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Version finale

33rd Legislature, 1st Session
(December 16, 1985 au March 8, 1988)

Thursday, August 13, 1987 - Vol. 29 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la séance de la commission ouverte en rappelant son mandat, lequel consiste à des consultations particulières sur le niveau d'immigration pour les années 1988 et 1989, en tenant compte des besoins démographiques, économiques et socioculturels du Québec, de même que de ses obligations à l'endroit de la communauté internationale et des familles à l'étranger des nouveaux résidents québécois.

Mme la secrétaire, est-ce qu'on a, ce jour-ci, encore des remplaçants?

La Secrétaire: Oui. M. Gardner (Arthabaska) est remplacé par M. Philibert (Trois-Rivières) et M. Khelfa (Richelieu) est remplacé par Mme Bleau (Groulx).

Le Président (M. Trudel): Merci, madame.

Je pense qu'il est inutile de rappeler les ententes entre les partis, mais je vais souligner à nos invités, comme je l'ai fait avec tous les autres invités de la commission, que vous aurez, mesdames et messieurs d'Alliance Québec, à qui je souhaite la bienvenue, 20 minutes plus ou moins pour résumer votre mémoire, qui est volumineux et fort intéressant, et que nous aurons ensuite 40 minutes de discussion avec vous, divisées également entre les partis.

Alors, étant donné que c'est le dernier avant-midi et que nous avons une entente entre les partis de façon à terminer en tout début d'après-midi, compte tenu des occupations de chacun, M. le président, je vous cède immédiatement la parole en vous demandant, pour les fins d'identification du Journal des débats, de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Alliance Québec

M. Carter (Jim): Bonjour! C'est avec plaisir que nous sommes ici, par une belle journée d'été.

Le Président (M. Trudel): C'est la troisième que nous passons comme cela, à l'intérieur.

M. Carter: Oui, oui, mais c'est très confortable à l'intérieur, en ce moment.

Le Président (M. Trudel): Do not rub it

in. Ha! Ha! Ha!

M. Carter: En ce moment, c'est très confortable.

Alors, je vais commencer les présentations, M. le Président. Je vous présente Mme Sylvia Chesterman, à ma droite, qui est la vice-présidente d'Alliance Québec, à ma gauche, Me Julius Grey, professeur de droit à l'Université McGill, et Dr. Vered Talai, notre directrice de la recherche, derrière moi, M. Alan De Suza, membre de notre comité exécutif et M. Geoffrey Kelley, adjoint de la directrice de la recherche. Quant à moi, Jim Carter, je suis le secrétaire d'Alliance Québec.

Le Président (M. Trudel): Si vous voulez procéder avec votre mémoire.

M. Carter: D'accord.

La majorité d'expression française du Québec doit vivre dans un contexte nord-américain à majorité massivement d'expression anglaise et composer avec la force et la puissance internationale de l'anglais. Les francophones sont minoritaires en Amérique du Nord et cet état de fait engendre des inquiétudes réelles et légitimes relativement à la capacité de protéger et de préserver le français au Québec.

This sense of vulnerability has introduced special tensions into the relationship with the English speaking minority within Québec, sharing as it does a language with a majority outside Québec. The English speaking community has, of course, historically rooted intramural in a legitimate part of Québec society. Its character, we believe, is distinctively "québécois".

Cependant, on croit généralement que les communautés d'expression française et anglaise au Québec sont en concurrence pour obtenir la loyauté et l'adhésion des communautés culturelles. Il devient de plus en plus important de réévaluer cette perception et les prémisses qui la sous-tendent. Avec un accent mis de plus en plus sur l'immigration pour compenser le faible taux de natalité, notre société est destinée à être de plus en plus multiculturelle de nature.

Nous pensons que nous devons éviter de représenter notre société comme irrévocablement polarisée entre les "deux solitudes". Alliance Québec a toujours soutenu qu'il existe deux principales communautés linguistiques au Québec, soit la majorité d'expression française et la minorité d'expression anglaise. Toutefois, ce faisant, nous n'avons jamais cherché à suggérer que ce genre de distinction linguistique soit le seul fondement d'une adhésion à la communauté et d'un développement au sein de notre société. Nous n'avons pas non plus manqué de reconnaître que la conservation et l'utilisation de langues autres que le français et l'anglais sont d'une importance capitale pour de nombreux groupes culturels. Cependant, l'une des caractéristiques qui distingue la communauté d'expression anglaise, en tant que minorité de langue officielle, est le fait que l'appartenance à notre communauté linguistique est basée sur une affiliation linguistique qui n'est pas reliée à une identité ethnique ou à une tradition culturelle spécifique.

Tout comme la communauté d'expression française, notre communauté est formée de gens d'origines religieuse, culturelle et régionale différentes. Ce qui rassemble les membres de notre communauté est leur adhésion commune, mais non pas nécessairement exclusive, à l'une des deux langues officielles du Canada ainsi qu'aux organismes et institutions publics qui les desservent dans cette langue. Par conséquent, en mettant l'accent sur notre diversité propre, nous reconnaissons que les membres de la communauté. d'expression anglaise font aussi partie d'autres genres de communautés fondées sur diverses affiliations, qu'il s'agisse du quartier ou de la région, de l'identité ethnique, de la religion ou d'autres caractéristiques.

Nous pouvons donc voir le Québec - et cela est très important - groupé en deux principales communautés linguistiques qui reflètent d'une façon unique la dualité linguistique du Canada. Le Québec est la seule province du pays où l'on retrouve une majorité d'expression française et une minorité d'expression anglaise. La fragilité de la situation du français, dans ce contexte unique en son genre, apporte à la distinction entre le français et l'anglais au sein du Québec une importance et une signification très particulières.

Nous ne devons permettre à la préoccupaton légitime et compréhensible de cette distinction linguistique de nous amener à percevoir les deux communautés comme des entités discrètes et imperméables, car reconnaître la nature variée de ces deux communautés, c'est aussi reconnaître ce qui les lie. Par exemple, une personne peut appartenir à la communauté d'expression anglaise et appartenir également à la communauté portugaise, qui compte de nombreux membres au sein des institutions françaises. Quelqu'un peut appartenir à la communauté d'expression anglaise et, en même temps, participer activement à la vie d'associations locales qui oeuvrent en français. Et, évidemment, il y a une forte proportion de personnes dont les origines sont autant françaises qu'anglaises. En fait, les données sur la langue maternelle, du recensement de 1986 récemment publié, confirment que ce groupe de personnes constitue une proportion importante et croissante de la population totale, dont l'anglais est la langue maternelle. La nature pluraliste des deux principales communautés linguistiques du Québec représente un spectre de diversités culturelles, religieuses, régionales et locales qui caractérisent la société québécoise dans son ensemble.

C'est dans cette perspective qu'en nous penchant sur la question de l'immigration, nous avons tenté, dans notre mémoire, de créer un équilibre entre les préoccupations d'ordre linguistique et les autres éléments sociaux et économiques qui affectent notre société dans son ensemble.

L'histoire du Québec et du Canada a connu des vagues successives d'immigration qui ont apporté la main-d'oeuvre, les compétences et les ressources nécessaires au développement des sociétés québécoise et canadienne. Les immigrants en tant que travailleurs du chemin de fer, des mines, du bois ou de l'industrie, en tant qu'entrepreneurs ou professionnels spécialisés, ont toujours représenté une composante essentielle à la création d'une économie moderne et industrialisée au Québec et au Canada dans son ensemble.

Nous nous trouvons donc face au paradoxe suivant, à une époque où le taux de natalité est à la baisse particulièrement au Québec, nous avons connu au cours des dernières années des taux d'immigration exceptionnellement bas, pour une immigration particutièrement cruciale. Si ces tendances se poursuivent, cela laisse présager des conséquences économiques extrêmement sérieuses pour notre société.

Nous nous trouvons face à une population décroissante et de plus en plus vacillante qui serait incapable de maintenir une économie croissante ou les systèmes de sécurité sociale qui existent aujourd'hui. La diversité et le dynamisme de la société québécoise se sont- évidemment développés dans le contexte de son caractère à prédominance d'expression française. Ce caractère a formé et continuera à former la nature de l'intégration des immigrants au Québec. Cependant, une société confiante qui regarde vers l'avenir et qui est optimiste quant à sa capacité de conserver son statut unique au sein de l'Amérique du Nord serait plus à l'aise et plus efficace dans le

recrutement et l'accueil de nouveaux arrivants.

Notre avis est que l'intégration, et non l'assimilation, est le principe moteur d'une société véritablement pluraliste. L'intégration exige que chacun de nous fasse des ajustements. Les immigrants qui arrivent au Québec doivent inévitablement procéder, dans la plupart des cas, à d'importants changements de coutumes et d'habitudes, en s'adaptant à un nouveau contexte institutionnel du point de vue de la langue de travail, de l'éducation et du gouvernement, mais, en même temps, ceux d'entre nous qui sont déjà établis et installés au Québec doivent apprécier les diverses traditions culturelles, linguistiques et religieuses que les immigrants apportent avec eux et chercher à tirer profit de cette diversité.

Le Québec a une longueur d'avance dans cette direction, à notre avis, avec peut-être l'une des chartes des droits les plus progressistes en Amérique du Nord. Cependant, les chartes et les textes de loi, qui sont pourtant des mesures nécessaires pour assurer la protection des droits des individus et des minorités, ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour assurer la protection des droits des individus et des minorités, ne sont pas eux-mêmes suffisants pour éliminer l'intolérance et l'incompréhension. Alors, nous demandons donc au gouvernement du Québec d'accorder des fonds spéciaux pour des programmes visant une meilleure connaissance et une meilleure appréciation de la nature pluraliste de notre société. En particulier, nous demandons un appui généreux à l'élaboration et à l'implantation complètes d'un programme d'éducation interculturelle dans nos écoles.

M. Grey (Julius): Une politique d'immigration québécoise qui porterait exclusivement sur la migration internationale serait cependant incomplète et, par conséquent, peu efficace. Tant et aussi longtemps que les pertes causées par la migration interprovinciale continuent à miner les gains réalisés grâce à l'immigration internationale, nous trouverons de plus en plus difficile de réaliser les gains de population nécessaires étant donné le faible taux de natalité du Québec. Bien que la migration interprovinciale ait diminué depuis 1981, certains indices préliminaires - c'est-à-dire inter-recensement - laissent croire que les personnes d'expression anglaise constituent toujours la majorité de ceux qui partent. Il faudra disposer de beaucoup plus de données pour découvrir les raisons poussant les personnes d'expression anglaise à quitter le Québec.

Dans son rapport de 1985, la commission de la culture reconnaissait explicitement qu'il y avait trop peu d'informations disponibles sur les facteurs et les motivations poussant les gens à quitter le Québec. La commission a, par conséquent, recommandé que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, dans le cadre d'un mandat élargi, entreprenne une étude d'envergure sur les phénomènes de l'émigration et, par la suite, élabore une politique en vue d'enrayer l'émigration. Bien que deux ans se soient écoulés, il n'y a eu, à notre connaissance, aucune tentative d'appliquer les recommandations de la commission.

Nous demandons, par conséquent, que les recommandations formulées par la commission de la culture, en 1985, soient appliquées sans délai.

En outre, l'immigration disproportionnée des Québécois d'expression anglaise des implications qui vont bien au-delà des frontières de cette province. Dans une étude des mouvements de population interprovinciaux du Canada, Réjean Lachapelle, de Statistique Canada, a conclu que ces mouvements ont contribué à accroître la consolidation régionale des deux communautés de langue officielle dans l'ensemble du pays. Sans la présence de communautés minoritaires de langue officielle dynamiques et florissantes dans l'ensemble du Canada, la dualité linguistique ne peut être une réalité vivante et quotidienne pour la plupart des Canadiens. Sans ces communautés, la dualité linguistique du Canada serait réduite à un Québec d'expression française, à neuf provinces d'expression anglaise, à une bureaucratie bilingue à Ottawa. Afin de maintenir son poids démographique au sein de la confédération, le Québec devra poursuivre son programme afin d'encourager activement les immigrants à venir dans notre province. Afin de réaliser efficacement cet objectif, la variété des sources d'immigration doit être définie de façon aussi large que possible. Le Québec doit activement recruter des immigrants dans les pays non francophones, même s'il intensifie son programme de recrutement dans le monde francophone.

Voilà qui est tout particulièrement important, à cause du déclin de l'importance de l'Europe comme source traditionnelle de l'immigration au Canada et à cause du fait que, depuis 1975, le Québec n'a pas réussi à atteindre sa part d'immigration au Canada correspondant à sa population par rapport à celle du pays. Nous devons assurer que les immigrants reçoivent les outils leur permettant de participer pleinement à tous les aspects de notre société. Le plus important de ces aspects est la capacité de parler français. Cependant, cela ne doit pas éliminer la possibilité qu'il utilise aussi d'autres langues. L'objectif de l'intégration devrait être que tous les Québécois puissent communiquer et agir dans une langue

commune, le français. Il ne devrait pas en être un d'uniformité culturelle et linguistique.

Dans notre mémoire, nous formulons dix recommandations spécifiques sur l'intégration des immigrants à la société du Québec. Parmi celles-ci, nous appuyons la recommandation du Conseil de la langue française concernant le programme d'enseignement des langues et des cultures d'origine, PELO, qui est un programme valable répondant à la diversité qu'on retrouve dans nos écoles et devrait être accessible à un plus grand nombre d'élèves. (10 h 30)

Nous recommandons aussi que l'accès à l'école anglaise soit élargi. Si, dans certains milieux, on s'inquiète du fait que des enfants qui vont à l'école française continuent à utiliser d'autres langues dans leurs conversations de tous les jours, nous sommes bien conscients que l'admission de certains enfants immigrants à l'école anglaise susciterait des inquiétudes encore plus profondes et plus répandues.

Nous croyons cependant qu'il est possible de permettre aux enfants de langue maternelle anglaise d'aller à l'école anglaise sans mettre en péril l'équilibre favorable à la prédominance du français.

Dans notre mémoire, nous présentons des données à l'appui de notre opinion, à savoir que le nombre d'enfants touchés par cette recommandation est restreint et représente une proportion négligeable du nombre d'inscriptions à l'école publique française.

Notre recommandation se révèle cependant plus pertinente pour le secteur public anglais au Québec dont les inscriptions ont connu une baisse sérieuse de plus de 50 % entre 1975 et 1986. Si notre société est profondément engagée à maintenir une communauté québécoise d'expression anglaise et son réseau scolaire, nous ne pouvons pas simplement rester passifs et assister à ce déclin inexorable. Nous devons nous attaquer à cette réalité et agir en conséquence.

Le Président (M. Trudel): Cela va, c'est fait automatiquement par le technicien.

Mme Chesterman (Sylvia): Ah bon! La communauté d'expression anglaise fait partie intégrante de la société québécoise. Ses institutions sont québécoises. L'inscription d'enfants immigrants d'expression anglaise dans les écoles anglaises ne devrait donc pas être perçue de façon alarmiste mais plutôt comme un aspect raisonnable et légitime du processus global d'intégration des nouveaux immigrants à notre société diversifiée.

Nous désirons insister sur le fait fondamental que tous les enfants du Québec, qu'ils soient inscrits à l'école française ou à l'école anglaise, devraient, au moment où ils terminent leurs études dans le système public, être en mesure d'agir en français dans leur vie quotidienne. On a fait des efforts importants en ce sens au sein du système scolaire anglais.

Nous sommes donc justifiés de croire que les immigrants qui sont admissibles à l'éducation en anglais en vertu de notre proposition non seulement devraient mais vont apprendre le français.

Depuis la signature de l'entente Cullen-Couture, le Québec a joué un rôle plus direct dans la sélection et l'accueil d'immigrants et de réfugiés et s'est révélé positif et flexible dans son approche auprès des gens qui désirent venir dans notre province en provenance d'autres pays.

L'entente Cullen-Couture décrit les responsabilités et les secteurs de juridiction du Québec dans fe domaine de l'immigration.

Le projet d'accord constitutionnel vise à enchâsser l'accord Cullen-Couture et à donner au Québec des pouvoirs presque exclusifs en matière d'accueil des immigrants. Étant donné le rôle accru du Québec dans la formulation des politiques d'immigration, le moment est venu d'apporter une forme législative officielle aux principes guidant cette politique au moyen d'une loi québécoise sur l'immigration.

Nous croyons que cette .loi sur l'immigration devrait être dans la lignée de la tradition de générosité du Québec et concrétiser un esprit d'accueil et d'encouragement envers ceux qui désirent venir au Québec.

Dans notre mémoire de l'an dernier, nous recommandions comme objectif en immigration internationale, un niveau de 30 000 personnes, ce qui correspondait à l'objectif global du gouvernement fédéral de 115 000 à 125 000 en 1987. Nous espérons que le gouvernement fédéral maintiendra, en 1988 et en 1989, l'engagement qu'il avait pris en 1986-1987 quant à un accroissement modéré et contrôlé des niveaux d'immigration, Pour correspondre à cet accroissement, les niveaux d'immigration au Québec devraient également augmenter en conséquence au cours des années à venir pour atteindre au moins 32 000 à 35 000 personnes.

En conclusion, throughout this brief, we have emphasized the demographic, economic and social necessity of increasing immigration to Québec. All regions of Québec should benefit from immigration. It seems appropriate to end our presentation with a passage which appeared in a recent Financial Post editorial of July 20th 1987 and I quote: "If we are, however, to welcome greater numbers of immigrants in years to come, then the government must begin now to prepare the way. It must educate the public to the real value of the immigrants

who arrive on our shores that they do us a favor, not the other way around. It must appeal to our highest selves, not appease the instinctive fear of the stranger at our door." Thank you!

Le Président (M. Trudel): Merci, madame, merci, messieurs. Cela termine la présentation du mémoire d'Alliance Québec. Je vous remercie. Alors, je vais reconnaître Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Oui. Je souhaite la bienvenue aux personnes qui représentent Alliance Québec. On vous remercie d'avoir accepté notre invitation de participer à cette commission. Je vous félicite de l'ouvrage que vous avez consacré à la préparation de ce mémoire qui est un mémoire fort important.

Vous avez raison de dire que les anglophones font partie de la société distincte québécoise. D'ailleurs, vous avez largement contribué au développement économique et social de cette province.

Vous vous inquiétez, bien sûr, et avec raison, des soldes migratoires négatifs que le Québec a connus depuis plusieurs années. Cependant, nous voyons changer les choses, tourner le vent et c'est très encourageant et positif. Nous avons réussi à diminuer le nombre de personnes qui quittent le Québec. Au niveau interprovincial, nous avons su également attirer des gens vers le Québec. Nous avons, cette dernière année, attiré des gens qui sont revenus d'autres provinces vers le Québec.

Donc, avec les résultats de l'année 1986, nous avons vu un solde migratoire positif de plus de 10 00Q. J'ose espérer que nous sommes sur la bonne voie. Cependant, vous avez raison, nous devons faire une étude à ce niveau-là. Nous ne l'avons pas commencée mais ce sera certainement à la suite de cette commission. D'ailleurs, vous n'êtes pas les seuls à nous recommander de faire ce genre d'étude. Nous nous pencherons sur cette problématique.

Vous réalisez également, dans le contexte nord-américain, l'importance pour la société québécoise francophone de protéger et de promouvoir son caractère distinct. Et dans ce sens, le Québec a toujours poursuivi dans sa politique d'immigration des objectifs d'intégration à la majorité francophone.

Certaines de vos recommandations laissent croire que vous remettez en question cette orientation. Est-ce que je pourrais avoir vos opinions là-dessus?

M. Carter: Alors, vous parlez de certaines de nos recommandations. Pouvez-vous préciser peut-être une recommandation qui crée cette...

Mme Robic: Vous semblez dire qu'on ne devrait peut-être pas nécessairement orienter toute notre action afin d'amener les immigrants à s'intégrer à la majorité francophone. J'ai peut-être mal saisi le sens de votre mémoire à ce sujet.

M. Carter: Pour ce qui est de notre orientation générale, je peux peut-être reprendre.

À notre avis, notre communauté d'expression anglaise représente aussi une communauté diversifiée; c'est-à-dire qu'il y a toujours une partie de notre communauté qui est le résultat des immigrations intérieures et nous pensons que même avec le progrès qui a été effectué au cours des dix dernières années en orientant la majorité des immigrants vers les institutions françaises, comme le système d'éducation, par exemple, il reste toujours une partie légitime de la communauté d'expression anglaise qui vient d'en dehors du Québec, soit du reste du Canada ou du monde aussi.

Alors, nous croyons que c'est très légitime, en tant que communauté qui a cette diversité, que ceux qui sont très clairement liés ou affiliés et considérés dans l'opinion de notre société comme partie intégrante de la communauté d'expression anglaise, que ces immigrants puissent être affiliés aux institutions, par exemple, au système d'éducation anglais.

Parlons de la langue maternelle, par exemple. Les immigrants de Hong Kong, par exemple, qui ont besoin d'une période d'adaptation dans le territoire du Québec, ont l'occasion de passer cette période d'adaptation dans une langue qui leur est familière

On doit ajouter à cette orientation, Mme la ministre, que de plus en plus nos communautés sont très orientées vers la majorité. C'est-à-dire que ceux qui sont affiliés à notre communauté sur la base de la langue semblent s'orienter de plus en plus vers une adaptation dans le milieu français. C'est toujours indiqué par l'intérêt extrême qui existe dans notre communauté d'avoir l'habilité de communiquer en français. Alors, je pense qu'on accepte très clairement que la majorité des immigrants doit être orientée vers la communauté d'expression française. On n'a aucun problème avec cette orientation mais il reste toujours des exceptions à cette règle générale à cause des liens historiques qui existent et à cause d'une affiliation historique de certains groupes avec la langue anglaise. Alors, on doit accepter, comme société généreuse et chaleureuse, d'accueillir les immigrants par des politiques d'adaptation qui existent aussi dans le système d'éducation - je prends un exemple - de les orienter vers l'usage de la langue française. On va faire notre part comme communauté d'expression anglaise pour intégrer notre communauté

dans la vie de la majorité du Québec.

Mme Robic: D'ailleurs, nous avons vu les efforts qui ont été faits par la communauté anglophone à ce niveau-là. Je pense que je peux dire que toutes les classes d'immersion, les classes du soir pour adultes, ont toujours été bien remplies et il y a eu un effort de fait et il est visible, cet effort. On ne peut que vous en féliciter d'ailleurs et quand vous recommandez des meilleurs cours de langue française dans les écoles anglaises, vous avez fort raison de le faire. Ces jeunes qui grandissent auront certainement... C'est certainement pour eux un acquis important... (10 h 45)

M. Carter: Oui.

Mme Robic: ...que de pouvoir faire partie de la société francophone majoritaire du Québec.

Votre mémoire appuie une hausse de l'immigration et l'adoption d'une loi québécoise sur l'immigration. J'aimerais que vous puissez préciser en quoi cette dernière se distinguerait de la présente loi fédérale.

M. Carter: Oui, je vais passer la parole à Me Grey pour répondre.

Mme Robic: D'accord.

M. Grey: Je pense nécessairement qu'il y aurait beaucoup de choses qui seraient les mêmes. Par exemple, le Québec n'entrerait pas - heureusement pour le Québec - dans le mécanisme d'expulsion ou d'exclusion ou toutes ces choses-là qui sont très désagréables. Je pense que ce qui existe maintenant, c'est une loi habilitante, la création d'un ministère et il n'y a pas de règles juridiques adoptées par l'Assemblée nationale qui disent comment les gens doivent agir, ce qui nous mène à une discrétion quasi absolue. Je pense que cela était possible quand l'immigration était un sujet peu important pour le gouvernement du Québec, quand Ottawa faisait 99 % du travail et que le Québec aidait les immigrants dans leur intégration. Mais si le Québec sélectionne les immigrants et travaille avec les réfugiés, si le Québec prend les décisions importantes qui affectent la vie entière des individus, à ce moment-là, il faut une loi qui peut, par la suite, comme toutes les lois, être l'objet d'un litige où les droits que les gens peuvent avoir seront protégés adéquatement.

Je pense que cette loi donnerait, premièrement, les exigences québécoises pour l'immigration au Québec qui seraient, j'imagine, similaires mais pas nécessairement les mêmes que celles que nous avons aujourd'hui au niveau fédéral. D'ailleurs, le Québec l'a déjà fait par des règlements. On incorporerait cela dans une loi. Il y aurait également des règles pour le statut de réfugié. J'ose espérer que la définition de "réfugié" serait plus large, plus généreuse que le minimum international qui a été adopté à Ottawa. Il y aurait d'autres parties semblables.

Je pense que le principal, c'est qu'on ne peut pas avoir un ministère qui fait une fonction très importante à long terme sans avoir une loi qui dit aux gens, tant canadiens qu'étrangers, quels sont leurs droits, ce qu'ils peuvent faire et où ils peuvent s'adresser si le gouvernement ou les fonctionnaires ne remplissent pas leur devoir.

Mme Robic: Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le vice-président, M. le secrétaire, mesdames, messieurs. J'ai lu bien attentivement les recommandations. Vous savez comme moi que - j'emploie cette expression imagée - j'ai sauté dans la piscine très rapidement mardi matin. Je l'ai appris presque en même temps que vous. Donc, je n'ai peut-être pas lu... Je n'ai surtout peut-être pas fait - ce que j'aime toujours faire -une deuxième lecture de votre document. Cependant, j'ai regardé les résolutions. La première impression que j'ai est que c'est effectivement un mémoire très bien fait et très bien présenté. Je pense que vous devez en être félicités.

J'ai remarqué parmi vos recommandations des choses qui font l'unanimité ici. Je suis heureux de vous entendre les répéter quand vous parlez d'accorder des fonds spéciaux pour les programmes visant une meilleure connaissance et une meilleure appréciation de la nature pluraliste de notre société. Vous parlez d'un programme d'éducation interculturelle dans nos écoles. On sait que la Commission des écoles catholiques nous a dit qu'elle incluait cela d'ailleurs dans son devis pédagogique; donc, cela va bien. Cela fait également référence au rapport Chancy, dont Mme la ministre nous a dit qu'il était en voie d'application. Sauf que moi, j'aimerais bien, par contre, avoir un échéancier pour être certain que l'objectif sera atteint précisément en telle année. Elle va peut-être me donner des garanties tantôt sur ce point.

Vous rendez justice, et cela j'en suis heureux, à une mesure adoptée par le gouvernement précédent. Je n'étais pas étranger à ce programme - puisque j'en discutais avec le ministre responsable - qui est PELO, le programme d'enseignement des langues d'origine. Vous l'évaluez comme un acquis extrêmement positif au Québec et vous souhaitez son maintien. J'accueille très bien d'ailleurs que vous ajoutiez: "II faudrait

cependant veiller à sauvegarder l'autonomie des écoles locales dans l'administration de ces cours." J'ai toujours été en faveur d'une très grande décentralisation de l'école. C'est peut-être une partie de mon vécu que je vous livre.

Vous dites que les femmes immigrantes devraient recevoir des allocations et devraient avoir plus facilement accès aux garderies si elles sont en mesure de tirer profit d'une formation à l'emploi et de cours de langue seconde. Déjà vos collègues du Congrès juif canadien de la Société québécoise de solidarité internationale... Mme Augenfeld a abordé cette question aussi. Je lui avais par contre posé une question mais je pense qu'à ce moment-là, on a eu un problème de compréhension. Je lui posais très spécifiquement cette question: Est-ce que vous Êtes d'accord avec la nouvelle politique gouvernementale pour ce qui est des garderies, soit de financer plutôt les parents que la garderie, ce qui semble poser certains problèmes financiers à plusieurs femmes? Je ne sais pas si vous auriez un commentaire à ce sujet-là.

M. Carter: Je pense que c'est peut-être hors de notre présentation de faire un commentaire sur la politique comme telle, M. Boulerice. Ce qui nous intéresse, c'est, comme je l'ai dit auparavant, une générosité et un accueil chaleureux des immigrants et des politiques qui aident l'intégration des immigrants dans la société. On a identifié les différentes politiques qui demandent l'attention du gouvernement afin de faire des améliorations, afin de faire des ajustements qui touchent directement à la priorité que la société québécoise donne à l'intégration des immigrants. Alors, c'est dans ce contexte qu'on a fait nos recommandations.

On parle aussi du résultat du sondage et de l'étude qui étaient publiés la semaine passée et qui indiquent que les femmes immigrantes forment un groupe qui a besoin de politiques d'intégration plus précises. Je pense que c'est dans le sens de l'étude qui a été publiée la semaine passée qui cible ce groupe comme un groupe qui demande un traitement prioritaire à l'égard de l'intégration. Je pense que notre recommandation à cet égard est suffisante en termes de... On veut promouvoir la "priorisation" d'une population cible pour ce qui est des garderies.

M. Boulerice: Disons que j'aurais aimé vous voir vous prononcer parce que je pense que la femme immigrante est malheureusement financièrement souvent beaucoup plus défavorisée que la femme québécoise de vieille souche anglophone ou francophone. Elles m'ont dit avoir été dans une certaine mesure défavorisées financièrement par ce changement de financement pour ce qui est des garderies.

Ceci dit, vous insistez aussi sur le mouvement d'émigration Québec versus les autres provinces. Pardon?

Le Président (M. Trudel): Ma question.

M. Boulerice: Vous savez, l'hypothèse du nombre de questions demeure toujours limitée et il y en a toujours un qui prend la question de l'autre et automatiquement, on a un jeu du pendu, c'est-à-dire: Bang! une question de perdue pour le président. de la commission.

Le Président (M. Trudel): Deux de perdues, dix de retrouvées.

M. Boulerice: Dix de retrouvées. Le phénomène d'émigration a touché les jeunes, dans une large proportion. Lors de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation, le ministre, M. Ryan, nous a informés qu'il s'était rendu à votre requête d'une subvention d'environ 30 000 $ pour l'étude sur les aspirations des jeunes Québécois d'expression anglophone. Cette étude va, sans doute, nous permettre de mesurer les raisons qui ont occasionné des départs. Je sais que c'est quand même récent. La question que je veux vous poser est: Avez-vous une prévision du moment où nous pourrons prendre connaissance de cette étude-là? Je pense qu'elle est importante dans le débat que nous avons actuellement sur l'immigration. Elle pourrait surtout nous permettre d'adopter des mécanismes qui vont nous faciliter la tâche en inversant, puisque vous souhaitez que l'on réussisse à faire le contraire maintenant, non pas à laisser partir, mais à ramener des gens des autres provinces.

M. Grey: Voulez-vous dire: quels sont les motifs de départ?

M. Boulerice: Oui.

M. Grey: II y a des choses inévitables dans un pays où il n'y a pas de frontières: les mariages, les carrières... Les gens voyagent beaucoup de nos jours aux États-Unis, au Canada, en Europe. Mais, une chose qui a été spécifique aux anglophones, jusqu'à assez récemment, et c'était une sorte d'inquiétude et, cette inquiétude, ce découragement venaient d'une perception d'une politique systématique. Je pense que cette politique n'existe plus, depuis assez longtemps. Alors, on pourra peut-être renverser la tendance. Mais il y a une chose: les gens doivent être à l'abri des craintes que demain on changera les règlements. Aujourd'hui on peut aller à l'école anglaise, demain on ne pourra pas. Aujourd'hui les exigences sont assez raisonnables, demain elles seront très strictes, elles seront

appliquées d'une façon draconienne. Il faut créer à long terme - ce n'est pas une chose qui se forme en deux jours ou trois jours - un climat de confiance. La conséquence, à ce moment-là, sera qu'il va toujours y avoir un mouvement comme il y a un mouvement des francophones, comme il y a un mouvement de n'importe qui, mais ce mouvement sera équilibré et, si la situation économique est bonne, le mouvement sera plutôt vers le Québec, que pour quitter le Québec. Alors, c'est ce climat de confiance. C'est ma prévision. Peut-être que j'ai tort, peut-être qu'il y a d'autres motifs de départ.

M. Boulerice: Quand vous parlez de favoriser la migration au Québec en provenance des autres provinces du Canada, avez-vous des suggestions bien précises à nous indiquer à ce sujet?

M. Carter: Je pense que c'est dans le sens de3 objectifs de notre société de continuer à se développer, d'avoir une expérience de croissance économique, d'avoir une vitalité comme société au niveau social et économique. Alors, c'est toujours possible que le Québec devienne une place très attrayante, un endroit où les personnes veulent s'installer au Canada, qu'il soit anglais ou français ou immigrants. Les caractéristiques du Québec sont uniques et positives dans le sens que c'est attrayant pour les personnes de s'installer ici. Alors, je veux vous faire part de quelques discussions qu'on a eues entre nous. Mme Chesterman, qui vient du Manitoba, me dit qu'il y a une volonté très positive des personnes d'expression anglaise, hors du Québec, de déménager au Québec pour avoir l'expérience de demeurer dans un milieu français. Certains mythes existent sur la tension entre les deux communautés linguistiques. Alors, on ne veut pas que cet aspect cache une autre réalité. (11 heures)

Certaines personnes d'expression anglaise provenant du Manitoba ou de la Colombie britannique ou des États-Unis ou d'ailleurs veulent vivre ici, veulent s'intégrer, pour que leurs enfants puissent apprendre le français. Alors, je pense que l'arrivée de ces personnes reflète une confiance dans la société québécoise. Je pense que les tendances que Mme la ministre a indiquées renversent les tendances de l'immigration. C'est un ralentissement de l'immigration, si je comprends bien. Pourquoi y-a-t-il un renversement ou un ralentissement de cette' tendance? Est-ce parce qu'il y a un climat de confiance au Québec en termes de croissance économique?

Nous lisons toujours dans les journaux du Canada, dans le milieu des affaires, que Québec est une société fiable, qui est en train de régler les grandes questions linguistiques et culturelles, qui a une croissance économique assez importante au sein du Canada. Alors, les personnes qui lisent Ies journaux et les professionnels à Edmonton ou en Colombie britannique vont peut-être considérer que le Québec est un endroit où ils veulent venir vivre, où ils veulent amener leur famille, où ils veulent s'intégrer. C'est sur cet aspect que je veux répondre à la question de M. Boulerice. C'est toujours les facteurs généraux dans le sens positif d'un climat de confiance qui agissent comme un attrait- sur les gens, pour venir au Québec. La langue française et la culture française peuvent aussi être, pour quelques personnes d'expression anglaise une motivation pour venir au Québec.

M. Grey: Vous avez également demandé des mesures précises, je veux bien vous répondre. Ce que cela prend, c'est, en trois points, une nouvelle définition d'intégration d'un immigrant, qu'il soit Canadien ou étranger. Premièrement, il y a la langue de communication. Il faut que tout le monde puisse communiquer en français. Par exemple, cela prendrait des cours de français. Cela prendrait toutes les facilités nécessaires pour que quelqu'un puisse faire une transition raisonnable de l'anglais ou d'une autre langue au français, comme langue quotidienne de communication.

Deuxièmement, au niveau de l'école, il faut, je pense, que ceux qui sont de culture anglaise puissent s'intégrer dans le réseau anglais, que ceux qui sont de culture française ou différente puissent s'intégrer au système français tout en ayant une opportunité d'apprendre l'anglais. La troisième chose - c'est la plus difficile -c'est la définition d'intégration culturelle qui n'est pas nécessairement une intégration, mais qui est plutôt un choix individuel. Alors, à condition qu'il ait rempli les conditions des langues de communication et langues .d'école, je pense que chaque individu devrait pouvoir faire son propre choix et sentir qu'il peut faire son propre choix quant à sa culture. Il peut choisir un peu des deux cultures canadiennes, peut-être une troisième ou une quatrième.

Je vais vous donner un exemple très pratique qui m'intéresse. J'ai été immigrant, il y a 30 ans - j'avais 9 ans - et qu'est-ce que je suis maintenant? Je ne me pose pas de question. Je m'exprime dans les deux langues. J'ai un petit accent en français, je n'en ai pas en anglais, mais enfin, je parle les deux langues. Je fais partie entièrement, je pense, de la société québécoise. Il faut faciliter l'intégration culturelle de ce genre, que ce soit culturellement le choix de chaque individu. Pour l'école, on l'a expliqué. Quant à la langue de communication, il faut avoir des facilités pour que tout le monde puisse s'exprimer en français, rapidement et

bien.

M. Boulerice: Je suis content de vous entendre dire cela et d'entendre dire que des citoyens d'autres provinces ont le goût de venir s'établir au Québec. Encore là, quelque chose me réjouit. Je vais vous confier un secret que vous ne répéterez à personne parce que je ne voudrais pas raviver cette vieille rivalité Montréal-Toronto. Récemment, un ami torontois me disait qu'il trouvait Montréal plus "swing" et qu'il avait le goût de venir s'installer ici. Espérons qu'ils viendront nombreux.

Vous faites deux recommandations qui sont le point h et le point i. Vous êtes bien conscients que cela exige des modifications à la loi 101 et que les Québécois francophones ont vu la loi 101 amputée d'une très grande partie, notamment dans le domaine de la justice, etc. et que des signaux assez clairs ont été donnés à l'automne, qu'on retrouvait d'ailleurs sous forme de panneaux-balcon qui étaient: "Ne touchez pas à la loi 101".

M. Grey: II n'y a rien nulle part dans nos lois qui ne peut être modifié ou changé. Je pense qu'il n'y a pas de chose qui sont tellement fondamentales - même la constitution, même la charte - qu'elles ne peuvent jamais être modifiées. Je pense que les recommandations que nous proposons pour la loi 101 gardent l'esprit de la loi dans le sens de la promotion et la préservation - bien que le danger soit passé - de ja langue française tout en permettant un plus grand épanouissement à ceux qui sont d'une autre langue, notamment l'anglais. Je pense que la loi 101 mentionne ce but-là aussi, même à l'intérieur de cette loi.

On ne propose pas une abolition, une abrogation ou quoi que ce soit, ce sont des modifications qui créeront un état de choses qui sera plus propice à la réalisation des buts de la loi 101, c'est-à-dire qui va diminuer encore plus la tension qui existait il y a quelques années et qui existe très peu maintenant, qui va donner confiance aux anglophones et préserver - cela est très important dans notre mémoire - le poids critique de l'école anglaise, parce qu'en bas d'un certain chiffre, cela ne pourra pas être un système moderne très efficace qui, en même temps, préservera la prédominance du français que nous acceptons tous avec enthousiasme. Donc, je pense que ce sont des modifications dans le cadre des buts mêmes de la loi. Ce n'est pas un changement radical.

M. Boulerice: On est malheureusement limité parce qu'il ne reste que 20 minutes. Donc, je serai très bref. Dans le cas de h, de toute façon, il y a déjà une prévision dans la loi qui dit: "Lorsqu'il reste un an d'études." Vous, vous dites trois. D'accord. Il y a la clause Canada qui existe d'ailleurs, donc, qui se rattache à a. Dans le cas de i, vous dites: "Les effets d'accorder aux enfants immigrants qui ont étudié ou dont les parents ont étudié en anglais, l'accès aux écoles anglaises." Vous nous suggérez plus loin de recruter l'immigration certes, oui, dans les pays francophones mais de ne pas se limiter aux pays francophones. Je pense qu'on est d'accord. II faut regarder un peu partout.

Si je regarde i et l'autre que vous faites, de regarder l'ensemble des autres pays, et que je m'aperçois qu'il y a un désir et, selon les critères, ils répondent, venant du Kenya... Tout le monde sait qu'au Kenya la langue d'enseignement est l'anglais, ne pensez-vous pas qu'à ce moment-là avec le i je contrebalance l'objectif que je veux de l'immigration? On s'entend tous, on dit pluriculturalité mais à l'intérieur d'un Québec francophone. À ce moment-là, je ne les "franconise" pas, je les envoie à l'école de langue anglaise...

M. Grey: L'école de tangue...

M. Boulerice: Quant aux niveaux primaire et secondaire. Par contre, aux niveaux collégial et universitaire, ce n'est pas la même chose.

M. Grey: Cette école anglaise doit absolument, selon la loi, donner une connaissance approfondie du français. Je suis en faveur d'une application féroce de cette partie-là de la loi où une personne qui a étudié en anglais, a étudié en anglais, certes, mais parle français presque comme si elle avait étudié en français. Ce n'est pas là la question. Je pense que les gens qui appartiennent déjà à la culture anglaise pourraient, si notre proposition était adoptée, continuer à adhérer à cette culture. Je pense qu'il n'y a pas de frontière. Ils pourraient adhérer aux deux mais ils pourraient aller à l'école anglaise et se considérer comme faisant partie de la minorité anglaise au Québec.

Je pense que les statistiques ne démontrent pas le moindre danger de cette immigration-là. Premièrement, la minorité anglaise est en baisse depuis très longtemps. Vous avez vu de combien les écoles anglaises ont diminué. Je pense que nous n'avons pas encore vu le total de cette émigration puisque ceux qui sont partis étaient surtout les jeunes. Ceux qui avaient déjà leur maison, leur profession, etc. sont restés. Je pense donc que la réalité est encore pire que ce qu'on voit dans les statistiques qui ne tiennent compte que du nombre de têtes.

Dans ce contexte, je pense qu'il est impossible de parler d'un danger ou, si vous voulez, d'un sabotage de cette loi. Au contraire, le but de cette loi sera atteint.

Finalement, je pense que la différence statistique de cela, et entre cela et la clause Canada serait minime: quelques milliers chaque années; rien qui affecterait l'avenir du Québec.

M. Boulerice: Cela n'en demeure pas moins une demande de modification, puisque le point existe déjà, dans la clause Canada. Au paragraphe g, vous demandez la clause universelle.

M. Grey: Non, pas universelle.

M. Boulerice: Bien oui: Les nouveaux arrivants au Québec, dont la langue maternelle est l'anglais...

M. Grey: Dont la langue maternelle, oui, mais pas universelle en ce sens que ce n'est pas pour tous les nouveaux immigrants. On ne demande pas la liberté de choix. Il faudrait que la langue maternelle soit l'anglais pour pouvoir bénéficier de ce point.

M. Carter: M. le Président, je voudrais aussi ajouter une remarque.

M. Boulerice: ...s'il le veut. M. Carter: Oui.

Le Président (M. Trudel): Aucun problème.

M. Carter: Je respecte votre processus. Il y a une certaine implication dans vos remarques, à mon avis, que, peut-être, la communauté d'expression anglaise présente une approche très ouverte qui favorise, dans notre présentation et quelquefois nos déclarations, l'orientation des immigrants vers la majorité française du Québec. Vos questions me donnent l'impression que vous utilisez peut-être cette occasion, en parlant d'immigration, pour mettre en évidence certaines positions qu'on a concernant notre système d'éducation, une croissance de notre système d'éducation ou de notre communauté en favorisant l'intégration des immigrants à notre communauté.

J'anticipe l'orientation de vos questions et je veux faire une remarque. C'est que, tout simplement, la communauté d'expression anglaise est dans une situation très difficile, en ce moment. Au point de vue démographique, on a subi une perte de plus de 100 000 membres de notre communauté sur une période assez courte, soit dix ans. Notre système d'éducation, maintenant, a vécu une décroissance de 50 %. Le ministre de l'Éducation nous dit, au moyen de rapports, de projections, de prévisions que, puisque le système d'éducation francophone va se stabiliser dans les prochaines années, le système d'éducation anglais va continuer à diminuer en termes d'enfants impliqués dans le système. (11 h 15)

Alors, c'est une situation très dramatique et qui touche notre communauté. Même sur l'île de Montréal, c'est une situation qui touche la communauté. Alors, au problème de dénatalité chez les femmes d'expression anglaise - lesquelles ont un plus bas taux de natalité que les femmes dont la langue maternelle est le français - on doit ajouter la situation très grave qu'une grande partie de ceux qui ont quitté le Québec ces dernières années, donc notre communauté, étaient des femmes âgées de 20 à 44 ans. C'est-à-dire que si on marie le taux de natalité, la décroissance et le vieillissement de la population d'expression anglaise, c'est deux fois la communauté d'expression française. Alors, quand on parle, dans ce mémoire, d'un assouplissement des politiques qui va accorder une période d'adaptation à un immigrant de Hong Kong ou à quelqu'un de l'extérieur du Canada, je pense qu'on ne peut pas dire que c'est une position qui est une tentative pour élargir la communauté d'expression anglaise ou élargir le système d'éducation. On est très clair sur ce point.

Je pense que Me Grey a dit très clairement que les anciennes batailles, en termes de libre choix d'éducation, sont une question presque réglée, à notre avis, dans notre communauté. Alors, ce n'est pas une chose qu'on veut soulever par notre présentation ici, aujourd'hui.

En terminant, M. Boulerice, je veux dire que nos recommandations d'assouplissement des politiques en matière d'éducation et des autres politiques sont toujours faites dans le concept que la société québécoise est une société généreuse, chaleureuse, ouverte et qui, au lieu de déterminer la francisation des immigrants hors du pays, hors du territoire, est assez confiante d'accueillir les immigrants de toutes les langues ici. Nous avons des institutions qui peuvent, qui sont capables de permettre une adaptation à la vie québécoise.

C'est dans ce sens-là qu'on fait nos recommandations en termes d'éducation ou des autres politiques qu'on a indiquées.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le Président..

J'aurais eu plusieurs questions à vous poser, plutôt techniques de toute façon, mais le temps manque et je voudrais être juste à l'endroit des deux groupes qui vont vous suivre. Alors, ou je vous les communiquerai par écrit et on aura un échange de correspondance, ou je vous téléphonerai. De toute façon, j'entrerai en communication avec vous sur ces questions.

Il me reste, au nom de la commission, M. le président ou M. le porte-parole, à vous remercier de votre présence ici. Je pense

que vous avez eu, avec les membres de la commission, un dialogue très ouvert, très franc, très direct.

J'apprécie la qualité de votre mémoire. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec toutes ses orientations, bien que, de façon générale, ce que vous dites me satisfasse. Je vous remercie de votre présence ici et je cède la parole à Mme la ministre pour une remarque finale.

Mme Robic: Oui, M. le Président, je vous remercie. Mme Chesterman, Mme Talai, Me Grey, M. Carter, on vous remercie de votre présence. On remercie Alliance Québec pour la préparation de ce mémoire important et pour le rôle qu'elle joue dans la société québécoise, un rôle impartant, d'ailleurs, et vous pouvez toujours compter sur notre coopération et notre appui.

Le Président (M. Trudel): Merci! M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je suis vraiment très heureux de votre participation.

J'ai remarqué que, quand on se fait, peut-être volontairement, un petit peu polémique, on suscite une passion. Celle que j'ai vue chez vous était loin d'être très désagréable, tout au contraire. J'aimerais conclure en vous disant que j'aimerais bien être confiant, mais je ne peux jamais oublier qu'en Amérique du Nord, à part les baleines bleues dans le fleuve Saint-Laurent, l'espèce la plus en voie de disparition est la communauté francophone. Depuis des années, toutes les statistiques nous le disent. J'aimerais bien être confiant. Il y a peut-être des choses que vous allez apporter qui vont m'aider à l'être, je vous remercie.

M. Grey: Merci!

Le Président (M. Trudel): Merci, mesdames, messieurs.

Alors, sans suspendre les travaux de la commission, j'inviterais maintenant les représentants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à prendre place à la table en face de nous, s'il-vous-plaît.

Pendant que ces gens s'installent, j'aurais presque envie de commencer à poser mes questions parce que ou alors on me les chipe, ce qui est un peu normal quand on parle en troisième ou alors il ne reste plus de temps.

Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal

Mme la présidente, bienvenue une nouvelle fois devant une commission parlementaire. La dernière fois que, personnellement, j'ai eu le plaisir de vous voir c'est à l'occasion de la commission parlementaire des institutions portant sur les accords du lac Meech. Je me souviens de votre intéressante et importante intervention à ce moment-là. Je vous souhaite la bienvenue et, sans plus tarder, je vous invite à nous résumer votre mémoire qui est, à mon avis, d'une remarquable qualité à tout point de vue, notamment sur le plan de la langue. Je pense qu'il est tout à fait normal, quand on représente la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, de savoir écrire son français de façon excellente, ce qui est le cas de votre organisme.

Peut-être pourriez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent et intervenir immédiatement. Par la suite nous procéderons à la période des questions.

Mme Boudreau (Nicole): Malgré qu'à notre grand regret, M. le Président, je dois dire qu'il subsiste quelques coquilles.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, membres de cette commission, permettez-moi d'abord, . au nom de l'organisme que je représente, de vous exprimer nos remerciements les plus sincères d'avoir bien voulu nous inviter à émettre nos idées sur un sujet qui revêt à nos yeux un caractère d'une importance capitale pour l'avenir du Québec.

Permettez-moi également de vous présenter notre premier vice-président, M. Pierre Légaré, qui se fera un plaisir, comme moi-même, d'ailleurs, de répondre à toutes les questions que pourraient susciter nos réflexions.

Sans doute Mme la ministre et les membres de cette commission ont-ils pris connaissance de notre mémoire. C'est pourquoi étant donné te temps limité qui nous est imparti, je me contenterai d'en extraire les passages qui nous semblent les plus judicieux, bien que l'opération nous semble difficile, en souhaitant que les parties charcutées soient tout de même considérées et en espérant que les coupures consenties n'entravent pas la bonne compréhension de notre point de vue.

Les pages un, deux et trois de notre mémoire s'attardent principalement à une présentation sommaire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je suis désolée d'avoir à en escamoter la lecture car, j'éprouve toujours beaucoup de plaisir et de fierté à énoncer les réalisations de notre organisme. Qu'il me suffise de citer la dernière phrase de cette présentation: Plusieurs membres des communautés culturelles figurent parmi les militants les plus actifs de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal."

Pour déterminer le niveau d'immigration adéquat au Québec, il faut tenir compte de la complexité toute particulière de la problématique de l'immigration dans notre société. D'une part, le Québec affronte une

crise démographique telle qu'il devra recourir à l'immigration pour maintenir sa vitalité économique et culturelle tout comme pour garder son poids politique relatif. De plus, les Québécois doivent assumer des obligations de solidarité envers ceux et celles qui se voient chassés de leurs pays par diverses formes de répression.

D'autre part, par ailleurs, à cause de notre contexte historique, géographique et surtout politique très singulier, l'immigration présente pour la continuité de notre aventure historique, dis-je, des défis inquiétants qu'elle ne comporte pas dans d'autres sociétés dotées, elles, de moyens de survie normaux.

Mais ceci dit, le Québec a besoin d'immigrants. Vous aurez remarqué, Mme la ministre, à la lecture de notre mémoire, que les pages 4, 5 et 6 s'attachent particulièrement aux conséquences et incidences liées à notre faible taux de natalité duquel découle, à notre avis, une bonne partie des problèmes démographiques qui pourraient devenir tout à fait désastreux pour le Québec. En effet, une diminution possible de notre population et une décroissance certaine de notre part de la population canadienne auront des conséquences d'ordre économique, c'est-à-dire une perte d'importance du marché québécois dans l'ensemble nord-américain et d'ordre politique, c'est-à-dire une diminution du poids du Québec dans le processus électoral pancanadien.

Devant les perspectives démographiques qui s'offrent présentement aux Québécois, d'importantes remises en question s'imposent. Il est urgent en particulier que le Québec se dote d'une politique de la famille. Toutefois, les expériences étrangères dans ce domaine démontrent qu'on ne peut attendre d'une telle politique qu'une inflexion limitée du cours des choses. Pour renouveler et rajeunir sa population, le Québec a donc besoin d'immigrants.

On sait d'ailleurs, qu'outre le nombre, les immigrants peuvent apporter beaucoup à notre société. Nous tenons à le dire: l'ouverture aux autres est une importante condition de progrès et d'épanouissement pour le peuple québécois.

Parlons maintenant des Québécois et de la solidarité internationale. L'ancien ministre Jacques Couture, qui a laissé - je pense que vous en conviendrez - une forte empreinte sur la politique d'immigration du Québec, était un homme familier avec les problèmes sociaux du Québec. Ce prêtre-ouvrier avait été en effet, pendant plusieurs années, un animateur social dans le quartier de Saint-Henri. Il avait pourtant coutume de répéter que "bien que notre société connaisse des problèmes, ils sont sans commune mesure avec ceux que vivent les réfugiés."

À la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, nous endossons cette vision des choses. Nous croyons que les Québécois, lorsqu'on leur explique les raisons qui poussent des millions d'êtres humains à fuir leur pays, sont parfaitement capables de se montrer généreux à l'endroit des quelques milliers qui viennent frapper chaque année à notre porte.

Notre société, vous le savez, est un organisme patriotique. Nous aimons notre pays, notre peuple et notre culture et nous croyons que des sentiments semblables existent chez toutes les nationalités, la nature humaine étant la même partout. Nous pouvons donc facilement imaginer le déchirement de toute personne qui se voit forcée de quitter sa terre natale sans espoir de retour. Les conditions politiques ou autres qui prévalent dans de très nombreux pays imposent cette douloureuse épreuve à d'innombrables individus sur la terre.

Notre société a mis récemment sur pied un programme d'enseignement du français et de compagnonnage qui a rejoint jusqu'ici plus de 200 réfugiés kurdes et latino-américains. Elle a aussi ouvert les colonnes de son bulletin aux porte-parole de la table de concertation pour les réfugiés afin de diffuser son appel à la population contre de récentes mesures abusivement restrictives du gouvernement canadien à Pencontre des requérants du statut de réfugié.

On pourra donc compter sur la société chaque fois qu'il s'agira de lutter contre les préjugés et les réflexes de fermeture face aux victimes de la répression qui demandent asile chez nous.

Pendant longtemps, le Québec français a eu tendance à se replier sur lui-même et à regarder les nouveaux venus avec suspicion.

Les Québécois ne devraient pas hésiter à reconnaître leurs erreurs passées à cet égard. Cependant, ce serait mal évaluer les causes réelles de ces erreurs que les attribuer à une inhospitalité congénitale de nos compatriotes. Certes, notre peuple a, comme tous les autres, sa frange de xénophobes. La concurrence entre Québécois de souche et immigrants sur le marché du travail a pu aussi créer des frictions. Mais pour la grande majorité de nos compatriotes, l'aspect le plus préoccupant du phénomène immigrant réside dans l'anglicisation massive des nouveaux venus. Cette anglicisation n'est pas seulement une menace pour la survie à long terme du français dans le seul coin d'Amérique où, admettons-le, il lui reste encore des chances de s'épanouir. Elle constitue aussi un obstacle à la communication, aux échanges et donc à la bonne compréhension entre Québécois de souche et immigrants.

De tout temps, l'immigration au Canada a été un instrument puissant d'anglicisation du pays: cela apparaît non seulement au niveau des résultats, mais aussi dans les intentions déclarées qui ont présidé à l'Union

entre le Bas-Canada et le Haut-Canada, c'est-à-dire entre le Québec et l'Ontario d'aujourd'hui. (11 h 30)

Le texte de Lord Durham, qui est cité dans notre mémoire, et qui présageait la naissance du Canada moderne exprimait carrément le voeu de faire du Bas-Canada une province anglaise. Ce texte, donc, aurait suffi, à lui seul, à justifier la méfiance historique des Québécois vis-à-vis de l'immigration. Mais il faut ajouter à cela que l'immigration fut pendant un peu plus d'un siècle au Québec la chasse gardée du gouvernement fédéral. Jamais, dans ses politiques d'accueil et d'intégration des nouveaux venus allophones au Québec, ce gouvernement n'a conçu de mesures correctives pour contrer la tendance de ceux-ci à choisir l'anglais.

Quant au gouvernement du Québec, si on fait exception des mesures linguistiques adoptées à la fin des années soixante-dix et d'ailleurs largement mises en échec depuis par les tribunaux, sa tendance de fond a été de laisser libre cours à la concurrence du français et de l'anglais. Or, cette concurrence sur notre continent, évidemment, joue en faveur de l'anglais et c'est très compréhensible.

Le résultat de ce laisser-faire nous a été rappelé dans La Presse du 20 mars 1986 qui nous apprenait que parmi les 123 000 Néo-Québécois qui abandonnaient leur langue maternelle, selon les dernières données, 114 000 ont choisi l'anglais. Le cas du Québec en Amérique est unique. Aux États-Unis, par exemple, la langue parlée à la maison par plus de 95 % de la population est l'anglais. Au Brésil et en Argentine, c'est le portugais et l'espagnol respectivement avec des pourcentages au moins aussi élevés.

Or, il est bien connu que les personnes d'origine anglaise ne sont plus qu'une minorité aux États-Unis. Il en est de même pour celles d'origine portugaise au Brésil ou encore espagnole en Argentine. Mais, dans chacun de ces trois pays, les immigrants venus de tous les coins du monde ont adopté rapidement la langue du groupe européen fondateur. Ce groupe a eu la sagesse et surtout le pouvoir d'établir, dès le début, les règles du jeu. L'immigration, au lieu de jouer contre lui, a joué pour lui en augmentant sans cesse le nombre de ceux qui partageaient sa langue.

Au Québec, le processus est absolument inversé. Malgré une population en grande majorité d'origine française, et cela depuis des siècles, on assiste à l'adoption de l'anglais par la majorité de ses immigrants. Et, je vous le répète, ce phénomène est tout à fait compréhensible.

La restauration du français comme véritable langue officielle du Québec restant à faire, cette normalisation de notre situation linguistique demeure la première condition d'une politique d'immigration qui jouerait pleinement en notre faveur. Tant que cela ne sera pas acquis solidement et une fois pour toutes, il faut s'attendre, dans notre société, à des tensions entre Québécois de souche et Néo-Québécois. Les résultats d'un sondage publié dans Le Devoir du 10 mar3 1987 ont révélé que 90 % des Québécois francophones souhaitent que tous les immigrants qui s'installent au Québec apprennent obligatoirement le français. Seulement 9 % se déclarent en désaccord avec cette proposition et 1 % n'expriment pas d'opinion. Est-ce assez dire quant à l'importance de la francisation des immigrants pour l'avenir des relations interethniques au Québec?

Comment donc concilier nos besoins démographiques, les exigences de la solidarité internationale et la sauvegarde du caractère francophone du Québec? Pour trouver réponse à cette question, il est bon de se rappeler une expérience très réussie à cet égard. Nous voulons parler de l'accueil, par le Québec, à la fin de la dernière décennie, des réfugiés Indochinois. Les réfugiés Indochinois appartenaient à une culture très différente de celle des Québécois. Contrairement à une croyance largement répandue, très peu d'entre eux, 7 % en fait, pariaient le français à leur arrivée parmi nous. Mais, l'intégration de ces personnes dans notre société a été un grand succès.

Contrairement aux immigrants d'autres vagues, les indochinois sont restés au Québec. Ils ont massivement appris le français. Beaucoup d'entre eux ont des liens d'amitié avec des Québécois de souche, liens souvent contractés à l'époque de leur parrainage. Les succès scolaires des enfants indochinois sont notoires. Enfin, parmi les fonctionnaires québécois dont la langue maternelle est autre que le français, les personnes de langue maternelle vietnamienne, par exemple, arrivent au deuxième rang après celles de langue anglaise.

Cette communauté en dépasse donc bien d'autres, plus nombreuses et plus anciennes, dans la fonction publique. Or, dans n'importe quel pays, une bonne représentation des membres d'une communauté culturelle dans la fonction publique n'est-elle pas le signe d'une intégration réussie?

Le succès de l'intégration des réfugiés indochinois est attribuable, pour une bonne part, à l'accueil chaleureux qu'ils ont reçu parmi nous et à l'implication, dans cet accueil, de tous les secteurs de notre société. Quel contraste entre l'esprit d'ouverture manifesté alors et les réactions prononcées de fermeture révélées au printemps dernier par un sondage du Devoir. On pourra trouver plusieurs facteurs explicatifs de cette évolution déplorable,

nous l'admettons, mais nous voulons attirer l'attention des membres de la commission sur le fait suivant: Est-ce un hasard, si l'accueil chaleureux des Indochinois à la fin des années soixante-dix a suivi, presque immédiatement, la proclamation en août 1967 de la Charte de la langue française? Est-ce un hasard si le repliement des Québécois sur eux-mêmes, dont nous avons eu des signes ces derniers temps, coïncide avec un sentiment croissant d'inquiétude quant à l'avenir du français au Québec?

J'invite les membres de cette commission, s'ils ne l'ont déjà fait, à prendre connaissance du programme bien modeste, je l'avoue, que la Société Saint-Jean-Baptiste mettait sur pied au printemps dernier luttant à la fois contre le défaitisme et le repliement sur soi, lorsque le problème des requérants du statut de réfugié a pris l'ampleur que l'on sait. Les pages 19, 20 et 21 de notre mémoire y sont consacrées.

Après avoir exposé notre façon de voir le problème de l'immigration au Québec, nous voulons faire ici quelques recommandations aux autorités québécoises de l'immigration. Nos recommandations correspondent aux trois préoccupations qui transparaissent du chapître précédent, c'est-à-dire: préserver le caractère français du Québec; développer chez les Québécois le sens de la solidarité internationale et intercommunautaire et contrer le déclin démographique du Québec en consolidant les gains apportés par l'immigration.

Ces objectifs sont étroitement interreliés. Ainsi, il serait illusoire de penser préserver notre caractère français si, faute d'avoir la population suffisante, le Québec devenait quantité politiquement et économiquement négligeable dans le contexte canadien et nord-américain. Mais on se tromperait lourdement en croyant que les Québécois accepteront de régler leur problème démographique au prix de la marginalisation de leur langue. Le résultat du sondage du Devoir cité plus haut (90 % des réponses favorables à l'apprentissage obligatoire du français par tous les immigrants) est à cet égard un avertissement très clair au gouvernement.

Si le sens de la solidarité internationale doit être développé chez les Québécois, l'insécurité culturelle où ils sont présentement laissés par leur gouvernement ne crée certainement pas un climat favorable à ce développement. Enfin, des tensions interethniques ne manqueront pas de se développer au Québec si l'accroissement de l'immigration n'est pas accompagné de mesures adéquates d'intégration des nouveaux venus à notre société. À son tour, ce climat finirait par décourager l'immigration. Tout est donc très Hé. C'est pourquoi nous ne suggérons pas d'objectif chiffré précis à l'immigration. Dans l'intérêt des Québécois et des immigrants, nous disons oui à une immigration accrue si elle est planifiée, et cela inclut la planification linguistique.

Alors qu'il présentait au Sénat des États-Unis un amendement constitutionnel pour faire de l'anglais la langue officielle de ce pays - croyez-le ou non - le sénateur Hayakawa de Californie déclarait: "Cet amendement est requis si nous voulons clarifier les signaux trompeurs que nous donnons depuis quelques années à certains groupes d'immigrants... Il mettra fin à la fausse promesse faite aux nouveaux immigrants, à savoir que l'anglais ne leur sera pas nécessaire" aux États-Unis.

Au Québec, c'est le français qui est censé être la langue officielle. Mais que dirait le sénateur s'il voyait les signaux que le gouvernement lui-même envoie à nos propres immigrants? Pour paraphraser le sénateur Hayakawa, nous demandons donc à nos dirigeants de clarifier les signaux trompeurs qu'ils donnent aux immigrants et de mettre fin à la fausse promesse que le français ne leur sera pas nécessaire au Québec.

Avec tous les trous pratiqués dans la trame de la loi 101 par les arrêts des tribunaux et le peu de vigueur que le gouvernement met à appliquer ce qu'il en reste, il est devenu presque dérisoire de parler du français comme de la langue officielle du Québec. Les immigrants le sentent. Plus d'un professeur de COFI vous dira que lorsqu'il rencontre certains de ses anciens étudiants, ceux-ci s'adressent à lui en anglais, car la vie au Québec leur a fait oublier les éléments du français appris au COFI.

Présentement, rien n'oblige un employeur à communiquer en français avec son employé non syndiqué à moins que celui-ci ne l'exige, ce qui est beaucoup attendre, vous en conviendrez, d'un travailleur non syndiqué et, encore plus, s'il est allophone ou anglophone. À quand une loi pour faire du français la langue du travail au Québec? Par ailleurs, nous attendons de pied ferme les amendements que préparerait présentement le gouvernement dans le but de rétablir l'affichage bilingue du Québec. Nous croyons qu'un visage bilingue pour Montréal figurerait au premier plan dans la panoplie des messages trompeurs que pourraient recevoir les immigrants. Quant à la nature et aux aspirations du Québec d'aujourd'hui, nous prendrons tous les moyens à notre disposition, pour alerter le public sur les dangers que comporterait un pareil retour en arrière.

Les pages 27, 28 et 29 de notre mémoire s'attardent principalement à l'évolution de la situation et aux principales difficultés liées à favoriser une immigration francophone.

Nous aimerions maintenant aborder le point concernant le développement de la

solidarité internationale et intercommunautaire. Je vous demanderais, M. le Président, s'il reste quelques minutes à mon exposé et, si vous me permettez d'en livrer la fin.

Le Président (M. Trude): Absolument. Allez-y.

Mme Boudreau: Je vous remercie.

Nous avons dit précédemment que, lorsque les Québécois sont mis au courant des épreuves qui ont chassé de leur pays les requérants du statut de réfugié, leur coeur s'ouvre. À ce sujet, les autorités devraient mieux informer la population, informer les Québécois de la culture et des difficultés d'adaptation des nouveaux venus par des publications, des émissions télévisées et tout le reste. Quant à l'émission "Arrimage" de Radio-Québec, nous déplorons, avec beaucoup d'autres, qu'elle ait quitté l'écran. Il est invraisemblable qu'une télévision éducative puisse ainsi laisser les spectateurs sans information systématique sur deux aspects de l'évolution de leur société, lourds de portée pour l'avenir, soit le pluralisme culturel croissant de la population québécoise et le problème des relations interculturelles.

Les programmes de parrainage et de compagnonnage créés par le ministère de l'Immigration à la fin des années soixante-dix ont connu, avons-nous dit plus haut, un succès éclatant. Le programme de parrainage existe toujours. Pourtant, notre propre initiative de compagnonnage nous a convaincus, nous de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, qu'il était insuffisant, et que de nombreux Québécois restent disponibles pour aider les réfugiés à s'intégrer harmonieusement au Québec. Mais encore faut-il qu'ils sachent que la possibilité leur en est offerte.

Nous savons que l'installation en régions des réfugiés n'a pas été dans l'ensemble un très grand succès, que beaucoup de "démétropolisés" ont regagné Montréal pour y trouver du travail et y rejoindre leur communauté. Faut-il pour autant renoncer complètement à toute idée de déconcentrer l'immigration? Nous disons non, car nous avons pu constater à quel point les "démétropolisés" qui sont restés dans les petites villes s'y sont bien intégrés après y avoir reçu un accueil très chaleureux. Le Québec est aujourd'hui à moitié montréalais, mais les références à la campagne et aux petites villes d'origine restent si fortes dans notre culture qu'il est souhaitable qu'une fraction au moins des membres des communautés culturelles soit mise en contact, sur une base volontaire évidemment, avec ces réalités. Il nous semble qu'un modeste programme de "démétropolisation" d'une fraction de l'immigration, des réfugiés surtout, mériterait d'être tenté en privilégiant les régions créatrices d'emplois et en tenant compte des possibilités de parrainage.

Pour terminer, celui qui a pris racine ici avec ses enfants reste ici. Nous sommes convaincus que l'intégration se fait d'abord au niveau de la famille et que c'est une illusion de croire que les célibataires vont mieux s'adapter. Le célibataire est mobile: il lui est indifférent de travailler à Montréal, à Toronto ou à Calgary. Il en est autrement pour un couple dont les enfants sont déjà intégrés à l'école québécoise. C'est souvent par leurs enfants, d'ailleurs, que les adultes prennent contact avec la langue et la culture du Québec. (11 h 45)

Donc, si nous voulons une immigration qui demeurera au Québec, ne pourrait-on pas envisager d'augmenter le nombre de points accordés dans la grille de sélection aux personnes qui ont de jeunes enfants? Dans le même esprit, nous suggérons que dans le traitement des dossiers de la famille élargie on accorde la priorité aux conjoints et aux enfants mineurs par rapport aux parents aidés, ce qui abrégerait les délais d'attente pour les premiers.

Les immigrants ne connaissant pas le français ont, selon les derniers recensements, une propension plus grande à quitter le Québec pour aller vivre ailleurs au Canada, que ceux déclarant connaître cette langue. L'immigration peut apporter beaucoup au Québec mais la sélection et l'accueil des immigrants comportent des investissements coûteux. Personne ne souhaite voir se dilapider un capital humain acquis à tant de frais. Or, c'est un fait que les départs du Québec, dont on fait état depuis si longtemps, ont été, pour une très large part, le fait d'immigrants mal intégrés et, en particulier, ignorant le français. Le seul fait d'augmenter le nombre des immigrants accueillis chaque année ne réglera donc pas notre problème démographique. Dans les milieux qui s'intéressent à l'immigration, il est notoire qu'une très grande partie des réfugiés sri-lankais, bangladeshis, iraniens que nous avons reçus depuis deux ou trois ans nous ont déjà quittés pour des cieux plus anglophones. La plupart d'entre eux, pour toutes sortes de raisons, n'ont jamais pu accéder au COFI.

Théoriquement, l'une des deux solutions possibles à ce problème consiste à bilinguiser le Québec pour accommoder les immigrants. Cette solution a été retenue à des degrés divers jusqu'ici par certaines autorités publiques. Contraire à la dignité du peuple québécois elle est, par conséquent, coûteuse et inefficace. Elle provoquera d'autant plus de résistance chez les Québécois de souche que le nombre des immigrants augmentera.

L'autre solution consiste à donner des signaux clairs aux nouveaux venus quant au

caractère français et non pas bilingue du Québec d'une part, et à les aider, d'autre part, à apprendre notre langue.

Nous voulons, en terminant, remercier la ministre d'avoir pris l'initiative de nous inviter à soumettre nos vues dans cette consultation sur le niveau d'immigration qui prend cette année un caractère public salutaire» Nous tenons à l'assurer d'avance de notre appui à toute politique qui chercherait à répondre aux préoccupations exprimées dans le présent mémoire. Nous sommes convaincus que la situation matérielle relativement privilégiée qui est celle des Québécois par rapport à tant d'autres peuples nous impose des obligations de solidarité.

Nous estimons que le Québec a besoin d'immigrants. Nous demandons seulement à nos dirigeants de faire en sorte que l'immigration joue en notre faveur. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente.

Je cède maintenant la parole à Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je vous donnerai le temps qui reste aux deux formations.

Mme la ministre.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais remercier la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Mme Boudreau et M. Légaré, d'avoir accepté notre invitation et d'être à cette commission aujourd'hui pour nous faire valoir vos points de vue. Je vous félicite, votre mémoire est de qualité et fort intéressant.

Dès le début, je voudrais vous dire que nous, du gouvernement, partageons votre amour de notre pays, de notre peuple, de notre culture et de notre langue. Nous sommes heureux de voir que, comme tous les intervenants qui vous ont précédés, vous êtes d'accord avec une augmentation de l'immigration. Vous voyez celle-ci comme un besoin mais qui devrait également s'inscrire dans une politique de population. Plusieurs intervenants nous ont dit la même chose.

Vous avez raison. Quand les Québécois sont bien informés, ils sont généreux et ils sont certainement ouverts à l'immigration. D'ailleurs, un sondage SORECOM nous le dit de façon éloquente: 60 % de la population dit que nous devrions augmenter le nombre d'immigrants ou conserver le nombre d'immigrants que nous recevons chaque année - même en surestimant le nombre réel que l'on reçoit, donc c'est très positif - et 76 % des répondants nous disent que nous avons besoin d'immigration au Québec. On voit que les Québécois sont mieux renseignés et réalisent les besoins démographiques du Québec, ainsi que notre responsabilité en tant que pays privilégié pour les plus démunis de ce monde.

De par vos remarques, je peux déduire que vous n'êtes pas tout à fait d'accord avec les remarques du père Harvey, hier, qui a quelque peu surpris certaines personnes autour de cette table. Vous parlez de l'immigration, qui est de plus en plus anglophone. Vous avez raison, les pays d'immigration changent. Nous recevons présentement plus de personnes qui ont l'anglais comme langue d'usage, entre autres les revendicateurs du statut de réfugié. C'est dommage que, pendant plusieurs années, ces personnes n'aient pas eu droit a des cours de français. Maintenant, nous leur permettons de suivre des cours de français. C'est assez intéressant de voir qu'ils veulent apprendre le français, malgré, pour plusieurs d'entre eux, qu'ils connaissent l'anglais. On n'a pas eu à faire une grande publicité; ils étaient à nos portes, en grand nombre, pour s'inscrire à nos cours de français.

Alors, un immigrant, comme vous l'avez si bien dit, qui s'arrache à son pays pour choisir une nouvelle patrie, veut s'intégrer à la majorité, veut en faire partie, veut être un citoyen à part entière. Alors, il faut lui donner les moyens, dès son arrivée, de devenir ce citoyen à part entière. Au Québec, le premier critère d'intégration, c'est la francisation. Nous le reconnaissons comme gouvernement. D'ailleurs, je n'ai pas eu trop de problèmes à obtenir des budgets additionnels auprès du Conseil des ministres afin de pouvoir donner des cours de français aux revendicateurs du statut de réfugié.

Vous avez parlé, également, de l'importance de la famille pour retenir nos immigrants. Les membres d'une famille ont plutôt tendance à s'installer, à rester; vous avez raison. Mais, il y a un membre bien important de cette famille qui a été laissé un peu de côté, c'est la femme à domicile, la mère de famille. Elle a moins de possibilités de suivre des cours dans nos COFÏ, dans les écoles de nos commissions scolaires, parce qu'elle a de jeunes enfants à la maison, des enfants d'âge préscolaire ou des enfants à l'école, qui rentrent dîner. Donc, il faut faciliter... Elle doit être à la maison pour le repas du soir. Elle a moins de facilités que d'autres personnes. On a eu tendance à l'oublier.

Je suis absolument d'accord avec vous: Comment pouvons-nous intégrer les immigrants quand une personne aussi importante de la famille n'est pas francisée? Même si le jeune va à l'école française, sa mère ne peut pas communiquer avec les parents de ses petits amis ou elle ne peut pas aller à l'école pour parler avec ses professeurs. Même si le père travaille en français, qu'il a des amis francophones, il ne peut pas, le samedi soir, sortir avec eux parce que son épouse ne parle pas français.

Nous avons cru important, pour faire cette intégration, que chaque membre de la

famille ait la chance d'apprendre le français, ait le droit d'apprendre le français. Nous avons créé un programme, cette année, qui s'appelle PAFI; moi, je l'appelle mes cours de français, mon programme de quartier. C'est pour aller rejoindre la femme chez elle, le plus proche possible de chez elle. On lui fournit également une garderie pour les enfants d'âge préscolaire, une garderie qui se fait en français pour que ce jeune puisse se familiariser avec la langue et se préparer à l'école.

Je sais qu'il y a encore énormément d'ouvrage à faire. Il faudra toujours être vigilant dans le contexte nord-américain pour conserver notre langue. Ce sera toujours une lutte, c'est vrai, il faut avertir nos enfants de cela. Malgré tous les efforts que l'on fait, malgré que vous en doutiez, ce ne sera jamais fini. Il faudra toujours mettre en place des moyens de conserver nos acquis, de les agrandir, de les protéger. C'est vrai, je suis d'accord. Mais, j'ai des chiffres ici qui peuvent dire bien des choses, mais qui nous disent que, au recensement de 1981, les personnes qui disaient avoir une seule langue maternelle, la langue française, représentaient 81.5 % de la population; en 1986, c'était 81.4 %. Les personnes qui nous disaient avoir deux langues maternelles, le français et une autre, d'après le recensement de 1981, représentaient 82.4 % et en 1986, c'était 82.8 %.

C'est tout petit mais on peut espérer que c'est un bon signe et certainement, je suis absolument d'accord avec vous, quand on dit que tous les immigrants devraient avoir le droit, dès leur arrivée, à des cours de français. Je pense que c'est essentiel et j'espère que je ne froisse pas, dans mes communiqués, dans mes relations avec elles, les communautés culturelles, avec de fausses promesses. Je suis très présente. Il faudrait peut-être que vous nous suiviez, parce que bien au contraire, même quand je me sers de la langue anglaise pour passer un message, le message c'est: II faut que vous appreniez le français et je le dis même dans les plus anciennes communautés où il n'y a peut-être pas eu l'effort nécessaire.

Mon message est clair et précis, je leur dis que mes programmes de francisation, c'est pour eux que je les fais, qu'il faut qu'ils se francisent. Ils ont vécu peut-être plusieurs années en anglais, mais il faut qu'ils se francisent parce que eux aussi veulent être des citoyens à part entière et, au Québec, cela passe par la francisation. Mes messages sont clairs. Je pense qu'il ne faudrait jamais oublier que c'est le gouvernement que je représente qui a fait du français la langue officielle du Québec. Et nous allons continuer à défendre nos acquis et à renforcer le français au Québec et à s'assurer que notre société québécoise francophone demeure forte.

Cela fait des siècles qu'on se bat et on va continuer, j'ai confiance et j'ai confiance en nos enfants pour continuer la lutte. Merci!

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre,

M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mme la présidente, M. le premier vice-président, la Société Saint-Jean-Baptiste est présente, de nouveau et comme toujours, dans tous les grands dossiers d'intérêts nationaux, pour nous québécois, pour nous francophones. Votre présence donc, ne m'étonne pas. Cela aurait été plutôt le contraire qui m'aurait très profondément déçu, de ne pas vous voir. Mais je pense que c'est une hypothèse qui n'était même pas envisageable, en tout cas, dans mon esprit.

Vous êtes là, parce que rien de ce qui est grand et durable n'a été accompli ici sans votre participation et c'est dommage que le temps limité ne vous ait pas donné l'occasion de justement faire l'historique de ces grandes réalisations au Québec qui ont été faites parce que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal était là et les plus graves menaces qu'on a dû contrer ici l'on été grâce à votre participation. Vous vous réclamez un nombre de membres très grand. J'ai toujours beaucoup de fierté à dire que je suis membre de votre société. J'y ai d'ailleurs occupé des fonctions, mais très modestes, il va sans dire, et je serai, sans aucun doute, toujours membre de cette société, puisqu'elle fait à la fois mon orgueil et ma fierté. (12 heures)

Vous avez présenté, comme d'habitude, je pense qu'il est bon de le souligner, un mémoire très bien fait. J'étais content que M. le président fasse état de la qualité de la langue. C'est un sujet qui me préoccupe également. Vous avez insisté, et c'est consensuel, au sein de cette commission, sur la nécessité de lier un accroissement de l'immigration à l'adoption de mesures adéquates d'intégration et de francisation. Vous avez présenté des initiatives qui sont très intéressantes et qui viennent de votre vécu, c'est-à-dire les cours de français et, surtout, cette méthode de compagnonnage où vous avez déjà une expertise qui est reconnue.

Votre mémoire dénonce le laxisme du gouvernement en matière linguistique, le peu de vigueur manifesté dans l'application de la Charte de la langue française alors que le gouvernement devrait donner des signaux clairs aux nouveaux venus quant au caractère français du Québec. Déjà, d'autres intervenants précédents ont insisté effectivement sur cette nécessité d'envoyer des messages très clairs à ceux qui désirent venir ici, à ceux que nous voulons également

voir venir ici, qu'ils s'en viennent dans un Québec très soucieux d'un caractère pluriethnique, parce que nous rejetons le modèle de nos voisins du Sud, qu'on appelle "melting pot" - l'expression est consacrée, vous me permettrez de l'engager - où, malheureusement, les cultures d'origine ont été oubliées. Combien d'amis américains ai-je, qui sont d'origine italienne, grecque ou même polonaise qui, malheureusement, n'ont aucune connaissance de la culture de la patrie d'origine de leur père, grand-père, arrière-grand-père et qui ne possèdent malheureusement aucune notion de la langue? Je trouve cela triste quand, par contre, mes amis, ici, québécois, qui sont de souche italienne, eux, possèdent cette langue encore, connaissent cette culture et enrichissent la mienne, puisqu'ils me lancent sur des pistes dans le domaine de la littérature, de la chanson et de la musique, des pistes fort intéressantes qui, je le sens, m'enrichissent.

Maintenant, au-delà de cet énoncé, j'aurais quelques questions à vous poser. Vous recommandez de favoriser la venue d'immigrants francophones; vous dites cela, je pense, à la page 28 de votre mémoire. Par quel moyen va-t-on pouvoir favoriser cette immigration-là autrement que par le pointage, c'est-à-dire la cotation de points accordés à la connaissance de la langue française?

Mme Boudreau: M. le Président, d'abord j'aimerais Remercier Mme la ministre et M. le député de leurs remarques. Elles semblent dénoter que tous, ici, nous convergeons vers les mêmes horizons, et j'en suis très heureuse, et, évidemment, nous accordons à l'immigration au Québec la place qu'il faut lui octroyer dorénavant, c'est-à-dire une place très importante.

Avant de répondre à votre question, M. le député, si vous le permettez, je ferai quelques commentaires sur les remarques de Mme la ministre, entre autres, en ce qui a trait aux femmes. À la lecture de notre mémoire, vous avez sans doute constaté que nous avions consacré tout un paragraphe à ce programme que votre gouvernement a décidé de mettre de l'avant pour les femmes, le louangeant comme il se doit. Il est très important - ne dit-on pas que la langue, c'est la langue maternelle - que les femmes puissent assimiler et avoir accès à la langue du Québec, c'est-à-dire la langue française dans les meilleurs délais qui suivent leur arrivée en sol québécois.

J'aimerais dire également que le peuple québécois est d'abord et avant tout un peuple de culture et que cette culture a un tel caractère d'importance qu'elle revêt l'importance d'une richesse naturelle en Amérique du Nord. J'aimerais dire que c'est la première chose que nous avons à partager avec les gens qui décident de venir vivre leur avenir avec nous. C'est pourquoi, il nous apparaît très important de partager ce qui exprime le mieux cette culture, c'est-à-dire notre langue.

J'aimerais également être atteinte, si vous voulez, du même optimisme que Mme la ministre relativement à cette francisation accrue du Québec. Sans doute, les membres de cette commission ont-ils pris connaissance des différents articles publiés dans La Presse et Le Devoir, cette semaine, relativement, justement, au phénomène de l'immigration. Le premier article disait que l'italo-québécois était trilingue, farouchement attaché à sa cuisine - on le comprend, d'ailleurs - et soignait jalousement ses relations familiales -ce que l'on comprend aussi. Par ailleurs, il y a une phrase, dans cet article, qui m'a beaucoup frappé et qui a aussi beaucoup frappé les gens. Vous savez, quand on est un organisme populaire, cela a ses avantages. Tout le monde nous téléphone pour nous dire ce qu'ils pensent de ceci, de cela. Le gouvernement a fait cela: nous sommes d'accord, nous ne sommes pas d'accord. Le gouvernement a fait cela: êtes-vous en accord, êtes-vous en désaccord? Beaucoup de gens ont téléphoné chez nous, car ils étaient un peu offusqués d'une phrase qui s'est glissée dans cet article et qui disait que l'itatophone préférait la langue française qui était celle des humbles gens d'ici. C'est peut-être la langue des humbles gens d'ici, la langue française, mais ce doit être la langue de tout le monde, la langue des affaires, la langue de l'éducation. Je pense que ce n'était certainement pas dit de façon péjorative et préjudiciable, mais il faudrait peut-être s'interroger sur ce qu'est la langue des humbles gens?

En ce qui a trait au deuxième article, il parlait des Grecs du Québec qui conservent leur langue, parlent aussi anglais, et font des affaires. Il disait que 90 % de ces gens-là regardaient la télévision en langue anglaise, alors que 50 % lisaient un quotidien en langue anglaise, The Gazette, et que 15 % seulement choisissaient les trois quotidiens montréalais de langue française. Si j'étais M. Péladeau ou M. Landry, je commencerais à m' inquiéter un peu, parce que, demain, ce sont les immigrants qui seront les lecteurs de nos journaux.

Finalement, le dernier article qui s'intitulait "Les tensions linguistiques mettent à l'épreuve la solidarité des Juifs montréalais." Je ne sais pas si le conseil juif vous en a parlé, mais on disait que 80 % de ces gens-là s'intégraient à la communauté anglophone. Cela aussi, pour nous, c'est inquiétant. Cela a peut-être mis un certain frein à notre optimisme, mais ceci dit, on se dit qu'il est toujours temps de renverser la vapeur et de donner un bon coup de barre qui fasse que, finalement, les immigrants adhèrent à la langue française.

Pour répondre à la question de M. le député: comment allons-nous favoriser l'immigration francophone? Si M. le député a bien lu cet extrait de notre "mémoire, nous disions évidemment qu'il fallait la favoriser, mais nous y voyions également des difficultés. Vous l'avez dit ou est-ce Mme la ministre? Évidemment, l'immigration européene afflue de moins en moins. C'est donc dire que notre clientèle d'immigrants se diversifie de plus en plus. Nous disions évidemment qu'il fallait privilégier d'abord et avant tout ce type d'immigration, mais nous parlions aussi de ces 30 % de critères d'éligibilité qui parlaient des possibilités pour les immigrants de s'intégrer à la population. Pour nous, ces 30 % étaient aussi très importants.

Évidemment, le facteur linguistique... Si on parle déjà français en arrivant au Québec, c'est de beaucoup évidemment supérieur à quelqu'un qui ne possède ni même la langue française, ni même la langue anglaise. Mme la ministre se rappellera que, dans les articles de presse qui ont commenté son geste de s'associer au gouvernement canadien pour amnistier les réfugiés qui nous arrivaient d'un peu partout et où elle acceptait donc d'abaisser les critères d'exigibilité relativement à la langue française de quinze à douze points pour pouvoir s'associer à ce programme, les journalistes disaient: La majorité' d'entre eux baragouinait l'anglais mais ne parlait pas le français. Alors c'est évident que, pour nous en tout cas, il ne faut pas abaisser les critères d'exigibilité, quoique dans une perspective humanitaire nous puissions comprendre que ce geste ait été posé. Par ailleurs, 15 %, que cela reste 15 % et que, dans les 30 %, on considère les possibilités pour ces nouveaux arrivants, ces nouveaux venus, de s'intégrer à la communauté francophone.

Je vous donne un exemple: è la Société Saint-Jean-Baptiste, nous avons tenté d'intégrer deux groupes diamétralement opposés, si je puis dire, les Kurdes et les Latino-Américains. Les Kurdes se sont beaucoup moins bien intégrés, il faut le dire. Ils ont des difficultés, d'abord, des difficultés de caste entre eux et, ensuite, des difficultés à assimiler la langue française et je pense que, peut-être, auraient-ils les mêmes difficultés s'ils décidaient de s'assimiler à la langue anglaise. Par ailleurs, les Latino-Américains ne parlent pas nécessairement le français quand ils arrivent ici, mais ils s'intègrent très bien, à cause de la consonance linguistique, etc. Alors, pour nous, c'est tout aussi important, sachant très bien que ce critère-là, de vouloir accueillir d'abord les immigrants francophones, risque de nous rester sur les bras éventuellement.

M. Boulerice: Vous avez fait des remarques à Mme la ministre, quand aux mesures qui ont été adoptées pour les femmes, auxquelles je souscris d'ailleurs, j'en suis très heureux, et vous avez également fait allusion - j'aimerais que ce soit redit au mémoire qu'a déposé hier M. Harvey. Bien entendu, je nourris des réserves sérieuses face à ce mémoire. Par contre, il y avait là-dedans, et je pense qu'il ne faut pas l'oublier malgré tout, des réserves très sérieuses quant au danger d'une immigration qui mettrait en cause les acquis en matière de condition féminine au Québec.

Pour donner un exemple, on m'informait que, paraît-il, de façon clandestine, selon les traditions qui sont établies, traditions culturelles, on aurait procédé à Montréal, au Québec, à une pratique que je trouve odieuse: l'ablation du clitoris. Je pense que, quand vous parlez des mesures qui ont été faites pour les femmes, il est bon de mentionner ce danger potentiel qui pourrait peut-être exister pour ce qui est des acquis de la condition féminine.

Maintenant, j'ai une question que j'aimerais adresser à M. Légaré qui a une très grande connaissance du milieu scolaire. Dans quelle mesure, le système scolaire actuel, c'est-à-dire avec sa division religieuse, continue-t-il de nuire à la francisation des nouveaux arrivants?

M. Légaré (Pierre): C'est tout à fait évident qu'une plus grande proportion, même de Québécois de souche, comme on les appelle dans notre mémoire, fréquente les écoles de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. On n'a rien contre cela, c'est bien leur droit. Évidemment, plusieurs nouveaux arrivants aussi fréquentent les écoles françaises de cette commission scolaire. Mais ce n'est pas vraiment une intégration à la majorité francophone du Québec qu'on voit dans ces écoles, parce que souvent les communications se font en anglais. J'ai moi-même eu l'occasion de visiter des écoles, au moins deux écoles françaises de la Commission des écoles protestantes, et j'ai constaté que les communications se font très souvent, pour ne pas dire presque exclusivement, en anglais et même les communications verbales entre les membres du personnel. Les enfants souvent, aussi, même s'ils ne sont pas de langue maternelle anglaise, parlent anglais dans les cours d'écoles.

Alors, il est bien évident qu'une division linguistique des commissions scolaires permettrait sûrement d'atteindre davantage les objectifs que plusieurs, dont nous sommes, souhaitent voir atteindre.

J'aimerais ajouter là-dessus que tout n'est pas dit. J'entendais les revendications de l'organisme qui nous a précédés - c'est bien leur droit et si j'étais à leur place, peut-être que je ferais la même chose -

mais si on élargit la possibilité, même pour des gens qui ne sont pas de langue anglaise, de fréquenter des écoles anglaises, ce que j'ai entendu et ce que je vois dans une de leurs recommandations, ce serait un recul, parce qu'en 1977, année de l'adoption de la Charte de la langue française, les étudiants qui fréquentaient les écoles anglaises sur l'île de Montréal représentaient au-delà de 42 % de la population scolaire globale, quoique la population de l'île de Montréal de langue anglaise représentait moins de 15 %. Ce qui veut dire que n'eût été l'adoption de la Charte de la langue française, aujourd'hui, même si une majorité des Montréalais ou des résidents sont francophones, une majorité, sinon une forte majorité, des enfants fréquenterait les écoles anglaises. Aujourd'hui, ces 42 % ont diminué, bien sûr, mais, quand même, ils représentent au moins le double, comme proportion, de la population globale de langue anglaise sur l'île de Montréal. Alors, l'équilibre est encore loin d'être atteint. C'est pour cela que notre organisme, et je pense que nous ne sommes pas les seuls - nous ne devrions pas être les seuls - souhaiterait que le gouvernement actuel n'adopte pas des lois ou des règlements qui feraient en sorte que l'équilibre ne serait pas atteint au plus tôt ou ne serait jamais atteint.

Le Président (M. Trudel): Merci, M. le député de Saint-Jacques. Mme la ministre des Communautés culturelles, il vous reste deux minutes.

Mme Robic: D'accord. Je veux dire deux petites choses, M. le Président. Je voudrais revenir sur le fameux programme de régularisation du statut des revendicateurs qui a eu lieu et où on avait cette fameuse grille. Je voudrais vous faire remarquer qu'on aurait peut-être eu de meilleurs résultats si ces gens-là, qui étaient chez nous depuis plusieurs années d'ailleurs, avaient eu droit à des cours de français. C'est là l'importance d'avoir des cours de français dès leur arrivée. On n'aurait pas fait face à ces pourcentages de gens qui étaient allés vers la société anglophone.

Autre chose, au sujet des reportages. Je voudrais vous mettre en garde contre ces reportages, puisque l'on pourrait trouver autant de gens qui pourraient probablement dire le contraire de ce qui est dit souvent dans ces reportages. On remarque que les communautés plus nouvelles, qui sont arrivées au Québec se sont intégrées beaucoup plus largement à la majorité francophone. Je dois prendre la part des pauvres Grecs qui écopent toujours des articles qui disent qu'ils se sont intégrés à la société anglophone. Je me dis que si on avait eu une meilleure vision, il y a 20 ans, et si on leur avait permis de fréquenter nos écoles francophones, peut-être qu'on en aurait plus qui se seraient intégrés plus rapidement. Mais, encore une fois, on espère qu'eux aussi s'intégreront et je pense que, lorsqu'on les rencontre, on s'en rend compte. On a un député qui parle très bien le français et le grec. Il y en a plusieurs autres et la plus jeune génération parle français également.

Alors, oui, je demeure optimiste, malgré que j'avoue qu'il faudra toujours rester vigilants, avoir des programmes et encourager tous ces nouvaux arrivants et leur donner le droit de suivre des cours de français; leur donner le goût, également, par notre accueil.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Mme la présidente, avez-vous un commentaire final?

Mme Boudreau: Je veux simplement remercier M. le Président, Mme ta ministre, mesdames et messieurs les membres de cette commission d'avoir bien voulu discuter avec nous, ce qui nous paraît fondamental. Il n'est jamais trop tard, Mme la ministre, pour corriger nos erreurs. Si nous en avons fait dans le passé, croyez bien que nous n'en ferons plus dans l'avenir, tellement nous savons que l'immigration est importante pour le devenir linguistique, culturel, social et économique du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Trudel): Merci, madame. Alors nous allons suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 29)

Le Président (M. Trudel): À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant d'accueillir le troisième groupe de ce matin et le dernier organisme qui ait accepté l'invitation de la commission et avant de l'oublier - ce sont des choses qu'on oublie généralement - j'ai deux remarques techniques à faire, ce qu'on appelle "de la cuisine". Il y aura une suspension des travaux pour environ dix minutes immédiatement après notre discussion avec les représentants de la CSN.

Mémoires déposés

La deuxième remarque technique, c'est que je veux faire immédiatement le dépôt de trois documents qui ont été adressés à la commission de la part d'organismes qui ne voulaient pas nécessairement se faire entendre. Alors, le premier de ces documents que je dépose est le mémoire du Centre des services sociaux du Montréal métropolitain, qui est coté 5-M. Soit dit en passant, c'est

une cote technique. Cela ne veut pas dire que sur une échelle de un è dix ou de dix à vingt...

Je dépose également une lettre de M. Pierre Lucier, président du Conseil supérieur de l'éducation, à Mme Louise Robic, ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, en date du 9 juillet 1987, sous la cote 1-D.

Enfin, je dépose une lettre de M. Jean Doré, maire de Montréal, qui m'écrivait le -on n'a pas mis la date - mais j'ai vu la lettre et c'était daté du 29 juillet, je pense. De toute façon, on en fait le dépôt sous la cote 2-D. Donc, les mémoires déposés à la commission seront accessibles aux membres évidemment, si cela n'a pas déjà été fait.

Nous accueillons maintenant notre dernier groupe, les derniers représentants d'organismes qui ont accepté l'invitation de la commission, comme je le disais tantôt. J'accueille Mme Céline Lamontagne qui est vice-présidente et Mme Suzanne Leduc, adjointe à l'exécutif. J'avais ici M. Marcel Pépin, conseiller syndical, mais on m'a fait remarquer tantôt que c'était M. Marcel G. Pépin, le fils de Marcel Pépin, l'ancien président de la centrale.

Mesdames, bienvenue à la commission. Vous connaissez - la CSN étant une vieille habituée de ce genre d'exercices - les règles du jeu. Vous nous avez soumis un mémoire relativement court et dans des délais... Il porte la cote 2-M. je pense.

Une voix: 9-M.

Le Président (M. Trudel): 9-M. Donc, il est dans les tout premiers qui nous sont parvenus. Je vous en félicite. Mme la vice-présidente, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Audition de la CSN

Mme Lamontagne (Céline): M. le Président, Mme la ministre, membres de cette commission, la Confédération des syndicats nationaux est heureuse de contribuer au débat entourant les niveaux d'immigration pour les années 1988 et 1989. Nous sommes parfaitement d'accord, comme vous pouvez le comprendre, avec le principe d'une consultation systématique et publique du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration sur cette question.

Comme vous l'avez déjà signifié, M. le Président, on va procéder à la lecture du mémoire et on aura peut-être des ajouts, des détails parce que celui-ci est très court. Avoir su qu'on était dans les premiers à déposer un mémoire, on aurait peut-être pris plus de temps pour développer certains aspects. On est heureux d'apprendre qu'on est les premiers mais c'est par ailleurs assez court comme présentation. Si on n'a pas tout développé dans le mémoire, on a eu aussi l'occasion, au cours des derniers mois, de prendre certaines positions, entre autres, par rapport à la question des réfugiés qui est la question d'actualité.

Premièrement, il est important de dire que parmi les 230 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire québécois et dans l'ensemble des secteurs d'activité, la CSN en compte un bon nombre qui sont nés à l'extérieur du pays ou qui sont de souche récente. Une enquête que nous avons menée à Montréal nous démontre que près du quart de nos membres dans cette région font partie de cette catégorie. Certains de nos syndicats locaux sont composés très majoritairement d'immigrants récents et, dans certains cas, de réfugiés.

Nous sommes donc familiarisés avec les problèmes économiques et sociaux que vivent ces travailleuses et travailleurs et nous sommes particulièrement conscients des problèmes qu'elles et qu'ils vivent dans l'exercice de droits tels, entre autres, celui de s'organiser en syndicat. On connaît des groupes de travailleurs et de travailleuses qui sont moins spécialisés qui vivent des conditions de travail très très précaires, très très difficiles. On a aussi des exemples récents de difficultés et d'affrontements importants avec les employeurs, entre autres des difficultés à s'organiser en syndicat dans certains emplois précaires, non spécialisés, très mal payés et comportant des conditions pénibles. On vit cela depuis quelques années mais cela se vît encore assez régulièrement dans nos rangs.

Nous vous transmettrons les principaux commentaires et recommandations que la CSN désire formuler sur certaines questions soulevées dans les documents du ministère.

Comme nous l'avons exprimé dans les dernières années, la CSN croit que les politiques canadienne et québécoise d'immigration doivent être des politiques d'ouverture et ce, malgré les difficultés que cela peut comporter. Je pense que c'est la tendance qui se dégage des travaux de cette commission, soit une ouverture.

Nous sommes intervenus en ce sens récemment auprès du ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada. Parmi les hypothèses envisagées par le ministère et présentées dans leurs documents de consultation, nous avons préconisé l'adoption du troisième scénario, soit celui prévoyant l'augmentation graduelle des niveaux d'immigration pour atteindre 175 000 immigrants annuellement en 1990.

Nous avons déjà connu au Canada une immigration d'un volume dépassant largement cet objectif. Le retour à cette politique aurait un impact démographique positif et, croyons-nous, un impact économique positif.

Nous appuyons la recommandation du ministère visant, au Québec, un niveau

d'immigration atteignant le quart de l'immigration internationale venant s'établir au Québec. Nous reconnaissons en cela l'importance de la politique d'immigration par rapport à notre évolution démographique. Nous croyons même que ce seuil du quart peut être dépassé si nous en avons la possibilité. J'ajouterais ici que même si on trouve cela important en ce qui concerne l'évolution démographique, on ne croit pas que l'immigration - d'autres l'ont dit, mais on n'a pas développé cela ici - soit la seule politique, la seule mesure qui doive être prise par rapport à la question de la population, à la question démographique, mais on croit que c'est une possibilité. L'immigration est claire, mesurable; on peut y mettre des critères. Je pense qu'on peut la prévoir aussi. Dans ce sens-là, on trouve que c'est une mesure importante.

Nous estimons cependant qu'il est primordial qu'à notre politique d'immigration soit associée une politique de sensibilisation de la population québécoise aux différentes ethnies qui viennent s'établir au Québec. Nous savons que l'immigration n'est plus et ne sera plus blanche et européenne et que cela crée parfois des réactions défavorables. Une meilleure connaissance d'autres cultures permettrait certainement d'adoucir ces réactions. Nous savons que certaines initiatives en ce sens sont en cours; nous espérons que cela demeurera une priorité. Nous trouvons cela important et majeur - je pense que d'autres l'ont dit et l'on signifié -qu'il y ait une campagne de sensibilisation, d'information de la population québécoise à la question de l'immigration. On croit que c'est d'abord la responsabilité gouvernementale, même si, actuellement, Il y a beaucoup de groupes qui font ce travail avec les moyens qu'ils ont. On pense aussi que cela peut être la responsabilité de ces groupes. Par exemple, nous, en tant que centrale syndicale, on a un travail d'éducation à faire chez nos membres québécois de souche, comme on dit, pour mieux faire comprendre la situation des travailleuses et travailleurs immigrants, mais on pense que c'est d'abord une responsabilité gouvernementale, surtout après tous les débats et tout ce qui se dit, parfois de façon très démagogique, sur la question des réfugiés et des immigrants.

L'adoption de cette politique d'immigration nécessite, comme il est souligné dans les documents de consultation, des efforts supplémentaires en matière d'accueil et de langue. Il est primordial que les ministères fédéral et provincial développent leurs services à cet effet. L'orientation de ces services doit aussi être sérieusement revue, surtout en ce qui concerne la langue. Actuellement, l'apprentissage de la langue est très lié à la participation au marché du travail, ce qui a pour effet d'exclure beaucoup d'immigrants, essentiellement des femmes. Des études ont démontré que même après plusieurs années au Québec, 42 % des immigrées ne parlaient pas le français.

De plus, l'apprentissage de la langue ne doit pas viser la langue orale seulement mais aussi l'alphabétisation. Les femmes immigrées représentent à elles seules le tiers des analphabètes.

L'apprentissage de la langue française doit être constamment une priorité.

Vous avez parlé, Mme la ministre, tout à l'heure, du nouveau programme en ce qui concerne les femmes qui n'étaient pas sur le marché du travail. Je pense qu'on trouve cela très intéressant. Par ailleurs, on trouve important et on va insister - je pense qu'on n'est pas les seuls à avoir insisté - pour qu'il y ait une forme d'obligation ou d'incitation très forte pour tous les nouveaux arrivants à aller suivre des cours de français et de langue. Pour cela, évidemment, il faut des programmes nouveaux comme on vient d'en mettre sur pied. Il faut aussi beaucoup de souplesse, d'accessibilité et de diversité, je dirais, dans les programmes d'apprentissage de cours de langue. Dans ce sens-là, on va mettre de l'avant - ce sera discuté lors de notre prochain conseil confédéral - la possibilité de revendiquer - et. même que cela pourrait entrer dans les conventions collectives - des cours de langue en milieu de travail où il y a une forte proportion de Néo-Québécois. Donc, il faut vraiment varier et faire preuve de beaucoup d'imagination pour que l'apprentissage de la langue française soit possible pour tous les nouveaux arrivants qui ne connaissent pas la langue et qu'ils puissent avoir les moyens et les capacités d'apprendre la langue.

En ce qui a trait aux services d'accueil, on sait qu'il y a quelques années, à la suite de compressions budgétaires, les services d'accueil ont été réduits plus à une distribution de brochures ou d'informations écrites et qu' on a beaucoup diminué le service d'accueil avec explications. Nous insistons aussi pour qu'il y ait de meilleures explications, de meilleures possibilités pour les immigrants de se renseigner, entre autres, sur les lois sociales et les lois du travail. Il faut vraiment qu'ils connaissent, entre autres, les services auxquels ils pourraient avoir accès et auxquels ils ont droit.

Sur les catégories d'immigrants, les documents de consultation reviennent à quelques reprises sur la proposition de renforcer le caractère économique du mouvement d'immigration. Une des recommandations du ministère propose ainsi: "d'établir un nouvel équilibre (...) en favorisant la venue en plus grand nombre des immigrants de la catégorie des indépendants."

Nous ne sommes pas d'accord avec

cette proposition pour deux raisons. En premier lieu, nous croyons à la nécessité de conserver l'équilibre actuel entre les différentes catégories d'immigrants. Évidemment, le nombre de personnes provenant de la catégorie de la famille dépend du nombre de personnes reçues au cours des années antérieures dans les autres catégories. Cela inclut les indépendants et indépendantes, bien sûr, mais aussi les réfugiés et nous croyons que celles-ci et ceux-ci doivent conserver toute leur place dans le mouvement total d'immigration. Ceci signifie qu'avec l'augmentation des niveaux, la proportion des immigrants doit, à notre avis, demeurer semblable au augmenter.

En second lieu, la catégorie des indépendants influe sur nos politiques de main-d'oeuvre et nous estimons qu'il faut éviter de faire de l'immigration la porte privilégiée pour régler les problèmes de disponibilité de certaines qualifications. Il faut s'assurer que nos mécanismes d'apprentissage et nos politiques de formation professionnelle occupent toute leur place et soient nos instruments privilégiés.

Nous craignons qu'en axant prioritairement la politique d'immigration sur la catégorie des indépendants, on sape les efforts en ce sens-là.

Alors, premièrement, on trouve qu'il y a peut-être une faiblesse au niveau de toute la politique de formation professionnelle. On ne pense pas qu'on ne doit pas utiliser l'immigration comme un palliatif au manque, peut-être, de certaines ressources même si -c'est clair - l'arrivée de compétences est une richesse pour le Québec. Cela est évident et on ne remet pas cela en cause.

L'autre aspect qui est important pour nous, c'est que l'augmentation du nombre d'immigrants de statut indépendant ne devrait pas avoir pour effet de réduire la proportion du nombre de réfugiés d'autant plus que finalement - et cela c'est une étude qui a été faite l'hiver dernier - on constatait que le profil moyen pour 1985, entre autres, du réfugié était à peu près identique au profil de l'immigrant moyen pour ce qui est du degré de scolarité, de l'âge, des compétences, etc.

Donc, il ne faudrait pas, à notre avis, handicaper, si l'on décidait d'augmenter le nombre d'immigrants indépendants, la catégorie des réfugiés ou de tout ce qui est de niveau humanitaire.

L'autre remarque concerne les indépendants dans la sous-catégorie, les entrepreneurs, les immigrants entrepreneurs. On sait qu'actuellement il y a une étude qui se fait au niveau fédéral pour essayer de voir effectivement quel est l'impact de cette catégorie-là sur le développement économique du pays. On n'a pas ces données-là. Il y a peu d'études - on en avait déjà demandé -qui ont été faites, sauf peut-être l'étude récente qui est sortie dans un journal dont on a entendu parler cette semaine.

La catégorie de la famille. La définition utilisée pour déterminer la catégorie de la famille devrait être modifiée pour inclure les enfants quel que soit leur âge. La définition actuelle ne reconnaît pas les enfants de plus de 21 ans et est trop stricte à notre avis.

Un comité parlementaire à Ottawa a recommandé d'inclure aussi dans cette définition les frères et les soeurs. Nous avons une certaine difficulté à estimer l'impact d'une telle proposition et c'est pourquoi nous ne la reprenons pas ici.

Quant aux critères de sélection utilisés, nous croyons que le critère de santé devrait être levé pour cette catégorie, sauf si un problème pour la santé publique se présentait. Il nous semble que, malgré les coûts occasionnés, on ne doive pas empêcher la réunification des familles sur une telle base. (12 h 45)

Les réfugiés. On retrouve dans les documents de consultation une prévision de 1000 personnes pour les requérants et requérantes du statut de réfugié. Cette prévision est évidemment dépassée. Nous vous soumettons ici que nous nous sommes prononcés contre la politique intérimaire du 20 février 1987 et contre le projet de loi C-55, mesures destinées non pas à freiner les abus comme on se plaît à le dire mais plutôt à éliminer du Canada le maximum de réfugiés qui se présentent au pays de cette façon.

Nous croyons que le Canada et le Québec doivent demeurer des terres d'accueil où celles et ceux qui prétendent être menacés de persécution peuvent trouver protection san3 risque d'être refoulés dans leur pays d'origine. Ces personnes doivent pouvoir être représentées, entendues et doivent avoir accès à une procédure d'appel. Les mesures proposées par le gouvernement fédéral ne respectent pas ces conditions et devraient donc être retirées.

Le Canada a actuellement des programmes qui permettent à des réfugiés handicapés ou présentant des problèmes de santé d'entrer au Canada. Ces programmes ont eu jusqu'ici une portée limitée. Nous encourageons Québec à prendre des encouragements de ce côté en déterminant un quota annuel minimum de réfugiés handicapés qui seront acceptés au Québec.

Le nombre de réfugiés de par le monde est énorme; le Canada et le Québec doivent considérer comme prioritaire l'appui à ces personnes. Ce volet de notre politique d'immigration doit demeurer un volet majeur.

En conclusion, nombre d'organismes non gouvernementaux oeuvrent dans le domaine de l'accueil, de l'aide, de l'intégration des immigrants et réfugiés. Ces organismes

contribuent à répondre à des besoins importants et le ministère doit les appuyer dans ce travail. Nous croyons donc que des programmes de subventions statutaires devraient exister pour soutenir les organismes qui se préoccupent de ces réalités. Et je reviendrais à la remarque que j'ai faite tout à l'heure sur le fait qu'il y a eu des coupures et que cela a handicapé beaucoup d'organismes qui travaillaient auprès des immigrants et des réfugiés.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la vice-présidente. Pour la période d'échange de vues, je reconnais maintenant Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Robic: Merci, M. le Président. Je souhaite la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux à cette commission et je salue plus particulièrement Mme Lamontagne et Mme Leduc. Je tiens à féliciter d'ailleurs le syndicat pour la qualité de son mémoire. Vous avez fait un effort important de réflexion au niveau du problème démographique du Québec et on pense que ça été fort intéressant de vous lire.

Je ne voudrais pas me dérober à mes responsabilités quand il s'agit d'informer et d'éduquer la population aux bienfaits de l'immigration mais vous comprendrez que je compte énormément sur des groupes organisés tel que le vôtre pour m'aider dans ce genre d'éducation. Il est important que d'autres que la ministre fasse valoir l'apport positif de l'immigration sur la population et la nécessité et les besoins de cette immigration qui s'inscrit - je pense que tous les intervenants l'ont dit ici - dans une politique plus large de population.

Il est sûr qu'il est important d'avoir en place des programmes d'intégration, et je le redis ici: il n'y a pas d'intégration possible sans francisation; donc, il faut encore élargir ces programmes de francisation. Nous l'avons fait pour inclure des groupes qui avaient été négligés ou tout simplement mis de côté. Mais vous avez raison, il faut être... Et nous avons d'ailleurs une série de programmes très souples pour faciliter, justement au plus grand nombre de personnes possible, le fait de suivre des cours de français. Nous sommes toujours è la recherche de nouvelles formules pour encourager ces gens-là.

Vous avez également fait mention des besoins de nos groupes, de nos ONG qui font l'accueil dans nos programmes d'accueil et d'adaptation et vous avez parlé de diminution du budget. Je dois vous dire que c'est vrai pour bien des groupes. Dans certains de mes programmes, nous avons dû réduire certaines de nos subventions. J'ai dû subir également certaines coupures budgétaires. Cependant, je vous avoue que, a ce niveau-là, quand il s'agit de subventions aux organismes non gouvernementaux, il y a eu une augmentation de nos budgets et non pas une diminution, parce que je réalise justement que c'est l'une de nos priorités, cet accueil et cette adaptation. On croyait qu'il ne fallait pas toucher à cela et bien au contraire, trouver des fonds additionnels.

La même chose quand il s'agit de cours de langue. Nous sommes allés chercher des budgets additionnels au Conseil des ministres que nous avons obtenus et nous allons y retourner d'ailleurs très prochainement. Donc, nos priorités sont très bien identifiées au niveau de l'accueil, de l'adaptation, de la francisation et, également, au niveau des groupes les plus défavorisés, les minorités visibles, par exemple, et les femmes, bien entendu.

Votre centrale, comme vous l'avez mentionné, compte une proportion importante de travailleurs nés à l'étranger. Nous serions intéressés à vous entendre sur les problèmes rencontrés par ceux-ci dans l'exercice de leurs droits. Vous y avez touché, mais j'aimerais que vous détailliez un peu et que vous suggériez peut-être quelques mesures à mettre en place pour remédier à ces problèmes.

Mme Lamontagne: Le premier problème qu'on mentionnait, c'est d'abord le problème de base qui, dans plusieurs groupes est la question de la difficulté de s'organiser en syndicat parce que souvent, ce ne sont pas des citoyens en attente de statut. Donc, on exploite un certain niveau où on utilise un peu certaines pratiques de chantage, surtout dans les groupes non spécialisés, ce qui fait qu'il y a de plus grandes difficultés à se syndiquer.

Deuxièmement - et c'est évident que cela peut contribuer en même temps à certains préjugés qui circulent - c'est qu'on utilise certains groupes d'immigrants pour des emplois qui sont très difficiles, des emplois qui sont très précaires, etc. Cela est un problème qu'on vit.

Aussi, plus largement, et cela est à notre niveau, il faut développer nous-mêmes des services pour que..* À cause des cultures différentes, à cause de notre non-connaissance des lois ou du Code du travail, etc., il y a peut-être des difficultés d'adaptation, dans certains milieux, des travailleuses et des travailleurs immigrants.

Pour nous, alors, une des mesures, on l'a dit tout a l'heure, c'est la question de l'apprentissage de la langue. Même si on dit qu'on va mettre des cours actuellement pour les nouveaux, il reste encore qu'il y a des immigrants qui sont là depuis quelques années. Même s'ils ont une connaissance de la langue française qui n'est pas parfaite ou qui leur permet même de lire des fois, on souhaiterait un appui au niveau des cours de langue dans les milieux de travail, entre

autres. Cela est une mesure très très concrète qu'on souhaiterait voir appliquée ou encore, on aimerait avoir un appui auprès des employeurs pour qu'ils appliquent cette mesure.

Mme Leduc (Suzanne): J'aimerais ajouter... Vous demandez s'il y a des exemples précis qu'on pourrait vous donner sur les problèmes de syndicalisation. Sans donner de nom de compagnie ou d'entreprise, il y a un exemple encore récent qui a fait d'ailleurs la manchette des journaux. Un employeur, de façon systématique - le Code du travail est ainsi fait - peut exercer des représailles jusqu'à ce qu'il soit condamné et puis que la preuve soit faite que c'était véritalement des représailles au moment où il y avait syndicalisation. Eh bien, il peut laisser aller les choses et alors, la personne est victime de ces représailles.

Alors, souvent, dans certains secteurs, on a constaté qu'il y a une concentration d'immigrants. Les employés, dans une entreprise en particulier... Pour cet exemple-là, c'était la confection de lampes. Alors, l'employeur n'engageait que des immigrants récemment arrivés, dans plusieurs cas, des réfugiés. Premièrement, ces gens-là parlent des langues tout à fait différentes. Il y a de la difficulté de communication entre eux. Deuxièmement, ils ont une méconnaissance complète de toutes les lois du travail au Québec et ce n'est pas dans les pratiques du ministère de donner cette information sur les lois sociales et les lois du travail. Quand arrive le moment...

Dans cette entreprise en particulier, les principaux leaders étaient latino-américains, comme par hasard, et ce sont eux qui ont lancé le syndicat. Les représailles qui ont été exercées ce sont les diminutions des heures de travail. On en arriverait au point que les gens n'étaient pas congédiés, sauf qu'il y avait une diminution des heures de travail de façon telle que les employés travaillent une journée par semaine au lieu de cinq; cela fait en sorte qu'une personne qui est arrivée ici récemment a de la difficulté à vivre, etc. Ce sont des exemples de problèmes bien précis relatifs à la syndicalisation.

Aussi, il y a le . phénomène que, souvent, ces gens proviennent de pays, où évidemment les lois du travail, la syndicalisation est "moins facile" peut-être, entre guillemets, qu'ici; et ils ne sont pas conscients de ce que la loi leur permet ici. Ce sont des exemples précis. C'est donc un secteur, un groupe de population pour lequel c'est plus difficile, compte tenu du peu d'information qu'il y a. Des exemples, si vous en voulez, on peut vous en écrire, vous en donner. On en a beaucoup. Si vous parlez d'exemples précis, ce sont des exemples précis que l'on a. Évidemment, ils sont concentrés dans des secteurs, compte tenu du Code du travail tel qu'il existe, où les employés sont plus difficilement syndicables.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre.

M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, Mme Lamontagne, Mme Leduc, je suis très heureux de vous voir ici. Vous direz à M. Pépin que l'on regrette son absence, en lui rappelant ce vieux dicton qui dit: "Bon sang ne peut mentir". J'apprécie énormément que vous ayez introduit dans votre mémoire toute cette facette de la condition féminine. J'en parle depuis le début de la question à un point tel que peut-être certains représentants des médias vont se demander si M. Johnson m'a affecté aux Communautés culturelles ou à la Condition féminine. Je vous avoue que j'aurais été très heureux d'avoir le deuxième dossier. C'est une préoccupation très grande que j'ai qui me vient sans doute de ma prédécesseure lorsqu'elle assumait les fonctions de présidente de notre formation politique pour Montréal.

Dans votre mémoire, vous préconisez des efforts supplémentaires en matière d'accueil et de langue, les COFI... je vous entendais tantôt parier de cours de langue sur les lieux de travail. Je pense que c'est quelque chose de très important. Cette insistance avec laquelle vous vous penchez sur le sort de la femme immigrante, je vous le répète, me réjouit énormément. On a tous à la mémoire, et je pense que c'est encore malheureusement une facette de la réalité, la femme immigrante dans ce qu'on appelle communément ces "sweat shops" où il y a eu très malheureusement durant longtemps - je pense que c'est malheureusement encore une partie de la réalité - certaines exploitations. Je suis très heureux de voir que vous insistez là-dessus.

Quant à l'immigration comme telle, j'ai noté dans votre mémoire que vous y étiez favorable. Je pense que c'est un consensus à l'intérieur de la commission, de la part des intervenants, autant les représentants du parti ministériel que ceux de l'Opposition pour l'augmentation de ses niveaux. Vous parlez d'atteindre le quart de l'immigration canadienne parce que notre poids démographique au Québec diminue au sein du Canada. On cite 26 % de la population, c'est même inférieur à cela maintenant. Je pense que nous ne sommes plus que 24,8 % ou quelque chose comme cela. Quand vous parlez des niveaux d'immigration, est-ce que vous avez des suggestions en termes de nombre et surtout en termes de catégories? Certains nous ont dit: Un petit peu moins de réfugiés, un peu plus d'immigrants. Il y a eu une forme de quota, une forme d'introduction

numérique qui a été souvent présentée. Chez vous, cette notion est absente.

Mme Lamontagne: La première...

M. Boulerice: Je ne vous reproche pas qu'elle soit absente. Je veux savoir si vous avez réfléchi à cette question de façon plus approfondie. (13 heures)

Mme Lamontagne: Sur la question du partage des catégories ou des groupes, on l'a dit un peu dans notre mémoire, on croit que cela devrait être à peu près le partage qui existe actuellement, en termes de pourcentage. Dans ce sens-là on a un peu parlé aussi du groupe d'immigrés indépendants. On ne veut pas que cela pénalise le groupe "réfugiés". On n'a pas fait une étude très très longue sur les différentes catégories mais on pense que cela devrait à peu près être la proportion actuelle.

Quand on dit que 25 % de l'immigration canadienne devrait être au Québec - je pense que c'est d'ailleurs la position qui est avancée par le ministère -on s'est déjà prononcé en accord, au fédéral, avec la proposition. Il y avait trois scénarios possibles: Diminuer l'immigration, maintenir à peu près le rythme actuel et une augmentation. Nous nous sommes prononcés pour une augmentation plus grande, ce qui signifiait, pour le Canada, d'atteindre 175 000 immigrants en 1990. Donc, si on dit à peu près 25 % pour le Québec, c'est un peu cela la proportion; mais on n'a pas fait une analyse très longue des chiffres.

M. Boulerice: Pour ce qui est de la catégorie des immigrants indépendants, vous avez dit: Oui, une certaine diminution. J'aimerais que vous explicitiez davantage.

Mme Lamontagne: On n'a pas dit oui à une diminution. On dit, par rapport à une suggestion qui est faite dans les documents de consultation qu'il y ait une augmentation... par rapport à la position qui a été exprimée, je pense, par le Conseil du patronat hier ou avant-hier, on dit qu'on ne voit pas la nécessité d'augmenter cette catégorie-là. On peut la plafonner à la proportion actuelle. Premièrement, comme je l'ai dit à quelques reprises, on ne veut pas que cela pénalise trop de groupes. Deuxièmement, on pense qu'on n'a pas encore d'étude sérieuse sur tout le groupe "entrepreneur", qui est une sous-catégorie des travailleurs indépendants. On souhaite voir une étude plus développée des répercussions de ces groupes sur le développement économique. Troisièmement, on ne veut pas, non plus, que cela remplace toute une politique de main-d'oeuvre, même si on est d'accord pour dire qu'il y a une richesse collective à avoir des compétences qui viennent d'autres pays.

Ce sont, en gros, les raisons pour lesquelles on souhaite un genre de plafonnement de la catégorie des travailleurs indépendants. On ajouterait aussi, que d'après les dernières analyses qui ont été faites, pour 1985, il semble que le profil de l'immigrant qui a le statut de réfugié est semblable à celui de l'immigrant indépendant. Donc, on ne voit pas pourquoi on augmenterait ce groupe-là, peut-être aux dépens de l'autre groupe.

M. Boulerice: M. le Président, je pense que ma collègue, la députée de Maisonneuve, voudrait intervenir également.

Le Président (M. Trudel): Allez-y! Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Lamontagne, Mme Leduc, c'est, finalement, un mémoire très très pondéré que présente la CSN devant la commission. À sa lecture on peut conclure que c'est un peu dans la suite des politiques déjà en vigueur que vous souhaitez que se poursuive, tout en augmentant le nombre quantitativement... C'est un peu comme une sorte de continuité des politiques jusqu'à maintenant en usage, je pense en tout cas, à moins qu'il n'y ait des changements majeurs que je n'aurais pas saisis à la lecture du mémoire.

La question que je me pose concerne finalement beaucoup cette question qui, je le sais, vous préoccupe depuis longtemps, celle des femmes immigrantes. Vous faites mention qu'il y aurait des études - j'aimerais bien d'ailleurs savoir quelles sont ces sources -qui démontreraient que 42 % des femmes immigrées n'auraient pas une connaissance d'usage du français. Je trouve cela fort éloquent. Je pense que c'est tout à fait exact, parce qu'elles ont été souvent exclues et du marché du travail et de l'apprentissage du français à temps plein dans les COFI.

Vous nous dites également que les femmes immigrantes sont, pour un tiers d'entre elles... Non, c'est-à-dire qu'un tiers des analphabètes au Québec serait constitué de femmes immigrantes. C'est quand même considérable. J'aimerais aussi peut-être voir la source, non pas pour, d'aucune façon, réfuter vos propos, au contraire, mais pour peut-être justement les amplifier et les reprendre, à l'occasion, à d'autres commissions parlementaires. Je crois qu'on a intérêt à être très franc en matière d'immigration. Si le tiers des analphabètes est constitué de femmes immigrantes, dans la mesure où on augmente considérablement notre niveau d'immigration, il faut avoir un plan d'action pour faire face à des réalités comme celle-là.

Alors, j'aimerais un peu avoir vos commentaires sur mon impression générale, d'abord.

Mme Lamontagne: Disons, en ce qui concerne l'ensemble du mémoire, quand vous dites qu'il est pondéré... Quant aux niveaux d'immigration, aux interventions qu'on a faites depuis quelques années soit auprès du gouvernement à Ottawa ou quand nous avons eu à être consultés au Québec, c'était toujours dans le sens d'une augmentation du nombre de nouveaux arrivants, mais une augmentation qui soit intégrable, si l'on veut, à la population québécoise.

Quand je parlais, tout à l'heure, des trois scénarios, ou même de maintenir le flot actuel ou de l'augmenter, on a toujours pris partie pour une augmentation du niveau des immigrants. Aussi, c'est sûr que, dans ce mémoire, on n'a pas fait mention des différentes positions qu'on a prises sur la question plus particulière des réfugiés et de la situation par rapport aux changements de lois et de la situation bien concrète qui a été faite aux réfugiés. Je pense que c'est une consultation sur les niveaux de l'immigration.

Sur les questions qui nous apparaissent majeures, quand on dit qu'on augmente, c'est, effectivement, toute la question d'avoir des services adéquats à tous les niveaux afin qu'il y ait vraiment... Quand je parle de services, ce sont- les services d'accueil, la question de la langue, ainsi que celle de sensibiliser la population du Québec à ces nouveaux arrivants afin que ce soit harmonieux comme entrée et qu'on évite des problèmes et un peu la démagogie qu'on a connue publiquement. C'est ce qui nous apparaît majeur. Cela peut paraître pondéré, mais c'est majeur comme mesure dans le sens où cela veut dire d'abord des appuis financiers et des sorties d'argent de la part du gouvernement afin d'amener ces services. Cela veut dire aussi des appuis financiers et politiques à des groupes qui font déjà ce travail. C'est ce qui nous apparaît la priorité des prochaines semaines et des prochains mois, si l'on veut être logique avec une augmentation du flot d'immigrants.

Sur la question de la référence, je vais demander à Mme Leduc de nous la donner, c'est une source gouvernementale.

Mme Leduc: Juste pour ajouter, ce n'est peut-être pas assez clair dans le mémoire. Le président nous a félicités d'avoir envoyé notre mémoire parmi les premiers, mais, comme on vous le dit, on aurait précisé davantage si on n'avait pas voulu se restreindre pour rentrer dans les délais que vous nous avez imposés.

Donc...

Le Président (M. Trudel): Si vous voulez me permettre une remarque.

Mme Leduc: Oui.

Le Président (M. Trudel): Tous ceux et celles - je l'ai dit au début, mardi matin, lors de mes remarques préliminaires - qui ont demandé des prolongations ou qui ont pensé à le faire, les ont obtenues avec grand plaisir. Votre mémoire nous est quand même parvenu le 26 juin, ce qui était déjà une prolongation par rapport...

Mme Leduc: Oui, oui. Mme Lamontagne: Oui.

Le Président (M. Trudel): ...au 29 ou 30 mai.

Mme Leduc: C'est pour vous...

Le Président (M. Trudel): Ceci dit, vous avez quand même un bon mémoire.

Mme Leduc: II est trop court, à notre avis, et il résume trop. Il y a beaucoup d'autres choses sur lesquelles on réfléchit maintenant depuis quelques années et qu'on aurait voulu inclure dans cela. Peut-être que ne ressort pas suffisamment l'importance qu'on accorde à toute la question de la langue. Cela, je pense...

Le Président (M. Trudel): Soyez très à l'aise de faire parvenir un mémoire additionnel, si vous en sentez le besoin, au secrétariat de la commission. Il sera distribué aux membres de la commission et il fera partie des documents qui appartiendront à la commission; il sera remis également à Mme la ministre. Si vous avez le temps...

Mme Leduc: Oui. Bien, on va commencer par répondre verbalement.

Le Président (M. Trudel): Évidemment, vous pouvez nous répondre tout de suite, c'est clair.

Mme Leduc: Oui. Disons que dans tous les documents qu'on a fait parvenir jusqu'à présent, soit au fédéral ou au provincial, c'est la chose sur laquelle on insiste le plus. On est d'accord avec une augmentation des niveaux d'immigration et même pour aller au-delà des 25 %, mais à la condition qu'il y ait véritablement intégration à la communauté francophone, qu'il y ait des cours de langue, que ce soit accessible. Ce pourquoi on ne peut aller plus loin actuellement, c'est qu'on est à préparer une plate-forme d'immigration qu'on doit déposer à une instance de la CSN au mois de septembre et qui va contenir des éléments encore plus forts de demandes, entre autres en ce qui concerne la langue et - Mme Lamontagne en a parlé - entre autres une demande possiblement... On a un projet

pour faire la demande de cours de français sur les lieux de travail. C'est ce qu'il y a de majeur dans le document.

On a aussi seulement effleuré la condition des femmes immigrantes. C'est plus qu'effleurer, je pense qu'il y a deux phrases ou deux lignes. On ne voulait pas parier davantage là-dessus. Mais pour ce qui est des chiffres en question, c'est la recherche a été faite au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, Les autres Québécoises. C'est dans cela, de mémoire, qu'on a tiré ces chiffres. Par contre, c'est une étude qui est basée sur les données du recensement de 1981. Je ne sais s'il y aura beaucoup de modifications à apporter à la suite du recensement de l'année dernière, mais pour l'instant, ces données sont dans cette étude.

Mme Harel: Vous nous faites part, dans votre mémoire, que le quart des membres de la Confédération des syndicats nationaux dans la région de Montréal est d'origine immigrante. J'imagine qu'il y en a quand même un certain nombre qui sont devenus des Québécois de souche. Je pense, entre autres, au syndicat de la construction qui comportait un nombre impressionnant de Québécois d'origine italienne. Mais vous nous faites part également que des syndicats sont très majoritairement composés d'immigrants récents. Je me posais la question: La langue de communication à la CSN, est-ce exclusivement le français ou si d'autres langues sont en usage? Par exemple, dans vos instances, j'imagine que c'est le français, mais dans les documents, dans l'ensemble de la documentation, dans l'ensemble des... Évidemment, par exemple, pour le recrutement, pour l'adhésion, la carte de membre, etc., est-ce que cela se fait exclusivement en français? Ce n'est pas un piège, là, n'est-ce pas?

Une voix: Non, non.

Mme Harel: Ha! Ha! Est-ce que cela pose une difficulté? Y a-t-il des pressions qui sont faites ou peut-être pas des pressions, mais des demandes qui vous parviennent pour que, par exemple, cela se fasse aussi dans d'autres langues, y compris l'anglais? Les immigrants récents qui sont membres de vos syndicats locaux font-ils un usage courant du français?

Mme Lamontagne: Pas... Ils ne font pas tous un usage courant du français. Dans les services, on a encore beaucoup à faire à ce niveau, au niveau de la langue. On a encore aussi des débats un. peu théoriques à faire sur cette question. Actuellement, par exemple, dans la construction où il y a effectivement un certain nombre de travailleurs, entre autres d'origine italienne, des documents sont publiés en langue italienne, entre autres en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, sur les chantiers. Il y a des documents dans la langue d'origine. Il y a aussi... Dans les campagnes d'organisation, il y a eu des documents publiés soit en portugais, en grec ou dans les différentes langues qui étaient nécessaires. Il y a certains documents d'ordre général qui existent à la CSN, entre autres des documents en espagnol qui existent déjà. Il y a aussi une demande forte et particulièrement dans le secteur des affaires sociales. Entre autres dans les hôpitaux de la région anglophone de Montréal qui comportent un certain nombre de travailleurs et travailleuses allophones, il y a une demande assez forte pour que des documents existent en langue anglaise. Des documents de langue anglaise existent surtout à la fédération, la convention existe évidemment en langue anglaise.

Il y a encore beaucoup à faire et aussi des débats sur la question de la traduction et de la langue parce que, dans certains congrès, la traduction simultanée est disponible en langue anglaise pour ceux qui souhaitent l'avoir. Cela vise, je le répète, beaucoup de travailleurs et certains travailleurs de l'hôtellerie, possiblement. Mais c'est surtout chez les travailleurs et travailleuses des hôpitaux anglophones de la région de Montréal que la demande est très forte dans ce sens-là. Il y a des efforts de faits pour présenter les documents dans les langues d'origine, sauf qu'il est sûr qu'on souhaite... (13 h 15)

Certains s'interrogeaient à savoir si, dans nos cours de formation, il n'y avait pas des cours de langue en plus des cours de formation syndicale habituels. Cela se précise et cela va se débattre encore à l'automne, dans les instances larges, toute cette politique de langues à l'intérieur même de nos rangs et pour nos propres besoins.

Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la députée de Maisonneuve. Est-ce qu'un membre de la formation ministérielle a des remarques à faire? Cela va?

Alors, mesdames, il me reste à vous remercier de vous être présentées devant nous ce matin pour exprimer votre position sur les niveaux d'immigration pour les années 1988 et 1989. Je vous souhaite, quant à moi, un bon retour à Montréal et j'espère vous revoir à l'occasion, peut-être, sait-on jamais, lors d'une autre commission sur cette question. Merci beaucoup.

Mme Lamontagne: On vous remercie aussi. Je voudrais juste préciser, pour répondre à la dernière question et pour ne pas laisser d'ambiguïté, que la langue de tous nos documents, c'est la langue française

à la CSN, ne vous inquiétez pas. Notre nom n'existe plus en anglais comme il a existé il y a quelques années.

Alors, je vous remercie. Cela a été très enrichissant et intéressant pour nous et on souhaite un bon avenir pour l'immigration au Québec. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci. Avant de suspendre pour quelques minutes à la demande de Mme la ministre, j'ai un autre point technique. J'ai bien déposé trois documents tantôt et j'ai oublié de faire le dépôt très officiel de tous les mémoires qui ont été présentés et qui sont cotés de 1 à 15, pour parler en langage juridique. Alors, le dépôt est maintenant fait. Nous allons suspendre pour quelques minutes.

Mme Robic: M. le Président, vous nous permettez de remercier...

Le Président (M. Trudel): Sûrement, je m'excuse. Je pensais que cela avait été fait.

Mme Robic: ...Mme Lamontagne et Mme Leduc de leur présence. Nous avons apprécié vos remarques. Vous touchez le groupe de personnes qui a le plus besoin d'aide, certainement, et on apprécie le travail que vous faites dans ce domaine. Et si on peut collaborer avec vous et faire en sorte que ces gens soient mieux éduqués et connaissent leurs droits, il faudra peut-être me permettre de diffuser en plusieurs langues certains documents pour qu'ils puissent comprendre ces droits.

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, vous me permettrez très affectueusement, chères voisines, de vous remercier de votre présence. Le message a été très clair. Cette commission a le goût de poursuivre l'échange de points de vue avec votre organisme. J'insiste à nouveau sur la possibilité que vous a offerte M. le président de la commission, à savoir que si vous avez des choses à nous soumettre, vous pouvez nous les adresser à la commission ici. Elles seront remises à tous les membres et forcément également à Mme la ministre. Encore une fois, merci.

Mme Lamontagne: J'en prends bonne note. Je ne sais pas si dans les jours qui suivent, ce sera possible de remettre un autre mémoire, mais il y a sûrement d'autres documents. Ce ne sont pas nécessairement des mémoires mais nos positions, notre plateforme sur toute la question de l'immigration. On pourra aussi vous les faire parvenir.

M. Boulerice: Mieux encore, je pourrai traverser la rue Delorimier et aller les chercher.

Mme Harel: Si vous tes faites parvenir au secrétariat de la commission, Mme Tanguay verra à les faire distribuer aux membres de la commission parlementaire.

Mme Lamontagne: D'accord.

Mme Harel: Cela peut être intéressant. Vos documents du mois de septembre pourraient certainement être intéressants.

Le Président (M. Trudel): Si les membres de la commission me le permettent, je vais "resuspendre" les travaux de la commission qui avaient été suspendus il y a quelques minutes et nous reprendrons dans cinq ou huit minutes.

(Suspension de la séance à 13 h 19)

(Reprise à 13 h 33)

Le Président (M. Trudel): M. le député de Saint-Jacques, on m'a fait la remarque que certains journalistes avaient faim; alors, on va essayer de terminer rapidement.

Conclusions

Trois membres de la commission m'ont fait part de leur intention de procéder à des remarques finales. Je reconnaîtrai dans l'ordre M. le député de Viger, M. le député de Saint-Jacques au nom de l'Opposition et, enfin, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je veux m'associer aux conclusions des travaux de la présente commission et remercier vivement les divers représentants qui sont venus nous exposer leurs préoccupations, leurs aspirations tout autant que leurs perceptions quant au rôle accru que représentera l'immigration dans le Québec de demain.

Chacun à leur manière, les divers intervenants entendus nous ont tous fait part des préoccupations et des aspirations du Québec en regard de l'immigration. Nul ne se surprendra si je vous avoue avoir été davantage sensible aux commentaires et suggestions apportés par les représentants des diverses communautés culturelles qui ont, de la sorte, cherché à nous sensibiliser aux préoccupations vécues par les immigrants eux-mêmes et ceux chargés de leur intérêt.

Divers organismes ont souhaité attirer notre attention quant au sort fait aux réfugiés et aux responsabilités du Québec en la matière. Je me réjouis pour ma part que

l'immigration humanitaire soit un des objectifs permanents de notre politique et que par nos actions nous témoignions de notre compréhension et de notre compassion à l'égard de ces personnes. Certes, on pourra toujours souhaiter faire davantage et il est du devoir des organismes oeuvrant à la défense des réfugiés de nous rappeler nos obligations en la matière. Que cela ne nous empêche pas toutefois de constater avec satisfaction les actions déjà entreprises et que la situation faite aux réfugiés est une préoccupation que partagent tout autant les communautés culturelles, les organismes bénévoles que le monde syndical ou patronal.

Il y a lieu de se féliciter de cette conscience collective que nous avons développée à l'égard des réfugiés. Plusieurs représentants ont souhaité que l'on se penche sur la définition de la catégorie de la famille et qu'elle soit élargie notamment aux enfants adultes et aux parents actifs.

M. le Président, il faut comprendre la préoccupation ainsi véhiculée par ces divers organismes et qui reflète la volonté de tout nouvel immigrant de voir réunis autour de lui sa famille et ses proches.

Déjà, 40 % du mouvement migratoire à destination du Québec est constitué du mouvement de la famille. Par ailleurs, des statistiques récentes ont démontré qu'au total, près de 70 % du total du mouvement migratoire possédera déjà avant leur arrivée un membre plus ou moins éloigné de leur famille déjà établi ici.

C'est dire que les politiques d'immigration offrent une perméabilité plus grande qu'on ne pourrait le croire à première vue et que bon nombre d'immigrants indépendants, par exemple, viennent rejoindre un de leur proche, déjà établi ici. Il faut, à mon avis, se réjouir de cette perméabilité et convenir que les politiques migratoires offrent une souplesse qu'une lecture trop rapide de la réglementation pourrait ne pas laisser percevoir.

Ma collègue la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration ne m'en voudra pas si je m'associe au commentaire unanime des participants pour déplorer la lenteur des processus d'admission.

On peut comprendre l'impatience de ces candidats à l'immigration qui, sur le point de réaliser leur projet, ou de venir rejoindre des membres de leur famille, doivent patienter de longs mois avant de voir leur rêve se réaliser. J'entends que l'immigration implique un traitement cas par cas et individuel des demandes et que parfois l'étendue du territoire à desservir ou que les difficultés des communications postales notamment, peuvent retarder l'étude d'une demande d'immigration sans que les services responsables ne puissent modifier grand-chose.

Le renforcement de notre réseau à l'étranger, tout autant que le nouvel accord constitutionnel, devrait nous permettre de revoir !es diverses procédures applicables et nous assurer que les délais soient réduits au minimum. Bon nombre de participants invitaient les ministères et le gouvernement à se soucier de la francisation des immigrants.

Au-delà de cet effort qu'il nous faut consacrer à la mise sur pied de structures d'accueil et de francisation adéquate, certains ont invoqué les difficultés provoquées dans le passé par le réseau scolaire confessionnel qui ne falicitait pas l'apprentissage du français. Je veux m'associer à ce rappel historique et rappeler aux membres de la présente commission qu'un immigrant fraîchement arrivé dans son nouveau pays n'a guère le choix des moyens dont il dispose et qu'il cherche au contraire à s'intégrer le plus rapidement possible à son nouveau contexte familial, professionnel ou culturel.

Il ne faut pas y voir une volonté de sa part de se démarquer de la volonté majoritaire, mais bien la recherche d'un premier équilibre dans son nouvel environnement. Bien des choses ont changé depuis et je félicite personnellement l'ouverture que manifestent désormais les diverses structures scolaires ou autres. En cela, l'audition des recommandations déposées par la CECM a tout lieu de nous réjouir.

Quant aux immigrants de demain, je suis convaincu qu'ils s'adapteront aux structures d'accueil qui leur sont offertes et qu'ils s'associeront à nos propres objectifs.

Voilà les conclusions que je retiens des travaux de la présente commission et les commentaires dont je voulais vous faire part au terme de ces travaux. La qualité et la richesse des exposés témoignent de l'intérêt que porte le Québec à l'immigration. Merci.

Le Président (M. Trudel): Merci. M. le député de Viger. Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, Mme la ministre, chers collègues, les audiences publiques ont effectivement permis de constater l'existence d'un large consensus parmi les intervenants autour des principaux éléments suivants. De très nombreux exemples le prouvent, l'immigration est bénéfique à la société québécoise sur le plan démographique, économique et culturel. Je n'ai qu'à vous saluer M. le député de Viger. 11 est souhaitable de hausser les niveaux actuels et que le Québec accueille au moins, effectivement, 25 % du total des immigrants au Canada. L'intégration à la majorité francophone est cruciale donc des efforts et des ressources additionnels doivent y être consacrés. Il nous faudra également mettre

un accent particulier sur l'information, la sensibilisation, l'éducation de la population à la réalité des immigrants et des réfugiés. Ce sont d'ailleurs les objets qui ont motivé l'Opposition officielle à réclamer cette commission en se disant qu'il était pour nous très important d'entendre des intervenants afin de mieux cerner les problèmes, de devenir, sans aucun doute, dans ce domaine, de meilleurs législateurs et de ne pas oublier également que meilleurs législateurs nous serons dans la mesure où nous serons aussi, face à notre population, pour ce dossier-là, de très bons éducateurs.

Le Québec doit assumer ses responsabilités internationales, ses obligations sur le plan humanitaire, donc demeurer ouvert vis-à-vis des réfugiés, nonobstant ce qui peut se passer dans d'autres capitales. Il faut envisager d'élargir la catégorie de personnes pouvant être admises dans la catégorie de la réunification familiale. La forte concentration de nouveaux arrivants à Montréal suscite des interrogations et des inquiétudes qui ont été manifestées.

L'Opposition est favorable, M. le Président, à une augmentation de l'immigration. Celle-ci a déjà connu d'ailleurs une forte croissance: 15 000 en 1985 et près de 20 000 en 1986, plus de 30 000 en 1987 si l'on tient compte des revendicateurs du statut de réfugié. On ne peut cependant songer à court terme à doubler ou tripler les niveaux actuels sans disposer des services d'accueil et des ressources nécessaires à l'intégration. Nous disons oui à l'immigration, mais à une immigration réussie. Et pour réussir une immigration, il faut bien identifier les enjeux et s'assurer d'en réunir les conditions optimales. L'immigrant doit se sentir accueilli et les Québécois doivent être chaleureusement accueillants.

Pour nous, l'enjeu et le défi sont clairs: bâtir un Québec pluriethnique francophone. L'intégration à la majorité francophone passe par la francisation sur place. Il va donc nous falloir y consacrer des ressources accrues en termes de cours de français, compte tenu de l'augmentation prévisible des niveaux par une sélection privilégiant davantage les requérants parmi les immigrants indépendants qui constituent 40 % du total des nouveaux arrivants francophones ou "franconisables", par exemple en attribuant davantage de points à la connaissance du français, en postant davantage de conseillers d'immigration dans des pays francophones.

L'intégration passe aussi par la démétropolisation de l'immigration: II faut, dans les plus brefs délais, instaurer des mesures incitatives favorisant l'installation en région. Donner des points? peut-être.

Il faut aussi viser une certaine concentration de membres de communautés culturelles nécessaires à la mise en place d'infrastructures d'accueil, à la vitalité d'une vie communautaire dans les endroits où ils s'établiront. Sinon on risque de se diriger vers la confrontation de deux Québec. Il n'est pas sain pour le Québec que l'interculturalisme ne se vive qu'à Montréal.

L'école constitue un lieu d'intervention privilégié pour favoriser l'intégration. L'existence de structures scolaires linguistiques plutôt que confessionnelles faciliterait la chose; c'est de toute évidence. Il est impérieux de bien mettre en place les jalons d'une politique d'éducation interculturelle. (13 h 45)

Mais il ne suffit pas d'accueillir plus d'immigrants, M. le Président, encore faut-il les garder chez nous. On évalue à au moins 15 % le nombre de ceux qui quittent dans les jours suivant leur arrivée. D'où la nécessité d'enrayer l'émigration de l'immigration. La francisation constitue sûrement un facteur important. Je pense qu'il faut poursuivre les études à cet égard.

L'immigration ne saurait constituer toutefois une panacée pour combler le déficit démographique. Elle doit faire partie intégrante d'une politique de la population. Une politique d'immigration ne saurait se constituer sans la très étroite collaboration du ministère de l'Éducation.

M. le Président, je remercierai le chef de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale, M. Johnson, et président du Parti québécois de m'avoir attribué ce dossier que j'ai très souvent jalousé à mon collègue, le député de Mercier, et à ma collègue, la députée de Maisonneuve lorsqu'elle a également exercé ces fonctions. J'ai dû, je le répète, plonger dans la piscine très rapidement, ce qui fait que certaines données statistiques ne m'étaient peut-être pas aussi familières qu'elles l'étaient à Mme la ministre; mais je puis d'ores et déjà l'assurer de ma plus entière collaboration dans ce dossier.

Quant à ceux et celles qui sont venus ici représenter les organismes, je ne ferai pas le discours quant au nombre. Ce qui était important est ce qu'ils sont venus nous dire et que nous les ayons bien écoutés, parce qu'ils avaient tous un message très important à nous livrer. Je les remercierai de l'avoir fait. J'en ressors personnellement très enrichi, j'en ressors avec, et vous me permettrez l'expression, l'un des "briefings" intensifs les plus importants que je n'ai jamais eus de ma vie. Pour être dans ce sens de la pluriethnicité, de l'interculturalisme, je leur dirai très simplement, pour leur participation "muchas gratias, gradie... "Marci" même, mais attention, "marci" n'est pas un mauvais français, c'est merci, en langue persane. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Trudel): M. le député

de Saint-Jacques est toujours impressionnant dans ses finales. Merci. Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Louise Robic

Mme Robic: Merci, M. le Président. J'envie les talents du député de Saint-Jacques.

M. le Président, les mémoires entendus au cours des trois dernières journées témoignent de l'importance et de l'intérêt que l'immigration suscite au Québec. Nous avons reçu des témoignages provenant d'un éventail impartant d'intervenants de la société québécoise et la richesse des recommandations alimentera très certainement l'orientation et la gestion de la politique d'immigration.

Je voudrais remercier tous les groupes qui ont comparu devant nous et les féliciter pour la qualité et la pertinence de leur mémoire. Sans vouloir reprendre ici chacun des mémoires, permettez-moi d'énoncer de façon rapide les faits saillants que je retiens aujourd'hui de cette consultation que l'on peut déjà qualifier d'importante contribution à la réflexion sur l'immigration.

Je ne crois pas me tromper en indiquant, comme premier consensus, l'appui vigoureux à une orientation d'ouverture progressive et permanente de l'immigration québécoise au cours des prochaines années. Pour tous, une politique plus expansionniste est considérée inévitable et nécessaire en raison de la situation démographique du Québec. Il s'agit d'un accord ferme à l'incidence démographique de l'immigration pour le Québec.

La plupart des mémoires n'ont pas chiffré le niveau d'immigration pour 1988 et 1989. Cependant, plusieurs appuient l'objectif d'atteindre rapidement 25 % du volume de l'immigration canadienne. Certains recommandent même d'être beaucoup plus audacieux, de façon à augmenter l'importance démographique du Québec dans le Canada.

Pour permettre la mise en place de cette politique expansionniste, les mémoires ont tous mentionné la nécessité de se préoccuper de l'intégration des nouveaux arrivants. Voilà un deuxième consensus. Il s'agit de faire en sorte que l'immigrant participe pleinement à la société québécoise et s'y établisse avec succès. La francisation des immigrants est, dans ce contexte, un besoin prioritaire auquel il faut continuer de répondre comme les mémoires nous le suggèrent.

Plusieurs intervenants demandent des ressources additionnelles afin de soutenir les mesures particulières en milieu scolaire et la poursuite des efforts auprès des immigrants adultes pour l'accessibilité aux cours de langues.

Dans son rôle de favoriser l'intégration des immigrants à la société d'accueil, le gouvernement et mon ministère ont besoin de l'appui et de la participation des organismes non gouvernementaux. Ils ont répondu à l'appel d'ailleurs, et leur mémoire témoigne de cette volonté de jouer un rôle actif. Je les félicite et je les remercie. Cependant, ils demandent, pour ce faire, des ressources additionnelles dans le contexte d'une hausse importante de l'immigration.

Cette politique expansionniste de l'immigration pour se réaliser exige aussi un effort de sensibilisation de la population québécoise. Je retiens cet élément comme le troisième consensus de cette consultation. Tous reconnaissent qu'il s'agit d'une priorité pour les prochaines années.

Ce programme de sensibilisation devra prendre plusieurs facettes, car la tâche n'est pas facile. Plusieurs recommandent, à l'instar du rapport Chancy que le gouvernement est en voie d'appliquer, de poursuivre les efforts d'éducation interculturelle. Cela sera fait et, M. le député de Saint-Jacques, j'ai ici certains petits chiffres pour vous. Le rapport Chancy contient 63 recommandations dont 12 ont trait aux responsabilités des commissions scolaires et on nous dit qu'elles sont en voie de les mettre en application. Des 51 qui restent, 19 sont déjà réalisées, 8 sont amorcées et 24 sont en phase exploratoire ou à être réalisées dans les prochains mois. Alors, c'est très positif à ce niveau.

Parmi les autres moyens qui nous ont été suggérés, il faut retenir la poursuite des efforts pour mieux informer la population québécoise sur l'immigration par la diffusion d'études sur le phénomène, comme nous venons de le faire avec le sondage SORECOM, l'étude des caractérisques socio-économiques des immigrants et également par la tenue de cette commission.

J'aimerais relever l'intérêt des organismes vis-à-vis des efforts de recherche dans le domaine des mouvements migratoires. La préoccupation de mieux connaître ces phénomènes est essentielle à la formulation des politiques et des programmes. Je souscris donc à la poursuite des efforts, et je prends particulièrement note de la demande pour l'analyse des mouvements migratoires interprovinciaux et des études sur les incidences de l'immigration.

Tels sont, M. le Président, il me semble, les consensus qui se sont dégagés au cours de la présente commission ainsi que les préoccupations principales évoquées par les participants. Tous les mémoires d'ailleurs sont très positifs vis-à-vis de l'immigration. Cependant, vous comprendrez que je ne peux passer sous silence certains propos tenus . devant nous hier et amplement rapportés dans les journaux de ce matin. Je ne voudrais pas entretenir une polémique qui ne profiterait à personne, mais en tant que

ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, il me faut établir les faits: redonner à la vérité tous ses droits.

M. le Président, il est faux de prétendre que les immigrants sont des voleurs de jobs. Bien au contraire, les études dont nous disposons et celles citées par les organismes venus témoigner devant cette commission font la preuve que les immigrants sont des créateurs d'emplois. D'ailleurs, je comprends mal la logique qui amène à déclarer que les immigrants sont à la fois des chômeurs et des voleurs de jobs.

Non, M. le Président, les immigrants sont des travailleurs qui apportent une très importante contribution à l'économie du Québec. Je pense que l'exemple le plus probant que nous avons c'est de regarder, vers nos voisins ontariens, pour réaliser que l'Ontario reçoit 48 % de l'immigration canadienne et que son taux de chômage est d'à peine 4 %.

Au cours des prochaines semaines, moi-même et mes collaborateurs étudierons de près chacune de ces recommandations et en tirerons les conclusions qui s'imposent afin d'assurer la réalisation de notre mandat de répondre aux attentes exprimées tant par l'opinion publique que par les immigrants eux-mêmes.

Autant la richesse des points de vue exposés que la qualité même des commentaires portés à mon attention sont pour moi un encouragement à poursuivre notre action et à intensifier nos efforts pour faire du Québec une terre ouverte à l'immigration et aux richesses que représentent les diverses communautés culturelles qui viennent se joindre à nous.

Je me félicite que les opinions exprimées au cours de la présente commission viennent confirmer les résultats du récent sondage SORECOM et du fait que quelles que soient leurs préoccupations plus immédiates, la très grande majorité des Québécoises et des Québécois sont ouverts à l'immigration. Ils y voient un des enjeux principaux qui s'offrent à nous en tant que société distincte et soucieuse de préserver notre identité, notre langue et notre culture.

Bien sûr, pour assurer ces responsabilités accrues et pour relever avec succès les multiples préoccupations que soulève tout mouvement migratoire nous faudra-t-il canaliser des énergies nouvelles et nous assurer que chacun d'entre nous, intervenant public ou privé, demeurera conscient des responsabilités qui nous incombent en la matière.

Ainsi, très prochainement, je saisirai mes collègues du Conseil des ministres des recommandations quant au niveau d'immigration à retenir pour les deux prochaines années, soit 1988 et 1989. Je serai alors en mesure de les informer que les travaux de la présente commission confirment l'orientation prise l'année dernière et qui vise à ce que le Québec reçoive sa part de l'immigration canadienne.

Forte de ce consensus qui s'est dégagé au cours de la présente commission et assurée de l'appui de mes collègues du Conseil des ministres quant à l'orientation retenue pour les niveaux d'immigration, il m'appartiendra alors de dégager les ressources requises pour assumer pleinement notre mandat.

Cette ouverture grandissante à l'immigration, tout autant que les responsabilités en matière de sélection qui viennent de nous être confirmées, dans le cadre de récents accords constitutionnels, nous invitent à accroître notre présence à l'étranger et à intensifier notre action en la matière. Les 23 conseillers à l'immigration, qui oeuvrent à l'étranger, accomplissent un travail considérable. Mais, il nous faudra renforcer notre réseau si nous, voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Cela ne saurait nous faire oublier toutefois les responsabilités fondamentales qui sont les nôtres quant à l'accueil et à l'intégration de ces nouveaux arrivants.

Tous les participants à la présente commission furent unanimes pour constater l'importance de l'apprentissage du français, pour une intégration harmonieuse, au sein de notre société, des immigrants qui viennent se joindre à nous. Je sais pouvoir compter sur l'appui de mes collègues pour dégager les ressources additionnelles requises à cette fin. C'est pourquoi, il nous faut être optimistes quant aux efforts accrus qui seront consacrés à l'apprentissage du français au cours des prochaines années.

Des travaux de la présente commission, je retiens également diverses préoccupations qui devront faire l'objet de réflexions et d'actions concertées et dont notre société dans son ensemble devra se préoccuper au cours des prochaines années. Problématique relative à la population, système scolaire davantage ouvert aux échanges interculturels, démétropolisation, sensibilisation de la population en général, autant d'aspects sur lesquels il nous faut poursuivre notre réflexion et auxquels j'inviterai mes collègues du Conseil des ministres à s'associer.

Je profite de cette occasion, M. le Président, pour remercier encore une fois bien sincèrement tous les membres de cette commission qui, par leur disponibilité et leur diligence tout au cours de ces trois jours de séance ont largement contribué au déroulement de ces travaux.

Je voudrais remercier encore une fois, tout autant, les réprésentants des divers organismes socio-économiques qui nous ont soumis des mémoires. Par leur participation active à notre commission et leurs interventions, ils ont su enrichir notre réflexion.

Cette commission parlementaire nous a servi de tribune privilégiée afin d'informer et de sensibiliser la population aux nombreux aspects de l'immigration.

Je me réjouis que l'immigration fasse l'objet d'un si large consensus au Québec. Il me semble évident qu'une majorité se dégage quant à l'ouverture que le Québec manifeste envers l'immigration et quant aux efforts qu'il nous faudra consentir pour faire de cette ouverture un enrichissement dont nous bénéficierons tous.

Certains des intervenants ont rappelé les recommandations du rapport French, lesquelles nous font valoir l'importance d'élaborer dans les meilleurs délais une politique de la population. Je me réjouis que cette recommandation ait été reprise devant la présente commission. L'immigration est un des volets principaux dont une société doit tenir compte en regard de l'avenir de sa population, mais l'immigration ne saurait à elle seule englober toutes les préoccupations de nature démographique. Aussi, me semble-t-il utile de retenir cette suggestion et j'estime, pour ma part, qu'il y aurait intérêt à ce que le gouvernement se dote des instruments requis pour l'élaboration d'une politique concertée en matière de population, laquelle tiendrait compte de divers aspects inhérents à cette question.

M. le Président, je compte sur l'appui du nouveau critique de l'Opposition afin d'atteindre les objectifs qui ont toujours été partagés par nos deux formations politiques. Merci!

Le Président (M. Trudel): Merci, madame la ministre.

Tout en remerciant, au nom de tous les membres de la commission et très certainement en votre nom, madame la ministre, le personnel de la commission qui, encore une fois - cela semble presque inutile, puisque c'est chaque fois la même chose... J'ai rarement, dans les différentes carrières que j'ai vécues, travaillé avec un personnel aussi agréable, aussi détendu et aussi besogneux, comme je le disais mardi dernier, au nom de tous les membres de la commission.

Ayant dûment rempli son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 14 h 3)

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