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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Thursday, April 5, 1984 - Vol. 27 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration


Étude des crédits du ministère des Communications


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons commencer cette réunion de la commission permanente de la culture ayant un mandat de l'Assemblée nationale pour étudier les crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Communautés culturelles et Immigration

Je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue à M. le ministre, à Mme la sous-ministre, ainsi qu'aux fonctionnaires de plusieurs organismes qui relèvent de ce ministère.

Retard dans la distribution des documents

M. le ministre, avant de vous inviter à faire votre présentation, si vous me le permettez, je voudrais faire une brève intervention au sujet de la documentation, sujet sur lequel nous avons déjà croisé le fer dans une situation pareille. Je veux, d'abord, vous féliciter de la qualité et surtout de l'organisation et de l'accessibilité de la documentation que vous nous avez fournie. C'est de loin la meilleure documentation que nous ayons reçue en tant que commission; en tout cas, c'est mon opinion. La documentation nous est, malheureusement, parvenue en retard. Sans entrer dans les détails, je voudrais vous faire, pour l'année prochaine, au nom de la commission, la proposition suivante: Que nous essayions, d'abord, de nous organiser, le ministère et la commission, quant à la façon dont on va procéder pour la distribution de la documentation. Si le leader du gouvernement et le leader de l'Opposition veulent également avoir accès à la documentation, nous n'avons, évidemment, pas d'objection, mais nous croyons que l'entremise des deux leaders parlementaires n'aide pas le processus de distribution des renseignements et de la documentation.

Je voudrais également proposer que, l'année prochaine, cette documentation soit entre les mains de tous les membres de la commission au moins sept jours avant que nous commencions l'étude des crédits. Est-ce qu'on pourrait avoir votre réaction à cela, M. le ministre?

M. Godin: M. le Président, nous avons fait l'impossible pour distribuer tous les documents avant la fin de la journée de vendredi, de manière que les membres de la commission puissent avoir ces documents en main pour la fin de semaine, ce qui faisait six jours d'avance. Je suis d'accord avec vous que l'idéal eût été que ce soit jeudi, parce qu'un grand nombre de députés, surtout ceux qui ne sont pas de Québec, partent le jeudi soir ou tôt le vendredi matin. Je suis d'accord avec vous qu'il y aurait avantage à l'avenir à ce qu'il y ait une entente entre la commission et les ministères - pour le mien, il n'y a aucun problème - pour que nous nous entendions ensemble, avant le début des travaux de la commission, sur le délai qui serait le plus pratique pour les membres de la commission.

Pour l'année prochaine, pour les crédits ou pour tout autre exercice semblable, je suis d'accord que nous devrions nous entendre, la commission et le ministère, sur les délais de livraison des documents.

Le Président (M. French): Est-ce que j'ai bien compris que vous ne voulez pas vous engager à un délai de sept jours?

M. Godin: Sept jours ou plus.

Le Président (M. French): Bon. Plus, cela ferait mon plus grand bonheur.

M. Godin: Nous sommes à six jours cette année. Donc, rien ne nous empêchera d'aller à dix jours si on estime que ce serait mieux. Ce que mes collègues ministériels m'ont dit, c'est qu'ils ont reçu en même temps, dans les mêmes deux ou trois jours, le cahier des Affaires culturelles, le cahier de l'Éducation, le cahier de mon ministère et des organismes qui s'occupent de la loi 101, ce qui fait à peu près 1000 pages de documents en quatre jours. C'est beaucoup. Je suis tout à fait d'accord, pour la transparence, pour qu'on étale la livraison des documents de telle manière que ce soit, en fait, la commission qui fasse des recommandations au ministère, puisque la commission connaît mieux que personne l'agencement de l'ensemble des travaux.

Le Président (M. French): En tant que commission, nous allons vous écrire l'année prochaine, mais, entre-temps, je dois présumer que nous avons une entente entre

nous à cet effet.

M. Godin: Tout à fait.

Le Président (M. French); Merci beaucoup, en présence de Mme la sous-ministre. M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: J'ai eu ces cahiers à temps. Comme le dit si bien le ministre, cela faisait une hauteur comme ça et, pour passer à travers ceux des Affaires culturelles et ceux-ci, j'ai passé toute la fin de semaine. Quand bien même on aurait eu une journée de plus, je n'aurais pas eu le temps de passer au travers. Quant à moi, je ne voudrais pas continuer ce débat parce qu'il dure depuis trois jours. Je pense qu'on les a eus à temps.

Le Président (M. French): Je n'ai pas compris la dernière phrase.

M. Proulx: Ce débat que vous abordez dure depuis trois jours. Quant à moi, je suis satisfait du délai.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je comprends qu'on ne peut pas, non plus, lancer la balle à tout le monde. Je viens d'entendre l'intervention du député de Saint-Jean. On me confirme qu'on l'a reçu vendredi après-midi, sauf que moi, j'étais dans mon comté et c'est à partir de mardi matin que j'ai pu regarder les documents en question. Je suis un peu pénalisé ayant été nommé porte-parole du dossier des Communautés culturelles et de l'Immigration la semaine dernière. On a à étudier des crédits d'une valeur de près de 50 000 000 $ pour un ministère aussi important: je pense qu'en une journée il est assez irréaliste de passer à travers cela. Je suis un peu d'accord avec tout le monde.

C'est malheureux. J'en avais parlé avec le président de la commission. Je tiens à vous dire honnêtement que je vais faire mon possible, grâce à notre recherchiste qui a pris quelques notes, pour étudier le mieux possible les crédits du ministère. Mais je tiens à mentionner aux membres de la commission qu'en ce qui me concerne je trouve irréaliste d'espérer pouvoir me débrouiller en une journée avec les crédits d'un ministère, alors que je viens à peine d'obtenir les dossiers qui m'ont été remis par le chef de l'Opposition. Heureusement que ce n'est pas télévisé parce que je me sentirais un peu mal à l'aise de passer en revue les crédits d'un nouveau ministère. Je tenais à le mentionner aux membres de la commission.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, j'espère qu'on ne fera pas, à toutes les séances de la commission, pendant de longues minutes, ressortir le fait qu'on n'a pas reçu les documents. C'est la première commission où on applique la réforme parlementaire. Alors, on est peut-être un peu pris au dépourvu. Tous les gens autour de cette table ont convenu qu'on devrait recevoir les documents beaucoup plus tôt; il y a un consensus là-dessus. Je ne vois pas pourquoi on ferait un plat avec cela. Tout le monde a reconnu qu'on devrait les recevoir avant. C'est la première fois qu'on applique la réforme parlementaire et tout a été un peu bousculé. Mais on va espérer que, malgré tous ces inconvénients - tout le monde les reconnaît - on pourra s'en sortir d'une façon adéquate, comme, d'ailleurs, on l'a fait pour les Affaires culturelles hier.

Le Président (M. French): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je comprends que le député de Mille-Îles ne veuille pas qu'on aborde la question trop souvent, sauf qu'elle me paraît d'une importance primordiale. Ce n'est pas parce que cela déplaît au député de Mille-Îles ou parce qu'il trouve qu'on l'a assez dit qu'on va s'arrêter là. Le ministre pourrait nous dire le nombre d'heures et le nombre de fonctionnaires qui ont travaillé à la préparation de ces dossiers. C'est pour cela qu'ils sont bien faits; c'est pour cela qu'on peut les utiliser. Il y a eu des centaines, sinon des milliers d'heures qui y ont été consacrées par des gens dont c'est la spécialité et qui le font du matin au soir. C'est normal que cela soit fait comme cela.

Le but de tout l'exercice est de soumettre ces documents à cette commission pour qu'on en fasse un examen critique, qu'on obtienne des renseignements supplémentaires et des explications quand on en a besoin. Or, il aura beau se faire le meilleur travail dans votre ministère - M. le ministre, vous le reconnaîtrez et je n'en doute pas - par des fonctionnaires compétents, si, en fin de compte, les documents ne sont pas entre nos mains en temps utile, tout cela est un coup fourré parce que cela ne donne rien.

Le député de Mille-Îles dit: On s'est entendu là-dessus, tout le monde est d'accord, etc. On aura l'occasion d'y revenir. Mais, l'an dernier, il y a eu des engagements précis de pris. On s'était entendu sur certaines choses dans une autre commission. On s'est retrouvé dans une situation qui n'est pas meilleure actuellement. Tout cela pour dire que - je me suis informé ce matin - au niveau de la commission de l'Assemblée

nationale ou du bureau qui préparait la nouvelle réglementation qui nous régit actuellement, on s'est demandé si, pour l'étude des crédits, on devrait inclure un article faisant obligation ou spécifiant que les documents doivent être entre les mains des membres de la commission à telle ou telle date avec un délai de dix ou de sept jours, etc. Il en avait été discuté. Finalement, le consensus avait été que cela va tellement de soi qu'une semaine est un délai minimum et qu'on ne peut pas aller en deçà de ce délai. Comment voulez-vous qu'on puisse faire une étude sérieuse? C'est cela, le but de l'exercice. Ce n'est pas d'avoir un document qui, en lui-même, est bien monté, mais qu'on ne peut pas scruter, faute de temps, faute d'avoir pu regarder à temps ce qu'il contient.

Je comprends difficilement l'intervention du député de Mille-Îles qui dit: On l'a tous dit, etc. On l'a dit pour un autre ministère, on le redit à ce ministère. Je puis assurer le député de Mille-Îles d'ores et déjà qu'on va le redire ce soir en ce qui concerne le ministère des Communications. Vous êtes mieux de vous préparer à cela.

Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le ministre. On me rappelle que je n'ai pas mentionné les noms des personnes présentes. M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplace M. Baril (Rouyn-Noranda-Témisca-mingue); M. Brouillet (Chauveau) est un peu en retard et il m'a demandé de faire ses excuses auprès des membres de la commission; il sera ici un peu plus tard. M. Champagne (Mille-Îles) est présent, M. Dauphin (Marquette) est présent, M. Doyon (Louis-Hébert) est présent, M. French (Westmount) est présent, M. Gauthier (Roberval) sera un peu en retard, M. Hains (Saint-Henri) est absent. Mme Lachapelle (Dorion) est présente, on la reconnaît, elle est un peu malade et elle nous aide à garder le quorum. M. Proulx (Saint-Jean) est présent.

M. Proulx: Toujours!

Le Président (M. French): Toujours présent. M. le ministre, vous avez reçu, sous ma signature, une lettre au sujet de vos commentaires préliminaires dans laquelle on vous invitait à être relativement bref. M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: Pourrait-il présenter son personnel?

Le Président (M. French): Oui, je m'excuse.

M. Godin: C'est prévu dans mon discours, M. le Président.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Jean, votre micro n'est pas bien placé.

Exposés préliminaires M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, je vous présente d'abord les gens qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Juliette Barcelo, sous-ministre au ministère; à ma gauche immédiate, M. Régis Vigneau, sous-ministre adjoint; Mme Micheline Lachance, attachée de presse et d'information dans mon cabinet; M. André Escojido qui fut le membre gouvernemental au sein du CIPACC; à sa droite, M. Egan Chambers, l'ancien président du Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles et qui est, depuis mercredi, il y a deux semaines, le coordonnateur qui verra au suivi de l'implantation du plan d'action; à ma droite, M. Normand Lemay qui est chef des services financiers au ministère; M. Jacques Bissonnette qui est le chef du service des relations avec les groupes et M. Jacques Perron qui est le secrétaire du bureau des sous-ministres.

M. le Président, mon exposé préliminaire, que je vais tenter de faire aussi bref que possible, se divise en trois parties: tout d'abord, l'immigration, ensuite, les communautés culturelles, ensuite, le CIPACC et le suivi du CIPACC, le CIPACC étant le Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles.

En cette année 1983 où s'est amorcée la reprise économique tant attendue, mon ministère a cherché à atteindre le juste, mais combien difficile équilibre entre l'immigration que je qualifierais d'humanitaire et celle qui influence directement l'économie d'une nation...

Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le ministre. Il y a un problème de son. Je ne sais pas ce que c'est. Il est peut-être nécessaire de hausser le volume du son à l'intérieur de la salle. On entend mal. M. le ministre.

M. Godin: ...en un mot, entre les réfugiés et les millionnaires. Le Québec n'a jamais failli à son devoir d'accueillir des réfugiés des quatre coins du monde qui cherchent désespérément une terre d'asile ou un pays d'adoption. Je peux même dire que sa réputation de générosité dépasse largement ses frontières. Mais le gouvernement a également la responsabilité d'assurer le bien-être de tous les Québécois. Est-ce que cela va mieux au plan du son?

Le Président (M. French): Est-ce que cela va bien? M. le ministre.

M. Godin: Ce sont les travaux. Je vais rapprocher le micro. Mais le gouvernement a donc également la responsabilité - est-ce que c'est mieux? - d'assurer le bien-être de tous les Québécois, bien-être qui passe nécessairement par une saine économie. En cette année de relance et de reprise, je suis très heureux de dire que mon ministère a largement contribué à susciter des retombées économiques grâce, en particulier, au succès remporté par son programme s'adressant aux immigrants investisseurs. Mais avant de mesurer avec vous l'importance de cette injection de capitaux sur notre économie et le nombre d'emplois créés grâce à ce programme, il me semble utile de tracer à grands traits le profil de l'immigration québécoise au cours de l'année qui s'achève. J'éviterai, dans la mesure du possible, les énumérations laborieuses et les détails exhaustifs puisque vous avez en main depuis six jours le volumineux cahier préparé à votre intention par mon ministère et auquel vous pouvez vous référer en tout temps. Je profite, d'ailleurs, de l'occasion pour vous présenter les gens... Je viens de vous les présenter.

Des voix: Ah! Ah!

M. Godin: En 1983, le Québec a accueilli 16 244 ressortissants étrangers, soit une diminution de 24% des entrées internationales par rapport à l'année précédente. Au cours de la même période, l'immigration a subi une baisse de l'ordre de 27% dans l'ensemble du Canada. La part du Québec dans l'immigration canadienne demeure, par ailleurs, sensiblement la même, soit 18,3%. Les 20% des personnes admises l'ont été en vertu de programmes humanitaires, c'est-à-dire qu'elles étaient des réfugiées. Cela constitue une forte baisse par rapport à l'année 1980, alors que ce pourcentage atteignait 37% du total des immigrants. Sur l'ensemble des immigrés arrivés au Québec en 1983, 41% se destinaient au marché du travail. Là aussi, on constate une diminution tout comme dans l'ensemble du Canada.

Pour la troisième année consécutive, Haïti conserve le premier rang parmi les pays de dernière résidence. Viennent ensuite dans l'ordre: la France, le Vietnam, le Salvador et les États-Unis. La moitié des ressortissants étrangers ont été admis dans la catégorie de la famille; 32% le furent comme indépendants; 7% à titre de parents aidés.

Si l'on compare la connaissance du français et de l'anglais des nouveaux arrivants par rapport à l'année précédente, on constate peu de changements. En 1983, 35% des immigrants ne connaissaient aucune des deux langues; 33% maîtrisaient le français seulement; 21%, l'anglais seulement; 11% parlaient les deux langues. C'est la région de Montréal qui continue d'attirer la majorité des immigrants qui viennent au Québec, soit 82%, tandis que la ville de Québec occupe le deuxième rang avec 4%, suivie de l'Estrie et de l'Outaouais qui attirent respectivement 2% des nouveaux immigrants. Voilà pour le tableau général.

Voyons maintenant de quelle façon l'immigration économique influe sur la situation et détermine nos politiques. Depuis une vingtaine d'années, le Québec attire environ 16% à 17% de tous les immigrants qui viennent s'établir au Canada. Sa performance s'améliore encore lorsqu'il s'agit d'inciter des investisseurs à choisir le Québec. En 1983, en effet, le Québec a accueilli près du quart de tous les investisseurs admis au Canada. Au cours des cinq dernières années, environ 2000 investisseurs étrangers ont opté pour le Québec comme nouvelle patrie. Ils ont injecté plus de 300 000 000 $ dans notre économie et ce, en dépit de la conjoncture économique difficile que nous avons connue.

Autre bonne nouvelle: ce mouvement migratoire est plus qu'une injection substantielle de capitaux. Il est créateur d'emplois. Pour l'année 1983, en effet, quelque 850 nouveaux emplois ont été créés. Si on fait le total des cinq dernières années, nous aurions un nombre de 4000 nouveaux emplois créés. Traditionnellement, les investisseurs étrangers se dirigeaient vers l'activité agricole, vers les fermes. Aujourd'hui, ils ne représentent plus que 30% du total. C'est désormais le commerce qui attire 55% d'entre eux, tandis que 15% s'acheminent vers l'industrie manufacturière.

Grâce à leur expérience différente de la nôtre, ces investisseurs jouent un rôle de premier plan dans les efforts du Québec pour diversifier son industrie manufacturière et agricole et accroître ses exportations. Je tiens, d'ailleurs, à rendre hommage à ces nouveaux Québécois qui, à l'instar de ce fermier suisse installé à Lotbinière, de ce restaurateur vietnamien installé à Sherbrooke, de ce fabricant d'acier italien installé à Saint-Hyacinthe et, bientôt, de ce manufacturier de téléviseurs chinois à Montréal, viennent ici développer de nouvelles techniques et créer des emplois parce qu'ils ont confiance au Québec et en son avenir.

Devant de tels résultats, vous comprendrez que mon ministère a décidé de consolider et de développer son programme à l'intention des immigrants investisseurs, ce qui s'inscrit parfaitement dans le plan de relance économique du gouvernement. Le Conseil des ministres a, d'ailleurs, consenti à augmenter le budget affecté à ce programme spécial qui atteindra, en 1984-1985, la somme de 717 000 $ et, en 1985-1986, la somme de 930 000 $, soit près de

1 000 000 $. Avec cet argent, nous pourrons multiplier les démarches tant au Québec qu'à l'étranger; nous avons l'intention de publier des documents d'information et de procéder à des campagnes publicitaires.

De plus, nous répéterons l'expérience fructueuse inaugurée il y a deux ans, qui consistait à inviter des journalistes d'Italie, d'Allemagne, de Hong Kong, du Venezuela et de Suisse à venir au Québec. Ces chroniqueurs financiers ont signé une dizaine de reportages sur la situation économique, les possibilités d'investissement au Québec et les programmes d'aide à la PME qui existent ici.

De même, nous poursuivons nos missions de recrutement à l'étranger. En effet, en 1983, les huit missions qui ont eu lieu ont permis à nos conseillers de discuter d'immigration avec 500 personnes réunissant des capitaux de 250 000 000 $. Mon récent séjour en Asie du Sud-Est m'a permis de constater de visu, à Hong Kong, combien le Québec gagnerait à affirmer davantage sa présence auprès de ces milieux d'affaires. À l'heure où chaque pays, chaque province fait son "lobbying" à Hong Kong, Singapour ou Bonn, le Québec se doit de faire connaître ses atouts aux éventuels investisseurs. Ceux-ci réclament, en effet, des renseignements concrets. Il faut leur dire que l'énergie chez nous coûte moins cher que partout en Amérique du Nord à cause de nos abondantes ressources hydrauliques, que nous produisons de l'aluminium en quantité. Il faut vanter les avantages d'une métropole dont le port est ouvert douze mois par année. Enfin, il faut rappeler la proximité du marché américain et souligner qu'au Québec les coûts de construction de bâtiments industriels sont sensiblement moins élevés que partout ailleurs en Amérique, ainsi que le prix des loyers industriels. Les futurs investisseurs doivent connaître ces renseignements.

Ils nous arrivent ici avec une expérience et un savoir-faire acquis dans 69 pays différents. La majorité d'entre eux sont originaires de pays francophones. Au cours des six dernières années, 70% de nos nouveaux citoyens investisseurs venaient de France, de Belgique, de Suisse, du Maroc, du Liban et de Madagascar. Nous entendons, bien sûr, maintenir nos liens avec ces pays, mais nous mettrons tout en oeuvre pour faire une percée du côté de pays d'autres traditions linguistiques.

C'est dans ce sens qu'il faut voir la volonté de mon ministère d'ouvrir un bureau à Düsseldorf, Bonn, en Allemagne, et de créer un poste de conseiller de l'immigration à la délégation du Québec à New York, ville transit d'où originent 50% de l'ensemble du mouvement migratoire en provenance des États-Unis.

Il nous a également semblé avantageux de simplifier les procédures de sélection des candidats immigrants investisseurs afin d'accélérer le processus du certificat de sélection du Québec qu'on appelle CSQ et du visa canadien. Dorénavant, les candidats investisseurs ne seront plus tenus de présenter un projet spécifique, mais ils devront simplement démontrer qu'ils possèdent une expérience des affaires nécessaire et les capitaux suffisants. En somme, nos conseillers évalueront les chances de ces personnes de réussir en affaires au Québec.

En plus des investisseurs, le Québec attire aussi les travailleurs immigrants, bien que leur nombre ait diminué du tiers en 1983 ici comme dans l'ensemble du Canada. En effet, des 16 244 ressortissants étrangers admis au cours de l'année, 6701 étaient des travailleurs. Un peu plus de 1000 d'entre eux furent sélectionnés en fonction du marché québécois du travail.

Depuis l'entente Couture-Cullen, il est bon de le rappeler, le Québec dispose des moyens lui permettant de recruter les travailleurs immigrants pouvant combler des pénuries spécifiques ou occuper des postes nécessitant une main-d'oeuvre spécialisée qui fait défaut au Québec. Auparavant, le gouvernement fédéral détenait l'entière juridiction quant à la sélection des immigrants. Il évaluait les candidats en fonction des critères reflétant l'ensemble de la situation socio-économique canadienne et cela ne correspondait pas toujours adéquatement aux besoins et à la réalité spécifiques du Québec. L'entente de 1978 devait corriger cette lacune.

Près des deux tiers des travailleurs admis au Québec durant l'année 1983 se concentrent dans cinq grands groupes professionnels: 13% sont des travailleurs spécialisés dans les services; 11% dans la fabrication, le montage et la réparation; le personnel administratif représente 9% du total, tandis que les travailleurs spécialisés dans les sciences naturelles, techniques et mathématiques comptent pour 8% de l'ensemble. (10 h 30)

À leur arrivée, 1170 immigrants dans la catégorie des indépendants étaient détenteurs d'un emploi assuré. Ces emplois leur avaient été offerts par des entreprises qui, malgré leurs recherches, n'avaient pas réussi à trouver, ni au Québec ni au Canada, des candidats susceptibles de les occuper. J'insiste sur cette précision parce qu'elle nous permet de mesurer jusqu'à quel point le travailleur immigrant qualifié est un acquis pour le Québec et son industrie. Loin d'accaparer la place d'un Québécois, il vient combler un vide grâce à sa formation et à sa compétence. En 1984, on peut d'ores et déjà prévoir l'admission au Québec de 4000 immigrants indépendants. Un grand nombre d'entre eux seront des entrepreneurs

investisseurs ou des travailleurs autonomes.

Avant d'aborder le dossier de l'immigration humanitaire proprement dit, permettez-moi de dire quelques mots de notre programme de réunification des familles qui constitue à lui seul près de la moitié du mouvement total. En 1983, 7830 personnes sont venues au Québec rejoindre leur famille. Nous avons également accepté 7506 demandes de parrainage émanant de citoyens canadiens ou de résidents permanents en faveur de parents en Haïti, au Vietnam, aux États-Unis et, en nombre moindre, au Liban, en Inde, en France, au Salvador, en Chine, en Pologne et en Italie.

Au chapitre de l'immigration humanitaire, l'accent a encore été mis cette année sur l'aide aux réfugiés indochinois. Nos efforts ont également porté sur le programme salvadorien et, dans une moindre mesure, sur celui des exilés volontaires de Pologne et des réfugiés d'Afrique.

Revenons aux réfugiés indochinois. Au cours des cinq dernières années, 17 601 Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens ont trouvé asile chez nous. Ce nombre dépasse largement l'engagement que le Québec a pris en 1979, lors de la Conférence de Genève, d'accueillir 15 000 réfugiés du Sud-Est asiatique. Nous avons raison d'être fiers d'avoir ouvert nos portes à ces personnes qui figurent parmi les plus démunies de la terre. Il s'agit là, en effet, d'une mission de solidarité humaine qui reçoit, d'ailleurs, l'appui de l'immense majorité des Québécois de toute origine.

Néanmoins, nous aurions tort de croire que le sort de ces réfugiés de la mer est désormais réglé. En effet, les autorités thaïlandaises que j'ai rencontrées lors de mon récent passage à Bangkok ont souligné la générosité du Québec et ont déploré le manque d'intérêt croissant de certains pays d'accueil qui croient à tort que le problème n'est plus aussi crucial ou important. S'il est évident que la situation s'est sensiblement améliorée depuis quelques années grâce aux efforts soutenus des organismes internationaux, il n'en demeure pas moins que 140 000 réfugiés sont encore entassés dans des camps en Thaïlande, tandis que plus de 250 000 d'entre eux vivent dans des conditions difficiles aux frontières du Kampuchéa et de la Thaïlande.

Au nom du gouvernement, j'ai donné l'assurance que le Québec continuera d'accueillir des réfugiés et d'aider financièrement les organismes qui permettent à ceux qui le désirent de retourner dans leur pays pour s'y établir. En 1984, nous prévoyons l'arrivée de 225 réfugiés en provenance du Sud-Est asiatique. Notre programme spécial de réunification des familles vietnamiennes se poursuivra et 300 personnes de la catégorie des parents aidés seront ainsi acceptées.

Mon ministère a également assoupli ses mesures de sélection pour un certain nombre de réfugiés salvadoriens qui sont dans une situation de détresse depuis 1980 pour des raisons que tout le monde connaît. Cette année, une proportion importante des 879 Salvadoriens admis avait été sélectionnée au Québec même. En 1984, nous espérons admettre environ 200 personnes originaires du Salvador. Des mesures particulières d'admission sont également prévues dans le cas des ressortissants du Guatemala. Nous suivons, d'ailleurs, de près l'évolution de la situation socio-économique dans ce pays.

Le mouvement des exilés volontaires de Pologne a diminué sensiblement puisque seulement 606 personnes ont été admises au Québec en 1983 par rapport à 975 en 1982. L'année 1984 devrait nous amener 150 exilés des pays d'Europe de l'Est et plus particulièrement de la Pologne et de la Roumanie. Enfin, 122 Africains ont été sélectionnés par mon ministère en 1983 en vue de leur admission au Québec à titre de réfugiés, mais, en 1984, leur nombre ne devrait pas dépasser 80.

Naturellement, les capacités d'accueil du Québec, comme, d'ailleurs, celles d'autres pays, sont limitées. C'est pourquoi nous aidons financièrement des organismes internationaux qui oeuvrent sur place auprès des réfugiés et des populations sinistrées. Constitué en 1980, notre fonds d'aide aux sinistrés secourt les personnes frappées par des catastrophes naturelles, telles que les inondations, tremblements de terre ou famine, ou celles victimes de bouleversements politiques comme des guerres civiles. Au cours de l'exercice financier 1983-1984, les dons du Québec dans le cadre de ce fonds d'aide aux sinistrés ont atteint 450 500 $. Nous sommes surtout intervenus en Amérique du Sud, en Afrique et en Amérique centrale.

J'aurais aimé vous annoncer qu'une solution permanente avait été apportée à l'épineux problème des requérants au statut de réfugiés. Hélas, depuis la décision de l'ex-ministre fédéral de l'Immigration, Lloyd Axworthy, de supprimer toute aide financière à ces personnes démunies, leur situation demeure précaire. Au Canada, le mouvement s'est amplifié en 1983 pour atteindre un total de 5000 personnes en attente d'une décision. Mirabel continue d'être le port d'entrée, de tous les aéroports canadiens, privilégié par ces réfugiés. 200 des 350requérants qui arrivent au Canada chaque mois arrivent à Mirabel et c'est ainsi que c'est à Montréal que la crise se fait sentir le plus durement.

Le Québec continue d'en assumer à peu près seul le fardeau financier. Mon ministère a, d'ailleurs, pris un certain nombre de mesures humanitaires pour venir en aide aux personnes touchées par la décision unilatérale

d'Ottawa, tout en instaurant un contrôle approprié. Ces mesures furent adoptées à la suite des diverses consultations que nous avons eues avec les organismes non gouvernementaux voués à la cause des réfugiés.

Nous nous sommes également inspirés des recommandations soumises par soeur Gisèle Turcot qui a été mandatée par mon ministère, au printemps dernier, pour faire le point sur la situation de ces personnes. En premier lieu, il a été convenu avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qu'à part les citoyens canadiens et les résidents permanents seuls les détenteurs d'un certificat de sélection du Québec, d'un CSQ, seraient admis à l'aide sociale. De là, il nous importait d'accélérer la procédure visant à l'obtention du CSQ afin que le requérant puisse avoir accès à l'aide sociale rapidement. Mon ministère a donc quadruplé son personnel préposé à l'entrevue des candidats. Au cours de 1983, nos conseillers à la division des changements de statut ont effectué 3380 entrevues. Sur un total de 2765 candidats provenant essentiellement du Sri Lanka, du Bangladesh, de l'Iran et du Salvador, 2016 ont obtenu leur CSQ. Nous sommes également parvenus à un accord avec le ministère des Affaires sociales pour inscrire ces requérants à l'assurance-maladie de manière à protéger la santé publique et la santé de ces requérants.

De plus, les enfants d'âge scolaire peuvent, dorénavant, fréquenter les écoles du Québec. Enfin, grâce à son programme de soutien à l'accueil et à l'adaptation, mon ministère a pu aider financièrement les organismes qui oeuvrent quotidiennement auprès des réfugiés et dont je tiens à souligner le travail admirable. Une large part des 803 000 $ consacrés à ce programme et remis à 45 organismes dans tout le Québec ont facilité l'adaptation et l'établissement de ces réfugiés. À plusieurs reprises, j'ai exprimé la volonté du ministère de collaborer avec les autorités fédérales et les organismes communautaires. J'ai demandé avec insistance à la Commission canadienne de l'emploi et de l'immigration d'emboîter le pas et de participer activement à la recherche d'une solution équitable et humaine aux problèmes de cette population en exode dont le sort nous concerne tous.

Il paraît important, à ce moment-ci, dans un autre ordre d'idées, de parler de l'évolution démographique de la population québécoise en 1983, ce qui nous permettra ensuite d'établir le niveau d'immigration que nous devrions atteindre en 1984. L'élément dominant en 1983 a sans doute été le retour au bercail d'un nombre important de Québécois ayant émigré en Ontario et en Alberta au cours des dernières années. En effet, les entrées au Québec ont augmenté de façon significative en 1983 par rapport à 1982, passant de 14 747 à 20 471. Tout indique que ce revirement est dû au fait que la situation économique s'est améliorée plus tôt au Québec que dans d'autres provinces canadiennes, soit dès le milieu de l'été 1983, alors que, dans tout le reste du Canada, le marché du travail demeurait stagnant. Toujours au chapitre de l'immigration interprovinciale, il y a eu, comparativement à l'année précédente et pour une période équivalente, moins de départs du Québec vers le reste du Canada au cours des neuf premiers mois de l'année.

En ce qui concerne ses échanges migratoires avec les pays étrangers, le Québec est demeuré gagnant en 1983 puisqu'il a reçu 6810 personnes de plus qu'il n'en a perdu. C'est d'autant plus intéressant de le souligner que le Québec avait dû réduire le nombre d'immigrants provenant de l'étranger pour des raisons reliées à la crise économique. Notons, au passage, que Statistique Canada a révisé à la baisse le nombre de départs annuels qu'elle avait évalué à 20 000 de 1977 à 1981, à partir d'extrapolations basées sur la situation canadienne dans son ensemble. Après avoir raffiné son analyse, il apparaît que la réalité est tout autre. En effet, pour la même période, à partir d'autres données plus sérieuses, la moyenne de départs du Québec vers d'autres pays se situerait quelque part entre 6200 et 10 044 départs, c'est-à-dire, au pire, la moitié seulement de ce qu'on avait escompté jusqu'à maintenant et, au mieux, 30%.

Compte tenu de ce mouvement migratoire et aussi de l'accroissement naturel de la population, la population du Québec atteignait, en octobre dernier, 6 500 800 personnes. Ce chiffre suppose que la population a augmenté de 29 200 personnes au cours des neuf premiers mois de l'année. C'est un léger fléchissement par rapport à l'année précédente. Avec son taux d'accroissement démographique d'environ 0,5%, le Québec ne fait pas figure d'exception. Bon nombre de pays ou de régions industrialisés connaissent actuellement des taux inférieurs ou semblables au sien. C'est le cas des pays européens et, plus près de nous, des États de la Nouvelle-Angleterre.

J'ai déjà informé mon homologue fédéral que le Québec pourra accueillir 16 000 immigrants en 1984, dont 8000 pour des raisons familiales et 4000 pour des raisons humanitaires. L'immigration économique, quant à elle, nous permettra d'accueillir 4000 personnes. Les travailleurs sélectionnés le seront en vertu de pratiques restrictives qui tiendront compte des pénuries et des besoins du marché du travail québécois.

J'insiste sur la prudence qui doit nous animer, car, si nous avons une responsabilité en tant que pays d'accueil, nous avons aussi

le devoir de faire des nouveaux venus des Québécois à part entière. C'est ainsi qu'il y a presque trois ans le gouvernement du Québec créait le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration qui s'est tout de suite mis à la tâche afin de mettre en oeuvre des politiques favorisant l'épanouissement des communautés culturelles et de leur culture, ainsi que leur entière participation à la vie nationale.

À la veille de cet anniversaire, j'éprouve une grande fierté à venir vous parler des réalisations de ces communautés. Ces réalisations, il convient de le souligner, ont été rendues possibles grâce, d'abord et avant tout, à l'extraordinaire dynamisme des nouveaux Québécois à qui mon ministère a accordé un appui financier et technique. En effet, une solide collaboration s'est établie entre les communautés culturelles du Québec qui sont les premières responsables du développement de leur propre culture et de leur intégration à la vie d'ici et mon ministère dont le rôle premier est de soutenir les initiatives qui proviennent des organismes qui les représentent.

Depuis plusieurs années, les communautés culturelles réclamaient un interlocuteur, un porte-parole. Elles l'ont trouvé. En peu de temps, les organismes qui en sont issus sont devenus des partenaires du ministère sans qui nos objectifs, en tant que gouvernement responsable du bien-être des nouveaux Québécois, ne sauraient être réalisables. En effet, si mon ministère apporte un soutien financier et technique aux communautés culturelles, il revient néanmoins aux organismes qu'elles ont créés elles-mêmes de réaliser les objectifs qu'ensemble, après une concertation fructueuse et fréquente, nous nous sommes fixés.

L'extraordinaire dynamisme de ces communautés a permis à mon ministère de contribuer largement à la relance économique à laquelle le gouvernement consacre beaucoup d'efforts. En dépit de la crise économique, les communautés culturelles ont ainsi réussi à bâtir ou à consolider quinze centres communautaires d'une valeur totale de 12 250 000 $. Notre programme d'aide aux centres communautaires inauguré il y a deux ans vise à soutenir les efforts d'une communauté qui souhaite se doter de lieux physiques favorisant l'épanouissement de sa culture d'origine et le rapprochement avec la communauté majoritaire. J'attache beaucoup d'importance à ce programme auquel mon ministère a consacré cette année un budget de 300 000 $ attribués à onze communautés, parce qu'une communauté épanouie qui peut vivre librement sa culture s'intègre plus harmonieusement à son pays d'adoption.

Comme le temps me presse, je vais passer dès maintenant au CIPACC. De toute façon, les chiffres que j'allais vous donner sont déjà dans le cahier. Avant de passer au

CIPACC, je veux, quand même, souligner l'existence d'un programme chez nous qui permet d'assurer une plus grande accessibilité des immigrants, dans leur langue, aux services sociaux dispensés par les centres locaux de services communautaires. Nous avons accordé un soutien financier pour y parvenir à huit projets totalisant 120 000 $. Ces projets avaient pour but de faire le pont entre un organisme des communautés culturelles et les services parapublics, en particulier les CLSC.

D'autres projets me tiennent à coeur. J'ai annoncé cette année la création du prix des communautés culturelles. Ce prix, doté d'une bourse de 15 000 $, a suscité beaucoup d'intérêt et d'enthousiasme, puisque nous avons reçu 115 candidatures. Je vous rappelle que son lauréat est une personne qui, par son travail et son engagement communautaire, aura contribué de façon notable à préserver, à enrichir et à faire connaître l'une ou l'autre des cultures d'origine, en plus de favoriser le rapprochement entre les diverses communautés du Québec. Le jury a déjà rendu sa décision et le nom du lauréat sera connu dans les semaines qui viennent.

J'ai également fait connaître au cours de l'hiver l'intention de mon ministère de faire l'acquisition d'oeuvres d'art réalisées par les artistes des communautés culturelles et sélectionnées par un jury composé d'artistes connus. Intitulé Pour tout l'art du monde, ce concours qui dispose d'un budget de 50 000 $ a connu un succès qui dépasse tous les espoirs. En effet, 263 artistes originaires de 53 pays et établis au Québec ont présenté, en moyenne, 2 oeuvres chacun. Le jury a retenu 33 oeuvres de créateurs et de créatrices issus de 23 pays différents. Le nom de ces artistes sera dévoilé dans quelques semaines et leurs oeuvres seront exposées au mois de juin. (10 h 45)

Permettez-moi de parler très brièvement de deux autres initiatives de mon ministère. Il s'agit, d'abord, de la publication d'un recueil de contes populaires tirés du folklore de 26 communautés différentes établies au Québec et préparé avec leur collaboration. Nous publierons également une synthèse historique retraçant l'itinéraire des groupes culturels, de leur départ du pays d'origine à leur arrivée et à leur installation au Québec. Dix agents de recherche seront engagés par les communautés, grâce à notre programme de création d'emplois temporaires, pour accomplir cette oeuvre.

Nos efforts - vous l'aurez remarqué -ont largement porté sur la participation -j'en suis au dernier chapitre de mon exposé, M. le Président - accrue des nouveaux Québécois à la vie nationale. Le comité provisoire d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés a fin sienne

cette préoccupation du gouvernement. Créé il y a trois ans, avec pour mission de tracer les voies qui permettront aux communautés culturelles d'occuper la place qui leur revient dans la société québécoise, le CIPACC a été particulièrement actif et efficace auprès des ministères et organismes concernés. Il m'a semblé impérieux que ceux et celles qui ont à traiter avec des groupes culturels soient sensibilisés à leurs besoins et à leurs attentes. Le CIPACC s'est appliqué à chercher avec ces ministères et organismes des actions concrètes à réaliser. Au terme de son mandat, je peux vous affirmer que le CIPACC a généralement accompli sa mission. Je pense, en particulier, à la vigilance dont il a fait preuve et à sa participation dynamique aux activités du comité interministériel mixte de coordination générale du plan d'action et à celle du comité égalité en emploi dans la fonction publique. À l'heure actuelle, dans une dizaine de ministères, près de 50 fonctionnaires sont sensibilisés au programme d'action et voient à son application. Donc, 50 fonctionnaires au sein du gouvernement travaillent concrètement à la poursuite des objectifs de ce plan d'action.

Plusieurs des récentes politiques de mon ministère et des mesures reliées à nos programmes d'aide à l'intention de ces communautés s'inspirent des travaux accomplis par les comités d'action mis sur pied par le CIPACC et qui ont évalué la situation dans les domaines de l'éducation, des services, des communications et de la condition féminine. D'autres recommandations concrètes contenues dans son dernier rapport annuel font présentement l'objet d'analyse. Les études menées à la demande du CIPACC, celle sur le profil de la communauté noire anglophone du Québec et celle sur les Québécois d'origine indienne, nous ont apporté une meilleure connaissance du milieu. De même, les enquêtes qu'il a commandées sur les programmes et ressources des établissements du Conseil de la santé et des services sociaux de la région de Montréal nous ont fourni un éclairage plus complet de la situation.

Le 11 mars dernier, le mandat du comité provisoire se terminait. Je tiens à souligner la qualité exceptionnelle des services rendus par ses membres. Leur expérience sera longtemps utile à l'ensemble du gouvernement. Après consultation et évaluation des différents moyens de consolider les acquis et de mettre en oeuvre les mesures qu'il reste à implanter conformément au plan d'action, le gouvernement a décidé d'adopter une série de mesures que je vous énumère illico. Depuis le 1er avril 1984, M. Egan Chambers, qui occupait jusque-là le poste de président du CIPACC, agit comme coordonnateur sous ma responsabilité immédiate. En plus de poursuivre les dossiers déjà en marche au sein des divers ministères, il doit voir à ce que les ministères et organismes prennent eux-mêmes l'initiative d'appliquer des mesures qui les concerne dans le plan d'action. M. Chambers bénéficiera d'un budget de 93 500 $, des facilités techniques et professionnelles de mon ministère pour réaliser son mandat. Le 1er mars 1985, il me remettra un rapport faisant état des progrès accomplis. De plus, je demanderai au Conseil consultatif des communautés culturelles et de l'immigration, le CCCCI comme on l'appelle, qui existe depuis 1973 et qui regroupe quatorze personnes dont la moitié est issue des communautés culturelles, de réfléchir à l'après CIPACC. Nous songeons, entre autres, à organiser un colloque auquel seraient invités les principaux intervenants des communautés culturelles et du milieu non seulement pour examiner ce qu'il reste à réaliser du plan d'action, mais aussi pour étudier les autres aspects de la réalité vécue par ces communautés, mais sur lesquels ce plan d'action d'il y a trois ans était resté muet, peut-être parce que ces aspects n'existaient pas encore il y a quatre ans.

Puisque nous parlons du conseil consultatif, je tiens à souligner le colloque qu'il a tenu au Mont-Gabriel au mois de mai dernier et qui s'intitulait De l'immigration aux communautés culturelles, une trajectoire. Cinquante-neuf personnes ont participé à ce sommet privilégié de réflexion sur différents aspects de l'émergence des communautés culturelles dans la vie québécoise et de l'ouverture de la société québécoise à leur endroit. À la suite de ces rencontres fructueuses, le conseil consultatif m'a remis ses suggestions que mon ministère s'appliquera à implanter au fur et à mesure que ce sera possible.

Voilà qui clôt le dossier de l'immigration et des communautés culturelles pour l'année 1983. J'ai tenté de montrer l'apport précieux des différentes communautés qui peuplent le Québec non seulement à notre vie culturelle, mais également à notre vie économique. Grâce à leur formation professionnelle dans des disciplines et des technologies spécialisées, grâce à leurs capitaux, grâce à leur courage aussi, grâce, enfin, à leurs traditions et à leur culture porteuses d'un enseignement qu'on ne retrouve pas dans les livres, notre société s'enrichit. Rien n'indique que notre taux de natalité doive se relever prochainement. Or, l'immigrant est un enfant qui nous arrive tout fait et qui a 20 ans. Il faut analyser la situation en termes démographiques. Les quelque 20 000 immigrants que nous accueillons chaque année sont aussi importants pour notre avenir que les enfants nés au Québec. M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. J'ai une demande d'intervention très brève, je pense, de la part du député de Saint-Jean. Sous réserve d'objection, je lui donne la parole.

M. Proulx: Un petit détail, M. le Président. Si le ministre pouvait nous donner une copie de son texte; nous ne l'avons pas eu. Je pense que c'est une synthèse extrêmement complète de toutes vos activités et de vos objectifs. Pourriez-vous nous faire venir dans les plus brefs délais une copie de votre texte, s'il vous plaît?

Le Président (M. French): Là-dessus, M. le ministre, je vous signalerai que, l'année prochaine, je pense qu'on va vous demander de distribuer le texte avant votre présentation, parce que c'est, selon notre expérience, beaucoup plus facile d'assimiler l'essentiel de vos paroles lorsqu'on a le texte devant nous. Je pense que l'année prochaine on va vous inviter à le distribuer.

M. Godin: Je vais faire distribuer le document dans les minutes qui suivent. Vous tiendrez compte du fait que j'ai rayé moi-même des paragraphes, que j'ai des notes manuscrites qui corrigent certaines phrases ou certains mots et qu'il y a des paragraphes qui n'ont pas été lus. Étant journaliste, je suis malheureusement victime du syndrome du "dead line", comme vous le savez. Je m'excuse de ne pas l'avoir distribué au moment où je le prononçais, mais il n'était pas dans son état final. Il ne l'a été que quand je l'ai prononcé.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.

M. Proulx: M. le Président, s'il y a des notes manuscrites, cela a une valeur historique importante, parce que je suis en train d'écrire, moi, ma... Si c'est un texte que vous avez vous-même retouché, M. le ministre, cela a d'autant plus de valeur.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Oui. Merci, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais c'est la première occasion que j'ai d'intervenir à cette commission de la culture - vous féliciter pour votre élection comme président de cette commission, ainsi que le vice-président qui a été élu également et qui provient des députés ministériels, le député de Chauveau. Je voudrais être bref. Comme je vous le mentionnais tantôt, on n'a eu qu'une journée pour se préparer. Je tiens à vous souligner que mon collègue de Jean-

Talon, M. Rivest, va être avec nous cet après-midi et il touchera la dimension du programme 2 en rapport avec la Charte de la langue française.

Je commence, M. le Président. L'année 1983-1984 en ce qui a trait aux responsabilités du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a été marquée par deux événements majeurs, soit, dans un premier temps, le dépôt du rapport annuel du CIPACC qui relevait des responsabilités du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration comme tel et la modification apportée à la Charte de la langue française par le rôle qu'il a comme ministre responsable de l'application de cette charte.

Sur la question de la Charte de la langue française, l'Opposition, pendant des mois, est intervenue pour amener le gouvernement à adoucir la loi 101, à enlever certains irritants, pour employer l'expression même du premier ministre. Cela venait du fait que nous avions des inquiétudes face au nombre croissant des récriminations qui vous étaient parvenues du monde des affaires, des milieux scolaires, de la communauté anglophone, des municipalités, des commerçants, montrant certains abus de la loi 101. Après avoir remis à quelques reprises la commission parlementaire sur les audiences publiques, celle-ci eut lieu à l'automne et plus de 60 mémoires ont été entendus ou déposés, ce qui, par la suite, devait mener à la modification de la Charte de la langue française. Le déroulement de ces audiences publiques fut un événement en soi puisque, pour la première fois, sur un sujet aussi brûlant que celui de la langue qui n'a jamais fait consensus, on a assisté à des échanges dans un climat relativement calme. Comme l'a si bien dit mon collègue de Gatineau, ce climat a été de nature à faciliter le plus possible la discussion franche, mais sereine d'une question qui, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, demeurait quand même parfois explosive. Le projet de loi 57 est ensuite venu et - il ne faut pas se le cacher - l'Opposition a été déçue des amendements apportés par rapport aux demandes qui avaient été formulées lors des audiences publiques. Pour nous, les irritants que comportait la charte n'ont pas tous été éliminés. Quoi qu'il en soit, il y a eu une bonne discussion de fond lors de ces audiences, qui demeure pour les années futures.

Mais, étant avant tout le nouveau porte-parole de l'Opposition en matière de communautés culturelles et d'immigration, c'est sur ce sujet que je ferai porter mes principales remarques. Si, au tout début, je parlais comme événement important du dépôt du premier rapport du Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles, c'est que, dans un premier temps, il était particulièrement

attendu par les différents représentants des communautés culturelles et que principalement, à travers l'analyse de ce rapport, on pouvait analyser toute la politique gouvernementale vis-à-vis de ces communautés.

Il y a trois ans, à peine un mois avant la campagne électorale d'avril 1981, le ministre d'État au Développement culturel et scientifique d'alors, M. Jacques-Yvan Morin, lançait le fameux plan d'action intitulé Autant de façons d'être Québécois. Plusieurs promesses avaient été avancées à ce moment-là, entre autres, la politique d'accès égal à la fonction publique, le réseau d'inspectrices et d'enquêteuses pour défendre les travailleuses immigrantes, des outils au niveau de l'information et des communications, etc.

Dans sa présentation du livre Autant de façons d'être Québécois, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration parlait en ces termes, à la fin: "Cependant, le gouvernement reste conscient, qu'il ne sera pas jugé à ses intentions, mais plutôt à ses actes. Comme ministre responsable de la mise en oeuvre du plan, je tiens à assurer tous les intéressés que je m'emploierai avec force et ténacité à ce que les résultats du plan soient à la hauteur des espoirs qu'il a fait naître."

Avant même que le rapport du CIPACC soit déposé, des désillusions étaient apparues...

Le Président (M. French): Un instant, M. le député. Est-ce que les agents de sécurité voudraient bien tenir leur pause-causerie ailleurs que dans l'Assemblée nationale, s'il vous plaît? Excusez-moi dans les galeries, est-ce qu'il est possible d'avoir un peu de paix ici? Si vous voulez discuter, discutez à l'extérieur de l'Assemblée nationale, s'il vous plaît! Je m'adresse à vous, dans les galeries. Le silence, s'il vous plaît! M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Avant même que le rapport du CIPACC soit déposé, des désillusions étaient apparues chez les représentants des communautés, En fait, ils n'avaient pas besoin d'avoir des éléments quantifiables pour s'apercevoir que les résultats du plan d'action étaient une denrée rare. L'an dernier, lors de l'étude des crédits du ministère, l'Opposition avait demandé au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration à quel moment le rapport du CIPACC allait être déposé. Nous voulions, à ce moment-là, savoir ce qu'il en était de cette information publiée dans le quotidien Le Devoir, indiquant que des 29 promesses formulées dans le plan d'action du gouvernement à peine six avaient été tenues.

Il faut se souvenir que celui qui lançait cette affirmation était, quand même, une personne très représentative du milieu des communautés culturelles, puisqu'il s'agissait de Pasquale Delgado, président du CPM, soit le Comité pour la promotion des minorités. Le ministre, à ce moment-là, avait refusé de répondre aux différentes questions de l'Opposition; prétextant que le rapport annuel du CIPACC n'allait être publié que le 28 avril, soit deux jours plus tard, il nous invitait à en prendre connaissance vers la fin de la semaine. Le lendemain de la commission pour l'étude des crédits de son ministère, le ministre se décidait à déposer le fameux rapport du CIPACC. L'Opposition a compris pourquoi le ministre ne tenait pas à le rendre public.

Si la plupart se doutaient bien des résultats du plan d'action, maintenant la preuve était faite, le bilan était un peu mince: une fonction publique qui demeurait fermée ou presque aux représentants des communautés culturelles, les services au niveau des communications et les politiques sur le plan de l'habitation, sur les normes du travail, etc., tous presque absents de la réalité québécoise pour les communautés ethniques.

M. Jean-Claude Leclerc, dans un éditorial du quotidien Le Devoir, le 5 mai 1983, écrivait: "L'échec n'est attribuable ni à la crise économique ni aux lenteurs ordinaires du fonctionnement bureaucratique. Il tient essentiellement au conservatisme de l'administration qui loge à Québec, insensible aux communautés culturelles, surtout montréalaises." Un peu plus loin, le même M. Leclerc mentionnait: "Pendant que certains ministres jouent aux plénipotentiaires du Québec sur la scène internationale, le gouvernement Lévesque aura coupé l'une des principales sources de contact avec les peuples du monde et d'échanges économiques avec l'étranger. Si plus de représentants des autres groupes ethniques étaient présents dans l'appareil gouvernemental et le sortaient de son horizon borné, on n'en serait pas encore à bafouiller sur la présence du Québec dans les affaires internationales."

Il y a six ans, le gouvernement du Québec y allait de sa politique de développement culturel, puis, ce fut au tour de son plan d'action Autant de façons d'être Québécois, publié il y a trois ans. Beaucoup de mots, beaucoup d'idées, mais, pour ce qui est des mesures, rien n'a vraiment bougé. Comme le rapport du CIPACC le mentionnait: "Somme toute, le succès de ce plan d'action dépend de la priorité qui sera accordée par le gouvernement, au Québec, aux efforts déjà entrepris, ainsi que de la connaissance et de l'acceptation de cette priorité par les gestionnaires chargés de la mise en application des divers aspects du plan." Page 57 du rapport.

Lorsque, au mois de mars 1983, le président du Comité de protection des

minorités, M. Delgado, déclarait que seulement six promesses sur les 29 annoncées dans le plan d'action Autant de façons d'être Québécois avaient été tenues et en partie seulement, il était très près de la vérité. Le ministre d'État au Développement culturel et scientifique d'alors, M. Morin, avait annoncé, lors du lancement de cette politique, qu'un délai de trois ans était fixé et que, à la suite de cela, des moyens draconiens seraient pris pour respecter ces engagements. Le délai est maintenant écoulé et le gouvernement a été jugé par ses actes. (11 heures)

II est pourtant extrêmement important qu'un gouvernement, quel qu'il soit, sache intégrer les représentants de ses communautés culturelles. Ces personnes qui forment les communautés culturelles sont un apport extrêmement riche pour une société, mais celle-ci ne doit pas les confiner à être constamment isolées dans leur milieu. Avoir un respect de leur culture, de leurs traditions, de leur langue, c'est un droit qui va de soi. Il est normal de les encourager par des moyens financiers ou autres pour qu'ils puissent continuer à vivre à travers ces rites, traditions ou cultures et les faire survivre. Mais si on peut, avec eux, échanger des idées, les faire collaborer étroitement avec nous pour l'avenir de notre société sur le plan économique, politique, social, culturel et autre, c'est notre société qui en sera, au bout du compte, la grande gagnante.

Sans oublier les immigrants qui viennent s'ajouter à notre société et qui offrent une ouverture sur le monde, malheureusement, la situation de vie des réfugiés, des immigrants illégaux, des femmes immigrantes au travail démontre qu'il y a encore un bon bout de chemin à parcourir pour qu'ils se sentent bien chez eux chez nous. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. French): Merci, M. le député. Nous passons donc maintenant au programme 1: communautés culturelles et immigration, élément 1: Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés culturelles.

M. le député de Marquette.

CIPACC

M. Dauphin: Je m'excuse, M. le Président, mais à l'élément 1 concernant le CIPACC, est-ce que le ministre pourrait donner son accord pour qu'on procède par des questions générales tout en touchant le CIPACC?

M. Godin: Aucun problème.

M. Dauphin: Dans un premier temps, M. le ministre, on remarque que c'est surtout le secteur de l'immigration qui a accusé une augmentation, ses crédits passant de 24 073 000 $ à 24 578 000 $, ce qui représente une augmentation de 2,1%. Il est rapporté dans les renseignements supplémentaires du budget de 1984-1985 que ces crédits tiennent compte d'une réduction de l'ordre de 10% du volume de formation linguistique selon l'accord Québec-Canada en matière de formation professionnelle des adultes.

On pourra procéder par une série de questions, si vous le voulez, ou vous pourrez répondre du tac au tac. Auriez-vous des explications sur le sujet? Y a-t-il un palliatif à la diminution de ce programme important pour l'intégration des immigrants? Pour bien m'expliquer, je considère que la formation linguistique des nouveaux immigrants est drôlement importante pour faciliter leur intégration. J'aimerais savoir s'il y a un palliatif à cette diminution des crédits.

M. Godin: Mme la sous-ministre va vous donner des explications techniques sur cette baisse de crédits.

Le Président (M. French): Mme Barcelo, pour les fins de l'enregistrement, pourriez-vous vous identifier très clairement avant de procéder?

Mme Barcelo (Juliette): Vous avez, à la page 4, une explication. Il y a eu une entente Québec-Canada qui a été signée pour trois ans et qui couvre la formation professionnelle en industrie, en établissement. Le ministère des Communautés culturelles a à peu près 7,8% de cette enveloppe qui sert à la formation des immigrants à plein temps en français. L'entente Canada-Québec prévoit une diminution de l'enveloppe globale de 10% sur trois ans; c'est donc à l'intérieur de cette enveloppe globale que le volume de formation linguistique a été diminué. Comme, par ailleurs, tout ceci se fait à travers un comité mixte Canada-Québec qui n'a pas encore déterminé d'une façon finale l'enveloppe des trois ministères participants, soit le MCCI, le ministère de l'Education et celui de la Main-d'Oeuvre, il est possible que dans les mois qui viennent, compte tenu de la répartition des trois ministères et de nos besoins, ce soit réajusté et c'est ce qui est écrit à la page 4.

M. Dauphin: À la page 4? Où?

M. Godin: À la page 4. Sous le premier onglet bleu, vous avez les faits saillants du budget, à la page 3; vous avez ensuite la page 4 et une reproduction, à la page suivante, du cahier des crédits. Vous avez cela?

Mme Barcelo: En fait, c'est à la page 3, paragraphe 3.

Le Président (M. French): Merci.

Mme Barcelo (Juliette): C'est la réponse précise à votre question.

Le Président (M. French): Voilà.

M. Dauphin: Si j'ai bien compris, dans les prochains mois, vous vous attendez à un palliatif tel que mentionné tantôt.

M. Godin: Nous allons également tenter, à même le budget de l'éducation des adultes, d'obtenir une part de ce nouveau budget qui a été débloqué - 34 500 000 $ - pour mon ministère, qui s'ajouterait à ce qui apparaît ici et qui compenserait largement éventuellement, si nous l'avons - les discussions se poursuivent et l'arbitrage se fera bientôt - pour la baisse que vous voyez ici qui n'est pas définitive elle-même. En fait, ce que cela reflète, c'est une baisse d'activité du ministère à la suite des décisions conjointes fédéral-Québec de réduire le nombre d'immigrants en phase de crise économique. Ils réduisent parce que les budgets sont réduits. Nous devons assumer une partie de ces coupures aussi.

Le Président (M. French): M. le ministre, là-dessus, si les crédits vous étaient transférés de l'éducation des adultes, est-ce que vous seriez en mesure de limiter l'admissibilité pour ces cours uniquement aux immigrants ou est-ce que ce serait ouvert à tous ceux et celles qui voudraient se prévaloir de l'opportunité d'apprendre le français?

M. Godin: C'est une très bonne question à laquelle j'ai eu l'occasion de réfléchir avec mes collaborateurs depuis plusieurs mois. L'idéal serait que nous ayons assez de budget pour ouvrir ces cours aux anglophones du Québec. Nous allons commencer par ceux qui ne parlent ni français ni anglais. Il y en a 34 000 au Québec qui ne parlent ni français ni anglais. C'est la première clientèle cible. Mme Barcelo, toujours préoccupée par cet aspect-là de la question, me dit que dans ces 34 000 il y a une majorité de femmes. Les époux travaillant souvent hors de la maison réussissent à apprendre sur le tas, dans la rue ou dans l'usine, la langue, le français ou l'anglais, mais, comme les femmes restent souvent à la maison ou dans le milieu culturel dont elles font partie, elles ont moins la chance d'apprendre une des deux langues parlées au Québec. Nous avons l'intention de commencer par favoriser, d'abord, ce groupe-là et nous allons prévoir un budget X pour tant de personnes. Il est possible qu'il y ait moins de personnes que prévu. Donc, tout surplus serait consacré à ce deuxième groupe, les anglophones du Québec qui doivent parler français pour travailler maintenant dans la plupart des emplois au Québec. Donc, notre intention est de parvenir à cette clientèle cible le plus tôt possible.

Le Président (M. French): J'ajouterai simplement qu'il ne faudrait pas concevoir par les mots que le ministre vient d'utiliser que les anglophones du Québec, ce sont nécessairement les anglophones du Québec de vieille souche qui sont ici depuis longtemps. Il se peut fort bien que ce soient des immigrés des autres provinces qui n'ont jamais vraiment eu l'occasion d'apprendre. Il se peut que ce soient des Néo-Canadiens, des citoyens qui n'ont pas eu l'occasion d'apprendre le français.

Le ministre me dit qu'à l'intérieur de l'enveloppe des priorités, ce sont d'abord ceux et celles - surtout celles - qui ne parlent ni le français ni l'anglais, mais, par la suite, pas d'exclusion.

M. Godin: En fait, identifions trois groupes: la clientèle cible est de 34 000 ni français ni anglais, plus ceux qui parlent anglais, mais qui sont immigrants et, dans un troisième temps...

Le Président (M. French): Les citoyens canadiens qui ne parlent pas français.

M. Godin: ...les citoyens canadiens du Québec qui ne parlent pas français.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.

M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Nous sommes toujours à l'élément 1.

Le Président (M. French): Allez-vous vous opposer, M. le député de Mille-Îles?

M. Champagne (Mille-Îles): Non, ce n'est pas cela. Je voudrais poser une question, justement, sur cet élément. Est-ce que vous continuez dans le même sens? Je ne veux pas vous interrompre.

Le Président (M. French): Pour votre information, M. le député de Mille-Îles, l'entente est que le porte-parole officiel voulait aborder certaines questions générales sur le programme 1.

M. Champagne (Mille-Îles): Parfait.

Le Président (M. French): Avec ma permission, nous allons épuiser les questions d'ordre général et, par la suite, nous procéderons aux éléments 1, 2 et 3, etc. Si j'ai bien compris, votre question concernerait l'élément 1.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord, je peux attendre.

M. Dauphin: Concernant l'élément 3, recrutement et sélection des immigrants, cela augmente de 10,3% pour l'année 1984-1985. À l'élément 5, adaptation des immigrants, on voit, par contre, les crédits diminuer de 2%. J'aimerais demander au ministre les raisons de cette diminution qui touche l'adaptation des immigrants qui est un élément très important du ministère.

M. Godin: C'est la même entente fédérale-provinciale que tout à l'heure.

M. Dauphin: Ah bon!

M. Godin: Les 10% de baisse se reflètent sur les 2% de cet élément. Par ailleurs, la hausse répercute la décision du Conseil des ministres d'augmenter les crédits aux immigrants investisseurs, ainsi qu'aux communautés culturelles, d'ailleurs. On a eu une bonification de 500 000 $. Une partie va aux immigrants investisseurs et une partie va pour bonifier les programmes destinés aux communautés culturelles.

M. Dauphin: On parlait tantôt du CIPACC, qui est un des éléments très importants.

Le Président (M. French): M. le député, est-ce qu'on aborde l'élément 1 maintenant?

M. Dauphin: Oui.

Le Président (M. French): Merci. C'est à votre tour et, ensuite, ce sera au tour de M. le député de Mille-Îles et de M. le député de Saint-Jean.

M. Dauphin: Dans un premier temps, est-ce que vous pourriez nous donner statistiquement la représentation dans la fonction publique québécoise des communautés culturelles?

M. Godin: Nous avons confié à Statistique Canada tout ce que nous avions en main. Quand le plan d'action a été rendu public, c'était un relevé fait à la mitaine, si vous voulez, au sein des ministères. Les chefs de service demandaient aux gens: Est-ce que vous répondez aux critères des communautés culturelles? Êtes-vous de langue maternelle anglaise? Êtes-vous né en dehors du Canada? Mais ce n'était pas fait scientifiquement. Nous avons fait une commande à Statistique Canada. À partir du recensement de 1981 où ces renseignements apparaissent: pays d'origine, langue maternelle, nous lui avons demandé de faire un relevé de tous ceux qui étaient fonctionnaires, à la fonction publique, plus tous ceux qui étaient dans les réseaux de l'éducation et des affaires sociales au Québec. Au fond, c'est la première étude scientifique qui a été faite.

Au Québec, les membres des communautés culturelles représentent 17% de tous les employés du secteur public, incluant la fonction publique et les deux grands réseaux de l'éducation et des affaires sociales. Je ventile ces chiffres-là. Dans le réseau de l'éducation, les membres des communautés culturelles constituent 21,1% des effectifs. Dans le réseau des affaires sociales, 16,9% des employés sont des gens issus des communautés culturelles qui répondent aux critères qui apparaissent au plan d'action. Enfin, dans la fonction publique, il y a 5,4% des personnes qui sont des membres des communautés culturelles. Cela fait un total - je le répète - de 17% dans l'ensemble. Si nous faisons la somme de ces trois groupes, éducation, affaires sociales et fonction publique, cela représente 17% du total.

Le Président (M. French): Quels sont les chiffres pour le réseau des affaires sociales, encore une fois, M. le ministre?

M. Godin: 16,9%, presque 17%; le réseau de l'éducation, c'est 21,1%. En fait, ce que cela illustre, c'est que les grandes institutions des deux réseaux étant à Montréal, c'est là que les communautés culturelles sont concentrées et c'est là qu'elles ont plus facilement l'occasion de trouver des emplois. Il y a, à Québec, moins de membres des communautés culturelles et les ministères sont tous à Québec, sauf le nôtre qui est à Montréal et, dans le nôtre, le même pourcentage se reproduit: 20,2% du personnel du ministère est composé de personnes issues des communautés culturelles.

Le Président (M. French): Pour les fins de la discussion actuelle, on parle de communautés culturelles, mais cela ne veut pas dire les Anglo-Canadiens.

M. Godin: Oui.

Le Président (M. French): Cela veut dire des Anglo-Canadiens. Donc, les chiffres... Je m'excuse.

M. Godin: Le plan d'action était très clair là-dessus. Il y avait deux critères. Il y avait le critère "nés en dehors du Canada", d'une part, donc qui ont été immigrants à une certaine époque de leur vie, et, deuxièmement, "de langue maternelle anglaise au Québec". Donc, cela inclut les citoyens canadiens. Les Anglo-Québécois sont inclus dans ce pourcentage.

Le Président (M. French): Alors, le

chiffre pour les réseaux de l'éducation et des affaires sociales n'est guère surprenant...

M. Godin: Non.

Le Président (M. French): ...puisqu'il s'agit de deux réseaux qui existent déjà.

M. Godin: Non.

M. Dauphin: Évidemment, cela comprend les communautés anglophones, comme vous venez de le dire.

M. Godin: Oui. Quand on parle de 20% de la population active, cela inclut la communauté anglaise et les communautés culturelles.

Le Président (M. French): Avez-vous la ventilation de première catégorie et de deuxième catégorie, séparément?

M. Godin: Je peux vous la donner. Je peux déposer ce document ici. C'est un communiqué de presse que le ministère avait émis il y a plusieurs mois. Je peux vous le remettre.

Le Président (M. French): S'il vous plaît, M. le ministre.

M. Godin: II y a une ventilation et je peux même vous faire parvenir le document de Statistique Canada qui donne tous ces renseignements.

Le Président (M. French): En tout cas, je pense que la ventilation Anglo-Canadiens et communautés culturelles serait valable. (11 h 15)

M. Godin: Nous l'avons ici, mais comme ce serait long de vous lire tout cela, je le dépose et cela fera partie des archives de la commission.

Le Président (M. French): Pour ma part, M. le ministre, je suggère que les communautés culturelles, conçues dans le sens étroit du terme, c'est une question qui peut se séparer, à mon sens, de la représentativité dans les institutions québécoises des Anglo-Québécois. C'est une deuxième question. Pour ma part, je vois la première beaucoup plus importante: les communautés culturelles excluant les Canadiens anglais ou les Anglo-Québécois. Si nous n'avons que 5,5% dans les ministères, y compris les anglophones encore une fois, c'est le point qui mérite une attention continue, à mon sens.

M. Godin: Écoutez, M. le Président, je suis totalement d'accord avec vous. C'est, d'ailleurs, parce que je suis d'accord que nous avons adopté le plan d'action que nous avons mis en place à l'intérieur des ministères. Il y a 50 personnes qui travaillent pour l'implantation. Je lisais, dans le Soleil d'hier, Mme Voisard qui disait: Maintenant, il n'y a plus qu'une seule personne qui représente les communautés culturelles et la communauté anglaise dans le gouvernement. C'est faux. Il y a 50 fonctionnaires qui se réunissent régulièrement dans un comité présidé par M. Chambers et ils vont continuer à implanter le plan d'action. D'autre part, je dois dire que des mesures concrètes et radicales ont été prises, surtout, nommément, des modifications à la Charte des droits et libertés du Québec de manière que l'"affirmative action" soit maintenant légale. Elle ne l'était pas en vertu de l'ancienne charte des droits. Nous l'avons rendue légale, ce qui nous permet d'avoir des programmes d'égalité en emploi qui sont discriminatoires, de façon positive pour trois groupes bien identifiés au Québec: les femmes, les handicapés et les communautés culturelles, des groupes sous-représentés dans l'ensemble de la machine gouvernementale.

Enfin, à l'intérieur de la fonction publique, la manière concrète, pratique, si vous voulez, qui a été adoptée pour parvenir à des résultats, c'est le classement par niveaux. C'est un peu technique; vous êtes peut-être au courant de cela, vous étant intéressés à la Loi sur la fonction publique qui a été adoptée ici. Ce nouveau mode de rangement, de classement et d'entrée des fonctionnaires dans la machine donne les résultats déjà positifs quant à cet objectif.

M. Dauphin: D'ailleurs, à ce sujet, M. le ministre, le CIPACC, dans son rapport, je crois que c'est à la page 9, constatait cette ambiguïté au niveau des communautés culturelles. Est-ce que cela comprenait la communauté anglophone ou strictement les autres communautés?

M. Godin: Non, il a toujours été clair dans l'esprit du gouvernement que les objectifs d'égalité en emploi, puisque c'était cela qui était vu comme étant le point central du plan d'action, couvraient à la fois les Anglo-Québécois et à la fois les nouveaux Québécois, les nouveaux Canadiens établis au Québec.

M. Dauphin: D'accord. On passe à d'autres éléments qui étaient inclus dans le plan d'action Autant de façons d'être québécois. Il y avait les conditions de travail dans lesquelles se retrouvent certains immigrants. À ce sujet, le plan d'action mentionnait: La Commission des normes du travail aura comme mandat d'embaucher, comme je le mentionnais lors des remarques préliminaires, des enquêteuses, etc.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le

Président, voici...

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, est-ce que c'est un rappel au règlement?

M. Champagne (Mille-Îles): C'est un rappel au règlement. C'est que je ne sais pas. Je voulais poser des questions sur le même sujet. C'était la question que je retenais. C'est sur le même sujet, le sujet précédent, le sujet principal. Je me demande, si j'interviens dans une heure, si je ne serai pas en dehors peut-être de l'atmosphère du sujet. C'est pour cela que je me demande à quel moment je vais pouvoir intervenir.

Le Président (M. French): Excusez-moi. Est-ce que le député de Marquette est en train de poser une question sur le sujet en question?

M. Champagne (Mille-Îles): Non, je ne le sais pas. Cela semble tomber sur un autre sujet.

Le Président (M. French): Nous sommes toujours sur l'élément 1 du programme 1, pour vous rassurer, M. le député.

M. Champagne (Mille-Îles): Enfin, c'est que j'ai remarqué que M. le député de Marquette posait des questions et vous-même, vous avez posé plusieurs questions. J'ai hâte d'avoir mon tour aussi.

Le Président (M. French): Vous pouvez compter sur la présidence pour respecter votre droit de parole.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord.

M. Dauphin: Toujours sur le même sujet, relativement aux immigrantes qui, on le sait, en pratique sont souvent exploitées, étant obligées, bien souvent, de travailler au noir ne comprenant pas tellement une des deux langues officielles en ce pays, j'aimerais savoir où est rendu votre ministère à ce sujet. Est-ce que vous avez l'intention prochainement...

Le Président (M. French): Je pense, effectivement, que c'est une question qui concerne plutôt l'élément 2 que l'élément 1. Est-ce que j'ai raison, M. le ministre, de dire que la situation des immigrés en dehors de la fonction publique québécoise, c'est l'élément 2 plutôt que l'élément 1 du programme 1?

M. Godin: Oui, mais, au fond, je ne suis pas formaliste, M. le Président.

Le Président (M. French): Cela, je le comprends, mais le député de Mille-Îles est très formel. Il va vouloir intervenir, je pense, si vous le permettez, M. le député de Marquette. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président.

M. Dauphin: Pour la question du député de Mille-Îles, je n'ai pas d'objection, M. le Président. C'était dans le plan d'action, quand même, Autant de façons d'être Québécois. Mais je n'ai pas d'objection à laisser le député de Mille-Îles poser sa question.

M. Godin: Au fond, je pense qu'on ne doit pas s'enfarger dans les fleurs du tapis, d'autant plus qu'il n'y a pas de fleurs sur le tapis. M. le Président, je suis à votre disposition pour répondre à la question ou du député de Marquette ou du député de Mille-Îles.

Le Président (M. French): Je comprends très bien, sauf que le député de Mille-Îles est très formel dans la mesure où il voudrait enchaîner sur certaines questions que le député de Marquette a posées au sujet de l'élément 1 et je pense qu'il est en droit de le faire.

Une voix: II ne veut pas se faire voler sa question.

M. Champagne (Mille-Îles): Oui, oui. Enfin, mais...

Le Président (M. French): II s'est dit: Je voudrais, moi, entrer en matière en même temps que les autres et je pense que son désir en ce sens est légitime.

M. Champagne (Mille-Îles): Au moment où j'ai demandé le droit de parole, j'avais une question en tête et le député de Marquette m'a enlevé cette question. Mais je vais renchérir là-dessus. C'était, justement, à propos de l'intégration... Pardon?

M. Godin: Les grands esprits se rencontrent.

Le Président (M. French): C'est cela: les grands esprits se rencontrent, précisément.

M. Champagne (Mille-Îles): C'était au sujet de l'intégration des gens des communautés culturelles et des anglophones dans la fonction publique, dans l'éducation et dans les affaires sociales. J'ai été surpris d'apprendre du ministre qu'à l'éducation, il y en a 21%, aux affaires sociales, 16,9% et chez les fonctionnaires, 5%. Le député de Westmount a demandé de faire une espèce de division - pas une division - de faire une

différence entre les communautés culturelles et les anglophones. La première question que je voudrais poser, c'est: Quel est le pourcentage global des communautés culturelles, puis de la communauté anglophone, d'une part, et de l'autre communauté, les francophones du Québec? Est-ce que je pourrais avoir une première réponse à cela?

M. Godin: La population active du Québec, je pense que c'est 10% de la communauté anglophone et 7,8% des communautés culturelles.

M. Champagne (Mille-Îles): Alors, vous parlez de la population active?

M. Godin: Le total.

M. Champagne (Mille-Îles): Est-ce qu'on traite de population active au moment où on se parle ou si on parle de population globale aussi?

M. Godin: Non, de la population active, mais cela correspond à peu près. C'est une extrapolation, parce qu'on présume...

M. Champagne (Mille-Îles): Alors, vous me dites que la population anglophone active est de 10%, et celle des communautés culturelles est de...

M. Godin: Elle est de 7,8%. En tout, on peut dire qu'il y a à peu près 18% de la population du Québec qui est constituée de la communauté anglaise et de ce qu'on appelle les communautés culturelles.

M. Champagne (Mille-Îles): Cela veut dire qu'il y a équilibre. Si vous me dites que la somme et la moyenne des communautés culturelles et des anglophones qui font partie à la fois des affaires sociales, de l'éducation et des fonctionnaires arrivent à 17% et d'autre part, que les anglophones et les communautés culturelles comme population active représentent 17%, cela signifie qu'il y a un équilibre.

M. Godin: C'est-à-dire que nous ne sommes pas loin de l'équilibre par rapport au total, mais nous sommes dans une situation de sous-représentation par rapport à la fonction publique, par rapport aux ministères du gouvernement, à ceux qui sont à Québec. C'est là, à mon avis, qu'on doit agir.

M. Champagne (Mille-Îles): D'accord, je vous remercie du renseignement, M. le ministre.

Le Président (M. French): M. le député de Saint-Jean, est-ce que c'est l'élément 1 qui vous préoccupe? Non. M. le député de

Marquette, vous avez posé une question. Peut-être que le ministre pourrait répondre directement sans que vous la repreniez. C'était une question, je crois, sur l'intégration des communautés culturelles non seulement dans la fonction publique, mais dans la vie québécoise. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Dauphin: Si vous me le permettez... Le Président (M. French): Oui.

M. Dauphin: ...avant, M. le Président, en rapport avec la question du député de Mille-Îles, dans la région de Montréal, les communautés culturelles comme telles représentent quel pourcentage de la population?

M. Godin: Elles représentent à peu près 35%.

M. Dauphin: C'est ce qui explique...

M. Godin: D'ailleurs, il faudrait avoir le pourcentage de Montréal et le pourcentage de Québec. C'est une commande que j'ai passée à notre service de la recherche: combien de personnes des communautés culturelles et de la communauté anglaise vivent à Québec et dans les environs et quel est le pourcentage à Montréal et dans les environs. Là, on pourra voir si vraiment il y a une adéquation dans les deux cas. Mais je n'ai pas ces chiffres en main, malheureusement. Je les aurai d'ici quelques semaines et, dès que je les aurai, je vous les ferai tenir.

M. Dauphin: Pour être plus précis sur ma question de tantôt en rapport avec les immigrantes, on devait embaucher à titre d'inspecteurs-enquêteurs des femmes issues des communautés culturelles; c'était dans le plan d'action. On devait ordonner que soit affichée sur les lieux de travail, dans les langues d'origines pertinentes, toute documentation relative aux lois et règlements concernant les normes minimales du travail. C'est pour cela que je fais référence au rapport. Dans le rapport, on dit: "Embaucher à la Commission des normes du travail, à titre d'inspecteurs-enquêteurs, des femmes des communautés culturelles. Cette mesure n'est pas implantée." Je voulais juste savoir du ministre si, éventuellement, il a l'intention d'activer cet article.

M. Godin: Je vous répondrai là-dessus que, d'abord, par rapport au plan d'action -enfin, le rapport du CIPACC - que vous avez en main, il n'y a aucun changement au moment où l'on se parle. Je le déplore autant que vous. J'ai, d'ailleurs, l'intention de faire des pressions sur cette commission

et sur le ministre responsable de la commission pour que la situation change. Donc, la mauvaise nouvelle est là. Par ailleurs, la bonne nouvelle, c'est que la Commission des normes du travail a publié en plusieurs langues la documentation pertinente à ses objectifs et aux normes du travail. Troisièmement - et meilleure nouvelle encore - les renseignements sont présentement disponibles, par téléphone, en quinze langues et, me dit-on, bientôt en dix-huit langues. Une personne qui téléphonerait à la Commission des normes du travail peut se faire donner les renseignements dont elle a besoin en quinze langues au moment où on se parle. On a donc atteint une partie des objectifs fixés. Il reste à concentrer nos efforts sur le premier point, dont j'ai dit que c'était une mauvaise nouvelle: il n'y a, pour l'instant malheureusement, aucune personne qui émane des communautés culturelles qui est inspecteur ou inspectrice dans cette commission.

M. Dauphin: On faisait mention également, M. le ministre, concernant l'affichage des normes minimales du travail dans les lieux de travail dans les langues d'origine, qu'il y avait des problèmes légaux. J'aimerais savoir si ces problèmes légaux sont réglés.

M. Godin: En vertu de la loi 101, c'était illégal. Par ailleurs, la loi 57 permet à l'office d'adopter des règlements - que nous attendons d'ici quelques semaines - qui régleront ce problème.

Le Président (M. French): Le ministre dit qu'on va amender les règlements pour permettre l'affichage dans les langues d'origine des renseignements sur la santé et la sécurité au travail et les droits contenus dans la Loi sur les normes minimales du travail.

M. Godin: Dans les lieux de travail où il y a des concentrations de travailleurs et de travailleuses d'autres langues, je pense qu'il serait élémentaire que les normes du travail soient affichées dans les langues parlées par ces personnes, dans la mesure où, pour faire le lien avec ce que je disais un peu plus tôt, un certain nombre de Québécois et de Québécoises nouvellement arrivés ne parlent ni français ni anglais.

M. Dauphin: L'autre article relativement aux logements sociaux, l'accès sur un pied d'égalité aux membres des communautés culturelles. "Le CIPACC constate que, mises à part quelques initiatives ponctuelles de la SHQ, il n'existe pas de politique générale quant à l'accès des communautés culturelles aux logements sociaux." J'aimerais demander au ministre s'il peut nous dire ce qu'il a entrepris de faire dans ce dossier depuis avril dernier.

M. Godin: II existe déjà au Québec des centres d'accueil qui appartiennent aux communautés culturelles; de mémoire, le centre d'accueil polonais, le centre d'accueil chinois, le centre d'accueil juif, le centre d'accueil anglais à Montréal. Il y en a déjà un certain nombre. Par ailleurs, là où le problème se pose, c'est en ce qui regarde les HLM. Dans ce domaine précis, nous avons contacté à plusieurs reprises l'Office municipal d'habitation de Montréal qui est le maître d'oeuvre de la sélection de ces personnes. J'ai écrit personnellement des lettres, à plusieurs reprises, au maire de Montréal et à M. Yvon Lamarre à ce sujet. Des changements se sont produits, sauf que la question qui se pose est la suivante: Devrait-on avoir un HLM pour personnes âgées pour les Grecs, par exemple, ou les Portugais seulement ou doit-on les intégrer dans des maisons où il y aurait des gens d'autres nationalités qui seraient représentées? (11 h 30)

La réflexion n'est pas encore terminée. Il y a des discussions théoriques pour savoir quelle formule sera la meilleure. Par ailleurs, il y a de plus en plus de vieillards portugais, grecs et italiens qui ont maintenant accès à des appartements ou à des loyers dans ces HLM. Je n'ai pas de chiffres, malheureusement, mais je peux les obtenir. Je peux demander à l'Office municipal d'habitation de la ville de Montréal de nous fournir des chiffres là-dessus de manière qu'on sache exactement quelle est la situation.

M. Dauphin: Si vous me le permettez, il y a dans mon comté, à l'intérieur de l'Office municipal d'habitation de Lachine, par exemple, un règlement de régie interne qui, pour rendre une personne admissible, demande qu'elle ait résidé dans la municipalité depuis au moins dix ans. Cela exclut les immigrants qui ne sont pas ici depuis longtemps.

M. Godin: Je pourrais vérifier si la même règle existe à Montréal. J'en doute. Par ailleurs, ma connaissance du milieu m'amène à penser que, même s'il y avait cette clause à Montréal, la plupart des Grecs qui habitent le comté de Laurier ou le mien - puisque vous parlez du vôtre - sont ici depuis plus de dix ans. Donc, cela ne s'appliquera pas à eux. Je pense donc que les places disponibles seraient comblées d'abord et avant tout par ceux qui ont dix ans et plus très certainement. Ce n'est qu'une faible proportion de personnes qui sont ici depuis dix ans et moins et je ne pense pas que l'ensemble des besoins soient comblés,

avant plusieurs années, pas plus que pour les Canadiens français, d'ailleurs, comme vous le savez très bien. Actuellement, chaque semaine, vous avez des personnes âgées qui viennent solliciter de vous un appui pour avoir une place dans un HLM ou dans un centre d'accueil. Pour les places disponibles présentement, cela ne pose certainement pas de problème qu'il y ait cette exigence de dix ans à Lachine, mais je vais vérifier à Montréal, quand même, si cela existe et si cela a eu des effets au détriment de personnes qui auraient pu y avoir accès n'eût été cette clause de dix ans.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette, si vous le permettez, Mme la députée de Dorion a, elle aussi, une forte concentration de minorités dans son comté et elle veut poser une question au ministre.

Mme Lachapelle: Ce n'est pas sur les personnes âgées, mais c'est sur la reconnaissance des diplômes. On parle dans le rapport du CIPACC de la reconnaissance des diplômes. Vous savez, M. le ministre, qu'un bon nombre de nos commettants arrivent au Québec comme immigrants avec des diplômes qui ne sont à peu près pas reconnus. On parle de voir à l'amélioration du système d'équivalences. Pourriez-vous me donner les critères d'évaluation mis sur pied et peut-être les résultats que cela a eus?

M. Godin: Je pense que, sur ce point-là, Mme Barcelo peut vous donner des renseignements plus précis que les miens.

Mme Barcelo: Mon nom est Juliette Barcelo. M. le Président, il y a plusieurs problèmes dans la question de la reconnaissance des diplômes pour les fins de la pratique ou de l'accès à la profession et c'est régi par les corporations. Il reste sûrement de l'amélioration à faire de ce côté-là. Au niveau du ministère chez nous, on a un service des équivalences qui a fait une entente avec le ministère de l'Éducation du Québec. Avant, nous émettions des avis d'équivalence et, depuis cette entente, depuis à peu près novembre, nous émettons vraiment, à la suite de la consultation du ministère de l'Éducation, des attestations d'équivalence. On a fait un sondage, que vous trouverez à la fin du volume, sur la satisfaction de la clientèle. Les équivalences que l'on émet satisfont la clientèle, en général. C'est certain qu'il reste des équivalences faites par les universités pour les fins d'admission aux études et cela restera toujours le privilège des universités de les reconnaître. Quant à l'admission à des professions, cela reste un problème qui est encore à l'étude au niveau du comité du CIPACC sur la question.

Mme Lachapelle: Pourriez-vous me dire quelle communauté a le plus de problèmes avec les diplômes? Est-ce que ce sont les gens qui arrivent d'Haïti ou d'ailleurs? Avez-vous une catégorie d'immigrants qui ont plus de problèmes à obtenir l'équivalence parce que les différences sont trop grandes?

Mme Barcelo: C'est difficile à dire.

Mme Lachapelle: C'est difficile à dire. Vous n'avez pas de chiffres précis. Dans nos bureaux de comté, ce sont souvent des Haïtiens qui ont des problèmes avec cela. Je me demandais s'ils étaient en plus grand nombre. Merci.

Le Président (M. French): Dans le même ordre d'idées, si je pouvais enchaîner - j'avais l'intention d'attendre, mais c'est tellement pertinent au sujet que l'on discute avec les médecins étrangers, M. le ministre. Puisque j'ai été occupé par d'autres commissions parlementaires et que j'ai eu les problèmes que je vous ai décrits quant à la documentation, je n'ai pas pu lire ce qui est dans le document. J'apprécie que ce soit dans le document, mais je n'ai pas eu l'occasion de le lire. Cependant, le ministre n'est pas sans savoir que les médecins diplômés des universités étrangères sont dans une situation d'incertitude qui est extrêmement difficile non seulement pour eux, mais pour tous leurs dépendants. Il y en a qui sont en chômage, d'autres, bénéficiaires de l'aide sociale.

Il ne s'agit pas d'une reconnaissance de diplôme, je le constate tout de suite. Il s'agit d'accès à l'internat rotatoire. En effet, il y a une quinzaine de postes libérés chaque année à l'internat rotatoire pour les médecins non québécois, qui sont souvent des réfugiés, et, par la suite, cela leur donne accès aux examens qui sont nécessaires pour accéder à la pratique de leur profession.

D'une part, il y a un problème d'ordre général qui est celui de l'information présentée aux médecins qui sont à l'étranger et qui décident du pays où ils veulent aller, par exemple, s'ils veulent venir au Canada, au Québec ou non. Je n'accuse aucunement les délégations du Québec, ni les ambassades canadiennes, ni les consulats du Canada de ne pas être efficaces, mais il semble bien que, d'une part, nous croyons ici que tous et chacun de ces médecins réfugiés ou immigrés ont été dans l'obligation de reconnaître qu'ils n'auront pas nécessairement le droit de pratiquer leur profession ici, alors que, parfois, ils avouent le contraire. Pas tous et chacun, mais il y a un certain nombre d'entre eux qui nient cette allégation.

Ma première question: Quel est l'état de la question dans ce domaine? Les renseignements que reçoivent les médecins à l'étranger lorsqu'ils pensent à venir ici, qu'ils

soient réfugiés ou autres, d'après vous, sont-ils complets et adéquats?

M. Godin: Je vais vous donner les chiffres exacts. Vous les avez à la page 290 du document du ministère, à l'avant-dernière page du cahier vert. En 1981, le Québec a admis 48 médecins comme immigrants au Québec; en 1982, 60; en 1983, 52. Sur les 52 en 1983, seulement 14 ont été acceptés à titre de médecins parce qu'ils avaient un emploi validé, c'est-à-dire que, j'imagine, ils sont des spécialistes dans des secteurs...

Le Président (M. French): Ce sont des spécialités qui manquent.

M. Godin: ...où il y avait pénurie: psychiatrie, anesthésie, etc. Les autres, donc 52 moins 14, sont venus ici avec un chapeau qui n'était pas celui du médecin, soit comme réfugiés. Quand nous sélectionnons, au camp de réfugiés de Phatnikom en Thaïlande, 200 Cambodgiens, on les sélectionne sur la base de leur état de détresse. Ils ont accès au Québec. Supposons qu'il y a deux médecins parmi eux, ils entrent ici comme réfugiés et ils se disent qu'ils sont médecins et qu'ils devraient pratiquer leur médecine au Québec.

L'autre cas concerne les conjoints. Un millionnaire chinois de Hong Kong est accepté comme investisseur au Québec. Son épouse est médecin. Lui, arrivé ici, dit au ministère: Je suis marié. Est-ce que mon épouse peut venir? En vertu de la loi, elle peut venir comme épouse, sauf que, en plus, elle est médecin. Ces deux groupes de personnes représentent - 52 moins 14, ce qui fait 38 - 38 médecins. Donc, pour une année, il y a 38 médecins qui veulent pratiquer leur profession ici. Nous n'avons pas informé le médecin, au camp de Phatnikom en Thaïlande, qu'il ne pourrait pas pratiquer sa médecine ici parce qu'on l'accueille comme réfugié.

Par ailleurs, le conjoint, lui, nous l'avons avisé. S'il nous a révélé son métier de médecin, nous l'avons avisé en vertu d'une formule qui apparaît à la page 291 et qui s'intitule Déclaration requise des immigrants désirant exercer au Québec une profession régie par une corporation professionnelle. Le candidat doit signer cette formule: "Je suis conscient que je devrai me soumettre aux exigences établies par la corporation professionnelle qui régit ma profession et qu'il demeure possible que je ne réussisse pas à rencontrer les normes établies par cette corporation ou que je ne les rencontre que partiellement. Je déclare avoir été pleinement informé des difficultés que je pourrai éprouver pour me qualifier ou pour me perfectionner en vue de répondre aux normes de la corporation, etc." Mais ce n'est pas un document légal et cela n'enlève nullement l'aspiration de la personne à pratiquer sa médecine. Nous avons mis sur pied un comité conjoint Affaires sociales-Immigration...

Le Président (M. French): Depuis quand, M. le ministre?

M. Godin: Depuis juillet 1983. Et ce comité essaie de trouver une solution à ce problème. Devrions-nous, comme gouvernement, augmenter le nombre de postes en internat rotatoire? Quand le ministère des Affaires sociales recherche des médecins spécialistes pour telle région, ne devrait-il pas, d'abord, regarder dans ce "pool", enfin...

Le Président (M. French): Dans ce réservoir de talents.

M. Godin: ...dans ce réservoir de personnes? C'est possible. De plus, l'Office des professions du Québec est présentement en train de se pencher sur ce problème; mais, comme vous le savez aussi bien que moi, les corporations professionnelles au Québec ont une large mesure d'autonomie, une large part d'autonomie et ces médecins, ces candidats à la pratique de la médecine au Québec sont un peu pris entre un arbre et plusieurs écorces, si vous voulez.

Étant optimiste, le ministère pense qu'avec le temps ce nombre de personnes -je pense à un total de 140...

Le Président (M. French): 150 personnes.

M. Godin: ...150 - seront intégrées au fur et à mesure, année après année, à un certain rythme. Ce qui est certain, c'est que le Québec refuse les médecins. Un médecin américain qui veut venir au Québec pratiquer la médecine se voit refuser par le ministère de l'Immigration du Québec; même chose pour un médecin français ou d'autres. Il y a beaucoup de demandes, d'ailleurs, pour toutes sortes de raisons, mais on les refuse. Sauf que dans le lot de réfugiés ou de conjoints, il y en a un certain nombre et quand ces personnes sont déjà ici, on doit tenter de trouver une solution à leur problème.

Le Président (M. French): M. le ministre, je vous signalerai que, dans le cas en question, le problème ne semble pas être la corporation professionnelle; cela semble être une décision du gouvernement de ne désigner qu'une quinzaine de postes à l'internat rotatoire pour cette catégorie de postulants.

Je signalerai une autre chose; je pense que c'est très important compte tenu du mandat particulier du ministère. Parmi ceux et celles qui se voient refuser l'accès, il y en a une très grande majorité des minorités

visibles. Parmi ceux et celles qui y accèdent, les 15 chanceux, il y en a très peu des minorités visibles; ce sont souvent les médecins européens. Je sais qu'on peut facilement soutenir que le genre d'éducation en médecine qui existe en Europe est plus semblable au nôtre ici, au Canada et au Québec; donc, cela y est pour quelque chose et j'en suis. Mais je soumets au ministre, après avoir discuté avec les médecins en question, qu'il est difficile de refuser leur thèse selon laquelle il y a des évidences circonstancielles assez importantes à savoir que, pour les gens de minorités visibles, l'accession est plus difficile. Je vais vous permettre de répondre à cela, M. le ministre.

M. Godin: Nous allons continuer à discuter avec notre collègue des Affaires sociales pour qu'une solution soit trouvée, ainsi qu'avec l'Office des professions et les corporations professionnelles concernées parce que cela se décide conjointement. Quelque corporation professionnelle que ce soit tient à protéger ses membres et son marché, pour employer un terme plutôt économique que professionnel. Nous ne renonçons pas à tenter de convaincre les Affaires sociales d'augmenter le nombre en question et de tenir compte, en particulier, de la dimension des minorités visibles dont vous parlez. Je consulterai mon collègue là-dessus et je tenterai de vous donner des réponses plus précises un peu plus tard au fur et à mesure que les entrées dans cet internat rotatoire se feront. (11 h 45)

Le Président (M. French): Je signalerai tout simplement au ministre que, d'une part, cela implique aussi le ministre de l'Éducation d'une façon très importante puisque, finalement, on me dit que c'est le ministre de l'Éducation qui contrôle l'accès à l'internat rotatoire, puisqu'il s'agit des écoles de médecine et des hôpitaux enseignants. D'autre part, les médecins eux-mêmes se rendent compte que peut-être même pas la moitié des médecins en question réussiraient ultimement à passer à la pratique de leur profession. Il s'agit, cependant, de leur donner la satisfaction d'avoir eu l'occasion de se mesurer aux normes québécoises dans le domaine.

Si j'avais un voeu à faire, je souhaiterais que le ministre, qui est vraiment le seul ministre de qui nous pouvons nous attendre qu'il se préoccupe plus particulièrement de l'aspect humanitaire, de l'aspect minorités visibles, soit un porte-parole pour ces médecins qui se cherchent maintenant entre le chômage et le bien-être social, d'une part, et le désir, toujours nourri, mais pas mal cassé en même temps, de pratiquer leur profession. Ils se disent qu'ils veulent pratiquer leur profession selon ce que leur demande le Québec. Ils se disent prêts à renoncer à certains salaires et bénéfices pendant la période de qualification. Bref, ils sont prêts à assumer tous les défis que la collectivité québécoise veut leur présenter afin d'avoir la possibilité de pratiquer leur profession.

J'invite donc le ministre à se pencher plus particulièrement sur cela. C'est une cause humanitaire. Je vous avoue qu'il n'y a pas un vote là-dedans, ni pour lui, ni pour moi. Pour avoir parlé aux gens en question, pour avoir vu leur angoisse et leur déception et tout en acceptant d'emblée les explications du ministre sur le plan formel, je pense que c'est une cause qui devrait être examinée de façon très serrée.

J'ajouterai encore une fois que la position publique de la corporation professionnelle est qu'on devrait ouvrir les postes à l'internat rotatoire, être très sévère sur nos normes et ainsi balayer le "backlog", le réservoir qui existe actuellement.

M. Godin: M. le Président je vous dirai que, porte-parole de cette cause, d'une part, je l'ai été, je le suis et je le resterai. D'autre part, je vous donne une explication et non pas une justification. Je pense que ces citoyens canadiens du Québec ont les mêmes droits que les autres. Personne ne peut les empêcher d'avoir accès à l'internat rotatoire et aux examens de la Corporation des médecins du Québec qu'on appelle le Collège des médecins. C'est une question de liste d'attente. Il faudra que cette liste d'attente soit réduite le plus tôt possible. Je m'engage à travailler à ce que la question des minorités visibles soit résolue en priorité.

Le Président (M. French): Ma dernière question concernait cela, justement. Si le ministre me dit qu'il est satisfait, qu'il n'y a pas de préjugé dans le processus d'acceptation aux examens, j'accepte sa parole, mais je pense qu'il vaudrait la peine que le ministre se penche là-dessus avec les possibilités qu'il a d'aller au fond des choses.

M. Godin: Ce sera fait.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Toujours sur l'élément 1, M. le ministre. On a vu hier dans les journaux, malgré qu'on s'y attendait, que vous aviez l'intention d'abolir le CIPACC. On a vu que vous l'avez remplacé par un coordonnateur, que je salue en passant, M. Chambers. La plupart des membres, à moins que je ne me trompe, souhaitaient plutôt, pour représenter les communautés culturelles, un organisme statutaire et indépendant du pouvoir politique pour faire des recommandations au ministre en rapport avec

les communautés culturelles, leurs besoins et leurs aspirations. Je pense que le coordonnateur, M. Chambers, disait à la page 196, qu'effectivement "il ne peut que conclure à la nécessité de la mise sur pied d'un organisme statutaire et permanent pour la cause des communautés culturelles."

J'aimerais savoir la raison qui vous a motivé à aller plutôt vers un coordonnateur qu'un organisme statutaire et indépendant qui aurait pu vous faire des recommandations quant aux besoins et aspirations des communautés culturelles.

M. Godin: J'ai longuement discuté avec M. Chambers, le coordonnateur, de l'avenir du comité et de son avenir à lui en tant qu'ex-président devenant coordonnateur. La recommandation de M. Chambers était que le Conseil consultatif de l'immigration et des communautés culturelles, qui existe depuis 1975 et qui compte quinze personnes, dont sept des communautés culturelles, soit quatre de plus que le CIPACC n'en comprenait, devienne, avec le coordonnateur, le porteur du plan d'action, de ce qui reste à en implanter dans le gouvernement.

Nous allons même plus loin; le coordonnateur et moi, nous demanderons au conseil consultatif d'organiser une réunion qui regroupera les porte-parole et les leaders des communautés culturelles pour réfléchir à ce que devrait être un autre plan d'action, le plan d'action de 1984. On en a eu un en 1980-1981. Je dirais que 80% des mesures proposées sont implantées, à peu de chose près. Le rapport du CIPACC, qui, d'ailleurs, sera publié dans quelques semaines, fera le bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. Donc, il s'agit de prendre ce qui reste à faire, d'une part; d'autre part, de regarder avec les principaux porte-parole des communautés culturelles ce que le plan d'action n'abordait pas et d'en concevoir un autre parce que, comme je l'ai dit dans la présentation de mes crédits, il y a peut-être des problèmes qui n'existaient pas en 1981 et qui existent maintenant. Il y a peut-être des aspects que le plan d'action n'a pas abordés et qui devraient être abordés. Je suis convaincu que nous allons arriver avec un plan d'action qui sera une deuxième prise de conscience et qui sera, si vous voulez, le nouvel objectif que le coordonnateur et le gouvernement se donneront. J'ai l'intention de confier à cet organisme statutaire, qui est le Conseil consultatif de l'immigration, qui, lui, est statutaire, le suivi des mesures du plan d'action actuel et du nouveau qui s'en vient.

Donc, le dossier n'est pas du tout fermé. Au contraire, nous voulons lui redonner un deuxième souffle, "Second début", comme on dit à la télévision. Si on avait voulu fermer la porte, on aurait dit: il reste, dans le plan d'action, des morceaux à implanter; il y a un coordonnateur, il est président du comité mixte d'implantation, il siège au comité d'égalité en emploi; ce comité mixte va se réunir sous la présidence du nouveau coordonnateur le plus tôt possible et on verra, dans un an, où les 50 fonctionnaires en seront rendus. Mais ce n'est pas cela que nous faisons. Ce que nous ferons, c'est ce que j'ai dit. Nous allons organiser une rencontre avec tous les porte-parole des communautés culturelles qui sont représentatifs et ce sont eux qui vont nous dire ce qui devrait être fait de plus. J'ai l'intention de confier au conseil consultatif le suivi du plan d'action, parce qu'à mon avis il est, par définition, plus représentatif des communautés vu qu'il y a sept personnes qui y siègent. Nous le doterons d'un budget en conséquence.

Le Président (M. French): Brièvement, M. le ministre. Est-ce que vous allez être présent à cette rencontre?

M. Godin: Évidemment.

Le Président (M. French): Est-ce qu'elle sera publique?

M. Godin: Évidemment.

Le Président (M. French): Quand exactement?

M. Godin: Dans un mois, un mois et demi.

Le Président (M. French): Dans un mois, un mois et demi. Tous les gens des communautés culturelles qui veulent s'exprimer auront l'occasion de le faire.

M. Godin: Entendons-nous. Nous allons inviter à cette rencontre les principaux porte-parole identifiés par le ministère qui existent depuis 1968 et qui connaissent, par expérience, les organismes représentatifs et ceux qui président et dirigent ces organismes, les élus, si vous voulez, des communautés culturelles.

Le Président (M. French): Les élus des communautés culturelles vont être présents.

M. Godin: Voilà.

M. Dauphin: Je comprends la compétence de M. Chambers, mais ce que j'ai retenu des principales recommandations des communautés culturelles, c'est qu'elles auraient mieux vu, quand même, un organisme neutre plutôt qu'une personne qui relève directement de vous. Je parle du rôle du coordonnateur qui relève directement de vous.

M. Godin: Le CIPACC, M. le député, relevait de moi aussi. Il aurait souhaité peut-être faire rapport à l'Assemblée nationale un peu sur le modèle du président des élections ou de l'ombudsman. Il ne m'a pas -semblé... Enfin, on peut bien parler de structures, mais, au fond, la question qu'on doit se poser et que l'opinion publique se posera, c'est: Quels ont été les résultats du CIPACC et est-ce que le gouvernement a livré la marchandise qu'il s'était engagé à livrer? Si oui, jusqu'à quel point? Ce qui reste à livrer, quand est-ce que ce sera livré? Je vous dis que non seulement on s'engage à livrer le reste, mais à retourner devant nos pairs desdites communautés, les élus de ces communautés, et à leur demander ce qu'on peut faire de plus comme suivi après que le plan d'action sera complété. Donc, on ne se cache pas, premièrement. Deuxièmement, on ne ferme pas le livre. Au contraire, on va en imprimer un autre, un nouveau.

M. Dauphin: C'est parce qu'on n'a pas pris connaissance du rapport 1982-1983. On va l'avoir incessamment, comme vous l'avez dit tantôt?

M. Godin: II est sous presse. M. Dauphin: II est sous presse.

Le Président (M. French): M. le ministre, comment pourrait-on parler d'après le plan d'action, alors qu'il semble qu'à peine 6 des 29 promesses qu'on a faites sont accomplies?

M. Godin: Là, vous citez l'article du Devoir. Ce qu'il faut dire, c'est que la déclaration de M. Pasquale Delgado au Devoir date d'avant la parution du premier rapport du CIPACC. M. Delgado n'a pas été interrogé après la parution dudit rapport. Le Devoir n'a pas fait beaucoup de suivi là-dessus. Il ne s'est pas informé. Il ne s'est pas enquis auprès de M. Delgado: Maintenant que vous avez le rapport en main, qu'est-ce que vous en pensez? Ce que M. Delgado disait venait de je ne sais quelle source, mais ne venait pas du rapport puisque le rapport n'existait pas à l'époque. Je parle du rapport à couverture bleue que vous avez en main. M. Delgado sera certainement invité à ce colloque et il sera invité à nous dire ce qu'il pense des mesures déjà prévues au plan d'action, de leur degré de réalisation et de ce qui devrait être fait en plus de ce qui apparaît au plan d'action.

Le Président (M. French): M. le ministre, si on veut passer au premier rapport du CIPACC, cela ne paraît pas, non plus, avoir été le verdict le plus positif possible sur l'implantation des programmes en question.

M. Godin: Nous nous étions dit que c'était un travail qui ne prendrait pas six mois, ni un an, mais plusieurs années. Pour reprendre les mots que j'ai utilisés lors du colloque organisé par le CIPACC à la suite de la parution de son rapport, nous avons construit la voie ferrée la première année, nous avons mis le wagon sur les rails. La vitesse de croisière a été atteinte au cours de l'année financière qui s'achève et vous verrez dans le rapport qui s'en vient le résultat du travail fait par le comité, surtout fait par chacun des ministères à l'intérieur du gouvernement.

Je vais vous donner un seul exemple. Le plan d'action recommandait que le budget de l'enseignement des langues ethniques soit augmenté. On l'a fait passer de 80 000 $ par année en 1976, avant le plan d'action, à 270 000 $ l'année prochaine ou à 280 000 $, madame. Trois fois huit, 24, on l'a plus qu'augmenté de 300%. On peut dire que cette mesure est appliquée. Est-ce que cela ne devrait pas être 1 000 000 $? Peut-être. Mais puisque la recommandation disait "augmentation du budget", le budget a été augmenté chaque année. Il a été triplé depuis que le plan d'action est connu. Mission accomplie sur ce point. Je pourrais vous en donner d'autres qui apparaîtront dans le plan d'action qu'on publie dans trois semaines, un mois, enfin, dans le rapport annuel du CIPACC, pardon, qui est sous presse.

Le Président (M. French): Dans le rapport du CIPACC sur le plan d'action. Vous allez faire un autre score sur les 29 promesses. Vous allez nous mettre à jour dans ce domaine. C'est très favorable, d'après vous, et on peut déjà parler d'après le plan d'action?

M. Godin: Sans vous dévoiler de secret, c'est probablement plus que les deux tiers des mesures qui ont été accomplies, en plus de ce qui a été fait et qui n'était même pas au plan d'action. Exemple: la création d'un ministère des Communautés culturelles n'est pas au plan d'action. On la classe comment, celle-là? Elle n'est pas dans les 29, mais cela en est une dans une colonne à côté. Les centres communautaires, ce n'était pas au plan d'action. Le prix des communautés culturelles, ce n'était pas au plan d'action. Le concours d'oeuvres d'art des communautés culturelles, ce n'était pas au plan d'action. Ce sont quatre mesures qui ne sont pas au plan d'action. On ne peut pas les ajouter parce qu'elles ne font pas partie des 29. Il faudrait avoir 20 sur 29 peut-être et, dans une colonne à côté, huit autres, dix autres qui ont été faites, mais qui n'étaient pas au plan d'action. On devrait faire la somme des deux, à mon avis.

M. Dauphin: M. le ministre, on a bien hâte de lire le deuxième rapport.

M. Godin: Moi aussi, M. le député.

M. Dauphin: L'autre sujet a trait à la hausse des frais de scolarité des étudiants étrangers. Je crois que M. le Président aurait des questions à vous poser là-dessus. (12 heures)

Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous été consulté avant que la décision soit prise de hausser les frais de scolarité des étudiants étrangers? Je ne parle pas des conversations des fonctionnaires, M. le ministre.

M. Godin: Non, mais est-ce que vous voulez dire le ministre ou le ministère?

Le Président (M. French): Le ministre. J'ai dit: Avez-vous. Je m'adresse à vous.

M. Godin: Enfin, j'ai participé aux discussions qui ont eu lieu au Conseil des ministres sur cette question...

Le Président (M. French): Oui.

M. Godin: ...ainsi qu'à celles du Conseil du trésor.

Le Président (M. French): Je sais que je ne pourrai pas vous demander légitimement de nous livrer votre pensée là-dessus, mais vous n'avez pas été saisi du problème avant l'arrivée de la question au Conseil des ministres et au Conseil du trésor.

M. Godin: J'en ai été saisi en tant que membre du CMPDC, le Comité ministériel permanent de développement culturel dont le président est automatiquement le ministre de l'Éducation et, à l'époque, c'était mon collègue, M. Camille Laurin. Donc, il y a eu des discussions et des analyses à trois instances, en ce qui me concerne: au CMPDC, au Conseil des ministres et au Conseil du trésor. Je n'ai pas été consulté en tant que ministre de l'Immigration, mais en tant que membre du CMPDC.

Le Président (M. French): Comment, M. le ministre, un gouvernement qui représente un parti politique qui ne cesse de voir le Québec dans un contexte international, non comme une puissance intermédiaire, mais comme une puissance importante, ayant le 29e plus grand PNB au monde - je ne sais pas si c'est quelque chose comme cela -pourrait-il en même temps virer de bord et hausser les frais de scolarité d'une façon qui ne peut qu'être punitive à l'endroit des étudiants des pays étrangers, sauf, bien sûr, ceux et celles qui viennent des pays avec lesquels il y a des ententes déjà existantes? Il me semble que la face publique de la province de Québec dans le monde académique international en prend pour son rhume dans la mesure où on a toujours cette hantise que quelqu'un, quelque part, exploite les Québécois et que nous, les innocents, on leur permet de le faire, alors que c'est loin d'être le cas dans le dossier dont il s'agit.

Je me demande, tout simplement, comment le ministre pourrait défendre une telle décision de réduire le nombre d'étudiants de l'extérieur du Québec et de l'extérieur du Canada qui viennent étudier dans nos universités. C'est ce qui est arrivé il y a deux ans; c'est ce qui arriverait cette fois-ci. Je ne peux que le regretter et je sais que le ministre, dans la mesure où il fait partie d'une communauté artistique et intellectuelle qui traverse les limites du Québec, partage cette préoccupation. Mais comment, comme membre du gouvernement, pourrait-il défendre un tel cloisonnement intellectuel, académique au Québec?

M. Godin: C'est votre question, M. le Président? Bon. Écoutez, au-delà du discours d'ouverture que vous tenez et dont je partage l'essentiel, il faut dire qu'il y a présentement des ententes avec l'Algérie, le Cameroun, la République centrafricaine, la Côte-d'Ivoire, le Gabon, la Haute-Volta, le Mali, la Mauritanie, le Rwanda, le Sénégal, le Togo, la Tunisie, le Zaïre, le Maroc, la France - 15 pays - d'où nous viennent 2530 étudiants exemptés des frais de scolarité. La solution consiste donc dans la signature d'ententes des pays d'origine des étudiants qui viennent au Québec avec le Québec. Les étudiants en question doivent faire pression sur leur pays d'origine pour qu'il y ait de telles ententes. Nous sommes tout à fait disposés - et je peux vous dire que le ministère de l'Education du Québec et le ministère des Relations internationales le sont également - à multiplier ce genre d'entente, M. le Président.

De plus, il y a, au-delà de ces 15 pays d'où nous viennent 2530 étudiants exemptés des frais de scolarité, des échanges interuniversités qui couvrent 100 à 150 étudiants. Des ententes existent entre diverses universités américaines, en particulier, de grand prestige et de grande qualité. La solution, c'est d'avoir des ententes avec autant de pays que possible. S'il y a moyen de signer des ententes avec des pays comme les États-Unis ou l'Angleterre, pourquoi pas? Nous sommes tout à fait ouverts, sauf que nous croyons que le meilleur moyen de parvenir à l'objectif qui est la place du Québec et son ouverture au monde, ce n'est pas de fermer les portes, mais de les ouvrir dans un cadre constitutionnel et de juridiction qui est le même pour tout le monde, c'est-à-dire via

une entente.

Le Président (M. French): Justement, M. le ministre, ce n'est pas le même pour tout le monde. Certains pays sont favorisés et certains pays ne le sont pas. J'aimerais beaucoup entendre le ministre nous dire comment M. Brhamaputra, de Bangalore, en Inde, fera pression sur le gouvernement de l'Inde pour négocier un accord bilatéral avec le Québec pour qu'il puisse venir dans une université québécoise. Le ministre sait aussi bien que moi que cette suggestion est ridicule. Ce qui arrive - c'est simple - c'est que le gouvernement a décidé qu'il y a certains pays avec lesquels il veut avoir des relations favorables. Je n'ai rien contre. Il y a des ententes et certaines universités sont ainsi favorisées. Très bien, c'est excellent comme cela, cela devrait être multiplié. Cette décision, dans le contexte actuel des ententes internationales, défavorise certaines universités, certains étudiants et certains pays. Dans la mesure où cela défavorise des étudiants de Hong Kong qui sont fils de millionnaires, je n'ai aucune espèce d'objection. Mais je regrette de dire qu'il y a beaucoup d'individus et beaucoup de programmes académiques au Québec qui seront perdants à la suite de cette décision et il n'y aura pas un sou de plus dans le Trésor public québécois. C'est cela qui est complètement ridicule dans cette décision.

Je regrette que le ministre, qui n'est pas le premier responsable, subisse en quelque sorte mon argumentation là-dessus parce que - je le répète - ce n'est pas lui qui est le principal responsable. Je ne peux que regretter qu'il n'ait pas pu empêcher cette espèce d'étroitesse d'esprit qui est nettement discriminatoire quant à certains éléments de la société québécoise et quant à certains éléments de la communauté intellectuelle mondiale qui venaient au Québec et qui ne viendront plus au Québec. Chaque fois que cette question est soulevée, je demande au ministre de l'Éducation de faire d'autres ententes. Il n'y a pas eu d'ententes additionnelles depuis deux ans, en tout cas pas avec les pays dont il est question, c'est-à-dire les pays anglophones. Force m'est de constater qu'en effet, encore une fois, on opte pour le nombrilisme, on opte pour le cloisonnement, on opte pour fermer les portes plutôt que les ouvrir.

Je répète que, dans la mesure où on a été exploités par un certain nombre d'étudiants des pays riches ou ayant des parents riches, j'accepte d'emblée les objectifs du gouvernement. Mais dans ce domaine, ce n'est rien d'autre qu'une espèce de concession à la hantise que quelqu'un, quelque part, exploite les contribuables québécois. Je ne peux que regretter qu'on ne soit pas assez grand, comme société, pour ouvrir les portes à un certain nombre de personnes qui viennent de l'extérieur sans qu'elles soient nettement pénalisées en payant non pas le coût marginal de leur présence, mais le coût complet, le coût moyen de chaque étudiant dans une université québécoise. C'est un calcul tout à fait ridicule.

M. Godin: M. le Président, quand vous parlez de nombrilisme et que vous savez aussi bien que moi qu'il y a quinze pays avec lesquels on a une entente, c'est quand même un nombrilisme qui couvre la moitié du globe terrestre; ce qui n'est pas si mal, d'une part. D'autre part, vous invoquez, comme preuve des effets néfastes d'une telle décision, le fait que le nombre d'étudiants étrangers ait diminué au Québec. Je dois vous dire que là où il n'y a eu aucune augmentation depuis trois ans dans le secteur secondaire de l'éducation qui est gratuit...

Le Président (M. French): M. le ministre, je ne vous entends pas. Ce n'est pas vous, mais c'est le son.

M. Godin: D'accord. Je peux vous dire que - m'entendez-vous maintenant? -...

Le Président (M. French): Oui.

M. Godin: ...le nombre d'étudiants a diminué même là où il n'y a pas eu d'augmentation depuis trois ans. Par exemple, le secteur secondaire de l'éducation du Québec a vu les étudiants étrangers diminuer dans la même proportion qu'au niveau universitaire, alors que le secteur secondaire est gratuit. Donc, le facteur économique n'a aucun effet sur les décisions. Il y a une diminution au secondaire comme il y en a une à l'universitaire.

Le Président (M. French): Si vous me permettez là-dessus, vous prétendez que le facteur financier ne joue pas, alors que je prétends, bien sûr, que, pour les étudiants étrangers au secteur secondaire, c'est justement à cause de l'économie dont vous avez amplement fait part au début, dans votre discours d'ouverture; il y a moins d'immigrés, moins d'acceptations en temps de crise économique, donc moins d'entrées dans les écoles secondaires. Mais il ne s'agit pas des écoles secondaires. Je ne vois pas la logique de l'argumentation qui veut que, parce qu'il y a eu une baisse due, à mon avis, au facteur économique au niveau secondaire, la baisse dont on parle au niveau universitaire soit nécessairement sujette aux mêmes forces. Dans le cas des étudiants du secondaire, pour la plupart, ce sont des immigrés ou des gens qui viennent ici à l'école privée. Ce sont des accidents de parcours. Au niveau universitaire, on parle d'une immigration qui vient ici parce qu'il

n'y a plus de place au monde où ils peuvent étudier certains sujets. Ce n'est pas économique. C'est financier.

M. Godin: Vous savez que la décision du gouvernement a été prise. Vous savez que j'en fais partie. Donc, je conclurai en disant, premièrement, que cela relève d'un autre ministère que le mien; deuxièmement, je suis saisi de problèmes de la part de diverses communautés culturelles qui ont des membres qui viennent de leur pays d'origine pour étudier ici. Dans le cas, entre autres, de Chypre, dans le cas de la Grèce, j'ai écrit à mon collègue de l'Éducation pour qu'il signe des ententes avec ces pays. Le ministère travaille présentement à mettre au point ces ententes avec certains des pays que j'ai portés à son attention. D'autre part, je terminerai en disant que vous avez sûrement posé cette question à mon collègue de l'Éducation et je m'engage à lui faire parvenir la partie de votre intervention qui porte sur cela, le plus tôt possible, par poste express.

Le Président (M. French): Même si le ministre veut conclure là-dessus, je soupçonne que mon collègue, le député de Mille-Îles, ne veut pas conclure là-dessus. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Non, M. le Président et aussi député de Westmount. C'est bien sûr que c'est à titre de député de Westmount que vous interveniez spécifiquement tout à l'heure. J'ai trouvé que le député de Westmount s'était un peu emporté dans son intervention en disant au ministre qu'il y avait peut-être des décisions qui relevaient de l'étroitesse d'esprit et de la discrimination. Je pense que ses paroles dépassent sa pensée et je m'inscris en faux, parce que, quand même, si on est ici ce matin et que nous avons un ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, cela veut dire qu'on les respecte, qu'on les reconnaît, qu'on les aide et qu'on donne aussi l'exemple aux autres provinces. Me faire dire ce matin par mon collègue, le député de Westmount, qu'on est étroits d'esprit, je ne sais pas, mais cela me choque.

Je voudrais savoir de votre part, M. le ministre, quels sont les frais de scolarité. Les frais de scolarité augmentent pour les étudiants étrangers ici au Québec et je voudrais savoir quels sont les frais de scolarité des étudiants, une moyenne, quand même; cela dépend des universités, cela dépend des institutions. Est-ce que nos Québécois qui vont étudier aux États-Unis ont la porte grande ouverte? Je voudrais savoir si, quand on se compare à d'autres, on est mesquins ou généreux. Je me souviens du temps où, il y a quelques années, les étrangers formaient à peu près de 30% à 35% des étudiants de l'Université McGill. J'en suis pour la générosité. J'en suis pour une ouverture sur le monde, mais, quand même, il faut penser aussi à une espèce d'équilibre dans les budgets de l'Éducation, à une espèce d'équilibre dans tout cela. M. le ministre - je répète ma question - quels sont ces frais de scolarité si on les compare aux autres provinces et aux autres pays?

M. Godin: Je pense que la décision récente du ministère de l'Éducation consistait à porter les frais du Québec au même niveau que ceux des autres provinces, d'une part. D'autre part, si on compare les frais de scolarité au Québec même, les frais nouvellement révisés, à ceux qui existent dans d'autres parties de l'Amérique du Nord - je ne parlerai même pas de l'Europe - le Québec est encore largement au-dessous des frais de scolarité des universités de ces pays.

Par ailleurs, je serais assez d'accord avec le président de cette commission pour que nous intervenions aux fins d'amener le ministère de l'Éducation à signer des ententes avec les pays qui ne sont pas des pays riches, qu'ils soient anglophones, francophones ou d'autres langues. Avec les pays qui ne sont pas riches, le Québec devrait, le plus tôt possible, signer des ententes comme nous en avons déjà avec quinze pays. Je pense que c'est un point sur lequel mon collègue de Westmount et vous serez d'accord, M. le député de Mille-Îles, à savoir que ces pays devraient bénéficier du même traitement que les quinze autres avec lesquels on a déjà une entente. (12 h 15)

M. Champagne (Mille-Îles): D'après votre réponse, M. le ministre, je ne comprends pas l'emportement du député de Westmount. Si nos coûts sont au-dessous de tous les autres pays et qu'ils en viennent à égaler ceux d'autres provinces...

M. Godin: De plusieurs autres pays.

M. Champagne (Mille-Îles): De plusieurs autres pays. Je ne comprends pas du tout l'emportement du député de Westmount qui nous accuse d'étroitesse d'esprit et de discrimination. Je m'inscris en faux contre son intervention.

M. Godin: Peut-être souhaite-t-il que le Québec soit une espèce de nouvel éden, un paradis sur terre? Je partage partiellement cet objectif.

M. Champagne (Mille-Îles): Ah! Bien sûr.

M. Godin: Mais il faut peut-être aussi penser que le fardeau fiscal des Québécois est peut-être un peu plus élevé que dans

d'autres provinces parce qu'il y a des budgets qui n'ont pas été révisés depuis de nombreuses années. Celui-ci en était un.

M. Champagne (Mille-Îles): Bien sûr, je suis d'accord pour ouvrir des portes au monde entier, pour aider tout le monde, mais faut-il aussi le faire selon nos moyens. Je pense qu'avec les moyens qu'on a actuellement, on a fait preuve, dans le passé, d'une très grande générosité. J'interromprai mon intervention dès maintenant.

Le Président (M. French): Je voudrais suggérer quelques pays au ministre. Je pense que ce serait pertinent. Je parlerai de l'Inde, du Pakistan, de certains pays du Moyen-Orient, la Jordanie par exemple, peut-être l'Égypte, si elle n'est pas déjà dans la liste. Je parlerai également d'un certain nombre de pays que le ministre connaît mieux que moi en Asie du Sud-Est. Il va sans dire que je ne fais pas mon plaidoyer pour la haute bourgeoisie de Schenectady, d'Albany ou de Philadelphie. Je le fais plutôt en ayant à l'arrière-scène la contribution de l'Université McGill, entre autres, au développement international. C'est une contribution qui n'a jamais fait mal aux contribuables québécois, qui fait en sorte que le Québec, Montréal et l'université sont connues un peu partout. C'est cette réputation et cette contribution au développement international que je vois en péril à la suite des deux hausses subites des frais de scolarité pour les étudiants étangers.

D'autre part, je dirai au député de Mille-Îles très brièvement, sur un point de fait, qu'il n'est jamais arrivé que 35% des étudiants de l'Université McGill ont été des étrangers, à moins que l'on ne considère que les gens de l'extérieur de Québec sont des étrangers ici.

M. Champagne (Mille-Îles): J'ai dit, premièrement, que le pourcentage était de 30% à 35% et je pense que ceux qui viennent des autres provinces, si on paie leurs frais de scolarité, on peut les considérer comme des étrangers. Je connais quelqu'un de mon comté qui doit aller étudier la chiropraxie à Toronto; il paie tous ses frais de scolarité et on ne lui donne pas de chance. Je suis pour l'internationalisme, mais aussi faut-il le faire selon nos moyens. Par les réponses du ministre, on s'aperçoit qu'on est plus généreux qu'ailleurs.

M. Godin: Peut-être avez-vous déjà ces chiffres, mais les USA, qui ne sont pas un pays sous-développé, ni un pays du tiers monde, sont le pays dont nous provient le plus important bloc d'étudiants; le deuxième est la France, déjà couverte par une entente, parce qu'il y a des échanges à peu près équivalents entre la France et le Québec quant aux ressources universitaires qu'on peut dire qu'on met presque en commun. La situation n'est pas tout à fait la même avec les Américains. Il y a plus d'étudiants américains ici que d'étudiants du Québec aux États-Unis, à ma connaissance.

Le Président (M. French): M. le ministre, là-dessus, je comprends bien que c'est l'impression générale, mais je pense qu'il y a des chiffres dans les secteurs professionnels, dans les écoles de chiropraxie, etc., qui vont peut-être rétablir l'équilibre. Il y a plus de Québécois qui étudient aux États-Unis qu'on ne le croit, surtout au niveau de la maîtrise, du doctorat, pour la médecine et les professions paramédicales. En tout cas, je comprends bien qu'il y a un certain déséquilibre là-dedans. Je répète que je ne défends pas la haute bourgeoisie d'Albany par mes interventions.

M. Godin: Un étudiant québécois qui étudie à Harvard paie plus cher que l'étudiant de Boston qui étudie à McGill ou à l'Université Laval, au total.

Le Président (M. French): Oui, sauf que Harvard, M. le ministre, n'est pas un exemple tout à fait juste parce que c'est une université privée, chose qui n'existe pas ici. Personne ne contrôle, sauf le "board" des dirigeants, le conseil de direction de Harvard, les frais de scolarité. Il faudrait parler de l'Université du Massachusetts, si on veut faire un parallèle légitime.

M. Godin: En plus - je terminerai là-dessus en ce qui me concerne, M. le Président, car je ne pense pas qu'on s'entende totalement - le ministère des Relations internationales, quand il va rencontrer des pays, vient avec son petit panier, comme le Chaperon rouge. Il doit avoir dans son panier un petit pot de beurre, un petit pot de lait. L'un des deux petits pots, c'est, justement, une entente d'échanges au plan universitaire, des réductions de frais de scolarité sur le plan universitaire et dans d'autres activités ou domaines au Québec. Cela fait partie d'un "package" et je suis convaincu, vu la nouvelle impulsion que ce ministère s'est donnée depuis quelques mois, que nous allons assister d'ici un an certainement, avec Hong Kong, avec Singapour, à la signature d'ententes faisant partie de la dot du nouveau couple Québec-Hong Kong, Québec-Singapour.

Le Président (M. French): II ne faudrait pas le dire en présence du député de Mille-Îles, car il n'y a pas un étudiant de Hong Kong qui soit jamais venu au Canada qui n'aurait pas pu payer tous les frais de

scolarité en question; ils n'ont pas besoin d'entente.

M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je comprends que le député de Mille-Îles s'entend mieux avec le ministre qu'avec le président actuel, mais il faudrait, quand même, nous laisser le loisir de poser les questions qu'on veut, de même que les préambules. Ce n'est pas plus grave que cela. Il ne faut pas s'offusquer, non plus, ni d'un côté ni de l'autre, des questions ou des préambules précédant les questions.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais toucher l'intégration des enfants d'immigrants dans les écoles de milieux défavorisés. Une étude explorative a été faite par un sociologue de la gent féminine, Mme Laperrière, dont les recommandations ont paru dans le quotidien Le Devoir du 11 janvier 1984. Cette étude a été menée sur l'île de Montréal pour le Conseil scolaire de Montréal. Plusieurs de ses recommandations touchent des programmes qui relèvent de votre ministère, entre autres, certaines mesures touchant la sensibilisation aux cultures et aux langues ethniques, comme la proposition suivante: "que le programme d'enseignement des langues d'origine (PELO) soit maintenu et publicisé" ou, encore, "que l'on favorise systématiquement l'initiation des enseignants des écoles à densité ethnique significative aux diverses cultures et aux langues ethniques dans le but de les instrumenter plus adéquatement dans leur approche des enfants d'autres cultures". De même, on demande "de publiciser davantage les cours, les études, etc. Que l'on débloque des ressources financières et pédagogiques pour mettre sur pied de nouveaux cours sur les cultures ethniques non encore couvertes."

Le document de Mme Laperrière touche également les mesures à prendre pour faciliter l'adaptation fonctionnelle des parents immigrants à la société et à l'école québécoises, de même que des mesures de soutien à la vie communautaire. On suggère, entre autres, que "les COFI donnent des cours, avec la collaboration des CLSC, d'initiation à la vie québécoise". On y a touché un petit peu tantôt. Selon cette étude, "les écoles de l'île de Montréal - on peut présumer que c'est probablement la même chose dans le reste du Québec - sont mal préparées pour recevoir les enfants d'immigrants".

Le ministre a sûrement pris connaissance de l'étude de Mme Laperrière. Est-ce qu'il a l'intention de pousser plus loin les différentes recommandations qui y sont contenues?

M. Godin: Oui. D'abord, j'ai pris connaissance de l'étude de Mme Laperrière et, également, d'une autre étude qui portait plus précisément sur la question des enfants haïtiens à l'école. Troisièmement, vous verrez dans les contrats donnés au niveau de mon cabinet le nom de Mme Bernatchez qui est professeur dans une école multiethnique de mon comté, à qui j'ai demandé de me faire un rapport chaque année sur les problèmes qui se posent au niveau de la vie quotidienne dans les écoles et de me faire des suggestions.

Fort de ces trois rapports, j'ai informé mon collègue de l'Éducation, M. Bérubé, dont le prédécesseur avait, d'ailleurs, formé un comité présidé par M. Max Chancy - dont vous avez sûrement été saisi, à la suite du dépôt du rapport Laperrière - où siègent, d'ailleurs, un ancien membre du CIPACC, M. Michel Trozzo et d'autres personnes - mais je nomme ces deux-là que je connais - qui réfléchissent, pour le ministre de l'Éducation et sur un mandat de ce ministre, à diverses solutions aux problèmes soulevés par le rapport Laperrière sur la question des enfants haïtiens et également à d'autres aspects que j'ai portés à la connaissance du ministre de l'Éducation. Je dois vous dire que, dans la réflexion sur le projet de loi 40 - au moment où nous nous parlons, le ministre réfléchit sur le projet de loi 40 - je lui ai fait part, verbalement et par écrit, de la façon dont nous, au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, envisagions ce problème. Nous verrons bientôt, dans quelques semaines, le fruit de ses réflexions, mais il a accueilli avec une oreille plus que favorable les fruits de l'expertise du ministère dans ces questions.

Très souvent, d'ailleurs, le ministère a été appelé, dans certaines écoles de la région métropolitaine, à intervenir avec son expertise et, dans certains cas, avec ses budgets pour, disons, faire diminuer les tensions, pour faire disparaître des conflits, pour travailler au rapprochement des communautés. La polyvalente Émile-Nelligan, par exemple, a eu recours à nos services et nous avons suggéré des mesures qui vont exactement dans le sens de la philosophie du ministère qui consiste à dire que plus les étudiants connaîtront la culture du groupe qui est plus ou moins exclu ou qui est moins respecté que les autres, plus la paix reviendra dans les esprits et entre les ethnies. C'est ainsi qu'il y a eu dans quelques écoles des expositions, des concerts, des cours, des diaporamas montrant le pays d'origine des étudiants concernés, montrant la contribution de ce peuple à l'histoire de l'humanité, à la civilisation mondiale. Cela a contribué à développer, d'abord, chez les étudiants eux-mêmes de ce groupe un respect d'eux-mêmes et, chez les autres, un respect de ce qu'ils sont. Donc, on intervient, je dirais, régulièrement dans les écoles multiethniques de Montréal.

D'ici quelques semaines, on verra le rapport, le suivi des travaux de M. Bérubé sur le projet de loi 40. J'ose espérer que nos recommandations seront suivies. Nos recommandations vont dans le sens suivant: que des budgets et des mesures concrètes et particulières soient dévolus à ces écoles multiethniques qui ont des problèmes qu'aucune autre école n'a.

On est même allé jusqu'à suggérer qu'il y ait un coefficient budgétaire qui soit raccroché au nombre d'étudiants issus des communautés culturelles dans le budget de ces écoles, parce que cela pose un problème particulier et parce qu'il y a des retards scolaires souvent qui sont dus à une méconnaissance du français, qui sont dus à toutes sortes de facteurs ethniques. Il faut donc les prendre un par un et les résoudre un par un. Pour y parvenir, il faudrait que les écoles où il y a une concentration ethnique soient dotées d'un coefficient budgétaire qui permette de résoudre les problèmes concrets qui ne se posent pas ailleurs.

M. Dauphin: Relativement aux COFI, M. le ministre, est-ce que vous avez des changements en vue, toujours en relation avec ce que vous venez de dire?

M. Godin: II y a huit COFI qui fonctionnent toujours. Les COFI sont, de l'avis de ceux qui les fréquentent et même de ceux qui voudraient les fréquenter, je pense surtout à certains anglophones de Montréal qui aimeraient avoir accès aux cours de français qui se donnent dans les COFI... Un journaliste de la Gazette me disait que ses parents, anglophones de vieille souche, étaient allés dans un COFI et avaient apprécié plus qu'ailleurs, semble-t-il, la qualité des cours qui s'y donnaient et surtout l'esprit qui règne parce que les gens se sentent à l'aise avec des gens qui ne parlent pas un mot de français, plus à l'aise que dans une classe où il y a des gens qui parlent très bien le français. Le niveau de connaissance du français est tel que personne ne se sent gêné par rapport à un autre et ils apprennent plus vite pour cette raison. Au plan des COFI, il n'y a pas de changements prévus, M. le Président, pour l'année en cours. Les seuls changements sont les effets des 10% dont on a parlé au début qui vont peut-être être compensés par une nouvelle répartition de la masse que nous aurons, plus une répartition qui viendra peut-être des budgets de l'éducation des adultes.

Le Président (M. French): Oui, M. le député de Marquette, à moins... Ah oui, d'accord. D'après notre mandat, nous devons ajourner sine die, sachant pertinemment qu'il y aura une information fournie par le leader parlementaire du gouvernement en Chambre cet après-midi quant à notre avenir. (Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise de la séance à 15 h 36)

Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs membres de la commission de la culture, je vous invite à prendre vos sièges. Nous commençons donc la deuxième tranche de l'étude des crédits 1984-1985 du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous en sommes toujours au programme 1, communautés culturelles et immigration. Je voudrais bien dire que nous avons passé par les éléments, l'un après l'autre, mais ce n'est pas le cas. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, j'ai une question de directive. C'est bien sûr que M. le député de Marquette a encore beaucoup de questions à poser concernant le programme 1, mais nous avons une forte délégation ici pour le programme 2. Est-ce qu'on peut espérer de la part de l'Opposition qu'elle entame le plus vite possible tout ce qui a trait au programme 2, à savoir la Charte de la langue française?

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, s'il y a des questions à poser concernant le programme 2, on les posera en temps et lieu. J'apprécierais beaucoup que vous permettiez au président et au vice-président de prendre leurs responsabilités. Je vous signalerai également que la présence d'un grand nombre de fonctionnaires n'a pas grand-chose à faire avec le travail de la commission. Ce n'est que pour les fins du ministre qu'ils sont ici et non pas pour les nôtres.

M. Champagne (Mille-Îles): Si je ne peux pas m'adresser au président, je vais simplement m'adresser au député de Marquette et lui dire qu'il est bien libre de passer le reste de l'heure ou des prochaines heures au programme 1, mais je souligne ici qu'il y a le programme 2 et que nous serions satisfaits si on en entreprenait l'étude le plus vite possible.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, je pense que vos interventions dans le sens de hâter le processus, hier et aujourd'hui, ont été bien comprises par tous les participants. Je vous répète que le président, pour sa part, vous promet qu'il va défendre vos droits de poser des questions lorsque vous voudrez. Par ailleurs, je ne pense pas que ce soit votre responsabilité de vous préoccuper du bon déroulement de

l'étude des crédits.

M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. En réponse à la question du député de Mille-Îles, je veux simplement faire la mise au point suivante. Dans l'attribution des dossiers, j'ai la responsabilité des communautés culturelles et de l'immigration et M. le député de Jean-Talon a la responsabilité du programme 2. Il est actuellement au salon rouge à l'étude des crédits des Affaires intergouvernementales, si ma mémoire est bonne. Il sera ici dans peu de temps. À ce moment-là, on pourra même employer tout le temps qu'il va nous rester pour le programme 2. On aurait peut-être dû éclaircir cela au tout début, à 10 heures ce matin. Dans quelque temps, M. le député de Jean-Talon sera ici et il pourra entamer le programme 2 qui est sa responsabilité au sein de notre groupe parlementaire, si tout le monde y consent.

Les femmes immigrées

Un autre sujet, M. le ministre, si vous me permettez. L'élément relativement à la situation des femmes immigrantes. Je présume qu'il y aura d'autres députés qui voudront aborder ce sujet. La femme immigrante se trouve souvent placée dans une situation de vulnérabilité. On y a un peu touché lors des remarques préliminaires. L'isolement à son travail. On abuse souvent d'elle et souvent elle est exploitée. On ne sait trop combien de travailleuses immigrantes font un travail domestique au noir, mais c'est sûrement plusieurs milliers. Souvent, lorsqu'elles travaillent dans une usine ou une entreprise, qu'elles ne connaissent pas la langue, les normes du travail, etc., les employeurs peuvent les exploiter.

Le gouvernement, dans son plan d'action, a fait des promesses qui ne sont pas toutes réalisées pour une plus grande surveillance de ces situations et informer les immigrantes des conditions prescrites dans les lois et règlements gouvernementaux. Malheureusement, on l'a mentionné plus tôt dans notre analyse du rapport CIPACC, il n'y a rien eu de fait à ce niveau. Je sais bien qu'il y a un deuxième rapport annuel qui va sortir du CIPACC. Vous nous avez dit, plus tôt ce matin, que ce rapport serait plus positif par rapport au plan d'action du gouvernement. Est-ce qu'il pourrait nous préciser dans le temps quand, concrètement, les améliorations vont y être apportées? Qu'est-ce que le ministre entend faire exactement? Dans un deuxième temps, le ministre est-il au courant du nombre de femmes immigrantes placées dans une situation de travail au noir?

M. Godin: Le ministère a subventionné la tenue de deux tables de concertation, une à Montréal et une à Québec, sur la question que vous soulevez, celle de la femme immigrée qui se trouve, on doit le dire, doublement exclue de l'intégration dans la société québécoise. Premièrement, parce qu'elle est femme. Deuxièmement, parce qu'elle est immigrée. C'est ainsi qu'on a vu se confirmer, lors de ces deux colloques, les perceptions qu'on avait que les femmes, très souvent, se retrouvaient dans des emplois comme domestiques, par exemple, des emplois où il y avait des risques très grands d'exploitation. Un mémoire a été préparé et est en voie de perfectionnement, je dirais, de manière à assurer une meilleure protection aux femmes qui viennent ici comme domestiques, c'est-à-dire que l'employeur s'engagerait vis-à-vis de ces employées par une formule un peu inspirée du modèle du bail, par exemple, qui existe maintenant entre le propriétaire et le locataire, des formules prescrites par le gouvernement qui permettraient d'assurer une protection élémentaire à ces femmes qui viennent ici de façon temporaire et qui, dans la majorité des cas, demandent à rester et deviennent des citoyennes canadiennes. La réflexion sur cette question a été alimentée par ces deux tables de concertation et nous travaillons présentement à trouver une formule pour protéger leurs droits et pour les informer sur les recours qu'elles peuvent utiliser pour préserver, protéger leurs droits.

Par ailleurs, des subventions sont accordées - vous trouverez cela aux pages 162 et suivantes - par le service de relations avec les groupes à un nombre important -une vingtaine, en fait - d'organismes dévoués à améliorer, à informer et à référer à d'autres services les femmes immigrantes du Québec. En réponse, je citerai pour mémoire le Collectif des femmes immigrantes, le Centre d'information et de référence pour femmes, la Ligue des femmes du Québec, le Centre international des femmes, Guébec; ce sont les premiers qui me tombent sous les yeux. Il y a une vingtaine d'organismes dont la raison d'être est le service aux femmes immigrantes, aux femmes immigrées qui bénéficient des subventions du ministère, parce que nous estimons que le meilleur moyen de venir en aide à ces personnes, si elles en ont besoin, c'est par des organismes qui émanent du milieu lui-même. Ces organismes sont sous la direction, le contrôle de femmes immigrantes ou de femmes du Québec qui se sont vouées à ces travaux d'accueil, d'information et de référence vers des services gouvernementaux ou autres.

En réponse à votre question très précise, je n'ai malheureusement pas de chiffres. J'imagine que la proportion 50-50 se retrouve, mais je n'ai pas de chiffres qui me permettraient d'affirmer clairement et

carrément qu'il y a tant de femmes dans tel genre d'emploi ou de métier.

Le Président (M. French): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, à la page 202 de votre cahier vert, vous trouverez un résumé assez succinct et complet. Vous verrez que 122 250 $ ont été versés au cours de l'année financière qui s'achève. Le programme d'emplois temporaires du ministère, doté d'un budget d'environ 1 000 000 $, a permis d'attribuer 21 emplois, pour une somme totale de 84 000 $, à des organismes impliqués dans une recherche de solution au problème des femmes immigrées dans la société québécoise d'aujourd'hui. (15 h 45)

À la page 203, vous verrez aussi que le service de relations avec les groupes a collaboré au succès du colloque: Femmes d'ici et d'ailleurs, de la ville de Québec, d'une part et, d'autre part, il suit de près la constitution d'un regroupement multiethnique d'associations féminines qui s'appelle le Collectif des organismes de femmes immigrées.

De plus, le CIPACC a mené deux recherches: l'une sur la communauté noire anglophone du Québec qui porte en partie sur la question des femmes noires et une autre recherche sur les femmes originaires des Indes, qu'on appelle les Indiennes, à ne pas confondre avec les Amérindiennes. Ce groupe travaille de façon étroite et suivie avec le service de relations avec les groupes du ministère.

Le Président (M. French): M. le ministre, quand le rapport sur la communauté noire sera-t-il disponible? Est-il déjà disponible?

M. Godin: II est disponible.

Le Président (M. French): II est disponible.

M. Godin: Nous pouvons vous le faire tenir d'ici demain ou d'ici deux jours.

Le Président (M. French): Personnellement, j'aimerais beaucoup en avoir une copie.

M. Godin: D'accord. C'est le document - je vais vous donner le titre exact - de Mme Louise... On pourrait demander à M. Chambers de répondre lui-même puisque c'est lui, en fait, qui est l'éditeur en titre de ce document.

M. Chambers (Egan): J'en ai envoyé une copie à tous les députés du district de

Montréal. Si vous ne l'avez pas reçu, je vais vous en envoyer une demain.

Le Président (M. French): Je dois être trop près de la résidence de M. Chambers; il est peut-être passé outre à ma maison; je suis trop proche. J'aimerais beaucoup en avoir une copie. C'était M. Egan Chambers qui vient de prendre la parole pour les fins de l'enregistrement.

M. le député de Marquette, voulez-vous poursuivre sur les femmes immigrées?

M. Dauphin: Non, allez-y sur les femmes immigrées.

Le Président (M. French): Je pense que la tactique d'essayer de régler le problème des femmes immigrées par la voie de leur propre groupe est bonne. Je voudrais vous dire qu'il en faut un peu plus pour vraiment réussir à voir toutes les dimensions du problème. Je veux bien qu'essentiellement, par le biais des groupes bénévoles et volontaires, on leur vienne en aide, je pense que c'est très important. Ce problème relève de tellement d'organismes - et vous en êtes conscient - que ce n'est pas seulement à votre ministère à intervenir. C'est évidemment un problème pour Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, pour le ministre du Travail, pour le ministre de la Justice et, selon tout ce que j'en sais, cela peut également impliquer beaucoup d'autres ministères.

Cependant, il faudrait que ce soit vous qui preniez en quelque sorte le "lead" de tout cet effort. Par exemple, l'un des aspects les plus importants de l'emploi des femmes immigrées à Montréal, c'est l'industrie du vêtement. Il y a trois ou quatre ans, un rapport a été produit par le ministère du Travail qui détaillait les conditions épouvantables dans lesquelles un certain nombre de travailleuses qui, souvent, ne parlaient ni l'anglais ni le français se trouvaient dans le centre de Montréal. Vous en êtes conscient. Cela commence géographiquement aux environs de votre comté.

Par la suite, on a appris que la CECO poursuivait une enquête qui devrait, entre autres, toucher l'exploitation des femmes dans l'industrie, le travail au noir, les ateliers cachés, etc. Il me semble important que vous, en tant que ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, soyez en mesure de dire plus que: Oui, on donne tel montant d'argent à tels groupes de femmes. Je ne mets aucunement en cause l'exercice en soi, mais je pense que, d'après ma compréhension de la situation, il faut beaucoup plus de force et d'engagement de la part de votre ministère et du gouvernement afin de s'approcher davantage de cette problématique.

M. Godin: Je vous ferai remarquer que, dans l'entreprise dont vous parlez, entre autres, dans le textile, le ministère est actif en donnant des cours de français sur mesure et je présumerais que la majeure partie de la clientèle des cours sur mesure donnés par le ministère par les profs de COFI ou par le biais des commissions scolaires suivant les régions, la majeure partie des personnes qui suivent les cours de français sur mesure... Et je vais vous les décrire rapidement. Ce sont des cours de français qui sont donnés sur les lieux de travail ou dans les maisons privées dans lesquelles les femmes se réunissent aux heures qui leur conviennent et dans un environnement qui leur est familier. Donc, il n'est pas question d'aller dans un autre lieu, une école ou tout autre lieu qui peut-être serait loin de chez elles. Nous nous rendons sur place et nous leur donnons des cours de français. Je suis convaincu que ce sont des femmes qui bénéficient, pour la majeure partie, de ces cours.

D'autre part, il ne faut pas confondre non plus le rôle des ministères. Le ministre du Travail a mis sur pied une Commission des normes minimales du travail et cette commission a fait énormément pour améliorer les conditions de travail des plus démunis, des plus mal pris et des plus mal prises. Ces normes minimales du travail visaient précisément cette classe de travailleurs et de travailleuses du Québec qui était en dehors des conventions collectives, qui n'était pas protégée de quelque manière que ce soit. Les normes minimales du travail plus La loi sur le salaire minimum, qui a haussé ces salaires ou ces paies, ont contribué, plus que toute autre mesure, à améliorer le sort des femmes immigrées, des femmes immigrantes.

Je reviens, avant de me rattacher à ce que vous disiez, à la question des domestiques. Dans le passé, les domestiques qui étaient exploitées au Québec n'avaient pas d'autre choix, à la fin de leur contrat, que de retourner dans leur pays d'origine. Maintenant - et c'est nouveau - elles peuvent, pour devenir immigrantes reçues et citoyennes canadiennes du Québec, voir leur dossier traité au Québec sans avoir à retourner dans leur pays d'origine. Ces personnes bénéficient donc d'un statut particulier pour ce qui touche les politiques de l'immigration. Je parle de mon ministère. Je parle de l'action de mon ministère. De plus, le service de placement du ministère s'emploie à trouver aux femmes domestiques mécontentes de leur emploi ou qui sont exploitées dans cet emploi des emplois qui soient plus à la hauteur de leurs aspirations, d'une part, et, deuxièmement, où elles sont mieux traitées. Donc, il y a quand même un certain nombre de mesures que le ministère a prises, qui sont de son ressort.

Je ne voudrais pas me mêler outre mesure du rôle de mes collègues, pas plus dans l'éducation ce matin, pour les bourses ou les tarifs étudiants, et pas plus, dans le domaine du travail, pour les femmes qui travaillent dans des entreprises connues. Par ailleurs, pour le travail au noir, vous savez aussi bien que moi que qui dit au noir dit caché. Donc, je poursuis en vous disant que le ministère... Je ne vous dis pas que tout le problème est résolu, mais je vous dis que le ministère a pris des mesures qui relèvent de lui pour le régler.

J'ajoute en terminant qu'au sein du CIPACC et dans la foulée du CIPACC il s'est créé un comité interministériel sur la condition féminine de la femme immigrante. Ce comité interministériel poursuivra ses travaux, même aujourd'hui que le CIPACC n'existe plus, sous l'oeil vigilant du coordonnateur, M. Egan Chambers, et devra faire rapport tous les six mois au ministre et au coordonnateur des résultats ou des progrès accomplis. Ces rapports seront publics. Ils feront partie du rapport du coordonnateur dans un an en plus du chapitre qui est consacré à cette question dans le rapport du CIPACC qui s'en vient. Nous sommes donc en mesure de vous dire qu'il y a littéralement une masse de personnes dans mon ministère et dans d'autres ministères qui s'en occupent. Mme Leblanc-Bantey est associée à ces travaux et d'autres ministères suivent le dossier de façon très assidue.

Les immigrants illégaux

M. Dauphin: Sur un autre sujet, M. le ministre, si vous me le permettez, relativement aux immigrants illégaux, l'an dernier, il en avait été question - je pense que c'est mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qui en a parlé - afin de légaliser leur statut. Vous nous aviez mentionné à ce moment-là qu'il y avait difficulté d'entente, je crois, avec le prédécesseur de John Roberts, M. Axworthy, sur une entente relativement à la légalisation de leur statut. La suggestion pour accélérer le processus était, entre autres, que le gouvernement fédéral garde la grille de sélection touchant les aspects de la santé et ce qui touche le Code criminel. De son côté, le gouvernement du Québec ferait la sélection. Apparemment, Québec et Ottawa ne se sont pas entendus. J'aimerais savoir s'il y a eu de nouveaux développements relativement à cette possibilité d'entente.

M. Godin: Sur ce point, je vais demander à Mme la sous-ministre, Mme Barcelo, de vous donner une réponse concrète.

Mme Barcelo: Les seuls développements ont été que le fédéral a annoncé un programme de régularisation des

immigrants illégaux. Puisque le fédéral dit que les gens qui sont ici doivent avoir l'approbation fédérale pour pouvoir rester, il n'a pas accepté que nous, en donnant un CSQ, un certificat de sélection du Québec, à ces gens-là, il n'a pas accepté automatiquement ces personnes. Donc, il n'y a pas eu d'entente ni de développement par rapport à l'an passé là-dessus. Le programme fédéral, qui a été prolongé jusqu'au mois d'août, ne donne pas de résultat.

M. Godin: En fait, ce qu'on en sait, c'est que les gens se méfient. Il y a eu une opération "Mon pays" qui a eu lieu au Canada, dans l'ensemble du pays, il y a déjà plusieurs années. Il y a eu des tentatives pour en faire une autre, mais le nouveau programme, qui ne porte pas le nom de "Opération mon pays", mais qui vise les mêmes objectifs au fond, à régulariser la situation de personnes qui sont ici depuis longtemps et qui estiment avoir gagné leurs galons, si vous voulez, comme citoyens du pays, pour toutes sortes de raisons... Elles se méfient et on ne peut pas dire, étant donné que nous avons pu prendre connaissance du nombre de ces illégaux qui se sont présentés au bureau de l'immigration fédérale pour voir leur statut régularisé, que le nombre de cas réglés est très important.

Je pourrais peut-être vous expliquer la manière dont cela fonctionne. Ce sont des organismes, subventionnés par nous dans la plupart des cas, à qui les immigrants remettent leur dossier. L'organisme cache le nom et l'adresse de la personne et présente le dossier à l'immigration fédérale et l'immigration fédérale accepte ou refuse. Quand il y a acceptation, le nom de la personne est dévoilé au ministère fédéral de l'Immigration. C'est après cette étape que l'acceptation se fait. Mais le programme n'a pas un succès délirant. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Dauphin: À ce moment-là, c'est la solution pratique à tout cela. Je sais bien, dans un sens, qu'on ne peut pas nécessairement les expulser, humainement parlant, ni les amnistier, pour employer l'expression...

M. Godin: C'est-à-dire que nous avons proposé des critères au fédéral qui pouvaient tous se situer sous le parapluie des cas de détresse, des cas humanitaires de détresse. En fait, les critères étaient ceux appliqués par Genève, par le Haut-Commissariat des réfugiés de Genève, pour une bonne partie. Malheureusement, ces critères, enfin cette définition et le pouvoir du Québec de traiter sur place ces dossiers n'ont pas été reconnus par le fédéral qui a voulu se garder le droit de préemption, si vous voulez, le droit de dernier refus, tout en nous disant, par ailleurs, verbalement, que, si nous avions des cas précis à proposer, il se pencherait sur ces cas de façon humanitaire et compréhensive. À la défense du fédéral, je dois dire que les cas que nous avons soumis ont été, la plupart du temps, acceptés. Mais c'est un programme de cas par cas.

Le Président (M. French): Quels seraient les motifs qui inciteraient le gouvernement fédéral à refuser? Ce serait pour des motifs de sécurité.

M. Godin: De souveraineté. Le fédéral a dit: C'est nous qui sommes souverains sur ces questions. C'est constitutionnel, si vous voulez.

Le Président (M. French): Non, ce n'est pas cela. Non pas la juridiction, mais les motifs qu'il évoque lorsqu'il refuse. Vous avez dit qu'il y avait eu très peu de refus...

M. Godin: Ah oui! Les motifs qu'il évoquent, remarquez que nous ne les connaissons pas, parce que c'est confidentiel.

Le Président (M. French): Ah bon!

M. Godin: Dans la plupart des cas, son territoire étant celui de la sécurité nationale ou de la santé publique...

Le Président (M. French): Cela devrait être dans un des deux.

M. Godin: Cela ne peut pas arriver beaucoup en dehors de ces critères. Sauf que Mme la sous-ministre aurait peut-être un mot à ajouter pour compléter le tableau là-dessus. Mme la sous-ministre.

Le Président (M. French): Mme Barcelo. (16 heures)

Mme Barcelo: Le fédéral ne permet pas aux gens de demander sur place; donc, accepter une demande sur place, c'est une exception à la politique. Ce n'est pas que les gens du fédéral les refusent: ils ne font pas exception à leur politique qui est de refuser une demande de quelqu'un qui est déjà au Canada. Ils leur disent: II faut que vous retourniez dans votre pays. Cela déborde la question de la sécurité et de la santé.

Le Président (M. French): Ce qui est quand même une forte "désincitation" pour un individu à se prévaloir du programme.

M. Godin: Voilà.

Le Président (M. French): II se dit: Je ne peux pas me permettre de retourner à Buenos Aires pour faire mon inscription et, si je ne fais pas mon inscription, je reste en statut d'ambiguïté, mais, au moins, je suis

ici et je travaille. Est-ce à peu près ce genre de rationnel?

M. Godin: Tout à fait. Ce que nous demandions au fédéral, c'était de nous confier la responsabilité... Le fédéral fait, dans certains cas, des évaluations positives d'un illégal qui est au Canada et le fédéral accepte de traiter sur place. Nous avons dit au fédéral: Donnez-nous le même pouvoir, appliquez et appuyez nos critères, modifiez même les critères si vous voulez, mais nous sommes en mesure de régler ces problèmes comme n'importe qui. De plus, cela simplifierait la vie des illégaux en question, surtout ceux qui, tôt ou tard, se qualifieraient, parce qu'ils n'auraient qu'une porte où aller frapper au lieu de deux. Tôt ou tard, ils doivent nous passer par les mains. Enfin, libre à eux, ces gens représentent le gouvernement "senior" dans ce pays et on n'a pas pu marquer de points là-dessus.

Le Président (M. French): M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Relativement aux différents éléments du programme 1, en ce qui me concerne, en tout cas, je n'ai plus de question.

Le Président (M. French): Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Concernant les programmes d'aide financière à l'intention des communautés culturelles, le programme d'aide au fonctionnement, à l'innovation, à l'enseignement, vous avez dit ce matin que tout cela créait de l'emploi. J'aimerais savoir le nombre d'emplois créés et savoir si ces emplois sont dédiés seulement aux membres des différentes communautés ou s'ils sont ouverts à tout le monde.

M. Godin: Je pense qu'on peut faire la distinction suivante: le programme ponctuel pour l'année financière qui vient de se terminer était doté d'un budget de 1 500 000 $ et nous avons créé 626 emplois, je pense, sur une période de vingt semaines. Tous ces emplois étaient donnés à des membres des communautés culturelles ou à l'immense majorité, en tout cas. Il est arrivé aussi que des organismes d'accueil soient composés de Canadiens français et il est arrivé dans quelques cas que des non-membres de communauté culturelle soient engagés dans le cadre de ces programmes; mais l'immense majorité était des gens qui émanaient des communautés qui avaient fait la demande.

Mme Lachapelle: Je connais des gens, j'ai justement un de ces centres dans mon comté, le Centre multiethnique, et je me rends compte que les gens qui bénéficient de ces programmes de travail sont souvent des gens de la même communauté afin de pouvoir justement fournir des services à ces gens.

M. Godin: Par ailleurs, pour ce qui est de ce que j'appellerais le roulant du ministère, son budget normal qui est historique jusqu'à un certain point, la plupart des emplois créés par les organismes eux-mêmes, de permanents ou de personnel de soutien, la plupart du temps, la nationalité de l'organisme fait foi de la nationalité des gens qui travaillent dans ces organismes. Donc, en gros, c'est certainement 80% des postes créés qui sont entre les mains des membres des communautés culturelles.

Mme Lachapelle: Merci.

Relations avec les immigrants

Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous le mandat de réconciliation ethnique entre ou parmi les Québécois? Je vous pose la question puisque je pense qu'on peut dire, avec assez de conviction, que, dans deux autres grandes villes canadiennes, soit les deux autres plus grandes que Montréal, c'est-à-dire Toronto et Vancouver, on a vécu par le passé des événements de discrimination raciale assez grossiers, assez sérieux - au moins dans le cas de l'Ontario, dans le cas de la ville de Toronto - qui ont suscité une intervention publique assez importante, précisément dans le but de réduire les incidents de nature sensationnelle et, à mon sens, extrêmement sérieux.

Je pense que nous pouvons nous féliciter que de tels événements ne se soient pas produits vraiment au Québec encore, et plus particulièrement à Montréal. Cependant, il n'est pas impossible, compte tenu d'une présence de plus en plus importante de minorités visibles - un certain cas particulier me vient à l'esprit, je pense à l'industrie du taxi, entre autres - que nous puissions expérimenter nous aussi de telles situations et de tels problèmes.

Dans le sens du programme 1, avez-vous des politiques spécifiques pour cela? Avez-vous le mandat, avez-vous une politique, avez-vous un programme dans ce domaine-là? Pensez-vous que les gens en ont besoin?

M. Godin: Je dirais que c'est la raison d'être du ministère....

Le Président (M. French): Précisément.

M. Godin: ...pour la partie des communautés culturelles. Je ne sais pas s'il y a un

lien entre les divers programmes dont nous avons parlé, entre l'idéologie du ministère et sa philosophie depuis sa création qui s'est raffinée au fil des années. Prenons la question des chauffeurs de taxi haïtiens. Vous connaissez le résultat. La Commission des droits de la personne du Québec a été mandatée pour faire enquête sur cette question. Donc, un organisme qui n'est pas ethnique, qui n'est pas sous la responsabilité du ministère des Communautés culturelles, a été chargé de se pencher sur cette question et des mesures ont déjà été prises. Quand cela s'est passé, en tant que ministre des Communautés culturelles, j'ai incité les citoyens de Montréal à boycotter les entreprises qui refusaient des chauffeurs de taxi noirs. Donc, le ministère s'est associé, par la voix de son ministre, à la campagne de sensibilisation qui était en cours.

Plus profondément que cela, nous pensons - je dirais que c'est une question, une option gouvernementale - que la reconnaissance des communautés culturelles comme telles, la dotation par l'État à ces communautés de centres communautaires, de budget qui leur permet de se retrouver chez eux, entre eux, de montrer ce qu'ils font aux autres Québécois, aux autres communautés, leur donnent une fierté et font d'eux des citoyens qui sont heureux au Québec, qui se sentent chez eux, qui ne se sentent pas méprisés ou écartés, mais, au contraire, qui ont une porte où aller frapper, et c'est mon ministère qui diffuse des fonds pour qu'ils se prennent en main.

Le modèle adapté pour les centres communautaires, c'est celui de la sagesse. Nous exigeons des communautés qu'elles contribuent entre 80% et 90% du coût de construction et d'aménagement d'un dit centre communautaire parce que nous estimons que, sans cela, le ministère pourrait "shooter" dans le paysage - comme on dit en bon français - parachuter des centres communautaires qui deviendraient des éléphants blancs, qui n'auraient pas l'appui des communautés. Mais le fait que, dans une communauté - je cite la communauté grecque, par exemple, ou la communauté noire qui n'est pas loin de chez vous - une campagne de financement ait lieu, que des fonds soient recueillis, que des leaders de la communauté fassent du porte-à-porte pour recueillir des fonds, fassent connaître leur projet, le fassent approuver par les gens, leur tirent des fonds pour le construire, tout cela fait que la communauté se resserre, qu'elle fait sa part, qu'elle s'identifie mieux. Le gouvernement arrive et met la cerise sur le gâteau. Dans certains cas, c'est une cerise de 250 000 $ - évidemment, c'est une belle cerise - dans d'autres cas, c'est 50 000 $, mais il reste que le gâteau est fait par la communauté elle-même et nous pensons que c'est le meilleur modèle.

Le Président (M. French): Je comprends bien les démarches du ministre quant à la fierté des communautés, leur reconnaissance mutuelle et leur implication, et je l'appuie, mais c'est justement le contexte social des moins favorisés des immigrés et surtout les minorités visibles qui est tel que le centre communautaire peut être très important, mais parfois ils n'ont même pas les moyens sociaux de se trouver dans un domaine comme cela. On parle d'une question de survivance, on parle d'une question d'éducation minimale, on parle dans le contexte du nord de Montréal d'une certaine polyvalence. On en parle, dans le contexte de l'ouest et du sud de mon comté, où il y a une communauté noire de classe relativement modeste qui se frotte à une communauté française, une communauté irlandaise de moyens relativement modestes avec des résultats pas toujours très heureux.

Je voudrais en connaître plus sur la pensée du ministre. Est-ce qu'il y a un potentiel de problèmes sérieux qui pourraient éclater dans ce genre d'interaction ou est-ce que je m'alarme pour rien? Mieux vaut le prévenir. Une fois qu'un événement de ce genre commence à saisir l'imagination des gens, les dommages sont faits et il est très difficile de réparer les dégâts par la suite.

M. Godin: À remarquer que le ministère fait le pari optimiste sur l'avenir de ces méthodes qui sont implantées par le service de relations avec les groupes, de ce mode de financement des centres communautaires et, dans certains cas, de la communauté noire de NDG, par exemple, qui regroupe aussi une partie de votre comté, je pense, qui a bénéficié, de la part du ministère, d'une proportion d'aide à son centre communautaire supérieure à 20%, pour les raisons que vous mentionnez, parce qu'il y avait un problème particulier. On sait fort bien que ces gens ne roulent pas sur l'or et qu'ils ne sont pas tous présidents de compagnie, comme d'ailleurs d'autres communautés et des parties de la communauté francophone ancienne dans certains quartiers de Montréal.

Le Président (M. French): Immédiatement au sud...

M. Godin: Donc, nous avons adapté, si vous voulez, nos critères en fonction de cette réalité. Enfin, je ne suis un prophète ni mineur ni majeur, mais nous pensons que cette politique de respect des communautés, de développement du respect des communautés pour elles-mêmes et du respect mutuel est une politique qui est sage et nous sommes contre le "melting-pot", parce que nous pensons que le "melting-pot" peut mener à des conflits beaucoup plus graves à des tensions beaucoup plus graves, que la politique de la mosaïque culturelle, si vous

voulez, du multiculturalisme. C'est un pari sur l'avenir. Notre expertise, à cet égard, s'inspire du modèle suivant. Il faut à une communauté relativement jeune une partie, enfin la possibilité de reproduire son village, au sens large du terme, d'y retourner au besoin et d'en sortir au besoin, pour aller dans ce qu'on appellerait le courant de convergence du Québec. Mais s'il y a des événements, des mariages, des fêtes nationales, elle retourne dans son village qui, au fond, est la communauté grecque du Mile-End - c'est bien le Mile-End, le comté de Laurier? - ou dans mon comté. La communauté noire est quelque part dans NDG-Westmount, la communauté noire anglophone. La communauté haïtienne est dans le comté de ma collègue de Dorion, en partie dans Saint-Michel. Quant à la communauté portugaise, il y a deux ou trois foyers, deux ou trois villages portugais dans Montréal. Elles vont dans ces villages et elles en sortent.

Donc, il y a à la fois l'abri culturel, linguistique, social et même économique, parce qu'il y a des caisses d'entraide économique portugaises et ukrainiennes que vous connaissez aussi bien que moi. La plupart de ces gens-là travaillent dans le fleuve, je dirais, de la population québécoise dans son ensemble et la communauté retourne, elle va d'un lieu de la majorité à des lieux de la minorité. Je pense que c'est ce qui fait qu'ils ne sont pas trop dépaysés. Quand ils veulent se dépayser, ils le peuvent et, à l'inverse, je dirais que la frontière est traversée souvent aussi par les Canadiens français quand ils vont dans des fêtes multiethniques, quand ils vont dans des restaurants ethniques, quand ils vont dans des marchés multiethniques, quand ils vont dans des commerces multi-ethniques. Donc, on peut dire qu'il y a une interpénétration et c'est peut-être ce qui explique - mais touchons du bois - que nous avons échappé jusqu'à maintenant à des conflits graves.

Le Président (M. French): Une dernière brève question. Avez-vous un programme pour faciliter les relations ethniques dans les écoles secondaires, surtout dans le nord et dans le centre de Montréal? Cela semble un lieu de problèmes qui impliquent souvent le service policier de la Communauté urbaine de Montréal. Je me demande si le ministre en sait quelque chose. Avez-vous fait une étude? Avez-vous une politique? Avez-vous un programme dans ce domaine?

M. Godin: Nous avons un peu abordé cette question ce matin relativement aux réflexions de mon collègue de l'Éducation sur la réforme contenue dans le projet de loi 40, sur l'avenir de cette réforme et surtout sur la place des écoles multi-ethniques dans la réforme. Nous espérons que notre expertise lui servira à adopter des mesures qui régleront les problèmes s'il doit s'en présenter. (16 h 15)

Par ailleurs, il y a eu des programmes conjoints du ministère de l'Éducation et du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Il y en a un qui s'appelait: Mes amis de partout, un programme libre dans les écoles qui permettait aux professeurs de proposer à leurs étudiants, à leurs écoliers, des projets locaux de rapprochement et de connaissance des autres cultures et d'interpénétration des cultures. Ce programme a eu un succès assez important. Il y a également eu le projet: Si tous les enfants du monde, qui visait le même but. Il y a le projet: Coeur à coeur. Il y a la semaine de promotion des cultures. C'est un programme que nous avons chez nous. Le prochain pays qui fera l'objet d'une telle semaine, c'est l'Égypte. Nous avons attribué une subvention de 15 000 $ à l'association égyptienne récemment. Cette semaine permettra à cette association égyptienne de présenter ses réalisations, de présenter sa culture à l'ensemble des Québécois. Moi, en tout cas, je n'ai jamais fait l'expérience, je n'ai jamais vu non plus des jeunes de quelque pays que ce soit qui s'intéressent ou qui sont attirés par d'autres cultures ne pas s'attacher à cette autre culture, ne pas découvrir que ce qu'il y a dans l'autre est aussi intéressant que ce qu'il y a en soi. Il y a aussi non seulement une interpénétration, mais on s'enrichit mutuellement. C'est le modèle que nous appliquons aussi bien dans le domaine scolaire que dans d'autres.

Ce qui m'a frappé, après observation faite sur place, c'est que, dans le cadre du projet: Mes amis de partout, les enfants éveillaient leurs parents à la réalité multiculturelle. Les parents, eux, sont dans un coin, mais leurs enfants sont dans une école multiple et les parents souvent, par ignorance ou autrement, ont des préjugés à l'égard des enfants d'autres peuples, d'autres couleurs, etc., et ce sont des enfants, à la faveur de programmes comme: Mes amis de partout qui transportaient chez eux leurs travaux sous forme de devoir ou autres, ce qui, je dirais, éveillait la conscience de leurs parents à la nécessité d'accepter l'autre tel qu'il est et de le comprendre et de le respecter.

Le Président (M. French): Y a-t-il d'autres questions sur le programme 1? Le programme 1 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Charte de la langue française

Le Président (M. French): Le

programme 1 est adopté. Le programme 2, Charte de la langue française. Je remercie d'abord les fonctionnaires du ministère. On va demander à Mme Barcelo, M. Chambers, de transmettre nos remerciements à tous ceux et celles qui ont été responsables de la préparation du cahier qui a été fort intéressant et utile. Programme 2, Charte de la langue française. On va procéder, avec la permission du ministre, probablement encore à une discussion assez générale et on ne s'en tiendra pas aux éléments 1, 2, 3, 4, 5, si cela convient aux membres de la commission.

Une voix: Cela irait.

Le Président (M. French): Est-ce que vous avez quelques commentaires préliminaires, M. le ministre?

Commentaires préliminaires M. Gérald Godin

M. Godin: J'ai un commentaire qui sera plus bref que celui de ce matin, en tenant compte du fait que nous avons consacré plus de temps que nous ne le croyions au programme 1. Par ailleurs, comme, l'an dernier, ce fut le contraire, je pense que, l'un dans l'autre, l'équilibre est rétabli. Je demanderais peut-être à M. Escojido, qui est le sous-ministre adjoint aux questions des affaires linguistiques, de se joindre à moi. J'en profiterai pour présenter aux membres de la commission M. Claude Aubin - si vous voulez vous asseoir au premier rang - qui est président de l'Office de la langue française; M. Gaston Cholette aussi - si vous voulez prendre place ici, s'il vous plaît - qui est président de la Commission de protection de la langue française; M. Michel Plourde, qui est président du Conseil de la langue française - M. Plourde, si vous voulez venir prendre la place de M. Escojido - M. François Beaudin, qui est président de la Commission de toponymie. M. Beaudin, si vous voulez venir plus près de moi. Parmi ceux qui l'accompagnent, M. le Président, je voudrais vous présenter ceux que je reconnais: M. Pierre Carrier, du conseil; M. Gérald Lapointe, du Conseil de la langue française, M. Lebeau, de l'office; M. Jean-Yvon Houle, de l'Office de la langue française; M. Sénécal, de l'office; Me Guiseppe Turi, de la commission de protection; M. Bernard de Jaham, qui est de la commission de protection; Mme Jeanne-d'Arc Valois, de la commission de protection.

Le dialogue fructueux qui s'est poursuivi autour de la question linguistique entre la majorité francophone du Québec et ses partenaires historiques et culturels, dialogue qui s'est soldé par ce que j'appellerais la paix des braves, a certainement été l'événement marquant de l'année qui s'achève pour ce qui touche les organismes de la loi 101 et le ministre qui en est responsable. Je suis très heureux de venir vous reparler de la commission parlementaire tenue l'automne dernier, ce forum par excellence où se sont réunis plusieurs associations de salariés, des centrales syndicales, des représentants des communautés culturelles, des entreprises et des porte-parole des anglophones du Québec, pour réfléchir ensemble à leur avenir linguistique. La récolte d'idées et de recommandations qui a découlé de ces échanges et à laquelle il faut ajouter l'expérience et le résultat des recherches menées par les organismes linguistiques ont amené le gouvernement à modifier la Charte de la langue française d'une manière telle qu'aujourd'hui certains hommes politiques sur le plan fédéral en viennent à souhaiter aux Franco-Manitobains le même statut que celui dont jouit ici la minorité anglophone.

Je vous exposerai donc d'abord les changements apportés et les raisons qui m'ont convaincu de les proposer au gouvernement, après quoi nous ferons le bilan des activités des organismes linguistiques en 1983 et pour lequel on vous a remis un cahier d'information assez volumineux, il y a six jours.

Je ne surprendrai personne en affirmant que le respect de la langue des travailleurs et travailleuses du Québec a été mon souci constant au cours de cette période de réflexion collective. La loi 101 qui est entrée en vigueur en 1977 a fait du français la langue du peuple québécois. Depuis, celui-ci a développé un sentiment de fierté et une assurance nouvelle qui ne sont pas étrangers au statut raffermi du français et à son usage plus répandu. Si, en général, la langue se porte mieux au Québec, il faut admettre que les programmes en milieu de travail sont encore malheureusement trop modestes. Cela, les travailleurs sont venus nous le rappeler en commission parlementaire. Ils confirmaient ainsi les plus récentes études du Conseil de la langue française qui affirme que seulement 55% des travailleurs québécois de la région métropolitaine n'utilisent que le français au travail. Chez les anglophones et allophones, l'unilinguisme anglais a perdu du terrain non pas au profit du français mais du bilinguisme. On peut donc dire que nous faisons des progrès, mais ils sont lents.

La francisation des entreprises sur laquelle nous avions mis l'accent va bon train. En effet, nous avons atteint la vitesse de croisière. À l'office de la langue, le processus de mise en oeuvre des programmes de francisation dans les entreprises de 100 personnes et plus qui devait être terminé le 31 décembre 1983 est, à toutes fins utiles, complété. 503 entreprises ont obtenu leur certificat permanent; 979 programmes sont en voie de réalisation et 56 sont en

négociation. Il en va de même pour les entreprises employant de 50 à 99 personnes. 841 détiennent un certificat permanent; 1121 programmes seront bientôt réalisés et l'office négocie les 104 derniers. La quasi-totalité des organismes parapublics et de l'administration possède déjà le certificat permanent.

Mais, il reste encore des aspects de la francisation du monde du travail à aborder. Je pense, par exemple, à la francisation de la machinerie importée de l'étranger et utilisée dans une entreprise installée au Québec. Est-elle en français cette machinerie afin que les travailleurs qui sont en majorité francophones puissent comprendre, dans leur langue, la portée et l'usage de ces instruments, de cet équipement qu'ils utilisent quotidiennement? Les guides d'accompagnement sont-ils en français? Pas encore. Il nous appartient, dans bien des cas, de protéger cet aspect des droits des travailleurs. Qui d'autre le fera? Certainement pas l'employeur qui, depuis toujours, s'attend que son employé s'adapte, s'anglicise partiellement pour comprendre son document de travail anglais.

L'office de la langue a le mandat de vérifier si, à Trois-Rivières, à La Tuque ou à Grand-Mère, l'entreprise utilise des manuels en français. Autrement, si nous ne le faisons pas, le travailleur se demande à quoi sert sa langue et il en arrive à douter de la capacité du français à véhiculer la réalité du monde industriel, du monde technique et du monde de l'électronique. D'ailleurs, les sondages du conseil de la langue le confirment: un nombre croissant de Québécois estiment que le français n'est pas la langue du XXIe siècle. Si cette idée pernicieuse fait des progrès, les francophones du Québec vont continuer à s'assimiler aux anglophones, comme on l'a vu dans les chiffres publiés récemment par Statistique Canada à la suite du recensement de 1981.

Pour ces raisons, la loi 57 entrée en vigueur le 1er février dernier et qui modifie la loi 101 prévoit des mesures visant à rendre plus dynamiques les comités de francisation au sein des entreprises. Dorénavant, ces comités se réuniront trois fois par an; les travailleurs qui y siégeront seront élus par leurs compagnons de travail à tous les deux ans. Un soutien financier de 250 000 $ sera également accordé aux travailleurs membres de ces comités qui jouent un rôle de chien de garde au sein des entreprises.

D'autres problèmes demeurent irrésolus dans le monde du travail. Nous comptons donc sur les Québécois et les Québécoises pour nous dire eux-mêmes ce qui se passe dans les faits et ce qu'ils attendent de nous. Les ouvriers et ouvrières du Québec sont aussi des consommateurs. Nous avons voulu également les protéger. La loi prévoit que la documentation d'accompagnement des produits achetés au Québec doit être en français. Il faut que chaque dollar dépensé pour acheter un produit fabriqué dans un autre pays respecte la langue de l'acheteur québécois. Le consommateur doit dire au fabricant: Vous allez respecter ma langue. Vous ne me vendrez pas un télécouleur sans me dire en français comment il fonctionne et comment je peux y adapter un ordinateur ou des jeux électroniques. J'ai visité récemment à Hong Kong une usine de fabrication de téléviseurs. Le propriétaire de l'entreprise, un futur Québécois d'origine chinoise, m'a expliqué combien il lui serait facile de mettre du français sur les appareils si le consommateur ou les marchés et pays l'exigeaient.

Le gouvernement du Québec a donc décidé d'inciter les pays producteurs de biens de consommation courants achetés ici, tels les voitures, les caméras et les lecteurs de vidéocassettes, à doter leurs appareils d'inscriptions en français. Pour y parvenir, nous avons l'intention de nous joindre aux efforts du gouvernement français qu'on a rencontré à trois reprises et, bientôt, à une quatrième reprise, nos présidents ici et moi-même. Nous visons la formation d'un front commun des pays francophones pour influencer les pays producteurs de ces biens.

Un comité interministériel regroupant les ministères de l'Éducation, des relations extérieures, de la Science et de la Technologie, verra de son côté à faire en sorte que les manuels scolaires en usage au niveau universitaire soient conçus en français ou, à tout le moins, traduits et adaptés en français. Cette opération sera menée de concert avec les pays membres de l'Agence de coopération culturelle et technique.

De plus, le sort des travailleurs et travailleuses du Québec ne nous a pas laissés indifférents. Des porte-parole de la communauté anglophone sont venus nous dire en commission que les employés manuels et les personnes de soutien des hôpitaux anglophones étaient inquiets quant à leur avenir. Ces travailleurs modestes, sans grade, étaient inquiets et cela m'a inquiété qu'ils le soient. On m'a dit que l'échéance prévoyant que ces institutions devaient se conformer à la loi 101 avant la fin de l'année 1983 semait la panique chez certains. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié l'article 20 de la loi 101 de manière à permettre à l'administration de ces institutions de déterminer elles-mêmes, mais en le soumettant à l'Office de la langue française, les niveaux d'activités où le français est requis et où il ne l'est pas. Cette modification protège les travailleurs non francophones de ces institutions en les soulageant d'un fardeau qu'ils ne pourraient assumer sans risque. De manière à simplifier et à faciliter le travail et les relations des

institutions anglophones du Québec entre elles, qu'il s'agisse des municipalités, des commissions scolaires, des écoles, des services sociaux ou de santé, nous avons décidé de permettre l'usage de l'anglais avec le français. Dans ces mêmes institutions, les communications écrites entre individus pourront être faites dans la langue choisie par ces personnes.

Comme vous le savez, un ajout au préambule de la charte exprime maintenant clairement l'intention de l'Assemblée nationale de poursuivre la francisation du Québec dans le respect des institutions de la communauté anglophone et des minorités ethniques.

Reste la question de l'affichage. Les intervenants à cette commission n'ont pas réussi à me convaincre qu'il fallait revenir au bilinguisme commercial et redonner à l'anglais une place égale au français sur les affiches publiques.

La loi 101 reconnaissait aux 98 municipalités anglophones du Québec le droit d'afficher en anglais et en français. La loi 57 les autorise maintenant à utiliser une dénomination anglaise aussi bien que française, tout comme c'était déjà le cas pour les commissions scolaires, les écoles et les services de santé.

Ceux qui aiment répéter qu'on veut gommer, faire disparaître l'anglais du Québec, tronquent donc la réalité. Nous allons faire aussi en sorte que la réalité multiculturelle du Québec apparaisse plus clairement, grâce à une modification importante qui touche les produits ethniques ou typiques d'une nation étrangère. En effet, ceux-ci pourront être affichés en français et dans la langue des pays d'origine à l'extérieur des établissements, donc sur la rue, sur la voie publique.

Voilà, en résumé, ce qui nous amenés à modifier la Charte de la langue française. Nous n'en sommes pas peu fiers. D'ailleurs, un récent sondage CROP, commandé par l'Office de la langue, indique qu'une majorité de Québécois, 71%, se déclarent satisfaits de ce qui s'est fait au Québec depuis cinq ans pour améliorer la situation du français.

Quant aux réactions des milieux anglophones du Québec aux modifications apportées l'automne dernier et entrées en vigueur en février dernier, elles ne sont nullement équivoques. On a entendu les témoignages, repris par la Gazette, disant: "That is excellent news! It is not a black day for English Québec." Même la Gazette a écrit, le 17 décembre: "English speaking Québeckers have every reason to be encouraged by the changes being made in Bill 101." (16 h 30)

Comme je le soulignais au début, cette commission parlementaire et les décisions qui en découlèrent ont marqué une étape importante, mais il reste beaucoup à faire dans cet univers anglo-américain au coeur duquel nous vivons. D'autres pays comme la France et le Mexique, pourtant de grands pays, ont jugé bon de légiférer en matière linguistique. Plus près de nous, le géant américain dont l'influence omniprésente menace le Québec francophone se pose lui aussi la question de son unité linguistique. Nous avons toutes les raisons du monde de vouloir poursuivre le travail déjà commencé et c'est d'ailleurs à cette tâche que se sont attelés les organismes linguistiques ici représentés.

Je vous disais tout à l'heure que l'Office de la langue française qui est chargé de veiller à ce que le français devienne le plus tôt possible la langue de communication du travail, du commerce et des affaires, tant dans l'administration que dans les entreprises, achève de réaliser ses programmes de francisation. Elle met actuellement sur pied un système d'évaluation qui lui permettra de mesurer l'avancement de la francisation et son irréversibilité au sein des entreprises. De plus, au cours de 1983, l'office a poursuivi l'implantation de sa Banque de terminologie du Québec dans les entreprises, ceci afin d'apporter un soutien linguistique à la francisation. Vous serez peut-être étonné d'apprendre, M. le Président, que le grand fichier terminologique de plus de 1 000 000 de fiches de l'office, avec ses 3 500 000 termes dans toutes les sphères d'activités économiques et industrielles, représente le système le plus important du monde. La BTQ, la Banque de terminologie du Québec, compte 105 abonnés reliés par terminaux. En 1983-1984, elle a relié 56 nouveaux abonnés dont 35 dans le monde de l'entreprise. Pendant ce temps, son service de consultation terminologique a continué de répondre à plus de 60 000 questions téléphoniques provenant la plupart du temps d'entreprises. Il a fallu six ans à l'office pour se constituer un réseau efficace. Il lui reste maintenant à assurer l'utilisation de cette terminologie dans l'ensemble du monde du travail.

La loi 57 a également modifié le nom de la Commission de surveillance de la langue française en Commission de protection de la langue française parce que, croyons-nous, cette appellation correspond davantage à la vocation de l'organisme qui est de poursuivre la francisation du Québec en corrigeant les situations dérogatoires. Depuis deux ans, la commission accorde une attention toute particulière à la protection des droits des consommateurs et des travailleurs ainsi qu'à la francisation de l'affichage public et des raisons sociales. Les demandes d'enquête portant sur l'achat d'un bien de consommation représentent 30% de toutes les plaintes et accaparent la moitié du temps des commissaires-enquêteurs. Il

s'agit souvent de produits de consommation dont les inscriptions ne respectent par la loi qui doit assurer la préséance du français.

Cette même commission a reçu 42 plaintes provenant du monde du travail et concernant les Québécois congédiés ou non embauchés parce qu'ils ne connaissaient pas l'anglais. Dans plusieurs cas, on a abouti à un règlement positif. Les plus nombreuses interventions de la Commission de protection de la langue française concernent les plaintes relatives à l'affichage public et aux raisons sociales. En 1982-1983, 56,8% de toutes les demandes d'enquête reçues étaient de cet ordre. Depuis sa création en 1977, la commission n'a transmis que 23 dossiers sur 14 442 au Procureur général du Québec. Voilà qui devrait rassurer ceux qui associent la Commission de protection de la langue française au Bonhomme Sept Heures.

Au cours de la présente année, cette commission disposera d'un budget de 1 339 100 $ pour réaliser ses objectifs qui demeurent les mêmes. Toutefois, l'accent sera davantage mis sur le respect de la loi en ce qui concerne l'étiquetage des produits et les documents qui les accompagnent. Cette action, comme je l'ai mentionné plus tôt, sera menée de concert avec celle du gouvernement qui tentera de convaincre les pays producteurs de respecter la langue des Québécois. Jusqu'ici, la commission est surtout intervenue pour corriger les dérogations dans le domaine des jeux et des jouets. Actuellement, ce sont les jeux électroniques et le modélisme qui font l'objet d'enquête.

Passons maintenant au Conseil de la langue française qui est, en quelque sorte, la conscience du gouvernement en matière linguistique. Comme son nom l'indique, il conseille le ministre en basant ses recommandations et avis sur la situation réelle du français au Québec, telle qu'elle apparaît à la lumière des études, sondages, enquêtes et recherches qu'il effectue. Le bilan que le Conseil de la langue française fait après six ans d'application de la charte est, somme toute, positif, bien que ponctué de réserves. Les mesures linguistiques adoptées par la loi ont porté fruit, comme le souligne le conseil, en augmentant notamment le nombre d'immigrants parlant français et en enrayant à tout jamais le flot de leurs enfants inscrits à l'école anglaise. Toujours selon les sondages du conseil, la mise en place de cette politique linguistique a eu un impact positif sur les individus et la société québécoise. Elle a contribué à libérer les francophones de leurs vieux complexes d'infériorité qui faisaient d'eux des minoritaires dans leur propre pays. En milieu de travail - on l'a vu - le tableau est moins rose. Le marché continue de soumettre les francophones, plus que les anglophones, à de fortes exigences de bilinguisme. Dans le monde du commerce et des affaires, le caractère français est devenu plus visible qu'il y a dix ans. La clientèle francophone réussit davantage à se faire servir en français dans les hôtels, restaurants et grands magasins, dans les services municipaux, hospitaliers et de transport. À la lumière de ces données, le Conseil de la langue française dégage ses priorités. Quant au travail qu'il lui reste à accomplir, la moitié du chemin reste à parcourir. Le premier obstacle à surmonter réside dans les attitudes des francophones. Une enquête du conseil révèle en effet que, si ces derniers n'utilisent pas davantage le français, c'est parce que, de leur propre aveu, ils craignent de compromettre leurs chances d'avancement, parce qu'ils ressentent une gratification à parler anglais et, enfin, parce qu'ils ont peur d'être l'objet de représailles dans leurs relations humaines.

En 1983-1984, le conseil se tourne résolument vers l'avenir. Nous avons l'intention d'analyser ensemble les divers scénarios que l'on peut envisager pour assurer au français la place qui lui revient au Québec et en Amérique du Nord. Il serait prématuré de développer un sentiment de sécurité excessif face à l'actuelle situation linguistique, mais il y a tout lieu d'être satisfait.

En ce qui me concerne, j'attache une grande importance à cet autre projet du conseil de la langue qui se propose de vérifier, au cours des prochains mois, la place du français dans la télématique et les moyens de communication et aussi le rôle que les Québécois peuvent jouer dans la francophonie mondiale. C'est d'ailleurs dans cet esprit que la Commission de toponymie, dernier maillon de la chaîne, amorce la nouvelle année.

Je profite de l'occasion, donc, pour vous annoncer que cet organisme québécois, qui est chargé de conserver et d'enrichir la nomenclature officielle du Québec, a décidé d'organiser, en collaboration avec la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, le premier congrès international sur la toponymie en Amérique du Nord. Cette rencontre permettra aux chercheurs de diffuser leurs études et leurs recherches et de comparer leurs instruments de travail. La Commission de toponymie poursuivra l'an prochain le travail déjà commencé. Au niveau de l'inventaire, il lui reste encore 150 000 noms de lieux à recueillir et presque autant à officialiser. Mais l'élément marquant de cette année sera sa participation de premier plan à ce congrès qui souligne le 450e anniversaire de l'attribution officielle des premiers noms de lieux français en Amérique du Nord, par Jacques Cartier. Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): Merci, M. le

ministre. M. le député de Jean-Talon. M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les remarques préliminaires du ministre. J'arrive dans le dossier linguistique, je suppose, comme un brave, dans la mesure où le ministre a signalé qu'on en était rendu au Québec, sur la question linguistique, au temps de la paix des braves. Croyez-moi, M. le ministre, ce n'est pas mon intention de jeter, tout au long de votre chemin, quelques éléments guerriers qui pourraient raviver les combats qui, de toute manière, ont été pénibles à certains égards, mais, à d'autres égards, sans doute bénéfiques pour l'ensemble de la société.

Je voudrais simplement vous dire notre préoccupation. Tout en nous inscrivant, bien sûr, dans la démarche de la loi 101 et également dans les correctifs extrêmement importants qui y ont été apportés en cours de route par la loi 57, il y a, autour de cette question linguistique, des objectifs de valorisation de l'identité proprement française de la société québécoise, auxquels vous vous êtes référé dans vos remarques, autant en ce qui a trait à la langue de travail qu'aux programmes de francisation auprès des entreprises, à la situation des consommateurs, au milieu universitaire, enfin, au niveau des institutions, des services publics et privés.

Je pense, et sans doute que vous serez d'accord avec moi, que la préoccupation majeure que l'on devrait peut-être avoir au cours des prochaines années sur cette question linguistique est double, à mon avis. D'abord, bien sûr, il y a la poursuite des objectifs, c'est-à-dire que les Québécois de langue française, qui sont en fait la majorité à 80% de la société québécoise, puissent, dans chacune des sphères de l'activité humaine, sentir que leur langue a sa place, c'est-à-dire la place qu'elle doit avoir compte tenu de l'identité québécoise.

Il y a également d'introduire, dans l'application des diverses dispositions de la loi 101, telle qu'amendée par la loi 57, ainsi que dans la démarche des institutions qui sont maintenant en place pour assurer la mise en oeuvre de la loi, que l'idée de justice puisse retenir l'attention même si, parfois, en cours de route - on l'a vu encore tout récemment - certaines dispositions de la Charte de la langue française dérangent des individus ou une catégorie d'individus qui perçoivent l'application de la Charte de la langue française et de ses amendements comme étant injustes à l'endroit de leur communauté ou injustes envers leur personne et que l'on puisse trouver, sans que l'on doive nécessairement penser à des amendements ou à des changements de fond aux niveau linguistiques, au niveau du ministre et au niveau des fonctionnaires, peut-être davantage que par le passé une conviction que l'on puisse être entendu et que les récriminations que l'on peut avoir, les frustrations que l'on peut ressentir ou les injustices dont on se sent victime puissent recevoir toute l'attention qu'elles méritent.

Je sais que c'est sans doute là aussi une approche du ministre, mais je pense que, pour le bien de l'ensemble de la collectivité québécoise, il n'y a pas un petit problème dans le domaine linguistique, si petit soit-il, qui doive être oublié dans l'ensemble des mécanismes ou dans tout l'appareil linguistique qu'on a mis en place. Je pense que cela mérite une attention et, à cet effet, pour ma part en tout cas, je vais attacher une très grande importance à l'appui que nous allons accorder à ces cas qui surviennent, que ce soit au niveau professionnel, dans le domaine de l'entreprise ou même au niveau des institutions, des municipalités, etc. Nous voulons, au niveau du ministre et des hauts fonctionnaires qui sont chargés de l'application de la loi, nous assurer, comme première démarche, que ces gens seront écoutés.

M. le ministre, je ne veux pas ici -vous le comprendrez facilement - reprendre les débats que vous avez eus en commission parlementaire; je pense que, de part et d'autre, il y a eu énormément de choses. Bien sûr, une certaine différence persiste, entre autres, sur la question de l'affichage; je pense que mes collègues vous en ont parlé, vous ont fait part des plaintes. Je pense que vous avez évoqué que quelque 58% des plaintes qui sont formulées ont justement trait à l'affichage.

Je sais qu'au niveau de la loi 57 on a reconnu certains statuts aux institutions. Comme vous l'avez indiqué dans vos remarques préliminaires, la communauté anglophone, pour sa part, n'a pas eu une reconnaissance spécifique dans nos lois linguistiques, malgré qu'elle occupe, dans la réalité des choses, une place importante au Québec. Mais nous n'avons pas l'intention, comme je l'ai indiqué, de reprendre ce débat pour l'instant. Je pense que les amendements qui ont été apportés à la loi 57 méritent d'être appliqués comme, d'ailleurs, la première démarche qui a été faite au niveau de la loi 101. C'était une loi qui transformait, à certains égards, radicalement les situations; on a quand même laissé quatre, cinq ou six ans d'application de cette loi avant d'apporter des correctifs. Il y aura sûrement, dans l'avenir, d'autres correctifs qui devront être apportés, mais je pense qu'il faut donner une chance aux amendements qui ont été apportés par la loi 57.

Je ne veux pas éterniser mes remarques préliminaires. J'aimerais peut-être, si cela convient au ministre et dans la mesure où, M. le Président, vous avez indiqué que nous

n'allions pas toucher aux éléments du programme compte tenu du temps dont on dispose, à moins que d'autres de mes collègues ne veuillent faire des remarques préliminaires, poser un certain nombre de questions au ministre sur l'application de la loi linguistique.

Le Président (M. French): Y a-t-il d'autres commentaires préliminaires?

M. Godin: Si vous me le permettez, pour répondre aux propos du député de Jean-Talon sur la justice et la conviction que doivent avoir les gens qui s'adressent à un organisme du gouvernement, sur la conviction de pouvoir être entendus, je puis vous dire que, dans quelque organisme que ce soit, la négociation est la règle; d'autre part, la concertation est la deuxième règle. C'est ainsi que, chaque fois qu'une lettre est acheminée par la commission de protection, par exemple, à un organisme ou à une institution, il y a eu auparavant des tentatives d'en arriver à des solutions qui respectent l'esprit de la loi. (16 h 45)

D'autre part, si je parle maintenant de l'Office de la langue française, la négociation est tellement essentielle que c'est pour cela qu'il y a des négociateurs, des gens qui vont voir les entreprises une par une et qui signent des ententes, qui suivent l'application de ces ententes. L'office réunit régulièrement les représentants du monde des affaires et du monde du travail et les informe de ce qui s'en vient, tente d'obtenir d'eux des suggestions quant à la meilleure manière de négocier ces programmes de francisation. Donc, en deux mots, négociation et concertation.

M. Richard French

Le Président (M. French): M. le député de Jean-Talon, je ferai moi-même quelques commentaires préliminaires. J'ai été extrêmement heureux d'entendre le commentaire du ministre, à savoir qu'une partie importante de la problématique de la langue aujourd'hui au Québec réside dans les attitudes des francophones. Je me suis dit, lorsqu'on m'a demandé de considérer le rôle de président de cette commission de la culture, que je concevais la commission comme une espèce de chien de garde de la place du Québec comme société distincte; tout en n'étant pas en mesure de dire moi-même que je partage complètement ce qu'on pourrait concevoir comme étant le prototype de la culture francophone du Québec, je me suis dis que je me considère comme quelqu'un qui aime vivre dans cette ambiance, qui l'apprécie et qui ne voudrait pas la voir disparaître.

Si nous avons à la fois les affaires culturelles, les communications et les communautés culturelles et l'immigration dans notre domaine, il me semble que ceux et celles qui étaient responsables de la réforme parlementaire nous ont dit que nous nous devions de réfléchir avec ce mandat sur l'existence, le développement, l'avenir de cette société distincte qui est le Québec.

Or, il me paraît que, sur le plan linguistique - ou devrait-on parler plutôt du plan démographique? - au Québec, nous avons franchi une étape importante. Je ne dis pas qu'il n'existe plus d'irritants, je pense qu'il en existe encore, mais je pense que l'essentiel du problème ne réside pas maintenant dans le genre d'approche législative et réglementaire que trois gouvernements de suite ont poursuivi depuis une quinzaine d'années.

Je ne dis pas qu'il est temps de déréglementer ou de retirer nos lois, pas du tout. J'essaie de peindre un portrait tout autre, c'est-à-dire un portrait d'une société dans laquelle le taux de natalité chute, les médias anglophones et américains surtout -parce qu'il ne s'agit pas des médias anglo-canadiens qui sont des menaces pour nous pour notre société - grugent une partie du marché de plus en plus impressionnante. Dans la mesure où la composition de notre société en termes de groupes d'âge change radicalement, dans la mesure où une technologie qui se fait, qu'on le veuille ou non, en anglais et, je suppose, en deuxième lieu en japonais, devient de plus en plus importante dans la vie quotidienne des Québécois et des Québécoises, il me semble qu'il y aurait avantage - je répète que je formule mes commentaires non pas en tant que critique - à reformuler presque complètement notre conception de cet ensemble des préoccupations qui animaient depuis quinze ans un certain nombre de guerres linguistiques sur le plan du rôle respectif de l'anglais et du français ou des anglophones et des francophones dans la société québécoise, à reconcevoir cet exercice comme une prise de conscience de la part des Québécois et, au premier chef, des francophones, de ce qu'est leur avenir face aux forces que j'ai mentionnées. Je vous signale que ces forces ne sont pas celles qui découlent d'un rapport de forces à l'intérieur de la société ni même, n'en déplaise aux prétentions du ministre, à mon avis, d'un rapport de forces dans le contexte national du Canada, mais elles résident beaucoup plus dans la situation québécoise objectivement conçue, qu'elle soit indépendante ou non, face à un monde qui ne donne pas une grande place aux petites collectivités, qui donne en tout cas de moins en moins de place, dans un monde industrialisé, aux sociétés industrialisées, mais qui veut garder une particularité ou une spécificité culturelle.

Par contre, je vois dans les mots "spécificité" et "particularité" une espèce de piège qui, je voudrais tout de suite le dire, constitue, à mon avis, un danger constant, c'est-à-dire la notion que nous pouvons nous protéger des forces que j'ai mentionnées en étant plus spécifiques, en étant consciencieusement nous-mêmes, en essayant de nous emballer pour le macramé fait à la main ici au Québec, le macramé pure laine, si vous voulez. Ce n'est pas là la voie à suivre. Je ne sais pas quelles sont les voies, mais je sais fort bien que, bien qu'il existe encore, comme je l'ai déjà dit, quelques irritants et quelques problèmes dans les lois et les règlements du domaine linguistique, des menaces nous guettent maintenant en tant que Québécois, quelle que soit notre langue. Les Québécois apprécient ce qui existe ici; ils apprécient le fait que nous ne parlons pas tous la même langue, mais que nous avons appris à vivre ensemble, de façon pas si mal. C'est une société qui, depuis une quinzaine d'années ou une vingtaine d'années, débat les questions extrêmement aiguës dans une atmosphère généralement respectueuse. Ceux parmi nous qui veulent préserver ce qui est l'essentiel ne devraient pas se permettre de continuer d'imaginer que nous pouvons continuer à nous protéger avec les mêmes instruments que ceux que nous avons utilisés dans le passé.

Je ne sais pas si j'ai réussi à rendre mes idées très claires, mais il me semble que cette deuxième, cette troisième ou cette quatrième étape dans la survivance d'une société québécoise se dessine tout autrement que la bataille que nous avons menée depuis un certain temps. Il me semble que le ministre lui-même est à la fine pointe de cette bataille, qu'il se doit de réfléchir là-dessus et de prendre le leadership d'une nouvelle conception de la problématique, une conception des vraies menaces qui nous guettent, et qu'il ne doit pas continuer - je dis ce que je pense; ce n'est pas une critique au ministre - de prétendre que les batailles déjà gagnées pourraient servir de nouveau d'objet important, d'effort et d'énergie. Ces batailles sont sensiblement gagnées sous l'égide ou par l'étendue des lois et des règlements de l'Assemblée nationale, au moins le genre de règlements et le droit que nous avons utilisés dans le passé. Je ne dis pas qu'il ne faut pas légiférer, mais je dis qu'il faut légiférer avec un tout autre aspect en vue, un tout autre objectif, un tout autre but.

M. Godin: Je vous dirai ce que j'ai observé comme ministre responsable de la charte, lors de cette commission parlementaire, pas seulement de la part de l'Opposition - les journaux l'ont mentionné -mais également de la part des témoins qui sont venus à cette commission, des groupes qui sont venus à cette commission, et également la réaction de l'opinion publique qu'on lisait dans les journaux ou autrement sur la question de la révision de la loi 57. Au fond, en un mot, je dirais que ce qui se dégage présentement au Québec, c'est une certaine maturité nouvelle à l'égard des questions linguistiques. Cette maturité s'incarne, je pense, dans la réaction qu'on a observée face aux changements apportés à la loi 101. Je pense qu'avoir attendu un an, avoir réfléchi pendant un an, avoir consulté et avoir écouté pendant un an, cela nous a amenés à faire de la loi 101 - je pense, je rêve peut-être en couleur - en grande partie, l'objectif de la francisation du Québec, objectif sur lequel je n'ai pas entendu de voix discordante au Québec, ni à la commission parlementaire ni dans les journaux. L'objectif de francisation est reconnu et est admis. On ne s'entend pas exactement sur les moyens d'y parvenir, sur le rythme pour y parvenir, sur la vitesse de croisière des travaux à faire, mais la maturité nouvelle, je pense qu'elle est là. Vous me demandez de prendre le leadership de cette maturité nouvelle. Je pense que le changement majeur de la loi 57 a été de redonner aux institutions anglophones une plus grande part de responsabilité dans l'adhésion à l'objectif de la loi 101 et de la Charte de la langue française, c'est-à-dire qu'en le demandant aux institutions anglaises et en leur faisant confiance au point de leur dire: C'est vous qui allez déterminer les niveaux de connaissance du français requis pour vos propres employés, je pense que, d'une part, cela a contribué largement à améliorer les rapports humains entre les deux groupes qui sont ici. D'autre part, je pense que cette concession majeure par rapport à la loi 101, le fait qu'elle a été acceptée par l'opinion publique francophone montre, illustre que la maturité est là.

Je le répète, je vous l'ai dit un peu plus tôt, dans le domaine de l'immigration, je suis par nature un optimiste. Je crois dans la nature humaine. Je crois que les hommes et les femmes du Québec peuvent trouver en eux et en elles les ressources pour régler leurs problèmes entre adultes consentants. C'est le pari que nous faisons. Je ne dis pas que la loi 57 plus la loi 101 sont parfaites. Il y a un vieux proverbe anglais qui dit: You cannot make bricks without straw, vous le connaissez sûrement. Je ne pense pas non plus que le paradis soit de ce monde, à notre niveau. Nous sommes sur la terre. Nous devons réfléchir ensemble à ces questions. C'est ce que nous avons fait depuis des années, au fond. Autant votre parti... Et M. le député de Jean-Talon peut en témoigner plus que moi pour ce qui touche le passé puisqu'il a été associé de près à la réflexion du gouvernement dont il était conseiller sur la question linguistique.

Tous les Québécois de 25 ans et plus ont profondément dans leur chair, je dirais, dans leur expérience vécue, une connaissance de la querelle linguistique. On réfléchit tous là-dessus par la force des choses. C'est peut-être cette communauté d'expérience qui fait que nous en arriverons certainement, nous en sommes arrivés partiellement à ce que j'ai appelé la paix des braves. La loi 57 en est une sorte d'incarnation, est une sorte de pari positif sur l'avenir.

En ce qui me concerne, je n'ai aucunement objection à poursuivre ce travail de réflexion en commun, tout en ne se faisant pas d'illusion non plus, tout en ne croyant pas que la communauté anglaise du Québec va renoncer à cet autre objectif qui dit: Much would have more. On l'a vu récemment dans le cas de la ville de Buckingham. On va peut-être le voir dans le cas d'autres villes. Il ne faut pas se cacher qu'un certain nombre de citoyens anglais du Québec rêvent aussi de revenir à la situation d'avant la loi 101, M. le Président, et vous le savez aussi bien que moi, sauf que je pense que nous devons trouver le "mainstream". Je pense que le "mainstream" s'est manifesté lors de la commission parlementaire dans les propos de l'Opposition libérale et des membres gouvernementaux. Je pense qu'il est là, le "mainstream". C'est la raison pour laquelle, tout en m'attendant, par cynisme peut-être, à voir surgir de nouveau certains fantômes du passé, je continue à croire que nous pourrons quand même rester fidèles à des objectifs qui étaient dans la loi 22 du Parti libéral et également dans la loi 101.

Le Président (M. French): M. le ministre, très brièvement, je suis quelque peu frustré de mon manque de maîtrise de la langue française pour vous expliquer que je vous invite à ne pas vous en préoccuper, parce qu'on va en parler en détail dans les questions. Il ne faut pas vous préoccuper pour le moment des institutions anglophones du Québec qui ne comptent pas pour grand-chose, à mon sens, dans la question que j'essaie de faire valoir devant vous. J'essaie de vous dire que ceux et celles qui vivent encore au Québec dans la communauté anglophone ont choisi de vivre ici parce que, quelques irritants mis à part - ils ne sont pas importants, dans le fond; je ne parle pas de la ville de Buckingham - ils préfèrent vivre ici. Une des raisons pour lesquelles ils préfèrent Québec, c'est parce que c'est une société qui est très différente des autres sociétés en Amérique du Nord et, si on veut protéger cette société, ce n'est pas avec des amendements à la loi 101 ou à la loi 57, contre lesquels je n'ai rien à dire, qu'on va y arriver. Je pourrais demander plus, mais, en tout cas, ce n'est pas le débat actuellement. C'est beaucoup plus.

Maintenant les menaces surgissent ailleurs et les dangers ne sont plus ceux avec lesquels nous étions aux prises depuis 20 ans. Ils sont de nature complètement différente et, je le répète, ils ne découlent pas d'un rapport de forces ou de l'histoire à l'intérieur du Québec ou du Canada, mais beaucoup plus de notre existence comme entité mondiale industrialisée et commerciale, d'une part, et, d'autre part, culturellement distincte et petite. (17 heures)

Je ne vous demande pas de répondre, mais je vous invite à réfléchir sur le fait que les outils dont on dispose quand on parle de la Charte de la langue française, lorsqu'on parle de l'office et du conseil, devraient être, à mon sens, d'éviter de se préoccuper du genre de problématique dont vous venez de me faire part et avec lequel on vit depuis très longtemps, mais de s'occuper de la réalité démographique, technologique, de certains outils de communication qui dépassent très largement le genre de problématique des années soixante qui donnait naissance aux 20 dernières années de tension autour de la question linguistique.

Nous ne sommes pas moins menacés; nous sommes menacés d'une façon totalement différente. Je pense qu'il est grandement temps que nous nous occupions de ces nouveaux dangers pour ne pas s'enliser de plus en plus dans des problèmes qui sont, quant à moi, en train de se résoudre très rapidement. Je ne vous demande pas de répondre, mais je vous invite à y réfléchir.

M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je veux réagir à vos commentaires. C'est sûr que vous aviez un objectif très louable...

Le Président (M. French): Excusez-moi, j'ai...

M. Champagne (Mille-Îles): Vous avez un objectif très louable et je pense que tout le monde ici est en faveur de la vertu. Si tout le monde était vertueux, je pense qu'il n'y aurait aucune loi. Hélas, nous sommes obligés de fonctionner avec des lois pour protéger les individus. C'est pour cela que vous avez des lois sur le meurtre et des lois sur la sécurité routière. Comme vous l'avez si bien dit, il y a trois gouvernements qui ont senti le besoin, pour se protéger au point de vue culturel et au point de vue linguistique, d'établir une loi. Si nous étions tous vertueux, on n'aurait pas besoin de cela. Si nous étions tous vertueux, nous n'aurions peut-être pas besoin de l'Office de la langue française, de la Commission de protection de

la langue française, de la Commission d'appel de francisation des entreprises; tout le monde vivrait dans le respect mutuel et dans le respect d'une majorité.

Vous sembliez préconiser... Vous aviez peut-être raison de demander pourquoi mettre tous ces cadres-là...

Le Président (M. French): Aucunement, M. le député.

M. Champagne (Mille-Îles): Vous avez eu votre droit de parole tout à l'heure. Pourquoi tous ces cadres? Il faut réaliser que le pouvoir d'attraction de la culture anglophone est extrêmement grand. Si on le demande à des Québécois francophones - on l'a demandé dernièrement par des sondages -on s'aperçoit que la culture anglophone a quand même un pouvoir d'attirance énorme pour les Québécois. Face à cela, je pense qu'on doit être prudent dans tout cela. Je suis d'accord avec le député de Jean-Talon qui disait: C'est sûr que, s'il y a des règlements, une loi, des frustrations et des injustices, il faut faire en sorte qu'il y ait le moins d'irritants possible. C'est quand même un objectif noble en soi. Si petite que soit l'injustice, il faut essayer de la corriger. Je suis d'accord avec lui. Il ne faut pas non plus monter en épingle ces quelques irritants, considérant le grand objectif global qu'on veut atteindre avec la loi 101 et la loi 57.

Je pense qu'on doit établir certaines lois de protection. On a essayé de le faire dans certaines autres provinces, comme au Manitoba. On s'aperçoit que ces gens n'ont pas pu avoir la protection nécessaire. C'est sûr que, s'il n'y a pas de réglementation, les choses s'en vont et on s'aperçoit que la culture française, au Manitoba en particulier et dans les autres provinces, va en diminuant. On n'a pas le courage politique d'adopter une loi ou de faire une réglementation. Comme le président l'a dit tout à l'heure, trois gouvernements ont senti le besoin d'établir des lois. Considérant la générosité et l'esprit de tolérance des Québécois, je pense qu'avec la loi 101 et avec la loi 57, dans l'ensemble, on respecte à la fois les cultures ici au Québec et la culture de la majorité.

Le Président (M. French): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, j'aurais quelques questions. Je ne veux pas - je pense que je vais le faire un peu... Le ministre a évoqué...

Le Président (M. French): Excusez-moi, M. le député, est-ce que c'est une question, parce que M. le député de...

M. Rivest: Non, ce n'est pas une question, c'est juste un bref commentaire sur la discussion que vous avez eue.

Le Président (M. French): D'accord. Je m'excuse, allez-y.

M. Rivest: Ce qu'il est important de se rappeler - c'est peut-être ce qu'a évoqué le député de Westmount - c'est que, bien sûr, toute la problématique de la question linguistique au Québec - et d'ailleurs la loi 101 et la loi 57 sont dans ce sens, dans le prolongement de cela - a tenu essentiellement et substantiellement au phénomène de l'insécurité culturelle des Québécois francophones au Québec même. Cela a passé. Cela se traduit encore... Les remarques du ministre étaient très révélatrices à cet égard et généralement justes. Lorsque plusieurs travailleurs, par exemple, ont encore le sentiment ou une certaine frustration parce qu'ils ne peuvent pas encore travailler dans la langue française... C'est la problématique très québécoise de la question linguistique avec, dans son deuxième volet, le phénomène de la minorisation qui s'est produit pour la communauté anglophone; donc introduction d'un élément d'insécurité autour de l'avenir de la communauté anglophone, compte tenu des mouvements migratoires, compte tenu de la baisse de la natalité. Les demandes qu'ils vous ont adressées afin que la communauté anglophone soit reconnue en tant que telle, cela procède d'un sentiment d'insécurité qui est propre aux conditions historiques et contemporaines du Québec.

Ce que le député de Westmount voulait indiquer, c'est que, dans cette question linguistique, il y a maintenant des facteurs complètement extérieurs qui risquent d'influencer, ne serait-ce, par exemple, que le changement des valeurs pour une quantité considérable de notre jeunesse. On le voit, d'ailleurs, dans les relevés d'opinions. Les jeunes sont bien davantage que nous l'avons été, nous, les gens de la période des années soixante, ouverts aux autres réalités, aux autres cultures, etc. On le voit dans le domaine de la technologie, de toute la transformation que cela amène au tissu culturel du Québec. Ce n'est pas tout de mettre des étiquettes en français sur un télécouleur ou une radiocassette. C'est en soi un phénomène culturel qui dépasse de beaucoup l'étiquette. Je suis d'accord qu'on doit viser à ce que les manuels d'instructions... Ce sont encore là des facteurs externes qui jouent sur la société québécoise, comme, par exemple - l'élément pour l'illustrer encore mieux - sur la langue anglaise...

C'est sûr que c'est un phénomène universel que la langue anglaise a remplacé la langue française dans les communications internationales, non seulement de la

diplomatie, mais des affaires. Il suffit de voir les offres d'emplois de pointe, même en France, où on demande la connaissance de la langue anglaise; en Chine, c'est l'anglais. Ce phénomène est très préoccupant. D'ailleurs, pour l'illustrer, je me rappelle que mon ex-collègue de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, avait soulevé, lors de l'étude des crédits du ministère ou à l'époque où M. Jacques-Yvan Morin s'occupait de science et de technologie, qu'à Hydro-Québec, institution très québécoise, environ 80% de la publication des travaux de recherche dans un domaine qui nous est propre, dans lequel on a une expertise proprement québécoise, donc 80% des travaux de recherche des chercheurs d'Hydro-Québec étaient publiés en anglais. Voilà! Pourquoi? Parce qu'il y a dans ce domaine tout un réseau de communications, c'est-à-dire que la problématique de la question linguistique qui a toujours été une problématique interne de rattrapage pour les Québécois francophones, de sauvegarde et de protection d'institutions pour la communauté anglophone est maintenant sujette, et de plus en plus sera sujette à l'ensemble de l'évolution du monde technologique. C'est dans ce sens-là.

On n'en est pas, comme l'évoquait le député de Westmount, d'après ce que j'ai compris de son intervention, à demander au ministre aujourd'hui, dans le cadre de l'étude de ses crédits - on s'éloigne peut-être beaucoup des crédits, mais il faut quand même garder cela en perspective et savoir que beaucoup de nos décisions et des attitudes que l'on prend... Par exemple, j'entendais le ministre dire tantôt dans ses remarques qu'il y a quelque 55% - sauf erreur - des Québécois qui travaillent en français. Le temps de leur travail, je pense que c'est cela. Or, le fait de dire cela, même si l'article de la loi dit qu'ils peuvent travailler à 100%, les contraintes extérieures - je pense aux chercheurs d'Hydro-Québec, pour donner un exemple - ce n'est pas sûr que l'on doive nécessairement... Si on regarde la mentalité ou la problématique des années soixante, soixante-dix, de la loi 22, de la loi 101, etc., on peut dire qu'il faudrait que cela aille jusqu'à 100%, mais ce n'est pas sûr que cela doive aller jusque-là. Il y a des limites imposées par l'extérieur au phénomène même de la francisation dont on va devoir tenir compte. À mon avis, ce problème est à ce point fondamental - et le ministre a mentionné seulement un sujet spécifique - que la seule solution, parlant plus spécifiquement de l'avenir et de la permanence de la langue française au Québec, et non seulement pour les fins de consommation qu'a évoquées le ministre, c'est de savoir que la France, pour sa part, et l'ensemble de la communauté des pays francophones doivent se poser les mêmes questions. À mon avis, la seule solution en ce qui a trait, en tout cas, à la communauté francophone du Québec, c'est qu'on ne pourra pas faire face à ce type de problème, à cette problématique qui nous vient de l'extérieur sans que l'on constitue - le ministre a parlé, je pense, d'un front commun, mais il faut beaucoup plus que cela. Il faut une articulation organique de l'ensemble des sociétés parlant français pour se concerter, mettre en commun leurs moyens, comme on a déjà commencé à le faire dans le cadre de la coopération franco-québécoise, mais bien davantage qu'on le fait, si on veut qu'il y ait, à l'échelle internationale et face à l'évolution des sociétés modernes, une permanence et des garanties de permanence de l'usage du français.

Le Président (M. French): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, pour enchaîner avec ce que mon collègue de Jean-Talon dit, pour avoir discuté longuement avec des amis français de cette question, je dois dire - et pour des raisons évidentes -qu'ils n'ont pas la même perception que nous de ces questions. Je dirais que le Québec est le canari de la francophonie. Les mineurs, à l'époque, descendaient avec eux au fond des mines, avant les lampes à grisou qui avertissent maintenant de la présence de gaz, un canari dans une cage et, quand le canari mourait, les mineurs remontaient, parce que cela voulait dire que l'air était irrespirable. Je pense que le Québec est le canari de la francophonie et nos efforts, aussi bien ceux du président du Conseil de la langue française dans ses contacts nombreux avec ses collègues d'organismes de France que les interventions du président de la Commission de protection de la langue française, que du président de l'Office de la langue française, je ne sais pas quel rapport ils feraient des rencontres qu'ils ont eues... Je ne sais si ce serait les mêmes que moi, parce qu'ils travaillent sur des projets très concrets, mais les discussions que j'ai eues avec des collègues français du Parlement ou du gouvernement aussi bien précédent qu'actuel, qui sont, au fond, à peu près les mêmes que celles que nous avons aujourd'hui, me permettent d'en arriver à la conclusion que, malheureusement, la France n'est pas encore aussi sensibilisée à ces questions que le Québec peut l'être. Il faudrait qu'il leur passe un certain frisson à un moment donné pour qu'ils se sentent plus pressés d'adhérer à cette opération conjointe. Je pense qu'on va y arriver tôt ou tard, mais il y a beaucoup de boulot à faire auprès des Français eux-mêmes. Il y a peut-être moins de boulot à faire auprès des plus petits pays. Mon collègue de Westmount a évoqué tout à l'heure la question des petits pays, leur

spécificité et les risques qu'ils courent. Est-ce que ces risques sont plus grands dans un ensemble anglais comme le Canada, une fédération anglaise, ou autrement? La question n'est pas résolue pour plusieurs Québécois. Elle l'est pour moi, mais ensemble je pense que nous devons réfléchir et nous avons, étant le canari, un rôle particulier. (17 h 15)

II a paru un nouveau glossaire de l'office sur le transport routier au Québec, il y a quelques semaines, grâce à un travail conjoint de l'office avec l'Association du camionage du Québec, un travail merveilleux, inouï, fait en concertation, en collaboration avec l'entreprise de camionnage québécoise et le gouvernement par son Office de la langue française. Ils ont mis au point un glossaire, sauf qu'à l'instant même où le glossaire est publié il est déjà désuet en partie parce que les terminaux des ordinateurs sont de plus en plus présents dans ces entreprises et le transport des marchandises est de plus en plus programmé sur ordinateur, de sorte qu'il faut maintenant travailler au glossaire, bien sûr, mais à des progiciels, à des logiciels qu'on insérerait au moyen d'une disquette dans ces ordinateurs. Ceci permettrait à quelqu'un qui a déjà fait l'effort de se franciser - c'est le cas de l'immense majorité des employés de ce secteur - de continuer à le faire. C'est pour cela que nous devrons littéralement divertir des fonds qui allaient à l'édition de livres vers l'édition de logiciels, parce que c'est la nouvelle réalité.

Je pense que, dans ce domaine, le Québec peut jouer un rôle éminemment important et trouver pour ces nouveaux produits, ces logiciels, progiciels, des marchés extérieurs en France et dans d'autres pays francophones dans le monde.

À mon avis, les perspectives sont très vastes pour le rôle du Québec sur ce théâtre de la francophonie mondiale. Nous aurons certainement d'autres occasions, puisque la commission de la culture peut convoquer en tout temps n'importe quel ministre des ministères qui en font partie, pour aborder d'autres aspects de ces questions.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

M. Raymond Brouillet

M. Brouillet: J'avais demandé la parole avant l'intervention du député de Jean-Talon. Il faut dire que mon intervention se situait un peu dans le sillon de la sienne et je serai très bref. Aussi, pour poursuivre dans l'intervention du député de Westmount, je crois que ce que le député de Westmount a voulu dire c'est qu'on s'est donné des instruments, par la Charte de la langue française et par les différents organismes qui sont là pour en assurer l'application et l'atteinte des objectifs poursuivis par la loi, qui nous permettent de contrer une menace interne.

Si on se réfère un petit peu à notre histoire, on percevait la menace vis-à-vis de notre identité culturelle comme étant une menace interne même à notre société. C'étaient les éléments présents au sein de notre société qui se présentaient à nos yeux comme nous menaçant culturellement. Il y avait la présence massive des anglophones, qui contrôlaient tout un secteur de l'activité sociale, entre autres, de l'activité économique, on avait aussi l'immigration qui jouait carrément contre nous et on sentait à l'intérieur même, par le biais d'éléments internes, un mouvement de minorisation considérable de notre groupe culturel et de notre identité québécoise.

Je suis d'accord avec le député de Westmount dans le sens que les instruments qu'on s'est donnés sont nécessaires et doivent rester. La loi est là. Les règlements sont là. Les organismes sont là. Ils ont raison d'être là et il faut qu'ils continuent d'être là avec la loi. Selon moi, ce que le député de Westmount a voulu mentionner, et je crois que je suis d'accord avec lui là-dessus, c'est que, aujourd'hui, la menace culturelle ne s'enracine pas exclusivement dans des éléments internes de notre société, mais la menace culturelle provient d'éléments externes. On a mentionné justement l'univers de la révolution technologique actuelle qui est fondamentalement anglo-saxonne. Il ne faut pas se le cacher. On est menacé par cela. Il n'est pas certain que les instruments qu'on s'est donnés, comme la langue par exemple, les organismes qu'on a, soient suffisants pour contrer cette menace.

On a beau être aux aguets des menaces internes mais, si on n'est pas attentifs aux menaces externes qui, à moyen et à long termes, sont peut-être encore plus dangereuses, on va manquer le bateau. C'est un peu ce sur quoi, je crois, le député voulait attirer notre attention. Je crois que je suis d'accord avec lui. Il n'est pas dit, cependant, que certains organismes qui travaillent dans plusieurs secteurs ne peuvent pas jouer un rôle. Entre autres, l'effort que vous faites pour assurer, dans le domaine des communications, une présence francophone. Certains de vos organismes le font.

M. le député de Westmount invitait le ministre responsable de la Charte de la langue française à entreprendre peut-être un nouveau combat sur d'autres champs dont l'ennemi serait beaucoup plus les éléments externes à notre société. C'est un combat gigantesque à livrer et c'est un mandat assez colossal qu'on vous demande d'assurer. Je crois que cela ne pourra se faire qu'en collaboration avec tous les éléments de la

société. Je suis sûr que le ministre des Communications aurait beaucoup de choses à nous dire; aujourd'hui, il ne s'agit pas de contrôler uniquement la langue d'enseignement dans nos écoles, la langue parlée dans les services à la société, je crois qu'il va falloir en arriver à contrôler d'une certaine façon la langue qui va pénétrer dans toute notre société par le biais des moyens de communication modernes. Si on n'a pas un certain contrôle sur le culturel qui est véhiculé, les valeurs et la langue véhiculées par ces moyens, on va se faire envahir par d'autres ethnies et c'est peut-être plus menaçant que ce qu'on a pu avoir à l'intérieur de la société.

J'ajoute, pour compléter - je crois que le député de Jean-Talon l'a mentionné tantôt - que la société québécoise seule ne pourra pas, le ministre de l'Immigration seul ne pourra certainement pas livrer une bataille valable contre cet ennemi, ces géants qui nous menacent de l'extérieur; il va falloir embarquer la francophonie. C'est possible que la France soit moins sensible, parce qu'elle se sent moins directement ou immédiatement menacée, mais je crois qu'il y a une prise de conscience de plus en plus grande - peut-être pas aussi grande qu'ici - au sein de la France et d'autres pays francophones quant à cette menace culturelle à notre identité culturelle, la francophonie. C'est un combat qui doit être livré en collaboration avec l'ensemble de la francophonie, avec la France et aussi avec le ministre de l'Immigration et des Affaires culturelles, bien sûr. C'est à peu près tout ce que je voulais dire sur ce point.

Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous des commentaires?

M. Godin: Je ne sais pas si le député de Westmount a lu, avant de s'asseoir à cette table et de participer à cette commission, le discours que j'ai prononcé lors du début des travaux qui ont mené à la loi 57, mais je disais justement à nos partenaires anglo-québécois qu'ils ne devaient pas confondre la volonté de résistance du Québec à l'anglicisation comme une volonté de s'opposer aux anglophones du Québec. Je disais que l'étape qui devait venir était beaucoup plus une étape de travail la main dans la main pour préserver cette spécificité. Je reprends vos mots, M. le Président. Il fallait réfléchir ensemble sur la manière de préserver la spécificité québécoise et canadienne, d'ailleurs, parce qu'elle est aussi menacée par l'éléphant américain, ainsi qu'on l'a appelé à plusieurs reprises.

Le Président (M. French): Là-dessus, si vous me le permettez, je considère que la société anglo-canadienne a moins à perdre et c'est ce qui me préoccupe.

M. Godin: On peut dire que la communauté anglo-canadienne peut se nourrir dans sa langue des créations de la culture américaine qui est probablement la machine culturelle la plus importante dans l'histoire de l'humanité. Tout en disant oui à la main tendue par le député de Westmount à cette réflexion commune, je me dis en même temps qu'il faut éviter que ce soit une nouvelle édition de la fable célèbre du pot de fer et du pot de terre. Si les deux pots que sont la communauté anglaise du Québec et la communauté française du Québec dévalent côte à côte la pente et si nous nous frottons les uns aux autres, je crains que le pot de terre, qui est la francophonie, soit plus menacé que le pot de fer, que l'anglophonie québécoise, pot de fer du fait de sa proximité du plus important réservoir culturel de l'histoire de l'humanité. Il est le parapluie de l'anglophonie mondiale et québécoise aussi.

Ceci étant dit, je pense qu'il y a un grand nombre de choses qui ont été faites ici. Au fond, la lutte pour l'existence de ce Parlement québécois a été faite par la communauté anglaise et la communauté française à l'époque. Donc, il y a des exemples historiques de travail fait en commun pour la liberté parlementaire du Québec, pour les institutions fondamentales, primordiales du Québec qu'on appelait à l'époque le Bas-Canada. Rien n'interdit de croire que ce passé ne se réincarne pas aujourd'hui. Il s'est réincarné dans le domaine du développement économique. Le développement économique du secteur des pâtes et papiers au Québec s'est fait conjointement. Le développement économique du secteur hydroélectrique s'est fait conjointement. D'abord les compagnies privées et ensuite Hydro-Québec. C'est une création conjointe, je dirais. Donc, rien n'interdit de croire que des contributions aussi importantes que celles-là dans le passé ne voient le jour dans l'avenir. Je suis assez optimiste pour croire que c'est non seulement possible mais inévitable du fait de notre proximité sur un territoire donné. En même temps je me dis que nous ne devons pas perdre de vue que notre réservoir culturel et linguistique est plus loin que celui de nos partenaires historiques.

Le Président (M. French): M. le ministre, d'abord je veux vous remercier parce que je sais comment la bonne volonté est présente dans ce que vous nous dites. Je voudrais cependant vous dire que, si vous vous rappelez mes commentaires, je ne revendique aucunement un changement du statu quo par rapport à la communauté anglophone du Québec. Je pourrais le revendiquer mais je ne le fais pas dans ce que j'essaie de faire valoir aujourd'hui. Je ne pense même pas que c'est pertinent à ce que

j'essaie de dire aujourd'hui. J'essaie de dire que, s'il y a un rôle pour un certain nombre de minorités au sein de la société québécoise d'ici une centaine d'années, c'est très intéressant et très important mais ce n'est pas ce qui me préoccupe pour le moment. Pour ma part, anglophone, francophone, grec ou italien, je vis à Montréal et au Québec parce que je trouve cela plus intéressant que les autres choix qui se présentent devant moi partout dans le monde, au Canada et dans tout le continent.

Cependant, si je vois les sommes dépensées et investies dans la culture essentiellement américaine par nos jeunes, si je regarde le taux de natalité dans la société québécoise, si je regarde l'importance que prend la technologie des communications et de l'informatique dans notre société, si je vois la part du marché dont bénéficient les médias américains ou les émissions diffusées par les postes canadiens qui sont d'origine américaine, je m'inquiète pour ce qui m'attire ici au Québec, quelle que soit ma langue. Il ne s'agit pas de cela du tout. Je dis simplement que le nouveau défi ce sont ces forces-là et non pas les forces avec lesquelles on était aux prises depuis un certain temps. Je ne dis pas qu'il faut enlever les instruments dont on s'est doté pour contrer ces anciennes forces et menaces. Je dis qu'il faudrait une nouvelle prise de conscience face aux nouvelles menaces qui se dessinent devant nous.

Le ministre va me pardonner mais honnêtement je pense que parfois, dans les interventions publiques du ministre, je devine même cette erreur à mon sens, c'est-à-dire qu'il y a encore une assimilation qui se fait. Il faudrait essayer d'utiliser les outils qu'on a utilisés dans le passé pour régler le problème! Encore une fois les renouveler pour contrer ces nouvelles menaces d'assimilation! Je pense que l'assimilation qui se fait actuellement se fait à la suite des forces qui sont différentes des anciennes.

Au moins si on avait choisi les bonnes forces dans le passé, il n'y aurait plus de problème. Il y a toujours un problème, donc, je dois considérer que les forces qu'on voulait contrer par les lois et règlements -encore une fois pour le bénéfice du député de Mille-Îles, je ne demande pas qu'ils soient retirés - qu'on a utilisés dans le passé ne sont pas encore en puissance. Il y a de nouvelles forces qui nous guettent, il faudrait les identifier de façon systémique, il faudrait qu'une prise de conscience soit faite face à tout cela. (17 h 30)

Que les médias américains - la télévision - prennent de plus en plus leur part du marché dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, je trouve cela royalement inquiétant. Que le taux de natalité baisse à un point tel que je crois qu'il est parmi les plus bas en

Amérique du Nord, je trouve cela drôlement inquiétant. J'invite le ministre à réfléchir là-dessus parce que je trouve que, de tous les ministres de son gouvernement, il est celui -avec le ministre des Affaires culturelles bien sûr - qui devrait avoir ce mandat de protéger ce qui est différent de notre société et d'embarquer avec la commission dans un exercice qui viserait à mieux identifier ces forces-là et à voir s'il n'y a pas quelque chose que nous pouvons faire collectivement dans la législation ou autrement pour contrer ces forces-là. Je pense qu'on a discuté, de façon intéressante, quelques autres possibilités dans ce sens. Je veux tout simplement répéter qu'il ne s'agit pas de la communauté anglophone du Québec qui, à mon sens, démographiquement, honnêtement, n'a pas grand avenir, mais ce n'est pas cela qui me préoccupe. C'est qu'il y ait quelque part dans la société nord-américaine un bassin qui soit différent de cette grande entité homogénéisée qu'on appelle l'Amérique du Nord ou l'Amérique. Je trouve cela très intéressant. Je le pourrais ultimement s'il me fallait vivre là, mais j'ai fait le choix de ne pas vivre là et de ne pas me baigner dans cette grande collectivité. J'ai choisi de me baigner dans une petite collectivité dont l'avenir me préoccupe. Je dis cela sans aucune espèce d'intention cachée qui vise à détruire la Commission de protection de la langue française. Je pourrais en avoir contre cette commission, mais c'est une autre paire de manches.

Il serait peut-être temps de passer aux questions. M. le député de Jean-Talon ou d'autres membres de la commission.

M. Rivest: Je voudrais tout simplement que le ministre nous dise... Il ne faut pas que je pose ma question ainsi. Concernant la clause Québec et la clause Canada, le jugement de la Cour suprême n'est pas encore rendu et, sans préjuger du jugement de la Cour suprême, est-ce qu'il y a des dispositions auxquelles le ministre pense ou le gouvernement, puisque cela ne relève pas directement de lui? Quelles sont les premières mesures que vous prendriez au cas où la Cour suprême ratifierait le choix, enfin, l'option de la clause Canada?

M. Godin: Je vous dirai deux choses là-dessus, M. le député de Jean-Talon. Premièrement, cela ne relève pas de mon mandat. Cela relève du mandat du ministre de l'Éducation. Deuxièmement...

M. Rivest: ...très influent auprès du ministre de l'Éducation.

M. Godin: ...je répondrai ce que Jimmy Carter avait répondu à une question qui portait sur la souveraineté du Québec, posée

à Washington. Il avait répondu: Nous traverserons la rivière quand nous serons rendus.

M. Rivest: Avez-vous entendu celle de Gary Hart?

M. Godin: Non.

M. Rivest: II a dit: Ce serait la même chose que si la Louisiane se séparait des États-Unis.

M. Godin: II ne sera pas élu non plus. Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Rivest: D'accord. C'est au ministère de l'Éducation. Mais vous n'avez pas de réflexion particulière...

M. Godin: Oui, j'en ai, mais je vous en ferai part personnellement.

M. Rivest: Pourquoi? Il y a des gens qui seraient intéressés ici, Mme la députée de Dorion...

M. Godin: Nous sommes en commission parlementaire pour étudier les crédits des organismes qui émanent de la charte.

M. Rivest: On a toujours le droit de s'essayer.

M. Godin: Oui, d'accord.

Langue du travail et francisation des entreprises

M. Rivest: Très bien. Une question que je vais régler tout de suite. La Commission d'appel de francisation des entreprises a un budget de quelque 160 000 $. Il n'y a pas beaucoup d'appels qui sont entendus, heureusement ou malheureusement, selon le point de vue, disons heureusement. Est-ce que les crédits à la Commission d'appel sont toujours aussi nécessaires et essentiels?

M. Godin: En fait, la commission d'appel était destinée précisément à garantir aux entreprises un recours au cas où il y aurait eu mésentente avec l'Office de la langue française. Or, nous constatons que, grâce à la sagesse de l'office et de ses dirigeants, surtout grâce à l'application concrète du principe négociation-concertation, il n'y a eu aucun appel qui a été invoqué. Par ailleurs, je dois dire que le président de la commission d'appel, M. Aimé Gagné, a travaillé à la prévention de tels appels et a eu des contacts fréquents avec les porte-parole des organismes qui représentent le milieu des affaires.

Deuxièmement, quant à faire dispa- raître la commission d'appel à ce stade-ci, alors que l'office est en train de terminer son travail d'implantation des programmes de francisation, son travail de négociation, il est peut-être sage d'attendre que les programmes soient complétés, car il est fort possible que les appels viennent en dernière phase, en dernière étape de l'application desdits programmes de francisation, pour une raison très simple. C'est que l'office s'entend avec l'entreprise sur un programme. Il y a des échéances à rencontrer. Dans certains cas, il y a des échéances retardées pour tenir compte de certains facteurs nouveaux comme, par exemple, l'implantation d'un système sur ordinateur dans une entreprise. L'office convient avec l'entreprise de décaler un peu, de différer l'implantation de telle étape. Je craindrais que, si nous abolissions cette commission d'appel, il y aurait des craintes de la part des entreprises puisqu'on n'a pas encore terminé l'opération. Par ailleurs, la réflexion se fait sur les solutions intérimaires par rapport à la commission d'appel.

La réflexion vient d'abord du président, M. Aimé Gagné; nous l'avons faite ensemble avec l'aide du nouveau sous-ministre adjoint aux affaires linguistiques, M. Escojido. J'envisage l'avenir de cette commission de façon un peu différente que ce qu'on a connu jusqu'à maintenant. Nous continuerions d'avoir, par conséquent, trois commissaires en appel: un qui serait le président; les deux autres qui seraient payés comme ils sont payés maintenant en cas d'appel. Il est certain que d'ici la fin de l'année financière nous en arriverons à une solution qui sera moins coûteuse pour le gouvernement. D'accord?

M. Rivest: D'accord. Sur la langue de travail, vous avez évoqué 55% des Québécois. Quel est l'objectif ultime - évidemment c'est toujours un peu relatif, mais c'est sûr que le Québec est une société ouverte - que poursuit le ministre? Je comprends le principe, que les travailleurs québécois francophones puissent travailler. C'est cela qui est le principe. Est-ce qu'il n'y a pas un frein objectif à cela dans la mesure où quelqu'un qui a à travailler ou à négocier, par exemple, dans une entreprise, préparer un programme d'exportation, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs, doit faire nécessairement une partie de son travail en langue anglaise? Autrement dit, quelle est la marge? Je veux essayer de savoir le chemin qui reste à parcourir. Je conçois volontiers que les 55% que vous avez évoqués puissent être dans les conditions du Québec. J'imagine que c'est insuffisant. Jusqu'où à peu près cela peut-il aller le pourcentage qu'on doit légitimement et concrètement atteindre pour dire: Les Québécois francophones au Québec travaillent maintenant dans leur langue?

M. Godin: Dans chaque entreprise, l'office tient compte du fait qu'il y a un certain nombre de personnes, une certaine strate, si vous voulez, qui devra travailler dans une autre langue que le français. C'est souvent en anglais à 90%, mais cela peut être l'espagnol, cela peut être le chinois même, cela peut être les 45 autres langues parlées au Québec. On tient compte d'un pourcentage de personnes au sujet desquelles l'office n'exige pas...

M. Rivest: ...de leurs fonctions dans une entreprise.

M. Godin: ...lié à la nature de leurs fonctions dans l'entreprise. Ce nombre de personnes fait l'objet d'une révision suivant l'évolution de l'entreprise. Une entreprise, par exemple, québécoise qui n'exportait pas se met à exporter grâce aux efforts de mon collègue Bernard Landry; certainement qu'il va demander à l'office de dégager de l'opération refrancisation un nombre plus ou moins grand de personnes. J'estime que 75% probablement - ce serait peut-être un chiffre, mais je pourrais vérifier auprès du président de l'office, M. Aubin... D'après les chiffres qu'ils ont eux-mêmes, quel devrait être ce chiffre?

Le Président (M. French): M. Claude Aubin. Vous n'avez pas de microphone. M. Aubin, si vous voulez vous pencher à votre droite.

M. Aubin (Claude): Je ne pourrais pas donner un chiffre. Lorsque la question a été posée, j'avais à l'esprit le genre de réponse qui devait être donné et qui ressemble tout à fait à celle du ministre. Cela varie d'entreprise en entreprise et c'est en considération des relations de l'économie québécoise avec les économies étrangères.

M. Rivest: Dans la mesure où le ministre indique sur une donnée comme celle-là qu'il y a encore du chemin à parcourir, je suppose qu'il voit un peu à l'avant. Par exemple, quand vous, à l'office, ou le ministre pourra dire: Voici, sur le fait que les Québécois... Est-ce que c'est prévisible, c'est variable dans le temps selon les activités de l'entreprise?

M. Godin: ...c'est d'extraire de tous les programmes de francisation que nous avons déjà implantés le nombre de personnes sur lesquelles il y a eu entente entre l'office et l'entreprise en question, d'en faire la somme et de vous dire: Voilà, il y a un pourcentage - il pourrait évoluer un peu à la hausse ou à la baisse, plutôt à la hausse, j'imagine - à la fin de l'année 1984 de 20% de gens dont l'office n'exigera pas qu'ils doivent travailler en français pour des raisons commerciales ou économiques. Nous pourrions faire ce travail; ensuite, voir à quel point, par les recherches du conseil de la langue, nous nous acheminons vers cet objectif. J'imagine que c'est un travail qui pourrait être fait.

M. Aubin: Pour les programmes qui sont terminés, il y aurait moyen de relever ces chiffres, quoique ce soit une tâche assez énorme. Pour les programmes terminés, on pourrait reconnaître le nombre d'emplois qui doivent demeurer dans une langue autre que le français, quoique le français doive toujours y être en même temps; pour les autres programmes en cours, l'évolution même des programmes fait qu'il n'y aurait pas moyen de le déterminer à ce moment-ci.

M. Rivest: Même là, M. Aubin, compte tenu des transformations qui pourraient s'effectuer à l'intérieur des entreprises, il y aurait des correctifs permanents à apporter, des ajustements permanents à apporter.

M. Godin: Si vous me le permettez, peut-être que M. Plourde, le président du conseil, pourrait donner le point de vue du conseil.

Le Président (M. French): M. Plourde.

M. Plourde (Michel): Merci, M. le Président. Le point de vue que je peux donner n'est pas un point de vue d'objectifs à atteindre. Ce n'est pas le but des recherches que fait le Conseil de la langue française pour éclairer le ministre. Le but des recherches faites par le Conseil de la langue française est de suivre de près l'évolution des situations linguistiques. Quand nous avons dit dans notre recherche, comme le député de Jean-Talon le rappelait, que 55% des Montréalais travaillaient en français, c'est une moyenne qui doit tenir compte à la fois du travail écrit et des communications verbales entre travailleurs. C'est une moyenne.

Nous avons remarqué que, dans les communications écrites dans les entreprises, l'amélioration depuis dix ans, depuis 1971, est très forte. Il y a eu beaucoup d'amélioration dans la francisation écrite dans les formulaires, les rapports. Le point faible qu'on a noté et sur lequel il y a eu 0,1% d'augmentation entre 1971 et 1981, ce sont les communications verbales entre travailleurs en milieu de travail; cela n'a presque pas progressé. Je rejoins ce que disait le président de la commission parlementaire, le député de Westmount, tout à l'heure - à mon avis, c'est un élément très juste du diagnostic qu'il faisait - les attitudes, les comportements des travailleurs francophones eux-mêmes ont quelque chose à voir là-dessus. C'est ce que nous avions dit en conférence de presse et c'est là-dessus

que certains journalistes avaient voulu nous faire dire qu'on ne voulait pas que les francophones emploient l'anglais au travail. Ce n'est pas ce qu'on a dit; il y aura toujours des seuils, bien sûr. Si on parle du travail des travailleurs sur les marchés extérieurs, il y aura sûrement usage de l'anglais. Il y aura toujours un seuil au Québec. Ce que nous voulions dire, et c'est extrêmement important, c'est que les travailleurs francophones, en dix ans, n'ont pratiquement pas changé leur attitude et leur comportement dans leurs communications verbales en milieu de travail et qu'ils continuent autant à employer l'anglais.

Le Président (M. French): Si vous me permettez... C'est intéressant. Il y a peut-être une autre façon de voir le problème. Est-il négatif pour le développement de la langue française qu'il y ait des échanges en anglais dans certains milieux de travail? Je ne sais pas honnêtement, je pose la question de façon très sincère et pas de façon, j'espère, "cheap".

M. Plourde: Non, M. le Président, ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire. Ce n'est pas du tout non plus l'optique du Conseil de la langue française. Je crois qu'il y aura toujours des échanges en anglais, en milieu de travail au Québec, et c'est forcé à cause des circonstances. Comme disait M. le ministre tout à l'heure - il prévoyait un pourcentage approximatif - au fond, c'est que le préambule de la charte donne l'objectif de faire du français la langue normale et habituelle. Le texte anglais dit "every day language". Qu'est-ce que c'est le langage, la langue normale et habituelle du travail au Québec? Évidemment, ce n'est pas facile de mettre des pourcentages, mais ce que nous disions, c'est que le Québec n'avait pas encore atteint ce point, très vraisemblablement, si dans la région de Montréal, compte tenu du bassin de travailleurs, seulement 55% de travailleurs francophones utilisent de façon habituelle et normale le français au travail. (17 h 45)

Le Président (M. French): Mme la députée de Dorion et M. le député de Jean-Talon avaient une question.

Affichage en français

Mme Lachapelle: Pas tout à fait sur le même sujet, M. le Président. C'est concernant l'affichage. On dit ici, dans votre rapport, que, dans les onze premiers mois de l'année 1983-1984, 689 dossiers ont été ouverts concernant l'affichage. Pourriez-vous m'expliquer un peu de quel genre de problèmes il s'agissait et si ces gens ont été assujettis à une amende? Si je ne me trompe pas, le 31 décembre est la date limite pour afficher en français.

M. Godin: Je vais demander à M. le président de la commission de protection de répondre à cette question.

Le Président (M. French): M. Cholette, il va falloir que vous traversiez et que vous preniez le micro là-bas, s'il vous plaît!

M. Godin: M. Gaston Cholette, président de la commission de protection.

M. Cholette (Gaston): La loi prévoyait que les entreprises avaient jusqu'au 1er septembre 1981 pour respecter pleinement l'article 58 sur l'affichage public. Jusqu'à cette date, les entreprises qui avaient respecté la loi précédente, la Loi sur la langue officielle, la loi 22, pouvaient continuer à afficher dans les deux langues. À partir du 1er septembre 1981, c'est le français exclusivement, sauf exceptions prévues par les règlements. Environ 700 dossiers ont été ouverts en 1983-1984.

Il faut expliquer un peu la mécanique. Nous n'ouvrons pas immédiatement un dossier à propos de chacune des demandes d'enquête sur l'affichage que nous recevons. Maintenant, nous procédons autrement, nous procédons par regroupement. Nous recevons des demandes, nous les enregistrons, nous les inscrivons et nous faisons une petite vérification nous-mêmes à partir des demandes que nous recevons pour voir quelles sont les principales concentrations. Il y a des opérations regroupées, sectorielles, géographiques qui se font à ces endroits. Je ne sais pas si cela répond pleinement à votre question.

Mme Lachapelle: Est-ce qu'il reste encore des cas en litige?

M. Cholette: Ah oui! Il y en a toujours en grande quantité.

Mme Lachapelle: Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que ces gens vont payer l'amende? Dans ce cas, il y avait une amende à payer.

M. Cholette: Lorsque les étapes prévues, qui sont les conversations téléphoniques, les lettres, ne donnent pas de résultats, la commission doit, comme la loi le prévoit, envoyer une mise en demeure et quand, à l'expiration du délai prévu dans la mise en demeure, la contravention subsiste, la commission envoie le dossier au Procureur général qui, lui, décide s'il y a lieu d'intenter une poursuite. C'est un processus qui aboutit, finalement, à très peu de condamnations, parce que la plupart des entreprises se conforment à la loi.

Le Président (M. French): M. le député

de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le ministre, je ne veux pas reprendre le débat sur... Restez-là, M. Cholette.

Le Président (M. French): Oui, M. Cholette, restez-là, s'il vous plaît!

M. Rivest: ...sur l'affichage, mais est-ce que le ministre... J'imagine qu'il est sensible à ce problème de l'affichage qui a été soulevé au moment de la commission parlementaire et qui demeure. Il y a eu des commentateurs qui ont dit - et je pense que c'est exact - qu'au niveau de la communauté anglophone en particulier la perception de cette question est très souvent liée à un sentiment qu'elle a, ou qu'elle peut, je pense, légitimement avoir, de ne pas avoir le droit, dans des milieux donnés où la densité de la population anglophone est forte, d'afficher dans la langue anglaise. Ce problème est un des irritants. Je sais que cela a été débattu largement et on me disait qu'au niveau des travaux de la commission, si on prend la totalité des mémoires, on demandait au gouvernement - je pense qu'il y avait une majorité de mémoires qui le demandaient - de bouger sur cette question. Compte tenu, je pense, qu'à l'office - peut-être que M. Cholette pourra nous dire cela -c'est substantiellement... Le plus grand nombre de plaintes qui sont acheminées à l'office concernent l'affichage; enfin, vous n'êtes pas sans savoir que c'est un problème qui est vivement ressenti. Le ministre aurait-il des réflexions particulières à faire là-dessus?

M. Godin: Je voudrais dire une chose. Les plaintes sont formulées par des citoyens qui estiment que telle affiche est en anglais, alors qu'elle devrait être en français, mais, avant de poursuivre là-dessus, je voudrais vous donner les chiffres que me donne M. Aubin pour répondre à votre question précédente. Sur les 3604 entreprises qui appliquent présentement des programmes de francisation, 20% à 25% des emplois exigent l'anglais. Donc, cela confirme à peu près ce que je vous disais tout à l'heure, mais revenons à ce que vous disiez. L'écrivain Yves Beauchemin a tenu des propos fort éloquents là-dessus et son collègue, le poète montréalais Irving Layton, dans une entrevue à la Gazette, à son retour de Toronto - où il s'était beaucoup ennuyé de Montréal, soit dit entre nous - déclarait qu'il remerciait le gouvernement actuel, malgré, disait-il, que je ne partage aucune de ses options, de voir Montréal, par ses rues, comme une ville différente en Amérique du Nord. Et il dit: Cela me réjouit l'oeil et le coeur de voir, par exemple, "Chocolaterie Van Truong et Cholette", ou "Épicerie Greenberg et Dubois", alors qu'à Toronto, d'où il vient, c'était, au fond, l'Amérique du Nord dans ce qu'elle a de plus nivelée et de plus niveleur. Je pense que la rue, c'est la première école. La rue est l'enseigne, c'est le premier tableau dans l'école de la rue et nous voulons, comme parti, comme gouvernement, que ce tableau, ce tableau noir de l'affiche, dise à tous ceux qui viennent ici, à tous ceux qui vivent ici: Vous êtes ici dans un pays qui est différent de l'Amérique du Nord. Le bilinguisme n'est pas satisfaisant à cet égard parce qu'il y a des parties du Canada où il y a un certain bilinguisme; il y a même des parties de villes américaines où il y a des touristes québécois en été et où il y a du bilinguisme. Il y a certaines parties des États-Unis, par exemple, à San Francisco où vous avez des affiches en portoricain ou en espagnol et en anglais. Nous voulons qu'il soit bien vu et bien connu de quiconque vient ici que c'est un coin de pays avec sa spécificité, pour reprendre le mot du député de Westmount.

M. Rivest: J'en conviens, M. le ministre, sur la perception des gens qui ne vivent pas ici et qui viennent ici, mais ma préoccupation est celle de beaucoup de gens et c'est celle des gens qui vivent ici et qui ont, comme langue, la langue anglaise et qui n'ont pas le droit...

Est-ce que vous avez des égards pour ces frustrations - en tout cas, à mon point de vue - tout à fait légitimes d'un certain nombre de nos concitoyens québécois qui sont de langue anglaise et qui ne peuvent pas... Même si vous faites la lecture tout à fait francophone pour le visiteur étranger d'une ville comme Montréal, au fond, on les trompe un peu. Avec l'affichage simplement en français, le visiteur étranger a l'impression qu'effectivement il n'existe, dans la région de Montréal, que des francophones, ce qui n'est pas exact.

M. Godin: La loi 101, dans sa première version même, autorisait l'usage de l'anglais comme langue d'affichage public des institutions reconnues en vertu de l'article 113f, par exemple, les municipalités, les institutions scolaires, les institutions de santé, les services sociaux. Donc, je pense qu'il n'est pas juste de dire cela. D'autre part, la loi 101, ancienne formule, reconnaissait aussi la possibilité que l'entreprise qui a un nom anglais, Gilby's, par exemple, pour parler de quelque chose qui me manque à l'heure où nous nous parlons, ou, deuxièmement, Bowring, ou, troisièmement, Holt Renfrew ou Ogilvy's, c'est resté tel quel. Je suis allé dernièrement par curiosité à la Place Ville-Marie, au nouveau centre Rockland, et j'ai fait le relevé des noms de magasins qui étaient là et qui n'étaient pas des noms proprement et à 100% français. La majorité

des noms des entreprises commerciales à Place Ville-Marie sont des noms propres, me direz-vous, mais des noms propres anglais.

Donc, je ne pense pas que le touriste se sente dépaysé, mais, pour répondre à votre question sur la frustration ou le fardeau, j'ai estimé...

M. Rivest: Je vais simplement vous lire une phrase d'un journaliste du Devoir qui écrivait: - je pense qu'il l'exprime en deux phrases - Les Québécois anglophones voient dans la règle de l'affichage unilingue une sorte de symbole. En voulant, disent-ils, effacer du paysage du Québec toute trace d'anglais, le gouvernement manifeste qu'il veut éliminer, en fait, la communauté anglophone. Ce qui est trop fort comme affirmation, mais, dans la perception des anglophones, il y a beaucoup de cela.

Je vous demande quel égard vous faites à cette perception qu'ils ont et qui peut être légitime. Je ne parle pas des grandes entreprises anonymes, mais du petit marchand dans un quartier où il y a une très grande majorité ethnique, l'épicier du coin, le dépanneur, etc. Quel tort cela ferait-il à la culture française?

M. Godin: II ne s'agit pas de faire du tort à la culture française. Je pense à la Boulangerie Logan, au coin de Jean-Talon et Rockland - ou l'Acadie, M. Cholette? - dans ce coin. M. Logan et son épouse sont très heureux de voir que la Boulangerie Logan reste. Enfin, c'est leur nom de famille.

D'autre part, ce qui m'a semblé le plus important, M. le député de Jean-Talon, dans les débats qu'on a eus à la commission parlementaire sur la loi 57, c'est que je suis d'accord avec bien des gens qui m'avaient dit que l'application de l'article 20 de la loi 101 dans sa totalité, qui obligeait tout le personnel des institutions anglophones du Québec à se franciser sur une période d'années donnée, constituait un fardeau réel, une frustration réelle et un sentiment réel et peut-être fondé d'injustice. En effet, l'éplucheur ou l'éplucheuse de patates de l'hôpital St. Mary's pouvait se demander pourquoi on le force, à 45 ans, à apprendre le français alors que tout ce qu'il fait, c'est éplucher des patates, laver les planchers, changer les draps ou je ne sais trop quoi à la buanderie. Il y avait là, à mon avis, vraiment une source de mécontentement à l'égard d'une démarche sur laquelle tout le monde était unanime, semble-t-il, pour reconnaître que le Québec était une partie française du Canada.

Nous avons donc enlevé cette pression, mais, quant à l'affichage, il n'y a pas de souffrance, il n'y a pas de douleur particulière à devoir s'appeler Boulangerie Logan plutôt que Logan's Bakery. Il m'a semblé, après avoir fait le total des inconvénients et des avantages, qu'il était plus important, pour nous ramener à la question de la spécificité, soulignée d'ailleurs par Irving Layon, un poète montréalais, de sauvegarder, de préserver la spécificité du Québec et de la ville de Montréal comme étant la plus importante ville française d'Amérique du Nord et non pas la plus importante ville bilingue au monde. C'est la raison qui a fondé...

Maintenant, libre à vous de poursuivre vos efforts pour que les changements se fassent. Peut-être que, tôt ou tard, si Dieu vous prête vie, vous serez de ce côté-ci de la Chambre et vous aviserez à ce moment-là en toute sagesse de ce que vous devez faire, mais il m'a semblé...

M. Rivest: Je voudrais compter sur votre collaboration ou sur celle de gens comme vous qui sont ouverts et qui siégeront de ce côté-ci.

M. Godin: ...beaucoup plus sage de ne pas toucher à cet aspect-là parce que je vous dis, et c'est cela le fond de la question... Yves Beauchemin, Irving Layton et bien d'autres Québécois l'ont dit: La rue, c'est l'école. L'affiche, c'est le tableau noir à l'école et nous voulons qu'il soit bien clair que l'école que constitue le Québec, c'est français.

M. Rivest: Au niveau de la Commission de protection de la langue française, M. Cholette, qui est ici est bien au courant des critiques qui ont été adressées, même dans la presse - probablement avec certaines exagérations, j'imagine - dans la perception de ceux qui étaient critiqués sur... Est-ce qu'il y a eu au niveau de la commission de protection des ajustements de façon à éviter les critiques assez virulentes qui ont été adressées sur la manière de procéder au niveau de la Commission de protection de la langue française, dans la mesure où ces critiques étaient justifiées?

M. Godin: La commission de protection, M. le député de Jean-Talon, ne faisait qu'appliquer la loi et pas autre chose. Elle appliquait la loi solidairement avec le ministre et le gouvernement. On a changé la loi, les règlements seront éventuellement changés et la commission de protection se conformera aux décisions du gouvernement, comme elle l'a toujours fait.

M. Rivest: Mais, au niveau pratique de l'application de la loi, dans certains milieux, on a soulevé des cas où il y avait un certain militantisme qui dépassait peut-être ce qu'eux concevaient comme étant du domaine du raisonnable. (18 heures)

M. Godin: Non, je n'ai pas été saisi de

cas où la commission de protection aurait fait autre chose que ce que la loi prescrit. Au contraire, je vous l'ai dit un peu plus tôt, dans tous les cas qui ont été portés à ma connaissance, sans parler de ceux qui ne l'ont pas été et qui l'auraient été s'il y avait eu des problèmes particuliers, la manière de fonctionner a été d'abord et avant tout la négociation, d'abord et avant tout l'information donnée aux institutions ou aux entreprises: Voici la loi, vous devez faire telle chose. Cela s'est fait lentement, je dirais. Je pense, entre autres, aux produits kasher. Les négociations se sont poursuivies pendant des mois avec les commerçants, les importateurs et les fabricants de produits kasher nord-américains. C'est peut-être un modèle de négociation et de concertation dont je n'ai pas entendu de cas... Il est sûr que la commission de protection, peu importe qui est son président, peu importe qui est son personnel, comme elle a la tâche de prendre des mesures pour faire changer...

M. Rivest: ...

M. Godin: C'est cela. Elle est destinée à se faire, disons, critiquer davantage que l'office ou le conseil. Au fond, c'est le bras de la loi 101.

M. Rivest: Compte tenu qu'il existe une perception de cela qui date quand même d'un an et demi, au moment où c'est devenu... Dans le rapport annuel de la commission, on le mentionnait expressément - tous les crimes, selon l'expression qui avait été utilisée - on disait que la commission n'est coupable d'aucun de ces crimes - j'en conviens volontiers - au niveau criminel. Néanmoins, il y a eu une perception de cette nature, pas de nature criminelle, mais de nature d'excès. Dans la mesure où le gouvernement s'est lui-même doté d'un ministre qui est responsable des Relations avec les citoyens et qu'on évoque très souvent comment l'administration publique doit entretenir avec le citoyen des rapports les plus harmonieux possible, surtout dans un organisme qui exerce une fonction qui, par définition, comme je le disais, n'est pas agréable à faire, soit d'aller rappeler aux gens: Vous faites ceci, mais vous n'avez pas le droit de faire cela, est-ce qu'il y a, non pas des dispositions, mais des directives qui ont pu être données de dire: Écoutez, faites attention! Telle chose est survenue, peut-être qu'on aurait pu procéder de telle manière? Est-ce qu'il y a eu des choses de faites?

M. Godin: II y a eu des rencontres fréquentes avec le président. Nous avons discuté abondamment de ces questions. Je n'ai été saisi d'aucune dérogation inacceptable aux directives. S'il apparaissait qu'à l'avenir il fallait donner des directives, il n'est pas exclu qu'il y en ait, mais je vous dis mon expérience depuis deux ans avec les organismes de la charte, entre autres, la commission. Il n'y a pas eu de cas flagrants où la commission de protection a eu un comportement qui ait justifié ce que les journaux en ont dit. La raison pour laquelle les journaux se sont acharnés sur la commission...

M. Rivest: ...pas purement artificiel. M. Godin: C'est son rôle. M. Rivest: Pardon?

M. Godin: C'est son rôle. Le rôle de la commission déplaisait à bien des personnes, à bien des commerces, à bien des entreprises et à bien des médias, anglophones surtout. C'est bien plus du rôle que le gouvernement lui a confié, que l'État lui a confié qu'elle s'est fait planter - excusez l'expression -plus que d'autres organismes dont ce n'est pas la tâche d'être à l'affût des dérogations, des infractions.

M. Rivest: À moins qu'il n'y ait d'autres questions...

Le Président (M. French): M. le député de Jean-Talon, il est 18 h 4, je regrette. Messieurs, mesdames mes collègues, est-ce que le programme 2 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. French): Est-ce que les crédits du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration sont adoptés?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. French): M. le ministre, à vous le dernier mot, mais je veux vous remercier de votre présence et de la présence de vos collègues et fonctionnaires. On apprécie grandement les éclaircissements que vous avez pu apporter.

M. Godin: M. le Président, je dois vous dire qu'après quelques années comme ministre, et donc plusieurs études des crédits, c'est la première fois que l'étude des crédits se situe à un tel niveau d'élévation, pour ne pas dire de philosophie. Je m'en réjouis. Je reste à votre disposition. Je me réjouis donc de voir que la réforme parlementaire donne de si beaux fruits et je reste à votre disposition, moi et mes collaborateurs des divers organismes de la charte, comme du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, pour vous rencontrer comme commission n'importe quand. D'ailleurs, si vous avez l'intention, tôt ou tard, comme cela a déjà

été proposé par d'autres de mes collègues ou demandé par vous, de visiter les locaux, les lieux où ces brillants esprits qui nous entourent travaillent et produisent, vous êtes tout à fait les bienvenus. J'aimerais spécialement que vous puissiez voir le fonctionnement de la Banque de terminologie du Québec en particulier.

Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre. Vous allez entendre parler de nous. La commission de la culture suspend donc ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir, à la salle 81-A.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Communications

Le Président (M. French): À l'ordre! Je vous invite à prendre place. La commission de la culture commence l'étude des crédits du ministère des Communications. On m'informe qu'il y a quorum. Nous en sommes donc aux commentaires préliminaires. Le président en aura quelques-uns.

Retard dans la distribution des documents

Le ministre n'est pas sans savoir qu'il existait entre nous une entente établie lors de l'étude des crédits des Communications l'an dernier, soit le 19 avril 1983, où, à la page B - B comme Berlin - 815, je dis au ministre, et je cite: "...l'année prochaine, si on est tous les deux ici, je ne procède pas à moins d'avoir les documents une semaine à l'avance. Est-ce que le ministre est prêt à accepter cela?" En réponse, le ministre est même prêt à faire beaucoup plus que cela: "Comme j'ai des contacts très étroits avec le leader parlementaire du gouvernement, je peux lui dire qu'en ce moment, à la sous-commission qui étudie la réforme parlementaire, nous travaillons de façon très serrée sur ce dossier de l'étude des crédits."

Je considère qu'il existe une entente selon laquelle - du moins, pour le critique de l'Opposition du dossier des Communications -il y aurait livraison de documents, à la suite des demandes de l'Opposition le 6 mars 1984, il y aurait livraison des documents sept jours avant le début de l'étude des crédits.

Or, force nous est de constater que la livraison de ces documents s'est faite cette semaine, mardi après-midi, ce qui nous a donné un peu plus de 48 heures pour l'étude des crédits. Il va sans dire qu'il est très difficile, dans de telles circonstances, de se préparer adéquatement d'autant plus que cette année le porte-parole de l'Opposition a été nommé récemment. Il n'a donc pas suivi le dossier depuis un an ou deux. Il m'a semblé que je devais, à ma commission et au ministre, d'être ici pour entendre ses explications, s'il en a. Pour ma part, s'il n'y a pas d'explications valables qui puissent justifier ce retard, je dois constater que, malgré la bonne volonté du ministre il y a environ un an, la performance n'y était pas. Pour ma part - c'est une question de principe - j'ai donné ma parole de ne pas participer et je n'ai pas l'intention de participer, à moins que le ministre donne des explications valables. M. le ministre, voulez-vous aborder le sujet ou procéder sans explication? Je pourrais me retirer et on procéderait par la suite.

M. Bertrand: M. le Président, je veux vous dire immédiatement que je comprendrai et respecterai, bien sûr, votre décision de ne pas participer aux travaux de la commission parlementaire qui étudie les crédits du ministère des Communications. Vous avez fait référence à un échange que nous avons eu l'an dernier lors de l'étude des crédits. Vous avez dit, si ma mémoire est bonne, que j'avais pris l'engagement de faire en sorte que vous obteniez les documents plus à bonne heure, contrairement à ce qui s'est fait cette année et à ce qui a été fait l'an dernier parce que - et je reprends les mots que vous avez cités - j'avais des contacts étroits avec le leader parlementaire.

Le Président (M. French): ...de l'époque.

M. Bertrand: Vous vous rappellerez, bien sûr, M. le Président, que j'assumais à cette époque à la fois les responsabilités de leader parlementaire du gouvernement et de ministre des Communications. C'était avec une pointe d'humour, bien sûr, que j'avais indiqué qu'ayant des contacts privilégiés avec le leader parlementaire, je tenterais de m'assurer que les documents puissent être disponibles une semaine ou dix jours à l'avance de telle sorte que les parlementaires puissent les regarder comme il se doit.

M. le Président, la seule explication que je peux vous donner ce soir fait référence à deux documents que j'ai sous la main, le premier étant une lettre du directeur de cabinet du leader parlementaire du gouvernement transmise à mon directeur de cabinet, au ministère des Communications, sur lequel document on retrouve un paragraphe que je vous cite textuellement: "Je vous rappelle que ces documents devront être acheminés en 20 exemplaires au plus tard le 30 mars 1984 au cabinet du leader du gouvernement, chambre 119, Hôtel du Parlement, Québec."

Or, information prise, je voudrais vous donner les faits. Le 30 mars 1984, 20 exemplaires des documents et renseignements demandés par l'Opposition furent livrés en

fin d'après-midi au bureau du leader du gouvernement. Étaient joints à cet envoi les documents relatifs aux activités de la Commission d'accès à l'information et de la Régie des services publics. Les documents concernant Radio-Québec étaient promis pour le mercredi, 4 avril. Le mardi 3 avril, après entente par téléphone avec une personne du bureau du leader de l'Opposition, il fut décidé d'attendre l'arrivée des documents de Radio-Québec pour transmettre d'un seul coup tous les documents concernant les communications. À la suite de l'intervention du député de Westmount - de vous, M. le Président - en Chambre, mardi après-midi, les documents furent livrés aux députés libéraux et aux députés péquistes à 16 heures, le 3 avril. Les documents concernant Radio-Québec furent transmis dans l'après-midi du 4 avril dès leur réception. Voilà donc, M. le Président, quant aux faits relativement à la livraison de ces documents. Nous avons respecté intégralement la demande qui nous avait été transmise par le bureau du leader du gouvernement. J'admets cependant, avec le député de Westmount dont je connais - comment dirais-je? l'esprit positif quant à la réforme parlementaire que nous avons adoptée, qu'il ne saurait y avoir une véritable réforme parlementaire si les conditions de travail qui sont celles des députés oeuvrant à l'Assemblée nationale ne sont pas telles qu'elles permettent d'avoir en main les documents pour en faire une analyse fouillée et sérieuse en prévision des travaux de la commission de la culture. Je me suis acquitté de la demande transmise par le bureau du leader. Il y a eu - cela m'apparaît évident - des problèmes de communication avec le bureau du leader de l'Opposition puisqu'on m'a informé, effectivement, qu'on souhaitait d'abord que le document soit complet, c'est-à-dire que le document de Radio-Québec soit compris dans l'ensemble des documents avant de transmettre ceux qui étaient déjà au bureau du leader vendredi dernier. Si ma mémoire est bonne, c'était le cas pour une vingtaine de ministères sur environ 25.

Le Président (M. French): Je remercie le ministre de son explication des faits que je ne mets aucunement en cause. Je mentionnerai tout simplement que je considère que, n'ayant pas eu, moi, en tant que président, les documents entre mes mains sept jours à l'avance, avant ce soir, je ne pourrai pas, en respectant le principe que j'ai évoqué l'année dernière et en respectant l'entente que je croyais exister, participer à l'étude des crédits du ministère cette année dans la mesure où cette étude se poursuit ce soir et demain matin. Je mentionnerai également qu'il me semble important qu'à l'avenir... Si je ne peux échanger davantage avec le ministre sur ses crédits cette année, je voudrais suggérer au départ que l'échange de documentation se fasse, pour l'an prochain, entre le ministère et la commission et, si les bureaux des deux leaders parlementaires veulent avoir des copies de la documentation, on pourra très bien le faire, mais je m'opposerai à ce qu'on soit obligé de passer par les embouteillages que sont les bureaux des deux leaders parlementaires.

J'ai une demande d'intervention de la part du député de Louis-Hébert et, ensuite, ce sera le député de Chauveau.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Effectivement, la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui est une situation que vous-même, avec ce que j'appellerais de la prescience, aviez un peu prévue à la dernière séance de la commission qui avait étudié les crédits de l'an dernier, en avril 1983. Mais vous étiez alors, M. le Président, le porte-parole de l'Opposition en ce qui concerne les communications. Vous l'étiez depuis un certain temps et, malgré tout cela, vous avez senti le besoin de prendre une entente formelle, vous dirais-je, puisqu'elle est transcrite dans le journal des Débats, avec le ministre des Communications qui était aussi le leader parlementaire du gouvernement, à ce moment-là.

C'est ce besoin que vous aviez exprimé, M. le Président, d'avoir en temps utile les documents qui vous permettraient de faire un examen critique, donc un véritable examen qui ne se conforme pas simplement à la lettre du règlement mais qui va dans l'esprit de ce règlement, c'est-à-dire, examiner les dépenses gouvernementales pour l'année qui s'en vient. Si vous aviez senti ce besoin, ayant une certaine connaissance du dossier parce qu'il vous avait été confié depuis un certain temps, vous imaginerez facilement que je ne peux qu'être solidaire de la position que vous aviez prise à ce moment-là.

Je dois donc dire très clairement, à titre de porte-parole de l'Opposition, que je ne pourrai pas non plus, n'ayant pas eu les documents à un moment utile pour faire le travail que je veux faire et que la population est en droit d'attendre de ma part, n'ayant pas eu la possibilité de préparer suffisamment l'examen critique des crédits qui nous sont présentés, je ne pourrai y participer. Dans les circonstances, je me retirerai. Je signalerai en même temps qu'il appartiendra au bureau du leader du gouvernement, avec son vis-à-vis du côté de l'Opposition, si tel est son désir, bien sûr, de fixer une autre date. C'est un problème qui peut être résolu, en ce sens qu'il reste un certain nombre de jours pour permettre l'étude des crédits et nous pouvons donc espérer que les leaders s'entendent. Vous le savez, M. le ministre, parce que vous l'avez

été; ils doivent parfois faire preuve d'imagination et utiliser toutes sortes de trucs. Nous allons donc faire appel à ceux que peut avoir dans son sac le nouveau leader du gouvernement.

Dans les circonstances, je ne pense pas que vous puissiez compter, pour le moment en tout cas, sur la participation de l'Opposition pour l'étude des crédits de votre ministère, M. le ministre, en espérant que vous compreniez que cela est fait dans un esprit positif, de façon que vous soyez assuré que les crédits que vous ferez adopter par cette commission ne seront pas adoptés par défaut, mais qu'ils auront été défendus, comme vous pouvez très bien le faire, qui auront été examinés d'une façon critique et avec sérieux par l'Opposition.

Je ne pense pas, M. le ministre, vous connaissant, que vous désiriez que les crédits passent tout simplement comme une lettre à la poste et que nous soyons obligés de faire un travail d'improvisation. Ne voulant pas participer à ce travail d'improvisation, M. le Président, j'informe donc le ministre que, tout comme vous avez annoncé que vous étiez pour le faire, je vais aussi me retirer de cette commission en espérant avoir l'occasion de me représenter à cette commission pour y faire le travail que je désire faire. M. le Président, je vous demande, dès ce moment, de bien vouloir constater s'il y a quorum dans cette Assemblée et d'en tirer les conclusions.

Le Président (M. French): Avant de vérifier le quorum, que je considère une demande formulée en bonne et due forme à la présidence de la commission, je voudrais quand même donner aux autres membres de la commission l'occasion de s'exprimer sur cette question, s'ils le désirent, avant que je ne me retire; sinon, je vais me retirer également et passer la présidence au vice-président.

M. Brouillet: J'avais demandé la parole.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Je tiens à faire connaître mes réactions à cette situation. Tout d'abord, ce qui se passe ce soir dans le cadre des crédits du ministère des Communications, ce n'est pas un cas unique dans l'étude des crédits de cette année, la situation est à peu près similaire pour l'ensemble des autres ministères à qui on avait demandé de déposer leurs documents pour le vendredi 30. Sur ce plan-là, le ministère des Communications avait déposé la grande majorité de ses documents le vendredi 30.

Les remarques que je vais faire ne s'adressent pas particulièrement à la situation du ministère des Communications. Cela vaut pour l'ensemble des ministères. Je trouve que la date du 30 était trop tardive pour permettre vraiment une distribution en temps et lieu et permettre ainsi à l'ensemble des membres des commissions de regarder attentivement les crédits.

Je crois qu'il faut qu'on s'enligne au moins sur une semaine. Il faut avoir un mécanisme pour que les membres de la commission obtiennent les documents une semaine à l'avance - non pas une semaine au bureau du leader - dans le bureau des députés. Je crois qu'il va falloir qu'on s'enligne sur cela pour l'an prochain. Donc, à mon sens, la date du 30 était trop tardive pour demander le dépôt des documents aux ministères.

Particulièrement dans le cas du ministère des Communications, de reporter la distribution des documents de quelques jours parce qu'il en manquait quelques-uns, c'est une décision fâcheuse. Écoutez! on n'a pas besoin d'avoir l'ensemble des documents d'un ministère pour commencer à faire l'étude des crédits du ministère. À mon sens, c'est une décision fâcheuse.

Pour l'an prochain il faudra donc prévoir des mécanismes pour s'assurer que les membres des commissions aient les documents au moins une semaine avant l'étude des crédits. Je crois que c'est un minimum.

Pour la situation ce soir, personnellement je serais prêt à ce qu'on aborde l'étude des crédits. Les membres de l'Opposition ont à prendre une décision. Ce sont eux qui peuvent savoir s'ils ont eu le temps suffisant pour regarder les crédits et en entreprendre l'étude ce soir. Je leur laisse décider. Quant à moi, je serais prêt à cela, si on obtient des membres de la commission un quorum suffisant pour qu'on puisse le faire.

Je réitère ma conviction qu'il faudra à l'avenir qu'on soit très rigide et très ferme sur les échéances. Si on prévoit que les ministères ne peuvent pas, il faudra s'organiser pour retarder le début de l'étude des crédits.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, sur le même sujet.

M. Champagne (Mille-Îles): Oui, M. le Président. Comme, hier aussi, nous avons exprimé notre désappointement parce qu'on n'a pas reçu les documents pour l'étude des crédits du ministère des Affaires culturelles et du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, ce soir je déplore également, comme les membres de cette commission, que les documents ne nous soient pas parvenus beaucoup plus avant pour en faire une étude plus approfondie.

Cependant, cette année, nous vivons

une réforme parlementaire. La commission parlementaire a été constituée il y a à peine deux semaines. Le président et le vice-président ont été nommés. Nous avons eu une séance d'information sur l'objectif de la commission parlementaire de la culture. Nous avons discuté de notre orientation. On a discuté, mardi de la semaine dernière, de l'horaire de cette semaine de la commission parlementaire de la culture, qui était assez chargé. Nous étions les premiers, comme membres de la commission parlementaire, à faire l'expérience de ce nouveau genre de commission parlementaire depuis la réforme parlementaire. Mardi dernier, personne ne s'est opposé au fait qu'il y avait beaucoup de boulot cette semaine à notre commission parlementaire. On siège du matin jusqu'au soir assez tard. Personne, autour de la table, n'a senti le besoin de dire: Voici ce qui est arrivé l'an passé; on devrait, cette année, faire en sorte que les membres de la commission parlementaire de la culture soient prêts le plus vite possible. J'aurais aimé entendre cela la semaine dernière, et on ne l'a pas entendu. Je déplore, comme les membres de la commission, le retard apporté au dépôt des documents. On est dans une situation de fait.

Maintenant, qu'est-ce qu'on fait? On s'est aperçu de ce qui est arrivé. Considérant qu'on est les premiers, cette semaine, à expérimenter la réforme parlementaire, je demanderais, dans un esprit positif, à mes collègues de cette commission parlementaire, de comprendre la situation. Je demanderais un consensus. (20 h 30)

On a vu aussi qu'il y a eu une espèce de dialogue entre Mme Bourassa, la secrétaire du leader de l'Opposition, et le leader du gouvernement, et on s'est entendu sur certains points. Enfin, je ne veux lancer la pierre à personne. Ce soir, on devait se réunir pour faire l'étude des crédits du ministère des Communications et je vais espérer, dans un esprit positif, dans un esprit de concertation et de collaboration, aussi dans l'esprit de la réforme parlementaire, que, à la fois les personnes de l'Opposition et les membres du côté ministériel puissent s'asseoir et entreprendre l'étude des crédits du ministère des Communications.

Le Président (M. French): Merci, M. le député. Y a-t-il d'autres interventions? M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Je voudrais ajouter un petit point à ce que j'ai dit tantôt. Moi aussi, je souhaiterais, finalement, qu'on puisse en arriver à un consensus pour qu'on puisse entreprendre l'étude des crédits. Si on ne peut pas entrer dans les crédits comme tels, on sait qu'au début il y a toujours une demi-heure de prévue pour le ministre et, éventuellement, aussi une demi-heure pour le porte-parole le plus officiel, disons, de l'Opposition. On pourrait peut-être au moins entendre ces parties. Le porte-parole officiel de l'Opposition disant qu'il n'a pas eu les crédits à temps, je ne sais pas s'il serait prêt à faire sa partie. Au moins, on pourrait entendre celle du ministre. Ce sera cela de fait. Peut-être que cela pourrait nous orienter et nous éclairer davantage dans notre propre étude des crédits par la suite, si on n'arrive pas à une entente pour faire nos deux heures ce soir. Il reste une heure et demie, enfin.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau, je ne serai pas, pour ma part, prêt à entendre les remarques préliminaires du ministre. Je dois dire mon regret de ne pas être en mesure de me rallier à vos arguments qui sont des arguments, je sais, très sincères et je dis la même chose au député de Mille-Îles. Je voudrais ajouter, pour le député de Mille-Îles, que j'ai compris la situation l'année dernière et que je n'ai pas l'intention de faire le même effort cette année puisqu'on a échangé avec le ministre à savoir que je n'aurais pas cette obligation cette année. Pour ma part, je dois, à ce stade-ci de la procédure, me retirer.

Je suis prêt à entendre les arguments du ministre sur la même question. S'il veut procéder à ses commentaires préliminaires, je vais me retirer.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement ajouter quelques mots à ce qui a été dit par les députés membres de la commission de la culture. Je vous ai dit tout à l'heure que je comprendrais et respecterais l'attitude que chacun ou chacune des membres de cette commission de la culture déciderait d'adopter. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que j'ai travaillé avec vous, entre autres, sur la réforme parlementaire pendant un an et demi et, s'il y a quelqu'un qui ne peut certainement pas être taxé de ne pas croire à cette réforme parlementaire, c'est bien celui qui, à titre de leader parlementaire du gouvernement pendant un an et demi, y a travaillé. Je suis conscient que cette réforme parlementaire, au-delà des règlements, au-delà des lois, implique aussi des changements de mentalité et des changements d'attitude et, comprenant fort bien le sens positif qui peut animer les remarques faites par les membres de la commission de la culture, je tiens à vous dire, quant à moi, que je n'ai pas à insister, que je n'insisterai pas et que, croyant fermement à cette réforme parlementaire, sachant très bien qu'elle se veut un effort substantiel pour donner au pouvoir législatif les moyens, les outils et les instruments qui lui permettent de mieux remplir son rôle, à titre de ministre membre

du Conseil exécutif, je dois respecter profondément la démarche de la commission parlementaire.

M. le Président, je suis disposé, quant à moi, à faire en sorte de collaborer avec les membres de la commission pour que nous puissions leur accorder plus de temps pour regarder les documents qui leur ont été transmis. Je crois reconnaître que vous avez compris, pour une partie, qu'il pouvait y avoir eu certains problèmes de communication...

Le Président (M. French): Oui, M. le ministre.

M. Bertrand: ...entre certaines personnes, car le ministère des Communications avait répondu à une demande de transmission des documents pour le 30 mars au plus tard et cela a été fait.

Par ailleurs, je vous soumets respectueusement - vous le savez mieux que moi - que l'organisation des travaux parlementaires est une responsabilité qui relève à la fois des présidents, vice-présidents et membres des commissions parlementaires et, aussi, des leaders parlementaires de chacune des formations politiques. Je souhaiterais simplement que vous puissiez organiser les choses de façon telle que mardi soir prochain, de 20 heures à 22 heures, tel qu'il avait été convenu, je crois, nous puissions recevoir et entendre les représentants de Radio-Québec. Pour les fins du ministère des Communications, de la Commission d'accès à l'information et de la Régie des services publics, nous pourrions agir différemment et trouver, dans l'horaire, des moments qui nous permettent d'avoir les sept heures de discussions qui ont été prévues pour le ministère des

Communications.

J'aurais souhaité et je continue de le faire, M. le Président, dans la mesure où je pourrais présenter mon exposé relativement aux crédits du ministère des Communications, que cela puisse être fait. Cela nous permettrait tout de même d'avancer au niveau du temps qui est dévolu à la commission de la culture pour l'étude des crédits du ministère des Communications. Je ne pense pas que cela enfreindrait, de quelque façon que ce soit, les droits des membres de la commission. Je pense qu'à partir de maintenant tout le monde est conscient qu'il faut effectivement utiliser le temps qui est à notre disposition, tout en respectant cependant les droits et privilèges des parlementaires qui siègent à cette commission.

Le Président (M. French): J'ai une demande de M. le député de Louis-Hébert, une de M. le député de Chauveau et une autre de M. le député de Mille-Îles. Je voudrais signaler, quant au temps, que je considère qu'on a perdu dix minutes avec la disponibilité de la salle. Une demi-heure est maintenant écoulée jusqu'à maintenant. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, je comprends et j'apprécie énormément les propos du ministre. Je suis très heureux de voir qu'il est prêt à faire preuve de compréhension et de collaboration pour permettre à cette commission de travailler dans la sérénité et de travailler en connaissance de cause, ayant eu le temps qu'il faut pour faire son travail et examiner à fond les crédits. La demande qu'il nous fait n'est pas déraisonnable, loin de là, mais je pense qu'il y a ici, en jeu, une question de principe qui veut que les crédits de la commission des communications, à la suite d'une entente qui avait été prise, à laquelle vous étiez partie avec le ministre, ne seraient pas commencés à moins que les documents dont nous parlons et dont nous avons besoin puissent nous être transmis en temps utile. On peut toujours tenter de couper la poire en deux, mais je ne vois pas qu'une demi-heure nous avance vraiment. Si on veut vraiment marquer le point, si on veut vraiment que soit compris quelque part par quelqu'un que ce n'est pas un caprice de notre part, que c'est là une nécessité et que c'est sérieux, je ne pense pas que nous puissions commencer les travaux et les interrompre artificiellement avec simplement la présentation du ministre. Le ministre reconnaîtra avec moi - et je ne le ferai pas - qu'il est nécessaire que la contrepartie de son exposé suive immédiatement, pour des fins de compréhension, la présentation que lui-même est appelé à faire. Comme je ne suis pas prêt à faire cette présentation, comme il n'a pas été possible de faire les recherches nécessaires et les analyses nécessaires qui permettraient de bien saisir la position de l'Opposition à la suite de la présentation que ferait le ministre, il serait dérogatoire et cela ne rendrait pas justice à tous les membres de cette commission que de procéder comme M. le ministre le suggère. Dans les circonstances, M. le Président, je vous soumets que la proposition du ministre, qui vient sûrement d'un désir de sa part de procéder un tant soit peu, ne me paraît pas, dans les circonstances, acceptable pour ce qui est de l'Opposition, en tout cas.

Le Président (M. French): M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: J'aimerais revenir - cela va, oui; ils sont très sensibles - un peu sur la position des membres de l'Opposition. Je suis prêt à respecter leur décision et je la comprends, je pense bien. Maintenant, je ne peux pas me rallier à un argument qu'ils

emploient. L'un des arguments, ce serait l'entente qui aurait été non pas signée, mais formulée verbalement entre le ministre des Communications l'an dernier et l'actuel président de la commission. Dans la mesure où ce sont les leaders du gouvernement - et, encore cette année, on en a la preuve - qui ont la responsabilité de recevoir, de distribuer les documents, c'est certainement en tant que leader du gouvernement que l'an dernier M. Bertrand s'était engagé à pouvoir distribuer des documents plus tôt. Cette année, il n'est plus leader du gouvernement. S'il était encore leader, je comprendrais encore très bien la réaction du président de la commission; il aurait tout à fait raison de s'accrocher à cette entente de l'an dernier. Effectivement, n'étant plus leader et s'étant lui-même soumis aux directives des leaders actuels des partis, la seule raison qui reste, ce n'est pas l'entente de l'an dernier, c'est le fait qu'on n'est pas prêt. Je comprends qu'on puisse ne pas être prêt parce qu'on les a reçus tard. Le deuxième argument, je l'accepterais, mais non pas le premier. Il faudrait dire clairement: On n'est pas prêt, on n'a pas eu le temps, on a reçu cela trop tard; c'est pour cela qu'on veut reporter cela, et non pas s'accrocher à l'entente qui aurait été conclue l'an dernier. C'est un argument qui ne tient pas, étant donné que ce sont les leaders qui ont la responsabilité. Et, si on s'appuie exclusivement sur le fait qu'il y a du retard dans la distribution, cela aurait valu aussi pour toutes les autres commissions et non pas uniquement pour celle-là. Ceci dit, je suis prêt à respecter la position finale que prendront les membres de l'Opposition sur cette commission. Je peux comprendre qu'ils ne sont pas prêts à entreprendre l'étude dès ce soir.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Oui, M. le Président. Ce qui motive l'action des gens de l'Opposition ce soir, c'est une question de principe. C'est bien sûr par principe qu'on ne veut pas entendre le ministre. Je ne sais pas s'il fallait de la documentation pour entendre le ministre et commencer ce soir, au moins, la commission parlementaire et, ensuite, attendre peut-être pour la réplique. Si on avait pu ce soir au moins entamer ces travaux, je ne pensais pas qu'il fallait absolument les documents sept jours avant pour pouvoir entendre le préambule du ministre. C'est bien sûr qu'on est pris par une question de principe. Je déplore ce qui se passe et je demanderais aux gens de l'Opposition et au président, dans un esprit de compréhension et dans un esprit positif, si on ne pourrait pas suspendre la commission pour cinq minutes au maximum. (20 h 45)

Le Président (M. French): M. le ministre, voulez-vous intervenir avant que je statue sur cette demande, parce que vous avez dit que vous aviez une intervention très courte?

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Si vous me le permettez, une très courte remarque en deux points. Premièrement, je me dois de dire les choses telles qu'elles sont. Je pense que la vérité a ses droits. Il faut aussi être honnête envers tous ceux et toutes celles qui travaillent à organiser les travaux parlementaires. Lorsque j'ai dit tout à l'heure que le directeur de cabinet du leader du gouvernement avait fait parvenir à l'ensemble des directeurs de cabinet une lettre les enjoignant de transmettre les documents de leur ministère pour l'étude des crédits en 20 exemplaires au plus tard le 30 mars 1984, cette lettre, envoyée par le directeur de cabinet du bureau du leader, est datée du 1er mars 1984. J'étais, à cette époque, leader parlementaire du gouvernement et je veux qu'on comprenne bien que le nouveau leader parlementaire du gouvernement n'a absolument rien à voir dans cette directive qui a été transmise aux directeurs de cabinet des différents ministères.

Par contre, là-dessus, je pense que le président de la commission prendra ma parole puisqu'il sait quel esprit m'animait à cette époque en prévision de la réforme parlementaire que nous avons adoptée le 13 mars dernier. Nous avions le sentiment, au bureau du leader, que l'étude des crédits commencerait à peu près autour du 10 avril et le 30 mars constituait donc une date qui donnait aux parlementaires une période d'environ dix jours, en tout cas, certainement une semaine, pour analyser les documents qui leur étaient transmis. Personne là-dedans n'a été de mauvaise foi, ni du côté du gouvernement, ni du côté de l'Opposition. Nous avons tous subi les contraintes, si je peux employer l'expression, de l'implantation de la réforme parlementaire le 13 mars avec le dépôt du livre des crédits et la période de temps qu'il nous restait pour les étudier avant les vacances pascales.

D'ailleurs, quand on en parlait à la sous-commission de l'Assemblée nationale sur la réforme parlementaire, on indiquait effectivement qu'on croyait que l'étude des crédits se ferait en deux semaines de cinq jours et cette proposition n'a finalement pas été retenue au moment des discussions et des négociations entre le parti ministériel et l'Opposition, puisque l'étude des crédits se déroulera effectivement sur une plus longue période qu'il n'était prévu initialement. Donc, toutes ces dates avaient été fixées dans un esprit de bonne volonté, dans le respect des conditions de travail qui doivent prévaloir pour les parlementaires et il n'y a eu aucune

mauvaise foi, ni d'un côté, ni de l'autre.

Cependant, nous sommes obligés de reconnaître collectivement que 48 heures, pour les parlementaires, afin de préparer leurs réponses et leurs questions quant aux crédits du ministère des Communications - et je sais que cela a pu se présenter dans d'autres cas - c'est, je pense, un peu mince comme délai. Tout ce que je demanderais, à ce stade-ci, maintenant que vous avez en main, de toute façon, le texte de la déclaration que je m'apprêtais à faire en prévision de l'étude et de la discussion des crédits, tout ce que je souhaiterais, c'est que nous puissions démarrer les travaux de la commission parlementaire dans les meilleurs délais. Si on me disait, par exemple, qu'on pourrait fonctionner demain matin, quant à moi, je l'apprécierais beaucoup, d'autant plus que le texte de ma déclaration a été remis aux parlementaires avant même que je ne la prononce et avant même que nous n'entreprenions nos travaux. Je crois que ce serait de nature à la fois à permettre aux parlementaires de mieux se préparer en fonction de la prochaine séance et aussi - il faut le reconnaître, puisque nous avons tous fonctionné de bonne foi dans ce dossier - de faire en sorte que nos travaux puissent commencer dans les meilleurs délais.

Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. C'est en retenant et en acceptant vos propos indiquant que personne n'a agi de mauvaise foi dans le dossier que j'accède à la demande du député de Mille-Îles pour une suspension de cinq minutes. Je voudrais inviter les gens qui sont avec nous, s'il vous plaît, à garder leur niveau de conversation relativement bas parce que les membres de la commission vont vouloir discuter ici entre eux sans que les microphones soient ouverts. Nous voudrions bien être capables de nous comprendre.

(Suspension de la séance à 20 h 51)

Est-ce que cela vous convient, M. le ministre?

M. Bertrand: Oui, M. le Président.

Pouvez-vous m'indiquer si, demain, nous utiliserons la période qui va de 10 heures à 12 h 30?

Le Président (M. French): Nous n'utiliserons pas toute la période, M. le ministre, nous utiliserons seulement le temps que prendront vos commentaires, la réplique du porte-parole et les autres commentaires d'ordre général; nous n'entamerons pas l'étude élément par élément des programmes des crédits.

M. Bertrand: Est-ce que les membres de la commission acceptent toujours que les dirigeants, les autorités de Radio-Québec, puissent être ici la semaine prochaine, le mardi 10 avril, de 20 heures à 22 heures?

Le Président (M. French): Oui, M. le ministre. Cela va?

M. Bertrand: Merci.

Le Président (M. French): Donc, j'ajourne nos travaux à demain matin, dix heures, au salon bleu. Merci.

(Fin de la séance à 20 h 55)

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