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(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. French): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la culture entreprend l'étude des
crédits du ministère des Communications. À la suite d'une
entente établie hier soir, nous nous réunissons aujourd'hui afin
de faire les commentaires préliminaires de part et d'autre, mais nous ne
procéderons pas aujourd'hui à l'étude des
éléments des programmes des crédits du ministère
des Communications.
Je dois d'abord faire état des présences: M. Leblanc
(Montmagny-L'Islet) remplace M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) et
il est présent; M. Brouillet (Chauveau) est présent; M. Champagne
(Mille-Îles) est présent; M. Dauphin (Marquette) est absent; M.
Doyon (Louis-Hébert) est présent; M. French (Westmount) est
présent; M. Dussault (Châteauguay) remplace M. Gauthier
(Roberval), mais il n'est pas avec nous; M. Hains (Saint-Henri) est
présent; Mme Lachapelle (Dorion) est présente; M. Proulx
(Saint-Jean) est présent. Il y a quorum.
M. le ministre, je ne vous inviterai pas aujourd'hui à
présenter vos fonctionnaires. On va faire cela au fur et à mesure
que les programmes seront étudiés en détail. Est-ce que
cela vous convient?
M. Bertrand: Très bien.
Exposés préliminaires
Le Président (M. French): M. le ministre.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Madame et messieurs
les membres de la commission permanente de la culture, j'ai le plaisir de vous
présenter, pour une quatrième année consécutive,
les crédits du ministère des Communications à la suite
d'une des années les plus riches de l'histoire de ce ministère,
marquée principalement par la tenue, en octobre dernier, du Sommet
socio-économique sur les communications.
La tenue du sommet représente, en effet, un tournant
extrêmement important pour le ministère des Communications du
Québec qui depuis sa naissance, en 1969, jusqu'à il y a deux ou
trois ans environ avait affiché des orientations davantage axées
sur le socioculturel que sur l'économique.
Sans renier notre passé et brûler sur l'autel de la haute
technologie les préoccupations qui ont motivé tous les ministres
des Communications depuis quinze ans, je dois vous avouer que nous avons
dû ajuster notre mission aux impératifs des années
quatre-vingt. C'est ainsi que, dans le sillage de la stratégie de
développement du virage technologique amorcé par le gouvernement
du Québec il y a deux ans, le ministère des Communications a
réussi assez rapidement à modifier ses habitudes et à
réorienter son action.
Je voudrais donc aujourd'hui, M. le Président, vous parler de
trois sujets: le résultat des travaux du sommet des communications et la
stratégie de développement qui en découle; l'information
gouvernementale et les autres services du ministère et, enfin, les
organismes dont je suis le ministre responsable.
D'abord, les paramètres budgétaires. Le budget global du
ministère des Communications en 1984-1985 est de 198 532 000 $. De ce
budget, il faut extraire les sommes concernant Radio-Québec, la
Commission d'accès à l'information gouvernementale et la
Régie des services publics. Le montant propre au ministère est
donc de 138 864 500 $. L'an dernier, le budget initial était de 100 757
500 $, sans compter les sommes consacrées au service du courrier et des
messageries et les sommes obtenues en crédits additionnels. Il s'agit
d'une augmentation, en 1984-1985, de 38 107 500 $.
J'aimerais attirer votre attention sur le montant additionnel d'un peu
plus de 13 000 000 $ qui sera mis à la disposition du ministère
en 1984-1985 pour accompagner et susciter de nouveaux développements. Ce
montant a été obtenu essentiellement par des crédits
additionnels. Il s'agit d'une situation des plus avantageuses pour mon
ministère, si l'on considère qu'il a dû écoper de
compressions au montant de 2 669 200 $.
Je voudrais vous rappeler, au départ, les conclusions du travail
magistral accompli lors du sommet des communications tenu à l'automne
1983 et dont le ministère a été l'instigateur et le
coordonnateur avec le Secrétariat permanent des conférences
socio-économiques. Ce sommet - et j'en parlerai avec beaucoup
d'enthousiasme - a été un
très grand succès et je me permets de dégager les
grandes lignes de cet événement unique au Québec et dans
l'ensemble canadien.
En février 1982, le Conseil des ministres autorisait le ministre
des Communications à tenir un sommet à l'automne 1983 et à
l'organiser en collaboration avec le Secrétariat permanent des
conférences socio-économiques. Cette autorisation tenait compte
du fait que l'ONU venait de décréter 1983 l'année mondiale
des communications et que le ministère des Communications entreprenait
des travaux majeurs pour la révision de ses politiques.
Ces travaux amenèrent la publication, en avril 1983, d'un
document de travail: Le Québec et les communications: un futur simple?
Ce document servit à encadrer les discussions autour des deux tables de
concertation, en avril et mai 1983, qui ont précédé la
tenue du sommet d'octobre.
Cette activité s'est déroulée suivant une approche
totalement ouverte à la participation active et à la concertation
de tous les partenaires québécois des secteurs de la radio, de la
télévision, de la presse écrite, de la publicité,
des relations publiques, de la câblodistribution, des
télécommunications et des nouveaux services informatiques et
télématiques.
Le ministère des Communications du Québec voulait
réaffirmer avec plus de vigueur sa présence dans ces dossiers et
souligner sa volonté d'accorder priorité au développement
économique axé sur les nouvelles technologies de la
communication.
Le sommet a réuni 75 organismes participants, dont 6
ministères, qui ont discuté environ 225 propositions d'action
à partir desquelles se sont dégagés 69 consensus et
engagements. Les idées maîtresses de ces consensus vont dans 6
directions que j'ai précisées à la fin du sommet, soit:
premièrement, une préoccupation croissante pour l'exportation,
que ce soit dans les domaines de l'audiovisuel, du logiciel ou du
génie-conseil; deuxièmement, une priorité accrue pour le
créneau que représente le logiciel, grâce à des
initiatives telles le Marché international du logiciel, une
logithèque, la recherche et le développement de même que
l'exportation dans ce domaine et la mise sur pied d'une commission du logiciel;
troisièmement, un effort spécial dans le secteur des services
informatiques par un accroissement du faire-faire dans le privé, un
programme d'aide à l'informatisation des entreprises, une
redéfinition des politiques et des programmes d'aide financière;
quatrièmement, un accroissement de la recherche et du
développement en communication par l'établissement d'un fonds de
recherche spécifique au secteur, par un encouragement aux initiatives
privées et par l'établissement d'un programme de bourses
d'excellence; cinquièmement, une prise en compte des impacts sociaux
résultant des nouvelles technologies; sixièmement, une
concertation accrue entre les partenaires impliqués dans le
développement des communications au Québec, notamment par
l'établissement d'un forum permanent d'échanges.
Dès décembre 1983, à la suite du sommet, nous nous
sommes résolument attaqués à la tâche de traduire
concrètement ces six idées maîtresses, soit sur le plan
budgétaire, soit sur le plan de l'action et de la concertation avec nos
partenaires. Voici le sommaire des actions identifiées et leur
traduction budgétaire.
Premièrement, l'exportation. Nous avons développé
au Québec, au cours des dernières années, une expertise en
matière de câblodistribution qui fait l'envie de beaucoup de pays.
En étroite relation avec le ministère du Commerce
extérieur, nous cherchons à exporter à la fois nos
contenus audiovisuels et nos capacités techniques. C'est ainsi que des
missions techniques ont eu lieu en Belgique, en Angleterre, en Allemagne et en
France - pays, d'ailleurs, avec lequel nous avons signé une
entente-cadre pour le marché de la câblodistribution. C'est ainsi,
par exemple, que 7 firmes québécoises seront présentes, en
mai prochain, au salon Eurocast, le plus grand salon européen dans le
domaine de la câblodistribution. Par nos multiples programmes tels que la
Société de développement industriel, la
Société de développement des industries de la culture et
des communications, la Société du film du Québec, le
ministère des Communications du Québec, etc., nous allons aider
financièrement les entreprises à percer sur les marchés
extérieurs.
Deuxièmement, le logiciel. Dans le secteur du logiciel, je pense
d'abord au Marché international du logiciel qui se tiendra à
Montréal au printemps 1985. Cette entreprise rassemble actuellement une
petite équipe qui travaille très fort à faire de notre
métropole le lieu où les plus importants producteurs et
distributeurs de logiciels se rencontreront pour échanger,
négocier, discuter tout ce qui touche à ce secteur
névralgique de l'industrie informatique. L'industrie
québécoise profitera de l'événement. Elle aura
l'occasion de se frotter aux marchés internationaux, de mieux
connaître leurs caractéristiques et leurs possibilités. Le
Marché international du logiciel permettra aussi de mieux faire
connaître la jeune expertise québécoise en ce domaine. Je
crois que cet événement représente un véritable
tremplin pour les entreprises de chez nous. Un montant de 500 000 $ y est
prévu, cette année, au budget du ministère des
Communications du Québec. Ce montant s'étend sur deux autres
années budgétaires pour la somme globale de
1 500 000 $.
De plus, en collaboration avec le ministère du Commerce
extérieur, le ministère des Communications analyse actuellement
les différentes formes que pourrait prendre une agence de
commercialisation des logiciels, dont l'objectif sera de canaliser les efforts
et les ressources des entreprises québécoises désireuses
de faire affaires sur les marchés extérieurs.
Toujours, dans le secteur du logiciel et dans le sillage des
volontés exprimées au sommet, le ministère des
Communications est à mettre sur pied, en collaboration avec
l'Université du Québec à Montréal où elle
sera située, une logithèque, véritable bibliothèque
du logiciel pour microordinateurs. Cette logithèque pourra offrir de la
documentation et des sessions de formation et éditer un bulletin
périodique. Un tel centre pourra permettre aux utilisateurs de mieux
choisir les produits répondant à leurs besoins. Il servira aussi
de vitrine aux producteurs et aux distributeurs de logiciels.
D'autres initiatives, tels l'accent mis sur la recherche
appliquée dans le domaine du logiciel, l'informatisation des entreprises
de communication et la politique de faire-faire en informatique auront aussi
des retombées intéressantes pour le secteur. Ces initiatives
auront un effet positif, mais il faut aller plus loin. C'est pourquoi le
ministère a formé, en collaboration avec les représentants
de l'industrie, une commission du logiciel qui contribuera à
élaborer une stratégie cohérente d'intervention et qui
pourra servir également de locomotive à certains projets. Il ne
faut pas oublier, en outre, que nous travaillons en
complémentarité avec la Société de
développement des industries de la culture et des communications qui a
aussi fait du logiciel une de ses priorités pour 1984-1985.
Troisièmement, l'informatique et la bureautique. Au sujet de
l'informatique et de la bureautique, de nombreuses actions ont
été entreprises.
D'abord, l'accroissement du faire-faire dans le secteur privé. En
1983-1984, les ministères et organismes publics assujettis à la
Loi sur l'administration financière ont dépensé 172 617
000 $ pour leurs activités informatiques et onze organismes
gouvernementaux ont dépensé 197 792 200 $.
La part de l'entreprise privée comme source d'approvisionnement
des services informatiques gouvernementaux est relativement stable depuis
1976-1977, variant de 4,3% à 8,3%, et représentait 14 274 100 $
en 1983-1984. Elle était de 9,9% pour les organismes gouvernementaux,
soit 19 590 200 $ pour la même année. Nous croyons que, d'ici
à quelques années, cette part de l'entreprise privée
devrait s'accroître pour atteindre un pourcentage de l'ordre de 15%
à 20%, ce qui est l'ordre des pourcentages des gouvernements ontarien
(20%), canadien (18%) et américain (22%).
À titre d'exemple, nous envisageons, dès cette
année, de conclure des ententes avec l'entreprise privée visant
la création d'un centre serveur québécois et la
privatisation d'Informatech pour un montant de l'ordre de 2 250 000 $.
Deuxièmement, l'informatisation des entreprises. L'une des
dimensions importantes signalées lors du sommet est l'informatisation
des entreprises de communication. Plus d'une dizaine de ces entreprises nous
ont déjà soumis des projets pour analyse. Il s'agit d'un geste
important de rationalisation des activités de ces entreprises. Un
montant de 500 000 $ est prévu dans ce domaine.
Troisièmement, la bureautique au sein du gouvernement. En
septembre 1983, le Conseil des ministres a confié au ministère
des Communications du Québec la responsabilité de promouvoir et
de coordonner le démarrage et l'implantation de projets pilotes
bureautiques à l'intérieur des ministères et organismes
gouvernementaux. À cette fin, des crédits de l'ordre de 2 500 000
$ lui ont été accordés sur trois ans. Il s'agit d'une
somme de 1 000 000 $ pour 1984-1985.
Dès décembre 1983, le ministère des Communications
du Québec lançait le dossier et recevait, le 21 janvier 1984, 16
projets soumis par 10 ministères et un organisme. Les critères
servant de base à l'analyse sont les suivants: l'impact sur la
qualité des services au public, l'impact gouvernemental, l'impact sur
l'industrie québécoise, le niveau d'intégration et
l'originalité. Les 7 projets retenus font maintenant l'objet d'analyses
en profondeur pour exécution en 1984-1985. Ces projets engendreront
ultérieurement des dépenses importantes en équipement.
Quatrièmement, la bureautique à
Communication-Québec. De façon à rendre des services
encore plus fonctionnels aux citoyens du Québec en matière de
renseignements et d'information, nous avons l'intention cette année de
moderniser les services des bureaux de Communication-Québec sur le
territoire québécois. Une somme d'environ 1 065 000 $ sera
consacrée dès cette année à cette activité
et le coût total du projet s'élèvera à près
de 2 000 000 $ sur deux ans.
Cinquièmement, un centre de recherche en bureautique. Dans la
foulée du plan de relance il a été annoncé par le
premier ministre la création de six centres de recherche, dont l'un en
bureautique. En étroite collaboration avec le ministère de la
Science et de la Technologie, le ministère des Communications du
Québec assume la coprésidence et le secrétariat du
comité d'organisation de ce centre.
Sixièmement, centres des congrès de
Montréal et de Québec. À la suite d'une entente
avec le ministère des Communications du Canada, nous sommes à
implanter au Centre des congrès de Montréal un système de
signalisation dynamique dont le coût global est de 3 700 000 $. Les
investissements du ministère dans ce projet sont de 500 000 $. En
1984-1985, un montant de 200 000 $ est prévu à notre budget pour
l'exécution de ce projet. De même, nous prévoyons
réaliser, avec les partenaires du sommet de la région de
Québec, un projet à peu près semblable à celui de
Montréal pour le Centre des congrès de Québec. Un montant
de l'ordre de 150 000 $ est retenu pour ce projet en
complémentarité avec des montants provenant d'autres organismes
gouvernementaux, dont l'Office de planification et de développement du
Québec, pour un investissement global de 300 000 $.
Dans le dossier de la recherche et du développement, plus
spécifiquement dans le domaine de la recherche appliquée en
communication, les participants au sommet ont été unanimes
à demander un accroissement des ressources financières du
gouvernement du Québec en matière de recherche et de
développement. On sait que la part des industries de communication
à l'économie représentait en 1980: près de 2 500
000 000 $ en revenus d'exploitation, soit 3,7% de la production
intérieure brute; plus de 44 000 emplois, soit 1,65% des emplois du
Québec; plus de 1 000 000 000 $ en salaires, soit l'équivalent de
2,5% de la masse salariale totale du Québec. De plus, il est bien connu
que ce secteur a des effets d'entraînement importants tant sur le plan
des achats de matériel que sur celui de la conception et de la
production des contenus. (10 h 30)
Nous avons donc retenu un montant de 2 000 000 $ pour 1984-1985 à
des fins de recherche appliquée en communication, ce montant
étant complémentaire à ceux qui pourraient être
utilisés par l'intermédiaire de multiples programmes
gouvernementaux, que ce soit à la Société de
développement industriel, à la Société de
développement des industries de la culture et des communications, au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, au
ministère de la Science et de la Technologie ou à d'autres
ministères et organismes gouvernementaux. Cette aide financière
sera donc disponible en recherche appliquée dans le domaine des
télécommunications, de la câblodistribution et de
l'informatique.
À l'occasion de la présentation du plan de relance par le
premier ministre, il a aussi été indiqué que sera
créé un centre de recherche appliquée en
télématique. Le ministère des Communications du
Québec participera activement à la création de ce centre.
Il en assumera la coprésidence avec le ministère de la Science et
de la Technologie et aussi le secrétariat. Il s'agit là d'un
dossier très important pour les besoins présents et futurs de la
société québécoise.
L'un des thèmes retenus au sommet a été celui des
impacts sociaux découlant des nouvelles technologies. Le sujet est
à ce point important que le gouvernement a tenu à constituer une
conférence spéciale sur l'électronique et l'informatique.
Quatre commissions traiteront de ces sujets dont, plus particulièrement,
la commission 3 qui analysera les thèmes des impacts sociaux des
nouvelles technologies. Le ministère des Communications sera donc
très présent au sein de ces instances pour examiner l'ensemble
des problèmes reliés aux industries de communication de
l'informatique et de la bureautique.
Quant à la création d'un forum permanent des
communications, nous sommes en voie de le constituer. On prévoit
même que, dans le courant du mois de mai, une première
séance de travail pourra se tenir. Il s'agit d'un organisme regroupant
entre 15 et 20 représentants d'entreprises et d'organismes reliés
aux communications. Les objectifs poursuivis seront les suivants: réunir
les principaux intervenants du secteur des communications afin qu'ils
s'entendent sur les moyens à prendre en vue d'une concertation accrue,
tant entre les partenaires eux-mêmes qu'entre l'État et ses
partenaires; conseiller les ministères sur les grandes orientations
à donner au développement des communications; formuler des avis;
promouvoir des relations fructueuses entre le ministère des
Communications, les utilisateurs et les producteurs de biens et services de
communication.
Par ailleurs, le ministère des Communications a
décidé de poursuivre le développement des médias
communautaires qui jouent un rôle éminemment original et essentiel
au Québec. Notre aide passera donc de 2 000 000 $ à 2 250 000 $.
Cette augmentation de 12% sera répartie à parts égales
entre les journaux, les radios et les télévisions communautaires.
Voilà donc beaucoup de travail accompli et plusieurs projets en
perspective.
Ces nouveaux crédits, accordés au développement des
industries de communication, indiquent qu'au ministère des
Communications nous avons compris un certain nombre de messages à la
suite des échanges fructueux que nous avons eus au cours de cette vaste
entreprise de concertation qu'a été le sommet.
Ces messages nous ont indiqué de façon claire qu'une
politique nationale des communications doit être absolument axée
sur l'action, privilégiant une approche sur le terrain beaucoup plus
qu'une approche théorique qui risquerait de couler dans le
béton des principes qui peuvent se révéler trop
imperméables au changement. Ainsi, par exemple, il était à
peine question, il y a un an, de ce que nous appelons les services
spécialisés diffusés sur le câble ou de la
deuxième chaîne de télévision privée
francophone. Or, ces dossiers sont devenus tout à fait
d'actualité et font partie de cette réalité mouvante qu'il
serait périlleux de vouloir trop encadrer.
La politique québécoise des communications sera donc
beaucoup plus un plan d'action qui épousera les réalités
du terrain plutôt qu'une politique nationale, au sens traditionnel du
terme, qui, même bien fignolée, a tendance à effleurer les
cimes de la raison raisonnante au détriment parfois du pays réel.
Les projets concrets reliés aux consensus exprimés lors du
sommet, pour lesquels nous avons obtenu de nouveaux crédits, forment le
noyau du plan d'action du ministère.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, au second mandat du
ministère qui porte sur l'information gouvernementale. Le
ministère a poursuivi cette année ses activités pour
favoriser l'implantation de la loi d'accès à l'information dans
les ministères et organismes gouvernementaux ainsi que dans l'ensemble
des autres organismes touchés, que ce soient les municipalités,
les commissions scolaires, les hôpitaux ou tout autre organisme de type
public. Un programme de création d'emplois temporaires a permis à
333 Québécois et Québécoises de trouver un emploi
en gestion documentaire dans ces organismes. Je vous rappelle que c'est le 1er
juillet prochain qu'entreront en vigueur les principaux articles de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
Dans le but d'améliorer l'information gouvernementale, le
ministère a procédé à l'ouverture de deux nouveaux
bureaux de Communication-Québec, à Granby et à
Saint-Hyacinthe, et d'un comptoir d'accueil à l'édifice G, sur la
colline parlementaire, ce qui porte à 24 le nombre de comptoirs et
bureaux sur le territoire québécois. Le ministère a de
nouveau produit cette année, en versions française et anglaise,
un Guide du citoyen et il a produit pour la première fois, en
français, un guide plus spécialisé à l'intention
des jeunes de 15 ans à 25 ans. Par ailleurs, des ententes ont
été conclues entre l'Éditeur officiel et des libraires
privés, à Chicoutimi et à Trois-Rivières, dans le
cadre d'une nouvelle formule de concession en région.
Dans la foulée de cet effort qui vise à améliorer
la qualité de l'information gouvernementale transmise aux citoyens, le
Conseil des ministres a récemment autorisé le secrétariat
du Comité ministériel permanent des communications à
former trois nouvelles tables de concertation au cours de l'année
financière 1984-1985. Ces tables regrouperont les efforts de
communication d'un certain nombre de ministères autour des thèmes
de l'essor économique et de la création d'emplois
particulièrement reliés à la jeunesse et à la
promotion des produits québécois.
Pour ce faire, le secrétariat du Comité ministériel
permanent des communications s'est vu allouer une somme de 5 000 000 $ qui
n'apparaît pas, pour l'instant, aux crédits du ministère,
mais qui y sera inscrite au moment de l'examen des crédits
supplémentaires, l'automne prochain.
Dans le domaine des services apportés aux ministères et
organismes gouvernementaux, il m'apparaît que le point saillant de
l'année 1983-1984 demeure l'arrivée au ministère des
Communications du service du courrier et des messageries ainsi que celui de la
réparation des machines de bureau, à la suite de l'adoption d'une
loi abolissant le ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement.
L'arrivée de ces deux nouveaux services élargit la gamme
des services offerts à l'appareil gouvernemental par le ministère
des Communications. Cette nouvelle responsabilité implique un transfert
chez nous de 189 employés et des crédits de 22 762 000 $. Je vous
souligne que, bon an mal an, le service du courrier et des messageries manipule
environ 2 500 000 enveloppes et colis de toutes sortes destinés aux 175
organismes gouvernementaux et remet environ 35 000 000 d'unités de
courrier à la Société canadienne des postes pour
acheminement. Quant au service de réparation des machines de bureau, il
effectue en moyenne, annuellement, environ 25 000 réparations è
toute la "quincaillerie" de bureau du gouvernement du Québec.
Dans le secteur de l'informatique, l'année 1983-1984 a
été marquée, comme l'année
précédente, par une croissance rapide de la demande de traitement
informatique qui a exigé, en plus de l'augmentation de la puissance de
l'ordinateur principal du ministère des Communications, l'implantation
d'un second ordinateur de grande puissance au coût de 2 600 000 $.
Dans le secteur des télécommunications, j'aimerais vous
souligner que le ministère a réalisé des études sur
le changement des centrex téléphoniques à Québec et
à Montréal. Le projet d'implantation d'un nouveau système,
le Centrex III, actuellement sur la table des analystes du Conseil du
trésor, amènera une modification en profondeur du service
téléphonique gouvernemental intercentres.
D'autre part, le ministère a poursuivi son plan de
développement de l'infrastructure intégrée de radio-mobile
devant accommoder tous les réseaux gouvernementaux sur le
territoire et favoriser une meilleure coordination des interventions
lors des mesures d'urgence. Une somme de 1 940 000 $ sera consacrée aux
étapes de consolidation et d'extension de l'infrastructure des sites de
communication. Ce montant inclut les études d'intégration du
réseau de la Sûreté du Québec.
Par ailleurs, le service des impressions en régie s'est
modifié de façon importante au cours de l'année. L'atelier
central de Montréal a été fermé le 1er juin 1983 et
a fait place à cinq centres de reprographie localisés dans des
édifices du centre-ville occupés par des ministères et
organismes. L'atelier central de Québec a, pour sa part, réduit
considérablement ses activités et n'assure que des travaux
spécialisés ou de plus long tirage représentant environ
30% de la production totale. Le réseau d'ateliers est passé de 11
à 21 centres de reprographie en cours d'année, comme suite
à un effort de rationalisation par lequel plusieurs ministères ou
organismes ont abandonné leur centre, réduit le nombre de gros
photocopieurs ou confié la gestion de leur centre au ministère
des Communications. L'effort de modernisation des équipements s'est
poursuivi et la norme de recevabilité des travaux a été
réduite de 400 000 à 200 000 impressions par travail.
D'autre part, à titre de ministre des Communications, j'ai aussi
à répondre des programmes relatifs à la Régie des
services publics, à Radio-Québec et à la Commission
d'accès à l'information gouvernementale.
À la fois tribunal administratif, organisme de surveillance, de
contrôle, de réglementation et de consultation, la Régie
des services publics a continué, en 1983-1984, d'exercer sa
compétence en matière de téléphonie. Des 78
ordonnances émises par la régie depuis le 1er avril 1983, 70
touchaient ce secteur. Mais ce qui a marqué particulièrement les
activités courantes de la régie, cela a été la mise
en place des modalités d'application de l'interconnexion,
conformément au décret adopté le 8 avril 1982 par le
Conseil des ministres. À cet égard, 21 des 70 ordonnances en
téléphonie portaient sur cette question.
Depuis octobre 1983, la Régie des services publics a un nouveau
président en la personne de l'honorable juge Jean-Marc Tremblay. En
décembre 1983 est aussi entré en fonction le nouveau
président-directeur général de Radio-Québec, M.
Jacques Girard.
Radio-Québec connaît, depuis sa création, une
progression constante de son auditoire. Ainsi, celui-ci a fait en 1983-1984 un
bond prodigieux de pas moins de 29%, pour passer de 1 833 000 à 2 362
000 téléspectateurs. Cette progression constante a
été rendue possible notamment par une meilleure réception
de Radio-Québec en région. Depuis l'automne dernier, la
région de la Gaspésie ainsi qu'une partie des
Îles-de-la-Madeleine et du Nord du Nouveau-Brunswick, où l'on
retrouve la moitié des Acadiens de cette province, captent les ondes de
Radio-Québec. Par l'implantation de quatre antennes en Gaspésie,
Radio-Québec rejoint maintenant 92% de la population
québécoise. Ce n'est qu'en janvier 1985 que Radio-Québec
diffusera par satellite et elle rejoindra, à ce moment, 96% de la
population.
Quant à la production régionale, elle a connu une
progression assez lente compte tenu des restrictions budgétaires des
dernières années. Certaines régions ont réussi tout
de même à produire une trentaine d'heures, l'an dernier. Pour
l'exercice financier 1984-1985, sur la base d'une année
budgétaire gouvernementale, Radio-Québec pourra compter sur des
crédits additionnels de 400 000 $ pour sa programmation
régionale.
Les conventions collectives des deux syndicats de la maison, le Syndicat
des employés en radio-télédiffusion de Radio-Québec
et le Syndicat général des employés de
Radio-Québec, sont expirées depuis le 30 juin 1983 et les
négociations entre les parties sont toujours en cours.
Enfin, Radio-Québec entend poursuivre, durant le nouvel exercice
financier, un processus de réflexion qui l'amènera à mieux
se placer dans la configuration de plus en plus changeante des médias
électroniques au Québec.
Quant à la Commission d'accès à l'information, elle
a mis en place, cette année, un second plan d'organisation
administrative supérieure. Pour la réalisation de son mandat, la
commission a mis sur pied les structures suivantes: une direction de l'analyse
et de l'évaluation pour voir à la gestion des fichiers de
renseignements personnels, un secrétariat, un service juridique et un
centre de documentation. (10 h 45)
La commission a également procédé à une
enquête auprès d'organismes gouvernementaux afin de prendre
connaissance des modes actuels d'accès à l'information. Elle a
également été appelée à établir une
politique sur les transferts de renseignements personnels.
Enfin, la Commission d'accès à l'information
gouvernementale collabore avec le ministère des Communications afin de
mettre au point les outils nécessaires à l'implantation de la
loi. Eu égard au calendrier d'implantation de la loi, la commission
s'est fixée comme premier objectif d'être en mesure de
répondre promptement aux demandes des citoyens.
Avant de terminer, M. le Président, je voudrais souligner le
rôle actif qu'a joué le ministère dans la coordination et
l'organisation des activités de l'année
mondiale des communications sur notre territoire. La mise sur pied d'un
programme d'aide spécial de 500 000 $ a suscité la tenue d'un
grand nombre de manifestations et a favorisé la participation de
milliers de Québécois. Il ne fait aucun doute que le rôle
joué par le ministère a permis que l'année mondiale des
communications connaisse au Québec une popularité qui n'a pas eu
son égal ailleurs au Canada, et vous pouvez en parler à celui qui
était commissaire de l'année mondiale des communications pour le
gouvernement fédéral.
En somme, le bilan de l'année mondiale des communications ainsi
que celui de l'année financière 1983-1984 qui la recoupe en bonne
partie sont très positifs. Plus de Québécois et de
Québécoises sont maintenant sensibilisés à
l'importance économique des communications. Nous disposons au
ministère, à la suite du sommet, d'un plan d'action qui colle aux
besoins de développement des industries de communication. Les 13 000 000
$ additionnels à notre budget vont nous permettre de favoriser
l'atteinte de nos objectifs en ce domaine. Il ne fait aucun doute à mes
yeux que le ministère des Communications livre la marchandise
attendue.
Le développement des industries de communication figurera encore
donc en tête de nos priorités pour l'année 1984-1985. Le
maintien de services de qualité à l'appareil gouvernemental dans
le cadre d'une rationalisation maximale des ressources demeurera aussi à
l'ordre du jour. À cette fin, je vous mentionne, entre autres, qu'une
nouvelle politique en matière de services audiovisuels sera
présentée. Nous viserons enfin, pour la prochaine année,
à diminuer les coûts des services fournis par le
ministère.
Avant de terminer, j'aimerais remercier tous les employés du
ministère grâce aux efforts de qui il nous a été
possible d'atteindre nos objectifs. Je ne saurais trop remercier tous ces
collaborateurs et toutes ces collaboratrices dont j'apprécie
énormément le professionnalisme et l'efficacité.
Je termine ici les observations générales que je voulais
vous livrer. Je vous ai indiqué les grandes orientations et les projets
du ministère des Communications. J'aurais voulu, bien sûr, aborder
beaucoup d'autres questions, mais je préfère que nous passions,
dans les meilleurs délais, à la discussion. J'insiste, M. le
Président, pour vous exprimer toute notre disponibilité en vue de
répondre de façon transparente à toutes les questions que
l'on voudra bien nous poser.
M. le Président, madame et messieurs les membres de la commission
de la culture, je vous remercie.
Le Président (M. French): Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Pour entamer
l'étude des crédits du ministère des Communications qui
atteindront, pour l'année 1984-1985, quelque 200 000 000 $ il est
important avant tout de comprendre la philosophie générale qui
guide les travaux, la mission, les objectifs et les moyens dont dispose le
ministre des Communications.
Récemment, un journaliste d'un quotidien de Montréal
résumait, à mon avis, le travail effectué par le ministre
au cours de la dernière année financière. Dans une
série d'articles dont tout le monde a pu prendre connaissance, il
décrivait les moyens qu'a adoptés le gouvernement pour - et je
cite le titre des articles - "Agir à toutes les sauces" et "Pour
remonter la côte, le gouvernement Lévesque met le paquet sur
l'information".
Voilà à quoi s'adonne le ministre des Communications, sans
doute bien conscient de l'échéance électorale qui risque
de monopoliser les énergies et les sommes d'argent à la
disposition du gouvernement en vue de coordonner et de bien orchestrer la vaste
campagne de publicité qui sera absolument nécessaire au
gouvernement s'il veut avoir la moindre chance de "sauver" les meubles.
Pour revenir à l'étude des crédits, il nous faut,
en tout premier lieu, définir la mission originale du ministère
des Communications. J'y vois d'abord un travail de rétroaction en
matière d'information, auquel le ministre devrait accorder une
importance primordiale et une attention beaucoup plus objective qu'il ne le
fait actuellement. En effet, le ministre des Communications devrait pouvoir
concevoir un plan d'organisation et de diffusion en se conformant aux
règles élémentaires et objectives d'honnêteté
intellectuelle vis-à-vis de la population, mission en vertu de laquelle
il lui incombe d'informer objectivement la population d'une manière
efficace, d'une manière peu coûteuse sur les services que lui
offre le gouvernement par le biais de tous ses ministères. Au lieu de
cela, le ministre des Communications concentre ses énergies et les
ressources dont il dispose à coordonner des campagnes de
publicité sur les réalisations plus ou moins réelles du
gouvernement du Québec, dépassant de loin les véritables
besoins de la population.
Ces besoins, M. le Président, peuvent être d'ordre
économique, social ou culturel. Cette population, à laquelle le
ministre a le devoir de rendre des comptes, doit se familiariser avec les
différents moyens qui sont mis à sa disposition, par le biais
du
ministère des Communications, pour valoriser ses talents,
exécuter ses projets et mettre en oeuvre ses idées aussi bien
dans un milieu local, communautaire qu'au niveau régional.
Le ministère des Communications a aussi une deuxième
mission qui devrait consister à assumer un rôle de soutien
à l'égard des différents médias se retrouvant sur
le territoire québécois. Cette mission ne doit pas se contenter
de faire adopter des crédits d'environ 56 800 000 $ pour la
Société de radio-télévision du Québec. Loin
de nier la pertinence d'étendre la régionalisation de
Radio-Québec sur l'ensemble du territoire québécois, vous
conviendrez avec moi que le soutien aux médias d'information doit
être axé sur une aide accrue pour que se développent au
maximum tant les médias privés que publics extérieurs
à la télévision de l'État.
Parlant de Radio-Québec, j'aimerais insister pour dire que,
jusqu'à maintenant, le processus de régionalisation, bien que
valable en soi, coûte de plus en plus cher à l'État pour
produire ses propres émissions, alors que les coûts seraient
moindres si on se contentait de négocier l'achat de bonnes
émissions. Je ne veux pas dire non plus que le gouvernement devrait
empêcher Radio-Québec de produire ses propres émissions
mais je dis, au nom de mon parti, que le gouvernement doit axer ses efforts en
vue de les produire dans une perspective de haute productivité par
rapport aux coûts réels engendrés aux fins de la
production. D'ailleurs, le ministre avait lui-même reconnu ses lacunes au
niveau de la productivité, l'an dernier, lors de l'étude des
crédits. Il a été le premier à reconnaître
que le coût, pour chaque heure de production à
Radio-Québec, dépassait ce qui se faisait ailleurs. Par voie de
comparaison, il avait même cité des chiffres; nous pourrons nous y
référer plus tard.
Nous disons également que, si le gouvernement veut faire profiter
une société d'État comme Radio-Québec de
manière à maximiser ses retombées sur la population
québécoise, il est essentiel que Radio-Québec cesse de
demeurer en circuit fermé. En d'autres termes, pourquoi le gouvernement
ne développerait-il pas un programme visant à aider
systématiquement les jeunes réalisateurs, les jeunes
comédiens, les jeunes scénaristes, les jeunes écrivains de
manière à mettre au service de tous les auditeurs
québécois les talents et les idées de ce qu'il est convenu
d'appeler la relève? Il me semble qu'une telle politique serait aussi
valable, sinon plus, que les quelques emplois à temps partiel offerts
sporadiquement par le gouvernement, en plus d'ouvrir des perspectives fort
intéressantes et prometteuses et aussi, possiblement, plus permanentes
pour ces jeunes à qui on réserve beaucoup de place dans le
secteur privé justement pour assurer la relève. Voilà un
exemple concret de complémentarité sur laquelle le gouvernement
du Québec pourrait développer ses programmes d'aide et de soutien
à l'égard des jeunes, tout en mettant en valeur le rôle et
la vocation de Radio-Québec.
De même pourrions-nous profiter de cette étude des
crédits, M. le Président, pour demander au ministre ce qu'il
advient des principes mis de l'avant en matière de communication dans
son livre blanc. Nous avons eu droit à un long exposé sur des
intentions, sur des choses qui sont sur le métier. Nous aurons
l'occasion de demander des précisions au ministre pour savoir quels sont
les résultats pratiques de ces expériences. On se rappellera que
le ministre visait à promouvoir le développement des technologies
au Québec, par le biais de différents moyens. Le livre blanc
traitait également de ce besoin essentiel d'harmoniser les gestes et les
actions de l'État avec ceux et celles de l'entreprise privée.
Nous aurons l'occasion de revenir sur les réalisations concrètes
qui sont issues du livre blanc et nous aurons l'occasion de déplorer
l'imprécision ainsi que l'aspect vague de certains engagements.
Par exemple, au chapitre de la promotion du développement des
techniques au Québec, les actions annoncées par le ministre
sont-elles suffisantes? Quels moyens a-t-il mis de l'avant pour respecter sa
volonté d'harmoniser le travail entre l'État et le secteur
privé? Se contente-t-il de remettre au secteur privé ce qui
devient embarrassant et gênant pour le gouvernement? Il faudra aussi que
le ministre nous dise quelles sont les véritables sommes mises à
la disposition des différents intervenants dans le livre blanc. Pourquoi
-j'ai l'intention de le lui demander maintenir une certaine confusion - c'est
simplement un exemple - dans le domaine de l'aide à la recherche
appliquée pour ce qui concerne le rôle du ministère qui
reste vague et imprécis?
Nous avons cru comprendre que le gouvernement n'avait pas, dans certains
cas, les moyens financiers d'appliquer des principes mis de l'avant lors du
sommet et dans le livre blanc. Le ministre peut-il nous affirmer le contraire?
Qu'est-ce qu'il a l'intention de faire pour répondre aux attentes qui
ont alors été créées? L'heure des
réalisations concrètes a sonné en 1984-1985 et
l'échéance est proche où on devra faire un bilan. M. le
ministre, vous êtes au ministère des Communications depuis quatre
ans; il est normal - cela nous a paru plus long que trois ans - qu'on demande
des comptes après un certain nombre d'années.
Je ne puis passer outre le fait que le gouvernement semble s'embarquer
dans une voie de solitude qui risque d'être fort
coûteuse pour les contribuables québécois. Je ne
prendrai comme seul exemple, M. le Président, que l'organisation du
dernier sommet portant sur les communications. En effet, le gouvernement du
Québec n'avait pas semblé juger opportun d'établir une
véritable collaboration avec le gouvernement canadien. Certes, le
Québec possède une juridiction certaine qui lui est propre et qui
est incontestable pour ce qui concerne les communications, ce que
reconnaît volontiers le Parti libéral du Québec
actuellement comme par le passé, alors que nous formions le
gouvernement. Force nous est de constater que l'attitude du ministre, et du
gouvernement en général, est une attitude conflictuelle qui se
situe dans le cadre plus général des débats et des travaux
constitutionnels avec le gouvernement fédéral. Notre formation
politique a toujours voulu évité que les querelles
constitutionnelles nuisent au développement des communications à
l'intérieur du Québec. Cela demeure notre politique.
Tout en tenant compte des juridictions qui lui appartiennent du point de
vue constitutionnel, le gouvernement du Québec a historiquement tenu
compte de celles appartenant au gouvernement canadien - ce sont là des
faits - de manière que les travaux respectifs des deux ordres de
gouvernement ne se dédoublent pas et ne se contredisent pas. Nous
estimons que, dans l'esprit de cette philosophie, le gouvernement du
Québec doit s'efforcer d'harmoniser les politiques
fédérales-provinciales en matière de communication et
qu'il lui revient de faire profiter tous les Québécois de toute
l'expertise émanant du gouvernement d'Ottawa.
Une telle mission m'apparaît d'autant plus essentielle que les
principes mis de l'avant dans le livre blanc du ministère
québécois des Communications seraient susceptibles d'être
mis en application d'une façon beaucoup plus rapide et efficace, ainsi
que moins coûteuse, en regard du fameux défi technologique qui
s'adresse à tous les agents de ce secteur d'activité au
Québec.
Quand un ministre en est rendu à faire jouer les structures de
son ministère par le biais d'affrontements entre hauts fonctionnaires
pour savoir quelle vedette pourrait mener à bien une mission strictement
politique pour des fins électorales, c'est-à-dire celle de
remonter la cote de popularité du gouvernement, tel que je le citais
tout à l'heure, on est en droit de se poser de nombreuses questions: par
exemple, où se place, parmi ses priorités, l'intérêt
du bien public? Est-ce que le choix que le gouvernement est en train de faire,
pour ce qui concerne les communications, laisse pour compte la population
à desservir? (11 heures)
On a très souvent l'impression, M. le Président, que ce
gouvernement est plus soucieux de servir ses propres intérêts en
répondant à des objectifs teintés d'une certaine forme de
nationalisme dépassé, voué à une
indépendance du Québec qu'il sait avoir été
rejetée par une majorité très claire de
Québécois un certain mois de mai 1980. Si le gouvernement veut
mettre en pratique ce nationalisme dépassé, nous ne lui en
tiendrons pas rigueur compte tenu de son idéologie dans la mesure,
cependant, où il aidera le développement du Québec dans le
sens de l'excellence et où il ne fera pas payer à la population
les tentatives de sa part de faire passer son message politique de mille et une
façons. Il s'agit là d'une façon de faire qui ne cadre pas
avec un ministère des Communications qui se veut au service de toute la
population du Québec. Je suis convaincu qu'un examen de la situation
amènera le ministre à conclure que, dans ce domaine, il faut
faire preuve de la plus extrême prudence et ne donner prise à
aucun soupçon, parce qu'il est facile de poser des gestes qui vont
être interprétés comme servant avant tout les
intérêts partisans du gouvernement, ce qui serait
extrêmement regrettable.
Nous estimons également que la mission gouvernementale en
matière de communication doit, à un moment donné, prendre
un temps d'arrêt. Elle doit plus exactement s'arrêter à
partir du moment où se transforme le véritable sens de
l'information et qu'il se confond avec celui de la propagande gouvernementale.
Je le répète, on n'insistera jamais assez sur ce danger toujours
présent, auquel il est facile de succomber. Je veux dès
maintenant, en tant que nouveau porte-parole de l'Opposition, informer le
ministre que je serai d'une vigilance extrême à ce sujet et que je
verrai à surveiller de très près la façon dont sont
dépensés les fonds publics. D'aucune façon, je
n'accepterai que la population puisse être bernée par des
campagnes publicitaires au moyen de messages qui, si on les analyse comme il
faut, sont des messages de propagande politique.
Le second principe de travail objectif en matière de
communication devrait être axé autour de trois
éléments bien précis: au plan technologique, de
manière à harmoniser le travail de l'État et celui du
secteur privé en prenant bien conscience du talent
développé par le Québec en cette matière; au plan
du soutien aux médias tant privés que publics, soutien qui doit
dépasser le seul souci d'animer des batailles
fédérales-provinciales comme la câblodistribution; au plan
international, par le développement de méthodes de recherche,
d'expertise et d'échanges d'information sur les véritables
questions de l'heure, de façon que le Québec demeure au fait des
moindres créations et concepts nouvellement issus du domaine aussi
complexe et passionnant que sont les communications.
C'est dans ce contexte que notre formation politique a
suggéré et soumis aux membres de l'Assemblée nationale un
projet de loi portant sur les sondages et la publicité gouvernementale
et visant à assurer une honnêteté intellectuelle certaine
et vérifiable ainsi qu'une transparence de tous les moments
vis-à-vis de toute la population du Québec.
On se souviendra en effet que l'Opposition, par la voie de son
porte-parole, lors du projet de loi 191, souhaitait un premier cadre
réglementaire pour les sondages et la publicité gouvernementale.
De cette façon, nous estimons toujours qu'un tel avant-projet de loi
concernant les résultats des sondages à même l'argent des
contribuables a encore sa place et devrait être adopté. Ce
document stipulait également que pour chaque sondage des renseignements
sur les objectifs, la date, le coût et l'échantillon, ainsi que le
nom de la firme utilisée, devraient être inclus dans un recueil de
sondages annuellement déposé devant l'Assemblée
nationale.
Quant à la publicité gouvernementale, elle serait
interdite à moins qu'elle n'ait pour objet: d'informer la population
relativement aux conditions et modalités d'un programme gouvernemental,
si ce dernier requiert une communication directe entre le citoyen et un agent
d'un organisme gouvernemental; d'informer la population relativement aux
nouvelles dispositions législatives ou réglementaires
adoptées par le Parlement ou le gouvernement, lorsque ces nouvelles
dispositions peuvent exiger un changement de comportement de la part des
citoyens; d'informer la population quant à une enquête publique
dûment constituée en vertu de la loi; de faire la promotion de
l'industrie touristique au Québec; de faire la promotion de l'achat de
services ou de produits manufacturés au Québec; de communiquer
avec les employés de l'État ou un groupe de ceux-ci; de
renseigner la population afin de mieux assurer la santé et la
sécurité physique de la population; d'influencer le comportement
des citoyens dans le domaine de la consommation et, finalement, de faire la
promotion de l'accès à l'égalité des groupes de
citoyens défavorisés par rapport aux autres.
Il va sans dire que cette publicité serait interdite en termes
d'outils de négociation des conventions collectives avec les
employés du secteur public. Selon nous, il reviendrait au seul Directeur
général des élections de faire de la publicité
durant une période électorale ou référendaire.
En somme, un tel projet de loi nous paraissait essentiel parce que le
gouvernement péquiste a démontré qu'il ne peut
résister à la tentation d'utiliser l'appareil de l'État et
le Trésor public pour manipuler des clientèles cibles bien
identifiées, afin de faire avancer ses intérêts partisans.
Ce projet de loi vise donc à exercer le contrôle nécessaire
pour protéger l'opinion publique. C'est là un des rôles du
ministère des Communications.
Des directives aussi rigoureuses s'imposent à la seule lecture
des orientations pour la prochaine année, au chapitre de l'information
et des publications gouvernementales, telles qu'elles apparaissent au programme
2 de vos crédits où il est dit qu'en matière de
rétroinformation Communication-Québec assiste les
ministères dans leurs activités de rétroinformation et de
consultation assurant, notamment, la cueillette des données sur les
besoins des citoyens.
Cette pratique n'est pas nécessairement condamnable dans la
mesure où elle s'inscrit dans un souci d'améliorer la
qualité des services offerts aux citoyens, mais j'aimerais bien savoir
du ministre combien de plaintes et de problèmes ont été
résolus en 1983-1984, demandes qui, ultérieurement, auraient
été réglées par des interventions faites à
divers paliers de la machine gouvernementale qui, semble-t-il, aurait
apporté des améliorations dans les services suivants, où
les plaintes se concentrent très souvent. Je vais tout simplement donner
quelques exemples: la Commission de la santé et de la
sécurité du travail du Québec, le ministère du
Revenu, la Régie du logement ainsi que certains autres secteurs
d'activité qui, trop souvent, sont sources d'embarras pour les
citoyens.
Le même projet de loi nous paraissait aussi essentiel compte tenu
de l'orientation du ministère des Communications dont le travail
consiste comme par hasard, dans le cadre d'un plan 1981-1985, à
améliorer l'information gouvernementale et à soi-disant humaniser
l'appareil gouvernemental et l'efficacité de ses services. Je demande
donc au ministre: Qu'en est-il, à un an de la fin de ce plan
1981-1985, des plaintes et injustices commises à l'endroit des citoyens
à cause des tracasseries réglementaires et administratives de
problèmes qui sont aussi factuels et quotidiens que dans les cas que
j'ai cités très brièvement tout à l'heure?
Conséquemment, nous tenterons de savoir, au cours de
l'étude de chacun des programmes et des éléments de
programme du ministère des Communications, de quelle manière le
ministre entend rapprocher l'appareil gouvernemental autrement que par la
publicité et les sondages teintés de partisanerie qui ne donnent
aucun résultat positif et jettent du discrédit sur son
ministère. Le ministre a une responsabilité personnelle de voir
à protéger la réputation du ministère qu'il dirige
maintenant depuis trois ans. Sans doute le ministre saura-t-il
nous expliquer certaines contradictions concernant
l'accessibilité des citoyens aux services des différents
ministères, comme nous en retrouvons dans le programme 2 concernant
l'information et les publications gouvernementales où il est dit que
"c'est sous le signe d'une rationalisation encore plus poussée que la
Direction de l'édition développera ses activités en y
ajoutant des volets additionnels."
En effet, parmi les orientations pour l'année 1984-1985, il est
clairement indiqué que "le service des publications continuera la
rédaction et la production des guides en ajoutant un guide sur la
justice, un autre pour le troisième âge et un autre pour les
femmes. Ces guides seront vendus et remplaceront diverses publications
partielles destinées à la distribution gratuite." Est-ce de cette
façon que le ministère des Communications entend mettre en
pratique sa politique d'accessibilité à l'information?
Il est paradoxal que la clientèle à laquelle sont
destinées ces publications en soit une qui, justement, manque de moyens
financiers pour les acheter. Justement - et c'est là le cercle vicieux -
elle n'a pas les moyens de les acheter parce qu'elle ne connaît pas
toutes les ressources auxquelles elle devrait avoir accès. On n'en
sortira pas, M. le ministre, si on tente de leur faire payer, pour les aider,
ce qu'ils n'ont pas les moyens de payer.
Nous estimons enfin - et je le dis au nom de ma formation politique -
que ce présent gouvernement doit être surveillé de
très près jusqu'à la prochaine élection
générale du Québec. Dans le cadre du présent
contexte de l'étude des crédits, il ne sert à rien de
tenter d'examiner à la loupe les 70 campagnes entreprises ou poursuivies
au cours de la présente année, ni les 73 avis préalables,
ni les 100 agences présélectionnées et les 14 agences
sélectionnées et, enfin, un montant versé en
placements-médias de l'ordre de 10 323 700 $. Tant que nous n'aurons pas
les outils nécessaires pour nous assurer que tous ces contrats, que
toutes ces ententes, que toutes ces campagnes sont faites à
l'intérieur et dans le cadre bien précis de règles connues
et acceptées, nous ne pourrons pas faire une critique véritable
de ce qui se passe, sauf que nous attirons l'attention du ministre sur le
danger qu'il y a de procéder d'une manière qui peut donner
l'impression que l'arbitraire a plus que sa place.
Il semble qu'il faille attendre que des règles plus
précises ou rigoureuses soient acceptées par l'Assemblée
nationale pour procéder à un examen de ce dont je parlais. Je
suis porté à croire que ce n'est pas sous la gouverne de ce
gouvernement, de cette administration qu'une telle preuve de transparence nous
sera offerte sous forme législative. Tout au plus mettrons-nous l'accent
sur les abus qui risquent de se produire en fonction des orientations 1984-1985
décrites dans les huit programmes du ministère des
Communications. Nous tenterons de forcer le gouvernement à faire preuve
de plus de transparence, de nous dire comment il entend améliorer les
services offerts aux citoyens et nous prouver qu'une espèce de
structure, comme le ministre délégué aux Relations avec
les citoyens, constitue, à toutes fins utiles, une structure qui n'aura
plus sa raison d'être lorsque le ministre des Communications aura
véritablement accompli son travail de façon adéquate,
lorsque le système de la rétroaction aura joué d'une
façon efficace et, finalement, lorsque la population aura l'assurance
qu'elle est servie d'une façon honnête et non-partisane.
En conclusion, je me permets d'attirer l'attention du ministre plus
particulièrement sur l'application de la loi sur l'accès à
l'information. On sait quel travail il a accompli avec le président de
la commission par rapport à cette loi et je ne peux faire autrement, M.
le ministre, que de m'inquiéter du genre de directives émises par
le ministère des Affaires intergouvernementales, signées de la
main de la sous-ministre, Mme Leduc, qui faisait état de la loi en
disant: "Nous pouvons nous attendre que ce texte - le texte de la loi - nous
posera des problèmes tout à fait caractéristiques au
niveau de son implication, compte tenu de la nature particulière du
travail réalisé au sein du ministère." Mme Leduc a
procédé à la création d'un comité
spécial visant à s'assurer qu'on donne à la commission ce
dont elle a besoin, mais pas plus. (11 h 15)
M. le Président, je pourrai y revenir lors de l'étude des
crédits. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en discuter à une
autre occasion, quand la Commission d'accès à l'information
gouvernementale comparaîtra devant la commission de l'Assemblée
nationale, mais je voudrais savoir du ministre s'il est au courant de cette
pratique, de cette directive. Sinon, est-ce qu'il peut s'en informer? Est-ce
qu'il pourrait nous dire ce qu'il en pense et ne croit-il pas qu'elle est de
nature à contrer les effets recherchés par la loi sur
l'accès à l'information? J'aimerais également savoir si
d'autres ministères que celui des Affaires intergouvernementales ont agi
de la même façon. Quel geste le ministre entend-il poser ou est-ce
qu'il en a déjà posé pour éviter que ce soit un jeu
de cache-cache entre les ministères et la Commission d'accès
à l'information.
Il est facile, M. le Président, de répondre aux exigences
de la lettre d'une loi - le ministre le reconnaîtra - et de
déjouer l'esprit de la loi. Ayant été un de ses
auteurs et s'étant vaillamment battu pour que cette loi soit
adoptée, le ministre n'acceptera pas - j'en suis convaincu - qu'on fasse
de telles entourloupettes qui viseraient à donner l'impression aux
ministères que c'est le jeu du chat et de la souris où,
finalement, le gagnant est celui qui en donne le moins.
Ce sont là, M. le Président, les remarques
préliminaires que je voulais faire ce matin. Nous procéderons
ultérieurement à l'étude des programmes, selon les dates
qui restent à déterminer. Nous savons que, dès mardi soir,
c'est Radio-Québec et nous reprendrons la discussion en détail
à ce moment-là, en tout cas concernant Radio-Québec.
Le Président (M. French): Merci, M. le
député. Y a-t-il d'autres commentaires préliminaires? M.
le député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne (Mille-Îles): M. le Président, bien
sûr, l'exposé du ministre englobe un vaste champ qui s'incorpore
très bien aux deux autres ministères chapeautés par la
commission de la culture, à savoir les Communautés culturelles et
l'Immigration, avec, comme axe, la langue française, la loi 101 et ce
qui s'ensuit, ainsi que les Affaires culturelles. On s'aperçoit, depuis
le début de la semaine, qu'il y a toujours interdépendance entre
ces ministères.
Hier, on s'inquiétait, entre autres, de l'application
d'une loi qui fait du français la langue officielle et qui fait en sorte
qu'on se donne des règlements pour la protéger et la promouvoir
mais s'il y a, j'allais dire, une interférence provenant de
l'extérieur, soit par les télécommunications, soit par les
satellites, soit par la câblodistribution, on se dit: C'est bien beau,
une loi locale qui fait qu'on se protège; d'autre part, on nous
parachute, par le moyen des techniques modernes, une autre culture, soit, mais
encore faut-il protéger sa propre culture. C'est pour cela qu'il est
intéressant de voir comment le ministère des Communications
s'incorpore à cet aspect culturel et linguistique qui est très
important pour nous.
On l'a vu dans le passé. On a vu un ministre libéral, M.
Jean-Paul L'Allier, défendre avec énormément d'ardeur cet
élément qui est propre à nous, la culture
québécoise, la langue française. On a vu les luttes qu'il
a été obligé d'entreprendre avec le gouvernement
fédéral au sujet des télécommunications. C'est de
tradition. Les trois gouvernements qui se sont succédé ont
toujours eu et auront toujours actuellement, on va dans la même veine -
le souci de la protection de notre langue et de notre culture. Or, on peut
s'inquiéter à juste titre, lorsqu'on sélectionne
les canaux de la télévision - personnellement, j'ai un
câblosélecteur de 33 canaux à la maison - du fait que les
trois quarts soient anglophones.
La population est à 84% francophone; c'est pour cela qu'il faut
faire attention. Il faut être vigilant pour faire le juste partage d'une
barrière de protection pour qu'on puisse faire la promotion de notre
culture et de notre langue aussi bien à la radio qu'à la
télévision ou en téléphonie. Je pense que le
ministre est bien inspiré, actuellement, par ce qui s'est fait dans le
passé.
Une autre chose que je voudrais aborder, c'est l'information. Je pense
qu'un gouvernement responsable doit faire en sorte que ses lois, ses services,
ses programmes soient connus de la population. La population doit
connaître les services auxquels elle a droit, les programmes auxquels
elle a droit, que ce soit dans les ministères, dans les régies
d'État, dans les sociétés d'État. Je pense que le
Québécois a le droit de savoir quels sont ses droits au point de
vue de la Régie de l'assurance-automobile, au point de vue de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, au point de vue de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail du
Québec, de la Société des alcools ou de la Régie
des loteries et courses du Québec. Je pense que tous les
Québécois ont droit à de l'information et le
ministère des Communications a le devoir de faire en sorte que tous les
Québécois puissent connaître ces programmes, ces services.
On doit aller dans ce sens et je pense qu'on va dans le bon sens.
On a eu le programme de Corvée-habitation. On a un nouveau
programme, Corvée-rénovation qu'on appelle aussi le programme
Equerre. Je ne vois pas pourquoi le ministère ne fait pas
connaître ce programme. Je donne l'exemple du programme Equerre pour que
les Québécois qui veulent en bénéficier puissent le
faire, créer de l'emploi et rénover leur maison, parce qu'ils y
ont droit. Je ne vois pas pourquoi le ministère ne donnerait pas de
l'information quant aux trois prochains volets qui s'adresseront aux
bénéficiaires de l'aide sociale: le recyclage dans l'industrie,
le retour au travail et les travaux communautaires. Je pense que le
ministère et le gouvernement ont la mission de donner toutes ces
informations parce que le citoyen, le Québécois a droit aussi
à cette information, a droit de connaître les services, les lois
et les programmes.
Je voudrais réagir aussi au sujet de l'exportation de notre
culture. La production québécoise est exportée à
40%; on s'aperçoit que, dans le domaine de la culture, on fait
l'exportation de disques, on fait l'exportation de livres, on fait
l'exportation de logiciels, on fait l'exportation aussi de notre culture, de
certains produits du ministère des Communications. Je pense qu'on doit
continuer
dans ce sens. On a une société, la SODICC, qui a
été conçue pour produire et exporter de la culture
québécoise et on doit renforcer davantage cette
société. Le ministère des Communications va collaborer
aussi à cela. J'étais content de l'entendre parce que le
ministère des Communications travaille en étroite collaboration
avec le ministère de la Science et de la Technologie et aussi avec les
Affaires culturelles. On a parlé d'informatique, on a parlé de
bureautique et je pense que le ministère des Communications s'en va dans
la très bonne direction.
Un dernier commentaire. On a parlé de télévision
communautaire; je suis content d'apprendre que le budget est augmenté de
12% cette année. À Laval, on a une télévision
communautaire très dynamique, entre autres, qui a sept ans d'existence.
Il y a deux semaines, un contrat d'entente a été signé
avec Vidéotron pour faire en sorte que Vidéotron donne des
services techniques à la télévision communautaire de Laval
pour que celle-ci puisse diffuser dix heures de programmation locale par
semaine d'ici un an. On s'aperçoit que la communauté se prend en
main. Elle a sept ans d'expérience et déjà, au point de
vue professionnel, elle peut fournir un travail beaucoup plus rigoureux,
beaucoup plus dynamique, beaucoup plus objectif, beaucoup plus positif. On lui
fait confiance et je m'en réjouis au nom des citoyens de Laval. J'en
remercie également le ministre.
Durant l'étude des crédits, M. le ministre, on aura
sûrement d'autres questions à poser et, à ce
moment-là, on posera des questions spécifiques sur
Radio-Québec.
Le Président (M. French): Mme la députée de
Dorion.
Mme Huguette Lachapelle
Mme Lachapelle: M. le Président, j'aimerais d'abord vous
rassurer: je serai très brève. Contrairement à mon
collègue de Louis-Hébert, cependant, je serai peut-être un
peu plus positive.
M. le ministre, je suis tout à fait d'accord avec les
crédits alloués au ministère des Communications, d'autant
plus que ces sommes permettront, en cette annnée internationale des
communications, en cette année de relance, la création de
plusieurs emplois. Elles sensibiliseront aussi la population à la
nécessité des communications et souligneront l'apport
économique et social joué par toute forme de communication.
Je me réjouis que le Québec ait un réseau
d'information télévisée tel Radio-Québec. Que le
budget soit augmenté, je dis bravo, parce que plus de gens en
région pourront capter Radio-Québec. Je souhaite ardemment que,
très prochainement, nous ayons les moyens financiers nous permettant
d'avoir, en plus des émissions éducatives et d'information
générale - qui sont d'ailleurs très
appréciées - notre téléjournal, pour informer
quotidiennement les Québécois et les Québécoises,
et que ces derniers reçoivent des informations intelligentes et
objectives.
Le Président (M. French): Très bien. M. le
ministre, je vous rappelle que, techniquement, je ne crois pas qu'il y ait un
droit de réplique de part et d'autre après les remarques
préliminaires. Voulez-vous faire quelques commentaires? Si oui, je serai
dans l'obligation de donner aux autres la possibilité de faire de
même. M. le ministre.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: D'accord, M. le Président. Je pense que c'est
une coutume établie que le ministre qui présente ses
crédits puisse donner un certain nombre de réponses,
forcément préliminaires, puisque, comme l'ont indiqué le
député de Louis-Hébert, le député de
Mille-Îles et la députée de Dorion, il y aura lieu de
poursuivre l'analyse des crédits avec des questions plus
spécifiques. Cependant, il y a un certain nombre de remarques qui ont
été faites et que je voudrais relever immédiatement pour
faire avancer nos débats ultérieurement.
Je suis, quant à moi, très heureux que le
député de Louis-Hébert ait retenu la formule slogan qui a
fait la manchette des journaux au cours des dernières semaines où
on dépeignait le ministère des Communications, ou le ministre des
Communications, comme un intervenant qui voulait agir à toutes les
sauces et mettre le paquet sur l'information. Je me dis: Pourquoi pas? Si c'est
effectivement la façon de percevoir le rôle que je joue au
ministère des Communications, je veux agir, c'est le moins qu'on puisse
dire. À toutes les sauces? Bah! au maximum possible. Mais il faut faire
des choix.
Vous aurez remarqué, dans ma présentation, qu'il y a des
secteurs qui sont moins touchés que d'autres, puisqu'il faut
arrêter un certain nombre de priorités. Ce sont ces
priorités que j'ai tenté de vous présenter. Quant à
mettre le paquet sur l'information, vous m'en voyez ravi. Effectivement, je
crois que c'est un devoir d'État de s'assurer que le ministère
des Communications et la Direction des communications de tous les
ministères et organismes gouvernementaux mettent le paquet sur
l'information. Encore faut-il se poser des questions sur la façon de
mettre le paquet sur l'information, sur la qualité de l'information
transmise et sur l'accessibilité à cette information puisque,
finalement, ce sont les citoyens et les citoyennes du Québec qui ont,
à la base, un droit à l'information.
Nous sommes là pour répondre à ce droit du public
à l'information. (11 h 30)
Vous avez fait état de la rétroaction en information. Au
cours des prochaines rencontres, M. le député de
Louis-Hébert, je pourrai faire état de l'existence d'un service
de la rétroinformation au ministère des Communications, et qui
nous permet d'accumuler des renseignements qui nous sont transmis par la
population et qui nous aident par la suite, dans certains cas, à
corriger un certain nombre de problèmes qui peuvent exister dans les
ministères et organismes gouvernementaux.
Vous avez, de part et d'autre, du côté ministériel
et du côté de l'Opposition, fait état de vos
préoccupations quant au développement de Radio-Québec. Je
me réjouis de constater que personne ne met en cause - bien sûr,
cela va de soi - l'existence de Radio-Québec et sa vocation
régionale, mais nous aurons l'occasion, mardi soir prochain, de recevoir
de la part du président-directeur général de
Radio-Québec plus d'information quant à ce qui s'est fait, quant
à ce qui se fait et quant à ce qui se fera au cours des
prochaines années. Je crois que cette rencontre sera
particulièrement productive.
Je voudrais signaler au passage que nous aurons probablement l'occasion,
lors de cette rencontre avec les dirigeants de Radio-Québec, de faire
état de ce nouvel environnement au niveau des médias
électroniques, de cette nouvelle configuration qui va amener
Radio-Québec à préciser davantage son mandat étant
donné l'arrivée des canaux spécialisés,
étant donné aussi l'arrivée prochaine - qu'on souhaite au
niveau du gouvernement fédéral - d'une deuxième
chaîne privée. Je voudrais simplement qu'on constate qu'en ce
moment il y a, à Ottawa, des sommes disponibles, 35 000 000 $, pour
certains producteurs, mais les télévisions éducatives du
Canada ne peuvent pas, dans le contexte actuel, avoir accès à ces
35 000 000 $. Or, l'Association des télévisions éducatives
du Canada a fait des représentations auprès du gouvernement
fédéral pour que les télévisions éducatives,
dont Radio-Québec, puissent avoir accès à ces fonds
relativement importants.
Le député de Louis-Hébert a fait largement
état de ce qu'il a qualifié d'une collaboration douteuse avec le
gouvernement canadien, lors du sommet. Dois-je lui indiquer que nous avons
invité les représentants de l'Office national du film, du
gouvernement fédéral, de la Société de
développement de l'industrie du cinéma et de Radio Canada
à participer non seulement aux tables de concertation qui ont
précédé la tenue du sommet - ils étaient
effectivement présents - mais aussi au sommet. Nous avons accepté
qu'ils participent au sommet sur les communications. Ce sont ces organismes
qui, librement, volontairement et consciemment, ont décidé de ne
pas y participer.
Je dois même dire - cela peut vous surprendre, M. le
député de Louis-Hébert -qu'à l'occasion du
dîner d'État qui a été offert à l'ensemble
des partenaires du sommet sur les communications, le mercredi soir, j'ai
invité personnellement le sous-ministre adjoint aux Communications du
gouvernement fédéral, M. Gourd, à prendre la parole devant
les partenaires que nous avions réunis pour ce sommet
socio-économique sur les communications. Il a pris la parole pour
indiquer qu'il se réjouissait de la tenue de ce sommet et qu'il en
escomptait des résultats très positifs.
Il n'y a donc pas d'attitude conflictuelle avec le gouvernement
fédéral. Il n'y a tellement pas d'attitude conflictuelle avec le
gouvernement fédéral que vous aurez remarqué que, dans
tout mon texte, en aucun moment je n'ai traité du problème de la
juridiction en matière de communications. Or, s'il est un dossier qui a
fait consensus historiquement au sein de cette Assemblée nationale,
c'est bien celui de la revendication de la juridiction en matière de
communications, que ce soit sous le gouvernement de l'Union Nationale ou sous
le gouvernement du Parti libéral. Je crois d'ailleurs me rappeler que
vous étiez fonctionnaire au ministère des Communications, M. le
député de Louis-Hébert, et même directeur de
l'administration au ministère des Communications, si ma mémoire
est bonne. Je crois que c'était autour de 1970-1971; c'est un fleuron
à votre boutonnière. Vous vous rappelez, à
l'époque, les revendications du gouvernement libéral en
matière de souveraineté culturelle. Quel était le canal
privilégié pour ce slogan de la souveraineté culturelle?
C'était le ministère des Communications et les politiques mises
de l'avant par un de mes prédécesseurs, M. Jean-Paul
L'Allier.
Donc, l'attitude traditionnelle des gouvernements du Québec,
c'est de faire en sorte que nous soyons maîtres d'oeuvre du
développement des communications sur notre territoire. Pourquoi n'ai-je
pas parlé de nos relations avec le gouvernement fédéral?
C'est parce que ces relations, bien que nous les souhaitions, ne donnent pas de
résultat. Vous avez vécu la douloureuse expérience de la
câblodistribution sous le gouvernement libéral en 1975-1976; nous,
en 1976-1977, jusqu'à la décision de la Cour suprême, on
s'est fait littéralement enlever des mains une juridiction qui nous
apparaissait importante pour le développement culturel et
économique du Québec.
Regardez ce qui s'est passé dans le dossier de la
télévision payante: plusieurs conférences
fédérales-provinciales, plusieurs conférences
interprovinciales, un front
commun des dix provinces canadiennes, pour une fois, maintenu
jusqu'à la fin, disant au gouvernement fédéral que la
télévision payante est une juridiction qui nous appartient. Il
est arrivé ce que vous savez. Le gouvernement fédéral, par
l'entremise du CRTC, a imposé sa politique de la
télévision payante avec les échecs que nous avons connus.
N'eût été - c'est l'approche que j'avais
décidé d'adopter, je me rappelle même que c'était
à la suggestion du président de la commission de la culture
-l'attitude que nous avons adoptée, une attitude terrain, pour reprendre
une expression que j'ai utilisée tantôt dans ma
présentation, n'eût été l'intervention de la
Société de développement des industries de la culture et
des communications; n'eût été le regroupement des deux
canaux français de télévision payante sur lequel j'ai fait
de nombreuses déclarations et qui, finalement, a abouti, nous n'aurions
pas actuellement une industrie de la télévision payante qui soit
viable et qui assure des retombées économiques importantes pour
nos artisans dans le secteur culturel.
Regardez l'attitude du gouvernement fédéral dans le
dossier des canaux spécialisés. On vient de prendre la
décision, au CRTC, de donner des permis à deux entreprises qui
vont diffuser une programmation anglophone sur des canaux
spécialisés. On vient d'ouvrir la porte en même temps
à l'introduction, au Canada et au Québec, de cinq canaux
spécialisés américains, comme volonté de permettre
aux Québécois et aux Québécoises francophones de
profiter de l'arrivée des canaux spécialisés. Dois-je
indiquer que, comme geste pour favoriser, au contraire, notre assimilation, on
ne fait pas mieux.
Quant à la deuxième chaîne privée
francophone, c'était probablement "le bonbon" - entre guillemets - qu'on
voulait présenter en dernier recours, une décision
éminemment politique pour nous faire avaler la décision des sept
canaux spécialisés de langue anglaise. Je reviendrai
là-dessus la semaine prochaine. Nous avons déjà pris
connaissance de la réaction de M. Jacques Dumais dans le Soleil d'hier.
Nous avons pris connaissance de la réaction de Mme Lise Bissonnette dans
le Devoir de ce matin. Je crois qu'il y a là matière à
discussion. Ce sera intéressant au cours des prochaines semaines.
J'ai, quant à moi, l'intention de donner ma réaction
quoique, vous le savez, je n'ai pas juridiction en matière de
télévision. Dans le contexte des décisions prises par le
CRTC et le gouvernement fédéral, je devrai probablement adopter
une attitude terrain du type de celle que me suggérait le
président de la commission de la culture. Ce qui m'a choqué dans
le dossier de la deuxième chaîne, c'est que les fonctionnaires
fédéraux s'étaient engagés - quand on parle
justement de relations avec le gouvernement fédéral -à ce
que nous obtenions, quatre jours avant l'annonce faite par M. Fox, copie du
rapport du CEGIR sur l'éventuelle deuxième chaîne
privée francophone. Or, cela n'a pas été
respecté.
Le Président (M. French): M. le ministre, pour vous
permettre de compléter sur tous les sujets dont vous voulez partager
l'opinion avec nous, il vous reste cinq minutes.
M. Bertrand: Très bien. Je vais donc tenter de
résumer le tout. Je crois qu'on n'a pas respecté la parole
donnée. Vous dites que vous n'êtes pas pour l'indépendance.
Je le savais, M. le député de Louis-Hébert. Moi, je suis
pour la souveraineté. Je pense que par la souveraineté, nous
parviendrons véritablement à contrôler l'ensemble des
moyens, des outils ou des instruments assurant le développement des
communications au Québec.
Cependant, vous êtes un partisan de M. Bourassa et M. Bourassa a
déclaré, depuis le début des années soixante-dix,
qu'il croyait à la souveraineté culturelle. Il a même
indiqué tout récemment qu'il était prêt, en retour
de pouvoirs culturels accrus, à céder au gouvernement
fédéral des pouvoirs en matière économique. Je
trouve que le Parti libéral a une drôle de philosophie. On
déjeune dans le social; on dîne dans le culturel; on soupe dans
l'économique. Quant à moi, on s'endort dans l'absurde, parce que
ce n'est pas cela; il y a un lien très étroit entre la culture et
l'économie et on ne peut pas penser au développement du
Québec sans relier très intimement les secteurs social, culturel
et économique. Pour bien y parvenir, il faut avoir en main des
instruments politiques. Quant à nous, seule la souveraineté peut
nous donner ces instruments politiques.
Quant au projet de loi du président de la commission de la
culture auquel vous avez longuement fait allusion, M. le député
de Louis-Hébert, laissez-moi vous dire que sous le couvert d'une
très bonne intention, qui est à l'image de la bonne foi et de la
bonne volonté du député de Westmount, il m'apparaît
y avoir derrière ce projet de loi tellement de candeur et de
naïveté que je n'ose croire que le député de
Louis-Hébert puisse un instant s'imaginer que l'adoption d'un tel projet
de loi empêcherait ce qu'il qualifie d'excès de partisanerie.
J'en veux comme exemple - et je reprends une des propositions qu'il a
faites et qu'on retrouve dans votre projet de loi -à l'article 14,
où vous dites: Un organisme gouvernemental ne peut produire ni faire
produire une annonce publicitaire à moins que cette annonce n'ait pour
objet: 8e, d'influencer le comportement des citoyens
dans le domaine de la consommation; 5e, de faire la promotion de l'achat
de services et de produits manufacturés au Québec; 7e, de
renseigner la population afin de mieux assurer sa santé ou sa
sécurité physique. (11 h 45)
Prenons les points 7 et 8: Santé et sécurité;
influencer le comportement des citoyens dans le domaine de la consommation. Un
beau dossier! La surconsommation d'alcool, voilà un dossier où le
gouvernement, par une campagne de publicité, pourrait influencer le
comportement des citoyens, protéger leur santé, leur
sécurité physique.
Encore là, le député de Louis-Hébert, qui
s'imagine qu'on ne ferait pas de partisanerie avec ce genre de dossier,
à mon avis, ne se rappelle pas un certain nombre de campagnes. Par
exemple, sur la consommation d'alcool, on peut très bien faire une
campagne à la québécoise pour dire: "La modération
a bien meilleur goût". J'avoue qu'il n'y a là absolument rien de
partisan, mais on peut très bien faire une même campagne sur
l'alcool à la manière fédérale, à Ottawa,
campagne qui, au moment du référendum, si ma mémoire est
bonne, sur le même thème, avait un slogan qui se lisait comme
suit: "Non, merci!" Comme quoi, M. le député de
Louis-Hébert, au-delà de la bonne foi, de la bonne
volonté, il y a parfois une certaine candeur, une certaine
naïveté dont nous avons besoin en politique, faut-il le dire?
Je sais que le député de Westmount, à ce point de
vue, est un homme qui veut contribuer à l'amélioration des
choses. Quant à moi, je dois dire que, même si je souscris dans
l'ensemble aux objectifs visés par son projet de loi 191, je pense qu'il
serait en pratique non seulement inapplicable mais, plus que cela, il
n'atteindrait pas les objectifs qu'il veut viser. Cela me paraîtrait,
évidemment, infiniment regrettable.
Le Président (M. French): M. le ministre, votre temps est
écoulé.
M. Bertrand: M. le Président, je termine là mes
premiers propos relativement à quelques commentaires sur les remarques
qui ont été faites par quelques-uns des membres de la commission
de la culture. Je vous réitère que je me tiens à votre
entière disposition. C'est un sujet fort intéressant que celui
des communications. J'espère que nous nous reverrons dans un avenir
rapproché.
Le Président (M. French): M. le député de
Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon M. Doyon: Merci, M. le Président.
Je ne m'attendais pas que le ministre des Communications m'encense et me donne
raison sur les critiques que j'avais formulées à son égard
et à l'égard du ministère qu'il dirige. Qu'il se gourme,
comme on le dit dans le milieu d'où je viens - c'est un bon terme
beauceron - en disant qu'il se mêle à toutes les sauces, j'en suis
bien aise. Cela montre que, jusqu'à un certain point - je n'irai pas par
quatre chemins - il est devenu un danger public. Il est temps qu'on s'en
aperçoive. Quelqu'un qui est prêt à prendre tous les moyens
pour "agir" au degré où il place son action, c'est totalement
inacceptable. Les Québécois ne sont pas...
M. Bertrand: Quelqu'un a déjà été
considéré comme un danger public et, pourtant, il a fait de
grandes choses pour son pays.
M. Doyon: ...dupes de cette façon de faire. On a vu autre
chose que des messages subliminaux dans notre vie collective. Ce n'est pas avec
l'emploi de termes qui peuvent, inconsciemment ou d'une façon
subliminale, rappeler certaines actions du gouvernement, certains objectifs du
gouvernement qu'on va leurrer la population québécoise.
Que le ministre se dise prêt à continuer de cette
façon, c'est, à proprement parler, totalement inquiétant.
Ce que je pensais pouvoir obtenir du ministre, c'étaient des assurances
et peut-être un minime mea culpa, une reconnaissance qu'il était
sur la glace mince, qu'il était sur la corde raide et que, finalement,
il prenait des risques inutiles en se jouant de la population du Québec
dans la formation de son opinion par des campagnes de publicité de toute
nature.
Le ministre sait très bien que, quand on fait des campagnes
à pleines pages dans les journaux, où, finalement, on n'a rien
d'autre à dire que "c'est reparti", c'est idiot! C'est innocent! Cela
n'a pas sa raison d'être! C'est de nature incantatoire purement et
simplement. Ce n'est pas en disant ou en écrivant un certain nombre de
fois "c'est reparti au Québec" que pour autant c'est reparti. Il n'y a
que les sorciers qui appellent la pluie de cette façon.
M. le mini3tre, si vous entendez faire de la sorcellerie avec l'opinion
publique québécoise, vous ne m'aurez pas comme partenaire et vous
n'aurez pas non plus la population du Québec. C'est autre chose de poser
des gestes de façon que la population puisse porter un jugement sur le
fait qu'il y a eu un nouveau départ au Québec, après
l'arrêt absolument désastreux qu'on a connu à cause de
votre gouvernement. Que la population se rende compte de cela
elle-même, d'accord, mais qu'on tente de l'endoctriner, qu'on
tente de lui faire accroire, en le lui mettant sous les yeux à
plusieurs reprises, que c'est reparti parce qu'on lui dit que c'est
reparti, ce n'est pas honnête, ne n'est pas correct parce qu'on demande
à la population de s'identifier à une expression d'opinion.
La population peut s'en rendre compte, M. le ministre, si vous avez fait
quelque chose pour faire repartir ce que vous aviez arrêté; vous
n'avez pas besoin de lui dire que c'est reparti. Ce n'est pas ce qu'on vous
demande comme ministre des Communications; ce qu'on vous demande, c'est
beaucoup plus de la nature de ce que disait le député de
Mille-Îles, c'est de permettre aux gens qui ont besoin de la Régie
de l'assurance-maladie, qui ont besoin des organismes publics de savoir quels
sont leurs droits, quels sont les moyens pour y avoir recours, etc. Tout le
monde est d'accord avec cela, cela ne pose pas de problème.
Ce qui est difficile à accepter, ce sont les campagnes
publicitaires qui sont de nature à tromper la population, à la
duper et où, finalement, il reste toujours un arrière-goût.
Cet arrière-goût, je n'accepte pas plus qu'il vienne du
gouvernement du Québec que d'un autre gouvernement.
L'honnêteté dans l'utilisation des fonds publics pour fins de
publicité gouvernementale doit avoir les mêmes normes rigoureuses,
quel que soit le niveau, provincial ou fédéral. Les normes
doivent être aussi rigoureuses et pour une raison très simple:
quand on puise dans les fonds publics, on peut possiblement réussir
à vendre à peu près n'importe quoi quand on a accès
à tous les moyens modernes des communications. La panoplie est immense,
vous êtes entourés d'experts que vous payez un bon montant; il y a
plein de gens qui peuvent vendre des "frigidaires" aux Esquimaux. Il n'y a pas
de problème, quand on a les moyens.
Là où vous auriez du mérite, M. le ministre, ce
serait au moment où vous mettriez un holà à la
manipulation, à l'utilisation outrageante des fonds publics pour
atteindre des buts semblables, à la formation de comités
parallèles, de comités de contrôle, de comités de la
nature du comité ministériel permanent des communications qui a
un rôle général de supervision, qui doit s'organiser pour
que tout aille dans la même philosophie de parti, pour qu'on soit bien
sûr que tout le monde marche au même pas, au même rythme et
dans la même direction qui, quant à moi, mène au
précipice.
Vous voulez vous assurer de cela, M. le ministre, et vous ne faites
même pas confiance à vos directeurs des communications dans les
divers ministères qui ont été choisis et qui sont des
professionnels sans avoir une vision politique aussi poussée que la
vôtre de ce que devrait être le Québec dans l'avenir. Dans
les circonstances, vous avez formé un conseil des directeurs et des
directrices des communications, vous avez formé un comité
ministériel permanent des communications, vous voulez imbriquer tout
cela ensemble. Pourquoi? Pour vous assurer que le message gouvernemental soit
uniforme et qu'à la manière du supplice de la goutte chinoise on
réussisse à rentrer dans la tête de la population ce
qu'elle a refusé et ce qu'elle continue de refuser. M. le ministre, ce
n'est pas très encourageant de vous voir récidiver et de nous
annoncer que vos efforts vont continuer dans le même sens d'une
façon encore plus vigoureuse, d'une façon plus saccadée,
d'une façon encore plus concertée. C'est extrêmement
inquiétant.
Vous faites grand état des empiétements, des
difficultés avec le gouvernement fédéral. Comme vous en
avez fait mention tout à l'heure, je suis assez bien placé pour
connaître un peu ce qui peut s'être passé à ce sujet
à un moment donné de notre histoire, en 1970, 1971 et 1972. Je
dois vous dire, M. le Président, tout en regrettant ces
choses-là, tout en les déplorant et en réaffirmant
l'intention du Parti libéral du Québec de faire passer les
intérêts du Québec en premier lieu, que ni vous ni personne
de votre gouvernement n'est en situation de faire valoir honorablement et
valablement les véritables intérêts du Québec. On ne
peut pas annoncer à sa femme qu'on va la divorcer à la
première occasion - on ne peut pas lui annoncer cela quotidiennement -
et en même temps discuter avec elle de la façon dont on va
administrer notre budget commun, notre compte de banque conjoint. Cela ne
fonctionne pas. Il faut choisir: si on divorce, on divorce, mais il ne faut pas
espérer qu'on va s'entendre facilement sur un compte de banque
conjoint.
C'est cette quadrature du cercle que vous êtes en train de tenter
de réaliser. C'est du donquichottisme. C'est de tenter de faire croire
à la population qu'il y a moyen qu'une chose soit noire et blanche en
même temps, qu'on peut être uni et séparé en
même temps. C'est ce discours confus que vous faites. C'est ce discours
confus qui est refusé par la population. C'est ce discours confus qui ne
vous permet pas d'avoir avec le fédéral des amorces de discussion
menant à des avenues d'entente, parce qu'en fin de compte, si ces
ententes sont de nature à établir que le
fédéralisme canadien permet précisément ces
aménagements, vous venez de perdre des munitions, vous venez de renoncer
à utiliser des munitions qui vous sont absolument nécessaires
pour atteindre votre but. Vous sachant intelligent ainsi que les gens qui vous
entourent, vous ne ferez pas ces choses-là. Les gens qui sont de l'autre
côté de la clôture vous voient venir aussi. Même si,
de bonne foi, vous tentiez l'impossible, cette quadrature du cercle, il ne faut
pas reprocher à l'autre partie, qui a
aussi son mot à dire, de s'imaginer à tort ou à
raison que vous êtes en train de lui faire une entourloupette. Alors,
tout cela mis ensemble, cela vous met dans une situation absolument
insupportable qui n'est pas de nature à nous amener des résultats
favorables à des arrangements permettant que la population en ait pour
son compte.
Nous pourrions en parler très longuement, M. le Président,
mais je pense que nous avons pris suffisamment de temps pour les remarques
préliminaires. Nous aurons l'occasion de poursuivre lors de
l'étude des programmes et des éléments de programme, mais
je voulais tout simplement dire ces quelques mots en espérant que, sur
les choses pratiques, les choses nécessaires, les choses établies
comme étant des services réels à la population, nous en
viendrons, M. le ministre, vous et moi ainsi que tous les gens de la
commission, très rapidement à des ententes pour que, dans le
meilleur des mondes, on puisse s'organiser pour que la population ait les
services pour lesquels elle paie.
Le Président (M. French): Merci, M. le
député. Le président serait lui aussi très
tenté d'intervenir, mais je me suis fait brasser la cage. Le
député de Mille-Îles également. Je veux bien me
retenir et j'espère qu'il va partager ce choix avec moi la semaine
prochaine, justement. Donc, on se voit, si l'Assemblée nationale le veut
bien, à 20 heures, mardi soir. D'ici là, la commission de la
culture ajourne ses travaux sine die. Je demanderais qu'on garde les
microphones ouverts, mais qu'on cesse l'enregistrement puisqu'on aura une
brève séance de travail ici pour la commission. Messieurs et
mesdames les fonctionnaires, je vous remercie.