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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Tuesday, September 13, 1988 - Vol. 30 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit


Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration entreprend, ce matin, la consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc (Tachereau) remplace M. Fortin (Mar-guerite-Bourgeoys) et M. Poulin (Chauveau) remplace M. Gobé (Lafontaine).

Organisation des travaux

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire. L'ordre du jour, tel qu'établi après entente entre les groupes parlementaires, se lit comme suit: à 10 heures, nous aurons les discours d'ouverture; à 11 heures, nous entendrons l'Association des banquiers canadiens pour suspendre à 12 heures; à 14 heures, nous entendrons le Service d'aide au consommateur; à 15 heures, la Fédération des travailleurs et travaillieuses du Québec; à 16 heures, l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; à 17 heures, la Chambre des notaires du Québec et il y aura suspension à 18 heures. Nous reprendrons nos travaux à 20 heures pour entendre la Coopérative de crédit du service civil limitée et, pour terminer, à 21 heures, nous entendons M. André Cardin. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais que le secrétaire nomme les députés qui vont faire partie de la commission pour la séance d'aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): M. le secrétaire. C'est au sujet des remplacements. Ce sont les membres permanents de la commission, M. le député de Lévis, sauf que je pense qu'il y a des remplacements, tels que le secrétaire les a énumérés il y a quelques instants.

Le Secrétaire: Alors, les membres permanents de la commission sont: M. Bélisle, (Mille-Îles), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Després (Limoilou), M. Dufour (Jonquière), M. Forget (Prévost), M. Garon (Lévis), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Lemieux (Vanier), M. Parent (Bertrand) et M. Fortier (Outremont). Comme je l'ai dit auparavant, il y a deux remplacements M. Leclerc

(Taschereau) et M. Poulin (Chauveau).

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire. Est-ce que l'ordre du jour est adopté, M. le député de Lévis?

M. Garon: Adopté.

Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour étant adopté, permettez-moi de vous rappeler les règles de l'audition telles que convenues entre les groupes parlementaires. Les déclarations d'ouverture dureront 60 minutes, 30 minutes pour le ministre et 30 minutes pour le porte-parole de l'Opposition. La durée totale de l'audition de chaque organisme entendu aujourd'hui sera d'une heure, soit 20 minutes pour l'exposé du mémoire et 40 minutes pour les échanges d'idées avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le groupe parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Le temps de parole des députés sera de 10 minutes en respectant les règles de l'alternance dans les interventions et ce, conformément à l'article 169 de nos règles de procédure.

Alors, comme l'entente entre les groupes parlementaires est un temps de 30 minutes pour chaque groupe ayant à faire une déclaration d'ouverture, je vous inviterais, M. le ministre, et, par la suite, le porte-parole de l'Opposition à faire immédiatement votre déclaration d'ouverture. M. le ministre délégué aux Finances.

Déclarations d'ouverture M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Merci, M. le Président. L'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, sur lequel nous allons nous pencher ensemble au cours des prochains jours, représente une étape majeure dans la réforme des institutions financières québécoises et devrait permettre au mouvement Desjardins de revêtir très bientôt un nouvel habit législatif souple et adapté au Québec d'aujourd'hui et de demain.

Cet avant-projet se veut conforme aux objectifs, aux principes directeurs et au plan d'action que j'ai rendus publics en octobre 1987, il y a près d'un an, dans le livre blanc intitulé "La réforme des institutions financières au Québec". Depuis lors, l'Assemblée nationale a adopté, le 18 décembre 1987, la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, promulguée en juin 1988. Le 28 mars 1988, nous avons conclu une entente avec le gouvernement fédéral sur les valeurs mobilières, préservant pleinement la juridiction du Québec en ce domaine malgré les acquisitions des firmes de courtage par des banques à charte. Le 29 mars

dernier, j'ai déposé le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières et des modifications à cette loi seront proposées prochainement.

J'ai également publié au mois d'avril un livre vert portant sur le décloisonnement des intermédiaires, document qui a servi de base à une consultation générale tenue par cette commission parlementaire les 31 mai, 1er, 2 et 3 juin derniers. À la suite des travaux de cette commission, nous préparons un mémoire qui sera soumis très prochainement au Conseil des ministres dans le but de faire approuver les grandes lignes de cette réforme tant attendue par tous les intermédiaires. Le projet de loi devant codifier cette réforme suivra peu après.

Il est fondamental de considérer l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit dans la perspective d'ensemble de la réforme de nos institutions financières. Le Québec dispose aujourd'hui d'un système financier efficace et dynamique, capable de contribuer de façon significative à la croissance de notre économie et, de répondre aux besoins de sécurité et de protection financière des citoyens.

Toutefois, nos institutions financières font face à deux défis importants: la concurrence internationale, d'une part, et les besoins régionaux générés par une croissance importante de l'entrepreneurship" local au Québec, d'autre part. L'internationalisation des marchés place nos institutions financières dans une situation de plus en plus compétitive. À ce sujet, j'ai déjà fait état à plusieurs reprises de la nécessité pour le Québec de favoriser le développement d'institutions financières puissantes, bien armées pour résister à la concurrence internationale. D'autre part, les besoins financiers des entrepreneurs locaux sont en croissance et doivent trouver une réponse rapide et accessible dans leur milieu.

Le décloisonnement des institutions et des intermédiaires doit, par un encadrement législatif souple, créer les conditions propices au renforcement de la taille, de la diversification et de la distribution de notre système financier. Dans cet esprit, la réforme des institutions financières au Québec permet le décloisonnement par filiale, tout en conservant le caractère distinctif des institutions reliées à une activité principale. Nous désirons favoriser également - et nous sommes, en ce domaine, à l'avant-garde des législations canadiennes - la constitution de groupes financiers ayant des liens commerciaux.

Après avoir brossé succinctement ce portrait d'ensemble de la réforme de notre système financier, je voudrais préciser comment l'avant-projet de loi s'inscrit dans cette perspective.

L'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit constitue une refonte complète de la loi encadrant le mouvement Desjardins, loi qui date de 1963. À cette époque, le gouvernement de M. Jean Lesage avait remplacé la Loi sur les syndicats coopératifs qui encadrait le mouvement Desjardins depuis 1906 et qui s'appli- quait à toutes les formes d'association coopérative. Le changement législatif de 1963 donnait, pour la première fois, une loi spécifique au mouvement coopératif des caisses d'épargne et de crédit.

Le mouvement avait à l'époque 1 500 000 membres et un actif de plus de 1 000 000 000 $, et commençait à constituer vraiment une force financière québécoise. Cette loi précisait de façon claire, ordonnée et explicite, selon les paroles du ministre responsable de l'époque, M. Lionel Bertrand, et de l'avis même du chef de l'Opposition d'alors, M. Daniel Johnson, les pouvoirs, les droits, les attributions et les devoirs des caisses populaires, de leur fédération et de leurs organes administratifs.

Vingt-cinq ans plus tard, il est largement temps de passer à l'action et de moderniser l'encadrement législatif du mouvement Desjardins. Je me suis, d'ailleurs, attelé à cette tâche dès que je me suis vu confier le dossier des institutions financières par le premier ministre, le 20 août 1986. Lors d'une première rencontre, le 23 septembre 1986, avec le regretté Raymond Blais, alors président de la fédération, nous avons convenu de l'urgence d'une nouvelle législation et de ses principes de base. Je me souviens très bien, lors de cette réunion à laquelle assistaient également MM. Claude Béland et Guy Bernier, ainsi que le ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque, que M. Blais avait clairement indiqué la nécessité de reprendre la discussion sur une base différente de celle qui avait prévalu lors de la préparation de l'avant-projet de loi de 1984.

Malheureusement, la démission pour raisons de santé de M. Blais en décembre de la même année et l'élection de M. Claude Béland comme président à la fin de janvier 1987 ne nous ont permis de démarrer le travail en profondeur qu'en février 1987, une fois M. Béland installé dans ses nouvelles fonctions.

J'ai, depuis, soit personnellement, soit par le biais de l'Inspecteur général des institutions financières, M. Bouchard, mis tout en oeuvre afin d'assurer une certaine harmonisation entre les demandes et les besoins du mouvement, les préoccupations du gouvernement du Québec et les principes de la réforme des institutions financières.

Il en est résulté cet avant-projet de loi de plus de 500 articles que nous avons devant nous maintenant. Somme toute, M. le Président, nous avons accordé à la préparation de cet avant-projet de loi toute l'importance qu'il mérite eu égard à l'importance des caisses d'épargne et de crédit au Québec.

Depuis sa fondation à Lévis par Alphonse Desjardins au début du siècle, le mouvement Desjardins a su préserver sa vocation coopérative, sociale et économique, tout en devenant une force considérable sur le plan financier. Desjardins, c'est, d'abord, 4 000 000 de membres répartis dans quelque 1400 caisses populaires présentes partout au Québec, 28 000 employés et

18 000 dirigeants bénévoles qui ont joué un rôle fort important tout au long de son histoire et auxquels il convient de rendre hommage.

Le mouvement Desjardins recueille, à lui seul, le tiers de tous les dépôts reçus au Québec. Un dollar sur trois déposés par les Québécois dans des institutions de dépôt va chez Desjardins. Avec un actif de 35 000 000 000 $, le mouvement Desjardins est la sixième institution financière en importance au Canada et le principal groupe financier canadien.

Le mouvement Desjardins, en plus de ses membres, de ses caisses et de ses fédérations, regroupe plusieurs institutions et corporations d'importance comme le groupe Desjardins assurances générales, Assurance-vie Desjardins, La Sauvegarde, Fiducie du Québec, la Société d'investissement Desjardins, le Crédit industriel Desjardins, la Caisse centrale Desjardins du Québec et plusieurs autres.

La Loi des banques impose au législateur fédéral une révision complète à tous les dix ans et on sait jusqu'à quel point cette disposition de la loi fédérale a été bénéfique aux banques en général. Malheureusement, une telle disposition n'existait pas au Québec et la révision de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, après 25 ans, exige une refonte complète de la loi. Malgré cette absence de révision régulière, le mouvement Desjardins a pris l'essor que l'on connaît. Aussi, ne faut-il pas être surpris de constater que son cadre législatif, datant de 1963, est complètement désuet.

Il est donc urgent d'intervenir, urgent de fournir à Desjardins les moyens de la poursuite de son développement et les armes nécessaires pour affronter la concurrence financière internationale, urgent de permettre à chacune des caisses de jouer un rôle encore plus actif dans son milieu économique, urgent et essentiel, finalement, de prendre toutes les mesures préventives afin d'assurer la totale protection de l'épargne des Québécois.

À ce sujet, il faut noter que la feuille de route du Québec est assez impressionnante. Alors que des institutions à charte fédérale ont connu, dans les dernières années, des problèmes sérieux de liquidité, je pense surtout à la Canadian Commerce Bank et à la Northland Bank en 1985 et à Principal Savings and Trust Company en 1987, amenant la Société d'assurance-dépôts du Canada à un déficit accumulé de près de 1 000 000 000 $, la Régie de l'assurance-dépôts du Québec a présentement un surplus de 22 000 000 $ malgré une tarification plus faible pour l'industrie. Nous nous devons de maintenir et même d'améliorer cette situation.

M. le Président, j'aimerais vous présenter de façon plus précise les principaux éléments de l'avant-projet de loi. D'une façon générale, cette refonte de la loi donnera aux caisses d'épargne et de crédit et, notamment, au mouvement Desjardins l'encadrement nécessaire à un groupe financier de dimension nationale, doté des pouvoirs et des moyens requis pour s'adapter aux conditions de la concurrence d'aujourd'hui et capable de poursuivre son développement et son expansion en fonction des besoins de ses membres et de ceux de l'économie du Québec. (10 h 15)

La refonte assurera la modernisation du cadre corporatif des caisses, l'adaptation de l'encadrement financier et le renforcement des mécanismes de contrôle et de surveillance par l'attribution de pouvoirs appropriés aux fédérations, à la confédération, à l'Inspecteur général des institutions financières et au ministre chargé de l'application de la loi.

L'avant-projet de loi introduit des mesures qui ont pour but de doter les 4 000 000 de membres et les 18 000 dirigeants bénévoles du mouvement Desjardins d'un régime corporatif inspiré des récentes législations. Ainsi, à titre d'exemple, on peut énoncer les changements suivants: les résolutions écrites et signées par tous les membres ont la même valeur que si elles avaient été adoptées lors d'une assemblée. Tenue obligatoire d'une assemblée spéciale des membres à la demande du dixième d'entre eux. Les réunions des membres des conseils peuvent se faire notamment par téléphone. Aucun membre ne peut être exclu et suspendu à moins d'avoir été avisé par écrit motivé et d'avoir eu l'occasion de se faire entendre.

La responsabilité des dirigeants est clairement énoncée et ceux-ci jouissent d'un régime de protection en cas de poursuites judiciaires en vertu duquel la caisse, fédération ou confédération doit assumer leur défense et payer les dommages ou rembourser leurs dépenses, dans des circonstances déterminées. Toutefois, un dirigeant devra assumer pleinement la responsabilité de ses actes lorsqu'il aura agi contrairement à la loi et aux règlements, notamment lors du rachat de parts ou lorsqu'un crédit indûment avantageux aura été accordé à une personne intéressée, et j'en passe.

Les caisses demeurent essentiellement vouées à faire fructifier l'épargne de leurs membres en leur consentant du crédit. Ce pouvoir est élargi pour couvrir toute forme de crédit. Elles pourront exercer des activités financières connexes comme la vente d'obligations gouvernementales, l'émission de cartes de paiement et de crédit, certains services à caractère public et, avec l'autorisation du gouvernement, exercer toute autre activité si le gouvernement juge qu'il y va de l'intérêt public et de celui des membres. De plus, le mouvement pourra continuer à jouir du décloisonnement par le biais de ses compagnies associées de la même façon qu'il a pu le faire jusqu'à aujourd'hui.

En plus de pouvoir consentir du crédit aux entreprises sous forme de prêt, de lettre de crédit ou de garantie, les caisses pourront consacrer jusqu'à 2 % de leur actif au financement des entreprises locales par voie d'acquisition d'actions ou de titres d'emprunt. Il ne leur

sera pas permis toutefois de contrôler ces entreprises. J'estime que l'apport de ce capital sera un appui important au développement de plusieurs régions du Québec.

Le développement des caisses d'épargne et de crédit a toujours été limité par les contraintes auxquelles elles étaient soumises pour accroître leur capitalisation. L'accroissement du capital ne pouvait se faire que par les trop-perçus générés par les activités et versés à la réserve générale. Tel que le mouvement le réclamait, la réforme permettra aux caisses d'épargne et de crédit d'émettre des parts permanentes et des parts privilégiées leur donnant ainsi accès aux sources de capitalisation externes dont elles ont besoin pour leur développement. Cependant, il semble y avoir encore aujourd'hui des discussions sérieuses au sein du mouvement pour déterminer si cette capitalisation devrait se faire plutôt au niveau des fédérations ou de la confédération. Néanmoins, avec ces nouvelles possibilités de capitalisation, l'avant-projet de loi établira des normes plus rigoureuses de capitalisation, assurant ainsi une meilleure protection pour les déposants. Le niveau de capitalisation requis sera comparable à celui des autres institutions financières à travers le pays. De plus, notons que les exigences de capitalisation s'appliqueront à chaque fédération prise séparément.

Compte tenu des exigences de plus en plus élevées pour les institutions de dépôt à travers le monde et compte tenu des risques grandissants sur les marchés financiers, la nouvelle loi exigera donc de chaque fédération et de chaque caisse non affiliée une capitalisation égale à au moins 5 % de ses dettes.

Les caisses d'épargne et de crédit s'entrai-dent financièrement par leurs fédérations respectives et leurs fonds de sécurité. Ce vécu des caisses est reconnu dans l'avant-projet par l'introduction du concept garantie-réseau et base d'endettement-réseau. Ce nouveau régime oblige les fédérations à combler le déficit de leurs caisses, mais soumet ces dernières au contrôle de la fédération en ce qui concerne leur niveau de capitalisation. Afin que les fédérations soient en mesure d'offrir cette garantie, l'ensemble du capital d'une fédération et de ses caisses affiliées doit être maintenu à un niveau déterminé dans la loi. Ce régime permettra à une caisse en état de sous-capitalisation de continuer ses opérations. Elle pourra se voir imposer un plan de redressement par sa fédération. Le réseau lui-même est sujet au contrôle de la confédération et, le cas échéant, de l'Inspecteur général des institutions financières. En outre, lavant-projet prévoit qu'une fédération en difficulté pourra recourir a la garantie d'une autre fédération affiliée à une même confédération.

La nouvelle législation permet la constitution de sociétés de portefeuille par une confédération pour canaliser les investissements du groupe. Ces sociétés seront spécialisées selon la nature des investissements qu'elles peuvent effectuer. L'avant-projet de loi permet la création de quatre types de sociétés à portefeuille: une société de portefeuille financière qui canalisera les investissements dans des filiales financières; une société de portefeuilles pour les entreprises de services pour les membres du groupe; une société de portefeuille immobilière; une société de portefeuille pour les investissements commerciaux et industriels.

Cette formule représente un changement structurel très important. La société de portefeuille financière, en regroupant les investissements dans toutes les institutions financières, permettra une meilleure coordination dans le développement des activités financières du groupe, tout en assurant un meilleur accès aux marchés financiers. De plus, en plaçant l'activité des sociétés commerciales et industrielles dans la confédération, on fait en sorte que les fédérations n'auront plus, directement, de liens commerciaux. Cette nouvelle structure permet un meilleur contrôle des transactions dites intéressées.

Les difficultés récentes de certaines institutions financières ont mis en évidence les dangers que pouvaient présenter, pour la sécurité et la solvabilité des institutions, leurs transactions avec des parties intéressées et les conflits d'intérêts. Avec le développement de réseaux financiers et l'accroissement des liens commerciaux, les risques reliés aux transactions intéressées sont susceptibles de s'accroître. D'ailleurs, lors de la consultation de juin dernier sur le décloisonnement des intermédiaires, plusieurs intervenants ont rappelé, à juste titre, que le décloisonnement souhaité devait être encadré par des règles plus strictes touchant à la déontologie. Il devient donc important de renforcer les mesures de contrôle à cet égard.

Le système préconisé se compose de plusieurs éléments importants. Tout d'abord, des structures de contrôle interne où les responsabilités seront partagées entre la confédération, les fédérations, les comités de déontologie, les conseils de surveillance, les vérificateurs et les conseils d'administration. Un comité de déontologie, constitué au sein de chaque fédération, doit adopter des règles sur les transactions intéressées et les conflits d'intérêts, incluant la protection des renseignements à caractère confidentiel.

L'avant-projet prévoit également une énumération de personnes qui, en fonction de leurs charges, de leurs mandats ou de leurs intérêts, ou parce qu'elles sont liées à de telles personnes, ou encore en fonction de la place qu'elles occupent dans un groupe, peuvent influencer les décisions de l'institution dans leur propre intérêt: ce sont les personnes intéressées.

Il n'est absolument pas dans mon intention de commencer une chasse aux sorcières. Je suis fermement convaincu, M. le Président, du dévouement et du désintéressement de la très

grande majorité des milliers de bénévoles qui ont bâti le mouvement Desjardins et qui continuent à le faire vivre. Néanmoins, le législateur doit assumer ses responsabilités et prendre les moyens pour neutraliser les situations de conflits d'intérêts.

Des principes et des pouvoirs réglementaires viseront à protéger les tiers, notamment contre la divulgation de renseignements confidentiels, les ventes liées et toute autre situation où l'institution pourrait être en conflit entre son intérêt ou celui d'une personne de son groupe et l'intérêt de ses membres.

L'avant-projet met en place des sanctions d'ordre civil qui consistent à faire annuler par le tribunal un contrat qui contrevient aux règles, à la demande de tout intéressé ou de l'inspecteur général. Il rend solidairement responsables les dirigeants et membres de conseils pour les dommages subis consécutivement à une contravention. Il prévoit des sanctions pénales sous forme d'amendes. Il dresse une liste d'infractions et défend, notamment, à un dirigeant de communiquer un renseignement confidentiel, sauf dans la mesure déterminée par les règles adoptées par le comité de déontologie et par les règlements du gouvernement. La commission parlementaire, j'en suis sûr, nous donnera l'occasion d'examiner ces règles et de juger de leur à-propos.

L'avant-projet de loi respecte l'identité corporative des caisses et des fédérations, et reconnaît le principe de l'autoréglementation en conférant aux diverses instances des pouvoirs de surveillance et de contrôle.

Le conseil de surveillance est maintenu. Son rôle est étendu en ce qu'il doit s'assurer que les politiques et ordonnances des instances supérieures sont appliquées et que les règles édictées par le comité de déontologie sont respectées.

Les fédérations, en raison de la garantie-réseau, ont des pouvoirs étendus de réglementation et d'intervention. Notamment, elles peuvent, lorsqu'elles jugent que la situation l'exige, intervenir dans la gestion d'une caisse au moyen d'instructions écrites ou en lui ordonnant d'adopter un plan de redressement. Elles peuvent adopter des règlements applicables aux caisses sur les conditions et les limites du crédit, sur la suffisance de leur base d'endettement et sur tout sujet de nature financière ou administrative. Elles ont le devoir d'inspecter et de vérifier annuellement leurs caisses affiliées, si elles ne sont pas affiliées à une confédération.

Une confédération peut intervenir auprès d'un réseau fédération-caisse à la demande de l'inspecteur général pour imposer un plan de redressement. Elle peut, aux lieu et place d'une fédération, appliquer un plan de redressement qu'une fédération néglige d'appliquer. Elle approuve tous les règlements d'une fédération. Elle adopte des règlements sur la constitution et la gestion des fonds confiés à une fédération par les caisses, sur la suffisance de la réserve générale et des liquidités d'une fédération et des caisses affiliées. Elle adopte également des règlements directement applicables aux caisses sur des sujets de nature administrative. Elle doit inspecter et vérifier annuellement chaque caisse et fédération affiliée.

Le gouvernement, par l'entremise de l'Inspecteur général des institutions financières, conserve, cependant, un rôle primordial de surveillance, de contrôle et d'intervention dans des situations graves.

L'avant-projet de loi oblige les fédérations et les caisses à des rapports annuels sur la situation financière, les transactions intéressées et tout autre sujet pertinent. De plus, l'inspecteur général peut en tout temps demander toute information qu'il juge utile et faire enquête au besoin dans une caisse ou une fédération. Il doit s'assurer que les inspections annuelles et les vérifications financières sont faites.

L'avant-projet de loi confère à l'inspecteur général des pouvoirs d'intervention auprès d'une fédération en difficulté financière ou en cas de défaut d'une fédération ou de la confédération de remplir une obligation établie par la loi. Il peut, notamment, évaluer ou faire évaluer un élément d'actif ou une garantie et en déterminer une valeur, imposer un plan de redressement, inspecter en tout temps une caisse, fédération, confédération et même une société de portefeuille filiale d'une confédération opérant dans le secteur financier. Il possède un pouvoir d'ordonnance qu'il peut exercer même envers les filiales de cette société de portefeuille; il a le pouvoir de demander une injonction pour faire respecter la loi et celui de recommander au ministre la mise en tutelle d'une caisse, fédération ou confédération.

Dans le cas des caisses non affiliées, c'est l'inspecteur général qui exerce les pouvoirs d'intervention qui sont autrement exercés par les fédérations à l'endroit des caisses qui leur sont affiliées. Le gouvernement conserve également un pouvoir de réglementation pour les caisses et les fédérations non affiliées, et pour répondre à des situations d'urgence en cas de défaut ou d'insuffisance des règlements établis par les fédérations ou la confédération.

L'avant-projet de loi autorisera une confédération à affilier une fédération constituée en vertu d'une loi autre que québécoise et faisant affaire dans une autre province canadienne. Cette affiliation, comme membre auxiliaire, permettra à la confédération québécoise de fournir des services, sans toutefois assumer de responsabilité financière à l'égard des fédérations non québécoises. C'est un premier pas, une ouverture fort importante qui fera rayonner le mouvement québécois partout au Canada.

Voilà donc, M. le Président, l'essentiel des caractéristiques de l'avant-projet de loi que nous avons sous les yeux. Je suis convaincu qu'il répond parfaitement à l'intérêt public et les principes qui en ont guidé la rédaction sont

clairs et fondamentaux. Les mémoires que nous avons reçus soulèvent, toutefois, un certain nombre de points qui méritent attention et qui recevront, j'en suis sûr, l'attention des parlementaires autour de cette table. En conséquence, je m'attends que certaines dispositions puissent être bonifiées ou même amendées. Ce sera, d'ailleurs, l'objet de nos discussions au cours des prochains jours. Mais je veux réaffirmer que les principes de base de la refonte m'apparaissent prioritaires. L'encadrement législatif d'un mouvement de l'ampleur de Desjardins doit à la fois faciliter le développement et le déploiement du mouvement, assurer son statut fondamentalement coopératif, garantir la cohérence de l'évolution et prévoir les mécanismes de surveillance appropriés à la taille des enjeux.

Je souhaite donc, M. le Président, que nous puissions ensemble améliorer ce qui peut encore l'être dans cet avant-projet, tout en en préservant la teneur essentielle. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation. M. le député de Lévis, critique de l'Opposition officielle en la matière, vous avez 30 minutes pour faire votre déclaration d'ouverture. (10 h 30)

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'ai écouté les paroles du ministre et permettez-moi de répondre immédiatement à certaines de ses observations puisque, dès l'ouverture, il a mentionné qu'il avait déposé, le 29 mars dernier, le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières. Je lui ferais remarquer qu'en vertu de la loi il devait le remettre au plus tard le 19 janvier 1988. Comme d'habitude, il est en retard.

Donc, il n'a pas déposé le rapport à temps et il semble vouloir faire prochainement des modifications à la loi proposée. Alors, je voudrais lui rappeler que l'article 352 de la Loi sur valeurs mobilières fait obligation au président de convoquer, "dans un délai d'un an à compter du dépôt du rapport - j'imagine que les retards du ministre ne compteront pas dans le délai - la commission de l'Assemblée qu'il désigne pour étudier l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la présente loi et entendre à ce sujet les observations des personnes et organismes intéressés". C'est donc une obligation du président de l'Assemblée nationale de faire convoquer une commission qui va étudier le rapport quinquennal et on ne peut pas escamoter cette étape pour aller directement aux propositions d'amendement du ministre puisque c'est sur le rapport que les gens doivent se présenter en vertu de la loi.

Comme il y a un vieux principe de droit selon lequel personne n'est au-dessus de la loi, cette commission sera convoquée incessamment, puisque le délai, finissait le 19 janvier 1988. Puisque le retard, après le 19 janvier, ne peut sûrement pas jouer en faveur d'un délai dans la convocation de la commission et que ce ne sera sûrement pas au mois de décembre qu'il faudra convoquer cette commission, cela veut dire qu'il faudrait, normalement, convoquer cette commission au plus vite, peut-être pour le mois d'octobre, pour que la loi soit respectée.

Deuxièmement, le ministre dans ses remarques préliminaires nous montre à quel point il est rapide. Je vous ferai remarquer qu'on a devant l'Assemblée nationale, depuis le mois de juin 1987, le projet de loi sur le registre des associations et entreprises; il a été déposé en juin 1987. On a entendu des gens qui sont venus en commission nous faire leurs représentations, au mois d'octobre 1987. Le ministre nous avait dit qu'on étudierait le projet de loi en commission, article par article, au mois de janvier, peut-être en février. Je peux vous dire qu'on est rendu au mois de septembre et qu'on n'a pas eu de nouvelles du ministre. Vous savez qu'on n'est pas dans le mur du son, on est un peu lent. Le ministre est un peu lent. Actuellement, nous attendons toujours pour étudier ce projet de loi. Les gens qui ont été entendus ne l'ont pas été pour rien. Normalement, on devrait étudier ce projet de loi qui a 600 articles qui est supposé concerner un sujet dont on va parler beaucoup aujourd'hui, demain et jeudi, soit la divulgation et la publication. Le projet de loi sur le registre des associations et entreprises a pour but essentiellement de faire en sorte que les gens soient au courant de ce qui se passe au point de vue des entreprises et des renseignements que les entreprises doivent fournir et qui doivent être inscrits au registre. Encore là, pas de nouvelles. Je ne sais pas si pas de nouvelles, cela veut dire bonnes nouvelles, mais il ne se passe rien.

Ensuite, je vous ferai remarquer que le ministre est habituellement bon pour parler des retards des autres, mais il n'est pas bon pour parler de ses retards à lui. J'aurai l'occasion de parler, tout à l'heure, de ce projet de loi. Il nous dit qu'il s'est entendu avec Raymond Blais, le président du mouvement Desjardins. Il a eu l'honnêteté de dire: Sur l'urgence. S'il s'est entendu sur l'urgence, c'est parce qu'il est évident que c'était devenu urgent puisqu'il y avait déjà un projet de loi qui était prêt, à toutes fins utiles, dès 1985. Le ministre n'aurait eu qu'à le déposer à l'Assemblée nationale. Au fond, il a retardé pendant trois ans pour pouvoir dire: La réforme des institutions financières, ce n'est pas Jacques Parizeau, c'est moi. Essentiellement, tout le monde sait que la réforme des institutions financières a été mise en oeuvre par M. Parizeau qui, en 1984, a fait adopter la Loi sur les assurances et qui avait élaboré, avec les groupes de travail qu'il avait mis sur pied, la loi sur les fiducies, la Loi sur les caisses d'épargne

et de crédit, etc.

Par ailleurs, actuellement, ce à quoi on assiste, c'est principalement à des retards. C'est très important parce que le mouvement Desjardins est un mouvement qui a grandi ici. Si un père de famille habillait son garçon à l'âge de quinze ans, qu'après cela, le garçon se mariait et avait des enfants, et que ce père lui interdisait d'avoir un autre habit que celui qu'il avait à quinze ans, vous diriez que c'est un mauvais père de famille. Je pense qu'actuellement le fait de retarder indûment la refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, cela équivaut à habiller le mouvement Desjardins avec une loi qui ressemble à un habit d'adolescent, alors que 1963, cela fait déjà 25 ans, dans un secteur qui a évolué aussi rapidement.

Je pense bien que les gens des institutions financières et des banques qui vont venir nous voir tout à l'heure vont dire qu'ils ont été bien contents d'avoir eu une réforme des banques qui est venue après le rapport Porter qui a changé complètement la situation dans le secteur des banques. Cela ne veut pas dire que les conflits d'intérêts ont été complètement modifiés, on en reparlera tout à l'heure, mais au moins, les banques ont pu prêter à des taux d'intérêt. Cela a eu pour effet de faire un peu plus de compétition et d'éviter ce qui avait fait l'objet d'une élection en 1962 et je pense, avait eu un grand impact pour accélérer cette réforme: la critique des créditistes qui disaient, à ce moment-là, que, dans le fond, les banques prêtaient à des compagnies de finance qui, elles, reprêtaient à 2 % par mois, ce qui équivalait à 24 % par année, à une époque où le taux était limité dans la Loi des banques à 6 %. Il y avait toutes sortes de manoeuvres, il faut le dire, pour contourner ce taux maximum de 6 %, notamment, l'obligation de garder des dépôts auprès des institutions financières, ce qui faisait que, même si la loi obligeait à 6 %, les taux n'étaient pas nécessairement de 6 %. C'est évident que, dans les projets de loi, souvent on retrouve la vertu exprimée, mais il faut regarder aussi la pratique pour voir comment cela se passe en réalité.

Parier du rôle que Desjardins a joué dans le développement économique du Québec, c'est parler d'une des plus grandes réalisations du Québec. Moi, ce qui me frappe, c'est qu'à l'heure où on parle surtout d'efficacité, alors qu'on parle d'efficacité économique, de libre-échange, de compétitivité, de productivité etc., on oublie qu'une valeur fondamentale qui a été peut-être la valeur centrale du développement économique des Québécois et de la prise en main de leur économie, cela a été, d'abord, la solidarité. Et, s'il n'y avait pas eu cette volonté de solidarité des Québécois, il n'y aurait pas eu de mouvement Desjardins, il n'y aurait pas eu de mouvement coopératif dans le domaine agricole, il n'y aurait pas eu de Métro, de Provigo etc., des entreprises, au fond, qui ont été basées sur l'entraide et la solidarité.

Aujourd'hui, quand j'entends tous les discours sur le plan économique, je pense qu'il n'y a pas toujours une analyse très serrée de ce qui a été le principal moteur des Québécois. Cela ne veut pas dire qu'il y a de l'inefficacité, mais cela a été, d'abord, la solidarité et ta volonté de mettre ensemble des gens qui, individuellement, ne sont pas nécessairement des capitalistes. M. René Lévesque avait déjà dit, je pense, avec raison: Les Québécois ont manqué le XIX siècle. Il ne faisait pas un jugement moral, mais il insistait sur le fait qu'au XIX siècle les Québécois n'ont pas formé de capitalistes. Alors qu'ailleurs cela a été l'apogée du capitalisme, ici on n'a pas formé de capitalistes; on était plus préoccupé de convertir le monde, ce qui n'était pas une mauvaise chose, au fond. On a peut-être fait plus d'oeuvres d'entraide et de solidarité humaine en Afrique ou en Amérique du Sud pour aider les gens à s'organiser, mais on n'a pas formé de capitalistes. Il fallait trouver d'autres moyens au début du XX siècle pour compenser l'absence de capitalistes qui pouvaient jouer le rôle de moteur économique. À ce moment-là, les capitalistes étaient à peu près tous des étrangers. Desjardins a été vraiment le premier qui a permis aux premiers Québécois de s'introduire réellement dans le domaine de la finance. Pour avoir lu des documents là-dessus, on sait à quel point, au début, les autres institutions financières se sont moquées de Desjardins avec sa banque à 0,10 $ puisque c'étaient des dépôts de 0,10 $. J'aimerais bien qu'aujourd'hui tous ces prophètes qui se sont moqués de Desjardins au tout début du XX siècle viennent voir les réalisations des petits qui se sont mis ensemble, souvent, pour Desjardins, dans sa cuisine pendant un certain temps ou encore dans des soubassements d'église et sans doute parfois dans la sacristie, parce que cela faisait aussi partie de l'entraide de fournir des locaux gratuitements à des oeuvres paroissiales communautaires pour aider Desjardins à réaliser davantage son oeuvre.

J'inviterais ceux qui ne l'ont pas fait à aller faire un tour - ce serait même bon pour la commission parlementaire au complet - à la maison d'Alphonse Desjardins, au Carré Déziel, à Lévis, pour voir une exposition qui montre à quel point tout cela s'est fait dans le bénévolat, a été formé par la volonté, d'abord, d'Alphonse Desjardins, mais aussi de tous ceux qui ont travaillé avec lui, principalement sa femme, qui était la personne la plus près de lui à ce moment-là. Ses calepins, ses différentes notations démontrent de quelle façon cela s'est formé. Tous les puissants qu'on appelait les trusts, à ce moment-là, et qui se moquaient bien, aujourd'hui, peuvent voir ce que des gens qui ne sont pas fortunés, qui savent ce qu'ils veulent et qui sont capables d'entraide peuvent réaliser ensemble.

C'est pour cela que je ne suis pas très sensible aux arguments qui disent, maintenant que différentes caisses populaires ont été formées dans différentes paroisses, localement,

paroissialement, avec l'aide d'autres: C'est une compagnie comme une autre. Je dis: Une minute! Le mouvement Desjardins n'est pas une compagnie comme une autre. Ce n'est même pas une coopérative comme une autre, si on la compare à ce qui a été fait ailleurs, qui est de nature différente.

La présence et les actions de Desjardins ont contribué plus que toute autre chose à donner confiance aux Québécois sur la gestion de leurs propres affaires, parce que c'est une entreprise qui a réussi. Cela n'a pas été des victoires morales; cela a été une réussite qui a été caractérisée par des centaines et des milliers de réussites. Je pense que, pour les Québécois, cela a été important, cela a été un moteur. C'est un exemple de réussite pour tous les Québécois et, surtout, la manifestation claire que les Québécois sont capables de s'affirmer sur le plan de la finance et de l'économie en inventant leur propre modèle sans devoir copier les autres, comme une copie carbone.

Je trouve cela fantastique quand j'entends des gens dire: Oui, mais en Ontario, ils font cela de même. Je répondrais: "So what!" Aux États-Unis, ils font cela comme cela. Desjardins a regardé ce qui se passait ailleurs et a inventé, à partir des modèles d'ailleurs, son propre modèle, parce que la caisse populaire qu'il a formée au tout début était un modèle sui generis qui n'existait pas ailleurs comme tel. Il a su adapter les modèles qu'il avait vus ailleurs et créer une institution particulière qui était la caisse populaire. Avec les années, la caisse populaire est devenue une institution qui n'est pas exactement la même qu'au début, qui n'est plus dans les cuisines ou dans les soubassements d'église, et ce n'est pas anormal.

Il faut aussi regarder le rôle du mouvement Desjardins dans le développement, la création et la consolidation des entreprises québécoises dans les régions. Il faut savoir, pour avoir été dans les régions du Québec - je ne dirais pas que ces statistiques sont d'aujourd'hui, mais je me rappelle avoir regardé ces statistiques il y a une vingtaine d'années - qu'il y avait 800 villages québécois où il n'y avait pas de banque, mais juste une caisse populaire. Sur le plan des affaires, sur le plan de la vie normale de tous les jours, l'implantation, la création et la consolidation des entreprises québécoises dans les régions, pour un grand nombre, sont dues aux caisses populaires locales. Elles ont joué un rôle incroyable.

Quand, en 1977, nous avons mis en place la Loi sur le crédit agricole avec les institutions privées, nous étions très conscients que, dans les centaines de caisses populaires du Québec, ce serait un des premiers prêts d'affaires réalisés d'une façon formelle par les caisses populaires, avec une garantie gouvernementale et avec, en même temps, tout ce que cela voulait dire comme expérience acquise dans l'analyse des bilans d'affaires, pas seulement dans un bilan de consommateur qui achète un appareil ménager ou prend une hypothèque, mais également dans le| bilan d'une entreprise agricole. Cela aurait pour effet de faire faire ce que Teilhard de Chardin appellerait quasiment une soute non pas biologique, mais sur le plan financier, de faire en sorte que les communautés financières locales que sont les caisses populaires pourraient maintenant s'intéresser davantage au développement des entreprises locales, en commençant par les entreprises agricoles, par l'analyse des bilans des cultivateurs. Aujourd'hui, quand on pense que l'actif moyen d'un agriculteur est plutôt de 350 000 $, il fait partie des petites entreprises qu'on trouve normalement dans nos villages. (10 h 45)

On voit encore des statistiques récentes qui disent que le secteur qui crée des emplois au Québec, c'est le secteur de la petite et de la moyenne entreprise, alors que, dans les autres, le nombre d'emplois qui en dépendent diminue. Ce sont des statistiques très récentes qui viennent d'être publiées. Alors, ceux qui pensent parfois que c'est par des mammouths que le Québec doit se réaliser, que c'est par des mammouths qu'on va créer de l'emploi, vous savez qu'à Saint-Paul-du-Buton, en haut de Montmagny, ce n'est pas un mammouth qui va le réaliser ou, encore, dans la plupart de nos municipalités, ce ne sont pas les mammouths qui vont venir le réaliser et permettre aux gens de gagner leur vie. Mais ce sont des petites entreprises et des entreprises moyennes auxquelles le mouvement Desjardins va pouvoir donner un coup de main dans ces municipalités où elles sont les seules, à toutes fins utiles, mais aussi par les connaissances des employés. C'est évident que, si un employé de caisse, un directeur général ou un gérant adjoint fait seulement du prêt à la consommation, c'est une affaire. Mais s'il fait également du prêt à des entreprises locales par le crédit agricole, son niveau d'analyse financière va lui permettre également d'aider un grand nombre de gens sur le plan local ou régional. Je pense que c'est un rôle fondamental du mouvement Desjardins.

Desjardins a donné l'exemple aux Québécois et leur a montré la marche à suivre en leur indiquant que leur développement économique passait donc par le regroupement et la solidarité, qu'être petit ne signifiait pas toujours être traité comme des minoritaires et des inférieurs. Desjardins a prouvé - d'autres l'ont suivi; je vous mentionnais tantôt Métro, Provigo, les sociétés d'entraide, les caisses d'établissement etc. -qu'en réunissant tous les petits on pouvait devenir aussi important que les gros et avoir notre mot à dire non seulement chez nous au Québec, mais ailleurs dans le monde.

Aujourd'hui, je suis très content de voir, à l'Institut coopératif Desjardins, par exemple, combien il y a de délégations de pays qui sont mal organisés - pas seulement l'Afrique, il y a l'Asie et un peu partout dans le monde - qui viennent voir le modèle et comment ils pour-

raient faire comme ici pour prendre en main leur économie.

Le rôle international que joue Desjardins à ce point de vue sur le plan de la solidarité humaine et sur le plan de l'entraide internationale sur le plan humain est considérable, surtout en montrant que ce n'est pas de la théorie. Ce n'est pas un livre qu'on pourrait appliquer éventuellement, mais on peut montrer des réalisations concrètes.

Notre présence ici, en commission, nous fait prendre conscience du chemin parcouru depuis le début du mouvement Desjardins. Je pense que l'analyse de plusieurs articles du projet de loi va le démontrer. Les petits ont fait un grand qui a besoin d'espace pour devenir encore plus grand. C'est cela, l'objectif de notre analyse. C'est une loi qui devra être refaite sans doute dans dix, quinze ou vingt ans, mais c'est une loi qui est nécessaire actuellement, parce que Desjardins a besoin d'espace pour rendre service aux gens.

Cela démontre qu'on peut non seulement devenir grand chez nous, au Québec, mais aussi en dehors du Québec et en se comparant avec les autres. Comme Québécois, on éprouve un sentiment de fierté quand on voit les banques, dont la plupart sont contrôlées à l'extérieur du Québec, venir exprimer en commission leurs craintes vis-à-vis du développement d'une institution financière entièrement québécoise.

J'ai lu le mémoire de l'Association des banquiers. Je comprends que les banques ont droit à leur opinion, etc., mais que des banques disent aujourd'hui: On craint la compétition de Desjardins et il a autant de succursales que nous, cela montre le chemin parcouru, alors qu'au début du siècle cela aurait été plutôt un vaste éclat de rire. Aujourd'hui, un instant! Qui aurait pensé cela, il y a 25, 35 ou 50 ans? Cette réalisation communautaire a atteint un tel niveau que les institutions financières les plus solides - la compétition n'a pas été exagérée au Canada à comparer aux États-Unis où il y a 14 000 banques; ici, le nombre a été limité - auraient pu un jour présenter un mémoire en disant: Desjardins est un compétiteur important.

Par ailleurs, il me semble qu'il est temps de donner au mouvement Desjardins les outils nécessaires à son développement, surtout quand un projet de loi existe depuis 1985 à ce sujet. Je ne dis pas que le ministre n'y a pas fait de changements, mais il y avait un projet de loi qui était prêt. Le ministre actuel a attendu trois ans pour déposer non pas un projet de loi, remarquez bien, mais un avant-projet de loi. D'où l'impatience légitime d'un mouvement qui n'est pas dans les ligues "peewee", mais qui est dans les ligues majeures.

Alors qu'on dit qu'on s'en va vers le libre-échange, qu'on sera dans le règne des mammouths, qu'on sera dans la compétition internationale avec les Japonais etc., qu'on retarde indûment l'adoption d'un projet de loi pour les caisses d'épargne et de crédit, qui sont la base de nos institutions financières locales au Québec, je pense qu'il y a sûrement une incohérence dans l'action par rapport aux propos. Le gouvernement, qui parle avec autant d'éloquence du libre-échange, ne devrait pas attacher des boulets aux institutions québécoises sur le plan économique pour qu'elles puissent donner toute leur mesure et faire toute la compétition dont elles sont capables dans un monde où si le traité est adopté, c'est-à-dire mis en oeuvre - ce n'est pas encore fait, mais il y a des possibilités très fortes que cela se fasse - il est évident que les institutions québécoises doivent avoir la capacité légale de concurrencer et avoir tous les instruments juridiques nécessaires.

C'est pour cela que mes propos ont porté plutôt sur cet aspect général, mais qui est, je pense, fondamental sur le plan des principes. Il y a des gens qui ont des principes et, habituellement, quand ils arrivent pour les appliquer, ils ne sont pas capables de le faire ou encore qui sont des beaux moteurs d'action, mais, pour faire l'action, ils ne sont plus capables. Il est important de savoir où on va et, après cela, de faire marcher l'action concrète dans le sens de ce qu'on élabore. Il ne s'agit pas seulement de parler du libre-échange, de la concurrence et de tout cela et, après cela, que dans l'action il n'arrive rien. C'est pour cela que je dis que c'est un projet de loi - non pas cet avant-projet de loi qu'on étudie - qui devrait être déposé le plus rapidement possible pour que le mouvement Desjardins ne soit pas freiné dans sa capacité de concurrencer les autres.

Notre rôle et le but de cette commission, c'est d'entendre la population par les organismes qui ont demandé d'être entendus dans le cadre de cette commission parlementaire. J'aurais aimé que cette façon de procéder ait guidé le ministre en ce qui concerne aussi la démutualisation. Il l'avait annoncée, il n'en a pas parlé dans son livre blanc, je ne sais pas s'il a abandonné l'idée. Mais cela aussi, c'était dans son livre dont il a parlé tout à l'heure et qu'il avait publié il y a un certain temps, en mars 1987. Là aussi, il devait y avoir un chapitre sur la démutualisation, mais il semble qu'il ait décidé de procéder par des lois privées, sans qu'un débat public ait eu lieu sur la démutualisation. Imaginez-vous que cela s'est fait de nuit; on a siégé jusqu'à 2 h 30 du matin pour parier de la démutualisation dans un cas précis au Québec. J'ai trouvé cela, et je l'ai dit à plusieurs reprises, pas correct pour une institution comme La Laurentienne qui aurait eu droit à un débat public sur la démutualisation et le gouvernement aurait dû se prononcer sur la façon de la faire. On a vu qu'il y a d'autres institutions qui ont annoncé aussi qu'elles songeaient à cela. Alors que c'est une institution importante au Québec, il n'y a pas eu de débat public. Il y a eu un énoncé dans le document du ministre, qui n'a été suivi de rien, alors qu'il devrait y avoir un

véritable débat, un document sans doute ou un avant-projet de loi qui devrait être étudié ici pour voir, s'il y a démutualisation, comment cela devrait se faire plutôt que de procéder à la pièce avec un projet de loi qu'on commence à étudier le soir et qu'on finit dans la nuit, ce qui n'est pas normal. C'est pour cela que j'ai dit à plusieurs reprises que je ne trouvais pas que c'était une façon correcte de travailler à la démutualisation au Québec.

Un autre aspect très important de la réforme des institutions financières a été évité ou écarté - le ministre en dira un peu plus un peu plus loin, je suppose - dans l'avant-projet de loi, soit la possibilité pour une institution d'offrir les produits d'une autre institution. Ce pouvoir existe dans la Loi sur les assurances. Le précédent gouvernement s'était prononcé d'une façon claire. Il n'avait pas procédé en arrière des rideaux, cela ne s'était pas passé entre le mur et la tapisserie, il avait dit clairement ce qu'il en était. Ce pouvoir apparaissait dans la loi sur les fiducies - j'imagine que c'est parce que c'était l'ancien projet qui avait été préparé sous l'ancien gouvernement - lorsque celle-ci a été déposée, mais le ministre s'est ravisé et il l'a enlevé. Malgré son discours de deuxième lecture, quand il est arrivé en commission parlementaire, il a enlevé cette disposition du projet de loi sur les fiducies. Le ministre a choisi, dans l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, la voie du décret gouvernemental pour élargir les activités du mouvement Desjardins. Je vous ferai remarquer que c'est la voie qu'il a choisie aussi quand il y a eu la démutualisation de La Laurentienne. Vous remarquez le pouvoir de modifier les activités par décret gouvernemental, ce qui était une des raisons, en tout cas, pour lesquelles nous avons siégé si tard parce que ce n'est pas la façon habituelle de procéder. Normalement, les pouvoirs d'institutions aussi importantes doivent se retrouver dans le projet de loi. Encore ici, ce pouvoir ne se retrouve pas dans le projet de loi. Mais on dit qu'on peut élargir les activités du mouvement Desjardins. On ne nie pas non plus, mais on reste dans une certaine zone grise qui va susciter des chicanes inutiles entre différents groupes qui oeuvrent dans le domaine des institutions financières alors que le gouvernement devra se prononcer d'une façon claire. Et, là-dessus, je pense que ce n'est pas normal. J'ai d'ailleurs remarqué que les gens ont aussi manifesté qu'ils ne sont pas satisfaits de cette façon de faire. On le verra dans les différents mémoires. Les pouvoirs des institutions financières doivent être clairement établis dans les lois et non pas modifiés, changés, ajoutés ou enlevés par un décret gouvernemental. Ce n'est pas normal.

Or, M. le Président, je voudrais terminer là mes propos en disant tout simplement que nous sommes heureux que, finalement, cette commission parlementaire ait lieu. Nous allons entendre avec beaucoup d'attention les remarques qui vont nous être faites sur l'avant-projet de loi et l'Opposition a l'intention d'en tenir compte lors de l'étude du projet de loi qui, nous l'espérons, sera déposé au mois d'octobre, dès l'ouverture de la session. Je vous remercie.

Auditions

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. Nous allons maintenant entendre l'Association des banquiers canadiens. Alors, je demanderais aux représentants de l'organisme de prendre place à la table des témoins. S'il vous plaît, est-ce que le porte-parole de l'organisme pourrait, dans un premier temps, s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent?

Association des banquiers canadiens

M. Turcotte (Michel): Avec plaisir, M. le Président. Mon nom est Michel Turcotte et je suis le nouveau président du comité du Québec de l'Association des banquiers canadiens. Je suis accompagné du secrétaire du comité, Daniel Ferron et du conseiller juridique du comité, Me Marc Duquette.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte. Permettez-moi maintenant de vous rappeler les règles de l'audition. Vingt minutes seront d'abord consacrées à l'exposé de votre mémoire. L'ensemble des parlementaires ont lu ce mémoire. Vous pouvez, soit le lire d'une manière textuelle dans le temps qui vous est alloué, soit 20 minutes, ou le résumer. Une période de 40 minutes d'échange avec les membres de cette commission suivra. Alors, sans plus tarder, nous vous écoutons.

M. Turcotte: Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, notre association est très heureuse de l'occasion qui lui est donnée aujourd'hui de faire part à votre commission et à l'honorable Pierre Fortier de nos principaux commentaires sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Notre association créée il y a près de 100 ans est un organisme qui regroupe actuellement 8 banques à charte et 58 filiales de banques étrangères. Le comité du Québec est l'un des comités provinciaux les plus actifs de l'association. Il a soumis de nombreux mémoires aux autorités québécoises dans des domaines aussi variés que la réforme du Code civil, la réforme du crédit agricole, les valeurs mobilières et le décloisonnement des institutions financières.

Les banques canadiennes jouent un rôle très important dans l'économie du Québec et entendent conserver leur part dans le marché québécois des services financiers où elles offrent une foule de services variés allant des prêts à la petite entreprise, prêts agricoles, hypothécaires et personnels jusqu'au financement de grands

projets commerciaux et des importations et exportations québécoises. Enfin, les banques emploient actuellement près de 30 000 Québécois et sont présentes dans plus de 1440 succursales à travers le Québec. L'actif québécois des banques à charte s'élève actuellement à près de 50 000 000 000 $. En bref, nous croyons que l'industrie bancaire représente pour le Québec un levier de développement économique très important. (11 heures)

L'association suit depuis plusieurs années et avec beaucoup d'intérêt les pas considérables accomplis par le Québec en matière de décloisonnement des institutions financières. L'association est favorable à la réforme du système financier et à la révision du pouvoir des institutions financières pourvu que cette réforme se fasse dans un contexte où le public jouira de la même protection d'une institution financière à l'autre et où toutes les institutions qui acceptent des dépôts seront traitées sur un pied d'égalité, avec des privilèges, des droits et des obligations comparables. C'est avant tout le souci d'uniformisation des règles du jeu et de protection du public qui motive notre association à adresser aujourd'hui ces quelques commentaires à votre commission sur l'avant-projet de loi.

Nous tenons d'abord à préciser notre satisfaction devant les nombreuses améliorations apportées par l'avant-projet de loi et qui répondent à plusieurs des préoccupations que notre association a exprimées dans le passé, notamment, le resserrement des règles relatives aux conflits d'intérêts et aux transactions intéressées impliquant les caisses d'épargne et de crédit et les exigences de réserve préalables au versement de ristournes. Nous notons également des améliorations notables concernant la présentation périodique d'information, bien que nous croyions qu'il reste encore des améliorations à y apporter. Nous tenons à féliciter particulièrement le gouvernement d'avoir pris l'initiative d'introduire ces nouvelles règles qui ne pourront qu'assurer une meilleure protection du public.

L'association constate toutefois que les caisses d'épargne et de crédit conservent encore plusieurs avantages réglementaires et fiscaux qui font en sorte que ces dernières ne sont pas encore traitées, à tous égards, sur le même pied que les autres institutions financières. Il est en effet primordial de traiter les caisses d'épargne et de crédit sur le même pied que les autres institutions financières, car elles sont devenues en 1988 une composante majeure du système financier québécois. Comme vient de le dire M. Garon, un vrai mammouth.

À titre d'exemple, le mouvement Desjardins, créé au début du siècle, représente maintenant à lui seul, par sa taille, la plus grosse institution financière au Québec. Le mouvement Desjardins domine déjà plusieurs secteurs d'activité financière chez nous et représente pour toutes les autres institutions financières, y compris les banques, un concurrent - je n'hésite aucunement à le dire - fort redoutable. À lui seul, le mouvement Desjardins compte, avec ses 1345 caisses à travers la province, un nombre d'établissements presque égal à celui de toutes les banques oeuvrant au Québec réunies. Son actif global est maintenant de 34 000 000 000 $. Le mouvement Desjardins recueille à lui seul plus de 35 % des dépôts du public québécois et contrôle la plus grande partie du marché des prêts hypothécaires, 42 % comparativement à 34 % pour les banques à charte et 22 % pour les sociétés de fiducie et de prêt hypothécaire. Enfin, le mouvement Desjardins domine largement le marché des prêts agricoles au Québec.

Ces quelques chiffres ont uniquement pour but de permettre à tous de saisir la position dominante dont jouissent déjà les caisses d'épargne et de crédit sur la place financière. Pour leur part, les banques ont toujours été disposées à accepter d'emblée cette concurrence, en partant du principe que celle-ci ne peut qu'assainir les marchés financiers et profiter, en définitive, au public en général. Pour que ce but soit atteint, il est toutefois essentiel que cette concurrence se fasse sur une base égalitaire, avec les mêmes règles du jeu pour toutes les institutions financières. Il apparaît donc primordial, à l'occasion de la réforme de leur loi constitutive, que les caisses d'épargne et de crédit soient désormais traitées comme des groupes financiers intégrés d'envergure et non plus comme de simples regroupements de petites coopératives.

L'association reconnaît, d'autre part, les efforts déployés par le gouvernement pour introduire dans l'avant-projet de loi des dispositions en matière de déontologie et d'autoréglementation. Toutefois, nous constatons que l'avant-projet de loi contient certaines lacunes en matière de protection du public. En permettant l'expansion et la diversification des activités des différentes composantes du mouvement Desjardins, le gouvernement a souvent omis d'y rattacher les règles de prudence et de divulgation nécessaires à la protection du public et à la santé financière des caisses. Afin d'assurer la protection des intérêts des déposants, nous croyons qu'il serait essentiel d'appliquer aux caisses les mêmes règles que celles régissant les autres catégories d'institutions financières habilitées à recevoir des dépôts.

Les caisses d'épargne et de crédit, et particulièrement le mouvement Desjardins, sont devenues des groupes financiers complètement intégrés qui regroupent de nombreuses composantes, beaucoup plus corporatives que coopératives. À cet effet, les règles régissant l'émission de capital pour les diverses composantes du mouvement devront être scrutées soigneusement afin d'éviter de créer un déséquilibre entre les diverses catégories d'institutions financières.

Nous demandons également au gouvernement de s'assurer que les règles applicables aux caisses

en matière d'émission et de distribution de valeurs mobilières soient les mêmes que celles applicables aux autres catégories d'institutions financières.

Après ces commentaires généraux nous aimerions vous faire part de certains commentaires particuliers sur certaines dispositions de l'avant-projet de loi qui ont attiré notre attention.

Dans un premier temps, l'article 216 de l'avant-projet de loi traitant des modifications aux activités pouvant être exercées par les caisses inquiète beaucoup l'association car il rendrait possibles des modifications aux règles du jeu des marchés financiers et pourrait avoir des conséquences importantes pour les consommateurs sans possibilité d'intervention de l'Assemblée nationale et des intéressés. Nous recommandons donc au gouvernement de faire en sorte que toute modification importante aux pouvoirs des caisses ne soit possible qu'au moyen du dépôt d'un projet de loi.

En ce qui concerne la possibilité offerte aux caisses de faire des placements dans des entreprises en vertu des paragraphes 5° et 9° de l'article 257 et de l'article 259 de l'avant-projet de loi, l'association croit que la limite de 2 % de l'actif de la caisse est satisfaisante. Toutefois, nous croyons que les pouvoirs des caisses d'investir dans des entreprises devraient être limités strictement aux seuls cas de placements provisoires, de la même façon que les banques en vertu de l'article 193 de la Loi sur les banques. De même, la limite de 30 % des droits de vote d'une personne morale visée à l'article 259 de l'avant-projet de loi devrait être abaissée à 10 % comme c'est le cas pour les autres catégories d'institutions financières.

Notre association s'interroge aussi sur l'opportunité de permettre aux caisses, tel que le suggère l'alinéa 5° de l'article 213 de l'avant-projet, d'agir à titre de courtier pour le placement non seulement de parts permanentes et de parts privilégiées de la caisse elle-même, mais aussi de valeurs mobilières de sociétés de portefeuille contrôlées par la confédération à laquelle la fédération dont la caisse est membre est elle-même affiliée.

Nous nous préoccupons de la protection des épargnants dans un tel contexte susceptible de donner ouverture à des conflits d'intérêts.

En matière de crédit, l'association estime que les activités des caisses, notamment dans le secteur des prêts hypothécaires, devraient être soumises à des conditions analogues à celles qui prévalent pour les autres institutions financières.

L'interdiction faite aux banques et compagnies de fiducie de consentir des prêts hypothécaires de premier rang excédant 75 % de ta valeur de la propriété constitue un des exemples soulignés dans notre mémoire pour démontrer que l'introduction de règles de prudence minimales serait essentielle pour assurer la protection des épargnants et la santé financière des caisses.

En matière de divulgation financière, l'association constate que, malgré les améliorai tions apportées, l'avant-projet comporte encore certaines lacunes. En effet, l'avant-projet n'impose aux caisses, fédérations et confédérations aucune obligation de publier dans les journaux les états financiers, ni d'établir des états trimestriels contrairement aux règles auxquelles sont assujetties les autres catégories d'institutions financières.

Par ailleurs, les délais stipulés pour la préparation des rapports annuels sont plus longs que ceux auxquels sont assujetties les autres institutions financières. Il faudrait remédier à ces lacunes, compte tenu du fait que les caisses seront désormais autorisées à émettre des actions.

En ce qui concerne la question de l'affiliation des membres auxiliaires prévue aux articles 92, 339 et 348, l'association est d'avis que ces dispositions vont à rencontre des principes de base du mouvement coopératif fondés sur l'affinité entre les membres. Par ailleurs, la nature et la portée de cette expansion de même que la notion de membre auxiliaire apparaissent extrêmement floues dans l'avant-projet de loi.

L'association est également d'avis que le deuxième paragraphe de l'article 212 de l'avant-projet de loi disant que les activités coopératives des caisses ne constituent pas l'exploitation d'uri commerce ou d'un moyen de profit n'est vraiment plus adapté au contexte actuel de la réforme et devrait donc disparaître.

Enfin, en marge de l'avant-projet de loi, l'association demande que les avantages fiscaux dont bénéficient les caisses soient révisés concurremment à leur loi constitutive, afin que la réforme se fasse harmonieusement et dans le respect d'une saine concurrence. Plus particulièrement, l'exemption favorisant les caisses au niveau de la taxe sur le capital n'est plus justifiée, compte tenu des nouvelles dispositions favorisant une capitalisation accrue du mouvement coopératif. De même, l'intégration financière des composantes du mouvement Desjardins réalisée par l'introduction de nouvelles normes de capitalisation devrait s'accompagner d'une intégration dans le traitement fiscal afin que, au chapitre de l'impôt sur le revenu, les caisses ne soient plus traitées comme des entités autonomes.

Les fédérations étant appelées à devenir au terme de l'avant-projet, avec leurs nouveaux pouvoirs et leurs nouvelles structures, de véritables quasi-banques régionales, il nous apparaît logique que l'imposition du revenu soit auss faite à tout le moins au niveau de chaque fédération dans son ensemble plutôt que sur une base individuelle, caisse par caisse, ce qu. éviterait de perpétuer la multiplication de la déduction à la petite entreprise dont jouit actuellement chaque caisse. Nous croyons que ce traitement de faveur n'est plus justifié dans le contexte actuel.

En ce qui concerne les incitatifs fiscaux bue le gouvernement a l'intention de rattacher aux nouvelles formules de capitalisation du mouvement coopératif, l'association espère tout simplement qu'ils ne favoriseront pas indûment les caisses et que tous les intéressés auront l'occasion de commenter les propositions gouvernementales avant leur adoption.

En conclusion, messieurs, notre association est heureuse de pouvoir apporter aujourd'hui à la commission du budget et de l'administation et au ministre délégué aux Finances et à la Privatisation les quelques commentaires que nous venons d'exprimer. Nous souhaitons que ces quelques suggestions aideront votre commission à apporter les modifications qui s'imposent à l'avant-projet de loi, de sorte que la réforme des caisses d'épargne et de crédit se fasse dans un contexte où les institutions financières seront traitées vraiment sur un pied d'égalité et où le public jouira pleinement de la meilleure protection possible. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte. Chacun des groupes parlementaires a donc un temps de parole global de 20 minutes; la durée des interventions - une ou plusieurs interventions - le temps de parole de chacun des députés est de dix minutes. M. le ministre, vous avez la parole pour une durée de dix minutes.

M. Fortier: Merci, M. le Président. M. Turcotte, je remercie l'Association des banquiers d'être venue en commission parlementaire. Je n'en attendais pas moins du fait de l'importance, bien sûr, du mouvement Desjardins et des banques au Québec. S'il est vrai qu'au Québec on se réjouit - d'ailleurs, je partage les paroles du député de Lévis, et je pense que tous les Québécois sont très fiers qu'un mouvement de solidarité se soit développé au cours des ans, depuis 1903, et qu'on ait réussi collectivement à monter un groupe financier important - même s'il est vrai que tous les parlementaires autour de cette table partagent cette fierté, il n'en demeure pas moins, si on veut regarder les choses froidement, que les banques jouent également un rôle extrêmement important au Québec. Plusieurs banques sont présentes au Québec; une est également sous contrôle québécois, mais, de toute façon, je crois que toutes les banques canadiennes sont représentées au Québec, et vous avez souligné avec raison, et je crois qu'on doit en prendre note, la contribution pour appuyer le développement économique du Québec dans plusieurs régions du Québec.

Bien sûr, vous connaissez l'historique du mouvement Desjardins. On ne peut pas récrire l'histoire. À partir de 1900, quand M. Desjardins a voulu obtenir une charte fédérale, il s'est repris plusieurs fois et, à un moment donné, une loi a même été adoptée au Parlement canadien; elle a été battue par le Sénat. En définitive, le gouvernement du Québec a présentement juridiction sur les caisses d'épargne et de crédit et, avec la disparition, à toutes fins pratiques, des caisses d'établissement, l'avant-projet de loi que nous discutons va s'appliquer intégralement, uniquement au mouvement Desjardins. Donc, le gouvernement du Québec a juridiction sur les caisses d'épargne et de crédit et, par ailleurs, le gouvernement fédéral a juridiction sur la Loi sur les banques, de sorte que deux paliers de gouvernement sont impliqués. Vous dites qu'il faudrait quand même que les règles du jeu soient à peu près les mêmes. Enfin, je sais que vous savez que ce développement historique a permis particulièrement au mouvement Desjardins de développer des liens commerciaux; les banques n'ont pas de liens commerciaux. Donc, on se retrouve avec des animaux - excusez-moi l'expression - avec des entités qui opèrent dans le système bancaire, mais qui sont régies par des lois différentes de sorte que, historiquement, leur développement s'est fait de différentes façons. (11 h 15)

Je pense que le député de Lévis avait raison de dire qu'en 1906, quand le gouvernement québécois a adopté sa Loi sur les coopératives, personne au Canana ne croyait qu'éventuellement il y aurait un mouvement important, qu'un groupe financier important serait créé. Même en 1963, quand M. le premier ministre Jean Lesage a fait adopter - d'ailleurs, avec l'appui de l'Opposition à ce moment-là... Je relisais les débats en commission parlementaire parce que c'était en janvier 1963 et je crois que les débats à l'Assemblée nationale ont commencé à être enregistrés à ce moment-là; alors, on peut relire les débats. D'ailleurs, M. Jean Lesage et M. Daniel Johnson du temps étaient très solidaires pour appuyer le développement du mouvement Desjardins. Mais, même en 1963, le mouvement Desjardins n'avait qu'un actif de l'ordre du milliard de dollars; alors, cela commençait à être important, mais c'est à partir des années soixante-dix, je crois, qu'on a vu le développement du mouvement Desjardins se faire à une allure accélérée.

Je pense que vous savez tout cela. D'ailleurs, vous dites - j'en prends note - que vous m'aviez présenté un mémoire, je crois que c'était à l'été 1987. Évidemment, on a pris note de plusieurs de vos remarques. J'aimerais le dire, même si on est très fier du mouvement Desjardins, on croit, avec raison, que les banques jouent également un rôle financier et économique important au Québec. Bien sûr, ce n'est pas facile de le faire, mais il s'agit de trouver un équilibre dans la mesure où on le peut parce que ce n'est pas nous qui légiférons au gouvernement fédéral et dans la mesure où on le peut, il s'agit aussi d'essayer de trouver un équilibre entre les différentes institutions financières.

Vous apportez certains commentaires. Je crois que j'aimerais, à ce moment-ci, en commenter deux. Je vais laisser mes collègues intervenir. Je reviendrai s'il me reste du temps

par la suite. Sur la question des pouvoirs, en fait, vous dites là-dessus que vous voyez d'un oeil défavorable l'article 216, je crois. Je notais avec plaisir le commentaire du député de Lévis parce qu'il disait: Mon Dieu, ce n'est peut-être pas la façon de faire les choses. Mais j'aimerais lui rappeler que, dans la Loi sur les assurances, que M. Parizeau avait proposée dans le temps, c'est encore bien plus généreux parce que là ce n'est pas le gouvernement, c'est le ministre responsable qui décide et qui fait publier dans la Gazette officielle les pouvoirs additionnels qu'il peut donner aux compagnies d'assurances du Québec. Là, on s'aperçoit que le ministre responsable des institutions financières, dans le cas des sociétés d'assurances du Québec, a un pouvoir très important. On avait mis une disposition semblable à celle-là dans la loi sur les fiducies, mais certains de mes collègues et certains intervenants nous avaient dit que c'était peut-être un pouvoir trop important et on l'a encadré puisque, dans la loi sur les fiducies, maintenant, on retrouve une disposition semblable à celle qu'il y a dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit où le gouvernement - non pas le ministre, mais le gouvernement - peut, par décret... Mais il faut savoir qu'au Québec ce pouvoir de réglementer par décret est sujet à la Loi sur les règlements qui suppose une prépublication de 90 jours: 45 jours et, ensuite, encore 45 jours. Donc, c'est une façon de procéder qui est très publique. Ce n'est pas une décision qui se prend en catimini. Autrement dit, la possibilité dans la loi sur les fiducies d'ajouter des pouvoirs par décret, c'est la raison pour laquelle on l'avait adoptée; elle permet justement, pour le gouvernement, d'adopter un décret, de le publier et de faire en sorte que les intervenants puissent faire valoir leur point de vue.

Nous avons, à toutes fins utiles, gardé la disposition que nous avions adoptée l'année dernière dans la loi sur les fiducies. On s'est dit: Si c'est bon pour les sociétés de fiducie, cela doit être bon également pour les sociétés d'épargne et de crédit. Je voulais simplement faire le point à ce sujet, en notant votre commentaire et pour vous dire que, dans le fond, c'est moins généreux que ce qu'il y avait dans la Loi sur les assurances, mais cela permet quand même de faire des ajustements au fur et à mesure que certains besoins pourront être connus.

Par ailleurs, j'aimerais souligner que de la même façon qu'il y a dans la loi sur les fiducies une disposition qui oblige le ministre responsable de faire rapport à l'Assemblée nationale à tous les cinq ans, également, dans cette loi-ci, il y aura l'obligation pour le ministre responsable, à tous les cinq ans, de faire rapport à l'Assemblée nationale. J'imagine que les modifications les plus importantes devraient se faire à tous les cinq ans et non pas par décret, la possibilité de décret, bien sûr, nous permettant d'aller au plus pressé lorsque des changements pourraient se faire.

En ce qui concerne toute la question de la taxation ou des impositions, vous savez mieux que moi, bien sûr, que toutes ces choses ne se retrouvent pas normalement dans un projet de loi comme ceiui-ci. Il s'agit de décisions du ministre des Finances et du gouvernement en particulier. Enfin, je prends note de vos commentaires dans la mesure où vous dites: Même si ces recommandations ne devaient pas se retrouver dans l'avant-projet de loi ou dans le projet de loi comme tel, parce que ce n'est pas dans le projet de loi... Même, j'ai noté que, dans le mémoire du mouvement Desjardins, on nous parle de fiscalité. J'espère que tout le monde réalise que ce n'est pas dans le projet de loi qu'on va inscrire des dispositions touchant la fiscalité comme telle. J'aimerais quand même vous demander ceci à cet égard, je pense que vous faites un commentaire qui est nouveau pour moi, vous dites: Étant donné que l'avant-projet de loi semble établir une responsabilité en ce qui concerne les fédérations, la fiscalité devrait se faire à ce niveau. J'aimerais que vous explicitiez davantage cette recommandation parce qu'elle est tout à fait nouvelle. C'est la première fois que je l'entends, en public en tout cas, et il s'agirait pour nous, et pour le ministre des Finances et pour le gouvernement, d'une disposition tout à fait nouvelle. Bien sûr, le projet de loi est structuré de façon à préserver l'autonomie des caisses. On donne des pouvoirs accrus aux fédérations, on donne une autoréglementation à la confédération et un contrôle à l'inspecteur. On ne l'avait pas vu de cette façon. J'aimerais que vous explicitiez votre demande lorsque vous dites que, étant donné le fait que le contrôle de la capitalisation se ferait à la fédération, le gouvernement ou le ministre des Finances devrait se pencher sur des nouvelles dispositions qui feraient qu'au lieu de calculer les impositions du revenu à chaque caisse cela devrait se faire aux fédérations.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le ministre. M. Turcotte, le représentant de l'Association des banquiers canadiens, M. le ministre a épuisé son temps de parole. Alors, il a parié dix minutes exactement. Si vous devez répondre aux questions qui vous ont été posées par M. le ministre, je vous demanderais de le faire brièvement puisque vous épuisez son prochain droit de parole de dix minutes. Alors, brièvement s'il vous plaît.

M. Turcotte: Je devrais vouloir faire cela ou ne pas vouloir faire cela, M. le Président? Sur le dernier point, M. le ministre, la question de la fiscalité. J'ai remarqué que vous preniez note de notre intervention sur cela et que le règlement de cette situation ne se fera peut-être pas à travers ce projet de loi. Sur le dernier point que vous venez de mentionner, il nous apparaît que le fait que chaque caisse soit taxée séparément favorise l'ensemble des caisses ou la fédération

par rapport aux autres institutions financières qui, elles, sont sujettes à un impôt global. Pour faire une comparaison, c'est que dans le cas des banques c'est la banque qui paie des impôts et ce ne sont pas les succursales individuellement. Si les succursales de banques étaient assujetties à la même provision il y a des grosses chances qu'il y en ait plusieurs qui jouiraient de la même façon que les caisses de certains avantages tels que ce qui s'adresse à la petite entreprise, ce genre de provision. C'est a cela que nous faisions référence quand on a fait mention de ce sujet. Une confédération, comme vous l'avez indiqué vous-même, représente à nos yeux vraiment un organisme quasi bancaire qui fonctionne sur une base régionale. Dans ce sens, notre désir d'égalité entre les groupes prévaut.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte.

M. Fortier: Mon temps est écoulé?

Le Président (M. Lemieux): Oui, votre temps est écoulé, M. le ministre. M. le député de Mille-îles a demandé aussi la parole. Alors, M. le député de Lévis, vous avez la parole.

M. Garon: Alors, M. le Président, le ministre a fait comme d'habitude, il a toujours l'impression qu'on est là pour l'entendre alors qu'on est venu surtout entendre ceux qui sont devant nous. J'aimerais seulement faire une remarque au point de départ: je n'ai pas comparé le mouvement Desjardins à un mammouth. J'ai plutôt dit le contraire puisque, lors du dépôt du ivre blanc du ministre, il avait dit qu'il visait à créer des mammouths financiers. Ce que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'il ne faut pas attendre après les mammouths pour faire le développement économique au Québec. J'ai plutôt dit le contraire de ce que vous m'aviez attribué dans votre déclaration préliminaire qui n'était pas dans votre texte, j'imagine. D'ailleurs, tous ces débats sont enregistres. Quand vous en aurez une copie je vous ferai voir ce que j'ai dit exactement, j'ai plutôt dit le contraire: II ne faut pas attendre après les mammouths pour faire le développement économique au Québec. J'ai plutôt dit que c'étaient la petite et la moyenne entreprises qui créaient les emplois plutôt que la grande. Maintenant, j'aimerais vous demander ceci au point de vue de la fiscalité puisque c'est une impression qui traîne dans le décor régulièrement que les caisses populaires ne paient pas de taxes et que les banques en paient beaucoup. Est-ce que vous êtes au courant d'une étude effectuée par la firme Caron, Bélanger, "Étude comparative des régimes fiscaux applicables aux banques et aux caisses d'épargne et de crédit au Québec", qui démontre les niveaux d'impôt que paient les banques et ceux que paient les caisses, et les niveaux de taxes? C'est plutôt comparable. Dans l'étude qui a été faite - je ne sais pas si vous la connaissez - on le démontre plutôt par banque, il y a même des tableaux, à la fin, qui montrent les taux d'impôt, etc., les pourcentages payés par les banques et les pourcentages payés par les caisses, et je vous dirai qu'il y a des caisses qui paient plus d'impôt que les banques. Est-ce que vous êtes au courant de cette étude?

M. Turcotte: Est-ce que je dois répondre tout de suite?

Le Président (M. Lemieux): Oui...

M. Turcotte: Je suis tout à fait au courant de l'étude de Caron, Bélanger, Dallaire, Gagnon, Charles Pelletier. Il y a deux volets dans notre argumentation à cette fiscalité: d'abord, celui du capital, et ensuite celui du revenu. Puisque vous faites état du revenu, vous remarquerez que la même étude de M. Pelletier indique les impôts payés par les banques, globalement, et indique, par opposition, les impôts payés ou les taux d'impôt qui s'appliquent à un nombre limité de caisses populaires, quelques-unes des plus grosses. Si je me souviens bien, le tableau que j'ai vu fait état de quatre ou cinq caisses populaires, les plus grosses. C'est évident que, si on tenait compte également, peut-être, d'autres entités à l'intérieur de chacune de ces confédérations, le taux relatif serait substantiellement plus bas.

On ne veut pas faire une grande histoire au sujet de la fiscalité, mais nous croyons qu'il y a là matière à examen de la part du gouvernement et de cette commission parce que nous croyons qu'il y a un manque à gagner important, de la part du gouvernement, sur le plan de la fiscalité. Vous avez fait allusion au rapport de M. Pelletier. Si vous examinez ce que M. Pelletier a dit quant à la taxe sur le capital, par exemple, vous constaterez qu'il indique assez clairement que, effectivement, les banques sont taxées sur le capital et que le mouvement Desjardins ne l'est pas, que les caisses d'épargne et de crédit à elles seules, dans le mouvement Desjardins, représentent un capital de l'ordre de 1 000 000 000 $, et si ce capital était taxé au taux de taxe sur le capital par le gouvernement du Québec, cela représenterait de 9 000 000 $ à 10 000 000 $ par année, par opposition à notre industrie, dont les membres sont sujets à impôt sur le capital à ce taux. Je vous assure que cela représente une différence importante sur le plan concurrentiel.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. Vous pouvez toujours continuer.

M. Garon: Autre question. À la page 17, vous dites: "En effet, bien que le Québec ait été jusqu'à maintenant à l'abri des faillites d'institutions financières, des épisodes comme celui des caisses d'entraide économique risquent de se reproduire si le gouvernement n'adopte pas immédiatement des normes minimales de prudence

en matière de crédit. " On a connu, il y a quelques années, les faillites de deux banques sur dix, à l'automne 1984. À quoi attribuez-vous ces faillites? Quelle est l'expérience de faillite de banques? Les banques ont tellement été protégées par les lois qu'il n'y en a pas eu, il aurait fallu faire exprès pour en faire et, malgré tout, il y en a eu deux. À quoi attribuez-vous ces deux faillites récentes qui ont été une épine dans le pied du gouvernement conservateur, à Ottawa, qui a injecté, tout le monde le sait, des centaines de millions de l'argent des contribuables canadiens pour essayer de les renflouer, mais inutilement?

M. Turcotte: C'est une question très intéressante et très pertinente. Effectivement, il n'y a pas eu de faillite de banque pendant 60 ans, ou à peu près, parce que, comme vous le dites, il y avait suffisamment d'encadrement aux institutions et cela protégeait davantage le consommateur. Qu'est-ce qui a causé précisément les deux problèmes qu'on a connus au Canada dans l'industrie bancaire? Il y a probablement plus d'une raison, mais une de ces raisons, c'est l'espèce d'euphorie qu'a connue l'Ouest canadien, sur le plan régional, pendant un certain nombre d'années, où tout n'allait que dans une direction, et c'était la bonne direction. Dans cette euphorie, des décisions administratives plus ou moins bonnes ont probablement été prises, et peut-être que certaines décisions qui auraient dû être prises ne l'ont pas été. Quand l'industrie pétrolière a souffert son coup dramatique au début des années quatre-vingt, cela a malheureusement ralenti d'une façon dramatique également la situation de ces deux institutions. Il y a probablement d'autres raisons pour ce genre de chose-là, M. le député de Lévis, dont je ne suis pas nécessairement au fait. (11 h 30)

C'était, d'autre part, une situation que peu de gens - incluant les gens qui nous assurent notre réglementation et notre encadrement -étaient habitués à voir. Peu de gens dans l'industrie étaient habitués à traiter avec ce genre de situation. Ce sont heureusement des situations qui ne se sont pas souvent produites. Mais je pense que, fondamentalement, c'est dû à la croissance phénoménale régionale, animée par des sentiments régionaux, qui a résulté dans cette situation.

M. Garon: A l'époque, certains avaient attribué ces deux faillites de banques au laxisme des inspecteurs de la Banque du Canada. La Banque du Canada, ce sont des gouverneurs qui sont dans des bâtisses dont les piliers du temple ont quasiment l'air du Parthénon. Évidemment, avec l'image institutionnelle de la Banque du Canada... Mais, apparemment, à l'époque, on a dit que leur inspection était plutôt de la catégorie "peewee". Qu'est-ce que vous en pensez? Parce que vous parlez d'encadrement. Mais l'inspection fait partie des encadrements. J'aimerais savoir si vous considérez que la Banque du Canada est vraiment un modèle à suivre quand on voit ce qui s'est passé dans ces cas-là.

M. Turcotte: Je pensais qu'on était ici pour parler des caisses d'épargne et de crédit!

M. Garon: Bien non, c'est parce que je n'ai jamais...

M. Turcotte: Écoutez...

M. Garon: Vous parlez du système d'épargne et de crédit. Je voudrais vous faire parler un peu du système que vous connaissez sans doute le mieux, qui est le vôtre.

M. Turcotte: Oui, je pense que le système d'inspection d'autoréglementation des banques à charte au Canada est, en général, très bon. Je pense que le système qui existe individuellement, indépendamment des bases d'associations, industrielles, ou des bases réglementaires est très bon. Il a pu se produire que les gens qui étaient responsables au gouvernement fédéral se soient retrouvés surchargés pour toutes sortes de raisons que j'ignore et qu'ils ont manqué peut-être de personnel. Je ne le sais pas.

Ce que l'on sait clairement aujourd'hui, d'autre part, c'est que le bureau du Surintendant des institutions financières a été élargi d'une façon importante depuis ce temps-là.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte. M. le député de Lévis, votre temps de parole est épuisé.

M. Garon: Bien, écoutez, j'ai commencé...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député.

M. Garon: Mais, là, j'ai commencé à 11 h 22.

Le Président (M. Lemieux): II est 11 h 32, M. le député de Lévis.

M. Fortier: Cela passe vite, n'est-ce pas? Ha, ha, ha!

M. Garon: D'accord, cela marche. Je reviendrai.

Le Président (M. Lemieux): II est 11 h 32 et même 11 h 33. M. le député de Mille-Îles, vous avez la parole. Je m'excuse, ce n'est pas bien grave, M. le député de Lévis.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. Turcotte, il y a de la dynamite dans votre document, surtout à la page 5. Je vous fais lecture du paragraphe du bas de la page. Je vous

cite: "Nous croyons qu'il n'est ni dans l'intérêt du public, ni dans l'intérêt des caisses, ni dans celui du gouvernement de ne pas appliquer aux caisses d'épargne et de crédit les mêmes règles que celles applicables aux autres institutions financières habilitées à recevoir des dépôts du public. À défaut d'un resserrement des règles de prudence et de divulgation les régissant, les caisses d'épargne et de crédit risqueraient de faire face à des difficultés semblables à celles éprouvées par les caisses d'entraide économique il y a quelques années. "

C'est un commentaire et un paragraphe très lourd de conséquences comme jugement sur les règles qui régissent présentement les caisses d'épargne et de crédit. Je note une mise en garde sévère au gouvernement en place quant aux dispositions du projet de loi.

Mais je vais attirer votre attention sur la protection fondamentale du public avec les réserves générales des banques, d'une part, et des caisses d'épargne et de crédit, d'autre part, et j'aimerais que vous m'éclairiez dans la balance des minutes qui vous resteront pour me répondre.

Vous êtes obligé en vertu de la Loi sur les banques d'avoir et de maintenir une réserve primaire, mais elle ne doit pas être inférieure au total des sommes représentées par 10 % du passif-dépôt à vue, 2 % du passif-dépôt à préavis, 1 % de la différence entre le passif-dépôt à préavis et 1 000 000 $, et 3 % du passif-dépôt en monnaie étrangère, tandis que les caisses d'épargne et de crédit sont tenues de maintenir une réserve générale dont le montant représente au moins 3, 5 % du passif-dépôt de la caisse.

Quand on parle d'une garantie de réseau, comme on en parle dans l'actuel avant-projet de loi, quelle est la valeur d'une garantie de réseau où les règles de base, quant aux réserves générales, ne se limitent qu'autour de 3, 5 % ou de 4 % comparativement aux obligations que vous avez, les banques? Est-ce que c'est à cela que vous faites référence quand vous tournez autour du pot, à la page 5 de votre mémoire? Est-ce que c'est le grelot que vous agitez? Demandez-vous au gouvernement du Québec d'augmenter les réserves générales ou l'obligation des caisses d'épargne et de crédit de maintenir une réserve primaire générale plus importante pour augmenter la sécurité du public?

M. Turcotte: Nous n'avons pas de bâton de dynamite, monsieur, pour employer votre expression, et nous ne sommes pas des balanceurs de grelots non plus. Je pense que le paragraphe en question fait beaucoup plus référence à la question de divulgation qu'à la question de maintien de réserve. Premièrement, dans le mouvement Desjardins, des réserves, il n'y en avait pas beaucoup avant, il y en a plus maintenant; deuxièmement, dans les banques, il y en a beaucoup depuis toujours et il y en aura moins dans ia nouvelle loi qui s'en vient. Donc, il n'est pas question de réserve.

Là question de réseau, d'autre part, est fort pertinente, à notre avis, en ce sens que le réseau assure une certaine stabilité, fait preuve également, à mon sens, de beaucoup d'autoréglementation. Mais ce à quoi nous voulions en venir ici, et je vous concède que ce n'est peut-être pas rédigé de la meilleure façon possible, c'est à la divulgation. Nous croyons qu'il y a lieu d'avoir une divulgation qui se rapprocherait bien davantage de celle à laquelle nous sommes soumis et à laquelle d'autres institutions financières sont également soumises que ce qui est proposé dans cet avant-projet de loi. Nous pensons que l'ampleur du mouvement était la dimension du mouvement Desjardins. On a dit tantôt que c'était devenu la plus grosse institution financière au Québec. Nous pensons qu'en vertu de ce fait et en vertu du fait qu'il y a tellement de gens - il n'y en a pas des centaines de milliers, il y a des millions de sociétaires - l'information financière pertinente du mouvement devrait être plus fluide et devrait être divulguée d'une façon plus régulière publiquement, dans les journaux, comme c'est le cas pour les autres institutions financières. Il s'agit, à notre point de vue, purement d'une protection générale du public.

M. Bélisle: Vous n'avez pas autre chose à ajouter là-dessus?

M. Ferron (Daniel): J'aurais un petit point dans le sens que ce qu'on visait aussi, pour ajouter à ce que M. Turcotte vient de dire, c'est la question d'émission d'actions. Si les caisses sont autorisées à émettre et même à vendre des actions des sociétés de portefeuille, à ce moment-là, il faudra y rattacher des règles de divulgation nécessaires parce que c'est le public qui va en souffrir, si ce n'est pas fait adéquatement.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous d'autres exemples de ce type de divulgation que vous aimeriez y voir apparaître?

M. Ferron: II y avait les prospectus, par exemple. Là, évidemment, l'avant-projet de loi ne traite pas de la question des valeurs mobilières.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Ferron: On présume que ia Commission des valeurs mobilières va s'occuper de ce domaine-là, mais on voulait quand même le souligner pour que ce soient les mêmes règles qui s'appliquent aussi à rémission d'actions que pour toutes les autres entreprises ou institutions financières.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Avez-vous terminé, M. le député de Mille-Îles? M. le ministre, il vous reste jusqu'à 11 h 42. Je m'excuse, M. le ministre.

M. Fortier: On peut aller en alternance.

Le Président (M. Lemieux): Oui, consentement du député de Lévis, jusqu'à 11 h 42? Alors, consentement du député de Lévis, oui.

M. Fortier: Très brièvement, je pense que le point que le député de Mille-Îles a soulevé est important. J'aimerais vous poser la question. Nous croyons que la capitalisation à 5 % du passif-dépôt est une augmentation substantielle, elle est de 3, 5 % actuellement. En prenant en considération le fait que les caisses populaires ne vont pas à l'étranger... Dans votre cas, je crois que la nouvelle exigence est de 4 % et devrait aller dans les années qui viennent jusqu'à 8 % selon une entente internationale. J'aimerais que vous me confirmiez que les 5 % sont une exigence nouvelle qui est d'ailleurs bien reçue par le mouvement Desjardins et qui satisfait également les banques. Je pense que vous pouvez confirmer cela.

M. Turcotte: Oui.

M. Fortier: La question que j'aimerais vous poser touche l'article 259 où vous dites que vous êtes d'accord avec les 2 % de l'actif qui pourraient être investis dans du capital de risque si on veut l'appeler comme cela. Nous avons limité cela à 30 % du vote parce qu'on ne voudrait pas que ce capital de risque permette à des caisses de contrôler une industrie. Parce que j'ai indiqué tout à l'heure que la nouvelle structure du mouvement permettrait, entre autres, si on pense à la société industrielle Desjardins, d'être dans un holding au niveau de la confédération. Donc, au niveau des caisses et de la fédération, il n'y aura pas de liens commerciaux comme tels. Et, dans le passé, ce qui arrivait, c'est que chacune des fédérations avait le droit de prendre 30 % de contrôle. Alors trois, quatre, cinq ou six fédérations se mettaient ensemble et pouvaient aller chercher jusqu'à 180 % d'une compagnie. Alors, réellement c'était "by-passer" l'intention du législateur. C'est donc la raison pour laquelle on a mis ici une disposition disant que, même s'ils investissaient 2 % ou que deux ou trois caisses se mettaient ensemble, elles ne pourraient pas contrôler plus de 30 % du vote. Alors, nous considérons cela comme un pas en avant dans le sens que cela limite de beaucoup ce qui se faisait dans le passé. Mais pourquoi demandez-vous que ce soit uniquement la même chose que les banques, soit 10 %? J'ai de la misère à comprendre la préoccupation que vous avez dans la mesure où vous dites: Le contrôle du vote devrait être limité uniquement à 10 %. Est-ce que c'est très important pour vous ou si c'est simplement pour dire que ce serait préférable si la participation d'une caisse ou de plusieurs caisses était limitée à 10 % du vote? Est-ce que c'est pour que cela soit semblable ou si c'est une disposition qui a une très grande importance pour les banques en général?

M. Turcotte: Premièrement, M. le ministre, c'était une question de désir d'uniformisation, non seulement avec les banques, mais également avec les sociétés de fiducie. C'était le point principal que nous voulions apporter sur ce plan-là.

M. Fortier: Alors, c'était plus pour des arguments de similitude que pour d'autres raisons qui seraient plus spécifiques.

M. Turcotte: C'est cela.

M. Fortier: Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: II y a une question que j'aimerais vous poser. Quand on lit le rapport Porter, si ma mémoire est bonne, de 1964, une des principales critiques qui était faite des banques - je ne dis pas cela pour... mais vous allez voir pourquoi - était que 30 % des prêts de plus de 100 000 $ étaient faits à des institutions, à des entreprises au conseil d'administration desquelles siégeaient les membres du conseil d'administration des banques. Cela veut dire que le membre du conseil d'administration de telle compagnie était au conseil d'administration de la banque et 30 % des prêts de plus de 100 000 $ des banques étaient faits à des compagnies auxquelles les administrateurs des banques étaient reliés. Vous ne pensez pas que c'est un des points, autant que la divulgation et tout cela, qui... De fait, dans les caisses populaires, c'est plutôt sur cet aspect-là qu'il faudrait s'assurer qu'il n'y ait pas de prêts qui impliquent des gens qui sont au conseil d'administration et qui ont un intérêt personnel. Vous ne pensez pas que, sur le plan des affaires, c'est là le plus grand danger qu'on se serve de ses influences comme administrateur d'une institution financière pour se faire faire des prêts auxquels on n'aurait peut-être pas droit autrement?

M. Turcotte: C'est un autre point très pertinent. Je me demande dans quelle mesure le Code de déontologie dont on parle ici pourra servir à assurer que ce genre de situation n'existe pas. Dans les banques, il y a eu une évolution énorme, depuis 1964, sur ce plan. Il y avait beaucoup de directorats croisés entre les banques et d'autres institutions qui ne sont plus permis maintenant. C'est une situation qui n'existe plus maintenant. Mais, dans les banques, le Code de déontologie fait qu'un administrateur doit quitter la salle au moment où des crédits dans lesquels il aurait une relation quelconque sont présentés à cette même table. Je ne crois pas que ce soit une provision de la loi. Je ne suis pas sûr à 100 %. C'est certainement une

habitude résultant du Code de déontologie. C'est un point important. Les transactions entre intéressés devraient faire l'objet de certaines assurances.

M. Garon: J'aimerais vous demander ceci: Le fait que les caisses populaires ne fassent pas vraiment de prêts internationaux... D'ailleurs, cela devrait être davantage encadré, sans doute. Ne pensez-vous pas que ce qui a rendu la situation des banques plus difficile, au cours des dernières années, ce sont justement ces prêts de milliards au gouvernement ou à des pays où la situation financière n'était pas solide? Au Brésil, par exemple, les banques ne recouvreront sans doute pas une grosse partie des montants prêtés. C'est un des aspects qui rend la situation des caisses populaires plus solide parce qu'elles ne font pas de prêts à des entreprises de pays étrangers dont le crédit n'est pas très fort. On parle actuellement des banques. C'est une des principales causes de perte des banques qui sont assumées, au fond, par les sociétaires d'ici, indirectement. (11 h 45)

M. Turcotte: Pour répondre à votre question, je suis obligé de faire certaines hypothèses. Il y a des cycles dans cela. Il n'y a aucun doute que les prêts à l'étranger ont causé des pertes importantes pour les banques. Est-ce dû strictement au fait d'avoir prêté à l'étranger? J'en doute. Il y a beaucoup de prêts à l'étranger qui sont d'excellents prêts, en fait. Fort heureusement.

La situation qui a découlé de celle qu'on a connue résulte davantage de la crise du pétrole que de n'importe quoi d'autre. La crise du pétrole a affecté également plusieurs des opérations internationales en Amérique du Sud, par exemple, ou en Amérique centrale. Comme c'étaient des économies qui ont une capacité plus limitée, il est évident que leur capacité de remboursement était moins bonne. La situation qu'ils ont dû traverser était insurmontable pour eux. Est-ce qu'on va se sortir de cette situation ou non? Je ne le sais pas. Mais d'autre part, il ne faut pas comparer la situation internationale des institutions bancaires canadiennes avec le fait que vous mesurez cela contre les avantages de faire affaire seulement au Québec, comme le mouvement Desjardins l'a fait jusqu'à présent. Je ne pense pas que la comparaison devrait être exclusive.

M. Garon: Je parle...

M. Turcotte: II pourrait y avoir des problèmes économiques, comme il y en a déjà eu, d'ailleurs, dans le commerce aux consommateurs, des problèmes économiques importants qui ont affecté davantage les institutions qui faisaient plus affaire avec les consommateurs. Depuis quelques années toutes les banques au monde, dans le monde occidental, qui font affaire avec le consommateur réussissent mieux que celles qui n'avaient que des liens avec des clients corporatifs. C'est un phénomène relativement nouveau. Dans les années soixante-dix c'était l'inverse. Or, il y a des cycles. L'important est d'essayer de se protéger contre ces situations sur lesquelles nous n'avons pas trop de contrôle.

M. Garon: Aux pages 8 et 15 vous parlez de l'émission d'actions. En ce qui concerne les émissions d'actions prévues par l'avant-projet est-ce qu'un processus tel que celui administré actuellement par la Commission des valeurs mobilières du Québec vous paraît satisfaisant?

M. Turcotte: De façon générale, oui.

M. Garon: Et pour la protection du public, aux pages 5 et 6, vous semblez préoccupé par cette question. Je pense que c'est normal parce qu'un des buts importants de la réglementation c'est la protection du public. Vous croyez que l'avant-projet de loi perd parfois de vue cet objectif. Pourriez-vous nous expliquer davantage comment les règles qui existent dans les banques visent mieux cet objectif comparativement aux caisses pour faire un genre de tableau comparatif?

M. Turcotte: Si vous faites référence à la page 5, au milieu de la page, on parle également de divulgation. Je pense que c'est l'élément principal que nous voulions porter à l'attention des membres de la commission.

Nous sommes obligés, par exemple, dans notre industrie, de publier des états financiers 45 jours après la fin de chaque trimestre et de les publier dans les journaux. C'est une imposition légale. Nous croyons que c'est une divulgation importante. Je suis obligé de penser que plus l'organisme est gros, plus il y a de gens impliqués, plus il devient nécessaire que cette information soit publique.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez encore deux minutes, M. le député.

M. Garon: À la page 23 concernant l'expansion extraprovinciale - c'est votre opinion que je veux connaître, ce n'est pas la mienne que je donne, je veux être bien clair là-dessus - on parle de l'importance d'un traitement équitable pour toutes les institutions financières. C'est pour cela que je dis qu'en posant ma question je ne donne pas mon opinion. Pourquoi refuser au mouvement Desjardins le droit d'aller dans les autres provinces alors que les banques ont le droit d'y aller? Ne considérez-vous pas qu'il s'agirait là de deux poids deux mesures ou est-ce parce que vous voulez davantage que les caisses populaires respectent leur caractère coopératif?

M. Turcotte: Ce serait bien qu'elles respectent leur caractère coopératif, je suis d'accord

avec vous là-dessus. Je pense que l'élément que nous voulions faire ressortir ici, ce n'est pas tellement le fait que les caisses aillent à l'extérieur. Ce n'est pas clair, en fait, cela nous apparaît un peu flou. C'est également le genre d'entente que cela pourrait donner entre les caisses et d'autres groupes de l'extérieur. Cela non plus n'est pas clair dans l'avant-projet de loi et c'est à cela que nous faisions référence. Nous serions concernés, je pense, si, par voie d'affiliation quelconque avec des institutions extraprovinciales, certains services de ces institutions devenaient disponibles dans les caisses populaires québécoises. Nous aimerions avoir un peu plus de précisions et d'encadrement sur ce point-là.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte. M. le ministre, vous avez quatre minutres et M. le député de Lévis va terminer avec quatre minutes. M. le ministre.

M. Fortier: Je vais en profiter pour corriger une impression. M. Turcotte disait qu'il trouvait que le Code de déontologie n'était pas assez sévère pour ceux qui sont dans des situations de décider. Je vous référerais aux articles 208 et 209 de l'avant-projet de loi. À l'article 208, on dit: "Un dirigeant qui a un intérêt dans une entreprise mettant en conflit son intérêt et celui de la caisse doit, sous peine de destitution de ses fonctions, dénoncer son intérêt", etc. À l'article 209: "Un dirigeant d'une caisse - et, comme dirigeants, on implique des personnes intéressées - ne peut davantage, sous peine de destitution de ses fonctions, rendre une décision sur le crédit qui lui est destiné". Ces deux dispositions sont très sévères et je peux vous dire que, selon les commentaires qui parviennent à mes oreilles, on est plutôt trop sévères; alors, vous me surprenez en me disant qu'on ne l'est pas suffisamment.

M. Turcotte: Cela dépend de quelle source cette information provient.

M. Fortier: Ha, ha, ha! Je pense bien que le ministre qui vous parle ne veut pas faire état de petits problèmes qui peuvent exister dans certaines caisses, mais il est vrai que M. Bouchard, l'inspecteur, m'a signalé qu'à certains moments des gens qui étaient dans des fonctions de décider du crédit dans une caisse... J'ai ici devant moi le cas d'un entrepreneur en construction qui était commissaire de crédit et qui n'a pas divulgué son intérêt, et il ne s'est pas abstenu de voter sur une demande d'emprunt de 395 000 $. Il me semble que c'est l'enfance de l'art. Je ne comprends pas qu'on soit obligé de rédiger un article de loi à ce sujet-là. Mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'il ne se passe rien. Il y a des choses qui se passent et elles ne sont pas catholiques. C'est malheureux parce que, sur 18 000 bénévoles du mouvement Desjardins, probablement qu'environ 17 900 respectent toutes les règles non écrites, mais, pour quelques-uns qui ne respectent pas certaines règles qui seront maintenant dans la loi, on nous accuse d'être beaucoup trop sévères.

Vous insistez beaucoup sur la question de la divulgation. Dans le fond, c'est plutôt à la divulgation à tous les trois mois que vous attachez beaucoup d'importance. Je dois vous admettre que, avant de devenir ministre des Institutions financières, je ne lisais pas tous les états financiers de toutes les banques; j'imagine que les 6 000 000 de Québécois ne lisent pas La Presse pour lire les états financiers publiés. Dans le fond, ce que vous voulez dire, c'est qu'en publiant tous les trois mois cela alerte les gens avertis des problèmes qui peuvent survenir et j'aimerais que vous explicitiez votre point de vue parce que vous semblez insister là-dessus et, pour le commun des mortels, ce n'est pas évident que tous et chacun vont se mettre à lire les états financiers de la caisse, de la fédération, de la Banque de Montréal ou de la Banque Royale.

M. Turcotte: Non, les...

M. Fortier: Je pense que ce n'est pas tout le monde qui lit les états financiers.

Le Président (M. Lemieux): M. Turcotte.

M. Turcotte: Les états financiers, en général, sont disponibles dans les caisses populaires, pour autant que je sache, mais, vous venez de le dire, ils ne sont pas nécessairement lus par les sociétaires. Je pense que, si la situation est connue publiquement, cela apporte une mesure de protection additionnelle pour le sociétaire. Est-ce que c'est aussi important que cela se fasse également au niveau de la confédération? Probablement. Je suis obligé de penser que probablement cela le serait. Si on parle strictement d'une caisse individuelle, bien on dit: Elle peut être en très mauvaise posture pour toutes sortes de raisons, bonnes ou pas bonnes, mais elle peut également se replier sur sa fédération.

M. Fortier: La fédération.

M. Turcotte: Et c'est vrai. Maintenant, si à l'intérieur de cette même fédération il y avait un nombre important de caisses qui se trouvaient dans une situation difficile, cela ne serait pas mauvais que le public le sache également. Donc, je suis obligé de penser que cette provision-là devrait s'appliquer également au niveau structurel supérieur.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte. M. le député...

M. Fortier: Est-ce que je peux...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre.

M. Fortier: Une demi-seconde, juste une demi-seconde, M. le député de Lévis.

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, avec le consentement du député de Lévis. Oui, il vous reste...

M. Garon: Oui, mais s'il veut une seconde...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: La question que je voudrais vous poser, elle est très importante. Vous dites: Ce ne sont plus des coopératives locales, les caisses d'épargne et de crédit, c'est une corporation. Je pense que cela est fondamental. J'aimerais vous poser la question suivante: Quand un épicier détaillant propriétaire de son magasin décide de porter la bannière Métro, considérez-vous qu'il cesse d'être un épicier détaillant propriétaire de son magasin parce qu'il porte la bannière Métro?

M. Turcotte: Si cet individu-là s'aide, vous voulez dire, en portant la bannière.

M. Garon: C'est parce que vous dites... M. Turcotte: Probablement que...

M. Garon: Le fait qu'ils sont ensemble, c'est devenu gros, ce ne sont plus des coopératives locales ou des caisses d'épargne locales, c'est une corporation comme nous autres, comme une banque avec des succursales.

M. Turcotte: Ce n'est pas uniquement... M. Garon: Je pense...

M. Turcotte:... à cause de cela que c'est une corporation, mais je pense que la forme... On tend à s'éloigner de plus en plus de la forme coopérative et à aller de plus en plus vers la forme corporative: d'abord, en vertu de la taille, en vertu de l'association que vous mentionnez, mais aussi, M. Garon, à cause du fait que, dans la pratique, il y a des institutions du mouvement Desjardins qui émettent des actions dans le public présentement, donc, qui vont chercher du capital à l'extérieur de leurs membres. Je ne dis pas que c'est bon ou que ce n'est pas bon, mais je dis que c'est cela. Donc, si c'est cela, c'est évident que c'est corporatif plutôt que coopératif.

M. Garon: Oui, mais que des groupes locaux...

M. Turcotte: Oui.

M. Garon:... veuillent se donner des services... C'est pour cela que je donne une comparaison comme Métro. Métro est une autre forme, à mon avis, d'entreprise où ce sont des épiciers qui sont propriétaires de leur épicerie, mais qui...

M. Turcotte: Qui partagent une bannière...

M. Garon:... partagent une bannière et font un regroupement d'achats. Est-ce que, pour autant, ils cessent d'être des détaillants locaux, propriétaires de leur entreprise qui font les décisions localement ou s'ils n'ont tout simplement pas décidé de se donner un certain nombre de services en commun comme le font les caisses populaires dans le cadre d'une fédération ou ensuite d'une confédération?

M. Turcotte: Je pense que, pour parier de l'épicier en soi, probablement dans sa pensée et probablement dans la pratique dans la plupart des cas, on peut faire la preuve qu'il s'est aidé aussi en s'identifiant à une bannière qui est bien connue dans son milieu. Mais j'ai de la difficulté à saisir le rapprochement entre cela...

M. Fortier: Sur le plan fiscal.

M. Garon: Non, je ne parle pas de la fiscalité, je parle au plan des décisions. Un exemple, il y a un grand débat actuellement sur les frais de service. On a parlé des frais de service des banques à Ottawa. Après cela on a mis les frais de service des caisses. Je vois qu'il y a des recommandations. Les décisions sont prises localement dans les caisses. Si je regarde la caisse où je vais, la plupart des frais de service qui sont indiqués là ne sont pas facturés. La caisse, c'est une entreprise locale qui a des services régionaux, à mon avis. Là, quand vous parlez du caractère corporatif, c'est comme s'il n'y avait plus d'entité locale qui décide d'un grand nombre de choses, comme si c'étaient toutes des décisions qui venaient d'en haut. Moi, je ne le sais pas, mais j'ai encore l'impression que, malgré les services en commun qu'on s'est donnés dans le mouvement Desjardins, les décisions viennent de la base.

M. Turcotte: Si vous regardez chaque unité individuellement, c'est probablement hautement souhaitable et, dans mon esprit à moi, c'est ce qui se rapproche le plus de la pensée originale d'Alphonse Desjardins ou du mouvement coopératif. Mais ce que l'on dit, c'est que en même temps que cela se produit il y a d'autres choses qui se sont produites aussi qui font que c'est devenu tellement gros qu'en vertu de la taille cela prend un encadrement beaucoup plus rigoureux que ce qui prévalait autrefois. Que ce soit souhaitable ou non, il faut faire face à la réalité.

C'est la même chose que le marchand qui

s'associe à la bannière Métro, la bannière Rona ou n'importe quelle autre, il s'assujettit automatiquement à un cadre donné qu'il est obligé de respecter.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, pour le mot de la fin.

M. Garon: Je veux vous remercier d'être venus nous rencontrer, et surtout, d'avoir accepté de bien répondre. Parfois, on pose des questions et les gens ne répondent pas. J'estime que vous avez vraiment répondu aux questions. Pour ma part, je n'ai pas posé de questions sur certains points de votre mémoire, ils étaient assez clairs et ne nécessitaient pas de questions additionnelles; j'ai surtout posé des questions sur des points qui ne m'apparaissaient pas clairs, pas assez couverts ou quand, à mon avis, je n'étais pas certain que la démonstration était suffisante. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer et d'avoir consacré le temps nécessaire à la rédaction d'un mémoire aussi volumineux pour donner votre opinion sur l'avant-projet de loi qui a été déposé par le ministre à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Je veux aussi vous remercier. Ce que je voulais ajouter tout à l'heure, parce qu'on parlait de publications, c'est que, dans le projet de loi, il y a une disposition qui fait en sorte que l'Inspecteur général des institutions financières, annuellement, va préparer un rapport sur la santé financière des caisses et va le déposer à l'Assemblée nationale. Ce n'est peut-être pas un substitut pour votre demande, mais c'est un complément d'information que je voulais donner. De toute façon, j'ai pris note de vos commentaires, et nous allons continuer, durant les deux ou trois jours qui viennent, à écouter les autres intervenants, et soyez assurés que vos commentaires seront pris en sérieuse considération. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation. M. Turcotte, avez-vous quelque chose à ajouter? Cela va?

M. Turcotte: Merci, cela nous a fait plaisir.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, au nom des deux groupes parlementaires, de votre participation à cette consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures et nous reprendrons cette consultation générale avec le Service d'aide aux consommateurs. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration poursuit ses travaux relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous allons maintenant entendre le Service d'aide au consommateur et, comme les représentants ont déjà pris place à la table des témoins, est-ce que le porte-parole de l'organisation pourrait s'identifier et présenter, dans un premier temps la personne qui l'accompagne?

Mme Plamondon (Madeleine): Mon nom est Madeleine Plamondon, je suis présidente du Service d'aide au consommateur de Shawinigan; à ma gauche, Mario Saint-Pierre, recherchiste au Service d'aide au consommateur.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme Plamondon. J'aimerais vous rappeler tout simplement que les règles sont les suivantes. Vous avez 20 minutes que vous devez consacrer à l'exposé de votre mémoire - 20 minutes ou moins - et suivra une période de 40 minutes d'échanges entre les membres de cette commmission. Sans plus tarder, nous vous écoutons.

Service d'aide au consommateur

Mme Plamondon: Nous présentons le présent mémoire parce que la décentralisation au sein du mouvement Desjardins provoque une satisfaction qui est inégale des membres des caisses populaires à l'égard des services que ces derniers utilisent. Chaque caisse exige des frais différents pour ses services. Aucune directive uniforme pour le traitements des plaintes n'émane ni de la confédération ni des fédérations. Il n'existe pas de centre d'information accessible à tous les consommateurs pour comparer les produits ou les politiques des caisses populaires. Dans l'intérêt des consommateurs, on estime qu'il est indispensable que la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit uniformise certaines politiques, tout en respectant le principe d'autonomie des caisses.

Vous me permettrez de présenter rapidement notre organisme. Le Service d'aide au consommateur est un organisme à but non lucratif qui s'occupe de la défense et de la promotion des droits des consommateurs depuis plus de quatorze ans. Nos objectifs sont de fournir des conseils aux consommateurs, de leur donner des renseignements, d'arbitrer les plaintes, d'orienter les plaignants et de représenter j comme aujourd'hui les intérêts des consommateurs.

On reçoit en moyenne 615 plaintes par semaine. Nous avons des lignes à l'usage des membres et celle grand public et nous avons une ligne sans frais partout au Canada depuis plus de trois ans. Il y a au-dessus de 15 500 consom-

mateurs qui payent une cotisation annuelle au Service d'aide au consommateur.

Pour la troisième année consécutive, les services financiers constituent l'un de nos dossiers prioritaires. Nous avons publié en mars 987 une étude sur les frais reliés aux services financiers. Cette étude a permis d'identifier plusieurs irrégularités quant aux frais et plusieurs défaillances quant à l'information délivrée sur ce sujet par les insitutions financières. Nous avons fait de nombreuses interventions.

À propros des frais de service, les consommateurs réclament de plus de recevoir de l'information sur les frais et une meilleure protection dans la consommation des services.

Nous avons proposé aux institutions financières une structure de mécanisme de recours. Nos objectifs ont été partiellement atteints seulement au niveau fédéral, par le dépôt d'un projet de loi amendant la Loi sur les banques. Ce projet de loi contient plusieurs des recommandations que nous avions émises devant le comité permanent des finances et des questions économiques.

Au niveau provincial, nous comptons sur la présente consultation pour vous faire part de nos appréhensions et de nos recommandations. Nous souhaitons que les consommateurs, par la réforme de la loi, soient davantage protégés. La structure des banques fait en sorte que les politiques qui sont émises par les sièges sociaux doivent être appliquées intégralement dans les succursales. À cause du caractère d'autonomie des caisses, il est indispensable que la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit prévoie des mesures claires sur les frais de service. Il est impensable qu'on s'en remette, à cause de la structure des caisses populaires, à des mesures volontaires. Nos recommandations sont donc doublement importantes si on les met en rapport avec celles qu'on avait exprimées devant le comité permanent des finances a Ottawa.

Les frais de service. Les déposants ont droit à l'information sur les frais de service. Lors de l'élaboration de notre étude à l'automne 1986, nous avons pu constater que les caisses populaires ne prennent aucune mesure pour indiquer les frais exigés pour chacun des services et produits offerts. Vous pouvez retrouver frais d'administration, frais de service et commissions sous trois sigles différents, et vous ne pouvez pas reconnaître là-dedans les arrêts de paiement, les certifications de chèques, les chèques NSF ou refusés, les frais de découvert ou les règlements de factures. L'absence d'information provoque chez le déposant de fréquentes surprises et entraîne souvent des situations qui lui causent des préjudices. On peut retrouver des gens qui feront un chèque qui se retrouvera sans fonds suffisants parce que des frais auront été prélevés sans que le déposant en soit averti au préalable. En ne connaissant pas les coûts reliés aux opérations utilisées, le déposant ne pouvait prévoir l'importance du montant des frais d'administration qui avaient été débités à son compte. Des consommateurs déposent régulièrement des plaintes au Service d'aide au consommateur selon lesquelles un ordre de paiement s'est avéré sans provisions suffisantes à la suite de la perception préalable de frais d'administration. En plus des préjudices qui sont causés par l'émission de cet ordre de paiement sans provisions suffisantes, le déposant doit payer un surplus de 10 $. Il n'y a aucun dépliant, il n'y a aucune affiche et, depuis le débat, on a remarqué que certaines caisses avaient commencé à prendre une initiative avec des panneaux électroniques. Un total de 1301 membres, signataires de la pétition du Service d'aide au consommateur que voici, provenant de 62 villes et municipalités du Québec et ayant présenté des transactions à 119 caisses différentes, ont signé un formulaire disant qu'ils voulaient voir afficher les frais dans les caisses et près des guichets automatiques, parce que les gens en ont assez, et c'est pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées quand on est allé devant le comité permanent.

On estime que les coûts annuels des frais de service ont été, en 1986, de 106, 50 $; à cette époque-là, c'étaient les coûts les plus bas avec ceux de la Banque Nationale, parmi la liste des banques et des caisses populaires. Mais c'est une sobre estimation qui entre dans le budget de chaque famille. Sans outil d'information sur les frais, comment les déposants peuvent-ils prévoir le coût des services dans leur budget? L'absence d'information sur les frais brime aussi le consommateur dans le choix de ses produits financiers. Étant dans l'impossibilité de magasiner quant à ces services, le consommateur fait aveuglément confiance à sa caisse. L'irritation survient quand on réalise le montant des frais qui sont débités à son compte. On a différents exemples qu'on pourra vous apporter tantôt à la période de questions. Toutes les entreprises établissent un système pour faire connaître à leurs clients la tarification. Bien que les banques à charte minimisent leurs efforts d'information, elles sont au moins soumises à la Loi sur les banques qui les oblige à divulguer les frais de service. La Loi sur les caisses d'épargne et de crédit doit veiller à ce que les caisses informent les déposants des frais parce qu'il n'y a rien de prévu à l'heure actuelle. Donc, nous recommandons que tous les déposants d'une caisse soient informés de tous les frais et conditions afférents aux services et produits offerts dès l'ouverture d'un compte de dépôt par la remise d'un dépliant; que le dépliant sur les frais de service soit disponible dans les présentoirs; que des affiches ou tableaux électroniques indiquant tous les frais de service soient placés près des comptoirs; que des affiches ou des tableaux électroniques soient aussi placés près des guichets automatiques et que le dépliant sur les frais de service soit envoyé annuellement à chacun des déposants; que toute modification des

frais fasse l'objet d'un avis d'au moins 60 jours précédant son entrée en vigueur et l'avis prendra la forme d'une affiche ou d'un envoi postal - les affiches indiquant les modifications devront être distinctes des autres affiches sur les frais pour montrer les différences à chaque fois - et que le rapport annuel de la caisse indique clairement et distinctement aux sociétaires le total des frais de service perçus.

L'élimination de certains frais. On demande qu'il y ait un compte de base. Je pense que les caisses populaires auraient dû prendre l'initiative du compte de base. Le Guaranty Trust nous a appelé. On peut faire, au Guaranty Trust, avec un compte de base - on appelle cela un compte coupe-frais ou un "fee-cutter" - des chèques, des retraits, des dépôts, des arrêts de paiement, avoir le retour des effets, les effets refusés sans frais, les livrets, les chéquiers qui sont codés gratuitement quand on ne demande pas le nom, l'adresse et le paysage en plus, évidemment, mais les effets de base sont gratuits. Si un trust est capable de le faire, les caisses populaires seraient capables de le faire aussi. Les fédérations recommandent un chèque ou un retrait sans frais par tranche de 100 $ qui est maintenue au compte. Les plus démunis, souvent, n'ont pas les moyens - ceux qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui sont au chômage ou au salaire minimum - de maintenir 100 $, donc ils paient toujours des frais. Tout déposant doit avoir accès à un compte de base, comme on vient de le mentionner. On pourra peut-être y revenir à la période des questions.

La commission mensuelle. Les déposants subissent des frais abusifs et même parfois carrément dissuasifs. Les commissions mensuelles perçues, si un solde minimum mensuel n'est pas maintenu, entrent directement dans cette catégorie. Depuis quelque temps les caisses populaires offrent le compte à rendement croissant. Les fédérations recommandent que 1 $ par mois soit chargé si le compte n'est pas maintenu à 300 $. Ce type de frais vise carrément à éliminer de ce produit-là les petits déposants et ce n'est certainement pas dans l'optique du fondateur des caisses populaires. Les frais pour les comptes inactifs. Nous demandons que les déposants utilisent leurs comptes. On trouve que les déposants, qu'ils utilisent leurs comptes ou non, paient toujours des frais. Si le compte est inactif, il n'y a aucune raison pour qu'on leur demande des frais.

Les frais d'effet refusé. Le déposant qui reçoit un chèque sans provisions suffisantes n'est pas responsable de ce manque de fonds. Pourtant, des frais lui sont chargés. Et si on regarde ce qu'on a obtenu avec le comité permanent des finances, les banques ont accepté de ne plus percevoir des frais sur les effets refusés.

Les erreurs de la caisse. Certains frais imposés aux déposants découlent directement d'erreurs de la caisse populaire. Les déposants n'ont pas à subir des préjudices pour les erreurs des employés de la caisse. Je vous donne l'exemple de l'arrêt de paiement. C'est inscrit sur la formule d'arrêt de paiement: "Si, par inadvertance, le chèque est passé, la caisse ne se tient pas responsable de l'erreur. " Donc, vous pouvez tout de suite voir... Si vous faites un arrêt de paiement, vous croyez vraiment que le chèque ne passera pas. Vous faites un autre chèque. Vous pouvez vous retrouver avec un compte sans provisions suffisantes.

Les frais arbitraires. Certains déposants se voient imposer des frais pour des services qui sont généralement gratuits. Est-ce la fréquence d'utilisation de ces services ou d'autres raisons qui provoquent la perception de ces frais? On dit qu'il y a des frais quand quelqu'un appelle trop souvent.

Les recommandations vont dans le sens de ce qu'on vient de donner. On y reviendra.

Les mécanismes de recours. La structure décentralisée du Mouvement coopératif Desjardins fait en sorte que les déposants ne reçoivent pas un traitement uniforme face aux plaintes qu'ils expriment. La Loi sur les caisses d'épargne et de crédit prévoit que le conseil de surveillance doit voir aux intérêts des membres. À en juger par le nombre de plaintes que nous recevons de la part de déposants, il semble évident que le mandat du conseil de surveillance n'est pas assez large. Aucun mécanisme n'est clairement publicisé pour que les déposants puissent se plaindre. Aucun employé n'est strictement désigné pour recevoir les plaintes. C'est surtout un service à la clientèle qui vise à vendre des services. Régulièrement, les déposants des caisses populaires nous contactent pour déposer une plainte ou pour obtenir de l'information sur les services qu'ils utilisent ou sur les politiques de leur caisse. Il est clair qu'ils ne savent pas où s'adresser pour être entendus et obtenir satisfaction. (14 h 15)

Nous avons déjà déposé en décembre 1987 une structure de mécanisme de recours à la Fédération des caisses populaires du centre du Québec. On préconisait un formulaire d'intervention, une ligne sans frais, un comité d'arbitrage à la fédération, un comité consultatif à la fédération et une politique uniforme pour la fédération, mais qui pourrait l'être aussi dans l'ensemble du Québec.

Notre proposition devait être traitée avec attention, évaluée et acheminée aux instances ayant la compétence de la mettre sur pied. Nous n'avons reçu aucun autre commentaire là-dessus. Il semble que notre suggestion fut écartée. Pourtant, les déposants continuent toujours à nous exprimer leur mécontentement.

Recommandations à la caisse: Que la structure de mécanisme de recours soit clairement affichée dans chaque caisse; que le conseil d'administration de chaque caisse désigne un employé habilité à recevoir les plaintes; que le conseil de surveillance de chaque caisse veille à ce que les plaintes soient résolues.

Recommandations à la fédération. Que dans phaque fédération un employé par secteur de produits soit habilité à traiter les plaintes non résolues par la caisse et à donner de l'information et que ce service dans les fédérations soit accessible par le biais d'une ligne sans frais publiée le plus largement possible. Il y en a des lignes sans frais, mais les gens ne la connaissent pas.

Recommandations à la confédération. Que es plaintes non résolues par les fédérations soient acheminées à la confédération qui, à l'aide d'un comité d'arbitrage composé en majeure partie des déposants, veillera à régler définitivement les litiges.

Le suivi des plaintes. Qu'à l'assemblée générale annuelle de chaque caisse un compte rendu des plaintes résolues et non résolues par la caisse soit transmis aux membres; que les plaintes résolues et non résolues, tant au niveau des caisses que des fédérations et de la confédération, fassent l'objet d'un rapport annuel qui sera acheminé à l'Inspecteur général des institutions financières.

Prévention. Que l'Inspecteur général des institutions financières émette des recommandations au ministre des Finances pour prévenir les problèmes identifiés à l'aide du rapport annuel; que le ministre des Finances émette de nouvelles mesures à partir des recommandations de l'Inspecteur général pour octroyer aux déposants une meilleure protection.

Le cheminement des plaintes vous a été donné en annexe. S'il y a des questions, on y répondra ensuite.

J'aimerais parler de la protection des déposants et de la responsabilité. Les caisses populaires se dégagent de leurs responsabilités dans le moment en liant l'utilisation d'un service à une clause de non-responsabilité. Ces clauses se retrouvent sur des formulaires, comme je vous e disais tantôt, d'arrêt de paiement. Quand vous signez une formule pour avoir une carte de guichet automatique, vous assumez encore toutes es responsabilités, et on pourrait continuer là-dessus.

Les guichets automatiques, les arrêts de paiement, les erreurs provenant d'une caisse. Je donne un exemple: Si l'emprunteur respecte un contrat de 48 versements de 250 $ et qu'on dise ensuite que l'emprunteur doit encore parce qu'on a mal fait le calcul, Hélène Dion, du bureau de 'Inspecteur général des institutions financières, nous disait que ce problème-là est fréquent et que l'emprunteur n'a pratiquement aucun recours.

Les chèques sans provisions suffisantes versus la suspension ou l'exclusion d'un membre des caisses populaires. La Loi sur les caisses d'épargne et de crédit prévoit qu'un membre peut être suspendu ou exclu s'il a présenté ou mis en circulation à deux reprises ou plus un ordre de paiement sans provisions suffisantes. Le fait qu'un ordre de paiement s'avère sans provisions suffisantes est souvent dû à la perception au préalable des frais de services. Le Service d'aide au consommateur estime qu'avant d'imposer 10 $ de frais à son membre et lui causer des préjudices, tout en le rendant passible d'exclusion, la caisse devra prouver que les frais n'ont rien à voir avec l'ordre de paiement sans provisions suffisantes.

Le recours d'un tiers. L'article 228 du projet signifie qu'un tiers ne peut pas intenter de recours judiciaire contre une caisse lorsqu'elle exerce des activités qui ne sont pas permises en vertu de l'avant-projet de loi. La possibilité pour une personne qui désirerait poursuivre une caisse en faveur d'un parent ou d'un ami est donc totalement écartée. Cet article brime l'accès à la justice qui est pourtant un droit fondamental. La Charte des droits et libertés de la personne le reconnaît déjà.

La liste des comptes inactifs. Aucune liste publique des comptes inactifs - c'est la fédération qui nous le dit - n'est émise avant la remise qui a été prévue par l'avant-projet de loi qu'on est en train de regarder pour que ces sommes soient versées au ministre des Finances. Les déposants qui ont un compte inactif n'ont donc pas d'outil de référence pour réclamer ces soldes comme on en voit au fédéral. Nous voudrions qu'une liste des comptes inactifs soit affichée dans chaque caisse populaire, contrôlée et remise à la Gazette officielle pour que les gens puissent voir s'ils n'auraient pas laissé des comptes dans quelques caisses populaires pour pouvoir les réclamer comme on peut le faire avec un compte dans une banque.

En conclusion, plusieurs de nos recommandations ont été émises à divers représentants des caisses populaires Desjardins. On constate malheureusement qu'elles n'ont pas été retenues. Les caisses ne semblent pas réceptives aux besoins des consommateurs.

Le Service d'aide au consommateur compte donc sur la présente réforme de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit pour atteindre les objectifs suivants: la mise sur pied d'outils d'information sur les frais; l'interdiction de percevoir certains frais; l'établissement d'un mécanisme de recours; une meilleure protection pour les déposants.

Nous estimons que seule une loi peut répondre adéquatement à ces besoins. Les banques à charte ont mis sur pied quelques mesures volontaires qui réalisent partiellement nos objectifs. Ces mesures, adoptées pour faire taire l'irritation des consommateurs, ne semblent pas être appliquées également dans les succursales d'une même banque. Pourtant, celles-ci relèvent toutes d'un même siège social. Si de telles mesures sont appliquées aussi parcimonieusement dans les banques, nous appréhendons grandement la situation qui risque de prévaloir dans les caisses advenant le cas où elles adopteraient des mesures volontaires selon leurs principes d'autonomie. L'introduction de nos propositions dans la présente loi est absolument

nécessaire pour que tous les déposants bénéficient d'un traitement équitable. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Mme Plamondon, votre mémoire est tout à fait pertinent. Ce matin, lors de mon allocution liminaire, je disais que le but de la commission parlementaire est d'entendre la population, et vous parlez ici au nom des déposants. D'ailleurs, on a suivi dans les journaux les représentations que vous et des associations semblables à la vôtre avez faites à Ottawa et on a vu que vous étiez capable de remuer ciel et terre pour faire entendre votre point de vue. On s'aperçoit d'ailleurs, particulièrement dans les banques de juridiction fédérale, que des changements se sont opérés.

On m'indique, au chapitre de la confédération, que certaines dispositions ont également été prises. J'ai ici devant moi une lettre de M. Béland, adressée le 15 juin dernier, qui faisait d'ailleurs suite à certaines de vos représentations. J'aimerais vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous sur un des principes très important, la divulgation complète de la tarification. D'ailleurs, nous avons mis dans l'avant-projet de loi - et je ne dis pas cela pour dire qu'on ne peut pas l'améliorer - à l'article 501, 15°, une disposition qui permettrait justement au gouvernement de déterminer à quel moment et de quelle façon les déposants doivent être informés du taux d'intérêt que cela rapporte à leur dépôt, du mode de calcul d'intérêt et des autres conditions requises pour qu'ils en soient visiblement informés. On devrait peut-être améliorer cet article pour s'assurer qu'il satisfait à vos recommandations concernant la divulgation dans chacune des caisses.

Bien sûr, d'une façon générale, la philosophie de l'avant-projet vise à permettre à la confédération ou aux fédérations et aux caisses de déterminer elles-mêmes leurs politiques, quitte à ce que le gouvernement puisse, en dernière analyse, intervenir si aucune action n'était prise. Mais cela va, je pense bien, dans le sens de vos recommandations sur la divulgation dans chaque caisse pour que chaque membre puisse être informé de la tarification qui s'applique soit par mode électronique ou soit par un feuillet qui est distribué. Je pense bien que là-dessus on se rejoint et, s'il faut bonifier notre projet de loi, nous le ferons.

Etant donné que le temps qui m'est alloué est limité, ce qui m'intéresse également énormément... Je me suis aperçu en lisant votre mémoire que notre avant-projet de loi ne parlait pas tout à fait des plaintes qui étaient formulées. Et, de fait, l'Inspecteur des institutions financières me confirme qu'il reçoit assez souvent des plaintes non seulement sur la tarification mais sur l'administration, sur le manque d'informations, sur le fait que quelquefois des membres veulent obtenir une assemblée et que l'assemblée leur est refusée. Donc, la recommandation que vous faites qu'il devrait y avoir dans le projet de loi une disposition pour traiter des plaintes, quant à moi, c'est une recommandation qui m'importe beaucoup.

Maintenant, vous semblez indiquer qu'on devrait prévoir qu'au niveau d'une caisse il devrait y avoir une personne spécifiquement responsable de l'audition des plaintes au niveau de la fédération et ensuite de la confédération. Étant donné votre expérience parce que je vois que vous avez devant vous de nombreuses personnes qui ont porté plainte, quoiqu'il s'agissait d'une pétition dans ce cas-là, il ne s'agit pas de plaintes comme telles, je me demandais: Est-ce que vous voyez un rôle pour l'Inspecteur des institutions financières? Nous, normalement, on préférerait laisser au mouvement Desjardins une autoréglementation, quitte à spécifier dans la loi que le comité de surveillance dans chacune des caisses devra avoir une responsabilité spécifique. J'admets que ce n'est pas dans l'avant-projet de loi et je vous dis mon intention immédiatement de le modifier dans le sens que vous suggérez. Mais je me demandais si vous aviez des recommandations précises quant à une plainte qui irait à une caisse, qui ne serait pas entendue à une fédération, et, si aucune suite n'est donnée, irait à la confédération. Ne devrait-on pas prévoir un système qui permettrait à l'inspecteur d'intervenir plus rapidement parce que, s'il s'agit d'une plainte d'un individu, par définition il ne s'agit pas de quelqu'un qui a recours à un avocat, il s'agit d'un individu qui est assez démuni face au système? Donc, on devrait lui faciliter un moyen pratique et rapide de porter plainte et d'obtenir justice dans les meilleurs délais.

Mme Plamondon: Oui, c'est pour cela qu'on disait que c'est un peu la même chose qu'on avait recommandé à Ottawa au comité permanent. À Ottawa, on avait dit que, si cela ne faisait pas à l'intérieur d'une même succursale - parce qu'on parlait des banques - on pouvait monter jusqu'au siège social de la banque. Après cela, si cela ne faisait pas, cela allait à un comité d'arbitrage. Le comité d'arbitrage, composé de représentants de groupes de consommateurs, aurait pu en même temps prévoir, voir si une situation est en train de se détériorer pour faire des recommandations à l'ensemble du milieu bancaire. C'est la même chose pour les caisses populaires. Notre recommandation à Ottawa n'a pas été retenue. On a retenu clans le rapport du comité permanent un ombudsman et même là cela n'a pas été retenu par M. Hockin, qui a décidé que c'était le bureau du Surintendant des institutions financières au niveau fédéral.

Le bureau du Surintendant des institutions financières était déjà là et cela n'a pas marché. S'il faut qu'il y ait quelqu'un qui représente à

ce niveau-là, à l'extérieur de la structure des banques et, là, des caisses, à l'extérieur de cela... Il faudrait un comité d'arbitrage indépendant du reste qui serait majoritaire au niveau des représentants des consommateurs et qui pourrait aviser le bureau du Surintendant des institutions financières et en même temps le milieu des caisses populaires. S'il n'y a pas cela... On pourra vous donner un exemple tantôt. On a des lettres de quelqu'un qui s'était adressé au bureau du Surintendant des institutions financières à Ottawa. Cela ne vaut pas le six de pique.

M. Saint-Pierre (Mario): On leur dit que...

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît.

M. Saint-Pierre: Mario Saint-Pierre. Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Saint-Pierre: Dans la lettre que le bureau du Surintendant des institutions financières leur a fait parvenir, on leur dit qu'on a ait part du problème à la banque et qu'ils suivent de près, mais qu'il n'y a aucune inter-vention directement.

M. Fortier: Bien sûr, vous réalisez que, dans le cas des caisses d'épargne et de crédit, es consommateurs ce sont les membres...

M. Saint-Pierre: Oui, oui.

M. Fortier:... qui sont membres d'une caisse. Les membres, à l'assemblée annuelle, élisent des réprésentants au conseil d'administration. Il y a également élection au comité de surveillance. Les membres nomment également des membres à a fédération. Vous avez étudié l'avant-projet de Loi et vous voyez que, bien sûr, il y a une autonomie des caisses, mais il y a des responsabilités de surveillance à la fédération et ensuite même à la confédération. On espère qu'en dernière analyse le gouvernement n'aura pas à intervenir, à moins que la confédération et les fédérations ne fassent pas leur travail. J'ose espérer et j'ai confiance qu'au niveau des fédérations ou de la confédération - comme en ait foi, d'ailleurs, une lettre de M. Béland... D'ailleurs, la lettre que vous avez envoyée semble avoir provoqué un sursaut d'énergie de la part des banques et du mouvement Desjardins en conséquence, dans le sens que, oui, il faut agir. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question. D'après ce que je vois, plutôt que le Surintendant fédéral des institutions financières ou l'Inspecteur des institutions financières du Québec, vous préféreriez, en première analyse, que ce soit au niveau même de la caisse que les problèmes se règlent. C'est le sens de votre intervention.

Mme Plamondon: Oui, parce que même pour administrer la caisse, si on réserve l'autonomie de la caisse... Il y a une étude qui a été faite. Il y a 4 000 000 de sociétaires. C'est le deuxième plus gros employeur après Bell Canada. La perception, dans l'étude qu'on avait vue, changeait pour les moins de 35 ans, qui la voient comme une institution financière comme tous les autres. Cela veut dire que quand vous dites: C'est ma caisse, je suis membre, etc., vous savez comme moi ce qui se passe dans les réunions d'assemblée annuelle. Les gens y vont surtout pour entendre un rapport bien rapidement, le goûter, etc., mais ils n'interviennent pas tellement. En plus, les gens font affaire avec une caisse, avec une banque, souvent avec deux banques, deux caisses, parce que ce n'est pas confiné à la paroisse comme cela l'était auparavant. Avec la structure des banques, quand un siège social donne un ordre, cela se rend jusqu'en bas, où il y a des moyens de contrôle. (14 h 30)

Avec les caisses, cela ne peut pas marcher comme cela. La confédération donne une directive à ses fédérations. Les fédérations font ce qui leur tentent. Les fédérations donnent un ordre à leurs caisses et chaque caisse fait ce qui lui tente. Cela veut dire que si vous êtes ici aujourd'hui, vous faites affaire avec une caisse, vous pouvez déménager demain dans un autre quartier d'une môme ville et vous allez avoir des politiques totalement différentes. D'où la double importance de légiférer pour les choses qu'on vous a demandées. On ne peut laisser cela à des mesures volontaire. Cela va être le "free for all".

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Plamondon. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je veux remercier le groupe de Service d'aide au consommateur d'avoir présenté un mémoire et de venir présenter l'expérience qu'ils vivent dans leur pratique d'aide aux consommateurs.

Il y a plusieurs points que vous soulevez. Il y a un point fondamental que vous venez de mentionner, c'est l'autonomie des caisses. Vous voudriez que le gouvernement, dans son projet de loi, nie complètement l'autonomie des caisses. Dans le débat qu'il y a eu sur les banques à Ottawa... Le ministre a été très généreux, il a dit: Grâce à votre lettre, les banques ont changé. Je ne suis pas sûr que cela se soit passé ainsi. Il semble qu'il y a eu un comité qui a siégé pendant des semaines à Ottawa et qui s'est beaucoup plaint des pratiques bancaires. Vous affirmez une chose dont je ne suis pas certain. Remarquez bien que je ne l'ai pas vérifié mais, dans ce que je lisais à cette occasion-là, on disait même que, dans les banques, le gérant n'était pas obligé d'appliquer toutes les mesures qu'indiquait la banque au point de vue des frais, qu'il y avait des frais obligatoires et qu'il y

avait d'autres frais où le gérant décidait ce qu'il voulait dans sa succursale. C'est ce que j'ai compris dans ce qui a été dit parce qu'on disait que ce n'était pas tous les frais qui étaient obligatoires dans toutes les succursales d'une même banque; il y avait moyen, pour la banque, de suivre ou de ne pas suivre toutes les directives.

Quant aux caisses, vous l'avez dit - et il y a eu beaucoup de discussions là-dessus - elles ont un caractère d'autonomie. Moi, je pense que le consommateur de la caisse populaire n'est pas comme un consommateur ordinaire; il est normalement un coopérateur. Il a aussi un rôle à jouer, je pense. Est-ce que vous faites beaucoup de pressions sur vos consommateurs pour qu'ils aillent à l'assemblée générale et expliquent leur point de vue?

Mme Plamondon: On a fait plus que cela.

M. Garon: Parce que je pense que le consommateur membre d'une coopérative a aussi la responsabilité de faire valoir son point de vue, parce qu'il a le droit de le faire valoir. Alors, s'il décide de ne rien faire valoir, c'est un choix qu'il fait. Parce que je pense qu'il faudrait, et c'est là que j'aimerais que, dans votre... Vous imputez toute la responsabilité au gouvernement dans votre présentation. Moi, je pense que le gouvernement... Des obligations de divulgation, par exemple, c'est une chose. Je pense que le gouvernement doit protéger, de ce point de vue, dans les obligations de divulgation. Mais, par rapport à des frais de service, ne devrait-il pas y avoir une marge d'autonomie, justement, qui relèverait des caisses qui, elles, ne sont pas toutes dans le même milieu? La question que je me pose, par exemple: Si moi, dans un mois, je fais quinze chèques, est-ce que je dois payer quelque chose pour le service que je demande à la caisse ou si je ne dois rien payer comme celui qui n'en fait aucun? Si j'utilise davantage la caisse et que cela exige plus de personnel, parce que je fais plus d'opérations dans mon compte avec opérations, est-ce que... ? Je vous pose cela un peu en vrac, là, parce qu'il y a beaucoup de choses dans ce que vous dites.

Mme Plamondon: Mais il y a aussi beaucoup de choses dans ce que vous dites. Parce que, vous aussi, quand vous dites que vous posez cela en vrac, quand vous dites qu'on demande que les caisses perdent complètement leur autonomie, je ne suis pas du tout d'accord. Quand vous dites complètement, là...

M. Garon: Je n'ai pas dit cela.

Mme Plamondon: En tout cas, c'est ce que j'ai perçu.

M. Garon: Non, non, non.

Mme Plamondon: Parce que, moi, ce que je veux, c'est que je ne veux pas changer...

M. Garon: J'ai dit que...

Mme Plamondon:... le rôle du conseil d'administration. Je ne veux pas changer leurs rôles, je veux leur donner plus de pouvoirs et je veux que le conseil de surveillance surveille les intérêts des membres de la caisse. Mais vous dites: Est-ce que vous avez fait des pressions sur les caisses populaires? J'ai déjà fait des réunions pour expliquer comment lire un bilan d'une caisse populaire avec des personnes-ressources de la fédération, avec des interventions de préparées dans une assemblée annuelle et je dois vous dire qu'on s'est fait huer par les membres parce que cela retardait le lunch. Quand j'avance quelque chose, c'est parce que je suis sûre de mon coup.

Ensuite, autre chose, quand vous dites... Je vous dis la vérité. Quand je vous dis que c'est aussi perçu comme une banque, c'est parce qu'il y a certains services de base où les gens vont à la caisse populaire non pas parce qu'ils sont membres d'une coopérative, mais parce qu'ils ont besoin d'un compte, que la caisse est tout près et qu'elle va leur donner ces services. C'est pour cela qu'on demande un compte de base. La structure des caisses étant ce qu'elle est, parce que la confédération ne peut pas forcer la caisse de Saint je ne sais pas trop quoi, à un endroit, à agir de telle façon, il va falloir qu'il y ait des services de base et des directives de base qui soient uniformes. Comme cela ne se rend pas de la confédération jusqu'aux caisses, il va falloir que le gouvernement l'inclue. C'est en plein le temps avec cela. Cela n'enlèvera pas les possibilités de la caisse de se diriger - je ne sais pas, moi - vers tel type de service financier ou de faire autre chose. Cela veut juste dire qu'il faudrait qu'elles offrent au moins des services de base, qu'elles prennent la responsabilité au lieu de faire signer des formulaires en blanc, que les gens prennent tous leurs responsabilités, qu'il y ait un mécanisme de plainte. Si les plaintes, cela ne fait pas, que le bureau du Surintendant des institutions financières ou de l'Inspecteur général des institutions financières puisse faire quelque chose et qu'il y ait un comité de consommateurs qui puisse surveiller cela pour pouvoir déceler les tendances. Il y a des gens dans les conseil d'administration de caisse et eux-mêmes trouvaient que les frais, il commençait à y en avoir beaucoup et ils l'avaient déjà mentionné à leur conseil d'administration. Vous allez d'une caisse à une autre et ce n'est pas du tout la même chose. Cela veut dire que, si vous faites affaire avec une caisse, une banque ou autre chose, vous êtes toujours pris à aller regarder... Là, vous ne pouvez pas regarder, de toute façon, avec une caisse. La structure des frais dans une caisse, n'essayez pas de la voir, elle n'est pas affichée. Demandez à une caissière pourquoi on vous a fait payer tels frais d'administration, elle ne le saura

même pas. Dans la Loi sur les banques, ce que (vous n'avez même pas dans votre loi, il est dit que, si vous n'avez pas été averti d'avance des frais, vous pouvez ne pas tes payer, ce que j'ai fait faire depuis deux ans à je ne sais combien de personnes au Canada. Appelez-les, vous leur direz que vous n'avez jamais été averti et ne les payez pas. Des 100 $ d'annulés dans les frais, on en a fait annuler en masse. Les caisses, je comprends que ce sont nos caisses. Moi aussi je suis pour les caisses. Je fais partie d'une caisse populaire et je m'en occupe de ma caisse. Mais...

M. Garon: II y a deux choses dans votre affaire.

Mme Plamondon: II reste quand même qu'il faut divulguer...

M. Garon: C'est parce que vous ne faites pas de distinction entre deux choses. L'obligation de divulgation...

Mme Plamondon: Oui?

M. Garon:... Je pense que c'est vendu, personne ne va s'obstiner là dessus.

Mme Plamondon: Avec quoi n'êtes-vous pas ' d'accord?

M. Garon: Non. C'est quand vous dites que, sur certains frais de service, par exemple, ils n'ont pas d'autonomie locale.

Mme Plamondon: Comme quoi?

M. Garon: Les frais de service selon les services que vous utilisez dans une caisse. Par exemple, quand vous payez tant pour un chèque, pour avoir un service de chèques, alors là... Ou encore parce qu'on dit: Si vous avez 100 $ dans votre compte courant, vous avez droit à un chèque gratuit par mois. C'est parce que 100 $ dans un compte courant ne payent pas d'intérêt et, à ce moment là, cela se trouve quand même à faire partie des actifs de la caisse. On vous donne un droit là-dessus dans les chèques. Là, c'est une autre affaire. La divulgation pour que le membre de la caisse soit au courant, je vais vous dire bien franchement, à moins qu'il y ait des...

Mme Plamondon: Non, ce que...

M. Garon: Je suis acheteur de cela facilement. C'est pour cela que je ne pose pas de question là-dessus. Je me dis qu'entre la divulgation et dire à la caisse comment établir ses frais de service... Il y a deux choses et il faut faire des distinctions, à mon avis.

Mme Plamondon: Je vais la faire la distinction. Quand je vous dis de faire un compte de base, cela ne veut pas dire de ne pas faire d'autres types de compte pour le reste de la clientèle. Mais il devrait y avoir un compte de base pour ceux qui sont démunis et qui font juste les transactions obligatoires. Le gouvernement paie ses assistés sociaux avec des chèques, l'assurance-chômage paie avec des chèques, les pensions de vieillesse sont payées par chèque. Vous êtes obligé, veut veut pas, de transiger avec des chèques. Il faudrait pour que quelqu'un, même s'il n'y avait pas d'intérêt payé sur les comptes, puisse faire un certain nombre d'opérations sans frais. Pour les gens démunis, un compte de base. C'est ce que les gens là-bas, à Ottawa, appelaient du "basic banking". A part de cela, si vous voulez avoir des comptes qui paient plus, la caisse fera des "packages" où elle paie plus. Mais qu'il y ait un compte de base offert à ceux qui sont démunis et qui sont obligés de payer par chèque. Ce ne sont pas les consommateurs qui ont demandé les chèques. Ce sont les institutions financières qui ont préparé cela. Quand on a commencé à donner les chèques codés magnétiquement, cela allait mieux pour le tri. Après ils ont commencé à charger pour les chèques.

M. Garon: Vous faites...

Mme Plamondon: Les chèques qu'on fait. Quand vous voulez un chéquier, est-ce qu'on va vous le donner tout le temps?

M. Garon: Ce n'est pas un chèque qu'on reçoit.

Mme Plamondon: C'est personnalisé. Vous avez des bateaux là-dessus. Vous avez toutes sortes de choses. Ce ne sont pas les gens qui ont demandé cela.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Plamondon. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je suis très sympathique à ce que vous dites, très sympathique. Vous me permettrez, pour ramener peut-être un peu plus à la réalité mon collègue de Lévis, de vous raconter une petite anecdote que j'ai vécue...

M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez... M. Bélisle: C'est amical.

M. Garon: Non, mais cela ne fait rien. Je suis tanné de toujours me faire référer par les gens du parti. On est là pour entendre les citoyens, alors... Ils ont assez de difficulté à le faire.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Mille-Îles...

M. Bélisle: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux):... dans le respect des droits et du député de Lévis, s'il vous plaît.

M. Fortier: C'est un témoignage, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je comprends, mais s'il vous plaît...

M. Bélisle: Quand j'ai appelé le député de Lévis mon collègue...

Le Président (M. Lemieux):... n'attisez pas le feu, M. le député de Mille-Îles. Cela va bien là.

M. Bélisle: Cela va très bien.

Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord.

M. Bélisle: J'ai vécu un petit événement au printemps dernier et cela m'a beaucoup fait sourire. Et j'étais même tellement désemparé au comptoir que je n'en croyais pas ce que j'avais vécu. Cela s'est produit dans une caisse populaire à Laval où j'ai été membre pendant douze ans et mon compte était inactif depuis environ deux années parce que j'avais déménagé. Alors, je recevais constamment des appels de la caisse populaire pour aller fermer mon compte. Finalement, je trouve cinq minutes quelque part et je me présente au comptoir de la caisse. La jeune fille est là. C'est plein de monde dans la caisse populaire et je demande à fermer mon compte. Alors, ils m'établissent mes chiffres. Ils calculent le solde. Il reste 1, 84 $ dans mon compte. La jeune fille dit: Qu'est-ce que vous voulez faire? Je veux fermer mon compte. Je suis là au comptoir. La jeune fille prépare un papier, me le fait signer. Elle se tourne de bord et me donne 1, 84 $. Je la regarde et je lui dis: Mademoiselle, vous n'avez pas oublié quelque chose? Bien, elle dit: Non, je ne vois pas. Mais j'aimerais avoir ma part sociale. Bien, elle dit: Non, vous n'aurez pas de part sociale. Elle dit: II y a des frais de fermeture de 5 $. Comme par hasard on avait décidé de confisquer ma part sociale de 5 $. On aurait dû me dire, quand j'ai ouvert mon compte à la caisse d'épargne et de crédit, dans un esprit de coopération, que ce n'était pas une part sociale que j'avais, mais que c'était bel et bien des frais d'ouverture de compte de banque que je payais. C'est en ce sens-là, madame, que je suis totalement vendu à votre idée. Il va falloir - et cela n'a rien à voir avec l'autonomie des caisses d'épargne et de crédit - que quelqu'un au Québec décide d'imposer des règles du jeu et que ce ne soit pas maquillé, que ce ne soit pas déguisé. Lorsqu'on arrive devant une jeune fille... La jeune fille semblait aussi estomaquée parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi je lui demandais mes 5 $. Mais pour moi c'était une question de principe. Ce n'étaient pas les 5 $, c'était le fait que j'avais été membre. J'étais membre. Donc, on me remettait ma part comme membre. Et je serais surpris, madame, de savoir - je ne sais pas si vous avez des statistiques - dans combien d'institutions semblables au Québec, dans des caisses d'épargne et de crédit - c'est presque automatique maintenant - on vous enlève votre part sociale quand vous fermez votre compte. Je n'appelle plus cela du coopératisme. C'est du mercantilisme au dernier degré. Je pense qu'on peut très bien juger, d'après le petit cas que je viens de vous donner, que cela n'a pas d'allure.

Le Président (M. Lemieux): Mme Plamondon, oui.

Mme Plamondon: Ce que vous avez dit là a été répété et à chaque semaine on a des plaintes. Et je pense aux comptes inactifs. Monsieur disait tantôt: Quand on utilise un compte, on devrait payer pour les frais de service. Mais, quand on n'utilise pas un compte, on nous charge quand même des frais. On veut voir ces frais disparaître. Si cela coûte trop cher pour garder notre argent, qu'on nous le dise au départ et on pourra le déposer ailleurs où cela ne coûte rien au moins pour le laisser là. Dans le moment, cela coûte quelque chose si vous ne répondez pas et vous avez des frais. Vous avez des frais pour les comptes inactifs. En plus au Québec, dans les caisses populaires, il n'y a pas de liste des comptes inactifs. Cela veut dire que vous avez peut-être de l'argent qui dort là. Au bureau, on a toute la liste pour les banques. Si quelqu'un nous appelle, on est capables, en lui demandant son nom et avec quelle caisse lui ou ses parents ou ses grands-parents transigeaient, de retrouver cela. Ici, dans les caisses populaires, où allez-vous trouver cela? Que font les comptes inactifs qui sont restés là? Les comptes inertes, où vont-ils? À qui profitent-ils? (14 h 45)

M. Bélisle: Certainement pas à celui qui est propriétaire du compte, d'après l'expérience que j'ai vécue.

Mme Plamondon: Non. Quelqu'un a oublié un compte. À quelle place le compte reste-t-il?

Une voix: À la caisse. M. Bélisle: À la caisse.

Mme Plamondon: À la caisse. Est-ce que c'est normal?

M. Bélisle: Bien non.

Mme Plamondon: II y a des héritiers là-dedans. Comment cela se fait-il que les banques ont prévu l'afficher? Pourquoi y a t-il même des

firmes qui se spécialisent à contacter les gens dans les banques pour aller leur chercher un tiers du montant pour pouvoir leur faire récupérer... Dans la liste, il y en a qui ont laissé jusqu'à 7000 $ et 8000 $. Comment se fait-il que cela reste aux caisses? Pourquoi cela n'est-il pas divulgué? Ce serait facile, le temps que tout le monde attend en ligne pour passer à la caisse, qu'il y ait la liste et qu'on regarde si on n'a pas oublié d'argent dans un compte ou quelqu'un que vous connaissez. Il faudrait absolument que cela soit fait.

M. Bélisle: Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, M. Bélisle, il lui reste cinq minutes. Est-ce que vous permettez que M. le ministre, avec consentement, prenne ses cinq minutes ou si vous voulez:..

M. Garon: Oui, je vais le prendre.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député.

M. Garon: Comme Service d'aide au consommateur, vos services sont gratuits?

Mme Plamondon: Si vous voulez devenir membre, c'est 12 $ par année et même ceux qui ne sont pas membres peuvent avoir des services gratuits.

M. Garon: Après, comment vous financez-vous?

Mme Plamondon: On a ramassé, depuis le 1er mai 1987 jusqu'à aujourd'hui, 146 000 $. Qui dit mieux?

M. Garon: Est-ce que vous êtes un organisme subventionné?

Mme Plamondon: Subventionné par le édéral et le provincial. Notre dépendance aux subventions gouvernementales est tombée de 87 % à 55 % depuis un an et deux mois.

M. Garon: Par rapport aux caisses d'épargne et de crédit, quand vous dites que les services devraient être en général gratuits, comment voyez-vous leur financement?

Mme Plamondon: Le financement de quoi, avez-vous dit?

M. Garon: Des caisses d'épargne et de crédit. Je dis qu'il y a trois affaires dans ce que vous dites. Au fond, il y a la divulgation, les services et, ensuite, les opérations financières, de prêts...

Mme Plamondon: Et la prise en charge de leurs responsabilités.

M. Garon: Oui, mais prenons-les un par un. La divulgation, je pense que personne va s'obstiner là-dessus: il doit y avoir le maximum de divulgation pour que les gens soient au courant, qu'ils puissent faire des choix correctement. Maintenant, pour le financement des activités de la caisse parce qu'il faut payer le personnel qui est là, etc., comment voyez-vous leur financement? Si des services sont, en général, tous gratuits, qui va payer pour les services?

Mme Plamondon: Comme je vous le disais, qu'est-ce que les banques faisaient avant 1980 pour payer les employés? Il n'y avait pas de frais de service avant 1980. Il y avait l'appariement entre les prêts et l'autre partie, les placements.

Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous répéter un peu plus fort, s'il vous plaît?

Mme Plamondon: Avant 1980, il n'y avait pas de frais de service dans la plupart des institutions financières. C'était relativement nouveau. En France, cela ne fait que commencer, les frais de service. En Russie, eux autres commencent à faire des chèques; c'est tout nouveau. Cela veut dire qu'on n'est pas obligé d'être pris dans un engrenage où on va aller toujours avec des escalades et toujours augmenter les frais sous prétexte de payer des services. Il y a déjà eu des employés de payés et il n'y avait pas de frais de service. Il y a même certaines caisses qui n'ont pas du tout de frais de service parce qu'elles ont choisi cette option-là. Il y a d'autres façons de se financer, et c'est l'appariement, c'est-à-dire l'écart entre les prêts et les placements. Mais la concurrence se fait dans le moment, monsieur, juste sur les taux d'intérêt. Allez dans une caisse ou dans une banque, il n'y a pas de différence sur l'affiche dans la vitrine. Le quart de un pour cent va être écrit en lettres de cette hauteur. Regardez les frais; vous ne les voyez affichés nulle part, excepté quelques banques depuis qu'on est allés au comité permanent.

M. Garon: Dans les opérations avant 1980 et aujourd'hui, il y a une évolution qui s'est faite au cours des récentes années de payer de plus en plus - d'ailleurs les entreprises encouragent cela - les comptes à la caisse ou à la banque. Considérez-vous, pour ceux qui paient leurs comptes à la caisse ou à la banque, quel que soit l'endroit, qu'il devrait y avoir des frais ou non?

Mme Plamondon: II y a une multiplication de services financiers. Il y a une multiplication des frais de service et une escalade dans les coûts. Avec le décloisonnement, on va se retrouver avec d'autres services. D'ailleurs, vous avez

dû certainement avoir quelqu'un ou quelqu'un va se présenter qui va parler du décloisonnement. Il y a les assurances, les voyages, tout sera vendu, et c'est la même chose dans les banques. Les certificats de dépôt, ce ne sera pas juste les seuls placements. Vous allez pouvoir faire affaire directement pour acheter des actions. Donc, plus on étendra la gamme des services financiers, plus il y aura des frais différents. Les gens qui sont obligés de transiger avec une banque ou une caisse populaire devront avoir accès à des services de base. C'est à l'institution de répartir les frais pour les autres qui veulent avoir accès à d'autres services qui ne sont pas de base. Il faudra toujours penser...

M. Garon: Mais vous ne répondez pas à ma question.

Mme Plamondon: Oui. Le plus démuni devra toujours avoir accès à un service de base.

M. Garon: Mais vous ne répondez pas à ma question. Quand je paie mon compte de téléphone ou d'électricité, il y a trois possibilités. Je peux aller directement aux bureaux de Bell Canada et d'Hydro-Québec pour le payer, je peux envoyer un chèque par la poste ou je peux le payer à la caisse. Si je vais directement aux bureaux de Bell Canada ou d'Hydro-Québec, je ne paie rien. Si j'envoie un chèque, je paie le timbre, normalement l'enveloppe est fournie, plus les frais de chèque. Si je paie à la caisse, cela dépend de la caisse. La caisse où je vais n'impose aucuns frais pour les comptes.

Mais vous, qu'est-ce que vous voyez comme système général?

Mme Plamondon: Juste pour les factures?

M. Garon: Oui, parce qu'il y en a de plus en plus. Vidéotron encourage à aller là, HydroQuébec, Bell Canada, il y a une foule d'organismes qui nous encouragent à payer par voie de caisse ou de banque. C'est un service. Est-ce que ce devrait être un service gratuit...

Mme Plamondon: II faudrait que je voie l'entente entre la caisse ou la banque et l'institution.

M. Garon: Je parle pour l'individu.

Mme Plamondon: Oui, mais supposons que l'institution en retire un bénéfice, avec Bell Canada ou avec Hydro-Québec, de percevoir pour eux autres. Je ne connais pas les ententes qui ont été signées. À ce moment-là, c'est entre les deux parce que cela fait leur affaire. S'il n'y a pas d'entente où la caisse perçoit des montants pour Hydro-Québec ou Bell Canada, il pourrait y avoir des frais minimums avec le paiement des factures si le consommateur choisit de faire cela plutôt que de faire un chèque et de l'envoyer.

Je reviens à mon service de base parce que j'y tiens. Si j'avais un certain nombre de chèques que je peux faire sans frais, il y aurait juste le timbre que je devrais mettre sur l'enveloppe et j'aurais mon chèque gratuitement. Le consommateur a à évaluer dans le moment le coût de son chèque pour payer sa facture et le coût du timbre aussi. Cela fait deux coûts.

M. Garon: Quand vous en parlez, je vous écoute, je trouve que c'est très intéressant... À la caisse où je vais je paie mes comptes parce que je n'ai même pas besoin de payer le timbre et, en plus, ils n'imposent aucuns frais.

Mme Plamondon: C'est vrai, il y a bien des places.

M. Garon: J'aime autant que le gouvernement n'oblige pas à imposer un montant parce que je me dis que cette caisse a décidé de ne pas imposer de frais. C'est pour cela que quand vous pariez d'autonomie des caisses...

Mme Plamondon: De quelle façon est payé le personnel qui encaisse votre paiement?

M. Garon: Je ne le sais pas.

Mme Plamondon: Demandez-leur. C'est comme cela qu'ils sont payés. Je suis sûre qu'ils s'en vont avec un chèque de paye pareil à la fin de la semaine.

M. Garon: II y a possiblement une entente pour faire cela. On demandera aux représentants du Mouvement Desjardins quand ils viendront demain s'il y a une entente pour les comptes de Bell Canada ou...

Mme Plamondon: Ou ils choisissent de répartir les frais sur d'autres services qui sont plus spécifiques pour se payer.

M. Garon: II peut arriver qu'une caisse décide, je ne le sais pas, je ne pose pas une question dont je connais la réponse, je ne sais pas si Bell Canada donne quelque chose...

Mme Plamondon: Je ne lais pas partie du conseil d'administration d'une caisse et je ne le sais pas.

M. Garon: Dans les services de base dont vous pariez, lesquels devraient être gratuits?

Mme Plamondon: Tout ce qui passe par le guichet automatique devrait être gratuit. Il y a beaucoup de factures qu'on peut payer au guichet automatique. Ce n'est pas nous qui avons demandé les guichets automatiques, c'est pour que cela aille plus vite et je trouve que cela va leur éviter du personnel. Donc, les transactions au

guichet automatique devraient être gratuites.

M. Garon: Mais vous n'êtes pas obligée de vous servir du guichet automatique.

Mme Plamondon: Non, mais, si je paie mes factures avec le guichet automatique, je peux et cela ne coûte rien. Si vous voulez que cela ne coûte rien, c'est la meilleure façon de passer par le guichet automatique.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le député de Lévis?

J'aurais peut-être une brève question, madame. À la page 26 de votre mémoire, vous dites que les banques à charte ont mis sur pied quelques mesures volontaires qui réalisent partiellement vos objectifs. Vous dites que ce n'est pas la même chose dans toutes les banques nécessairement, que ce n'est pas appliqué d'une manière uniforme. Lorsqu'on lit la fin de votre rapport, vous semblez aussi craindre un peu l'application de certaines mesures au niveau des caisses eu égard à leur principe d'autonomie.

Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples concrets et pratiques de ce type de mesures volontaires qui ont été mises de l'avant par certaines banques qui réalisent vos objectifs et quel type de ces mesures pourrait être applicable aussi aux caisses populaires?

Mme Plamondon: Avant de vous dire quelles mesures, je dois vous dire que des mesures volontaires seules ne font pas mon affaire. Il faut dire qu'on a été déçus de ce qui a été retenu par le ministre Hockin.

Le Président (M. Lemieux): Une minute encore.

Mme Plamondon: On avait fait des recommandations. Le comité permanent retient certaines de nos recommandations et c'est encore dilué quand cela arrive au niveau de M. Hockin. Donc, quand M. Hockin se contente de mesures volontaires et d'un projet de loi qui ne sera probablement pas adopté, on le sait, avant les élections, c'est pas mal décevant. C'est pour cela que ce n'est pas la fin de notre bataille sur les frais bancaires, mais la première ronde. Quand les journaux ont dit que les banques avaient eu les deux yeux au beurre noir, c'est juste la première ronde. Tant qu'on n'aura pas ce qu'on a demandé originalement dans notre mémoire, on ne lâchera pas. Mais il faut aussi que les caisses populaires fassent leur part parce que c'est la contrepartie québécoise de ce qu'on avait demandé. Mario peut vous donner l'essentiel des mesures volontaires qui ont été appliquées.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui.

M. Saint-Pierre: Dans les mesures volontaires appliquées, des banques ont placées des affiches avec la liste des services qui requièrent des frais. Encore là, ce ne sont pas tous les services ni tous les frais qui sont affichés; c'est dans ce sens-là que se réalisent partiellement nos objectifs, parce qu'on demande que tous les frais soient affichées. Certaines institutions financières ont publicisé leurs mécanismes de recours, la façon de porter plainte à l'intérieur d'un dépliant. D'autres ne le font pas et, pour d'autres, il semble n'y avoir aucun service pour porter plainte. Ce sont des exemples de mesures volontaires appliquées partiellement qui ne réalisent pas nos objectifs.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre.

M. Fortier: Mme Plamondon, ceux qui ne vous connaissaient pas vont vous connaître aujourd'hui. Je me souviens, et vous l'avez rappelé tout à l'heure, qu'on s'était rencontrés alors que j'étais dans l'Opposition.

Mme Plamondon: Sur le dossier Toxitex avec les BPC.

M. Fortier: Oui, c'est ça.

Mme Plamondon: Rien de plus n'avait été fait quand vous êtes arrivés au pouvoir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier: J'espère qu'on va s'en souvenir.

Mme Plamondon: Sans rancune.

M. Fortier: J'aimerais porter à votre attention les articles 245 et 246 concernant les comptes inactifs. Il s'agit là bien sûr d'une amélioration sur la loi actuelle, parce que, dans la loi actuelle, je crois que les comptes inactifs ne sont prévus d'aucune façon. Ici, à l'article 245, on définit le compte inactif et l'article 246 dit que la "caisse doit expédier par courrier recommandé ou certifié à chaque personne à qui un dépôt visé à l'article 245... " Donc, il y a une information transmise par courrier recommandé.

Ce sont ces deux dispositions que je voulais rappeler parce que je ne savais pas si vous les aviez vues...

Mme Plamondon: Oui, oui, on les a lues.

M. Fortier: Est-ce que vous préférez ce genre d'information envoyé pas courrier ou si vous préférez plutôt, parce que vous avez fait allusion à un...

Mme Plamondon: À un affichage...

M. Fortier:... tableau qui serait affiché dans la caisse... Laquelle des deux mesures, selon vous, serait la plus efficace?

Mme Plamondon: Ce sont les deux mesures. Ces mesures, c'est pour aviser le sociétaire que son compte est inactif, tandis que la liste dont je vous parle est une liste des comptes non seulement inactifs, mais dont le propriétaire n'a pas été rejoint parce que les personnes changent souvent de ville ou d'endroit, ou quelqu'un décède, et personne n'est avisé qu'un compte avec de l'argent attend. Ce sont des comptes qui sont inactifs depuis des années; cela peut remonter jusqu'à neuf ans.

M. Fortier: Mais, avec la disposition de l'article 246, la personne serait informée par courrier recommandé.

Mme Plamondon: Pendant sept ans. M. Fortier: Pardon?

Mme Plamondon: Si la lettre vous revient? Si je suis partie sans laisser d'adresse, que faites-vous avec le compte inactif?

M. Fortier: Oui, c'est là que vous voudriez qu'un tiers puisse intervenir.

Mme Plamondon: Exactement.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Vous avez malheureusement déjà terminé. M. le député de Lévis. À 14 h 59 précises, M. le député de Lévis, la parole est à vous.

M. Garon: Concernant la question de l'exonération de responsabilité, vous dites que les gens membres de caisses ou qui transigent avec les caisses doivent souvent signer des documents indiquant que la caisse s'exonère de toute responsabilité. Selon vous, est-ce une pratique généralisée ou le cas de certaines caisses? (15 heures)

Mme Plamondon: Non, c'est une pratique généralisée pour les arrêts de paiement - en avez-vous un exemplaire, je vais le lire - il est dit que, si, par inadvertance ou quelque chose de semblable... Je vais vous le lire exactement. "Je, soussigné, vous dégage de toute responsabilité que vous pourriez encourir par suite du refus de payer cet ordre de paiement. Je m'engage de plus à ne pas vous tenir responsable en cas de paiement fait contrairement à cette demande si ce paiement est effectué par inadvertance. " C'est un formulaire de la caisse populaire d'économie Desjardins" un contre-ordre de paiement. Donc, cela veut dire que, lorsque les gens veulent faire un contre-ordre de paiement et qu'ils paient pour faire le contre-ordre de paiement, ils pensent que le chèque ne passera pas et là ils vont pouvoir en faire un autre, mais le chèque peut se retrouver sans fonds suffisants parce que "par inadvertance" - c'est toujours par inadvertance - le chèque a passé. Alors, vous vous retrouvez avec un chèque sans fonds plus un chèque qui est passé que vous n'aviez pas voulu passer. L'autre exemple que je vous avais donné, c'est lorsque vous signez pour votre carte de guichet automatique. Je n'ai pas d'exemplaire ici en ce moment, mais vous relirez le vôtre et il est inscrit que, s'il y a quelque chose qui ne fait pas, vous vous tenez responsable de votre carte, de votre numéro d'identification personnelle et de tout usage de votre carte.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous avons terminé. Pour le mot de la fin, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vous remercie d'être venus nous rencontrer, d'avoir fait valoir, Mme Plamondon et M. Saint-Pierre, les différents points de votre mémoire qui touchent des questions très précises qui sont indiquées. Je suis persuadé que les questions que vous avez soulevées auront sûrement un suivi et demain les caisses populaires qui doivent venir ici vont sûrement réagir par rapport à certaines des propositions que vous avez faites ou encore faire des remarques concernant l'application ou non par leurs caisses selon leurs recommandations centrales ou en dépit de leurs recommandations centrales ou dire ce que le gouvernement devrait faire pour obliger certaines divulgations et pour que les gens soient mis au courant des droits qu'ils ont à leur caisse.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre, brièvement, s'il vous plaît.

M. Fortier: Très brièvement. Oui, en plus de la divulgation, il y a tout le système des plaintes qu'on va examiner et les comptes inactifs; je pense que ce sont les trois volets, mais il y avait un quatrième volet qui était le compte de base. En ce qui concerne les trois premiers volets, cela me semble très clair et on va tenter de répondre à vos demandes.

Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, M. le ministre. Je remercie le Service d'aide au consommateur pour sa participation à la consultation générale sur l'avant-projel: de loi sur les caisses d'épargne et de crédit. J'inviterais immédiatement le prochain groupe, soit la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, à bien vouloir s'avancer à la table des témoins, s'il vous plaît.

Est-ce que la porte parole de l'organisme, s'il vous plaît, voudrait bien s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent?

FTQ

M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Fernand Daoust, je suis e secrétaire général de la FTQ. M'accompagnent, pour la présentation de nos vues sur cet avant-projet de loi, M. Maurice Laplante, qui est le président du Syndicat des employés professionnels et de bureau, M. Michel Rousseau, qui en est le secrétaire général, M. Réal Saint-Pierre, qui est conseiller technique du même syndicat, Mme Lorraine Deveau, qui occupe la même fonction à intérieur du même syndicat, M. Pierre Gagnon, aussi du même syndicat.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé? Alors, je vous remercie, M. Daoust. Je vous rappelle brièvement les règles de l'audition: 20 minutes sont consacrées à l'exposé de votre mémoire et suivra une période d'échanges entre les différents groupes parlementaires, une période de 40 minutes.

Alors, sans plus tarder, nous vous écoutons relativement à la production de votre mémoire.

M. Daoust: Merci. Madame et messieurs les membres de cette commission, nos premiers mots seront pour vous remercier de nous permettre de faire connaître nos vues et de faire des représentations sur cet avant-projet de loi. Vous avez sans aucun doute eu l'occasion de prendre connaissance de notre mémoire. Je vais en faire un résumé-synthèse et par la suite nous pourrons répondre à vos questions.

La FTQ qui représente plus de 450 000 travailleuses et travailleurs syndiqués, dont près de 5000 travaillent dans les diverses institutions financières du mouvement coopératif, se présente devant cette commission pour soulever, sur l'avant-projet de loi, des questions concernant les caisses d'épargne et de crédit. D'abord, nous donnerons brièvement notre point de vue sur les orientations générales de l'avant-projet, puis nous mettrons l'accent sur les problèmes spécifiques que connaissent les travailleurs et les travailleuses à l'emploi des institutions que regroupe le mouvement Desjardins.

La FTQ a soutenu le développement du mouvement coopératif Desjardins en encourageant les membres à y placer leurs épargnes et à constituer ainsi une force économique contrôlée par les Québécois et les Québécoises. Nous avons toujours souhaité que le mouvement Desjardins soit prospère et qu'il devienne un instrument moteur de notre développement économique national. Toutefois, nous avons aussi voulu qu'il continue de défendre les objectifs coopératifs et sociaux qu'if s'était fixés. Depuis quelques années, force nous est de constater que le mouvement Desjardins a pris tellement d'expansion que sa vocation d'institution financière a pris le dessus sur sa vocation sociale et coopérative. Si la FTQ reconnaît qu'il est important que les caisses d'épargne et de crédit fassent con- currence aux banques en offrant les mêmes services, elle craint toutefois que les préoccupations de rentabilité et de concurrence mettent au rancart les préoccupations sociales, telles l'information et la formation à la consommation et à la saine gestion financière pour les familles.

L'avant-projet de loi marque un tournant majeur dans le mode financement des caisses. Le droit nouveau que les caisses auront désormais d'émettre des parts permanentes et des parts privilégiées leur donnera aussi accès au financement public et leur permettra d'améliorer leur capitalisation et de soutenir leur développement.

La FTQ veut mettre le législateur en garde contre la tentation de convertir les caisses populaires, les caisses d'économie et les caisses d'entraide en institutions strictement bancaires, uniquement destinées à faire des profits. Les caisses doivent poursuivre cette mission sociale et coopérative qui est la leur et continuer d'appartenir à leurs membres. L'émission de parts ne doit pas donner plus de pouvoir à ceux qui les détiennent et il est donc important de préserver le principe d'une personne un vote dans la prise de décision à l'assemblée générale des sociétaires. La FTQ ne souhaite pas un retour en arrière. Nos membres ont contribué à faire la force et la prospérité du mouvement Desjardins. Toutefois, nous souhaitons qu'il continue de promouvoir l'esprit coopératif et de jouer son rôle social.

La centralisation du mouvement Desjardins. La centralisation des caisses populaires dans le cadre des fédérations est un mouvement irréversible. La loi actuelle ne confère pas de pouvoir important aux fédérations. Toutefois, elles exercent déjà un contrôle serré sur les caisses. L'avant-projet de loi confirme et renforce le rôle plus important des fédérations auprès des caisses, tant au niveau du développement que de la surveillance.

L'avant-projet de loi confère aux fédérations des responsabilités supplémentaires en matière de surveillance et de contrôle des caisses. Désormais, le règlement de modification des statuts d'une caisse doit, et nous citons, "être soumis à l'approbation de la fédération à laquelle la caisse est affiliée", l'article 47. De même, le prix des parts de qualification - article 71 - et le taux d'intérêt applicable aux parts permanentes - article 80 - sont assujettis aux règlements de la fédération. À cela s'ajoute la supervision étroite des conseils d'administration - article 133 - et des conseils de surveillance - article 168 - qui sont officiellement responsables devant l'assemblée générale de la caisse, mais qui doivent aussi répondre de leurs actes devant la fédération et la confédération.

Il est évident que la centralisation des caisses populaires Desjardins s'est opérée avant que cet avant-projet de loi n'ait été rédigé. Selon notre expérience des relations du travail dans les institutions du mouvement Desjardins, l'autonomie des caisses populaires n'existe pas.

En effet, dans presque toutes nos négociations, les mêmes propositions et contre-propositions sont déposées aux différentes tables. Les propositions qui nous sont soumises ne tiennent pas compte des situations individuelles des caisses. Par exemple, les offres salariales sont les mêmes dans les caisses prospères et dans les caisses moins prospères. Une telle homogénéité suppose une centralisation des décisions au niveau des fédérations. Le rôle des caisses se limite donc à l'embauche et à la gestion quotidienne des caisses. Dans le domaine des relations du travail, leur autonomie est extrêmement restreinte. Dans les faits, le véritable employeur est la fédération. Dans un pareil contexte, la FTQ se demande pourquoi le ministre du Travail n'autoriserait pas les syndicats à demander des accréditations pour plus d'une caisse populaire à la fois. Puisque les centres de décision ne sont plus véritablement au niveau des caisses populaires et que les salaires et conditions de travail offerts sont presque identiques d'une caisse à l'autre, il serait beaucoup plus logique de permettre ce type de regroupement.

La notion de dirigeant. L'avant-projet de loi propose une définition élargie de la notion de dirigeant qui risque de causer de sérieux préjudices aux employés des caisses d'épargne et de crédit. À l'article 187, on inclut dans la notion de dirigeant, et je cite: "tout employé autorisé à consentir du. crédit et toute personne désignée comme telle par règlement de la caisse ou par résolution de son conseil d'administration". En élargissant cette notion, le législateur s'immisce dans les relations de travail puisque dorénavant tous les agents de crédit ou les agents-conseils, employés régis à ce moment-ci par nos certificats d'accréditation, deviennent ipso facto des dirigeants - donc des cadres - et sont donc exclus, à toute fin que de droit, de la négociation de la convention collective de travail. Nous ne pouvons absolument pas accepter une telle modification législative qui est d'envergure. À l'heure actuelle, le Bureau du commissaire général du travail est le seul forum compétent pour décider si un employé est un salarié, par opposition à un cadre, au sens du Code du travail du Québec. Personne d'autre ne pourrait, par entente ou par convention, modifier le contenu du certificat d'accréditation, ce document ayant une valeur d'ordre public. Bien sûr, une modification législative, telle que présentée à l'article 187, lierait le commissaire pour la détermination future du statut des agents-conseils et des agents de crédit. Cet ajout législatif vient réduire à zéro tous les efforts déployés depuis plusieurs années pour faire déclarer ces employés salariés au sens du Code du travail. En effet, depuis 1984, il y a eu de la part de l'employeur - les caisses populaires - une contestation systématique de l'inclusion dans l'unité de négociation des agents-conseils et des agents de crédit. Dans la plupart des cas, ces employés ont été déclarés salariés. Il n'y a aucune raison valable pour que le législateur aille à rencontre de cette jurisprudence. Il serait tout de même incroyable que le mouvement Desjardins, ou, si vous voulez, que lès caisses populaires, ayant systématiquement perdu la bataille ou les batailles que de part et d'autre elles ont livrées, se voient secourues par le législateur. Cela nous semblerait un tour de passe-passe tout à fait inadmissible. Encore une fois, il y a des forums, il y a des lieux, il y a des gens spécialisés, habilités à disposer de ces questions. Voir rayer d'un trait de plume, par une disposition de la loi, le droit d'association nous semblerait une usurpation d'un droit reconnu, non seulement au Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Cela nous semblerait reléguer le commissaire du travail, les commissaires, le Tribunal du travail et toute cette structure à un rôle tout à fait inadmissible. (15 h 15)

De plus, l'analyse des fonctions de ces employés par les tribunaux a révélé qu'ils n'exercent aucune fonction ou responsabilité généralement assignées au représentant de l'employeur, telles que des responsabilités budgétaires, la gestion des ressources humaines, la participation à l'élaboration des objectifs et politiques de la caisse, et la participation à des réunions de cadres. C'est ce que montre la décision rendue dans la cause de la caisse populaire Notre-Dame-de-l'Assomption. Le juge qui en a disposé a conclu, et c'était le cas de Mme Castonguay: "II ne fait aucun doute que Mme Castonguay n'est ni un cadre, ni un gérant; elle est ou une technicienne ou une professionnelle avec les responsabilités et les attributions propres à l'accomplissement des tâches qui lui sont confiées... " On cite plus longuement cette partie-là de la décision du juge dans notre mémoire.

Enfin, nous trouvons qu'il y a un illogisme dans cet avant-projet de loi. Alors que le législateur inclut les personnes qui consentent du crédit dans les dirigeants de la caisse, à l'article 187, il exclut systématiquement les employés de toute structure décisionnelle tels que le conseil d'administration, le conseil de surveillance, la commission de crédit. Le législateur jugeait donc inapproprié un tel cumul de la notion de dirigeant et d'employé. Autre manifestation de cet illogisme, les dirigeants, à l'exception du directeur général, ne sont pas rémunérés, alors que les agents de crédit et les agents-conseils le sont. De plus, nous ne retrouvons rien de semblable dans la Loi sur les banques.

Pour conclure, la FTQ estime que l'élargissement de la notion de dirigeant à certains employés qui consentent du crédit n'a pas sa raison d'être tant du point de vue de l'économie générale de la loi que du point de vue des relations du travail au sein des caisses populaires.

L'assurabilité: un abus de pouvoir de Desjardins. Au cours des deux dernières années,

le mouvement Desjardins a contourné les conventions collectives là où elles existent sous le couvert de la loi et a congédié des employés que l'assureur, qui est le groupe Desjardins, assurances générales, estime non assurables sans que les employés soient entendus et puissent avoir quelque recours que ce soit. Les caisses doivent se conformer aux règlements de leur fédération afin d'être et de demeurer des caisses au sens de la loi et sont donc placées devant l'obligation de respecter le contrat d'assurance pour se conformer à l'article 50f de la loi actuelle. De plus, l'article 14 du règlement de la fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal et de l'Ouest du Québec oblige les caisses à s'assurer auprès du groupe Desjardins, assurances générales. Dans la pratique, ces règlements excluent tout autre assureur potentiel, comme l'a déjà précisé la fédération de Montréal dans une rencontre formelle lors des négociations à la caisse populaire de Charlemagne.

Ainsi, les caisses populaires n'ont que peu d'autonomie dans le choix de l'assureur et elles sont sujettes à ses décisions concernant leurs employés. Au cours des deux dernières années, de plus en plus de personnes se sont vu retirer la protection d'assurance et expulsées du secteur financier où un cautionnement est exigé. Le fait que le groupe Desjardins, assurances générales, ait le monopole de l'assurance a conduit à des abus de pouvoir à l'égard des employés. Les conséquences de la décision d'interrompre l'assurabilité d'un employé sont très graves puisque la décision est sans appel, à moins de faits nouveaux, et est à vie. Cela empêche une personne de retravailler dans le secteur financier. C'est, à toutes fins utiles, la peine capitale pour un travailleur qui ne peut exercer ses compétences dans le même domaine puisqu'il est, à toutes fins utiles, carrément exclu de toute possibilité d'assurabilité. En effet, si une personne n'est plus assurable pour un assureur, elle ne l'est guère pour un autre. En fait, elle est sur une liste noire. On exige du caissier une probité extrême que l'on n'exigerait d'aucun autre métier ou profession. Cette situation pose des problèmes à nos syndicats puisqu'elle permet à une caisse de congédier une personne parce que l'assureur ne veut plus l'assurer, sans que cette personne ait quelque recours que ce soit. En effet, les arbitres du travail n'ont pas la juridiction nécessaire pour modifier la décision de l'assureur.

Nous proposons donc que toute obligation dans le projet de loi, les articles 133, 7°, 8°, et 361, 2°, relativement au cautionnement soient rayés et ce, pour les raisons suivantes: a) puisque que nombre de modifications apportées à la présente loi sont largement inspirées de la Loi sur les banques, nous vous rappelons qu'il n'y a aucune espèce de référence à des obligations du même type de cautionnement qui s'y retrouve; b) le fait de retirer ces obligations dans la loi n'empêche pas la caisse, la fédération ou la confédération de prendre de telles mesures; c) un tel retrait redonnerait aux dispositions d'arbitrage incluses dans la convention collective la juridiction normale, à savoir que l'employeur a le fardeau de prouver que le congédiement est pour une cause juste et suffisante. Cela retirerait à un tiers - qui est l'assureur - ayant des intérêts dans une telle décision son rôle de justicier bénéficiant d'un monopole confirmé par la disposition 137, 7 référant cette obligation aux règlements de la fédération.

En conclusion, la FTQ craint que la philosophie coopérative et les objectifs sociaux qui ont donné naissance aux caisses populaires ne cèdent le pas à la logique purement financière. De plus, parce que les fédérations exercent un contrôle et une surveillance accrus sur les caisses et sont, en fait, le véritable employeur, nous revendiquons du gouvernement le droit de regrouper les caisses populaires à des fins d'accréditation syndicale. Sur le plan des relations du travail, nous exigeons que le législateur biffe de l'article 187 les dispositions suivantes, et je cite: "de même que tout employé autorisé à consentir du crédit et toute personne désignée comme telle par règlement de la caisse ou par résolution du conseil d'administration". Nous estimons qu'il n'est pas logique que les agents-conseils soient considérés comme des dirigeants, alors que la plupart des décisions arbitrales les ont inclus dans les unités d'accréditation.

Enfin, nous estimons urgent que le législateur établisse des recours pour les employés congédiés parce que le groupe Desjardins, assurances générales, les a jugés non assurables. Cette manière de plus en plus courante de congédier des employés rend caducs tous les recours dans le cadre du Code du travail. Le législateur doit, selon nous, combler ce vide juridique.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Daoust. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: M. Daoust, MM. les membres de la FTQ, votre mémoire dit exactement ce que vous voulez lui faire dire. Il apporte un éclairage qui est le vôtre.

Sur la notion de dirigeant, je dois vous dire que notre intention n'était nullement, par une définition, de créer préjudice à un syndicat qui voudrait syndicaliser des membres. On vous remercie de votre mémoire, parce que je dois vous le dire en toute franchise, cet aspect du problème ne nous avait pas effleuré l'esprit. Si vous regardez les articles qui suivent, leur but était de prévenir les conflits d'intérêts. En conséquence, je peux vous dire tout de go que nous allons apporter des modifications pour éviter qu'un tribunal ne puisse interpréter la définition de dirigeant dans le sens que vous le dites. Notre intention était de définir les personnes intéressées et nous les appelions dirigeants.

Par dirigeant, on entendait bien sûr ceux qui sont réellement dirigeants, les bénévoles qui font partie de différentes instances, qui prennent des décisions et qui pourraient être en conflit d'intérêts. Nous avions aussi inclus un employé qui peut à l'occasion dans sa fonction établir du crédit. Là-dessus, on vous donne raison. J'en ai déjà discuté avec l'Inspecteur des institutions financières. Je ne sais pas de quelle façon nous allons corriger le projet de loi, mais il y a certainement une façon de dire très clairement que cela n'a rien à voir avec la loi du travail, qu'il s'agissait pour nous d'adopter une disposition qui prévenait les conflits d'intérêts et qui n'avait pas d'impact sur les lois du travail en particulier. Je peux vous rassurer là-dessus immédiatement.

Concernant l'autre problème important que vous soulevez - demain, nous aurons l'occasion d'en discuter, j'en suis sûr, avec les dirigeants du mouvement Desjardins - l'Inspecteur des institutions financières m'informe qu'il s'agit d'une disposition qui n'est pas unique à ce projet de loi. Dans la Loi sur l'assurance-dépôts du Québec et dans la réglementation pertinente, il y a l'obligation de protéger les dépôts de ceux qui font affaires avec les différentes institutions financières sous l'autorité du gouvernement du Québec, d'avoir justement cette caution pour s'assurer que quelqu'un ne partira pas avec la caisse et qu'en définitive un déposant sera pénalisé.

La question que j'aimerais vous poser à ce sujet: Est-ce que la FTQ représente des syndicats avec d'autres institutions financières? Représentez-vous des gens avec des banques ou avec d'autres institutions financières? Peut-être pourriez-vous nous dire quelle est votre expérience dans ces autres cas. Autrement dit, pourriez-vous mettre en perspective... Parce que je prends les commentaires, Je dois vous dire que je n'ai pas de connaissance spécifique dans le domaine du travail reliée en particulier aux caisses populaires. J'ai lu dans les journaux certains articles à l'occasion, et vous en faites état. J'aimerais que vous nous brossiez un tableau d'ensemble pour nous dire si vous éprouvez les mêmes problèmes avec d'autres institutions financières ou si c'est uniquement avec Desjardins. Comme de raison, vous venez ici pour parler de l'avant-projet de loi Desjardins, mais est-ce un problème qui déborde une institution financière en particulier?

M. Daoust: Oui. Il semble bien que ce soit véritablement un problème qui existe chez Desjardins, dans les caisses populaires. La FTQ représente ici et là quelques salariés à l'emploi de succursales de banques. Je ne m'étendrai pas sur la difficulté de pénétration du syndicalisme dans le secteur bancaire, cela nous est connu. Il n'y a pas prolifération de syndicats dans ce milieu. Mais indépendamment du nombre de syndiqués ou de la représentativité de la FTQ ou de certains syndicats affiliés au Congrès du travail du Canada à l'échelle canadienne, il semble, selon tous les renseignements qu'on nous fournit, que la Loi sur les banques ne prévoit rien qui puisse être semblable, qui puisse être comparable à ce qu'on retrouve dans cet avant-projet de loi qui, à toutes fins utiles, empêche - et on le développe abondamment dans notre document - tout arbitre de grief de pouvoir intervenir et de disposer d'un grief qui lui est soumis à la suite d'un congédiement pour le refus de l'assureur de continuer à donner une caution à un ou une employée. Donc, cela n'existe pas du côté des banques et on ne voit pas pourquoi le mouvement Desjardins, les caisses populaires, les caisses de crédit, etc., pourraient avoir un tel pouvoir. On parle de justicier à certains moments et le mot n'est pas inapproprié, on y a bien songé avant de l'inclure dans ce document-là, justicier de la part de l'assureur qui, lui, est très près, sinon très assimilé à la fédération, ou à la confédération, ou à la caisse populaire. Il y a donc là des liens organiques très précis qui font que les intérêts sont identiques et que cela joue encore plus au détriment des salariés impliqués.

J'aurais dû mentionner qu'au Québec l'ensemble des employés de la banque Lauren-tienne, l'ancienne Banque d'épargne, sont syndiqués par le même syndicat, le SEPB, et peut-être que Michel, ou Maurice, ou Lorraine, enfin, qui que ce soit, pourrait expliciter un peu le point de vue que nous vous avons présenté à ce sujet.

M. Fortier: Si vous me permettez, M. Daoust...

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.

M. Fortier: Si vous permettez, M. Daoust, parce que mon temps... Malheureusement, on se partage le temps et j'ai peur de manquer de temps pour vous poser une question. Le problème fondamental viendrait-il du fait - j'allais dire l'accusation enfin, le portrait que vous décrivez et que vous nous expliquez dans votre mémoire - que l'assurance fournie... Est-ce le problème de l'assurance ou si c'est le fait que l'assurance fournie viendrait d'une unité membre du groupe Desjardins? Vous semblez laisser entendre qu'il y a connivence. Est-ce cela le problème ou est-ce simplement le fait... Les banques, à venir jusqu'à maintenant, n'avaient pas le droit d'acheter des compagnies d'assurances. M. Hockin, du gouvernement fédéral, je crois, a dit publiquement qu'il autoriserait dans un avenir prochain les banques à pouvoir devenir actionnnaires d'une compagnie d'assurances générales. Donc, dans l'avenir, dans la mesure où il y aurait une disposition semblable, quoique vous disiez qu'il n'y en a pas, mais dans la mesure où il y aurait une dispostion semblable, une banque pourrait être propriétaire d'une compagnie d'assurances et, donc, demander

à sa compagnie d'assurances d'assurer ses employés pour leur fournir une caution. Alors, c'est pour cela que je vous pose le problème. Est-ce cela le problème, que la compagnie d'assurances fasse partie du même groupe... (15 h 30)

M. Daoust: Non, non.

M. Fortier:... ou si vous voyez un problème d'arbitrage sur le plan du travail?

M. Daoust: Non, ce n'est pas le fait que l'assureur fasse partie du même groupe. Cela nous semble être dans la normalité des choses. Bon. On peut parler de situation de monopole, mais disons que, sur cela, on ne conteste pas ce choix que fait Desjardins d'aller dans ses rangs pour choisir l'assureur. Mais le fait que cela confère à ce dernier, comme vous l'avez compris fort bien, un pouvoir extraordinaire de sanction. Il est quasiment juge et partie en même temps. On ne parle pas de collusion ni de connivence nécessairement, mais ce sont tous des gens du même milieu. C'est le même assureur qui fait partie du même groupe, de la même caisse populaire, etc. Il y a donc des relations tout à fait normales qui s'établissent entre ces gens et qui rendent plus odieux le fait qu'il n'y a aucune espèce de recours quand l'assureur décide que la personne n'est plus sujette à être assurée. C'est de pouvoir permettre à la personne un lieu où elle pourra contester la décision qui a été prise de la congédier ou de suspendre son assurance, de faire disparaître son assurabilité, qui a pour conséquence le congédiement, de pouvoir contester en un lieu - et, pour nous, c'est l'arbitre des griefs où le fardeau de la preuve appartient à l'employeur - en un lieu où celle-ci aura toutes les chances de faire valoir son point de vue et où l'arbitre ne sera pas bloqué en se faisant dire: Écoutez, de toute façon, même si j'en viens à la conclusion que la sanction outrepasse ce que normalement on aurait pu choisir comme sanction, ce dernier s'avère tout à fait impuissant à rendre une décision.

Le Président (M. Després): Merci, M. Daoust. La parole est maintenant au député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je remercie la FTQ. Je dirais aussi que les points sur lesquels vous présentez votre mémoire sont précis, sauf peut-être un point sur lequel je reviendrai plus tard, quand vous dites que la tentation bancaire qui anime les caisses... Je suis aussi bien de régler cela tout de suite. Dans l'avant-projet de loi, à l'exception des deux points sur lesquels je reviendrai, les notions de dirigeant et d'assu-rabilité, quels sont les aspects qui vous préoccupent le plus et qui vous dérangent le plus quant à cette tendance que vous indiquez du mouvement Desjardins de ressembler de plus en plus aux banques, si on oublie la notion de dirigeant et la notion d'assurabilité?

Le Président (M. Després): M. Daoust.

M. Daoust: Écoutez, on a suivi comme l'ensemble du Québec l'évolution du mouvement Desjardins et des caisses populaires depuis qu'elles ont été créées. On est fiers que l'ensemble des caisses populaires aient cette importance à l'intérieur de notre société, on n'a cessé de le répéter. On les a appuyées, on recommande à nos gens de devenir sociétaires et de militer à l'intérieur des caisses, et tout cela. Il n'y a pas d'ambiguïté quant à nos positions. On sait fort bien qu'avec la concurrence qui se livre dans ce milieu, la présence de multiples institutions financières fait que le mouvement Desjardins s'est transformé au cours des années et qu'il doit suivre une évolution tout à fait normale. Mais notre inquiétude, c'est que les caisses populaires, qui ont été à l'origine un lieu de démocratisation du fonctionnement de l'économie, un lieu de formation pour les Québécois et les Québécoises, un lieu d'échange et d'apprentissage, un lieu d'entraide avec des caisses populaires largement autonomes qui avaient une répercussion dans tout le milieu, dans tous leurs milieux, parce qu'il y a de multiples milieux, on pense que c'est en voie de transformation. Ce n'est pas qu'on soit nostalgiques, on le dit, on ne veut pas revenir en arrière, mais on ne veut pas rater les occasions qui nous sont données de rappeler beaucoup plus au mouvement Desjardins qu'à qui que ce soit qu'il a une mission à l'intérieur du Québec, qui se transforme avec le temps et qui connaît une évolution, inévitablement, mais qui ne doit pas se transformer au point d'assimiler l'ensemble du mouvement Desjardins et l'ensemble des caisses populaires à des institutions bancaires. De temps à autre, on est inquiet de voir le mouvement Desjardins vouloir se lancer dans toutes sortes d'activités et dans toutes sortes de domaines. On réfléchit sur ces percées du mouvement Desjardins, ces annonces qui nous sont faites, ces ambitions du mouvement Desjardins de vouloir être présent dans tout le domaine financier. On a une certaine inquiétude. Une réflexion est amorcée et on ne voudrait pas que le mouvement Desjardins se dénature dans 'sa fonction essentielle, première, mais qui doit évoluer inévitablement, on voudrait qu'il demeure toujours un instrument d'émancipation économique, de formation économique, de démocratisation à l'intérieur de la société québécoise, telle expression qu'on ne peut pas employer à l'égard de beaucoup d'institutions financières, particulièrement des banques. Je ne suis pas ici pour faire le procès de toutes les institutions financières, ni des banques, mais, pour nous, une banque est une banque et une caisse populaire est une caisse populaire. Remarquez bien qu'on n'a pas d'opposition à la centralisation, elle est là inscrite dans les faits par les fédérations, la confédération, et tout cela.

Je reviens un peu sur la teneur de notre mémoire. S'il y a centralisation - on le constate, on le dit, ce n'est pas d'hier et ce n'est pas la loi qui va donner l'impulsion, la loi vient confirmer cette impulsion - on voudrait que le mouvement Desjardins n'ait pas un double discours, ne vienne pas nous faire croire à nous, au moment des négociations, que les caisses sont très autonomes, qu'elles ont toute la liberté de disposer des demandes qui lui sont faites au moment des négociations de la convention collective, et, d'un autre côté, qu'on sente, qu'on voie et qu'on réalise qu'il y a une forme de centralisation. On n'est pas contre cela, mais une centralisation en appelle une autre. On voudrait bien que le législateur, que le mouvement Desjardins et que les caisses populaires entendent ce message, qui est un message d'ouverture au droit d'association et non de refus du droit d'association par des blocages systématiques. Je vais juste très rapidement vous en dire les conséquences. Il y a 1400 caisses populaires au Québec. Quand on négocie caisse par caisse et qu'on multiplie les séances de négociations qui s'étalent sur des mois et des mois il y a un effet de paralysie, il y a une forme - je prononce le mot, je suis bien conscient - d'antisyndicalisme subtil et larvé qui est le fait des dirigeants du mouvement Desjardins au Québec qui refusent une espèce d'ouverture à l'égard de la négociation qui pourrait être plus large que caisse par caisse, et ils le savent fort bien.

Je reviens à votre question. Je pense que c'est un joyau que nous avons au Québec. On sait que cela se modifie, que cela évolue. On est pour révolution, on n'est pas contre le progrès pas une miette, mais on ne voudrait pas, encore une fois, que les caisses perdent leur âme, pour tout vous dire, et, sans être nostalgiques, pas une miette, on voudrait qu'elles soient l'instrument d'une forme de démocratisation de l'économie au Québec.

Le Président (M. Després): M. le député de Lévis.

M. Garon: Vous ne pensez pas... Je vous pose la question. Je comprends que vous allez me dire que votre réponse aura une implication, mais, en tout cas, je la pose comme je le pense. Quand le ministre a publié son livre blanc au mois de mars 1987, il a mentionné, entre autres, qu'il souhaitait voir l'établissement de mammouths financiers et que le décloisonnement devait mener à créer des mammouths financiers qui se feraient concurrence entre eux, en laissant entendre ou en disant même concrètement que le mouvement Desjardins devait être un de ces mammouths. Pensez-vous, dans votre rôle de vice-président qui parle au nom de la FTQ, que le rôle du mouvement Desjardins est d'abord d'être un mammouth financier ou de rendre service à ses membres?

M. Daoust: Nous, on va vous répondre qu'on doit d'abord rendre service à ses membres, que, pour atteindre ces fins-là, il faille y avoir une présence, une taille, être actif dans bien des champs d'intervention, mais le premier objectif n'est pas nécessairement d'être ce que vous appelez un mammouth financier...

M. Garon: Non, c'est le ministre qui a inventé l'expression "mammouth financier".

M. Daoust: Ah bon!

M. Fortier: II veut que vous me jugiez.

M. Garon: Je lui disais que plutôt qu'un mammouth, c'est une espèce disparue, faute d'être capable de s'adapter à son milieu ambiant.

M. Daoust: Oui, mais entre un mammouth et un dinosaure... On ne veut pas qu'il soit tellement enraciné dans un passé quasiment révolu qu'il n'évolue pas du tout. On est pour l'évolution, on est pour le pouvoir que le mouvement Desjardins et les caisses doivent avoir à l'intérieur de notre société, on applaudit à cela. C'est l'institution financière la plus importante au Québec, en termes d'actifs tout au moins. Bravo, on applaudit à tout cela, mais on veut leur rappeler leur mission sociale. On peut être très gros, très puissant, très fort. Dans la mesure où on n'oublie pas qu'on a une mission sociale qui est inscrite dans l'histoire d'un organisme comme celui-là, nous n'avons pas d'objection à cela. On ne veut pas de rapetissement, pas une damnée miette, du mouvement Desjardins. Qu'il progresse avec le Québec, tant mieux, parce que c'est nous, le mouvement Desjardins. C'est tout de même l'ensemble de la société québécoise. On se sent en communion de pensée avec le mouvement Desjardins sur ce plan-là, il n'y a aucun doute. Mais il a une mission sociale, une mission économique. Il a un rôle à jouer et, de temps à autre, on le lui rappelle et on est inquiet qu'il ne nous écoute pas - le "nous", ce ne sont pas nécessairement les gens qui sont ici présents, mais ceux qui pensent cela...

Le Président (M. Després): Excusez, M. Daoust...

M. Daoust:... qu'il ne nous écoute pas à l'égard du droit d'association et de l'accès au syndicalisme. Je m'excuse.

Le Président (M. Després): Merci, M. Daoust. La parole est maintenant au ministre.

M. Fortier: Oui, peut-être que le député de Mille-Îles...

Le Président (M. Després): Excusez. M. le député aurait peut-être une question.

M. Bélisle: Si vous me permettez, M. le ministre, c'est simplement pour enchaîner sur ce que vous disiez tantôt. M. Daoust, je trouve votre mémoire très intéressant, surtout quant à tout ce qui touche au cautionnement. Je voudrais seulement poser quelques questions de détail avant de l'aborder sous un autre angle, parce que vous l'abordez selon votre vision à vous, c'est-à-dire employeur-employé, notion de relations du travail, et tout le reste. D'abord, qu'est-ce que cela coûte par employé ou par succursale - si c'est fait par succursale - une police d'assurance-cautionnement? Est-ce que quelqu'un le sait?

M. Daoust: Je ne le sais pas. Peut-être que Pierre Gagnon...

M. Gagnon (Pierre): En fait, cela dépend beaucoup de la grosseur de la caisse, des lieux, du type de coffre-fort, s'il y a des vitres pare-balles. C'est une assurance globale. Ce n'est pas par employé, c'est plutôt une analyse globale de la situation de la caisse.

M. Bélisle: Donnez-moi un exemple.

M. Gagnon: Un exemple? Si une caisse a 25 ou 30 employés, si elle est dans un quartier où il n'y a pas eu de vols, si elle a des vitres pare-balles, si elle a un gardien de sécurité, il y a un coût en ce qui concerne les assurances. Dans une autre caisse où la situation est différente, ce sera un autre coût.

M. Bélisle: Ce serait combien par année pour une caisse de 30 employés avec vitres pare-balles et tout le reste? Est-ce qu'on parle de 1000 $? Est-ce qu'on parle de 5000 $? Est-ce qu'on parle de 25 000 $?

M. Gagnon: C'est quelques milliers de dollars.

M. Bélisle: Quelques milliers de dollars. Est-ce que cela inclut également, selon vous, la protection de cautionnement de fidélité pour les membres du conseil d'administration qui sont bénévoles en vertu de la loi?

M. Gagnon: La même chose. Ils sont inclus à l'intérieur de cette police.

M. Bélisle: C'est la même police d'assurance. C'est exact?

M. Gagnon: Oui.

M. Bélisle: Avez-vous eu connaissance, étant donné que vous en connaissez plus long que moi là-dessus, d'un montant de pertes qui aurait été payé par la compagnie Assurance générale Desjardins en fonction de pertes dans des caisses populaires où vous avez des syndiqués?

M. Gagnon: Je peux vous dire que, s'il y a eu des pertes, ce n'est sûrement pas de la part des syndiqués qui ont été les principaux intervenants...

M. Bélisle: Non, mais...

M. Gagnon:... ce serait plutôt de la part d'un directeur de caisse qui réussit à partir...

M. Bélisle: Par exemple?

M. Gagnon:... avec la sacoche. Chez nous, souvent, le problème qu'on a, c'est que les gens sur des délits mineurs se font déclarer non assurables sans avoir été entendus et se voient retirer leur cautionnement et leur possibilité d'emploi, mais sur des problèmes mineurs qui parfois n'entraînent aucune perte financière.

M. Bélisle: Quand vous dites aucune perte financière, cela veut dire un truc de 50 $ ou quelque chose de semblable?

M. Gagnon: Parfois, il n'y aucune perte financière.

M. Bélisle: D'accord. Quand vous dites que vous avez eu connaissance personnellement de sommes d'argent payées en pertes à des caisses populaires, mettons, pour un gérant de caisse populaire qui outrepasse sa limite de 5000 $ ou pour un conseil d'administration qui a autorisé indûment ou sans référer au comité de surveillance, avez-vous eu vous-même connaissance de sommes d'argent importantes qui ont été déboursées? (15 h 45)

M. Gagnon: Je ne peux pas vous dire. Je sais qu'il y a des situations où il y a eu des manques à gagner importants. Dans certaines caisses populaires, il y a eu de l'argent qui a été oublié sur un comptoir, ce genre d'erreur. Oui, à l'occasion, elles paient. C'est une assurance.

M. Bélisle: Mon expérience avec cela est la suivante: Vous vous souvenez peut-être tous du cas, à Montréal, de la caisse populaire Saint-Jean-Baptiste qui a été mise en tutelle il y a environ quatre ou cinq ans, dans le cas des Ambulances Godin. Le conseil d'administration, qui était composé à l'époque uniquement de bénévoles... Cela revient à la vocation. Vous ne voulez pas être nostalgique, M. Daoust, mais je vais me permettre de l'être. Quand vous avez des gens qui siègent à un conseil d'administration depuis au-delà de 25 ans à titre de bénévoles, qui siègent à chaque mois bénévolement pour leurs concitoyens, pour les autres membres qui sont coopérants et qu'en fin de route, après avoir été membres-fondateurs, ils se retrouvent devant les tribunaux, en Cour supérieure du Québec, avec des poursuites d'au-delà de

750 000 $ pour des actes posés par des gestionnaires, entre autres - dans ce cas-là, le gérant de la caisse populaire en question - et que vous avez toutes les difficultés du monde à forcer la compagnie qui est affiliée au mouvement Desjardins, Assurances générales Desjardins, à respecter le contrat de cautionnement... Parce que, quand je lis votre mémoire, vous n'avez pas voulu le dire tantôt, mais vous l'avez écrit, M. Daoust, à la page 13, et je vous cite, à 4. 2: "Ainsi, on constate que les caisses populaires n'ont que peu d'autonomie dans le choix de l'assureur et qu'elles sont sujettes à ses décisions concernant leurs employés. Le fait que le groupe Desjardins, assurances générales, ait le monopole de l'assurance conduit à des abus de pouvoirs à l'égard des employés. "

Ce que je constate jusqu'à maintenant, c'est que je n'ai jamais vu beaucoup de pertes remboursées par Assurances générales Desjardins. J'ai eu d'énormes difficultés à les forcer à prendre fait et cause et à défendre soit des employés, soit des gérants, soit des membres de conseils d'administration qui ont travaillé comme bénévoles. C'est toujours le tiraillage parce qu'en fin de compte c'est toujours la même poche qui paie, cela fait partie du même habit, cela fait partie de la même personne.

Or, quand je regarde le texte de loi qui est là, l'article 133, paragraphe 7, de la loi dit: "Le conseil d'administration doit notamment: exiger de toute personne ayant l'administration ou la garde des fonds de la caisse un cautionnement adéquat et, le cas échéant, conforme aux règlements de la fédération à laquelle la caisse est affiliée". Je veux connaître votre réaction. Ne serait-il pas mieux, au paragraphe 7, d'enlever tout simplement la fin du paragraphe "conforme aux règlements de la fédération", d'enlever tout cela et de faire que le gouvernement et que l'inspecteur général déterminent un cautionnement type, avec des clauses types qui soient respectées par toutes les institutions financières sous notre juridiction au Québec, et qu'il n'y ait pas de tataouinage et qu'il n'y ait pas de "forcing", de tordage de bras ni auprès des employés, ni auprès des gérants, ni auprès des membres des conseils d'administration qui sont tous dans le même bateau quant à l'obligation d'être fidèles et d'être loyaux vis-à-vis des coopérants qui sont membres d'une institution? Vous ne seriez pas à l'aise avec cela?

M. Daoust: Je pense qu'on ne serait pas mal à l'aise avec cela dans la mesure où il est bien établi que l'ensemble des gens - nous, nous parlons des syndiqués - puissent avoir des recours. C'est le problème des recours. Encore une fois, je me place dans une situation où il y a un syndicat, où il y a une convention collective de travail. S'il arrive quelque chose qui provoque l'assureur à retirer l'assurance ou la caution à tel salarié, que ce dernier puisse avoir un recours. Et, dans notre mode de fonctionne- ment, c'est l'arbitre de grief qui étudie ce qui lui est soumis et qui dispose du grief. Il y a des jurisprudences là-dessus, partout en Amérique du Nord, mais au Québec, évidemment. Mais là, il n'y a pas de recours. Dès le moment où... Je ne vous en ferai pas la démonstration, je sais que vous le savez, mais, dès le moment où la caution est retirée, c'est fini. Il est techniquement incapable de continuer à travailler, quel que soit le point de vue d'un arbitre de grief.

Le Président (M. Després): M. Daoust.

M. Daoust: Je ne sais pas si Pierre à l'égard de ce type de suggestion-là...

M. Fortier: M. Daoust.

Le Président (M. Després): Excusez, peut-être une question de la part du ministre.

M. Fortier: II me reste juste deux minutes. Le Président (M. Després): Deux minutes.

M. Fortier: Si vous parlez plus longtemps, je ne pourrai pas poser la question. J'ai demandé à l'inspecteur s'il y avait une disposition semblable dans la loi...

Le Président (M. Després): Excusez, M. le ministre. M. le député de Lévis me fait signe que nous avons besoin de son consentement. Il reste deux minutes au droit de parole des députés ministériels. Est-ce que vous acceptez, M. le député de Lévis?

M. Garon: Oui. Pour montrer à quel point je suis magnanime.

Le Président (M. Després): La parole est à vous, M. le ministre. Merci, M. le député de Lévis.

M. Fortier: J'ai demandé à l'inspecteur s'il y avait une disposition semblable à celle qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi en ce qui concerne les sociétés de fiducie et je me suis aperçu qu'il n'y en avait pas. De fait, l'article 133. 7° dont on vient de discuter s'inspire, comme vous le dites dans votre mémoire, de l'article 50f de la loi actuelle. Je crois que le problème vient du fait qu'on dit. exiger de toute personne. Donc, c'est individuel. Dans la Loi sur l'assurance-dépôt - le directeur du contentieux de l'inspecteur m'en faisait la remarque - on ne parle pas d'exiger de toute personne, on dit: l'institution elle-même doit être protégée par une assurance. Je me demandais si cela ne réglerait pas votre problème parce qu'il ne s'agit pas de l'assurance d'une personne en particulier, il s'agit que l'institution, elle, ait une assurance.

Je vais vous lire le texte de l'article 15 de la Loi sur l'assurance-dépôts: détenir une police

d'assurance contre les risques de détournement et de vol qui offre une garantie adéquate eu égard aux usages généralement admis selon l'importance de ses opérations. Donc, on ne se réfère pas ici à une personne. Il ne s'agit pas d'obtenir une police d'assurance pour M. Tartempion. Il s'agit, pour une caisse, d'obtenir une certaine protection. Je ne vous incite pas à répondre immédiatement. On pourra continuer la discussion après la commission parlementaire, parce que je pense qu'il s'agit d'un point important. Une des propositions dont je viens de discuter assez rapidement avec l'inspecteur, ce serait d'enlever l'article 133. 8° qui fait problème et de laisser la Loi sur l'assurance-dépôts s'appliquer, comme cela se fait pour les sociétés de fiducie. J'ose espérer que cette solution pourra correspondre à votre objectif. Je suis très sensible à votre recommandation. Je ne sais pas si on aura l'occasion de conclure cet après-midi, mais on reprendra la discussion plus tard, si vous le permettez.

Le Président (M. Després): Merci, M. le ministre. La parole est au député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais donner aux représentants de la FTQ l'occasion de réagir à ce qu'a dit le ministre. Est-ce que les problèmes que vous avez eus avec cette notion dans le passé vous ont permis d'envisager une solution qui règle le problème ou si vous estimez que ce que vient de dire le ministre - il vient de répéter un peu ce que l'inspecteur général des institutions financières vient de lui dire - est satisfaisant pour la FTQ?

M. Daoust: Oui, je voudrais faire deux remarques, dont une toute première, puisque le temps nous pousse, à l'égard de la notion de dirigeant. Nous prenons bonne note de votre engagement et je pense qu'il y a là une voie de solution, on le verra dans les textes.

À l'égard du deuxième sujet qu'on a abordé, l'assurabilité, c'est extraordinairement complexe. Je pense que vous avez indiqué des pistes et, quant à nous, on aimerait, et vous l'avez suggéré, examiner en d'autres lieux les moyens qu'il faudrait prendre, les textes, pour permettre, encore une fois, puisque l'objectif qu'on vise, c'est que cesse cette injustice à l'égard de personnes qui n'ont aucun droit de recours. Il y a quelque chose d'odieux là-dedans. Je ne veux pas être méchant à l'égard... Mais franchement il faut être méchant à certains moments. Nous autres, on a été saisis de ces cas-là à la FTQ, le syndicat nous en a saisis et, chaque fois, on se dit: Mais qu'est-ce que c'est que c'est que cette histoire? Comment se fait-il? Cela devient incompréhensible. Il faut trouver une solution et je suis heureux qu'ensemble la commission, le ministre manifeste une ouverture d'esprit à ce sujet. On en prend très bonne note.

M. Fortier: Pour nous, c'est surtout d'assurer les dépôts des cotisants. Je pense que c'est l'objectif.

Le Président (M. Després): Excusez-moi, M. le ministre. La parole est au député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je pense que la notion de dirigeant, l'Inspecteur général des institutions financières dit qu'il ne l'a pas vu venir, qu'il ne l'a pas vu passer et qu'il y aurait une disposition, au fond, qui viendrait dans le projet de loi pour que vous ayez satisfaction, pour ne pas qu'on inclue des gens accréditables dans la notion de dirigeant, pour que vous ne puissiez plus les accréditer en fonction des décisions qui auront été rendues. Il s'agira de voir si le projet de loi va refléter ce qui vient d'être dit. À ce moment-là, j'imagine que ce ne sera pas un projet de loi qui viendra en commission parlementaire la semaine qui suit et que vous aurez le temps de réagir pour voir si vous êtes satisfaits sur ce plan-là. Je pense que c'est plus simple, la notion de dirigeant. C'est beaucoup plus facile.

M. Daoust: Oui.

M. Garon: Quant à la notion d'assurabilité, c'est plus complexe. Vous devez avoir des discussions là-dessus. Quand vous avez été confrontés à cette question-là dans le passé, est-ce qu'on a déjà soulevé le point qui vient d'être mentionné par l'Inspecteur général des institutions financières, par la voie du ministre, à savoir que la Loi sur l'assurance-dépôts exige que l'entreprise soit assurée mais ce n'est pas nécessairement une obligation d'assurabilité pour chacun des employés. Est-ce que cela a déjà été mentionné parce que cela m'apparaît assez simple? Mentionné comme cela, je me dis: Comment se fait-il qu'on n'ait pas vu cela avant? Que cela arrive aujourd'hui aussi simplement que cela, ça m'apparaît drôle un peu. Dans le passé, est-ce que vos avocats vous ont dit, quand vous avez étudié ces questions-là sur le plan technique...

M. Daoust: M. Michel Rousseau.

M. Rousseau (Michel): Le problème, c'est que l'assureur est un tiers; il n'est pas lié par la convention collective. C'est toute la notion d'individu, de la collectivité des employés d'une institution financière. Cela n'a pas été encore soulevé jusque-là, mais des arbitres et même des juges de la Cour supérieure nous ont dit que l'assureur était un tiers. Que ce soit un autre organisme, que ce soit quiconque, s'ils ne sont pas partie à la convention collective, les deux seules parties à la convention collective sont la caisse populaire et le syndicat. Donc, il y a des cas où, effectivement, l'employeur a décidé de congédier et où l'arbitre a réinstallé l'individu,

sauf que l'assurer lui a dit: Je ne t'assure plus. Donc, à ce moment-là, que ce soit un juge ou un arbitre, il dit: Je suis pris parce que c'est écrit dans la loi des caisses d'épargne et de crédit qu'il y a une obligation que les individus soient assurés. Donc, il est pris entre les deux lois. Laquelle des deux lois, le Code du travail qui dit qu'une sentence arbitrale, finale et exécutoire lie les deux parties ou la loi des caisses d'épargne et de crédit qui dit que tout le monde doit être assuré parce que les gens ont la garde de l'argent? Donc, il y a un problème de ce côté-là.

M. Garon: La Loi des caisses d'épargne et de crédit va plus loin que la Loi sur l'assurance-dépôts.

M. Rousseau: II faut trouver une solution à ce problème-là car, effectivement, comme le dit Fernand, il y a un problème d'arbitraire là-dedans. Même si l'employeur est d'accord avec la sentence de l'arbitre, l'assureur peut dire: Non, je n'assure plus, je ne fais plus confiance à cette personne-là. C'est un problème.

M. Garon: La Loi sur - je ne sais pas si vous êtes au courant, je vous pose la question - l'assurance-dépôts dit que l'entreprise doit être assurée. Est-ce que les compagnies d'assurances exigent habituellement l'assurabilité de ceux qui sont compris dans l'entreprise?

M. Rousseau: Au niveau des caisses, par exemple, il y a la déclaration initiale. Certaines institutions le font, d'autres ne le font pas et ne l'ont jamais fait. Il y a des gens qui travaillent dans une caisse populaire depuis 20 ans qui n'ont jamais signé de déclaration initiale. La déclaration initiale au niveau de l'assurance-fidélité, c'est un peu standard. Il y a beaucoup d'emplois où c'est requis d'être assuré parce que c'est une décision administrative de l'employeur. C'est le cas des banques. Les banques sont toutes assurées, sauf que ce n'est pas dans la loi des banques. Elles sont quand même toutes couvertes par une assurance-fidélité. De là notre prétention que ce n'est pas dans la loi des banques. Donc, on ne peut pas se servir de cela contre nous autres quand il y a une sentence arbitrale qui nous donne gain de cause parce que cela devient un deuxième congédiement contre lequel on n'a pas de recours. Le seul recours qu'on a, c'est de poursuivre l'assureur et on ne veut pas, en relations de travail, passer notre temps à poursuivre.

M. Garon: Jusqu'à maintenant, vous n'avez pas imaginé de solution pour contourner cette question-là. L'employé est assuré, mais que l'assurabilité ne soit pas un motif de congédiement contre lequel il n'y a pas de recours. Sur le plan juridique, il n'y a pas eu de...

M. Rousseau: Avec la loi actuelle, et c'est encore dans l'avant-projet de loi, c'est une obligation d'être assuré. On n'a pas encore trouvé de solution à ce problème-là. La seule chose à laquelle on a pensé, c'est que ce soit enlevé de la loi. Le fait que, administrativement parlant, les gens soient cautionnés, on n'en a pas contre cela, on n'a absolument rien contre cela, sauf que cela ne doit pas devenir un deuxième ou un troisième congédiement contre lequel il n'y a pas de recours.

Le Président (M. Després): En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: Juste une dernière question et ma conclusion sera de les remercier. Quand vous parlez d'abus d'employés congédiés, est-ce qu'il y a plusieurs cas qui vous viennent à l'esprit?

M. Rousseau: Oui, il y en a de plus en plus. M. Garon: À cause de l'assurabilité.

M. Rousseau: Évidemment, l'assureur semble avoir décidé administrativement de resserrer un peu les contrôles, ce à quoi on n'a pas d'objection, sauf que c'est une tendance compte tenu de la problématique d'une sentence arbitrale qui, même si elle est déposée devant les tribunaux, peut ne pas être appliquée parce que l'assureur peut dire: Moi, je n'assure plus. L'assureur peut ne pas être d'accord avec la décision de l'arbitre. De toute façon, c'est un tiers, il n'est pas partie à la convention collective. Il y a de plus en plus de cas comme ça.

Le Président (M. Després): M. le député de Lévis.

M. Garon: Merci. Je pense que vos points sont très clairs.

Le Président (M. Després): M. le ministre.

M. Fortier: En conclusion, M. Daoust, messiers et mesdames de la FTQ, j'ai pris certains engagements. On va vous contacter. Ce n'est pas facile de trouver en dix minutes une solution, mais je pense qu'il y a des éléments de solution. Si, dans la Loi sur les banques, on n'en parle pas, c'est probablement que la loi d'assurance-dépôts fédérale l'exige de la même façon que la nôtre. Alors, si c'est le cas, on va trouver une solution. Bien sûr, on en parlera au mouvement Desjardins, le cas échéant, parce qu'il est également impliqué, mais j'oserais penser qu'on puisse trouver une solution adéquate à vos deux problèmes.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Després): Au nom des membres de cette commission, j'aimerais remercier la Fédération des travailleurs et travail-

leuses du Québec et inviter dès maintenant l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins à prendre place, s'il vous plaît!

Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 2) (Reprisé à 16 h8)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous allons maintenant entendre l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Je demanderais au porte-parole de l'organisme de s'identifier et de bien vouloir nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Voyer (Victorin): M. Le Président, M. le ministre Pierre Fortier, membres de la commission, mon nom est Victorin Voyer. Je suis président de l'association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Je suis directeur également de la caisse populaire Les Boulevards dans le centre du Québec, Fédération centre du Québec. J'ai à mes côtés le président du conseil d'administration de l'association, M. Jean-Guy Chaput, à ma droite, et aussi directeur général de la caisse populaire Maisonneuve à Montréal. À ma gauche, M. Michel Riopelle, premier vice-président de notre association et en même temps directeur général de la caisse populaire Saint-Rémi de Montréal-Nord. Par la suite, Mme Uparathi Provencher, permanente à l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

M. Le Président, j'aimerais remercier la commission de nous avoir donné l'occasion de venir présenter notre mémoire que vous avez déjà reçu.

Le Président (M. Lemieux): Je tiens à vous préciser que les règles de l'audition sont les suivantes: 20 minutes seront consacrées à l'exposé de votre mémoire puis une période d'échanges de 40 minutes suivra entre les membres de cette commission relativement à l'exposé que vous aurez fait de votre mémoire aux membres de cette commission.

M. Voyer: Alors, M. Le Président, l'ordre dans lequel on a pensé vous présenter notre mémoire est le suivant. De mon côté, je vous présenterai l'association, en général, dans ses objectifs et ses buts avec ses membres et, dans un autre temps, M. Jean-Guy Chaput, président du conseil et responsable du comité de suivi à la loi, va vous entretenir sur le contenu du texte de loi.

Le Président (M. Lemieux): Pas de problème.

M. Voyer: Merci. Alors, l'association des directeurs est une association au libre choix des directeurs et directrices de caisses; c'est une association volontaire. Notre but est de promouvoir, comme vous pouvez vous en douter, le professionnalisme de ses membres, de défendre dans un autre temps et de protéger la fonction de directeur et de directrice de caisse et même ses intérêts. Vous savez que le rôle d'un directeur ou d'une directrice de caisse est très grand, très vaste. Nous sommes un pivot dans l'ensemble du mouvement Desjardins et à l'intérieur de notre caisse. Le directeur a à répondre de ses gestes à ses dirigeants, conseil d'administration, commission de crédit, conseil de surveillance. Il est plus qu'un simple banquier, il est un gestionnaire entier dans toutes les phases de la gestion, planification, organisation, direction et contrôle de son institution financière. Il a aussi à défendre l'entreprise comme si c'était la sienne. Il oriente et aide dans l'orientation de la caisse et de ses dirigeants. Il est un bénévole aussi à sa façon en dehors de ses heures de travail parce qu'il siège à différents conseils. Il est fortement engagé dans son milieu. Il est la cheville ouvrière de la caisse populaire, donc une fonction de premier plan et de premier pivot dans l'ensemble Desjardins.

Les principes qu'on a voulu défendre lorsqu'on a regardé la loi sont les suivants. Nous ne voulons pas faire une loi de cas d'exception quant à nos membres. Nous voulons simplement avoir une loi qui est très générale, qui permet aux directeurs et directrices de s'impliquer dans la caisse. On veut aussi laisser le libre choix à chaque caisse de son directeur ou de sa directrice. C'est une entreprise en mutation. Le devenir du directeur est aussi en mutation. Il y a des statuts à établir qui sont à l'étude présentement. Donc, le projet de loi qui est déposé était un point important à surveiller pour assurer que ce statut soit respecté et qu'il reflète le devenir des années 2000. Nous avons aussi établi, dans l'association que je préside, un code de déontologie au sein de notre association, démontrant ainsi notre souci de l'éthique professionnelle de notre fonction.

En plus de l'objectif qui est en regard de l'association des directeurs et directrices, il y a aussi un objectif global qu'on visait qui concerne la protection publique, l'intérêt des membres des caisses populaires par une implication beaucoup plus grande, beaucoup plus vaste du directeur général dans les instances décisionnelles des caisses populaires, des fédérations et de la confédération, voire même le droit d'y siéger. Nous avons l'expérience, comme directeurs et directrices, nous avons le vécu et nous avons surtout la stabilité comme représentants de nos

caisses.

C'était mon entrée en matière. Maintenant, j'aimerais laisser la parole à notre responsable du comité de la loi, M. Jean-Guy Chaput, qui va vous entretenir sur les modalités, du texte de loi.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Chaput, s'il vous plaît.

M. Chaput (Jean-Guy): Merci, M. le Président. L'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec est une association volontaire regroupant la majorité des directeurs de caisse populaire et d'économie Desjardins du Québec. Cette association est née d'une volonté de directeurs de se réunir et de discuter des problèmes reliés exclusivement à la fonction de directeur de caisse populaire et d'économie. L'association existe pour promouvoir le professionnalisme de ses membres - comme l'a rappelé notre président - et pour représenter les directeurs auprès des différents intervenants tels le mouvement Desjardins, le gouvernement ou d'autres types d'associations. Tous les membres sont assujettis à des règles inscrites à l'intérieur d'un code de déontologie.

L'association organise annuellement un colloque où il est discuté exclusivement de questions portant sur la fonction de directeur. Les colloques des dernières années ont eu lieu un peu partout au Québec, soit à La Malbaie, Hull, Jonquière, Rimouski, Compton, Québec, Montréal. Ces colloques, qui regroupent plusieurs centaines de directeurs, ont pour but d'enrichir la fonction de directeur à l'intérieur du mouvement Desjardins et de donner des orientations à notre association.

La fonction de directeur de caisse est la plus vieille fonction à l'intérieur du mouvement. On se rappellera que M. Alphonse Desjardins était directeur de caisse. Il était lui-même président-directeur de la caisse populaire de Lévis.

L'association est représentée par un conseil d'administration compose de douze membres provenant des différentes régions du Québec, soit un représentant de la Gaspésie, du Bas Saint-Laurent, du Saguenay - Lac-Saint-Jean, de Québec, de la Mauricie, de la région Richelieu-Yamaska, de Lanaudière, de Montréal et de l'Ouest du Québec, de l'Abitibi, de l'Estrie et des caisses d'économie. Le président de l'association est annuellement élu au suffrage universel, alors que les représentants des régions sont élus par celles-ci. Le président du conseil est celui qui agissait à titre de président de l'association l'année précédente. Le comité exécutif est formé du président, du premier vice-président, du deuxième vice-président, du secrétaire et du trésorier. L'association assume sa viabilité financière à l'aide d'une cotisation annuelle de ses membres, de diverses activités tels les colloques, le journal "Le Directeur" et différentes autres commandites. Le secrétariat permanent est situé à Québec. L'association offre des services de formation, d'information et de consultation et répond à toute demande de services requis par ses membres en relation avec leur fonction de directeur.

L'association est un organisme entièrement indépendant du mouvement Desjardins. Appelée à défendre les intérêts de ses membres, c'est à ce titre seulement qu'elle présente ce mémoire sur la fonction du directeur. Elle laisse le soin aux diverses Instances du mouvement Desjardins de faire des représentations sur d'autres aspects de l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

L'avant-projet de loi a suscité chez nos membres une vive déception quant à la limitation de leur rôle à l'intérieur du mouvement Desjardins. Il nous semble essentiel de rappeler que le directeur de caisse est fortement engagé dans révolution socio-économique du milieu dans lequel il oeuvre. Un nombre impressionnant de directeurs sont administrateurs de CLSC, de cégeps, d'hôpitaux, de résidences pour personnes âgées, d'associations de bienfaisance, de garderies, et j'en oublie. On les retrouve aussi dans des conseils de commissions scolaires, de municipalités et ils sont régulièrement appelés à agir comme secrétaire ou trésorier d'organisations qui fêtent un anniversaire. En somme, ils sont très présents dans des organismes sans but lucratif à vocation sociale, économique, culturelle et sportive. Les directeurs de caisse sont donc perçus par la population comme faisant partie Intégrante de la vie de la communauté. Nous ne sommes pas des "franchisés" dans les caisses populaires et encore moins des gérants de Perrette et surtout pas des gérants de succursale bancaire. Des études commandées par des gens de Desjardins, particulièrement de deux fédérations, ont démontré qu'un directeur de caisse populaire s'apparente davantage à un directeur général de PME qu'à un directeur de succursale bancaire. À la caisse même, le directeur est la cheville ouvrière de sa coopérative. Il y joue un rôle de premier plan et, dans de nombreuses caisses, il siège au conseil d'administration. C'est lui qui, localement, défend à la commission de crédit les dossiers de prêts personnels, prêts hypothécaires et prêts agricoles. C'est lui aussi qui souvent prend les décisions au niveau local, grâce au pouvoir de délégation, et c'est ce qui rend souvent plus populaires les caisses que les banques dans ces domaines de prêts puisque les décisions sont prises localement.

L'avant-projet de loi l'obligerait à se retirer d'une assemblée du conseil à la demande d'un seul administrateur. Cette façon de faire nous est inacceptable. Le directeur devrait se retirer, bien sûr, à la demande de la marjoité des administrateurs et seulement lorsqu'il est directement mis en cause. Il nous semble dangereux qu'un administrateur puisse, sur simple

demande, forcer le retrait du directeur général d'une réunion du conseil d'administration. Cette situation ouvre la porte à toutes sortes d'abus parce qu'il y aurait un vote serré, des questions de quorum, ou toute autre raison. Je pense qu'il faudrait préciser dans la loi pour quelle raison un directeur devrait se retirer. La pratique est chez nous qu'un directeur, lorsqu'il est question de son salaire ou des choses qui le concerne, se retire. C'est une question pratique. On a vu ce matin que d'autres institutions font aussi cela. Il semblerait que ce serait peut-être exagéré de dire qu'un simple administrateur puisse demander au directeur, d'autant plus s'il est élu, de se retirer. Je pense que cela serait enlever un droit aux membres d'être représentés par quelqu'un qu'ils ont élu en bonne et due forme. Il faut se rappeler, comme on le disait tantôt, qu'Alphonse Desjardins, le commandeur, dans son projet de caisse populaire, a lui-même organisé en 1900 ses premières caisses populaires avec un directeur siégeant au conseil d'administration - c'était sa conception - et qu'il occupat même, on le disait tantôt, la fonction de président-gérant de la caisse de Lévis.

Selon l'avant-projet de loi, l'engagement du directeur se ferait annuellement. Nous demandons que le contrat du directeur soit à durée indéterminée. Comme pour toute autre fonction qu'on connaît au Québec, je ne vois pas pourquoi le directeur de caisse devrait être engagé annuellement ou voir son engagement renouvelé chaque fois; je pense que c'est un peu problématique et inutile.

L'avant-projet stipule que l'adresse du directeur de caisse, à titre de dirigeant, figure à un registre qui pourrait être consulté par les membres. Les problèmes d'enlèvement qu'ont connus des directeurs de caisse et des membres de leur famille les incitent à demander que leurs adresses personnelles ne figurent dans aucun registre accessible aux membres. Jusqu'à ce jour, de nombreux directeurs de caisse ont été élus commissaires de crédit et conseiller de surveillance d'une fédération. Leurs connaissances et leur disponibilité leur ont permis d'occuper ces postes grâce à la confiance que leur ont témoigné les dirigeants des caisses. Dans le projet de loi, il serait impossible pour un directeur de caisse d'être conseiller de surveillance d'une fédération, d'être commissaire de crédit dans une fédération, d'être président d'une fédération et même d'être vice-président d'une fédération. Il semble que ce serait une question de conflit d'intérêts. Cela ne nous apparaît pas tout à fait évident. Il faut rappeler ici que, dans une fédération, un commissaire de crédit octroie des prêts aux caisses et non pas aux individus et que la surveillance d'une fédération n'est pas la surveillance d'une caisse. Si le poste de vice-président d'une fédération ne peut pas être attribué à un directeur de caisse, cela veut dire qu'à toutes fins utiles, dans une fédération où il y aurait la moitié de directeurs et l'autre moitié de non-salariés, il y aurait seulement la moitié qui pourraient se qualifier pour avoir un poste de vice-président. Il ne faudrait pas écarter les directeurs généraux de caisse de certaines fonctions dans Desjardins. L'avant-projet de loi exclut les directeurs de ces postes et les empêche même... Nous demandons non seulement que le directeur de caisse puisse être élu commissaire de crédit et conseiller de surveillance d'une fédération, mais qu'il puisse aussi être président ou vice-président d'une fédération ou de son conseil d'administration. De plus, le projet de loi devrait permettre à un directeur de caisse qui n'est pas administrateur de caisse d'être admissible au poste d'administrateur d'une fédération sans qu'il y ait nécessité de le prévoir par le règlement de la fédération.

En conclusion, l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec souhaite vivement que les membres de la commission prennent en considération le rôle éminemment utile que les directeurs de caisse ont joué au sein du mouvement Desjardins et qu'ils accèdent à leurs demandes, que l'association considère tout à fait légitimes. Le fait de moderniser Desjardins ne doit pas le dénaturer. Pour ceux qui se sont référés à ce qu'est une coopérative, on sait qu'il y a une association de personnes et une entreprise. Le directeur général de l'entreprise est le seul employé de l'association de personnes. Cela aurait pour effet de nuire à la vie coopérative localement.

Le Président (M. Lemieux): Avez-vous autre chose à ajouter, brièvement?

M. Chaput: Oui.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, brièvement, une minute environ au maximum.

M. Chaput: Oui, parfait. J'ai une minute. Le directeur de caisse fait partie de la vie active du milieu dans lequel il évolue. En l'assignant à son seul rôle d'exécutant, la force des caisses va s'en trouver grandement diminuée. Depuis ses origines, le directeur a toujours été associé de très près au développement de la caisse et par son engagement et par sa disponibilité et, dans la presque totalité des cas, avec une rémunération symbolique. Sous prétexte de quelques cas isolés, des conflits d'intérêts, au nom de l'autorité, on va le brimer en limitant ses actions, ses attitudes et son leadership, alors qu'il a toujours oeuvré, pourtant, avec notoriété et engagement. Nous souhaitons ardemment que le législateur attachera toute l'importance aux observations et revendications contenues dans le mémoire que nous avons présenté et ce, principalement pour respecter ce qu'un conseil d'administration de caisse, une assemblée générale de caisse, la population d'une ville, d'un quartier, d'un village auront décidé de faire face à ce qu'ils se sont donné comme institution financière pour attein-

dre leur développement dans une optique de coopération. L'essor de Desjardins dépend en partie - nous le croyons - des rôles qui seront dévolus au directeur général d'une caisse non pas par l'assemblée générale ni par la population, ce rôle nous le savons, mais par la loi. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci de votre coopération. M. le ministre délégué aux Finances et à la privatisation, vous avez la parole pour dix minutes.

M. Fortier: M. le Président, M. Chaput, je voudrais tout d'abord vous assurer que le rôle très utile que les directeurs généraux jouent à l'intérieur des caisses, tout le monde le reconnaît. Je pense bien que ceci n'est mis en doute par personne. Vous l'avez dit vous-même, le directeur général ou le gérant d'une caisse est un homme très important et qui, dans sa communauté, participe de toute évidence à la vie communautaire. Je pense bien que l'intention de l'avant-projet de loi n'était pas de sous-estimer cet aspect des choses, au contraire. Mais, en consultant plusieurs personnes, nous nous sommes aperçus d'une chose c'est que... Comme de raison, votre association existe pour défendre - comme vous l'avez dit vous-même - les intérêts des directeurs de caisse. Je pense bien que c'est tout à fait normal. Et vous l'avez dit vous-même, votre association est indépendante du mouvement Desjardins, indépendante de la confédération ou des fédérations, donc, il n'y a personne, au contraire, qui va vous en vouloir de faire valoir le point de vue des directeurs généraux de caisse.

Vous étiez ici ce matin, je pense bien. J'ai essayé d'expliquer dans les notes liminaires que j'ai lues ce matin quels étalent les principes qui sous-tendent l'avant-projet de loi. Remarquez bien qu'on est ici pour en discuter et s'il y a des modifications à faire on les fera. Mais plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que les caisses populaires sont un regroupement de membres et qu'en définitive il faut que ce soient les membres qui dirigent les destinées. M. le député de Lévis, qui est membre, indiquait avec raison qu'il est très actif dans sa caisse. Mme Plamondon, qui est venue tout à l'heure, est très active elle aussi. On a tous des expériences différentes. Mais tous s'entendent... C'était gentil ce que j'ai dit...

M. Garon: Je n'ai pas dit cela.

M. Fortier: Je me corrige, M. le député de Lévis.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Tout simplement ce que je voulais dire... Le point qui avait été souligné c'est que... Et tout à l'heure j'écoutais le représentant de la FTQ, M. Fernand Daoust, dire:

Bien, il est vrai que le mouvement est rendu gros, mais il ne faudrait pas perdre de vue qu'à l'origine c'était un mouvement coopératif. C'est ce qui nous a amenés à faire certaines recommandations dans la rédaction de l'avant-projet de loi pour nous assurer qu'en définitive ce soient les membres qui dirigent les caisses populaires. Je vous entendais dire qu'il était important pour vous de prendre la défense des directeurs de caisse. Comme de raison, quand je vois... Par mes nombreux contacts dans plusieurs caisses et surtout dans plusieurs communautés, il est important, comme vous le savez... Je n'ai pas besoin de vous dire que dans certains endroits le directeur de caisse est omniprésent.

Vous savez, vous êtes un peu le pendant des fonctionnaires. Nous, les élus, sommes là pour quatre ans. Nous sommes là pour huit ans. Et quelquefois - je ne dis pas cela méchamment - les fonctionnaires nous regardent en faisant un clin d'oeil et en disant: Le ministre est là temporairement. Nous, nous allons rester et le ministre va quitter. Mais c'est la réalité. La réalité c'est que nous sommes les élus et les fonctionnaires sont permanents et, dans le fond, vous êtes un peu les fonctionnaires du mouvement Desjardins. Je ne dis pas cela méchamment, parce que j'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires qui sont ici. C'est vrai qu'ils assurent la stabilité, assurent le professionnalisme de nos actions. Mais les élus, à l'occasion, revendiquent une certaine autorité dans l'orientation de certaines politiques.

Ce qui me frappe dans la question des directeurs, c'est que... Lorsque vous dites que vous voulez défendre les directeurs de caisse, des fois je me demande, étant donné l'omniprésence des directeurs de caisse, s'il ne faut pas plutôt protéger les membres dans certaines caisses. Et c'est la raison pour laquelle nous avons mis certaines dispositions qui vont dans le sens, non pas de vous écarter, mais de dire: II y a des élus qui sont à un conseil d'administration et ce sont ces élus-là qui doivent décider. J'ai siégé et je suis sûr que plusieurs personnes autour de la table ont siégé à des conseils d'administration. Quelquefois on invitait un non-élu à venir faire des présentations. Mais à l'occasion on disait à ce non-élu: Prière de vous retirer parce que nous voulons délibérer entre nous. Et comme vous le savez - parce qu'on s'est rencontrés l'an dernier - le débat que j'ai eu à me faire intérieurement était de dire: Est-ce que oui ou non on va faire en sorte que le, directeur général, le gérant puisse être élu au conseil d'administration? Je dois vous dire que j'ai reçu des représentations de membres de caisses populaires qui m'ont dit: Le directeur de caisse ne devra pas être au conseil d'administration. Mais vous m'avez fait valoir que sur le plan historique, dans certaines caisses, le directeur général était élu et cela ne causait pas de problème. (16 h 30)

En définitive, on a gardé une disposition

qui fait que les caisses qui le désireront pourront élire le directeur général, mais il faut quand même que nous ayons certaines dispositions pour nous assurer que, d'une part, si... Là, je suis bien prêt à regarder si, au lieu que ce soit un membre du conseil d'administration... Mais là il va y avoir deux situations. Il y aura la situation où le directeur général ne sera pas membre du conseil d'administration. Dans cas-là, moi, je dis: Lorsqu'il n'est pas membre du conseil d'administration, si une personne désire, insiste pour que la délibération se fasse entre membres du conseil, à mon avis, le directeur devrait se retirer. S'il est membre du conseil, je dois admettre que c'est une situation différente. Et sans vouloir prendre trop de temps, parce que je sais que je dois laisser la parole à d'autres, je voudrais simplement indiquer que les dispositions qui sont ici, ce ne sont pas contre les directeurs généraux. Si vous prenez la disposition en ce qui concerne les fédérations, comme vous le voyez dans l'avant-projet de loi, nous donnons une responsabilité en ce qui a trait à la fédération et une fédération pourrait mettre en tutelle une caisse populaire, si la caisse populaire est en difficulté.

Pour ma part, j'aurais de la difficulté à comprendre que quelqu'un serait vice-président d'une fédération et qu'en l'absence du président I aurait à mettre en tutelle la caisse pour aquelle il est directeur général. Si vous pouvez m'expliquer ce conflit-là, mol, peut-être que je changerai d'idée. Les dispositions qui sont là ne vont pas dans le sens de brimer les droits des directeurs généraux et c'est d'avoir un système qui, en définitive, va faire en sorte que les fédérations vont pouvoir jouer leur rôle de chien de garde sur le plan de la santé financière des caisses. Et s'il faut qu'elles prennent des dispositions, il me semblerait... D'ailleurs, dans le projet de loi, nous indiquons que désormais, en ce qui concerne les fédérations, la majorité des membres du conseil devront être des bénévoles et non pas des directeurs généraux. En majorité, ce sont 51 %. Il y en a qui disent que ce devrait être les deux tiers. On ne va pas jusque-là. Dans le moment, ce sont 51 %.

Tout simplement, je voulais donner ces explications-là pour vous dire que je comprends que, peut-être, le projet de loi change certaines réalités, mais nous avions des principes qui étaient sous-jacents à la rédaction du projet de loi et qui vont dans le sens, peut-être, de changer certaines réalités. Mais, que vous le vouliez ou non, je ne voudrais pas faire la liste des problèmes qu'ont vécus...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le ministre.

M. Fortier:... mais je dois vous dire que, dans la plupart des cas où il y a des problèmes de conflit d'intérêt, malheureusement c'est le fait que... À cause de cela, je crois bien qu'il faut limiter les possibilités de conflit d'intérêts le plus possible.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de... Vous pourrez peut-être... J'ai compris que vous aviez envie, peut-être, de...

M. Chaput: De répondre à la question tout simplement.

Le Président (M. Lemieux):... répondre à la question, sauf que... À moins que le député de

Lévis ne le permette... À défaut de son consentement...

M. Garon: Sur ses dix prochaines minutes.

Le Président (M. Lemieux):... M. le ministre a déjà pris ses dix minutes. Alors, M. le député de Lévis.

M. Garon: Ses dix prochaines minutes.

Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez la parole M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai envie, M. le Président, de demander bientôt que le ministre aille siéger à la table qui est là, parce qu'on a l'impression que c'est lui qu'on est venu entendre. Mais ce sont les gens qui sont devant nous qu'on est venu entendre. Il y a un point, au départ qui m'apparaît évident, c'est le point où vous parlez de l'obligation que votre adresse personnelle soit accessible à tout le monde. Dans la situation actuelle, je pense que le point que vous mentionnez qui est une tentative... il y a eu des enlèvements, je ne vois pas en quoi il est nécessaire pour un membre de la caisse de connaître l'adresse personnelle du directeur général ou du gérant de la caisse. Pardon?

M. Bélisle: Pas plus que l'adresse d'un député.

M. Garon: L'adresse d'un député, cela est connu pas mal.

M. Bélisle: Ah, c'est...

M. Garon: Non, je pense que c'est un point qui est valable et qui devrait être... Parce qu'il y a eu des cas d'enlèvement de gérant de caisse populaire.

M. Chaput: II y en a eu quelques-uns, oui.

M. Garon: Moi, je pense, pour ma part, que... C'est ce que vous vouliez faire valoir, au fond, qu'il y a des dangers. Allez-y donc.

M. Chaput: C'est cela qui est le danger, c'est-à-dire qu'un directeur de caisse... Il y a

plusieurs personnes qui sont connues dans notre société et dont l'adresse est connue. La particularité du directeur de caisse, c'est que, le matin, quand il va travailler, il va travailler dans un endroit où il y a de l'argent liquide. Les personnes n'en veulent pas à la vie d'un directeur de caisse, ils en veulent à l'argent qui est dans la caisse et, lui, il peut l'avoir. Cela crée un problème dans ce sens-là. On a eu des cas d'enlèvement, des cas de demande de rançon parce qu'on sait que c'est plus facile d'obtenir de l'argent à ces endroits-là. Donc, il y a des directeurs de caisse, ici on pourrait vous en faire une belle liste, qui ont eu des problèmes de ce type, des menaces, etc. Je pense que ce serait inutile de tenter les gens.

M. Garon: J'aimerais cela, quand vous dites que vous avez une liste, sans que cela soit nécessairement dans les journaux, si on pouvait avoir, pour l'information des membres de la commission... Je ne sais pas, parce que le ministre n'a pas répondu à cette question, et c'est un point important, lorsqu'on étudiera ces questions, lorsque le projet de loi sera présenté, j'aimerais savoir s'il y aura des modifications ou non à l'avant-projet de loi concernant cette question, pour qu'on puisse justement discuter lorsqu'on fera l'étude article par article du projet de loi à ce point de vue.

M. Chaput: Pour ce qui est de la liste, on ne l'a pas comme telle. On peut la faire, sauf que Sécur et la Sûreté du Québec ont ce qu'ils appellent l'opération filet. À partir de là, chaque directeur de caisse est appelé à fournir différentes informations, écriture manuelle, la photo de ses enfants, etc. Il y a un dossier qui est monté en collaboration avec la Sûreté du Québec pour éviter ce type d'opération. Par contre, on a enregistré différents cas qui sont arrivés; il y en a eu des dizaines. Personnellement, j'en connais quatre ou cinq qui sont encore là et il y en a d'autres qui ne le sont plus à cause de cela. Je pense que c'est possible d'avoir la liste. Je pense que le mouvement Desjardins serait plus outillé que nous pour vous la fournir, avec les détails, ou encore la Sûreté du Québec.

M. Garon: D'accord. Votre association semble déçue du fait que l'avant-projet de loi ne reconnaisse pas davantage votre rôle. J'ai remarqué que le mémoire du groupe Desjardins appuie le mémoire que vous avez présenté. Par ailleurs, votre mémoire soulève quelques failles techniques dans l'avant-projet de loi qui sont fondées, à mon avis, comme celle concernant la divulgation. J'aimerais surtout que vous nous précisiez si vous jugez que l'avant-projet de loi enlève des prérogatives que vous déteniez sous l'ancienne loi ou si vous déplorez davantage des omissions dans l'avant-projet de loi, en faisant une comparaison du régime actuel avec le régime qui est proposé dans l'avant-projet de loi, pour qu'on ait un meilleur portrait de ce qui est modifié pour les directeurs de caisse.

M. Chaput: Voici un exemple. Le directeur de caisse peut être conseiller de surveillance, commissaire de crédit ou vice-président de sa fédération. On sait qu'il y a des directeurs de caisse dans différents endroits, partout au Québec, et qu'il y a des idées qui sont nées des caisses populaires. Souvent, le directeur, parce qu'il côtoie régulièrement des membres de Misse, apprend des façons de faire et essaie d'inventer. Il présente cela à son conseil d'administration. Son conseil d'administration dit oui ou non, cela a du bon sens ou pas, et il faut aller de l'avant. Pour aller de l'avant, il faut présenter cela aussi à la fédération et souvent les directeurs de caisse qui ont siégé au sein des fédérations et même à la confédération ont fait progresser de nombreux dossiers. Je me rappelle que dans l'est de Montréal M. Paul Lacaille a lancé l'idée des dossier de prêts aux assistés sociaux. Cela ne s'était jamais vu et cela ne viendra certainement pas des banques, ces idées-là. Lui a eu cette idée-là et, comme il siégeait à différents paliers, il a eu des appuis dans ce sens-là. Il y a eu des dossiers de l'habitation. Toute la question d'aider les coopératives d'habitation, la rénovation, cette idée vient des directeurs de caisse, particulièrement dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec, et dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, dans l'est de Montréal. Après, cela s'est développé et on voit des projets à Trois-Rivières.

Cela veut dire qu'un directeur de caisse a plus d'idées, apporte plus de choses qu'un directeur de succursale bancaire, parce que, lui, il est déplacé. La preuve, c'est qu'il y a très peu de directeurs de caisse qui vont travailler pour les banques C'est l'inverse. Il y en a beaucoup qui partent d'une banque pour aller travailler dans une caisse populaire, parce que c'est complètement différent. Ici, on dit aux directeurs de caisse: Dans le passé, vous avez toujours été très actifs... On est entièrement d'accord avec la loi dans le sens que cela ne doit pas, dans les fédérations, être des directeurs de caisse qui contrôlent les conseils d'administration. On est parfaitement d'accord avec cela. Mais de là à dire qu'on va les éliminer, les enlever du conseil de surveillance parce qu'il peut y avoir des conflits d'intérêts... J'essaie de m'imaginer quel conflit d'intérêts il pourrait y avoir au niveau d'un conseil de surveillance. Je n'ai pas trouvé et je ne pense pas qu'il y en ait eu dans le passé. Il doit y avoir une liste là-dessus. Qu'un conseiller de surveillance de fédération ait été en conflit d'intérêts, je n'en connais pas. Des commissaires de crédit non plus et des vice-présidents de fédération pas plus. À partir de là, j'imagine, demain matin, si un président ou un vice-président de fédération qui est directeur de caisse veut mettre sa caisse sous tutelle... Premièrement, sa caisse est mise sous tutelle parce que les autres administrateurs vont dire

oui et, en plus, il ne sera probablement plus président parce qu'ils vont le débarquer. C'est l'histoire de Desjardins, les 88 ans ont démontré cela. Je ne vois pas pourquoi, à partir de 1988, il y aurait une génération de directeurs de caisse malhonnêtes qui atteindraient certains niveaux, passeraient à travers tout le clivage démocratique, atteindraient un poste et feraient quelque chose de pas correct. Cela peut se faire au niveau d'une caisse locale. On a vu des cas, malheureusement, mais ce sont des cas isolés; 1300 caisses, 88 ans d'exercice, on peut en sortir des cas isolés. Dans les fédérations, tes directeurs de caisse qui ont réussi à se faire élire à des conseils d'administration, conseils de surveillance ou commissions de crédit et qui ont fait des choses qui étaient vraiment répréhensibles... Et aujourd'hui il faut faire cela, je pense que ce n'est pas correct. La nouvelle loi dit au directeur de caisse: Vous êtes directeur de caisse et vous êtes confiné là-dedans. Historiquement, cette fonction, c'est que tu es un moteur, tu poussais et avec l'accord des élus tu pouvais pousser des choses. Là, on dit: Tu peux aller à une fédération, mais tu ne peux pas être élu vice-président. S'il y a une fédération de 22 membres, il y en a 10 qui disent: On va voter pour les autres en face, nous autres on n'a pas le droit d'être élus à. Là, on vient de faire un gros pas en démocratie. Même si de l'autre côté ils trouvent qu'il y a des gens de ce bord-ci qui pourraient faire l'affaire, ils disent: On n'a pas le droit, la loi défend que tu puisse être vice-président. Je trouve que c'est poussé un peu, pour ne pas dire exagéré. On n'avait pas cela avant dans la loi.

M. Garon: Avant vous pouviez... Pas dans l'avant-projet de loi, mais dans la situation actuelle, est-ce qu'un directeur de caisse peut être membre de la commission de crédit ou membre du conseil de surveillance...

M. Chaput: Oui.

M. Garon:... et être élu au poste de président ou de vice-président de fédération?

M. Chaput: Oui.

M. Garon: Est-ce indiqué précisément dans la loi ou...

M. Chaput: Non, la loi le permet. Si on...

M. Garon: Attendez un peu! Est-ce que la loi le permet explicitement ou si elle ne l'interdit pas?

M. Chaput: Elle ne l'interdit pas. Pour donner un exemple, en Abitibi le président de la fédération est un directeur de caisse. Le conseil de surveillance ne comporte que des directeurs de caisse et en Gaspésie il n'y a aucun directeur de caisse du conseil de surveillance et aucun directeur de caisse comme commissaire de crédit. Pourquoi vouloir que l'Abitibi ressemble à la Gaspésie ou l'inverse? Actuellement la loi permet cela. Je ne vois pas de cas qui dit qu'il y a eu des problèmes avec cela. Laissons chacune des régions s'arranger comme elle le juge le mieux. Vous savez, réunir demain matin des commissaires de crédit avec des distances comme l'Abitibi... Les commissaires de crédit se réunissent une fois par semaine pour consentir des prêts de 1 000 000 $, 1 300 000 $ à une caisse. Dans une fédération on dira: Ce ne peut pas être un directeur de caisse parce qu'il sait c'est quoi les besoins de trésorerie d'une caisse! On va mettre des gens qui ne connaissent pas cela. Ni plus ni moins on dira aux technocrates à l'intérieur de la fédération: Décidez donc si la caisse en a ou non et ensuite dites à la commission de crédit d'apposer l'étampe. On va demander, à des gens qui ne connaissent pas cela, quels sont les besoins de trésorerie d'une caisse. Ce sont ces demandes que la fédération reçoit.

Dans une caisse c'est différent. Ce sont des individus qui demandent du crédit. C'est normal que la commission de crédit soit composée de membres. J'essaie de regarder le côté pratique. Si on crée demain matin des conseils fictifs... Surveillez les opérations d'une fédération comme Montréal, par exemple, qui représente 12 000 000 000 $. Est-ce qu'on va faire comme un club social et dire demain matin: C'est ton tour d'y aller, vas-y? Je pense que les gens sont plus sérieux que cela et qu'ils disent. On doit avoir un "mix" de non-salariés avec des salariés. En tout cas, jusqu'à maintenant au mouvement Desjardins cela a produit quelque chose d'extraordinaire. Si on est rendu là aujourd'hui c'est justement à cause de ce mélange de non-salariés et de salariés, tout en donnant priorité, comme la nouvelle loi le donnera, aux non-salariés. C'est excellent, mais il ne faut pas éliminer l'autre qui a fait des choses pendant 88 ans.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Comme vous le dites, il y a des fédérations qui ont des règles différentes. Dans le fond, celles qui ont promulgué des règles plus rigides sont arrivées à cette conclusion-là par elles-mêmes. La situation que vous décrivez... Le député de Lévis essayait de savoir si c'était parce que la loi le permettait ou non. Dans le fond, il faut bien se dire que dans le moment il n'y a à peu près aucune règle dans la loi traitant du mouvement Desjardins. Il n'y avait aucune règle, donc tout était permis. Maintenant qu'on désire mettre des règles concernant la déontologie, c'est sûr qu'en mettant des règles on empêchera certainement certaines choses d'arriver.

Je comprends que vous preniez la défense

des directeurs généraux. Nous sommes ici pour légiférer pour l'ensemble de la société, ce n'est pas tout à fait pareil. Le conseil de surveillance d'une caisse est le chien de garde de la caisse. C'est simple. Le directeur général d'une caisse est quasiment omniprésent, il a à peu près tous les pouvoirs, c'est lui que l'individu qui veut emprunter va aller voir en premier. Les négociations se feront donc avec le directeur général. Il a un pouvoir énorme. Est-ce que vous n'admettez pas que le directeur général a un pouvoir énorme et qu'en fin de compte le conseil de surveillance, comme la loi le dit, qui est le chien de garde pour s'assurer que la loi et les règlements sont suivis... Remarquez bien que la loi n'empêche pas le directeur général d'être présent à la réunion du comité de surveillance, n'empêche pas une délégation de l'administration des décisions du comité de surveillance. Probablement que c'est le directeur général qui va aller à la réunion du comité de surveillance pour présenter et plaider les cas, mais c'est le comité de surveillance qui décidera. C'est là le problème. J'ai du mal à vous comprendre. Dans la mesure où le conseil de surveillance est le chien de garde, pourquoi voulez-vous que... Vous allez être là. Le chien de garde est là pour vous surveiller, mais, dans le fond, vous voulez dire: Je vais faire partie du chien de garde. Cela n'a pas de bon sens. (16 h 45)

Une voix:... dedans.

M. Chaput: Je m'excuse, mais il n'est pas question d'être conseiller de surveillance d'une caisse. Ce n'est pas ce que le directeur général de caisse veut. C'est de l'être au niveau d'une fédération, ce qui est complètement différent, parce que les membres de la fédération, ce sont les caisses et non par les individus. À partir de là, ce sont des problèmes de caisse. Je vous donnais tantôt l'exemple d'une fédération, celle de Montréal, qui représente 12 000 000 000 $; lorsque le vérificateur externe ou l'inspecteur vient, avec le langage tenu dans la gestion de fonds et les opérations en cours, des non-salariés ont de la difficulté à suivre la conversation. Cela sert peut-être des gens, mais, idéalement, pour le mouvement Desjardins, il est préférable d'avoir des gens avertis à certains niveaux. C'est un point.

Vous dites que le directeur général est omnipuissant. C'est de moins en moins vrai que le directeur général reçoit des demandes d'emprunt. Aujourd'hui, ce sont des conseillers qui les reçoivent. Le directeur général assiste rarement à des commissions de crédit dans certains endroits puisque des gens, des directeurs de services conseils, font ces opérations-là. Le directeur général a un chien de garde qui s'appelle le conseil de surveillance dans la caisse, mais il y a aussi les inspecteurs de la confédération, les vérificateurs de la fédération. Souvent même, les gens de l'Inspecteur général des institutions financières. Tout ce monde-là vient surveiller et je pense qu'il y a une très bonne surveillance, et tant mieux, c'est ce qu'il faut pour protéger les membres. On est entièrement d'accord là-dessus.

Lorsqu'on dit au niveau d'une fédération, c'est que les élus d'une fédération devraient être ceux que l'assemblée générale veut nommer là. Si l'assemblée générale veut nommer des non-salariés, parfait; si l'assemblée générale veut aussi nommer un "mix" où il y a des salariés qui ont plus d'habileté ou de facilité à comprendre les opérations qui se font avec des caisses et non pas avec des individus, pourquoi pas?

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Là, j'ai déjà entendu ce discours-là: Écoutez, on existe depuis 1903; laissez-nous faire, cela va bien. Je dois vous dire que ce genre d'argument ne m'impressionne pas beaucoup parce que, de toute façon, vous avez entendu tout à l'heure Mme Plamondon faire des représentations et j'ai justement pris en délibéré la possibilité qu'il y ait une instance à la caisse locale en ce qui concerne les plaintes. Je pense, si on prend le conseil de surveillance de la caisse, qu'il serait normal que les plaintes se fassent entendre là. J'ai de la misère à comprendre comment on va faire en sorte que les plaintes soient entendues par le directeur général qui serait membre du conseil de surveillance, alors qu'on aura justement quelque chose de plus objectif.

M. Chaput: Non.

M. Fortier: Vous dites que ce n'est pas au niveau de la caisse, mais au niveau de la fédération. Mais c'est la même logique. Comme vous le savez, dans les caisses, vous ne prenez pas toutes les décisions. Lorsqu'il arrive des prêts un peu plus importants, cela monte à la fédération. Là, on parle de prêts commerciaux d'importance. Vous dites qu'il y a des experts entre les deux; bravo! Mais, en définitive, il va falloir que certaines décisions soient prises à la fédération également pour examiner des prêts qui vont se faire à une caisse en particulier.

Rien n'empêche un directeur général de caisse - d'ailleurs, on me dit que certains supputent le départ de M. Bernier; ce n'est pas moi qui vais décider de ça, mais il semble que la campagne électorale soit déjà partie - d'aspirer à devenir président d'une fédération. Mais, lorsqu'il va devenir président d'une fédération, il va démissionner comme directeur général. Donc, il n'y a absolument pas de problème à ce moment-là. Vous avez quand même un plan de carrière possible. Ce que nous essayons tout simplement de faire, c'est de mettre des règles qui vont faire... Il n'y avait pas de règles. Si vous aviez été ici lorsqu'on a parlé des intermédiaires de marchés en particulier, au mois de juin, vous auriez entendu des plaintes parce que les gens

ont dit: On n'est pas pour la vente d'assurance dans les caisses parce qu'il n'y a pas de déontologie. Ce que j'ai demandé à M. Bouchard et à son personnel, et cela n'existait pas dans l'avant-projet de 1984, c'est d'avoir des règles de déontologie à la confédération, la confédération et aux caisses. C'est pour cela qu'une fois qu'on a mis ça en place il faut avoir une certaine logique. Si vous me dites que vous êtes d'accord avec moi pour que le conseil de surveillance de la caisse soit le chien de garde, si c'est également vrai pour la fédération, il va falloir que le chien de garde soit une autre personne que celle qu'on veut surveiller. C'est pour cela que j'ai de la misère à suivre votre logique.

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Chaput: Dans votre loi, le conseil de surveillance de la fédération ne surveille pas les caisses, ou cela serait tout à fait nouveau.

M. Fortier: Les fédérations.

M. Chaput: En tout cas, dans ce qu'on lit, c'est le conseil de surveillance qui surveille la fédération. Pourquoi le conseil de surveillance existe-t-il? Si on regarde tout ça, ce sont les membres qui sont les caisses. Ce sont les caisses qui décident de faire un conseil de surveillance dans une fédération pour surveiller la fédération et non pas les caisses. Donc, c'est tout à fait normal que les membres qui sont les caisses veuillent mettre là les gens qui, selon eux, vont faire la meilleure "job" de surveillance. Je pense que c'est tout à fait normal que ça se fasse somme ça. Ça c'est fait comme ça. Ce n'est pas pour rien, mais parce que c'est la meilleure affaire.

Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites qu'au niveau local, s'il doit y avoir un conseil de surveillance, le directeur n'a pas affaire à être là. Je suis entièrement d'accord avec vous et entièrement d'accord lorsque les membres veulent avoir leurs droits et qu'ils oeuvent s'adresser au conseil de surveillance. Parfait, 100 milles à l'heure, parce que ce sont eux qui représentent l'assemblée générale. Il faut que cela soit comme cela. Mais c'est la même chose au niveau d'une fédération. Il faut que le conseil de surveillance soit représentatif des membres qui sont des caisses et non pas des individus. Et les caisses peuvent se donner des gens dont elles pensent qu'ils vont faire le meilleur travail.

Cela veut dire que cela pourra être comme en Abitibi ou dans la péninsule et les îles, complètement différent, sauf qu'il faut respecter les membres de caisses, il faut respecter les caisses à savoir qu'elles ne font pas des choses pas correctes. Elles ne s'amuseront pas à nommer quelqu'un sciemment pour dire qu'elles vont faire des détournements de fonds ou des choses semblables. Je ne peux pas croire cela. En tous les cas, à ce jour, ce n'est pas ce que j'ai vu à Desjardins et je ne pense pas que je vais voir cela là ou ailleurs. Lorsqu'on a trois ou quatre paliers de clivage au niveau démocratique, cela me surprendrait que quelqu'un se rende au bout puis qu'il vienne à bout de tout virer à l'envers. Cela me surprendrait beaucoup. J'ai trop confiance aux citoyens du Québec pour cela.

M. Fortier: Ceci étant dit, je dois vous dire que j'ai consulté certaines personnes, une personne qui a oeuvré pendant 25 ans à ce qu'on appelle la petite fédération de Montréal, en particulier, et il m'a dit que lorsqu'il est arrivé il y a x années - je ne nommerai pas d'années pour ne pas préciser le nom de la personne - il y avait quasiment seulement des directeurs généraux au conseil d'administration. Il a dit: Cela n'a pas de bon sens, mais vous avez raison de dire que, dans la petite fédération de Montréal, ils ont diminué les directeurs généraux à un nombre minoritaire. Il me disait: C'était très utile parce que plusieurs d'entre nous n'avions pas une formation financière et, donc, les directeurs généraux nous permettaient de nous éclairer.

Alors, c'est pour cela, je crois, que le projet de loi va dans ce sens-là en disant oui, au niveau local d'une caisse, si les membres le veulent, au niveau de la fédération également, à condition qu'ils soient en nombre minoritaire. Mais lorsqu'arrive les organes, surtout qu'on leur donne des responsabilités sur le plan de la déontologie et tout cela... À la fédération, qu'un directeur de caisse y siège pour éclairer les non-spécialistes qui peuvent siéger là, ià-dessus j'accepte d'emblée ce que vous dites. Mais le sens de la loi était d'être plus sévère et j'admets qu'elle est beaucoup plus sévère que ce qui existe parce que, dans le moment, il n'y a aucune disposition.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: Vous parlez d'un vice-président, dans votre mémoire vous avez cette recommandation, vous recommandez d'enlever les mots "ou vice-président" de l'article 344. C'est parce que vous souhaiteriez que le directeur général d'une caisse ou d'une fédération puisse être vice-président.

M. Chaput: Si c'est le désir du conseil d'administration, pourquoi pas?

M. Garon: Là vous acceptez, par exemple, comme président...

M. Chaput: II ne peut pas être président. Ce n'est pas grave parce que déjà la loi prévoit quelque chose d'extraordinaire qui permet aux non-salariés de ne pas être minoritaires. Il fallait que cela soit fait. Heureusement, la loi vient

corriger cela pour éviter que les directeurs généraux de caisse aient le contrôle des conseils d'administration. Excellent, entièrement d'accord. Cela me surprendrait que ces gens-là, la majorité aille élire quelqu'un qui ne peut pas se classer ou qui n'a pas de bon sens ou qui serait l'objet d'une organisation. Mais il faut regarder la pratique. Si dans une fédération un vice-président est un non-salarié, c'est-à-dire qu'il gagne sa vie autrement dans notre société, et que cette fédération doit être représentée à l'extérieur, et qu'il dise: Je ne peux pas, je n'ai pas de vacances, je n'y vais pas, alors, on n'enverra pas de vice-président parce qu'on ne peut pas avoir des vice-présidents qui sont directeurs qui pourraient se libérer? Il y a des petites complications qu'on met et on ne voit pas pourquoi, ce n'est pas évident. En tous les cas, nous on ne le voit pas.

Je me dis, si c'est cela, que ce soient juste des non-salariés qu'on va élire là, laissons au conseil d'administration en place le soin de choisir ses vice-présidents et cela, à partir du fait que la loi précise maintenant que cela ne peut pas être une majorité de salariés. C'est excellent. On adhérerait à cela 100 milles à l'heure.

M. Garon: Actuellement, sur l'ensemble des fédérations, il y a combien de directeurs généraux qui occupent des postes comme ceux-là?

M. Chaput: Je ne pourrais pas dire exactement. Cela varie d'une fédération à une autre. Il y a des endroits où c'est vraiment équilibré. Dans une majorité de fédérations, je pense qu'il y a plus de non-salariés qu'il y a de salariés, sauf l'Abitibi - c'est sous toute réserve - où il y a peut-être plus de directeurs qu'il y a de non-directeurs. C'est une question de distance aussi. Il faut comprendre, c'est bien beau dire que je fais du bénévolat à Desjardins au niveau de la fédération, une réunion par mois puis je fais 400 milles, il y a des limites à cela et il faut comprendre ce phénomène-là. Mais, à part cela, par contre, on regarde la Gaspésie. Eux ils ont beaucoup plus de non-salariés que de salariés. Moi, je crois beaucoup à l'autodiscipline de Desjardins là-dessus. Il fallait que la loi précise qu'il n'y ait pas que des salariés. Parce que c'était peut-être tentant pour certains directeurs de caisses d'aller là. Parfait, je suis d'accord avec cela. De là à ce qu'on précise après que, même si vous êtes là vous ne pouvez pas être vice-président, vous ne pouvez pas être conseiller de surveillance ni commissaire de crédit, je ne suis pas capable de voir l'utilité de cette réglementation. S'il y a des fédérations qui pensent que c'est utile, elles peuvent faire leur règlement. Mais pourquoi le mettre dans la loi? Pourquoi ne pas faire confiance aux assemblées générales de caisse, aux assemblées générales de fédération et à l'assemblée générale de la confédération? Il me semble qu'il va de soi qu'ils se font chacun des règlements là-dessus, à l'intérieur des cadres de la loi. Il faut que la loi soit sévère, éviter les abus. Mais de là à prévoir au cas où il y aurait des abus plus tard... On a de l'inquiétude là-dessus.

M. Garon: Pensez-vous qu'au sein du mouvement coopératif c'est une opinion générale qu'une proposition aille dans ce sens ou pensez-vous que c'est le ministre qui apporte cela parce qu'il pense que c'est bien?

M. Chaput: C'est un peu plus large que cela. Ce que nous défendons comme position... Le mouvement semble aller dans ce sens. On a fait des représentations.

M. Garon: Dans quel sens, quand vous dites "dans ce sens"?

M. Chaput: Dans le sens que le directeur puisse aller à un conseil de surveillance, une commission de crédit, être vice-président de sa fédération. Les gens de la confédération n'ont pas trouvé, eux non plus, comme nous, les problèmes de conflits d'intérêts qu'il pourrait y avoir. Il est sûr que les individus qui, peut-être dans leur région, se sentent menacés par un directeur de caisse, ils disent: Si on peut mettre cela dans la loi, on n'aura pas besoin de le faire... Je ne sais pas. Peut-être que cela existe. Je suis sûr que plusieurs personnes peuvent penser comme cela, sauf que la pratique est autre. Je ne sais pas. Cela m'apparaît nettement exagéré et pas justifié. Cela ne m'est pas clair.

M. Garon: Quand vous dites actuellement qu'il y a un "mix", ce n'est pas la loi qui prévoit cela.

M. Chaput: Non.

M. Garon: Quand vous dites: L'avant-projet de loi interdit, donc il n'y en aura aucun... Dans le fonctionnement actuel, vous parlez d'un "mix", cela veut dire qu'il y a des employés et des gens qui ne sont pas employés. C'est dans quelle proportion, quand on parle de ces différentes instances au sein du mouvement Desjardins?

M. Chaput: C'est cela. Cela varie d'une fédération à l'autre. Quand on dit qu'il y a un "mix", pour donner des exemples de...

M. Garon: II pourrait arriver, dans le cas actuel, que le conseil de surveillance ou la commission de crédit soit entièrement formé d'employés.

M. Chaput: C'est cela, ou entièrement formé de non-salariés. C'est ou bien l'un, ou bier l'autre.

M. Garon: Oui.

M. Chaput: Dans certains endroits c'est mixte. C'est excellent. On n'a absolument rien contre, on est même favorable à cela. Cette procédure est excellente. Je ne vois pas pourquoi on dirait: Le conseil de surveillance de telle, telle fédération, on va les laver, parce que cela ne peut plus être des directeurs de caisse, parce que cela en est déjà. On va prendre une autre coutume et ils vont se réhabituer aux vérificateurs externes. Je ne suis pas certain que c'est avec cela qu'on va avoir un meilleur contrôle interne, en changeant le conseil de surveillance du jour au lendemain ou même en l'étalant sur trois ans. Je ne suis pas certain.

M. Garon: La mesure que le ministre a dans l'avant-projet de loi, concrètement - parce que pour nous c'est difficile de voir toutes les instances, c'est pour cela que vous êtes ici - je voudrais savoir, concrètement...

M. Chaput: Concrètement...

M. Garon: Prenons certaines fédérations; est-ce que cela veut dire un changement complet...

M. Chaput: C'est cela.

M. Garon:... en voulant dire qu'à la commission de crédit, au conseil d'administration et au conseil de surveillance cela va être un changement complet car ce sont des employés et cela devra être d'autres personnes que les employés en vertu des dispositions qui sont dans l'avant-projet de loi?

M. Chaput: Je vais vous donner un exemple...

M. Garon: On ne sait pas les statistiques, vous partez de l'Abitibi, la Gaspésie...

M. Chaput: Je vais vous donner un exemple. À Montréal, qui est quand même 48 % du mouvement ou presque, 40 %, on change au complet la commission de crédit, on change au complet le conseil de surveillance et on change un grand nombre de directeurs du conseil d'administration. On pense que c'est bon pour avoir un meilleur contrôle. Je ne suis pas sûr de cela. Par contre, qu'il y ait un "mix", c'est vrai. C'est un intérêt de s'auto-discipliner. Je donne l'exemple de Montréal pour qu'il y ait un meilleur "mix". La volonté est là. Que la loi vienne le confirmer, parfait. Mais qu'on dise: Demain matin on lave tout cela, ce n'est plus bon, on fait la même chose à Québec, on fait la même chose là... Cela veut dire qu'à ce qui s'appelle la plus haute instance décisionnelle de Desjardins qui représente à peu près 250 membres, l'assemblée générale de la confédération, demain matin on vient en changer à peu près 100.

M. Garon: Où, avez-vous dit?

M. Chaput: L'assemblée générale de la confédération, ce qu'on appelle la plus haute instance décisionnelle de Desjardins. Il y a 250 personnes là-dedans. Avec la nouvelle loi qui veut qu'on les enlève de la fédération, on vient d'en enlever 100. Je ne pense pas que c'est ce qu'on veut, mais c'est une conséquence de cela, et pourquoi? Ce n'est pas clair. C'est normal qu'il y ait plus de non-salariés et il faut que cela soit ainsi. On est entièrement d'accord. La loi vient corriger une situation, mais je pense qu'on est allé un petit peu trop loin. Peut-être que cela n'allait pas assez loin avant, mais on s'en va trop loin. On dit au directeur général de caisse: Cela n'est pas bon; il ne faut pas que vous soyez conseiller de surveillance d'une fédération, parce que vous savez un peu comment cela se passe; il ne faut pas que vous soyez commissaire de crédit parce que vous savez ce qu'est le besoin de trésorerie d'un million; ce n'est pas bon cela; il ne faut pas que vous soyez là; on va mettre quelqu'un qui ne le sait pas et de toute façon on laissera l'employé qui est vice-président au crédit d'une fédération prendre la décision. Après cela, on se surprendra si des choses ne sont pas faites; on se surpendra si des crédits ne sont pas octroyés à des caisses et si le développement régional se fait mal aussi; on verra cela. C'est ainsi qu'on s'en va. Moi, je trouve cela malheureux. Je me dis: II faut le réglementer; excellent! Le conseil d'administration, parfait! C'est là où se prennent les décision. Mais pas au niveau d'une commission de crédit et d'un conseil de surveillance. Je cherche...

M. Garon: J'aurais une question à vous poser. Il y a des gens qui ont dit aujourd'hui - vous avez peut-être assisté à ce qui s'est dit - que les caisses locales sont aujourd'hui des organismes moins autonomes, où tout est à peu près décidé d'avance, qu'elles n'ont qu'à remplir les formules et à toutes fins utiles qu'à suivre le roulis. Est-ce que vous considérez qu'aujourd'hui les caisses locales sont des caisses qui ont un certain nombre de décisions à prendre localement ou si en somme leur fonctionnement est déterminé à la fédération ou à la confédération?

M. Chaput: Moi, je pense qu'aujourd'hui...

M. Garon: Vous avez été ici, je pense, depuis ce matin?

M. Chaput: Oui, j'étais là ce matin.

M. Garon: J'aimerais bien savoir l'opinion de quelqu'un qui est dans le jeu.

M. Chaput: Aujourd'hui, à l'heure où l'on se parle, les caisses sont autonomes. Demain, je ne le sais pas.

Le Président (M. Lemieux): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Chaput: Mais aujourd'hui elles sont très autonomes et c'est ce qui fait que les caisses ont tellement pris de terrain. C'est ni plus ni moins une guerre de tranchées. Lorsqu'une caisse populaire prend la décision de savoir comment elle bâtit son immeuble, son heure d'ouverture et de fermeture, ces décisions prises localement sont beaucoup plus efficaces parce qu'elles sont proches de l'action, alors que le directeur de succursale bancaire attend les décisions du siège social; il ne peut pas réagir. C'est pour cela qu'on a pris du terrain. Mais, si, demain matin, on veut qu'elles aient un siège social comme les banques, on va venir à bout de réussir à ralentir le développement des caisses, parce que cela doit se faire localement. C'est cela le secret. Alors, oui, on est encore autonome. Oui, on est autonome; heureusement qu'on l'est et J'espère qu'on va le rester.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Lévis, en conclusion, avez-vous des remarques?

M. Garon: Quant à moi, mon rôle est de savoir le maximum de ce que pensent les gens qui viennent devant cette commission. Je n'ai pas trop de temps pour parler moi-même, et je sais qge le ministre a de la misère avec cette discipline, mais j'ai l'impression que vous avez réussi à marquer votre point sur la façon dont vous voyez les choses, comment cela devrait être fait. J'ai l'impression qu'on aurait pu discuter longtemps ensemble sur l'évolution passée et l'évolution que vous projetez avec l'avant-projet de loi. Je pense que c'est important de voir concrètement comment les choses se passent et comment elles pouraient se passer. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Je vous remercie. Je pense que vous êtes un groupe de pression qui a très bien défendu son point de vue. On va essayer de continuer notre réflexion pendant encore un bout de temps. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Alors, au nom des deux groupes parlementaires, je vous remercie pour votre participation à cette consultation générale.

M. Chaput: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Nous allons suspendre cette séance pendant environ deux minutes pour permettre à l'autre groupe de prendre place. Il s'agit de la Chambre des notaires du Québec.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous allons maintenant entendre la Chambre des notaires du Québec.

Est-ce que l'intervenant peut se présenter et présenter la personne qui l'accompagne, s'il vous plaît?

Chambre des notaires du Québec

M. MacKay (Julien S. ): Bonjour, M. le Président. Mon nom est Julien MacKay. Je suis le directeur de la recherche à la Chambre des notaires du Québec. Je salue les membres de la commission, M. le président Lemieux, M. le ministre Fortier, M. l'inspecteur général, M. Jean Garon. Je vous présente mon adjoint, Me Michel Perreault, qui est notaire à la Direction de la recherche et de l'information de la Chambre des notaires. C'est lui qui a été responsable de l'étude de l'avant-projet de loi avec le groupe de travail et qui a produit le mémoire qui vous a été envoyé. Je vous présente les excuses du président Lambert, qui a dû s'absenter à la toute dernière minute et qui a été peiné de ne pas pouvoir participer à cette réunion. Pour ceux qui connaissent son intérêt dans le mouvement coopératif, je pense que cela aurait été un avantage, au moins pour la chambre et la commission, de pouvoir entendre ce qu'il avait à dire. Il m'a demandé de prendre sa place et nous avons eu l'occasion, ce matin, de revoir ensemble le mémoire pour voir un peu ce que lui aurait voulu vous dire. Il m'a dit que c'était aussi parce que j'ai été un ancien président de l'ordre, pendant trois ans, de 1975 à 1978. Donc, j'ai moi-même participé à quelques-unes des études au niveau du mouvement coopératif.

Alors, nous vous avons fait parvenir notre mémoire. Mes remarques vont plutôt être de l'ordre de certains principes. Vous connaissez l'intérêt des notaires dans le développement des caisses. Cet intérêt est légendaire. Les notaires oeuvrent particulièrement en droit privé. Ils sont très près du public. J'ai même lu dans un document qui provenait de la Société historique de la côte du sud - je pense que ce n'est pas loin d'ici - qu'on les appelait les gardiens des coffres-forts. Alors, les notaires ont toujours été intéressés de très près à tout le mouvement des coopératives et des caisses d'épargne et de crédit. Nous allons souligner quelques principes qui ont été exposés dans notre mémoire. Ensuite, je passerai la parole à Me Michel Perreault, qui va vous faire l'explication un peu plus technique des points qu'on a soulevés.

Le Président (M. Lemieux): Alors, permet-

tez-moi de vous rappeler les règles de l'audition: 20 minutes seront consacrées à l'exposé de votre mémoire et il y aura un échange entre les parlementaires d'une durée de 40 minutes concernant votre mémoire. Vous pouvez continuer.

M. MacKay: Dans notre mémoire, nous avons été heureux de constater que la structure générale de la loi, dans l'avant-projet de loi, se rapproche beaucoup de la structure juridique des compagnies, particulièrement des compagnies de la partie 1A. On se retrouve plus facilement quand on réalise que toutes les personnes morales sont administrées de la même façon. Pour nous, cela a été assez évident. Nous avons soulevé le problème du financement des caisses. On voit que les caisses ont affiché une progression constante au cours de leur existence et qui les oblige à faire appel aux mêmes principes que les autres institutions financières et à appliquer les mêmes règles. On voit que les caisses veulent faire des profits et veulent diversifier leurs sources de capitaux. Alors, d'une part, elles font appel à la participation de leurs membres, mais d'autre part elles s'en éloignent parce que cela semble être moins les personnes que les caisses recherchent que leurs capitaux. Elles maintiennent quand même l'esprit coopératif, ce qui amène le bénévolat. Ceux qui participent aux assemblées générales des caisses et qui constatent le peu d'intérêt des membres à l'administration de leur caisse sont portés à s'interroger sur la réception, dans le public, des valeurs coopératives. C'est une chose qui m'a toujours surpris quand je participais à certaines assemblées de ma caisse populaire locale de voir comment peu de gens membres de la caisse étaient directement intéressés par l'administration courante ou l'administration constante.

On s'est demandé si le mouvement coopératif n'avait pas atteint certaines limites et c'est pour cela qu'on voyait une modification dans le financement qui se rapprochait de celui des compagnies, mais qui amenait aussi d'autres problèmes auxquels cette forme d'institution n'était pas habituée. Cela m'amène à le comparer peut-être un peu au gardien de but dans une partie de hockey. Il a, sur la glace, une fonction différente des autres joueurs, mais quand il sort de ses buts, il devient vulnérable comme tout autre joueur et doit se soumettre aux règles du jeu. J'ai toujours eu un peu cet exemple des caisses populaires dans l'ensemble des institutions financières sur l'échiquier des financiers au Québec.

Un autre point qu'on a tenté de couvrir dans notre mémoire, c'est la question des conflits d'intérêts, surtout quant à la participation des membres de notre corporation professionnelle. Nous avons mentionné dans notre mémoire qu'au mois de juillet 1987 nous avions dénombré 148 notaires qui étaient directement intéressés dans l'administration des caisses et cela ne comptait pas les notaires intéressés à la fédération de Montréal et dans l'Ouest du Québec. Ce qui porte peut-être le nombre de notaires bénévoles qui sont intéressés dans l'administration à au-delà de 200 membres. Dans bien des cas, à cause de la structure même des caisses populaires, c'est peut-être le seul juriste que les membres de la caisse ou les administrateurs peuvent consulter. Par contre, ils sont en relation d'affaires avec les caisses. Il n'y a aucun doute que cela amène des problèmes de conflits d'intérêts et qu'il doit y avoir un certain contrôle, mais il doit quand même se faire en dedans de limites qu'on appelle raisonnables. Les caisses sont individuelles et elles n'ont pas les mêmes structures que les banques avec des succursales et un service juridique central qui peut fournir l'information à l'ensemble des utilisateurs. Chaque caisse étant autonome, chaque caisse est supposée se suffire à elle-même et cela amène des problèmes particuliers. Alors, à notre point de vue, la stratégie d'approche des conflits d'intérêts doit être différente quand on fait affaire avec le système des caisses populaires.

Les notaires qui oeuvrent dans les caisses vont le faire à deux titres. Ils peuvent être en conflit d'intérêts au niveau de leur relations professionnelles, parce que les notaires peuvent être directement dans l'administration de la caisse et en même temps être appelés à préparer des contrats pour la caisse. Ils peuvent être aussi en conflit d'intérêts en ce qui concerne les relations personnelles. Le notaire peut lui-même être un individu qui a besoin de crédit et qui se présente à sa caisse, comme tout autre individu. Alors, s'il est en même temps membre du conseil d'administration, il peut y avoir certaines règles à respecter. Alors, ce sont les points concernant le conflit d'intérêts que j'aimais soulever.

Maintenant, on pourra peut-être en discuter tantôt. Il y a quand même tout le côté de l'officier public du notaire qui détient, selon le Code civil, une parcelle de la puissance publique et qui la met normalement, de par son rôle, au-dessus de certains problèmes personnels dans ses relations. On a assisté à une paix sociale sur ce plan depuis le temps que les notaires font affaire avec les caisses. Il y a une paix sociale qui est relative, eu égard au nombre de travail qui a été fait. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de problème à soulever que le législateur veuille faire respecter ces règles, c'est normal. Mais il ne faut pas oublier que le notaire a déjà, par sa loi, une obligation d'agir avec impartialité. Cette obligation est réglementée. Cette obligation est à l'occasion sanctionnée par les tribunaux. S'il y a quelque chose qui ne va pas, les tribunaux ne se gênent pas pour rappeler à l'ordre le notaire qui n'aurait pas respecté fondamentalement ces règles.

Un autre point qu'on voulait soulever et qui

sera soulevé tout problement par mon adjoint tantôt, c'est le problème des transactions entre personnes intéressées. On pense que le problème n'a pas été tout à fait bien situé par l'avant -projet de loi, que les présomptions, de l'article 205 par exemple, vont trop loin. Vous verrez dans notre mémoire qu'on s'inquiète du fait que tous les associés d'un même bureau peuvent être présumés des personnes liées, si une seule des personnes est en relation avec la caisse ou en conflit d'intérêts avec la caisse. On ne croit pas qu'on ait à se plaindre des mesures actuelles. C'est pour cela qu'on s'interroge sur l'intérêt d'aller aussi loin dans ces règles. Elles ont bien servi la population et les intérêts des sociétaires dans le passé. On ne voit pas que ces choses aient à être compliquées au point où cela l'a été dans l'avant-projet de loi.

On recommande au législateur d'être prudent dans la question de divulgation des renseignements, l'article 277, paragraphes 4° et 5°, par exemple. Il y a quand même la Charte des droits et libertés qui est très précise sur le respect de la vie privée. Alors, il y a quand même une limite à ce que les renseignements personnels puissent être divulgués par les listes qui vont être mises à la disposition des membres des caisses.

Alors, en conclusion, les caisses vivent une réalité financière qui les oblige à modifier leur structure et, dans cette optique, elles ont prévu des règles de conflit d'intérêts qui ont du sens pour la protection des sociétaires. Mais il ne faudrait pas qu'elles soient de nature à pénaliser les bonnes volontés qui vont bénévolement oeuvrer au sein de l'ensemble du mouvement des caisses populaires. Alors, je voudrais passer la parole à mon adjoint, Me Perreault, qui va soulever certains problèmes plus techniques à l'intérieur du mémoire. Merci.

M. Perreault (Michel): Je voudrais simplement relever avec vous certains points qui nous paraissent plus importants. Je pense que notre mémoire est assez explicite pour le reste. Je vous amène immédiatement à la page 7 de mon document où on traite de ce qui nous apparaît un problème, soit la qualification de membre depuis 90 jours ou plus. On a souligné que cette définition nous paraissait un peu inutile, un peu archaïque, dans le contexte moderne des transactions. On avance même que ce serait présumer de la mauvaise foi du membre pendant un délai de 90 jours, ce qui est contraire aux règles du droit où la bonne foi est présumée partout, et on voudrait que le statut de membre soit rapproché de celui de l'actionnaire où, à partir du moment où il devient propriétaire de ses actions, il possède toutes les qualités pour en jouir. On pense que c'est à revoir.

D'autre part, le notaire MacKay a mentionné qu'on avait certaines réticences relativement aux règles de conflits d'intérêts, entre autres aux transactions entre les personnes liées, au sens de la loi. On pense effectivement que tout cela tient à un problème d'encadrement ou de définition. Par exemple, à l'article 208, du fait qu'on n'a pas défini le terme "entreprise", on prétend qu'on voudrait régler à cette disposition-là l'entreprise personnelle du notaire et l'entreprise notariale. La différence que je fais entre les deux, c'est que l'entreprise notariale, c'est bien évidemment son bureau ou sa pratique, et son entreprise personnelle, c'est là où il aurait des intérêts en dehors de sa pratique professionnelle. Que la protection ait lieu dans le cas de l'entreprise personnelle, on comprend cela. En ce qui a trait à l'entreprise notariale, c'est moins évident. On verra plus tard - et on le souligne - qu'à l'article 242, je pense, on parle d'un contrat de service et on voudrait englober... Je pense que le contexte ne se prête pas nécessairement aux relations que le notaire vit avec la caisse quand il y a des échanges de directives, mais cela l'engloberait dans cette définition-là. En fait, l'entreprise notariale doit être distinguée. Le travail que le notaire fait pour la caisse devrait être distingué de ses relations personnelles, de ses relations d'affaires personnelles avec la caisse. C'est là principalement notre point.

Quant au dévoilement d'intérêts, on préférerait que le législateur s'en tienne aux règles de conflits d'intérêts qui existent présentement en droit corporatif. À cet égard, on ne va généralement pas aussi loin, par exemple, que de demander que l'intéressé, de façon générale, se retire des délibérations. Évidemment, dans certains cas où c'est son dossier personnel qui est en jeu, ces règles peuvent se comprendre; autrement, on appliquerait le dévoilement de l'intérêt au moment où la situation se présente et, quant à nous, cela pourrait être suffisant.

La portée de l'article 205, quand il est question, par exemple, de la présomption des personnes qui sont touchées, les personnes liées, je pense qu'il y a peut-être là une redéfinition à faire. Je pense qu'il y a des portées qu'on n'a pas soupçonnées quand on a écrit cela. On mentionne des exemples dans notre mémoire et je pense qu'ils sont assez éloquents. Le notaire MacKay en a fait mention tantôt. En fait, on préconise qu'il serait peut-être préférable d'abord de cerner certains cas plus patents, de se limiter aux relations entre la caisse et le dirigeant et entre ses proches et de ne pas l'étendre nécessairement, du moins par le jeu des présomptions qui existent actuellement, aux entreprises visées parce que cela touche des personnes qui n'ont strictement rien à voir au problème.

Autre point important, on en a parlé également, les règles concernant la confidentialité de certains renseignements. Un des problèmes qui existe, c'est qu'on veut peut-être établir un parallèle avec les règles qu'on retrouve dans certaines lois sur les fiducies ou dans la Loi sur les banques où on confond la qualité de déposant et de membre. On permet, par exemple,

l'accès à des renseignements aux membres. Évidemment, il faut se souvenir que ces membres-là sont déposants. Je ne sais pas si tous les gens seraient intéressés de savoir que d'autres personnes sont au courant des dépôts qu'ils ont dans certaines caisses.

Quant au financement, il y a des points qui nous paraissent plus nuisibles à la volonté poursuivie là-dedans, entre autres, au niveau des parts. Les parts permanentes ne sont pas remboursables avant le décès du membre. Cela nous paraît peu pratique quand on songe aux objectifs poursuivis par le législateur.

De la même façon il y a des questions... Je passe plus loin à cause du manque de temps. Pour ce qui est des commentaires plus techniques, on inviterait le législateur à revoir la notion de contrôle qui est établie à l'article 7, de même que la définition de société aux articles 44, 159, enfin, ceux qui sont mentionnés dans notre mémoire. À ce sujet il y a une erreur à la page 17, deuxième avant-dernière ligne. Il est écrit: "L'article 150, 171 et 334. " C'est évidemment l'article 159.

À l'article 103 on voudrait apporter ici une précision qui n'est pas contenue dans notre mémoire. On dit à cet article qu'une personne ne peut représenter plus d'une personne morale. Je pense que cette disposition se comprend dans un contexte coopératif. Cependant, comme on voit une certaine tendance de la part du législateur à se rapprocher de la structure juridique corporative et d'un certain monde corporatif, du moins, du monde financier corporatif, on voit moins comment cette règle-là peut être pratique. Je pense que si on admet, par exemple, le financement extérieur, comme cela est le cas pour les parts permanentes, c'est un peu normal de donner l'échange au titulaire et de lui permettre de bien représenter ses intérêts. Si quelqu'un est l'unique actionnaire de trois ou quatre corporations, je ne pense pas que ce soit bien d'avance qu'il ait à nommer son conjoint, ses trois enfants pour le représenter à une assemblée où ses intérêts ne sont pas nécessairement en jeu, mais au moins où on pourrait discuter de ses intérêts.

À l'article 207 je pense qu'il y a une définition de conjoint qui ne répond peut-être pas tout à fait aux exigences du législateur. (17 h 30)

À l'article 222 on voudrait souligner qu'on fait état d'un contrat de service. Je pense qu'on comprend le sens que le législateur a voulu donner à ce genre de contrat-là. Cependant, la relation qui lie le notaire et la caisse lors d'un échange de dossier lorsque la caisse remet des instructions serait, à notre avis, un contrat de service et, dans ce cas-là, ne serait aucunement justifiée d'être assujettie à cette disposition.

Enfin, à l'article 244, on pense que cela peut être une question de rédaction qui modifie considérablement les règles de fidéicommis. Je dois vous avouer que cette disposition ne nous est pas apparue tellement claire et les hypothèses qu'on formule là-dedans nous semblent répondre à la rédaction actuelle. Si c'était le cas, je pense que, comme je le disais tantôt, cela modifie considérablement les règles de fidéicommis en enlevant à la personne à qui les gens font confiance, donc, le fiduciaire, le fidéicommissaire, appelons-le comme on veut, la responsabilité de les représenter et l'aspect pratique, si on veut, de cette transaction. Par exemple, lors d'une succession impliquant six ou sept héritiers et où deux sont à l'extérieur du pays et un incapable pour d'autres raisons, c'est parfois bien pratique de le faire représenter par un fiduciaire. Le notaire, dans bien des cas, remplit cette fonction et il détient également des comptes en fidéicommis dans la majorité des transactions et il fait transiter des sommes considérables. Cette disposition pourrait l'amener à dévoiler des renseignements interdits qui lui sont confidentiels en vertu des règles sur la comptabilité en fidéicommis et, en conséquence, on demande de revoir ou, du moins, de préciser la portée de cette disposition-là.

À l'article 253, comme on en fait rapport dans notre mémoire, je pense que le projet de loi vise probablement les salariés des caisses, sauf que, le contexte n'étant pas précisé, cela peut s'étendre aux salariés dirigeants; entre autres, par exemple, un notaire qui serait dirigeant et qui serait salarié d'une étude notariale serait couvert par cette disposition-là et je pense que ce n'était pas ce qui était recherché.

Cela termine les points que je voulais souligner dans le mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Merci, M. le Président. M. MacKay, dans un premier temps, je dirais que, dans votre mémoire, vous soulevez plusieurs points techniques et, malheureusement, je ne pense pas qu'on ait le temps cet après-midi de les discuter un par un. Je suis sûr que notre contentieux, si besoin est, prendra contact avec vous.

J'aimerais peut-être me limiter à certains points plus importants. Il y a un point que j'aimerais clarifier immédiatement. Vous dites que la liste des membres d'une caisse ne devrait pas être disponible pour des raisons de concurrence. Par ailleurs, comme il s'agit d'un organisme qui se veut démocratique, le problème qui survient, c'est qu'une disposition de la loi dit que, lorsque 10 % des membres désirent tenir une réunion spéciale, ils peuvent l'exiger. Si la liste des membres n'est pas disponible, on se demande à quel endroit ils pourront obtenir la signature de 10 % des membres. On a eu des plaintes de certains individus qui demandaient une réunion spéciale et les réunions spéciales n'ont jamais eu

lieu; alors, comme il s'agit d'un organisme démocratique, il faudrait bien que la liste des membres de la caisse soit disponible si on veut permettre à certains membres qui requièrent une réunion spéciale de l'obtenir. Je voulais juste expliquer cet aspect-là.

L'aspect qui a le plus retenu mon attention, bien sûr, a trait au conflit d'intérêts. Je suis complètement d'accord qu'il y a peut-être des dispositions... On va en discuter demain, il y a peut-être moyen d'adoucir certaines dispositions, mais je ne suis pas sûr que les adoucissements qu'on pourra apporter seront aussi étendus que ce que vous souhaitez. Je comprends qu'on peut dire que le mouvement Desjardins existe déjà depuis 1903 et qu'il n'est rien arrivé, mais cela fait une quinzaine d'années qu'il s'agit... En 1960, il y avait 1 000 000 000 $ d'actifs et, en 1970, 2 000 000 000 $; alors, on peut dire que c'est depuis les années soixante-dix que le mouvement a pris une ampleur considérable. On signalait ce matin que le mouvement Desjardins recueille présentement le tiers de tous les dépôts qui se font au Québec. Alors, je pense bien que les parlementaires ici autour de la table doivent s'interroger sur les meilleures conditions qui doivent prévaloir pour assurer la santé financière des caisses et pour éviter - ce n'est pas le cas dans le moment -... Quand vous lisez le rapport Estey, en particulier, sur les faillites de Commercial Bank et de North Bank, vous vous apercevez que, dans ces cas-là, il y avait des conflits d'intérêts patents et que des transactions se faisaient entre intéressés. Personne, je le pense bien, parmi tous ceux qui nous font des recommandations en nous disant que notre avant-projet est trop dur, ne voudrait éventuellement voir une situation semblable à celle qui s'est développée ailleurs se développer au Québec. Mais le législateur doit quand même regarder ce qui s'est passé ailleurs et constater qu'il y a eu des situations de conflits d'intérêts patents qui ont provoqué des faillites bancaires. Il s'agit de lire le Globe and Mail chaque jour pour voir les ministre et sous-ministre albertains du temps, dans le cas de Principal en particulier, faire face à des accusations qui, à mon avis, sont très sérieuses vis-à-vis des individus qui avaient déposé 50 000 $ ou 60 000 $ et qui ont tout perdu maintenant, alors qu'ils sont arrivés à 65 ans.

Vous savez, je veux bien, moi, alléger l'avant-projet de loi, mais je me dis que je ne veux pas être le ministre qui aura à faire face à ce genre de situation parce qu'il s'agit qu'on se souvienne. Dans le cas des caisses d'entraide, c'était complètement différent, mais je n'aimerais pas être le ministre qui doive faire face à la critique des déposants qui ont tout perdu parce qu'on n'aurait pas promulgué des dispositions concernant les transactions intéressées et les conflits d'intérêts qui devraient être ce qu'ils devraient être, eu égard à l'expérience qui a été vécue à travers le Canada. Autrement dit, on ne peut pas se fermer les yeux sur ce qui s'est passé ailleurs.

C'est pour cela que votre mémoire, en ce qui concerne les notaires, m'a surpris. Il m'a surpris parce que je rencontre des notaires et que, dans mon patelin à Montréal, il y a une couple de notaires qui m'ont dit très clairement qu'ils avaient démissionné du conseil d'administration parce qu'ils ne voulaient pas être en conflit d'intérêts parce qu'ils travaillaient pour la caisse. Je trouvais que c'était certainement courageux de leur part, mais cela vient un peu en contradiction avec ce que vous semblez dire ici lorsque vous dites: Que le notaire soit au conseil d'administration... Vous l'appelez le notaire bénévole, mais j'imagine qu'il va chercher un certain volume d'affaires comme notaire en même temps. Je dois vous avouer que je suis décontenancé par la présentation de la Chambre des notaires qui semble dire qu'il y a peut-être un conflit d'intérêts, mais qu'elle vit avec cela et qu'il n'y a pas de problème. C'est ce que vous dites, dans le fond, et je dois vous avouer que j'ai de la misère à accepter votre point de vue là-dessus parce qu'il me semble... D'ailleurs, un dirigeant bénévole non notaire me disait que, lui, avait décidé d'encourager trois notaires dans son patelin et qu'il avait fait en sorte qu'aucun notaire ne soit au conseil d'administration, qu'ilj préférait les voir à l'extérieur du conseil d'administration plutôt qu'au conseil d'administration. Moi, je dois vous avouer que j'ai beaucoup de difficulté à réconcilier le point de vue de la Chambre des notaires avec l'expérience vécue et, de toute évidence, des situations de conflit d'intérêts où le notaire travaille pour la caisse et en même temps siège au conseil d'administration. Si vous pouvez m'expliquer cela, moi, je vais vous écouter, mais je dois vous avouer que vous allez avoir un bon bout de côte à remonter parce que c'est loin d'être clair dans mon esprit qu'il n'y a pas un conflit d'intérêts patent qu'il faut réglementer.

Le Président (M. Lemieux): M. MacKay.

M. MacKay: II y a un conflit d'intérêts, on l'a souligné tantôt. Ce qu'on a surtout souligné, c'est qu'il ne faudrait pas qu'on se prive de bonnes volontés qui sont prêtes à siéger aux conseils d'administration de caisses populaires pour rendre les services qu'elles rendent depuis des générations sans que cela pose de problèmes. Vous dites qu'il y a des notaires qui préfèrent démissionner du conseil d'administration; c'est très beau et c'est très louable. Mais vous avez beaucoup de patelins où il n'y a qu'un notaire àj 50 milles à la ronde et ce notaire rend des services à la caisse populaire et c'est lui qui, en même temps, fait occasionnellement les contrats qui lieront la caisse à l'un des sociétaires. Moi, cela ne me paraît pas foncièrement mauvais. C'est une question de déontologie personnelle, c'est une question de perception de ces relations;

c'est une question de transcendance du rôle ou de la fonction du notaire par rapport à ses relations et je ne parle pas de ses relations personnelles. Si le notaire est lui-même intéressé à emprunter pour le développement d'une affaire personnelle, vous avez là des relations qui sont nettement différentes de celles qui se présentent quand il siège au conseil d'administration ou à la commission de crédit et qu'il fait une demande de prêt ou de financement à sa caisse. Je parle des relations constantes et courantes d'un notaire à titre de professionnel du droit qui est appelé à régler les relations en droit privé entre la caisse et un de ses clients et qui en même temps peut participer aux délibérations générales d'un conseil d'administration. Ce n'est pas indécent en soi.

Je comprends votre point de vue, mais je dis qu'on ne doit pas, à mon point de vue, faire des règles qui vont faire en sorte que tous les notaires étant appelés à faire des hypothèques avec une caisse populaire soient automatiquement déchus du droit de siéger à un conseil d'administration. Vous vous privez d'un tas de bonnes volontés. Je vous ai indentifié un groupe tantôt qui n'a jamais causé de problème à quiconque. Je ne vois pas que ce soit un problème, ni pour le passé où cela ne l'a pas été, ni pour l'avenir. Je comprends qu'il y ait un point de vue où on appelle cela un conflit d'intérêts. Aussitôt qu'une persone est intéressée, directement ou indirectement, on appelle cela un conflit d'intérêts. On va même beaucoup plus loin dans le projet de loi, parce qu'on l'étend. On donne même la définition d'un conjoint. Cela mène pas mal loin.

Je ne comprends pas qu'on ait de la difficulté à percevoir qu'une personne siégeant à un conseil d'administration va pouvoir en même temps être le notaire instrumentant dans une transaction qui pourrait être faite par un autre notaire. Je ne vois pas du tout en quoi son rôle d'officier public ou de conseiller juridique peut être atteint par ce genre de travail. S'il n'aime pas le faire personnellement et qu'il laisse libre cours à d'autres personnes de le faire parce qu'il y a des problèmes déontologiques... Je ne vous cache pas que je n'ai jamais été membre du conseil d'administration de ma caisse populaire en face de mon bureau - disons, peut-être un peu pour cette raison et d'autres - mais j'aurais pu l'être. Un de mes confrères voisins l'a été et il a vécu là. Il a rendu d'excellents services à la caisse. Il a fait du travail. Mais on est dans un arrondissement comme Verdun, avec deux, trois, quatre notaires dans la paroisse et chaque client, chaque sociétaire a le choix de son notaire. C'est lui qui dit à la caisse: J'aimerais faire affaire avec untel et on aimerait que ce choix soit maintenu. Maintenant, si un des notaires s'adonne à être membre du conseil d'administration ou d'une commission de crédit, il faudrait qu'il ait assez de responsabilité ou de professionnalisme pour être capable de...

M. Fortier: Pour résoudre le problème auquel on fait face...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre...

M. Fortier: J'ai terminé?

Le Président (M. Lemieux): Oui, votre temps de parole est terminé. M. le député de Lévis.

M. Fortier: Je reviendrai. Merci.

M. Garon: Votre critique concernant les dispositions sur les conflits d'intérêts est-elle valable pour tous les dirigeants, dans votre esprit, peu importe leur profession, ou est-ce que vous considérez que l'avant-projet de loi est restreignant uniquement pour les dirigeants notaires?

M. MacKay: J'ai examiné le problème au niveau du notaire parce qu'il a un caractère spécial. Le notaire est officier public de par la loi. C'est le seul parmi les professionnels des 40 corporations, sauf l'arpenteur-géomètre quand il fait un travail particulier de bornage. On est porté à oublier cette fonction particulière du notaire comme officier public. Il détient une délégation de la puissance publique de l'État pour faire un travail particulier. Ce n'est pas négligeable. On est porté à l'oublier et c'est cela qu'on a examiné particulièrement dans les relations qui ont toujours uni les notaires comme professionnels du droit et les caisses populaires par rapport à leurs clients. Je pense que ce caractère permet de transcender beaucoup de petits problèmes personnels et particuliers. Beaucoup de notaires, à cause de ce caractère et de leur déontologie, vont carrément préférer démissionner d'un conseil d'administration, comme l'a dit le ministre tantôt. Je n'ai pas d'objection à cela et cela démontre qu'il peut y avoir différentes possibilités.

M. Garon: Moi, je pensais par exemple au comptable qui serait dans la même situation que les notaires dont vous parlez ou encore aux évaluateurs. C'est pour cela que je vous demandais - je comprends que vous dites que c'est d'un caractère public - si vous aviez étudié d'autres aspects. Je vous ai donné deux cas à part les notaires: les comptables et les évaiuateurs qui ont une certaine partie de caractère public également.

M. MacKay: II y a une question de loyauté. Le comptable agréé, du moins, est une personne qui a sa loyauté à l'égard des actionnaires d'une compagnie quand il fait la vérification des livres. Il y a une question de loyauté, un peu comme le notaire aura sa loyauté à l'égard des deux clients et c'est là son rôle d'officier public par opposition à l'avocat qui aura sa loyauté généralement

au tribunal; c'est un peu différent. (17 h 45)

M. Perreault: Je pense que, si je peux ajouter ceci, il n'est pas seulement question nécessairement de loyauté. Mais, dans l'exemple que vous donnez, des comptables et des évaluateurs, j'imagine qu'ils représenteront les intérêts de la caisse à la demande de la caisse. Quant au notaire, il peut être choisi par l'un ou par l'autre, sauf qu'il n'a pas le choix, il ne peut pas représenter les intérêts de l'un plus que de l'autre, à tel égard que, de temps à autre, quand les transactions dépassent un certain montant, les caisses comme les banques disent: Bien, on va prendre un avocat parce que le notaire ne veut pas prendre pour nous. Je pense que cela démontre, d'une certaine façon, la différence de points de vue.

M. Garon: Non, ce n'est pas ce à quoi je pensais. Je pensais plutôt que, si quelqu'un est votre client, vous avez normalement plus de sympathie pour lui que s'il ne l'était pas.

M. Perreautt: II y a probablement, évidemment, de la sympathie dans les transactions; cela ne peut pas se passer autrement. Sauf que, dans ce cas, évidemment, les gens de la caisse sont assez avertis pour s'apercevoir d'un excès de sympathie ou, si les gens de la caisse ne le voient pas, éventuellement quelqu'un le verra parce que ces précautions sont vérifiées. Chez nous, les inspecteurs le font de façon régulière.

M. MacKay: On a une structure qui est organisée en fonction de tout cela. Depuis le début, on a une structure corporative qui fait que le public est protégé par le système d'inspection professionnelle, notre système de déontologie et le système de discipline des syndics. Alors, nous avons été la première corporation professionnelle à organiser un système d'inspection en 1932 et cela s'est étendu par le Code des professions à l'ensemble des corporations parce qu'on avait jugé que c'était quelque chose d'utile. Alors, ce sont des choses auxquelles on n'est pas porté à penser. On n'est pas porté à considérer que le Québec est une société distincte en fonction de son système juridique qui lui donne, par l'existence du droit civil, deux spécialistes du droit. Le notaire arrive avec son point de vue très particulier; il est capable de rendre des services énormes qu'on est porté à oublier. J'insiste là-dessus parce que, pour moi, c'est la réponse à bien des choses et c'est ce qui fait qu'on a une paix sociale relative depuis tout le temps là-dedans, qu'on a l'acte authentique qu'on ne connaît pas ailleurs, qu'on a un tas de choses qu'on n'est pas portés à connaître et on est en train de travailler cela, de faire des travaux fondamentaux. C'est pour cela que cet avant-projet de loi nous a particulièrement intéressés au niveau des conflits d'intérêts. Il ne faut pas les éviter, ils sont là, les conflits d'intérêts. Il faut les voir et il faut voir comment on va être capables de vivre avec, de les| prévenir, toujours en pensant à la protection du public et des sociétaires.

M. Garon: Parlant de société distincte, ce qui m'a frappé le plus dans le mémoire, c'est quand vous dites: D'une façon générale, nous sommes heureux de la volonté du législateur de rapprocher davantage la structure juridique des caisses d'épargne et de crédit de celle des compagnies à capital-actions. Cette tendance vise à uniformiser l'application du droit des compagnies du Québec. Je vais vous dire que j'ai fait un moyen saut quand j'ai lu cela parce que vous ne semblez pas reconnaître le droit à une société distincte pour les coopératives. Vous voudriez que ce soient des compagnies. Vous dites: Plus elles vont être comme des compagnies, mieux cela va être. J'ai été vraiment surpris quand j'ai lu cela parce que j'ai toujours pensé qu'une coopérative était une institution particulière qui n'était pas une compagnie et où il y avait d'autres valeurs qui étaient les fondations de la structure juridique qu'était une coopérative ou une caisse d'épargne et de crédit. J'ai été vraiment surpris de lire cela, parce que je me dis que ce sont 148 notaires au mouvement Desjardins qui pensent comme cela. Je ne suis pas convaincu que c'est bien bon pour le mouvement coopératif.

M. MacKay: Je vais demander à M. Per-reault de répondre, mais c'est l'exemple de mon gardien de but de tantôt. J'ai toujours dit que, dans l'échiquier, les caisse populaires étaient pour moi un peu le gardien de but sur la glace, gardien de but dans le sens qu'il faisait autre chose que les autres joueurs. Mais on reviendra là-dessus.

M. Perreault: Je vais vous dire que je serais très heureux...

M. Garon: Oui, mais... D'accord.

M. Perreault: Je serais très heureux qu'ils pensent comme je l'ai écrit là. Ce que je voulais dire, c'est que la structure... Quand je parle de structure juridique, c'est que, si vous regardez, par exemple pour simplifier le débat, la table des matières, vous allez remarquer qu'elle ressemble beaucoup à celle de la partie 1A de la Loi sur les compagnies. Une coopérative étant une personne morale, c'est aussi bien que les règles s'uniformisent pour qu'on sache de quoi on parle. Ceci dit, la Loi sur les compagnies, partie lA est au Québec au même titre que toutes les autres institutions juridiques et la distinction, je ne vois pas en quoi elle peut disparaître à ce niveau. Je ne vois pas très bien la difficulté que cela pose.

M. Garon: Là, vous ne voulez pas... À ce

moment-là, je comprends que vous voulez dire seulement le cadre...

M. Perreault: Évidemment.

M. Garon:... les têtes de chapitre, pas le contenu des chapitres.

M. Perreault: Le cadre, la structure organisationnelle ressemble à celle des compagnies. Ce qu'on remarque, c'est que, par exemple, par le financement qui est là et qui ressemble pas mal à du capital-actions, à une présentation de capital-actions, les coopératives tendent vers une formule corporative. Cela, c'est autre chose.

M. MacKay: M. Garon, je pense qu'on touche le fond du débat dans votre remarque. On a constaté qu'on est piégé dans la formule coopérative. Je pense que c'est cela un peu. Le mouvement coopératif a voulu aller plus loin, aller chercher du capital et, à ce moment-là, il est obligé de modifier un peu la formule coopérative qu'il avait depuis le début. C'est tout cela qui doit changer ou qui change. C'est l'ambiguïté qu'on a dans la formule des caisses. Alors, j'ai l'impression que ou les caisses populaires, tel que prévu, restent comme elles étaient dans leur formule antérieure et progressent au rythme où plies pourraient progresser, ou elles embarquent dans le grand marché financier en ressemblant un peu aux autres, en sortant de leur but et là elles deviennent sujettes aux règles des autres. Cela ne me surprend pas, dans un sens. Cela va peut-être me faire de la peine un peu que nos bonnes vieilles caisses populaires se modifient comme cela, mais qu'est-ce que vous voulez? En vieillissant, je suis obligé d'accepter certaines modifications.

M. Garon: Cela dépend. Je pense qu'une caisse qui est sortie du soubassement de l'église pour aller au coin de la rue avec une bâtisse qui lui appartenait ne cessait pas d'être une caisse. Je pense qu'un cultivateur qui cesse d'employer un cheval pour utiliser un tracteur ne cesse pas d'être un cultivateur. Je pense bien que le pape a peut-être un modèle d'un catholique parfait, mais il se rend compte que sur ses 600 000 000 de catholiques il n'y en a pas beaucoup qui ressemblent au modèle, même s'ils aimeraient lui ressembler eux-mêmes. Je pense bien que, sur les 4 000 000 de coopérateurs qu'il y a au Québec, on a un modèle de coopérateur idéal, mais la nature humaine étant ce qu'elle est on n'a peut-être pas souvent le coopérateur idéal. Mais cela , ne m'empêche pas de penser que cela ne veut pas dire que la nature de l'institution, parce qu'elle change, ne s'adapte pas et cesse d'être une institution coopérative. Si on dit que les caisses d'épargne et de crédit ne sont plus des coopératives, mais des compagnies à capital-actions comme les autres, là je me dis: Est-ce que c'est cela que le ministre visait? Est-ce cela que le mouvement Desjardins vise? Je ne le sais pas pour le ministre parce qu'il est obligé de parler beaucoup pour expliquer ce qu'il veut...

M. Fortier: Vous ne me laissez pas parler.

M. Garon:... mais je ne suis pas convaincu que le mouvement Desjardins recherche cela. C'est pour cela que ce que vous dites là m'étonne un peu. C'est pour cela que je voudrais cerner ce que vous dites exactement.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, votre temps de parole est terminé. M. le ministre, vous avez quatre minutes et M. le député de Lévis va terminer avec quatre autres minutes et, si vous voulez laisser M. MacKay répondre, bien là...

M. Fortier: Je vais faire un commentaire parce que je pense que la discussion qu'on a dans le moment est très importante. Enfin, tout à l'heure j'entendais les directeurs généraux dire que les caisses sont tout à fait autonomes. La FTQ disait: Non, non. Quand nous négocions, nous nous apercevons que ce sont toujours les mêmes propositions. Donc, c'est centralisé. Pour préparer cette commission parlementaire je relisais un historique des caisses et on s'aperçoit que les mêmes débats reviennent, mais qu'ils vont en s'accentuant. Je pense que les pouvoirs de la confédération ont été créés en 1932 et après cela il y a des fédérations qui se sont créées dans certaines régions parce qu'elles ne voulaient pas que la confédération ait trop de pouvoir. Alors, ces débats, caisses-confédération-fédérations ne sont pas d'hier. S'il y en a qui s'imaginent que la discussion a commencé avec le dépôt de l'avant-projet de loi, ils se trompent un peu. Quand on regarde l'historique, on s'aperçoit que ce débat-là revient. Ce qui est vrai - et je pense que M. MacKay l'a dit - c'est que, bon, il y a une certaine centralisation qui vient par le fait de la complexité des opérations financières, de la complexité de tous les organismes, caisses centrales, compagnies d'assurance, fiducies, valeurs mobilières, tout cela. Alors, on s'en va vers une direction qui est certainement différente de ce qui existait en 1920; cela est certain. L'enchaînement que je voulais faire, c'est que je pense que c'est la première fois qu'une commission parlementaire, M. Bouchard va me corriger... J'imagine qu'en 1906 quand la province de Québec a adopté la Loi sur les syndicats coopératifs, on n'a même pas parlé de conflit d'intérêts. On a dit: On vote une loi des syndicats coopératifs. En 1963, j'ai relu les débats de l'Assemblée nationale, il n'y a même pas eu de commission parlementaire. Alors, ces questions-là ne sont même pas posées.

Alors, voici le problème auquel on fait face: d'une part, il y a peut-être un changement d'orientation, comme vous le dites, par la nature des choses. On pose certaines questions, comme

sur les conflits d'intérêts, la position des directeurs généraux. Ce qu'il faut constater, je pense que c'est la première fois que les parlementaires discutent de ce problème-là d'une façon structurée. Ce qui est arrivé, c'est que le mouvement Desjardins, avec l'appui de tous les gouvernements, s'est développé au cours des ans et avec la participation des directeurs généraux, avec la participation des notaires, avec la participation de beaucoup de bénévoles. Là, maintenant, on regarde cela et on dit: Mon Dieu, c'est sûr qu'en 1925 quand la caisse de Saint-Glln-Glin avait administré 2000 $, elle avait reçu 2000 $ et elle en prêtait 1950 $! C'est sûr qu'aujourd'hui on n'a pas tout à fait les mêmes problèmes. À ce moment-là, peut-être que, dans dix ans, on n'aura pas les mêmes problèmes non plus.

Alors, c'est pour cela que je pense qu'on doit constater que la loi que les parlementaires vont adopter essaie de regarder l'avenir, pas tellement le passé, quoiqu'il faut regarder le passé, et de dire: Bien, dans quelle direction s'en va-t-on? C'est pour cela que dans certains cas cela peut vouloir dire changer certaines choses qui se sont développées parce qu'il n'y avait aucune règle. En tout cas, c'est philosophique, ce que je dis là, mais je pensais que votre propos allait dans le sens philosophique également.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Lévis, en conclusion. Il vous reste quatre minutes.

M. Garon: Moi, je voudrais poser une question concernant les parts permanentes. On trouve dans le fonds FTQ cette catégorie, cette institution de parts permanentes qui, malgré, évidemment, qu'il y ait un incitatif fiscal, semble démontrer qu'il y a des gens qui sont intéressés. Comment conciliez-vous le fait que vous dites que les parts permanentes, vous pensez que cela soit peu attirant alors que le fonds de solidarité de la FTQ a démontré que cela pouvait être attirant, quand même, parce qu'il y a un certain nombre d'avantages fiscaux, mais aussi d'objectifs socio-économiques?

M. Perreault: Je pense que c'est là justement qu'est la différence, les objectifs socio-économiques qui étaient rattachés à cela et qui, à mon point de vue, sont moins évidents pour la caisse. Je ne pense pas que cela soit une question de survie pour une caisse de décider d'émettre des parts permanentes. Dans ces conditions-là, je pense qu'il y aurait tout avantage à les mettre attrayantes. Il y a certains freins qui m'apparaissent assez évidents. Effectivement, dans le cas de la FTQ, il y avait une cause de rattachée à cela, et c'était peut-être cela qui...

M. Garon: Dans une perspective de développement régional, par exemple, vous savez, dans beaucoup de régions du Québec, ces gens ne se prennent pas en main eux-mêmes, et il n'arrive rien.

M. Perreault: C'est possible que, dans certains cas, cela puisse avoir un intérêt particulier, de soi, mais pour moi la cause est moins évidente et je pense que les freins sont assez importants pour que, dans le cadre des caisses, en tout cas, cela ait un impact négatif.

M. Garon: Parce que les avantages fiscaux ne sont pas connus à l'heure actuelle.

M. Perreault: Non, même si on imagine un REA. En tout cas, je sais bien que quelqu'un qui achèterait cela à 30 ans ou 35 ans pour réduire son fardeau fiscal et qui serait pris avec, il réduirait son fardeau fiscal peut-être pendant quatre ou cinq ans, mais, s'il est pris avec la part permanente jusqu'à l'âge de 75 ans, quand il va mourir je suis moins convaincu que, finalement, il aura apprécié son abri fiscal. Alors, je pense qu'il faudrait que l'abri soit pas mal fort.

M. MacKay: On dit qu'il faudrait permettre de les racheter avant le décès, cela a été l'une des constatations qu'on a faites là-dedans, autrement cela nous paraît perdre un intérêt à nous, comme notaires chargés de conseiller les coffres-forts, comme je le disais tantôt. Recommander à des clients d'acheter, de prendre des actions et de les mettre là d'une façon permanente et que la succession les retire à leur décès, cela peut offrir un intérêt qui est pas mal marginal.

Le Président (M. Lemieux): Merci. En conclusion, M. le député de Lévis.

M. Garon: Alors, moi, je voudrais simplement vous remercier d'être venus. Le but de mes questions était d'essayer de vous faire expliquer davantage votre pensée concernant le mémoire non pas pour vous embêter, mais au contraire pour mieux comprendre votre vision des choses et les points que vous avez fait ressortir dans votre mémoire pour que votre comparution, entendons-nous, votre présence - j'aime mieux votre "présence" dans le sens juridique - ici contribue à éclairer davantage la commission.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. M. le ministre des Finances.

M. Fortier: Merci de la promotion.

Le Président (M. Lemieux): Pardon! C'esi pour bientôt. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Je pense que M. MacKay voulait dire quelque chose.

M. MacKay: Je voulais simplement dire que j'étais heureux de savoir que vous en discuteriez

avec vos services juridiques. J'ai entendu le mot contentieux tantôt et cela m'a fait un peu frémir: comme il y a des notaires au service juridique du ministère...

M. Fortier: Ha, ha, ha!

M. MacKay:... je voulais simplement insister dessus. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: En conclusion, je pense que la Chambre des notaires nous a habitués à des mémoires étoffés. On s'aperçoit que vous êtes même allés dans le détail de la rédaction du projet de loi et sur des aspects importants. Alors, je vous remercie de votre contribution.

M. MacKay: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Au nom des deux groupes parlementaires, je vous remercie pour votre participation à cette consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir, alors que nous entendrons la Coopérative de crédit du rvice civil limitée et, à 21 heures, M. André Cadrin, membre de quatre caisses populaires.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Réprise à 20 h 4)

Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux concernant la consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Nous devons entendre ce soir deux organismes: la Coopérative de crédit du service civil ltée et M. André Cardin. Pour le moment, je demanderais aux représentants de la Coopérative de crédit du service civil Itée de bien vouloir prendre place ici, en avant, aux bancs des témoins, s'il vous plaît.

Dans un premier temps, est-ce que le porte-parole de l'organisme voudrait bien s'identifier et nous présenter les gens qui l'accompagnent?

Coopérative de crédit du service civil Itée

M. Elcock (Ward): Oui, M. le Président. Je m'appelle Ward Elcock. Je suis président de la Coopérative de crédit du service civil. Avec moi, ce soir, Mme Jocelyne Côté-O'Hara, vice-présidente de la société; M. Pierre Choquette, un ancien dirigeant de notre société et maintenant un sociétaire; aussi M. Ronald Fitzgerald, notre directeur général, et M. Marcel Lauzon, notre directeur des opérations.

Le Président (M. Lemieux): Merci.

M. Elcock: M. le Président, nous avons révisé notre présentation. Pouvons-nous la distribuer?

Le Président (M. Lemieux): Effectivement, M. le secrétaire m'en a fait état. Il n'y a aucun changement de fond comme tel; alors, j'en autorise le dépôt immédiat aux membres de cette commission.

M. Elcock: Merci beaucoup. M. Garon: Un nouveau mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Nous déposons, M. le député de Lévis, non pas une version amendée, mais une nouvelle présentation du mémoire de la Coopérative de crédit du service civil Itée à la commission parlementaire. Nous allons attendre un court instant afin que chacun des membres ait entre les mains un exemplaire de votre mémoire.

M. Elcock: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi aussi de vous rappeler brièvement les règles de l'audition. Vingt minutes seront consacrées à l'exposé comme tel de votre mémoire; suivra une période de 40 minutes d'échanges d'idées avec les membres de cette commission. C'est donc dire que vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire. Sans plus tarder, nous pouvons vous écouter sur cet aspect.

M. Elcock: Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes ici, ce soir, pour vous demander de prendre en considération une modification au projet de loi qui fait présentement l'objet de votre étude afin qu'une situation discriminatoire à l'endroit de plus de 13 000 Québécois fonctionnaires fédéraux puisse être rectifiée.

Pour vous donner un aperçu de notre société et vous étaler les divers éléments de notre demande, je demanderais à Mme Jocelyne Côté-O'Hara et à M. Pierre Choquette de prendre une dizaine de minutes pour bien vous situer. Après cela, nous essaierons de répondre à vos questions.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme O'Hara.

Mme Côté-O'Hara (Jocelyne): Merci M. Elcock et M. le Président. Nous représentons, le CS CO-OP, une caisse de crédit qui fonctionne au bénéfice d'un segment de la population très

restreint. Selon notre mandat, nous avons le droit de recruter nos membres uniquement dans le milieu des fonctionnaires fédéraux et de leur famille immédiate. Dans le moment, nous avons à peu près 110 000 membres dans la société. Nous n'admettons comme membres ni les gens du grand public, ni les organismes commerciaux. Nos programmes d'épargne, d'économie et d'emprunt s'adressent aux besoins financiers des fonctionnaires fédéraux. Nous n'accordons pas de prêts aux entreprises, ni aux sociétés commerciales.

Ce dont nous voulons vous parler en particulier, ce soir, concerne nos membres qui habitent dans la province de Québec et qui y travaillent, notamment ceux qui ont été déplacés et qui ont choisi notre caisse malgré le fait qu'ils ne pouvaient recevoir tous les services qui sont accordés aux membres qui habitent et travaillent en Ontario. Notre siège social, comme vous le savez, est à Ottawa. Avec les changements qui se sont faits dans les derniers cinq ans au niveau fédéral, beaucoup de fonctionnaires ont été transférés de l'autre côté de la rivière, c'est-à-dire dans l'Outaouais. Il y a maintenant 30 000 fonctionnaires qui travaillent du côté québécois. Parmi ces fonctionnaires, il y a 13 000 membres de notre société. Malheureusement, ces personnes n'ont pas les services qui sont offerts aux autres à cause de cette limite qui nous a été imposée. Malgré tout cela, nos 13 000 membres ont déposé dans notre caisse 45 000 000 $ et, de notre côté, nous n'avons pu remettre dans l'économie québécoise que 29 000 000 $ sous forme de prêts personnels. Nous n'avons pas pu du tout accorder les hypothèques qui ont été demandées, ni, non plus, d'autres sortes d'emprunts. Ce déséquilibre nous met mal à l'alses, parce que nos membres commencent à se plaindre, malheureusement, je ne sais pas. De toute façon, nous trouvons que ce n'est pas juste et équitable que nous ne puissions pas leur accorder les services requis.

Je passe la parole à mon collègue.

Le Président (M. Lemieux): M. Choquette.

M. Choquette (Pierre): M. le Président, je vais débuter en vous assurant que la coopérative est en bonne santé, en soulignant que notre actif, l'année dernière, dépassait 550 000 000 $ et que nos réserves, l'année dernière, dépassaient 4 %. Ces 4 % représentent 23 000 000 $ en réserve. Notre objectif de réserves est de 7 %, malgré que la loi ontarienne n'exige que 5 %. Nous sommes en bonne voie d'établir une réserve de santé financière. Je dois souligner, d'autre part, que nos membres nous offrent une certaine stabilité. Les fonctionnaires sont un genre très particulier et ces particularités nous donnent l'avantage de très peu de pertes sur nos prêts. Nos mauvaises créances, par exemple, se chiffrent à 1 000 000 $ sur des prêts de 400 000 000 $. De ce côté-là, nous dépassons les chiffres qui sont mis en réserve pour mauvaises créances des banques et autres institutions financières, à cause, je crois, de la communauté que nous desservons.

Depuis plusieurs années il y a eu une évolution technologique, même révolutionnaire, de la communauté et les caisses Desjardins du Québec nous offrent un exemple de cette révolution technologique et structurelle parmi les agences et les institutions financières. Les caisses Desjardins ont mis en place un service intercaisses interprovinces où, en effet, ce réseau dessert le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. En effet, les gens en Ontario, se servant de ce réseau, peuvent déposer à une place, faire transférer des fonds à une autre, la même histoire pour les trois provinces et nous n'avons qu'à féliciter les caisses Desjardins de cette initiative. La Caisse centrale avec ses bureaux à Toronto est l'agence Desjardins qui exploite les services de prêts et de dépôts commerciaux. Une autre agence Desjardins ouvrira sous peu à Ottawa sous le nom de Crédit industriel.

Je ne veux que souligner l'initiative qu'a prise le mouvement Desjardins dans le centre de cette évolution, que dis-je, révolution dans les institutions financières au Canada. Nous avons un héritage commun avec les caisses Desjardins, étant donné que M. Alphonse Desjardins, le père du Mouvement des caisses populaires, a joué ur rôle majeur dans la fondation de la CS CO-OP en 1908 alors qu'il a fait un séjour à Ottawa comme sténographe parlementaire. Nous avons eu des pourparlers, des discussions, des consultations avec le mouvement Desjardins, il y a quelques années, qui ont menés à une décision de la fédération, à Lévis. Nous avons fait une demande, à la suite de cette consultation, car nous voulions mettre en place à Hull, dans la région de la Capitale nationale, pour desservir des citoyens québécois et des gens qui travaillaient au Québec, des fonctionnaires fédéraux, des guichets automatiques. Nous avons eu un refus du mouvement Desjardins, malheureusement, et il est fort regrettable que, de plus, dernièrement, nos efforts de consultation n'aient obtenu aucune considération de sa part. Jocelyne. (20 h 15)

Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que vous avez d'autre chose à ajouter? Oui.

Mme Côté-O'Hara: Oui. Quelques moments encore, s'il vous plaît, quelques minutes.

Le Président (M. Lemieux): Oui, cela va.

Mme Côté-O'Hara: Merci. J'aimerais vous laisser savoir aussi que notre caisse de crédit ne dessert pas uniquement la région de la Capitale nationale et surtout la région d'Ottawa, mais que nous avons répondu à des besoins au sein de la province en entier où il y a un nombre suffisant de fonctionnaires. Nous avons établi maintenant

des bureaux à Toronto, à North Bay, à Sudbury et à Sault-Sainte-Marie. Nous n'avons aucune intention de chercher à intégrer d'autres marchés que celui des fonctionnaires fédéraux, ni d'étendre notre mandat actuel. En outre, nous avons recherché dans d'autres provinces des possibilités de lois réciproques qui pourraient nous permettre de desservir les fonctionnaires qui sont en Colombie britannique, à Terre-Neuve, au Mani-toba, à l'île-du-Prince-Édouard et ces provinces nous ont déjà indiqué qu'il y a possibilité de recevoir l'autorisation qui nous permettrait d'offrir les services que nous recherchons ici aujourd'hui, par le truchement d'une entente réciproque.

Nous aimerions aussi vous souligner que l'Ontario a déjà accordé aux caisses populaires et aux caisses de crédit le droit de l'enregistrement extraprovincial. De fait, la loi actuelle régissant les caisses populaires et les "crédit unions" de l'Ontario comprend des clauses de réciprocité qui prévoient le fonctionnement de nos caisses dans d'autres provinces et celui des caisses populaires et des "crédit unions" des autres provinces en Ontario. Les clauses particulières sont notées dans notre mémoire. Nous avons rencontré des représentants du gouvernement de l'Ontario à plusieurs reprises et, sans présumer parler pour eux, nous croyons que l'Ontario appuierait des arrangements réciproques. Il est entendu que le gouvernement de l'Ontario, tout comme celui du Québec, voudrait s'assurer que tout organisme fonctionnant sous sa juridiction suive les règlements définis. Nous comprenons et nous acceptons cela.

Nous croyons, toutefois, que l'inclusion de pouvoirs similaires dans la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit du Québec profitera aussi aux caisses de crédit et aux caisses populaires du Québec. De tels pouvoirs pourraient augmenter et étendre la capacité des caisses de faire concurrence aux diverses institutions financières sur un marché fort concurrentiel et sujet à une évolution rapide.

Pour conclure, nous vous prions respectueusement de considérer des modifications au projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit visant à supprimer la discrimination actuelle envers nos 13 244 sociétaires ou membres québécois. Le cas échéant, nous serions heureux de collaborer avec vos fonctionnaires à la formulation d'une modification à ce projet de loi.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme O'Hara. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Votre mémoire pose toute la question de la réciprocité. L'argumentation fondamentale que vous soulevez, c'est de dire: Dans la mesure où le gouvernement du Québec, dans l'avant-projet de loi en par- ticulier, vient confirmer certaines initiatives du mouvement Desjardins et permet même de l'amplifier pour lui permettre de signer des ententes avec des fédérations d'autres provinces canadiennes - et on peut penser à l'Ontario, au Nouveau-Brunswick ou même au Manitoba - est-ce que, par ailleurs, il ne serait pas possible pour le gouvernement du Québec de reconnaître certaines actions de votre propre caisse populaire au Québec? Comme de raison, ce que nous avons dans l'avant-projet de loi ne permettrait pas à une caisse populaire du Québec d'oeuvrer directement en Ontario. Ce que nous avons dans l'avant-projet de loi permet au mouvement Desjardins de signer une entente avec une fédération ontarienne ou avec un fédération du Nouveau-Brunswick, j'imagine, pour confirmer des ententes qui existent déjà, et vous parliez des guichets automatiques. Mais il y a une différence fondamentale: c'est que, dans le projet de loi qui est devant nous, la Caisse populaire de Hull n'aurait pas le droit d'aller chercher des clients en Ontario, mais, par ailleurs, la confédération pourrait signer une entente avec la Fédération des caisses populaires de l'Ontario.

Alors, je pense bien que c'est l'intention et j'imagine que vous ne demandez pas - quoique vous l'ayez laissé entendre - que, s'il y avait des fonctionnaires fédéraux à Montréal ou à Québec ou à Chicoutimi... Dans le moment vous dites: Nous sommes à Ottawa, nous voudrions aller à Hull. Mais votre seconde demande, après cela, c'est de dire: Bien, si c'est cela, on voudrait aller dans chaque ville du Québec où il y a des fonctionnaires fédéraux. Est-ce que c'est cela, le fond de votre demande?

Le Président (M. Lemieux): Mme O'Hara.

Mme Côté-O'Hara: Je devrais dire au tout début que nous sommes motivés par le fait que nous avons en ce moment 13 000 fonctionnaires qui ont choisi de devenir membres de notre caisse, qui travaillent à côté d'un fonctionnaire qui habite en Ontario, qui choisit notre institution pour financer son hypothèque, alors qu'eux ne le peuvent pas, mais ils ont, tout de même, choisi de devenir membres chez nous. Alors, pour nous, ce groupe est très important. Pour répondre à votre question, nous sommes motivés par ce groupe qui veut être bien servi par nous et envers qui nous avons des responsabilités comme bénévoles et directeurs. Pour ce qui est d'aller au-delà de ça, notre premier objectif est celui-là et nous sommes disposés à considérer de quelle façon vous voyez des problèmes à desservir ces membres. Mais il faut dire que notre objectif est certes la région.

M. Fortier: Alors, ce que vous dites dans un premier temps, c'est: On a une clientèle dans la région d'Ottawa-Hull et on aimerait la desservir. On a fait l'examen de cela et il y a, bien sûr, toutes sortes de difficultés juridiques qui me

sont présentées en ce qui concerne la façon dont l'avant-projet de loi est préparé dans le moment. Si on pense à des considérations très pragmatiques, il y a tout ce qui touche à l'assurance-dépôts. Bien sûr, l'avant-projet de loi est constitué de telle façon que, si un individu du Québec est membre d'une caisse populaire du Québec, son dépôt est assuré par la Régie de l'assurance-dépôts dont l'inspecteur est le président. La question qui se pose, c'est: Si votre coopérative vient au Québec, qui assure les dépôts de ces individus? J'imagine que cela demanderait des études plus poussées, mais est-ce que vous avez pensé à ce problème? Il y aurait deux problèmes. Si on a vraiment réciprocité à la frontière, pour prendre cet exemple, il y aurait la possibilité pour la Caisse populaire de Hull d'aller à Ottawa et la possibilité pour votre caisse populaire de venir à Hull. La question qui se pose dans un cas comme dans l'autre, c'est: Qui assure les dépôts de chacune des caisses populaires?

M. Choquette: Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Choquette.

M. Choquette: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, M. le ministre, nous avons déjà des réserves de 4 % qui se chiffrent à 23 000 000 $. Nous ne sommes pas parmi les pauvres des sociétés bancaires. Même pour les riches, cela prend de l'assurance. Nous sommes parmi les riches, je crois, dans le mouvement. Il me semble que la solution à la question que vous posez doit être sujette à négociation entre les responsables fonctionnaires en Ontario et les responsables fonctionnaires au Québec qui sont, en effet, responsables des régimes d'assurance.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Fortier: Vous dites: Notre caisse populaire est riche. Je l'accepte. Si vous êtes à 4 %, vous êtes plus haut que la moyenne au Québec. Dans le moment, je pense que la moyenne des caisses populaires est de 3, 5 %. Dans l'avant-projet de loi, nous allons augmenter l'exigence de la capitalisation à 5 %. Malgré cette capitalisation accrue, nous avons la Régie de l'assurance-dépôts du Québec depuis 1968. C'était M. Daniel Johnson, le premier ministre, qui avait négocié cela. Nous sommes la seule province qui a une Régie de l'assurance-dépôts, alors qu'au fédéral vous avez la Société d'assurance-dépôts du Canada. Au-delà de la capitalisation, il y a quand même, pour ceux qui déposent leur argent dans une institution financière, une assurance sur les dépôts.

Vous avez dit tout à l'heure que vous avez eu des conversations avec les représentants de l'Ontario. La question qui se pose, c'est: Vos activités au Québec, est-ce qu'elles seraient sous l'autorité du gouvernement du Québec ou si elles seraient sous l'autorité du gouvernement de l'Ontario?

Le Président (M. Lemieux): Mme O'Hara.

Mme Côté-O'Hara: Je dois avouer qu'on n'a pas parlé avec tant de précision de qui protégerait et assurerait l'assurance requise. Nous sommes maintenant membres de la Société ontarienne d'assurance des actions et ce que nous prévoyons, c'est un genre de discussion pour savoir si l'Ontario serait disposé à nous protéger ou à continuer de nous assurer ou si cela devrait être fait au Québec. Malheureusement, nous n'avons pas de réponse, pour vous.

M. Fortier: D'accord.

Mme Côté-O'Hara: Mais nous pouvons vous dire que nous sommes conscients du besoin et que nous sommes très ouverts à des suggestions et à pousser la question à Toronto.

M. Fortier: J'ai ici plusieurs difficultés techniques qui m'ont été fournies par notre contentieux et je crois que vous acceptez le fait que, dans le cas de l'assurance-dépôts en particulier, il y a des difficultés à surmonter. Mais, étant donné que je vais laisser la parole à mes collègues, j'aimerais poser une autre question. Je pense qu'on appelle cela du nationalisme économique. Si on permettait à des citoyens du Québec de déposer leur avoir dans votre caisse populaire, dont le siège social est à Ottawa, la question qui nous préoccupe, c'est: dans quelle mesure ces actifs vont-ils servir, en définive, au développement économique du Québec? C'est une question fondamentale sur le plan du développement économique. Je pense bien qu'on ne commencera pas des discussions et qu'on ne commencera aucune étude à ce sujet si on n'a pas l'assurance qu'éventuellement le Québec va être favorisé, au moins dans la proportion où les Québécois déposeraient chez vous, au moins dans cette proportion.

Mme Côté-O'Hara: C'est une excellente question. Vous avez tout à fait raison et c'est une préoccupation qui est très légitime étant donné qu'il y a maintenant 45 000 000 $ qui sont déposés chez nous et que, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il n'y a que 29 000 000 $ qui sont réinvestis dans la région. C'est un réinvestissement un peu nuancé, parce que ce sont des emprunts personnels. Si nous avions le droit de faire des hypothèques au Québec, je peux vous assurer qu'il y aurait au-delà de 45 000 000 $ investis au Québec. Nous avons eu plusieurs demandes, en effet, dans les dernières semaines. En faisant un sondage, nous avions 25 personnes du Québec, juste en l'espace d'une semaine, qui ont demandé des services hypothécaires que nous

ne pouvions pas leur fournir. En ce moment, |nous avons 5000 hypothèques du côté ontarien. Nous nous sommes vraiment engagés à développer des formes de garanties ou des systèmes d'examen nécessaires pour garantir que ceci se fasse. Nous avons vraiment un engagement très fort envers ces gens. Vous savez, vivre à Ottawa et avoir Hull de l'autre côté, on est tous de la même famille. On n'est pas très confortables quand des membres nous appellent... Comme dirigeant, c'est fatigant de se faire appeler de se faire dire: Je veux mon hypothèque et vous ne pouvez pas me la donner. Pourquoi pas?

M. Garon: Vous allez nous faire pleurer.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis, vous avez pris la parole et la parole est à vous pour les dix prochaines minutes. Merci, M. le ministre. Sans pleurer, M. le député de Lévis, la parole est à vous.

M. Garon: Je trouve cela sympathique de voir que les gens de l'Ontario veulent nous rendre service. Habituellement, quand ils enlèvent leur main du plat, il ne reste plus rien dedans. Vous dites que vous ne pouvez pas faire de prêts hypothécaires auprès de vos membres. Pourquoi?

Mme Côté-O'Hara: Parce que nous ne pouvons pas les enregistrer au Québec. Donc, nous sommes limités et nous n'avons pas le droit de le faire.

M. Elcock: Ce n'est pas possible pour nous de prendre des "sécurités" au Québec pour les hypothèques.

Le Président (M. Lemieux): Des actes notariés.

M. Fortier: Si vous le permettez, l'inspecteur pourrait préciser l'aspect légal.

Le Président (M. Lemieux): Un instant, M. le ministre. M. le député de Lévis, est-ce que vous le permettez?

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Lemieux): M. l'Inspecteur général des institutions financières.

M. Bouchard (Jean-Marie): Théoriquement parlant, ils n'ont pas le pouvoir de faire affaire au Québec comme tels, d'une part, donc ils n'ont pas la capacité juridique. D'autre part, pour l'hypothèque au Québec, deux actes juridiques sont prévus dans la Code civil qui doivent être reçus par actes notariés, les donations et les hypothèques. Or, il n'y a pas de notaires en Ontario. Donc, il faudrait qu'ils transigent...

M. Garon: Qu'ils engagent des notaires du

Québec?

M. Bouchard: C'est ça. Pour cela, il faudrait qu'ils aient le pouvoir de faire affaire au Québec.

M. Fortier: Ils n'ont pas la capacité juridique de faire affaire. (20 h 30)

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. l'Inspecteur général des institutions financières.

M. le député de Lévis, sur votre temps de parole.

M. Garon: Voulez-vous dire qu'ils n'ont pas le droit d'engager un notaire? Ils ont le droit d'engager un notaire du Québec.

M. Bouchard: Ils n'ont pas la capacité juridique d'opérer au Québec.

M. Garon: C'est ça, d'opérer au Québec. C'est ça.

M. Bouchard:... comme corporation.

M. Garon: Au fond, vous n'avez pas répondu directement à la question qui vous a été posée tout à l'heure. Vous avez continué à répondre sur les assurances. Le ministre vous avait demandé ceci: Si vous aviez la capacité juridique d'opérer au Québec, dans votre esprit, pensez-vous opérer en vertu des lois de l'Ontario ou en vertu de celles du Québec? J'ai compris que le ministre avait demandé cela tout à l'heure, mais je n'ai pas compris que vous aviez répondu à cette question-là.

Mme Côté-O'Hara: Ah! Mais...

M. Fortier: C'était une question complexe, je pense.

Mme O'Hara: De fait, peut-être que je n'y ai pas bien répondu. Nous sommes prêts à opérer sous les lois du Québec et de l'Ontario. Les paramètres d'une entente réciproque seront négociés entre les deux provinces qu'on choisira ensemble la façon de procéder. Mais en opérant au Québec, si nous avions le droit d'accorder des prêts hypothécaires, on serait soumis aux lois du Québec dans notre façon de procéder, y inclus le fait d'établir un bureau avec des employés qui travaillent au Québec.

M. Garon: Habituellement, une caisse populaire fait affaire dans un territoire limité. Dans votre esprit, vous voulez faire affaire dans un territoire au Québec. Quel territoire?

Mme Côté-O'Hara: Notre charte nous restreint et nous limite. Nous n'avons aucune intention de changer cette charte qui nous dit que nous n'avons que le droit de desservir des

fonctionnaires fédéraux et leur famille immédiate. M. Garon: Une minute!

Mme Côté-O'Hara: Laissez-moi préciser. C'est uniquement le conjoint et les enfants.

M. Garon: Selon votre charte de l'Ontario.

Mme Côté-O'Hara: Oui, et nous n'avons aucune intention de changer notre charte pour une charte fédérale, je dois vous le dire, d'une part, à cause d'une possibilité de conflits, car les dirigeants sont tous des fonctionnaires fédéraux. Je crois que c'est une des grandes raisons, pour être très ouverte avec vous. Alors, de quelle façon pourrions-nous diriger une société régie par des lois fédérales? C'est douteux que nous procédions de cette façon.

M. Fortier: Des fonctionnaires fédéraux sous l'autorité provinciale, c'est extraordinaire.

Mme Côté-O'Hara: C'est encore mieux. C'est un beau contrôle. C'est un excellent contrôle.

Mais, pour continuer, notre charte est limitée à des fonctionnaires fédéraux puisque nous avons une charte ontarienne.

M. Garon: Mais sur n'importe quel territoire? Au fond, vous dites aux fonctionnaires fédéraux que c'est un genre de caisse d'économie, mais sans limite de territoire.

Mme Côté-O'Hara: Oui. Il y a des limites de territoire du fait que notre charte a été donnée par le gouvernement de l'Ontario. Nous sommes soumis aux lois de l'Ontario. C'est une société ontarienne.

M. Garon: Oui, je comprends ce que vous dites, mais vous dites: Si on avait le droit d'opérer ailleurs. Au fond, comme il y a des fonctionnaires de l'armée en Allemagne, vous pourriez théoriquement avoir une succursale en Allemagne. Vous pourriez en avoir partout.

Mme Côté-O'Hara: Ce ne serait sans doute pas économique.

M. Garon: Cela ferait une drôle de caisse populaire à succursales multiples.

Mme Côté-O'Hara: Peut-être, mais elle fonctionne très bien, vous savez. Pour ajouter à la réponse sur notre mandat ou notre charte, nous ne faisons pas, non plus, de prêt ou d'emprunt commercial. Alors, ce sont purement des prêts personnels et des prêts hypothécaires, et tous les autres services banquiers normaux. Nous avons le plus grand nombre de guichets automatiques à Ottawa, même plus que la Banque Royale du Canada.

Le Président (M. Lemieux): La parole est toujours à vous, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je suis un peu surpris. J'ai l'impression que les fonctionnaires fédéraux devraient, au fond, se former une caisse de la nature de la vôtre au Québec. Je ne comprends pas pourquoi il s'en fonde une seulement en Ontario. Ce qu'ils devraient faire, à mon avis, ce serait plutôt former non pas une filiale, mais une| caisse d'économie au Québec en vertu de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Mme Côté-O'Hara: M. Desjardins a choisi de nous développer de cette façon au tout début, en 1900.

M. Garon: Oui, mais M. Desjardins en a formé en Nouvelle-Angleterre également. Il a formé des caisses un peu partout aux États-Unis, mais qui gardent un caractère local. Normalement, même les caisses dont vous parlez au Québec, dans les milieux de travail, ont un cadre très défini et restreint. C'est même la caisse d'économie des travailleurs de tel endroit ou la caisse d'économie... L'Inspecteur général des institutions financières pourrait sûrement donner des exemples. Il s'agit d'une entreprise comme la caisse d'économie ou la Caisse populaire des fonctionnaires à Québec.

M. Fortier: Non, mais il n'y a pas de limites de territoire.

M. Garon: Non, mais c'est parce que... M. Fortier: II y a des caisses d'économie...

M. Garon:... l'entreprise est déterminée habituellement. Je ne sais pas si l'Inspecteur général des institutions financières pourrait nous en dire un mot. Je pense qu'il a l'air...

Le Président (M. Lemieux): M. l'Inspecteur général des institutions financières, pour le bénéfice de M. le député de Lévis. M. le député de Lévis, vous pouvez poser votre question.

M. Fortier: La question, M. l'inspecteur, c'est: II y a des caisses d'économie et, pour les caisses d'économie qui desservent des fonctionnaires...

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, s'il vous plaît, je m'excuse.

M. Fortier:... est-ce qu'il y a des limites géographiques?

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M. le député de Lévis, posez votre question.

M. Garon: Quand on formait au Québec une caisse d'économie, habituellement l'entreprise

était assez déterminée que c'était évident que c'était dans un endroit très restreint.

M. Bouchard: Pas pour une caisse d'économie. La distinction entre les deux systèmes, c'est qu'une caisse d'épargne a un territoire géographique.

M. Garon: Oui, oui, la caisse...

M. Bouchard: La caisse d'économie, ce n'est pas le territoire géographique, c'est n'importe quoi. Par exemple, on va dire telle industrie, tel secteur. Le secteur peut couvrir toute la province. De fait, dernièrement, on a fusionné des caisses qui couvraient toute la province pour un secteur d'une industrie donnée.

M. Garon: Mais qui comprenait plusieurs caisses qui ont été fusionnées.

M. Bouchard: Oui, mais cela ne fait rien. Une seule caisse pourrait être...

M. Garon: Non, mais quand on les constituait habituellement, c'était une entreprise qui...

M. Bouchard: On indique la nature de l'opération ou de l'industrie que l'on veut viser, qui peut être tout le territoire de la province.

M. Garon: Dans les faits, sauf les fusions dont vous parlez, habituellement, il n'y en avait pas un grand nombre, d'abord.

M. Bouchard: De caisses d'économies? Il y en a beaucoup.

M. Garon: Beaucoup. Combien?

M. Bouchard: II y en a beaucoup au Québec. D'ailleurs, il y avait trois fédérations qui se sont fusionnées.

M. Garon: Oui, oui.

M. Bouchard: Alors, cela constitue la onzième fédération actuellement chez Desjardins. C'est très puissant, les caisses d'économie, au Québec.

M. Garon: Oui.

M. Bouchard: Alors, par exemple, ils vont dire l'industrie du textile.

M. Garon: Oui.

M. Bouchard: Toute l'industrie du textile de la province de Québec peut constituer une caisse. C'est un exemple donné. Ils vont dire, par exemple, tels syndicats.

M. Fortier: La dernière qu'on a fusionnée...

M. Garon: Oui, les syndicats.

M. Bouchard: C'est cela.

M. Fortier:... c'est la CSN et la FTQ.

M. Bouchard: Alors, il n'y a pas de limites territoriales.

M. Garon: Bien oui, elles ont été fusionnées récemment. Mais quand elles se sont constituées...

M. Bouchard: Bien, cela dépend.

M. Garon:... elles se constituaient, normalement, au niveau d'une entreprise.

M. Bouchard: Oui, règle générale. M. Garon: II y a eu du regroupement... M. Bouchard: C'est cela.

M. Garon:... qui est venu après, mais au niveau d'une entreprise restreinte, habituellement.

M. Bouchard: C'est cela. Exact. M. Dufour: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le député de Jonquière, je dois respecter la règle de l'alternance. Il y a consentement, M. le ministre? Consentement. Il reste environ une minute au temps du député de Lévis.

M. Dufour: Vous dites que les caisses d'économie peuvent fusionner ou prendre tout le territoire de la province, mais est-ce que c'est possible qu'une caisse d'économie puisse changer de secteur? Par exemple, je pense, chez nous, à la fédération du secteur de l'aluminium où ils ont une caisse d'économie. Ils vont à la ville de Jonquière et ils prennent des membres à la ville de Jonquière pour entrer à la caisse d'économie.

M. Bouchard: Certainement.

M. Dufour: Ils ont le droit de faire cela?

M. Bouchard: Certainement.

M. Fortier: D'ailleurs, les groupes ethniques...

M. Garon: Le caractère coopératif prend une moyenne débarque avec tout cela.

M. Bouchard: Bien non, c'est la nature même de la caisse d'économie, par rapport à la caisse d'épargne, de regrouper des groupes par rapport au territoire.

M. Fortier: D'ailleurs, c'est pour cela que le mouvement Desjardins le fait pour les groupes ethniques. Les groupes ethniques se retrouvent très souvent dans une caisse d'économie.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation, vous avez un temps de parole de dix minutes. C'est à vous, maintenant.

M. Fortier: Bien sûr, ce qu'on vient de préciser, je pense, avec l'inspecteur, c'est qu'on retrouve au Québec une fédération du mouvement Desjardins qui touche les caisses d'économie. De plus en plus, ces caisses d'économie couvrent la totalité du territoire. Alors, dans notre jargon, vous êtes une caisse d'économie pour les fonctionnaires fédéraux. On se comprend.

Mme Côté-O'Hara: Oui.

M. Fortier: Donc, si vous étiez partie du mouvement Desjardins, vous auriez la possibilité de couvrir tous les fonctionnaires fédéraux au Québec. Alors, on se comprend. Donc, dans le moment, vous êtes, à toutes fins utiles, une caisse d'économie, mais sous la juridiction de l'Ontario. Alors, je pense qu'il faut préciser les termes, la terminologie.

Mme Côté-O'Hara: C'est cela, merci.

M. Fortier: Ce que vous demandez, dans le fond, c'est: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver une nouvelle disposition qui couvrirait également le Québec? Je pense que c'est cela, votre demande. Enfin, dans un premier temps, vous dites Hull, mais on peut penser, par extrapolation, que cela pourrait être tous les fonctionnaires fédéraux au Québec. On se comprend au moins dans les intentions.

Je reviens à la question de la réciprocité. Je me rends bien compte qu'à la minute où je vais m'asseoir avec le ministre de l'Ontario pour négocier ou avec le ministre du Manitoba... D'après ce qu'on m'a dit, ils ne sont pas nécessairement réfractaires à ce que nos caisses populaires signent des ententes avec des caisses populaires des autres provinces. Dans la mesure où on renforce le mouvement coopératif, je pense que c'est bénéfique pour tout le monde.

C'est cela qui amène la question de la réciprocité, mais avec toutes les questions techniques pour lesquelles on n'a pas de réponses dans le moment. Je dois vous avouer que j'ai fait analyser votre demande par le service du contentieux de l'inspecteur et que, tel que notre projet de loi est libellé, les possibilités d'écrire un seul article pour couvrir cela sont très limitées. Donc, cela prendrait des dispositions assez spéciales. Je ne vous dis pas cela pour vous décourager. Je pense qu'on se rend compte que les caisses populaires, à l'origine - le député de Lévis a raison: la caisse populaire de Lévis, c'était pour couvrir la ville de Lévis; la caisse populaire de Québec, c'était pour couvrir Québec - étaient là pour couvrir une géographie bien particulière et que maintenant, bien sûr, cela déborde les frontières et cela pose au législateur des difficultés nouvelles qu'on n'avait pas appréhendées à l'origine. Je me rends bien compte de cela.

La question que j'aimerais bien vous poser est la suivante. Vous dites que Desjardins, dans le moment, opère des guichets automatiques en Ontario. Qui assure les dépôts de ces gens qui déposent en Ontario et dont l'argent est transféré au Québec? C'est ce que vous nous dites, dans le fond?

Le Président (M. Lemieux): M. le président.

M. Elcock: The answer to that question, M. le ministre, is not one that we are entirely capable of answering, because we are somewhat in between the two provincial jurisdictions and we have been unable to meet with the caisses Desjardins to discuss those issues. It is our understanding that there are deposits, withdrawals made not only at automatic teller machines, but also through branches as well, so that it is more than simply automatic teller systems. If you belong to a network, as we do, it is also possible for members of the society to make deposits through the automatic wickets in Hull, that exist now on that network. But we understand as well that there are deposits and withdrawals through the institutions themselves which is a somewhat different question and we do not honestly know how those are assured at this point in time. If any of those were to be dishonoured - and I would assume that they would not be dishonoured given the nature of the organization - we do not know the answer to who would be the appropriate assurer.

M. Fortier: Thank you for the answer. À la question qui est posée, la réponse que vous donnez, c'est: Avec les liens électroniques qui se développent de plus en plus, à quelle p!ace la frontière se trouve? C'est toute la question de l'électronique qui dépasse les frontières maintenant. Je crois que le problème est posé. Je n'a pas d'autres questions. Je ne sais pas si mes collègues en ont. Je dois vous avouer que je n'a pas les réponses législatives au problème qui es! posé. Nos avocats nous disent que c'est techniquement difficile à cerner, mais, de toute façon, cela demanderait des négociations avec le gouvernement de l'Ontario. Tout l'engagement que je peux prendre à ce moment, étant donné les réponses que je n'ai pas, c'est de dire: Je me rends bien compte que, si le Québec veut avoir une certaine réciprocité avec d'autres provinces, il va falloir qu'on trouve certaines réponses à certaines questions, réponses que je n'ai pas dans le moment. Le seul engagement que je peux prendre dans le moment, c'est d'examiner la situation - d'ailleurs, je n'ai jamais discuté de

ce problème avec le mouvement Desjardins, probablement que je devrais le faire - avec le gouvernement de l'Ontario et les autres gouvernements. On a cette disposition dans l'avant-projet de loi qui permettrait à Desjardins d'arriver à des ententes avec les autres fédérations. Je dois vous dire que je sais qu'ils sont réceptifs, mais je n'ai pas discuté les problèmes techniques sous-jacents à cette disposition. Pour le moment, le seul engagement que je peux prendre, c'est de dire qu'on va l'examiner très attentivement et essayer de trouver des réponses. Si je demandais à mes juristes d'écrire un article, je pense qu'on aurait du mal à l'écrire parce que c'est techniquement très complexe. Le seul engagement que je peux prendre à ce moment-ci, c'est de l'étudier très sérieusement, sachant que plus cela va aller, plus les coopératives du Québec vont vouloir aller en Ontario et vice versa. Donc, il va falloir qu'on trouve des solutions à ce problème dans l'avenir. (20 h 45)

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai aimé, M. le Président, l'emploi du mot "coopérative" par le ministre, en terminant. Pour qu'une coopérative soit une coopérative, il y a certaines caractéristiques, normalement. J'ai l'impression qu'actuellement, dans les notions de coopérative, il y a pas mal de slalom qui se fait ici. Normalement, il y a certains caractères, il y a même des principes du mouvement coopératif international, des principes de base de la coopération. J'ai de la difficulté à comprendre comment tout cela pourrait fonctionner à moins d'inventer, je pense bien, des espèces hybrides. Je sais que le ministre a un certain talent pour cela, mais je lui souhaite bonne chance.

Je vous remercie, quand même, de nous avoir fait part de votre problème qui est un peu compliqué puisque vous-mêmes, vous dites: De qui allons-nous dépendre sur le plan législatif? Toutes ces institutions sont de juridiction du Québec ou de l'Ontario. Il y a un certain caractère communautaire, quand même, dans les institutions coopératives, il ne faut pas l'oublier. Je comprends qu'on commence à dire que les coopératives pourraient devenir des corporations, mais, quand il n'y aura plus rien de coopératif, ce ne donnera plus grand-chose d'appeler cela des coopératives.

Moi, je fais encore partie des gens qui appellent un chat, un chat, une truite, une truite et un saumon, un saumon. Il y en a, je crois (bien, qui disent qu'un saumon, c'est une grosse truite ou qu'une truite, c'est un petit saumon. Mais, je pense bien que les mots doivent encore vouloir dire quelque chose et que le mot "coopérative", si on arrive à le vider de son contenu, bien, après cela, on sera les premiers à dire que, dans le fond, on n'a plus de coopératives. C'est pour cela qu'il y a un certain caractère aux coopératives. Même si les aspects techniques évoluent avec l'électronique, je pense bien que les institutions, elles, ont des caractéristiques même si elles utilisent des moyens modernes. Les moyens modernes doivent servir les gens et les institutions plutôt que les personnes humaines et les institutions se mettent au service de la technique. Je ne veux pas être plus long, mais j'ai le sentiment un peu que vos gens vont être obligés de faire des choix et un de ces choix, cela peut être de former une caisse au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Lévis. En conclusion, M. le ministre.

M. Fortier: Je suis un peu malheureux de ne pas pouvoir conclure d'une façon plus précise que je ne l'ai fait. Je pense que c'est la première fois que le problème est posé d'une façon aussi directe. Robert Middlemiss, le député de Pontiac, m'avait écrit à ce sujet-là, il y a quelques mois déjà, cinq ou six mois, et je n'avais pas examiné toute la dimension du problème. Je crois, au moins, que votre présentation... Je vous remercie d'être venus à Québec. C'est rare que des fonctionnaires fédéraux viennent à Québec pour nous faire part de certains problèmes. Je vous remercie d'être venus et, même si on ne le réglait pas par le dépôt du projet de loi maintenant, je peux vous assurer qu'on va l'examiner parce que j'ai l'impression qu'on va vivre avec ce problème-là dans l'avenir. On va l'examiner attentivement. Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Alors, au nom des deux groupes parlementaires, je vous remercie pour votre participation à cette consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. J'inviterais maintenant la prochaine personne ou le prochain groupe - je crois qu'il s'agit de la prochaine personne, M. André Cardin - à bien vouloir prendre place à la table des témoins, s'il vous plaît. Alors, M. Cardin, vous avez 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire. Après l'exposé de votre mémoire, chacun des deux groupes parlementaires disposera d'une enveloppe de temps d'une quarantaine de minutes; suivra un échange entre les parlementaires pour un temps de parole de 10 minutes chacun. Alors, vous avez 20 minutes pour exposer votre mémoire.

M. André Cardin

M. Cardin (André): D'accord. Avant de commencer, je voudrais insister auprès des membres de la commission pour dire que je suis ici en tant que membre et uniquement en tant que membre, et que je ne suis pas contre les pouvoirs que les caisses demandent indirectement par leurs fédérations et leur confédération, mais

j'ai quelques réticences au niveau des moyens. Je vais vous exposer ce que j'en pense, ce qui fait suite au mémoire que je vous ai soumis.

Permettez-moi d'abord de vous remercier, vous les membres de cette commission, de m'avoir invité à témoigner concernant certains aspects de l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, et de vous apporter mon humble et modeste contribution en tant que membre de quatre caisses populaires. Vous avez sans doute remarqué, à la lecture de ce mémoire, qu'il s'agit uniquement de certains aspects pouvant concerner les membres des caisses et, indirectement, leurs dirigeants. Ce mémoire a pour but surtout de vous sensibiliser sur le peu de latitude et de possibilités d'intervention des membres des caisses sur la gestion de leurs fédérations, confédération et filiales du mouvement Desjardins, de même que sur la conduite des dirigeants des dits organismes, spécialement en cas d'abus de pouvoir et de conflit d'intérêts. En effet, le principe coopératif de commencer par la base pour remonter au palier le plus élevé est difficile au niveau de sa caisse et inaccessible, à toutes fins utiles, lorsqu'il s'agit des fédérations et de la confédération, à moins d'avoir de solides appuis parmi les dirigeants de ces organismes. S'il y en a parmi vous qui êtes membres d'une caisse populaire, faites-en l'expérience vous-mêmes en essayant de demander au conseil d'administration de votre caisse d'avoir de l'information sur la gestion de votre fédération ou de la confédération, ou sur la conduite ou l'abus de pouvoir de dirigeants de ces organismes. Il y a de fortes chances que vous receviez des réponses évasives ou pas de réponse du tout à vos questions. Celles-ci se limiteront à votre caisse seulement, je dirais, dans la majorité des cas. C'est du moins la conclusion à laquelle j'en suis venu après avoir tenté l'expérience moi-même. C'est pourquoi, en conséquence, je préconise des mécanismes au niveau du comité de déontologie ou au niveau de l'inspecteur général afin que les membres des caisses aient enfin un interlocuteur valable qui saura les écouter, recevoir leurs suggestions et revendications, et même leurs plaintes si nécessaire, concernant l'administration des fédérations ou de la confédération et sur la conduite, abus de pouvoir et conflit d'intérêts de leurs dirigeants et cadres supérieurs, s'il y a lieu.

En outre, vous avez sans doute remarqué que ce mémoire fait allusion à certaines lacunes concernant la vérification, le comité de déontologie proposé, la divulgation des intérêts des dirigeants et le manque de transparence des conseils d'administration des caisses populaires. Par contre, des suggestions ont été faites dans ce mémoire pour pallier ces lacunes. J'aimerais, à ce stade-ci, donner une raison additionnelle justifiant la proposition que les salaires et autres avantages des officiers supérieurs et dirigeants des fédérations ou de la confédération soient publics et divulgués annuellement. En effet, comme les membres sont propriétaires de leur caisse et indirectement propriétaires de leur fédération et de la confédération, il serait normal qu'ils sachent exactement combien leur coûtent leurs officiers supérieurs et dirigeants en salaires et autres avantages. Ainsi, ils pourront être plus exigeants envers eux si ces derniers sont très bien rémunérés, au point même de leur demander des comptes à l'occasion.

Plusieurs se demandent, spécialement dans les caisses, pourquoi le gouvernement tient tant à mettre des contrôles dans la refonte de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Certaines caisses craignent de plus que cela ne nuise dans l'avenir à la promotion de bénévoles comme futurs dirigeants, ce avec quoi je ne suis pas d'accord pour les motifs suivants et sur lesquels je vais me faire plus explicite. Selon moi, des contrôles sont un mal nécessaire dans la nouvelle loi pour au moins trois bonnes raisons. 1° La demande d'augmentation de pouvoirs sur toute capitalisation devrait normalement justifier les obligations de la part du mouvement Desjardins, telles que rendre compte et accepter certains contrôles pour assurer une saine administration à ses membres. 2° J'y vois la nécessité de protéger les membres entre eux. Comme le système coopératif, contrairement au capitalisme, n'est pas contrôlé par du capital, mais par des hommes qui, indirectement, contrôlent beaucoup de capitaux, il est opportun d'assurer par certains mécanismes qu'une minorité ne fera pas du coopératisme dirigé et contrôlé, au lieu du coopératif démocratique, s'éloignant de la coopération, du bien commun et de l'intérêt des membres de promouvoir leur propre intérêt. 3° Le bénévolat dans la coopération et les caisses populaires. En effet, si les caisses populaires ont grandi et sont devenues ce qu'elles sont aujourd'hui, cela est dû en bonne partie au bénévolat des membres qui se sont impliqués comme dirigeants selon la formule coopérative d'Alphonse Desjardins et il serait dommage qu'il n'en soit plus ainsi dans l'avenir. Par contre, on rencontre heureusement de plus en plus dans les coopératives et caisses populaires deux types de bénévolat sur lesquels je veux élaborer tout en vous donnant leurs caractéristiques distinctes. J'identifie ces deux types de la façon suivante: le vrai coopérateur bénévole et le faux coopérateur bénévole. Première caractéristique du vrai coopérateur bénévole: il est du genre Alphonse Desjardins, désintéressé, oublieux de lui-même pour les autres, humain juste, charitable, compréhensif, intéressé aux autres et au bien commun, promoteur de l'équité et de l'égalité, honnête, humble et modeste Quant aux caractéristiques du faux coopérateur bénévole, il est - et c'est normal - à l'inverse du vrai coopérateur. Pour lui, le bénévolat n'est qu'un prétexte pour promouvoir ses propres intérêts d'abord et avant tout. Financièrement à l'aise, il a soif de pouvoir et de richesse. Il préconise le favoritisme, les honneurs et la

gloire, opportuniste souvent et individualiste, de même qu'intransigeant.

Ces trois raisons et spécialement la dernière justifient selon moi l'implantation de certains contrôles pour protéger l'ensemble des membres et décourager en particulier les faux coopérateurs bénévoles. En effet, ce ne sont pas les vrais bénévoles qui appréhendent et craignent ces contrôles, n'ayant, la plupart du temps, rien à cacher, mais plutôt ceux de l'autre genre qui, eux, ont le plus à perdre et qui ne sont pas intéressés à divulguer publiquement leurs nombreux intérêts.

De plus, contrairement à ce que pensent certaines caisses, ces contrôles vont permettre, à mon sens, une épuration et un assainissement des faux bénévoles, ce qui ne peut qu'être sain pour les caisses populaires, en plus de ramener un peu de démocratie dans la coopération, comme l'ont d'ailleurs mentionné le président et le gérant d'une caisse populaire que j'ai rencontrés dernièrement.

À mon avis, si les conseils d'administration des caisses populaires n'étaient composés que de vrais bénévoles, les contrôles préconisés par le gouvernement n'auraient pas leur raison d'être mais, aussi longtemps que les caisses auront des bénévoles du deuxième type, les contrôles seront nécessaires pour protéger l'ensemble des membres qui sont sujets, entre autres, à des conflits d'intérêts. Cela semble aller selon moi encore dans les vues du président du mouvement Desjardins, M. Claude Béland, qui mentionnait cet été, dans un article de la publication J'informe, de la Fédération du centre du Québec, que, pour augmenter la base militante, il fallait revitaliser la démocratie dans le mouvement et redonner le pouvoir à la majorité des membres. Serait-ce le signe d'un certain malaise qui existe présentement et qui confirmerait que, de plus en plus, au ieu de faire du coopératisme démocratique à la façon d'Alphonse Desjardins, nous nous dirigeons plutôt vers du coopératisme dirigé et contrôlé par une minorité qui n'a pas nécessairement comme objectif principal le bien de ses membres? (21 heures)

En outre, je trouve déplorable, en tant que coopérateur, que les caisses populaires soient devenues de plus en plus avec le temps, la concurrence et le développement technologique semblables aux banques à plusieurs égards, au point même de se faire appeler des quasi-banques. C'est bien malheureux d'en être arrivé à cette réalité et de s'éloigner ainsi de la coopération. Si c'est à cela que certains dirigeants veulent en venir, ceux-ci devraient le dire ouvertement aux membres et changer leur appellation, et non le faire sous le couvert de la coopération. Vous qui êtes députés, vous pouvez également en faire l'expérience auprès de vos concitoyens de vos comtés respectifs qui sont membres d'une caisse populaire et leur demander franchement s'ils voient ou constatent actuellement, aujourd'hui, une différence profonde entre une caisse populaire et une succursale bancaire. Neuf fois sur dix, la plupart des gens vous avoueront qu'ils ne voient plus aucune différence entre une banque et une caisse populaire, et ils n'ont pas tout à fait tort, malheureusement, dans le contexte actuel où nous vivons. Ne serait-il pas déplorable s'il fallait qu'à la fin le coopératisme soit dirigé et contrôlé par un système de favoritisme et de privilège, soit l'antithèse de la démocratie pure et simple? Sans vouloir être alarmiste, ce danger guette nos caisses populaires qui, de plus en plus, perdent des libertés ainsi que leurs membres au nom de la solidarité d'un réseau qui devrait supposément compenser la diminution de leur autonomie. Pourtant, c'est cette même autonomie, l'esprit de coopération et de partage, les ristournes qui différenciaient autrefois les caisses populaires des banques.

J'ose espérer, en tant que vrai coopérateur, qu'il n'est pas trop tard pour effectuer un coup de barre avant que Desjardins ait entaché la crédibilité et le dynamisme qui ont fait ce qu'il est devenu aujourd'hui. Plus que jamais il est temps pour le mouvement Desjardins de prendre les moyens nécessaires à la réalisation d'un retour au vrai coopératisme démocratique, tel que préconisé il y a plusieurs années par ses fondateurs au Québec, en particulier par Alphonse Desjardins qui a mis de l'avant et a toujours défendu durant toute sa vie les véritables valeurs de la coopération pour le bien commun.

Ce mémoire que je vous ai soumis découle de l'expérience acquise à temps plein et à temps partiel depuis plus de 25 ans dans le domaine de la coopération. Cette expérience m'a permis d'observer en particulier la façon d'opérer des caisses populaires, d'y découvrir des forces et des lacunes au niveau de leur évolution, leur gestion et leur développement, et en conséquence, dans les limites où vous m'avez permis de le faire, vous signaler des aspects qui requièrent votre attention.

Mesdames et messieurs les membres de la commission, j'ose espérer que vous avez pris connaissance de mon mémoire en toute objectivité et que vous allez donner suite aux recommandations qui ont été proposées lesquelles devraient se refléter dans la nouvelle loi afin de mieux protéger l'ensemble des membres et sauvegarder la démocratie dans les caisses populaires.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions concernant ce mémoire et je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Cardin. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: M. Cardin, mes premiers mots sont pour vous féliciter de venir témoigner publiquement parce que, normalement, à une commission parlementaire comme celle-ci, ce sont des groupes organisés qui viennent témoigner.

C'est normal, dans une certaine mesure, qu'on entende ce matin l'association des banquiers, la Chambre des notaires, l'association des directeurs de caisses. Mais qu'un individu prenne la peine d'écrire un document, l'envoie à l'Assemblée nationale et vienne témoigner publiquement, alors qu'il fait partie de ce mouvement - je sais que votre témoignage, vous le faites généreusement sans tenter de gagner quoi que ce soit pour vous, malgré le fait que certaines personnes pourraient vous en garder ombrage - je dis bravo. Des gens comme vous, en démocratie, on n'en a pas assez et j'ose espérer qu'il y en ait plus qui viennent témoigner de leur expérience. Bien sûr, les membres de la commission vous poseront des questions et tenteront de discerner votre part de vérité de la vérité totale. Il n'y a pas un individu qui a toute la vérité. Je voulais quand même souligner ce courage dont vous avez fait preuve de venir ici en commission parlementaire dire tout haut ce que vous pensez puisque, bien souvent, les gens préfèrent le dire aux voisins sans jamais le dire en public. Je crois que cela dénote de votre part une certaine dose de conviction.

Bien sûr, vous avez raison, et vous le dites, certaines réactions à notre avant-projet de loi ont été dans le sens de dire que le gouvernement allait trop loin, qu'il allait trop loin dans le contrôle des conflits d'intérêts. Je ne sais pas si vous avez entendu - et je ne le dis pas méchamment, c'est normal - certaines personnes dire que nous voulons limiter leur implication dans le mouvement. C'est normal que les gens cherchent à nous éclairer. Je ne voudrais pas imputer ici quelque motif que ce soit à quiconque, mais je crois, vous le dites vous-mêmes, que cette réaction de dire que le gouvernement va trop loin est normale, eu égard au fait que pendant de nombreuses années il n'y avait aucun contrôle. Si je regarde la loi de 1963, il n'y avait aucune disposition sur les conflits d'intérêts et, de fait, il y a eu un développement du mouvement Desjardins qui s'est fait. Je vois ici, à la page 4 de votre mémoire, que vous donnez un exemple, vous parlez d'un cadre supérieur de la Société d'investissement Desjardins ou d'un dirigeant de cette entreprise, nommé par sa fédération pour la représenter, qui détient personnellement ou son conjoint des actions de Culinar... Vous donnez un exemple et tout cela, dans le fond, pour indiquer qu'il se tisse des liens, des intérêts. C'est normal à l'intérieur d'un mouvement, mais penser qu'on vit au paradis et que personne n'a aucune préoccupation pécuniaire pour lui-même ou pour ses amis, je crois que cela serait sûrement pécher par incrédulité devant la réalité humaine. C'est pour cela que, bien sûr, cela me porte à vous poser la question suivante: On m'a dit que vous étiez ce qu'on a appelé la petite fédération de Montréal...

M. Cardin: Autrefois.

M. Fortier: Justement, il y a des amis que j'ai consultés qui étaient dans cette petite fédération de Montréal, qui était une très bonne petite fédération d'ailleurs, à ce moment-là, et j'imagine que ce que vous nous dites est le reflet de votre expérience vécue, mais, sans que vous nous donniez de cas bien précis - on n'est pas ici pour ternir la réputation de quiconque et ce n'est pas le motif non plus de ma question - ce que j'aimerais savoir de vous, et je pense que vous l'avez dit, c'est que, étant donné que vous semblez dire qu'en ce qui concerne la divulgation publique, en particulier des intérêts... La plupart des gens qui viennent témoigner semblent dire ceci: M. le ministre, vous allez beaucoup trop loin; arrêtez-vous, vous avez perdu les pédales. Est-ce que vous croyez sincèrement ce que vous dites dans la mesure où vous dites... Quand je lis votre mémoire, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'on ne va pas assez loin. Quelle est la part des choses?

M. Cardin: Quand cela demeure démocratique, j'en suis, mais, quand cela semble aller vers du dirigisme ou du contrôle, j'aime moins cela, je suis moins rassuré. Par contre, je pense que si les banques divulguent le salaire de leurs officiers supérieurs, qui ont maintenant des pouvoirs, ce que demandent les caisses, je ne vois pas pourquoi les caisses s'offusqueraient de ce que ces choses soient divulguées également cela va de soi.

M. Fortier: Autrement dit, si dans le rapport annuel de Bell Canada on peut lire que...

M. Cardin: Exact.

M. Fortier:... M. de Grandpré gagne environ 635 000 $ par année, on devrait pouvoir lire dans un rapport annuel de Desjardins que M. Untel président de telle fédération, gagne tant. Ces dans ce sens-là que vous dites...

M. Cardin: C'est cela.

M. Fortier:... divulgation de la rémunération des dirigeants du mouvement.

M. Cardin: C'est cela. Et de leurs intérêts.

M. Fortier: Mais cela ne constitue qu'un aspect, cela seraient les dirigeants les plus élevés.

M. Cardin: Je parlais des officiers supérieurs en montant.

M. Fortier: C'est parce que votre mémoire sera peut-être perçu par certains comme étant un peu négatif. Moi, je ne le prends pas comme étant négatif; c'est le témoignage d'un individu et c'est votre expérience à vous. Mais au sujet des directeurs généraux, dans quelle mesure les

membres influencent-ils réellement les choses dans les caisses, selon votre expérience? Parce que l'impression que j'ai, moi, c'est que les directeurs généraux ont maintenant beaucoup de pouvoirs.

M. Cardin: Parlez-vous des directeurs ou de ce qu'on appelle communément les gérants?

M. Fortier: Les gérants.

M. Cardin: Les gérants. Moi, je vais vous donner mon opinion et je pense qu'elle est valable. Il faut, à cette étape-ci, comprendre les gérants et se mettre dans leur peau. La plupart sinon la majorité ont des contrats limités à un an, et même le président d'une fédération a le même problème. Je pense que vous parlez dans votre avant-projet de mettre les contrats des gérants plutôt...

M. Fortier: Ils seront nommés annuellement.

M. Cardin: Au lieu d'être renouvelé annuellement, cela pourrait être illimité.

M. Fortier: Dans le projet de loi, c'est 'renommé chaque année".

M. Cardin: Mais chaque année, j'aimerais mieux...

M. Fortier: La demande des directeurs généraux, c'est illimité, oui.

M. Cardin: J'aimerais mieux illimité parce que je vais vous donner deux cas précis qui m'incitent à cela. C'est que, d'abord, dans le moment, à cause de cela, ils sont obligés de contrôler leurs membres ou une certaine partie de leurs membres, compte tenu du nombre qui va aux assemblées, parce que, s'ils ne le font pas, ils pourraient se faire battre et perdre leur position de gérant lors de l'assemblée annuelle d'une caisse. Cela les oblige à contrôler certains de leurs membres et à les avoir un peu de leur côté avec l'effet que ces gens-là ne sont pas souvent - cela revient à ce que je disais dans mon mémoire - de vrais bénévoles, de vrais coopérateurs bénévoles. Ils sont là pour protéger ce gérant-là. Par contre, ils peuvent devenir dirigeants et, par la suite même, dirigeants d'une fédération, alors que, s'ils avaient un contrat illimité, ils pourraient laisser plus de participation à leurs membres. Parce que le fait d'augmenter les pouvoirs, je trouve que c'est donner encore plus de pouvoirs à une minorité qui existe présentement, alors que les membres devraient avoir plus de participation. Comme le cumul des fonctions d'administrateur dans les institutions du mouvement, je ne trouve pas bon qu'il y en ait qui puissent en cumuler sept ou huit. Cela vient prouver qu'ils veulent contrôler. Si ce n'est pas ce qu'ils voulaient, ils laisseraient plus de membres devenir dirigeants de ces organismes-là. Alors, c'est le problème, je pense, que vivent les gérants. Il y a même eu une expérience où un gérant a été renouvelé, comme vous le dites. Voyez-vous le danger? Je suis content que vous le disiez. J'ai vu un gérant congédié après douze ans. Nécessairement, il l'a pris comme un congédiement sans raison suffisante et il est allé à la Commission des normes du travail pour se faire dire que c'était bien de valeur... Lui, il pensait que c'était plutôt un conflit de personnalité avec le président et il s'est fait dire que c'était regrettable. L'arbitre lui a dit: Je ne peux pas vous juger sur cela. Vous aviez un contrat, il est fini. La caisse, comme administrateur, n'était pas obligée de renouveler votre contrat et elle n'a pas de raison à vous donner. C'est aussi grave que cela. Alors, cela veut dire que c'est la fin de la carrière de cette personne-là.

M. Fortier: Mais c'est parce que, vous savez, dans le secteur privé... Moi, j'étais dans le secteur privé, dans ce qu'on appelle un grand bureau de génie-conseil, et il n'y avait personne qui avait de contrat. Je n'ai jamais connu cela, un contrat.

M. Cardin: C'est cela.

M. Fortier: Je parlais dernièrement à Michel Bélanger, de la Banque Nationale, et je lui disais: Est-ce que vos vice-présidents ont des contrats? Ils n'ont pas de contrat. Ce qui me surprend, c'est que je sais que, dans certains cas, certains gérants se sont fait donner des contrats de cinq ou de dix ans. Je trouve cela un peu anormal. Pour quelle raison les gens devraient-ils avoir la certitude absolue d'avoir un contrat pour un an, deux ans ou trois ans? Je dois vous avouer que je ne vois pas pour quelle raison dans le secteur privé on aurait une certaine façon de faire et que dans une caisse populaire les gérants, qui, comme vous le dites, peuvent avoir une influence assez importante vis-à-vis des coopérateurs, se feraient signer des contrats d'un an, deux ans ou trois ans. C'est pour cela que vous me surprenez en disant: un contrat de durée indéterminée. Ce que nous voulions ici, c'est-à-dire au moins chaque année que les coopérateurs décident si le gérant demeure en poste ou non et éviter que le gérant, par influence sur les coopérateurs, se fasse signer un contrat de dix ans, comme c'est déjà arrivé.

M. Cardin: Ma pensée, c'est que s'ils ont... Quand je parle de contrat illimité, je veux dire qu'ils n'ont pas de contrat. Ça revient à cela.

M. Fortier: Oui.

M. Cardin: Ils n'ont pas de contrat comme les employés des caisses n'ont pas de contrat, comme les employés des fédérations n'ont pas de

contrat. Mais seulement, si je reviens à l'exemple que je vous donnais tantôt dans le cas de notre gérant, s'il n'avait pas eu de contrat, il aurait au moins pu obtenir des dommages et intérêts pour son renvoi sans cause suffisante, ce qu'il n'a pas pu faire étant donné qu'il avait un contrat.

M. Fortier: Je vous remercie, M. Cardin. M. Cardin: Cela m'a fait plaisir.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre délégué aux Finances. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais demander à M. Cardin, à la page 4, quand il parle de son exemple d'un cadre supérieur de la Société d'investissement Desjardins et des actions de Culinar, c'est un exemple fictif? (21 h 15)

M. Cardin: Oui, oui. Il y en a, mais c'est un exemple comme tant d'autres. Cela ne veut pas dire que cela s'est fait, mais que cela pourrait se faire.

M. Garon: Oui, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'actions de Culinar sur le marché. À toutes fins utiles, il n'y en a pas.

M. Fortier: Quelques-unes, 10 %.

M. Cardin: Mais vous en avez d'autres comme SICO qui étaient détenues par la Société d'Investissement Desjardins, qui étaient sur le marché, qui faisaient partie du programme REA. Non, c'est un exemple fictif, M. Garon.

M. Garon: Dans le fond, vous seriez pour que la situation demeure comme elle est pour les gérants de caisse populaire?

M. Cardin: Bien, moi, je favoriserais qu'eux n'aient pas de contrôle, comme n'importe quel autre employé, mais, comme le disait M. Fortier, que cela se renouvelle tacitement chaque année.

M. Garon: Ce n'est pas ce que M. Fortier dit, lui.

M. Cardin: Non, non.

M. Garon: Lui, dans son projet de loi, il veut que ce soit un engagement formel chaque année.

M. Cardin: Moi, je préférerais...

M. Garon: Actuellement, c'est un contrat à durée Indéterminée.

M. Cardin: II y a encore le danger, pour des conflits de personnalité, qu'un gérant soit démis de ses fonctions et n'ait aucun recours.

M. Garon: Deuxièmement, vous avez parlé tout à l'heure de votre expérience à la petite fédération de Montréal. J'ai eu le sentiment que vous disiez qu'avant vous étiez là, mais que maintenant...

M. Cardin: Non, moi, c'est une expérience générale dans la coopération parce que j'ai travaillé aussi comme bénévole et à temps partiel dans des caisses populaires qui relevaient de l'autre fédération.

M. Garon: Puis?

M. Cardin: Alors, c'est une expérience générale dans... Il y avait des mécanismes qui pouvaient être différents, mais dans l'ensemble c'était la même philosophie.

M. Garon: Quand vous dites que les femmes n'occupent pas assez de place dans les caisses populaires, vous...

M. Cardin: Je vais vous donner un exemple. Dans une caisse où on a fait une espèce de "survey", on a découvert que 70 % des membres étaient des femmes et qu'aucune femme n'était représentée au conseil d'administration. Alors, quand je parle de transparence, moi, je trouve que le mode d'élection devrait changer pour qu'un certain nombre de femmes membres selon leur proportion soient élues démocratiquement et qu'il y ait, par exemple, sur sept ou huit administrateurs, trois postes réservés aux femmes; pas nécessairement aux femmes, peut-être aux jeunes de 20 ans et plus. Si ceux-ci représentent, je ne sais pas, 60 % ou 70 % des membres d'une caisse, ils devraient avoir la même possibilité. C'est dans ce sens-là.

M. Garon: Vous voudriez, au fond, que la loi empêche les 70 % de femmes d'élire des hommes?

M. Cardin: C'est un peu cela. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Comme voudriez-vous concrètement que cela s'exprime dans la loi?

M. Cardin: Bien, c'est en réservant selon... Je reprends ici: "il semble exister une certaine discrimination envers les femmes, compte tenu de leur fort pourcentage dans les caisses populaires". C'est de donner une chance aux femmes. Voyez-vous, s'il y avait plus de femmes... J'y vais par déduction. S'il y avait plus de femmes dans les caisses populaires, II y aurait peut être plus de femmes dans les conseils de fédérations et de la confédération. Il faut que vous soyez d'abord dirigeant d'une caisse pour devenir

dirigeant d'une fédération ou d'une confédération. Et aussi longtemps qu'il n'y en a pas, elles ne peuvent pas l'être. C'est une question d'équité et de participation. Je ne sais pas ce que les membres en pensent mais, moi, c'est mon opinion.

M. Garon: Moi, je suis assez d'accord avec cela. Je ne sais pas sur le moyen, étant le père de...

M. Cardin: Vous n'êtes pas misogyne.

M. Garon: Non, j'ai seulement des filles. Je n'ai pas de garçon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Je suis en minorité chez nous.

M. Fortier: II ne s'entend pas avec les hommes.

M. Garon: Je suis en train de devenir un défenseur des femmes par la force des choses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Pas par idéologie.

M. Cardin: Je pense, M. Garon, que c'est une réalité qu'on est obligé d'accepter de plus en plus, parce qu'il y a de plus en plus de femmes qui sont professionnelles, je pense, et qui veulent s'impliquer. Il faut leur donner la chance, je crois, même si cela est à notre détriment, je le conçois.

M. Garon: Pardon? Je suis très convaincu de cela et je peux vous dire une chose. Dans l'organisation politique, je sais qu'il y a des femmes bien plus efficaces...

M. Cardin: Vous en avez fait l'expérience. Alors, il faut tenter l'expérience. Il faudrait avoir la possibilité de tenter l'expérience pour voir si elle est bonne ou mauvaise.

M. Garon: Pourquoi vous qui avez été dans plusieurs caisses populaires...

M. Cardin: Pardon?

M. Garon: Vous avez été actif dans plusieurs caisses populaires. À quoi attribuez-vous le fait que les assemblées générales n'élisent pas davantage de femmes aux conseils d'administration et dans les différentes structures des caisses populaires?

M. Cardin: Soit qu'on ne les approche pas ou qu'elles ne se représentent parce qu'elles n'ont pas été convaincues. Je ne pourrais pas vous dire exactement les vraies raisons, mais on sent que les femmes veulent de plus en plus s'impliquer dans leur caisse populaire.

M. Garon: Vous savez qu'historiquement au Québec les femmes ont été de grandes administratrices. C'était dans les hôpitaux, les écoles, les communautés religieuses. Elles ont administré des institutions considérables. Mais c'est vrai que, quand on arrive dans ce genre d'institution, on dirait qu'il y en a moins qui sont élues. Je ne sais pas pourquoi.

M. Cardin: On ne sait pas pourquoi, et justement ce que vous dites, on le voit même dans les budgets familiaux. Qui administre le budget? Bien souvent, c'est la femme.

M. Garon: À 75 %. Je me rappelle l'enquête de l'Université Laval en 1962.

M. Cardin: Ce n'est pas l'homme, c'est la femme qui administre. C'est souvent la femme qui va dire à son mari: On n'a pas les moyens d'acheter telle affaire, sans cela on va être obligé d'emprunter à la caisse et on ne sera peut-être pas capable de le rembourser.

M. Fortier: C'est pour cela que les hommes ne les élisent pas à la caisse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cardin: Je n'ai pas osé. Ce n'est pas moi qui le dis.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a d'autres... M. le député.

M. Garon: Vous demandez au sujet de la vérification: La vérification des livres par des membres du groupe Desjardins a-t-elle, par le passé, causé des préjudices aux membres et à l'intérêt public en général. Quand vous parlez de prendre des officiers publics...

M. Cardin: Je parle des comptables agréés. M. Garon: Oui, les comptables agréés. M. Cardin: Qui n'ont aucun intérêt. M. Garon:...

M. Cardin: II ne faudrait pas... Ils peuvent être membres d'une caisse, mais pas membres d'un conseil.

M. Garon: Oui.

M. Cardin: Ils pourraient avoir certaines directives. En d'autres mots, je vois mal les employés qui se trouvent à vérifier leurs patrons - je parle des employés de la confédération - ce qui ne peut que les mettre dans une

position délicate, embarrassante et même intenable dans le cas d'abus de pouvoir, conflit d'intérêts et fraude. C'est leurs jobs qui sont en jeu à ce moment-là. Je ne sais pas si vous réalisez?

M. Garon: Les jobs de qui?

M. Cardin: Cela pourrait être leurs jobs qui soient en jeu.

M. Garon: Les jobs de qui?

M. Cardin: Des employés de la confédération qui vérifient.

M. Garon: En quoi leurs jobs seraient-elles en jeu quand ils font leur travail de vérification?

M. Cardin: S'ils vérifiaient et constataient des abus de pouvoir ou des anomalies, à ce moment-là, ils seraient un peu mal placés pour divulguer cela, à l'inverse d'un comptable public qui, lui, est objectif. Il n'est pas en conflit d'intérêts, il ne travaille pas pour la confédération ou pour une fédération.

M. Garon: Vous ne pensez pas que l'inspecteur de la fédération ou de la confédération a intérêt à faire corriger, justement, les lacunes qu'il peut observer au cours de son inspection?

M. Cardin: Oui, mais il est toujours un employé de ses patrons, les mêmes patrons qu'il vérifie.

M. Garon: Mais pas de la caisse locale, il est employé à un niveau supérieur.

M. Cardin: Non, quand c'est au niveau, par exemple, d'une confédération ou qu'il vérifie une fédération. N'oubliez pas que les caisses sont propriétaires des fédérations et, indirectement, des confédérations. Ce sont quand même les mêmes propriétaires.

M. Garon: Voulez-vous dire par là que l'ensemble des caisses pourraient faire congédier un inspecteur qui aurait voulu faire corriger la situation dans deux, trois, quatre ou cinq caisses locales qu'il aurait trouvées non conformes à ce qui devrait être fait sur le plan de la comptabilité? J'ai l'impression que l'ensemble du mouvement serait heureux que cet inspecteur fasse corriger la situation.

M. Cardin: C'est toujours le principe qu'ils se vérifient entre eux. Ce sont les mêmes qui se vérifient entre eux et non par quelqu'un de l'extérieur.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation.

M. Fortier: J'aimerais revenir, M. Cardin, à votre recommandation sur la composition des comités de déontologie. Je dois admettre que là vous allez beaucoup plus loin que nous. Je ne suis pas certain que je voudrais aller dans cette direction. Vous dites, dans le fond, que la composition du comité de déontologie d'une fédération devrait plutôt être confiée à un organisme neutre du gouvernement, comme l'Office des professions ou une corporation professionnelle. Je ne sais pas si vous avez entendu la discussion qu'on a eue cet après-midi quand on discutait avec les directeurs généraux.

M. Cardin: Non.

M. Fortier: On se disait: Les comités de surveillance, dans la nouvelle loi, deviennent des comités de déontologie et on veut s'assurer, en spécifiant qui a le droit de faire partie des comités de crédit ou des comités de déontologie, d'une certaine objectivité pour ne pas que ce soit les mêmes personnes qui se jugent elles-mêmes.

M. Cardin: C'est dans ce but-là.

M. Fortier: Ici, vous semblez dire: Ne faites pas ça. Allez même chercher des gens de l'extérieur. Là, je trouve que vous allez pas mal loin.

M. Cardin: Quand je parle de l'extérieur, je ne parle pas complètement de l'extérieur, mais parmi les 2 000 000 de membres.

M. Fortier: Ah!

M. Cardin: Je crois que c'est bien dit.

M. Fortier: Ah oui! Oui.

M. Cardin: Voyez-vous, je dis de laisser cela à un organisme neutre du gouvernement, par exemple, à l'Office des professions qui nommerait pour un mandat de trois ou cinq ans, après acceptation mutuelle du gouvernement et des organismes coopératifs concernés, des personnes à même les 2 000 000 de membres. Ceux-ci ne seraient pas rémunérés afin d'être indépendants et objectifs dans leurs fonctions et ils n'auraienl droit qu'au remboursement de leurs frais.

Maintenant, je me suis rendu compte par après qu'il y a peut-être une objection qu'on ne m'a peut-être pas soulignée, mais je crois, et vous me corrigerez si je me trompe, qu'ur comité ne peut être formé que parmi les dirigeants des conseils d'administration. Est-ce que je suis correct?

M. Fortier: Pardon?

M. Cardin: Un comité ne peut être formé

que des dirigeants des conseils d'administration. Quand on parle d'un comité de déontologie.

M. Fortier: Des membres du conseil... Est-ce exact, M. Bouchard? Ce sont les membres du conseil d'administration qui...

M. Cardin: Alors, à ce moment-là, pour pallier à un comité, je prônerais... Et je pense que M. Béland a, du moins, la même philosophie, pas nécessairement pour ça, mais il veut de plus en plus se servir de commissions; cela pourrait être des commissions permanentes de déontologie. Ces personnes peuvent être prises à l'extérieur des dirigeants, mais elles demeureraient des membres de caisses qui peuvent être objectifs n'ayant aucun intérêt comme dirigeants.

M. Fortier: M. Cardin, en terminant pour moi, parce que je pense qu'on a fait le tour du dossier, n'êtes-vous pas un peu négatif, si on veut jouer... La présentation que vous faites du mouvement est un peu négative dans une certaine mesure. Est-ce que cela reflète... Comme de raison, vous êtes là à titre individuel, donc vous vous représentez vous-même à titre individuel, courageusement, ha, ha, ha!

M. Cardin: C'est un son de cloche d'un membre qui, comme vous disiez, vous dit ouvertement ce que beaucoup pensent tout bas. Je dis bien dans mon mémoire: Ce mémoire se veut objectif et non critique du mouvement Desjardins, mais, par contre, soucieux de corriger certaines lacunes quant à la vérification, etc. Comme je le disais d'ailleurs au début, je ne suis pas contre les nouveaux pouvoirs, au contraire, si cela peut aider à promouvoir les caisses populaires. Mais, une chose, si vous vous souvenez, la loi actuelle remonte à 1963 et, 25 ans plus tard, on se retrouve en 1988 et les caisses ont beaucoup évolué et leurs membres aussi. Je pense qu'il y a plusieurs milliards, alors qu'on parlait peut-être de seulement quelques millions en 1963, qui doivent être bien gérés et c'est la raison pour laquelle il faut certains contrôles, même si certaines personnes ou certaines caisses ne sont pas d'accord. C'est mon point de vue et il semble être partagé par d'autres. C'est à vous de décider si c'est une bonne chose ou non.

La raison pour laquelle je suis ici, c'est que je me dis que c'est une occasion. On modifie la loi sur les caisses à tous les 25 ans et on ne sera probablement pas là la prochaine fois quand on la révisera à nouveau, mais c'est une occasion parce que ce n'est pas par après que ce sera fait, et à ce moment-là, les gens pourraient dire: Pourquoi ne nous l'avez-vous pas dit? Là, au moins, cela a été dit. S'il n'y a rien de fait et s'il arrive des choses, surtout dans le décloisonnement, vous savez comme moi que ce sont les membres qui paieront pour la mauvaise gestion parce que l'argent appartient aux membres.

M. Fortier: Vous avez raison. J'indiquais cet après-midi, et je pense que vous n'étiez pas ici, que j'ai relu la discussion qui a eu lieu à l'Assemblée nationale en 1963; il n'y avait pas eu de commission parlementaire comme celle-ci, mais plusieurs sujets présentement étudiés, entre autres comme celui portant sur la question des conflits d'intérêts, n'avaient pas eu d'écho à ce moment-là parce que la dimension du mouvement, le décloisonnement n'avait probablement pas encore joué. On se rend bien compte maintenant que, dans la mesure où on favorise le décloisonnement, il faut avoir des règles un peu plus strictes. Je suis favorable au décloisonnement, je ne m'en cache pas, mais j'ai toujours indiqué que, étant favorable au décloisonnement, if fallait quant même entourer ce décloisonnement de règles beaucoup plus précises. (21 h 30)

En tout cas, je vais vous remercier de votre témoignage. D'ailleurs, comme vous le dites, je prends votre témoignage comme venant d'une personne qui a oeuvré au sein du milieu coopératif et qui veut du bien au mouvement coopératif. J'ose espérer qu'on ne vous en tiendra pas trop rigueur. Si jamais on vous faisait du mal, venez me voir.

M. Cardin: Je n'y manquerai pas, mais je ne croirais pas. Si cela arrivait, M. Fortier, ce serait un signe qu'il n'y a pas de démocratie dans les caisses populaires.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M.

Cardin. Merci, M. le ministre délégué aux

Finances et à la Privatisation. M. le député de Lévis.

M. Garon: Travaillez-vous pour...

Le Président (M. Lemieux): En conclusion.

M. Garon: Non, on n'est pas en conclusion...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse.

M. Garon: Ce n'est pas parce que le ministre a conclu que je...

Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est vrai, M. le député de Lévis, vous avez vos dix minutes.

M. Garon: Est-ce que vous travaillez pour le mouvement Desjardins?

M. Cardin: Oui, comme je vous le disais, depuis 25 ans. J'ai travaillé dans des caisses populaires comme bénévole, alors qu'elles se fondaient; on travaillait trois soirs par semaine à des salaires de 15 $ par mois. C'était réellement du bénévolat, si ce n'est pas être missionnaire. Aujourd'hui, on est content de voir que le bénévolat a pu aider à promouvoir le mouvement.

J'ai travaillé, comme M. Fortier le mentionnait, dans la petite fédération de Montréal. Je travaille, actuellement, comme employé d'une fédération. Comme je le disais tantôt - je voudrais que ce soit très clair - je ne suis pas ici en tant qu'ex-employé de caisse ou d'une fédération, mais en tant que membre, uniquement.

M. Garon: Dans le projet de loi, il y a des restrictions concernant les employés des caisses pour occuper des fonctions administratives aux commissions de crédit, aux conseils de surveillance, aux postes de président et de vice-président dans les fédérations. Qu'est-ce que vous en pensez? Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi; vous n'étiez pas ici, cet après-midi.

M. Cardin: Non, je n'étais pas ici, je suis arrivé ce soir.

M. Garon: Les directeurs de caisse populaire nous disaient que, si l'avant-projet de loi - parce qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi - était adopté de cette façon, cela ferait en sorte qu'à plusieurs conseils d'administration ou à des commissions de crédit ou des conseils de surveillance seraient éliminés des gérants de caisse qui apportent leurs connaissances. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Cardin: C'est vrai dans un sens, parce qu'il faut bien admettre que les directeurs de caisse, directeur généraux ou gérants, sont les gens qui sont, comme on le dit, en guerre, sur le front, "in the front". Ils connaissent pas mal toutes les situations. Par contre, il pourrait y avoir aussi un danger de conflit d'intérêts. Je peux vous donner un exemple que j'ai vécu à la petite fédération. À un moment donné, je m'occupais de placements. On devait mettre des normes de placement pour les caisses, ce qui devait maintenir... C'était en obligations du Canada. Il y avait deux personnes qui étaient administrateurs et qui étaient au comité de placements; elles aidaient à fixer ces normes. Elles se disaient: Toi, qu'est-ce que cela va faire chez vous si on fait cela? L'autre disait: Si on fait cela chez nous, cela va être telle affaire. J'ai dit: Je ne comprends pas. Vous dites que vous n'êtes pas en conflit d'intérêts pour fixer des normes pour l'ensemble des autres caisses qui font partie de cette fédération. Alors, pour elles, elles ne voyaient pas, mais je trouvais qu'elles étaient en conflit d'intérêts. Elles regardaient ce que cela ferait à leur caisse, pour elles-mêmes, alors...

M. Garon: Comment, pour "elles-mêmes"?

M. Cardin: Pour elles-mêmes, pour leur propre caisse. Si elles mettaient tel contrôle, elles ne répondraient pas aux normes. Alors, elles ont dit: Pour qu'on réponde aux normes, il faudrait mettre telle ou telle chose qu'on aurait le droit d'avoir dans notre portefeuille. Voyez-vous? Alors, cela ne devient pas quelque chose qui est une norme pour tout le monde, cela devient une norme spécifique pour une caisse et pour une autre; les autres vont être obligées d'oeuvrer avec cela. Je donne un exemple.

M. Garon: Ce n'étaient pas des conflits d'intérêts personnels...

M. Cardin: Cela peut être un danger de conflit, c'est-à-dire qu'ils prennent l'intérêt de leur caisse au lieu de prendre l'intérêt de toutes les caisses. Ils prennent l'intérêt de leur caisse d'abord, à ce moment-là, alors qu'ils sont là comme administrateurs d'une fédération pour prendre l'intérêt de l'ensemble des caisses.

M. Garon: Mais ce n'étaient pas des conflits d'intérêts personnels.

M. Cardin: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.

M. Garon: Non, non, vous vouliez dire que le gérant d'une caisse...

M. Cardin: Je donnais seulement un exemple...

M. Garon:... défendait sa caisse.

M. Cardin: Je vous donnais seulement un exemple que parfois cela devient difficile de prendre une certaine décision objective étant donné qu'ils sont directement ou indirectement impliqués. Ce n'est pas facile de dire: À cause de cela, est-ce qu'on doit les garder ou ne pas le leur permettre? Ils pourraient faire partie d'ur comité ad hoc qui pourrait, je dirais, renseigner sur certaines situations les dirigeants qui, eux, ne seraient pas des directeurs. Ce serait peut-être une solution. Maintenant, est-ce qu'ils seraient d'accord? C'est un autre point de vue.

M. Garon: Quand vous parlez de pouvoirs additionnels à l'Inspecteur général des institutions financières, dans votre esprit est-ce qu'il s'agit d'un système qui est différent de celui des banques ou si c'est un système qui est plus sévère que celui des banques?

M. Cardin: Non. La lacune que je déplore des caisses populaires ou de la formule coopérative, si vous voulez, c'est qu'on part de la base pour aller en haut. Alors, si vous avez des informations et que vous voulez avoir, comme je le disais dans mon mémoire, des réponses à des questions concernant les fédérations qui sont à un stade plus haut, bien souvent vous n'arrivez pas à avoir ces réponses-là. Si vous aviez un interlocuteur qui pourrait être l'inspecteur général, si vous n'avez pas vos réponses par votre caisse, parce qu'il faut qu'ils les demandent à

leur fédération ou à la confédération, vous pourriez l'avoir par l'intermédiaire de l'inspecteur général qui, lui, irait chercher les réponses à vos questions.

M. Garon: J'en ai perdu un bout parce que cela parlait trop à ma droite. Je ne sais pas si vous pourriez...

M. Cardin: Je veux dire que l'inspecteur général pourrait servir, comme je le disais, un peu d'ombudsman dans le sens qu'il serait là pour répondre aux questions si le membre n'a pas pu avoir les réponses de sa caisse, pas nécessairement uniquement concernant sa caisse, mais concernant sa fédération ou sa confédération.

M. Garon: Quel genre de questions? M. Cardin: À cause des intermédiaires. M. Garon: Quel genre de questions?

M. Cardin: Des questions sur la gestion de leur fédération ou de la confédération ou sur des possibilités d'abus de pouvoir ou de conduite de la part des dirigeants de ces organismes-là. Comme je vous le disais tantôt, les membres sont propriétaires de leur caisse et, indirectement, ils sont propriétaires de leur fédération et, indirectement, ils sont propriétaires de leur confédération. Alors, ils devraient avoir le droit de demander des comptes, si mon processus est logique.

M. Garon: Est-ce que ces questions-là étaient posées aux assemblées générales des caisses où vous êtes allé?

M. Cardin: Oui, et je vais vous dire que je suis allé dans une et j'ai été abasourdi - c'est une réflexion personnelle. Le président, qui est un gérant, je ne le nommerai pas, d'une commission de surveillance, s'est levé lors d'une question pour dire: Ce que dit notre président et ce que fait notre président, on n'a pas besoin de le vérifier. Soit que ce bonhomme-là donnait cette raison-là comme politique pour être sur le bon côté étant donné qu'il était gérant, je ne sais pas, mais il reste qu'à mon sens il n'était pas à la bonne place comme président du comité de surveillance. Si j'avais été président, j'aurais voulu être vérifié et contrôlé. Pourquoi pas? Tout le monde devrait l'être. Ce n'est pas parce que l'un est président qu'il ne doit pas l'être plus que l'autre, à mon sens.

M. Garon: Est-ce qu'il a été réélu par l'assemblée générale comme président du comité de surveillance?

M. Cardin: Non, cela a été sa dernière année.

M. Garon: Les gens ont compris que, s'il ne surveillait pas, ils étaient mieux de ne pas le réélire.

M. Cardin: Peut-être. Mais il ne s'est peut-être pas représenté non plus. Cela faisait un certain temps qu'il était là. Je vous donne un exemple. C'est un cas. Cela ne veut pas dire que tout le monde serait comme ça. C'est un danger. C'est toujours une possibilité. On a affaire à des personnes. Je vous le disais tantôt. C'est bien important ce que j'ai mentionné tantôt, à savoir que, dans les caisses populaires ou les coopératives, c'est un contrôle d'hommes par des hommes et non un contrôle de capital. C'est cela l'important. C'est la philosophie d'une coopérative, je pense. C'est voulu comme ça. Tant que cela est fait démocratiquement, je ne pense pas qu'il y a des problèmes. Comme M. Fortier le mentionnait, en 1963, il y avait peut-être plus de vrais bénévoles coopérateurs qu'aujourd'hui.

M. Fortier: Je n'ai pas dit cela.

M. Cardin: Non, mais vous vouliez dire qu'il n'y avait pas nécessité de plus de contrôle à ce moment-là. S'il n'y avait pas nécessité de contrôle, c'est peut-être qu'on avait seulement des vrais coopérateurs bénévoles et, en plus, ce n'était pas aussi gros; cela n'en demandait peut-être pas autant qu'aujourd'hui.

M. Fortier: Ce que j'ai dit, c'est qu'à l'Assemblée nationale, en 1963, on n'avait même pas abordé ce problème, probablement parce que ce n'était pas nécessaire de l'aborder. Mais, maintenant, cela a pris une autre dimension et je pense que, si on en discute, c'est probablement parce qu'il faut faire quelque chose.

M. Cardin: Avec raison.

Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute...

M. Garon: Avez-vous d'autres choses à rajouter?

Le Président (M. Lemieux):... M. le député de Lévis.

M. Cardin: Pardon?

M. Garon: Voulez-vous rajouter d'autres choses?

M. Cardin: Non, c'est tout. Moi, ce que je souhaite, c'est une plus grande participation des membres dans l'administration de leur caisse et de leur fédération.

M. Garon: Ah!

M. Cardin: À ce moment-là, il y aurait

moins de possibilité qu'une minorité contrôle et dirige les institutions.

M. Garon: J'ai bien l'impression que c'est le voeu général qu'il y ait plus de membres qui assistent aux assemblées générales, un peu comme je suis persuadé que le pape aimerait mieux que les catholiques aillent plus souvent à la messe.

M. Cardin: C'est cela.

M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez, c'est bien difficile de forcer quelqu'un à aller à l'assemblée générale. Dans les partis politiques également, quand on fait l'assemblée générale, on aimerait bien des fois avoir plus de monde mais on en a moins.

M. Cardin: Mais il y aurait peut-être des moyens pour les inciter à participer davantage, vous le savez.

M. Garon: Pardon?

M. Cardin: II pourrait y avoir des moyens pour que les membres participent plus.

M. Garon: Quels moyens voyez-vous?

M. Cardin: Je ne sais pas, pour les intéresser plus à la coopération. Bien souvent, ce sont peut-être des gens qui ne connaissent pas la coopération et qui ne veulent pas s'impliquer plus qu'il ne le faut, vous le savez. Alors, ils n'ont pas le feu sacré, comme on dit. Je pense que M. Béland aimerait qu'il y ait plus de participation. Je pense que c'est un voeu qu'il a déjà formulé et moi je suis d'accord avec cela.

M. Garon: Avez-vous senti, comme vous le mentionniez en parlant de M. Béland, qu'actuellement il y a une recherche pour avoir plus de coopération ou plus d'esprit coopératif dans le mouvement coopératif?

M. Cardin: Oui, je le pense, moi. Parce qu'il est un homme - il l'a dit quand il a été nommé - qui a toujours vécu de la coopération; il en a même mangé quand il était plus jeune, son père étant président d'une caisse tout en étant un homme d'affaires. Il en a mangé de la coopération. Alors, il a vécu avec cela; c'est pourquoi on n'a pas besoin de le convaincre.

M. Garon: Non, je ne veux pas dire... Mais, sur le plan...

M. Cardin: Mais il a eu l'idée qu'il devrait...

M. Garon: Vous, étant à l'intérieur du mouvement actuellement...

M. Cardin: Oui.

M. Garon:... sentez-vous qu'il y a une recherche pour stimuler l'esprit coopératif et de quelle façon cela se fait-il, d'après vous?

M. Cardin: Je ne le pense pas; moi, je ne vois pas plus d'effort que cela. On se demande si cela n'est pas voulu tel que c'est. Les efforts qu'on fait pour la participation, moi, je ne les sens pas, en tout cas. C'est la question que vous me posez?

Le Président (M. Lemieux): Votre temps de parole est terminé, M. le député de Lévis. M. le ministre, avez-vous des questions?

M. Fortier: Juste une question sur la participation. Je suis d'accord avec le député de Lévis pour qu'on organise des assemblées politiques. Je vais être bien franc. D'ailleurs, cela me désole toujours de voir que les curés se désolenl du fait qu'il n'y a pas plus de monde qui va à la messe. Quant à nous, dans le comté d'Outremont quand nous avons 150 personnes sur 1100 membres à l'assemblée annuelle, nous sommes bien heureux. Je ne sais pas si mes collègues ont une meilleure performance. Mais, lors des réunions annuelles d'une caisse populaire, pourriez-vous me donner des chiffres sur le nombre de membres? Si on prend une caisse populaire, combier y en a-t-il qui se présentent?

La question que j'aimerais poser est la suivante: Si on exclut ceux qui sont salariés parmi les membres, combien y a-t-il de membres qui sont vraiment des membres non salariés qui assistent à la réunion annuelle?

M. Cardin: Même là, cela varie, mais la proportion est très faible. Elle est toujours faible mais plus forte, par exemple, s'il s'agit d'une caisse... Par exemple, si vous avez une caisse de 12 000 membres, vous allez avoir 700 membres mais c'est très faible, par rapport à l'autre de 5000 membres qui en a 50. Cela se vaut, à ce moment-là. Mais la proportion n'est malheureusement pas forte. Moi, j'ai remarqué une chose J'ai remarqué que quand cela va bien...

M. Fortier: Donnez donc des chiffres. M. Garon: Vous avez parlé de 600 ou 700.

M. Cardin: Non, il peut y avoir 600 ou 700 membres. J'ai vu cela dans une caisse de 12 000 ou 13 000 membres.

M. Fortier: Et combien y avait-il de gens qui allaient à l'assemblée annuelle?

M. Cardin: Peut-être parce qu'ils donnaient un téléviseur à la fin, cela on en a déjà parlé. Par contre, j'ai vu d'autres assemblées ou entendu parler d'autres assemblées où il y avait beaucoup plus de membres. Mais c'est parce qu'il y avait eu un problème, cela allait mal. Tant que

cela va bien, les gens s'impliquent moins, mais, quand cela va mal, les gens s'impliquent plus, parce qu'ils sont peut-être plus informés. Les membres se le disent entre eux. C'est peut-être une conséquence.

M. Fortier: Je vous remercie. M. Cardin: Très bien. M. Fortier: Vous êtes bien aimable. M. Cardin: Cela me fait plaisir.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions pour votre participation à cette consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 44)

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