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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, December 4, 1984 - Vol. 28 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du rapport d'activités de la Commission d'accès à l'information


Journal des débats

 

(Douze heures onze minutes)

Le Président (M. French): La commission de la culture entreprend donc son mandat qui est l'étude du rapport d'activités de la Commission d'accès à l'information, conformément à l'article 119. 1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. Doyon (Louis-Hébert) présent, M. Gauthier (Roberval) présent, M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) présent. On ne se posera pas la question à savoir si une personne qui n'est pas membre de la commission peut former le quorum.

M. de Bellefeuille: D'accord! On ne pose pas la question.

Le Président (M. French): Nous voulons donc souhaiter la bienvenue à nos invités d'aujourd'hui, soit le président de la commission, M. Marcel Pepin, et ses deux collègues commissaires, Mme Thérèse Giroux et Mme Caroline Pestieau.

Une voix: Bonjour.

Commission d'accès à l'information

Le Président (M. French): Je crois comprendre qu'on a déjà distribué votre allocution d'ouverture, M. le président. Alors, vous pouvez y aller.

M. Marcel Pepin

M. Pepin (Marcel): M. le Président et MM. les députés, il me fait grand plaisir, pour le bénéfice des membres de la commission de la culture, de tracer le bilan de la première année complète d'activités de la Commission d'accès à l'information.

Durant la période couverte par le présent rapport annuel, la majorité des articles de la loi n'étaient pas encore en vigueur, mais nos opérations et nos efforts ont été conditionnés par l'objectif de préparer la commission à assumer pleinement tous ses rôles au moment de l'entrée en vigueur du corps principal de la loi. Les articles qui étaient déjà en vigueur, par ailleurs, nous permettaient déjà de remplir deux rôles actifs; d'abord, celui de surveiller l'application de la loi par l'examen des projets de règlements parus à la Gazette officielle et des projets de loi déposés à l'Assemblée nationale. Dans le cas de certains projets de loi, nous avons cru bon de communiquer au président de l'Assemblée et aux ministres qui parrainaient ces projets notre opinion face à certaines dispositions contenues dans ces lois qui auraient pu entrer en conflit avec la loi sur l'accès.

D'autre part, nous avons aussi rendu des avis sur des projets d'ententes de transferts de renseignements nominatifs que certains organismes publics nous ont soumis. Ces avis nous ont permis de dégager les principaux critères qui nous guideront lorsque nous aurons à évaluer les projets d'ententes de transferts de renseignements nominatifs entre organismes publics. Ces critères ont fait l'objet à la mi-juin d'une brochure qui a été distribuée aux 3600 organismes publics qui sont assujettis à la loi sur l'accès.

De plus, la commission a été appelée à jouer activement un rôle d'information auprès de ses clientèles, soit les organismes et le grand public. C'est ainsi que le personnel de la commission s'est efforcé de répondre, dans la mesure du possible, aux nombreuses demandes d'information des organismes publics sur les exigences de la loi à leur égard. Leurs requêtes d'interprétation d'articles de la loi ont été traitées avec égard, mais sans nécessairement que la commission donne toujours des opinions juridiques formelles ou définitives.

Le personnel de la commission a aussi exposé aux citoyens qui en faisaient la demande, leurs nouveaux droits, ainsi que le rôle que la commission allait être appelée à jouer.

De plus, les membres de la commission ont donné, à tour de rôle, plusieurs conférences publiques portant sur les objectifs de la loi et son contenu. Enfin, les commissaires ont eu quelques rencontres avec leurs homologues des autres pays, de même qu'avec leurs homologues fédéraux. Ils ont aussi eu des contacts avec des personnes chargées d'appliquer des lois similaires dans les organismes fédéraux américains.

En plus de ces mandats de surveillance de l'application de la loi et d'information, la commission s'est efforcée de se préparer à l'exercice des mandats qui allaient se concrétiser avec l'entrée en vigueur de la plus grande partie de la loi sur l'accès. Ainsi, après un plan d'organisation de démarrage, le Conseil du trésor approuvait, en février, un nouveau plan d'organisation

autorisant 29 postes permanents, dont 16 ont été comblés, et 14 postes occasionnels. Je signale que mes propos s'adressent à la période que couvre le rapport annuel.

La nouvelle structure organisationnelle s'articule autour de deux directions: le secrétariat et service juridique, d'une part, et la direction de l'analyse et de l'évaluation, d'autre part. À la fin de l'année financière 1983-1984, le poste de directeur de l'analyse et de l'évaluation a été comblé.

Pour ce qui est des prévisions budgétaires, celles-ci avaient été conçues en fonction de l'entrée en vigueur de la loi dès l'automne dernier, mais avec l'entrée en vigueur de l'ensemble de la loi reportée en juillet, la commission a été en mesure de retourner au fonds consolidé quelque 275 000 $.

La commission a aussi fait faire par son personnel un certain nombre de recherches juridiques et non juridiques sur la meilleure façon d'appliquer la réforme, de manière que nous soyons prêts à exercer notre mandat. Ainsi, le service juridique s'est employé à interpréter, pour notre gouverne, quelques articles de la loi qui semblaient causer davantage de problèmes.

D'autres professionnels, quant à eux, ont effectué des recherches sur les organismes assujettis à la loi et ce, afin de mieux cerner leur pratique en matière de gestion de documents administratifs ou encore de gestion de fichiers de renseignements personnels. De cette manière, la commission commençait à se préparer a assumer ses autres mandats.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais anticiper quelque peu sur le terme de l'année financière couverte par le présent rapport annuel et expliquer un peu les rôles que nous remplissons depuis quelques mois.

Il y a quelques semaines, nous fournissions aux organismes les outils nécessaires à la déclaration de leurs fichiers de renseignements personnels, tels les formulaires et un guide. Il me fait plaisir de déposer un exemplaire de ce guide et de ce formulaire à la commission

Le Président (M. French): Je vous remercie, mais je pense que cela a déjà été distribué.

M. Pepin: Cela permettra aux organismes de faire l'inventaire des renseignements personnels qu'ils détiennent sur les citoyens et aidera la commission à confectionner un répertoire de fichiers détenus au Québec par les organismes assujettis à la loi.

Nous comptons faire connaître aux organismes notre politique sur les transferts entre organismes publics et privés, sur la cueillette par un organisme public de renseignements nominatifs déjà colligés par un organisme privé et sur un certain nombre d'exigences de la loi dont les autorisations de communication de renseignements personnels à des fins de recherche.

Le personnel de la commission a également effectué des études sur divers sujets comme le consentement des personnes à la communication de renseignements nominatifs les concernant. Afin d'expliquer aux citoyens leurs droits nouveaux, nous diffusons un dépliant qui a été imprimé à 20 000 exemplaires en français et à 2000 exemplaires en anglais et nous avons fait paraître deux annonces dans tous les quotidiens du Québec.

Bien sûr, notre rôle d'adjudication est le plus visible et le plus accaparant pour les commissaires. Au 1er décembre, nous avions 60 demandes de révision enregistrées au greffe dont 12 ont déjà donné lieu à une décision et ce, en moyenne, à moins d'un mois de la tenue de l'audition. Même si la loi sur l'accès a été adoptée en juin 1982, il n'est pas dit que les objectifs et les mécanismes de cette vaste réforme sont compris de tous. C'est pourquoi, parallèlement à l'exercice des mandats formellement assignés à la commission par ia loi, les commissaires font un effort particulier, de même que le personnel, pour fournir le plus d'informations possible à de nombreux intervenants afin de faciliter la compréhension et l'implantation harmonieuse de cette réforme.

Il me fera donc grand plaisir de répondre à vos questions et je note, M. le Président, que mes collègues, Mmes Pestieau et Giroux, sont également à votre disposition.

Le Président (M. French): Je vous remercie, M. le président de la Commission d'accès à l'information. Je voudrais donc inviter mes collègues à poser des questions. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Quelques mots de bienvenue lors de cette première comparution de la commission devant cette commission parlementaire de la culture. Il est important que régulièrement, tel que le prévoit la loi, les principaux responsables de la commission puissent venir ici faire état de ce qu'ils ont fait pendant l'année passée et possiblement - et je pense que c'est aussi un but de l'exercice - nous faire part de certaines difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans l'application de la loi. Nous sommes ici pour apprécier le travail qu'ils font et aussi, éventuellement, pour le faciliter grâce à des représentations qu'ils pourraient nous faire et que nous aurions le devoir, dans un rapport, de transmettre au ministre.

Nous sommes heureux de voir que,

actuellement, il semble que les premières interventions, les premières activités de la commission d'accès se déroulent, tel que prévu, sans difficultés majeures. Je me réfère aux adjudications que vous avez eu l'occasion de rendre; c'est une partie très importante de votre mandat. Je pense qu'il faut se féliciter que vous ayez réussi déjà à rendre des décisions qui permettent aux citoyens du Québec de profiter pleinement de ces droits nouveaux qui leur sont accordés par la loi sur l'accès à l'information.

Processus décisionnel

Pour ce qui est des décisions, M. le président, qui ont été rendues par votre organisme, est-ce que vous pouvez, premièrement, éclairer cette commission et nous dire comment cela se passe? Est-ce qu'il y a des règles d'établies, une procédure quelconque sur la façon dont se fait l'audition? Est-ce que des gens doivent présenter un document quelconque établissant, un peu comme on le fait devant certains organismes quasi judiciaires au niveau administratif, leurs prétentions, les principaux points qu'ils ont l'intention de soulever, ou s'ils peuvent se présenter de but en blanc sans avoir plus qu'indiqué leur intention d'aller en appel d'une décision qui a été rendue en ce qui les concerne?

M. Pepin: M. Doyon, la procédure est la suivante: le citoyen fait une demande d'accès à un document et l'organisme lui répond, soit de façon positive en lui donnant le document demandé, soit de façon négative en le refusant et à ce moment, il doit indiquer sur quel article de la loi sur l'accès il s'appuie pour motiver son refus et il doit également indiquer au citoyen que ce dernier a un droit de recours devant la commission. C'est comme cela que cela se produit. À ce moment, le citoyen, soit de lui-même ou par l'entremise d'un procureur, saisit la commission de ce refus et demande une révision de la décision du responsable de l'accès. Il y a une audition qui est tenue où les deux parties font valoir leur point de vue et la décision est ensuite rendue.

La commission a adopté un règlement de preuve et de procédure qui se veut souple, mais qui respecte, en même temps, les règles de la justice naturelle et, notamment, le droit absolu des deux parties d'exposer chacune son point de vue et d'interroger les témoins de l'une et de l'autre. Je pourrais dire que, à l'expérience jusqu'ici, c'est une procédure assez souple en ce qui concerne ceux qui président les auditions. Il n'est pas arrivé souvent que l'audition ait revêtu un caractère plus formel et plus rigide. Cela ne s'est pas produit très souvent, mais, lorsque cela s'est produit, ce n'était pas nécessairement l'initiative du commissaire qui présidait l'audition.

M. Doyon: Ces règles, M. le président, qui semblent avoir été établies, est-ce qu'il y aurait possibilité que cette commission en ait une copie? J'imagine que c'est disponible.

M. Pepin: Absolument. On vous en fait tenir une copie immédiatement. C'est un règlement de preuve et de procédure qui a été publié à la Gazette officielle et adopté selon les règles.

M. Doyon: Vous avez mentionné dans votre réponse, M. le président, que la comparution devant votre commission se faisait par l'entremise d'un procureur. Est-ce que dans tous les cas un avocat, un procureur est impliqué en ce qui concerne une contestation d'une décision d'un organisme public de remettre ou de ne pas remettre un document de nature personnelle?

M. Pepin: Non, le citoyen peut très bien exposer lui-même son cas. D'ailleurs, la loi précise bien que le citoyen n'a pas à motiver sa demande d'accès. Il n'a pas à expliquer pourquoi il fait cette demande. Son plaidoyer se limite à exposer son droit d'accès à un document public. Il appartient à ceux qui le détiennent et qui refusent cet accès d'expliquer à la commission pourquoi ils se sentent justifiés d'agir ainsi.

Dans la pratique, je pense, comme il s'agit toujours d'organismes publics qui détiennent le document, que la plupart, sinon la totalité, se sont fait représenter par un procureur. Mais dans le cas des citoyens, cela n'a pas toujours été le cas. Cela a été le cas parfois et parfois non.

M. Doyon: Quand il s'agit d'une décision d'un organisme public qui, lui, est représenté par un procureur, ce qui semble être presque toujours le cas, vis-à-vis d'un citoyen qui, lui, se présente à titre de simple requérant, très souvent, sans la formation juridique et sans la préparation qui peut être celle de l'autre partie, est-ce que votre commission a une règle de conduite visant à faciliter les choses et à agir un peu comme à titre d'amicus curiae vis-à-vis de cette personne qui arrive un petit peu démunie vis-à-vis de l'autre partie qui, elle, est peut-être mieux équipée?

M. Pepin: Je pense que je peux parler également au nom de mes deux collègues. Les commissaires sont très soucieux de protéger très adéquatement les droits des deux parties et plus particulièrement si l'une des deux parties est moins bien équipée que l'autre. Jusqu'ici, je ne crois pas que cela ait posé de problème. Le commissaire lui-même, de toute façon, peut intervenir, il est maître de la procédure, et s'assurer que tous

les faits pertinents lui sont soumis de façon correcte avant de conclure l'audition.

M. Doyon: M. le Président, je me réjouis des assurances que me donne le président de la commission concernant la situation des gens qui se présentent devant sa commission.

M. Pepin: Je pourrais peut-être ajouter, M. Doyon, que, même si parfois les citoyens ne sont pas représentés par un procureur, nous avons constaté qu'ils se défendaient très bien et qu'ils se préparaient très bien.

M. Doyon: Oui, évidemment, cela se comprend fort bien. Il y va de leur intérêt. Ce sont eux qui sont les requérants, les demandeurs là-dedans et j'imagine qu'ils arrivent, quand même, avec une certaine préparation. Mais il ne faut pas oublier que des gens qui n'ont pas l'habitude de comparaître sont moins à l'aise, forcément, que des gens qui en font leur profession. Je voulais simplement que votre commission -et je suis heureux de vous l'entendre dire -soit sensible à cette dimension d'un problème qui pourrait se poser, en tout cas.

Vous avez mentionné aussi dans votre rapport, M. le président, que vous avez voulu expliquer aux citoyens les droits qui sont là maintenant, avec l'adoption de la loi sur l'accès à l'information, et vous avez parlé de 20 000 dépliants qui ont été distribués en français. Est-ce que vous pouvez nous dire de quelle façon s'est faite cette distribution? Il y a eu des annonces dans les journaux aussi, d'après ce que je comprends. Mais en ce qui concerne les dépliants plus particulièrement, est-ce que ce sont les bureaux de Communication-Québec qui avaient cela en main où si c'était sur demande des citoyens que vous leur remettiez un dépliant explicatif?

M. Pepin: Communication-Québec, évidemment, a accepté de distribuer une partie de nos dépliants comme cet organisme le fait pour l'ensemble, je pense, des ministères et organismes gouvernementaux. Nous avons également donné plusieurs milliers de ces dépliants à des organismes représentatifs, à des associations, par exemple, de secrétaires-trésoriers ou à des groupes comme ceux-là qui en demandaient pour les distribuer à leurs membres. La distribution s'est faite. Nous avons beaucoup de demandes de différents groupes qui en demandent 50, 75, 100. Parfois, c'est un peu peut-être de bouche à oreille, dans les régions surtout où les gens veulent en connaître davantage.

M. Doyon: Est-ce que cette distribution-là est maintenant complétée?

M. Pepin: Je vais, si vous me le permettez, demander une précision là-dessus. Je crois qu'il en reste encore quelques-uns, mais le plus gros est complété. (12 h 30)

M. Doyon: Une question que j'aimerais vous poser concerne plus particulièrement les municipalités, le monde municipal en général, les communautés urbaines comprises, les municipalités régionales de comté. Est-ce que de ce côté il y a une bonne participation, une bonne collaboration? Est-ce que vous avez des chiffres à nous donner sur le nombre de requêtes, par exemple? Est-ce que vous êtes en mesure de nous informer sur le nombre de requêtes qui peuvent avoir été adressées, disons, à tous - ce n'est peut-être pas possible, ce que je vous demande là - les intervenants dans le monde municipal, que ce soit des municipalités ou des communautés urbaines, comme je vous le disais?

M. Pepin: Je peux vous donner un ordre de grandeur. Seulement les demandes de renseignements téléphoniques que nous recevons - et il y en a beaucoup qui viennent du milieu municipal - pour le mois de juillet, par exemple, nous en avons reçu 99 à Québec et 61 à Montréal. En août: 111 à Québec, 95 à Montréal. En septembre: 77 à Québec, 113 à Montréal. En octobre: 163 à Québec, 104 à Montréal. Ce sont les demandes de renseignements téléphoniques. Nous avons également une correspondance assez volumineuse avec différents intervenants du monde municipal qui veulent avoir des précisions sur tel ou tel aspect de la loi. Nous avons des requêtes également de la part des associations représentatives de ce milieu pour aller les rencontrer, ce que nous faisons.

De façon générale, le monde municipal est très touché, évidemment, par la loi. C'est peut-être le milieu municipal qui a fait l'objet du plus grand nombre de demandes de renseignements, pas nécessairement de refus, actuellement. Lorsqu'on touche à toute la question des renseignements personnels, c'est peut-être dans les lois municipales, en comparaison avec les exigences de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qu'il se pose le plus de problèmes d'interprétation. Donc, nous sommes nécessairement appelés à apporter un peu plus d'éclairage.

Refus de fournir des renseignements

M. Doyon: En ce qui concerne les refus que vous mentionnez en passant comme cela, est-ce que vous êtes en mesure de dire à cette commission si vous avez pu catégoriser les organismes qui avaient le plus refusé de renseignements, dont on avait eu l'occasion d'appeler à votre commission?

M. Pepin: Non, je ne suis pas en mesure de le faire, il est trop tôt, M. Doyon, pour vous apporter quelque statistique que ce soit qui ait quelque valeur sur ce sujet. En réalité, je ne me souviens pas que nous ayons eu deux cas de refus à disposer qui venaient du même organisme. Peut-être une fois. Donc, ce n'est pas suffisant pour dire: Celui-là refuse plus souvent que d'autres. Jusqu'ici, les refus viennent de tous les milieux.

Ce qui est assez particulier, c'est que, contrairement à ce que nous aurions pu croire, étant donné la concentration de population, la commission a été appelée à s'occuper de plaintes ou de demandes de révision autant sinon plus dans les régions périphériques du Québec que dans les deux grandes régions urbaines de Montréal et de Québec.

M. Doyon: Est-ce que vous pouvez dire à cette commission, en ce qui concerne des décisions que vous avez rendues, si actuellement il y en a auxquelles on ne s'est pas conformé?

M. Pepin: II y en a une qui a été formellement portée en appel devant la Cour provinciale...

M. Doyon: Qui est? M. Pepin: Qui est... M. Doyon: La curatelle publique?

M. Pepin: Non, pas celle-là. Elle touche une municipalité de la région de Lanaudière. Il y en a une autre, du Revenu, où la permission d'en appeler a été soumise à la Cour provinciale. Le jugement n'est pas rendu. La troisième, évidemment, c'est celle où le ministre des Finances a saisi la Cour supérieure d'un bref d'évocation pour contester la juridiction de la commission sur un document que le ministère détient.

M. Doyon: Ce dont vous parlez, c'est ce qui concerne le rapport de la Curatelle publique sur l'administration des fonds qui sont gardés en curatelle.

M. Pepin: Le rapport du contrôleur des finances...

M. Doyon: Le contrôleur des finances.

M. Pepin:... sur la gestion des fonds de la Curatelle publique.

M. Doyon: Cette demande d'évocation devant le tribunal, est-ce que, du côté de la commission, vous avez eu l'occasion d'exprimer votre point de vue devant la cour à ce sujet-là?

M. Pepin: Oui, la commission...

M. Doyon: Où en sont les procédures exactement?

Le Président (M. French): M. le député, je pense que le sujet est très important. Je me demande si on ne devrait pas se poser la question, compte tenu de la situation ou de l'étape judiciaire où on en est rendu, si on devrait en parler ici ou non. Alors, avec votre permission, j'ai demandé à la greffière d'aller poser la question et, si la réponse est: Oui, c'est dans les règles, on pourra y revenir. Est-ce que cela va?

M. Doyon: Oui, oui. En fait, ce sont des questions de fait, purement et simplement.

Le Président (M. French): Ma question est posée.

M. Doyon: Oui, mais pour commencer...

Le Président (M. French): Je me suis permis de le demander.

M. Doyon: Oui.

Le Président (M. French): Si cela vous va.

M. Doyon: Alors, pour revenir à la décision du ministère du Revenu, quand cette décision a-t-elle été rendue par vous?

M. Pepin: La décision a été rendue il y a deux semaines. Le bref d'évocation a été logé le jour même où elle a été rendue.

M. Doyon: Par le ministère du Revenu?

M. Pepin: Non. Vous parlez du ministère du Revenu?

M. Doyon: Par le ministère du Revenu.

M. Pepin: Par le ministère du Revenu, elle a été rendue... Mme Giroux était le commissaire.

Le Président (M. French): Mme Giroux.

Mme Giroux (Thérèse): Celle du ministère du Revenu n'a pas encore été entendue. La permission d'appeler n'a pas encore été entendue par la cour. C'est une décision qui remonte à environ cinq semaines, je dirais. De la requête pour permission d'appeler, on en a été informés il y a environ dix jours. Donc, la cause devrait être entendue au cours des dix prochains jours.

M. Doyon: C'est donc dire qu'il y a

cinq semaines la décision a été rendue par votre commission ordonnant au ministère du Revenu de poser certains gestes et de remettre certains renseignements à la personne qui les requérait.

Mme Giroux: C'est exact.

M. Doyon: Et pendant cinq semaines, moins dix jours, disons environ quatre semaines, le ministère du Revenu n'a tout simplement pas bougé et vous vous êtes vu signifier une demande d'appel par le ministère du Revenu, il y a une dizaine de jours?

Mme Giroux: C'est exact. Quand je dis cinq semaines, là c'est un peu approximatif. C'est peut-être plutôt un mois, mais le ministère du Revenu a respecté les délais d'appel, qui sont en pratique de quinze jours. Je crois que, dans ce cas-là, on a reçu l'avis de la requête pour permission d'appeler le quinzième jour, soit il y a à peu près dix jours.

M. Doyon: Est-ce que c'est le seul ministère provincial qui s'est opposé à remettre des renseignements que vous aviez ordonné de remettre à la personne intéressée?

Mme Giroux: Est-ce que je peux? M. Pepin: Oui, vous pouvez y aller.

Mme Giroux: Comme M. Pepin l'a dit tout à l'heure, il y a un autre cas où c'était une municipalité qui était impliquée...

M. Doyon: Oui.

Mme Giroux:... au début de septembre et, encore là, le dernier jour du délai d'appel une requête a été demandée et la permission d'appeler a été accordée par la Cour provinciale. Un troisième cas, qui portait sur une opinion juridique, l'article 32 de la loi, a également fait l'objet d'une requête pour permission d'appeler, mais la permission d'appeler a été rejetée au moment de l'audition de la requête. Donc, en tout et pour tout, il y a eu trois cas de portés jusqu'à maintenant en Cour provinciale.

M. Doyon: Le dernier cas dont vous parlez concernait quel organisme?

Mme Giroux: Le ministère du Revenu...

M. Doyon: Encore le ministère du Revenu?

Mme Giroux:... et porte sur une expertise médicale.

M. Doyon: À la suite du refus d'appeler qui a été décidé par la cour, est-ce que le ministère du Revenu s'est conformé?

Mme Giroux: Celui du ministère du Revenu n'a pas encore été décidé par la cour.

M. Doyon; Oui, mais vous me dites qu'il y a une demande qui a fait l'objet d'un refus de demande d'appeler par la cour. De quel organisme s'agissait-il?

Mme Giroux: Non seulement l'organisme s'est conformé, mais dans celui-là, et je pense que...

M. Doyon: Mais quel organisme était-ce?

Mme Giroux: C'était une commission scolaire et, en fait, très curieusement, l'organisme s'était conformé à la décision, et il semble qu'il la contestait davantage pour le principe que pour autre chose. Cela a été porté à l'attention du juge au moment où il a entendu la cause. On peut penser que c'est peut-être un des arguments, d'ailleurs, qui ont amené le rejet de la requête.

M. Pepin: Je pourrais ajouter, M. Doyon, peut-être que, sur les douze ou quatorze décisions qui ont été rendues à ce jour, un bon nombre d'entre elles peuvent encore être contestées parce que les délais d'appel ne sont pas terminés.

M. Doyon: Expirés, oui. Je ne sais si le président a des informations à nous fournir ou s'il le fera tout à l'heure.

En ce qui concerne la mise en application de la loi, le corps principal de la loi, est-ce que, pour ma gouverne personnelle, vous pouvez me dire s'il y a des articles de la loi qui, actuellement, ne sont pas en vigueur et qui vont entrer en vigueur ces prochains mois ou dont vous attendez, en tout cas, l'entrée en vigueur?

M. Pepin: Une des prévisions était que l'ensemble de la loi entrait en vigueur le 1er juillet, sauf que, dans les jours qui ont précédé le 1er juillet, le gouvernement a reporté d'une autre année l'application des articles 69 et 70 qui obligent les organismes qui s'échangent des renseignements personnels à le faire selon une procédure d'entente, lesquelles ententes sont soumises à la commission pour avis, ensuite approuvées par le gouvernement et déposées à l'Assemblée nationale. Cette partie de la loi n'est pas en vigueur encore. L'obligation de faire des ententes existe, mais l'obligation de les transmettre à la commission n'existe pas encore.

L'autre article, c'est l'article 16 de la

loi, qui oblige les organismes à se doter d'un système de gestion documentaire pour faciliter le repérage. Celui-là - c'était déjà prévu dans le calendrier original d'implantation de la loi - ne sera en vigueur que le 1er janvier 1986, je pense.

M. Doyon: En ce qui concerne l'obligation de vous soumettre les protocoles d'entente entre les organismes publics qui voudront s'échanger des renseignements personnels, est-ce que votre commission a été consultée préalablement à ce report de l'application de ces articles?

M. Pepin: Pas formellement.

M. Doyon: Est-ce que votre commission s'était préparée en fonction d'une mise en application de ces articles-là pour le 1er juillet?

M. Pepin: Oui, nous souhaitions être prêts. La préparation était, évidemment continue, autant pour ces articles-là que pour tous les autres. Nous avons équipé nos deux directions de personnel, au rythme où nous pouvons le faire dans le cadre des contraintes que vous connaissez tous. Je pense que nous aurions été prêts. Alors, ce report, ce délai additionnel a fait que la commission s'est concentrée davantage sur d'autres questions. C'est un peu comme ça aussi qu'un certain nombre de postes ne sont pas encore comblés, parce qu'ils avaient été réclamés en vue de cette fonction particulière.

M. Doyon: Pour revenir au cas de la Curatelle publique, M. le Président, vous avez eu des renseignements disant que nous pouvions en discuter jusqu'à un certain point ou était-ce...

Le Président (M. French): Moi, M. le député, n'étant pas avocat, j'ai cru bon de consulter la conseillère en devoir à l'Assemblée nationale. Or, elle m'informe que la seule limite, c'est l'article 35 de notre règlement qui dit que nous ne pouvons pas "parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit". Je pense que, dans une procédure civile, en effet, il n'y a pas un très grand danger. Alors, je pense que nous avons une liberté assez large d'en parler.

M. Doyon: Merci, M. le Président.

M. Champagne: Moi, c'est une question d'information...

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne:... ou de directive. Je suis à me demander si la mission ou la fonction des membres de la commission qui siègent ici peut aller jusqu'à demander des informations des plus personnelles à l'égard de certains dossiers. Moi, je voudrais savoir où est notre limite. Si c'est de voir jusqu'à quel point un dossier est rendu et qu'il y a des informations confidentielles, moi, je me dis: Est-ce que c'est l'objet de notre commission ce matin? Je voudrais une directive de votre part à ce moment-ci.

Le Président (M. French): M. le député, jusqu'à ce que des renseignements de nature confidentielle soient à la veille d'être révélés, je ne peux prendre aucune mesure et je m'imagine mal comment cela pourrait se produire ici. Nous ne demandons pas, après tout, de voir le document que, d'ailleurs, le président ne peut...

M. Doyon: Ne connaît pas.

Le Président (M. French):... dévoiler de toute façon parce qu'il ne l'a pas vu. Alors, il n'y a pas de renseignement confidentiel qui risque d'être dévoilé ici. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. Champagne: D'accord. Mais, c'est parce que je voulais me situer dans une espèce de cadre, parce qu'on pourrait prendre, j'imagine, des cas qui peuvent être établis ici - chacun des cas qui sont soumis à la commission - et poser des questions, comme une espèce de tribunal. J'étais à me demander si c'était l'objet de la démarche qu'on faisait ce matin, sans vouloir peut-être restreindre quelqu'un dans des demandes de renseignements. (12 h 45)

Le Président (M. French): M. le député, dans la mesure où il ne s'agit pas de renseignements confidentiels, mais plutôt si, oui ou non, on devrait parler de cas particuliers, je pense que c'est assez établi devant les commissions parlementaires, que les députés, que le président le veuille ou non, vont parler de cas particuliers. C'est le cas pendant l'étude des crédits ou à une autre occasion semblable. On ne peut pas empêcher un député de soulever un cas, surtout s'il a quand même fait un certain bruit, et qu'il est certainement très important pour l'avenir de la commission.

M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai compris, d'après vos paroles, qu'il est clair qu'il ne s'agit pas ici d'obtenir des renseignements qui ne sont pas ou qui ne pourraient pas être disponibles sans causer de préjudice à qui que ce soit. Je comprends le mandat de cette commission comme visant à permettre à la commission parlementaire

d'apprécier le travail accompli par la Commission d'accès à l'information, ainsi que de pouvoir évaluer les difficultés qu'elle rencontre dans l'exercice de ses fonctions.

C'est dans ce sens, je pense, qu'il est de notre devoir de ne pas passer sous silence un certain nombre de choses, entre autres ce qui se passe au niveau du rapport du Vérificateur général du Québec pour ce qui est du placement des fonds qui sont sous la gestion de la Curatelle publique.

Le Président (M. French): M. le député, c'est le contrôleur des finances.

M. Doyon: C'est le contrôleur des finances. De ce côté-là, j'aimerais savoir de votre part, M. le président, où en est toute cette affaire au niveau des procédures générales; est-ce que votre commission a eu l'occasion de faire valoir son point de vue et quels sont les délais que vous anticipez pour résoudre le conflit, le litige qui vous oppose en tant que commission au ministre des Finances?

M. Pepin: Je peux faire un résumé très bref de ce litige. Le litige porté à l'attention de la commission était un litige classique, à savoir un citoyen qui veut obtenir un document et un ministère qui le refuse en invoquant certains articles de la loi. Lors de l'audition, le procureur du ministère des Finances a fait valoir qu'il ne s'agissait pas d'un document détenu par un organisme public, mais bien d'un document détenu par le ministre à titre personnel. Le commissaire qui présidait l'audition, en l'occurrence moi-même, a décidé qu'il s'agissait d'un document détenu par un organisme public et en a demandé la production.

C'est cette décision, cette ordonnance qui a été contestée par un bref d'évocation devant la Cour supérieure. La cause a été entendue en Cour supérieure où les deux procureurs, celui de la commission et celui du ministère des Finances, ont fait valoir leurs points de vue respectifs, et le juge a pris la cause en délibéré. J'avoue que je ne pourrais pas ajouter beaucoup.

Le Président (M. French): Vous ne pouvez pas?

M. Pepin: Ajouter beaucoup à ça.

M. Doyon: Pour bien situer toute l'affaire, est-ce qu'il est exact, à votre connaissance, que le document en question, qui est en litige, finalement, consiste en un rapport qui a été préparé par le contrôleur des finances et que ce contrôleur des finances a préparé ce rapport à la suite d'une demande du ministre des Finances qui avait eu l'occasion d'être saisi de certains problèmes au niveau de la gestion des fonds à la Curatelle publique?

M. Pepin: C'est précisément là l'objet du litige, M. Doyon, que le juge de la Cour supérieure devra trancher. En présentant la question comme vous venez de le faire, vous soumettez qu'il s'agit bel et bien d'un document détenu par un organisme public, à savoir un ministère. C'est ce qui est contesté et c'est ce qui sera décidé par un juge de la Cour supérieure. Quand je disais que je ne peux pas ajouter davantage, c'est qu'une première décision qui a été rendue, ça a été de faire produire le document pour le commissaire de façon à déterminer si c'est un document qui peut être conservé confidentiel pour les motifs prévus dans la loi. C'est cette étape qui a été contestée et c'est rendu en Cour supérieure.

M. Doyon: C'est donc dire que vous, vous n'avez jamais eu ce document en main, parce qu'avant qu'on vous le produise...

M. Pepin: C'est la juridiction de la commission qui a été contestée.

M. Doyon: Et on en est là actuellement.

M. Pepin: C'est ça.

M. Doyon: Est-ce que vous considérez, personnellement, M. le président - vous avez peut-être eu l'occasion de consulter vos collègues là-dessus - que cette question, de la façon dont elle sera résolue, aura une importance capitale sur la façon dont s'orienteront ou devront s'orienter à l'avenir les décisions qui seront prises par votre commission, compte tenu de la juridiction qui sera considérée comme étant la sienne ou lui étant étrangère?

M. Pepin: Je ne veux pas anticiper sur la décision du juge de la Cour supérieure. Je peux répondre à votre question en vous disant que la commission a pris toutes les mesures voulues pour bien faire valoir son point de vue devant le juge qui aura à trancher le litige. C'est une indication de l'importance que nous attachons à ce problème.

M. Doyon: M. le président, au-delà de cette décision du ministre des Finances de prendre un bref d'évocation contre votre commission, finalement, est-ce que vous êtes au courant si, au niveau des discussions ministérielles - si vous en avez été informé d'une façon ou d'une autre - le ministre des Finances considère ce document comme lui étant destiné en propre pour son utilisation en tant que ministre des Finances par un de ses fonctionnaires etc... Est-ce que

vous savez si le ministre qui est responsable de votre commission, le ministre des Communications, a eu l'occasion de discuter de l'à-propos de cette démarche du ministre des Finances au niveau du cabinet ou au niveau de rencontres personnelles? Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion d'expliquer à votre ministre, le ministre des Communications, le point de vue de votre commission à ce sujet?

M. Pepin: Non, je ne l'ai pas fait et je pense que M. Bertrand a toujours pris soin de ne jamais intervenir sur les questions qui concernent le rôle d'adjudication de la commission.

Le Président (M. French): II n'est pas, d'ailleurs, votre ministre.

M. Pepin: En plus. Le ministre est responsable de l'application de la loi et, en ce qui concerne la commission, responsable des crédits qui sont votés. Alors, non seulement M. le ministre n'est pas intervenu là-dessus - est-ce qu'il l'a fait auprès de son collègue des Finances? Je n'en sais rien, il n'avait pas à me le dire - mais, en ce qui nous concerne, nous, il n'y a pas eu de discussions avec lui là-dessus.

M. Doyon: J'aurai d'autres questions plus tard, M. le Président. J'aimerais peut-être laisser la place à d'autres.

Le Président (M. French): Pour les quelques minutes qu'il reste et pour reprendre cet après-midi, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je vous remercie, M. le Président.

Protection des documents d'archives

M. le député de Louis-Hébert a déjà posé plusieurs questions. Je voudrais, M. Pepin, attirer votre attention sur la page 16 de votre rapport dans laquelle vous faites des commentaires, d'abord, généraux et, ensuite, spécifiques sur la question des archives. Je trouve que cette question est intéressante pour nous en commission parlementaire dans notre rôle de législateurs puisque, si j'ai bien compris, vous signalez ce qu'on pourrait considérer comme des lacunes dans la loi 3. Vous dites: "Le projet de loi 3 semble multiplier les intervenants dans le domaine des archives puisqu'en même temps qu'il fait disparaître l'institution des archives nationales et du conservateur de ces archives il prévoit une conservation des archives par des instances diverses. Bien que cela puisse faire craindre des difficultés accrues d'accessibilité à ces documents étant donné leur dispersion, la Commission d'accès à l'information ne croit pas fondé de dénoncer globalement cette mesure. " Fin de la citation, M. Pepin. Je prends bonne note que la Commission d'accès à l'information ne croit pas fondé de "dénoncer globalement" cette mesure, mais je me demande avec quel adverbe il conviendrait de la dénoncer.

Vous pouvez prendre note de cela et je vais continuer, si vous me le permettez.

Vous ajoutez: "De façon générale, il sera donc important que le ministre des Affaires culturelles veille à inclure dans la liste de classement de ces documents les documents qu'il aura confiés à un dépositaire, d'une part, et que des mesures soient prises pour que l'accès réel à ces documents, quel que soit l'endroit où ils se trouvent, soit assuré et ceci en ayant recours, le cas échéant, à des ententes avec les institutions dépositaires, tel que prévu à l'article 172 de la loi 65. " Et là, vous ajoutez ceci qui est assez clair, il me semble: "La Commission d'accès à l'information s'inquiète davantage des dangers que représente la multiplication des intervenants pour la protection des renseignements personnels impliqués et rappelle à cet égard que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels couvre bel et bien les documents d'archives. Comme les commentaires spécifiques qui suivent le démontreront, le projet de loi 3 semble parfois oublier cette prémisse. "

Je voudrais d'abord vous demander, M. Pepin, comme je l'ai déjà fait, quelle serait la modalité précise de la dénonciation que vous seriez prêt à faire. Quel est l'adverbe que vous emploieriez? Je voudrais vous demander aussi s'il n'y a pas matière à inquiétude non seulement quant à l'accès aux documents d'archives, quant à la protection des renseignements personnels qui sont dans les documents d'archives, mais - là, ce n'est peut-être pas tout à fait votre domaine, mais cela y est relié de très près - si vous ne seriez pas inquiet aussi quant à la protection des documents d'archives eux-mêmes. Autrement dit, étant dispersés, relevant d'un plus grand nombre d'autorités différentes, est-ce qu'on ne peut pas craindre que la protection des documents eux-mêmes soit moins efficace, moins rigoureuse?

Il me semble que, si c'est le cas, ce problème pourrait être assez grave parce que nous avons connu, au Québec, des pertes de documents d'archives, dans certains cas, très graves. Il est bien entendu que, s'il y a des documents qui se perdent, cela a des implications directes sur l'accessibilité de ces documents. M. de La Palice ne dirait pas autrement. S'il se perdent en ce sens que quelqu'un met la main dessus, il y a un danger très réel aussi non seulement en ce sens qu'ils ne sont plus disponibles pour le public mais que les renseignements personnels

qui s'y trouvent sont entre les mains de ceux qui auraient chapardé ces documents. C'est là-dessus, M. Pepin, que je voulais connaître vos sentiments.

M. Pepin: Pour situer ma réponse, je veux d'abord rappeler que l'objectif de la commission, en soumettant ces avis aux législateurs avant même que la loi soit adoptée, à une étape intermédiaire, c'est de faire ressortir, de rappeler le caractère prépondérant de la loi sur l'accès. Lorsqu'une loi sectorielle comme la Loi sur les archives contient des propositions qui risquent de devenir en conflit avec la loi 65 qui a un caractère prépondérant ou même, plus qu'en conflit, qui risquent d'en atténuer la portée, nous avons estimé et nous estimons encore que c'est notre devoir d'alerter le législateur là-dessus.

Dans le cas des archives, il y a un certain nombre de problèmes qui nous préoccupaient. Ils sont tous listés ici et notamment celui-là: de s'assurer que les distinctions que fait la Loi sur les archives dans le mode de conservation des documents n'aient pas pour effet de les soustraire, finalement, aux précautions qui sont prises dans la loi d'accès pour l'accès à ces documents, d'en soustraire une partie ou encore de libérer une partie des renseignements personnels qui sont protégés tant que le document est actif dans un organisme et qui cesseraient de l'être une fois qu'ils deviendraient partie de l'archivage public.

C'était cela qui était notre objectif. J'avoue moi-même que le mot "globalement", je m'en souvenais moins que vous, mais j'ai trouvé la réponse plus loin. On indique à plusieurs endroits pourquoi certaines mesures nous paraissent fort à point, mais il y avait ce problème de la multiplicité des intervenants.

Je vous donne un exemple. La loi sur l'accès ne fait pas de distinction entre un document actif et un document inactif ou un document archivé. Techniquement, un citoyen, en 1984, peut avoir le goût de consulter un document qui a été publié en 1884. Mais avec un autre régime de conservation prévu ici, qui est différent de celui sur l'accès, nous attirions l'attention des législateurs sur le danger qu'il y ait disparition, comme vous dites, de documents, d'une part, ou encore qu'il n'y ait pas possibilité de les retrouver parce que les archives peuvent être confiées à des tiers. C'était cela qui était notre préoccupation: de faire en sorte que les deux lois s'harmonisent.

Il y a une troisième préoccupation que je pourrais ajouter, c'est que ce sont les mêmes organismes qui ont l'obligation à la fois de faire en sorte que la loi 65 soit appliquée correctement chez eux et de faire en sorte que la Loi sur les archives soit appliquée correctement chez eux. Vous comprendrez que, s'il s'agit d'une municipalité, par exemple, ou même d'un ministère, cela peut causer des problèmes, un peu, au responsable s'il a deux instructions parallèles et différentes. C'était l'objectif de notre intervention à cette étape du processus législatif.

Le Président (M. French): Là-dessus, le député de Deux-Montagnes conserve toujours son droit de parole, mais la commission de la culture suspend ses travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 7)

Le Président (M. French): La commission permanente de la culture reprend ses travaux, l'étude du rapport annuel de la Commission d'accès à l'information. La parole était à M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pepin: M. le Président.

Le Président (M. French): Oui, M. le président de la commission.

M. Pepin:... j'ai hâte d'entendre les questions du député de Deux-Montagnes, mais je me demande si vous me permettriez d'apporter une précision à une réponse que j'ai donnée auparavant à une question de M. Doyon.

Le Président (M. French): Certainement.

M. Pepin: M. Doyon m'a demandé si la commission avait été consultée sur le report par décret de l'application des articles 69 et 70 de la loi, et je lui ai répondu formellement non, ce qui est exact. Cependant, j'aurais dû ajouter que le ministre des Communications avait soumis à la commission un projet de décret pour avis, lequel prévoyait des mesures temporaires d'acheminement des projets d'ententes pour la période qui allait du 1er juillet 1984 au 1er juillet 1985. La difficulté était que, du jour au lendemain, la loi s'appliquant, les échanges qui existaient soit devenaient illégaux soit devaient cesser. Donc, il y avait une procédure temporaire qui était proposée. La commission a donné un avis sur cette procédure temporaire, sauf qu'elle n'a jamais eu à donner un avis sur le report tout simplement par décret de l'application de la loi. Je tenais à apporter cette précision. L'avis de la commission a été donné le 26 juin 1984, et cela me fait plaisir de vous le déposer si cela peut éclairer davantage la

commission.

Le Président (M. French): Merci, M. le président.

Alors, M. le député.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans tous les aspects que la Commission d'accès à l'information a soulevés par rapport à la loi 65 et à la loi 3 dans le domaine des archives. Le rapport de la commission, comme je le rappelais ce matin, est explicite à ce sujet et il contient des commentaires généraux et des commentaires spécifiques sur une série d'articles de la loi 3.

Ce que je voudrais demander à M. Pepin, c'est s'il considère qu'il serait opportun de légiférer de façon à harmoniser la loi d'accès à l'information gouvernementale et de protection des renseignements personnels et la Loi sur les archives. C'est ce que son rapport indique. Alors, je voudrais lui demander s'il est toujours de cet avis. Je suppose que, s'il est de cet avis, il considère que l'harmonisation doit se faire dans le sens d'une adhésion plus serrée aux prescriptions de la loi 65.

M. Pepin: Je vais d'abord préciser, M. de Bellefeuille - j'aurais peut-être dû le faire plus tôt - que cet avis de la commission a porté sur un projet de loi, lequel projet de loi fut, évidemment, débattu par la suite en commission parlementaire, notamment, et à l'Assemblée nationale même. Il a fait l'objet de modifications. D'ailleurs, notre avis précise que ce projet de loi a fait l'objet d'une réimpression. Plusieurs des objectifs que nous signalions dans cet avis transmis aux parlementaires ont été retenus, effectivement. Il y a eu des gestes de posés par le ministre qui parrainait cette loi précisément en vue de l'harmoniser davantage avec la loi 65. Il reste peut-être encore certaines zones où, à l'application, on verra s'il y a encore lieu de faire des modifications. Mais je ne saurais vous répondre de façon plus précise que cela puisque autant la Loi sur les archives que la loi sur l'accès à l'information gouvernementale constituent en soi deux réformes assez fondamentales qui concernent la gestion des documents, et je crois que c'est à l'usage qu'on pourra peut-être intervenir de nouveau.

Je dois dire là-dessus que la Commission d'accès à l'information a le mandat dans la loi de saisir l'Assemblée nationale de toute modification qu'elle juge à propos après un délai de cinq ans. C'est une obligation. Jusqu'ici, j'estime qu'il est trop tôt pour tirer des conclusions notamment dans la comparaison de ces deux lois qui sont toutes les deux assez nouvelles et qui constituent, dans un cas, une refonte d'une loi existante et, dans l'autre cas, une nouvelle obligation pour les organismes. Je crois qu'il y a eu un effort considérable qui a été accompli à l'étape de la commission parlementaire qui a étudié la Loi sur les archives pour, justement, faciliter cette harmonisation.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je pense que M. Pepin apporte une réponse très intéressante aux questions que j'ai posées, mais, vu la nature de sa réponse, j'aimerais lui demander d'être plus précis. Puisque votre rapport, M. Pepin, contenait des commentaires spécifiques sur les articles 6, 9, 11, 14, 21, 23, 43, 30 et 71 dans quels cas est-ce que l'harmonisation dont vous parlez a été faite, dans quelle mesure a-telle été faite dans chacun des cas et par quel moyen et dans quels cas l'harmonisation reste-t-elle encore à faire?

M. Pepin: J'aimerais vous apporter une réponse aussi précise que votre question, M. le député. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de le faire. Je n'ai pas avec moi l'analyse précise de l'évolution de la Loi sur les archives à la suite de cet avis. C'est une analyse que nous pourrions faire, bien sûr, mais malheureusement, je ne l'ai pas avec moi. À moins que mes collègues n'aient des choses à ajouter là-dessus...

Mme Giroux: J'ajouterais peut-être, M. de Bellefeuille, que ce bilan, justement, de ce qui a été fait de nos commentaires avant la réimpression du projet de loi, il a été fait à l'intérieur de la commission et, si vous le souhaitiez, le document est disponible pour vous. Mais nous n'avons pas de mémoire le bilan précis de ce qu'il est advenu de nos différents commentaires.

M. de Bellefeuille: Vous me dites, madame, que vous avez ce bilan dans les documents de votre commission.

Mme Giroux: Effectivement.

M. de Bellefeuille: Bon! Est-ce que ces documents, M. le Président de la commission de la culture, pourraient être mis à la disposition des membres de la commission de la culture?

Le Président (M. French): Certainement, certainement. Ces documents, d'ailleurs, si j'ai bien compris ce dont on parle, ont déjà été émis à l'Assemblée nationale.

M. Pepin: Non. L'avis a été émis, mais l'analyse, par la suite...

Le Président (M. French): Ah!

M. Pepin:... de ce qui en a résulté existe chez nous, mais, malheureusement, je ne peux pas vous en détailler le contenu de mémoire, comme ça.

Le Président (M. French): Je pense que je peux parler pour la commission, M. le député de Deux-Montagnes, et vous dire que la commission est d'accord pour que ces documents soient distribués aux membres de la commission.

M. de Bellefeuille: M. le Président, les mots "président" et "commission" sont toujours pleins de confusion.

Le Président (M. French): Difficiles.

M. de Bellefeuille: M. le Président de la commission de la culture, j'aimerais que l'étude dont il vient d'être question et qui a été faite par la Commission d'accès à l'information soit effectivement distribuée aux membres de la commission de la culture...

Le Président (M. French): Oui.

M. de Bellefeuille:... afin que la commission de la culture, en séance de travail, puisse porter son propre jugement sur la question de savoir si, comme législateurs, nous voulons recommander qu'un nouveau travail d'harmonisation soit fait entre la loi 65 et la loi 3.

Le Président (M. French): M. le député, libre à vous de le suggérer. La commission prend bien note de vos suggestions. D'autres questions, M. le député?

M. de Bellefeuille: Non, c'est tout, M. le Président.

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles.

Protection de la vie privée

M. Champagne: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux remercier les membres de la Commission d'accès à l'information de s'être présentés devant notre commission parlementaire. Voici ce que j'ai remarqué. On parle souvent d'accès à l'information, mais votre commission a quand même un deuxième mandat qui est la protection de la vie privée.

M. Pepin: Oui.

M. Champagne: Je pense qu'on n'en parle peut-être pas assez. Je pense que les droits individuels intéressent tout le monde, la protection de la vie privée également. C'est sûr qu'on a droit à une information. À certaines occasions, je pense qu'il y en a qui en font des abus.

Je voudrais savoir comment vous partagez jusqu'à un certain point, votre travail afin de promouvoir, justement, l'accès à l'information et, d'autre part, comment aussi dans votre travail vous arrivez ou quel est le mécanisme que vous employez pour protéger la vie privée. Je veux dire: Comment cela fonctionne-t-il à votre bureau avec ces deux éléments à la fois, à savoir qu'on veut être très informé et qu'on dit: Ne touchez pas à la vie privée? Etes-vous un protecteur du citoyen dans ce sens-là?

M. Pepin: M. le député, la loi stipule que la commission a le mandat à la fois d'appliquer le volet de la loi qui touche l'accès aux documents des organismes publics et également de protéger les renseignements personnels qui sont détenus dans les fichiers des organismes publics. Je dois vous dire que, jusqu'ici, depuis le début de l'exercice de notre mandat, nous avons consacré peut-être 80% à 90% de nos énergies au volet de la protection des renseignements personnels. Pour une raison bien simple, c'est que la commission, dans ce volet de son mandat, a une mission administrative. Elle doit, par exemple, recevoir les déclarations de fichiers de renseignements que détiennent les organismes. C'est ce que j'indiquais un peu plus tôt. Nous avons dû préparer ce formulaire de déclaration. La commission a également le mandat d'autoriser les transferts de renseignements entre un organisme public et un organisme privé de recherche, par exemple. De même, elle a la mission de donner des avis favorables ou défavorables pour des transferts de renseignements entre organismes publics. Pour y arriver, nous avons examiné de très près toutes les implications de ce mandat et nous avons établi une grille d'évaluation de ce qui nous paraît acceptable et de ce qui ne nous paraît pas acceptable dans les échanges de renseignements entre organismes. C'est cette brochure qui a été distribuée à l'ensemble des organismes publics.

Alors, quand vous me demandez ce que nous faisons chez nous, à la commission, pour vraiment nous acquitter de ce mandat, il y a ce volet de renseigner les organismes sur leurs devoirs, sur les obligations qu'ils ont à l'endroit de la commission. Nous avons également, par tous les moyens mis à notre disposition, accepté d'aller sur de nombreuses tribunes, autant mes collègues commissaires que moi-même et d'autres membres du personnel de la commission, pour expliquer à l'ensemble du public l'essence, le fondement de cette réforme et la protection nouvelle qu'accorde la loi aux individus. Je vous donne un exemple. La semaine dernière ou il y a deux semaines, je suis allé à l'Université du Québec à Montréal; 400 personnes m'ont

interrogé pendant trois heures sur les effets de cette réforme sur la protection de la vie privée. C'est le type d'effort que nous faisons actuellement pour faire ressortir ce volet vie privée que nous estimons, nous aussi, extrêmement important.

Il y a, d'autre part, dans notre mandat d'adjudication, l'obligation que nous avons de départager les deux droits lorsqu'ils sont encollision, et cela arrive assez fréquemment. Lorsque quelqu'un veut avoir accès à un document et que quelqu'un d'autre refuse de le donner en invoquant la protection de la vie privée, il appartient à la commission de déterminer lequel des deux droits a préséance à la lumière des prescriptions de la loi. C'est une caractéristique différente de la loi québécoise par rapport à l'ensemble des organismes que je connais en Occident là-dessus. Ailleurs, on a deux organismes indépendants, l'un qui s'occupe de l'accès à l'information et l'autre qui s'occupe de la protection de la vie privée, qui peuvent très facilement et très fréquemment rendre des décisions qui sont contraires, contradictoires, et là, il faut ensuite remonter au processus judiciaire pour essayer de tirer cela au clair, tandis qu'ici, au Québec - et c'est une des caractéristiques de la loi québécoise qui suscite beaucoup d'intérêt dans d'autres juridictions - nous devons nous réconcilier nous-mêmes avant de dire aux citoyens quel droit, dans cette circonstance, doit l'emporter sur l'autre.

M. Champagne: Très intéressant comme éclairage. On parle trop souvent, hélas, de l'accès à l'information comme si c'était un droit... Bien sûr, c'est un droit fondamental, d'accord, mais je pense qu'il y a une limite à tout cela. Je suis content de voir que 80% de votre travail se fait pour la protection de la vie privée.

J'arrive à un débat très chaud actuellement au sujet de la loi sur l'adoption. Actuellement, il y a deux groupes de parents. Des enfants se disent: Moi, je voudrais connaître mon père, mes parents biologiques. Il y a présentement un débat public très émotif à ce sujet; j'ai vu une émission à la télévision et j'ai été surpris de constater les antagonismes qu'il y avait dans cette discussion et tout l'élément émotif.

J'aimerais savoir quelle est votre position face à la loi sur l'adoption, qui a un caractère de confidentialité, j'allais dire très hermétique, face à la demande de certains enfants qui voudraient connaître leurs parents biologiques. J'ai reçu des parents -je ne sais pas si c'est d'adoption ou des parents adoptifs, qui ont adopté des enfants - qui trouvaient qu'il y a des enfants ou des gens dans la société qui ont une curiosité a la fois légitime et morbide jusqu'à un certain point. Morbide, peut-être pas dans le sens péjoratif du mot, mais cela n'aboutit à rien.

Ces parents ont accepté de prendre un enfant à charge simplement parce qu'on voulait aussi qu'il y ait une très grande confidentialité.

La question que je pose est la suivante: Est-ce que vous avez eu à traiter de ces cas et comment les traitez-vous?

M. Pepin: Je crois que vous apportez un très bel exemple de la contradiction entre deux droits: le droit de savoir, d'une part, et l'obligation de se taire, d'autre part.

Dans le cas que vous évoquez, je dois, d'abord, peut-être vous éclairer en vous disant que la loi sur l'accès prévoit que, pendant une période de deux ans, les dispositions législatives qui sont contraires à la loi sur l'accès continuent de s'appliquer jusqu'à ce que le législateur en décide autrement. Nous avons l'obligation de faire une recommandation au législateur en ce qui concerne les dispositions qui sont contraires à notre loi, au principe de la loi sur l'accès, qui sont en vigueur présentement de façon à harmoniser l'ensemble à une date ultérieure.

Les lois qui régissent le régime d'adoption présentement sont, dans certains de leurs éléments, contraires à des dispositions de la loi sur l'accès. Nous les avons repérés, évidemment; la commission n'a pas encore fait de recommandations. Elle a l'obligation de consulter les personnes intéressées. Ce n'est pas toujours facile d'identifier qui est la personne intéressée, mais, en fait, c'est le grand public, si on veut. Nous n'avons pas de position arrêtée là-dessus, mais c'est un des problèmes qui sont difficiles.

Peut-être que ma collègue, Mme Giroux, pourrait ajouter quelque chose parce que nous nous sommes partagé certains dossiers et elle connaît celui-là beaucoup mieux que moi.

Le Président (M. French): Mme Giroux.

Mme Giroux: Merci. Je pense que M. Pepin a tout à fait raison de dire que, dans ces lois relatives à l'adoption, il y a certaines dispositions qui sont contraires à certaines des dispositions de la nôtre. Là-dessus, la commission a, jusqu'à maintenant, dit, sinon pris position formellement, que les attentes qui avaient été suscitées par la loi d'accès chez les différents groupements qui veulent promouvoir les droits des adoptés n'étaient peut-être pas susceptibles d'être satisfaites autant qu'on l'avait cru. Je vous donne un exemple: un des grands problèmes qui caractérisent, si on veut, le secret des dossiers de l'adoption, c'est, entre autres, le fait qu'il y a dans ces dossiers-là des renseignements nominatifs sur les parents, sur la mère. Or, la loi d'accès contient, au niveau de l'accès aux renseignements personnels, une exception importante qui est

celle des renseignements personnels sur d'autres personnes. Là-dessus, sans prendre position sur l'ensemble du débat, la commission n'a pas fui les occasions de clarifier les choses et de préciser qu'il ne faut peut-être pas croire que la loi d'accès règle tous les problèmes parce que, justement, par le fait qu'en demandant accès aux dossiers d'adoption on peut vouloir avoir accès aux renseignements concernant la mère, la loi d'accès ne permet pas un tel accès.

La commission en a profité à ce moment-là pour dire que, comme M. Pepin vient de le dire, lors de l'opération révision des dispositions inconciliables, ce sera une occasion tout à fait en or pour rouvrir peut-être ce débat qui a fait l'objet de nombreuses discussions au moment de la réforme du Code civil en 1981-1982, mais qui si on en juge par les mouvements, les débats qui continuent d'exister, n'a peut-être pas été résolu complètement. Là-dessus, la commission a bien ouvert la porte à une discussion au moment de la révision des dispositions inconciliables.

M. Champagne: Mais si un parent biologique veut absolument savoir où est rendu son enfant et qu'il s'adresse chez vous... J'imagine, d'abord, qu'ils vont s'adresser chez vous, à l'accès à l'information, parce que c'est un petit peu du domaine public.

M. Pepin: Ils s'adressent à l'organisme qui détient le dossier.

M. Champagne; À Montréal, ce sont les CRSSS qui ont ça?

M. Pepin: Les centres de services sociaux.

M. Champagne: Les centres de services sociaux. Oui, mais si la personne s'adresse là et qu'elle n'a pas gain de cause, elle peut aller chez vous, à l'accès à l'information.

M. Pepin: Oui.

M. Champagne: D'accord. Quelle recommandation faites-vous à ce moment-là? Est-ce ce que vous venez de donner comme réponse ou avez-vous des pouvoirs je ne veux pas dire d'injonction... Êtes-vous capable de dire oui ou non? Vous êtes en discussion quand même avec la personne ou l'organisme en question.

Mme Giroux: Je pense que la réponse que la commission devrait donner, si tel était le cas - on n'a pas eu encore ce genre de problème - c'est exactement la même, finalement, qu'on a pour toute autre demande qui nous est soumise actuellement, à savoir qu'en plus des dispositions de la loi d'accès il peut y avoir des dispositions des lois sectorielles qui sont concernées par une demande d'accès. Et comme la loi d'accès, qui a un caractère prépondérant, fait tout de même subsister les dispositions inconciliables pendant deux ans, pendant cette période de deux ans la commission est toujours obligée d'aller voir dans les lois sectorielles s'il y a des dispositions qui sont pertinentes et qui seraient prépondérantes sur notre loi pour l'instant.

Je pense que, dans un cas comme celui-là, la commission serait nécessairement obligée de regarder les dispositions du nouveau Code civil qui régissent la confidentialité du dossier de l'adoption dont je ne connais pas les détails ici et d'apprécier vraiment ces dispositions à la lumière des nôtres avant de statuer, ce qu'elle fait dans d'autres domaines; dans le domaine municipal, par exemple, ça arrive assez fréquemment. (15 h 30)

M. Champagne: Je voulais traiter d'un autre sujet, mais le député de Deux-Montagnes en a parlé, des archives. Est-ce que vous avez eu, quand même, des municipalités et des corps publics qui n'ont pas voulu rendre publics ou déposer aux archives, au ministère des Affaires culturelles, des documents? Vu que dorénavant on doit le faire, est-ce que vous avez des résultats? Est-ce que les Affaires culturelles ont été débordées? Moi-même, j'ai vu, à l'édifice des archives, sur la rue Notre-Dame à Montréal, qu'il y avait des centaines et des centaines de caisses qui n'étaient pas cataloguées. Je me demande si le fait qu'on "oblige" actuellement fait en sorte qu'il y a peut-être réticence ou qu'il y a bon aloi et on y va. Quel est le résultat à la fin? Je ne sais pas. Bien sûr que je devrais adresser cela aux Affaires culturelles.

M. Pepin: C'est ce que j'allais vous dire, M. Champagne. Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question parce que, bien que nous soyons très sensibles, quand même, au sort qui est fait à tous les documents détenus par les organismes, autant ceux qui ont atteint l'étape de l'archivage que ceux qui sont des documents administratifs courants, nous n'avons pas de rapport chez nous, nous n'avons pas fait d'enquête à cet effet et je ne suis pas en mesure de répondre à votre question précise, à savoir si les municipalités résistent ou non aux prescriptions de la Loi sur les archives. Je peux vous dire, par ailleurs, que le monde municipal, comme je le disais ce matin à M. Doyon, est très concerné par notre loi, la loi sur l'accès. Jusqu'à présent, je n'ai pas à déplorer de la part des municipalités, du moins de celles avec qui nous avons eu affaire, de résistance particulière. Au

contraire, je pense qu'il y a un effort sensible qui se fait pour adapter les méthodes de gestion aux nouvelles exigences de la loi.

M. Champagne: Merci beaucoup.

Le Président (M. French): Merci, M. le député. Y a-t-il d'autres questions? M. le député de Louis-Hébert.

Effet des avis de la CAI

M. Doyon: Merci, M. le Président. Un des devoirs importants qui nous concerne plus particulièrement comme parlementaires, ce sont les avis que vous donnez à l'Assemblée nationale sur les projets de loi qui sont déposés et aussi sur la réglementation ministérielle. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, M. le président de la Commission d'accès à l'information, si vous faites, après coup, une analyse des changements qui sont ou ne sont pas apportés aux lois à la suite des avis que vous avez déposés? Est-ce qu'il y a eu des modifications? Est-ce qu'il y a eu des améliorations ou si vous avez fait des suggestions de changements d'importance qui auraient pu rendre les projets de loi conformes aux dispositions de la loi d'accès à l'information?

M. Pepin: Oui. Cette analyse est faite, évidemment, mais vous êtes plus familier que moi encore avec le processus parlementaire. Vous savez qu'un projet de loi peut être modifié très rapidement et très substantiellement à diverses étapes du processus législatif. Il y a plusieurs modifications qui sont apportées parfois pour des motifs tout à fait différents de ceux pour lesquels nous avions invoqué, dans notre argumentation, une modification suggérée. Cette étude est faite. Tout à l'heure, on a convenu de remettre aux membres de la commission l'examen que nous avons fait de la Loi sur les archives par rapport aux avis que nous avons donnés. Certains projets ont été modifiés en accord avec les suggestions de la commission. D'autres l'ont été en partie seulement. D'autres ne l'ont pas été parce que le ministre a rejeté les arguments de la commission en convainquant les parlementaires que nous n'avions pas tout à fait raison. Je ne pourrai pas vous donner une réponse globale, mais, de façon générale, les avis sont bien accueillis et je crois qu'ils ont été utiles aux parlementaires.

Le problème qui se pose, évidemment -l'an dernier, à la dernière comparution de la commission, il en fut abondamment question - c'est à quel moment du processus parlementaire la commission doit-elle intervenir pour être le plus efficace possible? Comme vous le savez, lorsqu'un projet de loi est déposé, il a déjà subi de nombreuses étapes antérieures. La loi devient officielle, mais son étude, son examen, sa justification devant le Comité de législation et devant divers autres comités est déjà complété. Il arrive que des ministères plutôt, nous soumettent à l'avance des problèmes en nous disant: Nous, on veut résoudre tel genre de difficulté; est-ce que ce serait conforme aux exigences de la loi d'accès? Selon l'avis informel qu'on leur donne, ils vont ajuster leur projet aux exigences de notre loi. Dans ces cas-là, évidemment, ils suivent nos propositions, mais sans que cela paraisse nulle part. C'est pour cela que la réponse à votre question est nécessairement mitigée. L'influence de la commission est présente dans les textes qui sont finalement adoptés. Mais est-ce qu'on peut la quantifier en pourcentage? Ce n'est pas toujours aisé.

M. Doyon: En partant de projets de loi qui sont adoptés, qui ont été sanctionnés, est-ce que vous avez fait une analyse de ce que votre commission pourrait considérer comme étant des dispositions dérogatoires à ce que vous pensez être des exigences de la loi qui vous gouverne, vous autres?

M. Pepin: Par exemple, il y a des avis de la commission qui portent non pas sur la dérogation, mais sur ce que nous appelons la non-pertinence d'apporter une dérogation. En ce qui concerne, par exemple, les échanges de renseignements personnels entre organismes publics, la loi 65 prévoit un régime uniforme et universel pour régir ces échanges, qui consiste à faire une entente, à soumettre ce projet d'entente à la commission, laquelle donne un avis favorable ou défavorable. Le gouvernement l'entérine par décret et le dépose à l'Assemblée. C'est la règle générale.

Certains organismes ou certains ministères, par exemple, dans certaines lois -il y a une loi qui vient d'être déposée qui emprunte le même chemin - disent: Malgré la loi d'accès, il y aura des échanges. Malgré la loi d'accès, cela veut dire qu'il y aura des échanges, mais sans entente. Nous nous opposons non pas parce que l'échange en question n'est pas fondé, n'est pas nécessaire, n'est pas utile, n'est pas justifié, mais parce que c'est une exception à la règle générale. C'est arrivé, dans certains cas que, parce que nous n'étions pas contre le principe, on a aussi dérogé à la procédure. Cela s'est produit.

M. Doyon: En fait, ce que vous contestez, à ce moment, c'est l'opportunité de ne pas se conformer à la règle générale qui est établie dans la loi sur l'accès à l'information.

M. Pepin: Absolument.

M. Doyon: D'une façon plus pratique, est-ce qu'actuellement tous les postes qui sont autorisés par le Conseil du trésor - il y en a, d'après ce que je comprends, une trentaine, 29 - sont comblés ou s'il reste des postes vacants?

M. Pepin: II y en a 24 de comblés.

M. Doyon: II y en a 24 de comblés. En ce qui concerne les demandes d'opinions juridiques - on en avait discuté lorsque vous êtes venu la dernière fois devant cette commission parlementaire - qui vous parviennent d'organismes, de personnes, d'individus, de particuliers, est-ce que vous avez toujours gardé la même ligne de conduite, c'est-à-dire que vous n'étiez pas là pour donner des opinions juridiques motivées, privées, sur demande? Vous référiez plutôt les gens à une interprétation venant de cabinets d'avocats de la loi qui est là pour tout le monde et qui peut être interprétée par les gens dont c'est la spécialité, et vous réserviez les conseillers juridiques qui étaient à l'emploi de la commission pour guider plutôt la commission dans son travail.

M. Pepin: Nous n'avons pas modifié, M. Doyon, notre politique là-dessus qui est celle, comme je le disais dans mes remarques préliminaires, de répondre avec égard à ces demandes, mais sans nécessairement fournir une opinion juridique formelle et définitive. Cela n'exclut absolument pas des efforts soutenus de la part de notre service juridique pour essayer d'éclairer le plus possible ceux qui demandent l'assistance de la commission. Mais dans certains cas, si je prenais, par exemple, la question de M. le député Champagne, tout à l'heure, il est bien évident que si on demande à la commission un avis juridique formel sur les lois qui régissent l'adoption comparativement aux lois qui protègent la vie privée, et à celles qui régissent l'accès aux documents, ce serait imprudent que la commission s'engage d'avance et sans avoir un cas précis à trancher sur une piste comme celle-là. Cela ne nous interdit pas de rappeler à notre intervenant ou à notre interlocuteur les diverses lois qui sont susceptibles d'être en conflit et les problèmes juridiques que pose ce conflit. C'est ce que nous faisons.

M. Doyon: Pas d'autres questions. M. Pepin: Merci.

Le Président (M. French): D'autres questions? Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: J'en aurais une toute petite. M. Pepin, c'est ça? Je m'excuse. J'ai manqué un peu le début de la commission. Il y a une petite question que je voudrais vous poser. On entend souvent parler des listes noires des propriétaires sur les locataires. Je me demandais si vos services iraient jusqu'à interdire les renseignements qu'on accumule -les renseignements qui, d'après moi, sont confidentiels - sur les locataires.

M. Pepin: Nos services pourraient, effectivement, intervenir si ces listes étaient confectionnées par un organisme public et distribuées par un organisme public, mais la commission n'a pas juridiction sur les organismes privés. Les listes auxquelles vous faites allusion, je pense, sont confectionnées à partir de renseignements que s'échangent entre eux les propriétaires. Ce que la commission a fait, de façon assez informelle et en toute bonne entente avec la Régie des loyers, il y a déjà plusieurs mois, elle a examiné ce problème-là et la Régie des loyers elle-même a pris des précautions pour éviter que Ies renseignements qui découlent des audiences devant la régie soient la base de la mine de renseignements pour confectionner des listes. Il y a eu une intervention de notre part là-dessus. La régie, je pense, a essayé, dans la mesure où elle le pouvait, de corriger cela. Il y a un autre problème qui se pose. C'est que les règles de fonctionnement des tribunaux administratifs, comme le nôtre et celui de la régie, prévoient que ces audiences sont publiques et que les documents qui y sont déposés sont des documents publics, alors que les règles de protection des renseignements personnels sont en contradiction avec ce précepte. C'est un problème aigu auquel nous essayons de trouver une solution présentement.

Mme Lachapelle: Je vous encourage à continuer.

Le Président (M. French): D'autres questions? M. le député de Mille-îles.

M. Champagne: Oui, merci. Vous avez un avis sur le projet de loi 42, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Au moment où on se parle, cette commission siège. Elle siège depuis deux semaines et peut-être qu'elle en a encore pour deux autres semaines. Vous faites une recommandation au sujet du libellé des articles 46 et 47. On voit cela dans votre rapport à la page 18. Avez-vous vérifié si, dans le nouveau projet de loi 42 qui est à l'étude aujourd'hui même article par article, on a tenu vos recommandations à la vue? Vous dites "et recommande en conséquence au législateur de s'en tenir au texte de la loi d'accès. " Vous qualifiez les articles 46 et 47 de redondants. Avez-vous vérifié et quel serait peut-être cet amendement que vous souhaitez?

M. Pepin: II y a eu, dans ce cas-là, je pourrais vous dire, une intense vérification. Comme vous le savez, il y a eu un nouveau projet de loi, à toutes fins utiles, avec une série assez impressionnante d'amendements et la commission a repris son avis à la lumière des nouveaux amendements. L'avis de la commission a été déposé hier devant les membres de la commission du travail et de la main-d'oeuvre, - je pense, que cela s'appelle ainsi - devant les membres qui examinent ce projet de loi présentement. Les corrections que nous demandions ont été faites en grande partie. Il y a encore une difficulté que nous avons soulevée devant les députés dans un avis écrit qui leur a été transmis hier et qui sera transmis à tous les députés aujourd'hui. Je pense que vous en aurez tous un exemplaire.

M. Champagne: D'accord. Merci beaucoup, M. Pepin.

M. Doyon: Simplement une petite question. Les organismes publics, en général, ont l'obligation, si je comprends bien, en plus de permettre l'accès selon certaines normes, etc., de permettre la consultation sur place et d'avoir un endroit privilégié réservé à cette fin selon certaines normes, etc. Avez-vous eu l'occasion de faire une vérification ou est-ce que vous en êtes rendu au niveau de l'inspection sur la mise en place de ces cagibis?

M. Pepin: Je me rappelle la question que vous me posiez, M. Doyon, la dernière fois que je suis venu en commission parlementaire, alors que j'ai un peu témérairement répondu qu'on devait mettre à la disposition des citoyens un local. Or, c'était peut-être de ma part du "wishful thinking". Mes conseillers m'ont noté que la loi ne dit pas cela. La loi dit qu'on autorise les gens à consulter sur place. J'en ai conclu - et je voudrais continuer de conclure - que, si on peut consulter sur place, il faut qu'il y ait un endroit pour consulter. (15 h 45)

Maintenant, nous n'avons pas fait de vérification, comme vous le dites, de façon systématique, mais nous n'avons pas eu de plaintes, non plus, là-dessus. Au contraire, nous avons eu l'occasion de constater que, dans plusieurs endroits, effectivement, les citoyens sont fort bien traités.

M. Doyon: Est-ce que vous considérez comme étant de la compétence de votre commission, M. Pepin, au besoin de vérifier s'il y a finalement un endroit? Comme vous le dites fort justement, si on peut vérifier sur place, il faut qu'il y ait un endroit quelque part pour le faire. Est-ce que vous considérez qu'il serait de la compétence de votre organisme de faire certaines vérifications à savoir comment cela se fait en pratique? Parce que, en fait, quand vous me dites qu'il n'y a pas eu de plaintes à ce sujet-là, je reconnais que c'est indicatif d'une certaine satisfaction, mais je ne pense pas que cela soit totalement convaincant. D'après mon expérience personnelle, je peux vous dire que c'est une affaire que de se rendre dans une municipalité ou une communauté urbaine pour demander certains renseignements ou documents qui sont parfaitement disponibles et d'être obligé de les regarder dans la salle d'attente ou dans des endroits qui ne sont pas tellement propices.

Est-ce que vous considérez que vous pourriez pousser votre compétence jusqu'à vérifier vous-même, sans plainte, proprio motu, et regarder comment cela se fait?

M. Pepin: Certainement que nous pourrions le faire. L'article 124 de la loi donne à la commission le pouvoir de surveillance de l'application de la loi. Un des moyens d'appliquer la loi, c'est d'autoriser la consultation sur place. Si, dans la pratique, cette consultation n'est pas possible, soit parce que l'accueil est déficient, soit que les facilités physiques sont inexistantes ou soit que l'on complique la vie des gens qui veulent consulter pour une raison ou pour une autre, il est évident que nous pourrions intervenir.

M. Doyon: Merci, M. le Président.

Le Président (M. French): M. le président, très brièvement, sur votre rôle comme intervenant officieux par rapport à l'Assemblée nationale, mais néanmoins important dans le processus législatif - je pense que je peux dire que c'est officieux -est-ce que j'ai bien compris qu'en général votre expérience est tout à fait satisfaisante?

M. Pepin: Elle est satisfaisante pour autant que les communications, qui, jusqu'ici, sont écrites et officielles, de la commission se rendent - je crois que c'est le cas -auprès des parlementaires et que ceux-ci en tiennent compte. Je suis conscient que, lorsque la commission, par exemple, soumet plusieurs avis, surtout en fin de session, sur des projets de loi, ce n'est pas facile pour les parlementaires d'en prendre rapidement connaissance et d'y réagir rapidement. Peut-être que c'est un problème qui concerne davantage la réforme des institutions parlementaires que notre propre commission. Mais ce que nous avons adopté comme principe, c'est d'informer les parlementaires chaque fois que nous estimons qu'il y a intérêt pour eux à l'être.

Évidemment, nous ne voulons pas faire de discrimination et juger à leur place, mais

nous ne voulons pas, non plus, vous inonder quotidiennement de rapports. Nous essayons d'être un peu sélectifs. Cela étant, nous avons opté pour renseigner tous les parlementaires sans distinction, chaque fois que nous avons un avis susceptible de les intéresser.

Le Président (M. French): Oui, mais la question n'était pas tout à fait cela. Je me suis mal exprimé. Le gouvernement répond-il avec empressement, intérêt et sérieux à vos interventions écrites, à vos analyses, à vos conseils?

M. Pepin: Évidemment, quand un projet de loi est déposé et formulé d'une certaine façon, c'est parce que celui qui le dépose et celui qui le défend a des intérêts. Il l'a rédigé de cette façon-là parce que cela correspond à ses objectifs. Il est évident que, même si la commission intervient et dit: Nous ne partageons pas vos objectifs, cela ne signifie pas nécessairement qu'il va changer d'idée le lendemain. Parce qu'il peut être convaincu que ses intérêts sont prépondérants, sont plus pertinents, que l'objectif qu'il vise est plus urgent que celui que la commission peut viser. Là, il appartient aux parlementaires, s'ils épousent l'opinion de la commission, de la faire valoir. La commission n'est pas un membre de ce forum qu'on appelle l'Assemblée nationale. Elle peut lui donner des avis et c'est tout.

Jusqu'ici, pour répondre de façon plus précise à votre question, chaque fois que nous avons émis un avis - là-dessus, je pense qu'il n'y a aucune exception - les responsables du ministère concerné, au contentieux ou dans les services qui pilotent ce projet de loi, ont toujours communiqué avec nous, ont toujours demandé des renseignements additionnels, ont toujours manifesté beaucoup d'intérêt à l'opinion que nous leur donnions. Parfois, évidemment, ils maintenaient leurs positions parce qu'ils estimaient qu'elles étaient plus conformes aux objectifs que le ministre poursuivait, mais il n'y a pas eu indifférence, si vous voulez, jusqu'ici.

Le Président (M. French): Mon expérience, incidemment, là-dessus n'est pas que le ministre tienne tellement à une formule en particulier, c'est que les administrateurs de son ministère, parfois, se montrent plus préoccupés par ce qui leur semble pratique, rapide et efficace que par les valeurs que vous avez à défendre.

Je pense, en particulier, au règlement de la loi 27. Si j'ai bien compris le rapport annuel, à deux ou trois exceptions près, vous êtes tout à fait satisfaits de la version ultime, alors que la première version - c'est moi qui ai pris l'initiative de vous envoyer la première version - était écrite non pas de mauvaise foi, mais dans l'ignorance totale du fait que la loi 65 existait. Le ministre lui-même m'avait assuré à ce moment-là que c'était conforme à la loi 65, alors qu'il était très évident que ni lui ni ses fonctionnaires ne savaient ce qui était dans la loi 65.

Il y a une chose que vous avez dite en réponse à l'un de mes collègues et qui m'a préoccupé, toujours dans le même domaine. Un certain nombre de lois, de projets de loi posent un "nonobstant" face à la loi 65 et autorisent de façon sectorielle ou indépendamment de vous les transferts de renseignements personnels. Pouvez-vous nous donner des exemples? Avez-vous réussi à intervenir en temps opportun pour changer ce genre de tendance auparavant?

M. Pepin: Bon. Je vous donne un exemple: le projet de loi 90 sur le Vérificateur général. Je me souviens qu'il y avait des "nonobstant". La commission a fait valoir qu'il n'y avait pas lieu, selon elle, de modifier le régime prévu, le régime général.

Le Président (M. French)! On commence à avoir un "pattern" un peu avec le ministre parrain du projet de loi?

M. Pepin: Non. Il y a eu une modification, je crois. Je pense que le projet qui est devant les députés présentement a été modifié à la suite de cet avis. Sur la loi 42 également.

Le Président (M. French): M. Pepin, donc, vous nous parlez d'un projet de loi qui est réellement une ébauche, dont les parlementaires n'ont pas été saisis.

M. Pepin: Non, pas du tout. Nous avons le projet de loi en première lecture, comme tout le monde.

Le Président (M. French): Le projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, c'est le seul projet de loi sur le Vérificateur général que l'on a vu.

M. Pepin: Dans ce cas, il y a probablement eu une consultation de la commission de la part du Vérificateur.

Le Président (M. French): C'est une très bonne chose. Je veux juste être certain que je comprends de quoi on parle.

M. Pepin: Oui. Mais dans le cas de la loi 42, il y a eu, entre la première et la deuxième lecture, deux "nonobstant" qui ont été enlevés à la suite de l'intervention de la commission.

Le Président (M. French): En reste-t-il dans 42?

M. Pepin: Je pense qu'il en reste un avec laquelle la commission est d'accord et elle explique pourquoi.

Le Président (M. French): Bon. Oui, c'est cela. J'ai lu ce que vous avez dit sur 42 et vous semblez être relativement heureux de 42.

M. Pepin: Oui.

Le Président (M. French): Ce sont les deux cas qui...

M. Pepin: Un autre cas a été soumis à mon attention aujourd'hui même.

Le Président (M. French): Oui.

M. Pepin: C'est le projet de loi 3 où on invoque, encore une fois, un malgré la loi sur l'accès.

Le Président (M. French): Toujours en ce qui a trait aux renseignements personnels?

M. Pepin: Oui.

M. Doyon: À quel article est-ce? Le savez-vous?

M. Pepin: Article 270, je pense. M. Doyon: Article 268? Une voix: Article 270. M. Doyon: Article 270.

M. Pepire Nous n'avons pas eu le temps de réagir, mais nous le ferons incessamment.

Le Président (M. French): Justement, dernière question dans ce domaine. Je dois comprendre que l'expérience a été jusqu'ici relativement heureuse, sans problème énorme; en tout cas pas de mauvaise foi, pas d'indifférence de la part du gouvernement, mais un intérêt sérieux, etc.

Quel mécanisme existe afin que vous soyez informés de façon systématique? Je veux bien que vous soyez consultés même avant que le projet de loi arrive devant nous, je n'ai aucune objection, je trouve cela très bien. Est-ce au hasard, pour le moment?

M. Pepin: Là, il y a une difficulté, c'est celle que vous avez soulevée vous-même il y a un moment. Selon la tradition parlementaire, le fondement du régime parlementaire...

Le Président (M. French): En principe, vous ne devez pas être contre.

M. Pepin:... avec lequel je suis personnellement très d'accord, les projets de loi sont d'abord la propriété des parlementaires. Ce sont eux qui en prennent connaissance les premiers. Sauf qu'au moment où le projet de loi arrive imprimé à l'Assemblée nationale, plusieurs étapes ont été franchies avant. Il y a eu toutes les étapes du Comité de législation, des comités interministériels. Enfin, tous les problèmes qui avaient à être soulevés l'ont été.

Si le problème d'une dérogation à la loi d'accès n'a pas été soulevé, c'est parce que la commission n'était pas au courant et que tous ceux qui ont eu à travailler sur ce projet de loi ne l'ont pas soulevé, soit par manque d'intérêt ou pour d'autres raisons. Cela pose une difficulté; jusqu'ici, nous essayons de réagir rapidement entre la première lecture et les étapes ultérieures. C'est ce que nous avons adopté comme attitude, mais ce n'est pas toujours facile de faire modifier...

Le Président (M. French): À cette étape-là.

M. Pepin:... à cette étape-là, des projets de loi.

Il y a eu d'autres méthodes qui ont été utilisées. L'organisme veut, par exemple, faire modifier sa loi. Cela peut arriver: demain matin, la Commission des normes du travail, par exemple, voudrait faire modifier sa loi pour régler un problème. Si cette modification risquait de créer un problème avec la loi 65, elle pourrait - la commission des normes - nous consulter et dire: Si je faisais ça comme ça, qu'est-ce que ça ferait? Ça commence à se faire aussi parfois.

Là, c'est très officieux. Ce qui arrive, c'est que dans certains cas on a dit: Non, ça ne serait pas acceptable pour telle raison, et les gens laissent tomber. C'est pour ça que le travail de la commission, à ce niveau-là, n'est pas toujours visible, si on veut.

Le Président (M. French): Est-ce que la situation est satisfaisante actuellement ou n'est-elle pas quelque peu chancelante?

M. Pepin: Jusqu'ici, oui. Je serais plus en mesure, après une période un peu plus longue, de vous le dire. Il ne faut pas se faire d'illusions, non plus; c'est un très jeune organisme et même les parlementaires ne sont pas tous familiers avec son existence et avec ses mandats.

Le Président (M. French): Ils vont être les derniers, M. le président.

M. Pepin: Nous avons déjà plus de demandes de la part de parlementaires qui nous demandent si on a réagi à telle proposition ou si on va le faire, etc., ce qui

manifeste déjà un intérêt. Je crois que petit à petit on va roder un système. Est-ce que ce sera celui-là toujours? Je ne le sais pas.

Le Président (M. French): Vous savez, M. le président, que, si vous aviez des recommandations précises à nous soumettre, nous pourrions, par exemple, les endosser, si les parlementaires étaient d'accord, faire rapport à l'Assemblée nationale. La résolution pourrait être que le président de l'Assemblée nationale écrive soit au sous-ministre de la Justice, soit au secrétaire du Conseil exécutif ou à un autre intervenant dans le processus législatif pour que vous soyez consulté de façon routinière. Je ne sais pas si ça vous aiderait. Je vous offre les bons offices de la commission puisqu'on serait très intéressé à voir à ce que votre contribution dans le processus législatif soit optimisée.

M. Pepin: Je vous remercie bien. C'est une piste que nous explorerons sûrement.

Le Président (M. French): Vous avez aussi cette responsabilité importante que le député de Mille-Îles a soulevée et peut-être d'autres députés, celle d'informer les organismes publics de leurs obligations face au fichier de renseignements personnels et ainsi de procéder au processus de déclaration de fichier pour lequel vous avez émis ce "kit", si je peux l'appeler ici.

M. Pepin: Oui.

Le Président (M. French): Je dois comprendre de ce que vous avez dit au député de Mille-Îles que le processus va bon train et que vous ne voyez pas de pépins énormes pour le moment.

La question que je me suis posée lorsque j'ai pris connaissance du "kit" découle d'une réserve que moi-même et le député de Louis-Hébert avons émise depuis assez longtemps - je ne veux pas la rouvrir -c'est-à-dire la façon globale dont on a implanté le projet de loi et surtout ce que peut faire, par exemple, une petite municipalité face à ça. Il me semble que vous venez de donner à peu près trois semaines de travail au greffier et je me demande si la flexibilité y est, si l'encadrement de tout cet éventail d'organismes est disponible si, bref, avec vos 24 personnes, avec toutes les autres responsabilités que vous avez, vous êtes vraiment en mesure d'aider dans ce processus de l'acte de déclaration. (16 heures)

M. Pepin: Nous essayons. La Direction de l'analyse chez nous, qui est chargée de mener à bien cette opération, se propose, justement, de regrouper les gens pour leur donner du soutien le plus possible. Il faut dire que, dans les municipalités ou les commissions scolaires, il existe des organismes de soutien, leurs fédérations, leurs associations de secrétaires, et ces gens ont été très actifs avec nous pour bien s'assurer qu'ils possédaient tous les éléments. Je suis d'accord avec vous que, même si on a tenté de mettre les choses les plus claires possible, les plus succinctes possible, la loi contient quand même assez d'exigences pour que cela soit impossible de simplifier à l'extrême. Nécessairement, on a abouti à un formulaire qui est peut-être un petit peu plus élaboré que ce que, au début, on souhaitait faire. C'est un peu comme les formules d'impôt; on veut toujours les simplifier, mais je pense qu'elles restent toujours encore un peu longues si on veut qu'elles soient complètes.

Le Président (M. French): Tout ce que j'ai à vous dire là-dessus, c'est qu'à votre place je m'attendrais à ce qu'il y ait un bon millier d'organismes qui auront de la misère avec votre "kit". Ce n'est pas votre faute, peut-être, mais c'est très important que la commission soit consciente que ce problème va se présenter et que vous soyez en mesure, au moins, par le biais des associations sectorielles, d'apporter une aide soutenue aux organismes relativement petits et donc un peu pris au dépourvu par les exigences de la loi.

M. Pepin: Oui. Nous tenterons de le faire.

Le Président (M. French): Je pense, incidemment, pour continuer très brièvement, qu'une des grandes failles de l'administration publique au Québec et au Canada - mais c'est effectivement pire au Québec - c'est la théorie globalisante qui veut qu'une école c'est une école, une municipalité c'est une municipalité, un hôpital c'est un hôpital. Les exigences de base sont toutes conçues en vertu de Québec, pour ne pas dire de Montréal, alors que la réalité québécoise n'est pas cela du tout dans les régions et dans les petites villes, etc. On n'atteint pas nos objectifs en surchargeant les petites administrations avec des exigences conçues pour les grandes administrations. Je ne vous invite pas à commenter là-dessus; c'est une réflexion que j'avais et que j'aurai plus particulièrement en ce qui a trait aux exigences de la loi quant à la déclaration des fichiers.

Déjudiciarisation des auditions

Un troisième point qui me semble important, c'est le point qu'a touché le député de Louis-Hébert quant aux auditions que vous tenez. Je suis à la fois heureux et inquiet de voir que nous avons déjà des

règles de preuve et de procédure. Je ne vous invite pas à commenter davantage, parce que vous semblez dire que vous être relativement satisfaits que les auditions ne passent pas par-dessus la tête des intervenants. Je vais tout simplement dire que c'était certainement, sans aucune ambiguïté, l'idée, la pensée du législateur que la judiciarisation des auditions ne se fasse pas ou se fasse de façon minime et que l'intervenant qui vient sans conseiller juridique, sans procureur ait naturellement et d'office l'appui de la commission pour faire en sorte qu'il ne soit pas bousculé, poussé, mystifié par le procureur de l'administration publique avec lequel il est aux prises.

Je voudrais tout simplement vous inviter à continuer à garder toujours cela à l'esprit, c'est très important, dans l'optique du législateur.

M. Pepin: Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, M. French, c'est un objectif que je partage également, bien sûr. En ce qui concerne les règles de preuve et de procédure, c'est la loi qui nous oblige à les soumettre. Il y a également une tradition et un organisme quasi judiciaire, on nous l'a demandé rapidement.

En ce qui concerne la judiciarisation du processus, moi personnellement, mes collègues aussi y résistent dans la mesure du possible, mais, par moments, cette judiciarisation se fait, justement, par les intervenants. Ce n'est pas la commission qui a, par exemple, demandé un bref d'évocation en Cour supérieure.

Le Président (M. French): Dire que les intervenants du côté administratif ont de la judiciarisation, c'est dire exactement pourquoi on a ce résultat.

M. Pepin: Nécessairement, il faut enclencher le même processus lorsqu'on est dans une situation comme celle-là. On essaie de l'éviter. Jusqu'ici, il n'y a pas eu trop de difficultés, mais je n'exclus pas qu'il y en ait puisque les procureurs, de façon générale, ne font pas de distinction entre le processus judiciaire traditionnel et un processus judiciaire qui serait un peu plus souple comme celui-là. Je ne peux pas parler au nom de la profession juridique, mais je pense que là aussi il y a une forme de culture qui se réfère à un modèle, qui est le modèle des tribunaux judiciaires et il faut bien vivre avec cette situation.

Mme Giroux voudrait ajouter quelque chose.

Mme Giroux: J'aimerais ajouter une petite précision. Je pense qu'effectivement la commission est très sensible à l'idée de ne pas judiciariser a outrance. La loi nous fait obligation de donner aux parties l'occasion de se faire entendre et à cause de cela, comme l'a souligné M. Pepin, généralement nous procédons à des auditions que nous voulons le moins formelles possible. Cependant, dans la façon de traiter les dossiers lorsqu'ils arrivent au greffe, nous n'avons pas éliminé la possibilité de trancher certains litiges sans faire d'auditions formelles. Cela fait maintenant partie de notre système. Une fois que le dossier a été attribué à un commissaire, nous l'étudions et, si le commissaire à qui le dossier a été donné croit qu'il est en mesure, avec ce qu'il y a dans le dossier, de statuer sur l'accessibilité ou non du document, il en informe !es parties par correspondance, il renseigne les parties sur leur droit de présenter leur point de vue dans une audition formelle ou autrement et, si les parties ne tiennent pas à avoir absolument une audition formelle, on n'élimine pas la possibilité de trancher certains litiges d'une façon plus souple.

Le Président (M. French): Je trouve cela encourageant et je suis très heureux d'en entendre parler. Je dois vous dire que j'avais argumenté en commission parlementaire que cela devrait être la règle et les auditions être l'exception. J'ai argumenté en plus que l'accès à l'information n'était pas un droit fondamental, donc, ne demandait pas nécessairement la participation d'un procureur et un processus quasi judiciaire. En tout cas, la commission devait avoir le droit, l'option et le choix de lire les arguments de l'organisme public et de décider immédiatement, sans audition. Regrettablement, cet argument n'a pas été retenu.

Vous avez, à un moment donné, fait, d'après le rapport annuel, de la recherche sur la pensée du législateur dans le but d'avoir l'interprétation la plus uniforme possible de la loi. Est-ce qu'on peut savoir plus particulièrement de quoi il s'agissait?

M. Pepin: Dans quel contexte?

Le Président (M. French): Quels étaient les points sur lesquels vous aviez des doutes sur la pensée du législateur?

M. Pepin: Nous n'avons pas de doute. Non, c'est dans certains cas où, à la suite de la proposition de loi qui est contenue dans le rapport Paré et de la proposition de loi qui a été finalement adoptée par l'Assemblée nationale, il y a une difficulté d'interprétation. Là, nous allons lire les comptes rendus de la commission parlementaire notamment, où nous pouvons découvrir exactement quel était l'objectif, à tout le moins, du législateur. Le but de l'exercice, c'est, dans des cas plus obscurs un peu, de se référer aux débats qui ont eu lieu ici à l'Assemblée pour essayer de mieux

saisir quelle était la perspective.

Le Président (M. French): Je voudrais tout simplement dire que, si vous êtes mystifiés, c'est parce qu'il y a eu maintes conférences entre l'Opposition et le gouvernement et le conseiller juridique qui n'ont pas été enregistrées. Je dois comprendre, de toute façon, que cet exercice est mené à terme et puis...

M. Pepin: C'est-à-dire qu'il n'est jamais complètement terminé, dans le sens que, lorsqu'une nouvelle difficulté survient...

Le Président (M. French): Mais moi, je voudrais dire que je suis très heureux que vous fassiez cela, puisque cela témoigne d'un respect pour un exercice de législation comme j'en ai rarement expérimenté ici, et qui, je pense, doit vous donner au moins une idée de ce que les parlementaires, dans leur façon un peu boiteuse de s'exprimer à 11 h 30 le soir en fin de session, voulaient ou pensaient qu'ils faisaient, même si je pense que dans le produit final il y avait des choses dont les parlementaires ne se rendaient pas compte, ce qui est inévitable et généralisé.

Ce devrait être, en tout cas, dans une certaine mesure, utile plus particulièrement -et je vais faire certains commentaires que je ne voudrais pas vous inviter à commenter -en ce qui a trait à la réaction du ministre des Finances. Il est très clair que, d'un côté comme de l'autre de la commission parlementaire, il est inconcevable qu'un rapport d'un contrôleur des finances, parce que commandé par le ministre, doive être qualifié et considéré pour les fins de la loi comme un document du ministre. L'exception qui a été faite pour les hommes et les femmes politiques était destinée à protéger leurs papiers personnels, leurs papiers partisans, leurs papiers du caucus, du cabinet des ministres dans la mesure où ces papiers impliquaient le côté politique des responsabilités du ministre et non le côté administration publique.

Je ne veux pas et je ne peux pas aller plus loin pour le moment, sauf de dire que nous devons espérer que le juge qui est appelé à trancher un litige, lui aussi, son greffier ou son conseiller lisent - pas les procès-verbaux de la commission parlementaire. On appelle cela quoi - le Journal des débats de la commission parlementaire. Ils vont voir que l'exception qui a été faite pour les documents des élus ne devait jamais toucher un document de l'Exécutif du genre dont il est question. Je suis très étonné que le ministre des Finances ait décidé de temporiser ainsi. On peut peut-être espérer que son successeur fera autrement. Si jamais le juge décidait autrement, c'est très évident qu'il faudrait recommencer toute la loi et réexprimer la volonté des parlementaires pour que la loi traduise cette volonté de façon précise et inaliénable, parce que l'exercice en question ne vise rien de moins qu'une remise en question de la loi de A à Z en ce qui a trait à l'accès aux documents. Bon!

Pour ce qui est de l'exercice d'information publique, de vos responsabilités d'informer la population, qui est du ressort de la commission, j'ai une ambiguïté de taille dans mon esprit entre la responsabilité du ministre, la responsabilité du ministère et la responsabilité de la commission. Pour moi, la commission, en ce qui a trait a la population, n'a que la responsabilité de faire en sorte que les gens sachent que la commission existe et sachent comment utiliser la commission en droit d'appel. Est-ce également votre compréhension de vos responsabilités? Êtes-vous d'accord que, dans le fond, c'est au ministère des Communications - ou en tout cas à l'Exécutif - de faire la publicité sur la possibilité qu'a le citoyen de faire une demande pour avoir accès aux documents, et que votre mandat est tout simplement beaucoup plus limité, à savoir que vous existez comme cour de dernier recours?

M. Pepin: Si nous n'avions qu'un mandat d'adjudication, ce serait très clair, ce serait très simple. Notre rôle se limiterait à renseigner les citoyens sur la façon d'exercer leur droit de recours; sur l'existence, d'abord, de ce droit et la façon de l'exercer. L'ennui, c'est que nous avons également un rôle administratif très précis dans le volet de la protection des renseignements personnels, directement auprès des organismes. Par exemple, ces déclarations de fichiers, c'est auprès de la commission qu'elles sont faites; donc, c'est à la commission que les responsables s'adressent. C'est la même chose dans le cas des renseignements qui sont transmis à des fins de recherche. (16 h 15)

Le Président (M. French): Oui, mais, M. Pepin, je ne parle pas de votre mandat d'informer les gens qui sont des administrateurs publics.

M. Pepin: Oui.

Le Président (M. French): Je ne remets pas ça en question. Je parle uniquement du grand public.

M. Pepin: Ce que nous faisons jusqu'ici, c'est que nous avons renseigné le public sur l'existence d'un droit de recours et la façon de l'exercer, c'est-à-dire comment s'adresser à la commission. Nous avons limité nos interventions auprès du grand public à ces deux volets. En ce qui concerne la publicité

de la loi elle-même, le contenu de la réforme, ses objectifs, je crois que cela appartient au ministère, bien qu'il soit très difficile de les dissocier lorsque les commissaires sont invités à une tribune, par exemple, ce qui est très fréquemment le cas, dans un symposium ou un séminaire quelque part. Les gens - il ne faut pas les en blâmer -...

Le Président (M. French): Non.

M. Pepin:... ne font pas nécessairement la distinction.

Le Président (M. French): Je parle de la publicité payée.

M. Pepin: Oui, la publicité payée s'est limitée, jusqu'ici, à ce volet.

Le Président (M. French): Si je vous pose la question, c'est parce qu'il est évident que Gilles Lesage, dans son article du 30 octobre 1984, n'était pas tout à fait d'accord sur cette question-là. Il n'était pas d'accord avec vous et moi, en tout cas, puisqu'il reproche à la commission de ne pas avoir suffisamment investi dans la publicité, alors qu'au fond il devrait - il l'a fait, d'ailleurs, dans son article - d'une façon beaucoup plus pointée critiquer le ministère des Communications qui est ultimement responsable de faire en sorte que la population soit consciente de l'existence de la loi et des possibilités que la loi confère à tous et chacun.

Je pense que j'ai une seule question finale. Quant au colloque international que vous avez organisé en novembre 1983, est-ce que le ministre des Communications y a participé? Est-ce qu'il a pris la parole à ce colloque?

M. Pepin: II est venu ouvrir le colloque. Il a fait une intervention à l'ouverture du colloque, très rapidement. Malheureusement, à cause d'un problème d'horaire, il a dû se contenter de souhaiter la bienvenue à tous ceux qui étaient là et quitter immédiatement après.

Le Président (M. French): Le seul point que je vous ferai valoir dans ce contexte, M. le président, c'est qu'il y a aussi une Opposition à l'Assemblée nationale et que nous n'avons même pas été invités. Je pense que nous devons regretter cela, d'autant plus que vous êtes nommé en vertu du Parlement et non pas de l'Exécutif. Dans la mesure où vous devez, je pense, tenir compte de cela, il me semble, même si le ministre prend la parole, et c'est peut-être tout à fait compréhensible aussi, qu'il y aurait eu lieu d'inviter l'Opposition au colloque également.

Finalement, la vitesse avec laquelle vous avez, vous, réagi aux plaintes, la vitesse avec laquelle vous avez pu répondre aux diverses possibilités qu'ont les citoyens pour faire appel à vos services n'a pas créé de problème jusqu'ici. Vous êtes conscients qu'au fédéral cela devient, paraît-il, un problème sérieux. Est-ce que le même genre de problème se pointe à l'horizon pour vous ou si tout va bien?

M. Pepin: Jusqu'ici, nous avons un rythme, je pense, qui est assez exceptionnel. Une plainte ou une demande de révision est traitée, en moyenne, à l'intérieur d'un mois, je pense. Cela prend un peu moins d'un mois, alors que, dans plusieurs autres instances, évidemment, cela prend plusieurs mois. Il ne faut pas trop s'en féliciter parce que cela commence et que nous n'avons pas encore de surplus. Mais c'est vraiment l'objectif de maintenir ce rythme-là, quitte à explorer davantage ce que Mme Giroux disait tout à l'heure, le règlement des dossiers de façon plus rapide sans toujours procéder par l'audition, chaque fois qu'il sera possible de le faire.

En ce qui concerne les plaintes, par contre, qui exigent des enquêtes, là, il est moins facile d'établir un rythme de réponses parce que tout dépend de la complication de l'enquête. Dans certains cas, c'est vraiment très compliqué. Je pense que Mme Giroux voulait ajouter quelque chose.

Mme Giroux: Je voulais juste préciser que, quand M. Pepin parle d'un mois, c'est effectivement le cas, à partir du moment où nous entendons vraiment la cause, c'est-à-dire à partir de l'audition. Il y a toujours quelques semaines avant l'audition pour accuser réception de la demande et aviser les parties de la tenue de l'audition.

Le Président (M. French): Quel pourcentage des plaintes de ce genre va occasionner une audition? La quasi-totalité?

Mme Giroux: Jusqu'à maintenant, je crois que c'est la très grande majorité, cependant.

Le Président (M. French): Vous allez regretter cela, madame et messieurs. Vous allez regretter cela. S'il y a moyen de changer cela, faites-le; sinon, vous allez aboutir comme la Régie des loyers, en version plus petite. Si vous pouvez continuer à développer les mesures dont Me Giroux a parlé, cela va peut-être vous sauver. Cela serait très valable et très utile d'essayer de faire cela. Si vous vous mettez dans la situation où il y a une audition pour chaque plainte d'accès aux documents qui est refusé, l'Exécutif, sachant consciemment ce que cela va occasionner - vous allez être responsables de l'embouteillage du système et vous

deviendrez un outil pour un ministre qui veut temporiser - n'aurait qu'à refuser de concourir avec vous à 100%, sachant fort bien que vous n'avez pas les ressources pour tenir l'audition avant six mois. Vous êtes partis pour cela si vous devez tenir des auditions pour toutes ces plaintes.

M. Pepin: Je souhaiterais, M. French, que cette conviction que vous avez soit partagée même par tous ceux qui font des demandes. Jusqu'ici, on a eu plusieurs cas où les gens avaient hâte de venir s'exprimer eux-mêmes devant la commission. Ce n'est pas toujours l'organisme public qui tient à l'audition bien que, de façon générale, c'est normal et instinctif lorsqu'il s'agit d'un procureur de venir plaider. Mais le citoyen aussi insiste pour rencontrer la commission.

Le Président (M. French): Je ne doute pas qu'il y ait des citoyens qui voudraient se faire entendre, bien que j'aie de la difficulté à comprendre sur quoi ils plaident, puisqu'ils n'ont pas eu le document. Je ne crois pas que le gouvernement dise la vérité en invoquant l'article 83. Même s'il n'avait pas le droit, je ne le considérerais pas brimé pour autant, pour être très honnête avec vous.

D'autre part, le procureur est payé pour cela et il va y aller au bout. Encore une fois, on va se trouver dans la situation d'un processus élaboré qui ferait en sorte que toutes les formes de la justice seraient respectées, mais que l'efficacité n'y serait pas. On va se trouver dans la situation de "justice delayed is justice denied". Je le crains.

Me Giroux, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Giroux: Oui, M. le Président. J'avoue que personnellement je suis tout à fait d'accord avec votre souci, sauf que, compte tenu du fait que la loi nous oblige à donner aux parties l'occasion de présenter leur point de vue, je ne suis pas certaine qu'en essayant d'éviter l'audition à tout prix on soit plus efficace et plus rapide parce que cela voudrait dire un échange de correspondance, dans beaucoup de cas, qui n'en finit plus. Il faut bien être conscient que, si l'on veut éviter la confrontation physique des personnes, il faut, aussitôt que l'une des deux parties nous fait part de quelque chose, en informer l'autre et offrir à l'autre de réagir.

L'expérience, en tout cas, jusqu'à maintenant effectivement nous amène à constater que cela s'avérerait souvent une solution plus compliquée et probablement moins efficace et moins rapide que l'audition, tout simplement.

Le Président (M. French): J'apprécie votre intervention qui pourrait vouloir dire une de ces deux choses: soit que vous me dites que j'ai perdu ma bataille à la commission et qu'il faut vivre avec cette réalité, soit que vous me dites que, même si j'avais gagné ma bataille et que l'audition était une exception, l'audition aurait été nécessaire de toute façon parce que, inévitablement, il faut avoir la réaction, l'échange des points de vue, etc. Comprenez-vous? Ou c'est le cas qu'essentiellement c'est une décision entre trois commissaires ou un commissaire et le gouvernement, alors que le gouvernement invoque un article et le commissaire a devant lui l'article de la loi, la loi en général, le document dont il est question et l'argumentation du procureur du gouvernement; ou bien il est toujours nécessaire que le procureur ou le demandeur lui-même prenne connaissance de l'argumentation, réagisse à l'argumentation et apporte un éclairage additionnel pour le bénéfice du ou de la commissaire.

Je n'arrive pas à imaginer que le deuxième cas serait nécessairement le bon. J'avais pensé que ce serait l'exception puisque, encore une fois, je ne vois pas ce que le citoyen a à dire là-dessus alors qu'il n'a pas vu le document. Dites-moi si c'est très intelligent et si ça suscite chez vous des pensées qui ne vous étaient jamais passées par l'esprit? J'en doute. Je pense, dans le fond, que c'est la commission qui a un préjugé envers la publicité parce que le fardeau de la preuve reste au gouvernement et que celui-ci fait ou ne fait pas, dans un affidavit, le point face à l'article de la loi et au document qui est examiné par le commissaire. Il me semble que ça ne devait pas se compliquer comme ça. Je me trompe peut-être, mais c'est comme ça que j'avais conçu la chose. Je pense que si, inévitablement, le citoyen a quelque chose de très important, de fondamental et de substantiel, qui change vos opinions, eh bien, j'ai tort. J'ai de la misère à voir comment ça peut se faire.

M. Pepin: II y a aussi une autre difficulté, M. French. À partir du moment où la loi prévoit une procédure d'appel sur une question de droit ou de compétence, la question de droit peut être très aisément évoquée...

Le Président (M. French): La question de?

M. Pepin:... de droit peut être très aisément évoquée si l'une des deux parties prétend qu'elle n'a pas eu l'occasion suffisante de se faire entendre. C'est une difficulté permanente, évidemment. C'est pour ça qu'il faut au moins offrir... Si les deux parties sont d'accord pour faire un plaidoyer écrit, un exposé écrit de leur point de vue et dire: On s'en tient à cela, il n'y a

pas de difficulté à ce moment-là. Mais si l'une des deux tient à une argumentation en plus sur l'argumentation de l'autre, ce qui est normal dans le processus de confrontation, il faut tenir l'audition.

Le Président (M. French): Je dirai deux choses. Tôt ou tard il va falloir que vous nous disiez sérieusement si l'argumentation des citoyens est très valable, très importante et indispensable dans tous les cas. Je ne vous demande pas de le faire aujourd'hui, mais tôt ou tard il va falloir le faire.

M. Pepin: Mme Pestieau aurait peut-être quelque chose à dire à ce sujet-là.

Le Président (M. French): Mme Pestieau.

Mme Pestieau (Caroline): D'après ma courte expérience, M. le Président, c'est utile pour l'identification du document parce que les auditions que j'ai tenues et même un effort que j'ai fait de tout régler par correspondance ont montré que très souvent l'organisme n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre exactement quel document le demandeur voulait. Même quelquefois ce n'était pas trop clair dans l'esprit du demandeur quel document il voulait.

Malgré le préjugé que j'avais moi-même au commencement que ça aurait été beaucoup plus facile de régler ça par correspondance plutôt que de faire déplacer des personnes, je suis prête à croire le contraire maintenant, à condition, évidemment, qu'on ne déplace pas trop loin les personnes. Je pense que c'est utile pour s'assurer qu'on parle du même document et s'assurer que l'organisme a vraiment cherché, parce qu'il a beau dire qu'il ne trouve pas le document parce que le demandeur ne l'a pas identifié comme il faut.

Pendant un premier temps, en tout cas, je pense que les auditions sont utiles, mais ce que j'espère personnellement, c'est qu'après une vingtaine ou une trentaine de décisions de notre part les organismes vont donner les documents plus facilement parce qu'ils vont voir comment nous interprétons la loi et les citoyens aussi vont peut-être être plus précis dans leurs demandes. Ce sera plus facile plus tard d'éviter des auditions. Pour le moment, je trouve qu'elles sont utiles.

Le Président (M. French): Je serais tout prêt à me rallier à une position comme celle-ci: Le citoyen a le droit de demander une audition. L'administration publique, l'institution publique n'a pas un tel droit. Évidemment s'il y a une audition, il est entendu. C'est une autre suggestion que j'avais faite lors de la commission. De toute façon, on ne réglera pas ça ici, mais je répète ma crainte que, si vous entendez la quasi-totalité des plaintes, vous aurez un problème assez sérieux d'embouteillage d'ici à un ou deux ans.

M. Pepin: On ne le souhaite pas, en tout cas.

Le Président (M. French): Moi, non plus.

Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Louis-Hébert.

(16 h 30)

M. Doyon: M. le Président, je voudrais me référer à un ou deux cas qui ont été portés à notre attention par la voie des journaux. Je me réfère plus particulièrement à une décision de l'Office des ressources humaines qui a refusé certaines copies d'examens à une personne. Est-ce que vous avez été saisi de cette situation où une fonctionnaire, d'après l'article que j'ai ici, a invoqué la loi d'accès à l'information pour obtenir certains renseignements, sauf que l'office a rétorqué qu'il s'agissait de documents qui ne pouvaient pas être mis à sa disposition? Est-ce que vous êtes au courant de ce cas-là?

M. Pepin: C'est devant la Commission de la fonction publique que la personne en question...

M. Doyon: La commission n'a pas été impliquée.

M. Pepin:... a invoqué la loi d'accès. Probablement qu'elle a eu satisfaction, parce qu'il n'y a pas eu de suite chez nous.

M. Doyon: Vous n'avez pas été saisi d'une demande de sa part à la suite de ce refus par l'Office des ressources humaines.

M. Pepin: On vient de m'informer que ce cas-là était débattu devant la Commission de la fonction publique.

M. Doyon: Oui.

M. Pepin: C'est la Commission de la fonction publique qui a soit donné satisfaction à la personne ou encore l'Office des ressources humaines s'est rendu à cette argumentation. Je n'en sais rien.

M. Doyon: Cela ne s'est pas rendu chez nous.

M. Pepin: Non.

Coût des documents

M. Doyon: En ce qui concerne les tarifs sur les documents, on avait eu l'occasion de discuter du genre de tarification qui avait été imposé. Est-ce que vous avez modifié votre point de vue à ce sujet? Comment

évaluez-vous la situation actuellement en regard des coûts qui sont impliqués pour obtenir certains documents?

M. Pepin: Non. Nous avions fait une recommandation qui n'a pas été entièrement suivie, mais au moins le principe de la franchise de 5 $ est demeuré. Le seul point de comparaison que le gouvernement du Québec a dans ce domaine, c'est avec le gouvernement fédéral. La situation au Québec, en ce qui concerne les frais, est tout de même très avantageuse pour les citoyens comparativement au gouvernement fédéral où il y a des frais modérateurs, au départ. Là-bas, quelqu'un qui fait une demande, il faut qu'il fasse un déboursé pour faire sa demande; ensuite, il y a des frais de tant par page. Ici, la demande est gratuite: il n'y a pas de frais. Lorsqu'il s'agit de renseignements personnels, c'est gratuit également. Lorsqu'il s'agit de documents administratifs, il y a une franchise de 5 $ et, ensuite, c'est 0, 25 $ par page.

Les 0, 25 $ nous paraissaient élevés. Cependant, c'est le chiffre qui a été retenu par le gouvernement quand même. Mais je dois dire que, depuis que la loi est en vigueur, à ma connaissance, nous n'avons eu aucune plainte formelle là-dessus. Il y a un cas qui est en révision présentement où le coût est invoqué. Ce n'est même pas le coût, mais la procédure pour l'imposer. Mais nous n'avons pas eu à changer d'opinion. L'opinion a été donnée et la situation est restée la même. Si nous avions beaucoup de plaintes, nous pourrions peut-être revenir sur la question.

M. Doyon: Comment un citoyen peut-il se plaindre de cela? Enfin, le problème qu'il y a, c'est qu'il peut aller chez vous pour prétendre ou soutenir qu'un document lui serait dû et qu'il ne peut pas l'obtenir. C'est une procédure. Mais, en ce qui concerne les tarifs, est-ce que vous êtes véritablement le forum auprès de qui il pourrait se plaindre? Vous dites: On n'a pas eu de plainte. Ce que je rétorque à cela, c'est que...

M. Pepin: En fait, le citoyen peut se plaindre, évidemment, à beaucoup de gens, y compris à son député. Si les députés recevaient beaucoup de plaintes, je présume qu'ils trouveraient peut-être un moyen de nous en informer aussi. Ils le font en d'autres circonstances. Quand je dis plainte, c'est que, comme je le notais, nous recevons, aux deux bureaux de Québec et de Montréal plusieurs centaines d'appels téléphoniques par mois et, si c'était un problème majeur dans la démarche, parmi tous ces appels il y en aurait qui porteraient là-dessus. Cela n'a pas été le cas de façon systématique.

Mme Pestieau veut ajouter quelque chose.

Mme Pestieau: La loi même mentionne les frais comme une chose qui peut être révisée par la commission. Alors, un citoyen qui estime qu'on lui a demandé trop peut demander qu'on révise cela comme un refus. On parle des frais, des modalités d'accès. Alors, les citoyens auraient pu venir se plaindre à nous.

M. Doyon: II faudrait savoir si demander trop, c'est demander quelque chose en excédent de ce qui a été réglementé ou prévu dans le règlement. Est-ce qu'on peut prétendre qu'on est trop chargé de frais quand l'organisme qui réclame la facture s'est conformé à la réglementation? Il faudrait peut-être argumenter là-dessus.

Le Président (M. French): II reste, M. le député, que c'est ultimement la responsabilité du gouvernement.

M. Doyon: C'est ce que je dis. Une voix: Mme Giroux.

Mme Giroux: Je voudrais ajouter que c'est effectivement possible. Nous avons eu, en fait, un cas où la personne voulait avoir des documents et le tarif qui lui était demandé par une municipalité était supérieur à 0, 25 $ en l'occurrence. Donc, on lui refusait les documents. Cela s'avère être, finalement, une demande d'accès à des documents qu'on ne peut pas obtenir parce que le prix qu'on est prêt à payer est inférieur à celui qu'on nous demande. Là-dessus, nous avons eu l'occasion de statuer une fois dans une décision qui n'est pas très intéressante en termes de jurisprudence parce qu'il s'agissait de voir si une disposition sectorielle prévalait sur le règlement. Cela nous a permis de dire qu'effectivement, dans le domaine municipal, la disposition, qui est dans le Code municipal et dans la Loi sur les cités et villes, qui donne une entière discrétion au ministre de fixer un tarif est une disposition inconciliable avec notre loi. Mais c'est une situation qui peut se présenter par le biais d'une demande de révision de l'accès aux documents.

M. Pepin: Je pourrais peut-être ajouter, M. Doyon, que d'après les échos que nous avons, par ailleurs, des organismes non gouvernementaux, soit dans le secteur municipal, le secteur scolaire ou le secteur hospitalier, eux ils trouvent la grille de tarifs pas assez généreuse; surtout la franchise de 5 $, ça les agace beaucoup.

M. Doyon: M. le Président de la commission de la culture, pour faire suite à des remarques que vous avez faites concernant la lacune considérable qu'il y a eu de la part du ministère des

Communications à faire une publicité adéquate concernant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi et tout ce qui devrait permettre à la population du Québec de devenir de plus en plus familière avec cette loi, qui comporte la venue de droit nouveau pour la population en général, comme vous je ne peux que le déplorer vivement, surtout en comparaison avec les sommes faramineuses qui sont dépensées à des fins totalement inutiles qui se résument à dire que le Québec s'est redonné des forces, que le Québec est plus fort que jamais.

M. Champagne: À ce moment-ci, se pose la question de la pertinence du débat. On reçoit quand même des visiteurs et on fait peut-être de la politique. J'ai seulement une question à poser: Combien a coûté cette publicité?

Le Président (M. French): M. le député de Mille-Îles, vous aurez l'occasion de répondre au député de Louis-Hébert. Ce ne serait pas la première fois. Je vous prierais de permettre au député de Louis-Hébert de finir son intervention.

M. Doyon: II est coutumier de la part du député de Mille-Îles que, du moment qu'on fait une remarque qui peut ne pas être à l'avantage de son idole, le ministre des Communications, il m'interrompe et tente de m'empêcher de dire ce que j'ai à dire là-dessus. Ce que je veux dire, c'est qu'on a là un gouvernement qui peut dépenser 14 000 000 $ en campagnes de publicité de toute nature sans "focus", sans objet précis déterminé, sans avoir un projet de loi à mettre en application, une réglementation déterminée à faire valoir, un gouvernement qui dépense 14 000 000 $ en publicité, ce qui le situe tout de suite après Coca-Cola, un gouvernement qui se limite à entonner des cantiques de la nature: "Bravo Québec". "C'est reparti au Québec". "On s'est redonné des forces au Québec", avec 700 000 assistés sociaux, 300 000 chômeurs, perte du droit de veto etc. Si M. le député de Mille-Îles voulait que je donne des exemples, j'en donnerais jusqu'à demain matin.

M. Champagne: M. le Président, la pertinence du débat.

M. Doyon: Je vais continuer mon propos.

M. Champagne: La pertinence du débat.

Le Président (M. French): M. le député.

M. Champagne: La pertinence du débat ou je vais quitter, cela finit là.

Le Président (M. French): Bien, vous avez toujours le droit de quitter.

M. Doyon: Vous avez le droit de partir. Ce ne serait pas une grosse perte.

Le Président (M. French): Le député s'exprime dans la trame d'une discussion sur la publicité. Il n'a pas l'intention de faire un long discours.

M. Champagne: C'est ce que vous avez pensé?

Le Président (M. French): Je vous prierais, s'il vous plaît, de lui permettre de terminer. Après quoi, vous pourrez répondre.

M. Doyon: Je parle de cette façon de dépenser, je devrais dire de gaspiller les fonds publics, sous un chef d'orchestre qui se vante de diriger au doigt et à l'oeil l'ensemble de la publicité gouvernementale. Ce ministre devrait être en mesure d'informer la population par une campagne de publicité qui viserait, justement, à donner des renseignements à la population; il ferait mieux de dépenser l'argent à cette fin. C'est un signe de sa part d'une totale incompétence, d'un manque à ses responsabilités.

M. le Président, je ne suis pas seul à dire cela. M. Gilles Lesage, dans une analyse qu'il fait dans le journal Le Devoir, le 30 octobre 1984, s'exprime comme ceci et je vais le citer. Il dit: "En revanche, la mise en vigueur de la loi 65 dont les débuts sont lents et timides devrait faire l'objet d'une solide campagne de promotion, ne serait-ce que pour faire savoir aux citoyens qu'elle est là, à leur disposition, comme un outil ou une clé. Or, le ministère des Communications, dont c'est le mandat, commence à peine à réfléchir à l'orientation à donner une campagne sur les nouveaux droits des citoyens et la manière dont les 3500 organismes assujettis s'emploient à les satisfaire. Pas un sou n'a été dépensé à ce titre ou moins que des miettes, comme si on craignait que la promotion de la loi entraîne une foule de demandes que par la suite les ministères et organismes publics, municipaux et scolaires ne pourraient satisfaire en temps utile. " Et il continue ici dans le même sens en parlant de certaines dépenses.

Les quelques mots que j'ai prononcés, M. le Président, c'est tout simplement pour attirer l'attention, et je pense que c'est l'endroit pour le faire, sur le fait que le ministre des Communications a aussi une responsabilité à ce sujet. Le président de la Commission d'accès à l'information nous a expliqué comment il voyait son rôle en ce qui concerne l'information à donner à la population québécoise. À partir de là, le relais doit être pris par le ministre des Communications qui a à agir d'une façon

conforme au mandat qui est le sien à ce sujet. Je regrette vivement qu'il soit absent à ce sujet, et je souhaite que, dans l'avenir, il puisse rapidement combler cette lacune.

J'aimerais aussi, M. le Président, en terminant, demander à M. Pepin, au président de la Commission d'accès à l'information, s'il a été, d'une façon ou d'une autre, consulté en ce qui concerne un règlement qui a été publié dans la Gazette officielle du Québec le 29 août, lequel vise, d'après ce que je comprends, à exempter de publication intégrale certains décrets gouvernementaux. C'est encore M. Gilles Lesage qui s'exprime ainsi: "Personne au Conseil exécutif, organisme central s'il en est, n'a cru bon d'attirer l'attention de quiconque sur cette mesure" - il parle de mesure d'exemption de publication intégrale -"qui ajoute un second verrou là où il n'y en avait qu'un seul avant la loi d'accès aux documents des organismes publics. Seuls les lecteurs habituels de la même Gazette ont appris, en date du 3 octobre, la nature du règlement sur Ies... " Là, il continue sur les frais exigibles, etc. Alors, j'aimerais plus spécifiquement, M. Pepin, savoir si, au sujet de cette exemption de publication intégrale des règlements gouvernementaux dans la Gazette, vous ou votre commission avez été consultés.

M. Pepin; Oui, on nous a demandé formellement un avis que nous avons transmis. Le résultat est assez conforme aux souhaits qu'avait exprimés la commission. Je crois que ce n'est pas tout à fait exact ce que vous lisiez tout à l'heure. En fait, c'est la loi d'accès qui amène l'obligation de publier les décrets. Le gouvernement s'est obligé, via la loi d'accès, à une publication systématique. Il y a le problème de certains décrets qui sont de vrais livres: je pense au décret sur le vêtement, au décret sur la construction, qui font l'objet d'une publication à part. Il y a un certain nombre d'autres décrets qui sont d'ordre administratif routinier. Alors, ce qui s'est produit, c'est qu'on nous a fait une proposition, laquelle a été commentée par la commission. Là encore, ces avis ne sont pas dans le rapport annuel que vous avez là, parce que cela déborde la période de cette année-là. Mais la commission s'est effectivement exprimée là-dessus et, si mon souvenir est bon, les propositions de la commission ont été retenues.

Le Président (M. French): D'autres questions ou commentaires, M. le député de Louis-Hébert?

M. Doyon: Oui. Il y a un article qui a été publié dans le Devoir du 13 juillet 1984, où on faisait état d'une sorte de litige qu'il y avait en ce qui concerne la transmission d'un plan d'aménagement d'un site de construction dans l'est de la ville de Montréal. C'était à Rosemont, je pense. Pouvez-vous me dire si votre commission a été saisie de ce problème? D'après ce que je comprends la ville de Rosemont avait en main un plan d'aménagement. Un citoyen ou un groupe de citoyens a voulu en prendre connaissance. Il y a eu opposition de la part de la ville de Rosemont. Est-ce que votre commission a eu à statuer là-dessus?

M. Pepin: Non. Nous avons appris par les journaux, comme vous, que quelqu'un se proposait de faire appel à la commission, mais probablement qu'ils ont eu les documents qu'ils réclamaient puisque cela n'a jamais été porté en appel chez nous.

Je dois dire, par contre, que ce n'est pas par ignorance de la part de ces citoyens, puisqu'ils avaient communiqué avec les bureaux de la commission à Montréal pour s'enquérir de la procédure à suivre au cas où.

M. Doyon: Je pense que c'est un des effets, finalement, de l'existence...

M. Pepin: Effectivement.

M. Doyon: de votre commission: on en a deux exemples, je pense, ici que j'ai signalés.

M. Pepin: Si vous me le permettez, M. French...

Le Président (M. French): Allez-y, M. le président.

M. Pepin:... cela me permettrait, peut-être, d'atténuer vos craintes sur les auditions en vous disant qu'il arrive assez fréquemment, dès que la date des auditions est fixée, que l'organisme se ravise et décide, pour éviter l'audition, de donner le document.

M. Doyon: C'est ce que je voulais dire aussi, M. le Président. Il y a quand même des effets positifs qui sont difficilement quantifiables, en ce sens qu'il y a probablement nombre d'organismes qui se rendent à l'esprit de la loi, en tout cas; peut-être pas à la lettre, strictement interprétée, mais à l'esprit de la loi, en ce sens qu'après avoir réfléchi à la situation et après avoir réalisé qu'il y avait un organisme comme le vôtre qui existait, il y a beaucoup plus d'incitation, plus de motivation à se conformer et à remettre aux citoyens qui les demandent un certain nombre de renseignements. Je pense qu'il y a tout lieu de se réjouir de ces résultats qui se font, finalement, sans trop d'auditions, ce qui rejoint une préoccupation du président de la

commission de la culture.

Le Président (M. French): M. le vice-président.

M. Brouillet: Je m'excuse un peu de ne pas avoir participé tellement activement. J'ai été pris cet avant-midi et je n'ai pas pu assister au tout début. J'ai quand même suivi attentivement et j'ai appris beaucoup de choses, surtout sur la publicité gouvernementale.

M. Doyon: II n'est jamais trop tard.

M. Brouillet: II y aurait peut-être beaucoup de nuances à apporter, mais je sais que M. Pepin et tout l'auditoire ici sont capables de le faire.

Le Président (M. French): M. Pepin, avez-vous d'autres commentaires ou un mot de la fin de la part de vos collègues ou de vous-même?

M. Pepin: Oui. Je voudrais vous dire que nous sommes très sensibles, à la commission, à l'intérêt que portent les députés, et plus particulièrement cette commission, aux travaux que nous faisons et à l'offre que vous nous avez déjà faite et que vous avez renouvelée aujourd'hui de vous faire part de tout problème, de toute difficulté ou de toute amélioration possible à cette réforme qui commence. Je veux vous assurer que nous sommes sensibles a cette proposition et que nous en tiendrons compte.

Peut-être que Mme Pestieau, qui n'a pas eu l'occasion de parler beaucoup, aurait quelque chose à ajouter aussi.

Mme Pestieau: Merci. Non, cela va.

Le Président (M. French): Je voudrais, de la part de la commission, remercier les trois commissaires de la Commission d'accès à l'information.

La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 49)

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