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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du budget et de l'administration entreprend ses travaux.
Je rappellerai maintenant le mandat de la commission. La commission du budget
et de l'administration poursuit aujourd'hui sa consultation
générale afin d'étudier l'opportunité de maintenir
en vigueur et, le cas échéant, de modifier la Loi sur les valeurs
mobilières, conformément à l'article 352 de ladite loi et,
concurremment, d'examiner l'avant-projet de loi sur les valeurs
mobilières.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet
(Beauce-Nord) remplacera M. Lemieux (Vanier).
Le Président (M. Gobé): Très bien. Merci
beaucoup.
Je ferai maintenant lecture de l'ordre du jour. Nous allons entendre, ce
matin, à 10 heures, le Comité de défense des investisseurs
des Marronniers de Laval; à 11 heures, la Bourse de Montréal;
à 12 heures, M. Carmand Normand. A 13 heures, nous suspendrons
jusqu'à 15 heures. Par la suite, nous reprendrons pour entendre la
Commission des valeurs mobilières du Québec et, enfin, à
16 heures, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières
du Québec et, à 17 heures, ajournement.
J'appelle maintenant le Comité de défense des
investisseurs des Marronniers de Laval. Veuillez prendre place à la
table, s'il vous plaît.
Le Président (M. Chagnon): Bonjour, messieurs. Je voudrais
vous rappeler les règles d'usage à cette commission. Vous aurez
20 minutes pour faire votre exposé. Si, toutefois, vous aviez besoin de
plus de 20 minutes, avec le consentement du parti ministériel et de
l'Opposition, vous pourriez avoir plus de 20 minutes; toutefois, nous avons une
enveloppe de 60 minutes. Si vous prenez plus de 20 minutes, le temps
pris...
M. le député de Lévis, s'il vous plaît, je
vais finir d'exposer...
M. Garon: Ce n'est pas ça, l'entente. Vous continuez
à le répéter malgré ce qu'on a dit. Cela fait
quatre fois que je vous le dis.
Le Président (M. Chagnon): Justement, l'entente que j'ai
ici, c'est exactement ce que je viens de dire.
M. Garon: Non. L'entente, c'est 20 minutes, 20 minutes, 20
minutes. S'ils veulent prendre plus, le reste du temps, sur les 60 minutes, est
réparti également entre le parti ministériel et
l'Opposition. Il n'y a pas besoin d'autorisation; s'ils veulent prendre 30
minutes, 40 minutes, ils le peuvent.
M. Fortier: Je ne suis pas d'accord, ce n'est pas ce qui a
été convenu.
Le Président (M. Chagnon): Ce que j'ai dit, c'est
exactement ce que vous venez de dire, sauf que ça doit se faire sur
consentement, si nos invités veulent dépasser les 20 minutes
prescrites. Vous avez 20 minutes, vous pouvez dépasser les 20 minutes
sur consentement et il y aura 20 minutes pour chacun des deux partis, le parti
de l'Opposition et le parti ministériel, pour commenter votre
mémoire ou vous interroger. Vous pourriez peut-être vous
présenter et présenter vos collègues.
Comité de défense des investisseurs des
Marronniers de Laval
M. Pinard (Yvon): Le Comité de défense des
investisseurs des Marronniers de Laval veut remercier la commission d'avoir
accepté de nous entendre, nous, les petits investisseurs. Je vais vous
présenter M. Richard Hains, membre du comité et de
l'exécutif, M. Pierre Raymond, et notre procureur, à ma gauche,
Me Michel Jolin.
D'abord, qui sommes-nous, le Comité de défense des
investisseurs des Marronniers de Laval? Nous sommes 540 petits investisseurs
qui avons acheté 1461 parts à 5000 $ l'unité pour un
investissement de 7 300 000 $ dans trois sociétés en commandite
distinctes: les Marronniers de Laval, Phases I, II et III, qui sont des
résidences pour personnes âgées et dont le promoteur
était le groupe Paré. Nous représentons des citoyens
ordinaires, des petits épargnants québécois, des petits
investisseurs. Les 540 personnes que nous représentons ont
répondu à l'appel du Québec en vue d'investir leurs
épargnes et ils ont même emprunté pour faire ces
investissements en vue de participer à l'économie du
Québec.
Qui sommes-nous en termes de regroupement? 40 % à peu près
de salariés, 40 % environ de professionnels et 20 % de personnes
retraitées. L'investissement moyen est entre 10 000 $ et 15 000 $ par
investisseur. Nous étions conscients du risque d'un tel investissement,
mais nous avons fait confiance au système, considérant surtout
que le promoteur garantissait son produit en s'appuyant sur l'approbation et la
reconnaissance qu'il avait reçues de la Commission des valeurs
mobilières. Je pense que la majorité des investisseurs, partant
de là, avait une tendance à faire confiance. Jamais nous ne
nous sommes douté que ces investissements, notre argent, nos
économies et même l'argent de nos emprunts disparaîtraient
comme cela et que nous deviendrions à un moment donné, ni plus ni
moins, des otages parce qu'il y avait eu, à notre avis, un manque de
contrôle et de surveillance.
Voici une illustration rapide de cela. Un couple à la retraite a
investi ses économies, a même emprunté et, pour
réussir à faire face aux engagements qu'il a pris, se doit de
limiter une aide requise a domicile - une aide familiale - qui lui coûte
65 $ par semaine. Il a dû même changer de loyer, alors il payait
525 $ par mois, pour s'en aller dans un loyer de deuxième étage
à 400 $ par mois, afin de pouvoir faire face aux obligations de
remboursement de l'emprunt il avait réalisé.
Notre objectif aujourd'hui - on n'a pas de solution à proposer,
on n'a pas de recommandation spécifique à faire - c'est de faire
part de notre situation à la commission, au gouvernement parce qu'elle
illustre la nécessité pour le gouvernement, à notre avis,
de mettre en place des moyens et des structures de contrôle efficaces
pour protéger le petit investisseur qui, pour nous, risque fort
d'être ruiné par ces investissements faits de bonne
volonté.
On n'a pas de mémoire à déposer. On n'avait pas les
structures et la capacité d'en préparer un. À l'heure
actuelle, nos énergies, nos efforts, notre argent sont davantage
centralisés vers notre propre défense. Nous avons réuni
à peu près 100 000 $ pour nous défendre, pour essayer de
protéger nos intérêts et nos investissements. C'est la
situation dans laquelle se trouvent 540 petits investisseurs
québécois.
Je laisse la parole à Richard Hains pour vous faire part un peu
des démarches qu'il a pu faire avant que le comité de
défense se constitue. Richard.
Le Président (M. Chagnon): On vous remercie, M. Pinard. M.
Hains.
M. Hains (Richard): Bonjour. Je vais raconter mon histoire. C'est
à peu près la même histoire pour tout le monde, pour tous
les membres du comité. À la mi-avril 1988, j'ai emprunté
20 000 $ pour acheter quatre parts dans la société en commandite
les Marronniers de Laval, Phase III. Cinq mois plus tard, on a commencé
à avoir des nouvelles inquiétantes des autres projets de M.
Paré et, en plus, il y avait le retard des Phases II et III de Laval. En
octobre, on a appris qu'il y avait une poursuite d'autres Investisseurs
menés par M. Réjean Doyon contre M. Paré. J'ai
commencé à faire mes recherches personnelles. J'ai fait une
série d'appels téléphoniques. J'ai commencé avec le
groupe Paré et, d'après eux, tout allait bien. À chaque
communication avec le groupe Paré, c'était la même chose:
Tout allait bien. J'ai parlé au notaire Dagenais, le fiduciaire. J'ai
parlé au reporter de Radio-Canada et à un du journal Les
Affaires. J'ai même essayé de contacter le juge qui a entendu
le procès Paré vs Doyon J'ai parié à First City
Trust, le créancier du projet. Entre septembre et novembre, j'ai
parlé à plusieurs reprises à la CVMQ. J'ai parlé
à un total de dix personnes, dans sept services différents. Je
n'ai eu aucun renseignement concernant les Marronniers. On m'a passé de
l'un à l'autre et, finalement, quand cela allait très mal, vers
la fin de novembre, j'ai essayé de savoir pourquoi la CVMQ avait
approuvé un tei prospectus. On m'a dit que la CVMQ s'assure seulement
que les chiffres sont !à, mais pas du tout de leur exactitude.
Effectivement, la CVMQ a nié toute responsabilité dans la
protection des investisseurs. Finalement, j'ai contacté Réjean
Doyon et son avocat, Serge Guérette, qui se sont regroupés pour
se protéger dans les autres projets de M. Paré. À une
réunion de ce groupe, j'ai rencontré les autres membres. On a
fait à peu près la même chose. On a décidé de
se regrouper et de former un comité. Le 20 novembre, on a
convoqué une réunion pour former le comité de
défense des Marronniers.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Hains. M. Pinard,
vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Pinard: Oui, je vais poursuivre la présentation.
Après, je céderai la parole à Me Jolin, si vous le
permettez.
À la suite de ce regroupement, la première démarche
du comité a été de tenter d'obtenir la liste des
investisseurs, puisque nous ne nous connaissions nullement, promoteur, tuteur,
adjoint du tuteur. Nous n'avons pas réussi. Il m'a fallu me
présenter personnellement aux Marronniers de Laval, à
Montréal, et faire des pressions pour obtenir une liste de la Phase III.
Nous n'étions même pas capables de nous regrouper. La liste des
Investisseurs des Phases I et II a été obtenue par l'intervention
de nos procureurs. Ces listes qu'on nous a remises n'étaient pas
à jour. Tous les investisseurs n'y étaient pas inscrits. Pour la
Phase I, on cumulait 282 parts sur les 290 dont aurait dû être
constituée la société. Pour la Phase II, 656 parts, alors
qu'on aurait dû en vendre seulement 651. Nous avons fait des efforts pour
mettre ces listes à jour. Nous nous sommes regroupés le 20
novembre, comme on le disait tout à l'heure, et nous avons dû
solliciter à nouveau, chez ces investisseurs, un investissement de 100 $
par part pour obtenir les services de personnes compétentes, procureurs
et comptables, pour tenter de faire valoir notre point de vue. Ce sont 100 000
$ investis pour tenter, et je dis bien tenter, de "sauver" nos 7 300 000 $
d'investissements; probablement 50 % de ces 7 300 000 $ correspondent à
un emprunt des gens.
Depuis le 20 novembre, le Comité de défense des
investisseurs des Marronniers de Laval a appris beaucoup de choses. La
Commis-
sion des valeurs mobilières n'est pas là pour les
investisseurs, ni pour surveiller leurs intérêts; c'est la
conclusion à laquelle on arrive. Elle a reconnu un promoteur. Elle a
admis, approuvé les conventions et les prospectus. Elle a émis
les permis pour la vente des parts, durant des délais de 120 jours,
alors qu'elle savait pertinemment que Paré et associés
étaient en défaut depuis peut-être avant 1986, dans
d'autres projets de sociétés. Sans exiger de corrections, la
Commission des valeurs mobilières a continué de reconnaître
le promoteur, a approuvé les projets et a émis des permis. Mais
c'est nous qui sommes les victimes de cette autorisation et nous devons payer
pour. (10 h 30)
Pour les sociétés en commandite Les Marronniers, on est
prêts à affirmer que le délai de 120 jours pour la vente
des parts de chaque société n'a pas été
respecté. Pourtant, les permis d'exploitation d'autres
sociétés se sont poursuivis. Les investissements devaient
être placés en fiducie jusqu'au versement à la
société. On sait très bien que cela n'a pas
été fait ou que cela a été mal fait. Les
délais dépassés devaient entraîner un retour des
sommes aux investisseurs. Cela n'a pas été fait. Aucun compte de
banque n'a été ouvert au nom des sociétés. Nous
savons également que l'argent qui devait être utilisé pour
chacune des sociétés ne l'a pas été, mais a
été utilisé pour d'autres choses. C'est ce qu'on a appris
et cela a été confirmé par les états financiers,
les états comptables qui n'ont pas été produits.
En conséquence, vu ce manque de surveillance, trois
sociétés en commandite n'ont pas de titre de
propriété enregistré même au moment où l'on
se parie. Il existe à Laval une bâtisse et un terrain pour la
Phase I et la Phase II pour laquelle on n'a pas de titre de
propriété. Pour la Phase III, il y a 2 100 000 $ qui sont
disparus et il n'y a pas de terrains, pas de propriétés et pas de
bâtisses. C'est cela, notre situation. Deux firmes comptables essaient -
je dis bien essaient - de produire des états financiers et on ne les a
pas. Vous comprendrez que nous, les petits investisseurs, on ne peut pas savoir
où est allé notre argent. Notre confiance dans le système
de contrôle existant est nulle, d'autant plus que, le 1er janvier, j'ai
personnellement sollicité, en tant que président du Comité
de défense des investissements des Marronniers de Laval, le rapport
d'inspection de la commission - un rapport d'enquête; ils avaient fait
une enquête antérieurement - afin d'obtenir un peu d'information
sur notre situation. Après avoir été renvoyé
à cinq personnes différentes, j'ai réussi à obtenir
une réponse - mais ça, c'était après mon
neuvième appel - d'une personne du contentieux qui m'a transmis la
réponse des commissaires qui disait: La commission ne peut remettre ce
rapport considérant sa confidentialité.
Le petit investisseur québécois se demande bien qui est le
mieux protégé dans cela, ceux qui ont investi 7 300 000 $ ou
celui qui a ramassé 7 300 000 $? Aujourd'hui, nos 7 300 000 $, on le
sait après nos démarches, correspondent peut-être à
45 $. Je passe maintenant la parole à Me Jolin.
Le Président (M. Chagnon): Me Jolin.
M. Joiin (Michel): Le Comité de défense des
investisseurs des Marronniers de Laval n'a pas la prétention de vous
donner un éclairage ou une expertise en matière de valeurs
mobilières, mais il veut témoigner aujourd'hui de la situation de
fait dans laquelle il se trouve devant des parlementaires qui, à notre
avis, ont à prendre les décisions appropriées dans les
circonstances.
Lorsque nous avons été appelés, comme avocats,
à agir dans ce dossier le 15 novembre dernier, la première chose
que nous avons dû faire a été d'essayer de
récupérer l'information. Je dois vous dire que, bien que nous
ayons eu l'aide d'autres groupes qui, avec le même promoteur, vivaient le
même genre de difficulté, ça nous a pris à peu
près trois semaines pour être capables d'avoir un tableau de la
situation, tellement l'information était irrécupérable. La
difficulté d'information s'explique aussi par la structure corporative
incroyable des projets. Il y a certainement une vingtaine de compagnies
impliquées.
Ce qui étonne dans le processus qui a été
approuvé par la Commission des valeurs mobilières, c'est la
méthode d'investissement qui a été autorisée, une
méthode aux termes de laquelle la souscription dans une
société en commandite était, a toutes fins utiles, un
prêt au promoteur qui exige, pour se faire prêter, une commission
qui atteignait quelque chose comme 25 %. Il devait, par la suite, construire et
céder une partie de la propriété, mais ça ne
dépassait, dans aucun des trois projets, 45 % de la valeur de la
propriété. Dans un cas, c'était 45 %, dans un autre cas,
40 % et, dans le troisième cas, 25 %.
On se retrouve donc, à un moment donné, au moment de la
crise, avec deux bâtisses construites, une non construite. Le dernier
investissement de 2 100 000 $ n'était plus dans les caisses du promoteur
et on se retrouve avec deux bâtisses ayant un taux d'occupation de 30 %.
Le constat juridique qu'on doit faire, c'est que le créancier
hypothécaire, devant l'évolution du projet, a signifié son
avis de possession, son avis de 60 jours et, en plus, a 3 000 000 $ de
privilèges enregistrés sur les bâtisses. On ne peut pas
remédier au défaut technique qu'invoque le créancier
hypothécaire, de telle sorte qu'en l'espace de six mois après
l'investissement les investisseurs se retrouvent avec une offre d'achat de
leurs intérêts à 10 % de ce qu'ils ont Investi six mois
plus tôt.
C'est dans ce contexte que le ministre a nommé un administrateur
qui, aussitôt nommé, a été contesté
judiciairement, tant et si bien que l'administrateur nommé par le
ministre n'a réussi
à agir que pour quelque temps et, finalement, c'est le
créancier hypothécaire qui, dans le cadre de sa prise de
possession, a administré les immeubles. Cela place les investisseurs
dans une situation où, à tout moment, le créancier
hypothécaire peut faire vendre des propriétés et liquider
totalement l'intérêt des investisseurs. Je vous rappelle que, pour
la Phase III, c'est dans une période de six mois que cela s'est
fait.
Cela place aussi les investisseurs et le comité de défense
dans une position et ce n'est pas seulement la situation des investisseurs de
Laval - où ils peuvent être manipulés ou, encore,
être à la merci de n'importe qui qui peut faire une offre. Cela
devient une situation impossible parce qu'on demande à de petits
investisseurs de rembourser le créancier hypothécaire dont la
dette doit être évaluée à environ 18 000 000 $, de
reprendre le projet, de terminer les aménagements et de supporter
pendant une année ou deux des activités fortement
déficitaires pour être capables de rentabiliser le projet. Il est
impensable que de petits investisseurs puissent faire cela.
Le tuteur a essayé de trouver un acheteur, mais on essaie de
trouver un acheteur dans un marché de crise, avec une épée
de Damoclès au-dessus de la tête. Pour éviter les
contestations lorsqu'on a une offre dans ce genre de situation, on est
généralement obligés de désintéresser le
promoteur en lui offrant un montant d'argent. On a travaillé pendant des
semaines et des semaines avec le tuteur pour essayer de trouver un acheteur et
de désintéresser le promoteur pour essayer de
récupérer en partie les investissements. Le résultat que
nous avons obtenu, c'est que l'acheteur que le tuteur avait trouvé s'est
désisté, les délais courent encore et le créancier
hypothécaire peut, n'importe quand, exécuter ses garanties.
Le tuteur devait faire des appels d'offres; il a fait des efforts
raisonnables pour s'entendre avec le créancier hypothécaire pour
réussir à faire des appels d'offres. Le créancier
hypothécaire a décidé, lui, qu'il ferait des appels
d'offres. L'échéance des appels d'offres du créancier
hypothécaire est aujourd'hui même, ce 8 mars.
On est toujours à la case 0. Le créancier
hypothécaire va décider seul comment il va disposer des
immeubles. On a réussi à s'entendre avec un acheteur potentiel
qui, peut-être, va réussir à faire une offre qui pourrait
peut-être être acceptée; à défaut de quoi,
aujourd'hui, ces investisseurs risquent de perdre 7 300 000 $ exactement.
Ce sont donc 540 investisseurs qui s'adressent à la commission
parlementaire aujourd'hui. Ils devront rembourser, certains pour une
période de dix ans, l'investissement qu'ils ont fait et ils sont venus
demander à cette commission, aujourd'hui, ce que vous allez faire pour
éviter qu'ils ne soient lavés.
Le Président (M. Chagnon): On vous remer- cie, Me Jolin.
M. le ministre vous avez peut-être des commentaires à faire sur
les prestations du groupe les Marronniers de Laval.
M. Fortier: Oui. Dans un premier temps, |e remercie les membres
du Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval
d'être venus témoigner: M. Pinard, M. Raymond et le
bâtonnier, M. Michel Jolin. C'est un fouillis inextricable. C'est un
bordel administratif. C'est une situation tout à fait désolante
à laquelle il faut apporter des correctifs. Vous avez fait état
de ce que nous avions fait en période ultime et, comme vous l'avez si
bien décrit, M. Pinard, au moment où la commission nous a fait la
recommandation de nommer un tuteur pour la mise en tutelle du groupe ies
Marronniers, il était déjà très tard et la suite
des événements, comme le bâtonnier vient de le
décrire, nous a démontré que notre tuteur avait beaucoup
de difficultés à faire face à l'imbroglio juridique.
Même s'il avait le pouvoir de liquider certaines compagnies, comme elles
étaient à charts fédérale, il y avait tout le
problème constitutionnel et les pouvoirs juridiques qu'il
détenait. Il y avait l'intervention des créanciers
également, comme le bâtonnier l'a mentionné, qui, en
définitive, rendait la partie très difficile pour le tuteur qui
fut nommé.
Je dois vous dire que, lorsque ces événements sont
arrivés, lorsque j'ai été informé, ultimement, de
ces événements, l'automne dernier, je crois, au mois de novembre,
si ma mémoire est fidèle, j'osais penser que c'était le
seul cas qui viendrait devant nous. J'avais demandé à la
commission de m'indiquer s'il y en avait d'autres et on m'avait rassuré
quelque peu à ce moment, mais, par la suite, il y a eu un autre cas, une
autre mise en tutelle de plusieurs sociétés. Je pense bien que,
quant à nous, nous avions déjà tiré les conclusions
qu'il fallait refaire et réexaminer toute cette section de la Loi sur
les valeurs mobilières adoptée en 1982.
Mais là où vous nous donnez une description pour le moins
peu flatteuse de la commission, c'est lorsque vous dites que vous n'avez pas eu
sa collaboration pour obtenir de l'information qui, il me semble, aurait
dû vous être donnée pour vous permettre de vous
protéger. J'ai, devant moi, l'article 297 qui dit que les rapports
d'enquête et les pièces à l'appui ne peuvent être
consultés qu'avec l'autorisation de la commission. C'est donc dire que
la commission avait le pouvoir de statuer, dans ce cas-ci, si elle devait, oui
ou non, vous donner l'information qui vous aurait facilité la
tâche dans la protection de vos intérêts.
Quant au déroulement, ce qui m'intrigue dans tout ça, ce
n'est pas que la commission puisse, à l'occasion, être prise en
défaut par un prospectus déposé, approuvé et que
celui qui a mis de l'avant ce prospectus ne respecte pas les promesses qu'il
avait faites, mais je crois que vous avez indiqué - je n'ai pas
vérifié tous les faits - qu'au moment où les derniers
prospectus
ont été sanctionnés il y avait déjà
des lacunes identifiables et les faits sont allés dans ce sens. Je crois
qu'à ce moment-ci on peut s'interroger sur un certain laxisme de la
commission qui, au moment où, ultimement, elle a approuvé
certains prospectus, aurait dû être en possession de l'information
pertinente quant à la capacité de M. Paré de faire face
à ses obligations.
C'est le seul commentaire que J'ai à faire pour le moment,
si ce n'est pour vous dire - je vais écouter ce que les autres membres
de la commission ont à dire là-dessus - qu'étant
donné que le but de la commission était de revoir la loi et de
voir si on devait l'améliorer je crois que vous nous donnez certainement
le signal qu'il faut revoir toute la section traitant de l'administration
provisoire et des liquidations et, ensuite, toute la réglementation
touchant les sociétés en commandite.
Toute personne qui est un peu au fait des sociétés en
commandite sait qu'il s'agit là d'un type d'exploitation ou de promotion
collective pour promouvoir un projet qui comporte des dangers certains pour des
individus, parfois en grand nombre. C'est une chose pour dix personnes ou dix
groupes financiers de prendre le contrôle des Nordiques de Québec
en société en commandite, c'est une autre chose d'avoir 270 ou
540 petits investisseurs qui prennent collectivement le contrôle ou
tentent de financer une entreprise comme les Marronniers de Laval. (10 h
45)
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le
ministre. Peut-être, M. Pinard, avez-vous des commentaires?
M. Pinard: Non.
Le Président (M. Chagnon): D'accord. Alors, je demanderais
au député de Lévis, critique de l'Opposition, de commenter
aussi les événements dont nous ont fait part les gens qui
représentent le Comité de défense des investisseurs des
Marronniers de Laval.
M. Garon: M. le Président, je suis un peu mal à
l'aise pour dire quoi que ce soit parce que j'ai simplement comme document une
lettre de trois paragraphes et une annexe qui est supposée être un
résumé, parce que c'est numéroté 5R. Le texte
principal, je ne l'ai pas. Habituellement, on dit qu'il y a un
résumé d'un mémoire plus long. Mais le mémoire plus
long - je ne sais pas s'il y en a un - je ne l'ai pas. J'ai tout simplement
l'annexe 5R d'une page et demie.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, M. Pinard nous avait dit qu'il n'y avait pas de mémoire
comme tel.
M. Garon: Ce que j'ai, moi, c'est une annexe. Une annexe,
normalement, c'est un ajout à un document principal. J'ai, tout
simplement, une page de trois paragraphes où ils demandent d'être
inscrits pour parler de ce qui s'est passé. Le comité
représente un groupe d'investisseurs qui ont placé leurs avoirs
dans les sociétés en commandite suivant les prospectus
émis dans le public, après avoir reçu le visa
définitif de la Commission des valeurs mobilières. J'ai cela et
une annexe, mais je n'ai pas d'autre chose.
Le Président (M. Chagnon): On peut peut-être
demander à M. Pinard ce qu'il en est. M. Pinard.
M. Pinard: Nous n'avons pas d'autre chose. Comme je l'ai dit dans
la présentation tout à l'heure, nous n'avions pas la
capacité de produire un mémoire en bonne et due forme. Le motif
est de deux ordres: en termes de disponibilité pour faire un tel
travail, le comité de défense n'a pas cette capacité. Les
quelques sommes que nous avons, nous avons pris comme orientation, comme
priorité, de les investir dans la défense des
intérêts des investisseurs. Toutefois, nous avions escompté
- on a la réponse - que la commission, malgré le fait qu'on n'ait
pas de mémoire écrit, accepte de nous entendre. Elle l'a fait et
nous en sommes heureux. D'accord? On ne pouvait pas se permettre et on n'avait
pas, nous, des ressources pour faire travailler cinq ou dix personnes sur un
mémoire pendant un mois. D'accord?
Nous sommes nés, comme comité de défense, le 20
novembre 1988 et nos actions se font pour tenter de suivre les
événements, d'obtenir le plus d'informations possible afin
d'essayer - on dit bien essayer - de protéger ce qu'on pourra retirer de
tout cela, parce qu'on est en récupération constante. On fait des
démarches pour éviter d'être plus otages que ce que nous
sommes présentement de ces trois sociétés où on a
des droits de parole, des droits de se présenter, de se faire valoir.
Écoutez, on sollicite à l'heure actuelle. Alors, nos
énergies, on les met dans la sollicitation pour dire: Tenez compte de
nous. On était au moins là-dedans, ces trois
sociétés-là.
Alors, on s'excuse de ne pas avoir un mémoire écrit. On
sera heureux si le témoignage qu'on rend ici ce matin peut être
utile à une réglementation, à une certaine surveillance de
ce qu'on a vécu pour éviter que d'autres investisseurs
québécois qui veulent contribuer à l'économie du
Québec ne se fassent laver.
Le Président (M. Chagnon): M. Pinard, vous ne demeurerez
pas dans la tradition orale bien longtemps parce que vous allez automatiquement
vous intégrer au Journal des débats.
M. Pinard: Merci.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, peut-être avez-vous d'autres commentaires?
M. Garon: J'ai bien vu, dans les journaux, la question qui vous
préoccupe, d'autant plus
qu'il y a une bâtisse dans mon comté. Je dois vous dire
que, lorsque les annonces ont été faites, je n'étais pas
sûr que tout le monde aurait les moyens financiers pour louer des
appartements avec ces services-là à ce prix-là. Quand vous
dites que c'est loué à 30 % et que cela a été
sous-loué... Je ne sais pas c'est à quel pourcentage dans
Lévis, mais je sais que ce n'est pas tout loué. C'est là
que je me demanderais jusqu'où va le rôle de la Commission des
valeurs mobilières et celui des gens qui investissent leur argent. Ceux
qui investissent de l'argent ont une certaine responsabilité aussi.
Deuxièmement, dans le pouvoir d'enquête de la commission,
jusqu'à quel point la commission qui est en train de faire une
enquête doit-elle dévoiler ce sur quoi elle enquête alors
que son enquête est en cours? C'est difficile pour moi. Je ne parle pas
comme quelqu'un qui est au courant. Si vous avez de la misère, comme
vous le dites, à vous démêler dans toute l'affaire, vous
comprendrez qu'un député qui n'est pas dans l'affaire, qui n'est
pas un investisseur et qui n'est pas en contact avec la commission pour le
renseigner en ait. La commission donne des renseignements, sans doute, au
ministre chargé de l'application de la loi, mais nous n'avons pas ces
renseignements-là. C'est difficile, sauf qu'il y a un certain nombre de
questions qui, à première vue...
J'ai remarqué hier, quand d'autres qui sont venus en ont
parlé, que des commissions, par exemple l'Ontario, disaient qu'elles
avaient des données. On avait voulu les avoir et la commission avait
même refusé de les fournir au ministre. Il y avait eu une
décision prise par le président de l'Assemblée
législative - je ne sais pas comment Ils l'appellent en Ontario, le
président de l'Assemblée nationale ou de la Chambre - qui avait
donné raison à la commission de garder ses renseignements.
C'est difficile pour nous. On ne sait pas dans quel cadre
d'enquête on est, jusqu'où c'est rendu. Est-ce une affaire qui
doit aller à la Justice ou non? Est-ce qu'on demeure dans le domaine
civil ou si cela évolue dans d'autres domaines? C'est bien difficile
à ce moment-ci, surtout dans un cas précis dont on n'est pas
assez au courant. Ce sont des questions assez minces. Me Jolin, qui est votre
conseiller, a une longue expérience dans ces domaines. Il a
été au ministère de la Justice, bâtonnier du
Québec. Il peut peut-être nous en dire plus.
Le Président (M. Chagnon): M. Jolin.
M. Jolin: II y a quelques questions dans ce que vous avez dit, M.
Garon. Il est certain que les investisseurs ont pris un risque financier. Ils
ne le contestent pas. Il est certain aussi que la Commission des valeurs
mobilières ne peut pas suivre au jour le jour les promoteurs, c'est
évident.
Ce que le comité dit, c'est que la Commis- sion des valeurs
mobilières avait certaines responsabilités fondamentales. Il est
inconcevable qu'on arrive aujourd'hui et qu'on constate que les projets ne
faisaient même pas l'objet d'une comptabilité distincte. Les
problèmes de rigueur dans l'administration des sociétés en
commandite du promoteur, ce que le comité vous dit, c'est que la
commission avait des éléments pour les constater bien avant et
que, par une intervention efficace en temps utile, elle aurait fait en sorte
que ces prospectus n'auraient jamais été émis. C'est
certain qu'elle ne peut pas faire ie suivi quotidien des promoteurs.
Il y a d'autres moyens qui peuvent être envisagés. Non
seulement doit-elle intervenir en temps utile, mais il faudrait peut-être
songer à ce que ceux qui se lancent dans l'appel public à
l'épargne soient obligés de se garantir d'une façon ou de
l'autre, vis-à-vis de leurs investisseurs, par voie de cautionnement ou
autrement. Mais actuellement, si on me dit que la Commission des valeurs
mobilières ne fait que regarder si les chiffres sont
équilibrés et mettre son approbatur, je recherche encore son
utilité.
Le problème que ces investisseurs ont vécu, c'est qu'ils
croient, à la lumière d'informations qu'ils ne sont pas en mesure
de certifier parce que les livres de la commission sont fermés, qu'elle
avait les informations pour intervenir en temps utile et qu'elle ne l'a pas
fait. Cela entraîne les conséquences que vous connaissez. Quant
à savoir si les dossiers...
M. Garon: Excusez-moi. M.Jolin: Oui?
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Par rapport aux renseignements qui sont dans un
prospectus, est-ce que le rôle de la commission va jusqu'à
vérifier si tous les renseignements qui sont là sont exacts? Les
renseignements doivent être là, mais est-ce à elle de
vérifier si tout cela est vrai ou non? C'est une question fondamentale
que je me pose.
M. Jolin: Je ne crois pas que la commission ait à faire
l'audition, au sens comptable, de tous les chiffres ou de toutes les
données, mais elle doit certainement s'assurer que les informations
données sont exactes, plausibles, les informations comptables et,
notamment, l'opinion juridique. Elle n'a pas à refaire
nécessairement l'exercice que le promoteur fait, sauf qu'elle doit
s'assurer, au fur et à mesure de l'évolution des projets du
promoteur, il respecte ses obligations, notamment les obligations qu'il a en
vertu de la loi. Ce que nous disons, ce n'est pas que les renseignements qui
avaient été fournis à la commission se sont
révélés inexacts. Nous ne prétendons pas que la
commission aurait dû refuser l'émission du prospectus, mais elle
aurait dû, lorsqu'elle a
constaté des infractions à l'égard d'autres projets
dans le passé, interdire au promoteur de se lancer à nouveau dans
la souscription publique d'épargne.
Il y a un autre élément que vous m'avez signalé:
Est-ce que le public doit avoir accès aux dossiers d'enquête de la
commission? Je pense que tout le monde admet que les dossiers d'enquête,
généralement, ne doivent pas être accessibles à tous
et à chacun. Lorsque la situation que nous vivons se présente, si
la commission ne nous donnne pas accès à l'information, où
pensez-vous que nous pourrons trouver l'information? La commission dit: Nous ne
pouvons plus intervenir, mais nous ne pouvons pas, non plus, vous donner
l'information. Alors, qu'est-ce qu'on fait dans un cas comme celui-là?
On ferme les livres et on encaisse nos pertes? Dans la logique de ce
système, à défaut pour la commission de prendre en charge
les problèmes des investisseurs, on est placé dans une situation
absolument impossible. C'est une invitation à nous dire: C'est
confidentiel, on ne peut pas vous le donner, retournez chez vous, payez vos
intérêts à la banque, remboursez votre capital, c'est fini.
Il est illogique d'arriver à une situation comme celle-là, je
crois.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis... Je vais maintenant reconnaître M. le député
de Mille-Îles et nous reviendrons ensuite à M. le
député de Lévis qui semble avoir une autre question.
M. le député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci. M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez
énoncé devant la commission parlementaire. On va commencer avec
le premier point, c'est-à-dire la difficulté d'obtenir de
l'information. Je comprends la règle qui est établie dans la loi
actuelle concernant les rapports d'enquête qui, supposément,
demeurent au bon vouloir de la Commission des valeurs mobilières du
Québec, mais dites-moi, dans vos approches, dans votre situation
particulière, avez-vous contacté la Direction de l'information de
la Commission des valeurs mobilières, dans un premier temps, et quelle
sorte de réception avez-vous eue auprès de la Direction de
l'information? Est-ce que c'est une approche ouverte, est-ce qu'elle a
été sensible, est-ce qu'elle était coopérante,
est-ce qu'elle voulait vous aider? Vous a-t-on dit: II y a une règle,
mais on peut vous aider quand même, compte tenu de la situation
particulière. C'est sur le service qui vous a été
donné par la commission, comme investisseurs, que je formule ma
première question.
Le Président (M. Chagnon): M. Pinard.
M. Pinard: C'est mol qui ai fait personnellement l'intervention
auprès de la commission le 6 janvier 1989, à 10 heures. J'ai les
notes.
M. Bélisle: C'est excellent.
M. Pinard: Le 6 janvier 1989, parce qu'on était
passés également par plusieurs autres voies pour tenter d'obtenir
de l'information. Vous me permettrez peut-être de ne pas donner le nom
des personnes contactées à la commission, mais j'ai le nom de
chaque personne.
M. Bélisle: D'accord.
M. Pinard: À la suite d'un premier appet, on me
réfère à une autre personne, le directeur qui est absent.
Je laisse le message. Je demande si possible un appel dans la journée.
À 14 h 15 je reçois un appel. On me répond: Le document
est confidentiel, j'ai un serment d'office, je ne peux pas remettre copie de ce
rapport. On me confirme qu'il y a des notes d'irrégularités parce
que je fais un lien entre ce rapport, les recommandations au ministre et la
nomination d'un tuteur. Donc, en tant qu'investisseurs, je fais valoir qu'il y
a un intérêt pour nous à connaître ces
irrégularités d'une façon ou d'une autre. Il affirme son
doute à savoir que la commission accepte de remettre - je lis mes notes
- ce rapport, me réfère à Mme la secrétaire de la
commission qui est également responsable de l'accès à
l'information. Entre-temps, je prends contact avec la Commission d'accès
à l'information... (11 heures)
Le Président (M. Chagnon): Continuez.
M. Pinard: ...laquelle déclare ma demande recevable en
vertu de l'article 297 de la loi. Je retourne encore à la commission. Je
fais des appels; pour avoir des retours, je laisse des messages, mais cela
n'entre pas. En fin de compte, comme on avait une assemblée de nos
investisseurs la fin de semaine des 14 et 15, le 13, j'ai fait des pressions
pour me retrouver avec un retour d'appel d'une personne du contentieux de la
commission. Il était 16 heures. J'ai demandé d'avoir une
réponse avant la fin de la journée et, aux alentours de 17
heures, on m'a rappelé pour me dire que les commissaires avaient pris la
décision et qu'ils ne pouvaient pas me le remettre considérant la
confidentialité du document.
M. Bélisle: Le moins qu'on puisse dire, M. Pinard,
d'après ce que je comprends de votre long pèlerinage
téléphonique où on vous a fait rebondir d'un endroit
à un autre, c'est qu'il n'y a pas eu de collaboration, de
coopération de la part des gens à la Direction de
l'information.
Laissez-moi vous donner une partie d'un rapport dont vous ignorez
l'existence, qui a été déposé à
l'Assemblée nationale du Québec à la suite d'une bataille
que les parlementaires ont menée ici pour forcer la Commission des
valeurs mobilières à déposer un rapport qu'elle avait
demandé à deux consultants des HEC. Je vais
vous lire un passage à la page 21 et vous allez voir comme c'est
votre cas. Mais, cette page 21 et les pages 18 à 25 ont
été enlevées, déchirées du rapport final des
deux consultants des HEC et n'ont pas été produites par la
Commission des valeurs mobilières.
Écoutez-moi bien. On voulait nous cacher des faits, à nous
aussi, parce qu'on nous cache des faits à nous aussi. Je lis à la
page 21 - ce n'est pas moi qui l'ai écrit, ce sont deux consultants des
HEC payés à même vos taxes et mes taxes - "En dépit
des effets possibles d'une telle rationalisation, il demeure que,
conformément à la perception sans équivoque des personnes
consultées, la commission - on parle de la Commission des valeurs
mobilières - a besoin d'accroître à la fois le nombre et la
compétence des professionnels associés à la Direction de
l'information. "
Ce que je veux, tout simplement, vous dire, M. Pinard, c'est que les
membres de cette Assemblée nationale qui sont assis autour de cette
table ont déjà eu beaucoup de problèmes à faire
produire des documents par la Commission des valeurs mobilières alors
qu'elle est obligée de nous rendre des comptes. J'ai même des
copies de débats ici. On a été obligés de se battre
pour faire déposer des rapports et il y a des choses qui nous ont
été cachées.
On va revenir au laxisme. Dans ces mêmes pages 18 à 25 qui
ont été cachées aux membres de la commission du budget et
de l'administration et que nous avons été obligés de faire
produire par la Commission des valeurs mobilières - j'ai entendu Me
Jolin tantôt nous parler du laxisme, des règles inconsistantes -
je vais vous lire ce que ces deux experts engagés par la commission ont
écrit en 1987. Heureusement qu'on a poussé pour avoir le
dépôt de ces documents. Écoutez bien cela. "Il est apparu
nécessaire dans cette étude de dissocier les activités de
la commission relatives aux appels publics à l'épargne de
l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires ou législatives. Ainsi,
autant le style informel adopté par le personnel dans le processus
d'approbation des prospectus est-il, de façon générale,
positivement perçu par le milieu - le milieu, ce sont ceux qui vont
là-bas et demandent; ce ne sont pas les petits Investisseurs comme vous
- comme favorisant le règlement efficace et convenable des questions,
autant ce style informel au niveau de l'exercice des pouvoirs quasi judiciaires
de la commission est-il assimilé à un manque de rigueur et
d'objectivité. De même, il faut rappeler que plusieurs se sont
plaints de l'usage par la commission des règles internes non
écrites et surtout de l'inconsistance de ses directives. " C'est
à la page 19.
On pourrait même aller plus loin à un autre endroit, dans
ces mêmes pages qui ont été éliminées, qu'on
ne voulait pas nous montrer, où on parle du processus d'appel à
l'épargne. Je cite, à la page 22: "II serait donc hautement
souhaitable que la commission s'applique davan- tage à rationaliser de
cette façon l'effort d'analyse des prospectus. "
Venons-en à ce qu'on peut faire pour demain, pour il n'y en ait
pas d'autres qui se fassent attraper de la même façon. J'adresse
ma question à Me Jolin. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une
obligation dans la Loi sur les valeurs mobilières du Québec pour
obliger la Commission des valeurs mobilières, dans un délai d'un
mois ou deux mois après l'approbation d'un prospectus d'appel
général du public à l'épargne à refaire une
vérification complète de l'ensemble du dossier et pour obliger
celui qui est l'appelant à l'épargne à faire une
déclaration statutaire pour voir si, de façon
élémentaire, il y a des comptes de banque ouverts, si les sommes
ont été déposées aux bons endroits, s'il y a des
vérificateurs nommés, et pour avoir un certain contrôle?
Cela, c'est ma première question.
J'en ai une autre qui va avec...
Le Président (M. Chagnon): Je vous suggérerais de
la poser tout de suite parce que vous n'aurez plus de temps pour écouter
la réponse.
M. Bélisle: Je vais vous laisser aller, Me Jolin. J'en
aurai une autre qui va exactement dans le même sens par la suite.
M. Jolin: Si vous me demandez ce qu'on peut faire demain, je
serais tenté de vous demander ce que vous allez faire aujourd'hui parce
que notre problème, à nous, c'est que l'échéance
est aujourd'hui, ce n'est pas demain. J'y reviendrai par la suite. Je ne suis
pas un spécialiste des valeurs mobilières, je le dis tout de
suite. Il n'y a pas de doute dans mon esprit que, si le processus que vous
suggérez avait fait partie des règles ou des normes, on aurait eu
de meilleures chances d'être protégés si un tel
contrôle avait été effectivement exercé. En
réponse à la question telle que vous me la posez, il me semble,
oui, que nous aurions été largement mieux
protégés.
M. Bélisle: Maintenant, une autre modification dans le
même sens à la Loi sur les valeurs mobilières. Je
comprends, Me Jolin. que je ne peux rien changer pour vous dans le
passé.
M. Jolin: Je ne suis pas sûr de ça.
M. Bélisle: À ma connaissance, dans les pouvoirs
que j'ai, je n'ai pas celui de corriger le mal qui a été fait.
Essayons de prévoir. C'est un peu l'appel que M. Pinard nous a fait
tantôt en nous disant. Essayez d'agir de façon que ça ne se
reproduise pas et qu'il n'y en ait pas d'autres qui se fassent attraper.
Une enquête est faite par la Commission des valeurs
mobilières pour faire respecter soi-disant les règles
d'approbation quant à l'émission d'un prospectus, quant à
l'imposition d'un visa. On dit: II y a tel critère, tel critère,
tel critère,
si tu te conformes à ces critères, on va t'émet-tre
un visa, tu as le droit d'aller dans le public pour chercher des sous. Est-ce
que ce ne serait pas totalement logique et normal, 30 jours après
l'imposition du visa par la commission, que le public en général,
tout investisseur, toute personne qui va participer à cet appel public
à l'épargne ait le droit fondamental d'avoir une copie du rapport
d'enquête, pas de l'enquête qui est menée une fois qu'il y a
des problèmes, mais de l'enquête d'approbation de la commission
qui a mené à l'émission du visa? Je ne vois aucun dommage
fait à la Commission des valeurs mobilières ou au gouvernement du
Québec, je vois un plus pour l'ensemble de la société. Me
Jolin?
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le
député de Mille-Îles. M. Jolin.
M. Jolin: C'est une autre mesure qui m'apparaît raisonnable
ou pouvant donner au public investisseur une meilleure qualité
d'information. Je pense que ça pourrait être une mesure utile. Il
faudrait voir dans la pratique si c'est faisable, si c'est réalisable,
mais, quant à nous, en tout cas, vu par le Comité de
défense des investisseurs des Marronniers de Laval, je ne vois pas de
contre-indication là-dessus.
Cependant, si vous me permettez, dans la première partie de votre
question, vous avez dit: Nous ne pouvons rien faire pour ce qui s'est
passé. Je suis respectueusement en désaccord avec vous parce
qu'il y a, au Québec, au moins une dizaine de sociétés en
commandite où on constate la même situation
désespérante. Je vous suggère, en tant que parlementaires,
de songer, même pour les situations passées qui font l'objet de
crise actuellement, à une forme ou à une autre de moratoire pour
éviter que les investisseurs ne soient placés dans une situation
où ils seront lavés.
On est en train, depuis les derniers mois, de détruire un mode
d'investissement qui a une grande valeur, qui est la société
à commandite, qui permet à de petits investisseurs de participer
à de grands projets. Ce serait malheureux qu'en raison de ce qui se
passe aujourd'hui on annule ou on tue la société en commandite
qui est un bon moyen d'investissement. Peut-être faudrait-il que vous
songiez dès aujourd'hui à imposer une forme de moratoire ou
à une intervention pour aider ces investisseurs qui, dans beaucoup de
sociétés en commandite au Québec, sont en train
d'être lavés complètement de leurs investissements.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Bélisle: M. le Président...
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: ...avec la permission du député
de Lévis, si vous me le permettez.
M. Garon: A-t-il encore du temps?
Le Président (M. Chagnon): Quelle est votre question, M.
le député?
M. Bélisle: C'est tellement important, M. le
Président, le cas qui est devant nous.
Le Président (M. Chagnon): Oui...
M. Bélisle: Ce n'est pas seulement parce que c'est de
Laval.
Le Président (M. Chagnon): Mais votre question, c'est pour
demander le consentement du député de Lévis pour prendre
de son temps pour votre question?
M. Bélisle: Oui, pour un court moment. M. Garon:
Non.
M. Bélisle: Du temps supplémentaire, M. le
député de Lévis?
M. Garon: Non. Ce n'est pas moi qui fais...
Le Président (M. Chagnon): On n'a plus de temps. M. le
député de Lévis, est-ce que vous donnez votre
consentement?
M. Garon: Je veux parler sur mon temps. Je ne veux pas donner mon
temps aux autres.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, oui ou non, est-ce que vous^ me donnez votre consentement pour le
député de Mille-Îles?
M. Garon: Cela dépend, vous appliquez le
règlement.
Le Président (M. Chagnon): II vous reste cinq minutes.
M. Garon: Je prends mon temps pour moi. Je ne donne pas mon
temps. Voyons donc!
Le Président (M. Chagnon): Alors, M. le
député de Lévis, on vous écoute.
M. Garon: M. le Président, je vais vous dire...
M. Fortier: Un homme très généreux!
M. Garon: Voyons donc! Le ministre n'a qu'à donner de son
temps.
M. Fortier: Tout le monde le connaît. M. Garon: Ah
oui, ça, c'est gentil.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre. M. le
député de Lévis, on vous écoute.
M. Garon: Dans ces matières, ce qui me frappe, c'est que,
vis-à-vis de la surveillance des organismes et tout cela, quand les gens
sont dans le processus d'investir, on est souvent dans l'entreprise
privée mur à mur, le moins de contrôles possible, le moins
de surveillance possible, le moins possible de renseignements à donner.
Quand cela va mal, les gens disent: Pourquoi ne nous avez-vous pas tenus par la
main tout le temps? Alors, c'est cela, le problème. Aujourd'hui, par
exemple, on révise la Loi sur les valeurs mobilières. Le Barreau
nous a présenté un mémoire de combien de pages?
Une voix: Deux.
M. Garon: Deux pages. J'aurais aimé que le Barreau qui a
une expertise dans des problèmes comme ça, soit ici et il nous
dise: Voici comment on voit cela sur le plan de la surveillance. C'est
là le problème. Jusqu'où les organismes doivent-ils
intervenir en fonction, en fait, pas des affaires qui vont bien, mais de celles
qui vont mal? Parce que la police n'existe pas pour l'ensemble des gens qui
conduisent bien sur la route elle existe pour ceux qui ne sont pas corrects.
Jusqu'où cela doit-il aller? Quels sont les moyens qui doivent
être donnés aux organismes pour surveiller tout le monde à
toutes les étapes avec ce que cela va vouloir dire comme
contrôles? Habituellement, quand on parle avec des gens de l'entreprise
privée, ils disent: Le moins possible. Après cela, quand cela va
mal, on dit: Comment se fait-il que vous n'ayez pas surveillé cela tout
le temps? C'est là le problème.
Je ne blâme pas les gens. Je pense bien qu'il y a des gens qui ont
investi leur argent, qui ont voulu faire des profits, etc. Mais c'est la mesure
des choses. Jusqu'où cela doit-il aller? C'est pour cela que, dans le
cadre de la révision de la loi - on est dans le cadre de la
révision de la loi - c'est bien difficile pour nous, dans la
période de temps qui nous est allouée, de dire de faire une
enquête dans un cas précis, encore moins quand on est dans
l'Opposition au fond, à moins que les gens ne viennent d'eux-mêmes
nous dire: On va vous donner tout ce qu'on a.
Dans le cadre de la révision de la loi, est-ce que la loi est
suffisante? Est-ce qu'elle doit être révisée pour donner
des pouvoirs plus grands à la commission? Est-ce que la commission doit
avoir plus de personnel pour pouvoir surveiller davantage? C'est tout cela qui
est en cause. Les gens de la commission sont ici; ce n'est pas à leur
tour de parler et, cet après-midi, j'ai l'impression qu'avec une heure
ils n'en auront pas beaucoup pour tout ce qui va être à discuter.
C'est pour cela que nous aurions préféré qu'ils soient les
derniers, quitte à poursuivre un peu pour pouvoir répondre
à certaines affaires parce qu'ils seront peut-être les premiers
à dire: On aimerait en faire plus, mais voici ce que la loi dit et voici
les budgets et le personnel qu'on a.
Me Joiin, j'aimerais vous demander d'aller un petit peu plus loin. Vous
avez une expérience plus grande que celle des autres comme
ex-bâtonnier du Barreau du Québec. Vous me dites: Je ne suis pas
un expert en lois sur les valeurs mobilières. Pensez-vous que la loi
doit aller plus loin? Est-ce que la commission doit avoir plus de moyens?
Est-ce que les gens doivent fournir plus de renseignements? Pour la commission,
jusqu'où va son pouvoir de contrôler la véracité des
informations qu'il y a dans les prospectus? Et jusqu'où va la
divulgation des renseignements en cours d'enquête? (11 h 15)
Supposons que . l'escouade des crimes économiques soit en train
de s'apercevoir que je suis en train de me faire faire à mort. À
quel moment est-ce qu'elle m'informe? Est-ce qu'elle va me dire: M. Garon,
sortez de là-dedans, vous êtes en train de vous faire planter
à mort?
Le Président (M. Chagnon): L'escouade du partage du temps
va vous remettre à l'ordre.
M. Garon: Jusqu'où ça va. C'est parce qu'on est
dans des questions difficiles, en ayant toute la sympathie nécessaire
pour les gens qui investissent et qui doivent être protégés
le plus possible?
Le Président (M. Chagnon): M. Jolin.
M. Jolin: Je ne pourrai certainement pas vous donner une
réponse satisfaisante ni complète. La prétention du
comité de défense ne va pas jusqu'à dire que la commission
n'a pas suffisamment de pouvoirs ou qu'elle a trop de pouvoirs. Sa
prétention principale est de dire que la commission savait que le
promoteur était en infraction à la loi ou qu'il n'était
pas conforme à la loi, et qu'elle n'a pas réagi en temps
utile.
Quant à la question de savoir jusqu'où va la surveillance,
je reconnais que c'est une question extrêmement difficile, mais on n'est
pas plus avancés aujourd'hui parce qu'on a un organisme en qui, je
crois, les citoyens ont une grande confiance, mais qui ne semble pas donner les
résultats escomptés. J'ai un peu l'impression, aujourd'hui, de
ressortir en me disant, pour employer un terme qui était très
populaire à une certaine époque: Un prospectus, qu'ossa donne? Au
fond, c'est ça.
Bien sûr, si la commission ne doit pas intervenir beaucoup ou ne
peut pas intervenir parce que c'est le champ de l'entreprise privée, il
faudra peut-être prendre la décision qu'elle n'intervienne pas du
tout et dire au public: Écoutez, faites ce que vous voulez, y n'y en a
pas, de contrôles.
L'autre possibilité - et il appartient beaucoup plus aux
parlementaires de prendre ce genre de décisions qu'à nous - c'est
de savoir quelle est la mesure de surveillance. Chose certaine, on devrait
avoir les moyens de s'assurer que non seulement les Informations sont
véridiques, mais qu'il y a un minimum de sérieux dans ce que les
promoteurs font à la suite de l'émission de leurs prospectus.
Cela, j'en suis convaincu. Quant à la mécanique, je pense que le
ministère dispose de beaucoup plus d'expertise que nous ne pouvons en
avoir. Mais, à partir du moment où il y a une Commission des
valeurs mobilières, elle doit exercer des contrôles à la
fois avant, pendant et après, pour s'assurer d'un minimum de
sérieux et d'un minimum de crédibilité à
l'égard de ceux qui font un appel public à l'épargne.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Jolin. Je
vais maintenant demander à M. le ministre et, ensuite, à M. le
député de Lévis s'ils ont des remarques ou encore des
commentaires à faire, à tout le moins pour remercier les
invités d'être venus à cette commission. M. le
ministre.
M. Fortier: M. le Président, je crois qu'on doit remercier
le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval
d'être venu témoigner. Bien sûr, on se demandait si la
commission avait des pouvoirs. L'article 15, en fait, permet à la
commission de refuser d'apposer son visa si elle l'estime nécessaire,
entre autres, pour assurer la sauvegarde des intérêts des porteurs
de ces titres et la protection des épargnants. Elle a déjà
un pouvoir d'examen. Je ne parle pas de la première
société en commandite, mais je parle des étapes ultimes
où certains faits étaient connus.
Deuxièmement, quant à moi, il me semble que c'est un cas
patent où, si le ministre avait eu un pouvoir de directive, il aurait pu
donner une orientation, justement, dans l'exécution des fonctions
confiées par la loi de la commission, afin d'inciter la commission
à exercer plus de surveillance dans un secteur donné plutôt
que dans un autre. Je sais bien que les gens s'interrogent sur l'implication du
pouvoir politique, mais ce que je retiens, c'est que, quand les gens sont dans
le merdier, ils viennent nous voir, au ministère des Finances, et nous
disent: Vous avez le pouvoir d'intervenir. Il faut bien se rendre compte que,
dans certaines situations, le pouvoir politique peut et doit intervenir, que ce
soit pour la grande orientation économique de la commission ou dans des
cas particuliers comme ceux-là. Je suis tout à fait d'accord avec
vous que nous avons une responsabilité et, dans ce cas-ci, je sais
particulièrement que la commission a fait adopter une nouvelle
instruction générale, au mois de janvier, à la suite de
ces déboires. Probablement que c'est une très grande
amélioration, je l'espère. Mais, au-delà de l'instruction
générale, le témoignage que vous nous apportez semble
indiquer une certaine lacune, à la commission, dans l'exercice de la
surveillance et dans l'exercice de ses pouvoirs.
Quant à moi, je retiens votre témoignage et j'ai
tenté, en acquiesçant à la recommandation de la
commission, de nommer un tuteur. M. Jean Martel à mes côtés
- j'aurais dû le présenter avant - qui est le sous-ministre
adjoint responsable des institutions financières au ministère des
Finances. C'est lui qui m'aide beaucoup dans ces cas-là, dans les cas de
sociétés en commandite. Je sais qu'il a collaboré avec Me
Jolin pour tenter de vous donner la plus grande collaboration possible. En tout
cas, nous allons tirer les conclusions qui s'imposent et tenter
d'améliorer la situation pour l'avenir. En ce qui concerne le moratoire,
enfin, nous allons y réfléchir, mais il faudrait examiner avant
si la nouvelle instruction générale n'apporte pas les correctifs
nécessaires pour l'avenir. À ce moment-là, peut-être
que le moratoire ne serait pas nécessaire. Mais nous allons aviser,
l'examiner et tirer les conclusions qui s'imposent.
Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, j'écoute avec un peu de
surprise les propos du ministre, parce qu'il dit que c'est un cas où il
aurait pu y avoir une directive. Est-ce que cela veut dire que le pouvoir de
directive permettrait de réviser, par directives, les décisions
de la commission ou d'influencer le fonctionnement de la commission? Je suis un
peu étonné. Je comprends que les gens s'inquiètent dans le
milieu. C'est exactement à ça qu'ils s'opposent. Si la loi n'est
pas correcte, on la change. Si les règlements ne sont pas corrects, on
les change. Si la commission n'a pas assez de personnel, on lui en fournit.
Mais quand l'organisme a un pouvoir d'enquête, un pouvoir quasi
judiciaire, ce n'est pas le ministre qui, par directives, va faire la job
à sa place. Là, je ne comprends pas. C'est pour ça que je
dis: Je pense qu'il va falloir savoir et bien comprendre ce qu'est le
rôle d'une commission.
On peut ne pas être d'accord sur l'application de la loi. C'est
une affaire. Une fois qu'une loi est votée, l'application peut
être interprétée de telle façon. Si on veut la
corriger, on peut changer la loi, on peut changer les règlements. C'est
le rôle du gouvernement. Mais une fois que la loi est votée, elle
n'appartient plus à l'Assemblée nationale; elle est
appliquée par ceux qui l'interprètent. S'ils ne
l'interprètent pas correctement, c'est notre rôle de faire en
sorte d'être plus précis dans la loi ou dans les
règlements. Mais je ne pense pas que ce soit au bureau du ministre de
lui dire, chaque fois, comme un maître qui regarde son
élève, comment réécrire ses devoirs. Moi, je ne
vois pas du tout ça comme ça. Le ministre peut avoir sa
conception, mais je pense que ce n'est pas le rôle d'une
Commission des valeurs mobilières.
Maintenant, si on pense qu'il peut y avoir une application dans un cas
précis, moi, je n'ai pas assez de renseignements pour répondre
à ça. Je vais demander à la commission qui va venir cet
après-midi Jusqu'où va, quand elle approuve un prospectus, la
garantie des renseignements qui sont dans le prospectus. Jusqu'où est-ce
que ça va? Est-ce la responsabilité de ceux qui mettent les
renseignements dans le prospectus où la commission devrait-elle mettre
qu'elle ne garantit pas les données qui sont énoncées ou
encore qu'elle les garantit? C'est ça à toutes fins utiles.
Peut-être que ce serait mieux d'inscrire ces renseignements dans le bas
de chacune des pages du prospectus pour que les gens disent: Quand je le lis,
je suis sûr que c'est vrai, il y a une garantie de la commission. Ou,
s'il n'y a pas de garantie, là, bien, c'est l'entreprise qui fournit ces
données qui doit les garantir.
Ce débat est fondamental. Moi, je le dis tout de suite aux gens
de la commission qui sont ici. S'ils veulent le dire eux-mêmes, dans
leurs 20 minutes cet après-midi, cela va me donner plus de temps pour
mes questions. Je pense que c'est fondamental, pour bien comprendre ce qu'est
le rôle d'une Commission des valeurs mobilières. Si on veut
qu'elle joue un rôle plus grand, il n'y a rien de plus facile que
ça, il s'agit de le mettre dans la loi et dans les règlements, et
de lui donner le budget et le personnel pour faire le travail. Si on veut
qu'elle divulgue davantage ces renseignements en cours d'enquête, moi, je
pense, qu'il faut le prévoir dans la loi.
Le Président (M. Chagnon): On vous remercie, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Je suis content que vous soyez venus. Je vous remercie
d'être venus. C'est souvent avec l'application dans des cas concrets
qu'on peut faire avancer le débat. Merci.
Le Président (M. Chagnon): M. Pinard, messieurs, je tiens
à vous remercier au nom de la commission. En même temps, vous nous
avez certainement mieux fait comprendre la situation tout à fait
délicate et un peu triste que les petits investisseurs connaissent dans
le dossier qui vous préoccupe. Vous avez certainement contribué
à mieux nous sensibiliser et à mieux nous faire connaître
la problématique que vous vivez. Merci, messieurs.
M. Pinard: On remercie la commission. Merci beaucoup.
Le Président (M. Chagnon): Bienvenue. Maintenant, je vais
demander aux représentants de la Bourse de Montréal de bien
vouloir s'avancer à la table de la commission.
On va inviter les membres de cette commission, et
particulièrement notre ami le député de
Lévis, à reprendre leur siège pour nous permettre
de commencer.
M. Riverin, si je ne m'abuse, vous pourriez nous présenter madame
la secrétaire de la Bourse.
M. Riverin (Bruno): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Première
vice-présidente et secrétaire générale, c'est
ça?
M. Riverin: Oui, M. le Président. Je suis
accompagné par Me Parent-Johnson, première vice-présidente
et secrétaire générale de la Bourse.
Le Président (M. Chagnon): Nous vous écoutons, M.
Riverin. Comme vous le savez, selon la formule, votre exposé devrait
s'encadrer dans un temps prévu de 20 minutes. Ensuite, il y aura 20
minutes du temps prévu pour le côté ministériel et
le côté de l'Opposition, à moins d'un consentement, si vous
aviez à dépasser votre temps. Je vous remercie, M. Riverin, c'est
à vous.
Bourse de Montréal
M. Riverin: Merci, M. le Président. Nous aimerions en
premier lieu remercier les membres de la commission du budget et de
l'administration pour l'occasion qui est offerte à la Bourse de
présenter ses vues sur cette question d'importance qui pourrait avoir un
Impact certain sur la Bourse et le milieu des valeurs mobilières. Nous
aimerions également remercier le personnel de la commission pour nous
avoir faciliter la tâche.
Ce mémoire a fait l'objet de recherches et d'analyses profondes
par la direction de la Bourse. Il est appuyé par le fruit d'une
consultation sérieuse auprès de l'industrie des valeurs
mobilières, par l'entremise de nos gouverneurs membres et autres
représentants de firmes de courtage, du public, par l'entremise de nos
gouverneurs publics et autres intervenants publics dans le milieu et,
finalement, du milieu universitaire, où nous avons fait une
démarche spécifique.
La Bourse tient à exprimer sa satisfaction devant le leadership
exercé par le gouvernement du Québec en matière de
législation financière. Il a assuré un élan qui a
non seulement favorisé le dynamisme de nos marchés, de nos
institutions et de nos intermédiaires, mais qui a aussi servi
d'inspiration à d'autres. Il a également stimulé le climat
de confiance et d'"entrepreneurship" qui se développait
parallèlement au Québec. Nous vouions particulièrement
souligner le dynamisme du ministre dans son approche concernant le
décloisonnement des institutions financières et le renforcement
des institutions québécoises.
Le défi, pour le Québec, est donc de conserver sa marge de
manoeuvre et d'innovation, tout en sachant satisfaire aux exigences de
l'harmonisation essentielle des uns par rapport aux autres, dans une
activité économique qui s'est maintenant globalisée. Les
principes énoncés dans ce mémoire ont été
discutés à diverses reprises au comité des gouverneurs de
la Bourse qui en a approuvé les recommandations. Je tiens à vous
préciser que le comité des gouverneurs de la Bourse est
composé de représentants de l'industrie des valeurs
mobilières et de représentants du grand public. Nous allons
peut-être vous décevoir en ne lisant pas les 35 pages de notre
mémoire et les sept annexes qui l'accompagnent...
M. Fortier: Nous ne sommes pas déçus.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Riverin: ...mais nous assumons que les membres de la
commission ont pu en prendre connaissance à l'avance.
Le Président (M. Chagnon): Nous sommes certainement
déçus mais nous vous saurons gré de nous en faire une
synthèse.
Des voix: Ha, ha, ha!
(11 h 30)
M. Riverin: Voilà! Nous aimerions vous exprimer nos
recommandations et nos préoccupations concernant le pouvoir de directive
proposé par le ministre à l'égard de la CVMQ, le poste de
directeur général, la sous-délégation, la
reconnaissance des organismes d'autoréglementa-tion et la
délégation de pouvoir et, enfin, le statut des mandataires de la
couronne.
Je sens qu'il est important de souligner que l'opinion de la Bourse
n'est pas mue par le besoin de défendre des théories ou concepts
ni de négocier ou transiger des avantages corporatistes, mais bien de
vous faire part de l'expérience de ceux qui sont les marchés et
qui les font, tant au niveau québécois que canadien et
également international, et ce, particulièrement dans ie cadre du
décloisonnement des institutions financières et de la
globalisation des marchés.
La mission de la Bourse est de permettre le fonctionnement harmonieux,
efficace, intègre et ordonné de nos marchés. En mars 1987,
lors des audiences de la commission sur les orientations, la gestion et les
activités de la CVMQ, nous établissions déjà que la
réglementation économique devait relever du ministre, du Conseil
des ministres et de l'Assemblée nationale. Toutefois, aujourd'hui, on se
retrouve dans le cadre de l'avant-projet du ministre, où nous sommes
appelés à commenter les moyens - et c'est
précisément à ce chapitre que nous accrochons - que le
ministre et le gouvernement voudraient se donner, afin, comme l'a dit le
ministre, de coordonner et d'harmoniser les politiques dans le cadre du
décloisonnement des institutions financières et des
intermédiaires.
Il faut être conscients que les moyens choisis par le pouvoir
politique pour réaliser ces objectifs sont d'une extrême
importance pour tous les intervenants des marchés. Notre mémoire
recommande donc ces moyens. Est-il besoin de souligner que, par sa nature
même, ie marché boursier est le lieu d'expression des choix
économiques privés des investisseurs. On pourrait même dire
qu'il est, dans son essence, le lieu par excellence du libéralisme
économique. Ce milieu ne saurait cependant être libre de toute
contrainte. L'intégrité, l'efficacité, la protection de
l'investisseur, la déontologie ont fait l'objet de structures, de lois,
de réglementations et d'interventions étatiques diverses.
Cependant, la formulation de contraintes visant à permettre à
l'État d'assurer légitimement ces protections doit, compte tenu
de ce qu'est la nature de la Bourse, premièrement, permettre un haut
degré de certitude pour les intervenants; deuxièmement, tenir
compte de l'aspect compétitif de notre place de marché par
rapport à celle de nos voisins et partenaires; troisièmement,
obéir aux principes de la clarté des règles du jeu et,
quatrièmement, assurer que les règles du jeu soient les
mêmes pour tous. C'est donc dans ce contexte que nous vous
présentons, de façon constructive, notre analyse, nos
préoccupations et nos recommandations.
J'aimerais, M. le Président, prendre les cinq points un à
un et, avec l'aide de Me Parent-Johnson, vous expliquer plus en détail
nos préoccupations et nos recommandations. Le premier: le pouvoir de
directives à l'égard de la CVMQ. La Bourse de Montréal
s'inquiète de ce pouvoir de directives, susceptible de provoquer des
situations de confusion, de perte de crédibilité de la commission
et d'incertitude pour les intervenants. Deuxièmement, la Bourse croit
que la loi devrait prévoir des mécanismes plus souples,
déjà connus d'ailleurs, et en harmonie avec les autres
"juridictions" nord-américaines. Troisièmement, la Bourse tient
vivement au bon équilibre des forces de son milieu environnant et
à l'harmonisation des règles du jeu. Il est important de garder
à l'esprit que le marché boursier et des valeurs
mobilières à Montréal se déroule dans un cadre
pancanadien, à "juridictions" multiples, où Montréal et
Toronto, ainsi que Vancouver et Calgary sont souvent en vive concurrence.
Quatrièmement, un tel pouvoir de directive, émanant des
autorités politiques sur une commission des valeurs n'existe nulle part
ailleurs au Canada. Cinquièmement, le contenu et le véhicule du
pouvoir que veut se donner le gouvernement sont insécurisants,
créant des incertitudes anormalement élevées par rapport
aux autres "juridictions". Sixièmement, la CVMQ s'en verra affaiblie,
parce que sa crédibilité sera diminuée par rapport aux
autres commissions des valeurs mobilières. Septièmement, la
commission sera exposée à l'accusation facile d'être
politisée. Huitièmement, dans le cadre de l'hypothèse de
la création d'une commission des valeurs mobilières
fédérale, la CVMQ n'a pas intérêt à
être
affaiblie par l'incertitude des regies qui l'entourerait et la
quasi-tutelle dont elle ferait l'objet. Finalement, contrairement aux
règlements, la directive ne donne pas ouverture au processus formel et
public de consultation nécessaire dans notre industrie.
C'est pourquoi nous faisons les recommandations suivantes:
premièrement que le ministre ait recours à une procédure
d'entente annuelle entre le ministre et la CVMQ; deuxièmement, que le
ministre se donne le pouvoir, dans la loi, de créer un comité
consultatif, incluant la CVMQ, sur la question relative au secteur des valeurs
mobilières; troisièmement, que les pouvoirs de
réglementation du gouvernement soient mieux précises dans la loi;
quatrièmement, que la mission de la CVMQ soit mieux circonscrite dans la
loi, afin d'en exclure la possibilité d'interférence avec le
gouvernement en matière d'orientation économique et, finalement,
que le ministre reçoive, par la loi, le pouvoir de demander à la
CVMQ de mettre de l'avant des orientations politiques, par le processus des
instructions générales de la CVMQ.
J'aimerais ici, M. le Président, demander à Me
Parent-Johnson d'apporter des précisions sur les éléments
que Je viens de soulever.
Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.
Mme Parent-Johnson (Marie-Louise): Merci. Avant de
procéder à une description succincte de nos recommandations, en
tant qu'alternatives au pouvoir de directive, j'aimerais préciser que le
pouvoir de directive est inconnu du domaine des valeurs mobilières en
Amérique du Nord. Nous croyons qu'avant de recourir au pouvoir de
directive il est nécessaire de déterminer les
bénéfices et les avantages de ce pouvoir de directive dans le
domaine particulier qui est visé. D'autre part, lorsqu'on s'inspire de
modèles d'autres lois, il faut analyser sérieusement le contexte
d'une telle législation et voir à quel domaine ou marché
elle s'adresse. C'est ce que nous avons tenté de faire dans notre annexe
3. Le rapport quinquennal fait référence à l'exemple du
pouvoir de directive contenu dans la Loi concernant la Banque du Canada. Il
faut comprendre le contexte de la création de la Banque du Canada en
tant qu'instrument le plus important de politique macro-économique au
Canada. Le préambule de la Loi concernant la Banque du Canada indique
que la banque doit réglementer le crédit et la monnaie,
contrôler et protéger la valeur de la monnaie nationale sur les
marchés internationaux, etc. Ceci paraît, pour le moins, une
tâche particulièrement susceptible d'engager la politique
gouvernementale générale.
Toutefois, la Banque du Canada n'a pas de responsabilités de
niveau micro-économique, comme c'est le cas en matière de valeurs
mobilières, ni de responsabilités adjudicates, comme c'est le cas
en matière de valeurs mobilières.
Certaines lois provinciales sur les services publics prévoient
des pouvoirs de directive. il s'agit de la loi sur les
télécommunications et la Loi sur la Régie du gaz naturel.
Ces deux lois prévoient toutes les deux des pouvoirs de directive. Les
régulateurs, dans ces cas-ci, semblent être
préoccupés par les conditions d'approvisionnement de ces services
de quasi-monopoie. Ces domaines ne sont pas caractérisés par
l'activité de marchés essentiellement compétitifs comme,
bien sûr, c'est le cas dans le domaine des valeurs mobilières. Les
pouvoirs de directive, dans un domaine comme ies valeurs mobilières,
soulèvent malheureusement des questions d'ingérence dans les
forces du marché entre entités privées par des
autorités plus éloignées des réalités
quotidiennes.
De plus, la compétition des marchés canadiens et
étrangers, comme on le voit dans le marché des valeurs
mobilières depuis quelque temps, n'existe pas comme telle dans les
services publics. Les émetteurs et les investisseurs
Québécois ainsi que les étrangers qui investissent dans
ies marchés québécois ont des choix multiples qui n'ont
pas de parallèle dans le domaine des services publics. La relation entre
la réglementation et la perception de cette réglementation que
s'en font ies participants dans les marchés des valeurs
mobilières est plus importante que dans le domaine des services publics.
Il ne faut pas oublier que le rythme du changement dans le domaine des valeurs
mobilières est un aspect important qui fut longuement traité dans
le rapport quinquennal et dans te document de consultation sur les
Intermédiaires du marché. Nous pensons que c'est
précisément à cause du changement qu'on ne peut
recommander un pouvoir de directive à l'égard du domaine des
valeurs mobilières. Le changement pose un problème majeur. La
réglementation, autant que possible, doit suivre le changement afin que
le marché reste compétitif et que les investisseurs n'en
souffrent pas. Pour ça, il faut une connaissance des marchés et
une connaissance des difficultés à les réglementer.
L'expérience et l'expertise sont en fonction des contacts avec les
marchés que les commissions des valeurs et les organismes
d'autoréglementation possèdent, je dois dire,
nécessairement.
La Commission des valeurs mobilières oeuvre dans un domaine
privé de choix économiques exercés par les investisseurs,
dans lequel elle a pour mission de voir à la protection du public en
assurant la protection du public et des épargnants, en régissant
l'information s'adressant au public sur les valeurs mobilières et en
encadrant l'activité des professionnels, de leurs associations et des
organismes chargés d'assurer le fonctionnement du marché, comme
la Bourse de Montréal.
Cela dit, la Bourse, tout en tenant compte des préoccupations du
ministre, a tenté, dans son mémoire, de répondre aux
préoccupations que nous partageons tous en suggérant des
mécanismes en accord avec la réglementation ou les us
et coutumes connus en Amérique du Nord sans qu'il soit
nécessaire ni même opportun d'introduire un pouvoir de directive
tel que contenu dans l'avant-projet. Nous faisons part de nos recommandations
aux pages 12 à 18 de notre mémoire. Nous allons les
résumer brièvement.
Tout d'abord, il existe dans d'autres "juridictions" des processus
d'entente tel le protocole d'entente en Ontario entre le ministre et le
président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario,
représentant la commission comme telle. Ce mécanisme est
particulièrement important pour le climat de discussion, beaucoup plus
que pour la précision et le détail de son contenu. Du moins, les
autorités s'entendent sur la direction à prendre sans avoir
à se contredire sur des choses fondamentales.
En deuxième lieu, il y a un tout nouvel exemple, celui de
l'Alberta. La loi des valeurs mobilières de l'Alberta établit la
création d'un comité consultatif sur les politiques,
auprès de la commission. Ce type de comité a l'avantage
d'être conforme avec les pratiques en réglementation des valeurs
mobilières, au Canada, qui ont évolué en utilisant des
comités consultatifs pour le développement de leur politique.
Dans ce cas-ci, le ministre conserve le contrôle sur le programme qui est
établi. Nous notons, parallèlement, que dans cet esprit, le
ministre délégué aux Finances et à la Privatisation
a mis récemment sur pied un comité tripartite composé de
l'inspecteur général des institutions financières, du
président de la Commission des valeurs mobilières et d'un
représentant du ministre, afin de coordonner les activités de la
CVMQ et de l'inspecteur général, d'amorcer des projets de loi et
des règlements relevant de leur compétence et toute autre
question relative aux institutions financières. Nous croyons qu'il
s'agit, dans cette nouvelle expérience au Québec, d'une heureuse
initiative qui peut certainement apporter une solution à la
préoccupation du ministre pour coordonner les politiques
gouvernementales en matière de décloisonnement.
En troisième lieu, la Bourse de Montréal a souvent
suggéré la délimitation législative de la mission
de la CVMQ pour éviter la confusion. C'est ce que nous avons fait valoir
lors de la commission parlementaire tenue en mars 1987. Nous avons un extrait
de notre mémoire en annexe 4. Or, de toute évidence, le ministre
n'a pas l'intention de retenir cette recommandation. Alors, notre seule
réponse est la suivante. Si le ministre croit que la commission ne peut
faire de la réglementation économique par voie d'instructions
générales en fonction de la mission qui lui est donnée et
en fonction de l'ampleur de la mission qui lui est donnée, nous disons
qu'en matière de réglementation économique, que nous
définissons comme étant celle qui s'adresse aux structures des
marchés et à la concurrence, ceci nous amène directement
à une autre suggestion de notre mémoire, qui traite des pouvoirs
mêmes du ministre: celui de la précision et de l'élargis-
sement des pouvoirs réglementaires du gouvernement. (11 h 45)
À notre avis, le gouvernement peut fort bien exercer son pouvoir
de conception et de formulation des lignes directrices dans le secteur
important des politiques économiques par voie de règlement,
lequel demeure l'instrument gouvernemental par excellence où les
intervenants du milieu, y compris la CVMQ, peuvent faire connaître leur
point de vue avant leur mise en vigueur et faire ainsi bénéficier
le ministre et le gouvernement de leur connaissance et de leur
expérience dans le domaine.
Une autre suggestion, celle-ci peut-être un petit peu plus
créative, il s'agit d'une politique ministérielle
spécifique sur recommandation de la commission. En effet, cette autre et
cinquième suggestion est celle qui donnerait au ministre, d'une
façon quelconque, la possibilité d'avoir une influence directe et
formelle sur les orientations politiques de la Commission des valeurs
mobilières du Québec en utilisant un pouvoir ministériel
d'énoncé de politique.
À cet effet, le ministre pourrait ordonner à la CVMQ de
mettre de l'avant une politique selon le processus de consultation des
instructions générales déjà existant. Cette
méthode permettrait au ministre de bénéficier de
l'expertise et de l'expérience de la CVMQ tout en utilisant les
procédures actuelles connues dans le milieu des valeurs
mobilières. Bien sûr, cette procédure comprend les avis aux
personnes intéressées et des audiences publiques donnant ainsi
l'opportunité aux parties de présenter leurs commentaires. La
CVMQ pourrait entendre les représentants du ministre et les parties
intéressées pourraient avoir l'opportunité de
répondre aux positions présentées par le ministre.
Après avoir complété ses consultations, la CVMQ
ferait rapport au ministre de ses considérations ou recommandations, et
on peut présumer que dans la majorité des cas la collaboration
entre le ministre et la CVMQ devrait donner un résultat satisfaisant qui
tienne compte des orientations du ministre et de l'expérience et
l'expertise de la CVMQ ainsi que de l'intérêt des intervenants du
milieu.
L'énoncé de politique, dans ce cas-ci, deviendrait alors
une instruction générale sous la juridiction d'application de la
CVMQ.
Cette procédure diffère fondamentalement du mode
d'intervention par directives tel qu'abordé dans l'avant-projet. Les
instructions générales en matière de réglementation
des valeurs mobilières sont des normes ou lignes directrices auxquelles
on doit se soumettre et qui émanent de l'exercice d'une
discrétion accordée par la loi à la CVMQ et où tous
les intervenants peuvent participer au débat public.
Voilà, M. le Président, ce que la Bourse avait à
proposer comme recommandations sur les pouvoirs de directives en tant
qu'alternatives aux pouvoirs de directives.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, Mme
Parent-Johnson. M. Riverin.
M. Riverin: Je procède au deuxième point de notre
mémoire, M. le Président, qui concerne le directeur
général à la commission. La Bourse estime que la scission
dans le rapport d'autorité entre les commissaires et le personnel posera
des difficultés considérables de gestion et de fonctionnement de
la commission risquant ainsi d'entraîner des pertes d'efficience et
d'efficacité de la CVMQ. C'est pourquoi la Bourse propose que le
directeur généra! devrait exercer ses fonctions sous
l'autorité de la commission et le président de la commission
devrait demeurer le chef de la direction. La scission dans la direction de la
CVMQ créée par l'avant-projet serait une source de confusion.
Nous recommandons donc que le directeur général devrait exercer
ses fonctions sous l'autorité de la commission dont le président
devrait demeurer chef de la direction.
Je demanderais, M. le Président, à Me Parent-Johnson de
présenter le troisième point qui concerne la
sous-délégation aux organismes d'autoréglementation.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Riverin et Mme
Parent-Johnson. Je tiens à vous préciser que nous avons
légèrement dépassé le temps prévu et imparti
pour votre présentation.
Mme Parent-Johnson: Est-ce que nous pouvons avoir une approbation
dès maintenant, alors?
Le Président (M. Chagnon): Je crois sentir et
déceler qu'il y en a une, mais je tiens, tout simplement, à vous
demander d'accélérer un peu, s'il vous plaît.
Mme Parent-Johnson: Merci, M. le Président. Donc, nous
accélérerons sur la partie où nous disons que la Bourse
exprime sa satisfaction quant aux dispositions prévues à
l'avant-projet portant sur la sous-délégation des pouvoirs aux
organismes d'autoréglementation. Nous avons demandé dans notre
mémoire quelques précisions de textes. Je passe par-dessus
cela.
Nous avons aussi demandé une modification en ce qui concerne le
délai de révision par l'organisme délégataire.
Toutefois, nous sommes prêts à accepter tout délai qui
serait raisonnable. Il faut comprendre que lorsque la commission a
délégué des pouvoirs, la Bourse s'est retrouvée
avec certains des pouvoirs disciplinaires, entre autres, et elle a aussi des
règles qui sont analogues. Alors, nous prenons toujours des
décisions en fonction de nos règles et des dispositions de la Loi
sur les valeurs mobilières. Or, en révision, il s'agit du
comité des gouverneurs, composé des membres de l'Industrie et de
certaines personnalités représentant le public. Nous n'avons pas
un tribunal statutaire, mais un tribunal domestique. Bien sûr, les avis
de convocation, de réunir tout le monde, quelquefois ça peut
prendre un petit peu plus de temps.
Le Président (M. Chagnon): Soit dit en passant, Mme
Parent-Johnson, la liste des gouverneurs, vous nous l'avez remise. Cette liste
des gouverneurs a été aussi remise aux membres de la
commission.
Mme Parent-Johnson: Exact. Le Président (M.
Chagnon): Voilà.
Mme Parent-Johnson: Nous avons la liste des gouverneurs ainsi que
la liste des membres de la Bourse de Montréal. Donc, la Bourse
accepterait tout délai raisonnable de révision.
Par ailleurs, nous aimerions qu'il y ait des modifications aux articles
actuels 309 et 310 de !a loi afin de bien circonscrire le pouvoir
d'intervention de la CVMQ dans les décisions de la Bourse, que ce
pouvoir d'intervention soit exercé dans les décisions de nature
quasi judiciaire rendues ou à rendre par l'organisme
délégataire, que ce soit fait pour cause et dans des
circonstances suffisamment sérieuses qui exigeraient l'intervention de
la CVMQ lorsque la protection des épargnants est en cause. La Bourse
demande ces modifications pour des raisons d'efficacité, de
flexibilité dans son fonctionnement, et pour éviter le
dédoublement inutile des tâches. Je vous remercie.
Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. M.
Riverin.
M. Riverin: M. le Président, le quatrième point de
notre intervention se situe sur le plan de l'autoréglementation,
c'est-à-dire la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation et la délégation de pouvoirs. La
Bourse s'étonne et se préoccupe de ce que l'énoncé
de politique sur le décloisonnement des intermédiaires de janvier
1989 prévoie que la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation se fera par le pouvoir politique, avec tout ce que
cela entraîne. Or, aucune "juridiction" en Amérique du Nord n'a
jugé pertinent de remettre cette reconnaissance entre les mains du
pouvoir politique, pour des raisons d'efficience du marché, mais aussi
pour éviter au pouvoir politique d'avoir à assumer une forme
ultime de responsabilité cas par cas. C'est pourquoi la Bourse
recommande vivement que la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation soit et demeure la fonction de l'organisme de
réglementation et de surveillance et que la délégation de
pouvoirs soit exercée par ce même organisme.
Notre recommandation est que la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation soit et demeure la fonction de l'organisme de
surveillance et que la délégation de pouvoirs soit exercée
par ce même organisme.
Sur le cinquième point de notre mémoire, je demanderais,
M. le Président, à Mme Parent-Johnson d'apporter quelques
précisions.
Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.
Mme Parent-Johnson: Merci. Comme vous le savez, la Bourse...
Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson, c'est
à vous la parole.
Mme Parent-Johnson: Merci. La Bourse de Montréal est un
organisme privé d'autoréglemen-tation reconnu par la CVMQ et sous
la surveillance de cette dernière. Nous assumons nos
responsabilités d'autoréglementation depuis 105 ans en vertu de
notre charte, de nos règles et règlements, cela même avant
qu'il y ait une Commission des valeurs mobilières au Québec. La
Bourse est la seule Bourse de valeurs mobilières au Québec et,
comme telle, le seul organisme d'autoréglementation formellement reconnu
par la CVMQ. Elle regroupe, à titre de membres dont vous avez la liste,
la majorité des courtiers de plein exercice inscrits dans la province et
représente plusieurs d'entre eux qui ne sont pas membres d'un autre
organisme d'autoréglementation ou qui ne sont pas membres de l'ACCOVAM.
La Bourse regroupe aussi un grand nombre de courtiers inscrits auprès
d'autres organismes d'autoréglementation d'autres "juridictions".
La Bourse assume de même des responsabilités que la CVMQ
lui a déléguées, entre autres, pour les
représentants de certaines firmes québécoises qui sont
membres de la Bourse, de l'ACCOVAM et de la Toronto Stock Exchange, mais qui ne
se retrouvent pas sous la juridiction de vérification de l'ACCOVAM ou de
la Toronto Stock Exchange. Nous vous référons à notre
annexe 7 quant aux explications et détails sur nos activités
déléguées par la Commission des valeurs
mobilières.
Aux pouvoirs de reconnaissance et de délégation sont
intimement attachées des obligations qui en découlent. La
reconnaissance et la délégation de pouvoirs impliquent une
série d'obligations, de démarches, de suivis, de
décisions, que ce soit l'approbation des statuts constitutifs,
l'approbation des règlements internes, l'approbation des règles
de fonctionnement, l'approbation de toutes les modifications les touchant, la
fourniture de documents comme les états financiers. Quant à la
délégation de pouvoirs, toutes les décisions de la Bourse
doivent être fournies à l'organisme de surveillance qui s'assure
de leur bon fondement.
D'autre part, on s'imagine mal, pour une même activité,
certains organismes d'autoréglementation reconnus par l'organisme de
surveillance et d'autres reconnus par l'autorité politique, cela dans le
cas même où une section d'une même association est sur le
point d'être pleine- ment reconnue par un organisme de surveillance - et
non pas par le ministre - dans une autre "juridiction".
Actuellement, en Ontario, la section Ontario de l'IDA a
déjà des protocoles d'entente avec la Commission des valeurs
mobilières de l'Ontario sur les pouvoirs d'investigation et
d'enregistrement des courtiers et représentants. D'ailleurs, dans toutes
les "juridictions" canadiennes, ce sont les organismes de surveillance qui
reconnaissent les organismes d'autoréglementation et leur
délèguent certains pouvoirs. Il en est de même dans les
"juridictions" étrangères et nous aimerions vous faire part de
notre expérience. Nous nous référons à la
reconnaissance de la Bourse de Montréal par le Commodity Futures Trading
Commission, organisme de réglementation et de surveillance
fédérale des États-Unis pour les produits d'options et de
contrats à terme, et par le Securities Investment Board
d'Angleterre.
Il nous apparaît donc normal que ces fonctions soient accomplies
par l'organisme de surveillance et nous voyons dans l'intervention
ministérielle à ce stade-ci le passage d'une imputabilité
de nature quasi judiciaire et formelle de la CVMQ au niveau politique. En
devenant celui qui accrédite, le ministre, dans les faits, assumera face
aux divers intervenants une forme ultime de responsabilité de cas par
cas qui n'est peut-être pas souhaitable pour le ministre. Qu'on se
réfère simplement au cas de Osier, en Ontario, alors que c'est la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui doit trancher avec la
Bourse de Toronto ce qu'il faut faire pour régler cette affaire Osier.
Maintenant, qu'on se réfère au cas de Pechiney en France,
là où la Commission des opérations de Bourse n'a pas les
pouvoirs d'une véritable commission, comme c'est connu en
Amérique du Nord. En France, on procède très souvent par
décret Enfin, ça doit être une formule bien
particulière pour l'Europe mais, aujourd'hui, le scandale des titres de
Triangle dans Pechiney sur les délits d'initiés, c'est une
affaire d'État. Ce n'est pas la COB, la Commission des opérations
de Bourse, qui doit trancher cette matière. C'est le ministre.
D'ailleurs, la tendance en France, actuellement, c'est de faire de la COB un
organisme d'autoréglementation et de surveillance, comme l'est la SEC,
c'est-à-dire comme le sont les organismes de surveillance en
Amérique du Nord.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. M.
Riverin.
M. Riverin: M. le Président, rapidement. Le dernier point
de notre mémoire concerne l'assujettissement des mandataires de la
couronne. La Bourse, dans le passé, a fait connaître sa position
sur les règles du jeu que doivent respecter les mandataires de la
couronne dans leurs activités de nature commerciale, notamment, en
matière d'offres publiques d'achat et de
rachat en Bourse, ainsi que de rapports d'initiés. C'est la
confiance des investisseurs et le bon ordre dans le fonctionnement du
marché qui l'exigent.
Par ailleurs, nous comprenons que les mandataires de la couronne sont et
peuvent être des instruments de développement économique
vitaux pour le Québec. À ce jour, ils se sont comportés
comme les autres intervenants, sauf pour les rapports d'initiés
où la loi a été modifiée après 1962. Nous
aimerions demander au ministre de conserver une harmonisation avec les autres
"Juridictions'' dans ses amendements. (12 heures)
La Bourse recommande donc que les sociétés d'État
mandataires de la couronne soient sujettes à des dispositions qui
devraient être contenues à la Loi sur les valeurs
mobilières comme c'est le cas pour d'autres "juridictions" au Canada
avec les mêmes obligations et aussi les mêmes dispenses que l'on
retrouve dans les autres lois sur les valeurs mobilières.
À notre avis, il faut continuer à expérimenter plus
loin dans cette voie avant de modifier le système administratif actuel
sans bouleverser l'équilibre existant. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Riverin.
Je demanderai au ministre s'il a des commentaires ou des questions sur le
mémoire de la Bourse de Montréal.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
iI faut féliciter la Bourse pour un mémoire très
étoffé. C'est peut-être le mémoire le plus
étoffé que nous ayons reçu, qui fait état, bien
sûr, d'une compréhension et qui cherche des moyens de nous
suggérer des alternatives à ce que nous avons proposé tout
en admettant des principes directeurs qui nous animent.
Si je commence par la fin, les mandataires de la couronne, j'ai
indiqué hier, M. Riverin, qu'il n'était pas question pour nous
d'encarcaner les mandataires de la couronne, y inclus la Caisse de
dépôt, de telle façon qu'elle serait ligotée, parce
que des gens nous demandent d'assujettir tous les mandataires de la couronne
à toutes les prescriptions de la Loi sur les valeurs mobilières.
Si s'avérait qu'en définitive, par ce biais, nous pourrions
ligoter la Caisse de dépôt je crois que le gouvernement ne
pourrait pas s'y rallier. Par ailleurs, s'il y a des moyens, je suis prêt
à les explorer, quant à moi - je n'engage pas le gouvernement, je
parle à titre de ministre - des voies alternatives à celles qui
étaient dans le rapport quinquennal. Je pense qu'on n'a pas assez
souligné que ce qui était dans le rapport quinquennal
était tout de même un pas en avant. C'est une autre façon
de faire, c'est, par voie de directive, dire: Vous devez suivre la
réglementation de la Commission des valeurs mobilières. Mais on
est prêts, je pense bien, à explorer d'autres alternatives
à la condition expresse - c'est là la difficulté - que les
mandataires de la couronne qui jouent un rôle important dans le
développement économique du Québec puissent continuer
à le jouer. Sur cela, je pense bien, nous serons intraitables.
Rapidement, en ce qui concerne la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation, j'ai pris bonne note des commentaires. Je dirai
tout simplement que, si cela se retrouve dans l'énoncé de
politique du mois de janvier en ce qui concerne le dédoisonnement des
intermédiaires, c'était une recommandation qui nous était
faite par l'ACCOVAM, donc des courtiers. Il faut croire que tous les courtiers
n'ont pas tous la même opinion. C'était l'ACCOVAM qui nous avait
fait cette recommandation au mois de juin dernier. Par ailleurs, le ministre
intervenait seulement sur recommandation de la Commission des valeurs
mobilières. Dans un premier temps, c'était quand même la
Commission des valeurs mobilières qui faisait la recommandation et le
ministre ne faisait que sanctionner cette recommandation. J'imagine que, cet
après-midi, nous aurons l'occasion d'entendre l'ACCOVAM à ce
sujet.
Pour ma part, j'aimerais vous poser certaines questions sur le pouvoir
de directive parce que je crois que c'est sur cela que vous avez fait le plus
de commentaires. Dans un premier temps, vous dites: II faudrait que les
règles du jeu soient très claires. Je vous rappellerai que, s'il
y a un ministre qui a publié plusieurs énoncés de
politique depuis deux ou trois ans, c'est celui qui vous parle. À ma
connaissance, au Québec, et même au Canada, il n'y a pas un
ministre responsable des institutions financières qui a publié
autant d'énoncés de politique pour tenter d'éclaircir les
règles du jeu dans le domaine des institutions financières.
J'espère que vous en tiendrez compte.
Par ailleurs, vous insistez sur l'harmonisation qui doit se faire, au
Canada, des politiques des institutions financières. Encore là,
je vous rappellerai que c'est le ministre qui vous parle qui a réuni les
ministres responsables des institutions financières de toutes les
provinces canadiennes au Château Frontenac, le 9 décembre dernier,
et qui a fait approuver le principe de l'harmonisation des politiques des
institutions financières au Canada de telle façon qu'on ne puisse
subir des préjudices trop importants. Alors, là-dessus, j'ose
espérer que j'ai une certaine crédibilité, a vos yeux, sur
la nécessité de voir plus de clarté en ce qui concerne les
règles du jeu et sur la nécessité de s'harmoniser. Je
crois que les faits et les gestes que j'ai posés parlent par
eux-mêmes. Je ne crois pas que j'aie des reproches à subir de qui
que ce soit sur les gestes que j'ai posés dans ce secteur. Bien
sûr, avec raison, vous dites: Après vous, il y aura d'autres
ministres. C'est la raison pour laquelle nous voulons que les règles du
jeu dans la loi soient les plus claires possible.
Vous évoquez avez raison des alternatives que nous avons
nous-mêmes étudiées et je suis
bien prêt à les explorer de nouveau avec vous. J'ai
consulté des gens à ce sujet, bien sûr, le sous-ministre
Jean Martel et Jacques Saint-Pierre qui est avec moi. J'ai aussi
consulté un homme qui est très bien connu dans le domaine de
l'administration publique, Me René Dussault. Toute cette question de
respecter les organismes quasi judiciaires tout en permettant au gouvernement
d'avoir un mot à dire sur la politique économique, j'admets
volontiers, et vous le dites, que c'est peut-être plus sensible dans le
secteur des valeurs mobilières. Cette discussion se fait depuis 20 ans
au Québec. Me Dussault m'a souligné à plusieurs reprises
les tentatives qui avaient été faites, en particulier en 1972,
dans le cas de la Commission des transports. On avait dit: Écoutez, on
va avoir une Commission des transports tout à, fait autonome, mais toute
la réglementation va se retrouver au gouvernement. La conclusion, c'est
que ce fut un fiasco complet.
J'ai beaucoup de crainte à suivre votre conseil quand vous dites:
Écoutez, si vous voulez influencer l'orientation de la commission,
élargissez votre pouvoir de réglementation et étudiez-le.
La raison est bien simple. Je dois vous dire que, même si dans la loi il
y a des pouvoirs réglementaires, jusqu'à maintenant, chaque fois
que ce pouvoir réglementaire a été utilisé,
c'était réellement sur les conseils et sur l'avis de la
Commission des valeurs mobilières du Québec. Et qu'on puisse
penser qu'à un moment donné le gouvernement pourrait
lui-même écrire un règlement, j'ose croire que, si on le
faisait, il faudrait le faire dans des cas très rarissimes. Je suis le
premier convaincu que la Commission des valeurs mobilières
possède une expertise que nous n'avons pas au gouvernement et je crois
que le sous-ministre aux institutions financières est tout à fait
d'accord avec moi. Même si nous avons des idées sur l'orientation
économique, il nous est difficile de nous substituer à la
Commission des valeurs mobilières, même dans la préparation
des règlements. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons jamais. Il
est vrai qu'on a le pouvoir de le faire. En tout cas, depuis que je suis
ministre, chaque fois que je suis allé au Conseil des ministres avec des
règlements, ils avaient été préparés en
collaboration intime et même rédigés en très grande
partie par la Commission des valeurs mobilières du Québec.
Donc, cette avenue est possible, mais mes conseillers et
l'expérience passée du gouvernement me disent qu'il faut
être prudents. Si j'étais vous, je n'inciterais pas trop souvent
le gouvernement à écrire des règlements sans la
collaboration de la Commission des valeurs mobilières du
Québec.
Vous dites et cela me fait plaisir: II est vrai qu'il revient au
gouvernement de déterminer l'orientation économique. D'ailleurs,
dans votre mémoire présenté à la commission du
budget et de l'administration, vous aviez souligné - je l'ai relu
dernièrement - qu'en certains cas la Com- mission des valeurs
mobilières du Québec s'était substituée au
gouvernement dans des décisions d'orientation économique. Par
exemple, en 1983, quand la Commission des valeurs mobilières du
Québec a décidé que les maisons de courtage pouvaient
être la propriété des banques, c'était
réellement une décision qui avait un impact sur l'orientation
économique. Et, à ma connaissance, ce genre de décision -
et c'est justement ce genre de décision qui nous préoccupe - n'a
pas beaucoup d'impact sur la qualité ou la fluidité des
règles qui régissent les valeurs mobilières comme
telles.
Je crois qu'il s'agit pour nous de départager ce dont on parle.
Hier, nous entendions des gens et, avec tout le respect que j'ai pour les gens
de Toronto, j'avais l'impression qu'on me faisait un peu le coup de la Brink's:
Si vous faites cela, M. le ministre, tout le monde va partir du Québec
avec son argent. Depuis le temps qu'on nous a fait le coup de la Brink's en
1978...
Une voix: 1970.
M. Fortier: ...1970, les Québécois sont assez
matures et je ne crois pas que je vais accepter qu'on me fasse le coup de la
Brink's. Vous savez, des menaces de ce genre, cela ne me fait pas trop peur.
Mais il est vrai qu'il faut être prudents.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, en 1978, cela
avait été acheté par Desjardins. Alors, cela aurait
été le coup de Desjardins.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fortier: Non, je crois que, de ce côté, c'est
moins possible.
M. Garon: C'est plutôt au Parti québécois que
cela a été fait. Là, vous êtes d'accord, je
suppose.
M. Fortier: Cela dit, comme je le disais hier, il s'agit
peut-être de définir le secteur dans lequel nous voudrions
intervenir. Il est clair que, pour nous, c'est ce que j'appelle la structure
économique. Ce n'est pas tellement dans les règles, comment les
valeurs mobilières vont se vendre. Ce ne sont certainement pas des cas
particuliers. Tout à l'heure, j'entendais le député de
Lévis reprendre ce que j'ai dit. J'ai dit que, peut-être, une
directive... C'était plutôt sur la façon de prendre la
décision, la façon dont la commission devrait le faire. Ce ne
sont certainement pas des cas particuliers. Là-dessus, on va être
très clairs. Nous ne voulons pas intervenir dans le quasi judiciaire.
Nous ne voulons pas intervenir dans des cas particuliers. Nous ne voulons pas
intervenir dans les conditions normales qui sont faites pour les prospectus et
tout ça. Cela revient à la Commission des valeurs
mobilières du Québec. Là où nous croyons que
nous pourrons et que nous devons intervenir, c'est sur la structure
économique. Est-ce que, oui ou non, les maisons de valeurs
mobilières doivent être la propriété des banques?
Est-ce que, oui ou non, les employés des banques et des caisses
populaires peuvent vendre des valeurs mobilières?
À ma connaissance, ce genre de décision n'a aucun impact
sur ce que vous avez dit tout à l'heure. J'aimerais que vous me
rassuriez là-dessus. Dans un premier temps, est-ce que, d'après
vous, des décisions comme celles auxquelles je fais allusion, la
propriété des maisons de valeurs mobilières, la vente de
valeurs mobilières dans des banques ou dans d'autres institutions
financières, toutes des décisions qui ont un impact sur le
décloisonnement des questions financières comme telles,
âtes-vous d'accord avec mol pour dire...
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.
M. Fortier:... que ce genre de décision n'aurait aucun
impact sur la démonstration que vous avez faite tout à l'heure
sur la vente de produits de valeurs mobilières et les conditions qui y
sont rattachées?
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.
M. Riverin: M. le Président, nous sommes tout à
fait d'accord avec les objectifs que poursuit le ministre. Effectivement, nous
croyons que les pouvoirs de la CVMQ ne devraient pas couvrir l'orientation
économique. Donc, sur ce plan, nous poursuivons les mêmes
objectifs. Quant aux moyens, nous croyons que la façon de le faire
serait plus efficace, surtout au niveau de la perception parce que les
marchés sont vraiment maintenant de plus en plus globalisés. Il
est important que la perception se fasse dans un cadre de clarté et
d'harmonisation dans tous les marchés. Nous voudrions que la
précision se fasse au niveau de la mission de la Commission des valeurs
mobilières. On pourrait circonscrire la mission plutôt que de dire
que le pouvoir de directive du ministre s'étend dans tout ce champ. On
dirait: II est toutefois circonscrit à une exclusion pour ce qui est de
la régulation des marchés et le quasi judiciaire.
Nous aimerions plutôt préciser la mission de la Commission
des valeurs mobilières et, par après, agir au niveau de la
réglementation. La culture de cette industrie fonctionne par
consultation et il est important de garder ce mécanisme de consultation
qui est une pratique et qui crée aussi une possibilité
d'intervention de tout le monde.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Riverin.
M. Fortier Juste un mot. Je m'excuse. On manque de temps, mais
j'aurais voulu explorer en particulier votre "Memorandum of agreement". Je me
demandais si, en définitive...
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.
M. Fortier: S'il y a un "Memorandum of agreement", dans le fond
c'est un pouvoir de directive caché.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, après le
député de Lévis, il vous restera trois minutes. Je vous
rappelle à l'ordre tout de suite. M. le député de
Lévis.
M. Garon: M. le Président, si le ministre prenait plus
exemple sur la discipline du député de Lévis, il
rentrerait dans son cadre de minutes très facilement. Je suis d'accord
pour dire aussi que votre mémoire est un mémoire très
fouillé, intéressant parce qu'il fait le tour de plusieurs
questions. Il faut aussi référence aux points de droit et
à des références précises concernant les
affirmations que vous faites. Comme le temps est limité, je veux passer
aux questions tout de suite. J'ai écouté avec beaucoup
d'attention la période d'autogratification du ministre. !! a
peut-être eu peur que d'autres ne le fassent pas, alors il a dit: Je vais
le faire moi-même. Mais...
M. Fortier: Je n'avais peut-être pas grand-chose à
dire.
M. Garon: II dit qu'il écrit beaucoup. Une chance qu'il
n'écrit pas autant qu'il parle, on n'aurait pas le temps de lire tout
ça. J'aimerais poser cinq ou six questions précises.
Premièrement, pour le bénéfice de la commission... Je
remarque que, dans les deux listes de membres: les membres de la Bourse et les
membres de l'ACCOVAM, on retrouve des gens qui ont les mêmes noms. Or,
les mémoires sont différents. Les membres étant
différents, ils sont d'accord avec qui parce que, sur les mêmes
sujets, vous ne dites pas la même chose? Je me dis: Qui représente
qui au fond, parce que ça m'apparaît... Je suis même surpris
de ça. J'aimerais savoir quelle consultation a été faite
au niveau de la Bourse pour dire, dans le mémoire que vous faites: Nous
autres, on parle au nom de nos membres.
Comment expliquez-vous que, dans ces deux mémoires, beaucoup de
gens représentés sont les mêmes et ne disent pas la
même chose?
Le Président (M. Chagnon): M. Riverin. (12 h 15)
M. Riverin: II y a eu une certaine consultation. Nous l'avons
regardé sous un angle Bourse. Je présume que l'ACCOVAM a
regardé ça sous un autre angle. Nous nous entendons sur la
plupart des points soulevés, sauf sur l'accréditation des
organismes d'autoréglementation par le pouvoir ministériel. Nous
nous entendons sur les objectifs; sur les moyens, il y a une
différence.
Nous pensons que nos moyens privilégient la consultation,
privilégient vraiment la participation de tous les intervenants dans le
marché, alors que, en ce qui concerne le pouvoir de directives,
l'ACCOVAM dit: On va souscrire à l'approche du ministre de
procéder par pouvoir de directives, pour autant qu'on puisse
circonscrire vraiment une sphère d'activité, qui est celle de la
commission, où le ministre ne pourra jamais intervenir. J'ai lu le
rapport de l'ACCOVAM et je crois avoir compris un peu où ils en
arrivent.
Donc, concernant les moyens, on dit: Si on procède par ça,
d'abord on ne s'harmonise pas avec les autres marchés, on fait bande
à part; deuxièmement, au niveau de la perception, ça nous
préoccupe énormément parce que les intervenants - ce ne
sont pas tous des Québécois, il y a des intervenants de toute
part - dans nos marchés boursiers diront: l'ACCOVAM devient un bras du
pouvoir politique. Concernant la perception, cela nous préoccupe
énormément et c'est pourquoi on diffère d'opinion sur ce
plan-là. Nous pensons que le moyen de passer par ce que nous
préconisons dans notre rapport, c'est-à-dire la définition
de la mission de la CVMQ, est beaucoup plus efficace et ne crée pas
d'incertitude ni de différence par rapport aux autres marchés, et
le Québec ne fait pas bande à part dans ce marché qui est
vraiment globalisé.
M. Garon: Concernant la reconnaissance... M. Riverin:
Concernant la reconnaissance...
M. Garon: Un instant! Concernant la reconnaissance, j'aimerais
savoir comment l'équivalent de l'ACCOVAM est reconnu en Ontario. C'est
l'ACCOVAM au Québec et Investment Dealers Association en Ontario.
Comment est-ce reconnu en Ontario et comment souhaite-ton que ce soit reconnu
ici et comment la Bourse est-elle reconnue en Ontario et ici, pour faire les
comparaisons de la reconnaissance des organismes
d'autoréglementation?
M. Riverin: M. le Président, tout comme au Québec,
la Bourse en Ontario est reconnue par la commission. L'IDA, qui est la section
ACCOVAM Ontario, j'ai ouï dire que, si elle ne l'est pas
présentement, c'est une question de jours, elle sera reconnue par la
commission. Donc, elle ne l'a pas été jusqu'à maintenant
mais on me dit que, présentement - je l'ai vérifié
auprès de M. Beck - tous les détails sont réglés et
c'est une question de jours avant qu'elle soit reconnue. Elle sera donc
reconnue par la commission de l'Ontario.
De plus, on pressent que, et Me Parent-Johnson le soulignait tout
à l'heure, dans le marché il est important que l'organisme de
supervision soit aussi l'organisme d'accréditation, parce que c'est elle
qui est vraiment la personne responsable déléguée pour
superviser les organismes qu'elle reconnaît. Ce serait un peu curieux de
voir un organisme accrédité par le ministre et supervisé
par la Commission des valeurs mobilières. On voit un problème
là, on voit encore une différenciation avec les autres
marchés et un danger pour le ministre. On a souligné Osier
tantôt; je crois que le marché a bien réglé le cas
d'Osier. Cela n'a pas trop fait de taches nulle part. L'investisseur a
été protégé et a été
remboursé. Le ministre n'a pas eu à intervenir. Le pouvoir
politique n'a pas eu à intervenir. On s'est organisés entre nous
et ça s'est bien passé. Si ça avait été fait
dans une autre situation où ta Bourse de Toronto avait été
reconnue par le ministre, ça aurait été une tout autre
affaire.
Me Parent-Johnson disait également tantôt qu'en France ils
ont un problème. Ils veulent copier le modèle
nord-américain parce qu'il fonctionne bien. En premier lieu, les
organismes d'autoréglementation règlent le problème et, si
jamais ils ne réglaient pas le problème, le ministre a toujours
le pouvoir en dernier lieu d'intervenir. Le pouvoir politique est toujours
là en arrière pour intervenir si on ne s'acquitte pas de notre
tâche. Nous pensons donc que ce serait une erreur de reconnaître
l'ACCOVAM au niveau du ministre et nous croyons que la Bourse devrait rester
comme elle est présentement et également rester sous
l'accréditation par la Commission des valeurs mobilières.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: J'aimerais poser une question, puisque votre
exposé est clair, concernant les mandataires du gouvernement et des
sociétés de la couronne. C'est une double question.
Premièrement, j'aimerais avoir des cas concrets. On dit que les
problèmes se présentent, mais quels sont, concrètement,
les problèmes qui se présentent, qu'on vit dans la situation
actuelle du fait que les sociétés d'État et les
mandataires de la couronne ne soient pas assujettis à la Loi sur les
valeurs mobilières? Deuxièmement, que pensez-vous de la
suggestion du ministre de soumettre les sociétés d'État
à certaines obligations par voie de directive plutôt que de les
assujettir à la Loi sur les valeurs mobilières? Pensez-vous que
cette suggestion serait mieux que le statu quo?
M. Riverin: M. le Président, nous comprenons le
problème que ça pose et nous souscrivons tout à fait aux
objectifs. Nous croyons que les mandataires de la couronne sont des outils de
développement économique fort importants, et c'est important
qu'il y ait une marge de manoeuvre quelconque. On n'a pas de solution miracle
sur ce plan, M. le Président.
Par ailleurs, nous croyons également que nous sommes dans un
marché vraiment globalisé où les règles du jeu
doivent être clairement établies. Il faut qu'on ait tous les
mêmes règles
du jeu si on veut jouer aux billes ensemble. Cela crée de
l'insécurité, ça crée un manque de confiance,
ça crée toutes sortes de problèmes lorsque, dans un
marché, les règles du jeu ne sont pas compatibles à celles
d'un autre marché. Il faut trouver des formules qui atteignent les
objectifs du gouvernement. Nous croyons qu'il serait difficile que les
mandataires de la couronne puissent avoir droit à certains égards
alors que les autres investisseurs n'y ont pas droit. Par voie de directive,
nous croyons que ça ne crée pas nécessairement une
confiance de la part des investisseurs, de la part du marché. Ce ne
serait sans doute pas utilisé, peu utilisé ou pratiquement mis
aux oubliettes, mais il reste que la perception dans le marché est
toujours là. Un marché boursier, c'est un marché qui
fonctionne beaucoup par perception, par confiance, un marché très
nerveux, très international, très fluide. Il serait certainement
malvenu, à notre point de vue, que les mandataires de la couronne
fonctionnent selon ce mode.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Riverin: Me Parent-Johnson aurait peut-être quelque
chose à ajouter.
Mme Parent-Johnson: Jusqu'en 1982, il y avait certains
problèmes concernant les rapports d'initiés. La loi
québécoise a été modifiée en 1982, et nous
n'avons pas de cas où les sociétés d'État n'ont pas
suivi les règles du marché. Elles le font, elles s'y soumettent.
Par ailleurs, il s'agit de messages. Ce dont on veut vous parler, c'est du
message, à savoir qu'il reste toujours dans l'opinion et dans la
perception surtout des étrangers qu'il existe des entités
extrêmement puissantes qui peuvent, un jour ou l'autre, à la suite
de directives leur disant soit de suivre les règles ou, à un
moment donné, un ministre peut leur dire de ne pas suivre telle
règle... Le risque demeure. C'est la perception qui fait qu'on pense
qu'au Québec des entités puissantes peuvent dévier des
règles normales des marchés. Je présume que vous pensez
à Asbestos; des problèmes se sont produits, le fameux
deuxième versement pour les actionnaires. La loi des valeurs
mobilières de l'Ontario comprenait des dispositions qui obligeaient le
gouvernement à aussi faire l'offre aux actionnaires minoritaires, alors
que la loi québécoise n'avait pas ces mêmes dispositions.
Il y avait contravention aux règles ontariennes, mais non-contravention
aux règles québécoises.
Maintenant, les règles québécoises et ontariennes
sont les mêmes. Si la situation d'Asbestos se représentait et
qu'il n'y aurait pas une directive précise disant qu'elle doit
obéir aux dispositions, à ce moment-là, on aurait le
même problème. C'est l'idée du risque. C'est pour ça
que, dans notre présentation, on demeure assez souples et flexibles. On
comprend que c'est extrêmement délicat. On vous dit que les
sociétés d'État ne créent pas de problème
mais, par ailleurs, elles peuvent décider de le faire.
Il y a eu une décision toute récente de la Cour
suprême en matière de rapports d'initiés. Il y a eu cette
décision, par exemple, où je dois vous dire que la Caisse de
dépôt s'est soumise à la décision de la Commission
des valeurs mobilières. C'est CDC Sciences et l'institut Mérieux.
Mérieux voulait faire une offre et la Caisse de dépôt avait
une entente qui la privilégiait par rapport aux autres actionnaires. La
Commission des valeurs mobilières a décidé pour la
protection de l'individu et l'égalité des règles, et la
Caisse de dépôt s'est soumise. Par ailleurs, si on dit que les
sociétés mandataires de la couronne ne sont pas soumises à
la juridiction de la Commission des valeurs mobilières, quelle serait la
valeur d'une décision d'une commission des valeurs mobilières qui
ne serait valable que sur le bon vouloir de la Caisse?
Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson.
J'inviterais maintenant les membres de cette commission, M. le ministre et
éventuellement aussi M. le représentant de l'Opposition...
M. Fortier: M. le Président, est-ce que le
député de Lévis serait d'accord pour que nous prenions...
M. le député de Lévis?
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, vos questions
s'adressent au président de cette assemblée.
M. Fortier: M. le Président, est-ce que le
député de Lévis donnerait son consentement pour que nous
prenions chacun cinq minutes de plus?
M. Garon: Oui.
Le Président (M. Chagnon): C'est une bonne question. On
pourrait poser la question au député de Lévis. Il dit oui.
Alors, il y a consentement pour que cette commission entende la Bourse de
Montréal dix minutes, donc cinq minutes pour le parti ministériel
et cinq minutes pour l'Opposition.
M. Fortier: Je voudrais que ce...
Le Président (M. Chagnon): Alors, M. le...
M. Garon: Pardon, M. le Président....
Le Président (M. Chagnon):... député de
Lévis...
M. Garon:... le député de Mille-Îles a l'air
de s'opposer. S'il s'oppose...
Le Président (M. Chagnon): Je n'ai rien entendu.
M. Garon: ...qu'il fasse un caucus avec son parti.
Le Président (M. Chagnon): Je n'ai rien entendu.
M. Bélisle: M. le Président, je voudrais tout
simplement faire remarquer à la présidence qu'il s'agit, bien
entendu, d'une mesure de justice partiale tel qu'appliquée par le
député de Lévis.
Le Président (M. Chagnon): Je croyais, M. le
député de Mille-Îles, qu'il s'agissait plutôt d'une
justice distributive. Chacun a ses cinq minutes.
M. Bélisle: La distribution, M. le Président, se
fait toujours à peu près du même bord.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, je devrai continuer et remettre la question, c'est-à-dire
donner la parole...
M. Garon: Je n'ai pas de problème avec mon caucus.
Le Président (M. Chagnon): ...à M. le ministre pour
cinq minutes. Cinq minutes, c'est le temps de réponse aussi à une
question...
M. Fortier: Oui, c'est ça. Je vais poser ma question
très brièvement. À la page 16, vous explorez la politique
ministérielle spécifique sur recommandation de la commission.
Vous dites: "Une alternative au pouvoir de directives serait de faire un
énoncé de politique et le soumettre. Mais la question que je
pose, supposons que la mission de la commission ne serait pas modifiée
et que ça aurait une relation avec ce que je définis comme
étant la politique économique du gouvernement. Si, en bout de
piste, la commission nous revient en disant: Écoutez, on va dans telle
direction après consultation... Je vais vous donner un cas. Si je
consulte présentement les banques, les compagnies de fiducie, le
mouvement Desjardins pour savoir si les employés des banques, des
caisses populaires devraient vendre toutes sortes de produits, je sais que, si
je fais une telle consultation, la réponse est oui. Mais le gouvernement
en a décidé autrement parce qu'on a deux principes: le principe
du décloisonnement par filiale et le principe de l'utilisation des
réseaux. Je suis sûr qu'une consultation faite par la commission
arriverait dans la direction où les intervenants les plus
intéressés diraient: Non, non, non, en supposant que le
gouvernement soumettrait une politique comme celle-là. Mais cela ne nous
avancerait pas pour autant. La question que je vous pose, en définitive,
c'est: De quelle façon le gouvernement peut-il faire respecter sa
politique économique? Ce moyen que vous suggérez, à mon
avis, ne nous donne pas la solution au problème qui est posé.
Mme Parent-Johnson: Ce que vous soulevez...
Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.
Mme Parent-Johnson: ...c'est vraiment de la nature de la
réglementation économique qui relève du ministre et du
Conseil des ministres et de l'Assemblée nationale. Donc, c'est de niveau
réglementaire. Ce n'est pas de niveau opérationnel, c'est de
niveau réglementaire. C'est la structure des marchés, c'est la
structure de la concurrence. En ce moment, ne procédez-vous pas à
des énoncés de politique menant à des lois qui
mèneront à des règlements?
M. Fortier: Vous savez que le pouvoir d'instruction
générale de la commission est très large et vous savez que
des instructions générales sont publiées sans même
que le ministre soit au courant qu'elles vont être publiées le
lendemain matin. Vous savez que le pouvoir d'initiative de la commission est
tellement large qu'il peut prendre des initiatives dans ce secteur. Alors, la
question qui est posée est: Comment faire en sorte que le ministre ou le
gouvernement puisse influencer l'orientation dans le domaine de la structure
économique? Je crois que le gouvernement ne tiendrait pas tellement
à écrire... Supposons qu'on prend la question de la structure;
pour nous, ce n'est pas tellement qu'on veuille écrire le
règlement, c'est qu'on aimerait établir un principe très
simple. Par exemple, les employés d'une banque ou d'une caisse populaire
ne devraient pas vendre d'autres produits. Alors, on n'a pas besoin
d'écrire le règlement. Une fois que cet énoncé de
politique est fait, on voudrait dire à la Commission des valeurs
mobilières: À partir de ce principe de base, préparez vos
instructions générales et préparez votre
réglementation. Vous semblez vous opposer à ça. Il me
semble que ma demande est très raisonnable. (12 h 30)
Mme Parent-Johnson: Votre demande est raisonnable. Par ailleurs,
je suis un petit peu perplexe. Nous avons soulevé cette situation en
mars 1987 en disant qu'il y a peut-être une confusion dans la loi qui -
ce n'est pas ultra vires - nécessairement, de par sa fonction telle
qu'écrite à l'article 276, amène nécessairement la
commission à combler le vide, de façon assez laconique, je dois
dire. Je lis, dans le rapport quinquennal ou ailleurs ou dans les
présentations dans les journaux, qu'on refuse de reconsidérer.
Dès lors, vous soulevez le pouvoir très vaste des instructions
générales. Oui, c'est un pouvoir très vaste mais, par
ailleurs, c'est un pouvoir de faire des instructions générales
sur la mission que l'on a. On vous demande de circonscrire la mission.
M. Fortier: Comme j'ai terminé, je vais
simplement dire que cette décision avait été une
recommandation de la commission du budget et de l'administration.
Peut-être faudrait-il y revenir.
Mme Parent-Johnson: Excusez-moi.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, le ministre commence à
comprendre pourquoi je me suis abstenu dans le débat. Il y a des
affaires pour lesquelles j'étais et d'autres pour lesquelles je
n'étais pas. Avec plus de discussion, le ministre va comprendre
davantage.
M. Fortier: II n'était pas au courant, il n'était
pas...
M. Garon: J'aimerais dire ceci... Le ministre doit dire qu'il
évolue dans ses énoncés de politique. Sur le
décloisonnement, par exemple, je me rappelle très bien que
même le projet de loi sur les sociétés de fiducie
prévoyait la vente d'autres produits financiers. C'est seulement en
commission parlementaire que le ministre est arrivé - apparemment,
ça passait mal au caucus - pour faire disparaître cette
disposition qui est dans la loi des compagnies d'assurances et qui était
au moment du dépôt - et c'est vérifiable - dans la Loi sur
les sociétés de fiducie et les sociétés
d'épargne. Elle est partie en cours de route, après un long
débat qu'il y a eu ici. Apparemment, dans le caucus libéral,
c'était divisé. Il faut savoir qui énonce les politiques.
Est-ce le caucus ou le gouvernement ou le ministre? L'énoncé
était clair mais, à la fin, la marchandise n'a pas
été livrée.
M. Fortier: C'est pour ça que Desjardins vend de
l'assurance.
M. Garon: Vous ne l'avez pas marqué dans la loi. Vous avez
dit: Les tribunaux décideront et on verra après. C'est un
drôle d'énoncé de politique. On dit: On va laisser
décider les tribunaux, et on décidera après. Qu'est-ce
qu'on va faire après, quand il va y avoir tant d'assurances... Les gens
embarquent dans une affaire... Ce n'est pas comme ça qu'on fait marcher
des affaires, en disant des choses qui ne sont pas claires.
Je ne veux pas prendre tout le temps pour... J'aimerais vous poser la
question suivante. Actuellement, pour les sociétés de la couronne
ou les mandataires du gouvernement, le régime est le régime
d'exception. Vous demandez qu'ils soient assujetties à la Loi sur les
valeurs mobilières. Dans votre esprit, est-ce un assujettissement qui
doit être total ou prévoyez-vous qu'il pourrait y avoir... Je
pense que le gouvernement peut avoir des vues de préciser les secteurs
dans lesquels cela sera assujetti ou les préciser, faire la règle
générale d'assujettissement avec un certain nombre d'exceptions
qui peuvent être nécessaires pour le gouvernement. Est-ce que vous
voyez un assujettissement total ou avec exceptions?
Mme Parent-Johnson: On ne saurait voir un assujettissement total.
De toute façon, cela défavoriserait nettement les mandataires de
la couronne par rapport à ce qui se fait. Prenons notre partenaire le
plus près, l'Ontario; nous pensons à l'assujettissement au
rapport d'initiés et l'assujettissement aux offres publiques d'achat et
de rachat de titres. Nous verrions toutes sortes d'exception comme on le voit
en Ontario, c'est certain. Pour les besoins du Québec s'il faut innover
un petit plus loin, il est certain que tous les intervenants du milieu
financier qui apprécient énormément le travail des
mandataires de la couronne pourraient collaborer avec le gouvernement pour
trouver das méthodes d'assujettissement, mais avec de la souplesse pour
ne pas évidemment - je pense que nous sommes tous nationalistes -
contrecarrer l'option des mandataires de la couronne. Ce que nous voulons dire,
c'est que nous avons besoin... Nous savons que les mandataires de ia couronne
se comportent bien dans les marchés, volontairement. Or. pourrait dire
que ce sont de bons citoyens du milieu financier. Mais c'est le message du fait
qu'on les exclut et de dire sur la place publique qu'on les exclut et de dire
que, si on les assujettit, ce sera par voie de directive. Donc, les tiers ne
sont pas liés, pour répondre à une de vos questions
précédentes. C'est cette espèce de faux message qu'on
laisse traîner dans les milieux financiers qui ne sont pas aussi au
courant que nous, au Québec, du fait que les sociétés de
la couronne se comportent très bien dans les marchés
financiers.
Dans les grands mouvements de fond et chez les grands investisseurs, on
va voir nos conseillers financiers et on leur dit: Quelles sont les
règles du jeu dans tel pays? On nous répond: Vous savez, dans les
provinces anglaises, notamment en Colombie britannique, par la loi
d'interprétation, les mandataires de la couronne sont soumis à la
Loi sur les valeurs mobilières; en Alberta, ils ne le sont pas; en
Ontario, ils lui sont soumis.
Quelle est la réponse? D'abord, dans les provinces du Canada, ce
sont les mêtnes règles pour tous. Vous ne serez pas
étonnés, du jour au lendemain, d'avoir à un moment
donné chez vous une offre de 50 % que vous n'auriez pas pu
prévoir avant, simplement parce qu'il n'y a pas de rapport
d'initiés de fait. Alors, on nous dit que, dans les provinces anglaises,
les règles du jeu sont connues et, au Québec, elles ne le sont
pas. C'est soumis au pouvoir politique qu'on ne connaît pas très
bien. C'est ce faux message il faut dissiper ou, du moins, si on veut se
pencher sur la question, je pense il ne faut pas en discuter sur la place
publique, ne
serait-ce que pour ne pas créer une certaine incertitude. Nous
avons tous les mêmes objectifs et nous disons tous la même chose
mais, comme le disait le président de la Bourse, M. Riverin, c'est une
question de moyens.
Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson.
Maintenant, je demanderais au ministre et au représentant de
l'Opposition de conclure. M. le ministre.
M. Fortier: Je remercie les représentants de la Bourse de
Montréal. Étant donné qu'on s'entend sur les objectifs, je
crois qu'on devrait continuer le dialogue sur les moyens. C'est en ce sens
qu'on y donnera suite à la commission parlementaire.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. le
député de Lévis.
M. Garon: J'ai écouté le ministre et je vous
remercie d'être venus. Habituellement, tout le monde s'entend pour la
recherche de la vertu; c'est la pratique qui est difficile. Dans
l'Évangile, on dit aussi: La foi sans les oeuvres...
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie.
M. Fortier: Étes-vous télévangéliste
vous aussi?
M. Garon: Non. Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Chagnon): Je tiens à remercier les
représentants de la Bourse de Montréal au nom des membres de
cette commission et en mon nom personnel. Une partie de votre message est que
vous tenez à protéger le personnel politique et je vous en sais
gré, au nom de tous les membres, même si, éventuellement,
il s'agit d'une protection contre soi-même. Nous vous remercions d'avoir
témoigné sur ce sujet devant notre commission parlementaire.
J'appellerai M. Carmand Normand. Avec votre permission, messieurs, nous
ajournons pour cinq minutes.
M. Riverin: Merci, M. le Président, de nous avoir permis
de présenter notre mémoire et d'avoir dirigé ce
dialogue.
Le Président (M. Chagnon): Merci. (Suspension de la
séance à 12 h 38)
(Reprise à 12 h 48)
Le Président (M. Chagnon): À l'ordre, s'il vous
plait! Si vous voulez prendre votre siège, messieurs les membres de la
commission.
M. Carmand Normand, je vous réitère que vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire et que chacun des
partis ici aura 20 minutes pour la présentation de ses commentaires ou
des questions qui vous seront adressées.
M. le député de Mille-Îles, je vous invite à
prendre place avec nous. M. Normand, nous vous écoutons.
M. Carmand Normand
M. Normand (Carmand): M. le Président, je suis
présent avec Me André Blanchet, qui est procureur pour le
Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de
la Société Asbestos Itée. Je remercie premièrement
la commission, M. le ministre, les membres de la commission d'avoir
donné un droit de parole pour la première fois aux actionnaires
minoritaires depuis l'énoncé de politique de 1977 sur
l'expropriation de la Société Asbestos. On a pensé qu'il
était important pour les actionnaires minoritaires de faire des efforts
personnels en leur nom pour qu'ils aient pour une première fois une voie
directement au législateur pour pouvoir exprimer leur opinion.
À l'onglet 1, j'ai mis quelques exemples de personnes qui avaient
contribué au comité et qui ont contribué pour obtenir un
traitement égal en nous demandant de jouer un peu le rôle que la
Commission des valeurs mobilières du Québec n'a pas rempli,
c'est-à-dire la défense des petits épargnants. Je n'ai pas
à souligner aux membres, qui depuis quelques jours le savent
déjà, le rôle de la Commission des valeurs
mobilières, la protection du petit épargnant, le traitement
égal des actionnaires.
Dans un premier temps, j'aimerais rappeler le principe de base vu par
des citoyens que j'ai contactés, qui m'ont contacté, qui m'ont
téléphoné et écrit, et qui ont contribué
financièrement à la protection et la défense de leurs
intérêts. Le gouvernement du Québec a décidé
de réglementer le domaine des valeurs mobilières en adoptant la
Loi sur les valeurs mobilières. L'objectif visé était de
protéger les épargnants et d'assurer un traitement égal
à tous les intervenants, en définissant un cadre à
l'intérieur duquel les règles du jeu étaient connues.
D'une façon globale et générale, nous sommes d'avis que la
Loi sur les valeurs mobilières a bien rempli son objectif. Il y a
toujours place à l'amélioration, mais dans l'ensemble elle a bien
rempli son objectif.
Les lois votées et promulguées par nos gouvernement
reflètent généralement les valeurs auxquelles une
société croit. Le Canada et le Québec ont d'ailleurs
jugé nécessaire d'enchâsser ces valeurs dans la charte pour
les garantir à tous les citoyens. On a reçu, il y a quelques
années un petit dépliant qui s'appelait "Votre charte
québécoise des droits et libertés de la
personne". Je me suis permis de regarder s'il y avait des
droits là-dedans qui pouvaient avoir été mis de
côté.
Le processus de la présente consultation publique
témoigne de l'importance que le gouvernement accorde au système
démocratique, et je vous en félicite. Quant à nous, il est
clair que le rôle du gouvernement, en matière de valeurs
mobilières, doit se limiter exclusivement à celui de
législateur, c'est-à-dire voir à l'adoption des lois qui
s'appliquent à tous les citoyens, individus, corporations et
gouvernements de façon juste et équitable pour tous. À
partir du moment où le gouvernement devient à la fois
législateur, intervenant - commerçant - et Juge, la
démocratie même est en danger, et certains pourraient même
croire que nous assistons à un retour - j'exagère peut-être
à la monarchie. En effet, lorsque l'État prétend
être au-dessus des lois, il utilise des droits héréditaires
de monarques anciens et traite ses citoyens en sujets du Moyen Âge en
dictant leur ligne de conduite sans être disposé à suivre
les règles qu'il fixe lui-même. C'est l'autorité du: "Fais
ce que je te dis mais ne fais pas ce que je fais". Ce droit
médiéval réclamé par un gouvernement moderne est
profondément insultant pour le citoyen ordinaire. Si le gouvernement
n'est pas soumis aux lois, que reste-t-il pour protéger les sujets de Sa
Majesté? La bonne volonté de cette dernière, probablement.
Ce n'est certes pas la volonté du gouvernement du Québec qui,
dans ses considérants de la Charte des droits et libertés de la
personne, énonce clairement, dans le petit document que tous les
citoyens du Québec ont reçu: "Que tous les êtres humains
sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une
protection égale de la loi; que le respect de la dignité de
l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il
est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix de notre
société. "
La Loi sur les valeurs mobilières comporte de
nombreux articles qui confirment spécifiquement des principes de droit
à l'égalité et à la non-discrimination et plus
précisément les articles concernant les offres publiques d'achat
de 110 à 118. En voulant se soustraire à la Loi sur les valeurs
mobilières, le gouvernement va à l'encontre de sa Charte des
droits et libertés du Québec et se comporte malheureusement, dans
ce cas-ci, en monarque.
Les actionnaires minoritaires du Québec sont
protégés par la loi en cas de prise de contrôle par une
société commerciale ou un individu en vertu des protections que
leur accorde la loi. On sait que la Commission des valeurs mobilières a
publié une petite brochure sur les OPA qui mentionne deux choses. Il y a
deux principes de base. Le premier principe est le droit égal des
actionnaires. Le deuxième principe est la pleine information de tout le
monde. Lorsque le gouvernement demande d'être exempt de ces dispositions,
c'est de retirer ce droit au traitement égal aux actionnaires
québécois sur tout titre boursier où, directement et
indirectement, une société d'État aurait un
intérêt d'acquisition ou de vente Cela revient à dire en
pratique que les actionnaires minoritaires du Québec auraient des droits
conditionnels au traitement qui seraient contingents aux
événements futurs. Par exemple, si Power Corporation fait une
acquisition, les actionnaires minoritaires ont des droits mais, si c'est
Hydro-Québec, la SGF, la Caisse de dépôt, la
Société nationale de l'amiante, ces droits n'existent plus pour
les actionnaires. J'appelle ça de la monarchie.
D'ailleurs, nous vous rappelons que l'article 13 de notre charte
québécoise des droits stipule très clairement: "Nul ne
peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination.
Une telle clause est réputée sans effet. " C'est votre charte,
c'est la charte de tous les Québécois. Ainsi, si ta Loi sur les
valeurs mobilières comporte des clauses implicites ou explicites qui
assureraient le non-assujettissement de l'État à ses lois, ces
clauses devraient être réputées sans effet parce
qu'à rencontre de l'article 13.
Deuxième considération, les considérations
financières et marchés des capitaux. L'information
privilégiée. L'information dans les marchés financiers
représente la plus grande valeur commerciale. La Commission des valeurs
mobilières du Québec et tous les autres organismes similaires le
reconnaissent et s'assurent que l'obligation de divulguer soit respectée
par tous et que les initiés ne jouissent pas d'avantages indus sur les
petits actionnaires. Le gouvernement et ses hauts représentants sont non
seulement exposés à recevoir un niveau d'information
privilégiée plus appréciable que tout autre citoyen mais
ils sont eux-mêmes les plus susceptibles de créer "la nouvelle"
par leur fonction de législateurs. On connaît les fortunes
illégales qui ont été créées grâce
à des informations privilégiées aux États-Unis, au
Japon, voir même en France et plusieurs messieurs bien au-dessus de tout
soupçon ont payé des centaines de millions en règlement
aux autorités administrant les lois sur les valeurs mobilières et
ont été condamnés à l'emprisonnement. Pourquoi le
gouvernement du Québec voudrait-il avoir pour lui le droit légal
à l'information privilégiée en n'étant pas soumis
à sa propre Loi sur les valeurs mobilières?
Une société d'État en difficultés
financières, par exemple, pourrait légalement
bénéficier d'une information privilégiée pour
renflouer sa caisse, alors que tout citoyen agissant de la même
façon serait passible de fortes amendes et d'emprisonnement. Nous sommes
convaincus et persuadés, et à la lecture de tous les documents
dont M. le ministre partait tout à l'heure et que j'ai lus, que ce ne
sont pas là les objectifs poursuivis par le gouvernement.
Deuxièmement, c'est sûr qu'il y a un coût à se
conformer aux lois. Cela coûte plus cher de suivre la loi que de ne pas
la survre. Alors, il
est évident pour tout le monde que d'acheter 5f % des actions
d'une compagnie publique coûte moins cher que d'en acheter 100 %. Par
contre, il y a des lois, et les lois obligent les investisseurs privés,
que ce soit Power Corporation ou d'autres, à faire une offre à
tout le monde, s'ils achètent plus de 20 % des actions, à une
prime qui représente plus de 15 %. C'est ainsi, d'ailleurs, que le
législateur et que d'autres gouvernements qui ont poursuivi des
objectifs socio-économiques... Petro-Canada a déboursé 1
400 000 000 $ pour acheter toutes les actions de Petrofina; Cascades a dû
débourser environ 15 000 000 $ de plus pour acheter des actions non
votantes de papier Rolland, même si elle ne te voulait pas, mais la
Commission des valeurs mobilières du Québec et la loi l'ont
obligée à le faire. Donc, ça coûte plus cher de
suivre la loi que de ne pas la suivre.
La même chose dans le cas d'un dossier d'Unigesco, de Noverco et
de CANAM-MANAC. M. Nadeau a été obligé de se
départir de Noverco parce qu'il devait faire une offre à tout le
monde. La Commission des valeurs mobilières lui a demandé de
suivre la loi, ça lui coûtait trop cher, donc, il a perdu des
millions et ça lui a coûté des sous de suivre la loi.
Le gouvernement du Québec veut-il être exempt de sa propre
loi pour réduire le coût financier de ses transactions? Je suis
certain que ce n'est pas l'objectif ultime du gouvernement et que ça
n'atteint pas ses objectifs. Par contre, si le gouvernement et ses mandataires
sont au-dessus des lois, comment, alors, ceux qui sont chargés de
l'administration du budget de la province pourront-ils résister à
la tentation de ne pas utiliser l'immunité du gouvernement pour
acquérir à meilleur compte ce que tout autre citoyen corporatif
ou Individuel ne pourrait faire? Pour les comptes du budget, il n'y a qu'une
seule justice, il faut que les débits égalent les crédits.
D'ailleurs, on blâmerait probablement très
sévèrement les administrateurs du budget de ne pas se servir de
tous les moyens légaux pour réduire les dépenses du
gouvernement, donc, d'améliorer le déficit ou ne pas avoir de
déficit. C'est, d'ailleurs malheureusement ce que le gouvernement fait
allègrement dans le présent cas d'Asbestos, sous des bases
juridiques douteuses.
Le non-assujettissement des sociétés d'État
à la Loi sur les valeurs mobilières ouvre la porte à des
nationalisations sans compensation pour les petits actionnaires minoritaires.
Dans notre société démocratique, on a choisi le
système économique basé sur le capitalisme, et les
gouvernements encouragent l'épargne et l'investissement du capital des
citoyens dans les entreprises. Les possibilités de plus-value sont
laissées aux lois de la libre concurrence et l'augmentation graduelle
des profits et des dividendes versés aux actionnaires influence
directement le cours boursier de l'entreprise. Donc, c'est accepté, dans
notre société, d'inves- tir dans des actions et de faire des
profits.
Dans notre démocratie, il est tout à fait naturel, par
contre, que le gouvernement ait des objectifs qui lui soient propres. Lorsqu'on
demande aux ministres et au gouvernement d'orienter la politique
économique de la province, les actionnaires minoritaires ne s'y opposent
pas, ils sont tout à fait d'accord. (13 heures)
Le Président (M. Chagnon): M. Normand, juste une seconde,
pour demander le consentement des parties pour continuer.
M. Normand: Est-ce que j'ai déjà 20 minutes de
faites?
Le Président (M. Chagnon): Non, mais c'est qu'il est 13
heures. En principe, nos travaux devaient se terminer à 13 heures.
Est-ce que j'ai le consentement?
M. Garon: Pas de problème. On est ici pour vous
entendre.
Le Président (M. Chagnon): Vous pouvez continuer, M.
Normand. Vous avez utilisé onze minutes, il vous en reste neuf.
M. Normand: Je vous remercie. M. René Lévesque
déclarait, en décembre 1978: "Le projet de loi permettant
l'expropriation de I'Asbestos Corporation est déposé pour
signifier clairement l'intention du gouvernement du Québec qui est
d'acquérir la part minimale de propriété qu'un peuple doit
avoir dans ses ressources, surtout dans une situation privilégiée
de premier producteur au monde. " Il a le droit de le faire.
D'ailleurs, l'honorable premier ministre déclarait en octobre
1977 il devait faire cela pour tous les actionnaires parce que certains
"pourraient se sentir inconfortables s'il y avait des actionnaires minoritaires
lorsque le gouvernement maintient le contrôle. Le gouvernement doit
prendre des positions et réaliser des objectifs qui ne soient pas
toujours ceux des actionnaires" minoritaires.
Pour sa part, le chef de l'Opposition du temps, M. Claude Ryan,
écrivait le 1er décembre 1981: "Lorsque le gouvernement
intervient dans la vie d'une société, au point d'en modifier le
contrôle, il me semblerait approprié qu'il offre à tous les
actionnaires les mêmes possibilités de se départir de leur
capital. "
C'est justement ce que la Loi sur les valeurs mobilières
prévoit en cas de prise de contrôle: les mêmes
possibilités de se départir de leur capital. " Quels seraient les
avantages du gouvernement de ne pas s'y soumettre, sinon des avantages
financiers au détriment des petits actionnaires? Pourquoi le
gouvernement ne suivrait-il pas la règle de l'offre publique à
tous les actionnaires? C'est nécessairement et uniquement, à la
vue des petits actionnaires, pour réduire le coût financier. Les
prétentions du
gouvernement actuel à l'immunité face à la Loi sur
les valeurs mobilières du Québec sont, à notre avis,
motivées par des considérations économiques à court
terme sans tenir compte des conséquences néfastes à long
terme tant du point de vue financier que social. Le nombre de
sociétés d'État du Québec oeuvrant dans les milieux
d'affaires et transigeant régulièrement sur le marché des
valeurs mobilières et des capitaux ne peut laisser place à une
discrimination positive en leur faveur sans perturber de façon
négative le milieu financier. La Caisse de dépôt est le
plus gros actionnaire minoritaire au Canada, Hydro-Québec est le plus
gros émetteurs de titres, la SGF, un industrialiste
acquéreur.
Pas plus Wayne Gretzky n'a besoin de patins à turbo pour
être en mesure de compter des buts, pas plus la Caisse de
dépôt n'a besoin d'avantage légal privilégié
pour lui permettre d'accomplir son rôle de gestionnaire de portefeuilles.
Elle est probablement celle, au Canada, qui est le plus en mesure de se
défendre et de défendre les droits des actionnaires minoritaires
puisqu'elle est elle-même le plus grand actionnaire minoritaire et le
plus grand actionnaire minoritaire d'Asbestos Corporation avec 259 600
actions.
Peut-être que Je vais vous apprendre quelque chose, à la
page 9, le gouvernement et les sociétés mandataires sont
assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.
Et cela, contrairement à ce qui, à l'heure actuelle, est
sous-jacent à la loi. La Cour suprême du Canada, dans un jugement
rendu le 15 décembre 1988 concernant l'immunité d'un mandataire
du gouvernement, statuait que: 'Une action n'est pas une entité
Indépendante des dispositions légales qui régissent sa
possession et son échange. " Les échanges d'actions sont
régis par la Loi sur les valeurs mobilières du Québec et
de l'Ontario. Le jugement continue: 'Ces dispositions représentent des
éléments constitutifs. Elles définissent les droits et
obligations mêmes qui constituent l'existence de l'action visée. "
"Le fait même d'acheter une action suppose donc l'acceptation implicite
des avantages du régime prévus par la loi. Et ces avantages sont
liés de façon indissoluble aux restrictions qui les accompagnent.
" Ce n'est pas Carmand Normand ni les actionnaires minoritaires qui disent
cela. Ce sont les juges de la Cour suprême du Canada. Est-ce clair?
A-t-on besoin d'ajouter davantage? Les sociétés d'État au
Québec, à l'heure actuelle, d'après le jugement de la Cour
suprême du Canada, sont assujetties à la Loi sur les valeurs
mobilières, comme l'a spécifié la Cour suprême du
Canada en demandant et en statuant que la Caisse de dépôt devait
faire comme tout le monde lorsqu'elle achetait des actions et faire ses
rapports d'initiés. Prétendre le contraire, c'est harceler les
petits citoyens et les petits épargnants.
On a également mentionné à plusieurs reprises que
ce n'était pas correct que les sociétés d'État
aillent se présenter devant des régies ou la Commission des
valeurs mobilières, parce qu'un mandaté de l'État avec un
autre mandaté de l'État, cela ne se faisait pas. Par contre, on
remarque que cela se fait. Une société d'État comme
Radio-Canada se présente devant le CRTC pour faire approuver ses choses.
Même Hydro-Québec doit se présenter devant le Bureau
national de l'énergie pour faire approuver ses quotas d'exportation. Ce
n'est pas toujours à notre avantage. Pourtant, combien de centaines de
millions de dollars - je pense que les membres du gouvernement le savent -
Hydro-Québec pourrait-elle épargner en étant au-dessus de
ces lois et en expropriant les propriétaires des terrains sans
compensation? Nous ne pouvons voir comment les sociétés
d'État seraient gênées dans leur mandat en étant
soumises à la Loi sur les valeurs mobilières du
Québec.
Le dernier point: Les directives du ministre à la Commission des
valeurs mobilières du Québec. Nous croyons qu'il est tout
à fait légitime, voire même essentiel, que les grandes
politiques économiques et sociales soient la prérogative et le
privilège exclusif du gouvernement. C'est d'ailleurs souvent - non
exclusivement - sur des questions d'orientation économique qu'un
gouvernement plutôt qu'un autre est élu. C'est un choix politique
- et nous sommes d'accord avec M. le ministre là-dessus - que de donner
les pouvoirs d'exercer des activités à tel type d'entreprise
plutôt qu'à tel autre. Si le gouvernement veut que les banques
puissent posséder des courtiers en valeurs mobilières, c'est son
affaire. Par contre, l'exercice de la profession de courtier en valeurs doit
être régi de façon uniforme par une entité autonome,
Indépendante et au-dessus de tout soupçon, qu'elle soit
possédée par une banque, des individus ou une caisse populaire.
C'est pourquoi nous croyons, par exemple, que les exigences de
compétence, de probité, etc., afin d'assurer la protection du
petit épargnant doivent être régies par la Commission des
valeurs mobilières du Québec. On ne peut pas exiger que des
conseillers en valeurs mobilières régis par la Commission des
valeurs mobilières du Québec aient une expérience de 10
ans et un diplôme d'université, un doctorat, alors qu'une
secrétaire de banque peut vendre des valeurs mobilières. Ils
doivent avoir, je pense, un niveau égal de compétence, et cette
compétence doit être régie par un organisme.
Nous croyons que ce n'est qu'une question de bien définir le
mandat de la commission. Si sa mission est de protéger les
épargnants, assurer l'intégrité des marchés et un
traitement égal des actionnaires, qu'on le dise clairement et le
ministre pourra juger de la qualité du travail fait par la commission en
fonction du mandat qu'il lui a confié. Les directives deviendront
inutiles et nous éviterons ainsi le cas par cas. Des règles
claires et précises connues de tous les intervenants fermeront la porte
aux invitations de
"lobbying" politique. D'autant plus que les décisions de la
Commission des valeurs mobilières ont très souvent des
implications financières importantes. Je vous l'ai dit tout à
l'heure dans le cas de Rolland, dans le cas d'Unigesco. Pourquoi, donc, exposer
inutilement le ministre à ce genre de pression? Un mandat clair pour la
commission, c'est la solution.
En conclusion, nous croyons que la Loi sur les valeurs mobilières
du Québec est essentielle au maintien de l'intégrité des
marchés financiers et à la protection des épargnants de
notre société. Toutes les modifications à la loi
permettant une meilleure protection de l'épargnant et une plus grande
efficacité de fonctionnement seront des atouts concurrentiels
additionnels que notre milieu se donnera. Le fait pour le gouvernement
d'être au-dessus des lois, et pour un ministre de pouvoir donner des
directives, est contraire à l'objectif même de ce gouvernement
d'assurer une meilleure protection des citoyens épargnants et de
soutenir une plus grande efficacité de nos marchés
financiers.
M. le ministre Pierre Fortier déclarait: "Nous
franchissons aujourd'hui une étape décisive de la réforme
législative de nos institutions financières, réforme qui
reflète la volonté du gouvernement de soutenir la croissance et
l'efficacité du secteur financier québécois. " Qu'il en
soit ainsi, mais avec équité, égalité et justice
pour tous.
Messieurs les membres de cette commission, je vous remercie de
l'occasion que vous nous avez donnée de présenter le cas des
petits actionnaires minoritaires.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M.
Normand. Je demanderais maintenant à M. le ministre de commenter
ou de vous interroger sur votre mémoire. M. le ministre.
M. Fortier: M. Normand, nous sommes ici en commission
parlementaire pour vous écouter et écouter les autres
intervenants pour nous permettre par la suite de modifier la loi. Il s'agit
donc de l'avenir; il ne s'agit pas du passé. Bien sûr, dans votre
mémoire, vous faites des assertions. Je voudrais simplement dire que
certaines de ces assertions, selon nous, peuvent être contestées,
mais, comme il s'agit de cas pour lesquels des poursuites sont entamées
en cour et comme le règlement nous empêche de commenter ici en
commission parlementaire des situations comme celles-là, nous nous en
abstiendrons. Je dirais simplement que je ne suis pas d'accord avec vous sur le
fait en particulier que le gouvernement n'a pas respecté les
règles du marché en 1981. On peut le contester, mais ce n'est pas
ici qu'on va régler le débat. La prétention du
gouvernement est que, même si certains actionnaires minoritaires auraient
souhaité qu'il y ait une "follow-up offer", notre prétention,
comme vous le savez, est que la loi en 1981 était telle et que - autre
argument - lorsque la transaction a été complétée,
cette disposition de la loi existait et que, à cause de cela, le
gouvernement devrait faire une offre aux actionnaires minoritaires... Je ne
m'embarquerai donc pas dans ce sujet, étant donné que c'est
devant des cours de justice, on va laisser les juges décider.
L'intérêt de votre mémoire, c'est pour l'avenir,
étant donné que nous sommes ici pour examiner si nous devrions,
à l'avenir, changer la Loi sur les valeurs mobilières, en
particulier, en ce qui a trait à l'assujettissement des mandataires de
la couronne. J'ai pris note de vos commentaires. Vous semblez dire que
présentement les mandataires de la couronne ne suivent pas les
règles de la commission. Il y a une minute, nous avions la Bourse de
Montréal qui nous disait: Non, depuis 1982, M semble que les gens qui
sont dans le secteur privé savent que les mandataires de la couronne
respectent les règles de la Commission des valeurs mobilières. Ce
que la Bourse nous disait c'est plutôt que c'était une question de
perception et qu'il serait préférable qu'il y ait un certain
assujettissement. Vous semblez dire le contraire. La question que j'aimerais
vous poser c'est: Est-ce que vous connaissez des cas où des mandataires
du gouvernement ne respectent pas les règles de la Commission des
valeurs mobilières du Québec?
Le Président (M. Chagnon): M. Normand.
M. Normand: Je vous remercie. Le cas d'Asbestos en est un...
M. Fortier: Oui, mais ce serait...
M. Normand:... qui date du 9 décembre 1986, M. le
ministre. Par contre, pour les autres, à l'heure actuelle, le
gouvernement devant les commissions invoque l'immunité de la couronne
pour ne pas avoir des auditions maintenant sur un dossier. Par contre, dans les
autres sociétés de la couronne, je suis d'accord avec vous, je ne
connais pas de sociétés de la couronne qui ne se conforment pas,
et cela dans le passé également Le seul cas où le
gouvernement ne s'est pas conformé à la Loi sur les valeurs
mobilières, à ma connaissance, à part les rapports
d'initiés que la Caisse de dépôt a faits volontairement
depuis 1983, c'est le cas d'Asbestos.
M. Fortier: Donc, si on oublie l'affaire d'Asbestos - mais je
sais que vous ne l'oublierez pas...
M. Normand: C'est très difficile.
M. Fortier: Si on parle du présent, on doit se rassurer.
Comme je l'ai dit, en tant que ministre délégué à
la Privatisation, je me suis assuré que dans les transactions de
privatisation que nous avons faites, nous avons respecté les lois sur
les valeurs mobilières. Je dis cela pour rassurer la population qui
pourrait croire qu'il y
a des lacunes très graves maintenant. J'entends votre plaidoyer.
J'ai indiqué hier que, d'une part, dans notre rapport quinquennal, nous
avions suggéré une méthode plus précise de
s'assurer que les sociétés d'État mandataires de la
couronne suivaient les règles de la Commission des valeurs
moblières du Québec, comme elles le font présentement,
mais ce sera assujetti par voie de directive originant de l'exécutif.
J'ai également indiqué en tant que ministre - |e n'engage pas le
gouvernement - que j'allais examiner d'autres méthodes, et cela devra
prendre en considération le rôle important joué par les
mandataires de la couronne au Québec. Pensons à la Caisse de
dépôt. Je crois que vous êtes au conseil d'administration de
Provigo, alors, vous savez que la Caisse de dépôt a joué un
rôle important pour appuyer le développement de Provigo depuis de
très nombreuses années et qu'elle en fait autant dans d'autres
domaines. Si on lit les journaux, ces jours-ci, on sait que dans les offres
publiques d'achat qui sont faites contre... Lorsque des investissements
étrangers cherchent à prendre le contrôle de
sociétés québécoises, les gens, avec raison,
demandent au gouvernement de suivre la situation de très près et
de voir si une collaboration entre le secteur privé et le secteur public
ne nous permettrait pas de garder le contrôle au Québec même
de certaines sociétés, dans certains secteurs
névralgiques.
Tout simplement, j'entends votre plaidoyer. Je crois que nous
chercherons à examiner ce qui peut être fait. Il faudra nous
assurer en définitive que, quelle que soit la solution qui sera retenue,
cela ne paralyse pas les mandataires de la couronne. Nous voulons le faire
d'une façon qui permette aux mandataires de la couronne de jouer leur
rôle. D'autre part, un certain assujettissement, non pas total mais
spécifique, pourrait rassurer les gens. Lorsque des mandataires de la
couronne comme la Caisse de dépôt vont faire des offres publiques
d'achat, en particulier les "follow-up offers", nous voulons que ces
dispositions soient suivies à l'avenir. C'est ce que je voulais vous
dire, et je crois que vous savez très bien quel est le rôle de la
Caisse de dépôt, puisque vous êtes un ancien
vice-président de la Caisse de dépôt, semble-t-il Donc,
vous connaissez le rôle qui est joué par ce mandataire. Notre
espoir est de trouver une solution qui va permettre à la Caisse de
dépôt et à d'autres mandataires de jouer leur rôle
tout en posant des gestes qui pourraient nous assurer que la perception soit
meilleure, puisque, dans les faits. lI semble que présentement on n'a
pas grand-chose à reprocher aux mandataires de la couronne. (13 h
15)
Le Président (M. Chagnon): M. Normand, avez-vous des
commentaires?
M. Normand: Oui. M. le ministre, j'aimerais dire tout simplement,
au chapitre de l'assujettissement des sociétés d'État
à la Loi sur les valeurs moblières, que, même si, à
l'heure actuelle, il n'y a qu'un cas en litige, le fait que la Caisse de
dépôt ne serait pas assujettie à la Loi sur les valeurs
mobilières aurait un effet plus négatif sur les marchés
financiers que les avantages qu'elle pourrait avoir à ne pas se
conformer à certaines règles de la loi. La perception serait que,
si la Caisse de dépôt a un bon rendement, ce serait parce qu'elle
n'a pas à suivre les règles des lois, qu'elle n'a pas à
suivre les mêmes règles que les autres; donc, ce serait
négatif pour l'ensemble. De même, lorsqu'on 1983 j'ai
été premier vice-président à la Caisse de
dépôt, nous avons volontairement fait des rapports
d'initiés, parce que l'avantage de ne pas les faire était presque
nul et que le désavantage de ne pas les faire était
énorme, par rapport à la crédibilité d'un outil
économique aussi fort que la Caisse de dépôt dans tout le
Québec, le Canada et maintenant dans le monde. C'est pour cela que, dans
le fond, s'en référer uniquement à l'éthique des
présidents des sociétés d'État, c'est correct,
mais, dans des situations corsées... Par exemple, s'il y avait une vague
de nationalisation - à l'heure actuelle c'est l'inverse, c'est une vague
de privatisation - on pourrait être tenté de faire la
nationalisation de Québec-Téléphone, par exemple, sans
faire une offre à tous les détenteurs d'action. Qu'est-ce qui
fait qu'aujourd'hui les Québécois n'ont pas le même droit
comme actionnaires minoritaires que los Ontarlens ou les gens d'autres
provinces? Ils auraient les mêmes droits seulement si le ministre,
après la transaction, décidait qu'effectivement on devrait se
conformer aux lois. Mais. comme je l'ai dit, si ce n'est pas statué dans
la loi, alors le droit du citoyen québécois comme actionnaire
minoritaire peut exister ou ne pas exister selon la bonne volonté du
ministre. Je pense que cela crée une incertitude, un problème de
fond en rapport à un traitement égal des actionnaires au
Canada.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Normand. M. le
ministre.
M. Fortier: Une remarque. La méthode qui a
été proposée dans le rapport quinquennal n'est pas de
laisser au ministre de tutelle le loisir d'envoyer la directive ou non. Ce
serait plutôt une directive qui serait préparée par le
ministère des Finances, qui serait adoptée par le Conseil des
ministres; il y aurait une décision du Conseil des ministres de demander
à chaque ministre, donc iI y aurait une obligation qui serait faite
à chaque ministre d'envoyer cette directive à chacune de ses
sociétés d'État. Donc, ce n'est pas tout à fait...
Je voulais juste corriger ce que vous avez dit, parce que ce serait encore plus
contraignant que ce que vous avez défini, soit que le ministre de
tutelle déciderait ou ne déciderait pas lui-même s'il
assujettit sa société d'État ou son mandataire de la
couronne. C'est certainement plus astreignant que de la façon
que vous l'avez décrite.
Le Président (M. Chagnon): M. Normand.
M. Normand: Je suis heureux de l'entendre, M. le ministre. Ce ne
sont pas toujours les messages qu'on a reçus. Par contre, si c'est
astreignant au point que cela maintient un droit légal des petits
actionnaires minoritaires au Québec, autant le mettre dans la loi; on
n'aura pas à se référer à deux lois ou à des
directives à l'extérieur pour savoir quels sont nos droits comme
actionnaires.
M. Fortier: Bien, on en est au choix des moyens.
M. Normand: C'est cela.
M. Fortier: On s'entend sur les objectifs.
M. Normand: L'intérêt c'est que, si vous êtes
d'accord pour protéger à 100 % les actionaires minoritaires du
Québec, pour que s'ils achètent leurs actions d'Air Canada
à la Bourse de Montréal ils aient les mêmes droits que
s'ils les achètent à la Bourse de Toronto, je pense que )e vous
fais confiance pour les moyens, mais ils devraient être les plus clairs
possible pour le petit épargnant.
M. Fortier: Nous croyons que c'est le résultat qui compte,
mais je pense que le moyen qu'on a proposé est de bon aloi.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt le mémoire présenté par les
intervenants. Maintenant, depuis le début de la commission, le ministre
a mentionné qu'on ne peut traiter des causes qui sont devant les
tribunaux, mais nous avons dit que, lors du débat sur la loi en 1982,
notamment l'article 4, à ce moment, il avait été
Indiqué qu'au point de vue de la divulgation les sociétés
d'État seraient assujetties à la loi, mais que, pour le reste, le
gouvernement voulait attendre que cela se fasse en même temps que
l'Ontario. L'Ontario a bougé en décembre 1984, et nous avons dit,
au fond, que le régime d'exception était la règle.
Maintenant, le régime d'assujettissement devrait peut-être
être la règle en comportant certaines exceptions qui peuvent jouer
dans le cas d'organismes gouvernementaux qui ont besoin de quelques exceptions.
Je pense que ce que nous avons dit jusqu'à maintenant va un peu dans le
sens de l'assujettissement des sociétés d'État à la
loi, puisque le régime est en train de s'établir pour que
ça soit plus uniforme. On a vu tantôt, je pense que vous
étiez ici quand on a rencontré les représentants de la
Bourse de Montréal, qu'avec 'a Bourse de Montréal on disait
juste- ment: Est-ce il est possible de prévoir que la règle
générale, la règle donc, soit l'assujettissement des
sociétés d'État, mais avec certaines exceptions qui
pourraient être prévues pour ne pas empêcher le gouvernement
de jouer son rôle?
Votre mémoire est clair et ce que vous dites est clair. Il n'y
aura pas de question additionnelle.
Le Président (M. Chagnon): M. Normand.
M. Normand: Pour nous, l'intérêt principal de notre
intervention est de faire prendre conscience à la commission que les
petits épargnants au Québec peuvent être très
fréquemment lésés par des actions qui ne sont pas
nécessairement délibérées de la part des
gouvernements, mais c'est que le plus menaçant pour le citoyen et le
plus fort face au citoyen, c'est l'État. Il a toutes les
capacités. Il a la capacité d'exproprier, de changer les lois,
etc. Il faut que le citoyen puisse à un moment donné s'asseoir et
dire: La loi, c'est quoi? et je la suis. Mais, si la loi est conditionnelle
à des actions futures et qu'en même temps on arrive dans une
période de récession et que la situation économique est
difficile, ça va être très difficile de ne pas céder
à la tentation, pour réduire des coûts financiers de
transaction, de dire: Nous, la loi, on est au-dessus de ça. Et c'est
encore ce qu'on continue à l'heure actuelle à prétendre.
Cela a un effet malsain. Comme citoyen, je trouve un peu difficile d'accepter
que le législateur, qui a la capacité de faire les lois, nous
dire qu'il est au-dessus de ces lois.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Normand.
J'inviterais maintenant le ministre et le député de Lévis
à conclure. M. le ministre.
M. Fortier: Je voulais simplement remercier M. Normand de
s'être donné la peine de venir en commission parlementaire. Comme
vous l'avez dit, cela témoigne de la démocratie à
l'Assemblée nationale, et je crois que ça permet à ceux
qui auraient, disons, des frustrations de pouvoir s'exprimer publiquement.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Je remercie également M. Normand et Me Blanchet
d'être venus à la commission parlementaire. J'ajouterais un mot.
À titre personnel, je pense que ça ne serait pas mauvais qu'il y
ait un débat sur les offres publiques d'achat. Comment cela se
passe-t-il de ce temps-ci? J'ai l'impression qu'on vit un peu comme au temps du
Far West où le meilleur tireur arrivait au bar, mettait le "gun" sur la
table et disait: À partir de maintenant, ça se passe comme
ça.
Il y a des périodes, quand on regarde, où les actions sont
sous-évaluées. Comment cela
doit-il se passer dans le fonctionnement des offres publiques d'achat?
Je pense que ça ne serait pas mauvais qui y ait un débat sur
cette question. Je ne présume pas des réponses mais, comme membre
dune société, je regarde ça aller et je me dis: Est-ce que
c'est comme ça que ça ' doit se passer?
Le Président (M. Chagnon): M. Normand.
M. Normand: À ce propos, M. Garon, le débat au
chapitre des offres publiques d'achat, des "leverage buy out", etc., a
déjà commencé un peu en Amérique du Nord, aux
États-Unis en premier lieu. La façon dont se font les
acquisitions... Je pense que cela va être difficile de s'isoler longtemps
de ce débat. En ce qui concerne les sociétés d'État
et l'État lui-même, quels sont les impacts des acquisitions et des
changements de contrôle à l'intérieur d'une
société? Je pense que c'est une question qui, effectivement,
relève du gouvernement et des grandes orientations
socio-économiques du gouvernement. Pour nous, ce qui est très
important, c'est qu'à chaque fois qu'il y a des changements ou qu'il y a
intervention du gouvernement il faut que tout le monde soit traité
également. Le petit épargnant accepte mal que General Dynamics
reçoive 88 $ par action et que lui reçoive zéro de son
propre gouvernement. Il ne le prend pas. M. le ministre l'a souligné un
peu avec astuce, on a un petit peu. je ne dirais pas de rancoeur, mais c'est
l'expression de centaines de petits actionnaires qui
régulièrement me harcèlent pour me dire: Faites quelque
chose. J'ai pensé que cela pouvait vous sensibiliser à ce "Faites
quelque chose" que de venir vous voir et d'investir des heures pour
préparer ce modeste mémoire.
Le Président (M. Chagnon): Cela va. Je tiens à vous
remercier, M. Normand et M. Blanchet. Je suspends les travaux jusqu'à 15
heures, au moment où nous entendrons la Commission des valeurs
mobilières du Québec. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 26)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Chagnon): À l'ordre, si vous
plaît! J'inviterais maintenant les membres de la Commission des valeurs
mobilières à prendre place à la table de la commission. M.
le président, voulez-vous nous faire te plaisir de nous présenter
les gens qui vous accompagnent? Je vous rappelle que nous avons 20 minutes
d'audition de votre mémoire et que, par la suite, les membres de cette
commission ont chacun, tant du côté ministériel que du
côté de l'Opposition, 20 minutes pour commenter et vous poser des
questions sur votre mémoire. Alors, M. le président, je vous
laisse à votre mémoire.
Commission des valeurs mobilières du
Québec
M. Guy (Paul): M. le Président, à ma droite, M.
Maurice Cusson, vice-président de la commission, et, à ma gauche,
Me Antoni Dandonneau, chef du service de conseil juridique de la
commission.
M. le Président. M. le ministre, messieurs les
députés membres de la commission, pour la Commission des valeurs
mobilières, les délibérations de votre commission,
à la suite des comparutions qui ont eu lieu depuis hier, revêtent
une Importance considérable. En fait, depuis la création de la
commission en 1955, elle a eu l'occasion de comparaître souvent devant
votre commission. Parfois, à l'occasion de projets de loi d'une grande
importance, que l'on pense, par exemple, à la refonte de la loi en 1982
ou à l'Introduction de la réglementation uniforme des offres
publiques en 1984. Cependant, c'est la première fois que la commission
est appelée à débattre devant vous un texte qui comporte
une remise en question des principes fondamentaux de la réglementation
des valeurs mobilières. C'est aussi la première fois que la
commission comparaît devant vous avec l'appréhension que ne soient
prises des décisions qui auront un impact défavorable sur le
marché des valeurs mobilières du Québec.
Il faut Insister, d'entrée de jeu, sur la gravité des
questions sur lesquelles votre commission doit se prononcer. La plus
fondamentale de ces questions concerne le pouvoir de directive que
l'avant-projet de loi introduit en faveur du ministre. Cette mesure avait
été préconisée par le rapport final de votre
commision, publié en juin 1987, à ta suite de l'examen que vous
avez fait de la Commission des valeurs mobilières. Elle a aussi
été préconisée par le rapport quinquennal
publié par le ministre en mal 1988. Cependant, dans la formulation qu'en
donne l'avant-projet de loi, ce pouvoir de directive ne correspond guère
aux recommandations de ces deux rapports. En effet, les deux rapports
assortissaient ce pouvoir de directive de deux contraintes. D'abord, iI ne
devait être exercé qu'à propos des questions relevant de la
politique économique du gouvernement. Ensuite, iI ne devait pas remettre
en cause l'indépendance de la commission dans l'exercice de ses pouvoirs
quasi judiciaires. L'avant-projet de loi ne retient aucune de ces deux
restrictions.
Nous ne pouvons que souscrire, sans réserve, au principe de la
responsabilité du gouvernement en matière de politique
économique. Encore faut-il s'entendre sur ce qui constitue la politique
économique du gouvernement, car ce terme est employé très
diversement selon les Interlocuteurs et selon les contextes. En effet,
tantôt on parie de politique de haut de gamme, tantôt on donne
comme exemple des décisions sur des questions particulières qui
relèvent certes du domaine économique, mais
qu'on ne peut aucunement caractériser comme haut de gamme. Nous
reconnaissons d'emblée que le gouvernement a la responsabilité de
déterminer les grands principes régissant l'activité
économique mais, en ce qui concerne les détails des règles
régissant l'activité économique dans le domaine des
valeurs mobilières, le système de réglementation qui est
en place et qui devrait être sauvegardé en attribue la
responsabilité à la commission. En ce qui concerne, donc, la
responsabilité du gouvernement à l'égard des grandes
orientations de la politique économique, nous croyons que le
gouvernement peut très bien l'assumer sans le pouvoir de directive.
D'ailleurs, en matière de valeurs mobilières, aucune des
provinces canadiennes ne connaît un tel pouvoir de directive, ce qui
n'empêche aucunement les gouvernements de mettre en oeuvre leur politique
économique. En effet, au Québec comme dans les autres provinces,
le gouvernement dispose de pouvoirs réglementaires et, également,
de pouvoirs d'Initiative en matière législative. Au cours des
discussions sur le pouvoir de directive, on n'a d'ailleurs jamais établi
pourquoi le gouvernement ne pourrait pas définir sa politique
économique par le jeu du pouvoir réglementaire ou du pouvoir
d'initiative en matière législative.
L'institution du pouvoir de directive, même si on devait
l'assortir de certaines limitations, ne paraît pas opportune à la
commission parce qu'elle irait à rencontre d'une caractéristique
fondamentale de la réglementation des valeurs mobilières au
Canada et aux États-Unis, l'Indépendance par rapport au pouvoir
politique. Il s'agit d'un mode original de réglementation sous la
direction d'un organisme administratif autonome comportant une large
participation des intéressés eux-mêmes, par le biais de
l'auto-réglementation. Or, ce mode de réglementation a fait ses
preuves à tel point qu'il est devenu une condition de la confiance des
investisseurs dans la réglementation Imposée au marché
financier.
En introduisant le pouvoir de directive, on prend une décision
capitale. On met de côté le processus de réglementation par
un organisme autonome et on accepte le principe d'intervention à la
pièce du pouvoir politique dans la réglementation du
marché. Ces interventions du pouvoir politique ne pourront qu'engendrer
la méfiance des investisseurs à l'égard du marché
québécois, parce qu'elles mettront en doute l'impartialité
de la commission. En outre, cette réforme viendrait compromettre
gravement la capacité de la commission de collaborer avec ses homologues
des autres provinces en vue de définir des normes uniformes par la voie
de directives générales canadiennes.
À cause de l'importance du marché québécois,
la commission joue un rôle très actif dans ce travail de
concertation et contribue ainsi à maintenir l'uniformité
nécessaire dans la réglementation des valeurs mobilières
au Canada. Dès le moment où la commission sera soumise au pouvoir
de directive, elle ne sera plus en mesure de participer efficacement à
ce travail d'uniformisation et cela fournira un argument de poids à ceux
qui préconisent la création d'une commission
fédérale.
L'avant-projet de loi, conformément à la recommandation du
rapport quinquennal, prévoit la création d'un poste de directeur
général. D'après les explications données dans le
rapport quinquennal, le poste devrait assurer une meilleure gestion de la
commission et une démarcation plus nette entre le rôle du tribunal
administratif et celui d'organisme de réglementation.
En ce qui concerne la gestion de la commission, nous ne voyons pas
l'utilité d'introduire un poste de directeur général,
puisque les fonctions de gestion sont déjà exercées
à l'heure actuelle par le directeur de l'administration. Par ailleurs,
si on pense plutôt au pouvoir d'application de la loi, la
délégation de pouvoirs aux divers directeurs et chefs de service
assure déjà que la commission est dégagée, autant
que possible, de l'application quotidienne de la loi. Pour donner des pouvoirs
au directeur général, il faudrait nécessairement les
retirer aux directeurs et chefs de service. Or, la structure actuelle mise en
place en 1983 se fonde sur une délégation de pouvoir à
ceux qui les exercent effectivement, et les administrés qui traitent
régulièrement avec la commission s'en trouvent très
satisfaits. Ils traitent avec celui qui exerce le pouvoir et, en cas de
désaccord, ils ont directement accès à la commission. Avec
la création du poste de directeur général, on
interposerait un palier supplémentaire entre les directions et la
commission, ce qui entraînerait assurément une prolongation des
délais nécessaires pour obtenir la solution définitive
à une difficulté. De plus, en faisant remonter les dossiers des
diverses directions au palier du directeur général, on risquerait
de créer un goulot d'étranglement qui, à son tour,
provoquerait des délais. Enfin, l'avant-projet de loi concentre dans
cette personne des pouvoirs nombreux qui sont exercés, à l'heure
actuelle, par les divers directeurs ou, de façon collégiale, par
la commission. Cette concentration nous paraîtrait excessive.
Quant à la volonté d'établir une démarcation
plus nette entre le rôle de tribunal administratif et celui d'organisme
de réglementation, nous ne voyons pas en quoi la création du
poste de directeur général permettrait d'atteindre ce
résultat et nous pensons même que cette préoccupation
méconnaît dans une certaine mesure la nature originale d'une
commission des valeurs mobilières. En effet, dans le contexte
nord-américain, les commissions de valeurs mobilières ont
toujours été organisées de manière originale pour
bénéficier de la synergie de fonctions généralement
séparées les unes des autres. Compte tenu de l'expérience
antérieure, ce poste ayant existé à la commission pendant
une dizaine d'années - j'ai moi-même occupé ce
poste de directeur générai pendant cinq ans
et M. Cusson, qui est ici à ma droite, l'a occupé pendant trois
ans - nous sommes convaincus que l'Introduction du poste de directeur
général n'améliorerait en rien le fonctionnement de la
commission. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce poste fut
éliminé lors de la refonte de la loi en 1982. De surcroît,
le poste tel qui est défini dans l'avant-projet de loi comporte des
caractéristiques qui sont sources de graves inquiétudes. Il
convient de souligner que ces deux caractéristiques ne se retrouvent pas
dans la loi ontarienne qui est citée pour justifier l'introduction de ce
poste.
En premier lieu, l'avant-projet ne prévoit aucun
lien de subordination entre le directeur général et le
président de la commission. Une telle direction bicéphale ne peut
que conduire à des conflits qui compromettront la bonne application de
la loi. En second lieu, plutôt que d'être nommé selon la Loi
sur la fonction publique, le directeur générai sera nommé
par le gouvernement et n'aura d'autre garantie de maintien dans ses fonctions
que celle qu'il pourra négocier dans son contrat. Compte tenu de
l'importance des fonctions qui lui sont dévolues, il est beaucoup trop
exposé aux pressions qui pourraient être exercées sur lui.
Ces deux caractéristiques du poste, tel qu'il est défini dans
l'avant-projet de loi, font du directeur général une personne
qui, plutôt que de relever de la commission, dépend du
gouvernement. C'est là une autre forme d'intervention du pouvoir
politique dans la réglementation des valeurs mobilières qui
risque d'avoir des conséquences très fâcheuses, dans la
mesure où elle donne la possibilité au gouvernement d'intervenir
dans l'application quotidienne de la loi. À cela s'ajoute le fait que
l'avant-projet de loi prévoit un transfert automatique au directeur
général de tous les pouvoirs que la commission a
délégués à des membres de son personnel et
l'impossibilité pour la commission de déléguer des
pouvoirs à des membres précis de son personnel.
Maintenant, au sujet du pouvoir de reconnaissance des
organismes d'auto-réglementation. L'énoncé de politique
intitulé 'Décloisonnement des intermédiaires" annonce que
le pouvoir de reconnaître les organismes d'autoréglementation
actuellement conféré à la commission serait
transféré au ministre. En outre, la délégation de
pouvoirs à des organismes d'auto-réglementation devrait
être approuvée par le ministre. Cette réforme n'a
aucunement été discutée, à notre connaissance, lors
des audiences de la commission parlementaire à ce sujet et le
régime en place, à l'heure actuelle, n'a pas non plus fait
l'objet de critique à cette occasion. De façon
générale, en Amérique du Nord, la reconnaissance des
organismes d'auto-réglementation - parce qu'elle représente un
élément essentiel de la réglementation des valeurs
mobilières - est un pouvoir conféré à des
commissions de valeurs qui sont autonomes par rapport au pouvoir politique. La
décision de reconnaissance, tout comme la décision de
déléguer certains pouvoirs à des organismes
d'autoréglementation, n'a rien à voir avec la politique
économique du gouvernement. Il s'agit de décisions
d'opportunité Intimement reliées au régime de
réglementation des valeurs mobilières et qui font donc appel
à l'expertise possédée par les commissions. La
réforme proposée aura donc pour effet d'instaurer un
contrôle politique dans un aspect technique de la réglementation
des valeurs mobilières qui devrait échapper entièrement
à l'influence du pouvoir politique.
Maintenant, brièvement, au sujet des autres
questions. La commission a déjà manifesté son accord sur
la possibilité de permettre aux organismes d'autoréglementation
de sous-déléguer les pouvoirs qui leur sont
délégués par la commission. Nous avons cependant fait dans
notre mémoire quelques observations techniques sur la rédaction
des articles traitant de ce point. En ce qui concerne les dispenses relatives
aux organismes de placement collectif créés par les institutions
financières, je me contenterai - vu il s'agit d'une question hautement
technique - de rappeler le principe de base qui doit être suivi, selon
nous. Ce principe est que tous les participants au marché doivent, dans
la mesure du possible, être traités de la même façon.
À l'ère du décloisonnement, nous estimons que, de
façon générale, les institutions Financières ne
devraient pas bénéficier de dispense parce qu'elles exercent des
activités normalement assujetties à la réglementation des
valeurs mobilières. Nous pensons aussi que ce principe doit s'appliquer
à la question de l'assujettissement de la couronne et de ses mandataires
à la Loi sur les valeurs mobilières. Les règles normales
du marché doivent s'appliquer à tous, même à la
couronne et à ses mandataires, en ce qui concerne l'appel public
à l'épargne, les obligations d'information et les offres
publiques. (15 h 30)
Après avoir passé en revue les principales
questions soulevées par l'avant-projet de loi et par le rapport
quinquennal, je voudrais simplement, en guise de conclusion, vous rappeler la
gravité des enjeux. Qu'il s'agisse du pouvoir de directive, du directeur
général ou du pouvoir de reconnaissance des organismes
d'autoréglementation, les modifications proposées ne constituent
pas, comme pourrait le penser un observateur étranger à la
réglementation des valeurs mobilières, des mesures d'ordre
technique visant à régler des problèmes très
localisés. Au contraire, ce sont des mesures qui remettent en question
un trait fondamental de la réglementation des valeurs mobilières,
telle que nous la connaissons depuis plusieurs décennies au
Québec et dans les autres provinces canadiennes. En effet, ces mesures
constituent autant de façons de faire intervenir le pouvoir politique
dans la réglementation des marchés de valeurs mobilières
alors que, selon le système généralement appliqué
en
Amérique du Nord, cette tâche de la réglementation
des marchés est confiée à un organisme autonome,
précisément pour éviter que les marchés ne soient
soumis aux Interventions à la pièce du pouvoir politique.
Sans doute il ne faut pas avoir peur d'innover. Cependant, la
volonté d'innover ne doit pas se transformer en une
témérité qui ferait mettre de côté les
leçons acquises au cours d'une longue expérience accumulée
non seulement au Québec mais aussi dans les autres provinces canadiennes
et aux États-Unis. Or, la réglementation des marchés de
valeurs mobilières par un organisme autonome constitue le régime
généralement appliqué en Amérique du Nord et nulle
part remis en cause. Nous pensons qu'on n'a jamais présenté de
motifs justifiant que l'on abandonne ce mode de réglementation. Pour
soutenir la confiance des investisseurs dans le marché
québécois des valeurs mobilières, il est essentiel que la
réglementation soit structurée de manière que les
investisseurs aient la conviction que l'application de la réglementation
est complètement indépendante du processus politique. Je vous
remercie.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le
président. J'inviterais maintenant M. le ministre et,
subséquemment, M. le représentant de l'Opposition à
commenter et à vous questionner, chacun pour une période de dix
minutes. J'inviterais M. le ministre.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'avoir l'occasion de discuter d'un sujet aussi important avec la Commission
des valeurs mobilières du Québec. Il est vrai que la commission
du budget et de l'administration avait discuté de sujets tout à
fait semblables, pour ne pas dire identiques, il y a deux ans, et que la
commission avait eu le loisir à ce moment de faire valoir
également son point de vue.
Je vais peut-être commencer par la fin, sur les mandataires de la
couronne. D'ailleurs, c'est un sujet que j'avais discuté il y a
près de deux ans, je crois, avec la commission. Le président sait
que, en ce qui me concerne, j'ai toujours recherché une solution qui
ferait que les mandataires jouent les mêmes règles du jeu que
celles du secteur privé. La difficulté, bien sûr, est de
trouver une solution qui, comme je l'indiquais ce matin, respecte ce
désir et, en même temps, la nature même des mandataires.
Mais étant donné que tout le monde parlait des mandataires de la
couronne, M. le président de la Commission des valeurs
mobilières, vous avez insisté pour dire que ce n'était pas
seulement les mandataires de la couronne que vous voudriez assujettir, mais la
couronne elle-même. J'aimerais qu'on évoque ça publiquement
parce il faut bien comprendre que la couronne, c'est le gouvernement, ce sont
les ministres qui la composent. La difficulté, bien sûr, pour
plusieurs membres du gouvernement ou pour le Conseil des ministres, quel qu'il
soit, c'est d'être dans une situation, alors qu'il s'agit d'élus
du peuple, élus sur une plate-forme électorale, en faveur d'une
politique économique donnée, le cas échéant,
d'être peut-être amenés à être enquêtes
et forcés de comparaître devant un organisme qui est
créé par le gouvernement. J'aimerais que vous m'expliquiez
ça. Je dois vous avouer que, pour des élus du peuple qui se
croient imbus d'une mission économique et qui posent des gestes à
certains moments... Je n'ai qu'à penser personnellement à la
mission dont j'avais la responsabilité en ce qui concerne la
privatisation de certaines sociétés d'État. Dans certains
cas, cela impliquait des lois touchant les valeurs mobilières, et
heureusement qu'on l'a fait de telle façon que je crois que tout s'est
très bien passé.
Mais prenons l'hypothèse qu'il y aurait eu une
appréhension de certains pépins. J'aimerais que vous nous
expliquiez cet aspect de la question. J'imagine que ça aurait pu vouloir
dire que la Commission des valeurs mobilières, donc un organisme
créé par le gouvernement, aura enquêté sur le
gouvernement lui-même. Il aurait pu exiger certaines choses. Vous
pourriez peut-être nous expliquer pour quelle raison vous croyez qu'un
organisme créé par le gouvernement pourra enquêter sur la
couronne, c'est-à-dire sur le Conseil des ministres ou sur certains
ministres, sur le ministre des Finances qui se croit imbu, je crois avec
raison, d'une mission tout à fait particulière et qui est
finalement le conseiller financier en placement du gouvernement et qui a un
rôle extrêmement important à jouer. Je crois que là
il y a deux principes en jeu et je crois que ça vaut la peine qu'ils
soient mis sur la place publique.
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, la commission préconise,
en quelque sorte, le régime ontarien. Comme vous l'avez dit tout
à l'heure, lorsqu'on en avait discuté il y a quelques
années, ce que la commission préconisait, c'était le
régime ontarien avec les exceptions qui existent dans le régime
ontarien concernant la couronne et ses mandataires. La commission ne
préconise certainement pas que les mandataires ou la couronne soient
assujettis à toute la loi. Comme on l'a dit, trois
éléments nous apparaissent importants: l'appel public à
l'épargne, les offres publiques et les obligations d'information mais en
tenant compte des exceptions qui sont prévues dans la loi ontarienne,
c'est-à-dire qu'on ne peut convoquer le gouvernement ou son mandataire
par subpeona ou des choses comme ça. Il n'y a pas de sanction civile. Il
n'y a pas de sanction pénale. Enfin, je n'ai pas la liste des exceptions
mais, en fin de compte, avec les exceptions qui sont prévues dans la loi
ontarienne.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.
M. Fortier: À ce moment-là, que) est le
désir, quelle est la raison de l'assujettissement de la couronne
elle-même? J'aurais cru que ce que vous vouliez dire, c'était
l'assujettissement des mandataires de la couronne comme tels. Est-ce qu'il
s'agit d'un point de droit important d'assujettir la couronne elle-même
ou si s'agit d'assujettir les mandataires de la couronne comme tels?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: La question se pose dans la mesure où on veut, si
on parle d'offres publiques d'achat notamment, la notion de groupe,
d'allié... Si un ministre détient des titres et un organisme du
gouvernement en détient, la question se pose. SI la couronne n'est pas
assujettie, iI serait possible de passer outre à la
réglementation par le fait que le gouvernement lui-même n'est pas
assujetti. Il est important qu'il soit assujetti, même avec les
exceptions qui existent dans la loi ontarienne, pour donner des droits à
des tiers. C'est ça qui est important, en fait. C'est que les tiers
puissent s'adresser à quelqu'un pour réparation, s'iI y a lieu,
si les régies ne sont pas suivies. Dans la mesure où les
régies sont suivies, bien entendu, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.
M. Fortier: Vous avez suivi les débats et vous savez que
j'ai Indiqué qu'on tentera d'examiner cette possibilité. Ce que
vous venez de me dire ne me rassure quand même pas parce que les
discussions que nous avons avec certains des mandataires à ce sujet, et
c'est normal que nous en ayons pour voir quel serait l'impact d'un tel
assujettissement, nous amènent justement, par ce que vous venez de dire,
par te fait des alliés définis à l'article 111... Il
faudrait quasiment que le gouvernement Institue un mécanisme pour
connaître ce que chacun des mandataires fait à tout moment. Il
serait difficile de faire l'hypothèse en particulier que le
président de la Caisse de dépôt est en mesure de savoir
à tout moment ce qu'un autre mandataire peut faire. Des gens dans le
secteur privé qui ne connaissent pas la façon dont le
gouvernement travaille pourraient peut-être croire qu'au ministère
des Finances on suit à chaque moment les interventions de chacun des
mandataires, mais ceux qui ont l'expérience gouvernementale savent
pertinemment qu'iI peut arriver à l'occasion - et je sais qu'on va
donner tout de suite un exemple, on va dire que ça s'est produit une
fois dans le cas de la Caisse de dépôt et la Société
générale de financement. D'une façon normale, tes
mandataires de la couronne agissent plutôt d'une façon
Indépendante des uns les autres. Je sais pertinemment qu'iI ne servira
à rien d'aller au Conseil des ministres avec un assujettissement
impliquant la définition des alliés parce que je vais être
reçu très brutalement et on va me dire que, par ce biais, on ne
permettra pas à la Caisse de dépôt de jouer son rôle
alors que le secteur privé lui-même nous demande
présentement, eu égard aux offres publiques d'achat qui sont
faites, d'utiliser la Caisse de dépôt pour contrecarrer à
l'occasion ou pour se prémunir ou pour aider le secteur privé
à garder le contrôle de certaines entreprises privées du
Québec. Donc, si nous allons dans cette direction - personnellement je
suis prêt à l'examiner - I va falloir trouver des règles du
jeu qui vous agréent dans une certaine mesure mais qui vont permettre au
gouvernement, à la Caisse de dépôt et à d'autres
mandataires en particulier de jouer le rôle qui leur revient. Est-ce que
vous avez un commentaire à ce sujet?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: C'est qu'ii y a un problème du fait que les
alliés, c'est un élément important des dispositions sur
les offres publiques. La notion d'alliés et la notion d'agir de concert,
je pense qu'au moment où on élimine ça, on élimine
peut-être l'aspect le plus important des dispositions sur les offres
publiques. Il serait difficile d'éliminer ça. Maintenant, est-ce
qu'iI y a des modalités, des accommodements à faire? Je suis
complètement d'accord avec vous que ça peut poser des
problèmes et iI faudrait y regarder de plus près. Mais
l'expérience de la commission dans les dossiers où les
mandataires de la couronne étaient impliqués... Certains de ces
dossiers ne sont pas des dossiers publics, je ne veux pas les rendre publics
ici. Bien souvent les mandataires de la couronne, lorsqu'il y en avait un, deux
ou trois, étaient de concert et étaient des alliés dans
les transactions. Si on élimine la notion d'alliés, je pense
qu'on élimine la partie fondamentale de l'application des dispositions
sur les offres publiques. Notamment, si SOQUIP et la Caisse de
dépôt sont alliés dans quelque chose et qu'on n'a pas la
notion d'alliés, je pense qui est très facile de passer à
côté des dispositions. Je ne dis pas que ça ne pose pas de
problème mais je pense qu'I faudrait regarder la façon dont on
peut essayer de régler ces problèmes.
M. Fortier: Je pense qu'on s'entend. Je pense bien qu'iI y a des
cas. Prenez celui de Setter Resources où la Caisse de dépôt
était avec SOQUIP, mais c'était public. J'évoquais que
c'était une possibilité qu'un mandataire agisse de bonne foi sans
connaître exactement ce qu'un autre mandataire faisait. Alors, si on
reconnaît - et c'est ce que j'Indiquais hier et ce matin - qu'ii y a un
problème d'application d'une notion de l'assujettissement, on est bien
prêts à l'examiner mais ça va demander un examen tout
à fait particulier et très complexe. Quant à moi, avec
votre collaboration, on pourra peut-être en faire l'examen plus
approfondi.
En ce qui concerne le pouvoir de directive,
ce qui me frappe c'est que tout le monde dit: Au gouvernement, nous
reconnaissons votre pouvoir dans le domaine économique. Mais il est vrai
que la définition de pouvoir économique... Les craintes
exprimées sont le fait de dire: Écoutez, le gouvernement, si le
pouvoir de directive est mal défini... Et plusieurs Intervenants, hier,
je pense à l'Association des conseillers financiers du Québec et
autres, disaient: Si jamais vous allez dans cette direction, assurez-vous que
ce soit bien défini. Je crois que le message a été
entendu. J'ai dit que, si on allait dans cette direction, il faudrait
sûrement que le pouvoir de directive soit très bien défini
parce que notre intention n'est pas d'aller dans les autres détails. On
semble dire que l'organisation du marché...
Je faisais allusion, dans mes remarques, à l'instruction
générale canadienne, à la permission qui serait
donnée aux banques ou aux caisses populaires d'utiliser le personnel. Je
l'ai devant moi, l'instruction canadienne permettait deux options: l'option A
et l'option B. Ce qui était en accord avec la politique du gouvernement,
c'était l'option B mais vous avez choisi l'option A, en se liant au
Manitoba, à l'Ontario et à la Saskatchewan, alors que l'option B
était l'Alber-ta, la Colombie britannique, le Nouveau-Bruns-wick, la
Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Je donne ça comme exemple. Ne
croyez-vous pas que dans un cas où... Parce qu'on parle d'harmonisation;
mais ici il s'agit d'une harmonisation où il y avait deux options - vous
aviez le choix entre l'option A et l'option B - donc, c'était un cas
où il n'y avait pas une harmonisation parfaite entre toutes les
commissions des valeurs mobilières du Canada. Il y avait deux options.
Un cas comme celui-là - je donne ça à titre d'exemple -
implique la structure du décloisonnement et la façon dont le
décloisonnement va se faire et cela implique pour nous un embarras
potentiel vis-à-vis du mouvement Desjardins qui vend de l'assurance dans
ses caisses populaires. C'est ce genre de directives... Dans un cas comme
ça, il me semble que le gouvernement devrait avoir le choix de dire: Ce
que nous favorisons, c'est tel choix parce que dans un autre domaine... Et je
ne vous en fais pas un reproche. Il est normal qu'à la Commission des
valeurs mobilières vous ne regardiez que les valeurs mobilières.
Le gouvernement, lui, doit penser au décloisonnement non seulement dans
le domaine des valeurs mobilières, mais aussi dans les secteurs de
l'assurance, de l'assurance-vie et de la planification financière. (15 h
45)
Nous avons donc une vision un peu plus grande et, à cause de
cette vision, on peut avoir des choix qui pourraient avoir un impact sur ce que
vous faites. Ne croyez-vous pas que, dans un cas comme ça, où il
s'agit de la structure du décloisonnement, il serait normal que le
gouvernement puisse avoir un mot à dire pour influencer le choix que
vous avez fait dans ce cas-ci et dans d'autres situations comme celle-là
qui pourraient survenir à l'avenir?
Le Président (M. Chagnon): M. le président.
M. Guy: M. le Président, je crois que, dans toute la
situation dont vous parlez, la commission a quand même pris toutes les
précautions. C'est un projet qui avait été publié
au début du mois d'août et qui a été adopté
comme avis - il ne s'agissait pas tout à fait d'une instruction
générale - au mois de novembre. Il y a quand même eu une
période assez longue pour recueillir les observations et
déjà, avant ça, il y avait eu un avant-projet de loi dont
certaines personnes intéressées avaient discuté, une sorte
de préconsultation, la commission ayant insisté pour que le
directeur fasse une consultation préliminaire sur un avant-projet de
loi. Alors, il y a eu une période de temps assez longue pour recueillir
les observations.
Comme vous l'avez dit, l'harmonisation, selon nous, c'est
l'harmonisation en matière de valeurs mobilières. Est-il
nécessaire pour le décloisonnement de l'assurance - que ce qu'une
société ou un agent d'assurances peut faire doive être
exactement la même chose que ce qui pourrait être fait en valeurs
mobilières? Je ne le sais pas; cela peut être différent. En
fait, il n'est pas dit qu'on doit harmoniser au même niveau dans tous les
secteurs, c'est-à-dire qu'il n'est pas dit que l'harmonisation de
l'assurance doit être la même que celle des fiducies ou des
banques; je ne dis pas que ce doit être différent, mais je dis
qu'il est possible que ce soit différent, qu'on permette certaines
activités en valeurs mobilières alors qu'on ne les permet pas en
assurance ou en fiducie. Ce n'est pas incompatible que les activités en
valeurs mobilières soient différentes des autres.
M. Fortier: Mais, là, on ne parle pas... Je voudrais
seulement conclure là-dessus, M. le Président, pour faire un
commentaire.
Le Président (M. Chagnon): Brièvement, M. le
ministre.
M. Fortier: On ne parle pas d'activités dans le secteur de
l'assurance, on parlait d'activités à l'intérieur d'une
succursale bancaire. Au cas où vous ne le sauriez pas, aussitôt
que vous avez publié votre directive, j'ai eu des appels
téléphoniques du mouvement Desjardins disant. Si la Commission
des valeurs mobilières du Québec permet ça, vous allez
nous permettre de vendre directement de l'assurance. Alors, cela a un impact
direct, que vous le vouliez ou non. Je ne vous en fais pas un
reproche.
M. Guy: Non, non.
M. Fortier: Vous pensez en termes de valeurs mobilières,
mais, nous, nous sommes un peu plus haut pour examiner d'autres
considéra-
tions. Là-dessus, je vous remercie.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord
savoir combien il y a de membres à la Commission des valeurs
mobilières du Québec.
M. Guy: II y a sept membres actuellement, dont quatre à
temps plein et trois à temps partiel, soit des membres qui assistent aux
réunions de la commission quand ils sont convoqués. Les quatre
membres à temps plein exercent uniquement les fonctions de membre de la
commission.
M. Garon: Quand vous faites un mémoire comme
celui-là devant la commission parlementaire, est-ce qu'il s'agit d'un
mémoire de la commission? Qui se prononce là-dessus à la
commission?
M. Guy: Dans le cas du présent mémoire, on en a
discuté à une réunion plénière de la
commission où tous les membres étaient présents et pour
lequel tous ont donné leur accord.
M. Garon: Donc, c'est un mémoire unanime des membres de la
commission. Est-ce que vous voudriez me dire qui en sont les membres et les
dates de leur nomination?
M. Guy: Bien, il y en a deux ici, moi...
M. Garon: Je pense que c'est important de...
M. Guy:... et M. Cusson. Vous voulez leurs noms?
M. Garon: Leurs noms et l'année de leur nomination.
M. Guy: Cela devient compliqué. Il y a M. Roland
Côté, nommé en 1968... Là, je vais puiser dans les
Informations de M. Cusson, parce que... M. Cusson a été
nommé en 1975, moi en 1961, M. Beaulieu, qui est membre à temps
partiel, en 1986 ou 1987, je n'en suis pas sûr - je m'excuse, mais je
n'ai pas les dates - Marcellin Tremblay et Michel Le Rouzèz et Me Paul
Fortungno, je pense que c'est en 1988. Je pense que ces trois derniers ont
été nommés en 1988 mais je dis ça sous toute
réserve, je n'ai pas ici les dates de nomination.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Donc, c'est un rapport unanime, quelles que soient les
dates de nomination des commissaires. Je poursuis un peu... On a dit ici en
commission, par exemple, qu'en Ontario les membres de la commission de
l'Ontario ont eu à prendre une décision et sont allés
contre la demande du gouvernement, et que le président de
l'Assemblée nationale, je ne sais pas si on l'appelle l'Assemblée
nationale en Ontario...
Une voix: L'Assemblée législative. M.
Garon:... l'Assemblée législative...
M. Fortier: Ce n'est pas national, en Ontario. C'est à
Ottawa.
M. Garon:... s'est prononcé en faveur de la commission,
comme quoi la commission pouvait ne pas obtempérer à un ordre du
gouvernement et rendre sa décision. Pourriez-vous nous expliquer un peu
plus dans quel contexte cette décision a été prise?
M. Guy: M. le Président, je dois dire que je ne connais
pas trop le dossier. Je connais l'affaire Argosy, mais
l'événement dont a parlé M. Knowles hier, je ne le connais
pas trop, je peux seulement répéter ce qu'il a dit. Il a eu une
demande du gouvernement pour produire un dossier et il a refusé de le
produire. Mais je ne sais pas trop... Je présume que c'est un rapport
d'enquête qu'il a refusé de produire. Je ne suis pas assez au
courant pour donner plus de renseignements.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Ce matin, vous étiez là quand les
Marronniers de Laval sont passés. J'avais dit que je vous poserais une
question volontairement pour vous alerter au moment où les
représentations étaient faites par rapport à un
prospectus. Vous avez assisté au débat; je ne voudrais pas
répéter les circonstances du débat. Par rapport à
un prospectus, quel est le rôle de la commission et quelle garantie
donne-t-elle par rapport au prospectus?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, d'abord la commission n'approuve
pas un prospectus, elle appose un visa sur un prospectus. Le visa de la
commission ne fait que dire que tous les renseignements qui sont
exigés... C'est-à-dire que le prospectus contient tous les
renseignements qui permettent à l'épargnant de prendre une
décision. En fait, il y a une mention dans tous les prospectus, dans la
page titre, en caractères rouges, qui dit que les commissions ne se
prononcent pas sur la qualité du placement. Les commissions ne se
prononcent jamais. Il est absolument impossible à une commission, et
ça ne se fait nulle part, de vérifier l'exactitude des
renseignements qui sont dans le prospectus. Il faudrait mettre un temps
beaucoup plus grand et avoir des ressources très considérables
pour être capables de faire une
vérification. Il ne faut pas oublier que des conseillers
juridiques aident l'émetteur à préparer le prospectus; il
y a également un vérificateur qui vérifie les états
financiers et le courtier. Alors, on se fie que ces personnes ont fait leur
travail de façon professionnelle, et l'émetteur doit certifier
qu'il n'y a aucune information fausse ou trompeuse dans le prospectus.
Le Président (M. Chagnon): M. le député
de
Lévis.
M. Garon: En cela, êtes-vous différents ou non de ce
qui se fait aux États-Unis et en Ontario?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, toutes les commissions font
essentiellement la même chose en ce qui concerne les prospectus,
c'est-à-dire s'assurer que toute l'information nécessaire
à la prise de décision de l'épargnant y est. Aucune
commission ne fait une vérification des faits qui sont dans le
prospectus.
Le Président (M. Chagnon): M. le député
de
Lévis.
M. Garon:.. de la véracité. Les faits doivent
être mentionnés, mais la véracité des faits n'est
pas vérifiée par la commission.
M. Guy: Elle ne peut pas être vérifiée.
M. Garon: Concernant les renseignements dont vous disposez, on a
parfois dit que, vis-à-vis de la commission, on voulait avoir les
renseignements qu'avait la commission, et qu'elle refusait de les donner.
Comment cela fonctionnet-il à ce point de vue? Supposons que quelqu'un
se méfie ou pense qu'il y a des renseignements à la commission,
que la commission soit ou non en train de faire une enquête...
M. Guy: M. le Président, dans le cas des Marronniers de
Laval, on a fait certaines vérifications après leur
témoignage. C'est vrai qu'ils se sont adressés à la
commission, et on leur a référé une personne qui
était responsable du dossier et qui s'est occupée de leur
plainte. Quand on parle de rapport d'enquête, historiquement la
commission ne donne pas les rapports d'enquête à la personne qui
les demande. Il s'agit de rapports confidentiels protégés
également par la loi sur l'accès à l'information et on n'a
pas à donner ces rapports. En théorie, on pourrait le faire mais
c'est une question très délicate. Il est très difficile de
décider si on donne un rapport d'enquête à une partie par
rapport à l'autre partie, parce qu'il y a toujours deux parties dans un
dossier comme ça. Ce n'est pas une question de ne pas essayer d'aider
les épargnants, mais je pense que c'est une question difficile et,
histori- quement, la commission n'a pas remis ces rapports d'enquête
à moins d'être obligée de les remettre dans une affaire
devant les tribunaux, où le tribunal nous obligerait à
déposer le rapport d'enquête.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: J'ai remarqué que vous et les gens qui vous
accompagnent étiez ici depuis hier matin, M. le président.
Diriez-vous, dans l'ensemble des intervenants représentatifs - je pense
qu'il peut y avoir des cas où les gens ont un problème
particulier, mais dans les organismes de représentation - qu'un genre
d'unanimité se dégage sur les différents points
mentionnés concernant le pouvoir de directive, le directeur
général et les mandataires du gouvernement? Mais je vais revenir
sur une sous-question sur les mandataires du gouvernement.
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, je crois que ce n'est pas
à moi de tirer les conclusions. Je vais laisser à la commission
tirer les conclusions sur les interventions qui ont eu lieu hier et
aujourd'hui.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Je vais poser la question autrement. Entre les
représentations, par exemple, qu'a faites la Bourse ce matin et les
représentations que vous faites aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire en
gros qu'il y a un consensus entre ce que dit la Bourse et ce que dit la
commission?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, est-ce que c'est sur l'ensemble
du mémoire de la Bourse?
M. Garon: Non, j'ai mentionné les trois points.
M. Guy: Les mandataires du gouvernement.
M. Garon: Les mandataires, les pouvoirs de directive et le
directeur général.
M. Guy: M. le Président, sur les mandataires du
gouvernement, il y a quand même un consensus entre la Bourse et nous sur
le besoin d'assujettir les mandataires vu les problèmes et les
exceptions qu'on a discutés. Sur les autres points, il serait difficile
pour moi de faire la comparaison entre la position de la commission et la
position que nous avons eue. Je pense il y a un certain degré de
convergence entre les deux positions.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Concernant les mandataires, iI y en a qui ont dit que
ça devrait être l'assujettissement total à la Loi sur les
valeurs moblières. La Bourse, ce matin, disait, je vais résumer,
je ne pense pas trahir sa pensée en disant qu'au lieu d'avoir
l'exception comme règle on aurait l'assujettissement mais avec certaines
exceptions pour tenir compte des besoins du gouvernement. Au fond, ce n'est pas
pour empêcher le gouvernement de jouer son rôle mais c'est pour que
les gens soient égaux vis-à-vis la loi. Partagez-vous le
même point de vue? C'est-à-dire de quelle tendance seriez-vous
comme Commission des valeurs mobilières? Est-ce que ça devrait
être l'assujettissement total ou ta règle d'assujettissement avec
un certain nombre d'exceptions pour tenir compte de conditions
particulières dans lesquelles doivent agir le gouvernement ou des
organismes du gouvernement?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy. on va connaître
vos tendances.
M. Guy: M. le Président, comme je l'ai dit tout à
l'heure, je le répète, la commission préconise
l'assujettissement avec certaines exceptions. L'assujettissement devrait
être la règle, mais il y a lieu d'avoir des exceptions, notamment
les exceptions qui sont prévues dans la loi ontarienne. Certainement, ce
sont des exceptions qui satisfont la commission.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: La lof demande qu'il y ait une révision
quinquennale. Après cinq ans d'application, on dit qu'on fait le point.
On le fait sur la loi des banques après un certain nombre
d'années. À Ottawa, je ne sais pas si ce sont cinq ou dix ans
maintenant. Dans cette révision, il y a eu le rapport du ministre, le
rapport quinquennal, mais il y a eu aussi un avant-projet de loi qui a
dirigé un peu les regards sur lui. Personnellement, je ne suis pas
convaincu que c'était une bonne idée d'avoir un avant-projet de
loi mais je ne vous demande pas de vous prononcer là-dessus. (16
heures)
Ce que je vous demande, c'est ceci: Dans le cadre de la révision
de la loi au bout de cinq ans, quels points majeurs, pour quelqu'un qui vit
avec la loi depuis cinq ans, devraient être modifiés pour qu'elle
soit une loi non pas pour gérer le passé mais pour
maîtriser l'avenir? Deuxièmement, il y a un point que j'ai
soulevé ce matin concernant un débat sur les offres publiques
d'achat. Je regarde ce qui se passe actuellement au sujet des offres publiques
d'achat et je ne suis pas convaincu - je vous ai donné un exemple
tantôt - qu'on ne serait pas dans un drôle de monde où la
valeur de l'action ne représente même pas la valeur comptable:
quelqu'un doit toujours avoir le dos au mur. Est-ce qu'on sert
l'Intérêt de la société en laissant faire des offres
publiques d'achat comme cela ou s'il ne devrait pas y avoir un débat sur
l'encadrement des offres publiques d'achat pour servir l'intérêt
public?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, premièrement, sur la
question des modifications, je pense qu'à part les modifications qui
sont recommandées dans l'avant-projet ou celles que la commission a
recommandées nous ne voyons pas à l'heure actuelle d'autres
modifications qu'il serait nécessaire d'apporter à la loi. Cette
loi, en fait, a déjà été modifiée, depuis
1982 - qui était une réforme totale de la loi - à deux
reprises pour apporter des modifications quand même assez
importantes.
Sur la question des offres publiques, II ne faut pas oublier que c'est
un régime d'encadrement qui est en place depuis la fin de l'année
1984. Cela ne fait pas longtemps. C'est un régime qui est uniforme dans
tout le Canada depuis cette date, même si, dans certaines provinces, Us
ont mis quelques mois et. dans certains cas, quelques années de plus
à se joindre au régime d'uniformité, et c'est un
régime qui peut avoir un certain nombre de problèmes. Les
commissions de valeurs mobilières, à leur réunion
l'automne dernier, ont mis justement sur pied un sous-comité pour
examiner un certain nombre de problèmes qui existent dans le
régime de réglementation des offres publiques actuellement. Il
n'y a pas beaucoup de problèmes parce que, comme je le dis, c'est un
régime qui a quand même été préparé
pendant quelques années, qui a donné lieu à de nombreuses
discussions et qui vient d'être mis en place. Mais iI y a quand
même quelques problèmes mineurs il faudra régler.
Justement, le sous-comité s'intéresse à ces
problèmes.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis. Il vous reste quatre minutes et cinq minutes sur l'enveloppe
globale.
M. Garon: Et de l'autre côté?
Le Président (M. Chagnon): II reste cinq minutes.
M. Garon: On va alterner.
Le Président (M. Chagnon): D'accord. Je reconnaîtrai
M. le député de Mille-Îles.
M. Bélisle: Merci. M. le Président. Vous m'avez
indiqué il me restait cinq minutes.
Le Président (M. Chagnon): Cinq minutes dans l'enveloppe
globale, M. le député.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je vais y aller
avec une série de questions sprint qui seront orientées à
tout le moins sur un aspect, celui du poste de directeur général.
M. Guy, vous nous dites qu'il y a quatre membres permanents à la
Commission des valeurs mobilières, dont vous-même, je suppose.
Dites-moi donc, dans une semaine normale de travail, combien d'heures
siégez-vous en séance formelle?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, il y a des réunions de la
commission des membres à temps plein presque tous les jours. Combien
d'heures... Oisons quatre à cinq heures par semaine.
M. Bélisle: Quatre à cinq heures par semaine.
M. Guy: C'est pour des décisions ponctuelles sur des
dossiers, sur des questions d'application de la loi qui ne sont pas
délégués au directeur ou au chef de service actuellement;
ce sont des pouvoirs que la commission s'est réservés pour toutes
sortes de raisons.
M. Bélisle: D'accord. Combien d'heures, M. Guy, de
préparation pour en venir, en réunion formelle, à ces
décisions par chacun des membres de fa commission incluant
vous-même, par semaine?
M. Guy: M. le Président, très peu. M.
Bélisle: Cela veut dire combien?
M. Guy: Je ne le sais pas. Je n'ai jamais évalué le
nombre d'heures. Il faut certainement lire les documents, les notes de service
qui viennent des différentes directions de la commission, mais cela ne
demande pas autant de temps que les réunions, c'est sûr.
Le Président (M. Chagnon): M. le député.
M. Bélisle: Les autres membres permanents de la
commission, lorsqu'ils ne siègent pas en réunion formelle ou
officielle sur un cas, est-ce qu'ils sont présents à la
Commission des valeurs mobilières du Québec?
M. Guy: M. le Président, je ne comprends pas trop.
Parlez-vous des autres membres à temps plein ou des membres à
temps partiel?
M. Bélisle: Les membres à temps plein.
M. Guy: Les membres à temps plein sont toujours
présents aux réunions quand il y en a. Tous les membres à
temps plein qui sont à la commission sont convoqués. La
commission, lors de l'entrée en vigueur de la loi en 1983, a fait un
partage des responsabilités, c'est-à-dire que les membres
à temps plein s'occupent des dossiers quotidiens, ponctuels, et la
commission piénière tient des réunions deux fois par mois
et règle les questions de politiques et les grands dossiers.
M. Bélisle: Autrement dit, à part siéger sur
des cas ponctuels durant cinq ou six heures par semaine, les autres membres,
à part vous-même, ne sont pas obligés d'être
présents à la Commission des valeurs mobilières du
Québec chaque jour.
M. Guy: M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas voulu
donner cette impression. Les membres à temps plein doivent consacrer
tout leur temps à la commission; il y sont toujours.
M. Bélisle: D'accord, ils y sont toujours. Combien
d'heures par semaine en moyenne, M. Guy, consacrez-vous effectivement à
votre travail à titre de président de la Commission des valeurs
mobilières du Québec?
M. Guy: M. le Président, je consacre de 50 à 60
heures par semaine.
M. Bélisle: D'accord. M. Guy: Et des fois plus.
M. Bélisle: Est-il exact que vous êtes
présentement très impliqué dans une association
internationale sur les valeurs mobilières?
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, je suis secrétaire
général de l'Organisation internationale des commissions des
valeurs mobilières.
M. Bélisle: Combien d'heures par semaine passez-vous
à vous occuper de cette association?
M. Guy: M. le Président, très peu. M.
Bélisle: Cela signifie combien?
M. Guy: Écoutez un peu, je n'ai jamais calculé le
nombre d'heures. C'est très peu: une semaine, ça peut être
une heure, et l'autre semaine, deux heures.
M. Bélisle: D'accord.
M. Guy: Je veux dire que ce n'est certainement pas ce qui prend
la majorité de mon temps.
Le Président (M. Chagnon): II vous reste une minute, M. le
député.
M. Bélisle: Oui, je vais conclure. M. le Président,
étant donné que je n'ai pas plus de temps. J'aurais aimé
aller dans le menu détail, on n'a pas le temps de le faire, quoique je
pense que ce serait très important. Avez-vous un agenda. M. Guy?
. Une voix: Ha, ha!
M. Guy: M. le Président, je pense que... M.
Bélisle: C'est une question sérieuse. M. Guy: C'est
évident que j'ai un agenda. M. Bélisle: Vous avez un agenda,
d'accord. M. Guy: C'est sûr.
M. Bélisle: Depuis les dix premières semaines de
l'année 1989 jusqu'à maintenant, combien de journées
avez-vous été présent physiquement à la Commission
des valeurs mobilières du Québec? Vous ne le savez pas?
M. Guy: Je ne le sais pas.
M. Bélisle: Pourriez-vous faire la chose suivante? M. le
Président, j'en fais une demande formelle. Que M. Guy fasse un rapport
à la commission sur le nombre, à compter du 1er janvier 1989
jusqu'à maintenant, de journées où il a été
présent à la Commission des valeurs mobilières du
Québec. Ceci m'amène, M. le Président, tout simplement
à conclure que Je suis convaincu, dans le nombre d'heures de travail
effectué, avec toutes les occupations qu'a M. le président de la
Commission des valeurs mobilières du Québec avec l'association
Internationale, incluant le temps pour siéger, préparer les
décisions, et tout le reste, qu'il est absolument tout indiqué
qu'il y ait quelqu'un à la commission, conformément à la
page 33 du rapport de la Commission du budget et de l'administration,
déposé au mois de juin 1987, et aux pages 18 à 25 du
fameux document, M. Guy, de vos experts des HEC, M. Lesage, Conseils et
recherches en gestion et communication ltée, que vous auriez eu
l'omission de nous présenter a la commission et que nous avons
parcourues... On y dit, et je cite, à la page 19: "II est apparu
nécessaire, dans cette étude, de dissocier les activités
de la commission relatives aux appels publics à l'épargne de
l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires ou législatives... " Et,
à la page 24, on ajoutait: "Enfin, l'encadrement et la coordination du
travail des professionnels chargés d'examiner les prospectus
mériteraient d'être à la fois plus structurés et
plus continus, dans le but d'en arriver à une plus grande
uniformité dans le traitement des dossiers similaires. "
M. le Président, je pense qu'il serait tout
simplement de bon aloi qu'il y ait quelqu'un qui soit directeur
général et qui s'occupe strictement et exclusivement,
journée après journée, de l'administration interne, de la
coordination et de l'encadrement de tous les départements de la
Commission des valeurs mobilières du Québec.
Le Président (M. Chagnon): Avez-vous des commentaires,
monsieur?
M. Guy: M. le Président. Je pense que Je n'ai pas peur de
me mesurer avec quelque fonctionnaire ou dirigeant d'organisme. J'entre le
premier à la commission, tous les matins, et je pars le dernier presque
tous les jours. Alors, je pense que je n'ai pas peur de mesurer le nombre
d'heures que j'accorde à la commission. Cela me semble être des
questions qui ne devraient pas être posées. Merci.
Le Président (M. Chagnon): M. Guy, nous avons eu une
demande du député de Mile-Îles. Dans le cadre de cette
commission, puisque vous êtes de toute façon notre invité,
vous serez libre de vous y conformer ou non. C'est une question qui vous est
tout à fait personnelle.
Il nous reste un peu de temps pour M. le
député de Lévis, qui semble avoir l'intention de poser
quelques questions. Nous avons cinq minutes, M. le député de
Lévis, pour l'enveloppe globale. Vous avez quatre minutes que vous
pourrez partager avec notre invité.
M. Garon: Non, vous aviez dit tantôt que les
réponses ne comptaient pas dans le temps.
Le Président (M. Chagnon): Dans les cinq minutes globales
oui, mais vous avez quatre minutes. Vous pourriez parler quatre minutes et
laisser M. Guy ou un des représentants de la commission...
M. Garon: Ce que je voulais dire tout simplement,
c'est que je ne suis pas intéressé à voir l'agenda du
président de la commission. Je ne pense pas que cela fasse partie de
notre mandat non plus. Les propos du député de Mille-Îles
lui appartiennent. Je pense que, concernant le directeur général,
ce qui a été la question pour tout le monde, s'il y en a un,
c'est: Doit-il avoir le statut de fonctionnaire, être nommé par le
gouvernement et qui doit élaborer ses conditions de travail? C'est une
question de régie interne, une question de nomination par le
gouvernement, c'est là le débat. Je pense que personne n'a mis en
doute le travail du président de la commission et, à ce point de
vue, je veux me dissocier des propos du député de
Mille-Îles. Je ne veux en être partie d'aucune façon. Je
pense que ce n'est pas là qu'est le débat. C'est la
révision de la loi, du cadre, des fonctions et du statut de ceux qui
travaillent à la Commission des valeurs mobilières.
Une question que je voudrais poser, et le président prendra le
temps qu'il voudra sur le temps qu'il me reste. C'est une question impor-
tante. Des gens ont demandé: Quand on va à la Commission
des valeurs mobilières, y a-t-il ceci ou cela, est-ce qu'il y a tel
délai ou telle chose? J'aimerais savoir si la Commission des valeurs
mobilières du Québec considère qu'elle dispose des moyens
suffisants pour accomplir sa mission, et pour ne pas le faire dans une
perspective théorique? J'aimerais qu'on fasse des commentaires par
comparaison avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.
Le Président (M. Chagnon): M. Guy.
M. Guy: M. le Président, si vous me le permettez, M.
Cusson aimerait ajouter à ma dernière intervention, avant que je
ne réponde à la question de M. le député.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M.
Cusson.
M. Cusson (Maurice): Merci beaucoup, M. le Président.
J'aimerais ajouter, je pense, pour M. le député de
Mille-Îles, que je suis à la commission depuis près de 28
ans, et je dois dire - et je ne sais pas si ce sont des allusions au fait que
M. Guy ne travaille pas - je peux vous dire que c'est le président qui
est le plus présent à la commission, et le plus longtemps chaque
jour, et qui donne tout son temps à la commission. Ce n'est pas pour
dire que les autres n'ont pas travaillé, ce n'est pas cela. Mais je
crois que M. Guy y consacre le plus de temps.
Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Cusson. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Bien, c'est parce que ce n'était pas... Il y
avait d'autres volets.
M. Guy: M. le Président, je peux répondre à
la question maintenant, je pense.
Le Président (M. Chagnon): Sûrement, M. Guy.
M. Guy: On avait déjà fait, à la suite de la
commission parlementaire sur l'examen de la commission, une demande au Conseil
du trésor pour obtenir des postes supplémentaires. Cette demande
visait 21 postes supplémentaires. Le Conseil du trésor nous en
avait accordé quatorze, plus sept. Ces sept postes étaient des
postes qu'on devait puiser à même des personnes en
disponibilité dans la fonction publique. Sur ces quatorze postes, le 1er
avril 1988, on en a perdu deux par une compression d'effectifs appliquée
à l'ensemble du gouvernement, et au 1er avril 1989, par une autre
compression de 2 % des effectifs, on en perdra encore deux. On a demandé
par la suite au Conseil du trésor de débloquer les sept postes,
parce qu'on ne pouvait pas trouver, à l'intérieur de la fonction
publique, des personnes en disponibilité, et le Conseil du trésor
a refusé.
En fait, ces postes ont été éliminés, ce qui
fait que, sur les quatorze, on en a eu douze pour un an et on en aura dix
effectivement à compter du 1er avril de cette année. La
commission maintient qu'elle a encore besoin des 21 postes qu'elle avait
demandés à ce moment-là.
On avait indiqué, je pense, en 1986, qu'on prévoyait des
problèmes sérieux si on n'avait pas des effectifs
supplémentaires. Ces problèmes existent encore; on en a vu dans
le cas des Maronniers, dans le cas du groupe SOGECAR. La commission, à
l'heure actuelle, peut difficilement faire les inspections des courtiers. Elle
n'en a pas fait depuis un bout de temps, parce que les inspecteurs et
inspectrices qui sont habituellement chargés de ces Inspections sont
pris sur des dossiers comme ceux du groupe Paré ou du groupe SOGECAR,
qui requièrent un temps considérable, et également sur les
plaintes qui ont augmenté de façon très importante au
cours des dernières années. Cela fait que la commission n'a pas
encore les moyens suffisants pour accomplir sa mission. (16 h 15)
Si j'essaie de comparer avec l'Ontario, de mémoire, l'Ontario a
à peu près 200 personnes qui travaillent à la commission
de l'Ontario contre à peu près un petit peu plus de 100 pour
nous. Elle a un budget qui est deux fois le budget de la commission du
Québec et elle n'a pas à payer de loyer comme on doit le faire,
ce qui fait que la différence est un peu plus grande qu'elle n'en a
l'air. En plus de cela, la commission de l'Ontario n'est pas un organisme
autonome au point de vue du gouvernement ontarien, c'est-à-dire que les
services administratifs sont fournis par un ministère, alors que, nous,
nous devons assumer nos propres services administratifs - comptabilité,
personnel et ainsi de suite - ce qui fait qu'un certain nombre de nos postes,
une douzaine de nos postes servent aux services administratifs. On a
effectivement à peu près la moitié de l'effectif de la
commission de l'Ontario.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, en principe, votre temps est écoulé,
malheureusement. Peut-être qu'on pourrait référer notre
dernière question au moment où on étudiera les
crédits dans trois semaines ou un mois; on aurait pu ainsi terminer.
Elle reviendra, d'ailleurs.
M. Fortier: Elle va revenir dans un mois.
Le Président (M. Chagnon): Peut-être pourrions-nous
conclure tout de suite?
M. Garon: Je vais conclure.
Le Président (M. Chagnon): Si cela ne vous fait rien, je
vais demander au ministre de conclure et, ensuite, je vous permettrai de
conclure. M. le ministre.
M. Garon: Parfait.
M. Fortier: Je crois, en ce qui concerne les mandataires de ta
couronne, que je vais continuer personnellement le débat avec la Bourse
et la commission dans le sens qu'on a indiqué, dans la mesure où
l'on puisse trouver une solution qui préserve la capacité des
mandataires de ta couronne de jouer leur rôle. J'aurai, bien sûr,
après ça, à vendre cette notion au gouvernement, mais
c'est mon affaire. En ce qui concerne le pouvoir de directive, on n'a pas eu le
temps d'aborder la question en détail, mais I est certain que, pour
nous, il est très imponant de clarifier les rôles de chacun. Tout
à l'heure, le président de la commission disait: Écoutez,
ce n'est peut-être pas trop sérieux si on fait le
décloisonnement d'une façon à l'intérieur dune
Institution bancaire et que l'Inspecteur des Institutions financières le
fait d'une autre façon. Je suis obligé d'admettre, M. le
Président, que ça dénote une incompréhension des
problèmes que vit le gouvernement et ça me convainc davantage du
besoin de clarifier les rôles du gouvernement qui désire
contrôler la façon dont le décloisonnement va se faire dans
l'ensemble du territoire québécois et de pouvoir jouer un
rôle de directive, d'influence, appelez-ça comme vous le voulez,
sur la façon dont ce décloisonnement pourra se faire. Le
commentaire du président me convainc il n'a pas compris l'Importance que
cela peut avoir pour le gouvernement. À part cela, bien sûr, je
suis le premier à réaliser que la commission joue un rôle
extrêmement utile, et malgré certains problèmes, qu'on va
essayer de corriger en ce qui concerne les sociétés en
commandite, parce que c'est quand même assez grave, on devra veiller
ensemble à améliorer la situation pour la meilleure protection
des consommateurs.
Je remercie le président d'être venu défendre son
point de vue en commission parlementaire.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je remercie les gens de la
Commission des valeurs mobilières du Québec. J'ai remarqué
que les Intervenants qui représentent des groupes, des firmes ont tous
parié avec fierté de la Commission des valeurs mobilières
du Québec. Concernant le décloisonnement, le ministre dit que la
commission ne le comprend pas. Nous non plus, nous ne sommes pas certains de ce
qu'il veut, parce qu'avec les livres blancs, les projets de loi et les lois
adoptées il s'agit d'un slalom qu'on traverse à chaque fois sans
que chaque phase ne soit identique. Donc, il n'est pas étonnant que les
gens se demandent ce que veut exactement le gouvernement, puisque cela
évolue au gré des humeurs du caucus libéral, bien
entendu.
En terminant, j'aimerais demander ceci, puisque le dernier mot sera au
président de la commission: s'iI avait les budgets et les ressources
équivalents à l'Ontario, à quelle place la commission
dirigerait-elle davantage ses efforts avec des ressources qu'elle demande qui
sont équivalentes en Ontario, parce que le gouvernement aime beaucoup se
comparer à l'Ontario?
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, lavant-dernier mot ira au président de la Commission des
valeurs mobilières au Québec et le dernier mot au
président de la commission parlementaire.
M. Guy: M. le Président, si vous me le permettez, je vais
répondre à la question et l'aimerais peut-être avoir une
petite minute après, pour une question qui a été
discutée hier par un des Intervenants. J'aimerais peut-être faire
une petite mise au point concernant M. Lassonde, si vous me le permettez.
Pour répondre à la question, je ne pense pas qu'il soit
nécessaire que la commission ait les mêmes ressources que la
commission de l'Ontario. Je pense qu'on n'a jamais prôné
ça. Il n'en demeure pas moins que la commission de l'Ontario n'a tout de
même pas deux fois la charge de travail que la commission du
Québec a. En fin de compte, on a essentiellement les mêmes
dossiers mais, dans certains cas, le dossier est traité par l'Ontario
et, en deuxième lieu, par la commission du Québec, ce qui fait
qu'on n'a pas besoin d'avoir les mêmes ressources mais, sans avoir les
mêmes ressources, on devrait certainement avoir plus de ressources qu'on
n'en a actuellement. C'est sûr qu'actuellement on n'a pas les moyens
financiers ou les ressources humaines pour accomplir notre mission.
Le Président (M. Chagnon): Peut-être pourriez-vous
faire le...
M. Guy: M. le Président, s) je peux continuer... M.
Lassonde a comparu hier et a fait une série d'affirmations. Je ne
reprendrai pas chacune de ses affirmations, parce que ça serait beaucoup
trop long mais, dans plusieurs cas, c'étaient des affirmations, bien
entendu, inexactes et fausses. Il a dit qu'aucune des actions intentées
par la commission n'a réussi. Il y en a au moins deux qui ont
réussi. Il y en a peut-être plus - je n'ai pas les dossiers avec
moi - et notamment une Injonction.
Le Président (M. Chagnon): M. Guy. je vais juste vous
prévenir qu'ici, comme commission parlementaire, il nous faut
effectivement éviter, et, bien entendu, vous le savez, d'être sub
judice.
M. Guy: Oui, oui.
Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous inviterais
à éviter la problématique.
M. Guy: Je vais éviter.
Le Président (M. Chagnon): Je vous écoute.
M. Guy: Je vais essayer d'éviter, M. le Président.
Tout ce que je veux dire c'est que...
Le Président (M. Chagnon): Je serai juge de vos
propos.
M. Guy:... il y a eu une Injonction prononcée contre M.
Lassonde et son groupe en novembre 1987, laquelle est encore en vigueur. Il y a
eu une requête en évocation qui a été
débattue devant la Cour supérieure lundi de cette semaine et qui
a été rejetée. Il s'agissait d'une évocation contre
une décision de la commission. Sans aller dans le détail, parce
que ça a été discuté hier, il y a 42 chefs
d'accusation criminelle contre M. Lassonde, présentés par le
procureur de la couronne. Ce n'est pas un dossier de la commission,
contrairement à ce qu'on a semblé dire hier. C'est un dossier du
ministère de la Justice. Il s'agit de plaintes criminelles. La
commission n'est pas partie à ce dossier. L'enquête
préliminaire a eu lieu. Pour savoir s'il doit être cité
à procès ou non, la décision sera rendue le 12 avril.
Alors, c'était juste pour préciser un peu...
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie.
M. Guy:... je pense, un certain nombre d'éléments
qui ont été soulevés.
Le Président (M. Chagnon): Au nom des membres de cette
commission, je vous remercie, M. le président. Je tiens à vous
remercier, M. Guy, M. Cusson, M. Dandonneau, d'avoir participé d'abord
à la commission, une commission qui est extrêmement importante
pour vous, mais aussi pour l'ensemble du monde des valeurs mobilières au
Québec.
J'en profite pour inviter nos derniers intervenants, l'Association
canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec,
à s'installer à la table de la commission.
M. Lacoste, on peut peut-être essayer de vous trouver une petite
place. Quand les avocats seront dans la rue, on commencera à marcher sur
les trottoirs. D'ailleurs, on en a une pléiade ici autour de la
table.
M. le président? Oui, M. le président du conseil de
l'ACCOVAM, M. Jacques Nadeau. Avant de nous présenter les membres qui
vous accompagnent, je tiens à vous souligner les règles du jeu de
cette commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre
exposé. Par la suite, le temps imparti, soit 20 minutes pour chacune des
formations politiques autour de cette table, permettra à ces
dernières soit de com- menter, soit de vous interroger sur le fond de
votre exposé et de votre mémoire en commission parlementaire. M.
Nadeau, nous vous écoutons.
ACCOVAM
M. Nadeau (Jacques): M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission parlementaire, je vais vous présenter mon
état-major. À ma droite, Mme Elaine Phénix,
présidente sortante de l'ACCOVAM-Québec, M. Michel Pouliot,
président de notre comité de réglementation; à ma
gauche, M. Jean Aubert, vice-président de l'ACCOVAM-Québec, Me
Gérald A. Lacoste, du cabinet Martineau Walker et aussi, avec nous, Mme
Fernande Gervais, directrice générale de
l'ACCOVAM-Québec.
C'est avec honneur et plaisir que l'ACCOVAM Québec a
accepté votre invitation de présenter et de discuter son
mémoire sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur
les valeurs mobilières et sur l'avant-projet de lof sur les valeurs
mobilières déposés à l'Assemblée nationale
en décembre dernier.
Notre mémoire du 10 février dernier est relativement
court. Puisque nous sommes à la fin des audiences de votre commission,
j'en ferai seulement un bref tour d'horizon, laissant à votre
discrétion les questions sur l'argumentation puisque les divers points
de vue ont été amplement débattus depuis deux jours.
Avant d'aborder les questions discutées dans notre
mémoire, permettez-moi, au nom de mes collègues, de
féliciter le ministre et son entourage pour l'effort soutenu dans le but
de doter le Québec d'une politique complète et moderne en
matière de réglementation de nos marchés financiers. Dans
le secteur des valeurs mobilières, cet effort vient couronner quinze ans
de travail soutenu de la part des politiciens québécois, des
membres de la Commission des valeurs mobilières du Québec, de la
Bourse de Montréal et de l'ACCOVAM-Québec pour garder notre place
financière tant au Canada que dans le marché global comme on le
connaît maintenant.
SI, aujourd'hui, les principaux intervenants du secteur des valeurs
mobilières - et ils sont si peu nombreux au Québec - mettent de
l'avant divers commentaires sur les projets du ministre, je pense qu'il faut
retenir les lieux communs et laisser de côté certaines divergences
de vues qui risquent d'être plus "divisives" que productrices.
Les réformes réglementaires du Québec, depuis le
début des années quatre-vingt, font l'envie des citoyens
éclairés en la matière dans les autres "juridictions"
canadiennes. Nous en avons entendu quelques-uns devant cette commission. C'est
donc dire qu'au-delà de nos délibérations sur la
façon de faire les choses les objectifs sous-jacents aux réponses
proposées sont largement partagés, tel que la plupart des
intervenants l'ont démontré depuis deux jours.
Dans un premier temps. l'ACCOVAM-Québec appuie les
amendements visant à assujettir à la Loi sur les valeurs
mobilières les titres des organismes de placements collectifs,
c'est-à-dire tes fonds mutuels offerts au grand public par les
sociétés de fiducie. Au nom du principe de la
réglementation égale pour tous, ces fonds, de même que
certains fonds gérés par des compagnies d'assurances, comme le
souligne la CVMQ, devraient être soumis aux règles normales de
prospectus et être offerts au public par les personnes Inscrites à
titre de courtiers.
L'ACCOVAM-Québec appuie également les
propositions suggérées par ta Bourse de Montréal en 1987
quant à la sous-délégation à des personnes
exerçant des pouvoirs au nom d'un organisme d'autoréglementation.
(16 h 30)
Quant au directeur général, iI semble qu'un
consensus se soit établi sur l'opportunité de rétablir ce
poste dans la mesure où il contribuerait à améliorer la
performance de la commission. Sur la façon de procéder à
la nomination du directeur général, certaines divergences de vues
furent exprimées. L'ACCOVAM-Québec croit qu'en règle
générale tous les employés de la CVMQ doivent être
nommés selon les règles de la fonction publique et relever du
président de la CVMQ. Une nomination par les membres de la CVMQ
Introduirait de nouvelles responsabilités pour les membres de la CVMQ
autres que le président. Cette question serait fort Intéressante
à discuter et pourrait faire l'objet d'un prochain débat.
Le point qui a fait couler le plus d'encre et sonner le
plus de téléphones est, sans aucun doute, le pouvoir de directive
tel que décrit aux articles 8 et 10 de l'avant-projet. Après deux
jours de discussions devant la commission parlementaire, 1 ressort clairement
des mémoires soumis et des déclarations des deux
côtés de la Chambre que l'objectif commun recherché est
celui de confirmer le rôle du gouvernement dans la formulation des
politiques économiques, tout en évitant l'ingérence dans
l'exercice des fonctions traditionnelles de la CVMQ.
Ainsi, iI est préférable de ne pas toucher
aux pouvoirs de la CVMQ ni à sa mission, malgré toute la
discrétion que lui confère la Loi sur les valeurs
mobilières. Un équilibre délicat s'est établi au
cours des ans entre les Instructions générales, les
énoncés de politique canadiens, les règlements et la
législation en matière de valeurs mobilières. Une
commission forte et respectée sur les plans national et International a
forgé une tradition d'excellence et d'innovation après les
années qui ont mené à la fermeture de la Bourse canadienne
en 1973. Si des initiatives sont entreprises par la CVMQ dans le secteur de la
réglementation économique, une saine consultation entre les
membres de la CVMQ et le ministre, et un pouvoir de directive bien
encadré, comme nous le suggérons dans notre mémoire,
devraient maintenir l'équilibre énoncé plus haut.
C'est dans cet esprit que nous proposons l'encadrement
suivant au pouvoir de directive. En premier lieu, le ministre et les membres de
la CVMQ se consultent régulièrement sur l'application de la loi
en regard des politiques économiques du gouvernement.
Deuxièmement, les directives portent sur les questions de politique
économique et sont émises à la CVMQ par le ministre,
après approbation par le gouvernement. Troisièmement, les
directives sont publiques. Quatrièmement, les directives sont suivies
par les membres de la CVMQ et elles lient également toute personne ou
organisme qui exerce un pouvoir délégué
conformément à la loi.
Ainsi exercé, un tel pouvoir de directive doit rencontrer les
principes suivants: en premier lieu, la responsabilité
ministérielle et l'imputabilité de toute régulation
économique; deuxièmement, l'indépendance de la CVMQ dans
l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires et, en troisième lieu,
l'autonomie de la CVMQ comme organisme de contrôle et tribunal
administratif.
Parmi les questions soulevées par la majorité
des intervenants devant cette commission, l'assujettissement de la couronne et
de ses mandataires à la Loi sur les valeurs mobilières est sans
doute le plus bel exemple d'un accord sur l'objectif recherché et de
désaccord sur les moyens proposés. La position de
l'ACCOVAM-Québec sur cette question est très pragmatique. Tout en
appuyant l'aménagement pratique proposé dans le rapport
quinquennal au sujet de l'assujettissement par directives gouvernementales, I
est Important d'obtenir un consensus, tant au niveau du fédérai
qu'au niveau des provinces pour assujettir tous les mandataires de la couronne
oeuvrant dans le secteur privé à une réglementation
égale pour tous.
Comme dernier point, nous désirons aborder la
question de l'autoréglementation qui comporte elle-même deux
volets: la reconnaissance d'organismes d'autoréglementation et la
délégation de pouvoir à de tels organismes. Sur la
reconnaissance d'organismes d'autoréglementation. il faut tout d'abord
souligner qu'il s'agit d'un phénomène récent, non pas que
les Bourses n'aient pas réglementé depuis longtemps, leurs
membres car la Bourse de Montréal est plus que centenaire. Quant
à l'ACCOVAM. elle fut fondée en 1916 et sa section du
Québec remonte à 1935. Par contre, la CVMQ a été
créée en 1955, et le mécanisme de reconnaissance existe
depuis 1983 seulement dans la Loi sur les valeurs mobilières.
Aujourd'hui, après 54 ans, l'ACCOVAM-Québec exerce toujours ses
activités, ce que reconnaît de facto la Loi sur les valeurs
mobilières.
Dans son énoncé de politique du 10 janvier
dernier, le ministre faisait état de la politique du gouvernement
conférant au ministre le pouvoir de reconnaissance des organismes
d'autoréglementation. L'ACCOVAM-Québec a accueilli avec plaisir
cette approche à la reconnaissance, l'ayant elle-même
proposée à cette commission parlementaire au printemps de 1988.
Ce principe de
reconnaissance par le ministre semble, d'ailleurs, reprendre le concept
énoncé à l'article 9. 1 du "Financial Service Act" (1986)
de l'Angleterre, lequel se lit comme suit: "A self-regulating organization may
apply to the Secretary of State for an order declaring it to be a recognized
self-regulating organization for the purpose of this Act. "
En Angleterre, le "Secretary of State" a délégué le
pouvoir de reconnaissance des organismes au "Securities and Investment Board",
le SIB, lequel, par ailleurs, est assujetti à un tribunal
indépendant dans l'exercice de ses pouvoirs disciplinaires.
L'ACCOVAM-Québec croit que, dans un tel contexte, les organismes
publics que sont la CVMQ et l'inspecteur général, de même
que les organismes d'autoréglementation, comme la Bourse de
Montréal et l'ACCOVAM-Québec, deviennent tous des partenaires et
exercent de façon complémentaire leurs rôles dans la
réglementation des personnes et des opérations reliées au
commerce des valeurs mobilières.
L'octroi à l'ACCOVAM-Québec du statut d'organisme
d'autoréglementation en vertu de la loi constituerait une reconnaissance
formelle du travail accompli depuis 54 ans par notre association au
Québec. En second lieu, la délégation de pouvoir à
un organisme d'autoréglementation reconnu suivrait le même
modèle que la reconnaissance. Bien qu'il ne soit pas nécessaire
pour l'instant de déléguer de nouveaux pouvoirs aux organismes
d'autoréglemention, un réaménagement pratique pourrait
être envisagé entre les diverses fonctions actuellement
exercées par la CVMQ, la Bourse de Montréal et
l'ACCOVAM-Québec. Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Nadeau.
J'inviterais maintenant M. le ministre et, plus tard, M. le
député de Lévis, à commenter votre exposé.
M. le ministre.
M. Portier: Bien sûr, l'avantage d'être le dernier,
c'est de faire des synthèses, et je vois que vous avez fait un exercice
très louable à ce sujet. En ce qui concerne le pouvoir de
directive, vous résumez assez bien la situation, dans le sens qu'il
s'agit, d'une part, pour le gouvernement ou pour le ministre de tenter
d'influencer les grandes orientations, tout en préservant
l'indépendance de la CVMQ. Vous proposez Ici, comme d'autres l'avaient
fait, des modalités: le ministre et les membres de la CVMQ se
consultent, les directives portent sur des questions de politique
économique; les directives sont publiques et sont suivies par les
membres de la CVMQ. Autrement dit, vous voudriez qu'elles lient les tiers.
C'est un point de droit.
J'ai deux questions à ce sujet. D'abord, vous n'insistez pas sur
le fait qu'il devrait y avoir une consultation publique avant que le ministre
émette ses directives. Ma deuxième question a trait à
l'appréhension de certains, comme la Bourse, qui croient qu'un tel
pouvoir de directive pourrait créer une mauvaise impression. Autrement
dit, je dois vous avouer que je suis un peu déchiré par cette
nécessité, à laquelle je crois, de pouvoir et de devoir
Influencer l'orientation économique du décloisonnement en
général et par le fait que certains semblent croire que cela sera
perçu négativement. Étant donné que vous êtes
des courtiers en valeurs mobilières, que vous êtes dans le milieu
et qu'on entend deux sons de cloche, pouvez-vous nous dire, M. Nadeau,
premièrement, si vous croyez que ce serait préférable,
avant qu'il y ait une directive, qu'il y ait une consultation publique, disons,
dans un délai de 60 jours? Je crois que cela avait été
suggéré comme cela se fait en ce qui a trait au pouvoir de
directive du ministre des Finances, à Ottawa, vis-à-vis du
gouverneur de la Banque du Canada. Deuxièmement, cette
appréhension vis-à-vis d'un tel pouvoir de directive est-elle
réelle ou illusoire? Qu'en pensez-vous?
Le Président (M. Chagnon): M. Nadeau.
M. Nadeau: M. le ministre...
Le Président (M. Chagnon): Appelez-moi M. le
Président.
M. Nadeau: Excusez-moi, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Nadeau: Je vais laisser M. Michel Pouliot répondre
à cette question.
Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.
M. Pouliot (Michel): M. le ministre, sur le premier point, je
crois que tous les intervenants, en tout cas ceux qu'on a entendus depuis ce
matin, incluant la Bourse et même la commission, s'entendent pour rendre
à César ce qui appartient à César; donc,
l'imputabilité ministérielle en termes de politique
économique, personne ne la conteste. Là où,
peut-être, on peut avoir certaines objections, semble-t-il, c'est dans
l'exercice de cette directive. Comment s'exercera-t-elle? Nous suggérons
des moyens de s'assurer, de la part du ministre et du gouvernement, d'une
certaine publicité ou transparence pour qu'en fait cette directive soit
un moyen de dernier recours, en ce sens que, si une consultation
préalable s'est installée avec la possibilité
d'émettre une directive, nous croyons qu'elle ne sera pas
nécessaire, à toutes fins utiles, dans bien des cas. Donc, notre
position au niveau conceptuel n'est pas tellement différente de celle de
nos collègues qu'on a entendus depuis ce matin.
Le deuxième point, pour ce qui est de la perception, oui, c'est
un précédent dans le domaine des valeurs mobilières, c'est
ce qui
semble être la réalité. Cependant, J'ai aussi fait
partie du comité du Barreau du Québec - je parie,
évidemment, ici avec un autre chapeau - et n'étant pas un
spécialiste en droit administratif, nous avons fait appel à de
tels spécialistes. En fait, on n'a pas été surpris de
voir, dans le droit administratif moderne, une telle mesure prise par un
ministre ou un gouvernement, puisque, partout ailleurs, et c'est même
généralisé en droit administratif aujourd'hui, ce pouvoir
de directive est quasiment admis. Il y aurait peut-être eu plus
d'objections au cours des années soixante-dix. Il semble que le droit
ait évolué et que, juridiquement, ce soit aujourd'hui un fait
acquis. Donc, en ce qui concerne la perception, cela existe et c'est
répandu Peut-être est-ce un précédent en valeurs
mobilières, mais on ne croit pas que cela va jusqu'à
éliminer les avantages qu'on voit à contraindre la commission
dans une fonction de non régulation économique.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre. (16 h 45)
M. Fortier: Je vous remercie. Un deuxième sujet qui est
Important, c'est la reconnaissance des organismes d'autoréglementation.
J'indiquais tout à l'heure que votre mémoire en faisait
état, mais, bien sûr, nous avons examiné tout ce qui
s'était dit en commission parlementaire et nous l'avons retenu, parce
que nous croyons qu'en définitive c'était peut-être
important, non pas de choisir - parce que cela doit se faire sur recommandation
de la commission - mais de sanctionner le choix parce qu'encore là il
peut y avoir une orientation politique qui peut être retenue.
J'aimerais que vous m'expliquiez encore une fois ce que vous nous disiez
dans votre mémoire de l'an dernier. Vous faites état du fait
qu'en Grande-Bretagne ce pouvoir appartient au gouvernement et qu'il a
été délégué au 'Securities and investment
Board*. Nous avions acquiescé à cette demande que vous aviez
formulée parce que, dans le secteur de l'Inspecteur
général des institutions financières, c'est la
façon dont nous allons fonctionner. Du côté de
l'inspecteur, les quelques organismes d'autoréglementation... Je pense
à l'institut de planification financière du Québec que
nous allons créer; certains individus ou certains groupes vont nous
suggérer la création d'un institut. L'Inspecteur va analyser
cette recommandation et le ministre va sanctionner ce choix-là. Il
était logique, si nous le faisions du côté de l'Inspecteur
général des institutions financières, de le faire
également de ce côté-là, mais j'admets qu'il s'agit
d'un changement du côté des valeurs mobilières. J'aimerais
que vous me disiez, du côté des valeurs mobilières, quel
avantage vous y voyez et pourquoi vous croyez que le pouvoir politique devrait
intervenir pour sanctionner une recommandation de la commission à ce
sujet.
Le Président (M. Chagnon): M. Nadeau.
M. Nadeau: M. le Président, je passerai la parole à
Mme Phoenix qui a piloté ce projet lors de la dernière commission
parlementaire.
Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix
Mme Phénix (Élaine): M. le Président, quand
on a fait nos commentaires lors de la dernière commission parlementaire,
on a parlé de reconnaissance et il y a trois principes au départ.
La réglementation revient au gouvernement, c'est le premier principe.
L'application de la loi revient aux organismes publics et, dans le secteur des
valeurs mobilières, elle revient à la Commission des valeurs
mobilières. Il y a aussi le droit au secteur privé de
s'autoréglementer. Notre proposition s'inscrivait, lors de la
dernière commission parlementaire, dans le contexte du
décloisonnement où déontologie, formation,
conformité seraient exercées par le secteur privé par le
biais des organismes d'autoréglementation. Dans cette optique, un
organisme privé qui veut s'autoréglementer ou
autoréglementer ses membres devait être reconnu. Ce concept de
reconnaissance, tel qu'on le conçoit, fait en sorte que l'organisme
ainsi reconnu garde tout son pouvoir de réglementation auprès de
ses membres et devient donc, par le fait même, un partenaire des
organismes publics dont le rôle est d'assurer l'application de la loi
dans leurs divers secteurs.
En pratique, ce que cela signifie pour nous, quand on parle du
rôle de notre association depuis de multiples années, c'est
qu'advenant que l'organisme responsable de l'application de la toi soit en
désaccord avec tel ou tel règlement de l'organisme
d'autoréglementation, il peut faire des recommandations au gouvernement
responsable, il peut demander que tel ou tel règlement qui a
été mis de l'avant par tel organisme d'autoréglementation
soit modifié ou encore, s'il pense que l'organisme
d'autoréglementation ne fait pas son travail, il peut tout simplement
demander que lui soit retirée sa reconnaissance. C'est, pour nous, le
rôle de l'organisme public qui voit à ce que l'application de la
loi. dans son secteur donné, soit respectée et que les
règlements de l'organisme d'autoréglementation corroborent la
réglementation générale.
Par contre, ce que cela nous permet, à nous, en termes
d'organisme d'autoréglementation, si on est reconnu par le gouvernement,
c'est de garder, en fait, ce rôle de partenaire, de pouvoir discuter
toute recommandation qui serait mise de l'avant par l'organisme public et de
jouer vraiment un rôle de partenaire, rôle qu'on a voulu jouer et
qu'on a joué depuis de nombreuses années. Tout ce qu'on demande,
c'est de reconnaître ce qu'on est depuis de très nombreuses
années.
C'est dans cet esprit que notre mémoire avait été
fait, dans le contexte du décloisonnement. On n'a pas mis dans notre
mémoire - je
peux peut-être passer la parole à Me Lacoste - tout le
mécanisme qui entourait ça. Gérald, peut-être
pourrais-tu approfondir un petit peu.
Le Président (M. Chagnon): Me Lacoste.
M. Lacoste (Gérald): Merci. M. le Président. Je
pense que le point important dans la solution proposée, lorsque le
secteur privé devient en désaccord, pour quelque raison que ce
soit, avec des organismes publics sur l'opportunité d'avoir tel ou tel
règlement, c'est que ce n'est pas l'organisme public, en l'occurrence la
CVMQ, qui décide que ça ne va pas et qui tranche la question.
S'il y a un débat entre les partenaires, ce sera le ministre ou le
gouvernement qui tranchera. Cela, c'est au sujet de la reconnaissance. On ne
parle pas encore, à ce moment-ci, de la délégation de
pouvoir.
Il faut se rappeler que ce qu'a introduit la loi de 1983, c'est une
nouvelle obligation que toute association de professionnels qui
réglemente les opérations de ses membres en valeurs
mobilières doit être reconnue. Cela est nouveau. Avant 1983, il
n'y avait pas de disposition à cet effet. Cette obligation de
reconnaître touche de très près le droit d'association des
citoyens qui s'organisent, comme ils le veulent, en association, surtout
lorsqu'ils sont dans le même secteur.
La reconnaissance d'un organisme d'autoréglementation se fait une
fois dans sa vie. Je ne parle pas de la délégation de pouvoir; je
parle de la reconnaissance. Imaginer que c'est une intervention du "government
of the day" ou du gouvernement du jour, comme on l'a dit depuis doux jours avec
beaucoup de sens péjoratif, c'est rêver en couleur. Une fois que
c'est fait, c'est fait. Que se passe-t-il après?
Cette association de professionnels qui est reconnue et qui n'a pas
encore accepté de délégation, on se comprend bien,
réglemente les activités de ses membres selon des principes qu'on
retrouve dans la Loi sur les valeurs mobilières: liberté
d'adhésion, service égal aux membres, assises financières,
code de déontologie, discipline, etc. C'est tout ce qu'elle a à
faire. Si elle exerce mal ses pouvoirs, si c'est une moquerie, si elle ne
respecte plus les objets de la loi, la commission responsable de
l'administration de la loi déclenche, au pouvoir politique qui l'a
reconnue à l'origine, un avis qu'on devrait reconsidérer la
reconnaissance. C'est tout. La commission ne sera pas juge et partie.
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.
M. Fortier: Le dernier point que je voulais toucher, ce sont les
mandataires de la couronne. Vous faites une proposition intéressante en
disant: En ce qui concerne les mandataires de la couronne, on devrait chercher
non pas seulement à régler le problème au Québec,
mais chercher à travers tout le Canada à trouver un terrain
d'entente, y indus au gouvernement fédéral. S'il est important
pour le Québec d'aller dans cette direction, il serait également
important pour le governement fédéral d'aller dans la même
direction, ainsi que pour les autres provinces canadiennes qui ont
également des mandataires de la couronne.
Je retiens la suggestion. Bien sûr, il faudrait clarifier. Nous
avons des problèmes particuliers dans la mesure où nous avons des
mandataires comme la Caisse de dépôt qui est unique au Canada,
puisqu'on a eu la brillante idée, en 1962 ou en 1964, sous Jean Lesage,
de créer la Caisse de dépôt et que dans les autres
provinces canadiennes, ça n'existe pas. Alors, il s'agit là d'un
joueur et je crois que l'Ontario et d'autres provinces nous jalousent. Ils nous
ont critiqués longtemps et maintenant ils nous jalousent un peu, mais
c'est certain qu'on a un mandataire très actif pour lequel on veut
garder une certaine autonomie d'action.
Quand même, je crois qu'il y aurait un avantage et, étant
donné que nous avons créé le forum des ministres des
institutions financières du Canada, il me serait assez facile d'aborder
ce dossier et de l'inscrire à l'ordre du jour d'une prochaine rencontre
des ministres des institutions financières du Canada, en espérant
que très bientôt puisse s'y joindre le ministre
fédéral que j'ai rencontré ce matin, M. Gilles Loiselle.
À ce moment, c'est un des sujets sur lesquels on pourrait chercher
à trouver un consensus, comme vous le suggérez. En tout cas, je
retiens votre recommandation et je crois que c'est une excellente
recommandation. Merci.
Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous avez des
commentaires, M. Nadeau?
M. Nadeau: M. Pouliot, voudriez-vous répondre?
Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.
M. Pouliot: Oui. Je crois, encore là, qu'il n'y a pas de
disparité énorme sur le principe ou le concept. Tout le monde
s'entend, au niveau conceptuel ou théorique, pour appuyer la
réglementation égale pour tous. Évidemment, on comprend le
gouvernement de ne pas astreindre ces importants intervenants
québécois à plus de contraintes que ne le seraient,
disons, les équivalents provinciaux hors du Québec; d'où
la suggestion pour atteindre notre objectif de s'asseoir tout le monde ensemble
et d'établir les règles du jeu de tennis si, évidemment,
on veut jouer au tennis.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: M. le Président, j'écoute les
propos des représentants de l'Association canadienne des
courtiers en valeurs mobilières du Québec et Je suis un peu
étonné. J'aimerais savoir quai genre de consultation vous avez
faite auprès de vos membres puisqu'il a été question d'une
consultation. Vous dites que vous avez consulté. Me Pouliot, je pense,
vous êtes avocat. Vous avez fait une consultation auprès des gens
du Barreau. Or, vous ne représentez pas le Barreau et le Barreau n'a pas
jugé utile de venir nous voir. Il a envoyé un document de deux
pages pour dépôt seulement. Comme vous ne venez pas au nom des
avocats, mais que vous venez au nom de l'Association canadienne des courtiers
en valeurs mobilières, que vous représentez des gens dont
plusieurs sont à la Bourse et que vous ne tenez pas les mêmes
propos, quelle sorte de consultation avez-vous tenue auprès de vos
membres concernant le mémoire que vous déposez devant nous
aujourd'hui?
Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.
M. Pouliot: En fait, juste sur le point du Barreau,
c'était simplement pour souligner le fait qu'il n'y avait pas eu de
grande surprise en termes de droit administratif. Ce n'était qu'une
parenthèse, évidemment. Non, certainement que je ne
représente pas ici le point de vue du Barreau du Québec; il vous
a été soumis. Pour l'autre aspect de votre question, je vais
passer la parole à mon confrère, Jean Aubert.
Le Président (M. Chagnon): M. Aubert.
M. Aubert (Jean): La consultation qui a été faite
par l'ACCOVAM-Québec, qui, comme vous le savez, est une association des
maisons de courtage faisant affaire au Québec, a été faite
auprès de l'ensemble du conseil d'administration de l'ACCOVAM qui, le 8
février dernier, a approuvé à l'unanimité le
mémoire qui vous a été soumis. Le conseil de
l'ACCOVAM-Québec est particulièrement représentatif de
l'industrie en ce sens qu'il réunit 19 membres représentant 14
firmes différentes et ces quatorze firmes sont les plus importantes au
Québec et représentent 90 % de l'activité de l'industrie.
Cet exercice de consultation, le 8 février, était l'aboutissement
de consultations qui avaient eu lieu pendant toute l'année lors de
réunions régulières du comité de
réglementation qui est présidé par mon collègue,
Michel Pouliot. En plus de ces consultations formelles lors de réunions
du conseil, il y a eu un ensemble de consultations privées et, disons,
ad hoc.
Je voudrais dire aussi, M. le Président, qu'il semble
peut-être exister entre les présentations d'autres organismes qui
nous ont précédés et la nôtre plus de
différences que ce n'est le cas en réalité.
Peut-être que des mauvaises langues, à la blague, pourraient dire
que c'est la différence entre l'image et la réalité, mais
si on examine et que l'on va au-delà de certaines modalités de
présentation, on s'aperçoit que les groupes qui
représentent différents points de vue de l'industrie des valeurs
mobilières se rejoignent sur la très grande majorité des
points que nous avons exprimés.
Aussi, un dernier point, si je me le permets; il ne faut quand
même pas oublier que l'ACCOVAM-Québec et la Bourse de
Montréal, étant toutes les deux des organismes de l'industrie des
valeurs mobilières, ont quand même des rôles
différents et distincts et que, parfois, nos points de vue ou nos
perspectives, tout en n'étant pas opposés - je souligne la
concordance, la convergence des vues - peuvent, à la suite de nos
fonctions respectives, représenter, justement, des points de vue
différents. Il ne faut quand même pas oublier que la Bourse est
avant tout une place de marché qui doit être organisée de
la façon la plus efficace possible pour assurer la transaction à
fort volume de deux valeurs mobilières précises, soit les actions
et les options Donc, la Bourse est une place de marché, alors que
l'ACCOVAM est une association de membres et se doit de représenter
l'ensemble des membres de l'industrie dans l'ensemble de leurs fonctions qui
recoupent aussi des activités de négociations d'instruments
obligataires, des activités à titre de placeurs pour compte ou de
preneurs fermes. (17 heures)
Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Aubert. M. le
député de Lévis.
M. Garon: Laissons l'image et tombons dans la
réalité Vous êtes la section du Québec de
l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, qui est
une division administrative et régionale d'une association à
caractère pan-canadien. Or, il semble que votre association recherche la
reconnaissance par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et
la réglementation par la Commission des valeurs mobilières de
l'Ontario. La Bourse de Montréal dit que les associations de
réglementation devraient être reconnues par la Commission des
valeurs mobilières et. ensuite, suivies par elle, ce en quoi elle est
d'accord avec votre association pancanadien-ne lorsqu'elle opère en
Ontario. Mais rendu au Québec, vous dites autre chose. Je pense qu'on
est pas mal dans la réalité. Je ne comprends pas pourquoi en
Ontario, c'est la Commission des valeurs mobilières et, au
Québec, vous tombez sous la responsabilité du ministre, alors que
la Bourse dit la même chose que votre association dit au niveau de
l'Ontario.
Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix.
Mme Phénix: M. le Président, je vais parler,
premièrement, de la Bourse. Comme vient juste de le mentionner mon
collègue, la Bourse est un organisme d'autoréglementation, mais
on pourrait quasiment la scinder en deux parce qu'elle fait certaines choses
qui sont aussi faites par l'as-
sociation, que ce soit l'enregistrement, que ce soit la
déontologie, que ce soit la conformité. Il y a des recoupements
qui se font entre l'association et la Bourse. Comme le mentionnait mon
collègue, elle est responsable de l'application d'une
réglementation des marchés. Dans ce sens-là, pour la
Bourse, peut-être que c'est plus naturel, concernant la
réglementation des marchés, d'être reconnue par la
Commission des valeurs mobilières du Québec.
Notre rôle de partenaire dans l'association qui englobe, d'une
façon plus large, le rôle des intermédiaires en valeurs
mobilières, pour nous, je le répète, c'est important de le
garder. Dans ce sens-là, voici le concept que l'on met de l'avant; que
la section ontarienne veuille faire différemment, libre à elle de
le faire, mais, pour nous, ce qui est très important, c'est d'être
en mesure de jouer ce rôle de partenaire et d'être vraiment un
organisme représentatif au Québec. J'irai plus loin. Si je
regarde la reconnaissance au niveau des commissions, ce que je crains un petit
peu plus à long terme, c'est d'avoir peut-être une
réglementation de la Commission des valeurs mobilières de
l'Ontario qui deviendrait la réglementation de la Commission des valeurs
mobilières du Québec. À toutes fins utiles, l'enlonds
l'Ontario depuis les deux derniers jours Je nu voux pas refaire le lac Meech
ici, cet après-midi, mais, pour nous, c'est un point extrêmement
fondamental d'être partenaire au Québec, d'être forts au
Québec. On l'a répété à la Commission des
valeurs mobilières du Québec et on le répète aussi
comme Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières,
section Québec. C'est le sens de notre approche.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Est-ce que c'est dans le sens d'une
société distincte?
Mme Phénix: Non, ce n'est pas une société
distincte. Ha, ha, ha! C'est bien une société de partenariat que
nous recherchons.
M. Fortier: Le député de Lévis est un grand
fédéraliste.
Mme Phénix: Oui, c'est ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Ce n'est pas ça.
Le Président (M. Chagnon): C'est la nouvelle profession de
foi du député de Lévis.
Mme Phénix: Je ne fais pas de politique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: J'aimerais ça que les mêmes firmes, quand
elles parlent à la Bourse et qu'elles parlent chez vous, disent la
même chose, qu'elles ne parlent pas différemment parce que
autrement cela n'a pas de bon sens.
Une autre question. Vous voyez un consensus concernant la nomination
d'un directeur général. Je n'ai vu de consensus nulle part. Ce
que j'ai vu et ce que les gens ont dit, c'est: S'il doit y en avoir un, que ce
soit une décision de la Commission des valeurs mobilières et, si
elle en nomme un, que ce soit les règles de la fonction publique. Mais
concernant le fait d'en nommer un, personne n'a dit: II devrait y en avoir un
et cela devrait être dans la loi, etc. Je n'ai vu ça nulle
part.
M. Fortier: Le député de Mille-Îles. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: C'est parce que le député de
Mille-Îles n'est pas consulté là-dedans. Chez les
organismes qui sont venus, je n'ai pas vu ce consensus.
M. Fortier: Vous n'écoutez pas le député de
Mille-Îles.
M. Garon: Sur le pouvoir de directive, je m'explique mal que
votre position soit aussi différente de celle des autres intervenants du
milieu. Sur le pouvoir de directive, les gens ont dit, ailleurs: A toutes fins
utiles, s'il y en a un, cela devrait être comme le pouvoir
réglementaire. À ce moment-là, en disant cela, cela
voulait dire, au fond. Procédons donc par règlement. C'est ce que
j'ai compris. On a décrit les conditions du pouvoir
réglementaire. Alors, je n'ai pas senti un consensus dans le sens il y
ait un pouvoir de directive. Au contraire, à peu près tous les
intervenants ont mis en garde le ministre concernant un pouvoir de directive
qui serait autre que le pouvoir réglementaire. À ce
moment-là, ils ont dit: Changez la loi ou changez les règlements.
Je n'ai pas senti cela.
Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix.
Mme Phénix: Je vais laisser la parole à M.
Pouliot.
Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.
M. Pouliot: En ce qui concerne le premier point, le directeur
général, il y a une harmonie, en tout cas à
l'écoute que j'ai faite depuis ce matin des points de vue. Il y a une
harmonie en ce sens que nous disons il ne nous appartient pas de
déterminer la pertinence ou non de la création d'un poste de
directeur général. C'est une question de régie interne et
cela appartient à d'autres que nous. On souhaite, évidemment, la
nomination d'un tel directeur général dans la mesure où
l'efficacité de la commission s'en
trouve rehaussée ou améliorée. À ce
moment-là, on dit: Dans cette mesure et à cette condition, nous
endossons la suggestion du ministre de créer ce poste.
Évidemment, ceia nous prend cette efficacité
améliorée comme condition préalable à la
nomination. Pour le reste. ll ne nous appartient pas de le savoir.
Un point sur lequel on semble s'entendre avec les autres Intervenants,
c'est en ce qui concerne la nomination On croit que. si le poste de directeur
général, assumant la pertinence de sa fonction, doit être
mis en place, si son rôle n'est qu'administratif, la Loi sur la fonction
publique devrait normalement, en conséquence, s'occuper de sa
rémunération et de sa nomination, comme pour les autres
fonctionnaires en place. Cela éliminerait peut-être des
problèmes éventuels en ce qui a trait à la double
direction, ainsi de suite, c'est ce que nous disons dans notre lettre. Sur ce
point, on semble avoir entendu des points de vue similaires depuis ce
matin.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Je vais vous poser une question dans votre milieu, Ie
milieu dans lequel vous oeuvrez - je ne parle pas du Barreau.
M. Pouliot: Non.
M. Garon:... mais de l'Association canadienne des courtiers en
valeurs mobilières - est-ce que vous avez perçu de
l'inquiétude vis-à-vis d'un pouvoir de directive au Québec
pour la raison qu'il n'y a pas de tel pouvoir ailleurs en Amérique du
Nord? Est-ce que vous l'avez senti et quel genre d'inquiétude avez-vous
sentie, si vous en avez sentie?
Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.
M. Pouliot: Du seul fait que cela n'existe pas ailleurs au
Canada, non, nous n'avons pas senti de réticence. Ce n'est pas la
règle du précédent qui nous fait peur en valeurs
mobilières. Ce n'est pas parce que cela n'existe pas ailleurs qu'on va
s'abstenir. S'il y a une raison valable, on va s'abstenir d'aller de l'avant.
On est peut-être plus innovateurs ou, en tout cas, on ne craint pas de
créer de précédent. Donc, la réponse est non, on
n'a pas senti de réticence.
M. Garon: Une intervention plus grande du gouvernement sous forme
de directive, le courtier en valeurs mobilières n'a pas de
problème avec cela.
M. Pouliot: Non. Nous avons, par le passé, constaté
des Interventions économiques ou à incidence économique de
la part d'intervenants autres que le gouvernement. Nous croyons qu'il
appartient au gouvernement, au ministre, de décider de ces questions.
Donc, s'il appartient à ce gouvernement de décider de la
politique économique, essayons de trouver un moyen pour arriver à
nos fins.
Le Président (M. Chagnon): Je pense, Mme Phénix,
que vous vouliez compléter.
Mme Phénix: Oui. Je voulais juste ajouter un point quand
on parle de précédent. SI on regarde d'autres alternatives qui
avaient été mises de l'avant, on peut parier de protocole
d'entente; et c'était aussi un précédent pour la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. On peut parler de
comité consultatif; c'était aussi un précédent en
Amérique du Nord pour la Commission des valeurs mobilières de
l'Alberta. Aiors, on n'a rien changé. On n'a rien de nouveau. Sur le
principe comme tel, à savoir que la réglementation
économique revient au gouvernement, je pense que tout le monde s'entend
La façon, après, de s'assurer qu'il y ait une consultation entre
les parties, au cours de laquelle les différents intervenants pourront
aussi débattre de leur point de vue, appelez-la protocole d'entente.
appelez la comité consultatif
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Garon: Je vais lire la deuxième partie de la page 5 de
votre mémoire: "L'assujettissement de la couronne et de ses mandataires"
C'est vous qui partez, c'est votre mémoire. Vous dites: "Le rapport
quinquennal proposait le statu quo quant au non-assujettissement de la couronne
à la Loi sur les valeurs mobilières. Quant aux mandataires de la
couronne, il proposait un assujettissement par voie de directive.
L'avant-projet de loi n'introduit aucun amendement à la Loi sur les
valeurs mobilières en ce qui a trait à la couronne ou à
ses mandataires. "L'ACCOVAM-Québec réitère le principe de
la réglementation égale pour tous. Ainsi, lorsque l'État
s'ingère dans l'économie, il devrait être assujetti aux
mêmes règles que les autres participants du secteur privé.
Par ailleurs, dans le contexte législatif actuel des autres provinces,
l'ACCOVAM -Québec est d'accord avec l'aménagement pratique de
l'assujettissement par directive gouvernementale. " Vous ne dites plus par la
loi, mais par directive gouvernementale. "Idéalement, il devrait y avoir
concertation au niveau fédéral et avec toutes les provinces pour
assujettir tous les mandataires de la couronne oeuvrant dans le secteur
privé à une réglementation égale pour tous. "
Voyez-vous: "Par ailleurs, dans le contexte législatif actuel des
autres provinces, l'ACCOVAM-Québec est d'accord avec
l'aménagement pratique de l'assujettissement - je comprends qu'on parle
de l'assujettissement de la couronne et de ses mandataires - par directive
gouvernementale. " Cela, c'est fondamentalement différent de tout
ce que les autres ont dit ici.
M. Nadeau: M. le Président, on va passer la parole
à Me Lacoste.
Le Président (M. Chagnon ): M. Lacoste
M. Lacoste: Je pense que la directive dont il est fait mention
dans l'extrait que vous venez de citer, c'est la directive telle que
mentionnée dans le rapport quinquennal. Ce n'est plus le pouvoir de
directive en matière économique sur la Commission des valeurs
mobilières, il faut bien se comprendre. On parle de la directive pour
assujettir les mandataires aux règles du marché, on ne parle pas
des directives a la Commission des valeurs mobilières.
M. Garon: Oui, mais le ministre a dit qu'il voulait assujettir
les mandataires de cette façon-là.
M. Lacoste: Oui.
M. Garon: Oui, c'est relié. Il a dit: Mon pouvoir de
directive, c'est comme ça qu'on l'exerce.
M. Lacoste: D'accord, mais...
M. Fortier: Ce n'est pas la même chose, on ne parle pas du
même pouvoir de directive.
M. Garon: Oui, mais c'est quoi? C'est un pouvoir de directives.
Vous voulez procéder par directive.
Le Président (M. Chagnon): M. Lacoste, la parole est
à vous.
M. Lacoste: Je veux juste expliquer que, dans le contexte du
pouvoir de directive auquel faisait allusion M. Pouliot lorsque I' industrie a
réagi à la proposition d'un pouvoir de directive sur la
commission, la réponse de M. Pouliot ne portait pas sur la page que vous
venez de lire. Dans la page que vous venez de lire, c'est une autre directive,
c'est celle par laquelle, au lieu d'assujettir les mandataires de la couronne
à la loi, le gouvernement, par le biais d'une directive, assujettirait
les divers ministres responsables, les divers mandataires à des
obligations semblables à celles contenues dans la Loi sur les valeurs
mobilières. L'ACCOVAM a dit là-dessus: Que ça se fasse
d'une manière ou d'une autre, on est prêts à accepter
l'aménagement pratique, mais, au-delà de ça, il faut que
tous les mandataires au Canada, que ce soit les fonds de retraite des autres
provinces, les "heritage funds", les fonds réservés aux
autochtones, tous ces mandataires qui ont des fonds qui viennent dans le
marché, aient les mêmes règles; d'où la suggestion
de le soumettre aux collègues des autres provinces et du gouvernement
fédéral. Mais ce n'est pas la même directive.
M. Garon: Mais c'en est une.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis.
M. Lacoste: C'est une autre directive. M. Garon: Oui.
M. Lacoste: Est-ce que je pourrais ajouter...
Le Président (M. Chagnon): Naturellement, M. Lacoste.
M. Lacoste: Sur le pouvoir de directive lui-même, il y a un
lien entre la position de l'ACCOVAM quant à la reconnaissance et au
pouvoir de directive. C'est un lien assez subtil, mais je vais prendre une
seconde pour tenter de vous l'expliquer. Si la Commission des valeurs
mobilières de l'Ontario reconnaît, aujourd'hui ou demain,
l'ACCOVAM-Ontario, parce qu'on présume que c'est de celle-là que
parle la commission de l'Ontario - si elle reconnaît l'ACCOVAM nationale,
ça pose beaucoup d'autres problèmes; j'en parlerai très
brièvement - et qu'elle a un pouvoir sur les règles internes de
l'ACCOVAM-Ontario, il n'est pas impensable qu'avec les directives ou les
protocoles, que je ne connais pas, que je n'ai pas vus - j'en ai entendu
parier, mais on ne l'a jamais vu, le fameux protocole, entre la commission de
l'Ontario et son ministre - le ministre de l'Ontario puisse, par l'approbation
des règles par protocole avec la Commission des valeurs
mobilières de l'Ontario, créer des ententes avec le gouvernement
fédéral, comme ça s'est fait l'année
dernière, pour permettre, dans les institutions financières
à charte fédérale, dus opérations en valeurs
mobilières que le Ouébec, dans sa province, n'accepterait pas.
Donc, les commissions de valeurs mobilières, entre elles, pourraient
convenir que la commission de l'Ontario, maintenant qu'elle reconnaîtrait
la section Ontario de l'ACCOVAM, aurait certaines règles qui
s'appliqueraient aux courtiers à travers le Canada, donc aux courtiers
du Québec, des règles qui seraient différentes de celles
que le même gouvernement au Québec applique dans sa politique de
décloisonnement. (17 h 15)
II faut donc, ultimement, aller chercher tous les moyens pour que ce
soit le gouvernement du Québec, par son ministre responsable des
institutions financières, qui reconnaisse la section Québec de
l'ACCOVAM, et les associations des diverses provinces s'arrangeront entre elles
pour s'accommoder dos différences locales ou régionales, et,
deuxièmement, que le ministre se garde ce pouvoir de directive pour
être bien
certain qu'il n'y a pas d'intrusion du gouvernement
fédéral dans le champ de compétence provinciale en valeurs
mobilières.
Si on ne donne pas ces deux pouvoirs au ministre, c'est là qu'on
risque vraiment d'avoir l'intrusion d'une commission fédérale et
l'évacuation des pouvoirs des provinces en matière de valours
mobilières
Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Lacoste.
M. le député de Lévis, il vous reste à peu
près deux minutes
M. Garon: II en reste combien?
Le Président (M. Chagnon): Deux C'est fini.
M. Garon: Pardon?
Le Président (M. Chagnon): C'est fini
M. Garon: Je n'ai pas autre chose à ajouter.
Ce que vous dites, c'est votre opinion et on est ici pour entendre votre
opinion. Je vous remercie.
Le Président (M. Chagnon): J'inviterais donc, M. le
ministre et M. le député de Lévis à conclure sur la
présentation de l'ACCOVAM et je passe immédiatement la parole
à M. le ministre.
M. Fortier: M le Président, j'aimerais remercier l'ACCOVAM
qui est une section qui se veut de plus en plus dynamique. J'écoutais M
Nadeau, Mme Phénix, M. Pouliot et surtout ce que M. Lacoste vient de
dire. Dans le fond, je crois que les principes qui alimentent la
présentation de l'ACCOVAM s'inspirent du fait qu'au Québec on
tient à garder une certaine marge d'initiative, tout en cherchant
à s'harmoniser avec le reste du Canada. C'est certain que la politique
que nous avons poursuivie au Québec va dans ce sens-là. J'ai
moi-même mis de l'avant des politiques dans le secteur du
décloisonnement des institutions financières Je vais vous donner
une primeur. il y en a une en particulier que j'ai mise de l'avant, parce que
je croyais qu'il était très Important de permettre les liens
commer ciaux vu que ça permettait d'avoir des empires importants
contrôlés au Québec. Je me rends bien compte qu'une
politique comme ça ne s'harmonisera pas, demain matin, à travers
le Canada, mais je crois que c'est important pour le développement
économique du Québec. Il me fait plaisir de vous annoncer,
étant donné que la Bourse est fermée, que, cet
après-midi, le président de Power Financial vient d'annoncer
qu'il a reçu une offre pour Montréal Trust, de la part de Bell
Canada. Quant à nous, nous nous réjouissons du fait que ce soit
Bell Canada, une entreprise commerciale et industrielle du Québec
très bien capitalisée, qui va éventuellement prendre le
contrôle de Montréal Trust et qui va créer un groupe
financier extrêmement important ici. Cela dénote la justesse de la
politique que nous avions mise de l'avant, le fait qu'un empire important va se
bâtir dans le secteur financier, tout en permettant à Power
Financial de continuer ses activités.
C'est donc dans cette optique que le ministre et le gouvernement du
Québec désirent garder leur marge de manoeuvre pour influencer le
développement économique du Québec. Les remarques de Me
Lacoste s'inspirent, je crois, de cette vision et du fait que, tout en faisant
partie de la même fédération canadienne, nous voulons
garder certaines marges d'initiative au Québec, chercher à
influencer les choses et permettre au gouvernement de jouer le rôle qui
est le sien dans le développement économique.
Si j'avais un choix à faire entre l'IDA, de Toronto, et
l'ACCOVAM-Québec, il est bien certain, quant à moi, que le choix
devrait se porter sur l'ACCOVAM-Québec. Je pense bien qu'on n'en fera
pas de mystère ici.
Sur le reste, ce que j'ai retenu... Je crois qu'il faut conclure. Est-ce
qu'on conclut uniquement sur les travaux de la commission?
Le Président (M. Chagnon): Sur la présentation de
l'ACCOVAM.
M. Fortier: Si c'est là-dossus, je vais arrêter mes
remarques ici. Merci
Le Président (M. Chagnon): Voilà M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je vois que le ministre
commence à changer son vocabulaire. Il arrête de parler des
mammouths financiers contrôlés à partir du Québec,
parce qu'il s'est rendu compte que les mammouths sont une espèce animale
disparue au cours des siècles, faute d'avoir été capables
de s'adapter à l'environnement ambiant. Aujourd'hui, il parle d'empire
financier contrôlé à partir d'ici; 8 n'a pas eu beaucoup le
même langage pour le groupe Commerce qui représentait 10 % des
primes d'assurance payées par les Québécois dans le
domaine de l'assurance générale.
M. Fortier: Si le gouvernement fédéral l'avait
permis, Bell Canada l'aurait acheté. C'est justement ce que ça
prouve.
Des voix: Ha. ha, ha'
Le Président (M. Chagnon): M le député de
Lévis.
M. Garon: II a été question de conception, de
vision des choses Cela prend, là-dedans, une certaine cohérence
parce que, quand on parle du décloisonnement, quand on parle
d'intervention du gouvernement, quand on regarde les propos qui ont
été tenus lors de l'adoption de la loi en
1982, il y a des volte-face permanentes. C'est bien difficile de savoir
quelle est l'orientation véritable du gouvernement concernant ces
questions. Je pense que, chez l'ensemble des Intervenants, il s'est
établi des consensus. Je ne suis pas convaincu, après avoir
écouté les propos que vous avez tenus au nom de votre
association, que vous participez aux consensus qu'on a observés chez les
autres. Dans certains cas, oui, mais dans certains cas, non. Des fois, iI y en
a sur les principes, mais souvent c'est facile de s'entendre sur les principes,
mais, sur les modalités d'application, c'est une autre affaire. Ce qui
m'inquiète, c'est de voir que deux associations, comme la Bourse et
l'ACCOVAM qui regroupent les mêmes membres pour une bonne part, ne disent
pas la même chose. Quand on lit les mémoires, ça ne dit pas
la même chose et, à mon avis, il y a quelque chose qui ne va pas.
On ne peut pas être à un endroit et dire: J'ai tel chapeau, et
être à un autre endroit et dire: J'ai tel autre chapeau. Si les
gens changent de discours selon les chapeaux qu'ils portent, la
réalité ne peut pas se diviser comme ça. Une porte, disait
un auteur, est ouverte ou fermée, même quand elle est
entrebâillée, elle est ouverte.
Le Président (M. Chagnon): M. le député de
Lévis, gardez-vous un peu de temps pour la clôture des travaux de
la commission.
M. Garon: II n'y en a pas de prévu à l'horaire. On
est censé ajourner à 17 heures. On a dépassé
l'heure. C'est vrai: aussitôt qu'on a fini avec le groupe, on a
terminé nos travaux. D'ailleurs, cela prend un consentement parce que
l'ordre, c'est 17 heures et il est 17 h 20.
Le Président (M. Chagnon): Je vous inviterais à
conclure.
M. Garon: Je voudrais terminer en remerciant l'Association
canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec de sa
présentation, cela nous a fait plaisir de l'entendre.
Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, avez-vous des
remarques finales?
M. Fortier: Non, mais je crois que je vais conclure. Je veux
remercier les membres de la commission. J'ai pris note de leurs indications en
ce qui concerne le pouvoir de directive. Encore là, le message est de
dire: Oui, il serait peut-être opportun que vous interveniez dans le
domaine économique, mais soyez prudents pour encadrer le pouvoir de
directive. C'est le message que je retiens.
Le Président (M. Chagnon): Je tiens à vous
remercier, M. Nadeau, ainsi que mesdames et messieurs qui vous ont
accompagné.
La commission ajourne ses travaux sine die, ayant accompli son mandat.
Je tiens à remercier les membres de cette commission pour le travail
qu'ils ont accompli depuis avant-hier. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 24)