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(Onze heures trente minutes)
Le Président (M. Trudel): À l'ordre. s'il vous
plaît! La commission de la culture reprend ses travaux de consultations
particulières dans le cadre de l'étude détaillée du
projet de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts
visuels, des métiers d'art et de la littérature et sur leurs
contrats avec les diffuseurs.
Mme la secrétaire, je pense que nous avons quorum, je le calcule
moi-même, et il n'y a pas de remplacements?
La Secrétaire: II n'y a pas de remplacements.
Le Président (M. Trudel): J'inviterais tout de suite les
représentants du Regroupement des centres d'artistes
autogérés du Québec à prendre place en face de mol,
s'il vous plaît, en leur rappelant qu'ils ont plus ou moins 20 minutes,
pas mal moins que plus, pour exposer leurs idées et que cet
exposé sera suivi d'une période d'échange de vues entre
les deux partis autour de cette table et vous-mêmes, M. le
président et M. le directeur, M. Bastien Gilbert et M. Gilles
Artaud.
Oui, M. le député - je reviens à vous, messieurs -
de Saint-Jacques me fait signe désespérément depuis
plusieurs secondes. M. le député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, je voudrais demander aux
membres de la commission et surtout à nos Invités de ne pas m'en
vouloir si j'ai retardé de quelques minutes le début des travaux
de cette commission. Il y avait en Chambre tantôt une motion soulignant
le décret de l'Organisation mondiale de la santé, faisant de
cette journée la journée mondiale de lutte contre le sida. Je
sais très bien que le monde de la culture y a activement, et continue
activement d'y participer par le don d'oeuvres d'art qui servent très
souvent à des encans qui permettent de ramasser des fonds pour cette
cause. Alors, vous sachant attachés de cur à cette motion,
je ne me sentais pas coupable et je savais que j'obtiendrais de votre part la
compréhension nécessaire pour ce léger retard que nous
avons, Merci, M. le Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Alors, messieurs du Regroupement des
centres d'artistes autogérés du Québec, je vous
cède la parole pour 20 minutes.
M. Artaud (Gilles): Avant de débuter...
Le Président (M. Trudel): Je m'excuse, j'ai oublié
de vous le dire, c'est mon erreur, stricte- ment pour les fins d'enregistrement
au Journal des débats, quand l'un ou l'autre interviendra,
pouvez-vous vous Identifier, de façon que, comme je le disais hier soir,
les paroles historiques que vous risquez de prononcer vous soient bien
attribuées et non pas à quelqu'un d'autre?
Regroupement des centres d'artistes
autogérés du Québec
M. Artaud: C'est ce que j'allais faire, M. le Président.
J'allais vous dire qu'à ma gauche vous voyez M. Bastien Gilbert,
directeur administratif du Regroupement des centres d'artistes
autogérés du Québec depuis sa formation, et que je suis
Gilles Artaud, président de ce regroupement pour cette année.
Avant de débuter, je voudrais souligner avec regret l'absence
d'une personne qui a été la première présidente de
ce regroupement, et qui s'appelle Dominique Guillaumat, qui a
considérablement contribué au travail du regroupement et au
travail de reconnaissance des artistes et du développement de leur
condition socio-économique depuis plusieurs ananées.
Malheureusement, Dominique Guillaumat, qui doit gagner sa vie comme tout le
monde, fait maintenant partie d'un organisme qui ne peut pas être du
regroupement des centres d'artistes, ce qui explique qu'elle n'ait pas pu
être présente ici aujourd'hui. Je pense qu'elle aurait
apprécié y être.
Je vais confier à M. Gilbert le soin de vous présenter une
partie de ce mémoire et j'interviendrai tout à l'heure.
Merci.
M. Gilbert (Bastien): Nous sommes ici aujourd'hui pour vous
parler au nom du Regroupement des centres d'artistes autogérés du
Québec, dont les statuts comportent des objectifs de support à la
diffusion et à la création. Nous représentons 19 centres
d'artistes, dont vous trouverez la liste à la fin de ce mémoire
ou de ces représentations, établis dans six régions du
Québec, le Bas-Saint-Laurent, l'Estrie, Montréal, l'Outaouais,
Québec et le Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Ces centres sans but lucratif, gérés par des artistes,
consacrent leur énergie à promouvoir la diffusion et la
connaissance de productions artistiques qui s'inscrivent parmi les recherches
les plus récentes et qui origlnent prioritairement des milieux
régionaux du Québec; deuxièmement, entre autres objectifs,
favoriser l'amélioration et le développement de la condition
sociale et économique de l'artiste qui oeuvre dans ces milieux.
Nés dans les années soixante-dix, la plupart des centres
d'artistes fêtent ou ont fêté récemment leur
cinquième, leur dixième ou leur quinzième
anniversaire, et le seizième à l'autom-
ne, pour ce qui concerne entre autres Powerhouse.
Bien que la majorité des centres d'artistes soit
spécialisée dans ce qu'il est convenu d'appeler les 'arts
visuels", leurs activités publiques, évaluées pour
l'ensemble de nos organismes à environ 600 par année, comprennent
des expositions, aussi bien qu'une part Importante et croissante de
manifestations en performance, vidéo, danse, lectures
théâtrales, musique, poésie sonore, cinéma
d'expérimentation et le reste.
Le reste, car l'invention incessante de conjugaisons interdisciplinaires
par nos artistes membres nécessiterait la mise à jour continue
d'un lexique adapté à la prolifération des "disciplines".
Ces activités sont produites par plus de 1000 artistes qui se
déclarent professionnels et qui sont, pour la plupart, membres de nos
organismes.
Depuis leur origine, les centres d'artistes ont affirmé le
principe du versement de cachets aux exposants, consacrant à cette fin
une partie substantielle de leur budget. Ils ont également conçu
et mis en application des contrats qui déterminent explicitement les
engagements de chacune des parties. Il est usuel qu'un centre d'artistes assume
en partie ou en totalité les frais inhérents à la
diffusion d'une oeuvre, les frais de transport des oeuvres, les frais de
vernissage et de publicité et, souvent, les frais de déplacement
et d'hébergement. La promotion du travail de l'artiste et de l'art
actuel se trouve ainsi garantie.
La vente d'oeuvres neo constitue qu'une part infime de nos
activités. Les revenus possibles tirés de la vente sont donc
négligeables. Cela dit, il est d'usage que la vente, si vente il y a, se
fasse directement du créateur à l'acheteur sans intervention du
centre diffuseur. On comprendra bien ainsi que les centres d'artistes ne sont
pas un maillon du marché de l'art, mais plutôt des lieux
orientés vers la recherche et l'expérimentation de nouvelles
formes d'expression, qu'elles utilisent ou non les avancées
technologiques.
Les centres ont joué depuis leur naissance un rôle de
pépinière de talents en favorisant le développement
d'administrateurs et d'administratrices, de critiques et d'artistes qu'on
retrouve maintenant dans les galeries commerciales, au service de l'État
ou qui représentent le Québec sur la scène nationale et
Internationale. Les centres d'artistes existent parce que les artistes
professionnels du milieu des arts visuels ont voulu des lieux pour diffuser
leur travail et démontrer l'évolution de leur démarche
auprès d'un large public intéressé. Le projet de loi 78
cherche à étendre et à parfaire des pratiques qui doivent
être pour nos centres partie intégrante de leur statut corporatif.
Nous nous en réjouissons, ce qui n'exclut ni son analyse critique, ni
certaines considérations plus fondamentales ayant pour but de
l'améliorer.
La loi et sa portée. Le projet de loi cherche à
établir dans les domaines des arts visuels, des métiers d'art et
de la littérature, premièrement, des Instruments utiles à
la définition de l'artiste professionnel, deuxièmement, des
mesures de protection comprenant des obligations minimales entre parties
Intéressées et, troisièmement, les mécanismes de
reconnaissance d'une association représentative par domaine.
Quelle sera la portée réelle de ce projet de loi, d'une
part, pour nos artistes membres dont le revenu annuel moyen obtenu par voie
contractuelle n'excède pas les 5000 $ et, d'autre part, pour nos contres
d'artistes qui doivent s'ajuster à certaines obligations, mais les
remplissent déjà pour l'essentiel? Ceci étant dit et
prenant pour acquis que la loi prendrait effet, nous voudrions soulever
certaines questions, voire même proposer des améliorations.
M. Artaud: Si vous me le permettez, je vais continuer. Nous avons
isolé deux approches par rapport au projet: une première, qui
soulève un certain nombre de questions - nous n'y avons pas toujours
apporté de réponses parce que nous ne les possédons pas
nécessairement - et une deuxième, qui est constituée de
recommandations.
J'aimerais dire que parfois le texte pourra vous paraître un peu
confondant ou paradoxal, mais nous devons tenir à la fols le discours du
diffuseur, pulsque les contres d'artlstes sont des dlffuseurs, et à la
fois celui des créateurs, pulsque les contres d'artistes sont des
collectifs de créateurs, et ce n'est pas toujours simple. Alors, j'y
vais.
Les questions. La première comment entendez-vous concilier la
définition de l'artiste à la loi 90 et celle du projet de loi 78?
La question est soulevée pour deux motifs. À la loi 90, on
prévoit, par la définition de l'artiste, l'offre de service
contre rémunération, ce qui n'apparaîte pas dans le projet
de loi. L'autre motif, c'est qu'il y a des artistes en arts visuels qui
pourraient fort bien relever des deux lois. Je prends l'exemple du "performer"
qui pourrait être un artiste relevant des arts de la scène, mais
qui est aussi un artiste du domaine des arts visuels. Alors, comment
allons-nous résoudre parfois cette superposition des lois?
La deuxième question, quelle sera la forme oxacte de la
déclaration expresse prévue à l'nrticle 6, alinéa
1°? Ma question se justifie par le fait que vous prévoyez la
déclaration: "II se déclare artlste professionnel" et que Mme la
mlnlstre disait en Chambre dans sa déclaration de dépôt du
projet de loi qu'il y avait réclamation d'une déclaration
expresse. Nous aimerions simplement connaître quelle forme prendra cette
déclaration expresse.
Ma troisième question: Pourquoi la reconnaissance» par les
pairs ne s'applique-t-elle pas à la littérature» puisqu'il
s'agit dans le cas de 6. 3° d'apprécier une oeuvre non
diffusée? Nous pensons qu'il y a dans le domaine de la
littérature des écrivains qui ne sont pas publiés et
qui
n'en sont pas moins des écrivains. Quelles seront les
modalités reconnues de cette reconnaissance par les pairs?
La question suivante: Pourquoi ne reconnaît-on pas le statut
d'artiste professionnel à l'artiste membre d'une association d'artistes
actuellement agréée par le ministère? On y reviendra un
peu plus loin.
L'autre question: Pourquoi l'éventuelle association reconnue ne
dispose-t-elle pas du plein pouvoir de négociation? On y reviendra
également plus loin dans les améliorations
suggérées.
En ce qui concerne les améliorations suggérées, les
voici. 1° Pour des fins de cohérence et dans le but d'instaurer le
versement obligatoire de cachets, nous demandons que la définition de
l'artiste inscrite à l'article 2 de la loi 90 s'applique aux artistes
des domaines visés par le projet de loi 78. 2° Au chapitre I,
article 2, nous proposons que le domaine des arts visuels soit décrit
comme suit: "la production d'oeuvres originales de recherche ou d'expression
exprimée entre autres par la peinture, la sculpture, l'estampe, le
dessin, la photograhie, l'holographie, les arts textiles, l'installation - et
la modification majeure suit - ou encore par l'utilisation par les artistes de
ce domaine des techniques de l'image en mouvement et des techniques des arts de
la scène. " Cette formulation a l'avantage d'inclure des formes
d'expression tels la performance, l'art audio, la vidéo d'art, le
cinéma expérimental, la danse performance, l'installation
théâtrale et plusieurs autres formes que ne peut englober
adéquatement l'actuelle loi 90. Cette formulation offre également
l'avantage de reconnaître le caractère particulier des formes de
production artistique intégrant plusieurs discours disciplinaires et
originant des artistes du domaine des arts visuels. Enfin, cette formulation
évite l'utilisation des attributs "non utilitaires, uniques ou à
nombre limité d'exemplaires", attributs qui nous apparaissent
incompatibles à la pratique du "copy art", de la photographie, de l'art
postal et de l'art audio, pour ne souligner que ces exemples.
Au chapitre II, article 6. 3°, nous proposons la formulation
suivante: "ses oeuvres sont exposées, produites, publiées,
présentées en public ou mises en marché par un diffuseur;
l'artiste a réalisé des recettes ou subi des pertes
découlant de l'exploitation de ses oeuvres, recettes et pertes
correspondant à l'ensemble de sa carrière artistique; l'artiste a
reçu du public ou de ses pairs des témoignages de reconnaissance
professionnelle, notamment des mentions d'honneur, des récompenses, des
bourses ou encore son oeuvre a fait l'objet de publication dans les
médias; l'artiste est membre d'une association professionnelle ou d'un
organisme équivalent correspondant à l'activité artistique
qu'il pratique et dont les normes d'admissibilité sont établies
par l'association elle-même. "
Nous considérons que la reconnaissance par les pairs inscrite au
projet de loi est un gain important qui résulte de sa mise en
application, depuis nombre d'années, par les artistes eux-mêmes et
par certaines des organisations avec lesquelles ces derniers doivent transiger.
Cependant, il nous semble que cette reconnaissance doive répondre
à certains critères objectifs minimaux. Dans notre esprit, cette
reconnaissance doit s'appliquer directement à l'artiste plutôt
qu'à ses oeuvres puisque, dans un ordre logique, c'est de la pratique
artistique dont il est question et non du résultat de cette pratique.
L'écueil de la reconnaissance de certaines oeuvres par rapport à
d'autres est ainsi évité d'autant que certaines oeuvres sont, par
leur nature même, transitoires et éphémères telles
les installations "in situ". Il vaut mieux, à notre avis, s'en tenir au
statut de l'artiste plutôt qu'au statut de l'oeuvre.
En ce qui a trait à la section II, et plus
particulièrement à la reconnaissance d'une seule association
d'artistes professionnels dans le domaine des arts visuels, le Regroupement des
centres d'artistes autogérés du Québec reconnaît
qu'une pareille unité de représentations serait de nature
à conférer aux artistes la force nécessaire pour remplir
adéquatement les fonctions prévues par le projet de loi 78. (11 h
45)
Cependant, aussi bien le nécessaire que le souhaitable ne sont
pas toujours réalisables dans les délais et selon les
modalités appropriées. Nous craignons que cette association
d'artistes ne se retrouve confrontée à la gestion de conditions
et problématiques si diverses qu'elle doive par conséquent
supporter un appareil administratif lourd et coûteux, inapproprié
pour l'état actuel du développement économique de la
pratique des arts visuels au Québec. Nous craignons également
qu'une telle association d'artistes soit amenée, sous la pression des
faits et des besoins de ses membres, à délimiter des conditions
contractuelles et à élaborer des services similaires à
ceux déjà offerts par certaines associations.
De plus, les conséquences que provoque une superstructure
modelée sur celle de l'Union des artistes - et nous parlons ici
d'encadrement corporatiste, de cotisations obligatoires, de lourdeur
administrative, de la panoplie tâtillonne d'ententes et de règles
collectives - nous croyons que ces effets risquent de nuire aux petits
producteurs-diffuseurs et de ne servir que des intérêts
corporatistes. Ce sont là des appréhensions. Puisque la formation
et la reconnaissance d'une association unique relèvent du pouvoir des
artistes, il n'est pas impensable que nous puissions éviter ce type de
conséquences et inventer un modèle mieux adapté qui
encadre les relations entre les diffuseurs et donne des services
adéquats aux membres.
Cependant, si une association doit voir le jour dans le domaine des arts
visuels, nous proposons qu'on ajoute à l'article 10 de la loi un
critère de représentation régionale. Nous proposons
également qu'aux articles 25 et 26 l'association reconnue se voie
conférer des droits et pouvoirs prévus à l'article 24 de
la loi 90.
Enfin, au chapitre III portant sur les contrats entre artistes et
diffuseurs, nous proposons que soient rendus obligatoires: 1° le contrat
écrit lui-même. II est en effet étonnant que ce projet de
loi n'Impose pas l'application de cette règle entre l'artiste et le
diffuseur. Bien qu'une telle obligation constitue une exception à nos
coutumes en matière contractuelle, la Loi sur la protection du
consommateur a démontré à souhait le bien fondé
d'exceptions lorsque le besoin est justifié. 2° la mention explicite
à même les dispositions du contrat écrit, de chacun des
frais encourus par l'artiste. Nous savons tous que la signature d'un contrat
n'est pas forcément une garantie suffisante puisqu'un tel contrat peut
contenir des charges dissimulées et fort lourdes imposées
à l'exposant.
Nous proposons également que le paragraphe 5° de l'article 30
comprenne une contrepartie monétaire liée à la vente de
l'oeuvre et une contrepartie monétaire constituée par le
versement d'un cachet. Nous demandons que ces contreparties monétaires
obligatoires fassent l'objet de tarifications minimales. Ces tarifications
pourraient être déterminées par la commission de
reconnaissance dotée de pouvoirs additionnels ou par
réglementation. Nous suggérons également que les articles
37 et 38 soient modifiés pour instaurer en lieu et place l'obligation
d'ouvrir un compte distinct en fidéicommis pour les sommes
perçues. Les avantages d'un tel compte sont bien connus: 1° les
sommes d argent demeurent la propriété de l'artiste ou du client
et ne peuvent servir au roulement de l'entreprise; 2° le compte ne peut
faire l'objet d'une quelconque saisie; 3° le diffuseur ne peut justifier
aucun retard dans le paiement dû. Des procédures de
vérification et de pénalité sont nécessairement
associées à un tel compte en fidéicommis.
Je laisse le soin à M. Bernard Gilbert de vous lire la
conclusion.
M. Gilbert: Bastien Gilbert. M. Artaud: Oui, pardon.
M. Gilbert: Vous comprendrez après ces diverses remarques
que, dans sa forme actuelle, le projet de loi 78 nous semble beaucoup trop
timide. Pour les centres d'artistes autogérés du Québec,
il n'améliore en rien les pratiques établies et
développées par eux depuis maintenant quinze ans. Il
définit davantage la reconnaissance et la protection bona fide de
l'oeuvre que celle de l'artiste.
Nous ne pouvons partager le point de vue de Mme la ministre suivant
lequel, et je cite: "La solution ne réside pas dans la
négociation collective de conditions d'engagement mais plutôt dans
la signature de contrats individuels qui protègent davantage les
créateurs. Le statut professionnel défini par la loi 90 ne
convient pas non plus à ces créateurs. La preuve de leur
autonomie est facile à faire s'ils peuvent d'abord établir qu'ils
sont des artistes professionnels. En fait, le cadre juridique qu'ils
réclament se rapprocherait davantage des lois sur les professions que de
celles sur les relations de travail. "
Nous savons bien que, dès qu'un artiste dans le domaine des arts
visuels prend entente avec un diffuseur, il est dans la situation du
travailleur qui offre ses services. Avant même toute diffusion, cet
artiste a produit une oeuvre qui devrait lui valoir rémunération
et protection sociale. Nous regrettons de constater que ce projet de loi ne
prend nullement en compte les conditions socio économiques de l'artiste.
Notre regroupement est convaincu qu'aucune association, qu'elle soit de nature
syndicale ou corporatiste, ne pourra corriger les conditions de pauvreté
dans lesquelles se démène l'immense majorité des artistes.
Encore moins une loi qui risque fort de se traduire en contrat
d'adhésion. Nous espérons que le gouvernement du Québec
devra, un Jour ou l'autre, aborder l'ensemble de cette question par une
véritable politique de compléments aux revenus.
Ces opinions, cependant, ne diminuent en rien l'appréciation du
travail qu'a effectué ces dernières années Mme !a ministre
des Affaires culturelles. Nous lui demandons simplement de ne pas adopter, de
façon prématurée, un projet de loi qui mériterait
plus amples discussions. Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, messieurs Je cède
maintenant la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Bacon: Alors, merci, M. le Président. M. Gilbert, M.
Artaud, je vous remercie d'être présents ici à cette
commission parlementaire, et je dois dire qu'il est intéressant de
constater que l'ensemble des centres d'artistes que vous représentez
déborde Québec et Montréal. Nous avons souvent, et j'aime
bien le rappeler, des petites habitudes d'oublier qu'il existe d'autres
centres, et je pense qu'il est Important de souligner aujourd'hui la
représentativité de ces différents centres d'artistes qui
viennent de partout au Québec. Je vous remercie d'avoir fait cet effort,
cette rigueur de texte qui nous permet, avec les questions que vous posez,
d'esayer de tenter d'apporter des réponses au moment de l'adoption de
cette loi.
Si je regarde le mémoire que vous nous présentez, vous
nous dites: "Le projet de loi 78 cherche à étendre et à
parfaire des pratiques qui doivent être, pour nos centres, parties
intégrantes de leurs statuts corporatifs. " J'aimerais que vous
élaboriez sur ces différentes pratiques et que vous nous disiez
si cette loi est vraiment nécessaire pour vos membres et si elle
protège
vos membres. Est-ce que vous sentez qu'il y a quand même une
protection dans la loi 78 pour l'ensemble de vos membres et la sentez-vous
nécessaire aussi pour l'ensemble de vos membres?
M. Artaud: Grande question. Les centres d'artistes ont
établi, depuis plusieurs années, des pratiques qui sont
contraignantes au niveau même de leurs statuts corporatifs. Parmi ces
pratiques, on trouve la signature de contrats, la prise en charge par les
centres d'une partie ou de la totalité des frais qui sont
inhérents à la diffusion d'une oeuvre, par exemple les frais de
transport, d'hébergement, d'assurances des oeuvres, et une série
de frais de cette nature. Et on trouve le versement obligatoire d'un cachet,
qui constitue pour nous, évidemment pas un salaire, ce serait ridicule,
ce sont des cachets de l'ordre de 350 $, ou 500 $, des choses de cet ordre,
mais qui constitue pour nous une première rémunération
pour services rendus. Ce qui veut dire que les centres d'artistes
perçoivent l'artiste comme un travailleur qui produit une oeuvre; avant
même qu'on l'expose sur les murs, on dit On va à tout le moins
vous donner quelque chose qui est une sorte de rémunération.
À partir de là, est-ce que le projet qui est sur la table
protégerait nos membres davantage que nous le faisons maintenant, et
est-ce que c'est une nette amélioration par rapport à leur
condition actuelle? J'hésiterais beaucoup à vous dire oui. J'ai
l'Impression que pour les membres des centres d'artistes, dans la mesure
où nous parlons de diffusion à l'intérieur des centres
d'artistes, cette loi n'apporterait que des améliorations assez
minimales. Si elle était adoptée avec nos recommandations,
d'ailleurs, elle apporterait probablement un certain nombre de corrections dans
la gestion des centres, mais dans les faits elle modifierait fort peu ce que
nous avons déjà Installé.
Là où éventuellement elle apporte peut-être
certaines améliorations, et je dis peut-être, c'est beaucoup plus
dans le marché de l'art disons "commercial" par rapport aux relations
qu'entretient un artiste en arts visuels avec un galeriste, par exemple.
Là, je pense qu'elle est susceptible d'apporter une certaine
amélioration et il arrive fréquemment que des membres des centres
d'artistes aient une telle renommée qu'ils se retrouvent soft dans des
galeries privées, soft dans des institutions muséologiques ou
d'autres contextes du même genre. Je dis "peut-être", parce que je
trouve que la loi n'est pas assez contraignante et qu'elle permettrait aux deux
parties, à l'une ou à l'autre, de la contourner assez
facilement.
Mme Bacon: Quand vous parlez de cachets, M. Artaud, ce sont des
cachets d'exposition, c'est une rémunération quand il y a
exposition?
M. Artaud: Oui.
Mme Bacon: C'est cela.
M. Artaud: Mais ce n'est pas un droit d'exposition, c'est un
cachet.
Mme Bacon: C'est un cachet.
M. Artaud: S'il devait y avoir droit d'exposition instauré
par une prochaine loi, nous continuerions à verser des cachets. Pour
nous, c'est vraiment l'équivalent d'une rémunération pour
services rendus, comme pour tout travailleur.
Mme Bacon: Par rapport à une vente d'oeuvres, par exemple.
C'est cela?
M. Artaud: Exactement. Nous essayons même, j'oserais aller
jusque-là, de ne pas prendre de pourcentage lors de vente d'oeuvres.
Pour nous, ces revenus-là devraient être versés
à l'artiste.
Mme Bacon: Si on fait un parallèle avec la loi 90, quand
on disait: Les gens offrent des services en arts d'interprétation, par
exemple, ce qui est différent... Vous ne pouvez pas comparer les
deux?
M. Artaud: Je pense que oui. Je sais que ce n'est pas
l'évidence mais, moi, je pense que oui. Je pense que l'artiste qui
arrive avec une oeuvre produite et qui nous l'offre pour diffusion, il a entre
les mains un service. Il est en train de m'offrir des services. Le
chanteur-compositeur-interprète qui se présente à un
producteur, ce qu'il offre, ce sont ses services de
chanteur-compositeur-interprète. L'exposant, ce qu'il m'offre, ce sont
ses services d'exposant, c'est son oeuvre et, à mon avis, ce sont des
services au sens strict du terme.
Mme Bacon: C'est un premier mouvement par rapport à une
vente par la suite, c'est cela?
M. Artaud: Exactement, une première étape de
reconnaissance de services rendus.
M. Gilbert: Si tu permets, ce que les centres d'artistes essaient
de faire c'est, d'une certaine façon, d'échapper aux lois du
marché. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup
d'événements qui se passent dans les galeries ou dans les centres
d'artistes qui ne produisent pas des oeuvres vendables dans un sens, puisque ce
sont des centres de recherche et d'expérimentation. SI les artistes en
arts visuels ne doivent vivre que du produit des oeuvres qu'ils vendent, il y a
beaucoup de ces artistes qui ne vivront jamais. C'est pour cela que les centres
d'artistes veulent accorder un cachet et voudraient Introduire cette pratique
sur le marché aussi, entre autres, même dans les galeries
commerciales.
Mme Bacon: D'accord. Vous nous interrogez sur les
modalités de reconnaissance par les pairs et j'aimerais savoir si cela
devrait être un critère obligatoire de la définition de
l'artiste professionnel. Que devraient être, selon vous, les
modalités si la loi devait les préciser davantage? Vous pourriez
peut-être préciser aussi les autres suggestions que vous faites
sur la définition de l'artiste professionnel, notamment sur les pertes
et les recettes qui découlent de l'exploitation de ses oeuvres, par
exemple.
M. Artaud: À notre point de vue, ces suggestions que nous
vous faisons par rapport à la reconnaissance par les pairs doivent
être comprises dans le contexte de la reconnaissance par les pairs. Ce
que nous disons, c'est: La reconnaissance par les pairs, qu'on le veuille ou
non, se pratiquera toujours, soit dans un contexte de jury, soit dans un
contexte de reconnaissance à des fins de "membership" ou des trucs de ce
genre. Sinon, je vols mal comment on peut l'exercer formellement. Ce que nous
disons, c'est: Essayons de la cerner, cette reconnaissance par les pairs,
essayons de faire en sorte que, même par les pairs, il y ait des
critères associés au processus, et ces critères sont ceux
qu'on vous suggère.
Je vais quand même situer la chose dans le contexte du projet de
loi Votre projet de loi ne s'applique pas qu'à l'artiste professionnel,
entre autres pour ce qui concerne le contrat. Pour un artiste qui n'est pas
encore reconnu comme artiste professionnel, vous prévoyez que le contrat
s'applique. Vous ne réservez pas le contrat à l'artiste
professionnel. Alors, nous disons dans ce contexte: Cernons davantage ce qu'est
l'artiste professionnel parce que, si la loi s'applique à tout artiste,
quel avantage aurait un artiste à devenir artiste professionnel sauf
celui de faire partie de l'association reconnue? Ce qui est quand même un
détail, elle n'existe pas encore l'association reconnue. Pour cerner la
reconnaissance de l'artiste par les pairs, on dit: Prenons certaines
considérations qui sont des considérations collectives,
objectives, observables et qui nous permettent de dire: Oui, il s'agit d'un
artiste professionnel. (12 heures)
Mme Bacon: Revenons aux articles 6 et 7. L'article 6 porte sur le
statut de l'artiste professionnel, l'article 7 est: "L'artiste membre d'une
association reconnue en application de l'article 9 est présumé
artiste professionnel. " Pour vous, est-ce préférable
d'être reconnu par ses pairs ou si, quand on dit: II se déclare
artiste professionnel, c'est aussi acceptable? Faites-vous vraiment une
différence entre les deux?
M. Artaud: Je pense qu'il est préférable
d'être reconnu par ses pairs.
Mme Bacon: Est-ce que cela devrait être obligatoire, selon
vous, qu'il soit reconnu par ses pairs? Est ce que l'on devrait prendre
l'option 6. 3° et oublier 7, par exemple?
M. Artaud: Oui. De toute façon, nous vous proposons que
l'article 7 ne veuille pas dire davantage que la situation actuelle. Ce que
nous vous suggérons, c'est que les artistes membres des associations
déjà reconnues par le ministère, recevant des membres et
les considérant comme membres, puissent être
considérés comme professionnels. Mais si l'option que vous
m'offrez, c'est la reconnaissance par les pairs plutôt que le processus
de reconnaissance par l'association comme membres, je vous dirai que |e
préfère la reconnaissance par les pairs.
Mme Bacon: J'aimerais juste rectifier. En ce moment, il n'y a pas
de reconnaissance comme telle par le ministère, on n'agrée pas
d'association particulière. La reconnaissance se fera par la commission
de reconnaissance et ce n'est pas le ministère qui doit faire
l'agréement de cela.
En ce qui concerne les améliorations que vous suggérez,
vous nous proposez d'étendre notre définition des arts visuels
aux techniques des arts de la scène. Les artistes des arts de la
scène qui sont couverts par la loi 90, est-ce que vous estimez que la
loi 90 ne les protège pas suffisamment et que vous voulez qu'on les
protège davantage par la loi 78?
M. Artaud: Non, au contraire. Ce que nous vous suggérons,
c'est d'insérer dans la définition "arts visuels" l'utilisation
par les artistes du domaine des arts visuels des techniques des arts de la
scène. Le phénomène existe, il est courant. La
vidéo d'art n'est pas un produit télévisuel qui
relève des arts d'interprétation ou du marché ou de
l'industrie de l'image. Le vidéo d'art relève de notre secteur.
Le cinéma expérimental et indépendant ne relève pas
des grandes salles, ce n'est pas distribué en salles. Cela relève
de notre secteur. La performance multidisciplinaire. Un "performer", il fait
des arts d'interprétation au sens strict. Il ne fait que cela. C'est lui
l'oeuvre. Cost sa capacité de se mettre en scène qui fait que son
oeuvre est intéressante, d'une certaine façon. Alors, ce
"performer" relève de notre domaine. Ce que l'on dit c'est: Essayons de
contourner le problème! parce que cela va à une vitesse folle et
que cela change de nom sans arrêt, plutôt que d'essayer de tout
énumérer, contournons le problème en prenant le biais de
l'artiste du domaine. Si cet artiste est du domaine des arts visuels, qu'il
utilise les techniques des arts de la scène ou pas, on dit: C'est un
artiste qui relève des arts visuels. Sa discipline ou sa forme
d'expression relève des arts visuels.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous semblez, d'une part,
reconnaître le bien-fondé d'une représentation forte des
artistes, mais vous
émettez aussi des réserves sur les moyens proposés.
Pourriez-vous en dire davantage?
M. Artaud: Cela risque d'être long. Mme Bacon: Nous sommes
là pour cela.
M. Artaud: Oui. En fait, si j'étais capable d'inventer un
autre modèle d'association, je vous le suggérerais tout de suite
et je vous dirais. Je la veux demain matin. Vite, déposez quelque chose.
Le problème est qu'en tant que diffuseurs certains de nos centres
d'artistes ont, par exemple, affaire à l'Union des artistes. Je ne sais
pas si vous connaissez un peu les implications des conventions de travail qui
relèvent de l'Union des artistes, mais ce sont des Implications
aberrantes. Je vais vous donner un exemple, et je ne serai pas trop modeste,
c'est moi-même. J'ai écrit une pièce de
théâtre, j'interprète dans cette pièce de
théâtre, je ne touche pas d'honoraires, aucun cachet ni revenu
d'une bourse et je dois payer un permis temporaire à l'Union des
artistes pour pouvoir jouer ma propre pièce. Rendu là, je trouve
que cela commence à être du charriage énorme. Je pense que
n'importe quelle association de ce type finit par être condamnée
à ce genre de charriage par la pression même de la
diversité de ses membres. C'est-à-dire qu'à un moment ou
l'autre il faut définir des règles qui deviennent identiques pour
tout le monde, les mêmes règles du jeu; dans une sous-discipline
donnée, ii faut bien que les règles soient définies.
Quand on se met à vouloir définir ces
règles-là et en faire des ententes négociées, on
oublie des choses, on n'a pas le choix; en pius, les diffuseurs, les
producteurs, on exerce une pression telle sur le marché que les
coûts grimpent en flèche. Les coûts grimpant en
flèche, on nuit Inévitablement, malgré toutes les
précautions qu'on voudra prendre, au développement de
l'expérimentation et de la relève. On sature la
possibilité et la capacité pour les diffuseurs d'oser diffuser
des choses qui ne seront pas à succès parce qu'il nous faut
absolument un niveau de revenu à l'entrée qui soit suffisant pour
respecter les contraintes du contrat.
Alors, devant cela, qu'est-ce qu'on va faire? Si on fait une association
d'artistes en arts visuels avec la diversité de situations qu'il y a
dans ce domaine énorme, qu'est-ce qu'on va pouvoir faire de mieux? On
risque de se retrouver à faire le même jeu imbécile, avec
les mêmes conséquences catastrophiques. On ne le veut pas. Par
ailleurs, on sait bien que, s'il n'y a pas une pareille association, le pouvoir
de négociation des artistes en arts visuels demeurera ridicule,
parcellaire, fragmenté et inefficace. Alors, on dit: Oui, oui, on est
tout à fait d'accord avec votre point de vue, cela en prendrait une,
mais on dit: pas comme les autres, par exemple. Et on ne sait pas laquelle on
pourrait bien se donner.
Dans ce contexte-là, je suis porté à dire: Si nous
en voulons une et si vous en souhaitez une, donnez-nous à tout le moins
le vrai pouvoir de négocier, le vrai, vrai, au sens syndical du terme;
au moins, on aura un vrai rapport de forces. Et bonne chance! On verra si on
fait mieux que les autres. Sinon, n'en faites pas d'association unique et
rendez votre loi mauditement plus contraignante.
Mme Bacon: Vous revenez à plusieurs reprises dans votre
mémoire sur la notion de service on en parlait tout à l'heure -
professionnel. Quand vous demandez, par exemple, que la définition
à l'article 2 de la loi 90... C'est à la page 4 de votre
mémoire. Ou encore aussi, à la dernière page, vous nous
dites que, dans le domaine des arts visuels, dès qu'un artiste prend
entente avec un diffuseur, il est dans la situation du travailleur qui offre
ses services.
On a entendu beaucoup, et je reviens encore là-dessus, sur la loi
90: C'est une offre de service qui est faite. Dans la loi 78, on met beaucoup
l'accent sur le professionnalisme des artistes, sur les ventes d'oeuvres, par
exemple, ces ententes qui sont prises entre un diffuseur et l'artiste.
J'aimerais vous entendre davantage sur cette notion de service, cela fait
plusieurs fois que vous le dites et on le lit à plusieurs reprises dans
votre mémoire. Tantôt, vous nous disiez: SI on présente une
oeuvre, c'est une offre de service; ce n'est pas nécessairement pour ta
vendre. Il y a des oeuvres qui ne se vendent pas. Quant à moi,
j'achète cela, ce que vous nous dites.
M. Artaud: Combien?
Mme Bacon: Non, non, j'achète ce qu'il vient de me
dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Mais je dois dire que ce qui est Important, c'est de
faire quand même cette... Je voudrais faire un parallèle, et c'est
toujours odieux de comparer, mais quelqu'un qui veut me vendre une automobile,
il me l'offre, il offre ses services, mais il veut aussi faire une vente par la
suite. Est-ce que cette offre de service est importante par rapport aux ventes
qui sont faites? Est-ce que c'est 50-50 dans votre domaine? J'aimerais vous
entendre davantage parler sur votre notion d'offre de services.
M. Artaud: Écoutez, je vais reprendre votre exemple. Quelqu'un
qui vend une automobile ou qui veut vous vendre une automobile, il y a une
bonne chance qu'il soit rémunéré pour ses services de
vendeur, à moins que cela soit face à face...
Mme Bacon: Quand il fait la vente.
M. Artaud: Quand il fait la vente, mais il est
rémunéré comme vendeur. Mon artiste "performer" - je peux
le prendre parce que c'est plus facile que le peintre; on est habitué
à acheter des peintures et des sculptures - mon artiste "performer", II
ne peut pas se vendre, lui, comme oeuvre. Il pourrait, mais il tomberait sous
le coup d'une autre loi, il risquerait d'être Interdit. Il ne peut
qu'offrir sa compétence de "performer" en échange d'une
rémunération Or, sa compétence de "performer", c'est une
compétence professionnelle. Il m'offre des services au même titre
qu'un vendeur que je voudrais rémunérer; II est aussi bien
d'être compétent comme vendeur mais, s'il est compétent, je
vais le payer. Mais mon "performer", c'est sa compétence qu'il vend, ce
n'est pas une oeuvre que je vais accrocher et vendre. Et je pense que cette
compréhension s'étend a l'ensemble des oeuvres dans le domaine
des arts visuels, même la peinture, même la sculpture, même
les pièces qu'on peut vendre. À mon avis, cette notion-là
s'étend.
Je vais vous dire que j'aurais aimé fouiller un peu plus la
notion au sens strictement juridique. J'aurais bien voulu avoir un peu plus de
temps pour aller chercher la distinction à fond.
Mme Bacon: Vous comprendrez que c'est difficile de parler de
performance dans une loi. Je pense que c'est assez difficile.
M. Artaud: Ce serait déjà une performance.
Mme Bacon: Merci beaucoup, M. Artaud et M. Gilbert.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Saint-Jacques.
M. Boulerice: MM. Artaud et Gilbert, je vais droit au but, je
pense que c'est le texte qui nous intéresse et non le préambule
que je pourrais peut-être faire. On lit: "La solution ne réside
pas dans la négociation collective de conditions d'engagement mais
plutôt dans la signature de contrats Individuels qui protègent
davantage les créateurs. " Enfin, cela c'est une citation. Est-ce que
vous entendez qu'il faudrait apporter des modifications aux articles 41
à 43 et, surtout, lesquelles?
M. Artaud: C'est vrai. On les avait négligés un peu
ceux-là. Ce qu'on souhaite et cela ne portera pas nécessairement
sur les articles 41, 42 et 43 au sens strict, ce qu'on souhaite, en
général, c'est que, si jamais il y avait une association
reconnue, on donne à cette association reconnue la même
portée que celle qu'on trouve dans la loi 90. En conséquence,
cela veut dire que tout diffuseur serait obligé de reconnaître une
entente collective et de s'y soumettre. Je pense que c'est cela qu'on voudrait
recher- cher. L'article 41, pour nous, fait partie de l'espèce d
économie de timidité générale dont on parie
dès le départ. On dit: Peuvent négocier et agréer
une entente, on aimerait bien lire ils doivent et ils y sont contraints,
l'exercice est obligatoire. De façon générale, on
aimerait, comme je le disais tantôt, que la loi soit beaucoup plus
contraignante
M. Boulerice: Vous parlez également d'un critère de
représentation régionale. C'est la deuxième fois que nous
entendons cette argumentation. Cela se ferait comment, selon vous? Est-ce qu'il
y aurait une espèce de clausus numerus? Dés qu'il y en a un,
automatiquement, enfin, je ne suis pas pour donner la réponse que vous
voulez me donner. J'attends plutôt votre réponse.
M. Gilbert: Comment se ferait-elle? On ne pourrait pas trop vous
le dire. Cela pourrait être la charge du législateur ou de la
législatrice de voir à cela. On tient beaucoup à cette
clause de représentation territoriale parce que, dans notre situation,
on veut représenter toutes les régions du Québec. Ce n'est
pas encore le cas même au Regroupement des centres d'artistes
autogérés. II y a quelques régions où il n'y a pas
de centres d'artistes, mais on estime nécessaire qu'il y ait quand
même cette clause pour que ce ne soit pas uniquement Québec et
Montréal qui soient représentées.
M. Boulerice: Je vais vous poser une question à
laquelle... Oui, je m'excuse.
M. Artaud: Seulement pour vous donner un exemple, je ne dis pas
que c'est la bonne formule, mais le conseil d'administration du Regroupement
des centres d'artistes autogérés du Québec est
composé nécessairement sur la base d'une représentation
régionale. De mémoire, je peux me tromper, il y a trois membres
de la région de Montréal, deux de Québec, trois pour les
autres régions. C'est une contrainte à laquelle on s'astreint. II
y aurait possibilité d'imaginer une formule qui prenne en compte le
phénomène des régions.
M. Boulerice: Vous la souhaitez possible par exception pour
certaines organisations ou qu'elle soit générale et pour
l'ensemble?
M. Artaud: Qu'elle sort générale et pour
l'ensemble. II y a un phénomène - Je pense que vous en êtes
plus conscient que moi - mais l'état des régions est quand
même légèrement préoccupant. Si on ne s'en
préoccupe pas aujour-d hui.
M. Gilbert: S'il n'es! pas préoccupant, on ne doit jamais
le perdre de vue, en tout cas. Certaines régions sont mieux loties que
d'autres, mais iI ne faudrait oublier personne.
M. Boulerice: Ne m'ouvrez pas cette porte. Vous allez me faire
énormément plaisir, mais on va retarder vos collègues qui
veulent poursuivre. Je suis bien d'accord avec vous là-dessus.
Vous dites: "Enfin, au chapitre III portant sur les contrats entre
artistes et diffuseurs, nous proposons que soient rendus obligatoires... "
C'est une question que je vous pose, mais à laquelle j'ai l'impression
que c'est la ministre qui va répondre. Pour vous, cela ne semble pas
clair que l'article 29 ait la notion d'obligation?
M. Artaud: Ce n'est pas tout à fait cela. Telle que la loi
est rédigée, elle nous amène presque à
l'obligation. On pourrait être portés à la comprendre comme
nécessitant la signature de contrats, à tout le moins pour un
diffuseur qui veut se protéger. Il faudrait qu'il soit assez
imbécile; s'il ne signe pas de contrat, il prend de méchants
risques. Mais j'essaie d'imaginer la situation concrète d'une entente
verbale. Il n'y a pas de contrat écrit parce que l'artiste n'est pas
obligé. Il peut très bien ne pas en signer, d'après cette
loi. Il n'y a pas de contrat écrit, il y a seulement une entente
verbale. L'artiste veut réclamer ses droits. Qu'est-ce qu'il va
faire?J'imagine qu'il va prendre des procédures judiciaires,
c'est le minimum. Il va se présenter en cour. Le diffuseur de l'autre
côté va se présenter aussi. S'il ne se présente pas,
là encore, cela ne va pas bien, son affaire. Il va se présenter,
mais il ne pourra invoquer à peu près rien. Il n'y a pas de
contrat écrit, il est mal pris. Cela m'étonnerait beaucoup qu'un
juge accepte de rendre une décision favorable à l'artiste sur une
seule parole. L'artiste est là et il dit: Mon entente verbale est la
suivante. Le diffuseur n'aurait pas de réplique. J'ai l'impression
qu'à quelque part il y a un trou et que cela va, de toute façon,
faire encourir des frais à l'artiste, auquel cas je ne suis pas
sûr que la loi est si avantageuse que cela. Je dis: Tant qu'à se
mettre dans cette situation, rendons-le obligatoire, le maudit contrat
écrit. Les ententes seront claires. Mais je sais que le Barreau risque
de ne pas aimer cela, par exemple.
M. Boulerice: On les a invités, mais ils n'ont pas pu
venir. Je le regrette, comme vous. J'aurais aimé avoir cette expertise.
Mais, dans l'article 29, c'est la lettre. La question s'adresse à la
ministre. Est-ce que l'esprit, pour vous, rendait ce contrat obligatoire? Non?
D'accord.
Eh bien, MM. Artaud et Gilbert, je vous remercie des propos très
pertinents que vous avez tenus. Je pense bien qu'on va en prendre note.
Mme Bacon: Merci beaucoup de votre prestation.
Le Président (M. Trudel): Merci, messieurs, et bon retour.
Noua allons suspendre pour deux minutes avant d'accueillir ie Centre d'essai
des auteurs dramatiques.
(Suspension de la séance à 12 h 20)
(Reprise à 12 h 23)
Le Président (M. Trudel): II me fait maintenant plaisir
d'accueillir, au nom de la commission, les représentantes du Centre
d'essai des auteurs dramatiques, Mme Marie Laberge, que je salue de nouveau
avec plaisir, et Mme Hélène Dumas, directrice
générale, que je salue également. Je crois comprendre que
vous avez des notes..
Mme Laberge (Marie): Oui.
Le Président (M. Trudel):... et pas de texte comme tel.
Très bien! À ce moment-ci, ça va nous permettre de faire
l'effort de vous suivre et de vous écouter.
Mme Laberge: On va vous les jouer.
Le Président (M. Trudel): Vous allez les jouer.
Mme Laberge: On va vous les jouer, ça va vous distraire un
peu.
Le Président (M. Trudel): Je vous invite, sans plus
tarder, madame, à nous... Ne nous jouez pas de comédie, tachez de
ne pas être trop dramatique non plus! Nous vous écoutons avec
grand plaisir et nous passerons à la période de discussions avec
Mme la ministre et M. le député de Saint-Jacques
immédiatement après.
M. Boulerice:... légion d'honneur. Ha, ha, ha! Centre
d'essai des auteurs dramatiques
Mme Dumas (Hélène): Oui, merci. Mme la ministre, M.
le Président, Mme la vice-présidente, mesdames et messieurs les
députés, mesdames et messieurs, si vous me le permettez, je vais
faire une brève présentation de l'organisme. Le Centre d'essai
des auteurs dramatiques a été fondé il y a bientôt
24 ans par des auteurs dramatiques, qui étaient à ce
moment-là au nombre de six, et qui entre eux ont décidé de
se donner les moyens d'exister comme créateurs et de défendre
leur art et les moyens d'en vivre si c'était possible. À
l'époque, c'était une espèce de rêve qui semblait
inatteignable. Aujourd'hui, on peut peut-être se rassurer, voir que
plusieurs d'entre eux ont atteint leur but bien que, pour le
théâtre québécois, il y ait encore beaucoup de
travail à faire.
À ce moment-là, et c'est toujours le cas, l'association
fondée en est une à but non lucratif, tout simplement. C'est une
association dont la mission se précise sur trois grands axes,
qui sont: le développement, la promotion et la diffusion de
l'écriture dramatique québécoise. Bien sûr,
sous-jacent à ces trois grands axes, on trouve le principe de ta
défense des intérêts des créateurs que sont les
auteurs dramatiques Cependant, selon les auteurs dramatiques eux-mêmes,
la meilleure façon de défendre leurs intérêts a
été bien davantage de travailler à I'issue qu'aux
relations du travail qui géreraient l'aboutissement de la diffusion,
c'est-à-dire la production d'une oeuvre dramatique. C'est pourquoi nous
avons travaillé à ce qu'on appelle le début de la
chaîne, c'est-à-dire à faire en sorte que des oeuvres
dramatiques québécoises soient jouées, qu'il y ait
contrat. On a, bien sûr, toujours donné des services d'appoint aux
auteurs en ce sens que leurs contrats étaient toujours
vérifiés par le centre d'essai. Des consultations ont
été organisées et on s'est impliqué à
plusieurs moments dans des dossiers relevant de ces questions de relations du
travail avec les diffuseurs. Aujourd'hui, on a 120 auteurs dramatiques membres
du centre d'essai. Ils représentent la presque totalité des
dramaturges actifs au Québec. Certains de ces dramaturges ont d autres
cordes à leur arc. Certains sont romanciers, auteurs de chansons,
scénaristes ou traducteurs et il y en a de ceux-là qui font
partie d'autres associations qui recoupent ces champs de compétence,
mais on représente pour le secteur de l'oeuvre dramatique la presque
totalité des dramaturges québécois. Je vais céder
la parole à Marie Laberge, notre présidente, qui va vous livrer
les commentaires et les voeux des auteurs dramatiques sur la question du projet
de loi 78. Merci.
Mme La berge: On va y aller assez rapidement. J'imagine que vous
en avez entendu parler pas mal. Alors, à propos des notes explicatives
dans le projet de loi 78, pour nous, c'est clair, l'esprit de la loi et ses
Intentions sont excellents. Il est plus que temps pour nous de
reconnaître le statut professionnel de l'artiste créateur. Cette
reconnaissance primordiale nous semble un pas important dans
l'élaboration d'une mise en valeur du statut de l'artiste. Je dis bien
"un pas", ce n'est pas l'acquisition totale du statut de l'artiste puisque cela
se fait tous les jours. L'obligation pour les diffuseurs de conclure des
contrats avec les artistes est également entièrement louable et,
quel que soit notre désir d'être rendu plus loin, c'est un minimum
essentiel pour tout créateur. L'idée du regroupement
d'associations nous semble plus difficile, sinon ardue, mais nous tenterons
plus loin de cerner les raisons de notre hésitation face à cette
disposition de la loi.
Nous allons suivre, article par article, le projet de loi pour avoir une
intervention claire et un peu rigoureuse parce que c'est peut être la
façon la plus simple de procéder. Alors, nous poserons les
questions demeurées en suspens pour les membres de notre association.
Nous applaudi- rons à ce qui nous semble être de bons coups et
tenterons de vous alarmer sur les dangers, s'ils s'en trouvent, à notre
avis. Le titre: Pourquoi n'est-il pas fait mention de créateurs tout de
suite après le terme "artistes" puisqu'il s'agit bien, tel
qu'expliqué en 1, d'artistes qui créent? Le terme de
créateur nous semble important, pour ne pas dire essentiel, c'est la
nature même de notre activité. Les deux points stipulés
dans le titre nous semblent résumer très fidèlement
l'action de la loi, en tout cas, dans ses normes souhaitées par nous. Le
statut professionnel: les créateurs ont historiquement été
désavantagés parce que seuls et désirant souvent le
demeurer pour activer ie travail de création. En agissant ainsi, ils ont
souvent désactivé leur survie financière. Qu'ils aient
droit à un statut juridique n'est que justice. Que la loi leur fournisse
des armes de base pour exiger et obtenir un contrat pour l'utilisation de leurs
oeuvres pourra contrer certains abus survenus dans le passé.
Peut-être verrons-nous enfin le temps venu où un artiste ne se
sentira pas obligé de se faire avoir trois fois pour être certain
d'être un artiste. La loi agira aussi indirectement sur l'image que
l'artiste entretient de lui-même, ce qui ne saurait pas faire de tort
à l'amélioration de son statut social.
Le point 2. 3e: la fameuse définition de la
littérature. Une question: Les oeuvres littéraires incluent-elles
le scénario susceptible d'être édité, le texte
dramatique pour la télévision ou la radio également
susceptible d'être édité? Définition très
large qui exclut la notion de "utilitaires" quii est utilisée pour les
arts visue's. (12 h 30)
On s'est demandé si cela voulait dire qu'un essai abondamment
illustré de la cuisine au micro onde deviendrait une oeuvre
littéraire ayant une finalité esthétique, alors qu'il
s'agissait bien sûr, d'un livre de cuisine. Je ne parlais pas de celui
d'Alexandre Dumas, par exemple. On se comprend. Donc, peut-être qu'il
devrait y avoir une mention de l'utilitaire, mais, et c'eist important, le
centre d'essai préfère et de loin que la définition de la
littérature soit large, afin de n'exclure personne et surtout pas les
débutants qui ont avant tout besoin de cette loi. Cela, quitte à
retrouver quelques utilités non littéraires parmi nous.
Il est évident que le critère du nombre d'oeuvres ne peut
en aucun cas définir un créateur Plus la définition sera
englobante, plus elle protégera ce qu'il est convenu d'appeler le bas de
l'échelle. Nous croyons que c'est souvent ià que se retrouvent
les abus les plus criants et les plus cruels. Pour nous, c'est plus Important
que le bas de l'échelle soit dans la définition, plutôt que
d'avoir quelque chose de très restreignant où on risquerait de
faire plus de tort que de bien. Donc, bien que bancal, peut-être,
à cause de l'utilisation d'oeuvres littéraires dans la
définition de la littérature, on l'aime mieux de même, on
n'a pas trouvé mieux. J'aime autant
vous le dire, on a essayé.
Le point 3 de la page 6, voilà où le bât blesse. On
s'explique. Le centre d'essai a presque 25 ans de pratique. Ces années
nous donnent un certain sens de l'histoire et une certaine perspective. Voici
ce que l'on déduit de notre expérience. D'abord, en 23 ans pour
nous, aucune association à caractère littéraire ne s'est
liée et associée à une autre dans une entreprise commune.
Sans qu'il y ait de guerre ou même de désaccord, aucune
association n'a jamais eu la velléité d'un tel rapprochement. Ce
n'est donc pas inscrit dans notre sang de créateur. Ensuite, chaque
association se consacre aux besoins précis et spécifiques de ses
membres, que ce soit la traduction, l'art dramatique, le roman. Puis, chacun de
nous en est arrivé à développer un certain type de
rapports avec les diffuseurs des oeuvres des membres, privilégiant
certaines approches pour favoriser la promotion ou la diffusion des oeuvres.
Soyons clairs. Au centre d'essai, un des objectifs principaux, ce n'est pas la
gestion, mais l'existence du contrat. Je veux dire que le théâtre
québécois n'est jamais ni acquis, ni "allant de soi" dans la
formation des théâtres. Ce qui nous oblige à oeuvrer pour
que l'oeuvre de nos auteurs ait sa place chez les diffuseurs avant tout. Parce
qu'il n'y a pas de mesure incitative à la création d'oeuvres
québécoises ou à la recréation d'oeuvres de
répertoire, parce qu'il y a une énorme concurrence des textes
dramatiques étrangers, cela produit que le texte de nos auteurs, de nos
membres n'est jamais "allant de soi" pour nos diffuseurs. Or, notre principale
action, c'est de leur faire de la promotion, c'est d'essayer de tenter de les
diffuser, d'être montés par les théâtres.
Les directions artistiques n'ont jamais été et seront
difficilement pour nous une partie patronale. Notre objectif fondamental est
que le contrat à signer existe plutôt que sa nature ou sa gestion.
Ce qui ne nous a pas empêchés d'apporter du support à tout
auteur en train de négocier un contrat. Nous l'avons toujours fait, sans
devenir pour autant une corporation ou un syndicat.
Le rapport avec les éditeurs n'est pas le même que dans un
autre genre littéraire non plus. Il faut comprendre que nous sommes en
présence d'un livre dit "non rentable". La pièce de
théâtre ne s'édite pas et ne rapporte pas comme un roman.
Il faut suggérer, pour nous le centre d'essai, et Inciter
l'éditeur à publier du théâtre. Il faut lui prouver
que c'est une bonne idée. Nous en sommes aux balbutiements pour le
marché scolaire avec des livres de théâtre
québécois. Il faut qu'on Investisse le marché scolaire
pour que cela devienne rentable et qu'on finisse par être
édités. Même avec une chance de succès, nous ne
sommes pas encore une affaire pour un éditeur. Donc, nous n'avons pas du
tout les mêmes rapports qu'un romancier. Là encore, notre
association a développé un rôle d'éclaireur, de
procovateur, de conseiller auprès de éditeurs.
Que ce soit avec les éditeurs ou avec les directeurs artistiques,
nous avons favorisé certaines approches, une sorte de séduction
à long terme, si on peut entendre cela sans préjugés, qui
donne un certain ton à nos rapports et qui a fait de nous des
collaborateurs précieux pour nos membres, parce qu'implantés chez
les diffuseurs. Nous sommes des "suggéreurs" plus que des matraqueurs.
Nous avons une approche qui a toujours été celle-là.
Les autres associations n'ont ni les mêmes difficultés, ni
les mêmes besoins, ni les mêmes mandats de leurs membres; certaines
en sont au b-a-ba; d'autres sont beaucoup plus avancées ou beaucoup plus
complexes. Chacune, jusqu'à maintenant, a respecté le champ
d'action et de juridiction de l'autre. Personne ne va "pilasser* chez les
autres.
Chaque pratique littéraire est servie, si on peut dire, et
surtout fortement représentée dans son association. Franchement,
nous sommes plutôt bien comme cela. Personne ne se fait de l'ombre ou du
tort.
En conclusion, au centre d'essai nous croyons que, si chaque association
a fonctionné isolée les unes des autres jusqu'à
maintenant, ce n'est pas par manque d'ouverture ou par esprit jaloux; c'est
simplement que les besoins respectifs, quoique de nature semblable, sont
différents. Il est clair que nous n'avons pas eu jusqu'à
maintenant envie ou besoin de nous associer. Si la loi nous y oblige - et je
dis bien: si la loi nous y oblige - la seule option que le centre d'essai
trouve envisageable serait le regroupement d'associations et non pas une
association qui chapeaute. Ceci pour garantir le respect des différents
secteurs de pratique littéraire et surtout la continuité de
certains efforts entrepris de longue date pour protéger et diffiser la
pratique littéraire en question. Bien sûr, on veut se
protéger, on n'est pas fous.
Le théâtre québécois a besoin des
interventions du centre d'essai dans l'esprit de collégialité et
de cordialité avec lequel ces approches sont effectuées. Tout est
dans la manière, comme on dit, et nous croyons tenir la bonne - pourquoi
pas - en ce qui a trait à nos besoins. Il serait difficile et
périlleux d'en changer ou de se mettre à expliquer ou justifier
notre façon de faire avec les diffuseurs. Nous aurons à trouver
une façon d'être ensemble, malgré notre faible désir
de ce mariage. Les mariages de raison n'ont pas toujours été des
échecs, c'est vrai, mais la passion en est rarement.
Un avertissement, c'est qu'il est évident que la mise en commun
des associations dans un regroupement demandera du temps, de l'énergie
et de l'argent, chose dont nous manquons déjà atrocement. Nous
espérons que le ministère sera conscient du supplément
d'efforts et d'investissements que cela représente et qu'H sera
conséquent avec ses décisions. Voilà pour le bout
périlleux.
Le deuxième paragraphe. C'est marqué:
présentation en public. On s'est demandé si ce terme
pouvait prêter à confusion pour la télévision et la
radio et si cela n'intervenait pas dans un autre champ du droit d'auteur.
Nous passons au point 6, le 3° il y a les termes "produites" et
"présentées en public". Nous voulons dire à quel point ces
termes-là sont très importants pour un auteur dramatique.
L'auteur peut attendre des années la publication d'une de ses oeuvres ou
même ne la voir jamais publiée. C'est pourquoi ces
termes-là sont vraiment essentiels. Pour un romancier, je l'ai vu
longtemps à l'UNEQ, par exemple, lorsqu'un livre est
édité, c'est l'objectif du livre et le professionnalisme arrive
pratiquement avec l'édition, mais pas pour un auteur dramatique. Un
auteur dramatique se voit édité et cela peut être à
sa douzième pièce de théâtre, à sa
huitième représentation professionnelle; donc, ces
termes-là sont fondamentaux pour nous.
Si on pense à du théâtre où la forme est
très importante, comme Vinci, de Robert Lepage ou Le Rail, de Maheu et
Carbone 14, c'est un théâtre où le texte parlé n'est
pas l'axe majeur de la représentation et un texte pareil dérange
tout ce qui est connu dans les normes théâtrales tout en demeurant
un texte qui ne sera jamais publié. Mais on est quand même en
présence d'un créateur. C'est pourquoi ces mots-là sont
fondamentaux pour nous.
L'article 8 est un article très Important. Comme je vous l'ai
dit, on a applaudi aux bons coups. C'est ici un applaudissement qu'on vous
donne. Nous sommes dans un milieu où le créateur peut
désirer sauvegarder avant tout une certaine solitude, le créateur
y a droit et il est important de le reconnaître, ne serait-ce que pour le
rassurer. La loi ne le ligote pas pour le reste de ses jours à une
association dont il ne veut lien savoir.
Le point 9, le 3°, revenons à la charge. Est-ce impossible de
songer à plus d'une seule association reconnue par la commission? Nous
comprenons la volonté gouvernementale de favoriser l'association et de
renforcer par là même le pouvoir des créateurs. Mais la
pratique n'est ni courante et, dans les faits, pas très
alléchante. Que le milieu soit fragmenté n'es! pas un accident de
parcours. II y aura des problèmes d'unité de vues, d'unité
d'objectifs et de moyens mis en oeuvre pour les atteindre. La main
gouvernementale se veut très incitative, mais nous avons affaire
à des esprits indépendants, marginaux, résolument seuls et
assumant cette solitude. Déjà, de rapailler les auteurs dans une
association, c'est un exploit. Alors, que sera celui d'unifier ces
différentes associations qui fonctionnent chacune à leur
manière, chacune avec leur recette? C'est un gros contrat.
L'article 10. 2°, l'association la plus représentative. Cet
article semble concerner l'association ayant le plus fort "membership", pour
être très français. Or, il y a des pratiques artistiques
qui ne disposent que de peu de créateurs, ce qui n'enlève rien
à l'importance de la pratique, mais risquerait de taxer le
créateur dans sa représentativité. Il y a beaucoup moins
d'auteurs dramatiques, bien sûr, que de romanciers, d'essayistes ou de
nouvellistes. On a peur pour la représentativité de la pratique.
Il faudrait prévoir un mécanisme respectant les proportions afin
que les pratiques ralliant moins de créateurs ne soient pas sous
représentées. Bref, la pratique doit prévaloir, pour nous,
sur ic nombre de créateurs qui la pratiquent, si on se comprend bien.
Une pratique, un vote puisque, s'il y a tant de membres, on va faire tant de
votes, ce qui dévaloriserait la pratique, finalement.
À l'article 11, nous ajouterions un septième
alinéa. Cela se lirait donc avec le grand titre qui est: Une association
ne peut être reconnue que si ses règlements: 7°
prévoient ses obligations envers les non-membres. Ceci, afin de
renforcer l'article 8 et d'être conséquent avec.
L'article 15, la demande de reconnaissance. On a seulement des
questions. Si personne ne la demande, qu'est-ce qu'on fait? La commission
devra-t-elle nommer une association? Est-ce qu'on attend que le milieu soit
mûr? Est-ce que vous bousculeriez le processus? Qu'est-ce qu'on ferai?
Les membres des associations restent-ils protégés par la loi,
même dans un cas de résistance au regroupement, puisque nous
parlons de regroupement? Ce sont des questions qu'on se pose.
À l'article 21, le dernier paragraphe sur l'annulation de la
reconnaissance, est-ce qu'on pourrait inscrire "ou s'il manque une pratique du
domaine"? Bien sûr, on pense à l'art dramatique dans la
littérature.
L'article 30 concerne le contrat. Ce n'est pas énorme, mais c'est
une très bonne chose. Tout créateur se trouve
protégé même, à la limite, contre son désir
de spolier ses droits contre le fait d'être enfin diffusé. Pour
nous, c'est important. Il ne faut pas sous-estimer la valeur du désir
d'atteindre le public pour un créateur. Avec cette Soi, le
créateur se protège contre son propre désir d'être
sur la mappe, comme on dit, en ne signant pas de contrat ou vraiment en
spoliant ses droits. Cette mesure corrige une situation qui était
très difficile pour le créateur et lui donne enfin le droit
d'être un artiste sans nécessairement être pauvre et
exploité, ce qui n'est pas négligeable. Cette mesure ouvre
également la porte à une considération spéciale du
statut de l'artiste, à son apport spécial à la
société et au traitement de ses gains qui sont fluctuants et de
nature différente de ceux d'un saiarié qui n'investit pas toute
sa vie dans son travail. Le contrat est là, les termes sont simples et
minimaux. À l'artiste de le défendre et d'être vigilant.
C'est une belle preuve de ce qu'un gouvernement peut faire pour aider le statut
de l'artiste. Il faut maintenant aller plus loin grâce à la
fiscalité et par la fiscalité.
Nous avons un bravo pour l'article 33. C'est
juste marqué: Bravo!
Nous avons à I'article 34... Excusez-moi, il faut que Je le
vérifie. Ah oui! C'est excellent pour un auteur dramatique. Nous voulons
le spécifier pour notre pratique. Un auteur dramatique pourrait voir une
de ses pièces bloquées: il y a le désir d'un producteur de
la produire, mais un manque d'allant à mettre la production en marche.
On peut tuer une pièce, quelquefois, en la faisant attendre. Cet
article-là nous protège beaucoup parce que, évidemment, on
peut réserver des droits. (12 h 45)
En cas de faillite, pour l'article 35, que faisons-nous? Les droits
d'auteur non réglés font-Ils partie de la faillite ou s'ils sont
récupérables pour l'auteur? Est-ce que c'est prévisible?
Est-ce que c'est possible d'Inscrire cela dans l'article 35? On voit que les
droits reviennent à l'auteur. On peut aller se faire éditer
ailleurs, mais les droits qui n'auront jamais été touchés,
comme cela arrive fréquemment et comme c'est arrivé
dernièrement, que faisons-nous avec?
L'article 41. Et voilà! Notre radotage revient, mais avec...
Comme nous l'avons déjà dit: C'est compliqué et est-ce
souhaitable? Ah oui! C'est très Important. Les membres du centre d'essai
ne souhaitent aucunement se voir devenir un syndicat régissant des
relations du travail. C'est clair, net et précis. Par contre,
l'établissement de normes de base pour un contrat type est souhaitable
surtout si ceia ne met pas en péril le travail effectué
jusqu'à maintenant avec les diffuseurs, c'est-à-dire si le climat
en est un de bonne entente. Bref, les auteurs ne souhaitent pas voir
s'établir un contrat qu'ils ne pourront jamais signer à cause de
relations perturbées. Est-il besoin de spécifier que le
théâtre québécois n'est pas le seul disponible sur
la terre et qu'il est loin d'être essentiel et indispensable pour tout le
monde?
En conclusion, c'est une loi Importante, essentielle en ce qui concerne
le statut professionnel des artistes créateurs. Un pas énorme
avec l'obligation de signer un contrat pour tout diffuseur d'oeuvres et un
contrat qui balise assez nettement les rapports entre les créateurs et
les diffuseurs. Une inquiétude et un enthousiasme plus frais pour le
regroupement d'associations d'une même discipline qui semble ne pas aller
de soi. Mais, malgré tout, une certaine volonté d'essayer, si le
ministère nous en donne les moyens et que cet effort ne gruge pas nos
forces déjà faibles et largement utilisées à la
promotion et à la diffusion des auteurs dramatiques
québécois. Voilà.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente.
Que voilà des notes bien lues! Cela me fait penser, Je le disais
à Mme la ministre tantôt, à la première page d'un
discours de ministre ou de député où c'est écrit:
Notes pour une allocution de M. Untel ou de Mme Unetelle à l'occasion
de, et vous avez 28 pages de texte.
Cela me fait un peu penser à cela, sauf que dans votre cas
c'est...
Una voix:...
Le Président (M. Trudel): C'était extrêmement
bien fait et je vous en remercie. Je vais céder la parole à Mme
la ministre pour engager la discussion. Même si nous avons un peu
dépassé le temps qui est normalement alloué aux
intervenants, cela nous a fait plaisir de le faire. Alors, sans plus tarder,
Mme la ministre, et ensuite, M. le député de Saint-Jacques.
Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais remercier Mmes
Dumas et Laberge d'être ici ce matin et de nous faire part de leurs
considérations concernant le projet de loi 78. J'ose espérer que
nous aurons la copie de votre texte avant votre départ pour tenir compte
de certaines recommandations que vous nous faites parce que je pense que c'est
tellement bien précis que nous allons certainement y porter une grande
attention. Je voudrais remercier Mme Laberge pour cette présentation
qu'elle vient de nous faire. Je sais que vous êtes une auteure
très en demande, qui connaît aussi beaucoup de succès,
donc, qui est fort occupée en ce moment et, pour avoir été
le témoin de cette pièce, "Aurélie, ma soeur", au Trident,
qui nous a même fait verser des larmes, à votre grand plaisir,
d'ailleurs, Mme Laberge...
Mme Laberge:...
Mme Bacon: Je dois vous dire que cette pièce connaît
quand même de grands succès et je voudrais vous en
féliciter. Je voudrais aussi vous remercier d'avoir tenu à faire
connaître aux membres de cette commission le point de vue de votre
organisme, que vous représentez si bien ce matin, par rapport au projet
de loi 78. Je pense que le sort de vos pairs vous préoccupe, on en est
fort conscients, et les recommandations que vous nous faites sont importantes.
Je disais également que nous entendons des auteurs dramatiques sur le
projet de loi 78. Nous savons que... Hier, des écrivains sont venus.
Nous voulons avoir l'opinion de l'ensemble des associations, de l'ensemble des
regroupements qui viennent ici nous rencontrer et nous dire ce qu'ils entendent
par le projet de loi 78.
Je dois dire que les auteurs, par votre Imaginaire, vous nous permettez,
aux Québécoises et aux Québécois, de pouvoir
prendre conscience de certains thèmes de notre quotidien et le tout,
sous le couvert de votre art, c'est-à-dire le théâtre. Vous
êtes non seulement des gens qui nous faites passer des heures
agréables, mais vous êtes aussi des allumeurs de conscience, en ce
sens qu'il est Important pour nous que vous nous disiez votre vision de ce que
nous sommes et aussi de cet avenir que nous tentons de préparer
ensemble. Je dois dire que le projet de
loi que nous avons devant nous ce matin, ce n'est pas une tombée
de rideau sur le statut de l'artiste, mais bien une levée de rideau sur
le statut de l'artiste. Je dois vous remercier encore une fois de ce
témoignage que vous nous présentez ce matin.
En ce qui concerne la littérature, et aussi malgré les
difficultés qui sont reliées à sa définition et
à la reconnaissance d'une association dans les domaines de la
littérature, est-ce que vous estimez qu'il soit fondamental qu'on
reconnaisse dès maintenant, dans le projet de toi, le statut d'artiste
professionnel pour l'auteur dramaturge et qu'on y établisse aussi des
mesures de protection qui entoureraient la diffusion des oeuvres, notamment
ceux qui publient? Est-ce qu'il serait important que ce soit fait maintenant
dans le projet de loi?
Mme Laberge: Bien oui, pour nous c'est ce qui est dans le projet
de loi, ce sont les deux points principaux et c'est très important de
reconnaître le statut professionnel de l'auteur dramatique et de lui
permettre d'avoir un contrat avec les diffuseurs, quels qu'ils soient, et c'est
maintenant qu'il faut le faire. C'est évident pour nous.
En fait, c'est vrai que nous sommes un petit organisme, nous travaillons
très fort, mais nous sommes très peu organisés et c'est
pourquoi une loi comme celle-là est très Importante, et c'est
aussi pour cela que j'ai parié du bas de l'échelle. C'est
important de prévoir pour les gens qui commencent, qui sont les plus
aptes à se faire avoir, les mieux placés sur la ligne de front de
l'exploitation. Et j'entends ce pro|et de loi comme un renforcement du statut
professionnel et un renforcement de ta protection de cet artiste professionnel
créateur.
Mme. Bacon: Oui.
Mme Laberge: Et principalement par le contrat. En fait, le doute
que nous émettons, c'est sur le regroupement des associations.
Mme Bacon: II est évident que nous avons choisi dans ce
projet de loi de protéger le créateur individuel dans ses
relations contractuelles avec le diffuseur. Est-ce que les mesures qui sont
proposées sont pour vous vraiment intéressantes ou est-ce qu'on
devrait aller plus loin? Et j'y reviens malgré ce que vous nous avez dit
tantôt, est-ce qu'on devrait un jour rendre obligatoire la
négociation collective?
Mme Laberge: Pas pour nous, en tout cas, pas maintenant. La
négociation collective?
Mme Bacon: Oui.
Mme Laberge: Non. Enfin, je parle pour le Centre d'essai des
auteurs dramatiques.
Mme Bacon: C'est ça.
Mme Laberge: Que voulez-vous? Nous ne sommes pas rendus
là. C'est bien clair pour nous, oui.
Mme Bacon: Oui, Mme Dumas?
Mme Dumas: II faut tenir compte du milieu dans lequel s'exerce ce
métier. Les diffuseurs des oeuvres dramatiques sont nos
collègues. Un jour, un auteur qui peut être aussi comédien
va se retrouver sur un plateau de théâtre avec un directeur
artistique qui est aussi comédien. Cela s'est déjà
trouvé. Donc, le rapport partie syndicale-partie patronale nous
apparaît être un peu déplacé. C'est comme
d'écraser une fourmi avec une énorme masse.
Il faut, comme on l'a dit tout au long du mémoire, aborder ce
domaine d'une autre façon et créer des alliances avec les
directeurs artistiques. Il faut que ces gens soient des alliés d'une
cause commune qui est l'établissement, le renforcement et le
développement d'un répertoire dramatique national. SI on arrive
avec des conventions collectives on ne va nulle part, on propose notre texte
dramatique comme un produit dans un marché ouvert où on n'a, ma
foi, pas plus de chances d'avancer que si on tient pour acquis que oui, il y a
des ententes de base qui sont absolument nécessaires. Nous avons un
contrat type à créer dans le champ du théâtre, on va
s'y attacher très bientôt et on va, par des rencontres
concertées, on le souhaite, arriver à faire comprendre aux
directeurs de théâtre que c'est leur Intérêt d'avoir
des relations du travail harmonieuses dans le milieu de la diffusion du
théâtre québécois.
Alors, quand on parle de convention collective, c'est au moins
prématuré, sinon complètement inapproprié.
Mme Bacon: Je sais que vous nous avez mentionné à
plusieurs reprises que le regroupement est difficile, sinon presque impensable,
à cause du morcellement du milieu. Est-ce que vous voyez, reconnu par la
commission de reconnaissance, une des associations ou plusieurs des
associations?
Mme Laberge: Pour nous le mieux ce serait plusieurs. On pensait
que c'était plutôt un rêve, mais c'est sûr que, s'il
faut qu'il y ait une seule association, il faudrait que ce soit le regroupement
d'associations qui soit reconnu. C'est certain que si... Je ne peux pas
m'empêcher de le dire. C'est qu'il y a eu, à un moment
donné, dans un mémoire le mot de l'UNEQ, la tutelle d'une
association. Je dois vous dire que seulement ce mot-là me fait
frémir d'un bout à l'autre. C'est sûr qu'aucune association
ne va vouloir aller se mettre sous la tutelle de quelqu'un d'autre. C'est bien
disgracieux de dire cela comme ça. Enfin, ce sont des auteurs, ils
doivent
bien savoir ce qu'ils disent. Mais, personnellement, je dois le dire,
pour les membres du centre d'essai, c'est certain que c'est le regroupement
d'associations pour essayer, puisque déjà on sait que cela va
être bien difficile, mais essayer au moins d'avoir chacun sa voix et ses
préoccupations. Nous n'avons même pas les mômes rapports
avec le milieu. Nous n'avons même pas la même façon. On
parle seulement du livre à l'UNEQ. Un traducteur a d'autres
problèmes que l'auteur dramatique. Je crois que, même petite,
cette association doit garder sa grande force parce que c'est essentiel au pays
du Québec d'avoir des traducteurs. C'est bien évident. On est
dans une réalité assez claire pour cela. Donc, pour nous, la
seule chose possible, s'il faut passer par là - et je dis bien: s'il
faut aller par là - c'est le regroupement d'associations où
chaque association, chaque qualité d'association a sa voix, mais
certainement pas une espèce d'association à cause du nombre. Ne
nous le cachons pas. À cause du nombre, elle va se mettre à
s'Intéresser comme cela, d'un oeil, à une nouvelle pratique pour
pouvoir, je ne sais pas, être l'association reconnue.
Mme Bacon: Je pense qu'il faudrait peut-être être
clair. Le regroupement n'abolit pas les associations existantes.
Mme Lsberge: Non, non. Pour nous, non plus. Non, non.
Mme Bacon: C'est cela.
Mme Laberge: C'est d'ailleurs pour cela qu'on serait pour. Le
regroupement voudrait dire que le centre d'essai est
représenté...
Mme Bacon: C'est cela.
Mme Laberge:... ainsi que l'association des traducteurs et l'UNEQ
et cela fart un nouveau groupe qui est l'association reconnue et qui
défend les intérêts de chacun de leurs membres qui restent
leurs membres...
Mme Bacon: C'est cela.
Mme Laberge:... et qui ne sont pas, de facto, affiliés aux
autres associations.
Mme Bacon: C'est cela.
Mme Laberge: Donc, cela nous garde aussi une certaine
liberté. Quand je pariais du point 8 aussi Important, c'est qu'il y a
des tas de créateurs. Il faut toujours bien vivre avec ce qu'on est. On
n'aime pas cela, se ramasser en tas et faire des syndicats. On est souvent
responsable aussi par incurie de ce qu'on a fait de nos vies et de nos
ressources financières. Ce n'est pas dans notre nature ni dans notre
sang. C'est bien clair.
Mme Bacon: SI j'ai bien compris, vous croyez quand même
à cette reconnaissance, au moins, soit d'une ou de plusieurs
associations? Vous croyez à la reconnaissance.
Mme Laberge: Peut-être que c'est important.
Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez que c'est utile?
Mme Laberge: Je ne le sais pas. Oui, en fait, ce sont toutes les
questions que j'ai posées quand j'ai dit: Si personne ne la demande, la
fameuse reconnaissance, qu'est-ce que cela fait?
Mme Bacon: C'est cela.
Mme Laberge: Cela ne me faisait rien parce que, dans le fond, le
créateur, la base est reconnue. J'ai toujours l'Impression que, dans le
projet de loi 78, la petite personne fragile, elle, on lui donne deux supports.
Maintenant, ces petites personnes qui se sont rapaillées dans toutes
sortes d'associations, on essaie de faire quelque chose avec, mais cela n'est
pas certain qu'on le puisse. Ce qui nous importe à nous, c'est vraiment
que la personne du créateur soit protégée, la base.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être ajouter que le fait que des
associations soient reconnues par la commission de reconnaissance peut apporter
aussi d'autres protections d'autres ministères. Je pense que la
reconnaissance est dans ce sens aussi.
Mme Laberge: Si c'est dans ce sens, vous pouvez être
sûre qu'on va tous la vouloir.
Mme Bacon: On l'a vu dans la loi 90 où, ensuite, il y a eu
un bulletin d'interprétation du ministère du Revenu, par exemple,
pour les associations qui sont reconnues.
Mme Laberge: il est évident que, si cela touche d'autres
ministères, ne serait-ce que l'Éducation - on pense toujours au
fisc - mais il faut penser aussi à l'éducation en ce qui nous
concerne...
Mme Bacon: Oui.
Mme Laberge:... c'est sûr que, si cela nous donne une
force, on est prêt. Mais il faut que cela nous donne vraiment une force
et non pas que cela nous étouffe. Or, une seule association reconnue
nous semble dangereux pour l'étouffement. On veut avoir notre voix. On
veut dire ce qu'on a à dire.
Mme Bacon: Parce que vous négociez un contrat
d'édition, par exemple, avec une maison d'édition, est-ce qu'il y
a des éléments que vous
pensez important d'inclure de façon obligatoire dans l'article 30
et qu'on aurait peut-être laissés de côté? J'essaie
de me souvenir ce que vous nous avez dit tantôt. Je ne sais pas si on l'a
abordé. (13 heures)
Mme Laberge: Je disais qu'il était très simple et
qu'il balisait les choses principales, ne serait-ce que pour un contrat avec un
diffuseur qui est un producteur de théâtre. Je l'ai mis à
l'essai avec mes contrats de théâtre dans les différents
théâtres, qu'ils soient très gros ou très petits, et
cela rentre tout le temps. Pour l'édition, c'était vraiment: Que
faire des droits d'auteur impayés en cas de faillite? C'était
vraiment la question qui nous semblait difficile. Je ne savais pas si cela
était couvert ou pas. Peut-être que cela l'est, mais je ne l'ai
pas bien vu. C'est sûr qu'il restera toujours à faire une chose,
c'est-à-dire à exiger les droits d'auteur stipulés dans le
contrat et ça, c'est au courage du créateur de le faire. On ne
peut pas dire. Ce n'est pas facile parce qu'avoir un livre dans sa main c'est
presque un cachet. Il y a bien des éditeurs qui en profitent pour nous
le répéter régulièrement: Écoute, tu es
éditée. Qu'est-ce que tu veux de plus? Mes droits d'auteur. Es-tu
folle? C'est sûr que c'est de même que cela va souvent. Mais le
contrat est là. Pour nous, il est suffisant. Je ne sais pas si toi, tu
as vu...
Mme Bacon: II y aurait peut-être juste une information
quant à l'article 35 en cas de faillite, la résiliation c'est la
seule protection qui soit de notre ressort ici pour le provincial.
Mme La berge: C'est cela.
Mme Bacon: Les droits et les redevances impayés, c'est
fédéral.
Mme Laberge: C'est le droit d'auteur, bien sûr, c'est
fédéral. Je sais, mais on est vraiment, nous, sur le tranchant du
couteau, hein?
Mme Bacon: Oui.
Mme Laberge: II ne faut pas tomber ni d'un bord ni de l'autre. On
en est conscients aussi Alors...
Mme Bacon: D'accord. Merci infiniment. Mme Laberge:
Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. J'ai
presque envie de répondre au nom des éditeurs dont j'ai
déjà fait partie, il y a quand même quelques
éditeurs qui payaient des droits d'auteur.
Mme Laberge: On n'a pas dit...
Le Président (M. Trudel): Vous l'avez dit tantôt,
mais je ne veux pas engager un débat avec vous sur ceia parce que
fondamentalement je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. Je vais
maintenant céder la parole au député de Saint-Jacques qui
va sûrement vous dire que... Est-ce que vous faites partie du
comté de Saint-Jacques?
M. Boulerlce: Hé oui, que voulez-vous?
Le Président (M. Trudel): Voilà! Cest reparti.
Alors, M. le député de Saint-Jacques.
Mme Laberge: Une chance qu'il le sait.
M. Boulerice: Je les ai tous et je m'en réjouis et cela me
permet toujours de faire la bonne blague de pivot cosmique et centre de
l'univers culturel montréalais. On a dressé un grand parterre
devant vous, Mme Laberge. Je pense qu'H était effectivement très
mérité. Moi, j'avais le goût avec une pointe d'humour de
rajouter une petite fleur dedans et de dire que parler après vous c'est
peut-être m'avoir demandé de chanter après Pavarottl. Il y
a des choses à faire.
Vous avez dit tout de suite d'emblée et cela m'a saisi parce que
le mobile est très noble: Nous voulons protéger la base. J'aurais
presque le goût de vous demander: Répétez-le, s'il vous
plaît! La question que je vais vous poser, Mme Laberge: Quand vous avez
fait la lecture du pro|et de loi, à l'article 29: "La présente
section s'applique à tout contrat entre un artiste et un diffuseur ayant
pour objet une oeuvre de l'artiste... " D'accord. Je vais faire une très
brève parenthèse. Tantôt, vous avez fait des
spécifications en disant: Oui, mais à l'article 30 dans le
contrat comme tel il faudrait peut-être penser à ajouter ci et
rajouter ça et après cela à l'article 35. Mais, à
l'article 29, Mme Laberge, est-ce que vous croyez que le contrat entre un
artiste et un diffuseur est obligatoire, selon votre lecture?
Mme Laberge: Selon ma lecture, est-ce qu'il est obligatoire? Je
ne vois rien où c'est marqué que tout diffuseur est
obligé, mais pour moi ça existe dans une loi et on peut
l'exiger.
M. Boulerice: La ministre l'a dit tantôt, le contrat n'est
pas obligatoire dans la loi.
Mme Laberge: Cela ne nous dérangerait pas qu'il le
soit.
M. Boulerice: Donc, vous voulez que le contrat soit
obligatoire?
Mme Laberge: Oui. On croyait effectivement que le fait qu'il soit
dans une loi nous permettait de dire: II y a une loi qui prévoit qu'on
doit avoir un contrat
M. Boulerice: Mais la loi ne dit pas.. Pour
répondre à votre vu, la loi dirait: La
présente section s'applique à tout contrat obligatoire entre un
artiste et un diffuseur. Mais le mot "obligatoire" n'y est pas. Et, dans une
loi, vous connaissez le poids des mots.
Mme La berge: Moi, ce que Je peux dire, c'est qu'on veut que
ça soit...
M. Boulerice: Obligatoire.
Mme Bacon: Est-ce que vous me permettez juste une remarque, M. le
député de Saint-Jacques?
Le Président (M. Trudel): Oui, allez-y, Mme la
ministre.
Mme Bacon: II est obligatoire si l'artiste l'exige.
Mme La berge: Bien, c'est parfait! Il l'est. À ce moment
on peut choisir un autre artiste plutôt que cet artiste-là qui,
lui, ne l'exigera pas. À ce moment, on donne une sorte de concurrence,
à mon avis, assez déloyale. Évidemment, cela va être
au plus fort la poche. Si on regarde des fois comment quelqu'un peut
négocier ces ententes, l'important, c'est d'avoir quelque chose dans sa
galerie ou d'avoir quelque chose sur son "stage", peu importe la
qualité. À ce moment-là, peut-être que, pour moi, il
serait vraiment préférable que ce sort obligatoire, que le
diffuseur soit poigne pour signer un contrat. Qu'il choisisse qui il veut et
non pas celui qu'il va enfin pouvoir exploiter, parce qu'il est sûr, pour
mol, que la fin de l'exploitation de l'artiste signifiait que !e diffuseur
n'avait pas vraiment le choix. Il signe. Alors, c'est net pour nous qu'il faut
que cela soit un contrat; il faut qu'il soit là, c'est ça, le
pas.
M. Boulerice: Donc, vous insistez que c'est un pléonasme,
l'obligation que le contrat soit obligatoire.
Mme La berge: Oui, l'obligation, c'est pas mal un
pléonasme, ça. C'est cela.
M. Bouierlce: Mme Laberge, on a entendu - je ne sais pas si vous
vous êtes consultés, si vous avez échangé des
idées; si ce n'est pas le cas, c'est dommage qu'on n'ait pas la
transcription des débats et que vous n'ayez pas pu en prendre
connaissance - les gens de l'Atelier de dramaturgie, on a entendu les
éditeurs, on a entendu l'Union des écrivains et voilà
maintenant que c'est votre association qui intervient. Donc, Je vais vous poser
une deuxième question et ce sera la dernière: Compte tenu du
caractère très spécifique de votre profession et des
usages qui sont reconnus chez vous, à l'exception d'une espèce de
pseudo-menace qui serait c'est cela ou ce n'est rien du tout, que
préféreriez-vous: cette loi avec les modifications que vous
souhaitez voir apporter - et, aujourd'hui, je n'ai pas les garanties pour vous
dire qu'elles le seront - un chapitre distinct dans la loi 90 ou une loi
autonome pour le monde de la littérature?
Mme Laberge: Bien, c'est comme si on l'avait dit, enfin pour moi,
mais on va le dire. À mon avis, s'insérer dans la loi 90 - quand
on nous a demandé notre avis sur la loi 90, on a essayé, on a
tout "checké" pour voir par où on pourrait s'installer et se
mettre un bord de fesse sur cette chaise-là, écoutez, c'est clair
- ce n'est pas possible. On n'a pas le même type de rapports avec
l'employeur, si vous voulez, ou l'acheteur. Exit la 90, on n'a pas de place.
Moi, une place littéraire, vous savez cela nous convient parce que c'est
l'artiste créateur, qu'il soit en littérature, en arts visuels ou
en métiers d'art. Ce qui nous convient moins, c'est juste le
regroupement. C'est clair pour nous.
En fait, on pourrait avoir de petits détails, des virgules et du
raffinement qui pourraient être là, si on faisait une loi pour la
littérature. Mais on ne se pense pas si Importants. Peut-être
qu'on pèche par humilité, remarquez, et qu'on va se mordre les
doigts dans deux ans. Mais on viendra crier ici ou ailleurs. On va avoir le
moyen. Non, je trouve que c'est important, cette loi-là. Je trouve que
c'est important pour l'artiste créateur de la base et je trouve aussi
que c'est important que le contrat existe, qu'il soit obligatoire.
Évidemment, quand Je dis que c'est au créateur de défendre
les termes du contrat, c'est-à-dire d'exiger que ce qui est écrit
soit payé, c'est une chose, c'est à lui. De là à
aller se battre, cela ne change rien si le diffuseur n'est pas
obligé.
Pour moi, si le projet de loi 78 inclut cela...
M. Bouierice: L'obligation et le regroupement d'associations,
comme vous l'avez mentionné.
Mme Laberge: Oui, s'il le faut.
M. Bouierice: S'il le faut, d'accord. Mme Dumas et Mme Laberge,
je vous remercie d'avoir répondu aussi directement que la question a
été posée. Je terminerai en vous demandant, tout
simplement, par égoïsme, pour ma propre satisfaction, car les
vacances de Noël s'en viennent: Qu'est-ce que vous allez nous offrir
durant ces vacances où, enfin, au lieu d'être au Parlement, on
pourra peut-être voir du théâtre?
Mme Laberge: Je vous le souhaite. M. Bouierice: Merci.
Le Président (M. Trudel): Merci M. le
député de Saint-Jacques. Mme la ministre, avez-vous
une remarque finale?
Mme Bacon: Non. Je voulais remercier à nouveau Mme Laberge
et Mme Dumas d'être ici ce matin. On prend bonne note - c'est souvent ce
que dit un ministre - de ce que vous nous avez dit. C'est pour cela que c'est
nécessaire d'avoir votre copie. Cela a été lait d'une
façon très rigoureuse, le travail que vous avez fait sur le
projet de loi On va tenter autant que possible, une fois qu'on aura fait
l'étude de tout ce qui nous a été dit, d'arriver à
un juste milieu des choses parce que, vous savez, ici nous allons d'un
extrême à l'autre depuis le début. On ne cherche pas
à faire un "melting-pot". Je pense qu'on voudrait qu'il y art un front
commun fort qui soit le plus uni possible, ce qui ne signifie pas, je pense, le
plus uniforme possible. C'est ce qu'on tente de faire en ce moment. Merci
beaucoup.
Mme Laberge: Merci de nous avoir invitées
Le Président (M. Trudel): Merci, mesdames, et bon retour
à Montréal! Au plaisir!
Nous suspendons pour deux minutes, le temps d'accueillir le
troisième et dernier groupe à se présenter devant la
commission dans le cadre de la présente consultation. J'invite,
d'ailleurs, à se présenter à la table le Conseil des
métiers d'art du Québec.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
(Reprise 13 h 16)
Le Président (M. Trudel): M. le député,
quand vous n'êtes pas là, vous nous obligez à jouer au
Nouveau-Brunswick, c'est-à-dire à tenir le rôle de
l'Opposition. Vous n'êtes pas nombreux. Alors, l'Opposition étant
de nouveau présente et cette assemblée étant de nouveau
démocratique, compte tenu des institutions que nous avons...
M. Boulerice: Le Nouveau-Brunswick n'est pas
démocratique?
Le Président (M. Trudel): Oui.
M. Boulerice: À parti unique, par exemple, mais
enfin...
Mme Bacon: Le voeu de la population...
Le Président (M. Trudel): II faut respecter le voeu de la
population.
Mme Bacon: Vox populi vox Dei.
M. Boulerice: La démocratie, c'est fragile...
Le Président (M. Trudel): Voilà! Nous accueillons
avec plaisir, comme je le disais tantôt, le dernier groupe à
comparaître devant nous dans le cadre de cette consultation sur le projet
de loi 78, le Conseil des métiers d'art du Québec. J'accueille
avec plaisir Mme Claudette Hardy-Pilon, présidente, et M. Jean-Pierre
Tremblay, directeur. On nous avait annoncé Me Philippe Denis Richard,
conseiller juridique, qui est sûrement retenu ailleurs. Vous connaissez,
j'en suis assuré, les règles du jeu. Vous avez plus ou moins 20
minutes pour exposer votre point de vue et nous engagerons, Mme la ministre et
M. le député de Saint-Jacques, la discussion avec vous sur le
contenu de votre mémoire. Tout en vous souhaitant une nouvelle fois la
bienvenue ici, je vous cède la parole, Mme la présidente ou M. le
directeur - je ne sais trop lequel des deux prendra la parole - mais je vous la
cède de toute façon.
Mme Hardy-Pilon (Claudette): Merci.
Le Président (M. Trudel): Mme la présidente.
Conseil des métiers d'art du
Québec
Mme Hardy-Pilon: Mme la ministre, le produit des métiers
d'art: l'objet de la culture; son créateur: l'artiste en métier
d'art. Enfin, un statut, diront les artisans, ces artistes en métier
d'art, heureux et fiers, mais aussi anxieux. Heureux et fiers que la
société reconnaisse leurs dons de créateurs, le point de
départ de tout, alliés, et cela est unique, à leur
capacité de tranformer la matière et à leur sens de
l'entrepreneurship. Anxieux aussi que cela comporte plus de contraintes que
d'impacts positifs. Mais le risque est bon et cela vaut le coup de le prendre
car, jusqu'ici, quel artisan n'a pas connu cette désagréable
sensation d'inexistence lorsque, pour un projet de recherche ou un besoin de
financement, II s'est fait dire par une multitude d'intervenants qu'il
était trop petit, trop risqué ou pas assez organisé, pas
assez connu, même pas un artiste?
Le projet de loi 78, par la reconnaissance d'un statut à
l'artiste et la reconnaissance d'une association professionnelle, nous donne
enfin un point de référence, un point de départ. Oui, il
s'agit d'abord de cela, un point de départ. Enfin, une position de
départ pour relever le véritable défi, le seul qui permet
non seulement de survivre, mais de bien vivre le défi mondial. Sans
barrière de langue, le produit des métiers d'art
québécois, l'objet de la culture québécoise, doit
lui aussi relever le défi de créer la personnalité
québécoise, de la positionner au Québec et de la faire
reconnaître et valoir dans toutes les capitales du monde.
Le projet de loi 78 situe la reconnaissance du statut dans la
perspective de protéger l'artiste par rapport aux diffuseurs. Il
répond ainsi à un besoin manifeste, mais il rate une belle
occasion d'inscrire aussi la pratique de l'artiste
dans les enjeux culturels et économiques de tous les
libre-échanges du monde. Il faut que la vision soit à la mesure
du défi et nous serons de la partie. Si nous insistons sur ce point,
c'est que nous voulons rendre tout le monde conscient qu'il est grand temps
d'avoir un statut, que nous pouvons tous nous féliciter de cette
merveilleuse démarche, mais que le risque ne servirait à rien si
nous ne situions pas clairement dans quelle perspective elle est faite et si
nous ne nous engageons pas résolument avec tous les moyens
nécessaires à le réaliser concrètement. Un choix de
société, donc, qui devrait être plus clair ou, à
tout le moins, plus complet dans le préambule de la loi. Quant à
nous, c'est en ayant toujours à l'esprit cette approche que nous
abordons les différents aspects de la loi 78. Pris dans son ensemble, le
projet de loi 78 constitue un premier pas positif et décisif. Pris dans
le détail, le projet réclame plus d'attention. Nos prochains
commentaires porteront sur les articles pour lesquels nous jugeons
nécessaire d'obtenir des éclaircissements ou des
modifications.
Les articles 1, 2 et 4. Pour le domaine des métiers d'art, nous
avons eu déjà l'occasion de souligner dans notre mémoire
du mois de mars l'importance que nous accordons à une reconnaissance qui
touche les trois volets de la réalité de l'artisan: sa
réalité d'artiste créateur, sa réalité de
travailleur autonome, sa réalité d'entrepreneur producteur.
Le présent projet de loi concerne de façon plus
spécifique la reconnaissance du statut de l'artiste. Nous
l'apprécions grandement et à sa juste valeur. Nous sommes
cependant très préoccupés que cela n'entraîne de la
part de l'État l'exclusion des autres dimensions. Le texte du projet
devrait au contraire permettre d'arriver un jour à bien cerner et
à reconnaître dans son ensemble la réalité de la
pratique professionnelle de l'artiste des métiers d'art. La croyant tout
d'abord évacuée par le projet de loi 78, nous avons ensuite
établi un lien entre les articles 1, 2 et 4 où les notions de
production, à l'article 2, et d'entreprise - personne morale à
l'article 4 - sont présentes. Notre interprétation est-elle
bonne? S'inscrit-elle dans la ligne de pensée valorisée par le
législateur? Pouvons-nous conclure que l'État maintient son
intention de soutenir le développement de toutes ces facettes?
Voilà autant de questions auxquelles il est important de
répondre.
Par ailleurs, dans l'article 2, nous nous interrogeons sur la
signification et les implications de l'expression "production d'oeuvres
originales". L'artisan spécialisé dans la reproduction de meubles
anciens fait-il oeuvre originale au sens du texte de la loi? Actuellement, il
pourrait être reconnu comme membre professionnel de notre association.
L'oeuvre sera-t-elle considérée comme originale seulement si elle
couverte par un copyright? Comment faut-il entendre enfin l'expression "nombre
limité d'exemplaires"? N'est-ce pas une entrave au développement
d'un atelier dont les produits réussiraient à déboucher
sur un marché International de l'objet-cadeau, de la mode ou des
accessoires? Dans le domaine des métiers d'art, sauf exception,
l'artisan est encore son propre éditeur. Ce serait le pénaliser
que de lui demander de restreindre sa production.
Les articles 5, 25 et 26. Une autre dimension majeure couverte par la
loi est celle de la reconnaissance de l'association du domaine. À ce
chapitre, une interrelation Importante est à établir entre les
articles précités en titre. L'ensemble des éléments
couverts s'avère positif. Cependant, II nous apparaît important
d'élargir l'implication de la loi en particulier à l'article 5.
La loi devrait s'appliquer au gouvernement, à ses ministères,
organismes et autres mandataires, non seulement lorsqu'ils contractent avec des
artisans relativement à leurs oeuvres, mais également lorsqu'ils
contractent avec l'association du domaine relativement à ses mandats. Et
même dans le cas où il n'y a pas de contrat, mais une
reconnaissance de représentation, nous sommes appelés à
connaître certains problèmes que l'on peut illustrer ici par
l'exemple de la formation professionnelle.
Dans ces dossiers, le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu est responsable pour l'ensemble de la
province, mais, sur le terrain, la négociation des budgets en fonction
des besoins se fait avec douze commissions de formation professionnelle
régionales qui, elles, ne traitent qu'avec des organismes
régionaux. Le membership de notre association provient de toutes les
régions et nous rend éligibles à la représentation
de nos membres. Comment être reconnu cependant par les CFP
régionales sans avoir un siège social dans toutes les
régions?
Cet exemple nous amène également à souligner
l'importance que l'association soit reconnue non seulement en tant qu'agent
négociateur, mais également en tant qu'agent de
développement. C'est un concept que nous avons résolument
tenté de développer dans le domaine des métiers d'art afin
que les ressources, déjà minimes, soient concentrées de
façon à permettre de créer des services et programmes
adaptés, et rapidement accessibles aux artisans, qu'il s'agisse de
formation, de recherche, de développement, de soutien à la
production ou de services de promotion.
On réalise ici que pratiquement dès le départ
plusieurs ministères, organismes et programmes sont concernés. Le
MIC, l'OPDQ, la SOGIC, le MESS, les cégeps, le MMSR, les CFP, etc., et
que la conception d'une association professionnelle d'artistes entrepreneurs
débouche sur un rôle d'agent de développement
socio-économique, d'où l'importance de bien définir et
relier entre eux les articles 5, 25 et 26.
À l'article 25, il serait bon que le deuxième paragraphe
inclue les notions de production et de promotion, en plus de celles de
création et de diffusion. Pour être conformes à leur
orientation,
les articles 25 et 26 devraient aussi comporter un paragraphe autorisant
l'association à recevoir les crédits nécessaires à
l'exercice de ses fonctions, qu'il s'agisse du financement de base ou du
financement adapté à la réalisation de programmes
spécifiques.
Concernant tous les aspects de réglementation des associations,
le Conseil des métiers d'art considère le texte de loi comme
très pertinent, puisque nous possédons déjà
l'ensemble de la réglementation exigée par le projet. Notre seul
regret, c'est qu'il n'y ait pas de "clause grand-père" qui garantisse un
suivi à l'action que nous menons déjà depuis plusieurs
années.
Les articles 6, 7 et 8. Concernant la reconnaissance des artistes,
l'article 6 ne nous paraît pas très clair: tel que formulé,
il permet à peu près n'importe quoi. Il suffirait cependant d'un
ajout assez simple, mais d'une precision majeure, pour lui donner plus de sens
et valoriser la loi. Il faudrait, selon nous, que le paragraphe 6. 3° se
termine en précisant: elles sont reconnues comme telles par ses pairs,
membres de l'association du domaine.
Les articles 21 et 23 Concernant l'annulation de la reconnaissance d'une
association, là encore un ajout nous semble nécessaire. Tel que
formulé, rien ne prévoit la possibilité pour l'association
concernée de faire valoir son point de vue. Nous demandons de
compléter le texte de façon que, pour déterminer si elle
estime qu'une association n'est plus représentative, la commission doive
consulter l'association concernée sous forme d'audiences publiques avec
des avis et des délais prévus à cette fin.
Les articles sur les diffuseurs. Pour le domaine des métiers
d'art, nous croyons que ces articles couvrent les points essentiels
susceptibles de protéger les artistes dans leur relation avec les
diffuseurs. Par ailleurs, concernant les différentes formes de contrat
type, notre association est déjà très avancée dans
la préparation et l'application de ces documents, compte tenu qu'elle
gère déjà des activités et des compagnies de
diffusion, comme le Salon des métiers d'art et la Société
de mise en marché dos métiers d'art. Les artisans étant
propriétaires par leur association de ces entreprises de diffusion, les
contrats ont tenu compte de leur réalité et sont donc
déjà conformes, et vont même au-delà des points
présentés dans la loi.
Conclusion. En cheminement depuis dix ans vers une reconnaissance
professionnelle. les artisans ont lutté auprès de chaque
ministère pour obtenir les programmes, les services et les
crédits conformes à cette reconnaissance. Au mois de mai dernier,
avant même la publication du projet de loi 78, ils se donnaient la base
d'une association nationale unique. Nous sommes heureux qu'une loi vienne
aujourd'hui sanctionner nos efforts et de retrouver dans ce texte de loi des
correspondances attendues avec nos problématiques professionnelles.
La reconnaissance du statut de l'artiste des métiers d'art ne
saurait cependant s'arrêter à des voeux pieux ou à des
intentions générales. La loi ne sera nouvelle que si elle a du
mordant. Nous lui reconnaissons cette audace quant à la protection
qu'elle accorde à l'artiste à l'endroit de ses diffuseurs. Nous
la trouvons plus faible et discrète quant aux obligations morales et
financières de l'État dans le mandat qu'il aura d'appliquer la
loi. Imaginons un projet de loi 78 qui fixerait aussi à 1 % la part du
budget national à consentir au domaine des arts et de a culture
Imaginons que les artisans professionnels se volent confirmer, par le projet de
loi 78, le soutien qu'ils attendent du gouvernement pour la promotion de leur
art, de leurs produits et de leur industrie.
Les artisans ont d'eux-mêmes remis en question plusieurs modes de
fonctionnement du passé afin d'instaurer un respect nouveau et une
personnalité originale et forte qui se bâtit à partir des
valeurs qu'eux-mêmes véhiculent: esprit créatif,
humanisation de la technologie, accomplissement personnel, entrepreneurship. Ce
sont les valeurs de la société de l'avenir, du Québec de
l'avenir, de celui qu'un choix de société fait maintenant
permettra de construire. Cela termine la présentation.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente.
Je reconnais maintenant Mme la ministre des Affaires culturelles. (13 h 30)
Mme Bacon: Mme la présidente, M. le directeur, j'aimerais
vous remercier tout d'abord d'être venus Ici nous rencontrer à
cette commission parlementaire et ajouter à ce que nous avons entendu
dans les différents mémoires depuis le début de cette
commission. Encore une fois, si nous avons voulu avoir cette communication avec
les différents groupes, c'est parce que nous sentions le besoin de faire
une loi qui réponde le mieux possible aux attentes et aux besoins des
différents milieux. Je vous remercie beaucoup de cette participation
à cette recherche.
Je voudrais répondre à quelques-unes de vos questions
concernant le champ d'application de la loi en regard des métiers d'art.
Les définitions proposées visent à accorder un statut
d'artiste à la fois aux créateurs et aux créateurs
producteurs En ce qui concerne les métiers d'art, le créateur
protégé sera celui qui crée des pièces uniques ou
des prototypes et les vend à un producteur. Sera aussi
protégé le créateur producteur, qu'il soit
incorporé ou non, qui produit lui-même ses créations ou
conserve un droit de regard sur la production de celles-ci, si elle est faite
par d'autres. La loi ne s'applique pas en ce sens à celui qui
réaliserait les copies. Cet élément de création ou
de contrôle sur la production de cette création doit toujours
être présent pour qu'il s'agisse d'une oeuvre originale. De plus,
et je pense que c'est l'intention partagée, les associations
professionnelles ont dos
responsabilités à l'égard des pratiques
professionnelles.
Vous dites aussi dans votre mémoire: "Un choix de
société donc, qui devrait être plus clair ou, à tout
le moins, plus complet dans le préambule de la loi. " Voulez vous
expliquer ce que vous entendez par "un choix de société qui
devrait être plus clair"? Plus explicite?
Mme Hardy-Pilon: Je pense que M. Tremblay voudrait
préciser. C'est mon directeur général.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Merci. À ce sujet, c'est tout
simplement, comme nous le précisons dans le document, que nous
apprécierions que le statut de l'artiste en métiers d'art soit
reconnu dans sa relation avec le diffuseur. Ce qui nous apparaît aussi
Important actuellement c'est que cela se situe dans un contexte où
l'État québécois prend conscience et appuie la
démarche de développement socio économique de ses artistes
en métiers d'art.
Alors, quand on parle d'un choix de société, c'est qu'on
peut reconnaître le statut d'un artiste et ne pas le mettre dans des
conditions de développement, ce qui, à toutes fins utiles,
l'amène plutôt à végéter, ou on peut
décider que, en plus de reconnaître cet artiste en métiers
d'art, en arts visuels ou en littérature, sur le plan économique,
on développe une volonté de l'appuyer. C'est dans ce sens que
cela a une implication Importante sur d'autres ministères que le
ministère des Affaires culturelles. Par exemple, si on reconnaît
un statut d'artiste en métiers d'art ou qu'on le reconnaît, comme
vous le disiez, aussi comme producteur ou comme celui qui vend des productions
et que. par exemple, pour se développer, parce qu'on a affaire quand
même à ce qu'on appelle de la micro-entreprise, ii n'a
accès à aucun service qu'ont les autres entreprises, que ce soit
des PME ou de la grande entreprise, en s'adressant à l'OPDQ ou au
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, c'est
à ce moment qu'on dit: C'est beau d'avoir un statut, mais où est
la volonté d'appuyer l'artiste qui veut se développer comme tel?
La même chose pour le ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Science concernant la formation professionnelle, que ce soit la
formation de base ou la recherche et le développement; avec le
ministère de la Main d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
c'est le même phénomène. Si les programmes ou les services
de formation en recherche et développement ne suivent pas, à ce
moment-là, on se rend encore compte que c'est beau d'avoir un statut,
mais qu'il n'y a pas véritablement de volonté gouvernementale de
positionner ces artistes-là, non seulement au Québec, mais sur le
plan international.
Je terminerais par un bref exemple, des produits de firme comme
Rosenthal, qui sont des produits de très haute gamme avec lesquels on
peut concurrencer en joaillerie ou dans d'autres secteurs. Ces produits, quand
ils sont lancés, bénéficient d'une campagne de promotion
de 10 000 000 $ pour un produit. Nous, pour être capables d'appuyer, par
la société de mise en marché, la mise en marché
d'un produit, c'est à peine si on a les ressources pour sortir un
catalogue ou une feuille de catalogue de 1000 $. Si on arrive, par exemple,
avec un plan de communication et marketing en disant: II faut absolument
appuyer, par une stratégie de communication et marketing pertinente, le
lancement de ces produits sur les marchés ontariens ou Internationaux,
on se bat avec un tire-pois. Même avec un budget de 1 000 000 $ pour
l'ensemble des produits, cela n'a pas de sens. Alors, c'est pour cela qu'on
donnait cet exemple. Est-ce que cela...
Mme Bacon: Cela répond, oui.
Nous avons tenté, dans notre projet de loi, d'accorder un statut
aux artistes créateurs des arts visuels, des métiers d'art, de la
littérature et, évidemment, tous les éléments de la
loi ne concernent pas directement les métiers d'art. Par rapport
à votre réalité, quels seraient les éléments
les plus intéressants pour les métiers d'art et est-ce qu'il y a
certains éléments qui devraient réellement être
conservés dans cette loi et que vous ne voudriez pas voir
disparaître?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Dans ceux qui sont présents,
évidemment, la reconnaissance du statut, je pense que tout le monde
s'entend là-dessus, c'est important, c'est à la base même.
L'autre élément qui nous apparaît important dans notre cas,
c'est la reconnaissance d'une association professionnelle et c'est pour cela
que dans le texte que nous présentons nous élaborons un peu plus
parce que l'association professionnelle que nous voulons développer va
aussi dans le sens d'un développement socio-économique, dans le
sens que l'association peut créer des programmes, soutenir ses artisans
au point de vue de la formation professionnelle ou de la production, du
financement et même de la promotion et de la diffusion. Pour nous, c'est
fondamental que l'association soit reconnue pour la protection du statut comme
tel - je pense qu'on en est là-dessus - mais aussi comme plate-forme de
développement de l'ensemble. Pour nous, c'est fondamental, parce
qu'alors on se trouve, avec la loi, à reconnaître enfin l'individu
comme tel et ses différentes facettes, comme vous l'avez dit,
liées à la production, mais en même temps l'outil qu'il se
donne pour se développer.
Mme Hardy-Pilon: Si je peux ajouter là-dessus seulement un
petit commentaire qui peut devenir très personnel, comme je suis aussi
une artiste en métiers d'art, je suis joaillière, Je sens qu'avec
ce projet de loi je serai reconnue comme une artiste et non pas comme une
artisane uniquement. Et peut-être que pour la première fois, en
1989, je pourrai aller dans une galerie
d'art présenter une collection de bijoux contemporains et
exposer, ce qu'on n'a jamais pu faire jusqu'à maintenant, ou presque. Je
pense que pour les créateurs en métiers d'art, le statut, c'est
la grande porte ouverte et tout le monde a bien hâte de voir le projet de
loi passer pour avoir cette reconnaissance d'artiste
Mme Bacon: À la page 5 de votre mémoiro, vous nous
dites qu'il faut ajouter a la définition de l'artiste professionnel:
"elles sont reconnues comme telles par ses pairs, membres de l'association du
domaine". Pour nous, il était Important de préserver la
liberté d'adhésion de l'artiste à son association
professionnelle. C'est pourquoi la loi propose deux façons d'obtenir le
statut d'artiste professionnel et, en ce sens, est-ce que vous souhaitez qu'on
ajoute à la définition de l'artiste professionnel cette
reconnaissance par les pairs de façon à la resserrer davantage?
Est-ce que vous y tenez beaucoup?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Vous voyez, c'est un fait que la
combinaison des articles 6, 7 et 8 - l'article 6, c'est la reconnaissance; dans
l'article 7, l'individu est présumé et dans l'article 8 il est
libre de - c'est une combinaison des trois termes qu'on peut retrouver dans ces
choses. Donc, la liberté d'adhésion demeure tout le temps de par
les articles 6, 7 et 8. Ce qui nous apparaît Important, c'est, dans le
cadre de l'article 6, pour ce qui est de la reconnaissance, de resserrer
l'élément de reconnaissance par les pairs, parce qu'il y a une
dynamique qui est importante à ce niveau. Est-ce que la personne devra
être membre ou pas? Je pense qu'il y a là-dessus une marge de
manoeuvre. Il y a déjà ce que nous appelons un système
d'évaluation par les pairs qui existe depuis pratiquement toujours
à notre association. Il y a des gens qui viennent en évaluation
sans nécessairement vouloir devenir membres. Mais le fait qu'ils aient
rencontré leurs pairs, à un certain moment, leur donne une
possibilité de référence. Il nous apparaît Important
que cette dimension de la reconnaissance par les pairs soit en
référence avec le member-ship de l'association du domaine parce
qu'il y a quand même un exercice - je pense qu'il y en a d'autres qui
l'ont cité - mais c'est l'un des exercices les plus difficiles qui
existent de mettre en place un mécanisme de reconnaissance par les
pairs. Il faut trouver le moyen aussi que ce mécanisme sort reconnu
comme tel.
Mme Bacon: D'accord. Toujours à la page 5, vous nous dites
aussi que votre seul regret, c'est qu'il n'y ait pas de "clause grand
père" J'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Ce n'est pas par désir de
vieillissement prématuré. On l'interprétait de la
façon... Étant donné que l'ensemble de la
réglementation du projet de loi concernant l'association est tellement,
en ce qui nous concerne, proche du fonctionnement ou de ce que les artisans qui
se sont battus se sont donné, on se disait: Bon, avec une "clause
grand-père", la commission parlementaire est passée et, ensuite,
on opère et on continue. Là, je crois qu'H y aura un
mécanisme supplémentaire à franchir, celui de la
commission de reconnaissance dos associations. C'est dans ce sens qu'on
Introduisait la notion de "clause grand père".
Mme Bacon: En fait, vous auriez préféré ne
pas avoir à faire de demande de reconnaissance, c'est cela?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Oui, c'est dans ce sens Remarquez
qu'on va la faire quand même, mais c'est...
Mme Bacon: Cela peut aider à autre chose par la suite,
cela conduit à autre chose quand même. Il y a d'autres protections
qui vous seront données par la suite si vous êtes reconnus par la
commission de reconnaissance.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Oui, dans ce sens-là C'est une
tentative, voyez vous.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Merci infiniment de votre travail.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre M. le
député de... Oui? Avez-vous quelque chose à ajouter, M.
Tremblay?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Si on est à relever des points,
iI y en a un qu'on n'a pas inséré dans le texte, mais nous
croyons quand même que dans la... Je ne sais pas si c'est à
vérifier, mais, à l'article 26, vous dites: "Pour l'exercice de
ses fonctions, l'association reconnue peu notamment" et dans le
troisième point: "imposer et percevoir des cotisations". Est-ce que la
Loi sur les compagnies ne dirait pas plutôt "doit"? Ce serait simplement
une vérification un peu légaliste, mais il nous semble que, selon
la Loi sur les compagnies, c'est une obligation et non pas une
possibilité.
Mme Bacon: On va demander à notre avocat de
vérifier cela.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Juste en passant comme cela.
Le Président (M. Trudel): M. le député de
Saint Jacques
M. Bouierlce: Mme Pilon, M. Tremblay, en premier lieu, j'ai un
commentaire. À la page 6, lorsque vous parlez des articles 21 et 23,
vous dites: "Nous demandons de compléter le texte de façon
à ce que, pour déterminer si elle estime
qu'une association n'est plus représentative, la commission doive
consulter l'association concernée sous forme d'audience publique avec
des avis et délais prévus à cette fin. " C'est juste pour
vous informer qu'à l'aube du bicentenaire, la commission sur le statut a
des pouvoirs de guillotine. Il n'y a pas d'appel à ces décisions,
absolument rien. Donc, M faudrait modifier la loi première pour arriver
à votre point de vue.
Une voix:
M. Boulerice: C'est cela.
Une voix: D'accord.
M. Boulerice: La question que Je vous poserais est de savoir si
vous êtes favorables à un regroupement d'associations ou
plutôt à l'association la plus nombreuse pour la
représentativité.
Mme Hardy-Pilon: Je dois vous dire que, pendant plusieurs
années, nous avons été au Québec des regroupements
d'associations en métiers d'art. Depuis au moins trois ans, ces
différentes associations étaient en pourparlers, en discussion
pour finir par avoir une seule association provinciale, nationale en
métiers d'art. On y est arrivé au printemps dernier quand les
différentes associations ont décidé, d'un commun accord,
de ne former désormais qu'une seule association qui est le Conseil des
métiers d'art. Donc, pour nous, je pense que la réponse est
évidente. On est parti de plusieurs corporations pour en arriver
à une seule. Je pense que, de la part de tous les artisans du
Québec, la volonté est là et qu'elle est assez forte. (13
h 45)
M. Boulerice: Comment se fait le regroupement de votre
association?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Le Conseil des métiers d'art du
Québec.
Mme Hardy-Pilon: Le Conseil des métiers d'art.
M. Boulerice: Est-ce que vous êtes allés à
tant de représentants de ou bien...
M. Tremblay (Jean-Pierre): Le membership du Conseil des
métiers d'art est Individuel et, pour devenir membre, chaque artisan
doit avoir une rencontre avec ses pairs. Il y a un mécanisme
d'évaluation par les pairs qui fonctionne par famille de métiers.
Alors, vous avez la famille des métiers du bois. Les familles de
métiers ont une référence avec un matériau comme le
bois, le cuir, les métaux. Donc, une personne qui veut devenir membre
rencontre trois représentants de la famille des métaux qui sont
nommés et élus à cette fin par la famille des
métiers dans ce qu'on appelle le processus d'évaluation.
L'artisan, à ce moment-là, le candidat doit présenter ses
pièces, ce qu'il fait, et il y a à ce moment-là une
décision qui est prise, à savoir si ce candidat peut être
membre professionnel à part entière ou considéré
comme un apprenti ou un compagnon. S'il est accepté comme professionnel
à part entière, à ce moment-là, il est membre
individuel.
M. Boulerice: À l'article 29, on parle du contrat. Vous
étiez présents aux discussions tantôt. Vous savez que le
contrat n'est pas obligatoire. Votre position quant à l'obligation, de
l'obligation puisque je vais continuer de faire mon pléonasme...
M. Tremblay (Jean-Pierre): Cela nous apparaît important que
le contrat existe. Par exemple dans les cas que nous gérons dans des
compagnies comme le salon ou la société de mise en marché,
les contrats sont obligatoires. C'est à l'artisan lui-même qui est
en même temps propriétaire à développer un contrat.
Je pense que là-dessus il faut absolument que la situation soit claire
pour qu'il ne puisse pas y avoir de "bargaining power".
M. Boulerice: Pour que cela soit clair, je vais vous reposer la
question: Vous souhaitez que le contrat existe, mais que le contrat soit
obligatoire?
Mme Hardy-Pilon: Oui, je pense que nous le souhaitons.
M. Boulerice: C'est pour vous une condition d'adoption de cette
loi?
M. Tremblay (Jean-Pierre): Je vais répondre un peu comme
Marie Laberge, on peut le mettre comme une condition. Si ce n'est pas rendu
obligatoire, on l'acceptera quand même, mais cela nous apparaît
Important.
M. Boulerice: M. Tremblay et Mme Hardy-Pilon, je vais vous
remercier et surtout vous offrir mes meilleurs voeux de succès pour cet
événement toujours tant attendu des Québécois
qu'est le Salon des métiers d'art.
Mme Hardy-Pilon: Je vous remercie et je profite de l'occasion
pour vous dire que, si je ne suis pas accompagnée d'artisans autour de
moi, on a une bonne raison, c'est que notre salon ouvre demain à six
heures et se termine le 18 décembre. Donc, tout le monde est
invité et les pauvres artisans sont en train de monter leur kiosque.
M. Boulerice: Nous sommes allés au guichet automatique
hier soir, tout le monde d'ailleurs.
M. Tremblay (Jean-Pierre): Si je comprends
bien, votre programme est en train de se dessiner. Vous avez une
pièce de théâtre à aller voir et vous avez le Salon
des métiers d'art à visiter.
M. Boulerice: Vous m'avez bien deviné, M. Tremblay.
M. Tremblay (Jean-Pierre): C'est bon pour tout le monde, vous
savez.
Le Président (M. Trudel): Oui, on l'avait compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Merci beaucoup.
M. Boulerice: Ce n'est pas le Nouveau-Brunswick.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la présidente
et M. le directeur. Avant de mettre un terme aux travaux de la commission,
ainsi que le veut la tradition... Oui, je vais le déposer tout de suite
parce que la secrétaire me dit pour la troisième fois de ne pas
oublier de faire le dépôt d'un document, en l'occurrence, une
lettre reçue le 25 novembre 1988 de la Société des
graphistes du Québec que je dépose comme mémoire
documentaire 1D. Alors, Mme la secrétaire, il est très
officiellement déposé.
Mme Bacon: Est-ce que nous devons commenter la lettre que nous
avons reçue?
Le Président (M. Trudel): Vous pouvez le faire si vous le
désirez. Je peux en faire la distribution. Vous pouvez le faire
directement Ici ou par écrit.
Mme Bacon: Pour que ce soit
Le Président (M. Trudel): Allez y, je n'ai pas
d'objection. Il n'y a rien qui s'y oppose...
Mme Bacon: dans les procès verbaux9 M.
Boulerice: Est-ce qu'on peut la lire?
Mme Bacon: Sans la lire, il y a des questions qui méritent
peut-être des réponses et, s'il y a des gens qui font lecture des
procès-verbaux de cette commission parlementaire, Ils auront
l'information à ce moment-là.
On nous dit dans cette lettre, M. le Président, au titre du champ
d'application et des définitions, qu'il sort clairement établi
d'exclure les artistes en arts appliqués tels que designer graphique,
designer industriel et designer d'Intérieur. On sait que cette loi ne
s'applique qu'aux artistes qui créent des oeuvres à leur propre
compte et à ceux qui diffusent les oeuvres. Alors, je pense que cela
répond à cette question.
J'ai l'Impression que pour le reste, cela va. Évidemment, le
présent projet de loi vise les artistes qui créent des oeuvres
à leur propre compte. Donc, ce n'est pas ce genre d'oeuvre qui est
Inclus dans la loi.
Conclusions
Le Président (M. Trudel): Très bien. Merci, Mme la
ministre. Vous avez des remarques finales. Je vous cède la parole, Mme
la ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, au terme de cette consultation
qui a été pour nous tous sûrement très
éclairante, je voudrais remercier tou:; les représentants et
représentantes des groupes qui nous ont livré Ici leurs
commentaires et qui nous ont fait connaître leurs positions sur le projet
de loi 78, Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature et sur leurs contrats avec les
diffuseurs. Nous avons recueilli une somme appréciable de suggestions et
de propositions, certaines plus précises et plus fermes que d'autres,
que nous devrons sûrement maintenant examiner avec beaucoup d'attention.
La qualité des Interventions et la conviction mise à nous les
communiquer nous incitent à faire une analyse approfondie et
méthodique de ce qu'elles contiennent. Nous serons appelés, sans
aucun doute, à apporter certains ajustements au projet de loi actuel.
C'est pour cela que nous faisons une commission parlementaire. Nous les ferons
on demeurant quand même fidèles aux orientations fondamentales qui
nous ont été dictées au cours des nombreuses consultations
que nous avons tenues depuis la commission parlementaire sur le statut de
l'artiste en mai 1986.
Nous avons pu constater à nouveau que la problématique
à la base de la préparation d'un projet de loi sur les
créateurs des domaines touchés par ce projet de loi, cette
problématique, dis-je, est très complexe et qu'elle recouvre des
réalités qui sont fort différentes les unes des autres. Je
suis cependant convaincue que nous pouvons et que nous devons satisfaire ce
besoin fondamental et légitime des artistes d'être mieux
protégés. D'ailleurs, comme je le disais en le déposant
à l'Assemblée nationale, ce projet de loi a d'abord pour objet de
reconnaître le statut d'artiste professionnel aux artistes qui pratiquent
un métier de créateur dans le domaine des arts visuels, des
métiers d'art et de la littérature. Ce projet de loi n'a donc pas
d'autre objectif que celui d'établir un cadre juridique de
reconnaissance de l'artiste professionnel et de lui donner les instruments
nécessaires pour qu'il puisse participer plus équitablement au
bénéfice de l'utilisation de ses oeuvres. Il vise
également à encadrer la reconnaissance des associations
professionnelles et à leur conférer les pouvoirs et fonctions
nécessaires à une meilleure défense
des intérêts de leurs membres. Ces objectifs sont
recherchés et appuyés par les artistes. Leurs
représentants nous l'ont confirmé Ici en très grande
majorité. Les propositions qu'ils nous ont faites sur les moyens de les
atteindre méritent d'être considérées avec respect.
Je pense que nous devons aussi regarder attentivement, entre autres, la
délimitation du champ d'application du projet de loi. Nous devons aussi
regarder attentivement les structures de représentation, de telle sorte
qu'il soit plus clair que la vocation des associations existantes n'est pas
menacée. Nous reverrons probablement aussi certains détails
relatifs au contrat pour les rendre plus clairs.
Nous étions conscients, en entreprenant cette deuxième
phase de la reconnaissance du statut de l'artiste, que le défi
était très grand. J'avais d'ailleurs souligné, au moment
de l'adoption de la loi 90, que nous ferions tous les efforts
nécessaires pour relever ce défi et apporter la réponse la
plus satisfaisante possible aux problèmes des créateurs que la
loi 90 ne peut résoudre. Nous ne sommes pas en présence de
problèmes qui découlent de la prestation des services
professionnels, donc de relations du travail. Je le répète, les
créateurs d'oeuvres artistiques ont des liens d'affaires avec les
diffuseurs de leurs oeuvres et nous devons faire en sorte que ces liens soient
les plus équitables possible tout en respectant l'esprit
généra! de la législation québécoise. Il
nous faut aussi préserver l'équilibre nécessaire pour que
l'Intervention législative soit davantage un moteur de progrès,
un moteur de développement des milieux artistiques et de l'ensemble des
Intervenants qu'un instrument de déstabilisation de ces milieux. Nous ne
voulons pas déstabiliser des milieux. Il appartient au
législateur de garantir ce rapport d'équité entre les
artistes et créateurs, d'une part, et les diffuseurs avec qui ils
contractent, d'autre part. Au moment de l'étude article par article en
commission parlementaire, nous serons en mesure de proposer les changements qui
s'imposent et, avec toute la collaboration habituelle des membres de cette
commission, nous verrons à soumettre pour adoption à
l'Assemblée nationale un projet de loi qui reflète encore mieux
les préoccupations et les souhaits du milieu artistique.
Je serais tentée, pour reprendre une métaphore que nous
avons entendue au cours de cette commission parlementaire, de dire que, si
certains trouvent à ce vêtement législatif les manches trop
courtes ou d'autres, qu'elles sont trop longues, alors nous trouvons, de part
et d'autre... Le balancier se promène de droite à gauche. Si
chacun veut avoir une chemise ajustée à sa mesure, II est
difficile d'y répondre. Je pense qu'aucun projet de loi ne peut arriver
à donner une chemise ajustée à la mesure de chacun. Tout
de même, à la lumière de ce que nous connaissons de
l'état de la situation dans chacun des secteurs, et je pense
particulièrement à ce que nous avons entendu en commission
parlementaire au printemps 1986, il nous est apparu deux évidences:
d'abord, une grande nécessité et une grande diversité des
besoins, et une urgence d'agir; c'est ce qui ressortait de la commission
parlementaire de 1986. Nous avons donc estimé nécessaire de
légiférer maintenant, de proposer, non pas un chemisier
ajusté pour chacun, ce qui me semble utopique, dans un premier temps,
à très court terme, et le faire maintenant serait très
difficile, mais plutôt de proposer un vêtement plus ample, plus
généreux, qui puisse satisfaire, pour reprendre le terme que j'ai
entendu encore hier chez nous au ministère, une espèce de
djellaba qui nous permet de satisfaire l'ensemble - pour ceux qui ont
voyagé - des gens du milieu des différents domaines qui sont
couverts par la loi. Et même si c'est au grand dam de mon
collègue, le député de Saint-Jacques, nous touchons ainsi
du droit nouveau. Nous franchissons, je pense, une étape capitale. Ce
n'est pas pour rien que jamais, dans aucun autre pays, on ne s'est
attaqué à de telles lois. Nous avons quand même l'audace de
le faire ici au Québec, et j'en suis très fière. Certains
qualifient ce projet de loi de timide. Moi, je dis que cette loi est
peut-être prudente, car ce qui est Important, c'est que ce premier pas
soit posé correctement, impeccablement, dans le sens d'un progrès
social, progrès qui est voulu par tous les artistes.
Je voudrais encore une fois remercier les membres de cette commission
parlementaire, ainsi que les groupes qui sont venus, et vous remercier, M. le
Président.
Le Président (M. Trudel): Merci, Mme la ministre. Tout en
cédant la parole à M. le député de Saint-Jacques,
J'oserais dire que votre conclusion me semble cousue main. M. le
député de Saint-Jacques, si vous voulez poursuivre la
métaphore.
M. Boulerice: Évidemment, M. le Président, que Je
vais le faire...
Le Président (M. Trudel):...
M. Boulerice: Pardon?
Le Président (M. Trudel): Vous prenez beaucoup d'orgueil,
et je vous comprends, à ce que les groupes culturels montréalais
soient situés dans votre comté. Je peux vous dire que, dans le
domaine du textile, c'est plutôt dans l'est de Montréal, chez
mol.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. André Boulerice
M. Boulerice: Vous savez que l'habit fait le moine, M. le
Président, Donc, comme la ministre, effectivement, vient de verser
allègrement dans
le textile, que |e la sais, d'ailleurs, friande de beaux vêtements
- cela n'est pas un reproche que |e lui fais, tout au contraire, c'est un
compliment - je vais lui dire quand même qu'il faut se rappeler ce vieux
conte américain The King's Clothes", "Les vêtements du roi"; II ne
faudrait pas se retrouver dans quelque temps et s'apercevoir que le roi est nu.
Voilà.
Lors de l'adoption de principe, M. le Président, et vous me
permettrez de me citer, puisque c'est moi qui Intervenais, je disais: Autant
l'Opposition s'était montrée favorable à l'adoption de la
loi 90... Et à l'étude article par article après nous
avons rudement bagarré pour certaines modifications. Donc, je disais:
Autant nous nous étions montrés favorables à l'adoption de
la loi 90, laquelle a été adoptée, autant nous serons
prêts à concourir à l'adoption de ce second volet puisque
ce travail mérite d'être achevé dans les meilleurs
délais. Lorsque je parlais de délais, j'avais par contre la
prudence de dire que l'échéancier devenait très, voire
même peut-être trop, serré. Ceci dit, en conclusion, je
redisais aussi que le projet de loi 78 voulait offrir aux artistes oeuvrant
dans le domaine des arts visuels, des métiers d'art et de la
littérature et qui ne sont pas couverts par la loi 90, une
reconnaissance professionnelle et un encadrement légal.
J'acquiesçais et nous acquiesçons toujours au principe de ce
projet. Je disais que les consultations particulières permettraient de
vérifier auprès des premiers intéressés s'il
correspondait à leurs attentes, si les dispositions étaient bien
adaptées à la réalité de leur pratique artistique -
Dieu sait maintenant qu'on se rend compte qu'elles sont diverses - et si elles
étaient susceptibles de fournir un cadre plus approprié aux
relations contractuelles entre les artistes et les diffuseurs de leur
oeuvre.
Je m'aperçois, à la clôture de cette commission, M.
le Président, que nous devrons nous assurer que le contrat individuel
soit obligatoire, même lorsque l'artiste ne l'exige pas. Il semble qu'il
y ait un très large consensus à ce sujet. Je pense qu'il faudra
s'assurer que les pratiques soient bien représentées et qu'elles
ne soient pas étouffées dans un regroupement ou une association
parce qu'elle est trop forte. II nous faudra aussi analyser les demandes de
modification concernant la section sur les ententes collectives et voir si le
projet de loi répond bien aux besoins de chacun des domaines et des
pratiques inclus, comme je le disais tantôt.
Donc, je pense que nous allons bien étudier toutes ces
recommandations reçues au cours de cette commission en tenant compte
aussi que certains nous ont dit dans un autre langage... Mais moi, j'emploierai
cette expression célèbre qui est: Arrête ton char, Ben Hur,
on attaque la falaise. Certains ont émis certains propos freinants
là-dessus. La ministre disait dans son texte, au moment de
l'étude article par article en commission parlementaire: Nous serons en
mesure de proposer les changements qui s'im- posent et, avec toute la
collaboration habituelle des membres de cette commission j'espère
qu'elle m'Incluait - nous veillerons à soumettre pour adoption à
l'Assemblée nationale un projet de loi qui reflète encore mieux
les préoccupations et les souhaits - et elle disait - du milieu
artistique. Je modifierai en disant. De tous les milieux artistiques qui se
sont présentés devant nous et qui nous ont fait connaître
au cours de cette semaine leurs appréciations, leurs commentaires et
leurs suggestions.
M. le Président, je conclus là-dessus en assurant de
nouveau la ministre de la collaboration de l'Opposition pour ce qui est du
projet de loi 78.
Le Président (M. Trudel): Merci, M. le
député de Saint-Jacques. Merci, Mme la ministre. À mon
tour et en douze secondes, je veux remercier les membres de la commission de
leur assiduité qui dépassait largement la mienne cette fois-ci
puisque des événements ont fait que je n'ai pu assister
qu'à la deuxième partie des travaux de la commission. Je le fais
sûrement au nom de celle qui m'a remplacé, Mme la
députée de Mégantic-Compton, pour la première
journée et demie. Alors, aux membres de la commission, merci de votre
assiduité, et au personnel de la commission, |e le dis toujours de fois
en fois, comme nous avons eu l'occasion d'avoir plusieurs rencontres de cette
commission, j'ai probablement le personnel le plus dévoué, le
plus dynamique et le plus extraordinaire des commissions.
Une voix:...
Le Président (M. Trudel): Oui, mais ça, c est de
l'interne. Alors, je remercie le personnel de la commission de sa collaboration
empressée et, puisque je considère que nous avons accompli notre
mandat dans des conditions, encore une fois, excellentes, j'ajourne donc les
travaux de la commission sine die. Merci.
(Fin de la séance à 14 h 6)