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(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration entreprend, ce matin, la consultation générale
sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc
(Tachereau) remplace M. Fortin (Mar-guerite-Bourgeoys) et M. Poulin (Chauveau)
remplace M. Gobé (Lafontaine).
Organisation des travaux
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.
L'ordre du jour, tel qu'établi après entente entre les groupes
parlementaires, se lit comme suit: à 10 heures, nous aurons les discours
d'ouverture; à 11 heures, nous entendrons l'Association des banquiers
canadiens pour suspendre à 12 heures; à 14 heures, nous
entendrons le Service d'aide au consommateur; à 15 heures, la
Fédération des travailleurs et travaillieuses du Québec;
à 16 heures, l'Association des directeurs de caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec; à 17 heures, la Chambre
des notaires du Québec et il y aura suspension à 18 heures. Nous
reprendrons nos travaux à 20 heures pour entendre la Coopérative
de crédit du service civil limitée et, pour terminer, à 21
heures, nous entendons M. André Cardin. Est-ce que l'ordre du jour est
adopté?
M. Fortier: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: J'aimerais que le secrétaire nomme les
députés qui vont faire partie de la commission pour la
séance d'aujourd'hui.
Le Président (M. Lemieux): M. le secrétaire. C'est
au sujet des remplacements. Ce sont les membres permanents de la commission, M.
le député de Lévis, sauf que je pense qu'il y a des
remplacements, tels que le secrétaire les a
énumérés il y a quelques instants.
Le Secrétaire: Alors, les membres permanents de la
commission sont: M. Bélisle, (Mille-Îles), Mme Blackburn
(Chicoutimi), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Després (Limoilou), M. Dufour
(Jonquière), M. Forget (Prévost), M. Garon (Lévis), M.
Gendron (Abitibi-Ouest), M. Lemieux (Vanier), M. Parent (Bertrand) et M.
Fortier (Outremont). Comme je l'ai dit auparavant, il y a deux remplacements M.
Leclerc
(Taschereau) et M. Poulin (Chauveau).
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.
Est-ce que l'ordre du jour est adopté, M. le député de
Lévis?
M. Garon: Adopté.
Le Président (M. Lemieux): L'ordre du jour étant
adopté, permettez-moi de vous rappeler les règles de l'audition
telles que convenues entre les groupes parlementaires. Les déclarations
d'ouverture dureront 60 minutes, 30 minutes pour le ministre et 30 minutes pour
le porte-parole de l'Opposition. La durée totale de l'audition de chaque
organisme entendu aujourd'hui sera d'une heure, soit 20 minutes pour
l'exposé du mémoire et 40 minutes pour les échanges
d'idées avec les parlementaires, dont 20 minutes pour le groupe
parlementaire formant le gouvernement et 20 minutes pour l'Opposition. Le temps
de parole des députés sera de 10 minutes en respectant les
règles de l'alternance dans les interventions et ce, conformément
à l'article 169 de nos règles de procédure.
Alors, comme l'entente entre les groupes parlementaires est un temps de
30 minutes pour chaque groupe ayant à faire une déclaration
d'ouverture, je vous inviterais, M. le ministre, et, par la suite, le
porte-parole de l'Opposition à faire immédiatement votre
déclaration d'ouverture. M. le ministre délégué aux
Finances.
Déclarations d'ouverture M. Pierre-C.
Fortier
M. Fortier: Merci, M. le Président. L'avant-projet de loi
sur les caisses d'épargne et de crédit, sur lequel nous allons
nous pencher ensemble au cours des prochains jours, représente une
étape majeure dans la réforme des institutions financières
québécoises et devrait permettre au mouvement Desjardins de
revêtir très bientôt un nouvel habit législatif
souple et adapté au Québec d'aujourd'hui et de demain.
Cet avant-projet se veut conforme aux objectifs, aux principes
directeurs et au plan d'action que j'ai rendus publics en octobre 1987, il y a
près d'un an, dans le livre blanc intitulé "La réforme des
institutions financières au Québec". Depuis lors,
l'Assemblée nationale a adopté, le 18 décembre 1987, la
Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne, promulguée en juin 1988. Le 28 mars 1988, nous avons
conclu une entente avec le gouvernement fédéral sur les valeurs
mobilières, préservant pleinement la juridiction du Québec
en ce domaine malgré les acquisitions des firmes de courtage par des
banques à charte. Le 29 mars
dernier, j'ai déposé le rapport quinquennal sur la mise en
oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières et des modifications
à cette loi seront proposées prochainement.
J'ai également publié au mois d'avril un livre vert
portant sur le décloisonnement des intermédiaires, document qui a
servi de base à une consultation générale tenue par cette
commission parlementaire les 31 mai, 1er, 2 et 3 juin derniers. À la
suite des travaux de cette commission, nous préparons un mémoire
qui sera soumis très prochainement au Conseil des ministres dans le but
de faire approuver les grandes lignes de cette réforme tant attendue par
tous les intermédiaires. Le projet de loi devant codifier cette
réforme suivra peu après.
Il est fondamental de considérer l'avant-projet de loi sur les
caisses d'épargne et de crédit dans la perspective d'ensemble de
la réforme de nos institutions financières. Le Québec
dispose aujourd'hui d'un système financier efficace et dynamique,
capable de contribuer de façon significative à la croissance de
notre économie et, de répondre aux besoins de
sécurité et de protection financière des citoyens.
Toutefois, nos institutions financières font face à deux
défis importants: la concurrence internationale, d'une part, et les
besoins régionaux générés par une croissance
importante de l'entrepreneurship" local au Québec, d'autre part.
L'internationalisation des marchés place nos institutions
financières dans une situation de plus en plus compétitive.
À ce sujet, j'ai déjà fait état à plusieurs
reprises de la nécessité pour le Québec de favoriser le
développement d'institutions financières puissantes, bien
armées pour résister à la concurrence internationale.
D'autre part, les besoins financiers des entrepreneurs locaux sont en
croissance et doivent trouver une réponse rapide et accessible dans leur
milieu.
Le décloisonnement des institutions et des intermédiaires
doit, par un encadrement législatif souple, créer les conditions
propices au renforcement de la taille, de la diversification et de la
distribution de notre système financier. Dans cet esprit, la
réforme des institutions financières au Québec permet le
décloisonnement par filiale, tout en conservant le caractère
distinctif des institutions reliées à une activité
principale. Nous désirons favoriser également - et nous sommes,
en ce domaine, à l'avant-garde des législations canadiennes - la
constitution de groupes financiers ayant des liens commerciaux.
Après avoir brossé succinctement ce portrait d'ensemble de
la réforme de notre système financier, je voudrais
préciser comment l'avant-projet de loi s'inscrit dans cette
perspective.
L'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de
crédit constitue une refonte complète de la loi encadrant le
mouvement Desjardins, loi qui date de 1963. À cette époque, le
gouvernement de M. Jean Lesage avait remplacé la Loi sur les syndicats
coopératifs qui encadrait le mouvement Desjardins depuis 1906 et qui
s'appli- quait à toutes les formes d'association coopérative. Le
changement législatif de 1963 donnait, pour la première fois, une
loi spécifique au mouvement coopératif des caisses
d'épargne et de crédit.
Le mouvement avait à l'époque 1 500 000 membres et un
actif de plus de 1 000 000 000 $, et commençait à constituer
vraiment une force financière québécoise. Cette loi
précisait de façon claire, ordonnée et explicite, selon
les paroles du ministre responsable de l'époque, M. Lionel Bertrand, et
de l'avis même du chef de l'Opposition d'alors, M. Daniel Johnson, les
pouvoirs, les droits, les attributions et les devoirs des caisses populaires,
de leur fédération et de leurs organes administratifs.
Vingt-cinq ans plus tard, il est largement temps de passer à
l'action et de moderniser l'encadrement législatif du mouvement
Desjardins. Je me suis, d'ailleurs, attelé à cette tâche
dès que je me suis vu confier le dossier des institutions
financières par le premier ministre, le 20 août 1986. Lors d'une
première rencontre, le 23 septembre 1986, avec le regretté
Raymond Blais, alors président de la fédération, nous
avons convenu de l'urgence d'une nouvelle législation et de ses
principes de base. Je me souviens très bien, lors de cette
réunion à laquelle assistaient également MM. Claude
Béland et Guy Bernier, ainsi que le ministre des Finances, M.
Gérard D. Levesque, que M. Blais avait clairement indiqué la
nécessité de reprendre la discussion sur une base
différente de celle qui avait prévalu lors de la
préparation de l'avant-projet de loi de 1984.
Malheureusement, la démission pour raisons de santé de M.
Blais en décembre de la même année et l'élection de
M. Claude Béland comme président à la fin de janvier 1987
ne nous ont permis de démarrer le travail en profondeur qu'en
février 1987, une fois M. Béland installé dans ses
nouvelles fonctions.
J'ai, depuis, soit personnellement, soit par le biais de l'Inspecteur
général des institutions financières, M. Bouchard, mis
tout en oeuvre afin d'assurer une certaine harmonisation entre les demandes et
les besoins du mouvement, les préoccupations du gouvernement du
Québec et les principes de la réforme des institutions
financières.
Il en est résulté cet avant-projet de loi de plus de 500
articles que nous avons devant nous maintenant. Somme toute, M. le
Président, nous avons accordé à la préparation de
cet avant-projet de loi toute l'importance qu'il mérite eu égard
à l'importance des caisses d'épargne et de crédit au
Québec.
Depuis sa fondation à Lévis par Alphonse Desjardins au
début du siècle, le mouvement Desjardins a su préserver sa
vocation coopérative, sociale et économique, tout en devenant une
force considérable sur le plan financier. Desjardins, c'est, d'abord, 4
000 000 de membres répartis dans quelque 1400 caisses populaires
présentes partout au Québec, 28 000 employés et
18 000 dirigeants bénévoles qui ont joué un
rôle fort important tout au long de son histoire et auxquels il convient
de rendre hommage.
Le mouvement Desjardins recueille, à lui seul, le tiers de tous
les dépôts reçus au Québec. Un dollar sur trois
déposés par les Québécois dans des institutions de
dépôt va chez Desjardins. Avec un actif de 35 000 000 000 $, le
mouvement Desjardins est la sixième institution financière en
importance au Canada et le principal groupe financier canadien.
Le mouvement Desjardins, en plus de ses membres, de ses caisses et de
ses fédérations, regroupe plusieurs institutions et corporations
d'importance comme le groupe Desjardins assurances générales,
Assurance-vie Desjardins, La Sauvegarde, Fiducie du Québec, la
Société d'investissement Desjardins, le Crédit industriel
Desjardins, la Caisse centrale Desjardins du Québec et plusieurs
autres.
La Loi des banques impose au législateur fédéral
une révision complète à tous les dix ans et on sait
jusqu'à quel point cette disposition de la loi fédérale a
été bénéfique aux banques en général.
Malheureusement, une telle disposition n'existait pas au Québec et la
révision de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit,
après 25 ans, exige une refonte complète de la loi. Malgré
cette absence de révision régulière, le mouvement
Desjardins a pris l'essor que l'on connaît. Aussi, ne faut-il pas
être surpris de constater que son cadre législatif, datant de
1963, est complètement désuet.
Il est donc urgent d'intervenir, urgent de fournir à Desjardins
les moyens de la poursuite de son développement et les armes
nécessaires pour affronter la concurrence financière
internationale, urgent de permettre à chacune des caisses de jouer un
rôle encore plus actif dans son milieu économique, urgent et
essentiel, finalement, de prendre toutes les mesures préventives afin
d'assurer la totale protection de l'épargne des
Québécois.
À ce sujet, il faut noter que la feuille de route du
Québec est assez impressionnante. Alors que des institutions à
charte fédérale ont connu, dans les dernières
années, des problèmes sérieux de liquidité, je
pense surtout à la Canadian Commerce Bank et à la Northland Bank
en 1985 et à Principal Savings and Trust Company en 1987, amenant la
Société d'assurance-dépôts du Canada à un
déficit accumulé de près de 1 000 000 000 $, la
Régie de l'assurance-dépôts du Québec a
présentement un surplus de 22 000 000 $ malgré une tarification
plus faible pour l'industrie. Nous nous devons de maintenir et même
d'améliorer cette situation.
M. le Président, j'aimerais vous présenter de façon
plus précise les principaux éléments de l'avant-projet de
loi. D'une façon générale, cette refonte de la loi donnera
aux caisses d'épargne et de crédit et, notamment, au mouvement
Desjardins l'encadrement nécessaire à un groupe financier de
dimension nationale, doté des pouvoirs et des moyens requis pour
s'adapter aux conditions de la concurrence d'aujourd'hui et capable de
poursuivre son développement et son expansion en fonction des besoins de
ses membres et de ceux de l'économie du Québec. (10 h 15)
La refonte assurera la modernisation du cadre corporatif des caisses,
l'adaptation de l'encadrement financier et le renforcement des
mécanismes de contrôle et de surveillance par l'attribution de
pouvoirs appropriés aux fédérations, à la
confédération, à l'Inspecteur général des
institutions financières et au ministre chargé de l'application
de la loi.
L'avant-projet de loi introduit des mesures qui ont pour but de doter
les 4 000 000 de membres et les 18 000 dirigeants bénévoles du
mouvement Desjardins d'un régime corporatif inspiré des
récentes législations. Ainsi, à titre d'exemple, on peut
énoncer les changements suivants: les résolutions écrites
et signées par tous les membres ont la même valeur que si elles
avaient été adoptées lors d'une assemblée. Tenue
obligatoire d'une assemblée spéciale des membres à la
demande du dixième d'entre eux. Les réunions des membres des
conseils peuvent se faire notamment par téléphone. Aucun membre
ne peut être exclu et suspendu à moins d'avoir été
avisé par écrit motivé et d'avoir eu l'occasion de se
faire entendre.
La responsabilité des dirigeants est clairement
énoncée et ceux-ci jouissent d'un régime de protection en
cas de poursuites judiciaires en vertu duquel la caisse,
fédération ou confédération doit assumer leur
défense et payer les dommages ou rembourser leurs dépenses, dans
des circonstances déterminées. Toutefois, un dirigeant devra
assumer pleinement la responsabilité de ses actes lorsqu'il aura agi
contrairement à la loi et aux règlements, notamment lors du
rachat de parts ou lorsqu'un crédit indûment avantageux aura
été accordé à une personne
intéressée, et j'en passe.
Les caisses demeurent essentiellement vouées à faire
fructifier l'épargne de leurs membres en leur consentant du
crédit. Ce pouvoir est élargi pour couvrir toute forme de
crédit. Elles pourront exercer des activités financières
connexes comme la vente d'obligations gouvernementales, l'émission de
cartes de paiement et de crédit, certains services à
caractère public et, avec l'autorisation du gouvernement, exercer toute
autre activité si le gouvernement juge qu'il y va de
l'intérêt public et de celui des membres. De plus, le mouvement
pourra continuer à jouir du décloisonnement par le biais de ses
compagnies associées de la même façon qu'il a pu le faire
jusqu'à aujourd'hui.
En plus de pouvoir consentir du crédit aux entreprises sous forme
de prêt, de lettre de crédit ou de garantie, les caisses pourront
consacrer jusqu'à 2 % de leur actif au financement des entreprises
locales par voie d'acquisition d'actions ou de titres d'emprunt. Il ne leur
sera pas permis toutefois de contrôler ces entreprises. J'estime
que l'apport de ce capital sera un appui important au développement de
plusieurs régions du Québec.
Le développement des caisses d'épargne et de crédit
a toujours été limité par les contraintes auxquelles elles
étaient soumises pour accroître leur capitalisation.
L'accroissement du capital ne pouvait se faire que par les trop-perçus
générés par les activités et versés à
la réserve générale. Tel que le mouvement le
réclamait, la réforme permettra aux caisses d'épargne et
de crédit d'émettre des parts permanentes et des parts
privilégiées leur donnant ainsi accès aux sources de
capitalisation externes dont elles ont besoin pour leur développement.
Cependant, il semble y avoir encore aujourd'hui des discussions
sérieuses au sein du mouvement pour déterminer si cette
capitalisation devrait se faire plutôt au niveau des
fédérations ou de la confédération.
Néanmoins, avec ces nouvelles possibilités de capitalisation,
l'avant-projet de loi établira des normes plus rigoureuses de
capitalisation, assurant ainsi une meilleure protection pour les
déposants. Le niveau de capitalisation requis sera comparable à
celui des autres institutions financières à travers le pays. De
plus, notons que les exigences de capitalisation s'appliqueront à chaque
fédération prise séparément.
Compte tenu des exigences de plus en plus élevées pour les
institutions de dépôt à travers le monde et compte tenu des
risques grandissants sur les marchés financiers, la nouvelle loi exigera
donc de chaque fédération et de chaque caisse non affiliée
une capitalisation égale à au moins 5 % de ses dettes.
Les caisses d'épargne et de crédit s'entrai-dent
financièrement par leurs fédérations respectives et leurs
fonds de sécurité. Ce vécu des caisses est reconnu dans
l'avant-projet par l'introduction du concept garantie-réseau et base
d'endettement-réseau. Ce nouveau régime oblige les
fédérations à combler le déficit de leurs caisses,
mais soumet ces dernières au contrôle de la
fédération en ce qui concerne leur niveau de capitalisation. Afin
que les fédérations soient en mesure d'offrir cette garantie,
l'ensemble du capital d'une fédération et de ses caisses
affiliées doit être maintenu à un niveau
déterminé dans la loi. Ce régime permettra à une
caisse en état de sous-capitalisation de continuer ses
opérations. Elle pourra se voir imposer un plan de redressement par sa
fédération. Le réseau lui-même est sujet au
contrôle de la confédération et, le cas
échéant, de l'Inspecteur général des institutions
financières. En outre, lavant-projet prévoit qu'une
fédération en difficulté pourra recourir a la garantie
d'une autre fédération affiliée à une même
confédération.
La nouvelle législation permet la constitution de
sociétés de portefeuille par une confédération pour
canaliser les investissements du groupe. Ces sociétés seront
spécialisées selon la nature des investissements qu'elles peuvent
effectuer. L'avant-projet de loi permet la création de quatre types de
sociétés à portefeuille: une société de
portefeuille financière qui canalisera les investissements dans des
filiales financières; une société de portefeuilles pour
les entreprises de services pour les membres du groupe; une
société de portefeuille immobilière; une
société de portefeuille pour les investissements commerciaux et
industriels.
Cette formule représente un changement structurel très
important. La société de portefeuille financière, en
regroupant les investissements dans toutes les institutions financières,
permettra une meilleure coordination dans le développement des
activités financières du groupe, tout en assurant un meilleur
accès aux marchés financiers. De plus, en plaçant
l'activité des sociétés commerciales et industrielles dans
la confédération, on fait en sorte que les
fédérations n'auront plus, directement, de liens commerciaux.
Cette nouvelle structure permet un meilleur contrôle des transactions
dites intéressées.
Les difficultés récentes de certaines institutions
financières ont mis en évidence les dangers que pouvaient
présenter, pour la sécurité et la solvabilité des
institutions, leurs transactions avec des parties intéressées et
les conflits d'intérêts. Avec le développement de
réseaux financiers et l'accroissement des liens commerciaux, les risques
reliés aux transactions intéressées sont susceptibles de
s'accroître. D'ailleurs, lors de la consultation de juin dernier sur le
décloisonnement des intermédiaires, plusieurs intervenants ont
rappelé, à juste titre, que le décloisonnement
souhaité devait être encadré par des règles plus
strictes touchant à la déontologie. Il devient donc important de
renforcer les mesures de contrôle à cet égard.
Le système préconisé se compose de plusieurs
éléments importants. Tout d'abord, des structures de
contrôle interne où les responsabilités seront
partagées entre la confédération, les
fédérations, les comités de déontologie, les
conseils de surveillance, les vérificateurs et les conseils
d'administration. Un comité de déontologie, constitué au
sein de chaque fédération, doit adopter des règles sur les
transactions intéressées et les conflits d'intérêts,
incluant la protection des renseignements à caractère
confidentiel.
L'avant-projet prévoit également une
énumération de personnes qui, en fonction de leurs charges, de
leurs mandats ou de leurs intérêts, ou parce qu'elles sont
liées à de telles personnes, ou encore en fonction de la place
qu'elles occupent dans un groupe, peuvent influencer les décisions de
l'institution dans leur propre intérêt: ce sont les personnes
intéressées.
Il n'est absolument pas dans mon intention de commencer une chasse aux
sorcières. Je suis fermement convaincu, M. le Président, du
dévouement et du désintéressement de la très
grande majorité des milliers de bénévoles qui ont
bâti le mouvement Desjardins et qui continuent à le faire vivre.
Néanmoins, le législateur doit assumer ses responsabilités
et prendre les moyens pour neutraliser les situations de conflits
d'intérêts.
Des principes et des pouvoirs réglementaires viseront à
protéger les tiers, notamment contre la divulgation de renseignements
confidentiels, les ventes liées et toute autre situation où
l'institution pourrait être en conflit entre son intérêt ou
celui d'une personne de son groupe et l'intérêt de ses
membres.
L'avant-projet met en place des sanctions d'ordre civil qui consistent
à faire annuler par le tribunal un contrat qui contrevient aux
règles, à la demande de tout intéressé ou de
l'inspecteur général. Il rend solidairement responsables les
dirigeants et membres de conseils pour les dommages subis
consécutivement à une contravention. Il prévoit des
sanctions pénales sous forme d'amendes. Il dresse une liste
d'infractions et défend, notamment, à un dirigeant de communiquer
un renseignement confidentiel, sauf dans la mesure déterminée par
les règles adoptées par le comité de déontologie et
par les règlements du gouvernement. La commission parlementaire, j'en
suis sûr, nous donnera l'occasion d'examiner ces règles et de
juger de leur à-propos.
L'avant-projet de loi respecte l'identité corporative des caisses
et des fédérations, et reconnaît le principe de
l'autoréglementation en conférant aux diverses instances des
pouvoirs de surveillance et de contrôle.
Le conseil de surveillance est maintenu. Son rôle est
étendu en ce qu'il doit s'assurer que les politiques et ordonnances des
instances supérieures sont appliquées et que les règles
édictées par le comité de déontologie sont
respectées.
Les fédérations, en raison de la garantie-réseau,
ont des pouvoirs étendus de réglementation et d'intervention.
Notamment, elles peuvent, lorsqu'elles jugent que la situation l'exige,
intervenir dans la gestion d'une caisse au moyen d'instructions écrites
ou en lui ordonnant d'adopter un plan de redressement. Elles peuvent adopter
des règlements applicables aux caisses sur les conditions et les limites
du crédit, sur la suffisance de leur base d'endettement et sur tout
sujet de nature financière ou administrative. Elles ont le devoir
d'inspecter et de vérifier annuellement leurs caisses affiliées,
si elles ne sont pas affiliées à une
confédération.
Une confédération peut intervenir auprès d'un
réseau fédération-caisse à la demande de
l'inspecteur général pour imposer un plan de redressement. Elle
peut, aux lieu et place d'une fédération, appliquer un plan de
redressement qu'une fédération néglige d'appliquer. Elle
approuve tous les règlements d'une fédération. Elle adopte
des règlements sur la constitution et la gestion des fonds
confiés à une fédération par les caisses, sur la
suffisance de la réserve générale et des liquidités
d'une fédération et des caisses affiliées. Elle adopte
également des règlements directement applicables aux caisses sur
des sujets de nature administrative. Elle doit inspecter et vérifier
annuellement chaque caisse et fédération affiliée.
Le gouvernement, par l'entremise de l'Inspecteur général
des institutions financières, conserve, cependant, un rôle
primordial de surveillance, de contrôle et d'intervention dans des
situations graves.
L'avant-projet de loi oblige les fédérations et les
caisses à des rapports annuels sur la situation financière, les
transactions intéressées et tout autre sujet pertinent. De plus,
l'inspecteur général peut en tout temps demander toute
information qu'il juge utile et faire enquête au besoin dans une caisse
ou une fédération. Il doit s'assurer que les inspections
annuelles et les vérifications financières sont faites.
L'avant-projet de loi confère à l'inspecteur
général des pouvoirs d'intervention auprès d'une
fédération en difficulté financière ou en cas de
défaut d'une fédération ou de la
confédération de remplir une obligation établie par la
loi. Il peut, notamment, évaluer ou faire évaluer un
élément d'actif ou une garantie et en déterminer une
valeur, imposer un plan de redressement, inspecter en tout temps une caisse,
fédération, confédération et même une
société de portefeuille filiale d'une confédération
opérant dans le secteur financier. Il possède un pouvoir
d'ordonnance qu'il peut exercer même envers les filiales de cette
société de portefeuille; il a le pouvoir de demander une
injonction pour faire respecter la loi et celui de recommander au ministre la
mise en tutelle d'une caisse, fédération ou
confédération.
Dans le cas des caisses non affiliées, c'est l'inspecteur
général qui exerce les pouvoirs d'intervention qui sont autrement
exercés par les fédérations à l'endroit des caisses
qui leur sont affiliées. Le gouvernement conserve également un
pouvoir de réglementation pour les caisses et les
fédérations non affiliées, et pour répondre
à des situations d'urgence en cas de défaut ou d'insuffisance des
règlements établis par les fédérations ou la
confédération.
L'avant-projet de loi autorisera une confédération
à affilier une fédération constituée en vertu d'une
loi autre que québécoise et faisant affaire dans une autre
province canadienne. Cette affiliation, comme membre auxiliaire, permettra
à la confédération québécoise de fournir des
services, sans toutefois assumer de responsabilité financière
à l'égard des fédérations non
québécoises. C'est un premier pas, une ouverture fort importante
qui fera rayonner le mouvement québécois partout au Canada.
Voilà donc, M. le Président, l'essentiel des
caractéristiques de l'avant-projet de loi que nous avons sous les yeux.
Je suis convaincu qu'il répond parfaitement à
l'intérêt public et les principes qui en ont guidé la
rédaction sont
clairs et fondamentaux. Les mémoires que nous avons reçus
soulèvent, toutefois, un certain nombre de points qui méritent
attention et qui recevront, j'en suis sûr, l'attention des parlementaires
autour de cette table. En conséquence, je m'attends que certaines
dispositions puissent être bonifiées ou même
amendées. Ce sera, d'ailleurs, l'objet de nos discussions au cours des
prochains jours. Mais je veux réaffirmer que les principes de base de la
refonte m'apparaissent prioritaires. L'encadrement législatif d'un
mouvement de l'ampleur de Desjardins doit à la fois faciliter le
développement et le déploiement du mouvement, assurer son statut
fondamentalement coopératif, garantir la cohérence de
l'évolution et prévoir les mécanismes de surveillance
appropriés à la taille des enjeux.
Je souhaite donc, M. le Président, que nous puissions ensemble
améliorer ce qui peut encore l'être dans cet avant-projet, tout en
en préservant la teneur essentielle. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation. M. le
député de Lévis, critique de l'Opposition officielle en la
matière, vous avez 30 minutes pour faire votre déclaration
d'ouverture. (10 h 30)
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, j'ai écouté les
paroles du ministre et permettez-moi de répondre immédiatement
à certaines de ses observations puisque, dès l'ouverture, il a
mentionné qu'il avait déposé, le 29 mars dernier, le
rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs
mobilières. Je lui ferais remarquer qu'en vertu de la loi il devait le
remettre au plus tard le 19 janvier 1988. Comme d'habitude, il est en
retard.
Donc, il n'a pas déposé le rapport à temps et il
semble vouloir faire prochainement des modifications à la loi
proposée. Alors, je voudrais lui rappeler que l'article 352 de la Loi
sur valeurs mobilières fait obligation au président de convoquer,
"dans un délai d'un an à compter du dépôt du rapport
- j'imagine que les retards du ministre ne compteront pas dans le délai
- la commission de l'Assemblée qu'il désigne pour étudier
l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant,
de modifier la présente loi et entendre à ce sujet les
observations des personnes et organismes intéressés". C'est donc
une obligation du président de l'Assemblée nationale de faire
convoquer une commission qui va étudier le rapport quinquennal et on ne
peut pas escamoter cette étape pour aller directement aux propositions
d'amendement du ministre puisque c'est sur le rapport que les gens doivent se
présenter en vertu de la loi.
Comme il y a un vieux principe de droit selon lequel personne n'est
au-dessus de la loi, cette commission sera convoquée incessamment,
puisque le délai, finissait le 19 janvier 1988. Puisque le retard,
après le 19 janvier, ne peut sûrement pas jouer en faveur d'un
délai dans la convocation de la commission et que ce ne sera
sûrement pas au mois de décembre qu'il faudra convoquer cette
commission, cela veut dire qu'il faudrait, normalement, convoquer cette
commission au plus vite, peut-être pour le mois d'octobre, pour que la
loi soit respectée.
Deuxièmement, le ministre dans ses remarques préliminaires
nous montre à quel point il est rapide. Je vous ferai remarquer qu'on a
devant l'Assemblée nationale, depuis le mois de juin 1987, le projet de
loi sur le registre des associations et entreprises; il a été
déposé en juin 1987. On a entendu des gens qui sont venus en
commission nous faire leurs représentations, au mois d'octobre 1987. Le
ministre nous avait dit qu'on étudierait le projet de loi en commission,
article par article, au mois de janvier, peut-être en février. Je
peux vous dire qu'on est rendu au mois de septembre et qu'on n'a pas eu de
nouvelles du ministre. Vous savez qu'on n'est pas dans le mur du son, on est un
peu lent. Le ministre est un peu lent. Actuellement, nous attendons toujours
pour étudier ce projet de loi. Les gens qui ont été
entendus ne l'ont pas été pour rien. Normalement, on devrait
étudier ce projet de loi qui a 600 articles qui est supposé
concerner un sujet dont on va parler beaucoup aujourd'hui, demain et jeudi,
soit la divulgation et la publication. Le projet de loi sur le registre des
associations et entreprises a pour but essentiellement de faire en sorte que
les gens soient au courant de ce qui se passe au point de vue des entreprises
et des renseignements que les entreprises doivent fournir et qui doivent
être inscrits au registre. Encore là, pas de nouvelles. Je ne sais
pas si pas de nouvelles, cela veut dire bonnes nouvelles, mais il ne se passe
rien.
Ensuite, je vous ferai remarquer que le ministre est habituellement bon
pour parler des retards des autres, mais il n'est pas bon pour parler de ses
retards à lui. J'aurai l'occasion de parler, tout à l'heure, de
ce projet de loi. Il nous dit qu'il s'est entendu avec Raymond Blais, le
président du mouvement Desjardins. Il a eu l'honnêteté de
dire: Sur l'urgence. S'il s'est entendu sur l'urgence, c'est parce qu'il est
évident que c'était devenu urgent puisqu'il y avait
déjà un projet de loi qui était prêt, à
toutes fins utiles, dès 1985. Le ministre n'aurait eu qu'à le
déposer à l'Assemblée nationale. Au fond, il a
retardé pendant trois ans pour pouvoir dire: La réforme des
institutions financières, ce n'est pas Jacques Parizeau, c'est moi.
Essentiellement, tout le monde sait que la réforme des institutions
financières a été mise en oeuvre par M. Parizeau qui, en
1984, a fait adopter la Loi sur les assurances et qui avait
élaboré, avec les groupes de travail qu'il avait mis sur pied, la
loi sur les fiducies, la Loi sur les caisses d'épargne
et de crédit, etc.
Par ailleurs, actuellement, ce à quoi on assiste, c'est
principalement à des retards. C'est très important parce que le
mouvement Desjardins est un mouvement qui a grandi ici. Si un père de
famille habillait son garçon à l'âge de quinze ans,
qu'après cela, le garçon se mariait et avait des enfants, et que
ce père lui interdisait d'avoir un autre habit que celui qu'il avait
à quinze ans, vous diriez que c'est un mauvais père de famille.
Je pense qu'actuellement le fait de retarder indûment la refonte de la
Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, cela équivaut
à habiller le mouvement Desjardins avec une loi qui ressemble à
un habit d'adolescent, alors que 1963, cela fait déjà 25 ans,
dans un secteur qui a évolué aussi rapidement.
Je pense bien que les gens des institutions financières et des
banques qui vont venir nous voir tout à l'heure vont dire qu'ils ont
été bien contents d'avoir eu une réforme des banques qui
est venue après le rapport Porter qui a changé
complètement la situation dans le secteur des banques. Cela ne veut pas
dire que les conflits d'intérêts ont été
complètement modifiés, on en reparlera tout à l'heure,
mais au moins, les banques ont pu prêter à des taux
d'intérêt. Cela a eu pour effet de faire un peu plus de
compétition et d'éviter ce qui avait fait l'objet d'une
élection en 1962 et je pense, avait eu un grand impact pour
accélérer cette réforme: la critique des
créditistes qui disaient, à ce moment-là, que, dans le
fond, les banques prêtaient à des compagnies de finance qui,
elles, reprêtaient à 2 % par mois, ce qui équivalait
à 24 % par année, à une époque où le taux
était limité dans la Loi des banques à 6 %. Il y avait
toutes sortes de manoeuvres, il faut le dire, pour contourner ce taux maximum
de 6 %, notamment, l'obligation de garder des dépôts auprès
des institutions financières, ce qui faisait que, même si la loi
obligeait à 6 %, les taux n'étaient pas nécessairement de
6 %. C'est évident que, dans les projets de loi, souvent on retrouve la
vertu exprimée, mais il faut regarder aussi la pratique pour voir
comment cela se passe en réalité.
Parier du rôle que Desjardins a joué dans le
développement économique du Québec, c'est parler d'une des
plus grandes réalisations du Québec. Moi, ce qui me frappe, c'est
qu'à l'heure où on parle surtout d'efficacité, alors qu'on
parle d'efficacité économique, de libre-échange, de
compétitivité, de productivité etc., on oublie qu'une
valeur fondamentale qui a été peut-être la valeur centrale
du développement économique des Québécois et de la
prise en main de leur économie, cela a été, d'abord, la
solidarité. Et, s'il n'y avait pas eu cette volonté de
solidarité des Québécois, il n'y aurait pas eu de
mouvement Desjardins, il n'y aurait pas eu de mouvement coopératif dans
le domaine agricole, il n'y aurait pas eu de Métro, de Provigo etc., des
entreprises, au fond, qui ont été basées sur l'entraide et
la solidarité.
Aujourd'hui, quand j'entends tous les discours sur le plan
économique, je pense qu'il n'y a pas toujours une analyse très
serrée de ce qui a été le principal moteur des
Québécois. Cela ne veut pas dire qu'il y a de
l'inefficacité, mais cela a été, d'abord, la
solidarité et ta volonté de mettre ensemble des gens qui,
individuellement, ne sont pas nécessairement des capitalistes. M.
René Lévesque avait déjà dit, je pense, avec
raison: Les Québécois ont manqué le XIX siècle. Il
ne faisait pas un jugement moral, mais il insistait sur le fait qu'au XIX
siècle les Québécois n'ont pas formé de
capitalistes. Alors qu'ailleurs cela a été l'apogée du
capitalisme, ici on n'a pas formé de capitalistes; on était plus
préoccupé de convertir le monde, ce qui n'était pas une
mauvaise chose, au fond. On a peut-être fait plus d'oeuvres d'entraide et
de solidarité humaine en Afrique ou en Amérique du Sud pour aider
les gens à s'organiser, mais on n'a pas formé de capitalistes. Il
fallait trouver d'autres moyens au début du XX siècle pour
compenser l'absence de capitalistes qui pouvaient jouer le rôle de moteur
économique. À ce moment-là, les capitalistes
étaient à peu près tous des étrangers. Desjardins a
été vraiment le premier qui a permis aux premiers
Québécois de s'introduire réellement dans le domaine de la
finance. Pour avoir lu des documents là-dessus, on sait à quel
point, au début, les autres institutions financières se sont
moquées de Desjardins avec sa banque à 0,10 $ puisque
c'étaient des dépôts de 0,10 $. J'aimerais bien
qu'aujourd'hui tous ces prophètes qui se sont moqués de
Desjardins au tout début du XX siècle viennent voir les
réalisations des petits qui se sont mis ensemble, souvent, pour
Desjardins, dans sa cuisine pendant un certain temps ou encore dans des
soubassements d'église et sans doute parfois dans la sacristie, parce
que cela faisait aussi partie de l'entraide de fournir des locaux gratuitements
à des oeuvres paroissiales communautaires pour aider Desjardins à
réaliser davantage son oeuvre.
J'inviterais ceux qui ne l'ont pas fait à aller faire un tour -
ce serait même bon pour la commission parlementaire au complet - à
la maison d'Alphonse Desjardins, au Carré Déziel, à
Lévis, pour voir une exposition qui montre à quel point tout cela
s'est fait dans le bénévolat, a été formé
par la volonté, d'abord, d'Alphonse Desjardins, mais aussi de tous ceux
qui ont travaillé avec lui, principalement sa femme, qui était la
personne la plus près de lui à ce moment-là. Ses calepins,
ses différentes notations démontrent de quelle façon cela
s'est formé. Tous les puissants qu'on appelait les trusts, à ce
moment-là, et qui se moquaient bien, aujourd'hui, peuvent voir ce que
des gens qui ne sont pas fortunés, qui savent ce qu'ils veulent et qui
sont capables d'entraide peuvent réaliser ensemble.
C'est pour cela que je ne suis pas très sensible aux arguments
qui disent, maintenant que différentes caisses populaires ont
été formées dans différentes paroisses,
localement,
paroissialement, avec l'aide d'autres: C'est une compagnie comme une
autre. Je dis: Une minute! Le mouvement Desjardins n'est pas une compagnie
comme une autre. Ce n'est même pas une coopérative comme une
autre, si on la compare à ce qui a été fait ailleurs, qui
est de nature différente.
La présence et les actions de Desjardins ont contribué
plus que toute autre chose à donner confiance aux
Québécois sur la gestion de leurs propres affaires, parce que
c'est une entreprise qui a réussi. Cela n'a pas été des
victoires morales; cela a été une réussite qui a
été caractérisée par des centaines et des milliers
de réussites. Je pense que, pour les Québécois, cela a
été important, cela a été un moteur. C'est un
exemple de réussite pour tous les Québécois et, surtout,
la manifestation claire que les Québécois sont capables de
s'affirmer sur le plan de la finance et de l'économie en inventant leur
propre modèle sans devoir copier les autres, comme une copie
carbone.
Je trouve cela fantastique quand j'entends des gens dire: Oui, mais en
Ontario, ils font cela de même. Je répondrais: "So what!" Aux
États-Unis, ils font cela comme cela. Desjardins a regardé ce qui
se passait ailleurs et a inventé, à partir des modèles
d'ailleurs, son propre modèle, parce que la caisse populaire qu'il a
formée au tout début était un modèle sui generis
qui n'existait pas ailleurs comme tel. Il a su adapter les modèles qu'il
avait vus ailleurs et créer une institution particulière qui
était la caisse populaire. Avec les années, la caisse populaire
est devenue une institution qui n'est pas exactement la même qu'au
début, qui n'est plus dans les cuisines ou dans les soubassements
d'église, et ce n'est pas anormal.
Il faut aussi regarder le rôle du mouvement Desjardins dans le
développement, la création et la consolidation des entreprises
québécoises dans les régions. Il faut savoir, pour avoir
été dans les régions du Québec - je ne dirais pas
que ces statistiques sont d'aujourd'hui, mais je me rappelle avoir
regardé ces statistiques il y a une vingtaine d'années - qu'il y
avait 800 villages québécois où il n'y avait pas de
banque, mais juste une caisse populaire. Sur le plan des affaires, sur le plan
de la vie normale de tous les jours, l'implantation, la création et la
consolidation des entreprises québécoises dans les
régions, pour un grand nombre, sont dues aux caisses populaires locales.
Elles ont joué un rôle incroyable.
Quand, en 1977, nous avons mis en place la Loi sur le crédit
agricole avec les institutions privées, nous étions très
conscients que, dans les centaines de caisses populaires du Québec, ce
serait un des premiers prêts d'affaires réalisés d'une
façon formelle par les caisses populaires, avec une garantie
gouvernementale et avec, en même temps, tout ce que cela voulait dire
comme expérience acquise dans l'analyse des bilans d'affaires, pas
seulement dans un bilan de consommateur qui achète un appareil
ménager ou prend une hypothèque, mais également dans le|
bilan d'une entreprise agricole. Cela aurait pour effet de faire faire ce que
Teilhard de Chardin appellerait quasiment une soute non pas biologique, mais
sur le plan financier, de faire en sorte que les communautés
financières locales que sont les caisses populaires pourraient
maintenant s'intéresser davantage au développement des
entreprises locales, en commençant par les entreprises agricoles, par
l'analyse des bilans des cultivateurs. Aujourd'hui, quand on pense que l'actif
moyen d'un agriculteur est plutôt de 350 000 $, il fait partie des
petites entreprises qu'on trouve normalement dans nos villages. (10 h 45)
On voit encore des statistiques récentes qui disent que le
secteur qui crée des emplois au Québec, c'est le secteur de la
petite et de la moyenne entreprise, alors que, dans les autres, le nombre
d'emplois qui en dépendent diminue. Ce sont des statistiques très
récentes qui viennent d'être publiées. Alors, ceux qui
pensent parfois que c'est par des mammouths que le Québec doit se
réaliser, que c'est par des mammouths qu'on va créer de l'emploi,
vous savez qu'à Saint-Paul-du-Buton, en haut de Montmagny, ce n'est pas
un mammouth qui va le réaliser ou, encore, dans la plupart de nos
municipalités, ce ne sont pas les mammouths qui vont venir le
réaliser et permettre aux gens de gagner leur vie. Mais ce sont des
petites entreprises et des entreprises moyennes auxquelles le mouvement
Desjardins va pouvoir donner un coup de main dans ces municipalités
où elles sont les seules, à toutes fins utiles, mais aussi par
les connaissances des employés. C'est évident que, si un
employé de caisse, un directeur général ou un
gérant adjoint fait seulement du prêt à la consommation,
c'est une affaire. Mais s'il fait également du prêt à des
entreprises locales par le crédit agricole, son niveau d'analyse
financière va lui permettre également d'aider un grand nombre de
gens sur le plan local ou régional. Je pense que c'est un rôle
fondamental du mouvement Desjardins.
Desjardins a donné l'exemple aux Québécois et leur
a montré la marche à suivre en leur indiquant que leur
développement économique passait donc par le regroupement et la
solidarité, qu'être petit ne signifiait pas toujours être
traité comme des minoritaires et des inférieurs. Desjardins a
prouvé - d'autres l'ont suivi; je vous mentionnais tantôt
Métro, Provigo, les sociétés d'entraide, les caisses
d'établissement etc. -qu'en réunissant tous les petits on pouvait
devenir aussi important que les gros et avoir notre mot à dire non
seulement chez nous au Québec, mais ailleurs dans le monde.
Aujourd'hui, je suis très content de voir, à l'Institut
coopératif Desjardins, par exemple, combien il y a de
délégations de pays qui sont mal organisés - pas seulement
l'Afrique, il y a l'Asie et un peu partout dans le monde - qui viennent voir le
modèle et comment ils pour-
raient faire comme ici pour prendre en main leur économie.
Le rôle international que joue Desjardins à ce point de vue
sur le plan de la solidarité humaine et sur le plan de l'entraide
internationale sur le plan humain est considérable, surtout en montrant
que ce n'est pas de la théorie. Ce n'est pas un livre qu'on pourrait
appliquer éventuellement, mais on peut montrer des réalisations
concrètes.
Notre présence ici, en commission, nous fait prendre conscience
du chemin parcouru depuis le début du mouvement Desjardins. Je pense que
l'analyse de plusieurs articles du projet de loi va le démontrer. Les
petits ont fait un grand qui a besoin d'espace pour devenir encore plus grand.
C'est cela, l'objectif de notre analyse. C'est une loi qui devra être
refaite sans doute dans dix, quinze ou vingt ans, mais c'est une loi qui est
nécessaire actuellement, parce que Desjardins a besoin d'espace pour
rendre service aux gens.
Cela démontre qu'on peut non seulement devenir grand chez nous,
au Québec, mais aussi en dehors du Québec et en se comparant avec
les autres. Comme Québécois, on éprouve un sentiment de
fierté quand on voit les banques, dont la plupart sont
contrôlées à l'extérieur du Québec, venir
exprimer en commission leurs craintes vis-à-vis du développement
d'une institution financière entièrement
québécoise.
J'ai lu le mémoire de l'Association des banquiers. Je comprends
que les banques ont droit à leur opinion, etc., mais que des banques
disent aujourd'hui: On craint la compétition de Desjardins et il a
autant de succursales que nous, cela montre le chemin parcouru, alors qu'au
début du siècle cela aurait été plutôt un
vaste éclat de rire. Aujourd'hui, un instant! Qui aurait pensé
cela, il y a 25, 35 ou 50 ans? Cette réalisation communautaire a atteint
un tel niveau que les institutions financières les plus solides - la
compétition n'a pas été exagérée au Canada
à comparer aux États-Unis où il y a 14 000 banques; ici,
le nombre a été limité - auraient pu un jour
présenter un mémoire en disant: Desjardins est un
compétiteur important.
Par ailleurs, il me semble qu'il est temps de donner au mouvement
Desjardins les outils nécessaires à son développement,
surtout quand un projet de loi existe depuis 1985 à ce sujet. Je ne dis
pas que le ministre n'y a pas fait de changements, mais il y avait un projet de
loi qui était prêt. Le ministre actuel a attendu trois ans pour
déposer non pas un projet de loi, remarquez bien, mais un avant-projet
de loi. D'où l'impatience légitime d'un mouvement qui n'est pas
dans les ligues "peewee", mais qui est dans les ligues majeures.
Alors qu'on dit qu'on s'en va vers le libre-échange, qu'on sera
dans le règne des mammouths, qu'on sera dans la compétition
internationale avec les Japonais etc., qu'on retarde indûment l'adoption
d'un projet de loi pour les caisses d'épargne et de crédit, qui
sont la base de nos institutions financières locales au Québec,
je pense qu'il y a sûrement une incohérence dans l'action par
rapport aux propos. Le gouvernement, qui parle avec autant d'éloquence
du libre-échange, ne devrait pas attacher des boulets aux institutions
québécoises sur le plan économique pour qu'elles puissent
donner toute leur mesure et faire toute la compétition dont elles sont
capables dans un monde où si le traité est adopté,
c'est-à-dire mis en oeuvre - ce n'est pas encore fait, mais il y a des
possibilités très fortes que cela se fasse - il est
évident que les institutions québécoises doivent avoir la
capacité légale de concurrencer et avoir tous les instruments
juridiques nécessaires.
C'est pour cela que mes propos ont porté plutôt sur cet
aspect général, mais qui est, je pense, fondamental sur le plan
des principes. Il y a des gens qui ont des principes et, habituellement, quand
ils arrivent pour les appliquer, ils ne sont pas capables de le faire ou encore
qui sont des beaux moteurs d'action, mais, pour faire l'action, ils ne sont
plus capables. Il est important de savoir où on va et, après
cela, de faire marcher l'action concrète dans le sens de ce qu'on
élabore. Il ne s'agit pas seulement de parler du libre-échange,
de la concurrence et de tout cela et, après cela, que dans l'action il
n'arrive rien. C'est pour cela que je dis que c'est un projet de loi - non pas
cet avant-projet de loi qu'on étudie - qui devrait être
déposé le plus rapidement possible pour que le mouvement
Desjardins ne soit pas freiné dans sa capacité de concurrencer
les autres.
Notre rôle et le but de cette commission, c'est d'entendre la
population par les organismes qui ont demandé d'être entendus dans
le cadre de cette commission parlementaire. J'aurais aimé que cette
façon de procéder ait guidé le ministre en ce qui concerne
aussi la démutualisation. Il l'avait annoncée, il n'en a pas
parlé dans son livre blanc, je ne sais pas s'il a abandonné
l'idée. Mais cela aussi, c'était dans son livre dont il a
parlé tout à l'heure et qu'il avait publié il y a un
certain temps, en mars 1987. Là aussi, il devait y avoir un chapitre sur
la démutualisation, mais il semble qu'il ait décidé de
procéder par des lois privées, sans qu'un débat public ait
eu lieu sur la démutualisation. Imaginez-vous que cela s'est fait de
nuit; on a siégé jusqu'à 2 h 30 du matin pour parier de la
démutualisation dans un cas précis au Québec. J'ai
trouvé cela, et je l'ai dit à plusieurs reprises, pas correct
pour une institution comme La Laurentienne qui aurait eu droit à un
débat public sur la démutualisation et le gouvernement aurait
dû se prononcer sur la façon de la faire. On a vu qu'il y a
d'autres institutions qui ont annoncé aussi qu'elles songeaient à
cela. Alors que c'est une institution importante au Québec, il n'y a pas
eu de débat public. Il y a eu un énoncé dans le document
du ministre, qui n'a été suivi de rien, alors qu'il devrait y
avoir un
véritable débat, un document sans doute ou un avant-projet
de loi qui devrait être étudié ici pour voir, s'il y a
démutualisation, comment cela devrait se faire plutôt que de
procéder à la pièce avec un projet de loi qu'on commence
à étudier le soir et qu'on finit dans la nuit, ce qui n'est pas
normal. C'est pour cela que j'ai dit à plusieurs reprises que je ne
trouvais pas que c'était une façon correcte de travailler
à la démutualisation au Québec.
Un autre aspect très important de la réforme des
institutions financières a été évité ou
écarté - le ministre en dira un peu plus un peu plus loin, je
suppose - dans l'avant-projet de loi, soit la possibilité pour une
institution d'offrir les produits d'une autre institution. Ce pouvoir existe
dans la Loi sur les assurances. Le précédent gouvernement
s'était prononcé d'une façon claire. Il n'avait pas
procédé en arrière des rideaux, cela ne s'était pas
passé entre le mur et la tapisserie, il avait dit clairement ce qu'il en
était. Ce pouvoir apparaissait dans la loi sur les fiducies - j'imagine
que c'est parce que c'était l'ancien projet qui avait été
préparé sous l'ancien gouvernement - lorsque celle-ci a
été déposée, mais le ministre s'est ravisé
et il l'a enlevé. Malgré son discours de deuxième lecture,
quand il est arrivé en commission parlementaire, il a enlevé
cette disposition du projet de loi sur les fiducies. Le ministre a choisi, dans
l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit, la
voie du décret gouvernemental pour élargir les activités
du mouvement Desjardins. Je vous ferai remarquer que c'est la voie qu'il a
choisie aussi quand il y a eu la démutualisation de La Laurentienne.
Vous remarquez le pouvoir de modifier les activités par décret
gouvernemental, ce qui était une des raisons, en tout cas, pour
lesquelles nous avons siégé si tard parce que ce n'est pas la
façon habituelle de procéder. Normalement, les pouvoirs
d'institutions aussi importantes doivent se retrouver dans le projet de loi.
Encore ici, ce pouvoir ne se retrouve pas dans le projet de loi. Mais on dit
qu'on peut élargir les activités du mouvement Desjardins. On ne
nie pas non plus, mais on reste dans une certaine zone grise qui va susciter
des chicanes inutiles entre différents groupes qui oeuvrent dans le
domaine des institutions financières alors que le gouvernement devra se
prononcer d'une façon claire. Et, là-dessus, je pense que ce
n'est pas normal. J'ai d'ailleurs remarqué que les gens ont aussi
manifesté qu'ils ne sont pas satisfaits de cette façon de faire.
On le verra dans les différents mémoires. Les pouvoirs des
institutions financières doivent être clairement établis
dans les lois et non pas modifiés, changés, ajoutés ou
enlevés par un décret gouvernemental. Ce n'est pas normal.
Or, M. le Président, je voudrais terminer là mes propos en
disant tout simplement que nous sommes heureux que, finalement, cette
commission parlementaire ait lieu. Nous allons entendre avec beaucoup
d'attention les remarques qui vont nous être faites sur l'avant-projet de
loi et l'Opposition a l'intention d'en tenir compte lors de l'étude du
projet de loi qui, nous l'espérons, sera déposé au mois
d'octobre, dès l'ouverture de la session. Je vous remercie.
Auditions
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. Nous allons maintenant entendre
l'Association des banquiers canadiens. Alors, je demanderais aux
représentants de l'organisme de prendre place à la table des
témoins. S'il vous plaît, est-ce que le porte-parole de
l'organisme pourrait, dans un premier temps, s'identifier et présenter
les gens qui l'accompagnent?
Association des banquiers canadiens
M. Turcotte (Michel): Avec plaisir, M. le Président. Mon
nom est Michel Turcotte et je suis le nouveau président du comité
du Québec de l'Association des banquiers canadiens. Je suis
accompagné du secrétaire du comité, Daniel Ferron et du
conseiller juridique du comité, Me Marc Duquette.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte.
Permettez-moi maintenant de vous rappeler les règles de l'audition.
Vingt minutes seront d'abord consacrées à l'exposé de
votre mémoire. L'ensemble des parlementaires ont lu ce mémoire.
Vous pouvez, soit le lire d'une manière textuelle dans le temps qui vous
est alloué, soit 20 minutes, ou le résumer. Une période de
40 minutes d'échange avec les membres de cette commission suivra. Alors,
sans plus tarder, nous vous écoutons.
M. Turcotte: Merci. M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, notre association est très heureuse de
l'occasion qui lui est donnée aujourd'hui de faire part à votre
commission et à l'honorable Pierre Fortier de nos principaux
commentaires sur l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de
crédit.
Notre association créée il y a près de 100 ans est
un organisme qui regroupe actuellement 8 banques à charte et 58 filiales
de banques étrangères. Le comité du Québec est l'un
des comités provinciaux les plus actifs de l'association. Il a soumis de
nombreux mémoires aux autorités québécoises dans
des domaines aussi variés que la réforme du Code civil, la
réforme du crédit agricole, les valeurs mobilières et le
décloisonnement des institutions financières.
Les banques canadiennes jouent un rôle très important dans
l'économie du Québec et entendent conserver leur part dans le
marché québécois des services financiers où elles
offrent une foule de services variés allant des prêts à la
petite entreprise, prêts agricoles, hypothécaires et personnels
jusqu'au financement de grands
projets commerciaux et des importations et exportations
québécoises. Enfin, les banques emploient actuellement
près de 30 000 Québécois et sont présentes dans
plus de 1440 succursales à travers le Québec. L'actif
québécois des banques à charte s'élève
actuellement à près de 50 000 000 000 $. En bref, nous croyons
que l'industrie bancaire représente pour le Québec un levier de
développement économique très important. (11 heures)
L'association suit depuis plusieurs années et avec beaucoup
d'intérêt les pas considérables accomplis par le
Québec en matière de décloisonnement des institutions
financières. L'association est favorable à la réforme du
système financier et à la révision du pouvoir des
institutions financières pourvu que cette réforme se fasse dans
un contexte où le public jouira de la même protection d'une
institution financière à l'autre et où toutes les
institutions qui acceptent des dépôts seront traitées sur
un pied d'égalité, avec des privilèges, des droits et des
obligations comparables. C'est avant tout le souci d'uniformisation des
règles du jeu et de protection du public qui motive notre association
à adresser aujourd'hui ces quelques commentaires à votre
commission sur l'avant-projet de loi.
Nous tenons d'abord à préciser notre satisfaction devant
les nombreuses améliorations apportées par l'avant-projet de loi
et qui répondent à plusieurs des préoccupations que notre
association a exprimées dans le passé, notamment, le resserrement
des règles relatives aux conflits d'intérêts et aux
transactions intéressées impliquant les caisses d'épargne
et de crédit et les exigences de réserve préalables au
versement de ristournes. Nous notons également des améliorations
notables concernant la présentation périodique d'information,
bien que nous croyions qu'il reste encore des améliorations à y
apporter. Nous tenons à féliciter particulièrement le
gouvernement d'avoir pris l'initiative d'introduire ces nouvelles règles
qui ne pourront qu'assurer une meilleure protection du public.
L'association constate toutefois que les caisses d'épargne et de
crédit conservent encore plusieurs avantages réglementaires et
fiscaux qui font en sorte que ces dernières ne sont pas encore
traitées, à tous égards, sur le même pied que les
autres institutions financières. Il est en effet primordial de traiter
les caisses d'épargne et de crédit sur le même pied que les
autres institutions financières, car elles sont devenues en 1988 une
composante majeure du système financier québécois. Comme
vient de le dire M. Garon, un vrai mammouth.
À titre d'exemple, le mouvement Desjardins, créé au
début du siècle, représente maintenant à lui seul,
par sa taille, la plus grosse institution financière au Québec.
Le mouvement Desjardins domine déjà plusieurs secteurs
d'activité financière chez nous et représente pour toutes
les autres institutions financières, y compris les banques, un
concurrent - je n'hésite aucunement à le dire - fort redoutable.
À lui seul, le mouvement Desjardins compte, avec ses 1345 caisses
à travers la province, un nombre d'établissements presque
égal à celui de toutes les banques oeuvrant au Québec
réunies. Son actif global est maintenant de 34 000 000 000 $. Le
mouvement Desjardins recueille à lui seul plus de 35 % des
dépôts du public québécois et contrôle la plus
grande partie du marché des prêts hypothécaires, 42 %
comparativement à 34 % pour les banques à charte et 22 % pour les
sociétés de fiducie et de prêt hypothécaire. Enfin,
le mouvement Desjardins domine largement le marché des prêts
agricoles au Québec.
Ces quelques chiffres ont uniquement pour but de permettre à tous
de saisir la position dominante dont jouissent déjà les caisses
d'épargne et de crédit sur la place financière. Pour leur
part, les banques ont toujours été disposées à
accepter d'emblée cette concurrence, en partant du principe que celle-ci
ne peut qu'assainir les marchés financiers et profiter, en
définitive, au public en général. Pour que ce but soit
atteint, il est toutefois essentiel que cette concurrence se fasse sur une base
égalitaire, avec les mêmes règles du jeu pour toutes les
institutions financières. Il apparaît donc primordial, à
l'occasion de la réforme de leur loi constitutive, que les caisses
d'épargne et de crédit soient désormais traitées
comme des groupes financiers intégrés d'envergure et non plus
comme de simples regroupements de petites coopératives.
L'association reconnaît, d'autre part, les efforts
déployés par le gouvernement pour introduire dans l'avant-projet
de loi des dispositions en matière de déontologie et
d'autoréglementation. Toutefois, nous constatons que l'avant-projet de
loi contient certaines lacunes en matière de protection du public. En
permettant l'expansion et la diversification des activités des
différentes composantes du mouvement Desjardins, le gouvernement a
souvent omis d'y rattacher les règles de prudence et de divulgation
nécessaires à la protection du public et à la santé
financière des caisses. Afin d'assurer la protection des
intérêts des déposants, nous croyons qu'il serait essentiel
d'appliquer aux caisses les mêmes règles que celles
régissant les autres catégories d'institutions financières
habilitées à recevoir des dépôts.
Les caisses d'épargne et de crédit, et
particulièrement le mouvement Desjardins, sont devenues des groupes
financiers complètement intégrés qui regroupent de
nombreuses composantes, beaucoup plus corporatives que coopératives.
À cet effet, les règles régissant l'émission de
capital pour les diverses composantes du mouvement devront être
scrutées soigneusement afin d'éviter de créer un
déséquilibre entre les diverses catégories d'institutions
financières.
Nous demandons également au gouvernement de s'assurer que les
règles applicables aux caisses
en matière d'émission et de distribution de valeurs
mobilières soient les mêmes que celles applicables aux autres
catégories d'institutions financières.
Après ces commentaires généraux nous aimerions vous
faire part de certains commentaires particuliers sur certaines dispositions de
l'avant-projet de loi qui ont attiré notre attention.
Dans un premier temps, l'article 216 de l'avant-projet de loi traitant
des modifications aux activités pouvant être exercées par
les caisses inquiète beaucoup l'association car il rendrait possibles
des modifications aux règles du jeu des marchés financiers et
pourrait avoir des conséquences importantes pour les consommateurs sans
possibilité d'intervention de l'Assemblée nationale et des
intéressés. Nous recommandons donc au gouvernement de faire en
sorte que toute modification importante aux pouvoirs des caisses ne soit
possible qu'au moyen du dépôt d'un projet de loi.
En ce qui concerne la possibilité offerte aux caisses de faire
des placements dans des entreprises en vertu des paragraphes 5° et 9°
de l'article 257 et de l'article 259 de l'avant-projet de loi, l'association
croit que la limite de 2 % de l'actif de la caisse est satisfaisante.
Toutefois, nous croyons que les pouvoirs des caisses d'investir dans des
entreprises devraient être limités strictement aux seuls cas de
placements provisoires, de la même façon que les banques en vertu
de l'article 193 de la Loi sur les banques. De même, la limite de 30 %
des droits de vote d'une personne morale visée à l'article 259 de
l'avant-projet de loi devrait être abaissée à 10 % comme
c'est le cas pour les autres catégories d'institutions
financières.
Notre association s'interroge aussi sur l'opportunité de
permettre aux caisses, tel que le suggère l'alinéa 5° de
l'article 213 de l'avant-projet, d'agir à titre de courtier pour le
placement non seulement de parts permanentes et de parts
privilégiées de la caisse elle-même, mais aussi de valeurs
mobilières de sociétés de portefeuille
contrôlées par la confédération à laquelle la
fédération dont la caisse est membre est elle-même
affiliée.
Nous nous préoccupons de la protection des épargnants dans
un tel contexte susceptible de donner ouverture à des conflits
d'intérêts.
En matière de crédit, l'association estime que les
activités des caisses, notamment dans le secteur des prêts
hypothécaires, devraient être soumises à des conditions
analogues à celles qui prévalent pour les autres institutions
financières.
L'interdiction faite aux banques et compagnies de fiducie de consentir
des prêts hypothécaires de premier rang excédant 75 % de ta
valeur de la propriété constitue un des exemples soulignés
dans notre mémoire pour démontrer que l'introduction de
règles de prudence minimales serait essentielle pour assurer la
protection des épargnants et la santé financière des
caisses.
En matière de divulgation financière, l'association
constate que, malgré les améliorai tions apportées,
l'avant-projet comporte encore certaines lacunes. En effet, l'avant-projet
n'impose aux caisses, fédérations et confédérations
aucune obligation de publier dans les journaux les états financiers, ni
d'établir des états trimestriels contrairement aux règles
auxquelles sont assujetties les autres catégories d'institutions
financières.
Par ailleurs, les délais stipulés pour la
préparation des rapports annuels sont plus longs que ceux auxquels sont
assujetties les autres institutions financières. Il faudrait
remédier à ces lacunes, compte tenu du fait que les caisses
seront désormais autorisées à émettre des
actions.
En ce qui concerne la question de l'affiliation des membres auxiliaires
prévue aux articles 92, 339 et 348, l'association est d'avis que ces
dispositions vont à rencontre des principes de base du mouvement
coopératif fondés sur l'affinité entre les membres. Par
ailleurs, la nature et la portée de cette expansion de même que la
notion de membre auxiliaire apparaissent extrêmement floues dans
l'avant-projet de loi.
L'association est également d'avis que le deuxième
paragraphe de l'article 212 de l'avant-projet de loi disant que les
activités coopératives des caisses ne constituent pas
l'exploitation d'uri commerce ou d'un moyen de profit n'est vraiment plus
adapté au contexte actuel de la réforme et devrait donc
disparaître.
Enfin, en marge de l'avant-projet de loi, l'association demande que les
avantages fiscaux dont bénéficient les caisses soient
révisés concurremment à leur loi constitutive, afin que la
réforme se fasse harmonieusement et dans le respect d'une saine
concurrence. Plus particulièrement, l'exemption favorisant les caisses
au niveau de la taxe sur le capital n'est plus justifiée, compte tenu
des nouvelles dispositions favorisant une capitalisation accrue du mouvement
coopératif. De même, l'intégration financière des
composantes du mouvement Desjardins réalisée par l'introduction
de nouvelles normes de capitalisation devrait s'accompagner d'une
intégration dans le traitement fiscal afin que, au chapitre de
l'impôt sur le revenu, les caisses ne soient plus traitées comme
des entités autonomes.
Les fédérations étant appelées à
devenir au terme de l'avant-projet, avec leurs nouveaux pouvoirs et leurs
nouvelles structures, de véritables quasi-banques régionales, il
nous apparaît logique que l'imposition du revenu soit auss faite à
tout le moins au niveau de chaque fédération dans son ensemble
plutôt que sur une base individuelle, caisse par caisse, ce qu.
éviterait de perpétuer la multiplication de la déduction
à la petite entreprise dont jouit actuellement chaque caisse. Nous
croyons que ce traitement de faveur n'est plus justifié dans le contexte
actuel.
En ce qui concerne les incitatifs fiscaux bue le gouvernement a
l'intention de rattacher aux nouvelles formules de capitalisation du mouvement
coopératif, l'association espère tout simplement qu'ils ne
favoriseront pas indûment les caisses et que tous les
intéressés auront l'occasion de commenter les propositions
gouvernementales avant leur adoption.
En conclusion, messieurs, notre association est heureuse de pouvoir
apporter aujourd'hui à la commission du budget et de l'administation et
au ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation les quelques commentaires que nous venons d'exprimer. Nous
souhaitons que ces quelques suggestions aideront votre commission à
apporter les modifications qui s'imposent à l'avant-projet de loi, de
sorte que la réforme des caisses d'épargne et de crédit se
fasse dans un contexte où les institutions financières seront
traitées vraiment sur un pied d'égalité et où le
public jouira pleinement de la meilleure protection possible. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte.
Chacun des groupes parlementaires a donc un temps de parole global de 20
minutes; la durée des interventions - une ou plusieurs interventions -
le temps de parole de chacun des députés est de dix minutes. M.
le ministre, vous avez la parole pour une durée de dix minutes.
M. Fortier: Merci, M. le Président. M. Turcotte, je
remercie l'Association des banquiers d'être venue en commission
parlementaire. Je n'en attendais pas moins du fait de l'importance, bien
sûr, du mouvement Desjardins et des banques au Québec. S'il est
vrai qu'au Québec on se réjouit - d'ailleurs, je partage les
paroles du député de Lévis, et je pense que tous les
Québécois sont très fiers qu'un mouvement de
solidarité se soit développé au cours des ans, depuis
1903, et qu'on ait réussi collectivement à monter un groupe
financier important - même s'il est vrai que tous les parlementaires
autour de cette table partagent cette fierté, il n'en demeure pas moins,
si on veut regarder les choses froidement, que les banques jouent
également un rôle extrêmement important au Québec.
Plusieurs banques sont présentes au Québec; une est
également sous contrôle québécois, mais, de toute
façon, je crois que toutes les banques canadiennes sont
représentées au Québec, et vous avez souligné avec
raison, et je crois qu'on doit en prendre note, la contribution pour appuyer le
développement économique du Québec dans plusieurs
régions du Québec.
Bien sûr, vous connaissez l'historique du mouvement Desjardins. On
ne peut pas récrire l'histoire. À partir de 1900, quand M.
Desjardins a voulu obtenir une charte fédérale, il s'est repris
plusieurs fois et, à un moment donné, une loi a même
été adoptée au Parlement canadien; elle a
été battue par le Sénat. En définitive, le
gouvernement du Québec a présentement juridiction sur les caisses
d'épargne et de crédit et, avec la disparition, à toutes
fins pratiques, des caisses d'établissement, l'avant-projet de loi que
nous discutons va s'appliquer intégralement, uniquement au mouvement
Desjardins. Donc, le gouvernement du Québec a juridiction sur les
caisses d'épargne et de crédit et, par ailleurs, le gouvernement
fédéral a juridiction sur la Loi sur les banques, de sorte que
deux paliers de gouvernement sont impliqués. Vous dites qu'il faudrait
quand même que les règles du jeu soient à peu près
les mêmes. Enfin, je sais que vous savez que ce développement
historique a permis particulièrement au mouvement Desjardins de
développer des liens commerciaux; les banques n'ont pas de liens
commerciaux. Donc, on se retrouve avec des animaux - excusez-moi l'expression -
avec des entités qui opèrent dans le système bancaire,
mais qui sont régies par des lois différentes de sorte que,
historiquement, leur développement s'est fait de différentes
façons. (11 h 15)
Je pense que le député de Lévis avait raison de
dire qu'en 1906, quand le gouvernement québécois a adopté
sa Loi sur les coopératives, personne au Canana ne croyait
qu'éventuellement il y aurait un mouvement important, qu'un groupe
financier important serait créé. Même en 1963, quand M. le
premier ministre Jean Lesage a fait adopter - d'ailleurs, avec l'appui de
l'Opposition à ce moment-là... Je relisais les débats en
commission parlementaire parce que c'était en janvier 1963 et je crois
que les débats à l'Assemblée nationale ont commencé
à être enregistrés à ce moment-là; alors, on
peut relire les débats. D'ailleurs, M. Jean Lesage et M. Daniel Johnson
du temps étaient très solidaires pour appuyer le
développement du mouvement Desjardins. Mais, même en 1963, le
mouvement Desjardins n'avait qu'un actif de l'ordre du milliard de dollars;
alors, cela commençait à être important, mais c'est
à partir des années soixante-dix, je crois, qu'on a vu le
développement du mouvement Desjardins se faire à une allure
accélérée.
Je pense que vous savez tout cela. D'ailleurs, vous dites - j'en prends
note - que vous m'aviez présenté un mémoire, je crois que
c'était à l'été 1987. Évidemment, on a pris
note de plusieurs de vos remarques. J'aimerais le dire, même si on est
très fier du mouvement Desjardins, on croit, avec raison, que les
banques jouent également un rôle financier et économique
important au Québec. Bien sûr, ce n'est pas facile de le faire,
mais il s'agit de trouver un équilibre dans la mesure où on le
peut parce que ce n'est pas nous qui légiférons au gouvernement
fédéral et dans la mesure où on le peut, il s'agit aussi
d'essayer de trouver un équilibre entre les différentes
institutions financières.
Vous apportez certains commentaires. Je crois que j'aimerais, à
ce moment-ci, en commenter deux. Je vais laisser mes collègues
intervenir. Je reviendrai s'il me reste du temps
par la suite. Sur la question des pouvoirs, en fait, vous dites
là-dessus que vous voyez d'un oeil défavorable l'article 216, je
crois. Je notais avec plaisir le commentaire du député de
Lévis parce qu'il disait: Mon Dieu, ce n'est peut-être pas la
façon de faire les choses. Mais j'aimerais lui rappeler que, dans la Loi
sur les assurances, que M. Parizeau avait proposée dans le temps, c'est
encore bien plus généreux parce que là ce n'est pas le
gouvernement, c'est le ministre responsable qui décide et qui fait
publier dans la Gazette officielle les pouvoirs additionnels qu'il peut
donner aux compagnies d'assurances du Québec. Là, on
s'aperçoit que le ministre responsable des institutions
financières, dans le cas des sociétés d'assurances du
Québec, a un pouvoir très important. On avait mis une disposition
semblable à celle-là dans la loi sur les fiducies, mais certains
de mes collègues et certains intervenants nous avaient dit que
c'était peut-être un pouvoir trop important et on l'a
encadré puisque, dans la loi sur les fiducies, maintenant, on retrouve
une disposition semblable à celle qu'il y a dans la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit où le gouvernement - non pas le
ministre, mais le gouvernement - peut, par décret... Mais il faut savoir
qu'au Québec ce pouvoir de réglementer par décret est
sujet à la Loi sur les règlements qui suppose une
prépublication de 90 jours: 45 jours et, ensuite, encore 45 jours. Donc,
c'est une façon de procéder qui est très publique. Ce
n'est pas une décision qui se prend en catimini. Autrement dit, la
possibilité dans la loi sur les fiducies d'ajouter des pouvoirs par
décret, c'est la raison pour laquelle on l'avait adoptée; elle
permet justement, pour le gouvernement, d'adopter un décret, de le
publier et de faire en sorte que les intervenants puissent faire valoir leur
point de vue.
Nous avons, à toutes fins utiles, gardé la disposition que
nous avions adoptée l'année dernière dans la loi sur les
fiducies. On s'est dit: Si c'est bon pour les sociétés de
fiducie, cela doit être bon également pour les
sociétés d'épargne et de crédit. Je voulais
simplement faire le point à ce sujet, en notant votre commentaire et
pour vous dire que, dans le fond, c'est moins généreux que ce
qu'il y avait dans la Loi sur les assurances, mais cela permet quand même
de faire des ajustements au fur et à mesure que certains besoins
pourront être connus.
Par ailleurs, j'aimerais souligner que de la même façon
qu'il y a dans la loi sur les fiducies une disposition qui oblige le ministre
responsable de faire rapport à l'Assemblée nationale à
tous les cinq ans, également, dans cette loi-ci, il y aura l'obligation
pour le ministre responsable, à tous les cinq ans, de faire rapport
à l'Assemblée nationale. J'imagine que les modifications les plus
importantes devraient se faire à tous les cinq ans et non pas par
décret, la possibilité de décret, bien sûr, nous
permettant d'aller au plus pressé lorsque des changements pourraient se
faire.
En ce qui concerne toute la question de la taxation ou des impositions,
vous savez mieux que moi, bien sûr, que toutes ces choses ne se
retrouvent pas normalement dans un projet de loi comme ceiui-ci. Il s'agit de
décisions du ministre des Finances et du gouvernement en particulier.
Enfin, je prends note de vos commentaires dans la mesure où vous dites:
Même si ces recommandations ne devaient pas se retrouver dans
l'avant-projet de loi ou dans le projet de loi comme tel, parce que ce n'est
pas dans le projet de loi... Même, j'ai noté que, dans le
mémoire du mouvement Desjardins, on nous parle de fiscalité.
J'espère que tout le monde réalise que ce n'est pas dans le
projet de loi qu'on va inscrire des dispositions touchant la fiscalité
comme telle. J'aimerais quand même vous demander ceci à cet
égard, je pense que vous faites un commentaire qui est nouveau pour moi,
vous dites: Étant donné que l'avant-projet de loi semble
établir une responsabilité en ce qui concerne les
fédérations, la fiscalité devrait se faire à ce
niveau. J'aimerais que vous explicitiez davantage cette recommandation parce
qu'elle est tout à fait nouvelle. C'est la première fois que je
l'entends, en public en tout cas, et il s'agirait pour nous, et pour le
ministre des Finances et pour le gouvernement, d'une disposition tout à
fait nouvelle. Bien sûr, le projet de loi est structuré de
façon à préserver l'autonomie des caisses. On donne des
pouvoirs accrus aux fédérations, on donne une
autoréglementation à la confédération et un
contrôle à l'inspecteur. On ne l'avait pas vu de cette
façon. J'aimerais que vous explicitiez votre demande lorsque vous dites
que, étant donné le fait que le contrôle de la
capitalisation se ferait à la fédération, le gouvernement
ou le ministre des Finances devrait se pencher sur des nouvelles dispositions
qui feraient qu'au lieu de calculer les impositions du revenu à chaque
caisse cela devrait se faire aux fédérations.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le
ministre. M. Turcotte, le représentant de l'Association des banquiers
canadiens, M. le ministre a épuisé son temps de parole. Alors, il
a parié dix minutes exactement. Si vous devez répondre aux
questions qui vous ont été posées par M. le ministre, je
vous demanderais de le faire brièvement puisque vous épuisez son
prochain droit de parole de dix minutes. Alors, brièvement s'il vous
plaît.
M. Turcotte: Je devrais vouloir faire cela ou ne pas vouloir
faire cela, M. le Président? Sur le dernier point, M. le ministre, la
question de la fiscalité. J'ai remarqué que vous preniez note de
notre intervention sur cela et que le règlement de cette situation ne se
fera peut-être pas à travers ce projet de loi. Sur le dernier
point que vous venez de mentionner, il nous apparaît que le fait que
chaque caisse soit taxée séparément favorise l'ensemble
des caisses ou la fédération
par rapport aux autres institutions financières qui, elles, sont
sujettes à un impôt global. Pour faire une comparaison, c'est que
dans le cas des banques c'est la banque qui paie des impôts et ce ne sont
pas les succursales individuellement. Si les succursales de banques
étaient assujetties à la même provision il y a des grosses
chances qu'il y en ait plusieurs qui jouiraient de la même façon
que les caisses de certains avantages tels que ce qui s'adresse à la
petite entreprise, ce genre de provision. C'est a cela que nous faisions
référence quand on a fait mention de ce sujet. Une
confédération, comme vous l'avez indiqué vous-même,
représente à nos yeux vraiment un organisme quasi bancaire qui
fonctionne sur une base régionale. Dans ce sens, notre désir
d'égalité entre les groupes prévaut.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte.
M. Fortier: Mon temps est écoulé?
Le Président (M. Lemieux): Oui, votre temps est
écoulé, M. le ministre. M. le député de
Mille-îles a demandé aussi la parole. Alors, M. le
député de Lévis, vous avez la parole.
M. Garon: Alors, M. le Président, le ministre a fait comme
d'habitude, il a toujours l'impression qu'on est là pour l'entendre
alors qu'on est venu surtout entendre ceux qui sont devant nous. J'aimerais
seulement faire une remarque au point de départ: je n'ai pas
comparé le mouvement Desjardins à un mammouth. J'ai plutôt
dit le contraire puisque, lors du dépôt du ivre blanc du ministre,
il avait dit qu'il visait à créer des mammouths financiers. Ce
que j'ai dit tout à l'heure, c'est qu'il ne faut pas attendre
après les mammouths pour faire le développement économique
au Québec. J'ai plutôt dit le contraire de ce que vous m'aviez
attribué dans votre déclaration préliminaire qui
n'était pas dans votre texte, j'imagine. D'ailleurs, tous ces
débats sont enregistres. Quand vous en aurez une copie je vous ferai
voir ce que j'ai dit exactement, j'ai plutôt dit le contraire: II ne faut
pas attendre après les mammouths pour faire le développement
économique au Québec. J'ai plutôt dit que c'étaient
la petite et la moyenne entreprises qui créaient les emplois
plutôt que la grande. Maintenant, j'aimerais vous demander ceci au point
de vue de la fiscalité puisque c'est une impression qui traîne
dans le décor régulièrement que les caisses populaires ne
paient pas de taxes et que les banques en paient beaucoup. Est-ce que vous
êtes au courant d'une étude effectuée par la firme Caron,
Bélanger, "Étude comparative des régimes fiscaux
applicables aux banques et aux caisses d'épargne et de crédit au
Québec", qui démontre les niveaux d'impôt que paient les
banques et ceux que paient les caisses, et les niveaux de taxes? C'est
plutôt comparable. Dans l'étude qui a été faite - je
ne sais pas si vous la connaissez - on le démontre plutôt par
banque, il y a même des tableaux, à la fin, qui montrent les taux
d'impôt, etc., les pourcentages payés par les banques et les
pourcentages payés par les caisses, et je vous dirai qu'il y a des
caisses qui paient plus d'impôt que les banques. Est-ce que vous
êtes au courant de cette étude?
M. Turcotte: Est-ce que je dois répondre tout de
suite?
Le Président (M. Lemieux): Oui...
M. Turcotte: Je suis tout à fait au courant de
l'étude de Caron, Bélanger, Dallaire, Gagnon, Charles Pelletier.
Il y a deux volets dans notre argumentation à cette fiscalité:
d'abord, celui du capital, et ensuite celui du revenu. Puisque vous faites
état du revenu, vous remarquerez que la même étude de M.
Pelletier indique les impôts payés par les banques, globalement,
et indique, par opposition, les impôts payés ou les taux
d'impôt qui s'appliquent à un nombre limité de caisses
populaires, quelques-unes des plus grosses. Si je me souviens bien, le tableau
que j'ai vu fait état de quatre ou cinq caisses populaires, les plus
grosses. C'est évident que, si on tenait compte également,
peut-être, d'autres entités à l'intérieur de chacune
de ces confédérations, le taux relatif serait substantiellement
plus bas.
On ne veut pas faire une grande histoire au sujet de la
fiscalité, mais nous croyons qu'il y a là matière à
examen de la part du gouvernement et de cette commission parce que nous croyons
qu'il y a un manque à gagner important, de la part du gouvernement, sur
le plan de la fiscalité. Vous avez fait allusion au rapport de M.
Pelletier. Si vous examinez ce que M. Pelletier a dit quant à la taxe
sur le capital, par exemple, vous constaterez qu'il indique assez clairement
que, effectivement, les banques sont taxées sur le capital et que le
mouvement Desjardins ne l'est pas, que les caisses d'épargne et de
crédit à elles seules, dans le mouvement Desjardins,
représentent un capital de l'ordre de 1 000 000 000 $, et si ce capital
était taxé au taux de taxe sur le capital par le gouvernement du
Québec, cela représenterait de 9 000 000 $ à 10 000 000 $
par année, par opposition à notre industrie, dont les membres
sont sujets à impôt sur le capital à ce taux. Je vous
assure que cela représente une différence importante sur le plan
concurrentiel.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. Vous pouvez toujours continuer.
M. Garon: Autre question. À la page 17, vous dites: "En
effet, bien que le Québec ait été jusqu'à
maintenant à l'abri des faillites d'institutions financières, des
épisodes comme celui des caisses d'entraide économique risquent
de se reproduire si le gouvernement n'adopte pas immédiatement des
normes minimales de prudence
en matière de crédit. " On a connu, il y a quelques
années, les faillites de deux banques sur dix, à l'automne 1984.
À quoi attribuez-vous ces faillites? Quelle est l'expérience de
faillite de banques? Les banques ont tellement été
protégées par les lois qu'il n'y en a pas eu, il aurait fallu
faire exprès pour en faire et, malgré tout, il y en a eu deux.
À quoi attribuez-vous ces deux faillites récentes qui ont
été une épine dans le pied du gouvernement conservateur,
à Ottawa, qui a injecté, tout le monde le sait, des centaines de
millions de l'argent des contribuables canadiens pour essayer de les renflouer,
mais inutilement?
M. Turcotte: C'est une question très intéressante
et très pertinente. Effectivement, il n'y a pas eu de faillite de banque
pendant 60 ans, ou à peu près, parce que, comme vous le dites, il
y avait suffisamment d'encadrement aux institutions et cela protégeait
davantage le consommateur. Qu'est-ce qui a causé
précisément les deux problèmes qu'on a connus au Canada
dans l'industrie bancaire? Il y a probablement plus d'une raison, mais une de
ces raisons, c'est l'espèce d'euphorie qu'a connue l'Ouest canadien, sur
le plan régional, pendant un certain nombre d'années, où
tout n'allait que dans une direction, et c'était la bonne direction.
Dans cette euphorie, des décisions administratives plus ou moins bonnes
ont probablement été prises, et peut-être que certaines
décisions qui auraient dû être prises ne l'ont pas
été. Quand l'industrie pétrolière a souffert son
coup dramatique au début des années quatre-vingt, cela a
malheureusement ralenti d'une façon dramatique également la
situation de ces deux institutions. Il y a probablement d'autres raisons pour
ce genre de chose-là, M. le député de Lévis, dont
je ne suis pas nécessairement au fait. (11 h 30)
C'était, d'autre part, une situation que peu de gens - incluant
les gens qui nous assurent notre réglementation et notre encadrement
-étaient habitués à voir. Peu de gens dans l'industrie
étaient habitués à traiter avec ce genre de situation. Ce
sont heureusement des situations qui ne se sont pas souvent produites. Mais je
pense que, fondamentalement, c'est dû à la croissance
phénoménale régionale, animée par des sentiments
régionaux, qui a résulté dans cette situation.
M. Garon: A l'époque, certains avaient attribué ces
deux faillites de banques au laxisme des inspecteurs de la Banque du Canada. La
Banque du Canada, ce sont des gouverneurs qui sont dans des bâtisses dont
les piliers du temple ont quasiment l'air du Parthénon.
Évidemment, avec l'image institutionnelle de la Banque du Canada...
Mais, apparemment, à l'époque, on a dit que leur inspection
était plutôt de la catégorie "peewee". Qu'est-ce que vous
en pensez? Parce que vous parlez d'encadrement. Mais l'inspection fait partie
des encadrements. J'aimerais savoir si vous considérez que la Banque du
Canada est vraiment un modèle à suivre quand on voit ce qui s'est
passé dans ces cas-là.
M. Turcotte: Je pensais qu'on était ici pour parler des
caisses d'épargne et de crédit!
M. Garon: Bien non, c'est parce que je n'ai jamais...
M. Turcotte: Écoutez...
M. Garon: Vous parlez du système d'épargne et de
crédit. Je voudrais vous faire parler un peu du système que vous
connaissez sans doute le mieux, qui est le vôtre.
M. Turcotte: Oui, je pense que le système d'inspection
d'autoréglementation des banques à charte au Canada est, en
général, très bon. Je pense que le système qui
existe individuellement, indépendamment des bases d'associations,
industrielles, ou des bases réglementaires est très bon. Il a pu
se produire que les gens qui étaient responsables au gouvernement
fédéral se soient retrouvés surchargés pour toutes
sortes de raisons que j'ignore et qu'ils ont manqué peut-être de
personnel. Je ne le sais pas.
Ce que l'on sait clairement aujourd'hui, d'autre part, c'est que le
bureau du Surintendant des institutions financières a été
élargi d'une façon importante depuis ce temps-là.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte. M. le
député de Lévis, votre temps de parole est
épuisé.
M. Garon: Bien, écoutez, j'ai commencé...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le
député.
M. Garon: Mais, là, j'ai commencé à 11 h
22.
Le Président (M. Lemieux): II est 11 h 32, M. le
député de Lévis.
M. Fortier: Cela passe vite, n'est-ce pas? Ha, ha, ha!
M. Garon: D'accord, cela marche. Je reviendrai.
Le Président (M. Lemieux): II est 11 h 32 et même 11
h 33. M. le député de Mille-Îles, vous avez la parole. Je
m'excuse, ce n'est pas bien grave, M. le député de
Lévis.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. Turcotte, il
y a de la dynamite dans votre document, surtout à la page 5. Je vous
fais lecture du paragraphe du bas de la page. Je vous
cite: "Nous croyons qu'il n'est ni dans l'intérêt du
public, ni dans l'intérêt des caisses, ni dans celui du
gouvernement de ne pas appliquer aux caisses d'épargne et de
crédit les mêmes règles que celles applicables aux autres
institutions financières habilitées à recevoir des
dépôts du public. À défaut d'un resserrement des
règles de prudence et de divulgation les régissant, les caisses
d'épargne et de crédit risqueraient de faire face à des
difficultés semblables à celles éprouvées par les
caisses d'entraide économique il y a quelques années. "
C'est un commentaire et un paragraphe très lourd de
conséquences comme jugement sur les règles qui régissent
présentement les caisses d'épargne et de crédit. Je note
une mise en garde sévère au gouvernement en place quant aux
dispositions du projet de loi.
Mais je vais attirer votre attention sur la protection fondamentale du
public avec les réserves générales des banques, d'une
part, et des caisses d'épargne et de crédit, d'autre part, et
j'aimerais que vous m'éclairiez dans la balance des minutes qui vous
resteront pour me répondre.
Vous êtes obligé en vertu de la Loi sur les banques d'avoir
et de maintenir une réserve primaire, mais elle ne doit pas être
inférieure au total des sommes représentées par 10 % du
passif-dépôt à vue, 2 % du passif-dépôt
à préavis, 1 % de la différence entre le
passif-dépôt à préavis et 1 000 000 $, et 3 % du
passif-dépôt en monnaie étrangère, tandis que les
caisses d'épargne et de crédit sont tenues de maintenir une
réserve générale dont le montant représente au
moins 3, 5 % du passif-dépôt de la caisse.
Quand on parle d'une garantie de réseau, comme on en parle dans
l'actuel avant-projet de loi, quelle est la valeur d'une garantie de
réseau où les règles de base, quant aux réserves
générales, ne se limitent qu'autour de 3, 5 % ou de 4 %
comparativement aux obligations que vous avez, les banques? Est-ce que c'est
à cela que vous faites référence quand vous tournez autour
du pot, à la page 5 de votre mémoire? Est-ce que c'est le grelot
que vous agitez? Demandez-vous au gouvernement du Québec d'augmenter les
réserves générales ou l'obligation des caisses
d'épargne et de crédit de maintenir une réserve primaire
générale plus importante pour augmenter la sécurité
du public?
M. Turcotte: Nous n'avons pas de bâton de dynamite,
monsieur, pour employer votre expression, et nous ne sommes pas des balanceurs
de grelots non plus. Je pense que le paragraphe en question fait beaucoup plus
référence à la question de divulgation qu'à la
question de maintien de réserve. Premièrement, dans le mouvement
Desjardins, des réserves, il n'y en avait pas beaucoup avant, il y en a
plus maintenant; deuxièmement, dans les banques, il y en a beaucoup
depuis toujours et il y en aura moins dans ia nouvelle loi qui s'en vient.
Donc, il n'est pas question de réserve.
Là question de réseau, d'autre part, est fort pertinente,
à notre avis, en ce sens que le réseau assure une certaine
stabilité, fait preuve également, à mon sens, de beaucoup
d'autoréglementation. Mais ce à quoi nous voulions en venir ici,
et je vous concède que ce n'est peut-être pas rédigé
de la meilleure façon possible, c'est à la divulgation. Nous
croyons qu'il y a lieu d'avoir une divulgation qui se rapprocherait bien
davantage de celle à laquelle nous sommes soumis et à laquelle
d'autres institutions financières sont également soumises que ce
qui est proposé dans cet avant-projet de loi. Nous pensons que l'ampleur
du mouvement était la dimension du mouvement Desjardins. On a dit
tantôt que c'était devenu la plus grosse institution
financière au Québec. Nous pensons qu'en vertu de ce fait et en
vertu du fait qu'il y a tellement de gens - il n'y en a pas des centaines de
milliers, il y a des millions de sociétaires - l'information
financière pertinente du mouvement devrait être plus fluide et
devrait être divulguée d'une façon plus
régulière publiquement, dans les journaux, comme c'est le cas
pour les autres institutions financières. Il s'agit, à notre
point de vue, purement d'une protection générale du public.
M. Bélisle: Vous n'avez pas autre chose à ajouter
là-dessus?
M. Ferron (Daniel): J'aurais un petit point dans le sens que ce
qu'on visait aussi, pour ajouter à ce que M. Turcotte vient de dire,
c'est la question d'émission d'actions. Si les caisses sont
autorisées à émettre et même à vendre des
actions des sociétés de portefeuille, à ce
moment-là, il faudra y rattacher des règles de divulgation
nécessaires parce que c'est le public qui va en souffrir, si ce n'est
pas fait adéquatement.
Le Président (M. Lemieux): Avez-vous d'autres exemples de
ce type de divulgation que vous aimeriez y voir apparaître?
M. Ferron: II y avait les prospectus, par exemple. Là,
évidemment, l'avant-projet de loi ne traite pas de la question des
valeurs mobilières.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Ferron: On présume que ia Commission des valeurs
mobilières va s'occuper de ce domaine-là, mais on voulait quand
même le souligner pour que ce soient les mêmes règles qui
s'appliquent aussi à rémission d'actions que pour toutes les
autres entreprises ou institutions financières.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Avez-vous
terminé, M. le député de Mille-Îles? M. le ministre,
il vous reste jusqu'à 11 h 42. Je m'excuse, M. le ministre.
M. Fortier: On peut aller en alternance.
Le Président (M. Lemieux): Oui, consentement du
député de Lévis, jusqu'à 11 h 42? Alors,
consentement du député de Lévis, oui.
M. Fortier: Très brièvement, je pense que le point
que le député de Mille-Îles a soulevé est important.
J'aimerais vous poser la question. Nous croyons que la capitalisation à
5 % du passif-dépôt est une augmentation substantielle, elle est
de 3, 5 % actuellement. En prenant en considération le fait que les
caisses populaires ne vont pas à l'étranger... Dans votre cas, je
crois que la nouvelle exigence est de 4 % et devrait aller dans les
années qui viennent jusqu'à 8 % selon une entente internationale.
J'aimerais que vous me confirmiez que les 5 % sont une exigence nouvelle qui
est d'ailleurs bien reçue par le mouvement Desjardins et qui satisfait
également les banques. Je pense que vous pouvez confirmer cela.
M. Turcotte: Oui.
M. Fortier: La question que j'aimerais vous poser touche
l'article 259 où vous dites que vous êtes d'accord avec les 2 % de
l'actif qui pourraient être investis dans du capital de risque si on veut
l'appeler comme cela. Nous avons limité cela à 30 % du vote parce
qu'on ne voudrait pas que ce capital de risque permette à des caisses de
contrôler une industrie. Parce que j'ai indiqué tout à
l'heure que la nouvelle structure du mouvement permettrait, entre autres, si on
pense à la société industrielle Desjardins, d'être
dans un holding au niveau de la confédération. Donc, au niveau
des caisses et de la fédération, il n'y aura pas de liens
commerciaux comme tels. Et, dans le passé, ce qui arrivait, c'est que
chacune des fédérations avait le droit de prendre 30 % de
contrôle. Alors trois, quatre, cinq ou six fédérations se
mettaient ensemble et pouvaient aller chercher jusqu'à 180 % d'une
compagnie. Alors, réellement c'était "by-passer" l'intention du
législateur. C'est donc la raison pour laquelle on a mis ici une
disposition disant que, même s'ils investissaient 2 % ou que deux ou
trois caisses se mettaient ensemble, elles ne pourraient pas contrôler
plus de 30 % du vote. Alors, nous considérons cela comme un pas en avant
dans le sens que cela limite de beaucoup ce qui se faisait dans le
passé. Mais pourquoi demandez-vous que ce soit uniquement la même
chose que les banques, soit 10 %? J'ai de la misère à comprendre
la préoccupation que vous avez dans la mesure où vous dites: Le
contrôle du vote devrait être limité uniquement à 10
%. Est-ce que c'est très important pour vous ou si c'est simplement pour
dire que ce serait préférable si la participation d'une caisse ou
de plusieurs caisses était limitée à 10 % du vote? Est-ce
que c'est pour que cela soit semblable ou si c'est une disposition qui a une
très grande importance pour les banques en général?
M. Turcotte: Premièrement, M. le ministre, c'était
une question de désir d'uniformisation, non seulement avec les banques,
mais également avec les sociétés de fiducie.
C'était le point principal que nous voulions apporter sur ce
plan-là.
M. Fortier: Alors, c'était plus pour des arguments de
similitude que pour d'autres raisons qui seraient plus spécifiques.
M. Turcotte: C'est cela.
M. Fortier: Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis.
M. Garon: II y a une question que j'aimerais vous poser. Quand on
lit le rapport Porter, si ma mémoire est bonne, de 1964, une des
principales critiques qui était faite des banques - je ne dis pas cela
pour... mais vous allez voir pourquoi - était que 30 % des prêts
de plus de 100 000 $ étaient faits à des institutions, à
des entreprises au conseil d'administration desquelles siégeaient les
membres du conseil d'administration des banques. Cela veut dire que le membre
du conseil d'administration de telle compagnie était au conseil
d'administration de la banque et 30 % des prêts de plus de 100 000 $ des
banques étaient faits à des compagnies auxquelles les
administrateurs des banques étaient reliés. Vous ne pensez pas
que c'est un des points, autant que la divulgation et tout cela, qui... De
fait, dans les caisses populaires, c'est plutôt sur cet aspect-là
qu'il faudrait s'assurer qu'il n'y ait pas de prêts qui impliquent des
gens qui sont au conseil d'administration et qui ont un intérêt
personnel. Vous ne pensez pas que, sur le plan des affaires, c'est là le
plus grand danger qu'on se serve de ses influences comme administrateur d'une
institution financière pour se faire faire des prêts auxquels on
n'aurait peut-être pas droit autrement?
M. Turcotte: C'est un autre point très pertinent. Je me
demande dans quelle mesure le Code de déontologie dont on parle ici
pourra servir à assurer que ce genre de situation n'existe pas. Dans les
banques, il y a eu une évolution énorme, depuis 1964, sur ce
plan. Il y avait beaucoup de directorats croisés entre les banques et
d'autres institutions qui ne sont plus permis maintenant. C'est une situation
qui n'existe plus maintenant. Mais, dans les banques, le Code de
déontologie fait qu'un administrateur doit quitter la salle au moment
où des crédits dans lesquels il aurait une relation quelconque
sont présentés à cette même table. Je ne crois pas
que ce soit une provision de la loi. Je ne suis pas sûr à 100 %.
C'est certainement une
habitude résultant du Code de déontologie. C'est un point
important. Les transactions entre intéressés devraient faire
l'objet de certaines assurances.
M. Garon: J'aimerais vous demander ceci: Le fait que les caisses
populaires ne fassent pas vraiment de prêts internationaux... D'ailleurs,
cela devrait être davantage encadré, sans doute. Ne pensez-vous
pas que ce qui a rendu la situation des banques plus difficile, au cours des
dernières années, ce sont justement ces prêts de milliards
au gouvernement ou à des pays où la situation financière
n'était pas solide? Au Brésil, par exemple, les banques ne
recouvreront sans doute pas une grosse partie des montants prêtés.
C'est un des aspects qui rend la situation des caisses populaires plus solide
parce qu'elles ne font pas de prêts à des entreprises de pays
étrangers dont le crédit n'est pas très fort. On parle
actuellement des banques. C'est une des principales causes de perte des banques
qui sont assumées, au fond, par les sociétaires d'ici,
indirectement. (11 h 45)
M. Turcotte: Pour répondre à votre question, je
suis obligé de faire certaines hypothèses. Il y a des cycles dans
cela. Il n'y a aucun doute que les prêts à l'étranger ont
causé des pertes importantes pour les banques. Est-ce dû
strictement au fait d'avoir prêté à l'étranger? J'en
doute. Il y a beaucoup de prêts à l'étranger qui sont
d'excellents prêts, en fait. Fort heureusement.
La situation qui a découlé de celle qu'on a connue
résulte davantage de la crise du pétrole que de n'importe quoi
d'autre. La crise du pétrole a affecté également plusieurs
des opérations internationales en Amérique du Sud, par exemple,
ou en Amérique centrale. Comme c'étaient des économies qui
ont une capacité plus limitée, il est évident que leur
capacité de remboursement était moins bonne. La situation qu'ils
ont dû traverser était insurmontable pour eux. Est-ce qu'on va se
sortir de cette situation ou non? Je ne le sais pas. Mais d'autre part, il ne
faut pas comparer la situation internationale des institutions bancaires
canadiennes avec le fait que vous mesurez cela contre les avantages de faire
affaire seulement au Québec, comme le mouvement Desjardins l'a fait
jusqu'à présent. Je ne pense pas que la comparaison devrait
être exclusive.
M. Garon: Je parle...
M. Turcotte: II pourrait y avoir des problèmes
économiques, comme il y en a déjà eu, d'ailleurs, dans le
commerce aux consommateurs, des problèmes économiques importants
qui ont affecté davantage les institutions qui faisaient plus affaire
avec les consommateurs. Depuis quelques années toutes les banques au
monde, dans le monde occidental, qui font affaire avec le consommateur
réussissent mieux que celles qui n'avaient que des liens avec des
clients corporatifs. C'est un phénomène relativement nouveau.
Dans les années soixante-dix c'était l'inverse. Or, il y a des
cycles. L'important est d'essayer de se protéger contre ces situations
sur lesquelles nous n'avons pas trop de contrôle.
M. Garon: Aux pages 8 et 15 vous parlez de l'émission
d'actions. En ce qui concerne les émissions d'actions prévues par
l'avant-projet est-ce qu'un processus tel que celui administré
actuellement par la Commission des valeurs mobilières du Québec
vous paraît satisfaisant?
M. Turcotte: De façon générale, oui.
M. Garon: Et pour la protection du public, aux pages 5 et 6, vous
semblez préoccupé par cette question. Je pense que c'est normal
parce qu'un des buts importants de la réglementation c'est la protection
du public. Vous croyez que l'avant-projet de loi perd parfois de vue cet
objectif. Pourriez-vous nous expliquer davantage comment les règles qui
existent dans les banques visent mieux cet objectif comparativement aux caisses
pour faire un genre de tableau comparatif?
M. Turcotte: Si vous faites référence à la
page 5, au milieu de la page, on parle également de divulgation. Je
pense que c'est l'élément principal que nous voulions porter
à l'attention des membres de la commission.
Nous sommes obligés, par exemple, dans notre industrie, de
publier des états financiers 45 jours après la fin de chaque
trimestre et de les publier dans les journaux. C'est une imposition
légale. Nous croyons que c'est une divulgation importante. Je suis
obligé de penser que plus l'organisme est gros, plus il y a de gens
impliqués, plus il devient nécessaire que cette information soit
publique.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez encore deux minutes,
M. le député.
M. Garon: À la page 23 concernant l'expansion
extraprovinciale - c'est votre opinion que je veux connaître, ce n'est
pas la mienne que je donne, je veux être bien clair là-dessus - on
parle de l'importance d'un traitement équitable pour toutes les
institutions financières. C'est pour cela que je dis qu'en posant ma
question je ne donne pas mon opinion. Pourquoi refuser au mouvement Desjardins
le droit d'aller dans les autres provinces alors que les banques ont le droit
d'y aller? Ne considérez-vous pas qu'il s'agirait là de deux
poids deux mesures ou est-ce parce que vous voulez davantage que les caisses
populaires respectent leur caractère coopératif?
M. Turcotte: Ce serait bien qu'elles respectent leur
caractère coopératif, je suis d'accord
avec vous là-dessus. Je pense que l'élément que
nous voulions faire ressortir ici, ce n'est pas tellement le fait que les
caisses aillent à l'extérieur. Ce n'est pas clair, en fait, cela
nous apparaît un peu flou. C'est également le genre d'entente que
cela pourrait donner entre les caisses et d'autres groupes de
l'extérieur. Cela non plus n'est pas clair dans l'avant-projet de loi et
c'est à cela que nous faisions référence. Nous serions
concernés, je pense, si, par voie d'affiliation quelconque avec des
institutions extraprovinciales, certains services de ces institutions
devenaient disponibles dans les caisses populaires québécoises.
Nous aimerions avoir un peu plus de précisions et d'encadrement sur ce
point-là.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. Turcotte.
M. le ministre, vous avez quatre minutres et M. le député de
Lévis va terminer avec quatre minutes. M. le ministre.
M. Fortier: Je vais en profiter pour corriger une impression. M.
Turcotte disait qu'il trouvait que le Code de déontologie n'était
pas assez sévère pour ceux qui sont dans des situations de
décider. Je vous référerais aux articles 208 et 209 de
l'avant-projet de loi. À l'article 208, on dit: "Un dirigeant qui a un
intérêt dans une entreprise mettant en conflit son
intérêt et celui de la caisse doit, sous peine de destitution de
ses fonctions, dénoncer son intérêt", etc. À
l'article 209: "Un dirigeant d'une caisse - et, comme dirigeants, on implique
des personnes intéressées - ne peut davantage, sous peine de
destitution de ses fonctions, rendre une décision sur le crédit
qui lui est destiné". Ces deux dispositions sont très
sévères et je peux vous dire que, selon les commentaires qui
parviennent à mes oreilles, on est plutôt trop
sévères; alors, vous me surprenez en me disant qu'on ne l'est pas
suffisamment.
M. Turcotte: Cela dépend de quelle source cette
information provient.
M. Fortier: Ha, ha, ha! Je pense bien que le ministre qui vous
parle ne veut pas faire état de petits problèmes qui peuvent
exister dans certaines caisses, mais il est vrai que M. Bouchard, l'inspecteur,
m'a signalé qu'à certains moments des gens qui étaient
dans des fonctions de décider du crédit dans une caisse... J'ai
ici devant moi le cas d'un entrepreneur en construction qui était
commissaire de crédit et qui n'a pas divulgué son
intérêt, et il ne s'est pas abstenu de voter sur une demande
d'emprunt de 395 000 $. Il me semble que c'est l'enfance de l'art. Je ne
comprends pas qu'on soit obligé de rédiger un article de loi
à ce sujet-là. Mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'il ne se
passe rien. Il y a des choses qui se passent et elles ne sont pas catholiques.
C'est malheureux parce que, sur 18 000 bénévoles du mouvement
Desjardins, probablement qu'environ 17 900 respectent toutes les règles
non écrites, mais, pour quelques-uns qui ne respectent pas certaines
règles qui seront maintenant dans la loi, on nous accuse d'être
beaucoup trop sévères.
Vous insistez beaucoup sur la question de la divulgation. Dans le fond,
c'est plutôt à la divulgation à tous les trois mois que
vous attachez beaucoup d'importance. Je dois vous admettre que, avant de
devenir ministre des Institutions financières, je ne lisais pas tous les
états financiers de toutes les banques; j'imagine que les 6 000 000 de
Québécois ne lisent pas La Presse pour lire les
états financiers publiés. Dans le fond, ce que vous voulez dire,
c'est qu'en publiant tous les trois mois cela alerte les gens avertis des
problèmes qui peuvent survenir et j'aimerais que vous explicitiez votre
point de vue parce que vous semblez insister là-dessus et, pour le
commun des mortels, ce n'est pas évident que tous et chacun vont se
mettre à lire les états financiers de la caisse, de la
fédération, de la Banque de Montréal ou de la Banque
Royale.
M. Turcotte: Non, les...
M. Fortier: Je pense que ce n'est pas tout le monde qui lit les
états financiers.
Le Président (M. Lemieux): M. Turcotte.
M. Turcotte: Les états financiers, en
général, sont disponibles dans les caisses populaires, pour
autant que je sache, mais, vous venez de le dire, ils ne sont pas
nécessairement lus par les sociétaires. Je pense que, si la
situation est connue publiquement, cela apporte une mesure de protection
additionnelle pour le sociétaire. Est-ce que c'est aussi important que
cela se fasse également au niveau de la confédération?
Probablement. Je suis obligé de penser que probablement cela le serait.
Si on parle strictement d'une caisse individuelle, bien on dit: Elle peut
être en très mauvaise posture pour toutes sortes de raisons,
bonnes ou pas bonnes, mais elle peut également se replier sur sa
fédération.
M. Fortier: La fédération.
M. Turcotte: Et c'est vrai. Maintenant, si à
l'intérieur de cette même fédération il y avait un
nombre important de caisses qui se trouvaient dans une situation difficile,
cela ne serait pas mauvais que le public le sache également. Donc, je
suis obligé de penser que cette provision-là devrait s'appliquer
également au niveau structurel supérieur.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Turcotte. M. le
député...
M. Fortier: Est-ce que je peux...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
ministre.
M. Fortier: Une demi-seconde, juste une demi-seconde, M. le
député de Lévis.
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, avec le
consentement du député de Lévis. Oui, il vous reste...
M. Garon: Oui, mais s'il veut une seconde...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le ministre. M.
le député de Lévis.
M. Garon: La question que je voudrais vous poser, elle est
très importante. Vous dites: Ce ne sont plus des coopératives
locales, les caisses d'épargne et de crédit, c'est une
corporation. Je pense que cela est fondamental. J'aimerais vous poser la
question suivante: Quand un épicier détaillant
propriétaire de son magasin décide de porter la bannière
Métro, considérez-vous qu'il cesse d'être un épicier
détaillant propriétaire de son magasin parce qu'il porte la
bannière Métro?
M. Turcotte: Si cet individu-là s'aide, vous voulez dire,
en portant la bannière.
M. Garon: C'est parce que vous dites... M. Turcotte:
Probablement que...
M. Garon: Le fait qu'ils sont ensemble, c'est devenu gros, ce ne
sont plus des coopératives locales ou des caisses d'épargne
locales, c'est une corporation comme nous autres, comme une banque avec des
succursales.
M. Turcotte: Ce n'est pas uniquement... M. Garon: Je
pense...
M. Turcotte:... à cause de cela que c'est une corporation,
mais je pense que la forme... On tend à s'éloigner de plus en
plus de la forme coopérative et à aller de plus en plus vers la
forme corporative: d'abord, en vertu de la taille, en vertu de l'association
que vous mentionnez, mais aussi, M. Garon, à cause du fait que, dans la
pratique, il y a des institutions du mouvement Desjardins qui émettent
des actions dans le public présentement, donc, qui vont chercher du
capital à l'extérieur de leurs membres. Je ne dis pas que c'est
bon ou que ce n'est pas bon, mais je dis que c'est cela. Donc, si c'est cela,
c'est évident que c'est corporatif plutôt que
coopératif.
M. Garon: Oui, mais que des groupes locaux...
M. Turcotte: Oui.
M. Garon:... veuillent se donner des services... C'est pour cela
que je donne une comparaison comme Métro. Métro est une autre
forme, à mon avis, d'entreprise où ce sont des épiciers
qui sont propriétaires de leur épicerie, mais qui...
M. Turcotte: Qui partagent une bannière...
M. Garon:... partagent une bannière et font un
regroupement d'achats. Est-ce que, pour autant, ils cessent d'être des
détaillants locaux, propriétaires de leur entreprise qui font les
décisions localement ou s'ils n'ont tout simplement pas
décidé de se donner un certain nombre de services en commun comme
le font les caisses populaires dans le cadre d'une fédération ou
ensuite d'une confédération?
M. Turcotte: Je pense que, pour parier de l'épicier en
soi, probablement dans sa pensée et probablement dans la pratique dans
la plupart des cas, on peut faire la preuve qu'il s'est aidé aussi en
s'identifiant à une bannière qui est bien connue dans son milieu.
Mais j'ai de la difficulté à saisir le rapprochement entre
cela...
M. Fortier: Sur le plan fiscal.
M. Garon: Non, je ne parle pas de la fiscalité, je parle
au plan des décisions. Un exemple, il y a un grand débat
actuellement sur les frais de service. On a parlé des frais de service
des banques à Ottawa. Après cela on a mis les frais de service
des caisses. Je vois qu'il y a des recommandations. Les décisions sont
prises localement dans les caisses. Si je regarde la caisse où je vais,
la plupart des frais de service qui sont indiqués là ne sont pas
facturés. La caisse, c'est une entreprise locale qui a des services
régionaux, à mon avis. Là, quand vous parlez du
caractère corporatif, c'est comme s'il n'y avait plus d'entité
locale qui décide d'un grand nombre de choses, comme si c'étaient
toutes des décisions qui venaient d'en haut. Moi, je ne le sais pas,
mais j'ai encore l'impression que, malgré les services en commun qu'on
s'est donnés dans le mouvement Desjardins, les décisions viennent
de la base.
M. Turcotte: Si vous regardez chaque unité
individuellement, c'est probablement hautement souhaitable et, dans mon esprit
à moi, c'est ce qui se rapproche le plus de la pensée originale
d'Alphonse Desjardins ou du mouvement coopératif. Mais ce que l'on dit,
c'est que en même temps que cela se produit il y a d'autres choses qui se
sont produites aussi qui font que c'est devenu tellement gros qu'en vertu de la
taille cela prend un encadrement beaucoup plus rigoureux que ce qui
prévalait autrefois. Que ce soit souhaitable ou non, il faut faire face
à la réalité.
C'est la même chose que le marchand qui
s'associe à la bannière Métro, la bannière
Rona ou n'importe quelle autre, il s'assujettit automatiquement à un
cadre donné qu'il est obligé de respecter.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, pour le mot de la fin.
M. Garon: Je veux vous remercier d'être venus nous
rencontrer, et surtout, d'avoir accepté de bien répondre.
Parfois, on pose des questions et les gens ne répondent pas. J'estime
que vous avez vraiment répondu aux questions. Pour ma part, je n'ai pas
posé de questions sur certains points de votre mémoire, ils
étaient assez clairs et ne nécessitaient pas de questions
additionnelles; j'ai surtout posé des questions sur des points qui ne
m'apparaissaient pas clairs, pas assez couverts ou quand, à mon avis, je
n'étais pas certain que la démonstration était suffisante.
Je vous remercie d'être venus nous rencontrer et d'avoir consacré
le temps nécessaire à la rédaction d'un mémoire
aussi volumineux pour donner votre opinion sur l'avant-projet de loi qui a
été déposé par le ministre à
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: Je veux aussi vous remercier. Ce que je voulais
ajouter tout à l'heure, parce qu'on parlait de publications, c'est que,
dans le projet de loi, il y a une disposition qui fait en sorte que
l'Inspecteur général des institutions financières,
annuellement, va préparer un rapport sur la santé
financière des caisses et va le déposer à
l'Assemblée nationale. Ce n'est peut-être pas un substitut pour
votre demande, mais c'est un complément d'information que je voulais
donner. De toute façon, j'ai pris note de vos commentaires, et nous
allons continuer, durant les deux ou trois jours qui viennent, à
écouter les autres intervenants, et soyez assurés que vos
commentaires seront pris en sérieuse considération. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation. M.
Turcotte, avez-vous quelque chose à ajouter? Cela va?
M. Turcotte: Merci, cela nous a fait plaisir.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, au nom des
deux groupes parlementaires, de votre participation à cette consultation
générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Nous suspendons nos travaux
jusqu'à 14 heures et nous reprendrons cette consultation
générale avec le Service d'aide aux consommateurs. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 14 h 3)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration poursuit ses travaux relativement à la consultation
générale sur l'avant-projet de loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Nous allons maintenant entendre le
Service d'aide au consommateur et, comme les représentants ont
déjà pris place à la table des témoins, est-ce que
le porte-parole de l'organisation pourrait s'identifier et présenter,
dans un premier temps la personne qui l'accompagne?
Mme Plamondon (Madeleine): Mon nom est Madeleine Plamondon, je
suis présidente du Service d'aide au consommateur de Shawinigan;
à ma gauche, Mario Saint-Pierre, recherchiste au Service d'aide au
consommateur.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme
Plamondon. J'aimerais vous rappeler tout simplement que les règles sont
les suivantes. Vous avez 20 minutes que vous devez consacrer à
l'exposé de votre mémoire - 20 minutes ou moins - et suivra une
période de 40 minutes d'échanges entre les membres de cette
commmission. Sans plus tarder, nous vous écoutons.
Service d'aide au consommateur
Mme Plamondon: Nous présentons le présent
mémoire parce que la décentralisation au sein du mouvement
Desjardins provoque une satisfaction qui est inégale des membres des
caisses populaires à l'égard des services que ces derniers
utilisent. Chaque caisse exige des frais différents pour ses services.
Aucune directive uniforme pour le traitements des plaintes n'émane ni de
la confédération ni des fédérations. Il n'existe
pas de centre d'information accessible à tous les consommateurs pour
comparer les produits ou les politiques des caisses populaires. Dans
l'intérêt des consommateurs, on estime qu'il est indispensable que
la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit uniformise
certaines politiques, tout en respectant le principe d'autonomie des
caisses.
Vous me permettrez de présenter rapidement notre organisme. Le
Service d'aide au consommateur est un organisme à but non lucratif qui
s'occupe de la défense et de la promotion des droits des consommateurs
depuis plus de quatorze ans. Nos objectifs sont de fournir des conseils aux
consommateurs, de leur donner des renseignements, d'arbitrer les plaintes,
d'orienter les plaignants et de représenter j comme aujourd'hui les
intérêts des consommateurs.
On reçoit en moyenne 615 plaintes par semaine. Nous avons des
lignes à l'usage des membres et celle grand public et nous avons une
ligne sans frais partout au Canada depuis plus de trois ans. Il y a au-dessus
de 15 500 consom-
mateurs qui payent une cotisation annuelle au Service d'aide au
consommateur.
Pour la troisième année consécutive, les services
financiers constituent l'un de nos dossiers prioritaires. Nous avons
publié en mars 987 une étude sur les frais reliés aux
services financiers. Cette étude a permis d'identifier plusieurs
irrégularités quant aux frais et plusieurs défaillances
quant à l'information délivrée sur ce sujet par les
insitutions financières. Nous avons fait de nombreuses
interventions.
À propros des frais de service, les consommateurs
réclament de plus de recevoir de l'information sur les frais et une
meilleure protection dans la consommation des services.
Nous avons proposé aux institutions financières une
structure de mécanisme de recours. Nos objectifs ont été
partiellement atteints seulement au niveau fédéral, par le
dépôt d'un projet de loi amendant la Loi sur les banques. Ce
projet de loi contient plusieurs des recommandations que nous avions
émises devant le comité permanent des finances et des questions
économiques.
Au niveau provincial, nous comptons sur la présente consultation
pour vous faire part de nos appréhensions et de nos recommandations.
Nous souhaitons que les consommateurs, par la réforme de la loi, soient
davantage protégés. La structure des banques fait en sorte que
les politiques qui sont émises par les sièges sociaux doivent
être appliquées intégralement dans les succursales.
À cause du caractère d'autonomie des caisses, il est
indispensable que la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit
prévoie des mesures claires sur les frais de service. Il est impensable
qu'on s'en remette, à cause de la structure des caisses populaires,
à des mesures volontaires. Nos recommandations sont donc doublement
importantes si on les met en rapport avec celles qu'on avait exprimées
devant le comité permanent des finances a Ottawa.
Les frais de service. Les déposants ont droit à
l'information sur les frais de service. Lors de l'élaboration de notre
étude à l'automne 1986, nous avons pu constater que les caisses
populaires ne prennent aucune mesure pour indiquer les frais exigés pour
chacun des services et produits offerts. Vous pouvez retrouver frais
d'administration, frais de service et commissions sous trois sigles
différents, et vous ne pouvez pas reconnaître là-dedans les
arrêts de paiement, les certifications de chèques, les
chèques NSF ou refusés, les frais de découvert ou les
règlements de factures. L'absence d'information provoque chez le
déposant de fréquentes surprises et entraîne souvent des
situations qui lui causent des préjudices. On peut retrouver des gens
qui feront un chèque qui se retrouvera sans fonds suffisants parce que
des frais auront été prélevés sans que le
déposant en soit averti au préalable. En ne connaissant pas les
coûts reliés aux opérations utilisées, le
déposant ne pouvait prévoir l'importance du montant des frais
d'administration qui avaient été débités à
son compte. Des consommateurs déposent régulièrement des
plaintes au Service d'aide au consommateur selon lesquelles un ordre de
paiement s'est avéré sans provisions suffisantes à la
suite de la perception préalable de frais d'administration. En plus des
préjudices qui sont causés par l'émission de cet ordre de
paiement sans provisions suffisantes, le déposant doit payer un surplus
de 10 $. Il n'y a aucun dépliant, il n'y a aucune affiche et, depuis le
débat, on a remarqué que certaines caisses avaient
commencé à prendre une initiative avec des panneaux
électroniques. Un total de 1301 membres, signataires de la
pétition du Service d'aide au consommateur que voici, provenant de 62
villes et municipalités du Québec et ayant présenté
des transactions à 119 caisses différentes, ont signé un
formulaire disant qu'ils voulaient voir afficher les frais dans les caisses et
près des guichets automatiques, parce que les gens en ont assez, et
c'est pour les mêmes raisons que celles qui ont été
évoquées quand on est allé devant le comité
permanent.
On estime que les coûts annuels des frais de service ont
été, en 1986, de 106, 50 $; à cette
époque-là, c'étaient les coûts les plus bas avec
ceux de la Banque Nationale, parmi la liste des banques et des caisses
populaires. Mais c'est une sobre estimation qui entre dans le budget de chaque
famille. Sans outil d'information sur les frais, comment les déposants
peuvent-ils prévoir le coût des services dans leur budget?
L'absence d'information sur les frais brime aussi le consommateur dans le choix
de ses produits financiers. Étant dans l'impossibilité de
magasiner quant à ces services, le consommateur fait aveuglément
confiance à sa caisse. L'irritation survient quand on réalise le
montant des frais qui sont débités à son compte. On a
différents exemples qu'on pourra vous apporter tantôt à la
période de questions. Toutes les entreprises établissent un
système pour faire connaître à leurs clients la
tarification. Bien que les banques à charte minimisent leurs efforts
d'information, elles sont au moins soumises à la Loi sur les banques qui
les oblige à divulguer les frais de service. La Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit doit veiller à ce que les caisses
informent les déposants des frais parce qu'il n'y a rien de prévu
à l'heure actuelle. Donc, nous recommandons que tous les
déposants d'une caisse soient informés de tous les frais et
conditions afférents aux services et produits offerts dès
l'ouverture d'un compte de dépôt par la remise d'un
dépliant; que le dépliant sur les frais de service soit
disponible dans les présentoirs; que des affiches ou tableaux
électroniques indiquant tous les frais de service soient placés
près des comptoirs; que des affiches ou des tableaux
électroniques soient aussi placés près des guichets
automatiques et que le dépliant sur les frais de service soit
envoyé annuellement à chacun des déposants; que toute
modification des
frais fasse l'objet d'un avis d'au moins 60 jours
précédant son entrée en vigueur et l'avis prendra la forme
d'une affiche ou d'un envoi postal - les affiches indiquant les modifications
devront être distinctes des autres affiches sur les frais pour montrer
les différences à chaque fois - et que le rapport annuel de la
caisse indique clairement et distinctement aux sociétaires le total des
frais de service perçus.
L'élimination de certains frais. On demande qu'il y ait un compte
de base. Je pense que les caisses populaires auraient dû prendre
l'initiative du compte de base. Le Guaranty Trust nous a appelé. On peut
faire, au Guaranty Trust, avec un compte de base - on appelle cela un compte
coupe-frais ou un "fee-cutter" - des chèques, des retraits, des
dépôts, des arrêts de paiement, avoir le retour des effets,
les effets refusés sans frais, les livrets, les chéquiers qui
sont codés gratuitement quand on ne demande pas le nom, l'adresse et le
paysage en plus, évidemment, mais les effets de base sont gratuits. Si
un trust est capable de le faire, les caisses populaires seraient capables de
le faire aussi. Les fédérations recommandent un chèque ou
un retrait sans frais par tranche de 100 $ qui est maintenue au compte. Les
plus démunis, souvent, n'ont pas les moyens - ceux qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale, ceux qui sont au chômage
ou au salaire minimum - de maintenir 100 $, donc ils paient toujours des frais.
Tout déposant doit avoir accès à un compte de base, comme
on vient de le mentionner. On pourra peut-être y revenir à la
période des questions.
La commission mensuelle. Les déposants subissent des frais
abusifs et même parfois carrément dissuasifs. Les commissions
mensuelles perçues, si un solde minimum mensuel n'est pas maintenu,
entrent directement dans cette catégorie. Depuis quelque temps les
caisses populaires offrent le compte à rendement croissant. Les
fédérations recommandent que 1 $ par mois soit chargé si
le compte n'est pas maintenu à 300 $. Ce type de frais vise
carrément à éliminer de ce produit-là les petits
déposants et ce n'est certainement pas dans l'optique du fondateur des
caisses populaires. Les frais pour les comptes inactifs. Nous demandons que les
déposants utilisent leurs comptes. On trouve que les déposants,
qu'ils utilisent leurs comptes ou non, paient toujours des frais. Si le compte
est inactif, il n'y a aucune raison pour qu'on leur demande des frais.
Les frais d'effet refusé. Le déposant qui reçoit un
chèque sans provisions suffisantes n'est pas responsable de ce manque de
fonds. Pourtant, des frais lui sont chargés. Et si on regarde ce qu'on a
obtenu avec le comité permanent des finances, les banques ont
accepté de ne plus percevoir des frais sur les effets
refusés.
Les erreurs de la caisse. Certains frais imposés aux
déposants découlent directement d'erreurs de la caisse populaire.
Les déposants n'ont pas à subir des préjudices pour les
erreurs des employés de la caisse. Je vous donne l'exemple de
l'arrêt de paiement. C'est inscrit sur la formule d'arrêt de
paiement: "Si, par inadvertance, le chèque est passé, la caisse
ne se tient pas responsable de l'erreur. " Donc, vous pouvez tout de suite
voir... Si vous faites un arrêt de paiement, vous croyez vraiment que le
chèque ne passera pas. Vous faites un autre chèque. Vous pouvez
vous retrouver avec un compte sans provisions suffisantes.
Les frais arbitraires. Certains déposants se voient imposer des
frais pour des services qui sont généralement gratuits. Est-ce la
fréquence d'utilisation de ces services ou d'autres raisons qui
provoquent la perception de ces frais? On dit qu'il y a des frais quand
quelqu'un appelle trop souvent.
Les recommandations vont dans le sens de ce qu'on vient de donner. On y
reviendra.
Les mécanismes de recours. La structure
décentralisée du Mouvement coopératif Desjardins fait en
sorte que les déposants ne reçoivent pas un traitement uniforme
face aux plaintes qu'ils expriment. La Loi sur les caisses d'épargne et
de crédit prévoit que le conseil de surveillance doit voir aux
intérêts des membres. À en juger par le nombre de plaintes
que nous recevons de la part de déposants, il semble évident que
le mandat du conseil de surveillance n'est pas assez large. Aucun
mécanisme n'est clairement publicisé pour que les
déposants puissent se plaindre. Aucun employé n'est strictement
désigné pour recevoir les plaintes. C'est surtout un service
à la clientèle qui vise à vendre des services.
Régulièrement, les déposants des caisses populaires nous
contactent pour déposer une plainte ou pour obtenir de l'information sur
les services qu'ils utilisent ou sur les politiques de leur caisse. Il est
clair qu'ils ne savent pas où s'adresser pour être entendus et
obtenir satisfaction. (14 h 15)
Nous avons déjà déposé en décembre
1987 une structure de mécanisme de recours à la
Fédération des caisses populaires du centre du Québec. On
préconisait un formulaire d'intervention, une ligne sans frais, un
comité d'arbitrage à la fédération, un
comité consultatif à la fédération et une politique
uniforme pour la fédération, mais qui pourrait l'être aussi
dans l'ensemble du Québec.
Notre proposition devait être traitée avec attention,
évaluée et acheminée aux instances ayant la
compétence de la mettre sur pied. Nous n'avons reçu aucun autre
commentaire là-dessus. Il semble que notre suggestion fut
écartée. Pourtant, les déposants continuent toujours
à nous exprimer leur mécontentement.
Recommandations à la caisse: Que la structure de mécanisme
de recours soit clairement affichée dans chaque caisse; que le conseil
d'administration de chaque caisse désigne un employé
habilité à recevoir les plaintes; que le conseil de surveillance
de chaque caisse veille à ce que les plaintes soient
résolues.
Recommandations à la fédération. Que dans phaque
fédération un employé par secteur de produits soit
habilité à traiter les plaintes non résolues par la caisse
et à donner de l'information et que ce service dans les
fédérations soit accessible par le biais d'une ligne sans frais
publiée le plus largement possible. Il y en a des lignes sans frais,
mais les gens ne la connaissent pas.
Recommandations à la confédération. Que es plaintes
non résolues par les fédérations soient acheminées
à la confédération qui, à l'aide d'un comité
d'arbitrage composé en majeure partie des déposants, veillera
à régler définitivement les litiges.
Le suivi des plaintes. Qu'à l'assemblée
générale annuelle de chaque caisse un compte rendu des plaintes
résolues et non résolues par la caisse soit transmis aux membres;
que les plaintes résolues et non résolues, tant au niveau des
caisses que des fédérations et de la confédération,
fassent l'objet d'un rapport annuel qui sera acheminé à
l'Inspecteur général des institutions financières.
Prévention. Que l'Inspecteur général des
institutions financières émette des recommandations au ministre
des Finances pour prévenir les problèmes identifiés
à l'aide du rapport annuel; que le ministre des Finances émette
de nouvelles mesures à partir des recommandations de l'Inspecteur
général pour octroyer aux déposants une meilleure
protection.
Le cheminement des plaintes vous a été donné en
annexe. S'il y a des questions, on y répondra ensuite.
J'aimerais parler de la protection des déposants et de la
responsabilité. Les caisses populaires se dégagent de leurs
responsabilités dans le moment en liant l'utilisation d'un service
à une clause de non-responsabilité. Ces clauses se retrouvent sur
des formulaires, comme je vous e disais tantôt, d'arrêt de
paiement. Quand vous signez une formule pour avoir une carte de guichet
automatique, vous assumez encore toutes es responsabilités, et on
pourrait continuer là-dessus.
Les guichets automatiques, les arrêts de paiement, les erreurs
provenant d'une caisse. Je donne un exemple: Si l'emprunteur respecte un
contrat de 48 versements de 250 $ et qu'on dise ensuite que l'emprunteur doit
encore parce qu'on a mal fait le calcul, Hélène Dion, du bureau
de 'Inspecteur général des institutions financières, nous
disait que ce problème-là est fréquent et que l'emprunteur
n'a pratiquement aucun recours.
Les chèques sans provisions suffisantes versus la suspension ou
l'exclusion d'un membre des caisses populaires. La Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit prévoit qu'un membre peut
être suspendu ou exclu s'il a présenté ou mis en
circulation à deux reprises ou plus un ordre de paiement sans provisions
suffisantes. Le fait qu'un ordre de paiement s'avère sans provisions
suffisantes est souvent dû à la perception au préalable des
frais de services. Le Service d'aide au consommateur estime qu'avant d'imposer
10 $ de frais à son membre et lui causer des préjudices, tout en
le rendant passible d'exclusion, la caisse devra prouver que les frais n'ont
rien à voir avec l'ordre de paiement sans provisions suffisantes.
Le recours d'un tiers. L'article 228 du projet signifie qu'un tiers ne
peut pas intenter de recours judiciaire contre une caisse lorsqu'elle exerce
des activités qui ne sont pas permises en vertu de l'avant-projet de
loi. La possibilité pour une personne qui désirerait poursuivre
une caisse en faveur d'un parent ou d'un ami est donc totalement
écartée. Cet article brime l'accès à la justice qui
est pourtant un droit fondamental. La Charte des droits et libertés de
la personne le reconnaît déjà.
La liste des comptes inactifs. Aucune liste publique des comptes
inactifs - c'est la fédération qui nous le dit - n'est
émise avant la remise qui a été prévue par
l'avant-projet de loi qu'on est en train de regarder pour que ces sommes soient
versées au ministre des Finances. Les déposants qui ont un compte
inactif n'ont donc pas d'outil de référence pour réclamer
ces soldes comme on en voit au fédéral. Nous voudrions qu'une
liste des comptes inactifs soit affichée dans chaque caisse populaire,
contrôlée et remise à la Gazette officielle pour que
les gens puissent voir s'ils n'auraient pas laissé des comptes dans
quelques caisses populaires pour pouvoir les réclamer comme on peut le
faire avec un compte dans une banque.
En conclusion, plusieurs de nos recommandations ont été
émises à divers représentants des caisses populaires
Desjardins. On constate malheureusement qu'elles n'ont pas été
retenues. Les caisses ne semblent pas réceptives aux besoins des
consommateurs.
Le Service d'aide au consommateur compte donc sur la présente
réforme de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit
pour atteindre les objectifs suivants: la mise sur pied d'outils d'information
sur les frais; l'interdiction de percevoir certains frais;
l'établissement d'un mécanisme de recours; une meilleure
protection pour les déposants.
Nous estimons que seule une loi peut répondre adéquatement
à ces besoins. Les banques à charte ont mis sur pied quelques
mesures volontaires qui réalisent partiellement nos objectifs. Ces
mesures, adoptées pour faire taire l'irritation des consommateurs, ne
semblent pas être appliquées également dans les succursales
d'une même banque. Pourtant, celles-ci relèvent toutes d'un
même siège social. Si de telles mesures sont appliquées
aussi parcimonieusement dans les banques, nous appréhendons grandement
la situation qui risque de prévaloir dans les caisses advenant le cas
où elles adopteraient des mesures volontaires selon leurs principes
d'autonomie. L'introduction de nos propositions dans la présente loi est
absolument
nécessaire pour que tous les déposants
bénéficient d'un traitement équitable. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci, madame. M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: Mme Plamondon, votre mémoire est tout à
fait pertinent. Ce matin, lors de mon allocution liminaire, je disais que le
but de la commission parlementaire est d'entendre la population, et vous parlez
ici au nom des déposants. D'ailleurs, on a suivi dans les journaux les
représentations que vous et des associations semblables à la
vôtre avez faites à Ottawa et on a vu que vous étiez
capable de remuer ciel et terre pour faire entendre votre point de vue. On
s'aperçoit d'ailleurs, particulièrement dans les banques de
juridiction fédérale, que des changements se sont
opérés.
On m'indique, au chapitre de la confédération, que
certaines dispositions ont également été prises. J'ai ici
devant moi une lettre de M. Béland, adressée le 15 juin dernier,
qui faisait d'ailleurs suite à certaines de vos représentations.
J'aimerais vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous sur un
des principes très important, la divulgation complète de la
tarification. D'ailleurs, nous avons mis dans l'avant-projet de loi - et je ne
dis pas cela pour dire qu'on ne peut pas l'améliorer - à
l'article 501, 15°, une disposition qui permettrait justement au
gouvernement de déterminer à quel moment et de quelle
façon les déposants doivent être informés du taux
d'intérêt que cela rapporte à leur dépôt, du
mode de calcul d'intérêt et des autres conditions requises pour
qu'ils en soient visiblement informés. On devrait peut-être
améliorer cet article pour s'assurer qu'il satisfait à vos
recommandations concernant la divulgation dans chacune des caisses.
Bien sûr, d'une façon générale, la
philosophie de l'avant-projet vise à permettre à la
confédération ou aux fédérations et aux caisses de
déterminer elles-mêmes leurs politiques, quitte à ce que le
gouvernement puisse, en dernière analyse, intervenir si aucune action
n'était prise. Mais cela va, je pense bien, dans le sens de vos
recommandations sur la divulgation dans chaque caisse pour que chaque membre
puisse être informé de la tarification qui s'applique soit par
mode électronique ou soit par un feuillet qui est distribué. Je
pense bien que là-dessus on se rejoint et, s'il faut bonifier notre
projet de loi, nous le ferons.
Etant donné que le temps qui m'est alloué est
limité, ce qui m'intéresse également
énormément... Je me suis aperçu en lisant votre
mémoire que notre avant-projet de loi ne parlait pas tout à fait
des plaintes qui étaient formulées. Et, de fait, l'Inspecteur des
institutions financières me confirme qu'il reçoit assez souvent
des plaintes non seulement sur la tarification mais sur l'administration, sur
le manque d'informations, sur le fait que quelquefois des membres veulent
obtenir une assemblée et que l'assemblée leur est refusée.
Donc, la recommandation que vous faites qu'il devrait y avoir dans le projet de
loi une disposition pour traiter des plaintes, quant à moi, c'est une
recommandation qui m'importe beaucoup.
Maintenant, vous semblez indiquer qu'on devrait prévoir qu'au
niveau d'une caisse il devrait y avoir une personne spécifiquement
responsable de l'audition des plaintes au niveau de la fédération
et ensuite de la confédération. Étant donné votre
expérience parce que je vois que vous avez devant vous de nombreuses
personnes qui ont porté plainte, quoiqu'il s'agissait d'une
pétition dans ce cas-là, il ne s'agit pas de plaintes comme
telles, je me demandais: Est-ce que vous voyez un rôle pour l'Inspecteur
des institutions financières? Nous, normalement, on
préférerait laisser au mouvement Desjardins une
autoréglementation, quitte à spécifier dans la loi que le
comité de surveillance dans chacune des caisses devra avoir une
responsabilité spécifique. J'admets que ce n'est pas dans
l'avant-projet de loi et je vous dis mon intention immédiatement de le
modifier dans le sens que vous suggérez. Mais je me demandais si vous
aviez des recommandations précises quant à une plainte qui irait
à une caisse, qui ne serait pas entendue à une
fédération, et, si aucune suite n'est donnée, irait
à la confédération. Ne devrait-on pas prévoir un
système qui permettrait à l'inspecteur d'intervenir plus
rapidement parce que, s'il s'agit d'une plainte d'un individu, par
définition il ne s'agit pas de quelqu'un qui a recours à un
avocat, il s'agit d'un individu qui est assez démuni face au
système? Donc, on devrait lui faciliter un moyen pratique et rapide de
porter plainte et d'obtenir justice dans les meilleurs délais.
Mme Plamondon: Oui, c'est pour cela qu'on disait que c'est un peu
la même chose qu'on avait recommandé à Ottawa au
comité permanent. À Ottawa, on avait dit que, si cela ne faisait
pas à l'intérieur d'une même succursale - parce qu'on
parlait des banques - on pouvait monter jusqu'au siège social de la
banque. Après cela, si cela ne faisait pas, cela allait à un
comité d'arbitrage. Le comité d'arbitrage, composé de
représentants de groupes de consommateurs, aurait pu en même temps
prévoir, voir si une situation est en train de se
détériorer pour faire des recommandations à l'ensemble du
milieu bancaire. C'est la même chose pour les caisses populaires. Notre
recommandation à Ottawa n'a pas été retenue. On a retenu
clans le rapport du comité permanent un ombudsman et même
là cela n'a pas été retenu par M. Hockin, qui a
décidé que c'était le bureau du Surintendant des
institutions financières au niveau fédéral.
Le bureau du Surintendant des institutions financières
était déjà là et cela n'a pas marché. S'il
faut qu'il y ait quelqu'un qui représente à
ce niveau-là, à l'extérieur de la structure des
banques et, là, des caisses, à l'extérieur de cela... Il
faudrait un comité d'arbitrage indépendant du reste qui serait
majoritaire au niveau des représentants des consommateurs et qui
pourrait aviser le bureau du Surintendant des institutions financières
et en même temps le milieu des caisses populaires. S'il n'y a pas cela...
On pourra vous donner un exemple tantôt. On a des lettres de quelqu'un
qui s'était adressé au bureau du Surintendant des institutions
financières à Ottawa. Cela ne vaut pas le six de pique.
M. Saint-Pierre (Mario): On leur dit que...
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous vous identifier,
s'il vous plaît.
M. Saint-Pierre: Mario Saint-Pierre. Le Président (M.
Lemieux): Merci.
M. Saint-Pierre: Dans la lettre que le bureau du Surintendant des
institutions financières leur a fait parvenir, on leur dit qu'on a ait
part du problème à la banque et qu'ils suivent de près,
mais qu'il n'y a aucune inter-vention directement.
M. Fortier: Bien sûr, vous réalisez que, dans le cas
des caisses d'épargne et de crédit, es consommateurs ce sont les
membres...
M. Saint-Pierre: Oui, oui.
M. Fortier:... qui sont membres d'une caisse. Les membres,
à l'assemblée annuelle, élisent des
réprésentants au conseil d'administration. Il y a
également élection au comité de surveillance. Les membres
nomment également des membres à a fédération. Vous
avez étudié l'avant-projet de Loi et vous voyez que, bien
sûr, il y a une autonomie des caisses, mais il y a des
responsabilités de surveillance à la fédération et
ensuite même à la confédération. On espère
qu'en dernière analyse le gouvernement n'aura pas à intervenir,
à moins que la confédération et les
fédérations ne fassent pas leur travail. J'ose espérer et
j'ai confiance qu'au niveau des fédérations ou de la
confédération - comme en ait foi, d'ailleurs, une lettre de M.
Béland... D'ailleurs, la lettre que vous avez envoyée semble
avoir provoqué un sursaut d'énergie de la part des banques et du
mouvement Desjardins en conséquence, dans le sens que, oui, il faut
agir. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la question.
D'après ce que je vois, plutôt que le Surintendant
fédéral des institutions financières ou l'Inspecteur des
institutions financières du Québec, vous
préféreriez, en première analyse, que ce soit au niveau
même de la caisse que les problèmes se règlent. C'est le
sens de votre intervention.
Mme Plamondon: Oui, parce que même pour administrer la
caisse, si on réserve l'autonomie de la caisse... Il y a une
étude qui a été faite. Il y a 4 000 000 de
sociétaires. C'est le deuxième plus gros employeur après
Bell Canada. La perception, dans l'étude qu'on avait vue, changeait pour
les moins de 35 ans, qui la voient comme une institution financière
comme tous les autres. Cela veut dire que quand vous dites: C'est ma caisse, je
suis membre, etc., vous savez comme moi ce qui se passe dans les
réunions d'assemblée annuelle. Les gens y vont surtout pour
entendre un rapport bien rapidement, le goûter, etc., mais ils
n'interviennent pas tellement. En plus, les gens font affaire avec une caisse,
avec une banque, souvent avec deux banques, deux caisses, parce que ce n'est
pas confiné à la paroisse comme cela l'était auparavant.
Avec la structure des banques, quand un siège social donne un ordre,
cela se rend jusqu'en bas, où il y a des moyens de contrôle. (14 h
30)
Avec les caisses, cela ne peut pas marcher comme cela. La
confédération donne une directive à ses
fédérations. Les fédérations font ce qui leur
tentent. Les fédérations donnent un ordre à leurs caisses
et chaque caisse fait ce qui lui tente. Cela veut dire que si vous êtes
ici aujourd'hui, vous faites affaire avec une caisse, vous pouvez
déménager demain dans un autre quartier d'une môme ville et
vous allez avoir des politiques totalement différentes. D'où la
double importance de légiférer pour les choses qu'on vous a
demandées. On ne peut laisser cela à des mesures volontaire. Cela
va être le "free for all".
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Plamondon. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je veux remercier le groupe de
Service d'aide au consommateur d'avoir présenté un mémoire
et de venir présenter l'expérience qu'ils vivent dans leur
pratique d'aide aux consommateurs.
Il y a plusieurs points que vous soulevez. Il y a un point fondamental
que vous venez de mentionner, c'est l'autonomie des caisses. Vous voudriez que
le gouvernement, dans son projet de loi, nie complètement l'autonomie
des caisses. Dans le débat qu'il y a eu sur les banques à
Ottawa... Le ministre a été très généreux,
il a dit: Grâce à votre lettre, les banques ont changé. Je
ne suis pas sûr que cela se soit passé ainsi. Il semble qu'il y a
eu un comité qui a siégé pendant des semaines à
Ottawa et qui s'est beaucoup plaint des pratiques bancaires. Vous affirmez une
chose dont je ne suis pas certain. Remarquez bien que je ne l'ai pas
vérifié mais, dans ce que je lisais à cette
occasion-là, on disait même que, dans les banques, le
gérant n'était pas obligé d'appliquer toutes les mesures
qu'indiquait la banque au point de vue des frais, qu'il y avait des frais
obligatoires et qu'il y
avait d'autres frais où le gérant décidait ce qu'il
voulait dans sa succursale. C'est ce que j'ai compris dans ce qui a
été dit parce qu'on disait que ce n'était pas tous les
frais qui étaient obligatoires dans toutes les succursales d'une
même banque; il y avait moyen, pour la banque, de suivre ou de ne pas
suivre toutes les directives.
Quant aux caisses, vous l'avez dit - et il y a eu beaucoup de
discussions là-dessus - elles ont un caractère d'autonomie. Moi,
je pense que le consommateur de la caisse populaire n'est pas comme un
consommateur ordinaire; il est normalement un coopérateur. Il a aussi un
rôle à jouer, je pense. Est-ce que vous faites beaucoup de
pressions sur vos consommateurs pour qu'ils aillent à l'assemblée
générale et expliquent leur point de vue?
Mme Plamondon: On a fait plus que cela.
M. Garon: Parce que je pense que le consommateur membre d'une
coopérative a aussi la responsabilité de faire valoir son point
de vue, parce qu'il a le droit de le faire valoir. Alors, s'il décide de
ne rien faire valoir, c'est un choix qu'il fait. Parce que je pense qu'il
faudrait, et c'est là que j'aimerais que, dans votre... Vous imputez
toute la responsabilité au gouvernement dans votre présentation.
Moi, je pense que le gouvernement... Des obligations de divulgation, par
exemple, c'est une chose. Je pense que le gouvernement doit protéger, de
ce point de vue, dans les obligations de divulgation. Mais, par rapport
à des frais de service, ne devrait-il pas y avoir une marge d'autonomie,
justement, qui relèverait des caisses qui, elles, ne sont pas toutes
dans le même milieu? La question que je me pose, par exemple: Si moi,
dans un mois, je fais quinze chèques, est-ce que je dois payer quelque
chose pour le service que je demande à la caisse ou si je ne dois rien
payer comme celui qui n'en fait aucun? Si j'utilise davantage la caisse et que
cela exige plus de personnel, parce que je fais plus d'opérations dans
mon compte avec opérations, est-ce que... ? Je vous pose cela un peu en
vrac, là, parce qu'il y a beaucoup de choses dans ce que vous dites.
Mme Plamondon: Mais il y a aussi beaucoup de choses dans ce que
vous dites. Parce que, vous aussi, quand vous dites que vous posez cela en
vrac, quand vous dites qu'on demande que les caisses perdent
complètement leur autonomie, je ne suis pas du tout d'accord. Quand vous
dites complètement, là...
M. Garon: Je n'ai pas dit cela.
Mme Plamondon: En tout cas, c'est ce que j'ai perçu.
M. Garon: Non, non, non.
Mme Plamondon: Parce que, moi, ce que je veux, c'est que je ne
veux pas changer...
M. Garon: J'ai dit que...
Mme Plamondon:... le rôle du conseil d'administration. Je
ne veux pas changer leurs rôles, je veux leur donner plus de pouvoirs et
je veux que le conseil de surveillance surveille les intérêts des
membres de la caisse. Mais vous dites: Est-ce que vous avez fait des pressions
sur les caisses populaires? J'ai déjà fait des réunions
pour expliquer comment lire un bilan d'une caisse populaire avec des
personnes-ressources de la fédération, avec des interventions de
préparées dans une assemblée annuelle et je dois vous dire
qu'on s'est fait huer par les membres parce que cela retardait le lunch. Quand
j'avance quelque chose, c'est parce que je suis sûre de mon coup.
Ensuite, autre chose, quand vous dites... Je vous dis la
vérité. Quand je vous dis que c'est aussi perçu comme une
banque, c'est parce qu'il y a certains services de base où les gens vont
à la caisse populaire non pas parce qu'ils sont membres d'une
coopérative, mais parce qu'ils ont besoin d'un compte, que la caisse est
tout près et qu'elle va leur donner ces services. C'est pour cela qu'on
demande un compte de base. La structure des caisses étant ce qu'elle
est, parce que la confédération ne peut pas forcer la caisse de
Saint je ne sais pas trop quoi, à un endroit, à agir de telle
façon, il va falloir qu'il y ait des services de base et des directives
de base qui soient uniformes. Comme cela ne se rend pas de la
confédération jusqu'aux caisses, il va falloir que le
gouvernement l'inclue. C'est en plein le temps avec cela. Cela
n'enlèvera pas les possibilités de la caisse de se diriger - je
ne sais pas, moi - vers tel type de service financier ou de faire autre chose.
Cela veut juste dire qu'il faudrait qu'elles offrent au moins des services de
base, qu'elles prennent la responsabilité au lieu de faire signer des
formulaires en blanc, que les gens prennent tous leurs responsabilités,
qu'il y ait un mécanisme de plainte. Si les plaintes, cela ne fait pas,
que le bureau du Surintendant des institutions financières ou de
l'Inspecteur général des institutions financières puisse
faire quelque chose et qu'il y ait un comité de consommateurs qui puisse
surveiller cela pour pouvoir déceler les tendances. Il y a des gens dans
les conseil d'administration de caisse et eux-mêmes trouvaient que les
frais, il commençait à y en avoir beaucoup et ils l'avaient
déjà mentionné à leur conseil d'administration.
Vous allez d'une caisse à une autre et ce n'est pas du tout la
même chose. Cela veut dire que, si vous faites affaire avec une caisse,
une banque ou autre chose, vous êtes toujours pris à aller
regarder... Là, vous ne pouvez pas regarder, de toute façon, avec
une caisse. La structure des frais dans une caisse, n'essayez pas de la voir,
elle n'est pas affichée. Demandez à une caissière pourquoi
on vous a fait payer tels frais d'administration, elle ne le saura
même pas. Dans la Loi sur les banques, ce que (vous n'avez
même pas dans votre loi, il est dit que, si vous n'avez pas
été averti d'avance des frais, vous pouvez ne pas tes payer, ce
que j'ai fait faire depuis deux ans à je ne sais combien de personnes au
Canada. Appelez-les, vous leur direz que vous n'avez jamais été
averti et ne les payez pas. Des 100 $ d'annulés dans les frais, on en a
fait annuler en masse. Les caisses, je comprends que ce sont nos caisses. Moi
aussi je suis pour les caisses. Je fais partie d'une caisse populaire et je
m'en occupe de ma caisse. Mais...
M. Garon: II y a deux choses dans votre affaire.
Mme Plamondon: II reste quand même qu'il faut
divulguer...
M. Garon: C'est parce que vous ne faites pas de distinction entre
deux choses. L'obligation de divulgation...
Mme Plamondon: Oui?
M. Garon:... Je pense que c'est vendu, personne ne va s'obstiner
là dessus.
Mme Plamondon: Avec quoi n'êtes-vous pas ' d'accord?
M. Garon: Non. C'est quand vous dites que, sur certains frais de
service, par exemple, ils n'ont pas d'autonomie locale.
Mme Plamondon: Comme quoi?
M. Garon: Les frais de service selon les services que vous
utilisez dans une caisse. Par exemple, quand vous payez tant pour un
chèque, pour avoir un service de chèques, alors là... Ou
encore parce qu'on dit: Si vous avez 100 $ dans votre compte courant, vous avez
droit à un chèque gratuit par mois. C'est parce que 100 $ dans un
compte courant ne payent pas d'intérêt et, à ce moment
là, cela se trouve quand même à faire partie des actifs de
la caisse. On vous donne un droit là-dessus dans les chèques.
Là, c'est une autre affaire. La divulgation pour que le membre de la
caisse soit au courant, je vais vous dire bien franchement, à moins
qu'il y ait des...
Mme Plamondon: Non, ce que...
M. Garon: Je suis acheteur de cela facilement. C'est pour cela
que je ne pose pas de question là-dessus. Je me dis qu'entre la
divulgation et dire à la caisse comment établir ses frais de
service... Il y a deux choses et il faut faire des distinctions, à mon
avis.
Mme Plamondon: Je vais la faire la distinction. Quand je vous dis
de faire un compte de base, cela ne veut pas dire de ne pas faire d'autres
types de compte pour le reste de la clientèle. Mais il devrait y avoir
un compte de base pour ceux qui sont démunis et qui font juste les
transactions obligatoires. Le gouvernement paie ses assistés sociaux
avec des chèques, l'assurance-chômage paie avec des
chèques, les pensions de vieillesse sont payées par
chèque. Vous êtes obligé, veut veut pas, de transiger avec
des chèques. Il faudrait pour que quelqu'un, même s'il n'y avait
pas d'intérêt payé sur les comptes, puisse faire un certain
nombre d'opérations sans frais. Pour les gens démunis, un compte
de base. C'est ce que les gens là-bas, à Ottawa, appelaient du
"basic banking". A part de cela, si vous voulez avoir des comptes qui paient
plus, la caisse fera des "packages" où elle paie plus. Mais qu'il y ait
un compte de base offert à ceux qui sont démunis et qui sont
obligés de payer par chèque. Ce ne sont pas les consommateurs qui
ont demandé les chèques. Ce sont les institutions
financières qui ont préparé cela. Quand on a
commencé à donner les chèques codés
magnétiquement, cela allait mieux pour le tri. Après ils ont
commencé à charger pour les chèques.
M. Garon: Vous faites...
Mme Plamondon: Les chèques qu'on fait. Quand vous voulez
un chéquier, est-ce qu'on va vous le donner tout le temps?
M. Garon: Ce n'est pas un chèque qu'on reçoit.
Mme Plamondon: C'est personnalisé. Vous avez des bateaux
là-dessus. Vous avez toutes sortes de choses. Ce ne sont pas les gens
qui ont demandé cela.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme Plamondon. M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je suis
très sympathique à ce que vous dites, très sympathique.
Vous me permettrez, pour ramener peut-être un peu plus à la
réalité mon collègue de Lévis, de vous raconter une
petite anecdote que j'ai vécue...
M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez... M. Bélisle:
C'est amical.
M. Garon: Non, mais cela ne fait rien. Je suis tanné de
toujours me faire référer par les gens du parti. On est là
pour entendre les citoyens, alors... Ils ont assez de difficulté
à le faire.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Mille-Îles...
M. Bélisle: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux):... dans le respect des droits
et du député de Lévis, s'il vous plaît.
M. Fortier: C'est un témoignage, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Je comprends, mais s'il vous
plaît...
M. Bélisle: Quand j'ai appelé le
député de Lévis mon collègue...
Le Président (M. Lemieux):... n'attisez pas le feu, M. le
député de Mille-Îles. Cela va bien là.
M. Bélisle: Cela va très bien.
Le Président (M. Lemieux): Je suis d'accord.
M. Bélisle: J'ai vécu un petit
événement au printemps dernier et cela m'a beaucoup fait sourire.
Et j'étais même tellement désemparé au comptoir que
je n'en croyais pas ce que j'avais vécu. Cela s'est produit dans une
caisse populaire à Laval où j'ai été membre pendant
douze ans et mon compte était inactif depuis environ deux années
parce que j'avais déménagé. Alors, je recevais constamment
des appels de la caisse populaire pour aller fermer mon compte. Finalement, je
trouve cinq minutes quelque part et je me présente au comptoir de la
caisse. La jeune fille est là. C'est plein de monde dans la caisse
populaire et je demande à fermer mon compte. Alors, ils
m'établissent mes chiffres. Ils calculent le solde. Il reste 1, 84 $
dans mon compte. La jeune fille dit: Qu'est-ce que vous voulez faire? Je veux
fermer mon compte. Je suis là au comptoir. La jeune fille prépare
un papier, me le fait signer. Elle se tourne de bord et me donne 1, 84 $. Je la
regarde et je lui dis: Mademoiselle, vous n'avez pas oublié quelque
chose? Bien, elle dit: Non, je ne vois pas. Mais j'aimerais avoir ma part
sociale. Bien, elle dit: Non, vous n'aurez pas de part sociale. Elle dit: II y
a des frais de fermeture de 5 $. Comme par hasard on avait décidé
de confisquer ma part sociale de 5 $. On aurait dû me dire, quand j'ai
ouvert mon compte à la caisse d'épargne et de crédit, dans
un esprit de coopération, que ce n'était pas une part sociale que
j'avais, mais que c'était bel et bien des frais d'ouverture de compte de
banque que je payais. C'est en ce sens-là, madame, que je suis
totalement vendu à votre idée. Il va falloir - et cela n'a rien
à voir avec l'autonomie des caisses d'épargne et de crédit
- que quelqu'un au Québec décide d'imposer des règles du
jeu et que ce ne soit pas maquillé, que ce ne soit pas
déguisé. Lorsqu'on arrive devant une jeune fille... La jeune
fille semblait aussi estomaquée parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi
je lui demandais mes 5 $. Mais pour moi c'était une question de
principe. Ce n'étaient pas les 5 $, c'était le fait que j'avais
été membre. J'étais membre. Donc, on me remettait ma part
comme membre. Et je serais surpris, madame, de savoir - je ne sais pas si vous
avez des statistiques - dans combien d'institutions semblables au
Québec, dans des caisses d'épargne et de crédit - c'est
presque automatique maintenant - on vous enlève votre part sociale quand
vous fermez votre compte. Je n'appelle plus cela du coopératisme. C'est
du mercantilisme au dernier degré. Je pense qu'on peut très bien
juger, d'après le petit cas que je viens de vous donner, que cela n'a
pas d'allure.
Le Président (M. Lemieux): Mme Plamondon, oui.
Mme Plamondon: Ce que vous avez dit là a été
répété et à chaque semaine on a des plaintes. Et je
pense aux comptes inactifs. Monsieur disait tantôt: Quand on utilise un
compte, on devrait payer pour les frais de service. Mais, quand on n'utilise
pas un compte, on nous charge quand même des frais. On veut voir ces
frais disparaître. Si cela coûte trop cher pour garder notre
argent, qu'on nous le dise au départ et on pourra le déposer
ailleurs où cela ne coûte rien au moins pour le laisser là.
Dans le moment, cela coûte quelque chose si vous ne répondez pas
et vous avez des frais. Vous avez des frais pour les comptes inactifs. En plus
au Québec, dans les caisses populaires, il n'y a pas de liste des
comptes inactifs. Cela veut dire que vous avez peut-être de l'argent qui
dort là. Au bureau, on a toute la liste pour les banques. Si quelqu'un
nous appelle, on est capables, en lui demandant son nom et avec quelle caisse
lui ou ses parents ou ses grands-parents transigeaient, de retrouver cela. Ici,
dans les caisses populaires, où allez-vous trouver cela? Que font les
comptes inactifs qui sont restés là? Les comptes inertes,
où vont-ils? À qui profitent-ils? (14 h 45)
M. Bélisle: Certainement pas à celui qui est
propriétaire du compte, d'après l'expérience que j'ai
vécue.
Mme Plamondon: Non. Quelqu'un a oublié un compte. À
quelle place le compte reste-t-il?
Une voix: À la caisse. M. Bélisle: À
la caisse.
Mme Plamondon: À la caisse. Est-ce que c'est normal?
M. Bélisle: Bien non.
Mme Plamondon: II y a des héritiers là-dedans.
Comment cela se fait-il que les banques ont prévu l'afficher? Pourquoi y
a t-il même des
firmes qui se spécialisent à contacter les gens dans les
banques pour aller leur chercher un tiers du montant pour pouvoir leur faire
récupérer... Dans la liste, il y en a qui ont laissé
jusqu'à 7000 $ et 8000 $. Comment se fait-il que cela reste aux caisses?
Pourquoi cela n'est-il pas divulgué? Ce serait facile, le temps que tout
le monde attend en ligne pour passer à la caisse, qu'il y ait la liste
et qu'on regarde si on n'a pas oublié d'argent dans un compte ou
quelqu'un que vous connaissez. Il faudrait absolument que cela soit fait.
M. Bélisle: Je n'ai pas d'autres questions, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, M. Bélisle, il lui reste cinq minutes. Est-ce que vous
permettez que M. le ministre, avec consentement, prenne ses cinq minutes ou si
vous voulez:..
M. Garon: Oui, je vais le prendre.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le
député.
M. Garon: Comme Service d'aide au consommateur, vos services sont
gratuits?
Mme Plamondon: Si vous voulez devenir membre, c'est 12 $ par
année et même ceux qui ne sont pas membres peuvent avoir des
services gratuits.
M. Garon: Après, comment vous financez-vous?
Mme Plamondon: On a ramassé, depuis le 1er mai 1987
jusqu'à aujourd'hui, 146 000 $. Qui dit mieux?
M. Garon: Est-ce que vous êtes un organisme
subventionné?
Mme Plamondon: Subventionné par le édéral et
le provincial. Notre dépendance aux subventions gouvernementales est
tombée de 87 % à 55 % depuis un an et deux mois.
M. Garon: Par rapport aux caisses d'épargne et de
crédit, quand vous dites que les services devraient être en
général gratuits, comment voyez-vous leur financement?
Mme Plamondon: Le financement de quoi, avez-vous dit?
M. Garon: Des caisses d'épargne et de crédit. Je
dis qu'il y a trois affaires dans ce que vous dites. Au fond, il y a la
divulgation, les services et, ensuite, les opérations
financières, de prêts...
Mme Plamondon: Et la prise en charge de leurs
responsabilités.
M. Garon: Oui, mais prenons-les un par un. La divulgation, je
pense que personne va s'obstiner là-dessus: il doit y avoir le maximum
de divulgation pour que les gens soient au courant, qu'ils puissent faire des
choix correctement. Maintenant, pour le financement des activités de la
caisse parce qu'il faut payer le personnel qui est là, etc., comment
voyez-vous leur financement? Si des services sont, en général,
tous gratuits, qui va payer pour les services?
Mme Plamondon: Comme je vous le disais, qu'est-ce que les banques
faisaient avant 1980 pour payer les employés? Il n'y avait pas de frais
de service avant 1980. Il y avait l'appariement entre les prêts et
l'autre partie, les placements.
Le Président (M. Lemieux): Voulez-vous
répéter un peu plus fort, s'il vous plaît?
Mme Plamondon: Avant 1980, il n'y avait pas de frais de service
dans la plupart des institutions financières. C'était
relativement nouveau. En France, cela ne fait que commencer, les frais de
service. En Russie, eux autres commencent à faire des chèques;
c'est tout nouveau. Cela veut dire qu'on n'est pas obligé d'être
pris dans un engrenage où on va aller toujours avec des escalades et
toujours augmenter les frais sous prétexte de payer des services. Il y a
déjà eu des employés de payés et il n'y avait pas
de frais de service. Il y a même certaines caisses qui n'ont pas du tout
de frais de service parce qu'elles ont choisi cette option-là. Il y a
d'autres façons de se financer, et c'est l'appariement,
c'est-à-dire l'écart entre les prêts et les placements.
Mais la concurrence se fait dans le moment, monsieur, juste sur les taux
d'intérêt. Allez dans une caisse ou dans une banque, il n'y a pas
de différence sur l'affiche dans la vitrine. Le quart de un pour cent va
être écrit en lettres de cette hauteur. Regardez les frais; vous
ne les voyez affichés nulle part, excepté quelques banques depuis
qu'on est allés au comité permanent.
M. Garon: Dans les opérations avant 1980 et aujourd'hui,
il y a une évolution qui s'est faite au cours des récentes
années de payer de plus en plus - d'ailleurs les entreprises encouragent
cela - les comptes à la caisse ou à la banque.
Considérez-vous, pour ceux qui paient leurs comptes à la caisse
ou à la banque, quel que soit l'endroit, qu'il devrait y avoir des frais
ou non?
Mme Plamondon: II y a une multiplication de services financiers.
Il y a une multiplication des frais de service et une escalade dans les
coûts. Avec le décloisonnement, on va se retrouver avec d'autres
services. D'ailleurs, vous avez
dû certainement avoir quelqu'un ou quelqu'un va se
présenter qui va parler du décloisonnement. Il y a les
assurances, les voyages, tout sera vendu, et c'est la même chose dans les
banques. Les certificats de dépôt, ce ne sera pas juste les seuls
placements. Vous allez pouvoir faire affaire directement pour acheter des
actions. Donc, plus on étendra la gamme des services financiers, plus il
y aura des frais différents. Les gens qui sont obligés de
transiger avec une banque ou une caisse populaire devront avoir accès
à des services de base. C'est à l'institution de répartir
les frais pour les autres qui veulent avoir accès à d'autres
services qui ne sont pas de base. Il faudra toujours penser...
M. Garon: Mais vous ne répondez pas à ma
question.
Mme Plamondon: Oui. Le plus démuni devra toujours avoir
accès à un service de base.
M. Garon: Mais vous ne répondez pas à ma question.
Quand je paie mon compte de téléphone ou
d'électricité, il y a trois possibilités. Je peux aller
directement aux bureaux de Bell Canada et d'Hydro-Québec pour le payer,
je peux envoyer un chèque par la poste ou je peux le payer à la
caisse. Si je vais directement aux bureaux de Bell Canada ou
d'Hydro-Québec, je ne paie rien. Si j'envoie un chèque, je paie
le timbre, normalement l'enveloppe est fournie, plus les frais de
chèque. Si je paie à la caisse, cela dépend de la caisse.
La caisse où je vais n'impose aucuns frais pour les comptes.
Mais vous, qu'est-ce que vous voyez comme système
général?
Mme Plamondon: Juste pour les factures?
M. Garon: Oui, parce qu'il y en a de plus en plus.
Vidéotron encourage à aller là, HydroQuébec, Bell
Canada, il y a une foule d'organismes qui nous encouragent à payer par
voie de caisse ou de banque. C'est un service. Est-ce que ce devrait être
un service gratuit...
Mme Plamondon: II faudrait que je voie l'entente entre la caisse
ou la banque et l'institution.
M. Garon: Je parle pour l'individu.
Mme Plamondon: Oui, mais supposons que l'institution en retire un
bénéfice, avec Bell Canada ou avec Hydro-Québec, de
percevoir pour eux autres. Je ne connais pas les ententes qui ont
été signées. À ce moment-là, c'est entre les
deux parce que cela fait leur affaire. S'il n'y a pas d'entente où la
caisse perçoit des montants pour Hydro-Québec ou Bell Canada, il
pourrait y avoir des frais minimums avec le paiement des factures si le
consommateur choisit de faire cela plutôt que de faire un chèque
et de l'envoyer.
Je reviens à mon service de base parce que j'y tiens. Si j'avais
un certain nombre de chèques que je peux faire sans frais, il y aurait
juste le timbre que je devrais mettre sur l'enveloppe et j'aurais mon
chèque gratuitement. Le consommateur a à évaluer dans le
moment le coût de son chèque pour payer sa facture et le
coût du timbre aussi. Cela fait deux coûts.
M. Garon: Quand vous en parlez, je vous écoute, je trouve
que c'est très intéressant... À la caisse où je
vais je paie mes comptes parce que je n'ai même pas besoin de payer le
timbre et, en plus, ils n'imposent aucuns frais.
Mme Plamondon: C'est vrai, il y a bien des places.
M. Garon: J'aime autant que le gouvernement n'oblige pas à
imposer un montant parce que je me dis que cette caisse a décidé
de ne pas imposer de frais. C'est pour cela que quand vous pariez d'autonomie
des caisses...
Mme Plamondon: De quelle façon est payé le
personnel qui encaisse votre paiement?
M. Garon: Je ne le sais pas.
Mme Plamondon: Demandez-leur. C'est comme cela qu'ils sont
payés. Je suis sûre qu'ils s'en vont avec un chèque de paye
pareil à la fin de la semaine.
M. Garon: II y a possiblement une entente pour faire cela. On
demandera aux représentants du Mouvement Desjardins quand ils viendront
demain s'il y a une entente pour les comptes de Bell Canada ou...
Mme Plamondon: Ou ils choisissent de répartir les frais
sur d'autres services qui sont plus spécifiques pour se payer.
M. Garon: II peut arriver qu'une caisse décide, je ne le
sais pas, je ne pose pas une question dont je connais la réponse, je ne
sais pas si Bell Canada donne quelque chose...
Mme Plamondon: Je ne lais pas partie du conseil d'administration
d'une caisse et je ne le sais pas.
M. Garon: Dans les services de base dont vous pariez, lesquels
devraient être gratuits?
Mme Plamondon: Tout ce qui passe par le guichet automatique
devrait être gratuit. Il y a beaucoup de factures qu'on peut payer au
guichet automatique. Ce n'est pas nous qui avons demandé les guichets
automatiques, c'est pour que cela aille plus vite et je trouve que cela va leur
éviter du personnel. Donc, les transactions au
guichet automatique devraient être gratuites.
M. Garon: Mais vous n'êtes pas obligée de vous
servir du guichet automatique.
Mme Plamondon: Non, mais, si je paie mes factures avec le guichet
automatique, je peux et cela ne coûte rien. Si vous voulez que cela ne
coûte rien, c'est la meilleure façon de passer par le guichet
automatique.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé, M. le
député de Lévis?
J'aurais peut-être une brève question, madame. À la
page 26 de votre mémoire, vous dites que les banques à charte ont
mis sur pied quelques mesures volontaires qui réalisent partiellement
vos objectifs. Vous dites que ce n'est pas la même chose dans toutes les
banques nécessairement, que ce n'est pas appliqué d'une
manière uniforme. Lorsqu'on lit la fin de votre rapport, vous semblez
aussi craindre un peu l'application de certaines mesures au niveau des caisses
eu égard à leur principe d'autonomie.
Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples concrets et pratiques
de ce type de mesures volontaires qui ont été mises de l'avant
par certaines banques qui réalisent vos objectifs et quel type de ces
mesures pourrait être applicable aussi aux caisses populaires?
Mme Plamondon: Avant de vous dire quelles mesures, je dois vous
dire que des mesures volontaires seules ne font pas mon affaire. Il faut dire
qu'on a été déçus de ce qui a été
retenu par le ministre Hockin.
Le Président (M. Lemieux): Une minute encore.
Mme Plamondon: On avait fait des recommandations. Le
comité permanent retient certaines de nos recommandations et c'est
encore dilué quand cela arrive au niveau de M. Hockin. Donc, quand M.
Hockin se contente de mesures volontaires et d'un projet de loi qui ne sera
probablement pas adopté, on le sait, avant les élections, c'est
pas mal décevant. C'est pour cela que ce n'est pas la fin de notre
bataille sur les frais bancaires, mais la première ronde. Quand les
journaux ont dit que les banques avaient eu les deux yeux au beurre noir, c'est
juste la première ronde. Tant qu'on n'aura pas ce qu'on a demandé
originalement dans notre mémoire, on ne lâchera pas. Mais il faut
aussi que les caisses populaires fassent leur part parce que c'est la
contrepartie québécoise de ce qu'on avait demandé. Mario
peut vous donner l'essentiel des mesures volontaires qui ont été
appliquées.
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît, oui.
M. Saint-Pierre: Dans les mesures volontaires appliquées,
des banques ont placées des affiches avec la liste des services qui
requièrent des frais. Encore là, ce ne sont pas tous les services
ni tous les frais qui sont affichés; c'est dans ce sens-là que se
réalisent partiellement nos objectifs, parce qu'on demande que tous les
frais soient affichées. Certaines institutions financières ont
publicisé leurs mécanismes de recours, la façon de porter
plainte à l'intérieur d'un dépliant. D'autres ne le font
pas et, pour d'autres, il semble n'y avoir aucun service pour porter plainte.
Ce sont des exemples de mesures volontaires appliquées partiellement qui
ne réalisent pas nos objectifs.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre.
M. Fortier: Mme Plamondon, ceux qui ne vous connaissaient pas
vont vous connaître aujourd'hui. Je me souviens, et vous l'avez
rappelé tout à l'heure, qu'on s'était rencontrés
alors que j'étais dans l'Opposition.
Mme Plamondon: Sur le dossier Toxitex avec les BPC.
M. Fortier: Oui, c'est ça.
Mme Plamondon: Rien de plus n'avait été fait quand
vous êtes arrivés au pouvoir.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fortier: J'espère qu'on va s'en souvenir.
Mme Plamondon: Sans rancune.
M. Fortier: J'aimerais porter à votre attention les
articles 245 et 246 concernant les comptes inactifs. Il s'agit là bien
sûr d'une amélioration sur la loi actuelle, parce que, dans la loi
actuelle, je crois que les comptes inactifs ne sont prévus d'aucune
façon. Ici, à l'article 245, on définit le compte inactif
et l'article 246 dit que la "caisse doit expédier par courrier
recommandé ou certifié à chaque personne à qui un
dépôt visé à l'article 245... " Donc, il y a une
information transmise par courrier recommandé.
Ce sont ces deux dispositions que je voulais rappeler parce que je ne
savais pas si vous les aviez vues...
Mme Plamondon: Oui, oui, on les a lues.
M. Fortier: Est-ce que vous préférez ce genre
d'information envoyé pas courrier ou si vous préférez
plutôt, parce que vous avez fait allusion à un...
Mme Plamondon: À un affichage...
M. Fortier:... tableau qui serait affiché dans la
caisse... Laquelle des deux mesures, selon vous, serait la plus efficace?
Mme Plamondon: Ce sont les deux mesures. Ces mesures, c'est pour
aviser le sociétaire que son compte est inactif, tandis que la liste
dont je vous parle est une liste des comptes non seulement inactifs, mais dont
le propriétaire n'a pas été rejoint parce que les
personnes changent souvent de ville ou d'endroit, ou quelqu'un
décède, et personne n'est avisé qu'un compte avec de
l'argent attend. Ce sont des comptes qui sont inactifs depuis des
années; cela peut remonter jusqu'à neuf ans.
M. Fortier: Mais, avec la disposition de l'article 246, la
personne serait informée par courrier recommandé.
Mme Plamondon: Pendant sept ans. M. Fortier: Pardon?
Mme Plamondon: Si la lettre vous revient? Si je suis partie sans
laisser d'adresse, que faites-vous avec le compte inactif?
M. Fortier: Oui, c'est là que vous voudriez qu'un tiers
puisse intervenir.
Mme Plamondon: Exactement.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Vous
avez malheureusement déjà terminé. M. le
député de Lévis. À 14 h 59 précises, M. le
député de Lévis, la parole est à vous.
M. Garon: Concernant la question de l'exonération de
responsabilité, vous dites que les gens membres de caisses ou qui
transigent avec les caisses doivent souvent signer des documents indiquant que
la caisse s'exonère de toute responsabilité. Selon vous, est-ce
une pratique généralisée ou le cas de certaines caisses?
(15 heures)
Mme Plamondon: Non, c'est une pratique
généralisée pour les arrêts de paiement - en
avez-vous un exemplaire, je vais le lire - il est dit que, si, par inadvertance
ou quelque chose de semblable... Je vais vous le lire exactement. "Je,
soussigné, vous dégage de toute responsabilité que vous
pourriez encourir par suite du refus de payer cet ordre de paiement. Je
m'engage de plus à ne pas vous tenir responsable en cas de paiement fait
contrairement à cette demande si ce paiement est effectué par
inadvertance. " C'est un formulaire de la caisse populaire d'économie
Desjardins" un contre-ordre de paiement. Donc, cela veut dire que, lorsque les
gens veulent faire un contre-ordre de paiement et qu'ils paient pour faire le
contre-ordre de paiement, ils pensent que le chèque ne passera pas et
là ils vont pouvoir en faire un autre, mais le chèque peut se
retrouver sans fonds suffisants parce que "par inadvertance" - c'est toujours
par inadvertance - le chèque a passé. Alors, vous vous retrouvez
avec un chèque sans fonds plus un chèque qui est passé que
vous n'aviez pas voulu passer. L'autre exemple que je vous avais donné,
c'est lorsque vous signez pour votre carte de guichet automatique. Je n'ai pas
d'exemplaire ici en ce moment, mais vous relirez le vôtre et il est
inscrit que, s'il y a quelque chose qui ne fait pas, vous vous tenez
responsable de votre carte, de votre numéro d'identification personnelle
et de tout usage de votre carte.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, nous avons
terminé. Pour le mot de la fin, M. le député de
Lévis.
M. Garon: Je vous remercie d'être venus nous rencontrer,
d'avoir fait valoir, Mme Plamondon et M. Saint-Pierre, les différents
points de votre mémoire qui touchent des questions très
précises qui sont indiquées. Je suis persuadé que les
questions que vous avez soulevées auront sûrement un suivi et
demain les caisses populaires qui doivent venir ici vont sûrement
réagir par rapport à certaines des propositions que vous avez
faites ou encore faire des remarques concernant l'application ou non par leurs
caisses selon leurs recommandations centrales ou en dépit de leurs
recommandations centrales ou dire ce que le gouvernement devrait faire pour
obliger certaines divulgations et pour que les gens soient mis au courant des
droits qu'ils ont à leur caisse.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. M. le ministre, brièvement, s'il
vous plaît.
M. Fortier: Très brièvement. Oui, en plus de la
divulgation, il y a tout le système des plaintes qu'on va examiner et
les comptes inactifs; je pense que ce sont les trois volets, mais il y avait un
quatrième volet qui était le compte de base. En ce qui concerne
les trois premiers volets, cela me semble très clair et on va tenter de
répondre à vos demandes.
Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, M. le ministre.
Je remercie le Service d'aide au consommateur pour sa participation à la
consultation générale sur l'avant-projel: de loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. J'inviterais immédiatement le
prochain groupe, soit la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec, à bien vouloir s'avancer à la
table des témoins, s'il vous plaît.
Est-ce que la porte parole de l'organisme, s'il vous plaît,
voudrait bien s'identifier et présenter les gens qui l'accompagnent?
FTQ
M. Daoust (Fernand): Merci beaucoup, M. le Président. Mon
nom est Fernand Daoust, je suis e secrétaire général de la
FTQ. M'accompagnent, pour la présentation de nos vues sur cet
avant-projet de loi, M. Maurice Laplante, qui est le président du
Syndicat des employés professionnels et de bureau, M. Michel Rousseau,
qui en est le secrétaire général, M. Réal
Saint-Pierre, qui est conseiller technique du même syndicat, Mme Lorraine
Deveau, qui occupe la même fonction à intérieur du
même syndicat, M. Pierre Gagnon, aussi du même syndicat.
Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé?
Alors, je vous remercie, M. Daoust. Je vous rappelle brièvement les
règles de l'audition: 20 minutes sont consacrées à
l'exposé de votre mémoire et suivra une période
d'échanges entre les différents groupes parlementaires, une
période de 40 minutes.
Alors, sans plus tarder, nous vous écoutons relativement à
la production de votre mémoire.
M. Daoust: Merci. Madame et messieurs les membres de cette
commission, nos premiers mots seront pour vous remercier de nous permettre de
faire connaître nos vues et de faire des représentations sur cet
avant-projet de loi. Vous avez sans aucun doute eu l'occasion de prendre
connaissance de notre mémoire. Je vais en faire un
résumé-synthèse et par la suite nous pourrons
répondre à vos questions.
La FTQ qui représente plus de 450 000 travailleuses et
travailleurs syndiqués, dont près de 5000 travaillent dans les
diverses institutions financières du mouvement coopératif, se
présente devant cette commission pour soulever, sur l'avant-projet de
loi, des questions concernant les caisses d'épargne et de crédit.
D'abord, nous donnerons brièvement notre point de vue sur les
orientations générales de l'avant-projet, puis nous mettrons
l'accent sur les problèmes spécifiques que connaissent les
travailleurs et les travailleuses à l'emploi des institutions que
regroupe le mouvement Desjardins.
La FTQ a soutenu le développement du mouvement coopératif
Desjardins en encourageant les membres à y placer leurs épargnes
et à constituer ainsi une force économique contrôlée
par les Québécois et les Québécoises. Nous avons
toujours souhaité que le mouvement Desjardins soit prospère et
qu'il devienne un instrument moteur de notre développement
économique national. Toutefois, nous avons aussi voulu qu'il continue de
défendre les objectifs coopératifs et sociaux qu'if
s'était fixés. Depuis quelques années, force nous est de
constater que le mouvement Desjardins a pris tellement d'expansion que sa
vocation d'institution financière a pris le dessus sur sa vocation
sociale et coopérative. Si la FTQ reconnaît qu'il est important
que les caisses d'épargne et de crédit fassent con- currence aux
banques en offrant les mêmes services, elle craint toutefois que les
préoccupations de rentabilité et de concurrence mettent au
rancart les préoccupations sociales, telles l'information et la
formation à la consommation et à la saine gestion
financière pour les familles.
L'avant-projet de loi marque un tournant majeur dans le mode financement
des caisses. Le droit nouveau que les caisses auront désormais
d'émettre des parts permanentes et des parts privilégiées
leur donnera aussi accès au financement public et leur permettra
d'améliorer leur capitalisation et de soutenir leur
développement.
La FTQ veut mettre le législateur en garde contre la tentation de
convertir les caisses populaires, les caisses d'économie et les caisses
d'entraide en institutions strictement bancaires, uniquement destinées
à faire des profits. Les caisses doivent poursuivre cette mission
sociale et coopérative qui est la leur et continuer d'appartenir
à leurs membres. L'émission de parts ne doit pas donner plus de
pouvoir à ceux qui les détiennent et il est donc important de
préserver le principe d'une personne un vote dans la prise de
décision à l'assemblée générale des
sociétaires. La FTQ ne souhaite pas un retour en arrière. Nos
membres ont contribué à faire la force et la
prospérité du mouvement Desjardins. Toutefois, nous souhaitons
qu'il continue de promouvoir l'esprit coopératif et de jouer son
rôle social.
La centralisation du mouvement Desjardins. La centralisation des caisses
populaires dans le cadre des fédérations est un mouvement
irréversible. La loi actuelle ne confère pas de pouvoir important
aux fédérations. Toutefois, elles exercent déjà un
contrôle serré sur les caisses. L'avant-projet de loi confirme et
renforce le rôle plus important des fédérations
auprès des caisses, tant au niveau du développement que de la
surveillance.
L'avant-projet de loi confère aux fédérations des
responsabilités supplémentaires en matière de surveillance
et de contrôle des caisses. Désormais, le règlement de
modification des statuts d'une caisse doit, et nous citons, "être soumis
à l'approbation de la fédération à laquelle la
caisse est affiliée", l'article 47. De même, le prix des parts de
qualification - article 71 - et le taux d'intérêt applicable aux
parts permanentes - article 80 - sont assujettis aux règlements de la
fédération. À cela s'ajoute la supervision étroite
des conseils d'administration - article 133 - et des conseils de surveillance -
article 168 - qui sont officiellement responsables devant l'assemblée
générale de la caisse, mais qui doivent aussi répondre de
leurs actes devant la fédération et la
confédération.
Il est évident que la centralisation des caisses populaires
Desjardins s'est opérée avant que cet avant-projet de loi n'ait
été rédigé. Selon notre expérience des
relations du travail dans les institutions du mouvement Desjardins, l'autonomie
des caisses populaires n'existe pas.
En effet, dans presque toutes nos négociations, les mêmes
propositions et contre-propositions sont déposées aux
différentes tables. Les propositions qui nous sont soumises ne tiennent
pas compte des situations individuelles des caisses. Par exemple, les offres
salariales sont les mêmes dans les caisses prospères et dans les
caisses moins prospères. Une telle homogénéité
suppose une centralisation des décisions au niveau des
fédérations. Le rôle des caisses se limite donc à
l'embauche et à la gestion quotidienne des caisses. Dans le domaine des
relations du travail, leur autonomie est extrêmement restreinte. Dans les
faits, le véritable employeur est la fédération. Dans un
pareil contexte, la FTQ se demande pourquoi le ministre du Travail
n'autoriserait pas les syndicats à demander des accréditations
pour plus d'une caisse populaire à la fois. Puisque les centres de
décision ne sont plus véritablement au niveau des caisses
populaires et que les salaires et conditions de travail offerts sont presque
identiques d'une caisse à l'autre, il serait beaucoup plus logique de
permettre ce type de regroupement.
La notion de dirigeant. L'avant-projet de loi propose une
définition élargie de la notion de dirigeant qui risque de causer
de sérieux préjudices aux employés des caisses
d'épargne et de crédit. À l'article 187, on inclut dans la
notion de dirigeant, et je cite: "tout employé autorisé à
consentir du. crédit et toute personne désignée comme
telle par règlement de la caisse ou par résolution de son conseil
d'administration". En élargissant cette notion, le législateur
s'immisce dans les relations de travail puisque dorénavant tous les
agents de crédit ou les agents-conseils, employés régis
à ce moment-ci par nos certificats d'accréditation, deviennent
ipso facto des dirigeants - donc des cadres - et sont donc exclus, à
toute fin que de droit, de la négociation de la convention collective de
travail. Nous ne pouvons absolument pas accepter une telle modification
législative qui est d'envergure. À l'heure actuelle, le Bureau du
commissaire général du travail est le seul forum compétent
pour décider si un employé est un salarié, par opposition
à un cadre, au sens du Code du travail du Québec. Personne
d'autre ne pourrait, par entente ou par convention, modifier le contenu du
certificat d'accréditation, ce document ayant une valeur d'ordre public.
Bien sûr, une modification législative, telle que
présentée à l'article 187, lierait le commissaire pour la
détermination future du statut des agents-conseils et des agents de
crédit. Cet ajout législatif vient réduire à
zéro tous les efforts déployés depuis plusieurs
années pour faire déclarer ces employés salariés au
sens du Code du travail. En effet, depuis 1984, il y a eu de la part de
l'employeur - les caisses populaires - une contestation systématique de
l'inclusion dans l'unité de négociation des agents-conseils et
des agents de crédit. Dans la plupart des cas, ces employés ont
été déclarés salariés. Il n'y a aucune
raison valable pour que le législateur aille à rencontre de cette
jurisprudence. Il serait tout de même incroyable que le mouvement
Desjardins, ou, si vous voulez, que lès caisses populaires, ayant
systématiquement perdu la bataille ou les batailles que de part et
d'autre elles ont livrées, se voient secourues par le
législateur. Cela nous semblerait un tour de passe-passe tout à
fait inadmissible. Encore une fois, il y a des forums, il y a des lieux, il y a
des gens spécialisés, habilités à disposer de ces
questions. Voir rayer d'un trait de plume, par une disposition de la loi, le
droit d'association nous semblerait une usurpation d'un droit reconnu, non
seulement au Canada, mais aussi en Amérique du Nord. Cela nous
semblerait reléguer le commissaire du travail, les commissaires, le
Tribunal du travail et toute cette structure à un rôle tout
à fait inadmissible. (15 h 15)
De plus, l'analyse des fonctions de ces employés par les
tribunaux a révélé qu'ils n'exercent aucune fonction ou
responsabilité généralement assignées au
représentant de l'employeur, telles que des responsabilités
budgétaires, la gestion des ressources humaines, la participation
à l'élaboration des objectifs et politiques de la caisse, et la
participation à des réunions de cadres. C'est ce que montre la
décision rendue dans la cause de la caisse populaire
Notre-Dame-de-l'Assomption. Le juge qui en a disposé a conclu, et
c'était le cas de Mme Castonguay: "II ne fait aucun doute que Mme
Castonguay n'est ni un cadre, ni un gérant; elle est ou une technicienne
ou une professionnelle avec les responsabilités et les attributions
propres à l'accomplissement des tâches qui lui sont
confiées... " On cite plus longuement cette partie-là de la
décision du juge dans notre mémoire.
Enfin, nous trouvons qu'il y a un illogisme dans cet avant-projet de
loi. Alors que le législateur inclut les personnes qui consentent du
crédit dans les dirigeants de la caisse, à l'article 187, il
exclut systématiquement les employés de toute structure
décisionnelle tels que le conseil d'administration, le conseil de
surveillance, la commission de crédit. Le législateur jugeait
donc inapproprié un tel cumul de la notion de dirigeant et
d'employé. Autre manifestation de cet illogisme, les dirigeants,
à l'exception du directeur général, ne sont pas
rémunérés, alors que les agents de crédit et les
agents-conseils le sont. De plus, nous ne retrouvons rien de semblable dans la
Loi sur les banques.
Pour conclure, la FTQ estime que l'élargissement de la notion de
dirigeant à certains employés qui consentent du crédit n'a
pas sa raison d'être tant du point de vue de l'économie
générale de la loi que du point de vue des relations du travail
au sein des caisses populaires.
L'assurabilité: un abus de pouvoir de Desjardins. Au cours des
deux dernières années,
le mouvement Desjardins a contourné les conventions collectives
là où elles existent sous le couvert de la loi et a
congédié des employés que l'assureur, qui est le groupe
Desjardins, assurances générales, estime non assurables sans que
les employés soient entendus et puissent avoir quelque recours que ce
soit. Les caisses doivent se conformer aux règlements de leur
fédération afin d'être et de demeurer des caisses au sens
de la loi et sont donc placées devant l'obligation de respecter le
contrat d'assurance pour se conformer à l'article 50f de la loi
actuelle. De plus, l'article 14 du règlement de la
fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal
et de l'Ouest du Québec oblige les caisses à s'assurer
auprès du groupe Desjardins, assurances générales. Dans la
pratique, ces règlements excluent tout autre assureur potentiel, comme
l'a déjà précisé la fédération de
Montréal dans une rencontre formelle lors des négociations
à la caisse populaire de Charlemagne.
Ainsi, les caisses populaires n'ont que peu d'autonomie dans le choix de
l'assureur et elles sont sujettes à ses décisions concernant
leurs employés. Au cours des deux dernières années, de
plus en plus de personnes se sont vu retirer la protection d'assurance et
expulsées du secteur financier où un cautionnement est
exigé. Le fait que le groupe Desjardins, assurances
générales, ait le monopole de l'assurance a conduit à des
abus de pouvoir à l'égard des employés. Les
conséquences de la décision d'interrompre l'assurabilité
d'un employé sont très graves puisque la décision est sans
appel, à moins de faits nouveaux, et est à vie. Cela
empêche une personne de retravailler dans le secteur financier. C'est,
à toutes fins utiles, la peine capitale pour un travailleur qui ne peut
exercer ses compétences dans le même domaine puisqu'il est,
à toutes fins utiles, carrément exclu de toute possibilité
d'assurabilité. En effet, si une personne n'est plus assurable pour un
assureur, elle ne l'est guère pour un autre. En fait, elle est sur une
liste noire. On exige du caissier une probité extrême que l'on
n'exigerait d'aucun autre métier ou profession. Cette situation pose des
problèmes à nos syndicats puisqu'elle permet à une caisse
de congédier une personne parce que l'assureur ne veut plus l'assurer,
sans que cette personne ait quelque recours que ce soit. En effet, les arbitres
du travail n'ont pas la juridiction nécessaire pour modifier la
décision de l'assureur.
Nous proposons donc que toute obligation dans le projet de loi, les
articles 133, 7°, 8°, et 361, 2°, relativement au cautionnement
soient rayés et ce, pour les raisons suivantes: a) puisque que nombre de
modifications apportées à la présente loi sont largement
inspirées de la Loi sur les banques, nous vous rappelons qu'il n'y a
aucune espèce de référence à des obligations du
même type de cautionnement qui s'y retrouve; b) le fait de retirer ces
obligations dans la loi n'empêche pas la caisse, la
fédération ou la confédération de prendre de telles
mesures; c) un tel retrait redonnerait aux dispositions d'arbitrage incluses
dans la convention collective la juridiction normale, à savoir que
l'employeur a le fardeau de prouver que le congédiement est pour une
cause juste et suffisante. Cela retirerait à un tiers - qui est
l'assureur - ayant des intérêts dans une telle décision son
rôle de justicier bénéficiant d'un monopole confirmé
par la disposition 137, 7 référant cette obligation aux
règlements de la fédération.
En conclusion, la FTQ craint que la philosophie coopérative et
les objectifs sociaux qui ont donné naissance aux caisses populaires ne
cèdent le pas à la logique purement financière. De plus,
parce que les fédérations exercent un contrôle et une
surveillance accrus sur les caisses et sont, en fait, le véritable
employeur, nous revendiquons du gouvernement le droit de regrouper les caisses
populaires à des fins d'accréditation syndicale. Sur le plan des
relations du travail, nous exigeons que le législateur biffe de
l'article 187 les dispositions suivantes, et je cite: "de même que tout
employé autorisé à consentir du crédit et toute
personne désignée comme telle par règlement de la caisse
ou par résolution du conseil d'administration". Nous estimons qu'il
n'est pas logique que les agents-conseils soient considérés comme
des dirigeants, alors que la plupart des décisions arbitrales les ont
inclus dans les unités d'accréditation.
Enfin, nous estimons urgent que le législateur établisse
des recours pour les employés congédiés parce que le
groupe Desjardins, assurances générales, les a jugés non
assurables. Cette manière de plus en plus courante de congédier
des employés rend caducs tous les recours dans le cadre du Code du
travail. Le législateur doit, selon nous, combler ce vide juridique.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Daoust. M. le
ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation.
M. Fortier: M. Daoust, MM. les membres de la FTQ, votre
mémoire dit exactement ce que vous voulez lui faire dire. Il apporte un
éclairage qui est le vôtre.
Sur la notion de dirigeant, je dois vous dire que notre intention
n'était nullement, par une définition, de créer
préjudice à un syndicat qui voudrait syndicaliser des membres. On
vous remercie de votre mémoire, parce que je dois vous le dire en toute
franchise, cet aspect du problème ne nous avait pas effleuré
l'esprit. Si vous regardez les articles qui suivent, leur but était de
prévenir les conflits d'intérêts. En conséquence, je
peux vous dire tout de go que nous allons apporter des modifications pour
éviter qu'un tribunal ne puisse interpréter la définition
de dirigeant dans le sens que vous le dites. Notre intention était de
définir les personnes intéressées et nous les appelions
dirigeants.
Par dirigeant, on entendait bien sûr ceux qui sont
réellement dirigeants, les bénévoles qui font partie de
différentes instances, qui prennent des décisions et qui
pourraient être en conflit d'intérêts. Nous avions aussi
inclus un employé qui peut à l'occasion dans sa fonction
établir du crédit. Là-dessus, on vous donne raison. J'en
ai déjà discuté avec l'Inspecteur des institutions
financières. Je ne sais pas de quelle façon nous allons corriger
le projet de loi, mais il y a certainement une façon de dire très
clairement que cela n'a rien à voir avec la loi du travail, qu'il
s'agissait pour nous d'adopter une disposition qui prévenait les
conflits d'intérêts et qui n'avait pas d'impact sur les lois du
travail en particulier. Je peux vous rassurer là-dessus
immédiatement.
Concernant l'autre problème important que vous soulevez - demain,
nous aurons l'occasion d'en discuter, j'en suis sûr, avec les dirigeants
du mouvement Desjardins - l'Inspecteur des institutions financières
m'informe qu'il s'agit d'une disposition qui n'est pas unique à ce
projet de loi. Dans la Loi sur l'assurance-dépôts du Québec
et dans la réglementation pertinente, il y a l'obligation de
protéger les dépôts de ceux qui font affaires avec les
différentes institutions financières sous l'autorité du
gouvernement du Québec, d'avoir justement cette caution pour s'assurer
que quelqu'un ne partira pas avec la caisse et qu'en définitive un
déposant sera pénalisé.
La question que j'aimerais vous poser à ce sujet: Est-ce que la
FTQ représente des syndicats avec d'autres institutions
financières? Représentez-vous des gens avec des banques ou avec
d'autres institutions financières? Peut-être pourriez-vous nous
dire quelle est votre expérience dans ces autres cas. Autrement dit,
pourriez-vous mettre en perspective... Parce que je prends les commentaires, Je
dois vous dire que je n'ai pas de connaissance spécifique dans le
domaine du travail reliée en particulier aux caisses populaires. J'ai lu
dans les journaux certains articles à l'occasion, et vous en faites
état. J'aimerais que vous nous brossiez un tableau d'ensemble pour nous
dire si vous éprouvez les mêmes problèmes avec d'autres
institutions financières ou si c'est uniquement avec Desjardins. Comme
de raison, vous venez ici pour parler de l'avant-projet de loi Desjardins, mais
est-ce un problème qui déborde une institution financière
en particulier?
M. Daoust: Oui. Il semble bien que ce soit véritablement
un problème qui existe chez Desjardins, dans les caisses populaires. La
FTQ représente ici et là quelques salariés à
l'emploi de succursales de banques. Je ne m'étendrai pas sur la
difficulté de pénétration du syndicalisme dans le secteur
bancaire, cela nous est connu. Il n'y a pas prolifération de syndicats
dans ce milieu. Mais indépendamment du nombre de syndiqués ou de
la représentativité de la FTQ ou de certains syndicats
affiliés au Congrès du travail du Canada à
l'échelle canadienne, il semble, selon tous les renseignements qu'on
nous fournit, que la Loi sur les banques ne prévoit rien qui puisse
être semblable, qui puisse être comparable à ce qu'on
retrouve dans cet avant-projet de loi qui, à toutes fins utiles,
empêche - et on le développe abondamment dans notre document -
tout arbitre de grief de pouvoir intervenir et de disposer d'un grief qui lui
est soumis à la suite d'un congédiement pour le refus de
l'assureur de continuer à donner une caution à un ou une
employée. Donc, cela n'existe pas du côté des banques et on
ne voit pas pourquoi le mouvement Desjardins, les caisses populaires, les
caisses de crédit, etc., pourraient avoir un tel pouvoir. On parle de
justicier à certains moments et le mot n'est pas inapproprié, on
y a bien songé avant de l'inclure dans ce document-là, justicier
de la part de l'assureur qui, lui, est très près, sinon
très assimilé à la fédération, ou à
la confédération, ou à la caisse populaire. Il y a donc
là des liens organiques très précis qui font que les
intérêts sont identiques et que cela joue encore plus au
détriment des salariés impliqués.
J'aurais dû mentionner qu'au Québec l'ensemble des
employés de la banque Lauren-tienne, l'ancienne Banque d'épargne,
sont syndiqués par le même syndicat, le SEPB, et peut-être
que Michel, ou Maurice, ou Lorraine, enfin, qui que ce soit, pourrait
expliciter un peu le point de vue que nous vous avons présenté
à ce sujet.
M. Fortier: Si vous me permettez, M. Daoust...
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le ministre.
M. Fortier: Si vous permettez, M. Daoust, parce que mon temps...
Malheureusement, on se partage le temps et j'ai peur de manquer de temps pour
vous poser une question. Le problème fondamental viendrait-il du fait -
j'allais dire l'accusation enfin, le portrait que vous décrivez et que
vous nous expliquez dans votre mémoire - que l'assurance fournie...
Est-ce le problème de l'assurance ou si c'est le fait que l'assurance
fournie viendrait d'une unité membre du groupe Desjardins? Vous semblez
laisser entendre qu'il y a connivence. Est-ce cela le problème ou est-ce
simplement le fait... Les banques, à venir jusqu'à maintenant,
n'avaient pas le droit d'acheter des compagnies d'assurances. M. Hockin, du
gouvernement fédéral, je crois, a dit publiquement qu'il
autoriserait dans un avenir prochain les banques à pouvoir devenir
actionnnaires d'une compagnie d'assurances générales. Donc, dans
l'avenir, dans la mesure où il y aurait une disposition semblable,
quoique vous disiez qu'il n'y en a pas, mais dans la mesure où il y
aurait une dispostion semblable, une banque pourrait être
propriétaire d'une compagnie d'assurances et, donc, demander
à sa compagnie d'assurances d'assurer ses employés pour
leur fournir une caution. Alors, c'est pour cela que je vous pose le
problème. Est-ce cela le problème, que la compagnie d'assurances
fasse partie du même groupe... (15 h 30)
M. Daoust: Non, non.
M. Fortier:... ou si vous voyez un problème d'arbitrage
sur le plan du travail?
M. Daoust: Non, ce n'est pas le fait que l'assureur fasse partie
du même groupe. Cela nous semble être dans la normalité des
choses. Bon. On peut parler de situation de monopole, mais disons que, sur
cela, on ne conteste pas ce choix que fait Desjardins d'aller dans ses rangs
pour choisir l'assureur. Mais le fait que cela confère à ce
dernier, comme vous l'avez compris fort bien, un pouvoir extraordinaire de
sanction. Il est quasiment juge et partie en même temps. On ne parle pas
de collusion ni de connivence nécessairement, mais ce sont tous des gens
du même milieu. C'est le même assureur qui fait partie du
même groupe, de la même caisse populaire, etc. Il y a donc des
relations tout à fait normales qui s'établissent entre ces gens
et qui rendent plus odieux le fait qu'il n'y a aucune espèce de recours
quand l'assureur décide que la personne n'est plus sujette à
être assurée. C'est de pouvoir permettre à la personne un
lieu où elle pourra contester la décision qui a été
prise de la congédier ou de suspendre son assurance, de faire
disparaître son assurabilité, qui a pour conséquence le
congédiement, de pouvoir contester en un lieu - et, pour nous, c'est
l'arbitre des griefs où le fardeau de la preuve appartient à
l'employeur - en un lieu où celle-ci aura toutes les chances de faire
valoir son point de vue et où l'arbitre ne sera pas bloqué en se
faisant dire: Écoutez, de toute façon, même si j'en viens
à la conclusion que la sanction outrepasse ce que normalement on aurait
pu choisir comme sanction, ce dernier s'avère tout à fait
impuissant à rendre une décision.
Le Président (M. Després): Merci, M. Daoust. La
parole est maintenant au député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je remercie la FTQ. Je dirais
aussi que les points sur lesquels vous présentez votre mémoire
sont précis, sauf peut-être un point sur lequel je reviendrai plus
tard, quand vous dites que la tentation bancaire qui anime les caisses... Je
suis aussi bien de régler cela tout de suite. Dans l'avant-projet de
loi, à l'exception des deux points sur lesquels je reviendrai, les
notions de dirigeant et d'assu-rabilité, quels sont les aspects qui vous
préoccupent le plus et qui vous dérangent le plus quant à
cette tendance que vous indiquez du mouvement Desjardins de ressembler de plus
en plus aux banques, si on oublie la notion de dirigeant et la notion
d'assurabilité?
Le Président (M. Després): M. Daoust.
M. Daoust: Écoutez, on a suivi comme l'ensemble du
Québec l'évolution du mouvement Desjardins et des caisses
populaires depuis qu'elles ont été créées. On est
fiers que l'ensemble des caisses populaires aient cette importance à
l'intérieur de notre société, on n'a cessé de le
répéter. On les a appuyées, on recommande à nos
gens de devenir sociétaires et de militer à l'intérieur
des caisses, et tout cela. Il n'y a pas d'ambiguïté quant à
nos positions. On sait fort bien qu'avec la concurrence qui se livre dans ce
milieu, la présence de multiples institutions financières fait
que le mouvement Desjardins s'est transformé au cours des années
et qu'il doit suivre une évolution tout à fait normale. Mais
notre inquiétude, c'est que les caisses populaires, qui ont
été à l'origine un lieu de démocratisation du
fonctionnement de l'économie, un lieu de formation pour les
Québécois et les Québécoises, un lieu
d'échange et d'apprentissage, un lieu d'entraide avec des caisses
populaires largement autonomes qui avaient une répercussion dans tout le
milieu, dans tous leurs milieux, parce qu'il y a de multiples milieux, on pense
que c'est en voie de transformation. Ce n'est pas qu'on soit nostalgiques, on
le dit, on ne veut pas revenir en arrière, mais on ne veut pas rater les
occasions qui nous sont données de rappeler beaucoup plus au mouvement
Desjardins qu'à qui que ce soit qu'il a une mission à
l'intérieur du Québec, qui se transforme avec le temps et qui
connaît une évolution, inévitablement, mais qui ne doit pas
se transformer au point d'assimiler l'ensemble du mouvement Desjardins et
l'ensemble des caisses populaires à des institutions bancaires. De temps
à autre, on est inquiet de voir le mouvement Desjardins vouloir se
lancer dans toutes sortes d'activités et dans toutes sortes de domaines.
On réfléchit sur ces percées du mouvement Desjardins, ces
annonces qui nous sont faites, ces ambitions du mouvement Desjardins de vouloir
être présent dans tout le domaine financier. On a une certaine
inquiétude. Une réflexion est amorcée et on ne voudrait
pas que le mouvement Desjardins se dénature dans 'sa fonction
essentielle, première, mais qui doit évoluer
inévitablement, on voudrait qu'il demeure toujours un instrument
d'émancipation économique, de formation économique, de
démocratisation à l'intérieur de la société
québécoise, telle expression qu'on ne peut pas employer à
l'égard de beaucoup d'institutions financières,
particulièrement des banques. Je ne suis pas ici pour faire le
procès de toutes les institutions financières, ni des banques,
mais, pour nous, une banque est une banque et une caisse populaire est une
caisse populaire. Remarquez bien qu'on n'a pas d'opposition à la
centralisation, elle est là inscrite dans les faits par les
fédérations, la confédération, et tout cela.
Je reviens un peu sur la teneur de notre mémoire. S'il y a
centralisation - on le constate, on le dit, ce n'est pas d'hier et ce n'est pas
la loi qui va donner l'impulsion, la loi vient confirmer cette impulsion - on
voudrait que le mouvement Desjardins n'ait pas un double discours, ne vienne
pas nous faire croire à nous, au moment des négociations, que les
caisses sont très autonomes, qu'elles ont toute la liberté de
disposer des demandes qui lui sont faites au moment des négociations de
la convention collective, et, d'un autre côté, qu'on sente, qu'on
voie et qu'on réalise qu'il y a une forme de centralisation. On n'est
pas contre cela, mais une centralisation en appelle une autre. On voudrait bien
que le législateur, que le mouvement Desjardins et que les caisses
populaires entendent ce message, qui est un message d'ouverture au droit
d'association et non de refus du droit d'association par des blocages
systématiques. Je vais juste très rapidement vous en dire les
conséquences. Il y a 1400 caisses populaires au Québec. Quand on
négocie caisse par caisse et qu'on multiplie les séances de
négociations qui s'étalent sur des mois et des mois il y a un
effet de paralysie, il y a une forme - je prononce le mot, je suis bien
conscient - d'antisyndicalisme subtil et larvé qui est le fait des
dirigeants du mouvement Desjardins au Québec qui refusent une
espèce d'ouverture à l'égard de la négociation qui
pourrait être plus large que caisse par caisse, et ils le savent fort
bien.
Je reviens à votre question. Je pense que c'est un joyau que nous
avons au Québec. On sait que cela se modifie, que cela évolue. On
est pour révolution, on n'est pas contre le progrès pas une
miette, mais on ne voudrait pas, encore une fois, que les caisses perdent leur
âme, pour tout vous dire, et, sans être nostalgiques, pas une
miette, on voudrait qu'elles soient l'instrument d'une forme de
démocratisation de l'économie au Québec.
Le Président (M. Després): M. le
député de Lévis.
M. Garon: Vous ne pensez pas... Je vous pose la question. Je
comprends que vous allez me dire que votre réponse aura une implication,
mais, en tout cas, je la pose comme je le pense. Quand le ministre a
publié son livre blanc au mois de mars 1987, il a mentionné,
entre autres, qu'il souhaitait voir l'établissement de mammouths
financiers et que le décloisonnement devait mener à créer
des mammouths financiers qui se feraient concurrence entre eux, en laissant
entendre ou en disant même concrètement que le mouvement
Desjardins devait être un de ces mammouths. Pensez-vous, dans votre
rôle de vice-président qui parle au nom de la FTQ, que le
rôle du mouvement Desjardins est d'abord d'être un mammouth
financier ou de rendre service à ses membres?
M. Daoust: Nous, on va vous répondre qu'on doit d'abord
rendre service à ses membres, que, pour atteindre ces fins-là, il
faille y avoir une présence, une taille, être actif dans bien des
champs d'intervention, mais le premier objectif n'est pas nécessairement
d'être ce que vous appelez un mammouth financier...
M. Garon: Non, c'est le ministre qui a inventé
l'expression "mammouth financier".
M. Daoust: Ah bon!
M. Fortier: II veut que vous me jugiez.
M. Garon: Je lui disais que plutôt qu'un mammouth, c'est
une espèce disparue, faute d'être capable de s'adapter à
son milieu ambiant.
M. Daoust: Oui, mais entre un mammouth et un dinosaure... On ne
veut pas qu'il soit tellement enraciné dans un passé quasiment
révolu qu'il n'évolue pas du tout. On est pour
l'évolution, on est pour le pouvoir que le mouvement Desjardins et les
caisses doivent avoir à l'intérieur de notre
société, on applaudit à cela. C'est l'institution
financière la plus importante au Québec, en termes d'actifs tout
au moins. Bravo, on applaudit à tout cela, mais on veut leur rappeler
leur mission sociale. On peut être très gros, très
puissant, très fort. Dans la mesure où on n'oublie pas qu'on a
une mission sociale qui est inscrite dans l'histoire d'un organisme comme
celui-là, nous n'avons pas d'objection à cela. On ne veut pas de
rapetissement, pas une damnée miette, du mouvement Desjardins. Qu'il
progresse avec le Québec, tant mieux, parce que c'est nous, le mouvement
Desjardins. C'est tout de même l'ensemble de la société
québécoise. On se sent en communion de pensée avec le
mouvement Desjardins sur ce plan-là, il n'y a aucun doute. Mais il a une
mission sociale, une mission économique. Il a un rôle à
jouer et, de temps à autre, on le lui rappelle et on est inquiet qu'il
ne nous écoute pas - le "nous", ce ne sont pas nécessairement les
gens qui sont ici présents, mais ceux qui pensent cela...
Le Président (M. Després): Excusez, M.
Daoust...
M. Daoust:... qu'il ne nous écoute pas à
l'égard du droit d'association et de l'accès au syndicalisme. Je
m'excuse.
Le Président (M. Després): Merci, M. Daoust. La
parole est maintenant au ministre.
M. Fortier: Oui, peut-être que le député de
Mille-Îles...
Le Président (M. Després): Excusez. M. le
député aurait peut-être une question.
M. Bélisle: Si vous me permettez, M. le ministre, c'est
simplement pour enchaîner sur ce que vous disiez tantôt. M. Daoust,
je trouve votre mémoire très intéressant, surtout quant
à tout ce qui touche au cautionnement. Je voudrais seulement poser
quelques questions de détail avant de l'aborder sous un autre angle,
parce que vous l'abordez selon votre vision à vous, c'est-à-dire
employeur-employé, notion de relations du travail, et tout le reste.
D'abord, qu'est-ce que cela coûte par employé ou par succursale -
si c'est fait par succursale - une police d'assurance-cautionnement? Est-ce que
quelqu'un le sait?
M. Daoust: Je ne le sais pas. Peut-être que Pierre
Gagnon...
M. Gagnon (Pierre): En fait, cela dépend beaucoup de la
grosseur de la caisse, des lieux, du type de coffre-fort, s'il y a des vitres
pare-balles. C'est une assurance globale. Ce n'est pas par employé,
c'est plutôt une analyse globale de la situation de la caisse.
M. Bélisle: Donnez-moi un exemple.
M. Gagnon: Un exemple? Si une caisse a 25 ou 30 employés,
si elle est dans un quartier où il n'y a pas eu de vols, si elle a des
vitres pare-balles, si elle a un gardien de sécurité, il y a un
coût en ce qui concerne les assurances. Dans une autre caisse où
la situation est différente, ce sera un autre coût.
M. Bélisle: Ce serait combien par année pour une
caisse de 30 employés avec vitres pare-balles et tout le reste? Est-ce
qu'on parle de 1000 $? Est-ce qu'on parle de 5000 $? Est-ce qu'on parle de 25
000 $?
M. Gagnon: C'est quelques milliers de dollars.
M. Bélisle: Quelques milliers de dollars. Est-ce que cela
inclut également, selon vous, la protection de cautionnement de
fidélité pour les membres du conseil d'administration qui sont
bénévoles en vertu de la loi?
M. Gagnon: La même chose. Ils sont inclus à
l'intérieur de cette police.
M. Bélisle: C'est la même police d'assurance. C'est
exact?
M. Gagnon: Oui.
M. Bélisle: Avez-vous eu connaissance, étant
donné que vous en connaissez plus long que moi là-dessus, d'un
montant de pertes qui aurait été payé par la compagnie
Assurance générale Desjardins en fonction de pertes dans des
caisses populaires où vous avez des syndiqués?
M. Gagnon: Je peux vous dire que, s'il y a eu des pertes, ce
n'est sûrement pas de la part des syndiqués qui ont
été les principaux intervenants...
M. Bélisle: Non, mais...
M. Gagnon:... ce serait plutôt de la part d'un directeur de
caisse qui réussit à partir...
M. Bélisle: Par exemple?
M. Gagnon:... avec la sacoche. Chez nous, souvent, le
problème qu'on a, c'est que les gens sur des délits mineurs se
font déclarer non assurables sans avoir été entendus et se
voient retirer leur cautionnement et leur possibilité d'emploi, mais sur
des problèmes mineurs qui parfois n'entraînent aucune perte
financière.
M. Bélisle: Quand vous dites aucune perte
financière, cela veut dire un truc de 50 $ ou quelque chose de
semblable?
M. Gagnon: Parfois, il n'y aucune perte financière.
M. Bélisle: D'accord. Quand vous dites que vous avez eu
connaissance personnellement de sommes d'argent payées en pertes
à des caisses populaires, mettons, pour un gérant de caisse
populaire qui outrepasse sa limite de 5000 $ ou pour un conseil
d'administration qui a autorisé indûment ou sans
référer au comité de surveillance, avez-vous eu
vous-même connaissance de sommes d'argent importantes qui ont
été déboursées? (15 h 45)
M. Gagnon: Je ne peux pas vous dire. Je sais qu'il y a des
situations où il y a eu des manques à gagner importants. Dans
certaines caisses populaires, il y a eu de l'argent qui a été
oublié sur un comptoir, ce genre d'erreur. Oui, à l'occasion,
elles paient. C'est une assurance.
M. Bélisle: Mon expérience avec cela est la
suivante: Vous vous souvenez peut-être tous du cas, à
Montréal, de la caisse populaire Saint-Jean-Baptiste qui a
été mise en tutelle il y a environ quatre ou cinq ans, dans le
cas des Ambulances Godin. Le conseil d'administration, qui était
composé à l'époque uniquement de
bénévoles... Cela revient à la vocation. Vous ne voulez
pas être nostalgique, M. Daoust, mais je vais me permettre de
l'être. Quand vous avez des gens qui siègent à un conseil
d'administration depuis au-delà de 25 ans à titre de
bénévoles, qui siègent à chaque mois
bénévolement pour leurs concitoyens, pour les autres membres qui
sont coopérants et qu'en fin de route, après avoir
été membres-fondateurs, ils se retrouvent devant les tribunaux,
en Cour supérieure du Québec, avec des poursuites
d'au-delà de
750 000 $ pour des actes posés par des gestionnaires, entre
autres - dans ce cas-là, le gérant de la caisse populaire en
question - et que vous avez toutes les difficultés du monde à
forcer la compagnie qui est affiliée au mouvement Desjardins, Assurances
générales Desjardins, à respecter le contrat de
cautionnement... Parce que, quand je lis votre mémoire, vous n'avez pas
voulu le dire tantôt, mais vous l'avez écrit, M. Daoust, à
la page 13, et je vous cite, à 4. 2: "Ainsi, on constate que les caisses
populaires n'ont que peu d'autonomie dans le choix de l'assureur et qu'elles
sont sujettes à ses décisions concernant leurs employés.
Le fait que le groupe Desjardins, assurances générales, ait le
monopole de l'assurance conduit à des abus de pouvoirs à
l'égard des employés. "
Ce que je constate jusqu'à maintenant, c'est que je n'ai jamais
vu beaucoup de pertes remboursées par Assurances générales
Desjardins. J'ai eu d'énormes difficultés à les forcer
à prendre fait et cause et à défendre soit des
employés, soit des gérants, soit des membres de conseils
d'administration qui ont travaillé comme bénévoles. C'est
toujours le tiraillage parce qu'en fin de compte c'est toujours la même
poche qui paie, cela fait partie du même habit, cela fait partie de la
même personne.
Or, quand je regarde le texte de loi qui est là, l'article 133,
paragraphe 7, de la loi dit: "Le conseil d'administration doit notamment:
exiger de toute personne ayant l'administration ou la garde des fonds de la
caisse un cautionnement adéquat et, le cas échéant,
conforme aux règlements de la fédération à laquelle
la caisse est affiliée". Je veux connaître votre réaction.
Ne serait-il pas mieux, au paragraphe 7, d'enlever tout simplement la fin du
paragraphe "conforme aux règlements de la fédération",
d'enlever tout cela et de faire que le gouvernement et que l'inspecteur
général déterminent un cautionnement type, avec des
clauses types qui soient respectées par toutes les institutions
financières sous notre juridiction au Québec, et qu'il n'y ait
pas de tataouinage et qu'il n'y ait pas de "forcing", de tordage de bras ni
auprès des employés, ni auprès des gérants, ni
auprès des membres des conseils d'administration qui sont tous dans le
même bateau quant à l'obligation d'être fidèles et
d'être loyaux vis-à-vis des coopérants qui sont membres
d'une institution? Vous ne seriez pas à l'aise avec cela?
M. Daoust: Je pense qu'on ne serait pas mal à l'aise avec
cela dans la mesure où il est bien établi que l'ensemble des gens
- nous, nous parlons des syndiqués - puissent avoir des recours. C'est
le problème des recours. Encore une fois, je me place dans une situation
où il y a un syndicat, où il y a une convention collective de
travail. S'il arrive quelque chose qui provoque l'assureur à retirer
l'assurance ou la caution à tel salarié, que ce dernier puisse
avoir un recours. Et, dans notre mode de fonctionne- ment, c'est l'arbitre de
grief qui étudie ce qui lui est soumis et qui dispose du grief. Il y a
des jurisprudences là-dessus, partout en Amérique du Nord, mais
au Québec, évidemment. Mais là, il n'y a pas de recours.
Dès le moment où... Je ne vous en ferai pas la
démonstration, je sais que vous le savez, mais, dès le moment
où la caution est retirée, c'est fini. Il est techniquement
incapable de continuer à travailler, quel que soit le point de vue d'un
arbitre de grief.
Le Président (M. Després): M. Daoust.
M. Daoust: Je ne sais pas si Pierre à l'égard de ce
type de suggestion-là...
M. Fortier: M. Daoust.
Le Président (M. Després): Excusez, peut-être
une question de la part du ministre.
M. Fortier: II me reste juste deux minutes. Le
Président (M. Després): Deux minutes.
M. Fortier: Si vous parlez plus longtemps, je ne pourrai pas
poser la question. J'ai demandé à l'inspecteur s'il y avait une
disposition semblable dans la loi...
Le Président (M. Després): Excusez, M. le ministre.
M. le député de Lévis me fait signe que nous avons besoin
de son consentement. Il reste deux minutes au droit de parole des
députés ministériels. Est-ce que vous acceptez, M. le
député de Lévis?
M. Garon: Oui. Pour montrer à quel point je suis
magnanime.
Le Président (M. Després): La parole est à
vous, M. le ministre. Merci, M. le député de Lévis.
M. Fortier: J'ai demandé à l'inspecteur s'il y
avait une disposition semblable à celle qu'on retrouve dans
l'avant-projet de loi en ce qui concerne les sociétés de fiducie
et je me suis aperçu qu'il n'y en avait pas. De fait, l'article 133.
7° dont on vient de discuter s'inspire, comme vous le dites dans votre
mémoire, de l'article 50f de la loi actuelle. Je crois que le
problème vient du fait qu'on dit. exiger de toute personne. Donc, c'est
individuel. Dans la Loi sur l'assurance-dépôt - le directeur du
contentieux de l'inspecteur m'en faisait la remarque - on ne parle pas d'exiger
de toute personne, on dit: l'institution elle-même doit être
protégée par une assurance. Je me demandais si cela ne
réglerait pas votre problème parce qu'il ne s'agit pas de
l'assurance d'une personne en particulier, il s'agit que l'institution, elle,
ait une assurance.
Je vais vous lire le texte de l'article 15 de la Loi sur
l'assurance-dépôts: détenir une police
d'assurance contre les risques de détournement et de vol qui
offre une garantie adéquate eu égard aux usages
généralement admis selon l'importance de ses opérations.
Donc, on ne se réfère pas ici à une personne. Il ne s'agit
pas d'obtenir une police d'assurance pour M. Tartempion. Il s'agit, pour une
caisse, d'obtenir une certaine protection. Je ne vous incite pas à
répondre immédiatement. On pourra continuer la discussion
après la commission parlementaire, parce que je pense qu'il s'agit d'un
point important. Une des propositions dont je viens de discuter assez
rapidement avec l'inspecteur, ce serait d'enlever l'article 133. 8° qui
fait problème et de laisser la Loi sur l'assurance-dépôts
s'appliquer, comme cela se fait pour les sociétés de fiducie.
J'ose espérer que cette solution pourra correspondre à votre
objectif. Je suis très sensible à votre recommandation. Je ne
sais pas si on aura l'occasion de conclure cet après-midi, mais on
reprendra la discussion plus tard, si vous le permettez.
Le Président (M. Després): Merci, M. le ministre.
La parole est au député de Lévis.
M. Garon: J'aimerais donner aux représentants de la FTQ
l'occasion de réagir à ce qu'a dit le ministre. Est-ce que les
problèmes que vous avez eus avec cette notion dans le passé vous
ont permis d'envisager une solution qui règle le problème ou si
vous estimez que ce que vient de dire le ministre - il vient de
répéter un peu ce que l'inspecteur général des
institutions financières vient de lui dire - est satisfaisant pour la
FTQ?
M. Daoust: Oui, je voudrais faire deux remarques, dont une toute
première, puisque le temps nous pousse, à l'égard de la
notion de dirigeant. Nous prenons bonne note de votre engagement et je pense
qu'il y a là une voie de solution, on le verra dans les textes.
À l'égard du deuxième sujet qu'on a abordé,
l'assurabilité, c'est extraordinairement complexe. Je pense que vous
avez indiqué des pistes et, quant à nous, on aimerait, et vous
l'avez suggéré, examiner en d'autres lieux les moyens qu'il
faudrait prendre, les textes, pour permettre, encore une fois, puisque
l'objectif qu'on vise, c'est que cesse cette injustice à l'égard
de personnes qui n'ont aucun droit de recours. Il y a quelque chose d'odieux
là-dedans. Je ne veux pas être méchant à
l'égard... Mais franchement il faut être méchant à
certains moments. Nous autres, on a été saisis de ces
cas-là à la FTQ, le syndicat nous en a saisis et, chaque fois, on
se dit: Mais qu'est-ce que c'est que c'est que cette histoire? Comment se
fait-il? Cela devient incompréhensible. Il faut trouver une solution et
je suis heureux qu'ensemble la commission, le ministre manifeste une ouverture
d'esprit à ce sujet. On en prend très bonne note.
M. Fortier: Pour nous, c'est surtout d'assurer les
dépôts des cotisants. Je pense que c'est l'objectif.
Le Président (M. Després): Excusez-moi, M. le
ministre. La parole est au député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je pense que la notion de
dirigeant, l'Inspecteur général des institutions
financières dit qu'il ne l'a pas vu venir, qu'il ne l'a pas vu passer et
qu'il y aurait une disposition, au fond, qui viendrait dans le projet de loi
pour que vous ayez satisfaction, pour ne pas qu'on inclue des gens
accréditables dans la notion de dirigeant, pour que vous ne puissiez
plus les accréditer en fonction des décisions qui auront
été rendues. Il s'agira de voir si le projet de loi va
refléter ce qui vient d'être dit. À ce moment-là,
j'imagine que ce ne sera pas un projet de loi qui viendra en commission
parlementaire la semaine qui suit et que vous aurez le temps de réagir
pour voir si vous êtes satisfaits sur ce plan-là. Je pense que
c'est plus simple, la notion de dirigeant. C'est beaucoup plus facile.
M. Daoust: Oui.
M. Garon: Quant à la notion d'assurabilité, c'est
plus complexe. Vous devez avoir des discussions là-dessus. Quand vous
avez été confrontés à cette question-là dans
le passé, est-ce qu'on a déjà soulevé le point qui
vient d'être mentionné par l'Inspecteur général des
institutions financières, par la voie du ministre, à savoir que
la Loi sur l'assurance-dépôts exige que l'entreprise soit
assurée mais ce n'est pas nécessairement une obligation
d'assurabilité pour chacun des employés. Est-ce que cela a
déjà été mentionné parce que cela
m'apparaît assez simple? Mentionné comme cela, je me dis: Comment
se fait-il qu'on n'ait pas vu cela avant? Que cela arrive aujourd'hui aussi
simplement que cela, ça m'apparaît drôle un peu. Dans le
passé, est-ce que vos avocats vous ont dit, quand vous avez
étudié ces questions-là sur le plan technique...
M. Daoust: M. Michel Rousseau.
M. Rousseau (Michel): Le problème, c'est que l'assureur
est un tiers; il n'est pas lié par la convention collective. C'est toute
la notion d'individu, de la collectivité des employés d'une
institution financière. Cela n'a pas été encore
soulevé jusque-là, mais des arbitres et même des juges de
la Cour supérieure nous ont dit que l'assureur était un tiers.
Que ce soit un autre organisme, que ce soit quiconque, s'ils ne sont pas partie
à la convention collective, les deux seules parties à la
convention collective sont la caisse populaire et le syndicat. Donc, il y a des
cas où, effectivement, l'employeur a décidé de
congédier et où l'arbitre a réinstallé
l'individu,
sauf que l'assurer lui a dit: Je ne t'assure plus. Donc, à ce
moment-là, que ce soit un juge ou un arbitre, il dit: Je suis pris parce
que c'est écrit dans la loi des caisses d'épargne et de
crédit qu'il y a une obligation que les individus soient assurés.
Donc, il est pris entre les deux lois. Laquelle des deux lois, le Code du
travail qui dit qu'une sentence arbitrale, finale et exécutoire lie les
deux parties ou la loi des caisses d'épargne et de crédit qui dit
que tout le monde doit être assuré parce que les gens ont la garde
de l'argent? Donc, il y a un problème de ce
côté-là.
M. Garon: La Loi des caisses d'épargne et de crédit
va plus loin que la Loi sur l'assurance-dépôts.
M. Rousseau: II faut trouver une solution à ce
problème-là car, effectivement, comme le dit Fernand, il y a un
problème d'arbitraire là-dedans. Même si l'employeur est
d'accord avec la sentence de l'arbitre, l'assureur peut dire: Non, je n'assure
plus, je ne fais plus confiance à cette personne-là. C'est un
problème.
M. Garon: La Loi sur - je ne sais pas si vous êtes au
courant, je vous pose la question - l'assurance-dépôts dit que
l'entreprise doit être assurée. Est-ce que les compagnies
d'assurances exigent habituellement l'assurabilité de ceux qui sont
compris dans l'entreprise?
M. Rousseau: Au niveau des caisses, par exemple, il y a la
déclaration initiale. Certaines institutions le font, d'autres ne le
font pas et ne l'ont jamais fait. Il y a des gens qui travaillent dans une
caisse populaire depuis 20 ans qui n'ont jamais signé de
déclaration initiale. La déclaration initiale au niveau de
l'assurance-fidélité, c'est un peu standard. Il y a beaucoup
d'emplois où c'est requis d'être assuré parce que c'est une
décision administrative de l'employeur. C'est le cas des banques. Les
banques sont toutes assurées, sauf que ce n'est pas dans la loi des
banques. Elles sont quand même toutes couvertes par une
assurance-fidélité. De là notre prétention que ce
n'est pas dans la loi des banques. Donc, on ne peut pas se servir de cela
contre nous autres quand il y a une sentence arbitrale qui nous donne gain de
cause parce que cela devient un deuxième congédiement contre
lequel on n'a pas de recours. Le seul recours qu'on a, c'est de poursuivre
l'assureur et on ne veut pas, en relations de travail, passer notre temps
à poursuivre.
M. Garon: Jusqu'à maintenant, vous n'avez pas
imaginé de solution pour contourner cette question-là.
L'employé est assuré, mais que l'assurabilité ne soit pas
un motif de congédiement contre lequel il n'y a pas de recours. Sur le
plan juridique, il n'y a pas eu de...
M. Rousseau: Avec la loi actuelle, et c'est encore dans
l'avant-projet de loi, c'est une obligation d'être assuré. On n'a
pas encore trouvé de solution à ce problème-là. La
seule chose à laquelle on a pensé, c'est que ce soit
enlevé de la loi. Le fait que, administrativement parlant, les gens
soient cautionnés, on n'en a pas contre cela, on n'a absolument rien
contre cela, sauf que cela ne doit pas devenir un deuxième ou un
troisième congédiement contre lequel il n'y a pas de recours.
Le Président (M. Després): En conclusion, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Juste une dernière question et ma conclusion
sera de les remercier. Quand vous parlez d'abus d'employés
congédiés, est-ce qu'il y a plusieurs cas qui vous viennent
à l'esprit?
M. Rousseau: Oui, il y en a de plus en plus. M. Garon:
À cause de l'assurabilité.
M. Rousseau: Évidemment, l'assureur semble avoir
décidé administrativement de resserrer un peu les
contrôles, ce à quoi on n'a pas d'objection, sauf que c'est une
tendance compte tenu de la problématique d'une sentence arbitrale qui,
même si elle est déposée devant les tribunaux, peut ne pas
être appliquée parce que l'assureur peut dire: Moi, je n'assure
plus. L'assureur peut ne pas être d'accord avec la décision de
l'arbitre. De toute façon, c'est un tiers, il n'est pas partie à
la convention collective. Il y a de plus en plus de cas comme ça.
Le Président (M. Després): M. le
député de Lévis.
M. Garon: Merci. Je pense que vos points sont très
clairs.
Le Président (M. Després): M. le ministre.
M. Fortier: En conclusion, M. Daoust, messiers et mesdames de la
FTQ, j'ai pris certains engagements. On va vous contacter. Ce n'est pas facile
de trouver en dix minutes une solution, mais je pense qu'il y a des
éléments de solution. Si, dans la Loi sur les banques, on n'en
parle pas, c'est probablement que la loi d'assurance-dépôts
fédérale l'exige de la même façon que la
nôtre. Alors, si c'est le cas, on va trouver une solution. Bien
sûr, on en parlera au mouvement Desjardins, le cas échéant,
parce qu'il est également impliqué, mais j'oserais penser qu'on
puisse trouver une solution adéquate à vos deux
problèmes.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Després): Au nom des membres de
cette commission, j'aimerais remercier la Fédération des
travailleurs et travail-
leuses du Québec et inviter dès maintenant l'Association
des directeurs de caisses populaires et d'économie Desjardins à
prendre place, s'il vous plaît!
Nous allons suspendre nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 2) (Reprisé
à 16 h8)
Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de
l'administration reprend ses travaux relativement à la consultation
générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit. Nous allons maintenant entendre
l'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. Je demanderais au porte-parole de l'organisme de
s'identifier et de bien vouloir nous présenter les gens qui
l'accompagnent.
Association des directeurs de caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec
M. Voyer (Victorin): M. Le Président, M. le ministre
Pierre Fortier, membres de la commission, mon nom est Victorin Voyer. Je suis
président de l'association des directeurs de caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec. Je suis directeur
également de la caisse populaire Les Boulevards dans le centre du
Québec, Fédération centre du Québec. J'ai à
mes côtés le président du conseil d'administration de
l'association, M. Jean-Guy Chaput, à ma droite, et aussi directeur
général de la caisse populaire Maisonneuve à
Montréal. À ma gauche, M. Michel Riopelle, premier
vice-président de notre association et en même temps directeur
général de la caisse populaire Saint-Rémi de
Montréal-Nord. Par la suite, Mme Uparathi Provencher, permanente
à l'Association des directeurs de caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec.
M. Le Président, j'aimerais remercier la commission de nous avoir
donné l'occasion de venir présenter notre mémoire que vous
avez déjà reçu.
Le Président (M. Lemieux): Je tiens à vous
préciser que les règles de l'audition sont les suivantes: 20
minutes seront consacrées à l'exposé de votre
mémoire puis une période d'échanges de 40 minutes suivra
entre les membres de cette commission relativement à l'exposé que
vous aurez fait de votre mémoire aux membres de cette commission.
M. Voyer: Alors, M. Le Président, l'ordre dans lequel on a
pensé vous présenter notre mémoire est le suivant. De mon
côté, je vous présenterai l'association, en
général, dans ses objectifs et ses buts avec ses membres et, dans
un autre temps, M. Jean-Guy Chaput, président du conseil et responsable
du comité de suivi à la loi, va vous entretenir sur le contenu du
texte de loi.
Le Président (M. Lemieux): Pas de problème.
M. Voyer: Merci. Alors, l'association des directeurs est une
association au libre choix des directeurs et directrices de caisses; c'est une
association volontaire. Notre but est de promouvoir, comme vous pouvez vous en
douter, le professionnalisme de ses membres, de défendre dans un autre
temps et de protéger la fonction de directeur et de directrice de caisse
et même ses intérêts. Vous savez que le rôle d'un
directeur ou d'une directrice de caisse est très grand, très
vaste. Nous sommes un pivot dans l'ensemble du mouvement Desjardins et à
l'intérieur de notre caisse. Le directeur a à répondre de
ses gestes à ses dirigeants, conseil d'administration, commission de
crédit, conseil de surveillance. Il est plus qu'un simple banquier, il
est un gestionnaire entier dans toutes les phases de la gestion, planification,
organisation, direction et contrôle de son institution financière.
Il a aussi à défendre l'entreprise comme si c'était la
sienne. Il oriente et aide dans l'orientation de la caisse et de ses
dirigeants. Il est un bénévole aussi à sa façon en
dehors de ses heures de travail parce qu'il siège à
différents conseils. Il est fortement engagé dans son milieu. Il
est la cheville ouvrière de la caisse populaire, donc une fonction de
premier plan et de premier pivot dans l'ensemble Desjardins.
Les principes qu'on a voulu défendre lorsqu'on a regardé
la loi sont les suivants. Nous ne voulons pas faire une loi de cas d'exception
quant à nos membres. Nous voulons simplement avoir une loi qui est
très générale, qui permet aux directeurs et directrices de
s'impliquer dans la caisse. On veut aussi laisser le libre choix à
chaque caisse de son directeur ou de sa directrice. C'est une entreprise en
mutation. Le devenir du directeur est aussi en mutation. Il y a des statuts
à établir qui sont à l'étude présentement.
Donc, le projet de loi qui est déposé était un point
important à surveiller pour assurer que ce statut soit respecté
et qu'il reflète le devenir des années 2000. Nous avons aussi
établi, dans l'association que je préside, un code de
déontologie au sein de notre association, démontrant ainsi notre
souci de l'éthique professionnelle de notre fonction.
En plus de l'objectif qui est en regard de l'association des directeurs
et directrices, il y a aussi un objectif global qu'on visait qui concerne la
protection publique, l'intérêt des membres des caisses populaires
par une implication beaucoup plus grande, beaucoup plus vaste du directeur
général dans les instances décisionnelles des caisses
populaires, des fédérations et de la confédération,
voire même le droit d'y siéger. Nous avons l'expérience,
comme directeurs et directrices, nous avons le vécu et nous avons
surtout la stabilité comme représentants de nos
caisses.
C'était mon entrée en matière. Maintenant,
j'aimerais laisser la parole à notre responsable du comité de la
loi, M. Jean-Guy Chaput, qui va vous entretenir sur les modalités, du
texte de loi.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. Chaput, s'il vous
plaît.
M. Chaput (Jean-Guy): Merci, M. le Président.
L'Association des directeurs de caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec est une association volontaire regroupant la
majorité des directeurs de caisse populaire et d'économie
Desjardins du Québec. Cette association est née d'une
volonté de directeurs de se réunir et de discuter des
problèmes reliés exclusivement à la fonction de directeur
de caisse populaire et d'économie. L'association existe pour promouvoir
le professionnalisme de ses membres - comme l'a rappelé notre
président - et pour représenter les directeurs auprès des
différents intervenants tels le mouvement Desjardins, le gouvernement ou
d'autres types d'associations. Tous les membres sont assujettis à des
règles inscrites à l'intérieur d'un code de
déontologie.
L'association organise annuellement un colloque où il est
discuté exclusivement de questions portant sur la fonction de directeur.
Les colloques des dernières années ont eu lieu un peu partout au
Québec, soit à La Malbaie, Hull, Jonquière, Rimouski,
Compton, Québec, Montréal. Ces colloques, qui regroupent
plusieurs centaines de directeurs, ont pour but d'enrichir la fonction de
directeur à l'intérieur du mouvement Desjardins et de donner des
orientations à notre association.
La fonction de directeur de caisse est la plus vieille fonction à
l'intérieur du mouvement. On se rappellera que M. Alphonse Desjardins
était directeur de caisse. Il était lui-même
président-directeur de la caisse populaire de Lévis.
L'association est représentée par un conseil
d'administration compose de douze membres provenant des différentes
régions du Québec, soit un représentant de la
Gaspésie, du Bas Saint-Laurent, du Saguenay - Lac-Saint-Jean, de
Québec, de la Mauricie, de la région Richelieu-Yamaska, de
Lanaudière, de Montréal et de l'Ouest du Québec, de
l'Abitibi, de l'Estrie et des caisses d'économie. Le président de
l'association est annuellement élu au suffrage universel, alors que les
représentants des régions sont élus par celles-ci. Le
président du conseil est celui qui agissait à titre de
président de l'association l'année précédente. Le
comité exécutif est formé du président, du premier
vice-président, du deuxième vice-président, du
secrétaire et du trésorier. L'association assume sa
viabilité financière à l'aide d'une cotisation annuelle de
ses membres, de diverses activités tels les colloques, le journal "Le
Directeur" et différentes autres commandites. Le secrétariat
permanent est situé à Québec. L'association offre des
services de formation, d'information et de consultation et répond
à toute demande de services requis par ses membres en relation avec leur
fonction de directeur.
L'association est un organisme entièrement indépendant du
mouvement Desjardins. Appelée à défendre les
intérêts de ses membres, c'est à ce titre seulement qu'elle
présente ce mémoire sur la fonction du directeur. Elle laisse le
soin aux diverses Instances du mouvement Desjardins de faire des
représentations sur d'autres aspects de l'avant-projet de loi sur les
caisses d'épargne et de crédit.
L'avant-projet de loi a suscité chez nos membres une vive
déception quant à la limitation de leur rôle à
l'intérieur du mouvement Desjardins. Il nous semble essentiel de
rappeler que le directeur de caisse est fortement engagé dans
révolution socio-économique du milieu dans lequel il oeuvre. Un
nombre impressionnant de directeurs sont administrateurs de CLSC, de
cégeps, d'hôpitaux, de résidences pour personnes
âgées, d'associations de bienfaisance, de garderies, et j'en
oublie. On les retrouve aussi dans des conseils de commissions scolaires, de
municipalités et ils sont régulièrement appelés
à agir comme secrétaire ou trésorier d'organisations qui
fêtent un anniversaire. En somme, ils sont très présents
dans des organismes sans but lucratif à vocation sociale,
économique, culturelle et sportive. Les directeurs de caisse sont donc
perçus par la population comme faisant partie Intégrante de la
vie de la communauté. Nous ne sommes pas des "franchisés" dans
les caisses populaires et encore moins des gérants de Perrette et
surtout pas des gérants de succursale bancaire. Des études
commandées par des gens de Desjardins, particulièrement de deux
fédérations, ont démontré qu'un directeur de caisse
populaire s'apparente davantage à un directeur général de
PME qu'à un directeur de succursale bancaire. À la caisse
même, le directeur est la cheville ouvrière de sa
coopérative. Il y joue un rôle de premier plan et, dans de
nombreuses caisses, il siège au conseil d'administration. C'est lui qui,
localement, défend à la commission de crédit les dossiers
de prêts personnels, prêts hypothécaires et prêts
agricoles. C'est lui aussi qui souvent prend les décisions au niveau
local, grâce au pouvoir de délégation, et c'est ce qui rend
souvent plus populaires les caisses que les banques dans ces domaines de
prêts puisque les décisions sont prises localement.
L'avant-projet de loi l'obligerait à se retirer d'une
assemblée du conseil à la demande d'un seul administrateur. Cette
façon de faire nous est inacceptable. Le directeur devrait se retirer,
bien sûr, à la demande de la marjoité des administrateurs
et seulement lorsqu'il est directement mis en cause. Il nous semble dangereux
qu'un administrateur puisse, sur simple
demande, forcer le retrait du directeur général d'une
réunion du conseil d'administration. Cette situation ouvre la porte
à toutes sortes d'abus parce qu'il y aurait un vote serré, des
questions de quorum, ou toute autre raison. Je pense qu'il faudrait
préciser dans la loi pour quelle raison un directeur devrait se retirer.
La pratique est chez nous qu'un directeur, lorsqu'il est question de son
salaire ou des choses qui le concerne, se retire. C'est une question pratique.
On a vu ce matin que d'autres institutions font aussi cela. Il semblerait que
ce serait peut-être exagéré de dire qu'un simple
administrateur puisse demander au directeur, d'autant plus s'il est élu,
de se retirer. Je pense que cela serait enlever un droit aux membres
d'être représentés par quelqu'un qu'ils ont élu en
bonne et due forme. Il faut se rappeler, comme on le disait tantôt,
qu'Alphonse Desjardins, le commandeur, dans son projet de caisse populaire, a
lui-même organisé en 1900 ses premières caisses populaires
avec un directeur siégeant au conseil d'administration - c'était
sa conception - et qu'il occupat même, on le disait tantôt, la
fonction de président-gérant de la caisse de Lévis.
Selon l'avant-projet de loi, l'engagement du directeur se ferait
annuellement. Nous demandons que le contrat du directeur soit à
durée indéterminée. Comme pour toute autre fonction qu'on
connaît au Québec, je ne vois pas pourquoi le directeur de caisse
devrait être engagé annuellement ou voir son engagement
renouvelé chaque fois; je pense que c'est un peu problématique et
inutile.
L'avant-projet stipule que l'adresse du directeur de caisse, à
titre de dirigeant, figure à un registre qui pourrait être
consulté par les membres. Les problèmes d'enlèvement
qu'ont connus des directeurs de caisse et des membres de leur famille les
incitent à demander que leurs adresses personnelles ne figurent dans
aucun registre accessible aux membres. Jusqu'à ce jour, de nombreux
directeurs de caisse ont été élus commissaires de
crédit et conseiller de surveillance d'une fédération.
Leurs connaissances et leur disponibilité leur ont permis d'occuper ces
postes grâce à la confiance que leur ont témoigné
les dirigeants des caisses. Dans le projet de loi, il serait impossible pour un
directeur de caisse d'être conseiller de surveillance d'une
fédération, d'être commissaire de crédit dans une
fédération, d'être président d'une
fédération et même d'être vice-président d'une
fédération. Il semble que ce serait une question de conflit
d'intérêts. Cela ne nous apparaît pas tout à fait
évident. Il faut rappeler ici que, dans une fédération, un
commissaire de crédit octroie des prêts aux caisses et non pas aux
individus et que la surveillance d'une fédération n'est pas la
surveillance d'une caisse. Si le poste de vice-président d'une
fédération ne peut pas être attribué à un
directeur de caisse, cela veut dire qu'à toutes fins utiles, dans une
fédération où il y aurait la moitié de directeurs
et l'autre moitié de non-salariés, il y aurait seulement la
moitié qui pourraient se qualifier pour avoir un poste de
vice-président. Il ne faudrait pas écarter les directeurs
généraux de caisse de certaines fonctions dans Desjardins.
L'avant-projet de loi exclut les directeurs de ces postes et les empêche
même... Nous demandons non seulement que le directeur de caisse puisse
être élu commissaire de crédit et conseiller de
surveillance d'une fédération, mais qu'il puisse aussi être
président ou vice-président d'une fédération ou de
son conseil d'administration. De plus, le projet de loi devrait permettre
à un directeur de caisse qui n'est pas administrateur de caisse
d'être admissible au poste d'administrateur d'une
fédération sans qu'il y ait nécessité de le
prévoir par le règlement de la fédération.
En conclusion, l'Association des directeurs de caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec souhaite vivement que les membres
de la commission prennent en considération le rôle
éminemment utile que les directeurs de caisse ont joué au sein du
mouvement Desjardins et qu'ils accèdent à leurs demandes, que
l'association considère tout à fait légitimes. Le fait de
moderniser Desjardins ne doit pas le dénaturer. Pour ceux qui se sont
référés à ce qu'est une coopérative, on sait
qu'il y a une association de personnes et une entreprise. Le directeur
général de l'entreprise est le seul employé de
l'association de personnes. Cela aurait pour effet de nuire à la vie
coopérative localement.
Le Président (M. Lemieux): Avez-vous autre chose à
ajouter, brièvement?
M. Chaput: Oui.
Le Président (M. Lemieux): En conclusion,
brièvement, une minute environ au maximum.
M. Chaput: Oui, parfait. J'ai une minute. Le directeur de caisse
fait partie de la vie active du milieu dans lequel il évolue. En
l'assignant à son seul rôle d'exécutant, la force des
caisses va s'en trouver grandement diminuée. Depuis ses origines, le
directeur a toujours été associé de très
près au développement de la caisse et par son engagement et par
sa disponibilité et, dans la presque totalité des cas, avec une
rémunération symbolique. Sous prétexte de quelques cas
isolés, des conflits d'intérêts, au nom de
l'autorité, on va le brimer en limitant ses actions, ses attitudes et
son leadership, alors qu'il a toujours oeuvré, pourtant, avec
notoriété et engagement. Nous souhaitons ardemment que le
législateur attachera toute l'importance aux observations et
revendications contenues dans le mémoire que nous avons
présenté et ce, principalement pour respecter ce qu'un conseil
d'administration de caisse, une assemblée générale de
caisse, la population d'une ville, d'un quartier, d'un village auront
décidé de faire face à ce qu'ils se sont donné
comme institution financière pour attein-
dre leur développement dans une optique de coopération.
L'essor de Desjardins dépend en partie - nous le croyons - des
rôles qui seront dévolus au directeur général d'une
caisse non pas par l'assemblée générale ni par la
population, ce rôle nous le savons, mais par la loi. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Merci de votre
coopération. M. le ministre délégué aux Finances et
à la privatisation, vous avez la parole pour dix minutes.
M. Fortier: M. le Président, M. Chaput, je voudrais tout
d'abord vous assurer que le rôle très utile que les directeurs
généraux jouent à l'intérieur des caisses, tout le
monde le reconnaît. Je pense bien que ceci n'est mis en doute par
personne. Vous l'avez dit vous-même, le directeur général
ou le gérant d'une caisse est un homme très important et qui,
dans sa communauté, participe de toute évidence à la vie
communautaire. Je pense bien que l'intention de l'avant-projet de loi
n'était pas de sous-estimer cet aspect des choses, au contraire. Mais,
en consultant plusieurs personnes, nous nous sommes aperçus d'une chose
c'est que... Comme de raison, votre association existe pour défendre -
comme vous l'avez dit vous-même - les intérêts des
directeurs de caisse. Je pense bien que c'est tout à fait normal. Et
vous l'avez dit vous-même, votre association est indépendante du
mouvement Desjardins, indépendante de la confédération ou
des fédérations, donc, il n'y a personne, au contraire, qui va
vous en vouloir de faire valoir le point de vue des directeurs
généraux de caisse.
Vous étiez ici ce matin, je pense bien. J'ai essayé
d'expliquer dans les notes liminaires que j'ai lues ce matin quels
étalent les principes qui sous-tendent l'avant-projet de loi. Remarquez
bien qu'on est ici pour en discuter et s'il y a des modifications à
faire on les fera. Mais plusieurs intervenants ont insisté sur le fait
que les caisses populaires sont un regroupement de membres et qu'en
définitive il faut que ce soient les membres qui dirigent les
destinées. M. le député de Lévis, qui est membre,
indiquait avec raison qu'il est très actif dans sa caisse. Mme
Plamondon, qui est venue tout à l'heure, est très active elle
aussi. On a tous des expériences différentes. Mais tous
s'entendent... C'était gentil ce que j'ai dit...
M. Garon: Je n'ai pas dit cela.
M. Fortier: Je me corrige, M. le député de
Lévis.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Tout simplement ce que je voulais dire... Le point
qui avait été souligné c'est que... Et tout à
l'heure j'écoutais le représentant de la FTQ, M. Fernand Daoust,
dire:
Bien, il est vrai que le mouvement est rendu gros, mais il ne faudrait
pas perdre de vue qu'à l'origine c'était un mouvement
coopératif. C'est ce qui nous a amenés à faire certaines
recommandations dans la rédaction de l'avant-projet de loi pour nous
assurer qu'en définitive ce soient les membres qui dirigent les caisses
populaires. Je vous entendais dire qu'il était important pour vous de
prendre la défense des directeurs de caisse. Comme de raison, quand je
vois... Par mes nombreux contacts dans plusieurs caisses et surtout dans
plusieurs communautés, il est important, comme vous le savez... Je n'ai
pas besoin de vous dire que dans certains endroits le directeur de caisse est
omniprésent.
Vous savez, vous êtes un peu le pendant des fonctionnaires. Nous,
les élus, sommes là pour quatre ans. Nous sommes là pour
huit ans. Et quelquefois - je ne dis pas cela méchamment - les
fonctionnaires nous regardent en faisant un clin d'oeil et en disant: Le
ministre est là temporairement. Nous, nous allons rester et le ministre
va quitter. Mais c'est la réalité. La réalité c'est
que nous sommes les élus et les fonctionnaires sont permanents et, dans
le fond, vous êtes un peu les fonctionnaires du mouvement Desjardins. Je
ne dis pas cela méchamment, parce que j'ai beaucoup de respect pour les
fonctionnaires qui sont ici. C'est vrai qu'ils assurent la stabilité,
assurent le professionnalisme de nos actions. Mais les élus, à
l'occasion, revendiquent une certaine autorité dans l'orientation de
certaines politiques.
Ce qui me frappe dans la question des directeurs, c'est que... Lorsque
vous dites que vous voulez défendre les directeurs de caisse, des fois
je me demande, étant donné l'omniprésence des directeurs
de caisse, s'il ne faut pas plutôt protéger les membres dans
certaines caisses. Et c'est la raison pour laquelle nous avons mis certaines
dispositions qui vont dans le sens, non pas de vous écarter, mais de
dire: II y a des élus qui sont à un conseil d'administration et
ce sont ces élus-là qui doivent décider. J'ai
siégé et je suis sûr que plusieurs personnes autour de la
table ont siégé à des conseils d'administration.
Quelquefois on invitait un non-élu à venir faire des
présentations. Mais à l'occasion on disait à ce
non-élu: Prière de vous retirer parce que nous voulons
délibérer entre nous. Et comme vous le savez - parce qu'on s'est
rencontrés l'an dernier - le débat que j'ai eu à me faire
intérieurement était de dire: Est-ce que oui ou non on va faire
en sorte que le, directeur général, le gérant puisse
être élu au conseil d'administration? Je dois vous dire que j'ai
reçu des représentations de membres de caisses populaires qui
m'ont dit: Le directeur de caisse ne devra pas être au conseil
d'administration. Mais vous m'avez fait valoir que sur le plan historique, dans
certaines caisses, le directeur général était élu
et cela ne causait pas de problème. (16 h 30)
En définitive, on a gardé une disposition
qui fait que les caisses qui le désireront pourront élire
le directeur général, mais il faut quand même que nous
ayons certaines dispositions pour nous assurer que, d'une part, si...
Là, je suis bien prêt à regarder si, au lieu que ce soit un
membre du conseil d'administration... Mais là il va y avoir deux
situations. Il y aura la situation où le directeur général
ne sera pas membre du conseil d'administration. Dans cas-là, moi, je
dis: Lorsqu'il n'est pas membre du conseil d'administration, si une personne
désire, insiste pour que la délibération se fasse entre
membres du conseil, à mon avis, le directeur devrait se retirer. S'il
est membre du conseil, je dois admettre que c'est une situation
différente. Et sans vouloir prendre trop de temps, parce que je sais que
je dois laisser la parole à d'autres, je voudrais simplement indiquer
que les dispositions qui sont ici, ce ne sont pas contre les directeurs
généraux. Si vous prenez la disposition en ce qui concerne les
fédérations, comme vous le voyez dans l'avant-projet de loi, nous
donnons une responsabilité en ce qui a trait à la
fédération et une fédération pourrait mettre en
tutelle une caisse populaire, si la caisse populaire est en
difficulté.
Pour ma part, j'aurais de la difficulté à comprendre que
quelqu'un serait vice-président d'une fédération et qu'en
l'absence du président I aurait à mettre en tutelle la caisse
pour aquelle il est directeur général. Si vous pouvez m'expliquer
ce conflit-là, mol, peut-être que je changerai d'idée. Les
dispositions qui sont là ne vont pas dans le sens de brimer les droits
des directeurs généraux et c'est d'avoir un système qui,
en définitive, va faire en sorte que les fédérations vont
pouvoir jouer leur rôle de chien de garde sur le plan de la santé
financière des caisses. Et s'il faut qu'elles prennent des dispositions,
il me semblerait... D'ailleurs, dans le projet de loi, nous indiquons que
désormais, en ce qui concerne les fédérations, la
majorité des membres du conseil devront être des
bénévoles et non pas des directeurs généraux. En
majorité, ce sont 51 %. Il y en a qui disent que ce devrait être
les deux tiers. On ne va pas jusque-là. Dans le moment, ce sont 51
%.
Tout simplement, je voulais donner ces explications-là pour vous
dire que je comprends que, peut-être, le projet de loi change certaines
réalités, mais nous avions des principes qui étaient
sous-jacents à la rédaction du projet de loi et qui vont dans le
sens, peut-être, de changer certaines réalités. Mais, que
vous le vouliez ou non, je ne voudrais pas faire la liste des problèmes
qu'ont vécus...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le
ministre.
M. Fortier:... mais je dois vous dire que, dans la plupart des
cas où il y a des problèmes de conflit d'intérêt,
malheureusement c'est le fait que... À cause de cela, je crois bien
qu'il faut limiter les possibilités de conflit d'intérêts
le plus possible.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de... Vous pourrez peut-être... J'ai compris que
vous aviez envie, peut-être, de...
M. Chaput: De répondre à la question tout
simplement.
Le Président (M. Lemieux):... répondre à la
question, sauf que... À moins que le député de
Lévis ne le permette... À défaut de son
consentement...
M. Garon: Sur ses dix prochaines minutes.
Le Président (M. Lemieux):... M. le ministre a
déjà pris ses dix minutes. Alors, M. le député de
Lévis.
M. Garon: Ses dix prochaines minutes.
Le Président (M. Lemieux): Alors, vous avez la parole M.
le député de Lévis.
M. Garon: J'ai envie, M. le Président, de demander
bientôt que le ministre aille siéger à la table qui est
là, parce qu'on a l'impression que c'est lui qu'on est venu entendre.
Mais ce sont les gens qui sont devant nous qu'on est venu entendre. Il y a un
point, au départ qui m'apparaît évident, c'est le point
où vous parlez de l'obligation que votre adresse personnelle soit
accessible à tout le monde. Dans la situation actuelle, je pense que le
point que vous mentionnez qui est une tentative... il y a eu des
enlèvements, je ne vois pas en quoi il est nécessaire pour un
membre de la caisse de connaître l'adresse personnelle du directeur
général ou du gérant de la caisse. Pardon?
M. Bélisle: Pas plus que l'adresse d'un
député.
M. Garon: L'adresse d'un député, cela est connu pas
mal.
M. Bélisle: Ah, c'est...
M. Garon: Non, je pense que c'est un point qui est valable et
qui devrait être... Parce qu'il y a eu des cas d'enlèvement de
gérant de caisse populaire.
M. Chaput: II y en a eu quelques-uns, oui.
M. Garon: Moi, je pense, pour ma part, que... C'est ce que vous
vouliez faire valoir, au fond, qu'il y a des dangers. Allez-y donc.
M. Chaput: C'est cela qui est le danger, c'est-à-dire
qu'un directeur de caisse... Il y a
plusieurs personnes qui sont connues dans notre société et
dont l'adresse est connue. La particularité du directeur de caisse,
c'est que, le matin, quand il va travailler, il va travailler dans un endroit
où il y a de l'argent liquide. Les personnes n'en veulent pas à
la vie d'un directeur de caisse, ils en veulent à l'argent qui est dans
la caisse et, lui, il peut l'avoir. Cela crée un problème dans ce
sens-là. On a eu des cas d'enlèvement, des cas de demande de
rançon parce qu'on sait que c'est plus facile d'obtenir de l'argent
à ces endroits-là. Donc, il y a des directeurs de caisse, ici on
pourrait vous en faire une belle liste, qui ont eu des problèmes de ce
type, des menaces, etc. Je pense que ce serait inutile de tenter les gens.
M. Garon: J'aimerais cela, quand vous dites que vous avez une
liste, sans que cela soit nécessairement dans les journaux, si on
pouvait avoir, pour l'information des membres de la commission... Je ne sais
pas, parce que le ministre n'a pas répondu à cette question, et
c'est un point important, lorsqu'on étudiera ces questions, lorsque le
projet de loi sera présenté, j'aimerais savoir s'il y aura des
modifications ou non à l'avant-projet de loi concernant cette question,
pour qu'on puisse justement discuter lorsqu'on fera l'étude article par
article du projet de loi à ce point de vue.
M. Chaput: Pour ce qui est de la liste, on ne l'a pas comme
telle. On peut la faire, sauf que Sécur et la Sûreté du
Québec ont ce qu'ils appellent l'opération filet. À partir
de là, chaque directeur de caisse est appelé à fournir
différentes informations, écriture manuelle, la photo de ses
enfants, etc. Il y a un dossier qui est monté en collaboration avec la
Sûreté du Québec pour éviter ce type
d'opération. Par contre, on a enregistré différents cas
qui sont arrivés; il y en a eu des dizaines. Personnellement, j'en
connais quatre ou cinq qui sont encore là et il y en a d'autres qui ne
le sont plus à cause de cela. Je pense que c'est possible d'avoir la
liste. Je pense que le mouvement Desjardins serait plus outillé que nous
pour vous la fournir, avec les détails, ou encore la Sûreté
du Québec.
M. Garon: D'accord. Votre association semble déçue
du fait que l'avant-projet de loi ne reconnaisse pas davantage votre
rôle. J'ai remarqué que le mémoire du groupe Desjardins
appuie le mémoire que vous avez présenté. Par ailleurs,
votre mémoire soulève quelques failles techniques dans
l'avant-projet de loi qui sont fondées, à mon avis, comme celle
concernant la divulgation. J'aimerais surtout que vous nous précisiez si
vous jugez que l'avant-projet de loi enlève des prérogatives que
vous déteniez sous l'ancienne loi ou si vous déplorez davantage
des omissions dans l'avant-projet de loi, en faisant une comparaison du
régime actuel avec le régime qui est proposé dans
l'avant-projet de loi, pour qu'on ait un meilleur portrait de ce qui est
modifié pour les directeurs de caisse.
M. Chaput: Voici un exemple. Le directeur de caisse peut
être conseiller de surveillance, commissaire de crédit ou
vice-président de sa fédération. On sait qu'il y a des
directeurs de caisse dans différents endroits, partout au Québec,
et qu'il y a des idées qui sont nées des caisses populaires.
Souvent, le directeur, parce qu'il côtoie régulièrement des
membres de Misse, apprend des façons de faire et essaie d'inventer. Il
présente cela à son conseil d'administration. Son conseil
d'administration dit oui ou non, cela a du bon sens ou pas, et il faut aller de
l'avant. Pour aller de l'avant, il faut présenter cela aussi à la
fédération et souvent les directeurs de caisse qui ont
siégé au sein des fédérations et même
à la confédération ont fait progresser de nombreux
dossiers. Je me rappelle que dans l'est de Montréal M. Paul Lacaille a
lancé l'idée des dossier de prêts aux assistés
sociaux. Cela ne s'était jamais vu et cela ne viendra certainement pas
des banques, ces idées-là. Lui a eu cette idée-là
et, comme il siégeait à différents paliers, il a eu des
appuis dans ce sens-là. Il y a eu des dossiers de l'habitation. Toute la
question d'aider les coopératives d'habitation, la rénovation,
cette idée vient des directeurs de caisse, particulièrement dans
le quartier Saint-Sauveur, à Québec, et dans le quartier
Hochelaga-Maisonneuve, dans l'est de Montréal. Après, cela s'est
développé et on voit des projets à
Trois-Rivières.
Cela veut dire qu'un directeur de caisse a plus d'idées, apporte
plus de choses qu'un directeur de succursale bancaire, parce que, lui, il est
déplacé. La preuve, c'est qu'il y a très peu de directeurs
de caisse qui vont travailler pour les banques C'est l'inverse. Il y en a
beaucoup qui partent d'une banque pour aller travailler dans une caisse
populaire, parce que c'est complètement différent. Ici, on dit
aux directeurs de caisse: Dans le passé, vous avez toujours
été très actifs... On est entièrement d'accord avec
la loi dans le sens que cela ne doit pas, dans les fédérations,
être des directeurs de caisse qui contrôlent les conseils
d'administration. On est parfaitement d'accord avec cela. Mais de là
à dire qu'on va les éliminer, les enlever du conseil de
surveillance parce qu'il peut y avoir des conflits d'intérêts...
J'essaie de m'imaginer quel conflit d'intérêts il pourrait y avoir
au niveau d'un conseil de surveillance. Je n'ai pas trouvé et je ne
pense pas qu'il y en ait eu dans le passé. Il doit y avoir une liste
là-dessus. Qu'un conseiller de surveillance de fédération
ait été en conflit d'intérêts, je n'en connais pas.
Des commissaires de crédit non plus et des vice-présidents de
fédération pas plus. À partir de là, j'imagine,
demain matin, si un président ou un vice-président de
fédération qui est directeur de caisse veut mettre sa caisse sous
tutelle... Premièrement, sa caisse est mise sous tutelle parce que les
autres administrateurs vont dire
oui et, en plus, il ne sera probablement plus président parce
qu'ils vont le débarquer. C'est l'histoire de Desjardins, les 88 ans ont
démontré cela. Je ne vois pas pourquoi, à partir de 1988,
il y aurait une génération de directeurs de caisse
malhonnêtes qui atteindraient certains niveaux, passeraient à
travers tout le clivage démocratique, atteindraient un poste et feraient
quelque chose de pas correct. Cela peut se faire au niveau d'une caisse locale.
On a vu des cas, malheureusement, mais ce sont des cas isolés; 1300
caisses, 88 ans d'exercice, on peut en sortir des cas isolés. Dans les
fédérations, tes directeurs de caisse qui ont réussi
à se faire élire à des conseils d'administration, conseils
de surveillance ou commissions de crédit et qui ont fait des choses qui
étaient vraiment répréhensibles... Et aujourd'hui il faut
faire cela, je pense que ce n'est pas correct. La nouvelle loi dit au directeur
de caisse: Vous êtes directeur de caisse et vous êtes
confiné là-dedans. Historiquement, cette fonction, c'est que tu
es un moteur, tu poussais et avec l'accord des élus tu pouvais pousser
des choses. Là, on dit: Tu peux aller à une
fédération, mais tu ne peux pas être élu
vice-président. S'il y a une fédération de 22 membres, il
y en a 10 qui disent: On va voter pour les autres en face, nous autres on n'a
pas le droit d'être élus à. Là, on vient de faire un
gros pas en démocratie. Même si de l'autre côté ils
trouvent qu'il y a des gens de ce bord-ci qui pourraient faire l'affaire, ils
disent: On n'a pas le droit, la loi défend que tu puisse être
vice-président. Je trouve que c'est poussé un peu, pour ne pas
dire exagéré. On n'avait pas cela avant dans la loi.
M. Garon: Avant vous pouviez... Pas dans l'avant-projet de loi,
mais dans la situation actuelle, est-ce qu'un directeur de caisse peut
être membre de la commission de crédit ou membre du conseil de
surveillance...
M. Chaput: Oui.
M. Garon:... et être élu au poste de
président ou de vice-président de fédération?
M. Chaput: Oui.
M. Garon: Est-ce indiqué précisément dans la
loi ou...
M. Chaput: Non, la loi le permet. Si on...
M. Garon: Attendez un peu! Est-ce que la loi le permet
explicitement ou si elle ne l'interdit pas?
M. Chaput: Elle ne l'interdit pas. Pour donner un exemple, en
Abitibi le président de la fédération est un directeur de
caisse. Le conseil de surveillance ne comporte que des directeurs de caisse et
en Gaspésie il n'y a aucun directeur de caisse du conseil de
surveillance et aucun directeur de caisse comme commissaire de crédit.
Pourquoi vouloir que l'Abitibi ressemble à la Gaspésie ou
l'inverse? Actuellement la loi permet cela. Je ne vois pas de cas qui dit qu'il
y a eu des problèmes avec cela. Laissons chacune des régions
s'arranger comme elle le juge le mieux. Vous savez, réunir demain matin
des commissaires de crédit avec des distances comme l'Abitibi... Les
commissaires de crédit se réunissent une fois par semaine pour
consentir des prêts de 1 000 000 $, 1 300 000 $ à une caisse. Dans
une fédération on dira: Ce ne peut pas être un directeur de
caisse parce qu'il sait c'est quoi les besoins de trésorerie d'une
caisse! On va mettre des gens qui ne connaissent pas cela. Ni plus ni moins on
dira aux technocrates à l'intérieur de la
fédération: Décidez donc si la caisse en a ou non et
ensuite dites à la commission de crédit d'apposer
l'étampe. On va demander, à des gens qui ne connaissent pas cela,
quels sont les besoins de trésorerie d'une caisse. Ce sont ces demandes
que la fédération reçoit.
Dans une caisse c'est différent. Ce sont des individus qui
demandent du crédit. C'est normal que la commission de crédit
soit composée de membres. J'essaie de regarder le côté
pratique. Si on crée demain matin des conseils fictifs... Surveillez les
opérations d'une fédération comme Montréal, par
exemple, qui représente 12 000 000 000 $. Est-ce qu'on va faire comme un
club social et dire demain matin: C'est ton tour d'y aller, vas-y? Je pense que
les gens sont plus sérieux que cela et qu'ils disent. On doit avoir un
"mix" de non-salariés avec des salariés. En tout cas,
jusqu'à maintenant au mouvement Desjardins cela a produit quelque chose
d'extraordinaire. Si on est rendu là aujourd'hui c'est justement
à cause de ce mélange de non-salariés et de
salariés, tout en donnant priorité, comme la nouvelle loi le
donnera, aux non-salariés. C'est excellent, mais il ne faut pas
éliminer l'autre qui a fait des choses pendant 88 ans.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: Comme vous le dites, il y a des
fédérations qui ont des règles différentes. Dans le
fond, celles qui ont promulgué des règles plus rigides sont
arrivées à cette conclusion-là par elles-mêmes. La
situation que vous décrivez... Le député de Lévis
essayait de savoir si c'était parce que la loi le permettait ou non.
Dans le fond, il faut bien se dire que dans le moment il n'y a à peu
près aucune règle dans la loi traitant du mouvement Desjardins.
Il n'y avait aucune règle, donc tout était permis. Maintenant
qu'on désire mettre des règles concernant la déontologie,
c'est sûr qu'en mettant des règles on empêchera certainement
certaines choses d'arriver.
Je comprends que vous preniez la défense
des directeurs généraux. Nous sommes ici pour
légiférer pour l'ensemble de la société, ce n'est
pas tout à fait pareil. Le conseil de surveillance d'une caisse est le
chien de garde de la caisse. C'est simple. Le directeur général
d'une caisse est quasiment omniprésent, il a à peu près
tous les pouvoirs, c'est lui que l'individu qui veut emprunter va aller voir en
premier. Les négociations se feront donc avec le directeur
général. Il a un pouvoir énorme. Est-ce que vous
n'admettez pas que le directeur général a un pouvoir
énorme et qu'en fin de compte le conseil de surveillance, comme la loi
le dit, qui est le chien de garde pour s'assurer que la loi et les
règlements sont suivis... Remarquez bien que la loi n'empêche pas
le directeur général d'être présent à la
réunion du comité de surveillance, n'empêche pas une
délégation de l'administration des décisions du
comité de surveillance. Probablement que c'est le directeur
général qui va aller à la réunion du comité
de surveillance pour présenter et plaider les cas, mais c'est le
comité de surveillance qui décidera. C'est là le
problème. J'ai du mal à vous comprendre. Dans la mesure où
le conseil de surveillance est le chien de garde, pourquoi voulez-vous que...
Vous allez être là. Le chien de garde est là pour vous
surveiller, mais, dans le fond, vous voulez dire: Je vais faire partie du chien
de garde. Cela n'a pas de bon sens. (16 h 45)
Une voix:... dedans.
M. Chaput: Je m'excuse, mais il n'est pas question d'être
conseiller de surveillance d'une caisse. Ce n'est pas ce que le directeur
général de caisse veut. C'est de l'être au niveau d'une
fédération, ce qui est complètement différent,
parce que les membres de la fédération, ce sont les caisses et
non par les individus. À partir de là, ce sont des
problèmes de caisse. Je vous donnais tantôt l'exemple d'une
fédération, celle de Montréal, qui représente 12
000 000 000 $; lorsque le vérificateur externe ou l'inspecteur vient,
avec le langage tenu dans la gestion de fonds et les opérations en
cours, des non-salariés ont de la difficulté à suivre la
conversation. Cela sert peut-être des gens, mais, idéalement, pour
le mouvement Desjardins, il est préférable d'avoir des gens
avertis à certains niveaux. C'est un point.
Vous dites que le directeur général est omnipuissant.
C'est de moins en moins vrai que le directeur général
reçoit des demandes d'emprunt. Aujourd'hui, ce sont des conseillers qui
les reçoivent. Le directeur général assiste rarement
à des commissions de crédit dans certains endroits puisque des
gens, des directeurs de services conseils, font ces
opérations-là. Le directeur général a un chien de
garde qui s'appelle le conseil de surveillance dans la caisse, mais il y a
aussi les inspecteurs de la confédération, les
vérificateurs de la fédération. Souvent même, les
gens de l'Inspecteur général des institutions financières.
Tout ce monde-là vient surveiller et je pense qu'il y a une très
bonne surveillance, et tant mieux, c'est ce qu'il faut pour protéger les
membres. On est entièrement d'accord là-dessus.
Lorsqu'on dit au niveau d'une fédération, c'est que les
élus d'une fédération devraient être ceux que
l'assemblée générale veut nommer là. Si
l'assemblée générale veut nommer des non-salariés,
parfait; si l'assemblée générale veut aussi nommer un
"mix" où il y a des salariés qui ont plus d'habileté ou de
facilité à comprendre les opérations qui se font avec des
caisses et non pas avec des individus, pourquoi pas?
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Là, j'ai déjà entendu ce
discours-là: Écoutez, on existe depuis 1903; laissez-nous faire,
cela va bien. Je dois vous dire que ce genre d'argument ne m'impressionne pas
beaucoup parce que, de toute façon, vous avez entendu tout à
l'heure Mme Plamondon faire des représentations et j'ai justement pris
en délibéré la possibilité qu'il y ait une instance
à la caisse locale en ce qui concerne les plaintes. Je pense, si on
prend le conseil de surveillance de la caisse, qu'il serait normal que les
plaintes se fassent entendre là. J'ai de la misère à
comprendre comment on va faire en sorte que les plaintes soient entendues par
le directeur général qui serait membre du conseil de
surveillance, alors qu'on aura justement quelque chose de plus objectif.
M. Chaput: Non.
M. Fortier: Vous dites que ce n'est pas au niveau de la caisse,
mais au niveau de la fédération. Mais c'est la même
logique. Comme vous le savez, dans les caisses, vous ne prenez pas toutes les
décisions. Lorsqu'il arrive des prêts un peu plus importants, cela
monte à la fédération. Là, on parle de prêts
commerciaux d'importance. Vous dites qu'il y a des experts entre les deux;
bravo! Mais, en définitive, il va falloir que certaines décisions
soient prises à la fédération également pour
examiner des prêts qui vont se faire à une caisse en
particulier.
Rien n'empêche un directeur général de caisse -
d'ailleurs, on me dit que certains supputent le départ de M. Bernier; ce
n'est pas moi qui vais décider de ça, mais il semble que la
campagne électorale soit déjà partie - d'aspirer à
devenir président d'une fédération. Mais, lorsqu'il va
devenir président d'une fédération, il va
démissionner comme directeur général. Donc, il n'y a
absolument pas de problème à ce moment-là. Vous avez quand
même un plan de carrière possible. Ce que nous essayons tout
simplement de faire, c'est de mettre des règles qui vont faire... Il n'y
avait pas de règles. Si vous aviez été ici lorsqu'on a
parlé des intermédiaires de marchés en particulier, au
mois de juin, vous auriez entendu des plaintes parce que les gens
ont dit: On n'est pas pour la vente d'assurance dans les caisses parce
qu'il n'y a pas de déontologie. Ce que j'ai demandé à M.
Bouchard et à son personnel, et cela n'existait pas dans l'avant-projet
de 1984, c'est d'avoir des règles de déontologie à la
confédération, la confédération et aux caisses.
C'est pour cela qu'une fois qu'on a mis ça en place il faut avoir une
certaine logique. Si vous me dites que vous êtes d'accord avec moi pour
que le conseil de surveillance de la caisse soit le chien de garde, si c'est
également vrai pour la fédération, il va falloir que le
chien de garde soit une autre personne que celle qu'on veut surveiller. C'est
pour cela que j'ai de la misère à suivre votre logique.
Le Président (M. Lemieux): Oui.
M. Chaput: Dans votre loi, le conseil de surveillance de la
fédération ne surveille pas les caisses, ou cela serait tout
à fait nouveau.
M. Fortier: Les fédérations.
M. Chaput: En tout cas, dans ce qu'on lit, c'est le conseil de
surveillance qui surveille la fédération. Pourquoi le conseil de
surveillance existe-t-il? Si on regarde tout ça, ce sont les membres qui
sont les caisses. Ce sont les caisses qui décident de faire un conseil
de surveillance dans une fédération pour surveiller la
fédération et non pas les caisses. Donc, c'est tout à fait
normal que les membres qui sont les caisses veuillent mettre là les gens
qui, selon eux, vont faire la meilleure "job" de surveillance. Je pense que
c'est tout à fait normal que ça se fasse somme ça.
Ça c'est fait comme ça. Ce n'est pas pour rien, mais parce que
c'est la meilleure affaire.
Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites qu'au
niveau local, s'il doit y avoir un conseil de surveillance, le directeur n'a
pas affaire à être là. Je suis entièrement d'accord
avec vous et entièrement d'accord lorsque les membres veulent avoir
leurs droits et qu'ils oeuvent s'adresser au conseil de surveillance. Parfait,
100 milles à l'heure, parce que ce sont eux qui représentent
l'assemblée générale. Il faut que cela soit comme cela.
Mais c'est la même chose au niveau d'une fédération. Il
faut que le conseil de surveillance soit représentatif des membres qui
sont des caisses et non pas des individus. Et les caisses peuvent se donner des
gens dont elles pensent qu'ils vont faire le meilleur travail.
Cela veut dire que cela pourra être comme en Abitibi ou dans la
péninsule et les îles, complètement différent, sauf
qu'il faut respecter les membres de caisses, il faut respecter les caisses
à savoir qu'elles ne font pas des choses pas correctes. Elles ne
s'amuseront pas à nommer quelqu'un sciemment pour dire qu'elles vont
faire des détournements de fonds ou des choses semblables. Je ne peux
pas croire cela. En tous les cas, à ce jour, ce n'est pas ce que j'ai vu
à Desjardins et je ne pense pas que je vais voir cela là ou
ailleurs. Lorsqu'on a trois ou quatre paliers de clivage au niveau
démocratique, cela me surprendrait que quelqu'un se rende au bout puis
qu'il vienne à bout de tout virer à l'envers. Cela me
surprendrait beaucoup. J'ai trop confiance aux citoyens du Québec pour
cela.
M. Fortier: Ceci étant dit, je dois vous dire que j'ai
consulté certaines personnes, une personne qui a oeuvré pendant
25 ans à ce qu'on appelle la petite fédération de
Montréal, en particulier, et il m'a dit que lorsqu'il est arrivé
il y a x années - je ne nommerai pas d'années pour ne pas
préciser le nom de la personne - il y avait quasiment seulement des
directeurs généraux au conseil d'administration. Il a dit: Cela
n'a pas de bon sens, mais vous avez raison de dire que, dans la petite
fédération de Montréal, ils ont diminué les
directeurs généraux à un nombre minoritaire. Il me disait:
C'était très utile parce que plusieurs d'entre nous n'avions pas
une formation financière et, donc, les directeurs généraux
nous permettaient de nous éclairer.
Alors, c'est pour cela, je crois, que le projet de loi va dans ce
sens-là en disant oui, au niveau local d'une caisse, si les membres le
veulent, au niveau de la fédération également, à
condition qu'ils soient en nombre minoritaire. Mais lorsqu'arrive les organes,
surtout qu'on leur donne des responsabilités sur le plan de la
déontologie et tout cela... À la fédération, qu'un
directeur de caisse y siège pour éclairer les
non-spécialistes qui peuvent siéger là, ià-dessus
j'accepte d'emblée ce que vous dites. Mais le sens de la loi
était d'être plus sévère et j'admets qu'elle est
beaucoup plus sévère que ce qui existe parce que, dans le moment,
il n'y a aucune disposition.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Vous parlez d'un vice-président, dans votre
mémoire vous avez cette recommandation, vous recommandez d'enlever les
mots "ou vice-président" de l'article 344. C'est parce que vous
souhaiteriez que le directeur général d'une caisse ou d'une
fédération puisse être vice-président.
M. Chaput: Si c'est le désir du conseil d'administration,
pourquoi pas?
M. Garon: Là vous acceptez, par exemple, comme
président...
M. Chaput: II ne peut pas être président. Ce n'est
pas grave parce que déjà la loi prévoit quelque chose
d'extraordinaire qui permet aux non-salariés de ne pas être
minoritaires. Il fallait que cela soit fait. Heureusement, la loi vient
corriger cela pour éviter que les directeurs
généraux de caisse aient le contrôle des conseils
d'administration. Excellent, entièrement d'accord. Cela me surprendrait
que ces gens-là, la majorité aille élire quelqu'un qui ne
peut pas se classer ou qui n'a pas de bon sens ou qui serait l'objet d'une
organisation. Mais il faut regarder la pratique. Si dans une
fédération un vice-président est un non-salarié,
c'est-à-dire qu'il gagne sa vie autrement dans notre
société, et que cette fédération doit être
représentée à l'extérieur, et qu'il dise: Je ne
peux pas, je n'ai pas de vacances, je n'y vais pas, alors, on n'enverra pas de
vice-président parce qu'on ne peut pas avoir des vice-présidents
qui sont directeurs qui pourraient se libérer? Il y a des petites
complications qu'on met et on ne voit pas pourquoi, ce n'est pas
évident. En tous les cas, nous on ne le voit pas.
Je me dis, si c'est cela, que ce soient juste des non-salariés
qu'on va élire là, laissons au conseil d'administration en place
le soin de choisir ses vice-présidents et cela, à partir du fait
que la loi précise maintenant que cela ne peut pas être une
majorité de salariés. C'est excellent. On adhérerait
à cela 100 milles à l'heure.
M. Garon: Actuellement, sur l'ensemble des
fédérations, il y a combien de directeurs généraux
qui occupent des postes comme ceux-là?
M. Chaput: Je ne pourrais pas dire exactement. Cela varie d'une
fédération à une autre. Il y a des endroits où
c'est vraiment équilibré. Dans une majorité de
fédérations, je pense qu'il y a plus de non-salariés qu'il
y a de salariés, sauf l'Abitibi - c'est sous toute réserve -
où il y a peut-être plus de directeurs qu'il y a de
non-directeurs. C'est une question de distance aussi. Il faut comprendre, c'est
bien beau dire que je fais du bénévolat à Desjardins au
niveau de la fédération, une réunion par mois puis je fais
400 milles, il y a des limites à cela et il faut comprendre ce
phénomène-là. Mais, à part cela, par contre, on
regarde la Gaspésie. Eux ils ont beaucoup plus de non-salariés
que de salariés. Moi, je crois beaucoup à l'autodiscipline de
Desjardins là-dessus. Il fallait que la loi précise qu'il n'y ait
pas que des salariés. Parce que c'était peut-être tentant
pour certains directeurs de caisses d'aller là. Parfait, je suis
d'accord avec cela. De là à ce qu'on précise après
que, même si vous êtes là vous ne pouvez pas être
vice-président, vous ne pouvez pas être conseiller de surveillance
ni commissaire de crédit, je ne suis pas capable de voir
l'utilité de cette réglementation. S'il y a des
fédérations qui pensent que c'est utile, elles peuvent faire leur
règlement. Mais pourquoi le mettre dans la loi? Pourquoi ne pas faire
confiance aux assemblées générales de caisse, aux
assemblées générales de fédération et
à l'assemblée générale de la
confédération? Il me semble qu'il va de soi qu'ils se font chacun
des règlements là-dessus, à l'intérieur des cadres
de la loi. Il faut que la loi soit sévère, éviter les
abus. Mais de là à prévoir au cas où il y aurait
des abus plus tard... On a de l'inquiétude là-dessus.
M. Garon: Pensez-vous qu'au sein du mouvement coopératif
c'est une opinion générale qu'une proposition aille dans ce sens
ou pensez-vous que c'est le ministre qui apporte cela parce qu'il pense que
c'est bien?
M. Chaput: C'est un peu plus large que cela. Ce que nous
défendons comme position... Le mouvement semble aller dans ce sens. On a
fait des représentations.
M. Garon: Dans quel sens, quand vous dites "dans ce sens"?
M. Chaput: Dans le sens que le directeur puisse aller à un
conseil de surveillance, une commission de crédit, être
vice-président de sa fédération. Les gens de la
confédération n'ont pas trouvé, eux non plus, comme nous,
les problèmes de conflits d'intérêts qu'il pourrait y
avoir. Il est sûr que les individus qui, peut-être dans leur
région, se sentent menacés par un directeur de caisse, ils
disent: Si on peut mettre cela dans la loi, on n'aura pas besoin de le faire...
Je ne sais pas. Peut-être que cela existe. Je suis sûr que
plusieurs personnes peuvent penser comme cela, sauf que la pratique est autre.
Je ne sais pas. Cela m'apparaît nettement exagéré et pas
justifié. Cela ne m'est pas clair.
M. Garon: Quand vous dites actuellement qu'il y a un "mix", ce
n'est pas la loi qui prévoit cela.
M. Chaput: Non.
M. Garon: Quand vous dites: L'avant-projet de loi interdit, donc
il n'y en aura aucun... Dans le fonctionnement actuel, vous parlez d'un "mix",
cela veut dire qu'il y a des employés et des gens qui ne sont pas
employés. C'est dans quelle proportion, quand on parle de ces
différentes instances au sein du mouvement Desjardins?
M. Chaput: C'est cela. Cela varie d'une fédération
à l'autre. Quand on dit qu'il y a un "mix", pour donner des exemples
de...
M. Garon: II pourrait arriver, dans le cas actuel, que le
conseil de surveillance ou la commission de crédit soit
entièrement formé d'employés.
M. Chaput: C'est cela, ou entièrement formé de
non-salariés. C'est ou bien l'un, ou bier l'autre.
M. Garon: Oui.
M. Chaput: Dans certains endroits c'est mixte. C'est excellent.
On n'a absolument rien contre, on est même favorable à cela. Cette
procédure est excellente. Je ne vois pas pourquoi on dirait: Le conseil
de surveillance de telle, telle fédération, on va les laver,
parce que cela ne peut plus être des directeurs de caisse, parce que cela
en est déjà. On va prendre une autre coutume et ils vont se
réhabituer aux vérificateurs externes. Je ne suis pas certain que
c'est avec cela qu'on va avoir un meilleur contrôle interne, en changeant
le conseil de surveillance du jour au lendemain ou même en
l'étalant sur trois ans. Je ne suis pas certain.
M. Garon: La mesure que le ministre a dans l'avant-projet de loi,
concrètement - parce que pour nous c'est difficile de voir toutes les
instances, c'est pour cela que vous êtes ici - je voudrais savoir,
concrètement...
M. Chaput: Concrètement...
M. Garon: Prenons certaines fédérations; est-ce que
cela veut dire un changement complet...
M. Chaput: C'est cela.
M. Garon:... en voulant dire qu'à la commission de
crédit, au conseil d'administration et au conseil de surveillance cela
va être un changement complet car ce sont des employés et cela
devra être d'autres personnes que les employés en vertu des
dispositions qui sont dans l'avant-projet de loi?
M. Chaput: Je vais vous donner un exemple...
M. Garon: On ne sait pas les statistiques, vous partez de
l'Abitibi, la Gaspésie...
M. Chaput: Je vais vous donner un exemple. À
Montréal, qui est quand même 48 % du mouvement ou presque, 40 %,
on change au complet la commission de crédit, on change au complet le
conseil de surveillance et on change un grand nombre de directeurs du conseil
d'administration. On pense que c'est bon pour avoir un meilleur contrôle.
Je ne suis pas sûr de cela. Par contre, qu'il y ait un "mix", c'est vrai.
C'est un intérêt de s'auto-discipliner. Je donne l'exemple de
Montréal pour qu'il y ait un meilleur "mix". La volonté est
là. Que la loi vienne le confirmer, parfait. Mais qu'on dise: Demain
matin on lave tout cela, ce n'est plus bon, on fait la même chose
à Québec, on fait la même chose là... Cela veut dire
qu'à ce qui s'appelle la plus haute instance décisionnelle de
Desjardins qui représente à peu près 250 membres,
l'assemblée générale de la confédération,
demain matin on vient en changer à peu près 100.
M. Garon: Où, avez-vous dit?
M. Chaput: L'assemblée générale de la
confédération, ce qu'on appelle la plus haute instance
décisionnelle de Desjardins. Il y a 250 personnes là-dedans. Avec
la nouvelle loi qui veut qu'on les enlève de la
fédération, on vient d'en enlever 100. Je ne pense pas que c'est
ce qu'on veut, mais c'est une conséquence de cela, et pourquoi? Ce n'est
pas clair. C'est normal qu'il y ait plus de non-salariés et il faut que
cela soit ainsi. On est entièrement d'accord. La loi vient corriger une
situation, mais je pense qu'on est allé un petit peu trop loin.
Peut-être que cela n'allait pas assez loin avant, mais on s'en va trop
loin. On dit au directeur général de caisse: Cela n'est pas bon;
il ne faut pas que vous soyez conseiller de surveillance d'une
fédération, parce que vous savez un peu comment cela se passe; il
ne faut pas que vous soyez commissaire de crédit parce que vous savez ce
qu'est le besoin de trésorerie d'un million; ce n'est pas bon cela; il
ne faut pas que vous soyez là; on va mettre quelqu'un qui ne le sait pas
et de toute façon on laissera l'employé qui est
vice-président au crédit d'une fédération prendre
la décision. Après cela, on se surprendra si des choses ne sont
pas faites; on se surpendra si des crédits ne sont pas octroyés
à des caisses et si le développement régional se fait mal
aussi; on verra cela. C'est ainsi qu'on s'en va. Moi, je trouve cela
malheureux. Je me dis: II faut le réglementer; excellent! Le conseil
d'administration, parfait! C'est là où se prennent les
décision. Mais pas au niveau d'une commission de crédit et d'un
conseil de surveillance. Je cherche...
M. Garon: J'aurais une question à vous poser. Il y a des
gens qui ont dit aujourd'hui - vous avez peut-être assisté
à ce qui s'est dit - que les caisses locales sont aujourd'hui des
organismes moins autonomes, où tout est à peu près
décidé d'avance, qu'elles n'ont qu'à remplir les formules
et à toutes fins utiles qu'à suivre le roulis. Est-ce que vous
considérez qu'aujourd'hui les caisses locales sont des caisses qui ont
un certain nombre de décisions à prendre localement ou si en
somme leur fonctionnement est déterminé à la
fédération ou à la confédération?
M. Chaput: Moi, je pense qu'aujourd'hui...
M. Garon: Vous avez été ici, je pense, depuis ce
matin?
M. Chaput: Oui, j'étais là ce matin.
M. Garon: J'aimerais bien savoir l'opinion de quelqu'un qui est
dans le jeu.
M. Chaput: Aujourd'hui, à l'heure où l'on se parle,
les caisses sont autonomes. Demain, je ne le sais pas.
Le Président (M. Lemieux): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Chaput: Mais aujourd'hui elles sont très autonomes et
c'est ce qui fait que les caisses ont tellement pris de terrain. C'est ni plus
ni moins une guerre de tranchées. Lorsqu'une caisse populaire prend la
décision de savoir comment elle bâtit son immeuble, son heure
d'ouverture et de fermeture, ces décisions prises localement sont
beaucoup plus efficaces parce qu'elles sont proches de l'action, alors que le
directeur de succursale bancaire attend les décisions du siège
social; il ne peut pas réagir. C'est pour cela qu'on a pris du terrain.
Mais, si, demain matin, on veut qu'elles aient un siège social comme les
banques, on va venir à bout de réussir à ralentir le
développement des caisses, parce que cela doit se faire localement.
C'est cela le secret. Alors, oui, on est encore autonome. Oui, on est autonome;
heureusement qu'on l'est et J'espère qu'on va le rester.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le
député de Lévis, en conclusion, avez-vous des
remarques?
M. Garon: Quant à moi, mon rôle est de savoir le
maximum de ce que pensent les gens qui viennent devant cette commission. Je
n'ai pas trop de temps pour parler moi-même, et je sais qge le ministre a
de la misère avec cette discipline, mais j'ai l'impression que vous avez
réussi à marquer votre point sur la façon dont vous voyez
les choses, comment cela devrait être fait. J'ai l'impression qu'on
aurait pu discuter longtemps ensemble sur l'évolution passée et
l'évolution que vous projetez avec l'avant-projet de loi. Je pense que
c'est important de voir concrètement comment les choses se passent et
comment elles pouraient se passer. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Je vous remercie. Je pense que vous êtes un
groupe de pression qui a très bien défendu son point de vue. On
va essayer de continuer notre réflexion pendant encore un bout de temps.
Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Alors, au nom des deux groupes
parlementaires, je vous remercie pour votre participation à cette
consultation générale.
M. Chaput: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Nous allons suspendre cette
séance pendant environ deux minutes pour permettre à l'autre
groupe de prendre place. Il s'agit de la Chambre des notaires du
Québec.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 9)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
relativement à la consultation générale sur l'avant-projet
de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Nous allons
maintenant entendre la Chambre des notaires du Québec.
Est-ce que l'intervenant peut se présenter et présenter la
personne qui l'accompagne, s'il vous plaît?
Chambre des notaires du Québec
M. MacKay (Julien S. ): Bonjour, M. le Président. Mon nom
est Julien MacKay. Je suis le directeur de la recherche à la Chambre des
notaires du Québec. Je salue les membres de la commission, M. le
président Lemieux, M. le ministre Fortier, M. l'inspecteur
général, M. Jean Garon. Je vous présente mon adjoint, Me
Michel Perreault, qui est notaire à la Direction de la recherche et de
l'information de la Chambre des notaires. C'est lui qui a été
responsable de l'étude de l'avant-projet de loi avec le groupe de
travail et qui a produit le mémoire qui vous a été
envoyé. Je vous présente les excuses du président Lambert,
qui a dû s'absenter à la toute dernière minute et qui a
été peiné de ne pas pouvoir participer à cette
réunion. Pour ceux qui connaissent son intérêt dans le
mouvement coopératif, je pense que cela aurait été un
avantage, au moins pour la chambre et la commission, de pouvoir entendre ce
qu'il avait à dire. Il m'a demandé de prendre sa place et nous
avons eu l'occasion, ce matin, de revoir ensemble le mémoire pour voir
un peu ce que lui aurait voulu vous dire. Il m'a dit que c'était aussi
parce que j'ai été un ancien président de l'ordre, pendant
trois ans, de 1975 à 1978. Donc, j'ai moi-même participé
à quelques-unes des études au niveau du mouvement
coopératif.
Alors, nous vous avons fait parvenir notre mémoire. Mes remarques
vont plutôt être de l'ordre de certains principes. Vous connaissez
l'intérêt des notaires dans le développement des caisses.
Cet intérêt est légendaire. Les notaires oeuvrent
particulièrement en droit privé. Ils sont très près
du public. J'ai même lu dans un document qui provenait de la
Société historique de la côte du sud - je pense que ce
n'est pas loin d'ici - qu'on les appelait les gardiens des coffres-forts.
Alors, les notaires ont toujours été intéressés de
très près à tout le mouvement des coopératives et
des caisses d'épargne et de crédit. Nous allons souligner
quelques principes qui ont été exposés dans notre
mémoire. Ensuite, je passerai la parole à Me Michel Perreault,
qui va vous faire l'explication un peu plus technique des points qu'on a
soulevés.
Le Président (M. Lemieux): Alors, permet-
tez-moi de vous rappeler les règles de l'audition: 20 minutes
seront consacrées à l'exposé de votre mémoire et il
y aura un échange entre les parlementaires d'une durée de 40
minutes concernant votre mémoire. Vous pouvez continuer.
M. MacKay: Dans notre mémoire, nous avons
été heureux de constater que la structure générale
de la loi, dans l'avant-projet de loi, se rapproche beaucoup de la structure
juridique des compagnies, particulièrement des compagnies de la partie
1A. On se retrouve plus facilement quand on réalise que toutes les
personnes morales sont administrées de la même façon. Pour
nous, cela a été assez évident. Nous avons soulevé
le problème du financement des caisses. On voit que les caisses ont
affiché une progression constante au cours de leur existence et qui les
oblige à faire appel aux mêmes principes que les autres
institutions financières et à appliquer les mêmes
règles. On voit que les caisses veulent faire des profits et veulent
diversifier leurs sources de capitaux. Alors, d'une part, elles font appel
à la participation de leurs membres, mais d'autre part elles s'en
éloignent parce que cela semble être moins les personnes que les
caisses recherchent que leurs capitaux. Elles maintiennent quand même
l'esprit coopératif, ce qui amène le bénévolat.
Ceux qui participent aux assemblées générales des caisses
et qui constatent le peu d'intérêt des membres à
l'administration de leur caisse sont portés à s'interroger sur la
réception, dans le public, des valeurs coopératives. C'est une
chose qui m'a toujours surpris quand je participais à certaines
assemblées de ma caisse populaire locale de voir comment peu de gens
membres de la caisse étaient directement intéressés par
l'administration courante ou l'administration constante.
On s'est demandé si le mouvement coopératif n'avait pas
atteint certaines limites et c'est pour cela qu'on voyait une modification dans
le financement qui se rapprochait de celui des compagnies, mais qui amenait
aussi d'autres problèmes auxquels cette forme d'institution
n'était pas habituée. Cela m'amène à le comparer
peut-être un peu au gardien de but dans une partie de hockey. Il a, sur
la glace, une fonction différente des autres joueurs, mais quand il sort
de ses buts, il devient vulnérable comme tout autre joueur et doit se
soumettre aux règles du jeu. J'ai toujours eu un peu cet exemple des
caisses populaires dans l'ensemble des institutions financières sur
l'échiquier des financiers au Québec.
Un autre point qu'on a tenté de couvrir dans notre
mémoire, c'est la question des conflits d'intérêts, surtout
quant à la participation des membres de notre corporation
professionnelle. Nous avons mentionné dans notre mémoire qu'au
mois de juillet 1987 nous avions dénombré 148 notaires qui
étaient directement intéressés dans l'administration des
caisses et cela ne comptait pas les notaires intéressés à
la fédération de Montréal et dans l'Ouest du
Québec. Ce qui porte peut-être le nombre de notaires
bénévoles qui sont intéressés dans l'administration
à au-delà de 200 membres. Dans bien des cas, à cause de la
structure même des caisses populaires, c'est peut-être le seul
juriste que les membres de la caisse ou les administrateurs peuvent consulter.
Par contre, ils sont en relation d'affaires avec les caisses. Il n'y a aucun
doute que cela amène des problèmes de conflits
d'intérêts et qu'il doit y avoir un certain contrôle, mais
il doit quand même se faire en dedans de limites qu'on appelle
raisonnables. Les caisses sont individuelles et elles n'ont pas les mêmes
structures que les banques avec des succursales et un service juridique central
qui peut fournir l'information à l'ensemble des utilisateurs. Chaque
caisse étant autonome, chaque caisse est supposée se suffire
à elle-même et cela amène des problèmes
particuliers. Alors, à notre point de vue, la stratégie
d'approche des conflits d'intérêts doit être
différente quand on fait affaire avec le système des caisses
populaires.
Les notaires qui oeuvrent dans les caisses vont le faire à deux
titres. Ils peuvent être en conflit d'intérêts au niveau de
leur relations professionnelles, parce que les notaires peuvent être
directement dans l'administration de la caisse et en même temps
être appelés à préparer des contrats pour la caisse.
Ils peuvent être aussi en conflit d'intérêts en ce qui
concerne les relations personnelles. Le notaire peut lui-même être
un individu qui a besoin de crédit et qui se présente à sa
caisse, comme tout autre individu. Alors, s'il est en même temps membre
du conseil d'administration, il peut y avoir certaines règles à
respecter. Alors, ce sont les points concernant le conflit
d'intérêts que j'aimais soulever.
Maintenant, on pourra peut-être en discuter tantôt. Il y a
quand même tout le côté de l'officier public du notaire qui
détient, selon le Code civil, une parcelle de la puissance publique et
qui la met normalement, de par son rôle, au-dessus de certains
problèmes personnels dans ses relations. On a assisté à
une paix sociale sur ce plan depuis le temps que les notaires font affaire avec
les caisses. Il y a une paix sociale qui est relative, eu égard au
nombre de travail qui a été fait. Alors, je ne pense pas qu'il y
ait de problème à soulever que le législateur veuille
faire respecter ces règles, c'est normal. Mais il ne faut pas oublier
que le notaire a déjà, par sa loi, une obligation d'agir avec
impartialité. Cette obligation est réglementée. Cette
obligation est à l'occasion sanctionnée par les tribunaux. S'il y
a quelque chose qui ne va pas, les tribunaux ne se gênent pas pour
rappeler à l'ordre le notaire qui n'aurait pas respecté
fondamentalement ces règles.
Un autre point qu'on voulait soulever et qui
sera soulevé tout problement par mon adjoint tantôt, c'est
le problème des transactions entre personnes intéressées.
On pense que le problème n'a pas été tout à fait
bien situé par l'avant -projet de loi, que les présomptions, de
l'article 205 par exemple, vont trop loin. Vous verrez dans notre
mémoire qu'on s'inquiète du fait que tous les associés
d'un même bureau peuvent être présumés des personnes
liées, si une seule des personnes est en relation avec la caisse ou en
conflit d'intérêts avec la caisse. On ne croit pas qu'on ait
à se plaindre des mesures actuelles. C'est pour cela qu'on s'interroge
sur l'intérêt d'aller aussi loin dans ces règles. Elles ont
bien servi la population et les intérêts des sociétaires
dans le passé. On ne voit pas que ces choses aient à être
compliquées au point où cela l'a été dans
l'avant-projet de loi.
On recommande au législateur d'être prudent dans la
question de divulgation des renseignements, l'article 277, paragraphes 4°
et 5°, par exemple. Il y a quand même la Charte des droits et
libertés qui est très précise sur le respect de la vie
privée. Alors, il y a quand même une limite à ce que les
renseignements personnels puissent être divulgués par les listes
qui vont être mises à la disposition des membres des caisses.
Alors, en conclusion, les caisses vivent une réalité
financière qui les oblige à modifier leur structure et, dans
cette optique, elles ont prévu des règles de conflit
d'intérêts qui ont du sens pour la protection des
sociétaires. Mais il ne faudrait pas qu'elles soient de nature à
pénaliser les bonnes volontés qui vont bénévolement
oeuvrer au sein de l'ensemble du mouvement des caisses populaires. Alors, je
voudrais passer la parole à mon adjoint, Me Perreault, qui va soulever
certains problèmes plus techniques à l'intérieur du
mémoire. Merci.
M. Perreault (Michel): Je voudrais simplement relever avec vous
certains points qui nous paraissent plus importants. Je pense que notre
mémoire est assez explicite pour le reste. Je vous amène
immédiatement à la page 7 de mon document où on traite de
ce qui nous apparaît un problème, soit la qualification de membre
depuis 90 jours ou plus. On a souligné que cette définition nous
paraissait un peu inutile, un peu archaïque, dans le contexte moderne des
transactions. On avance même que ce serait présumer de la mauvaise
foi du membre pendant un délai de 90 jours, ce qui est contraire aux
règles du droit où la bonne foi est présumée
partout, et on voudrait que le statut de membre soit rapproché de celui
de l'actionnaire où, à partir du moment où il devient
propriétaire de ses actions, il possède toutes les
qualités pour en jouir. On pense que c'est à revoir.
D'autre part, le notaire MacKay a mentionné qu'on avait certaines
réticences relativement aux règles de conflits
d'intérêts, entre autres aux transactions entre les personnes
liées, au sens de la loi. On pense effectivement que tout cela tient
à un problème d'encadrement ou de définition. Par exemple,
à l'article 208, du fait qu'on n'a pas défini le terme
"entreprise", on prétend qu'on voudrait régler à cette
disposition-là l'entreprise personnelle du notaire et l'entreprise
notariale. La différence que je fais entre les deux, c'est que
l'entreprise notariale, c'est bien évidemment son bureau ou sa pratique,
et son entreprise personnelle, c'est là où il aurait des
intérêts en dehors de sa pratique professionnelle. Que la
protection ait lieu dans le cas de l'entreprise personnelle, on comprend cela.
En ce qui a trait à l'entreprise notariale, c'est moins évident.
On verra plus tard - et on le souligne - qu'à l'article 242, je pense,
on parle d'un contrat de service et on voudrait englober... Je pense que le
contexte ne se prête pas nécessairement aux relations que le
notaire vit avec la caisse quand il y a des échanges de directives, mais
cela l'engloberait dans cette définition-là. En fait,
l'entreprise notariale doit être distinguée. Le travail que le
notaire fait pour la caisse devrait être distingué de ses
relations personnelles, de ses relations d'affaires personnelles avec la
caisse. C'est là principalement notre point.
Quant au dévoilement d'intérêts, on
préférerait que le législateur s'en tienne aux
règles de conflits d'intérêts qui existent
présentement en droit corporatif. À cet égard, on ne va
généralement pas aussi loin, par exemple, que de demander que
l'intéressé, de façon générale, se retire
des délibérations. Évidemment, dans certains cas où
c'est son dossier personnel qui est en jeu, ces règles peuvent se
comprendre; autrement, on appliquerait le dévoilement de
l'intérêt au moment où la situation se présente et,
quant à nous, cela pourrait être suffisant.
La portée de l'article 205, quand il est question, par exemple,
de la présomption des personnes qui sont touchées, les personnes
liées, je pense qu'il y a peut-être là une
redéfinition à faire. Je pense qu'il y a des portées qu'on
n'a pas soupçonnées quand on a écrit cela. On mentionne
des exemples dans notre mémoire et je pense qu'ils sont assez
éloquents. Le notaire MacKay en a fait mention tantôt. En fait, on
préconise qu'il serait peut-être préférable d'abord
de cerner certains cas plus patents, de se limiter aux relations entre la
caisse et le dirigeant et entre ses proches et de ne pas l'étendre
nécessairement, du moins par le jeu des présomptions qui existent
actuellement, aux entreprises visées parce que cela touche des personnes
qui n'ont strictement rien à voir au problème.
Autre point important, on en a parlé également, les
règles concernant la confidentialité de certains renseignements.
Un des problèmes qui existe, c'est qu'on veut peut-être
établir un parallèle avec les règles qu'on retrouve dans
certaines lois sur les fiducies ou dans la Loi sur les banques où on
confond la qualité de déposant et de membre. On permet, par
exemple,
l'accès à des renseignements aux membres.
Évidemment, il faut se souvenir que ces membres-là sont
déposants. Je ne sais pas si tous les gens seraient
intéressés de savoir que d'autres personnes sont au courant des
dépôts qu'ils ont dans certaines caisses.
Quant au financement, il y a des points qui nous paraissent plus
nuisibles à la volonté poursuivie là-dedans, entre autres,
au niveau des parts. Les parts permanentes ne sont pas remboursables avant le
décès du membre. Cela nous paraît peu pratique quand on
songe aux objectifs poursuivis par le législateur.
De la même façon il y a des questions... Je passe plus loin
à cause du manque de temps. Pour ce qui est des commentaires plus
techniques, on inviterait le législateur à revoir la notion de
contrôle qui est établie à l'article 7, de même que
la définition de société aux articles 44, 159, enfin, ceux
qui sont mentionnés dans notre mémoire. À ce sujet il y a
une erreur à la page 17, deuxième avant-dernière ligne. Il
est écrit: "L'article 150, 171 et 334. " C'est évidemment
l'article 159.
À l'article 103 on voudrait apporter ici une précision qui
n'est pas contenue dans notre mémoire. On dit à cet article
qu'une personne ne peut représenter plus d'une personne morale. Je pense
que cette disposition se comprend dans un contexte coopératif.
Cependant, comme on voit une certaine tendance de la part du législateur
à se rapprocher de la structure juridique corporative et d'un certain
monde corporatif, du moins, du monde financier corporatif, on voit moins
comment cette règle-là peut être pratique. Je pense que si
on admet, par exemple, le financement extérieur, comme cela est le cas
pour les parts permanentes, c'est un peu normal de donner l'échange au
titulaire et de lui permettre de bien représenter ses
intérêts. Si quelqu'un est l'unique actionnaire de trois ou quatre
corporations, je ne pense pas que ce soit bien d'avance qu'il ait à
nommer son conjoint, ses trois enfants pour le représenter à une
assemblée où ses intérêts ne sont pas
nécessairement en jeu, mais au moins où on pourrait discuter de
ses intérêts.
À l'article 207 je pense qu'il y a une définition de
conjoint qui ne répond peut-être pas tout à fait aux
exigences du législateur. (17 h 30)
À l'article 222 on voudrait souligner qu'on fait état d'un
contrat de service. Je pense qu'on comprend le sens que le législateur a
voulu donner à ce genre de contrat-là. Cependant, la relation qui
lie le notaire et la caisse lors d'un échange de dossier lorsque la
caisse remet des instructions serait, à notre avis, un contrat de
service et, dans ce cas-là, ne serait aucunement justifiée
d'être assujettie à cette disposition.
Enfin, à l'article 244, on pense que cela peut être une
question de rédaction qui modifie considérablement les
règles de fidéicommis. Je dois vous avouer que cette disposition
ne nous est pas apparue tellement claire et les hypothèses qu'on formule
là-dedans nous semblent répondre à la rédaction
actuelle. Si c'était le cas, je pense que, comme je le disais
tantôt, cela modifie considérablement les règles de
fidéicommis en enlevant à la personne à qui les gens font
confiance, donc, le fiduciaire, le fidéicommissaire, appelons-le comme
on veut, la responsabilité de les représenter et l'aspect
pratique, si on veut, de cette transaction. Par exemple, lors d'une succession
impliquant six ou sept héritiers et où deux sont à
l'extérieur du pays et un incapable pour d'autres raisons, c'est parfois
bien pratique de le faire représenter par un fiduciaire. Le notaire,
dans bien des cas, remplit cette fonction et il détient également
des comptes en fidéicommis dans la majorité des transactions et
il fait transiter des sommes considérables. Cette disposition pourrait
l'amener à dévoiler des renseignements interdits qui lui sont
confidentiels en vertu des règles sur la comptabilité en
fidéicommis et, en conséquence, on demande de revoir ou, du
moins, de préciser la portée de cette disposition-là.
À l'article 253, comme on en fait rapport dans notre
mémoire, je pense que le projet de loi vise probablement les
salariés des caisses, sauf que, le contexte n'étant pas
précisé, cela peut s'étendre aux salariés
dirigeants; entre autres, par exemple, un notaire qui serait dirigeant et qui
serait salarié d'une étude notariale serait couvert par cette
disposition-là et je pense que ce n'était pas ce qui était
recherché.
Cela termine les points que je voulais souligner dans le
mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie. M. le
ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation.
M. Fortier: Merci, M. le Président. M. MacKay, dans un
premier temps, je dirais que, dans votre mémoire, vous soulevez
plusieurs points techniques et, malheureusement, je ne pense pas qu'on ait le
temps cet après-midi de les discuter un par un. Je suis sûr que
notre contentieux, si besoin est, prendra contact avec vous.
J'aimerais peut-être me limiter à certains points plus
importants. Il y a un point que j'aimerais clarifier immédiatement. Vous
dites que la liste des membres d'une caisse ne devrait pas être
disponible pour des raisons de concurrence. Par ailleurs, comme il s'agit d'un
organisme qui se veut démocratique, le problème qui survient,
c'est qu'une disposition de la loi dit que, lorsque 10 % des membres
désirent tenir une réunion spéciale, ils peuvent l'exiger.
Si la liste des membres n'est pas disponible, on se demande à quel
endroit ils pourront obtenir la signature de 10 % des membres. On a eu des
plaintes de certains individus qui demandaient une réunion
spéciale et les réunions spéciales n'ont jamais eu
lieu; alors, comme il s'agit d'un organisme démocratique, il
faudrait bien que la liste des membres de la caisse soit disponible si on veut
permettre à certains membres qui requièrent une réunion
spéciale de l'obtenir. Je voulais juste expliquer cet
aspect-là.
L'aspect qui a le plus retenu mon attention, bien sûr, a trait au
conflit d'intérêts. Je suis complètement d'accord qu'il y a
peut-être des dispositions... On va en discuter demain, il y a
peut-être moyen d'adoucir certaines dispositions, mais je ne suis pas
sûr que les adoucissements qu'on pourra apporter seront aussi
étendus que ce que vous souhaitez. Je comprends qu'on peut dire que le
mouvement Desjardins existe déjà depuis 1903 et qu'il n'est rien
arrivé, mais cela fait une quinzaine d'années qu'il s'agit... En
1960, il y avait 1 000 000 000 $ d'actifs et, en 1970, 2 000 000 000 $; alors,
on peut dire que c'est depuis les années soixante-dix que le mouvement a
pris une ampleur considérable. On signalait ce matin que le mouvement
Desjardins recueille présentement le tiers de tous les
dépôts qui se font au Québec. Alors, je pense bien que les
parlementaires ici autour de la table doivent s'interroger sur les meilleures
conditions qui doivent prévaloir pour assurer la santé
financière des caisses et pour éviter - ce n'est pas le cas dans
le moment -... Quand vous lisez le rapport Estey, en particulier, sur les
faillites de Commercial Bank et de North Bank, vous vous apercevez que, dans
ces cas-là, il y avait des conflits d'intérêts patents et
que des transactions se faisaient entre intéressés. Personne, je
le pense bien, parmi tous ceux qui nous font des recommandations en nous disant
que notre avant-projet est trop dur, ne voudrait éventuellement voir une
situation semblable à celle qui s'est développée ailleurs
se développer au Québec. Mais le législateur doit quand
même regarder ce qui s'est passé ailleurs et constater qu'il y a
eu des situations de conflits d'intérêts patents qui ont
provoqué des faillites bancaires. Il s'agit de lire le Globe and Mail
chaque jour pour voir les ministre et sous-ministre albertains du temps,
dans le cas de Principal en particulier, faire face à des accusations
qui, à mon avis, sont très sérieuses vis-à-vis des
individus qui avaient déposé 50 000 $ ou 60 000 $ et qui ont tout
perdu maintenant, alors qu'ils sont arrivés à 65 ans.
Vous savez, je veux bien, moi, alléger l'avant-projet de loi,
mais je me dis que je ne veux pas être le ministre qui aura à
faire face à ce genre de situation parce qu'il s'agit qu'on se
souvienne. Dans le cas des caisses d'entraide, c'était
complètement différent, mais je n'aimerais pas être le
ministre qui doive faire face à la critique des déposants qui ont
tout perdu parce qu'on n'aurait pas promulgué des dispositions
concernant les transactions intéressées et les conflits
d'intérêts qui devraient être ce qu'ils devraient
être, eu égard à l'expérience qui a
été vécue à travers le Canada. Autrement dit, on ne
peut pas se fermer les yeux sur ce qui s'est passé ailleurs.
C'est pour cela que votre mémoire, en ce qui concerne les
notaires, m'a surpris. Il m'a surpris parce que je rencontre des notaires et
que, dans mon patelin à Montréal, il y a une couple de notaires
qui m'ont dit très clairement qu'ils avaient démissionné
du conseil d'administration parce qu'ils ne voulaient pas être en conflit
d'intérêts parce qu'ils travaillaient pour la caisse. Je trouvais
que c'était certainement courageux de leur part, mais cela vient un peu
en contradiction avec ce que vous semblez dire ici lorsque vous dites: Que le
notaire soit au conseil d'administration... Vous l'appelez le notaire
bénévole, mais j'imagine qu'il va chercher un certain volume
d'affaires comme notaire en même temps. Je dois vous avouer que je suis
décontenancé par la présentation de la Chambre des
notaires qui semble dire qu'il y a peut-être un conflit
d'intérêts, mais qu'elle vit avec cela et qu'il n'y a pas de
problème. C'est ce que vous dites, dans le fond, et je dois vous avouer
que j'ai de la misère à accepter votre point de vue
là-dessus parce qu'il me semble... D'ailleurs, un dirigeant
bénévole non notaire me disait que, lui, avait
décidé d'encourager trois notaires dans son patelin et qu'il
avait fait en sorte qu'aucun notaire ne soit au conseil d'administration,
qu'ilj préférait les voir à l'extérieur du conseil
d'administration plutôt qu'au conseil d'administration. Moi, je dois vous
avouer que j'ai beaucoup de difficulté à réconcilier le
point de vue de la Chambre des notaires avec l'expérience vécue
et, de toute évidence, des situations de conflit d'intérêts
où le notaire travaille pour la caisse et en même temps
siège au conseil d'administration. Si vous pouvez m'expliquer cela, moi,
je vais vous écouter, mais je dois vous avouer que vous allez avoir un
bon bout de côte à remonter parce que c'est loin d'être
clair dans mon esprit qu'il n'y a pas un conflit d'intérêts patent
qu'il faut réglementer.
Le Président (M. Lemieux): M. MacKay.
M. MacKay: II y a un conflit d'intérêts, on l'a
souligné tantôt. Ce qu'on a surtout souligné, c'est qu'il
ne faudrait pas qu'on se prive de bonnes volontés qui sont prêtes
à siéger aux conseils d'administration de caisses populaires pour
rendre les services qu'elles rendent depuis des générations sans
que cela pose de problèmes. Vous dites qu'il y a des notaires qui
préfèrent démissionner du conseil d'administration; c'est
très beau et c'est très louable. Mais vous avez beaucoup de
patelins où il n'y a qu'un notaire àj 50 milles à la ronde
et ce notaire rend des services à la caisse populaire et c'est lui qui,
en même temps, fait occasionnellement les contrats qui lieront la caisse
à l'un des sociétaires. Moi, cela ne me paraît pas
foncièrement mauvais. C'est une question de déontologie
personnelle, c'est une question de perception de ces relations;
c'est une question de transcendance du rôle ou de la fonction du
notaire par rapport à ses relations et je ne parle pas de ses relations
personnelles. Si le notaire est lui-même intéressé à
emprunter pour le développement d'une affaire personnelle, vous avez
là des relations qui sont nettement différentes de celles qui se
présentent quand il siège au conseil d'administration ou à
la commission de crédit et qu'il fait une demande de prêt ou de
financement à sa caisse. Je parle des relations constantes et courantes
d'un notaire à titre de professionnel du droit qui est appelé
à régler les relations en droit privé entre la caisse et
un de ses clients et qui en même temps peut participer aux
délibérations générales d'un conseil
d'administration. Ce n'est pas indécent en soi.
Je comprends votre point de vue, mais je dis qu'on ne doit pas, à
mon point de vue, faire des règles qui vont faire en sorte que tous les
notaires étant appelés à faire des hypothèques avec
une caisse populaire soient automatiquement déchus du droit de
siéger à un conseil d'administration. Vous vous privez d'un tas
de bonnes volontés. Je vous ai indentifié un groupe tantôt
qui n'a jamais causé de problème à quiconque. Je ne vois
pas que ce soit un problème, ni pour le passé où cela ne
l'a pas été, ni pour l'avenir. Je comprends qu'il y ait un point
de vue où on appelle cela un conflit d'intérêts.
Aussitôt qu'une persone est intéressée, directement ou
indirectement, on appelle cela un conflit d'intérêts. On va
même beaucoup plus loin dans le projet de loi, parce qu'on
l'étend. On donne même la définition d'un conjoint. Cela
mène pas mal loin.
Je ne comprends pas qu'on ait de la difficulté à percevoir
qu'une personne siégeant à un conseil d'administration va pouvoir
en même temps être le notaire instrumentant dans une transaction
qui pourrait être faite par un autre notaire. Je ne vois pas du tout en
quoi son rôle d'officier public ou de conseiller juridique peut
être atteint par ce genre de travail. S'il n'aime pas le faire
personnellement et qu'il laisse libre cours à d'autres personnes de le
faire parce qu'il y a des problèmes déontologiques... Je ne vous
cache pas que je n'ai jamais été membre du conseil
d'administration de ma caisse populaire en face de mon bureau - disons,
peut-être un peu pour cette raison et d'autres - mais j'aurais pu
l'être. Un de mes confrères voisins l'a été et il a
vécu là. Il a rendu d'excellents services à la caisse. Il
a fait du travail. Mais on est dans un arrondissement comme Verdun, avec deux,
trois, quatre notaires dans la paroisse et chaque client, chaque
sociétaire a le choix de son notaire. C'est lui qui dit à la
caisse: J'aimerais faire affaire avec untel et on aimerait que ce choix soit
maintenu. Maintenant, si un des notaires s'adonne à être membre du
conseil d'administration ou d'une commission de crédit, il faudrait
qu'il ait assez de responsabilité ou de professionnalisme pour
être capable de...
M. Fortier: Pour résoudre le problème auquel on
fait face...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
ministre...
M. Fortier: J'ai terminé?
Le Président (M. Lemieux): Oui, votre temps de parole est
terminé. M. le député de Lévis.
M. Fortier: Je reviendrai. Merci.
M. Garon: Votre critique concernant les dispositions sur les
conflits d'intérêts est-elle valable pour tous les dirigeants,
dans votre esprit, peu importe leur profession, ou est-ce que vous
considérez que l'avant-projet de loi est restreignant uniquement pour
les dirigeants notaires?
M. MacKay: J'ai examiné le problème au niveau du
notaire parce qu'il a un caractère spécial. Le notaire est
officier public de par la loi. C'est le seul parmi les professionnels des 40
corporations, sauf l'arpenteur-géomètre quand il fait un travail
particulier de bornage. On est porté à oublier cette fonction
particulière du notaire comme officier public. Il détient une
délégation de la puissance publique de l'État pour faire
un travail particulier. Ce n'est pas négligeable. On est porté
à l'oublier et c'est cela qu'on a examiné particulièrement
dans les relations qui ont toujours uni les notaires comme professionnels du
droit et les caisses populaires par rapport à leurs clients. Je pense
que ce caractère permet de transcender beaucoup de petits
problèmes personnels et particuliers. Beaucoup de notaires, à
cause de ce caractère et de leur déontologie, vont
carrément préférer démissionner d'un conseil
d'administration, comme l'a dit le ministre tantôt. Je n'ai pas
d'objection à cela et cela démontre qu'il peut y avoir
différentes possibilités.
M. Garon: Moi, je pensais par exemple au comptable qui serait
dans la même situation que les notaires dont vous parlez ou encore aux
évaluateurs. C'est pour cela que je vous demandais - je comprends que
vous dites que c'est d'un caractère public - si vous aviez
étudié d'autres aspects. Je vous ai donné deux cas
à part les notaires: les comptables et les évaiuateurs qui ont
une certaine partie de caractère public également.
M. MacKay: II y a une question de loyauté. Le comptable
agréé, du moins, est une personne qui a sa loyauté
à l'égard des actionnaires d'une compagnie quand il fait la
vérification des livres. Il y a une question de loyauté, un peu
comme le notaire aura sa loyauté à l'égard des deux
clients et c'est là son rôle d'officier public par opposition
à l'avocat qui aura sa loyauté généralement
au tribunal; c'est un peu différent. (17 h 45)
M. Perreault: Je pense que, si je peux ajouter ceci, il n'est pas
seulement question nécessairement de loyauté. Mais, dans
l'exemple que vous donnez, des comptables et des évaluateurs, j'imagine
qu'ils représenteront les intérêts de la caisse à la
demande de la caisse. Quant au notaire, il peut être choisi par l'un ou
par l'autre, sauf qu'il n'a pas le choix, il ne peut pas représenter les
intérêts de l'un plus que de l'autre, à tel égard
que, de temps à autre, quand les transactions dépassent un
certain montant, les caisses comme les banques disent: Bien, on va prendre un
avocat parce que le notaire ne veut pas prendre pour nous. Je pense que cela
démontre, d'une certaine façon, la différence de points de
vue.
M. Garon: Non, ce n'est pas ce à quoi je pensais. Je
pensais plutôt que, si quelqu'un est votre client, vous avez normalement
plus de sympathie pour lui que s'il ne l'était pas.
M. Perreautt: II y a probablement, évidemment, de la
sympathie dans les transactions; cela ne peut pas se passer autrement. Sauf
que, dans ce cas, évidemment, les gens de la caisse sont assez avertis
pour s'apercevoir d'un excès de sympathie ou, si les gens de la caisse
ne le voient pas, éventuellement quelqu'un le verra parce que ces
précautions sont vérifiées. Chez nous, les inspecteurs le
font de façon régulière.
M. MacKay: On a une structure qui est organisée en
fonction de tout cela. Depuis le début, on a une structure corporative
qui fait que le public est protégé par le système
d'inspection professionnelle, notre système de déontologie et le
système de discipline des syndics. Alors, nous avons été
la première corporation professionnelle à organiser un
système d'inspection en 1932 et cela s'est étendu par le Code des
professions à l'ensemble des corporations parce qu'on avait jugé
que c'était quelque chose d'utile. Alors, ce sont des choses auxquelles
on n'est pas porté à penser. On n'est pas porté à
considérer que le Québec est une société distincte
en fonction de son système juridique qui lui donne, par l'existence du
droit civil, deux spécialistes du droit. Le notaire arrive avec son
point de vue très particulier; il est capable de rendre des services
énormes qu'on est porté à oublier. J'insiste
là-dessus parce que, pour moi, c'est la réponse à bien des
choses et c'est ce qui fait qu'on a une paix sociale relative depuis tout le
temps là-dedans, qu'on a l'acte authentique qu'on ne connaît pas
ailleurs, qu'on a un tas de choses qu'on n'est pas portés à
connaître et on est en train de travailler cela, de faire des travaux
fondamentaux. C'est pour cela que cet avant-projet de loi nous a
particulièrement intéressés au niveau des conflits
d'intérêts. Il ne faut pas les éviter, ils sont là,
les conflits d'intérêts. Il faut les voir et il faut voir comment
on va être capables de vivre avec, de les| prévenir, toujours en
pensant à la protection du public et des sociétaires.
M. Garon: Parlant de société distincte, ce qui m'a
frappé le plus dans le mémoire, c'est quand vous dites: D'une
façon générale, nous sommes heureux de la volonté
du législateur de rapprocher davantage la structure juridique des
caisses d'épargne et de crédit de celle des compagnies à
capital-actions. Cette tendance vise à uniformiser l'application du
droit des compagnies du Québec. Je vais vous dire que j'ai fait un moyen
saut quand j'ai lu cela parce que vous ne semblez pas reconnaître le
droit à une société distincte pour les
coopératives. Vous voudriez que ce soient des compagnies. Vous dites:
Plus elles vont être comme des compagnies, mieux cela va être. J'ai
été vraiment surpris quand j'ai lu cela parce que j'ai toujours
pensé qu'une coopérative était une institution
particulière qui n'était pas une compagnie et où il y
avait d'autres valeurs qui étaient les fondations de la structure
juridique qu'était une coopérative ou une caisse d'épargne
et de crédit. J'ai été vraiment surpris de lire cela,
parce que je me dis que ce sont 148 notaires au mouvement Desjardins qui
pensent comme cela. Je ne suis pas convaincu que c'est bien bon pour le
mouvement coopératif.
M. MacKay: Je vais demander à M. Per-reault de
répondre, mais c'est l'exemple de mon gardien de but de tantôt.
J'ai toujours dit que, dans l'échiquier, les caisse populaires
étaient pour moi un peu le gardien de but sur la glace, gardien de but
dans le sens qu'il faisait autre chose que les autres joueurs. Mais on
reviendra là-dessus.
M. Perreault: Je vais vous dire que je serais très
heureux...
M. Garon: Oui, mais... D'accord.
M. Perreault: Je serais très heureux qu'ils pensent comme
je l'ai écrit là. Ce que je voulais dire, c'est que la
structure... Quand je parle de structure juridique, c'est que, si vous
regardez, par exemple pour simplifier le débat, la table des
matières, vous allez remarquer qu'elle ressemble beaucoup à celle
de la partie 1A de la Loi sur les compagnies. Une coopérative
étant une personne morale, c'est aussi bien que les règles
s'uniformisent pour qu'on sache de quoi on parle. Ceci dit, la Loi sur les
compagnies, partie lA est au Québec au même titre que toutes les
autres institutions juridiques et la distinction, je ne vois pas en quoi elle
peut disparaître à ce niveau. Je ne vois pas très bien la
difficulté que cela pose.
M. Garon: Là, vous ne voulez pas... À ce
moment-là, je comprends que vous voulez dire seulement le
cadre...
M. Perreault: Évidemment.
M. Garon:... les têtes de chapitre, pas le contenu des
chapitres.
M. Perreault: Le cadre, la structure organisationnelle ressemble
à celle des compagnies. Ce qu'on remarque, c'est que, par exemple, par
le financement qui est là et qui ressemble pas mal à du
capital-actions, à une présentation de capital-actions, les
coopératives tendent vers une formule corporative. Cela, c'est autre
chose.
M. MacKay: M. Garon, je pense qu'on touche le fond du
débat dans votre remarque. On a constaté qu'on est
piégé dans la formule coopérative. Je pense que c'est cela
un peu. Le mouvement coopératif a voulu aller plus loin, aller chercher
du capital et, à ce moment-là, il est obligé de modifier
un peu la formule coopérative qu'il avait depuis le début. C'est
tout cela qui doit changer ou qui change. C'est l'ambiguïté qu'on a
dans la formule des caisses. Alors, j'ai l'impression que ou les caisses
populaires, tel que prévu, restent comme elles étaient dans leur
formule antérieure et progressent au rythme où plies pourraient
progresser, ou elles embarquent dans le grand marché financier en
ressemblant un peu aux autres, en sortant de leur but et là elles
deviennent sujettes aux règles des autres. Cela ne me surprend pas, dans
un sens. Cela va peut-être me faire de la peine un peu que nos bonnes
vieilles caisses populaires se modifient comme cela, mais qu'est-ce que vous
voulez? En vieillissant, je suis obligé d'accepter certaines
modifications.
M. Garon: Cela dépend. Je pense qu'une caisse qui est
sortie du soubassement de l'église pour aller au coin de la rue avec une
bâtisse qui lui appartenait ne cessait pas d'être une caisse. Je
pense qu'un cultivateur qui cesse d'employer un cheval pour utiliser un
tracteur ne cesse pas d'être un cultivateur. Je pense bien que le pape a
peut-être un modèle d'un catholique parfait, mais il se rend
compte que sur ses 600 000 000 de catholiques il n'y en a pas beaucoup qui
ressemblent au modèle, même s'ils aimeraient lui ressembler
eux-mêmes. Je pense bien que, sur les 4 000 000 de coopérateurs
qu'il y a au Québec, on a un modèle de coopérateur
idéal, mais la nature humaine étant ce qu'elle est on n'a
peut-être pas souvent le coopérateur idéal. Mais cela , ne
m'empêche pas de penser que cela ne veut pas dire que la nature de
l'institution, parce qu'elle change, ne s'adapte pas et cesse d'être une
institution coopérative. Si on dit que les caisses d'épargne et
de crédit ne sont plus des coopératives, mais des compagnies
à capital-actions comme les autres, là je me dis: Est-ce que
c'est cela que le ministre visait? Est-ce cela que le mouvement Desjardins
vise? Je ne le sais pas pour le ministre parce qu'il est obligé de
parler beaucoup pour expliquer ce qu'il veut...
M. Fortier: Vous ne me laissez pas parler.
M. Garon:... mais je ne suis pas convaincu que le mouvement
Desjardins recherche cela. C'est pour cela que ce que vous dites là
m'étonne un peu. C'est pour cela que je voudrais cerner ce que vous
dites exactement.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, votre temps de parole est terminé. M. le ministre, vous
avez quatre minutes et M. le député de Lévis va terminer
avec quatre autres minutes et, si vous voulez laisser M. MacKay
répondre, bien là...
M. Fortier: Je vais faire un commentaire parce que je pense que
la discussion qu'on a dans le moment est très importante. Enfin, tout
à l'heure j'entendais les directeurs généraux dire que les
caisses sont tout à fait autonomes. La FTQ disait: Non, non. Quand nous
négocions, nous nous apercevons que ce sont toujours les mêmes
propositions. Donc, c'est centralisé. Pour préparer cette
commission parlementaire je relisais un historique des caisses et on
s'aperçoit que les mêmes débats reviennent, mais qu'ils
vont en s'accentuant. Je pense que les pouvoirs de la
confédération ont été créés en 1932
et après cela il y a des fédérations qui se sont
créées dans certaines régions parce qu'elles ne voulaient
pas que la confédération ait trop de pouvoir. Alors, ces
débats, caisses-confédération-fédérations ne
sont pas d'hier. S'il y en a qui s'imaginent que la discussion a
commencé avec le dépôt de l'avant-projet de loi, ils se
trompent un peu. Quand on regarde l'historique, on s'aperçoit que ce
débat-là revient. Ce qui est vrai - et je pense que M. MacKay l'a
dit - c'est que, bon, il y a une certaine centralisation qui vient par le fait
de la complexité des opérations financières, de la
complexité de tous les organismes, caisses centrales, compagnies
d'assurance, fiducies, valeurs mobilières, tout cela. Alors, on s'en va
vers une direction qui est certainement différente de ce qui existait en
1920; cela est certain. L'enchaînement que je voulais faire, c'est que je
pense que c'est la première fois qu'une commission parlementaire, M.
Bouchard va me corriger... J'imagine qu'en 1906 quand la province de
Québec a adopté la Loi sur les syndicats coopératifs, on
n'a même pas parlé de conflit d'intérêts. On a dit:
On vote une loi des syndicats coopératifs. En 1963, j'ai relu les
débats de l'Assemblée nationale, il n'y a même pas eu de
commission parlementaire. Alors, ces questions-là ne sont même pas
posées.
Alors, voici le problème auquel on fait face: d'une part, il y a
peut-être un changement d'orientation, comme vous le dites, par la nature
des choses. On pose certaines questions, comme
sur les conflits d'intérêts, la position des directeurs
généraux. Ce qu'il faut constater, je pense que c'est la
première fois que les parlementaires discutent de ce
problème-là d'une façon structurée. Ce qui est
arrivé, c'est que le mouvement Desjardins, avec l'appui de tous les
gouvernements, s'est développé au cours des ans et avec la
participation des directeurs généraux, avec la participation des
notaires, avec la participation de beaucoup de bénévoles.
Là, maintenant, on regarde cela et on dit: Mon Dieu, c'est sûr
qu'en 1925 quand la caisse de Saint-Glln-Glin avait administré 2000 $,
elle avait reçu 2000 $ et elle en prêtait 1950 $! C'est sûr
qu'aujourd'hui on n'a pas tout à fait les mêmes problèmes.
À ce moment-là, peut-être que, dans dix ans, on n'aura pas
les mêmes problèmes non plus.
Alors, c'est pour cela que je pense qu'on doit constater que la loi que
les parlementaires vont adopter essaie de regarder l'avenir, pas tellement le
passé, quoiqu'il faut regarder le passé, et de dire: Bien, dans
quelle direction s'en va-t-on? C'est pour cela que dans certains cas cela peut
vouloir dire changer certaines choses qui se sont développées
parce qu'il n'y avait aucune règle. En tout cas, c'est philosophique, ce
que je dis là, mais je pensais que votre propos allait dans le sens
philosophique également.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Alors,
M. le député de Lévis, en conclusion. Il vous reste quatre
minutes.
M. Garon: Moi, je voudrais poser une question concernant les
parts permanentes. On trouve dans le fonds FTQ cette catégorie, cette
institution de parts permanentes qui, malgré, évidemment, qu'il y
ait un incitatif fiscal, semble démontrer qu'il y a des gens qui sont
intéressés. Comment conciliez-vous le fait que vous dites que les
parts permanentes, vous pensez que cela soit peu attirant alors que le fonds de
solidarité de la FTQ a démontré que cela pouvait
être attirant, quand même, parce qu'il y a un certain nombre
d'avantages fiscaux, mais aussi d'objectifs socio-économiques?
M. Perreault: Je pense que c'est là justement qu'est la
différence, les objectifs socio-économiques qui étaient
rattachés à cela et qui, à mon point de vue, sont moins
évidents pour la caisse. Je ne pense pas que cela soit une question de
survie pour une caisse de décider d'émettre des parts
permanentes. Dans ces conditions-là, je pense qu'il y aurait tout
avantage à les mettre attrayantes. Il y a certains freins qui
m'apparaissent assez évidents. Effectivement, dans le cas de la FTQ, il
y avait une cause de rattachée à cela, et c'était
peut-être cela qui...
M. Garon: Dans une perspective de développement
régional, par exemple, vous savez, dans beaucoup de régions du
Québec, ces gens ne se prennent pas en main eux-mêmes, et il
n'arrive rien.
M. Perreault: C'est possible que, dans certains cas, cela puisse
avoir un intérêt particulier, de soi, mais pour moi la cause est
moins évidente et je pense que les freins sont assez importants pour
que, dans le cadre des caisses, en tout cas, cela ait un impact
négatif.
M. Garon: Parce que les avantages fiscaux ne sont pas connus
à l'heure actuelle.
M. Perreault: Non, même si on imagine un REA. En tout cas,
je sais bien que quelqu'un qui achèterait cela à 30 ans ou 35 ans
pour réduire son fardeau fiscal et qui serait pris avec, il
réduirait son fardeau fiscal peut-être pendant quatre ou cinq ans,
mais, s'il est pris avec la part permanente jusqu'à l'âge de 75
ans, quand il va mourir je suis moins convaincu que, finalement, il aura
apprécié son abri fiscal. Alors, je pense qu'il faudrait que
l'abri soit pas mal fort.
M. MacKay: On dit qu'il faudrait permettre de les racheter avant
le décès, cela a été l'une des constatations qu'on
a faites là-dedans, autrement cela nous paraît perdre un
intérêt à nous, comme notaires chargés de conseiller
les coffres-forts, comme je le disais tantôt. Recommander à des
clients d'acheter, de prendre des actions et de les mettre là d'une
façon permanente et que la succession les retire à leur
décès, cela peut offrir un intérêt qui est pas mal
marginal.
Le Président (M. Lemieux): Merci. En conclusion, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Alors, moi, je voudrais simplement vous remercier
d'être venus. Le but de mes questions était d'essayer de vous
faire expliquer davantage votre pensée concernant le mémoire non
pas pour vous embêter, mais au contraire pour mieux comprendre votre
vision des choses et les points que vous avez fait ressortir dans votre
mémoire pour que votre comparution, entendons-nous, votre
présence - j'aime mieux votre "présence" dans le sens juridique -
ici contribue à éclairer davantage la commission.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. M. le ministre des Finances.
M. Fortier: Merci de la promotion.
Le Président (M. Lemieux): Pardon! C'esi pour
bientôt. M. le ministre délégué aux Finances et
à la Privatisation.
M. Fortier: Je pense que M. MacKay voulait dire quelque
chose.
M. MacKay: Je voulais simplement dire que j'étais heureux
de savoir que vous en discuteriez
avec vos services juridiques. J'ai entendu le mot contentieux
tantôt et cela m'a fait un peu frémir: comme il y a des notaires
au service juridique du ministère...
M. Fortier: Ha, ha, ha!
M. MacKay:... je voulais simplement insister dessus. Merci.
Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: En conclusion, je pense que la Chambre des notaires
nous a habitués à des mémoires étoffés. On
s'aperçoit que vous êtes même allés dans le
détail de la rédaction du projet de loi et sur des aspects
importants. Alors, je vous remercie de votre contribution.
M. MacKay: Merci.
Le Président (M. Lemieux): Au nom des deux groupes
parlementaires, je vous remercie pour votre participation à cette
consultation générale sur l'avant-projet de loi, Loi sur les
caisses d'épargne et de crédit. Nous suspendons nos travaux
jusqu'à 20 heures ce soir, alors que nous entendrons la
Coopérative de crédit du rvice civil limitée et, à
21 heures, M. André Cadrin, membre de quatre caisses populaires.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Réprise à 20 h 4)
Le Président (M. Lemieux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux
concernant la consultation générale sur l'avant-projet de loi,
Loi sur les caisses d'épargne et de crédit.
Nous devons entendre ce soir deux organismes: la Coopérative de
crédit du service civil ltée et M. André Cardin. Pour le
moment, je demanderais aux représentants de la Coopérative de
crédit du service civil Itée de bien vouloir prendre place ici,
en avant, aux bancs des témoins, s'il vous plaît.
Dans un premier temps, est-ce que le porte-parole de l'organisme
voudrait bien s'identifier et nous présenter les gens qui
l'accompagnent?
Coopérative de crédit du service civil
Itée
M. Elcock (Ward): Oui, M. le Président. Je m'appelle Ward
Elcock. Je suis président de la Coopérative de crédit du
service civil. Avec moi, ce soir, Mme Jocelyne Côté-O'Hara,
vice-présidente de la société; M. Pierre Choquette, un
ancien dirigeant de notre société et maintenant un
sociétaire; aussi M. Ronald Fitzgerald, notre directeur
général, et M. Marcel Lauzon, notre directeur des
opérations.
Le Président (M. Lemieux): Merci.
M. Elcock: M. le Président, nous avons
révisé notre présentation. Pouvons-nous la distribuer?
Le Président (M. Lemieux): Effectivement, M. le
secrétaire m'en a fait état. Il n'y a aucun changement de fond
comme tel; alors, j'en autorise le dépôt immédiat aux
membres de cette commission.
M. Elcock: Merci beaucoup. M. Garon: Un nouveau
mémoire.
Le Président (M. Lemieux): Nous déposons, M. le
député de Lévis, non pas une version amendée, mais
une nouvelle présentation du mémoire de la Coopérative de
crédit du service civil Itée à la commission
parlementaire. Nous allons attendre un court instant afin que chacun des
membres ait entre les mains un exemplaire de votre mémoire.
M. Elcock: Merci beaucoup.
Le Président (M. Lemieux): Permettez-moi aussi de vous
rappeler brièvement les règles de l'audition. Vingt minutes
seront consacrées à l'exposé comme tel de votre
mémoire; suivra une période de 40 minutes d'échanges
d'idées avec les membres de cette commission. C'est donc dire que vous
avez 20 minutes pour exposer votre mémoire. Sans plus tarder, nous
pouvons vous écouter sur cet aspect.
M. Elcock: Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes
ici, ce soir, pour vous demander de prendre en considération une
modification au projet de loi qui fait présentement l'objet de votre
étude afin qu'une situation discriminatoire à l'endroit de plus
de 13 000 Québécois fonctionnaires fédéraux puisse
être rectifiée.
Pour vous donner un aperçu de notre société et vous
étaler les divers éléments de notre demande, je
demanderais à Mme Jocelyne Côté-O'Hara et à M.
Pierre Choquette de prendre une dizaine de minutes pour bien vous situer.
Après cela, nous essaierons de répondre à vos
questions.
Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme O'Hara.
Mme Côté-O'Hara (Jocelyne): Merci M. Elcock et M. le
Président. Nous représentons, le CS CO-OP, une caisse de
crédit qui fonctionne au bénéfice d'un segment de la
population très
restreint. Selon notre mandat, nous avons le droit de recruter nos
membres uniquement dans le milieu des fonctionnaires fédéraux et
de leur famille immédiate. Dans le moment, nous avons à peu
près 110 000 membres dans la société. Nous n'admettons
comme membres ni les gens du grand public, ni les organismes commerciaux. Nos
programmes d'épargne, d'économie et d'emprunt s'adressent aux
besoins financiers des fonctionnaires fédéraux. Nous n'accordons
pas de prêts aux entreprises, ni aux sociétés
commerciales.
Ce dont nous voulons vous parler en particulier, ce soir, concerne nos
membres qui habitent dans la province de Québec et qui y travaillent,
notamment ceux qui ont été déplacés et qui ont
choisi notre caisse malgré le fait qu'ils ne pouvaient recevoir tous les
services qui sont accordés aux membres qui habitent et travaillent en
Ontario. Notre siège social, comme vous le savez, est à Ottawa.
Avec les changements qui se sont faits dans les derniers cinq ans au niveau
fédéral, beaucoup de fonctionnaires ont été
transférés de l'autre côté de la rivière,
c'est-à-dire dans l'Outaouais. Il y a maintenant 30 000 fonctionnaires
qui travaillent du côté québécois. Parmi ces
fonctionnaires, il y a 13 000 membres de notre société.
Malheureusement, ces personnes n'ont pas les services qui sont offerts aux
autres à cause de cette limite qui nous a été
imposée. Malgré tout cela, nos 13 000 membres ont
déposé dans notre caisse 45 000 000 $ et, de notre
côté, nous n'avons pu remettre dans l'économie
québécoise que 29 000 000 $ sous forme de prêts personnels.
Nous n'avons pas pu du tout accorder les hypothèques qui ont
été demandées, ni, non plus, d'autres sortes d'emprunts.
Ce déséquilibre nous met mal à l'alses, parce que nos
membres commencent à se plaindre, malheureusement, je ne sais pas. De
toute façon, nous trouvons que ce n'est pas juste et équitable
que nous ne puissions pas leur accorder les services requis.
Je passe la parole à mon collègue.
Le Président (M. Lemieux): M. Choquette.
M. Choquette (Pierre): M. le Président, je vais
débuter en vous assurant que la coopérative est en bonne
santé, en soulignant que notre actif, l'année dernière,
dépassait 550 000 000 $ et que nos réserves, l'année
dernière, dépassaient 4 %. Ces 4 % représentent 23 000 000
$ en réserve. Notre objectif de réserves est de 7 %,
malgré que la loi ontarienne n'exige que 5 %. Nous sommes en bonne voie
d'établir une réserve de santé financière. Je dois
souligner, d'autre part, que nos membres nous offrent une certaine
stabilité. Les fonctionnaires sont un genre très particulier et
ces particularités nous donnent l'avantage de très peu de pertes
sur nos prêts. Nos mauvaises créances, par exemple, se chiffrent
à 1 000 000 $ sur des prêts de 400 000 000 $. De ce
côté-là, nous dépassons les chiffres qui sont mis en
réserve pour mauvaises créances des banques et autres
institutions financières, à cause, je crois, de la
communauté que nous desservons.
Depuis plusieurs années il y a eu une évolution
technologique, même révolutionnaire, de la communauté et
les caisses Desjardins du Québec nous offrent un exemple de cette
révolution technologique et structurelle parmi les agences et les
institutions financières. Les caisses Desjardins ont mis en place un
service intercaisses interprovinces où, en effet, ce réseau
dessert le Québec, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. En effet, les gens
en Ontario, se servant de ce réseau, peuvent déposer à une
place, faire transférer des fonds à une autre, la même
histoire pour les trois provinces et nous n'avons qu'à féliciter
les caisses Desjardins de cette initiative. La Caisse centrale avec ses bureaux
à Toronto est l'agence Desjardins qui exploite les services de
prêts et de dépôts commerciaux. Une autre agence Desjardins
ouvrira sous peu à Ottawa sous le nom de Crédit industriel.
Je ne veux que souligner l'initiative qu'a prise le mouvement Desjardins
dans le centre de cette évolution, que dis-je, révolution dans
les institutions financières au Canada. Nous avons un héritage
commun avec les caisses Desjardins, étant donné que M. Alphonse
Desjardins, le père du Mouvement des caisses populaires, a joué
ur rôle majeur dans la fondation de la CS CO-OP en 1908 alors qu'il a
fait un séjour à Ottawa comme sténographe parlementaire.
Nous avons eu des pourparlers, des discussions, des consultations avec le
mouvement Desjardins, il y a quelques années, qui ont menés
à une décision de la fédération, à
Lévis. Nous avons fait une demande, à la suite de cette
consultation, car nous voulions mettre en place à Hull, dans la
région de la Capitale nationale, pour desservir des citoyens
québécois et des gens qui travaillaient au Québec, des
fonctionnaires fédéraux, des guichets automatiques. Nous avons eu
un refus du mouvement Desjardins, malheureusement, et il est fort regrettable
que, de plus, dernièrement, nos efforts de consultation n'aient obtenu
aucune considération de sa part. Jocelyne. (20 h 15)
Le Président (M. Lemieux): Merci. Est-ce que vous avez
d'autre chose à ajouter? Oui.
Mme Côté-O'Hara: Oui. Quelques moments encore, s'il
vous plaît, quelques minutes.
Le Président (M. Lemieux): Oui, cela va.
Mme Côté-O'Hara: Merci. J'aimerais vous laisser
savoir aussi que notre caisse de crédit ne dessert pas uniquement la
région de la Capitale nationale et surtout la région d'Ottawa,
mais que nous avons répondu à des besoins au sein de la province
en entier où il y a un nombre suffisant de fonctionnaires. Nous avons
établi maintenant
des bureaux à Toronto, à North Bay, à Sudbury et
à Sault-Sainte-Marie. Nous n'avons aucune intention de chercher à
intégrer d'autres marchés que celui des fonctionnaires
fédéraux, ni d'étendre notre mandat actuel. En outre, nous
avons recherché dans d'autres provinces des possibilités de lois
réciproques qui pourraient nous permettre de desservir les
fonctionnaires qui sont en Colombie britannique, à Terre-Neuve, au
Mani-toba, à l'île-du-Prince-Édouard et ces provinces nous
ont déjà indiqué qu'il y a possibilité de recevoir
l'autorisation qui nous permettrait d'offrir les services que nous recherchons
ici aujourd'hui, par le truchement d'une entente réciproque.
Nous aimerions aussi vous souligner que l'Ontario a déjà
accordé aux caisses populaires et aux caisses de crédit le droit
de l'enregistrement extraprovincial. De fait, la loi actuelle régissant
les caisses populaires et les "crédit unions" de l'Ontario comprend des
clauses de réciprocité qui prévoient le fonctionnement de
nos caisses dans d'autres provinces et celui des caisses populaires et des
"crédit unions" des autres provinces en Ontario. Les clauses
particulières sont notées dans notre mémoire. Nous avons
rencontré des représentants du gouvernement de l'Ontario à
plusieurs reprises et, sans présumer parler pour eux, nous croyons que
l'Ontario appuierait des arrangements réciproques. Il est entendu que le
gouvernement de l'Ontario, tout comme celui du Québec, voudrait
s'assurer que tout organisme fonctionnant sous sa juridiction suive les
règlements définis. Nous comprenons et nous acceptons cela.
Nous croyons, toutefois, que l'inclusion de pouvoirs similaires dans la
Loi sur les caisses d'épargne et de crédit du Québec
profitera aussi aux caisses de crédit et aux caisses populaires du
Québec. De tels pouvoirs pourraient augmenter et étendre la
capacité des caisses de faire concurrence aux diverses institutions
financières sur un marché fort concurrentiel et sujet à
une évolution rapide.
Pour conclure, nous vous prions respectueusement de considérer
des modifications au projet de loi sur les caisses d'épargne et de
crédit visant à supprimer la discrimination actuelle envers nos
13 244 sociétaires ou membres québécois. Le cas
échéant, nous serions heureux de collaborer avec vos
fonctionnaires à la formulation d'une modification à ce projet de
loi.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme O'Hara. M. le
ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Votre mémoire
pose toute la question de la réciprocité. L'argumentation
fondamentale que vous soulevez, c'est de dire: Dans la mesure où le
gouvernement du Québec, dans l'avant-projet de loi en par- ticulier,
vient confirmer certaines initiatives du mouvement Desjardins et permet
même de l'amplifier pour lui permettre de signer des ententes avec des
fédérations d'autres provinces canadiennes - et on peut penser
à l'Ontario, au Nouveau-Brunswick ou même au Manitoba - est-ce
que, par ailleurs, il ne serait pas possible pour le gouvernement du
Québec de reconnaître certaines actions de votre propre caisse
populaire au Québec? Comme de raison, ce que nous avons dans
l'avant-projet de loi ne permettrait pas à une caisse populaire du
Québec d'oeuvrer directement en Ontario. Ce que nous avons dans
l'avant-projet de loi permet au mouvement Desjardins de signer une entente avec
une fédération ontarienne ou avec un fédération du
Nouveau-Brunswick, j'imagine, pour confirmer des ententes qui existent
déjà, et vous parliez des guichets automatiques. Mais il y a une
différence fondamentale: c'est que, dans le projet de loi qui est devant
nous, la Caisse populaire de Hull n'aurait pas le droit d'aller chercher des
clients en Ontario, mais, par ailleurs, la confédération pourrait
signer une entente avec la Fédération des caisses populaires de
l'Ontario.
Alors, je pense bien que c'est l'intention et j'imagine que vous ne
demandez pas - quoique vous l'ayez laissé entendre - que, s'il y avait
des fonctionnaires fédéraux à Montréal ou à
Québec ou à Chicoutimi... Dans le moment vous dites: Nous sommes
à Ottawa, nous voudrions aller à Hull. Mais votre seconde
demande, après cela, c'est de dire: Bien, si c'est cela, on voudrait
aller dans chaque ville du Québec où il y a des fonctionnaires
fédéraux. Est-ce que c'est cela, le fond de votre demande?
Le Président (M. Lemieux): Mme O'Hara.
Mme Côté-O'Hara: Je devrais dire au tout
début que nous sommes motivés par le fait que nous avons en ce
moment 13 000 fonctionnaires qui ont choisi de devenir membres de notre caisse,
qui travaillent à côté d'un fonctionnaire qui habite en
Ontario, qui choisit notre institution pour financer son hypothèque,
alors qu'eux ne le peuvent pas, mais ils ont, tout de même, choisi de
devenir membres chez nous. Alors, pour nous, ce groupe est très
important. Pour répondre à votre question, nous sommes
motivés par ce groupe qui veut être bien servi par nous et envers
qui nous avons des responsabilités comme bénévoles et
directeurs. Pour ce qui est d'aller au-delà de ça, notre premier
objectif est celui-là et nous sommes disposés à
considérer de quelle façon vous voyez des problèmes
à desservir ces membres. Mais il faut dire que notre objectif est certes
la région.
M. Fortier: Alors, ce que vous dites dans un premier temps,
c'est: On a une clientèle dans la région d'Ottawa-Hull et on
aimerait la desservir. On a fait l'examen de cela et il y a, bien sûr,
toutes sortes de difficultés juridiques qui me
sont présentées en ce qui concerne la façon dont
l'avant-projet de loi est préparé dans le moment. Si on pense
à des considérations très pragmatiques, il y a tout ce qui
touche à l'assurance-dépôts. Bien sûr, l'avant-projet
de loi est constitué de telle façon que, si un individu du
Québec est membre d'une caisse populaire du Québec, son
dépôt est assuré par la Régie de
l'assurance-dépôts dont l'inspecteur est le président. La
question qui se pose, c'est: Si votre coopérative vient au
Québec, qui assure les dépôts de ces individus? J'imagine
que cela demanderait des études plus poussées, mais est-ce que
vous avez pensé à ce problème? Il y aurait deux
problèmes. Si on a vraiment réciprocité à la
frontière, pour prendre cet exemple, il y aurait la possibilité
pour la Caisse populaire de Hull d'aller à Ottawa et la
possibilité pour votre caisse populaire de venir à Hull. La
question qui se pose dans un cas comme dans l'autre, c'est: Qui assure les
dépôts de chacune des caisses populaires?
M. Choquette: Si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Lemieux): Oui, M. Choquette.
M. Choquette: Comme je l'ai mentionné tout à
l'heure, M. le ministre, nous avons déjà des réserves de 4
% qui se chiffrent à 23 000 000 $. Nous ne sommes pas parmi les pauvres
des sociétés bancaires. Même pour les riches, cela prend de
l'assurance. Nous sommes parmi les riches, je crois, dans le mouvement. Il me
semble que la solution à la question que vous posez doit être
sujette à négociation entre les responsables fonctionnaires en
Ontario et les responsables fonctionnaires au Québec qui sont, en effet,
responsables des régimes d'assurance.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.
M. Fortier: Vous dites: Notre caisse populaire est riche. Je
l'accepte. Si vous êtes à 4 %, vous êtes plus haut que la
moyenne au Québec. Dans le moment, je pense que la moyenne des caisses
populaires est de 3, 5 %. Dans l'avant-projet de loi, nous allons augmenter
l'exigence de la capitalisation à 5 %. Malgré cette
capitalisation accrue, nous avons la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec depuis 1968. C'était M.
Daniel Johnson, le premier ministre, qui avait négocié cela. Nous
sommes la seule province qui a une Régie de
l'assurance-dépôts, alors qu'au fédéral vous avez la
Société d'assurance-dépôts du Canada. Au-delà
de la capitalisation, il y a quand même, pour ceux qui déposent
leur argent dans une institution financière, une assurance sur les
dépôts.
Vous avez dit tout à l'heure que vous avez eu des conversations
avec les représentants de l'Ontario. La question qui se pose, c'est: Vos
activités au Québec, est-ce qu'elles seraient sous
l'autorité du gouvernement du Québec ou si elles seraient sous
l'autorité du gouvernement de l'Ontario?
Le Président (M. Lemieux): Mme O'Hara.
Mme Côté-O'Hara: Je dois avouer qu'on n'a pas
parlé avec tant de précision de qui protégerait et
assurerait l'assurance requise. Nous sommes maintenant membres de la
Société ontarienne d'assurance des actions et ce que nous
prévoyons, c'est un genre de discussion pour savoir si l'Ontario serait
disposé à nous protéger ou à continuer de nous
assurer ou si cela devrait être fait au Québec. Malheureusement,
nous n'avons pas de réponse, pour vous.
M. Fortier: D'accord.
Mme Côté-O'Hara: Mais nous pouvons vous dire que
nous sommes conscients du besoin et que nous sommes très ouverts
à des suggestions et à pousser la question à Toronto.
M. Fortier: J'ai ici plusieurs difficultés techniques qui
m'ont été fournies par notre contentieux et je crois que vous
acceptez le fait que, dans le cas de l'assurance-dépôts en
particulier, il y a des difficultés à surmonter. Mais,
étant donné que je vais laisser la parole à mes
collègues, j'aimerais poser une autre question. Je pense qu'on appelle
cela du nationalisme économique. Si on permettait à des citoyens
du Québec de déposer leur avoir dans votre caisse populaire, dont
le siège social est à Ottawa, la question qui nous
préoccupe, c'est: dans quelle mesure ces actifs vont-ils servir, en
définive, au développement économique du Québec?
C'est une question fondamentale sur le plan du développement
économique. Je pense bien qu'on ne commencera pas des discussions et
qu'on ne commencera aucune étude à ce sujet si on n'a pas
l'assurance qu'éventuellement le Québec va être
favorisé, au moins dans la proportion où les
Québécois déposeraient chez vous, au moins dans cette
proportion.
Mme Côté-O'Hara: C'est une excellente question. Vous
avez tout à fait raison et c'est une préoccupation qui est
très légitime étant donné qu'il y a maintenant 45
000 000 $ qui sont déposés chez nous et que, comme je vous l'ai
dit tout à l'heure, il n'y a que 29 000 000 $ qui sont réinvestis
dans la région. C'est un réinvestissement un peu nuancé,
parce que ce sont des emprunts personnels. Si nous avions le droit de faire des
hypothèques au Québec, je peux vous assurer qu'il y aurait
au-delà de 45 000 000 $ investis au Québec. Nous avons eu
plusieurs demandes, en effet, dans les dernières semaines. En faisant un
sondage, nous avions 25 personnes du Québec, juste en l'espace d'une
semaine, qui ont demandé des services hypothécaires que nous
ne pouvions pas leur fournir. En ce moment, |nous avons 5000
hypothèques du côté ontarien. Nous nous sommes vraiment
engagés à développer des formes de garanties ou des
systèmes d'examen nécessaires pour garantir que ceci se fasse.
Nous avons vraiment un engagement très fort envers ces gens. Vous savez,
vivre à Ottawa et avoir Hull de l'autre côté, on est tous
de la même famille. On n'est pas très confortables quand des
membres nous appellent... Comme dirigeant, c'est fatigant de se faire appeler
de se faire dire: Je veux mon hypothèque et vous ne pouvez pas me la
donner. Pourquoi pas?
M. Garon: Vous allez nous faire pleurer.
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis, vous avez pris la parole et la parole est à vous pour les
dix prochaines minutes. Merci, M. le ministre. Sans pleurer, M. le
député de Lévis, la parole est à vous.
M. Garon: Je trouve cela sympathique de voir que les gens de
l'Ontario veulent nous rendre service. Habituellement, quand ils
enlèvent leur main du plat, il ne reste plus rien dedans. Vous dites que
vous ne pouvez pas faire de prêts hypothécaires auprès de
vos membres. Pourquoi?
Mme Côté-O'Hara: Parce que nous ne pouvons pas les
enregistrer au Québec. Donc, nous sommes limités et nous n'avons
pas le droit de le faire.
M. Elcock: Ce n'est pas possible pour nous de prendre des
"sécurités" au Québec pour les hypothèques.
Le Président (M. Lemieux): Des actes notariés.
M. Fortier: Si vous le permettez, l'inspecteur pourrait
préciser l'aspect légal.
Le Président (M. Lemieux): Un instant, M. le ministre. M.
le député de Lévis, est-ce que vous le permettez?
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Lemieux): M. l'Inspecteur
général des institutions financières.
M. Bouchard (Jean-Marie): Théoriquement parlant, ils n'ont
pas le pouvoir de faire affaire au Québec comme tels, d'une part, donc
ils n'ont pas la capacité juridique. D'autre part, pour
l'hypothèque au Québec, deux actes juridiques sont prévus
dans la Code civil qui doivent être reçus par actes
notariés, les donations et les hypothèques. Or, il n'y a pas de
notaires en Ontario. Donc, il faudrait qu'ils transigent...
M. Garon: Qu'ils engagent des notaires du
Québec?
M. Bouchard: C'est ça. Pour cela, il faudrait qu'ils aient
le pouvoir de faire affaire au Québec.
M. Fortier: Ils n'ont pas la capacité juridique de faire
affaire. (20 h 30)
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. l'Inspecteur
général des institutions financières.
M. le député de Lévis, sur votre temps de
parole.
M. Garon: Voulez-vous dire qu'ils n'ont pas le droit d'engager un
notaire? Ils ont le droit d'engager un notaire du Québec.
M. Bouchard: Ils n'ont pas la capacité juridique
d'opérer au Québec.
M. Garon: C'est ça, d'opérer au Québec.
C'est ça.
M. Bouchard:... comme corporation.
M. Garon: Au fond, vous n'avez pas répondu directement
à la question qui vous a été posée tout à
l'heure. Vous avez continué à répondre sur les assurances.
Le ministre vous avait demandé ceci: Si vous aviez la capacité
juridique d'opérer au Québec, dans votre esprit, pensez-vous
opérer en vertu des lois de l'Ontario ou en vertu de celles du
Québec? J'ai compris que le ministre avait demandé cela tout
à l'heure, mais je n'ai pas compris que vous aviez répondu
à cette question-là.
Mme Côté-O'Hara: Ah! Mais...
M. Fortier: C'était une question complexe, je pense.
Mme O'Hara: De fait, peut-être que je n'y ai pas bien
répondu. Nous sommes prêts à opérer sous les lois du
Québec et de l'Ontario. Les paramètres d'une entente
réciproque seront négociés entre les deux provinces qu'on
choisira ensemble la façon de procéder. Mais en opérant au
Québec, si nous avions le droit d'accorder des prêts
hypothécaires, on serait soumis aux lois du Québec dans notre
façon de procéder, y inclus le fait d'établir un bureau
avec des employés qui travaillent au Québec.
M. Garon: Habituellement, une caisse populaire fait affaire dans
un territoire limité. Dans votre esprit, vous voulez faire affaire dans
un territoire au Québec. Quel territoire?
Mme Côté-O'Hara: Notre charte nous restreint et nous
limite. Nous n'avons aucune intention de changer cette charte qui nous dit que
nous n'avons que le droit de desservir des
fonctionnaires fédéraux et leur famille immédiate.
M. Garon: Une minute!
Mme Côté-O'Hara: Laissez-moi préciser. C'est
uniquement le conjoint et les enfants.
M. Garon: Selon votre charte de l'Ontario.
Mme Côté-O'Hara: Oui, et nous n'avons aucune
intention de changer notre charte pour une charte fédérale, je
dois vous le dire, d'une part, à cause d'une possibilité de
conflits, car les dirigeants sont tous des fonctionnaires
fédéraux. Je crois que c'est une des grandes raisons, pour
être très ouverte avec vous. Alors, de quelle façon
pourrions-nous diriger une société régie par des lois
fédérales? C'est douteux que nous procédions de cette
façon.
M. Fortier: Des fonctionnaires fédéraux sous
l'autorité provinciale, c'est extraordinaire.
Mme Côté-O'Hara: C'est encore mieux. C'est un beau
contrôle. C'est un excellent contrôle.
Mais, pour continuer, notre charte est limitée à des
fonctionnaires fédéraux puisque nous avons une charte
ontarienne.
M. Garon: Mais sur n'importe quel territoire? Au fond, vous dites
aux fonctionnaires fédéraux que c'est un genre de caisse
d'économie, mais sans limite de territoire.
Mme Côté-O'Hara: Oui. Il y a des limites de
territoire du fait que notre charte a été donnée par le
gouvernement de l'Ontario. Nous sommes soumis aux lois de l'Ontario. C'est une
société ontarienne.
M. Garon: Oui, je comprends ce que vous dites, mais vous dites:
Si on avait le droit d'opérer ailleurs. Au fond, comme il y a des
fonctionnaires de l'armée en Allemagne, vous pourriez
théoriquement avoir une succursale en Allemagne. Vous pourriez en avoir
partout.
Mme Côté-O'Hara: Ce ne serait sans doute pas
économique.
M. Garon: Cela ferait une drôle de caisse populaire
à succursales multiples.
Mme Côté-O'Hara: Peut-être, mais elle
fonctionne très bien, vous savez. Pour ajouter à la
réponse sur notre mandat ou notre charte, nous ne faisons pas, non plus,
de prêt ou d'emprunt commercial. Alors, ce sont purement des prêts
personnels et des prêts hypothécaires, et tous les autres services
banquiers normaux. Nous avons le plus grand nombre de guichets automatiques
à Ottawa, même plus que la Banque Royale du Canada.
Le Président (M. Lemieux): La parole est toujours à
vous, M. le député de Lévis.
M. Garon: Je suis un peu surpris. J'ai l'impression que les
fonctionnaires fédéraux devraient, au fond, se former une caisse
de la nature de la vôtre au Québec. Je ne comprends pas pourquoi
il s'en fonde une seulement en Ontario. Ce qu'ils devraient faire, à mon
avis, ce serait plutôt former non pas une filiale, mais une| caisse
d'économie au Québec en vertu de la Loi sur les caisses
d'épargne et de crédit.
Mme Côté-O'Hara: M. Desjardins a choisi de nous
développer de cette façon au tout début, en 1900.
M. Garon: Oui, mais M. Desjardins en a formé en
Nouvelle-Angleterre également. Il a formé des caisses un peu
partout aux États-Unis, mais qui gardent un caractère local.
Normalement, même les caisses dont vous parlez au Québec, dans les
milieux de travail, ont un cadre très défini et restreint. C'est
même la caisse d'économie des travailleurs de tel endroit ou la
caisse d'économie... L'Inspecteur général des institutions
financières pourrait sûrement donner des exemples. Il s'agit d'une
entreprise comme la caisse d'économie ou la Caisse populaire des
fonctionnaires à Québec.
M. Fortier: Non, mais il n'y a pas de limites de territoire.
M. Garon: Non, mais c'est parce que... M. Fortier: II y a
des caisses d'économie...
M. Garon:... l'entreprise est déterminée
habituellement. Je ne sais pas si l'Inspecteur général des
institutions financières pourrait nous en dire un mot. Je pense qu'il a
l'air...
Le Président (M. Lemieux): M. l'Inspecteur
général des institutions financières, pour le
bénéfice de M. le député de Lévis. M. le
député de Lévis, vous pouvez poser votre question.
M. Fortier: La question, M. l'inspecteur, c'est: II y a des
caisses d'économie et, pour les caisses d'économie qui desservent
des fonctionnaires...
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre, s'il vous
plaît, je m'excuse.
M. Fortier:... est-ce qu'il y a des limites
géographiques?
Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! M. le
député de Lévis, posez votre question.
M. Garon: Quand on formait au Québec une caisse
d'économie, habituellement l'entreprise
était assez déterminée que c'était
évident que c'était dans un endroit très restreint.
M. Bouchard: Pas pour une caisse d'économie. La
distinction entre les deux systèmes, c'est qu'une caisse
d'épargne a un territoire géographique.
M. Garon: Oui, oui, la caisse...
M. Bouchard: La caisse d'économie, ce n'est pas le
territoire géographique, c'est n'importe quoi. Par exemple, on va dire
telle industrie, tel secteur. Le secteur peut couvrir toute la province. De
fait, dernièrement, on a fusionné des caisses qui couvraient
toute la province pour un secteur d'une industrie donnée.
M. Garon: Mais qui comprenait plusieurs caisses qui ont
été fusionnées.
M. Bouchard: Oui, mais cela ne fait rien. Une seule caisse
pourrait être...
M. Garon: Non, mais quand on les constituait habituellement,
c'était une entreprise qui...
M. Bouchard: On indique la nature de l'opération ou de
l'industrie que l'on veut viser, qui peut être tout le territoire de la
province.
M. Garon: Dans les faits, sauf les fusions dont vous parlez,
habituellement, il n'y en avait pas un grand nombre, d'abord.
M. Bouchard: De caisses d'économies? Il y en a
beaucoup.
M. Garon: Beaucoup. Combien?
M. Bouchard: II y en a beaucoup au Québec. D'ailleurs, il
y avait trois fédérations qui se sont fusionnées.
M. Garon: Oui, oui.
M. Bouchard: Alors, cela constitue la onzième
fédération actuellement chez Desjardins. C'est très
puissant, les caisses d'économie, au Québec.
M. Garon: Oui.
M. Bouchard: Alors, par exemple, ils vont dire l'industrie du
textile.
M. Garon: Oui.
M. Bouchard: Toute l'industrie du textile de la province de
Québec peut constituer une caisse. C'est un exemple donné. Ils
vont dire, par exemple, tels syndicats.
M. Fortier: La dernière qu'on a fusionnée...
M. Garon: Oui, les syndicats.
M. Bouchard: C'est cela.
M. Fortier:... c'est la CSN et la FTQ.
M. Bouchard: Alors, il n'y a pas de limites territoriales.
M. Garon: Bien oui, elles ont été fusionnées
récemment. Mais quand elles se sont constituées...
M. Bouchard: Bien, cela dépend.
M. Garon:... elles se constituaient, normalement, au niveau d'une
entreprise.
M. Bouchard: Oui, règle générale. M.
Garon: II y a eu du regroupement... M. Bouchard: C'est cela.
M. Garon:... qui est venu après, mais au niveau d'une
entreprise restreinte, habituellement.
M. Bouchard: C'est cela. Exact. M. Dufour: M. le
Président...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse, M. le
député de Jonquière, je dois respecter la règle de
l'alternance. Il y a consentement, M. le ministre? Consentement. Il reste
environ une minute au temps du député de Lévis.
M. Dufour: Vous dites que les caisses d'économie peuvent
fusionner ou prendre tout le territoire de la province, mais est-ce que c'est
possible qu'une caisse d'économie puisse changer de secteur? Par
exemple, je pense, chez nous, à la fédération du secteur
de l'aluminium où ils ont une caisse d'économie. Ils vont
à la ville de Jonquière et ils prennent des membres à la
ville de Jonquière pour entrer à la caisse d'économie.
M. Bouchard: Certainement.
M. Dufour: Ils ont le droit de faire cela?
M. Bouchard: Certainement.
M. Fortier: D'ailleurs, les groupes ethniques...
M. Garon: Le caractère coopératif prend une moyenne
débarque avec tout cela.
M. Bouchard: Bien non, c'est la nature même de la caisse
d'économie, par rapport à la caisse d'épargne, de
regrouper des groupes par rapport au territoire.
M. Fortier: D'ailleurs, c'est pour cela que le mouvement
Desjardins le fait pour les groupes ethniques. Les groupes ethniques se
retrouvent très souvent dans une caisse d'économie.
Le Président (M. Lemieux): M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation, vous
avez un temps de parole de dix minutes. C'est à vous, maintenant.
M. Fortier: Bien sûr, ce qu'on vient de préciser, je
pense, avec l'inspecteur, c'est qu'on retrouve au Québec une
fédération du mouvement Desjardins qui touche les caisses
d'économie. De plus en plus, ces caisses d'économie couvrent la
totalité du territoire. Alors, dans notre jargon, vous êtes une
caisse d'économie pour les fonctionnaires fédéraux. On se
comprend.
Mme Côté-O'Hara: Oui.
M. Fortier: Donc, si vous étiez partie du mouvement
Desjardins, vous auriez la possibilité de couvrir tous les
fonctionnaires fédéraux au Québec. Alors, on se comprend.
Donc, dans le moment, vous êtes, à toutes fins utiles, une caisse
d'économie, mais sous la juridiction de l'Ontario. Alors, je pense qu'il
faut préciser les termes, la terminologie.
Mme Côté-O'Hara: C'est cela, merci.
M. Fortier: Ce que vous demandez, dans le fond, c'est: Est-ce
qu'il n'y a pas moyen de trouver une nouvelle disposition qui couvrirait
également le Québec? Je pense que c'est cela, votre demande.
Enfin, dans un premier temps, vous dites Hull, mais on peut penser, par
extrapolation, que cela pourrait être tous les fonctionnaires
fédéraux au Québec. On se comprend au moins dans les
intentions.
Je reviens à la question de la réciprocité. Je me
rends bien compte qu'à la minute où je vais m'asseoir avec le
ministre de l'Ontario pour négocier ou avec le ministre du Manitoba...
D'après ce qu'on m'a dit, ils ne sont pas nécessairement
réfractaires à ce que nos caisses populaires signent des ententes
avec des caisses populaires des autres provinces. Dans la mesure où on
renforce le mouvement coopératif, je pense que c'est
bénéfique pour tout le monde.
C'est cela qui amène la question de la réciprocité,
mais avec toutes les questions techniques pour lesquelles on n'a pas de
réponses dans le moment. Je dois vous avouer que j'ai fait analyser
votre demande par le service du contentieux de l'inspecteur et que, tel que
notre projet de loi est libellé, les possibilités d'écrire
un seul article pour couvrir cela sont très limitées. Donc, cela
prendrait des dispositions assez spéciales. Je ne vous dis pas cela pour
vous décourager. Je pense qu'on se rend compte que les caisses
populaires, à l'origine - le député de Lévis a
raison: la caisse populaire de Lévis, c'était pour couvrir la
ville de Lévis; la caisse populaire de Québec, c'était
pour couvrir Québec - étaient là pour couvrir une
géographie bien particulière et que maintenant, bien sûr,
cela déborde les frontières et cela pose au législateur
des difficultés nouvelles qu'on n'avait pas appréhendées
à l'origine. Je me rends bien compte de cela.
La question que j'aimerais bien vous poser est la suivante. Vous dites
que Desjardins, dans le moment, opère des guichets automatiques en
Ontario. Qui assure les dépôts de ces gens qui déposent en
Ontario et dont l'argent est transféré au Québec? C'est ce
que vous nous dites, dans le fond?
Le Président (M. Lemieux): M. le président.
M. Elcock: The answer to that question, M. le ministre, is not
one that we are entirely capable of answering, because we are somewhat in
between the two provincial jurisdictions and we have been unable to meet with
the caisses Desjardins to discuss those issues. It is our understanding that
there are deposits, withdrawals made not only at automatic teller machines, but
also through branches as well, so that it is more than simply automatic teller
systems. If you belong to a network, as we do, it is also possible for members
of the society to make deposits through the automatic wickets in Hull, that
exist now on that network. But we understand as well that there are deposits
and withdrawals through the institutions themselves which is a somewhat
different question and we do not honestly know how those are assured at this
point in time. If any of those were to be dishonoured - and I would assume that
they would not be dishonoured given the nature of the organization - we do not
know the answer to who would be the appropriate assurer.
M. Fortier: Thank you for the answer. À la question qui
est posée, la réponse que vous donnez, c'est: Avec les liens
électroniques qui se développent de plus en plus, à quelle
p!ace la frontière se trouve? C'est toute la question de
l'électronique qui dépasse les frontières maintenant. Je
crois que le problème est posé. Je n'a pas d'autres questions. Je
ne sais pas si mes collègues en ont. Je dois vous avouer que je n'a pas
les réponses législatives au problème qui es! posé.
Nos avocats nous disent que c'est techniquement difficile à cerner,
mais, de toute façon, cela demanderait des négociations avec le
gouvernement de l'Ontario. Tout l'engagement que je peux prendre à ce
moment, étant donné les réponses que je n'ai pas, c'est de
dire: Je me rends bien compte que, si le Québec veut avoir une certaine
réciprocité avec d'autres provinces, il va falloir qu'on trouve
certaines réponses à certaines questions, réponses que je
n'ai pas dans le moment. Le seul engagement que je peux prendre dans le moment,
c'est d'examiner la situation - d'ailleurs, je n'ai jamais discuté
de
ce problème avec le mouvement Desjardins, probablement que je
devrais le faire - avec le gouvernement de l'Ontario et les autres
gouvernements. On a cette disposition dans l'avant-projet de loi qui
permettrait à Desjardins d'arriver à des ententes avec les autres
fédérations. Je dois vous dire que je sais qu'ils sont
réceptifs, mais je n'ai pas discuté les problèmes
techniques sous-jacents à cette disposition. Pour le moment, le seul
engagement que je peux prendre, c'est de dire qu'on va l'examiner très
attentivement et essayer de trouver des réponses. Si je demandais
à mes juristes d'écrire un article, je pense qu'on aurait du mal
à l'écrire parce que c'est techniquement très complexe. Le
seul engagement que je peux prendre à ce moment-ci, c'est de
l'étudier très sérieusement, sachant que plus cela va
aller, plus les coopératives du Québec vont vouloir aller en
Ontario et vice versa. Donc, il va falloir qu'on trouve des solutions à
ce problème dans l'avenir. (20 h 45)
Le Président (M. Lemieux): M. le député de
Lévis.
M. Garon: J'ai aimé, M. le Président, l'emploi du
mot "coopérative" par le ministre, en terminant. Pour qu'une
coopérative soit une coopérative, il y a certaines
caractéristiques, normalement. J'ai l'impression qu'actuellement, dans
les notions de coopérative, il y a pas mal de slalom qui se fait ici.
Normalement, il y a certains caractères, il y a même des principes
du mouvement coopératif international, des principes de base de la
coopération. J'ai de la difficulté à comprendre comment
tout cela pourrait fonctionner à moins d'inventer, je pense bien, des
espèces hybrides. Je sais que le ministre a un certain talent pour cela,
mais je lui souhaite bonne chance.
Je vous remercie, quand même, de nous avoir fait part de votre
problème qui est un peu compliqué puisque vous-mêmes, vous
dites: De qui allons-nous dépendre sur le plan législatif? Toutes
ces institutions sont de juridiction du Québec ou de l'Ontario. Il y a
un certain caractère communautaire, quand même, dans les
institutions coopératives, il ne faut pas l'oublier. Je comprends qu'on
commence à dire que les coopératives pourraient devenir des
corporations, mais, quand il n'y aura plus rien de coopératif, ce ne
donnera plus grand-chose d'appeler cela des coopératives.
Moi, je fais encore partie des gens qui appellent un chat, un chat, une
truite, une truite et un saumon, un saumon. Il y en a, je crois (bien, qui
disent qu'un saumon, c'est une grosse truite ou qu'une truite, c'est un petit
saumon. Mais, je pense bien que les mots doivent encore vouloir dire quelque
chose et que le mot "coopérative", si on arrive à le vider de son
contenu, bien, après cela, on sera les premiers à dire que, dans
le fond, on n'a plus de coopératives. C'est pour cela qu'il y a un
certain caractère aux coopératives. Même si les aspects
techniques évoluent avec l'électronique, je pense bien que les
institutions, elles, ont des caractéristiques même si elles
utilisent des moyens modernes. Les moyens modernes doivent servir les gens et
les institutions plutôt que les personnes humaines et les institutions se
mettent au service de la technique. Je ne veux pas être plus long, mais
j'ai le sentiment un peu que vos gens vont être obligés de faire
des choix et un de ces choix, cela peut être de former une caisse au
Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le
député de Lévis. En conclusion, M. le ministre.
M. Fortier: Je suis un peu malheureux de ne pas pouvoir conclure
d'une façon plus précise que je ne l'ai fait. Je pense que c'est
la première fois que le problème est posé d'une
façon aussi directe. Robert Middlemiss, le député de
Pontiac, m'avait écrit à ce sujet-là, il y a quelques mois
déjà, cinq ou six mois, et je n'avais pas examiné toute la
dimension du problème. Je crois, au moins, que votre
présentation... Je vous remercie d'être venus à
Québec. C'est rare que des fonctionnaires fédéraux
viennent à Québec pour nous faire part de certains
problèmes. Je vous remercie d'être venus et, même si on ne
le réglait pas par le dépôt du projet de loi maintenant, je
peux vous assurer qu'on va l'examiner parce que j'ai l'impression qu'on va
vivre avec ce problème-là dans l'avenir. On va l'examiner
attentivement. Je vous remercie.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Alors,
au nom des deux groupes parlementaires, je vous remercie pour votre
participation à cette consultation générale sur
l'avant-projet de loi, Loi sur les caisses d'épargne et de
crédit. J'inviterais maintenant la prochaine personne ou le prochain
groupe - je crois qu'il s'agit de la prochaine personne, M. André Cardin
- à bien vouloir prendre place à la table des témoins,
s'il vous plaît. Alors, M. Cardin, vous avez 20 minutes pour faire
l'exposé de votre mémoire. Après l'exposé de votre
mémoire, chacun des deux groupes parlementaires disposera d'une
enveloppe de temps d'une quarantaine de minutes; suivra un échange entre
les parlementaires pour un temps de parole de 10 minutes chacun. Alors, vous
avez 20 minutes pour exposer votre mémoire.
M. André Cardin
M. Cardin (André): D'accord. Avant de commencer, je
voudrais insister auprès des membres de la commission pour dire que je
suis ici en tant que membre et uniquement en tant que membre, et que je ne suis
pas contre les pouvoirs que les caisses demandent indirectement par leurs
fédérations et leur confédération, mais
j'ai quelques réticences au niveau des moyens. Je vais vous
exposer ce que j'en pense, ce qui fait suite au mémoire que je vous ai
soumis.
Permettez-moi d'abord de vous remercier, vous les membres de cette
commission, de m'avoir invité à témoigner concernant
certains aspects de l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et
de crédit, et de vous apporter mon humble et modeste contribution en
tant que membre de quatre caisses populaires. Vous avez sans doute
remarqué, à la lecture de ce mémoire, qu'il s'agit
uniquement de certains aspects pouvant concerner les membres des caisses et,
indirectement, leurs dirigeants. Ce mémoire a pour but surtout de vous
sensibiliser sur le peu de latitude et de possibilités d'intervention
des membres des caisses sur la gestion de leurs fédérations,
confédération et filiales du mouvement Desjardins, de même
que sur la conduite des dirigeants des dits organismes, spécialement en
cas d'abus de pouvoir et de conflit d'intérêts. En effet, le
principe coopératif de commencer par la base pour remonter au palier le
plus élevé est difficile au niveau de sa caisse et inaccessible,
à toutes fins utiles, lorsqu'il s'agit des fédérations et
de la confédération, à moins d'avoir de solides appuis
parmi les dirigeants de ces organismes. S'il y en a parmi vous qui êtes
membres d'une caisse populaire, faites-en l'expérience vous-mêmes
en essayant de demander au conseil d'administration de votre caisse d'avoir de
l'information sur la gestion de votre fédération ou de la
confédération, ou sur la conduite ou l'abus de pouvoir de
dirigeants de ces organismes. Il y a de fortes chances que vous receviez des
réponses évasives ou pas de réponse du tout à vos
questions. Celles-ci se limiteront à votre caisse seulement, je dirais,
dans la majorité des cas. C'est du moins la conclusion à laquelle
j'en suis venu après avoir tenté l'expérience
moi-même. C'est pourquoi, en conséquence, je préconise des
mécanismes au niveau du comité de déontologie ou au niveau
de l'inspecteur général afin que les membres des caisses aient
enfin un interlocuteur valable qui saura les écouter, recevoir leurs
suggestions et revendications, et même leurs plaintes si
nécessaire, concernant l'administration des fédérations ou
de la confédération et sur la conduite, abus de pouvoir et
conflit d'intérêts de leurs dirigeants et cadres
supérieurs, s'il y a lieu.
En outre, vous avez sans doute remarqué que ce mémoire
fait allusion à certaines lacunes concernant la vérification, le
comité de déontologie proposé, la divulgation des
intérêts des dirigeants et le manque de transparence des conseils
d'administration des caisses populaires. Par contre, des suggestions ont
été faites dans ce mémoire pour pallier ces lacunes.
J'aimerais, à ce stade-ci, donner une raison additionnelle justifiant la
proposition que les salaires et autres avantages des officiers
supérieurs et dirigeants des fédérations ou de la
confédération soient publics et divulgués annuellement. En
effet, comme les membres sont propriétaires de leur caisse et
indirectement propriétaires de leur fédération et de la
confédération, il serait normal qu'ils sachent exactement combien
leur coûtent leurs officiers supérieurs et dirigeants en salaires
et autres avantages. Ainsi, ils pourront être plus exigeants envers eux
si ces derniers sont très bien rémunérés, au point
même de leur demander des comptes à l'occasion.
Plusieurs se demandent, spécialement dans les caisses, pourquoi
le gouvernement tient tant à mettre des contrôles dans la refonte
de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit. Certaines
caisses craignent de plus que cela ne nuise dans l'avenir à la promotion
de bénévoles comme futurs dirigeants, ce avec quoi je ne suis pas
d'accord pour les motifs suivants et sur lesquels je vais me faire plus
explicite. Selon moi, des contrôles sont un mal nécessaire dans la
nouvelle loi pour au moins trois bonnes raisons. 1° La demande
d'augmentation de pouvoirs sur toute capitalisation devrait normalement
justifier les obligations de la part du mouvement Desjardins, telles que rendre
compte et accepter certains contrôles pour assurer une saine
administration à ses membres. 2° J'y vois la nécessité
de protéger les membres entre eux. Comme le système
coopératif, contrairement au capitalisme, n'est pas
contrôlé par du capital, mais par des hommes qui, indirectement,
contrôlent beaucoup de capitaux, il est opportun d'assurer par certains
mécanismes qu'une minorité ne fera pas du coopératisme
dirigé et contrôlé, au lieu du coopératif
démocratique, s'éloignant de la coopération, du bien
commun et de l'intérêt des membres de promouvoir leur propre
intérêt. 3° Le bénévolat dans la
coopération et les caisses populaires. En effet, si les caisses
populaires ont grandi et sont devenues ce qu'elles sont aujourd'hui, cela est
dû en bonne partie au bénévolat des membres qui se sont
impliqués comme dirigeants selon la formule coopérative
d'Alphonse Desjardins et il serait dommage qu'il n'en soit plus ainsi dans
l'avenir. Par contre, on rencontre heureusement de plus en plus dans les
coopératives et caisses populaires deux types de bénévolat
sur lesquels je veux élaborer tout en vous donnant leurs
caractéristiques distinctes. J'identifie ces deux types de la
façon suivante: le vrai coopérateur bénévole et le
faux coopérateur bénévole. Première
caractéristique du vrai coopérateur bénévole: il
est du genre Alphonse Desjardins, désintéressé, oublieux
de lui-même pour les autres, humain juste, charitable,
compréhensif, intéressé aux autres et au bien commun,
promoteur de l'équité et de l'égalité,
honnête, humble et modeste Quant aux caractéristiques du faux
coopérateur bénévole, il est - et c'est normal - à
l'inverse du vrai coopérateur. Pour lui, le bénévolat
n'est qu'un prétexte pour promouvoir ses propres intérêts
d'abord et avant tout. Financièrement à l'aise, il a soif de
pouvoir et de richesse. Il préconise le favoritisme, les honneurs et
la
gloire, opportuniste souvent et individualiste, de même
qu'intransigeant.
Ces trois raisons et spécialement la dernière justifient
selon moi l'implantation de certains contrôles pour protéger
l'ensemble des membres et décourager en particulier les faux
coopérateurs bénévoles. En effet, ce ne sont pas les vrais
bénévoles qui appréhendent et craignent ces
contrôles, n'ayant, la plupart du temps, rien à cacher, mais
plutôt ceux de l'autre genre qui, eux, ont le plus à perdre et qui
ne sont pas intéressés à divulguer publiquement leurs
nombreux intérêts.
De plus, contrairement à ce que pensent certaines caisses, ces
contrôles vont permettre, à mon sens, une épuration et un
assainissement des faux bénévoles, ce qui ne peut qu'être
sain pour les caisses populaires, en plus de ramener un peu de
démocratie dans la coopération, comme l'ont d'ailleurs
mentionné le président et le gérant d'une caisse populaire
que j'ai rencontrés dernièrement.
À mon avis, si les conseils d'administration des caisses
populaires n'étaient composés que de vrais
bénévoles, les contrôles préconisés par le
gouvernement n'auraient pas leur raison d'être mais, aussi longtemps que
les caisses auront des bénévoles du deuxième type, les
contrôles seront nécessaires pour protéger l'ensemble des
membres qui sont sujets, entre autres, à des conflits
d'intérêts. Cela semble aller selon moi encore dans les vues du
président du mouvement Desjardins, M. Claude Béland, qui
mentionnait cet été, dans un article de la publication
J'informe, de la Fédération du centre du Québec,
que, pour augmenter la base militante, il fallait revitaliser la
démocratie dans le mouvement et redonner le pouvoir à la
majorité des membres. Serait-ce le signe d'un certain malaise qui existe
présentement et qui confirmerait que, de plus en plus, au ieu de faire
du coopératisme démocratique à la façon d'Alphonse
Desjardins, nous nous dirigeons plutôt vers du coopératisme
dirigé et contrôlé par une minorité qui n'a pas
nécessairement comme objectif principal le bien de ses membres? (21
heures)
En outre, je trouve déplorable, en tant que coopérateur,
que les caisses populaires soient devenues de plus en plus avec le temps, la
concurrence et le développement technologique semblables aux banques
à plusieurs égards, au point même de se faire appeler des
quasi-banques. C'est bien malheureux d'en être arrivé à
cette réalité et de s'éloigner ainsi de la
coopération. Si c'est à cela que certains dirigeants veulent en
venir, ceux-ci devraient le dire ouvertement aux membres et changer leur
appellation, et non le faire sous le couvert de la coopération. Vous qui
êtes députés, vous pouvez également en faire
l'expérience auprès de vos concitoyens de vos comtés
respectifs qui sont membres d'une caisse populaire et leur demander franchement
s'ils voient ou constatent actuellement, aujourd'hui, une différence
profonde entre une caisse populaire et une succursale bancaire. Neuf fois sur
dix, la plupart des gens vous avoueront qu'ils ne voient plus aucune
différence entre une banque et une caisse populaire, et ils n'ont pas
tout à fait tort, malheureusement, dans le contexte actuel où
nous vivons. Ne serait-il pas déplorable s'il fallait qu'à la fin
le coopératisme soit dirigé et contrôlé par un
système de favoritisme et de privilège, soit l'antithèse
de la démocratie pure et simple? Sans vouloir être alarmiste, ce
danger guette nos caisses populaires qui, de plus en plus, perdent des
libertés ainsi que leurs membres au nom de la solidarité d'un
réseau qui devrait supposément compenser la diminution de leur
autonomie. Pourtant, c'est cette même autonomie, l'esprit de
coopération et de partage, les ristournes qui différenciaient
autrefois les caisses populaires des banques.
J'ose espérer, en tant que vrai coopérateur, qu'il n'est
pas trop tard pour effectuer un coup de barre avant que Desjardins ait
entaché la crédibilité et le dynamisme qui ont fait ce
qu'il est devenu aujourd'hui. Plus que jamais il est temps pour le mouvement
Desjardins de prendre les moyens nécessaires à la
réalisation d'un retour au vrai coopératisme démocratique,
tel que préconisé il y a plusieurs années par ses
fondateurs au Québec, en particulier par Alphonse Desjardins qui a mis
de l'avant et a toujours défendu durant toute sa vie les
véritables valeurs de la coopération pour le bien commun.
Ce mémoire que je vous ai soumis découle de
l'expérience acquise à temps plein et à temps partiel
depuis plus de 25 ans dans le domaine de la coopération. Cette
expérience m'a permis d'observer en particulier la façon
d'opérer des caisses populaires, d'y découvrir des forces et des
lacunes au niveau de leur évolution, leur gestion et leur
développement, et en conséquence, dans les limites où vous
m'avez permis de le faire, vous signaler des aspects qui requièrent
votre attention.
Mesdames et messieurs les membres de la commission, j'ose espérer
que vous avez pris connaissance de mon mémoire en toute
objectivité et que vous allez donner suite aux recommandations qui ont
été proposées lesquelles devraient se refléter dans
la nouvelle loi afin de mieux protéger l'ensemble des membres et
sauvegarder la démocratie dans les caisses populaires.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos
questions concernant ce mémoire et je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Cardin. M. le
ministre délégué aux Finances et à la
Privatisation.
M. Fortier: M. Cardin, mes premiers mots sont pour vous
féliciter de venir témoigner publiquement parce que, normalement,
à une commission parlementaire comme celle-ci, ce sont des groupes
organisés qui viennent témoigner.
C'est normal, dans une certaine mesure, qu'on entende ce matin
l'association des banquiers, la Chambre des notaires, l'association des
directeurs de caisses. Mais qu'un individu prenne la peine d'écrire un
document, l'envoie à l'Assemblée nationale et vienne
témoigner publiquement, alors qu'il fait partie de ce mouvement - je
sais que votre témoignage, vous le faites généreusement
sans tenter de gagner quoi que ce soit pour vous, malgré le fait que
certaines personnes pourraient vous en garder ombrage - je dis bravo. Des gens
comme vous, en démocratie, on n'en a pas assez et j'ose espérer
qu'il y en ait plus qui viennent témoigner de leur expérience.
Bien sûr, les membres de la commission vous poseront des questions et
tenteront de discerner votre part de vérité de la
vérité totale. Il n'y a pas un individu qui a toute la
vérité. Je voulais quand même souligner ce courage dont
vous avez fait preuve de venir ici en commission parlementaire dire tout haut
ce que vous pensez puisque, bien souvent, les gens préfèrent le
dire aux voisins sans jamais le dire en public. Je crois que cela dénote
de votre part une certaine dose de conviction.
Bien sûr, vous avez raison, et vous le dites, certaines
réactions à notre avant-projet de loi ont été dans
le sens de dire que le gouvernement allait trop loin, qu'il allait trop loin
dans le contrôle des conflits d'intérêts. Je ne sais pas si
vous avez entendu - et je ne le dis pas méchamment, c'est normal -
certaines personnes dire que nous voulons limiter leur implication dans le
mouvement. C'est normal que les gens cherchent à nous éclairer.
Je ne voudrais pas imputer ici quelque motif que ce soit à quiconque,
mais je crois, vous le dites vous-mêmes, que cette réaction de
dire que le gouvernement va trop loin est normale, eu égard au fait que
pendant de nombreuses années il n'y avait aucun contrôle. Si je
regarde la loi de 1963, il n'y avait aucune disposition sur les conflits
d'intérêts et, de fait, il y a eu un développement du
mouvement Desjardins qui s'est fait. Je vois ici, à la page 4 de votre
mémoire, que vous donnez un exemple, vous parlez d'un cadre
supérieur de la Société d'investissement Desjardins ou
d'un dirigeant de cette entreprise, nommé par sa
fédération pour la représenter, qui détient
personnellement ou son conjoint des actions de Culinar... Vous donnez un
exemple et tout cela, dans le fond, pour indiquer qu'il se tisse des liens, des
intérêts. C'est normal à l'intérieur d'un mouvement,
mais penser qu'on vit au paradis et que personne n'a aucune
préoccupation pécuniaire pour lui-même ou pour ses amis, je
crois que cela serait sûrement pécher par
incrédulité devant la réalité humaine. C'est pour
cela que, bien sûr, cela me porte à vous poser la question
suivante: On m'a dit que vous étiez ce qu'on a appelé la petite
fédération de Montréal...
M. Cardin: Autrefois.
M. Fortier: Justement, il y a des amis que j'ai consultés
qui étaient dans cette petite fédération de
Montréal, qui était une très bonne petite
fédération d'ailleurs, à ce moment-là, et j'imagine
que ce que vous nous dites est le reflet de votre expérience
vécue, mais, sans que vous nous donniez de cas bien précis - on
n'est pas ici pour ternir la réputation de quiconque et ce n'est pas le
motif non plus de ma question - ce que j'aimerais savoir de vous, et je pense
que vous l'avez dit, c'est que, étant donné que vous semblez dire
qu'en ce qui concerne la divulgation publique, en particulier des
intérêts... La plupart des gens qui viennent témoigner
semblent dire ceci: M. le ministre, vous allez beaucoup trop loin;
arrêtez-vous, vous avez perdu les pédales. Est-ce que vous croyez
sincèrement ce que vous dites dans la mesure où vous dites...
Quand je lis votre mémoire, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est
qu'on ne va pas assez loin. Quelle est la part des choses?
M. Cardin: Quand cela demeure démocratique, j'en suis,
mais, quand cela semble aller vers du dirigisme ou du contrôle, j'aime
moins cela, je suis moins rassuré. Par contre, je pense que si les
banques divulguent le salaire de leurs officiers supérieurs, qui ont
maintenant des pouvoirs, ce que demandent les caisses, je ne vois pas pourquoi
les caisses s'offusqueraient de ce que ces choses soient divulguées
également cela va de soi.
M. Fortier: Autrement dit, si dans le rapport annuel de Bell
Canada on peut lire que...
M. Cardin: Exact.
M. Fortier:... M. de Grandpré gagne environ 635 000 $ par
année, on devrait pouvoir lire dans un rapport annuel de Desjardins que
M. Untel président de telle fédération, gagne tant. Ces
dans ce sens-là que vous dites...
M. Cardin: C'est cela.
M. Fortier:... divulgation de la rémunération des
dirigeants du mouvement.
M. Cardin: C'est cela. Et de leurs intérêts.
M. Fortier: Mais cela ne constitue qu'un aspect, cela seraient
les dirigeants les plus élevés.
M. Cardin: Je parlais des officiers supérieurs en
montant.
M. Fortier: C'est parce que votre mémoire sera
peut-être perçu par certains comme étant un peu
négatif. Moi, je ne le prends pas comme étant négatif;
c'est le témoignage d'un individu et c'est votre expérience
à vous. Mais au sujet des directeurs généraux, dans quelle
mesure les
membres influencent-ils réellement les choses dans les caisses,
selon votre expérience? Parce que l'impression que j'ai, moi, c'est que
les directeurs généraux ont maintenant beaucoup de pouvoirs.
M. Cardin: Parlez-vous des directeurs ou de ce qu'on appelle
communément les gérants?
M. Fortier: Les gérants.
M. Cardin: Les gérants. Moi, je vais vous donner mon
opinion et je pense qu'elle est valable. Il faut, à cette
étape-ci, comprendre les gérants et se mettre dans leur peau. La
plupart sinon la majorité ont des contrats limités à un
an, et même le président d'une fédération a le
même problème. Je pense que vous parlez dans votre avant-projet de
mettre les contrats des gérants plutôt...
M. Fortier: Ils seront nommés annuellement.
M. Cardin: Au lieu d'être renouvelé annuellement,
cela pourrait être illimité.
M. Fortier: Dans le projet de loi, c'est 'renommé chaque
année".
M. Cardin: Mais chaque année, j'aimerais mieux...
M. Fortier: La demande des directeurs généraux,
c'est illimité, oui.
M. Cardin: J'aimerais mieux illimité parce que je vais
vous donner deux cas précis qui m'incitent à cela. C'est que,
d'abord, dans le moment, à cause de cela, ils sont obligés de
contrôler leurs membres ou une certaine partie de leurs membres, compte
tenu du nombre qui va aux assemblées, parce que, s'ils ne le font pas,
ils pourraient se faire battre et perdre leur position de gérant lors de
l'assemblée annuelle d'une caisse. Cela les oblige à
contrôler certains de leurs membres et à les avoir un peu de leur
côté avec l'effet que ces gens-là ne sont pas souvent -
cela revient à ce que je disais dans mon mémoire - de vrais
bénévoles, de vrais coopérateurs bénévoles.
Ils sont là pour protéger ce gérant-là. Par contre,
ils peuvent devenir dirigeants et, par la suite même, dirigeants d'une
fédération, alors que, s'ils avaient un contrat illimité,
ils pourraient laisser plus de participation à leurs membres. Parce que
le fait d'augmenter les pouvoirs, je trouve que c'est donner encore plus de
pouvoirs à une minorité qui existe présentement, alors que
les membres devraient avoir plus de participation. Comme le cumul des fonctions
d'administrateur dans les institutions du mouvement, je ne trouve pas bon qu'il
y en ait qui puissent en cumuler sept ou huit. Cela vient prouver qu'ils
veulent contrôler. Si ce n'est pas ce qu'ils voulaient, ils laisseraient
plus de membres devenir dirigeants de ces organismes-là. Alors, c'est le
problème, je pense, que vivent les gérants. Il y a même eu
une expérience où un gérant a été
renouvelé, comme vous le dites. Voyez-vous le danger? Je suis content
que vous le disiez. J'ai vu un gérant congédié
après douze ans. Nécessairement, il l'a pris comme un
congédiement sans raison suffisante et il est allé à la
Commission des normes du travail pour se faire dire que c'était bien de
valeur... Lui, il pensait que c'était plutôt un conflit de
personnalité avec le président et il s'est fait dire que
c'était regrettable. L'arbitre lui a dit: Je ne peux pas vous juger sur
cela. Vous aviez un contrat, il est fini. La caisse, comme administrateur,
n'était pas obligée de renouveler votre contrat et elle n'a pas
de raison à vous donner. C'est aussi grave que cela. Alors, cela veut
dire que c'est la fin de la carrière de cette personne-là.
M. Fortier: Mais c'est parce que, vous savez, dans le secteur
privé... Moi, j'étais dans le secteur privé, dans ce qu'on
appelle un grand bureau de génie-conseil, et il n'y avait personne qui
avait de contrat. Je n'ai jamais connu cela, un contrat.
M. Cardin: C'est cela.
M. Fortier: Je parlais dernièrement à Michel
Bélanger, de la Banque Nationale, et je lui disais: Est-ce que vos
vice-présidents ont des contrats? Ils n'ont pas de contrat. Ce qui me
surprend, c'est que je sais que, dans certains cas, certains gérants se
sont fait donner des contrats de cinq ou de dix ans. Je trouve cela un peu
anormal. Pour quelle raison les gens devraient-ils avoir la certitude absolue
d'avoir un contrat pour un an, deux ans ou trois ans? Je dois vous avouer que
je ne vois pas pour quelle raison dans le secteur privé on aurait une
certaine façon de faire et que dans une caisse populaire les
gérants, qui, comme vous le dites, peuvent avoir une influence assez
importante vis-à-vis des coopérateurs, se feraient signer des
contrats d'un an, deux ans ou trois ans. C'est pour cela que vous me surprenez
en disant: un contrat de durée indéterminée. Ce que nous
voulions ici, c'est-à-dire au moins chaque année que les
coopérateurs décident si le gérant demeure en poste ou non
et éviter que le gérant, par influence sur les
coopérateurs, se fasse signer un contrat de dix ans, comme c'est
déjà arrivé.
M. Cardin: Ma pensée, c'est que s'ils ont... Quand je
parle de contrat illimité, je veux dire qu'ils n'ont pas de contrat.
Ça revient à cela.
M. Fortier: Oui.
M. Cardin: Ils n'ont pas de contrat comme les employés des
caisses n'ont pas de contrat, comme les employés des
fédérations n'ont pas de
contrat. Mais seulement, si je reviens à l'exemple que je vous
donnais tantôt dans le cas de notre gérant, s'il n'avait pas eu de
contrat, il aurait au moins pu obtenir des dommages et intérêts
pour son renvoi sans cause suffisante, ce qu'il n'a pas pu faire étant
donné qu'il avait un contrat.
M. Fortier: Je vous remercie, M. Cardin. M. Cardin: Cela m'a fait
plaisir.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre
délégué aux Finances. M. le député de
Lévis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais demander à
M. Cardin, à la page 4, quand il parle de son exemple d'un cadre
supérieur de la Société d'investissement Desjardins et des
actions de Culinar, c'est un exemple fictif? (21 h 15)
M. Cardin: Oui, oui. Il y en a, mais c'est un exemple comme tant
d'autres. Cela ne veut pas dire que cela s'est fait, mais que cela pourrait se
faire.
M. Garon: Oui, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'actions de
Culinar sur le marché. À toutes fins utiles, il n'y en a pas.
M. Fortier: Quelques-unes, 10 %.
M. Cardin: Mais vous en avez d'autres comme SICO qui
étaient détenues par la Société d'Investissement
Desjardins, qui étaient sur le marché, qui faisaient partie du
programme REA. Non, c'est un exemple fictif, M. Garon.
M. Garon: Dans le fond, vous seriez pour que la situation demeure
comme elle est pour les gérants de caisse populaire?
M. Cardin: Bien, moi, je favoriserais qu'eux n'aient pas de
contrôle, comme n'importe quel autre employé, mais, comme le
disait M. Fortier, que cela se renouvelle tacitement chaque année.
M. Garon: Ce n'est pas ce que M. Fortier dit, lui.
M. Cardin: Non, non.
M. Garon: Lui, dans son projet de loi, il veut que ce soit un
engagement formel chaque année.
M. Cardin: Moi, je préférerais...
M. Garon: Actuellement, c'est un contrat à durée
Indéterminée.
M. Cardin: II y a encore le danger, pour des conflits de
personnalité, qu'un gérant soit démis de ses fonctions et
n'ait aucun recours.
M. Garon: Deuxièmement, vous avez parlé tout
à l'heure de votre expérience à la petite
fédération de Montréal. J'ai eu le sentiment que vous
disiez qu'avant vous étiez là, mais que maintenant...
M. Cardin: Non, moi, c'est une expérience
générale dans la coopération parce que j'ai
travaillé aussi comme bénévole et à temps partiel
dans des caisses populaires qui relevaient de l'autre
fédération.
M. Garon: Puis?
M. Cardin: Alors, c'est une expérience
générale dans... Il y avait des mécanismes qui pouvaient
être différents, mais dans l'ensemble c'était la même
philosophie.
M. Garon: Quand vous dites que les femmes n'occupent pas assez de
place dans les caisses populaires, vous...
M. Cardin: Je vais vous donner un exemple. Dans une caisse
où on a fait une espèce de "survey", on a découvert que 70
% des membres étaient des femmes et qu'aucune femme n'était
représentée au conseil d'administration. Alors, quand je parle de
transparence, moi, je trouve que le mode d'élection devrait changer pour
qu'un certain nombre de femmes membres selon leur proportion soient
élues démocratiquement et qu'il y ait, par exemple, sur sept ou
huit administrateurs, trois postes réservés aux femmes; pas
nécessairement aux femmes, peut-être aux jeunes de 20 ans et plus.
Si ceux-ci représentent, je ne sais pas, 60 % ou 70 % des membres d'une
caisse, ils devraient avoir la même possibilité. C'est dans ce
sens-là.
M. Garon: Vous voudriez, au fond, que la loi empêche les 70
% de femmes d'élire des hommes?
M. Cardin: C'est un peu cela. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Comme voudriez-vous concrètement que cela
s'exprime dans la loi?
M. Cardin: Bien, c'est en réservant selon... Je reprends
ici: "il semble exister une certaine discrimination envers les femmes, compte
tenu de leur fort pourcentage dans les caisses populaires". C'est de donner une
chance aux femmes. Voyez-vous, s'il y avait plus de femmes... J'y vais par
déduction. S'il y avait plus de femmes dans les caisses populaires, II y
aurait peut être plus de femmes dans les conseils de
fédérations et de la confédération. Il faut que
vous soyez d'abord dirigeant d'une caisse pour devenir
dirigeant d'une fédération ou d'une
confédération. Et aussi longtemps qu'il n'y en a pas, elles ne
peuvent pas l'être. C'est une question d'équité et de
participation. Je ne sais pas ce que les membres en pensent mais, moi, c'est
mon opinion.
M. Garon: Moi, je suis assez d'accord avec cela. Je ne sais pas
sur le moyen, étant le père de...
M. Cardin: Vous n'êtes pas misogyne.
M. Garon: Non, j'ai seulement des filles. Je n'ai pas de
garçon.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Je suis en minorité chez nous.
M. Fortier: II ne s'entend pas avec les hommes.
M. Garon: Je suis en train de devenir un défenseur des
femmes par la force des choses.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Pas par idéologie.
M. Cardin: Je pense, M. Garon, que c'est une
réalité qu'on est obligé d'accepter de plus en plus, parce
qu'il y a de plus en plus de femmes qui sont professionnelles, je pense, et qui
veulent s'impliquer. Il faut leur donner la chance, je crois, même si
cela est à notre détriment, je le conçois.
M. Garon: Pardon? Je suis très convaincu de cela et je
peux vous dire une chose. Dans l'organisation politique, je sais qu'il y a des
femmes bien plus efficaces...
M. Cardin: Vous en avez fait l'expérience. Alors, il faut
tenter l'expérience. Il faudrait avoir la possibilité de tenter
l'expérience pour voir si elle est bonne ou mauvaise.
M. Garon: Pourquoi vous qui avez été dans plusieurs
caisses populaires...
M. Cardin: Pardon?
M. Garon: Vous avez été actif dans plusieurs
caisses populaires. À quoi attribuez-vous le fait que les
assemblées générales n'élisent pas davantage de
femmes aux conseils d'administration et dans les différentes structures
des caisses populaires?
M. Cardin: Soit qu'on ne les approche pas ou qu'elles ne se
représentent parce qu'elles n'ont pas été convaincues. Je
ne pourrais pas vous dire exactement les vraies raisons, mais on sent que les
femmes veulent de plus en plus s'impliquer dans leur caisse populaire.
M. Garon: Vous savez qu'historiquement au Québec les
femmes ont été de grandes administratrices. C'était dans
les hôpitaux, les écoles, les communautés religieuses.
Elles ont administré des institutions considérables. Mais c'est
vrai que, quand on arrive dans ce genre d'institution, on dirait qu'il y en a
moins qui sont élues. Je ne sais pas pourquoi.
M. Cardin: On ne sait pas pourquoi, et justement ce que vous
dites, on le voit même dans les budgets familiaux. Qui administre le
budget? Bien souvent, c'est la femme.
M. Garon: À 75 %. Je me rappelle l'enquête de
l'Université Laval en 1962.
M. Cardin: Ce n'est pas l'homme, c'est la femme qui administre.
C'est souvent la femme qui va dire à son mari: On n'a pas les moyens
d'acheter telle affaire, sans cela on va être obligé d'emprunter
à la caisse et on ne sera peut-être pas capable de le
rembourser.
M. Fortier: C'est pour cela que les hommes ne les élisent
pas à la caisse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cardin: Je n'ai pas osé. Ce n'est pas moi qui le
dis.
Le Président (M. Lemieux): Est-ce qu'il y a d'autres... M.
le député.
M. Garon: Vous demandez au sujet de la vérification: La
vérification des livres par des membres du groupe Desjardins a-t-elle,
par le passé, causé des préjudices aux membres et à
l'intérêt public en général. Quand vous parlez de
prendre des officiers publics...
M. Cardin: Je parle des comptables agréés. M.
Garon: Oui, les comptables agréés. M. Cardin: Qui
n'ont aucun intérêt. M. Garon:...
M. Cardin: II ne faudrait pas... Ils peuvent être membres
d'une caisse, mais pas membres d'un conseil.
M. Garon: Oui.
M. Cardin: Ils pourraient avoir certaines directives. En d'autres
mots, je vois mal les employés qui se trouvent à vérifier
leurs patrons - je parle des employés de la confédération
- ce qui ne peut que les mettre dans une
position délicate, embarrassante et même intenable dans le
cas d'abus de pouvoir, conflit d'intérêts et fraude. C'est leurs
jobs qui sont en jeu à ce moment-là. Je ne sais pas si vous
réalisez?
M. Garon: Les jobs de qui?
M. Cardin: Cela pourrait être leurs jobs qui soient en
jeu.
M. Garon: Les jobs de qui?
M. Cardin: Des employés de la confédération
qui vérifient.
M. Garon: En quoi leurs jobs seraient-elles en jeu quand ils font
leur travail de vérification?
M. Cardin: S'ils vérifiaient et constataient des abus de
pouvoir ou des anomalies, à ce moment-là, ils seraient un peu mal
placés pour divulguer cela, à l'inverse d'un comptable public
qui, lui, est objectif. Il n'est pas en conflit d'intérêts, il ne
travaille pas pour la confédération ou pour une
fédération.
M. Garon: Vous ne pensez pas que l'inspecteur de la
fédération ou de la confédération a
intérêt à faire corriger, justement, les lacunes qu'il peut
observer au cours de son inspection?
M. Cardin: Oui, mais il est toujours un employé de ses
patrons, les mêmes patrons qu'il vérifie.
M. Garon: Mais pas de la caisse locale, il est employé
à un niveau supérieur.
M. Cardin: Non, quand c'est au niveau, par exemple, d'une
confédération ou qu'il vérifie une
fédération. N'oubliez pas que les caisses sont
propriétaires des fédérations et, indirectement, des
confédérations. Ce sont quand même les mêmes
propriétaires.
M. Garon: Voulez-vous dire par là que l'ensemble des
caisses pourraient faire congédier un inspecteur qui aurait voulu faire
corriger la situation dans deux, trois, quatre ou cinq caisses locales qu'il
aurait trouvées non conformes à ce qui devrait être fait
sur le plan de la comptabilité? J'ai l'impression que l'ensemble du
mouvement serait heureux que cet inspecteur fasse corriger la situation.
M. Cardin: C'est toujours le principe qu'ils se vérifient
entre eux. Ce sont les mêmes qui se vérifient entre eux et non par
quelqu'un de l'extérieur.
Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre
délégué aux Finances et à la Privatisation.
M. Fortier: J'aimerais revenir, M. Cardin, à votre
recommandation sur la composition des comités de déontologie. Je
dois admettre que là vous allez beaucoup plus loin que nous. Je ne suis
pas certain que je voudrais aller dans cette direction. Vous dites, dans le
fond, que la composition du comité de déontologie d'une
fédération devrait plutôt être confiée
à un organisme neutre du gouvernement, comme l'Office des professions ou
une corporation professionnelle. Je ne sais pas si vous avez entendu la
discussion qu'on a eue cet après-midi quand on discutait avec les
directeurs généraux.
M. Cardin: Non.
M. Fortier: On se disait: Les comités de surveillance,
dans la nouvelle loi, deviennent des comités de déontologie et on
veut s'assurer, en spécifiant qui a le droit de faire partie des
comités de crédit ou des comités de déontologie,
d'une certaine objectivité pour ne pas que ce soit les mêmes
personnes qui se jugent elles-mêmes.
M. Cardin: C'est dans ce but-là.
M. Fortier: Ici, vous semblez dire: Ne faites pas ça.
Allez même chercher des gens de l'extérieur. Là, je trouve
que vous allez pas mal loin.
M. Cardin: Quand je parle de l'extérieur, je ne parle pas
complètement de l'extérieur, mais parmi les 2 000 000 de
membres.
M. Fortier: Ah!
M. Cardin: Je crois que c'est bien dit.
M. Fortier: Ah oui! Oui.
M. Cardin: Voyez-vous, je dis de laisser cela à un
organisme neutre du gouvernement, par exemple, à l'Office des
professions qui nommerait pour un mandat de trois ou cinq ans, après
acceptation mutuelle du gouvernement et des organismes coopératifs
concernés, des personnes à même les 2 000 000 de membres.
Ceux-ci ne seraient pas rémunérés afin d'être
indépendants et objectifs dans leurs fonctions et ils n'auraienl droit
qu'au remboursement de leurs frais.
Maintenant, je me suis rendu compte par après qu'il y a
peut-être une objection qu'on ne m'a peut-être pas
soulignée, mais je crois, et vous me corrigerez si je me trompe, qu'ur
comité ne peut être formé que parmi les dirigeants des
conseils d'administration. Est-ce que je suis correct?
M. Fortier: Pardon?
M. Cardin: Un comité ne peut être formé
que des dirigeants des conseils d'administration. Quand on parle d'un
comité de déontologie.
M. Fortier: Des membres du conseil... Est-ce exact, M. Bouchard?
Ce sont les membres du conseil d'administration qui...
M. Cardin: Alors, à ce moment-là, pour pallier
à un comité, je prônerais... Et je pense que M.
Béland a, du moins, la même philosophie, pas nécessairement
pour ça, mais il veut de plus en plus se servir de commissions; cela
pourrait être des commissions permanentes de déontologie. Ces
personnes peuvent être prises à l'extérieur des dirigeants,
mais elles demeureraient des membres de caisses qui peuvent être
objectifs n'ayant aucun intérêt comme dirigeants.
M. Fortier: M. Cardin, en terminant pour moi, parce que je pense
qu'on a fait le tour du dossier, n'êtes-vous pas un peu négatif,
si on veut jouer... La présentation que vous faites du mouvement est un
peu négative dans une certaine mesure. Est-ce que cela reflète...
Comme de raison, vous êtes là à titre individuel, donc vous
vous représentez vous-même à titre individuel,
courageusement, ha, ha, ha!
M. Cardin: C'est un son de cloche d'un membre qui, comme vous
disiez, vous dit ouvertement ce que beaucoup pensent tout bas. Je dis bien dans
mon mémoire: Ce mémoire se veut objectif et non critique du
mouvement Desjardins, mais, par contre, soucieux de corriger certaines lacunes
quant à la vérification, etc. Comme je le disais d'ailleurs au
début, je ne suis pas contre les nouveaux pouvoirs, au contraire, si
cela peut aider à promouvoir les caisses populaires. Mais, une chose, si
vous vous souvenez, la loi actuelle remonte à 1963 et, 25 ans plus tard,
on se retrouve en 1988 et les caisses ont beaucoup évolué et
leurs membres aussi. Je pense qu'il y a plusieurs milliards, alors qu'on
parlait peut-être de seulement quelques millions en 1963, qui doivent
être bien gérés et c'est la raison pour laquelle il faut
certains contrôles, même si certaines personnes ou certaines
caisses ne sont pas d'accord. C'est mon point de vue et il semble être
partagé par d'autres. C'est à vous de décider si c'est une
bonne chose ou non.
La raison pour laquelle je suis ici, c'est que je me dis que c'est une
occasion. On modifie la loi sur les caisses à tous les 25 ans et on ne
sera probablement pas là la prochaine fois quand on la révisera
à nouveau, mais c'est une occasion parce que ce n'est pas par
après que ce sera fait, et à ce moment-là, les gens
pourraient dire: Pourquoi ne nous l'avez-vous pas dit? Là, au moins,
cela a été dit. S'il n'y a rien de fait et s'il arrive des
choses, surtout dans le décloisonnement, vous savez comme moi que ce
sont les membres qui paieront pour la mauvaise gestion parce que l'argent
appartient aux membres.
M. Fortier: Vous avez raison. J'indiquais cet après-midi,
et je pense que vous n'étiez pas ici, que j'ai relu la discussion qui a
eu lieu à l'Assemblée nationale en 1963; il n'y avait pas eu de
commission parlementaire comme celle-ci, mais plusieurs sujets
présentement étudiés, entre autres comme celui portant sur
la question des conflits d'intérêts, n'avaient pas eu
d'écho à ce moment-là parce que la dimension du mouvement,
le décloisonnement n'avait probablement pas encore joué. On se
rend bien compte maintenant que, dans la mesure où on favorise le
décloisonnement, il faut avoir des règles un peu plus strictes.
Je suis favorable au décloisonnement, je ne m'en cache pas, mais j'ai
toujours indiqué que, étant favorable au décloisonnement,
if fallait quant même entourer ce décloisonnement de règles
beaucoup plus précises. (21 h 30)
En tout cas, je vais vous remercier de votre témoignage.
D'ailleurs, comme vous le dites, je prends votre témoignage comme venant
d'une personne qui a oeuvré au sein du milieu coopératif et qui
veut du bien au mouvement coopératif. J'ose espérer qu'on ne vous
en tiendra pas trop rigueur. Si jamais on vous faisait du mal, venez me
voir.
M. Cardin: Je n'y manquerai pas, mais je ne croirais pas. Si cela
arrivait, M. Fortier, ce serait un signe qu'il n'y a pas de démocratie
dans les caisses populaires.
Le Président (M. Lemieux): Merci, M.
Cardin. Merci, M. le ministre délégué aux
Finances et à la Privatisation. M. le député de
Lévis.
M. Garon: Travaillez-vous pour...
Le Président (M. Lemieux): En conclusion.
M. Garon: Non, on n'est pas en conclusion...
Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse.
M. Garon: Ce n'est pas parce que le ministre a conclu que
je...
Le Président (M. Lemieux): Oui, c'est vrai, M. le
député de Lévis, vous avez vos dix minutes.
M. Garon: Est-ce que vous travaillez pour le mouvement
Desjardins?
M. Cardin: Oui, comme je vous le disais, depuis 25 ans. J'ai
travaillé dans des caisses populaires comme bénévole,
alors qu'elles se fondaient; on travaillait trois soirs par semaine à
des salaires de 15 $ par mois. C'était réellement du
bénévolat, si ce n'est pas être missionnaire. Aujourd'hui,
on est content de voir que le bénévolat a pu aider à
promouvoir le mouvement.
J'ai travaillé, comme M. Fortier le mentionnait, dans la petite
fédération de Montréal. Je travaille, actuellement, comme
employé d'une fédération. Comme je le disais tantôt
- je voudrais que ce soit très clair - je ne suis pas ici en tant
qu'ex-employé de caisse ou d'une fédération, mais en tant
que membre, uniquement.
M. Garon: Dans le projet de loi, il y a des restrictions
concernant les employés des caisses pour occuper des fonctions
administratives aux commissions de crédit, aux conseils de surveillance,
aux postes de président et de vice-président dans les
fédérations. Qu'est-ce que vous en pensez? Je ne sais pas si vous
étiez ici cet après-midi; vous n'étiez pas ici, cet
après-midi.
M. Cardin: Non, je n'étais pas ici, je suis arrivé
ce soir.
M. Garon: Les directeurs de caisse populaire nous disaient que,
si l'avant-projet de loi - parce qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi -
était adopté de cette façon, cela ferait en sorte
qu'à plusieurs conseils d'administration ou à des commissions de
crédit ou des conseils de surveillance seraient éliminés
des gérants de caisse qui apportent leurs connaissances. Qu'est-ce que
vous en pensez?
M. Cardin: C'est vrai dans un sens, parce qu'il faut bien
admettre que les directeurs de caisse, directeur généraux ou
gérants, sont les gens qui sont, comme on le dit, en guerre, sur le
front, "in the front". Ils connaissent pas mal toutes les situations. Par
contre, il pourrait y avoir aussi un danger de conflit d'intérêts.
Je peux vous donner un exemple que j'ai vécu à la petite
fédération. À un moment donné, je m'occupais de
placements. On devait mettre des normes de placement pour les caisses, ce qui
devait maintenir... C'était en obligations du Canada. Il y avait deux
personnes qui étaient administrateurs et qui étaient au
comité de placements; elles aidaient à fixer ces normes. Elles se
disaient: Toi, qu'est-ce que cela va faire chez vous si on fait cela? L'autre
disait: Si on fait cela chez nous, cela va être telle affaire. J'ai dit:
Je ne comprends pas. Vous dites que vous n'êtes pas en conflit
d'intérêts pour fixer des normes pour l'ensemble des autres
caisses qui font partie de cette fédération. Alors, pour elles,
elles ne voyaient pas, mais je trouvais qu'elles étaient en conflit
d'intérêts. Elles regardaient ce que cela ferait à leur
caisse, pour elles-mêmes, alors...
M. Garon: Comment, pour "elles-mêmes"?
M. Cardin: Pour elles-mêmes, pour leur propre caisse. Si
elles mettaient tel contrôle, elles ne répondraient pas aux
normes. Alors, elles ont dit: Pour qu'on réponde aux normes, il faudrait
mettre telle ou telle chose qu'on aurait le droit d'avoir dans notre
portefeuille. Voyez-vous? Alors, cela ne devient pas quelque chose qui est une
norme pour tout le monde, cela devient une norme spécifique pour une
caisse et pour une autre; les autres vont être obligées d'oeuvrer
avec cela. Je donne un exemple.
M. Garon: Ce n'étaient pas des conflits
d'intérêts personnels...
M. Cardin: Cela peut être un danger de conflit,
c'est-à-dire qu'ils prennent l'intérêt de leur caisse au
lieu de prendre l'intérêt de toutes les caisses. Ils prennent
l'intérêt de leur caisse d'abord, à ce moment-là,
alors qu'ils sont là comme administrateurs d'une
fédération pour prendre l'intérêt de l'ensemble des
caisses.
M. Garon: Mais ce n'étaient pas des conflits
d'intérêts personnels.
M. Cardin: Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.
M. Garon: Non, non, vous vouliez dire que le gérant d'une
caisse...
M. Cardin: Je donnais seulement un exemple...
M. Garon:... défendait sa caisse.
M. Cardin: Je vous donnais seulement un exemple que parfois cela
devient difficile de prendre une certaine décision objective
étant donné qu'ils sont directement ou indirectement
impliqués. Ce n'est pas facile de dire: À cause de cela, est-ce
qu'on doit les garder ou ne pas le leur permettre? Ils pourraient faire partie
d'ur comité ad hoc qui pourrait, je dirais, renseigner sur certaines
situations les dirigeants qui, eux, ne seraient pas des directeurs. Ce serait
peut-être une solution. Maintenant, est-ce qu'ils seraient d'accord?
C'est un autre point de vue.
M. Garon: Quand vous parlez de pouvoirs additionnels à
l'Inspecteur général des institutions financières, dans
votre esprit est-ce qu'il s'agit d'un système qui est différent
de celui des banques ou si c'est un système qui est plus
sévère que celui des banques?
M. Cardin: Non. La lacune que je déplore des caisses
populaires ou de la formule coopérative, si vous voulez, c'est qu'on
part de la base pour aller en haut. Alors, si vous avez des informations et que
vous voulez avoir, comme je le disais dans mon mémoire, des
réponses à des questions concernant les fédérations
qui sont à un stade plus haut, bien souvent vous n'arrivez pas à
avoir ces réponses-là. Si vous aviez un interlocuteur qui
pourrait être l'inspecteur général, si vous n'avez pas vos
réponses par votre caisse, parce qu'il faut qu'ils les demandent
à
leur fédération ou à la
confédération, vous pourriez l'avoir par l'intermédiaire
de l'inspecteur général qui, lui, irait chercher les
réponses à vos questions.
M. Garon: J'en ai perdu un bout parce que cela parlait trop
à ma droite. Je ne sais pas si vous pourriez...
M. Cardin: Je veux dire que l'inspecteur général
pourrait servir, comme je le disais, un peu d'ombudsman dans le sens qu'il
serait là pour répondre aux questions si le membre n'a pas pu
avoir les réponses de sa caisse, pas nécessairement uniquement
concernant sa caisse, mais concernant sa fédération ou sa
confédération.
M. Garon: Quel genre de questions? M. Cardin: À
cause des intermédiaires. M. Garon: Quel genre de questions?
M. Cardin: Des questions sur la gestion de leur
fédération ou de la confédération ou sur des
possibilités d'abus de pouvoir ou de conduite de la part des dirigeants
de ces organismes-là. Comme je vous le disais tantôt, les membres
sont propriétaires de leur caisse et, indirectement, ils sont
propriétaires de leur fédération et, indirectement, ils
sont propriétaires de leur confédération. Alors, ils
devraient avoir le droit de demander des comptes, si mon processus est
logique.
M. Garon: Est-ce que ces questions-là étaient
posées aux assemblées générales des caisses
où vous êtes allé?
M. Cardin: Oui, et je vais vous dire que je suis allé dans
une et j'ai été abasourdi - c'est une réflexion
personnelle. Le président, qui est un gérant, je ne le nommerai
pas, d'une commission de surveillance, s'est levé lors d'une question
pour dire: Ce que dit notre président et ce que fait notre
président, on n'a pas besoin de le vérifier. Soit que ce
bonhomme-là donnait cette raison-là comme politique pour
être sur le bon côté étant donné qu'il
était gérant, je ne sais pas, mais il reste qu'à mon sens
il n'était pas à la bonne place comme président du
comité de surveillance. Si j'avais été président,
j'aurais voulu être vérifié et contrôlé.
Pourquoi pas? Tout le monde devrait l'être. Ce n'est pas parce que l'un
est président qu'il ne doit pas l'être plus que l'autre, à
mon sens.
M. Garon: Est-ce qu'il a été réélu
par l'assemblée générale comme président du
comité de surveillance?
M. Cardin: Non, cela a été sa dernière
année.
M. Garon: Les gens ont compris que, s'il ne surveillait pas, ils
étaient mieux de ne pas le réélire.
M. Cardin: Peut-être. Mais il ne s'est peut-être pas
représenté non plus. Cela faisait un certain temps qu'il
était là. Je vous donne un exemple. C'est un cas. Cela ne veut
pas dire que tout le monde serait comme ça. C'est un danger. C'est
toujours une possibilité. On a affaire à des personnes. Je vous
le disais tantôt. C'est bien important ce que j'ai mentionné
tantôt, à savoir que, dans les caisses populaires ou les
coopératives, c'est un contrôle d'hommes par des hommes et non un
contrôle de capital. C'est cela l'important. C'est la philosophie d'une
coopérative, je pense. C'est voulu comme ça. Tant que cela est
fait démocratiquement, je ne pense pas qu'il y a des problèmes.
Comme M. Fortier le mentionnait, en 1963, il y avait peut-être plus de
vrais bénévoles coopérateurs qu'aujourd'hui.
M. Fortier: Je n'ai pas dit cela.
M. Cardin: Non, mais vous vouliez dire qu'il n'y avait pas
nécessité de plus de contrôle à ce moment-là.
S'il n'y avait pas nécessité de contrôle, c'est
peut-être qu'on avait seulement des vrais coopérateurs
bénévoles et, en plus, ce n'était pas aussi gros; cela
n'en demandait peut-être pas autant qu'aujourd'hui.
M. Fortier: Ce que j'ai dit, c'est qu'à l'Assemblée
nationale, en 1963, on n'avait même pas abordé ce problème,
probablement parce que ce n'était pas nécessaire de l'aborder.
Mais, maintenant, cela a pris une autre dimension et je pense que, si on en
discute, c'est probablement parce qu'il faut faire quelque chose.
M. Cardin: Avec raison.
Le Président (M. Lemieux): II vous reste une minute...
M. Garon: Avez-vous d'autres choses à rajouter?
Le Président (M. Lemieux):... M. le député
de Lévis.
M. Cardin: Pardon?
M. Garon: Voulez-vous rajouter d'autres choses?
M. Cardin: Non, c'est tout. Moi, ce que je souhaite, c'est une
plus grande participation des membres dans l'administration de leur caisse et
de leur fédération.
M. Garon: Ah!
M. Cardin: À ce moment-là, il y aurait
moins de possibilité qu'une minorité contrôle et
dirige les institutions.
M. Garon: J'ai bien l'impression que c'est le voeu
général qu'il y ait plus de membres qui assistent aux
assemblées générales, un peu comme je suis persuadé
que le pape aimerait mieux que les catholiques aillent plus souvent à la
messe.
M. Cardin: C'est cela.
M. Garon: Qu'est-ce que vous voulez, c'est bien difficile de
forcer quelqu'un à aller à l'assemblée
générale. Dans les partis politiques également, quand on
fait l'assemblée générale, on aimerait bien des fois avoir
plus de monde mais on en a moins.
M. Cardin: Mais il y aurait peut-être des moyens pour les
inciter à participer davantage, vous le savez.
M. Garon: Pardon?
M. Cardin: II pourrait y avoir des moyens pour que les membres
participent plus.
M. Garon: Quels moyens voyez-vous?
M. Cardin: Je ne sais pas, pour les intéresser plus
à la coopération. Bien souvent, ce sont peut-être des gens
qui ne connaissent pas la coopération et qui ne veulent pas s'impliquer
plus qu'il ne le faut, vous le savez. Alors, ils n'ont pas le feu sacré,
comme on dit. Je pense que M. Béland aimerait qu'il y ait plus de
participation. Je pense que c'est un voeu qu'il a déjà
formulé et moi je suis d'accord avec cela.
M. Garon: Avez-vous senti, comme vous le mentionniez en parlant
de M. Béland, qu'actuellement il y a une recherche pour avoir plus de
coopération ou plus d'esprit coopératif dans le mouvement
coopératif?
M. Cardin: Oui, je le pense, moi. Parce qu'il est un homme - il
l'a dit quand il a été nommé - qui a toujours vécu
de la coopération; il en a même mangé quand il était
plus jeune, son père étant président d'une caisse tout en
étant un homme d'affaires. Il en a mangé de la
coopération. Alors, il a vécu avec cela; c'est pourquoi on n'a
pas besoin de le convaincre.
M. Garon: Non, je ne veux pas dire... Mais, sur le plan...
M. Cardin: Mais il a eu l'idée qu'il devrait...
M. Garon: Vous, étant à l'intérieur du
mouvement actuellement...
M. Cardin: Oui.
M. Garon:... sentez-vous qu'il y a une recherche pour stimuler
l'esprit coopératif et de quelle façon cela se fait-il,
d'après vous?
M. Cardin: Je ne le pense pas; moi, je ne vois pas plus d'effort
que cela. On se demande si cela n'est pas voulu tel que c'est. Les efforts
qu'on fait pour la participation, moi, je ne les sens pas, en tout cas. C'est
la question que vous me posez?
Le Président (M. Lemieux): Votre temps de parole est
terminé, M. le député de Lévis. M. le ministre,
avez-vous des questions?
M. Fortier: Juste une question sur la participation. Je suis
d'accord avec le député de Lévis pour qu'on organise des
assemblées politiques. Je vais être bien franc. D'ailleurs, cela
me désole toujours de voir que les curés se désolenl du
fait qu'il n'y a pas plus de monde qui va à la messe. Quant à
nous, dans le comté d'Outremont quand nous avons 150 personnes sur 1100
membres à l'assemblée annuelle, nous sommes bien heureux. Je ne
sais pas si mes collègues ont une meilleure performance. Mais, lors des
réunions annuelles d'une caisse populaire, pourriez-vous me donner des
chiffres sur le nombre de membres? Si on prend une caisse populaire, combier y
en a-t-il qui se présentent?
La question que j'aimerais poser est la suivante: Si on exclut ceux qui
sont salariés parmi les membres, combien y a-t-il de membres qui sont
vraiment des membres non salariés qui assistent à la
réunion annuelle?
M. Cardin: Même là, cela varie, mais la proportion
est très faible. Elle est toujours faible mais plus forte, par exemple,
s'il s'agit d'une caisse... Par exemple, si vous avez une caisse de 12 000
membres, vous allez avoir 700 membres mais c'est très faible, par
rapport à l'autre de 5000 membres qui en a 50. Cela se vaut, à ce
moment-là. Mais la proportion n'est malheureusement pas forte. Moi, j'ai
remarqué une chose J'ai remarqué que quand cela va bien...
M. Fortier: Donnez donc des chiffres. M. Garon: Vous avez
parlé de 600 ou 700.
M. Cardin: Non, il peut y avoir 600 ou 700 membres. J'ai vu cela
dans une caisse de 12 000 ou 13 000 membres.
M. Fortier: Et combien y avait-il de gens qui allaient à
l'assemblée annuelle?
M. Cardin: Peut-être parce qu'ils donnaient un
téléviseur à la fin, cela on en a déjà
parlé. Par contre, j'ai vu d'autres assemblées ou entendu parler
d'autres assemblées où il y avait beaucoup plus de membres. Mais
c'est parce qu'il y avait eu un problème, cela allait mal. Tant que
cela va bien, les gens s'impliquent moins, mais, quand cela va mal, les
gens s'impliquent plus, parce qu'ils sont peut-être plus informés.
Les membres se le disent entre eux. C'est peut-être une
conséquence.
M. Fortier: Je vous remercie. M. Cardin: Très bien.
M. Fortier: Vous êtes bien aimable. M. Cardin: Cela me fait
plaisir.
Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions
pour votre participation à cette consultation générale sur
l'avant-projet de loi sur les caisses d'épargne et de crédit.
Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 44)