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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Wednesday, March 8, 1989 - Vol. 30 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'opportunité de maintenir en vigueur la Loi sur les valeurs mobilières et sur l'avant-projet de loi sur les valeurs mobilières


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Gobé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration entreprend ses travaux. Je rappellerai maintenant le mandat de la commission. La commission du budget et de l'administration poursuit aujourd'hui sa consultation générale afin d'étudier l'opportunité de maintenir en vigueur et, le cas échéant, de modifier la Loi sur les valeurs mobilières, conformément à l'article 352 de ladite loi et, concurremment, d'examiner l'avant-projet de loi sur les valeurs mobilières.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet (Beauce-Nord) remplacera M. Lemieux (Vanier).

Le Président (M. Gobé): Très bien. Merci beaucoup.

Je ferai maintenant lecture de l'ordre du jour. Nous allons entendre, ce matin, à 10 heures, le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval; à 11 heures, la Bourse de Montréal; à 12 heures, M. Carmand Normand. A 13 heures, nous suspendrons jusqu'à 15 heures. Par la suite, nous reprendrons pour entendre la Commission des valeurs mobilières du Québec et, enfin, à 16 heures, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec et, à 17 heures, ajournement.

J'appelle maintenant le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval. Veuillez prendre place à la table, s'il vous plaît.

Le Président (M. Chagnon): Bonjour, messieurs. Je voudrais vous rappeler les règles d'usage à cette commission. Vous aurez 20 minutes pour faire votre exposé. Si, toutefois, vous aviez besoin de plus de 20 minutes, avec le consentement du parti ministériel et de l'Opposition, vous pourriez avoir plus de 20 minutes; toutefois, nous avons une enveloppe de 60 minutes. Si vous prenez plus de 20 minutes, le temps pris...

M. le député de Lévis, s'il vous plaît, je vais finir d'exposer...

M. Garon: Ce n'est pas ça, l'entente. Vous continuez à le répéter malgré ce qu'on a dit. Cela fait quatre fois que je vous le dis.

Le Président (M. Chagnon): Justement, l'entente que j'ai ici, c'est exactement ce que je viens de dire.

M. Garon: Non. L'entente, c'est 20 minutes, 20 minutes, 20 minutes. S'ils veulent prendre plus, le reste du temps, sur les 60 minutes, est réparti également entre le parti ministériel et l'Opposition. Il n'y a pas besoin d'autorisation; s'ils veulent prendre 30 minutes, 40 minutes, ils le peuvent.

M. Fortier: Je ne suis pas d'accord, ce n'est pas ce qui a été convenu.

Le Président (M. Chagnon): Ce que j'ai dit, c'est exactement ce que vous venez de dire, sauf que ça doit se faire sur consentement, si nos invités veulent dépasser les 20 minutes prescrites. Vous avez 20 minutes, vous pouvez dépasser les 20 minutes sur consentement et il y aura 20 minutes pour chacun des deux partis, le parti de l'Opposition et le parti ministériel, pour commenter votre mémoire ou vous interroger. Vous pourriez peut-être vous présenter et présenter vos collègues.

Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval

M. Pinard (Yvon): Le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval veut remercier la commission d'avoir accepté de nous entendre, nous, les petits investisseurs. Je vais vous présenter M. Richard Hains, membre du comité et de l'exécutif, M. Pierre Raymond, et notre procureur, à ma gauche, Me Michel Jolin.

D'abord, qui sommes-nous, le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval? Nous sommes 540 petits investisseurs qui avons acheté 1461 parts à 5000 $ l'unité pour un investissement de 7 300 000 $ dans trois sociétés en commandite distinctes: les Marronniers de Laval, Phases I, II et III, qui sont des résidences pour personnes âgées et dont le promoteur était le groupe Paré. Nous représentons des citoyens ordinaires, des petits épargnants québécois, des petits investisseurs. Les 540 personnes que nous représentons ont répondu à l'appel du Québec en vue d'investir leurs épargnes et ils ont même emprunté pour faire ces investissements en vue de participer à l'économie du Québec.

Qui sommes-nous en termes de regroupement? 40 % à peu près de salariés, 40 % environ de professionnels et 20 % de personnes retraitées. L'investissement moyen est entre 10 000 $ et 15 000 $ par investisseur. Nous étions conscients du risque d'un tel investissement, mais nous avons fait confiance au système, considérant surtout que le promoteur garantissait son produit en s'appuyant sur l'approbation et la reconnaissance qu'il avait reçues de la Commission des valeurs mobilières. Je pense que la majorité des investisseurs, partant de là, avait une tendance à faire confiance. Jamais nous ne

nous sommes douté que ces investissements, notre argent, nos économies et même l'argent de nos emprunts disparaîtraient comme cela et que nous deviendrions à un moment donné, ni plus ni moins, des otages parce qu'il y avait eu, à notre avis, un manque de contrôle et de surveillance.

Voici une illustration rapide de cela. Un couple à la retraite a investi ses économies, a même emprunté et, pour réussir à faire face aux engagements qu'il a pris, se doit de limiter une aide requise a domicile - une aide familiale - qui lui coûte 65 $ par semaine. Il a dû même changer de loyer, alors il payait 525 $ par mois, pour s'en aller dans un loyer de deuxième étage à 400 $ par mois, afin de pouvoir faire face aux obligations de remboursement de l'emprunt il avait réalisé.

Notre objectif aujourd'hui - on n'a pas de solution à proposer, on n'a pas de recommandation spécifique à faire - c'est de faire part de notre situation à la commission, au gouvernement parce qu'elle illustre la nécessité pour le gouvernement, à notre avis, de mettre en place des moyens et des structures de contrôle efficaces pour protéger le petit investisseur qui, pour nous, risque fort d'être ruiné par ces investissements faits de bonne volonté.

On n'a pas de mémoire à déposer. On n'avait pas les structures et la capacité d'en préparer un. À l'heure actuelle, nos énergies, nos efforts, notre argent sont davantage centralisés vers notre propre défense. Nous avons réuni à peu près 100 000 $ pour nous défendre, pour essayer de protéger nos intérêts et nos investissements. C'est la situation dans laquelle se trouvent 540 petits investisseurs québécois.

Je laisse la parole à Richard Hains pour vous faire part un peu des démarches qu'il a pu faire avant que le comité de défense se constitue. Richard.

Le Président (M. Chagnon): On vous remercie, M. Pinard. M. Hains.

M. Hains (Richard): Bonjour. Je vais raconter mon histoire. C'est à peu près la même histoire pour tout le monde, pour tous les membres du comité. À la mi-avril 1988, j'ai emprunté 20 000 $ pour acheter quatre parts dans la société en commandite les Marronniers de Laval, Phase III. Cinq mois plus tard, on a commencé à avoir des nouvelles inquiétantes des autres projets de M. Paré et, en plus, il y avait le retard des Phases II et III de Laval. En octobre, on a appris qu'il y avait une poursuite d'autres Investisseurs menés par M. Réjean Doyon contre M. Paré. J'ai commencé à faire mes recherches personnelles. J'ai fait une série d'appels téléphoniques. J'ai commencé avec le groupe Paré et, d'après eux, tout allait bien. À chaque communication avec le groupe Paré, c'était la même chose: Tout allait bien. J'ai parlé au notaire Dagenais, le fiduciaire. J'ai parlé au reporter de Radio-Canada et à un du journal Les Affaires. J'ai même essayé de contacter le juge qui a entendu le procès Paré vs Doyon J'ai parié à First City Trust, le créancier du projet. Entre septembre et novembre, j'ai parlé à plusieurs reprises à la CVMQ. J'ai parlé à un total de dix personnes, dans sept services différents. Je n'ai eu aucun renseignement concernant les Marronniers. On m'a passé de l'un à l'autre et, finalement, quand cela allait très mal, vers la fin de novembre, j'ai essayé de savoir pourquoi la CVMQ avait approuvé un tei prospectus. On m'a dit que la CVMQ s'assure seulement que les chiffres sont !à, mais pas du tout de leur exactitude. Effectivement, la CVMQ a nié toute responsabilité dans la protection des investisseurs. Finalement, j'ai contacté Réjean Doyon et son avocat, Serge Guérette, qui se sont regroupés pour se protéger dans les autres projets de M. Paré. À une réunion de ce groupe, j'ai rencontré les autres membres. On a fait à peu près la même chose. On a décidé de se regrouper et de former un comité. Le 20 novembre, on a convoqué une réunion pour former le comité de défense des Marronniers.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Hains. M. Pinard, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Pinard: Oui, je vais poursuivre la présentation. Après, je céderai la parole à Me Jolin, si vous le permettez.

À la suite de ce regroupement, la première démarche du comité a été de tenter d'obtenir la liste des investisseurs, puisque nous ne nous connaissions nullement, promoteur, tuteur, adjoint du tuteur. Nous n'avons pas réussi. Il m'a fallu me présenter personnellement aux Marronniers de Laval, à Montréal, et faire des pressions pour obtenir une liste de la Phase III. Nous n'étions même pas capables de nous regrouper. La liste des Investisseurs des Phases I et II a été obtenue par l'intervention de nos procureurs. Ces listes qu'on nous a remises n'étaient pas à jour. Tous les investisseurs n'y étaient pas inscrits. Pour la Phase I, on cumulait 282 parts sur les 290 dont aurait dû être constituée la société. Pour la Phase II, 656 parts, alors qu'on aurait dû en vendre seulement 651. Nous avons fait des efforts pour mettre ces listes à jour. Nous nous sommes regroupés le 20 novembre, comme on le disait tout à l'heure, et nous avons dû solliciter à nouveau, chez ces investisseurs, un investissement de 100 $ par part pour obtenir les services de personnes compétentes, procureurs et comptables, pour tenter de faire valoir notre point de vue. Ce sont 100 000 $ investis pour tenter, et je dis bien tenter, de "sauver" nos 7 300 000 $ d'investissements; probablement 50 % de ces 7 300 000 $ correspondent à un emprunt des gens.

Depuis le 20 novembre, le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval a appris beaucoup de choses. La Commis-

sion des valeurs mobilières n'est pas là pour les investisseurs, ni pour surveiller leurs intérêts; c'est la conclusion à laquelle on arrive. Elle a reconnu un promoteur. Elle a admis, approuvé les conventions et les prospectus. Elle a émis les permis pour la vente des parts, durant des délais de 120 jours, alors qu'elle savait pertinemment que Paré et associés étaient en défaut depuis peut-être avant 1986, dans d'autres projets de sociétés. Sans exiger de corrections, la Commission des valeurs mobilières a continué de reconnaître le promoteur, a approuvé les projets et a émis des permis. Mais c'est nous qui sommes les victimes de cette autorisation et nous devons payer pour. (10 h 30)

Pour les sociétés en commandite Les Marronniers, on est prêts à affirmer que le délai de 120 jours pour la vente des parts de chaque société n'a pas été respecté. Pourtant, les permis d'exploitation d'autres sociétés se sont poursuivis. Les investissements devaient être placés en fiducie jusqu'au versement à la société. On sait très bien que cela n'a pas été fait ou que cela a été mal fait. Les délais dépassés devaient entraîner un retour des sommes aux investisseurs. Cela n'a pas été fait. Aucun compte de banque n'a été ouvert au nom des sociétés. Nous savons également que l'argent qui devait être utilisé pour chacune des sociétés ne l'a pas été, mais a été utilisé pour d'autres choses. C'est ce qu'on a appris et cela a été confirmé par les états financiers, les états comptables qui n'ont pas été produits.

En conséquence, vu ce manque de surveillance, trois sociétés en commandite n'ont pas de titre de propriété enregistré même au moment où l'on se parie. Il existe à Laval une bâtisse et un terrain pour la Phase I et la Phase II pour laquelle on n'a pas de titre de propriété. Pour la Phase III, il y a 2 100 000 $ qui sont disparus et il n'y a pas de terrains, pas de propriétés et pas de bâtisses. C'est cela, notre situation. Deux firmes comptables essaient - je dis bien essaient - de produire des états financiers et on ne les a pas. Vous comprendrez que nous, les petits investisseurs, on ne peut pas savoir où est allé notre argent. Notre confiance dans le système de contrôle existant est nulle, d'autant plus que, le 1er janvier, j'ai personnellement sollicité, en tant que président du Comité de défense des investissements des Marronniers de Laval, le rapport d'inspection de la commission - un rapport d'enquête; ils avaient fait une enquête antérieurement - afin d'obtenir un peu d'information sur notre situation. Après avoir été renvoyé à cinq personnes différentes, j'ai réussi à obtenir une réponse - mais ça, c'était après mon neuvième appel - d'une personne du contentieux qui m'a transmis la réponse des commissaires qui disait: La commission ne peut remettre ce rapport considérant sa confidentialité.

Le petit investisseur québécois se demande bien qui est le mieux protégé dans cela, ceux qui ont investi 7 300 000 $ ou celui qui a ramassé 7 300 000 $? Aujourd'hui, nos 7 300 000 $, on le sait après nos démarches, correspondent peut-être à 45 $. Je passe maintenant la parole à Me Jolin.

Le Président (M. Chagnon): Me Jolin.

M. Joiin (Michel): Le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval n'a pas la prétention de vous donner un éclairage ou une expertise en matière de valeurs mobilières, mais il veut témoigner aujourd'hui de la situation de fait dans laquelle il se trouve devant des parlementaires qui, à notre avis, ont à prendre les décisions appropriées dans les circonstances.

Lorsque nous avons été appelés, comme avocats, à agir dans ce dossier le 15 novembre dernier, la première chose que nous avons dû faire a été d'essayer de récupérer l'information. Je dois vous dire que, bien que nous ayons eu l'aide d'autres groupes qui, avec le même promoteur, vivaient le même genre de difficulté, ça nous a pris à peu près trois semaines pour être capables d'avoir un tableau de la situation, tellement l'information était irrécupérable. La difficulté d'information s'explique aussi par la structure corporative incroyable des projets. Il y a certainement une vingtaine de compagnies impliquées.

Ce qui étonne dans le processus qui a été approuvé par la Commission des valeurs mobilières, c'est la méthode d'investissement qui a été autorisée, une méthode aux termes de laquelle la souscription dans une société en commandite était, a toutes fins utiles, un prêt au promoteur qui exige, pour se faire prêter, une commission qui atteignait quelque chose comme 25 %. Il devait, par la suite, construire et céder une partie de la propriété, mais ça ne dépassait, dans aucun des trois projets, 45 % de la valeur de la propriété. Dans un cas, c'était 45 %, dans un autre cas, 40 % et, dans le troisième cas, 25 %.

On se retrouve donc, à un moment donné, au moment de la crise, avec deux bâtisses construites, une non construite. Le dernier investissement de 2 100 000 $ n'était plus dans les caisses du promoteur et on se retrouve avec deux bâtisses ayant un taux d'occupation de 30 %. Le constat juridique qu'on doit faire, c'est que le créancier hypothécaire, devant l'évolution du projet, a signifié son avis de possession, son avis de 60 jours et, en plus, a 3 000 000 $ de privilèges enregistrés sur les bâtisses. On ne peut pas remédier au défaut technique qu'invoque le créancier hypothécaire, de telle sorte qu'en l'espace de six mois après l'investissement les investisseurs se retrouvent avec une offre d'achat de leurs intérêts à 10 % de ce qu'ils ont Investi six mois plus tôt.

C'est dans ce contexte que le ministre a nommé un administrateur qui, aussitôt nommé, a été contesté judiciairement, tant et si bien que l'administrateur nommé par le ministre n'a réussi

à agir que pour quelque temps et, finalement, c'est le créancier hypothécaire qui, dans le cadre de sa prise de possession, a administré les immeubles. Cela place les investisseurs dans une situation où, à tout moment, le créancier hypothécaire peut faire vendre des propriétés et liquider totalement l'intérêt des investisseurs. Je vous rappelle que, pour la Phase III, c'est dans une période de six mois que cela s'est fait.

Cela place aussi les investisseurs et le comité de défense dans une position et ce n'est pas seulement la situation des investisseurs de Laval - où ils peuvent être manipulés ou, encore, être à la merci de n'importe qui qui peut faire une offre. Cela devient une situation impossible parce qu'on demande à de petits investisseurs de rembourser le créancier hypothécaire dont la dette doit être évaluée à environ 18 000 000 $, de reprendre le projet, de terminer les aménagements et de supporter pendant une année ou deux des activités fortement déficitaires pour être capables de rentabiliser le projet. Il est impensable que de petits investisseurs puissent faire cela.

Le tuteur a essayé de trouver un acheteur, mais on essaie de trouver un acheteur dans un marché de crise, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Pour éviter les contestations lorsqu'on a une offre dans ce genre de situation, on est généralement obligés de désintéresser le promoteur en lui offrant un montant d'argent. On a travaillé pendant des semaines et des semaines avec le tuteur pour essayer de trouver un acheteur et de désintéresser le promoteur pour essayer de récupérer en partie les investissements. Le résultat que nous avons obtenu, c'est que l'acheteur que le tuteur avait trouvé s'est désisté, les délais courent encore et le créancier hypothécaire peut, n'importe quand, exécuter ses garanties.

Le tuteur devait faire des appels d'offres; il a fait des efforts raisonnables pour s'entendre avec le créancier hypothécaire pour réussir à faire des appels d'offres. Le créancier hypothécaire a décidé, lui, qu'il ferait des appels d'offres. L'échéance des appels d'offres du créancier hypothécaire est aujourd'hui même, ce 8 mars.

On est toujours à la case 0. Le créancier hypothécaire va décider seul comment il va disposer des immeubles. On a réussi à s'entendre avec un acheteur potentiel qui, peut-être, va réussir à faire une offre qui pourrait peut-être être acceptée; à défaut de quoi, aujourd'hui, ces investisseurs risquent de perdre 7 300 000 $ exactement.

Ce sont donc 540 investisseurs qui s'adressent à la commission parlementaire aujourd'hui. Ils devront rembourser, certains pour une période de dix ans, l'investissement qu'ils ont fait et ils sont venus demander à cette commission, aujourd'hui, ce que vous allez faire pour éviter qu'ils ne soient lavés.

Le Président (M. Chagnon): On vous remer- cie, Me Jolin. M. le ministre vous avez peut-être des commentaires à faire sur les prestations du groupe les Marronniers de Laval.

M. Fortier: Oui. Dans un premier temps, |e remercie les membres du Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval d'être venus témoigner: M. Pinard, M. Raymond et le bâtonnier, M. Michel Jolin. C'est un fouillis inextricable. C'est un bordel administratif. C'est une situation tout à fait désolante à laquelle il faut apporter des correctifs. Vous avez fait état de ce que nous avions fait en période ultime et, comme vous l'avez si bien décrit, M. Pinard, au moment où la commission nous a fait la recommandation de nommer un tuteur pour la mise en tutelle du groupe ies Marronniers, il était déjà très tard et la suite des événements, comme le bâtonnier vient de le décrire, nous a démontré que notre tuteur avait beaucoup de difficultés à faire face à l'imbroglio juridique. Même s'il avait le pouvoir de liquider certaines compagnies, comme elles étaient à charts fédérale, il y avait tout le problème constitutionnel et les pouvoirs juridiques qu'il détenait. Il y avait l'intervention des créanciers également, comme le bâtonnier l'a mentionné, qui, en définitive, rendait la partie très difficile pour le tuteur qui fut nommé.

Je dois vous dire que, lorsque ces événements sont arrivés, lorsque j'ai été informé, ultimement, de ces événements, l'automne dernier, je crois, au mois de novembre, si ma mémoire est fidèle, j'osais penser que c'était le seul cas qui viendrait devant nous. J'avais demandé à la commission de m'indiquer s'il y en avait d'autres et on m'avait rassuré quelque peu à ce moment, mais, par la suite, il y a eu un autre cas, une autre mise en tutelle de plusieurs sociétés. Je pense bien que, quant à nous, nous avions déjà tiré les conclusions qu'il fallait refaire et réexaminer toute cette section de la Loi sur les valeurs mobilières adoptée en 1982.

Mais là où vous nous donnez une description pour le moins peu flatteuse de la commission, c'est lorsque vous dites que vous n'avez pas eu sa collaboration pour obtenir de l'information qui, il me semble, aurait dû vous être donnée pour vous permettre de vous protéger. J'ai, devant moi, l'article 297 qui dit que les rapports d'enquête et les pièces à l'appui ne peuvent être consultés qu'avec l'autorisation de la commission. C'est donc dire que la commission avait le pouvoir de statuer, dans ce cas-ci, si elle devait, oui ou non, vous donner l'information qui vous aurait facilité la tâche dans la protection de vos intérêts.

Quant au déroulement, ce qui m'intrigue dans tout ça, ce n'est pas que la commission puisse, à l'occasion, être prise en défaut par un prospectus déposé, approuvé et que celui qui a mis de l'avant ce prospectus ne respecte pas les promesses qu'il avait faites, mais je crois que vous avez indiqué - je n'ai pas vérifié tous les faits - qu'au moment où les derniers prospectus

ont été sanctionnés il y avait déjà des lacunes identifiables et les faits sont allés dans ce sens. Je crois qu'à ce moment-ci on peut s'interroger sur un certain laxisme de la commission qui, au moment où, ultimement, elle a approuvé certains prospectus, aurait dû être en possession de l'information pertinente quant à la capacité de M. Paré de faire face à ses obligations.

C'est le seul commentaire que J'ai à faire pour le moment, si ce n'est pour vous dire - je vais écouter ce que les autres membres de la commission ont à dire là-dessus - qu'étant donné que le but de la commission était de revoir la loi et de voir si on devait l'améliorer je crois que vous nous donnez certainement le signal qu'il faut revoir toute la section traitant de l'administration provisoire et des liquidations et, ensuite, toute la réglementation touchant les sociétés en commandite.

Toute personne qui est un peu au fait des sociétés en commandite sait qu'il s'agit là d'un type d'exploitation ou de promotion collective pour promouvoir un projet qui comporte des dangers certains pour des individus, parfois en grand nombre. C'est une chose pour dix personnes ou dix groupes financiers de prendre le contrôle des Nordiques de Québec en société en commandite, c'est une autre chose d'avoir 270 ou 540 petits investisseurs qui prennent collectivement le contrôle ou tentent de financer une entreprise comme les Marronniers de Laval. (10 h 45)

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le ministre. Peut-être, M. Pinard, avez-vous des commentaires?

M. Pinard: Non.

Le Président (M. Chagnon): D'accord. Alors, je demanderais au député de Lévis, critique de l'Opposition, de commenter aussi les événements dont nous ont fait part les gens qui représentent le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval.

M. Garon: M. le Président, je suis un peu mal à l'aise pour dire quoi que ce soit parce que j'ai simplement comme document une lettre de trois paragraphes et une annexe qui est supposée être un résumé, parce que c'est numéroté 5R. Le texte principal, je ne l'ai pas. Habituellement, on dit qu'il y a un résumé d'un mémoire plus long. Mais le mémoire plus long - je ne sais pas s'il y en a un - je ne l'ai pas. J'ai tout simplement l'annexe 5R d'une page et demie.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, M. Pinard nous avait dit qu'il n'y avait pas de mémoire comme tel.

M. Garon: Ce que j'ai, moi, c'est une annexe. Une annexe, normalement, c'est un ajout à un document principal. J'ai, tout simplement, une page de trois paragraphes où ils demandent d'être inscrits pour parler de ce qui s'est passé. Le comité représente un groupe d'investisseurs qui ont placé leurs avoirs dans les sociétés en commandite suivant les prospectus émis dans le public, après avoir reçu le visa définitif de la Commission des valeurs mobilières. J'ai cela et une annexe, mais je n'ai pas d'autre chose.

Le Président (M. Chagnon): On peut peut-être demander à M. Pinard ce qu'il en est. M. Pinard.

M. Pinard: Nous n'avons pas d'autre chose. Comme je l'ai dit dans la présentation tout à l'heure, nous n'avions pas la capacité de produire un mémoire en bonne et due forme. Le motif est de deux ordres: en termes de disponibilité pour faire un tel travail, le comité de défense n'a pas cette capacité. Les quelques sommes que nous avons, nous avons pris comme orientation, comme priorité, de les investir dans la défense des intérêts des investisseurs. Toutefois, nous avions escompté - on a la réponse - que la commission, malgré le fait qu'on n'ait pas de mémoire écrit, accepte de nous entendre. Elle l'a fait et nous en sommes heureux. D'accord? On ne pouvait pas se permettre et on n'avait pas, nous, des ressources pour faire travailler cinq ou dix personnes sur un mémoire pendant un mois. D'accord?

Nous sommes nés, comme comité de défense, le 20 novembre 1988 et nos actions se font pour tenter de suivre les événements, d'obtenir le plus d'informations possible afin d'essayer - on dit bien essayer - de protéger ce qu'on pourra retirer de tout cela, parce qu'on est en récupération constante. On fait des démarches pour éviter d'être plus otages que ce que nous sommes présentement de ces trois sociétés où on a des droits de parole, des droits de se présenter, de se faire valoir. Écoutez, on sollicite à l'heure actuelle. Alors, nos énergies, on les met dans la sollicitation pour dire: Tenez compte de nous. On était au moins là-dedans, ces trois sociétés-là.

Alors, on s'excuse de ne pas avoir un mémoire écrit. On sera heureux si le témoignage qu'on rend ici ce matin peut être utile à une réglementation, à une certaine surveillance de ce qu'on a vécu pour éviter que d'autres investisseurs québécois qui veulent contribuer à l'économie du Québec ne se fassent laver.

Le Président (M. Chagnon): M. Pinard, vous ne demeurerez pas dans la tradition orale bien longtemps parce que vous allez automatiquement vous intégrer au Journal des débats.

M. Pinard: Merci.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, peut-être avez-vous d'autres commentaires?

M. Garon: J'ai bien vu, dans les journaux, la question qui vous préoccupe, d'autant plus

qu'il y a une bâtisse dans mon comté. Je dois vous dire que, lorsque les annonces ont été faites, je n'étais pas sûr que tout le monde aurait les moyens financiers pour louer des appartements avec ces services-là à ce prix-là. Quand vous dites que c'est loué à 30 % et que cela a été sous-loué... Je ne sais pas c'est à quel pourcentage dans Lévis, mais je sais que ce n'est pas tout loué. C'est là que je me demanderais jusqu'où va le rôle de la Commission des valeurs mobilières et celui des gens qui investissent leur argent. Ceux qui investissent de l'argent ont une certaine responsabilité aussi.

Deuxièmement, dans le pouvoir d'enquête de la commission, jusqu'à quel point la commission qui est en train de faire une enquête doit-elle dévoiler ce sur quoi elle enquête alors que son enquête est en cours? C'est difficile pour moi. Je ne parle pas comme quelqu'un qui est au courant. Si vous avez de la misère, comme vous le dites, à vous démêler dans toute l'affaire, vous comprendrez qu'un député qui n'est pas dans l'affaire, qui n'est pas un investisseur et qui n'est pas en contact avec la commission pour le renseigner en ait. La commission donne des renseignements, sans doute, au ministre chargé de l'application de la loi, mais nous n'avons pas ces renseignements-là. C'est difficile, sauf qu'il y a un certain nombre de questions qui, à première vue...

J'ai remarqué hier, quand d'autres qui sont venus en ont parlé, que des commissions, par exemple l'Ontario, disaient qu'elles avaient des données. On avait voulu les avoir et la commission avait même refusé de les fournir au ministre. Il y avait eu une décision prise par le président de l'Assemblée législative - je ne sais pas comment Ils l'appellent en Ontario, le président de l'Assemblée nationale ou de la Chambre - qui avait donné raison à la commission de garder ses renseignements.

C'est difficile pour nous. On ne sait pas dans quel cadre d'enquête on est, jusqu'où c'est rendu. Est-ce une affaire qui doit aller à la Justice ou non? Est-ce qu'on demeure dans le domaine civil ou si cela évolue dans d'autres domaines? C'est bien difficile à ce moment-ci, surtout dans un cas précis dont on n'est pas assez au courant. Ce sont des questions assez minces. Me Jolin, qui est votre conseiller, a une longue expérience dans ces domaines. Il a été au ministère de la Justice, bâtonnier du Québec. Il peut peut-être nous en dire plus.

Le Président (M. Chagnon): M. Jolin.

M. Jolin: II y a quelques questions dans ce que vous avez dit, M. Garon. Il est certain que les investisseurs ont pris un risque financier. Ils ne le contestent pas. Il est certain aussi que la Commission des valeurs mobilières ne peut pas suivre au jour le jour les promoteurs, c'est évident.

Ce que le comité dit, c'est que la Commis- sion des valeurs mobilières avait certaines responsabilités fondamentales. Il est inconcevable qu'on arrive aujourd'hui et qu'on constate que les projets ne faisaient même pas l'objet d'une comptabilité distincte. Les problèmes de rigueur dans l'administration des sociétés en commandite du promoteur, ce que le comité vous dit, c'est que la commission avait des éléments pour les constater bien avant et que, par une intervention efficace en temps utile, elle aurait fait en sorte que ces prospectus n'auraient jamais été émis. C'est certain qu'elle ne peut pas faire ie suivi quotidien des promoteurs.

Il y a d'autres moyens qui peuvent être envisagés. Non seulement doit-elle intervenir en temps utile, mais il faudrait peut-être songer à ce que ceux qui se lancent dans l'appel public à l'épargne soient obligés de se garantir d'une façon ou de l'autre, vis-à-vis de leurs investisseurs, par voie de cautionnement ou autrement. Mais actuellement, si on me dit que la Commission des valeurs mobilières ne fait que regarder si les chiffres sont équilibrés et mettre son approbatur, je recherche encore son utilité.

Le problème que ces investisseurs ont vécu, c'est qu'ils croient, à la lumière d'informations qu'ils ne sont pas en mesure de certifier parce que les livres de la commission sont fermés, qu'elle avait les informations pour intervenir en temps utile et qu'elle ne l'a pas fait. Cela entraîne les conséquences que vous connaissez. Quant à savoir si les dossiers...

M. Garon: Excusez-moi. M.Jolin: Oui?

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Par rapport aux renseignements qui sont dans un prospectus, est-ce que le rôle de la commission va jusqu'à vérifier si tous les renseignements qui sont là sont exacts? Les renseignements doivent être là, mais est-ce à elle de vérifier si tout cela est vrai ou non? C'est une question fondamentale que je me pose.

M. Jolin: Je ne crois pas que la commission ait à faire l'audition, au sens comptable, de tous les chiffres ou de toutes les données, mais elle doit certainement s'assurer que les informations données sont exactes, plausibles, les informations comptables et, notamment, l'opinion juridique. Elle n'a pas à refaire nécessairement l'exercice que le promoteur fait, sauf qu'elle doit s'assurer, au fur et à mesure de l'évolution des projets du promoteur, il respecte ses obligations, notamment les obligations qu'il a en vertu de la loi. Ce que nous disons, ce n'est pas que les renseignements qui avaient été fournis à la commission se sont révélés inexacts. Nous ne prétendons pas que la commission aurait dû refuser l'émission du prospectus, mais elle aurait dû, lorsqu'elle a

constaté des infractions à l'égard d'autres projets dans le passé, interdire au promoteur de se lancer à nouveau dans la souscription publique d'épargne.

Il y a un autre élément que vous m'avez signalé: Est-ce que le public doit avoir accès aux dossiers d'enquête de la commission? Je pense que tout le monde admet que les dossiers d'enquête, généralement, ne doivent pas être accessibles à tous et à chacun. Lorsque la situation que nous vivons se présente, si la commission ne nous donnne pas accès à l'information, où pensez-vous que nous pourrons trouver l'information? La commission dit: Nous ne pouvons plus intervenir, mais nous ne pouvons pas, non plus, vous donner l'information. Alors, qu'est-ce qu'on fait dans un cas comme celui-là? On ferme les livres et on encaisse nos pertes? Dans la logique de ce système, à défaut pour la commission de prendre en charge les problèmes des investisseurs, on est placé dans une situation absolument impossible. C'est une invitation à nous dire: C'est confidentiel, on ne peut pas vous le donner, retournez chez vous, payez vos intérêts à la banque, remboursez votre capital, c'est fini. Il est illogique d'arriver à une situation comme celle-là, je crois.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis... Je vais maintenant reconnaître M. le député de Mille-Îles et nous reviendrons ensuite à M. le député de Lévis qui semble avoir une autre question.

M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci. M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez énoncé devant la commission parlementaire. On va commencer avec le premier point, c'est-à-dire la difficulté d'obtenir de l'information. Je comprends la règle qui est établie dans la loi actuelle concernant les rapports d'enquête qui, supposément, demeurent au bon vouloir de la Commission des valeurs mobilières du Québec, mais dites-moi, dans vos approches, dans votre situation particulière, avez-vous contacté la Direction de l'information de la Commission des valeurs mobilières, dans un premier temps, et quelle sorte de réception avez-vous eue auprès de la Direction de l'information? Est-ce que c'est une approche ouverte, est-ce qu'elle a été sensible, est-ce qu'elle était coopérante, est-ce qu'elle voulait vous aider? Vous a-t-on dit: II y a une règle, mais on peut vous aider quand même, compte tenu de la situation particulière. C'est sur le service qui vous a été donné par la commission, comme investisseurs, que je formule ma première question.

Le Président (M. Chagnon): M. Pinard.

M. Pinard: C'est mol qui ai fait personnellement l'intervention auprès de la commission le 6 janvier 1989, à 10 heures. J'ai les notes.

M. Bélisle: C'est excellent.

M. Pinard: Le 6 janvier 1989, parce qu'on était passés également par plusieurs autres voies pour tenter d'obtenir de l'information. Vous me permettrez peut-être de ne pas donner le nom des personnes contactées à la commission, mais j'ai le nom de chaque personne.

M. Bélisle: D'accord.

M. Pinard: À la suite d'un premier appet, on me réfère à une autre personne, le directeur qui est absent. Je laisse le message. Je demande si possible un appel dans la journée. À 14 h 15 je reçois un appel. On me répond: Le document est confidentiel, j'ai un serment d'office, je ne peux pas remettre copie de ce rapport. On me confirme qu'il y a des notes d'irrégularités parce que je fais un lien entre ce rapport, les recommandations au ministre et la nomination d'un tuteur. Donc, en tant qu'investisseurs, je fais valoir qu'il y a un intérêt pour nous à connaître ces irrégularités d'une façon ou d'une autre. Il affirme son doute à savoir que la commission accepte de remettre - je lis mes notes - ce rapport, me réfère à Mme la secrétaire de la commission qui est également responsable de l'accès à l'information. Entre-temps, je prends contact avec la Commission d'accès à l'information... (11 heures)

Le Président (M. Chagnon): Continuez.

M. Pinard: ...laquelle déclare ma demande recevable en vertu de l'article 297 de la loi. Je retourne encore à la commission. Je fais des appels; pour avoir des retours, je laisse des messages, mais cela n'entre pas. En fin de compte, comme on avait une assemblée de nos investisseurs la fin de semaine des 14 et 15, le 13, j'ai fait des pressions pour me retrouver avec un retour d'appel d'une personne du contentieux de la commission. Il était 16 heures. J'ai demandé d'avoir une réponse avant la fin de la journée et, aux alentours de 17 heures, on m'a rappelé pour me dire que les commissaires avaient pris la décision et qu'ils ne pouvaient pas me le remettre considérant la confidentialité du document.

M. Bélisle: Le moins qu'on puisse dire, M. Pinard, d'après ce que je comprends de votre long pèlerinage téléphonique où on vous a fait rebondir d'un endroit à un autre, c'est qu'il n'y a pas eu de collaboration, de coopération de la part des gens à la Direction de l'information.

Laissez-moi vous donner une partie d'un rapport dont vous ignorez l'existence, qui a été déposé à l'Assemblée nationale du Québec à la suite d'une bataille que les parlementaires ont menée ici pour forcer la Commission des valeurs mobilières à déposer un rapport qu'elle avait demandé à deux consultants des HEC. Je vais

vous lire un passage à la page 21 et vous allez voir comme c'est votre cas. Mais, cette page 21 et les pages 18 à 25 ont été enlevées, déchirées du rapport final des deux consultants des HEC et n'ont pas été produites par la Commission des valeurs mobilières.

Écoutez-moi bien. On voulait nous cacher des faits, à nous aussi, parce qu'on nous cache des faits à nous aussi. Je lis à la page 21 - ce n'est pas moi qui l'ai écrit, ce sont deux consultants des HEC payés à même vos taxes et mes taxes - "En dépit des effets possibles d'une telle rationalisation, il demeure que, conformément à la perception sans équivoque des personnes consultées, la commission - on parle de la Commission des valeurs mobilières - a besoin d'accroître à la fois le nombre et la compétence des professionnels associés à la Direction de l'information. "

Ce que je veux, tout simplement, vous dire, M. Pinard, c'est que les membres de cette Assemblée nationale qui sont assis autour de cette table ont déjà eu beaucoup de problèmes à faire produire des documents par la Commission des valeurs mobilières alors qu'elle est obligée de nous rendre des comptes. J'ai même des copies de débats ici. On a été obligés de se battre pour faire déposer des rapports et il y a des choses qui nous ont été cachées.

On va revenir au laxisme. Dans ces mêmes pages 18 à 25 qui ont été cachées aux membres de la commission du budget et de l'administration et que nous avons été obligés de faire produire par la Commission des valeurs mobilières - j'ai entendu Me Jolin tantôt nous parler du laxisme, des règles inconsistantes - je vais vous lire ce que ces deux experts engagés par la commission ont écrit en 1987. Heureusement qu'on a poussé pour avoir le dépôt de ces documents. Écoutez bien cela. "Il est apparu nécessaire dans cette étude de dissocier les activités de la commission relatives aux appels publics à l'épargne de l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires ou législatives. Ainsi, autant le style informel adopté par le personnel dans le processus d'approbation des prospectus est-il, de façon générale, positivement perçu par le milieu - le milieu, ce sont ceux qui vont là-bas et demandent; ce ne sont pas les petits Investisseurs comme vous - comme favorisant le règlement efficace et convenable des questions, autant ce style informel au niveau de l'exercice des pouvoirs quasi judiciaires de la commission est-il assimilé à un manque de rigueur et d'objectivité. De même, il faut rappeler que plusieurs se sont plaints de l'usage par la commission des règles internes non écrites et surtout de l'inconsistance de ses directives. " C'est à la page 19.

On pourrait même aller plus loin à un autre endroit, dans ces mêmes pages qui ont été éliminées, qu'on ne voulait pas nous montrer, où on parle du processus d'appel à l'épargne. Je cite, à la page 22: "II serait donc hautement souhaitable que la commission s'applique davan- tage à rationaliser de cette façon l'effort d'analyse des prospectus. "

Venons-en à ce qu'on peut faire pour demain, pour il n'y en ait pas d'autres qui se fassent attraper de la même façon. J'adresse ma question à Me Jolin. Est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une obligation dans la Loi sur les valeurs mobilières du Québec pour obliger la Commission des valeurs mobilières, dans un délai d'un mois ou deux mois après l'approbation d'un prospectus d'appel général du public à l'épargne à refaire une vérification complète de l'ensemble du dossier et pour obliger celui qui est l'appelant à l'épargne à faire une déclaration statutaire pour voir si, de façon élémentaire, il y a des comptes de banque ouverts, si les sommes ont été déposées aux bons endroits, s'il y a des vérificateurs nommés, et pour avoir un certain contrôle? Cela, c'est ma première question.

J'en ai une autre qui va avec...

Le Président (M. Chagnon): Je vous suggérerais de la poser tout de suite parce que vous n'aurez plus de temps pour écouter la réponse.

M. Bélisle: Je vais vous laisser aller, Me Jolin. J'en aurai une autre qui va exactement dans le même sens par la suite.

M. Jolin: Si vous me demandez ce qu'on peut faire demain, je serais tenté de vous demander ce que vous allez faire aujourd'hui parce que notre problème, à nous, c'est que l'échéance est aujourd'hui, ce n'est pas demain. J'y reviendrai par la suite. Je ne suis pas un spécialiste des valeurs mobilières, je le dis tout de suite. Il n'y a pas de doute dans mon esprit que, si le processus que vous suggérez avait fait partie des règles ou des normes, on aurait eu de meilleures chances d'être protégés si un tel contrôle avait été effectivement exercé. En réponse à la question telle que vous me la posez, il me semble, oui, que nous aurions été largement mieux protégés.

M. Bélisle: Maintenant, une autre modification dans le même sens à la Loi sur les valeurs mobilières. Je comprends, Me Jolin. que je ne peux rien changer pour vous dans le passé.

M. Jolin: Je ne suis pas sûr de ça.

M. Bélisle: À ma connaissance, dans les pouvoirs que j'ai, je n'ai pas celui de corriger le mal qui a été fait. Essayons de prévoir. C'est un peu l'appel que M. Pinard nous a fait tantôt en nous disant. Essayez d'agir de façon que ça ne se reproduise pas et qu'il n'y en ait pas d'autres qui se fassent attraper.

Une enquête est faite par la Commission des valeurs mobilières pour faire respecter soi-disant les règles d'approbation quant à l'émission d'un prospectus, quant à l'imposition d'un visa. On dit: II y a tel critère, tel critère, tel critère,

si tu te conformes à ces critères, on va t'émet-tre un visa, tu as le droit d'aller dans le public pour chercher des sous. Est-ce que ce ne serait pas totalement logique et normal, 30 jours après l'imposition du visa par la commission, que le public en général, tout investisseur, toute personne qui va participer à cet appel public à l'épargne ait le droit fondamental d'avoir une copie du rapport d'enquête, pas de l'enquête qui est menée une fois qu'il y a des problèmes, mais de l'enquête d'approbation de la commission qui a mené à l'émission du visa? Je ne vois aucun dommage fait à la Commission des valeurs mobilières ou au gouvernement du Québec, je vois un plus pour l'ensemble de la société. Me Jolin?

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Mille-Îles. M. Jolin.

M. Jolin: C'est une autre mesure qui m'apparaît raisonnable ou pouvant donner au public investisseur une meilleure qualité d'information. Je pense que ça pourrait être une mesure utile. Il faudrait voir dans la pratique si c'est faisable, si c'est réalisable, mais, quant à nous, en tout cas, vu par le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval, je ne vois pas de contre-indication là-dessus.

Cependant, si vous me permettez, dans la première partie de votre question, vous avez dit: Nous ne pouvons rien faire pour ce qui s'est passé. Je suis respectueusement en désaccord avec vous parce qu'il y a, au Québec, au moins une dizaine de sociétés en commandite où on constate la même situation désespérante. Je vous suggère, en tant que parlementaires, de songer, même pour les situations passées qui font l'objet de crise actuellement, à une forme ou à une autre de moratoire pour éviter que les investisseurs ne soient placés dans une situation où ils seront lavés.

On est en train, depuis les derniers mois, de détruire un mode d'investissement qui a une grande valeur, qui est la société à commandite, qui permet à de petits investisseurs de participer à de grands projets. Ce serait malheureux qu'en raison de ce qui se passe aujourd'hui on annule ou on tue la société en commandite qui est un bon moyen d'investissement. Peut-être faudrait-il que vous songiez dès aujourd'hui à imposer une forme de moratoire ou à une intervention pour aider ces investisseurs qui, dans beaucoup de sociétés en commandite au Québec, sont en train d'être lavés complètement de leurs investissements.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Bélisle: M. le Président...

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: ...avec la permission du député de Lévis, si vous me le permettez.

M. Garon: A-t-il encore du temps?

Le Président (M. Chagnon): Quelle est votre question, M. le député?

M. Bélisle: C'est tellement important, M. le Président, le cas qui est devant nous.

Le Président (M. Chagnon): Oui...

M. Bélisle: Ce n'est pas seulement parce que c'est de Laval.

Le Président (M. Chagnon): Mais votre question, c'est pour demander le consentement du député de Lévis pour prendre de son temps pour votre question?

M. Bélisle: Oui, pour un court moment. M. Garon: Non.

M. Bélisle: Du temps supplémentaire, M. le député de Lévis?

M. Garon: Non. Ce n'est pas moi qui fais...

Le Président (M. Chagnon): On n'a plus de temps. M. le député de Lévis, est-ce que vous donnez votre consentement?

M. Garon: Je veux parler sur mon temps. Je ne veux pas donner mon temps aux autres.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, oui ou non, est-ce que vous^ me donnez votre consentement pour le député de Mille-Îles?

M. Garon: Cela dépend, vous appliquez le règlement.

Le Président (M. Chagnon): II vous reste cinq minutes.

M. Garon: Je prends mon temps pour moi. Je ne donne pas mon temps. Voyons donc!

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. le député de Lévis, on vous écoute.

M. Garon: M. le Président, je vais vous dire...

M. Fortier: Un homme très généreux!

M. Garon: Voyons donc! Le ministre n'a qu'à donner de son temps.

M. Fortier: Tout le monde le connaît. M. Garon: Ah oui, ça, c'est gentil.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre. M. le député de Lévis, on vous écoute.

M. Garon: Dans ces matières, ce qui me frappe, c'est que, vis-à-vis de la surveillance des organismes et tout cela, quand les gens sont dans le processus d'investir, on est souvent dans l'entreprise privée mur à mur, le moins de contrôles possible, le moins de surveillance possible, le moins possible de renseignements à donner. Quand cela va mal, les gens disent: Pourquoi ne nous avez-vous pas tenus par la main tout le temps? Alors, c'est cela, le problème. Aujourd'hui, par exemple, on révise la Loi sur les valeurs mobilières. Le Barreau nous a présenté un mémoire de combien de pages?

Une voix: Deux.

M. Garon: Deux pages. J'aurais aimé que le Barreau qui a une expertise dans des problèmes comme ça, soit ici et il nous dise: Voici comment on voit cela sur le plan de la surveillance. C'est là le problème. Jusqu'où les organismes doivent-ils intervenir en fonction, en fait, pas des affaires qui vont bien, mais de celles qui vont mal? Parce que la police n'existe pas pour l'ensemble des gens qui conduisent bien sur la route elle existe pour ceux qui ne sont pas corrects. Jusqu'où cela doit-il aller? Quels sont les moyens qui doivent être donnés aux organismes pour surveiller tout le monde à toutes les étapes avec ce que cela va vouloir dire comme contrôles? Habituellement, quand on parle avec des gens de l'entreprise privée, ils disent: Le moins possible. Après cela, quand cela va mal, on dit: Comment se fait-il que vous n'ayez pas surveillé cela tout le temps? C'est là le problème.

Je ne blâme pas les gens. Je pense bien qu'il y a des gens qui ont investi leur argent, qui ont voulu faire des profits, etc. Mais c'est la mesure des choses. Jusqu'où cela doit-il aller? C'est pour cela que, dans le cadre de la révision de la loi - on est dans le cadre de la révision de la loi - c'est bien difficile pour nous, dans la période de temps qui nous est allouée, de dire de faire une enquête dans un cas précis, encore moins quand on est dans l'Opposition au fond, à moins que les gens ne viennent d'eux-mêmes nous dire: On va vous donner tout ce qu'on a.

Dans le cadre de la révision de la loi, est-ce que la loi est suffisante? Est-ce qu'elle doit être révisée pour donner des pouvoirs plus grands à la commission? Est-ce que la commission doit avoir plus de personnel pour pouvoir surveiller davantage? C'est tout cela qui est en cause. Les gens de la commission sont ici; ce n'est pas à leur tour de parler et, cet après-midi, j'ai l'impression qu'avec une heure ils n'en auront pas beaucoup pour tout ce qui va être à discuter. C'est pour cela que nous aurions préféré qu'ils soient les derniers, quitte à poursuivre un peu pour pouvoir répondre à certaines affaires parce qu'ils seront peut-être les premiers à dire: On aimerait en faire plus, mais voici ce que la loi dit et voici les budgets et le personnel qu'on a.

Me Joiin, j'aimerais vous demander d'aller un petit peu plus loin. Vous avez une expérience plus grande que celle des autres comme ex-bâtonnier du Barreau du Québec. Vous me dites: Je ne suis pas un expert en lois sur les valeurs mobilières. Pensez-vous que la loi doit aller plus loin? Est-ce que la commission doit avoir plus de moyens? Est-ce que les gens doivent fournir plus de renseignements? Pour la commission, jusqu'où va son pouvoir de contrôler la véracité des informations qu'il y a dans les prospectus? Et jusqu'où va la divulgation des renseignements en cours d'enquête? (11 h 15)

Supposons que . l'escouade des crimes économiques soit en train de s'apercevoir que je suis en train de me faire faire à mort. À quel moment est-ce qu'elle m'informe? Est-ce qu'elle va me dire: M. Garon, sortez de là-dedans, vous êtes en train de vous faire planter à mort?

Le Président (M. Chagnon): L'escouade du partage du temps va vous remettre à l'ordre.

M. Garon: Jusqu'où ça va. C'est parce qu'on est dans des questions difficiles, en ayant toute la sympathie nécessaire pour les gens qui investissent et qui doivent être protégés le plus possible?

Le Président (M. Chagnon): M. Jolin.

M. Jolin: Je ne pourrai certainement pas vous donner une réponse satisfaisante ni complète. La prétention du comité de défense ne va pas jusqu'à dire que la commission n'a pas suffisamment de pouvoirs ou qu'elle a trop de pouvoirs. Sa prétention principale est de dire que la commission savait que le promoteur était en infraction à la loi ou qu'il n'était pas conforme à la loi, et qu'elle n'a pas réagi en temps utile.

Quant à la question de savoir jusqu'où va la surveillance, je reconnais que c'est une question extrêmement difficile, mais on n'est pas plus avancés aujourd'hui parce qu'on a un organisme en qui, je crois, les citoyens ont une grande confiance, mais qui ne semble pas donner les résultats escomptés. J'ai un peu l'impression, aujourd'hui, de ressortir en me disant, pour employer un terme qui était très populaire à une certaine époque: Un prospectus, qu'ossa donne? Au fond, c'est ça.

Bien sûr, si la commission ne doit pas intervenir beaucoup ou ne peut pas intervenir parce que c'est le champ de l'entreprise privée, il faudra peut-être prendre la décision qu'elle n'intervienne pas du tout et dire au public: Écoutez, faites ce que vous voulez, y n'y en a pas, de contrôles.

L'autre possibilité - et il appartient beaucoup plus aux parlementaires de prendre ce genre de décisions qu'à nous - c'est de savoir quelle est la mesure de surveillance. Chose certaine, on devrait avoir les moyens de s'assurer que non seulement les Informations sont véridiques, mais qu'il y a un minimum de sérieux dans ce que les promoteurs font à la suite de l'émission de leurs prospectus. Cela, j'en suis convaincu. Quant à la mécanique, je pense que le ministère dispose de beaucoup plus d'expertise que nous ne pouvons en avoir. Mais, à partir du moment où il y a une Commission des valeurs mobilières, elle doit exercer des contrôles à la fois avant, pendant et après, pour s'assurer d'un minimum de sérieux et d'un minimum de crédibilité à l'égard de ceux qui font un appel public à l'épargne.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Jolin. Je vais maintenant demander à M. le ministre et, ensuite, à M. le député de Lévis s'ils ont des remarques ou encore des commentaires à faire, à tout le moins pour remercier les invités d'être venus à cette commission. M. le ministre.

M. Fortier: M. le Président, je crois qu'on doit remercier le Comité de défense des investisseurs des Marronniers de Laval d'être venu témoigner. Bien sûr, on se demandait si la commission avait des pouvoirs. L'article 15, en fait, permet à la commission de refuser d'apposer son visa si elle l'estime nécessaire, entre autres, pour assurer la sauvegarde des intérêts des porteurs de ces titres et la protection des épargnants. Elle a déjà un pouvoir d'examen. Je ne parle pas de la première société en commandite, mais je parle des étapes ultimes où certains faits étaient connus.

Deuxièmement, quant à moi, il me semble que c'est un cas patent où, si le ministre avait eu un pouvoir de directive, il aurait pu donner une orientation, justement, dans l'exécution des fonctions confiées par la loi de la commission, afin d'inciter la commission à exercer plus de surveillance dans un secteur donné plutôt que dans un autre. Je sais bien que les gens s'interrogent sur l'implication du pouvoir politique, mais ce que je retiens, c'est que, quand les gens sont dans le merdier, ils viennent nous voir, au ministère des Finances, et nous disent: Vous avez le pouvoir d'intervenir. Il faut bien se rendre compte que, dans certaines situations, le pouvoir politique peut et doit intervenir, que ce soit pour la grande orientation économique de la commission ou dans des cas particuliers comme ceux-là. Je suis tout à fait d'accord avec vous que nous avons une responsabilité et, dans ce cas-ci, je sais particulièrement que la commission a fait adopter une nouvelle instruction générale, au mois de janvier, à la suite de ces déboires. Probablement que c'est une très grande amélioration, je l'espère. Mais, au-delà de l'instruction générale, le témoignage que vous nous apportez semble indiquer une certaine lacune, à la commission, dans l'exercice de la surveillance et dans l'exercice de ses pouvoirs.

Quant à moi, je retiens votre témoignage et j'ai tenté, en acquiesçant à la recommandation de la commission, de nommer un tuteur. M. Jean Martel à mes côtés - j'aurais dû le présenter avant - qui est le sous-ministre adjoint responsable des institutions financières au ministère des Finances. C'est lui qui m'aide beaucoup dans ces cas-là, dans les cas de sociétés en commandite. Je sais qu'il a collaboré avec Me Jolin pour tenter de vous donner la plus grande collaboration possible. En tout cas, nous allons tirer les conclusions qui s'imposent et tenter d'améliorer la situation pour l'avenir. En ce qui concerne le moratoire, enfin, nous allons y réfléchir, mais il faudrait examiner avant si la nouvelle instruction générale n'apporte pas les correctifs nécessaires pour l'avenir. À ce moment-là, peut-être que le moratoire ne serait pas nécessaire. Mais nous allons aviser, l'examiner et tirer les conclusions qui s'imposent.

Le Président (M. Chagnon): Merci beaucoup. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, j'écoute avec un peu de surprise les propos du ministre, parce qu'il dit que c'est un cas où il aurait pu y avoir une directive. Est-ce que cela veut dire que le pouvoir de directive permettrait de réviser, par directives, les décisions de la commission ou d'influencer le fonctionnement de la commission? Je suis un peu étonné. Je comprends que les gens s'inquiètent dans le milieu. C'est exactement à ça qu'ils s'opposent. Si la loi n'est pas correcte, on la change. Si les règlements ne sont pas corrects, on les change. Si la commission n'a pas assez de personnel, on lui en fournit. Mais quand l'organisme a un pouvoir d'enquête, un pouvoir quasi judiciaire, ce n'est pas le ministre qui, par directives, va faire la job à sa place. Là, je ne comprends pas. C'est pour ça que je dis: Je pense qu'il va falloir savoir et bien comprendre ce qu'est le rôle d'une commission.

On peut ne pas être d'accord sur l'application de la loi. C'est une affaire. Une fois qu'une loi est votée, l'application peut être interprétée de telle façon. Si on veut la corriger, on peut changer la loi, on peut changer les règlements. C'est le rôle du gouvernement. Mais une fois que la loi est votée, elle n'appartient plus à l'Assemblée nationale; elle est appliquée par ceux qui l'interprètent. S'ils ne l'interprètent pas correctement, c'est notre rôle de faire en sorte d'être plus précis dans la loi ou dans les règlements. Mais je ne pense pas que ce soit au bureau du ministre de lui dire, chaque fois, comme un maître qui regarde son élève, comment réécrire ses devoirs. Moi, je ne vois pas du tout ça comme ça. Le ministre peut avoir sa conception, mais je pense que ce n'est pas le rôle d'une

Commission des valeurs mobilières.

Maintenant, si on pense qu'il peut y avoir une application dans un cas précis, moi, je n'ai pas assez de renseignements pour répondre à ça. Je vais demander à la commission qui va venir cet après-midi Jusqu'où va, quand elle approuve un prospectus, la garantie des renseignements qui sont dans le prospectus. Jusqu'où est-ce que ça va? Est-ce la responsabilité de ceux qui mettent les renseignements dans le prospectus où la commission devrait-elle mettre qu'elle ne garantit pas les données qui sont énoncées ou encore qu'elle les garantit? C'est ça à toutes fins utiles. Peut-être que ce serait mieux d'inscrire ces renseignements dans le bas de chacune des pages du prospectus pour que les gens disent: Quand je le lis, je suis sûr que c'est vrai, il y a une garantie de la commission. Ou, s'il n'y a pas de garantie, là, bien, c'est l'entreprise qui fournit ces données qui doit les garantir.

Ce débat est fondamental. Moi, je le dis tout de suite aux gens de la commission qui sont ici. S'ils veulent le dire eux-mêmes, dans leurs 20 minutes cet après-midi, cela va me donner plus de temps pour mes questions. Je pense que c'est fondamental, pour bien comprendre ce qu'est le rôle d'une Commission des valeurs mobilières. Si on veut qu'elle joue un rôle plus grand, il n'y a rien de plus facile que ça, il s'agit de le mettre dans la loi et dans les règlements, et de lui donner le budget et le personnel pour faire le travail. Si on veut qu'elle divulgue davantage ces renseignements en cours d'enquête, moi, je pense, qu'il faut le prévoir dans la loi.

Le Président (M. Chagnon): On vous remercie, M. le député de Lévis.

M. Garon: Je suis content que vous soyez venus. Je vous remercie d'être venus. C'est souvent avec l'application dans des cas concrets qu'on peut faire avancer le débat. Merci.

Le Président (M. Chagnon): M. Pinard, messieurs, je tiens à vous remercier au nom de la commission. En même temps, vous nous avez certainement mieux fait comprendre la situation tout à fait délicate et un peu triste que les petits investisseurs connaissent dans le dossier qui vous préoccupe. Vous avez certainement contribué à mieux nous sensibiliser et à mieux nous faire connaître la problématique que vous vivez. Merci, messieurs.

M. Pinard: On remercie la commission. Merci beaucoup.

Le Président (M. Chagnon): Bienvenue. Maintenant, je vais demander aux représentants de la Bourse de Montréal de bien vouloir s'avancer à la table de la commission.

On va inviter les membres de cette commission, et particulièrement notre ami le député de

Lévis, à reprendre leur siège pour nous permettre de commencer.

M. Riverin, si je ne m'abuse, vous pourriez nous présenter madame la secrétaire de la Bourse.

M. Riverin (Bruno): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Première vice-présidente et secrétaire générale, c'est ça?

M. Riverin: Oui, M. le Président. Je suis accompagné par Me Parent-Johnson, première vice-présidente et secrétaire générale de la Bourse.

Le Président (M. Chagnon): Nous vous écoutons, M. Riverin. Comme vous le savez, selon la formule, votre exposé devrait s'encadrer dans un temps prévu de 20 minutes. Ensuite, il y aura 20 minutes du temps prévu pour le côté ministériel et le côté de l'Opposition, à moins d'un consentement, si vous aviez à dépasser votre temps. Je vous remercie, M. Riverin, c'est à vous.

Bourse de Montréal

M. Riverin: Merci, M. le Président. Nous aimerions en premier lieu remercier les membres de la commission du budget et de l'administration pour l'occasion qui est offerte à la Bourse de présenter ses vues sur cette question d'importance qui pourrait avoir un Impact certain sur la Bourse et le milieu des valeurs mobilières. Nous aimerions également remercier le personnel de la commission pour nous avoir faciliter la tâche.

Ce mémoire a fait l'objet de recherches et d'analyses profondes par la direction de la Bourse. Il est appuyé par le fruit d'une consultation sérieuse auprès de l'industrie des valeurs mobilières, par l'entremise de nos gouverneurs membres et autres représentants de firmes de courtage, du public, par l'entremise de nos gouverneurs publics et autres intervenants publics dans le milieu et, finalement, du milieu universitaire, où nous avons fait une démarche spécifique.

La Bourse tient à exprimer sa satisfaction devant le leadership exercé par le gouvernement du Québec en matière de législation financière. Il a assuré un élan qui a non seulement favorisé le dynamisme de nos marchés, de nos institutions et de nos intermédiaires, mais qui a aussi servi d'inspiration à d'autres. Il a également stimulé le climat de confiance et d'"entrepreneurship" qui se développait parallèlement au Québec. Nous vouions particulièrement souligner le dynamisme du ministre dans son approche concernant le décloisonnement des institutions financières et le renforcement des institutions québécoises.

Le défi, pour le Québec, est donc de conserver sa marge de manoeuvre et d'innovation, tout en sachant satisfaire aux exigences de

l'harmonisation essentielle des uns par rapport aux autres, dans une activité économique qui s'est maintenant globalisée. Les principes énoncés dans ce mémoire ont été discutés à diverses reprises au comité des gouverneurs de la Bourse qui en a approuvé les recommandations. Je tiens à vous préciser que le comité des gouverneurs de la Bourse est composé de représentants de l'industrie des valeurs mobilières et de représentants du grand public. Nous allons peut-être vous décevoir en ne lisant pas les 35 pages de notre mémoire et les sept annexes qui l'accompagnent...

M. Fortier: Nous ne sommes pas déçus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Riverin: ...mais nous assumons que les membres de la commission ont pu en prendre connaissance à l'avance.

Le Président (M. Chagnon): Nous sommes certainement déçus mais nous vous saurons gré de nous en faire une synthèse.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 30)

M. Riverin: Voilà! Nous aimerions vous exprimer nos recommandations et nos préoccupations concernant le pouvoir de directive proposé par le ministre à l'égard de la CVMQ, le poste de directeur général, la sous-délégation, la reconnaissance des organismes d'autoréglementa-tion et la délégation de pouvoir et, enfin, le statut des mandataires de la couronne.

Je sens qu'il est important de souligner que l'opinion de la Bourse n'est pas mue par le besoin de défendre des théories ou concepts ni de négocier ou transiger des avantages corporatistes, mais bien de vous faire part de l'expérience de ceux qui sont les marchés et qui les font, tant au niveau québécois que canadien et également international, et ce, particulièrement dans ie cadre du décloisonnement des institutions financières et de la globalisation des marchés.

La mission de la Bourse est de permettre le fonctionnement harmonieux, efficace, intègre et ordonné de nos marchés. En mars 1987, lors des audiences de la commission sur les orientations, la gestion et les activités de la CVMQ, nous établissions déjà que la réglementation économique devait relever du ministre, du Conseil des ministres et de l'Assemblée nationale. Toutefois, aujourd'hui, on se retrouve dans le cadre de l'avant-projet du ministre, où nous sommes appelés à commenter les moyens - et c'est précisément à ce chapitre que nous accrochons - que le ministre et le gouvernement voudraient se donner, afin, comme l'a dit le ministre, de coordonner et d'harmoniser les politiques dans le cadre du décloisonnement des institutions financières et des intermédiaires.

Il faut être conscients que les moyens choisis par le pouvoir politique pour réaliser ces objectifs sont d'une extrême importance pour tous les intervenants des marchés. Notre mémoire recommande donc ces moyens. Est-il besoin de souligner que, par sa nature même, ie marché boursier est le lieu d'expression des choix économiques privés des investisseurs. On pourrait même dire qu'il est, dans son essence, le lieu par excellence du libéralisme économique. Ce milieu ne saurait cependant être libre de toute contrainte. L'intégrité, l'efficacité, la protection de l'investisseur, la déontologie ont fait l'objet de structures, de lois, de réglementations et d'interventions étatiques diverses. Cependant, la formulation de contraintes visant à permettre à l'État d'assurer légitimement ces protections doit, compte tenu de ce qu'est la nature de la Bourse, premièrement, permettre un haut degré de certitude pour les intervenants; deuxièmement, tenir compte de l'aspect compétitif de notre place de marché par rapport à celle de nos voisins et partenaires; troisièmement, obéir aux principes de la clarté des règles du jeu et, quatrièmement, assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. C'est donc dans ce contexte que nous vous présentons, de façon constructive, notre analyse, nos préoccupations et nos recommandations.

J'aimerais, M. le Président, prendre les cinq points un à un et, avec l'aide de Me Parent-Johnson, vous expliquer plus en détail nos préoccupations et nos recommandations. Le premier: le pouvoir de directives à l'égard de la CVMQ. La Bourse de Montréal s'inquiète de ce pouvoir de directives, susceptible de provoquer des situations de confusion, de perte de crédibilité de la commission et d'incertitude pour les intervenants. Deuxièmement, la Bourse croit que la loi devrait prévoir des mécanismes plus souples, déjà connus d'ailleurs, et en harmonie avec les autres "juridictions" nord-américaines. Troisièmement, la Bourse tient vivement au bon équilibre des forces de son milieu environnant et à l'harmonisation des règles du jeu. Il est important de garder à l'esprit que le marché boursier et des valeurs mobilières à Montréal se déroule dans un cadre pancanadien, à "juridictions" multiples, où Montréal et Toronto, ainsi que Vancouver et Calgary sont souvent en vive concurrence. Quatrièmement, un tel pouvoir de directive, émanant des autorités politiques sur une commission des valeurs n'existe nulle part ailleurs au Canada. Cinquièmement, le contenu et le véhicule du pouvoir que veut se donner le gouvernement sont insécurisants, créant des incertitudes anormalement élevées par rapport aux autres "juridictions". Sixièmement, la CVMQ s'en verra affaiblie, parce que sa crédibilité sera diminuée par rapport aux autres commissions des valeurs mobilières. Septièmement, la commission sera exposée à l'accusation facile d'être politisée. Huitièmement, dans le cadre de l'hypothèse de la création d'une commission des valeurs mobilières fédérale, la CVMQ n'a pas intérêt à être

affaiblie par l'incertitude des regies qui l'entourerait et la quasi-tutelle dont elle ferait l'objet. Finalement, contrairement aux règlements, la directive ne donne pas ouverture au processus formel et public de consultation nécessaire dans notre industrie.

C'est pourquoi nous faisons les recommandations suivantes: premièrement que le ministre ait recours à une procédure d'entente annuelle entre le ministre et la CVMQ; deuxièmement, que le ministre se donne le pouvoir, dans la loi, de créer un comité consultatif, incluant la CVMQ, sur la question relative au secteur des valeurs mobilières; troisièmement, que les pouvoirs de réglementation du gouvernement soient mieux précises dans la loi; quatrièmement, que la mission de la CVMQ soit mieux circonscrite dans la loi, afin d'en exclure la possibilité d'interférence avec le gouvernement en matière d'orientation économique et, finalement, que le ministre reçoive, par la loi, le pouvoir de demander à la CVMQ de mettre de l'avant des orientations politiques, par le processus des instructions générales de la CVMQ.

J'aimerais ici, M. le Président, demander à Me Parent-Johnson d'apporter des précisions sur les éléments que Je viens de soulever.

Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.

Mme Parent-Johnson (Marie-Louise): Merci. Avant de procéder à une description succincte de nos recommandations, en tant qu'alternatives au pouvoir de directive, j'aimerais préciser que le pouvoir de directive est inconnu du domaine des valeurs mobilières en Amérique du Nord. Nous croyons qu'avant de recourir au pouvoir de directive il est nécessaire de déterminer les bénéfices et les avantages de ce pouvoir de directive dans le domaine particulier qui est visé. D'autre part, lorsqu'on s'inspire de modèles d'autres lois, il faut analyser sérieusement le contexte d'une telle législation et voir à quel domaine ou marché elle s'adresse. C'est ce que nous avons tenté de faire dans notre annexe 3. Le rapport quinquennal fait référence à l'exemple du pouvoir de directive contenu dans la Loi concernant la Banque du Canada. Il faut comprendre le contexte de la création de la Banque du Canada en tant qu'instrument le plus important de politique macro-économique au Canada. Le préambule de la Loi concernant la Banque du Canada indique que la banque doit réglementer le crédit et la monnaie, contrôler et protéger la valeur de la monnaie nationale sur les marchés internationaux, etc. Ceci paraît, pour le moins, une tâche particulièrement susceptible d'engager la politique gouvernementale générale.

Toutefois, la Banque du Canada n'a pas de responsabilités de niveau micro-économique, comme c'est le cas en matière de valeurs mobilières, ni de responsabilités adjudicates, comme c'est le cas en matière de valeurs mobilières.

Certaines lois provinciales sur les services publics prévoient des pouvoirs de directive. il s'agit de la loi sur les télécommunications et la Loi sur la Régie du gaz naturel. Ces deux lois prévoient toutes les deux des pouvoirs de directive. Les régulateurs, dans ces cas-ci, semblent être préoccupés par les conditions d'approvisionnement de ces services de quasi-monopoie. Ces domaines ne sont pas caractérisés par l'activité de marchés essentiellement compétitifs comme, bien sûr, c'est le cas dans le domaine des valeurs mobilières. Les pouvoirs de directive, dans un domaine comme ies valeurs mobilières, soulèvent malheureusement des questions d'ingérence dans les forces du marché entre entités privées par des autorités plus éloignées des réalités quotidiennes.

De plus, la compétition des marchés canadiens et étrangers, comme on le voit dans le marché des valeurs mobilières depuis quelque temps, n'existe pas comme telle dans les services publics. Les émetteurs et les investisseurs Québécois ainsi que les étrangers qui investissent dans ies marchés québécois ont des choix multiples qui n'ont pas de parallèle dans le domaine des services publics. La relation entre la réglementation et la perception de cette réglementation que s'en font ies participants dans les marchés des valeurs mobilières est plus importante que dans le domaine des services publics. Il ne faut pas oublier que le rythme du changement dans le domaine des valeurs mobilières est un aspect important qui fut longuement traité dans le rapport quinquennal et dans te document de consultation sur les Intermédiaires du marché. Nous pensons que c'est précisément à cause du changement qu'on ne peut recommander un pouvoir de directive à l'égard du domaine des valeurs mobilières. Le changement pose un problème majeur. La réglementation, autant que possible, doit suivre le changement afin que le marché reste compétitif et que les investisseurs n'en souffrent pas. Pour ça, il faut une connaissance des marchés et une connaissance des difficultés à les réglementer. L'expérience et l'expertise sont en fonction des contacts avec les marchés que les commissions des valeurs et les organismes d'autoréglementation possèdent, je dois dire, nécessairement.

La Commission des valeurs mobilières oeuvre dans un domaine privé de choix économiques exercés par les investisseurs, dans lequel elle a pour mission de voir à la protection du public en assurant la protection du public et des épargnants, en régissant l'information s'adressant au public sur les valeurs mobilières et en encadrant l'activité des professionnels, de leurs associations et des organismes chargés d'assurer le fonctionnement du marché, comme la Bourse de Montréal.

Cela dit, la Bourse, tout en tenant compte des préoccupations du ministre, a tenté, dans son mémoire, de répondre aux préoccupations que nous partageons tous en suggérant des mécanismes en accord avec la réglementation ou les us

et coutumes connus en Amérique du Nord sans qu'il soit nécessaire ni même opportun d'introduire un pouvoir de directive tel que contenu dans l'avant-projet. Nous faisons part de nos recommandations aux pages 12 à 18 de notre mémoire. Nous allons les résumer brièvement.

Tout d'abord, il existe dans d'autres "juridictions" des processus d'entente tel le protocole d'entente en Ontario entre le ministre et le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, représentant la commission comme telle. Ce mécanisme est particulièrement important pour le climat de discussion, beaucoup plus que pour la précision et le détail de son contenu. Du moins, les autorités s'entendent sur la direction à prendre sans avoir à se contredire sur des choses fondamentales.

En deuxième lieu, il y a un tout nouvel exemple, celui de l'Alberta. La loi des valeurs mobilières de l'Alberta établit la création d'un comité consultatif sur les politiques, auprès de la commission. Ce type de comité a l'avantage d'être conforme avec les pratiques en réglementation des valeurs mobilières, au Canada, qui ont évolué en utilisant des comités consultatifs pour le développement de leur politique. Dans ce cas-ci, le ministre conserve le contrôle sur le programme qui est établi. Nous notons, parallèlement, que dans cet esprit, le ministre délégué aux Finances et à la Privatisation a mis récemment sur pied un comité tripartite composé de l'inspecteur général des institutions financières, du président de la Commission des valeurs mobilières et d'un représentant du ministre, afin de coordonner les activités de la CVMQ et de l'inspecteur général, d'amorcer des projets de loi et des règlements relevant de leur compétence et toute autre question relative aux institutions financières. Nous croyons qu'il s'agit, dans cette nouvelle expérience au Québec, d'une heureuse initiative qui peut certainement apporter une solution à la préoccupation du ministre pour coordonner les politiques gouvernementales en matière de décloisonnement.

En troisième lieu, la Bourse de Montréal a souvent suggéré la délimitation législative de la mission de la CVMQ pour éviter la confusion. C'est ce que nous avons fait valoir lors de la commission parlementaire tenue en mars 1987. Nous avons un extrait de notre mémoire en annexe 4. Or, de toute évidence, le ministre n'a pas l'intention de retenir cette recommandation. Alors, notre seule réponse est la suivante. Si le ministre croit que la commission ne peut faire de la réglementation économique par voie d'instructions générales en fonction de la mission qui lui est donnée et en fonction de l'ampleur de la mission qui lui est donnée, nous disons qu'en matière de réglementation économique, que nous définissons comme étant celle qui s'adresse aux structures des marchés et à la concurrence, ceci nous amène directement à une autre suggestion de notre mémoire, qui traite des pouvoirs mêmes du ministre: celui de la précision et de l'élargis- sement des pouvoirs réglementaires du gouvernement. (11 h 45)

À notre avis, le gouvernement peut fort bien exercer son pouvoir de conception et de formulation des lignes directrices dans le secteur important des politiques économiques par voie de règlement, lequel demeure l'instrument gouvernemental par excellence où les intervenants du milieu, y compris la CVMQ, peuvent faire connaître leur point de vue avant leur mise en vigueur et faire ainsi bénéficier le ministre et le gouvernement de leur connaissance et de leur expérience dans le domaine.

Une autre suggestion, celle-ci peut-être un petit peu plus créative, il s'agit d'une politique ministérielle spécifique sur recommandation de la commission. En effet, cette autre et cinquième suggestion est celle qui donnerait au ministre, d'une façon quelconque, la possibilité d'avoir une influence directe et formelle sur les orientations politiques de la Commission des valeurs mobilières du Québec en utilisant un pouvoir ministériel d'énoncé de politique.

À cet effet, le ministre pourrait ordonner à la CVMQ de mettre de l'avant une politique selon le processus de consultation des instructions générales déjà existant. Cette méthode permettrait au ministre de bénéficier de l'expertise et de l'expérience de la CVMQ tout en utilisant les procédures actuelles connues dans le milieu des valeurs mobilières. Bien sûr, cette procédure comprend les avis aux personnes intéressées et des audiences publiques donnant ainsi l'opportunité aux parties de présenter leurs commentaires. La CVMQ pourrait entendre les représentants du ministre et les parties intéressées pourraient avoir l'opportunité de répondre aux positions présentées par le ministre.

Après avoir complété ses consultations, la CVMQ ferait rapport au ministre de ses considérations ou recommandations, et on peut présumer que dans la majorité des cas la collaboration entre le ministre et la CVMQ devrait donner un résultat satisfaisant qui tienne compte des orientations du ministre et de l'expérience et l'expertise de la CVMQ ainsi que de l'intérêt des intervenants du milieu.

L'énoncé de politique, dans ce cas-ci, deviendrait alors une instruction générale sous la juridiction d'application de la CVMQ.

Cette procédure diffère fondamentalement du mode d'intervention par directives tel qu'abordé dans l'avant-projet. Les instructions générales en matière de réglementation des valeurs mobilières sont des normes ou lignes directrices auxquelles on doit se soumettre et qui émanent de l'exercice d'une discrétion accordée par la loi à la CVMQ et où tous les intervenants peuvent participer au débat public.

Voilà, M. le Président, ce que la Bourse avait à proposer comme recommandations sur les pouvoirs de directives en tant qu'alternatives aux pouvoirs de directives.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie beaucoup, Mme Parent-Johnson. M. Riverin.

M. Riverin: Je procède au deuxième point de notre mémoire, M. le Président, qui concerne le directeur général à la commission. La Bourse estime que la scission dans le rapport d'autorité entre les commissaires et le personnel posera des difficultés considérables de gestion et de fonctionnement de la commission risquant ainsi d'entraîner des pertes d'efficience et d'efficacité de la CVMQ. C'est pourquoi la Bourse propose que le directeur généra! devrait exercer ses fonctions sous l'autorité de la commission et le président de la commission devrait demeurer le chef de la direction. La scission dans la direction de la CVMQ créée par l'avant-projet serait une source de confusion. Nous recommandons donc que le directeur général devrait exercer ses fonctions sous l'autorité de la commission dont le président devrait demeurer chef de la direction.

Je demanderais, M. le Président, à Me Parent-Johnson de présenter le troisième point qui concerne la sous-délégation aux organismes d'autoréglementation.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Riverin et Mme Parent-Johnson. Je tiens à vous préciser que nous avons légèrement dépassé le temps prévu et imparti pour votre présentation.

Mme Parent-Johnson: Est-ce que nous pouvons avoir une approbation dès maintenant, alors?

Le Président (M. Chagnon): Je crois sentir et déceler qu'il y en a une, mais je tiens, tout simplement, à vous demander d'accélérer un peu, s'il vous plaît.

Mme Parent-Johnson: Merci, M. le Président. Donc, nous accélérerons sur la partie où nous disons que la Bourse exprime sa satisfaction quant aux dispositions prévues à l'avant-projet portant sur la sous-délégation des pouvoirs aux organismes d'autoréglementation. Nous avons demandé dans notre mémoire quelques précisions de textes. Je passe par-dessus cela.

Nous avons aussi demandé une modification en ce qui concerne le délai de révision par l'organisme délégataire. Toutefois, nous sommes prêts à accepter tout délai qui serait raisonnable. Il faut comprendre que lorsque la commission a délégué des pouvoirs, la Bourse s'est retrouvée avec certains des pouvoirs disciplinaires, entre autres, et elle a aussi des règles qui sont analogues. Alors, nous prenons toujours des décisions en fonction de nos règles et des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières. Or, en révision, il s'agit du comité des gouverneurs, composé des membres de l'Industrie et de certaines personnalités représentant le public. Nous n'avons pas un tribunal statutaire, mais un tribunal domestique. Bien sûr, les avis de convocation, de réunir tout le monde, quelquefois ça peut prendre un petit peu plus de temps.

Le Président (M. Chagnon): Soit dit en passant, Mme Parent-Johnson, la liste des gouverneurs, vous nous l'avez remise. Cette liste des gouverneurs a été aussi remise aux membres de la commission.

Mme Parent-Johnson: Exact. Le Président (M. Chagnon): Voilà.

Mme Parent-Johnson: Nous avons la liste des gouverneurs ainsi que la liste des membres de la Bourse de Montréal. Donc, la Bourse accepterait tout délai raisonnable de révision.

Par ailleurs, nous aimerions qu'il y ait des modifications aux articles actuels 309 et 310 de !a loi afin de bien circonscrire le pouvoir d'intervention de la CVMQ dans les décisions de la Bourse, que ce pouvoir d'intervention soit exercé dans les décisions de nature quasi judiciaire rendues ou à rendre par l'organisme délégataire, que ce soit fait pour cause et dans des circonstances suffisamment sérieuses qui exigeraient l'intervention de la CVMQ lorsque la protection des épargnants est en cause. La Bourse demande ces modifications pour des raisons d'efficacité, de flexibilité dans son fonctionnement, et pour éviter le dédoublement inutile des tâches. Je vous remercie.

Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. M. Riverin.

M. Riverin: M. le Président, le quatrième point de notre intervention se situe sur le plan de l'autoréglementation, c'est-à-dire la reconnaissance des organismes d'autoréglementation et la délégation de pouvoirs. La Bourse s'étonne et se préoccupe de ce que l'énoncé de politique sur le décloisonnement des intermédiaires de janvier 1989 prévoie que la reconnaissance des organismes d'autoréglementation se fera par le pouvoir politique, avec tout ce que cela entraîne. Or, aucune "juridiction" en Amérique du Nord n'a jugé pertinent de remettre cette reconnaissance entre les mains du pouvoir politique, pour des raisons d'efficience du marché, mais aussi pour éviter au pouvoir politique d'avoir à assumer une forme ultime de responsabilité cas par cas. C'est pourquoi la Bourse recommande vivement que la reconnaissance des organismes d'autoréglementation soit et demeure la fonction de l'organisme de réglementation et de surveillance et que la délégation de pouvoirs soit exercée par ce même organisme.

Notre recommandation est que la reconnaissance des organismes d'autoréglementation soit et demeure la fonction de l'organisme de surveillance et que la délégation de pouvoirs soit exercée par ce même organisme.

Sur le cinquième point de notre mémoire, je demanderais, M. le Président, à Mme Parent-Johnson d'apporter quelques précisions.

Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.

Mme Parent-Johnson: Merci. Comme vous le savez, la Bourse...

Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson, c'est à vous la parole.

Mme Parent-Johnson: Merci. La Bourse de Montréal est un organisme privé d'autoréglemen-tation reconnu par la CVMQ et sous la surveillance de cette dernière. Nous assumons nos responsabilités d'autoréglementation depuis 105 ans en vertu de notre charte, de nos règles et règlements, cela même avant qu'il y ait une Commission des valeurs mobilières au Québec. La Bourse est la seule Bourse de valeurs mobilières au Québec et, comme telle, le seul organisme d'autoréglementation formellement reconnu par la CVMQ. Elle regroupe, à titre de membres dont vous avez la liste, la majorité des courtiers de plein exercice inscrits dans la province et représente plusieurs d'entre eux qui ne sont pas membres d'un autre organisme d'autoréglementation ou qui ne sont pas membres de l'ACCOVAM. La Bourse regroupe aussi un grand nombre de courtiers inscrits auprès d'autres organismes d'autoréglementation d'autres "juridictions".

La Bourse assume de même des responsabilités que la CVMQ lui a déléguées, entre autres, pour les représentants de certaines firmes québécoises qui sont membres de la Bourse, de l'ACCOVAM et de la Toronto Stock Exchange, mais qui ne se retrouvent pas sous la juridiction de vérification de l'ACCOVAM ou de la Toronto Stock Exchange. Nous vous référons à notre annexe 7 quant aux explications et détails sur nos activités déléguées par la Commission des valeurs mobilières.

Aux pouvoirs de reconnaissance et de délégation sont intimement attachées des obligations qui en découlent. La reconnaissance et la délégation de pouvoirs impliquent une série d'obligations, de démarches, de suivis, de décisions, que ce soit l'approbation des statuts constitutifs, l'approbation des règlements internes, l'approbation des règles de fonctionnement, l'approbation de toutes les modifications les touchant, la fourniture de documents comme les états financiers. Quant à la délégation de pouvoirs, toutes les décisions de la Bourse doivent être fournies à l'organisme de surveillance qui s'assure de leur bon fondement.

D'autre part, on s'imagine mal, pour une même activité, certains organismes d'autoréglementation reconnus par l'organisme de surveillance et d'autres reconnus par l'autorité politique, cela dans le cas même où une section d'une même association est sur le point d'être pleine- ment reconnue par un organisme de surveillance - et non pas par le ministre - dans une autre "juridiction".

Actuellement, en Ontario, la section Ontario de l'IDA a déjà des protocoles d'entente avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario sur les pouvoirs d'investigation et d'enregistrement des courtiers et représentants. D'ailleurs, dans toutes les "juridictions" canadiennes, ce sont les organismes de surveillance qui reconnaissent les organismes d'autoréglementation et leur délèguent certains pouvoirs. Il en est de même dans les "juridictions" étrangères et nous aimerions vous faire part de notre expérience. Nous nous référons à la reconnaissance de la Bourse de Montréal par le Commodity Futures Trading Commission, organisme de réglementation et de surveillance fédérale des États-Unis pour les produits d'options et de contrats à terme, et par le Securities Investment Board d'Angleterre.

Il nous apparaît donc normal que ces fonctions soient accomplies par l'organisme de surveillance et nous voyons dans l'intervention ministérielle à ce stade-ci le passage d'une imputabilité de nature quasi judiciaire et formelle de la CVMQ au niveau politique. En devenant celui qui accrédite, le ministre, dans les faits, assumera face aux divers intervenants une forme ultime de responsabilité de cas par cas qui n'est peut-être pas souhaitable pour le ministre. Qu'on se réfère simplement au cas de Osier, en Ontario, alors que c'est la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui doit trancher avec la Bourse de Toronto ce qu'il faut faire pour régler cette affaire Osier. Maintenant, qu'on se réfère au cas de Pechiney en France, là où la Commission des opérations de Bourse n'a pas les pouvoirs d'une véritable commission, comme c'est connu en Amérique du Nord. En France, on procède très souvent par décret Enfin, ça doit être une formule bien particulière pour l'Europe mais, aujourd'hui, le scandale des titres de Triangle dans Pechiney sur les délits d'initiés, c'est une affaire d'État. Ce n'est pas la COB, la Commission des opérations de Bourse, qui doit trancher cette matière. C'est le ministre. D'ailleurs, la tendance en France, actuellement, c'est de faire de la COB un organisme d'autoréglementation et de surveillance, comme l'est la SEC, c'est-à-dire comme le sont les organismes de surveillance en Amérique du Nord.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. M. Riverin.

M. Riverin: M. le Président, rapidement. Le dernier point de notre mémoire concerne l'assujettissement des mandataires de la couronne. La Bourse, dans le passé, a fait connaître sa position sur les règles du jeu que doivent respecter les mandataires de la couronne dans leurs activités de nature commerciale, notamment, en matière d'offres publiques d'achat et de

rachat en Bourse, ainsi que de rapports d'initiés. C'est la confiance des investisseurs et le bon ordre dans le fonctionnement du marché qui l'exigent.

Par ailleurs, nous comprenons que les mandataires de la couronne sont et peuvent être des instruments de développement économique vitaux pour le Québec. À ce jour, ils se sont comportés comme les autres intervenants, sauf pour les rapports d'initiés où la loi a été modifiée après 1962. Nous aimerions demander au ministre de conserver une harmonisation avec les autres "Juridictions'' dans ses amendements. (12 heures)

La Bourse recommande donc que les sociétés d'État mandataires de la couronne soient sujettes à des dispositions qui devraient être contenues à la Loi sur les valeurs mobilières comme c'est le cas pour d'autres "juridictions" au Canada avec les mêmes obligations et aussi les mêmes dispenses que l'on retrouve dans les autres lois sur les valeurs mobilières.

À notre avis, il faut continuer à expérimenter plus loin dans cette voie avant de modifier le système administratif actuel sans bouleverser l'équilibre existant. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Riverin. Je demanderai au ministre s'il a des commentaires ou des questions sur le mémoire de la Bourse de Montréal.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, iI faut féliciter la Bourse pour un mémoire très étoffé. C'est peut-être le mémoire le plus étoffé que nous ayons reçu, qui fait état, bien sûr, d'une compréhension et qui cherche des moyens de nous suggérer des alternatives à ce que nous avons proposé tout en admettant des principes directeurs qui nous animent.

Si je commence par la fin, les mandataires de la couronne, j'ai indiqué hier, M. Riverin, qu'il n'était pas question pour nous d'encarcaner les mandataires de la couronne, y inclus la Caisse de dépôt, de telle façon qu'elle serait ligotée, parce que des gens nous demandent d'assujettir tous les mandataires de la couronne à toutes les prescriptions de la Loi sur les valeurs mobilières. Si s'avérait qu'en définitive, par ce biais, nous pourrions ligoter la Caisse de dépôt je crois que le gouvernement ne pourrait pas s'y rallier. Par ailleurs, s'il y a des moyens, je suis prêt à les explorer, quant à moi - je n'engage pas le gouvernement, je parle à titre de ministre - des voies alternatives à celles qui étaient dans le rapport quinquennal. Je pense qu'on n'a pas assez souligné que ce qui était dans le rapport quinquennal était tout de même un pas en avant. C'est une autre façon de faire, c'est, par voie de directive, dire: Vous devez suivre la réglementation de la Commission des valeurs mobilières. Mais on est prêts, je pense bien, à explorer d'autres alternatives à la condition expresse - c'est là la difficulté - que les mandataires de la couronne qui jouent un rôle important dans le développement économique du Québec puissent continuer à le jouer. Sur cela, je pense bien, nous serons intraitables.

Rapidement, en ce qui concerne la reconnaissance des organismes d'autoréglementation, j'ai pris bonne note des commentaires. Je dirai tout simplement que, si cela se retrouve dans l'énoncé de politique du mois de janvier en ce qui concerne le dédoisonnement des intermédiaires, c'était une recommandation qui nous était faite par l'ACCOVAM, donc des courtiers. Il faut croire que tous les courtiers n'ont pas tous la même opinion. C'était l'ACCOVAM qui nous avait fait cette recommandation au mois de juin dernier. Par ailleurs, le ministre intervenait seulement sur recommandation de la Commission des valeurs mobilières. Dans un premier temps, c'était quand même la Commission des valeurs mobilières qui faisait la recommandation et le ministre ne faisait que sanctionner cette recommandation. J'imagine que, cet après-midi, nous aurons l'occasion d'entendre l'ACCOVAM à ce sujet.

Pour ma part, j'aimerais vous poser certaines questions sur le pouvoir de directive parce que je crois que c'est sur cela que vous avez fait le plus de commentaires. Dans un premier temps, vous dites: II faudrait que les règles du jeu soient très claires. Je vous rappellerai que, s'il y a un ministre qui a publié plusieurs énoncés de politique depuis deux ou trois ans, c'est celui qui vous parle. À ma connaissance, au Québec, et même au Canada, il n'y a pas un ministre responsable des institutions financières qui a publié autant d'énoncés de politique pour tenter d'éclaircir les règles du jeu dans le domaine des institutions financières. J'espère que vous en tiendrez compte.

Par ailleurs, vous insistez sur l'harmonisation qui doit se faire, au Canada, des politiques des institutions financières. Encore là, je vous rappellerai que c'est le ministre qui vous parle qui a réuni les ministres responsables des institutions financières de toutes les provinces canadiennes au Château Frontenac, le 9 décembre dernier, et qui a fait approuver le principe de l'harmonisation des politiques des institutions financières au Canada de telle façon qu'on ne puisse subir des préjudices trop importants. Alors, là-dessus, j'ose espérer que j'ai une certaine crédibilité, a vos yeux, sur la nécessité de voir plus de clarté en ce qui concerne les règles du jeu et sur la nécessité de s'harmoniser. Je crois que les faits et les gestes que j'ai posés parlent par eux-mêmes. Je ne crois pas que j'aie des reproches à subir de qui que ce soit sur les gestes que j'ai posés dans ce secteur. Bien sûr, avec raison, vous dites: Après vous, il y aura d'autres ministres. C'est la raison pour laquelle nous voulons que les règles du jeu dans la loi soient les plus claires possible.

Vous évoquez avez raison des alternatives que nous avons nous-mêmes étudiées et je suis

bien prêt à les explorer de nouveau avec vous. J'ai consulté des gens à ce sujet, bien sûr, le sous-ministre Jean Martel et Jacques Saint-Pierre qui est avec moi. J'ai aussi consulté un homme qui est très bien connu dans le domaine de l'administration publique, Me René Dussault. Toute cette question de respecter les organismes quasi judiciaires tout en permettant au gouvernement d'avoir un mot à dire sur la politique économique, j'admets volontiers, et vous le dites, que c'est peut-être plus sensible dans le secteur des valeurs mobilières. Cette discussion se fait depuis 20 ans au Québec. Me Dussault m'a souligné à plusieurs reprises les tentatives qui avaient été faites, en particulier en 1972, dans le cas de la Commission des transports. On avait dit: Écoutez, on va avoir une Commission des transports tout à, fait autonome, mais toute la réglementation va se retrouver au gouvernement. La conclusion, c'est que ce fut un fiasco complet.

J'ai beaucoup de crainte à suivre votre conseil quand vous dites: Écoutez, si vous voulez influencer l'orientation de la commission, élargissez votre pouvoir de réglementation et étudiez-le. La raison est bien simple. Je dois vous dire que, même si dans la loi il y a des pouvoirs réglementaires, jusqu'à maintenant, chaque fois que ce pouvoir réglementaire a été utilisé, c'était réellement sur les conseils et sur l'avis de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Et qu'on puisse penser qu'à un moment donné le gouvernement pourrait lui-même écrire un règlement, j'ose croire que, si on le faisait, il faudrait le faire dans des cas très rarissimes. Je suis le premier convaincu que la Commission des valeurs mobilières possède une expertise que nous n'avons pas au gouvernement et je crois que le sous-ministre aux institutions financières est tout à fait d'accord avec moi. Même si nous avons des idées sur l'orientation économique, il nous est difficile de nous substituer à la Commission des valeurs mobilières, même dans la préparation des règlements. Cela ne veut pas dire que nous ne le ferons jamais. Il est vrai qu'on a le pouvoir de le faire. En tout cas, depuis que je suis ministre, chaque fois que je suis allé au Conseil des ministres avec des règlements, ils avaient été préparés en collaboration intime et même rédigés en très grande partie par la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Donc, cette avenue est possible, mais mes conseillers et l'expérience passée du gouvernement me disent qu'il faut être prudents. Si j'étais vous, je n'inciterais pas trop souvent le gouvernement à écrire des règlements sans la collaboration de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Vous dites et cela me fait plaisir: II est vrai qu'il revient au gouvernement de déterminer l'orientation économique. D'ailleurs, dans votre mémoire présenté à la commission du budget et de l'administration, vous aviez souligné - je l'ai relu dernièrement - qu'en certains cas la Com- mission des valeurs mobilières du Québec s'était substituée au gouvernement dans des décisions d'orientation économique. Par exemple, en 1983, quand la Commission des valeurs mobilières du Québec a décidé que les maisons de courtage pouvaient être la propriété des banques, c'était réellement une décision qui avait un impact sur l'orientation économique. Et, à ma connaissance, ce genre de décision - et c'est justement ce genre de décision qui nous préoccupe - n'a pas beaucoup d'impact sur la qualité ou la fluidité des règles qui régissent les valeurs mobilières comme telles.

Je crois qu'il s'agit pour nous de départager ce dont on parle. Hier, nous entendions des gens et, avec tout le respect que j'ai pour les gens de Toronto, j'avais l'impression qu'on me faisait un peu le coup de la Brink's: Si vous faites cela, M. le ministre, tout le monde va partir du Québec avec son argent. Depuis le temps qu'on nous a fait le coup de la Brink's en 1978...

Une voix: 1970.

M. Fortier: ...1970, les Québécois sont assez matures et je ne crois pas que je vais accepter qu'on me fasse le coup de la Brink's. Vous savez, des menaces de ce genre, cela ne me fait pas trop peur. Mais il est vrai qu'il faut être prudents.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, en 1978, cela avait été acheté par Desjardins. Alors, cela aurait été le coup de Desjardins.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier: Non, je crois que, de ce côté, c'est moins possible.

M. Garon: C'est plutôt au Parti québécois que cela a été fait. Là, vous êtes d'accord, je suppose.

M. Fortier: Cela dit, comme je le disais hier, il s'agit peut-être de définir le secteur dans lequel nous voudrions intervenir. Il est clair que, pour nous, c'est ce que j'appelle la structure économique. Ce n'est pas tellement dans les règles, comment les valeurs mobilières vont se vendre. Ce ne sont certainement pas des cas particuliers. Tout à l'heure, j'entendais le député de Lévis reprendre ce que j'ai dit. J'ai dit que, peut-être, une directive... C'était plutôt sur la façon de prendre la décision, la façon dont la commission devrait le faire. Ce ne sont certainement pas des cas particuliers. Là-dessus, on va être très clairs. Nous ne voulons pas intervenir dans le quasi judiciaire. Nous ne voulons pas intervenir dans des cas particuliers. Nous ne voulons pas intervenir dans les conditions normales qui sont faites pour les prospectus et tout ça. Cela revient à la Commission des valeurs mobilières du Québec. Là où nous croyons que

nous pourrons et que nous devons intervenir, c'est sur la structure économique. Est-ce que, oui ou non, les maisons de valeurs mobilières doivent être la propriété des banques? Est-ce que, oui ou non, les employés des banques et des caisses populaires peuvent vendre des valeurs mobilières?

À ma connaissance, ce genre de décision n'a aucun impact sur ce que vous avez dit tout à l'heure. J'aimerais que vous me rassuriez là-dessus. Dans un premier temps, est-ce que, d'après vous, des décisions comme celles auxquelles je fais allusion, la propriété des maisons de valeurs mobilières, la vente de valeurs mobilières dans des banques ou dans d'autres institutions financières, toutes des décisions qui ont un impact sur le décloisonnement des questions financières comme telles, âtes-vous d'accord avec mol pour dire...

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.

M. Fortier:... que ce genre de décision n'aurait aucun impact sur la démonstration que vous avez faite tout à l'heure sur la vente de produits de valeurs mobilières et les conditions qui y sont rattachées?

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.

M. Riverin: M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord avec les objectifs que poursuit le ministre. Effectivement, nous croyons que les pouvoirs de la CVMQ ne devraient pas couvrir l'orientation économique. Donc, sur ce plan, nous poursuivons les mêmes objectifs. Quant aux moyens, nous croyons que la façon de le faire serait plus efficace, surtout au niveau de la perception parce que les marchés sont vraiment maintenant de plus en plus globalisés. Il est important que la perception se fasse dans un cadre de clarté et d'harmonisation dans tous les marchés. Nous voudrions que la précision se fasse au niveau de la mission de la Commission des valeurs mobilières. On pourrait circonscrire la mission plutôt que de dire que le pouvoir de directive du ministre s'étend dans tout ce champ. On dirait: II est toutefois circonscrit à une exclusion pour ce qui est de la régulation des marchés et le quasi judiciaire.

Nous aimerions plutôt préciser la mission de la Commission des valeurs mobilières et, par après, agir au niveau de la réglementation. La culture de cette industrie fonctionne par consultation et il est important de garder ce mécanisme de consultation qui est une pratique et qui crée aussi une possibilité d'intervention de tout le monde.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Riverin.

M. Fortier Juste un mot. Je m'excuse. On manque de temps, mais j'aurais voulu explorer en particulier votre "Memorandum of agreement". Je me demandais si, en définitive...

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.

M. Fortier: S'il y a un "Memorandum of agreement", dans le fond c'est un pouvoir de directive caché.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, après le député de Lévis, il vous restera trois minutes. Je vous rappelle à l'ordre tout de suite. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, si le ministre prenait plus exemple sur la discipline du député de Lévis, il rentrerait dans son cadre de minutes très facilement. Je suis d'accord pour dire aussi que votre mémoire est un mémoire très fouillé, intéressant parce qu'il fait le tour de plusieurs questions. Il faut aussi référence aux points de droit et à des références précises concernant les affirmations que vous faites. Comme le temps est limité, je veux passer aux questions tout de suite. J'ai écouté avec beaucoup d'attention la période d'autogratification du ministre. !! a peut-être eu peur que d'autres ne le fassent pas, alors il a dit: Je vais le faire moi-même. Mais...

M. Fortier: Je n'avais peut-être pas grand-chose à dire.

M. Garon: II dit qu'il écrit beaucoup. Une chance qu'il n'écrit pas autant qu'il parle, on n'aurait pas le temps de lire tout ça. J'aimerais poser cinq ou six questions précises. Premièrement, pour le bénéfice de la commission... Je remarque que, dans les deux listes de membres: les membres de la Bourse et les membres de l'ACCOVAM, on retrouve des gens qui ont les mêmes noms. Or, les mémoires sont différents. Les membres étant différents, ils sont d'accord avec qui parce que, sur les mêmes sujets, vous ne dites pas la même chose? Je me dis: Qui représente qui au fond, parce que ça m'apparaît... Je suis même surpris de ça. J'aimerais savoir quelle consultation a été faite au niveau de la Bourse pour dire, dans le mémoire que vous faites: Nous autres, on parle au nom de nos membres.

Comment expliquez-vous que, dans ces deux mémoires, beaucoup de gens représentés sont les mêmes et ne disent pas la même chose?

Le Président (M. Chagnon): M. Riverin. (12 h 15)

M. Riverin: II y a eu une certaine consultation. Nous l'avons regardé sous un angle Bourse. Je présume que l'ACCOVAM a regardé ça sous un autre angle. Nous nous entendons sur la plupart des points soulevés, sauf sur l'accréditation des organismes d'autoréglementation par le pouvoir ministériel. Nous nous entendons sur les objectifs; sur les moyens, il y a une différence.

Nous pensons que nos moyens privilégient la consultation, privilégient vraiment la participation de tous les intervenants dans le marché, alors que, en ce qui concerne le pouvoir de directives, l'ACCOVAM dit: On va souscrire à l'approche du ministre de procéder par pouvoir de directives, pour autant qu'on puisse circonscrire vraiment une sphère d'activité, qui est celle de la commission, où le ministre ne pourra jamais intervenir. J'ai lu le rapport de l'ACCOVAM et je crois avoir compris un peu où ils en arrivent.

Donc, concernant les moyens, on dit: Si on procède par ça, d'abord on ne s'harmonise pas avec les autres marchés, on fait bande à part; deuxièmement, au niveau de la perception, ça nous préoccupe énormément parce que les intervenants - ce ne sont pas tous des Québécois, il y a des intervenants de toute part - dans nos marchés boursiers diront: l'ACCOVAM devient un bras du pouvoir politique. Concernant la perception, cela nous préoccupe énormément et c'est pourquoi on diffère d'opinion sur ce plan-là. Nous pensons que le moyen de passer par ce que nous préconisons dans notre rapport, c'est-à-dire la définition de la mission de la CVMQ, est beaucoup plus efficace et ne crée pas d'incertitude ni de différence par rapport aux autres marchés, et le Québec ne fait pas bande à part dans ce marché qui est vraiment globalisé.

M. Garon: Concernant la reconnaissance... M. Riverin: Concernant la reconnaissance...

M. Garon: Un instant! Concernant la reconnaissance, j'aimerais savoir comment l'équivalent de l'ACCOVAM est reconnu en Ontario. C'est l'ACCOVAM au Québec et Investment Dealers Association en Ontario. Comment est-ce reconnu en Ontario et comment souhaite-ton que ce soit reconnu ici et comment la Bourse est-elle reconnue en Ontario et ici, pour faire les comparaisons de la reconnaissance des organismes d'autoréglementation?

M. Riverin: M. le Président, tout comme au Québec, la Bourse en Ontario est reconnue par la commission. L'IDA, qui est la section ACCOVAM Ontario, j'ai ouï dire que, si elle ne l'est pas présentement, c'est une question de jours, elle sera reconnue par la commission. Donc, elle ne l'a pas été jusqu'à maintenant mais on me dit que, présentement - je l'ai vérifié auprès de M. Beck - tous les détails sont réglés et c'est une question de jours avant qu'elle soit reconnue. Elle sera donc reconnue par la commission de l'Ontario.

De plus, on pressent que, et Me Parent-Johnson le soulignait tout à l'heure, dans le marché il est important que l'organisme de supervision soit aussi l'organisme d'accréditation, parce que c'est elle qui est vraiment la personne responsable déléguée pour superviser les organismes qu'elle reconnaît. Ce serait un peu curieux de voir un organisme accrédité par le ministre et supervisé par la Commission des valeurs mobilières. On voit un problème là, on voit encore une différenciation avec les autres marchés et un danger pour le ministre. On a souligné Osier tantôt; je crois que le marché a bien réglé le cas d'Osier. Cela n'a pas trop fait de taches nulle part. L'investisseur a été protégé et a été remboursé. Le ministre n'a pas eu à intervenir. Le pouvoir politique n'a pas eu à intervenir. On s'est organisés entre nous et ça s'est bien passé. Si ça avait été fait dans une autre situation où ta Bourse de Toronto avait été reconnue par le ministre, ça aurait été une tout autre affaire.

Me Parent-Johnson disait également tantôt qu'en France ils ont un problème. Ils veulent copier le modèle nord-américain parce qu'il fonctionne bien. En premier lieu, les organismes d'autoréglementation règlent le problème et, si jamais ils ne réglaient pas le problème, le ministre a toujours le pouvoir en dernier lieu d'intervenir. Le pouvoir politique est toujours là en arrière pour intervenir si on ne s'acquitte pas de notre tâche. Nous pensons donc que ce serait une erreur de reconnaître l'ACCOVAM au niveau du ministre et nous croyons que la Bourse devrait rester comme elle est présentement et également rester sous l'accréditation par la Commission des valeurs mobilières.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: J'aimerais poser une question, puisque votre exposé est clair, concernant les mandataires du gouvernement et des sociétés de la couronne. C'est une double question. Premièrement, j'aimerais avoir des cas concrets. On dit que les problèmes se présentent, mais quels sont, concrètement, les problèmes qui se présentent, qu'on vit dans la situation actuelle du fait que les sociétés d'État et les mandataires de la couronne ne soient pas assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières? Deuxièmement, que pensez-vous de la suggestion du ministre de soumettre les sociétés d'État à certaines obligations par voie de directive plutôt que de les assujettir à la Loi sur les valeurs mobilières? Pensez-vous que cette suggestion serait mieux que le statu quo?

M. Riverin: M. le Président, nous comprenons le problème que ça pose et nous souscrivons tout à fait aux objectifs. Nous croyons que les mandataires de la couronne sont des outils de développement économique fort importants, et c'est important qu'il y ait une marge de manoeuvre quelconque. On n'a pas de solution miracle sur ce plan, M. le Président.

Par ailleurs, nous croyons également que nous sommes dans un marché vraiment globalisé où les règles du jeu doivent être clairement établies. Il faut qu'on ait tous les mêmes règles

du jeu si on veut jouer aux billes ensemble. Cela crée de l'insécurité, ça crée un manque de confiance, ça crée toutes sortes de problèmes lorsque, dans un marché, les règles du jeu ne sont pas compatibles à celles d'un autre marché. Il faut trouver des formules qui atteignent les objectifs du gouvernement. Nous croyons qu'il serait difficile que les mandataires de la couronne puissent avoir droit à certains égards alors que les autres investisseurs n'y ont pas droit. Par voie de directive, nous croyons que ça ne crée pas nécessairement une confiance de la part des investisseurs, de la part du marché. Ce ne serait sans doute pas utilisé, peu utilisé ou pratiquement mis aux oubliettes, mais il reste que la perception dans le marché est toujours là. Un marché boursier, c'est un marché qui fonctionne beaucoup par perception, par confiance, un marché très nerveux, très international, très fluide. Il serait certainement malvenu, à notre point de vue, que les mandataires de la couronne fonctionnent selon ce mode.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Riverin: Me Parent-Johnson aurait peut-être quelque chose à ajouter.

Mme Parent-Johnson: Jusqu'en 1982, il y avait certains problèmes concernant les rapports d'initiés. La loi québécoise a été modifiée en 1982, et nous n'avons pas de cas où les sociétés d'État n'ont pas suivi les règles du marché. Elles le font, elles s'y soumettent. Par ailleurs, il s'agit de messages. Ce dont on veut vous parler, c'est du message, à savoir qu'il reste toujours dans l'opinion et dans la perception surtout des étrangers qu'il existe des entités extrêmement puissantes qui peuvent, un jour ou l'autre, à la suite de directives leur disant soit de suivre les règles ou, à un moment donné, un ministre peut leur dire de ne pas suivre telle règle... Le risque demeure. C'est la perception qui fait qu'on pense qu'au Québec des entités puissantes peuvent dévier des règles normales des marchés. Je présume que vous pensez à Asbestos; des problèmes se sont produits, le fameux deuxième versement pour les actionnaires. La loi des valeurs mobilières de l'Ontario comprenait des dispositions qui obligeaient le gouvernement à aussi faire l'offre aux actionnaires minoritaires, alors que la loi québécoise n'avait pas ces mêmes dispositions. Il y avait contravention aux règles ontariennes, mais non-contravention aux règles québécoises.

Maintenant, les règles québécoises et ontariennes sont les mêmes. Si la situation d'Asbestos se représentait et qu'il n'y aurait pas une directive précise disant qu'elle doit obéir aux dispositions, à ce moment-là, on aurait le même problème. C'est l'idée du risque. C'est pour ça que, dans notre présentation, on demeure assez souples et flexibles. On comprend que c'est extrêmement délicat. On vous dit que les sociétés d'État ne créent pas de problème mais, par ailleurs, elles peuvent décider de le faire.

Il y a eu une décision toute récente de la Cour suprême en matière de rapports d'initiés. Il y a eu cette décision, par exemple, où je dois vous dire que la Caisse de dépôt s'est soumise à la décision de la Commission des valeurs mobilières. C'est CDC Sciences et l'institut Mérieux. Mérieux voulait faire une offre et la Caisse de dépôt avait une entente qui la privilégiait par rapport aux autres actionnaires. La Commission des valeurs mobilières a décidé pour la protection de l'individu et l'égalité des règles, et la Caisse de dépôt s'est soumise. Par ailleurs, si on dit que les sociétés mandataires de la couronne ne sont pas soumises à la juridiction de la Commission des valeurs mobilières, quelle serait la valeur d'une décision d'une commission des valeurs mobilières qui ne serait valable que sur le bon vouloir de la Caisse?

Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. J'inviterais maintenant les membres de cette commission, M. le ministre et éventuellement aussi M. le représentant de l'Opposition...

M. Fortier: M. le Président, est-ce que le député de Lévis serait d'accord pour que nous prenions... M. le député de Lévis?

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, vos questions s'adressent au président de cette assemblée.

M. Fortier: M. le Président, est-ce que le député de Lévis donnerait son consentement pour que nous prenions chacun cinq minutes de plus?

M. Garon: Oui.

Le Président (M. Chagnon): C'est une bonne question. On pourrait poser la question au député de Lévis. Il dit oui. Alors, il y a consentement pour que cette commission entende la Bourse de Montréal dix minutes, donc cinq minutes pour le parti ministériel et cinq minutes pour l'Opposition.

M. Fortier: Je voudrais que ce...

Le Président (M. Chagnon): Alors, M. le...

M. Garon: Pardon, M. le Président....

Le Président (M. Chagnon):... député de Lévis...

M. Garon:... le député de Mille-Îles a l'air de s'opposer. S'il s'oppose...

Le Président (M. Chagnon): Je n'ai rien entendu.

M. Garon: ...qu'il fasse un caucus avec son parti.

Le Président (M. Chagnon): Je n'ai rien entendu.

M. Bélisle: M. le Président, je voudrais tout simplement faire remarquer à la présidence qu'il s'agit, bien entendu, d'une mesure de justice partiale tel qu'appliquée par le député de Lévis.

Le Président (M. Chagnon): Je croyais, M. le député de Mille-Îles, qu'il s'agissait plutôt d'une justice distributive. Chacun a ses cinq minutes.

M. Bélisle: La distribution, M. le Président, se fait toujours à peu près du même bord.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, je devrai continuer et remettre la question, c'est-à-dire donner la parole...

M. Garon: Je n'ai pas de problème avec mon caucus.

Le Président (M. Chagnon): ...à M. le ministre pour cinq minutes. Cinq minutes, c'est le temps de réponse aussi à une question...

M. Fortier: Oui, c'est ça. Je vais poser ma question très brièvement. À la page 16, vous explorez la politique ministérielle spécifique sur recommandation de la commission. Vous dites: "Une alternative au pouvoir de directives serait de faire un énoncé de politique et le soumettre. Mais la question que je pose, supposons que la mission de la commission ne serait pas modifiée et que ça aurait une relation avec ce que je définis comme étant la politique économique du gouvernement. Si, en bout de piste, la commission nous revient en disant: Écoutez, on va dans telle direction après consultation... Je vais vous donner un cas. Si je consulte présentement les banques, les compagnies de fiducie, le mouvement Desjardins pour savoir si les employés des banques, des caisses populaires devraient vendre toutes sortes de produits, je sais que, si je fais une telle consultation, la réponse est oui. Mais le gouvernement en a décidé autrement parce qu'on a deux principes: le principe du décloisonnement par filiale et le principe de l'utilisation des réseaux. Je suis sûr qu'une consultation faite par la commission arriverait dans la direction où les intervenants les plus intéressés diraient: Non, non, non, en supposant que le gouvernement soumettrait une politique comme celle-là. Mais cela ne nous avancerait pas pour autant. La question que je vous pose, en définitive, c'est: De quelle façon le gouvernement peut-il faire respecter sa politique économique? Ce moyen que vous suggérez, à mon avis, ne nous donne pas la solution au problème qui est posé.

Mme Parent-Johnson: Ce que vous soulevez...

Le Président (M. Chagnon): Mme Parent-Johnson.

Mme Parent-Johnson: ...c'est vraiment de la nature de la réglementation économique qui relève du ministre et du Conseil des ministres et de l'Assemblée nationale. Donc, c'est de niveau réglementaire. Ce n'est pas de niveau opérationnel, c'est de niveau réglementaire. C'est la structure des marchés, c'est la structure de la concurrence. En ce moment, ne procédez-vous pas à des énoncés de politique menant à des lois qui mèneront à des règlements?

M. Fortier: Vous savez que le pouvoir d'instruction générale de la commission est très large et vous savez que des instructions générales sont publiées sans même que le ministre soit au courant qu'elles vont être publiées le lendemain matin. Vous savez que le pouvoir d'initiative de la commission est tellement large qu'il peut prendre des initiatives dans ce secteur. Alors, la question qui est posée est: Comment faire en sorte que le ministre ou le gouvernement puisse influencer l'orientation dans le domaine de la structure économique? Je crois que le gouvernement ne tiendrait pas tellement à écrire... Supposons qu'on prend la question de la structure; pour nous, ce n'est pas tellement qu'on veuille écrire le règlement, c'est qu'on aimerait établir un principe très simple. Par exemple, les employés d'une banque ou d'une caisse populaire ne devraient pas vendre d'autres produits. Alors, on n'a pas besoin d'écrire le règlement. Une fois que cet énoncé de politique est fait, on voudrait dire à la Commission des valeurs mobilières: À partir de ce principe de base, préparez vos instructions générales et préparez votre réglementation. Vous semblez vous opposer à ça. Il me semble que ma demande est très raisonnable. (12 h 30)

Mme Parent-Johnson: Votre demande est raisonnable. Par ailleurs, je suis un petit peu perplexe. Nous avons soulevé cette situation en mars 1987 en disant qu'il y a peut-être une confusion dans la loi qui - ce n'est pas ultra vires - nécessairement, de par sa fonction telle qu'écrite à l'article 276, amène nécessairement la commission à combler le vide, de façon assez laconique, je dois dire. Je lis, dans le rapport quinquennal ou ailleurs ou dans les présentations dans les journaux, qu'on refuse de reconsidérer. Dès lors, vous soulevez le pouvoir très vaste des instructions générales. Oui, c'est un pouvoir très vaste mais, par ailleurs, c'est un pouvoir de faire des instructions générales sur la mission que l'on a. On vous demande de circonscrire la mission.

M. Fortier: Comme j'ai terminé, je vais

simplement dire que cette décision avait été une recommandation de la commission du budget et de l'administration. Peut-être faudrait-il y revenir.

Mme Parent-Johnson: Excusez-moi.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, le ministre commence à comprendre pourquoi je me suis abstenu dans le débat. Il y a des affaires pour lesquelles j'étais et d'autres pour lesquelles je n'étais pas. Avec plus de discussion, le ministre va comprendre davantage.

M. Fortier: II n'était pas au courant, il n'était pas...

M. Garon: J'aimerais dire ceci... Le ministre doit dire qu'il évolue dans ses énoncés de politique. Sur le décloisonnement, par exemple, je me rappelle très bien que même le projet de loi sur les sociétés de fiducie prévoyait la vente d'autres produits financiers. C'est seulement en commission parlementaire que le ministre est arrivé - apparemment, ça passait mal au caucus - pour faire disparaître cette disposition qui est dans la loi des compagnies d'assurances et qui était au moment du dépôt - et c'est vérifiable - dans la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne. Elle est partie en cours de route, après un long débat qu'il y a eu ici. Apparemment, dans le caucus libéral, c'était divisé. Il faut savoir qui énonce les politiques. Est-ce le caucus ou le gouvernement ou le ministre? L'énoncé était clair mais, à la fin, la marchandise n'a pas été livrée.

M. Fortier: C'est pour ça que Desjardins vend de l'assurance.

M. Garon: Vous ne l'avez pas marqué dans la loi. Vous avez dit: Les tribunaux décideront et on verra après. C'est un drôle d'énoncé de politique. On dit: On va laisser décider les tribunaux, et on décidera après. Qu'est-ce qu'on va faire après, quand il va y avoir tant d'assurances... Les gens embarquent dans une affaire... Ce n'est pas comme ça qu'on fait marcher des affaires, en disant des choses qui ne sont pas claires.

Je ne veux pas prendre tout le temps pour... J'aimerais vous poser la question suivante. Actuellement, pour les sociétés de la couronne ou les mandataires du gouvernement, le régime est le régime d'exception. Vous demandez qu'ils soient assujetties à la Loi sur les valeurs mobilières. Dans votre esprit, est-ce un assujettissement qui doit être total ou prévoyez-vous qu'il pourrait y avoir... Je pense que le gouvernement peut avoir des vues de préciser les secteurs dans lesquels cela sera assujetti ou les préciser, faire la règle générale d'assujettissement avec un certain nombre d'exceptions qui peuvent être nécessaires pour le gouvernement. Est-ce que vous voyez un assujettissement total ou avec exceptions?

Mme Parent-Johnson: On ne saurait voir un assujettissement total. De toute façon, cela défavoriserait nettement les mandataires de la couronne par rapport à ce qui se fait. Prenons notre partenaire le plus près, l'Ontario; nous pensons à l'assujettissement au rapport d'initiés et l'assujettissement aux offres publiques d'achat et de rachat de titres. Nous verrions toutes sortes d'exception comme on le voit en Ontario, c'est certain. Pour les besoins du Québec s'il faut innover un petit plus loin, il est certain que tous les intervenants du milieu financier qui apprécient énormément le travail des mandataires de la couronne pourraient collaborer avec le gouvernement pour trouver das méthodes d'assujettissement, mais avec de la souplesse pour ne pas évidemment - je pense que nous sommes tous nationalistes - contrecarrer l'option des mandataires de la couronne. Ce que nous voulons dire, c'est que nous avons besoin... Nous savons que les mandataires de ia couronne se comportent bien dans les marchés, volontairement. Or. pourrait dire que ce sont de bons citoyens du milieu financier. Mais c'est le message du fait qu'on les exclut et de dire sur la place publique qu'on les exclut et de dire que, si on les assujettit, ce sera par voie de directive. Donc, les tiers ne sont pas liés, pour répondre à une de vos questions précédentes. C'est cette espèce de faux message qu'on laisse traîner dans les milieux financiers qui ne sont pas aussi au courant que nous, au Québec, du fait que les sociétés de la couronne se comportent très bien dans les marchés financiers.

Dans les grands mouvements de fond et chez les grands investisseurs, on va voir nos conseillers financiers et on leur dit: Quelles sont les règles du jeu dans tel pays? On nous répond: Vous savez, dans les provinces anglaises, notamment en Colombie britannique, par la loi d'interprétation, les mandataires de la couronne sont soumis à la Loi sur les valeurs mobilières; en Alberta, ils ne le sont pas; en Ontario, ils lui sont soumis.

Quelle est la réponse? D'abord, dans les provinces du Canada, ce sont les mêtnes règles pour tous. Vous ne serez pas étonnés, du jour au lendemain, d'avoir à un moment donné chez vous une offre de 50 % que vous n'auriez pas pu prévoir avant, simplement parce qu'il n'y a pas de rapport d'initiés de fait. Alors, on nous dit que, dans les provinces anglaises, les règles du jeu sont connues et, au Québec, elles ne le sont pas. C'est soumis au pouvoir politique qu'on ne connaît pas très bien. C'est ce faux message il faut dissiper ou, du moins, si on veut se pencher sur la question, je pense il ne faut pas en discuter sur la place publique, ne

serait-ce que pour ne pas créer une certaine incertitude. Nous avons tous les mêmes objectifs et nous disons tous la même chose mais, comme le disait le président de la Bourse, M. Riverin, c'est une question de moyens.

Le Président (M. Chagnon): Merci, Mme Parent-Johnson. Maintenant, je demanderais au ministre et au représentant de l'Opposition de conclure. M. le ministre.

M. Fortier: Je remercie les représentants de la Bourse de Montréal. Étant donné qu'on s'entend sur les objectifs, je crois qu'on devrait continuer le dialogue sur les moyens. C'est en ce sens qu'on y donnera suite à la commission parlementaire.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai écouté le ministre et je vous remercie d'être venus. Habituellement, tout le monde s'entend pour la recherche de la vertu; c'est la pratique qui est difficile. Dans l'Évangile, on dit aussi: La foi sans les oeuvres...

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie.

M. Fortier: Étes-vous télévangéliste vous aussi?

M. Garon: Non. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Chagnon): Je tiens à remercier les représentants de la Bourse de Montréal au nom des membres de cette commission et en mon nom personnel. Une partie de votre message est que vous tenez à protéger le personnel politique et je vous en sais gré, au nom de tous les membres, même si, éventuellement, il s'agit d'une protection contre soi-même. Nous vous remercions d'avoir témoigné sur ce sujet devant notre commission parlementaire.

J'appellerai M. Carmand Normand. Avec votre permission, messieurs, nous ajournons pour cinq minutes.

M. Riverin: Merci, M. le Président, de nous avoir permis de présenter notre mémoire et d'avoir dirigé ce dialogue.

Le Président (M. Chagnon): Merci. (Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise à 12 h 48)

Le Président (M. Chagnon): À l'ordre, s'il vous plait! Si vous voulez prendre votre siège, messieurs les membres de la commission.

M. Carmand Normand, je vous réitère que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que chacun des partis ici aura 20 minutes pour la présentation de ses commentaires ou des questions qui vous seront adressées.

M. le député de Mille-Îles, je vous invite à prendre place avec nous. M. Normand, nous vous écoutons.

M. Carmand Normand

M. Normand (Carmand): M. le Président, je suis présent avec Me André Blanchet, qui est procureur pour le Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Itée. Je remercie premièrement la commission, M. le ministre, les membres de la commission d'avoir donné un droit de parole pour la première fois aux actionnaires minoritaires depuis l'énoncé de politique de 1977 sur l'expropriation de la Société Asbestos. On a pensé qu'il était important pour les actionnaires minoritaires de faire des efforts personnels en leur nom pour qu'ils aient pour une première fois une voie directement au législateur pour pouvoir exprimer leur opinion.

À l'onglet 1, j'ai mis quelques exemples de personnes qui avaient contribué au comité et qui ont contribué pour obtenir un traitement égal en nous demandant de jouer un peu le rôle que la Commission des valeurs mobilières du Québec n'a pas rempli, c'est-à-dire la défense des petits épargnants. Je n'ai pas à souligner aux membres, qui depuis quelques jours le savent déjà, le rôle de la Commission des valeurs mobilières, la protection du petit épargnant, le traitement égal des actionnaires.

Dans un premier temps, j'aimerais rappeler le principe de base vu par des citoyens que j'ai contactés, qui m'ont contacté, qui m'ont téléphoné et écrit, et qui ont contribué financièrement à la protection et la défense de leurs intérêts. Le gouvernement du Québec a décidé de réglementer le domaine des valeurs mobilières en adoptant la Loi sur les valeurs mobilières. L'objectif visé était de protéger les épargnants et d'assurer un traitement égal à tous les intervenants, en définissant un cadre à l'intérieur duquel les règles du jeu étaient connues. D'une façon globale et générale, nous sommes d'avis que la Loi sur les valeurs mobilières a bien rempli son objectif. Il y a toujours place à l'amélioration, mais dans l'ensemble elle a bien rempli son objectif.

Les lois votées et promulguées par nos gouvernement reflètent généralement les valeurs auxquelles une société croit. Le Canada et le Québec ont d'ailleurs jugé nécessaire d'enchâsser ces valeurs dans la charte pour les garantir à tous les citoyens. On a reçu, il y a quelques années un petit dépliant qui s'appelait "Votre charte québécoise des droits et libertés de la

personne". Je me suis permis de regarder s'il y avait des droits là-dedans qui pouvaient avoir été mis de côté.

Le processus de la présente consultation publique témoigne de l'importance que le gouvernement accorde au système démocratique, et je vous en félicite. Quant à nous, il est clair que le rôle du gouvernement, en matière de valeurs mobilières, doit se limiter exclusivement à celui de législateur, c'est-à-dire voir à l'adoption des lois qui s'appliquent à tous les citoyens, individus, corporations et gouvernements de façon juste et équitable pour tous. À partir du moment où le gouvernement devient à la fois législateur, intervenant - commerçant - et Juge, la démocratie même est en danger, et certains pourraient même croire que nous assistons à un retour - j'exagère peut-être à la monarchie. En effet, lorsque l'État prétend être au-dessus des lois, il utilise des droits héréditaires de monarques anciens et traite ses citoyens en sujets du Moyen Âge en dictant leur ligne de conduite sans être disposé à suivre les règles qu'il fixe lui-même. C'est l'autorité du: "Fais ce que je te dis mais ne fais pas ce que je fais". Ce droit médiéval réclamé par un gouvernement moderne est profondément insultant pour le citoyen ordinaire. Si le gouvernement n'est pas soumis aux lois, que reste-t-il pour protéger les sujets de Sa Majesté? La bonne volonté de cette dernière, probablement. Ce n'est certes pas la volonté du gouvernement du Québec qui, dans ses considérants de la Charte des droits et libertés de la personne, énonce clairement, dans le petit document que tous les citoyens du Québec ont reçu: "Que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une protection égale de la loi; que le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix de notre société. "

La Loi sur les valeurs mobilières comporte de nombreux articles qui confirment spécifiquement des principes de droit à l'égalité et à la non-discrimination et plus précisément les articles concernant les offres publiques d'achat de 110 à 118. En voulant se soustraire à la Loi sur les valeurs mobilières, le gouvernement va à l'encontre de sa Charte des droits et libertés du Québec et se comporte malheureusement, dans ce cas-ci, en monarque.

Les actionnaires minoritaires du Québec sont protégés par la loi en cas de prise de contrôle par une société commerciale ou un individu en vertu des protections que leur accorde la loi. On sait que la Commission des valeurs mobilières a publié une petite brochure sur les OPA qui mentionne deux choses. Il y a deux principes de base. Le premier principe est le droit égal des actionnaires. Le deuxième principe est la pleine information de tout le monde. Lorsque le gouvernement demande d'être exempt de ces dispositions, c'est de retirer ce droit au traitement égal aux actionnaires québécois sur tout titre boursier où, directement et indirectement, une société d'État aurait un intérêt d'acquisition ou de vente Cela revient à dire en pratique que les actionnaires minoritaires du Québec auraient des droits conditionnels au traitement qui seraient contingents aux événements futurs. Par exemple, si Power Corporation fait une acquisition, les actionnaires minoritaires ont des droits mais, si c'est Hydro-Québec, la SGF, la Caisse de dépôt, la Société nationale de l'amiante, ces droits n'existent plus pour les actionnaires. J'appelle ça de la monarchie.

D'ailleurs, nous vous rappelons que l'article 13 de notre charte québécoise des droits stipule très clairement: "Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination. Une telle clause est réputée sans effet. " C'est votre charte, c'est la charte de tous les Québécois. Ainsi, si ta Loi sur les valeurs mobilières comporte des clauses implicites ou explicites qui assureraient le non-assujettissement de l'État à ses lois, ces clauses devraient être réputées sans effet parce qu'à rencontre de l'article 13.

Deuxième considération, les considérations financières et marchés des capitaux. L'information privilégiée. L'information dans les marchés financiers représente la plus grande valeur commerciale. La Commission des valeurs mobilières du Québec et tous les autres organismes similaires le reconnaissent et s'assurent que l'obligation de divulguer soit respectée par tous et que les initiés ne jouissent pas d'avantages indus sur les petits actionnaires. Le gouvernement et ses hauts représentants sont non seulement exposés à recevoir un niveau d'information privilégiée plus appréciable que tout autre citoyen mais ils sont eux-mêmes les plus susceptibles de créer "la nouvelle" par leur fonction de législateurs. On connaît les fortunes illégales qui ont été créées grâce à des informations privilégiées aux États-Unis, au Japon, voir même en France et plusieurs messieurs bien au-dessus de tout soupçon ont payé des centaines de millions en règlement aux autorités administrant les lois sur les valeurs mobilières et ont été condamnés à l'emprisonnement. Pourquoi le gouvernement du Québec voudrait-il avoir pour lui le droit légal à l'information privilégiée en n'étant pas soumis à sa propre Loi sur les valeurs mobilières?

Une société d'État en difficultés financières, par exemple, pourrait légalement bénéficier d'une information privilégiée pour renflouer sa caisse, alors que tout citoyen agissant de la même façon serait passible de fortes amendes et d'emprisonnement. Nous sommes convaincus et persuadés, et à la lecture de tous les documents dont M. le ministre partait tout à l'heure et que j'ai lus, que ce ne sont pas là les objectifs poursuivis par le gouvernement.

Deuxièmement, c'est sûr qu'il y a un coût à se conformer aux lois. Cela coûte plus cher de suivre la loi que de ne pas la survre. Alors, il

est évident pour tout le monde que d'acheter 5f % des actions d'une compagnie publique coûte moins cher que d'en acheter 100 %. Par contre, il y a des lois, et les lois obligent les investisseurs privés, que ce soit Power Corporation ou d'autres, à faire une offre à tout le monde, s'ils achètent plus de 20 % des actions, à une prime qui représente plus de 15 %. C'est ainsi, d'ailleurs, que le législateur et que d'autres gouvernements qui ont poursuivi des objectifs socio-économiques... Petro-Canada a déboursé 1 400 000 000 $ pour acheter toutes les actions de Petrofina; Cascades a dû débourser environ 15 000 000 $ de plus pour acheter des actions non votantes de papier Rolland, même si elle ne te voulait pas, mais la Commission des valeurs mobilières du Québec et la loi l'ont obligée à le faire. Donc, ça coûte plus cher de suivre la loi que de ne pas la suivre.

La même chose dans le cas d'un dossier d'Unigesco, de Noverco et de CANAM-MANAC. M. Nadeau a été obligé de se départir de Noverco parce qu'il devait faire une offre à tout le monde. La Commission des valeurs mobilières lui a demandé de suivre la loi, ça lui coûtait trop cher, donc, il a perdu des millions et ça lui a coûté des sous de suivre la loi.

Le gouvernement du Québec veut-il être exempt de sa propre loi pour réduire le coût financier de ses transactions? Je suis certain que ce n'est pas l'objectif ultime du gouvernement et que ça n'atteint pas ses objectifs. Par contre, si le gouvernement et ses mandataires sont au-dessus des lois, comment, alors, ceux qui sont chargés de l'administration du budget de la province pourront-ils résister à la tentation de ne pas utiliser l'immunité du gouvernement pour acquérir à meilleur compte ce que tout autre citoyen corporatif ou Individuel ne pourrait faire? Pour les comptes du budget, il n'y a qu'une seule justice, il faut que les débits égalent les crédits. D'ailleurs, on blâmerait probablement très sévèrement les administrateurs du budget de ne pas se servir de tous les moyens légaux pour réduire les dépenses du gouvernement, donc, d'améliorer le déficit ou ne pas avoir de déficit. C'est, d'ailleurs malheureusement ce que le gouvernement fait allègrement dans le présent cas d'Asbestos, sous des bases juridiques douteuses.

Le non-assujettissement des sociétés d'État à la Loi sur les valeurs mobilières ouvre la porte à des nationalisations sans compensation pour les petits actionnaires minoritaires. Dans notre société démocratique, on a choisi le système économique basé sur le capitalisme, et les gouvernements encouragent l'épargne et l'investissement du capital des citoyens dans les entreprises. Les possibilités de plus-value sont laissées aux lois de la libre concurrence et l'augmentation graduelle des profits et des dividendes versés aux actionnaires influence directement le cours boursier de l'entreprise. Donc, c'est accepté, dans notre société, d'inves- tir dans des actions et de faire des profits.

Dans notre démocratie, il est tout à fait naturel, par contre, que le gouvernement ait des objectifs qui lui soient propres. Lorsqu'on demande aux ministres et au gouvernement d'orienter la politique économique de la province, les actionnaires minoritaires ne s'y opposent pas, ils sont tout à fait d'accord. (13 heures)

Le Président (M. Chagnon): M. Normand, juste une seconde, pour demander le consentement des parties pour continuer.

M. Normand: Est-ce que j'ai déjà 20 minutes de faites?

Le Président (M. Chagnon): Non, mais c'est qu'il est 13 heures. En principe, nos travaux devaient se terminer à 13 heures. Est-ce que j'ai le consentement?

M. Garon: Pas de problème. On est ici pour vous entendre.

Le Président (M. Chagnon): Vous pouvez continuer, M. Normand. Vous avez utilisé onze minutes, il vous en reste neuf.

M. Normand: Je vous remercie. M. René Lévesque déclarait, en décembre 1978: "Le projet de loi permettant l'expropriation de I'Asbestos Corporation est déposé pour signifier clairement l'intention du gouvernement du Québec qui est d'acquérir la part minimale de propriété qu'un peuple doit avoir dans ses ressources, surtout dans une situation privilégiée de premier producteur au monde. " Il a le droit de le faire.

D'ailleurs, l'honorable premier ministre déclarait en octobre 1977 il devait faire cela pour tous les actionnaires parce que certains "pourraient se sentir inconfortables s'il y avait des actionnaires minoritaires lorsque le gouvernement maintient le contrôle. Le gouvernement doit prendre des positions et réaliser des objectifs qui ne soient pas toujours ceux des actionnaires" minoritaires.

Pour sa part, le chef de l'Opposition du temps, M. Claude Ryan, écrivait le 1er décembre 1981: "Lorsque le gouvernement intervient dans la vie d'une société, au point d'en modifier le contrôle, il me semblerait approprié qu'il offre à tous les actionnaires les mêmes possibilités de se départir de leur capital. "

C'est justement ce que la Loi sur les valeurs mobilières prévoit en cas de prise de contrôle: les mêmes possibilités de se départir de leur capital. " Quels seraient les avantages du gouvernement de ne pas s'y soumettre, sinon des avantages financiers au détriment des petits actionnaires? Pourquoi le gouvernement ne suivrait-il pas la règle de l'offre publique à tous les actionnaires? C'est nécessairement et uniquement, à la vue des petits actionnaires, pour réduire le coût financier. Les prétentions du

gouvernement actuel à l'immunité face à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec sont, à notre avis, motivées par des considérations économiques à court terme sans tenir compte des conséquences néfastes à long terme tant du point de vue financier que social. Le nombre de sociétés d'État du Québec oeuvrant dans les milieux d'affaires et transigeant régulièrement sur le marché des valeurs mobilières et des capitaux ne peut laisser place à une discrimination positive en leur faveur sans perturber de façon négative le milieu financier. La Caisse de dépôt est le plus gros actionnaire minoritaire au Canada, Hydro-Québec est le plus gros émetteurs de titres, la SGF, un industrialiste acquéreur.

Pas plus Wayne Gretzky n'a besoin de patins à turbo pour être en mesure de compter des buts, pas plus la Caisse de dépôt n'a besoin d'avantage légal privilégié pour lui permettre d'accomplir son rôle de gestionnaire de portefeuilles. Elle est probablement celle, au Canada, qui est le plus en mesure de se défendre et de défendre les droits des actionnaires minoritaires puisqu'elle est elle-même le plus grand actionnaire minoritaire et le plus grand actionnaire minoritaire d'Asbestos Corporation avec 259 600 actions.

Peut-être que Je vais vous apprendre quelque chose, à la page 9, le gouvernement et les sociétés mandataires sont assujettis à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec. Et cela, contrairement à ce qui, à l'heure actuelle, est sous-jacent à la loi. La Cour suprême du Canada, dans un jugement rendu le 15 décembre 1988 concernant l'immunité d'un mandataire du gouvernement, statuait que: 'Une action n'est pas une entité Indépendante des dispositions légales qui régissent sa possession et son échange. " Les échanges d'actions sont régis par la Loi sur les valeurs mobilières du Québec et de l'Ontario. Le jugement continue: 'Ces dispositions représentent des éléments constitutifs. Elles définissent les droits et obligations mêmes qui constituent l'existence de l'action visée. " "Le fait même d'acheter une action suppose donc l'acceptation implicite des avantages du régime prévus par la loi. Et ces avantages sont liés de façon indissoluble aux restrictions qui les accompagnent. " Ce n'est pas Carmand Normand ni les actionnaires minoritaires qui disent cela. Ce sont les juges de la Cour suprême du Canada. Est-ce clair? A-t-on besoin d'ajouter davantage? Les sociétés d'État au Québec, à l'heure actuelle, d'après le jugement de la Cour suprême du Canada, sont assujetties à la Loi sur les valeurs mobilières, comme l'a spécifié la Cour suprême du Canada en demandant et en statuant que la Caisse de dépôt devait faire comme tout le monde lorsqu'elle achetait des actions et faire ses rapports d'initiés. Prétendre le contraire, c'est harceler les petits citoyens et les petits épargnants.

On a également mentionné à plusieurs reprises que ce n'était pas correct que les sociétés d'État aillent se présenter devant des régies ou la Commission des valeurs mobilières, parce qu'un mandaté de l'État avec un autre mandaté de l'État, cela ne se faisait pas. Par contre, on remarque que cela se fait. Une société d'État comme Radio-Canada se présente devant le CRTC pour faire approuver ses choses. Même Hydro-Québec doit se présenter devant le Bureau national de l'énergie pour faire approuver ses quotas d'exportation. Ce n'est pas toujours à notre avantage. Pourtant, combien de centaines de millions de dollars - je pense que les membres du gouvernement le savent - Hydro-Québec pourrait-elle épargner en étant au-dessus de ces lois et en expropriant les propriétaires des terrains sans compensation? Nous ne pouvons voir comment les sociétés d'État seraient gênées dans leur mandat en étant soumises à la Loi sur les valeurs mobilières du Québec.

Le dernier point: Les directives du ministre à la Commission des valeurs mobilières du Québec. Nous croyons qu'il est tout à fait légitime, voire même essentiel, que les grandes politiques économiques et sociales soient la prérogative et le privilège exclusif du gouvernement. C'est d'ailleurs souvent - non exclusivement - sur des questions d'orientation économique qu'un gouvernement plutôt qu'un autre est élu. C'est un choix politique - et nous sommes d'accord avec M. le ministre là-dessus - que de donner les pouvoirs d'exercer des activités à tel type d'entreprise plutôt qu'à tel autre. Si le gouvernement veut que les banques puissent posséder des courtiers en valeurs mobilières, c'est son affaire. Par contre, l'exercice de la profession de courtier en valeurs doit être régi de façon uniforme par une entité autonome, Indépendante et au-dessus de tout soupçon, qu'elle soit possédée par une banque, des individus ou une caisse populaire. C'est pourquoi nous croyons, par exemple, que les exigences de compétence, de probité, etc., afin d'assurer la protection du petit épargnant doivent être régies par la Commission des valeurs mobilières du Québec. On ne peut pas exiger que des conseillers en valeurs mobilières régis par la Commission des valeurs mobilières du Québec aient une expérience de 10 ans et un diplôme d'université, un doctorat, alors qu'une secrétaire de banque peut vendre des valeurs mobilières. Ils doivent avoir, je pense, un niveau égal de compétence, et cette compétence doit être régie par un organisme.

Nous croyons que ce n'est qu'une question de bien définir le mandat de la commission. Si sa mission est de protéger les épargnants, assurer l'intégrité des marchés et un traitement égal des actionnaires, qu'on le dise clairement et le ministre pourra juger de la qualité du travail fait par la commission en fonction du mandat qu'il lui a confié. Les directives deviendront inutiles et nous éviterons ainsi le cas par cas. Des règles claires et précises connues de tous les intervenants fermeront la porte aux invitations de

"lobbying" politique. D'autant plus que les décisions de la Commission des valeurs mobilières ont très souvent des implications financières importantes. Je vous l'ai dit tout à l'heure dans le cas de Rolland, dans le cas d'Unigesco. Pourquoi, donc, exposer inutilement le ministre à ce genre de pression? Un mandat clair pour la commission, c'est la solution.

En conclusion, nous croyons que la Loi sur les valeurs mobilières du Québec est essentielle au maintien de l'intégrité des marchés financiers et à la protection des épargnants de notre société. Toutes les modifications à la loi permettant une meilleure protection de l'épargnant et une plus grande efficacité de fonctionnement seront des atouts concurrentiels additionnels que notre milieu se donnera. Le fait pour le gouvernement d'être au-dessus des lois, et pour un ministre de pouvoir donner des directives, est contraire à l'objectif même de ce gouvernement d'assurer une meilleure protection des citoyens épargnants et de soutenir une plus grande efficacité de nos marchés financiers.

M. le ministre Pierre Fortier déclarait: "Nous franchissons aujourd'hui une étape décisive de la réforme législative de nos institutions financières, réforme qui reflète la volonté du gouvernement de soutenir la croissance et l'efficacité du secteur financier québécois. " Qu'il en soit ainsi, mais avec équité, égalité et justice pour tous.

Messieurs les membres de cette commission, je vous remercie de l'occasion que vous nous avez donnée de présenter le cas des petits actionnaires minoritaires.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M.

Normand. Je demanderais maintenant à M. le ministre de commenter ou de vous interroger sur votre mémoire. M. le ministre.

M. Fortier: M. Normand, nous sommes ici en commission parlementaire pour vous écouter et écouter les autres intervenants pour nous permettre par la suite de modifier la loi. Il s'agit donc de l'avenir; il ne s'agit pas du passé. Bien sûr, dans votre mémoire, vous faites des assertions. Je voudrais simplement dire que certaines de ces assertions, selon nous, peuvent être contestées, mais, comme il s'agit de cas pour lesquels des poursuites sont entamées en cour et comme le règlement nous empêche de commenter ici en commission parlementaire des situations comme celles-là, nous nous en abstiendrons. Je dirais simplement que je ne suis pas d'accord avec vous sur le fait en particulier que le gouvernement n'a pas respecté les règles du marché en 1981. On peut le contester, mais ce n'est pas ici qu'on va régler le débat. La prétention du gouvernement est que, même si certains actionnaires minoritaires auraient souhaité qu'il y ait une "follow-up offer", notre prétention, comme vous le savez, est que la loi en 1981 était telle et que - autre argument - lorsque la transaction a été complétée, cette disposition de la loi existait et que, à cause de cela, le gouvernement devrait faire une offre aux actionnaires minoritaires... Je ne m'embarquerai donc pas dans ce sujet, étant donné que c'est devant des cours de justice, on va laisser les juges décider.

L'intérêt de votre mémoire, c'est pour l'avenir, étant donné que nous sommes ici pour examiner si nous devrions, à l'avenir, changer la Loi sur les valeurs mobilières, en particulier, en ce qui a trait à l'assujettissement des mandataires de la couronne. J'ai pris note de vos commentaires. Vous semblez dire que présentement les mandataires de la couronne ne suivent pas les règles de la commission. Il y a une minute, nous avions la Bourse de Montréal qui nous disait: Non, depuis 1982, M semble que les gens qui sont dans le secteur privé savent que les mandataires de la couronne respectent les règles de la Commission des valeurs mobilières. Ce que la Bourse nous disait c'est plutôt que c'était une question de perception et qu'il serait préférable qu'il y ait un certain assujettissement. Vous semblez dire le contraire. La question que j'aimerais vous poser c'est: Est-ce que vous connaissez des cas où des mandataires du gouvernement ne respectent pas les règles de la Commission des valeurs mobilières du Québec?

Le Président (M. Chagnon): M. Normand.

M. Normand: Je vous remercie. Le cas d'Asbestos en est un...

M. Fortier: Oui, mais ce serait...

M. Normand:... qui date du 9 décembre 1986, M. le ministre. Par contre, pour les autres, à l'heure actuelle, le gouvernement devant les commissions invoque l'immunité de la couronne pour ne pas avoir des auditions maintenant sur un dossier. Par contre, dans les autres sociétés de la couronne, je suis d'accord avec vous, je ne connais pas de sociétés de la couronne qui ne se conforment pas, et cela dans le passé également Le seul cas où le gouvernement ne s'est pas conformé à la Loi sur les valeurs mobilières, à ma connaissance, à part les rapports d'initiés que la Caisse de dépôt a faits volontairement depuis 1983, c'est le cas d'Asbestos.

M. Fortier: Donc, si on oublie l'affaire d'Asbestos - mais je sais que vous ne l'oublierez pas...

M. Normand: C'est très difficile.

M. Fortier: Si on parle du présent, on doit se rassurer. Comme je l'ai dit, en tant que ministre délégué à la Privatisation, je me suis assuré que dans les transactions de privatisation que nous avons faites, nous avons respecté les lois sur les valeurs mobilières. Je dis cela pour rassurer la population qui pourrait croire qu'il y

a des lacunes très graves maintenant. J'entends votre plaidoyer. J'ai indiqué hier que, d'une part, dans notre rapport quinquennal, nous avions suggéré une méthode plus précise de s'assurer que les sociétés d'État mandataires de la couronne suivaient les règles de la Commission des valeurs moblières du Québec, comme elles le font présentement, mais ce sera assujetti par voie de directive originant de l'exécutif. J'ai également indiqué en tant que ministre - |e n'engage pas le gouvernement - que j'allais examiner d'autres méthodes, et cela devra prendre en considération le rôle important joué par les mandataires de la couronne au Québec. Pensons à la Caisse de dépôt. Je crois que vous êtes au conseil d'administration de Provigo, alors, vous savez que la Caisse de dépôt a joué un rôle important pour appuyer le développement de Provigo depuis de très nombreuses années et qu'elle en fait autant dans d'autres domaines. Si on lit les journaux, ces jours-ci, on sait que dans les offres publiques d'achat qui sont faites contre... Lorsque des investissements étrangers cherchent à prendre le contrôle de sociétés québécoises, les gens, avec raison, demandent au gouvernement de suivre la situation de très près et de voir si une collaboration entre le secteur privé et le secteur public ne nous permettrait pas de garder le contrôle au Québec même de certaines sociétés, dans certains secteurs névralgiques.

Tout simplement, j'entends votre plaidoyer. Je crois que nous chercherons à examiner ce qui peut être fait. Il faudra nous assurer en définitive que, quelle que soit la solution qui sera retenue, cela ne paralyse pas les mandataires de la couronne. Nous voulons le faire d'une façon qui permette aux mandataires de la couronne de jouer leur rôle. D'autre part, un certain assujettissement, non pas total mais spécifique, pourrait rassurer les gens. Lorsque des mandataires de la couronne comme la Caisse de dépôt vont faire des offres publiques d'achat, en particulier les "follow-up offers", nous voulons que ces dispositions soient suivies à l'avenir. C'est ce que je voulais vous dire, et je crois que vous savez très bien quel est le rôle de la Caisse de dépôt, puisque vous êtes un ancien vice-président de la Caisse de dépôt, semble-t-il Donc, vous connaissez le rôle qui est joué par ce mandataire. Notre espoir est de trouver une solution qui va permettre à la Caisse de dépôt et à d'autres mandataires de jouer leur rôle tout en posant des gestes qui pourraient nous assurer que la perception soit meilleure, puisque, dans les faits. lI semble que présentement on n'a pas grand-chose à reprocher aux mandataires de la couronne. (13 h 15)

Le Président (M. Chagnon): M. Normand, avez-vous des commentaires?

M. Normand: Oui. M. le ministre, j'aimerais dire tout simplement, au chapitre de l'assujettissement des sociétés d'État à la Loi sur les valeurs moblières, que, même si, à l'heure actuelle, il n'y a qu'un cas en litige, le fait que la Caisse de dépôt ne serait pas assujettie à la Loi sur les valeurs mobilières aurait un effet plus négatif sur les marchés financiers que les avantages qu'elle pourrait avoir à ne pas se conformer à certaines règles de la loi. La perception serait que, si la Caisse de dépôt a un bon rendement, ce serait parce qu'elle n'a pas à suivre les règles des lois, qu'elle n'a pas à suivre les mêmes règles que les autres; donc, ce serait négatif pour l'ensemble. De même, lorsqu'on 1983 j'ai été premier vice-président à la Caisse de dépôt, nous avons volontairement fait des rapports d'initiés, parce que l'avantage de ne pas les faire était presque nul et que le désavantage de ne pas les faire était énorme, par rapport à la crédibilité d'un outil économique aussi fort que la Caisse de dépôt dans tout le Québec, le Canada et maintenant dans le monde. C'est pour cela que, dans le fond, s'en référer uniquement à l'éthique des présidents des sociétés d'État, c'est correct, mais, dans des situations corsées... Par exemple, s'il y avait une vague de nationalisation - à l'heure actuelle c'est l'inverse, c'est une vague de privatisation - on pourrait être tenté de faire la nationalisation de Québec-Téléphone, par exemple, sans faire une offre à tous les détenteurs d'action. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui les Québécois n'ont pas le même droit comme actionnaires minoritaires que los Ontarlens ou les gens d'autres provinces? Ils auraient les mêmes droits seulement si le ministre, après la transaction, décidait qu'effectivement on devrait se conformer aux lois. Mais. comme je l'ai dit, si ce n'est pas statué dans la loi, alors le droit du citoyen québécois comme actionnaire minoritaire peut exister ou ne pas exister selon la bonne volonté du ministre. Je pense que cela crée une incertitude, un problème de fond en rapport à un traitement égal des actionnaires au Canada.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Normand. M. le ministre.

M. Fortier: Une remarque. La méthode qui a été proposée dans le rapport quinquennal n'est pas de laisser au ministre de tutelle le loisir d'envoyer la directive ou non. Ce serait plutôt une directive qui serait préparée par le ministère des Finances, qui serait adoptée par le Conseil des ministres; il y aurait une décision du Conseil des ministres de demander à chaque ministre, donc iI y aurait une obligation qui serait faite à chaque ministre d'envoyer cette directive à chacune de ses sociétés d'État. Donc, ce n'est pas tout à fait... Je voulais juste corriger ce que vous avez dit, parce que ce serait encore plus contraignant que ce que vous avez défini, soit que le ministre de tutelle déciderait ou ne déciderait pas lui-même s'il assujettit sa société d'État ou son mandataire de la couronne. C'est certainement plus astreignant que de la façon

que vous l'avez décrite.

Le Président (M. Chagnon): M. Normand.

M. Normand: Je suis heureux de l'entendre, M. le ministre. Ce ne sont pas toujours les messages qu'on a reçus. Par contre, si c'est astreignant au point que cela maintient un droit légal des petits actionnaires minoritaires au Québec, autant le mettre dans la loi; on n'aura pas à se référer à deux lois ou à des directives à l'extérieur pour savoir quels sont nos droits comme actionnaires.

M. Fortier: Bien, on en est au choix des moyens.

M. Normand: C'est cela.

M. Fortier: On s'entend sur les objectifs.

M. Normand: L'intérêt c'est que, si vous êtes d'accord pour protéger à 100 % les actionaires minoritaires du Québec, pour que s'ils achètent leurs actions d'Air Canada à la Bourse de Montréal ils aient les mêmes droits que s'ils les achètent à la Bourse de Toronto, je pense que )e vous fais confiance pour les moyens, mais ils devraient être les plus clairs possible pour le petit épargnant.

M. Fortier: Nous croyons que c'est le résultat qui compte, mais je pense que le moyen qu'on a proposé est de bon aloi.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire présenté par les intervenants. Maintenant, depuis le début de la commission, le ministre a mentionné qu'on ne peut traiter des causes qui sont devant les tribunaux, mais nous avons dit que, lors du débat sur la loi en 1982, notamment l'article 4, à ce moment, il avait été Indiqué qu'au point de vue de la divulgation les sociétés d'État seraient assujetties à la loi, mais que, pour le reste, le gouvernement voulait attendre que cela se fasse en même temps que l'Ontario. L'Ontario a bougé en décembre 1984, et nous avons dit, au fond, que le régime d'exception était la règle. Maintenant, le régime d'assujettissement devrait peut-être être la règle en comportant certaines exceptions qui peuvent jouer dans le cas d'organismes gouvernementaux qui ont besoin de quelques exceptions. Je pense que ce que nous avons dit jusqu'à maintenant va un peu dans le sens de l'assujettissement des sociétés d'État à la loi, puisque le régime est en train de s'établir pour que ça soit plus uniforme. On a vu tantôt, je pense que vous étiez ici quand on a rencontré les représentants de la Bourse de Montréal, qu'avec 'a Bourse de Montréal on disait juste- ment: Est-ce il est possible de prévoir que la règle générale, la règle donc, soit l'assujettissement des sociétés d'État, mais avec certaines exceptions qui pourraient être prévues pour ne pas empêcher le gouvernement de jouer son rôle?

Votre mémoire est clair et ce que vous dites est clair. Il n'y aura pas de question additionnelle.

Le Président (M. Chagnon): M. Normand.

M. Normand: Pour nous, l'intérêt principal de notre intervention est de faire prendre conscience à la commission que les petits épargnants au Québec peuvent être très fréquemment lésés par des actions qui ne sont pas nécessairement délibérées de la part des gouvernements, mais c'est que le plus menaçant pour le citoyen et le plus fort face au citoyen, c'est l'État. Il a toutes les capacités. Il a la capacité d'exproprier, de changer les lois, etc. Il faut que le citoyen puisse à un moment donné s'asseoir et dire: La loi, c'est quoi? et je la suis. Mais, si la loi est conditionnelle à des actions futures et qu'en même temps on arrive dans une période de récession et que la situation économique est difficile, ça va être très difficile de ne pas céder à la tentation, pour réduire des coûts financiers de transaction, de dire: Nous, la loi, on est au-dessus de ça. Et c'est encore ce qu'on continue à l'heure actuelle à prétendre. Cela a un effet malsain. Comme citoyen, je trouve un peu difficile d'accepter que le législateur, qui a la capacité de faire les lois, nous dire qu'il est au-dessus de ces lois.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Normand. J'inviterais maintenant le ministre et le député de Lévis à conclure. M. le ministre.

M. Fortier: Je voulais simplement remercier M. Normand de s'être donné la peine de venir en commission parlementaire. Comme vous l'avez dit, cela témoigne de la démocratie à l'Assemblée nationale, et je crois que ça permet à ceux qui auraient, disons, des frustrations de pouvoir s'exprimer publiquement.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: Je remercie également M. Normand et Me Blanchet d'être venus à la commission parlementaire. J'ajouterais un mot. À titre personnel, je pense que ça ne serait pas mauvais qu'il y ait un débat sur les offres publiques d'achat. Comment cela se passe-t-il de ce temps-ci? J'ai l'impression qu'on vit un peu comme au temps du Far West où le meilleur tireur arrivait au bar, mettait le "gun" sur la table et disait: À partir de maintenant, ça se passe comme ça.

Il y a des périodes, quand on regarde, où les actions sont sous-évaluées. Comment cela

doit-il se passer dans le fonctionnement des offres publiques d'achat? Je pense que ça ne serait pas mauvais qui y ait un débat sur cette question. Je ne présume pas des réponses mais, comme membre dune société, je regarde ça aller et je me dis: Est-ce que c'est comme ça que ça ' doit se passer?

Le Président (M. Chagnon): M. Normand.

M. Normand: À ce propos, M. Garon, le débat au chapitre des offres publiques d'achat, des "leverage buy out", etc., a déjà commencé un peu en Amérique du Nord, aux États-Unis en premier lieu. La façon dont se font les acquisitions... Je pense que cela va être difficile de s'isoler longtemps de ce débat. En ce qui concerne les sociétés d'État et l'État lui-même, quels sont les impacts des acquisitions et des changements de contrôle à l'intérieur d'une société? Je pense que c'est une question qui, effectivement, relève du gouvernement et des grandes orientations socio-économiques du gouvernement. Pour nous, ce qui est très important, c'est qu'à chaque fois qu'il y a des changements ou qu'il y a intervention du gouvernement il faut que tout le monde soit traité également. Le petit épargnant accepte mal que General Dynamics reçoive 88 $ par action et que lui reçoive zéro de son propre gouvernement. Il ne le prend pas. M. le ministre l'a souligné un peu avec astuce, on a un petit peu. je ne dirais pas de rancoeur, mais c'est l'expression de centaines de petits actionnaires qui régulièrement me harcèlent pour me dire: Faites quelque chose. J'ai pensé que cela pouvait vous sensibiliser à ce "Faites quelque chose" que de venir vous voir et d'investir des heures pour préparer ce modeste mémoire.

Le Président (M. Chagnon): Cela va. Je tiens à vous remercier, M. Normand et M. Blanchet. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures, au moment où nous entendrons la Commission des valeurs mobilières du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 26)

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Chagnon): À l'ordre, si vous plaît! J'inviterais maintenant les membres de la Commission des valeurs mobilières à prendre place à la table de la commission. M. le président, voulez-vous nous faire te plaisir de nous présenter les gens qui vous accompagnent? Je vous rappelle que nous avons 20 minutes d'audition de votre mémoire et que, par la suite, les membres de cette commission ont chacun, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, 20 minutes pour commenter et vous poser des questions sur votre mémoire. Alors, M. le président, je vous laisse à votre mémoire.

Commission des valeurs mobilières du Québec

M. Guy (Paul): M. le Président, à ma droite, M. Maurice Cusson, vice-président de la commission, et, à ma gauche, Me Antoni Dandonneau, chef du service de conseil juridique de la commission.

M. le Président. M. le ministre, messieurs les députés membres de la commission, pour la Commission des valeurs mobilières, les délibérations de votre commission, à la suite des comparutions qui ont eu lieu depuis hier, revêtent une Importance considérable. En fait, depuis la création de la commission en 1955, elle a eu l'occasion de comparaître souvent devant votre commission. Parfois, à l'occasion de projets de loi d'une grande importance, que l'on pense, par exemple, à la refonte de la loi en 1982 ou à l'Introduction de la réglementation uniforme des offres publiques en 1984. Cependant, c'est la première fois que la commission est appelée à débattre devant vous un texte qui comporte une remise en question des principes fondamentaux de la réglementation des valeurs mobilières. C'est aussi la première fois que la commission comparaît devant vous avec l'appréhension que ne soient prises des décisions qui auront un impact défavorable sur le marché des valeurs mobilières du Québec.

Il faut Insister, d'entrée de jeu, sur la gravité des questions sur lesquelles votre commission doit se prononcer. La plus fondamentale de ces questions concerne le pouvoir de directive que l'avant-projet de loi introduit en faveur du ministre. Cette mesure avait été préconisée par le rapport final de votre commision, publié en juin 1987, à ta suite de l'examen que vous avez fait de la Commission des valeurs mobilières. Elle a aussi été préconisée par le rapport quinquennal publié par le ministre en mal 1988. Cependant, dans la formulation qu'en donne l'avant-projet de loi, ce pouvoir de directive ne correspond guère aux recommandations de ces deux rapports. En effet, les deux rapports assortissaient ce pouvoir de directive de deux contraintes. D'abord, iI ne devait être exercé qu'à propos des questions relevant de la politique économique du gouvernement. Ensuite, iI ne devait pas remettre en cause l'indépendance de la commission dans l'exercice de ses pouvoirs quasi judiciaires. L'avant-projet de loi ne retient aucune de ces deux restrictions.

Nous ne pouvons que souscrire, sans réserve, au principe de la responsabilité du gouvernement en matière de politique économique. Encore faut-il s'entendre sur ce qui constitue la politique économique du gouvernement, car ce terme est employé très diversement selon les Interlocuteurs et selon les contextes. En effet, tantôt on parie de politique de haut de gamme, tantôt on donne comme exemple des décisions sur des questions particulières qui relèvent certes du domaine économique, mais

qu'on ne peut aucunement caractériser comme haut de gamme. Nous reconnaissons d'emblée que le gouvernement a la responsabilité de déterminer les grands principes régissant l'activité économique mais, en ce qui concerne les détails des règles régissant l'activité économique dans le domaine des valeurs mobilières, le système de réglementation qui est en place et qui devrait être sauvegardé en attribue la responsabilité à la commission. En ce qui concerne, donc, la responsabilité du gouvernement à l'égard des grandes orientations de la politique économique, nous croyons que le gouvernement peut très bien l'assumer sans le pouvoir de directive. D'ailleurs, en matière de valeurs mobilières, aucune des provinces canadiennes ne connaît un tel pouvoir de directive, ce qui n'empêche aucunement les gouvernements de mettre en oeuvre leur politique économique. En effet, au Québec comme dans les autres provinces, le gouvernement dispose de pouvoirs réglementaires et, également, de pouvoirs d'Initiative en matière législative. Au cours des discussions sur le pouvoir de directive, on n'a d'ailleurs jamais établi pourquoi le gouvernement ne pourrait pas définir sa politique économique par le jeu du pouvoir réglementaire ou du pouvoir d'initiative en matière législative.

L'institution du pouvoir de directive, même si on devait l'assortir de certaines limitations, ne paraît pas opportune à la commission parce qu'elle irait à rencontre d'une caractéristique fondamentale de la réglementation des valeurs mobilières au Canada et aux États-Unis, l'Indépendance par rapport au pouvoir politique. Il s'agit d'un mode original de réglementation sous la direction d'un organisme administratif autonome comportant une large participation des intéressés eux-mêmes, par le biais de l'auto-réglementation. Or, ce mode de réglementation a fait ses preuves à tel point qu'il est devenu une condition de la confiance des investisseurs dans la réglementation Imposée au marché financier.

En introduisant le pouvoir de directive, on prend une décision capitale. On met de côté le processus de réglementation par un organisme autonome et on accepte le principe d'intervention à la pièce du pouvoir politique dans la réglementation du marché. Ces interventions du pouvoir politique ne pourront qu'engendrer la méfiance des investisseurs à l'égard du marché québécois, parce qu'elles mettront en doute l'impartialité de la commission. En outre, cette réforme viendrait compromettre gravement la capacité de la commission de collaborer avec ses homologues des autres provinces en vue de définir des normes uniformes par la voie de directives générales canadiennes.

À cause de l'importance du marché québécois, la commission joue un rôle très actif dans ce travail de concertation et contribue ainsi à maintenir l'uniformité nécessaire dans la réglementation des valeurs mobilières au Canada. Dès le moment où la commission sera soumise au pouvoir de directive, elle ne sera plus en mesure de participer efficacement à ce travail d'uniformisation et cela fournira un argument de poids à ceux qui préconisent la création d'une commission fédérale.

L'avant-projet de loi, conformément à la recommandation du rapport quinquennal, prévoit la création d'un poste de directeur général. D'après les explications données dans le rapport quinquennal, le poste devrait assurer une meilleure gestion de la commission et une démarcation plus nette entre le rôle du tribunal administratif et celui d'organisme de réglementation.

En ce qui concerne la gestion de la commission, nous ne voyons pas l'utilité d'introduire un poste de directeur général, puisque les fonctions de gestion sont déjà exercées à l'heure actuelle par le directeur de l'administration. Par ailleurs, si on pense plutôt au pouvoir d'application de la loi, la délégation de pouvoirs aux divers directeurs et chefs de service assure déjà que la commission est dégagée, autant que possible, de l'application quotidienne de la loi. Pour donner des pouvoirs au directeur général, il faudrait nécessairement les retirer aux directeurs et chefs de service. Or, la structure actuelle mise en place en 1983 se fonde sur une délégation de pouvoir à ceux qui les exercent effectivement, et les administrés qui traitent régulièrement avec la commission s'en trouvent très satisfaits. Ils traitent avec celui qui exerce le pouvoir et, en cas de désaccord, ils ont directement accès à la commission. Avec la création du poste de directeur général, on interposerait un palier supplémentaire entre les directions et la commission, ce qui entraînerait assurément une prolongation des délais nécessaires pour obtenir la solution définitive à une difficulté. De plus, en faisant remonter les dossiers des diverses directions au palier du directeur général, on risquerait de créer un goulot d'étranglement qui, à son tour, provoquerait des délais. Enfin, l'avant-projet de loi concentre dans cette personne des pouvoirs nombreux qui sont exercés, à l'heure actuelle, par les divers directeurs ou, de façon collégiale, par la commission. Cette concentration nous paraîtrait excessive.

Quant à la volonté d'établir une démarcation plus nette entre le rôle de tribunal administratif et celui d'organisme de réglementation, nous ne voyons pas en quoi la création du poste de directeur général permettrait d'atteindre ce résultat et nous pensons même que cette préoccupation méconnaît dans une certaine mesure la nature originale d'une commission des valeurs mobilières. En effet, dans le contexte nord-américain, les commissions de valeurs mobilières ont toujours été organisées de manière originale pour bénéficier de la synergie de fonctions généralement séparées les unes des autres. Compte tenu de l'expérience antérieure, ce poste ayant existé à la commission pendant une dizaine d'années - j'ai moi-même occupé ce

poste de directeur générai pendant cinq ans et M. Cusson, qui est ici à ma droite, l'a occupé pendant trois ans - nous sommes convaincus que l'Introduction du poste de directeur général n'améliorerait en rien le fonctionnement de la commission. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce poste fut éliminé lors de la refonte de la loi en 1982. De surcroît, le poste tel qui est défini dans l'avant-projet de loi comporte des caractéristiques qui sont sources de graves inquiétudes. Il convient de souligner que ces deux caractéristiques ne se retrouvent pas dans la loi ontarienne qui est citée pour justifier l'introduction de ce poste.

En premier lieu, l'avant-projet ne prévoit aucun lien de subordination entre le directeur général et le président de la commission. Une telle direction bicéphale ne peut que conduire à des conflits qui compromettront la bonne application de la loi. En second lieu, plutôt que d'être nommé selon la Loi sur la fonction publique, le directeur générai sera nommé par le gouvernement et n'aura d'autre garantie de maintien dans ses fonctions que celle qu'il pourra négocier dans son contrat. Compte tenu de l'importance des fonctions qui lui sont dévolues, il est beaucoup trop exposé aux pressions qui pourraient être exercées sur lui. Ces deux caractéristiques du poste, tel qu'il est défini dans l'avant-projet de loi, font du directeur général une personne qui, plutôt que de relever de la commission, dépend du gouvernement. C'est là une autre forme d'intervention du pouvoir politique dans la réglementation des valeurs mobilières qui risque d'avoir des conséquences très fâcheuses, dans la mesure où elle donne la possibilité au gouvernement d'intervenir dans l'application quotidienne de la loi. À cela s'ajoute le fait que l'avant-projet de loi prévoit un transfert automatique au directeur général de tous les pouvoirs que la commission a délégués à des membres de son personnel et l'impossibilité pour la commission de déléguer des pouvoirs à des membres précis de son personnel.

Maintenant, au sujet du pouvoir de reconnaissance des organismes d'auto-réglementation. L'énoncé de politique intitulé 'Décloisonnement des intermédiaires" annonce que le pouvoir de reconnaître les organismes d'autoréglementation actuellement conféré à la commission serait transféré au ministre. En outre, la délégation de pouvoirs à des organismes d'auto-réglementation devrait être approuvée par le ministre. Cette réforme n'a aucunement été discutée, à notre connaissance, lors des audiences de la commission parlementaire à ce sujet et le régime en place, à l'heure actuelle, n'a pas non plus fait l'objet de critique à cette occasion. De façon générale, en Amérique du Nord, la reconnaissance des organismes d'auto-réglementation - parce qu'elle représente un élément essentiel de la réglementation des valeurs mobilières - est un pouvoir conféré à des commissions de valeurs qui sont autonomes par rapport au pouvoir politique. La décision de reconnaissance, tout comme la décision de déléguer certains pouvoirs à des organismes d'autoréglementation, n'a rien à voir avec la politique économique du gouvernement. Il s'agit de décisions d'opportunité Intimement reliées au régime de réglementation des valeurs mobilières et qui font donc appel à l'expertise possédée par les commissions. La réforme proposée aura donc pour effet d'instaurer un contrôle politique dans un aspect technique de la réglementation des valeurs mobilières qui devrait échapper entièrement à l'influence du pouvoir politique.

Maintenant, brièvement, au sujet des autres questions. La commission a déjà manifesté son accord sur la possibilité de permettre aux organismes d'autoréglementation de sous-déléguer les pouvoirs qui leur sont délégués par la commission. Nous avons cependant fait dans notre mémoire quelques observations techniques sur la rédaction des articles traitant de ce point. En ce qui concerne les dispenses relatives aux organismes de placement collectif créés par les institutions financières, je me contenterai - vu il s'agit d'une question hautement technique - de rappeler le principe de base qui doit être suivi, selon nous. Ce principe est que tous les participants au marché doivent, dans la mesure du possible, être traités de la même façon. À l'ère du décloisonnement, nous estimons que, de façon générale, les institutions Financières ne devraient pas bénéficier de dispense parce qu'elles exercent des activités normalement assujetties à la réglementation des valeurs mobilières. Nous pensons aussi que ce principe doit s'appliquer à la question de l'assujettissement de la couronne et de ses mandataires à la Loi sur les valeurs mobilières. Les règles normales du marché doivent s'appliquer à tous, même à la couronne et à ses mandataires, en ce qui concerne l'appel public à l'épargne, les obligations d'information et les offres publiques. (15 h 30)

Après avoir passé en revue les principales questions soulevées par l'avant-projet de loi et par le rapport quinquennal, je voudrais simplement, en guise de conclusion, vous rappeler la gravité des enjeux. Qu'il s'agisse du pouvoir de directive, du directeur général ou du pouvoir de reconnaissance des organismes d'autoréglementation, les modifications proposées ne constituent pas, comme pourrait le penser un observateur étranger à la réglementation des valeurs mobilières, des mesures d'ordre technique visant à régler des problèmes très localisés. Au contraire, ce sont des mesures qui remettent en question un trait fondamental de la réglementation des valeurs mobilières, telle que nous la connaissons depuis plusieurs décennies au Québec et dans les autres provinces canadiennes. En effet, ces mesures constituent autant de façons de faire intervenir le pouvoir politique dans la réglementation des marchés de valeurs mobilières alors que, selon le système généralement appliqué en

Amérique du Nord, cette tâche de la réglementation des marchés est confiée à un organisme autonome, précisément pour éviter que les marchés ne soient soumis aux Interventions à la pièce du pouvoir politique.

Sans doute il ne faut pas avoir peur d'innover. Cependant, la volonté d'innover ne doit pas se transformer en une témérité qui ferait mettre de côté les leçons acquises au cours d'une longue expérience accumulée non seulement au Québec mais aussi dans les autres provinces canadiennes et aux États-Unis. Or, la réglementation des marchés de valeurs mobilières par un organisme autonome constitue le régime généralement appliqué en Amérique du Nord et nulle part remis en cause. Nous pensons qu'on n'a jamais présenté de motifs justifiant que l'on abandonne ce mode de réglementation. Pour soutenir la confiance des investisseurs dans le marché québécois des valeurs mobilières, il est essentiel que la réglementation soit structurée de manière que les investisseurs aient la conviction que l'application de la réglementation est complètement indépendante du processus politique. Je vous remercie.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le président. J'inviterais maintenant M. le ministre et, subséquemment, M. le représentant de l'Opposition à commenter et à vous questionner, chacun pour une période de dix minutes. J'inviterais M. le ministre.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'avoir l'occasion de discuter d'un sujet aussi important avec la Commission des valeurs mobilières du Québec. Il est vrai que la commission du budget et de l'administration avait discuté de sujets tout à fait semblables, pour ne pas dire identiques, il y a deux ans, et que la commission avait eu le loisir à ce moment de faire valoir également son point de vue.

Je vais peut-être commencer par la fin, sur les mandataires de la couronne. D'ailleurs, c'est un sujet que j'avais discuté il y a près de deux ans, je crois, avec la commission. Le président sait que, en ce qui me concerne, j'ai toujours recherché une solution qui ferait que les mandataires jouent les mêmes règles du jeu que celles du secteur privé. La difficulté, bien sûr, est de trouver une solution qui, comme je l'indiquais ce matin, respecte ce désir et, en même temps, la nature même des mandataires. Mais étant donné que tout le monde parlait des mandataires de la couronne, M. le président de la Commission des valeurs mobilières, vous avez insisté pour dire que ce n'était pas seulement les mandataires de la couronne que vous voudriez assujettir, mais la couronne elle-même. J'aimerais qu'on évoque ça publiquement parce il faut bien comprendre que la couronne, c'est le gouvernement, ce sont les ministres qui la composent. La difficulté, bien sûr, pour plusieurs membres du gouvernement ou pour le Conseil des ministres, quel qu'il soit, c'est d'être dans une situation, alors qu'il s'agit d'élus du peuple, élus sur une plate-forme électorale, en faveur d'une politique économique donnée, le cas échéant, d'être peut-être amenés à être enquêtes et forcés de comparaître devant un organisme qui est créé par le gouvernement. J'aimerais que vous m'expliquiez ça. Je dois vous avouer que, pour des élus du peuple qui se croient imbus d'une mission économique et qui posent des gestes à certains moments... Je n'ai qu'à penser personnellement à la mission dont j'avais la responsabilité en ce qui concerne la privatisation de certaines sociétés d'État. Dans certains cas, cela impliquait des lois touchant les valeurs mobilières, et heureusement qu'on l'a fait de telle façon que je crois que tout s'est très bien passé.

Mais prenons l'hypothèse qu'il y aurait eu une appréhension de certains pépins. J'aimerais que vous nous expliquiez cet aspect de la question. J'imagine que ça aurait pu vouloir dire que la Commission des valeurs mobilières, donc un organisme créé par le gouvernement, aura enquêté sur le gouvernement lui-même. Il aurait pu exiger certaines choses. Vous pourriez peut-être nous expliquer pour quelle raison vous croyez qu'un organisme créé par le gouvernement pourra enquêter sur la couronne, c'est-à-dire sur le Conseil des ministres ou sur certains ministres, sur le ministre des Finances qui se croit imbu, je crois avec raison, d'une mission tout à fait particulière et qui est finalement le conseiller financier en placement du gouvernement et qui a un rôle extrêmement important à jouer. Je crois que là il y a deux principes en jeu et je crois que ça vaut la peine qu'ils soient mis sur la place publique.

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, la commission préconise, en quelque sorte, le régime ontarien. Comme vous l'avez dit tout à l'heure, lorsqu'on en avait discuté il y a quelques années, ce que la commission préconisait, c'était le régime ontarien avec les exceptions qui existent dans le régime ontarien concernant la couronne et ses mandataires. La commission ne préconise certainement pas que les mandataires ou la couronne soient assujettis à toute la loi. Comme on l'a dit, trois éléments nous apparaissent importants: l'appel public à l'épargne, les offres publiques et les obligations d'information mais en tenant compte des exceptions qui sont prévues dans la loi ontarienne, c'est-à-dire qu'on ne peut convoquer le gouvernement ou son mandataire par subpeona ou des choses comme ça. Il n'y a pas de sanction civile. Il n'y a pas de sanction pénale. Enfin, je n'ai pas la liste des exceptions mais, en fin de compte, avec les exceptions qui sont prévues dans la loi ontarienne.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.

M. Fortier: À ce moment-là, que) est le désir, quelle est la raison de l'assujettissement de la couronne elle-même? J'aurais cru que ce que vous vouliez dire, c'était l'assujettissement des mandataires de la couronne comme tels. Est-ce qu'il s'agit d'un point de droit important d'assujettir la couronne elle-même ou si s'agit d'assujettir les mandataires de la couronne comme tels?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: La question se pose dans la mesure où on veut, si on parle d'offres publiques d'achat notamment, la notion de groupe, d'allié... Si un ministre détient des titres et un organisme du gouvernement en détient, la question se pose. SI la couronne n'est pas assujettie, iI serait possible de passer outre à la réglementation par le fait que le gouvernement lui-même n'est pas assujetti. Il est important qu'il soit assujetti, même avec les exceptions qui existent dans la loi ontarienne, pour donner des droits à des tiers. C'est ça qui est important, en fait. C'est que les tiers puissent s'adresser à quelqu'un pour réparation, s'iI y a lieu, si les régies ne sont pas suivies. Dans la mesure où les régies sont suivies, bien entendu, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre.

M. Fortier: Vous avez suivi les débats et vous savez que j'ai Indiqué qu'on tentera d'examiner cette possibilité. Ce que vous venez de me dire ne me rassure quand même pas parce que les discussions que nous avons avec certains des mandataires à ce sujet, et c'est normal que nous en ayons pour voir quel serait l'impact d'un tel assujettissement, nous amènent justement, par ce que vous venez de dire, par te fait des alliés définis à l'article 111... Il faudrait quasiment que le gouvernement Institue un mécanisme pour connaître ce que chacun des mandataires fait à tout moment. Il serait difficile de faire l'hypothèse en particulier que le président de la Caisse de dépôt est en mesure de savoir à tout moment ce qu'un autre mandataire peut faire. Des gens dans le secteur privé qui ne connaissent pas la façon dont le gouvernement travaille pourraient peut-être croire qu'au ministère des Finances on suit à chaque moment les interventions de chacun des mandataires, mais ceux qui ont l'expérience gouvernementale savent pertinemment qu'iI peut arriver à l'occasion - et je sais qu'on va donner tout de suite un exemple, on va dire que ça s'est produit une fois dans le cas de la Caisse de dépôt et la Société générale de financement. D'une façon normale, tes mandataires de la couronne agissent plutôt d'une façon Indépendante des uns les autres. Je sais pertinemment qu'iI ne servira à rien d'aller au Conseil des ministres avec un assujettissement impliquant la définition des alliés parce que je vais être reçu très brutalement et on va me dire que, par ce biais, on ne permettra pas à la Caisse de dépôt de jouer son rôle alors que le secteur privé lui-même nous demande présentement, eu égard aux offres publiques d'achat qui sont faites, d'utiliser la Caisse de dépôt pour contrecarrer à l'occasion ou pour se prémunir ou pour aider le secteur privé à garder le contrôle de certaines entreprises privées du Québec. Donc, si nous allons dans cette direction - personnellement je suis prêt à l'examiner - I va falloir trouver des règles du jeu qui vous agréent dans une certaine mesure mais qui vont permettre au gouvernement, à la Caisse de dépôt et à d'autres mandataires en particulier de jouer le rôle qui leur revient. Est-ce que vous avez un commentaire à ce sujet?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: C'est qu'ii y a un problème du fait que les alliés, c'est un élément important des dispositions sur les offres publiques. La notion d'alliés et la notion d'agir de concert, je pense qu'au moment où on élimine ça, on élimine peut-être l'aspect le plus important des dispositions sur les offres publiques. Il serait difficile d'éliminer ça. Maintenant, est-ce qu'iI y a des modalités, des accommodements à faire? Je suis complètement d'accord avec vous que ça peut poser des problèmes et iI faudrait y regarder de plus près. Mais l'expérience de la commission dans les dossiers où les mandataires de la couronne étaient impliqués... Certains de ces dossiers ne sont pas des dossiers publics, je ne veux pas les rendre publics ici. Bien souvent les mandataires de la couronne, lorsqu'il y en avait un, deux ou trois, étaient de concert et étaient des alliés dans les transactions. Si on élimine la notion d'alliés, je pense qu'on élimine la partie fondamentale de l'application des dispositions sur les offres publiques. Notamment, si SOQUIP et la Caisse de dépôt sont alliés dans quelque chose et qu'on n'a pas la notion d'alliés, je pense qui est très facile de passer à côté des dispositions. Je ne dis pas que ça ne pose pas de problème mais je pense qu'I faudrait regarder la façon dont on peut essayer de régler ces problèmes.

M. Fortier: Je pense qu'on s'entend. Je pense bien qu'iI y a des cas. Prenez celui de Setter Resources où la Caisse de dépôt était avec SOQUIP, mais c'était public. J'évoquais que c'était une possibilité qu'un mandataire agisse de bonne foi sans connaître exactement ce qu'un autre mandataire faisait. Alors, si on reconnaît - et c'est ce que j'Indiquais hier et ce matin - qu'ii y a un problème d'application d'une notion de l'assujettissement, on est bien prêts à l'examiner mais ça va demander un examen tout à fait particulier et très complexe. Quant à moi, avec votre collaboration, on pourra peut-être en faire l'examen plus approfondi.

En ce qui concerne le pouvoir de directive,

ce qui me frappe c'est que tout le monde dit: Au gouvernement, nous reconnaissons votre pouvoir dans le domaine économique. Mais il est vrai que la définition de pouvoir économique... Les craintes exprimées sont le fait de dire: Écoutez, le gouvernement, si le pouvoir de directive est mal défini... Et plusieurs Intervenants, hier, je pense à l'Association des conseillers financiers du Québec et autres, disaient: Si jamais vous allez dans cette direction, assurez-vous que ce soit bien défini. Je crois que le message a été entendu. J'ai dit que, si on allait dans cette direction, il faudrait sûrement que le pouvoir de directive soit très bien défini parce que notre intention n'est pas d'aller dans les autres détails. On semble dire que l'organisation du marché...

Je faisais allusion, dans mes remarques, à l'instruction générale canadienne, à la permission qui serait donnée aux banques ou aux caisses populaires d'utiliser le personnel. Je l'ai devant moi, l'instruction canadienne permettait deux options: l'option A et l'option B. Ce qui était en accord avec la politique du gouvernement, c'était l'option B mais vous avez choisi l'option A, en se liant au Manitoba, à l'Ontario et à la Saskatchewan, alors que l'option B était l'Alber-ta, la Colombie britannique, le Nouveau-Bruns-wick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Je donne ça comme exemple. Ne croyez-vous pas que dans un cas où... Parce qu'on parle d'harmonisation; mais ici il s'agit d'une harmonisation où il y avait deux options - vous aviez le choix entre l'option A et l'option B - donc, c'était un cas où il n'y avait pas une harmonisation parfaite entre toutes les commissions des valeurs mobilières du Canada. Il y avait deux options. Un cas comme celui-là - je donne ça à titre d'exemple - implique la structure du décloisonnement et la façon dont le décloisonnement va se faire et cela implique pour nous un embarras potentiel vis-à-vis du mouvement Desjardins qui vend de l'assurance dans ses caisses populaires. C'est ce genre de directives... Dans un cas comme ça, il me semble que le gouvernement devrait avoir le choix de dire: Ce que nous favorisons, c'est tel choix parce que dans un autre domaine... Et je ne vous en fais pas un reproche. Il est normal qu'à la Commission des valeurs mobilières vous ne regardiez que les valeurs mobilières. Le gouvernement, lui, doit penser au décloisonnement non seulement dans le domaine des valeurs mobilières, mais aussi dans les secteurs de l'assurance, de l'assurance-vie et de la planification financière. (15 h 45)

Nous avons donc une vision un peu plus grande et, à cause de cette vision, on peut avoir des choix qui pourraient avoir un impact sur ce que vous faites. Ne croyez-vous pas que, dans un cas comme ça, où il s'agit de la structure du décloisonnement, il serait normal que le gouvernement puisse avoir un mot à dire pour influencer le choix que vous avez fait dans ce cas-ci et dans d'autres situations comme celle-là qui pourraient survenir à l'avenir?

Le Président (M. Chagnon): M. le président.

M. Guy: M. le Président, je crois que, dans toute la situation dont vous parlez, la commission a quand même pris toutes les précautions. C'est un projet qui avait été publié au début du mois d'août et qui a été adopté comme avis - il ne s'agissait pas tout à fait d'une instruction générale - au mois de novembre. Il y a quand même eu une période assez longue pour recueillir les observations et déjà, avant ça, il y avait eu un avant-projet de loi dont certaines personnes intéressées avaient discuté, une sorte de préconsultation, la commission ayant insisté pour que le directeur fasse une consultation préliminaire sur un avant-projet de loi. Alors, il y a eu une période de temps assez longue pour recueillir les observations.

Comme vous l'avez dit, l'harmonisation, selon nous, c'est l'harmonisation en matière de valeurs mobilières. Est-il nécessaire pour le décloisonnement de l'assurance - que ce qu'une société ou un agent d'assurances peut faire doive être exactement la même chose que ce qui pourrait être fait en valeurs mobilières? Je ne le sais pas; cela peut être différent. En fait, il n'est pas dit qu'on doit harmoniser au même niveau dans tous les secteurs, c'est-à-dire qu'il n'est pas dit que l'harmonisation de l'assurance doit être la même que celle des fiducies ou des banques; je ne dis pas que ce doit être différent, mais je dis qu'il est possible que ce soit différent, qu'on permette certaines activités en valeurs mobilières alors qu'on ne les permet pas en assurance ou en fiducie. Ce n'est pas incompatible que les activités en valeurs mobilières soient différentes des autres.

M. Fortier: Mais, là, on ne parle pas... Je voudrais seulement conclure là-dessus, M. le Président, pour faire un commentaire.

Le Président (M. Chagnon): Brièvement, M. le ministre.

M. Fortier: On ne parle pas d'activités dans le secteur de l'assurance, on parlait d'activités à l'intérieur d'une succursale bancaire. Au cas où vous ne le sauriez pas, aussitôt que vous avez publié votre directive, j'ai eu des appels téléphoniques du mouvement Desjardins disant. Si la Commission des valeurs mobilières du Québec permet ça, vous allez nous permettre de vendre directement de l'assurance. Alors, cela a un impact direct, que vous le vouliez ou non. Je ne vous en fais pas un reproche.

M. Guy: Non, non.

M. Fortier: Vous pensez en termes de valeurs mobilières, mais, nous, nous sommes un peu plus haut pour examiner d'autres considéra-

tions. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord savoir combien il y a de membres à la Commission des valeurs mobilières du Québec.

M. Guy: II y a sept membres actuellement, dont quatre à temps plein et trois à temps partiel, soit des membres qui assistent aux réunions de la commission quand ils sont convoqués. Les quatre membres à temps plein exercent uniquement les fonctions de membre de la commission.

M. Garon: Quand vous faites un mémoire comme celui-là devant la commission parlementaire, est-ce qu'il s'agit d'un mémoire de la commission? Qui se prononce là-dessus à la commission?

M. Guy: Dans le cas du présent mémoire, on en a discuté à une réunion plénière de la commission où tous les membres étaient présents et pour lequel tous ont donné leur accord.

M. Garon: Donc, c'est un mémoire unanime des membres de la commission. Est-ce que vous voudriez me dire qui en sont les membres et les dates de leur nomination?

M. Guy: Bien, il y en a deux ici, moi...

M. Garon: Je pense que c'est important de...

M. Guy:... et M. Cusson. Vous voulez leurs noms?

M. Garon: Leurs noms et l'année de leur nomination.

M. Guy: Cela devient compliqué. Il y a M. Roland Côté, nommé en 1968... Là, je vais puiser dans les Informations de M. Cusson, parce que... M. Cusson a été nommé en 1975, moi en 1961, M. Beaulieu, qui est membre à temps partiel, en 1986 ou 1987, je n'en suis pas sûr - je m'excuse, mais je n'ai pas les dates - Marcellin Tremblay et Michel Le Rouzèz et Me Paul Fortungno, je pense que c'est en 1988. Je pense que ces trois derniers ont été nommés en 1988 mais je dis ça sous toute réserve, je n'ai pas ici les dates de nomination.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Donc, c'est un rapport unanime, quelles que soient les dates de nomination des commissaires. Je poursuis un peu... On a dit ici en commission, par exemple, qu'en Ontario les membres de la commission de l'Ontario ont eu à prendre une décision et sont allés contre la demande du gouvernement, et que le président de l'Assemblée nationale, je ne sais pas si on l'appelle l'Assemblée nationale en Ontario...

Une voix: L'Assemblée législative. M. Garon:... l'Assemblée législative...

M. Fortier: Ce n'est pas national, en Ontario. C'est à Ottawa.

M. Garon:... s'est prononcé en faveur de la commission, comme quoi la commission pouvait ne pas obtempérer à un ordre du gouvernement et rendre sa décision. Pourriez-vous nous expliquer un peu plus dans quel contexte cette décision a été prise?

M. Guy: M. le Président, je dois dire que je ne connais pas trop le dossier. Je connais l'affaire Argosy, mais l'événement dont a parlé M. Knowles hier, je ne le connais pas trop, je peux seulement répéter ce qu'il a dit. Il a eu une demande du gouvernement pour produire un dossier et il a refusé de le produire. Mais je ne sais pas trop... Je présume que c'est un rapport d'enquête qu'il a refusé de produire. Je ne suis pas assez au courant pour donner plus de renseignements.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Ce matin, vous étiez là quand les Marronniers de Laval sont passés. J'avais dit que je vous poserais une question volontairement pour vous alerter au moment où les représentations étaient faites par rapport à un prospectus. Vous avez assisté au débat; je ne voudrais pas répéter les circonstances du débat. Par rapport à un prospectus, quel est le rôle de la commission et quelle garantie donne-t-elle par rapport au prospectus?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, d'abord la commission n'approuve pas un prospectus, elle appose un visa sur un prospectus. Le visa de la commission ne fait que dire que tous les renseignements qui sont exigés... C'est-à-dire que le prospectus contient tous les renseignements qui permettent à l'épargnant de prendre une décision. En fait, il y a une mention dans tous les prospectus, dans la page titre, en caractères rouges, qui dit que les commissions ne se prononcent pas sur la qualité du placement. Les commissions ne se prononcent jamais. Il est absolument impossible à une commission, et ça ne se fait nulle part, de vérifier l'exactitude des renseignements qui sont dans le prospectus. Il faudrait mettre un temps beaucoup plus grand et avoir des ressources très considérables pour être capables de faire une

vérification. Il ne faut pas oublier que des conseillers juridiques aident l'émetteur à préparer le prospectus; il y a également un vérificateur qui vérifie les états financiers et le courtier. Alors, on se fie que ces personnes ont fait leur travail de façon professionnelle, et l'émetteur doit certifier qu'il n'y a aucune information fausse ou trompeuse dans le prospectus.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de

Lévis.

M. Garon: En cela, êtes-vous différents ou non de ce qui se fait aux États-Unis et en Ontario?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, toutes les commissions font essentiellement la même chose en ce qui concerne les prospectus, c'est-à-dire s'assurer que toute l'information nécessaire à la prise de décision de l'épargnant y est. Aucune commission ne fait une vérification des faits qui sont dans le prospectus.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de

Lévis.

M. Garon:.. de la véracité. Les faits doivent être mentionnés, mais la véracité des faits n'est pas vérifiée par la commission.

M. Guy: Elle ne peut pas être vérifiée.

M. Garon: Concernant les renseignements dont vous disposez, on a parfois dit que, vis-à-vis de la commission, on voulait avoir les renseignements qu'avait la commission, et qu'elle refusait de les donner. Comment cela fonctionnet-il à ce point de vue? Supposons que quelqu'un se méfie ou pense qu'il y a des renseignements à la commission, que la commission soit ou non en train de faire une enquête...

M. Guy: M. le Président, dans le cas des Marronniers de Laval, on a fait certaines vérifications après leur témoignage. C'est vrai qu'ils se sont adressés à la commission, et on leur a référé une personne qui était responsable du dossier et qui s'est occupée de leur plainte. Quand on parle de rapport d'enquête, historiquement la commission ne donne pas les rapports d'enquête à la personne qui les demande. Il s'agit de rapports confidentiels protégés également par la loi sur l'accès à l'information et on n'a pas à donner ces rapports. En théorie, on pourrait le faire mais c'est une question très délicate. Il est très difficile de décider si on donne un rapport d'enquête à une partie par rapport à l'autre partie, parce qu'il y a toujours deux parties dans un dossier comme ça. Ce n'est pas une question de ne pas essayer d'aider les épargnants, mais je pense que c'est une question difficile et, histori- quement, la commission n'a pas remis ces rapports d'enquête à moins d'être obligée de les remettre dans une affaire devant les tribunaux, où le tribunal nous obligerait à déposer le rapport d'enquête.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: J'ai remarqué que vous et les gens qui vous accompagnent étiez ici depuis hier matin, M. le président. Diriez-vous, dans l'ensemble des intervenants représentatifs - je pense qu'il peut y avoir des cas où les gens ont un problème particulier, mais dans les organismes de représentation - qu'un genre d'unanimité se dégage sur les différents points mentionnés concernant le pouvoir de directive, le directeur général et les mandataires du gouvernement? Mais je vais revenir sur une sous-question sur les mandataires du gouvernement.

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, je crois que ce n'est pas à moi de tirer les conclusions. Je vais laisser à la commission tirer les conclusions sur les interventions qui ont eu lieu hier et aujourd'hui.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vais poser la question autrement. Entre les représentations, par exemple, qu'a faites la Bourse ce matin et les représentations que vous faites aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire en gros qu'il y a un consensus entre ce que dit la Bourse et ce que dit la commission?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, est-ce que c'est sur l'ensemble du mémoire de la Bourse?

M. Garon: Non, j'ai mentionné les trois points.

M. Guy: Les mandataires du gouvernement.

M. Garon: Les mandataires, les pouvoirs de directive et le directeur général.

M. Guy: M. le Président, sur les mandataires du gouvernement, il y a quand même un consensus entre la Bourse et nous sur le besoin d'assujettir les mandataires vu les problèmes et les exceptions qu'on a discutés. Sur les autres points, il serait difficile pour moi de faire la comparaison entre la position de la commission et la position que nous avons eue. Je pense il y a un certain degré de convergence entre les deux positions.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Concernant les mandataires, iI y en a qui ont dit que ça devrait être l'assujettissement total à la Loi sur les valeurs moblières. La Bourse, ce matin, disait, je vais résumer, je ne pense pas trahir sa pensée en disant qu'au lieu d'avoir l'exception comme règle on aurait l'assujettissement mais avec certaines exceptions pour tenir compte des besoins du gouvernement. Au fond, ce n'est pas pour empêcher le gouvernement de jouer son rôle mais c'est pour que les gens soient égaux vis-à-vis la loi. Partagez-vous le même point de vue? C'est-à-dire de quelle tendance seriez-vous comme Commission des valeurs mobilières? Est-ce que ça devrait être l'assujettissement total ou ta règle d'assujettissement avec un certain nombre d'exceptions pour tenir compte de conditions particulières dans lesquelles doivent agir le gouvernement ou des organismes du gouvernement?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy. on va connaître vos tendances.

M. Guy: M. le Président, comme je l'ai dit tout à l'heure, je le répète, la commission préconise l'assujettissement avec certaines exceptions. L'assujettissement devrait être la règle, mais il y a lieu d'avoir des exceptions, notamment les exceptions qui sont prévues dans la loi ontarienne. Certainement, ce sont des exceptions qui satisfont la commission.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: La lof demande qu'il y ait une révision quinquennale. Après cinq ans d'application, on dit qu'on fait le point. On le fait sur la loi des banques après un certain nombre d'années. À Ottawa, je ne sais pas si ce sont cinq ou dix ans maintenant. Dans cette révision, il y a eu le rapport du ministre, le rapport quinquennal, mais il y a eu aussi un avant-projet de loi qui a dirigé un peu les regards sur lui. Personnellement, je ne suis pas convaincu que c'était une bonne idée d'avoir un avant-projet de loi mais je ne vous demande pas de vous prononcer là-dessus. (16 heures)

Ce que je vous demande, c'est ceci: Dans le cadre de la révision de la loi au bout de cinq ans, quels points majeurs, pour quelqu'un qui vit avec la loi depuis cinq ans, devraient être modifiés pour qu'elle soit une loi non pas pour gérer le passé mais pour maîtriser l'avenir? Deuxièmement, il y a un point que j'ai soulevé ce matin concernant un débat sur les offres publiques d'achat. Je regarde ce qui se passe actuellement au sujet des offres publiques d'achat et je ne suis pas convaincu - je vous ai donné un exemple tantôt - qu'on ne serait pas dans un drôle de monde où la valeur de l'action ne représente même pas la valeur comptable: quelqu'un doit toujours avoir le dos au mur. Est-ce qu'on sert l'Intérêt de la société en laissant faire des offres publiques d'achat comme cela ou s'il ne devrait pas y avoir un débat sur l'encadrement des offres publiques d'achat pour servir l'intérêt public?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, premièrement, sur la question des modifications, je pense qu'à part les modifications qui sont recommandées dans l'avant-projet ou celles que la commission a recommandées nous ne voyons pas à l'heure actuelle d'autres modifications qu'il serait nécessaire d'apporter à la loi. Cette loi, en fait, a déjà été modifiée, depuis 1982 - qui était une réforme totale de la loi - à deux reprises pour apporter des modifications quand même assez importantes.

Sur la question des offres publiques, II ne faut pas oublier que c'est un régime d'encadrement qui est en place depuis la fin de l'année 1984. Cela ne fait pas longtemps. C'est un régime qui est uniforme dans tout le Canada depuis cette date, même si, dans certaines provinces, Us ont mis quelques mois et. dans certains cas, quelques années de plus à se joindre au régime d'uniformité, et c'est un régime qui peut avoir un certain nombre de problèmes. Les commissions de valeurs mobilières, à leur réunion l'automne dernier, ont mis justement sur pied un sous-comité pour examiner un certain nombre de problèmes qui existent dans le régime de réglementation des offres publiques actuellement. Il n'y a pas beaucoup de problèmes parce que, comme je le dis, c'est un régime qui a quand même été préparé pendant quelques années, qui a donné lieu à de nombreuses discussions et qui vient d'être mis en place. Mais iI y a quand même quelques problèmes mineurs il faudra régler. Justement, le sous-comité s'intéresse à ces problèmes.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis. Il vous reste quatre minutes et cinq minutes sur l'enveloppe globale.

M. Garon: Et de l'autre côté?

Le Président (M. Chagnon): II reste cinq minutes.

M. Garon: On va alterner.

Le Président (M. Chagnon): D'accord. Je reconnaîtrai M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: Merci. M. le Président. Vous m'avez indiqué il me restait cinq minutes.

Le Président (M. Chagnon): Cinq minutes dans l'enveloppe globale, M. le député.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. Je vais y aller avec une série de questions sprint qui seront orientées à tout le moins sur un aspect, celui du poste de directeur général. M. Guy, vous nous dites qu'il y a quatre membres permanents à la Commission des valeurs mobilières, dont vous-même, je suppose. Dites-moi donc, dans une semaine normale de travail, combien d'heures siégez-vous en séance formelle?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, il y a des réunions de la commission des membres à temps plein presque tous les jours. Combien d'heures... Oisons quatre à cinq heures par semaine.

M. Bélisle: Quatre à cinq heures par semaine.

M. Guy: C'est pour des décisions ponctuelles sur des dossiers, sur des questions d'application de la loi qui ne sont pas délégués au directeur ou au chef de service actuellement; ce sont des pouvoirs que la commission s'est réservés pour toutes sortes de raisons.

M. Bélisle: D'accord. Combien d'heures, M. Guy, de préparation pour en venir, en réunion formelle, à ces décisions par chacun des membres de fa commission incluant vous-même, par semaine?

M. Guy: M. le Président, très peu. M. Bélisle: Cela veut dire combien?

M. Guy: Je ne le sais pas. Je n'ai jamais évalué le nombre d'heures. Il faut certainement lire les documents, les notes de service qui viennent des différentes directions de la commission, mais cela ne demande pas autant de temps que les réunions, c'est sûr.

Le Président (M. Chagnon): M. le député.

M. Bélisle: Les autres membres permanents de la commission, lorsqu'ils ne siègent pas en réunion formelle ou officielle sur un cas, est-ce qu'ils sont présents à la Commission des valeurs mobilières du Québec?

M. Guy: M. le Président, je ne comprends pas trop. Parlez-vous des autres membres à temps plein ou des membres à temps partiel?

M. Bélisle: Les membres à temps plein.

M. Guy: Les membres à temps plein sont toujours présents aux réunions quand il y en a. Tous les membres à temps plein qui sont à la commission sont convoqués. La commission, lors de l'entrée en vigueur de la loi en 1983, a fait un partage des responsabilités, c'est-à-dire que les membres à temps plein s'occupent des dossiers quotidiens, ponctuels, et la commission piénière tient des réunions deux fois par mois et règle les questions de politiques et les grands dossiers.

M. Bélisle: Autrement dit, à part siéger sur des cas ponctuels durant cinq ou six heures par semaine, les autres membres, à part vous-même, ne sont pas obligés d'être présents à la Commission des valeurs mobilières du Québec chaque jour.

M. Guy: M. le Président, je m'excuse, je n'ai pas voulu donner cette impression. Les membres à temps plein doivent consacrer tout leur temps à la commission; il y sont toujours.

M. Bélisle: D'accord, ils y sont toujours. Combien d'heures par semaine en moyenne, M. Guy, consacrez-vous effectivement à votre travail à titre de président de la Commission des valeurs mobilières du Québec?

M. Guy: M. le Président, je consacre de 50 à 60 heures par semaine.

M. Bélisle: D'accord. M. Guy: Et des fois plus.

M. Bélisle: Est-il exact que vous êtes présentement très impliqué dans une association internationale sur les valeurs mobilières?

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, je suis secrétaire général de l'Organisation internationale des commissions des valeurs mobilières.

M. Bélisle: Combien d'heures par semaine passez-vous à vous occuper de cette association?

M. Guy: M. le Président, très peu. M. Bélisle: Cela signifie combien?

M. Guy: Écoutez un peu, je n'ai jamais calculé le nombre d'heures. C'est très peu: une semaine, ça peut être une heure, et l'autre semaine, deux heures.

M. Bélisle: D'accord.

M. Guy: Je veux dire que ce n'est certainement pas ce qui prend la majorité de mon temps.

Le Président (M. Chagnon): II vous reste une minute, M. le député.

M. Bélisle: Oui, je vais conclure. M. le Président, étant donné que je n'ai pas plus de temps. J'aurais aimé aller dans le menu détail, on n'a pas le temps de le faire, quoique je pense que ce serait très important. Avez-vous un agenda. M. Guy?

. Une voix: Ha, ha!

M. Guy: M. le Président, je pense que... M. Bélisle: C'est une question sérieuse. M. Guy: C'est évident que j'ai un agenda. M. Bélisle: Vous avez un agenda, d'accord. M. Guy: C'est sûr.

M. Bélisle: Depuis les dix premières semaines de l'année 1989 jusqu'à maintenant, combien de journées avez-vous été présent physiquement à la Commission des valeurs mobilières du Québec? Vous ne le savez pas?

M. Guy: Je ne le sais pas.

M. Bélisle: Pourriez-vous faire la chose suivante? M. le Président, j'en fais une demande formelle. Que M. Guy fasse un rapport à la commission sur le nombre, à compter du 1er janvier 1989 jusqu'à maintenant, de journées où il a été présent à la Commission des valeurs mobilières du Québec. Ceci m'amène, M. le Président, tout simplement à conclure que Je suis convaincu, dans le nombre d'heures de travail effectué, avec toutes les occupations qu'a M. le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec avec l'association Internationale, incluant le temps pour siéger, préparer les décisions, et tout le reste, qu'il est absolument tout indiqué qu'il y ait quelqu'un à la commission, conformément à la page 33 du rapport de la Commission du budget et de l'administration, déposé au mois de juin 1987, et aux pages 18 à 25 du fameux document, M. Guy, de vos experts des HEC, M. Lesage, Conseils et recherches en gestion et communication ltée, que vous auriez eu l'omission de nous présenter a la commission et que nous avons parcourues... On y dit, et je cite, à la page 19: "II est apparu nécessaire, dans cette étude, de dissocier les activités de la commission relatives aux appels publics à l'épargne de l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires ou législatives... " Et, à la page 24, on ajoutait: "Enfin, l'encadrement et la coordination du travail des professionnels chargés d'examiner les prospectus mériteraient d'être à la fois plus structurés et plus continus, dans le but d'en arriver à une plus grande uniformité dans le traitement des dossiers similaires. "

M. le Président, je pense qu'il serait tout simplement de bon aloi qu'il y ait quelqu'un qui soit directeur général et qui s'occupe strictement et exclusivement, journée après journée, de l'administration interne, de la coordination et de l'encadrement de tous les départements de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Le Président (M. Chagnon): Avez-vous des commentaires, monsieur?

M. Guy: M. le Président. Je pense que Je n'ai pas peur de me mesurer avec quelque fonctionnaire ou dirigeant d'organisme. J'entre le premier à la commission, tous les matins, et je pars le dernier presque tous les jours. Alors, je pense que je n'ai pas peur de mesurer le nombre d'heures que j'accorde à la commission. Cela me semble être des questions qui ne devraient pas être posées. Merci.

Le Président (M. Chagnon): M. Guy, nous avons eu une demande du député de Mile-Îles. Dans le cadre de cette commission, puisque vous êtes de toute façon notre invité, vous serez libre de vous y conformer ou non. C'est une question qui vous est tout à fait personnelle.

Il nous reste un peu de temps pour M. le député de Lévis, qui semble avoir l'intention de poser quelques questions. Nous avons cinq minutes, M. le député de Lévis, pour l'enveloppe globale. Vous avez quatre minutes que vous pourrez partager avec notre invité.

M. Garon: Non, vous aviez dit tantôt que les réponses ne comptaient pas dans le temps.

Le Président (M. Chagnon): Dans les cinq minutes globales oui, mais vous avez quatre minutes. Vous pourriez parler quatre minutes et laisser M. Guy ou un des représentants de la commission...

M. Garon: Ce que je voulais dire tout simplement, c'est que je ne suis pas intéressé à voir l'agenda du président de la commission. Je ne pense pas que cela fasse partie de notre mandat non plus. Les propos du député de Mille-Îles lui appartiennent. Je pense que, concernant le directeur général, ce qui a été la question pour tout le monde, s'il y en a un, c'est: Doit-il avoir le statut de fonctionnaire, être nommé par le gouvernement et qui doit élaborer ses conditions de travail? C'est une question de régie interne, une question de nomination par le gouvernement, c'est là le débat. Je pense que personne n'a mis en doute le travail du président de la commission et, à ce point de vue, je veux me dissocier des propos du député de Mille-Îles. Je ne veux en être partie d'aucune façon. Je pense que ce n'est pas là qu'est le débat. C'est la révision de la loi, du cadre, des fonctions et du statut de ceux qui travaillent à la Commission des valeurs mobilières.

Une question que je voudrais poser, et le président prendra le temps qu'il voudra sur le temps qu'il me reste. C'est une question impor-

tante. Des gens ont demandé: Quand on va à la Commission des valeurs mobilières, y a-t-il ceci ou cela, est-ce qu'il y a tel délai ou telle chose? J'aimerais savoir si la Commission des valeurs mobilières du Québec considère qu'elle dispose des moyens suffisants pour accomplir sa mission, et pour ne pas le faire dans une perspective théorique? J'aimerais qu'on fasse des commentaires par comparaison avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

Le Président (M. Chagnon): M. Guy.

M. Guy: M. le Président, si vous me le permettez, M. Cusson aimerait ajouter à ma dernière intervention, avant que je ne réponde à la question de M. le député.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie. M. Cusson.

M. Cusson (Maurice): Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais ajouter, je pense, pour M. le député de Mille-Îles, que je suis à la commission depuis près de 28 ans, et je dois dire - et je ne sais pas si ce sont des allusions au fait que M. Guy ne travaille pas - je peux vous dire que c'est le président qui est le plus présent à la commission, et le plus longtemps chaque jour, et qui donne tout son temps à la commission. Ce n'est pas pour dire que les autres n'ont pas travaillé, ce n'est pas cela. Mais je crois que M. Guy y consacre le plus de temps.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. Cusson. M. le député de Lévis.

M. Garon: Bien, c'est parce que ce n'était pas... Il y avait d'autres volets.

M. Guy: M. le Président, je peux répondre à la question maintenant, je pense.

Le Président (M. Chagnon): Sûrement, M. Guy.

M. Guy: On avait déjà fait, à la suite de la commission parlementaire sur l'examen de la commission, une demande au Conseil du trésor pour obtenir des postes supplémentaires. Cette demande visait 21 postes supplémentaires. Le Conseil du trésor nous en avait accordé quatorze, plus sept. Ces sept postes étaient des postes qu'on devait puiser à même des personnes en disponibilité dans la fonction publique. Sur ces quatorze postes, le 1er avril 1988, on en a perdu deux par une compression d'effectifs appliquée à l'ensemble du gouvernement, et au 1er avril 1989, par une autre compression de 2 % des effectifs, on en perdra encore deux. On a demandé par la suite au Conseil du trésor de débloquer les sept postes, parce qu'on ne pouvait pas trouver, à l'intérieur de la fonction publique, des personnes en disponibilité, et le Conseil du trésor a refusé.

En fait, ces postes ont été éliminés, ce qui fait que, sur les quatorze, on en a eu douze pour un an et on en aura dix effectivement à compter du 1er avril de cette année. La commission maintient qu'elle a encore besoin des 21 postes qu'elle avait demandés à ce moment-là.

On avait indiqué, je pense, en 1986, qu'on prévoyait des problèmes sérieux si on n'avait pas des effectifs supplémentaires. Ces problèmes existent encore; on en a vu dans le cas des Maronniers, dans le cas du groupe SOGECAR. La commission, à l'heure actuelle, peut difficilement faire les inspections des courtiers. Elle n'en a pas fait depuis un bout de temps, parce que les inspecteurs et inspectrices qui sont habituellement chargés de ces Inspections sont pris sur des dossiers comme ceux du groupe Paré ou du groupe SOGECAR, qui requièrent un temps considérable, et également sur les plaintes qui ont augmenté de façon très importante au cours des dernières années. Cela fait que la commission n'a pas encore les moyens suffisants pour accomplir sa mission. (16 h 15)

Si j'essaie de comparer avec l'Ontario, de mémoire, l'Ontario a à peu près 200 personnes qui travaillent à la commission de l'Ontario contre à peu près un petit peu plus de 100 pour nous. Elle a un budget qui est deux fois le budget de la commission du Québec et elle n'a pas à payer de loyer comme on doit le faire, ce qui fait que la différence est un peu plus grande qu'elle n'en a l'air. En plus de cela, la commission de l'Ontario n'est pas un organisme autonome au point de vue du gouvernement ontarien, c'est-à-dire que les services administratifs sont fournis par un ministère, alors que, nous, nous devons assumer nos propres services administratifs - comptabilité, personnel et ainsi de suite - ce qui fait qu'un certain nombre de nos postes, une douzaine de nos postes servent aux services administratifs. On a effectivement à peu près la moitié de l'effectif de la commission de l'Ontario.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, en principe, votre temps est écoulé, malheureusement. Peut-être qu'on pourrait référer notre dernière question au moment où on étudiera les crédits dans trois semaines ou un mois; on aurait pu ainsi terminer. Elle reviendra, d'ailleurs.

M. Fortier: Elle va revenir dans un mois.

Le Président (M. Chagnon): Peut-être pourrions-nous conclure tout de suite?

M. Garon: Je vais conclure.

Le Président (M. Chagnon): Si cela ne vous fait rien, je vais demander au ministre de conclure et, ensuite, je vous permettrai de conclure. M. le ministre.

M. Garon: Parfait.

M. Fortier: Je crois, en ce qui concerne les mandataires de ta couronne, que je vais continuer personnellement le débat avec la Bourse et la commission dans le sens qu'on a indiqué, dans la mesure où l'on puisse trouver une solution qui préserve la capacité des mandataires de ta couronne de jouer leur rôle. J'aurai, bien sûr, après ça, à vendre cette notion au gouvernement, mais c'est mon affaire. En ce qui concerne le pouvoir de directive, on n'a pas eu le temps d'aborder la question en détail, mais I est certain que, pour nous, il est très imponant de clarifier les rôles de chacun. Tout à l'heure, le président de la commission disait: Écoutez, ce n'est peut-être pas trop sérieux si on fait le décloisonnement d'une façon à l'intérieur dune Institution bancaire et que l'Inspecteur des Institutions financières le fait d'une autre façon. Je suis obligé d'admettre, M. le Président, que ça dénote une incompréhension des problèmes que vit le gouvernement et ça me convainc davantage du besoin de clarifier les rôles du gouvernement qui désire contrôler la façon dont le décloisonnement va se faire dans l'ensemble du territoire québécois et de pouvoir jouer un rôle de directive, d'influence, appelez-ça comme vous le voulez, sur la façon dont ce décloisonnement pourra se faire. Le commentaire du président me convainc il n'a pas compris l'Importance que cela peut avoir pour le gouvernement. À part cela, bien sûr, je suis le premier à réaliser que la commission joue un rôle extrêmement utile, et malgré certains problèmes, qu'on va essayer de corriger en ce qui concerne les sociétés en commandite, parce que c'est quand même assez grave, on devra veiller ensemble à améliorer la situation pour la meilleure protection des consommateurs.

Je remercie le président d'être venu défendre son point de vue en commission parlementaire.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le ministre. M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je remercie les gens de la Commission des valeurs mobilières du Québec. J'ai remarqué que les Intervenants qui représentent des groupes, des firmes ont tous parié avec fierté de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Concernant le décloisonnement, le ministre dit que la commission ne le comprend pas. Nous non plus, nous ne sommes pas certains de ce qu'il veut, parce qu'avec les livres blancs, les projets de loi et les lois adoptées il s'agit d'un slalom qu'on traverse à chaque fois sans que chaque phase ne soit identique. Donc, il n'est pas étonnant que les gens se demandent ce que veut exactement le gouvernement, puisque cela évolue au gré des humeurs du caucus libéral, bien entendu.

En terminant, j'aimerais demander ceci, puisque le dernier mot sera au président de la commission: s'iI avait les budgets et les ressources équivalents à l'Ontario, à quelle place la commission dirigerait-elle davantage ses efforts avec des ressources qu'elle demande qui sont équivalentes en Ontario, parce que le gouvernement aime beaucoup se comparer à l'Ontario?

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, lavant-dernier mot ira au président de la Commission des valeurs mobilières au Québec et le dernier mot au président de la commission parlementaire.

M. Guy: M. le Président, si vous me le permettez, je vais répondre à la question et l'aimerais peut-être avoir une petite minute après, pour une question qui a été discutée hier par un des Intervenants. J'aimerais peut-être faire une petite mise au point concernant M. Lassonde, si vous me le permettez.

Pour répondre à la question, je ne pense pas qu'il soit nécessaire que la commission ait les mêmes ressources que la commission de l'Ontario. Je pense qu'on n'a jamais prôné ça. Il n'en demeure pas moins que la commission de l'Ontario n'a tout de même pas deux fois la charge de travail que la commission du Québec a. En fin de compte, on a essentiellement les mêmes dossiers mais, dans certains cas, le dossier est traité par l'Ontario et, en deuxième lieu, par la commission du Québec, ce qui fait qu'on n'a pas besoin d'avoir les mêmes ressources mais, sans avoir les mêmes ressources, on devrait certainement avoir plus de ressources qu'on n'en a actuellement. C'est sûr qu'actuellement on n'a pas les moyens financiers ou les ressources humaines pour accomplir notre mission.

Le Président (M. Chagnon): Peut-être pourriez-vous faire le...

M. Guy: M. le Président, s) je peux continuer... M. Lassonde a comparu hier et a fait une série d'affirmations. Je ne reprendrai pas chacune de ses affirmations, parce que ça serait beaucoup trop long mais, dans plusieurs cas, c'étaient des affirmations, bien entendu, inexactes et fausses. Il a dit qu'aucune des actions intentées par la commission n'a réussi. Il y en a au moins deux qui ont réussi. Il y en a peut-être plus - je n'ai pas les dossiers avec moi - et notamment une Injonction.

Le Président (M. Chagnon): M. Guy. je vais juste vous prévenir qu'ici, comme commission parlementaire, il nous faut effectivement éviter, et, bien entendu, vous le savez, d'être sub judice.

M. Guy: Oui, oui.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous inviterais à éviter la problématique.

M. Guy: Je vais éviter.

Le Président (M. Chagnon): Je vous écoute.

M. Guy: Je vais essayer d'éviter, M. le Président. Tout ce que je veux dire c'est que...

Le Président (M. Chagnon): Je serai juge de vos propos.

M. Guy:... il y a eu une Injonction prononcée contre M. Lassonde et son groupe en novembre 1987, laquelle est encore en vigueur. Il y a eu une requête en évocation qui a été débattue devant la Cour supérieure lundi de cette semaine et qui a été rejetée. Il s'agissait d'une évocation contre une décision de la commission. Sans aller dans le détail, parce que ça a été discuté hier, il y a 42 chefs d'accusation criminelle contre M. Lassonde, présentés par le procureur de la couronne. Ce n'est pas un dossier de la commission, contrairement à ce qu'on a semblé dire hier. C'est un dossier du ministère de la Justice. Il s'agit de plaintes criminelles. La commission n'est pas partie à ce dossier. L'enquête préliminaire a eu lieu. Pour savoir s'il doit être cité à procès ou non, la décision sera rendue le 12 avril. Alors, c'était juste pour préciser un peu...

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie.

M. Guy:... je pense, un certain nombre d'éléments qui ont été soulevés.

Le Président (M. Chagnon): Au nom des membres de cette commission, je vous remercie, M. le président. Je tiens à vous remercier, M. Guy, M. Cusson, M. Dandonneau, d'avoir participé d'abord à la commission, une commission qui est extrêmement importante pour vous, mais aussi pour l'ensemble du monde des valeurs mobilières au Québec.

J'en profite pour inviter nos derniers intervenants, l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec, à s'installer à la table de la commission.

M. Lacoste, on peut peut-être essayer de vous trouver une petite place. Quand les avocats seront dans la rue, on commencera à marcher sur les trottoirs. D'ailleurs, on en a une pléiade ici autour de la table.

M. le président? Oui, M. le président du conseil de l'ACCOVAM, M. Jacques Nadeau. Avant de nous présenter les membres qui vous accompagnent, je tiens à vous souligner les règles du jeu de cette commission. Vous avez 20 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, le temps imparti, soit 20 minutes pour chacune des formations politiques autour de cette table, permettra à ces dernières soit de com- menter, soit de vous interroger sur le fond de votre exposé et de votre mémoire en commission parlementaire. M. Nadeau, nous vous écoutons.

ACCOVAM

M. Nadeau (Jacques): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, je vais vous présenter mon état-major. À ma droite, Mme Elaine Phénix, présidente sortante de l'ACCOVAM-Québec, M. Michel Pouliot, président de notre comité de réglementation; à ma gauche, M. Jean Aubert, vice-président de l'ACCOVAM-Québec, Me Gérald A. Lacoste, du cabinet Martineau Walker et aussi, avec nous, Mme Fernande Gervais, directrice générale de l'ACCOVAM-Québec.

C'est avec honneur et plaisir que l'ACCOVAM Québec a accepté votre invitation de présenter et de discuter son mémoire sur le rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières et sur l'avant-projet de lof sur les valeurs mobilières déposés à l'Assemblée nationale en décembre dernier.

Notre mémoire du 10 février dernier est relativement court. Puisque nous sommes à la fin des audiences de votre commission, j'en ferai seulement un bref tour d'horizon, laissant à votre discrétion les questions sur l'argumentation puisque les divers points de vue ont été amplement débattus depuis deux jours.

Avant d'aborder les questions discutées dans notre mémoire, permettez-moi, au nom de mes collègues, de féliciter le ministre et son entourage pour l'effort soutenu dans le but de doter le Québec d'une politique complète et moderne en matière de réglementation de nos marchés financiers. Dans le secteur des valeurs mobilières, cet effort vient couronner quinze ans de travail soutenu de la part des politiciens québécois, des membres de la Commission des valeurs mobilières du Québec, de la Bourse de Montréal et de l'ACCOVAM-Québec pour garder notre place financière tant au Canada que dans le marché global comme on le connaît maintenant.

SI, aujourd'hui, les principaux intervenants du secteur des valeurs mobilières - et ils sont si peu nombreux au Québec - mettent de l'avant divers commentaires sur les projets du ministre, je pense qu'il faut retenir les lieux communs et laisser de côté certaines divergences de vues qui risquent d'être plus "divisives" que productrices.

Les réformes réglementaires du Québec, depuis le début des années quatre-vingt, font l'envie des citoyens éclairés en la matière dans les autres "juridictions" canadiennes. Nous en avons entendu quelques-uns devant cette commission. C'est donc dire qu'au-delà de nos délibérations sur la façon de faire les choses les objectifs sous-jacents aux réponses proposées sont largement partagés, tel que la plupart des intervenants l'ont démontré depuis deux jours.

Dans un premier temps. l'ACCOVAM-Québec appuie les amendements visant à assujettir à la Loi sur les valeurs mobilières les titres des organismes de placements collectifs, c'est-à-dire tes fonds mutuels offerts au grand public par les sociétés de fiducie. Au nom du principe de la réglementation égale pour tous, ces fonds, de même que certains fonds gérés par des compagnies d'assurances, comme le souligne la CVMQ, devraient être soumis aux règles normales de prospectus et être offerts au public par les personnes Inscrites à titre de courtiers.

L'ACCOVAM-Québec appuie également les propositions suggérées par ta Bourse de Montréal en 1987 quant à la sous-délégation à des personnes exerçant des pouvoirs au nom d'un organisme d'autoréglementation. (16 h 30)

Quant au directeur général, iI semble qu'un consensus se soit établi sur l'opportunité de rétablir ce poste dans la mesure où il contribuerait à améliorer la performance de la commission. Sur la façon de procéder à la nomination du directeur général, certaines divergences de vues furent exprimées. L'ACCOVAM-Québec croit qu'en règle générale tous les employés de la CVMQ doivent être nommés selon les règles de la fonction publique et relever du président de la CVMQ. Une nomination par les membres de la CVMQ Introduirait de nouvelles responsabilités pour les membres de la CVMQ autres que le président. Cette question serait fort Intéressante à discuter et pourrait faire l'objet d'un prochain débat.

Le point qui a fait couler le plus d'encre et sonner le plus de téléphones est, sans aucun doute, le pouvoir de directive tel que décrit aux articles 8 et 10 de l'avant-projet. Après deux jours de discussions devant la commission parlementaire, 1 ressort clairement des mémoires soumis et des déclarations des deux côtés de la Chambre que l'objectif commun recherché est celui de confirmer le rôle du gouvernement dans la formulation des politiques économiques, tout en évitant l'ingérence dans l'exercice des fonctions traditionnelles de la CVMQ.

Ainsi, iI est préférable de ne pas toucher aux pouvoirs de la CVMQ ni à sa mission, malgré toute la discrétion que lui confère la Loi sur les valeurs mobilières. Un équilibre délicat s'est établi au cours des ans entre les Instructions générales, les énoncés de politique canadiens, les règlements et la législation en matière de valeurs mobilières. Une commission forte et respectée sur les plans national et International a forgé une tradition d'excellence et d'innovation après les années qui ont mené à la fermeture de la Bourse canadienne en 1973. Si des initiatives sont entreprises par la CVMQ dans le secteur de la réglementation économique, une saine consultation entre les membres de la CVMQ et le ministre, et un pouvoir de directive bien encadré, comme nous le suggérons dans notre mémoire, devraient maintenir l'équilibre énoncé plus haut.

C'est dans cet esprit que nous proposons l'encadrement suivant au pouvoir de directive. En premier lieu, le ministre et les membres de la CVMQ se consultent régulièrement sur l'application de la loi en regard des politiques économiques du gouvernement. Deuxièmement, les directives portent sur les questions de politique économique et sont émises à la CVMQ par le ministre, après approbation par le gouvernement. Troisièmement, les directives sont publiques. Quatrièmement, les directives sont suivies par les membres de la CVMQ et elles lient également toute personne ou organisme qui exerce un pouvoir délégué conformément à la loi.

Ainsi exercé, un tel pouvoir de directive doit rencontrer les principes suivants: en premier lieu, la responsabilité ministérielle et l'imputabilité de toute régulation économique; deuxièmement, l'indépendance de la CVMQ dans l'exercice de ses fonctions quasi judiciaires et, en troisième lieu, l'autonomie de la CVMQ comme organisme de contrôle et tribunal administratif.

Parmi les questions soulevées par la majorité des intervenants devant cette commission, l'assujettissement de la couronne et de ses mandataires à la Loi sur les valeurs mobilières est sans doute le plus bel exemple d'un accord sur l'objectif recherché et de désaccord sur les moyens proposés. La position de l'ACCOVAM-Québec sur cette question est très pragmatique. Tout en appuyant l'aménagement pratique proposé dans le rapport quinquennal au sujet de l'assujettissement par directives gouvernementales, I est Important d'obtenir un consensus, tant au niveau du fédérai qu'au niveau des provinces pour assujettir tous les mandataires de la couronne oeuvrant dans le secteur privé à une réglementation égale pour tous.

Comme dernier point, nous désirons aborder la question de l'autoréglementation qui comporte elle-même deux volets: la reconnaissance d'organismes d'autoréglementation et la délégation de pouvoir à de tels organismes. Sur la reconnaissance d'organismes d'autoréglementation. il faut tout d'abord souligner qu'il s'agit d'un phénomène récent, non pas que les Bourses n'aient pas réglementé depuis longtemps, leurs membres car la Bourse de Montréal est plus que centenaire. Quant à l'ACCOVAM. elle fut fondée en 1916 et sa section du Québec remonte à 1935. Par contre, la CVMQ a été créée en 1955, et le mécanisme de reconnaissance existe depuis 1983 seulement dans la Loi sur les valeurs mobilières. Aujourd'hui, après 54 ans, l'ACCOVAM-Québec exerce toujours ses activités, ce que reconnaît de facto la Loi sur les valeurs mobilières.

Dans son énoncé de politique du 10 janvier dernier, le ministre faisait état de la politique du gouvernement conférant au ministre le pouvoir de reconnaissance des organismes d'autoréglementation. L'ACCOVAM-Québec a accueilli avec plaisir cette approche à la reconnaissance, l'ayant elle-même proposée à cette commission parlementaire au printemps de 1988. Ce principe de

reconnaissance par le ministre semble, d'ailleurs, reprendre le concept énoncé à l'article 9. 1 du "Financial Service Act" (1986) de l'Angleterre, lequel se lit comme suit: "A self-regulating organization may apply to the Secretary of State for an order declaring it to be a recognized self-regulating organization for the purpose of this Act. "

En Angleterre, le "Secretary of State" a délégué le pouvoir de reconnaissance des organismes au "Securities and Investment Board", le SIB, lequel, par ailleurs, est assujetti à un tribunal indépendant dans l'exercice de ses pouvoirs disciplinaires.

L'ACCOVAM-Québec croit que, dans un tel contexte, les organismes publics que sont la CVMQ et l'inspecteur général, de même que les organismes d'autoréglementation, comme la Bourse de Montréal et l'ACCOVAM-Québec, deviennent tous des partenaires et exercent de façon complémentaire leurs rôles dans la réglementation des personnes et des opérations reliées au commerce des valeurs mobilières.

L'octroi à l'ACCOVAM-Québec du statut d'organisme d'autoréglementation en vertu de la loi constituerait une reconnaissance formelle du travail accompli depuis 54 ans par notre association au Québec. En second lieu, la délégation de pouvoir à un organisme d'autoréglementation reconnu suivrait le même modèle que la reconnaissance. Bien qu'il ne soit pas nécessaire pour l'instant de déléguer de nouveaux pouvoirs aux organismes d'autoréglemention, un réaménagement pratique pourrait être envisagé entre les diverses fonctions actuellement exercées par la CVMQ, la Bourse de Montréal et l'ACCOVAM-Québec. Messieurs, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Nadeau. J'inviterais maintenant M. le ministre et, plus tard, M. le député de Lévis, à commenter votre exposé. M. le ministre.

M. Portier: Bien sûr, l'avantage d'être le dernier, c'est de faire des synthèses, et je vois que vous avez fait un exercice très louable à ce sujet. En ce qui concerne le pouvoir de directive, vous résumez assez bien la situation, dans le sens qu'il s'agit, d'une part, pour le gouvernement ou pour le ministre de tenter d'influencer les grandes orientations, tout en préservant l'indépendance de la CVMQ. Vous proposez Ici, comme d'autres l'avaient fait, des modalités: le ministre et les membres de la CVMQ se consultent, les directives portent sur des questions de politique économique; les directives sont publiques et sont suivies par les membres de la CVMQ. Autrement dit, vous voudriez qu'elles lient les tiers. C'est un point de droit.

J'ai deux questions à ce sujet. D'abord, vous n'insistez pas sur le fait qu'il devrait y avoir une consultation publique avant que le ministre émette ses directives. Ma deuxième question a trait à l'appréhension de certains, comme la Bourse, qui croient qu'un tel pouvoir de directive pourrait créer une mauvaise impression. Autrement dit, je dois vous avouer que je suis un peu déchiré par cette nécessité, à laquelle je crois, de pouvoir et de devoir Influencer l'orientation économique du décloisonnement en général et par le fait que certains semblent croire que cela sera perçu négativement. Étant donné que vous êtes des courtiers en valeurs mobilières, que vous êtes dans le milieu et qu'on entend deux sons de cloche, pouvez-vous nous dire, M. Nadeau, premièrement, si vous croyez que ce serait préférable, avant qu'il y ait une directive, qu'il y ait une consultation publique, disons, dans un délai de 60 jours? Je crois que cela avait été suggéré comme cela se fait en ce qui a trait au pouvoir de directive du ministre des Finances, à Ottawa, vis-à-vis du gouverneur de la Banque du Canada. Deuxièmement, cette appréhension vis-à-vis d'un tel pouvoir de directive est-elle réelle ou illusoire? Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Chagnon): M. Nadeau.

M. Nadeau: M. le ministre...

Le Président (M. Chagnon): Appelez-moi M. le Président.

M. Nadeau: Excusez-moi, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Nadeau: Je vais laisser M. Michel Pouliot répondre à cette question.

Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.

M. Pouliot (Michel): M. le ministre, sur le premier point, je crois que tous les intervenants, en tout cas ceux qu'on a entendus depuis ce matin, incluant la Bourse et même la commission, s'entendent pour rendre à César ce qui appartient à César; donc, l'imputabilité ministérielle en termes de politique économique, personne ne la conteste. Là où, peut-être, on peut avoir certaines objections, semble-t-il, c'est dans l'exercice de cette directive. Comment s'exercera-t-elle? Nous suggérons des moyens de s'assurer, de la part du ministre et du gouvernement, d'une certaine publicité ou transparence pour qu'en fait cette directive soit un moyen de dernier recours, en ce sens que, si une consultation préalable s'est installée avec la possibilité d'émettre une directive, nous croyons qu'elle ne sera pas nécessaire, à toutes fins utiles, dans bien des cas. Donc, notre position au niveau conceptuel n'est pas tellement différente de celle de nos collègues qu'on a entendus depuis ce matin.

Le deuxième point, pour ce qui est de la perception, oui, c'est un précédent dans le domaine des valeurs mobilières, c'est ce qui

semble être la réalité. Cependant, J'ai aussi fait partie du comité du Barreau du Québec - je parie, évidemment, ici avec un autre chapeau - et n'étant pas un spécialiste en droit administratif, nous avons fait appel à de tels spécialistes. En fait, on n'a pas été surpris de voir, dans le droit administratif moderne, une telle mesure prise par un ministre ou un gouvernement, puisque, partout ailleurs, et c'est même généralisé en droit administratif aujourd'hui, ce pouvoir de directive est quasiment admis. Il y aurait peut-être eu plus d'objections au cours des années soixante-dix. Il semble que le droit ait évolué et que, juridiquement, ce soit aujourd'hui un fait acquis. Donc, en ce qui concerne la perception, cela existe et c'est répandu Peut-être est-ce un précédent en valeurs mobilières, mais on ne croit pas que cela va jusqu'à éliminer les avantages qu'on voit à contraindre la commission dans une fonction de non régulation économique.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre. (16 h 45)

M. Fortier: Je vous remercie. Un deuxième sujet qui est Important, c'est la reconnaissance des organismes d'autoréglementation. J'indiquais tout à l'heure que votre mémoire en faisait état, mais, bien sûr, nous avons examiné tout ce qui s'était dit en commission parlementaire et nous l'avons retenu, parce que nous croyons qu'en définitive c'était peut-être important, non pas de choisir - parce que cela doit se faire sur recommandation de la commission - mais de sanctionner le choix parce qu'encore là il peut y avoir une orientation politique qui peut être retenue.

J'aimerais que vous m'expliquiez encore une fois ce que vous nous disiez dans votre mémoire de l'an dernier. Vous faites état du fait qu'en Grande-Bretagne ce pouvoir appartient au gouvernement et qu'il a été délégué au 'Securities and investment Board*. Nous avions acquiescé à cette demande que vous aviez formulée parce que, dans le secteur de l'Inspecteur général des institutions financières, c'est la façon dont nous allons fonctionner. Du côté de l'inspecteur, les quelques organismes d'autoréglementation... Je pense à l'institut de planification financière du Québec que nous allons créer; certains individus ou certains groupes vont nous suggérer la création d'un institut. L'Inspecteur va analyser cette recommandation et le ministre va sanctionner ce choix-là. Il était logique, si nous le faisions du côté de l'Inspecteur général des institutions financières, de le faire également de ce côté-là, mais j'admets qu'il s'agit d'un changement du côté des valeurs mobilières. J'aimerais que vous me disiez, du côté des valeurs mobilières, quel avantage vous y voyez et pourquoi vous croyez que le pouvoir politique devrait intervenir pour sanctionner une recommandation de la commission à ce sujet.

Le Président (M. Chagnon): M. Nadeau.

M. Nadeau: M. le Président, je passerai la parole à Mme Phoenix qui a piloté ce projet lors de la dernière commission parlementaire.

Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix

Mme Phénix (Élaine): M. le Président, quand on a fait nos commentaires lors de la dernière commission parlementaire, on a parlé de reconnaissance et il y a trois principes au départ. La réglementation revient au gouvernement, c'est le premier principe. L'application de la loi revient aux organismes publics et, dans le secteur des valeurs mobilières, elle revient à la Commission des valeurs mobilières. Il y a aussi le droit au secteur privé de s'autoréglementer. Notre proposition s'inscrivait, lors de la dernière commission parlementaire, dans le contexte du décloisonnement où déontologie, formation, conformité seraient exercées par le secteur privé par le biais des organismes d'autoréglementation. Dans cette optique, un organisme privé qui veut s'autoréglementer ou autoréglementer ses membres devait être reconnu. Ce concept de reconnaissance, tel qu'on le conçoit, fait en sorte que l'organisme ainsi reconnu garde tout son pouvoir de réglementation auprès de ses membres et devient donc, par le fait même, un partenaire des organismes publics dont le rôle est d'assurer l'application de la loi dans leurs divers secteurs.

En pratique, ce que cela signifie pour nous, quand on parle du rôle de notre association depuis de multiples années, c'est qu'advenant que l'organisme responsable de l'application de la toi soit en désaccord avec tel ou tel règlement de l'organisme d'autoréglementation, il peut faire des recommandations au gouvernement responsable, il peut demander que tel ou tel règlement qui a été mis de l'avant par tel organisme d'autoréglementation soit modifié ou encore, s'il pense que l'organisme d'autoréglementation ne fait pas son travail, il peut tout simplement demander que lui soit retirée sa reconnaissance. C'est, pour nous, le rôle de l'organisme public qui voit à ce que l'application de la loi. dans son secteur donné, soit respectée et que les règlements de l'organisme d'autoréglementation corroborent la réglementation générale.

Par contre, ce que cela nous permet, à nous, en termes d'organisme d'autoréglementation, si on est reconnu par le gouvernement, c'est de garder, en fait, ce rôle de partenaire, de pouvoir discuter toute recommandation qui serait mise de l'avant par l'organisme public et de jouer vraiment un rôle de partenaire, rôle qu'on a voulu jouer et qu'on a joué depuis de nombreuses années. Tout ce qu'on demande, c'est de reconnaître ce qu'on est depuis de très nombreuses années.

C'est dans cet esprit que notre mémoire avait été fait, dans le contexte du décloisonnement. On n'a pas mis dans notre mémoire - je

peux peut-être passer la parole à Me Lacoste - tout le mécanisme qui entourait ça. Gérald, peut-être pourrais-tu approfondir un petit peu.

Le Président (M. Chagnon): Me Lacoste.

M. Lacoste (Gérald): Merci. M. le Président. Je pense que le point important dans la solution proposée, lorsque le secteur privé devient en désaccord, pour quelque raison que ce soit, avec des organismes publics sur l'opportunité d'avoir tel ou tel règlement, c'est que ce n'est pas l'organisme public, en l'occurrence la CVMQ, qui décide que ça ne va pas et qui tranche la question. S'il y a un débat entre les partenaires, ce sera le ministre ou le gouvernement qui tranchera. Cela, c'est au sujet de la reconnaissance. On ne parle pas encore, à ce moment-ci, de la délégation de pouvoir.

Il faut se rappeler que ce qu'a introduit la loi de 1983, c'est une nouvelle obligation que toute association de professionnels qui réglemente les opérations de ses membres en valeurs mobilières doit être reconnue. Cela est nouveau. Avant 1983, il n'y avait pas de disposition à cet effet. Cette obligation de reconnaître touche de très près le droit d'association des citoyens qui s'organisent, comme ils le veulent, en association, surtout lorsqu'ils sont dans le même secteur.

La reconnaissance d'un organisme d'autoréglementation se fait une fois dans sa vie. Je ne parle pas de la délégation de pouvoir; je parle de la reconnaissance. Imaginer que c'est une intervention du "government of the day" ou du gouvernement du jour, comme on l'a dit depuis doux jours avec beaucoup de sens péjoratif, c'est rêver en couleur. Une fois que c'est fait, c'est fait. Que se passe-t-il après?

Cette association de professionnels qui est reconnue et qui n'a pas encore accepté de délégation, on se comprend bien, réglemente les activités de ses membres selon des principes qu'on retrouve dans la Loi sur les valeurs mobilières: liberté d'adhésion, service égal aux membres, assises financières, code de déontologie, discipline, etc. C'est tout ce qu'elle a à faire. Si elle exerce mal ses pouvoirs, si c'est une moquerie, si elle ne respecte plus les objets de la loi, la commission responsable de l'administration de la loi déclenche, au pouvoir politique qui l'a reconnue à l'origine, un avis qu'on devrait reconsidérer la reconnaissance. C'est tout. La commission ne sera pas juge et partie.

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. le ministre.

M. Fortier: Le dernier point que je voulais toucher, ce sont les mandataires de la couronne. Vous faites une proposition intéressante en disant: En ce qui concerne les mandataires de la couronne, on devrait chercher non pas seulement à régler le problème au Québec, mais chercher à travers tout le Canada à trouver un terrain d'entente, y indus au gouvernement fédéral. S'il est important pour le Québec d'aller dans cette direction, il serait également important pour le governement fédéral d'aller dans la même direction, ainsi que pour les autres provinces canadiennes qui ont également des mandataires de la couronne.

Je retiens la suggestion. Bien sûr, il faudrait clarifier. Nous avons des problèmes particuliers dans la mesure où nous avons des mandataires comme la Caisse de dépôt qui est unique au Canada, puisqu'on a eu la brillante idée, en 1962 ou en 1964, sous Jean Lesage, de créer la Caisse de dépôt et que dans les autres provinces canadiennes, ça n'existe pas. Alors, il s'agit là d'un joueur et je crois que l'Ontario et d'autres provinces nous jalousent. Ils nous ont critiqués longtemps et maintenant ils nous jalousent un peu, mais c'est certain qu'on a un mandataire très actif pour lequel on veut garder une certaine autonomie d'action.

Quand même, je crois qu'il y aurait un avantage et, étant donné que nous avons créé le forum des ministres des institutions financières du Canada, il me serait assez facile d'aborder ce dossier et de l'inscrire à l'ordre du jour d'une prochaine rencontre des ministres des institutions financières du Canada, en espérant que très bientôt puisse s'y joindre le ministre fédéral que j'ai rencontré ce matin, M. Gilles Loiselle. À ce moment, c'est un des sujets sur lesquels on pourrait chercher à trouver un consensus, comme vous le suggérez. En tout cas, je retiens votre recommandation et je crois que c'est une excellente recommandation. Merci.

Le Président (M. Chagnon): Est-ce que vous avez des commentaires, M. Nadeau?

M. Nadeau: M. Pouliot, voudriez-vous répondre?

Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.

M. Pouliot: Oui. Je crois, encore là, qu'il n'y a pas de disparité énorme sur le principe ou le concept. Tout le monde s'entend, au niveau conceptuel ou théorique, pour appuyer la réglementation égale pour tous. Évidemment, on comprend le gouvernement de ne pas astreindre ces importants intervenants québécois à plus de contraintes que ne le seraient, disons, les équivalents provinciaux hors du Québec; d'où la suggestion pour atteindre notre objectif de s'asseoir tout le monde ensemble et d'établir les règles du jeu de tennis si, évidemment, on veut jouer au tennis.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, j'écoute les

propos des représentants de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec et Je suis un peu étonné. J'aimerais savoir quai genre de consultation vous avez faite auprès de vos membres puisqu'il a été question d'une consultation. Vous dites que vous avez consulté. Me Pouliot, je pense, vous êtes avocat. Vous avez fait une consultation auprès des gens du Barreau. Or, vous ne représentez pas le Barreau et le Barreau n'a pas jugé utile de venir nous voir. Il a envoyé un document de deux pages pour dépôt seulement. Comme vous ne venez pas au nom des avocats, mais que vous venez au nom de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, que vous représentez des gens dont plusieurs sont à la Bourse et que vous ne tenez pas les mêmes propos, quelle sorte de consultation avez-vous tenue auprès de vos membres concernant le mémoire que vous déposez devant nous aujourd'hui?

Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.

M. Pouliot: En fait, juste sur le point du Barreau, c'était simplement pour souligner le fait qu'il n'y avait pas eu de grande surprise en termes de droit administratif. Ce n'était qu'une parenthèse, évidemment. Non, certainement que je ne représente pas ici le point de vue du Barreau du Québec; il vous a été soumis. Pour l'autre aspect de votre question, je vais passer la parole à mon confrère, Jean Aubert.

Le Président (M. Chagnon): M. Aubert.

M. Aubert (Jean): La consultation qui a été faite par l'ACCOVAM-Québec, qui, comme vous le savez, est une association des maisons de courtage faisant affaire au Québec, a été faite auprès de l'ensemble du conseil d'administration de l'ACCOVAM qui, le 8 février dernier, a approuvé à l'unanimité le mémoire qui vous a été soumis. Le conseil de l'ACCOVAM-Québec est particulièrement représentatif de l'industrie en ce sens qu'il réunit 19 membres représentant 14 firmes différentes et ces quatorze firmes sont les plus importantes au Québec et représentent 90 % de l'activité de l'industrie. Cet exercice de consultation, le 8 février, était l'aboutissement de consultations qui avaient eu lieu pendant toute l'année lors de réunions régulières du comité de réglementation qui est présidé par mon collègue, Michel Pouliot. En plus de ces consultations formelles lors de réunions du conseil, il y a eu un ensemble de consultations privées et, disons, ad hoc.

Je voudrais dire aussi, M. le Président, qu'il semble peut-être exister entre les présentations d'autres organismes qui nous ont précédés et la nôtre plus de différences que ce n'est le cas en réalité. Peut-être que des mauvaises langues, à la blague, pourraient dire que c'est la différence entre l'image et la réalité, mais si on examine et que l'on va au-delà de certaines modalités de présentation, on s'aperçoit que les groupes qui représentent différents points de vue de l'industrie des valeurs mobilières se rejoignent sur la très grande majorité des points que nous avons exprimés.

Aussi, un dernier point, si je me le permets; il ne faut quand même pas oublier que l'ACCOVAM-Québec et la Bourse de Montréal, étant toutes les deux des organismes de l'industrie des valeurs mobilières, ont quand même des rôles différents et distincts et que, parfois, nos points de vue ou nos perspectives, tout en n'étant pas opposés - je souligne la concordance, la convergence des vues - peuvent, à la suite de nos fonctions respectives, représenter, justement, des points de vue différents. Il ne faut quand même pas oublier que la Bourse est avant tout une place de marché qui doit être organisée de la façon la plus efficace possible pour assurer la transaction à fort volume de deux valeurs mobilières précises, soit les actions et les options Donc, la Bourse est une place de marché, alors que l'ACCOVAM est une association de membres et se doit de représenter l'ensemble des membres de l'industrie dans l'ensemble de leurs fonctions qui recoupent aussi des activités de négociations d'instruments obligataires, des activités à titre de placeurs pour compte ou de preneurs fermes. (17 heures)

Le Président (M. Chagnon): Merci. M. Aubert. M. le député de Lévis.

M. Garon: Laissons l'image et tombons dans la réalité Vous êtes la section du Québec de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, qui est une division administrative et régionale d'une association à caractère pan-canadien. Or, il semble que votre association recherche la reconnaissance par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et la réglementation par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. La Bourse de Montréal dit que les associations de réglementation devraient être reconnues par la Commission des valeurs mobilières et. ensuite, suivies par elle, ce en quoi elle est d'accord avec votre association pancanadien-ne lorsqu'elle opère en Ontario. Mais rendu au Québec, vous dites autre chose. Je pense qu'on est pas mal dans la réalité. Je ne comprends pas pourquoi en Ontario, c'est la Commission des valeurs mobilières et, au Québec, vous tombez sous la responsabilité du ministre, alors que la Bourse dit la même chose que votre association dit au niveau de l'Ontario.

Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix.

Mme Phénix: M. le Président, je vais parler, premièrement, de la Bourse. Comme vient juste de le mentionner mon collègue, la Bourse est un organisme d'autoréglementation, mais on pourrait quasiment la scinder en deux parce qu'elle fait certaines choses qui sont aussi faites par l'as-

sociation, que ce soit l'enregistrement, que ce soit la déontologie, que ce soit la conformité. Il y a des recoupements qui se font entre l'association et la Bourse. Comme le mentionnait mon collègue, elle est responsable de l'application d'une réglementation des marchés. Dans ce sens-là, pour la Bourse, peut-être que c'est plus naturel, concernant la réglementation des marchés, d'être reconnue par la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Notre rôle de partenaire dans l'association qui englobe, d'une façon plus large, le rôle des intermédiaires en valeurs mobilières, pour nous, je le répète, c'est important de le garder. Dans ce sens-là, voici le concept que l'on met de l'avant; que la section ontarienne veuille faire différemment, libre à elle de le faire, mais, pour nous, ce qui est très important, c'est d'être en mesure de jouer ce rôle de partenaire et d'être vraiment un organisme représentatif au Québec. J'irai plus loin. Si je regarde la reconnaissance au niveau des commissions, ce que je crains un petit peu plus à long terme, c'est d'avoir peut-être une réglementation de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui deviendrait la réglementation de la Commission des valeurs mobilières du Québec. À toutes fins utiles, l'enlonds l'Ontario depuis les deux derniers jours Je nu voux pas refaire le lac Meech ici, cet après-midi, mais, pour nous, c'est un point extrêmement fondamental d'être partenaire au Québec, d'être forts au Québec. On l'a répété à la Commission des valeurs mobilières du Québec et on le répète aussi comme Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, section Québec. C'est le sens de notre approche.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Est-ce que c'est dans le sens d'une société distincte?

Mme Phénix: Non, ce n'est pas une société distincte. Ha, ha, ha! C'est bien une société de partenariat que nous recherchons.

M. Fortier: Le député de Lévis est un grand fédéraliste.

Mme Phénix: Oui, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Ce n'est pas ça.

Le Président (M. Chagnon): C'est la nouvelle profession de foi du député de Lévis.

Mme Phénix: Je ne fais pas de politique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: J'aimerais ça que les mêmes firmes, quand elles parlent à la Bourse et qu'elles parlent chez vous, disent la même chose, qu'elles ne parlent pas différemment parce que autrement cela n'a pas de bon sens.

Une autre question. Vous voyez un consensus concernant la nomination d'un directeur général. Je n'ai vu de consensus nulle part. Ce que j'ai vu et ce que les gens ont dit, c'est: S'il doit y en avoir un, que ce soit une décision de la Commission des valeurs mobilières et, si elle en nomme un, que ce soit les règles de la fonction publique. Mais concernant le fait d'en nommer un, personne n'a dit: II devrait y en avoir un et cela devrait être dans la loi, etc. Je n'ai vu ça nulle part.

M. Fortier: Le député de Mille-Îles. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: C'est parce que le député de

Mille-Îles n'est pas consulté là-dedans. Chez les organismes qui sont venus, je n'ai pas vu ce consensus.

M. Fortier: Vous n'écoutez pas le député de Mille-Îles.

M. Garon: Sur le pouvoir de directive, je m'explique mal que votre position soit aussi différente de celle des autres intervenants du milieu. Sur le pouvoir de directive, les gens ont dit, ailleurs: A toutes fins utiles, s'il y en a un, cela devrait être comme le pouvoir réglementaire. À ce moment-là, en disant cela, cela voulait dire, au fond. Procédons donc par règlement. C'est ce que j'ai compris. On a décrit les conditions du pouvoir réglementaire. Alors, je n'ai pas senti un consensus dans le sens il y ait un pouvoir de directive. Au contraire, à peu près tous les intervenants ont mis en garde le ministre concernant un pouvoir de directive qui serait autre que le pouvoir réglementaire. À ce moment-là, ils ont dit: Changez la loi ou changez les règlements. Je n'ai pas senti cela.

Le Président (M. Chagnon): Mme Phénix.

Mme Phénix: Je vais laisser la parole à M. Pouliot.

Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.

M. Pouliot: En ce qui concerne le premier point, le directeur général, il y a une harmonie, en tout cas à l'écoute que j'ai faite depuis ce matin des points de vue. Il y a une harmonie en ce sens que nous disons il ne nous appartient pas de déterminer la pertinence ou non de la création d'un poste de directeur général. C'est une question de régie interne et cela appartient à d'autres que nous. On souhaite, évidemment, la nomination d'un tel directeur général dans la mesure où l'efficacité de la commission s'en

trouve rehaussée ou améliorée. À ce moment-là, on dit: Dans cette mesure et à cette condition, nous endossons la suggestion du ministre de créer ce poste. Évidemment, ceia nous prend cette efficacité améliorée comme condition préalable à la nomination. Pour le reste. ll ne nous appartient pas de le savoir.

Un point sur lequel on semble s'entendre avec les autres Intervenants, c'est en ce qui concerne la nomination On croit que. si le poste de directeur général, assumant la pertinence de sa fonction, doit être mis en place, si son rôle n'est qu'administratif, la Loi sur la fonction publique devrait normalement, en conséquence, s'occuper de sa rémunération et de sa nomination, comme pour les autres fonctionnaires en place. Cela éliminerait peut-être des problèmes éventuels en ce qui a trait à la double direction, ainsi de suite, c'est ce que nous disons dans notre lettre. Sur ce point, on semble avoir entendu des points de vue similaires depuis ce matin.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vais vous poser une question dans votre milieu, Ie milieu dans lequel vous oeuvrez - je ne parle pas du Barreau.

M. Pouliot: Non.

M. Garon:... mais de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières - est-ce que vous avez perçu de l'inquiétude vis-à-vis d'un pouvoir de directive au Québec pour la raison qu'il n'y a pas de tel pouvoir ailleurs en Amérique du Nord? Est-ce que vous l'avez senti et quel genre d'inquiétude avez-vous sentie, si vous en avez sentie?

Le Président (M. Chagnon): M. Pouliot.

M. Pouliot: Du seul fait que cela n'existe pas ailleurs au Canada, non, nous n'avons pas senti de réticence. Ce n'est pas la règle du précédent qui nous fait peur en valeurs mobilières. Ce n'est pas parce que cela n'existe pas ailleurs qu'on va s'abstenir. S'il y a une raison valable, on va s'abstenir d'aller de l'avant. On est peut-être plus innovateurs ou, en tout cas, on ne craint pas de créer de précédent. Donc, la réponse est non, on n'a pas senti de réticence.

M. Garon: Une intervention plus grande du gouvernement sous forme de directive, le courtier en valeurs mobilières n'a pas de problème avec cela.

M. Pouliot: Non. Nous avons, par le passé, constaté des Interventions économiques ou à incidence économique de la part d'intervenants autres que le gouvernement. Nous croyons qu'il appartient au gouvernement, au ministre, de décider de ces questions. Donc, s'il appartient à ce gouvernement de décider de la politique économique, essayons de trouver un moyen pour arriver à nos fins.

Le Président (M. Chagnon): Je pense, Mme Phénix, que vous vouliez compléter.

Mme Phénix: Oui. Je voulais juste ajouter un point quand on parle de précédent. SI on regarde d'autres alternatives qui avaient été mises de l'avant, on peut parier de protocole d'entente; et c'était aussi un précédent pour la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. On peut parler de comité consultatif; c'était aussi un précédent en Amérique du Nord pour la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta. Aiors, on n'a rien changé. On n'a rien de nouveau. Sur le principe comme tel, à savoir que la réglementation économique revient au gouvernement, je pense que tout le monde s'entend La façon, après, de s'assurer qu'il y ait une consultation entre les parties, au cours de laquelle les différents intervenants pourront aussi débattre de leur point de vue, appelez-la protocole d'entente. appelez la comité consultatif

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Garon: Je vais lire la deuxième partie de la page 5 de votre mémoire: "L'assujettissement de la couronne et de ses mandataires" C'est vous qui partez, c'est votre mémoire. Vous dites: "Le rapport quinquennal proposait le statu quo quant au non-assujettissement de la couronne à la Loi sur les valeurs mobilières. Quant aux mandataires de la couronne, il proposait un assujettissement par voie de directive. L'avant-projet de loi n'introduit aucun amendement à la Loi sur les valeurs mobilières en ce qui a trait à la couronne ou à ses mandataires. "L'ACCOVAM-Québec réitère le principe de la réglementation égale pour tous. Ainsi, lorsque l'État s'ingère dans l'économie, il devrait être assujetti aux mêmes règles que les autres participants du secteur privé. Par ailleurs, dans le contexte législatif actuel des autres provinces, l'ACCOVAM -Québec est d'accord avec l'aménagement pratique de l'assujettissement par directive gouvernementale. " Vous ne dites plus par la loi, mais par directive gouvernementale. "Idéalement, il devrait y avoir concertation au niveau fédéral et avec toutes les provinces pour assujettir tous les mandataires de la couronne oeuvrant dans le secteur privé à une réglementation égale pour tous. "

Voyez-vous: "Par ailleurs, dans le contexte législatif actuel des autres provinces, l'ACCOVAM-Québec est d'accord avec l'aménagement pratique de l'assujettissement - je comprends qu'on parle de l'assujettissement de la couronne et de ses mandataires - par directive

gouvernementale. " Cela, c'est fondamentalement différent de tout ce que les autres ont dit ici.

M. Nadeau: M. le Président, on va passer la parole à Me Lacoste.

Le Président (M. Chagnon ): M. Lacoste

M. Lacoste: Je pense que la directive dont il est fait mention dans l'extrait que vous venez de citer, c'est la directive telle que mentionnée dans le rapport quinquennal. Ce n'est plus le pouvoir de directive en matière économique sur la Commission des valeurs mobilières, il faut bien se comprendre. On parle de la directive pour assujettir les mandataires aux règles du marché, on ne parle pas des directives a la Commission des valeurs mobilières.

M. Garon: Oui, mais le ministre a dit qu'il voulait assujettir les mandataires de cette façon-là.

M. Lacoste: Oui.

M. Garon: Oui, c'est relié. Il a dit: Mon pouvoir de directive, c'est comme ça qu'on l'exerce.

M. Lacoste: D'accord, mais...

M. Fortier: Ce n'est pas la même chose, on ne parle pas du même pouvoir de directive.

M. Garon: Oui, mais c'est quoi? C'est un pouvoir de directives. Vous voulez procéder par directive.

Le Président (M. Chagnon): M. Lacoste, la parole est à vous.

M. Lacoste: Je veux juste expliquer que, dans le contexte du pouvoir de directive auquel faisait allusion M. Pouliot lorsque I' industrie a réagi à la proposition d'un pouvoir de directive sur la commission, la réponse de M. Pouliot ne portait pas sur la page que vous venez de lire. Dans la page que vous venez de lire, c'est une autre directive, c'est celle par laquelle, au lieu d'assujettir les mandataires de la couronne à la loi, le gouvernement, par le biais d'une directive, assujettirait les divers ministres responsables, les divers mandataires à des obligations semblables à celles contenues dans la Loi sur les valeurs mobilières. L'ACCOVAM a dit là-dessus: Que ça se fasse d'une manière ou d'une autre, on est prêts à accepter l'aménagement pratique, mais, au-delà de ça, il faut que tous les mandataires au Canada, que ce soit les fonds de retraite des autres provinces, les "heritage funds", les fonds réservés aux autochtones, tous ces mandataires qui ont des fonds qui viennent dans le marché, aient les mêmes règles; d'où la suggestion de le soumettre aux collègues des autres provinces et du gouvernement fédéral. Mais ce n'est pas la même directive.

M. Garon: Mais c'en est une.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis.

M. Lacoste: C'est une autre directive. M. Garon: Oui.

M. Lacoste: Est-ce que je pourrais ajouter...

Le Président (M. Chagnon): Naturellement, M. Lacoste.

M. Lacoste: Sur le pouvoir de directive lui-même, il y a un lien entre la position de l'ACCOVAM quant à la reconnaissance et au pouvoir de directive. C'est un lien assez subtil, mais je vais prendre une seconde pour tenter de vous l'expliquer. Si la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario reconnaît, aujourd'hui ou demain, l'ACCOVAM-Ontario, parce qu'on présume que c'est de celle-là que parle la commission de l'Ontario - si elle reconnaît l'ACCOVAM nationale, ça pose beaucoup d'autres problèmes; j'en parlerai très brièvement - et qu'elle a un pouvoir sur les règles internes de l'ACCOVAM-Ontario, il n'est pas impensable qu'avec les directives ou les protocoles, que je ne connais pas, que je n'ai pas vus - j'en ai entendu parier, mais on ne l'a jamais vu, le fameux protocole, entre la commission de l'Ontario et son ministre - le ministre de l'Ontario puisse, par l'approbation des règles par protocole avec la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, créer des ententes avec le gouvernement fédéral, comme ça s'est fait l'année dernière, pour permettre, dans les institutions financières à charte fédérale, dus opérations en valeurs mobilières que le Ouébec, dans sa province, n'accepterait pas. Donc, les commissions de valeurs mobilières, entre elles, pourraient convenir que la commission de l'Ontario, maintenant qu'elle reconnaîtrait la section Ontario de l'ACCOVAM, aurait certaines règles qui s'appliqueraient aux courtiers à travers le Canada, donc aux courtiers du Québec, des règles qui seraient différentes de celles que le même gouvernement au Québec applique dans sa politique de décloisonnement. (17 h 15)

II faut donc, ultimement, aller chercher tous les moyens pour que ce soit le gouvernement du Québec, par son ministre responsable des institutions financières, qui reconnaisse la section Québec de l'ACCOVAM, et les associations des diverses provinces s'arrangeront entre elles pour s'accommoder dos différences locales ou régionales, et, deuxièmement, que le ministre se garde ce pouvoir de directive pour être bien

certain qu'il n'y a pas d'intrusion du gouvernement fédéral dans le champ de compétence provinciale en valeurs mobilières.

Si on ne donne pas ces deux pouvoirs au ministre, c'est là qu'on risque vraiment d'avoir l'intrusion d'une commission fédérale et l'évacuation des pouvoirs des provinces en matière de valours mobilières

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. Lacoste. M. le député de Lévis, il vous reste à peu près deux minutes

M. Garon: II en reste combien?

Le Président (M. Chagnon): Deux C'est fini.

M. Garon: Pardon?

Le Président (M. Chagnon): C'est fini

M. Garon: Je n'ai pas autre chose à ajouter.

Ce que vous dites, c'est votre opinion et on est ici pour entendre votre opinion. Je vous remercie.

Le Président (M. Chagnon): J'inviterais donc, M. le ministre et M. le député de Lévis à conclure sur la présentation de l'ACCOVAM et je passe immédiatement la parole à M. le ministre.

M. Fortier: M le Président, j'aimerais remercier l'ACCOVAM qui est une section qui se veut de plus en plus dynamique. J'écoutais M Nadeau, Mme Phénix, M. Pouliot et surtout ce que M. Lacoste vient de dire. Dans le fond, je crois que les principes qui alimentent la présentation de l'ACCOVAM s'inspirent du fait qu'au Québec on tient à garder une certaine marge d'initiative, tout en cherchant à s'harmoniser avec le reste du Canada. C'est certain que la politique que nous avons poursuivie au Québec va dans ce sens-là. J'ai moi-même mis de l'avant des politiques dans le secteur du décloisonnement des institutions financières Je vais vous donner une primeur. il y en a une en particulier que j'ai mise de l'avant, parce que je croyais qu'il était très Important de permettre les liens commer ciaux vu que ça permettait d'avoir des empires importants contrôlés au Québec. Je me rends bien compte qu'une politique comme ça ne s'harmonisera pas, demain matin, à travers le Canada, mais je crois que c'est important pour le développement économique du Québec. Il me fait plaisir de vous annoncer, étant donné que la Bourse est fermée, que, cet après-midi, le président de Power Financial vient d'annoncer qu'il a reçu une offre pour Montréal Trust, de la part de Bell Canada. Quant à nous, nous nous réjouissons du fait que ce soit Bell Canada, une entreprise commerciale et industrielle du Québec très bien capitalisée, qui va éventuellement prendre le contrôle de Montréal Trust et qui va créer un groupe financier extrêmement important ici. Cela dénote la justesse de la politique que nous avions mise de l'avant, le fait qu'un empire important va se bâtir dans le secteur financier, tout en permettant à Power Financial de continuer ses activités.

C'est donc dans cette optique que le ministre et le gouvernement du Québec désirent garder leur marge de manoeuvre pour influencer le développement économique du Québec. Les remarques de Me Lacoste s'inspirent, je crois, de cette vision et du fait que, tout en faisant partie de la même fédération canadienne, nous voulons garder certaines marges d'initiative au Québec, chercher à influencer les choses et permettre au gouvernement de jouer le rôle qui est le sien dans le développement économique.

Si j'avais un choix à faire entre l'IDA, de Toronto, et l'ACCOVAM-Québec, il est bien certain, quant à moi, que le choix devrait se porter sur l'ACCOVAM-Québec. Je pense bien qu'on n'en fera pas de mystère ici.

Sur le reste, ce que j'ai retenu... Je crois qu'il faut conclure. Est-ce qu'on conclut uniquement sur les travaux de la commission?

Le Président (M. Chagnon): Sur la présentation de l'ACCOVAM.

M. Fortier: Si c'est là-dossus, je vais arrêter mes remarques ici. Merci

Le Président (M. Chagnon): Voilà M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je vois que le ministre commence à changer son vocabulaire. Il arrête de parler des mammouths financiers contrôlés à partir du Québec, parce qu'il s'est rendu compte que les mammouths sont une espèce animale disparue au cours des siècles, faute d'avoir été capables de s'adapter à l'environnement ambiant. Aujourd'hui, il parle d'empire financier contrôlé à partir d'ici; 8 n'a pas eu beaucoup le même langage pour le groupe Commerce qui représentait 10 % des primes d'assurance payées par les Québécois dans le domaine de l'assurance générale.

M. Fortier: Si le gouvernement fédéral l'avait permis, Bell Canada l'aurait acheté. C'est justement ce que ça prouve.

Des voix: Ha. ha, ha'

Le Président (M. Chagnon): M le député de Lévis.

M. Garon: II a été question de conception, de vision des choses Cela prend, là-dedans, une certaine cohérence parce que, quand on parle du décloisonnement, quand on parle d'intervention du gouvernement, quand on regarde les propos qui ont été tenus lors de l'adoption de la loi en

1982, il y a des volte-face permanentes. C'est bien difficile de savoir quelle est l'orientation véritable du gouvernement concernant ces questions. Je pense que, chez l'ensemble des Intervenants, il s'est établi des consensus. Je ne suis pas convaincu, après avoir écouté les propos que vous avez tenus au nom de votre association, que vous participez aux consensus qu'on a observés chez les autres. Dans certains cas, oui, mais dans certains cas, non. Des fois, iI y en a sur les principes, mais souvent c'est facile de s'entendre sur les principes, mais, sur les modalités d'application, c'est une autre affaire. Ce qui m'inquiète, c'est de voir que deux associations, comme la Bourse et l'ACCOVAM qui regroupent les mêmes membres pour une bonne part, ne disent pas la même chose. Quand on lit les mémoires, ça ne dit pas la même chose et, à mon avis, il y a quelque chose qui ne va pas. On ne peut pas être à un endroit et dire: J'ai tel chapeau, et être à un autre endroit et dire: J'ai tel autre chapeau. Si les gens changent de discours selon les chapeaux qu'ils portent, la réalité ne peut pas se diviser comme ça. Une porte, disait un auteur, est ouverte ou fermée, même quand elle est entrebâillée, elle est ouverte.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Lévis, gardez-vous un peu de temps pour la clôture des travaux de la commission.

M. Garon: II n'y en a pas de prévu à l'horaire. On est censé ajourner à 17 heures. On a dépassé l'heure. C'est vrai: aussitôt qu'on a fini avec le groupe, on a terminé nos travaux. D'ailleurs, cela prend un consentement parce que l'ordre, c'est 17 heures et il est 17 h 20.

Le Président (M. Chagnon): Je vous inviterais à conclure.

M. Garon: Je voudrais terminer en remerciant l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières du Québec de sa présentation, cela nous a fait plaisir de l'entendre.

Le Président (M. Chagnon): M. le ministre, avez-vous des remarques finales?

M. Fortier: Non, mais je crois que je vais conclure. Je veux remercier les membres de la commission. J'ai pris note de leurs indications en ce qui concerne le pouvoir de directive. Encore là, le message est de dire: Oui, il serait peut-être opportun que vous interveniez dans le domaine économique, mais soyez prudents pour encadrer le pouvoir de directive. C'est le message que je retiens.

Le Président (M. Chagnon): Je tiens à vous remercier, M. Nadeau, ainsi que mesdames et messieurs qui vous ont accompagné.

La commission ajourne ses travaux sine die, ayant accompli son mandat. Je tiens à remercier les membres de cette commission pour le travail qu'ils ont accompli depuis avant-hier. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 17 h 24)

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