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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, September 18, 1997 - Vol. 35 N° 58

Consultation générale sur le document intitulé L'immigration au Québec de 1998 à 2000 - Prévoir et planifier


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. Michel Morin, président suppléant
Mme Nicole Léger, présidente suppléante
M. André Boisclair
M. Pierre-Étienne Laporte
M. André Gaulin
M. Normand Jutras
Mme Claire Vaive
M. Robert Kieffer
*M. Louis Leblanc, Lévesque, Beaubien, Geoffrion inc.
*Mme Monique Hascoat, Ville de Laval
*Mme Rachida Abdouz, idem
*M. Jacques Daoust, PBNI
*Mme Louise Fauteux, idem
*M. Daniel Malo, CUM
*M. Réal Moffet, CCIQM
*M. Augustin Raharolahy, idem
*M. Jean-Paul Perreault, MIF
*M. Philippe Leclerc, FECQ
*Mme Alexandra Mendes, MIRS
*Mme Virginia Cisneros, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures neuf minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte. Rappelons le mandat de la commission qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le document intitulé L'immigration au Québec de 1998 à 2000 – Prévoir et planifier .

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Jutras (Drummond) remplace M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques); M. Kieffer (Groulx) remplace M. Payne (Vachon); M. Gautrin (Verdun) remplace Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys); et Mme Houda-Pepin (La Pinière) remplace M. Kelley (Jacques-Cartier).

(9 h 10)

Le Président (M. Garon): Alors, l'ordre du jour de la journée, c'est qu'à 9 heures – qui deviendra 9 h 10 – nous entendrons le groupe Lévesque, Beaubien, Geoffrion inc; à 10 heures, ville de Laval; à 11 heures, Placements Banque Nationale inc.; suspension à midi; à 14 heures, Communauté urbaine de Montréal; à 15 heures, Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain; à 16 heures, le Mouvement Impératif français; à 16 h 45, la Fédération étudiante collégiale du Québec; et, à 17 h 30, la Maison internationale de la Rive-Sud. Je ne sais pas quelle rive sud, mais c'est de la rive sud.

Une voix: C'est Montréal.

Le Président (M. Garon): Il y en a, des rives sud de Montréal à Gaspé! À 18 h 15, nous ajournerons.

Alors, j'invite immédiatement le premier groupe, Lévesque, Beaubien, Geoffrion inc., ici représenté par M. Louis Leblanc, vice-président et administrateur, à commencer son intervention parce que nous avons une heure ensemble. Normalement, l'heure est divisée en trois parties de 20 minutes: 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes à chacun des deux partis pour vous questionner. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins pourra être utilisé par les parlementaires pour discuter plus longtemps avec vous. Allez-y.


Auditions


Lévesque, Beaubien, Geoffrion inc.

M. Leblanc (Louis): O.K.? On commence? Bravo.

Le Président (M. Garon): Oui. Si vous avez des gens qui vous accompagnent, vous pouvez les présenter.

M. Leblanc (Louis): Oui, bien, j'ai à mes côtés M. Raynald Joubarne, qui agit à titre de conseiller pour Lévesque, Beaubien dans le cadre du dossier investisseur immigrant, et moi-même, Louis Leblanc.

Ce que j'aimerais faire avec vous ce matin, d'une part, c'est vous remercier pour l'invitation, saluer M. le président, M. le ministre ainsi que les membres de la commission. Il y a sans doute différentes personnes autour de la table qui ne sont pas nécessairement au fait des détails du dossier investisseur immigrant. Ce que j'aimerais faire, d'une part, c'est vous expliquer rapidement ce qu'il en est du dossier investisseur immigrant depuis les 11 dernières années, le rôle de Lévesque, Beaubien dans le cadre du programme, et on a préparé quelques tableaux pour faire une synthèse la plus cohérente possible des corporations qui ont été financées, tant par secteur d'activité que par région, au cours des dernières années, et terminer par des recommandations, étant donné la modification fédérale à venir dans le cadre du dossier investisseur.

Le programme a été créé en 1986, et ce qui est à noter dans le dossier investisseur immigrant, c'est que c'est une catégorie de gens d'affaires. Il y a deux groupes dans la catégorie gens d'affaires: les entrepreneurs, qui sont une notion active d'investissement, et les investisseurs, qui sont la notion passive d'investissement. Pour les investisseurs, il y a deux critères de base: c'est 500 000 $ d'actif ainsi qu'un expérience d'affaires probante pour qualifier dans le cadre du programme. Et ce qu'ils doivent faire dans un contexte passif, c'est signer une convention avec Lévesque, Beaubien ou d'autres courtiers, et ils donnent un mandat aux maisons de courtage pour effectuer leurs placements dans le cadre du programme.

La différence entre les programmes fédéral et provincial est quand même très importante, et on en discute depuis les 11 dernières années. C'est que, lorsque le programme a été adopté, en 1986 – et j'étais, à l'époque, responsable chez Lévesque pour la mise en place du dossier investisseur immigrant – le provincial a dit: Bien, nous, on ne veut pas réglementer le projet final d'investissement. Ce qu'on veut faire plutôt, c'est réglementer les joueurs d'entrée de scène, et ça a été très sage, à mon avis, de faire une collaboration avec les gens du privé où le provincial a dit: Nous, on est responsables pour la question d'immigration alors que les gens du secteur d'investissement sont responsables pour le placement des fonds. Alors, Québec a réglementé les joueurs d'entrée de scène. Une fois les joueurs d'entrée de scène réglementés, on a laissé le marché dicter comment les placements devaient être faits dans le cadre du dossier investisseur immigrant, ce qui a fait que le Québec a eu un grand succès à l'égard du dossier investisseur immigrant, puisqu'on sait que le Québec récolte la part du lion des fonds actuellement dans le cadre du programme investisseur immigrant.

Le fédéral a choisi une alternative différente, il y a 10 ans, qui a été de dire: Nous, on ne veut pas réglementer les joueurs d'entrée de scène; ce qu'on va plutôt faire, c'est laisser n'importe quel groupe faire des projets d'investissement, et on va faire une approbation, peut-être pas quant au mérite financier, mais on va approuver des fonds, ce qui a eu pour conséquence que, dans le reste du Canada, malheureusement, l'historique de placements a été beaucoup moins heureuse que ce qu'on a vu au Québec dans le cadre du dossier investisseur immigrant.

Alors, chez Lévesque, on a un rôle de fiduciaire vis-à-vis des investisseurs où on doit faire deux choses dans le fonds de base: d'une part, voir à l'intégrité des placements, s'assurer que les deals d'investissement respectent la législation en termes de création d'emplois et en termes d'améliorer la situation financière des entreprises et, deuxièmement, voir aussi à ce que le projet d'affaires de l'investisseur soit solide pour, dans la mesure du possible, que le client ne perde pas son argent, parce qu'un problème qu'on a vécu dans le dossier investisseur dans d'autres provinces canadiennes a été les pertes associées au programme investisseur immigrant. On est heureux de dire que, entre autres, chez Lévesque, Beaubien, actuellement on a près de 5 000 clients dans le programme investisseur immigrant. Nous avons effectué pour près de 600 000 000 $ de placement auprès de différentes PME québécoises et on n'a jamais perdu un sou pour aucun de nos clients dans le cadre du programme.

Un bilan rapide du dossier investisseur immigrant, c'est qu'on a dans le programme... mais qui est important, incidemment. Ça fait 10 ans qu'on y oeuvre, dans ce programme qui a fait pour 1 000 000 000 $ d'investissements au Québec. Il y a plus de 600 entreprises québécoises qui ont bénéficié des financements, et, fait très important, c'est qu'il y a plus de 10 000 emplois qui ont été créés dans le cadre du dossier investisseur immigrant. Si on regarde un programme qui n'a pas de subside gouvernemental, en termes de sommes d'investissement, c'est un petit peu plus gros que le Fonds de solidarité, en fait de placements. Et, sans aucune aide gouvernementale, en termes de dégrèvement fiscal ou de choses du genre, c'est un programme qui a un grand, grand succès.

Les gens qui oeuvrent dans le programme, comme moi et d'autres... Je voyage, moi, plus de la moitié de l'année, en fait, à l'extérieur de Montréal. Je demeure à Hong-kong près de trois mois par année, maintenant. On fait un grand démarchage à l'international pour être capables d'attirer des capitaux au Québec, et pour moi je dirais que c'est mission accomplie parce qu'on a passé le cap récemment du 1 000 000 000 $ en investissements, et ça, à l'intérieur de 10 ans.

Les premiers financements ont été faits en septembre 1988. On s'attend qu'en septembre 1998, bon, dans un an, on devrait avoir fait, au Québec, près de 1 300 000 000 $ d'investissements sur une période de 10 ans. C'est quand même important à noter. C'est 600 PME québécoises. C'est important de noter que les firmes financées, c'est des firmes qui ont un actif inférieur à 35 000 000 $ québécois. C'est donc des PME et souvent des TTE où se retrouvent 85 % des emplois au Québec. C'est la cible des corporations qu'on a cherché, nous, à financer, et les financements que l'on a faits, on a voulu les faire les plus diversifiés et les plus ventilés possible. Il n'y a rien qui nous obligeait à ça au niveau réglementaire. Je pense que c'est plus un gentlemen's agreement qu'on avait avec les gens du gouvernement pour s'assurer qu'on puisse faire bénéficier l'ensemble des régions du Québec des financements au niveau du dossier investisseur, chose qu'on a faite, je crois, avec succès, et aussi d'une ventilation quant aux types d'entreprises qui bénéficient des financements.

J'aimerais vous présenter... André, si tu permets, juste rapidement, on a produit quatre tableaux. Je les présente très rapidement. Celui-ci, c'est l'investissement par – André, tu me dis – ...

Une voix: Secteurs.

M. Leblanc (Louis): ...secteurs. Alors, les investissements par secteurs, je veux juste attirer votre attention sur les secteurs d'activité de 1986 à 1996 qui ont eu des financements. On l'a divisé en deux, investissements et emplois créés. Alors, j'espère que c'est assez clair, j'espère que ce n'est pas trop petit. Au niveau des manufactures, les manufactures ont reçu 41 % des sommes pour 49 % de la création d'emplois, le secteur de la construction, 10 %, le commerce de détail, 9 %, le gros, 7,4 %, les transports, 53 %, les autres, 26 %, ce qui veut dire que, au niveau d'une ventilation par secteurs, on peut voir qu'au Québec, contrairement, entre autres, au... Si on regarde au plan fédéral, il y a une grande concentration dans le domaine de la construction. Au niveau du Québec, il y a une belle ventilation qui s'est faite en termes de secteurs d'activité à l'égard des investissements.

Le deuxième tableau, si tu permets, André, c'est les investissements par région. Par région, là aussi on est fiers de voir qu'il y a une belle ventilation géographique au niveau des financements. Montréal a reçu 33 % des investissements, Québec, 18 %, Mauricie–Bois-Francs, 11 %, Montérégie, 9 %, Chaudière-Appalaches, 7 % et les autres régions, 21 %. Ce qu'on a voulu faire aussi dans le cadre du dossier investisseur immigrant – et là on n'avait pas vraiment d'obligation législative, mais c'était plus par entente qu'on avait avec...

Il est important de noter – et j'ouvre une petite parenthèse – qu'on a une très bonne collaboration avec les gens du ministère. On le mentionne. Ça mérite d'être mentionné, à mon avis, tant au niveau des fonctionnaires que si on a à discuter avec les gens du cabinet. On est très heureux de l'ouverture qu'on entend, tant de la part des fonctionnaires... Vraiment, depuis la création du programme, il y a une grande, grande volonté de collaboration entre les deux, puis ça, en tout cas, je voulais simplement le mentionner parce que, pour nous, ce n'est pas courant qu'on voie des choses comme ça. Il y a une belle collaboration qui s'est produite entre les deux paliers. Alors, une belle répartition au niveau des régions, comme vous pouvez voir, quant au financement que l'on a fait dans l'ensemble du territoire québécois.

Le troisième tableau que j'aimerais vous présenter... Parce qu'on nous pose souvent la question: Dans nos investisseurs immigrants, c'est bien beau, on entend parler de secteurs d'activité et de régions; pourrais-tu donner un petit exemple de financement qui a eu lieu? Peux-tu mettre un petit peu de viande à l'os face aux deals d'investissement qui ont eu lieu? Alors, ce qu'on a fait, très rapidement, c'est qu'on a puisé... Vous comprendrez qu'on a fait pour près de 600 000 000 $ de financement. Alors, on a puisé des exemples de corporations qui ont été financées dans le cadre du dossier investisseur immigrant, et je vous les présente très rapidement parce que ce sont pour nous des fleurons d'entreprises québécoises, toutes des sociétés qui ont un actif qui tourne à peu près à 20 000 000 $, 25 000 000 $. Vous allez voir, ce n'est pas nécessairement des entreprises avec beaucoup d'employés, mais...

Le premier financement, c'est Diagnocure. Diagnocure est une compagnie de Sainte-Foy, ici. Je vous le mentionne, pour 80 % des employés, c'est des doctorats, des Ph.D., c'est des gens qui sont dans le biomédical pour... Entre autres, ils font un test, actuellement, ils sont à mettre un dépistage sur le marché pour pouvoir identifier le cancer de la prostate à base d'urine plutôt que par la biopsie traditionnelle qui se fait pour la prostate. Bon. Alors, c'est très high-tech et c'est une PME qu'on a financée, dans laquelle on a mis plus de 4 000 000 $ d'investisseur étranger. Emballages Duopac, c'était basé à Pointe-Claire. C'est une société qui fait les bouteilles de jus Oasis; pas les bouteilles opaques mais les grandes bouteilles transparentes qu'on voit à l'épicerie. C'est une technologie de chez nous. C'est Duopac à Pointe-Claire, une société qui a maintenant 300 employés, dans laquelle on a fait un placement de 8 000 000 $.

Royal Mat, en Beauce. Royal Mat fait de la poudrette de caoutchouc, c'est-à-dire qu'on prend des pneus recyclés et qu'on en fait de la poudrette. C'est de la poudre, et avec la poudre on fait des matelas pour les étables, les écuries, les gymnases d'école. C'est une belle société. On est rendu à près de 150 employés, actuellement, mais on a fait un 5 400 000 $ dans cette société-là. Et Métro, qui est basée à Lachine, fait des pièces d'usinage – je suis un néophyte en aviation, là – qui tiennent incidemment les ailes des Airbus. C'est une technologie de chez nous, c'est une firme qui est basée à Pointe-Claire et dans laquelle on a fait un dossier de 2 000 000 $ avec elle. C'est la haute technologie, dans le domaine aérospatial, qui a bénéficié des fonds des investisseurs.

(9 h 20)

Deuxième tableau: on a Posi-Plus qui est basée à Victoriaville. Posi-Plus fait des nacelles pour les camions d'Hydro-Québec et les camions des entrepreneurs électriciens. Toute la technologie des nacelles, tous les camions d'Hydro-Québec sont équipés en grande partie par Posi-Plus qui a 80 employés basés à Victo, qu'on a financée pour 2 000 000 $. Solmax, c'est une société qui est impliquée dans une membrane géodésique. Lorsqu'on fait des autoroutes et lorsqu'il y a, entre autres, des terres contaminées, on met une membrane souterraine. La membrane est faite par Solmax à Varennes. C'est une très belle société, incidemment, et 70 % de sa production va à l'exportation. On a fait près de 12 000 000 $ avec les gens de Solmax.

Viandes CDS à Chicoutimi, c'est dans la fabrication alimentaire. On parle de pâtés, de tartes et de dépeçage de viande. On a travaillé avec eux. On a fait 1 750 000 $ de financement et participé à la création de 18 emplois dans le cadre du programme. Et finalement Ferti-Val, qui est basée à Sherbrooke. Ferti-Val, c'est dans le domaine de l'environnement. Elle fait deux choses de base: elle recycle les boues usées de la ville de Sherbrooke – elle met du bran de scie pour faire du compost qui est vendu – et elle fait du recyclage de pièces d'automobile à partir de Magog, alors dans un contexte environnemental.

Je vous ai présenté ça rapidement parce que la question qui nous est souvent posée, c'est: Quelles sont les sociétés vraiment qui bénéficient du dossier investisseur? On a voulu, donc, vous offrir une ventilation la plus variée possible relativement au financement dans le cadre du dossier investisseur immigrant, tout simplement pour votre bénéfice, pour montrer qu'en termes de variété de manufactures, d'une part, d'activités économiques et de variété au niveau des régions c'est l'exemple qu'on voulait vous donner.

Une des raisons pour lesquelles on est heureux d'être ici, c'est évidemment qu'il y a un changement à venir dans le programme investisseur immigrant. Il y a une législation fédérale, qui est à être adoptée au mois de janvier, qui va changer, on croit, beaucoup de choses à l'égard du dossier investisseur immigrant, et on voulait avoir l'occasion ce matin de vous en entretenir parce que je crois que le Québec – pas je crois, c'est clair – fait vraiment figure de leader actuellement dans le dossier investisseur immigrant au niveau du Canada et, incidemment, je dirais même dans le monde. On est réputés avoir développé, au Québec, une ingénierie financière tout à fait unique pour faire l'arrimage entre les deals d'investissement et la question de requête d'immigration d'individus.

Dans la modification à venir au fédéral, qui nous affecte, ce n'est pas encore couché comme règlement, mais on a été en consultation et ce qu'on entend actuellement, c'est que le fédéral... On devrait, dans le fond, être fiers en partie de ce qui va venir, dans le sens que le fédéral se propose de calquer le modèle Québec pour l'ensemble du Canada, de calquer parce que je crois qu'au gouvernement fédéral on a réalisé – et ça prend certainement un certain courage politique pour le faire – que le seul programme qui fonctionne au Canada, en termes de création d'emplois, c'est le programme du Québec. Dans ce sens-là, ce qu'on fait, c'est qu'on veut appliquer le modèle québécois à l'ensemble du Canada. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va réglementer les joueurs d'entrée de scène. Alors qu'au Canada n'importe qui peut faire un fonds d'investissement, au fédéral, on va dire: Dorénavant, seulement les trusts, les banques et les courtiers auront le droit de faire des deals d'investissement relativement au programme investisseur immigrant.

Deuxièmement, on veut permettre toute forme de garantie parce qu'on doit comprendre que, pour l'investisseur immigrant, ce qu'il y a d'important sur la transaction pour lui, c'est de s'assurer qu'il revoie son capital au terme du cinq ans d'investissement, pour une raison bien simple: c'est qu'il y a des histoires d'horreur qui ont circulé au Canada. Il y a des gens qui ont perdu beaucoup d'argent dans une requête d'immigration vers le Canada. Il y a, bon, Western Canadian Shopping Center qui est un exemple. Shopping Center, le terme le dit, c'est un centre d'achats. L'argent s'est retrouvé dans des mines d'or, et on parle de pertes de plus de 18 000 000 $ pour des investisseurs. Il y a eu Lakeview, un autre projet – c'est tous des faits publics – qui a été en faillite. On parle de pertes de 22 000 000 $. Donc, il y a beaucoup de scepticisme à l'égard des projets d'investissement, et, lorsqu'on offre des garanties, bien, à ce moment-là ça sécurise les gens. Le fédéral veut prendre le modèle Québec aussi et dire: Bien, nous, on va offrir des garanties face au programme, et ça, on applaudit la volonté du fédéral de dire: Bien, on va aller vers un modèle québécois pour l'application nationale. Sauf que le problème pour nous, c'est que le fédéral ne va pas à la limite de la réflexion et maintient quand même les deux paliers d'investissement.

On doit comprendre que, dans le dossier investisseur au Canada, il y a deux paliers d'investissement. Actuellement, les petites provinces d'immigration sont à 250 000 $ et les grosses provinces d'immigration, les provinces qui reçoivent plus de 10 % des immigrants, sont à 350 000 $ d'investissement parce que, au Québec, on avait développé une particularité au niveau de nos garanties. On est quand même capables de tirer notre épingle du jeu, bien que, au Nouveau-Brunswick, ce soit 250 000 $ et que chez nous ce soit 350 000 $. Parce qu'il y a un collatéral qu'on offre chez nous, on est capables quand même d'avoir un grand succès au niveau du programme.

L'inquiétude qu'on a, c'est que, si le fédéral maintient les deux paliers, incidemment on maintient les deux paliers, mais on va monter les deux paliers de 100 000 $. Les provinces de 250 000 $ vont passer à 350 000 $, et les provinces de 350 000 $ vont passer à 450 000 $. Si tu maintiens les deux paliers, mais si tu permets des garanties à travers le Canada, ce qu'il risque de se produire, c'est que tu vas avoir une grande partie d'investisseurs, parce que les garanties vont être égales à la grandeur du pays, qui vont dire: Bien, moi, je préfère être dans un véhicule d'investissement où la somme est moindre, la somme qui serait dans les petites provinces de 100 000 $ de moins.

Alors, relativement à ça, nous, on a deux recommandations et on les partage avec vous parce qu'on sait qu'il y a une table de concertation qui existe entre le fédéral et le provincial et qu'est de responsabilité provinciale l'adjudication des projets d'investissement. Ce qu'on vous demande, c'est d'être capables de négocier une entente avec le fédéral sur deux recommandations qu'on apporte. D'une part, c'est de dire: Ou bien on nivelle... Puisqu'on a nivelé les joueurs d'entrée de scène, puisqu'on a nivelé au niveau des garanties collatérales, la logique serait: Bien, nivelons quant à la somme d'investissement. Disons qu'au Canada on va dire: Bien, parce que des garanties peuvent être offertes à la grandeur du pays...

On emploie un traitement de faveur, incidemment. On dit: Bon, maintenant qu'il y a un niveau de maturité de réflexion au fédéral d'en venir au modèle Québec, bien, dans ce contexte-là, allons à la limite de la réflexion puis offrons une garantie à l'échelle canadienne. Ou, si on veut garder des paliers d'investissement, l'argument qu'on défend, nous, c'est de dire: Dans la logique, la prémisse de base du dossier investisseur immigrant, c'est que c'est un dossier créateur d'emplois. Il s'est créé 10 000 jobs au niveau des PME depuis 10 ans. Si on croit à la notion de création d'emplois, on devrait favoriser des provinces où il y a une carence d'emplois. Et la carence d'emplois sur laquelle tu te bases, c'est ton taux de chômage; non pas un paramètre provincial d'immigration, mais le taux de chômage.

Donc, on a produit un tableau très simple. On avance la prémisse suivante de dire: On a fait la moyenne nationale. La moyenne nationale canadienne du chômage est à 9 %. On dit: Au niveau fédéral, si on croit au mérite du dossier investisseur immigrant en termes de création d'emplois, disons – et je lance l'idée comme ça – que toute province canadienne qui a un taux de chômage de plus de 15 % de la moyenne nationale à ce moment-là devrait être à 350 000 $ et que les provinces canadiennes qui ne respectent pas le 15 % d'excédent de chômage seraient à 450 000 $. Et le tableau est très explicatif, c'est que les provinces des Maritimes et le Québec – on parle de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et du Québec où le taux de chômage est 26 % supérieur à la moyenne nationale – pourraient bénéficier d'une somme de 350 000 $ et que les provinces en decà du taux de chômage seraient à 450 000 $.

L'ironie de la situation, c'est qu'au 1er janvier, si on regarde dans le tableau, des provinces comme le Manitoba et la Saskatchewan qui ont moins de 24 % et moins de 36 % de la moyenne nationale de chômage vont bénéficier d'un projet de 100 000 $ de moins d'investissement. Alors, on dit: Bien, ça n'a pas tellement de logique. Si on veut donc garder les paramètres, l'argumentation au fédéral qui pourrait nous venir et, bon, qu'on peut comprendre, c'est de dire: Bien oui, mais on ne veut pas encore une fois trop favoriser certaines provinces au détriment d'autres. Bien, parfait. Si, donc, on a décidé d'aller dans un contexte de standardisation des garanties et de standardisation et maturité des joueurs d'intervention, à ce moment-là mettons la règle globale à la grandeur du pays. Mais, si on croit – et, nous, on partage cette opinion-là – que c'est un ce programme de création d'emplois, bien, à ce moment-là ce qu'on devrait faire, c'est prendre le paramètre reconnu de tous au niveau financier, qui est un paramètre de chômage, et c'est en rapport avec ton taux de chômage que tu devrais faire la base. Et mets une prime de 15 %. Toute province de plus de 15 % du taux de chômage devrait bénéficier de sommes inférieures d'investissement, et celles au taux de chômage ou inférieur devraient bénéficier du 450 000 $ d'investissement.

Ça complète la présentation que je voulais vous offrir ce matin sur le dossier investisseur immigrant. J'espère qu'elle a été la plus claire possible. Évidemment, s'il y a des questions, gênez-vous pas, je vais y répondre au meilleur de ma connaissance.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: M. Leblanc, je voudrais vous remercier pour votre présentation. D'abord, ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion d'échanger ensemble sur la pertinence et sur l'à-propos de ce programme. Si j'avais tout simplement un message à vous passer aujourd'hui, c'est: Merci pour la façon avec laquelle vous-même et Lévesque, Beaubien, Geoffrion travaillez au développement économique du Québec, un développement économique qui est profitable au niveau de l'emploi, un développement économique qui est profitable pour l'ensemble des régions du Québec. Bien simplement, chapeau pour vos efforts de recrutement, pour essentiellement cet heureux partenariat que le secteur public et le secteur privé ont réussi à créer au fil des ans. C'est sans doute cet heureux mélange bien propre au modèle québécois qui fait du Québec le leader canadien en matière d'accueil des immigrants investisseurs.

(9 h 30)

Je voudrais vous poser un certain nombre de questions. D'abord, je comprends que vous dénoncez le «tier system» et que vous espérez que, dans la mesure où il y a une réforme qui s'annonce du gouvernement fédéral, il y ait un même niveau pour l'ensemble des provinces et que, indistinctement de la province de destination, le montant de placement requis soit le même. Nous réclamons la même chose. J'espère d'ailleurs que le député d'Outremont, peut-être dans un effort de consensus, joindra, lui aussi, sa voix, M. Leblanc, parce que vous nous avez depuis longtemps convaincus. J'espère que vos arguments seront assez convaincants pour que le porte-parole de l'opposition s'exprime à l'appui des revendications du gouvernement du Québec et des vôtres sur cette question et que nous serons unanimes à réclamer un seul et même montant pour l'ensemble des provinces canadiennes.

Je voudrais vous questionner sur deux choses. D'abord, nous avons des objectifs de 4 000 admissions de gens d'affaires pour les prochaines années. Est-ce que ces objectifs sont réalistes, compte tenu d'un certain épuisement, me dit-on, des bassins à Hong-kong? Est-ce que – vous avez votre expertise sur le terrain – votre présence à l'étranger vous fait dire que nos objectifs quant à l'admission des gens d'affaires sont réalistes ou s'ils pourraient, comme le souhaite le porte-parole de l'opposition qui trouve nos niveaux quelque peu timides... Il trouve qu'on manque d'agressivité. Votre appréciation de la proposition gouvernementale.

M. Leblanc (Louis): Certainement, je suis d'opinion que le 4 000 est réaliste, et on pourrait voir, en fait, des chiffres encore supérieurs au 4 000. Vous avez mentionné le point de l'épuisement de Hong-kong. Évidemment, il y a une réalité que Hong-kong, avec la rétrocession au 1er juillet et aussi la croissance économique de la Chine... On a vu au niveau de Hong-kong un certain ralentissement, mais il reste que, pour nous, le bâton a été repris par la Chine. On est actuellement très actifs, en Chine. Ça fait maintenant six ans que je voyage à peu près à tous les quatre mois en Chine, et on réalise qu'il y a une grande, grande demande à l'égard de la Chine quant au dossier investisseur immigrant. Incidemment, le marché le plus porteur pour nous au niveau du dossier investisseur... Il y a différentes régions du monde, mais la Chine est certainement un marché porteur. Il y a des problèmes actuellement conjoncturels en termes d'appréciation de candidatures, de preuve de documents...

M. Boisclair: ...

M. Leblanc (Louis): O.K. Oui. Donc, pour répondre à votre question, le 4 000, pour moi, c'est clair que c'est réaliste et même possiblement un petit peu conservateur parce que je suis d'opinion... En Asie, il y a Taiwan dans laquelle il y a encore un intérêt marqué, avec toute la question entre la Chine et Taiwan qui est loin d'être réglée, et qui devrait vivre des tensions encore plus grandes, au cours des prochaines années, parce qu'on sait que Hong-kong est revenue, au 1er juillet 1997, que Macao revient au 1er juillet 1999. Il va y avoir une pression constante. La Corée du Sud demeure un marché pour nous dans lequel on est très présents, dans lequel il y a beaucoup d'intérêt. La Malaisie et l'Indonésie sont un marché qui n'est pas à dénigrer, on peut voir des choses d'intérêt aussi relativement à ces marchés-là. Donc, l'Asie dans son ensemble, pour moi, est encore un marché très, très porteur à l'égard de nos investisseurs.

M. Boisclair: Je vous rappelle bien que les chiffres qui sont là ne sont pas des quotas et que, si nous les dépassons, tant mieux, mais ce ne sont pas des quotas. Il n'y a pas, après 4 000, la porte qui se ferme, mais nous savons cependant que, pour avoir 4 000 admissions, il faut émettre davantage de CSQ. Donc, faut bien distinguer l'émission des CSQ à l'étranger, qui se traduisent, à la fin, par des admissions en sachant qu'il y a toujours des taux de déperdition qui parfois sont supérieurs à 10 % et qui vont même jusqu'à 15 %.

M. Leblanc (Louis): Oui.

M. Boisclair: Plusieurs personnes sont venues ici, devant cette commission, nous faire état des délais dans l'émission des visas par le service de visas canadien, particulièrement au SVC à Hong-kong. Plusieurs personnes nous ont dit qu'il s'agissait même là d'une atteinte aux pouvoirs qui sont conférés au Québec par l'entente Canada-Québec, puisque c'est le gouvernement du Québec seul qui a la responsabilité de la sélection. On me dit que, dans certains cas, il y a même une deuxième entrevue où on remet en cause la sélection qui a été faite par le Québec au moment d'émettre le visa. Il semble donc y avoir un problème réel dont l'ampleur demeure à être déterminée. Moi, j'ai des chiffres; le fédéral a les siens. On ne s'entend pas nécessairement sur les chiffres. Mais, au-delà de ça, là, pouvez-vous me faire état de votre expérience? Est-ce que vous avez des cas nombreux qui sont en attente d'émission d'un visa? Et est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la conséquence pour les entreprises québécoises qui attendent ces investisseurs et ces argents?

M. Leblanc (Louis): Oui, effectivement, il y a un problème que l'on vit. Vous savez, pour nous, ce qui est un petit peu difficile dans le dossier investisseur immigrant, c'est le rôle qu'on nous a dévolu il y a 10 ans, ce rôle de gestionnaire quant au placement des fonds. Mais je pense que, à cet égard-là, on s'acquitte très bien de notre tâche. Je réalise que je passe souvent les trois quarts de mon temps à essayer de régler les problèmes de procédure quant à l'acheminement des fonds au niveau des PME. Chez Lévesque, actuellement, on a arrêté de compter, mais j'ai pour à peu près 85 000 000 $ de transactions à exécuter, que je n'exécute pas parce que j'ai des délais quant à l'émission des visas pour...

M. Boisclair: Je veux bien vous comprendre, là. Les entreprises québécoises, en ce moment, sont privées de sommes allant jusqu'à 85 000 000 $ du fait que, dans des dossiers où le Québec a émis des CSQ, il n'y a pas eu d'émission de visas.

M. Leblanc (Louis): Oui. On a actuellement, nous autres, pour 85 000 000 $ de transactions dans nos livres qu'on ne peut pas exécuter, et ça, encore une fois, bon, évidemment, on veut tout le temps être prudent parce que où se situe la faute exactement, pour nous, on n'est pas des experts dans le domaine de l'immigration comme tel, sauf que ce qu'on réalise, c'est qu'il y a des délais substantiels quant à l'émission des visas.

Je vous donne un exemple bien concret. Vous parlez de réentrevue. J'ai avec moi 18 exemples, 18 dossiers de clients qui, seulement depuis le mois de juin dernier, ont reçu des CSQ du gouvernement du Québec et sont reconvoqués en entrevue fédérale. Et je vous donne un exemple bien précis, un dossier très frais. Nous avons un client chinois qui a déposé sa candidature au Québec, à la Délégation du Québec, il y a un an, en septembre 1996. En novembre 1996, Tova Lazimi, que certains d'entre vous connaissez, qui est l'officier d'immigration au gouvernement du Québec, a émis le CSQ. Donc, novembre 1996, CSQ émis. En septembre il y a deux semaines, le 4 septembre 1997, le client recevait une lettre du gouvernement fédéral lui disant: Après une révision préliminaire du dossier, nous voulons vous aviser que vous être reconvoqué pour une entrevue fédérale. Toutefois, à cause des délais, nous ne pouvons fixer votre entrevue au cours des six prochains mois. Dans l'intervalle, ne nous appelez pas.

M. Boisclair: Ah!

M. Leblanc (Louis): Ce qui s'est produit concrètement, c'est que le client a eu un CSQ au mois de novembre 1996. En septembre 1997, il recevait une lettre du fédéral lui disant: Tu sera reconvoqué en entrevue, mais je ne peux pas fixer ton entrevue avant six mois. Donc, en mars 1998 sans doute, il sera convoqué par le fédéral et il lui sera donné une date d'entrevue en mars qui sera très réalistement au cours du printemps ou de l'été. On espère recevoir son visa canadien au cours de l'automne prochain, ce qui veut dire qu'il se sera écoulé deux ans entre l'émission du CSQ et l'émission du visa canadien. Et ça, c'est des situations qu'on voit, nous, régulièrement.

Le problème qui se passe à l'heure actuelle, c'est que – même, c'est un petit peu nouveau comme phénomène – avant, on envoyait une lettre au client. Vous savez, au cours des 20 dernières années, il y avait, je dirais, le respect sacro-saint, dans le fond, de l'émission du CSQ. La reconvocation d'entrevue fédérale quand le Québec faisait son choix, c'était très rare. Il faut se comprendre, le fédéral, évidemment, c'est pour des questions statutaires, des questions de sécurité, entre autres, et on est très conscients actuellement qu'au niveau de la Chine il y a des inquiétudes, de la part du gouvernement fédéral, de savoir: Est-ce que les dossiers se qualifient relativement à la qualification des clients quant à l'investigation de sécurité? Et ça, on est d'accord avec cette situation-là, sauf que ce qu'on réalise, c'est que, depuis un an et demi – et ça, c'est nouveau comme phénomène, on n'avait jamais vu ça dans le passé – on envoie sur une base régulière des lettres de reconvocation fédérale de façon massive aux clients qui avaient déjà reçu un CSQ, et ce qu'on voulait, c'était s'assurer de la question de respect de sécurité des clients.

Mais ce que ça a fait dans le concret, c'est que ça a créé tout un goulot d'étranglement relativement à l'émission des CSQ parce que autrefois un CSQ était émis, tu pouvais t'attendre que, quatre à six mois plus tard, t'avais le visa canadien, mais là ce n'est plus du tout la réalité. Et le problème que l'on vit, nous – je quitte pour Hong-kong, en fait, ce week-end, je serai en Europe et en Asie pour le prochain mois – c'est que les gens nous disent: Écoute, nous, on n'est même plus certains si on devrait déposer une candidature au Québec parce qu'il y a tout le temps la crainte qu'on soit reconvoqués par le fédéral à l'égard du programme.

Évidemment, je veux être prudent, vous me comprendrez. Bon, on n'est pas ici pour faire le procès de qui que ce soit, mais, nous, dans un mandat de placement de fonds au niveau des PME québécoises, ce qu'on a beaucoup de difficultés à justifier à nos clients... Parce que le problème qu'on a, il faudra comprendre... Je fais, moi, pour 125 000 000 $ de financement par année, ce qui veut dire que, dans le concret, j'exécute un «closing» à tous les six à huit jours ouvrables. J'ai sur mes planches à dessin tout le temps de 10 à 12 financements qu'on regarde. Un rôle qu'on a, c'est un rôle d'arrimage de financement, de dire à une PME québécoise: Bon, bien, écoute, j'anticipe que je vais être capable de te placer ton argent dans... Excusez l'expression, tu vas avoir ton cash dans ton trois mois.

Le problème qu'on a actuellement, c'est que vis-à-vis des PME ça devient très difficile de développer un échéancier de financement parce qu'on ne sait pas quand les visas... Et on doit comprendre évidemment que le placement se fait seulement au niveau de la PME lorsque le visa canadien est émis. Et même – bon, en fait, c'est une autre recommandation accessoire – il y a un détail dans la réglementation québécoise qui, on espère, sera corrigé sous peu, que les gens du ministre connaissent, qui force l'attente que le client soit atterri au Canada avant de faire le placement.

(9 h 40)

M. Boisclair: C'est réglé, j'ai signé, j'ai modifié la réglementation.

M. Leblanc (Louis): Ah c'est vrai?

M. Boisclair: Oui.

M. Leblanc (Louis): Ah! bien, ça, c'est des bonnes nouvelles.

M. Boisclair: Ça va être prépublié bientôt.

M. Leblanc (Louis): Ah! bien, c'est des bonnes nouvelles. Bon! Des bonnes nouvelles. Le problème que l'on vit, nous, c'est au niveau des délais, et on se retrouve engorgés avec des PME québécoises. Parce que vous comprendrez que, puisqu'on a fait un financement à tous les huit jours depuis 10 ans dans toutes les régions du Québec, le point qu'on est très heureux... On doit comprendre aussi que, dans un deal d'investissement, il y a une économie de financement qui tourne à peu près 100 à 125 points de base inférieurs au taux du marché, ce qui veut dire qu'une PME québécoise aujourd'hui se finance à peu près à moins cher que Bell emprunte de la Banque Royale. C'est substantiel, hein? Vous avez vu par le profil des corporations québécoises, c'est des petites sociétés qui ont bénéficié... C'est très important pour elles. Et, quand on fait des financements, plus de 50 % de nos clients nous rappellent pour dire: Est-ce que je pourrais avoir un financement? Alors, on vit l'heureux problème d'avoir une grande demande au niveau des financements, mais il y a des délais.

Et encore une fois on est conscients qu'au niveau fédéral il y a une responsabilité quant à la matière de sécurité, et ça, on l'accepte, évidemment, Lévesque, Beaubien.

M. Boisclair: Ah! le Québec aussi.

M. Leblanc (Louis): Puis le Québec, évidemment. Bon, c'est clair. Ha, ha, ha! On ne veut pas être vus... Mais, ça étant dit, on aimerait qu'il y ait des discussions avec les gens du fédéral pour essayer d'accélérer la question et au moins, au moins d'avoir une entente, parce qu'on entend parler depuis six mois qu'il est supposé y avoir une entente, maintenant, lorsqu'un dossier est interviewé par Québec, que Québec émet un CSQ qu'on ne convoquera pas au fédéral.

M. Boisclair: Je vous arrête tout de suite. Effectivement, c'est ce que les gens des cabinets... Lorsque nous sommes en contact avec la ministre fédérale, c'est ce qu'on nous dit. La ministre fédérale est certainement de bonne fois là-dedans, sauf que les bonnes ententes tardent à se concrétiser sur le terrain.

M. Leblanc, je voudrais vous arrêter là parce que je sais qu'il y a des collègues qui veulent vous poser des questions. J'espère tout simplement que vous avez été suffisamment convaincant pour que l'opposition, une fois pour toutes, se branche dans ce dossier et appuie, avec le pouvoir qui est le sien, le gouvernement dans cette dénonciation des délais dans l'émission des visas.

M. Laporte: M. le Président, c'est dangereux.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre.

M. Laporte: Point d'ordre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez la parole, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, j'aimerais que vous rappeliez au ministre que, nos invités n'ayant pas participé ou assisté à nos échanges jusqu'ici, des propos tels que ceux qu'il tient pourraient, disons, les induire en erreur. Je n'ai pas d'objection à ce que le ministre porte des jugements de valeur sur nos performances, mais encore faudrait-il qu'il les porte devant des interlocuteurs qui sont parfaitement informés des propos que nous avons tenus de part et d'autre de cette Assemblée. Je pense qu'il y a une mesure de courtoisie en commission parlementaire, là, que vous devriez rappeler au député de Gouin. Merci.

M. Leblanc, je vous remercie pour...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Taschereau. Excusez. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: M. le Président, je ne comprends pas au nom de quel article le député d'Outremont vient de parler. S'il invoque un point d'ordre, il doit invoquer un article. Il vient tout simplement d'essayer de faire la leçon au ministre...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez raison, M. le député.

M. Gaulin: ...ce qui est discourtois.

M. Laporte: Si vous voulez, M. le Président, donnez-moi quelques minutes après mon intervention, je vais répondre à mon collègue d'en face.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous seriez mieux de le faire tout de suite parce que vous avez soulevé le point d'ordre. Donc, on va régler ça tout de suite.

M. Laporte: Bien, voulez-vous me donner les pages, M. le Président, étant donné ma juvénilité?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'ai l'impression que c'est l'article 35.

M. Laporte: L'article 35.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je ne veux pas vous inspirer, mais...

M. Laporte: Ça ne compte pas pour mon temps, là, hein? On est d'accord là-dessus, hein?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça compte sur votre temps, oui.

M. Laporte: Écoutez, il me semble que, lorsque j'ai lu le règlement, il y avait un article, dont je n'ai pas retenu le numéro, mais qui disait bien que les propos doivent être conformes à ce qui a été dit, c'est-à-dire qu'on ne peut pas déformer les propos d'un parlementaire. C'est tout. Ou on ne peut pas faire tenir à un parlementaire...

M. Boisclair: Est-ce que vous êtes pour ou contre?

M. Laporte: Pour ou contre quoi?

M. Boisclair: La position qu'il vient d'émettre.

M. Laporte: Non, non, mais, ça, c'est une autre chose.

M. Boisclair: Ah! bien, exprimez-vous.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont, votre point d'ordre a été soulevé.

M. Laporte: Si vous voulez nous sortir de la procédurite, là, je vais faire mon intervention.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Non, non, ce n'est pas moi qui ai sorti de la procédurite, c'est vous qui avez soulevé le règlement. Donc, on continue, vous avez la parole et votre point de litige a été mentionné.

M. Jutras: Et on comprend qu'il n'y en a pas, de point d'ordre, finalement, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Exact.

M. Laporte: Et le point d'ordre, le 35.6°... Évidemment on pourrait aller dans des... «...attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question; imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole», écoutez, on est dans le flou, là. Mais, moi, en tout cas, il y a des... Écoutez, je pense que je peux invoquer en toute justice le règlement pour répéter ce que j'ai dit, à savoir qu'il ne faut pas me faire dire devant des hôtes qui n'étaient pas là, lorsque je les ai dites, des choses que je n'ai pas dites.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va.

M. Laporte: Voilà, c'est tout.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): C'est souligné.

M. Laporte: Si ce n'est pas ça, disons, la civilité parlementaire, on verra bien à quoi ça vire, finalement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous rappelle, M. le député d'Outremont, que votre temps s'écoule.

M. Laporte: D'abord, je voudrais vous remercier, M. Leblanc, encore une fois pour cette excellente présentation. Évidemment, je voudrais, avant de vous poser une question, demander encore une fois au président qu'il ait la bienveillance de demander au ministre de reconnaître que le porte-parole de l'opposition est en tout temps prêt à faire des consensus avec lui sur le bien. Nous ne sommes pas contre les consensus sur le bien, nous sommes contre les consensus inconditionnels. Donc, sur les questions qu'on a discutées et dont vous nous avez fait l'exposé tantôt, il y a évidemment, de la part du porte-parole de l'opposition, un profond accord avec vous et éventuellement un profond accord avec le gouvernement. On n'est pas contre le bien, on est évidemment pour le bien.

Mais il y a aussi un autre commentaire que je voudrais faire parce que, là, vous rejoignez, M. Leblanc, mes propres propos et que le ministre s'évertue à reculer, à patiner, à nous faire dire des choses ou à dire des choses sur cette question des 4 000. Vous avez dit que c'est un petit peu conservateur. C'est ce que j'ai dit moi-même. J'ai peut-être dit «un peu», peut-être plus qu'«un petit peu conservateur». Et le ministre revient, à ce moment-là – c'est important que vous le sachiez parce que vous êtes participant dans ces échanges – en disant: Mais, vous savez, ce ne sont pas des quotas. Alors, si ce ne sont pas des quotas, est-ce que ce sont des cibles de planification? Est-ce que ce sont des cibles mobiles, comme les gens de la planification disent, des «moving targets»? Eh bien, si ce sont des cibles mobiles, M. le ministre, dites-le donc dans votre document. Demandez donc au ministre qu'il le dise dans son document.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va mieux quand vous passez par le président.

M. Laporte: Plutôt que de le dire en commission parlementaire, qu'il le dise dans le document de consultation. C'est tout ce que, moi, je demande, dans ce cas-ci. Et, s'il s'agit de cibles mobiles, qu'on l'écrive dans le document plutôt que de dire qu'il s'agit de toutes sortes de choses vagues et imprécises.

Vous avez fait des commentaires extrêmement pertinents sur le besoin d'harmoniser les interventions fédérales et les interventions provinciales. Je pense que vous avez donné au ministre un agenda pour ses prochaines rencontres avec sa vis-à-vis fédérale. Vous avez aussi mentionné que le programme du Québec est un modèle et que ce modèle est en train d'être importé. Vous avez dit, et fort justement, que, si on importe ce modèle au nom, disons, d'un mieux-faire et aussi peut-être d'une standardisation, il ne faudrait pas non plus arriver à une homogénéisation des conditions de fonctionnement. Ça, c'est le grand défi du fédéralisme canadien, et je pense que, de ce point de vue là, la déclaration de Calgary est peut-être un pas en avant. On le verra dans l'avenir. Le fédéralisme canadien doit être en mesure d'harmoniser des normes communes, des standards communs dans des conditions de diversité qu'on connaît. Et la proposition que vous faites au sujet du rattachement du montant autorisé pour entrer, pour devenir un acteur, comme vous le qualifiez, là, qui serait supérieur ou inférieur, dépendamment du taux du chômage, ça, je pense que c'est un très bel exemple.

(9 h 50)

Moi, la question que je voudrais vous poser, c'est la suivante. C'est que sommes évidemment à pouvoir prévoir que le ministre aura des rencontres, des échanges, des discussions avec sa vis-à-vis fédérale. Vous lui avez fait un bon nombre de suggestions, mais, étant donné que nous sommes déjà devant un gouvernement qui souffre péniblement de «strategic overstretch», d'une surcharge opérationnelle – il est sur tous les terrains et il se bat à la fois sur tous les terrains – je me demandais si vous auriez la gentillesse ou l'amabilité de dire au ministre ce qui vous apparaîtrait comme des changements prioritaires. Quelles seraient les priorités? Qu'est-ce qui est prioritaire à changer pour améliorer la performance du programme à la fois canadien et québécois? Qu'est-ce qui est prioritaire, ici? Parce que vous avez mentionné beaucoup de choses, mais, comme on dit en théorie de l'administration, trois priorités, c'est un peu deux priorités de trop. Donc, ce serait quoi, la priorité que vous verriez, dont le ministre pourrait se faire porteur auprès de sa vis-à-vis fédérale en matière de changement et d'amélioration des programmes?

M. Leblanc (Louis): Un seul, les délais. C'est-à-dire que le problème que l'on vit nous... Je pense qu'on s'est très bien acquittés de notre tâche en termes de sollicitation de capitaux. Je voyage, je disais, moi, depuis 10 ans maintenant, plus de 20 semaines par année à l'extérieur de Montréal. Notre clientèle est à 70 % en Asie du Sud-Est. Ce week-end, je quitte pour Paris, Monaco, Casablanca, Hong-kong, Chine, et c'est tous des territoires dans lesquels on a une clientèle. Je pense que les gens... Moi, je ne suis pas le seul, il y a d'autres personnes au Québec qui font ça. On est d'excellents démarcheurs à l'international. Une fois que l'on livre un client à la machine gouvernementale, le problème que l'on vit souvent, c'est la question du délai quant à l'aboutissement d'un dossier d'immigration. Quand je parle de délai, c'est qu'il y a une cohabitation entre le provincial et le fédéral. Le Québec est responsable de l'adjudication du dossier d'investissement, et je dirais qu'à cet égard-là on n'a pas vraiment, avec le gouvernement du Québec... Je dois le féliciter, et ça, c'est historique, au niveau du gouvernement, depuis de nombreuses années, sauf quelques exceptions. C'est relativement rapide pour l'émission du CSQ. Vous savez qu'à l'Immigration il y a deux documents officiels, il y a le CSQ et il y a le visa canadien. C'est assez rapide au niveau de l'émission du CSQ. Le problème que l'on vit, c'est récemment, et récemment, pour moi, c'est depuis un an et demi. Il y a un problème dans le collimateur fédéral en termes d'émission du visa. L'argumentation qu'on nous sert, au fédéral, c'est toute la question d'investigation, de sécurité, bon, et le reste.

Le problème que ça nous crée, c'est que, entre le moment où on signe un client et le temps où on bénéficie des fonds pour fins de placement, il n'est pas rare que les délais... En fait, on dit, nous, actuellement, que c'est un an et demi, de façon très réaliste, pour l'émission du visa parce qu'on doit comprendre qu'on doit attendre l'émission du visa fédéral pour effectuer un placement au niveau des PME québécoises. Donc, en termes de recommandation prioritaire, je dirais que les délais quant à l'aboutissement du dossier d'immigration...

Encore une fois, chez Lévesque, il est important de noter que le mandat dont j'espère qu'on s'acquitte bien, en termes de tâches, c'est un mandat de fiduciaire du gouvernement quant au placement des fonds, et là-dessus j'ai tout le temps estimé, puisque j'en suis personnellement responsable depuis sa création, que j'ai deux mandats de base. J'ai un mandat de m'assurer que les corporations que je finance... On voit d'une part à la création d'emplois, chose qu'on a... On a participé à la création de 10 000 emplois et à un deal financier qui se tient au niveau de la garantie pour que, contrairement aux autres provinces, il n'y ait pas de problème de perte d'argent, parce que vous savez que vous avez des collègues des tribunes ministérielles d'autres provinces canadiennes qui ont été mis dans l'eau chaude, depuis 10 ans, ou qu'il y a eu des scandales, ou que des gens ont perdu de l'argent. Alors, nous, on a vraiment deux choses. C'est qu'on dit: On n'a pas de problème au niveau de trouver les corporations, d'avoir un bon deal financier.

Une chose qu'on ne fait pas, c'est que Lévesque, Beaubien, Geoffrion n'a jamais, depuis 12 ans, exécuté un dossier d'immigration. L'immigration, on ne s'en occupe pas. Alors, ce qu'on dit au gouvernement, c'est que c'est le rôle gouvernemental de s'assurer, en discussion, en collaboration avec les gens du gouvernement fédéral, de l'émission du visa canadien le plus rapidement possible, dans le fond, pour que, nous, lorsqu'on prend l'argent au début et qu'on reprend la balle à la fin, on soit capables de chercher... Je pense qu'on cherche tous la même chose. Mon rôle, ma job, moi, c'est de financer les PME québécoises et de créer des jobs. C'est exactement ça. Et le plus rapidement on le fait...

On doit comprendre aussi que le dossier investisseur, pour les gens qui ne sont pas vraiment familiers, c'est un fonds d'argent neuf qui rentre de l'étranger sans aucun subside gouvernemental. Et, en termes de volume de transactions, on pense qu'on a fait plus de transactions que le Fonds de solidarité, un fonds de solidarité qui bénéficie de beaucoup de dégrèvements fiscaux. Tu contribues au fonds, t'as un deal fiscal pour ton impôt. Dans le dossier investisseur immigrant, il n'y a aucune aide fiscale quelle qu'elle soit, c'est tout de l'argent qui vient de l'étranger. On n'a pas de problème pour trouver des PME pour fins de financement. Ce qu'on veut plutôt, c'est s'assurer qu'on sera capables de placer le plus rapidement possible.

M. Laporte: Sur ça, évidemment, je suis tout à fait de votre avis et puis je souhaite vivement que vous atteigniez cet objectif. Mais, pour mon éducation, là, vous soutenez l'argument qu'il y a donc un coût de désopportunité dans cet extension du délai. Pourriez-vous me donner des exemples concrets de ce coût de désopportunité là?

M. Leblanc (Louis): Oui. Encore une fois, c'est que, lorsqu'on approche, nous...

M. Laporte: Est-ce que les investisseurs ne viennent pas, ou est-ce que les investisseurs s'en vont, ou si c'est simplement parce que l'investissement est retardé pour la PME, ou quoi?

M. Leblanc (Louis): L'investissement est retardé pour la PME. C'est ce qui se passe.

M. Laporte: Mais est-ce que vous avez perdu des investissements à cause...

M. Leblanc (Louis): Non. Bien, en fait, la question est intéressante. C'est récent qu'on a eu certains clients qui ont abandonné leur procédure d'immigration, carrément, parce qu'on doit comprendre que...

J'ouvre une parenthèse, si vous me permettez. C'est que j'étais en commission sénatoriale à Washington il y a trois ans. Nous avons participé à la création d'un programme investisseur américain. Vous êtes peut-être sans savoir qu'il existe une catégorie d'immigration aux États-Unis qui s'appelle un «EB5» et qui mène à l'obtention d'une «green card» américaine. Je dirais que la plus grande compétition qu'on va avoir au cours des prochaines années, c'est une compétition des États-Unis. Les États-Unis ont développé un programme investisseur immigrant un petit peu sur le modèle québécois, incidemment, et on a participé, nous, aux États-Unis, au Congrès américain, avec le sénateur Simpson, au développement du produit américain.

Aux États-Unis, il y a deux grands avantages, au niveau de mes recommandations, quant à la qualification des clients, si vous me permettez d'ouvrir une petite parenthèse. Dans le dossier investisseur, il y a deux qualifications, je disais: il y a une qualification sur la base de l'actif du client, mais il y a aussi une qualification relativement à l'expérience d'affaires du client, et ça, c'est un problème qu'on rencontre régulièrement parce que, vous savez, pour ouvrir un REER chez Lévesque, Beaubien, on ne vous demande pas un MBA; ce qu'on vous demande, c'est de l'argent. La même chose, à notre avis, s'applique au niveau du dossier investisseur immigrant: quand tu veux faire un dossier investisseur immigrant parce que tu donnes un mandat à un expert de l'investissement, on se demande pourquoi on doit, en plus de ça, avoir des preuves d'expérience d'affaires, et je vous dirai qu'on n'a jamais trouvé écho au Canada quant à nos prétentions, mais qu'on a trouvé écho aux États-Unis parce que le Congrès américain a suivi notre recommandation. Aux États-Unis, en termes de qualifications, il n'y a pas d'expérience d'affaires requise. Donc, ce qui se produit, c'est qu'actuellement des gens, simplement sur une base d'actif, se qualifient aux États-Unis et que les délais sont excessivement courts.

Donc, dans ce sens-là, quand je dis qu'on doit resserrer les rangs tous ensemble, ce n'est pas de lancer le blâme, à mon avis, c'est qu'on doit tous ensemble resserrer les rangs parce que la compétition qui s'en vient pour nous – on doit encore comprendre que les gens visent l'Amérique comme terre d'immigration – c'est une compétition américaine et qu'on aurait donc avantage à pouvoir resserrer les rangs quant aux délais à l'égard des dossiers.

M. Laporte: Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il vous reste encore six minutes.

M. Laporte: Juste un point, encore là, pour mon éducation personnelle, parce que, de l'autre côté, ils savent déjà tout ça, eux autres. Vous dites que la Chine est un potentiel énorme du point de vue du programme. Est-ce que vous pourriez élaborer? Vous parlez de la Chine continentale? Vous parlez de Taïwan? Vous parlez de Hong-kong?

M. Leblanc (Louis): Non, non, non, nous parlons de «PRC», nous parlons de la Chine continentale. Nous sommes très impliqués. Incidemment, je vous dirais que, mis à part les délais d'exécution de dossiers qui nous font mal actuellement, le Québec a été la première province canadienne à être activement impliquée pour la sollicitation d'investisseurs en Chine, et ça, on doit applaudir les efforts parce que ça a pris un certain courage pour... Il y a l'ex-chef de poste, M. Power, avec qui j'ai eu le plaisir... Il a été le premier à voyager en Chine et à faire la sollicitation de candidats.

On doit comprendre qu'on a souvent de fausses conceptions à l'égard de la Chine. La Chine a un taux de croissance interne de 13 % par année. La Chine, au niveau de son PNB, est passée en 10 ans du 35e au troisième rang mondial. La Chine, dans 10 ans, aura outrepassé et les États-Unis et le Japon comme la plus importante économie de la planète. Or, la Chine – l'avantage qu'on a au niveau de la symbiose avec le Québec – a 25 % de la population de la planète mais seulement 7 % des terres arables. Il y a un problème. On le lit tous, là, mais il y a un problème évident dans toute la structure de la chaîne alimentaire.

Des exemples concrets: actuellement, en Chine, on passe du riz aux céréales, le poulet est de plus en plus intégré. Donc, dans toute la question de la chaîne alimentaire, de l'industrie agroalimentaire, il y a un potentiel énorme au niveau transactionnel, et l'avantage du dossier investisseur, c'est que, passez-moi l'expression anglaise, mais on fait du «cherry picking», c'est-à-dire que, oui, on prend «the best and the brightest». Dans le dossier investisseur immigrant, nous avons eu l'immense opportunité... Nous avons actuellement plus de 40 bureaux de représentation avec qui on collabore, en Chine, dans les principales villes, dans l'ensemble du continent chinois, et ces gens-là qui viennent sont tous des gens d'affaires dans la quarantaine qui ont quelques enfants. Ils ne viennent pas ici pour prendre leur retraite, ils viennent ici pour pouvoir transiger.

(10 heures)

Et, dans ce contexte-là, le Québec, avec le dossier investisseur immigrant – et le Canada – est perçu comme étant l'endroit de prédilection en termes d'établissement. Je dirais incidemment que l'avantage du dossier investisseur immigrant, c'est l'opportunité de créer des réseaux internationaux. Ça, le dossier investisseur a été d'un grand service à cet égard-là, tant au niveau au Moyen-Orient, de l'Europe de l'Est. On est très impliqué en Russie, entre autres, à l'heure actuelle. Que ce soit en Russie, que ce soit... on crée des réseaux internationaux et ces gens-là sont intéressés, une fois qu'ils s'établissent, on place les enfants à l'école, et tout, à faire des transactions internationales. On est sur des terrains excessivement porteurs.

Je lisais, ce week-end, vous l'avez peut-être lu, dans La Presse , les pays en développement, c'est bizarre parce que c'était vraiment une liste d'épicerie d'où je voyage, c'est-à-dire que ma business, moi, on est très impliqué en Chine, on est très impliqué en Russie, on est très impliqué en Inde, un petit peu moins au Brésil, mais très impliqué en Malaisie et en Indonésie. Ce sont tous des territoires qui sont en croissance. Parce que, quand il y a une richesse personnelle qui se crée rapidement et que le pays, évidemment, ne suit pas la richesse des individus, les gens ont un désir de mieux-être pour eux-mêmes et pour leurs enfants. Les gens désirent immigrer. Mais, lorsqu'ils immigrent, ils amènent avec eux des réseaux incroyables d'opportunités au niveau de transactions.

Donc, un argument qu'on a tout le temps défendu au ministère de l'Immigration, c'est de dire: S'il vous plaît, évidemment, on vous supplie, oui, on le sait que c'est sous l'égide du ministère de l'Immigration, mais il y a une composante économique capitale au dossier investisseur immigrant. On a parfois l'impression qu'on a passé un petit peu sous silence ou qu'on n'a pas vraiment regardé le bénéfice économique du dossier investisseur immigrant parce que c'était dans un module d'immigration, mais on doit regarder les bénéfices concrets au niveau des investissements et l'opportunité exceptionnelle de créer des réseaux à l'international pour faire des transactions pour les PME québécoises.

M. Laporte: Pour terminer, est-ce que vous avez identifié d'autres obstacles qui ne seraient pas, disons, directement liés à ce dont il a été question jusqu'ici, à savoir le fonctionnement des programmes, les relations interbureaucratiques? Y a-t-il d'autre chose dans la réglementation québécoise qui, à votre avis, est un désincitatif pour venir s'implanter au Québec pour les immigrants dont vous parlez?

M. Leblanc (Louis): Non. Je vous dirai qu'au niveau de la réalité de dossier investisseur le problème, en fait, c'est que la législation québécoise doit être de pair avec la législation fédérale. Donc, c'est évident qu'il pourrait y avoir des fois... Donc, les recommandations qu'on pourrait mettre de l'avant doivent recevoir l'assentiment du fédéral.

Un exemple bien concret, bien précis pour répondre à votre question. Je vous disais plus tôt qu'il va y avoir une concurrence américaine. La concurrence américaine va nous venir pour une raison, parce que, aux États-Unis, tu n'as pas besoin d'expérience d'affaires pour qualifier; ta seule qualification, c'est une qualification sur une base d'actifs. Je donne un exemple concret. Un directeur d'une banque, la Hong-kong Bank dans Central à Hong-kong, ne qualifie pas dans le dossier investisseur parce qu'il ne gère pas activement l'entreprise. Un avocat, un ingénieur ne qualifie pas dans le dossier investisseur immigrant parce qu'il ne fait pas la gestion active d'une entreprise. C'est un problème, alors qu'au niveau américain ça ne se produit pas.

Je vous dirais donc, si vous me demandez des problèmes en termes de sollicitation, c'est clair que la règle... Actuellement, la règle d'expérience d'affaires, il n'y a personne qui nous concurrence à cet égard-là, mais, aux États-Unis, ce qu'on voit, nous, actuellement, c'est que, parce qu'il n'y a pas cette règle d'expérience d'affaires... On donne un exemple d'un dossier qui nous a été refusé récemment. Un ingénieur de OOCL, qui est la grande compagnie de transport maritime de Hong-kong, 20 ans d'expérience, bon, a été refusé, et c'est compréhensible, parce qu'il n'avait pas l'expérience d'affaires, il n'avait pas géré des budgets comme il devait. Il a été refusé comme candidat d'immigration, mais c'est un client, évidemment, qui est accepté haut la main aux États-Unis. Alors, ce qui va se produire en termes de mouvance aussi, c'est qu'il pourrait y avoir un déplacement qui va se produire à l'égard des États-Unis.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, alors...

M. Laporte: M. le Président, si vous permettez...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Excusez.

M. Laporte: Un point d'ordre, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui.

M. Laporte: Avant que nous ayons l'intervention...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En vertu de quel article?

M. Laporte: L'article 35.5°, dont nous avons parlé tantôt. Je voudrais faire un point d'ordre, M. le Président. Nous revenons donc sur une situation antérieure. L'article 35.5°...

M. Jutras: M. le Président, je m'objecte à cette façon de procéder, que je trouve tout à fait incorrecte. Tantôt, il a voulu soulever son point d'ordre durant son temps. Il s'est aperçu qu'effectivement, comme on dit, il mangeait son temps, et là, maintenant que c'est à moi à intervenir, M. le Président, mon collègue soulève son point d'ordre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez raison.

M. Jutras: Il parlait tantôt de façon de procéder qui n'est pas courtoise. Ça, je considère que c'en est une, M. le Président, et je trouve ça choquant comme façon de procéder et tout à fait incorrect.

M. Laporte: M. le Président...

M. Jutras: Je vous demande, M. le Président, de ne pas recevoir ce point d'ordre là et qu'on procède immédiatement à continuer à entendre M. Leblanc.

M. Laporte: M. le Président, j'ai le plus grand respect pour votre autorité, mais je vous demanderais néanmoins de bien vouloir trancher un litige. Pour trancher ce litige, il va bien falloir que vous consentiez à m'entendre, à moins que...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y rapidement.

M. Laporte: ...évidemment, votre opinion soit déjà faite.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y rapidement, et ne supposez pas de mon opinion avant de vous avoir entendu.

M. Laporte: Vous êtes le président de la commission et c'est donc à vous que revient le devoir et la responsabilité d'interpréter le règlement. Or, le ministre, en vertu de l'article 35 qui se lit: «Attaquer la conduite d'un député, si ce n'est pas une motion mettant sa conduite en question»... Lorsque le député de Gouin et ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration s'acharne à vouloir m'imputer, m'attribuer des motifs concernant mon adhésion ou ma non-adhésion au consensus, eh bien, vous interprétez ça, M. le Président – et c'est à vous de le faire – comme étant une attaque, attaquer la conduite d'un député?

Moi, en tout cas, personnellement, je ne suis pas du genre paranoïaque, n'est-ce pas, mais je me sens attaqué. Je vous en informe, M. le Président, et je souhaiterais vivement, j'apprécierais qu'à un moment donné vous rendiez une décision là-dessus, puisqu'on est en présence d'un processus, d'un comportement qui dure depuis trois jours et que, comme on dit en langage populaire, j'ai mon voyage. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. C'est bien entendu, M. le député d'Outremont. J'ai bien entendu aussi votre remarque à propos de l'article 35.5°. Je ne pense pas qu'à ce moment-ci le ministre ait attaqué la conduite d'un député. Parce que attaquer la conduite d'un député, là, c'est quand même assez sérieux. Écoutez, je pense que c'est un peu exagéré. Depuis le début de nos travaux, nous avons essayé d'entendre tous les gens des deux côtés ici puis nos invités dans la plus grande tolérance. D'ailleurs, vous avez parlé de tolérance hier, je vous demanderais d'en avoir aussi à l'égard de nos invités. Merci.

M. Laporte: M. le Président...

M. Jutras: M. le Président...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Drummond, vous avez la parole.

M. Laporte: La plus grande vigilance.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Ça va.

M. Jutras: Alors, M. Leblanc, bienvenue à notre commission. D'abord, moi, il y a une chose qui m'a frappé quand j'ai lu votre rapport, à la page 6, là, quand vous disiez – et vous parlez au nom de votre firme Lévesque, Beaubien: «Nous sommes fiers d'indiquer que tous les investisseurs ont récupéré la totalité de leurs fonds et des intérêts que leur placement leur a rapporté.» Je voulais vous féliciter. Finalement, on parle d'une note parfaite de 100 %. Dans le domaine de l'investissement, je pense que c'est d'autant plus méritoire. Et je comprends aussi pourquoi vous plaidez si bien en faveur de ce programme-là. Je pense bien que les résultats que vous avez obtenus sont très significatifs, et je vous en félicite. C'était la première remarque que je voulais vous faire.

J'ai deux, trois questions à vous poser. Vous avez parlé de la question des délais pour obtenir les visas de la part du gouvernement fédéral. Ce n'est pas la première fois qu'on en parle ici, à cette commission. Nous avons reçu des représentants de l'Association du Barreau canadien qui nous ont dit comme vous aussi, que, à cause de cette exigence du fédéral, de ces doubles entrevues qui sont commencées depuis 18 mois, deux ans, aisément les délais sont prolongés de 18 à 24 mois. Alors, là, on parle d'argent, on parle d'investissement que des gens veulent faire. On peut comprendre aisément que ça peut décourager des investisseurs. Cependant, vous avez dit une chose, vous avez dit que les délais aux États-Unis sont beaucoup plus courts, et évidemment ça facilite les choses. De quel ordre sont-ils, les délais, aux États-Unis?

M. Leblanc (Louis): L'exécution d'un dossier d'immigration entre – l'expression américaine, c'est «you have to file a petition» – déposer l'application au bureau régional aux États-Unis, à Laguna Miguel en Californie, par exemple, jusqu'à l'émission de la «green card», du «lining packet» qui est le document d'atterrissage aux États-Unis peut prendre six mois.

M. Jutras: Six mois.

M. Leblanc (Louis): De six à huit mois. Et on parle d'augmenter les effectifs actuellement dans les postes consultaires américains. Ça pourrait encore diminuer.

M. Jutras: Et je vous ai bien compris, vous nous avez dit tantôt que cette façon de faire, entre autres, par rapport au dossier de la Chine et par rapport au dossier Hong-kong, c'est régulier maintenant? Ça se fait sur une base quotidienne, si on veut, dans pratiquement tous les dossiers?

M. Leblanc (Louis): Bien, c'est-à-dire qu'il y a eu une époque où on a fait une convocation massive de candidats pour lesquels les CSQ avaient été émis jusqu'au moment où, à ce que j'en comprends – et là, encore une fois, c'est un petit peu nébuleux pour nous, parce qu'on n'est pas dans le concret de l'immigration – il y aurait eu une entente avec le fédéral par laquelle on convenait des preuves documentaires à être demandées au client. Parce que ce qui se passait avant, c'est que Québec acceptait et le fédéral reconvoquait sans même demander avant... Le chef de poste d'Hong-kong dire: Écoute, avant de te convoquer, parce qu'on a des doutes sur des dossiers, si tu as des dossiers chez toi, soumets-les-moi. Je vais les évaluer. Et, si le doute persiste, on va convoquer le client. Le fédéral reconvoquait le client sans demander au poste consulaire fédéral en termes de dossier.

(10 h 10)

Maintenant, il semble que... Parce qu'on en a parlé évidemment aux gens du fédéral, et je pense qu'il y a de la bonne foi. Ce que j'entends, moi, et je veux le mentionner publiquement, je sens, au niveau du cabinet fédéral, qu'il y a certainement de la bonne foi. Il faut être prudent là-dessus. Le problème, c'est beaucoup plus au niveau de l'appareil gouvernemental. Dans l'appareil à l'étranger, on sent qu'il y a de la résistance et de l'incompréhension à cause de tous les postes consulaires à l'étranger. Encore aujourd'hui – j'ai l'exemple depuis le mois de juin seulement; on est en septembre – nous avons – j'en ai demandé et je pourrais en avoir beaucoup plus – 18 dossiers exclusivement de clients où les CSQ ont été émis et qui sont reconvoqués en entrevue fédérale, juste au cours de l'été. Et on me dit: Ça fait six mois qu'on est supposé avoir un deal.

Il faut comprendre qu'en immigration on travaille avec des agents d'immigration. Les agents me disent: Écoute, moi, ce que je veux savoir, là, c'est, d'entrée de scène, c'est quoi, la règle. Si la règle, c'est déposé au Québec, je vais être interviewé et je vais être reconvoqué par le fédéral, c'est correct. Ce n'est pas si pire que ça, pourvu que tu m'en avises. Mais, si le deal d'affaires, c'est que, quand je dépose au Québec, sauf pour exception, je suis convoqué au fédéral, ce qui se produit, c'est que le client chinois, puis comme tous les clients, vous pouvez facilement vous imaginez...

M. Boisclair: M. Leblanc, je voudrais juste vous...

M. Leblanc (Louis): Oui.

M. Boisclair: Parce que cet exemple-là est important, mais je voudrais juste conclure.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre, en vous rappelant qu'il vous reste deux minutes.

M. Boisclair: C'est ça. En conclure sur une chose, parce que c'est une question de temps. Je m'excuse de vous interrompre.

M. Leblanc (Louis): Oui, allez-y.

M. Boisclair: Je suis d'accord avec vous sur la bonne foi de la ministre fédérale dans cette question. Nous avons des contacts avec elle et elle aussi semble déplorer les choses. Sauf que je tiens à dire ici publiquement et aux membres de la commission: Devant les faits que vous venez de porter à mon attention, où j'apprends que, dans certains cas, c'est deux ans de délai entre l'émission du CSQ et l'obtention du visa; lorsque j'apprends que 85 000 000 $ dorment dans les coffres à l'étranger, de l'argent qu'on pourrait immédiatement investir et qui pourrait profiter au développement économique du Québec et pourrait profiter à la création d'emplois; lorsque j'apprends que, dans certains cas, des clients qui se seraient destinés au Québec se destinent ailleurs ou même abandonnent leur projet d'immigration, est-ce que vous pourriez convenir avec moi et est-ce que vous ne croyez pas qu'il est opportun d'appuyer cette idée et de demander à Mme Robillard d'émettre des directives claires sur cette question, qu'elle les rende publiques pour que cesse ce processus administratif qui pénalise le Québec?

M. Leblanc (Louis): En fait, ce qu'on demande, nous, simplement...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Leblanc (Louis): Pardon?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Leblanc (Louis): ... – oui, oui – étant du secteur privé, ce qu'on demande, c'est que vous vous entendiez. On fait la job, nous, de sollicitation.

M. Boisclair: On s'entend, mais là il n'y a pas de résultat. La ministre et moi, nous nous entendons, mais il n'y a pas de résultat.

M. Leblanc (Louis): C'est ça.

M. Boisclair: Alors, ce que je demande, c'est que rapidement elle émette les directives, qu'elle les rende publiques pour que le Québec cesse d'être pénalisé par un traitement administratif qui est injuste. C'est 85 000 000 $ qui dorment dans les coffres à l'étranger. J'espère que cette situation sera réglée rapidement avec votre appui et, je l'espère, si j'ai bien compris, avec l'appui du député d'Outremont.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Leblanc (Louis): Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. Leblanc. Merci de votre contribution à notre commission. Et nous allons suspendre pendant deux minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 14)

(Reprise à 10 h 22)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je souhaite la bienvenue aux représentantes de ville de Laval, en vous rappelant, mesdames, que nous avons une heure ensemble. Normalement, votre présentation dure environ 20 minutes, et le temps se partage également entre les deux côtés de la présidence. Je vous demanderais de vous présenter, une ou l'autre, et de présenter l'autre, si possible.


Ville de Laval

Mme Hascoat (Monique): Alors, Monique Hascoat, assistante-directrice du Service de la culture, des loisirs et de la vie communautaire de ville de Laval, représentante du cabinet du maire ici aujourd'hui. Je vous présente Rachida Abdouz, qui n'est pas une employée de ville de Laval, mais qui est la coordonnatrice d'un projet qui s'appelle Ensemble à Laval et qui est un projet dont la ville est promoteur.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bienvenue, mesdames.

Mme Hascoat (Monique): M. le ministre, membres de la commission, les autorités de la ville de Laval remercient vivement le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de son invitation à participer à cet exercice de prévision et de planification. Le secteur municipal est concerné par la question de l'accueil des nouveaux arrivants à un double titre: celui de partenaire public et celui de milieu de vie. C'est donc avec intérêt que nous avons examiné le document intitulé Prévoir et planifier . Nous tenons à en souligner la qualité et le souci manifeste de cohérence avec les nouvelles orientations gouvernementales en matière de relations civiques et interculturelles.

Si nous avons choisi de participer à cet exercice de consultation publique sur le pouvoir du Québec en matière d'immigration, ce n'est certainement pas en qualité de spécialistes en immigration, et j'attire votre attention là-dessus. Nous avons effectué cet exercice à la lumière des préoccupations qui nous animent en tant que milieu de vie. Notre souci est d'accueillir adéquatement, d'intégrer rapidement et de faire participer pleinement tous les citoyens au mieux-être de leur collectivité.

Afin de respecter les objectifs de consultation, le présent mémoire comprend trois volets: un portrait ethnoculturel de la région de Laval, un aperçu de la philosophie et des moyens mis en oeuvre à Laval en ce qui a trait à la gestion de la diversité et des commentaires relatifs aux cinq orientations gouvernementales soumises à la consultation publique.

Premier point: la diversité ethnoculturelle à Laval, données quantitatives. Je passerai assez rapidement sur les chiffres, afin de vous épargner un exercice de mémorisation que vous avez, de toute façon, sous les yeux. Je préciserai seulement que la proportion de Lavallois se déclarant d'une origine autre que française ou britannique est passée de 16 % en 1981 à 26,6 % en 1991, que la participation de la clientèle immigrante à la vie économique de la région est importante malgré qu'elle affiche un taux de chômage plus élevé que celui du reste de la population lavalloise, que dans le secteur de Chomedey la proportion d'allophones est de 66 %.

Deuxième point: la gestion de la diversité à Laval. Si j'aborde cette question, ce n'est pas du tout pour sortir du sujet, mais pour que les membres de cette commission comprennent notre position par rapport aux orientations sur lesquelles on discute aujourd'hui. Donc, ce point comprend deux volets: l'approche et les moyens mis en oeuvre.

Premièrement, l'approche. Un accent sur la personne, sans distinction, exclusion ou préférence. À Laval, nous plaçons le citoyen au centre de nos préoccupations, et ce n'est pas que des mots, je tiens à vous le dire. Cette orientation s'appuie sur les conclusions du Sommet de la personne qui s'est tenu en 1990 pour souligner le 25e anniversaire de la fusion des 14 municipalités. Notre organisation se veut humaine, guidée par des choix démocratiques, au service de la communauté pour harmoniser le milieu de vie. Notre projet collectif est exprimé par l'ensemble des personnes qui composent la communauté lavalloise, quelle que soit sa culture d'origine.

Deuxièmement, une intégration axée sur le quartier, milieu d'accueil et milieu de vie. À Laval, nous croyons sincèrement à la dynamique des quartiers. Nous sommes conscients que seuls les milieux de vie sont capables d'assumer adéquatement l'accueil et l'intégration des personnes de toute origine à la communauté locale. Aussi, à Laval, une tradition de concertation et de participation. Laval préconise une concertation entre tous les partenaires publics, privés et communautaires afin de tisser de nouvelles solidarités et de trouver les réponses aux besoins de tous les citoyens lavallois. Le projet Ensemble à Laval dont il sera question un peu plus loin en est une preuve très éloquente, de cette philosophie.

Les moyens mis en oeuvre. Laval connaît un dynamisme communautaire et socioculturel considérable dont nous ne dégageons ci-après que quelques exemples susceptibles d'illustrer les notions d'accueil et d'intégration telles qu'appliquées dans notre région.

Alors, premier exemple: les tables de coopération. Des tables de coopération régionale par groupes d'âge qui ont pour principal mandat de recueillir, d'analyser, de faire connaître et de fournir des avis quant aux besoins des personnes et des organismes concernés par chacun des groupes d'âge, enfance, adolescence, jeunes adultes, adultes et aînés; des tables de coopération locale, multisectorielles, intergénérationnelles qui ont pour principal mandat de soutenir la coopération en matière de vie communautaire sur le plan local. Les deux catégories de tables sont chapeautées par un conseil de la vie communautaire qui relève directement du comité exécutif de ville de Laval. Ces tables marquent notre souci d'inviter tous les citoyens à la participation sur la base de leur volonté de s'engager et non sur la base de leurs caractéristiques socioéconomiques, culturelles, ethniques ou autres.

Deuxième exemple de projet: le projet Ensemble à Laval. Ce projet dont la ville de Laval est promoteur réunit des partenaires des secteurs public, privé et communautaire et favorise l'apprentissage et l'exercice de la participation civique chez les Lavallois d'adoption. Dans le cas du projet-pilote en cours de réalisation, plusieurs activités seront expérimentées en vue de susciter l'adhésion des nouveaux citoyens aux valeurs de leur communauté d'accueil et de favoriser leur pleine participation à l'amélioration de leur milieu de vie. Parmi les activités envisagées en ce qui a trait notamment au volet accueil et soutien à l'établissement, il faut souligner la formation de comités d'accueil de quartier. Ces derniers seront non seulement chargés d'accueillir les nouveaux arrivants et de les informer sur les ressources de leur milieu, mais également, et c'est très important, de les outiller et de les encourager à s'investir dans la communauté.

Troisième exemple: les bureaux municipaux de loisirs. Déjà, en 1984, la ville de Laval mettait sur pied six bureaux municipaux de loisirs destinés à rapprocher les services de la ville des citoyens. Cette initiative amorçait déjà l'approche par quartier que l'on privilégie aujourd'hui. D'ici peu, nous aurons chez nous ce qu'on appelle des CIVIQ, c'est les Centres d'information et de vie de quartier.

(10 h 30)

Quatrième exemple: l'intégration par le décloisonnement des clientèles. À Laval, nous préconisons l'intégration par le partage d'activités et des lieux, de services entre nouveaux arrivants et citoyens de longue date. Un exemple, le changement de vocation du Centre communautaire du Sablon illustre tout à fait cette approche. Autrefois destiné à offrir des services exclusivement à la communauté juive, cet organisme s'est transformé sous l'impulsion du milieu en un centre communautaire de quartier où se côtoient des personnes de toute origine.

Cinquième exemple: le développement social à l'échelle locale. L'intégration par la lutte à la marginalisation sous toutes ses formes constitue une de nos priorités. Nous avons donc choisi de mener des actions de développement directement dans les milieux de vie. À Laval, le développement social à l'échelle locale est une approche que nous privilégions et que nous adoptons de plus en plus. Ce concept vise la prise en charge du milieu par le milieu ainsi que la prise en charge individuelle des problèmes par ceux-là qui les vivent. C'est pourquoi nous considérons qu'il s'agit là d'un moyen qui favorise largement la participation de tous et d'une solution intéressante pour l'intégration de toute personne marginalisée. Dans le dossier de l'immigration plus particulièrement, nous invitons tous les citoyens issus de tous les groupes ethnoculturels à bâtir avec la communauté d'accueil une région où la cohésion sociale et l'harmonie existent. L'approche locale sera ainsi favorisée dans les quartiers où l'on retrouve une concentration de personnes immigrantes.

Troisième point: avis sur les cinq orientations ministérielles soumises à la consultation. Comme vous l'avez sûrement constaté à la lecture de notre mémoire, nous souscrivons dans l'ensemble aux cinq orientations mises de l'avant par le MRCI.

Orientation 1. «Viser... une croissance graduelle de la proportion des immigrants indépendants...» Nous souscrivons aux motifs qui sous-tendent cette orientation. En effet, nous croyons que cette catégorie d'immigrants doit avoir sa juste part dans les prévisions ministérielles. Plus l'immigration indépendante sera planifiée en fonction de critères précis et rigoureux, plus sa contribution au dynamisme socioéconomique et son insertion socioprofessionnelle seront mieux assurées.

Orientation 2. «Optimiser... la proportion des immigrants connaissant le français au moment de leur admission au Québec...» Nous partageons les arguments économiques et socioculturels sur lesquels s'appuie cette orientation, à savoir: les économies enregistrées au chapitre de la francisation, argument non négligeable en période de compressions budgétaires; les retombées à moyen terme quant à la connaissance du français chez les immigrants au titre de la réunification familiale.

Orientation 3. «Consacrer les efforts... pour maintenir à son niveau des récentes années le volume des réfugiés...» À Laval, nous prenons la solidarité sous ses multiples formes: locale, régionale, interculturelle et intergénérationnelle. Par conséquent, nous ne pouvons être insensibles aux populations en détresse et nous sommes des tenants de la solidarité internationale. À ce chapitre, nous partageons tout particulièrement le souci d'accueillir mieux plutôt que d'accueillir plus.

Orientation 4. «Viser à maintenir le niveau d'admission... pour les immigrants de la sous-catégorie des gens d'affaires.» Nous partageons également les arguments économiques sur lesquels s'appuie cette orientation, à savoir: les bénéfices économiques attendus de cette catégorie d'immigrants; la grande autonomie de ces derniers dans leur processus d'insertion économique.

Orientation 5. «Faire progresser le volume d'admission... de la sous-catégorie des travailleurs...» Nous partageons cette orientation en autant que la réalité du marché de l'emploi soit prise en considération et qu'un équilibre soit assuré entre la capacité d'accueil et le volume des admissions.

En conclusion, nous réitérons qu'il est important que l'accent soit mis davantage sur la dimension qualitative que quantitative. En effet, c'est par une planification réaliste et responsable qu'on pourra assurer la cohésion du tissu social tout en offrant un accueil adéquat aux nouveaux arrivants. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Madame. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, je voudrais vous remercier de votre présence, de votre contribution. J'aurais le goût de paraphraser un entraîneur de hockey qui a fait vedette ici dans la capitale et de vous dire: Je vous engage. Je vous sais cependant déjà engagées. Je vous sais engagées sur le terrain à ville de Laval. Je vous sais engagées aussi à bâtir à Laval et au Québec, à travailler à bâtir une société où l'exclusion zéro est quelque chose qui est plus qu'un principe et que vous essayez concrètement de traduire dans l'action, dans des gestes.

Je voudrais tout simplement publiquement, ici, en commission parlementaire, dans nos institutions, devant nos collègues qui vous ont entendue, vous dire jusqu'à quel point nous sommes privilégiés de vous avoir comme partenaire au ministère, la ville de Laval. Je devrais dire aussi les personnes qui l'animent parce que ce n'est pas uniquement des institutions, ce sont des gens, des hommes et des femmes qui façonnent ces institutions et je voudrais avant tout, je pense, souligner votre engagement personnel à vous deux, à toutes deux, qui se traduit bien sûr à ville de Laval, peut-être un jour, dans d'autres instances, dans d'autres lieux, mais je sais que votre combat sera toujours le même. Donc, merci pour cette présentation.

Je comprends que vous vous prononcez de façon favorable sur les cinq orientations qui sont proposées. Vous nous avez fait un tableau fort intéressant des initiatives qui étaient prises à ville de Laval pour veiller justement à cette meilleure intégration, toujours dans une perspective de relations civiques et sociales.

J'aimerais peut-être que vous nous éclairiez sur des outils dont une municipalité comme celle de Laval aurait peut-être besoin pour continuer à jouer ce rôle. En somme, est-ce que, sur le plan institutionnel, les relations entre le ministère et ville de Laval pourraient s'améliorer? Je sais que les relations dans les faits de tous les jours avec notre direction régionale, avec l'équipe sous-ministérielle, avec le ministre – je l'espère – les choses vont bien, mais est-ce que sur le plan institutionnel je pourrais vous donner davantage d'outils pour que vous puissiez donner davantage d'ampleur à votre projet, ou si les outils qui sont à votre disposition, comme l'entente spécifique, vous apparaissent suffisants?

Mme Hascoat (Monique): Bon, des outils, on en a toujours sûrement besoin, mais l'outil, pour moi, le plus important de tous, c'est que vous nous appuyez dans notre démarche. Vous savez qu'on est la seule ville au Québec qui a cette approche citoyen, et ce, depuis des années.

Depuis 1990, il y avait à Laval, et ça a siégé pendant trois ans, un conseil consultatif multiculturel sur lequel siégeaient des gens de tous les milieux, et la réponse a été: Non, on ne mettra pas l'accent sur la différence; on va mettre l'accent sur ce qui nous rassemble, c'est le fait d'être un citoyen. Et ça, pour nous, plus vous allez le dire haut et fort, plus ça va nous appuyer. C'est une approche, comme je vous dis, que, nous, on met en pratique au quotidien, même avec notre personnel.

Je vous dirais, pour être en charge comme assistante-directrice d'un service qui est le service le plus près des citoyens, c'est le Service de la culture, des loisirs et de la vie communautaire, on travaille au quotidien – et à Laval il y a quelque 700 organismes communautaires – et même au quotidien, auprès de notre personnel, je vous dirais, c'est vraiment très, très concret ce que je vous dis là-dessus: c'est l'obsession du citoyen. Quand je rencontre mon personnel, je leur dis: On est dans l'ère des «c», tous les mots qui commencent par c. Le premier, c'est citoyen. Et, quand je leur dis que leur première job, c'est le citoyen, et, si comme bénéfice indirect ils ont un salaire, bien tant mieux pour eux. Mais ça, et je vous le dis, c'est au quotidien. La réponse au téléphone, à tout point de vue, c'est l'obsession du citoyen, et ça, vous pouvez le vérifier n'importe quand.

Donc, ce dont on a besoin, cette approche civique, comme je dis, qu'on préconise, nous...

M. Boisclair: Continuez vos trois «c», là, parce que, moi, je les connais, mais ce n'est pas tout le monde qui les connaît.

Mme Hascoat (Monique): Ah, les trois «c». Bien, il y en avait plus que trois. Il y avait sûrement...

M. Boisclair: L'ère des «c», là, continuez.

Mme Hascoat (Monique): L'ère des «c». Ah bon, j'aurais dû vous les apporter.

M. Boisclair: Citoyen...

Mme Hascoat (Monique): Citoyen. C'était aussi pour nous, pour mes employés, le climat de travail. Il est bien clair que, si on n'a pas un bon climat de travail pour servir les citoyens, on n'y arrive pas. Il y avait évidemment des termes comme «communication», «coopération» – qu'est-ce qu'il y avait d'autres? J'aurais dû les sortir; il y en avait une douzaine, je pense. Mais, comme je vous dis, le premier a toujours été le citoyen. Puis, comme je vous dis, bien le climat qui nous anime, parce que, si on n'y croit pas, si on n'a pas... Aussi, il y avait un mot qui était très important, c'était le mot «cohérence». À Laval, ça, je peux vous dire que, au niveau des orientations, il y a eu un sommet de la personne. Très peu de villes ont tenu un sommet de la sorte. Le titre, c'est le Sommet de la personne. Ce n'est pas un sommet socioéconomique; c'est vraiment axé sur les citoyens.

(10 h 40)

On a fait une grande consultation – c'était en 1990, 1991, 1992; quand même, ça a duré quelques années – où on est allé chercher le pouls de tous les gens, et c'était carrément axé sur la qualité de vie. Ils ont mis en place, suite à ce sommet de la personne, la direction de la vie communautaire; ça non plus ce n'est pas innocent. C'est tout axé sur la qualité de vie et, quand je suis rentrée en poste, mon travail était de faire en sorte que cette ville soit humaine. Et je peux vous dire qu'il y avait une série de recommandations, et c'est rendu très, très, très avancé.

M. Boisclair: Je voudrais juste bien vous comprendre, là. Au niveau des outils, l'entente spécifique vous apparaît être un mécanisme de concertation institutionnelle entre la ville, ses partenaires et le ministère, qui vous apparaît satisfaisant, qui vous apparaît porter fruit.

Mme Hascoat (Monique): Bon, c'est très bien parti, et ce projet-là qui, ensemble, à Laval, a été initié donc, comme je vous ai dit, par ville de Laval... Et là, pour nous, il était très clair: on ne voulait pas travailler seul. D'ailleurs, vous le savez sûrement, que la ville de la concertation, c'est ville de Laval; on ne fait jamais rien seul.

On avait donc une philosophie intéressante d'intervention et là on s'est dit: On ne la fera pas seul. On est allé chercher des partenaires. Et je vais vous dire la première question qu'on leur a posée. D'abord, on leur a fait part de notre philosophie. La première chose qu'on leur a vendue, c'était une adhésion à la philosophie. Par la suite, on leur a dit: Maintenant que vous adhérez, maintenant vous allez payer. On ne voulait pas des commanditaires, on voulait de réels partenaires. Et c'est ça finalement qu'on est allé chercher; je vais vous les nommer, ça vaut la peine. Ils proviennent de tous les milieux.

Alors, donc on a eu un montant d'argent dans le cadre de l'entente spécifique qui vient du ministère des Relations avec les citoyens, un montant de 25 000 $. Et là, on s'est dit: Nous on veut embaucher quelqu'un, puis pas n'importe qui. On est allé chercher une des meilleures, qui est Rachida Abdouz, je pense qui est connue par bien des gens.

M. Boisclair: Elle s'intéresse à la francisation beaucoup.

Mme Hascoat (Monique): Alors donc, on est allé chercher le Secrétariat au développement des régions, qui est aujourd'hui le ministère de la Métropole; la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, compte tenu que l'emploi évidemment on sait que c'est une préoccupation; Hydro-Québec; le Conseil de développement régional de Laval, le ministère donc; la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval, on sait aussi que toute l'accessibilité aux soins de santé, c'est aussi une préoccupation; l'Association des commissions scolaires Laval-Laurentides-Lanaudière, si on veut travailler notre approche civique. Nous, on travaille au niveau de l'exercice de la citoyenneté, mais il faudrait aussi travailler au niveau de l'apprentissage de la vie civique, donc il faut commencer à travailler avec les écoles; Centraide Montréal aussi, comme partenaire financier; et bien sûr, les organismes communautaires.

Alors donc, adhésion à la philosophie et ensuite... Et là, on est rendu à travailler et à mettre en place ce projet. Nous avons des choses très intéressantes à ce niveau. Je pense qu'avant de quitter je vais vous laisser un document que Rachida vient de réaliser et qui va tout à fait dans le sens de vos orientations. On reconnaît que l'immigrant, lorsqu'il arrive, on a toujours parlé d'adaptation, de support à l'établissement, et tout, mais on a dit qu'il faut qu'il parte. Et c'est un mouvement de l'accessibilité à la participation, sachant qu'il y a des paliers à gravir. Alors, les paliers... Dans le fond, je devrais laisser Rachida parler de ce beau projet qui lui appartient, n'est-ce pas? Veux-tu en parler, Rachida?

Mme Abdouz (Rachida): Excusez-moi, j'ai une grosse grippe, moi aussi, sauf que ce n'est pas ce qui m'empêche de parler. Par contre, mon chum est très content quand je rentre le soir, je parle moins. Pardon.

M. Boisclair: Vous ne pourrez pas le tirer, Mme.

Mme Abdouz (Rachida): Je le laisse là?

Une voix: Oui, oui.

Mme Abdouz (Rachida): D'accord. Voilà. Je pense que, comme vous aurez le document, vous aurez l'occasion de prendre connaissance des éléments. Je voudrais peut-être répondre à la question de M. Boisclair qui nous demandait, de façon concrète, dans son milieu, quels seraient les outils que son personnel pourrait peut-être mettre à la disposition des milieux de vie, donc des milieux accueillants, pour favoriser un meilleur accueil et une intégration adéquate. Plus particulièrement pour la catégorie des immigrants indépendants, sur lesquels le Québec a les pleins pouvoirs, je pense qu'il est important que le personnel du ministère sur place, en tout cas les responsables de la sélection sur place, mettent l'accent davantage, étant donné le contexte économique, sur les difficultés économiques qui pourraient être rencontrées et donc dresser un portrait accueillant et ouvert, mais aussi un portrait réaliste et non complaisant de la réalité socioéconomique québécoise nord-américaine, et de toutes les sociétés d'accueil, de toute façon, de façon à ce que les personnes prennent une décision éclairée.

Il y a des personnes qui feront le choix de venir dans une société démocratique au détriment de leur confort matériel, il y a des personnes qui font ce choix-là. Il y a des personnes qui ne le font pas. Et je rencontre quotidiennement des personnes qui me disent, pour parler en bon français: Si j'aurais su, j'aurais pas venu; ma vie n'était pas en danger, si j'avais su, je ne serais pas venu. Donc, ma vie n'était pas en danger et, si j'avais su que le coût économique et social serait aussi énorme, je n'aurais peut-être pas sacrifié un semblant de confort dans mon pays d'origine. Je ne dis pas que c'est le cas pour tout le monde, il y a des personnes qui choisissent d'autres facteurs que les facteurs économiques pour décider du pays où ils veulent vivre, mais je pense que c'est important peut-être que le ministère fasse un effort d'information non complaisante dans les pays d'origine pour cette catégorie-là, parce que je sais bien que, pour les réfugiés, ils n'ont pas le choix. Merci.

M. Boisclair: Oui. Je dois vous dire que cet effort d'information, il est fait. Sauf que parfois il y a bien des gens qui vivent le rêve nord-américain – et, malgré le fait que de façon bien objective nous leur fassions parfois état de certaines difficultés, surtout lorsqu'ils oeuvrent dans des secteurs d'emploi où il y a des taux de chômage qui sont élevés, les gens, c'est très difficile de leur dire: Écoutez, vous allez avoir de la difficulté, les gens pensent toujours être capables de battre le système et d'être le candidat ou la candidate qui sera capable de surpasser les autres – et qu'il y a une espèce de dynamique qui est parfois difficile. On note toutefois que ces gens, même s'ils sont parfois déçus, ils demeurent au Québec. Alors, ils ne sont pas déçus au point de vouloir le quitter.

Une voix: Le quitter, tout à fait.

M. Boisclair: Nos taux de rétention chez les indépendants sont de l'ordre de 83 %. Donc, je prends note aussi, parce que je pense que ce sera un... En tout cas, quand j'aurai à tirer des conclusions – je n'ose plus utiliser l'expression «consensus» de peur d'avoir à subir les foudres de l'opposition qui va me rappeler à l'ordre ou au règlement – j'aurai, moi, à tirer des conclusions de cette commission, et ce que je comprends, c'est un appui manifeste à ces nouvelles orientations que nous avons prises au ministère quant au passage d'un discours sur les communautés culturelles et ce virage qui est pris vers les relations civiques et sociales. Je comprends que cette accélération, ce virage vous apparaît être plus porteur, c'est le reflet d'un discours qui est plus inclusif, et vous l'estimez pertinent.

Mme Abdouz (Rachida): Tout à fait.

Mme Hascoat (Monique): Tout à fait. Je tiens à vous dire qu'on avait applaudi... Je pense qu'à un moment donné vous avez déposé déjà un mémoire à cet effet. Puisque, nous, cette approche, on l'avait déjà réfléchie quelques années auparavant, on souhaitait donc que ce soit cette approche citoyenneté. Alors donc, on applaudit, on ne peut pas faire autrement. Et on le fait d'ailleurs pas juste avec les communautés culturelles, hein? Pour toutes les personnes toujours appelées «marginalisées», on a dit, et c'est clair pour nous: Peu importe qui est la personne, c'est un citoyen qui doit avoir, qui a droit à des services. La seule différence parfois, c'est qu'on doive mettre un peu plus de temps au niveau de l'accueil, mais c'est tout. Alors donc, s'il y a des obstacles, on doit essayer de passer par- dessus, mais il est clair que devant nous, quand on a une personne, c'est un citoyen, et sans aucune différence dans le fond.

M. Boisclair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Mme Hascoat, merci beaucoup de cette excellente présentation. Je m'excuse de ne pas avoir pu vous entendre d'un bout à l'autre, parce que j'ai été pris par une urgence. Vous savez, nous autres, dans l'opposition, nos niveaux de ressources sont tels qu'on n'a même pas le droit de se payer un cellulaire. Alors, vous savez, des fois, il faut remonter à son bureau. Il y a des rapports de force qui sont détestables mais qu'il faut néanmoins subir avec le maximum de tolérance, de patience et d'endurance.

J'ai trouvé que votre exposé était excellent parce que vous touchez évidemment un aspect de toute la gestion de l'immigration qui m'est si chère, à savoir le rôle que jouent les organismes communautaires là-dedans. Parce que ce que vous dites finalement c'est que vous visez à une humanisation, n'est-ce pas, du processus, et je trouve ça tellement important qu'on vise à l'humaniser, ce processus-là, parce que finalement c'est ce avec quoi on fait affaire, à savoir les hommes et les femmes.

Je voudrais donc laisser à ma collègue le soin de vous poser des questions parce qu'on s'est entendus pour qu'elle le fasse, puis par la suite, si je devais en avoir, des questions, je vous en poserai. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Chapleau. Excusez-moi.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. J'attendais votre accord pour parler à mon tour. Je vous remercie, mesdames, pour ce mémoire. Dans la publicité, dans les médias, on parle des «p» de Bell Canada, mais, vous, vous parlez des «c» de Laval. J'aurais aimé les connaître, tous ces «c»-là que vous avez, en premier lieu votre citoyen. On connaît la ville de Laval, je pense que vous êtes la septième, huitième plus populeuse au Québec, j'imagine.

Mme Hascoat (Monique): C'est la deuxième.

(10 h 50)

Mme Vaive: La deuxième?

Mme Hascoat (Monique): Oui. Après Montréal, en termes de population, c'est Laval.

Mme Vaive: En termes de population, vous êtes la deuxième.

Mme Hascoat (Monique): Oui, la deuxième plus grande ville au Québec, oui, avec 355 000 de population.

Mme Vaive: Trois cent cinquante-cinq mille. C'est ce qui m'amène à retrouver ici que, seulement que dans la municipalité de Chomedey, vous avez 66 % d'allophones. C'est beaucoup. Et vous énumérez les différents immigrants que l'on rencontre sur ce territoire.

Tantôt, M. le ministre vous a demandé quelle devait être la priorité. Vous avez mentionné l'appui dans les démarches – je pense que vous avez élaboré beaucoup là-dessus – mais croyez-vous que les services que vous offrez sont adéquats pour les immigrants de Laval? Ce qui m'amène à vous poser une deuxième question sur cette question-là: à la municipalité de Laval, est-ce que vous avez une personne qui offre les services de représentation auprès des immigrants, en fait des services municipaux? Parce qu'en fait on parle de l'immigration au Canada, on parle de l'immigration dans les provinces, mais je pense que c'est très important qu'on identifie et qu'on donne l'information sur la municipalité en question.

Un groupe que nous avons rencontré, je pense avant-hier, justement mentionnait cette représentation-là. Moi, je l'ai fait en tant qu'ex-conseillère municipale à la ville de Gatineau. J'avais instauré, et le programme existe toujours, suite à des plaintes d'un groupe d'immigrants de l'Outaouais qui n'avaient pas le temps de se présenter dans les municipalités de la région n° 7, parce que c'est grand chez nous, et puis ils appréciaient beaucoup d'avoir le service d'identification de certains endroits: le zonage, entre autres, au niveau municipal et au niveau scolaire. Ces gens-là sont perdus lorsqu'ils arrivent et ils ont apprécié énormément le service d'une personne, d'une personne des leurs d'ailleurs, parce qu'il est encore là, c'est Karim Daboul, et il fait un service extraordinaire.

Et la ville, même avec les coupures, continue de donner le service, parce que c'est un service... Parce que, nous autres, chez nous, on est la cinquième plus populeuse municipalité au Québec, et, même si nous n'avons pas autant d'immigrants que vous, parce que vous êtes en périphérie de Montréal – et on sait qu'il y a toujours un exode de citoyens de Montréal vers les banlieues, c'est comprenable; j'imagine, c'est la même chose au niveau des immigrants... Est-ce que vous pouvez me répondre sur ces deux questions-là?

Mme Hascoat (Monique): Alors, la première question, si je la comprends bien: Est-ce qu'il y a à Laval une personne attitrée pour répondre aux besoins particuliers de cette clientèle? Là-dessus, compte tenu de la philosophie qu'on préconise, nous, on prend pour acquis que tous les employés de ville de Laval doivent être en mesure d'aider et de donner les informations. Alors donc, on donne de la formation à notre personnel. Juste une personne ne pourrait suffire de toute façon dans une ville telle la nôtre. On l'a déjà expérimenté d'ailleurs et on a réalisé que finalement... On a embauché une personne pendant un certain temps, et là on s'est dit: Non, il faut vraiment que tous les employés municipaux soient en mesure d'accueillir les immigrants, pas les immigrants, tous les citoyens. On reste très cohérents. Comme je vous ai dit tout à l'heure, toute personne, tout citoyen doit avoir accès aux services, peu importe qui est cette personne. Donc, nos employés devraient être en mesure de répondre à quiconque, donc aux immigrants.

Est-ce qu'il y a des services adéquats pour eux? Les services que l'on donne à ville de Laval sont disponibles pour tout le monde. Évidemment, sachant qu'il y a un problème d'information pour certaines personnes, on est en train de préparer actuellement, et ce qu'on va inscrire d'ailleurs dans le cadre de notre dynamique de quartier, une trousse du nouvel arrivant. Et j'ai bien dit: nouvel arrivant. Je n'ai pas dit: des nouveaux immigrants. Une personne qui arriverait, par exemple, de Val-d'Or à Laval, qui ne connaît pas ville de Laval du tout, a également besoin d'information. Alors, on va monter une petite trousse et on va créer donc un système qui va nous permettre d'accueillir dans chacun des quartiers les nouveaux arrivants en leur remettant cette trousse. Évidemment, la trousse pour le nouvel arrivant, il est possible qu'il y ait des documents supplémentaires, mais comme je vous dis, on ne veut pas stigmatiser les personnes. Vous arrivez chez nous, peu importe d'où vous venez, qui vous êtes, vous êtes accueilli. Alors, c'est notre façon de faire. C'est pour ça qu'il est important de comprendre la philosophie qui est en arrière de toutes nos démarches. Et Il faut rester cohérent au quotidien.

Ça, je peux vous dire... Je vais vous donner des exemples, je pense que c'est important. On a des quartiers à Laval où, par exemple – je vais prendre un exemple de Saint-François – de plus en plus il y a une nouvelle immigration d'origine haïtienne. Ils ont voulu partir l'année passée un camp de jour pour les jeunes d'origine haïtienne. Alors, si avec les bouts de chou, on n'est pas capable de les intégrer, on va avoir des problèmes. Alors, on s'est dit... Ils nous ont dit: Mais oui, mais ils ne vont pas chez vous, dans vos camps de jour à vous, de la ville. Alors donc, on a dit: C'est très bien, c'est quoi, l'obstacle? Ils disaient: Peut-être que, si vous engagiez un animateur d'origine haïtienne, ça aiderait. Bien, c'est ce qu'on a fait.

Parce qu'imaginez, si on répondait, nous autres, une grosse ville comme nous, avec plusieurs ethnies, si on avait un camp de jour haïtien, pourquoi on n'en aurait pas un grec, libanais, et tout ça? On a dit: On a des camps de jour, ça coûte très cher à la ville, nos camps de jour, et on va tout faire en sorte pour que tous les jeunes y participent, peu importe d'où ils viennent. On ne le fait pas juste avec les immigrants; on a ce même discours avec les personnes handicapées. Il n'y a pas grand villes qui ont réussi à faire l'intégration des personnes handicapées dans des camps de jour réguliers. Sans budgets supplémentaires, en jouant un peu avec le budget et la programmation, on a réussi l'année passée, depuis plusieurs années, à intégrer plusieurs personnes avec des difficultés, une déficience intellectuelle, dans les camps de jour. C'est possible, mais c'est un souci au quotidien. C'est une cohérence; dès qu'on a une philosophie, on ne doit pas y déroger. On n'a pas le droit d'avoir des valeurs, on n'a pas le droit d'énoncer des principes si on n'est pas capable au quotidien de les appliquer. C'est ce qu'on essaie de faire. Là, je vous donnais un exemple, je pourrais vous en citer plusieurs.

Mme Vaive: J'ai une autre question, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, allez-y, madame.

Mme Vaive: À la page 8, vous mentionnez, en haut de la page: «Laval préconise, donc, une concertation entre tous les partenaires publics, privés...», et ainsi de suite. Est-ce que ça veut dire que dans le moment c'est une concertation déficiente?

Mme Hascoat (Monique): Non, ce que je veux dire, c'est qu'elle a toujours été comme ça. C'est une ville de concertation. Je vais vous donner encore un autre exemple. Je ne sais pas si vous avez entendu parler d'un mouvement à l'échelle québécoise, actuellement, au niveau du développement social. D'abord, le Conseil de la santé et du bien-être, qui pilote, pour le ministre de la Santé et des Services sociaux, ce dossier, ils sont venus rencontrer la ville, pas comme ville, mais comme MRC. La personne qui est venue, on lui a dit: Non, écoutez, nous, on ne travaille pas seul. On veut avoir au moins un petit noyau. La première chose qu'on a faite, la ville a rencontré le Conseil régional de développement, la régie régionale, un petit café le matin et, hop, c'était parti. Aujourd'hui, ce dossier-là est piloté encore par des partenaires. Il y a une dizaine de partenaires autour de la table, je ne vous les nommerai pas parce qu'ils ne me reviendront pas tous: la régie, la chambre de commerce, les organismes communautaires, et tout ça.

Alors, tous les gestes... Et vous avez le plus bel exemple, je vous ai parlé tout à l'heure des tables de coopération régionales et locales. Quand on a parti ça, il y a de cela trois ans, on l'a mis sur pied pour une période d'expérimentation de deux ans. Et à la fin – c'était un outil pour la municipalité, pour des fins municipales – en bout de piste, croyez-le ou non, ce qui est arrivé, c'est qu'actuellement, la ville, le seul mérite qu'elle a eu, c'est d'avoir mis ça en place, de les soutenir, de faire tout le travail pour soutenir ces tables, mais c'est des tables de coopération qui appartiennent à tous les partenaires. Si bien que, par exemple, une commission scolaire ou la régie de la santé qui voudrait faire une consultation auprès des gens qui sont là, qui sont des tables intersectorielles...

L'intersectorialité est très forte à Laval. On ne travaille jamais seul, on travaille avec tous les milieux pour s'assurer qu'il y ait une cohérence. Je prends l'exemple d'ensemble à Laval. Notre philosophie dont on vous parle depuis tout à l'heure, elle a des répercussions à plein de niveaux, même je vous dirais au niveau des critères pour l'attribution de fonds au niveau des garderies. Quand on parle d'intégration, quand on parle de non-marginalisation, il faut que ce soit vrai, tant dans les camps de jour que dans les garderies.

(11 heures)

Le développement social qu'on est en train de préparer, des exemples qu'on va faire à l'échelle locale, Rachida devra travailler avec l'équipe qui va travailler dans ces milieux-là pour maintenir ce même discours, pour s'assurer que, quand on pose des gestes qui sont en lien avec cette philosophie... Je pense, notre force, en tout cas, dans les «c», vous avez le citoyen, mais vous avez la cohérence, certainement.

M. Boisclair: Comment ça se traduit pour les garderies, si vous me permettez de poursuivre votre lancée?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre.

M. Boisclair: Pour les garderies, ça veut dire quoi?

Mme Hascoat (Monique): Alors, pour les garderies, c'est assez particulier, aussi. Je pense qu'on est la seule ville au Québec qui donne des budgets pour l'implantation des garderies. Donc, à venir jusqu'à maintenant, on travaille avec l'Office des services de garde. Maintenant, il y a un petit changement avec tous les services de la petite enfance. Et, là encore, le CDRL a mis en place un comité. Et la première chose qu'on a fait ensemble, on a dit: Quels sont les critères pour faire en sorte qu'on accrédite, ou qu'on donne des budgets, ou qu'on priorise des garderies?

Je vais vous en donner un exemple. Justement, à Chomedey, il y avait une garderie qui était pilotée, donc, par la communauté grecque. Là, on regarde la philosophie et, dans la mesure où il y a une intégration qui... Et ce critère-là, il est présent. Une garderie qui s'ouvrirait, par exemple, juste pour une communauté bien précise, elle risque d'avoir des difficultés parce qu'elle ne passera pas. Il faut qu'il y ait toujours, toujours... Qu'elle soit mise en place par une personne de communauté haïtienne ou mise en place par un Lavallois de souche, ça, ça ne nous dérange pas, mais il faut que dans l'application, dans le quotidien, ça ne devienne pas un ghetto.

Alors donc, je vous dis, cette philosophie, elle se répercute partout. Vous dire que c'est facile, non; ce que je vous dis, c'est qu'il faut rester cohérent. On n'a pas le droit d'avoir un discours et au quotidien faire le contraire. Mais ça, je vous le dis, c'est une préoccupation au quotidien, c'est une mentalité. Et il faut être toujours, toujours soucieux de la maintenir. C'est trop facile de glisser.

Sachez qu'on a des pressions à l'occasion, sachez que ce n'est pas facile. Il y a des gens qui nous appellent – la notion de participation – les gens disent: Bien, oui, mais notre communauté, allez-vous embaucher du monde dans vos camps de jour puis dans vos piscines? Écoutez, c'est bien simple. Pour pouvoir travailler, il faut être qualifié. On donne des cours. Suivez-les et appliquez. Je vous le dis, on ne démord pas, il faut être d'abord, premièrement, carrément convaincu et très honnête aussi. Il n'y a aucun privilège, c'est vraiment justice pour tous. Mais c'est basé vraiment, vraiment, dans le cas de l'embauche, par exemple, sur des qualifications et, comme je vous dis, le souci au quotidien, de ne pas le perdre de vue. Je pense que le secret, il est là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Chapleau, vous avez toujours la parole.

Mme Vaive: Oui. À la page 12, à l'orientation 3, à un moment donné, au quatrième alinéa, vous mentionnez: «À ce chapitre, nous partageons tout particulièrement le souci d'accueillir mieux plutôt que d'accueillir plus.» Ça me plaît beaucoup, et je voudrais vous entendre à ce sujet.

Mme Hascoat (Monique): Bon. Vous avez dû entendre le discours qui est sûrement... J'écoutais un peu la présentation précédente, qui était très différente de la nôtre. Ici, c'est une approche, c'est une philosophie, puis, comme je dis, on reste toujours rivé là-dessus, elle est basée sur l'accueil. À venir jusqu'à maintenant, on a beaucoup parlé d'intégration. Mais comment voulez-vous... Quand on dit aux gens qui arrivent ici: Intégrez-vous, intégrez-vous, c'est facile à dire, mais, s'il n'y a pas d'accueil, si la communauté n'accueille pas, on n'y arrivera pas.

Alors donc, nous, tout notre discours est basé sur l'accueil en mieux. Ce qui ne veut pas dire accueillir moins, ça veut dire accueillir mieux. Il faut se donner des mécanismes pour faire en sorte qu'il y ait une rétention, aussi. Ça nous donne quoi d'aller chercher le monde, qu'il soit chez nous, si on n'est pas capable de les accueillir adéquatement et de les garder chez nous? C'est toujours basé, il y a toujours comme toile de fond cette notion d'accueil des gens.

Mme Vaive: M. le Président...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y, madame.

Mme Vaive: ...madame a conclu son exposé tantôt en demandant une meilleure planification. Je pense que vous avez raison. Je vous en remercie.

M. Laporte: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, il vous reste 11 minutes. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci. Mme Hascoat, j'aimerais vous poser une petite question puis peut-être que, dépendamment de votre réponse, vous pourriez faire une recommandation au ministre. Est-ce que dans le travail communautaire – parce que c'est ce que vous faites, le travail communautaire – que vous faites à Laval, il est de pratique courante d'échanger, de collaborer, de coopérer avec le large réseau, tout le réseau des organismes communautaires de la région métropolitaine de Montréal?

En d'autres mots, mes observations sur le terrain m'ont amené à la conclusion... Parce que dans mon comté, j'en ai beaucoup, des organismes qui sont, disons, semblables au vôtre et qui sont des organismes qui témoignent de la même ferveur que vous témoignez vous-même. Mais j'ai toujours le sentiment, j'éprouve toujours le malaise de les voir trop peu créer une synergie en faisant des échanges d'informations et d'expériences. Vous comprenez ce que je veux dire? La performance du communautaire pourrait être, à mon avis, améliorée grandement s'il y avait cette collaboration, cette coopération entre les... Et je voudrais savoir si vous voyez... Y a-t-il des obstacles à ça? Quelle est votre opinion là-dessus? Qu'est-ce que vous faites, vous, de votre côté pour la créer, cette synergie-là? Qu'est-ce que le ministère pourrait faire, lui, pour l'encourager? Il me semble que, là, il y a un enjeu qui est important et j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Hascoat (Monique): Je vais d'abord corriger ma fonction au sein de la ville. Je travaille comme assistante-directrice au Service de la culture, des loisirs et de la vie communautaire. Ce n'est pas juste le communautaire. Je travaille à la ville. Je pense que c'est important que vous le sachiez, puis vous allez comprendre mon discours aussi. Je travaille au niveau de toutes les orientations de ville de Laval en matière de sports, de loisirs, de plein-air, de vie communautaire, d'arts et la partie régionale des bibliothèques. Bon.

Une de nos fonctions... Et là je vais répondre à votre question. Ville de Laval est très consciente du travail énorme fait par les organismes communautaires, à tel point que, même suite au Sommet de la personne, une des recommandations qui avaient été retenues, il y avait le soutien à la personne, et ça, je vous en ai parlé longuement, mais il y avait le soutien aux organismes communautaires. Ce qu'on a fait depuis ce temps-là, c'est plusieurs politiques dont la première politique, la politique de soutien à la vie communautaire avec tous les critères qui vont avec, la politique d'attribution de locaux aux organismes communautaires, la politique de soutien à la promotion des activités des organismes communautaires, et là, presque achevée, une politique de reconnaissance des organismes communautaires. Bon. Ça, c'est au niveau des structures, les outils dont la ville s'est dotée pour aller carrément dans le soutien à la vie communautaire.

Plus pratico-pratique, il y a du soutien financier qui est donné, il y a du soutien technique aussi. Par exemple, on donne des cours de formation pour les conseils d'administration des organismes communautaires. On a des liens au quotidien avec eux au niveau des photocopies, au niveau des locaux, au niveau... En tout cas, je pourrais vous en énumérer, là. Un soutien vraiment personnalisé au quotidien. Je vais prendre les régisseurs arts, par exemple, ou sports, ils sont en lien continuellement avec les organismes communautaires. Ça, c'est ce qu'on fait pour eux.

Leur présence au sein de nos tables ou de nos instances consultatives, ils sont très présents. Les tables de coopération locale et régionale dont je vous parlais tout à l'heure, les organismes communautaires sont très présents. Au niveau des tables locales, on a divisé Laval en 19 unités communautaires et tous les organismes communautaires seront invités à siéger, plus les institutions du milieu, donc, par exemple, la santé, les écoles, et tout, et toujours, par cohérence, des citoyens. 20 % des personnes qui vont siéger aux tables locales, ce sont des citoyens et les appels se font par appels de candidatures dans les journaux. Alors, partout, dès que vous entendrez parler de nos tables de coopération, sachez qu'il y a toujours une présence institutionnelle, communautaire et des citoyens, dans toutes les instances.

M. Laporte: Ça répond bien à ma question. Évidemment, étant donné que, moi, mes observations sont des observations de député, donc locales, je trouve qu'à Laval vraiment vous m'apprenez beaucoup de choses sur le travail que fait la ville pour entraîner cette espèce de coopération puis de coordination.

Mme Hascoat (Monique): Ah non, c'est un moteur, et il est beaucoup du Sommet de la personne. Les gens ont dit: Finalement, la municipalité a un rôle majeur. Ils disent: Dans le fond, les gens qui sont là, les élus sont élus par les citoyens, le personnel aussi. On a un personnel vraiment convaincu – tiens un autre mot qui commence par «c» – et qui travaille vraiment, comme je dis, au quotidien. Comme je dis, le Sommet de la personne a influencé énormément. Il était carrément en lien avec la qualité de vie. On leur a dit: Qu'est-ce que vous aimez à Laval? Qu'est-ce que vous n'aimez pas à Laval? Et, suite à ça, bien évidemment on a une série de recommandations. Ils avaient demandé à la ville de prendre un leadership dans le sens de la concertation. Ça a été demandé par les citoyens.

(11 h 10)

Alors, ça a été pour nous un outil extraordinaire, dans le fond, de... On aurait pu faire, dans le cadre du 25e anniversaire, des feux d'artifice, des fêtes champêtres et je ne sais quoi, on a fait le choix de faire une consultation publique, et très importante.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Je pense que les membres sont impressionnés par votre Sommet de la personne, particulièrement. C'est le Sommet de la personne qui a engendré les tables de coopération, si je comprends bien, et le conseil de vie communautaire.

Mme Hascoat (Monique): Aussi, oui.

Mme Léger: De là, j'aimerais arriver à votre développement social à l'échelle locale. Vous faites la lutte à la marginalisation. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu davantage ce que vous faites dans le concret?

Mme Hascoat (Monique): Bon. Alors, ça, c'est nouveau. Ça, ça part. Parce que, suite au Sommet de la personne, on a mis, dans un premier temps, les tables régionales en place. Les tables locales, on va les expérimenter bientôt. Mais ce qui est important de savoir, c'est qu'en arrière de cette approche il y a tout un concept, et c'est un concept de prise en charge. Donc, compte tenu que Laval est très grande, très diversifiée, on a mis en place des tables locales à partir de plusieurs critères: il y avait le sentiment d'appartenance; il y avait la cohésion sociale; il y avait la géographie du milieu; puis un certain nombre... Bon.

Une fois que ces gens-là seront assis ensemble autour d'une table, ça nous prenait quelques outils déclencheurs de réflexion. Alors, ça, j'aurais pu vous apporter un document. Pour chacun des quartiers de Laval, on a préparé un document sur l'histoire de ce quartier-là, tous les aspects socioconomiques, démographiques et la richesse du milieu, parce que tout est basé sur la richesse du milieu, tous les organismes du milieu, et tout. Une fois qu'on a ça, on le donne aux gens pour qu'ils connaissent leur milieu. Impossible de travailler dans un milieu si on ne le connaît pas.

Alors, une fois qu'on leur a donné ça, là les gens commencent à se dire: Bien oui, qu'est-ce qu'il a l'air, notre milieu? D'abord, le connaître. Deuxièmement, de dire: C'est quoi chez nous, maintenant, les priorités? Ça va faire en sorte que les gens vont arrêter de se battre pour leur paroisse: les personnes âgées pour les personnes âgées; les communautés culturelles pour les communautés culturelles, en tout cas. Vous savez comment c'est. Et ce n'est pas innocent, le fait qu'on leur ait donné ce document-là non plus. Ça va faire en sorte qu'avec une bonne connaissance du milieu, lorsque les personnes âgées vont réaliser, par exemple, qu'il y a 2 % ou 3 % de la population de cette unité communautaire qui sont des personnes âgées quand 90 %, ce sont les jeunes, je ne sais pas si on n'arrivera pas à faire un consensus sur les priorités d'intervention dans ce milieu-là. Là, on ne le fera pas seul et on ne l'imposera pas. Les gens vont nous dire: Bien, à la lecture de notre milieu, à la lecture des besoins, et tout, bien oui, en 1997-1998, la priorité, c'est telle et telle chose.

Ça aussi, c'est un concept. Si vous voulez en connaître plus là-dessus, de toute façon, ça existe, des documents. C'est beaucoup le principe aussi de Ville et Village en santé. Alors, vous avez dû en entendre... Et c'est tout ce concept-là de prise en charge et qui n'est pas juste du développement social dans le sens social santé. Il y a un lien. Ça aussi, c'est une des notions qui est très importantes, en arrière de ça, c'est le lien entre l'économique et le social, faire en sorte que le milieu des affaires et le milieu social travaillent ensemble.

Mme Léger: Est-ce que c'est ce qui fait, en conclusion de ma question, la lutte à la marginalisation, pour vous? C'est ce concept-là qui vous amène à faire une lutte.

Mme Hascoat (Monique): Tout à fait. Alors, ça veut dire aussi que si, par exemple... La lutte à la marginalisation, le terme qui est le plus intéressant, c'est la participation. C'est parce que très souvent on décide pour les gens ce qui est bon pour eux. Mais, si ces gens-là sont là, ils vont nous dire: Dans le fond, ce qu'on veut, c'est ça. La priorité, c'est ça. Très souvent, on décide pour les gens. On pense que la meilleure façon d'y répondre, bien c'est telle et telle chose. Ce n'est pas ça qu'ils veulent du tout. Là, les gens auront leur mot à dire, dans le fond. C'est de se rapprocher carrément du citoyen pour qu'il puisse nous dire ce dont il a besoin. Souvent, ce qu'ils demandent, c'est pas mal moins que ce qu'on pense qu'ils ont besoin. Très souvent.

Mme Léger: Merci. Je vais revenir au document Prévoir et planifier .

Mme Abdouz (Rachida): Excusez-moi. Je voudrais apporter une précision pour compléter votre question. Vous souhaitiez peut-être savoir un petit peu quelle était la logique qui sous-tendait l'accent mis sur le développement social à l'échelle locale. Moi, je ne me prononcerais sur la ville, je pense que ça a été précisé au départ que je n'étais pas une employée de la ville, mais, comme je coordonne un projet qui est porté par le milieu communautaire, autant il est important d'être ferme sur l'approche, plus l'approche est ferme, plus il faut développer des moyens d'action souples pour faire face aux situations exceptionnelles. Vous savez comme moi qu'il ne suffit pas d'énoncer que les citoyens sont égaux en droit pour qu'ils le soient dans les faits. Je crois que le développement social à l'échelle répond un petit peu à cette préoccupation.

Soyons fermes sur la philosophie. Les citoyens sont citoyens d'abord, mais ne nions pas qu'il existe des situations exceptionnelles où les citoyens sont exclus des espaces de délibération. Alors, ces citoyens-là, il faut pallier à cette situation-là, dans un premier temps, pour pouvoir énoncer vraiment qu'ils sont citoyens aussi dans les faits. Alors, je crois que c'est vraiment une des raisons pour lesquelles le développement social à l'échelle locale est mis de l'avant. Moyen d'action pour pallier à la fermeté de la philosophie qui peut sembler extrêmement non négociable. Voilà. Je ne sais pas si ça précise un petit peu la...

Mme Léger: Merci. Si on va dans le document Prévoir et planifier , je ne connais pas vraiment votre position. Vous ne vous êtes pas vraiment prononcée sur l'orientation du ministère concernant vraiment l'accroissement graduel de la proportion des immigrants indépendants, qui est jusqu'à 50 % pour l'an 2000. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça?

Mme Hascoat (Monique): En gros, on vous a dit qu'on était pas des spécialistes de l'immigration. Le portrait qu'on vous fait, on dit: Nous, on ne vous dira pas le nombre, mais je pense que notre préoccupation est de dire: Si on accueille des gens, si on veut qu'il y ait un taux de rétention intéressant, il faut que l'accueil soit assuré, et un bon accueil. Donc, je ne vous dirai pas le nombre, on est totalement incapables. Si vous me demandiez demain matin combien d'immigrants vous pouvez accueillir à Laval, non.

Mais je vous dis: Il ne faut jamais perdre de vue que c'est de bien accueillir qui est important. Tout est là-dedans, dans le fond, et, comme je vous dis, on n'est pas de spécialistes puis tous les critères, est-ce qu'on doit en avoir plus, moins... Dans le sens, je pense qu'on endosse de façon assez globale la position du ministère à ce niveau-là. Ça nous semble assez cohérent aussi par rapport au discours, par rapport aux orientations qu'il y a, d'ailleurs, au Québec, depuis bien des années. Ce n'est pas...

Mme Léger: Donc, vous ne pouvez pas me dire non plus...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, il vous reste deux minutes.

Mme Léger: ...au niveau des gens d'affaires, l'immigration des gens d'affaires, qu'on veut maintenir à 4 000 par année, pour vous, à Laval, je veux dire, vous ne pouvez pas me donner une réponse à ça non plus.

Mme Hascoat (Monique): Les réponses précises, je vous dis, en termes de chiffres, ce serait difficile, parce que, d'abord, premièrement, c'est un dossier sur lequel nous, on ne travaille... Ce n'est pas parce que je veux éviter la question, je vous le dis, c'est parce que j'hésiterais à vous dire des nombres et de me tromper. Il est bien clair que, à Laval, il y a des gens d'affaires. D'ailleurs, la ville travaille beaucoup avec Laval Technopole et le bureau du ministère à Laval sur ces dossiers-là. On en a accueilli, je pense qu'on est très réceptifs à l'accueil des gens d'affaires à Laval. Ça, je peux vous le dire globalement sans vous dire le chiffre.

Mme Léger: Merci.

(11 h 20)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, mesdames. Merci de votre contribution aux travaux de notre Assemblée. J'invite le ou les représentants de Placements Banque Nationale inc. à venir prendre place devant les membres de la commission, s'il vous plaît.

Bonjour, M. Daoust.

M. Daoust (Jacques): Oui, je suis accompagné de Mme Louise Fauteux qui est directrice du Programme d'investisseurs immigrants chez Placements Banque Nationale. Je suis responsable de faire la présentation et elle va être responsable des questions compliquées.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous rappelle que nous disposons d'une heure. Votre présentation, normalement, devrait durer entre 15 et 20 minutes.

M. Daoust (Jacques): Ah! même pas.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Et la balance sera partagée entre les deux côtés de l'Assemblée. Je ne sais pas si monsieur le représentant de l'opposition... On va peut-être attendre que le M. député d'Outremont revienne. Juste suspendre quelques instants pour vérifier s'il revient bientôt.

(Suspension de la séance à 11 h 21)

(Reprise à 11 h 23)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Nous reprenons nos travaux. Rebienvenue. On vous écoute.


Placements Banque Nationale inc. (PBNI)

M. Daoust (Jacques): Alors, écoutez, j'aimerais tout d'abord peut-être présenter Placements Banque Nationale parce qu'il y a le mot Banque Nationale à l'intérieur de notre nom. Alors, il va de soi qu'on fait partie de la grande famille. Placements Banque Nationale est une firme de courtage qui a été lancée par la Banque Nationale il y a près de 10 ans maintenant, au moment où les banques ont acquis le droit de faire le commerce des valeurs mobilières. Ce n'est pas une société qui a été achetée, c'est une société qui a été entièrement développée au Québec et qui maintenant a certaines opérations en Ontario et au Nouveau-Brunswick. On pense à aller aussi plus loin.

Compte tenu des particularités du Programme d'investisseurs immigrants, Placements Banque Nationale a été désigné par le groupe Banque Nationale pour être responsable du programme, je dirais, plus global de la banque. Placements Banque Nationale, comme je disais, c'est un courtier de plein exercice, mais c'est aussi le promoteur de fonds mutuels de la famille Investnat qui est la plus grande famille de souche québécoise. On a lancé ça de façon plus agressive, je dirais, il y a six ans et aujourd'hui on a à peu près 3 100 000 000 $ dans ces fonds, c'est la plus grosse famille de souche, et on a à peu près 2 500 000 000 $ d'autres actifs à l'intérieur de notre société. Alors, à partir de rien, on s'est monté une société qui a maintenant 1 400 représentants au Québec. Il y a 200 personnes à son siège social et qui regroupe près de 6 000 000 000 $.

Quand le Programme d'investisseurs immigrants a été mis en place, il a été décidé que c'était, comme je le disais tantôt, chez nous que ça devait se faire. On jouit, je pense, d'une assez bonne réputation dans ce domaine-là. Vous savez, à ce jour, il y a eu 2 500 investisseurs immigrants qui ont décidé de souscrire à ce programme-là, et ça, c'est par la force des bureaux de représentation de la Banque Nationale tant à Hong-kong, à Seoul, à Taipei, à Shanghai ou un peu partout à travers le monde. Il y a eu un bloc beaucoup plus important d'investisseurs immigrants, pensons à Hong-kong avec la crainte que ça représentait de tomber sous le système communiste, à tort ou à raison. On n'a pas à discuter des états d'âme de ces citoyens de Hong-kong, mais disons qu'on a eu une forte population des gens de Hong-kong, de chinois de Hong-kong qui ont fait appel au Programme d'investisseurs immigrants.

Vous le savez, on a 540 succursales ou bureaux actuellement au Québec sur environ 640 pour l'ensemble de la Banque Nationale. Banque Nationale est vraiment la banque qui est implantée au Québec. Alors, c'est naturellement dans contexte-là et dans ce milieu-là que s'est fait l'effort et que ces argents-là ont été utilisés.

Alors, Placements Banque Nationale, dans le Programme d'investisseurs immigrants, a financé à ce jour environ 210 projets dans environ 200 entreprises différentes pour un montant total d'environ 270 000 000 $. On constate tout de suite, 270 000 000 $ pour 210 projets, qu'un projet, c'est à peu près 1 000 000 $, 1 500 000 $. La semaine dernière, on en a signé un, toute petite entreprise, 350 000 $, ce prêt-là, et pour eux c'est la différence entre compétitionner, être efficace; pour eux, c'est acheter des nouveaux équipements; pour eux, c'est créer un certain nombre de nouveaux emplois. Ça a été pour eux le Pérou. Et 350 000 $, on ne parle pas de General Motors ou de Bell Canada, on parle d'une petite entreprise bien de chez nous, bien implantée. Compte tenu aussi de nos spécialités à la Banque Nationale qui sont de connaître les PME du Québec, puis on s'en vante beaucoup, bien on pense qu'on a fait un bon mariage de ce projet-là, par exemple, et de l'ensemble des projets qu'on a faits.

Il faut se rappeler aussi, puis on ne l'a pas mentionné dans notre mémoire, mais jamais un investisseur immigrant dans le programme de Placements Banque Nationale a perdu un seul sou. Il n'y a pas eu de projets qui ont fait que ces gens-là ont perdu de l'argent, ce qui aide beaucoup à attirer de nouveaux investisseurs. Parce que, quand ils ont une famille qui est restée de l'autre côté de l'Atlantique ou du Pacifique, bien ils disent: Écoutez, vous pouvez passer avec eux autres, vous pouvez leur faire confiance, nous, on a retrouvé toutes nos billes à la fin du programme.

Votre document de consultation Prévoir et planifier , je pense que ça traduit assez bien le mécontentement du gouvernement du Québec à l'égard des modifications que les autorités fédérales envisagent d'apporter au programme. Alors, on veut vous dire qu'on est très solidaire de ce désaccord-là sur les disparités de placement qui seront exigées des investisseurs immigrants selon la province de choix à compter de 1998. C'est une situation qu'on ne peut que qualifier d'inéquitable où, je pense, on devient victime de notre succès.

Là, je voudrais élaborer juste un petit peu sur ça. Il y a quatre provinces qui auront 450 000 $ au lieu de 350 000 $, et ces quatre provinces-là, c'est le Québec, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Le programme va bien ici. Je pense qu'on fait partie des succès du programme. Vous avez vu ce matin nos cousins de Lévesque, Beaubien, Geoffrion. Lévesque, Beaubien, Geoffrion et Placements Banque Nationale sont les promoteurs des fonds. On doit faire près de 80 % du programme à nous deux.

Le programme est perçu à travers le Canada comme étant un des très bons programmes. À ce moment-là, on s'en va sur la norme de 450 000 $. Le seul motif qu'on peut y trouver... Il y en a deux, je pense. Il y a un premier, c'est qu'il va très bien chez vous, donc on peut exiger plus. Il y en a un deuxième, c'est que vous avez une province où c'est plus attrayant que d'autres pour des motifs, par exemple, de populations qui viendraient de grandes villes et veulent se retrouver dans de grandes villes. Bien, on comprendra, dans des situations comme celle-là, quelqu'un qui va s'installer à Île-du-Prince-Édouard, bien un Chinois qui va s'installer là, s'il s'attend de retrouver Hong-kong, il va trouver ça un petit peu surprenant. Alors, 350 000 $, c'est moins exigeant pour une province comme Île-du-Prince-Édouard.

Mais on a un handicap qui est important, c'est qu'on est une population francophone dans un océan nord-américain qui ne parle qu'anglais. Quand vous prenez des investisseurs immigrants qui viennent d'ex-colonies britanniques, bien la langue seconde, le dénominateur commun de la plupart de ces investisseurs immigrants là, c'est l'anglais. Alors, si on demande à ces gens-là 100 000 $ de plus et qu'en plus on les installe dans un contexte où ils sont beaucoup plus près quand ils sont en Colombie-Britannique ou en Alberta de leur ex-pays de provenance, bien ils vont avoir une tendance à s'installer beaucoup plus sur la côte du Pacifique qu'au Québec. Notre situation géographique pour les investisseurs immigrants asiatiques ne nous favorise pas. Elle favorise nettement la Colombie-Britannique. Ça, c'est bien sûr. Il y a des Chinois de Hong-kong qui vont faire du ski à Whistler les fins de semaine, mais ce n'est pas notre cas à nous.

Alors, il est évident que ce montant-là, ce 100 000 $ là, celui, je dirais, qui financièrement bénéficie le moins du programme, c'est naturellement l'immigrant, mais, lui, il a un plus, il rentre dans notre pays. Bien, il ne faudrait quand même pas qu'on se dise: Ce 100 000 $ de plus là, je peux aller vers une province qui, pour moi, est beaucoup plus facile. Je suis un Chinois de Hong-kong, je parle anglais, je suis proche de Hong-kong beaucoup plus à Vancouver que je peux l'être à Montréal. Je ne vois pas où j'ai un avantage, moi, sur les autres provinces actuellement à dire: Je vais demander 100 000 $ de plus, d'immobiliser ça pendant cinq ans, ce Chinois-là. Parce que, lui, il va retirer moins d'argent sur ce 100 000 $ additionnel. Ça va nettement le pénaliser. C'est sûr que ça favorise ma PME. Mais, à partir du moment où, moi, mes bureaux qui sont un peu partout dans le monde, je ne peux plus les attirer ici parce que c'est 100 000 $ de plus, à ce moment-là, mon programme va subir un sérieux préjudice.

(11 h 30)

Vous savez, il y a seulement 10 % de notre clientèle qui réside au Québec. Beaucoup de nos investisseurs immigrants émigrent naturellement. Ils n'ont rien contre le Québec, ils ont beaucoup pour la proximité avec l'autre côté du Pacifique. Ils émigrent à Vancouver. Il faut voir les quartiers chinois de Vancouver puis il faut voir le quartier chinois, aussi, de Toronto, dans le bout de Scarborough, ce que ça peut donner. Mais ces clients-là, les argents qu'ils investissent, nous les investissons au Québec. Ce 270 000 000 $ là qui a été investi au Québec, il y a seulement 10 % des propriétaires de ces fonds-là qui sont ici. C'est rare que l'ascenseur nous revient de cette façon-là. Il faudrait qu'on essaie de préserver ça le mieux possible.

Vous savez, c'est l'économie du Québec, comme je le dis dans ma courte présentation, qui va en souffrir le plus. Puis ça, il faut bien se comprendre, les prêts à la PME, à la Banque Nationale, ce n'est pas des prêts faits à Montréal, c'est des prêts qu'on fait dans les Bois-Francs, qu'on fait dans la Beauce, qu'on fait en Abitibi, qu'on fait dans la Gaspésie, qu'on fait au Saguenay, qu'on fait partout. Les PME, on est présent partout parce qu'on a 540 bureaux au Québec. Bien, on a des demandes de partout. La firme que je vous mentionnais à 350 000 $, ce n'est pas une firme qui est au centre-ville de Montréal, c'est une firme de fabrication qui est très en région, et ils ont été très surpris de constater qu'ils recevaient des sous, comme ça, de gens de Hong-Kong.

Alors, l'approche consistant à nous créer un obstacle additionnel, pas seulement le Québec, quatre provinces; il y en a deux qui ont le privilège géographique, si vous voulez, d'être près du Pacifique, et il y en a une autre – qu'est-ce que vous voulez? – qui a une très forte communauté anglophone... Toronto, si vous êtes dans le milieu des affaires, c'est intéressant d'aller s'installer là, si vous êtes dans le secteur de la finance, c'est intéressant; ils ont un avantage. Au Québec, si on faisait des prêts immigrants investisseurs, imaginons dans les pays du Maghreb, on arriverait avec des Algériens, des Tunisiens, des gens qui sont des gens de souche francophone et pour qui c'est plus proche venir à Montréal que d'aller à Vancouver, bien là, j'aurais un avantage incontestable. Mais on ne perçoit pas ça actuellement. Les gens qui cherchent ces programmes-là, dans le moment – et Dieu sait si on a des représentations dans ces endroits-là – viennent surtout du côté asiatique actuellement. Il y a des pays aussi desquels on n'aimerait pas embarquer dans des programmes investisseur immigrant parce qu'on aime bien connaître, tout au moins, la source de ces sous-là.

Le deuxième point que je voulais souligner, c'est le délai relatif à l'émission des visas canadiens qui nous cause un préjudice. Je reprendrai essentiellement le texte que nous avons déposé. J'aimerais apporter à votre attention ce sujet-là qui est important pour nous pour l'avenir du programme au Québec. Avec l'adoption de la nouvelle réglementation qui est prévue en 1998, la procédure de sélection des immigrants deviendra, à notre avis, le seul argument de vente «Québec». On est capable de dire à ce moment-là: Écoutez, c'est facile chez nous, c'est souple chez nous, on a une procédure qui est rapide. Puis, malgré les ententes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial du Québec, les délais d'émission des visas canadiens sont extrêmement longs. Nous avons de nombreux candidats qui, après avoir reçu leur certificat de sélection du Québec, sont en attente de leur visa depuis plusieurs mois et, dans certains cas, depuis plus d'un an. Nous croyons qu'il faut maintenant corriger cette situation-là, qui rend moins intéressant l'avantage d'utiliser la voie de la sélection du Québec comparativement à celle du fédéral.

Le petit chiffre que je vous ai déposé, le nombre de certificats de sélection du Québec obtenus sans l'obtention de visa, 109, nombre de clients avec certificats de sélection du Québec en attente de l'obtention depuis plus d'un an, j'en ai 26, et on en a deux depuis plus de deux ans, c'est carrément inacceptable, hein? Je ne pense que ça soit des bandits, ces gens-là, ou... En tout cas, il faut qu'on regarde ça puis qu'on dise: Il l'a ou il ne l'a pas; il faut que ça se règle. Ces gens-là ne peuvent pas rester dans les airs de cette façon-là.

Je voudrais conclure, dans ma présentation, en vous disant qu'on vit avec cette clientèle-là. J'écoutais la dame de Laval tantôt, à qui madame la députée demandait s'il y avait une procédure d'accueil pour ces gens-là. Je dois vous avouer que, nous autres, les Chinois, on les accueille en chinois pour ne pas trop les dépayser au départ, on les aide à se trouver un endroit où rester puis on les encadre bien quand ils arrivent. On a une population, si vous voulez, d'employés, avec nos 14 000 employés, on en a certains qui ont ces talents-là, on les a choisis. Ils ont ces connaissances-là, d'autres langues, et on essaie de faire en sorte de les diriger le mieux possible à l'intérieur de la communauté qu'ils connaissent, à l'intérieur d'un endroit où ils vont se trouver à l'aise puis ils vont être bien chez nous.

Alors, c'est un apport culturel qui est important, cette grande diversité-là de nouveaux immigrants et les investisseurs immigrants, ce sont des gens généralement fortunés. Vous admettrez avec moi que quelqu'un qui a les moyens d'immobiliser dans un mauvais prêt, en tout cas qui offre un fort mauvais taux pendant cinq ans, 450 000 $, il faut que tu aies le goût de venir au Canada ou que tu sois bien riche; je pense que c'est un bon alliage des deux. Ce sont des gens qui ne font pas appel à de l'aide sociale à peu près d'aucune façon, ce sont des gens qui ont une habitude d'affaires et un taux de succès éprouvés. On voit très rarement des communautés chinoises dans les commerces qui ont fait faillite avec leur commerce. On voit ça très rarement. Ce sont des gens d'affaires assez aguerris, et ça, c'est bon pour nous, d'avoir ces gens-là chez nous. Ça crée des emplois quand ils arrivent chez nous.

L'économie montréalaise, dans sa diversité culturelle, ça ne serait pas mauvais que des communautés, par exemple asiatiques, soient plus présentes que d'autres communautés qui entrent en plus grand nombre, pour des raisons de proximité, pour des raisons de présence familiale plus importante; cette diversité-là, ça enrichit notre métropole. Et ce qu'on essaie de faire actuellement, nous, pour augmenter le niveau des investissements, pour essayer de pallier à ça, on va travailler du côté des immigrations francophones, du côté de l'Afrique du nord puis du côté du Moyen-Orient, deux pays qui étaient à l'origine des colonies françaises. Alors, à ce moment-là le problème de langue pour un asiatique devient un atout de langue du côté de quelqu'un dont la langue seconde, sinon première, est le français.

Alors, ce que je veux vous dire tout simplement, en terminant, c'est qu'on est prêt à collaborer beaucoup avec le Programme d'investisseurs immigrants. On l'a fait en toute quiétude avec beaucoup de collaboration du ministère et on réalise bien que maintenant on va devoir faire face à une concurrence qui va être fort différente de celle qu'on a connue, parce qu'il y avait le Programme Québec qui était à peu près unique avant et maintenant on va être un petit peu comme tout le monde avec le désavantage du 100 000 $ et du visa canadien qui est long à obtenir. Ce qu'on vous demande, c'est de porter notre message à ce palier de gouvernement là. Ça termine ma présentation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: M. Daoust, merci pour votre présentation. C'est une occasion à nouveau de mesurer, je pense, une position claire du gouvernement du Québec qui dénonce le double système du 350 000 $, du 450 000 $, dépendant de la province de destination, alors que ce n'est pas là un critère qui est objectif, ce n'est pas un critère qui est basé sur la réalité économique. C'est plutôt basé sur des critères qui sont davantage subjectifs et qui tiennent beaucoup plus compte d'une réalité canadienne que d'une réalité économique, se disant voulant favoriser les plus petites provinces sans tenir compte d'éléments plus objectifs, par exemple le taux de chômage et d'autres statistiques de ce genre.

Donc, le gouvernement du Québec est de votre côté sur cette question. Je l'ai dit à plusieurs reprises, je l'ai dit publiquement, le «tier system» doit être vu, et il faut corriger la situation. J'espère que ce message sera entendu par la ministre fédérale et j'espère que nos discussions, les discussions que j'aurai avec la ministre aux lendemains de cette commission nous permettront d'avoir un certain espoir lorsque viendra le temps pour la ministre de présenter son programme. Je crois comprendre que l'intention, c'est pour janvier 1998, que le nouveau programme devrait rentrer en vigueur. Donc, j'espère que ce sera à la satisfaction du Québec. Comptez sur l'appui du gouvernement et sur l'appui du ministre.

Je remarque aussi que vous questionnez sur la question des délais. Deux ans pour l'obtention d'un visa, c'est, pour reprendre vos mots, inacceptable. Je faisais un petit calcul rapidement. Votre cousin – l'avez-vous appelé – qui est venu s'exprimer avant vous tout à l'heure disait qu'il y a 85 millions qui pourraient faire l'objet de placements dans les entreprises québécoises, qui sont bloqués compte tenu des délais d'émission de visas. Je comprends qu'il y a 28 dossiers qui sont en attente, deux depuis deux ans, 26 depuis plus d'un an. Je comprends que ça fait quelque chose de l'ordre d'une dizaine de millions. Juste à vous deux, c'est 95 millions qui dorment à l'étranger et qui pourraient faire l'objet de placements dans les entreprises, qui pourraient soutenir la création d'emplois, qui pourraient soutenir le développement économique au Québec, et dans l'ensemble des régions du Québec.

(11 h 40)

J'espère que vous êtes de ceux qui, comme moi, ne souhaitent pas s'embarquer dans une bataille fédérale-provinciale sur cette question. Je plaide plutôt pour l'efficacité, pour l'efficience. La ministre fédérale, dans les contacts que les hommes au cabinet entretiennent avec le cabinet fédéral, nous disent bien vouloir régler la situation. La ministre fédérale, je pense, est de bonne foi là-dedans, mais je la presse d'émettre des directives claires, qu'elles soient publiques pour que cesse ce comportement, ces pratiques à l'endroit du Québec, pour que les pouvoirs reconnus par le Québec dans l'Entente Canada-Québec soient respectés et pour faire en sorte que vous puissiez continuer, comme vous le faites si bien, à travailler au développement économique du Québec. Ce sont des somme qui sont importantes en jeu, et j'espère que la demande, l'appel public que j'ai fait aujourd'hui à la ministre trouvera un écho et qu'elle prendra position publiquement sur cette question et rendra publique une directive pour que cesse cette pratique.

Je voudrais que vous me parliez concrètement, dans les faits, qu'est-ce qui se passe? Moi, j'entends dire toutes sortes de choses. Ça me vient parfois par plusieurs fils. On me dit, par exemple, qu'on exige, au moment de l'émission du visa, la convention de placements, alors que dans certains... Je vous donne quelques exemples, je vous demanderais de commenter par la suite. On me dit, donc, que les conventions de placements sont exigées par le service de visas canadiens alors qu'il appartient au Québec, lorsque nous émettons le CSQ, de regarder la convention de placements. On me dit que dans certains cas il y a une double entrevue et souvent on repose des questions qui ont été posées par le gouvernement du Québec et que ça crée une insatisfaction bien réelle du candidat, qui doit d'abord... C'est d'abord ça, notre préoccupation. Alors, j'aimerais que vous me disiez, vous qui avez une expérience terrain, dans les faits. J'ai donné deux petits exemples. Est-ce que vous en connaissez d'autres et est-ce que vous pourriez m'enrichir de votre expérience terrain?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme Fauteux.

Mme Fauteux (Louise): Oui. Hier, justement, j'ai posé la question à ma collègue à l'international – qui parle d'ailleurs le mandarin et le cantonnais – qui essaie justement de rassurer les immigrants investisseurs dans leur processus; elle trouve ça de plus en plus lourd administrativement parce qu'on lui demande encore plus de documents, comme vous avez cité, et en plus ils sont astreints souvent à une deuxième et une troisième entrevue où ça devient pour l'immigrant investisseur des plus inquiétants. Et ça, elle le vit depuis, elle me disait, à peu près six mois, un an – juste pour vous jauger – puis elle ne comprend pas le pourquoi. Parce qu'elle dit: Déjà, les délais sont longs et puis on essaie de fournir tous les documents supplémentaires. Elle m'en a cités quelques-uns parce que c'est sa responsabilité d'acheminer tous ces documents-là, puis elle dit: On s'empresse d'acheminer ces documents-là parce qu'on ne veut pas justement que le dossier tarde d'une façon ou d'une autre et qu'on soit responsable encore plus. Mais ils sont de plus en plus exigeants et, pour l'investisseur, quand on est rendu – comme vous dites si bien – à vous rappeler puis à vous reposer les mêmes questions une deuxième fois, puis une troisième fois même dans certains cas, bien là, l'immigrant investisseur commence à se poser des questions à savoir, premièrement: Est-ce que c'est la bonne porte d'entrée? Qu'est-ce qui m'arrive? Et je ne sais pas, je veux dire, ce qui se passe ailleurs, moi. Je me situe sur ce qui se passe avec nos gens, mais la seule chose, c'est qu'on ne comprend pas le bien-fondé de ce supplément d'informations.

M. Boisclair: Qu'est-ce que les autorités fédérales vous disent? On a invoqué des raisons de sécurité, et j'en suis tout à fait, sur la question de sécurité, que ce n'est pas n'importe qui qui peut rentrer et que c'est un examen qui doit être fait. Mais après deux ans qu'est-ce qu'on vous répond?

Mme Fauteux (Louise): Mais j'ai l'impression qu'ils disent: Ah, bien... Comme ma collègue me disait, ils invoquent toutes sortes d'excuses, ou de raisons plutôt, disons, mais ils nous informent que c'est souvent des délais qu'on retrouve partout ailleurs également étant donné la population qui se déplace. Donc, ils veulent quand même s'assurer, comme vous dites, au point de vue sécuritaire et à tout point de vue, parce qu'ils font quand même une analyse très approfondie non seulement de l'immigrant investisseur, mais de sa famille. Donc, ils veulent vraiment s'assurer...

Puis j'ai l'impression aussi, quand on pense majoration, moi, je pense aux PME... Le 1er janvier 1993, quand il y a eu une majoration de 250 000 $ à 350 000 $, déjà pour nos PME ce que ça faisait, ça faisait en sorte qu'on éliminait une strate de PME à qui on pouvait offrir ce programme-là. Parce que, en ce temps-là, c'était 250 000 $, précédemment, comme vous savez.

M. Boisclair: Oui, mais vous pouvez faire un déplacement de 50 000 $.

Mme Fauteux (Louise): Non. Non, non, non. C'est 250 000 $, c'est le minimum.

M. Boisclair: Oui, mais...

Mme Fauteux (Louise): C'est l'avoir d'un immigrant investisseur qui doit être... C'est par multiple de mises de fonds. Oui?

M. Daoust (Jacques): Il ne se fait pas de prêts en bas de...

Mme Fauteux (Louise): Non, non.

M. Daoust (Jacques): On va toujours avec le minimum du client.

Mme Fauteux (Louise): C'est ça.

M. Boisclair: Tous mes spécialistes du programme me disent le contraire. Ma compréhension a toujours été que, une fois que vous avez «poolé» de l'argent, vous pouvez le redistribuer dans les entreprises.

M. Daoust (Jacques): Oui, mais avez-vous une idée de ce que ça représente comme frais à l'intérieur... 50 000 $, si on lui met un 10 000 $ de frais autour de son...

M. Boisclair: Écoutez, je...

Mme Fauteux (louise): Ah, non, moi, c'est parce que je dis...

M. Boisclair: C'est une...

M. Daoust (Jacques): À date, on n'a jamais fait...

M. Boisclair: Ce n'est pas le règlement qui vous empêche.

M. Daoust (Jacques): O.K. Mais on fonctionne toujours par multiples, parce que, si vous arrivez, par exemple, avec 350 000 $, c'est 350 000 $ ou 700 000 $ ou 1 000 000 $, etc. Le 250 000 $ avant était commode pour justement des PME. C'est pour ça que j'étais content de vous donner l'exemple du 350 000 $ ce matin, parce que des prêts de 2 000 000 $, quand on en a, là, on se parle. Ça n'arrive pas souvent, ça, là. 2 000 000 $, c'est quelqu'un qui a une grosse business, ça, qui a besoin d'un nouveau prêt, là. Mais 250 000 $, ça...

M. Boisclair: Si on avait a harmoniser entre le 350 000 $ et le 450 000 $, je comprends qu'il y a deux systèmes, mais si on mettait 450 000 $ pour tout le monde?

M. Daoust (Jacques): 450 000 $ pour tout le monde, je vous dis tout de suite, d'abord, ça va tarir beaucoup la source d'approvisionnement en capitaux. 450 000 $, là... Rappelons-nous que, quand...

M. Boisclair: Juste là-dessus, là, pour qu'on se comprenne bien, nos concurrents seront les Américains, là...

M. Daoust (Jacques): Oui.

M. Boisclair: ...hein? Parce que, s'il n'y a pas de compétition intracanadienne sur les critères, comment votre expérience... Est-ce qu'on serait dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport à d'autres joueurs nord-américains?

M. Daoust (Jacques): Par rapport aux États-Unis, quelqu'un qui veut aboutir éventuellement aux États-Unis, il va le faire directement ou indirectement en rentrant au Canada, en passant un certain temps ici, puis en y allant après. Là, il va passer par Toronto. Il ne cherchera certainement pas le Québec parce qu'il n'a pas l'intention d'apprendre le français, il s'en va rester aux États-Unis, ce gars-là, ou cette famille-là s'en va rester aux États-Unis.

Moi, je pense, en tout cas de notre expérience, le recrutement, il se fait sur la qualité du programme, puis il se fait sur l'espèce de garantie d'attente qu'il y a en arrière de ça. Nous, on se vante beaucoup, nos investisseurs immigrants n'ont jamais perdu un sous dans le processus. Ça, c'est rassurant pour l'investisseur. Mais quelqu'un qui a 250 000 $ ou 350 000 $ à l'étranger, bien, il en a plus que les gens qui sont prêts à consacrer 450 000 $ pour venir ici.

M. Boisclair: 450 000 $ aux États-Unis, donc 700 000 $ canadiens.

M. Daoust (Jacques): Oui, mais vous admettrez une chose. On parlait tantôt du rêve américain. Le rêve américain, oui, tu veux aller rester aux États-Unis, t'es prêt à mettre un peu plus pour aller chercher peut-être...

M. Boisclair: Mais le Canada est le pays qui a la meilleure réputation au monde, selon tous les indicateurs des Nations unies. Le député d'Outremont vous rappellera ça tout à l'heure.

M. Daoust (Jacques): Il y a eu un temps, M. le ministre, où l'Albanie était le pays le plus paisible au monde aussi, ha! ha!

M. Boisclair: Oui, oui, oui.

M. Daoust (Jacques): Alors, mais...

Une voix: M. le président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: En vertu de l'article 213 de notre règlement, est-ce que je pourrais... Cet article, je le lis: «Tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention.» Alors, je ne sais pas si le ministre a terminé, mais j'aimerais, M. le Président, me réserver le privilège de lui poser une question lorsqu'il aura terminé.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): À la fin...

M. Laporte: Est-ce que vous voulez...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): C'est très clair, parce qu'on dit...

M. Laporte: Il faut que j'attende qu'il...

M. Boisclair: ...mon consentement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...lorsque l'ensemble de l'intervention est terminé.

M. Laporte: On va le laisser terminer.

M. Boisclair: C'est ça. Puis, si vous avez besoin de mon consentement, je refuse. Alors, je voudrais continuer là-dessus et vous poser deux questions. Je comprends que votre opinion sur 450 000 $, on tarirait d'une certaine façon la source, comme vous le dites.

Mme Fauteux (Louise): Oui.

M. Boisclair: Deux questions pratiques: Est-ce que c'est pertinent pour le gouvernement du Québec d'ouvrir des bureaux à São Paulo, au Brésil? Je songe à revoir notre présence à l'étranger. Nous sommes à étudier sérieusement la possibilité d'ouvrir des bureaux à São Paulo. Est-ce qu'il y aurait possibilité, il y a un intérêt pour vous? Est-ce que vous avez évalué s'il y a un bassin de gens d'affaires qui pourraient venir de cette partie du monde?

Deuxièmement, si nous avions à revoir le Programme d'immigrant investisseur, est-ce que le critère de l'expérience de gestion devrait être un critère qui, selon vous, est pertinent, ou, si, comme le Québec, vous croyez que ce critère d'expérience de gestion devrait être mis à l'écart?

M. Daoust (Jacques): Le programme de gestion, je laisserai Mme Fauteux y répondre, pour votre intervention. Je voudrais d'ailleurs compléter, si vous me permettez, M. le ministre.

M. Boisclair: Oui.

M. Daoust (Jacques): En ce qui concerne São Paulo, il est évident que l'Amérique du Sud est un géant qui a dormi longtemps, mais qui se réveille et les investissements, les grandes banques canadiennes, vous le savez, parlent de plus en plus de s'installer sur le continent sud-américain. Il est évident qu'il y a beaucoup de sous qui vont venir de là.

M. Boisclair: On pourrait donc travailler un partnership.

(11 h 50)

M. Daoust (Jacques): Ça, vous parlez de ça avec le président de notre grand groupe, M. Bérard, et je suis certain qu'il va être content d'en discuter avec vous. Embarquez-moi pas ce matin, s'il vous plaît. Bon, le point que je voulais faire sur ce que vous avez mentionné tantôt, vous avez dit: Il y a à peu près 10 000 000 $ qui dorment à l'étranger chez vous. Il y a beaucoup plus que ça parce que, si on ne s'en tient qu'au critère d'un an, c'est une chose, mais, si on prenait un critère de six mois, par exemple, on serait étonné de voir les sommes qui dorment encore de ce côté-là.

Par contre, je veux que mon exposé soit très clair. Moi, je ne favorise pas ni l'un ni l'autre; je ne recherche qu'une équité dans ça. Je ne veux pas être privilégié, moi, Placements Banque Nationale, au Québec, je veux avoir le droit de me battre avec les mêmes armes pour aller chercher cette business-là pour moi. Alors, je n'essaie pas là de dire: Je pourrais aller me chercher un privilège; je vais aller me chercher quelque chose de différent. Je veux juste avoir le droit de me battre avec les mêmes armes. Les autres banques canadiennes ne me font pas de cadeau dans ça, puis je ne m'y attend pas, mais je vais gagner pareil si j'ai les mêmes armes. Si j'en ai moins, j'ai plus de chances de perdre. Et le 350 000, 450 000 – j'y reviens pendant une seconde – quand ces programmes-là ont été mis en place, on allait chercher des populations riches en Chine, à Hong-kong, bien 350 000, c'était peut-être pas grave, 450 000, c'est peut-être pas grave. Si vous allez dans d'autres pays pour qui venir en Amérique du Nord, ça représente un intérêt, ils n'ont peut-être pas ça, 450 000. Peut-être que ça nous ferait de bons citoyens à 350 000 quand même. Parce que dans ce sens-là...

M. Boisclair: Ils peuvent venir comme travailleurs indépendants.

M. Daoust (Jacques): Oui, là, c'est une autre chose.

M. Boisclair: C'est ça, c'est ça. La question de fond, monsieur, là, quelqu'un qui est intéressé à venir au Québec peut le faire dans la mesure où il correspond à un certain profil, et c'est ce qui fait que les gens que nous sélectionnons correspondent à des profils qui sont intéressants pour le Québec. Alors, cette possibilité-là existe. Il y a des gens qui préfèrent ne pas se servir de cette porte d'entrée et qui viennent comme des investisseurs. La question qui légitimement se pose pour le gouvernement, c'est: Est-ce que ce montant de 350 000 devrait être ajusté compte tenu de l'autre porte d'entrée qui est là, qui est celle de venir comme travailleur indépendant et que l'investisseur qui vient doit véritablement investir et contribuer, peut-être davantage, au développement économique?

M. Daoust (Jacques): Mais vous comprendrez que le démarchage de l'investisseur immigrant, si j'y vois mon intérêt comme institution financière, je vais le faire. J'accorde beaucoup de mérite à votre autre programme, mais vous ne pouvez pas vous attendre à ce que je le démarche de la même façon.

M. Boisclair: C'est une très bonne réponse.

M. Daoust (Jacques): Le point que vous avez soulevé au niveau des opérations avec le ministère, peut-être que Mme Fauteux pourrait...

Mme Fauteux (Louise): Oui, est-ce que ça vous dérangerait de me répéter votre question?

M. Boisclair: Ah! c'est ça, ma question, dans le programme IBM, bien sûr les gens doivent disposer d'un certain actif, faire un placement, 350 000, période de trois ans, cinq ans, je m'excuse. Un des critères, c'est l'expérience de gestion. Et tout à l'heure... Il y a des exemples bien précis de gens qui n'ont pas véritablement d'expérience de gestion directe de portefeuille, mais qui ont une expérience différente et qui ne se qualifieraient pas. Est-ce que ce critère d'expérience de gestion pour vous est un obstacle dans le concret des choses, ou si c'est un critère qui selon vous ne cause pas de problème?

Mme Fauteux (Louise): Non, moi, je ne crois pas, parce que finalement, je veux dire, la population qu'on recrute ainsi, je trouve qu'au contraire n'ajoute pas au fardeau fiscal de façon ou d'autre et puis ça fait des gens qui sont déjà aguerris au milieu des affaires. Au contraire, moi, je trouve que ça devrait être maintenu.

M. Boisclair: On disait que des gens qui ont des expériences de gestion de portefeuille, ce n'est pas une expérience qui est reconnue au sens du règlement.

Mme Fauteux (Louise): Ah! ça, je ne connais pas toutes les ramifications parce que, moi, je ne fais pas partie des gens qui font la pré-sélection, etc. Tout ce qu'on sait, nous, c'est quand un client est arrivé et qu'il a déjà tout passé ces entrevues-là; ils sont déjà tout, vous savez, vaccinés, et tout là. Ils arrivent et puis là les gens sont... on est prêt à les accueillir. Naturellement, c'est que de temps à autre on est informé de certains...

M. Boisclair: Mais je comprends que, si nous assouplissions les règles d'entrée, vous n'en seriez pas mécontents; ça vous simplifierais la tâche dans vos efforts de démarchage. C'est ce que je comprends, M. le président?

M. Daoust (Jacques): Si je peux me permettre, M. le ministre, un commentaire sur «les gestionnaires de portefeuille, ce n'est pas une expérience de gestion».

M. Boisclair: Au sens du règlement?

M. Daoust (Jacques): Comme je dirige une équipe, entre autres, de gestionnaires de portefeuille, donc je trouve ça amusant – je leur transmettrai d'ailleurs ce commentaire-là – mais je suis d'accord avec vous. Vous savez, évaluer une entreprise et la gérer, c'est deux choses. Vous pouvez être critique sans nécessairement être un artiste. Un gestionnaire de portefeuille est choisi selon certains critères, les meilleurs types ou ceux qui lui paraissent les moins surévalués. C'est à peu près la situation dans laquelle on est actuellement. Ça n'en fait pas un grand gestionnaire, ça.

M. Boisclair: En tout cas, je vous invite à regarder cette question-là. Est-ce que vous avez fait des représentations auprès du gouvernement fédéral et qu'est-ce qu'on vous répond?

M. Daoust (Jacques): Au niveau du gouvernement fédéral, on n'a pas fait de représentations à notre niveau actuellement. Vous savez, on est assez discret dans l'expression de ce programme-là compte tenu d'abord des particularités qu'a eues le programme pendant longtemps, où on était au Québec dans une situation un peu différente des autres provinces puis à cause du moratoire qui a été fait sur le programme. Bon, là, on a le droit de s'exprimer dans ça, ici, puis on pense que, comme on l'a fait de concert avec vous autres, la place la plus logique pour nous autres pour venir le dire, c'était ici. Vous savez, on est une banque à Montréal, là.

M. Boisclair: ...des Québécois. Je suis votre client d'ailleurs et j'en suis fier. Dernière chose, moi, je vous invite à faire entendre votre voix. Le ministre fait entendre sa voix, j'espère que d'autres membres présents ici à cette commission parlementaire vont ajouter leur voix à la mienne, à celle de la députée de Pointe-aux-Trembles et à celle du député de Drummond, et j'espère que nous serons à même de répondre à vos demandes qui sont légitimes. Je comprends bien qu'il ne s'agit pas de donner de privilèges à qui que ce soit. Vous voulez jouer les règles du marché, vous voulez jouer à armes égales; ce message, il est entendu, il est compris par le gouvernement du Québec et par les députés ministériels. Soyez assuré que nous allons le porter haut et fort. Merci.

Mme Fauteux (Louise): Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, j'invoque l'article 213, page 88, pour poser une question au député de Gouin.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Est-ce que M. le ministre voudrait accepter d'avoir une question?

M. Boisclair: Non.

M. Laporte: Il n'y a rien dans le Règlement, M. le Président, qui spécifie que la question doit être...

M. Boisclair: Oui, la jurisprudence.

M. Laporte: «Tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention. La question et la réponse doivent être brèves.»

M. Boisclair: C'est non. La permission, je ne vous la donne pas. La jurisprudence. J'ai été leader adjoint du gouvernement, monsieur, la jurisprudence!

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'ai demandé la permission, la permission...

M. Laporte: Bien, oui, mais il n'y a rien dans le Règlement, M. le président, franchement...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): C'est très clair dans l'article 213, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Qu'est-ce que c'est qui est clair, M. le Président? Franchement, là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): C'est la permission.

M. Laporte: Demander, mais c'est à vous que je demande la permission, M. le Président. Je ne suis pas en train de demander la permission à lui. C'est vous qui êtes le président. Vous ne me l'accordez pas, cette permission-là?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Regardez, je vais vous expliquer. Tout député peut demander la permission, et selon ce qu'on me dit ici, dans ces décisions-là la permission est interprétée, dans toute la jurisprudence, comme l'unanimité. Voilà.

M. Laporte: Alors, j'invoque l'article 212, M. le Président...

M. Boisclair: Ça fait deux fois que vous scorez dans vos buts.

M. Laporte: ...qui dit: «Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.»

Le député de Gouin, s'agit-il d'un acharnement, d'une mauvaise habitude ou d'un manque de civilité, m'attribue continuellement – et vous voyez la civilité dont il est capable, il s'absente au moment où je fais mon commentaire – m'attribue continuellement des jugements, des opinions. La question que je lui pose: A-t-il des raisons de croire que ces opinions et ces jugements sont les miens? Pourquoi faut-il qu'on parle en mon nom? Alors, ça dure depuis trois jours, M. le Président, et, disons, ça mène à une exacerbation. De mon côté, je trouve que c'est une forme de harcèlement.

Vous avez bien dû constater, M. le Président, que je m'abstiens, mais je m'abstiens systématiquement, en vertu d'une règle de bonne manière parlementaire, d'attribuer des opinions, des jugements au ministre, au député de Gouin. Or, écoutez, c'est à vous, M. le Président, d'agir. Moi, je vous demande, enfin, je ne vous demande rien, je me dis: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'être vigilant là-dessus de sorte que nos moeurs parlementaires continuent d'être des moeurs de bonne qualité, n'est-ce pas? Alors, c'est ce que j'avais à dire, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député d'Outremont. Écoutez, vous avez fait un point de règlement, ce matin, selon l'article 35.5°, et le président a rendu sa décision. Bon, vous avez à ce moment-là souligné que vous vous sentiez peut-être un peu blessé. Mais vous l'avez souligné. Depuis ce temps-là, je dois vous souligner que la présidence n'est pas intervenue parce qu'il n'y a pas eu de propos, selon vous, qui avaient été jugés indignes.

M. Laporte: Donc, vous restez vigilant, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je reste vigilant.

M. Laporte: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci de vos conseils judicieux aussi.

M. Laporte: Merci infiniment, M. le Président. Bon, pour revenir à ce texte... Oui, M. le Président?

(12 heures)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous pouvez continuer, vous avez trois minutes de prises sur votre temps.

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. Daoust, vous nous avez remis, encore là, un texte excellent qui est dans la continuité de ce qu'on a entendu jusqu'ici. Les statistiques que vous mentionnez à la page 2 du texte sont un peu différentes – je pense qu'il faudrait regarder dans les transcriptions, là – de celles qu'on avait entendues dans l'exposé des gens de Lévesque, Beaubien. Ces statistiques-là, ici, est-ce que ce sont des statistiques qui ont à voir avec la gestion d'InvesNat chez vous ou si ce sont des statistiques qui se rapportent à la situation dans son ensemble?

M. Daoust (Jacques): Ça, c'est la situation chez nous.

M. Laporte: La situation chez vous.

M. Daoust (Jacques): Alors, ce que vous avez ici c'est chez nous. Vous savez, la façon que le programme se fait... Lévesque, Beaubien, par exemple, M. Leblanc, que vous avez rencontré ce matin... Lévesque, Beaubien, c'est une société très entrepreneuriale. Alors M. Leblanc, à un moment donné, a décidé, lui, que ce programme-là, c'était un programme qui était intéressant. Il a investi ses sous à lui. Il est parti à Hong-kong. Il est allé mettre en place un programme de recrutement, puis il a été un grand succès à l'échelle du Québec au niveau du Programme des investisseurs immigrants. La société, naturellement, est là. Il a le droit au nom de Lévesque, Beaubien, et tout ça, mais c'est l'entreprise d'un homme.

À la Banque Nationale, le scénario est un peu différent. Voici une organisation bancaire qui a des bureaux un peu partout à travers le monde et qui fait affaire sur du change étranger, par exemple, que ça soit aussi pour des suffisances de capitaux au niveau des appariements du bilan de la Banque. On a des bureaux à l'étranger pour une foule de raisons. Arrive ce programme-là, puis ils ont dit: Bien, on a des gens qu'on connaît, nous-autres. À Hong-kong, il y a une préoccupation, là, de gens qui sont préoccupés parce que le système communiste s'en vient, puis ils ne sont pas sûrs qu'ils veulent être dans ça, puis ils ont peut-être levé le drapeau un peu fort contre l'ancien régime. Il y a mille raisons pour ça. Alors, nous on a dit: Bon, bien écoute, on va offrir, on va faire connaître aux gens avec qui on fait affaire cette possibilité-là. Là, la Banque, elle, avec ses bureaux, fait un démarchage, parce qu'elle existe déjà là-bas et, nous, on agit à ce moment-là comme l'intermédiaire autorisé à faire fonctionner le programme.

Il se peut que M. Leblanc, par exemple, ait décidé, lui, de mettre en place un programme où il me faut au moins six familles, sans ça ça ne vaut pas la peine. Il peut avoir décidé de façon fort différente à la nôtre. Et la façon de faire les prêts, aussi. Une firme de courtage comme Lévesque, Beaubien, qui n'a pas nécessairement la Banque Nationale implantée partout dans 540 endroits différents au Québec, va faire des prêts un peu différents. Mais ça, ce que je vous ai donné ici, c'est ce que nous avons fait dans ce programme-là.

M. Laporte: Donc, est-ce qu'il faut comprendre que la différence qu'il y a entre le 109 et le 26, c'est constitué de codes d'investisseurs qui auraient donc obtenus des CSQ, mais qui auraient aussi obtenus des visas dans une période inférieure à celle d'un an ou de deux ans?

M. Daoust (Jacques): Il y en a beaucoup qui l'obtiennent, M. le député, soyons bien clairs là-dedans. La difficulté qu'on rencontre dans ça, c'est que ça dure longtemps. Puis il y a un point que je peux comprendre du fédéral, c'est que le programme québécois, je pense, puis en tout cas chez nous, on n'embarque pas dans une région pour des investisseurs immigrants où on aurait des gros points d'interrogation sur la provenance des fonds.

M. Laporte: Ah, d'accord.

M. Daoust (Jacques): O.K. Et l'autre chose, c'est qu'on n'agit pas avec des intermédiaires qui nous trouvent des investisseurs sur lesquels il y a des points d'interrogation, qui sont, vous connaissez l'expression, des «fly-by-night».

M. Laporte: Oui.

M. Daoust (Jacques): On ne veut pas ça. Ailleurs, dans ce programme-là, à travers le Canada, ça c'est produit, ces choses-là. Le gouvernement fédéral adopte probablement une règle uniforme à travers le Canada d'essayer de trouver le grand crime, parce qu'ils en ont eu, parce qu'ils ont été obligés de mettre le programme en veilleuse. Mais disons que chez nous, on trouve ça difficile, parce qu'on pense que, nous aussi, on fait une sélection à l'intérieur de ça. La province a ici un système assez efficace pour regarder ça. Alors, quand on a passé à travers notre écumoire, l'écumoire provincial, puis on retombe dans l'écumoire fédéral, les gens commencent à comprendre la complexité du système canadien, dans le bon et dans le mauvais sens du terme, voyez-vous. C'est sûr qu'on tamise beaucoup quand on fait ça. Nous autres, la partie qui nous préoccupe beaucoup, c'est de dire: Oui, peut-être qu'ailleurs ça s'est fait avec des organisations peu responsables, mais, chez nous, je pense qu'on fait un bon travail. Et la preuve, c'est qu'on n'a pas de mauvais prêt dans ça.

M. Boisclair: Avez-vous des exemples de ça?

M. Daoust (Jacques): Ha, ha, ha! Je me suis dit avant de partir: Je ne ferai pas de politique. Ha, ha, ha! Je ne veux pas embarquer dans ces choses-là. Merci, M. le député.

M. Laporte: Alors, merci beaucoup. Ça répond. À moins que ma collègue ait des questions.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Dans le même dossier, M. Daoust. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas d'après vous entre, en fait, l'acceptation canadienne, l'acceptation québécoise, et qu'on doit encore retourner? C'est quoi, le problème? Est-ce que c'est parce qu'on ne vient pas à bout d'avoir une participation des deux côtés?

M. Daoust (Jacques): Je ne pense pas que ça soit une participation, madame. Je l'expliquais tantôt, la préoccupation. Je pense que le programme québécois va bien parce qu'il est concentré auprès de deux grandes institutions: Lévesque, Beaubien qui est notre famille puis Placements Banque Nationale qui est la Banque Nationale aussi. On a beaucoup à perdre comme image, nous, à faire un mauvais travail. Alors, on fait un bon ménage dans ça. Mais imaginons une autre province où il y aurait eu des films d'horreur, puis vous en avez vu dans les journaux, des films d'horreur dans ces programmes-là. Le gouvernement fédéral va adopter une règle uniforme de tamisage, à ce moment-là, en disant: Il faut que je mette en place un système suffisamment efficace pour faire en sorte que, s'il y a quelque chose de pas correct, on va le détecter.

Alors, il y a définitivement une place où on fait le même travail. La province fait le même travail, la Banque fait le même travail puis le fédéral fait le même travail. Ce qu'on demande, nous autres, tout simplement, c'est dire: Accordons nos violons. Arrêtons de refaire tous le même travail, ça serait plus efficace. Est-ce que c'est à la province à se coordonner avec le fédéral? C'est au fédéral à se coordonner avec la province? Je viens de dire il y a deux minutes: Je ne ferai pas de politique, je n'embarquerai pas dans ça. Moi, tout ce que je demande, c'est dire: Faisons en sorte que ceux qui doivent entrer chez nous puissent entrer. Faisons en sorte aussi que le programme, j'ai les mêmes contraintes et les mêmes facilités que les autres. Laissez-moi me battre. Après ça, je vais faire une bonne job dans ça. Je pense que je suis...

Mme Vaive: Ça veut dire qu'il n'y a pas d'entente.

M. Daoust (Jacques): Je ne suis pas en plan... Vous savez, là, je n'ai pas à évaluer ça.

Mme Vaive: Mais est-ce que le problème existe, d'après vous, avec d'autres provinces?

M. Daoust (Jacques): Il n'existe pas avec d'autres provinces parce qu'actuellement il y a un moratoire sur le programme, d'abord, dans les autres provinces – ne nous trompons pas. Et ce que nous voulons, nous, puis c'est ce qu'on dit ici, on dit: Écoutez, là, les CSQ, parce qu'il y a des gens qui empruntent cette voie-là, à partir du 1er janvier, on va tous être sur le même programme. Je dis, moi: Il y a des délais dans ça, il faut que ça règle. Accordez-vous, parlez-vous-en. M. le ministre, d'ailleurs, a dit tantôt: Je n'ai pas l'intention de faire une bataille fédérale-provinciale sur ça. Parfait. Moi, tout ce que je veux, c'est qu'on n'ait pas de difficulté à avoir... Mais je ne pense pas, puis peut-être que vous pourriez me le dire: Est-ce qu'il y a un système de sélection provinciale dans d'autres provinces? Je ne pense pas, hein?

Alors, les gens qui empruntent cette voie-là ici, à tort ou à raison, bien là ils recommencent le même exercice après ça avec le fédéral. Nous autres, ce qu'on dit, c'est: Accordons-nous. On fait déjà un bon ménage dans la sélection. Le provincial fait un bon ménage dans la sélection, le fédéral fait un bon ménage dans la sélection. S'il y avait moyen de diminuer ça, on l'apprécierait. Et on dit: Tenez-nous à 350 000 $ comme tout le monde ou 450 000 $ pour tout le monde, mais battons-nous avec les mêmes armes. 270 000 000 $ juste chez nous d'argent neuf. On exporte tellement de capitaux, pour une fois qu'il en rentre chez nous, c'est bon. Alors, si on pouvait juste continuer de se battre avec ça puis faire notre business. Puis ça fait travailler du monde, ça, même chez nous, là.

Mme Vaive: M. le Président...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui.

Mme Vaive: ...j'ai apprécié tantôt votre commentaire lorsque vous avez dit que, lorsque vous accueillez des Chinois, vous avez quelqu'un qui parle chinois. Et c'est tout simplement de cette manière-là que, moi, je pense aussi comme vous autres. Chez nous, c'est la même chose. À la ville, chez nous, lorsque les gens viennent, on essaie de les mettre dans leur milieu à eux pour commencer. Ils se perdent dans un labyrinthe parce qu'eux viennent d'un autre pays qui n'a pas la même mentalité de penser et d'agir et ils sont vraiment désorientés, souvent. C'est ce qui fait que souvent ils sont déçus et puis ils s'en vont où ils peuvent aller avoir le service qu'ils s'attendent de recevoir. Je vous remercie.

M. Daoust (Jacques): Merci, madame.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Mme la députée. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, en vous rappelant qu'il vous reste quatre minutes.

Mme Léger: Que j'ai quatre minutes.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez quatre minutes.

Mme Léger: J'aimerais revenir sur la langue française. Vous sembliez tout à l'heure un petit peu inquiet à ce niveau-là. J'aimerais connaître un petit peu votre position quant à l'orientation du ministère qui serait d'augmenter la proportion des candidats qui connaissent le français à 80 % en l'en 2000. Est-ce que ça semble être un obstacle pour vous?

(12 h 10)

M. Daoust (Jacques): Je ne crois que ça soit un obstacle insurmontable, mais rappelons-nous d'une chose. Quelqu'un qui veut émigrer ici, qui s'en vient chez nous, il considère qu'il va être mieux ici qu'où il se trouve. Sans ça, il ne le ferait pas. Moi, si je décide, je ne sais pas, moi, d'aller vivre en Allemagne, c'est parce que je pense que je vais être plus heureux en Allemagne que je vais l'être au Canada.

Alors, comme pays industrialisé, on va attirer moins d'immigrants de pays qui sont aussi industrialisés que le nôtre ou à peu près. À ce moment-là, on va vers des pays qui sont peu différents, où il peut y avoir un motif politique local qui les préoccupe, puis ils veulent se sortir de ça en disant: J'en ai assez. J'ai exprimé des opinions politiques qui sont contraires au gouvernement de mon pays, puis je ne suis plus capable de vivre dans ce pays-là. Je me sens ostracisé, et tout ça. Il y a l'autre motif qui va être purement économique, aussi, de dire: Écoute, moi, j'ai ramassé des sous un peu puis je pense que je pourrais aller faire fortune en Amérique.

Il faut toujours se rappeler que ces gens-là, ils s'en viennent vers mieux ici. S'ils s'en viennent vers mieux, d'où est-ce que je m'approvisionne en immigrants qui ont des sous, dans mon cas? Moi, je cherche des gens qui ont de l'argent. Il y a une forte concentration asiatique où il y avait beaucoup d'ex-colonies britanniques et où la langue seconde est l'anglais. Le grand dénominateur commun, c'est l'anglais. Ils parlent chinois, ils parlent japonais, mais ils parlent anglais comme langue seconde.

Si on s'adresse à une population ou une exigence francophone légitime, mais une exigence francophone qui est importante dès le début, vous comprendrez que ma source d'approvisionnement Québec va devenir fort différente. À ce moment-là, je ne cherche plus des Chinois. À ce moment-là, je vais rechercher des Algériens, je vais rechercher des Tunisiens, je vais rechercher des gens qui ont tradition française.

Mais il y a un autre point qu'il ne faut pas oublier. C'est que, quand j'attire un Chinois, moi, le Chinois, il s'installe à Vancouver, mais il laisse son argent au Québec pour une raison purement géographique: il est bien plus proche de Hong-kong à Vancouver qu'il l'est à partir de Montréal. Il y a deux aspects dans ça. Vous êtes préoccupés, avec la commission, ici, par une dimension beaucoup plus large que la mienne. Vous êtes préoccupés du côté culturel de la chose. Si, moi, j'ai un immigrant sur 10 qui reste au Québec puis que j'en ai neuf sur 10 qui s'en vont s'installer en Alberta, qui s'en vont s'installer à Toronto ou qui s'en vont s'installer à Vancouver, au moins, je garde ses sous pendant cinq ans. Alors, ça ne changera pas, cet aspect-là, le côté français dans ça. Mais, si je veux disposer de nouvelles sources d'approvisionnement en immigrants investisseurs et que je veux les attirer au Québec, vous comprendrez que je m'adresse à d'autres pays, à ce moment-là.

Mme Léger: Oui. Par contre, on sait aussi que, quand le fait français est là, l'insertion est plus facile ici, au Québec, comme de raison, et la rétention est accrue. Alors, vous parliez tout à l'heure, au niveau de la rétention, que vous aviez un 10 % des gens qui restaient. Voulez-vous me l'expliquer davantage?

M. Daoust (Jacques): C'est parce qu'elle est fortement asiatique. Le programme...

Mme Léger: Ça revient toujours à notre clientèle asiatique.

M. Daoust (Jacques): Tout à fait. Tout à fait. Parce que, tout d'abord, quand on a commencé le programme, on l'a commencé à Hong-kong. Hong-kong, qu'est-ce que vous voulez, c'est une clientèle très anglophone. Puis le programme, il a pris de l'essor parce qu'on avait un bureau à Hong-kong puis parce qu'il y avait le retour de Hong-kong à la Chine. Alors, c'est comme ça que ça a commencé. Il n'y a pas d'impossibilité du tout dans ce que vous dites. Mais mon taux de rétention, moi, j'attire l'argent. Le siège social est à Montréal, on le fait ici, on distribue ça.

Mais je souscris beaucoup au fait français dans le sens que, vous savez, l'immigration est difficile en région au Québec. Si vous allez en Ontario, vous pouvez en retrouver dans bien des villes en Ontario, de l'immigration, parce qu'ils vont parler anglais dans un certain nombre de grosses villes. Vous allez à London en Ontario, vous allez retrouver un bon nombre d'immigrants. Au Québec, vous avez une forte concentration autour de Montréal, puis le dénominateur commun, bien souvent c'est qu'ils se retrouvent non pas à parler anglais ensemble, ils vont se retrouver à parler leur langue d'origine ensemble.

Mme Léger: Sauf que le plus grand objectif du ministère, il ne faut pas l'oublier, dans Prévoir et planifier , c'est vraiment qu'il y ait une rétention. On les accueille, mais il faut les garder ici aussi.

M. Daoust (Jacques): Oui. Mais mon point, c'est que le programme, dans sa finalité, au niveau du Québec, il ne rentre peut-être pas bien des investisseurs immigrants qui parlent français, mais on est capables de rentrer des sous avec. Ça fait que moi, mon côté, comme personne qui travaille dans une institution financière, c'est de m'occuper de sous. Il y a d'autres organismes qui vont venir vous voir qui s'occupent de culture. Moi, je m'occupe de sous. J'essaie d'en rentrer puis je veux continuer d'en rentrer, des sous, pour le développement du Québec.

Mme Léger: Mais, si vous êtes capable, en plus, de rentrer des sous puis de les retenir ici, ça serait encore meilleur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Daoust (Jacques): On va essayer. Alors, faites en sorte qu'on ait un terrain de jeux neutre pour tous les intervenants canadiens.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député d'Outremont, en vous rappelant qu'il vous reste 10 minutes.

M. Laporte: M. Daoust, d'abord, je dois vous dire que je suis très heureux de vous entendre dire ce que vous venez de dire, parce que ça rejoint, à mon avis, avec précision ce que j'ai affirmé moi-même au cours de cette commission. Ce que vous faites, c'est une analyse de risque qui dit: Le dispositif qui est mis en place pourrait peut-être créer ce qu'on appelle des effets pervers. J'ai tenté, disons, avec patience, mais, à mon avis, sans succès jusqu'ici, de faire comprendre cette argumentation au ministre. La comprendra-t-il finalement? L'acceptera-t-il finalement? On verra bien dans le document final qui nous sera présenté. Mais, moi, je retiendrai dans la...

M. Boisclair: ...la ministre fédérale l'avait, elle, compris.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez la parole, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Enfin, là, maintenant que vos propos sont dans nos transcriptions, ça me donnera une base encore plus solide pour mener l'argumentation finale, et je vous en remercie. Je ne vous prête pas de propos, je pense que c'est, comme on dit, «on the record», et j'espère pouvoir y revenir. Vous avez une expérience qui nous est absolument précieuse là-dessus. Alors, je vous remercie beaucoup.

Maintenant, je voudrais poser une question. Je voudrais demander au président de la commission de faire une demande au ministre. Le député de Gouin, la députée de Pointe-aux-Trembles et d'autres députés du gouvernement reviennent continuellement sur une hypothèse, un axiome, une prémisse, une affirmation, une observation voulant que le dispositif de sélection qui privilégie le recrutement de candidats francophones, sans évidemment exclure des candidats d'autres familles linguistiques, ce dispositif aurait, selon eux, un effet que je qualifierais de causal sur la rétention de nos immigrants.

M. le Président, je voudrais vous demander d'avoir la bienveillance de demander au ministre de déposer dans cette commission parlementaire pour étude par l'opposition tout document de son ministère qui serait sujet à démontrer cette affirmation.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Selon l'article 214, dépôt de document.

M. Laporte: Écoutez, il y a un dépôt de document. À 214: «Lorsqu'un ministre cite, même en partie, un document...» C'est une affirmation qui est récurrente, qui est faite de façon répétée depuis trois jours. Moi, je me place ici d'un point de vue scientifique et je dis: Est-ce qu'on pourrait avoir les preuves de cette affirmation-là? Parce que, autrement, on risque de se retrouver dans la construction d'une vérité sociale dont le fondement ne m'apparaît pas clairement établi.

Alors, s'il y a des documents au ministère, M. le Président, qui démontrent que l'affirmation qui est maintes fois répétée de l'autre côté est une affirmation qui est scientifiquement démontrée, j'aimerais voir ces documents. C'est essentiel qu'on arrive à s'entendre là-dessus, puisque finalement c'est un fondement si important de la politique que nous avons devant nous que c'est notre devoir en tant qu'opposition de l'évaluer.

Alors, je fais appel, M. le Président, à votre bienveillance, mais aussi à votre sens, à votre capacité de conviction pour obtenir la documentation du ministre et du ministère si cette documentation existe. Je vous remercie, M. le Président. M. Daoust, je vous remercie beaucoup parce que vraiment, encore là, vous avez contribué admirablement à mon éducation. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député d'Outremont. J'enregistre bien votre demande et elle est transmise au ministre. S'il existe des documents, écoutez, c'est des documents publics, je ne verrais pas pourquoi...

M. Boisclair: Le règlement, monsieur, prévoit que le député est obligé de prendre ma parole. S'il veut mettre ma parole en cause, qu'il le fasse en vertu des dispositions du règlement. Je vous remercie. Vous ne connaissez même pas votre règlement, ça fait un an que vous êtes à l'Assemblée nationale.

M. Laporte: Mais je suis un jeune parlementaire, M. le député de Gouin.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Excusez! Je vous cite l'article...

M. Laporte: Alors, vous me permettrez d'apprendre à jouer et vous me laisserez jouer honorablement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît!

(12 h 20)

M. Laporte: Moi, je ne fais la leçon à personne, M. le Président, à personne, alors que le député de Gouin n'arrête pas de me faire la leçon à moi et de faire la leçon à à peu près tout le monde qui se présente ici depuis trois jours. Alors, écoutez...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va?

M. Laporte: Bien, ça va, je veux dire, ça ne va pas, non.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bien, veuillez prendre place. Vous m'interpellez, donc je dois répondre.

M. Laporte: Oui, je vous interpelle, écoutez...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre...

M. Laporte: ...au nom des manières du Parlement, de manière parlementaire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, je comprends, mais tout le monde doit en avoir aussi. Merci.

Donc, madame, monsieur, la commission vous remercie infiniment de votre contribution. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, au même endroit. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 14 h 9)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît. Nous reprenons nos travaux. J'invite les représentants et représentantes de la Communauté urbaine de Montréal à se présenter devant nous. Le représentant, O.K. Excusez.

Bonjour monsieur et bonjour madame. Ça me fait plaisir de vous accueillir au nom de la commission de la culture. Je vous rappelle que nous disposons d'une heure. Normalement, le temps imparti pour votre présentation est entre 15 et 20 minutes et la balance du temps est distribuée également des deux côtés de la présidence. Je vous demande de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne, soit vous monsieur ou madame.


Communauté urbaine de Montréal (CUM)

M. Malo (Daniel): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Daniel Malo. Je suis directeur des affaires corporatives de la Communauté urbaine de Montréal. Je suis accompagné de Mme Krystyna Starker, qui est la présidente de notre Comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales, puisque depuis 1985 la Communauté urbaine travaille avec ce comité pour élaborer le positionnement de l'organisation en matière de relations interculturelles.

(14 h 10)

M. le Président, j'aimerais vous mentionner qu'évidemment je viens comme porte-parole de la Communauté urbaine. C'est Mme Danyluk elle-même, la présidente du comité exécutif, qui était censée venir. Malheureusement, cette semaine il y a une espèce de blitz budgétaire qui est commencé à la Communauté urbaine qui l'oblige à présider les séances du comité exécutif et du comité du budget. Donc, c'est ce qui explique ma présence. Je peux vous dire qu'elle est très désolée de ne pouvoir être ici, parce qu'elle accorde énormément d'importance aux questions interculturelles et d'immigration.

M. Boisclair: Vous l'excuserez et vous la saluerez de notre part.

M. Malo (Daniel): Soyez sans crainte, je lui ferai le message, M. le ministre. Donc, je vais vous présenter un résumé du mémoire de la Communauté urbaine.

La Communauté urbaine de Montréal remercie le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration de lui donner l'occasion de réagir au document intitulé L'immigration au Québec de 1998 à 2000 – Prévoir et planifier . La CUM juge important de profiter de cette occasion pour, tout en commentant les cinq orientations soumises à la consultation, faire le point sur certains enjeux importants en matière d'immigration. Les commentaires ont été préparés en collaboration avec le Comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales de la CUM.

Organisme public créé en 1970, la CUM regroupe les 29 municipalités situées sur l'île de Montréal, l'île Bizard et l'île Dorval. Elle compte 1 800 000 résidents. Ses champs de compétence sont, entre autres, l'évaluation foncière, l'aménagement du territoire, l'inspection des aliments, l'assainissement des eaux usées, le transport en commun, la sécurité publique et la promotion économique.

La Communauté est convaincue que l'intégration des immigrants repose, entre autres, sur l'établissement d'un lien de confiance, sur la promotion de la dignité de la personne ainsi que sur la connaissance et le respect mutuel. La CUM a mis en pratique les principes d'ouverture et de démocratie de la société québécoise. Elle s'est dotée d'un comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales et a implanté des mesures pour améliorer l'accès à ses services et pour permettre une pleine participation de tous les citoyens à ses processus de décision.

Quelques enjeux importants en matière d'immigration pour la CUM. Un enjeu capital pour le Québec et pour la CUM est de garder leur population sur le territoire et d'attirer de nouveaux résidents. La CUM s'inquiète en effet de voir un nombre important de jeunes de toutes origines quitter le Québec, ce qui témoigne selon elle d'un manque de confiance et d'espoir envers la société québécoise.

Le gouvernement et ses partenaires – municipalités, entreprises, etc. – doivent donc créer des conditions économiques, sociales et politiques propices au désir des immigrants de s'établir au Québec. Une connaissance approfondie des facteurs qui incitent les immigrants à rester au Québec ou à partir s'impose également. Il semble que le gouvernement effectue présentement des études à ce sujet. La CUM souhaite en connaître les résultats et être associée aux discussions qui pourront se tenir sur les moyens d'améliorer la rétention des immigrants. Dans cette même optique, il faut aussi éliminer les barrières à l'emploi auxquelles les immigrants font face, réduire les délais de traitement des demandeurs d'asile et mettre en place des conditions pour inciter les chercheurs et les autres travailleurs temporaires venant de l'étranger à rester au Québec.

Sur le plan local, le territoire de la CUM requiert de façon urgente une approche intégrée pour répondre aux besoins des immigrants et des communautés ethnoculturelles en matière d'emploi, d'habitation, d'éducation, de développement professionnel, de services sociaux, de services de santé, de sécurité publique et de culture. Le gouvernement doit s'assurer que tous ces intervenants disposent des moyens et des ressources nécessaires pour bien jouer leur rôle d'agent intégrateur. Le territoire de la CUM souffre aussi d'un problème d'inéquité qui découle du fardeau fiscal plus lourd pesant sur les contribuables de l'île de Montréal à cause de coûts additionnels importants pour financer des services de nature métropolitaine. Des mesures de correction permanente des inéquités fiscales dans le financement des services à caractère métropolitain devront être mises en oeuvre si l'on veut que la CUM fasse davantage sous l'angle administratif en matière de relations interculturelles et d'intégration.

Par ailleurs, les membres de notre comité consultatif ont porté à notre attention deux passages du document de consultation qui peuvent contribuer à la création de préjugés à l'égard des immigrants et à faire croire qu'ils constituent un problème pour notre société plutôt qu'un avantage. Ainsi, on mentionne, à la page 42, que «la concentration de la population immigrée dans certains quartiers soulève des inquiétudes quant au maintien de la prédominance du français, tant dans les espaces de services que de travail», et ensuite que «l'existence, même marginale, de tensions interculturelles ou interraciales dans certains quartiers ou dans certains segments de la population suscite parfois de l'inquiétude».

La concentration de la population immigrée dans certains quartiers ne devrait surtout pas être un sujet d'inquiétude. Les immigrants choisissent souvent leur quartier à cause de la présence de membres de leur communauté, qui se sont donné leurs propres institutions et leurs propres réseaux, lesquels contribuent au sentiment d'appartenance chez les nouveaux arrivants, facilitent leur intégration et leur permettent de démystifier à leurs yeux la culture et les valeurs de la société d'accueil. Par conséquent, le gouvernement devrait s'assurer que ces réseaux et institutions bénéficient des mécanismes de support dont ils ont besoin.

Autre préjugé tenace, on lie parfois concentration ethnique et criminalité. Or, des études ont démontré que la délinquance ne progresse pas avec la densité ethnique. Les quartiers à forte densité ethnique tendent à avoir un taux de criminalité plus bas que ceux constitués par la population de souche.

Enfin, la Communauté comprend le bien-fondé de la politique de régionalisation du gouvernement. Néanmoins, la réalité demeure que 93 % des immigrants qui arrivent au Québec s'établissent sur le territoire du Grand Montréal où ils ont une première impression de la société d'accueil. La CUM doute, en effet, que tout espoir de régionalisation de l'immigration se concrétise si, malgré les infrastructures adaptées à la réalité multiethnique, on ne parvient pas à créer sur le territoire de la CUM les conditions favorables à l'essor des membres actuels ou futurs des différentes communautés culturelles.

Maintenant, des commentaires en réponse aux cinq orientations qui sont soumises à la consultation. La vitalité démographique, économique, sociale et culturelle du territoire de la Communauté dépend dans une large mesure de l'apport de l'immigration. La Communauté appuie donc l'objectif global de maintenir ou d'augmenter progressivement les niveaux annuels d'immigration. Au chapitre des programmes d'accès à l'égalité au sein de la Communauté, le maintien ou l'augmentation du niveau d'immigration pourrait occasionner un plus grand bassin de candidats potentiels, entre autres pour le service de police. Sur le plan économique, plus notre population sera importante, plus il nous sera aisé de supporter les infrastructures socioéconomiques dont nous sommes dotés et plus nous serons attirants comme marché aux yeux des investisseurs.

Est-ce que je poursuis ou il y a un problème de documents? Ça va?

M. Boisclair: C'est juste que je cherche à obtenir votre document, monsieur. C'est parce qu'il est différent de votre mémoire. Je crois comprendre que vous ajoutez des nouveaux éléments, que j'ai pris en note, dans votre présentation qui ne sont pas dans le mémoire. Je veux juste être bien sûr de pouvoir en discuter par après avec vous, parce que j'avais lu attentivement le mémoire, mais je remarque qu'il y a des ajouts par rapport à ce qui est dans le mémoire. Je cherche tout simplement à obtenir une copie de votre texte.

M. Malo (Daniel): À ma connaissance, le résumé que je vous présente a aussi été envoyé avec les documents.

M. Boisclair: Ah, vous prenez ça dans le résumé!

M. Malo (Daniel): Oui, tout à fait.

M. Boisclair: D'accord. Parfait. Je vous remercie, parce que j'étais dans... Je m'excuse. Allez-y, monsieur.

M. Malo (Daniel): Non, non. Ça va. O.K. Merci, je vais poursuivre. Maintenant, les commentaires sur les orientations. Donc, premièrement, c'était de viser, pendant la période 1998-2000, une croissance graduelle de la proportion des immigrants indépendants au sein du total des admissions, l'objectif étant que cette proportion soit de l'ordre de 50 % en fin de période. De façon générale, la Communauté est d'avis que les immigrants provenant de toutes les catégories contribuent à la société et à son économie, compte tenu de la situation économique qui prévaut. Elle croit également que la société a besoin de travailleurs spécialisés ainsi que de travailleurs non spécialisés, à bien des égards.

Deuxièmement, optimiser, pendant la période en cause, la proportion des immigrants connaissant le français au moment de leur admission au Québec. On vise, pendant la période 1998-2000, une augmentation de la proportion de candidats sélectionnés connaissant le français dans la sous-catégorie des travailleurs indépendants, l'objectif étant que cette proportion dépasse 80 % en fin de période. Cet objectif sera difficile à atteindre compte tenu du bassin limité d'immigrants connaissant le français au moment de leur admission au Québec. De plus, bien que la connaissance de la langue française soit un atout pour les immigrants, elle ne devrait pas constituer le premier critère de sélection des immigrants. Plusieurs membres des communautés ethnoculturelles, entre autres de la communauté noire, ont appris le français, mais ne trouvent toujours pas un emploi à la mesure de leurs habiletés et de leur formation. Les critères plus fondamentaux à privilégier devraient être la volonté des immigrants de contribuer à l'économie et à la société, leurs compétences et habiletés, leur sens de la participation civique, leur respect pour les lois et les processus démocratiques de notre société, leur volonté de s'attacher à la société d'accueil et leur désir de faire leur vie ici.

Par ailleurs, certaines personnes sont restées perplexes devant un passage du document de consultation pouvant laisser entendre que l'on favorise l'abandon de la langue maternelle chez les immigrants. La Communauté est d'avis que la langue maternelle est partie intégrante de la culture des immigrants et qu'ils doivent en être fiers. La CUM voit le multilinguisme comme un atout pour la région de Montréal et considère que la centaine de langues qu'on y retrouve contribuent à son dynamisme.

Troisièmement, consacrer les efforts nécessaires pour maintenir, à son niveau des récentes années, le volume des réfugiés et autres personnes en situation de détresse admis au Québec après avoir été sélectionnés à l'étranger. La CUM est d'accord avec cette orientation qui reflète l'engagement humanitaire du Québec auprès de la communauté internationale. Découlant de cette orientation, le gouvernement devrait s'assurer que les ressources suffisantes soient consacrées à l'accueil et à l'intégration des immigrants à la société.

(14 h 20)

Quatrièmement, viser à maintenir à environ 4 000 par année le niveau d'admission pour les immigrants de la sous-catégorie des gens d'affaires. Compte tenu de l'apport économique des immigrants de la catégorie gens d'affaires, la Communauté est d'avis que le gouvernement devrait hausser ce niveau d'admission.

Cinquièmement, faire progresser le volume d'admission d'immigrants de la sous-catégorie des travailleurs de manière que ce volume soit d'au moins 10 000 admissions annuelles en fin de période. Selon un récent article du journal La Presse , les travailleurs immigrants arrivés en 1994 et 1995, et qui représentent la plus grande partie des immigrants sélectionnés à l'étranger, avaient quitté le Québec dans une proportion de près de 19 % en 1996. Compte tenu de ce problème de rétention, la CUM se questionne sur le bien-fondé de cette orientation. La CUM se demande aussi si on doit privilégier la sous-catégorie des travailleurs plutôt que les autres catégories d'immigrants, notamment la catégorie des gens d'affaires.

Finalement, en termes de recommandations, la CUM recommande:

Que le gouvernement fasse progresser le niveau d'admission pour les immigrants de la sous-catégorie des gens d'affaires.

Deuxièmement, que le gouvernement consacre les efforts nécessaires pour maintenir, à son niveau des récentes années, le volume des réfugiés et autres personnes en situation de détresse admis au Québec après avoir été sélectionnés à l'étranger.

Que le gouvernement reconnaisse que la langue ne constitue pas le plus important critère de sélection des immigrants et qu'il faut plutôt privilégier des critères comme la volonté des immigrants de contribuer à l'économie et à la société, leurs compétences et habiletés, leur sens de participation civique, leur respect pour les lois et les processus démocratiques de notre société, leur volonté de s'attacher à la société d'accueil et leur désir de faire leur vie ici.

Quatrièmement, que le gouvernement s'assure néanmoins que les cours de langue française soient bien adaptés aux besoins des immigrants et collabore avec les entreprises afin de leur permettre d'offrir des cours en milieu de travail.

Cinquièmement, que le gouvernement soutienne davantage les réseaux et les institutions des communautés ethnoculturelles, y compris les associations monoethniques qui se retrouvent sur le territoire de la CUM, notamment dans les quartiers à forte concentration de population ethnique, et qui contribuent au bien-être et au sentiment d'appartenance chez les nouveaux arrivants.

Sixièmement, que le gouvernement du Québec reconnaisse le rôle important de la CUM en matière de relations ethnoculturelles dans ses champs de compétence et en complémentarité avec ses municipalités et qu'il l'aide à la poursuite du travail déjà amorcé dans ce domaine, notamment en corrigeant les iniquités fiscales dans le financement des services à caractère métropolitain.

Septièmement, que le gouvernement soutienne la CUM dans la mise en pratique d'un processus dans lequel elle serait associée avec le gouvernement, les municipalités et l'ensemble des intervenants socioéconomiques du territoire, à l'élaboration d'une approche intégrée pour répondre aux besoins des communautés ethnoculturelles de la région.

Huitièmement, que le gouvernement partage avec la CUM le résultat des études effectuées sur les facteurs de rétention des immigrants et associe la CUM aux discussions éventuelles visant à trouver des solutions à ce problème.

Que le gouvernement favorise la création chez les immigrants d'un lien de confiance envers notre société en mettant en place les conditions économiques, sociales, politiques et culturelles qui permettront aux immigrants de s'établir ici, d'y travailler et d'y être bien.

Dixièmement, que le gouvernement veille à ce que les intervenants en matière d'emploi, d'habitation, d'éducation, de développement professionnel, de services sociaux, de services de santé, de sécurité publique et de culture disposent des moyens et des ressources nécessaires pour bien jouer leur rôle d'agent intégrateur.

Que le gouvernement fasse la promotion de la lutte contre la discrimination dans tous ces domaines et qu'il cherche à identifier et à éliminer les barrières auxquelles les immigrants font face dans ces domaines.

Et, finalement, que le gouvernement, de façon urgente, mette en oeuvre tous les mécanismes et projets propices à une relance économique et à la création d'emplois afin d'inciter les jeunes des communautés ethnoculturelles et les autres membres de la population à demeurer au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Merci beaucoup pour votre présentation. Je pense que votre présentation est d'autant plus pertinente qu'elle est riche d'une expertise qui est celle de la Communauté urbaine de Montréal. Je voudrais profiter de l'occasion pour saluer le travail de la CUM. Je voudrais rappeler certains éléments, entre autres la déclaration sur les relations interculturelles adoptée par la Communauté urbaine de Montréal. Souligner aussi le travail de la Communauté urbaine de Montréal dans une réflexion sur les programmes d'accès à l'égalité, qui ont donné des résultats très, très, très intéressants, la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal, à la ville de Montréal aussi et dans d'autres organismes qui sont partenaires de la Communauté urbaine de Montréal. À cet égard-là, je comprends que votre présentation est riche de l'expertise aussi de votre comité consultatif à qui, si j'ai bien compris, vous avez confié le mandat de préparer cette réflexion. Donc, madame, monsieur, merci pour votre contribution. Elle est pertinente et riche de votre expertise.

Je voudrais d'abord aborder une question de fond avec vous sur notre vision de ce qu'est l'intégration. Votre présentation tranche – c'est du noir au blanc – avec celle que nous avons entendue tout à l'heure des gens de la ville de Laval qui ont une vision différente des mécanismes d'intégration qui doivent être appuyés par l'État. Vous nous dites, dans votre mémoire, à la page 2, que certaines communautés «se sont donné leurs propres institutions et leurs propres réseaux, lesquels contribuent au sentiment d'appartenance chez les nouveaux arrivants, facilitent leur intégration et leur permettent de démystifier à leurs yeux la culture et les valeurs de la société d'accueil. Par conséquent, le gouvernement devrait s'assurer que ces réseaux et institutions bénéficient des mécanismes de support dont ils ont besoin». Et vous nous dites aussi, à la recommandation 5 – c'est là finalement le corollaire: «Que le gouvernement soutienne davantage les réseaux et les institutions des communautés ethnoculturelles, y compris les associations monoethniques, qui se retrouvent sur le territoire de la CUM, notamment dans les quartiers à forte concentration de population ethnique, et qui contribuent au bien-être et au sentiment d'appartenance chez les nouveaux arrivants.»

Votre vision tranche de beaucoup avec celle de la ville de Laval. Je reprends leur mémoire où, plutôt que de financer des groupes sur une base monoethnique, ils ont préféré mettre l'emphase sur le financement de l'adaptation des services municipaux pour qu'ils prennent en compte la diversité et le pluralisme. Ce sont des critères qui vont jusque dans le financement par la ville de certains réseaux de garderie. La ville de Laval privilégie, et je les cite: «À Laval, nous préconisons l'intégration par le partage d'activités et de lieux de services entre nouveaux arrivants et citoyens de longue date.»

J'aimerais vous entendre réagir à cette pratique qui est celle de la ville de Laval. Et est-ce que cette réflexion, ce vécu et ce témoignage que vous avez peut-être entendu tout à l'heure des gens de Laval vous inspire des commentaires?

M. Malo (Daniel): Bien, disons que ma réaction à ça, je ne verrais pas forcément d'incompatibilité. La Communauté urbaine a aussi beaucoup travaillé, ainsi que plusieurs de ses villes, à ajuster, adapter ses services. C'est pour, dans le fond, créer des ponts et des liens avec les membres des communautés ethnoculturelles. Donc, il apparaît important effectivement que, dans chacun de nos champs de compétence, on puisse faire en sorte d'ajuster, d'adapter les services pour créer un sentiment d'appartenance qui va contribuer, d'une part, à garder les membres des communautés ethnoculturelles sur le territoire et à encourager, dans le fond, l'arrivée de nouveaux immigrants sur ce territoire-là.

Maintenant, l'expérience de la Communauté urbaine est aussi à l'effet que, parmi les facteurs d'intégration, il y a les associations qui chapeautent chacun des groupes ethniques qui sont présents sur le territoire de la Communauté urbaine, puis il y en a de nombreux. Évidement, la territoire est très cosmopolite. La capacité de ces groupes-là à accueillir, à favoriser l'intégration, à créer un sentiment d'appartenance chez ces citoyens-là sur le territoire apparaît également important à la Communauté urbaine.

Donc, dans ce sens-là, que des corps publics comme les villes ou comme une institution régionale comme la CUM travaillent à adapter ces services, nous en convenons, mais il est aussi important de reconnaître l'importance de ces groupes-là, eux, dans leur capacité à favoriser ce sentiment d'appartenance là et à participer à la vie publique sur le territoire.

Vous savez, le service de police, par exemple, avec la Communauté urbaine, a tenté bien des approches pour adapter ses services. Au cours des cinq dernières années, la Communauté urbaine a développé un modèle de plan d'action avec la communauté noire où elle a investi plus de 500 000 $ pour tenter d'établir des liens entre les services policiers et les différents groupes ethniques sur le territoire. Dans ce sens-là, c'est une façon de créer ces liens-là, mais c'est aussi une reconnaissance que ces groupes-là eux-mêmes sont en mesure de jouer un rôle important dans le facteur d'intégration sur le territoire.

(14 h 30)

M. Boisclair: Oui. Je partage la conclusion de votre analyse. Je voudrais vous dire que, depuis la fin des années quatre-vingt, le gouvernement du Québec ne finance pas le fonctionnement d'associations, de regroupements de gens qui s'organisent sur la base de l'ethnicité. Nous finançons des organismes, par exemple, de la communauté noire qui interviennent auprès de l'entrepreneurship, pas exclusivement des Noirs, et nous les finançons d'autant plus qu'ils vont s'associer des partenaires, comme la fondation Mathieu da Costa l'a fait, va bientôt travailler avec le Fonds de solidarité du Québec, va travailler avec le réseau des Services d'aide aux jeunes entrepreneurs et d'autres partenaires.

Le grand défi, moi, je pense, il est celui du décloisonnement et de faire en sorte que des gens puissent rapidement bénéficier de l'ensemble des services qui sont offerts à la population, contrairement à une idée qui nous amènerait à plutôt faire en sorte de les enfermer dans des réseaux de services qui sont basés sur l'ethnicité, et ça a été un gros virage. En somme, là, je ne veux pas que ce soit... Les défis que nous avons à relever, entre autres, quant à l'intégration des minorités visibles sur le marché du travail, n'est pas que le problème des minorités visibles, c'est le problème de toute la société. Le défi de l'intégration, par exemple, je ne sais pas, moi, des ex-Yougoslaves est une responsabilité qui n'est pas celle uniquement qui échoit aux membres de leur communauté mais bien à l'ensemble de la société québécoise et de ses partenaires. Donc, c'est pour ça que l'État, lorsqu'il a des priorités à identifier, lorsqu'il a des choix budgétaires à faire – parce qu'on comprend bien qu'il y a des choix qu'il nous faut faire, nous avons toujours privilégié le décloisonnement, la mise en commun des services et, s'il y a lieu, de travailler avec ces associations – c'est sur la base de projets qui vont rassembler l'ensemble des gens.

Je ne pense pas qu'il appartienne au gouvernement du Québec de financer la communauté italienne dans ses activités, je ne pense pas que ce soit la responsabilité du gouvernement du Québec de financer la communauté grecque dans ses activités, à moins qu'elle oeuvre au-delà des activités de loisirs, sociales, culturelles. C'est bien que ces associations existent et c'est bien qu'elles organisent des activités, mais à moins que ce soit pour des activités qui veillent à l'intégration et que ce soit fait en partenariat avec d'autres. Je voulais apporter ça comme précision.

Sur les taux de rétention, je veux vous dire qu'il y a une mauvaise perception. Les taux de rétention sont de l'ordre de 80 % au global. Au Canada, les taux de rétention sont les mêmes, ils vont jusqu'à 83 % chez les indépendants. Donc, il n'y a pas véritablement de difficultés au niveau des taux de rétention. L'article de Berger – il y a quelques personnes qui nous le citent, qui nous citent les taux de rétention – prêtait à confusion dans sa rédaction: 83 % chez les travailleurs, et, au total, ils sont de 80 %, égaux à la moyenne canadienne. À cet égard-là, je pense que le Québec n'a pas à envier qui que ce soit.

Donc, remercier pour votre présentation. Je sais que d'autres de mes collègues veulent intervenir. Merci pour votre contribution et votre travail. J'espère que c'est ensemble qu'on réalisera les défis que nous avons à relever. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Merci, M. Malo. Merci, Mme Starker. J'ai plusieurs questions à vous poser, mais, avant de le faire, j'aimerais revenir un peu sur un propos que vous venez de tenir. Lorsque j'ai pris connaissance du document ministériel à la page 42, il y a de ça peut-être une quinzaine de jours, et que j'ai lu l'affirmation voulant que la concentration de la population immigrée dans certains quartiers soulève des inquiétudes quant au maintien de la prédominance du français, j'ai été frappé de stupéfaction que, dans un document de l'État, un document officiel, on affirme sans preuves à l'appui – et je ne connais aucune preuve statistique à l'appui de cette affirmation – que la concentration de la population immigrée dans certains quartiers serait de quelque façon nuisible à la prédominance du français et qu'elle serait de quelque manière justifiée de provoquer nos inquiétudes. J'ai travaillé 20 ans sur cette question-là, au cours de ma carrière de haut fonctionnaire, et je n'ai jamais vu aucune preuve, mais aucune preuve qui nous permettrait de justifier ces inquiétudes. Je n'ai jamais vu de base factuelle à l'effet qu'il y aurait une corrélation entre les deux variables qu'on mentionne ici, à savoir la concentration ethnique et la diffusion, la prédominance et l'attraction du français. J'étais stupéfié.

Évidemment, lorsque je vous entends, vous, de votre côté, contester cette affirmation comme vous venez de le faire, je suis rassuré et confirmé dans ma stupéfaction, puisque nous sommes, si j'ai bien compris, entièrement d'accord sur le manque d'à-propos de l'affirmation qui est faite ici, à la page 46. C'est un préjugé, un stéréotype, une idée fausse qui circule au Québec depuis trop longtemps, et j'aimerais vous demander à vous de préciser pourquoi vous jugez que ces inquiétudes sont mal fondées, sont infondées. Et évidemment, M. le Président, est-ce qu'il y a un point du règlement que je pourrais invoquer là-dessus? Mais je souhaiterais vivement que, d'ici la fin de la tenue de cette commission... Parce que, si je n'ai pas d'explication, si je n'ai pas de base statistique là-dessus, je vais faire une sortie mémorable dans la présentation de mon texte de clôture, une dénonciation magistrale de ce genre de préjugé, de stéréotype et de fausseté qui circule dans l'imaginaire urbain québécois et que le document ministériel véhicule allégrement.

Donc, j'aimerais que vous précisiez le sens de vos propos, d'une part, et je répète à la présidente que je souhaiterais avoir une base statistique, une base factuelle, faute de quoi – et ce n'est pas une menace que je vous fais ici, M. le Président, c'est une prédiction – je reviendrai sur cette affirmation et j'y reviendrai avec toute la force intellectuelle dont je suis capable au moment de clore ce débat. Donc, est-ce que vous voudriez, M. Malo, préciser le propos que vous avez tenu. Pourquoi jugez-vous que ces inquiétudes ne sont pas fondées?

M. Malo (Daniel): Bien, écoutez, ma réponse sera assez simple. Premièrement, il faut peut-être revenir un peu aux mécanismes qui ont conduit à la préparation de ce mémoire-là. Comme il a été mentionné, le mémoire a été fait en collaboration avec le Comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales. Donc, nous avons soumis le document de consultation à l'ensemble des membres du CCRII, comme on l'appelle communément chez nous. Évidemment, le CCRII est composé essentiellement – en fait, en totalité – de membres de différentes origines ethniques, et il y a eu une réaction assez spontanée à certains passages du document. Compte tenu que c'est un mémoire qui a été préparé conjointement avec eux, il a été choisi de faire part dans notre mémoire d'un certain nombre de réactions par rapport à des passages qui, dans le fond, ne rencontraient pas du tout les idées existantes au niveau du Comité consultatif.

Évidemment, tout ça a aussi fait l'objet de discussions au sein de l'organisation, et là-dessus je vous dirais que, notamment au niveau de l'expérience de la sécurité publique à la Communauté urbaine, ça ne rencontre pas l'idéologie existante qui sous-tend tout l'exercice de notre sécurité publique, de nos forces policières, qu'il y a là effectivement une corrélation. Et c'est dans ce sens-là que ça a été mentionné.

Maintenant, pour nous, l'intention n'était pas de colorer ce que nous voyions comme étant l'économie générale du document de consultation. Si ça avait été le cas, la Communauté urbaine aurait posé un jugement d'ordre général sur le document de consultation, et ce n'est pas le cas. Donc, la Communauté reconnaît les préoccupations qu'on peut retrouver dans ce document-là, reconnaît, comme le document de consultation le fait aussi, l'importance de la part de l'immigration sur un territoire comme celui de la Communauté urbaine et, dans ce sens-là, la Communauté encourage, appuie le gouvernement dans tous ses efforts pour faire en sorte qu'il y ait une immigration sur le territoire, qui en a grandement besoin. Nous savons tous qu'il y a un certain problème à garder la population sur le territoire. Nous n'avons fait que soulever un certain nombre d'idées qui pouvaient être perçues comme ne rencontrant pas l'idéologie qui existe à la Communauté urbaine. C'est dans ce sens-là que nous avons réagi sur ces quelques passages.

(14 h 40)

M. Laporte: Mais je voudrais ajouter là-dessus, M. Malo, pour vous rassurer ou vous confirmer... Vous savez que je suis sociologue, et je peux vous affirmer avec confiance qu'il n'y a aucune, mais aucune donnée de la sociologie moderne, américaine ou européenne, qui nous indique de quelque façon que ce soit que, à l'exception de situations de détresse économique extrême, de sous-prolétarisation, de misère comme on en trouve dans certains quartiers de concentration de population immigrée, qu'il n'y a aucune évidence, mais aucune évidence que la concentration opère comme une désincitation à l'intégration, qu'il s'agisse de l'intégration linguistique pour des villes comme Los Angeles ou... J'arrive justement du congrès de l'Association américaine de sociologie à Toronto. J'ai rencontré là-bas le professeur Waldinger, qui est la grande autorité sur cette question. C'est clair qu'à Los Angeles, où le taux de concentration est à peu près 15 fois supérieur à ce qu'il est à Montréal, il n'y a aucune évidence scientifique que ces concentrations ont les effets de désincitation du point de vue de l'intégration sociale et de l'intégration linguistique.

On trouve ces effets-là, comme je l'ai répété tantôt, dans des situations de paupérisation étendue. Et, en fait, ce que le document ministériel suggère sans le dire, c'est que, pour le bien, il faudrait disperser les immigrants. Ce serait la dispersion des immigrants dans la région métropolitaine de Montréal qui devrait entraîner une élévation de leur intégration et de leur intégration linguistique en particulier. Or, nous savons, nous, les sociologues, que la dispersion des populations immigrées sur un territoire entraîne des phénomènes d'anomie, de désorganisation sociale, de désorganisation familiale et qu'elle est néfaste à la qualité de vie et à l'intégration des populations immigrées dans les grands ensembles urbains. Donc, qu'un texte, qu'une citation, qu'une affirmation pareille soit contenu dans un document officiel de l'État, ma stupéfaction demeure entière, et, «on the record», je me fais le devoir de dénoncer cette affirmation et je m'attends évidemment à ce que des preuves statistiques de l'affirmation qui est faite ici nous soient présentées tôt ou tard autour de ces débats.

Je termine là-dessus et je vous pose maintenant mes questions. Au Sommet de Montréal, un engagement avait été pris, voulant que, le gouvernement du Québec ayant réussi à augmenter le niveau, le nombre de ses employés qui prendraient des retraites volontaires, à ce moment-là, parmi ces places dans l'administration publique qui seraient donc rendues vacantes suite à des départs, une place soit faite pour environ 2 000 jeunes qui viendraient évidemment réjuvéner et rajeunir la fonction publique du Québec. Ma question est la suivante. Vous qui êtes un connaissant de ces phénomènes d'immigration à Montréal, ne seriez-vous pas d'accord pour que le gouvernement du Québec, dans le cadre de son Programme d'accès à l'égalité, décide de favoriser l'accès à ces nouvelles places devenues vacantes d'un nombre significatif de jeunes personnes issues des communautés culturelles, des communautés ethnolinguistiques ou des minorités visibles, ou raciales, ou quoi que ce soit? Est-ce que vous ne suggéreriez pas au ministre qui est responsable de la jeunesse ici, au Québec, d'envisager de profiter d'une fenêtre d'opportunité qui nous est maintenant ouverte, suite aux nombreux départs, pour – comment dirais-je – enrichir notre fonction publique et nos services publics d'une présence des jeunes des communautés ethniques supérieure à celle que nous observons jusqu'à maintenant? Parce que toutes les données statistiques que nous possédons montrent que cette présence est de loin inférieure à ce qu'elle devrait être, compte tenu de la représentation démographique effective de ces populations. Vous comprenez bien ma question? Voulez-vous y répondre?

M. Malo (Daniel): Oui, bien sûr. Écoutez, je vous répondrai que nous croyons effectivement que ce genre de mesure là aide énormément à favoriser un juste, et correct, et adéquat accès, premièrement, au marché du travail et à une présence dans le domaine des services publics. Là-dessus, il est évident que c'est une des problématiques que rencontrent de nombreux corps publics, dont la Communauté urbaine. Je vous dirais que, nous, à la Communauté, on aimerait bien pouvoir effectivement aller plus dans ce sens-là. On a eu, nous, un programme d'accès à l'égalité qui existe encore et où il y a encore une certaine embauche. Nous maintenons toujours le cap sur les objectifs de faire une place aux jeunes venant des minorités ethnoculturelles, notamment au niveau du Service de police, notamment, comme M. le ministre l'a mentionné, au niveau de la Société de transport. Nous croyons encore à ce genre de mesures là. Souvent, le drame que nous rencontrons, c'est que les corps publics comme la Communauté urbaine sont beaucoup plus en stagnation d'emplois, voire en réduction d'emplois, et, dans ce sens-là, même si nous croyons beaucoup à ce genre d'outil là, à ce genre de levier là, on doit reconnaître que c'est très difficile, dans cette période de coupures.

Maintenant, est-ce que le gouvernement devrait adopter une telle mesure – puisque c'est là votre question fondamentale? On est d'avis qu'il n'y a pas de raison de croire que le gouvernement ne croit pas aussi en ce genre de mesure là.

M. Laporte: Mais ces mesures ne sont annoncées nulle part dans le document que nous avons devant nous.

M. Boisclair: ...ministre.

M. Laporte: Je relirai vos propos, M. le ministre.

Ma deuxième question touche ce qu'on pourrait appeler «la restructuration de l'offre de services de francisation». On l'a mentionné ici à plusieurs reprises, et sur ça je voudrais avoir votre opinion, votre avis. Croyez-vous qu'il serait souhaitable – et, à mon avis, ce serait souhaitable, n'est-ce pas – que nous allions vers une restructuration assez radicale de l'offre de services gouvernementaux, en matière de francisation, qui irait dans le sens d'une déconcentration de ces services à l'extérieur du ministère et d'un transfert de ces services, avec ressources financières et ressources humaines, vers nos municipalités et vers nos organismes communautaires? En d'autres mots, seriez-vous d'accord pour que, dans les années à venir, nous sortions du ministère ces ressources et que nous les implantions au niveau des quartiers, au niveau local, dans les municipalités, dans les écoles locales ou dans mon quartier, en tout cas, qui est celui d'Outremont?

J'ai pu imaginer, en parlant à des directeurs d'école, en parlant à des maires, en parlant à des directrices ou à des directeurs d'organisme communautaire, qu'on pourrait élever, de cette sorte, l'efficience et l'efficacité de l'offre de services. Moi, je veux bien qu'on crée des COFI dans le nord de Montréal ou ailleurs, mais ce que j'aimerais voir dans Outremont, c'est que l'offre de services soit déconcentralisée, décentralisée et localisée. À mon avis, on aurait un gain de performance considérable en faisant un choix pareil. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Malo (Daniel): Je trouve très difficile de répondre à votre question parce que évidemment il faudrait bien mesurer les avantages et inconvénients rattachés à une décentralisation ou à une déconcentration des services gouvernementaux aux niveaux local et municipal. Je pourrais vous dire que la Communauté urbaine est une institution qui vit beaucoup ce genre de débat là, à savoir: Qu'est-ce qui doit être fait au niveau régional et qu'est-ce qui doit être fait au niveau local? Et je pourrais vous dire que, dans bien des cas, il y a presque autant de réponses qu'il peut y avoir de municipalités. Ça fait partie un peu de la culture organisationnelle, pour un organisme comme la Communauté urbaine, d'aller aussi loin qu'il est souhaitable de le faire en matière de déconcentration, mais en gardant une perspective qui est régionale, puisque c'est le sens de notre mission. Et là on entre justement dans le sens de la mission gouvernementale versus la prestation des services sur le plan local. C'est pour ça que j'aurais vraiment le sentiment de m'aventurer et de ne pas vraiment éclairer le débat, que de tenter de répondre pour le gouvernement là-dessus.

(14 h 50)

Ce que, nous, on souhaite toutefois, à la Communauté urbaine, c'est que, comme instance régionale et au nom des municipalités, les choix qui soient faits, les orientations qui sont prises, l'organisation puisse trouver un rôle là-dedans, puisse participer à la définition de ce qui serait souhaitable, de ce qui devrait être fait et donc avoir une voix au chapitre dans le choix des mesures qui sont prises plutôt que dans la prestation en tant que telle de ces services-là, parce que l'équilibre dans la prestation des services sur le plan local est toujours un équilibre qui est relativement fragile et qui dépend de la volonté gouvernementale, des responsabilités régionales et des responsabilités sur le plan local. Tout ça a une saveur de capacité fiscale de rendre des services à la population.

Donc, dans le fond, ce que vous soulevez là, c'est vraiment un choix de société que de définir où va se faire la prestation de services. Moi, je vous dirais que ce que l'instance souhaiterait, c'est que son expertise et sa connaissance de la population, de la réalité avec laquelle elle vit soient mises à contribution.

M. Laporte: Mais il y a un exemple qui est un exemple comparable. En tant que député d'Outremont, j'ai des contacts réguliers avec ce qu'on appelle maintenant «la police de quartier». Je sais que c'est une réforme qui n'est pas sans créer des tensions. À Outremont, par exemple, on s'interroge sur les effets que pourrait avoir éventuellement la création d'une police de quartier qui ferait que les services seraient plus concentrés dans certaines parties de la municipalité et à l'extérieur de la municipalité que ça a pu être le cas avec une police municipale jusqu'à maintenant. Mais les contacts que j'ai avec le directeur Duchesneau et avec les policiers de quartier que je rencontre dans les parcs chez moi, par exemple, sont à l'effet que c'est une initiative qui a des effets bénéfiques. Il faut qu'elle soit équilibrée, il faut qu'elle soit finement implantée, mais là c'est un effort pour déconcentrer et pour rapprocher le service du local, n'est-ce pas?

Je conviens que la question est fort complexe et je ne m'attends pas que vous me donniez une réponse définitive, mais je suis content que vous exprimiez votre opinion parce qu'il me semble que, en matière de francisation et d'intégration linguistique, c'est-à-dire en vue d'augmenter le niveau de participation sociale des populations immigrées à la culture, aux organismes et à la vie québécoise, cette déconcentration, cette décentralisation, cette localisation pourrait avoir, à mon avis, des effets fort bénéfiques. Et je vous ferai remarquer que, dans le gouvernement auquel appartient le député de Gouin, il y a des efforts de faits dans ce sens. Je pense, par exemple, à ce que fait le ministre Chevrette, à ce que fait la ministre Harel touchant les conseils locaux, si je me souviens bien, de développement, les conseils régionaux de l'emploi. Donc, il y a un mouvement dans ce sens-là.

Ce que j'ai trouvé de déplorable dans le document, ici, qui n'est pas un document qui porte exclusivement sur la question des niveaux – faudrait peut-être souhaiter que ce soit le cas, n'est-ce pas – mais qui porte sur toutes autres orientations, c'est qu'il n'y a strictement rien qui nous indique une intention ministérielle, même pas une intention, mais, disons, une réflexion ministérielle dans ce sens. Moi, je considère que les textes officiels sont les textes qui sont publiés par l'État et que les citoyens peuvent se procurer et lire. Ce que le ministre déclare en commission parlementaire, ce sont de louables intentions, mais elles n'ont pas la force des textes officiels. Et je déplore que, dans ce document-ci, cette réflexion ne semble pas avoir émergé à la conscience du ministère. Peut-être que le ministre voudra, disons, commenter mes propos, mais je suis néanmoins très heureux de vos commentaires là-dessus, et des informations, et des opinions que vous avez voulu nous transmettre.

En dernier lieu, si vous voulez, M. le Président, je ne sais pas si...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il vous reste une minute.

M. Laporte: Il me reste une minute? Eh bien, peut-être que c'est redondant, mais je vois dans mon quartier, dans mon comté comment les organismes communautaires travaillent et avec quelle efficience ils s'insèrent dans le programme d'intégration. Je vous le répète, est-ce qu'il ne serait pas, selon vous, opportun d'envisager une réforme qui remettrait plus au citoyen local – et vous m'avez déjà répondu là-dessus – la responsabilité de soutenir et de supporter l'intégration en vue d'une meilleure participation? Donc, je ne sais pas si c'est tout le temps que nous avons à notre disposition. Vous avez, disons, répondu au meilleur de vos capacités, je l'apprécie beaucoup et je vous en remercie, mais je pensais que c'était opportun de profiter en particulier du commentaire que vous avez fait sur la citation de la page 42 pour faire état encore une fois de ma stupéfaction de trouver de pareilles affirmations dans des documents officiels de l'État. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député. M. le député de Groulx.

M. Kieffer: Oui, M. le Président. Deux éléments, le premier pour faire suite à ce que le député d'Outremont vient de souligner quant aux services, et à leur efficacité, et à si on devrait plus ou moins les déconcentrer et les associer à d'autres niveaux de gouvernement, préoccupation que j'ai moi-même, je l'avais soulevé hier vis-à-vis des COFI. Je voudrais attirer l'attention de tous ceux qui sont ici, y compris le député d'Outremont, et les ramener à la page 69. Il y a un rapport qui va être déposé en novembre, d'ailleurs, que j'ai bien hâte de lire, où effectivement ce type de questions là est soulevé et qui devrait nous permettre et nous donner un meilleur éclairage. Alors, tout ça pour souligner que, au gouvernement, nous sommes, nous aussi, et le ministre plus particulièrement, intéressés par ces questions-là.

M. Laporte: M. le Président.

M. Kieffer: M. le Président. M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui, M. le Président. En vertu de l'article 213, pourrais-je profiter de la fin de l'intervention...

M. Gaulin: Il n'a pas fini.

M. Kieffer: Je n'ai pas fini. Je n'ai pas fini.

M. Laporte: ...du député, qui n'est pas terminée, pour lui poser une question?

M. Kieffer: Je n'ai pas fini.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Quand il aura terminé, s'il accepte.

M. Laporte: Je voulais juste enregistrer...

M. Kieffer: Bon. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Groulx, vous avez la parole.

M. Kieffer: Bon. Deuxième élément, pour faire référence au paragraphe de la page 42 sur la concentration de la population immigrante ou immigrée, j'aimerais que vous clarifiiez la position de la Communauté urbaine sur l'élément suivant: premièrement, ce que l'on entend ou ce que vous entendez, à la CUM, par une remise en question de l'intégrité de la langue et de la culture communes à Montréal ou, si vous voulez, ce qu'on entend par la non-remise en question, que ce soit l'un ou l'autre, là. O.K.? C'est une définition que j'ai envie d'avoir. Sur quelle définition vous vous basez pour déterminer que, dans un tissu social x, y ou z, hein, la part d'immigrants affecte plus ou moins, ou influence plus ou moins, ou détériore... Je n'aime pas utiliser des termes négatifs, mais elle affecte. Premièrement. Donc, à partir de quels critères, à la Communauté urbaine, vous considérez que la concentration de représentants de communautés culturelles remet ou ne remet pas en question, hein – alors, je ne préjuge pas du tout de votre réponse – la langue et la culture communes?

Ce que je veux souligner par ça, c'est que, là, on tombe dans le terrain de la perception que les individus, ou que les groupes, ou que les institutions ont d'une certaine réalité, et vous l'avez très bien souligné vous-même en disant «notre perception idéologique, à la Communauté urbaine». Alors, à partir du moment où on mentionne le terme même «idéologique», on parle de valeurs et on parle de perception qui sont nécessairement subjectives et qui sont tout à fait admissibles dans une société pluraliste et démocratique comme la nôtre.

(15 heures)

Cependant, c'est difficilement conciliable avec des arguments de type statistique, à tout le moins, dans la mesure où, si vous êtes capables de me donner une définition de ce que vous considérez comme étant le niveau où la concentration affecte ou n'affecte pas et à partir de quels paramètres, je serai beaucoup plus, moi, en mesure d'évaluer effectivement les risques ou les non-risques qu'il y a à remettre en question la langue et la culture communes. Alors, j'aimerais connaître votre perception à ce niveau-là.

M. Malo (Daniel): Bien, écoutez, ma perception est celle qui a prévalu à la préparation du mémoire avec le Comité consultatif. C'est que, premièrement, la grande préoccupation de la Communauté urbaine, ce n'est pas vraiment là qu'elle se situe, et je pense que c'est le fil conducteur et la toile de fond de l'intervention de la Communauté urbaine, à savoir que l'immigration sur le territoire constitue quelque chose d'absolument essentiel au maintien et à la survie d'un territoire qui a perdu près de 600 000 résidents depuis le début de la création de l'organisation, donc sur le territoire de l'île. N'eût été de l'immigration, il serait difficile d'imaginer ce que serait aujourd'hui le territoire de la Communauté urbaine, et ça colore beaucoup les réflexions qui ont été faites dans le cadre de la rédaction de ce mémoire-là, à l'effet qu'il y a véritablement une grande préoccupation à l'égard de l'intégrité du territoire.

Les témoignages qui ont été apportés par les différents représentants du Comité consultatif sont à l'effet que chacun dans sa communauté respective sent une espèce de désarroi par rapport à la capacité ou à la volonté, à l'intérêt de rester sur le territoire. Il est vrai que cette réalité-là ne touche pas que les membres des communautés ethnoculturelles; ça touche l'ensemble de la population. Quand on parle qu'il y a 600 000 personnes qui ont quitté, c'est vrai pour tout le monde. Ça peut être vrai pour des familles de souche, des familles qui sont aisées, qui décident d'aller vivre en banlieue, et c'est ça qui colore beaucoup la grande préoccupation de la Communauté urbaine.

Maintenant, par rapport à votre question plus directement au niveau de l'intégrité, il y avait une très grande confiance en la capacité, même sur le territoire de l'île de Montréal, d'aller dans le sens d'une intégration à la vie québécoise avec les valeurs québécoises et avec l'utilisation de la langue française. Et d'ailleurs malheureusement je ne peux pas de mémoire vous citer les chiffres qui sont dans le document de consultation, mais on dit aussi que le succès, depuis 1971, depuis les 25 dernières années de l'utilisation de la langue française par les immigrants, a considérablement augmenté. Donc, dans ce sens-là, il n'y a pas que du noir à broyer par rapport à la capacité d'amener des nouveaux arrivants à intégrer la société. Mais, sur le territoire de la Communauté urbaine, c'est comme si ce qui ressortait comme grande préoccupation, ce n'était pas ça. C'est qu'on a des gens qui quittent, on a un territoire qui de plus en plus comprend le plus grand taux de pauvreté et il y a cette espèce de fracture sociale là qui constitue le gros de la préoccupation, bien plus que, dans le fond, la composition par quartiers d'un certain pourcentage issu d'un certain groupe ou de certains groupes des communautés ethniques.

Et même, comme je le disais, au risque de me répéter, le témoignage apporté par les représentants de ces groupes-là va dans le même sens que la réflexion générale et globale qui se fait politiquement et qui se fait administrativement à la Communauté urbaine. C'est cette espèce de grande préoccupation quant à l'avenir du territoire, à l'avenir de la population puis à sa qualité de vie, à sa cohésion, à son sens civique, au goût, au souhait, à la volonté de rester au Québec et de rester sur le territoire de la Communauté urbaine, et c'est ça qui était la grande préoccupation qu'on retrouve dans le mémoire de la Communauté urbaine.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. D'autres questions? Il reste quatre minutes.

M. Laporte: Si le député de Groulx a terminé son...

M. Kieffer: S'il nous reste quatre minutes...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Il vous reste quatre minutes, M. le député.

M. Kieffer: Si M. le ministre...

M. Boisclair: Moi, je voudrais... Oui. Bien, à moins que...

M. Kieffer: Écoutez, non, non, c'est ça. J'allais laisser le temps qu'il me reste au ministre, sinon je peux très bien continuer.

M. Boisclair: Ah, d'accord. Moi, je voudrais vous...

M. Laporte: M. le Président, si le député de Groulx a terminé son intervention, je pourrais poser ma question.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il accepte.

M. Kieffer: M. le Président, je considère que nous sommes ici pour entendre les représentants des différents groupes. Il m'apparaît beaucoup plus utile...

M. Laporte: Non, mais l'article 213, de toute façon...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont.

M. Kieffer: ...que nous poursuivions nos discussions avec les groupes. Si M. le député d'Outremont veut m'en parler, nous pouvons très bien, après, en discuter, je suis libre.

M. Laporte: Non, non. Nous ne sommes pas dans une famille, M. le...

M. Kieffer: Alors, je pense que c'est clair.

M. Laporte: ...nous sommes en commission parlementaire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous avez souligné un point de...

M. Laporte: Non, non, mais je voulais juste vous dire, M. le député, que...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...règlement, l'article 213...

M. Laporte: Je voulais seulement vous dire...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...et le député n'accepte pas, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Ah bien. Tout député...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Donc, vous avez la parole, M. le ministre. Vous avez la parole.

M. Boisclair: Ah! je vous remercie, M. le Président.

M. Laporte: Il faut que le député accepte.

M. Boisclair: Je voudrais d'abord profiter de... Monsieur...

M. Laporte: Voulez-vous me donner...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît, M. le député d'Outremont.

M. Gaulin: Apprenez votre règlement, là. Ça fait une année que vous êtes là.

M. Laporte: Moi, je veux avoir la jurisprudence. Dans le règlement, il n'y a rien qui dit: Faut que le député accepte.

M. Gaulin: Il dit non. S'il vous dit non...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît!

M. Laporte: Bien, je veux avoir la jurisprudence.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre.

M. Boisclair: Je regrette pour ce misérable spectacle.

Je voudrais vous dire que vous soulevez une question qui est fort intéressante. J'ai la profonde conviction comme vous que, au-delà des phénomènes marginaux qui s'observent à Montréal, qui font partie de l'imaginaire collectif et d'une certaine imagerie collective, il y a des problèmes de fond qui ne sont pas nommés et qui sont encore plus importants. Un de ceux-là est bien sûr toute la dynamique et les relations entre la métropole et le reste du Québec. S'il y a une fracture parfois qu'on observe dans le discours, c'est bien celle-là, et j'apprécie que vous la nommiez, j'apprécie la mise en garde que vous faites quant à l'interprétation qu'on pourrait donner du paragraphe que vous avez cité. Je pense toutefois qu'il n'est pas malhonnête de dire qu'il y a des inquiétudes. Il s'agit de voir ce qui est dit alors que nous devons juger d'une espèce d'ouverture de la société d'accueil.

Aussi, il y a beaucoup de subjectivité. Vous entendez comme moi des gens qui font état de ces situations, mais je comprends que nous aurions avantage à faire porter le débat sur l'enjeu que vous identifiez, peut-être, plutôt que sur celui qui est identifié dans le document. À cet égard-là, je pense que c'est une analyse très juste que vous faites et je tiens à vous en remercier.

Je voudrais revenir peut-être, si j'ai quelques instants, sur la question de la capacité d'accueil institutionnelle. Certaines personnes souhaiteraient que nous admettions, au cours des prochaines années, davantage de personnes au niveau des indépendants. J'ai plutôt la prétention que le niveau de ressources disponibles, les contraintes économiques à court terme que nous identifions, bien réelles, par un taux de chômage qui demeure élevé me portent à croire qu'il pourrait être dangereux d'accueillir davantage de personnes. En somme, ce que j'essaie de faire, c'est peut-être d'en accueillir... il y en aura un peu plus, mais de mieux les accueillir, de voir comment, au niveau de la francisation et des autres supports d'intégration à l'emploi, on pourrait faire. Alors, je voudrais que vous me fassiez part des difficultés qui sont peut-être rencontrées par soit la Communauté urbaine ou des membres de la Communauté urbaine quant aux réalités bien concrètes de l'intégration. En somme, est-ce que j'ai raison de dire qu'on pourrait briser un équilibre précieux si on augmentait les niveaux, par exemple, à 35 000, 40 000?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Malo.

M. Malo (Daniel): Par rapport à la Communauté urbaine en tant que telle – c'est parce que vous l'avez abordé sous l'angle institutionnel – c'est un peu difficile de porter un tel jugement parce que la nature des services que nous rendons est tellement universelle, si je pouvais la colorer ainsi, que le problème ne se présente pas véritablement sous cet angle-là. La Communauté urbaine s'est dotée, dans le fond, de services, par exemple, en transport en commun où on a tout avantage à avoir plus de gens qui utilisent le transport en commun, puisque c'est la nature de la mission que nous avons. En matière de services policiers, c'est la même chose.

M. Boisclair: Je comprends très bien votre logique, mais la logique veut aussi que le rôle d'évaluation à Montréal ait diminué à cause de la paupérisation puis à cause d'une diminution aussi du revenu moyen des personnes qui habitent sur le territoire de la Communauté urbaine. Ça peut jouer dans les deux sens, ça, là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En terminant.

M. Malo (Daniel): Oui, c'est vrai, mais là-dessus je vous dirais: Imaginons ce que ce serait comme société d'accueil si on avait juste, par exemple, 100 000 ou 150 000 personnes de moins déjà sur le territoire.

M. Boisclair: Tout à fait.

M. Malo (Daniel): Et ça caractérise aussi beaucoup le genre de problèmes qu'on a sur la valeur fiscale sur notre territoire.

(15 h 10)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. Merci, M. Malo. Merci, Mme Starker. Merci de votre contribution aux travaux de la commission de la culture.

(Consultation)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite donc les membres de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain à se présenter devant nous.

Alors, bienvenue, messieurs. M. le président, M. Moffet, est-ce que je le prononce bien?

M. Moffet (Réal): Je suis Réal Moffet.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui. Bonjour, monsieur.

M. Moffet (Réal): Bonjour.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça nous fait plaisir de vous accueillir à nos travaux de la commission de la culture. Je vous rappelle que nous avons une heure ensemble. Normalement, pour la présentation de votre mémoire, le temps qui vous est alloué est entre 15 et 20 minutes, et ensuite on se répartit le temps également pour les deux côtés de la présidence.

Je vous demanderais de vous présenter – en fait, vous êtes M. Moffet – et de présenter les personnes qui vous accompagnent.


Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain (CCIQM)

M. Moffet (Réal): Alors, merci de l'invitation également. À ma droite, c'est M. Augustin Raharolahy et, à ma gauche, M. Alain Kirouac, qui est directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain. M. Raharolahy est président du Comité de partenariat interculturel de la Chambre de commerce.

Alors, je vais, M. le Président, présenter, dans un premier temps, le positionnement de la Chambre de commerce à Québec, et aussi ses différentes activités, et sa position générale sur le mémoire, et M. Augustin, lui, va intervenir particulièrement au niveau des cinq orientations du mémoire. La Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain a été fondée en 1809 et elle comprend 2 500 membres provenant de tous les secteurs de l'activité économique et s'affaire aujourd'hui à promouvoir la prospérité de la grande région de Québec. Suscitant la participation de tous les intervenants économiques, elle met à leur disposition la force de sa représentation ainsi que le soutien et l'encadrement nécessaires. En 1997, bien ancrée dans l'histoire des bâtisseurs de la région de Québec, la Chambre est plus présente que jamais dans la vie socioéconomique et s'engage résolument sur les voies de l'avenir.

La Chambre de commerce a décroché, en 1996, le Prix du rapprochement interculturel, dans la catégorie Prix du milieu des affaires, décerné par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration, M. André Boisclair. Ce prix est venu saluer un effort marquant de la Chambre, au cours de ces dernières années, dans le rapprochement entre les gens d'affaires de toute origine qui oeuvrent dans la grande région de Québec. Vous avez une énumération, par la suite, dans notre document, des principales actions et des principaux programmes qui ont été implantés par la Chambre et qui regroupent trois points: le programme de relations interculturelles, le développement de services à l'attention de clientèles d'origines diverses et la sensibilisation de la part des communautés culturelles dans les entreprises.

Quelle est la position de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain en matière de régionalisation de l'immigration? Avant de donner nos commentaires sur les grandes orientations proposées dans le document de consultation, nous tenons à préciser notre point de vue en ce qui concerne le rôle et la place de l'immigration dans le développement économique, social et culturel du Québec, et particulièrement en ce qui concerne la contribution de l'immigration au développement régional.

Comme organisme oeuvrant dans les différents secteurs économiques de la région de Québec, nous sommes très conscients des enjeux économiques de notre région. La région de la capitale ressent fortement le vieillissement de la population. Selon les plus récentes données du Bureau de la statistique du Québec, les groupes d'âge de zéro à quatre ans et de 65 ans et plus, en 1996, représentaient respectivement 16,5 % et 12,6 % de la population de notre région contre 18,8 % et 12,1 % pour l'ensemble du Québec. En 1995, le nombre de naissances par 1 000 habitants était, pour la région, de 10,4 % contre 11,9 % pour l'ensemble du Québec.

Une autre tendance inquiétante est la chute du solde migratoire net – le bilan des personnes qui arrivent dans la région moins ceux qui partent. Ce solde, toujours pour la région, est passé de 6 300 personnes en 1992 et 1993 à 500 personnes entre 1994 et 1995 alors que le solde pour les 25 à 44 ans était négatif de moins 400 pour la même période. La quasi-absence d'embauche dans la fonction publique, les réductions des postes d'occasionnels qui touchent particulièrement les jeunes et le manque de débouchés dans les autres secteurs d'emplois favorisent cette tendance.

Cependant, la région de Québec comporte des atouts et du potentiel de développement dont il convient de maximiser les retombées économiques, et c'est dans cette perspective que la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain s'efforce d'oeuvrer dans notre région avec ses partenaires. En effet, la région dispose de certains atouts grâce à sa main-d'oeuvre instruite, à ses nombreux centres de recherche et à une présence universitaire forte qui en font le deuxième pôle de recherche et de développement du Québec. Le développement technologique, qui occupe une place de plus en plus importante, se démarque particulièrement dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la foresterie, des mines et des géoressources, du biomédical, de l'optique et du laser, des biotechnologies et de l'informatique-bureautique, grâce notamment au soutien des programmes gouvernementaux québécois de recherche et de développement qui sont les meilleurs en Amérique du Nord.

Ces dernières années, la région s'est dotée d'intéressantes infrastructures d'accueil et de soutien, dont le Centre des congrès, un centre de foires, un aéroport international moderne et particulièrement un parc technologique majeur qui comprend 2 700 emplois et plusieurs parcs industriels. La présence d'organismes de promotion, tels le GATIQ, technorégion Québec– Chaudière-Appalaches, la Société de promotion économique du Québec métropolitain, de financement – Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches – et d'autres organismes d'intervention tels que le Centre régional de développement d'entreprises contribuent également au développement régional. Faut mentionner également un secteur touristique dynamique dans une région privilégiée à la fois par sa richesse culturelle et par ses attraits naturels. Bref, notre région renferme des atouts considérables, dont, il faut bien le souligner, une qualité de vie exceptionnelle qui explique la présence d'un noyau fort d'immigrants fort bien implantés et adaptés.

Un véritable partenariat et une mobilisation des forces vives sont requis dans notre contexte économique difficile afin de supporter le développement économique et social du Québec et de ses régions. Il y aurait, sinon, un manque à gagner, des coûts sociaux pour l'économie québécoise et une grande déception pour les immigrants qui ont décidé de choisir le Québec comme terre d'accueil et d'adoption.

Nous sommes d'accord avec le document de consultation, que, «sans modifier de façon substantielle l'actuelle dynamique démographique, l'immigration internationale concourt à tout le moins à l'accroissement de la population du Québec. Et, parce qu'elle représente un apport direct et immédiat de population jeune et potentiellement active, l'immigration peut en outre jouer un rôle non négligeable pour atténuer les impacts négatifs résultant du vieillissement de la structure d'âge» – page 27 du document.

Nous sommes également d'accord quant à l'idée du document de consultation, à savoir que «ce bénéfice potentiel sera d'autant plus grand que la proportion d'immigrants sélectionnés en fonction de leur capacité à contribuer à l'activité économique sera élevée» – page 27 du document. Cependant, cette assertion de proportion élevée ou plus grande d'immigrants sélectionnés en fonction de leur capacité à contribuer rapidement à l'activité économique suggère fondamentalement d'autres actions à réaliser préalablement:

Premièrement, une meilleure connaissance des besoins de la région en matière de ressources humaines et de capitaux et une meilleure connaissance des secteurs qui pourraient être comblés par l'apport de l'immigration, selon la structure économique de la région. Le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration devra accroître ses efforts à ce sujet, en collaboration avec les milieux régionaux;

(15 h 20)

Deuxièmement, dans cette perspective, un arrimage entre les objectifs de développement régional et les objectifs de régionalisation de l'immigration, en donnant à la région des moyens d'attirer, d'intégrer et de retenir les immigrants, leurs compétences, leurs expériences et leurs capitaux;

Troisièmement, une meilleure intégration sur le plan de la main-d'oeuvre en utilisant les compétences professionnelles grâce à l'élimination des barrières à l'emploi, à l'adaptation de la main-d'oeuvre immigrante aux conditions locales, à une mise à niveau bien appropriée pour les nouveaux arrivants, ainsi de suite. Cela suppose une étroite collaboration entre les organismes spécialisés en emploi et les entreprises et employeurs de la région pour faciliter leur intégration et leur insertion.

Quatrièmement, une recherche de développement de partenariats entre les forces vives de la région et celles en provenance de l'immigration dans les différents secteurs où l'immigration peut rapidement et potentiellement être en mesure de contribuer à la valeur ajoutée de l'économie régionale. Cet objectif devra être soutenu dans certains secteurs porteurs d'avenir tels que le commerce extérieur, la recherche et le développement, la création d'entreprises à valeur ajoutée, ainsi de suite. La collaboration des institutions, des entreprises et des ministères sera nécessaire pour supporter ce rapprochement entre les forces vives de diverses origines, selon les opportunités de développement, avec le rôle catalyseur du gouvernement du Québec.

La Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain a déjà amorcé des initiatives dans le domaine du jumelage d'affaires. En effet, il s'agit pour la Chambre de réaliser le jumelage d'immigrants de la catégorie «gens d'affaires» ou d'autres catégories ayant des projets d'affaires à des personnes actives dans la communauté d'affaires de la région de Québec. Ainsi, notre projet de jumelage s'inscrit dans un objectif plus large, soit l'intégration et la pleine participation des immigrants dans la vie économique, pour le plus grand bien de la collectivité.

Dans cette perspective, nous croyons que les avantages pour les personnes immigrantes sont: avoir à leur portée une personne-ressource pour faciliter leur insertion dans le milieu des affaires de Québec, connaître plus rapidement les codes culturels propres au Québec et les façons de faire du domaine d'affaires, identifier les diverses possibilités dans son secteur d'intérêt, accéder plus facilement et rapidement à des réseaux d'affaires.

Les avantages pour les membres de la communauté d'affaires de Québec sont: élargir leur réseau d'affaires, échanger sur les pratiques courantes dans d'autres pays, facilitant, le cas échéant, leurs propres projets commerciaux avec l'étranger, développer, au contact des immigrants, une appréciation des nuances culturelles dans les affaires, se donner de nouveaux horizons sur le plan professionnel et dans leur développement personnel.

Comme vous pouvez le constater, cette recherche de partenariat dans le domaine d'affaires pourra conduire à une véritable intégration économique des forces vives de toute origine dans un cadre économique québécois où la diversité pourra devenir source de richesses collectives, en autant qu'on utilise à bon escient les compétences et les capacités.

Nous préparons également, en collaboration avec les divers milieux de la région, la mise sur pied d'un répertoire des compétences des Québécois de toute origine en matière de commerce extérieur, car nous considérons que ce volet de commerce international est un des atouts à développer pour la croissance économique de la région de Québec. L'entrepreneuriat est également un domaine d'intégration économique important, et Ressources Entreprises, en collaboration avec le milieu, travaille pour les dossiers de nouveaux arrivants.

En conclusion à cette première partie de notre mémoire, nous insistons pour que la politique de l'immigration du Québec mette l'emphase sur la dimension économique et priorise la venue de la sous-catégorie des gens d'affaires et celle des travailleurs indépendants dans les secteurs d'activité économique en émergence. Cependant, un tel objectif fondamental ne peut être atteint sans les conditions suivantes: une véritable intégration économique suppose l'utilisation des compétences et le partenariat dans tous les domaines où l'apport de l'immigration contribuera à l'accroissement de la valeur ajoutée de l'économie; une politique claire du gouvernement du Québec en matière de régionalisation de l'immigration axée à la fois sur les besoins spécifiques de chaque région du Québec et sur les besoins particuliers des immigrants, de manière à mieux faciliter leur intégration et leur insertion dans l'économie régionale. Une bonne collaboration entre les organismes spécialisés en emploi et les entreprises pourra être utile pour accompagner leur intégration avec des mesures telles que les conseils d'orientation, la formation d'appoint de courte durée, le stage en entreprise et autres.

Cette approche nécessite également la collaboration des organismes gouvernementaux. Il faudra revoir ces mécanismes de coopération entre les institutions régionales et les entreprises avec l'aide des ministères et organismes gouvernementaux.

Alors, pour la partie suivante, je vais laisser la parole à mon acolyte, M. Augustin, qui est d'ailleurs un immigrant de plusieurs années à Québec, très connu dans la région de Québec, très actif également au niveau des affaires.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. Augustin.

M. Raharolahy (Augustin): Merci, M. le Président. Vous comprendrez très bien que les grands objectifs, y compris ceux qui concernent le volume d'immigrants ou d'immigration, n'auront aucun succès souhaitable s'ils ne sont pas accompagnés de mesures concrètes, avec des stratégies régionales, s'ils ne reposent pas à la fois sur l'intérêt de l'immigrant lui-même et sur l'intérêt de la société d'accueil et s'ils ne sont pas accompagnés de la mobilisation des forces vives au sein de la région pour une meilleure participation au développement économique et social. Donc, vous voyez que le rapport de la Chambre non seulement donne des commentaires sur les grandes orientations du rapport, mais insiste beaucoup sur la question de la régionalisation dans ce cadre de décentralisation amorcée par le gouvernement du Québec.

Cela étant dit, si vous permettez, je vais continuer et je vais essayer quand même de simplifier la présentation. Nous avons donc cinq orientations proposées, et la première, c'est viser, pendant la période de 1998 à l'an 2000, une croissance graduelle de la proportion des immigrants indépendants, avec un objectif de 50 % en fin de période.

Nous sommes favorables à l'accroissement des immigrants indépendants. Cependant, cet objectif doit être accompagné de certaines mesures: une bonne connaissance des besoins de la région, tel que mentionné dans la première partie de notre mémoire, en matière de main-d'oeuvre afin que le profil des immigrants soit compatible avec les besoins présents et futurs de la région de Québec; une meilleure information du marché du travail à transmettre à l'étranger dans les délégations québécoises; des mesures d'intégration et d'insertion à l'emploi adaptées à l'immigration dans la région, comme par exemple la mise à niveau, l'intégration linguistique, la formation d'appoint, etc.; une sensibilisation accrue auprès des entreprises quant à l'apport de l'immigration. Et, à cet égard, je pense que la Chambre de commerce Québec métropolitain commence déjà à travailler. Donc, nous sommes d'accord avec cette première orientation, mais avec les commentaires que nous venons de mentionner.

Deuxièmement, augmenter la proportion des candidats sélectionnés connaissant le français dans la sous-catégorie des travailleurs indépendants, avec un objectif de 80 % en fin de période. Nous reconnaissons effectivement l'importance de la langue française comme langue d'usage au Québec. Nous priorisons cependant la dimension économique plutôt que linguistique comme principal critère de sélection des immigrants indépendants tout en s'assurant de la pérennité de la langue française au Québec. Vous savez que le Québec est un pays francophone, donc ceci est incontournable.

À cet égard, il faudrait donc renforcer les moyens de francisation pour les différents catégories d'immigrants: gens d'affaires, réfugiés, indépendants. On pourrait toujours dire: Est-ce que ça ne donnerait pas un coût supplémentaire? Nous pensons cependant qu'il faudrait examiner... C'est un peu comme l'analyse coûts-bénéfices. Est-ce que le coût supplémentaire serait moindre par rapport aux bénéfices lorsque nous aurons des compétences venant de l'Asie, venant de l'Amérique latine, et venant d'autres pays, et qui sont là, et qui pourraient s'adapter assez rapidement, dans notre contexte québécois, dans notre culture québécoise, dans notre langue québécoise? Mais il ne faudrait pas qu'il y ait effectivement, disons, des discriminations ou toutes autres qui pourraient freiner cette compétence nécessaire pour le développement du Québec. Alors, c'est pour ça que nous disons qu'une politique gouvernementale ne doit pas conduire à une discrimination ni à des mauvais résultats de sélection parce que axée sur le choix de la langue. Ceci évitera un manque à gagner pour le Québec sur les plans économique et social.

(15 h 30)

Troisième élément ou troisième orientation, maintien à son niveau des récentes années le volume des réfugiés et d'autres personnes en situation de détresse admis au Québec après avoir été sélectionnés à l'étranger. Vous savez, la question des réfugiés est un domaine très complexe, et on sait qu'il y a deux paliers gouvernementaux qui interviennent. Le Québec essaie de faire sa part de responsabilités. Évidemment, tout en reconnaissant, pour des raisons humanitaires, l'arrivée au Québec de réfugiés et d'autres personnes en situation de détresse, nous aimerions souligner que la part des catégories de réfugiés au Québec représenterait, pour 1997 – c'est à la page 51 du document – au moins 29 % de l'immigration totale, tandis que sur le plan canadien cette catégorie ne représenterait que 15 % de l'immigration totale.

Il est à noter également que, compte tenu qu'un fort pourcentage de la population immigrante – 15 % – est prestataire de la sécurité du revenu, il serait primordial – la situation économique difficile du Québec le justifie – de ramener ce taux par une politique active de l'intégration conduisant vers un niveau idéal de 8 %, comme l'indique, en page 35, le taux de présence à la sécurité du revenu des immigrants indépendants. Sur ce point particulier, effectivement nous pensons que, à cause de la situation économique difficile, il est très important qu'il y ait une intégration active et une utilisation des compétences. Pour cela, donc, il faut le travailler à différents niveaux et surtout dans les régions.

L'immigration est un phénomène global qui touche l'ensemble des dimensions de la vie économique et sociale du Québec. Nous appuyons le contrôle plus rigoureux des dernières années de la part du gouvernement fédéral sur le flux de revendicateurs d'asile au Canada, et une harmonisation entre les politiques de l'immigration et les politiques économiques et sociales du Québec – donc politique de l'emploi, politique sociale, politique de régionalisation, politique de rationalisation budgétaire – est souhaitable.

Pour ce paragraphe, nous précisons qu'effectivement les revendicateurs d'asile sont un problème majeur pour les Québécois, pour la société québécoise. Et ça, ce n'est pas facile à régler. Donc, il faut quand même avoir un certain contrôle assez rigoureux, et on sait que c'est le gouvernement fédéral qui en est responsable du point de vue contrôle. Mais il faut discuter avec le gouvernement fédéral. Il est très difficile de voir, par exemple, des gens qui s'adaptent ici depuis déjà plusieurs années et que tout d'un coup il faut peut-être les déporter éventuellement. Ça, c'est donc une question très majeure.

Mais aussi nous avons le problème, et je précise un peu ce paragraphe-là, nous avons quand même des problèmes liés, disons, à notre situation économique et à notre situation sociale. Et là nous disons donc qu'il faudrait peut-être voir la politique de l'immigration en concertation avec les autres politiques économiques et sociales du Québec comme, par exemple, la politique de régionalisation, la politique de rationalisation budgétaire, la politique de l'emploi; ce sont les éléments qu'il faut intégrer de plus en plus dans la politique de l'immigration.

Il convient de prévoir des moyens adaptés pour leur intégration économique – nous parlons toujours des réfugiés – et leur intégration sociale et culturelle. Les besoins économiques de la région doivent être considérés suffisamment pour cette catégorie, avec les moyens appropriés d'intégration, afin d'éviter les échecs d'intégration dans notre société et les pénibles difficultés pour les réfugiés. Vous savez très bien que, les réfugiés, quand on parle de véritables réfugiés, ce ne sont pas les mêmes que les immigrants indépendants.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Raharolahy (Augustin): Alors donc, en conclusion, vous voyez qu'il faut faire une sélection de réfugiés à l'étranger non seulement en fonction des considérations humanitaires, mais aussi selon la capacité d'accueil dans les régions et selon le profil professionnel des réfugiés également et prévoir une meilleure préparation avec les soutiens et les organismes d'accueil en régions.

Alors, je passe assez rapidement le point 4, c'est: viser à maintenir environ 4 000 par année le niveau des admissions pour les immigrants de la sous-catégorie des gens d'affaires. Nous sommes d'accord, mais en autant aussi que le niveau de marché le permette. Enfin, faire progresser le volume des admissions d'immigrants de la sous-catégorie des travailleurs... Ah oui! Excusez-moi. L'autre, c'est plutôt la sous-catégorie des gens d'affaires, et ensuite nous demandons à ce qu'on augmente effectivement cette proportion. Évidemment à l'intérieur, vous avez des sous-catégories comme les investisseurs ou encore les travailleurs autonomes ou encore les entrepreneurs – nous considérons qu'on pourrait en discuter tout à l'heure – nous préférerions qu'on augmente cette proportion. En ce qui concerne la sous-catégorie des travailleurs, avec un objectif de 10 000, nous sommes d'accord, mais en autant que les compétences de ces travailleurs correspondent aux besoins réels du marché. Voilà.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: À vous écouter, ma foi, je dirais que je serais pratiquement tenté de commencer mon intervention en disant que vous êtes de vrais spécialistes de l'immigration, puisque vous me faites des recommandations, M. le président et messieurs qui l'accompagnez, très précises, très, très pointues, ce qui témoigne sans doute de l'expertise que la Chambre de commerce a su développer au fil des ans, et je tiens à vous remercier pour cette contribution. Puisque vous connaissez les choses dans le fond et dans le détail, on va avoir quelques bonnes discussions. Ha, ha, ha!

Je voudrais d'abord préciser une chose à tout le monde, comme je l'ai déjà fait, les chiffres qui sont là ne sont pas des quotas. Il n'est pas question de dire qu'après un certain niveau les gens ne rentrent plus. C'est l'effet conjugué d'une prévision et d'une planification: prévision de ce qui va rentrer dans les catégories définies par le fédéral et planification de l'exercice des pouvoirs québécois. Ces chiffres peuvent bien sûr varier dans le temps, et je rajoute que ces chiffres font l'objet d'une révision annuelle par le ministre et que c'est à partir de ces choix que la réalité se construit.

Sur la question du français, vous avez utilisé des mots qui sont assez durs, voire discriminatoires. Vous avez utilisé cette expression. Je voudrais vous poser la question suivante. D'abord, est-ce que vous êtes d'accord avec le fait que notre politique d'immigration poursuive un objectif qui est celui de la pérennité du fait français? Une réponse simple.

M. Moffet (Réal): Oui, en fait, on est d'accord. D'ailleurs, je pense qu'on le dit également dans notre document. Nous, étant donné qu'on a mis l'accent sur l'aspect économique, on voulait être bien clair que c'était cet élément-là qui était privilégié. Et ce que nous suggérons, suite à l'admission d'immigrants qui peuvent davantage promouvoir la vie économique du milieu, c'est d'avoir des programmes d'intégration linguistique, quitte à les améliorer. Nous avons vu dans le document qu'il y a des fonds qui sont prévus pour cette intégration-là. Donc, ce qu'on pense, c'est qu'il est possible d'intégrer les immigrants, même qui ne sont pas de langue française, mais les intégrer pour qu'éventuellement ils parlent le français. D'ailleurs, nous avons mis l'accent aussi, comme nous l'avons dit, sur l'aspect régional. Nous ne voyons pas de graves problèmes à Québec ni dans la région à intégrer les immigrants de toute langue à la langue française.

M. Boisclair: M. Raharolahy nous rappelait tout à l'heure que les politiques d'immigration doivent aussi s'inscrire dans des politiques plus larges du gouvernement du Québec, qui sont les choix du gouvernement en intégration d'emploi, en développement local, et parler aussi de la contrainte budgétaire. En partant de là, le gouvernement précédent, dans son énoncé de politique, s'était donné comme objectif – et je cite le document qui avait été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale: «En se basant sur l'analyse des bassins potentiels et sur la nécessité de concilier l'ensemble des objectifs de la politique de sélection, il considère comme un objectif réaliste de hisser le pourcentage de francophones à 40 % du flux total d'ici 1995». C'est un document qui a été publié, si ma mémoire est juste, en 1990, impression 1990 ou 1991.

Donc, on voulait hisser le nombre total d'immigrants qui connaissent le français à 40 % d'ici 1995. Cet objectif n'a jamais été atteint par le gouvernement précédent. Nous nous donnons comme objectif de l'atteindre, l'objectif poursuivi par le gouvernement précédent, et la façon de le faire, c'est d'aller chercher davantage de travailleurs indépendants et de porter cette proportion, de travailleurs indépendants qui connaissent le français, à 80 %. Nous accordons 14 % des points sur la grille à la connaissance du français; nous accordons 73 points sur 115 au profil de la personne, l'âge, le niveau de scolarité et l'expérience sur le marché du travail. 73 points sur 115 vont au profil de la personne et 14 % des points vont à la connaissance du français, et je vous indique que certains points sont même accordés pour la connaissance de l'anglais, est-ce que c'est abusif d'accorder 17 points au total – c'est 17 points sur 115 – pour la langue et 73 points sur 115 pour la formation? Est-ce que cette évaluation et ces choix-là sont abusifs, ou si au contraire ils nous permettent d'aller sélectionner des gens qui ont le profil pour rapidement s'intégrer à la société québécoise?

M. Moffet (Réal): Ça nous apparaît quand même raisonnable, sauf qu'on n'a pas étudié de tels critères, on ne les a pas quantifiés. Nous, on se dit: Éventuellement, c'est 100 % des immigrants qui devraient parler...

M. Boisclair: Oui, mais on les choisit en amont, à l'extérieur. Parce que c'est ça, la question de fond, là, que, si vous craignez, comme vous le dites: «Nous reconnaissons l'importance de la langue française[...]. Nous priorisons cependant la dimension économique plutôt que linguistique comme principal critère de sélection...»

(15 h 40)

D'abord, ce que j'essaie de vous dire, c'est que la langue n'est pas le principal critère de sélection et qu'on accorde 14 % des points à la connaissance du français. Donc, est-ce que, avec les informations que je vous donne, vous levez votre objection sur l'objectif 2 du document, qui est de faire en sorte qu'on ait 80 % de la sous-catégorie des travailleurs qui connaissent le français à la fin de la période?

M. Moffet (Réal): Je voudrais bien comprendre aussi que l'orientation du 80 %...

M. Boisclair: C'est uniquement dans une sous-catégorie. Parce que, au total, il n'y a que 40 % des gens qui vont rentrer, toutes catégories confondues, qui vont connaître le français; 60 % des gens qui vont rentrer l'an prochain ne connaîtront pas le français.

M. Moffet (Réal): En fait, comme première évaluation, ça m'apparaît raisonnable.

M. Boisclair: Ça vous apparaît raisonnable.

M. Moffet (Réal): Ça m'apparaît raisonnable, mais ce que je pourrais ajouter quand même: si à la fin on a quelques bons candidats qui, parce qu'ils n'ont pas satisfait, n'ont pas passé les critères de la grille mais quand même constituent une valeur ajoutée à la valeur reconnue x, il serait peut-être bon d'avoir une politique assez souple là-dessus.

M. Boisclair: Voilà. C'est pour ça, monsieur, que la connaissance du français n'est pas un seuil éliminatoire, première chose, et c'est pour ça aussi que la connaissance du français, pour les catégories des gens d'affaires, donc les entrepreneurs et les investisseurs, n'est pas un critère qui encore là est éliminatoire.

Quelqu'un qui rencontre les critères de base, pour les entrepreneurs et les investisseurs, rentre. J'essaie, là, je veux juste bien vous faire comprendre que... J'essaie vraiment de satisfaire à vos commentaires.

M. Raharolahy (Augustin): M. le Président, puisque vous avez apporté ces précisions, je pense qu'effectivement ça peut rassurer. Ce qu'il faut quand même éviter à tout prix, c'est qu'il n'y ait pas, disons, de décisions des agents de l'immigration pour éliminer l'arrivée au Québec de compétences en provenance d'Amérique latine, d'Asie et d'autres pays et qui pourraient être choisies à cause de leur compétence et qui vont apprendre le français.

C'est vrai qu'il faut soutenir la langue française. Nous sommes tout à fait d'accord.

M. Boisclair: ...ce que je vous dis vous convainc, là, qu'on ne le fait pas, parce que je suis encore inquiet de voir qu'il y a un doute qui subsiste dans votre esprit. Je disais ce matin qu'on songe même à ouvrir un bureau à São Paulo...

M. Raharolahy (Augustin): Très bien.

M. Boisclair: ...au Brésil. J'espère que vous ne pensez pas ça.

M. Raharolahy (Augustin): Oui, très bien.

M. Boisclair: Alors, je voudrais vous remercier pour votre contribution. Je pense que le député de Taschereau souhaitait s'exprimer.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vais laisser la parole au député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, je vous remercie. M. Raharolahy, c'est avec la plus grande satisfaction que j'ai lu les deux paragraphes de la fin de la page 7, parce que, si je vous remettais en mains propres le texte de mes notes, de mes commentaires d'introduction à cette commission parlementaire, j'y ai fait état de la même appréhension que celle dont vous faites état ici, à savoir que vous reconnaissez, d'une part, l'objectif de pérennité et que, d'autre part, «une politique gouvernementale ne doit pas conduire à une discrimination ni à des mauvais résultats de sélection, parce que qu'axée sur le choix de la langue.»

Le ministre s'évertue, cher monsieur, à nous rassurer, à nous consoler depuis trois jours en nous répétant qu'il ne s'agit pas d'un quota, qu'il ne s'agit pas d'un critère éliminatoire, que le critère n'est pas abusif, qu'il est raisonnable, qu'il n'y a évidemment que 17 % d'attributs à la connaissance du français sur 115 points, 73 %... D'abord, j'aimerais vous demander de préciser cette affirmation que vous faites à la page 7. Mais je voudrais vous demander que, et je m'adresse à vous mais tout autant au ministre – que la question n'est pas de savoir si la stratégie choisie par le gouvernement est, comme le dit le ministre, une stratégie dont nous devrions être rassurés des résultats; la question est vraiment de savoir – et c'est là que, je pense, dans votre document vous touchez un point qui me paraît essentiel: est-ce qu'il n'y aurait pas eu – et à mon avis il y aurait eu – une autre stratégie qui aurait été tout aussi efficace pour atteindre l'objectif de pérennité du français sans pour autant nous faire encourir les risques d'élimination et peut-être même d'exclusion de ce que j'ai appelé dans mon texte d'introduction un capital intellectuel dont le Québec a absolument besoin pour réussir son entrée dans la troisième révolution industrielle? Et ce capital intellectuel, il est présent en abondance dans des régions – en particulier dans la région de l'Asie du Sud-Est ou de l'Asie de l'Est – où le français n'est pas une langue importante de diffusion.

Donc, il y aurait eu une toute autre stratégie – je vous ferai grâce de vous la donner, parce que j'ai bien fait connaître au ministre mon intention de ne pas dévoiler mes stratégies compte tenu du fait que je suis dans l'opposition du gouvernement – qui serait tout aussi efficace et qui n'entraînerait pas le genre d'appréhension dont vous faites état dans le texte, ici. Donc, même après les rassurances et les calmants que nous prescrit le député de Gouin, j'aimerais que vous précisiez ce que vous voulez dire, que vous précisiez la nature de cette appréhension: «Une politique gouvernementale ne doit pas conduire à une discrimination ni à des mauvais résultats de sélection, parce que axée sur le choix de la langue. Ceci évitera un manque à gagner, pour le Québec, sur le plan économique et social.»

Voulez-vous me préciser cette affirmation-là? Parce que je la partage avec vous et je voudrais savoir si nous sommes vraiment absolument du même avis, si notre appréhension est de même nature.

M. Raharolahy (Augustin): Vous savez que, lorsqu'on présente effectivement dans la recommandation... Disons, lorsqu'on a eu cette formulation, à savoir que d'ici l'an 2000 il faut donc un objectif de 80 % en fin de période de la catégorie des travailleurs indépendants connaissant le français, au prime abord on s'interroge sur la question.

C'est vrai que, lorsqu'on sélectionne les immigrants, il y a plusieurs facteurs à considérer. Nous ne voulons pas effectivement que le choix des immigrants soit basé uniquement sur la question linguistique ou en grande partie sur la question linguistique, cela pour éviter effectivement qu'il y ait des refus à l'égard de certaines catégories qui puissent apporter quelque chose de très important pour le Québec.

Je sais que, par exemple, il y a des Indiens qui arrivent ici et qui s'installent dans la région de Québec comme chercheurs dans le domaine de la haute technologie et qui, en quelques mois, au plus d'un an, arrivent à s'exprimer progressivement en français. Mais, comme il s'agit d'une masse importante de l'immigration, pour nous, on ne peut pas vérifier qui pourrait être refusé ou qui pourrait être accepté selon tel ou tel critère. Ce que nous voulons, c'est qu'on nous rassure qu'effectivement l'élément linguistique n'est pas l'élément seul à considérer. Et ça, c'est très important.

Deuxièmement, je dois vous dire aussi une chose: Il faut être très objectif. On a évoqué tout à l'heure l'énoncé de politique sur l'immigration qui a été donc adopté dans les années quatre-vingt-dix, que je connais très bien; effectivement, on avait favorisé l'arrivée des francophones. Et là, je ne veux pas en faire un cas particulier, disons, le cas des Français venant de France. Eh bien, dans la région de Québec, ce sont des francophones qui se sont installés. On a analysé, en 1993-1994, le problème des Français, des francophones. Donc, vous voyez que ce n'est pas seulement la langue qui est en jeu, c'est d'autres facteurs. Et même s'ils sont francophones ils ne sont pas nécessairement bien intégrés parce qu'il y a d'autres problèmes. C'est pour cela que, à notre avis, il faut, un, s'assurer qu'il n'y ait pas de discrimination, deux, que les choix soient bien rationnels en fonction des besoins économiques et sociaux du Québec, surtout au niveau des régions.

(15 h 50)

M. Laporte: Je vous remercie. Je pense que, si vous êtes rassuré par les propos du ministre, tant mieux. Moi, je ne le suis pas, rassuré par les propos du ministre; je continue à penser que, compte tenu du fonctionnement des bureaucraties – parce que les bureaucraties ne sont pas des bureaucraties célestes, elles sont terrestres – terrestres, lorsqu'on donne à des fonctionnaires bien intentionnés, comme le professeur Doutreloux nous l'a dit hier, mais néanmoins face à des gestions de contrainte, je pense qu'il y a un risque réel que la stratégie retenue par le ministre entraîne des effets sinon discriminatoires en tout cas des effets pervers du point de vue de la maximisation de la capitalisation intellectuelle de l'économie québécoise. Je l'ai dit, ça doit faire 22 fois à date, et je vais le répéter jusqu'à ce que se termine cette commission. Et j'ai été très heureux de vous entendre vous prononcer là-dessus, parce que, comme je le mentionnais tantôt, nous partageons entièrement vos appréhensions, mais nous ne partageons pas, mais pas du tout, le sentiment de rassurance que vous semblez maintenant partager suite aux propos du ministre.

Il y a d'autres questions évidemment que je voudrais vous poser, mais il y en a une qui me paraît absolument importante, puisque vous venez de nous faire une observation que je trouve tout à fait capitale. Vous venez de nous dire que des ingénieurs ou des savants ou des spécialistes indiens qui sont venus ici comme immigrants à Québec ont réussi – et ça, je l'ai vu, moi, quand j'étais président des organismes de la langue française – dans une année à se franciser au point en tout cas d'acquérir une connaissance suffisante du français pour pouvoir fonctionner dans la vie quotidienne avec leurs collègues. L'acquisition d'une langue, c'est un processus qui se déroule sur toute une vie. Moi-même, à chaque jour, j'apprends le vocabulaire du français en fréquentant soit sa littérature ou ses dictionnaires. Donc, on est dans un processus plutôt que dans un événement.

La question qui se pose à moi, à partir de vos propos, c'est: Pensez-vous que cette tendance-là pourrait être renforcée par une régionalisation, par une incitation à donner aux immigrants de venir s'installer dans des régions où le français est une langue très fortement majoritaire? Quelles sont vos opinions? Quelles sont vos suggestions là-dessus?

M. Raharolahy (Augustin): C'est une très bonne question. Effectivement, la régionalisation de l'immigration doit être un outil de réussite pour l'immigration. Le Québec se prépare vers la décentralisation et la régionalisation, et nous pensons que toute mesure visant à l'intégration doit être harmonisée avec les objectifs de développement régional, que ce soit sur le plan culturel, économique, social.

Il est certain que l'arrivée des allophones, ou des gens qui ne parlent pas le français, qui surtout sont peut-être des anglophones même – parce qu'ils sont parfois anglophones, ces immigrants – l'arrivée de ces immigrants dans notre région de Québec et dans d'autres régions faciliterait considérablement l'intégration sur le plan linguistique. Ça, c'est évident. Donc, une politique de régionalisation de l'immigration, c'est pour cela que nous revenons toujours à cette idée fondamentale: toute réussite en matière de planification des prévisions de l'immigration doit reposer sur des bases régionales. Il faut donc amener... Évidemment, on ne peut pas forcer les gens à aller en région, ce n'est pas une politique coercitive, mais je pense que la préparation dans chacune des régions de l'accueil, de l'intégration, doit être faite d'une façon tout à fait de concert avec les forces vives de la région. Alors, c'est évident que l'arrivée de ces immigrants vers les régions aiderait beaucoup à accélérer la francisation, si vous voulez.

M. Laporte: Je vous remercie pour cette excellente réponse, parce que ça m'encourage évidemment. Comme certaines études l'ont démontré, l'objectif de régionalisation restera un objectif utopique tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas relevé le niveau de croissance économique des économies régionales, et dans la région de Québec évidemment on est en présence d'une économie, disons, extra montréalaise, qui est tout de même une économie de bonne croissance. C'est une économie sur laquelle le gouvernement du Québec peut d'autant plus agir qu'il y est installé et qu'il peut y consacrer des montants, des argents en priorité. Donc, si j'ai bien compris, face à l'objectif de régionalisation et, disons, d'intensification de la participation à la société francophone par la régionalisation – et on parle d'une régionalisation volontaire, on ne parle pas d'une régionalisation autoritaire, là – vous êtes optimiste.

M. Raharolahy (Augustin): Bien sûr. Tout à fait. Il faut qu'il y ait une... Évidemment, l'arrivée des immigrants dans la région dépendrait des conditions économiques aussi. Ça ne vient pas uniquement par des considérations linguistiques. L'économie prime d'abord. Vous savez que l'intégration économique mène vers l'intégration sociale, nécessairement, et là encore je dirais qu'il ne s'agit pas seulement de faire venir des immigrants en disant que, bon, il faut les inciter vers telle région. Il y a des conditions préliminaires à l'établissement, et je pense que c'est dans tous les pays, comme l'Australie ou encore, disons, la Suède, et d'autres travaillaient dans ce sens-là dans le passé. Je pense que le Québec s'y prépare effectivement dans ce sens-là aussi.

M. Laporte: M. le président de la Chambre de commerce, M. Raharolahy, M. Kirouac, je vous remercie pour cette excellente et très éclairante contribution. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Merci, Mme la Présidente. M. le président Moffet, M. Kirouac, M. Raharolahy, bienvenus. Le député d'Outremont parle de la crainte qu'il faut avoir éventuellement de l'appareil de la fonction publique quant à l'application des 17 points sur 125. Ce matin, Lévesque, Beaubien a déposé ici, et c'était M. Leblanc qui nous a signalé un autre appareil à craindre peut-être, qui est beaucoup plus grave que celui de la question linguistique, il y a des gens qui sont acceptés comme immigrants au titre d'investisseurs et qui attendent jusqu'à deux ans, ici, avant d'être reçus.

On leur répond même, du côté fédéral: Ne nous appelez pas avant six mois, c'est inutile, il n'y a pas de place dans notre espace de gestion; vous nous appellerez dans six mois. Et on sait que, quand on appellera dans six mois, évidemment il y aura encore de nouveaux délais. Je ne dis pas qu'on ne leur répondra pas, mais il y aura évidemment de nouveaux délais.

Je voudrais faire remarquer... D'ailleurs, je connais bien M. Raharolahy, assez pour savoir qu'il ne craint pas les 17 points. Enfin, je ne veux pas lui faire dire non plus ce qu'il ne dit pas, ni à la Chambre de commerce, mais je voudrais rappeler que le porte-parole officiel de l'opposition, qui nous fait du boucan depuis le début de cette commission, appartient à une formation politique qui donnait 15 points sur 108, ce qui représentait 13,8 %. Au fond, avec nous, 17 points sur 125, nous n'en sommes qu'à 0,2 % d'augmentation pour le français. Leur politique d'ailleurs, c'était la révision de la grille de sélection des candidats indépendants afin de tenir compte davantage de la connaissance du français comme facteur favorisant l'employabilité et l'adaptabilité professionnelle.

Il faut dire que nous recevons des immigrants, mais nous sommes une communauté recevante.

M. Laporte: ...

M. Gaulin: Quand j'aurai fini, vous pourrez intervenir, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Je voudrais invoquer l'article 212.

M. Gaulin: Vous avez droit seulement après que j'aie parlé, quand j'aurai terminé. Je voulais vous dire...

M. Laporte: «Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.»

M. Gaulin: Est-ce que j'ai la parole, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Léger): Oui, la parole est à vous. Après l'intervention, vous pourrez invoquer l'article 212.

(16 heures)

M. Gaulin: Merci. Déstabilisation intellectuelle, dirait notre collègue d'Outremont. Alors, je voulais faire remarquer que nous sommes une communauté recevante et, comme communauté recevante, étant donné que nous sommes dans un pays à deux nations, dont l'une n'est pas reconnue, nous avons quand même un certain nombre d'inquiétudes, dont plusieurs sont venus manifester ici, dont nous manifestons aussi, de notre côté. C'est pour ça qu'il y a des points pour le français.

Moi, je ne veux pas insister là-dessus. Je pense qu'il y a un débat qui se fait constamment. Je voudrais profiter du passage de la Chambre de commerce du Québec métropolitain pour les saluer, les féliciter pour le prix qu'ils ont reçu et signaler le travail tout à fait remarquable qu'ils ont fait. Parce qu'on est venu nous signaler aussi dans cette commission que le fait de la rétention posait problème. Alors, je pense que vous avez mis en place beaucoup de moyens pour assurer cette meilleure intégration – je ne dis pas assimilation, mais une intégration – l'enrichissement de la communauté par la diversité d'une communauté où vous reconnaissez bien une forme commune, une langue commune. Peut-être que ça serait ma question. D'entrée de jeu, votre page 2 nous donne un ensemble de choses que vous avez faites. Je ne sais pas si vous voulez insister sur l'une ou l'autre qui est tout à votre honneur.

La Présidente (Mme Léger): Est-ce que vous voulez répondre?

M. Moffet (Réal): Oui. En fait, tout ce qui concerne l'intégration des immigrants au niveau de la vie économique de la région, ça constitue des activités très importantes pour la Chambre. Il y a un comité que Augustin dirige, comme je le disais tout à l'heure, le partenariat interculturel, mais on a aussi des comités qui favorisent l'intégration des immigrants à la vie communautaire et d'affaires de la région de Québec. On organise des partenariats d'affaires avec les gens d'affaires qui sont déjà impliqués et installés dans la région de Québec avec des immigrants qui apportent une plus-value économique à la région, que ce soit sous la forme d'investissements ou sous forme de connaissances. Alors, ces gens-là, on essaie de les faire travailler ensemble afin de promouvoir davantage la vie économique du milieu.

C'est pour ça que, étant donné la faiblesse économique que nous vivons actuellement par le redéploiement des effectifs gouvernementaux, c'est très difficile à Québec actuellement de se relever de cette minicrise économique, parce que le pouvoir d'achat a diminué considérablement. On a insisté beaucoup dans ce mémoire sur la plus-value économique qui pourrait être apportée par l'immigration, justement pour nous aider, à Québec, à redémarrer l'économie sous une autre forme. On essaie de la redéfinir. On essaie de la diversifier. Pour nous, l'immigration, ça constitue un élément important.

M. Gaulin: Mais vous avez bien ciblé, d'ailleurs, tout le développement technologique. Vous insistez, à juste titre, sur le fait qu'on est quand même la région la plus scolarisée du Québec. Je pense que c'est un atout pour cette capitale et région de Québec. Vous avez d'ailleurs tenu un forum assez important auquel j'avais participé.

M. Moffet (Réal): Oui. On a une infrastructure qui permet d'accueillir des investissements à Québec et des travailleurs expérimentés, et ça sera à l'avantage de tout le Québec si on réussit.

M. Gaulin: Merci.

La Présidente (Mme Léger): M. le député d'Outremont, vous avez évoqué l'article 212. Alors, vous avez la parole. Brève explication, selon l'article 212, sans susciter de débat. Je tiens à dire que la députée de Chapleau aussi a demandé la parole.

M. Laporte: Je veux dire, Mme la Présidente, que le député de Taschereau – enfin, c'est ce que je sens, n'est-ce pas – a mal compris mes propos ou il aura peut-être déformé. Il faut être très clair là-dessus. J'ai eu de longues conversations avec mes collègues de Saint-François et de Mont-Royal là-dessus. Ce n'est pas cette question de 17, 13, 12 ou 14 points qui est en cause ici, c'est une question de stratégie globale de rééquilibrage des variables dans le modèle de planification dont on parle.

Moi, j'ai eu une stratégie globale et je pense que cette stratégie globale est toujours largement partagée. D'ailleurs, j'ai été un acteur actif dans l'élaboration de la stratégie globale du Parti libéral à l'époque. C'est vraiment sur la stratégie globale que je suis en désaccord avec le ministre et c'est sur la stratégie globale que j'affirme qu'à partir de... J'affirme que cette stratégie globale qui n'était pas la nôtre et qui était différente de notre temps, que les effets pervers auxquels je fais allusion résulteront finalement. Ce n'est pas la question de savoir s'il y a 17, 12 ou 13 points, mais c'est dans la stratégie d'ensemble, le rééquilibrage d'ensemble des leviers puis des pressions qu'on met sur le processus migratoire, qu'il y a une différence. Dans ce sens-là, je trouve que c'est sans aucune malice de la part du député de...

La Présidente (Mme Léger): Vous avez donné vos explications...

M. Laporte: J'en conviens, mais il faut...

La Présidente (Mme Léger): ...alors je donne la parole maintenant à la députée de Chapleau. Il vous reste à peu près quatre minutes.

Mme Vaive: Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs. Le Québec, c'est grand. En tant que Chambre de commerce du Québec métropolitain, je pense que vous nous avez présenté un très bon mémoire. Nous avons entendu aussi les gens du Montréal métropolitain, nous entendrons des gens de l'Outaouais tantôt. Chacune des régions, je pense, nous avons nos spécialités, nous avons nos richesses. J'aimerais vous entendre, peut-être M. Raharolahy pourrait me répondre là-dessus. Vous avez parlé de régionalisation tantôt, on en parle beaucoup. Je pense que, en tant que chambre de commerce, il est important de défendre chacune vos régions, chacune vos coins de la province. Est-ce que vous voyez opportun que, en plus de régionaliser, chaque municipalité prenne position face à l'immigration, que ça soit immigration d'affaires, indépendante ou réfugiés?

M. Moffet (Réal): Je peux peut-être commencer. Nous, on est pour la régionalisation le plus possible, parce qu'on trouve que la capitale actuellement est trop morcelée. Donc, on pense que, s'il y avait une action concertée de la région, ça aurait plus d'influence. Je pense que ça pourrait s'appliquer dans d'autres régions aussi, parce que, si on distribue un peu partout un peu trop les politiques d'application, ça va peut-être rendre difficile une certaine uniformité, quand même, dont on a besoin dans chacune des régions. Mais, au niveau de la capitale, ici, on a assez de difficultés à faire front commun, je pense qu'on préférerait plutôt que ça soit une politique d'application régionale.

Mme Vaive: Merci. Mme la Présidente, il me reste quelques minutes, je pense?

La Présidente (Mme Léger): Oui.

Mme Vaive: Moi, je pense que ça serait peut-être prioritaire – et je m'adresse à M. le ministre – que, aux bureaux du ministère de l'Immigration, on s'y penche sérieusement, à la régionalisation, et qu'on puisse orienter vers les besoins des immigrants et des personnes qui veulent demeurer ici, au Québec, qu'on puisse les orienter où ils ont des affinités à demeurer. Parce que, souvent, ce qui arrive: ils s'en viennent, ils ne sont pas heureux et ils s'en vont ailleurs. Je ne sais pas si, dans votre planification, parce que votre livre a deux beaux mots comme titre... Je pense que ça serait important d'y voir, de voir à ça, parce que, si on donne un bon service d'immigration ici, au Québec, si on oriente bien nos gens qui nous viennent d'autres pays, que ça soit du côté d'affaires, du côté réfugié ou autre, bien, qu'ils soient orientés vers la région et, de cette manière, la région sera bien vue de les accueillir parce qu'elle sera en mesure de répondre à leurs besoins. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais tout de suite répondre à la députée et lui dire que, déjà, nous avons signé une entente spécifique avec les gens du CRD de l'Outaouais justement avec cet objectif. Le ministère peut faire un bout de chemin, mais je pense qu'il devra être fait aussi avec les partenaires de la région. C'est pour ça que nous transférons et des budgets et des pouvoirs de recommandation aux partenaires régionaux. Cette entente dans l'Outaouais a été la première qui a été signée dans l'ensemble des ententes spécifiques.

Ce qui m'amène à parler de ces ententes spécifiques, c'est que j'espère que vous serez un partenaire majeur, messieurs de la Chambre de commerce, pour l'entente spécifique que je souhaite être capable de signer très bientôt avec les gens de Québec. L'objectif est de faire en sorte que nous soyons davantage à faire en sorte d'attirer des immigrants, particulièrement dans la capitale, de faire en sorte que nous ayons des immigrants qui correspondent aux profils et aux besoins de la région de Québec et des gens qui vont être suffisamment contents de vivre dans la capitale pour y demeurer, pour y élever leurs enfants et pour y installer leur famille de façon permanente. C'est là les objectifs que nous poursuivons et j'espère que très bientôt, avec la Chambre de commerce, des gens du milieu municipal, des partenaires régionaux du CRCD de Québec, nous pourrons concrétiser cette entente.

(16 h 10)

Puisque, aujourd'hui, à ce moment-ci, nous parlons de Québec, ça prenait bien le député de Taschereau pour nous rappeler que le gouvernement précédent... Et je reviens sur cette question de la langue. Je cite deux extraits d'un document gouvernemental adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, où on disait: «Le gouvernement considère comme un chiffre réaliste de hisser le pourcentage de francophones à 40 % du flux total d'ici 1995.» Ce document disait aussi que, «dans le but d'accroître la proportion d'immigrants francophones, certaines mesures seront mises de l'avant, dont la révision de la grille de sélection des candidats indépendants afin de tenir compte davantage de la connaissance du français comme facteur favorisant l'employabilité et l'adaptabilité professionnelle».

Vous aurez compris, chers amis, que je me retrouve dans une situation où on m'accuse de faire ce que le gouvernement précédent n'a jamais fait. C'est là des extraits de l'énoncé de politique de Mme Gagnon-Tremblay, aux pages 29 et 30. Quant à moi, avec votre appui, je me félicite de donner suite à un consensus qui était manifesté à l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

M. Laporte: Mme la Présidente, est-ce que je pourrais encore invoquer l'article 212?

La Présidente (Mme Léger): Brèves explications.

M. Laporte: Écoutez, encore ici, le ministre...

M. Gaulin: Point d'ordre, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): Oui.

M. Gaulin: Est-ce qu'un député peut constamment invoquer cet article pour ravoir du droit de parole? Le porte-parole de l'opposition officielle a la moitié du temps de parole dans cette commission. Il le prend tout. Il peut revenir tout à l'heure. Vraiment, je trouve qu'il abuse.

La Présidente (Mme Léger): De toute façon, le temps est écoulé. Alors, je vous remercie, M. Moffet, M. Raharolahy et M. Kirouac, d'être venus exposer vos propos. Merci.

Des voix: Merci.

La Présidente (Mme Léger): J'inviterais le Mouvement Impératif français à venir s'installer. Alors, nous faisons une pause de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 14)

(Reprise à 16 h 21)

La Présidente (Mme Léger): Si vous voulez, on va reprendre nos travaux. Alors, je vous inviterais à vous... Est-ce que je peux poursuivre? Alors, je pense que c'est M. Perreault?

M. Perreault (Jean-Paul): Oui.

La Présidente (Mme Léger): Je vous invite à faire votre exposé. Vous avez environ une vingtaine de minutes.


Mouvement Impératif français (MIF)

M. Perreault (Jean-Paul): Mme la Présidente, messieurs, mesdames, membres de la commission, c'est avec plaisir qu'Impératif français a accepté l'invitation du ministre de venir vous rencontrer aujourd'hui pour parler de l'immigration à l'aube de l'an 2000 et sachez que ce n'est pas sans raison, quand vous connaissez la mission d'Impératif français, que nous ayons choisi comme thème Un accueil en français pour assurer notre avenir .

Rien de mieux, à mon avis, avant d'entrer directement dans le mémoire, que de se mettre en situation et de regarder la situation linguistique au Québec et dans l'ensemble canadien. Je vous invite donc à vous approcher, si vous êtes trop loin, si vous avez des difficultés à regarder les transparents projetés sur l'écran.

Le tableau 2 est un tableau en lui-même très éloquent et il origine des statistiques de Statistique Canada de 1991. Il y aurait, en 1991, au Canada, 16 311 000 citoyens de langue maternelle anglaise et les statistiques révèlent qu'il y a 18 500 000 de parlant anglais, de gens qui affirment avoir l'anglais comme langue d'usage principale à la maison, un écart très révélateur favorable de 2 129 000. Si on regarde la langue française, dans l'ensemble, le Canada et le Québec, il y a 6 500 000 de parlant français, langue maternelle, au Canada, alors que la langue d'usage, la langue principalement parlée, il n'y a que 6 288 000, une perte de 273 000 pour le Canada et le Québec. Les allophones, 4 120 000, et la langue d'usage des allophones qui ont conservé leur langue d'usage à la maison, il y a une baisse de 1 800 000.

J'attire votre attention sur le chiffre de 2 129 000. Vous voyez que le gain ou le transfert linguistique en faveur de la langue anglaise de 2 129 000 représente en lui-même le tiers de la population francophone. Et vous remarquerez que ce transfert-là est, surtout et avant tout, en provenance des allophones, bien que le phénomène de transfert linguistique que d'autres appellent «assimilation» ait fait également des ravages au sein des francophones au Canada.

Phénomène intéressant, je veux dire intéressant en termes de phénomène, mais inquiétant, c'est le tableau 3, et j'aimerais qu'on y porte également attention. C'est une des raisons qui nous a amenées à être ici aujourd'hui. De 1951 à 1991, le poids relatif des francophones au Canada et au Québec est passé de 29 % à moins de 25 %. Le poids relatif des Québécois – anglophones, francophones, allophones, là – est passé de 29 % à 25 %. Évidemment, le poids des francophones du Canada hors Québec, de 7,3 % à 4,8 %.

Le tableau 4, lui, il a été préparé par un professeur de l'Université Simon Fraser, le professeur John Richards. Il parle de la persévérance linguistique. Et vous voyez les résultats de sa recherche de 1971 à 1981. Lorsque vous voyez un pourcentage, dites-vous que c'est ce qui reste de parlant français sur 100 personnes. Si je prends, par exemple, le reste du Canada, en 1971, sur 100 francophones, il y en avait 70 qui parlaient encore français, et, en 1991, la situation, au lieu de s'améliorer, était passée à 64 sur 100. Vous remarquerez avec nous une conclusion à laquelle je veux vous amener, c'est qu'il est de plus en plus difficile de compter sur la collaboration canadienne pour maintenir une certaine vigueur à la langue française et à la francophonie.

Le tableau 5 est drôlement inquiétant également. Regardez, vous avez 16 311 000 citoyens qui se disent de langue maternelle anglaise et, au Canada, en 1991, il y avait 18 106 000 citoyens qui disaient ne connaître que l'anglais comme langue officielle dans le contexte des deux langues canadiennes. Un gain de 1 795 000. Il y a 16 311 000 citoyens de langue maternelle anglaise et il y en a 18 106 000 qui confessent ne connaître que l'anglais. Vous allez comprendre avec moi que la... Du côté de la langue française, on passe de 6 500 000 à 4 000 000.

Si vous regardez ici le tableau du professeur Castonguay, le tableau 5-B, quand on parle de l'immigration, je pense qu'il faut l'étudier attentivement. Origine ethnique: quand c'est écrit «anglais», il faudrait lire «britannique». Il y a au Canada 9 783 000 citoyens qui se disent d'origine britannique, 7 168 000 qui se disent d'origine française et 10 032 000 qui se disent d'origine autre. Mais regardez comment évoluent les phénomènes de transfert linguistique. On passe de 9 700 000 pour la langue anglaise à 16 311 000, et la langue d'usage, 18 440 000. Regardez évoluer la langue française. Il y a 7 000 000 de citoyens qui se disent d'origine française, il y en a 6 562 000 qui se disent maintenant de langue maternelle et seulement 6 288 000 au Canada qui confessent encore avoir le français comme langue principalement parlée à la maison.

Nous voulions situer ce phénomène-là dans l'ensemble canadien, mais, si vous voulez bien, on va le regarder maintenant au Québec parce que le Québec n'est pas exempt. Bien que moins accentué, le phénomène dans l'ensemble québécois également est observable. Vous voyez 1991. En 1991, il y a 626 200 citoyens qui se disent de langue maternelle anglaise et il y en avait, en 1991, 761 815 au Québec qui disaient avoir l'anglais comme langue principalement parlée à la maison. Un gain de 135 000.

Langue française. Il y a 5 585 650 citoyens au Québec qui se disent de langue maternelle française et vous voyez que la langue d'usage, la langue principalement parlée à la maison, il y a une baisse. Il y a également une légère augmentation de 66 145. Autres: 598 000 à 396 000, une baisse de 201 000. Mais ce que je veux que vous remarquiez, c'est qu'au recensement de 1991 il y avait les transferts linguistiques en faveur de la langue anglaise qui représentaient 70 %, bien que la population, selon la langue maternelle, ne représente que 9 %. Évidemment, vous avez le phénomène à Montréal qui ne tarde d'inquiéter plusieurs personnes et avec de très bonnes raisons. Il y a un enjeu important qui se déroule là. Vous remarquerez que la proportion de citoyens de langue maternelle française sur l'île de Montréal, de 1971 à 1991, va en diminuant.

Ce qui nous amène évidemment au thème de notre mémoire: Un accueil en français pour assurer notre avenir . Dès le départ, je veux affirmer ceci. Le Mouvement Impératif français appuie le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration dans sa volonté d'accroître son influence dans la gestion des mouvements d'immigration et d'édifier une société francophone, démocratique et pluraliste. Le développement du Québec et la pérennité du français en Amérique du Nord en dépendent.

Quant à ses orientations, nous encourageons le ministre, dans la mesure du possible, à augmenter de manière globale le nombre d'immigrants. Vous savez, quand on regarde les statistiques qui révèlent que le poids du Québec au sein de la fédération canadienne est passé de près de 30 % à 25 % sur une brève période de 20 ans, qu'on connaît le taux de fécondité au Québec, qu'on connaît l'émigration interprovinciale et qu'on sait que le Québec n'attire que 15 % de l'immigration canadienne, à notre avis, il y a quelque chose d'inquiétant comme phénomène. Je pense que, de façon globale, on ne peut pas faire autrement que d'être d'accord avec une augmentation globale des volumes d'immigration, mais non pas à n'importe quel coût. Encore faut-il être capable de les franciser.

(16 h 30)

Nous encourageons le ministre à augmenter de manière globale le nombre d'immigrants, à augmenter le nombre d'immigrants indépendants, à maintenir l'aide humanitaire aux réfugiés et autres personnes en détresse, à faire progresser le nombre d'admissions d'immigrants ayant de bonnes capacités d'adaptation au marché du travail, ceci en plus de ceux échappant actuellement à son pouvoir d'intervention. L'orientation qui emporte davantage notre adhésion est celle d'optimiser la proportion d'immigrants francophones, l'orientation 2. Nous souhaitons que la régionalisation de l'immigration soit renforcée de manière à soutenir le développement des régions, de moins précariser évidemment la situation linguistique à Montréal, à favoriser l'intégration des immigrants et à susciter le développement d'expertises régionales en relations interculturelles.

1.2: augmenter notre capacité d'intégration des nouveaux immigrants en fonction des besoins démographiques. Évidemment, je vous donne la citation de Pierre Bourgault: «La politique n'est pas l'art du possible, c'est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire.» Je pense qu'il est évident qu'on doit augmenter notre capacité d'intégration et d'accueil de nouveaux immigrants, et ce, en fonction de nos besoins démographiques. Et nos besoins démographiques, je pense, sont assez évidents à la lumière des statistiques démographiques que je vous ai présentées où on voit le poids relatif du Québec et le poids relatif des francophones au sein de la fédération canadienne diminuer de façon inquiétante. Il convient de rappeler que le taux de natalité au Québec demeure l'un des plus faibles au monde.

Les obstacles à l'intégration des nouveaux arrivants, à la page 7. Bon, rapidement, il y a: la pression assimilatrice de la communauté anglophone, son refus d'en prendre conscience – il suffit de suivre les médias anglophones jour après jour pour s'apercevoir qu'il y a, sur ce plan-là, un refus très souvent déplorable de vouloir participer à la protection et à la promotion de la langue française au Québec et en Amérique du Nord – et de reconnaître aux francophones le droit d'y remédier; la méconnaissance, dans le contexte prémigratoire, des caractéristiques linguistiques et culturelles du Québec; les carences du cadre institutionnel – on dit que les COFI n'attirent que 60 % de la clientèle potentielle, encore faudrait-il voir s'il n'y a pas possibilité d'augmenter en corrigeant certaines carences au cadre institutionnel; l'utilité de maîtriser la langue anglaise pour raccourcir la période de recherche de travail et accéder à un emploi mieux rémunéré – des messages contradictoires finalement; la prédominance des termes anglais; la fréquence du recours à la langue anglaise lors des relations avec les personnes dont l'apparence ne correspond pas à l'idée que l'on se fait du Québécois de souche; la contradiction entre les messages affirmant que le français est la langue officielle et les pratiques incitant l'utilisation de l'anglais dans la vie courante.

Vous savez très bien qu'il y a des messages contradictoires entre la notion des deux langues officielles, en provenance du gouvernement canadien et celle de la Charte de la langue française, qui affirment qu'il y a une seule langue officielle au Québec, qui est le français, sans compter que le gouvernement lui-même est à certains égards fautif, puisque lui-même émet des messages contradictoires. Il suffit, exemple en Outaouais, de téléphoner à certains bureaux du gouvernement pour être reçu par des messages, aux répondeurs, qui sont à la fois en français et en anglais, des fois donnant même priorité à l'anglais où, après l'identification de l'organisme, il est dit: If you want the service in English, press..., signifiant immédiatement, donnant par conséquent priorité à l'anglais, puisqu'il a immédiatement le service avant d'être exposé au français, comme si on refusait d'exposer la personne qui téléphone à la langue française, mais on expose tout le monde à la langue anglaise. Il y a un message assez pervers dans cette situation-là, et ça, on doit probablement retrouver ça dans la région de Montréal, mais je peux vous garantir – et j'éviterai de donner des noms d'organismes ici – que cette situation-là certainement existe en Outaouais. Alors, on parle de messages contradictoires.

La faiblesse du niveau d'expertise relative au processus d'acquisition de la langue commune dans les entreprises et autres organismes – il faut faire jouer un rôle plus grand aux entreprises; la difficulté de trouver des interlocuteurs disponibles pour parler le français – il suffit de connaître les immigrants pour savoir à quel point ils l'expriment, ce problème; la difficulté des parents allophones de donner le soutien requis aux travaux scolaires de leurs enfants; le sentiment de certains immigrants que la population québécoise de souche n'est pas disposée à les inclure dans son réseau de relations interpersonnelles; le sentiment de certains immigrants que leur intégration dans la société d'établissement menace la préservation de leurs valeurs morales et religieuses; la crainte de certains Québécois de voir s'effriter leurs acquis culturels et sociaux sous la pression de valeurs véhiculées par certains immigrants; la concentration des immigrants dans la région de Montréal et en particulier dans certains quartiers où les francophones sont moins présents.

Évidemment, quand on connaît l'envergure de ces problèmes, quand on connaît l'importance de ces divers problèmes-là, écoutez, je ne pense pas que c'est une liste exhaustive, il pourrait y en avoir bien d'autres, ce qui nous a amené évidemment à réfléchir à certains éléments de solution. Et un premier, je pense qu'il est important de développer chez l'immigrant, le goût de parler. Et le goût de parler une langue se développe avec la possibilité de rencontrer des interlocuteurs, d'accéder à un savoir particulier et de faire valoir ses talents.

Les atouts culturels et sociaux du Québec, autant que son histoire politique, le prédisposent à tabler sur la séduction pour susciter l'adhésion de ceux qui, par choix ou par défaut, décident d'y vivre. Ce jeu de la séduction exige que le cadre institutionnel et l'aménagement linguistique soient clairement établis et respectés. Ceci ne va pas sans ambiguïtés dans le contexte actuel du dénigrement de la politique linguistique du Québec, laissant encore planer des doutes quant à l'image vraiment française que le Québec doit avoir. Les Québécois ont besoin d'un cadre efficace pour préserver le caractère fondamental de la langue française comme langue commune. Et ce n'est pas sans raison que le Québec s'est donné des outils institutionnels d'intégration. Cette présence institutionnelle assure la stabilité...

La Présidente (Mme Léger): M. Perreault.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui.

La Présidente (Mme Léger): Je vous invite à conclure, vous avez fait votre temps, là, pour laisser la chance aux parlementaires de vous poser des questions.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, d'accord.

La Présidente (Mme Léger): Alors, si vous pouvez, en une minute au maximum, terminer.

M. Perreault (Jean-Paul): Il y a un point sur lequel je veux attirer l'attention des membres de la commission. Il y a la Charte de la langue française. Je pense qu'il faut veiller à ce que la Charte de la langue française soit sérieusement appliquée et respectée, entre autre l'article 46.

Vous savez, quand vous êtes immigrant, vous arrivez au Québec, et qu'on exige pour avoir accès à un emploi, entre autres, la connaissance de la langue anglaise et qu'il y a à peine 11 % des immigrants au Québec qui connaissent le français et l'anglais, vous allez comprendre avec nous que c'est une mesure d'exclusion qui leur rend extrêmement difficile l'accès, qui leur rend très difficile l'employabilité. Et dans bien des cas ce n'est pas nécessaire. C'est là que je dis, à mon avis, qu'il faudrait peut-être que la Charte de la langue française, l'article 46, soit appliqué de telle sorte qu'il y ait de moins en moins d'emplois où l'on exige, sans que ce soit vraiment nécessaire, la connaissance de la langue anglaise.

La Présidente (Mme Léger): Est-ce que vous voulez nous présenter votre collègue, votre invité.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, avec plaisir. Je vous présente M. Georges Galand, qui est un expert-conseil en diversité culturelle. M. Galand a accompagné tout le long de la démarche Impératif français dans la préparation et la rédaction du mémoire qui a été déposé.

Vous me parliez des recommandations. Je vous amène à la page 18: Ainsi, nous recommandons que le cadre institutionnel et légal garantisse: l'usage de la langue française comme langue commune dans tous les rouages de la vie publique, et en particulier du travail, de l'éducation, des services de santé; la promotion de la langue française dans les domaines technologique, commercial et scientifique où l'usage de la langue anglaise a tendance à être perçu comme inéluctable; la reconnaissance du pluralisme du Québec et son ouverture «aux apports multiples dans les limites qu'impose le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l'échange intercommunautaire», la langue française étant le véhicule de ces interactions; la sensibilisation de l'ensemble des établissements publics ou privés et de chaque citoyen à leur pouvoir sur la francisation des immigrants. Et je vais arrêter là.

Mais là, là-dessus, je veux absolument insister. Je pense que le gouvernement – et je sais que cette responsabilité-là ne lui appartient pas qu'à lui seul – je sais que le gouvernement devra inventer des façons d'inviter les Québécois à être des agents de francisation auprès des immigrants. Il faut que l'accueil des immigrants se fassent, de la part de tous les Québécois, en français. Et je pense que, de cette façon-là, on va diminuer les messages contradictoires entre des cours d'apprentissage du français dans les COFI, qui sont nécessaires, et la réalité de l'immigrant qui est sur la rue, des fois, et reçu en anglais dans des bureaux de professionnels, dans les établissements commerciaux, par des Québécois, créant évidemment des messages contradictoires.

Également, dernier point, je veux soulever la nécessité pour le gouvernement de rappeler bien clairement aux immigrants qu'il est de leur devoir d'apprendre la langue de la société d'accueil. Et ça, cette responsabilité-là et ce devoir-là, bien qu'on mette en place et qu'on doive les améliorer, les mécanismes d'accueil et d'intégration, bien qu'on doive le faire, il reste que la responsabilité ultime et le devoir ultime de l'apprentissage de la langue commune appartient à l'immigrant et qu'on doit leur rappeler, de telle sorte que des situations inacceptables comme celle d'être reçu et servi dans des établissements du Québec dans une langue autre que la langue commune du Québec, qui est le français, ce sont toujours des situations inacceptables; à cet égard, lorsque c'est fait par les immigrants, vous allez comprendre avec nous que c'est d'autant plus difficile à accepter.

La Présidente (Mme Léger): Merci, M. Perreault. La parole est au ministre.

M. Boisclair: M. Perreault, son collègue, merci pour votre présentation. Je reconnais certaines discussions que nous avons déjà eues, dans votre propos, entre autre touchant l'accueil qui est réservé à certains citoyens québécois qui s'adressent au gouvernement du Québec.

(16 h 40)

Lors de notre dernière rencontre, nous avons fait état de difficultés qui se posaient dans un organisme bien particulier; depuis le temps, je suis allé aux sources. Le bureau en question, qui est celui de Communication-Québec, donne des services aussi au nom du gouvernement fédéral, puisque nous avons une entente fédérale-provinciale qui fait en sorte que le guichet unique sur l'information gouvernementale est Communication-Québec. Ce qui est en cause, c'est une clause de cette entente où les services doivent être offerts de façon bilingue. Alros, vous voyez la situation dans laquelle nous nous trouvons; alors que nous voulons faire en sorte d'intégrer l'ensemble des services gouvernementaux dans un souci d'efficacité, la contrepartie, c'est l'imposition – l'imposition – d'un bilinguisme dans les institutions.

Alors, c'est une chose qui est éminemment complexe. J'aurai à rediscuter de cette entente. Je souhaite obtenir une entente semblable à celle qui a été obtenue dans le cadre du transfert des responsabilités en matière de main-d'oeuvre au ministre québécois et à ma collègue, Louise Harel, mais comprenons bien le fond du problème. Alors qu'on nous parle de dévolution de pouvoirs, alors qu'on pense à interpeller davantage les partenaires québécois dans la gestion d'une offre de services, le gouvernement fédéral le fait à condition qu'on utilise, qu'on se serve des principes qui sont ceux contenus dans la Loi sur les langues officielles. En quelques mots, voilà résumé en grande partie le mal québécois et je dirais, d'une certaine façon aussi, le mal canadien.

M. Perreault (Jean-Paul): M. Boisclair, je vous donne raison dans le cas de Communication-Québec, puisque nous en avions déjà parlé. Mais le phénomène duquel je parle, de l'accueil en français et en anglais au sein des bureaux du gouvernement du Québec ou d'institutions très près du gouvernement comme les universités, je vous dirais...

M. Boisclair: Ah oui, ça, c'est une autre...

M. Perreault (Jean-Paul): ...M. Boisclair, que ce problème-là... J'ai téléphoné cette semaine à deux universités du Québec – pas l'Université du Québec, mais deux universités du Québec – et dans les deux cas, après l'identification des universités, et ce sont des universités de langue française, immédiatement après, vous avez le message anglais. Ce qui fait que les francophones ou tous les citoyens qui téléphonent sont exposés immédiatement à l'anglais. L'Anglais a donc un traitement de priorité parce qu'il peut éviter le message en français. Mais tous ceux qui appellent ne peuvent pas éviter le message en anglais.

M. Boisclair: Je ne voudrais pas rentrer, ici, mais je voulais quand même préciser que j'ai donné suite...

M. Perreault (Jean-Paul): Oui.

M. Boisclair: ...aux échanges que nous avons eus précédemment. Il s'agit de rencontrer la ministre de la Culture à quelques reprises pour que, à chaque fois qu'on la voit, elle nous interpelle sur des situations qui sont portées à son attention et qui nous laissent craindre, dans bien des cas, un glissement vers une espèce de bilinguisme institutionnel; le gouvernement tente de prendre des mesures énergiques pour contrer cette situation.

Je voudrais revenir sur votre mémoire, et vous vous immiscez dans un débat que nous avons eu tout à l'heure avec le député d'Outremont. À la page 42 du document, on peut lire: Par ailleurs, la concentration de nos populations immigrées dans certains quartiers soulèvent des inquiétudes quant au maintien de la prédominance du français, tant dans les espaces de services que de travail.

C'est ce que vous retrouvez à la page 42, et le député d'Outremont vraiment a fait une sortie vigoureuse m'accusant de véhiculer des préjugés...

M. Laporte: Pas vigoureuse... calme.

M. Boisclair: Non, mais c'était quand même assez soutenu, m'indiquant qu'il allait dénoncer le gouvernement qui, dans un document officiel, reprenait ce qu'il appelait des préjugés.

Vous indiquez, à la page 19 de votre mémoire – je voudrais juste être bien sûr de... non, ce n'est pas à la page 19. Je voudrais juste retrouver votre référence. Vous indiquez, dans les obstacles à l'intégration des nouveaux arrivants, que vous êtes particulièrement attentifs à l'intégration linguistique des nouveaux arrivants. Nous avons identifié les obstacles suivants à cette intégration, et vous faites état de la concentration des immigrants dans la région de Montréal et en particulier dans certains quartiers où les francophones sont moins présents.

En somme, est-ce que le gouvernement a raison de rappeler, dans son document de consultation, comme il le fait, que la concentration de la population immigrante dans certains quartiers soulève des inquiétudes – on ne les qualifie pas – quant au maintien de la prédominance du français? Est-ce qu'il y a des gens qui ont raison de s'inquiéter?

M. Perreault (Jean-Paul): Je pense que même des membres des communautés culturelles eux-mêmes vont s'opposer à la ghettoïsation. Les trop fortes concentrations d'immigrants dans certains quartiers vont créer des phénomènes de ghetto qui peuvent ralentir l'intégration; dans ce sens-là, je pense que la société d'accueil, dans une perspective de vouloir aider l'immigrant, de le rendre plus rapidement opérationnel dans la société d'accueil a tout avantage à créer des situations ou encourager, par la mise en place de mécanismes, la dispersion pour éviter ces phénomènes de concentration là. Et même des représentants des sociétés d'accueil – je le sais parce que je participe certaines fois à des tables rondes ou à des débats avec nos compatriotes québécois de communautés culturelles – nous le disent.

Et même, à l'époque, on me faisait part qu'on reprochait l'appellation du ministère des Communautés culturelles qui valorisait l'immigrant en fonction des sociétés d'accueil plutôt que de le voir comme étant un citoyen à part entière. Le changement d'appellation, dans ce sens-là, aura été bien reçu. Ce n'est pas sans raison qu'il y a encore quelques semaines ou quelques jours à peine il y avait un article dans Le Devoir où on annonçait très sérieusement de bien comprendre les conséquences de la minorisation des francophones par rapport aux non-francophones sur l'île de Montréal, avec tous les effets d'entraînement que ça pourrait avoir dans l'ensemble de la société québécoise ou dans l'ensemble de la francophonie nord-américaine. Il reste que c'est quand même le pilier de la francophonie nord-américaine.

Je pense que le gouvernement... Je ne veux pas prendre partie dans le débat que vous avez entre vous, mais à notre point de vue c'est qu'il est avantageux que le gouvernement mette en place des mécanismes qui favorisent la dispersion, sur l'ensemble du territoire, des immigrants. Les immigrants eux-mêmes vous en seraient reconnaissants, parce que, fort probablement, ça les mettrait en situation d'apprentissage plus rapide de la langue de la société d'accueil – que l'on dit la langue commune – et ça accroîtrait fort probablement leur employabilité plutôt que d'encourager ou de maintenir des phénomènes de ghettoïsation. C'est mon point de vue.

M. Boisclair: Avant d'arrêter, là, en ajoutant tout simplement un petit commentaire: dans la mesure où ils sont toujours incitatifs.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, évidemment.

M. Boisclair: Je m'arrête là pour le moment.

La Présidente (Mme Léger): Alors, M. le député d'Outremont, porte-parole de la formation libérale, à vous la parole.

M. Laporte: Merci beaucoup, madame. Je voudrais préfacer mes commentaires par une petite mise au point. En France, il y a de ça cinq ou six ans, sept ans peut-être, beaucoup d'inquiétudes avaient été exprimées dans les journaux et ailleurs sur les effets de la concentration immigrante dans les quartiers, touchant la criminalité, l'intégration à la vie française, etc. Dominique Schneidre, qui est la fille de Raymond Aron et qui est une éminente sociologue française, a bien montré que, si ces inquiétudes sont soit le fait de personnes inquiètes, soit le fait de partis politiques qui suscitent ou qui véhiculent, ou qui flottent, ou qui «surfent» sur ces inquiétudes, il n'y a aucune espèce d'évidence qu'il y ait une relation en France entre – et aux États-Unis, c'est la même chose – concentration et désorganisation, désintégration, manque d'intégration. Ça n'a absolument rien à voir. Le facteur ici, c'est, comme on l'a mentionné plus tôt, vraiment un facteur de niveau de vie économique. Donc, sur ça, je répète, c'est «on the record».

M. Perreault, nous nous connaissons, nous nous sommes rencontrés à quelques reprises alors que j'étais président du Conseil de la langue française. Avant de vous poser mes questions, je voudrais tout de même faire deux commentaires sur les statistiques que vous nous avez présentées.

D'abord, je dois vous dire qu'en tant que spécialiste de la chose jusqu'à un certain point j'ai toujours eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de réserves sur la notion d'assimilation linguistique véhiculée par le professeur Charles Castonguay. Dans ce que Castonguay mesure comme assimilation linguistique il y a une hétérogénéité considérable, et il y a beaucoup de ces gens qui font des transferts – et j'en connais, j'ai mangé avec certains d'entre eux – et qui utilisent une autre langue que le français à la maison et qui ne sont pas du tout des assimilés, qui sont simplement des gens dans des situations assez intenses de bilinguisme.

Je me rappelle toujours de l'anecdote que j'avais un soir en rencontrant quelqu'un, et lui demander: Écoutez, qu'est-ce que c'est que ça que vous, francophone, me dites que vous utilisez le français à la maison alors que vous êtes mariée avec une anglophone? Mais il dit: Pas du tout, monsieur, c'est tout simplement parce que je pratique mon anglais pour des fins de mobilité ascensionnelle. Ma femme et moi, on pratique l'anglais à la maison continuellement pour la mieux connaître parce que c'est un bon ticket de mobilité. Donc, il y a cette notion-là du professeur Castonguay, elle doit faire l'objet d'une critique. Malheureusement, il y a certains démographes à Montréal – puis je pense à Jacques Henripin – qui sont de cet avis-là, mais qui ne se sont pas encore prononcés dans les textes.

(16 h 50)

L'autre question que je voulais vous faire – mais ça, c'est plus fondamental – il y a une donnée que vos statistiques ne contiennent pas, c'est celle sur la diffusion de la connaissance et de l'utilisation du français comme langue seconde au Canada depuis une quinzaine d'années. Je ne veux pas vous donner de chiffres là-dessus, mais je vais vous donner mon expérience familiale. J'ai un beau-frère qui est chinois, j'en ai un qui est irlandais, j'ai un gendre qui est un Écossais torontois de quatrième génération, j'ai une fille qui fréquente un Irlandais de la Nouvelle-Écosse de sixième génération et je peux vous assurer d'une chose – si vous voulez le constater, je vous invite à le faire en venant chez nous à Noël – lors de nos fêtes familiales, tout, tout, tout se déroule en français. D'ailleurs, mes petits-enfants sont bilingues, et vous ne me ferez pas accroire que... C'est un phénomène considérable que la diffusion, du point de vue stratégique, c'est un phénomène très important, cette diffusion-là, et il faut, si on veut évaluer l'avenir du français au Canada, le poids du français au Canada, la place que le français occupe au Canada en plus de toutes les statistiques que vous nous avez mentionnées qui sont des statistiques intéressantes sur certaines desquelles j'ai des réserves, il faut absolument tenir compte de ce phénomène de diffusion du français comme langue seconde, en particulier à travers le mécanisme de l'immersion chez les enfants.

Mon gendre, qui est un homme d'affaires anglophone de quatrième génération, un écossais de Toronto, parle un français standard, presque parisien, n'est-ce pas. Il a passé des jours et des jours pas au Saguenay mais à Roberval en immersion. Lorsqu'il se présente chez nous, à la maison, il arrive parfois avec ma fille évidemment qu'il utilise l'anglais, d'autres fois il utilise le français, mais je peux vous dire une chose, c'est que chez nous, dans les Fêtes, la règle, c'est que tout le monde parle français. Des fois, c'est un peu plus difficile avec mon beau-frère chinois, mais il se débrouille.

Donc, si on veut faire une analyse de l'avenir du français au Canada et de ce que vous avez appelé le recul ou l'avancement, je pense qu'il faut absolument tenir compte de ce phénomène. On a des statistiques, il y a 200 000 Canadiens de langue autre que le français qui sont en immersion, des enfants. Donc, écoutez, moi, j'ai une expérience familiale qui contredit votre évaluation parce qu'elle me confronte régulièrement, à chaque fois que je vais à Toronto, à chaque fois que ces gens-là viennent chez moi, à une pratique, disons, suffisante, agréable et fort admirable du français par des personnes de ma famille qui ne sont pas de langue maternelle française. Je pense que, encore là, pour les fins de la transcription, il fallait que le député de l'opposition, le porte-parole de l'opposition, soit très clair là-dessus, parce qu'il faut être prudent.

M. Perreault (Jean-Paul): M. Laporte...

M. Laporte: Laissez-moi, s'il vous plaît... Je vais vous poser, maintenant, une question. Vous répondrez, si vous voulez, à la suite bien sûr, mais il y a un aspect de votre document que j'ai trouvé fort intéressant. Vous avez peut-être un peu élaboré là-dessus, mais pas suffisamment. À la page 10, vous dites: Le maintien de la culture francophone repose en effet sur la prise de considération de la réalité démographique. Il est aussi nécessaire, il est toujours nécessaire d'adopter des attitudes d'accueil de séduction et d'intégration. Je dois comprendre, M. Perreault, que vous avez lu Jean Baudrillard, qui est le grand chantre du postmodernisme et qui parle continuellement de la séduction comme mécanisme de la solidarité sociale et de formation et de construction de la solidarité sociale dans un société postmoderne, c'est-à-dire une société où tout repose sur le consentement, où tout repose sur la négociation, où tout repose sur l'adhésion volontaire à quelque contrat ou à quelque situation sociale que ce soit.

Donc, sur la séduction... Je trouve que c'est très...

M. Boisclair: Est-ce que ça vaut pour la solidarité parlementaire?

M. Laporte: ...intéressant, le concept de séduction, et je souhaiterais peut-être que vous nous en parliez d'abondance ou davantage pour qu'on puisse voir au juste jusqu'où on pourrait l'intégrer dans une stratégie visant à assurer une diffusion plus étendue du français au Québec ou ailleurs au Canada. Donc, ma première question, c'est: Auriez-vous l'obligeance de nous instruire un peu plus que le texte ne le fait sur ce mécanisme-là, de la séduction, comme moyen, comme vous le dites dans votre texte, de diffusion, d'expansion, de rayonnement du français? Ça, je pense que c'est vraiment un aspect que j'ai trouvé fort attrayant du texte – étant moi-même un lecteur assez assidu de Baudrillard, même si je trouve que par moment ça vire un peu à la fantaisie – j'ai trouvé ça très intéressant et je voulais absolument vous entendre là-dessus. Donc, je voudrais que vous me donniez des précisions.

La Présidente (Mme Léger): M. Perreault.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, M. Laporte, je vous remercie infiniment. D'abord, on va y aller, si vous voulez, au fur et à mesure. Écoutez, c'est certain que, lorsque nous regardons des statistiques inquiétantes comme celles-ci, ces statistiques-là ne contiennent jamais les cas d'espèce comme celui duquel vous avez fait part. Oui, il y a des situations...

M. Laporte: Non, mais les 200 000 personnes en immersion au Canada, ce n'est pas des cas d'espèce.

M. Perreault (Jean-Paul): Oui, mais ça n'enlève rien. C'est là-dessus, M. Laporte... je pense que là-dessus que je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il y en a peut-être 200 000 en immersion, mais il reste que le phénomène observable en 1991 ne cesse d'être inquiétant.

Et il...

M. Laporte: Si on accepte la notion d'assimilation de Charles Castonguay.

M. Perreault (Jean-Paul): Mais, M. Laporte, on aurait beau dire que ce n'est pas parce que...

La Présidente (Mme Léger): M. Perreault, je vous invite à parler à la présidente.

M. Perreault (Jean-Paul): D'accord, Mme la Présidente, vous avez tout à fait raison. Mme la Présidente, ce n'est pas parce qu'il y a des francophones qui parlent l'anglais à la maison qu'ils sont nécessairement assimilés. Je suis entièrement d'accord avec M. Laporte là-dessus, mais, quand vous regardez des statistiques comme celles-là, vous allez comprendre avec moi qu'il y a des francophones et des allophones qui parlent l'anglais à la maison et qui sont assimilés.

M. Laporte: Ah oui! Sur ça, on est d'accord.

M. Perreault (Jean-Paul): Dans les proportions, écoutez, ce n'est pas un phénomène de quelques cas d'espèce. Si on parle de 9 000 000 à 18 000 000 et de 7 000 000 à 6 000 000, il y a des phénomènes... Et on le sait. Il faut faire du terrain pour le savoir. Et vous le savez, M. Laporte, vous avez été à la présidence de l'Office de la langue française, on sait très bien que, oui, il y a des cas d'espèce qui peuvent indiquer que, oui, c'est possible de parler anglais à la maison sans être assimilé, mais que dans bien des cas c'est des phénomènes d'assimilation; et Mme Vaive le sait, elle vient d'une région où on les observe trop malheureusement souvent, ces phénomènes d'assimilation.

Vous nous avez parlé de l'apprentissage du français comme langue seconde. Je veux tout de suite mettre une chose bien au clair, M. Laporte, avec vous là-dessus, l'objectif d'Impératif français n'est pas de faire du français la langue seconde. Notre objectif, nous, c'est de faire du français la langue maternelle et la langue commune du Québec. Dans ce sens-là, oui, nous sommes entièrement d'accord, pour ceux qui ne sont pas francophones, que le français devienne leur langue seconde, et elle se mêle harmonieusement à l'ensemble pour faire du français la langue commune du Québec. C'est l'objectif que nous poursuivons, nous, là-dessus.

Sur le point de la séduction, oui, c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a glissé ça dans le mémoire. Mais je veux mettre ça dans une perspective, M. Laporte, bien importante. Il est bien dit: lorsqu'on a posé bien clairement le cadre institutionnel et les règles de l'aménagement linguistique. Je pense qu'il ne faut pas s'en remettre exclusivement à la séduction pour l'intégration linguistique des immigrants. Il faut que le ministre des Relations avec les citoyens et son ministère posent bien clairement les règles concernant les institutions et que l'aménagement linguistique, les politiques linguistiques du gouvernement – et nous le savons – soient clairement...

Maintenant, vous nous parlez: Que peut-on faire pour ajouter au cadre institutionnel et à l'aménagement linguistique, qu'est-ce que l'on peut faire du point de vue séduction? Bien, je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure. Je pense qu'il faudra inventer des moyens et je sais que ce n'est pas exclusivement au gouvernement de le faire. Le gouvernement a peut-être un rôle d'instigateur pour le faire, à mon avis en tout cas, il y a un effet d'entraînement important. Il faudra inviter, trouver des façons de rompre l'habitude, que je qualifierais de colonialiste, de s'adresser aux immigrants en anglais au Québec.

(17 heures)

Je me souviens, vous-même, vous aviez écrit un article, que j'avais hautement apprécié, M. Laporte, où vous invitiez les Québécois à Montréal à parler français aux Chinois et j'avais dit: C'est ce que nous demandons. Nous demandons exactement ce que vous aviez écrit, inventons des moyens pour briser l'habitude de s'adresser aux immigrants en anglais que ce soit à Montréal, que ce soit à Québec. Ce n'est pas parce que c'est un immigrant que c'est un anglophone. D'un côté, on investit en institutions, et avec raison, pour les intégrer, pour leur faire apprendre le français, alors qu'au jour le jour ils sont confrontés sur la rue par une réalité linguistique. Et je vais plus loin que ça. Il faut également convaincre nos compatriotes de langue anglaise de se livrer à l'apprentissage de la langue française. Parce que, vous savez, chaque fois qu'un immigrant rencontre un unilingue anglais, il se fait également donner comme message que l'anglais est une langue importante et le taux d'unilinguisme anglais au sein de nos compatriotes, dans l'ensemble canadien, va chercher 92 % d'unilinguisme anglais, 92 %. Alors, ça, c'est un phénomène. Ce n'est pas en avoir d'effets auprès de nos immigrants au Québec, parce que ces gens-là également sont confrontés avec cette réalité d'unilinguisme anglais.

J'ajouterais également de mettre en place, de favoriser les jumelages...

La Présidente (Mme Léger): M. Perreault, je dois vous arrêter. La parole est au député...

M. Laporte: Est-ce que mon temps est écoulé, là?

La Présidente (Mme Léger): Oui, le temps est écoulé au complet. Alors, M. le député de Drummond, s'il vous plaît.

M. Jutras: Oui. Alors, M. Perreault, effectivement, quand on voit les chiffres que vous nous avez montrés là, en tout cas, c'est inquiétant. Je pense que ce n'est pas parce qu'on nous donne un cas d'espèce que ça nous rassure. Moi, en tout cas, ça ne me rassure pas du tout. Quand je regarde les chiffres dans leur globalité, ça, je trouve ça beaucoup plus inquiétant. J'ai bien aimé aussi votre façon de répondre quand le député de Laporte, le député d'Outremont...

M. Laporte: Est-ce que je pourrais, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Léger): Pour?

M. Laporte: Est-ce qu'il y a un article du règlement ou faudrait-il en inclure un dans le règlement qui entraînera, dans les mois, dans les semaines, dans les jours à venir, les députés du gouvernement à me désigner...

La Présidente (Mme Léger): Le député d'Outremont.

M. Laporte: ...par mon véritable nom...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Léger): Le député d'Outremont.

M. Laporte: ...député d'Outremont.

La Présidente (Mme Léger): C'est très vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: Je suis exaspéré par...

La Présidente (Mme Léger): Alors, j'invite les membres de bien...

M. Laporte: ...ces lapsus, ces erreurs de dénomination.

La Présidente (Mme Léger): D'abord, je tiens à rappeler que, au niveau de la procédure parlementaire, nous n'interpellons aucun nom et prénom dans cette Assemblée, et c'est simplement le nom de la circonscription, mais, quand on le dit, de bien dire que vous êtes bien député d'Outremont. Alors, vous poursuivez, M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui. Le problème, Mme la Présidente, tient tout simplement au fait qu'il y a une circonscription qui s'appelle Laporte et qui est représentée par un député qui s'appelle Bourbeau et qui est de la même formation que le député d'Outremont. Alors, je pense que c'est ce qui entraîne souvent la confusion.

M. Laporte: Le paradoxe est tel que je viens de déménager dans le bureau adjacent du député de Laporte.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Léger): Vous allez nous compliquer ça, là.

M. Jutras: Alors, cela étant dit...

La Présidente (Mme Léger): Poursuivez.

M. Jutras: ...ce que je disais, donc... Là, j'ai perdu le fil de mon idée. En tout cas, ce que je disais, j'ai bien aimé votre façon de répondre, de dire: Bien, quand on parle du français comme langue seconde, on en parle comme langue seconde, on n'en parle pas comme langue première. C'est comme moi, l'anglais, chez moi, est la langue seconde, mais c'est la langue seconde, c'est celle que je parle moins souvent. Ce n'est pas ce qu'on a comme objectif, au Québec; ce qu'on veut, c'est de faire du français la langue première.

Vous avez parlez tantôt un peu, là, du phénomène de la régionalisation de l'immigration et, moi, en tout cas, j'y vois certainement une solution intéressante. Parce que je regarde chez moi, à Drummondville, entre autres, ça parle français à 98 % ou 99 % et on se retourne quand ça parle anglais, parce que: Voyons! Qu'est-ce qui se passe? De sorte que, l'immigrant qui s'installe chez nous, puis ça a été le cas au cours des derniers mois de plusieurs familles bosniaques, leur apprentissage du français, il a été excellent, il a été rapide, parce que, partout où ils vont à Drummondville, que ce soit dans une banque, une caisse populaire, à l'épicerie, partout c'est en français que ça se passe. Alors, ces gens-là n'ont donc pas le choix. Ils n'ont pas de porte de sortie, si vous me permettez l'expression. Évidemment, il y a des gens bilingues, là, mais partout, spontanément, c'est en français que ça se passe. Je pense que c'est une bonne façon de permettre l'apprentissage du français, de le faciliter, comparativement à Montréal où, dans certains quartiers, ça ne parle pas du tout français. Alors, là, j'imagine l'immigrant qui se retrouve là, la voix qui lui semble naturelle, bien c'est la voix de l'anglais.

Mais ce que je voudrais savoir de vous, M. Perreault, vous êtes de l'Outaouais?

M. Perreault (Jean-Paul): Oui.

M. Jutras: Par rapport à la situation que je vous décris dans un comté comme celui que je représente, Drummondville, au centre du Québec, Drummond, et la réalité de Montréal qui est celle qu'on connaît et chez vous, dans l'Outaouais, comment ça se vit, ça, ce phénomène de régionalisation? Qu'est-ce qui se passe au niveau des immigrants et quel est le niveau d'intégration?

M. Perreault (Jean-Paul): Dans un premier temps, si vous me permettez, vous avez ouvert vos commentaires en mentionnant que les statistiques étaient inquiétantes. Je veux tout simplement vous mentionner, là-dessus, que la réponse d'Impératif français dans son mémoire n'en est pas une de dire: Protégeons-nous, mais en est beaucoup plus une de dire: Écoutez, on voit bien la chute du poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne, la chute du poids des francophones au sein de la fédération canadienne. On peut de moins en moins compter sur le taux de natalité. Il y a un phénomène de migration interprovinciale qui joue contre le Québec. Ouvrons, au contraire, l'immigration, mais ouvrons-la de telle sorte qu'on va faire venir des immigrants francophones employables. Mais ouvrons-la sérieusement, parce que 15 %, ça nous minorise, ça nous minorise, ça nous minorise. Et l'autre chose que je dis, c'est: Ouvrons-la et assurons-nous qu'on les intègre. Mais actuellement, là-dessus, je dois dire que, encore les statistiques de 1991, 33 % des immigrants avaient transféré vers l'anglais alors que la communauté anglophone ne représente que 10 %. Il faudra trouver des moyens additionnels.

Concernant l'Outaouais, écoutez, l'Outaouais est la troisième région pour l'accueil d'immigrants, après Montréal et Québec dans l'ordre. Je dois vous dire, là-dessus, que le fait de penser à la régionalisation pour qu'il y ait davantage d'immigrants qui s'installent dans les régions du Québec, je pense que, là-dessus, on ne peut pas faire autrement que d'être favorable à ça. Encore faudra-t-il inventer les moyens pour que ça se passe ainsi, et ça, ils restent à être trouvés, bien que les statistiques indiquent que ça va légèrement mieux, dans le sens d'une dispersion géographique sur l'ensemble du territoire du Québec.

Quant à l'Outaouais, je dis: Attention! L'Outaouais vit des situations comparables à celles de Montréal. Quand on parle de régions, au Québec, qui sont en situation linguistique difficile à cause des phénomènes d'assimilation de l'anglais langue commune, n'oubliez pas qu'en Outaouais vous avez la présence du gouvernement canadien et de tous ces fonctionnaires unilingues qui, au jour le jour, ne sont pas sans avoir d'effets sur le tissu urbain, la langue parlée, et tout ça. Alors, je dis: Oui. Il faut dire que, là-dessus, on est chanceux, en Outaouais, parce qu'il y a un bureau régional et qu'il y a un COFI, et tout ça, mais je dois dire: Assurons-nous qu'on a les moyens de les intégrer.

Quant aux autres régions du Québec, je pense qu'elles peuvent en prendre plus. Il suffit maintenant d'inventer les moyens pour le faire. Est-ce que c'est des ententes négociées avec les entreprises pour des stages d'employabilité, des stages d'immersion en milieu de travail pour l'apprentissage du français? Est-ce que certaines entreprises devraient être ciblées comme partenaires de l'apprentissage du français en milieu de travail? Ça, ça réglerait en même temps le problème de l'employabilité et de l'intégration linguistique. Ça, je pense que c'est une avenue, une piste que nous vous donnons. Est-ce qu'elle est possible? Le gouvernement a des sociétés d'État.

La Présidente (Mme Léger): Merci, M. Perreault. Merci, M. Galand. C'est tout le temps qu'il nous reste. C'est terminé. Alors, nous vous remercions. Et j'inviterais maintenant la Fédération étudiante collégiale du Québec, M. Leclerc, à s'avancer.

M. Leclerc? Alors, M. Leclerc, vous êtes seul?

M. Leclerc (Philippe): Oui.

La Présidente (Mme Léger): Alors, je vous invite à faire votre exposé. Vous avez environ, au maximum, 15 minutes. Alors, allez-y.


Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

M. Leclerc (Philippe): Oui. Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, membres de la commission, c'est un grand honneur pour moi de venir parler au nom des étudiants collégiaux du Québec concernant l'immigration, mais, aussi, c'est un grand honneur pour moi de venir vous parler en tant que jeune qui vit dans cette société pluraliste qu'est le Québec d'aujourd'hui.

J'aimerais juste, avant de commencer, faire certaines précisions, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, il faut voir que, pour ce qui est de la Fédération étudiante collégiale du Québec, la FECQ, ce n'est pas son principal champ d'action, disons, l'immigration et tout ce qui en découle, son principal champ d'action étant l'éducation. La FECQ s'est quand même penchée là-dessus puisque, bon, les jeunes sont à même de réaliser qu'aujourd'hui ce n'est plus comme il y a 50 ans. Aujourd'hui, il y a des choses qui ont changé et la FECQ a un large discours sur divers socioéconomiques. Donc, on a trouvé bon de se pencher là-dessus.

(17 h 10)

Deuxièmement, il faut voir aussi que la FECQ n'avait pas aussi grand argent pour engager un expert en la matière. Donc, si à la lecture de ce mémoire-là on me sort des statistiques, on me sort des lois, je vais dire: Bravo. Je ne les connais pas, ces statistiques-là, mis à part le document qu'on nous a donné. Le conseil d'administration, les administrateurs de la FECQ y sont allés de conviction, y sont allés de ce qu'ils voient, de ce qu'ils vivent quotidiennement.

Dernière chose. Je n'aimerais pas que ce mémoire-là ou n'importe quoi serve de prétexte et aux membres du gouvernement et aux membres de l'opposition pour se lancer la balle, et tout ça. C'est dans un but: je pense qu'en étant ensemble on va pouvoir faire que l'immigration au Québec ait de l'allure et que nos immigrants voient que nos politiciens aussi se tiennent ensemble.

Donc, ce que je dis, la FECQ étant un organisme voué à la défense collective...

La Présidente (Mme Léger): Le message est lancé.

M. Leclerc (Philippe): Oui. Le message est lancé.

Une voix: Est-il reçu?

M. Leclerc (Philippe): Ha, ha, ha! On verra bien. Bien sûr, dans ce mémoire-ci, on s'est prononcé, Mme la Présidente, sur les cinq orientations que le gouvernement entend prendre. On s'est prononcé de façon très générale. On y a apporté, bien sûr, certains faits à avoir, certaines particularités à saisir, mais on y est allés d'un discours beaucoup plus général envers l'ensemble du gouvernement, puisque, bon, il y a certaines choses sur lesquelles, nous, en tant que jeunes, on trouve que ça demanderait une plus large réflexion dans le cadre de cette nouvelle politique d'immigration. Donc, c'est pourquoi on a ouvert un discours plus large étant donné que, bon, comme je l'ai dit tantôt, on n'est pas des experts en la matière, puis on voit ce qui se passe dans notre société d'aujourd'hui.

Lorsqu'on entend des noms comme Frédéric Moreau, Stéphane MacSeing, Yann Evima Vouma et des choses comme ça, c'est des noms qui sont à notre oreille très, très communs, et je crois que, personnellement, en tant que représentant des étudiants collégiaux, il n'y a pas matière à revenir à se pencher sur, disons, des technicalités. Il y a plutôt matière à se pencher sur des idéologies à saisir, des idéologies à se donner afin que l'immigration puisse vraiment intégrer tout le monde.

D'abord, je dois vous dire que la FECQ, lors de son dernier conseil d'administration, n'avait pas de discours là-dessus. C'est la première fois qu'une fédération étudiante, qu'elle soit du niveau universitaire ou collégial, a un discours sur un interculturalisme. Elle a reconnu l'apport positif de l'immigration en matière d'enrichissement culturel et social, en matière de contribution à l'essor démographique et économique du Québec.

Maintenant, bien sûr, pour ce qui est de l'immigration en général, bon, on a séparé le mémoire en quelques parties. La première partie, c'est sur l'immigration en général; ensuite de ça, sur la politique d'intégration du gouvernement; ensuite de ça, c'est en trois parties, c'est-à-dire que la dernière chose, c'est les orientations.

Pour que l'immigration se fasse de façon adéquate, il faut bien sûr que le gouvernement investisse le plus possible au niveau des capitaux, des ressources techniques et humaines. On sait qu'on est dans un contexte de coupures, on sait qu'on est dans un contexte néolibéral, mais il faut quand même investir si on veut que l'immigration, en bout de ligne, se trouve positive. Ensuite de ça, de façon très générale sur l'immigration au Québec, le conseil d'administration de la Fédération étudiante collégiale du Québec a exigé une pleine reconnaissance des pouvoirs du Québec en matière d'immigration. Ce qui veut dire que l'immigration au Québec, selon les collégiens, doit passer uniquement par le Québec et non pas par deux paliers du gouvernement.

Premièrement, ce qu'on a remarqué en général sur la politique d'intégration du gouvernement du Québec – très vite, d'abord et avant tout, vous me poserez des questions si vous voulez qu'on poursuive plus, là, qu'on aille de plus en plus approfondi – on a remarqué que l'immigration, disons, en Amérique du Nord se fait beaucoup plus sur une immigration des communautés culturelles plutôt que l'individu. Ainsi, l'étiquette de la communauté culturelle de provenance est quasiment annihilée, si on regarde en Europe, à part les pays d'origine, ce qui fait en sorte que l'on considère l'immigrant comme individu voulant s'établir à tel endroit et possédant telles compétences.

Lorsqu'on prend une politique d'immigration portée sur l'individu, il n'y a aucune discrimination sur sa personne résultant de sa communauté culturelle de provenance. Pour la société d'accueil, elle démontre non seulement une nette ouverture d'esprit, mais aussi ses citoyens y verront là un moyen innovateur de considérer l'immigration comme étant un apport de nouvelles expériences et de compétences individuelles, d'abord et avant tout, et non pas une communauté culturelle ayant certaines compétences et certaines expériences nouvelles.

On a donné un petit exemple qui est très, très, très simple. On a dit, en d'autres mots, s'il y a invention, à titre d'exemple, par un immigrant d'un nouveau et génial barrage hydroélectrique, on pourrait dire: La création de Bill Wong, ingénieur, plutôt que la bête et simpliste remarque de l'invention d'un chinois. On remarque souvent ça: C'est les Chinois qui ont inventé ça, plutôt que de dire: C'est M. Bill Wong qui a inventé ça, et on l'en félicite.

Ensuite de ça, ce qui est important aussi pour ce qui est de la promotion de l'immigration au Québec, c'est important que le Québec se dote... Actuellement, à nos informations... On s'est informés à savoir ce qu'il en était de l'information que le Québec donnait à ses immigrants. D'après nous, le Québec devrait beaucoup plus pousser ses informations à l'immigrant, à l'instar du Canada qui le fait.

Et, finalement, en matière d'accueil des immigrants, pour la FECQ, c'est très important que, d'abord et avant tout, l'immigration réussie passe par une population informée des bienfaits de cette immigration-là. Au Québec, bien que la population soit, de façon générale, bien ouverte sur la question de l'immigration, il serait tout de même important de mettre en branle une telle campagne de sensibilisation aux apports de l'immigration, surtout après la période tendue vécue avant, pendant et après le référendum entre néo-Québécois et Québécois d'origine. On a vu beaucoup que des tensions se sont formées. C'est important d'informer la population des bienfaits de l'apport de l'immigration afin qu'enfin soit annihilée la barrière des préjudices qui fait en sorte qu'on catégorise les citoyens québécois.

Une des choses les plus importantes, et je tiens à lire ce paragraphe pour la FECQ: «On peut remarquer, surtout dans des campagnes électorales ou référendaires tachées d'opinions politiques divergentes, que l'immigration est souvent citée, d'un côté parce qu'elle avantage une option politique et de l'autre parce qu'elle va à l'encontre, voire même en contradiction, avec une autre option politique. De ce fait, il est important, dès maintenant, de tracer une ligne assez remarquable entre la politique et l'immigration. Jamais une société ne pourra faire en sorte que ces nouveaux résidents puissent s'intégrer si, à chaque fois, ces derniers sont associés à une option politique en particulier. Au contraire, ces derniers doivent se sentir acteurs de la société, faisant un libre choix démocratique quant à l'avenir politique de leur société d'accueil.» C'est pourquoi la FECQ exige que cette politique gouvernementale que le ministère va déposer ne soit pas teintée de conjonctures politiques ou menée à des fins politiques précises.

Pour nous, c'est très important. Avec les échanges qu'on a vus avec les étudiants issus de différentes communautés culturelles, les étudiants se sont sentis très biaisés là-dedans. Il y a un de mes amis qui a dit: Ce n'est pas parce que je suis Haïtien que je vais voter non ou ce n'est pas parce que, toi, tu es Québécois que tu vas voter oui. C'est ça, en général, le grand malaise qui se ressent aussi au niveau des jeunes. C'est qu'on associe beaucoup immigration... Tu es un immigré, je te classe dans ce camp-là. Tu n'es pas un immigré, bien tu dois être dans ce camp-là. C'est ça, le gros problème actuellement qui se vit au niveau des jeunes.

Finalement, aussi, puisque la FECQ est un organisme qui est partout à travers les régions du Québec et que l'on a vu à quel point l'immigration... bon, on a vu que 70 % de l'immigration se retrouve à Montréal, bien nos administrateurs de région nous ont dit à quel point c'est important pour eux autres, pour l'ouverture d'esprit aussi de leur région, que l'immigration puisse continuer à se répartir en région, et non pas seulement rester à Montréal. On voit qu'au Lac Saint-Jean – en ayant des discussions avec nos administrateurs de Jonquière, d'Alma – des Haïtiens dans leur région, c'est très rare. Pour eux autres, lorsqu'ils viennent dans un conseil d'administration à Montréal, ils trouvent ça très différent, c'est un autre contexte, différent, et c'est important, d'après moi et d'après la Fédération, que cette immigration-là qui enrichit de par sa contribution au niveau culturel, social, économique et démographique soit répartie de façon à ce que tous puissent bénéficier d'une telle entrée de nouveaux arrivés.

Bien sûr, M. Perreault, qui m'a précédé, en a parlé grandement, c'est important, pour la FECQ, qu'à travers cette politique d'immigration le gouvernement du Québec dans son ensemble puisse continuer à avoir une seule visée quant à son immigration, soit la francisation. Étant la seule société francophone – là, je sais que les termes sont assez «touchy» – dans un univers nord-américain anglophone, c'est important de préserver ce caractère, puisque, pour la FECQ, le français est la langue d'usage courante au Québec.

Finalement, bien sûr, pour bien accueillir ses immigrants, c'est important que le gouvernement du Québec continue à contribuer en investissant dans des programmes de recherche de nouveaux emplois pour les immigrants, en investissant dans des programmes d'intégration plus larges. Bien sûr, lorsqu'on parle du programme en matière d'éducation et d'emploi, ce qu'on a su de nos étudiants, c'est qu'il y avait souvent des malaises qui étaient créés puisqu'il y avait certaines normes qui n'étaient pas respectées, il y avait certains préjugés qui avaient lieu dans le milieu de l'éducation, dans le milieu de l'emploi par rapport à leurs parents, par rapports à leurs frères, leurs soeurs, tout ça. Ces étudiants-là nous ont dit: Écoutez, je pense que c'est important que le gouvernement n'enlève pas ces programmes-là puisqu'ils sont bénéfiques, mais qu'il fasse respecter les normes minimales de conditions de travail et une norme aussi, disons, éthique au niveau du respect de leur différence.

(17 h 20)

Aussi, pour les deux dernières propositions générales concernant l'interculturalisme, avant de me plonger vraiment dans les cinq propositions proposées par le ministère, en matière d'immigration permanente des immigrants, une chose qui – comment je pourrais dire – chicote beaucoup les étudiants au niveau des cégeps, c'est le fait que, sur un beau formulaire, on demande la citoyenneté, O.K., bon, il y a canadienne, autre, etc., et qu'à l'intérieur des appareils bureaucratiques, parce que quelqu'un s'appelle Stéphane Maxène, parce que quelqu'un s'appelle, je ne sais pas, moi, Karmina Palumbo, bien on dit: Bon, tu es citoyenneté autre, de par la consonance du nom. Et ça, ça crée un malaise qui a l'air très léger au début, mais on se demande quand la personne qui est immigrée ici va être considérée comme étant un citoyen à part entière, et non plus citoyen... En? Oui, oui, dès qu'il a sa citoyenneté, ça, on le sait. Ça, c'est sûr, c'est une évidence.

La Présidente (Mme Léger): Il vous reste une trentaine de secondes pour conclure.

M. Leclerc (Philippe): Il me reste une trentaine de secondes?

La Présidente (Mme Léger): Oui, pour conclure.

M. Leclerc (Philippe): Ah, je parle, je parle, c'est incroyable. Finalement, je pense que c'est important d'insister sur le contexte où on arrête de dire: Parce que tu as un nom à consonance étrangère, tu n'es pas nécessairement citoyen. C'est un contexte global.

Finalement, par rapport à ces propositions générales là, je pense que c'est important et pour les cégépiens et pour toute la société en général, lorsqu'on bâtit une société d'accueil, lorsqu'on bâtit un concept de société d'accueil, lorsqu'on fait cette société d'accueil là, que ça ne soit pas non seulement les francophones, mais que les anglophones soient aussi inclus là-dedans et les autochtones aussi puisqu'ils font partie de la société québécoise d'aujourd'hui.

Bien, là, le temps étant écoulé, vous pourrez... Dans l'ensemble, Mme la Présidente, la FECQ est d'accord avec toutes les cinq propositions. Vous avez pu lire, comme moi, certaines interrogations, peut-être, commentaires ou précisions qui étaient connexes à cet accord-là; tu sais, faire attention à ça, il faut faire attention à ci. Donc, dans l'ensemble, c'est cela.

La Présidente (Mme Léger): Merci, M. Leclerc. Pour le bon fonctionnement ici, les membres parlementaires, est-ce que vous acceptez, parce qu'on doit quand même conclure à 18 h 30 au gros maximum, 18 h 29 si possible... Alors, je vous inviterais à 12 minutes chacun de votre côté, si vous acceptez.

M. Laporte: Mme la Présidente, voyez la générosité de l'opposition qui se rallie, c'est unanime.

La Présidente (Mme Léger): Merci, monsieur...

M. Laporte: Il n'est même pas besoin d'invoquer l'article 102, 113 ou 14 de...

La Présidente (Mme Léger): Donc, c'est un consensus?

M. Laporte: C'est une unanimité, madame.

La Présidente (Mme Léger): Alors, M. le ministre, 12 minutes de ce côté-ci.

M. Boisclair: D'abord, je voudrais vous remercier pour la présentation, vous dire qu'il y a un mot qui me vient à l'esprit après que je vous ai entendu plaider avec conviction, c'est une vision qui est moderne, c'est une vision très moderne que vous nous avez présentée et qui tranche avec certaines que nous avons entendues précédemment.

Je voudrais aussi, avant d'élaborer davantage sur ce sujet, souligner que le gouvernement est soucieux de maintenir un consensus sur les questions d'immigration. Je sais que le mot fait parfois sourciller mon collègue et néanmoins bon ami le député d'Outremont, mais, de par le passé, l'ensemble des politiques d'immigration ont été débattues sereinement à l'Assemblée nationale et ont toujours fait l'objet de votes unanimes à l'Assemblée nationale, et c'est le cas de l'énoncé de politique de 1991.

C'est d'ailleurs nous inspirant de cet énoncé de politique que nous avons construit celui qui est maintenant soumis à la consultation. Nombreuses orientations qui sont proposées s'inspirent directement de ce document de consultation présenté par ma prédécesseure, Mme Gagnon-Tremblay, qui se donnait comme objectif, je le rappelle, de faire accroître à 40 % le flux total d'immigrants qui connaissent le français d'ici 1995, ce qui n'est pas arrivé mais qui va arriver avec l'énoncé qui est en cours, et aussi qui se donnait comme objectif de revoir la grille de sélection des candidats indépendants afin de tenir compte davantage de la connaissance du français comme facteur favorisant l'employabilité et l'adaptabilité professionnelle. C'est ce que nous avons fait avec notre nouvelle grille de sélection.

Donc, j'espère que votre message est entendu. Je pense que, dans ce contexte, l'opposition officielle a la responsabilité bien sûr de nous critiquer, mais aussi de mettre des propositions sur la table et de ne pas les garder pour elle comme le porte-parole de l'opposition nous l'a laissé entendre hier.

Je disais tout à l'heure que votre point de vue était moderne parce qu'il fait référence d'abord et avant tout à ce que l'être humain a de plus précieux dans sa dignité, c'est d'abord, je pense, le respect d'un certain nombre de règles de fonctionnement de notre société. Avant d'être un citoyen d'une origine X ou Y, avant d'être d'une religion X ou Y, nous sommes des gens qui partageons un certain nombre de valeurs communes: le respect de la démocratie, l'ouverture au pluralisme, le fait qu'au Québec on veuille bâtir une société francophone où l'égalité entre les hommes et les femmes est non négociable, et auxquelles je pourrais rajouter d'autres attributs.

Je comprends que vous nous dites, sur le plan des symboles, qu'il y a des choses qui doivent changer. Vous évoquez la question des gens, en s'inscrivant à l'université, souvent à qui on pose la question: De quelle origine êtes-vous? Ce n'est pas tant la citoyenneté, mais de quelle origine êtes-vous. C'est cette même question qui embête nos fonctionnaires québécois qui, nés ici ou ici depuis très longtemps, se font poser la question et ne savent pas quoi répondre. Des gens qui se considèrent Québécois, qui se disent Québécois, on souhaiterait parfois, au nom d'une certaine logique administrative, vouloir les mettre dans une petite classe d'immigrants comme s'ils ne finissaient jamais d'immigrer, comme s'ils continuaient toujours de porter leurs valises d'immigrants avec eux pour le reste de leurs jours sans jamais les défaire et s'installer. Je partage votre point de vue et je dois vous dire qu'à cet égard il tranche beaucoup, par exemple, de celui que nous avons entendu des représentants de la Communauté urbaine de Montréal qui nous disaient: Il faut continuer de soutenir des groupes monoethniques, il faut les soutenir dans leurs activités, alors que ce qu'il faut faire, je pense, c'est beaucoup plus adapter nos services.

Je suis heureux de voir... Alors que vous réclamez des politiques de sensibilisation, à la limite, vous dire que cette consultation-là en est une, politique de sensibilisation, aussi. J'ai souhaité un débat public et qui est allé tellement loin dans la sensibilisation que vous avez sans doute consulté vos membres, votre conseil d'administration sur ce document-là et que maintenant vous avez une expertise. Je voudrais donc dire qu'on essaie d'y contribuer. J'aurais souhaité faire une campagne de publicité médias plus large. Cependant, au moment où nous faisons des compressions à la sécurité du revenu, où je n'ai pas renouvelé certains postes d'occasionnels au ministère, j'ai décidé de mettre de côté, pour le moment, ce projet, donc parce qu'il y a des sommes importantes qui y sont rattachées.

Je voudrais vous demander, pour vous permettre quand même d'aller plus loin dans votre réflexion, comment vous concevez notre réflexion sur la Semaine québécoise de la citoyenneté. Parce que j'espère qu'au-delà des discussions que nous avons sur les enjeux contenus dans cette politique nous puissions arriver sur d'autres éléments d'entente, un, sur une vision ministérielle plus large de ce qu'est l'intégration. Je voudrais voir si, par exemple, une fédération comme la vôtre serait intéressée à s'associer à l'effort gouvernemental dans le cadre de la Semaine québécoise de la citoyenneté.

(17 h 30)

M. Leclerc (Philippe): Bien, d'abord, M. Boisclair, je dois dire que, pour ce qui est de la Semaine québécoise de la citoyenneté, ce que je trouve malheureux, c'est que je n'ai jamais pu vous donner un feedback, si je peux utiliser ce terme anglais là, là-dessus. À l'instar de nos collègues universitaires – la FEUQ – je pense que la FECQ embarque ses... en tout cas, le conseil exécutif jusqu'à maintenant – parce que, en fin de semaine, on s'en va en camp de formation où on va rencontrer nos administrateurs – le conseil exécutif est emballé par cette idée. C'est quelque chose de nouveau, c'est quelque chose, je pense, qui va aller chercher de plus larges perspectives en matière de citoyenneté québécoise. Je m'explique.

Souvent, lorsqu'on parle de semaine interculturelle, lorsqu'on parle de semaine culturelle etc., on dénote tout de suite, on connote tout de suite, on l'encadre. On dit: Voici, c'est une semaine culturelle. Tandis que, là, on se dit: C'est quoi? C'est une semaine de la citoyenneté québécoise, et la citoyenneté québécoise, vous le savez comme moi, c'est large, c'est très large. Ça va chercher autant des gens qui sont de x communautés culturelles, de x religions, qui sont, je peux dire, de x pensées politiques. En tout cas, pour nous... Pardon?

M. Boisclair: ...Jeannette Bertrand.

M. Leclerc (Philippe): Oui, c'est ça. Ha, ha, ha! Donc, c'est pour nous quelque chose de très important, et c'est bien clair que la Fédération va y participer. En fin de semaine, on a reçu beaucoup de posters à cet effet. Je suis heureux de vous faire un commentaire. J'ai reçu cinq rouleaux pendant cinq jours avec à peu près 10 posters...

M. Boisclair: Je leur avais bien dit de ne pas vous oublier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leclerc (Philippe): Oui, c'est ça, ils ne nous ont pas oubliés. Donc, c'est clair que nos administrateurs vont en entendre parler, on va les sensibiliser là-dessus. Oh non, ils ne nous ont pas oubliés, ça, c'est clair. Et puis, si, à l'instar de nos collègues universitaires, la FEUQ, on peut avoir une quelconque participation plus active, j'aimerais ça que votre cabinet m'en fasse part, puisque je crois que les administrateurs de la FECQ seraient emballés par cette idée.

La Présidente (Mme Léger): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Mme la Présidente, merci. Merci, M. Leclerc. Avant de poser mes questions, Mme la Présidente, vous me permettrez de demander au ministre: A-t-il de sérieuses raisons de croire que le porte-parole de l'opposition ne serait pas unanime à le rejoindre dans l'unanimité s'il fallait qu'il accepte de modifier sa planification en fonction de nos objections et de nos recommandations? Si le ministre veut négocier des changements, l'unanimité sera «jouissative», Mme la Présidente, «jouissative».

M. Leclerc, j'ai... Moi, la jeunesse, la jeunesse, hein, c'est... J'ai des jeunes enfants, des petits-enfants, c'est beau, la jeunesse, je le sais, ça. Ça nous stimule, ça nous édifie. Mais je voudrais vous poser quelques questions parce que votre mémoire, de ce point de vue là, m'a beaucoup intéressé.

D'abord, je voudrais vous faire un petit commentaire, ici. Vous avez dit que le français était important. L'importance de la pérennité du français, c'est plus que ça, vous savez. C'est vital, c'est vital. Et sur ça, vous savez... J'ai 25 ans d'investissement de carrière, alors, c'est vital, la pérennité du français au Québec. S'il fallait que ça ne se fasse pas, ça serait vraiment une grosse, grosse perte pour la civilisation occidentale. Peut-être que ça sera le fruit de l'unanimité, mais on verra.

Donc, il y a un premier point sur lequel vous avez insisté et c'est très important, vous le dites, mais je vais essayer de vous faire comprendre pourquoi – peut-être que vous pourriez faire une recommandation au ministre en mon nom. Vous dites: Les gens ont tendance à identifier, comme immigrants ou autres, les personnes selon les noms. Vous savez, ici, au Québec, on a un mal linguistique qui est très répandu chez les francophones. C'est que notre langue à nous, elle est encore identifiée par nous comme une langue ethnique. Alors, si vous, vous vous appelez Walcott ou si vous vous appelez Schelardzie ou Schevelarze, et ainsi de suite, vous ne faites pas partie de la famille. Donc, à ce moment-là, on dit: Bon, bien, voilà, il est un immigrant.

La conséquence la plus perverse de ça – j'ai déjà écrit un article là-dessus dans Le Devoir , à la plus grande satisfaction de mes amis péquistes, n'est-ce pas – il faut casser l'habitude perverse que nous avons, nous, les francophones, de se faire signaler qu'autrui n'est pas de la famille, par un nom ou par un look, et d'utiliser l'anglais pour communiquer avec lui. Ça, c'est vraiment épouvantable.

Le ministre disait qu'il n'y a pas de budget pour ça. Mais, moi, je veux lui faire une recommandation: la télévision communautaire, ça ne coûte pas cher et ça rejoint beaucoup de monde. Si on pouvait donc arriver à casser cette habitude que je constate encore dans ma vie quotidienne – peut-être un peu moins que je le constatais il y a 10 ans ou il y a 15 ans alors que je me suis fâché – il y a toujours cette convergence à l'anglais dans les relations d'interface avec autrui, un autrui qu'on identifie à tort ou à raison comme n'étant pas un membre de la famille. Et ça, vous dénoncez ça.

Je pense que, dans les milieux étudiants... Là, ce que j'aimerais voir, ce serait: Vous, qu'est-ce que vous suggéreriez au ministre pour qu'on en arrive à casser cette... Je sais que vous n'êtes pas de la génération qui a fait les collèges classiques puis qui a longtemps fréquenté l'église catholique, enfin sous sa forme institutionnelle, mais que suggéreriez-vous pour qu'on arrive à casser cette mauvaise habitude qu'on a?

M. Leclerc (Philippe): Bien, je vais y aller d'abord en vous répondant de façon générale puis en citant des expériences personnelles qui, d'après moi, seraient pertinentes. D'abord et avant tout, ce que je vais vous dire, c'est que justement, c'est vrai qu'actuellement il existe un malaise associé au nom. On l'associe beaucoup, bon: Que tu t'appelles – je ne sais pas – Palumbo, tu es un Italien, tu es un immigrant, etc.

Je ne peux pas vous le dire de façon officielle, mais ça tend de plus en plus à changer. Pourquoi? Parce que les jeunes, d'eux-mêmes, qui vivent dans cette réalité-là, qui ont des voisins qui sont Haïtiens, qui ont des voisins qui sont Italiens, qui ont des voisins qui sont Libanais, commencent à vivre dans cet univers pluraliste là. Et je pense que de plus en plus ça va partir, cette connotation, disons, négative qui est associée au nom.

M. Laporte: Je le crois profondément parce que vous êtes finalement la première génération de l'histoire du Québec qui a vécu une exposition intense à la multiethnicité et la multiculturalité.

M. Leclerc (Philippe): Ah oui. Mais, moi, je peux juste vous relater l'exemple, très, très vite, de mes petits frères qui, eux, leurs amis s'appellent autant Mi Ling que Jean-Baptiste Doualé, ou des choses comme ça. Puis eux autres, pour eux, Mme la Présidente – puisqu'il faut s'adresser à la présidence – c'est tout à fait normal.

Par contre, c'est qu'on peut innover. Je vous donne un exemple, Mme la Présidente, que j'ai vécu, moi, personnellement, il y a deux ans – non, c'est-à-dire trois ans – alors que j'étais au secondaire, en secondaire IV et en secondaire V. Nous avons participé dans le cadre d'un échange entre jeunes, disons, à connotation chrétienne et jeunes juifs d'origine francophone... Ça a été un programme intense. Au début, en secondaire IV, bon, c'était un programme d'échange. C'était un programme, disons, où on discutait des préjugés, puis on disait: Comment est-ce que tu me perçois, toi? Comment est-ce que, toi, tu me perçois? Puis: Non, ça, ce n'est pas vrai, comment je suis, et tout ça. Et ça a permis effectivement de créer une certaine fraternité.

Ces programmes-là, je ne me souviens plus, je pense que ça s'appelait... Je ne pourrais pas vous dire le nom, Mme la Présidente. En secondaire V, ce programme-là s'est réoffert, mais de façon beaucoup plus constructive...

M. Laporte: J'ai une autre question à vous poser. Il ne faut pas prendre tout le temps.

M. Leclerc (Philippe): Oui, oui. Très rapide.

M. Laporte: On me dit que je n'ai plus de temps.

M. Leclerc (Philippe): En secondaire V, ceci s'est répété, mais de façon beaucoup plus constructive de sorte que nous sommes venus à l'Assemblée nationale, il y a trois ans effectivement, et nous avons parlé à certains députés de comment nous verrions, disons, la jeunesse avec les barrières de préjugés et de préjudices concernant l'immigration, concernant l'origine, comment elles pourraient tomber, ces barrières-là. Puis ça a été, je dois vous dire, une expérience très enrichissante, parce que j'ai appris énormément sur la communauté juive, sur la communauté musulmane, comment ils vivent. Eux autres, ils ont appris énormément comment on vit. Et je suis à même de saisir maintenant; lorsque je vois, mettons, un juif hassidim marcher dans la rue, bien, je ne suis pas du genre à dire: Regarde le bizarre. Je suis à même de comprendre ce qu'il vit, et tout ça.

M. Laporte: M. Leclerc.

M. Leclerc (Philippe): Et ça, si les jeunes pouvaient vivre ça, ça serait extraordinaire. Oui, je m'excuse, monsieur.

M. Laporte: Je vais vous donner un petit coup de main.

M. Leclerc (Philippe): Oui.

M. Laporte: On appelle ça un hassid.

M. Leclerc (Philippe): Un hassid, je m'excuse.

M. Laporte: Un hassid, des hassidim, parce que, en hébreu, le suffixe, on passe du «id» au «im».

M. Leclerc (Philippe): Merci de cette précision.

(17 h 40)

M. Laporte: Alors, ça vous aidera peut-être dans vos contacts face à face. Mais là il y a une question bien plus profonde. Je vous ai peut-être mal compris, puis, si je vous ai mal compris, je suis très, très heureux. Nous avez-vous dit que, dans le document du ministre, il y aurait quelque chose qui nous amènerait à penser qu'il y a une association entre l'adhésion à un projet politique et puis l'immigration? Vous avez dit quelque chose là-dessus, là. C'est raide, ce que vous avez dit là-dessus. Je voudrais que vous vous expliquiez pour qu'il n'y ait pas de malentendu, quoi.

M. Leclerc (Philippe): Non, moi, je parlais que, bon... Si on se réfère à la dernière campagne référendaire, il faut dire que je n'étais pas voteur à ce moment-là, j'ai été bien impressionné, et ce qu'on disait: Écoutez, regardez, ça, c'est un immigrant, il va voter oui ou non; ça, c'est un Québécois, il va voter oui ou non. O.K.? Moi, ce que j'ai trouvé...

M. Laporte: Les votes ethniques. Des votes ethniques.

M. Leclerc (Philippe): Des votes ethniques, et tout ça, bon, sans prendre aucune part dans le débat, je ne voulais pas que ça fasse ça. Ce que je veux dire, Mme la Présidente, dans le cadre de cette consultation-là...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leclerc (Philippe): ...ce qui serait important bien sûr, c'est de ne pas voir... Écoutez, si on dit: On veut que le Québec reprenne le plein pouvoir dans l'immigration, bien il ne faut pas voir que le Québec fait ça parce qu'il n'aime pas le gouvernement fédéral, ou tout ça. Il ne faut pas voir que le Québec demande ça parce qu'il veut contrôler son immigration afin d'entrer des immigrants qui sont plus en faveur de la souveraineté ou moins en défaveur, ou tout ça.

Je pense que...

M. Boisclair: Est-ce que c'est la perception que vous avez du document que j'ai produit?

M. Leclerc (Philippe): Non, non, non. Ce n'est pas la perception de ça.

M. Boisclair: Merci.

M. Leclerc (Philippe): On a dit ça dans un cadre très large. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que l'immigration, c'est très distant de la politique, d'abord et avant tout. Il n'y a pas de game politique à avoir en arrière de ça. Je pense que l'immigration, en tout cas pour les jeunes, ça ne passe pas par des allégeances politiques, mais ça passe par la croyance en vouloir entrer dans cette société d'accueil là et cette société d'accueil là dans sa capacité de bien accepter cet immigrant-là.

M. Laporte: Mais vous savez, la...

M. Leclerc (Philippe): En tout cas, il ne faut pas voir de politique où il n'y en a pas, là.

M. Laporte: Je ne sais pas si c'est ça que le ministre croit, mais, moi, je pense que la vraie raison pour laquelle on veut avoir des immigrants au Québec, c'est parce que l'immigration, on aime ça, les immigrants, on adore ça.

Une voix: C'est de la séduction, ça.

M. Laporte: C'est pour ça qu'on voudrait avoir plus de capacité de gestion là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: On aime ça, l'immigration, puis les immigrants, on est fou de ça.

M. Leclerc (Philippe): Mais ce que je vais vous dire très...

M. Laporte: Ça met tellement de... Les immigrants, ça contribue à la revitalisation de l'identité québécoise.

M. Leclerc (Philippe): Très rapidement, Mme la Présidente, ce que les étudiants collégiaux n'ont pas compris, c'est pourquoi le gouvernement n'avait pas le plein pouvoir sur la catégorie famille. Ça, on s'est demandé pourquoi.

M. Laporte: Bien, ça, le ministre va vous expliquer ça, là.

M. Leclerc (Philippe): Il me semble que ça allait de soi. On a commencé à se demander pourquoi, puis c'est pour ça que ça nous a amenés à cette réflexion-là: Bien, ça doit être parce qu'il y a des conjonctures politiques en arrière, puis l'immigration ne devrait pas dépendre des conjonctures politiques, etc. Donc, c'est ce que je peux vous répondre.

M. Laporte: Non, mais le ministre va vous répondre.

M. Boisclair: La réponse est très simple. On gère les engagements, mais la catégorie est définie par le gouvernement fédéral, en vous rappelant qu'il n'y a pas de sélection qui se fait dans la catégorie de la famille. Tous ceux qui répondent aux critères de la catégorie, à savoir des conjoints ou des descendants – il n'y a pas de place pour les collatéraux dans la catégorie de la famille – peuvent venir. Donc, il n'y a pas d'autres critères que des critères d'engagement, de tests financiers, mais essentiellement tous sont admissibles à la catégorie de la famille, ce qui n'est pas le cas pour la catégorie des travailleurs indépendants. En somme, dans un Québec souverain... ceux qui rentrent aujourd'hui dans la catégorie de la famille seraient sans doute les mêmes qui rentreraient dans un Québec souverain.

M. Laporte: Vous comprenez bien, M. Leclerc, qu'il n'y a aucun état démocratique moderne qui contrôle cette catégorie-là, c'est-à-dire que la réunification familiale, c'est un devoir, c'est une obligation de la part de tout état démocratique...

M. Leclerc (Philippe): Ah, oui, ça, je le constate.

M. Laporte: ...parce que ça contribue au bonheur, à la sécurité, au confort, et ainsi de suite. Donc, le ministre le dit bien, c'est-à-dire que, dans un Québec souverain, on gérerait la catégorie de la même façon qu'on la gère actuellement.

M. Boisclair: On ne gérerait peut-être pas celle... Il faudrait bien avoir une bonne discussion sur la façon dont on administre l'octroi du statut revendicateur de réfugié.

M. Laporte: Oui, on se trouve un peu dans un... Évidemment, on a un peu un vocabulaire marxiste. On est rendu qu'on gère la catégorie, vous savez. C'est...

M. Leclerc (Philippe): Mme la Présidente, merci.

La Présidente (Mme Léger): Ce n'est pas terminé...

M. Boisclair: Comme il faut gérer l'opposition, hein?

M. Leclerc (Philippe): Ça s'en va dans des débats...

La Présidente (Mme Léger): M. le député d'Outremont, il vous reste 30 secondes.

M. Laporte: Ah, bien, mes 30 secondes, je vais les utiliser pour dire à M. Leclerc...

La Présidente (Mme Léger): Parce qu'il reste trois minutes de l'autre côté.

M. Laporte: Vous venez de m'apprendre des choses sur votre génération que je ne savais pas si bien. Vous venez de me le dire. Vous êtes la génération de l'avenir. Alors, écoutez, laissez-vous aller.

M. Leclerc (Philippe): C'est ce que je fais.

La Présidente (Mme Léger): M. Leclerc, est-ce que c'est possible de savoir votre âge? Est-ce que vous acceptez de nous dire votre âge?

Une voix: ...

M. Leclerc (Philippe): Non, c'est ça. Oui.

La Présidente (Mme Léger): Soyez confortable.

M. Leclerc (Philippe): Dans le moment, j'ai 19 ans, je viens de l'avoir.

La Présidente (Mme Léger): Alors, merci pour votre fraîcheur. Merci, M. Leclerc. J'inviterais la Maison internationale de la Rive-Sud à s'avancer, s'il vous plaît. Alors, c'est Mme Mendes?

Mme Mendes (Alexandra): Bonjour.

La Présidente (Mme Léger): Alors, vous avez quelques minutes pour exposer votre propos. On vous écoute.


Maison internationale de la Rive-Sud inc. (MIRS)

Mme Mendes (Alexandra): Ce n'est pas très long. Mme la Présidente, M. le ministre, MM., Mmes les membres du comité.

La Présidente (Mme Léger): Vous voulez parler plus fort peut-être ou...

Mme Mendes (Alexandra): La Maison internationale a décidé de déposer ce très court mémoire en se basant sur son expérience sur le terrain, en se basant aussi sur une présence reconnue dans un territoire qui a beaucoup évolué ces dernières années en termes du changement du profil de sa population. La ville de Brossard a énormément changé depuis 20 ans. C'est devenu une ville où presque la moitié de la population est d'origine autre, et cela apporte des constats, donc, et des expériences que, je pense, nous pouvons partager avec la commission.

Nous avons choisi d'aborder seulement deux des orientations qui étaient soumises dans le document Prévoir et planifier , et nous tenons d'ailleurs à féliciter le ministère de l'avoir produit aussi complètement. C'est un document qui englobe toute la dimension de l'immigration, et l'avant et l'après, et qui nous semble, enfin, donner un portrait assez réaliste de ce qui se passe au Québec en termes d'immigration et de ce qu'on veut qu'il se passe au Québec.

Nous abordons l'orientation 3, et je vais inviter ma collègue, qui est avec moi, ici, Virginia Cisneros, qui est responsable de l'accueil établissement à la Maison internationale, nous avons abordé l'orientation 3, donc, concernant le volume de réfugiés, puisque la Maison internationale est reconnue depuis bon nombre d'années pour recevoir et accueillir un nombre assez important de réfugiés sur la Rive-Sud de plusieurs origines. On a reçu des personnes venant de vraiment partout dans le monde et suivant les événements de l'actualité; où il y avait des problèmes, normalement deux, trois mois après, la Maison internationale commençait à recevoir des personnes issues de ces pays. Donc, l'accueil des revendicateurs de statut est quelque chose que nous gérons, si on veut, ou sur laquelle nous intervenons depuis bon nombre d'années.

Pendant un moment, ça a été soutenu par des programmes fédéraux, le traitement des dossiers des demandeurs d'asile. En ce moment, c'est un domaine que nous faisons bénévolement, si on veut, de guider et d'aider les requérants au statut pendant le processus légal jusqu'à l'obtention de la résidence ou jusqu'au renvoi, si c'est le cas. Donc, notre intervention, et notre recommandation là-dessus, la seule que nous pouvons pouvoir faire – nous louons les efforts du gouvernement du Québec de continuer d'accepter les revendicateurs de statut – la seule recommandation que nous pouvons faire, c'est que des pressions soient faites encore plus au gouvernement fédéral pour qu'ils assument et réassument leurs responsabilités à ce niveau-là. Vous ne m'entendez pas?

Des voix: Oui, oui.

Mme Mendes (Alexandra): Ça va. Parce que je crois que c'est une obligation du gouvernement fédéral, en tant que signataire de la convention de Genève, d'assurer un minimum vital de temps et d'espace pour que ces personnes aient le temps de traiter leurs documents adéquatement. Virginia pourrait développer le sujet plus...

Mme Cisneros (Virginia): Oui, merci, Alexandra.

La Présidente (Mme Léger): Vous voulez vous présenter, s'il vous plaît? Madame...

(17 h 50)

Mme Cisneros (Virginia): Oui. Je m'appelle Virginia Cisneros, je suis la coordonnatrice au secteur accueil établissement à la Maison internationale. Alors, moi, je m'occupe directement d'offrir tous les services et les orientations à la personne nouvellement arrivée au pays et alors on se trouve dans la problématique des revendicateurs de statut de réfugié. Ce sont des gens qui arrivent au pays... Par exemple, je vais juste donner un exemple pour savoir. Une famille de revendicateurs qui arrive, qu'est-ce qu'on fait avec les enfants qui viennent avec ces familles-là? On doit les inscrire dans une école, parce qu'ils ont obtenu une permission pour fréquenter les écoles. Alors, qu'est-ce qu'elles font ces familles-là? Elles ne savent pas où aller. Elles ont besoin d'une traduction du document de certificat de naissance. On a besoin de quelqu'un qui les accompagne ou les oriente vers les classes d'accueil qui sont là. Les classes d'accueil sont là aussi pour les gens... c'est ouvert aux revendicateurs aussi, ce n'est pas strictement pour les résidents permanents, alors les services à tous les jours qu'on doit faire sous forme bénévole aux revendicateurs, et c'est un besoin urgent.

Mme Mendes (Alexandra): Nous savons bien que le gouvernement du Québec ne peut pas intervenir directement sur le dossier, mais enfin, notre recommandation est vraiment qu'il y ait des pressions encore plus fortes qui soient faites sur le gouvernement fédéral. Nous en faisons de notre côté, mais notre voix est très humble et petite. Et c'est de vraiment essayer de récupérer une partie de la reconnaissance pour le travail qui est fait auprès de ces personnes. C'est un travail très long – ça ne se passe pas rapidement – et qui a besoin d'une certaine reconnaissance.

La deuxième orientation que nous avons touchée est la connaissance préalable du français. Nous sommes un organisme francophone, très, très convaincu du besoin de franciser les immigrants qui arrivent chez nous. Nous offrons depuis des années des cours de francisation à bon nombre de personnes. Le seul constat que nous pouvons faire, c'est que ce n'est pas seulement le français qui permet l'intégration réussie d'une personne. C'est sûr que c'est un facteur très aidant, mais de limiter ou enfin de mettre un accent très grand sur la capacité d'intégration d'une personne parce qu'elle est francophone ça nous semble un petit peu idéaliste.

Je pense que notre expérience, avec au-delà de 40 000 personnes que nous avons reçues en 22 années de travail, nous a permis de voir que c'est la motivation de réussir leur vie qui va vraiment donner l'impact à leur intégration. S'ils réussissent économiquement et si on leur donne les conditions d'apprendre la langue adéquatement et dans des conditions qui leur plaisent et qui sont aussi en respect de leur circonstance d'habitation domiciliaire, etc, si on leur offre cela, l'intégration se passe généralement très bien. Un peu plus longue que si une personne est francophone d'origine – normalement, ça va prendre deux ou trois ans avant que la personne soit capable de communiquer adéquatement, je suis bien d'accord – mais ce n'est quand même pas exclu que ça soit une personne qui va apporter quelque chose de très valable au Québec, à la société québécoise.

Ce n'est pas une objection que nous faisons, simplement un constat qu'il y a quand même des cas de réussite assez flagrants et assez larges pour qu'on ne limite pas nécessairement l'immigration aux personnes qui connaissent déjà le français. Donc, c'était la seule observation que nous faisions là-dessus. Nous concluons avec deux constats, encore une fois.

D'abord, il est vraiment de l'avis des employés et des administrateurs de la Maison internationale que le gouvernement du Québec est un des plus généreux en programmes d'accueil, en soutien à l'établissement de nos immigrants. Enfin, beaucoup de nous venons de pays où il y a eu peut-être aussi de vagues d'immigration, et nous savons très bien que c'est loin d'être commun et c'est loin d'être aussi généralisé, les politiques d'accueil très proactives, que celles que le gouvernement du Québec met de l'avant.

Nous croyons que ce n'est pas nécessairement au gouvernement d'en faire plus que de préparer la population. Dans cela, je réitère ce que notre prédécesseur, M. Leclerc, a avancé. La population est très prête à recevoir l'immigration en petits nombres. Dans les villes, les villages où il n'y a pas un nombre énorme d'immigrants qui arrivent, ça ne semble pas causer de problème, la population est très accueillante, mais, quand il y a des vagues d'immigration importante qui arrivent soudainement dans une ville, et on l'a vécu à Brossard à la fin des années quatre-vingt, ça cause des craintes, ça cause des irritants pour lesquels nous n'avons pas préparé la population.

Comme je disais tout à l'heure, Brossard a vécu ce changement très brusquement, et la société d'accueil à Brossard s'est sentie mise de côté. Elle s'est sentie envahie par cette vague d'immigration très importante qui arrivait. Et pendant quelques années il y a eu beaucoup de travail de sensibilisation qui a dû être fait et par la municipalité et en conjonction avec nous pour rassurer la population que ce n'était pas des menaces, que c'était simplement des personnes qui cherchaient un lieu d'établissement, pour qui Brossard semblait une ville agréable et adéquate pour leur installation, mais qui ne venait pas menacer les acquis de la population d'accueil. Sans entrer... sommairement, un peu, le résultat de notre vécu comme organisme communautaire sur la Rive-Sud, particulièrement à Brossard.

La Présidente (Mme Léger): Merci. Pour les besoins des travaux de la commission, la Maison internationale de la Rive-Sud, est-ce que c'est particulièrement Brossard?

Mme Mendes (Alexandra): Particulièrement Brossard, mais nous couvrons quand même l'ensemble des villes de la Rive-Sud, oui.

La Présidente (Mme Léger): D'accord, merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Vous voyez, les gens qui viennent témoigner en commission parlementaire nous font souvent état de leurs doléances; vous venez aussi nous dire qu'on fait les choses quand même pas si mal.

Mme Mendes (Alexandra): Non.

M. Boisclair: Et je dois vous dire que ça nous fait plaisir, je pense – tant à moi, à mes collègues ministériels qu'aux fonctionnaires qui nous accompagnent, sous-ministre et autres – de l'entendre, et on l'accepte volontiers. Bien sûr, il y a des défis, il n'y a rien de parfait, mais ce que je constate cependant, c'est que depuis quelques années les choses évoluent et je pense que vous aurez noté avec satisfaction que maintenant le financement triennal pour les organismes est accessible à certaines conditions. Pas tous rencontrent les critères, mais tous pourront rencontrer les critères pour avoir droit au financement triennal. Je pense qu'on peut se réjouir aussi de la qualité de la concertation entre les partenaires et le ministère; le comité aviseur va se réunir à nouveau, et ainsi de suite. Donc, les choses vont quand même assez bien.

Moi, je voudrais que vous me parliez du modèle d'intégration. Nous sommes à faire une réflexion sur la vocation même de ce ministère, sur son rôle qu'il a à jouer en francisation et en intégration en emploi, sur la présence, sur la dispersion géographique de ses services, où il nous apparaît incontournable que l'appui du communautaire est un acquis sur lequel il faudra même tabler et même qu'il faudra davantage développer. Nous nous apercevons qu'il y a des lacunes au niveau de la francisation: 40 % des gens admissibles ne sont pas rejoints. Nous avons en ce moment un système intéressant de partenariat: COFI, communautaire, programmes d'accueil et d'établissement.

Est-ce que vous avez fait une réflexion en partant de votre réalité dans la municipalité? – comment pourrais-je dire? – est-ce qu'il y aurait lieu d'être encore plus efficace? Est-ce que cette synergie entre le communautaire et le public pourrait être poussée plus loin? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de passer à une intégration plus large des services et d'amener, par exemple, le communautaire à définir avec nous le service à donner aux gens et qu'on puisse l'offrir conjointement, peut-être même en pensant à un rapprochement je ne dirais pas administratif – parce que le communautaire devra toujours demeurer du communautaire – mais à une meilleure concertation? Est-ce que vous avez réfléchi, en partant de votre exemple, de votre réalité, vous qui travaillez avec plusieurs partenaires, à une façon de mieux faire les choses en ayant en tête une seule idée, celle de donner un meilleur service à nos clients?

Mme Mendes (Alexandra): Je pense que nous ne faisons que cela depuis un certain nombre d'années, M. le ministre, précisément parce que nous constatons que, si nous ne concertons pas nos services, nous faisons défaut à notre clientèle.

M. Boisclair: Mais comment réagissez-vous quand je vous dis que...

Mme Mendes (Alexandra): Pardon? Oui.

M. Boisclair: Je veux juste... Je m'excuse vraiment de vous interrompre, mais, rapidement, il y a 40 % des gens admissibles qu'on ne rejoint pas dans la francisation, et l'intégration en emploi connaît des hauts et des bas. Sachant qu'on peut faire mieux, la question que je vous pose concrètement est: Comment pouvons-nous faire mieux compte tenu des défis que vous et moi savons et partageons?

Mme Mendes (Alexandra): Pour la francisation, un des problèmes majeurs que nous avons à rejoindre la clientèle admissible – pas à rejoindre, à capter la clientèle admissible – pour la francisation, c'est que nous offrons le programme PAFI à la Maison internationale. Le programme PAFI ne rémunère pas les personnes ou, enfin, ne les rembourse pas pour un certain nombre de faits. Les cours sont gratuits, mais c'est tout. Donc...

M. Boisclair: Mais c'est déjà beaucoup.

Mme Mendes (Alexandra): C'est déjà énorme. Oui, c'est déjà énorme, je n'ai aucun problème à être d'accord. Le fait reste, c'est que le COFI, oui, rembourse un certain nombre de frais aux personnes qui participent, donc beaucoup préfèrent aller au COFI. Mais ils se rendent compte que le COFI n'est pas à côté de leur porte, comme la Maison internationale peut l'être, donc ils abandonnent. Et c'est effectivement un 40 % très important de la population que nous perdons, ce qui va se traduire dans leur employabilité qui évidemment n'est pas là. Ils n'ont pas acquis la langue, ils ne peuvent pas communiquer, donc évidemment ils n'auront pas développé les compétences nécessaires pour travailler.

Je crois, et nous travaillons beaucoup avec la municipalité à essayer de...

M. Boisclair: Qu'est-ce qu'il faut faire? Est-ce qu'il faut revoir les allocations dans les COFI?

Mme Mendes (Alexandra): Peut-être. Peut-être ne pas les donner, simplement pour ne pas les...

(18 heures)

M. Boisclair: Non, mais...

Mme Mendes (Alexandra): C'est peut-être une hypothèse carrément d'éliminer les allocations dans les COFI. Le fait reste qu'il y a des familles qui en ont grand besoin, de ces allocations, mais peut-être de le juger selon le besoin de la famille et non de les donner uniformément. Il y a des familles qui en ont besoin pour les frais de garde, il y en a qui en ont besoin pour le transport et il y en a d'autres qui peuvent très bien vivre sans l'allocation.

Il y a aussi le fait que, si on est capable de développer avec la municipalité même et la direction régionale du ministère un réseau plus proche de ces personnes et que ça passe par la municipalité, nous n'avons aucun problème à ce que ça se passe avec la municipalité, à ce que les cours soient offerts localement mais par le biais du COFI... Que ce soit offert par la ville, à Brossard même, que ce soit avec d'autres villes de la rive sud d'ailleurs. Les personnes qui habitent à Saint-Hubert, les personnes qui habitent à Greenfield Park se plaignent exactement du même problème. L'accès aux COFI n'est pas évident, donc ils perdent l'envie, ils ne viennent pas aux organismes communautaires parce qu'ils ne reçoivent pas d'allocations et, bon, on les perd dans la masse. Mais est-ce que les municipalités pourraient avoir un rôle là-dedans? Est-ce que les municipalités pourraient offrir des incitatifs aux personnes pour qu'elles participent plus activement à la francisation? C'est des choses qui sont définitivement à regarder.

M. Boisclair: O.K. Est-ce que mon collègue de Drummond voulait prendre la parole?

Une voix: ...

M. Boisclair: Oui. Ah! D'accord.

La Présidente (Mme Léger): Non, il faut que je termine le ministre. Il faut que je termine M. le ministre, on va aller au député... Vous avez terminé, M. le ministre?

M. Boisclair: Oui. Bien, je veux laisser du temps pour mon collègue, oui. On poursuivra dans un autre forum.

La Présidente (Mme Léger): On reviendra. Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Mme Mendes, je vous remercie pour cet excellent exposé et là vous venez de tenir des propos qui rejoignent en bonne partie ceux que j'ai tenus moi-même avant qu'on vous entende à savoir qu'il faudrait attribuer plus de responsabilités, de pouvoirs, de capacités d'action à l'entité locale, la municipalité ou l'école, ou ainsi de suite, et ça j'en ai fait mention tantôt. J'ai parlé d'une restructuration de l'offre et, enfin, j'ai bon espoir que vos propos seront entendus et, s'ils le sont, évidemment les miens le seront de même, puisque nous allons dans le même sens.

Il y a un aspect de votre exposé sur lequel je continue à m'interroger, c'est-à-dire... parce que vous n'êtes pas la seule. On en a entendu cet après-midi, beaucoup, beaucoup de personnes, de groupes, qui sont venus nous dire qu'ils sont inquiets du choix qui a été fait par le ministère d'accorder une importance élevée à la maîtrise du français. Vous nous avez dit finalement que l'intégration le français y est pour quelque chose, mais, vous savez, on ne travaille plus avec des modèles à un facteur, c'est multidimensionnel. Le ministre nous rassure là-dessus. Il nous dit: Écoutez, non, ce n'est pas mon intention, au contraire, je suis... Bon. Voilà.

Mais je dois constater que malgré toute la «rassurance» dont le ministre fait preuve le ministre continue d'avoir un sérieux problème de communication, puisque finalement malgré toutes ces bonnes intentions, cette «rassurance», les écrits qu'il nous propose, vous continuez à avoir cette inquiétude. Je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi, mais vous continuez à avoir cette inquiétude. Beaucoup de gens l'ont exprimée, cette inquiétude. Alors, peut-être pourriez-vous préciser?

Mme Mendes (Alexandra): L'inquiétude, c'est plutôt pour le pourcentage qui a été énoncé, de 80 %. Bon. C'est...

M. Laporte: D'accord. Oui, oui.

M. Boisclair: On est à 76 %.

Mme Mendes (Alexandra): Pardon.

M. Boisclair: On est à 76 % en ce moment.

Mme Mendes (Alexandra): C'est sûr que c'est une des catégories seulement et c'est sûr que ce n'est pas toute l'immigration et ce n'est pas tout le... L'inquiétude est simplement de ne pas exclure finalement des personnes de la sélection qui pourraient être des valeurs extrêmement intéressantes pour le Québec. Je suis certaine que ce n'est pas du tout une valeur exclusive. On tenait à la manifester parce que je l'entends autour de moi. Je ne peux pas passer outre; ce n'est pas seulement mes opinions qui sont ici, c'est l'opinion quand même dans le milieu et de personnes qui travaillent dans ce milieu et c'est une inquiétude qui reste, que ça devienne exclusif, que ça devienne un pourcentage trop rigide pour qu'on l'ouvre à des potentiels qui n'ont pas nécessairement la maîtrise du français mais qui seraient des potentiels très intéressants pour le Québec.

Donc, c'est vraiment la préoccupation de base. Pour le moment, nous sommes très, très rassurés sur le fait que ce n'est pas exclusif, que ça n'empêche pas que d'autres personnes soient admises et qu'elles entrent parce qu'elles n'ont pas la maîtrise du français. Cependant, on a peur que ça le devienne, et c'est ce qu'on a essayé de traduire.

M. Laporte: Je vous remercie beaucoup. Enfin, moi, je suis rassuré. Je suis content de constater qu'il ne semble plus y avoir d'ambiguïtés. C'est tout de même un progrès, quoi. Il y aura peut-être des objectifs plus importants à obtenir, mais là ça dépendra du bon vouloir de l'opposition de mettre sur la table ses stratégies. Vous comprenez bien que nous ayons quelques réticences là-dessus... mais au fur et à mesure que je vous entends, que j'entends les gens qui viennent, évidemment la stratégie se précise. Alors, je vous remercie beaucoup, beaucoup, beaucoup.

Mme Mendes (Alexandra): Merci.

La Présidente (Mme Léger): Vous avez terminé, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Entièrement, oui.

La Présidente (Mme Léger): Alors, je pense que le ministre voulait intervenir, mais on a le député de...

M. Boisclair: Non, non, non, le député de Drummond, le député de Drummond.

La Présidente (Mme Léger): Alors, M. le député de Drummond, c'est à vous la parole.

M. Jutras: Madame, vous dites dans votre mémoire que votre organisme communautaire – parce que vous êtes un organisme communautaire – vous avez reçu, orienté et soutenu l'intégration de plus de 40 000 personnes immigrantes au cours de ces 22 années d'opération. Est-ce que vous ne vous occupez que des cas de réfugiés, ou c'est toutes sortes d'immigrants?

Mme Mendes (Alexandra): Ce sont d'abord des immigrants reçus que nous recevons.

M. Jutras: Toutes catégories.

Mme Mendes (Alexandra): Toutes catégories, oui. Reçus, oui...

M. Jutras: Maintenant, quel est le financement d'un organisme comme le vôtre, d'où vient le financement d'un organisme comme le vôtre?

Mme Mendes (Alexandra): D'abord et avant tout du MRCI, c'est notre subventionneur principal. Nous recevons des subventions dans le cadre du PAEI, du PSI, du PAFI et du PRI. C'est nos quatre... Nous recevons cette année 295 000 $.

M. Jutras: Alors, si on parle en pourcentage, ça veut dire que ce qui vous vient du gouvernement du Québec est de quel ordre?

Mme Mendes (Alexandra): 60 %.

M. Jutras: 60 %. Et la balance vous vient d'où?

Mme Mendes (Alexandra): Une petite partie du gouvernement fédéral, le reste de l'autofinancement.

M. Jutras: Et, quand vous dites une petite partie du gouvernement fédéral, c'est quoi?

Mme Mendes (Alexandra): 46 000 $.

M. Jutras: En pourcentage, c'est quoi?

Mme Mendes (Alexandra): 12 %, si je ne me trompe pas.

M. Jutras: 12 %. Ça va, je suis surpris de ça. Merci.

La Présidente (Mme Léger): Alors, la parole va au ministre, si vous voulez terminer.

M. Boisclair: Écoutez, moi, tout simplement rappeler bien clairement les choses. On est dans une sous-catégorie, et à l'heure actuelle nous sommes à 76 %. On pense être capable de monter à 80 %. Il y aura toujours uniquement 40 % de gens qui rentrent au Québec qui connaissent le français. Deuxièmement, les points qui sont accordés sur la grille, ce n'est que 17 points sur 115. Ce n'est pas éliminatoire. 73 points sur 115 vont à la formation. Deuxièmement, en plus du programme Employabilité et mobilité professionnelle, il y en a deux autres: celui de l'offre d'emploi validée – quelqu'un qui a une job offerte certifiée, s'il rentre, la connaissance de la langue n'est pas un critère qui influence la décision du gouvernement. J'indique aussi qu'il y a l'autre programme des offres d'emploi en demande – si quelqu'un vient dans le cadre de ce programme, la connaissance de la langue n'est pas un facteur déterminant.

Alors, ce que vous devez comprendre, et ce que le député d'Outremont comprend, c'est que des gens qui peuvent contribuer au développement économique et social du Québec et qui ont des compétences sont admis au Québec et que nos outils de sélection nous permettent de gérer en fonction des besoins d'abord de la société québécoise, et notre objectif est de faire en sorte d'aller sélectionner des candidats qui pourront participer à cette société, participer socialement, économiquement, culturellement. Et, comme vous-même l'avez dit dans votre mémoire, la connaissance du français est une condition sine qua none. Je pourrais citer le passage exact.

Mme Mendes (Alexandra): Pour fonctionner au Québec, absolument.

M. Boisclair: Et je vous indique que nos ressources ne sont pas illimitées et qu'à un moment donné il y a un arbitrage à faire entre des francophones qu'on va chercher, les besoins de la société québécoise et les efforts qu'on peut consacrer à la francisation.

M. Laporte: Mme la Présidente, je voudrais tout de même, encore-là, invoquer le règlement. Je ne voudrais pas laisser l'impression que le député d'Outremont comprend aussi entièrement que le ministre le laisse entendre. Je pense qu'il y a encore dans mon esprit des zones d'ombre, nous avez-vous dit maintes fois durant cette commission, M. le ministre, et elles ne sont pas encore dissipées. Je vous remercie Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Léger): Alors, merci, Mme Mendes, Mme Cisneros, de vos propos. Alors, nous ajournons nos travaux pour les reprendre, s'il vous plaît, le 25 septembre, à 9 heures, à la salle Louis-Joseph Papineau, sur nos auditions L'immigration au Québec de 1998 à 2000 – Prévoir et planifier . Merci.

(Fin de la séance à 18 h 10)


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