain accord.
Mme Fecteau: En fait, je crois qu'on a déjà dit
dans notre mémoire, M. le député de Lévis, qu'on
trouvait que l'assujettisse-
ment allait au-delà de ce qu'on aurait souhaité. Alors,
vous pourriez prendre le même commentaire, je pense, pour cet
article.
M. Garon: Mais cela ne vous fait rien. M. Labelle:
J'aurais un commentaire.
Mme Fecteau: Ce n'est pas que cela ne nous fait rien.
M. Garon: Cela va au-delà de ce que vous souhaitez, vous
trouvez que c'est parfait. (12 h 15)
Mme Fecteau: On ne trouve pas que c'est parfait, mais je pense
que...
M. Labelle: J'aurais cependant un commentaire à faire.
L'article 1 in fine combiné à l'article 1. 9, quand on parie de
fréquence, de sollicitation régulière, la
régularité d'une sollicitation de dons du public une fois par
année, une fois par deux ans, une fois par trois ans, est-ce
régulier? Aussi, la régularité n'a rien à voir avec
l'intensité d'une publicité inondée, peut-être, dans
les journaux et n'a rien à voir avec la régularité, je
pense. C'est le seul commentaire que je peux faire.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: En quoi les dispositions du projet de loi concernant
les compagnies étrangères peuvent-elles poser des
problèmes? En quoi une compagnie étrangère devrait-elle
être moins assujettie qu'une compagnie locale ou québécoise
à la réglementation pour la protection du public?
M. Beauchamp: Ce n'est pas tellement le fait qu'une compagnie
étrangère soit assujettie. Notre inquiétude était
au niveau du degré d'activité que l'on veut assujettir. À
quel point cela devient nécessaire pour un État de
contrôler, d'immatriculer une activité commerciale ou un individu?
C'est là la question.
Si vous avez une compagnie étrangère qui vend pour 5 000
000 000 $ de biens au Québec, c'est évident que c'est
souhaitable, parce que tout mouvement ou toute action de cette compagnie va
avoir un impact sur l'économie ou sur les personnes qui feront affaire
avec elle, mais, pour de petites entreprises qui n'ont presque pas
d'activité commerciale ou des compagnies étrangères qui
feront des choses... Évidemment, on a donné tantôt la
définition d'activité commerciale. Si on entend, par
"activité commerciale" des activités soutenues, des transactions
soutenues, c'est évident que cela ne posera pas de problème, on
va le faire.
Mais prenez l'exemple d'une grande entreprise qui a des contacts avec
des entreprises qui sont en Italie, en Allemagne ou en France - peu importe -
et qui voudront faire des affaires ici; c'est déjà
compliqué de signer des documents parce que, des fois, on fait affaire
avec des gens d'autres langues. Et, en plus, s'il faut leur demander: C'est
quoi, le nom de votre entreprise, exactement, le nom de vos administrateurs?
Où est votre siège social?, cela peut retarder des transactions
et peut-être que les entreprises vont se décourager et dire: S'il
nous faut vous fournir toute notre histoire pour un contrat de X milliers de
dollars, cela ne nous intéresse pas. Alors, c'est pour cela que je dis
que ce n'est pas tellement le fait que ce soit une entreprise
financière, c'est le fait que le projet de loi semble vouloir englober
toute activité commerciale de 0, 00 $ à X milliards. On se
demande si c'est vraiment nécessaire,
M. Garon: Pensez-vous que les compagnies européennes sont
moins habituées à remplir des papiers auprès du
gouvernement?
M. Beauchamp: Non. Je suis convaincu qu'elles en remplissent
beaucoup plus.
M. Garon: Mais, à ce moment-là, je ne comprends
pas. Quand vous faites affaire avec ces pays-là, c'est le "free for
all", vous n'avez rien à remplir, tout marche sur...
M. Beauchamp: Non, non, je ne dirais pas cela. Quand ce sont des
choses importantes, c'est sûr qu'on a des papiers à remplir.
M. Garon: Avec l'Europe habituellement...
M. Beauchamp: On engage des procureurs là-bas.
M. Garon: Oui, mais comment se fait-il que, pour elle, ce ne
serait pas normal? Cela serait normal pour vous d'enregistrer, de signer des
papiers et d'engager des procureurs, là-bas, mais, quand c'est ici,
c'est le "free for all", le Far West. C'est quoi? Je comprends, mais c'est
quoi, l'équilibre?
M. Beauchamp: Cela dépend du genre de
société dans laquelle on veut vivre. Si on veut vivre dans une
société où tout est réglementé, tout est
vraiment décidé, que vous ne pouvez pas marcher dans la rue sans
demander la permission à tout le monde, si c'est le genre de
société que des sociétés choisissent... Mais je ne
pense pas que cela soit celle que l'on souhaite à Québec.
M. Garon: Pensez-vous que la compagnie étrangère
est moins habituée à ce genre de formulaires ou de renseignements
à donner quand elle arrive ici? Ne pensez-vous pas que c'est le
contraire? Elle sait que, chez elle, elle a des formalités à
remplir. D'ailleurs, en Europe il y a bien plus de formalités à
remplir qu'ici.
M. Beauchamp: On fait souvent des activités commerciales
avec ces entreprises. Cela ne facilite pas les affaires de demander un paquet
d'informations. Je ne vous dis pas que c'est impossible, mais cela ne facilite
pas les affaires, c'est évident.
Le Président (M. Lemieux): Mme Fecteau, il vous reste deux
ou trois minutes.
Mme Fecteau: Lorsque nous avons écrit le mémoire,
au sujet de cet article-là particulièrement, on s'est posé
la question, mais là, M. Bouchard y a répondu. La compagnie qui
ne transige qu'une seule fois au Québec, pourquoi devrait-on l'obliger
à remplir toute cette paperasse? Là, il semble que, pour M.
Bouchard, ce soit très clair.
M. Labelle: Ce n'est pas une activité commerciale comme
telle. À propos de société étrangère, la
compagnie du Nouveau-Brunswick est également une société
étrangère. Peut-être que ces gens sont moins
habitués à signer toutes sortes de formulaires qu'une compagnie
européenne.
M. Garon: Considérez-vous que ces
renseignements-là, à la base, sont inutiles ou s'ils sont
là pour la protection du public? Je pose une question fondamentale.
Est-ce que toute cette paperasse est entièrement, inutile? J'aime
beaucoup les mots: quand l'entreprise privée parle des papiers du
gouvernement, c'est toujours "de la paperasse". J'aimerais savoir si vous
considérez que le système est entièrement inutile et qu'on
devrait s'en libérer complètement ou s'il est utile à la
base. Question de base, uniquement.
M. Beauchamp: Cela dépendra évidemment de
l'utilisation qu'on va faire du registre. Si c'est juste pour donner à
l'État une source d'information pour savoir quelles sont les compagnies,
qui est administrateur et que cela s'arrête là, ce sera aussi
utile que cela. Si on veut en faire pour autre chose, bien, cela dépend
de ce qu'on va faire du registre. Mais cela va aussi protéger le
consommateur, qui veut savoir des choses comme cela bien... Je me demande, moi,
jusqu'à quel point, pour des activités économiques
très limitées, le type qui fait affaire avec une entreprise qui a
un petit volume d'affaires... Vous savez, pour les transactions, je ne pense
pas qu'ils vont poursuivre l'entreprise pour une transaction de 100 $. On va
perdre son temps. C'est dans ce sens-là qu'on se demande aussi
jusqu'à quel point, avec la masse d'information qui va rentrer dans ce
registre-là, cela sera administrable et si l'organisation qui va
contrôler le registre sera capable de faire la police du registre. Je
serais surpris de savoir le nombre de poursuites pénales qui sont prises
pour les gens qui ne produisent pas les déclarations aujourd'hui. Il y
en a sans doute un certain nombre, mais je serais content de savoir qu'on le
fait de façon systématique; je ne le sais pas, de façon
systématique.
Le Président (M. Lemieux): Malheureusement, nous avons
terminé, M. le député de Lévis. Je vais permettre
au député de Saint-Louis de conclure et vous terminerez, M. le
député de Lévis. M. le député de
Saint-Louis.
M. Chagnon: Merci, M. le Président. Si je n'ai pas eu la
chance de questionner, je veux au moins avoir la chance d'affirmer. Cela fait
partie des frustrations normales de ce côté-ci de la Chambre
lorsqu'on est député, je crois. M. le Président, si je
n'ai pas eu la chance, comme je l'ai dit, de questionner l'Association des
manufacturiers canadiens, division Québec, ce n'est peut-être pas
nécessairement malheureux pour nos invités, mais je suis certain,
compte tenu de la qualité de leur mémoire, que leurs
réponses auraient été à tout le moins excellentes
même si les questions auraient peut-être été moins
bonnes.
M. le Président, je veux conclure de cette séance de deux
jours de commission parlementaire que nous venons de passer, que nous avons
étudié toutes les questions relatives à l'assujettissement
des sociétés privées à un modèle de registre
qui semble grosso modo être demandé et être très bien
reçu de tous les groupes qui ont participé à la commission
parlementaire et de ceux aussi qui n'y ont pas participé, mais qui ont
quand même fait parvenir leur mémoire.
Je conclurai en disant, M. le Président, que, si cet aval est
bien reçu de tout le monde en ce qui concerne les sociétés
privées, il m'apparaîtrait important, personnellement, qu'on
intègre et qu'on insère en termes d'assujettissement à la
loi toutes les sociétés publiques et je pense, entre autres, aux
municipalités, avec un budget d'exploitation d'à peu près
6 000 000 000 $ par année, aux commissions scolaires, avec 6 500 000 000
$, à tout le réseau de la santé et des services sociaux,
avec 9 000 000 000 $, aux universités, aux cégeps et aux
sociétés parapubliques pensons à LGF, à
Hydro-Québec - à plusieurs sociétés publiques qui
font affaire directement avec le public. Il me semble que ces
sociétés devraient être assujetties au registre que
le ministre délégué à la Privatisation cherche
à bâtir.
Il y a à peu près 30 000 000 000 $ de chiffres, de budgets
d'exploitation, pour l'ensemble de ces sociétés-là;
enlevons 70 % en masse salariale, il n'en demeure pas moins qu'il y a 9 000 000
000 $ en chiffre d'affaires au Québec par ces sociétés et
il réapparaîtrait d'autant plus justifié que ces
sociétés soient incorporées dans le registre comme
l'ensemble des autres sociétés privées au Québec.
Ce sera tout, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Saint-Louis. Je partage votre point de vue. Il s'agit
de 13 000 000 000 $. M. le député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, j'ai lu le mémoire de
l'Association des manufacturiers canadiens. J'ai remarqué qu'il n'y
avait pas tout à fait la même confiance sur l'application de la
loi et des règlements de la part de chacun des intervenants.
Remarquez que M. Beauchamp a exprimé des réserves,
à la fin. Le temps m'a manqué pour pousser un peu plus loin, car
sa collègue avait démontré, peu de temps avant, une
confiance inébranlable dans le député d'Outremont. Mais
j'ai observé vis-à-vis des compagnies étrangères -
j'ai sauvent eu affaire à travailler avec les compagnies
étrangères dans la spéculation immobilière,
concernant la protection du territoire agricole - qu'il y a des gens qui sont
venus faire des transactions ici, et qui sont partis sans feu ni lieu, en
"fourrant" littéralement des centaines de personnes sur le territoire
québécois. Je dirai que...
M. Chagnon:...
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Saint-Louis, voulez-vous respecter le droit de parole du député
de Lévis, s'il vous plaît? M. le député de
Lévis.
M. Garon: Je dirai, M. le Président, que je vais
être favorable à ce que les compagnies étrangères
doivent donner leur lieu et le nom de leurs administrateurs afin que les gens
qui sont ici puissent avoir des recours, éventuellement. Surtout, il
faut s'assurer que ces gens-là ont feu et lieu quelque part. Si vous
voulez des exemples, je vous invite à lire ce qui s'est passé
à la protection du territoire agricole, dans la spéculation
internationale, où tant des Québécois que des
étrangers se sont fait organiser royalement.
Il y en a qui ont des terrains, actuellement, qui ne sont même pas
capables d'y construire un cabanon. Pourtant, ils pensaient avoir un terrain
pour se bâtir au Québec. Dans la région de Montréal
- c'est proche de l'Association des manufacturiers canadiens -je peux vous
amener à Saint-Hubert, en particulier. Vous allez avoir beaucoup de
plaisir à vous promener dans le territoire. Je pense que,
là-dessus, un registre comme celui-là a d'abord pour but de
protéger les gens qui vont faire affaire avec les entreprises. C'est
ça, au fond. On veut simplement... Le registre est là pour
permettre à des gens d'avoir des recours éventuels pour se
renseigner afin de savoir qui sont les gens en question.
Selon moi, notre principale inquiétude, est de savoir si la
machine va pouvoir le garder à jour. C'est ça, au fond, la
principale interrogation. C'est pourquoi je crois qu'il faut penser en termes
de protection du public et ne pas oublier que, derrière toutes ces
associations qui n'oeuvrent pas sous un nom identifiable et localisable, il
faut que les gens puissent savoir de quoi il s'agit, facilement, rapidement et
de façon sécuritaire. Il ne s'agit pas, au fond, d'établir
un système pour embêter le public. Le règne du Far West,
où c'était celui qui tirait le plus vite et le plus loin qui
gagnait la bataille est terminé depuis un certain nombre
d'années. Aujourd'hui, on vit apparemment, dans un monde,
supposément plus civilisé et il n'est pas nécessaire
d'être le meilleur tireur pour avoir droit à une certaine
équité.
Je vous remercie des représentations que vous nous avez faites et
vous pouvez être certains que, lors de l'étude du projet de loi
article par article, vos représentations vont être
évaluées et discutées afin de faire en sorte que le projet
de loi soit le meilleur possible pour l'ensemble de la population du
Québec.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
député de Lévis. Je remercie l'Association des
manufacturiers canadiens de sa collaboration. La commission, ayant accompli son
mandat de consultation générale concernant le projet de loi 54,
Loi sur le registre des associations et entreprises, ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 25 )