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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons commencer cette réunion de la commission permanente
de la culture ayant un mandat de l'Assemblée nationale pour
étudier les crédits du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
Communautés culturelles et Immigration
Je voudrais, tout d'abord, souhaiter la bienvenue à M. le
ministre, à Mme la sous-ministre, ainsi qu'aux fonctionnaires de
plusieurs organismes qui relèvent de ce ministère.
Retard dans la distribution des documents
M. le ministre, avant de vous inviter à faire votre
présentation, si vous me le permettez, je voudrais faire une
brève intervention au sujet de la documentation, sujet sur lequel nous
avons déjà croisé le fer dans une situation pareille. Je
veux, d'abord, vous féliciter de la qualité et surtout de
l'organisation et de l'accessibilité de la documentation que vous nous
avez fournie. C'est de loin la meilleure documentation que nous ayons
reçue en tant que commission; en tout cas, c'est mon opinion. La
documentation nous est, malheureusement, parvenue en retard. Sans entrer dans
les détails, je voudrais vous faire, pour l'année prochaine, au
nom de la commission, la proposition suivante: Que nous essayions, d'abord, de
nous organiser, le ministère et la commission, quant à la
façon dont on va procéder pour la distribution de la
documentation. Si le leader du gouvernement et le leader de l'Opposition
veulent également avoir accès à la documentation, nous
n'avons, évidemment, pas d'objection, mais nous croyons que l'entremise
des deux leaders parlementaires n'aide pas le processus de distribution des
renseignements et de la documentation.
Je voudrais également proposer que, l'année prochaine,
cette documentation soit entre les mains de tous les membres de la commission
au moins sept jours avant que nous commencions l'étude des
crédits. Est-ce qu'on pourrait avoir votre réaction à
cela, M. le ministre?
M. Godin: M. le Président, nous avons fait l'impossible
pour distribuer tous les documents avant la fin de la journée de
vendredi, de manière que les membres de la commission puissent avoir ces
documents en main pour la fin de semaine, ce qui faisait six jours d'avance. Je
suis d'accord avec vous que l'idéal eût été que ce
soit jeudi, parce qu'un grand nombre de députés, surtout ceux qui
ne sont pas de Québec, partent le jeudi soir ou tôt le vendredi
matin. Je suis d'accord avec vous qu'il y aurait avantage à l'avenir
à ce qu'il y ait une entente entre la commission et les
ministères - pour le mien, il n'y a aucun problème - pour que
nous nous entendions ensemble, avant le début des travaux de la
commission, sur le délai qui serait le plus pratique pour les membres de
la commission.
Pour l'année prochaine, pour les crédits ou pour tout
autre exercice semblable, je suis d'accord que nous devrions nous entendre, la
commission et le ministère, sur les délais de livraison des
documents.
Le Président (M. French): Est-ce que j'ai bien compris que
vous ne voulez pas vous engager à un délai de sept jours?
M. Godin: Sept jours ou plus.
Le Président (M. French): Bon. Plus, cela ferait mon plus
grand bonheur.
M. Godin: Nous sommes à six jours cette année.
Donc, rien ne nous empêchera d'aller à dix jours si on estime que
ce serait mieux. Ce que mes collègues ministériels m'ont dit,
c'est qu'ils ont reçu en même temps, dans les mêmes deux ou
trois jours, le cahier des Affaires culturelles, le cahier de
l'Éducation, le cahier de mon ministère et des organismes qui
s'occupent de la loi 101, ce qui fait à peu près 1000 pages de
documents en quatre jours. C'est beaucoup. Je suis tout à fait d'accord,
pour la transparence, pour qu'on étale la livraison des documents de
telle manière que ce soit, en fait, la commission qui fasse des
recommandations au ministère, puisque la commission connaît mieux
que personne l'agencement de l'ensemble des travaux.
Le Président (M. French): En tant que commission, nous
allons vous écrire l'année prochaine, mais, entre-temps, je dois
présumer que nous avons une entente entre
nous à cet effet.
M. Godin: Tout à fait.
Le Président (M. French); Merci beaucoup, en
présence de Mme la sous-ministre. M. le député de
Saint-Jean.
M. Proulx: J'ai eu ces cahiers à temps. Comme le dit si
bien le ministre, cela faisait une hauteur comme ça et, pour passer
à travers ceux des Affaires culturelles et ceux-ci, j'ai passé
toute la fin de semaine. Quand bien même on aurait eu une journée
de plus, je n'aurais pas eu le temps de passer au travers. Quant à moi,
je ne voudrais pas continuer ce débat parce qu'il dure depuis trois
jours. Je pense qu'on les a eus à temps.
Le Président (M. French): Je n'ai pas compris la
dernière phrase.
M. Proulx: Ce débat que vous abordez dure depuis trois
jours. Quant à moi, je suis satisfait du délai.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Je comprends qu'on ne peut pas, non plus, lancer la
balle à tout le monde. Je viens d'entendre l'intervention du
député de Saint-Jean. On me confirme qu'on l'a reçu
vendredi après-midi, sauf que moi, j'étais dans mon comté
et c'est à partir de mardi matin que j'ai pu regarder les documents en
question. Je suis un peu pénalisé ayant été
nommé porte-parole du dossier des Communautés culturelles et de
l'Immigration la semaine dernière. On a à étudier des
crédits d'une valeur de près de 50 000 000 $ pour un
ministère aussi important: je pense qu'en une journée il est
assez irréaliste de passer à travers cela. Je suis un peu
d'accord avec tout le monde.
C'est malheureux. J'en avais parlé avec le président de la
commission. Je tiens à vous dire honnêtement que je vais faire mon
possible, grâce à notre recherchiste qui a pris quelques notes,
pour étudier le mieux possible les crédits du ministère.
Mais je tiens à mentionner aux membres de la commission qu'en ce qui me
concerne je trouve irréaliste d'espérer pouvoir me
débrouiller en une journée avec les crédits d'un
ministère, alors que je viens à peine d'obtenir les dossiers qui
m'ont été remis par le chef de l'Opposition. Heureusement que ce
n'est pas télévisé parce que je me sentirais un peu mal
à l'aise de passer en revue les crédits d'un nouveau
ministère. Je tenais à le mentionner aux membres de la
commission.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président,
j'espère qu'on ne fera pas, à toutes les séances de la
commission, pendant de longues minutes, ressortir le fait qu'on n'a pas
reçu les documents. C'est la première commission où on
applique la réforme parlementaire. Alors, on est peut-être un peu
pris au dépourvu. Tous les gens autour de cette table ont convenu qu'on
devrait recevoir les documents beaucoup plus tôt; il y a un consensus
là-dessus. Je ne vois pas pourquoi on ferait un plat avec cela. Tout le
monde a reconnu qu'on devrait les recevoir avant. C'est la première fois
qu'on applique la réforme parlementaire et tout a été un
peu bousculé. Mais on va espérer que, malgré tous ces
inconvénients - tout le monde les reconnaît - on pourra s'en
sortir d'une façon adéquate, comme, d'ailleurs, on l'a fait pour
les Affaires culturelles hier.
Le Président (M. French): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je comprends que le
député de Mille-Îles ne veuille pas qu'on aborde la
question trop souvent, sauf qu'elle me paraît d'une importance
primordiale. Ce n'est pas parce que cela déplaît au
député de Mille-Îles ou parce qu'il trouve qu'on l'a assez
dit qu'on va s'arrêter là. Le ministre pourrait nous dire le
nombre d'heures et le nombre de fonctionnaires qui ont travaillé
à la préparation de ces dossiers. C'est pour cela qu'ils sont
bien faits; c'est pour cela qu'on peut les utiliser. Il y a eu des centaines,
sinon des milliers d'heures qui y ont été consacrées par
des gens dont c'est la spécialité et qui le font du matin au
soir. C'est normal que cela soit fait comme cela.
Le but de tout l'exercice est de soumettre ces documents à cette
commission pour qu'on en fasse un examen critique, qu'on obtienne des
renseignements supplémentaires et des explications quand on en a besoin.
Or, il aura beau se faire le meilleur travail dans votre ministère - M.
le ministre, vous le reconnaîtrez et je n'en doute pas - par des
fonctionnaires compétents, si, en fin de compte, les documents ne sont
pas entre nos mains en temps utile, tout cela est un coup fourré parce
que cela ne donne rien.
Le député de Mille-Îles dit: On s'est entendu
là-dessus, tout le monde est d'accord, etc. On aura l'occasion d'y
revenir. Mais, l'an dernier, il y a eu des engagements précis de pris.
On s'était entendu sur certaines choses dans une autre commission. On
s'est retrouvé dans une situation qui n'est pas meilleure actuellement.
Tout cela pour dire que - je me suis informé ce matin - au niveau de la
commission de l'Assemblée
nationale ou du bureau qui préparait la nouvelle
réglementation qui nous régit actuellement, on s'est
demandé si, pour l'étude des crédits, on devrait inclure
un article faisant obligation ou spécifiant que les documents doivent
être entre les mains des membres de la commission à telle ou telle
date avec un délai de dix ou de sept jours, etc. Il en avait
été discuté. Finalement, le consensus avait
été que cela va tellement de soi qu'une semaine est un
délai minimum et qu'on ne peut pas aller en deçà de ce
délai. Comment voulez-vous qu'on puisse faire une étude
sérieuse? C'est cela, le but de l'exercice. Ce n'est pas d'avoir un
document qui, en lui-même, est bien monté, mais qu'on ne peut pas
scruter, faute de temps, faute d'avoir pu regarder à temps ce qu'il
contient.
Je comprends difficilement l'intervention du député de
Mille-Îles qui dit: On l'a tous dit, etc. On l'a dit pour un autre
ministère, on le redit à ce ministère. Je puis assurer le
député de Mille-Îles d'ores et déjà qu'on va
le redire ce soir en ce qui concerne le ministère des Communications.
Vous êtes mieux de vous préparer à cela.
Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le ministre. On
me rappelle que je n'ai pas mentionné les noms des personnes
présentes. M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplace M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témisca-mingue); M. Brouillet (Chauveau) est un peu en
retard et il m'a demandé de faire ses excuses auprès des membres
de la commission; il sera ici un peu plus tard. M. Champagne (Mille-Îles)
est présent, M. Dauphin (Marquette) est présent, M. Doyon
(Louis-Hébert) est présent, M. French (Westmount) est
présent, M. Gauthier (Roberval) sera un peu en retard, M. Hains
(Saint-Henri) est absent. Mme Lachapelle (Dorion) est présente, on la
reconnaît, elle est un peu malade et elle nous aide à garder le
quorum. M. Proulx (Saint-Jean) est présent.
M. Proulx: Toujours!
Le Président (M. French): Toujours présent. M. le
ministre, vous avez reçu, sous ma signature, une lettre au sujet de vos
commentaires préliminaires dans laquelle on vous invitait à
être relativement bref. M. le député de Saint-Jean.
M. Proulx: Pourrait-il présenter son personnel?
Le Président (M. French): Oui, je m'excuse.
M. Godin: C'est prévu dans mon discours, M. le
Président.
Le Président (M. French): M. le député de
Saint-Jean, votre micro n'est pas bien placé.
Exposés préliminaires M. Gérald
Godin
M. Godin: M. le Président, je vous présente d'abord
les gens qui m'accompagnent. À ma droite, Mme Juliette Barcelo,
sous-ministre au ministère; à ma gauche immédiate, M.
Régis Vigneau, sous-ministre adjoint; Mme Micheline Lachance,
attachée de presse et d'information dans mon cabinet; M. André
Escojido qui fut le membre gouvernemental au sein du CIPACC; à sa
droite, M. Egan Chambers, l'ancien président du Comité
d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés
culturelles et qui est, depuis mercredi, il y a deux semaines, le coordonnateur
qui verra au suivi de l'implantation du plan d'action; à ma droite, M.
Normand Lemay qui est chef des services financiers au ministère; M.
Jacques Bissonnette qui est le chef du service des relations avec les groupes
et M. Jacques Perron qui est le secrétaire du bureau des
sous-ministres.
M. le Président, mon exposé préliminaire, que je
vais tenter de faire aussi bref que possible, se divise en trois parties: tout
d'abord, l'immigration, ensuite, les communautés culturelles, ensuite,
le CIPACC et le suivi du CIPACC, le CIPACC étant le Comité
d'implantation du plan d'action à l'intention des communautés
culturelles.
En cette année 1983 où s'est amorcée la reprise
économique tant attendue, mon ministère a cherché à
atteindre le juste, mais combien difficile équilibre entre l'immigration
que je qualifierais d'humanitaire et celle qui influence directement
l'économie d'une nation...
Le Président (M. French): Je m'excuse, M. le ministre. Il
y a un problème de son. Je ne sais pas ce que c'est. Il est
peut-être nécessaire de hausser le volume du son à
l'intérieur de la salle. On entend mal. M. le ministre.
M. Godin: ...en un mot, entre les réfugiés et les
millionnaires. Le Québec n'a jamais failli à son devoir
d'accueillir des réfugiés des quatre coins du monde qui cherchent
désespérément une terre d'asile ou un pays d'adoption. Je
peux même dire que sa réputation de
générosité dépasse largement ses frontières.
Mais le gouvernement a également la responsabilité d'assurer le
bien-être de tous les Québécois. Est-ce que cela va mieux
au plan du son?
Le Président (M. French): Est-ce que cela va bien? M. le
ministre.
M. Godin: Ce sont les travaux. Je vais rapprocher le micro. Mais
le gouvernement a donc également la responsabilité - est-ce que
c'est mieux? - d'assurer le bien-être de tous les
Québécois, bien-être qui passe nécessairement par
une saine économie. En cette année de relance et de reprise, je
suis très heureux de dire que mon ministère a largement
contribué à susciter des retombées économiques
grâce, en particulier, au succès remporté par son programme
s'adressant aux immigrants investisseurs. Mais avant de mesurer avec vous
l'importance de cette injection de capitaux sur notre économie et le
nombre d'emplois créés grâce à ce programme, il me
semble utile de tracer à grands traits le profil de l'immigration
québécoise au cours de l'année qui s'achève.
J'éviterai, dans la mesure du possible, les énumérations
laborieuses et les détails exhaustifs puisque vous avez en main depuis
six jours le volumineux cahier préparé à votre intention
par mon ministère et auquel vous pouvez vous référer en
tout temps. Je profite, d'ailleurs, de l'occasion pour vous présenter
les gens... Je viens de vous les présenter.
Des voix: Ah! Ah!
M. Godin: En 1983, le Québec a accueilli 16 244
ressortissants étrangers, soit une diminution de 24% des entrées
internationales par rapport à l'année précédente.
Au cours de la même période, l'immigration a subi une baisse de
l'ordre de 27% dans l'ensemble du Canada. La part du Québec dans
l'immigration canadienne demeure, par ailleurs, sensiblement la même,
soit 18,3%. Les 20% des personnes admises l'ont été en vertu de
programmes humanitaires, c'est-à-dire qu'elles étaient des
réfugiées. Cela constitue une forte baisse par rapport à
l'année 1980, alors que ce pourcentage atteignait 37% du total des
immigrants. Sur l'ensemble des immigrés arrivés au Québec
en 1983, 41% se destinaient au marché du travail. Là aussi, on
constate une diminution tout comme dans l'ensemble du Canada.
Pour la troisième année consécutive, Haïti
conserve le premier rang parmi les pays de dernière résidence.
Viennent ensuite dans l'ordre: la France, le Vietnam, le Salvador et les
États-Unis. La moitié des ressortissants étrangers ont
été admis dans la catégorie de la famille; 32% le furent
comme indépendants; 7% à titre de parents aidés.
Si l'on compare la connaissance du français et de l'anglais des
nouveaux arrivants par rapport à l'année
précédente, on constate peu de changements. En 1983, 35% des
immigrants ne connaissaient aucune des deux langues; 33% maîtrisaient le
français seulement; 21%, l'anglais seulement; 11% parlaient les deux
langues. C'est la région de Montréal qui continue d'attirer la
majorité des immigrants qui viennent au Québec, soit 82%, tandis
que la ville de Québec occupe le deuxième rang avec 4%, suivie de
l'Estrie et de l'Outaouais qui attirent respectivement 2% des nouveaux
immigrants. Voilà pour le tableau général.
Voyons maintenant de quelle façon l'immigration économique
influe sur la situation et détermine nos politiques. Depuis une
vingtaine d'années, le Québec attire environ 16% à 17% de
tous les immigrants qui viennent s'établir au Canada. Sa performance
s'améliore encore lorsqu'il s'agit d'inciter des investisseurs à
choisir le Québec. En 1983, en effet, le Québec a accueilli
près du quart de tous les investisseurs admis au Canada. Au cours des
cinq dernières années, environ 2000 investisseurs
étrangers ont opté pour le Québec comme nouvelle patrie.
Ils ont injecté plus de 300 000 000 $ dans notre économie et ce,
en dépit de la conjoncture économique difficile que nous avons
connue.
Autre bonne nouvelle: ce mouvement migratoire est plus qu'une injection
substantielle de capitaux. Il est créateur d'emplois. Pour
l'année 1983, en effet, quelque 850 nouveaux emplois ont
été créés. Si on fait le total des cinq
dernières années, nous aurions un nombre de 4000 nouveaux emplois
créés. Traditionnellement, les investisseurs étrangers se
dirigeaient vers l'activité agricole, vers les fermes. Aujourd'hui, ils
ne représentent plus que 30% du total. C'est désormais le
commerce qui attire 55% d'entre eux, tandis que 15% s'acheminent vers
l'industrie manufacturière.
Grâce à leur expérience différente de la
nôtre, ces investisseurs jouent un rôle de premier plan dans les
efforts du Québec pour diversifier son industrie manufacturière
et agricole et accroître ses exportations. Je tiens, d'ailleurs, à
rendre hommage à ces nouveaux Québécois qui, à
l'instar de ce fermier suisse installé à Lotbinière, de ce
restaurateur vietnamien installé à Sherbrooke, de ce fabricant
d'acier italien installé à Saint-Hyacinthe et, bientôt, de
ce manufacturier de téléviseurs chinois à Montréal,
viennent ici développer de nouvelles techniques et créer des
emplois parce qu'ils ont confiance au Québec et en son avenir.
Devant de tels résultats, vous comprendrez que mon
ministère a décidé de consolider et de développer
son programme à l'intention des immigrants investisseurs, ce qui
s'inscrit parfaitement dans le plan de relance économique du
gouvernement. Le Conseil des ministres a, d'ailleurs, consenti à
augmenter le budget affecté à ce programme spécial qui
atteindra, en 1984-1985, la somme de 717 000 $ et, en 1985-1986, la somme de
930 000 $, soit près de
1 000 000 $. Avec cet argent, nous pourrons multiplier les
démarches tant au Québec qu'à l'étranger; nous
avons l'intention de publier des documents d'information et de procéder
à des campagnes publicitaires.
De plus, nous répéterons l'expérience fructueuse
inaugurée il y a deux ans, qui consistait à inviter des
journalistes d'Italie, d'Allemagne, de Hong Kong, du Venezuela et de Suisse
à venir au Québec. Ces chroniqueurs financiers ont signé
une dizaine de reportages sur la situation économique, les
possibilités d'investissement au Québec et les programmes d'aide
à la PME qui existent ici.
De même, nous poursuivons nos missions de recrutement à
l'étranger. En effet, en 1983, les huit missions qui ont eu lieu ont
permis à nos conseillers de discuter d'immigration avec 500 personnes
réunissant des capitaux de 250 000 000 $. Mon récent
séjour en Asie du Sud-Est m'a permis de constater de visu, à Hong
Kong, combien le Québec gagnerait à affirmer davantage sa
présence auprès de ces milieux d'affaires. À l'heure
où chaque pays, chaque province fait son "lobbying" à Hong Kong,
Singapour ou Bonn, le Québec se doit de faire connaître ses atouts
aux éventuels investisseurs. Ceux-ci réclament, en effet, des
renseignements concrets. Il faut leur dire que l'énergie chez nous
coûte moins cher que partout en Amérique du Nord à cause de
nos abondantes ressources hydrauliques, que nous produisons de l'aluminium en
quantité. Il faut vanter les avantages d'une métropole dont le
port est ouvert douze mois par année. Enfin, il faut rappeler la
proximité du marché américain et souligner qu'au
Québec les coûts de construction de bâtiments industriels
sont sensiblement moins élevés que partout ailleurs en
Amérique, ainsi que le prix des loyers industriels. Les futurs
investisseurs doivent connaître ces renseignements.
Ils nous arrivent ici avec une expérience et un savoir-faire
acquis dans 69 pays différents. La majorité d'entre eux sont
originaires de pays francophones. Au cours des six dernières
années, 70% de nos nouveaux citoyens investisseurs venaient de France,
de Belgique, de Suisse, du Maroc, du Liban et de Madagascar. Nous entendons,
bien sûr, maintenir nos liens avec ces pays, mais nous mettrons tout en
oeuvre pour faire une percée du côté de pays d'autres
traditions linguistiques.
C'est dans ce sens qu'il faut voir la volonté de mon
ministère d'ouvrir un bureau à Düsseldorf, Bonn, en
Allemagne, et de créer un poste de conseiller de l'immigration à
la délégation du Québec à New York, ville transit
d'où originent 50% de l'ensemble du mouvement migratoire en provenance
des États-Unis.
Il nous a également semblé avantageux de simplifier les
procédures de sélection des candidats immigrants investisseurs
afin d'accélérer le processus du certificat de sélection
du Québec qu'on appelle CSQ et du visa canadien. Dorénavant, les
candidats investisseurs ne seront plus tenus de présenter un projet
spécifique, mais ils devront simplement démontrer qu'ils
possèdent une expérience des affaires nécessaire et les
capitaux suffisants. En somme, nos conseillers évalueront les chances de
ces personnes de réussir en affaires au Québec.
En plus des investisseurs, le Québec attire aussi les
travailleurs immigrants, bien que leur nombre ait diminué du tiers en
1983 ici comme dans l'ensemble du Canada. En effet, des 16 244 ressortissants
étrangers admis au cours de l'année, 6701 étaient des
travailleurs. Un peu plus de 1000 d'entre eux furent sélectionnés
en fonction du marché québécois du travail.
Depuis l'entente Couture-Cullen, il est bon de le rappeler, le
Québec dispose des moyens lui permettant de recruter les travailleurs
immigrants pouvant combler des pénuries spécifiques ou occuper
des postes nécessitant une main-d'oeuvre spécialisée qui
fait défaut au Québec. Auparavant, le gouvernement
fédéral détenait l'entière juridiction quant
à la sélection des immigrants. Il évaluait les candidats
en fonction des critères reflétant l'ensemble de la situation
socio-économique canadienne et cela ne correspondait pas toujours
adéquatement aux besoins et à la réalité
spécifiques du Québec. L'entente de 1978 devait corriger cette
lacune.
Près des deux tiers des travailleurs admis au Québec
durant l'année 1983 se concentrent dans cinq grands groupes
professionnels: 13% sont des travailleurs spécialisés dans les
services; 11% dans la fabrication, le montage et la réparation; le
personnel administratif représente 9% du total, tandis que les
travailleurs spécialisés dans les sciences naturelles, techniques
et mathématiques comptent pour 8% de l'ensemble. (10 h 30)
À leur arrivée, 1170 immigrants dans la catégorie
des indépendants étaient détenteurs d'un emploi
assuré. Ces emplois leur avaient été offerts par des
entreprises qui, malgré leurs recherches, n'avaient pas réussi
à trouver, ni au Québec ni au Canada, des candidats susceptibles
de les occuper. J'insiste sur cette précision parce qu'elle nous permet
de mesurer jusqu'à quel point le travailleur immigrant qualifié
est un acquis pour le Québec et son industrie. Loin d'accaparer la place
d'un Québécois, il vient combler un vide grâce à sa
formation et à sa compétence. En 1984, on peut d'ores et
déjà prévoir l'admission au Québec de 4000
immigrants indépendants. Un grand nombre d'entre eux seront des
entrepreneurs
investisseurs ou des travailleurs autonomes.
Avant d'aborder le dossier de l'immigration humanitaire proprement dit,
permettez-moi de dire quelques mots de notre programme de réunification
des familles qui constitue à lui seul près de la moitié du
mouvement total. En 1983, 7830 personnes sont venues au Québec rejoindre
leur famille. Nous avons également accepté 7506 demandes de
parrainage émanant de citoyens canadiens ou de résidents
permanents en faveur de parents en Haïti, au Vietnam, aux
États-Unis et, en nombre moindre, au Liban, en Inde, en France, au
Salvador, en Chine, en Pologne et en Italie.
Au chapitre de l'immigration humanitaire, l'accent a encore
été mis cette année sur l'aide aux réfugiés
indochinois. Nos efforts ont également porté sur le programme
salvadorien et, dans une moindre mesure, sur celui des exilés
volontaires de Pologne et des réfugiés d'Afrique.
Revenons aux réfugiés indochinois. Au cours des cinq
dernières années, 17 601 Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens ont
trouvé asile chez nous. Ce nombre dépasse largement l'engagement
que le Québec a pris en 1979, lors de la Conférence de
Genève, d'accueillir 15 000 réfugiés du Sud-Est asiatique.
Nous avons raison d'être fiers d'avoir ouvert nos portes à ces
personnes qui figurent parmi les plus démunies de la terre. Il s'agit
là, en effet, d'une mission de solidarité humaine qui
reçoit, d'ailleurs, l'appui de l'immense majorité des
Québécois de toute origine.
Néanmoins, nous aurions tort de croire que le sort de ces
réfugiés de la mer est désormais réglé. En
effet, les autorités thaïlandaises que j'ai rencontrées lors
de mon récent passage à Bangkok ont souligné la
générosité du Québec et ont déploré
le manque d'intérêt croissant de certains pays d'accueil qui
croient à tort que le problème n'est plus aussi crucial ou
important. S'il est évident que la situation s'est sensiblement
améliorée depuis quelques années grâce aux efforts
soutenus des organismes internationaux, il n'en demeure pas moins que 140 000
réfugiés sont encore entassés dans des camps en
Thaïlande, tandis que plus de 250 000 d'entre eux vivent dans des
conditions difficiles aux frontières du Kampuchéa et de la
Thaïlande.
Au nom du gouvernement, j'ai donné l'assurance que le
Québec continuera d'accueillir des réfugiés et d'aider
financièrement les organismes qui permettent à ceux qui le
désirent de retourner dans leur pays pour s'y établir. En 1984,
nous prévoyons l'arrivée de 225 réfugiés en
provenance du Sud-Est asiatique. Notre programme spécial de
réunification des familles vietnamiennes se poursuivra et 300 personnes
de la catégorie des parents aidés seront ainsi
acceptées.
Mon ministère a également assoupli ses mesures de
sélection pour un certain nombre de réfugiés salvadoriens
qui sont dans une situation de détresse depuis 1980 pour des raisons que
tout le monde connaît. Cette année, une proportion importante des
879 Salvadoriens admis avait été sélectionnée au
Québec même. En 1984, nous espérons admettre environ 200
personnes originaires du Salvador. Des mesures particulières d'admission
sont également prévues dans le cas des ressortissants du
Guatemala. Nous suivons, d'ailleurs, de près l'évolution de la
situation socio-économique dans ce pays.
Le mouvement des exilés volontaires de Pologne a diminué
sensiblement puisque seulement 606 personnes ont été admises au
Québec en 1983 par rapport à 975 en 1982. L'année 1984
devrait nous amener 150 exilés des pays d'Europe de l'Est et plus
particulièrement de la Pologne et de la Roumanie. Enfin, 122 Africains
ont été sélectionnés par mon ministère en
1983 en vue de leur admission au Québec à titre de
réfugiés, mais, en 1984, leur nombre ne devrait pas
dépasser 80.
Naturellement, les capacités d'accueil du Québec, comme,
d'ailleurs, celles d'autres pays, sont limitées. C'est pourquoi nous
aidons financièrement des organismes internationaux qui oeuvrent sur
place auprès des réfugiés et des populations
sinistrées. Constitué en 1980, notre fonds d'aide aux
sinistrés secourt les personnes frappées par des catastrophes
naturelles, telles que les inondations, tremblements de terre ou famine, ou
celles victimes de bouleversements politiques comme des guerres civiles. Au
cours de l'exercice financier 1983-1984, les dons du Québec dans le
cadre de ce fonds d'aide aux sinistrés ont atteint 450 500 $. Nous
sommes surtout intervenus en Amérique du Sud, en Afrique et en
Amérique centrale.
J'aurais aimé vous annoncer qu'une solution permanente avait
été apportée à l'épineux problème des
requérants au statut de réfugiés. Hélas, depuis la
décision de l'ex-ministre fédéral de l'Immigration, Lloyd
Axworthy, de supprimer toute aide financière à ces personnes
démunies, leur situation demeure précaire. Au Canada, le
mouvement s'est amplifié en 1983 pour atteindre un total de 5000
personnes en attente d'une décision. Mirabel continue d'être le
port d'entrée, de tous les aéroports canadiens,
privilégié par ces réfugiés. 200 des 350requérants qui arrivent au Canada chaque mois arrivent à
Mirabel et c'est ainsi que c'est à Montréal que la crise se fait
sentir le plus durement.
Le Québec continue d'en assumer à peu près seul le
fardeau financier. Mon ministère a, d'ailleurs, pris un certain nombre
de mesures humanitaires pour venir en aide aux personnes touchées par la
décision unilatérale
d'Ottawa, tout en instaurant un contrôle approprié. Ces
mesures furent adoptées à la suite des diverses consultations que
nous avons eues avec les organismes non gouvernementaux voués à
la cause des réfugiés.
Nous nous sommes également inspirés des recommandations
soumises par soeur Gisèle Turcot qui a été mandatée
par mon ministère, au printemps dernier, pour faire le point sur la
situation de ces personnes. En premier lieu, il a été convenu
avec le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu qu'à part les citoyens canadiens et les résidents
permanents seuls les détenteurs d'un certificat de sélection du
Québec, d'un CSQ, seraient admis à l'aide sociale. De là,
il nous importait d'accélérer la procédure visant à
l'obtention du CSQ afin que le requérant puisse avoir accès
à l'aide sociale rapidement. Mon ministère a donc
quadruplé son personnel préposé à l'entrevue des
candidats. Au cours de 1983, nos conseillers à la division des
changements de statut ont effectué 3380 entrevues. Sur un total de 2765
candidats provenant essentiellement du Sri Lanka, du Bangladesh, de l'Iran et
du Salvador, 2016 ont obtenu leur CSQ. Nous sommes également parvenus
à un accord avec le ministère des Affaires sociales pour inscrire
ces requérants à l'assurance-maladie de manière à
protéger la santé publique et la santé de ces
requérants.
De plus, les enfants d'âge scolaire peuvent, dorénavant,
fréquenter les écoles du Québec. Enfin, grâce
à son programme de soutien à l'accueil et à l'adaptation,
mon ministère a pu aider financièrement les organismes qui
oeuvrent quotidiennement auprès des réfugiés et dont je
tiens à souligner le travail admirable. Une large part des 803 000 $
consacrés à ce programme et remis à 45 organismes dans
tout le Québec ont facilité l'adaptation et
l'établissement de ces réfugiés. À plusieurs
reprises, j'ai exprimé la volonté du ministère de
collaborer avec les autorités fédérales et les organismes
communautaires. J'ai demandé avec insistance à la Commission
canadienne de l'emploi et de l'immigration d'emboîter le pas et de
participer activement à la recherche d'une solution équitable et
humaine aux problèmes de cette population en exode dont le sort nous
concerne tous.
Il paraît important, à ce moment-ci, dans un autre ordre
d'idées, de parler de l'évolution démographique de la
population québécoise en 1983, ce qui nous permettra ensuite
d'établir le niveau d'immigration que nous devrions atteindre en 1984.
L'élément dominant en 1983 a sans doute été le
retour au bercail d'un nombre important de Québécois ayant
émigré en Ontario et en Alberta au cours des dernières
années. En effet, les entrées au Québec ont
augmenté de façon significative en 1983 par rapport à
1982, passant de 14 747 à 20 471. Tout indique que ce revirement est
dû au fait que la situation économique s'est
améliorée plus tôt au Québec que dans d'autres
provinces canadiennes, soit dès le milieu de l'été 1983,
alors que, dans tout le reste du Canada, le marché du travail demeurait
stagnant. Toujours au chapitre de l'immigration interprovinciale, il y a eu,
comparativement à l'année précédente et pour une
période équivalente, moins de départs du Québec
vers le reste du Canada au cours des neuf premiers mois de l'année.
En ce qui concerne ses échanges migratoires avec les pays
étrangers, le Québec est demeuré gagnant en 1983 puisqu'il
a reçu 6810 personnes de plus qu'il n'en a perdu. C'est d'autant plus
intéressant de le souligner que le Québec avait dû
réduire le nombre d'immigrants provenant de l'étranger pour des
raisons reliées à la crise économique. Notons, au passage,
que Statistique Canada a révisé à la baisse le nombre de
départs annuels qu'elle avait évalué à 20 000 de
1977 à 1981, à partir d'extrapolations basées sur la
situation canadienne dans son ensemble. Après avoir raffiné son
analyse, il apparaît que la réalité est tout autre. En
effet, pour la même période, à partir d'autres
données plus sérieuses, la moyenne de départs du
Québec vers d'autres pays se situerait quelque part entre 6200 et 10 044
départs, c'est-à-dire, au pire, la moitié seulement de ce
qu'on avait escompté jusqu'à maintenant et, au mieux, 30%.
Compte tenu de ce mouvement migratoire et aussi de l'accroissement
naturel de la population, la population du Québec atteignait, en octobre
dernier, 6 500 800 personnes. Ce chiffre suppose que la population a
augmenté de 29 200 personnes au cours des neuf premiers mois de
l'année. C'est un léger fléchissement par rapport à
l'année précédente. Avec son taux d'accroissement
démographique d'environ 0,5%, le Québec ne fait pas figure
d'exception. Bon nombre de pays ou de régions industrialisés
connaissent actuellement des taux inférieurs ou semblables au sien.
C'est le cas des pays européens et, plus près de nous, des
États de la Nouvelle-Angleterre.
J'ai déjà informé mon homologue
fédéral que le Québec pourra accueillir 16 000 immigrants
en 1984, dont 8000 pour des raisons familiales et 4000 pour des raisons
humanitaires. L'immigration économique, quant à elle, nous
permettra d'accueillir 4000 personnes. Les travailleurs
sélectionnés le seront en vertu de pratiques restrictives qui
tiendront compte des pénuries et des besoins du marché du travail
québécois.
J'insiste sur la prudence qui doit nous animer, car, si nous avons une
responsabilité en tant que pays d'accueil, nous avons aussi
le devoir de faire des nouveaux venus des Québécois
à part entière. C'est ainsi qu'il y a presque trois ans le
gouvernement du Québec créait le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration qui s'est tout de suite mis
à la tâche afin de mettre en oeuvre des politiques favorisant
l'épanouissement des communautés culturelles et de leur culture,
ainsi que leur entière participation à la vie nationale.
À la veille de cet anniversaire, j'éprouve une grande
fierté à venir vous parler des réalisations de ces
communautés. Ces réalisations, il convient de le souligner, ont
été rendues possibles grâce, d'abord et avant tout,
à l'extraordinaire dynamisme des nouveaux Québécois
à qui mon ministère a accordé un appui financier et
technique. En effet, une solide collaboration s'est établie entre les
communautés culturelles du Québec qui sont les premières
responsables du développement de leur propre culture et de leur
intégration à la vie d'ici et mon ministère dont le
rôle premier est de soutenir les initiatives qui proviennent des
organismes qui les représentent.
Depuis plusieurs années, les communautés culturelles
réclamaient un interlocuteur, un porte-parole. Elles l'ont
trouvé. En peu de temps, les organismes qui en sont issus sont devenus
des partenaires du ministère sans qui nos objectifs, en tant que
gouvernement responsable du bien-être des nouveaux
Québécois, ne sauraient être réalisables. En effet,
si mon ministère apporte un soutien financier et technique aux
communautés culturelles, il revient néanmoins aux organismes
qu'elles ont créés elles-mêmes de réaliser les
objectifs qu'ensemble, après une concertation fructueuse et
fréquente, nous nous sommes fixés.
L'extraordinaire dynamisme de ces communautés a permis à
mon ministère de contribuer largement à la relance
économique à laquelle le gouvernement consacre beaucoup
d'efforts. En dépit de la crise économique, les
communautés culturelles ont ainsi réussi à bâtir ou
à consolider quinze centres communautaires d'une valeur totale de 12 250
000 $. Notre programme d'aide aux centres communautaires inauguré il y a
deux ans vise à soutenir les efforts d'une communauté qui
souhaite se doter de lieux physiques favorisant l'épanouissement de sa
culture d'origine et le rapprochement avec la communauté majoritaire.
J'attache beaucoup d'importance à ce programme auquel mon
ministère a consacré cette année un budget de 300 000 $
attribués à onze communautés, parce qu'une
communauté épanouie qui peut vivre librement sa culture
s'intègre plus harmonieusement à son pays d'adoption.
Comme le temps me presse, je vais passer dès maintenant au
CIPACC. De toute façon, les chiffres que j'allais vous donner sont
déjà dans le cahier. Avant de passer au
CIPACC, je veux, quand même, souligner l'existence d'un programme
chez nous qui permet d'assurer une plus grande accessibilité des
immigrants, dans leur langue, aux services sociaux dispensés par les
centres locaux de services communautaires. Nous avons accordé un soutien
financier pour y parvenir à huit projets totalisant 120 000 $. Ces
projets avaient pour but de faire le pont entre un organisme des
communautés culturelles et les services parapublics, en particulier les
CLSC.
D'autres projets me tiennent à coeur. J'ai annoncé cette
année la création du prix des communautés culturelles. Ce
prix, doté d'une bourse de 15 000 $, a suscité beaucoup
d'intérêt et d'enthousiasme, puisque nous avons reçu 115
candidatures. Je vous rappelle que son lauréat est une personne qui, par
son travail et son engagement communautaire, aura contribué de
façon notable à préserver, à enrichir et à
faire connaître l'une ou l'autre des cultures d'origine, en plus de
favoriser le rapprochement entre les diverses communautés du
Québec. Le jury a déjà rendu sa décision et le nom
du lauréat sera connu dans les semaines qui viennent.
J'ai également fait connaître au cours de l'hiver
l'intention de mon ministère de faire l'acquisition d'oeuvres d'art
réalisées par les artistes des communautés culturelles et
sélectionnées par un jury composé d'artistes connus.
Intitulé Pour tout l'art du monde, ce concours qui dispose d'un budget
de 50 000 $ a connu un succès qui dépasse tous les espoirs. En
effet, 263 artistes originaires de 53 pays et établis au Québec
ont présenté, en moyenne, 2 oeuvres chacun. Le jury a retenu 33
oeuvres de créateurs et de créatrices issus de 23 pays
différents. Le nom de ces artistes sera dévoilé dans
quelques semaines et leurs oeuvres seront exposées au mois de juin. (10
h 45)
Permettez-moi de parler très brièvement de deux autres
initiatives de mon ministère. Il s'agit, d'abord, de la publication d'un
recueil de contes populaires tirés du folklore de 26 communautés
différentes établies au Québec et préparé
avec leur collaboration. Nous publierons également une synthèse
historique retraçant l'itinéraire des groupes culturels, de leur
départ du pays d'origine à leur arrivée et à leur
installation au Québec. Dix agents de recherche seront engagés
par les communautés, grâce à notre programme de
création d'emplois temporaires, pour accomplir cette oeuvre.
Nos efforts - vous l'aurez remarqué -ont largement porté
sur la participation -j'en suis au dernier chapitre de mon exposé, M. le
Président - accrue des nouveaux Québécois à la vie
nationale. Le comité provisoire d'implantation du plan d'action à
l'intention des communautés a fin sienne
cette préoccupation du gouvernement. Créé il y a
trois ans, avec pour mission de tracer les voies qui permettront aux
communautés culturelles d'occuper la place qui leur revient dans la
société québécoise, le CIPACC a été
particulièrement actif et efficace auprès des ministères
et organismes concernés. Il m'a semblé impérieux que ceux
et celles qui ont à traiter avec des groupes culturels soient
sensibilisés à leurs besoins et à leurs attentes. Le
CIPACC s'est appliqué à chercher avec ces ministères et
organismes des actions concrètes à réaliser. Au terme de
son mandat, je peux vous affirmer que le CIPACC a généralement
accompli sa mission. Je pense, en particulier, à la vigilance dont il a
fait preuve et à sa participation dynamique aux activités du
comité interministériel mixte de coordination
générale du plan d'action et à celle du comité
égalité en emploi dans la fonction publique. À l'heure
actuelle, dans une dizaine de ministères, près de 50
fonctionnaires sont sensibilisés au programme d'action et voient
à son application. Donc, 50 fonctionnaires au sein du gouvernement
travaillent concrètement à la poursuite des objectifs de ce plan
d'action.
Plusieurs des récentes politiques de mon ministère et des
mesures reliées à nos programmes d'aide à l'intention de
ces communautés s'inspirent des travaux accomplis par les comités
d'action mis sur pied par le CIPACC et qui ont évalué la
situation dans les domaines de l'éducation, des services, des
communications et de la condition féminine. D'autres recommandations
concrètes contenues dans son dernier rapport annuel font
présentement l'objet d'analyse. Les études menées à
la demande du CIPACC, celle sur le profil de la communauté noire
anglophone du Québec et celle sur les Québécois d'origine
indienne, nous ont apporté une meilleure connaissance du milieu. De
même, les enquêtes qu'il a commandées sur les programmes et
ressources des établissements du Conseil de la santé et des
services sociaux de la région de Montréal nous ont fourni un
éclairage plus complet de la situation.
Le 11 mars dernier, le mandat du comité provisoire se terminait.
Je tiens à souligner la qualité exceptionnelle des services
rendus par ses membres. Leur expérience sera longtemps utile à
l'ensemble du gouvernement. Après consultation et évaluation des
différents moyens de consolider les acquis et de mettre en oeuvre les
mesures qu'il reste à implanter conformément au plan d'action, le
gouvernement a décidé d'adopter une série de mesures que
je vous énumère illico. Depuis le 1er avril 1984, M. Egan
Chambers, qui occupait jusque-là le poste de président du CIPACC,
agit comme coordonnateur sous ma responsabilité immédiate. En
plus de poursuivre les dossiers déjà en marche au sein des divers
ministères, il doit voir à ce que les ministères et
organismes prennent eux-mêmes l'initiative d'appliquer des mesures qui
les concerne dans le plan d'action. M. Chambers bénéficiera d'un
budget de 93 500 $, des facilités techniques et professionnelles de mon
ministère pour réaliser son mandat. Le 1er mars 1985, il me
remettra un rapport faisant état des progrès accomplis. De plus,
je demanderai au Conseil consultatif des communautés culturelles et de
l'immigration, le CCCCI comme on l'appelle, qui existe depuis 1973 et qui
regroupe quatorze personnes dont la moitié est issue des
communautés culturelles, de réfléchir à
l'après CIPACC. Nous songeons, entre autres, à organiser un
colloque auquel seraient invités les principaux intervenants des
communautés culturelles et du milieu non seulement pour examiner ce
qu'il reste à réaliser du plan d'action, mais aussi pour
étudier les autres aspects de la réalité vécue par
ces communautés, mais sur lesquels ce plan d'action d'il y a trois ans
était resté muet, peut-être parce que ces aspects
n'existaient pas encore il y a quatre ans.
Puisque nous parlons du conseil consultatif, je tiens à souligner
le colloque qu'il a tenu au Mont-Gabriel au mois de mai dernier et qui
s'intitulait De l'immigration aux communautés culturelles, une
trajectoire. Cinquante-neuf personnes ont participé à ce sommet
privilégié de réflexion sur différents aspects de
l'émergence des communautés culturelles dans la vie
québécoise et de l'ouverture de la société
québécoise à leur endroit. À la suite de ces
rencontres fructueuses, le conseil consultatif m'a remis ses suggestions que
mon ministère s'appliquera à implanter au fur et à mesure
que ce sera possible.
Voilà qui clôt le dossier de l'immigration et des
communautés culturelles pour l'année 1983. J'ai tenté de
montrer l'apport précieux des différentes communautés qui
peuplent le Québec non seulement à notre vie culturelle, mais
également à notre vie économique. Grâce à
leur formation professionnelle dans des disciplines et des technologies
spécialisées, grâce à leurs capitaux, grâce
à leur courage aussi, grâce, enfin, à leurs traditions et
à leur culture porteuses d'un enseignement qu'on ne retrouve pas dans
les livres, notre société s'enrichit. Rien n'indique que notre
taux de natalité doive se relever prochainement. Or, l'immigrant est un
enfant qui nous arrive tout fait et qui a 20 ans. Il faut analyser la situation
en termes démographiques. Les quelque 20 000 immigrants que nous
accueillons chaque année sont aussi importants pour notre avenir que les
enfants nés au Québec. M. le Président, j'ai
terminé.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. J'ai une
demande d'intervention très brève, je pense, de la part du
député de Saint-Jean. Sous réserve d'objection, je lui
donne la parole.
M. Proulx: Un petit détail, M. le Président. Si le
ministre pouvait nous donner une copie de son texte; nous ne l'avons pas eu. Je
pense que c'est une synthèse extrêmement complète de toutes
vos activités et de vos objectifs. Pourriez-vous nous faire venir dans
les plus brefs délais une copie de votre texte, s'il vous
plaît?
Le Président (M. French): Là-dessus, M. le
ministre, je vous signalerai que, l'année prochaine, je pense qu'on va
vous demander de distribuer le texte avant votre présentation, parce que
c'est, selon notre expérience, beaucoup plus facile d'assimiler
l'essentiel de vos paroles lorsqu'on a le texte devant nous. Je pense que
l'année prochaine on va vous inviter à le distribuer.
M. Godin: Je vais faire distribuer le document dans les minutes
qui suivent. Vous tiendrez compte du fait que j'ai rayé moi-même
des paragraphes, que j'ai des notes manuscrites qui corrigent certaines phrases
ou certains mots et qu'il y a des paragraphes qui n'ont pas été
lus. Étant journaliste, je suis malheureusement victime du syndrome du
"dead line", comme vous le savez. Je m'excuse de ne pas l'avoir
distribué au moment où je le prononçais, mais il
n'était pas dans son état final. Il ne l'a été que
quand je l'ai prononcé.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.
M. Proulx: M. le Président, s'il y a des notes
manuscrites, cela a une valeur historique importante, parce que je suis en
train d'écrire, moi, ma... Si c'est un texte que vous avez
vous-même retouché, M. le ministre, cela a d'autant plus de
valeur.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Oui. Merci, M. le Président. Dans un premier
temps, j'aimerais c'est la première occasion que j'ai d'intervenir
à cette commission de la culture - vous féliciter pour votre
élection comme président de cette commission, ainsi que le
vice-président qui a été élu également et
qui provient des députés ministériels, le
député de Chauveau. Je voudrais être bref. Comme je vous le
mentionnais tantôt, on n'a eu qu'une journée pour se
préparer. Je tiens à vous souligner que mon collègue de
Jean-
Talon, M. Rivest, va être avec nous cet après-midi et il
touchera la dimension du programme 2 en rapport avec la Charte de la langue
française.
Je commence, M. le Président. L'année 1983-1984 en ce qui
a trait aux responsabilités du ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration a été marquée par deux
événements majeurs, soit, dans un premier temps, le
dépôt du rapport annuel du CIPACC qui relevait des
responsabilités du ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration comme tel et la modification apportée à la
Charte de la langue française par le rôle qu'il a comme ministre
responsable de l'application de cette charte.
Sur la question de la Charte de la langue française,
l'Opposition, pendant des mois, est intervenue pour amener le gouvernement
à adoucir la loi 101, à enlever certains irritants, pour employer
l'expression même du premier ministre. Cela venait du fait que nous
avions des inquiétudes face au nombre croissant des
récriminations qui vous étaient parvenues du monde des affaires,
des milieux scolaires, de la communauté anglophone, des
municipalités, des commerçants, montrant certains abus de la loi
101. Après avoir remis à quelques reprises la commission
parlementaire sur les audiences publiques, celle-ci eut lieu à l'automne
et plus de 60 mémoires ont été entendus ou
déposés, ce qui, par la suite, devait mener à la
modification de la Charte de la langue française. Le déroulement
de ces audiences publiques fut un événement en soi puisque, pour
la première fois, sur un sujet aussi brûlant que celui de la
langue qui n'a jamais fait consensus, on a assisté à des
échanges dans un climat relativement calme. Comme l'a si bien dit mon
collègue de Gatineau, ce climat a été de nature à
faciliter le plus possible la discussion franche, mais sereine d'une question
qui, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, demeurait quand même
parfois explosive. Le projet de loi 57 est ensuite venu et - il ne faut pas se
le cacher - l'Opposition a été déçue des
amendements apportés par rapport aux demandes qui avaient
été formulées lors des audiences publiques. Pour nous, les
irritants que comportait la charte n'ont pas tous été
éliminés. Quoi qu'il en soit, il y a eu une bonne discussion de
fond lors de ces audiences, qui demeure pour les années futures.
Mais, étant avant tout le nouveau porte-parole de l'Opposition en
matière de communautés culturelles et d'immigration, c'est sur ce
sujet que je ferai porter mes principales remarques. Si, au tout début,
je parlais comme événement important du dépôt du
premier rapport du Comité d'implantation du plan d'action à
l'intention des communautés culturelles, c'est que, dans un premier
temps, il était particulièrement
attendu par les différents représentants des
communautés culturelles et que principalement, à travers
l'analyse de ce rapport, on pouvait analyser toute la politique gouvernementale
vis-à-vis de ces communautés.
Il y a trois ans, à peine un mois avant la campagne
électorale d'avril 1981, le ministre d'État au
Développement culturel et scientifique d'alors, M. Jacques-Yvan Morin,
lançait le fameux plan d'action intitulé Autant de façons
d'être Québécois. Plusieurs promesses avaient
été avancées à ce moment-là, entre autres,
la politique d'accès égal à la fonction publique, le
réseau d'inspectrices et d'enquêteuses pour défendre les
travailleuses immigrantes, des outils au niveau de l'information et des
communications, etc.
Dans sa présentation du livre Autant de façons
d'être Québécois, le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration parlait en ces termes, à la fin:
"Cependant, le gouvernement reste conscient, qu'il ne sera pas jugé
à ses intentions, mais plutôt à ses actes. Comme ministre
responsable de la mise en oeuvre du plan, je tiens à assurer tous les
intéressés que je m'emploierai avec force et
ténacité à ce que les résultats du plan soient
à la hauteur des espoirs qu'il a fait naître."
Avant même que le rapport du CIPACC soit déposé, des
désillusions étaient apparues...
Le Président (M. French): Un instant, M. le
député. Est-ce que les agents de sécurité
voudraient bien tenir leur pause-causerie ailleurs que dans l'Assemblée
nationale, s'il vous plaît? Excusez-moi dans les galeries, est-ce qu'il
est possible d'avoir un peu de paix ici? Si vous voulez discuter, discutez
à l'extérieur de l'Assemblée nationale, s'il vous
plaît! Je m'adresse à vous, dans les galeries. Le silence, s'il
vous plaît! M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Avant même que le rapport du CIPACC soit
déposé, des désillusions étaient apparues chez les
représentants des communautés, En fait, ils n'avaient pas besoin
d'avoir des éléments quantifiables pour s'apercevoir que les
résultats du plan d'action étaient une denrée rare. L'an
dernier, lors de l'étude des crédits du ministère,
l'Opposition avait demandé au ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration à quel moment le rapport du CIPACC
allait être déposé. Nous voulions, à ce
moment-là, savoir ce qu'il en était de cette information
publiée dans le quotidien Le Devoir, indiquant que des 29 promesses
formulées dans le plan d'action du gouvernement à peine six
avaient été tenues.
Il faut se souvenir que celui qui lançait cette affirmation
était, quand même, une personne très représentative
du milieu des communautés culturelles, puisqu'il s'agissait de Pasquale
Delgado, président du CPM, soit le Comité pour la promotion des
minorités. Le ministre, à ce moment-là, avait
refusé de répondre aux différentes questions de
l'Opposition; prétextant que le rapport annuel du CIPACC n'allait
être publié que le 28 avril, soit deux jours plus tard, il nous
invitait à en prendre connaissance vers la fin de la semaine. Le
lendemain de la commission pour l'étude des crédits de son
ministère, le ministre se décidait à déposer le
fameux rapport du CIPACC. L'Opposition a compris pourquoi le ministre ne tenait
pas à le rendre public.
Si la plupart se doutaient bien des résultats du plan d'action,
maintenant la preuve était faite, le bilan était un peu mince:
une fonction publique qui demeurait fermée ou presque aux
représentants des communautés culturelles, les services au niveau
des communications et les politiques sur le plan de l'habitation, sur les
normes du travail, etc., tous presque absents de la réalité
québécoise pour les communautés ethniques.
M. Jean-Claude Leclerc, dans un éditorial du quotidien Le Devoir,
le 5 mai 1983, écrivait: "L'échec n'est attribuable ni à
la crise économique ni aux lenteurs ordinaires du fonctionnement
bureaucratique. Il tient essentiellement au conservatisme de l'administration
qui loge à Québec, insensible aux communautés culturelles,
surtout montréalaises." Un peu plus loin, le même M. Leclerc
mentionnait: "Pendant que certains ministres jouent aux
plénipotentiaires du Québec sur la scène internationale,
le gouvernement Lévesque aura coupé l'une des principales sources
de contact avec les peuples du monde et d'échanges économiques
avec l'étranger. Si plus de représentants des autres groupes
ethniques étaient présents dans l'appareil gouvernemental et le
sortaient de son horizon borné, on n'en serait pas encore à
bafouiller sur la présence du Québec dans les affaires
internationales."
Il y a six ans, le gouvernement du Québec y allait de sa
politique de développement culturel, puis, ce fut au tour de son plan
d'action Autant de façons d'être Québécois,
publié il y a trois ans. Beaucoup de mots, beaucoup d'idées,
mais, pour ce qui est des mesures, rien n'a vraiment bougé. Comme le
rapport du CIPACC le mentionnait: "Somme toute, le succès de ce plan
d'action dépend de la priorité qui sera accordée par le
gouvernement, au Québec, aux efforts déjà entrepris, ainsi
que de la connaissance et de l'acceptation de cette priorité par les
gestionnaires chargés de la mise en application des divers aspects du
plan." Page 57 du rapport.
Lorsque, au mois de mars 1983, le président du Comité de
protection des
minorités, M. Delgado, déclarait que seulement six
promesses sur les 29 annoncées dans le plan d'action Autant de
façons d'être Québécois avaient été
tenues et en partie seulement, il était très près de la
vérité. Le ministre d'État au Développement
culturel et scientifique d'alors, M. Morin, avait annoncé, lors du
lancement de cette politique, qu'un délai de trois ans était
fixé et que, à la suite de cela, des moyens draconiens seraient
pris pour respecter ces engagements. Le délai est maintenant
écoulé et le gouvernement a été jugé par ses
actes. (11 heures)
II est pourtant extrêmement important qu'un gouvernement, quel
qu'il soit, sache intégrer les représentants de ses
communautés culturelles. Ces personnes qui forment les
communautés culturelles sont un apport extrêmement riche pour une
société, mais celle-ci ne doit pas les confiner à
être constamment isolées dans leur milieu. Avoir un respect de
leur culture, de leurs traditions, de leur langue, c'est un droit qui va de
soi. Il est normal de les encourager par des moyens financiers ou autres pour
qu'ils puissent continuer à vivre à travers ces rites, traditions
ou cultures et les faire survivre. Mais si on peut, avec eux, échanger
des idées, les faire collaborer étroitement avec nous pour
l'avenir de notre société sur le plan économique,
politique, social, culturel et autre, c'est notre société qui en
sera, au bout du compte, la grande gagnante.
Sans oublier les immigrants qui viennent s'ajouter à notre
société et qui offrent une ouverture sur le monde,
malheureusement, la situation de vie des réfugiés, des immigrants
illégaux, des femmes immigrantes au travail démontre qu'il y a
encore un bon bout de chemin à parcourir pour qu'ils se sentent bien
chez eux chez nous. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. French): Merci, M. le
député. Nous passons donc maintenant au programme 1:
communautés culturelles et immigration, élément 1:
Comité d'implantation du plan d'action à l'intention des
communautés culturelles.
M. le député de Marquette.
CIPACC
M. Dauphin: Je m'excuse, M. le Président, mais à
l'élément 1 concernant le CIPACC, est-ce que le ministre pourrait
donner son accord pour qu'on procède par des questions
générales tout en touchant le CIPACC?
M. Godin: Aucun problème.
M. Dauphin: Dans un premier temps, M. le ministre, on remarque
que c'est surtout le secteur de l'immigration qui a accusé une
augmentation, ses crédits passant de 24 073 000 $ à 24 578 000 $,
ce qui représente une augmentation de 2,1%. Il est rapporté dans
les renseignements supplémentaires du budget de 1984-1985 que ces
crédits tiennent compte d'une réduction de l'ordre de 10% du
volume de formation linguistique selon l'accord Québec-Canada en
matière de formation professionnelle des adultes.
On pourra procéder par une série de questions, si vous le
voulez, ou vous pourrez répondre du tac au tac. Auriez-vous des
explications sur le sujet? Y a-t-il un palliatif à la diminution de ce
programme important pour l'intégration des immigrants? Pour bien
m'expliquer, je considère que la formation linguistique des nouveaux
immigrants est drôlement importante pour faciliter leur
intégration. J'aimerais savoir s'il y a un palliatif à cette
diminution des crédits.
M. Godin: Mme la sous-ministre va vous donner des explications
techniques sur cette baisse de crédits.
Le Président (M. French): Mme Barcelo, pour les fins de
l'enregistrement, pourriez-vous vous identifier très clairement avant de
procéder?
Mme Barcelo (Juliette): Vous avez, à la page 4, une
explication. Il y a eu une entente Québec-Canada qui a été
signée pour trois ans et qui couvre la formation professionnelle en
industrie, en établissement. Le ministère des Communautés
culturelles a à peu près 7,8% de cette enveloppe qui sert
à la formation des immigrants à plein temps en français.
L'entente Canada-Québec prévoit une diminution de l'enveloppe
globale de 10% sur trois ans; c'est donc à l'intérieur de cette
enveloppe globale que le volume de formation linguistique a été
diminué. Comme, par ailleurs, tout ceci se fait à travers un
comité mixte Canada-Québec qui n'a pas encore
déterminé d'une façon finale l'enveloppe des trois
ministères participants, soit le MCCI, le ministère de
l'Education et celui de la Main-d'Oeuvre, il est possible que dans les mois qui
viennent, compte tenu de la répartition des trois ministères et
de nos besoins, ce soit réajusté et c'est ce qui est écrit
à la page 4.
M. Dauphin: À la page 4? Où?
M. Godin: À la page 4. Sous le premier onglet bleu, vous
avez les faits saillants du budget, à la page 3; vous avez ensuite la
page 4 et une reproduction, à la page suivante, du cahier des
crédits. Vous avez cela?
Mme Barcelo: En fait, c'est à la page 3, paragraphe 3.
Le Président (M. French): Merci.
Mme Barcelo (Juliette): C'est la réponse précise
à votre question.
Le Président (M. French): Voilà.
M. Dauphin: Si j'ai bien compris, dans les prochains mois, vous
vous attendez à un palliatif tel que mentionné tantôt.
M. Godin: Nous allons également tenter, à
même le budget de l'éducation des adultes, d'obtenir une part de
ce nouveau budget qui a été débloqué - 34 500 000 $
- pour mon ministère, qui s'ajouterait à ce qui apparaît
ici et qui compenserait largement éventuellement, si nous l'avons - les
discussions se poursuivent et l'arbitrage se fera bientôt - pour la
baisse que vous voyez ici qui n'est pas définitive elle-même. En
fait, ce que cela reflète, c'est une baisse d'activité du
ministère à la suite des décisions conjointes
fédéral-Québec de réduire le nombre d'immigrants en
phase de crise économique. Ils réduisent parce que les budgets
sont réduits. Nous devons assumer une partie de ces coupures aussi.
Le Président (M. French): M. le ministre,
là-dessus, si les crédits vous étaient
transférés de l'éducation des adultes, est-ce que vous
seriez en mesure de limiter l'admissibilité pour ces cours uniquement
aux immigrants ou est-ce que ce serait ouvert à tous ceux et celles qui
voudraient se prévaloir de l'opportunité d'apprendre le
français?
M. Godin: C'est une très bonne question à laquelle
j'ai eu l'occasion de réfléchir avec mes collaborateurs depuis
plusieurs mois. L'idéal serait que nous ayons assez de budget pour
ouvrir ces cours aux anglophones du Québec. Nous allons commencer par
ceux qui ne parlent ni français ni anglais. Il y en a 34 000 au
Québec qui ne parlent ni français ni anglais. C'est la
première clientèle cible. Mme Barcelo, toujours
préoccupée par cet aspect-là de la question, me dit que
dans ces 34 000 il y a une majorité de femmes. Les époux
travaillant souvent hors de la maison réussissent à apprendre sur
le tas, dans la rue ou dans l'usine, la langue, le français ou
l'anglais, mais, comme les femmes restent souvent à la maison ou dans le
milieu culturel dont elles font partie, elles ont moins la chance d'apprendre
une des deux langues parlées au Québec. Nous avons l'intention de
commencer par favoriser, d'abord, ce groupe-là et nous allons
prévoir un budget X pour tant de personnes. Il est possible qu'il y ait
moins de personnes que prévu. Donc, tout surplus serait consacré
à ce deuxième groupe, les anglophones du Québec qui
doivent parler français pour travailler maintenant dans la plupart des
emplois au Québec. Donc, notre intention est de parvenir à cette
clientèle cible le plus tôt possible.
Le Président (M. French): J'ajouterai simplement qu'il ne
faudrait pas concevoir par les mots que le ministre vient d'utiliser que les
anglophones du Québec, ce sont nécessairement les anglophones du
Québec de vieille souche qui sont ici depuis longtemps. Il se peut fort
bien que ce soient des immigrés des autres provinces qui n'ont jamais
vraiment eu l'occasion d'apprendre. Il se peut que ce soient des
Néo-Canadiens, des citoyens qui n'ont pas eu l'occasion d'apprendre le
français.
Le ministre me dit qu'à l'intérieur de l'enveloppe des
priorités, ce sont d'abord ceux et celles - surtout celles - qui ne
parlent ni le français ni l'anglais, mais, par la suite, pas
d'exclusion.
M. Godin: En fait, identifions trois groupes: la clientèle
cible est de 34 000 ni français ni anglais, plus ceux qui parlent
anglais, mais qui sont immigrants et, dans un troisième temps...
Le Président (M. French): Les citoyens canadiens qui ne
parlent pas français.
M. Godin: ...les citoyens canadiens du Québec qui ne
parlent pas français.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre.
M. le député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Nous sommes toujours à
l'élément 1.
Le Président (M. French): Allez-vous vous opposer, M. le
député de Mille-Îles?
M. Champagne (Mille-Îles): Non, ce n'est pas cela. Je
voudrais poser une question, justement, sur cet élément. Est-ce
que vous continuez dans le même sens? Je ne veux pas vous
interrompre.
Le Président (M. French): Pour votre information, M. le
député de Mille-Îles, l'entente est que le porte-parole
officiel voulait aborder certaines questions générales sur le
programme 1.
M. Champagne (Mille-Îles): Parfait.
Le Président (M. French): Avec ma permission, nous allons
épuiser les questions d'ordre général et, par la suite,
nous procéderons aux éléments 1, 2 et 3, etc. Si j'ai bien
compris, votre question concernerait l'élément 1.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord, je peux attendre.
M. Dauphin: Concernant l'élément 3, recrutement et
sélection des immigrants, cela augmente de 10,3% pour l'année
1984-1985. À l'élément 5, adaptation des immigrants, on
voit, par contre, les crédits diminuer de 2%. J'aimerais demander au
ministre les raisons de cette diminution qui touche l'adaptation des immigrants
qui est un élément très important du ministère.
M. Godin: C'est la même entente
fédérale-provinciale que tout à l'heure.
M. Dauphin: Ah bon!
M. Godin: Les 10% de baisse se reflètent sur les 2% de cet
élément. Par ailleurs, la hausse répercute la
décision du Conseil des ministres d'augmenter les crédits aux
immigrants investisseurs, ainsi qu'aux communautés culturelles,
d'ailleurs. On a eu une bonification de 500 000 $. Une partie va aux immigrants
investisseurs et une partie va pour bonifier les programmes destinés aux
communautés culturelles.
M. Dauphin: On parlait tantôt du CIPACC, qui est un des
éléments très importants.
Le Président (M. French): M. le député,
est-ce qu'on aborde l'élément 1 maintenant?
M. Dauphin: Oui.
Le Président (M. French): Merci. C'est à votre tour
et, ensuite, ce sera au tour de M. le député de Mille-Îles
et de M. le député de Saint-Jean.
M. Dauphin: Dans un premier temps, est-ce que vous pourriez nous
donner statistiquement la représentation dans la fonction publique
québécoise des communautés culturelles?
M. Godin: Nous avons confié à Statistique Canada
tout ce que nous avions en main. Quand le plan d'action a été
rendu public, c'était un relevé fait à la mitaine, si vous
voulez, au sein des ministères. Les chefs de service demandaient aux
gens: Est-ce que vous répondez aux critères des
communautés culturelles? Êtes-vous de langue maternelle anglaise?
Êtes-vous né en dehors du Canada? Mais ce n'était pas fait
scientifiquement. Nous avons fait une commande à Statistique Canada.
À partir du recensement de 1981 où ces renseignements
apparaissent: pays d'origine, langue maternelle, nous lui avons demandé
de faire un relevé de tous ceux qui étaient fonctionnaires,
à la fonction publique, plus tous ceux qui étaient dans les
réseaux de l'éducation et des affaires sociales au Québec.
Au fond, c'est la première étude scientifique qui a
été faite.
Au Québec, les membres des communautés culturelles
représentent 17% de tous les employés du secteur public, incluant
la fonction publique et les deux grands réseaux de l'éducation et
des affaires sociales. Je ventile ces chiffres-là. Dans le réseau
de l'éducation, les membres des communautés culturelles
constituent 21,1% des effectifs. Dans le réseau des affaires sociales,
16,9% des employés sont des gens issus des communautés
culturelles qui répondent aux critères qui apparaissent au plan
d'action. Enfin, dans la fonction publique, il y a 5,4% des personnes qui sont
des membres des communautés culturelles. Cela fait un total - je le
répète - de 17% dans l'ensemble. Si nous faisons la somme de ces
trois groupes, éducation, affaires sociales et fonction publique, cela
représente 17% du total.
Le Président (M. French): Quels sont les chiffres pour le
réseau des affaires sociales, encore une fois, M. le ministre?
M. Godin: 16,9%, presque 17%; le réseau de
l'éducation, c'est 21,1%. En fait, ce que cela illustre, c'est que les
grandes institutions des deux réseaux étant à
Montréal, c'est là que les communautés culturelles sont
concentrées et c'est là qu'elles ont plus facilement l'occasion
de trouver des emplois. Il y a, à Québec, moins de membres des
communautés culturelles et les ministères sont tous à
Québec, sauf le nôtre qui est à Montréal et, dans le
nôtre, le même pourcentage se reproduit: 20,2% du personnel du
ministère est composé de personnes issues des communautés
culturelles.
Le Président (M. French): Pour les fins de la discussion
actuelle, on parle de communautés culturelles, mais cela ne veut pas
dire les Anglo-Canadiens.
M. Godin: Oui.
Le Président (M. French): Cela veut dire des
Anglo-Canadiens. Donc, les chiffres... Je m'excuse.
M. Godin: Le plan d'action était très clair
là-dessus. Il y avait deux critères. Il y avait le critère
"nés en dehors du Canada", d'une part, donc qui ont été
immigrants à une certaine époque de leur vie, et,
deuxièmement, "de langue maternelle anglaise au Québec". Donc,
cela inclut les citoyens canadiens. Les Anglo-Québécois sont
inclus dans ce pourcentage.
Le Président (M. French): Alors, le
chiffre pour les réseaux de l'éducation et des affaires
sociales n'est guère surprenant...
M. Godin: Non.
Le Président (M. French): ...puisqu'il s'agit de deux
réseaux qui existent déjà.
M. Godin: Non.
M. Dauphin: Évidemment, cela comprend les
communautés anglophones, comme vous venez de le dire.
M. Godin: Oui. Quand on parle de 20% de la population active,
cela inclut la communauté anglaise et les communautés
culturelles.
Le Président (M. French): Avez-vous la ventilation de
première catégorie et de deuxième catégorie,
séparément?
M. Godin: Je peux vous la donner. Je peux déposer ce
document ici. C'est un communiqué de presse que le ministère
avait émis il y a plusieurs mois. Je peux vous le remettre.
Le Président (M. French): S'il vous plaît, M. le
ministre.
M. Godin: II y a une ventilation et je peux même vous faire
parvenir le document de Statistique Canada qui donne tous ces
renseignements.
Le Président (M. French): En tout cas, je pense que la
ventilation Anglo-Canadiens et communautés culturelles serait valable.
(11 h 15)
M. Godin: Nous l'avons ici, mais comme ce serait long de vous
lire tout cela, je le dépose et cela fera partie des archives de la
commission.
Le Président (M. French): Pour ma part, M. le ministre, je
suggère que les communautés culturelles, conçues dans le
sens étroit du terme, c'est une question qui peut se séparer,
à mon sens, de la représentativité dans les institutions
québécoises des Anglo-Québécois. C'est une
deuxième question. Pour ma part, je vois la première beaucoup
plus importante: les communautés culturelles excluant les Canadiens
anglais ou les Anglo-Québécois. Si nous n'avons que 5,5% dans les
ministères, y compris les anglophones encore une fois, c'est le point
qui mérite une attention continue, à mon sens.
M. Godin: Écoutez, M. le Président, je suis
totalement d'accord avec vous. C'est, d'ailleurs, parce que je suis d'accord
que nous avons adopté le plan d'action que nous avons mis en place
à l'intérieur des ministères. Il y a 50 personnes qui
travaillent pour l'implantation. Je lisais, dans le Soleil d'hier, Mme Voisard
qui disait: Maintenant, il n'y a plus qu'une seule personne qui
représente les communautés culturelles et la communauté
anglaise dans le gouvernement. C'est faux. Il y a 50 fonctionnaires qui se
réunissent régulièrement dans un comité
présidé par M. Chambers et ils vont continuer à implanter
le plan d'action. D'autre part, je dois dire que des mesures concrètes
et radicales ont été prises, surtout, nommément, des
modifications à la Charte des droits et libertés du Québec
de manière que l'"affirmative action" soit maintenant légale.
Elle ne l'était pas en vertu de l'ancienne charte des droits. Nous
l'avons rendue légale, ce qui nous permet d'avoir des programmes
d'égalité en emploi qui sont discriminatoires, de façon
positive pour trois groupes bien identifiés au Québec: les
femmes, les handicapés et les communautés culturelles, des
groupes sous-représentés dans l'ensemble de la machine
gouvernementale.
Enfin, à l'intérieur de la fonction publique, la
manière concrète, pratique, si vous voulez, qui a
été adoptée pour parvenir à des résultats,
c'est le classement par niveaux. C'est un peu technique; vous êtes
peut-être au courant de cela, vous étant intéressés
à la Loi sur la fonction publique qui a été adoptée
ici. Ce nouveau mode de rangement, de classement et d'entrée des
fonctionnaires dans la machine donne les résultats déjà
positifs quant à cet objectif.
M. Dauphin: D'ailleurs, à ce sujet, M. le ministre, le
CIPACC, dans son rapport, je crois que c'est à la page 9, constatait
cette ambiguïté au niveau des communautés culturelles.
Est-ce que cela comprenait la communauté anglophone ou strictement les
autres communautés?
M. Godin: Non, il a toujours été clair dans
l'esprit du gouvernement que les objectifs d'égalité en emploi,
puisque c'était cela qui était vu comme étant le point
central du plan d'action, couvraient à la fois les
Anglo-Québécois et à la fois les nouveaux
Québécois, les nouveaux Canadiens établis au
Québec.
M. Dauphin: D'accord. On passe à d'autres
éléments qui étaient inclus dans le plan d'action Autant
de façons d'être québécois. Il y avait les
conditions de travail dans lesquelles se retrouvent certains immigrants.
À ce sujet, le plan d'action mentionnait: La Commission des normes du
travail aura comme mandat d'embaucher, comme je le mentionnais lors des
remarques préliminaires, des enquêteuses, etc.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le
Président, voici...
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, est-ce que c'est un rappel au règlement?
M. Champagne (Mille-Îles): C'est un rappel au
règlement. C'est que je ne sais pas. Je voulais poser des questions sur
le même sujet. C'était la question que je retenais. C'est sur le
même sujet, le sujet précédent, le sujet principal. Je me
demande, si j'interviens dans une heure, si je ne serai pas en dehors
peut-être de l'atmosphère du sujet. C'est pour cela que je me
demande à quel moment je vais pouvoir intervenir.
Le Président (M. French): Excusez-moi. Est-ce que le
député de Marquette est en train de poser une question sur le
sujet en question?
M. Champagne (Mille-Îles): Non, je ne le sais pas. Cela
semble tomber sur un autre sujet.
Le Président (M. French): Nous sommes toujours sur
l'élément 1 du programme 1, pour vous rassurer, M. le
député.
M. Champagne (Mille-Îles): Enfin, c'est que j'ai
remarqué que M. le député de Marquette posait des
questions et vous-même, vous avez posé plusieurs questions. J'ai
hâte d'avoir mon tour aussi.
Le Président (M. French): Vous pouvez compter sur la
présidence pour respecter votre droit de parole.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord.
M. Dauphin: Toujours sur le même sujet, relativement aux
immigrantes qui, on le sait, en pratique sont souvent exploitées,
étant obligées, bien souvent, de travailler au noir ne comprenant
pas tellement une des deux langues officielles en ce pays, j'aimerais savoir
où est rendu votre ministère à ce sujet. Est-ce que vous
avez l'intention prochainement...
Le Président (M. French): Je pense, effectivement, que
c'est une question qui concerne plutôt l'élément 2 que
l'élément 1. Est-ce que j'ai raison, M. le ministre, de dire que
la situation des immigrés en dehors de la fonction publique
québécoise, c'est l'élément 2 plutôt que
l'élément 1 du programme 1?
M. Godin: Oui, mais, au fond, je ne suis pas formaliste, M. le
Président.
Le Président (M. French): Cela, je le comprends, mais le
député de Mille-Îles est très formel. Il va vouloir
intervenir, je pense, si vous le permettez, M. le député de
Marquette. M. le député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le
Président.
M. Dauphin: Pour la question du député de
Mille-Îles, je n'ai pas d'objection, M. le Président.
C'était dans le plan d'action, quand même, Autant de façons
d'être Québécois. Mais je n'ai pas d'objection à
laisser le député de Mille-Îles poser sa question.
M. Godin: Au fond, je pense qu'on ne doit pas s'enfarger dans les
fleurs du tapis, d'autant plus qu'il n'y a pas de fleurs sur le tapis. M. le
Président, je suis à votre disposition pour répondre
à la question ou du député de Marquette ou du
député de Mille-Îles.
Le Président (M. French): Je comprends très bien,
sauf que le député de Mille-Îles est très formel
dans la mesure où il voudrait enchaîner sur certaines questions
que le député de Marquette a posées au sujet de
l'élément 1 et je pense qu'il est en droit de le faire.
Une voix: II ne veut pas se faire voler sa question.
M. Champagne (Mille-Îles): Oui, oui. Enfin, mais...
Le Président (M. French): II s'est dit: Je voudrais, moi,
entrer en matière en même temps que les autres et je pense que son
désir en ce sens est légitime.
M. Champagne (Mille-Îles): Au moment où j'ai
demandé le droit de parole, j'avais une question en tête et le
député de Marquette m'a enlevé cette question. Mais je
vais renchérir là-dessus. C'était, justement, à
propos de l'intégration... Pardon?
M. Godin: Les grands esprits se rencontrent.
Le Président (M. French): C'est cela: les grands esprits
se rencontrent, précisément.
M. Champagne (Mille-Îles): C'était au sujet de
l'intégration des gens des communautés culturelles et des
anglophones dans la fonction publique, dans l'éducation et dans les
affaires sociales. J'ai été surpris d'apprendre du ministre
qu'à l'éducation, il y en a 21%, aux affaires sociales, 16,9% et
chez les fonctionnaires, 5%. Le député de Westmount a
demandé de faire une espèce de division - pas une division - de
faire une
différence entre les communautés culturelles et les
anglophones. La première question que je voudrais poser, c'est: Quel est
le pourcentage global des communautés culturelles, puis de la
communauté anglophone, d'une part, et de l'autre communauté, les
francophones du Québec? Est-ce que je pourrais avoir une première
réponse à cela?
M. Godin: La population active du Québec, je pense que
c'est 10% de la communauté anglophone et 7,8% des communautés
culturelles.
M. Champagne (Mille-Îles): Alors, vous parlez de la
population active?
M. Godin: Le total.
M. Champagne (Mille-Îles): Est-ce qu'on traite de
population active au moment où on se parle ou si on parle de population
globale aussi?
M. Godin: Non, de la population active, mais cela correspond
à peu près. C'est une extrapolation, parce qu'on
présume...
M. Champagne (Mille-Îles): Alors, vous me dites que la
population anglophone active est de 10%, et celle des communautés
culturelles est de...
M. Godin: Elle est de 7,8%. En tout, on peut dire qu'il y a
à peu près 18% de la population du Québec qui est
constituée de la communauté anglaise et de ce qu'on appelle les
communautés culturelles.
M. Champagne (Mille-Îles): Cela veut dire qu'il y a
équilibre. Si vous me dites que la somme et la moyenne des
communautés culturelles et des anglophones qui font partie à la
fois des affaires sociales, de l'éducation et des fonctionnaires
arrivent à 17% et d'autre part, que les anglophones et les
communautés culturelles comme population active représentent 17%,
cela signifie qu'il y a un équilibre.
M. Godin: C'est-à-dire que nous ne sommes pas loin de
l'équilibre par rapport au total, mais nous sommes dans une situation de
sous-représentation par rapport à la fonction publique, par
rapport aux ministères du gouvernement, à ceux qui sont à
Québec. C'est là, à mon avis, qu'on doit agir.
M. Champagne (Mille-Îles): D'accord, je vous remercie du
renseignement, M. le ministre.
Le Président (M. French): M. le député de
Saint-Jean, est-ce que c'est l'élément 1 qui vous
préoccupe? Non. M. le député de
Marquette, vous avez posé une question. Peut-être que le
ministre pourrait répondre directement sans que vous la repreniez.
C'était une question, je crois, sur l'intégration des
communautés culturelles non seulement dans la fonction publique, mais
dans la vie québécoise. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Dauphin: Si vous me le permettez... Le Président (M.
French): Oui.
M. Dauphin: ...avant, M. le Président, en rapport avec la
question du député de Mille-Îles, dans la région de
Montréal, les communautés culturelles comme telles
représentent quel pourcentage de la population?
M. Godin: Elles représentent à peu près
35%.
M. Dauphin: C'est ce qui explique...
M. Godin: D'ailleurs, il faudrait avoir le pourcentage de
Montréal et le pourcentage de Québec. C'est une commande que j'ai
passée à notre service de la recherche: combien de personnes des
communautés culturelles et de la communauté anglaise vivent
à Québec et dans les environs et quel est le pourcentage à
Montréal et dans les environs. Là, on pourra voir si vraiment il
y a une adéquation dans les deux cas. Mais je n'ai pas ces chiffres en
main, malheureusement. Je les aurai d'ici quelques semaines et, dès que
je les aurai, je vous les ferai tenir.
M. Dauphin: Pour être plus précis sur ma question de
tantôt en rapport avec les immigrantes, on devait embaucher à
titre d'inspecteurs-enquêteurs des femmes issues des communautés
culturelles; c'était dans le plan d'action. On devait ordonner que soit
affichée sur les lieux de travail, dans les langues d'origines
pertinentes, toute documentation relative aux lois et règlements
concernant les normes minimales du travail. C'est pour cela que je fais
référence au rapport. Dans le rapport, on dit: "Embaucher
à la Commission des normes du travail, à titre
d'inspecteurs-enquêteurs, des femmes des communautés culturelles.
Cette mesure n'est pas implantée." Je voulais juste savoir du ministre
si, éventuellement, il a l'intention d'activer cet article.
M. Godin: Je vous répondrai là-dessus que, d'abord,
par rapport au plan d'action -enfin, le rapport du CIPACC - que vous avez en
main, il n'y a aucun changement au moment où l'on se parle. Je le
déplore autant que vous. J'ai, d'ailleurs, l'intention de faire des
pressions sur cette commission
et sur le ministre responsable de la commission pour que la situation
change. Donc, la mauvaise nouvelle est là. Par ailleurs, la bonne
nouvelle, c'est que la Commission des normes du travail a publié en
plusieurs langues la documentation pertinente à ses objectifs et aux
normes du travail. Troisièmement - et meilleure nouvelle encore - les
renseignements sont présentement disponibles, par
téléphone, en quinze langues et, me dit-on, bientôt en
dix-huit langues. Une personne qui téléphonerait à la
Commission des normes du travail peut se faire donner les renseignements dont
elle a besoin en quinze langues au moment où on se parle. On a donc
atteint une partie des objectifs fixés. Il reste à concentrer nos
efforts sur le premier point, dont j'ai dit que c'était une mauvaise
nouvelle: il n'y a, pour l'instant malheureusement, aucune personne qui
émane des communautés culturelles qui est inspecteur ou
inspectrice dans cette commission.
M. Dauphin: On faisait mention également, M. le ministre,
concernant l'affichage des normes minimales du travail dans les lieux de
travail dans les langues d'origine, qu'il y avait des problèmes
légaux. J'aimerais savoir si ces problèmes légaux sont
réglés.
M. Godin: En vertu de la loi 101, c'était illégal.
Par ailleurs, la loi 57 permet à l'office d'adopter des
règlements - que nous attendons d'ici quelques semaines - qui
régleront ce problème.
Le Président (M. French): Le ministre dit qu'on va amender
les règlements pour permettre l'affichage dans les langues d'origine des
renseignements sur la santé et la sécurité au travail et
les droits contenus dans la Loi sur les normes minimales du travail.
M. Godin: Dans les lieux de travail où il y a des
concentrations de travailleurs et de travailleuses d'autres langues, je pense
qu'il serait élémentaire que les normes du travail soient
affichées dans les langues parlées par ces personnes, dans la
mesure où, pour faire le lien avec ce que je disais un peu plus
tôt, un certain nombre de Québécois et de
Québécoises nouvellement arrivés ne parlent ni
français ni anglais.
M. Dauphin: L'autre article relativement aux logements sociaux,
l'accès sur un pied d'égalité aux membres des
communautés culturelles. "Le CIPACC constate que, mises à part
quelques initiatives ponctuelles de la SHQ, il n'existe pas de politique
générale quant à l'accès des communautés
culturelles aux logements sociaux." J'aimerais demander au ministre s'il peut
nous dire ce qu'il a entrepris de faire dans ce dossier depuis avril
dernier.
M. Godin: II existe déjà au Québec des
centres d'accueil qui appartiennent aux communautés culturelles; de
mémoire, le centre d'accueil polonais, le centre d'accueil chinois, le
centre d'accueil juif, le centre d'accueil anglais à Montréal. Il
y en a déjà un certain nombre. Par ailleurs, là où
le problème se pose, c'est en ce qui regarde les HLM. Dans ce domaine
précis, nous avons contacté à plusieurs reprises l'Office
municipal d'habitation de Montréal qui est le maître d'oeuvre de
la sélection de ces personnes. J'ai écrit personnellement des
lettres, à plusieurs reprises, au maire de Montréal et à
M. Yvon Lamarre à ce sujet. Des changements se sont produits, sauf que
la question qui se pose est la suivante: Devrait-on avoir un HLM pour personnes
âgées pour les Grecs, par exemple, ou les Portugais seulement ou
doit-on les intégrer dans des maisons où il y aurait des gens
d'autres nationalités qui seraient représentées? (11 h
30)
La réflexion n'est pas encore terminée. Il y a des
discussions théoriques pour savoir quelle formule sera la meilleure. Par
ailleurs, il y a de plus en plus de vieillards portugais, grecs et italiens qui
ont maintenant accès à des appartements ou à des loyers
dans ces HLM. Je n'ai pas de chiffres, malheureusement, mais je peux les
obtenir. Je peux demander à l'Office municipal d'habitation de la ville
de Montréal de nous fournir des chiffres là-dessus de
manière qu'on sache exactement quelle est la situation.
M. Dauphin: Si vous me le permettez, il y a dans mon
comté, à l'intérieur de l'Office municipal d'habitation de
Lachine, par exemple, un règlement de régie interne qui, pour
rendre une personne admissible, demande qu'elle ait résidé dans
la municipalité depuis au moins dix ans. Cela exclut les immigrants qui
ne sont pas ici depuis longtemps.
M. Godin: Je pourrais vérifier si la même
règle existe à Montréal. J'en doute. Par ailleurs, ma
connaissance du milieu m'amène à penser que, même s'il y
avait cette clause à Montréal, la plupart des Grecs qui habitent
le comté de Laurier ou le mien - puisque vous parlez du vôtre -
sont ici depuis plus de dix ans. Donc, cela ne s'appliquera pas à eux.
Je pense donc que les places disponibles seraient comblées d'abord et
avant tout par ceux qui ont dix ans et plus très certainement. Ce n'est
qu'une faible proportion de personnes qui sont ici depuis dix ans et moins et
je ne pense pas que l'ensemble des besoins soient comblés,
avant plusieurs années, pas plus que pour les Canadiens
français, d'ailleurs, comme vous le savez très bien.
Actuellement, chaque semaine, vous avez des personnes âgées qui
viennent solliciter de vous un appui pour avoir une place dans un HLM ou dans
un centre d'accueil. Pour les places disponibles présentement, cela ne
pose certainement pas de problème qu'il y ait cette exigence de dix ans
à Lachine, mais je vais vérifier à Montréal, quand
même, si cela existe et si cela a eu des effets au détriment de
personnes qui auraient pu y avoir accès n'eût été
cette clause de dix ans.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette, si vous le permettez, Mme la députée de Dorion a, elle
aussi, une forte concentration de minorités dans son comté et
elle veut poser une question au ministre.
Mme Lachapelle: Ce n'est pas sur les personnes
âgées, mais c'est sur la reconnaissance des diplômes. On
parle dans le rapport du CIPACC de la reconnaissance des diplômes. Vous
savez, M. le ministre, qu'un bon nombre de nos commettants arrivent au
Québec comme immigrants avec des diplômes qui ne sont à peu
près pas reconnus. On parle de voir à l'amélioration du
système d'équivalences. Pourriez-vous me donner les
critères d'évaluation mis sur pied et peut-être les
résultats que cela a eus?
M. Godin: Je pense que, sur ce point-là, Mme Barcelo peut
vous donner des renseignements plus précis que les miens.
Mme Barcelo: Mon nom est Juliette Barcelo. M. le
Président, il y a plusieurs problèmes dans la question de la
reconnaissance des diplômes pour les fins de la pratique ou de
l'accès à la profession et c'est régi par les
corporations. Il reste sûrement de l'amélioration à faire
de ce côté-là. Au niveau du ministère chez nous, on
a un service des équivalences qui a fait une entente avec le
ministère de l'Éducation du Québec. Avant, nous
émettions des avis d'équivalence et, depuis cette entente, depuis
à peu près novembre, nous émettons vraiment, à la
suite de la consultation du ministère de l'Éducation, des
attestations d'équivalence. On a fait un sondage, que vous trouverez
à la fin du volume, sur la satisfaction de la clientèle. Les
équivalences que l'on émet satisfont la clientèle, en
général. C'est certain qu'il reste des équivalences faites
par les universités pour les fins d'admission aux études et cela
restera toujours le privilège des universités de les
reconnaître. Quant à l'admission à des professions, cela
reste un problème qui est encore à l'étude au niveau du
comité du CIPACC sur la question.
Mme Lachapelle: Pourriez-vous me dire quelle communauté a
le plus de problèmes avec les diplômes? Est-ce que ce sont les
gens qui arrivent d'Haïti ou d'ailleurs? Avez-vous une catégorie
d'immigrants qui ont plus de problèmes à obtenir
l'équivalence parce que les différences sont trop grandes?
Mme Barcelo: C'est difficile à dire.
Mme Lachapelle: C'est difficile à dire. Vous n'avez pas de
chiffres précis. Dans nos bureaux de comté, ce sont souvent des
Haïtiens qui ont des problèmes avec cela. Je me demandais s'ils
étaient en plus grand nombre. Merci.
Le Président (M. French): Dans le même ordre
d'idées, si je pouvais enchaîner - j'avais l'intention d'attendre,
mais c'est tellement pertinent au sujet que l'on discute avec les
médecins étrangers, M. le ministre. Puisque j'ai
été occupé par d'autres commissions parlementaires et que
j'ai eu les problèmes que je vous ai décrits quant à la
documentation, je n'ai pas pu lire ce qui est dans le document.
J'apprécie que ce soit dans le document, mais je n'ai pas eu l'occasion
de le lire. Cependant, le ministre n'est pas sans savoir que les
médecins diplômés des universités
étrangères sont dans une situation d'incertitude qui est
extrêmement difficile non seulement pour eux, mais pour tous leurs
dépendants. Il y en a qui sont en chômage, d'autres,
bénéficiaires de l'aide sociale.
Il ne s'agit pas d'une reconnaissance de diplôme, je le constate
tout de suite. Il s'agit d'accès à l'internat rotatoire. En
effet, il y a une quinzaine de postes libérés chaque année
à l'internat rotatoire pour les médecins non
québécois, qui sont souvent des réfugiés, et, par
la suite, cela leur donne accès aux examens qui sont nécessaires
pour accéder à la pratique de leur profession.
D'une part, il y a un problème d'ordre général qui
est celui de l'information présentée aux médecins qui sont
à l'étranger et qui décident du pays où ils veulent
aller, par exemple, s'ils veulent venir au Canada, au Québec ou non. Je
n'accuse aucunement les délégations du Québec, ni les
ambassades canadiennes, ni les consulats du Canada de ne pas être
efficaces, mais il semble bien que, d'une part, nous croyons ici que tous et
chacun de ces médecins réfugiés ou immigrés ont
été dans l'obligation de reconnaître qu'ils n'auront pas
nécessairement le droit de pratiquer leur profession ici, alors que,
parfois, ils avouent le contraire. Pas tous et chacun, mais il y a un certain
nombre d'entre eux qui nient cette allégation.
Ma première question: Quel est l'état de la question dans
ce domaine? Les renseignements que reçoivent les médecins
à l'étranger lorsqu'ils pensent à venir ici, qu'ils
soient réfugiés ou autres, d'après vous, sont-ils
complets et adéquats?
M. Godin: Je vais vous donner les chiffres exacts. Vous les avez
à la page 290 du document du ministère, à
l'avant-dernière page du cahier vert. En 1981, le Québec a admis
48 médecins comme immigrants au Québec; en 1982, 60; en 1983, 52.
Sur les 52 en 1983, seulement 14 ont été acceptés à
titre de médecins parce qu'ils avaient un emploi validé,
c'est-à-dire que, j'imagine, ils sont des spécialistes dans des
secteurs...
Le Président (M. French): Ce sont des
spécialités qui manquent.
M. Godin: ...où il y avait pénurie: psychiatrie,
anesthésie, etc. Les autres, donc 52 moins 14, sont venus ici avec un
chapeau qui n'était pas celui du médecin, soit comme
réfugiés. Quand nous sélectionnons, au camp de
réfugiés de Phatnikom en Thaïlande, 200 Cambodgiens, on les
sélectionne sur la base de leur état de détresse. Ils ont
accès au Québec. Supposons qu'il y a deux médecins parmi
eux, ils entrent ici comme réfugiés et ils se disent qu'ils sont
médecins et qu'ils devraient pratiquer leur médecine au
Québec.
L'autre cas concerne les conjoints. Un millionnaire chinois de Hong Kong
est accepté comme investisseur au Québec. Son épouse est
médecin. Lui, arrivé ici, dit au ministère: Je suis
marié. Est-ce que mon épouse peut venir? En vertu de la loi, elle
peut venir comme épouse, sauf que, en plus, elle est médecin. Ces
deux groupes de personnes représentent - 52 moins 14, ce qui fait 38 -
38 médecins. Donc, pour une année, il y a 38 médecins qui
veulent pratiquer leur profession ici. Nous n'avons pas informé le
médecin, au camp de Phatnikom en Thaïlande, qu'il ne pourrait pas
pratiquer sa médecine ici parce qu'on l'accueille comme
réfugié.
Par ailleurs, le conjoint, lui, nous l'avons avisé. S'il nous a
révélé son métier de médecin, nous l'avons
avisé en vertu d'une formule qui apparaît à la page 291 et
qui s'intitule Déclaration requise des immigrants désirant
exercer au Québec une profession régie par une corporation
professionnelle. Le candidat doit signer cette formule: "Je suis conscient que
je devrai me soumettre aux exigences établies par la corporation
professionnelle qui régit ma profession et qu'il demeure possible que je
ne réussisse pas à rencontrer les normes établies par
cette corporation ou que je ne les rencontre que partiellement. Je
déclare avoir été pleinement informé des
difficultés que je pourrai éprouver pour me qualifier ou pour me
perfectionner en vue de répondre aux normes de la corporation, etc."
Mais ce n'est pas un document légal et cela n'enlève nullement
l'aspiration de la personne à pratiquer sa médecine. Nous avons
mis sur pied un comité conjoint Affaires sociales-Immigration...
Le Président (M. French): Depuis quand, M. le
ministre?
M. Godin: Depuis juillet 1983. Et ce comité essaie de
trouver une solution à ce problème. Devrions-nous, comme
gouvernement, augmenter le nombre de postes en internat rotatoire? Quand le
ministère des Affaires sociales recherche des médecins
spécialistes pour telle région, ne devrait-il pas, d'abord,
regarder dans ce "pool", enfin...
Le Président (M. French): Dans ce réservoir de
talents.
M. Godin: ...dans ce réservoir de personnes? C'est
possible. De plus, l'Office des professions du Québec est
présentement en train de se pencher sur ce problème; mais, comme
vous le savez aussi bien que moi, les corporations professionnelles au
Québec ont une large mesure d'autonomie, une large part d'autonomie et
ces médecins, ces candidats à la pratique de la médecine
au Québec sont un peu pris entre un arbre et plusieurs écorces,
si vous voulez.
Étant optimiste, le ministère pense qu'avec le temps ce
nombre de personnes -je pense à un total de 140...
Le Président (M. French): 150 personnes.
M. Godin: ...150 - seront intégrées au fur et
à mesure, année après année, à un certain
rythme. Ce qui est certain, c'est que le Québec refuse les
médecins. Un médecin américain qui veut venir au
Québec pratiquer la médecine se voit refuser par le
ministère de l'Immigration du Québec; même chose pour un
médecin français ou d'autres. Il y a beaucoup de demandes,
d'ailleurs, pour toutes sortes de raisons, mais on les refuse. Sauf que dans le
lot de réfugiés ou de conjoints, il y en a un certain nombre et
quand ces personnes sont déjà ici, on doit tenter de trouver une
solution à leur problème.
Le Président (M. French): M. le ministre, je vous
signalerai que, dans le cas en question, le problème ne semble pas
être la corporation professionnelle; cela semble être une
décision du gouvernement de ne désigner qu'une quinzaine de
postes à l'internat rotatoire pour cette catégorie de
postulants.
Je signalerai une autre chose; je pense que c'est très important
compte tenu du mandat particulier du ministère. Parmi ceux et celles qui
se voient refuser l'accès, il y en a une très grande
majorité des minorités
visibles. Parmi ceux et celles qui y accèdent, les 15 chanceux,
il y en a très peu des minorités visibles; ce sont souvent les
médecins européens. Je sais qu'on peut facilement soutenir que le
genre d'éducation en médecine qui existe en Europe est plus
semblable au nôtre ici, au Canada et au Québec; donc, cela y est
pour quelque chose et j'en suis. Mais je soumets au ministre, après
avoir discuté avec les médecins en question, qu'il est difficile
de refuser leur thèse selon laquelle il y a des évidences
circonstancielles assez importantes à savoir que, pour les gens de
minorités visibles, l'accession est plus difficile. Je vais vous
permettre de répondre à cela, M. le ministre.
M. Godin: Nous allons continuer à discuter avec notre
collègue des Affaires sociales pour qu'une solution soit trouvée,
ainsi qu'avec l'Office des professions et les corporations professionnelles
concernées parce que cela se décide conjointement. Quelque
corporation professionnelle que ce soit tient à protéger ses
membres et son marché, pour employer un terme plutôt
économique que professionnel. Nous ne renonçons pas à
tenter de convaincre les Affaires sociales d'augmenter le nombre en question et
de tenir compte, en particulier, de la dimension des minorités visibles
dont vous parlez. Je consulterai mon collègue là-dessus et je
tenterai de vous donner des réponses plus précises un peu plus
tard au fur et à mesure que les entrées dans cet internat
rotatoire se feront. (11 h 45)
Le Président (M. French): Je signalerai tout simplement au
ministre que, d'une part, cela implique aussi le ministre de l'Éducation
d'une façon très importante puisque, finalement, on me dit que
c'est le ministre de l'Éducation qui contrôle l'accès
à l'internat rotatoire, puisqu'il s'agit des écoles de
médecine et des hôpitaux enseignants. D'autre part, les
médecins eux-mêmes se rendent compte que peut-être
même pas la moitié des médecins en question
réussiraient ultimement à passer à la pratique de leur
profession. Il s'agit, cependant, de leur donner la satisfaction d'avoir eu
l'occasion de se mesurer aux normes québécoises dans le
domaine.
Si j'avais un voeu à faire, je souhaiterais que le ministre, qui
est vraiment le seul ministre de qui nous pouvons nous attendre qu'il se
préoccupe plus particulièrement de l'aspect humanitaire, de
l'aspect minorités visibles, soit un porte-parole pour ces
médecins qui se cherchent maintenant entre le chômage et le
bien-être social, d'une part, et le désir, toujours nourri, mais
pas mal cassé en même temps, de pratiquer leur profession. Ils se
disent qu'ils veulent pratiquer leur profession selon ce que leur demande le
Québec. Ils se disent prêts à renoncer à certains
salaires et bénéfices pendant la période de qualification.
Bref, ils sont prêts à assumer tous les défis que la
collectivité québécoise veut leur présenter afin
d'avoir la possibilité de pratiquer leur profession.
J'invite donc le ministre à se pencher plus
particulièrement sur cela. C'est une cause humanitaire. Je vous avoue
qu'il n'y a pas un vote là-dedans, ni pour lui, ni pour moi. Pour avoir
parlé aux gens en question, pour avoir vu leur angoisse et leur
déception et tout en acceptant d'emblée les explications du
ministre sur le plan formel, je pense que c'est une cause qui devrait
être examinée de façon très serrée.
J'ajouterai encore une fois que la position publique de la corporation
professionnelle est qu'on devrait ouvrir les postes à l'internat
rotatoire, être très sévère sur nos normes et ainsi
balayer le "backlog", le réservoir qui existe actuellement.
M. Godin: M. le Président je vous dirai que, porte-parole
de cette cause, d'une part, je l'ai été, je le suis et je le
resterai. D'autre part, je vous donne une explication et non pas une
justification. Je pense que ces citoyens canadiens du Québec ont les
mêmes droits que les autres. Personne ne peut les empêcher d'avoir
accès à l'internat rotatoire et aux examens de la Corporation des
médecins du Québec qu'on appelle le Collège des
médecins. C'est une question de liste d'attente. Il faudra que cette
liste d'attente soit réduite le plus tôt possible. Je m'engage
à travailler à ce que la question des minorités visibles
soit résolue en priorité.
Le Président (M. French): Ma dernière question
concernait cela, justement. Si le ministre me dit qu'il est satisfait, qu'il
n'y a pas de préjugé dans le processus d'acceptation aux examens,
j'accepte sa parole, mais je pense qu'il vaudrait la peine que le ministre se
penche là-dessus avec les possibilités qu'il a d'aller au fond
des choses.
M. Godin: Ce sera fait.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Toujours sur l'élément 1, M. le
ministre. On a vu hier dans les journaux, malgré qu'on s'y attendait,
que vous aviez l'intention d'abolir le CIPACC. On a vu que vous l'avez
remplacé par un coordonnateur, que je salue en passant, M. Chambers. La
plupart des membres, à moins que je ne me trompe, souhaitaient
plutôt, pour représenter les communautés culturelles, un
organisme statutaire et indépendant du pouvoir politique pour faire des
recommandations au ministre en rapport avec
les communautés culturelles, leurs besoins et leurs aspirations.
Je pense que le coordonnateur, M. Chambers, disait à la page 196,
qu'effectivement "il ne peut que conclure à la nécessité
de la mise sur pied d'un organisme statutaire et permanent pour la cause des
communautés culturelles."
J'aimerais savoir la raison qui vous a motivé à aller
plutôt vers un coordonnateur qu'un organisme statutaire et
indépendant qui aurait pu vous faire des recommandations quant aux
besoins et aspirations des communautés culturelles.
M. Godin: J'ai longuement discuté avec M. Chambers, le
coordonnateur, de l'avenir du comité et de son avenir à lui en
tant qu'ex-président devenant coordonnateur. La recommandation de M.
Chambers était que le Conseil consultatif de l'immigration et des
communautés culturelles, qui existe depuis 1975 et qui compte quinze
personnes, dont sept des communautés culturelles, soit quatre de plus
que le CIPACC n'en comprenait, devienne, avec le coordonnateur, le porteur du
plan d'action, de ce qui reste à en implanter dans le gouvernement.
Nous allons même plus loin; le coordonnateur et moi, nous
demanderons au conseil consultatif d'organiser une réunion qui
regroupera les porte-parole et les leaders des communautés culturelles
pour réfléchir à ce que devrait être un autre plan
d'action, le plan d'action de 1984. On en a eu un en 1980-1981. Je dirais que
80% des mesures proposées sont implantées, à peu de chose
près. Le rapport du CIPACC, qui, d'ailleurs, sera publié dans
quelques semaines, fera le bilan de ce qui a été fait et de ce
qui reste à faire. Donc, il s'agit de prendre ce qui reste à
faire, d'une part; d'autre part, de regarder avec les principaux porte-parole
des communautés culturelles ce que le plan d'action n'abordait pas et
d'en concevoir un autre parce que, comme je l'ai dit dans la
présentation de mes crédits, il y a peut-être des
problèmes qui n'existaient pas en 1981 et qui existent maintenant. Il y
a peut-être des aspects que le plan d'action n'a pas abordés et
qui devraient être abordés. Je suis convaincu que nous allons
arriver avec un plan d'action qui sera une deuxième prise de conscience
et qui sera, si vous voulez, le nouvel objectif que le coordonnateur et le
gouvernement se donneront. J'ai l'intention de confier à cet organisme
statutaire, qui est le Conseil consultatif de l'immigration, qui, lui, est
statutaire, le suivi des mesures du plan d'action actuel et du nouveau qui s'en
vient.
Donc, le dossier n'est pas du tout fermé. Au contraire, nous
voulons lui redonner un deuxième souffle, "Second début", comme
on dit à la télévision. Si on avait voulu fermer la porte,
on aurait dit: il reste, dans le plan d'action, des morceaux à
implanter; il y a un coordonnateur, il est président du comité
mixte d'implantation, il siège au comité d'égalité
en emploi; ce comité mixte va se réunir sous la présidence
du nouveau coordonnateur le plus tôt possible et on verra, dans un an,
où les 50 fonctionnaires en seront rendus. Mais ce n'est pas cela que
nous faisons. Ce que nous ferons, c'est ce que j'ai dit. Nous allons organiser
une rencontre avec tous les porte-parole des communautés culturelles qui
sont représentatifs et ce sont eux qui vont nous dire ce qui devrait
être fait de plus. J'ai l'intention de confier au conseil consultatif le
suivi du plan d'action, parce qu'à mon avis il est, par
définition, plus représentatif des communautés vu qu'il y
a sept personnes qui y siègent. Nous le doterons d'un budget en
conséquence.
Le Président (M. French): Brièvement, M. le
ministre. Est-ce que vous allez être présent à cette
rencontre?
M. Godin: Évidemment.
Le Président (M. French): Est-ce qu'elle sera
publique?
M. Godin: Évidemment.
Le Président (M. French): Quand exactement?
M. Godin: Dans un mois, un mois et demi.
Le Président (M. French): Dans un mois, un mois et demi.
Tous les gens des communautés culturelles qui veulent s'exprimer auront
l'occasion de le faire.
M. Godin: Entendons-nous. Nous allons inviter à cette
rencontre les principaux porte-parole identifiés par le ministère
qui existent depuis 1968 et qui connaissent, par expérience, les
organismes représentatifs et ceux qui président et dirigent ces
organismes, les élus, si vous voulez, des communautés
culturelles.
Le Président (M. French): Les élus des
communautés culturelles vont être présents.
M. Godin: Voilà.
M. Dauphin: Je comprends la compétence de M. Chambers,
mais ce que j'ai retenu des principales recommandations des communautés
culturelles, c'est qu'elles auraient mieux vu, quand même, un organisme
neutre plutôt qu'une personne qui relève directement de vous. Je
parle du rôle du coordonnateur qui relève directement de vous.
M. Godin: Le CIPACC, M. le député, relevait de moi
aussi. Il aurait souhaité peut-être faire rapport à
l'Assemblée nationale un peu sur le modèle du président
des élections ou de l'ombudsman. Il ne m'a pas -semblé... Enfin,
on peut bien parler de structures, mais, au fond, la question qu'on doit se
poser et que l'opinion publique se posera, c'est: Quels ont été
les résultats du CIPACC et est-ce que le gouvernement a livré la
marchandise qu'il s'était engagé à livrer? Si oui,
jusqu'à quel point? Ce qui reste à livrer, quand est-ce que ce
sera livré? Je vous dis que non seulement on s'engage à livrer le
reste, mais à retourner devant nos pairs desdites communautés,
les élus de ces communautés, et à leur demander ce qu'on
peut faire de plus comme suivi après que le plan d'action sera
complété. Donc, on ne se cache pas, premièrement.
Deuxièmement, on ne ferme pas le livre. Au contraire, on va en imprimer
un autre, un nouveau.
M. Dauphin: C'est parce qu'on n'a pas pris connaissance du
rapport 1982-1983. On va l'avoir incessamment, comme vous l'avez dit
tantôt?
M. Godin: II est sous presse. M. Dauphin: II est sous
presse.
Le Président (M. French): M. le ministre, comment
pourrait-on parler d'après le plan d'action, alors qu'il semble
qu'à peine 6 des 29 promesses qu'on a faites sont accomplies?
M. Godin: Là, vous citez l'article du Devoir. Ce qu'il
faut dire, c'est que la déclaration de M. Pasquale Delgado au Devoir
date d'avant la parution du premier rapport du CIPACC. M. Delgado n'a pas
été interrogé après la parution dudit rapport. Le
Devoir n'a pas fait beaucoup de suivi là-dessus. Il ne s'est pas
informé. Il ne s'est pas enquis auprès de M. Delgado: Maintenant
que vous avez le rapport en main, qu'est-ce que vous en pensez? Ce que M.
Delgado disait venait de je ne sais quelle source, mais ne venait pas du
rapport puisque le rapport n'existait pas à l'époque. Je parle du
rapport à couverture bleue que vous avez en main. M. Delgado sera
certainement invité à ce colloque et il sera invité
à nous dire ce qu'il pense des mesures déjà prévues
au plan d'action, de leur degré de réalisation et de ce qui
devrait être fait en plus de ce qui apparaît au plan d'action.
Le Président (M. French): M. le ministre, si on veut
passer au premier rapport du CIPACC, cela ne paraît pas, non plus, avoir
été le verdict le plus positif possible sur l'implantation des
programmes en question.
M. Godin: Nous nous étions dit que c'était un
travail qui ne prendrait pas six mois, ni un an, mais plusieurs années.
Pour reprendre les mots que j'ai utilisés lors du colloque
organisé par le CIPACC à la suite de la parution de son rapport,
nous avons construit la voie ferrée la première année,
nous avons mis le wagon sur les rails. La vitesse de croisière a
été atteinte au cours de l'année financière qui
s'achève et vous verrez dans le rapport qui s'en vient le
résultat du travail fait par le comité, surtout fait par chacun
des ministères à l'intérieur du gouvernement.
Je vais vous donner un seul exemple. Le plan d'action recommandait que
le budget de l'enseignement des langues ethniques soit augmenté. On l'a
fait passer de 80 000 $ par année en 1976, avant le plan d'action,
à 270 000 $ l'année prochaine ou à 280 000 $, madame.
Trois fois huit, 24, on l'a plus qu'augmenté de 300%. On peut dire que
cette mesure est appliquée. Est-ce que cela ne devrait pas être 1
000 000 $? Peut-être. Mais puisque la recommandation disait "augmentation
du budget", le budget a été augmenté chaque année.
Il a été triplé depuis que le plan d'action est connu.
Mission accomplie sur ce point. Je pourrais vous en donner d'autres qui
apparaîtront dans le plan d'action qu'on publie dans trois semaines, un
mois, enfin, dans le rapport annuel du CIPACC, pardon, qui est sous presse.
Le Président (M. French): Dans le rapport du CIPACC sur le
plan d'action. Vous allez faire un autre score sur les 29 promesses. Vous allez
nous mettre à jour dans ce domaine. C'est très favorable,
d'après vous, et on peut déjà parler d'après le
plan d'action?
M. Godin: Sans vous dévoiler de secret, c'est probablement
plus que les deux tiers des mesures qui ont été accomplies, en
plus de ce qui a été fait et qui n'était même pas au
plan d'action. Exemple: la création d'un ministère des
Communautés culturelles n'est pas au plan d'action. On la classe
comment, celle-là? Elle n'est pas dans les 29, mais cela en est une dans
une colonne à côté. Les centres communautaires, ce
n'était pas au plan d'action. Le prix des communautés
culturelles, ce n'était pas au plan d'action. Le concours d'oeuvres
d'art des communautés culturelles, ce n'était pas au plan
d'action. Ce sont quatre mesures qui ne sont pas au plan d'action. On ne peut
pas les ajouter parce qu'elles ne font pas partie des 29. Il faudrait avoir 20
sur 29 peut-être et, dans une colonne à côté, huit
autres, dix autres qui ont été faites, mais qui n'étaient
pas au plan d'action. On devrait faire la somme des deux, à mon
avis.
M. Dauphin: M. le ministre, on a bien hâte de lire le
deuxième rapport.
M. Godin: Moi aussi, M. le député.
M. Dauphin: L'autre sujet a trait à la hausse des frais de
scolarité des étudiants étrangers. Je crois que M. le
Président aurait des questions à vous poser là-dessus. (12
heures)
Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous
été consulté avant que la décision soit prise de
hausser les frais de scolarité des étudiants étrangers? Je
ne parle pas des conversations des fonctionnaires, M. le ministre.
M. Godin: Non, mais est-ce que vous voulez dire le ministre ou le
ministère?
Le Président (M. French): Le ministre. J'ai dit:
Avez-vous. Je m'adresse à vous.
M. Godin: Enfin, j'ai participé aux discussions qui ont eu
lieu au Conseil des ministres sur cette question...
Le Président (M. French): Oui.
M. Godin: ...ainsi qu'à celles du Conseil du
trésor.
Le Président (M. French): Je sais que je ne pourrai pas
vous demander légitimement de nous livrer votre pensée
là-dessus, mais vous n'avez pas été saisi du
problème avant l'arrivée de la question au Conseil des ministres
et au Conseil du trésor.
M. Godin: J'en ai été saisi en tant que membre du
CMPDC, le Comité ministériel permanent de développement
culturel dont le président est automatiquement le ministre de
l'Éducation et, à l'époque, c'était mon
collègue, M. Camille Laurin. Donc, il y a eu des discussions et des
analyses à trois instances, en ce qui me concerne: au CMPDC, au Conseil
des ministres et au Conseil du trésor. Je n'ai pas été
consulté en tant que ministre de l'Immigration, mais en tant que membre
du CMPDC.
Le Président (M. French): Comment, M. le ministre, un
gouvernement qui représente un parti politique qui ne cesse de voir le
Québec dans un contexte international, non comme une puissance
intermédiaire, mais comme une puissance importante, ayant le 29e plus
grand PNB au monde - je ne sais pas si c'est quelque chose comme cela
-pourrait-il en même temps virer de bord et hausser les frais de
scolarité d'une façon qui ne peut qu'être punitive à
l'endroit des étudiants des pays étrangers, sauf, bien sûr,
ceux et celles qui viennent des pays avec lesquels il y a des ententes
déjà existantes? Il me semble que la face publique de la province
de Québec dans le monde académique international en prend pour
son rhume dans la mesure où on a toujours cette hantise que quelqu'un,
quelque part, exploite les Québécois et que nous, les innocents,
on leur permet de le faire, alors que c'est loin d'être le cas dans le
dossier dont il s'agit.
Je me demande, tout simplement, comment le ministre pourrait
défendre une telle décision de réduire le nombre
d'étudiants de l'extérieur du Québec et de
l'extérieur du Canada qui viennent étudier dans nos
universités. C'est ce qui est arrivé il y a deux ans; c'est ce
qui arriverait cette fois-ci. Je ne peux que le regretter et je sais que le
ministre, dans la mesure où il fait partie d'une communauté
artistique et intellectuelle qui traverse les limites du Québec, partage
cette préoccupation. Mais comment, comme membre du gouvernement,
pourrait-il défendre un tel cloisonnement intellectuel,
académique au Québec?
M. Godin: C'est votre question, M. le Président? Bon.
Écoutez, au-delà du discours d'ouverture que vous tenez et dont
je partage l'essentiel, il faut dire qu'il y a présentement des ententes
avec l'Algérie, le Cameroun, la République centrafricaine, la
Côte-d'Ivoire, le Gabon, la Haute-Volta, le Mali, la Mauritanie, le
Rwanda, le Sénégal, le Togo, la Tunisie, le Zaïre, le Maroc,
la France - 15 pays - d'où nous viennent 2530 étudiants
exemptés des frais de scolarité. La solution consiste donc dans
la signature d'ententes des pays d'origine des étudiants qui viennent au
Québec avec le Québec. Les étudiants en question doivent
faire pression sur leur pays d'origine pour qu'il y ait de telles ententes.
Nous sommes tout à fait disposés - et je peux vous dire que le
ministère de l'Education du Québec et le ministère des
Relations internationales le sont également - à multiplier ce
genre d'entente, M. le Président.
De plus, il y a, au-delà de ces 15 pays d'où nous viennent
2530 étudiants exemptés des frais de scolarité, des
échanges interuniversités qui couvrent 100 à 150
étudiants. Des ententes existent entre diverses universités
américaines, en particulier, de grand prestige et de grande
qualité. La solution, c'est d'avoir des ententes avec autant de pays que
possible. S'il y a moyen de signer des ententes avec des pays comme les
États-Unis ou l'Angleterre, pourquoi pas? Nous sommes tout à fait
ouverts, sauf que nous croyons que le meilleur moyen de parvenir à
l'objectif qui est la place du Québec et son ouverture au monde, ce
n'est pas de fermer les portes, mais de les ouvrir dans un cadre
constitutionnel et de juridiction qui est le même pour tout le monde,
c'est-à-dire via
une entente.
Le Président (M. French): Justement, M. le ministre, ce
n'est pas le même pour tout le monde. Certains pays sont favorisés
et certains pays ne le sont pas. J'aimerais beaucoup entendre le ministre nous
dire comment M. Brhamaputra, de Bangalore, en Inde, fera pression sur le
gouvernement de l'Inde pour négocier un accord bilatéral avec le
Québec pour qu'il puisse venir dans une université
québécoise. Le ministre sait aussi bien que moi que cette
suggestion est ridicule. Ce qui arrive - c'est simple - c'est que le
gouvernement a décidé qu'il y a certains pays avec lesquels il
veut avoir des relations favorables. Je n'ai rien contre. Il y a des ententes
et certaines universités sont ainsi favorisées. Très bien,
c'est excellent comme cela, cela devrait être multiplié. Cette
décision, dans le contexte actuel des ententes internationales,
défavorise certaines universités, certains étudiants et
certains pays. Dans la mesure où cela défavorise des
étudiants de Hong Kong qui sont fils de millionnaires, je n'ai aucune
espèce d'objection. Mais je regrette de dire qu'il y a beaucoup
d'individus et beaucoup de programmes académiques au Québec qui
seront perdants à la suite de cette décision et il n'y aura pas
un sou de plus dans le Trésor public québécois. C'est cela
qui est complètement ridicule dans cette décision.
Je regrette que le ministre, qui n'est pas le premier responsable,
subisse en quelque sorte mon argumentation là-dessus parce que - je le
répète - ce n'est pas lui qui est le principal responsable. Je ne
peux que regretter qu'il n'ait pas pu empêcher cette espèce
d'étroitesse d'esprit qui est nettement discriminatoire quant à
certains éléments de la société
québécoise et quant à certains éléments de
la communauté intellectuelle mondiale qui venaient au Québec et
qui ne viendront plus au Québec. Chaque fois que cette question est
soulevée, je demande au ministre de l'Éducation de faire d'autres
ententes. Il n'y a pas eu d'ententes additionnelles depuis deux ans, en tout
cas pas avec les pays dont il est question, c'est-à-dire les pays
anglophones. Force m'est de constater qu'en effet, encore une fois, on opte
pour le nombrilisme, on opte pour le cloisonnement, on opte pour fermer les
portes plutôt que les ouvrir.
Je répète que, dans la mesure où on a
été exploités par un certain nombre d'étudiants des
pays riches ou ayant des parents riches, j'accepte d'emblée les
objectifs du gouvernement. Mais dans ce domaine, ce n'est rien d'autre qu'une
espèce de concession à la hantise que quelqu'un, quelque part,
exploite les contribuables québécois. Je ne peux que regretter
qu'on ne soit pas assez grand, comme société, pour ouvrir les
portes à un certain nombre de personnes qui viennent de
l'extérieur sans qu'elles soient nettement pénalisées en
payant non pas le coût marginal de leur présence, mais le
coût complet, le coût moyen de chaque étudiant dans une
université québécoise. C'est un calcul tout à fait
ridicule.
M. Godin: M. le Président, quand vous parlez de
nombrilisme et que vous savez aussi bien que moi qu'il y a quinze pays avec
lesquels on a une entente, c'est quand même un nombrilisme qui couvre la
moitié du globe terrestre; ce qui n'est pas si mal, d'une part. D'autre
part, vous invoquez, comme preuve des effets néfastes d'une telle
décision, le fait que le nombre d'étudiants étrangers ait
diminué au Québec. Je dois vous dire que là où il
n'y a eu aucune augmentation depuis trois ans dans le secteur secondaire de
l'éducation qui est gratuit...
Le Président (M. French): M. le ministre, je ne vous
entends pas. Ce n'est pas vous, mais c'est le son.
M. Godin: D'accord. Je peux vous dire que - m'entendez-vous
maintenant? -...
Le Président (M. French): Oui.
M. Godin: ...le nombre d'étudiants a diminué
même là où il n'y a pas eu d'augmentation depuis trois ans.
Par exemple, le secteur secondaire de l'éducation du Québec a vu
les étudiants étrangers diminuer dans la même proportion
qu'au niveau universitaire, alors que le secteur secondaire est gratuit. Donc,
le facteur économique n'a aucun effet sur les décisions. Il y a
une diminution au secondaire comme il y en a une à l'universitaire.
Le Président (M. French): Si vous me permettez
là-dessus, vous prétendez que le facteur financier ne joue pas,
alors que je prétends, bien sûr, que, pour les étudiants
étrangers au secteur secondaire, c'est justement à cause de
l'économie dont vous avez amplement fait part au début, dans
votre discours d'ouverture; il y a moins d'immigrés, moins
d'acceptations en temps de crise économique, donc moins d'entrées
dans les écoles secondaires. Mais il ne s'agit pas des écoles
secondaires. Je ne vois pas la logique de l'argumentation qui veut que, parce
qu'il y a eu une baisse due, à mon avis, au facteur économique au
niveau secondaire, la baisse dont on parle au niveau universitaire soit
nécessairement sujette aux mêmes forces. Dans le cas des
étudiants du secondaire, pour la plupart, ce sont des immigrés ou
des gens qui viennent ici à l'école privée. Ce sont des
accidents de parcours. Au niveau universitaire, on parle d'une immigration qui
vient ici parce qu'il
n'y a plus de place au monde où ils peuvent étudier
certains sujets. Ce n'est pas économique. C'est financier.
M. Godin: Vous savez que la décision du gouvernement a
été prise. Vous savez que j'en fais partie. Donc, je conclurai en
disant, premièrement, que cela relève d'un autre ministère
que le mien; deuxièmement, je suis saisi de problèmes de la part
de diverses communautés culturelles qui ont des membres qui viennent de
leur pays d'origine pour étudier ici. Dans le cas, entre autres, de
Chypre, dans le cas de la Grèce, j'ai écrit à mon
collègue de l'Éducation pour qu'il signe des ententes avec ces
pays. Le ministère travaille présentement à mettre au
point ces ententes avec certains des pays que j'ai portés à son
attention. D'autre part, je terminerai en disant que vous avez sûrement
posé cette question à mon collègue de l'Éducation
et je m'engage à lui faire parvenir la partie de votre intervention qui
porte sur cela, le plus tôt possible, par poste express.
Le Président (M. French): Même si le ministre veut
conclure là-dessus, je soupçonne que mon collègue, le
député de Mille-Îles, ne veut pas conclure
là-dessus. M. le député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Non, M. le Président et
aussi député de Westmount. C'est bien sûr que c'est
à titre de député de Westmount que vous interveniez
spécifiquement tout à l'heure. J'ai trouvé que le
député de Westmount s'était un peu emporté dans son
intervention en disant au ministre qu'il y avait peut-être des
décisions qui relevaient de l'étroitesse d'esprit et de la
discrimination. Je pense que ses paroles dépassent sa pensée et
je m'inscris en faux, parce que, quand même, si on est ici ce matin et
que nous avons un ministère des Communautés culturelles et de
l'Immigration, cela veut dire qu'on les respecte, qu'on les reconnaît,
qu'on les aide et qu'on donne aussi l'exemple aux autres provinces. Me faire
dire ce matin par mon collègue, le député de Westmount,
qu'on est étroits d'esprit, je ne sais pas, mais cela me choque.
Je voudrais savoir de votre part, M. le ministre, quels sont les frais
de scolarité. Les frais de scolarité augmentent pour les
étudiants étrangers ici au Québec et je voudrais savoir
quels sont les frais de scolarité des étudiants, une moyenne,
quand même; cela dépend des universités, cela dépend
des institutions. Est-ce que nos Québécois qui vont
étudier aux États-Unis ont la porte grande ouverte? Je voudrais
savoir si, quand on se compare à d'autres, on est mesquins ou
généreux. Je me souviens du temps où, il y a quelques
années, les étrangers formaient à peu près de 30%
à 35% des étudiants de l'Université McGill. J'en suis pour
la générosité. J'en suis pour une ouverture sur le monde,
mais, quand même, il faut penser aussi à une espèce
d'équilibre dans les budgets de l'Éducation, à une
espèce d'équilibre dans tout cela. M. le ministre - je
répète ma question - quels sont ces frais de scolarité si
on les compare aux autres provinces et aux autres pays?
M. Godin: Je pense que la décision récente du
ministère de l'Éducation consistait à porter les frais du
Québec au même niveau que ceux des autres provinces, d'une part.
D'autre part, si on compare les frais de scolarité au Québec
même, les frais nouvellement révisés, à ceux qui
existent dans d'autres parties de l'Amérique du Nord - je ne parlerai
même pas de l'Europe - le Québec est encore largement au-dessous
des frais de scolarité des universités de ces pays.
Par ailleurs, je serais assez d'accord avec le président de cette
commission pour que nous intervenions aux fins d'amener le ministère de
l'Éducation à signer des ententes avec les pays qui ne sont pas
des pays riches, qu'ils soient anglophones, francophones ou d'autres langues.
Avec les pays qui ne sont pas riches, le Québec devrait, le plus
tôt possible, signer des ententes comme nous en avons déjà
avec quinze pays. Je pense que c'est un point sur lequel mon collègue de
Westmount et vous serez d'accord, M. le député de
Mille-Îles, à savoir que ces pays devraient
bénéficier du même traitement que les quinze autres avec
lesquels on a déjà une entente. (12 h 15)
M. Champagne (Mille-Îles): D'après votre
réponse, M. le ministre, je ne comprends pas l'emportement du
député de Westmount. Si nos coûts sont au-dessous de tous
les autres pays et qu'ils en viennent à égaler ceux d'autres
provinces...
M. Godin: De plusieurs autres pays.
M. Champagne (Mille-Îles): De plusieurs autres pays. Je ne
comprends pas du tout l'emportement du député de Westmount qui
nous accuse d'étroitesse d'esprit et de discrimination. Je m'inscris en
faux contre son intervention.
M. Godin: Peut-être souhaite-t-il que le Québec soit
une espèce de nouvel éden, un paradis sur terre? Je partage
partiellement cet objectif.
M. Champagne (Mille-Îles): Ah! Bien sûr.
M. Godin: Mais il faut peut-être aussi penser que le
fardeau fiscal des Québécois est peut-être un peu plus
élevé que dans
d'autres provinces parce qu'il y a des budgets qui n'ont pas
été révisés depuis de nombreuses années.
Celui-ci en était un.
M. Champagne (Mille-Îles): Bien sûr, je suis d'accord
pour ouvrir des portes au monde entier, pour aider tout le monde, mais faut-il
aussi le faire selon nos moyens. Je pense qu'avec les moyens qu'on a
actuellement, on a fait preuve, dans le passé, d'une très grande
générosité. J'interromprai mon intervention dès
maintenant.
Le Président (M. French): Je voudrais suggérer
quelques pays au ministre. Je pense que ce serait pertinent. Je parlerai de
l'Inde, du Pakistan, de certains pays du Moyen-Orient, la Jordanie par exemple,
peut-être l'Égypte, si elle n'est pas déjà dans la
liste. Je parlerai également d'un certain nombre de pays que le ministre
connaît mieux que moi en Asie du Sud-Est. Il va sans dire que je ne fais
pas mon plaidoyer pour la haute bourgeoisie de Schenectady, d'Albany ou de
Philadelphie. Je le fais plutôt en ayant à
l'arrière-scène la contribution de l'Université McGill,
entre autres, au développement international. C'est une contribution qui
n'a jamais fait mal aux contribuables québécois, qui fait en
sorte que le Québec, Montréal et l'université sont connues
un peu partout. C'est cette réputation et cette contribution au
développement international que je vois en péril à la
suite des deux hausses subites des frais de scolarité pour les
étudiants étangers.
D'autre part, je dirai au député de Mille-Îles
très brièvement, sur un point de fait, qu'il n'est jamais
arrivé que 35% des étudiants de l'Université McGill ont
été des étrangers, à moins que l'on ne
considère que les gens de l'extérieur de Québec sont des
étrangers ici.
M. Champagne (Mille-Îles): J'ai dit, premièrement,
que le pourcentage était de 30% à 35% et je pense que ceux qui
viennent des autres provinces, si on paie leurs frais de scolarité, on
peut les considérer comme des étrangers. Je connais quelqu'un de
mon comté qui doit aller étudier la chiropraxie à Toronto;
il paie tous ses frais de scolarité et on ne lui donne pas de chance. Je
suis pour l'internationalisme, mais aussi faut-il le faire selon nos moyens.
Par les réponses du ministre, on s'aperçoit qu'on est plus
généreux qu'ailleurs.
M. Godin: Peut-être avez-vous déjà ces
chiffres, mais les USA, qui ne sont pas un pays sous-développé,
ni un pays du tiers monde, sont le pays dont nous provient le plus important
bloc d'étudiants; le deuxième est la France, déjà
couverte par une entente, parce qu'il y a des échanges à peu
près équivalents entre la France et le Québec quant aux
ressources universitaires qu'on peut dire qu'on met presque en commun. La
situation n'est pas tout à fait la même avec les
Américains. Il y a plus d'étudiants américains ici que
d'étudiants du Québec aux États-Unis, à ma
connaissance.
Le Président (M. French): M. le ministre,
là-dessus, je comprends bien que c'est l'impression
générale, mais je pense qu'il y a des chiffres dans les secteurs
professionnels, dans les écoles de chiropraxie, etc., qui vont
peut-être rétablir l'équilibre. Il y a plus de
Québécois qui étudient aux États-Unis qu'on ne le
croit, surtout au niveau de la maîtrise, du doctorat, pour la
médecine et les professions paramédicales. En tout cas, je
comprends bien qu'il y a un certain déséquilibre
là-dedans. Je répète que je ne défends pas la haute
bourgeoisie d'Albany par mes interventions.
M. Godin: Un étudiant québécois qui
étudie à Harvard paie plus cher que l'étudiant de Boston
qui étudie à McGill ou à l'Université Laval, au
total.
Le Président (M. French): Oui, sauf que Harvard, M. le
ministre, n'est pas un exemple tout à fait juste parce que c'est une
université privée, chose qui n'existe pas ici. Personne ne
contrôle, sauf le "board" des dirigeants, le conseil de direction de
Harvard, les frais de scolarité. Il faudrait parler de
l'Université du Massachusetts, si on veut faire un parallèle
légitime.
M. Godin: En plus - je terminerai là-dessus en ce qui me
concerne, M. le Président, car je ne pense pas qu'on s'entende
totalement - le ministère des Relations internationales, quand il va
rencontrer des pays, vient avec son petit panier, comme le Chaperon rouge. Il
doit avoir dans son panier un petit pot de beurre, un petit pot de lait. L'un
des deux petits pots, c'est, justement, une entente d'échanges au plan
universitaire, des réductions de frais de scolarité sur le plan
universitaire et dans d'autres activités ou domaines au Québec.
Cela fait partie d'un "package" et je suis convaincu, vu la nouvelle impulsion
que ce ministère s'est donnée depuis quelques mois, que nous
allons assister d'ici un an certainement, avec Hong Kong, avec Singapour,
à la signature d'ententes faisant partie de la dot du nouveau couple
Québec-Hong Kong, Québec-Singapour.
Le Président (M. French): II ne faudrait pas le dire en
présence du député de Mille-Îles, car il n'y a pas
un étudiant de Hong Kong qui soit jamais venu au Canada qui n'aurait pas
pu payer tous les frais de
scolarité en question; ils n'ont pas besoin d'entente.
M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je comprends que le
député de Mille-Îles s'entend mieux avec le ministre
qu'avec le président actuel, mais il faudrait, quand même, nous
laisser le loisir de poser les questions qu'on veut, de même que les
préambules. Ce n'est pas plus grave que cela. Il ne faut pas
s'offusquer, non plus, ni d'un côté ni de l'autre, des questions
ou des préambules précédant les questions.
Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais toucher
l'intégration des enfants d'immigrants dans les écoles de milieux
défavorisés. Une étude explorative a été
faite par un sociologue de la gent féminine, Mme Laperrière, dont
les recommandations ont paru dans le quotidien Le Devoir du 11 janvier 1984.
Cette étude a été menée sur l'île de
Montréal pour le Conseil scolaire de Montréal. Plusieurs de ses
recommandations touchent des programmes qui relèvent de votre
ministère, entre autres, certaines mesures touchant la sensibilisation
aux cultures et aux langues ethniques, comme la proposition suivante: "que le
programme d'enseignement des langues d'origine (PELO) soit maintenu et
publicisé" ou, encore, "que l'on favorise systématiquement
l'initiation des enseignants des écoles à densité ethnique
significative aux diverses cultures et aux langues ethniques dans le but de les
instrumenter plus adéquatement dans leur approche des enfants d'autres
cultures". De même, on demande "de publiciser davantage les cours, les
études, etc. Que l'on débloque des ressources financières
et pédagogiques pour mettre sur pied de nouveaux cours sur les cultures
ethniques non encore couvertes."
Le document de Mme Laperrière touche également les mesures
à prendre pour faciliter l'adaptation fonctionnelle des parents
immigrants à la société et à l'école
québécoises, de même que des mesures de soutien à la
vie communautaire. On suggère, entre autres, que "les COFI donnent des
cours, avec la collaboration des CLSC, d'initiation à la vie
québécoise". On y a touché un petit peu tantôt.
Selon cette étude, "les écoles de l'île de Montréal
- on peut présumer que c'est probablement la même chose dans le
reste du Québec - sont mal préparées pour recevoir les
enfants d'immigrants".
Le ministre a sûrement pris connaissance de l'étude de Mme
Laperrière. Est-ce qu'il a l'intention de pousser plus loin les
différentes recommandations qui y sont contenues?
M. Godin: Oui. D'abord, j'ai pris connaissance de l'étude
de Mme Laperrière et, également, d'une autre étude qui
portait plus précisément sur la question des enfants
haïtiens à l'école. Troisièmement, vous verrez dans
les contrats donnés au niveau de mon cabinet le nom de Mme Bernatchez
qui est professeur dans une école multiethnique de mon comté,
à qui j'ai demandé de me faire un rapport chaque année sur
les problèmes qui se posent au niveau de la vie quotidienne dans les
écoles et de me faire des suggestions.
Fort de ces trois rapports, j'ai informé mon collègue de
l'Éducation, M. Bérubé, dont le prédécesseur
avait, d'ailleurs, formé un comité présidé par M.
Max Chancy - dont vous avez sûrement été saisi, à la
suite du dépôt du rapport Laperrière - où
siègent, d'ailleurs, un ancien membre du CIPACC, M. Michel Trozzo et
d'autres personnes - mais je nomme ces deux-là que je connais - qui
réfléchissent, pour le ministre de l'Éducation et sur un
mandat de ce ministre, à diverses solutions aux problèmes
soulevés par le rapport Laperrière sur la question des enfants
haïtiens et également à d'autres aspects que j'ai
portés à la connaissance du ministre de l'Éducation. Je
dois vous dire que, dans la réflexion sur le projet de loi 40 - au
moment où nous nous parlons, le ministre réfléchit sur le
projet de loi 40 - je lui ai fait part, verbalement et par écrit, de la
façon dont nous, au ministère des Communautés culturelles
et de l'Immigration, envisagions ce problème. Nous verrons
bientôt, dans quelques semaines, le fruit de ses réflexions, mais
il a accueilli avec une oreille plus que favorable les fruits de l'expertise du
ministère dans ces questions.
Très souvent, d'ailleurs, le ministère a été
appelé, dans certaines écoles de la région
métropolitaine, à intervenir avec son expertise et, dans certains
cas, avec ses budgets pour, disons, faire diminuer les tensions, pour faire
disparaître des conflits, pour travailler au rapprochement des
communautés. La polyvalente Émile-Nelligan, par exemple, a eu
recours à nos services et nous avons suggéré des mesures
qui vont exactement dans le sens de la philosophie du ministère qui
consiste à dire que plus les étudiants connaîtront la
culture du groupe qui est plus ou moins exclu ou qui est moins respecté
que les autres, plus la paix reviendra dans les esprits et entre les ethnies.
C'est ainsi qu'il y a eu dans quelques écoles des expositions, des
concerts, des cours, des diaporamas montrant le pays d'origine des
étudiants concernés, montrant la contribution de ce peuple
à l'histoire de l'humanité, à la civilisation mondiale.
Cela a contribué à développer, d'abord, chez les
étudiants eux-mêmes de ce groupe un respect d'eux-mêmes et,
chez les autres, un respect de ce qu'ils sont. Donc, on intervient, je dirais,
régulièrement dans les écoles multiethniques de
Montréal.
D'ici quelques semaines, on verra le rapport, le suivi des travaux de M.
Bérubé sur le projet de loi 40. J'ose espérer que nos
recommandations seront suivies. Nos recommandations vont dans le sens suivant:
que des budgets et des mesures concrètes et particulières soient
dévolus à ces écoles multiethniques qui ont des
problèmes qu'aucune autre école n'a.
On est même allé jusqu'à suggérer qu'il y ait
un coefficient budgétaire qui soit raccroché au nombre
d'étudiants issus des communautés culturelles dans le budget de
ces écoles, parce que cela pose un problème particulier et parce
qu'il y a des retards scolaires souvent qui sont dus à une
méconnaissance du français, qui sont dus à toutes sortes
de facteurs ethniques. Il faut donc les prendre un par un et les
résoudre un par un. Pour y parvenir, il faudrait que les écoles
où il y a une concentration ethnique soient dotées d'un
coefficient budgétaire qui permette de résoudre les
problèmes concrets qui ne se posent pas ailleurs.
M. Dauphin: Relativement aux COFI, M. le ministre, est-ce que
vous avez des changements en vue, toujours en relation avec ce que vous venez
de dire?
M. Godin: II y a huit COFI qui fonctionnent toujours. Les COFI
sont, de l'avis de ceux qui les fréquentent et même de ceux qui
voudraient les fréquenter, je pense surtout à certains
anglophones de Montréal qui aimeraient avoir accès aux cours de
français qui se donnent dans les COFI... Un journaliste de la Gazette me
disait que ses parents, anglophones de vieille souche, étaient
allés dans un COFI et avaient apprécié plus qu'ailleurs,
semble-t-il, la qualité des cours qui s'y donnaient et surtout l'esprit
qui règne parce que les gens se sentent à l'aise avec des gens
qui ne parlent pas un mot de français, plus à l'aise que dans une
classe où il y a des gens qui parlent très bien le
français. Le niveau de connaissance du français est tel que
personne ne se sent gêné par rapport à un autre et ils
apprennent plus vite pour cette raison. Au plan des COFI, il n'y a pas de
changements prévus, M. le Président, pour l'année en
cours. Les seuls changements sont les effets des 10% dont on a parlé au
début qui vont peut-être être compensés par une
nouvelle répartition de la masse que nous aurons, plus une
répartition qui viendra peut-être des budgets de
l'éducation des adultes.
Le Président (M. French): Oui, M. le député
de Marquette, à moins... Ah oui, d'accord. D'après notre mandat,
nous devons ajourner sine die, sachant pertinemment qu'il y aura une
information fournie par le leader parlementaire du gouvernement en Chambre cet
après-midi quant à notre avenir. (Suspension de la séance
à 12 h 31)
(Reprise de la séance à 15 h 36)
Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames et messieurs membres de la commission de la culture, je vous
invite à prendre vos sièges. Nous commençons donc la
deuxième tranche de l'étude des crédits 1984-1985 du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration. Nous
en sommes toujours au programme 1, communautés culturelles et
immigration. Je voudrais bien dire que nous avons passé par les
éléments, l'un après l'autre, mais ce n'est pas le cas. M.
le député de Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, j'ai une
question de directive. C'est bien sûr que M. le député de
Marquette a encore beaucoup de questions à poser concernant le programme
1, mais nous avons une forte délégation ici pour le programme 2.
Est-ce qu'on peut espérer de la part de l'Opposition qu'elle entame le
plus vite possible tout ce qui a trait au programme 2, à savoir la
Charte de la langue française?
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, s'il y a des questions à poser concernant le programme
2, on les posera en temps et lieu. J'apprécierais beaucoup que vous
permettiez au président et au vice-président de prendre leurs
responsabilités. Je vous signalerai également que la
présence d'un grand nombre de fonctionnaires n'a pas grand-chose
à faire avec le travail de la commission. Ce n'est que pour les fins du
ministre qu'ils sont ici et non pas pour les nôtres.
M. Champagne (Mille-Îles): Si je ne peux pas m'adresser au
président, je vais simplement m'adresser au député de
Marquette et lui dire qu'il est bien libre de passer le reste de l'heure ou des
prochaines heures au programme 1, mais je souligne ici qu'il y a le programme 2
et que nous serions satisfaits si on en entreprenait l'étude le plus
vite possible.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, je pense que vos interventions dans le sens de hâter le
processus, hier et aujourd'hui, ont été bien comprises par tous
les participants. Je vous répète que le président, pour sa
part, vous promet qu'il va défendre vos droits de poser des questions
lorsque vous voudrez. Par ailleurs, je ne pense pas que ce soit votre
responsabilité de vous préoccuper du bon déroulement
de
l'étude des crédits.
M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. En réponse
à la question du député de Mille-Îles, je veux
simplement faire la mise au point suivante. Dans l'attribution des dossiers,
j'ai la responsabilité des communautés culturelles et de
l'immigration et M. le député de Jean-Talon a la
responsabilité du programme 2. Il est actuellement au salon rouge
à l'étude des crédits des Affaires intergouvernementales,
si ma mémoire est bonne. Il sera ici dans peu de temps. À ce
moment-là, on pourra même employer tout le temps qu'il va nous
rester pour le programme 2. On aurait peut-être dû éclaircir
cela au tout début, à 10 heures ce matin. Dans quelque temps, M.
le député de Jean-Talon sera ici et il pourra entamer le
programme 2 qui est sa responsabilité au sein de notre groupe
parlementaire, si tout le monde y consent.
Les femmes immigrées
Un autre sujet, M. le ministre, si vous me permettez.
L'élément relativement à la situation des femmes
immigrantes. Je présume qu'il y aura d'autres députés qui
voudront aborder ce sujet. La femme immigrante se trouve souvent placée
dans une situation de vulnérabilité. On y a un peu touché
lors des remarques préliminaires. L'isolement à son travail. On
abuse souvent d'elle et souvent elle est exploitée. On ne sait trop
combien de travailleuses immigrantes font un travail domestique au noir, mais
c'est sûrement plusieurs milliers. Souvent, lorsqu'elles travaillent dans
une usine ou une entreprise, qu'elles ne connaissent pas la langue, les normes
du travail, etc., les employeurs peuvent les exploiter.
Le gouvernement, dans son plan d'action, a fait des promesses qui ne
sont pas toutes réalisées pour une plus grande surveillance de
ces situations et informer les immigrantes des conditions prescrites dans les
lois et règlements gouvernementaux. Malheureusement, on l'a
mentionné plus tôt dans notre analyse du rapport CIPACC, il n'y a
rien eu de fait à ce niveau. Je sais bien qu'il y a un deuxième
rapport annuel qui va sortir du CIPACC. Vous nous avez dit, plus tôt ce
matin, que ce rapport serait plus positif par rapport au plan d'action du
gouvernement. Est-ce qu'il pourrait nous préciser dans le temps quand,
concrètement, les améliorations vont y être
apportées? Qu'est-ce que le ministre entend faire exactement? Dans un
deuxième temps, le ministre est-il au courant du nombre de femmes
immigrantes placées dans une situation de travail au noir?
M. Godin: Le ministère a subventionné la tenue de
deux tables de concertation, une à Montréal et une à
Québec, sur la question que vous soulevez, celle de la femme
immigrée qui se trouve, on doit le dire, doublement exclue de
l'intégration dans la société québécoise.
Premièrement, parce qu'elle est femme. Deuxièmement, parce
qu'elle est immigrée. C'est ainsi qu'on a vu se confirmer, lors de ces
deux colloques, les perceptions qu'on avait que les femmes, très
souvent, se retrouvaient dans des emplois comme domestiques, par exemple, des
emplois où il y avait des risques très grands d'exploitation. Un
mémoire a été préparé et est en voie de
perfectionnement, je dirais, de manière à assurer une meilleure
protection aux femmes qui viennent ici comme domestiques, c'est-à-dire
que l'employeur s'engagerait vis-à-vis de ces employées par une
formule un peu inspirée du modèle du bail, par exemple, qui
existe maintenant entre le propriétaire et le locataire, des formules
prescrites par le gouvernement qui permettraient d'assurer une protection
élémentaire à ces femmes qui viennent ici de façon
temporaire et qui, dans la majorité des cas, demandent à rester
et deviennent des citoyennes canadiennes. La réflexion sur cette
question a été alimentée par ces deux tables de
concertation et nous travaillons présentement à trouver une
formule pour protéger leurs droits et pour les informer sur les recours
qu'elles peuvent utiliser pour préserver, protéger leurs
droits.
Par ailleurs, des subventions sont accordées - vous trouverez
cela aux pages 162 et suivantes - par le service de relations avec les groupes
à un nombre important -une vingtaine, en fait - d'organismes
dévoués à améliorer, à informer et à
référer à d'autres services les femmes immigrantes du
Québec. En réponse, je citerai pour mémoire le Collectif
des femmes immigrantes, le Centre d'information et de référence
pour femmes, la Ligue des femmes du Québec, le Centre international des
femmes, Guébec; ce sont les premiers qui me tombent sous les yeux. Il y
a une vingtaine d'organismes dont la raison d'être est le service aux
femmes immigrantes, aux femmes immigrées qui bénéficient
des subventions du ministère, parce que nous estimons que le meilleur
moyen de venir en aide à ces personnes, si elles en ont besoin, c'est
par des organismes qui émanent du milieu lui-même. Ces organismes
sont sous la direction, le contrôle de femmes immigrantes ou de femmes du
Québec qui se sont vouées à ces travaux d'accueil,
d'information et de référence vers des services gouvernementaux
ou autres.
En réponse à votre question très précise, je
n'ai malheureusement pas de chiffres. J'imagine que la proportion 50-50 se
retrouve, mais je n'ai pas de chiffres qui me permettraient d'affirmer
clairement et
carrément qu'il y a tant de femmes dans tel genre d'emploi ou de
métier.
Le Président (M. French): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, à la page 202 de votre
cahier vert, vous trouverez un résumé assez succinct et complet.
Vous verrez que 122 250 $ ont été versés au cours de
l'année financière qui s'achève. Le programme d'emplois
temporaires du ministère, doté d'un budget d'environ 1 000 000 $,
a permis d'attribuer 21 emplois, pour une somme totale de 84 000 $, à
des organismes impliqués dans une recherche de solution au
problème des femmes immigrées dans la société
québécoise d'aujourd'hui. (15 h 45)
À la page 203, vous verrez aussi que le service de relations avec
les groupes a collaboré au succès du colloque: Femmes d'ici et
d'ailleurs, de la ville de Québec, d'une part et, d'autre part, il suit
de près la constitution d'un regroupement multiethnique d'associations
féminines qui s'appelle le Collectif des organismes de femmes
immigrées.
De plus, le CIPACC a mené deux recherches: l'une sur la
communauté noire anglophone du Québec qui porte en partie sur la
question des femmes noires et une autre recherche sur les femmes originaires
des Indes, qu'on appelle les Indiennes, à ne pas confondre avec les
Amérindiennes. Ce groupe travaille de façon étroite et
suivie avec le service de relations avec les groupes du ministère.
Le Président (M. French): M. le ministre, quand le rapport
sur la communauté noire sera-t-il disponible? Est-il déjà
disponible?
M. Godin: II est disponible.
Le Président (M. French): II est disponible.
M. Godin: Nous pouvons vous le faire tenir d'ici demain ou d'ici
deux jours.
Le Président (M. French): Personnellement, j'aimerais
beaucoup en avoir une copie.
M. Godin: D'accord. C'est le document - je vais vous donner le
titre exact - de Mme Louise... On pourrait demander à M. Chambers de
répondre lui-même puisque c'est lui, en fait, qui est
l'éditeur en titre de ce document.
M. Chambers (Egan): J'en ai envoyé une copie à tous
les députés du district de
Montréal. Si vous ne l'avez pas reçu, je vais vous en
envoyer une demain.
Le Président (M. French): Je dois être trop
près de la résidence de M. Chambers; il est peut-être
passé outre à ma maison; je suis trop proche. J'aimerais beaucoup
en avoir une copie. C'était M. Egan Chambers qui vient de prendre la
parole pour les fins de l'enregistrement.
M. le député de Marquette, voulez-vous poursuivre sur les
femmes immigrées?
M. Dauphin: Non, allez-y sur les femmes immigrées.
Le Président (M. French): Je pense que la tactique
d'essayer de régler le problème des femmes immigrées par
la voie de leur propre groupe est bonne. Je voudrais vous dire qu'il en faut un
peu plus pour vraiment réussir à voir toutes les dimensions du
problème. Je veux bien qu'essentiellement, par le biais des groupes
bénévoles et volontaires, on leur vienne en aide, je pense que
c'est très important. Ce problème relève de tellement
d'organismes - et vous en êtes conscient - que ce n'est pas seulement
à votre ministère à intervenir. C'est évidemment un
problème pour Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine, pour le ministre du Travail, pour le ministre de la
Justice et, selon tout ce que j'en sais, cela peut également impliquer
beaucoup d'autres ministères.
Cependant, il faudrait que ce soit vous qui preniez en quelque sorte le
"lead" de tout cet effort. Par exemple, l'un des aspects les plus importants de
l'emploi des femmes immigrées à Montréal, c'est
l'industrie du vêtement. Il y a trois ou quatre ans, un rapport a
été produit par le ministère du Travail qui
détaillait les conditions épouvantables dans lesquelles un
certain nombre de travailleuses qui, souvent, ne parlaient ni l'anglais ni le
français se trouvaient dans le centre de Montréal. Vous en
êtes conscient. Cela commence géographiquement aux environs de
votre comté.
Par la suite, on a appris que la CECO poursuivait une enquête qui
devrait, entre autres, toucher l'exploitation des femmes dans l'industrie, le
travail au noir, les ateliers cachés, etc. Il me semble important que
vous, en tant que ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, soyez en mesure de dire plus que: Oui, on donne tel montant
d'argent à tels groupes de femmes. Je ne mets aucunement en cause
l'exercice en soi, mais je pense que, d'après ma compréhension de
la situation, il faut beaucoup plus de force et d'engagement de la part de
votre ministère et du gouvernement afin de s'approcher davantage de
cette problématique.
M. Godin: Je vous ferai remarquer que, dans l'entreprise dont
vous parlez, entre autres, dans le textile, le ministère est actif en
donnant des cours de français sur mesure et je présumerais que la
majeure partie de la clientèle des cours sur mesure donnés par le
ministère par les profs de COFI ou par le biais des commissions
scolaires suivant les régions, la majeure partie des personnes qui
suivent les cours de français sur mesure... Et je vais vous les
décrire rapidement. Ce sont des cours de français qui sont
donnés sur les lieux de travail ou dans les maisons privées dans
lesquelles les femmes se réunissent aux heures qui leur conviennent et
dans un environnement qui leur est familier. Donc, il n'est pas question
d'aller dans un autre lieu, une école ou tout autre lieu qui
peut-être serait loin de chez elles. Nous nous rendons sur place et nous
leur donnons des cours de français. Je suis convaincu que ce sont des
femmes qui bénéficient, pour la majeure partie, de ces cours.
D'autre part, il ne faut pas confondre non plus le rôle des
ministères. Le ministre du Travail a mis sur pied une Commission des
normes minimales du travail et cette commission a fait énormément
pour améliorer les conditions de travail des plus démunis, des
plus mal pris et des plus mal prises. Ces normes minimales du travail visaient
précisément cette classe de travailleurs et de travailleuses du
Québec qui était en dehors des conventions collectives, qui
n'était pas protégée de quelque manière que ce
soit. Les normes minimales du travail plus La loi sur le salaire minimum, qui a
haussé ces salaires ou ces paies, ont contribué, plus que toute
autre mesure, à améliorer le sort des femmes immigrées,
des femmes immigrantes.
Je reviens, avant de me rattacher à ce que vous disiez, à
la question des domestiques. Dans le passé, les domestiques qui
étaient exploitées au Québec n'avaient pas d'autre choix,
à la fin de leur contrat, que de retourner dans leur pays d'origine.
Maintenant - et c'est nouveau - elles peuvent, pour devenir immigrantes
reçues et citoyennes canadiennes du Québec, voir leur dossier
traité au Québec sans avoir à retourner dans leur pays
d'origine. Ces personnes bénéficient donc d'un statut particulier
pour ce qui touche les politiques de l'immigration. Je parle de mon
ministère. Je parle de l'action de mon ministère. De plus, le
service de placement du ministère s'emploie à trouver aux femmes
domestiques mécontentes de leur emploi ou qui sont exploitées
dans cet emploi des emplois qui soient plus à la hauteur de leurs
aspirations, d'une part, et, deuxièmement, où elles sont mieux
traitées. Donc, il y a quand même un certain nombre de mesures que
le ministère a prises, qui sont de son ressort.
Je ne voudrais pas me mêler outre mesure du rôle de mes
collègues, pas plus dans l'éducation ce matin, pour les bourses
ou les tarifs étudiants, et pas plus, dans le domaine du travail, pour
les femmes qui travaillent dans des entreprises connues. Par ailleurs, pour le
travail au noir, vous savez aussi bien que moi que qui dit au noir dit
caché. Donc, je poursuis en vous disant que le ministère... Je ne
vous dis pas que tout le problème est résolu, mais je vous dis
que le ministère a pris des mesures qui relèvent de lui pour le
régler.
J'ajoute en terminant qu'au sein du CIPACC et dans la foulée du
CIPACC il s'est créé un comité interministériel sur
la condition féminine de la femme immigrante. Ce comité
interministériel poursuivra ses travaux, même aujourd'hui que le
CIPACC n'existe plus, sous l'oeil vigilant du coordonnateur, M. Egan Chambers,
et devra faire rapport tous les six mois au ministre et au coordonnateur des
résultats ou des progrès accomplis. Ces rapports seront publics.
Ils feront partie du rapport du coordonnateur dans un an en plus du chapitre
qui est consacré à cette question dans le rapport du CIPACC qui
s'en vient. Nous sommes donc en mesure de vous dire qu'il y a
littéralement une masse de personnes dans mon ministère et dans
d'autres ministères qui s'en occupent. Mme Leblanc-Bantey est
associée à ces travaux et d'autres ministères suivent le
dossier de façon très assidue.
Les immigrants illégaux
M. Dauphin: Sur un autre sujet, M. le ministre, si vous me le
permettez, relativement aux immigrants illégaux, l'an dernier, il en
avait été question - je pense que c'est mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce qui en a parlé - afin de légaliser leur
statut. Vous nous aviez mentionné à ce moment-là qu'il y
avait difficulté d'entente, je crois, avec le prédécesseur
de John Roberts, M. Axworthy, sur une entente relativement à la
légalisation de leur statut. La suggestion pour accélérer
le processus était, entre autres, que le gouvernement
fédéral garde la grille de sélection touchant les aspects
de la santé et ce qui touche le Code criminel. De son côté,
le gouvernement du Québec ferait la sélection. Apparemment,
Québec et Ottawa ne se sont pas entendus. J'aimerais savoir s'il y a eu
de nouveaux développements relativement à cette
possibilité d'entente.
M. Godin: Sur ce point, je vais demander à Mme la
sous-ministre, Mme Barcelo, de vous donner une réponse
concrète.
Mme Barcelo: Les seuls développements ont
été que le fédéral a annoncé un programme de
régularisation des
immigrants illégaux. Puisque le fédéral dit que les
gens qui sont ici doivent avoir l'approbation fédérale pour
pouvoir rester, il n'a pas accepté que nous, en donnant un CSQ, un
certificat de sélection du Québec, à ces gens-là,
il n'a pas accepté automatiquement ces personnes. Donc, il n'y a pas eu
d'entente ni de développement par rapport à l'an passé
là-dessus. Le programme fédéral, qui a été
prolongé jusqu'au mois d'août, ne donne pas de
résultat.
M. Godin: En fait, ce qu'on en sait, c'est que les gens se
méfient. Il y a eu une opération "Mon pays" qui a eu lieu au
Canada, dans l'ensemble du pays, il y a déjà plusieurs
années. Il y a eu des tentatives pour en faire une autre, mais le
nouveau programme, qui ne porte pas le nom de "Opération mon pays", mais
qui vise les mêmes objectifs au fond, à régulariser la
situation de personnes qui sont ici depuis longtemps et qui estiment avoir
gagné leurs galons, si vous voulez, comme citoyens du pays, pour toutes
sortes de raisons... Elles se méfient et on ne peut pas dire,
étant donné que nous avons pu prendre connaissance du nombre de
ces illégaux qui se sont présentés au bureau de
l'immigration fédérale pour voir leur statut
régularisé, que le nombre de cas réglés est
très important.
Je pourrais peut-être vous expliquer la manière dont cela
fonctionne. Ce sont des organismes, subventionnés par nous dans la
plupart des cas, à qui les immigrants remettent leur dossier.
L'organisme cache le nom et l'adresse de la personne et présente le
dossier à l'immigration fédérale et l'immigration
fédérale accepte ou refuse. Quand il y a acceptation, le nom de
la personne est dévoilé au ministère fédéral
de l'Immigration. C'est après cette étape que l'acceptation se
fait. Mais le programme n'a pas un succès délirant. Est-ce que
cela répond à votre question?
M. Dauphin: À ce moment-là, c'est la solution
pratique à tout cela. Je sais bien, dans un sens, qu'on ne peut pas
nécessairement les expulser, humainement parlant, ni les amnistier, pour
employer l'expression...
M. Godin: C'est-à-dire que nous avons proposé des
critères au fédéral qui pouvaient tous se situer sous le
parapluie des cas de détresse, des cas humanitaires de détresse.
En fait, les critères étaient ceux appliqués par
Genève, par le Haut-Commissariat des réfugiés de
Genève, pour une bonne partie. Malheureusement, ces critères,
enfin cette définition et le pouvoir du Québec de traiter sur
place ces dossiers n'ont pas été reconnus par le
fédéral qui a voulu se garder le droit de préemption, si
vous voulez, le droit de dernier refus, tout en nous disant, par ailleurs,
verbalement, que, si nous avions des cas précis à proposer, il se
pencherait sur ces cas de façon humanitaire et compréhensive.
À la défense du fédéral, je dois dire que les cas
que nous avons soumis ont été, la plupart du temps,
acceptés. Mais c'est un programme de cas par cas.
Le Président (M. French): Quels seraient les motifs qui
inciteraient le gouvernement fédéral à refuser? Ce serait
pour des motifs de sécurité.
M. Godin: De souveraineté. Le fédéral a dit:
C'est nous qui sommes souverains sur ces questions. C'est constitutionnel, si
vous voulez.
Le Président (M. French): Non, ce n'est pas cela. Non pas
la juridiction, mais les motifs qu'il évoque lorsqu'il refuse. Vous avez
dit qu'il y avait eu très peu de refus...
M. Godin: Ah oui! Les motifs qu'il évoquent, remarquez que
nous ne les connaissons pas, parce que c'est confidentiel.
Le Président (M. French): Ah bon!
M. Godin: Dans la plupart des cas, son territoire étant
celui de la sécurité nationale ou de la santé
publique...
Le Président (M. French): Cela devrait être dans un
des deux.
M. Godin: Cela ne peut pas arriver beaucoup en dehors de ces
critères. Sauf que Mme la sous-ministre aurait peut-être un mot
à ajouter pour compléter le tableau là-dessus. Mme la
sous-ministre.
Le Président (M. French): Mme Barcelo. (16 heures)
Mme Barcelo: Le fédéral ne permet pas aux gens de
demander sur place; donc, accepter une demande sur place, c'est une exception
à la politique. Ce n'est pas que les gens du fédéral les
refusent: ils ne font pas exception à leur politique qui est de refuser
une demande de quelqu'un qui est déjà au Canada. Ils leur disent:
II faut que vous retourniez dans votre pays. Cela déborde la question de
la sécurité et de la santé.
Le Président (M. French): Ce qui est quand même une
forte "désincitation" pour un individu à se prévaloir du
programme.
M. Godin: Voilà.
Le Président (M. French): II se dit: Je ne peux pas me
permettre de retourner à Buenos Aires pour faire mon inscription et, si
je ne fais pas mon inscription, je reste en statut d'ambiguïté,
mais, au moins, je suis
ici et je travaille. Est-ce à peu près ce genre de
rationnel?
M. Godin: Tout à fait. Ce que nous demandions au
fédéral, c'était de nous confier la
responsabilité... Le fédéral fait, dans certains cas, des
évaluations positives d'un illégal qui est au Canada et le
fédéral accepte de traiter sur place. Nous avons dit au
fédéral: Donnez-nous le même pouvoir, appliquez et appuyez
nos critères, modifiez même les critères si vous voulez,
mais nous sommes en mesure de régler ces problèmes comme
n'importe qui. De plus, cela simplifierait la vie des illégaux en
question, surtout ceux qui, tôt ou tard, se qualifieraient, parce qu'ils
n'auraient qu'une porte où aller frapper au lieu de deux. Tôt ou
tard, ils doivent nous passer par les mains. Enfin, libre à eux, ces
gens représentent le gouvernement "senior" dans ce pays et on n'a pas pu
marquer de points là-dessus.
Le Président (M. French): M. le député de
Marquette.
M. Dauphin: Relativement aux différents
éléments du programme 1, en ce qui me concerne, en tout cas, je
n'ai plus de question.
Le Président (M. French): Mme la députée de
Dorion.
Mme Lachapelle: Concernant les programmes d'aide
financière à l'intention des communautés culturelles, le
programme d'aide au fonctionnement, à l'innovation, à
l'enseignement, vous avez dit ce matin que tout cela créait de l'emploi.
J'aimerais savoir le nombre d'emplois créés et savoir si ces
emplois sont dédiés seulement aux membres des différentes
communautés ou s'ils sont ouverts à tout le monde.
M. Godin: Je pense qu'on peut faire la distinction suivante: le
programme ponctuel pour l'année financière qui vient de se
terminer était doté d'un budget de 1 500 000 $ et nous avons
créé 626 emplois, je pense, sur une période de vingt
semaines. Tous ces emplois étaient donnés à des membres
des communautés culturelles ou à l'immense majorité, en
tout cas. Il est arrivé aussi que des organismes d'accueil soient
composés de Canadiens français et il est arrivé dans
quelques cas que des non-membres de communauté culturelle soient
engagés dans le cadre de ces programmes; mais l'immense majorité
était des gens qui émanaient des communautés qui avaient
fait la demande.
Mme Lachapelle: Je connais des gens, j'ai justement un de ces
centres dans mon comté, le Centre multiethnique, et je me rends compte
que les gens qui bénéficient de ces programmes de travail sont
souvent des gens de la même communauté afin de pouvoir justement
fournir des services à ces gens.
M. Godin: Par ailleurs, pour ce qui est de ce que j'appellerais
le roulant du ministère, son budget normal qui est historique
jusqu'à un certain point, la plupart des emplois créés par
les organismes eux-mêmes, de permanents ou de personnel de soutien, la
plupart du temps, la nationalité de l'organisme fait foi de la
nationalité des gens qui travaillent dans ces organismes. Donc, en gros,
c'est certainement 80% des postes créés qui sont entre les mains
des membres des communautés culturelles.
Mme Lachapelle: Merci.
Relations avec les immigrants
Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous le
mandat de réconciliation ethnique entre ou parmi les
Québécois? Je vous pose la question puisque je pense qu'on peut
dire, avec assez de conviction, que, dans deux autres grandes villes
canadiennes, soit les deux autres plus grandes que Montréal,
c'est-à-dire Toronto et Vancouver, on a vécu par le passé
des événements de discrimination raciale assez grossiers, assez
sérieux - au moins dans le cas de l'Ontario, dans le cas de la ville de
Toronto - qui ont suscité une intervention publique assez importante,
précisément dans le but de réduire les incidents de nature
sensationnelle et, à mon sens, extrêmement sérieux.
Je pense que nous pouvons nous féliciter que de tels
événements ne se soient pas produits vraiment au Québec
encore, et plus particulièrement à Montréal. Cependant, il
n'est pas impossible, compte tenu d'une présence de plus en plus
importante de minorités visibles - un certain cas particulier me vient
à l'esprit, je pense à l'industrie du taxi, entre autres - que
nous puissions expérimenter nous aussi de telles situations et de tels
problèmes.
Dans le sens du programme 1, avez-vous des politiques spécifiques
pour cela? Avez-vous le mandat, avez-vous une politique, avez-vous un programme
dans ce domaine-là? Pensez-vous que les gens en ont besoin?
M. Godin: Je dirais que c'est la raison d'être du
ministère....
Le Président (M. French): Précisément.
M. Godin: ...pour la partie des communautés culturelles.
Je ne sais pas s'il y a un
lien entre les divers programmes dont nous avons parlé, entre
l'idéologie du ministère et sa philosophie depuis sa
création qui s'est raffinée au fil des années. Prenons la
question des chauffeurs de taxi haïtiens. Vous connaissez le
résultat. La Commission des droits de la personne du Québec a
été mandatée pour faire enquête sur cette question.
Donc, un organisme qui n'est pas ethnique, qui n'est pas sous la
responsabilité du ministère des Communautés culturelles, a
été chargé de se pencher sur cette question et des mesures
ont déjà été prises. Quand cela s'est passé,
en tant que ministre des Communautés culturelles, j'ai incité les
citoyens de Montréal à boycotter les entreprises qui refusaient
des chauffeurs de taxi noirs. Donc, le ministère s'est associé,
par la voix de son ministre, à la campagne de sensibilisation qui
était en cours.
Plus profondément que cela, nous pensons - je dirais que c'est
une question, une option gouvernementale - que la reconnaissance des
communautés culturelles comme telles, la dotation par l'État
à ces communautés de centres communautaires, de budget qui leur
permet de se retrouver chez eux, entre eux, de montrer ce qu'ils font aux
autres Québécois, aux autres communautés, leur donnent une
fierté et font d'eux des citoyens qui sont heureux au Québec, qui
se sentent chez eux, qui ne se sentent pas méprisés ou
écartés, mais, au contraire, qui ont une porte où aller
frapper, et c'est mon ministère qui diffuse des fonds pour qu'ils se
prennent en main.
Le modèle adapté pour les centres communautaires, c'est
celui de la sagesse. Nous exigeons des communautés qu'elles contribuent
entre 80% et 90% du coût de construction et d'aménagement d'un dit
centre communautaire parce que nous estimons que, sans cela, le
ministère pourrait "shooter" dans le paysage - comme on dit en bon
français - parachuter des centres communautaires qui deviendraient des
éléphants blancs, qui n'auraient pas l'appui des
communautés. Mais le fait que, dans une communauté - je cite la
communauté grecque, par exemple, ou la communauté noire qui n'est
pas loin de chez vous - une campagne de financement ait lieu, que des fonds
soient recueillis, que des leaders de la communauté fassent du
porte-à-porte pour recueillir des fonds, fassent connaître leur
projet, le fassent approuver par les gens, leur tirent des fonds pour le
construire, tout cela fait que la communauté se resserre, qu'elle fait
sa part, qu'elle s'identifie mieux. Le gouvernement arrive et met la cerise sur
le gâteau. Dans certains cas, c'est une cerise de 250 000 $ -
évidemment, c'est une belle cerise - dans d'autres cas, c'est 50 000 $,
mais il reste que le gâteau est fait par la communauté
elle-même et nous pensons que c'est le meilleur modèle.
Le Président (M. French): Je comprends bien les
démarches du ministre quant à la fierté des
communautés, leur reconnaissance mutuelle et leur implication, et je
l'appuie, mais c'est justement le contexte social des moins favorisés
des immigrés et surtout les minorités visibles qui est tel que le
centre communautaire peut être très important, mais parfois ils
n'ont même pas les moyens sociaux de se trouver dans un domaine comme
cela. On parle d'une question de survivance, on parle d'une question
d'éducation minimale, on parle dans le contexte du nord de
Montréal d'une certaine polyvalence. On en parle, dans le contexte de
l'ouest et du sud de mon comté, où il y a une communauté
noire de classe relativement modeste qui se frotte à une
communauté française, une communauté irlandaise de moyens
relativement modestes avec des résultats pas toujours très
heureux.
Je voudrais en connaître plus sur la pensée du ministre.
Est-ce qu'il y a un potentiel de problèmes sérieux qui pourraient
éclater dans ce genre d'interaction ou est-ce que je m'alarme pour rien?
Mieux vaut le prévenir. Une fois qu'un événement de ce
genre commence à saisir l'imagination des gens, les dommages sont faits
et il est très difficile de réparer les dégâts par
la suite.
M. Godin: À remarquer que le ministère fait le pari
optimiste sur l'avenir de ces méthodes qui sont implantées par le
service de relations avec les groupes, de ce mode de financement des centres
communautaires et, dans certains cas, de la communauté noire de NDG, par
exemple, qui regroupe aussi une partie de votre comté, je pense, qui a
bénéficié, de la part du ministère, d'une
proportion d'aide à son centre communautaire supérieure à
20%, pour les raisons que vous mentionnez, parce qu'il y avait un
problème particulier. On sait fort bien que ces gens ne roulent pas sur
l'or et qu'ils ne sont pas tous présidents de compagnie, comme
d'ailleurs d'autres communautés et des parties de la communauté
francophone ancienne dans certains quartiers de Montréal.
Le Président (M. French): Immédiatement au
sud...
M. Godin: Donc, nous avons adapté, si vous voulez, nos
critères en fonction de cette réalité. Enfin, je ne suis
un prophète ni mineur ni majeur, mais nous pensons que cette politique
de respect des communautés, de développement du respect des
communautés pour elles-mêmes et du respect mutuel est une
politique qui est sage et nous sommes contre le "melting-pot", parce que nous
pensons que le "melting-pot" peut mener à des conflits beaucoup plus
graves à des tensions beaucoup plus graves, que la politique de la
mosaïque culturelle, si vous
voulez, du multiculturalisme. C'est un pari sur l'avenir. Notre
expertise, à cet égard, s'inspire du modèle suivant. Il
faut à une communauté relativement jeune une partie, enfin la
possibilité de reproduire son village, au sens large du terme, d'y
retourner au besoin et d'en sortir au besoin, pour aller dans ce qu'on
appellerait le courant de convergence du Québec. Mais s'il y a des
événements, des mariages, des fêtes nationales, elle
retourne dans son village qui, au fond, est la communauté grecque du
Mile-End - c'est bien le Mile-End, le comté de Laurier? - ou dans mon
comté. La communauté noire est quelque part dans NDG-Westmount,
la communauté noire anglophone. La communauté haïtienne est
dans le comté de ma collègue de Dorion, en partie dans
Saint-Michel. Quant à la communauté portugaise, il y a deux ou
trois foyers, deux ou trois villages portugais dans Montréal. Elles vont
dans ces villages et elles en sortent.
Donc, il y a à la fois l'abri culturel, linguistique, social et
même économique, parce qu'il y a des caisses d'entraide
économique portugaises et ukrainiennes que vous connaissez aussi bien
que moi. La plupart de ces gens-là travaillent dans le fleuve, je
dirais, de la population québécoise dans son ensemble et la
communauté retourne, elle va d'un lieu de la majorité à
des lieux de la minorité. Je pense que c'est ce qui fait qu'ils ne sont
pas trop dépaysés. Quand ils veulent se dépayser, ils le
peuvent et, à l'inverse, je dirais que la frontière est
traversée souvent aussi par les Canadiens français quand ils vont
dans des fêtes multiethniques, quand ils vont dans des restaurants
ethniques, quand ils vont dans des marchés multiethniques, quand ils
vont dans des commerces multi-ethniques. Donc, on peut dire qu'il y a une
interpénétration et c'est peut-être ce qui explique - mais
touchons du bois - que nous avons échappé jusqu'à
maintenant à des conflits graves.
Le Président (M. French): Une dernière brève
question. Avez-vous un programme pour faciliter les relations ethniques dans
les écoles secondaires, surtout dans le nord et dans le centre de
Montréal? Cela semble un lieu de problèmes qui impliquent souvent
le service policier de la Communauté urbaine de Montréal. Je me
demande si le ministre en sait quelque chose. Avez-vous fait une étude?
Avez-vous une politique? Avez-vous un programme dans ce domaine?
M. Godin: Nous avons un peu abordé cette question ce matin
relativement aux réflexions de mon collègue de l'Éducation
sur la réforme contenue dans le projet de loi 40, sur l'avenir de cette
réforme et surtout sur la place des écoles multi-ethniques dans
la réforme. Nous espérons que notre expertise lui servira
à adopter des mesures qui régleront les problèmes s'il
doit s'en présenter. (16 h 15)
Par ailleurs, il y a eu des programmes conjoints du ministère de
l'Éducation et du ministère des Communautés culturelles et
de l'Immigration. Il y en a un qui s'appelait: Mes amis de partout, un
programme libre dans les écoles qui permettait aux professeurs de
proposer à leurs étudiants, à leurs écoliers, des
projets locaux de rapprochement et de connaissance des autres cultures et
d'interpénétration des cultures. Ce programme a eu un
succès assez important. Il y a également eu le projet: Si tous
les enfants du monde, qui visait le même but. Il y a le projet: Coeur
à coeur. Il y a la semaine de promotion des cultures. C'est un programme
que nous avons chez nous. Le prochain pays qui fera l'objet d'une telle
semaine, c'est l'Égypte. Nous avons attribué une subvention de 15
000 $ à l'association égyptienne récemment. Cette semaine
permettra à cette association égyptienne de présenter ses
réalisations, de présenter sa culture à l'ensemble des
Québécois. Moi, en tout cas, je n'ai jamais fait
l'expérience, je n'ai jamais vu non plus des jeunes de quelque pays que
ce soit qui s'intéressent ou qui sont attirés par d'autres
cultures ne pas s'attacher à cette autre culture, ne pas
découvrir que ce qu'il y a dans l'autre est aussi intéressant que
ce qu'il y a en soi. Il y a aussi non seulement une
interpénétration, mais on s'enrichit mutuellement. C'est le
modèle que nous appliquons aussi bien dans le domaine scolaire que dans
d'autres.
Ce qui m'a frappé, après observation faite sur place,
c'est que, dans le cadre du projet: Mes amis de partout, les enfants
éveillaient leurs parents à la réalité
multiculturelle. Les parents, eux, sont dans un coin, mais leurs enfants sont
dans une école multiple et les parents souvent, par ignorance ou
autrement, ont des préjugés à l'égard des enfants
d'autres peuples, d'autres couleurs, etc., et ce sont des enfants, à la
faveur de programmes comme: Mes amis de partout qui transportaient chez eux
leurs travaux sous forme de devoir ou autres, ce qui, je dirais,
éveillait la conscience de leurs parents à la
nécessité d'accepter l'autre tel qu'il est et de le comprendre et
de le respecter.
Le Président (M. French): Y a-t-il d'autres questions sur
le programme 1? Le programme 1 est-il adopté?
Une voix: Adopté.
Charte de la langue française
Le Président (M. French): Le
programme 1 est adopté. Le programme 2, Charte de la langue
française. Je remercie d'abord les fonctionnaires du ministère.
On va demander à Mme Barcelo, M. Chambers, de transmettre nos
remerciements à tous ceux et celles qui ont été
responsables de la préparation du cahier qui a été fort
intéressant et utile. Programme 2, Charte de la langue française.
On va procéder, avec la permission du ministre, probablement encore
à une discussion assez générale et on ne s'en tiendra pas
aux éléments 1, 2, 3, 4, 5, si cela convient aux membres de la
commission.
Une voix: Cela irait.
Le Président (M. French): Est-ce que vous avez quelques
commentaires préliminaires, M. le ministre?
Commentaires préliminaires M. Gérald
Godin
M. Godin: J'ai un commentaire qui sera plus bref que celui de ce
matin, en tenant compte du fait que nous avons consacré plus de temps
que nous ne le croyions au programme 1. Par ailleurs, comme, l'an dernier, ce
fut le contraire, je pense que, l'un dans l'autre, l'équilibre est
rétabli. Je demanderais peut-être à M. Escojido, qui est le
sous-ministre adjoint aux questions des affaires linguistiques, de se joindre
à moi. J'en profiterai pour présenter aux membres de la
commission M. Claude Aubin - si vous voulez vous asseoir au premier rang - qui
est président de l'Office de la langue française; M. Gaston
Cholette aussi - si vous voulez prendre place ici, s'il vous plaît - qui
est président de la Commission de protection de la langue
française; M. Michel Plourde, qui est président du Conseil de la
langue française - M. Plourde, si vous voulez venir prendre la place de
M. Escojido - M. François Beaudin, qui est président de la
Commission de toponymie. M. Beaudin, si vous voulez venir plus près de
moi. Parmi ceux qui l'accompagnent, M. le Président, je voudrais vous
présenter ceux que je reconnais: M. Pierre Carrier, du conseil; M.
Gérald Lapointe, du Conseil de la langue française, M. Lebeau, de
l'office; M. Jean-Yvon Houle, de l'Office de la langue française; M.
Sénécal, de l'office; Me Guiseppe Turi, de la commission de
protection; M. Bernard de Jaham, qui est de la commission de protection; Mme
Jeanne-d'Arc Valois, de la commission de protection.
Le dialogue fructueux qui s'est poursuivi autour de la question
linguistique entre la majorité francophone du Québec et ses
partenaires historiques et culturels, dialogue qui s'est soldé par ce
que j'appellerais la paix des braves, a certainement été
l'événement marquant de l'année qui s'achève pour
ce qui touche les organismes de la loi 101 et le ministre qui en est
responsable. Je suis très heureux de venir vous reparler de la
commission parlementaire tenue l'automne dernier, ce forum par excellence
où se sont réunis plusieurs associations de salariés, des
centrales syndicales, des représentants des communautés
culturelles, des entreprises et des porte-parole des anglophones du
Québec, pour réfléchir ensemble à leur avenir
linguistique. La récolte d'idées et de recommandations qui a
découlé de ces échanges et à laquelle il faut
ajouter l'expérience et le résultat des recherches menées
par les organismes linguistiques ont amené le gouvernement à
modifier la Charte de la langue française d'une manière telle
qu'aujourd'hui certains hommes politiques sur le plan fédéral en
viennent à souhaiter aux Franco-Manitobains le même statut que
celui dont jouit ici la minorité anglophone.
Je vous exposerai donc d'abord les changements apportés et les
raisons qui m'ont convaincu de les proposer au gouvernement, après quoi
nous ferons le bilan des activités des organismes linguistiques en 1983
et pour lequel on vous a remis un cahier d'information assez volumineux, il y a
six jours.
Je ne surprendrai personne en affirmant que le respect de la langue des
travailleurs et travailleuses du Québec a été mon souci
constant au cours de cette période de réflexion collective. La
loi 101 qui est entrée en vigueur en 1977 a fait du français la
langue du peuple québécois. Depuis, celui-ci a
développé un sentiment de fierté et une assurance nouvelle
qui ne sont pas étrangers au statut raffermi du français et
à son usage plus répandu. Si, en général, la langue
se porte mieux au Québec, il faut admettre que les programmes en milieu
de travail sont encore malheureusement trop modestes. Cela, les travailleurs
sont venus nous le rappeler en commission parlementaire. Ils confirmaient ainsi
les plus récentes études du Conseil de la langue française
qui affirme que seulement 55% des travailleurs québécois de la
région métropolitaine n'utilisent que le français au
travail. Chez les anglophones et allophones, l'unilinguisme anglais a perdu du
terrain non pas au profit du français mais du bilinguisme. On peut donc
dire que nous faisons des progrès, mais ils sont lents.
La francisation des entreprises sur laquelle nous avions mis l'accent va
bon train. En effet, nous avons atteint la vitesse de croisière.
À l'office de la langue, le processus de mise en oeuvre des programmes
de francisation dans les entreprises de 100 personnes et plus qui devait
être terminé le 31 décembre 1983 est, à toutes fins
utiles, complété. 503 entreprises ont obtenu leur certificat
permanent; 979 programmes sont en voie de réalisation et 56 sont en
négociation. Il en va de même pour les entreprises
employant de 50 à 99 personnes. 841 détiennent un certificat
permanent; 1121 programmes seront bientôt réalisés et
l'office négocie les 104 derniers. La quasi-totalité des
organismes parapublics et de l'administration possède déjà
le certificat permanent.
Mais, il reste encore des aspects de la francisation du monde du travail
à aborder. Je pense, par exemple, à la francisation de la
machinerie importée de l'étranger et utilisée dans une
entreprise installée au Québec. Est-elle en français cette
machinerie afin que les travailleurs qui sont en majorité francophones
puissent comprendre, dans leur langue, la portée et l'usage de ces
instruments, de cet équipement qu'ils utilisent quotidiennement? Les
guides d'accompagnement sont-ils en français? Pas encore. Il nous
appartient, dans bien des cas, de protéger cet aspect des droits des
travailleurs. Qui d'autre le fera? Certainement pas l'employeur qui, depuis
toujours, s'attend que son employé s'adapte, s'anglicise partiellement
pour comprendre son document de travail anglais.
L'office de la langue a le mandat de vérifier si, à
Trois-Rivières, à La Tuque ou à Grand-Mère,
l'entreprise utilise des manuels en français. Autrement, si nous ne le
faisons pas, le travailleur se demande à quoi sert sa langue et il en
arrive à douter de la capacité du français à
véhiculer la réalité du monde industriel, du monde
technique et du monde de l'électronique. D'ailleurs, les sondages du
conseil de la langue le confirment: un nombre croissant de
Québécois estiment que le français n'est pas la langue du
XXIe siècle. Si cette idée pernicieuse fait des progrès,
les francophones du Québec vont continuer à s'assimiler aux
anglophones, comme on l'a vu dans les chiffres publiés récemment
par Statistique Canada à la suite du recensement de 1981.
Pour ces raisons, la loi 57 entrée en vigueur le 1er
février dernier et qui modifie la loi 101 prévoit des mesures
visant à rendre plus dynamiques les comités de francisation au
sein des entreprises. Dorénavant, ces comités se réuniront
trois fois par an; les travailleurs qui y siégeront seront élus
par leurs compagnons de travail à tous les deux ans. Un soutien
financier de 250 000 $ sera également accordé aux travailleurs
membres de ces comités qui jouent un rôle de chien de garde au
sein des entreprises.
D'autres problèmes demeurent irrésolus dans le monde du
travail. Nous comptons donc sur les Québécois et les
Québécoises pour nous dire eux-mêmes ce qui se passe dans
les faits et ce qu'ils attendent de nous. Les ouvriers et ouvrières du
Québec sont aussi des consommateurs. Nous avons voulu également
les protéger. La loi prévoit que la documentation
d'accompagnement des produits achetés au Québec doit être
en français. Il faut que chaque dollar dépensé pour
acheter un produit fabriqué dans un autre pays respecte la langue de
l'acheteur québécois. Le consommateur doit dire au fabricant:
Vous allez respecter ma langue. Vous ne me vendrez pas un
télécouleur sans me dire en français comment il fonctionne
et comment je peux y adapter un ordinateur ou des jeux électroniques.
J'ai visité récemment à Hong Kong une usine de fabrication
de téléviseurs. Le propriétaire de l'entreprise, un futur
Québécois d'origine chinoise, m'a expliqué combien il lui
serait facile de mettre du français sur les appareils si le consommateur
ou les marchés et pays l'exigeaient.
Le gouvernement du Québec a donc décidé d'inciter
les pays producteurs de biens de consommation courants achetés ici, tels
les voitures, les caméras et les lecteurs de vidéocassettes,
à doter leurs appareils d'inscriptions en français. Pour y
parvenir, nous avons l'intention de nous joindre aux efforts du gouvernement
français qu'on a rencontré à trois reprises et,
bientôt, à une quatrième reprise, nos présidents ici
et moi-même. Nous visons la formation d'un front commun des pays
francophones pour influencer les pays producteurs de ces biens.
Un comité interministériel regroupant les
ministères de l'Éducation, des relations extérieures, de
la Science et de la Technologie, verra de son côté à faire
en sorte que les manuels scolaires en usage au niveau universitaire soient
conçus en français ou, à tout le moins, traduits et
adaptés en français. Cette opération sera menée de
concert avec les pays membres de l'Agence de coopération culturelle et
technique.
De plus, le sort des travailleurs et travailleuses du Québec ne
nous a pas laissés indifférents. Des porte-parole de la
communauté anglophone sont venus nous dire en commission que les
employés manuels et les personnes de soutien des hôpitaux
anglophones étaient inquiets quant à leur avenir. Ces
travailleurs modestes, sans grade, étaient inquiets et cela m'a
inquiété qu'ils le soient. On m'a dit que
l'échéance prévoyant que ces institutions devaient se
conformer à la loi 101 avant la fin de l'année 1983 semait la
panique chez certains. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié
l'article 20 de la loi 101 de manière à permettre à
l'administration de ces institutions de déterminer elles-mêmes,
mais en le soumettant à l'Office de la langue française, les
niveaux d'activités où le français est requis et où
il ne l'est pas. Cette modification protège les travailleurs non
francophones de ces institutions en les soulageant d'un fardeau qu'ils ne
pourraient assumer sans risque. De manière à simplifier et
à faciliter le travail et les relations des
institutions anglophones du Québec entre elles, qu'il s'agisse
des municipalités, des commissions scolaires, des écoles, des
services sociaux ou de santé, nous avons décidé de
permettre l'usage de l'anglais avec le français. Dans ces mêmes
institutions, les communications écrites entre individus pourront
être faites dans la langue choisie par ces personnes.
Comme vous le savez, un ajout au préambule de la charte exprime
maintenant clairement l'intention de l'Assemblée nationale de poursuivre
la francisation du Québec dans le respect des institutions de la
communauté anglophone et des minorités ethniques.
Reste la question de l'affichage. Les intervenants à cette
commission n'ont pas réussi à me convaincre qu'il fallait revenir
au bilinguisme commercial et redonner à l'anglais une place égale
au français sur les affiches publiques.
La loi 101 reconnaissait aux 98 municipalités anglophones du
Québec le droit d'afficher en anglais et en français. La loi 57
les autorise maintenant à utiliser une dénomination anglaise
aussi bien que française, tout comme c'était déjà
le cas pour les commissions scolaires, les écoles et les services de
santé.
Ceux qui aiment répéter qu'on veut gommer, faire
disparaître l'anglais du Québec, tronquent donc la
réalité. Nous allons faire aussi en sorte que la
réalité multiculturelle du Québec apparaisse plus
clairement, grâce à une modification importante qui touche les
produits ethniques ou typiques d'une nation étrangère. En effet,
ceux-ci pourront être affichés en français et dans la
langue des pays d'origine à l'extérieur des
établissements, donc sur la rue, sur la voie publique.
Voilà, en résumé, ce qui nous amenés
à modifier la Charte de la langue française. Nous n'en sommes pas
peu fiers. D'ailleurs, un récent sondage CROP, commandé par
l'Office de la langue, indique qu'une majorité de
Québécois, 71%, se déclarent satisfaits de ce qui s'est
fait au Québec depuis cinq ans pour améliorer la situation du
français.
Quant aux réactions des milieux anglophones du Québec aux
modifications apportées l'automne dernier et entrées en vigueur
en février dernier, elles ne sont nullement équivoques. On a
entendu les témoignages, repris par la Gazette, disant: "That is
excellent news! It is not a black day for English Québec." Même la
Gazette a écrit, le 17 décembre: "English speaking
Québeckers have every reason to be encouraged by the changes being made
in Bill 101." (16 h 30)
Comme je le soulignais au début, cette commission parlementaire
et les décisions qui en découlèrent ont marqué une
étape importante, mais il reste beaucoup à faire dans cet univers
anglo-américain au coeur duquel nous vivons. D'autres pays comme la
France et le Mexique, pourtant de grands pays, ont jugé bon de
légiférer en matière linguistique. Plus près de
nous, le géant américain dont l'influence omniprésente
menace le Québec francophone se pose lui aussi la question de son
unité linguistique. Nous avons toutes les raisons du monde de vouloir
poursuivre le travail déjà commencé et c'est d'ailleurs
à cette tâche que se sont attelés les organismes
linguistiques ici représentés.
Je vous disais tout à l'heure que l'Office de la langue
française qui est chargé de veiller à ce que le
français devienne le plus tôt possible la langue de communication
du travail, du commerce et des affaires, tant dans l'administration que dans
les entreprises, achève de réaliser ses programmes de
francisation. Elle met actuellement sur pied un système
d'évaluation qui lui permettra de mesurer l'avancement de la
francisation et son irréversibilité au sein des entreprises. De
plus, au cours de 1983, l'office a poursuivi l'implantation de sa Banque de
terminologie du Québec dans les entreprises, ceci afin d'apporter un
soutien linguistique à la francisation. Vous serez peut-être
étonné d'apprendre, M. le Président, que le grand fichier
terminologique de plus de 1 000 000 de fiches de l'office, avec ses 3 500 000
termes dans toutes les sphères d'activités économiques et
industrielles, représente le système le plus important du monde.
La BTQ, la Banque de terminologie du Québec, compte 105 abonnés
reliés par terminaux. En 1983-1984, elle a relié 56 nouveaux
abonnés dont 35 dans le monde de l'entreprise. Pendant ce temps, son
service de consultation terminologique a continué de répondre
à plus de 60 000 questions téléphoniques provenant la
plupart du temps d'entreprises. Il a fallu six ans à l'office pour se
constituer un réseau efficace. Il lui reste maintenant à assurer
l'utilisation de cette terminologie dans l'ensemble du monde du travail.
La loi 57 a également modifié le nom de la Commission de
surveillance de la langue française en Commission de protection de la
langue française parce que, croyons-nous, cette appellation correspond
davantage à la vocation de l'organisme qui est de poursuivre la
francisation du Québec en corrigeant les situations dérogatoires.
Depuis deux ans, la commission accorde une attention toute particulière
à la protection des droits des consommateurs et des travailleurs ainsi
qu'à la francisation de l'affichage public et des raisons sociales. Les
demandes d'enquête portant sur l'achat d'un bien de consommation
représentent 30% de toutes les plaintes et accaparent la moitié
du temps des commissaires-enquêteurs. Il
s'agit souvent de produits de consommation dont les inscriptions ne
respectent par la loi qui doit assurer la préséance du
français.
Cette même commission a reçu 42 plaintes provenant du monde
du travail et concernant les Québécois congédiés ou
non embauchés parce qu'ils ne connaissaient pas l'anglais. Dans
plusieurs cas, on a abouti à un règlement positif. Les plus
nombreuses interventions de la Commission de protection de la langue
française concernent les plaintes relatives à l'affichage public
et aux raisons sociales. En 1982-1983, 56,8% de toutes les demandes
d'enquête reçues étaient de cet ordre. Depuis sa
création en 1977, la commission n'a transmis que 23 dossiers sur 14 442
au Procureur général du Québec. Voilà qui devrait
rassurer ceux qui associent la Commission de protection de la langue
française au Bonhomme Sept Heures.
Au cours de la présente année, cette commission disposera
d'un budget de 1 339 100 $ pour réaliser ses objectifs qui demeurent les
mêmes. Toutefois, l'accent sera davantage mis sur le respect de la loi en
ce qui concerne l'étiquetage des produits et les documents qui les
accompagnent. Cette action, comme je l'ai mentionné plus tôt, sera
menée de concert avec celle du gouvernement qui tentera de convaincre
les pays producteurs de respecter la langue des Québécois.
Jusqu'ici, la commission est surtout intervenue pour corriger les
dérogations dans le domaine des jeux et des jouets. Actuellement, ce
sont les jeux électroniques et le modélisme qui font l'objet
d'enquête.
Passons maintenant au Conseil de la langue française qui est, en
quelque sorte, la conscience du gouvernement en matière linguistique.
Comme son nom l'indique, il conseille le ministre en basant ses recommandations
et avis sur la situation réelle du français au Québec,
telle qu'elle apparaît à la lumière des études,
sondages, enquêtes et recherches qu'il effectue. Le bilan que le Conseil
de la langue française fait après six ans d'application de la
charte est, somme toute, positif, bien que ponctué de réserves.
Les mesures linguistiques adoptées par la loi ont porté fruit,
comme le souligne le conseil, en augmentant notamment le nombre d'immigrants
parlant français et en enrayant à tout jamais le flot de leurs
enfants inscrits à l'école anglaise. Toujours selon les sondages
du conseil, la mise en place de cette politique linguistique a eu un impact
positif sur les individus et la société québécoise.
Elle a contribué à libérer les francophones de leurs vieux
complexes d'infériorité qui faisaient d'eux des minoritaires dans
leur propre pays. En milieu de travail - on l'a vu - le tableau est moins rose.
Le marché continue de soumettre les francophones, plus que les
anglophones, à de fortes exigences de bilinguisme. Dans le monde du
commerce et des affaires, le caractère français est devenu plus
visible qu'il y a dix ans. La clientèle francophone réussit
davantage à se faire servir en français dans les hôtels,
restaurants et grands magasins, dans les services municipaux, hospitaliers et
de transport. À la lumière de ces données, le Conseil de
la langue française dégage ses priorités. Quant au travail
qu'il lui reste à accomplir, la moitié du chemin reste à
parcourir. Le premier obstacle à surmonter réside dans les
attitudes des francophones. Une enquête du conseil révèle
en effet que, si ces derniers n'utilisent pas davantage le français,
c'est parce que, de leur propre aveu, ils craignent de compromettre leurs
chances d'avancement, parce qu'ils ressentent une gratification à parler
anglais et, enfin, parce qu'ils ont peur d'être l'objet de
représailles dans leurs relations humaines.
En 1983-1984, le conseil se tourne résolument vers l'avenir. Nous
avons l'intention d'analyser ensemble les divers scénarios que l'on peut
envisager pour assurer au français la place qui lui revient au
Québec et en Amérique du Nord. Il serait prématuré
de développer un sentiment de sécurité excessif face
à l'actuelle situation linguistique, mais il y a tout lieu d'être
satisfait.
En ce qui me concerne, j'attache une grande importance à cet
autre projet du conseil de la langue qui se propose de vérifier, au
cours des prochains mois, la place du français dans la
télématique et les moyens de communication et aussi le rôle
que les Québécois peuvent jouer dans la francophonie mondiale.
C'est d'ailleurs dans cet esprit que la Commission de toponymie, dernier
maillon de la chaîne, amorce la nouvelle année.
Je profite de l'occasion, donc, pour vous annoncer que cet organisme
québécois, qui est chargé de conserver et d'enrichir la
nomenclature officielle du Québec, a décidé d'organiser,
en collaboration avec la Fédération des sociétés
d'histoire du Québec, le premier congrès international sur la
toponymie en Amérique du Nord. Cette rencontre permettra aux chercheurs
de diffuser leurs études et leurs recherches et de comparer leurs
instruments de travail. La Commission de toponymie poursuivra l'an prochain le
travail déjà commencé. Au niveau de l'inventaire, il lui
reste encore 150 000 noms de lieux à recueillir et presque autant
à officialiser. Mais l'élément marquant de cette
année sera sa participation de premier plan à ce congrès
qui souligne le 450e anniversaire de l'attribution officielle des premiers noms
de lieux français en Amérique du Nord, par Jacques Cartier.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. French): Merci, M. le
ministre. M. le député de Jean-Talon. M. Jean-Claude
Rivest
M. Rivest: M. le Président, j'ai écouté avec
intérêt les remarques préliminaires du ministre. J'arrive
dans le dossier linguistique, je suppose, comme un brave, dans la mesure
où le ministre a signalé qu'on en était rendu au
Québec, sur la question linguistique, au temps de la paix des braves.
Croyez-moi, M. le ministre, ce n'est pas mon intention de jeter, tout au long
de votre chemin, quelques éléments guerriers qui pourraient
raviver les combats qui, de toute manière, ont été
pénibles à certains égards, mais, à d'autres
égards, sans doute bénéfiques pour l'ensemble de la
société.
Je voudrais simplement vous dire notre préoccupation. Tout en
nous inscrivant, bien sûr, dans la démarche de la loi 101 et
également dans les correctifs extrêmement importants qui y ont
été apportés en cours de route par la loi 57, il y a,
autour de cette question linguistique, des objectifs de valorisation de
l'identité proprement française de la société
québécoise, auxquels vous vous êtes
référé dans vos remarques, autant en ce qui a trait
à la langue de travail qu'aux programmes de francisation auprès
des entreprises, à la situation des consommateurs, au milieu
universitaire, enfin, au niveau des institutions, des services publics et
privés.
Je pense, et sans doute que vous serez d'accord avec moi, que la
préoccupation majeure que l'on devrait peut-être avoir au cours
des prochaines années sur cette question linguistique est double,
à mon avis. D'abord, bien sûr, il y a la poursuite des objectifs,
c'est-à-dire que les Québécois de langue française,
qui sont en fait la majorité à 80% de la société
québécoise, puissent, dans chacune des sphères de
l'activité humaine, sentir que leur langue a sa place,
c'est-à-dire la place qu'elle doit avoir compte tenu de
l'identité québécoise.
Il y a également d'introduire, dans l'application des diverses
dispositions de la loi 101, telle qu'amendée par la loi 57, ainsi que
dans la démarche des institutions qui sont maintenant en place pour
assurer la mise en oeuvre de la loi, que l'idée de justice puisse
retenir l'attention même si, parfois, en cours de route - on l'a vu
encore tout récemment - certaines dispositions de la Charte de la langue
française dérangent des individus ou une catégorie
d'individus qui perçoivent l'application de la Charte de la langue
française et de ses amendements comme étant injustes à
l'endroit de leur communauté ou injustes envers leur personne et que
l'on puisse trouver, sans que l'on doive nécessairement penser à
des amendements ou à des changements de fond aux niveau linguistiques,
au niveau du ministre et au niveau des fonctionnaires, peut-être
davantage que par le passé une conviction que l'on puisse être
entendu et que les récriminations que l'on peut avoir, les frustrations
que l'on peut ressentir ou les injustices dont on se sent victime puissent
recevoir toute l'attention qu'elles méritent.
Je sais que c'est sans doute là aussi une approche du ministre,
mais je pense que, pour le bien de l'ensemble de la collectivité
québécoise, il n'y a pas un petit problème dans le domaine
linguistique, si petit soit-il, qui doive être oublié dans
l'ensemble des mécanismes ou dans tout l'appareil linguistique qu'on a
mis en place. Je pense que cela mérite une attention et, à cet
effet, pour ma part en tout cas, je vais attacher une très grande
importance à l'appui que nous allons accorder à ces cas qui
surviennent, que ce soit au niveau professionnel, dans le domaine de
l'entreprise ou même au niveau des institutions, des
municipalités, etc. Nous voulons, au niveau du ministre et des hauts
fonctionnaires qui sont chargés de l'application de la loi, nous
assurer, comme première démarche, que ces gens seront
écoutés.
M. le ministre, je ne veux pas ici -vous le comprendrez facilement -
reprendre les débats que vous avez eus en commission parlementaire; je
pense que, de part et d'autre, il y a eu énormément de choses.
Bien sûr, une certaine différence persiste, entre autres, sur la
question de l'affichage; je pense que mes collègues vous en ont
parlé, vous ont fait part des plaintes. Je pense que vous avez
évoqué que quelque 58% des plaintes qui sont formulées ont
justement trait à l'affichage.
Je sais qu'au niveau de la loi 57 on a reconnu certains statuts aux
institutions. Comme vous l'avez indiqué dans vos remarques
préliminaires, la communauté anglophone, pour sa part, n'a pas eu
une reconnaissance spécifique dans nos lois linguistiques, malgré
qu'elle occupe, dans la réalité des choses, une place importante
au Québec. Mais nous n'avons pas l'intention, comme je l'ai
indiqué, de reprendre ce débat pour l'instant. Je pense que les
amendements qui ont été apportés à la loi 57
méritent d'être appliqués comme, d'ailleurs, la
première démarche qui a été faite au niveau de la
loi 101. C'était une loi qui transformait, à certains
égards, radicalement les situations; on a quand même laissé
quatre, cinq ou six ans d'application de cette loi avant d'apporter des
correctifs. Il y aura sûrement, dans l'avenir, d'autres correctifs qui
devront être apportés, mais je pense qu'il faut donner une chance
aux amendements qui ont été apportés par la loi 57.
Je ne veux pas éterniser mes remarques préliminaires.
J'aimerais peut-être, si cela convient au ministre et dans la mesure
où, M. le Président, vous avez indiqué que nous
n'allions pas toucher aux éléments du programme compte
tenu du temps dont on dispose, à moins que d'autres de mes
collègues ne veuillent faire des remarques préliminaires, poser
un certain nombre de questions au ministre sur l'application de la loi
linguistique.
Le Président (M. French): Y a-t-il d'autres commentaires
préliminaires?
M. Godin: Si vous me le permettez, pour répondre aux
propos du député de Jean-Talon sur la justice et la conviction
que doivent avoir les gens qui s'adressent à un organisme du
gouvernement, sur la conviction de pouvoir être entendus, je puis vous
dire que, dans quelque organisme que ce soit, la négociation est la
règle; d'autre part, la concertation est la deuxième
règle. C'est ainsi que, chaque fois qu'une lettre est acheminée
par la commission de protection, par exemple, à un organisme ou à
une institution, il y a eu auparavant des tentatives d'en arriver à des
solutions qui respectent l'esprit de la loi. (16 h 45)
D'autre part, si je parle maintenant de l'Office de la langue
française, la négociation est tellement essentielle que c'est
pour cela qu'il y a des négociateurs, des gens qui vont voir les
entreprises une par une et qui signent des ententes, qui suivent l'application
de ces ententes. L'office réunit régulièrement les
représentants du monde des affaires et du monde du travail et les
informe de ce qui s'en vient, tente d'obtenir d'eux des suggestions quant
à la meilleure manière de négocier ces programmes de
francisation. Donc, en deux mots, négociation et concertation.
M. Richard French
Le Président (M. French): M. le député de
Jean-Talon, je ferai moi-même quelques commentaires préliminaires.
J'ai été extrêmement heureux d'entendre le commentaire du
ministre, à savoir qu'une partie importante de la problématique
de la langue aujourd'hui au Québec réside dans les attitudes des
francophones. Je me suis dit, lorsqu'on m'a demandé de considérer
le rôle de président de cette commission de la culture, que je
concevais la commission comme une espèce de chien de garde de la place
du Québec comme société distincte; tout en n'étant
pas en mesure de dire moi-même que je partage complètement ce
qu'on pourrait concevoir comme étant le prototype de la culture
francophone du Québec, je me suis dis que je me considère comme
quelqu'un qui aime vivre dans cette ambiance, qui l'apprécie et qui ne
voudrait pas la voir disparaître.
Si nous avons à la fois les affaires culturelles, les
communications et les communautés culturelles et l'immigration dans
notre domaine, il me semble que ceux et celles qui étaient responsables
de la réforme parlementaire nous ont dit que nous nous devions de
réfléchir avec ce mandat sur l'existence, le
développement, l'avenir de cette société distincte qui est
le Québec.
Or, il me paraît que, sur le plan linguistique - ou devrait-on
parler plutôt du plan démographique? - au Québec, nous
avons franchi une étape importante. Je ne dis pas qu'il n'existe plus
d'irritants, je pense qu'il en existe encore, mais je pense que l'essentiel du
problème ne réside pas maintenant dans le genre d'approche
législative et réglementaire que trois gouvernements de suite ont
poursuivi depuis une quinzaine d'années.
Je ne dis pas qu'il est temps de déréglementer ou de
retirer nos lois, pas du tout. J'essaie de peindre un portrait tout autre,
c'est-à-dire un portrait d'une société dans laquelle le
taux de natalité chute, les médias anglophones et
américains surtout -parce qu'il ne s'agit pas des médias
anglo-canadiens qui sont des menaces pour nous pour notre société
- grugent une partie du marché de plus en plus impressionnante. Dans la
mesure où la composition de notre société en termes de
groupes d'âge change radicalement, dans la mesure où une
technologie qui se fait, qu'on le veuille ou non, en anglais et, je suppose, en
deuxième lieu en japonais, devient de plus en plus importante dans la
vie quotidienne des Québécois et des Québécoises,
il me semble qu'il y aurait avantage - je répète que je formule
mes commentaires non pas en tant que critique - à reformuler presque
complètement notre conception de cet ensemble des préoccupations
qui animaient depuis quinze ans un certain nombre de guerres linguistiques sur
le plan du rôle respectif de l'anglais et du français ou des
anglophones et des francophones dans la société
québécoise, à reconcevoir cet exercice comme une prise de
conscience de la part des Québécois et, au premier chef, des
francophones, de ce qu'est leur avenir face aux forces que j'ai
mentionnées. Je vous signale que ces forces ne sont pas celles qui
découlent d'un rapport de forces à l'intérieur de la
société ni même, n'en déplaise aux
prétentions du ministre, à mon avis, d'un rapport de forces dans
le contexte national du Canada, mais elles résident beaucoup plus dans
la situation québécoise objectivement conçue, qu'elle soit
indépendante ou non, face à un monde qui ne donne pas une grande
place aux petites collectivités, qui donne en tout cas de moins en moins
de place, dans un monde industrialisé, aux sociétés
industrialisées, mais qui veut garder une particularité ou une
spécificité culturelle.
Par contre, je vois dans les mots "spécificité" et
"particularité" une espèce de piège qui, je voudrais tout
de suite le dire, constitue, à mon avis, un danger constant,
c'est-à-dire la notion que nous pouvons nous protéger des forces
que j'ai mentionnées en étant plus spécifiques, en
étant consciencieusement nous-mêmes, en essayant de nous emballer
pour le macramé fait à la main ici au Québec, le
macramé pure laine, si vous voulez. Ce n'est pas là la voie
à suivre. Je ne sais pas quelles sont les voies, mais je sais fort bien
que, bien qu'il existe encore, comme je l'ai déjà dit, quelques
irritants et quelques problèmes dans les lois et les règlements
du domaine linguistique, des menaces nous guettent maintenant en tant que
Québécois, quelle que soit notre langue. Les
Québécois apprécient ce qui existe ici; ils
apprécient le fait que nous ne parlons pas tous la même langue,
mais que nous avons appris à vivre ensemble, de façon pas si mal.
C'est une société qui, depuis une quinzaine d'années ou
une vingtaine d'années, débat les questions extrêmement
aiguës dans une atmosphère généralement respectueuse.
Ceux parmi nous qui veulent préserver ce qui est l'essentiel ne
devraient pas se permettre de continuer d'imaginer que nous pouvons continuer
à nous protéger avec les mêmes instruments que ceux que
nous avons utilisés dans le passé.
Je ne sais pas si j'ai réussi à rendre mes idées
très claires, mais il me semble que cette deuxième, cette
troisième ou cette quatrième étape dans la survivance
d'une société québécoise se dessine tout autrement
que la bataille que nous avons menée depuis un certain temps. Il me
semble que le ministre lui-même est à la fine pointe de cette
bataille, qu'il se doit de réfléchir là-dessus et de
prendre le leadership d'une nouvelle conception de la problématique, une
conception des vraies menaces qui nous guettent, et qu'il ne doit pas continuer
- je dis ce que je pense; ce n'est pas une critique au ministre - de
prétendre que les batailles déjà gagnées pourraient
servir de nouveau d'objet important, d'effort et d'énergie. Ces
batailles sont sensiblement gagnées sous l'égide ou par
l'étendue des lois et des règlements de l'Assemblée
nationale, au moins le genre de règlements et le droit que nous avons
utilisés dans le passé. Je ne dis pas qu'il ne faut pas
légiférer, mais je dis qu'il faut légiférer avec un
tout autre aspect en vue, un tout autre objectif, un tout autre but.
M. Godin: Je vous dirai ce que j'ai observé comme ministre
responsable de la charte, lors de cette commission parlementaire, pas seulement
de la part de l'Opposition - les journaux l'ont mentionné -mais
également de la part des témoins qui sont venus à cette
commission, des groupes qui sont venus à cette commission, et
également la réaction de l'opinion publique qu'on lisait dans les
journaux ou autrement sur la question de la révision de la loi 57. Au
fond, en un mot, je dirais que ce qui se dégage présentement au
Québec, c'est une certaine maturité nouvelle à
l'égard des questions linguistiques. Cette maturité s'incarne, je
pense, dans la réaction qu'on a observée face aux changements
apportés à la loi 101. Je pense qu'avoir attendu un an, avoir
réfléchi pendant un an, avoir consulté et avoir
écouté pendant un an, cela nous a amenés à faire de
la loi 101 - je pense, je rêve peut-être en couleur - en grande
partie, l'objectif de la francisation du Québec, objectif sur lequel je
n'ai pas entendu de voix discordante au Québec, ni à la
commission parlementaire ni dans les journaux. L'objectif de francisation est
reconnu et est admis. On ne s'entend pas exactement sur les moyens d'y
parvenir, sur le rythme pour y parvenir, sur la vitesse de croisière des
travaux à faire, mais la maturité nouvelle, je pense qu'elle est
là. Vous me demandez de prendre le leadership de cette maturité
nouvelle. Je pense que le changement majeur de la loi 57 a été de
redonner aux institutions anglophones une plus grande part de
responsabilité dans l'adhésion à l'objectif de la loi 101
et de la Charte de la langue française, c'est-à-dire qu'en le
demandant aux institutions anglaises et en leur faisant confiance au point de
leur dire: C'est vous qui allez déterminer les niveaux de connaissance
du français requis pour vos propres employés, je pense que, d'une
part, cela a contribué largement à améliorer les rapports
humains entre les deux groupes qui sont ici. D'autre part, je pense que cette
concession majeure par rapport à la loi 101, le fait qu'elle a
été acceptée par l'opinion publique francophone montre,
illustre que la maturité est là.
Je le répète, je vous l'ai dit un peu plus tôt, dans
le domaine de l'immigration, je suis par nature un optimiste. Je crois dans la
nature humaine. Je crois que les hommes et les femmes du Québec peuvent
trouver en eux et en elles les ressources pour régler leurs
problèmes entre adultes consentants. C'est le pari que nous faisons. Je
ne dis pas que la loi 57 plus la loi 101 sont parfaites. Il y a un vieux
proverbe anglais qui dit: You cannot make bricks without straw, vous le
connaissez sûrement. Je ne pense pas non plus que le paradis soit de ce
monde, à notre niveau. Nous sommes sur la terre. Nous devons
réfléchir ensemble à ces questions. C'est ce que nous
avons fait depuis des années, au fond. Autant votre parti... Et M. le
député de Jean-Talon peut en témoigner plus que moi pour
ce qui touche le passé puisqu'il a été associé de
près à la réflexion du gouvernement dont il était
conseiller sur la question linguistique.
Tous les Québécois de 25 ans et plus ont
profondément dans leur chair, je dirais, dans leur expérience
vécue, une connaissance de la querelle linguistique. On
réfléchit tous là-dessus par la force des choses. C'est
peut-être cette communauté d'expérience qui fait que nous
en arriverons certainement, nous en sommes arrivés partiellement
à ce que j'ai appelé la paix des braves. La loi 57 en est une
sorte d'incarnation, est une sorte de pari positif sur l'avenir.
En ce qui me concerne, je n'ai aucunement objection à poursuivre
ce travail de réflexion en commun, tout en ne se faisant pas d'illusion
non plus, tout en ne croyant pas que la communauté anglaise du
Québec va renoncer à cet autre objectif qui dit: Much would have
more. On l'a vu récemment dans le cas de la ville de Buckingham. On va
peut-être le voir dans le cas d'autres villes. Il ne faut pas se cacher
qu'un certain nombre de citoyens anglais du Québec rêvent aussi de
revenir à la situation d'avant la loi 101, M. le Président, et
vous le savez aussi bien que moi, sauf que je pense que nous devons trouver le
"mainstream". Je pense que le "mainstream" s'est manifesté lors de la
commission parlementaire dans les propos de l'Opposition libérale et des
membres gouvernementaux. Je pense qu'il est là, le "mainstream". C'est
la raison pour laquelle, tout en m'attendant, par cynisme peut-être,
à voir surgir de nouveau certains fantômes du passé, je
continue à croire que nous pourrons quand même rester
fidèles à des objectifs qui étaient dans la loi 22 du
Parti libéral et également dans la loi 101.
Le Président (M. French): M. le ministre, très
brièvement, je suis quelque peu frustré de mon manque de
maîtrise de la langue française pour vous expliquer que je vous
invite à ne pas vous en préoccuper, parce qu'on va en parler en
détail dans les questions. Il ne faut pas vous préoccuper pour le
moment des institutions anglophones du Québec qui ne comptent pas pour
grand-chose, à mon sens, dans la question que j'essaie de faire valoir
devant vous. J'essaie de vous dire que ceux et celles qui vivent encore au
Québec dans la communauté anglophone ont choisi de vivre ici
parce que, quelques irritants mis à part - ils ne sont pas importants,
dans le fond; je ne parle pas de la ville de Buckingham - ils
préfèrent vivre ici. Une des raisons pour lesquelles ils
préfèrent Québec, c'est parce que c'est une
société qui est très différente des autres
sociétés en Amérique du Nord et, si on veut
protéger cette société, ce n'est pas avec des amendements
à la loi 101 ou à la loi 57, contre lesquels je n'ai rien
à dire, qu'on va y arriver. Je pourrais demander plus, mais, en tout
cas, ce n'est pas le débat actuellement. C'est beaucoup plus.
Maintenant les menaces surgissent ailleurs et les dangers ne sont plus
ceux avec lesquels nous étions aux prises depuis 20 ans. Ils sont de
nature complètement différente et, je le répète,
ils ne découlent pas d'un rapport de forces ou de l'histoire à
l'intérieur du Québec ou du Canada, mais beaucoup plus de notre
existence comme entité mondiale industrialisée et commerciale,
d'une part, et, d'autre part, culturellement distincte et petite. (17
heures)
Je ne vous demande pas de répondre, mais je vous invite à
réfléchir sur le fait que les outils dont on dispose quand on
parle de la Charte de la langue française, lorsqu'on parle de l'office
et du conseil, devraient être, à mon sens, d'éviter de se
préoccuper du genre de problématique dont vous venez de me faire
part et avec lequel on vit depuis très longtemps, mais de s'occuper de
la réalité démographique, technologique, de certains
outils de communication qui dépassent très largement le genre de
problématique des années soixante qui donnait naissance aux 20
dernières années de tension autour de la question
linguistique.
Nous ne sommes pas moins menacés; nous sommes menacés
d'une façon totalement différente. Je pense qu'il est grandement
temps que nous nous occupions de ces nouveaux dangers pour ne pas s'enliser de
plus en plus dans des problèmes qui sont, quant à moi, en train
de se résoudre très rapidement. Je ne vous demande pas de
répondre, mais je vous invite à y réfléchir.
M. le député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, je veux
réagir à vos commentaires. C'est sûr que vous aviez un
objectif très louable...
Le Président (M. French): Excusez-moi, j'ai...
M. Champagne (Mille-Îles): Vous avez un objectif
très louable et je pense que tout le monde ici est en faveur de la
vertu. Si tout le monde était vertueux, je pense qu'il n'y aurait aucune
loi. Hélas, nous sommes obligés de fonctionner avec des lois pour
protéger les individus. C'est pour cela que vous avez des lois sur le
meurtre et des lois sur la sécurité routière. Comme vous
l'avez si bien dit, il y a trois gouvernements qui ont senti le besoin, pour se
protéger au point de vue culturel et au point de vue linguistique,
d'établir une loi. Si nous étions tous vertueux, on n'aurait pas
besoin de cela. Si nous étions tous vertueux, nous n'aurions
peut-être pas besoin de l'Office de la langue française, de la
Commission de protection de
la langue française, de la Commission d'appel de francisation des
entreprises; tout le monde vivrait dans le respect mutuel et dans le respect
d'une majorité.
Vous sembliez préconiser... Vous aviez peut-être raison de
demander pourquoi mettre tous ces cadres-là...
Le Président (M. French): Aucunement, M. le
député.
M. Champagne (Mille-Îles): Vous avez eu votre droit de
parole tout à l'heure. Pourquoi tous ces cadres? Il faut réaliser
que le pouvoir d'attraction de la culture anglophone est extrêmement
grand. Si on le demande à des Québécois francophones - on
l'a demandé dernièrement par des sondages -on s'aperçoit
que la culture anglophone a quand même un pouvoir d'attirance
énorme pour les Québécois. Face à cela, je pense
qu'on doit être prudent dans tout cela. Je suis d'accord avec le
député de Jean-Talon qui disait: C'est sûr que, s'il y a
des règlements, une loi, des frustrations et des injustices, il faut
faire en sorte qu'il y ait le moins d'irritants possible. C'est quand
même un objectif noble en soi. Si petite que soit l'injustice, il faut
essayer de la corriger. Je suis d'accord avec lui. Il ne faut pas non plus
monter en épingle ces quelques irritants, considérant le grand
objectif global qu'on veut atteindre avec la loi 101 et la loi 57.
Je pense qu'on doit établir certaines lois de protection. On a
essayé de le faire dans certaines autres provinces, comme au Manitoba.
On s'aperçoit que ces gens n'ont pas pu avoir la protection
nécessaire. C'est sûr que, s'il n'y a pas de
réglementation, les choses s'en vont et on s'aperçoit que la
culture française, au Manitoba en particulier et dans les autres
provinces, va en diminuant. On n'a pas le courage politique d'adopter une loi
ou de faire une réglementation. Comme le président l'a dit tout
à l'heure, trois gouvernements ont senti le besoin d'établir des
lois. Considérant la générosité et l'esprit de
tolérance des Québécois, je pense qu'avec la loi 101 et
avec la loi 57, dans l'ensemble, on respecte à la fois les cultures ici
au Québec et la culture de la majorité.
Le Président (M. French): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, j'aurais quelques questions.
Je ne veux pas - je pense que je vais le faire un peu... Le ministre a
évoqué...
Le Président (M. French): Excusez-moi, M. le
député, est-ce que c'est une question, parce que M. le
député de...
M. Rivest: Non, ce n'est pas une question, c'est juste un bref
commentaire sur la discussion que vous avez eue.
Le Président (M. French): D'accord. Je m'excuse,
allez-y.
M. Rivest: Ce qu'il est important de se rappeler - c'est
peut-être ce qu'a évoqué le député de
Westmount - c'est que, bien sûr, toute la problématique de la
question linguistique au Québec - et d'ailleurs la loi 101 et la loi 57
sont dans ce sens, dans le prolongement de cela - a tenu essentiellement et
substantiellement au phénomène de l'insécurité
culturelle des Québécois francophones au Québec
même. Cela a passé. Cela se traduit encore... Les remarques du
ministre étaient très révélatrices à cet
égard et généralement justes. Lorsque plusieurs
travailleurs, par exemple, ont encore le sentiment ou une certaine frustration
parce qu'ils ne peuvent pas encore travailler dans la langue
française... C'est la problématique très
québécoise de la question linguistique avec, dans son
deuxième volet, le phénomène de la minorisation qui s'est
produit pour la communauté anglophone; donc introduction d'un
élément d'insécurité autour de l'avenir de la
communauté anglophone, compte tenu des mouvements migratoires, compte
tenu de la baisse de la natalité. Les demandes qu'ils vous ont
adressées afin que la communauté anglophone soit reconnue en tant
que telle, cela procède d'un sentiment d'insécurité qui
est propre aux conditions historiques et contemporaines du Québec.
Ce que le député de Westmount voulait indiquer, c'est que,
dans cette question linguistique, il y a maintenant des facteurs
complètement extérieurs qui risquent d'influencer, ne serait-ce,
par exemple, que le changement des valeurs pour une quantité
considérable de notre jeunesse. On le voit, d'ailleurs, dans les
relevés d'opinions. Les jeunes sont bien davantage que nous l'avons
été, nous, les gens de la période des années
soixante, ouverts aux autres réalités, aux autres cultures, etc.
On le voit dans le domaine de la technologie, de toute la transformation que
cela amène au tissu culturel du Québec. Ce n'est pas tout de
mettre des étiquettes en français sur un
télécouleur ou une radiocassette. C'est en soi un
phénomène culturel qui dépasse de beaucoup
l'étiquette. Je suis d'accord qu'on doit viser à ce que les
manuels d'instructions... Ce sont encore là des facteurs externes qui
jouent sur la société québécoise, comme, par
exemple - l'élément pour l'illustrer encore mieux - sur la langue
anglaise...
C'est sûr que c'est un phénomène universel que la
langue anglaise a remplacé la langue française dans les
communications internationales, non seulement de la
diplomatie, mais des affaires. Il suffit de voir les offres d'emplois de
pointe, même en France, où on demande la connaissance de la langue
anglaise; en Chine, c'est l'anglais. Ce phénomène est très
préoccupant. D'ailleurs, pour l'illustrer, je me rappelle que mon
ex-collègue de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, avait soulevé,
lors de l'étude des crédits du ministère ou à
l'époque où M. Jacques-Yvan Morin s'occupait de science et de
technologie, qu'à Hydro-Québec, institution très
québécoise, environ 80% de la publication des travaux de
recherche dans un domaine qui nous est propre, dans lequel on a une expertise
proprement québécoise, donc 80% des travaux de recherche des
chercheurs d'Hydro-Québec étaient publiés en anglais.
Voilà! Pourquoi? Parce qu'il y a dans ce domaine tout un réseau
de communications, c'est-à-dire que la problématique de la
question linguistique qui a toujours été une problématique
interne de rattrapage pour les Québécois francophones, de
sauvegarde et de protection d'institutions pour la communauté anglophone
est maintenant sujette, et de plus en plus sera sujette à l'ensemble de
l'évolution du monde technologique. C'est dans ce sens-là.
On n'en est pas, comme l'évoquait le député de
Westmount, d'après ce que j'ai compris de son intervention, à
demander au ministre aujourd'hui, dans le cadre de l'étude de ses
crédits - on s'éloigne peut-être beaucoup des
crédits, mais il faut quand même garder cela en perspective et
savoir que beaucoup de nos décisions et des attitudes que l'on prend...
Par exemple, j'entendais le ministre dire tantôt dans ses remarques qu'il
y a quelque 55% - sauf erreur - des Québécois qui travaillent en
français. Le temps de leur travail, je pense que c'est cela. Or, le fait
de dire cela, même si l'article de la loi dit qu'ils peuvent travailler
à 100%, les contraintes extérieures - je pense aux chercheurs
d'Hydro-Québec, pour donner un exemple - ce n'est pas sûr que l'on
doive nécessairement... Si on regarde la mentalité ou la
problématique des années soixante, soixante-dix, de la loi 22, de
la loi 101, etc., on peut dire qu'il faudrait que cela aille jusqu'à
100%, mais ce n'est pas sûr que cela doive aller jusque-là. Il y a
des limites imposées par l'extérieur au phénomène
même de la francisation dont on va devoir tenir compte. À mon
avis, ce problème est à ce point fondamental - et le ministre a
mentionné seulement un sujet spécifique - que la seule solution,
parlant plus spécifiquement de l'avenir et de la permanence de la langue
française au Québec, et non seulement pour les fins de
consommation qu'a évoquées le ministre, c'est de savoir que la
France, pour sa part, et l'ensemble de la communauté des pays
francophones doivent se poser les mêmes questions. À mon avis, la
seule solution en ce qui a trait, en tout cas, à la communauté
francophone du Québec, c'est qu'on ne pourra pas faire face à ce
type de problème, à cette problématique qui nous vient de
l'extérieur sans que l'on constitue - le ministre a parlé, je
pense, d'un front commun, mais il faut beaucoup plus que cela. Il faut une
articulation organique de l'ensemble des sociétés parlant
français pour se concerter, mettre en commun leurs moyens, comme on a
déjà commencé à le faire dans le cadre de la
coopération franco-québécoise, mais bien davantage qu'on
le fait, si on veut qu'il y ait, à l'échelle internationale et
face à l'évolution des sociétés modernes, une
permanence et des garanties de permanence de l'usage du français.
Le Président (M. French): M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, pour enchaîner avec ce
que mon collègue de Jean-Talon dit, pour avoir discuté longuement
avec des amis français de cette question, je dois dire - et pour des
raisons évidentes -qu'ils n'ont pas la même perception que nous de
ces questions. Je dirais que le Québec est le canari de la francophonie.
Les mineurs, à l'époque, descendaient avec eux au fond des mines,
avant les lampes à grisou qui avertissent maintenant de la
présence de gaz, un canari dans une cage et, quand le canari mourait,
les mineurs remontaient, parce que cela voulait dire que l'air était
irrespirable. Je pense que le Québec est le canari de la francophonie et
nos efforts, aussi bien ceux du président du Conseil de la langue
française dans ses contacts nombreux avec ses collègues
d'organismes de France que les interventions du président de la
Commission de protection de la langue française, que du président
de l'Office de la langue française, je ne sais pas quel rapport ils
feraient des rencontres qu'ils ont eues... Je ne sais si ce serait les
mêmes que moi, parce qu'ils travaillent sur des projets très
concrets, mais les discussions que j'ai eues avec des collègues
français du Parlement ou du gouvernement aussi bien
précédent qu'actuel, qui sont, au fond, à peu près
les mêmes que celles que nous avons aujourd'hui, me permettent d'en
arriver à la conclusion que, malheureusement, la France n'est pas encore
aussi sensibilisée à ces questions que le Québec peut
l'être. Il faudrait qu'il leur passe un certain frisson à un
moment donné pour qu'ils se sentent plus pressés d'adhérer
à cette opération conjointe. Je pense qu'on va y arriver
tôt ou tard, mais il y a beaucoup de boulot à faire auprès
des Français eux-mêmes. Il y a peut-être moins de boulot
à faire auprès des plus petits pays. Mon collègue de
Westmount a évoqué tout à l'heure la question des petits
pays, leur
spécificité et les risques qu'ils courent. Est-ce que ces
risques sont plus grands dans un ensemble anglais comme le Canada, une
fédération anglaise, ou autrement? La question n'est pas
résolue pour plusieurs Québécois. Elle l'est pour moi,
mais ensemble je pense que nous devons réfléchir et nous avons,
étant le canari, un rôle particulier. (17 h 15)
II a paru un nouveau glossaire de l'office sur le transport routier au
Québec, il y a quelques semaines, grâce à un travail
conjoint de l'office avec l'Association du camionage du Québec, un
travail merveilleux, inouï, fait en concertation, en collaboration avec
l'entreprise de camionnage québécoise et le gouvernement par son
Office de la langue française. Ils ont mis au point un glossaire, sauf
qu'à l'instant même où le glossaire est publié il
est déjà désuet en partie parce que les terminaux des
ordinateurs sont de plus en plus présents dans ces entreprises et le
transport des marchandises est de plus en plus programmé sur ordinateur,
de sorte qu'il faut maintenant travailler au glossaire, bien sûr, mais
à des progiciels, à des logiciels qu'on insérerait au
moyen d'une disquette dans ces ordinateurs. Ceci permettrait à quelqu'un
qui a déjà fait l'effort de se franciser - c'est le cas de
l'immense majorité des employés de ce secteur - de continuer
à le faire. C'est pour cela que nous devrons littéralement
divertir des fonds qui allaient à l'édition de livres vers
l'édition de logiciels, parce que c'est la nouvelle
réalité.
Je pense que, dans ce domaine, le Québec peut jouer un rôle
éminemment important et trouver pour ces nouveaux produits, ces
logiciels, progiciels, des marchés extérieurs en France et dans
d'autres pays francophones dans le monde.
À mon avis, les perspectives sont très vastes pour le
rôle du Québec sur ce théâtre de la francophonie
mondiale. Nous aurons certainement d'autres occasions, puisque la commission de
la culture peut convoquer en tout temps n'importe quel ministre des
ministères qui en font partie, pour aborder d'autres aspects de ces
questions.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
M. Raymond Brouillet
M. Brouillet: J'avais demandé la parole avant
l'intervention du député de Jean-Talon. Il faut dire que mon
intervention se situait un peu dans le sillon de la sienne et je serai
très bref. Aussi, pour poursuivre dans l'intervention du
député de Westmount, je crois que ce que le député
de Westmount a voulu dire c'est qu'on s'est donné des instruments, par
la Charte de la langue française et par les différents organismes
qui sont là pour en assurer l'application et l'atteinte des objectifs
poursuivis par la loi, qui nous permettent de contrer une menace interne.
Si on se réfère un petit peu à notre histoire, on
percevait la menace vis-à-vis de notre identité culturelle comme
étant une menace interne même à notre
société. C'étaient les éléments
présents au sein de notre société qui se
présentaient à nos yeux comme nous menaçant
culturellement. Il y avait la présence massive des anglophones, qui
contrôlaient tout un secteur de l'activité sociale, entre autres,
de l'activité économique, on avait aussi l'immigration qui jouait
carrément contre nous et on sentait à l'intérieur
même, par le biais d'éléments internes, un mouvement de
minorisation considérable de notre groupe culturel et de notre
identité québécoise.
Je suis d'accord avec le député de Westmount dans le sens
que les instruments qu'on s'est donnés sont nécessaires et
doivent rester. La loi est là. Les règlements sont là. Les
organismes sont là. Ils ont raison d'être là et il faut
qu'ils continuent d'être là avec la loi. Selon moi, ce que le
député de Westmount a voulu mentionner, et je crois que je suis
d'accord avec lui là-dessus, c'est que, aujourd'hui, la menace
culturelle ne s'enracine pas exclusivement dans des éléments
internes de notre société, mais la menace culturelle provient
d'éléments externes. On a mentionné justement l'univers de
la révolution technologique actuelle qui est fondamentalement
anglo-saxonne. Il ne faut pas se le cacher. On est menacé par cela. Il
n'est pas certain que les instruments qu'on s'est donnés, comme la
langue par exemple, les organismes qu'on a, soient suffisants pour contrer
cette menace.
On a beau être aux aguets des menaces internes mais, si on n'est
pas attentifs aux menaces externes qui, à moyen et à long termes,
sont peut-être encore plus dangereuses, on va manquer le bateau. C'est un
peu ce sur quoi, je crois, le député voulait attirer notre
attention. Je crois que je suis d'accord avec lui. Il n'est pas dit, cependant,
que certains organismes qui travaillent dans plusieurs secteurs ne peuvent pas
jouer un rôle. Entre autres, l'effort que vous faites pour assurer, dans
le domaine des communications, une présence francophone. Certains de vos
organismes le font.
M. le député de Westmount invitait le ministre responsable
de la Charte de la langue française à entreprendre
peut-être un nouveau combat sur d'autres champs dont l'ennemi serait
beaucoup plus les éléments externes à notre
société. C'est un combat gigantesque à livrer et c'est un
mandat assez colossal qu'on vous demande d'assurer. Je crois que cela ne pourra
se faire qu'en collaboration avec tous les éléments de la
société. Je suis sûr que le ministre des
Communications aurait beaucoup de choses à nous dire; aujourd'hui, il ne
s'agit pas de contrôler uniquement la langue d'enseignement dans nos
écoles, la langue parlée dans les services à la
société, je crois qu'il va falloir en arriver à
contrôler d'une certaine façon la langue qui va
pénétrer dans toute notre société par le biais des
moyens de communication modernes. Si on n'a pas un certain contrôle sur
le culturel qui est véhiculé, les valeurs et la langue
véhiculées par ces moyens, on va se faire envahir par d'autres
ethnies et c'est peut-être plus menaçant que ce qu'on a pu avoir
à l'intérieur de la société.
J'ajoute, pour compléter - je crois que le député
de Jean-Talon l'a mentionné tantôt - que la société
québécoise seule ne pourra pas, le ministre de l'Immigration seul
ne pourra certainement pas livrer une bataille valable contre cet ennemi, ces
géants qui nous menacent de l'extérieur; il va falloir embarquer
la francophonie. C'est possible que la France soit moins sensible, parce
qu'elle se sent moins directement ou immédiatement menacée, mais
je crois qu'il y a une prise de conscience de plus en plus grande -
peut-être pas aussi grande qu'ici - au sein de la France et d'autres pays
francophones quant à cette menace culturelle à notre
identité culturelle, la francophonie. C'est un combat qui doit
être livré en collaboration avec l'ensemble de la francophonie,
avec la France et aussi avec le ministre de l'Immigration et des Affaires
culturelles, bien sûr. C'est à peu près tout ce que je
voulais dire sur ce point.
Le Président (M. French): M. le ministre, avez-vous des
commentaires?
M. Godin: Je ne sais pas si le député de Westmount
a lu, avant de s'asseoir à cette table et de participer à cette
commission, le discours que j'ai prononcé lors du début des
travaux qui ont mené à la loi 57, mais je disais justement
à nos partenaires anglo-québécois qu'ils ne devaient pas
confondre la volonté de résistance du Québec à
l'anglicisation comme une volonté de s'opposer aux anglophones du
Québec. Je disais que l'étape qui devait venir était
beaucoup plus une étape de travail la main dans la main pour
préserver cette spécificité. Je reprends vos mots, M. le
Président. Il fallait réfléchir ensemble sur la
manière de préserver la spécificité
québécoise et canadienne, d'ailleurs, parce qu'elle est aussi
menacée par l'éléphant américain, ainsi qu'on l'a
appelé à plusieurs reprises.
Le Président (M. French): Là-dessus, si vous me le
permettez, je considère que la société anglo-canadienne a
moins à perdre et c'est ce qui me préoccupe.
M. Godin: On peut dire que la communauté anglo-canadienne
peut se nourrir dans sa langue des créations de la culture
américaine qui est probablement la machine culturelle la plus importante
dans l'histoire de l'humanité. Tout en disant oui à la main
tendue par le député de Westmount à cette réflexion
commune, je me dis en même temps qu'il faut éviter que ce soit une
nouvelle édition de la fable célèbre du pot de fer et du
pot de terre. Si les deux pots que sont la communauté anglaise du
Québec et la communauté française du Québec
dévalent côte à côte la pente et si nous nous
frottons les uns aux autres, je crains que le pot de terre, qui est la
francophonie, soit plus menacé que le pot de fer, que l'anglophonie
québécoise, pot de fer du fait de sa proximité du plus
important réservoir culturel de l'histoire de l'humanité. Il est
le parapluie de l'anglophonie mondiale et québécoise aussi.
Ceci étant dit, je pense qu'il y a un grand nombre de choses qui
ont été faites ici. Au fond, la lutte pour l'existence de ce
Parlement québécois a été faite par la
communauté anglaise et la communauté française à
l'époque. Donc, il y a des exemples historiques de travail fait en
commun pour la liberté parlementaire du Québec, pour les
institutions fondamentales, primordiales du Québec qu'on appelait
à l'époque le Bas-Canada. Rien n'interdit de croire que ce
passé ne se réincarne pas aujourd'hui. Il s'est
réincarné dans le domaine du développement
économique. Le développement économique du secteur des
pâtes et papiers au Québec s'est fait conjointement. Le
développement économique du secteur hydroélectrique s'est
fait conjointement. D'abord les compagnies privées et ensuite
Hydro-Québec. C'est une création conjointe, je dirais. Donc, rien
n'interdit de croire que des contributions aussi importantes que
celles-là dans le passé ne voient le jour dans l'avenir. Je suis
assez optimiste pour croire que c'est non seulement possible mais
inévitable du fait de notre proximité sur un territoire
donné. En même temps je me dis que nous ne devons pas perdre de
vue que notre réservoir culturel et linguistique est plus loin que celui
de nos partenaires historiques.
Le Président (M. French): M. le ministre, d'abord je veux
vous remercier parce que je sais comment la bonne volonté est
présente dans ce que vous nous dites. Je voudrais cependant vous dire
que, si vous vous rappelez mes commentaires, je ne revendique aucunement un
changement du statu quo par rapport à la communauté anglophone du
Québec. Je pourrais le revendiquer mais je ne le fais pas dans ce que
j'essaie de faire valoir aujourd'hui. Je ne pense même pas que c'est
pertinent à ce que
j'essaie de dire aujourd'hui. J'essaie de dire que, s'il y a un
rôle pour un certain nombre de minorités au sein de la
société québécoise d'ici une centaine
d'années, c'est très intéressant et très important
mais ce n'est pas ce qui me préoccupe pour le moment. Pour ma part,
anglophone, francophone, grec ou italien, je vis à Montréal et au
Québec parce que je trouve cela plus intéressant que les autres
choix qui se présentent devant moi partout dans le monde, au Canada et
dans tout le continent.
Cependant, si je vois les sommes dépensées et investies
dans la culture essentiellement américaine par nos jeunes, si je regarde
le taux de natalité dans la société
québécoise, si je regarde l'importance que prend la technologie
des communications et de l'informatique dans notre société, si je
vois la part du marché dont bénéficient les médias
américains ou les émissions diffusées par les postes
canadiens qui sont d'origine américaine, je m'inquiète pour ce
qui m'attire ici au Québec, quelle que soit ma langue. Il ne s'agit pas
de cela du tout. Je dis simplement que le nouveau défi ce sont ces
forces-là et non pas les forces avec lesquelles on était aux
prises depuis un certain temps. Je ne dis pas qu'il faut enlever les
instruments dont on s'est doté pour contrer ces anciennes forces et
menaces. Je dis qu'il faudrait une nouvelle prise de conscience face aux
nouvelles menaces qui se dessinent devant nous.
Le ministre va me pardonner mais honnêtement je pense que parfois,
dans les interventions publiques du ministre, je devine même cette erreur
à mon sens, c'est-à-dire qu'il y a encore une assimilation qui se
fait. Il faudrait essayer d'utiliser les outils qu'on a utilisés dans le
passé pour régler le problème! Encore une fois les
renouveler pour contrer ces nouvelles menaces d'assimilation! Je pense que
l'assimilation qui se fait actuellement se fait à la suite des forces
qui sont différentes des anciennes.
Au moins si on avait choisi les bonnes forces dans le passé, il
n'y aurait plus de problème. Il y a toujours un problème, donc,
je dois considérer que les forces qu'on voulait contrer par les lois et
règlements -encore une fois pour le bénéfice du
député de Mille-Îles, je ne demande pas qu'ils soient
retirés - qu'on a utilisés dans le passé ne sont pas
encore en puissance. Il y a de nouvelles forces qui nous guettent, il faudrait
les identifier de façon systémique, il faudrait qu'une prise de
conscience soit faite face à tout cela. (17 h 30)
Que les médias américains - la télévision -
prennent de plus en plus leur part du marché dans le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, je trouve cela royalement inquiétant. Que le
taux de natalité baisse à un point tel que je crois qu'il est
parmi les plus bas en
Amérique du Nord, je trouve cela drôlement
inquiétant. J'invite le ministre à réfléchir
là-dessus parce que je trouve que, de tous les ministres de son
gouvernement, il est celui -avec le ministre des Affaires culturelles bien
sûr - qui devrait avoir ce mandat de protéger ce qui est
différent de notre société et d'embarquer avec la
commission dans un exercice qui viserait à mieux identifier ces
forces-là et à voir s'il n'y a pas quelque chose que nous pouvons
faire collectivement dans la législation ou autrement pour contrer ces
forces-là. Je pense qu'on a discuté, de façon
intéressante, quelques autres possibilités dans ce sens. Je veux
tout simplement répéter qu'il ne s'agit pas de la
communauté anglophone du Québec qui, à mon sens,
démographiquement, honnêtement, n'a pas grand avenir, mais ce
n'est pas cela qui me préoccupe. C'est qu'il y ait quelque part dans la
société nord-américaine un bassin qui soit
différent de cette grande entité
homogénéisée qu'on appelle l'Amérique du Nord ou
l'Amérique. Je trouve cela très intéressant. Je le
pourrais ultimement s'il me fallait vivre là, mais j'ai fait le choix de
ne pas vivre là et de ne pas me baigner dans cette grande
collectivité. J'ai choisi de me baigner dans une petite
collectivité dont l'avenir me préoccupe. Je dis cela sans aucune
espèce d'intention cachée qui vise à détruire la
Commission de protection de la langue française. Je pourrais en avoir
contre cette commission, mais c'est une autre paire de manches.
Il serait peut-être temps de passer aux questions. M. le
député de Jean-Talon ou d'autres membres de la commission.
M. Rivest: Je voudrais tout simplement que le ministre nous
dise... Il ne faut pas que je pose ma question ainsi. Concernant la clause
Québec et la clause Canada, le jugement de la Cour suprême n'est
pas encore rendu et, sans préjuger du jugement de la Cour suprême,
est-ce qu'il y a des dispositions auxquelles le ministre pense ou le
gouvernement, puisque cela ne relève pas directement de lui? Quelles
sont les premières mesures que vous prendriez au cas où la Cour
suprême ratifierait le choix, enfin, l'option de la clause Canada?
M. Godin: Je vous dirai deux choses là-dessus, M. le
député de Jean-Talon. Premièrement, cela ne relève
pas de mon mandat. Cela relève du mandat du ministre de
l'Éducation. Deuxièmement...
M. Rivest: ...très influent auprès du ministre de
l'Éducation.
M. Godin: ...je répondrai ce que Jimmy Carter avait
répondu à une question qui portait sur la souveraineté du
Québec, posée
à Washington. Il avait répondu: Nous traverserons la
rivière quand nous serons rendus.
M. Rivest: Avez-vous entendu celle de Gary Hart?
M. Godin: Non.
M. Rivest: II a dit: Ce serait la même chose que si la
Louisiane se séparait des États-Unis.
M. Godin: II ne sera pas élu non plus. Des voix:
Ah! Ah! Ah!
M. Rivest: D'accord. C'est au ministère de
l'Éducation. Mais vous n'avez pas de réflexion
particulière...
M. Godin: Oui, j'en ai, mais je vous en ferai part
personnellement.
M. Rivest: Pourquoi? Il y a des gens qui seraient
intéressés ici, Mme la députée de Dorion...
M. Godin: Nous sommes en commission parlementaire pour
étudier les crédits des organismes qui émanent de la
charte.
M. Rivest: On a toujours le droit de s'essayer.
M. Godin: Oui, d'accord.
Langue du travail et francisation des
entreprises
M. Rivest: Très bien. Une question que je vais
régler tout de suite. La Commission d'appel de francisation des
entreprises a un budget de quelque 160 000 $. Il n'y a pas beaucoup d'appels
qui sont entendus, heureusement ou malheureusement, selon le point de vue,
disons heureusement. Est-ce que les crédits à la Commission
d'appel sont toujours aussi nécessaires et essentiels?
M. Godin: En fait, la commission d'appel était
destinée précisément à garantir aux entreprises un
recours au cas où il y aurait eu mésentente avec l'Office de la
langue française. Or, nous constatons que, grâce à la
sagesse de l'office et de ses dirigeants, surtout grâce à
l'application concrète du principe négociation-concertation, il
n'y a eu aucun appel qui a été invoqué. Par ailleurs, je
dois dire que le président de la commission d'appel, M. Aimé
Gagné, a travaillé à la prévention de tels appels
et a eu des contacts fréquents avec les porte-parole des organismes qui
représentent le milieu des affaires.
Deuxièmement, quant à faire dispa- raître la
commission d'appel à ce stade-ci, alors que l'office est en train de
terminer son travail d'implantation des programmes de francisation, son travail
de négociation, il est peut-être sage d'attendre que les
programmes soient complétés, car il est fort possible que les
appels viennent en dernière phase, en dernière étape de
l'application desdits programmes de francisation, pour une raison très
simple. C'est que l'office s'entend avec l'entreprise sur un programme. Il y a
des échéances à rencontrer. Dans certains cas, il y a des
échéances retardées pour tenir compte de certains facteurs
nouveaux comme, par exemple, l'implantation d'un système sur ordinateur
dans une entreprise. L'office convient avec l'entreprise de décaler un
peu, de différer l'implantation de telle étape. Je craindrais
que, si nous abolissions cette commission d'appel, il y aurait des craintes de
la part des entreprises puisqu'on n'a pas encore terminé
l'opération. Par ailleurs, la réflexion se fait sur les solutions
intérimaires par rapport à la commission d'appel.
La réflexion vient d'abord du président, M. Aimé
Gagné; nous l'avons faite ensemble avec l'aide du nouveau sous-ministre
adjoint aux affaires linguistiques, M. Escojido. J'envisage l'avenir de cette
commission de façon un peu différente que ce qu'on a connu
jusqu'à maintenant. Nous continuerions d'avoir, par conséquent,
trois commissaires en appel: un qui serait le président; les deux autres
qui seraient payés comme ils sont payés maintenant en cas
d'appel. Il est certain que d'ici la fin de l'année financière
nous en arriverons à une solution qui sera moins coûteuse pour le
gouvernement. D'accord?
M. Rivest: D'accord. Sur la langue de travail, vous avez
évoqué 55% des Québécois. Quel est l'objectif
ultime - évidemment c'est toujours un peu relatif, mais c'est sûr
que le Québec est une société ouverte - que poursuit le
ministre? Je comprends le principe, que les travailleurs
québécois francophones puissent travailler. C'est cela qui est le
principe. Est-ce qu'il n'y a pas un frein objectif à cela dans la mesure
où quelqu'un qui a à travailler ou à négocier, par
exemple, dans une entreprise, préparer un programme d'exportation, que
ce soit aux États-Unis ou ailleurs, doit faire nécessairement une
partie de son travail en langue anglaise? Autrement dit, quelle est la marge?
Je veux essayer de savoir le chemin qui reste à parcourir. Je
conçois volontiers que les 55% que vous avez évoqués
puissent être dans les conditions du Québec. J'imagine que c'est
insuffisant. Jusqu'où à peu près cela peut-il aller
le pourcentage qu'on doit légitimement et concrètement atteindre
pour dire: Les Québécois francophones au Québec
travaillent maintenant dans leur langue?
M. Godin: Dans chaque entreprise, l'office tient compte du fait
qu'il y a un certain nombre de personnes, une certaine strate, si vous voulez,
qui devra travailler dans une autre langue que le français. C'est
souvent en anglais à 90%, mais cela peut être l'espagnol, cela
peut être le chinois même, cela peut être les 45 autres
langues parlées au Québec. On tient compte d'un pourcentage de
personnes au sujet desquelles l'office n'exige pas...
M. Rivest: ...de leurs fonctions dans une entreprise.
M. Godin: ...lié à la nature de leurs fonctions
dans l'entreprise. Ce nombre de personnes fait l'objet d'une révision
suivant l'évolution de l'entreprise. Une entreprise, par exemple,
québécoise qui n'exportait pas se met à exporter
grâce aux efforts de mon collègue Bernard Landry; certainement
qu'il va demander à l'office de dégager de l'opération
refrancisation un nombre plus ou moins grand de personnes. J'estime que 75%
probablement - ce serait peut-être un chiffre, mais je pourrais
vérifier auprès du président de l'office, M. Aubin...
D'après les chiffres qu'ils ont eux-mêmes, quel devrait être
ce chiffre?
Le Président (M. French): M. Claude Aubin. Vous n'avez pas
de microphone. M. Aubin, si vous voulez vous pencher à votre droite.
M. Aubin (Claude): Je ne pourrais pas donner un chiffre. Lorsque
la question a été posée, j'avais à l'esprit le
genre de réponse qui devait être donné et qui ressemble
tout à fait à celle du ministre. Cela varie d'entreprise en
entreprise et c'est en considération des relations de l'économie
québécoise avec les économies
étrangères.
M. Rivest: Dans la mesure où le ministre indique sur une
donnée comme celle-là qu'il y a encore du chemin à
parcourir, je suppose qu'il voit un peu à l'avant. Par exemple, quand
vous, à l'office, ou le ministre pourra dire: Voici, sur le fait que les
Québécois... Est-ce que c'est prévisible, c'est variable
dans le temps selon les activités de l'entreprise?
M. Godin: ...c'est d'extraire de tous les programmes de
francisation que nous avons déjà implantés le nombre de
personnes sur lesquelles il y a eu entente entre l'office et l'entreprise en
question, d'en faire la somme et de vous dire: Voilà, il y a un
pourcentage - il pourrait évoluer un peu à la hausse ou à
la baisse, plutôt à la hausse, j'imagine - à la fin de
l'année 1984 de 20% de gens dont l'office n'exigera pas qu'ils doivent
travailler en français pour des raisons commerciales ou
économiques. Nous pourrions faire ce travail; ensuite, voir à
quel point, par les recherches du conseil de la langue, nous nous acheminons
vers cet objectif. J'imagine que c'est un travail qui pourrait être
fait.
M. Aubin: Pour les programmes qui sont terminés, il y
aurait moyen de relever ces chiffres, quoique ce soit une tâche assez
énorme. Pour les programmes terminés, on pourrait
reconnaître le nombre d'emplois qui doivent demeurer dans une langue
autre que le français, quoique le français doive toujours y
être en même temps; pour les autres programmes en cours,
l'évolution même des programmes fait qu'il n'y aurait pas moyen de
le déterminer à ce moment-ci.
M. Rivest: Même là, M. Aubin, compte tenu des
transformations qui pourraient s'effectuer à l'intérieur des
entreprises, il y aurait des correctifs permanents à apporter, des
ajustements permanents à apporter.
M. Godin: Si vous me le permettez, peut-être que M.
Plourde, le président du conseil, pourrait donner le point de vue du
conseil.
Le Président (M. French): M. Plourde.
M. Plourde (Michel): Merci, M. le Président. Le point de
vue que je peux donner n'est pas un point de vue d'objectifs à
atteindre. Ce n'est pas le but des recherches que fait le Conseil de la langue
française pour éclairer le ministre. Le but des recherches faites
par le Conseil de la langue française est de suivre de près
l'évolution des situations linguistiques. Quand nous avons dit dans
notre recherche, comme le député de Jean-Talon le rappelait, que
55% des Montréalais travaillaient en français, c'est une moyenne
qui doit tenir compte à la fois du travail écrit et des
communications verbales entre travailleurs. C'est une moyenne.
Nous avons remarqué que, dans les communications écrites
dans les entreprises, l'amélioration depuis dix ans, depuis 1971, est
très forte. Il y a eu beaucoup d'amélioration dans la
francisation écrite dans les formulaires, les rapports. Le point faible
qu'on a noté et sur lequel il y a eu 0,1% d'augmentation entre 1971 et
1981, ce sont les communications verbales entre travailleurs en milieu de
travail; cela n'a presque pas progressé. Je rejoins ce que disait le
président de la commission parlementaire, le député de
Westmount, tout à l'heure - à mon avis, c'est un
élément très juste du diagnostic qu'il faisait - les
attitudes, les comportements des travailleurs francophones eux-mêmes ont
quelque chose à voir là-dessus. C'est ce que nous avions dit en
conférence de presse et c'est là-dessus
que certains journalistes avaient voulu nous faire dire qu'on ne voulait
pas que les francophones emploient l'anglais au travail. Ce n'est pas ce qu'on
a dit; il y aura toujours des seuils, bien sûr. Si on parle du travail
des travailleurs sur les marchés extérieurs, il y aura
sûrement usage de l'anglais. Il y aura toujours un seuil au
Québec. Ce que nous voulions dire, et c'est extrêmement important,
c'est que les travailleurs francophones, en dix ans, n'ont pratiquement pas
changé leur attitude et leur comportement dans leurs communications
verbales en milieu de travail et qu'ils continuent autant à employer
l'anglais.
Le Président (M. French): Si vous me permettez... C'est
intéressant. Il y a peut-être une autre façon de voir le
problème. Est-il négatif pour le développement de la
langue française qu'il y ait des échanges en anglais dans
certains milieux de travail? Je ne sais pas honnêtement, je pose la
question de façon très sincère et pas de façon,
j'espère, "cheap".
M. Plourde: Non, M. le Président, ce n'est pas du tout ce
que j'ai voulu dire. Ce n'est pas du tout non plus l'optique du Conseil de la
langue française. Je crois qu'il y aura toujours des échanges en
anglais, en milieu de travail au Québec, et c'est forcé à
cause des circonstances. Comme disait M. le ministre tout à l'heure - il
prévoyait un pourcentage approximatif - au fond, c'est que le
préambule de la charte donne l'objectif de faire du français la
langue normale et habituelle. Le texte anglais dit "every day language".
Qu'est-ce que c'est le langage, la langue normale et habituelle du travail au
Québec? Évidemment, ce n'est pas facile de mettre des
pourcentages, mais ce que nous disions, c'est que le Québec n'avait pas
encore atteint ce point, très vraisemblablement, si dans la
région de Montréal, compte tenu du bassin de travailleurs,
seulement 55% de travailleurs francophones utilisent de façon habituelle
et normale le français au travail. (17 h 45)
Le Président (M. French): Mme la députée de
Dorion et M. le député de Jean-Talon avaient une question.
Affichage en français
Mme Lachapelle: Pas tout à fait sur le même sujet,
M. le Président. C'est concernant l'affichage. On dit ici, dans votre
rapport, que, dans les onze premiers mois de l'année 1983-1984, 689
dossiers ont été ouverts concernant l'affichage. Pourriez-vous
m'expliquer un peu de quel genre de problèmes il s'agissait et si ces
gens ont été assujettis à une amende? Si je ne me trompe
pas, le 31 décembre est la date limite pour afficher en
français.
M. Godin: Je vais demander à M. le président de la
commission de protection de répondre à cette question.
Le Président (M. French): M. Cholette, il va falloir que
vous traversiez et que vous preniez le micro là-bas, s'il vous
plaît!
M. Godin: M. Gaston Cholette, président de la commission
de protection.
M. Cholette (Gaston): La loi prévoyait que les entreprises
avaient jusqu'au 1er septembre 1981 pour respecter pleinement l'article 58 sur
l'affichage public. Jusqu'à cette date, les entreprises qui avaient
respecté la loi précédente, la Loi sur la langue
officielle, la loi 22, pouvaient continuer à afficher dans les deux
langues. À partir du 1er septembre 1981, c'est le français
exclusivement, sauf exceptions prévues par les règlements.
Environ 700 dossiers ont été ouverts en 1983-1984.
Il faut expliquer un peu la mécanique. Nous n'ouvrons pas
immédiatement un dossier à propos de chacune des demandes
d'enquête sur l'affichage que nous recevons. Maintenant, nous
procédons autrement, nous procédons par regroupement. Nous
recevons des demandes, nous les enregistrons, nous les inscrivons et nous
faisons une petite vérification nous-mêmes à partir des
demandes que nous recevons pour voir quelles sont les principales
concentrations. Il y a des opérations regroupées, sectorielles,
géographiques qui se font à ces endroits. Je ne sais pas si cela
répond pleinement à votre question.
Mme Lachapelle: Est-ce qu'il reste encore des cas en litige?
M. Cholette: Ah oui! Il y en a toujours en grande
quantité.
Mme Lachapelle: Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que ces gens vont
payer l'amende? Dans ce cas, il y avait une amende à payer.
M. Cholette: Lorsque les étapes prévues, qui sont
les conversations téléphoniques, les lettres, ne donnent pas de
résultats, la commission doit, comme la loi le prévoit, envoyer
une mise en demeure et quand, à l'expiration du délai
prévu dans la mise en demeure, la contravention subsiste, la commission
envoie le dossier au Procureur général qui, lui, décide
s'il y a lieu d'intenter une poursuite. C'est un processus qui aboutit,
finalement, à très peu de condamnations, parce que la plupart des
entreprises se conforment à la loi.
Le Président (M. French): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le ministre, je ne veux pas reprendre le
débat sur... Restez-là, M. Cholette.
Le Président (M. French): Oui, M. Cholette,
restez-là, s'il vous plaît!
M. Rivest: ...sur l'affichage, mais est-ce que le ministre...
J'imagine qu'il est sensible à ce problème de l'affichage qui a
été soulevé au moment de la commission parlementaire et
qui demeure. Il y a eu des commentateurs qui ont dit - et je pense que c'est
exact - qu'au niveau de la communauté anglophone en particulier la
perception de cette question est très souvent liée à un
sentiment qu'elle a, ou qu'elle peut, je pense, légitimement avoir, de
ne pas avoir le droit, dans des milieux donnés où la
densité de la population anglophone est forte, d'afficher dans la langue
anglaise. Ce problème est un des irritants. Je sais que cela a
été débattu largement et on me disait qu'au niveau des
travaux de la commission, si on prend la totalité des mémoires,
on demandait au gouvernement - je pense qu'il y avait une majorité de
mémoires qui le demandaient - de bouger sur cette question. Compte tenu,
je pense, qu'à l'office - peut-être que M. Cholette pourra nous
dire cela -c'est substantiellement... Le plus grand nombre de plaintes qui sont
acheminées à l'office concernent l'affichage; enfin, vous
n'êtes pas sans savoir que c'est un problème qui est vivement
ressenti. Le ministre aurait-il des réflexions particulières
à faire là-dessus?
M. Godin: Je voudrais dire une chose. Les plaintes sont
formulées par des citoyens qui estiment que telle affiche est en
anglais, alors qu'elle devrait être en français, mais, avant de
poursuivre là-dessus, je voudrais vous donner les chiffres que me donne
M. Aubin pour répondre à votre question précédente.
Sur les 3604 entreprises qui appliquent présentement des programmes de
francisation, 20% à 25% des emplois exigent l'anglais. Donc, cela
confirme à peu près ce que je vous disais tout à l'heure,
mais revenons à ce que vous disiez. L'écrivain Yves Beauchemin a
tenu des propos fort éloquents là-dessus et son collègue,
le poète montréalais Irving Layton, dans une entrevue à la
Gazette, à son retour de Toronto - où il s'était beaucoup
ennuyé de Montréal, soit dit entre nous - déclarait qu'il
remerciait le gouvernement actuel, malgré, disait-il, que je ne partage
aucune de ses options, de voir Montréal, par ses rues, comme une ville
différente en Amérique du Nord. Et il dit: Cela me réjouit
l'oeil et le coeur de voir, par exemple, "Chocolaterie Van Truong et Cholette",
ou "Épicerie Greenberg et Dubois", alors qu'à Toronto,
d'où il vient, c'était, au fond, l'Amérique du Nord dans
ce qu'elle a de plus nivelée et de plus niveleur. Je pense que la rue,
c'est la première école. La rue est l'enseigne, c'est le premier
tableau dans l'école de la rue et nous voulons, comme parti, comme
gouvernement, que ce tableau, ce tableau noir de l'affiche, dise à tous
ceux qui viennent ici, à tous ceux qui vivent ici: Vous êtes ici
dans un pays qui est différent de l'Amérique du Nord. Le
bilinguisme n'est pas satisfaisant à cet égard parce qu'il y a
des parties du Canada où il y a un certain bilinguisme; il y a
même des parties de villes américaines où il y a des
touristes québécois en été et où il y a du
bilinguisme. Il y a certaines parties des États-Unis, par exemple,
à San Francisco où vous avez des affiches en portoricain ou en
espagnol et en anglais. Nous voulons qu'il soit bien vu et bien connu de
quiconque vient ici que c'est un coin de pays avec sa
spécificité, pour reprendre le mot du député de
Westmount.
M. Rivest: J'en conviens, M. le ministre, sur la perception des
gens qui ne vivent pas ici et qui viennent ici, mais ma préoccupation
est celle de beaucoup de gens et c'est celle des gens qui vivent ici et qui
ont, comme langue, la langue anglaise et qui n'ont pas le droit...
Est-ce que vous avez des égards pour ces frustrations - en tout
cas, à mon point de vue - tout à fait légitimes d'un
certain nombre de nos concitoyens québécois qui sont de langue
anglaise et qui ne peuvent pas... Même si vous faites la lecture tout
à fait francophone pour le visiteur étranger d'une ville comme
Montréal, au fond, on les trompe un peu. Avec l'affichage simplement en
français, le visiteur étranger a l'impression qu'effectivement il
n'existe, dans la région de Montréal, que des francophones, ce
qui n'est pas exact.
M. Godin: La loi 101, dans sa première version même,
autorisait l'usage de l'anglais comme langue d'affichage public des
institutions reconnues en vertu de l'article 113f, par exemple, les
municipalités, les institutions scolaires, les institutions de
santé, les services sociaux. Donc, je pense qu'il n'est pas juste de
dire cela. D'autre part, la loi 101, ancienne formule, reconnaissait aussi la
possibilité que l'entreprise qui a un nom anglais, Gilby's, par exemple,
pour parler de quelque chose qui me manque à l'heure où nous nous
parlons, ou, deuxièmement, Bowring, ou, troisièmement, Holt
Renfrew ou Ogilvy's, c'est resté tel quel. Je suis allé
dernièrement par curiosité à la Place Ville-Marie, au
nouveau centre Rockland, et j'ai fait le relevé des noms de magasins qui
étaient là et qui n'étaient pas des noms proprement et
à 100% français. La majorité
des noms des entreprises commerciales à Place Ville-Marie sont
des noms propres, me direz-vous, mais des noms propres anglais.
Donc, je ne pense pas que le touriste se sente dépaysé,
mais, pour répondre à votre question sur la frustration ou le
fardeau, j'ai estimé...
M. Rivest: Je vais simplement vous lire une phrase d'un
journaliste du Devoir qui écrivait: - je pense qu'il l'exprime en deux
phrases - Les Québécois anglophones voient dans la règle
de l'affichage unilingue une sorte de symbole. En voulant, disent-ils, effacer
du paysage du Québec toute trace d'anglais, le gouvernement manifeste
qu'il veut éliminer, en fait, la communauté anglophone. Ce qui
est trop fort comme affirmation, mais, dans la perception des anglophones, il y
a beaucoup de cela.
Je vous demande quel égard vous faites à cette perception
qu'ils ont et qui peut être légitime. Je ne parle pas des grandes
entreprises anonymes, mais du petit marchand dans un quartier où il y a
une très grande majorité ethnique, l'épicier du coin, le
dépanneur, etc. Quel tort cela ferait-il à la culture
française?
M. Godin: II ne s'agit pas de faire du tort à la culture
française. Je pense à la Boulangerie Logan, au coin de Jean-Talon
et Rockland - ou l'Acadie, M. Cholette? - dans ce coin. M. Logan et son
épouse sont très heureux de voir que la Boulangerie Logan reste.
Enfin, c'est leur nom de famille.
D'autre part, ce qui m'a semblé le plus important, M. le
député de Jean-Talon, dans les débats qu'on a eus à
la commission parlementaire sur la loi 57, c'est que je suis d'accord avec bien
des gens qui m'avaient dit que l'application de l'article 20 de la loi 101 dans
sa totalité, qui obligeait tout le personnel des institutions
anglophones du Québec à se franciser sur une période
d'années donnée, constituait un fardeau réel, une
frustration réelle et un sentiment réel et peut-être
fondé d'injustice. En effet, l'éplucheur ou l'éplucheuse
de patates de l'hôpital St. Mary's pouvait se demander pourquoi on le
force, à 45 ans, à apprendre le français alors que tout ce
qu'il fait, c'est éplucher des patates, laver les planchers, changer les
draps ou je ne sais trop quoi à la buanderie. Il y avait là,
à mon avis, vraiment une source de mécontentement à
l'égard d'une démarche sur laquelle tout le monde était
unanime, semble-t-il, pour reconnaître que le Québec était
une partie française du Canada.
Nous avons donc enlevé cette pression, mais, quant à
l'affichage, il n'y a pas de souffrance, il n'y a pas de douleur
particulière à devoir s'appeler Boulangerie Logan plutôt
que Logan's Bakery. Il m'a semblé, après avoir fait le total des
inconvénients et des avantages, qu'il était plus important, pour
nous ramener à la question de la spécificité,
soulignée d'ailleurs par Irving Layon, un poète
montréalais, de sauvegarder, de préserver la
spécificité du Québec et de la ville de Montréal
comme étant la plus importante ville française d'Amérique
du Nord et non pas la plus importante ville bilingue au monde. C'est la raison
qui a fondé...
Maintenant, libre à vous de poursuivre vos efforts pour que les
changements se fassent. Peut-être que, tôt ou tard, si Dieu vous
prête vie, vous serez de ce côté-ci de la Chambre et vous
aviserez à ce moment-là en toute sagesse de ce que vous devez
faire, mais il m'a semblé...
M. Rivest: Je voudrais compter sur votre collaboration ou sur
celle de gens comme vous qui sont ouverts et qui siégeront de ce
côté-ci.
M. Godin: ...beaucoup plus sage de ne pas toucher à cet
aspect-là parce que je vous dis, et c'est cela le fond de la question...
Yves Beauchemin, Irving Layton et bien d'autres Québécois l'ont
dit: La rue, c'est l'école. L'affiche, c'est le tableau noir à
l'école et nous voulons qu'il soit bien clair que l'école que
constitue le Québec, c'est français.
M. Rivest: Au niveau de la Commission de protection de la langue
française, M. Cholette, qui est ici est bien au courant des critiques
qui ont été adressées, même dans la presse -
probablement avec certaines exagérations, j'imagine - dans la perception
de ceux qui étaient critiqués sur... Est-ce qu'il y a eu au
niveau de la commission de protection des ajustements de façon à
éviter les critiques assez virulentes qui ont été
adressées sur la manière de procéder au niveau de la
Commission de protection de la langue française, dans la mesure
où ces critiques étaient justifiées?
M. Godin: La commission de protection, M. le député
de Jean-Talon, ne faisait qu'appliquer la loi et pas autre chose. Elle
appliquait la loi solidairement avec le ministre et le gouvernement. On a
changé la loi, les règlements seront éventuellement
changés et la commission de protection se conformera aux
décisions du gouvernement, comme elle l'a toujours fait.
M. Rivest: Mais, au niveau pratique de l'application de la loi,
dans certains milieux, on a soulevé des cas où il y avait un
certain militantisme qui dépassait peut-être ce qu'eux concevaient
comme étant du domaine du raisonnable. (18 heures)
M. Godin: Non, je n'ai pas été saisi de
cas où la commission de protection aurait fait autre chose que ce
que la loi prescrit. Au contraire, je vous l'ai dit un peu plus tôt, dans
tous les cas qui ont été portés à ma connaissance,
sans parler de ceux qui ne l'ont pas été et qui l'auraient
été s'il y avait eu des problèmes particuliers, la
manière de fonctionner a été d'abord et avant tout la
négociation, d'abord et avant tout l'information donnée aux
institutions ou aux entreprises: Voici la loi, vous devez faire telle chose.
Cela s'est fait lentement, je dirais. Je pense, entre autres, aux produits
kasher. Les négociations se sont poursuivies pendant des mois avec les
commerçants, les importateurs et les fabricants de produits kasher
nord-américains. C'est peut-être un modèle de
négociation et de concertation dont je n'ai pas entendu de cas... Il est
sûr que la commission de protection, peu importe qui est son
président, peu importe qui est son personnel, comme elle a la
tâche de prendre des mesures pour faire changer...
M. Rivest: ...
M. Godin: C'est cela. Elle est destinée à se faire,
disons, critiquer davantage que l'office ou le conseil. Au fond, c'est le bras
de la loi 101.
M. Rivest: Compte tenu qu'il existe une perception de cela qui
date quand même d'un an et demi, au moment où c'est devenu... Dans
le rapport annuel de la commission, on le mentionnait expressément -
tous les crimes, selon l'expression qui avait été utilisée
- on disait que la commission n'est coupable d'aucun de ces crimes - j'en
conviens volontiers - au niveau criminel. Néanmoins, il y a eu une
perception de cette nature, pas de nature criminelle, mais de nature
d'excès. Dans la mesure où le gouvernement s'est lui-même
doté d'un ministre qui est responsable des Relations avec les citoyens
et qu'on évoque très souvent comment l'administration publique
doit entretenir avec le citoyen des rapports les plus harmonieux possible,
surtout dans un organisme qui exerce une fonction qui, par définition,
comme je le disais, n'est pas agréable à faire, soit d'aller
rappeler aux gens: Vous faites ceci, mais vous n'avez pas le droit de faire
cela, est-ce qu'il y a, non pas des dispositions, mais des directives qui ont
pu être données de dire: Écoutez, faites attention! Telle
chose est survenue, peut-être qu'on aurait pu procéder de telle
manière? Est-ce qu'il y a eu des choses de faites?
M. Godin: II y a eu des rencontres fréquentes avec le
président. Nous avons discuté abondamment de ces questions. Je
n'ai été saisi d'aucune dérogation inacceptable aux
directives. S'il apparaissait qu'à l'avenir il fallait donner des
directives, il n'est pas exclu qu'il y en ait, mais je vous dis mon
expérience depuis deux ans avec les organismes de la charte, entre
autres, la commission. Il n'y a pas eu de cas flagrants où la commission
de protection a eu un comportement qui ait justifié ce que les journaux
en ont dit. La raison pour laquelle les journaux se sont acharnés sur la
commission...
M. Rivest: ...pas purement artificiel. M. Godin: C'est son
rôle. M. Rivest: Pardon?
M. Godin: C'est son rôle. Le rôle de la commission
déplaisait à bien des personnes, à bien des commerces,
à bien des entreprises et à bien des médias, anglophones
surtout. C'est bien plus du rôle que le gouvernement lui a confié,
que l'État lui a confié qu'elle s'est fait planter - excusez
l'expression -plus que d'autres organismes dont ce n'est pas la tâche
d'être à l'affût des dérogations, des
infractions.
M. Rivest: À moins qu'il n'y ait d'autres questions...
Le Président (M. French): M. le député de
Jean-Talon, il est 18 h 4, je regrette. Messieurs, mesdames mes
collègues, est-ce que le programme 2 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. French): Est-ce que les crédits du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration sont
adoptés?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. French): M. le ministre, à vous le
dernier mot, mais je veux vous remercier de votre présence et de la
présence de vos collègues et fonctionnaires. On apprécie
grandement les éclaircissements que vous avez pu apporter.
M. Godin: M. le Président, je dois vous dire
qu'après quelques années comme ministre, et donc plusieurs
études des crédits, c'est la première fois que
l'étude des crédits se situe à un tel niveau
d'élévation, pour ne pas dire de philosophie. Je m'en
réjouis. Je reste à votre disposition. Je me réjouis donc
de voir que la réforme parlementaire donne de si beaux fruits et je
reste à votre disposition, moi et mes collaborateurs des divers
organismes de la charte, comme du ministère des Communautés
culturelles et de l'Immigration, pour vous rencontrer comme commission
n'importe quand. D'ailleurs, si vous avez l'intention, tôt ou tard, comme
cela a déjà
été proposé par d'autres de mes collègues ou
demandé par vous, de visiter les locaux, les lieux où ces
brillants esprits qui nous entourent travaillent et produisent, vous êtes
tout à fait les bienvenus. J'aimerais spécialement que vous
puissiez voir le fonctionnement de la Banque de terminologie du Québec
en particulier.
Le Président (M. French): Je vous remercie beaucoup, M. le
ministre. Vous allez entendre parler de nous. La commission de la culture
suspend donc ses travaux jusqu'à 20 heures ce soir, à la salle
81-A.
(Suspension de la séance à 18 h 6)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Communications
Le Président (M. French): À l'ordre! Je vous invite
à prendre place. La commission de la culture commence l'étude des
crédits du ministère des Communications. On m'informe qu'il y a
quorum. Nous en sommes donc aux commentaires préliminaires. Le
président en aura quelques-uns.
Retard dans la distribution des documents
Le ministre n'est pas sans savoir qu'il existait entre nous une entente
établie lors de l'étude des crédits des Communications
l'an dernier, soit le 19 avril 1983, où, à la page B - B comme
Berlin - 815, je dis au ministre, et je cite: "...l'année prochaine, si
on est tous les deux ici, je ne procède pas à moins d'avoir les
documents une semaine à l'avance. Est-ce que le ministre est prêt
à accepter cela?" En réponse, le ministre est même
prêt à faire beaucoup plus que cela: "Comme j'ai des contacts
très étroits avec le leader parlementaire du gouvernement, je
peux lui dire qu'en ce moment, à la sous-commission qui étudie la
réforme parlementaire, nous travaillons de façon très
serrée sur ce dossier de l'étude des crédits."
Je considère qu'il existe une entente selon laquelle - du moins,
pour le critique de l'Opposition du dossier des Communications -il y aurait
livraison de documents, à la suite des demandes de l'Opposition le 6
mars 1984, il y aurait livraison des documents sept jours avant le début
de l'étude des crédits.
Or, force nous est de constater que la livraison de ces documents s'est
faite cette semaine, mardi après-midi, ce qui nous a donné un peu
plus de 48 heures pour l'étude des crédits. Il va sans dire qu'il
est très difficile, dans de telles circonstances, de se préparer
adéquatement d'autant plus que cette année le porte-parole de
l'Opposition a été nommé récemment. Il n'a donc pas
suivi le dossier depuis un an ou deux. Il m'a semblé que je devais,
à ma commission et au ministre, d'être ici pour entendre ses
explications, s'il en a. Pour ma part, s'il n'y a pas d'explications valables
qui puissent justifier ce retard, je dois constater que, malgré la bonne
volonté du ministre il y a environ un an, la performance n'y
était pas. Pour ma part - c'est une question de principe - j'ai
donné ma parole de ne pas participer et je n'ai pas l'intention de
participer, à moins que le ministre donne des explications valables. M.
le ministre, voulez-vous aborder le sujet ou procéder sans explication?
Je pourrais me retirer et on procéderait par la suite.
M. Bertrand: M. le Président, je veux vous dire
immédiatement que je comprendrai et respecterai, bien sûr, votre
décision de ne pas participer aux travaux de la commission parlementaire
qui étudie les crédits du ministère des Communications.
Vous avez fait référence à un échange que nous
avons eu l'an dernier lors de l'étude des crédits. Vous avez dit,
si ma mémoire est bonne, que j'avais pris l'engagement de faire en sorte
que vous obteniez les documents plus à bonne heure, contrairement
à ce qui s'est fait cette année et à ce qui a
été fait l'an dernier parce que - et je reprends les mots que
vous avez cités - j'avais des contacts étroits avec le leader
parlementaire.
Le Président (M. French): ...de l'époque.
M. Bertrand: Vous vous rappellerez, bien sûr, M. le
Président, que j'assumais à cette époque à la fois
les responsabilités de leader parlementaire du gouvernement et de
ministre des Communications. C'était avec une pointe d'humour, bien
sûr, que j'avais indiqué qu'ayant des contacts
privilégiés avec le leader parlementaire, je tenterais de
m'assurer que les documents puissent être disponibles une semaine ou dix
jours à l'avance de telle sorte que les parlementaires puissent les
regarder comme il se doit.
M. le Président, la seule explication que je peux vous donner ce
soir fait référence à deux documents que j'ai sous la
main, le premier étant une lettre du directeur de cabinet du leader
parlementaire du gouvernement transmise à mon directeur de cabinet, au
ministère des Communications, sur lequel document on retrouve un
paragraphe que je vous cite textuellement: "Je vous rappelle que ces documents
devront être acheminés en 20 exemplaires au plus tard le 30 mars
1984 au cabinet du leader du gouvernement, chambre 119, Hôtel du
Parlement, Québec."
Or, information prise, je voudrais vous donner les faits. Le 30 mars
1984, 20 exemplaires des documents et renseignements demandés par
l'Opposition furent livrés en
fin d'après-midi au bureau du leader du gouvernement.
Étaient joints à cet envoi les documents relatifs aux
activités de la Commission d'accès à l'information et de
la Régie des services publics. Les documents concernant
Radio-Québec étaient promis pour le mercredi, 4 avril. Le mardi 3
avril, après entente par téléphone avec une personne du
bureau du leader de l'Opposition, il fut décidé d'attendre
l'arrivée des documents de Radio-Québec pour transmettre d'un
seul coup tous les documents concernant les communications. À la suite
de l'intervention du député de Westmount - de vous, M. le
Président - en Chambre, mardi après-midi, les documents furent
livrés aux députés libéraux et aux
députés péquistes à 16 heures, le 3 avril. Les
documents concernant Radio-Québec furent transmis dans
l'après-midi du 4 avril dès leur réception. Voilà
donc, M. le Président, quant aux faits relativement à la
livraison de ces documents. Nous avons respecté intégralement la
demande qui nous avait été transmise par le bureau du leader du
gouvernement. J'admets cependant, avec le député de Westmount
dont je connais - comment dirais-je? l'esprit positif quant à la
réforme parlementaire que nous avons adoptée, qu'il ne saurait y
avoir une véritable réforme parlementaire si les conditions de
travail qui sont celles des députés oeuvrant à
l'Assemblée nationale ne sont pas telles qu'elles permettent d'avoir en
main les documents pour en faire une analyse fouillée et sérieuse
en prévision des travaux de la commission de la culture. Je me suis
acquitté de la demande transmise par le bureau du leader. Il y a eu -
cela m'apparaît évident - des problèmes de communication
avec le bureau du leader de l'Opposition puisqu'on m'a informé,
effectivement, qu'on souhaitait d'abord que le document soit complet,
c'est-à-dire que le document de Radio-Québec soit compris dans
l'ensemble des documents avant de transmettre ceux qui étaient
déjà au bureau du leader vendredi dernier. Si ma mémoire
est bonne, c'était le cas pour une vingtaine de ministères sur
environ 25.
Le Président (M. French): Je remercie le ministre de son
explication des faits que je ne mets aucunement en cause. Je mentionnerai tout
simplement que je considère que, n'ayant pas eu, moi, en tant que
président, les documents entre mes mains sept jours à l'avance,
avant ce soir, je ne pourrai pas, en respectant le principe que j'ai
évoqué l'année dernière et en respectant l'entente
que je croyais exister, participer à l'étude des crédits
du ministère cette année dans la mesure où cette
étude se poursuit ce soir et demain matin. Je mentionnerai
également qu'il me semble important qu'à l'avenir... Si je ne
peux échanger davantage avec le ministre sur ses crédits cette
année, je voudrais suggérer au départ que l'échange
de documentation se fasse, pour l'an prochain, entre le ministère et la
commission et, si les bureaux des deux leaders parlementaires veulent avoir des
copies de la documentation, on pourra très bien le faire, mais je
m'opposerai à ce qu'on soit obligé de passer par les
embouteillages que sont les bureaux des deux leaders parlementaires.
J'ai une demande d'intervention de la part du député de
Louis-Hébert et, ensuite, ce sera le député de
Chauveau.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Effectivement, la
situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui est une situation que
vous-même, avec ce que j'appellerais de la prescience, aviez un peu
prévue à la dernière séance de la commission qui
avait étudié les crédits de l'an dernier, en avril 1983.
Mais vous étiez alors, M. le Président, le porte-parole de
l'Opposition en ce qui concerne les communications. Vous l'étiez depuis
un certain temps et, malgré tout cela, vous avez senti le besoin de
prendre une entente formelle, vous dirais-je, puisqu'elle est transcrite dans
le journal des Débats, avec le ministre des Communications qui
était aussi le leader parlementaire du gouvernement, à ce
moment-là.
C'est ce besoin que vous aviez exprimé, M. le Président,
d'avoir en temps utile les documents qui vous permettraient de faire un examen
critique, donc un véritable examen qui ne se conforme pas simplement
à la lettre du règlement mais qui va dans l'esprit de ce
règlement, c'est-à-dire, examiner les dépenses
gouvernementales pour l'année qui s'en vient. Si vous aviez senti ce
besoin, ayant une certaine connaissance du dossier parce qu'il vous avait
été confié depuis un certain temps, vous imaginerez
facilement que je ne peux qu'être solidaire de la position que vous aviez
prise à ce moment-là.
Je dois donc dire très clairement, à titre de porte-parole
de l'Opposition, que je ne pourrai pas non plus, n'ayant pas eu les documents
à un moment utile pour faire le travail que je veux faire et que la
population est en droit d'attendre de ma part, n'ayant pas eu la
possibilité de préparer suffisamment l'examen critique des
crédits qui nous sont présentés, je ne pourrai y
participer. Dans les circonstances, je me retirerai. Je signalerai en
même temps qu'il appartiendra au bureau du leader du gouvernement, avec
son vis-à-vis du côté de l'Opposition, si tel est son
désir, bien sûr, de fixer une autre date. C'est un problème
qui peut être résolu, en ce sens qu'il reste un certain nombre de
jours pour permettre l'étude des crédits et nous pouvons donc
espérer que les leaders s'entendent. Vous le savez, M. le ministre,
parce que vous l'avez
été; ils doivent parfois faire preuve d'imagination et
utiliser toutes sortes de trucs. Nous allons donc faire appel à ceux que
peut avoir dans son sac le nouveau leader du gouvernement.
Dans les circonstances, je ne pense pas que vous puissiez compter, pour
le moment en tout cas, sur la participation de l'Opposition pour l'étude
des crédits de votre ministère, M. le ministre, en
espérant que vous compreniez que cela est fait dans un esprit positif,
de façon que vous soyez assuré que les crédits que vous
ferez adopter par cette commission ne seront pas adoptés par
défaut, mais qu'ils auront été défendus, comme vous
pouvez très bien le faire, qui auront été examinés
d'une façon critique et avec sérieux par l'Opposition.
Je ne pense pas, M. le ministre, vous connaissant, que vous
désiriez que les crédits passent tout simplement comme une lettre
à la poste et que nous soyons obligés de faire un travail
d'improvisation. Ne voulant pas participer à ce travail d'improvisation,
M. le Président, j'informe donc le ministre que, tout comme vous avez
annoncé que vous étiez pour le faire, je vais aussi me retirer de
cette commission en espérant avoir l'occasion de me représenter
à cette commission pour y faire le travail que je désire faire.
M. le Président, je vous demande, dès ce moment, de bien vouloir
constater s'il y a quorum dans cette Assemblée et d'en tirer les
conclusions.
Le Président (M. French): Avant de vérifier le
quorum, que je considère une demande formulée en bonne et due
forme à la présidence de la commission, je voudrais quand
même donner aux autres membres de la commission l'occasion de s'exprimer
sur cette question, s'ils le désirent, avant que je ne me retire; sinon,
je vais me retirer également et passer la présidence au
vice-président.
M. Brouillet: J'avais demandé la parole.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: Je tiens à faire connaître mes
réactions à cette situation. Tout d'abord, ce qui se passe ce
soir dans le cadre des crédits du ministère des Communications,
ce n'est pas un cas unique dans l'étude des crédits de cette
année, la situation est à peu près similaire pour
l'ensemble des autres ministères à qui on avait demandé de
déposer leurs documents pour le vendredi 30. Sur ce plan-là, le
ministère des Communications avait déposé la grande
majorité de ses documents le vendredi 30.
Les remarques que je vais faire ne s'adressent pas
particulièrement à la situation du ministère des
Communications. Cela vaut pour l'ensemble des ministères. Je trouve que
la date du 30 était trop tardive pour permettre vraiment une
distribution en temps et lieu et permettre ainsi à l'ensemble des
membres des commissions de regarder attentivement les crédits.
Je crois qu'il faut qu'on s'enligne au moins sur une semaine. Il faut
avoir un mécanisme pour que les membres de la commission obtiennent les
documents une semaine à l'avance - non pas une semaine au bureau du
leader - dans le bureau des députés. Je crois qu'il va falloir
qu'on s'enligne sur cela pour l'an prochain. Donc, à mon sens, la date
du 30 était trop tardive pour demander le dépôt des
documents aux ministères.
Particulièrement dans le cas du ministère des
Communications, de reporter la distribution des documents de quelques jours
parce qu'il en manquait quelques-uns, c'est une décision fâcheuse.
Écoutez! on n'a pas besoin d'avoir l'ensemble des documents d'un
ministère pour commencer à faire l'étude des
crédits du ministère. À mon sens, c'est une
décision fâcheuse.
Pour l'an prochain il faudra donc prévoir des mécanismes
pour s'assurer que les membres des commissions aient les documents au moins une
semaine avant l'étude des crédits. Je crois que c'est un
minimum.
Pour la situation ce soir, personnellement je serais prêt à
ce qu'on aborde l'étude des crédits. Les membres de l'Opposition
ont à prendre une décision. Ce sont eux qui peuvent savoir s'ils
ont eu le temps suffisant pour regarder les crédits et en entreprendre
l'étude ce soir. Je leur laisse décider. Quant à moi, je
serais prêt à cela, si on obtient des membres de la commission un
quorum suffisant pour qu'on puisse le faire.
Je réitère ma conviction qu'il faudra à l'avenir
qu'on soit très rigide et très ferme sur les
échéances. Si on prévoit que les ministères ne
peuvent pas, il faudra s'organiser pour retarder le début de
l'étude des crédits.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles, sur le même sujet.
M. Champagne (Mille-Îles): Oui, M. le Président.
Comme, hier aussi, nous avons exprimé notre désappointement parce
qu'on n'a pas reçu les documents pour l'étude des crédits
du ministère des Affaires culturelles et du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration, ce soir je déplore
également, comme les membres de cette commission, que les documents ne
nous soient pas parvenus beaucoup plus avant pour en faire une étude
plus approfondie.
Cependant, cette année, nous vivons
une réforme parlementaire. La commission parlementaire a
été constituée il y a à peine deux semaines. Le
président et le vice-président ont été
nommés. Nous avons eu une séance d'information sur l'objectif de
la commission parlementaire de la culture. Nous avons discuté de notre
orientation. On a discuté, mardi de la semaine dernière, de
l'horaire de cette semaine de la commission parlementaire de la culture, qui
était assez chargé. Nous étions les premiers, comme
membres de la commission parlementaire, à faire l'expérience de
ce nouveau genre de commission parlementaire depuis la réforme
parlementaire. Mardi dernier, personne ne s'est opposé au fait qu'il y
avait beaucoup de boulot cette semaine à notre commission parlementaire.
On siège du matin jusqu'au soir assez tard. Personne, autour de la
table, n'a senti le besoin de dire: Voici ce qui est arrivé l'an
passé; on devrait, cette année, faire en sorte que les membres de
la commission parlementaire de la culture soient prêts le plus vite
possible. J'aurais aimé entendre cela la semaine dernière, et on
ne l'a pas entendu. Je déplore, comme les membres de la commission, le
retard apporté au dépôt des documents. On est dans une
situation de fait.
Maintenant, qu'est-ce qu'on fait? On s'est aperçu de ce qui est
arrivé. Considérant qu'on est les premiers, cette semaine,
à expérimenter la réforme parlementaire, je demanderais,
dans un esprit positif, à mes collègues de cette commission
parlementaire, de comprendre la situation. Je demanderais un consensus. (20 h
30)
On a vu aussi qu'il y a eu une espèce de dialogue entre Mme
Bourassa, la secrétaire du leader de l'Opposition, et le leader du
gouvernement, et on s'est entendu sur certains points. Enfin, je ne veux lancer
la pierre à personne. Ce soir, on devait se réunir pour faire
l'étude des crédits du ministère des Communications et je
vais espérer, dans un esprit positif, dans un esprit de concertation et
de collaboration, aussi dans l'esprit de la réforme parlementaire, que,
à la fois les personnes de l'Opposition et les membres du
côté ministériel puissent s'asseoir et entreprendre
l'étude des crédits du ministère des Communications.
Le Président (M. French): Merci, M. le
député. Y a-t-il d'autres interventions? M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Je voudrais ajouter un petit point à ce que
j'ai dit tantôt. Moi aussi, je souhaiterais, finalement, qu'on puisse en
arriver à un consensus pour qu'on puisse entreprendre l'étude des
crédits. Si on ne peut pas entrer dans les crédits comme tels, on
sait qu'au début il y a toujours une demi-heure de prévue pour le
ministre et, éventuellement, aussi une demi-heure pour le porte-parole
le plus officiel, disons, de l'Opposition. On pourrait peut-être au moins
entendre ces parties. Le porte-parole officiel de l'Opposition disant qu'il n'a
pas eu les crédits à temps, je ne sais pas s'il serait prêt
à faire sa partie. Au moins, on pourrait entendre celle du ministre. Ce
sera cela de fait. Peut-être que cela pourrait nous orienter et nous
éclairer davantage dans notre propre étude des crédits par
la suite, si on n'arrive pas à une entente pour faire nos deux heures ce
soir. Il reste une heure et demie, enfin.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau, je ne serai pas, pour ma part, prêt à entendre les
remarques préliminaires du ministre. Je dois dire mon regret de ne pas
être en mesure de me rallier à vos arguments qui sont des
arguments, je sais, très sincères et je dis la même chose
au député de Mille-Îles. Je voudrais ajouter, pour le
député de Mille-Îles, que j'ai compris la situation
l'année dernière et que je n'ai pas l'intention de faire le
même effort cette année puisqu'on a échangé avec le
ministre à savoir que je n'aurais pas cette obligation cette
année. Pour ma part, je dois, à ce stade-ci de la
procédure, me retirer.
Je suis prêt à entendre les arguments du ministre sur la
même question. S'il veut procéder à ses commentaires
préliminaires, je vais me retirer.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
ajouter quelques mots à ce qui a été dit par les
députés membres de la commission de la culture. Je vous ai dit
tout à l'heure que je comprendrais et respecterais l'attitude que chacun
ou chacune des membres de cette commission de la culture déciderait
d'adopter. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que j'ai
travaillé avec vous, entre autres, sur la réforme parlementaire
pendant un an et demi et, s'il y a quelqu'un qui ne peut certainement pas
être taxé de ne pas croire à cette réforme
parlementaire, c'est bien celui qui, à titre de leader parlementaire du
gouvernement pendant un an et demi, y a travaillé. Je suis conscient que
cette réforme parlementaire, au-delà des règlements,
au-delà des lois, implique aussi des changements de mentalité et
des changements d'attitude et, comprenant fort bien le sens positif qui peut
animer les remarques faites par les membres de la commission de la culture, je
tiens à vous dire, quant à moi, que je n'ai pas à
insister, que je n'insisterai pas et que, croyant fermement à cette
réforme parlementaire, sachant très bien qu'elle se veut un
effort substantiel pour donner au pouvoir législatif les moyens, les
outils et les instruments qui lui permettent de mieux remplir son rôle,
à titre de ministre membre
du Conseil exécutif, je dois respecter profondément la
démarche de la commission parlementaire.
M. le Président, je suis disposé, quant à moi,
à faire en sorte de collaborer avec les membres de la commission pour
que nous puissions leur accorder plus de temps pour regarder les documents qui
leur ont été transmis. Je crois reconnaître que vous avez
compris, pour une partie, qu'il pouvait y avoir eu certains problèmes de
communication...
Le Président (M. French): Oui, M. le ministre.
M. Bertrand: ...entre certaines personnes, car le
ministère des Communications avait répondu à une demande
de transmission des documents pour le 30 mars au plus tard et cela a
été fait.
Par ailleurs, je vous soumets respectueusement - vous le savez mieux que
moi - que l'organisation des travaux parlementaires est une
responsabilité qui relève à la fois des présidents,
vice-présidents et membres des commissions parlementaires et, aussi, des
leaders parlementaires de chacune des formations politiques. Je souhaiterais
simplement que vous puissiez organiser les choses de façon telle que
mardi soir prochain, de 20 heures à 22 heures, tel qu'il avait
été convenu, je crois, nous puissions recevoir et entendre les
représentants de Radio-Québec. Pour les fins du ministère
des Communications, de la Commission d'accès à l'information et
de la Régie des services publics, nous pourrions agir
différemment et trouver, dans l'horaire, des moments qui nous permettent
d'avoir les sept heures de discussions qui ont été prévues
pour le ministère des
Communications.
J'aurais souhaité et je continue de le faire, M. le
Président, dans la mesure où je pourrais présenter mon
exposé relativement aux crédits du ministère des
Communications, que cela puisse être fait. Cela nous permettrait tout de
même d'avancer au niveau du temps qui est dévolu à la
commission de la culture pour l'étude des crédits du
ministère des Communications. Je ne pense pas que cela enfreindrait, de
quelque façon que ce soit, les droits des membres de la commission. Je
pense qu'à partir de maintenant tout le monde est conscient qu'il faut
effectivement utiliser le temps qui est à notre disposition, tout en
respectant cependant les droits et privilèges des parlementaires qui
siègent à cette commission.
Le Président (M. French): J'ai une demande de M. le
député de Louis-Hébert, une de M. le député
de Chauveau et une autre de M. le député de Mille-Îles. Je
voudrais signaler, quant au temps, que je considère qu'on a perdu dix
minutes avec la disponibilité de la salle. Une demi-heure est maintenant
écoulée jusqu'à maintenant. M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: M. le Président, je comprends et
j'apprécie énormément les propos du ministre. Je suis
très heureux de voir qu'il est prêt à faire preuve de
compréhension et de collaboration pour permettre à cette
commission de travailler dans la sérénité et de travailler
en connaissance de cause, ayant eu le temps qu'il faut pour faire son travail
et examiner à fond les crédits. La demande qu'il nous fait n'est
pas déraisonnable, loin de là, mais je pense qu'il y a ici, en
jeu, une question de principe qui veut que les crédits de la commission
des communications, à la suite d'une entente qui avait été
prise, à laquelle vous étiez partie avec le ministre, ne seraient
pas commencés à moins que les documents dont nous parlons et dont
nous avons besoin puissent nous être transmis en temps utile. On peut
toujours tenter de couper la poire en deux, mais je ne vois pas qu'une
demi-heure nous avance vraiment. Si on veut vraiment marquer le point, si on
veut vraiment que soit compris quelque part par quelqu'un que ce n'est pas un
caprice de notre part, que c'est là une nécessité et que
c'est sérieux, je ne pense pas que nous puissions commencer les travaux
et les interrompre artificiellement avec simplement la présentation du
ministre. Le ministre reconnaîtra avec moi - et je ne le ferai pas -
qu'il est nécessaire que la contrepartie de son exposé suive
immédiatement, pour des fins de compréhension, la
présentation que lui-même est appelé à faire. Comme
je ne suis pas prêt à faire cette présentation, comme il
n'a pas été possible de faire les recherches nécessaires
et les analyses nécessaires qui permettraient de bien saisir la position
de l'Opposition à la suite de la présentation que ferait le
ministre, il serait dérogatoire et cela ne rendrait pas justice à
tous les membres de cette commission que de procéder comme M. le
ministre le suggère. Dans les circonstances, M. le Président, je
vous soumets que la proposition du ministre, qui vient sûrement d'un
désir de sa part de procéder un tant soit peu, ne me paraît
pas, dans les circonstances, acceptable pour ce qui est de l'Opposition, en
tout cas.
Le Président (M. French): M. le député de
Chauveau.
M. Brouillet: J'aimerais revenir - cela va, oui; ils sont très
sensibles - un peu sur la position des membres de l'Opposition. Je suis
prêt à respecter leur décision et je la comprends, je pense
bien. Maintenant, je ne peux pas me rallier à un argument qu'ils
emploient. L'un des arguments, ce serait l'entente qui aurait
été non pas signée, mais formulée verbalement entre
le ministre des Communications l'an dernier et l'actuel président de la
commission. Dans la mesure où ce sont les leaders du gouvernement - et,
encore cette année, on en a la preuve - qui ont la responsabilité
de recevoir, de distribuer les documents, c'est certainement en tant que leader
du gouvernement que l'an dernier M. Bertrand s'était engagé
à pouvoir distribuer des documents plus tôt. Cette année,
il n'est plus leader du gouvernement. S'il était encore leader, je
comprendrais encore très bien la réaction du président de
la commission; il aurait tout à fait raison de s'accrocher à
cette entente de l'an dernier. Effectivement, n'étant plus leader et
s'étant lui-même soumis aux directives des leaders actuels des
partis, la seule raison qui reste, ce n'est pas l'entente de l'an dernier,
c'est le fait qu'on n'est pas prêt. Je comprends qu'on puisse ne pas
être prêt parce qu'on les a reçus tard. Le deuxième
argument, je l'accepterais, mais non pas le premier. Il faudrait dire
clairement: On n'est pas prêt, on n'a pas eu le temps, on a reçu
cela trop tard; c'est pour cela qu'on veut reporter cela, et non pas
s'accrocher à l'entente qui aurait été conclue l'an
dernier. C'est un argument qui ne tient pas, étant donné que ce
sont les leaders qui ont la responsabilité. Et, si on s'appuie
exclusivement sur le fait qu'il y a du retard dans la distribution, cela aurait
valu aussi pour toutes les autres commissions et non pas uniquement pour
celle-là. Ceci dit, je suis prêt à respecter la position
finale que prendront les membres de l'Opposition sur cette commission. Je peux
comprendre qu'ils ne sont pas prêts à entreprendre l'étude
dès ce soir.
Le Président (M. French): M. le député de
Mille-Îles.
M. Champagne (Mille-Îles): Oui, M. le Président. Ce
qui motive l'action des gens de l'Opposition ce soir, c'est une question de
principe. C'est bien sûr par principe qu'on ne veut pas entendre le
ministre. Je ne sais pas s'il fallait de la documentation pour entendre le
ministre et commencer ce soir, au moins, la commission parlementaire et,
ensuite, attendre peut-être pour la réplique. Si on avait pu ce
soir au moins entamer ces travaux, je ne pensais pas qu'il fallait absolument
les documents sept jours avant pour pouvoir entendre le préambule du
ministre. C'est bien sûr qu'on est pris par une question de principe. Je
déplore ce qui se passe et je demanderais aux gens de l'Opposition et au
président, dans un esprit de compréhension et dans un esprit
positif, si on ne pourrait pas suspendre la commission pour cinq minutes au
maximum. (20 h 45)
Le Président (M. French): M. le ministre, voulez-vous
intervenir avant que je statue sur cette demande, parce que vous avez dit que
vous aviez une intervention très courte?
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Si vous me le
permettez, une très courte remarque en deux points. Premièrement,
je me dois de dire les choses telles qu'elles sont. Je pense que la
vérité a ses droits. Il faut aussi être honnête
envers tous ceux et toutes celles qui travaillent à organiser les
travaux parlementaires. Lorsque j'ai dit tout à l'heure que le directeur
de cabinet du leader du gouvernement avait fait parvenir à l'ensemble
des directeurs de cabinet une lettre les enjoignant de transmettre les
documents de leur ministère pour l'étude des crédits en 20
exemplaires au plus tard le 30 mars 1984, cette lettre, envoyée par le
directeur de cabinet du bureau du leader, est datée du 1er mars 1984.
J'étais, à cette époque, leader parlementaire du
gouvernement et je veux qu'on comprenne bien que le nouveau leader
parlementaire du gouvernement n'a absolument rien à voir dans cette
directive qui a été transmise aux directeurs de cabinet des
différents ministères.
Par contre, là-dessus, je pense que le président de la
commission prendra ma parole puisqu'il sait quel esprit m'animait à
cette époque en prévision de la réforme parlementaire que
nous avons adoptée le 13 mars dernier. Nous avions le sentiment, au
bureau du leader, que l'étude des crédits commencerait à
peu près autour du 10 avril et le 30 mars constituait donc une date qui
donnait aux parlementaires une période d'environ dix jours, en tout cas,
certainement une semaine, pour analyser les documents qui leur étaient
transmis. Personne là-dedans n'a été de mauvaise foi, ni
du côté du gouvernement, ni du côté de l'Opposition.
Nous avons tous subi les contraintes, si je peux employer l'expression, de
l'implantation de la réforme parlementaire le 13 mars avec le
dépôt du livre des crédits et la période de temps
qu'il nous restait pour les étudier avant les vacances pascales.
D'ailleurs, quand on en parlait à la sous-commission de
l'Assemblée nationale sur la réforme parlementaire, on indiquait
effectivement qu'on croyait que l'étude des crédits se ferait en
deux semaines de cinq jours et cette proposition n'a finalement pas
été retenue au moment des discussions et des négociations
entre le parti ministériel et l'Opposition, puisque l'étude des
crédits se déroulera effectivement sur une plus longue
période qu'il n'était prévu initialement. Donc, toutes ces
dates avaient été fixées dans un esprit de bonne
volonté, dans le respect des conditions de travail qui doivent
prévaloir pour les parlementaires et il n'y a eu aucune
mauvaise foi, ni d'un côté, ni de l'autre.
Cependant, nous sommes obligés de reconnaître
collectivement que 48 heures, pour les parlementaires, afin de préparer
leurs réponses et leurs questions quant aux crédits du
ministère des Communications - et je sais que cela a pu se
présenter dans d'autres cas - c'est, je pense, un peu mince comme
délai. Tout ce que je demanderais, à ce stade-ci, maintenant que
vous avez en main, de toute façon, le texte de la déclaration que
je m'apprêtais à faire en prévision de l'étude et de
la discussion des crédits, tout ce que je souhaiterais, c'est que nous
puissions démarrer les travaux de la commission parlementaire dans les
meilleurs délais. Si on me disait, par exemple, qu'on pourrait
fonctionner demain matin, quant à moi, je l'apprécierais
beaucoup, d'autant plus que le texte de ma déclaration a
été remis aux parlementaires avant même que je ne la
prononce et avant même que nous n'entreprenions nos travaux. Je crois que
ce serait de nature à la fois à permettre aux parlementaires de
mieux se préparer en fonction de la prochaine séance et aussi -
il faut le reconnaître, puisque nous avons tous fonctionné de
bonne foi dans ce dossier - de faire en sorte que nos travaux puissent
commencer dans les meilleurs délais.
Le Président (M. French): Merci, M. le ministre. C'est en
retenant et en acceptant vos propos indiquant que personne n'a agi de mauvaise
foi dans le dossier que j'accède à la demande du
député de Mille-Îles pour une suspension de cinq minutes.
Je voudrais inviter les gens qui sont avec nous, s'il vous plaît,
à garder leur niveau de conversation relativement bas parce que les
membres de la commission vont vouloir discuter ici entre eux sans que les
microphones soient ouverts. Nous voudrions bien être capables de nous
comprendre.
(Suspension de la séance à 20 h 51)
Est-ce que cela vous convient, M. le ministre?
M. Bertrand: Oui, M. le Président.
Pouvez-vous m'indiquer si, demain, nous utiliserons la période
qui va de 10 heures à 12 h 30?
Le Président (M. French): Nous n'utiliserons pas toute la
période, M. le ministre, nous utiliserons seulement le temps que
prendront vos commentaires, la réplique du porte-parole et les autres
commentaires d'ordre général; nous n'entamerons pas
l'étude élément par élément des programmes
des crédits.
M. Bertrand: Est-ce que les membres de la commission acceptent
toujours que les dirigeants, les autorités de Radio-Québec,
puissent être ici la semaine prochaine, le mardi 10 avril, de 20 heures
à 22 heures?
Le Président (M. French): Oui, M. le ministre. Cela
va?
M. Bertrand: Merci.
Le Président (M. French): Donc, j'ajourne nos travaux
à demain matin, dix heures, au salon bleu. Merci.
(Fin de la séance à 20 h 55)