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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, October 16, 1997 - Vol. 35 N° 63

Consultation générale sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Jean Garon, président
M. André Gaulin, président suppléant
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
M. Geoffrey Kelley
M. Russell Williams
M. David Payne
* M. Gilbert Barrette, Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec
*Mme Lise Denis, idem
*M. Pierre Larrivée, idem
*M. Richard Lemieux, idem
*M. Denis Roy, idem
*M. Claude Filion, CDPDJ
*M. Pierre Bosset, idem
*M. Daniel Carpentier, idem
*M. Denis Beauregard, CPQ
*M. Raymond Doray, idem
*M. Claude Beauregard, CIQ
*M. Richard Gagnon, idem
*M. Armand Savoie, CUM
*M. Léonard Brochu, idem
*M. Paul Quézel, idem
*Mme Joanne Burgess, IHAF
*Mme Martine Cardin, idem
*M. Jean-Pierre Brochier, SACA
*Mme Louise Savoie, OEAQ
*Mme Céline Viau, idem
*M. Gérard Brahic, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures onze minutes)

Le Président (M. Garon): Comme nous avons quorum, je déclare la séance ouverte. Rappelons le mandat de la commission, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques) est remplacé par M. Jutras (Drummond); Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys) est remplacée par M. Mulcair (Chomedey); et Mme Vaive (Chapleau) est remplacée par M. Williams (Nelligan).

Le Président (M. Garon): Alors, je donne lecture de l'ordre du jour. À 9 heures, Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec; à 10 heures, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; à 11 heures, Conseil du patronat du Québec; à 12 heures, suspension; à 14 heures, Conseil interprofessionnel du Québec; à 15 heures, Communauté urbaine de Montréal; à 16 heures, Institut d'histoire de l'Amérique française; à 16 h 30, Service anti-crime des assureurs; à 17 heures, Ordre des évaluateurs agréés du Québec; et à 18 heures, ajournement.


Auditions

Alors, je convie immédiatement notre premier groupe, la Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec – vous êtes déjà à la place des témoins – et je demande à celui qui est en charge du groupe de se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent. Nous avons une heure ensemble, c'est-à-dire, normalement, une vingtaine de minutes pour votre exposé et une vingtaine pour chacun des deux groupes parlementaires. À vous la parole.


Conférence des régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec

M. Barrette (Gilbert): Merci, M. le Président. D'abord, mon nom, c'est Gilbert Barrette, porte-parole de la Conférence des régies et président de la Régie régionale Abitibi-Témiscamingue. J'ai avec moi, à ma droite, Mme Lise Denis, vice-présidente exécutive à la Conférence des régies, ainsi que M. Pierre Larrivée, conseiller juridique et responsable des dossiers juridiques à la Conférence des régies, à ma gauche, M. Denis Roy, qui est médecin-conseil à la Direction de la santé publique Montréal-Centre, ainsi que M. Richard Lemieux, médecin-conseil à la Conférence des régies régionales du Québec.

Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, laissez-moi d'abord vous remercier de nous accueillir à nouveau afin que nous puissions faire connaître notre position sur une question dont on ne saurait exagérer l'importance, que ce soit en tant qu'administrateurs, gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux ou, fondamentalement encore, en tant que citoyens.

C'est en effet à ce double titre, administrateurs et gestionnaires publics, d'une part, et usagers des services et citoyens, d'autre part, que nous intervenons aujourd'hui parce qu'il nous semble que seule une réflexion qui intègre et concilie ces deux dimensions permettra d'assurer le respect de droits que nous considérons comme tout aussi fondamentaux, le droit au respect de la vie privée et le droit à un accès équitable à des services sociosanitaires de qualité.

Avant d'élaborer, je vais en faire la présentation. Comme vous le savez sans doute, les régies régionales de la santé et des services sociaux, dont nous sommes ici les porte-parole, ont été appelées depuis maintenant plus de six ans à jouer un rôle central dans le réseau sociosanitaire québécois. Résumé de manière très sommaire, ce rôle consiste essentiellement à remplir deux grands types de mandats.

Les régies régionales sont d'abord chargées de planifier et d'organiser les services dans une région et d'assurer la gestion des ressources matérielles, financières et humaines nécessaires à ces services. Leur but ultime, en exerçant ce mandat, est de garantir à la population un accès équitable à des soins de santé et à des soins de services sociaux de qualité de la manière la plus efficiente possible.

Le deuxième grand mandat concerne la santé publique. On sait que les directions de la santé publique sont maintenant partie intégrante des régies régionales. Celles-ci doivent donc avoir une connaissance approfondie de l'état de santé de la population, y inclus les risques que cette population peut courir. Elles doivent prévenir ces risques et, le cas échéant, intervenir pour protéger la santé de la population.

On comprendra facilement que, pour remplir ces deux mandats, les régies régionales ont absolument besoin de recueillir, de traiter et d'analyser un ensemble très varié d'informations qui portent tantôt sur l'état de santé de la population, sur la nature des maladies et les problèmes qu'elle rencontre, sur les facteurs sociaux ou environnementaux qui comportent un risque pour sa santé ou son bien-être tantôt sur les services fournis, les ressources utilisées et les dépenses engagées. Et c'est précisément là que le bât blesse.

Pour faire leur travail de manière efficace, les régies régionales et le réseau sociosanitaire ont un besoin absolu de données précises et fiables dont plusieurs sont de nature personnelle et confidentielle. Or, l'état actuel de la législation ou, pour mieux dire, le manque de cohérence entre les lois ou entre leurs exigences respectives, le manque de précision ou, au contraire, l'application trop rigoureuse de certaines dispositions législatives, la désuétude de certaines lois ou de ces lois représentent autant de facteurs qui entravent souvent de manière importante les régies régionales dans l'exercice de leurs responsabilités. En d'autres mots, les régies régionales se voient confier par législation des mandats fondamentaux pour la santé et le bien-être de la population, mais l'état général actuel de cette même législation les empêche par ailleurs de les remplir efficacement.

C'est essentiellement la situation à laquelle nous désirons vous sensibiliser aujourd'hui et sur laquelle nous aimerions échanger avec vous. Notre intention, cet avant-midi, n'est certes pas d'engager la discussion sur le plan technique, encore que les experts qui m'accompagnent sont en mesure de vous fournir toutes les précisions nécessaires, mais simplement d'illustrer par quelques exemples les embûches que nous rencontrons et surtout d'indiquer quelques pistes qui permettraient de les lever.

Avant de laisser la parole à Mme Denis, qui, après avoir précisé les besoins des régies régionales en matière d'information, proposera quelques avenues de solution, je veux simplement vous assurer de ceci. Notre intention, en proposant des orientations et des mesures pour assouplir le dispositif actuel et permettre aux régies régionales de compter sur des informations essentielles au maintien et à l'amélioration de la santé et du bien-être de la population, n'est pas de faire fi du respect de la vie privée des citoyens ou de subordonner ce droit fondamental à quelques exigences de gestion que ce soit. Dans notre esprit, le respect de la vie privée des usagers et des citoyens est quelque chose qui doit être non seulement respecté, c'est quelque chose qui doit être promu et, dans certains cas, renforcé.

Les régies régionales sont conscientes que les informations de nature médicale et sociosanitaire sont des données très sensibles et qu'elles comportent un très grand potentiel de discrimination. À ce titre, les régies régionales poursuivent un double objectif: protéger la ressource information et ainsi garantir le respect de la vie privée des citoyens et faciliter l'usage de la ressource information et concilier cet usage avec les moyens que les citoyens doivent maintenant se donner s'ils veulent se garantir des services de santé et des services sociaux de qualité. Là-dessus, je laisse maintenant la parole à Mme Denis, qui poursuivra la présentation.

(9 h 20)

Mme Denis (Lise): Merci, M. Barrette. M. le Président, M. le ministre, moi, j'aimerais revenir d'abord sur les mandats très précis que nous donnent les lois et, par conséquent, les besoins, eux aussi très pointus que ces mandats entraînent sur le plan de la collecte et du traitement des informations. Je vais vous parler, dans le fond, donc, dans un premier temps, des mandats, du contexte et des besoins et, dans un deuxième temps, des difficultés et des pistes que nous suggérons.

M. Barrette l'évoquait, deux grands types de mandat. Le premier recouvre la planification et l'organisation des services ainsi que la gestion des ressources dans une perspective d'amélioration de la santé et du bien-être de la population. Le second a trait à la protection de la santé publique. Il s'agit, bien sûr, de définitions très larges, de mandats-parapluies, en quelque sorte. Dans la réalité quotidienne, ces mandats se traduisent par un grand nombre de responsabilités spécifiques qui incombent aux régies régionales en vertu de la loi.

Quand, par exemple, la loi prévoit que la régie régionale informe le ministre des besoins de la population en vue de la mise à jour de la politique de la santé et du bien-être ou de l'élaboration de programmes, on comprend que le ministre ne s'attend pas à recevoir des rapports truffés de généralités et d'à-peu-près. C'est la même chose quand il charge la régie régionale d'identifier les services requis dans un territoire, voire dans une localité en tenant compte des ressources disponibles et des caractéristiques socioculturelles et linguistiques de la population ou d'évaluer l'efficacité des services.

Dans le contexte actuel qui est bien sûr marqué par des contraintes croissantes au niveau des ressources, où le souci de rigueur et d'efficience devient un impératif de tous les instants, dans un contexte qui est marqué par une approche décentralisée, une approche de proximité, où les services doivent être ajustés aux besoins des clientèles et taillés à la mesure des communautés locales, dans le contexte qui est également marqué par un impératif de veiller à la meilleure adéquation possible entre les besoins à combler et les services efficaces à la population, ces exigences légitimes des législateurs et des citoyens se voient encore accentuées et obligent les régies régionales à se doter d'outils qui permettent de mieux planifier et de mieux gérer les ressources qui leur sont confiées.

Quand de plus en plus de soins, de services et de ressources sont contingentés et qu'il faut établir des critères précis d'accessibilité et de pertinence, on comprendra que la régie régionale doive obtenir sur les usagers un ensemble de renseignements précis pouvant comporter des identifiants pour bien répondre aux besoins. Par exemple, quand le nombre de places en centre d'hébergement est limité, une régie régionale doit disposer d'un portrait très précis de la population âgée de son territoire, allant de sa répartition géographique par village ou par quartier jusqu'à son état de santé et le soutien social disponible dans chaque communauté.

Les régies et les établissements doivent rendre des comptes au gouvernement et aux usagers. Les priorités qu'elles proposent, les services et les programmes qu'elles planifient, les options qu'elles prennent, les budgets qu'elles gèrent sont scrutés à la loupe. C'est très bien ainsi, et les régies doivent gérer à livre ouvert. Mais, en contrepartie, il faut qu'elles puissent disposer de conditions pour ce faire. Et c'est là le message essentiel que nous aimerions vous transmettre aujourd'hui.

Si les législateurs désirent que les régies régionales soient en mesure de répondre efficacement aux attentes tout à fait légitimes qui sont placées en elles, si vous voulez qu'elles répondent adéquatement aux besoins de la population, il faut leur donner, en contrepartie, les outils, l'accès aux informations. Vous avez aussi la responsabilité de leur fournir les règles qui encadrent l'utilisation de l'information dans le respect de la vie privée des citoyens. Les informations, de façon générale, sont également disponibles, tout comme les outils technologiques pour les exploiter convenablement.

Présentement, pour faire leur travail, les régies gèrent déjà des fichiers dont plusieurs contiennent des informations nominales ou confidentielles, par exemple, les systèmes-clientèle, comme le fichier des hospitalisations connu comme Med-Écho, le fichier des maladies à déclaration obligatoire, les fichiers des comités d'admission des centres d'hébergement, là où c'est géré régionalement.

Sur le plan de l'information, le problème, ce n'est donc pas l'absence de données, ou, au contraire, la multiplicité de ces banques de données. Le problème est ailleurs et il concerne la capacité de faire les liens nécessaires entre les banques d'informations en santé et services sociaux elles-mêmes afin de traiter l'information d'une manière productive. Si on le prend en termes de difficulté et de piste de solution, on dirait: Le premier ordre de difficulté que nous rencontrons à ce chapitre en est un de cohérence et d'harmonie dans les règles qui gouvernent l'accès à ces informations et leur utilisation.

Nous devons présentement concilier des exigences législatives qui comportent des dispositions distinctes relatives à l'accès à l'information: la loi sur la santé et les services sociaux, la loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la loi sur la protection de la santé publique, sur la protection de la jeunesse, et j'en passe. Or, les règles d'accès prévues par ces lois sont souvent différentes. Elles sont appliquées par des instances différentes avec des modalités et des critères qui eux aussi diffèrent.

Par exemple, la loi sur la santé et les services sociaux confie au directeur des services professionnels de chaque établissement la responsabilité d'autoriser ou non l'accès au dossier de l'usager sans toutefois préciser les règles devant le guider dans la prise de décision. Concrètement, cela signifie qu'une régie qui désire conduire une recherche sur une problématique régionale doit non seulement obtenir l'autorisation de chacun des DSP concernés, mais que cette autorisation peut être tantôt acceptée, tantôt refusée, ce qui complique substantiellement la réalisation des projets d'évaluation de recherche.

Bref, il existe présentement, sur le plan de la législation, un manque de cohérence qui représente un obstacle à la circulation et à l'utilisation efficace des informations tout en assurant la vie privée des individus. Il faut réussir à clarifier des règles et à les préciser. Qu'on nous comprenne bien, il s'agit d'harmoniser ces règles et d'alléger les procédures qui permettent d'avoir accès à des informations lorsqu'elles sont pertinentes et essentielles à l'analyse des besoins de la population ou des risques qu'elle court, et qu'elles soient pertinentes et nécessaires à la recherche et à l'évaluation.

Les distinctions entre le nominatif et le non-nominatif, bien qu'elles définissent le caractère de l'information ou sa propriété et l'utilisation qui peut en être faite, ne sont pas nettes et exclusives. La combinaison d'informations peut conférer aux renseignements une nature potentiellement nominative, et les règles qui régissent le caractère nominatif ou non ne sont pas explicites et laissent place à un jugement arbitraire. En conséquence, il faut apporter des précisions définissant la terminologie employée dans le cadre de la législation actuelle.

À cet effet, le mémoire que nous avons déposé propose des pistes de réflexion. Je cite, on dit: «C'est pourquoi, considérant la diversité des dispositions législatives qui régissent l'accès et la protection des renseignements dans le domaine de la santé et des services sociaux et les flous qui persistent dans la définition des concepts, nous recommandons la mise sur pied d'un comité qui aurait pour mandat d'établir les règles nécessaires à la protection de la vie privée, de mettre à jour la définition des concepts utilisés, d'harmoniser l'ensemble des législations d'accès et de protection des renseignements de nature médicale et sociosanitaire.»

Un deuxième ordre de difficulté que l'on rencontre naît de la rigidité qu'entraîne le principe du cloisonnement des banques d'information à l'intérieur de la santé et services sociaux. L'idée tout à fait louable est d'éviter la naissance d'un État omniscient qui posséderait dans un dossier unique toutes les informations disponibles sur un citoyen. À la santé et aux services sociaux, ce risque a été pris tellement au sérieux que toutes les banques d'informations qui relèvent du ministère sont actuellement cloisonnées.

On peut comprendre facilement que le croisement des banques d'informations de différents secteurs d'activités gouvernementales peut être de nature à porter atteinte à la vie privée des citoyens. Par ailleurs, il nous semble que, dans une même sphère d'activités comme celle de la santé et des services sociaux, ce croisement se révélerait, au contraire, bénéfique pour la continuité et la pertinence des soins et des services destinés à un même citoyen, d'autant plus que l'ensemble des efforts du réseau vont actuellement dans le sens d'assurer une plus grande continuité des services.

Par exemple, on pourrait vérifier si les malformations constatées chez certains nouveaux-nés sont reliées aux médicaments pris par les femmes pendant leur grossesse en couplant des informations provenant des fichiers des naissances avec celles des fichiers de l'assurance-médicaments. De même, on pourrait mettre en place au Québec un système qui permettrait de détecter rapidement les maladies transmises par l'utilisation des produits sanguins, si on disposait d'un registre nominal des personnes transfusées, qu'on puisse le coupler avec d'autres registres comme ceux des décès ou des hospitalisations et qu'on soit autorisé à informer directement les personnes concernées lorsqu'un problème est détecté.

Pour mettre fin au cloisonnement excessif des banques d'informations de nature médicale et sociosanitaire, nous recommandons donc la création d'un environnement informationnel intégré pour tous les renseignements de nature médicale et sociosanitaire.

Le mémoire que nous avons déposé contient d'autres recommandations sur lesquelles nous pourrons revenir, si vous le désirez. Mais, comme vous l'avez probablement constaté, il soulève aussi de nombreuses questions pour lesquelles nous n'avons pas de solutions définitives à proposer, mais qui nous semblent aussi, pour plusieurs questions, des questions d'ordre éthique qui, pour trouver réponses, doivent trouver ces réponses dans le cadre d'un large débat auquel devraient être associés, bien sûr, la Commission d'accès à l'information, mais aussi l'ensemble des autres acteurs concernés.

(9 h 30)

Le système d'information mis en place dans le cadre de la loi de la santé et de la sécurité du travail a été conçu conjointement par la Commission d'accès à l'information, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le réseau. Cet exemple nous apparaît un bon exemple d'un système qui fonctionne de manière satisfaisante et qui démontre qu'une collaboration fructueuse est possible et qu'elle peut donner un système qui répond aux besoins de chacun.

En conclusion, nous sommes d'avis que le législateur doit accorder à la Commission d'accès à l'information tous les moyens nécessaires pour qu'elle soit en mesure de prévenir les situations qui pourraient porter atteinte à la vie privée des citoyens. Pour nous, cette préoccupation est primordiale, puisque l'utilisation des services de santé et des services sociaux repose sur le sentiment de confiance que les citoyens doivent entretenir avec les professionnels et les établissements qui leur fournissent des services.

La Commission d'accès devrait avoir également la capacité de suivre et de bien positionner la société québécoise face aux enjeux majeurs et aux nouvelles réalités, en lien avec la gestion de l'information à l'aube des années 2000. Elle devrait préciser les règles du jeu et pouvoir responsabiliser les acteurs et les partenaires en matière de respect des renseignements personnels.

Nous espérons, en somme, qu'il soit possible de mettre en place un dispositif juridique cohérent, moderne et sécuritaire, adapté aux besoins actuels. Ce cadre juridique, placé sous la responsabilité de la Commission d'accès à l'information, pourrait nous permettre d'exercer efficacement les responsabilités que nous avons envers les citoyens. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: M. Barrette, Mme Denis, messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale, vous remercier pour votre présentation et, d'entrée de jeu, peut-être vous assurer d'abord que les recommandations seront étudiées attentivement par les experts, au ministère, qui auront à traiter de cette question. Le gouvernement, comme je l'ai dit, souhaite dans les meilleurs délais pouvoir déposer un projet de loi pour répondre aux attentes des Québécois et des Québécoises en matière de révision de la loi d'accès et de protection des renseignements personnels et, à cet égard, votre contribution est certainement importante pour nous.

Je voudrais cependant vous dire franchement ce que je pense. C'est que je vous trouve bien courageux, voire un peu téméraires de venir ici, à l'Assemblée nationale, remettre en cause ce qui est un consensus tissé de longue date entre les formations politiques, entre l'ensemble des parlementaires, consensus qui essentiellement nous a permis de bâtir un régime de protection et d'accès aux documents qui a véritablement une portée générale, une portée aussi... On le dit bien dans les deux lois, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, ce sont des lois qui ont un statut prépondérant, en ce sens qu'elles l'emportent sur les autres lois dans les secteurs particuliers. Et vous venez réclamer...

Je relisais attentivement votre mémoire, à la page 30. Je comprends que vous avez fait une présentation différente de celle de votre mémoire, mais vous nous dites: On est d'accord avec le principe de la loi, on est d'accord avec les objectifs de la loi, on est d'accord avec les valeurs qui sont derrière la loi, mais pourtant vous nous écrivez, à la page 30 de votre mémoire: «Nous recommandons que le gouvernement, à la lumière des recommandations du comité adopte – je saute une phrase, là – des règlements spécifiques pour l'accès et la protection des renseignements de nature médicale et sociosanitaire».

Ce que vous proposez ici, c'est une révision fondamentale des concepts sur lesquels notre système de protection a été mis sur pied. En somme, vous réclamez, pour un type de renseignement, qu'on ait un type particulier de protection, comme des gens, par exemple des institutions financières, sont venus nous demander pour leur industrie d'avoir un régime de protection qui correspond à leur industrie, comme d'autres personnes vont venir nous réclamer, dans chacun des domaines d'activité que le gouvernement réglemente, tant la protection des renseignements, le caractère confidentiel de ces renseignements et, de l'autre côté, l'accès.

Je pense que, malgré vos propos, ce que vous nous proposez, c'est une révision complète des principes sur lesquels le système québécois a été bâti, système québécois qui fait l'envie de tous à travers le monde. Et je vous trouve donc un peu courageux, d'une certaine façon, de venir nous proposer ça parce que, je dois vous le dire, ce n'est pas dans les plans du gouvernement de revoir notre système de protection, de voir comment il a été bâti et les valeurs qui l'animent. Il n'est surtout pas question de commencer à réglementer par secteur d'activité les types de protection ou les types d'accès qu'on donne en fonction de la qualité des renseignements. Première chose.

Je voudrais donc revenir aussi à une question bien précise, qui est celle que vous soulevez. Vous avez parlé tout à l'heure, M. Barrette, de l'incohérence des lois. Vous avez utilisé l'expression «une application stricte des lois». Les lois sont là. Des tribunaux sont là pour les appliquer et pour juger de leur application. Je vous rappelle que la loi d'accès à un statut prépondérant. Je vous rappelle que, s'il faut revoir la loi sur la santé publique, c'est un débat, je pense, qu'il nous faut faire ailleurs. Nous en avons suffisamment avec les deux lois pour ne pas, en plus, prendre la loi sur la santé publique. Et je pense que mon collègue de la Santé est certainement sensible à vos préoccupations. Mais, concrètement, vous nous parlez d'incompatibilité entre la loi sur la santé publique et la loi sur la santé et les services sociaux de façon particulière et la loi d'accès à l'information.

Vous nous proposez, dans votre mémoire, une utilisation des banques de données, une uniformisation, dis-je, des banques de données, particulièrement dans le domaine sociosanitaire. Vous nous faites état des difficultés qu'il y a à ne pas avoir l'accès au NAM. Vous dénoncez certaines conditions émises par la Commission d'accès à l'information, qui aurait, dites-vous, fait échec à un certain nombre de projets de recherche.

Je voudrais bien vous comprendre lorsque vous parlez d'incompatibilité des lois, parce que ma compréhension, c'est que la loi de la santé et des services sociaux, à l'article 346, vous fait obligation, et je cite: «Dans l'exercice des fonctions énumérées au premier alinéa, la régie régionale doit s'abstenir de consigner tout renseignement ou document permettant d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur des services d'un organisme communautaire.» C'est là une responsabilité de la régie nommément indiquée dans la loi. Donc, question précise: Où est l'incohérence et où sont les difficultés?

M. Barrette (Gilbert): Tout d'abord, je vous remercie du courage que vous nous exprimez, mais il reste que l'objectif précis dans la présentation, et c'est surtout dû au nouveau défi que nous avons en santé et services sociaux avec la transformation du réseau et tout ce qui existe de transformation dans le milieu, que le parallélisme qui existe entre les lois d'information nous empêche souvent d'avoir de l'information plus pertinente, ce qui pourrait donner un service plus adéquat à la population. Ceci étant dit, je vais demander, peut-être, à Mme Denis de compléter une réponse plus intelligente.

Mme Denis (Lise): Je ne sais pas si c'est du courage mais, chose certaine, ce qu'on souhaitait mettre en évidence c'est le fait que, oui, on est aux prises, dans le fond, avec une certaine dualité: d'un côté, oui, la protection des renseignements de la vie privée, des renseignements individuels; et de l'autre, le nécessaire ajustement, pense-t-on, qui doit intervenir pour qu'on puisse faire le travail qu'on a à faire le mieux possible.

M. Boisclair: Mais, dans la loi même, la loi sur la santé et les services sociaux, je répète l'article 346: «Dans l'exercice des fonctions énumérées au premier alinéa, la régie régionale doit s'abstenir de consigner tout renseignement ou document permettant d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services d'un organisme communautaire.»

Vous êtes venus nous dire que les lois ne sont pas harmonisées, vous êtes venus nous dire que ça vous crée des difficultés, alors qu'il y a une obligation qui vous est faite nommément dans la loi sur la santé et les services sociaux. Je vous pose donc la question: Où est l'incohérence du législateur? Et ce que vous réclamez, finalement, c'est aussi un amendement à la Loi sur la santé et les services sociaux.

Mme Denis (Lise): M. Larrivée.

M. Larrivée (Pierre): Oui. En fait, vous faites référence à cette interdiction qui est faite aux régies régionales et, en même temps, dans la même loi, il y a des responsabilités qui incombent aux régies régionales et qui font en sorte que, nécessairement, pour les exercer, pour les remplir, ces responsabilités, elles doivent consigner les informations nominatives.

Exemple: les mécanismes d'accès. Alors, dans certaines régions, les mécanismes d'accès ont été régionalisés. C'est une responsabilité de la régie régionale, en vertu de la loi, de veiller à l'actualisation et à la réalisation de ces mécanismes d'accès. Alors, il faut bien avoir traité les informations nominatives pour pouvoir placer les individus qui ont besoin de ressources. D'autre part, pour vous donner un autre exemple, il y a d'autres lois, comme la Loi sur la protection de la santé publique, qui fixent des responsabilités au directeur de la santé publique de recueillir des informations nominatives sur des individus, dans certains cas.

Le directeur de la santé publique, depuis 1991, fait partie maintenant de la régie régionale de la santé et des services sociaux. Alors, on a donc, d'une part, dans la loi sur la santé et les services sociaux, une restriction, une interdiction de consigner des informations nominatives et, d'autre part, il y a une obligation dans la Loi sur la protection de la santé publique que le directeur de la santé publique reçoive ce type d'information.

(9 h 40)

Alors, quand on parle d'uniformiser les dispositions législatives qui se retrouvent dans différentes législations, on souscrit tout à fait au principe, je pense que la Conférence des régies régionales souscrit au principe qui sous-tend les principes de base de la législation, de la loi sur l'accès. Ce qu'on demande aujourd'hui, c'est d'uniformiser les différentes dispositions législatives. C'est-à-dire, d'une part, si le législateur fixe des obligations aux régies régionales qui nécessitent qu'elles traitent de l'information nominative, on voudrait que ça soit ajusté de manière à ce que l'information qui est faite nommément dans la loi, celle à laquelle vous avez fait référence, soit ajustée en fonction des autres obligations qui sont les nôtres.

M. Boisclair: Est-ce que vous pourriez peut-être faire le point aussi sur le dossier? Je comprends qu'il y a des décisions de la Commission d'accès à l'information qui vous ont indisposés, entre autres l'encryptage obligatoire du numéro d'assurance-maladie pour éviter que cette information... Je comprends que la Commission d'accès à l'information a toujours refusé de permettre l'accès au numéro d'assurance-maladie dans la banque MED-ECHO; ce que vous cherchez encore à obtenir, c'est l'accès à ce numéro d'assurance-maladie.

M. Barrette (Gilbert): Peut-être que le Dr Lemieux...

M. Lemieux (Richard): J'aimerais qu'on se comprenne bien, bien, bien. On ne veut pas jouer du syndrome «pas-dans-notre-cour», c'est certain. On a des difficultés d'ajustement de lois, on a des difficultés à pouvoir réaliser le travail qu'on nous demande parce qu'on n'est pas capables de bien appareiller des banques de données qui nous permettraient de réaliser le travail. Ça peut être d'être capables d'avoir accès à... Je vais vous donner l'exemple dont on discutait.

M. Boisclair: Mais l'appariement peut se faire avec une autorisation de la Commission d'accès à l'information. Au ministère, chez nous, à plusieurs reprises on fait des croisements, par exemple du ministère de l'Immigration avec le fichier de la RAMQ, autorisés par la Commission d'accès à l'information, pour fins de recherches, entre autres sur les taux de rétention des immigrants au Québec et...

M. Lemieux (Richard): Mais il faut dépasser le simple stade de la recherche ou d'objet-recherche. Dans le travail quotidien, il arrive qu'on ne soit pas capable parce qu'il manque d'ajustement entre ces lois. La couverture vaccinale que je vous citais tout à l'heure est un exemple. Comment analyser combien d'enfants sont vaccinés, au Québec? Je vous rappelle le phénomène du 1er juillet, au Québec, avec les déménagements, et tout ça. À chaque fois, au mois de septembre, il faut remettre à jour notre banque d'informations pour savoir combien il y a d'enfants à vacciner sur un territoire, où ils se situent, et tout ça. Je ne suis pas capable de vous donner l'exemple très, très précis, mais chose certaine c'est qu'on n'est pas capables, actuellement, parce qu'on doit, à chaque fois, demander une autorisation d'accès à croiser des banques de données, alors que, s'il y avait des règles claires qui nous disent: Procédez ou ne procédez pas, déjà, le discours qu'on pourrait vous tenir serait clair.

M. Boisclair: Mais les règles, elles sont claires, vous pouvez procéder avec une autorisation de la Commission d'accès à l'information.

M. Lemieux (Richard): À chaque fois?

M. Boisclair: Oui.

M. Lemieux (Richard): Mais peut-être que la Commission pourrait dire: Dorénavant, pour un type de problème donné que l'on connaît et que l'on a déjà manipulé, vous pouvez procéder sans être obligés de revenir à chaque fois. On vous dit juste ça. On ne vous dit même pas qu'on veut absolument.

M. Boisclair: La Commission, si ma mémoire est juste, donne des autorisations qui, parfois, sont récurrentes.

M. Lemieux (Richard): Je ne veux même pas vous dire qu'il y a eu des contestations, avant, je veux juste vous dire que, quelle que soit la décision, tout ce qu'on veut, c'est qu'un jour les règles soient très claires. Qu'elles soient en notre faveur ou en notre défaveur n'a pas vraiment d'importance. L'important, c'est le respect et la protection de la vie privée des gens, mais aussi la capacité d'appareiller cette responsabilité à celle de faire notre travail, et, des fois, on n'est pas capables. Juste ça.

M. Boisclair: J'entends ce point de vue, mais nous sommes à bâtir un édifice qui est un édifice particulier, avec un statut prépondérant. Et la question qui se pose au législateur et aux membres de cette commission, c'est: Est-ce que cet édifice est efficient? Est-ce qu'il atteint véritablement les objectifs qui ont été fixés au moment de l'adoption des lois? Est-ce que nous devons maintenir cet édifice? Ceux et celles que nous entendons depuis le début de cette commission viennent, de façon générale, nous dire: Oui, l'édifice doit être maintenu. Certains plaident pour certaines révisions.

J'entends ce que vous me dites et j'aimerais être capable de répondre correctement à vos demandes, mais je dois vous dire que je suis aussi inquiet et que la population est inquiète, dans le quotidien des choses.

Il y a, par exemple, à l'heure actuelle, un faux débat qui existe, dans l'opinion, sur: Est-ce qu'on devrait faire du HIV une maladie à déclaration obligatoire? Le sida est une maladie à déclaration obligatoire, le HIV ne l'est pas encore, et les gens de la santé publique réclament que le HIV soit de déclaration obligatoire. C'est un faux débat, puisque le Laboratoire de santé publique du Québec, dans le test de charge virale, qui est un test diagnostique qui est aujourd'hui incontournable, exige que ces tests soient nominatifs. J'ai moi-même porté cela à l'attention du président de la Commission d'accès à l'information, et lui-même doit faire enquête sur cette question. Mais la population sait ces choses-là et elle est inquiète. Vous expliquez comment, par exemple, que le Laboratoire de santé publique exige ce genre de chose?

M. Roy (Denis): Dans nos équipes, un peu comme dans la société en général, il y a toutes sortes de tendances. Dans l'univers de la santé publique qui gère le VIH et qui s'intéresse à ces questions-là, on est très près de l'univers clinique. Alors, il faut comprendre ça essentiellement comme un réflexe de clinicien. Des gens qui ont la responsabilité d'administrer ces services-là au niveau des laboratoires estiment que ça donne une grande qualité d'intervention clinique, une plus grande promptitude, une meilleure efficacité des services, si on peut travailler avec des outils comme ça.

M. Boisclair: Avec le nom de la personne, vous êtes en train de me dire que les gens vont être capables d'être plus efficaces? Je veux bien comprendre, là, ce que vous me dites. En quoi le nom de la personne fait en sorte qu'on assure un meilleur service au patient?

M. Roy (Denis): Moi, je ne veux pas me faire le proposeur de cette initiative-là; vous m'apprenez ça ce matin. Ce que je veux juste vous dire, c'est que, moi, je reconnais toutes sortes de tendances au sein de nos équipes. Et la tendance à privilégier l'information totale et intégrale va toujours être là, on va toujours la revendiquer. Il y aura toujours quelque part une plus-value au niveau strictement de la qualité. Maintenant, si on regarde l'ensemble des dimensions, est-ce qu'il y a une réelle plus-value pour la société? On n'est pas certains de ça, autour de cette table-ci, en tout cas.

Je pense qu'on a fait preuve, dans notre mémoire, d'une certaine souplesse par rapport à ça. On pense qu'il faut travailler à mieux protéger les renseignements individuels et à ne pas juste améliorer la capacité des systèmes d'intervention. On est pour un équilibre à ce niveau-là. Certains membres de nos équipes ne sont pas nécessairement au fait de ces orientations-là. Je pense que ce que vous décrivez comme exemple illustre bien cette réalité-là. Où sont-ils, les forums où on en débat? Comment répondre aux citoyens de ce qui se fait par rapport à ça? Qui prend quelle décision, au nom de qui? Quels sont les joueurs? Où sont les forums? Moi, ce sont des questions qui me préoccupent.

Aux États-Unis, présentement, on vient de reconnaître, dans un document, Privacy in Health Research , la dimension particulière de l'information de santé. On parle du VIH. Bien sûr, les fiscalistes revendiqueront des mesures qui leur sont propres; peut-être, les juristes en feront autant. Mais, dans le domaine de la santé, il y a une sensibilité particulière à l'information qu'il faut reconnaître. Je pense qu'elle est implicite, elle est bien perçue dans la population. Pourquoi ne déciderions-nous pas, comme société, d'examiner plus attentivement ces informations-là et pas de les examiner uniquement à partir de définitions qui ont prévalu lors de la mise en oeuvre de la loi en 1982? On était un peu à l'âge de bronze de l'informatique, à ce moment-là. Maintenant, en 1997 et à l'aube de l'an 2000, pourquoi ne remettrions-nous pas à jour les concepts et les définitions de ces concepts-là, nous permettant de bien gérer les dimensions nominatives?

M. Boisclair: Est-ce que votre proposition, c'est de faire en sorte d'adopter des règlements spécifiques pour l'accès à la protection des renseignements personnels? C'est ce que vous nous proposez. Et, moi, ce que je vous réponds, à moins que je sois dogmatique, et n'hésitez pas à me faire part de votre point de vue: Est-ce que, d'autant plus qu'il n'y a même pas unicité de points de vue, qu'il y a différentes écoles de pensée dans vos propres équipes sur ces questions, qu'il y a des niveaux de sensibilité qui sont différents dépendant des individus, de leur formation ou de leurs préoccupations et peut-être de leurs intérêts de recherche... Donc, il n'y a pas unicité de pensée et vous me proposez d'ouvrir l'édifice, de revoir les fondations de l'édifice de protection de renseignements personnels et d'accès aux documents en faisant une réglementation par secteur d'activité. Je dois vous dire qu'avant d'en arriver à cette conclusion-là, comme je l'ai dit à certaines personnes la semaine dernière, il y a un fardeau de preuve qui vous appartient. Et je dois vous dire que je ne pense pas être capable de répondre à votre demande de réglementer de façon spécifique pour le secteur de la santé parce que les gens vont me le demander dans l'assurance, dans le milieu financier, dans mille et un autres domaines. Et, au fur et à mesure de ces révisions, si c'était la voie qu'on choisissait, ce qui est en cause, c'est l'édifice même de protection et d'accès aux documents.

Mme Denis (Lise): J'aimerais peut-être juste indiquer qu'il nous semble, à notre point de vue, que l'édifice doit être là et qu'on ne demande pas de revoir l'édifice, mais on demande que l'appartement ou la pièce santé, services sociaux...

M. Boisclair: Mais tout le monde vient nous demander ça, madame. Tout le monde vient nous demander ça.

(9 h 50)

Mme Denis (Lise): En ce qui concerne le secteur... Puis je suis très sensible à l'exemple que vous donniez tantôt, comment la population souhaite qu'on protège ces informations-là. Je pense qu'on a, dans notre secteur aussi – puis c'est un peu pour ça qu'on dit: Une des recommandations, c'est de travailler avec la Commission d'accès et d'autres acteurs aussi du milieu – à toujours bien cerner c'est quoi, l'information qui est nécessaire. Le débat dont faisait état le Dr Roy, c'est sûr qu'au plan clinique il va toujours y avoir des thèses dans un sens ou dans un autre, et ce qui doit prévaloir, c'est toujours la protection maximum pour le citoyen, d'une part, sauf si cette information-là est nécessaire pour améliorer sa condition de santé, ce qui, à mon point de vue, ne semble pas être le cas dans l'exemple que vous donnez.

Il y a des débats, il y a des questions nouvelles qui se sont posées au fil des années à travers des phénomènes qui se développent et des technologies qui se développent aussi et pour lesquels, pour être en mesure de respecter cette primauté d'un droit, d'une part, et une capacité d'agir, d'autre part, on doit, dit-on, se donner au moins quelques moyens de regarder ces questions-là de façon beaucoup plus pointue et peut-être d'avoir simplement – ce n'est peut-être pas des règlements – au moins un encadrement convenu avec lequel on est en mesure de travailler là où c'est nécessaire d'avoir accès, par exemple de croiser des banques, de faire un certain nombre d'opérations peut-être plus mécaniques qu'on ne peut le faire actuellement, lorsque c'est nécessaire et que ça permet de faire des opérations qui améliorent, je dirais, la santé et le bien-être de la population, puisque c'est notre propos. Mais toute information qui n'est pas utile à l'amélioration de la santé ou qui n'est pas utile au patient comme tel, que ça soit des informations qui soient protégées de façon absolue... Je pense qu'on est tous d'accord avec ça.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Larrivée, Mme Denis, M. Barrette, M. Roy et M. Lemieux. Je n'ai pas mis les autres titres professionnels là-dedans, je m'excuse.

Je dois vous dire qu'un peu à l'instar du ministre nous sommes d'avis que nous sommes en présence de gens... M. le Président, ça se voit par leur document, c'est empreint d'un dévouement et d'une intelligence incontestables. Cependant, ce n'est pas la première fois qu'un groupe vient nous voir et dise: On souscrit au grand principe de la loi, mais, trois points de suspension. Et cette fois-ci, le «mais», c'est dans votre secteur spécifique.

M. le Président, vous vous souviendrez, il en a été souvent question ici, il y a eu un projet de loi adopté par le gouvernement actuel, le projet de loi 32, qui a donné lieu à un vif débat public. Mais il y a un ministre qui a dit: J'ai besoin de cette loi-là pour mener à terme ce qu'on me demande de faire dans la société. Et il y a eu, comme je disais, un bon débat parlementaire, un bon débat public. Et la loi qu'il souhaitait, en l'occurrence, c'était pour venir à terme avec certaines difficultés dans le domaine fiscal et éviter des problèmes de gens qui ne payaient pas leurs impôts. Il a eu sa loi.

Moi, je pense, M. le Président, que, d'abord, c'est la première fois qu'on a un groupe qui vient nous voir qui émane du domaine de la santé, et c'est pour nous très important parce que, dans presque tous les exemples qui ont été donnés, même avec des gens d'autres secteurs, que ça soit le secteur des assurances ou autres, ce sont souvent des exemples, des modèles, des schémas du domaine de la santé qui sont donnés pour illustrer leurs propos. Alors, c'est important pour nous de connaître le sentiment sur le terrain dans le domaine de la santé.

Mais, malgré ce que je viens de dire, j'ai retenu comme le ministre la phrase et, sur le coup, je l'ai écrite telle que ça avait été dit. M. Barrette nous a parlé de ce qu'il appelait une application trop rigoureuse. Ce n'était pas sans nous rappeler une phrase qui a été dite par un membre de notre formation, parce qu'on parlait d'une personne qui était commissaire à la Commission d'accès, et la personne en question, d'un autre côté, ayant déjà été ministre et ayant eu affaire avec la Commission a dit: Cette personne-là, tout ce qu'elle ne voulait jamais faire, c'était appliquer la loi, comme si c'était un tort. De notre côté, nous voulons que la loi soit appliquée, mais nous voulons aussi savoir, dans des cas précis, des exemples concrets où la loi vous empêche de venir remplir votre mandat.

Quand le Dr Lemieux nous a dit ça tantôt, j'y étais très sensible, parce que, autant on peut tous s'asseoir sur des grands principes, autant, si, par la même occasion le même législateur vous demande d'accomplir une tâche que vous ne pouvez pas accomplir, eh bien, là, il y a un problème qui n'est pas de votre faute et nous devons être conséquents avec nous-mêmes. Ça, là-dessus, on partage le même point de vue.

Le problème, M. le Président, que nous voyons, avec la présentation, c'est que ça oublie un autre acteur, l'acteur du hasard et le facteur humain. Si on regarde à la page 27 du rapport, on lit, dans le milieu de la page, que, dans un réseau public de santé, on peut identifier quatre acteurs: l'individu – c'est-à-dire patient, assuré, citoyen – deuxièmement, le professionnel de la santé, troisièmement, l'assureur et finalement l'État. Je vous soumets, M. le Président, qu'il y a un autre acteur là-dedans, qui est l'établissement, qui est souvent contrôlé plus par le hasard que par une application rigoureuse, et jamais trop rigoureuse de la loi.

Les gens qui sont avec nous sont trop ferrés dans ces questions-là pour ne pas savoir que, sur les étages des établissements, ce ne sont pas que les professionnels de la santé qui ont accès au clavier, à l'écran cathodique, au dossier. Ça, c'est la réalité; ce qu'on dit souvent autour de cette table, la vraie vie.

Par ailleurs, lorsqu'on dit «professionnel», il y a une certaine garantie qui existe pour les professionnels qui sont à exercice exclusif, dotés d'un code de déontologie et de règles rigoureuses d'application déontologique et disciplinaire. Par contre, on a aussi des professionnels, mais qui ne sont membres d'aucun ordre, qui ne sont pas régis, donc, de cette manière-là, et je pense surtout aux titres réservés qui choisissent, parce que c'est leur droit en vertu des conventions collectives, d'adhérer ou pas à l'ordre professionnel, ergothérapeutes, physiothérapeutes, diététistes qui ont accès aux mêmes informations.

Nous rencontrons plus tard aujourd'hui et l'Office des professions et le Conseil interprofessionnel du Québec, au cours de nos démarches. Et c'est ce point là sur lequel j'aimerais vous entendre avant de vous poser une dernière question et de laisser la parole à mes collègues. Est-ce qu'à votre point de vue il y a une carence à ce niveau-là? Et est-ce qu'une partie de la réponse consiste à obliger les professionnels à titre réservé – non pas à exercice exclusif – à adhérer à leur ordre professionnel pour s'assurer qu'il y ait une manière plus rigoureuse d'appliquer les règles?

Le Président (M. Gaulin): Alors, qui répond? C'est M. Larrivée. D'accord.

M. Larrivée (Pierre): En fait, un préalable. Si on comprend bien, vous soulevez la question de la protection des renseignements confidentiels, finalement. Bien, c'est justement le message. Peut-être qu'il ne transparaît pas assez clairement du mémoire. Mais le message, c'est que, dans le fond, ça ne prend pas nécessairement une loi spéciale à part, à côté de l'édifice général. Mais, actuellement, quand on parle d'incohérence, c'est qu'il existe des appartements dans l'édifice, au niveau de la santé et des services sociaux, et c'est ça qu'on ne veut plus. C'est justement ça qu'on ne veut plus parce qu'il y a des sections dans notre loi où on dit que les dispositions s'appliquent malgré la loi sur l'accès, et ça cause des incongruités et des incohérences.

On voudrait également, afin de mieux protéger le respect de la vie privée des citoyens, qu'il y ait des règles précises, pas un règlement à part ni une loi à côté de l'édifice général, mais qu'il y ait des règles qui soient précises pour justement assurer la protection des renseignements confidentiels que des établissements ou des régies régionales traitent, manipulent sur les citoyens.

(10 heures)

L'un de ces éléments-là que vous soulevez, naturellement, c'est l'adhésion de professionnels qui travaillent en établissement, l'obligation qu'ils fassent partie d'ordres professionnels ou pas pour augmenter leurs obligations envers l'usager, envers le client sur le respect de la vie privée des individus. C'est une question sur laquelle on n'a pas réfléchi en détail. Mais il me semble que faire en sorte que ces gens-là fassent partie obligatoirement d'un ordre professionnel, c'est un moyen d'augmenter la sécurité des informations confidentielles qui peuvent être manipulées par ces personnes-là, comme ça pourrait être un autre moyen – c'est un choix d'opportunité et un débat qu'il faut faire là-dessus – de venir préciser les règles que doit suivre un établissement. Et, quand je dis les règles que doit suivre un établissement, ça comprend l'ensemble de son personnel, parce que ce que vous soulevez touche des catégories de professionnels, mais il y a aussi d'autres catégories de travailleurs, dans un établissement, qui peuvent prendre connaissance ou qui peuvent, par un hasard, avoir accès à des informations nominatives sur l'usager. Donc, des règles plus précises dictées par un organisme comme la Commission d'accès à l'information, ce serait un autre outil qui pourrait être utilisé.

Alors, j'aurais de la difficulté, ce matin, à faire un choix d'option. Mais l'hypothèse que vous soulevez est un outil pour assurer, garantir et augmenter la sécurité de la vie privée des gens, comme édicter des règles précises sur la conduite de l'ensemble du personnel d'un établissement pourrait être un autre moyen utilisé.

Mme Denis (Lise): Peut-être, juste en complément, j'ajouterais que les développements technologiques et le potentiel que pourra offrir, par exemple, le dossier patient, éventuellement, dans un contexte où on sécurise vraiment, je dirais, les données qui y sont contenues et on gère correctement l'accès, pourraient, à cause du développement technologique, être une aide pour éviter que des personnes qui n'ont pas d'affaire à avoir accès à un dossier puissent l'avoir et qu'on puisse définir les niveaux d'accès selon le type de professionnel.

Et là je pense aux projets qui sont en chantier actuellement et qui font l'objet de réflexions et de discussions, je pense bien, y compris avec cette commission parlementaire et un peu, évidemment, avec le réseau de la santé et des services sociaux sur la carte à puce et les possibilités, dans le fond, les limites que ça donne, en termes d'accès pour des catégories de professionnels, et la sécurisation, dans la mesure où on est capable de la mettre, que ça va offrir à l'individu qui voit son dossier pris à l'intérieur d'un établissement.

M. Mulcair: Je terminerais, M. le Président, en faisant référence à une phrase qui a été prononcée vers la fin de la présentation, où nos invités nous ont expliqué que c'était une condition fondamentale du bon fonctionnement de notre système de santé que les gens aient confiance dans leur système de santé. Moi, je pense que, ça, c'est la clé de voûte, c'est vraiment la base, dans toute cette discussion-là.

L'exemple qui a été donné d'une mère qui aurait un enfant qui a une difficulté à la naissance et l'idée de peut-être aller voir dans d'autres ordinateurs, dans d'autres banques de données quels médicaments peuvent être pris, pour moi, c'est un exemple intéressant. Je ne suis pas scientifique, j'ignore si c'est nécessaire d'avoir ça, mais j'ai tendance à être d'accord avec le côté ministériel là-dessus et à me dire: On peut faire des demandes, mais ça va être surveillé, ça va être sous la loupe ou sous le microscope de la Commission.

Là-dessus, je formule une invitation, en terminant. S'il y a vraiment des cas où on vous demande de faire des choses que vous ne pouvez pas faire à cause des lois existantes, c'est notre responsabilité parce que c'est nous qui aurons voté deux fois des choses incompatibles. Si, par contre, c'est des choses que vous voulez faire... Et l'exemple, il me semble, tombe à point nommé, l'histoire mère-enfant. À mon sens, primo, il n'y a rien qui empêcherait d'avoir cette information-là sans que la personne voit le nom et sans qu'elle voit le contenu; il y a peut-être moyen, peut-être, d'appareiller ça. Puis, d'un autre côté, je demeure persuadé que, dans notre société... Je préfère de loin demander à la mère: Avez-vous pris d'autres médicaments? Est-ce qu'il y a d'autres choses? et, oui, lui laisser la liberté de donner la réponse qu'elle veut bien donner. Je ne suis pas encore rendu à croire que c'est nécessaire, pour vous permettre de remplir votre fonction, de vous permettre d'avoir cette information-là.

Tout le monde qui fait du travail, que ce soit les bureaux de crédit qui sont venus ici, que ce soit les compagnies d'assurances qui ne demanderaient rien de mieux que de pouvoir mettre leur modem sur cette information-là, tout le monde dit: Oui, mais, si vous nous donnez cette information-là, on va pouvoir détecter les fraudeurs, puis les gens honnêtes vont payer des primes en moins. C'est vrai, c'est vrai, c'est indéniable. Et pourtant on est prêt à vivre avec ça, parce qu'on se dit qu'on n'est plus à l'âge de pierre ou de bronze, en matière informatique, on commence à être vraiment... On a des petits ordinateurs qu'on peut garder à la maison, maintenant, qui peuvent stocker de l'information qui était l'ensemble de l'information gouvernementale, il y a 25 ans.

Alors, là-dessus, je vous invite «to focus», à amener votre microscope vraiment précisément sur les choses que vous ne pouvez pas accomplir et qu'on vous demande législativement d'accomplir. Et, là-dessus, on va faire notre devoir de l'étudier comme il faut. Pour l'instant, je suis plutôt d'accord avec le ministre, que la demande vise trop large et met en cause les fondements mêmes de notre système de protection de la vie privée. Merci, M. le Président. Mon collègue le député de...

Le Président (M. Gaulin): Est-ce qu'avec consentement vous donnez 30 secondes au ministre?

M. Mulcair: Oui.

M. Boisclair: Juste un petit mot. Vous savez, j'écoute parler le député de Chomedey, je repense à notre discussion, et la question de fond à laquelle il faudra trouver une réponse, nous, de cette commission, c'est: Où il se fait de la recherche pour relever et régler les problèmes comme ceux que vous soulevez? Il y a des problèmes réels, mais il n'y a pas de direction de recherche, à la Commission d'accès à l'information, et il n'y a pas d'organismes, il n'y a pas de ministères qui font de la recherche pour fouiller les questions que vous soulevez.

Je dois vous dire que, s'il y a quelque chose que je retiens de cette présentation et des propos du député de Chomedey, c'est bien une interrogation réelle sur quel genre de mécanique... Je ne suis pas convaincu que le comité que vous proposez soit quelque chose de... C'est une solution parmi d'autres, mais il y a un problème de fond qui est celui de la qualité de l'expertise et de la recherche, soit à la Commission ou dans un ministère, mais il y a quelque chose que vous nous identifiez, que vous pointez, et il faudra trouver une réponse, fouiller plus loin.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le ministre. M. le député de Jacques-Cartier. Je pense que vous pourrez, M. Lemieux, si vous voulez, intervenir ensuite.

M. Kelley: M. le Président, moi aussi, je suis un petit peu rassuré par le fait que vous avez trouvé des obstacles, parce que le législateur voulait mettre des obstacles. Parce qu'on a dit que ce sont des renseignements qui sont très sensibles, alors on voulait éviter une circulation libre de ces données. Alors, dans la mesure où, moi, comme père d'enfants, je suis très sensible à la question de la vaccination, s'il y a des formulations précises à formuler à cette question on va les regarder attentivement. Mais, règle générale, je suis un petit peu rassuré, ce matin, que vous ayez trouvé des choses, quelques obstacles dans la loi, sur l'objectif même de la loi.

Vous avez mentionné le virage ambulatoire et la transformation du système. On se dirige vers des concentrations de... On va mettre en place des dossiers beaucoup plus complets concernant la santé des Québécois et des Québécoises, inévitablement. Nous avons vu le projet de la carte Motus de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, où, au contraire de la carte-santé qui était utilisée à Rimouski, avec une puce dedans, maintenant, on se dirige vers un système de clés. Alors, il va exister quelque part dans l'espace, maintenant, des dossiers médicaux assez complets.

J'aimerais savoir si la Régie a fait une réflexion pour s'assurer de la bonne utilisation de ces renseignements. Parce que, avec un système de régie de médicaments, on a l'information à la fois plus complète, mais plus centralisée sur l'utilisation des médicaments, détenue par le gouvernement. Il y a également la question de la création de dossiers plus centraux. On est toujours dans une société qui a des préjugés. Moi, je pense, entre autres, à des employeurs qui vont demander l'accès, comme on fait avec les candidats à la police, qu'il faut avoir l'examen physique, etc. Est-ce que vous avez formulé...

(10 h 10)

Avec cette nouvelle réalité, que les données médicales seront beaucoup plus centralisées dans l'avenir, comment on peut davantage protéger la vie privée? Parce que ça va être très facile pour une grande compagnie, avec un médecin, d'exiger l'accès à ce genre de données. Et, veux veux pas, il y a des préjugés dans notre société contre le VIH, contre les conditions de santé mentale; ça, c'est la réalité des choses. On peut bien dire que ça n'existe pas et qu'il n'y a pas de préjugés dans notre société sur les conditions ou les maladies mentales, mais ce n'est pas vrai. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer que, dans la nouvelle réalité d'une plus grande centralisation d'informations sur la santé des Québécois, on va éviter les abus et l'accès qui va causer des problèmes pour les citoyens?

Le Président (M. Gaulin): Oui, Mme Denis.

Mme Denis (Lise): Vous signifiez que votre préoccupation, effectivement, elle est... Je pense qu'elle a été beaucoup portée jusqu'à date par chacun des intervenants à l'intérieur du secteur. Vous savez, on parle du cloisonnement des banques; on pourrait parler du cloisonnement des acteurs dans le secteur, à certains moments donnés aussi. Mais je dirais que cette préoccupation-là, nous, on l'a eue comme réseau de santé et de services sociaux, le ministère l'avait, la RAMQ l'avait. Depuis quelques mois, depuis d'ailleurs que se développent, je dirais, d'un côté des préoccupations importantes, de l'autre côté, des technologies qui font que tout semble vouloir aller très vite en ces matières, on a commencé à réunir autour d'une même table des gens du ministère, des gens de la Régie de l'assurance-maladie, des gens de la Conférence des régies régionales et des gens parmi ceux qui développent les systèmes d'information comme tels pour commencer à aborder ces questions-là. Et ça nous semble effectivement fondamental de regarder ces questions-là, en même temps qu'on est très conscient que le fait...

Les effets nets de ça, c'est qu'on va uniformiser un peu toute la cueillette d'informations, quelles qu'elles soient. On parle du dossier, mais je pense que l'ensemble des informations... Et le fait que ces informations-là soient situées, vous dites, dans l'espace ou, disons, dans un entrepôt central, va faire en sorte aussi qu'il y a des façons d'y accéder et il y a un accès à ces informations-là qui risque d'être beaucoup plus décentralisé, jusqu'à un certain point, même si l'information, curieusement, elle, va se trouver très centralisée.

Il y a toute une réflexion sur la sécurité de l'information, la protection du renseignement, mais aussi sur comment circule cette information-là, comment on y a accès, mais comment elle circule dans le système. Et, je vous dirais, je n'ai pas toute la réponse, mais, chose certaine, oui, c'est un ensemble de préoccupations qui de plus en plus se partagent au niveau des différents acteurs.

Le Président (M. Gaulin): Alors, c'est tout le temps que nous avons, malheureusement. Ça a été très intéressant, cet échange. M. le président Barrette, un dernier mot peut-être?

M. Barrette (Gilbert): J'aimerais vous remercier de nous avoir écoutés et j'aimerais aussi vous offrir notre disponibilité à raffiner nos préoccupations, qui sont majeures, je pense, en tout cas qui sont sensibles, chez nous. Et je pense que vous avez été sensibilisés à certains points, puis ça serait de raffiner tous ces coins-là pour saisir l'opportunité qui est sur la table maintenant pour mieux cheminer vers l'an 2000 avec les informations et toutes les disponibilités technologiques qui sont maintenant disponibles. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci à la Conférence d'être venue nous voir. J'invite le groupe de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à...

Le Président (M. Garon): Alors, j'invite les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à s'approcher de la table. Comme nous avons du retard, nous devons commencer immédiatement.

Me Filion, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent et commencer votre exposé, puisque nous avons une heure ensemble, normalement 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacun des partis, à vous la parole.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Je voudrais vous présenter, de la Direction de la recherche de la Commission, à ma droite, Me Pierre Bosset et, à ma gauche, Me Daniel Carpentier.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, l'Assemblée nationale, comme vous le savez, a confié à notre Commission le mandat de promouvoir les principes de la Charte des droits et libertés de la personne par toutes les mesures appropriées, y compris l'examen des textes législatifs. C'est dans l'exercice de ce mandat que nous nous présentons devant vous aujourd'hui dans le cadre de la révision quinquennale des lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels.

L'adoption de la loi d'accès en 1982 et de la loi sur le secteur privé en 1993 a placé le Québec à l'avant-garde de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Ces deux textes ont leur vie propre, mais il importe de garder à l'esprit qu'ils visent avant tout à mettre en oeuvre, dans leur secteur d'application respectif, deux droits consacrés par la Charte, d'abord le droit au respect de la vie privée, qui est garanti par l'article 5 de la Charte, et également le droit à l'information, qui est reconnu par l'article 44 de la Charte.

Dans le passé, notre Commission est intervenue à de nombreuses reprises pour faire valoir ces principes. Dès 1982, nous présentions nos commentaires sur ce qui allait devenir la loi sur l'accès. Nous avons fait de même en 1993 en ce qui concerne la loi sur le secteur privé. Tout récemment, nous avons aussi pris part aux travaux de cette commission sur les cartes d'identité, tout cela, bien sûr, sans compter les nombreuses interventions de la Commission sur des projets de loi ou des textes législatifs mettant en cause le droit au respect de la vie privé. Pensons notamment au projet de loi n° 32 adopté l'an dernier, à propos duquel nous avons fait part de nos réserves au législateur.

Si la Commission a ainsi tenu à accompagner constamment le législateur, c'est qu'elle est convaincue de la valeur et de l'importance des droits dont il est question ici. Est-il besoin de rappeler, d'ailleurs, qu'à l'instar de l'ensemble des droits reconnus par la Charte le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information jouissent d'un caractère quasi constitutionnel. De plus, j'ajouterais que le droit au respect de la vie privée, quant à lui, jouit d'une prépondérance par rapport à l'ensemble de la législation que vous avez adoptée.

Compte tenu de l'importance de ces droits et de l'expérience des cinq dernières années, la Commission désire aujourd'hui aborder quatre points qui, dans le cadre de la présente révision, lui paraissent exiger une attention particulière de votre part: d'abord, l'assujettissement aux lois; ensuite, l'exercice des droits d'accès et de rectification par les personnes handicapées ainsi que la révision des délais de rétention en matière d'accès à l'information gouvernementale – je vais demander à Me Bosset, qui m'accompagne, de faire le point sur ces deux éléments-là, d'ailleurs; et enfin, la problématique de la protection des renseignements personnels au sein de l'administration publique.

D'abord, en ce qui concerne l'assujettissement aux lois, selon nous, l'assujettissement aux lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels doit être le plus large possible. Il en va de la pertinence de ces lois et, ultimement, des droits reconnus et garantis par la Charte. La Commission s'inquiète donc de voir un nombre croissant d'organismes chercher à faire valoir leur particularisme en vue d'échapper à la loi sur l'accès ou à la loi sur le secteur privé, ou non pas d'y échapper, mais peut-être de disposer d'un caractère privilégié. La Commission considère qu'il y a lieu de rectifier la situation. Elle désire donc soumettre au législateur les observations suivantes.

(10 h 20)

D'abord, en ce qui concerne les organismes publics, la Commission est d'avis qu'il faut éviter que des organismes bénéficiant largement des fonds publics ou exerçant un mandat se rapprochant de ceux qu'exercent les organismes publics échappent à la loi sur l'accès. Les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes ont eu l'occasion, dans le cadre de la présente consultation, d'illustrer les conséquences d'une telle situation sur le droit à l'information. L'expérience des dernières années montre, selon nous, la nécessité d'une clarification du domaine d'application de la loi. Nous appuyons donc les recommandations qui sont faites dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et qui visent à resserrer la définition des termes «organisme gouvernemental», «organisme municipal», «organisme scolaire» de façon à tenir compte des formes nouvelles prises par l'activité de l'État au cours des dernières années.

Deuxièmement, en ce qui concerne le secteur privé, en ce qui concerne, donc, l'assujettissement à la loi sur le secteur privé, la référence à la définition d'«entreprise» du Code civil pose manifestement problème. Selon la Commission, l'article 1 de la loi sur le secteur privé devrait prévoir que celle-ci s'applique aux renseignements qu'une personne recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à l'occasion d'activités non visées par la loi sur l'accès. Évidemment, des exceptions pourraient être faites à ce principe. Par exemple, la directive européenne sur la protection des renseignements personnels exclut explicitement de son champ d'application le traitement de données personnelles effectué par une personne physique pour l'exercice d'activités exclusivement personnelles ou domestiques. Ce modèle européen pourrait, selon nous, inspirer le législateur québécois.

En ce qui concerne, troisièmement, les ordres professionnels, l'assujettissement des ordres professionnels mérite une analyse distincte, en raison de la complexité des enjeux en présence. Les ordres professionnels ne sont actuellement soumis qu'aux dispositions du Code civil. Comme on le sait, ces dispositions ne peuvent être mises en oeuvre que par un recours lent et coûteux devant les tribunaux civils. La Commission estime que les personnes fichées par un ordre professionnel, qu'il s'agisse des professionnels eux-mêmes, des employés de cet ordre ou de toute autre personne, doivent avoir accès à un mécanisme de recours simple et peu coûteux pour la mise en oeuvre de leurs droits. La loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé, prévoyant toutes deux un tel recours, l'assujettissement des ordres professionnels à l'une ou l'autre de ces lois marquerait un progrès par rapport à la situation actuelle.

L'assujettissement à la loi sur l'accès aurait cependant pour effet supplémentaire de rendre applicables aux ordres professionnels les règles relatives à l'accès aux documents des organismes publics. Bien que l'accès aux documents administratifs des ordres professionnels n'ait pas représenté une problématique majeure, jusqu'à présent, la Commission estime qu'un débat pourrait être mené, dans l'avenir, sur l'opportunité d'un tel accès, qui irait, a priori, dans le sens du droit à l'information.

Dans l'immédiat, la Commission réitère donc sa position à l'effet qu'un assujettissement des ordres professionnels à des règles claires visant la protection de la vie privée et à des recours visant à en assurer la mise en oeuvre s'impose. Alors, sur les deux points suivants, je vais laisser la parole à Me Bosset, de la Direction de la recherche de la Commission.

M. Bosset (Pierre): En ce qui concerne l'exercice des droits d'accès et de rectification par les personnes handicapées, la Commission est d'avis que les organismes et les entreprises ont l'obligation de reconnaître les besoins particuliers des personnes handicapées et d'adapter leurs procédures d'accès et de rectification en conséquence. Notre conviction se fonde sur l'article 10 de la Charte, qui énonce le droit d'exercer ces droits et ces libertés en toute égalité, sans discrimination fondée sur le handicap, et également sur l'article 12, qui oblige toute personne qui offre des services au public à les offrir dans des conditions d'égalité. Notre conviction se fonde aussi sur la jurisprudence qui, comme vient de nous le rappeler la Cour suprême pas plus tard que la semaine dernière, impose aux organismes une obligation d'accommodement raisonnable quand une règle ou une pratique a un impact discriminatoire sur les personnes handicapées.

Par conséquent, la Commission recommande l'inscription dans la loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé de modalités d'exercice du droit d'accès et du droit de rectification qui soient adaptées aux limitations fonctionnelles des personnes, notamment les déficiences visuelles ou auditives. Je note que les lois fédérales sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels prévoient déjà une adaptation de ce genre, et d'ailleurs, au Québec, également, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit une obligation analogue.

Quant aux délais de rétention, c'est-à-dire les délais pendant lesquels certains renseignements publics restent confidentiels, cette problématique revêt une importance particulière du point de vue du droit à l'information consacré par la Charte. En effet, l'accès aux documents des organismes publics est essentiel à la formation d'une opinion publique éclairée et, de plus, il facilite l'exercice de la liberté d'expression garantie par la Charte dans les débats publics.

À cet égard, nous nous inquiétons de la portée de l'article 30 de la loi sur l'accès. En ce qui concerne le gouvernement du Québec, comme on le sait, cet article accorde une protection illimitée dans le temps à certains décrets et décisions du Conseil exécutif. Exceptionnellement, il peut être nécessaire d'assurer la confidentialité de ces décisions, mais la confidentialité prévue par l'article 30, dans les faits, équivaut à soustraire ces décisions au regard de l'histoire. La Commission recommande donc au législateur de limiter dans le temps la confidentialité des décisions qui sont visées par cet article.

Dans le même esprit, il faut attirer votre attention sur le fait que certains des délais de rétention prévus ailleurs dans la loi d'accès sont plus longs que ceux qui sont prévus dans les lois d'autres provinces, en particulier les délais prévus à l'article 33, qui vise les délibérations du Conseil des ministres; à l'article 35, qui vise les délibérations du conseil d'administration d'un organisme public; et à l'article 37, qui vise les avis ou les recommandations faits à un organisme public. La Commission est favorable à une réduction de ces délais et, compte tenu du droit à l'information, elle appuie les recommandations qui sont faites en ce sens dans le rapport de la Commission d'accès à l'information.

M. Filion (Claude): En ce qui concerne la protection des renseignements personnels, sous cet angle, nous désirons aborder les aspects suivants. D'abord, les cartes d'identité, rapidement, parce que vous avez étudié ça en longueur, en largeur et en profondeur et vous connaissez, je pense, notre position, nous allons passer par-dessus.

En ce qui concerne la diffusion de renseignements personnels de caractère public, de notre avis, la diffusion de renseignements personnels de caractère public, facilitée par la technologie actuelle de l'information et de la communication, soulève certaines interrogations sous l'angle des droits de la personne. La décision de donner au public l'accès à un renseignement personnel répond à un besoin précis, soit la transparence dans la gestion des fonds publics, par exemple, ou l'intégrité du processus électoral, ou encore la nécessité de permettre à un citoyen, en cas de contestation de taxes foncières, de connaître la valeur au rôle d'un immeuble voisin.

L'évolution technologique soulève cependant une problématique nouvelle. Il est maintenant possible de diffuser de tels renseignements, en vrac ou sur une base individuelle, à l'échelle de la planète, littéralement. Certaines municipalités ont, par exemple, entrepris de rendre leur rôle d'évaluation et même les comptes de taxes foncières de leurs contribuables accessibles sur Internet. D'autres organismes publics, entendant tirer partie de la valeur économique de leurs banques de données, cherchent maintenant à commercialiser celles-ci. De telles pratiques ont pour effet de porter des renseignements recueillis par l'État dans le cadre d'une finalité bien précise à l'attention d'un public élargi dont les fins ne coïncident pas nécessairement avec celles de l'État. J'ajouterais même plutôt qu'elles coïncident rarement avec celles de l'État.

Le risque d'un détournement de finalités est ici, donc, bien présent. En consacrant le caractère public des rôles d'évaluation municipaux, par exemple, le législateur n'entendait sûrement pas faire en sorte que les renseignements qui y figurent servent à des fins de prospection commerciale. Il n'entendait certainement pas non plus porter l'appartenance religieuse d'un contribuable à la face du monde ni permettre qu'on utilise ce renseignement à des fins discriminatoires.

La diffusion de renseignements personnels de ce type comporte donc des risques du point de vue du droit au respect de la vie privée ainsi que du droit à l'égalité. Dans le cas de la commercialisation des banques de données, on peut également se demander si cette pratique n'est pas de nature à brouiller encore davantage la frontière qui doit exister entre le privé et le public, frontière dont l'État tire son autorité et sa légitimité.

Dans ces circonstances, la Commission invite le législateur à se pencher sur des moyens qui permettraient de mieux encadrer la diffusion de banques de données contenant des renseignements personnels de caractère public. L'introduction d'un caractère de finalité dans la loi sur l'accès fournirait, selon nous, une piste de solution à cette problématique.

En ce qui concerne, maintenant, les échanges de renseignements nominatifs entre organismes publics, on assiste, vous le savez – on a eu l'occasion, nous, à la Commission, de le soulever à plusieurs reprises et de différentes façons – à une libéralisation des échanges de renseignements nominatifs entre organismes publics. Ce phénomène se manifeste notamment par un assouplissement des règles de fond applicables. Le critère de nécessité de l'échange est ainsi absent de plusieurs dispositions législatives adoptées récemment, notamment en matière de sécurité du revenu et en matière fiscale.

Depuis l'adoption du projet de loi n° 32, l'an dernier, par exemple, le fisc peut, vous le savez, obtenir des renseignements nominatifs de tout organisme public, même si d'autres moyens permettraient d'obtenir les mêmes renseignements. De plus en plus d'échanges sont par ailleurs autorisés à de simples fins de vérification ou de contrôle. Dans de tels cas, un citoyen peut faire l'objet, par exemple, d'un couplage d'informations personnelles, même si aucun soupçon de situation irrégulière ou de fraude ne pèse sur lui.

(10 h 30)

Enfin, le contrôle institutionnel exercé sur les échanges de renseignements devient de plus en plus limité dans sa portée. Ainsi, l'élimination du critère de la nécessité de l'échange enlève à la Commission d'accès à l'information la possibilité de se prononcer sur cette question. À toutes fins utiles, l'opinion publique devient alors le seul juge de l'opportunité de l'échange projeté.

De plus, dans certains cas, la loi déroge expressément à la loi sur l'accès. Cette dérogation rend inapplicables les règles qui prévoient l'obligation d'encadrer toute transmission de renseignements nominatifs au moyen d'une entente écrite et de soumettre cette entente à l'avis préalable de la Commission d'accès à l'information. Cette procédure est remplacée par des mécanismes de rechange qui sont à l'avantage de l'administration, car ils lui laissent le soin de définir l'ampleur des échanges et l'usage qu'elle entend faire des renseignements échangés.

Plusieurs verront dans ces assouplissements le produit d'une évolution rendue nécessaire par l'anonymat de la société moderne. Dans un tel contexte, l'État, pour assurer le respect de ses lois, doit, si nécessaire, pouvoir intégrer les informations que ses diverses composantes détiennent sur un individu. Après tout, comme le posait si bien une avocate du ministère de la Justice, Me Isabelle Harnois, et je la cite: «Une personne prestataire de l'aide sociale qui reçoit des indemnités de remplacement de revenus à la suite d'un accident de voiture et qui devient millionnaire sous les auspices de Loto-Québec ou qui reçoit désormais une pension alimentaire par l'entremise du ministère du Revenu s'attend-elle vraiment à ce que le ministère de la Sécurité du revenu n'en soit pas informé?»

Ce que nous disons, c'est que cette question-là est légitime, mais doit s'accompagner d'une autre question: Comment assurer en même temps les droits des citoyens respectueux des lois et qui craignent que les renseignements qui les concernent circulent librement dans l'appareil gouvernemental? Il est vrai que l'État a des responsabilités envers l'intérêt public que n'ont pas les entreprises privées. Mais on ne peut pas faire abstraction de l'un des principes qui sous-tendent la loi sur la protection des renseignements personnels, soit celui du cloisonnement ou de l'étanchéité des organismes publics. Ce principe, consacré démocratiquement ici même il y a 15 ans dans la loi sur l'accès, veut qu'en matière de protection de renseignements nominatifs l'administration publique soit considérée non pas comme une institution monolithique, mais comme un groupement d'organismes distincts dont chacun est en principe limité à ses propres sources légales de renseignements.

La reconnaissance généralisée du principe du cloisonnement autorise les citoyens respectueux des lois, c'est-à-dire l'immense majorité des citoyens et des citoyennes du Québec, à s'attendre en toute légitimité à ce qu'un renseignement personnel transmis à un organisme public pour une fin bien précise ne circule pas ensuite librement dans l'ensemble de l'administration publique. Telle semble être d'ailleurs l'attente des citoyens.

Citons un sondage qui est reproduit dans le journal Le Devoir , dont, malheureusement, je n'ai pas la source sous la main, mais 94 % des citoyens québécois s'opposent à ce que les renseignements personnels recueillis par un organisme soient transmis à d'autres organismes sans leur consentement. La tendance actuelle au décloisonnement est donc tout à fait préoccupante. Elle révèle, selon nous, l'érosion d'un principe qui sous-tend le droit au respect de la vie privée dans les relations du citoyen avec son État. Selon la Commission, le principe du cloisonnement doit demeurer le point de départ de toute réflexion sur la question des échanges de renseignements nominatifs.

Il faut reconnaître, par ailleurs, que ce principe peut souffrir des exceptions, conformément aux règles de la Charte qui veulent d'ailleurs que «les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général». Je cite l'article 9.1 de la Charte. Le recours à ces exceptions obéit toutefois à des règles de base. Il faut d'abord, donc, rappeler que le décloisonnement doit demeurer une mesure de dernier recours et qu'avant d'autoriser une atteinte au droit au respect de la vie privée le législateur doit constater l'inexistence d'autres moyens moins intrusifs de parvenir à ces fins. Les organismes publics possèdent souvent de tels moyens, mais plusieurs demeurent malheureusement inutilisés ou sous-exploités.

Il faut par ailleurs rétablir un contrôle institutionnel préalable et significatif sur tout projet d'échange de renseignements. Je pense que d'autres organismes vous ont fait des représentations dans le même sens. L'objet de ce contrôle n'est pas de bloquer la machine administrative, mais de s'assurer que le transfert de renseignements nominatifs se fonde sur une justification objective minimale, se limite à ce qui est nécessaire pour atteindre les fins recherchées et respecte des normes adéquates en ce qui a trait à la confidentialité des renseignements transmis. Dans cette perspective, il faut se préoccuper de la prolifération de régimes particuliers qui, dans les faits, réduisent de façon significative le rôle des organismes de contrôle et de surveillance dans ce domaine. Il faut enfin s'interroger sur le rôle des citoyens eux-mêmes.

La Commission estime que, si des circonstances exceptionnelles peuvent justifier un décloisonnement de l'administration publique, ce décloisonnement doit pouvoir faire l'objet d'un examen préalable de l'opinion publique. La participation et le consentement éclairé des citoyens à un projet de décloisonnement sont essentiels à la préservation du lien de confiance entre les citoyens et l'État. La Commission invite donc le législateur à se pencher sur des modalités de consultation publique – il en existe plusieurs – qui permettraient une évaluation sociale préalable d'un projet de décloisonnement sur la vie privée des citoyens.

En conclusion, la Commission veut vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous sur nos recommandations en ce qui a trait à la mise en oeuvre des lois sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Nous suivons de près l'évolution de la situation, bien sûr. Et, conformément au mandat que l'Assemblée nationale nous a confié, avec votre permission, nous nous réservons la possibilité, bien sûr, de faire connaître nos positions sur d'éventuelles modifications à la loi sur l'accès ou à la loi sur le secteur privé. Merci.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Filion. M. le ministre.

M. Boisclair: D'entrée de jeu, M. le président et messieurs qui l'accompagnez, j'aimerais vous dire que votre point de vue sera important lorsque viendra le temps d'étudier des amendements législatifs et qu'il est de l'intention du gouvernement de tenir une commission parlementaire. Il s'agira de voir de quel type, générale ou particulière, mais il est clair que nous aurons besoin de l'éclairage de la Commission lorsque viendra le temps d'étudier concrètement les amendements que le gouvernement entend proposer à l'Assemblée nationale.

Je voudrais vous remercier de votre présentation, vous dire qu'il y a communauté de pensée, du côté gouvernemental, je pense partagée par l'ensemble des membres de la commission sur nombreuses de vos recommandations. Le mécanisme d'évaluation préalable, oui, il faut y réfléchir. Je voudrais revenir maintenant sur quelques recommandations précises.

D'abord, vous faites une attaque à fond de train sur le projet de loi n° 32. C'est une attaque à l'édifice de protection des renseignements personnels. Est-ce que je peux cependant mettre votre propos en relief avec celui du Protecteur du citoyen, qui nous indique qu'il estime qu'avec les amendements le projet de loi n° 32 non seulement s'inscrit dans la philosophie et la lettre de la loi sur l'accès, mais respecte adéquatement les dispositions des chartes québécoises et canadiennes? C'est l'avis du Protecteur du citoyen.

Le président de la Commission d'accès à l'information écrit, lui: «Les propositions d'amendement que vous nous soumettez permettent à votre ministère d'obtenir les renseignements nécessaires à la lutte contre l'évasion fiscale et le travail au noir sans pour autant remettre en cause les grands principes de respect de la vie privée que reconnaît la loi sur l'accès.»

Alors, je voudrais donc savoir, alors que le président de la Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen reconnaissent que nous répondons aux prescriptions qui nous sont faites par la loi, je suis étonné de voir que la Commission des droits de la personne a un point de vue qui est différent. Est-ce que vous n'êtes donc pas d'accord ni avec le Protecteur du citoyen ni avec le président de la Commission d'accès à l'information?

M. Filion (Claude): Je vais laisser à Me Bosset le soin de compléter. Effectivement, nos réticences vis-à-vis la 32 puis nos réticences vis-à-vis également l'article 65.2 de la Loi sur la sécurité du revenu, de la loi du ministère...

M. Boisclair: Je parle de la loi n° 32.

M. Filion (Claude): ... – strictement sur la loi n° 32, mais ça participe un peu aux mêmes sources – je n'ai pas étudié à fond l'opinion du Protecteur du citoyen, mais vont peut-être plus loin; ce n'est pas impossible. Notre mandat, comme vous le savez, est de faire valoir les principes qui sont contenus à la Charte, et le droit au respect de la vie privée est un principe de la Charte, on en fait la promotion. Nous, on considère, de plus – on est d'ailleurs renforcés dans notre opinion, par l'avis que j'ai eu l'occasion de feuilleter hier, l'avis de la Commission d'accès à l'information sur le rapport d'activité découlant de la comparaison, du couplage ou de l'appariement des fichiers de renseignements du ministère du Revenu, document de juin 1997 – que vous avez peut-être... Ce document-là nous conforte dans notre opinion que le ministère du Revenu aurait pu arriver aux mêmes fins sans disposer d'une arme aussi totale que celle qu'il s'est donnée dans le projet de loi n° 32 et...

M. Boisclair: Sauf que le modèle de la Commission n'est-il pas de voir d'abord au respect des... Ce que je vous demande, c'est: Est-ce que, selon votre opinion, le gouvernement, en adoptant la loi n° 32, contrevient aux dispositions de la Charte?

(10 h 40)

M. Filion (Claude): Oui, mais je vous explique que, vous savez, il y a un critère important, lorsqu'on pose une atteinte à un droit fondamental, c'est: Est-ce que cette atteinte-là doit être minimale? Est-ce qu'on peut procéder autrement? Est-ce qu'on peut éviter d'atteindre ou de porter atteinte à un droit fondamental pour arriver à l'objectif visé? Alors, ce qui est très important, c'est que, dans la vie, dans le rapport d'activité du ministère du Revenu, rapport d'activité, encore une fois, qui est tout récent, on s'aperçoit que le ministère du Revenu est arrivé à ses fins de récupérer 220 000 000 $ sans utiliser l'arme absolue qu'il s'était donnée par un projet de loi. Alors, à ce moment-là, oui, ça fait partie de l'analyse juridique.

M. le ministre, lorsqu'on porte atteinte à un droit on doit examiner s'il n'y a pas une façon de procéder autrement, compte tenu que l'objectif est louable, est toujours louable. Les objectifs, en général, sont toujours tout à fait souhaitables, mais, dans ce cas-ci, les événements récents nous confortent dans notre opinion que la modification à la législation, en ce qui concerne le revenu, était une modification qui, à notre point de vue, n'était pas nécessaire pour la finalité recherchée par le ministère. Et, ça, c'est une question juridique.

M. Boisclair: La question que je vous pose... Le Protecteur du citoyen dit qu'il n'y a pas d'atteinte aux chartes ni québécoises ni canadiennes. Le président de la Commission d'accès à l'information nous dit qu'il n'y a pas d'atteinte aux principes, et je vais vous déposer les lettres qui sont déjà déposées à la commission, ça me fera plaisir de vous les remettre dans un instant. Je comprends votre point de vue, et je ne critique pas, je veux juste bien comprendre; je pense que votre éclairage est nécessaire pour les membres de la commission, je comprends que, selon vous, il y a une atteinte aux droits prévus à la charte québécoise.

M. Filion (Claude): Je n'ai pas étudié en détail l'opinion du Protecteur du citoyen. J'ai regardé celle de la Commission d'accès à l'information, puis je pense qu'elle mérite certaines nuances. Mais, quand même, je vais laisser Me Bosset compléter la réponse.

M. Boisclair: Juste une réponse simple parce que je voudrais aller sur d'autres choses et revenir à votre mémoire.

M. Filion (Claude): Oui, mais je pense que c'est une question importante.

M. Bosset (Pierre): J'ajouterai deux choses. Il est vrai que des amendements avaient été déposés au projet de loi n° 32 à la fin de la session parlementaire du printemps 1996. Nous avions écrit au ministre du Revenu de l'époque pour lui dire que les amendements qui étaient proposés répondaient à une partie de nos craintes. Ces amendements-là consistaient à créer une procédure de plan d'utilisation qui, donc, répondait à une partie de nos préoccupations. Cependant, nous lui avions dit, à l'époque, que nos autres préoccupations demeuraient, notamment le fait qu'on pouvait aller, par le biais du projet de loi n° 32, chercher des renseignements nominatifs, même s'il n'y avait pas de soupçon de fraude sur les individus.

M. Boisclair: Oui. Je comprends que vous nuancez le propos qui est contenu au mémoire et j'apprécie cette précision.

M. Filion (Claude): J'ajouterais également une deuxième chose. C'est que, dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, on sent que la Commission d'accès a également des réserves par rapport à cette procédure de plan d'utilisation qui avait été ajoutée suite aux amendements de 1996. Alors, je pense que la position de la Commission d'accès a évolué également, depuis un an.

M. Boisclair: Je comprends que le sujet qui est en discussion avec la Commission d'accès à l'information tient au calendrier de conservation, que les discussions ont cours et qu'il n'y a pas de décisions qui sont prises sur cette question.

Je voudrais revenir sur la question de l'accès aux handicapés. Est-ce que vous avez des plaintes, à la Commission? Est-ce qu'il y a des citoyens qui ont fait valoir que des personnes handicapées avaient des difficultés à obtenir des renseignements soit les concernant ou des renseignements d'organismes publics? Est-ce que vous avez reçu des plaintes à cet effet? Parce que le président de l'Office des personnes handicapées m'a écrit à ce sujet pour me sensibiliser à la problématique que vous soulevez. Est-ce que, concrètement, vous avez reçu des plaintes, à la Commission?

M. Filion (Claude): Allez-y.

M. Bosset (Pierre): À ma connaissance, non. Je sais, cependant, que d'autres organismes publics ont fait l'objet de plaintes devant nous pour la même raison. Je sais aussi que la jurisprudence est très claire à l'effet que les organismes publics ont l'obligation d'adapter leurs procédures et leurs pratiques à la situation des personnes handicapées. Je pense que le même raisonnement vaudrait en ce qui a trait aux services de la Commission d'accès.

M. Boisclair: Deux autres questions. Quant à l'assujettissement aux lois, il y a un débat qui est lancé et que vous reprenez quant à l'assujettissement des organismes gouvernementaux. Vous nous suggérez d'avoir une définition qui serait plus large en ajoutant le mot «notamment» pour faire en sorte d'aller viser, en tout cas de rattraper des organismes qui sont soustraits, à l'heure actuelle. Il y a un certain nombre de décisions qui ont fait l'objet de nombreuses discussions. Je prends par exemple le cas de Nouveler, je prends la Société des casinos. Cette fois-ci, la Commission a tranché de la même façon que la décision de la Cour supérieure du Québec. Il y a une autre décision aussi qui a été rendue.

La question qui se pose toujours à nous, c'est d'abord: Est-ce que ces entreprises, qui sont des filiales, doivent bénéficier d'un même univers concurrentiel que les gens qui oeuvrent dans le même marché et qui ne sont pas soumis aux règles d'accès à l'information? Je prends le cas de Nouveler. Deuxièmement, aussi, si on prenait le critère financier, est-ce que ça veut dire, par exemple, que l'ensemble des ONG du Québec devraient être soumis à la loi sur l'accès? Alors, je voudrais peut-être que vous partagiez davantage, que vous approfondissiez votre réflexion sur la définition de l'organisme gouvernemental.

J'avais d'abord lu votre mémoire avant de prendre connaissance de votre présentation. Je fais référence à la page 5 de votre mémoire. Vous dites, au deuxième paragraphe: «En prévoyant que ce "sont notamment" des organismes publics, ceux définis aux articles 4 à 7, la loi permettrait alors de considérer comme public un organisme qui ne rencontrerait pas nécessairement les définitions prévues à ces articles en raison, par exemple, d'un mode de gestion ou de financement sui generis.»

Est-ce qu'il n'y a pas aussi un danger d'aller trop loin? Par exemple, est-ce qu'il faudrait soumettre tous les ONG à la loi sur l'accès? Est-ce que des compagnies qui oeuvrent dans des environnements concurrentiels hautement compétitifs devraient être soumis aux dispositions de la loi sur l'accès? Est-ce que ce ne sont pas là des limites qui seraient jugées raisonnables par la Commission? Je comprends que c'est difficile, parce que vous n'avez pas de texte de loi, de vous prononcer, mais de façon plus...

M. Filion (Claude): Le problème n'est pas nécessairement facile, non plus, sur le plan de la légisterie ou de la légistique, en tout cas sur le plan de la rédaction légistique. Et il faut définir l'intention du législateur de façon précise. On donne quelques éléments. Le financement en est un. Les mandats en sont un autre, une autre façon. Alors, l'idée, je pense, qu'on propose, c'est «notamment». Ça ne règle pas tout, le «notamment», mais au moins ça ouvre. Quant au reste, par exemple, la question pointue que vous me posez: Est-ce que les ONG devraient être assujettis à la loi?

M. Boisclair: Financés à 100 % par les collèges privés.

M. Filion (Claude): Écoutez, ce n'est pas nécessairement des... Il y a deux façons. En utilisant «notamment», vous ouvrez et vous demandez aux tribunaux de se prononcer là-dessus pour aider à définir le chemin ou, comme législateurs, vous tentez vous-même, vous mettez les balises de cette ouverture-là. Ce n'est pas nécessairement une solution facile. Il y a certains critères de financement que vous pouvez utiliser, la nature du mandat... Mais je vais demander à Me Bosset, peut-être, qui a réfléchi énormément à cette question...

M. Boisclair: Si vous me permettez, M. le président, parce que le temps file et je veux absolument vous poser une dernière question, peut-être pourrions-nous continuer avec de nos collègues cette réflexion.

Le mandat de la Commission, au coeur des discussions, bien sûr, qui n'est pas soulevé par la Commission dans son propre rapport, mais qui a fait l'objet de nombreux commentaires, ici, en commission. Certains soulèvent la crainte de partialité de la Commission, qui a à la fois un mandat d'adjudication, de surveillance et de conseil. Et certains identifient des problèmes, d'autant plus qu'il faut prendre en compte les décisions récentes de la Cour suprême dans des arrêts qui ont fait école en la matière. Est-ce que la Commission a un avis sur cette question? Est-ce qu'il y a risque de partialité? Est-ce que le cloisonnement actuel, à la Commission, fait en sorte qu'on assure véritablement les droits des citoyens? Est-ce que vous avez une réflexion sur le mandat de la Commission et sur le cumul des fonctions de la Commission, vous-même qui avez maintenant une nouvelle organisation, avec a un tribunal qui est indépendant, bien sûr, de la Commission? Est-ce que vous avez peut-être une réflexion que vous pourriez partager avec les membres de la commission?

M. Filion (Claude): Oui, certainement. Mais le premier élément, par exemple, que vous devez savoir de façon impérieuse, c'est que, explicitement, les commissaires de la Commission, les membres de la Commission, de notre Commission n'ont pas pris position sur cette question-là de façon expresse. D'accord?

M. Boisclair: Vous l'avez débattue?

M. Filion (Claude): Oui, elle a été débattue, et la conclusion que je vous livre est celle exprimée par les commissaires, qui ne prennent pas position là-dessus comme Commission. Cependant, si le sujet peut vous intéresser à titre personnel et à cause peut-être de ce que j'ai vécu à l'époque du réexamen de notre Commission et de ce qu'on vit maintenant à la Commission, maintenant que nous n'avons plus cette fonction d'adjudication, les commissaires, si besoin était, m'ont autorisé à exprimer un avis personnel.

M. Boisclair: Est-ce que vous pouvez nous l'exprimer?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion (Claude): Mon avis personnel est le suivant, avec tout le respect que j'ai pour la Commission d'accès et pour leur opinion qu'ils vont livrer, et je suis convaincu qu'elle est extrêmement importante. D'abord, prenons l'expérience de la Commission des droits de la personne. D'abord, à l'époque, on a eu plusieurs brefs d'évocation, on a eu des problèmes judiciaires qui ont tous été terminés au moment où la fonction d'adjudication a été confiée au Tribunal des droits de la personne. Actuellement, la Commission d'accès, évidemment, cumule une fonction d'adjudication avec une fonction conseil, une fonction surveillance et, bien qu'on ne l'appelle pas comme ça à l'intérieur de la détermination des fonctions de la Commission, une fonction que j'appellerais aussi un peu promotion.

(10 h 50)

Vous le savez, la vie privée, c'est un secteur qui est en pleine expansion, qui est en train de devenir une préoccupation majeure du siècle qui vient. Alors, c'est un secteur qui requiert énormément d'énergie, qui requiert parfois le fait de jouer un rôle de pionnier, si on veut, un peu comme les droits de la personne aussi, qui sont continuellement remis en question, à cause du ressac, à cause de toutes sortes de facteurs.

Alors, nous, premièrement, à la Commission, ce qu'on peut vous dire: libérés de notre fonction d'adjudication, pas tellement de la fonction elle-même, mais des devoirs qui découlent d'une fonction d'adjudication, évidemment le devoir d'appliquer des règles de justice naturelle, l'audition contradictoire des témoins, etc. et également le devoir de réserve qui, à mon sens, est tout à fait intégré à la fonction d'adjudication. Alors, comment concilier ce devoir-là, comment concilier cette obligation de jouer un rôle de pionnier, dans un secteur qui est en pleine évolution à cause des développements technologiques puis à cause d'un tas de facteurs, avec le fait qu'on doit se limiter évidemment, lorsqu'on rend justice? Lorsqu'on joue un rôle judiciaire ou quasi judiciaire, on doit – c'est une obligation, sinon rien ne tient dans notre système – se limiter donc à une attitude, à un comportement, à une administration, etc. qui, à mon sens, n'est pas nécessairement compatible. En tout cas, c'est la question que je vous soumets.

Alors, nous, on peut dire que, libérée, si on veut donc de cette fonction d'adjudication, la Commission, depuis 1990, maintenant peut jouer son rôle de promotion, peut faire des recherches dans des secteurs de pointe, peut, dans certains cas, dépasser même, vous nous le souligniez tantôt, ce que peuvent dire d'autres chiens de garde, par exemple, du gouvernement ou d'autres intervenants majeurs dans nos débats.

M. Boisclair: Vous êtes heureux que le législateur vous ait soulagés de cette responsabilité?

M. Filion (Claude): C'est-à-dire que, comme Commission, on peut dire qu'on n'a plus de problèmes judiciaires, primo. C'est vrai que le jugement de la Cour suprême rendu dans l'affaire d'un troc dans les Laurentides, etc., parle d'un cloisonnement. Mais, s'il y a un cloisonnement et s'il doit y avoir une certaine étanchéité au sein de la Commission, moi, je m'interroge sur la libre circulation de l'expertise au sein de la Commission, qui n'est pas nécessaire. Pardon?

M. Boisclair: Est-ce que c'est possible de cloisonner un petit organisme qui compte 44 personnes?

M. Filion (Claude): Voilà. Bien, vous posez la...

M. Boisclair: Est-ce que c'est réaliste?

M. Filion (Claude): Alors, donc, sur le plan judiciaire, il y a toujours des embûches, mais elles sont en partie réglées par la Cour suprême. Mais, sur le plan administratif et sur le plan, j'allais dire de la mission fondamentale – parce que c'est ça que vous êtes en train d'examiner pour les années qui viennent – personnellement, disons que je soulève plusieurs interrogations sérieuses sur le cumul de ces fonctions-là.

M. Boisclair: D'accord. Est-ce qu'on peut aller plus loin dans la réflexion et vous demander: Dans la mesure où on distingue la fonction d'adjudication des autres fonctions, est-ce qu'il serait pertinent d'avoir, finalement, compte tenu du mandat actuel de la Commission des droits... Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'au Québec nous ayons une Commission des droits, tant des droits de la personne, des droits de la jeunesse, et qui pourrait aussi faire une réflexion originale sur la protection des renseignements personnels et sur les lois d'accès et qui pourrait avoir la responsabilité de l'administration de ces deux lois et un tribunal? Est-ce que c'est une possibilité qui serait utile, dans une perspective de promotion et de défense des droits et libertés de la personne?

M. Filion (Claude): Oui. Alors, votre question, M. le ministre, est très directe, et ma réponse va l'être tout autant. D'abord, un, même chose, les commissaires, expressément, se sont penchés sur cette question-là, parce qu'on ne peut pas faire fi du fait que ça faisait partie d'un rapport au sein du gouvernement. Donc, notre Commission n'a aucune position là-dessus, officielle.

M. Boisclair: Mais la vôtre...

M. Filion (Claude): Moi, je laisse le législateur prendre les décisions qui s'imposent dans ce secteur-là. Ce que je peux soulever, cependant, c'est certains éléments, certaines considérations, et il y en a plusieurs. Première considération, la Commission des droits de la personne est maintenant Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Donc, je voudrais tout simplement vous signaler...

M. Boisclair: Que les jeunes sont des personnes.

M. Filion (Claude): ...comme législateurs, que nous sommes à digérer une fusion, primo. Secundo, évidemment, comme le soulevait une des prémisses de votre question, nous ne sommes pas un tribunal. Alors, la prémisse de votre question est un élément essentiel. S'il y a une fonction d'adjudication, il n'est pas question pour la Commission d'assumer une fonction d'adjudication. Troisièmement, il est exact que le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental prévu à la Charte. Le droit à l'information l'est également. Mais ce que je veux vous signaler, en réponse indirecte à votre question, c'est que c'est là une matière qui est en plein progrès et en plein développement. Moi, je prévois, pour les décennies qui viennent, au niveau du droit au respect de la vie privée, énormément de travail, d'énergie, de préoccupations publiques autour de ces notions-là. Et, vous savez, à l'époque où les chartes ont été écrites, le droit au respect de la vie privée, ça voulait dire, par exemple, que sa vie privée était surtout dans sa maison. Aujourd'hui, en partie, les éléments de la vie privée sont contenus dans un nuage artificiel. Alors, on a des éléments de nos vies privées qui...

Alors, le législateur a dit: La demeure est inviolable, à l'époque. Mais, aujourd'hui, notre demeure, où se situe une partie de notre vie privée, est en dehors de nos murs, de nos maisons. Notre vie privée, en quelque sorte, elle est un peu partout. Donc, vouloir protéger la vie privée demande de nouvelles énergies considérables, de nouvelles énergies intelligentes, studieuses, prudentes aussi, parce que c'est un secteur nouveau. Il s'agit là d'un domaine, en deux mots, éminemment important. C'est tout ce que je voulais vous signaler.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à Me Filion et à ses collègues, Me Bosset et Me Carpentier, et de dire à quel point c'est pour nous toujours rafraîchissant d'entendre le point de vue tantôt de la Commission, tantôt personnel de son président, qui mène de main de maître le destin de cette Commission depuis sa nomination et qui, en plus, nous rassure qu'après la vie politique il y a une vie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Alors, mon collègue, le député de Nelligan voulait commencer...

M. Filion (Claude): La vraie vie, M. le député! Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Mon collègue, le député de Nelligan, M. le Président, aurait voulu commencer le bal pour nous autres, et je reviendrai tantôt.

M. Williams: Merci beaucoup et merci pour l'assouplissement sur la façon de demander des questions, à mon collègue le député de Chomedey, parce que j'ai voulu suivre le ministre, un peu, sa mémoire sélective sur le débat sur le projet de loi n° 32. Je voudrais, avant de commencer, dire un grand merci à la Commission pour sa présentation. J'espère que ça va éclairer la perspective du gouvernement et j'espère que ça va causer à ce gouvernement d'actuellement commencer à penser aux nouvelles approches d'énergie intelligente, prudente sur la protection de la vie privée. Parce que, comme dans votre mémoire, avec la loi n° 32, selon mon opinion, nous sommes en train de tuer toute la protection de la vie privée, avec le pouvoir que le fisc a maintenant.

Mais il faut que je rétablisse les faits et la vérité parce que le ministre souffre d'une grande maladie, souvent, qu'on voit au ministère, c'est la mémoire sélective. Je ne veux pas aller jusqu'à la vérité sélective, mais au moins la mémoire sélective. Il a cité quelques lettres pendant un débat tellement serré sur le projet de loi n° 32, quand la population et l'opposition étaient bâillonnées par ce gouvernement. Nous avons eu le bâillon; ça a été poussé pendant la session intensive. Mais, pour le Protecteur du citoyen, ce n'est même pas assez de dire que, si nous allons avoir une permanence de cette centrale de données, nous avons besoin d'une loi spéciale. Il est contre ça.

Le ministre aime citer une lettre de la Commission d'accès à l'information. J'ai moi-même déposé l'avis qui a été déposé en juin 1997. Parce que, je présume, peut-être, le ministre est trop occupé, il n'a pas reçu ça, il n'a pas eu la chance de le lire. Mais, s'il veut lire les lettres de l'année passée... Je vais lire quelques paragraphes d'un avis de cette année et la dernière conclusion: «La Commission – maintenant, je parle de la Commission d'accès à l'information – n'est pas convaincue que l'opération en cours est souhaitable – j'espère que le ministre écoute bien. Elle ne peut qu'affaiblir la loi sur l'accès et, en même temps, mettre en danger le droit des citoyens à la protection de la vie privée.»

Je peux continuer de citer l'avis, si le ministre veut jouer cette game. Mais cette année, nous avons eu le premier avis. Je présume que la Commission est en train de faire le deuxième avis. Et elle a dit que, non, ce n'est pas une bonne affaire. Je peux citer plusieurs autres articles de ça.

(11 heures)

Dans votre mémoire, vous en avez parlé, M. le président, la loi a été dérogée. Effectivement, ça a été dérogé 14 fois depuis que c'est en vigueur. Chaque fois, le gouvernement arrive avec: C'est nécessaire. Mais, après 14 fois, on commence à questionner la vraie protection.

Avec ça, pour moi, M. le président, je pense que le projet de loi n° 32 a reçu une note tellement négative, après 12 mois, par la Commission d'accès à l'information, par le Protecteur du citoyen et par vous-même, avec cette présentation, aujourd'hui, vous avez critiqué ce projet de loi. Et le ministre peut essayer de citer quelque chose du passé, mais, maintenant, on connaît la vérité. Et c'est assez clair que le fisc a eu tous les pouvoirs, avant ce projet de loi. Ils ont démontré un appétit insatiable d'avoir de l'information, et toute la question de la nécessité de l'échange a été mise de côté.

Ma question, M. le président: Selon votre propre évaluation, selon l'évaluation du Protecteur du citoyen et de la Commission d'accès à l'information et votre mandat de protéger et de vous assurer que la Charte québécoise est respectée et aussi, comme vous avez mentionné, de jouer un rôle comme pionnier dans la protection, parce que les règles sont en train de changer, est-ce que vous croyez que c'est le temps, pour le bien-être de la population québécoise, de faire une enquête sur l'application du projet de loi n° 32 et de s'assurer qu'entre les deux articles de la loi, tels que vous les avez étudiés au début, les articles 5 et 44... de faire une évaluation si, maintenant, à cause de cet appétit insatiable du fisc, la vie privée de la population est protégée?

Je voudrais savoir, je n'ai pas entendu votre réponse, avant. Est-ce que vous avez reçu des plaintes spécifiques pour 32? Et deuxième question, nonobstant la réponse à la première: Est-ce que vous pensez que c'est le temps – pas attendre, comme votre dernier paragraphe, pour une autre dérogation de la loi – que la Commission fasse une enquête tout de suite sur la vie privée?

M. Filion (Claude): Vous avez dit «la Commission», vous voulez dire...

M. Williams: Votre Commission.

M. Filion (Claude): Notre Commission?

M. Williams: Oui, oui. Sur les questions de la Charte, sur les questions de la protection de la vie privée.

M. Filion (Claude): D'accord.

M. Williams: Parce que, souvent, le Protecteur du citoyen dit: C'est la CAI, et la CAI essaie de faire... Mais ça tombe entre les chaises. Et maintenant, on voit que, loi après loi, après loi, ce gouvernement est en train de tuer la vie privée. Et je vous demande, comme j'ai demandé aux autres: Est-ce que vous croyez que c'est le temps de faire ce type d'enquête ou un mandat d'initiative ou une étude? Peut-être que je n'utilise pas le bon nom.

M. Filion (Claude): En ce qui concerne notre pouvoir d'enquête, M. le député, notre pouvoir d'enquête s'exerce, à la base, en matière de discrimination, de harcèlement ou d'exploitation. Alors, dans ce cas-ci, ce n'est pas des éléments que l'on retrouve de façon générale dans les dossiers. Alors, non.

Nous, ce que nous faisons valoir, notre position traditionnelle, à la Commission, ce que nous avons toujours fait valoir, c'est: Est-ce qu'il était nécessaire d'employer un outil semblable pour le fisc québécois? À notre avis, le dernier avis de la Commission sur le rapport d'activité du ministère du Revenu nous conforte dans notre idée que, non, ce n'était pas nécessaire.

Maintenant, vous savez, on ne peut pas faire enquête sur ces matières-là parce que ça ne contient pas d'éléments de discrimination, de harcèlement ou d'exploitation. Maintenant, pour compléter, je demanderais peut-être... Oui?

M. Williams: Je peux vous demander une clarification?

M. Filion (Claude): Oui.

M. Williams: Comme le fisc a maintenant le pouvoir de jumeler 54 – au moins 54, ça augmente chaque jour – 50 dossiers, il peut faire ça sans le consentement des contribuables, il peut faire le jumelage avec Hydro, Bell Canada, les taxes municipales, etc., il peut faire tout ça et, après ça, comme il a fait avec les travailleurs à pourboire, il fait une chasse aux sorcières pour refaire les cotisations de trois années passées, moi, je trouve franchement que, un, ça ne respecte pas la Charte et, effectivement, c'est en train de faire une discrimination contre certains secteurs de notre société.

M. Filion (Claude): Oui, c'est un point de vue que vous soulevez, le dernier point de vue, la discrimination contre certains secteurs de la société, qui peut être intéressant. Maintenant, il demeure que, à ce moment-là, nos actions, nous, à la Commission, lorsqu'on n'a pas de pouvoir d'enquête, se font sur le plan judiciaire.

Exemple: aujourd'hui même – en fait, c'est une coïncidence – nous nous adressons aux tribunaux pour demander à la Cour d'intervenir dans une contestation de l'article 65.1 de la Loi sur la sécurité du revenu. Alors, notre biais, si l'on veut, éventuellement, d'intervention, dans un dossier comme celui-là, pour répondre directement à votre question, se ferait plus sur le plan judiciaire. On pourrait donc intervenir au niveau des tribunaux pour appuyer une contestation de la loi n° 32 devant les tribunaux. Pardon?

M. Williams: Préparez-vous, parce qu'il me semble que ça s'en vient.

M. Filion (Claude): Encore une fois, on a pris une décision, nous, dans un cas, c'était la Loi sur la sécurité du revenu, et nous sommes aujourd'hui devant les tribunaux. Le cas échéant, s'il se produit des incidents judiciaires qui peuvent demander notre intervention, à ce moment-là, nous le ferons, mais ça sera une décision de la Commission.

M. Williams: Merci. Le temps passe vite, avec ça. Je retourne la parole au député de Chomedey. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Comme tous mes collègues, j'ai beaucoup apprécié les propos du président de la Commission et l'analyse qu'en ont faite la Commission et ses proches collaborateurs. Il y a un aspect un peu ésotérique dans l'analyse, qui concerne l'assujettissement aux lois. On parle d'un statut quasi constitutionnel de certaines lois, comme une charte des droits qui a primauté sur les autres lois. Vous faites l'analogie avec la loi sur l'accès. En cas d'incompatibilité, ça prévaut.

La chose qui nous préoccupe, depuis quelques semaines, ici, à la commission, c'est de savoir: Qu'est-ce qu'on fait avec notre loi d'accès et la loi sur le secteur privé? Si vous me passez la métaphore, le patient est sur la table, c'est le moment de regarder ce qu'on touche et ce qu'on ne touche pas.

Comme législateur, j'ai comme principe de ne jamais intervenir sans avoir la démonstration de la nécessité de le faire. Toutefois, la semaine dernière, on a entendu des experts aussi reconnus que Pierrôt Péladeau venir ici, en commission parlementaire, et nous parler de crise, à la Commission d'accès à l'information, ce qui, à mon sens, nous donne le feu vert pour regarder toutes les options, parce que je partage son diagnostic.

La question, M. le Président, que j'ai pour le président de la Commission des droits est la suivante. Je veux son opinion personnelle, je ne m'attends pas à ce qu'il retourne demander une résolution de sa Commission là-dessus. C'est vrai qu'il vit les séquelles, en ce moment, de la fusion de la Commission des droits avec la Commission des droits de la jeunesse. Est-ce qu'il y a quelque chose de fondamental qui nous empêcherait d'envisager la possibilité même d'envoyer à cette même Commission des droits la fonction d'analyse et de surveillance de la vie privée, qui est un droit garanti aux termes de la Charte, et de confier le volet application au Tribunal des droits? Est-ce qu'il y a quelque chose de fondamentalement impensable, voire même incohérent? Est-ce qu'il y a quelque chose, est-ce qu'il y a un empêchement structurel ou autre dont nous devrions être au courant lors de notre réflexion sur cette question?

M. Filion (Claude): Écoutez, 12 secondes, avec votre permission?

M. Mulcair: Avec plaisir.

M. Filion (Claude): Il faut regarder les fonctions, comme on disait tantôt. Quand on parle d'une fonction d'adjudication, encore une fois, c'est dans la prémisse de votre question. Donc, c'est évident que la fonction d'adjudication ne peut pas venir chez nous.

M. Mulcair: Non, je veux juste clarifier mon propos, si ce n'était pas clair. Lorsque je parlais de la fonction adjudication, en ce qui concerne la vie privée...

M. Filion (Claude): Au Tribunal, oui.

M. Mulcair: ...ce serait au Tribunal. Mais la fonction conseil, analyse, faire oeuvre de pionnier et éviter le conflit avec le devoir de réserve, ça pourrait aller à la Commission. Est-ce qu'il y a quelque chose, est-ce qu'il y a une faille béante dans l'hypothèse même? Est-ce que ça pourrait ne jamais marcher ou est-ce que c'est une possibilité?

(11 h 10)

M. Filion (Claude): Écoutez, on vit, évidemment, à l'intérieur... Vous savez, à la Commission, on bouge. Il y a de l'action, dans cette Commission-là. Avec la protection de la jeunesse, en plus de ça, à la Commission des droits, les gens sont éveillés. C'est une Commission où on est 25 % d'effectifs de moins dans les quatre dernières années. C'est des être humains, à la base, qui font marcher cette Commission-là, elle ne marche pas... Vous le savez. Mais, ce que je veux dire, c'est que, fondamentalement, M. le député, je ne pense pas qu'on puisse voir, du moins, moi, je n'en vois pas, d'argument dirimant qui empêcherait le rôle de conseil, le rôle de promotion, le rôle de surveillance même, rien que dans celui-là... J'invite Me Bosset ou Me Carpentier, s'ils veulent honnêtement se joindre à la discussion, à le faire. Mais je ne vois pas, sur cet aspect-là, d'aspect dirimant qui empêcherait le mandat.

Ce qu'il faut voir, par contre, comme dimension, c'est ce que j'évoquais tantôt. C'est un mandat important, puis il faut le mener à bien; c'est un devoir que vous avez et que nous avons partout, comme fiduciaires de la confiance du public. Et, à ce moment-là, il faut réussir, il faut prendre les moyens pour réussir à ce que le Québec se dote des bons instruments puis des bons principes de base dans l'application des lois, etc., dans les décennies à venir.

Alors, est-ce que, administrativement parlant, cette fusion-là pose des problèmes? D'abord, ça, c'est évident. On ne peut pas demander à des boîtes, indéfiniment, d'intégrer des mandats qui demandent parfois des attitudes un peu différentes. Juste par exemple, pour répondre, ce qu'on a fait avec la protection des droits de la jeunesse, c'est qu'on a demandé aux gens de la Commission de s'intégrer dans toutes les dimensions de la Commission, donc que l'intégration soit tout à fait, à la fois verticale, donc que la mission de la protection des droits de la jeunesse et la mission des droits de la personne soit une mission qui fait partie de chacune des directions, la recherche, le contentieux. Il n'y a pas deux contentieux, il n'y a pas deux services d'enquête, il y en a un qui intègre les deux. Est-ce que, administrativement parlant – l'interrogation là-dessus n'a pas été posée – ce serait possible d'avoir une boîte qui ou intègre ou n'intègre pas? Puis, si elle n'intègre pas, il y a des problèmes. Alors, bref, il y a, c'est évident, sur le plan administratif, une interrogation, une préoccupation qui existe. Ça, c'est évident.

En dehors de ça, il faut voir les considérations que j'ai émises tantôt. Moi, j'insiste sur l'importance du secteur des études que vous faites présentement. Les cinq années qui viennent... La technologie avance tellement vite, ça n'a pas de bon sens, vous le souligniez tantôt, qu'avec un petit ordinateur on a accès à un paquet d'informations qui existent partout. Donc, il y a un appétit du côté du secteur privé et du côté du secteur public – je ne veux pas entrer dans les discussions politiques que vous avez – il y a un appétit des gouvernements et des grosses organisations privées pour de l'information qui, encore une fois, avant ça, était protégée, parce que c'était dans des papiers qui étaient dans nos bureaux, qui étaient dans nos maisons. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus ça, c'est différent. Donc, il faut s'équiper.

C'est des questions, vous le savez, qui ont été posées par la Conférence internationale sur la vie privée, à Montréal. On a été chanceux d'être l'hôte de cette Conférence-là. J'écoutais les conférenciers, j'avais eu l'honneur d'y participer également comme conférencier, mais c'était passionnant. Et les problèmes se posent partout en Occident et sont de plus en plus aigus, de sorte que c'est une considération que vous devez avoir.

Ce que je peux ajouter, cependant, pour répondre un peu à une question que vous m'aviez déjà d'ailleurs posée dans une autre commission parlementaire, non, il n'y a pas de problème entre nous et la Commission d'accès, actuellement. On se comprend, nos services d'information puis d'éducation s'envoient bien les documents, s'échangent bien l'information. On collabore dans la mesure où on doit collaborer. Mais nos relations sont cordiales, efficaces et productives, actuellement. Donc, nous n'avons pas actuellement de problèmes de communication. Nous avons parfois, souvent des points de vue qui vont dans le même sens, généralement; mais, parfois, ça va un peu plus loin ou un peu moins loin. Alors, ce sont des considérations que, de bonne foi, je vous...

M. Carpentier (Daniel): ...

M. Filion (Claude): Oui, certainement, Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Dans le cadre de l'hypothèse que vous avancez, je n'ai pas de réponse précise, mais j'ai des interrogations par rapport au statut du Tribunal des droits de la personne. Il faut comprendre que l'aspect de la compétence d'adjudication de la Commission d'accès, elle est comme à deux volets. Il y en a une où elle agit en révision de décisions administratives. Et je pense qu'il faudra peut-être creuser le statut assez particulier, il faut le reconnaître, du Tribunal des droits de la personne. Peut-il intégrer un volet d'adjudication qu'on qualifie de type administratif? Je pense qu'il y a peut-être un écueil, là. Je ne suis pas certain que c'est un écueil, mais il faut examiner cette question avec attention.

Le Président (M. Garon): Comme le temps dévolu à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse...

M. Boisclair: De consentement...

Le Président (M. Garon): Non, il n'y a pas de consentement, là.

M. Boisclair: De consentement, est-ce qu'on peut prendre deux minutes de plus, si les gens le souhaitent?

Le Président (M. Garon): Bien, normalement... On a lu l'horaire ce matin, puis on est déjà un quart d'heure en retard. Puis, les gens ont des choses...

M. Boisclair: Je demande, de consentement, peut-être... Nous aurions une dernière question à poser, à moins qu'on...

Le Président (M. Garon): Bien, je ne suis pas certain que...

M. Boisclair: Très, très rapidement.

M. Mulcair: Nous sommes bien prêts à l'accorder.

M. Boisclair: Puis on va faire ça plus rapidement tout à l'heure.

M. Mulcair: On veut que ce soit entendu que, notre formation, on a plusieurs engagements à midi, on doit respecter l'horaire.

Le Président (M. Garon): Moi aussi. À midi, je pars.

M. Boisclair: Parfait. Deux minutes, si vous êtes d'accord. Une petite question. Pour poursuivre le raisonnement de l'intégration, je voudrais vous entendre dire «on the record», et c'est pour ça que j'insiste pour le consentement, s'il faudrait penser, à un moment donné, à revoir le mécanisme décisionnel de la Commission des droits de la personne et à faire sauter, par exemple, la double majorité qui est requise dans le processus décisionnel. Nous en avons déjà parlé. Est-ce que vous êtes prêts, «on the record», à nous dire votre point de vue sur cette question?

M. Filion (Claude): Non, mais, écoutez, je l'avais dit, mais je vous le redis. Je l'avais dit, je pense, dans une des commissions parlementaires, mais je le redis ici aujourd'hui. Je pense que c'est ça que vous voulez dire par «on the record», c'est aujourd'hui.

Alors, donc, cette intégration-là tout à fait verticale des mandats de protection des droits de la jeunesse et de promotion des droits de la personne...

M. Boisclair: Ça, c'est important.

M. Filion (Claude): ...souffre malheureusement d'une exception dans la Charte actuelle. Et nous soumettons la situation au législateur, si c'est possible d'amender la Charte. En tout cas, c'est un processus qui est long, etc. mais, dans les amendements législatifs à prévoir, on a une espèce de principe que vous aviez retenu, comme législateurs, de double majorité selon que nous nous prononcerons sur une question qui relève des droits de la jeunesse ou des droits de la personne.

Alors, donc, il y a six commissaires qui sont nommés en fonction de leur expertise en droit de la personne, six commissaires en fonction de leur expertise en droit de la jeunesse et, au moment de la prise de décision, s'ajoutent à ces douze-là les deux vice-présidentes et le président. Normalement, on est 15; on est juste 14, il en manque un, là, mais on 15. Alors, il y a une double majorité. Si c'est une question de droit de la personne, à ce moment-là, s'il y a un vote, on doit s'y prendre entre commissaires du droit de la personne puis, ensuite, entre commissaires au total.

Les commissaires, à la Commission, ont intégré les deux mandats, vous savez. Et, indépendamment de leur origine, de leur expertise, ils vivent, lorsqu'ils sont à la Commission, les deux mandats pleinement. Alors, il n'y a pas de: Il n'y a plus de commissaires jeunesse, de commissaires Charte. On est obligé d'en parler, mais, en réalité, les hommes et les femmes que sont les commissaires ne font plus de distinction.

Donc, il faudrait intégrer de façon harmonieuse et totale la Commission pour éviter qu'il y ait, disons, un exercice de double majorité. Peut-être qu'on peut tenir compte de l'origine dans la nomination; ça, il n'y a pas de problème. Mais, au niveau des votes, ça prend une allure qui, disons, n'est plus nécessaire à cause du fait que l'intégration... Vous ne saviez pas comment c'était pour se produire, à l'époque où vous en avez discuté. Ça s'est fait de façon relativement harmonieuse, surtout au niveau des commissaires.

Le Président (M. Garon): Comme le disait un juriste que vous avez sûrement bien connu, Me Viateur Bergeron: «Les vertus sont dans les théories et les difficultés dans la pratique.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de leur contribution aux travaux de cette commission.

Maintenant, j'invite le Conseil du patronat du Québec à s'approcher de la table des délibérations.

(11 h 20)

Alors, M. Beauregard, si vous voulez vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne. Nous avons une heure ensemble, selon l'ordre du jour. Ça veut dire, normalement, 20 minutes pour votre exposé et 20 minutes pour chacun des groupes parlementaires. À vous la parole.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

M. Beauregard (Denis): Merci, M. le Président. Je suis accompagné ce matin de Me Raymond Doray, de Lavery, de Billy. Alors, M. le Président, Mme, MM. les députés membres de cette commission, je tiens d'abord à vous remercier d'accueillir le Conseil du patronat au sein des travaux de cette commission.

D'entrée de jeu, étant donné la limite de temps, je vais directement aux sujets qui nous intéressent le plus dans le mémoire qui vous a été transmis pour vous dire tout de suite que le rapport qui fait l'objet des travaux de cette commission, évidemment, a été lu avec beaucoup d'attention au Conseil du patronat. Et je souligne des points de convergence, bien sûr, quant aux objectifs visés par la Commission dans son rapport et quant aux objectifs que le Conseil du patronat vise également en matière d'accès à l'information et de protection de la vie privée.

Cependant, je dois dire aussi que le Conseil du patronat est un peu déçu, à la lecture de ce rapport, notamment parce que, croyons-nous, le rapport n'aborde pas un certain nombre de problèmes réels dont nous allons parler au cours des quelques minutes qui viennent, un certain nombre de problèmes qui se posent, des problèmes importants, quant à nous, et dont on ne retrouve pas trace dans le rapport de la Commission.

L'approche générale du rapport, enfin, c'est la lecture qu'on en fait, à tout le moins, est la suivante. On demande assez souvent des modifications aux lois qui régissent la Commission, entre autres parce que la Commission a vu ses décisions cassées devant des tribunaux judiciaires. Et, donc, le réflexe qu'on peut lire, c'est de demander des modifications législatives de façon à faire entériner les orientations qui ont été prises par la Commission et qui ont été renversées par les tribunaux. Alors, devant ce genre d'orientations, le CPQ, le moins qu'on puisse dire, est un peu inquiet.

Je vais donner quelques exemples de ce que je veux dire par là, quelques exemples de décisions où la Commission a été renversée: dans le cas de Nouveler, par exemple, décision renversée parce que les tribunaux ont conclu que la filiale d'Hydro-Québec n'était pas couverte, contrairement à ce que disait la Commission, par la loi qui la guide; même chose dans le cas de la Société des casinos; la Corporation de développement économique de LaSalle, même chose, pas couverte, alors que la Commission toujours prétendait que ces organismes-là étaient couverts; le Collège français, même chose, problème de compétence; le cas Dupré, une autre décision de la Commission qui a été cassée parce qu'un ordre professionnel n'est pas une entreprise au sens du Code civil; dans le cas de Récupérateur Portneuf, une autre décision cassée parce que le tribunal a décidé que seules les inscriptions au registre ont un caractère public, ce que la Commission conteste; dans un autre cas, Hydro-Québec, demande d'autorisation de documents, de certificats d'autorisation dans ce cas-ci, qui n'ont pas un caractère public, alors que la Commission prétendait le contraire; évidemment, le cas de General Motors, qui est assez connu, merci et où, encore là, la Commission a voulu utiliser une procédure d'avis publics, ce qui lui a été refusé; le cas Notre-Dame-de-Lourdes, conclusion inverse à celle à laquelle la Commission est arrivée, également. Et je pourrais continuer longuement, la liste est longue.

Alors, ce qu'on lit, nous, dans le rapport de la Commission, à titre d'orientations très, très importantes du rapport, c'est une décision, enfin, une tentative, devrais-je dire, de faire modifier la loi de façon à ce que la loi reflète les volontés de la Commission et qui ne sont pas visiblement celles que le législateur a voulu inscrire dans la loi, puisque, la Commission l'écrit elle-même, elle a été renversée dans 78 % des cas quand les décisions portaient sur des faits. Donc, le CPQ est inquiet devant une telle tentative de modifier la loi pour faire entériner par la suite ce que la Commission aurait bien voulu y voir. C'est ce que vous retrouvez dans notre mémoire, aux recommandations 11a et 11b.

D'ailleurs, la suite, l'énumération des décisions qui ont été rendues n'est pas, évidemment, prise au hasard. Ce sont toutes des décisions au sujet desquelles on retrouve, dans le document de la Commission, des tentatives de faire modifier la loi pour faire reconnaître les orientations que la Commission prétendait être justes.

On en a vu dans le cas d'avis aux tiers. La Commission voudrait avoir la discrétion de procéder par avis publics à l'égard des tiers dont les documents font l'objet de demandes d'accès. On évoque, à l'appui de cette demande-là, des embarras d'ordre administratif. On ne voit pas très bien comment on peut limiter les droits des gens ou des entreprises pour régler des problèmes administratifs, à la Commission. Autre sujet d'inquiétude. Nous prétendons, quant à nous, que les garanties procédurales doivent être maintenues. C'est un élément extrêmement important de l'ensemble législatif québécois. D'où notre recommandation n° 9.

La question de statut de partie que la Commission voudrait accorder aux tiers. Encore là, on sait que la loi reconnaît certains droits aux tiers, mais la Commission voudrait pouvoir elle-même décider qui peut ou ne peut pas bénéficier du statut de tiers. Le CPQ s'oppose, mais fermement à une telle entorse au principe de la règle de justice naturelle, parce que ce serait le cas. C'est la recommandation n° 10 de notre mémoire, où on dit que la règle audi alteram partem doit être respectée en tout temps, quelles que soient les difficultés administratives que le respect des droits des parties puisse entraîner pour la Commission.

La loi sur le secteur privé, maintenant, et toute la question du consentement, qui fait l'objet aussi d'un développement dans notre mémoire et qui, quant à nous, est extrêmement important. Le but visé, bien sûr, par la révision de lois comme celle-là est d'essayer de faire en sorte que les droits soient protégés, que l'accès à l'information soit rendu facile quand ce doit l'être, mais dans le respect des droits de tout le monde. C'est le principe qui nous guide dans l'ensemble de notre mémoire.

On sait que la pratique actuelle donne lieu à un processus qui est très lourd, qui est très complexe et, j'ajouterais même, qui est souvent imprévisible. Alors, devant une telle situation, les entreprises n'ont d'autre choix que de développer, de concevoir et de faire signer par leurs clients éventuels ou leurs clients actuels des déclarations et des consentements couvrant toutes les situations possibles et imaginables auxquelles elles pourraient avoir à faire face, ce qui donne évidemment des documents qui sont extrêmement lourds, qui sont très longs et auxquels, on doit, je pense, se rendre à l'évidence, il y a pas mal de monde qui ne comprend pas grand-chose.

Ça donne lieu également à des situations extrêmement imprévisibles parce que, compte tenu de la lourdeur de ces documents-là, on en arrive souvent à des situations où des clients ont signé les autorisations en question, les consentements et, par la suite, les révoquent ou en biffent des parties, de sorte qu'on est en terrain où l'application de la loi est extrêmement difficile, ce qui ne rend service à personne, croyons-nous.

Alors, nous avons proposé, dans notre mémoire, une avenue possible qui passe par la voie réglementaire. Évidemment, vous savez tous comme moi que le Conseil du patronat n'est pas le champion de la réglementation tous azimuts. Je n'apprends rien à personne. Mais on ne dit pas qu'il faut abolir tout règlement. On dit qu'il faut mieux réglementer. C'est un beau cas. Un règlement qui permettrait de faire en sorte que, dans les transactions les plus usuelles, ce qui recoupe une très grande partie de toutes les transactions pour lesquelles on doit obtenir un consentement, on parle, par exemple, de prêts à la consommation, de cartes de crédit, d'assurance-dommages, d'assurance-vie, c'est à peu près ça, les cas très usuels...

(11 h 30)

Pourquoi on n'irait pas sur la voie d'une approche réglementaire développée par les parties intéressées, qui demeure évidemment la responsabilité, bien sûr, du législateur. Il ne s'agit pas de dire: On va faire nos propres règlements. Il n'est pas question de ça. Mais on pourrait contribuer à développer ce type de règlement là qui ferait en sorte que les gens qui s'engagent dans une transaction savent que, ce faisant, ils autorisent tel type d'information. C'est un consentement qui serait considérablement allégé, qui, croyons-nous, ferait en sorte que la loi serait passablement mieux appliquée également. Parce qu'une loi qui entraîne des développements de textes de consentement d'une telle complexité risque peut-être... je ne dis pas que c'est le cas, mais il y a un risque que la loi soit peut-être moins bien appliquée que si elle est plus simple d'application.

On a entendu dire qu'une telle approche pour certaines personnes allait à l'encontre de la directive européenne. Alors, je vous invite à lire l'article 7 de la directive européenne qui ouvre cette possibilité-là, qui l'autorise. Donc, si le Québec s'engageait dans cette avenue, il n'entrerait pas en conflit avec la directive européenne, bien au contraire.

Donc, à ce sujet-là, le message qu'on veut vous passer, c'est: Essayons d'y aller pour un mécanisme clair, simple, stable – c'est important en affaires, stable – prévisible pour tout le monde. Évidemment, si on y va par voie réglementaire, on a accès à toutes les étapes de consultation, les prépublications, les publications. Il ne s'agit pas de faire les choses en cachette, ça n'a rien à voir. C'est un processus qui me semble intéressant, à tout le moins, à regarder et qui donne lieu à une recommandation, bien sûr, dans notre mémoire également.

Par ailleurs, il y a toute la question de la demande d'accès à un dossier pendant qu'un processus décisionnel est en cours. On sait que les entreprises publiques bénéficient d'une exception pour protéger l'information pendant ce processus décisionnel et nous croyons – et ça fait l'objet aussi d'une recommandation – que les entreprises privées doivent bénéficier d'une exemption également. Un exemple très simple et, évidemment, compte tenu de la mission du Conseil du patronat, je vais le prendre dans le domaine des relations de travail. Alors, on est en train d'examiner le cas d'un employé, que ce soit pour une mesure disciplinaire, d'un côté, ou tout à fait à l'inverse en vue d'une promotion éventuelle; il y a des éléments dans le dossier qui font partie du processus décisionnel. C'est évident que, si cette information-là est diffusée, bien, le processus décisionnel risque d'être sérieusement compromis, et, dans certains cas, ça peut être au désavantage de la personne directement concernée. Donc, vous retrouvez aussi une recommandation à cet effet-là.

Il y a toute la question également de l'étalement du filet prévu par ces lois-là. Les établissements d'enseignement privé, par exemple. À ce sujet-là, pour faire plus rapidement, je vous réfère au mémoire qui vous a été déposé par la Fédération des associations de l'enseignement privé. Ce sont des entreprises, ces gens-là, des entreprises en concurrence les unes avec les autres. Alors, je ne vois pas très bien comment, comme le demande la Commission, ces entreprises-là devraient être soumises, l'accès à certains documents, puisqu'elles sont en concurrence les unes avec les autres. Alors, je vous réfère à ce mémoire-là qui est beaucoup plus spécifique que le nôtre sur ce sujet-là.

Même chose en ce qui concerne le caractère public de certains documents privés: demande de permis à l'Environnement, par exemple. On sait qu'il y a une série de documents qui accompagnent ces demandes-là et ces documents-là sont remis au ministère concerné sous le sceau de la confidentialité. Alors, si, comme on le demande, comme le demande la Commission, ces documents-là deviennent accessibles à tous les concurrents de l'entreprise en question, je pense qu'il y a un problème assez important. On attire votre attention là-dessus.

Également, il y a un autre problème. On est en train actuellement, par ailleurs, d'élaborer des règlements qui devront être en place pour la mise en application de la Loi sur l'équité salariale. Alors, dans le cadre de cette loi-là, on va aussi devoir, hein... l'entreprise va remettre énormément d'informations concernant toute sa structure salariale, toute son organisation du travail. Ce sont là des documents d'une grande confidentialité au sein de l'entreprise. Alors, si de tels documents devaient, suite à des demandes qui sont faites, faire partie des documents accessibles à qui les demande, bien là il y aura un problème également.

Les rôles de la Commission, également. On pense, quant à nous, et j'entendais les interventions lors de la comparution précédente, celle de la Commission des droits, et je pense qu'on n'est pas seuls à se poser ces questions-là... La Commission d'accès fait la promotion des droits d'accès à l'information et à la protection de la vie privée, c'est un de ses mandats. Elle est un organisme d'enquête. Elle conseille le législateur sur les modifications à apporter aux lois. Puis, au bout de tout ça, elle est le tribunal qui interprète et applique les lois. Écoutez, je pense qu'il y a un problème évident. Je n'ai pas besoin d'élaborer longtemps là-dessus, je pense que tout le monde comprend ça.

En conclusion donc, pour laisser le plus de temps possible à la période de questions, deux choses. On pense que la voie qui est privilégiée dans le document de la Commission est une loi qui va vers l'alourdissement des pratiques qu'on connaît maintenant, davantage de rigidité, ce qui est tout à fait contraire, croyons-nous, aux intentions du gouvernement qui ont été manifestées soit par le premier ministre ou par la plupart de ses ministres. L'opposition, d'ailleurs, est d'accord avec ça, je pense qu'il faut alléger tout ce volet réglementaire là où il faut le faire puis réglementer de la bonne façon quand il faut le faire également. Et on ne retrouve pas cet équilibre, cette orientation dans le document qui a été soumis pour consultation par la Commission.

Alors, bien sûr, les commentaires que je viens de vous formuler, c'est une partie des commentaires que vous avez trouvés à la lecture de notre mémoire. Ce sont des commentaires qui visent une seule chose, c'est d'aider à la mise en place au Québec du meilleur système possible dans le domaine qui nous intéresse. Et je dois, pour boucler la boucle, redire que le CPQ est tout à fait d'accord avec les objectifs que vise la Commission. Par contre, au niveau des moyens suggérés, bien, comme vous pouvez le constater, il y a quelques divergences.

Je vous remercie, M. le Président, et il me fera plaisir avec Me Doray de répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): Alors, pour l'organisation des travaux de la commission, il y a un consentement pour aller jusqu'à 12 h 20, puisqu'on a commencé à 9 h 20, ou il n'y en a pas. S'il n'y en a pas, je vais partager... à 12 h 20...

M. Mulcair: M. le Président, malheureusement... La commission a été convoquée à 9 heures; on était ici, on était prêts à commencer.

M. Boisclair: Nous aussi, on était ici à 9 heures.

M. Mulcair: Malheureusement, on a d'autres obligations. On a une journée extrêmement chargée. Je regrette beaucoup pour les gens du Conseil du patronat, mais nous devons respecter l'ordre de la Chambre et l'horaire imparti.

Le Président (M. Garon): Alors, ça veut dire que, comme il reste 22 minutes, ça va être 11 minutes chacun. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, très rapidement. Je voudrais vous remercier, M. Beauregard, pour cette présentation. Je comprends que vous soulevez des interrogations qui sont importantes, qui déjà ont été débattues par les membres de la commission. Je prends, entre autres, la question du cumul des mandats. Vous avez assisté tout à l'heure à la présentation de la Commission des droits de la personne et vous comprenez que certaines de vos interrogations trouvent un écho semblable auprès des membres de la Commission.

Je ne voudrais pas reprendre le plaidoyer que j'ai déjà fait, votre jurisconsulte le connaît puisqu'il a participé à d'autres commissions, et je pense qu'il vous a sans doute déjà fait état de mon point de vue sur la question. Je pense qu'il est peu probable que le gouvernement choisisse la voie de la réglementation par secteur d'activité et qu'il est peu probable que nous puissions donner des suites favorables aux recommandations du Conseil du patronat. Vous nous avez fait valoir la position traditionnelle du Conseil. Moi, je vous fais valoir la position traditionnelle non pas de ma formation politique mais bien de l'Assemblée nationale qui, de façon unanime, a adopté le projet de loi dans le secteur public sous l'initiative, d'ailleurs, de M. Cannon, si ma mémoire est juste, qui était à l'époque député de La Peltrie. Donc, à cet égard, nous allons devoir nous entendre sur le fait que nous ne nous entendons pas.

(11 h 40)

Cependant, il y a un certain nombre de... Je voudrais faire une intervention. C'est sur le ton du rapport de la Commission qui semble vous inquiéter. Là-dessus, je voudrais vous dire que l'objectif, pour nous, de cette révision n'est pas nécessairement d'en arriver à une fin qui serait contraire à celle prévue à la révision. Il y a une question de fond qui se pose sur l'assujettissement de certains organismes. Des questions se posent, de fond, là. Est-ce qu'un collège privé, par exemple, qui est financé à plus de 50 %, dans le cas à 70 %, devrait être un organisme public? Est-ce qu'un organisme sans but lucratif, qui est financé à parfois 95 % par les fonds publics, devrait être reconnu comme un organisme public? Est-ce que certaines sociétés paramunicipales, qui sont financées à 100 % par des contribuables, devraient être assimilées à des organismes publics?

Vous avez donné des cas où, aux yeux des tribunaux supérieurs, la Commission d'accès a erré. Cependant, l'objectif, pour nous, ce n'est pas de revoir, donner des outils à la Commission, de nouveaux pouvoirs pour donner raison à la Commission a posteriori. Ce n'est pas ça du tout, l'objet de la consultation. Mais, ceci étant dit, je pense qu'il y a un débat de fond qui est posé. Prenez, par exemple, les paramunicipales, prenez l'exemple des ordres professionnels. Donc, je pense que ces questions doivent être débattues sereinement, mais certainement dans l'optique où vous le proposez et non pas dans une perspective où, a posteriori, le législateur voudrait donner raison à la Commission dans les décisions qu'elle a rendues et qui ont été renversées ensuite par des tribunaux supérieurs. Donc, je veux vraiment vous rassurer sur cette question. Donc, le ton que vous semblez percevoir du rapport ne nous influencera certainement pas dans les choix que nous aurons à faire, et je vous indique d'ailleurs que vous aurez sans doute l'occasion de vous faire entendre au moment d'une proposition concrète qui émanera du législateur.

Donc, je voudrais, à cet égard-là, vous rassurer, vous dire que vos recommandations seront étudiées en profondeur. Je comprends qu'il y a des choses techniques aussi que vous soulevez, la question de l'extraterritorialité qui, bien sûr, sera regardée. Je ne sais pas si vous avez peut-être des exemples précis. Vous pourriez nous faire part de vos craintes. Mais cette révision se fera sereinement, sans nécessairement – comment dire? – avec un objectif de... ne sera pas vindicatif ni dans une perspective vengeresse. Soyez rassuré de ça, M. Beauregard.

M. Beauregard (Denis): M. le Président.

Le Président (M. Garon): Oui, M. Beauregard.

M. Beauregard (Denis): Bon, écoutez, je constate qu'on ne s'entendra pas sur de grandes orientations. Maintenant, je tiens à rappeler, comme il est écrit d'ailleurs dans notre mémoire, que le Conseil du patronat a toujours eu – et continue à le faire – comme attitude de discuter le fond des questions puis, bien sûr, une fois que les lois ou les règlements ont été adoptés par l'Assemblée nationale, nous nous faisons un devoir non seulement d'inciter nos membres à suivre les lois, ce qui est tout à fait normal...

M. Boisclair: Vous l'indiquez d'ailleurs dans votre mémoire.

M. Beauregard (Denis): ...mais plus que ça même... Je pense à d'autres lois que nous avons contestées au moment de la discussion avec la dernière énergie. Une fois que c'est en cours, le Conseil du patronat fait partie de ce processus démocratique qui fait en sorte que nous essayons que les lois soient les mieux appliquées possible, telles qu'elles ont été votées. Alors, on l'indique d'ailleurs dans notre mémoire.

Je veux juste revenir sur un point qui vient d'être soulevé, c'est toute la question... D'accord, je comprends bien que l'objet de l'opération n'est pas d'essayer de donner à la Commission raison là où elle a eu tort. Ça, ça va bien. Mais là où on a un sérieux problème, c'est quand la Commission a fait des demandes assez spécifiques que de décider elle-même qui a raison et qui a tort là où elle a eu tort dans le passé. On pense, par exemple, à la possibilité d'en appeler sur certaines choses qui ne seraient plus possibles maintenant. Là où la Commission, systématiquement, a été renversée, c'est elle qui prendrait la décision, c'est appelable ou ça ne l'est pas. Ça, ça nous inquiète beaucoup.

Je pense que Me Doray aussi avait quelque chose à dire, M. le Président, si vous permettez, sur ce sujet-là.

Le Président (M. Garon): Oui, Me Doray.

M. Boisclair: Sur le droit d'appel, est-ce que je peux juste rapidement, parce que le temps file, puis je voudrais que mes collègues puissent questionner? Sur le droit d'appel, je veux vous rassurer, je pense qu'il est fort possible, sans camper à 100 % une position... il sera maintenu, le droit d'appel. Est-ce que l'autorisation pour le droit d'en appeler... Il faut regarder, mais il est clair qu'on va sans doute maintenir le droit d'appel.

M. Beauregard (Denis): O.K.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, à notre tour, il nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Beauregard et à Me Doray, de les remercier pour cette présentation au nom du Conseil du patronat du Québec. Il y a plusieurs aspects de votre mémoire qui soulèvent des points très valables et très intéressants, notamment en ce qui concerne le droit d'une entreprise de garder certaines informations qu'elle peut donner au gouvernement, par exemple en matière environnementale, ou l'équité salariale, avoir le même droit de respect de son information dans un marché de concurrence, information qui devrait normalement être gardée secrète. Mon collègue le député de Jacques-Cartier y reviendra, M. le Président.

J'aimerais revenir directement à votre recommandation n° 12 qui précise qu'il n'est pas souhaitable que la Loi sur le Barreau soit modifiée pour permettre que les entreprises se fassent représenter par une personne qui ne soit pas un avocat. On a eu l'occasion de le dire voilà deux semaines, lors de nos travaux, M. le Président, à un syndicat, c'était la CSN qui était là; eux, ils voulaient le droit pour des agents de la CSN non avocats d'aller représenter leurs membres ou leurs intérêts autres devant la Commission. J'ai eu l'occasion à ce moment-là de mentionner que, dans mon expérience comme député et dans mon expérience antérieure à l'Office des professions, j'avais déjà vu beaucoup de gens qui se disaient conseillers en ci ou en ça, qui ont des cartes d'affaires qui ressemblent à s'y méprendre à une carte d'avocat, et, effectivement, il y a des erreurs qui peuvent se commettre.

Donc, sur le fond, je n'ai pas de problème, mais c'est sur la philosophie qui sous-tend la recommandation que je veux comprendre parce que ça me surprend un peu. Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée; au contraire, je trouve que, sur le fond, l'idée est valable. Mais ça me surprend quelque peu de voir le Conseil du patronat enlever, si on peut dire, une liberté à ses membres. Parce qu'il y a beaucoup de membres du Conseil du patronat, par exemple, qui forment, à l'intérieur de leur entreprise, une personne spécialisée pour les questions sur les personnes handicapées, pour les questions de la CSST, pour les questions de la Cour des petites créances. Très souvent, ils vont envoyer une personne qui n'est même pas avocat; régulièrement, la même personne qui développe une expertise sur ces questions-là s'en va à la Cour des petites créances. Alors, si ça s'applique ici, la même logique, il me semble, normalement s'appliquerait à d'autres instances. Et j'aimerais savoir: Est-ce que c'est un changement d'orientation ou si ça a toujours été la position du Conseil du patronat?

M. Beauregard (Denis): Ce n'est pas un changement d'orientation. Je comprends fort bien votre préoccupation. Cette recommandation-là a été écrite en considérant l'ensemble du document de la Commission. Alors, ce qu'on se dit, c'est, dans la mesure où le législateur décidait de donner suite à l'ensemble des demandes de la Commission, c'est-à-dire, on retire un droit d'appel ici, la Commission décide là où elle a été renversée ailleurs dans le passé, c'est elle maintenant qui prend la décision... si on allait dans ce sens-là. Mais j'ai entendu un son un petit peu plus rassurant tantôt.

M. Boisclair: ...la requête.

M. Beauregard (Denis): Mais, quand on écrit ça, nous, on se dit: Tout à coup, des fois, qu'on allait dans ce sens-là. Si c'était le cas, il faut absolument s'assurer que, dès le premier niveau d'intervention, les questions de droit soient regardées avec toute l'attention que ça mérite, parce que, dans l'hypothèse où ce n'est plus appelable, l'entreprise qui ne verrait pas passer en première instance...

M. Mulcair: Question de droit.

M. Beauregard (Denis): ...ce genre de chose, elle serait prise avec. Bon. C'est évident que, quand on écrit ce genre de chose, on ne pense pas nécessairement à la très grande entreprise qui est organisée pour faire face à ces situations-là. Je pense bien davantage à des plus petites entreprises, beaucoup plus petites entreprises, qui peuvent voir là, à très court terme, une possibilité d'économie d'honoraires, se lancer dans cette avenue-là et se rendre compte par la suite qu'elles n'ont qu'un droit d'appel...

M. Mulcair: Plus de recours, c'est ça.

M. Beauregard (Denis): ...si c'était le cas. C'est dans ce sens-là qu'on a fait ça.

M. Mulcair: O.K., on se comprend. Mon collègue le député de Jacques-Cartier avait une question, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À la page 12 de votre mémoire, vous avez parlé de l'application de la Loi sur l'équité salariale. Est-ce que ce qu'on a soulevé ici, c'est des problèmes réels ou plutôt une crainte appréhendée que, si la tendance se maintient, on risque d'avoir la divulgation d'informations sensibles quant aux salaires des employés d'une compagnie, ou quelque chose comme ça? Dans la recommandation n° 8, est-ce que le législateur, dans son devoir de surveillance, doit faire des modifications législatives ou est-ce que les provisions qui sont mises à la fois dans la Loi sur l'équité salariale et la loi sur la protection des renseignements personnels sont suffisantes pour faire le devoir de surveillance qui est soulevé dans la recommandation n° 8?

(11 h 50)

M. Beauregard (Denis): Actuellement, notre lecture de la Loi sur l'équité salariale est un petit peu inquiétante. Il n'y a pas de disposition à cet égard-là dans la loi telle qu'elle est rédigée maintenant. Alors, quand on voit l'orientation privilégiée par la Commission dans son document à l'effet que les documents d'appui... Par exemple, je mentionnais l'Environnement tantôt, demande de permis, c'est accompagné d'une foule de documents qui sont confidentiels. On parle souvent de processus industriels, on parle d'une foule d'informations qui sont extrêmement confidentielles. C'est toute la capacité concurrentielle de l'entreprise souvent qui repose là-dessus. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: Attention, si on s'enligne dans cette voie-là pour les documents qui ont trait à des demandes de permis en environnement, est-ce qu'on est en train de faire la même chose avec les programmes d'équité salariale?

Avec ces programmes-là, les règlements sont en train d'être développés, mais on aime mieux allumer la lumière jaune en tout cas maintenant pour dire: Écoutez, si on s'en va, et c'est vers ça qu'on s'en va, hein, c'est vers toute la structure salariale d'une entreprise, les salaires de tout le monde, toute l'organisation du travail va être là-dedans. Il n'y a pas une entreprise qui est concurrente d'une autre qui n'ira pas voir ça, qui va dire: Écoutez... Obligation même d'affichage, effectivement. Alors, quand on s'en va vers ça, on se dit: Attention, il y a peut-être un problème potentiel mais extrêmement important, là, parce qu'on s'enligne peut-être vers l'ouverture à un maraudage, comme on n'en a jamais vu, à partir d'une ouverture comme celle-là.

M. Kelley: Ça, c'est parmi les craintes les plus importantes, c'est la question d'un certain secret commercial et la comparaison des salaires d'une entreprise à l'autre. Est-ce que c'est là le noeud du problème? Je cherche à voir dans l'application. Je comprends, et c'est toujours la différence entre le secteur privé et le secteur public, que tout le monde peut savoir combien gagne le député de Jacques-Cartier.

M. Beauregard (Denis): C'est public.

M. Kelley: C'est dans la loi, c'est 63 000 $ moins 6 % pour l'année en cours, et toutes les autres conditions sont bien connues. Alors, ça, c'est quelque chose qui est très public. Mais, dans le secteur privé, ce qu'on veut protéger, c'est plutôt au niveau de cette position concurrentielle. Est-ce qu'il y a toujours la notion, dans le secteur privé, que le salaire des personnes, c'est quelque chose qui doit maintenir son caractère confidentiel?

M. Beauregard (Denis): Bien, écoutez, il y a maintenant... Évidemment, quand on avait affaire à une structure industrielle, on avait de très grandes entreprises... bon, si on travaillait dans les mines, dans les forêts, dans ci, dans ça, on avait des gens, très souvent, syndiqués dans ces grands secteurs là, les conventions collectives affichent les salaires de tout le monde, un petit peu comme les journaux affichent vos salaires. Alors, là, il n'y a pas de problème, c'est connu. Mais là on s'en va vers... on s'en va puis on est dedans, hein, puis on y va encore très, très rapidement, de plus en plus loin, vers une économie d'une tout autre nature, vers la nouvelle économie où les modes de rémunération font appel à une imagination débordante. On ne parle plus strictement d'échelle de salaires maintenant, on parle d'une foule d'approches de rémunération globale. Et, souvent, la capacité d'une entreprise de haute technologie d'aller chercher des bons candidats potentiels, d'investir une fortune en formation pour ces gens-là et de les rémunérer selon des formules qu'elle a développées, s'il faut qu'on affiche ça sur la place publique, je vois un problème potentiel extrêmement important.

M. Kelley: Dans un autre ordre d'idées. Vous avez mentionné et d'autres groupes ont mentionné la lourdeur des formules de consentement. Je ne sais pas, il y avait un exemple qui était dans le mémoire – je ne me rappelle pas – soit des banquiers ou des assureurs, et j'ai lu ça et ce n'est pas trop compliqué. Je pense que le but recherché de ces formules de consentement, c'est d'aviser le consommateur ou le client qu'il y aura une utilisation de ces renseignements. Et si le citoyen veut aller plus profondément dans: C'est quoi que je suis en train de signer pour obtenir mon hypothèque, ou un prêt, ou quelque chose comme ça? je peux m'informer davantage, mais, par contre, j'imagine que c'est la routine, il faut signer ça pour obtenir une hypothèque, alors je le signe; je vais lire ça en diagonale, en 30 secondes, pas plus, mais c'est mon choix à moi, alors, d'aller au fond, de bien me renseigner sur mes droits ou non. Alors, c'est quoi, le problème?

Parce que tout le monde exige d'alléger le processus, qu'il faut alléger ces formulaires de consentement. Ce que le législateur cherche, c'est juste un avis au consommateur qu'il est en train de consentir à quelque chose. J'imagine que, dans la majorité des cas, les personnes sont prêtes à faire ça, mais, pour les quelques personnes qui ont un intérêt, qui ont fait le choix, le devoir de se préoccuper de leurs droits dans ce domaine, on a un morceau de papier, un formulaire qui va les aviser: Vous êtes en train de donner une permission pour l'utilisation de ces renseignements personnels. Alors, je me demande toujours c'est quoi vraiment le problème.

Le Président (M. Garon): M. le député, le temps est dévolu au parti ministériel... il est écoulé...

M. Beauregard (Denis): Vous venez de m'élire, M. le Président.

Le Président (M. Garon): ...à l'opposition...

M. Beauregard (Denis): Vous venez de m'élire, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Pardon?

M. Beauregard (Denis): Vous venez de m'élire.

Le Président (M. Garon): Non, non, le député de l'opposition.

M. Beauregard (Denis): Ah!

Le Président (M. Garon): Parce que votre réponse compte dans son temps, puis il n'y a plus de temps. Alors, c'est pour ça que je dois passer la parole au député de Vachon.

M. Payne: Il nous reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Garon): Il reste 5 min 45 s.

M. Payne: Bon. Vous dites que les documents fournis par les entreprises en vertu de l'article de l'environnement ne devraient pas se voir conférer un caractère public. Je me demande pourquoi vous n'êtes pas rassuré par la loi telle qu'elle existe à cet égard-là.

M. Beauregard (Denis): Ce qui nous inquiète...

M. Payne: C'est en préambule.

M. Beauregard (Denis): Excusez.

M. Payne: Si vous pouviez répondre brièvement, parce que la question principale arrive concernant...

M. Beauregard (Denis): Alors, je réponds très, très brièvement. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas la loi actuelle, c'est l'intention de la Commission dans sa demande, dans son document. Actuellement, il n'y a pas de problème, mais, si on se rendait à la demande de la Commission, là il y aurait un problème.

M. Payne: Pourquoi les articles 23, par exemple, et 24, qui s'adressent spécifiquement aux exceptions, ne vous satisfont-ils pas?

M. Beauregard (Denis): Me Doray, si vous permettez, va vous répondre.

M. Payne: Bien, c'est parce que je voudrais avoir une discussion. Ce n'est pas une discussion juridique. Je veux savoir pourquoi.

M. Doray (Raymond): Mais la question est juridique.

M. Beauregard (Denis): On parle d'un article de la loi précisément, là.

M. Payne: Enfin, ce n'est pas le mémoire de Me Doray.

M. Beauregard (Denis): Non, mais je pense qu'on peut s'amener devant vous avec les meilleurs conseillers possible, et c'est ce qu'on fait.

M. Payne: Je vous parle comme homme d'affaires. Pourquoi vous avez une préoccupation à cet égard-là?

M. Beauregard (Denis): M. le Président, si vous permettez, je voudrais que Me Doray réponde à la question parce qu'on parle d'un article de loi très précisément.

M. Doray (Raymond): Si vous permettez, M. le Président, ce sera très court.

Le Président (M. Garon): Me Doray.

M. Doray (Raymond): Merci, M. le Président. Il y a une contradiction dans la recommandation de la Commission d'accès à l'information eu égard à l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Le régime de l'article 118.5, c'est de créer un registre accessible au public en tout temps, facile à consulter, où les citoyens peuvent aller prendre connaissance des autorisations et des permis qui sont émis par le ministère de l'Environnement pour faire valoir leur droit à la qualité de l'environnement. Il y a quelque chose de contradictoire ou d'inconciliable à prévoir qu'il y ait un registre public, sous réserve de l'application des articles 23 et 24 de la loi sur l'accès, qui mettent en branle tout un processus de consultation des tiers relativement au secret industriel et renseignements commerciaux qu'ils fournissent au ministère. Si on veut créer un registre public, qu'on dise clairement: Voici ce qu'il y a dans ce registre et il est accessible en tout temps, et c'est ça, la situation actuelle.

M. Payne: Mais, à l'heure actuelle, M. Beauregard, et je vous parle comme homme d'affaires parce que je voudrais bien avoir le son de cloche de votre clientèle. L'article 23 est explicite, un organisme public ne peut communiquer le secret industriel. Ça entre dans toutes vos préoccupations. Pourquoi vos membres seraient-ils offusqués par une application correcte des articles 23 et 24 de la loi sur l'accès?

M. Beauregard (Denis): M. le Président, je répète ce que j'ai dit tantôt. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas la loi actuelle, ce sont les demandes de la Commission. Si la loi actuelle est maintenue, et d'ailleurs on n'est pas ici pour critiquer la loi, mais bien le document de consultation, alors nos préoccupations sont à l'effet que certaines demandes vont mener à des demandes d'obtention d'informations qui, quant à nous, sont des secrets carrément, là, des secrets industriels.

M. Payne: Avez-vous un exemple exact dans les dernières quelques années, depuis l'adoption, de l'abus?

M. Beauregard (Denis): Écoutez, actuellement, la loi prévoit ce que Me Doray vient de dire, donc il n'y a pas trop de problèmes à ce niveau-là. Mais je tiens à répéter que ce qui nous inquiète, c'est l'orientation de la Commission. C'est là-dessus qu'on en a...

M. Payne: D'accord.

M. Beauregard (Denis): ...et non pas sur l'application actuelle.

M. Payne: Donc, c'est une préoccupation. Vous ne trouvez pas que la loi actuellement nuit, à cet égard-là.

M. Beauregard (Denis): C'est-à-dire qu'on ne veut pas que la loi soit modifiée de façon à ouvrir l'accès à des demandes qui concernent des secrets industriels.

Le Président (M. Garon): Alors...

M. Payne: Mais il n'y a pas de proposition que ça soit supprimé, hein. Il n'y a pas de proposition que ça soit supprimé, les articles 23 et 24.

M. Beauregard (Denis): J'écoute le président, moi. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Bien, là, l'heure de midi est arrivée.

M. Mulcair: On peut peut-être... on est consentants, M. le Président...

M. Payne: Je veux juste avoir la réponse.

M. Mulcair: ...de permettre à Me Doray de répondre là-dessus parce que c'est une question importante. Et je pense qu'il y a une réponse technique à la demande du député de Vachon.

(12 heures)

M. Doray (Raymond): M. le Président, nous comprenons très bien que la proposition de la Commission d'accès à l'information a pour effet de mettre dans l'article 118.5 la réserve, c'est-à-dire, sous réserve de l'application des articles 23 et 24, la protection des secrets commerciaux et industriels, sauf que, comme je le mentionnais tout à l'heure, comment peut-on déclarer qu'une liste de documents a un caractère public et, d'un même souffle, dire que, dans ces documents-là qui ont un caractère public, les secrets industriels donneraient lieu à un mécanisme d'avis au tiers de façon à lui permettre de s'opposer à la divulgation? C'est un régime extrêmement lourd et qui donne lieu à des problèmes d'interprétation évidents. Et je pense que c'est une méconnaissance du milieu de l'environnement qui a amené la Commission à faire cette suggestion-là.

Le Président (M. Garon): Alors, comme il est midi, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Gaulin): Si vous voulez, nous allons reprendre la séance d'aujourd'hui et continuer de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

Notre président est aux funérailles de Saint-Bernard. Peut-être qu'on pourrait en profiter pour garder une minute de silence en mémoire de celles et de ceux qui sont morts.

Alors, nous allons, si vous voulez, puisque nos intervenants sont déjà là, entendre le Conseil interprofessionnel du Québec. Nous avons une heure. Vous connaissez les règles, vous avez 20 minutes. M. le directeur général Beauregard. Si vous voulez nous présenter ceux qui vous accompagnent, nous vous écoutons.


Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)

M. Beauregard (Claude): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. de la commission, il fait plaisir au Conseil interprofessionnel d'être entendu ici sur un sujet extrêmement important. Comme me le demande le président, je vous présente mes collègues qui m'accompagnent: à ma droite, M. Richard Gagnon, directeur général de la Chambre des notaires et ex-président du comité de législation du Conseil interprofessionnel et, de même, Me Raymond Doray, à ma gauche, avocat de la firme Lavery, de Billy, qui nous a conseillés dans l'élaboration de notre dossier.

Le Conseil interprofessionnel, qui regroupe les 43 ordres professionnels du Québec, vous a déposé un mémoire dont je ne crois pas nécessaire de vous faire lecture, d'autant plus que je crois préférable d'utiliser le temps qui m'est imparti pour élaborer quelque peu sur huit éléments que nous avons dit vouloir insérer dans le Code des professions. Selon nous, ces dispositions permettraient aux ordres professionnels d'atteindre des objectifs recherchés, tant de transparence que de protection de la vie privée.

Il s'agit de compléter les dispositions du Code civil en ce qui concerne l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels par un régime qui tienne compte de la nature mixte des ordres professionnels et de l'efficacité souhaitée dans l'exercice de leur mission principale de protection du public. La nature mixte des ordres se constate dans le fait que le législateur ne les a pas assimilés à des organismes de l'État et ne les a donc pas assujettis au régime de la loi sur l'accès, mais qu'ils ne sont pas non plus des entreprises au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, comme l'a déterminé la Cour supérieure.

Pour toute l'information liée à la mission principale de protection du public, un régime d'accès clair et très ouvert s'impose, tant pour les ordres, qui l'appliqueront, que pour le public, qui doit pouvoir s'en prévaloir facilement. Quant à l'information à caractère administratif, qui intéresse les membres envers lesquels les administrateurs de l'ordre sont imputables, entre autres parce qu'ils le financent intégralement, elle n'est pas d'intérêt public et ne devrait être sujette qu'au contrôle des membres, selon des pratiques généralement reconnues.

Aussi, aux termes de son étude de la problématique de la protection des renseignements personnels détenus par les ordres professionnels et de l'accès des individus aux dossiers que ceux-ci peuvent constituer à leur sujet, le Conseil recommande aux législateurs d'introduire dans le Code des professions des règles particulières visant à faciliter à l'égard des dossiers détenus par les ordres professionnels l'exercice des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du Québec. Cette recommandation du Conseil découle des constats suivants.

Premièrement, dans un jugement récent, auquel je viens de faire allusion, qui n'a pas été porté en appel, la Cour supérieure a statué que les ordres professionnels ne sont pas des entreprises privées, puisque leur mission principale consiste à assurer la protection du public et non pas à offrir des services ou à produire et à distribuer des biens. En conséquence, les ordres professionnels ne sont actuellement pas assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qu'on appellera désormais loi du secteur privé. Ils sont néanmoins soumis aux règles de collecte, d'utilisation et de communication des renseignements personnels prescrites par le Code civil du Québec, de même qu'à l'obligation prévue dans ce Code de donner à la personne concernée accès à son dossier. Ils sont aussi tenus de rectifier les erreurs qui peuvent se trouver dans son dossier.

Deuxièmement, afin de faciliter l'exercice par les citoyens des droits qui leur sont conférés par le Code civil du Québec tout en tenant compte des besoins particuliers des ordres professionnels, qui doivent notamment mener leurs enquêtes sans entrave dans une perspective de protection du public, il apparaît nécessaire de compléter le régime du Code civil par l'adoption de règles particulières applicables aux ordres professionnels.

Il serait aussi opportun d'octroyer à la Commission d'accès à l'information une juridiction à l'égard des ordres professionnels afin que les citoyens puissent, de manière simple et gratuite, faire reconnaître leurs droits d'accès et de rectification ou forcer un ordre professionnel à respecter ses obligations à l'égard de la protection des renseignements personnels. À prime abord, on peut penser que ces objectifs peuvent être atteints par l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur le secteur privé. C'est d'ailleurs ce que propose la Commission d'accès à l'information dans son rapport de mise en oeuvre. Après avoir sérieusement analysé cette proposition de la Commission d'accès à l'information, le Conseil interprofessionnel est cependant forcé de conclure qu'elle soulève trois problèmes majeurs.

(14 h 10)

Premièrement, le fait d'assimiler les ordres professionnels à des entreprises privées risque d'entraîner une perception erronée ou une confusion quant au rôle de protection publique dévolu aux ordres professionnels et d'affecter ainsi leur crédibilité.

Deuxièmement, un nombre substantiel de modifications et d'exceptions devrait être apporté à la loi sur le secteur privé afin de tenir compte du contexte singulier dans lequel évoluent les ordres professionnels ainsi que de leur mission principale de protection du public.

Enfin, le Code des professions, qui est la législation de référence dans le domaine professionnel tant pour les professionnels eux-mêmes que pour les citoyens qui désirent retenir leurs services ou se plaindre du traitement reçu, contient déjà certaines règles en matière de protection des renseignements personnels, du secret professionnel et d'accès à l'information. Il serait donc utile que l'ensemble des règles applicables à ce domaine se retrouvent dans ce Code.

Les huit dispositions à insérer dans le Code des professions auxquelles je vais maintenant me référer ont été recommandées par un comité mis sur pied en 1994 par le Conseil interprofessionnel, auquel participait un juriste de l'Office des professions. Le comité avait pour mandat d'étudier les effets de l'application aux ordres professionnels de la loi du secteur privé ainsi que la compatibilité de cette loi, à laquelle on pouvait les croire assujettis, avec leur mission principale de protection du public. En considérant ces huit dispositions, il convient de voir en quoi il est plus simple d'en faire des règles particulières d'application des articles 35 à 40 du Code civil et de les insérer dans le Code des professions plutôt que sous forme de modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Parmi les huit recommandations dont je vous ai parlé, il en est quatre qui consistent fondamentalement à reconnaître le caractère public d'informations détenues par les ordres. Et les quatre recommandations ainsi visées que vous avez vues dans le mémoire qui vous a été déposé sont, premièrement, la reconnaissance du caractère public du nom, du titre et de la fonction d'un membre du bureau d'un ordre professionnel ou d'un membre d'un comité ou d'un ordre professionnel prévu au Code des professions. C'est également la reconnaissance du caractère public des renseignements inscrits au tableau des ordres professionnels. Et c'est la reconnaissance du caractère public des renseignements contenus dans le rapport annuel des ordres professionnels, incluant les renseignements de nature disciplinaire et, enfin, la reconnaissance du caractère public des renseignements contenus dans une décision du comité de discipline. Vous aurez noté que cette notion de caractère public est étrangère à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

On répondra volontiers aux questions qui pourraient se poser sur ces quatre recommandations. Vous en avez vu une certaine explicitation dans le mémoire déjà déposé, et on est en mesure de vous donner davantage d'exemples concrets de ce que ça veut dire et du raccordement nécessaire entre ces dispositions-là et en quoi elles se comparent aux dispositions du Code civil.

Une cinquième recommandation portait sur le droit des ordres professionnels de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, lorsque la communication est nécessaire à l'application du Code des professions, d'une loi ou d'un règlement professionnel. Afin d'accomplir leur mission de protection du public, les ordres professionnels, et tout particulièrement leurs syndics, doivent pouvoir échanger des renseignements personnels avec les plaignants, avec des tiers, avec les organismes du gouvernement, avec les corps policiers et avec d'autres ordres professionnels. Ces échanges de renseignements personnels sont essentiels pour mener à bien une enquête relative à l'exercice illégal d'une profession, à la commission d'un acte dérogatoire, etc. En règle générale, ces enquêtes ne visent cependant pas la perpétration d'une fraude ou d'un acte criminel.

Dès lors, les exceptions à la règle de confidentialité des renseignements personnels que l'on retrouve à l'article 18 de la loi sur le secteur privé ne permettraient pas aux ordres d'effectuer toutes les communications de renseignements personnels nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Il serait certes concevable d'ajouter à l'article 18 de la loi sur le secteur privé, une exception prévoyant que les ordres professionnels et leurs représentants peuvent, sans le consentement de la personne concernée, échanger des renseignements personnels avec des corps policiers, d'autres ordres professionnels ou des tiers, pour les fins de l'exercice des fonctions qui leur sont conférées par le Code, les lois professionnelles ou les règlements professionnels.

Il serait aussi possible d'inclure ces exceptions dans le Code des professions à titre de règles d'application de l'article 37 du Code civil du Québec. Le Conseil est d'opinion que cette dernière solution serait plus logique et opérationnelle, puisqu'elle permettrait de regrouper dans le Code des professions l'ensemble des règles applicables aux ordres professionnels, aux syndics et aux comités d'inspection professionnelle. Qui plus est, ces règles particulières pourraient tenir compte des exigences du secret professionnel, qui constitue une notion fondamentale dans le milieu professionnel, alors qu'elle est étrangère, là encore, au régime de la loi sur le secteur privé.

Une sixième recommandation, le droit des ordres professionnels de recueillir des renseignements personnels auprès de tiers, dans le cadre de leurs activités d'enquête et d'inspection. L'article 6 de la loi sur le secteur privé impose aux entreprises l'obligation de recueillir des renseignements personnels auprès de la personne concernée, à moins que celle-ci ne consente à la cueillette auprès de tiers. De plus, la personne qui constitue un dossier sur autrui doit, lorsqu'elle recueille des renseignements personnels auprès d'un tiers, inscrire au dossier la source des renseignements. Cette seconde obligation, prescrite par l'article 7 de la loi sur le secteur privé, ne s'applique cependant pas à un dossier d'enquête constitué en vue de prévenir, de détecter ou de réprimer un crime ou une infraction à la loi.

La conduite d'une enquête par le syndic de même que les activités d'inspection professionnelle requièrent couramment la cueillette de renseignements personnels auprès de tiers. Il n'est évidemment pas possible d'obtenir le consentement du professionnel concerné pour procéder à une telle cueillette. Enfin, dans la mesure où les enquêtes du syndic ne visent pas toujours à prévenir, à détecter ou à réprimer un crime ou une infraction à la loi, il lui faudrait bien souvent consigner l'identité de ses sources d'information dans le dossier du professionnel sous enquête, au risque de compromettre leur identité.

En somme, pour permettre aux ordres professionnels d'accomplir leur mandat de protection du public, il serait nécessaire de les soustraire à l'application d'un volet entier de la loi sur le secteur privé, soit celui qui réglemente la collecte des renseignements personnels.

À l'inverse, le Code civil du Québec ne contient aucune règle relative à la collecte des renseignements personnels, si ce n'est que ceux-ci doivent être pertinents à l'objet du dossier. Si l'on retient l'hypothèse suggérée de prévoir dans le Code des professions les règles d'application des articles 35 à 40 du Code civil applicables aux ordres professionnels, aucune intervention législative ne serait donc requise afin de soustraire ces derniers à des règles de collecte de renseignements personnels peu compatibles avec la poursuite de leur mission.

Une septième recommandation, le droit des ordres professionnels de refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement lorsque sa divulgation serait susceptible de nuire au déroulement d'une enquête ou d'une inspection professionnelle. Là encore, c'est évident, lorsque le syndic procède à une enquête de son propre chef ou à la suite d'une plainte, tous conviennent qu'il n'est pas opportun que son dossier soit accessible au professionnel concerné. Un tel accès serait susceptible, dans la plupart des cas, de court-circuiter le processus d'enquête. Il en va de même lorsque le comité d'inspection professionnelle procède à une vérification.

Selon son libellé actuel, l'article 39 de la loi sur le secteur privé ne permettrait pas à un ordre professionnel d'assurer la confidentialité de ses dossiers d'enquête et d'inspection. Cette disposition ne vise que le service de sécurité interne d'une entreprise et ne s'applique que dans un contexte de prévention, de détection ou de répression du crime ou des infractions à la loi. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les enquêtes du syndic et les vérifications du comité d'inspection professionnelle ne visent généralement pas la commission d'infractions à la loi.

Dans ce contexte, des modifications substantielles devraient être apportées à l'article 39 de la loi sur le secteur privé pour tenir compte de la mission particulière des ordres professionnels, notamment des exigences propres à la conduite des enquêtes du syndic et du comité d'inspection professionnelle. Ces modifications devraient aussi tenir compte de la règle voulant qu'un professionnel interpellé devant un comité de discipline a droit de prendre connaissance de la preuve constituée par le poursuivant, lorsque l'enquête est complétée et que la décision a été prise de constituer un comité de discipline. Ces notions sont toutefois étrangères au régime actuel de la loi sur le secteur privé.

Le Conseil est d'avis que ces règles sont au coeur même du processus disciplinaire pour être avantageusement consacrées dans le Code des professions. Cela permettra au professionnel concerné de savoir à quel moment il peut prendre connaissance de son dossier. Le Code des professions pourrait aussi prévoir quels sont les renseignements qui sont accessibles au plaignant et ceux qui peuvent être divulgués à l'ensemble de la population. La consécration d'un tel régime complet éviterait enfin les effets, en l'occurrence, indésirables de l'article 40 de la loi du secteur privé, qui interdit à une entreprise de communiquer à une personne un renseignement personnel la concernant lorsque sa divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel sur un tiers et que sa divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ce tiers. Le législateur comprendra que l'application de cette disposition, dans le contexte disciplinaire, pourrait avoir pour conséquence de nier systématiquement au plaignant le droit de prendre connaissance du résultat de l'enquête du syndic et, le cas échéant, d'en contester les conclusions.

Une huitième recommandation visait le droit des ordres professionnels de refuser de communiquer une épreuve destinée à l'évaluation comparative des connaissances, des aptitudes ou des expériences d'une personne jusqu'au terme de l'utilisation de cette épreuve. Là-dessus, on aimerait souligner qu'il ne s'agirait pas pour autant d'un refus de communiquer copie d'une épreuve qui ne porterait pas sur la simple consultation de la pièce par le candidat pour y constater ses réponses et les notes de correction, s'il en est, mais tout simplement la possibilité de refuser d'en remettre une copie à demeure, portant ainsi atteinte au caractère confidentiel de l'épreuve elle-même, dont la circulation deviendrait incontrôlée et l'utilité réduite à néant.

Le mémoire que le Conseil vous a soumis ne traite pas de la protection des renseignements personnels que détiennent les ordres professionnels au sujet de leurs employés. L'accès de ces employés à leur dossier et leur droit de faire rectifier les erreurs qui s'y trouvent ne sont pas non plus évoqués dans ce mémoire. Sur ce point, le Conseil est d'avis qu'il serait raisonnable d'imposer aux ordres professionnels les mêmes obligations que celles qui s'appliquent aux entreprises privées à l'endroit de leurs employés. Plutôt que de prévoir dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé que les ordres sont assimilés à des entreprises privées en regard des dossiers qu'ils détiennent sur leurs employés, il s'agirait d'ajouter au Code des professions une disposition prévoyant que la loi du secteur privé s'applique aux dossiers que les ordres tiennent au sujet de leurs employés.

Cela dit, la question se pose de savoir si le législateur ne devrait pas plutôt assujettir les ordres professionnels à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, de manière à leur imposer à la fois un régime de protection des renseignements personnels et un régime d'accès à leurs documents administratifs.

(14 h 20)

Après avoir sérieusement analysé cette proposition, le Conseil interprofessionnel conclut qu'elle doit être rejetée, et pour les motifs suivants. Premièrement, les ordres professionnels ne sont pas des organismes de l'État, ils ne répondent pas non plus aux critères que le législateur a établi dans le sillage du rapport Paré pour assujettir des organismes au régime de la loi sur l'accès. Ces critères sont essentiellement le financement public et le contrôle démocratique par le biais de l'élection des membres par la population. Or, les ordres professionnels sont entièrement financés par les professionnels, et les membres de leur bureau sont élus par eux, à l'exception des représentants du public nommés par le gouvernement. Dans ce contexte, on voit mal l'utilité et la justification de rendre accessibles à l'ensemble de la population les documents administratifs des ordres professionnels, alors que ceux-ci sont redevables envers leurs membres et qu'ils sont financés par eux.

En outre, appliquer la loi sur l'accès aux ordres professionnels porterait atteinte sans raison valable à leur autonomie de gestion, soit l'un des principes fondamentaux du Code des professions, un principe qui s'applique à la politique d'information d'un organisme tout comme à sa politique du personnel, à la gestion de ses ressources. Au-delà de leur mission principale de protection du public, les ordres mènent diverses activités complémentaires ordonnées à l'amélioration continue de la pratique professionnelle. Assujettir les ordres professionnels à la loi sur l'accès aurait pour conséquence d'imposer à l'égard de ces activités des pratiques en prévision de donner accès à l'information qui les concerne, entraînant des coûts qui ne sont pas négligeables, si l'on tient compte, en plus, des litiges que cette loi est susceptible d'engendrer si on l'appliquait aux ordres.

En effet, le Conseil croit que l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès aurait pour conséquence de fournir un terrain d'affrontement et des occasions multiples de litige dont pourraient indûment se servir les professionnels qui ont fait l'objet de sanctions disciplinaires. C'est un point particulièrement important pour nous.

Quant aux nombreuses restrictions à l'accès que l'on retrouve aux articles 18 à 41 de la loi sur l'accès et qui s'appliquent tant aux documents administratifs qu'aux dossiers personnels, le Conseil est d'avis qu'elles sont susceptibles de réduire le droit d'accès des plaignants, des professionnels sous enquête et des tiers à leur dossier. Qui plus est, il serait nécessaire d'apporter de nombreuses modifications aux articles de la loi sur l'accès pour tenir compte du contexte propre aux ordres professionnels.

À titre d'exemple, il n'existe pas, à l'heure actuelle, dans la loi sur l'accès, de restrictions qui permettent d'assurer la confidentialité des enquêtes du syndic et des vérifications du comité d'inspection professionnelle. Les seules enquêtes protégées dans le cadre de la loi sur l'accès sont celles qui ont pour but de prévenir, de détecter ou de réprimer les crimes et les infractions pénales.

D'autre part, la loi sur l'accès interdit à un organisme public de communiquer des renseignements personnels à la personne concernée si cela a pour effet de divulguer des renseignements personnels concernant un tiers. L'application d'une telle restriction à l'accès rendrait impossible pour un ordre professionnel la mise en oeuvre de son obligation d'informer le plaignant du suivi de sa plainte. Elle ne permettrait pas non plus à un ordre professionnel de communiquer au professionnel sous enquête la preuve constituée par le syndic afin de lui permettre d'assurer sa défense.

Si la loi sur l'accès devait s'appliquer aux ordres professionnels, il est prévisible que les décisions de l'ordre ou du syndic de fournir des renseignements au plaignant ou au public en général donnerait systématiquement lieu à des litiges longs et coûteux devant la Commission d'accès à l'information et les tribunaux judiciaires, au risque d'obérer les ressources financières des ordres professionnels. Ces litiges retarderaient aussi indûment l'information des parties et du public.

Enfin, le régime de protection des renseignements personnels de la loi sur l'accès, qui comprend l'obligation de déclarer des fichiers de renseignements personnels et l'obtention de l'autorisation de la Commission d'accès à l'information pour communiquer des renseignements personnels, apparaît lourd et mal adapté à la réalité des ordres professionnels.

Dès lors, le Conseil interprofessionnel du Québec croit que le législateur serait mieux avisé de prévoir dans le Code des professions une liste des documents administratifs qui concernent la protection du public et que les ordres professionnels devraient, selon le cas, rendre accessibles au public en général, aux professionnels membres de l'ordre, aux plaignants et aux professionnels sous enquête. En consacrant spécifiquement le caractère accessible de ces documents, le législateur éviterait les litiges, tout en respectant l'autonomie de gestion des ordres professionnels.

Alors, voilà, M. le Président. Encore une fois, j'ai abrégé certaines explications possibles de comparaison entre le Code civil et ce qu'on voudrait ajouter dans le Code des professions, mais on pourra les couvrir en période de questions, à votre guise.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le président. Vous êtes arrivé pile. Vous avez pris 20 minutes. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation et vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale. Une réflexion rapide me vient à l'esprit, à écouter votre mémoire et votre présentation, je comprends bien l'ampleur de la tâche qui nous attend lorsque viendra le temps de rédiger les amendements au projet de loi. Je dois vous dire que ce n'est pas une question qui est simple, votre mémoire nous le fait bien comprendre, entre autres quant à un éventuel assujettissement à la loi sur l'accès. Il y a des problèmes bien réels que vous nous soulevez, qui méritent d'être fouillés. Je tiens d'abord à vous assurer que nous agirons avec toutes les précautions nécessaires.

Vous comprenez bien que l'objectif n'est certainement pas de vous compliquer la vie dans l'exercice de vos fonctions, dans l'exercice de vos responsabilités quant à la protection du public, entre autres lorsque vient le temps de faire les enquêtes, et ainsi de suite, et qu'il ne faudrait pas qu'il y ait des effets pervers aux dispositions qui seraient introduites par le législateur. Donc, retenez, d'abord, il y a un souci, il y a une volonté de cohérence, bien sûr, de ne pas vous nuire dans l'exercice de vos fonctions.

Ceci étant dit, la préoccupation de l'assujettissement des ordres professionnels est une question importante, une question qui est identifiée comme prioritaire par la Commission, dans le cadre de l'exercice de révision quinquennale. Et la question qui se pose spontanément à moi, c'est: Pourquoi des citoyens qui ont un droit de recours, lorsqu'ils ont à transiger avec, par exemple des entreprises privées, n'auraient-ils pas ce droit de recours devant une instance quasi judiciaire, qui, bien sûr, est beaucoup moins dispendieux, mois coûteux, qui est le recours à la Commission d'accès à l'information? Entre autres, la question de fond, c'est: Le droit de recours qui est prévu pour les citoyens lorsqu'ils font des transactions avec le secteur privé, pourquoi ça ne serait pas la même chose pour les ordres professionnels? Donc, une question qui est importante.

Je conçois comme vous qu'il y a, à l'heure actuelle, des chevauchements et qu'il faut bien sûr apporter un certain nombre de rectificatifs à la présente révision. Nous avons fait aussi un certain nombre de recherches pour voir quelle était un peu l'intention du législateur. Et, dans les débats de l'Assemblée nationale, à l'époque – et, peut-être, des collègues étaient là au moment de l'adoption de la loi – il y avait véritablement une volonté du législateur d'assujettir les ordres professionnels au secteur privé; c'était, à cet égard, très clair. Je pense que, si nous avons un point de départ dans notre réflexion, c'est peut-être justement l'intention du législateur qui avait été exprimée à l'époque. Nous sommes au fait qu'il y avait de l'opposition, à l'époque, mais il y avait véritablement une volonté des membres de l'Assemblée nationale d'assujettir les ordres à la loi sur le secteur privé. Donc, c'est là le point de départ de notre réflexion.

La question, donc, qui se pose à nous, c'est: Est-ce qu'on doit s'arrêter là ou si on doit étendre la loi d'accès aux ordres professionnels? À cet égard-là, il y a un certain nombre d'indications. La Cour supérieure précisait que les ordres professionnels s'apparentent davantage à des organismes publics qu'à des entreprises privées. Je comprends que vous nous avez fait état de l'autonomie de gestion, du processus de décision, du financement des ordres professionnels, nous pourrions avoir une longue discussion aussi sur ces questions, mais votre mission première est aussi de protéger le public. Les cotisations des membres aux ordres professionnels sont entièrement déductibles. Donc, c'est un débat aussi qui peut se faire, de l'assujettissement des ordres professionnels à la loi sur l'accès.

Je voudrais donc vous dire que ce n'est pas une situation que je tranche au couteau. Je veux vous dire que le point de départ de la réflexion est certainement là où le législateur l'a laissée la dernière fois. Je veux vous dire qu'il y a une réflexion aussi sur l'assujettissement possible à la loi sur l'accès. Et je voudrais peut-être vous demander si vous avez de l'expérience... On me dit qu'en Colombie-Britannique les ordres professionnels sont soumis à la loi sur l'accès. Est-ce que vous avez fait un peu une étude comparative pour voir s'il y a véritablement, chez vos collègues de la Colombie-Britannique, des difficultés particulières qui se sont posées ou si le législateur a pu trouver un modèle quelconque qui a pu convenir aux ordres professionnels?

(14 h 30)

M. Beauregard (Claude): Si vous permettez, je peux répondre immédiatement à ce dernier volet de votre intervention. Effectivement, on est au fait qu'en Colombie-Britannique il y a un assujettissement à une loi qui gouverne le secteur public, mais on a constaté également qu'il n'y a pas de telles lois pour le secteur privé en Colombie-Britannique. Alors, ça explique la situation. Dans la mesure où il y a l'équivalent des ordres en Colombie-Britannique, l'assujettissement ne peut être qu'à la loi du secteur public parce que c'est la seule qui existe.

M. Boisclair: Mais est-ce qu'elle cause problème? C'est plutôt ça. La question est de savoir si ça cause problème. Je comprends que c'est là la seule loi. Mais vous nous faites part de difficultés que vous anticipez dans la mesure où on avait à étendre la portée de la loi sur l'accès aux ordres professionnels. Mais ce que je comprends, c'est que les difficultés que vous anticipez dans le mémoire ne se sont pas traduites chez nos voisins de la Colombie-Britannique.

M. Beauregard (Claude): Je vous avouerais honnêtement qu'on n'a pas vraiment d'information à ce sujet-là. Ce qui nous paraît cependant assez clair, c'est que les dispositions qu'on a examinées de près ici se reflètent dans les propos qu'on a tenus ou ce qui est dans notre mémoire, à l'effet que, nous, on est persuadés qu'il y a des lourdeurs, qu'il y a plusieurs contre-indications à cet assujettissement.

Oui, on me signale d'ailleurs aussi qu'effectivement la loi, en Colombie-Britannique, a été conçue d'entrée de jeu pour couvrir les ordres professionnels également, ce qui n'est pas le cas ici, puisqu'on avait prévu, comme vous le signalez, davantage l'assujettissement au secteur privé. J'aimerais ajouter, là-dessus, qu'il n'y a pas, chez le Conseil interprofessionnel, d'objection, en principe, à l'assujettissement à la loi du secteur privé, comme le législateur l'a prévu initialement. C'est pour nous vraiment une question, d'une part, de perception, une perception dont on s'est souvent entretenus avec l'Office d'ailleurs, de la nécessaire... si vous voulez, le caractère public du mandat principal des ordres. Ceci, d'entrée de jeu, pose une certaine problématique, et il peut y avoir un problème de perception à associer des ordres professionnels qui ont un mandat de cette nature à des entreprises privées. Alors, on était sensibles à cette perception-là. Pour nous, la voie que nous avons choisie, on reconnaît qu'elle est inusitée, au sens où elle se situe entre deux lois déjà existantes, mais elle reflétait néanmoins, il me semble, à l'évidence la nature mixte de l'ordre professionnel. Et le législateur s'est attardé et a mis l'accent sur l'autonomie de gestion des ordres professionnels, et c'est pourquoi, sans doute, on a tous été perçus comme étant, avant les jugements de cour, sous l'empire de la loi du secteur privé. On n'a pas d'objection à être là-dessus, mais on pense qu'il est vraiment plus logique, plus cohérent, plus simple, plus expéditif, en termes de l'information à communiquer, d'avoir un régime approprié à la nature des ordres, et c'est pourquoi on recommande l'assujettissement via le Code des professions.

M. Boisclair: Alors, c'est ça, c'est là, en tout cas, toute la question de fond: Est-ce qu'on va faire cohabiter des règles sectorielles avec une loi-cadre? Elle est là, pour nous, la difficulté, alors qu'on a un édifice qui définit un certain nombre de droits pour les citoyens, d'avoir accès à de l'information qui définit aussi le droit de... un exercice de... Il y a un droit de recours, qui est la Commission d'accès à l'information. Et, dans la mesure où, par exemple, on amendait le Code des professions pour inclure des dispositions dans la loi, quel serait l'organisme qui serait chargé de juger des litiges?

M. Beauregard (Claude): J'ai dû faire une lecture trop rapide, M. le ministre. C'était mentionné, dans la note que j'ai lue, à l'effet que le CIQ est d'accord pour un assujettissement à la Commission d'accès à l'information comme recours.

M. Boisclair: Oui.

M. Gagnon (Richard): Si je peux me permettre. En fait, M. le ministre, effectivement, les ordres ne veulent pas s'esquiver devant leurs obligations de transparence et devant, également, l'obligation d'offrir à la population des possibilités de recours et d'avoir accès à toute l'information à laquelle elle a effectivement droit. Les modifications qu'on propose au Code des professions permettent au public un droit de recours à la Commission d'accès à l'information, mais un recours qui ne s'inscrirait pas dans le cadre de contestations, de mesures d'exception qui découleraient de la loi d'accès, un recours qui découlerait de règles beaucoup plus claires exprimées dans le Code des professions, sur: à partir de quand le dossier d'enquête du syndic est disponible, à partir de quel moment les décisions du comité de discipline sont disponibles. Et on a vraiment l'impression, M. le ministre, que, par des modifications au Code des professions, on va atteindre exactement les mêmes objectifs que vous visez, qui sont très légitimes, de permettre au public d'avoir accès à l'information à laquelle il a droit, mais de façon beaucoup plus simple.

Vous savez, le mandat qui est confié aux ordres professionnels est un mandat très particulier. On nous demande de contrôler la pratique professionnelle de nos membres, on nous demande d'inspecter ces pratiques professionnelles, on nous demande de traduire en discipline et d'écarter de la profession des professionnels qui peuvent être dangereux pour le public. Déjà, la réalisation de cette mission est extrêmement complexe. Et, vous savez, les problèmes qu'on voit dans les tribunaux de droit commun, de longueur à rendre des décisions, de mesures dilatoires souvent pour étirer des débats et reporter des décisions de nos tribunaux, on retrouve ces mêmes problèmes dans nos tribunaux disciplinaires que sont les comités de discipline. C'est pour ça qu'on pense qu'il ne faut pas ajouter de possibilités pour ceux qui veulent esquiver le système disciplinaire, de possibilité de recours, de possibilité de vivre dans un régime d'accès à l'information qui n'est pas clair parce qu'il n'a pas été conçu quasi sur mesure pour le système professionnel. On pense qu'il serait plus facile et beaucoup plus expéditif de modifier le Code et de clarifier les règles du jeu de façon limpide. Tout le monde va savoir à quoi s'en tenir et on ne vivra pas dans un régime à multiples exceptions qui risque d'être celui qui découlerait de la loi d'accès, M. le ministre.

M. Boisclair: Moi, ce que je veux vous dire en tout cas. D'abord, cette question sera traitée et débattue aussi avec mon collègue le ministre de la Justice qui est responsable des ordres professionnels. Donc, nous allons accorder toute l'attention nécessaire à cette question. Je veux aussi vous dire qu'une de mes préoccupations qui me guidera dans les choix que nous aurons à faire est, bien sûr, de faire en sorte que ce soit le plus simple possible pour le citoyen.

M. Gagnon (Richard): Voilà.

M. Boisclair: Est-ce que c'est une bonne chose de faire cohabiter des règles sectorielles avec une loi-cadre alors que le citoyen ne sait pas nécessairement ce qui s'applique, de quelle façon les choses s'appliquent, quels sont ses recours? Il faut avoir en tête cette préoccupation, parce que ce n'est pas tout de définir des droits dans la loi, mais, comme on l'a répété à plusieurs reprises autour de cette table, il faut aussi que les gens puissent les exercer, être informés, qu'il y ait de l'éducation qui se fasse. Donc, je termine tout simplement cet échange en vous disant: Oui, nous allons regarder attentivement cette question. Mais je dois vous dire minimalement ce que je souhaiterais, c'est un assujettissement au secteur privé. Pour la suite des choses, sans doute que le point de vue de mon collègue député de Chomedey m'éclairera.

Le Président (M. Gaulin): Alors, ça va. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. J'espère que je saurai éclairer le ministre, mais on est largement sur la même longueur d'onde dans cet exercice.

Alors, il me fait plaisir au nom de l'opposition officielle de souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil interprofessionnel du Québec, M. Beauregard, M. Gagnon, Me Doray. Je dois dire tout de suite en partant, M. le Président, que j'ai apprécié beaucoup le ton de la présentation du Conseil interprofessionnel du Québec. C'est neutre, c'est analytique, c'est dépourvu d'un parti pris dogmatique, c'est très flexible comme approche, et je pense que c'est vraiment comme ça qu'il faut aborder les problèmes aussi complexes que ceux qui sont sur la table aujourd'hui.

Je retiens surtout, à la page 11 du document du Conseil interprofessionnel du Québec, sa constatation qu'il faut privilégier une harmonisation des lois professionnelles avec les exigences qui existent au terme de la législation visant tantôt la garantie de la vie privée, tantôt l'accès aux documents dans le secteur privé. Je dois dire, M. le Président, que notre formation politique est largement d'accord avec le CIQ là-dessus. Je cite la phrase qui se trouve à la page 11: «En somme, des trois voies explorées par le Conseil interprofessionnel du Québec, c'est-à-dire l'assujettissement des ordres soit à la loi amendée d'accès aux documents des organismes publics, soit à la loi amendée sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, soit enfin au Code des professions aux dispositions harmonisées avec celles des deux précédentes, c'est cette dernière voie qui paraît la plus indiquée.»

(14 h 40)

Comme je le mentionnais, M. le Président, nous sommes d'accord avec eux autres largement là-dessus pour une bonne et simple raison, et je reprends l'exemple du ministre concernant la Colombie-Britannique. Toute comparaison entre le système québécois en matière de réglementation des professions et le système qui peut exister dans une autre province peut se heurter à une différence fondamentale. C'est le fait qu'au Québec nous pouvons parler justement de l'existence d'un système professionnel. La seule autre province où il y a eu une tentative de faire quelque chose de systématique avec les professions, c'est juste dans le domaine de la santé et c'est en Ontario. Il y a certaines autres provinces qui étudient attentivement ce qu'on a fait au Québec, notamment en Alberta, mais, pour l'instant, le Québec est la seule province à s'être dotée d'une structure complète en matière de réglementation des professions et des professionnels et de leurs pratiques. C'est largement pour ça que nous sommes d'avis que, avant d'assujettir tout ce système et tout ce monde à un autre palier de réglementation, il faut regarder s'il existe vraiment des problèmes qu'on ne peut pas régler à l'intérieur du système actuel. Je pense que, si nous faisons preuve de la même flexibilité et de la même compréhension, on est capables, avec la collaboration du ministre responsable de l'application des lois professionnelles, d'arriver à des solutions convenables.

Vous savez, M. le Président, dans ce domaine-ci, il y a parfois des questions pratiques qu'il faut regarder. Un exemple typique qui revient souvent sur la table, c'est la personne qui, à la demande de son employeur, subit un examen physique, psychique, complet de la part d'experts, notamment dans le domaine médical. Cette personne va souvent se faire dire, si elle se fait refuser un emploi et qu'elle veut savoir ce qu'il y avait dans le rapport du médecin: Mais ce n'est pas votre rapport, c'est le rapport du médecin qui est la propriété de l'entreprise. Ça, c'est un cas concret, un cas réel et concret qu'on est capable de regarder et de s'assurer que la personne a le droit de savoir ce qu'un professionnel a écrit sur elle. Il me semble que c'est l'enfance de l'art dans ces choses-là.

Mais il y a moyen de parvenir à ce résultat-là, pour les quelques cas problèmes qu'on va rencontrer, à l'intérieur d'un système professionnel. Parce que, ne nous leurrons pas, malgré les difficultés qui peuvent exister, malgré le fait que de temps en temps il y a un problème ponctuel qui va faire la une, on a un système professionnel qui, largement, fonctionne très, très, très, très bien. Avant d'imposer des cadres et des structures externes, étrangers à ce système-là, il faut faire très attention. Parfois, ça va être une proposition de médicament qui risque de tuer le patient plutôt que de guérir une maladie perçue. Alors, là-dessus, on est largement d'accord avec le CIQ.

Il y a un autre point qui a été soulevé par d'autres groupes et sur lequel j'aimerais entendre le Conseil interprofessionnel, M. le Président, et ça concerne les titres réservés. Lors de nos discussions avec des gens qui émanaient notamment du domaine de la santé, il a souvent été constaté que sur les étages des hôpitaux, notamment les établissements de santé, il y a un trop grand accès au dossier du bénéficiaire. Même avec une journalisation exigée, on aura de la difficulté à discipliner ou à contrôler dans un contexte où c'est juste syndical le seul contrôle qui existe.

Une des idées qui a été étudiée depuis le début de nos travaux, c'est la possibilité d'utiliser le système professionnel comme complément pour assurer le respect de la vie privée et de l'accès, notamment aux dossiers personnels, dans les établissements. L'existence d'un lien avec un ordre professionnel donne un autre palier de contrôle parce que, même s'il y a une discipline qui existe à l'intérieur de l'établissement, c'est de nature administrative et c'est plutôt encadré par un système de négociation collective, c'est dans un cadre syndical, alors que le cadre disciplinaire professionnel peut donner d'autres protections aux membres du public.

Se pose donc d'emblée toute la problématique des titres réservés parce que, si on dit que les professionnels ont accès aux dossiers, quelqu'un qui fait des tâches de physiothérapeute, d'ergothérapeute, de diététiste n'a pas le droit de s'appeler ainsi, mais qui peut faire les mêmes fonctions – un psychologue, c'est la même chose.... Cet accès par des personnes qui ne sont pas assujetties à ce deuxième palier de contrôle de leur comportement n'offre pas les mêmes garanties de protection du public. Alors, c'est dans ce sens-là que je voulais connaître la réflexion du Conseil interprofessionnel du Québec, à savoir si, eux, ils voyaient ça comme un avantage d'assujettir ces titres réservés à l'obligation des membres de l'ordre et si ça pouvait aller dans le sens d'un accroissement des garanties de protection du public dans un dossier comme celui-ci.

Le Président (M. Gaulin): M. le président.

M. Beauregard (Claude): Je crois reconnaître dans la question des antécédents de l'honorable parlementaire qui connaît bien le système. On n'y échappe pas. Écoutez, vous avez parfaitement raison. La question du titre réservé et de la capacité limitée de ces ordres d'exercer un contrôle sur la pratique professionnelle... parce que – peut-être, d'autres membres en sont moins au courant – quelqu'un peut pratiquer la profession d'un professionnel à titre réservé sans être membre de l'ordre. Et même, tout récemment d'ailleurs, dans son avis, l'Office des professions en fait état, et nous l'avons signalé, au Conseil interprofessionnel, à plusieurs reprises au gouvernement, la pratique des doubles appellations dans les conventions collectives pose de sérieux problèmes, puisque des professionnels peuvent pratiquer s'ils ne sont que de titre réservé sans être membres de l'ordre. Et effectivement, si je comprends bien la question, il s'agit effectivement de l'accès, donc, à des dossiers de nature médicale par des non-professionnels. Ils en ont la qualification, je crois, au plan de la formation, mais la formation n'est pas contrôlée, elle n'est pas nécessairement tenue à jour, elle n'est pas nécessairement de nature déontologique. Et, à cause de ça, il y a effectivement un problème. Mais je crois que, par ailleurs, l'accès au dossier médical par plus d'un professionnel et l'échange d'informations et le partage d'informations entre professionnels, les ordres sont actuellement interpellés, comme vous le savez, par le rapport du coroner Bérubé là-dessus, sur la communication de certains renseignements, lorsque la vie de quelqu'un est en danger, entre professionnels, nonobstant le serment professionnel.

Alors, c'est une situation complexe, mais, sur le fond, le problème que vous signalez est exact et le Conseil est d'avis, effectivement, que la protection du public et la protection des renseignements personnels et des dossiers de cette nature confidentielle aux mains de professionnels, pour être vraiment pleinement assurées, requerraient que les professionnels des ordres à titre réservé et que tous ceux qui pratiquent ces professions soient effectivement obligatoirement membres d'un ordre professionnel.

Je ne sais pas si mes collègues veulent ajouter à ça.

M. Gagnon (Richard): Rapidement. Effectivement, le seul fait qu'un professionnel soit tenu au secret professionnel et très facilement sanctionnable par son ordre s'il y déroge vient ajouter une garantie de protection de ces renseignements-là que la personne qui n'est pas membre du système professionnel peut proposer. Et, quand on parle, effectivement, de système professionnel dans le réseau de la santé – j'ai moi-même été directeur général de centre hospitalier, alors je sais un peu de quoi il en retourne – il est beaucoup plus facile de garantir cette protection de l'information personnelle à travers des professionnels sanctionnés par le Code des professions que pour d'autres personnes.

M. Mulcair: Est-ce que, M. le Président, on pourrait demander aux représentants du CIQ de déposer auprès de cette commission, quand ils le pourront, le rapport du coroner Bérubé auquel ils viennent de faire référence?

M. Beauregard (Claude): Certainement.

M. Mulcair: Merci.

M. Beauregard (Claude): On vous déposera également, si vous permettez, les notes que je vous ai lues qui sont parfaitement congruentes avec le mémoire que vous avez déjà en main, mais mettent davantage l'accès...

M. Boisclair: L'accent.

M. Beauregard (Claude): ...illustrent davantage les points communs. Ça va?

Le Président (M. Gaulin): Bien. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je voudrais, M. le Président, revenir sur la question des règles d'accès et la possible intégration dans le Code des professions. Évidemment, j'imagine qu'il s'agit de votre part d'un intérêt de voir tout cela décentralisé. Ma question, ça concerne... Quel serait l'organisme de contrôle chez vous dans cette optique-là?

(14 h 50)

M. Beauregard (Claude): J'estimerais d'emblée que toutes les dispositions qui sont inscrites dans le Code des professions sont sous la supervision de l'Office des professions, d'une part, et du ministre, évidemment, titulaire du portefeuille des professions. Et, par ailleurs, comme on l'a indiqué plus tôt, en ce qui concerne cette question d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, on estime qu'il devrait y avoir un assujettissement ou une possibilité de recours auprès de la Commission d'accès à l'information, en ce qui concerne l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels.

Cependant, le grand avantage qu'il y aurait, c'est que, comme mon collègue le signalait, on saurait d'emblée, et clairement, et d'entrée de jeu, par les dispositions inscrites dans le Code, à quelles informations le public a un droit d'accès immédiat et sans le moindre doute et, par conséquent, inutilité de devoir exercer un recours à quelque endroit que ce soit. Ce serait un avantage significatif et ce serait très expéditif et très clair pour les membres du public, pour les professionnels, pour les plaignants qu'ils ont accès, et ça nous paraît un avantage distinctif par rapport à un rattachement à l'une ou l'autre des deux lois.

M. Payne: Vous n'avez aucune inquiétude que ça soit l'Office des professions qui ait cette responsabilité-là, de contrôle?

M. Gagnon (Richard): En fait, chaque ordre professionnel est au départ, sera au départ tenu de respecter la loi qu'est le Code des professions. Donc, c'est chaque ordre professionnel qui, dans le cadre de son autonomie de gestion, devra établir les mécanismes appropriés pour garantir que les obligations qui lui sont imposées par le Code des professions en ce qui concerne la gestion des renseignements personnels sont bien assumées. Tout citoyen se considérant lésé par une décision d'un ordre professionnel sur sa réponse à donner accès ou non à telle information pourrait effectivement aller en appel ou utiliser son droit de recours devant la Commission d'accès à l'information. Alors, bien sûr, l'Office des professions a la responsabilité de s'assurer que le Code des professions, qui est une loi qui est respectée par chacun des ordres... Mais, d'abord et avant tout, chaque ordre professionnel a la responsabilité de respecter la loi, donc sera responsable de respecter les dispositions incluses dans le Code concernant la gestion de l'information.

M. Payne: L'Office des professions, qu'est-ce qu'il pense de votre désir?

M. Beauregard (Claude): On a eu des échanges avec l'Office des professions à ce sujet-là. Je crois l'Office disposé à explorer avec nous la voie de l'assujettissement via le Code des professions. L'Office des professions a déjà émis une analyse qui est répercutée en partie d'ailleurs dans le rapport de la Commission d'accès à l'information. D'ailleurs, certaines de nos discussions avec eux nous amenaient à être sensibles particulièrement à certaines dispositions. Autrement dit, il y a de la précaution à prendre pour éviter que dans un assujettissement via la loi du secteur privé il y ait une certaine confusion dans le public en nous assimilant à des entreprises et, en apparence en tout cas, ou au moins symboliquement, en mettant moins l'accent sur la mission principale des ordres qui est celle de la protection du public. Alors, on a eu des échanges avec eux là-dessus. Je les crois – ils pourront sans doute vous le confirmer – disposés à explorer cette voie du rattachement, de l'assujettissement via des dispositions spécifiques dans le Code des professions.

M. Payne: Est-ce qu'on doit déduire que vous écartez d'emblée toute implication, par exemple que le syndic, ou un ordre, ou un comité de discipline puisse avoir un droit de regard sur cela comme organisme de contrôle?

M. Gagnon (Richard): Pouvez-vous préciser un peu votre question?

M. Payne: Est-ce qu'on peut déduire, à partir de ce que vous proposez, c'est-à-dire que l'Office des professions assumerait ce rôle-là, que par exemple un syndic ou un comité de discipline n'aurait aucune interférence?

M. Gagnon (Richard): Très bien. Votre question...

M. Payne: Comprenez-vous?

M. Gagnon (Richard): Oui, elle est très pertinente en effet, parce que, effectivement, un élément qui est déterminant dans tout ce processus de réflexion sur l'utilisation des renseignements, c'est de s'assurer que le syndic ou les comités de discipline vont continuer de profiter d'une indépendance dans leur travail et dans leur jugement qui est nécessaire pour qu'effectivement ils assument leurs obligations correctement. Honnêtement, on ne voit pas de problème. Déjà, les règles liées à l'utilisation de l'information devant les comités de discipline, les règles liées à l'élaboration des dossiers d'enquête sont déjà assez bien précisées et il n'y a pas de raison que des précisions supplémentaires dans le Code des professions fassent perdre au syndic ou aux comités de discipline l'indépendance dont ils ont besoin. Et si une organisation doit être sensible à ces réalités, c'est bien l'Office des professions.

M. Payne: Il me semble que c'est assez primordial de s'assurer de cette indépendance-là.

M. Gagnon (Richard): Vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Gaulin): Alors, voilà tout le temps dont on...

M. Payne: Est-ce que je peux poser une autre question?

Le Président (M. Gaulin): Très rapidement, s'il vous plaît. Il reste 10 minutes.

M. Payne: En ce qui concerne l'assujettissement, que pensent vos membres?

M. Gagnon (Richard): Les membres des ordres professionnels?

M. Payne: Oui. Est-ce que vous les avez consultés?

M. Beauregard (Claude): Les membres des ordres professionnels, je vous avoue qu'on n'a pas consulté le quart de million de professionnels au Québec, mais leurs ordres ont pris publiquement position et depuis un bon moment. Les 43 ordres se sont prononcés en faveur de la position de l'assujettissement via le Code et en position de repli. Si, pour une raison ou pour une autre, l'Assemblée nationale déterminait qu'il faut s'en tenir à l'une ou l'autre des deux lois existantes, on favorise, les ordres ont tous unanimement favorisé l'assujettissement via, comme le disait M. le ministre, la loi du secteur privé.

M. Payne: Deux cent cinquante mille, c'est une chose, mais, vous aussi, vous avez vos ordres. Alors, vos ordres avaient les moyens de consultation.

M. Beauregard (Claude): Oui.

M. Payne: Je pense que c'est une démarche essentielle.

M. Beauregard (Claude): La position des ordres est connue depuis longtemps, si vous voulez.

M. Gagnon (Richard): Vous savez, pour les ordres professionnels, ce qui est prioritaire, c'est de s'assurer que les nouvelles dispositions liées à la gestion de ces informations ne viennent pas compliquer davantage le travail déjà très complexe de protection du public qu'ils ont à assumer et, pour tout le monde, il apparaît évident que des modifications au Code des professions constituent la voie prioritaire à soutenir.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse surtout à Me Doray. Est-ce qu'il y a d'autres aspects de la réglementation des professionnels qu'on devrait être en train de regarder dans le cadre de notre travail? Je vais vous donner un exemple. Je m'excuse de ne pas avoir la citation exacte, je pourrais vous la trouver, mais il y a une décision récente, si ma mémoire est bonne, c'est la Cour d'appel en Nouvelle-Écosse qui est venue confirmer une lignée prépondérante de jurisprudence à l'effet que les registres des comptes en fidéicommis des avocats, dans le cadre d'une perquisition en matière d'impôts par exemple, ça, c'était de l'information que le gouvernement avait le droit d'avoir. Cependant, les factures elles-mêmes entre un avocat et son client étaient protégées par les règles de la «common law» garantissant le secret, protégeant le secret entre l'avocat et le client. Est-ce qu'il y a des aspects de cette nature-là qui devraient nous préoccuper au moment où tout ça, c'est sur la table, si on veut assujettir le système professionnel à de nouvelles règles, peu importe le chemin? Est-ce qu'il y en d'autres de ces aspects-là qu'on devrait être en train de regarder?

M. Doray (Raymond): M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Me Doray.

M. Doray (Raymond): De fait, dans le rapport de mise en oeuvre de la Commission d'accès à l'information, on cite un texte de doctrine, que j'ai eu le bonheur d'écrire, qui décrit le système d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels et de secret professionnel dans le milieu des ordres professionnels comme étant un millefeuille de normes inextricables. Et je pense qu'il y a à l'heure actuelle un fouillis réglementaire sur les règles qui gouvernent l'accès à l'information et les obligations des professionnels en matière d'accès à l'information envers leurs clients de la part que joue le secret professionnel. Et l'exemple que vous avez fourni tout à l'heure, notamment du médecin contrôleur et de l'obligation qu'il a à l'égard de celui qui lui donne un mandat versus l'obligation qu'il a à l'égard de la personne qui fait l'objet de l'examen, est un exemple, je pense, flagrant, d'abord du caractère complexe et souvent contradictoire des normes existantes et de l'absence de jurisprudence pour venir les éclairer.

Alors, il serait très bon que le législateur fasse un exercice de nettoyage dans ce domaine-là et qu'il précise les règles, d'autant plus qu'il y a eu des grands principes qui ont été énoncés par les tribunaux au cours des dernières années, notamment par la Cour suprême du Canada en matière de communication de la preuve dans le contexte disciplinaire. Mais il est peut-être temps maintenant de les consacrer dans les lois parce que tout le monde ne lit pas les jugements de la Cour suprême du Canada et, d'ailleurs, je ne leur souhaite pas de le faire le soir avant de se coucher.

M. Mulcair: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci beaucoup. Je remercie beaucoup le Conseil interprofessionnel du Québec d'être venu déposer devant nous.

M. Beauregard (Claude): M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. de la commission, on vous remercie de nous avoir entendus et on a trouvé la possibilité de vous donner ces éclaircissements extrêmement intéressante. On a apprécié l'échange. Au nom du Conseil et de mes collègues, on vous remercie.

(15 heures)

Le Président (M. Gaulin): Nous de même. Alors, j'inviterais les membres de la Communauté urbaine de Montréal à s'approcher de la table. Bienvenue. J'imagine que c'est M. Brochu qui est le porte-parole.

M. Savoie (Armand): Non, c'est M. Armand Savoie. Je suis le porte-parole.

Le Président (M. Gaulin): Alors, si M. Savoie voulait nous présenter les gens qui l'accompagnent. On connaît déjà M. Brochu.


Communauté urbaine de Montréal (CUM)

M. Savoie (Armand): C'est ça. Alors, à ma gauche, c'est Me Paul Quézel, qui est le conseiller en matière d'accès à l'information à la Communauté urbaine de Montréal. Il conseille et la Communauté et le Service de police. Et, à ma droite, c'est M. Léonard Brochu, du Service de police, qui est le représentant de l'accès à l'information au volet police.

Le Président (M. Gaulin): Vous disposez de 20 minutes et, ensuite, nous échangerons.

M. Savoie (Armand): Merci, M. le Président. La présentation va se partager entre M. Brochu, du Service de police, et moi-même, pour la Communauté urbaine de Montréal.

M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez aujourd'hui de formuler nos commentaires dans le cadre de cet exercice quinquennal sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès des organismes publics et des renseignements personnels ainsi que de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Rappelons tout d'abord que la Communauté urbaine de Montréal est évidemment un organisme public tel que défini à l'article 5 de la loi sur l'accès des organismes publics. Elle exerce sa juridiction sur un ensemble de services dispensés en commun sur le territoire comme, par exemple, le Service de police, le Service d'évaluation, le Service de l'environnement, qui regroupe l'assainissement de l'air et de l'eau, ainsi que l'inspection des aliments, et le Bureau du taxi, pour n'en nommer que quelques-uns.

À la Communauté urbaine de Montréal, le traitement des demandes d'accès est réparti entre deux responsables d'accès. Il y a le responsable de l'accès à l'information pour le Service de police de la Communauté et le responsable de l'accès pour la Communauté urbaine de Montréal pour les autres services. Annuellement, nous répondons à environ 1 000 demandes d'accès officielles, par année, réparties entre les deux responsables, en plus de nombreuses autres demandes d'accès traitées directement aux différents comptoirs accessibles au public.

Depuis quelques années, nous sommes en mesure de constater un accroissement continuel du nombre des demandes d'accès formulées à la Communauté urbaine de Montréal. Est-il besoin de préciser que, depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'accès en 1985, la Communauté urbaine de Montréal a toujours fait preuve d'une grande ouverture face aux demandes et que nous sommes toujours fidèles à notre politique en cette matière? Toutefois, cette ouverture a toujours été faite en ayant à l'esprit la protection des renseignements personnels. Puisque, en matière d'accès à l'information, nous sommes régis par la loi sur l'accès dans le secteur public, nos commentaires ne porteront que sur cette dernière. Alors, voici nos commentaires.

De façon générale, nous sommes en accord avec la plupart des recommandations faites par la Commission d'accès à l'information dans son rapport. Cependant, nous avons des réserves sur certaines modifications proposées à la loi. Pour les fins de notre mémoire et pour celles de notre présentation, nos commentaires suivront l'ordre numérique des articles de la loi. Enfin, nous terminerons par des recommandations qui n'ont pas été abordées par la Commission d'accès dans le cadre de son rapport.

Commençons par les modifications proposées à l'article 26 de la loi. Cette disposition oblige un organisme public à divulguer un renseignement visé par les articles 22, 23 et 24 de la loi, soit un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical, lorsque ce renseignement permet de connaître ou de confirmer l'existence d'un risque immédiat pour la santé ou la sécurité d'une personne ou une atteinte irréparable ou sérieuse à son droit à la qualité de l'environnement. Avant de communiquer un tel renseignement, l'organisme public est cependant tenu d'aviser le tiers de son intention de transmettre ce renseignement. Une fois cet avis donné au tiers, l'organisme public peut transmettre ce renseignement avant même que le tiers ait eu l'occasion de commenter l'opportunité de le rendre public.

Dans son rapport, à la page 11, la Commission d'accès propose de retirer l'article 26 de la section consacrée aux restrictions relatives aux renseignements ayant des incidences sur les sujets visés aux articles 22, 23 et 24 de la loi et de le faire plutôt apparaître dans la section traitant des règles générales d'accès. De plus, la Commission propose de modifier cette disposition de sorte qu'elle puisse s'appliquer à l'encontre de tout motif de refus de communication de renseignements.

Notre compréhension de cette proposition est la suivante. Puisque l'article 26 devrait apparaître dans la section traitant des règles générales d'accès, nous ne serions plus tenus d'aviser le tiers de notre intention de publier un renseignement constituant un risque immédiat pour la santé ou la sécurité d'une personne ou une atteinte sérieuse ou irréparable à son droit à la qualité de l'environnement. C'est l'abolition de cet avis au tiers qui nous incite à vous recommander le statu quo en ce qui concerne l'article 26. Nous sommes d'avis qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de supprimer l'obligation d'aviser le tiers. En effet, nous pensons que l'avis au tiers, requis en vertu de l'article 26, sécurise les entreprises qui nous communiquent des renseignements dans le cadre de l'application des règlements sur l'assainissement des eaux usées, sur le rejet à l'égout d'éléments polluants et sur l'assainissement de l'air sur notre territoire. En revanche, nous craignons que la disparition de l'obligation qui nous incombe d'aviser les entreprises avant de rendre public un de ces renseignements n'incite les entreprises à une certaine discrétion qui nous priverait ou priverait le public de la connaissance d'un renseignement qui pourrait constituer un risque pour la santé ou la sécurité d'une personne. C'est donc par mesure de prudence que nous proposons le statu quo en ce qui concerne l'article 26 et le maintien de l'obligation de l'avis au tiers.

La Commission recommande également, aux pages 108 et 109 de son rapport, la réduction de certains délais pour permettre un accès plus rapide à certains types de documents. Bien que d'accord avec la réduction des délais proposés par la modification des articles 33 et 35, nous pensons néanmoins qu'un organisme public devrait pouvoir continuer de refuser de communiquer un avis ou une recommandation émanant d'un de ses membres, ou d'un de ses mandataires, pendant une période de 10 ans et non pas de cinq ans, tel que proposé par la Commission à l'article 37. Le but de ce délai de 10 ans étant de mettre à l'abri le processus décisionnel des organismes publics de toute influence extérieure, nous pensons que, dans certains cas, le processus décisionnel pourrait effectivement être entravé par la divulgation prématurée d'avis ou de recommandation.

En effet, certains projets d'envergure s'échelonnent sur plusieurs années. Il arrive qu'une décision soit prise plus de cinq ans après que l'avis ou la recommandation ait été faite à l'organisme public. Nous avons à l'esprit la construction du métro ou la construction des collecteurs des eaux usées et de la station d'épuration des eaux qui se sont réalisées sur des périodes dépassant 20 ans pour le métro et 15 ans pour les collecteurs et la station d'épuration. Il n'est nul besoin de vous expliquer que de tels projets ont fait l'objet de nombreuses études et recommandations à leur début tout comme au cours de leur réalisation. Nous craignons alors que, dans le cadre de la réalisation de projets de cette envergure, un délai de cinq ans ne soit pas suffisant pour assurer la protection et l'intégrité du processus décisionnel des organismes publics. C'est dans ce sens que nous proposons, encore là, le statu quo et le maintien du délai de 10 ans prévu à l'article 37 de la loi.

La Commission propose aussi, à la page 52 de son rapport, que le législateur envisage la modification de l'article 55 de la loi sur l'accès afin de limiter la diffusion de banques de données qui contiennent des renseignements personnels à caractère public. Nous sommes généralement d'accord avec une telle proposition et il faut préciser que nous reconnaissons qu'il n'est pas de l'intérêt du public de rendre publics tous les renseignements personnels à caractère public prévus par la loi. Par contre, nous reconnaissons à tous les citoyens leur droit d'accès aux renseignements et aux documents publics détenus par un organisme public. Afin de concilier ces deux approches, nous proposons de faire en sorte que le droit d'accès à la pièce à un renseignement personnel à caractère public soit maintenu, et ce, quel que soit le moyen d'accès à ce renseignement. Ainsi, un rôle d'évaluation qui serait rendu disponible par consultation informatique – alors, là, on peut penser à Internet – respecterait l'objectif de la loi en autant qu'il ne permette qu'une consultation à la pièce des renseignements personnels à caractère public qu'il contient.

Par ailleurs, la loi devrait interdire aux organismes publics de diffuser et de permettre le transfert en vrac de fichiers complets de renseignements personnels à caractère public, et ce, quel que soit le moyen d'accès utilisé. En outre, la loi devrait clairement interdire à tout organisme public de communiquer intégralement de tels fichiers sur simple demande d'un citoyen, quelle que soit la forme du fichier. Ces restrictions devraient, l'espérons-nous, permettre à la fois de respecter le droit d'accès des citoyens, de maintenir l'objectif visé par la loi et de tenir compte de la réalité technologique de notre époque.

(15 h 10)

Dans un autre ordre d'idées, en matière de contrats de services entre un organisme public et une personne physique, nous croyons, au nom des motifs qui concernent à la fois la transparence de l'administration publique et l'équité, que l'on ne doit pas permettre la publication de secrets industriels ou de renseignements financiers, commerciaux ou autres, habituellement traités de façon confidentielle par une personne physique. Les articles 23 et 24 de la loi étant les seules dispositions permettant la protection de tels renseignements, nous proposons donc de conserver ces dispositions intactes et d'étendre également leur protection aux contrats qu'un organisme public conclut avec une personne physique comme c'est le cas des contrats intervenus avec une personne morale. En conséquence, nous proposons de modifier le paragraphe 3° de l'article 57 et de prévoir l'extension des articles 23 et 24 de la loi aux contrats de services conclus avec une personne physique.

Enfin, à la page 133 de son rapport, la Commission recommande que le juge de la Cour du Québec siégeant en appel d'une décision de la Commission ne puisse condamner le demandeur intimé aux dépens. Cette recommandation favoriserait, dit-on, un meilleur accès à la justice. Selon notre expérience, puisque nous sommes ici pour en témoigner, cette possibilité de condamnation aux dépens n'empêche pas les citoyens d'exercer leurs droits découlant de la loi, qu'il s'agisse d'une demande de révision ou d'une requête pour permission d'appeler. L'augmentation constante du volume des causes traitées tant en révision qu'en appel saura peut-être nous en convaincre.

Il faut aussi réaliser que les demandeurs ne sont pas tous de simples citoyens démunis. Il y a aussi de plus en plus des entreprises bien nanties qui font parvenir aux organismes publics des demandes d'accès et qui demandent la révision de nos décisions, ainsi que la loi le leur permet. À défaut d'abus manifestes et d'injustices flagrantes à l'égard de citoyens condamnés aux dépens, chose dont nous n'avons jamais eu connaissance, nous croyons qu'il serait plus sage d'observer le statu quo en cette matière et de laisser le juge de la Cour du Québec déterminer l'opportunité de la condamnation aux dépens.

Maintenant, notre recommandation pour la Communauté. Par ailleurs, en ce qui concerne les modifications à la loi que la Communauté urbaine de Montréal souhaiterait voir adoptées et qui n'ont pas été abordées par le rapport de la Commission, parlons du cas, si vous le voulez bien, de l'article 87.1. Cette disposition permet aux organismes publics qui y sont mentionnés spécifiquement la possibilité de refuser provisoirement à un demandeur la communication d'un renseignement nominatif le concernant lorsque, de l'avis de son médecin traitant, il pourrait en résulter pour le demandeur un préjudice grave pour sa santé. L'article 87.1 est la seule disposition de la loi sur l'accès qui permet à un organisme de refuser au demandeur l'accès à des renseignements qui le concernent, mais qui pourraient néanmoins causer des préjudices graves à sa santé. Encore faut-il être un organisme prévu à cet article afin de pouvoir se prévaloir de ce privilège. Les médecins de la Communauté urbaine de Montréal, comme ceux d'autres organismes, ne peuvent invoquer cette disposition de la loi ni aucune autre parce qu'ils ne font pas partie des organismes spécifiquement autorisés à refuser à un demandeur l'accès à des renseignements pouvant lui être préjudiciables. Nous pensons, et ce, dans le meilleur intérêt du demandeur dont la santé pourrait être gravement affectée par la communication de renseignements que nos médecins possèdent à son sujet, qu'il est tout à fait inacceptable que nous ne puissions lui refuser temporairement un tel renseignement sur la base de l'avis du médecin traitant du demandeur lui-même. C'est pourquoi nous recommandons d'apporter à l'article 87.1 des modifications pouvant permettre à nos médecins ou à ceux d'autres organismes publics de protéger la santé du demandeur quand il est de l'avis de son médecin traitant qu'il en résulterait vraisemblablement un préjudice grave pour la santé du demandeur.

Alors, tels sont les commentaires que nous avions à formuler à cette commission. Maintenant, je cède la parole au représentant du Service de police.

Le Président (M. Gaulin): Il vous reste quelques minutes.

M. Brochu (Léonard): Rapidement. M. le Président, M. le ministre, Mme, MM. les députés, merci de permettre au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal de faire ses commentaires sur le mémoire de la Commission d'accès à l'information et de faire des suggestions quant à la modification de certaines dispositions de la loi sur l'accès. Je commencerai donc par nos commentaires et enchaînerai sur les propositions d'amendement.

Toutefois, afin de vous situer sur mon rôle quant à la loi sur l'accès au sein du Service de police de la CUM, je voudrais vous signaler que je suis conseiller au responsable de l'accès. Je suis policier depuis 31 ans. Depuis 11 ans, je traite toutes les demandes d'accès adressées au sein du SPCUM. J'ai, à quelques reprises, sur des sujets traitant des renseignements policiers et de la loi sur l'accès, été conférencier, particulièrement accompagné de M. Paul-André Comeau lors de la visite de policiers de six pays d'Afrique dans le cadre de la démocratisation des pays d'Afrique.

Ceci dit, je vais enchaîner avec l'article 55, pour compléter ce que mon collègue disait. Pour ajouter quelques commentaires quant à l'article 55, je voudrais vous illustrer, à partir d'un exemple, une situation que notre Service a vécue. En janvier 1997, une demande d'accès au fichier complet du Service de police de la CUM fut faite par le Groupe de recherche interdisciplinaire sur la police. Ce dernier voulait connaître les nom, prénom, grade, matricule et poste d'attache ou d'unité de tous les policiers ainsi que leur future affectation dans les postes de quartier. La CAI, dans sa décision, mentionne que l'économie générale de la loi n'a pas pour objectif de développer une banque de renseignements parallèles. En l'occurrence, il y aurait lieu d'inclure à l'exception de l'article 57 qu'un renseignement concernant un membre d'un organisme public demeure accessible sans pour autant communiquer le fichier complet. Je pourrai y revenir dans vos questions sur ce cas-là.

Commentaires à l'article 59, c'est la page 9 du mémoire de la CUM, la recommandation n° 30 de la CAI. Nous sommes en désaccord avec la CAI quant à l'abolition du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 59.9°. En effet, tel qu'expliqué dans notre mémoire, le SPCUM n'a jamais utilisé ce pouvoir discrétionnaire pour refuser l'accès à un document. Ce pouvoir discrétionnaire ne fut utilisé que dans les cas où une personne avait été désignée faussement comme suspecte. Nous lui aurions causé doublement préjudice en révélant son identité aux fins de poursuite alors qu'elle n'était nullement concernée.

Les articles 67 et 68.1, c'est la page 11 de notre mémoire, la recommandation n° 8 de la Commission d'accès à l'information. Nous sommes en désaccord avec les recommandations de la Commission d'accès. Succinctement, ce que nous disons, c'est de conserver l'article 67 tel quel dans son essence, tout en y obligeant les organismes publics ayant conclu un protocole sous l'égide de cet article à en remettre copie à la CAI. De cette manière, la CAI serait en mesure de connaître l'ampleur des échanges de renseignements faits par le biais de protocoles tant en vertu de l'article 67 que de l'article 68 et d'assumer son rôle de surveillance. Quant à l'article 68.1, nous souhaitons vivement que soit éclaircie la notion d'appariement de fichiers afin d'éviter tout imbroglio. À cet égard, nous ne croyons pas qu'un accès partiel à un fichier puisse être considéré comme un appariement, mais plutôt comme un accès à la pièce par des moyens informatiques.

Pour conclure sur ces articles, avec les propos de M. Paul-André Comeau lors de la présentation de son mémoire, nous ne croyons pas être au crépuscule de la conclusion de protocoles, mais, au contraire, nous n'en sommes qu'au balbutiement. En effet, avec les notions de partenariat qui circulent présentement dans notre communauté, il ne se passe pas une semaine sans que nous soyons consultés sur la mise en oeuvre de protocoles. De plus, avec les délais de réponse actuels de la Commission d'accès à l'information, je ne crois pas qu'il soit approprié d'étendre le contrôle a priori à l'article 67. À titre d'exemple, dans notre mémoire, nous mentionnions que, depuis deux ans, nous attendons l'accord de la Commission d'accès suite à une proposition de protocole.

La proposition du SPCUM, maintenant, quant à des modifications à certains articles de la loi. C'est d'ailleurs les deux principaux articles, 59.3° et 59.4°, qui causent chez nous des irritants. Cette disposition 59.3° permet à un organisme public de communiquer à une personne chargée de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois un renseignement nominatif sans le consentement de la personne concernée si le renseignement est requis aux fins d'une poursuite pour infraction à une loi applicable au Québec. Cette disposition semble favorable aux corps policiers, mais, pour ce faire, il ne faut surtout pas s'adresser aux établissements de santé et de services sociaux afin d'obtenir certains renseignements relatifs à leurs usagers.

À titre d'exemple, voici un cas vécu. Le SPCUM inscrit au fichier du Centre d'information policière canadienne le nom d'une juvénile en fugue de Montréal. Cette jeune fille pourrait être en route pour Toronto, particulièrement dans les milieux de la prostitution. Plus tard, la police de Toronto trouve le cadavre carbonisé d'une jeune fille pouvant correspondre à la disparition rapportée par le SPCUM. Afin de l'identifier positivement, la police de Toronto demande au SPCUM d'obtenir la fiche dentaire et le groupe sanguin de la jeune fille disparue. Sachant que la jeune fille disparue avait été traitée à Sainte-Justine, une demande leur fut adressée par le SPCUM avec l'autorisation des parents. L'hôpital refusa l'accès à ces informations sous prétexte que ces renseignements étaient confidentiels et que le Service de police avait besoin du consentement de la personne concernée lorsqu'il s'agissait d'une personne de plus de 14 ans.

Il arrive aussi que, suite à la commission d'un crime, les policiers soupçonnent le suspect de s'être présenté à un hôpital afin d'obtenir des soins, dû à des blessures occasionnées par la commission de son crime. Sans vouloir connaître le dossier médical de cet usager, les policiers ont le devoir de localiser ce suspect et de procéder à son arrestation s'il y a lieu. Pourtant, ils se butent constamment au silence du personnel hospitalier et à leur refus systématique de confirmer le passage de cet usager dans leur établissement.

(15 h 20)

À la lumière de ces situations qui se répètent trop souvent, vous comprendrez qu'il est parfois difficile de s'expliquer qu'aucune disposition légale ne permette aux corps policiers, et en particulier au SPCUM, d'avoir accès à certains renseignements personnels concernant les usagers des établissements de santé et de services sociaux, surtout quand ils mettent en cause les intérêts supérieurs de la justice. On se croirait revenu au Moyen Âge où les fugitifs se réfugiaient dans les églises, endroits qui étaient inviolables par qui que ce soit. Aujourd'hui, nos criminels n'ont qu'à se rendre dans les hôpitaux pour avoir le même privilège. Évidemment, tout tourne autour de l'article 59.3° de la loi sur l'accès et de l'article 28 de la loi sur les services de santé qui doivent être modifiés. De plus, la portée de l'article 59.3° devrait être étendue aux notions d'enquêtes et non seulement aux poursuites judiciaires. Présentement, nous avons une cause devant la Commission d'accès à l'information contre la Régie de l'assurance-maladie qui nous refuse l'information, à savoir si un disparu a été traité dans un hôpital au Québec.

Maintenant, la proposition relativement à l'article 59.4°, c'est la page 24 de notre mémoire. L'article 59.4° de la loi sur l'accès permet à un organisme public de transmettre un renseignement nominatif, sans le consentement de la personne concernée, à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne concernée. En d'autres termes, un organisme public pourra transmettre un renseignement nominatif à quelqu'un, quand il y a urgence et danger pour la vie, la santé ou la sécurité de cette personne et non pas de toutes les personnes. Il y a une nuance qui est très importante. On conviendra qu'il y aurait avantage à permettre qu'un organisme public puisse transmettre un renseignement nominatif non seulement pour sauver la vie de cette personne, mais aussi si le renseignement concernant cette personne pouvait sauver la vie, la santé ou la sécurité de toute autre personne. En conséquence, nous recommandons que l'article 59.4° soit modifié et qu'il se lise ainsi: «à une personne à qui cette communication doit être faite en raison d'une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une ou de plusieurs personnes.»


Document déposé

À titre d'exemple de cas vécu – et je termine là-dessus – un pédophile condamné à sept reprises s'apprêtait à offrir ses services, à titre de bénévole, pour oeuvrer auprès des enfants dans pas moins de 17 commissions scolaires – d'ailleurs, je vous ai remis un document à cet effet – et autant d'écoles. De plus, il avait été accepté comme bénévole à l'hôpital Sainte-Justine – vous avez d'ailleurs l'acceptation de l'hôpital Sainte-Justine – pour oeuvrer auprès des enfants. Présentement, l'article 59.4° ne permet pas d'informer qui que ce soit d'un danger quelconque, si ce n'est une situation d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une personne concernée par ce renseignement. En conclusion, il serait très important que des mesures soient prises afin que de telles situations puissent être évitées. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Nous avons un problème ici. D'abord, je voudrais rappeler aux membres de cette commission l'article 162, dépôt de documents. Nous avons entre les mains des documents dont je n'ai pas autorisé le dépôt. Je peux le faire volontiers si on les identifie.

M. Boisclair: ...du règlement. On les a.

M. Savoie (Armand): On s'excuse. Les dépôts des documents consistaient en la présentation...

M. Boisclair: Ce n'est pas un dépôt de documents.

M. Savoie (Armand): ...et des documents additionnels au niveau des cas cités dans notre exposé.

Le Président (M. Gaulin): On ne considère pas comme un dépôt de documents.

M. Boisclair: Non, non.

Le Président (M. Gaulin): Je voudrais bien décider avec les gens. C'est parce que, entre autres, vous avez un document où, au laser, on pourrait retrouver des identités éventuellement. Enfin, on est à la commission de protection...

M. Boisclair: Mais il n'est pas déposé.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui, effectivement, il y a une question de principe ici, M. le Président. On n'a pas eu un caucus de notre côté à ce sujet-là, mais mes considérations d'ordre général, ce serait de regarder avec beaucoup de circonspection le dépôt aléatoire d'un document devant la commission sans consentement au préalable. Surtout dans ce cas-ci, il s'agit d'un document qui n'est pas identifié. Nous avons reçu ça par le page, à l'instant. À première vue, c'est une question d'une certaine sensibilité. Ça touche un hôpital identifié. Ça touche un individu qui n'est pas exactement identifié, mais il y a des éléments d'identification là. Je pense qu'on devrait regarder avec beaucoup de prudence avant qu'on fasse un précédent de permettre le dépôt de documents qui concernent un particulier pour ne pas parler d'un dépôt de tout document qui n'a pas reçu au préalable le consentement de chaque parti.

Le Président (M. Gaulin): Alors, si vous vivez à l'aise avec... Ce que je pourrais vous suggérer, c'est qu'on reçoive le document, qui est nettement identifié, du lieutenant Léonard Brochu, comme document officiel étant déposé. Les autres choses ont été dites, soit par l'un de vous deux, et ça irait comme ça. On peut passer à la période de questions. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous...

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je voudrais juste bien savoir. Les trois documents que nous avons reçus sont traités maintenant comme déposés?

M. Boisclair: Non.

Le Président (M. Gaulin): Non, je viens de dire qu'on traite celui-là comme déposé officiellement, les autres étant considérés comme des notes de présentation. Ceci, c'est le texte qui a été lu par M. Brochu en particulier. C'est ça? Quant au reste, vous l'avez entre les mains, mais ce n'est pas déposé devant la commission. Ça réfère au texte qu'on vient de nous donner.

M. Williams: Je ne veux pas retarder les discussions, M. le Président...

Le Président (M. Gaulin): Non, non, mais on est là pour ça.

M. Williams: ...mais je voudrais bien comprendre. Est-ce que j'ai trois documents en main ou je n'ai pas trois documents en main?

Le Président (M. Gaulin): Vous les avez en main. La commission en a reçu un comme dépôt, c'est celui-là. Il est signé. C'est parce que, en vertu de la jurisprudence...

Une voix: ...

Le Président (M. Gaulin): Est-ce que je pourrais diriger?

M. Williams: Je voulais juste bien comprendre ce que vous avez dit. Ce n'est pas mon intention de retarder ça.

M. Boisclair: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Gaulin): Oui.

M. Boisclair: Est-ce qu'on peut procéder, moi, s'il vous plaît, à la période de questions? C'est de la jésuitique, là. Il s'agirait tout simplement que ces gens-là aient ajouté leurs documents à leur mémoire qu'on les aurait reçus. Alors, je comprends que ça fait partie intégrante de leur présentation au même titre que les copies de mémoire, au même titre que les résumés qui nous sont remis par des gens qui viennent ici, que nous recevons. Ce document-là doit être traité...

Le Président (M. Gaulin): Si les gens se rallient à ce point de vue là, je le veux bien.

M. Williams: O.K.

Une voix: Bien oui. Parfait.

Le Président (M. Gaulin): Vous êtes d'accord? Allez-y, M. le ministre, vous avez la parole. Vous vous adresserez à la présidence. Je vous remercie.

M. Boisclair: Alors, ça me fait plaisir de vous accueillir et de vous dire que votre point de vue est d'autant plus apprécié que c'est un point de vue qui vient du terrain, très pratico-pratique, et qu'il y a des choses importantes que vous soulevez en termes de préoccupations, et c'est la première fois qu'elles sont soulevées dans cette commission. Donc, je voudrais vous remercier de porter à notre attention des problèmes particuliers sur lesquels je voudrais revenir. Je voudrais y aller peut-être en trois temps pour être bien sûr que nous vous avons bien compris et pour qu'on puisse par la suite, nous-mêmes, approfondir notre analyse.

Premièrement, sur les délais. Vous interpellez essentiellement sur les articles 33, 37. À 33, vous dites que vous êtes d'accord avec la recommandation de la Commission d'accès à l'information pour diminuer les délais. À 37, vous dites: Attention! Moins de 10 ans, ça vous cause problème. Est-ce que vous avez regardé l'article 39? On a enregistré vos points de vue sur 33 et 37. À 39, ce sont les analyses qui sont produites à l'occasion d'une recommandation faite dans le cadre d'un processus décisionnel en cours. C'est une période de cinq ans. Ni la Commission d'accès à l'information ni vous ne vous êtes prononcés sur cette question. Dans la mesure où on doit quand même assurer une certaine cohérence, est-ce que vous avez une opinion particulière sur l'article 39 de la loi?

M. Savoie (Armand): Non, on n'a pas de problème particulier avec l'article 39 actuellement, en termes d'analyse. Parce que, au niveau de la définition, aussi, de ce qu'est une analyse par rapport à une recommandation ou un avis, pour nous, elle semblait vraiment très précise. On n'a pas de commentaires.

M. Boisclair: D'accord. L'article 59.3°, oui, il faut effectivement aller plus loin. Ce sont des questions – comment je pourrais vous dire? – qui sont, pour moi, légitimes. On pourrait, par exemple... Vous nous avez donné quelques exemples bien précis. Je peux très bien comprendre qu'il y en aurait d'autres. Je pense, par exemple, à l'histoire d'une personne qui serait portée disparue, mais qui pourtant serait en centre hospitalier, que vous auriez de la difficulté à retracer. Donc, je comprends qu'il serait pertinent d'élargir, si on prend cet angle-là, la portée de 59.3°.

(15 h 30)

Ce qui est craint, si vous me passez l'expression un peu commune, c'est que les policiers procèdent à des parties de pêche et utilisent ce pouvoir à des fins autres que celles qui sont aujourd'hui invoquées. La question qui se pose pour nous, c'est: De quelle façon? Est-ce que vous avez, soit une proposition de libellé... De quelle façon on pourrait baliser 59.3° pour à la fois répondre aux problèmes précis que vous soulevez et qui sont des problèmes réels que j'admets volontiers, mais aussi pour éviter de tomber de l'autre côté, dans l'autre extrême, là?

M. Brochu (Léonard): Dans l'excès. Évidemment, ce qu'on recherche, ce n'est pas nécessairement des renseignements médicaux sur le client de l'hôpital ou des services hospitaliers. Ce qu'on va rechercher, souvent, c'est des renseignements sur l'identité d'une personne. Dans l'exemple que j'ai donné, et il s'en produit d'autres... nous avons des disparitions qui se produisent. Or, la famille nous dit: Bien voici, peut-être que la personne s'est adressée à des hôpitaux, elle est peut-être allée se faire soigner, se faire traiter. Puis, à ce moment-là, on s'adresse aux hôpitaux pour savoir seulement... pour avoir une piste. Je ne pense pas que ce soit préjudiciable à l'individu de savoir qu'il a été traité, puisque sa famille le recherche. Je vous disais tout à l'heure qu'on avait une cause présentement devant la Régie. On a fait une demande à la Régie de l'assurance-maladie du Québec dans le cadre d'une disparition, effectivement, puis la famille nous disait que l'individu était peut-être allé à l'hôpital. On s'est fait répondre que non, c'étaient des renseignements confidentiels qui ne pouvaient pas nous être communiqués.

Or, dans 59.3°, il y a deux philosophies, deux écoles de pensée, quant aux articles qui gèrent ça dans la loi sur les services de santé, aux environs de 17 à 28. Il y a une philosophie qui dit que oui, ça s'applique, le 59.3°, aux établissements de santé, puis il y a une autre école de pensée qui dit que non. À date, ce que j'ai constaté, moi, de la part des services de santé, que ce soient les services juridiques, c'est qu'on ne bouge pas de crainte de s'enfarger, de faire quelque chose de pas correct. Je pense que c'est plus facile de ne rien faire que de faire quelque chose puis d'aller de l'avant. Là-dedans, je vous dirais que là on va avoir une audition devant la Commission d'accès à l'information pour statuer, puis je pense qu'on va peut-être pencher du côté de: Non, ils ne sont pas assujettis à ça. Mais, dans le cadre de nos enquêtes – je vous donne l'exemple de la disparition avec laquelle on s'en va devant la Commission – c'est cinq minutes que ça nous a pris, en Ontario, pour savoir si monsieur avait été traité dans un hôpital en Ontario. Ici, on se bute à un mur du silence. Puis d'autant plus qu'on nous dit: Prenez un mandat. Bien d'accord, on va prendre un mandat. Sauf qu'on va prendre un mandat de perquisition dans le cas d'événements de nature criminelle. On est dans le cadre d'une disparition, on ne peut pas prendre de mandat.

M. Boisclair: Non, mais ça, je comprends qu'il y a un problème. La légitimité du problème, là, elle est acceptée, elle est agréée, sauf que je voudrais bien le régler, mais je veux aussi éviter l'autre chose. Je comprends que, pour des fins de poursuite, vous avez besoin de renseignements. La question, c'est: Pour fins d'enquête, jusqu'à quel point 59.3° doit être utilisé? Et je comprends bien que, dans le cas d'une disparition, on n'est pas en matière criminelle. Je comprends que vous avez besoin de ces informations-là. La question tout simplement que je vous pose, c'est: Comment éviter l'excès aussi, l'arbitraire, puis que des gens, dans le cadre d'une enquête, fassent des parties de pêche et aillent chercher des renseignements qui ne sont pas nécessairement nécessaires, comme dans les cas que vous soulevez? Donc, si on élargit 59.3°, est-ce que vous avez réfléchi sur un libellé et sur des balises aussi à mettre pour respecter les principes qui sont inscrits à la loi?

Le Président (M. Gaulin): M. Brochu.

M. Brochu (Léonard): Je pourrais vous souligner que 59.3°, quand il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire... Et puis, si les services de santé sont soumis aux règles de la loi sur l'accès, ils pourraient être entendus devant la Commission d'accès à l'information, ils pourraient refuser l'accès à l'information; par contre, on aurait une porte de sortie, une audition qui pourrait être tranchée. Les parties de pêche pourraient être évitées de la part du tribunal de la Commission d'accès à l'information. Ça pourrait être un...

M. Quézel (Paul): Si vous me permettez d'intervenir là-dessus.

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. Quézel.

M. Quézel (Paul): C'est qu'on s'est interrogé aussi. On est conscient que ce sont des renseignements très sensibles puis qui peuvent causer problème...

M. Boisclair: Bien oui!

M. Quézel (Paul): ...dont la divulgation peut entraîner des problèmes pour celui qui est l'objet de cette divulgation-là.

M. Boisclair: Voilà.

M. Quézel (Paul): Et on est conscient aussi que les gens sont soucieux de vouloir éviter les parties de pêche, puis c'est très légitime. D'autres que la Commission d'accès et que cette commission-ci se sont interrogés sur les parties de pêche des policiers et il y a des solutions qui, dans d'autres lois, dans d'autres domaines du droit, ont été trouvées pour régler une partie ou tenter de régler une partie de ces problèmes-là. Et je fais référence aux mandats d'arrestation, aux mandats de perquisition. Les policiers doivent s'adresser d'abord et avant tout à des tribunaux ou à des juges de paix et faire autoriser au préalable l'arrestation qu'ils s'apprêtent à faire d'un individu ou encore la perquisition qu'ils doivent faire chez quelqu'un. On pourrait penser à un mécanisme semblable où, pour éviter que les policiers abusent de leurs droits ou de leur pouvoir en vertu de la loi d'accès, quand ils pensent qu'ils ont besoin d'un renseignement pour les fins d'une poursuite ou encore pour les fins d'une enquête, ils doivent s'adresser au préalable... On parle de contrôle a priori. On pourrait parler de contrôle a priori de la part de la Commission.

M. Boisclair: On va revenir là-dessus, oui.

M. Quézel (Paul): Non, non, mais... D'accord, mais, pour les fins de 59.3°, on pourrait penser à un mécanisme où le policier qui a besoin d'un renseignement s'adresse d'abord au commissaire qui évalue, lui, la pertinence de ce renseignement-là dans le cadre de l'enquête ou pour les fins de la poursuite judiciaire et qui, là, autorise ou pas le policier à obtenir ce renseignement-là, ce qui éviterait, à mon avis, des parties de pêche.

M. Boisclair: En tout cas, tout ça devient très, très, très théorique quand on sait aussi dans la vraie vie comment des policiers collaborent avec des enquêteurs privés, comment les gens se passent entre eux des renseignements.

M. Brochu (Léonard): C'est peut-être afin d'éviter ça, qu'on puisse l'encadrer.

M. Boisclair: Oui. En tout cas, je comprends là qu'il y a une question... Mais vous comprenez aussi la légitimité. Je comprends la proposition que vous nous présentez.

Je voudrais revenir sur une dernière chose qui est le contrôle a priori. Vous nous faites des recommandations concernant les articles 67 et 68.1 et essentiellement toute la question des échanges de renseignements. Vous proposez de ne pas instaurer un mécanisme d'évaluation préalable, que vous jugez irréaliste à cause des efforts que ça demanderait de contrôle et de surveillance, vous proposez plutôt de mettre une obligation de divulgation qui se ferait à la Commission d'accès à l'information. Est-ce que vous avez une idée comment ce devoir d'information pourrait, par exemple, se concrétiser dans un texte de loi ou dans le concret des choses? Parce que c'est une proposition qui est certainement originale.

M. Brochu (Léonard): Dans le moment...

Le Président (M. Gaulin): M. Brochu.

M. Brochu (Léonard): ...c'est que, pour le contrôle a priori en vertu de l'article 68.1, on doit se soumettre à la Commission d'accès à l'information. C'est tel quel. La Commission veut dans tous les cas...

M. Boisclair: Qu'il y ait un mécanisme d'évaluation préalable.

M. Brochu (Léonard): ...incluant 67, avoir tout ça. Mais comment on le fait? Présentement, ça se fait sous 68.1. Si ça ne se fait pas, quels sont les contrôles de la Commission? On est encore impuissant face à ça. Sauf que, si c'est porté à la connaissance de la Commission qu'il y a eu des protocoles d'entente de réalisés, bien, il y a toujours les sanctions de prévues dans la loi sur l'accès qui pourraient être appliquées, je pense.

M. Boisclair: Je vous remercie vraiment beaucoup pour cette présentation. L'article 59.4° est aussi un objet de préoccupation. Votre message est bien reçu sur cette question.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. M. Brochu, M. Savoie, M. Quézel, merci beaucoup pour votre présentation. Ça va vraiment nous aider énormément dans notre réflexion. Encore une fois, c'est toujours avec des gens qui apportent des cas concrets de domaines précis qu'on réussit à avancer le plus. Autant la théorie est importante, autant l'analyse un peu philosophique peut informer notre réflexion, autant des exemples comme ceux que vous nous avez apportés cet après-midi vont vraiment nous permettre d'atteindre l'objectif de refaire ces lois importantes là, à l'aube du XXIe siècle, d'une manière correcte pour la population.

Je voulais vous demander, en ce qui concerne la question qui vient d'être soulevée – je pense que je m'adresse surtout à M. Brochu avec cette question-là – si le contrôle a priori ne devrait pas plutôt être avec un tribunal de droit commun qu'avec une commission. Il me semble que c'est une question de vie privée à chaque fois qu'un tribunal décide que l'on va permettre à un corps policier de faire de l'écoute électronique. Et pourtant c'est là où ça se fait. Il y a une indépendance judiciaire complète à cet égard-là. Je trouve que ça n'a pas de maudit bon sens qu'une personne qui fait l'objet d'une recherche formelle parce que la famille ne la trouve plus, je trouve que ça n'a pas de bon sens que la police ne puisse pas au moins vérifier vite si cette personne-là n'est pas dans un centre psychiatrique. Ça dépasse l'entendement que, pour des fins louables, une famille demeure dans l'angoisse, que la personne soit coupée des communications et qu'on ne puisse pas mettre ça ensemble. Mais c'est le détail de savoir qui devrait regarder ces questions-là. Il me semble, c'est un réflexe, hein, je suis avocat aussi, mais le réflexe me dit que je suis beaucoup plus à l'aise avec un juge d'un tribunal de droit commun qui regarderait ces questions-là. Je voulais savoir votre réaction là-dessus.

M. Brochu (Léonard): D'abord, vous parlez de contrôle a priori, 59.3° et 59.4°, dans cet environnement-là. Je vous signalerai qu'en Saskatchewan il y a un acte qui a été passé relativement à ça, dans des cas d'urgence, et puis on peut s'adresser, comme vous dites, à un tribunal indépendant, à une commission d'urgence de trois personnes, qui peut statuer rapidement sur la diffusion des renseignements nominatifs qui concernent une personne. Je vous donnais l'exemple d'un pédophile. Très peu pour nous, du Service de police, on ne veut pas voir afficher sur les poteaux des photos de pédophiles. Le Pas-dans-ma-cour , on n'embarque pas là-dedans parce qu'on fait juste déplacer le problème.

(15 h 40)

Oui, je suis d'accord avec vous que ça prend un organisme indépendant, que ce soit un tribunal administratif, peu importe qui, mais, en quelque part, qu'il puisse statuer là-dessus, qu'il puisse prendre une décision, puis, s'il y a de l'abus, s'il y a une partie de pêche, à ce moment-là ces individus-là, ces personnes-là refuseront, parce que vous comprendrez que, dans la situation que vous mentionnez, ce n'est pas facile. Là, on en discute à tête reposée, mais imaginez sur le terrain, quand vous avez affaire à une famille qui a perdu un enfant, une personne, puis qu'on lui dit: Bien, c'est des renseignements confidentiels. Ils ne le comprennent pas.

M. Mulcair: Ah oui! Avec raison.

M. Brochu (Léonard): Ils ne comprennent pas. Puis je peux donner mon cas personnel. Ma soeur a été assassinée. J'ai fait une enquête, c'est-à-dire que j'ai fait une enquête... le Service de police a fait une enquête, mais, moi aussi, j'en ai fait une, puis je me suis fait dire par les hôpitaux: Non, on ne peut pas vous donner ces renseignements-là. Imaginez, pour la famille de la victime, comment on se sent quand on est impuissant face à ça. Ce que je voulais savoir, c'était tout simplement si ma soeur avait été traitée dans un hôpital. C'était seulement ça que je voulais savoir. Je ne voulais pas savoir plein de choses sur plein de personnes. Puis c'est ça que la famille ressent aussi quand ça se passe sur le terrain. Imaginez la petite fille, l'hôpital Sainte-Justine, impuissants. À Sainte-Justine, on a dit: Non, on ne peut pas... l'autorisation de la jeune fille qui a 14 ans. Je ne veux pas avoir de parties de pêche, moi. Donnez-moi un tribunal indépendant, administratif ou autre, qui peut statuer dans des cas d'urgence. J'en ai plein plein d'exemples. Ça fait 11 ans que j'en traite des demandes d'accès à l'information.

Je vous en donne un autre. Un pédophile, il a fait 10 ans, jour pour jour, pas une journée de moins, à Port-Cartier. Les services correctionnels canadiens nous informent que cet individu-là va récidiver de par l'expertise de deux ou trois de ses psychiatres. On informe le Service de police de la CUM. Ce qu'on a fait, on l'a pris en filature. Effectivement, quelques jours après sa sortie, il était en vadrouille dans un centre culturel et sportif justement parce que ses cibles, c'étaient des petits gars puis des petites filles de 12, 13 ans. On l'a attrapé, on l'a fait comparaître devant le juge, on a fait émettre des conditions, exceptionnellement dans certains articles du Code criminel. C'en est un exemple, ça. On fait quoi? On ne peut pas diffuser l'information.

Je vous disais tout à l'heure la liste des écoles puis la liste des commissions scolaires où monsieur avait été accusé à sept reprises. L'enquêteur vient me dire qu'il a saisi ces renseignements-là dans sa chambre, suite à une perquisition, et puis il faut aviser, il faut faire quelque chose pour aviser les écoles ou les commissions scolaires. Présentement, la loi ne nous permet pas de le faire comme ça. Je me suis même adressé à la Commission d'accès dans une circonstance comme ça: Qu'est-ce que je faisais avec ça? Parce qu'on avait saisi des enveloppes avec le CV, son offre de bénévolat, puis, en plus, on avait... parce que l'individu s'est fait attraper. Puis, dans La Presse , c'était clairement indiqué, parce que les documents que je vous ai remis ont été dénominalisés, sauf que c'est des documents qui ont été déposés à la cour. Puis, en pleine page de La Presse , son nom était marqué, pédophile qui s'était infiltré dans les écoles. Il recommençait. Est-ce que, dans le cas qui nous occupe, si on avait eu un tribunal permettant la communication, je ne parle pas à travers les journaux, mais, à toutes fins utiles, aux commissions scolaires, pour dire: Attention, il y a un loup qui veut rentrer dans la bergerie, faites quelque chose...

Dans cette optique-là, oui, un contrôle a priori, mais par un tribunal indépendant, si vous jugez que la Commission d'accès ne pourrait pas jouer ce rôle-là. Pour revenir avec la Commission d'accès, eux aussi, ils étaient dépourvus, en boutade me disant: Bien, mets une copie du journal dans l'enveloppe avec le CV puis mets un timbre dessus. C'est parce qu'on était dépourvus de se faire dire ça. Je les comprends, puis on était impuissants face à ça. Même le délégué de la Direction de la protection de la jeunesse disait: Nous autres aussi, on est pris avec nos lois; ce n'est pas notre rôle d'aller cogner à chaque commission scolaire puis leur dire: Bien, c'est ça qui se passe. Puis je les comprends. Ça fait que c'est pour ça qu'on est dans un «no-man's-land» qui est difficile à accepter dans les circonstances dramatiques.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Mes collègues de Nelligan et de Jacques-Cartier ont des questions également.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Je pense que votre témoignage, M. Brochu, est important parce que vous parlez d'un vécu vrai, qui met en lumière votre désir de s'assurer le bien-être de la personne. Vous avez donné plusieurs exemples. Avec toutes vos années d'expérience également, je suis certain que vous avez cherché des façons de réconcilier cette volonté louable et professionnelle de protéger la personne avec le droit à la confidentialité.

À cet égard, pour poursuivre la discussion, puis on est très sensible à tout ce que vous dites, avez-vous cherché à approfondir la discussion, un consensus? Vous avez parlé, par exemple, de la RAMQ? Est-ce que vous êtes en poursuite... J'ai compris...

M. Brochu (Léonard): On a fait une demande...

M. Payne: Laissez-moi poser la question.

M. Brochu (Léonard): Excusez.

M. Payne: C'était juste un point d'interrogation. Et avec d'autres partenaires, avec, je ne sais pas, l'Association des directeurs d'hôpitaux. Parce que le législateur, en adoptant l'article, il avait bien tenté de cerner le problème avec 59.4° puis l'autre plus tard, qui est... c'est quoi? Le 57.1°, qui a été soulevé peut-être plus tôt. Pourriez-vous nous renseigner davantage sur vos discussions avec d'autres partenaires?

M. Brochu (Léonard): Les discussions avec les autres partenaires, particulièrement l'Association des hôpitaux, quand il y a eu des colloques, c'est que leur position est formelle. Ils ne veulent pas bouger. C'est que, même s'il y a eu des opinions légales contraires disant que, oui, ça pouvait s'appliquer, 59.3°, dépendamment de l'interprétation, de la philosophie de chacun... Mais, encore une fois, c'est que c'est la ligne dure qui est adoptée: Non, on ne bouge pas. C'est facile de ne rien faire, on ne se trompe pas à ce moment-là, sauf qu'il y a des gens qui paient pour ça.

M. Payne: J'imagine qu'ils veulent lire bien l'intention du législateur qui est effectivement valable, qu'on voudrait distinguer «poursuite» avec «enquête», hein. Enquête, allusion faite, mon collègue parlait de «fishing expeditions». La ligne est mince.

M. Brochu (Léonard): La ligne est mince, je vous l'accorde. Il devrait y avoir des...

M. Payne: La ligne est mince. Est-ce que vous voulez dire que le législateur pourrait clarifier davantage ce qu'il veut dire? Est-ce que, vous, de votre côté, vous pouvez mieux cerner qu'est-ce que vous voulez dire par enquête? À titre d'exemple, si vous étiez en train de bâtir un dossier suivant le filon habituel et vous cherchez, par exemple, quelqu'un que vous soupçonnez d'être pris dans un – comment on dit ça? – clan de drogue, hein, et vous cherchez auprès des maisons de réhabilitation la présence ou non de M. jeune X et vous cognez à une porte d'une maison d'hébergement, d'une autre maison de réhabilitation, vous êtes capable, en réalité, de vous engager dans une enquête policière qui n'est pas du tout le but du législateur. Ma question encore, c'est: De quelle façon vous pouvez cerner et mieux encadrer vos intérêts avec le principe de la loi, protéger l'individu?

(15 h 50)

M. Brochu (Léonard): D'abord, la protection des renseignements personnels a toujours été d'une importance très grande pour nous. Dans le cadre d'enquêtes, pour reprendre ce que vous disiez, il y a des moyens de faire pour ne pas, justement, faire de parties de pêche. Exemple, une disparition. Je vous donnais l'exemple d'une disparition où on fait une enquête parce que nous avons un rapport de disparition de la part de la famille, d'un membre de la famille, peu importe, avec un numéro d'événement, l'enquête est amorcée. Je pense qu'il serait facile de prouver que nous avons une enquête en cours avec... C'est sûr que l'autorisation des parents ou de la famille ne peut pas permettre l'accès à des renseignements personnels de l'individu concerné, mais il y a sûrement un modus vivendi qui peut être installé en quelque part pour permettre ça.

M. Payne: Si je comprends bien votre témoignage, votre problème est plutôt sur le fait que vous n'avez pas une instance qui puisse trancher assez rapidement la question et vous risquez de couper la dynamique d'une situation. C'est ça?

M. Brochu (Léonard): Je vous donne un autre exemple. À l'hôpital de l'ouest de l'île, un policier se présente pour une disparition, et puis tout ce qu'on nous dit, c'est: On ne peut pas vous dire si monsieur a été traité ici. Parce que la famille disait qu'il avait sûrement été à l'hôpital pour se faire traiter ou prendre des médicaments quelconques. Puis, à l'hôpital, on disait: Non, on ne peut pas vous donner ces informations-là.

M. Payne: Je sais. Vous avez répété le même exemple à plusieurs reprises, puis c'est bien enregistré auprès de nous.

M. Brochu (Léonard): O.K.

M. Payne: Mais notre préoccupation, c'est de savoir: Est-ce que votre souci, votre inquiétude, c'est qu'il n'y ait pas d'instance qui puisse trancher la question? Quand vous avez un problème comme ça, vous dites que l'hôpital en question n'est pas collaborateur. Le problème, c'est que vous n'avez pas une instance à qui vous pouvez faire appel pour résoudre l'impasse. C'est ça?

M. Brochu (Léonard): Bien, s'il y avait un contrôle a priori, comme M. le député disait, que ce soit un organisme, un tribunal administratif ou autre, ou la Commission d'accès à l'information, où on pourrait leur soumettre le cas, puis eux pourraient trancher via les responsables de l'accès de certains organismes, ça pourrait aller. Il pourrait y avoir quelque chose de fait avec un contrôle a priori, soit par un tribunal ou la Commission d'accès à l'information.

M. Boisclair: Il ne faut pas que ça prenne 60 jours.

M. Brochu (Léonard): C'est ça, il faut que ça se fasse vite, parce que, dans les enquêtes criminelles, ça se fait vite. Puis je vous dirais que les parties de pêche, en termes d'actes criminels, il nous reste toujours les mandats de perquisition. Quand on fait une enquête de stupéfiants, c'est bien sûr qu'on a d'autres moyens que ça. Et, bien souvent, c'est dans des cas plus pathétiques qu'autre chose. Je parle de disparition, ou autres, de personnes. Est-ce que l'information que reçoit un psychologue dans un CLSC ou un psychiatre dans un hôpital psychiatrique à l'effet qu'un individu va aller tuer sa femme ou une autre personne... c'est dans cette optique-là qu'on dit: Quand il y a urgence de procéder, est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen – je vous pose la question, parce que, moi aussi, je me la pose, la question – tout en respectant les renseignements personnels des individus et des personnes, d'aviser, de permettre à la personne en danger d'être avisée?

M. Payne: Je suis d'accord avec vous et c'est bien enregistré, ça, mais, en ce qui concerne l'autre côté de la même médaille, c'est que...

Le Président (M. Gaulin): On a épuisé le temps de ce côté-ci, M. le député.

M. Payne: Est-ce que je peux juste finir ce petit bout là?

Le Président (M. Gaulin): Oui, rapidement, très rapidement.

M. Payne: Pouvez-vous penser aux exemples où ce serait préjudiciable à l'individu, parce que, de la façon dont vous décrivez tout cela, vous ne semblez pas être trop, trop sensible à l'autre côté de la question... où, par exemple, quelqu'un qui est hospitalisé dans un centre psychiatrique puisse faire l'objet d'une demande de votre part qui puisse lui porter préjudice. Vous ne pouvez pas imaginer certains exemples où ça peut être semblable?

Le Président (M. Gaulin): Une réponse rapide, si c'est possible.

M. Brochu (Léonard): Non, je n'ai pas d'exemples à la mémoire présentement pour ce genre de situation là.

M. Payne: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nelligan. Pardon, je pense que c'est M. le député de Chomedey qui m'a demandé d'abord la parole. Excusez-moi.

M. Kelley: De Jacques-Cartier, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): De Jacques-Cartier, oui.

M. Williams: Après, ce sera mon tour.

Le Président (M. Gaulin): Un peu de turbulence, ha, ha, ha!

M. Kelley: Merci beaucoup. Juste sur toute la question que vous avez soulevée sur les vérifications des personnes qui travaillent auprès des enfants, soit dans des garderies, des écoles, je pense qu'on est très sensible. On a vu des incidents regrettables à cet effet au printemps ou l'année passée.

Avec consentement, si quelqu'un signe... Je vois beaucoup des organismes, les Scouts, les Grands Frères, les Grandes Soeurs, les autres organismes comme ça, ils ont maintenant l'habitude de demander aux bénévoles de signer des papiers, des consentements. Est-ce que, avec ces formulaires, vous êtes capables de faire les vérifications qu'il faut d'une manière assez rapide ou est-ce que ça pose quand même des problèmes? Parce que je sais, tous les groupes de notre coin, ils sont sollicités maintenant de faire signer tous leurs bénévoles afin de procéder aux vérifications de la police. Alors, avec consentement, est-ce que ça règle des problèmes qui ont été soulevés pour 59.4°?

M. Brochu (Léonard): En partie. En partie. Notre Service a élaboré un protocole d'entente pour la vérification d'antécédents judiciaires pour les bénévoles oeuvrant auprès des personnes vulnérables. Ce même protocole a été repris par le ministère de la Sécurité publique pour l'étendre à la grandeur du Québec. Effectivement, on le fait auprès des Grands Frères et Grandes Soeurs, chez Parents-Secours, les Scouts, etc. Sauf qu'il y a une portion où ça devient... Encore, ce n'est pas cerné par ce protocole-là. C'est bien sûr que, si Sainte-Justine nous demande de vérifier les bénévoles, nous allons le faire, et puis avec efficacité, pour leur dire: Attention, cet individu-là, il a eu trois condamnations pour pédophilie. Sauf que, dans le cas où un organisme, ou une école, ou peu importe l'organisme, ne fait pas cette vérification-là puis, moi, je suis en possession de l'information, comment je fais pour la communiquer à l'école? Est-ce que j'ai un contrôle a priori soit par un tribunal, que ce soit la Commission d'accès ou autre, pour dire: Je vous remets l'information, pensez-vous qu'elle est suffisamment dangereuse pour ne pas la communiquer? Parce que la personne concernée, c'est dans le cas où sa vie est en danger qu'on peut lui communiquer ou communiquer à d'autres personnes des renseignements. Si votre vie est en danger puis que j'ai des renseignements sur monsieur ou madame, je ne peux pas vous les communiquer. C'est ça, parce que c'est des renseignements nominatifs qui concernent un tiers.

M. Kelley: Une partie de la solution, peut-être que c'est, pour nos garderies, pour nos écoles, de faire ça presque une routine, qu'on va faire des vérifications des personnes qui vont travailler, et aussi des bénévoles. Je sais qu'on est en train de faire quelque chose, mais je cherche un moyen. Je comprends qu'avec une vérification, si c'est quelqu'un qui n'a pas des antécédents judiciaires, on ne peut pas trouver toutes les personnes, mais au moins, si cette pratique devient de plus en plus courante, ça ne sera jamais parfait, mais on aura réglé en partie les questions que vous avez soulevées.

M. Brochu (Léonard): Oui, c'est qu'on va au-delà de la vérification des antécédents judiciaires dans le cas de protocole d'entente pour la vérification des bénévoles. On va regarder, avec l'autorisation du bénévole concerné, dans les dossiers de police, c'est-à-dire les rapports d'événements. Si vous avez été suspect à trois reprises d'agression sexuelle, on va le savoir parce qu'on va le vérifier. On a des critères à ce moment-là d'élimination. C'est l'organisme qui décide. On peut le faire, puis on le fait, on l'étend de plus en plus à tous les organismes publics qui embauchent des bénévoles... soit à titre de bénévoles ou rémunérés. Je pense à des garderies. On le fait de plus en plus, ça. Mais il reste toujours une portion ombragée qui est difficile à cibler. Et, pour ce faire, on dit qu'à 59.3°, 59.4°... Je ne veux pas avoir... regarder la décision, peut-être que ça serait une personne neutre, comme je pense aux gens de la Commission d'accès. En Saskatchewan, il y a une espèce de tribunal qui peut réagir rapidement. Mais c'est sûr qu'on ne veut pas faire la chasse aux sorcières. J'ai assisté à des réunions de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec puis, effectivement, la majorité, ils sont contre l'affichage de photos. Il y a certaines municipalités qui voulaient afficher des listes de personnes avec des antécédents judiciaires parce qu'elles ne voulaient pas les avoir dans leur ville; je pense que là on commence à faire la chasse aux sorcières.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, quelques questions...

M. Kelley: De Jacques-Cartier.

Le Président (M. Gaulin): De Jacques-Cartier.

M. Williams: Merci, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation et particulièrement pour votre présentation, M. Brochu. Ce n'est pas la première fois que nous avons la chance de discuter cette question assez importante. Et je suis heureux qu'un de nos policiers prenne ça avec autant de vigueur et d'énergie que vous, parce que c'est une question assez complexe.

Je voudrais avoir juste quelques réflexions sur la question d'échange d'informations. Je pense, dans une urgence – vous l'avez bien défendu – c'est une nécessité. Mais, de plus en plus, particulièrement avec la police de la CUM, on parle de prévention, on parle plus de «community policing», et tout ça. Et nous-mêmes avons la chance de parler avec les groupes communautaires, qui ne sont pas des organismes publics selon la loi, qui rendent des services pour nos jeunes – je parle des jeunes – les écoles, les CLSC. Il y a une nécessité d'échange d'informations. Avez-vous réfléchi sur cette problématique d'échange d'informations? Quand vous savez qu'il y a un jeune problématique, que l'école connaît cette personne, peut-être le YMCA, un groupe local le connaît aussi... C'est quoi les problèmes dans la loi maintenant? Et avez-vous quelques suggestions pour corriger ça?

(16 heures)

M. Brochu (Léonard): Bien là on se retrouve encore avec les dispositions de 59 et 67, aux fins d'application d'une loi. Il y a aussi le volet des renseignements personnels qui sont à protéger. Ce n'est pas facile d'oeuvrer dans ce domaine-là. Et puis vous avez aussi la loi des jeunes contrevenants qui vient encadrer aussi toutes les poursuites à l'égard des jeunes contrevenants. Ça fait qu'à ce moment-là, non, ce n'est pas facile de communiquer, puis on ne communique pas des renseignements à des organismes bénévoles gratuitement comme ça, et puis on le fait dans le cadre de protocole d'entente pour la vérification d'antécédents de bénévoles en autant qu'ils ont donné leur approbation. Ça, c'est sous l'égide de 53, puis ça se fait de façon encadrée. Mais, non, on ne communique pas du renseignement. Mais je présume que vous faites allusion à un certain drame qui est survenu dans l'ouest de la Communauté urbaine, où tout le monde savait que des jeunes faisaient l'attention d'à peu près tout le monde, mais personne ne communiquait ces renseignements-là, et puis jusqu'au jour du drame, c'est ça, c'est quand... Et je reviens encore à 59.4°: si la vie d'une personne est en danger puis nous pouvons le communiquer, je ne pense pas que, dans ce domaine-là particulier, de la vie... Ce n'est pas des parties de pêche, ça – je reviens aux hôpitaux – je ne veux pas aller chercher un renseignement à ce moment-là, je veux aider quelqu'un. On en a vu, des drames. D'ailleurs, le coroner en a parlé, de renseignements détenus par des organismes publics qui n'ont servi à personne. À ce moment-là, on fait notre possible, on communique dans la mesure des dispositions de la loi.

M. Williams: Merci. Je sais que c'est un dossier qui intéresse les deux côtés de la Chambre, le ministre a parlé avec moi aussi sur ce dossier, c'est toute la question de la demande de vérification des dossiers de police, comme le député de Jacques-Cartier l'a justement mentionné, et je pense que tout le monde est d'accord pour avoir une façon de s'assurer qu'il y a des vérifications sur les bénévoles qui vont travailler dans les groupes communautaires. Je pense qu'il n'y a pas de doute là-dessus.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nelligan, rapidement.

M. Williams: Et j'apprécie les changements que la Communauté urbaine a déjà faits sur les formulaires. Mais avez-vous vérifié si c'est absolument nécessaire et acceptable que vous demandiez le permis de conduire, le numéro d'assurance sociale et le numéro d'assurance-maladie sur ce formulaire? Avez-vous une opinion de la Commission d'accès à l'information sur ça? Je ne mets pas en doute le besoin de vérifier le statut des bénévoles, mais je voudrais savoir si vous avez eu une chance de discuter de ça avec la Commission.

M. Brochu (Léonard): Oui. Dans l'élaboration de notre protocole d'entente sur les antécédents des bénévoles, effectivement on a consulté la Commission d'accès à l'information concernant le permis de conduire, la carte d'assurance-maladie avec photo ou d'autres documents nous permettant de vérifier si vous êtes bien M. ou Mme Unetelle, et puis aussi quand on a rencontré les gens du ministère de la Sécurité publique.

M. Boisclair: Qu'est-ce qu'elle a dit, la Commission?

M. Brochu (Léonard): C'est qu'on peut le demander, mais on n'a pas à relever le numéro de permis de conduire, on n'a pas à relever le numéro d'assurance sociale, on n'a pas à relever le numéro d'assurance-maladie. C'est que je peux vous demander votre permis pour que vous puissiez vous identifier correctement, pour éviter que vous donniez une fausse identité. À ce moment-là, c'est que, dans notre formulaire, il y a trois carreaux, on pouvait cocher «vérification faite à partir du permis de conduire», et non de relever le permis de conduire, de le ficher, de le garder dans un fichier. À ce moment-là, on ne l'a pas gardé, on ne le garde pas.

M. Williams: Bon. O.K. C'est avec ça que vous pouvez vérifier, en face, avec la personne si c'est effectivement la personne...

M. Brochu (Léonard): C'est ça.

M. Williams: ...mais vous n'avez pas besoin maintenant d'inscrire les numéros.

M. Brochu (Léonard): C'est ça. Vous faites application comme bénévole, je peux vérifier votre permis avec une photo...

M. Williams: Oui. O.K.

M. Brochu (Léonard): ...mais je ne le garde pas.

Le Président (M. Gaulin): C'est malheureusement tout le temps que nous avons. Alors, je vous remercie beaucoup, M. Savoie, M. Brochu et M. Quézel, d'avoir déposé pour la Communauté urbaine de Montréal.

J'invite les gens de l'Institut d'histoire de l'Amérique française à se présenter. Bienvenue aux gens de l'Institut d'histoire de l'Amérique française. Je ne sais pas qui est la porte-parole, si c'est Mme Burgess ou Mme Cardin.


Institut d'histoire de l'Amérique française (IHAF)

Mme Burgess (Joanne): C'est moi, Joanne Burgess, qui suis la porte-parole, et Mme Cardin va m'appuyer et intervenir au besoin.

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Alors, vous avez 10 minutes pour déposer. Vous avez la parole. Bienvenue.

Mme Burgess (Joanne): Bonjour, M. le Président, MM. et Mmes les députés. Au nom de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, je voudrais d'emblée vous remercier de nous avoir invités à présenter notre mémoire. Nous apprécions beaucoup cette occasion de vous transmettre de vive voix les préoccupations des historiens et des historiennes du Québec qui, comme vous allez le voir, sont assez différentes de celles des individus que vous venez d'entendre. En effet, l'Institut d'histoire de l'Amérique française est la principale association des historiens et des historiennes professionnels du Québec. Il regroupe des professeurs de tous les niveaux d'enseignement, des historiens professionnels à l'emploi d'institutions publiques et privées ou encore qui agissent comme consultants, ainsi que des étudiants inscrits aux études avancées. Depuis sa fondation en 1947, l'Institut se préoccupe de la préservation et de la conservation du patrimoine historique de la société québécoise et des problèmes de son accessibilité.

Le mémoire présenté à cette commission s'inscrit dans une longue tradition de représentations auprès des diverses instances responsables en matière d'archives. Dans le cadre de la présente consultation, l'Institut d'histoire de l'Amérique française souhaite manifester son inquiétude à propos de certaines dispositions des lois 65 et 68 qui ont des incidences fâcheuses sur l'exploitation des sources par les historiens et qui compromettent sérieusement l'intégrité du patrimoine archivistique de l'Amérique française. Pour protéger l'histoire et la mémoire collective nationale, des révisions s'imposent.

Quels sont donc les problèmes engendrés par les lois d'information? Les principaux problèmes engendrés par ces lois viennent du fait qu'elles interviennent directement sur les archives sans toutefois être des lois d'archives. Ces lois interfèrent dans la façon de traiter les archives relatives aux personnes. Elles restreignent de manière importante l'accès aux renseignements personnels archivés. Elles interdisent ou limitent considérablement le recyclage de ce type de sources documentaires à des fins de recherche. Enfin, elles orientent la création et la conservation des traces consignées relatives aux individus. Bien qu'elles soient fondées sur des motifs valables, de telles mesures ont des incidences néfastes sur la mémoire collective nationale. Elles sous-estiment l'importance de la pratique de l'histoire pour la collectivité et ignorent les exigences de la recherche historique en matière d'exploitation des sources. De plus, au plan archivistique, en ne considérant pas suffisamment la valeur historique des documents contenant des renseignements sur les personnes, ces mesures entravent la constitution des fonds d'archives.

Pour l'IHAF, il est fondamental de reconnaître l'importance des rapports que les sociétés entretiennent avec leur passé. Il est essentiel de protéger les multiples voies par lesquelles ces rapports s'expriment. À ce titre, la science historique contribue de manière privilégiée à la vie collective. Comme science sociale et comme formation culturelle, l'histoire contribue à la compréhension du présent à l'aide du passé. Elle permet d'assurer la cohérence et la continuité des représentations identitaires à partir desquelles les Québécois peuvent décider de leurs orientations politiques, s'adapter aux changements environnementaux, accroître leur capacité et élaborer leur projet social.

(16 h 10)

Comme le disait Mme Louise Beaudoin dans une conférence prononcée hier soir à l'intention des historiens de l'Université Laval, il faut connaître l'histoire pour faire l'histoire. Toutefois, pour jouer pleinement ce rôle, les pratiques historiennes doivent pouvoir respecter certaines exigences scientifiques au coeur desquelles se trouve une méthode rigoureuse d'exploitation des sources, la critique historique. Or, dans leur forme actuelle, les lois 68 et 65 portent atteinte au droit des citoyens à la mémoire, car elles posent de sérieux problèmes d'exploitation des sources archivistiques essentielles à la connaissance historique.

Parmi les nombreux problèmes identifiés dans le mémoire, certains méritent d'être soulignés tout particulièrement. En considérant l'utilisation de la correspondance, des manuscrits ou des autres documents personnels comme une atteinte à la vie privée d'une personne, la loi constitue une entrave majeure aux pratiques de l'histoire. Elle remet en cause la pertinence et la légitimité des recherches historiennes sur des réalités individuelles. La biographie, la généalogie, la démographie, les études qui retracent le rôle des communautés ethnoculturelles ou encore le rôle des femmes dans l'histoire du Québec, tous ces types d'ouvrages font appel à des archives personnelles, ou à la correspondance privée, ou encore aux traces variées laissées par des individus dans les documents des entreprises, des organismes ou des gouvernements. Toutes ces contributions à l'histoire nationale sont remises en question par les législations actuelles.

Attaqué dans sa finalité, le travail historien est aussi amputé par la dénominalisation et les restrictions de l'accès aux sources, amputé des matériaux requis pour comprendre les interventions humaines passées et pour porter un jugement critique sur les témoignages des acteurs historiques. Enfin, la législation met également en cause l'existence même des fonds d'archives privées conservés aux Archives nationales ou dans les organismes. Or, ces fonds constituent une richesse patrimoniale inestimable. Ils doivent être accessibles à la recherche, et ce, dans des délais raisonnables.

Pour garantir l'intégrité des témoignages archivés, pour s'assurer que les mesures de protection de l'information ne nuisent pas à l'accessibilité des sources et aux possibilités d'analyse critique de la production documentaire, le mémoire de l'IHAF formule des recommandations précises touchant aux articles 1, 12 et 13 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Il propose également un amendement à l'article 2 de la loi d'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Outre les problèmes associés à l'exploitation des sources, notre mémoire signale certains des effets pervers des lois d'information sur la sauvegarde et la transmission du patrimoine archivistique. Dans ce mémoire, l'Institut invite le législateur à s'inspirer de l'expérience qu'il a lui-même mise en place pour le secteur public. Par exemple, la loi des archives garantit l'application de la loi 68 en assurant l'intégrité du patrimoine archivistique de provenance publique. Un même modèle pourrait servir à élaborer des modalités de sauvegarde et de transmission du patrimoine archivistique de provenance privée.

Les lois d'information et de protection de la vie privée ont des incidences sur la constitution du patrimoine national et sur l'épanouissement de la culture et de la connaissance historique. Les historiens sont des interlocuteurs privilégiés dans ce processus de révision et d'harmonisation des politiques d'encadrement de la mémoire et de l'information. La communauté historienne du Québec est interpellée à plusieurs titres par les lois d'information. Dans ces quelques minutes, nous avons tenté d'identifier certains des problèmes que nous vivons quotidiennement à cause de ces lois. Dans le mémoire lui-même, nous avons formulé un certain nombre de recommandations visant à réduire ces effets néfastes. Nous sommes conscients des défis auxquels cette commission est confrontée.

Le défi de concilier le droit de la collectivité en matière de patrimoine national et les droits des personnes. Il faut, d'une part, respecter le désir des individus qui veulent préserver leur vie privée et pouvoir se faire oublier. Il faut cependant aussi protéger le droit des individus à accéder aux traces qu'eux et leurs prédécesseurs ont laissées dans le passé. Il faut reconnaître leur droit de ne pas être oubliés, le droit à la mémoire.

Pendant les dernières années, les Québécois et les Québécoises ont souvent témoigné de leur soif d'histoire et de leurs inquiétudes devant la méconnaissance du passé national. C'est en réponse à ces besoins que le rapport Inchauspé, qui fait suite au rapport Lacoursière, préconise la valorisation et le renforcement de l'enseignement de l'histoire. Or, pour enseigner l'histoire, il faut la connaître. Cette connaissance exige des modifications aux lois 65 et 68.

C'est pourquoi l'IHAF recommande tout particulièrement au législateur, d'abord au plan de la loi 68, que l'article 1 soit amendé afin que le matériel historique soit exclu au même titre que le matériel journalistique, et, deuxièmement, au plan de la loi 65, que l'article 2 soit amendé afin d'éviter à tout prix la dénominalisation des documents non structurés en fonction des personnes et dont le traitement n'est pas informatisé.

Je vous remercie et j'espère que, par vos questions, je pourrai élaborer davantage sur certains de ces points.

Le Président (M. Gaulin): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Je comprends qu'il faut vous donner un coup de pouce, non pas uniquement pour répondre à des intérêts corporatistes qui sont ceux de votre association, mais bien parce qu'il y a une volonté, je pense, bien réelle de se donner, comme société, des outils pour véritablement donner à l'histoire les outils qui sont à la hauteur des ambitions et des attentes, je pense, des Québécois et des Québécoises. C'est un problème qui est éminemment complexe. Je peux vous dire que, déjà, ça fera partie d'un chantier que j'entends mettre sur pied. À la fin de cette commission, j'identifierai quelques chantiers sur lesquels il nous faut davantage travailler. Et il est clair que les questions que vous soulevez, tout comme les questions que les archivistes ont soulevées, devront faire l'objet d'une réflexion approfondie.

Je ne suis pas sûr cependant que les propositions que vous nous faites, plus concrètes, sur lesquelles vous n'êtes pas intervenues mais qui sont contenues dans votre mémoire, soient nécessairement des bonnes solutions. Vous nous proposez, par exemple, d'exclure tout ce qui pourrait être du matériel historique de la portée des lois. Se pose évidemment pour nous une question de rédaction législative, on ne peut pas... la définition de «matériel historique», je ne pense pas qu'il y ait à cet égard – peut-être, si c'est le cas, vous pourrez me renseigner – une définition normalement acceptée, utilisée, reconnue, qui nous permettrait d'opérer une certaine distinction. Donc, à cet égard-là, je pense que, lorsque vous nous suggérez d'ajouter un paragraphe à l'article 1 de la loi sur le secteur privé, de faire en sorte que la présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel historique, je ne pense pas que ce soit une solution qui soit appropriée. C'est une notion qui ne nous apparaît pas suffisamment claire pour qu'on puisse la retenir.

Vous nous interpellez ici sur la question des délais sur la confidentialité éternelle des renseignements détenus par les entreprises privées. Bon, je comprends qu'il y a pour vous un certain nombre de difficultés, qui seront fouillées. La question que je voudrais vous poser, et vous y avez fait allusion rapidement dans votre présentation, c'est sur le régime de protection des renseignements qui sont contenus dans le secteur public. C'est à l'article 73, si ma mémoire est juste, oui, l'article 73 de la loi sur le secteur public. Ça dit: «Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives.» Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous nous dites que vous seriez d'accord à ce qu'on importe ce procédé ou cette façon de faire dans le secteur privé?

Le Président (M. Gaulin): Mme Burgess.

Mme Burgess (Joanne): Est-ce que je pourrais d'abord répondre à certaines des questions antérieures...

M. Boisclair: Oui, oui, allez-y.

Mme Burgess (Joanne): ...et peut-être déboucher sur celle-là?

M. Boisclair: Oui, oui, tout à fait.

Mme Burgess (Joanne): Je pense qu'il y a peut-être une première clarification qui est importante. Je ne voudrais pas que les revendications formulées ou les propos soient associés trop étroitement à une démarche corporatiste, puisque, contrairement à d'autres associations, les historiens n'ont pas une corporation. L'Institut d'histoire regroupe une définition plus large, si on veut, d'intervenants dans le champ de la recherche historique. Et j'ose croire que des gens en généalogie et dans d'autres domaines soient aussi concernés, si on veut.

M. Boisclair: Je ne l'utilisais pas au sens péjoratif, madame.

(16 h 20)

Mme Burgess (Joanne): Non. Pour ce qui est de la question qui est posée, il nous semblait que l'arrimage entre la loi 65, la loi des archives, fait en sorte qu'on puisse imposer certaines limites à l'application de la loi 65 dans le cas où il s'agit de matériel qui est jugé comme ayant une valeur historique ou une valeur patrimoniale à plus long terme, qui est donc transféré aux archives, qui n'est pas soumis à certaines des dispositions de la loi 65, et même, en ce qui est de la confidentialité de son contenu, on impose certaines limites à cette confidentialité dans la mesure où, après un certain nombre d'années passées, un matériel peut être rendu accessible à des chercheurs. Donc, il y a une distinction qui est faite entre les fins d'information et les contrôles qui sont imposés à la curiosité, si on veut, pour protéger les renseignements personnels et la confidentialité de la vie privée. Et une autre fin qui est celle de la valeur patrimoniale, de l'intérêt de l'histoire, de la mémoire, si on veut, et qui intervient après un certain temps selon des modalités qui sont celles de la loi des archives, selon une gestion qui est celle de la loi des archives, qui relève du Conservateur, etc., vise à harmoniser, si on veut, les deux fins.

Alors, il nous semble que, pour ce qui est des organismes privés assujettis à la loi 68, soit des organismes qui sont accrédités ou des organismes qui ne le sont pas, il serait envisageable de réfléchir à des mécanismes qui permettraient aussi un arrimage entre les contrôles qui doivent s'exercer pour protéger la vie privée et la volonté néanmoins de protéger pour un plus long terme, mais à des fins autres, des sources, des matériaux, des témoignages, des renseignements sur les gestes, sur les contributions des individus, qui sont importants pour la compréhension et la connaissance de l'histoire.

M. Boisclair: Oui. Vous voulez peut-être rajouter quelque chose, madame?

Mme Cardin (Martine): Oui. L'article 73, en fait, permet l'arrimage entre, bon... La loi 65 ou la loi au niveau du public est en synergie avec la Loi sur les archives. Je crois que ce que nous voulons aussi souligner, c'est que nous avons déjà le cadre ou un encadrement, je dirai, d'un système qui fait la jonction entre les besoins d'information et les besoins du patrimoine, ce qui n'est pas fait au niveau du privé et qui, en effet, nous apparaît important, que l'on puisse par le biais, évidemment, des dispositions contractuelles... Les acquisitions d'archives privées dans les centres d'archives privées agréés passent par des processus de négociation avec le privé et, à partir de là, nous pensons qu'on peut très bien, à ce moment-là, inscrire à l'intérieur d'un cadre juridique de la Loi sur les archives, par exemple, la gestion et donc amener les Archives nationales du Québec ou, en fait, le mandataire de l'application de la Loi sur les archives à pouvoir finalement encadrer et contrôler le processus.

M. Boisclair: Ce que je comprends, c'est que, une fois que les documents sont acquis par les archives, vous nous proposez de faire en sorte que ces documents soient traités selon la Loi sur les archives.

Mme Cardin (Martine): La Loi sur les archives qui, à ce moment-là, va assurer tout l'appareil archivistique nécessaire pour assurer à la fois le contrôle, le filtre nécessaire pour retenir les témoignages historiques significatifs. Et je pense que c'est toute la compétence archivistique qui, à ce moment-là, va se mettre en place.

M. Boisclair: Je dois vous dire là-dessus que c'est une solution qui est simple, c'est une solution qui est intéressante et qu'on va certainement regarder attentivement. Elle est pratique, simple. Il s'agirait de voir comment on peut, sur le plan législatif, arriver à atteindre cet objectif-là, et je dois vous dire que c'est quelque chose que nous souhaitons regarder attentivement. Je vous remercie pour ces recommandations.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à Mme Burgess et à Mme Cardin. Je ne peux que réitérer le point que vient de soulever le ministre responsable, qu'il faut trouver une solution au problème que vous évoquez, qui n'est pas sans nous rappeler les problèmes évoqués la semaine dernière par les archivistes. On a dit à ce moment-là que sans doute c'était un effet pervers non anticipé lors de la rédaction d'une loi qui visait à protéger quelque chose qui était de plus en plus en péril, c'est-à-dire notre capacité de maintenir une vie privée dans un monde de plus en plus informatisé où on collectait de l'information et on l'entreposait d'une manière de plus en plus efficace, mais ce n'était certes pas le but recherché au départ même si la portée de la loi, techniquement, couvrait ces aspects-là, historiques, que vous évoquez.

Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire quand le ministre nous disait qu'il allait faire des chantiers après. Si vous me passez l'expression anglaise, c'est un des «buzz words» préférés de cette administration, ça, de créer des chantiers. Si ça donne des résultats comme le Sommet économique, on peut être un peu inquiets. Mais disons que j'espère qu'on ne passera pas trop de temps dans le chantier, on ne ferait qu'accumuler de la boue sur nos bottes. Espérons que ça va produire des résultats concrets, ce chantier-là, et qu'on saura justement apporter des solutions concrètes à un certain nombre de problèmes qui ont été évoqués, tantôt par vous et les archivistes dans le domaine qui vous est propre, tantôt dans d'autres domaines.

J'ai la chance d'avoir avec moi, de notre côté, M. le Président, un historien en la personne du député de Jacques-Cartier et lui-même avait certaines questions pour nos invitées.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Juste sur une couple de questions que vous avez soulevées, la première dans le domaine de l'impact de la loi sur les renseignements dans le secteur privé. Je pense que c'est la Fédération des journalistes, qui sont venus la semaine passée, qui avait l'empêchement pour la publication d'une biographie par les héritiers de... Est-ce que c'était M. Desrosiers qui était en question? Est-ce que ça, c'est quelque chose pour lequel nous devrons, dans les formulations, faire une modification à la loi pour empêcher? Parce que je pense... Une personnalité historique, alors je pense qu'on a tout intérêt que, si quelqu'un veut publier aujourd'hui une biographie de ce monsieur, il faut avoir le droit de le faire. Selon vous, est-ce que ça va prendre une modification à la loi pour permettre ou pour clarifier cette situation?

Mme Burgess (Joanne): Je pense qu'il y a deux questions qu'il faut distinguer. Ça revient à la question de l'harmonisation. Il y a les lois qui font l'objet de cette commission et donc la question de l'accès aux archives et la possibilité de consulter les documents, ce qui est un préalable à toute publication. Si la loi était appliquée strictement aujourd'hui dans les archives privées, ce qu'elle n'est pas, il faut reconnaître que les problèmes commencent véritablement parce que les archivistes n'impliquent pas, avec toute sa force, les mesures de la loi. Mais, dans des fonds d'archives privées qui contiennent une correspondance, la loi devrait interdire l'accès... en fait, interdire même à l'historien de lire cette correspondance. Par exemple, quel que soit l'individu, la correspondance qu'il écrit lui-même, il peut donner l'autorisation de consultation. Mais la correspondance qu'il a reçue et qu'il a conservée, en principe, il faudrait demander à ces personnes, à leurs héritiers, à qui... Bon. Alors, ça, c'est une première question.

La deuxième question concerne le droit d'auteur, la législation concernant les droits d'auteur, et ce qui est intéressant, c'est que, dans le processus de révision qui a eu lieu pendant la dernière année au niveau fédéral, la loi C-32, au niveau du droit d'auteur, les restrictions sont beaucoup moins grandes qu'elles ne le sont dans les lois 65 et 68 parce que la loi C-32 reconnaît des limites à la protection de la propriété intellectuelle. Et un certain nombre d'années s'écoule après le décès d'une personne et le matériel non publié, lettres, correspondance tombent à ce moment-là dans le domaine public et peuvent être publiées, et, dans la période intermédiaire, si on n'arrive pas à trouver l'individu qui détient le droit d'auteur ou ses héritiers, on peut faire une demande au tribunal du droit d'auteur qui peut, si on démontre qu'on a fait des efforts honnêtes, autoriser la publication. Donc, la question de la publication, on pourrait dire dans un sens, elle est moins grave, puisque les dispositions de la loi quand même permettent à l'historien un certain nombre de choses. Ce qui est plus grave ici, c'est qu'on interdit l'accès même aux documents ou bien on oblige une dénominalisation qui obligerait l'historien en quelque sorte à dire: Quelqu'un a écrit à M. Untel, ou: Il a répondu à la lettre de monsieur X ou de madame X.

Donc, je pense qu'il y a deux problèmes et, effectivement, le problème que vous évoquez et de plusieurs questions qui sont suscitées par elles... Je crois que les interventions que, nous, on a faites et que d'autres historiens ont faites au niveau fédéral ont réussi à avoir des effets au niveau des lois de droit d'auteur. Mais la question qui est posée ici est une question, je dirais, dans un sens, plus fondamentale et plus grave puisqu'elle vient interdire l'accès ou elle vient modifier le contenu des documents par la dénominalisation imposée de rayer des informations nominatives qui sont essentielles pour faire la critique de sources, pour évaluer la validité des témoignages, pour pouvoir éventuellement même évoquer d'une manière correcte le rôle que des individus ont joué dans l'histoire. Je pense que c'est ça qui est vraiment plus fondamental.

(16 h 30)

Je comprends les problèmes de définition qui se posent quant à qu'est-ce qui constitue un matériel historique, mais je pense que la question est moins au niveau de la définition du matériel que de la fin visée par l'utilisation du matériel. Je pense qu'à ce moment-là il y a des questions liées au temps... On ne peut pas exister avec une situation qui interdit à l'historien d'utiliser – pas juste à l'historien généalogiste, tous – d'accéder à des informations qui contiennent des traces importantes de l'action des hommes et des femmes du Québec depuis des générations. Et c'est une loi qui s'applique, en principe, rétroactivement, depuis des lettres écrites à la limite par Jeanne Mance... je veux dire, c'est des problèmes qui sont énormes. Alors, je comprends qu'il y a un problème de définition, qu'il faut trouver une façon de régler, de définir, d'établir des balises, mais on ne peut pas continuer à exister dans un système qui mine les fondements mêmes de l'activité historienne et toutes les formes de production historique.

Mme Cardin (Martine): J'aimerais ça, peut-être, ajouter un élément. Un des éléments problèmes, c'est... Effectivement, la loi 68 est là pour mettre en application les articles 35 à 40 du Code civil. Sans revenir sur la discussion du Code civil, je crois que ce qui se produit, c'est qu'on sait fort bien que les dispositions qui sont là sont des dispositions qui sont valables, justifiées pour l'accès à l'information, mais, dès qu'elles sont appliquées dans le cadre, je dirai, d'un travail de construction de mémoire, elles deviennent tout à fait inacceptables. Alors, je réinsisterais sur la question. «Matériel historique» n'est peut-être pas le terme par lequel on peut définir, mais une chose est certaine, la seule voie de solution qu'on peut trouver jusqu'à présent, c'est de se dire: Tant et aussi longtemps que, par une loi, on n'arrivera pas à non pas remettre plus d'emprise du Code civil sur le travail de l'historien, mais, au contraire, à lui permettre de l'encadrer pour faire son travail... C'est la seule façon, je pense, avec laquelle... Il faut distinguer ce qui est information de ce qui est mémoire. Et la loi 68, c'est une loi d'information, ce n'est pas une loi faite pour la mémoire.

Le Président (M. Gaulin): Mme Burgess, oui.

Mme Burgess (Joanne): Vous me permettez d'ajouter un tout dernier mot?

Le Président (M. Gaulin): Oui, bien sûr.

Mme Burgess (Joanne): Je pense, aussi, ce qu'on oublie souvent, c'est que les historiens, depuis quand même des générations, travaillent avec des matériaux très sensibles, avec des documents qui contiennent des renseignements personnels et qu'ils ont développé des pratiques éthiques dans leur travail, qui visent à protéger les renseignements personnels.

Je pourrais donner l'exemple de plusieurs travaux intéressants faits à partir d'archives d'hôpitaux ou de dossiers de médecins: un livre intéressant paru, malheureusement pas au Québec, mais en Ontario, l'année passée, où l'historienne avait consulté, pour comprendre les rapports entre médecins et patientes au XIXe siècle, des dossiers, on dirait, extrêmement sensibles. L'historienne utilise les renseignements pour pouvoir faire des distinctions entre le traitement accordé aux femmes de milieux bourgeois, aux femmes de milieu rural, urbain. Donc, elle accède aux renseignements qui sont très personnels. Dans le traitement qu'elle en fait, il y a un respect absolu de l'anonymat des individus. Il n'y a absolument rien qui est inscrit qui vient identifier nommément ou par d'autres pairs.

Mais l'information nominative est essentielle pour pouvoir analyser d'une manière correcte et, ensuite, au niveau de la pratique, il y a une longue expérience, au niveau historique, de l'enseignement qu'on reçoit, la formation qu'on reçoit. Et, d'autant plus aujourd'hui, où, nous tous, on est de plus en plus encadrés par des structures bureaucratiques, les universités ont des codes de déontologie. Les conseils subventionnaires, les trois conseils de recherche sont en train de nous imposer un code d'éthique de la recherche avec des sujets humains. Il y a amplement de mécanismes, je pense, pour exercer un contrôle sur le travail qui est fait.

Le Président (M. Gaulin): M. le ministre.

M. Boisclair: Vous voyez, il va falloir quand même en garder un mécanisme de contrôle. Je pense qu'il me reste davantage de temps, M. le Président? Il va falloir quand même qu'il y en ait un parce que, dans le respect de la confidentialité des renseignements personnels, il n'y a pas de retour en arrière. Une fois que des renseignements sont rendus publics, le dommage, il est fait. Et je comprends qu'il existe des codes déontologiques, je comprends qu'il existe des cadres, mais, finalement, ce qui est important, ça va être la sanction, ça va être le recours. Et je comprends que les guides déontologiques, les normes qui sont établies peuvent exister, mais la question, c'est: Quelle est la sanction ou quel est le recours?

Mme Burgess (Joanne): Je répondrais deux choses. Je dirais, d'une part, une fois que l'information est détruite, elle est détruite pour toujours, aussi. Et, deuxièmement, je dirais que...

M. Boisclair: Mais j'ai mis une proposition sur la table, là.

Mme Burgess (Joanne): Il y a deux choses. Je dirais qu'au niveau de la pratique historienne les sanctions qui existent présentement sont essentiellement des mécanismes qui interdisent l'accès aux recherches...

M. Boisclair: Oui, mais est-ce que vous...

Mme Burgess (Joanne): ...si on veut, aux moyens financiers qui permettent aux historiens de faire leur travail. Mais je dirais, par ailleurs, la question plus fondamentale, c'est: Au niveau du travail historien peut-on trouver des exemples importants de pratique non éthique, à cet égard? Je comprends qu'il faut trouver des moyens...

M. Boisclair: Mais ce que vous êtes en train de remettre en cause, par ce questionnement, c'est le bien-fondé de la loi, d'une certaine façon, dans le secteur privé, puisque vous pourriez plaider pour que, dans chacun des secteurs d'activités, les gens développent des codes de déontologie, développent des pratiques qui seraient conformes aux principes contenus, par exemple, dans la Charte québécoise des droits et libertés. Et je pense qu'il faut faire bien attention. Autant ma compréhension des choses, qu'il y a des difficultés, ce que je vous dis, c'est qu'il y a des propositions qui peuvent être regardées, qu'il y a une volonté d'éviter ce qui est apparu comme étant des effets pervers. C'est un édifice nouveau, celui de la loi dans le secteur privé, il n'y a que quelques années que cette loi est en application, et je ne voudrais pas, non plus, qu'on jette le bébé avec l'eau du bain.

Quand je vous entends dire qu'il y a suffisamment de protection, qu'il y a suffisamment de règles, j'ai entendu les assureurs me dire ça, j'ai entendu plein de gens du secteur privé me dire ça, encore aujourd'hui. Et je souhaite qu'avant de remettre en question les fondations de l'édifice on regarde comment on peut le bonifier. Parce que ce que je comprends des travaux qui sont en cours chez nous, au ministère, et ailleurs dans notre entourage, c'est qu'il y a moyen de régler les choses. Mais j'aimerais aussi vous entendre plaider pour ce qui est une grande réussite québécoise, je pense, qui est ce modèle de protection des renseignements personnels, d'accès aussi aux documents des organismes publics, qui mérite d'être bonifié. Mais c'est encore une jeune institution, si on la compare à bien d'autres.

Mme Burgess (Joanne): Je dirais que...

Le Président (M. Gaulin): Très rapidement.

Mme Burgess (Joanne): Ah! excusez.

Le Président (M. Gaulin): Allez-y.

Mme Burgess (Joanne): Je dirais que j'espère que mes interventions n'ont pas été comprises comme une remise en question des principes ou des fondements de la loi, loin de là. Vous comprendrez notre étonnement devant certains des effets de ces lois-là sur le travail des historiens. Je crois qu'une des voies de sortie demeure dans une réflexion sur les rapports entre le caractère sensible des renseignements personnels et la durée, le temps écoulé.

M. Boisclair: Bien, encore là, une définition qui est très difficile à appliquer. Qu'est-ce qui est un document, une information sensible? Qu'est-ce qui ne l'est pas? Vous voyez le genre de défis qui nous attendent, nous, les parlementaires, sur cette question.

Le Président (M. Gaulin): Rapidement, Mme Cardin.

Mme Cardin (Martine): Merci. Je reviendrai en disant, sur la première intervention que j'ai faite, qu'il y a déjà un appareil qui existe, qui est en synergie, qui s'appelle loi d'accès. Vous savez, les problèmes qu'on soulève au privé, ce sont des problèmes qui... C'est le même problème au public. Comment se fait-il qu'au niveau du public on n'ait pas ce problème-là et, au niveau du privé, on l'ait? Pour la bonne et simple raison qu'au privé c'est une loi de protection, ce n'est pas une loi d'accès et c'est une loi qui n'est pas, non plus, en synergie avec la Loi sur les archives. Je pense que c'est ce vers quoi il faut tendre, effectivement, bonifier la structure, mais surtout ne pas oublier l'annexe, qui est toute l'annexe du patrimoine, des ensembles patrimoniaux, de tout ce qui est de la législation qui, dans le cas de la loi 68, a été exclu parce qu'on est allé vers des finalités pragmatiques et non pas des finalités peut-être plus expressives, comme l'avait fait, peut-être, la loi 65.

Le Président (M. Gaulin): Bien, merci, mesdames, d'être venues nous rappeler le droit à la mémoire. Je pense que c'est quelque chose sur lequel il faudrait construire davantage. «Je twisterais les mots, s'il fallait les twister, pour qu'un jour nos enfants sachent qui vous étiez.» Je vous remercie. Au revoir.

Oui, je remercie les gens du Service anti-crime des assureurs de déjà être là. Alors, il y a M. Brochier et M. Charette. Je ne sais pas qui va s'adresser à nous.


Service anti-crime des assureurs (SACA)

M. Brochier (Jean-Pierre): C'est moi-même, M. le Président, Jean-Pierre Brochier.

Le Président (M. Gaulin): Alors, M. Brochier.

(16 h 40)

M. Brochier (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les députés, je suis accompagné par Me François Charette, du bureau Lavery, de Billy, de Montréal, et sans plus tarder, je vais vous présenter un résumé de notre mémoire.

Le Service anti-crime des assureurs est une société sans but lucratif financée entièrement par l'industrie canadienne de l'assurance et qui a pour mission principale d'aider les compagnies d'assurance et les autorités gouvernementales du Canada à prévenir, à détecter et à réprimer les crimes entraînant ou pouvant entraîner des décès, des pertes, des blessures corporelles ou des dommages matériels.

L'entrée en vigueur de la loi sur le secteur privé a eu un impact significatif sur les deux principaux volets des activités du SACA, à savoir la gestion de sa banque de données de réclamations et la poursuite d'enquêtes pour le compte des assureurs. La principale difficulté rencontrée réside dans la nécessité pour les assureurs d'obtenir de nombreux consentements des assurés afin de permettre au SACA d'échanger des renseignements personnels avec eux ou encore pour permettre au SACA de mener à bien ses enquêtes.

Pourtant, dans de nombreux cas, le consentement de l'assuré nous apparaît inutile, notamment lorsqu'il s'agit de procéder à une simple vérification des antécédents d'une personne en matière d'assurance. L'obtention d'un tel consentement nous apparaît d'autant plus inutile que l'assureur est en droit de l'exiger. Cette exigence formelle impose indûment une lourdeur administrative et constitue une cause de frustration pour les consommateurs.

Dans certaines situations, le SACA est également appelé à enquêter non seulement sur l'assuré, mais sur le conjoint ou une personne qui lui est liée. Le consentement obtenu auprès de l'assuré au moment de la souscription ne vaut que pour lui. L'assureur doit donc obtenir du conjoint ou des personnes qui sont liées à l'assuré un consentement spécifique distinct. Pourtant, il est tout à fait normal que le SACA puisse enquêter sur le conjoint de l'assuré ou sur une personne liée, dans des cas tels que l'incendie de la demeure ou d'un commerce ou encore dans le cas d'un vol d'auto.

Afin d'obvier à ces difficultés, la loi pourrait être modifiée afin de permettre au gouvernement d'adopter un règlement spécifique au domaine de l'assurance prescrivant les renseignements ou les catégories de renseignements qui pourraient être communiqués à un assureur ou à un organisme tel le SACA sans qu'il ne soit nécessaire d'obtenir le consentement de la personne concernée. La loi devrait néanmoins permettre à une entreprise d'obtenir un consentement spécifique lorsqu'elle désire obtenir ou échanger des renseignements personnels qui ne sont pas prévus dans ce règlement.

La question de la révocabilité du consentement pose également des problèmes. La Commission d'accès à l'information a laissé entendre au cours des dernières années qu'une personne pouvait révoquer le consentement donné au moment de la conclusion d'un contrat ou pendant l'exécution de celui-ci. Cette position du tribunal pourrait soulever de nombreux litiges si elle devenait une pratique courante. Il importe de rappeler qu'en vertu de l'article 9 de la loi sur le secteur privé un assureur peut exiger d'une personne des renseignements personnels ou encore un consentement afin d'obtenir ces renseignements dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires à la conclusion ou à l'exécution du contrat d'assurance. À défaut pour l'assuré de fournir un consentement, celui-ci s'expose au rejet de sa réclamation. La loi sur le secteur privé devrait donc reconnaître le caractère irrévocable d'un consentement, lorsque celui-ci fait partie intégrante d'un contrat.

La loi sur le secteur privé est silencieuse en ce qui concerne les renseignements personnels ayant un caractère public. Dès qu'une entreprise recueille de tels renseignements, ceux-ci doivent alors être traités de manière confidentielle, et ce, malgré leur caractère public. Dans les circonstances, nous croyons qu'il serait opportun que la loi sur le secteur privé soit amendée afin d'y prévoir une exception à l'égard des renseignements à caractère public. L'accès à des renseignements ayant un caractère public, tels les renseignements provenant des plumitifs judiciaires est fondamental pour le SACA. Or, la Commission d'accès à l'information semble préconiser une interprétation stricte de l'article 77 de la loi sur le secteur privé voulant que seul un agent de renseignements personnels soit habilité à fournir dans un rapport de crédit des renseignements provenant des plumitifs. Afin d'écarter toute ambiguïté, le législateur devrait intervenir et énoncer clairement à l'article 18 de la loi sur le secteur privé que les renseignements ayant un caractère public peuvent être communiqués à des tiers sans le consentement de la personne concernée.

Dans son rapport sur la mise en oeuvre de la loi sur l'accès et de la loi sur le secteur privé, la Commission d'accès à l'information recommande que l'article 20 de la loi soit modifié afin de tenir compte de la nouvelle définition du mandat que l'on retrouve à l'article 21.30 du Code civil du Québec. Cette notion de mandat s'avère plus restreinte que celle qui existait auparavant. Dans les circonstances, nous souscrivons entièrement à la recommandation de la Commission d'accès à l'information visant à apporter des ajustements au libellé de l'article 20 de la loi sur le secteur privé de manière à en élargir la portée pour qu'elle inclue la notion de contrat de service.

Le SACA souscrit également à la recommandation de la Commission d'accès à l'information voulant que la requête pour permission d'en appeler à la Cour du Québec soit éliminée de manière à permettre aux parties de procéder immédiatement sur l'appel. Nous ne pouvons cependant souscrire à la recommandation visant à restreindre la portée du droit d'appel. Nous ne voyons pas dans le rapport de la Commission des motifs sérieux justifiant que l'on s'écarte d'une jurisprudence constante des tribunaux à l'effet qu'une erreur manifeste et déterminante dans l'appréciation des faits soit assimilable à une erreur de droit.

Finalement, nous ne pouvons également souscrire à la recommandation qui vise à éliminer l'appel des décisions interlocutoires finales de la Commission d'accès à l'information. L'étude de la jurisprudence démontre que, dans la majorité des cas, les décisions interlocutoires dont on désire en appeler touchent la juridiction de la Commission. Par souci d'efficacité, il nous apparaît préférable de décider d'abord des questions de juridiction avant de forcer les parties à procéder devant un tribunal dont la juridiction est remise en question. À cet égard, l'état actuel du droit nous semble préférable à la recommandation de la Commission. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, je vous remercie. D'abord, je commence par vous saluer et vous souhaiter la bienvenue à la commission parlementaire, saluer un digne représentant du cabinet Lavery, de Billy, qui est sûrement au fait des états d'âme des membres de cette commission, pour avoir discuté certainement avec son collègue avant de se présenter à cette commission.

On va commencer peut-être par les bonnes nouvelles et vous dire que, sur la question du droit d'appel, effectivement, nous sommes davantage près des préoccupations que vous nous présentez ici aujourd'hui. Je pense que, s'il y avait quelque chose à étudier davantage, sans que je ne puisse moi-même me prononcer seul sur cette question, puisqu'il faut, bien sûr, qu'il y ait d'autres ministres impliqués dans cette réflexion, nous pourrions songer effectivement à éliminer la requête pour permission d'en appeler.

Je pense aussi comme vous que, sur l'appel à la Cour du Québec, il n'y a pas lieu de limiter la portée de l'appel et plutôt de laisser le soin à la Cour de juger les gestes qu'elle a posés et la façon avec laquelle l'appel doit être entendu, et, s'il y a lieu, peut-être revenir même sur des questions de fait. Donc, la recommandation de la Commission est davantage critiquée que souhaitée par les intervenants qu'on a entendus et par le ministre. Donc, c'est là où il y a une certaine communauté de pensée.

Vous nous faites aussi une recommandation: que l'article 20 de la loi sur le secteur privé soit modifié. Effectivement, il faut tenir compte de la nouvelle disposition du Code civil.

(16 h 50)

Ceci étant dit, je dois vous dire que c'est à peu près là où s'arrête la communauté de pensée. Et je dois vous dire que, sur la question du consentement, les gens nous parlent de la lourdeur du consentement. Je revois cette expression apparaître régulièrement dans les mémoires, la «lourdeur du processus», la «lourdeur administrative». Sauf qu'au fur et à mesure que je discute de cette question je m'aperçois que les gens n'ont pas la même définition de ce que signifie la lourdeur. J'étais avec les gens du Conseil du patronat, cet avant-midi. On nous disait: La lourdeur, ce n'est pas le fait d'exiger le consentement de la personne, ce n'est pas le fait de requérir sa signature. La lourdeur, c'est plutôt d'avoir à imposer ou à rechercher des règles qui nous permettent d'obtenir le consentement, qui sont respectueuses des décisions de la Commission d'accès à l'information, dans certains cas, où il y a une difficulté qui apparaît au niveau de la cohérence, au niveau de la jurisprudence. Je comprends qu'il peut y avoir là un certain nombre de difficultés, mais on va apporter des solutions aux problèmes qui sont identifiés. Je voudrais concrètement que vous me parliez de ce que vous entendez dire de votre côté sur cette lourdeur administrative. Vous nous dites que le consentement devrait être irrévocable. Est-ce que vous avez, par exemple, des exemples où des personnes auraient révoqué le consentement qui était donné à un assureur? Renseignez-nous sur la lourdeur dont vous nous parlez.

M. Brochier (Jean-Pierre): Je vais essayer de synthétiser tout ça, ma pensée. En assurance, il y a la souscription et il y a la réclamation. O.K.? Je pense que vous êtes au courant de tout ça. En souscription, il y a deux façons de procéder, il y a via le téléphone, il y a via le face à face, devant quelqu'un de la compagnie ou via un courtier. Lorsqu'il y a contact physique avec quelqu'un, habituellement, il peut y avoir une autorisation signée. Mais, lorsque c'est fait au téléphone, habituellement, c'est une autorisation verbale tacite qui est donnée. Lorsque l'application est prise par l'assureur ou par le courtier, peu importe, et que ça va finalement au service de souscription, il y a des vérifications qui sont faites pour évaluer la nature du proposant, quelle sorte de risque ça représente ainsi que son risque, en tant que tel: propriété, automobile, et tout ça.

Dans bien des cas, lorsque les services de souscription passent chez nous – parce que, comme je vous ai mentionné, on a une banque d'informations concernant l'historique des réclamations de certains assurés – l'assureur, nous, lorsque c'est fait par téléphone ou par fax, on pose la question: Est-ce que vous avez le consentement? Parce qu'on ne l'a pas par écrit. Il faut s'assurer de quelque chose. Et, à ce moment-là, on a une réponse. oui. Si c'est un lien électronique que le service de souscription de l'assureur a avec notre banque de données, il y a une affiche, un petit carré qui demande: Est-ce que vous avez l'autorisation? Si c'est non, effectivement il n'y a pas de communication. Si c'est oui, bien, là, il peut avoir accès.

Le problème, c'est que c'est à ce niveau-là. On présume, nous, que l'obtention de l'accord de la personne qui fait application pour une police d'assurance quelconque, si ce n'est pas écrit, ça peut créer des problèmes. Effectivement, vous connaissez les lois du marché, au niveau de l'assurance. Nous, notre problème, dans tout ça, c'est d'être une compagnie de services dédiée – vous avez vu notre mission, tantôt – contre la fraude des assurances. Et, lorsqu'on nous arrive avec des choses comme ça, il y a des fois où on dit: Peut-être, il peut y avoir des problèmes. Ça ne nous est pas arrivé, en tant que tel, au niveau de fournisseur de services, de dire à un assureur: Non, on ne peut pas vous donner accès, parce que, à peu près dans tous les cas, sauf au tout début... On ne peut pas dire à l'assureur: On ne peut pas vous donner le service parce que, dans tous les cas, il a cette information-là, surtout au niveau des assureurs qui sont directs. Oui, je pense que vous avez une question à me poser.

M. Boisclair: Je comprends vos impératifs financiers, je comprends la contrainte du service à la clientèle que vous souhaitez donner aux compagnies d'assurance, mais est-ce que vous comprenez aussi que le droit à la vie privée est un droit qui est fondamental et inscrit dans nos chartes? Est-ce que vous comprenez qu'un des principes, c'est l'obtention d'un consentement éclairé, libre et qualifié par des décisions de la Commission d'accès à l'information? Et est-ce que nous ne devons pas vivre avec ces difficultés, comme société? Est-ce que ce n'est pas là une exigence qui n'est pas raisonnable?

Les gens me parlent de gens qui souscrivent au téléphone à des assurances. Écoutez, dans bien des cas, les gens vont se déplacer pour signer une autorisation bancaire, les gens vont se déplacer pour aller porter des documents. Ce n'est pas si compliqué que ça. Bientôt, il y aura des mécanismes où, par échange électronique, on pourra valider l'équivalent d'une signature.

Donc, votre solution, devant cette difficulté, c'est de me demander, à moi, de réglementer quels seraient les renseignements qui sont nécessaires pour un secteur d'activité qu'on pourrait légitimement s'attendre à ce qu'un individu communique à une compagnie d'assurances.

M. Brochier (Jean-Pierre): Oui. Effectivement, ce sont habituellement toujours les mêmes renseignements.

M. Boisclair: Oui, mais, alors, pourquoi me demander de réglementer, de les définir, alors que la Commission, dans ses décisions, va arriver à le faire, qu'il y aura une certaine constance qui va apparaître dans la jurisprudence?

M. Brochier (Jean-Pierre): Je pense que, via un règlement, ça serait sûrement une façon très consistante et abordable pour tout le monde.

M. Boisclair: Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je suis très mal à l'aise à l'idée de codifier un droit fondamental dans un règlement. On ne traite pas un droit comme celui-là de la même façon qu'on traiterait d'autres sujets de droit ou d'autres champs d'intérêt. La loi actuelle – et on en discutait cet avant-midi avec les gens du Conseil du patronat – nous permettrait de prendre un... Il y a un pouvoir habilitant qui est là. Il s'agirait peut-être de l'étendre et d'adopter un règlement. Mais nous embarquer dans un exercice de négociations où le gouvernement va lui-même décider à la place du consommateur ce qui est nécessaire et lui-même – le gouvernement – faire l'arbitrage? Je dois vous dire, ce n'est pas sûr que c'est une responsabilité que j'ai le goût de prendre. Ce n'est pas sûr.

M. Brochier (Jean-Pierre): On pourrait parler des champs organisés. Je veux dire, quand on arrive à une souscription...

M. Boisclair: Mais tout le monde va me demander ça, monsieur.

M. Brochier (Jean-Pierre): Oui, je comprends très bien, M. le ministre. Mais je suis ici pour vous expliquer exactement ce que serait peut-être une solution acceptable, aussi, pour tout le monde.

M. Boisclair: C'est parce que, vous voyez, ce n'est pas rien que mon problème, c'est notre problème collectif. Je suis heureux de voir, au moins, que je le partage avec les membres de cette commission.

M. Brochier (Jean-Pierre): Je comprends tout ça.

Le Président (M. Gaulin): Voilà. Alors, merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Sauf erreur, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'entendre une présentation de la part du Service anti-crime des assureurs et ça me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Brochier et à M. Charette.

M. le Président, comme le ministre vient de le dire, c'est sûr que les gens qui viennent de différents secteurs ont toujours leur point de vue très particulier, mais je pense que, dans une économie de marché, il faut qu'on soit vraiment très attentif à des arguments comme ceux qui ont été présentés aujourd'hui pour ce qui est de certaines préoccupations.

Et je prends l'exemple de l'interprétation très restrictive qui est donnée à la page 9 du mémoire, interprétation de la Commission à l'effet que seul un agent de renseignements personnels serait habilité à fournir dans un rapport de crédit les renseignements publics, dans ce cas-ci, en provenance des plumitifs. Si ça devait être pris au pied de la lettre, ça voudrait dire que même un avocat qui irait vérifier dans ce plumitif-là aurait les mêmes difficultés à fournir ces informations à son client. Alors, je pense qu'il y a peut-être des choses à regarder de ce côté-là.

Par contre, le domaine des assurances, ici, au Québec, est assez particulier. On n'a qu'à regarder les plumitifs pour constater quelles compagnies, à répétition, refusent dans une forte proportion de payer les réclamations, qu'elles ont l'avocat facile, qu'elles ont tendance à contester facilement. Comme avocat de pratique privée, ça m'a déjà été donné dernièrement de constater que c'est les mêmes compagnies qui reviennent à répétition. On a des gens qui viennent dans nos bureaux dire: Écoutez, je suis en train de me faire refuser. Puis les lettres! Ils ne font pas dans la dentelle. Les lettres d'avocat, c'est du style: Selon nous, vous n'êtes pas étranger à cet événement. Alors, le choix pour la personne, c'est ou de poursuivre en libelle diffamatoire et d'intenter le reste. Mais c'est souvent les plus grands bureaux qui sont en arrière de ces lettres-là, avec un mandat d'être aussi agressifs et de rendre ça aussi long que possible.

(17 heures)

Une partie de la problématique que je suis en train de décrire relève plus du Surintendant des assurances et de l'Inspecteur général des institutions financières qui, à mon sens, historiquement, ici, au Québec, ne font pas preuve de suffisamment de vigueur à l'égard des compagnies d'assurances. Quand on voit... C'est son choix, il n'y avait rien qui l'empêchait légalement, mais sur le plan de l'éthique personnelle, j'ai trouvé ça curieux de voir un Inspecteur général des institutions financières quitter son poste pour aller travailler pour une des compagnies que, jusqu'à auparavant, il réglementait. Tout ce domaine-là...

M. Boisclair: Un ex-ministre aussi.

M. Mulcair: Le ministre a tout à fait raison quand il dit que ça vaut pour un ex-ministre également. Et je ne suis pas en train de dire que c'est une question partisane. Je suis en train de dire que c'est un problème fondamental, comme législateurs, qu'on doit tous regarder. Alors, nous, on a pris bonne note des préoccupations valables soulevées dans votre mémoire. Le ministre l'a dit tantôt, il y a des aspects qu'il faut regarder. Nous, on a l'intention de revenir avec certains de ces aspects-là. Et on espère, peut-être, en faisant travailler ensemble les différents partenaires qui régissent le domaine des assurances – parce qu'il y a d'autres aspects qui sont sur la table, de ce temps-ci – qu'on va pouvoir arriver à un résultat qui a de l'allure et pour les compagnies à qui on demande un certain nombre de choses et pour la personne qui paie la prime et qui s'attend à recevoir le service pour lequel elle a payé la prime.

En terminant, M. le Président, parce que mon collègue le député de Jacques-Cartier a une question également, je voudrais juste dire que je suis sensible aux problèmes concrets qui existent pour les compagnies, lorsqu'elles savent ou qu'elles devraient pouvoir savoir qu'une personne, ça fait huit ans qu'elle ouvre des restaurants et, par malheur, c'est exactement la même sorte de feu qui se déclare à chaque fois; il y a quelque chose qui ne marche pas. Parce que, effectivement, à la fin de la journée, celui qui paie pour ça, c'est l'autre qui paie ses primes annuellement et qui n'a pas ces feux mystérieux, et qui paie peut-être deux fois plus en assurance qu'il ne devrait payer, par ailleurs. En tout cas, c'est essayer de trouver l'équilibre entre ces forces-là qui va être notre tâche. Et je remercie encore le Service d'avoir porté ces informations-là à notre connaissance.

Le Président (M. Gaulin): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Juste une courte précision, à la page 8, au deuxième paragraphe dans Les renseignements personnels à caractère public, on parle: «...il est tout à fait pertinent, voire même essentiel pour un assureur d'être en mesure de savoir si un individu a déjà été accusé de fraude à l'égard d'un assureur avant d'émettre une police d'assurance.» Est-ce qu'«accusé» est le bon mot ou si c'est vraiment quelqu'un qui était coupable? Parce que, les accusations, c'est quelque chose qui arrive, mais...

M. Brochier (Jean-Pierre): Plus coupable, effectivement, qu'une sentence...

M. Mulcair: Condamné.

M. Kelley: Condamné au lieu de... C'est juste cette précision. Parce qu'il faut toujours avoir la sensibilité... Des accusations, ça se fait. Elles sont toujours à la une, les accusations, et le fait qu'on a trouvé quelqu'un innocent, on trouve ça à la page D-16. Alors, je pense que c'est une distinction importante. Je veux juste m'assurer que, vraiment, on veut avoir accès, le fait que quelqu'un a des antécédents judiciaires et a été condamné pour fraude. Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Eh bien, merci. Alors, merci, M. Brochier et M. Charette, d'avoir déposé pour le Service anti-crime des assureurs.

Alors, j'invite l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec à se présenter. Mme Savoie, la présidente, pourrait nous présenter les gens qui l'accompagnent.


Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ)

Mme Savoie (Louise): M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, je vous présente les gens qui m'accompagnent: Mme Céline Viau, qui est secrétaire générale de l'Ordre des évaluateurs agréés, et M. Gérard Brahic, qui est à notre bureau de direction, administrateur de notre bureau de direction.

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous avez 20 minutes.

Mme Savoie (Louise): D'accord.

Mme Viau (Céline): Alors, très rapidement, vous présenter l'Ordre des évaluateurs agréés. Nous regroupons environ 1 000 membres dont près de la moitié pratiquent en évaluation municipale, soit à la confection des rôles d'évaluation ou alors pour des expertises privées, pour contester les valeurs inscrites aux rôles. Plusieurs aussi agissent comme témoins experts ou comme enquêteurs dans des dossiers d'évaluation pour différents clients et employeurs. Dans tous les cas, le rôle de l'évaluateur agréé est de contester... – oui, de contester, c'est un beau lapsus – de constater et d'analyser des informations. Et les informations sont, au fond, l'outil de travail de base des évaluateurs agréés, qui doivent observer le marché.

Le principe des ordres professionnels, comme vous le savez sans doute, c'est de garantir la protection du public en assurant la qualité de la pratique de leurs membres. Or, ce qui nous intéresse, dans ce dossier-là – on parlait de vision corporatiste, tantôt – ce n'est pas une vision corporatiste au sens de défendre nos membres, mais plutôt au sens d'assurer la qualité de l'acte professionnel de l'évaluation, c'est-à-dire de permettre à nos membres de travailler avec le matériel dont ils ont besoin. Et je peux vous dire que ça ne peut pas être une vision corporatiste parce que les intérêts de nos membres – à la fois, je vous l'ai dit tantôt, il y en a qui font de la confection, il y en a qui font de la contestation – sont tellement divergents qu'au fond je ne suis même pas certaine qu'on arriverait à un consensus à ce niveau-là. Donc, le point de vue qu'on vous a exprimé dans notre mémoire, c'est vraiment celui de la protection du public.

Mme Savoie (Louise): Alors, l'étude de la loi sur l'accès – permettez-nous d'abréger son nom – nous interpelle à deux titres, à l'Ordre des évaluateurs agréés; en premier lieu, parce que la pratique professionnelle des évaluateurs agréés commande l'accès à des documents et le traitement d'informations qui peuvent être jugées confidentielles, ensuite, parce que, en tant qu'ordre professionnel chargé d'informer le public sur la qualité de la pratique professionnelle de nos membres, nous sommes concernés par des dispositions législatives qui nous sont imposées parfois de façon contradictoire ou, à tout le moins, contraignantes dans l'exercice de notre mission.

Le 22 août 1996, la Commission d'accès à l'information rendait son jugement dans l'affaire Parent contre Ayer's Cliff village. Dans cette affaire, le demandeur souhaitait obtenir une copie de la matrice graphique couvrant la rue Westmount entre les rues Ripple Cove et Maple. La municipalité en avait refusé l'accès, alléguant les articles 78 et 79 de la Loi sur la fiscalité municipale. Après s'être interrogée quant à savoir si la matrice graphique constituait un document rassemblé par l'évaluateur en vue de la confection du rôle, et donc un document confidentiel, la Commission rejetait la demande de révision.

Cette décision, bien que légalement défendable, a eu de graves répercussions sur les conditions de pratique de nos membres. En effet, conseillées ou non par leurs services de contentieux, plusieurs municipalités ont, dès lors, modifié leurs procédures d'accès pour se conformer à la jurisprudence établie par la Commission.

Pourtant, depuis la première édition du premier rôle d'évaluation communément appelé «nouvelle génération», la matrice graphique était déposée au greffier en même temps que le rôle d'évaluation et les registres de concordance, par nom, par adresse et par lot. Les évaluateurs municipaux sont donc astreints par la Loi sur la fiscalité municipale à déposer une matrice graphique qui ne comporte pas, il est utile de le préciser, de renseignements confidentiels.

Ainsi donc, alors qu'autrefois la matrice graphique avait toujours été un outil de travail disponible aux évaluateurs agréés et au public en général, voilà qu'aujourd'hui on en interdit l'accès de façon presque généralisée. L'Ordre des évaluateurs agréés considère que cette orientation cause un grave préjudice à la pratique de l'évaluation et, donc, indirectement au public, qui a droit à une expertise motivée pour l'établissement de la valeur de ses biens.

Alors, je vais vous rappeler les obligations des membres de l'Ordre des évaluateurs agréés. On peut comprendre la crainte de la Commission que l'accès à certaines données municipales nuise à la protection de renseignements privés. Mais, à titre de contribuables propriétaires de biens immobiliers, nous ne sommes pas plus intéressés que d'autres à ce qu'on vienne fureter dans nos dossiers et encore moins nous harceler à des fins commerciales. Mais, dans l'intérêt du public, n'y a-t-il pas lieu de permettre l'accès à ces informations à certaines catégories de personnes bien ciblées et surtout bien encadrées?

L'appartenance à un ordre professionnel confère certaines garanties quant à l'utilisation de telles données. Ainsi, les évaluateurs agréés sont tenus de se conformer à des normes de pratique professionnelle qui les obligent à supporter et à justifier leur opinion par des données, des informations, des analyses et des méthodes ou des techniques d'évaluation reconnues par la profession. L'évaluateur a donc besoin d'une banque de données le plus à jour possible qui l'informera sur toutes les propriétés vendues et leurs caractéristiques, et ce, tant aux niveaux résidentiel, commercial, industriel, terrains vacants, tous les types de propriété.

À l'usage, il appert que la majorité de ces informations sont publiques et accessibles via différents services municipaux ou gouvernementaux, notamment le Bureau de la publicité des droits, le service d'évaluation de chaque municipalité, le service de l'urbanisme et de l'aménagement, le service des travaux publics et de la trésorerie. En contrepartie, l'évaluateur agréé est contraint par son code de déontologie à respecter la confidentialité des données qu'il détient. De plus, le projet de code de déontologie révisé, actuellement sous étude à l'Office des professions, est encore plus explicite sur l'éthique à laquelle un membre de l'Ordre est soumis en matière de confidentialité, notamment en le responsabilisant directement quant à la discrétion du personnel sous sa responsabilité.

(17 h 10)

Bien que conscients des dangers évoqués par la Commission d'accès à l'information lorsqu'il y a couplage ou appariement de deux fichiers, il faut bien se rendre à l'évidence, les technologies nouvelles nous fournissent l'opportunité de développer des outils professionnels plus fiables, plus performants et plus économiques, et ce, pour le bénéfice des contribuables. Eu égard à la réglementation et aux mesures de contrôle qui l'accompagnent, il nous apparaît que le public est bien protégé contre l'utilisation abusive des informations détenues par ces professionnels que sont les évaluateurs agréés.

L'Ordre est d'avis que la démarche réalisée par l'évaluateur municipal doit rester confidentielle, soit le traitement des données publiques et le processus d'analyse. De même, la description des propriétés concernant les références aux éléments intérieurs de celles-ci et non aux éléments extérieurs, de même que ce qui touche aux revenus doivent demeurer confidentiels, car il s'agit là d'informations obtenues en vertu de la Loi sur la fiscalité municipale, qui en assure la confidentialité.

Le rapport quinquennal de la Commission rappelle que la protection des renseignements personnels vise avant tout et essentiellement un objectif et un seul: préserver l'individu contre la toute puissance de l'État. Reprenant à son compte ces propos, l'Ordre des évaluateurs agréés affirme que l'accès à certains renseignements détenus par des services publics assurera à ces mêmes individus une meilleure connaissance et un contrôle accru sur la qualité des services offerts par l'État, notamment en matière d'évaluation. Il y a une marge entre diffuser sur Internet la liste des propriétaires ayant émis un chèque sans provisions et permettre à des professionnels contrôlés par des règles d'éthique d'utiliser des renseignements considérés essentiels à l'exercice de leur pratique professionnelle.

Je vous ramène à la page 10 de notre mémoire. À cet effet, les recommandations que nous faisons sont les suivantes:

Que le ministère des Affaires municipales clarifie ce qui doit être considéré comme confidentiel ou non, en concertation avec l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec;

Que des amendements législatifs soient apportés à la Loi sur la fiscalité municipale afin de statuer légalement sur le caractère confidentiel ou non de certaines informations et que ces dispositions législatives soient prépondérantes à la loi d'accès à l'information et à la loi sur les renseignements personnels;

Que ces modifications législatives soient harmonisées avec les règles déontologiques auxquelles sont assujettis les évaluateurs agréés, soit le code de déontologie et les Normes de pratique professionnelle des évaluateurs agréés ;

Que les fiches descriptives ne soient pas considérées comme des données accessibles au public, sauf au propriétaire, qui devrait pouvoir en obtenir copie;

Que le résumé du rôle et la matrice graphique soient considérés comme des données publiques;

Que le décloisonnement des informations qui proviennent de divers services où elles sont considérées publiques soit autorisé par la Commission d'accès à l'information;

Que les données qui concernent l'intérieur de la propriété et les revenus générés par celle-ci ne soient pas du domaine public.

On a un autre volet dont ou voulait vous entretenir, c'est l'assujettissement des ordres professionnels à la loi d'accès. A priori, l'Ordre des évaluateurs agréés souscrit entièrement au principe de transparence obligée des ordres professionnels. Nous convenons également que, de façon générale, les ordres professionnels s'assimilent plus naturellement aux organismes publics qu'aux entreprises privées, par leur mission de protection du public. Toutefois, cette impression est générale et, quand on regarde de plus près le fonctionnement des ordres de même que les multiples obligations et considérations juridiques auxquelles ils sont astreints, on constate que, là, rien n'est simple. On est une sorte de monde à part.

La mission des ordres professionnels est d'assurer la protection du public en encadrant la pratique professionnelle de leurs membres, notamment via l'admission, l'inspection professionnelle et la discipline. On comprendra que ce sont des sujets fort sensibles pour les membres de ces ordres, et, en conséquence, il y a là largement matière à litige. Si on ajoute à cela que, pour réaliser ce mandat, les ordres professionnels ne comptent que sur l'apport financier de leurs membres, par le biais des cotisations ou du financement de leurs activités, on peut aisément déduire que ces derniers s'en considèrent les propriétaires de droit. Il est donc fréquent que les responsables des ordres se trouvent pris entre l'arbre et l'écorce à gérer des frustrations jugées légitimes par leurs membres tout en se conformant aux règlements dictés par l'Office des professions.

Le seul moyen de se sortir de ce fourbi, d'après nous, est de placer la mission de protection du public au-dessus de tout. Concrètement, posons-nous donc la question: Quel public peut être intéressé par des documents internes aux ordres professionnels? Il est à craindre qu'il n'y ait que deux catégories de requérants, les journalistes et les membres frustrés de certaines décisions prises à l'intérieur des ordres. Le public serait-il mieux protégé si l'on donne prise à l'attrait pour le sensationalisme auquel certains journalistes sont particulièrement sensibles et aux vendettas personnelles de membres en colère?

On va vous donner un exemple concret qui concerne l'inspection professionnelle. L'inspection professionnelle et en particulier les auditions devant le comité d'inspection de membres susceptibles de se voir imposer un stage de perfectionnement constituent des éléments très épineux du mandat de contrôle de la profession. Aussi, nous envisageons mal que des documents, par exemple des procès-verbaux du comité d'inspection professionnelle, soient soumis à l'attention du public. Pour ce faire, compte tenu des renseignements nominatifs qui y figurent, il faudrait un véritable travail de bénédictin pour rendre ces documents anonymes. Cela nécessiterait du temps et des ressources que ne possèdent pas tous les ordres professionnels, énergie qui ne serait alors pas consentie à des activités plus directement reliées à la mission de l'Ordre.

Par ailleurs, nous sommes d'avis que les deux lois sous étude devraient être amendées pour que s'applique l'article 192 du Code des professions afin de permettre aux ordres d'inspecter l'ensemble de leurs membres, y compris ceux qui pratiquent dans les services publics. Actuellement, certains se soustraient à cette obligation, alléguant le caractère confidentiel des dossiers qu'ils traitent, ce qui va à l'encontre de l'intérêt public et de la protection du public, ce qui est notre mission.

Un deuxième exemple, la discipline. Le Code des professions réglemente déjà de façon fort détaillée l'ensemble du processus disciplinaire et la nature confidentielle de ce processus. Il nous apparaît évident qu'un accès élargi aux documents et aux dossiers relatifs à la discipline risquerait fort de donner lieu à des interprétations et à des divulgations abusives. Il ne faut pas oublier qu'en matière de discipline on joue avec la carrière de professionnels qui, comme tous les accusés, ont droit au respect de leur réputation. Il arrive que des journalistes s'autorisent des analyses et posent des jugements partiels à partir d'un simple document. Mieux vaut ne pas imaginer l'information ou la désinformation qui pourrait émerger de consultations fragmentaires de dossiers de membres sous enquête. Il faut bien comprendre que nous n'avons aucun contrôle sur l'usage qui est fait de l'information livrée à un tiers, encore moins aux médias.

Par contre, l'Ordre est d'avis que le Code des professions devrait être amendé pour faire en sorte que les membres du bureau de direction d'un ordre professionnel qui répondent publiquement des décisions des syndics de leur ordre aient accès aux dossiers d'enquête et aux rapports d'experts de ces derniers. Sans intervenir dans la décision des syndics – ce qu'on n'a pas le droit de faire – qui doivent à tout prix conserver leur indépendance, cela permettrait aux administrateurs de mieux comprendre les décisions des syndics et, donc, d'assumer des décisions qui apparaissent aux yeux du public comme celles de l'ordre qu'ils dirigent.

Malgré un objectif légitime de transparence, l'Ordre des évaluateurs agréés considère qu'assujettir les ordres professionnels aux mêmes obligations de transparence que les organismes publics comporte des dangers véritables pour le public, pour ses membres, pour le système professionnel en permettant que s'exercent des pressions de toutes parts. Il considère que le Code des professions impose déjà de multiples normes, notamment en matière de confidentialité des informations. C'est pourquoi nous privilégions ce véhicule comme cadre légal de réglementation de l'ensemble des activités des ordres professionnels, y compris en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, quitte à le bonifier, quitte à l'amender. Je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): Merci, madame. Alors, Mme Savoie, merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, monsieur, je voudrais vous remercier pour votre présentation et vous souhaiter la bienvenue en commission parlementaire. Nous avions pris connaissance des recommandations de votre mémoire. Je voudrais peut-être commencer par le dernier segment concernant l'assujettissement des ordres professionnels. C'est une question que nous allons fouiller davantage. Je dois vous dire que certainement s'il y a un assujettissement que nous souhaitons, c'est, au minimum, l'assujettissement à la loi sur le secteur privé. Est-ce que nous irons jusqu'à assujettir à la loi sur les organismes publics? C'est une question qui mérite d'être débattue avec mon collègue le ministre de la Justice, qui est responsable des ordres professionnels.

(17 h 20)

Je ne peux cependant être d'accord avec vous lorsque vous dites que les membres se sentent propriétaires de leur ordre professionnel. Puis-je encore rappeler, comme je l'ai fait cet avant-midi, que les cotisations sont déductibles à 100 % et que la Cour supérieure a reconnu les ordres professionnels comme étant des organismes publics? Donc, je pense qu'il y aurait lieu, dans votre argumentation, si c'est le point de vue que vous désirez maintenir, peut-être de revoir un certain nombre des arguments qui sont à la base de votre réflexion pour que nous puissions, ensemble, cheminer et progresser avant d'en arriver à une proposition claire sur cette question. Mais il faudra certainement pousser plus loin notre réflexion. Et j'indique qu'au minimum je partirai de l'intention qui était celle du législateur au moment de l'adoption de la loi sur le secteur privé, où il était clair que les ordres professionnels, dans l'esprit du législateur, au moment de l'adoption de la loi, avaient fait en sorte que... Il souhaitait assujettir les ordres professionnels à la loi sur le secteur privé.

Donc, ce petit commentaire étant fait, je voudrais revenir sur les autres, profiter de votre passage parmi nous et profiter de votre expertise et je voudrais que vous fassiez un peu d'éducation aux adultes. Je prends la page 10 de votre mémoire, où vous retrouvez les recommandations, et je voudrais être sûr de bien les comprendre. D'abord, est-ce que vous pourriez m'expliquer quelle est la distinction entre les fiches descriptives et la matrice graphique?

Mme Savoie (Louise): C'est pour ça qu'on a amené M. Brahic, qui travaille dans le domaine municipal, donc, avec tous ses outils de matrice graphique et de rôle d'évaluation. Mais, avant tout, est-ce que je pourrais répondre à la...

M. Boisclair: Allez, allez.

M. Savoie (Louise): Parce que, comme on revient sur la première partie de notre mémoire, qui est la matrice graphique, ce que je voulais vous faire remarquer, c'est qu'il y a deux genres d'ordres professionnels. Il y en a quelques-uns ou plusieurs qui sont à pratique exclusive et d'autres qui sont à titre réservé. Et la tâche n'est pas la même, à notre avis, pour assurer la protection du public et répondre aux interrogations du public, quand on est juste un titre réservé.

Premièrement, les gens, chez nous, n'appliquent pas à notre Ordre, ne deviennent pas membres de notre Ordre. Ils peuvent faire de l'évaluation sans être membres de l'Ordre des évaluateurs agréés. Alors, on n'a pas les mêmes ressources, bien sûr, quand on est un ordre professionnel à titre réservé, que si on l'est à pratique exclusive. Je pense que vous êtes conscients de cette distinction.

M. Boisclair: Tout à fait.

Mme Savoie (Louise): Et, effectivement, on favoriserait l'assujettissement à la loi dans le secteur privé plus que celle dans le secteur public. Mais on pensait, malgré tout, que, étant donné qu'on est aussi un genre d'organisme quasiment judiciaire parce qu'on est obligé d'encadrer la pratique de nos membres, il y a des choses qui, donc, doivent être très confidentielles dans un tel organisme et que, à ce moment-là, peut-être que le Code des professions pouvait se pencher sur la question et établir des normes.

Le Président (M. Gaulin): M. Brahic.

M. Brahic (Gérard): M. le ministre, dans les documents que vous avez devant vous, il y a un plan qui, finalement, est la matrice graphique.

M. Boisclair: Ça, c'est le cadastre, le plan de cadastre.

M. Brahic (Gérard): C'est ça. C'est une superposition du cadastre. Vous avez le numéro du lot, les dimensions de la propriété, c'est-à-dire du terrain, et vous avez un matricule, qui est finalement l'identifiant au rôle d'évaluation pour permettre de – c'est un système de coordonnées, de quadrillage – lire, dans un rôle d'évaluation, un matricule, parce que tous les rôles d'évaluation ont un matricule. Vous pouvez le faire à partir du plan.

Dans les villes, il existe des compilations cadastrales. Au niveau du rural, je peux vous dire que la matrice graphique est utilisée par tout le monde, c'est-à-dire à partir du moment où ça a été monté par les évaluateurs, par les notaires, par les arpenteurs, et ainsi de suite, là où il n'y a pas un cadastre bien défini.

M. Boisclair: Mais c'est les arpenteurs qui détiennent ça.

M. Brahic (Gérard): C'est les évaluateurs qui font le plan de balancement, qui est le balancement du lot, et c'est les arpenteurs qui le mettent en page. Alors, vous avez aujourd'hui une réforme cadastrale qui vient modifier certains éléments de la matrice graphique. Et, étant donné la décision de la Commission d'accès à l'information, pour la ville que je représente, la ville de Trois-Rivières, on a refusé l'accès au service du cadastre à la matrice graphique, qui était la matière première de la rénovation cadastrale. Alors, il y a des incongruités dans la loi sur la fiscalité au niveau de la matrice graphique. On aimerait que ça reste un document qui est public parce qu'il est déposé chez le greffier à chaque dépôt de rôle.

M. Boisclair: Alors, vous m'avez remis un document confidentiel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brahic (Gérard): C'est ça.

M. Boisclair: Cette question, il faudra la fouiller. Je comprends qu'il y a un problème pratique. Je pense que nous allons entendre la Corporation des officiers municipaux, qui va venir témoigner devant cette commission, je pense qu'on pourra peut-être approfondir la réflexion avec eux. Mais je comprends qu'il y a un problème qui se pose à vous. Mais j'ai toujours cru que c'étaient les arpenteurs. Quand on fait cadastrer des lots, ce sont les arpenteurs qui vont sur les sites, qui vont cadastrer...

M. Brahic (Gérard): Oui, mais, un lot... Vous pouvez avoir une unité d'évaluation qui peut être composée de deux lots. Alors, à ce moment-là, il y a un seul matricule, et c'est l'évaluateur qui définit cette unité d'évaluation qui est le rassemblement des deux lots.

M. Boisclair: Ah! Les matricules servent aux fins d'évaluation des lots...

M. Brahic (Gérard): Simplement.

M. Boisclair: ...ou d'une...

Mme Savoie (Louise): Ça identifie la propriété, en réalité. Alors, quand on regarde sur ce plan, il n'y a aucun renseignement nominatif qui apparaît. Il n'y a que des numéros matricules, les limites d'une propriété, d'une unité d'évaluation, la superficie. Dans le fond, on ne voit pas qu'il y a des renseignements très confidentiels là-dessus. C'est sûr qu'avec le numéro matricule on peut se référer au rôle d'évaluation qui, lui, est public, et, là, on obtient, bien sûr, le nom du propriétaire, son adresse civique et tous les renseignements, la valeur de sa propriété, mais, sur la matrice graphique comme telle, il n'y a pas de renseignements nominatifs.

M. Boisclair: Donc, ça, c'est la matrice, puis, ça, c'est la fiche descriptive.

M. Brahic (Gérard): Ça, c'est la fiche descriptive, qui est rassemblée, c'est-à-dire les renseignements qui sont rassemblés par l'évaluateur dans l'exercice de sa fonction. Vous avez là des renseignements qui proviennent de différents services municipaux.

Ce à quoi on s'oppose, c'est que, suivant l'article 18 de la Loi sur la fiscalité municipale, on oblige les gens à nous ouvrir leur propriété. Sous le sceau de la confidentialité, on pénètre à l'intérieur des maisons et on obtient aussi le revenu de l'immeuble, avec ses dépenses, et ainsi de suite. On ne veut pas aller jusque-là puis dire que les évaluateurs devraient avoir accès à ces données-là. Mais ce qu'on voudrait, c'est que tout ce qui est visible de l'extérieur de la propriété – tout le monde voit que c'est une maison à un étage qu'on a en face de nous – et qu'on puisse avoir accès, finalement, au descriptif du rôle d'évaluation qui existe...

M. Boisclair: Qui détient ces renseignements-là? Qui détient la fiche descriptive? C'est l'évaluateur qui la détient.

Mme Savoie (Louise): C'est l'évaluateur municipal.

M. Brahic (Gérard): L'évaluateur municipal.

Mme Savoie (Louise): Mais tous les évaluateurs, pour faire leur expertise, ont besoin de ces données-là. Alors, les autres évaluateurs, eux, qui ne sont pas dans le domaine municipal, qui font de l'expertise ou de la contestation d'évaluation municipale, n'y ont pas accès. Et, alors, pour préparer les rapports d'expertise qu'on doit faire, plus on a d'informations fiables qui viennent, par exemple, de toutes ces sources, des différents services des municipalités, plus nos expertises peuvent être fiables et bonnes.

M. Boisclair: Je comprends que vos membres ont souvent des intérêts divergents. Ha, ha, ha!

Mme Savoie (Louise): Très divergents. D'ailleurs...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Savoie (Louise): ...il y a des guerres terribles dans ce domaine-là, chez nous. Donc, ce n'est pas un intérêt corporatiste qu'on défend.

M. Boisclair: Non, non, je comprends bien ce que vous me dites, madame.

Mme Savoie (Louise): Et c'est de même pour le public en général, parce qu'un tel document est utile à beaucoup de gens. Tout le monde se sert de la matrice graphique, les courtiers en immeubles...

M. Boisclair: Oui, tout à fait.

Mme Savoie (Louise): C'est un plan. C'est comme un plan de rue, en fait. Qu'est-ce qu'il peut y avoir de confidentiel là-dedans? C'est une interprétation qui a été faite de la Loi sur la fiscalité municipale.

M. Boisclair: Deux petits commentaires. Faire les modifications législatives pour harmoniser avec les règles de déontologie auxquelles les évaluateurs sont assujettis. Nous sommes à bâtir un édifice à portée générale, et je pense qu'il est difficile qu'on puisse donner suite... Je pense que, s'il y aura quelque chose, ce sera peut-être au Code de déontologie à s'adapter à la législation.

Quant à la deuxième recommandation, d'apporter des amendements à la Loi sur la fiscalité municipale afin de statuer légalement sur le caractère confidentiel ou non de certaines informations et que ces dispositions législatives soient prépondérantes à la loi d'accès à l'information et à la loi sur les renseignements personnels, je comprends bien l'objectif qui est visé, mais, je pense, sur la solution, il faudrait peut-être penser à une autre façon de faire, puisque je ne pense pas qu'il soit à propos et approprié d'établir, par exemple, ce qui serait une clause dérogatoire et de confirmer que la loi n'aurait pas, dans ce cas-ci, par rapport à la Loi sur la fiscalité municipale, un caractère prépondérant. La loi québécoise a pratiquement le statut de charte, et nous souhaitons maintenir le caractère prépondérant de la loi d'accès à l'information. Cependant, je comprends bien le problème, et il y aura sans doute d'autres façons d'y arriver. Je voudrais vous remercier de cet éclairage très terrain qui nous rend tous plus habiles dans la réflexion que nous aurons à faire pour l'avenir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Bien. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir de souhaiter à notre tour la bienvenue aux représentantes et aux représentants de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec. Leur exemple était vraiment bien choisi, et ça nous aide énormément, comme le ministre vient de le dire, dans notre réflexion. J'aimerais poser deux questions brèves. Mon collègue le député de Jacques-Cartier aimerait aussi parler avec nos invités.

Vous dites que l'appartenance à un ordre professionnel confère certaines garanties quant à l'utilisation de certaines données qui pourraient, par ailleurs, être considérées comme confidentielles. Je ne sais pas si vous avez pu assister à la présentation du Conseil interprofessionnel du Québec...

Mme Savoie (Louise): Non.

(17 h 30)

M. Mulcair: ...plus tôt, en après-midi, mais c'est un sujet qui a été abordé avec eux. Il y a un des constats qu'on faisait – c'était dans un autre domaine, c'était dans le domaine de la santé – que ça offrait peut-être certaines garanties additionnelles à la population, justement de s'assurer que, les titres réservés, notamment les professions à titre réservé comme la vôtre, on exige au moins une appartenance pour l'accès à certaines données. Est-ce que c'est implicite dans votre propos que, justement, ça devrait être ça aussi?

Mme Savoie (Louise): Oui, c'est implicite que faire partie d'un ordre professionnel, même s'il est à titre réservé, ça entraîne des obligations pour cette personne-là, dont l'assujettissement à son code de déontologie, où il y a toujours des articles très précis sur la confidentialité. Et à cet égard, effectivement, on considère que le public serait protégé parce que le professionnel, lui, il est soumis à son code de déontologie.

M. Mulcair: C'est intéressant, parce que, effectivement, un des critères prévus aux termes de l'article 25, si ma mémoire est bonne, du Code des professions pour déterminer si on doit reconnaître ou non une nouvelle profession, c'est justement le caractère confidentiel des informations auxquelles on aurait éventuellement accès.

Mme Savoie (Louise): Effectivement.

M. Mulcair: C'est très intéressant. Je pense que ça n'enlève rien à quelqu'un qui voudrait faire de l'évaluation sans s'appeler évaluateur agréé, la possibilité de gagner sa vie. Mais certaines informations pourraient être contrôlées parce qu'il y aurait un autre palier de sanction, si quelqu'un en abusait.

Mme Savoie (Louise): Ou, à tout le moins, il y aurait des recours pour le public, si une utilisation abusive était faite.

M. Mulcair: C'est ça. Très, très intéressant. Une dernière question, M. le Président, c'est dans les recommandations qui viennent notamment à la page 17 du document de l'Ordre des évaluateurs agréés. Ils font leurs certaines recommandations du Conseil interprofessionnel du Québec, où on parle de reconnaissance du caractère public, du nom, du titre et de la fonction d'un membre, reconnaissance du caractère public des renseignements inscrits au tableau des ordres, reconnaissance du caractère public des renseignements contenus dans le rapport annuel.

À mon sens, M. le Président, c'est bien, mais c'est déjà évident. Lorsqu'on appelle à un ordre professionnel et on veut savoir si monsieur ou madame X est bel et bien membre, on va nous donner l'information, on va nous donner son adresse professionnelle, on va nous donner tout ça. Mais la question qui est un peu plus compliquée et délicate, c'est de savoir si on devrait permettre des fichiers, des banques de données composées d'un amas d'informations par ailleurs publiques. Je pense que c'est une question un peu plus délicate. C'est-à-dire qu'il n'y a rien qui m'empêche demain d'aller acheter le bottin des avocats, le bottin des notaires, le bottin des évaluateurs agréés... Je présume que vous en publiez un également.

Mme Savoie (Louise): Nous autres, on le donne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Vous le donnez? O.K. Il n'y a rien qui m'empêche d'aller le chercher et, avec un scanner, de le mettre dans un ordinateur, de le mettre sur l'Internet, de la même manière qu'il n'y a rien qui empêche une municipalité de prendre l'information publique qui est son rôle d'évaluation et de le mettre sur l'Internet. Mais ça contient par ailleurs de l'information très personnelle; à cause de notre système scolaire qui était basé sur la confessionnalité, ça donnait la religion. Il y a un tas d'informations comme ça, informations auxquelles on a accès.

Ma question est vraiment, à mon sens, de savoir: Est-ce que le fait même que ça existe dans les archives, dans le plumitif de la cour et qu'on y a accès nous autorise à faire l'autre étape et à dire: Du moment qu'on a le droit d'aller le chercher, pourquoi ne pas faire le commerce du ramassage de cette information par ailleurs publique? C'est le seul point avec lequel j'ai un peu de difficulté, quand vous faites...

Mme Viau (Céline): Mais c'est pour ça que notre position, c'est de dire, par exemple: Permettez-le à des gens qui sont soumis à des obligations déontologiques pour y avoir accès. Je peux comprendre que, moi, je n'ai pas d'affaire à savoir si mon voisin est de religion catholique, protestante, ou «whatever». Par contre, si, comme évaluateur agréé, j'ai besoin de savoir – je ne sais pas quoi, là – telle, telle donnée sur la propriété, je devrais pouvoir y avoir accès et dans le cadre d'une utilisation qui est restreinte, de la même façon que les fonctionnaires du ministère du Revenu ont accès à mon dossier, mais pour les fins de leur pratique professionnelle uniquement. Actuellement, ça se fait. Actuellement, l'évaluateur part avec sa valise, il fait quatre bureaux différents. Ça coûte une fortune à la fois en temps de fonctionnaire, ça coûte une fortune à l'évaluateur agréé et surtout au client qui paie l'évaluateur agréé. Alors, je pense qu'aller à contre-courant de ça et ne pas réaliser les opportunités qui existent maintenant au niveau des banques de données, et tout ça, c'est un peu comme si on décidait qu'on ne se sert plus du fax au cas où ça serait quelqu'un d'autre qui le lit. Et je pense qu'il n'y a plus beaucoup de bureaux qui se passeraient d'un télécopieur. Alors, dans ce sens-là, on norme assez d'affaires, et les professionnels – vous êtes bien placés pour le savoir – sont tellement normés au niveau de leur pratique, qu'au moins on prenne le bon côté des choses et qu'on prenne les avantages que nous offre le système technologique, tout en reconnaissant qu'il y a des limites au niveau de la protection des renseignements des gens.

M. Mulcair: M. Brahic, qui avait...

M. Brahic (Gérard): À l'annexe 7, vous avez finalement l'énumération des informations auxquelles nous désirons avoir accès et qui sont, selon nous, disponibles dans les différents services d'une municipalité. La question de l'imposition scolaire ou de l'appartenance à telle ou telle religion n'est pas mentionnée là-dedans. Tout ce à quoi on attache de l'importance, c'est à l'immeuble et non pas à la personne. On verrait même la possibilité d'éliminer le nom du propriétaire, en autant qu'on garde le fameux matricule dont on parle et les adresses de propriété et le numéro de lot, et tout ce qui se rattache à l'immeuble.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Sur le même ordre d'idées, aux pages 6 et 7 de votre mémoire, on parle des discussions avec le ministère des Affaires municipales quant à la commercialisation des données du rôle d'évaluation. D'une façon plus précise, c'est quoi, les projets qui sont dans l'air? C'est quoi qu'on cherche à faire pour commercialiser ces données? C'est quoi, l'objectif qui est cherché dans les discussions auxquelles vous avez fait référence?

M. Brahic (Gérard): Actuellement, le dossier est soumis à la Commission d'accès à l'information, et l'UMQ a été invitée, le ministère des Affaires municipales. Il y a un projet qui est sur la table, où il est question de mettre sur Internet les données dont on vous parle à l'annexe 7, qui seraient accessibles et qui seraient tarifées, c'est-à-dire que ce n'est pas n'importe qui qui aurait accès à ce type de données là, il y aurait un système de vérification, de contrôle de... Par exemple, vous avez une banque qui est intéressée à savoir c'est quoi, le solde de taxes qui est dû sur la propriété. En identifiant comme membre de... – il y a un numéro de membre qui va être donné – elle seule aura accès à la propriété dont elle est créancière.

M. Kelley: Dans la liste de l'annexe 7, combien de ces choses sont publiques déjà? Est-ce que c'est le tiers? La moitié?

M. Brahic (Gérard): Actuellement, au niveau d'une municipalité, elles sont publiques dans différents services. Ce que fait le rôle d'évaluation et ce que fait l'évaluateur, c'est qu'il va chercher les données des autres services et elles sont inscrites dans une banque de données. Alors, la plupart de ces données-là, et je pense que c'est presque à 100 %, devraient être disponibles dans un des services d'une municipalité.

M. Kelley: Alors, comme citoyen, je sais par exemple que le rôle d'évaluation foncière est déposé dans notre bibliothèque municipale.

M. Brahic (Gérard): Oui.

M. Kelley: Alors, on peut aller sur place le consulter.

M. Brahic (Gérard): Oui.

M. Kelley: Et plusieurs des données qui sont ici, au moins à la catégorie 3, comme citoyen, je peux y avoir accès assez facilement. Parce que j'essaie de voir comment on peut tarifer quelque chose qui est disponible d'une façon gratuite. Si, au bout de la ligne, on peut mettre tout ça sur l'Internet... Mais si je peux aller moi-même dans notre bibliothèque municipale, le rôle d'évaluation est à côté d'un photocopieur, moi, si je veux prendre le temps de le faire pour la ville de Beaconsfield, je peux le faire déjà. Comment est-ce qu'on va...

Parce que la tarification implique aussi la notion d'un certain contrôle sur l'utilisation de ces données. Mais est-ce qu'on est en train de créer une distinction qui est un petit peu fictive? Parce que, au bout de la ligne, c'est de l'ordre public déjà. Et, si quelqu'un voit que je peux faire de l'argent en utilisant le rôle d'évaluation de la ville de Beaconsfield, je peux le faire maintenant, il n'y a aucun empêchement. Est-ce j'ai bien compris la situation ou...

(17 h 40)

M. Brahic (Gérard): Oui. Ce qu'on dit, c'est: accès par Internet avec tarification, accès à l'hôtel de ville sans tarification, de façon gratuite. Mais il reste que les enquêtes que nous avons faites dans les différents services d'évaluation, c'est que 90 % de notre clientèle, au niveau du téléphone et au niveau des renseignements qui sont demandés, provient du secteur immobilier, c'est-à-dire les notaires, les agents d'immeubles, les banques et les évaluateurs au sens général. Alors, ça vise à essayer de faire en sorte de débloquer des lignes téléphoniques des hôtels de ville et de donner à accès à ces gens-là 24 heures sur 24 à une information qui est à jour. Si vous venez aujourd'hui dans un service d'évaluation, vous allez avoir une copie du rôle d'évaluation. La semaine prochaine, il peut être changé, parce qu'il est mis à jour continuellement.

Alors, ce qu'on vise, c'est justement à faire en sorte que les gens se servent eux-mêmes, mais qu'on donne aussi la possibilité à n'importe quel contribuable de questionner le système, mais de façon gratuite, sur place. Vous allez avoir bien des gens qui vont éviter le voyage, qui vont éviter de venir faire la queue à l'hôtel de ville pour interroger le rôle d'évaluation; ils le feront de leur bureau.

M. Kelley: Donc, on paie pour rendre la tâche plus facile.

M. Brahic (Gérard): C'est ça.

M. Kelley: O.K., je comprends. Le premier paragraphe, à la page 15, la question du code de discipline. Vous avez vos mots à dire contre les médias, et tout ça. Mais vos membres prennent des décisions qui sont importantes pour les citoyens. Et, s'il y a quelqu'un qui n'a pas respecté le code d'éthique, qui, pour une raison ou une autre, a décidé de surévaluer ou de sous-évaluer les maisons sur une rue donnée, c'est d'intérêt public, ça. Et dire que la profession peut elle-même corriger tout ça et qu'il n'y a pas de rôle pour les journalistes, je regrette, je pense que c'est le métier qui a un impact sur les citoyens. Alors, la façon de dire: On va régler nos problèmes à l'interne, j'ai beaucoup de misère avec ça parce que je pense qu'il y a un rôle, même pour les journalistes. Et, oui, c'est vrai, peut-être, les journalistes ont juste une partie. Dans notre métier à nous, ça arrive des fois que les élus sont mal cités ou que nos intentions ne sont pas toujours bien comprises, mais ça vient avec le territoire. Et, je pense, également pour vous autres, qui avez à prendre des décisions qui ont une très grande importance sur l'évaluation, les impôts à payer pour nos concitoyens, il faut s'attendre à une certaine transparence, il faut s'attendre à ce que des fois il y aura un intérêt des journalistes, et tout ça. Je ne sais pas s'il y a un cas précis derrière tout ça ou de la rancune contre les journalistes, mais je me demande... Parce que vous avez fait référence à une couple de reprises au rôle des médias. Et, dans une société démocratique, c'est quelque chose qu'il faut tolérer et des fois même apprécier.

Mme Viau (Céline): C'est-à-dire qu'actuellement il y a un processus qui permet d'avoir accès. Par exemple, si un évaluateur a mal fait son travail en surévaluant l'ensemble des immeubles d'une rue, il y a une enquête qui est faite. Et, si, au terme de l'enquête, on juge qu'il y a matière à poursuite devant le comité de discipline, là, ça devient public; là, il n'y a pas de problème que ça soit public à tout le monde. Ce à quoi on s'oppose, c'est que, si, demain matin, l'ensemble des documents qui sont dans nos classeurs sont publics, les gens risquent d'avoir des informations partielles, et certaines personnes, dont des évaluateurs agréés, par exemple, risqueraient d'être mal protégées aussi par rapport à l'utilisation abusive d'informations. Tout le monde a droit à un procès juste et équitable. Alors, c'est la même chose. Vous savez comme moi combien maintenant les ordres professionnels sont regardés à la loupe. On attend l'erreur professionnelle. Nous, il n'y a pas de problème pour diffuser quand l'enquête est faite, quand la décision est prise, sauf qu'il y a certains renseignements...

On parle de journalistes; ça pourrait être des compétiteurs, par exemple. Je vous donne un exemple. Au bureau de direction, si on entend un membre en audition parce qu'on veut lui imposer un stage de perfectionnement parce qu'on juge qu'il a des problèmes de compétence, je connais des compétiteurs qui seraient drôlement contents de tomber sur le procès-verbal. Et, là, tu te dis, l'évaluateur agréé a le droit à l'erreur, il a le droit de se reprendre, il a le droit de se former et de se perfectionner, on ne scrapera pas – si vous me passez l'expression – sa carrière pour ça. Alors, c'est pour ça.

On est déjà très normé. Même, souvent, on trouve qu'on l'est trop parce qu'on n'a pas le droit de dire des choses qu'on aimerait bien dire dans l'intérêt du public. Et on en a des cas en tête, sauf qu'on se dit: Si demain matin, tous les classeurs sont ouverts à tout le monde, on n'est pas sûr que le public va être mieux protégé.

Mme Savoie (Louise): C'est un processus un peu d'enquête qu'on fait, avant de porter plainte. C'est le syndic, bien sûr, qui fait ça. Mais, tant que la plainte n'est pas déposée, justement, ce n'est pas public. Effectivement, l'évaluateur agréé qui est sous enquête a droit à la confidentialité parce que, après, peut-être qu'il n'y aura pas matière à porter plainte.

Mais c'est sûr que ça nous cause beaucoup de problèmes parce que, effectivement, le processus d'enquête du syndic est très confidentiel. Et, quand on doit répondre, après, à des journalistes, on ne sait plus quoi expliquer, effectivement, on ne sait pas comment procéder pour être transparent puis dire la réalité de ce qui a été vécu.

M. Kelley: Merci beaucoup pour cette précision.

Le Président (M. Gaulin): Alors, voilà. Je vous remercie beaucoup, Mme la présidente Savoie, Mme Viau, secrétaire, M. Brahic, de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec.

J'ajourne les travaux de la commission de la culture au mercredi 22 octobre 1997, à 9 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, pour l'étude du Plan triennal d'activité de Télé-Québec. Bonne soirée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 17 h 46)


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