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Version finale

35th Legislature, 2nd Session
(March 25, 1996 au October 21, 1998)

Thursday, September 10, 1998 - Vol. 35 N° 84

Consultation générale sur le projet de loi n° 451 - Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Michel Morin, président suppléant
M. David Payne, président suppléant
M. Jean Garon, président
M. André Boisclair
M. Thomas J. Mulcair
M. Geoffrey Kelley
M. Pierre-Étienne Laporte
*Mme Danielle Lacasse, AAQ
*M. James Lambert, idem
*Mme Diane Baillargeon, idem
*M. Antoine Carrier, COMAQ
*M. Gabriel Michaud, idem
*M. Michel Pinault, idem
*Mme Jeannine Ouellet, FQSG
*M. Denis Racine, idem
*Mme Esther Taillon, idem
*M. Marc Beaudoin, FSHQ
*M. Denis Hardy, idem
*Mme Louise Marchand, CPQ
*M. Gaétan Côté, idem
*M. Raymond Doray, idem
*M. Raymond Medza, BAC
*M. Louis H. Guay, idem
* Mme Diane Poitras, ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration
* M. Yves Morency, La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins
*Mme Linda Poulin, idem
*M. Manuel Dussault, AMEQ
*M. John Dolfato, idem
*M. Jean-Pierre Brochier, Service anti-crime des assureurs
*M. Raymond Doray, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Bonjour, mesdames, messieurs. M. le secrétaire, est-ce que nous avons quorum? Oui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je déclare donc la séance ouverte. Je veux rappeler le mandat de la commission, qui est de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 451, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui. M. Mulcair (Chomedey) remplace Mme Vaive (Chapleau).

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vais vous donner aussi l'ordre du jour de cette journée: à 9 h 30, nous recevrons l'Association des archivistes du Québec; à 10 h 15, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec; à 11 heures, la Fédération québécoise des sociétés de généalogie; à 11 h 45, la Fédération des sociétés d'histoire du Québec; une suspension à 12 h 30; nous reprendrons nos travaux à 14 heures avec le Conseil du patronat du Québec; à 14 h 45, nous recevrons les gens du Bureau d'assurance du Canada; à 15 h 30, les gens de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins; à 16 h 15, l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec; à 17 heures, le Service anti-crime des assureurs; et nous ajournerons nos travaux à 17 h 45.


Auditions

Donc, j'invite les représentants de l'Association des archivistes du Québec à venir prendre place en avant, en leur souhaitant la bienvenue.

Bonjour, mesdames, messieurs. Je vous demanderais de vous identifier et de présenter également les personnes qui vous accompagnent. Et en même temps un peu vous expliquer, au début, que nous disposons d'une période de 45 minutes, dont habituellement 15 minutes vous sont allouées pour la présentation de votre mémoire, et 15 minutes du côté ministériel, et 15 minutes du côté de l'opposition. Donc, allez-y, madame.


Association des archivistes du Québec (AAQ)

Mme Lacasse (Danielle): Bonjour. Mon nom est Danielle Lacasse, je suis présidente de l'Association des archivistes du Québec. Je voudrais aussi vous présenter mes collègues: d'une part, Diane Baillargeon, qui est la deuxième vice-présidente de l'Association et qui a beaucoup participé à la rédaction du mémoire; ici, j'ai à ma droite James Lambert, qui est responsable de l'équipe qui a rédigé le mémoire; et aussi Marc Barrette, qui a également participé à la rédaction de ce mémoire. Donc, comme vous voyez, c'est un travail d'équipe.

(9 h 40)

Je vais faire la présentation, mais nous sommes tous disponibles pour répondre aux questions. D'une part, je voudrais vous remercier, M. le Président et les membres de la commission, de bien vouloir nous entendre, ce matin. J'espère que nos représentations, que nos arguments pourront contribuer au processus de modification législative qui est présentement en cours. En fait, c'est pour nous notre deuxième présentation devant la commission de la culture. L'an passé, à la même période, l'Association présentait un premier mémoire intitulé L'accès à l'information et la protection des renseignements personnels: à la recherche d'un équilibre .

L'Association estime que, depuis l'automne dernier, le gouvernement a déployé des efforts considérables pour rétablir l'équilibre entre l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Déposé avec célérité, le projet de loi n° 451, qui reprend d'ailleurs certaines de nos recommandations initiales – je pense que c'est important de le souligner – témoigne de cette situation. L'Association se réjouit du chemin parcouru depuis le dépôt de notre premier mémoire et souhaite féliciter le gouvernement pour sa sensibilité accrue à l'endroit des préoccupations de la communauté archivistique.

Si l'Association applaudit certaines modifications proposées au projet de loi présentement à l'étude, elle déplore toutefois que certains des articles suggérés constituent toujours des obstacles importants à la recherche et à la constitution de la mémoire. Par conséquent, nous désirons profiter de la tribune qui nous est offerte ce matin pour attirer votre attention sur quatre points plus particuliers, sur quatre articles qui, selon nous, gagneraient encore à être modifiés ou même retirés. Ils touchent plus précisément quatre questions, soit la communication des renseignements personnels à caractère public, l'inventaire des fichiers de renseignements personnels, les services d'archives agréés et, comme vous pouvez vous y attendre, le délai d'accessibilité uniforme de 150 ans. Donc, sans plus tarder, je vais examiner ces quatre points-là le plus brièvement possible pour nous laisser du temps pour la discussion, bien sûr.

D'abord, la communication des renseignements personnels à caractère public. L'article 13 du projet de loi n° 451 modifie l'article 55 de la loi sur l'accès en limitant à l'unité l'accès aux renseignements personnels à caractère public en vertu de la loi, inscrits dans un registre. Ce faisant, le projet de loi vise, à bon escient, la protection du caractère personnel des renseignements contenus dans les registres contre une exploitation abusive qui pourrait en être faite grâce à l'utilisation des technologies de l'information, par exemple.

L'Association des archivistes du Québec considère légitime cette préoccupation du législateur. Cependant, elle désire le mettre en garde contre le risque inhérent que comporte cet article, c'est-à-dire celui de nuire considérablement à la recherche. Par exemple, les rôles d'évaluation, pour ne parler que de ce seul registre, sont utilisés comme matériau de recherche, et ce, autant par les historiens que par les urbanistes, les sociologues, les géographes et les chercheurs d'autres disciplines des sciences humaines et sociales. De tels registres constituent une source extrêmement riche d'information sur le développement social, l'urbanisation, l'évolution du tissu social, entre autres exemples. Introduire une telle limitation à l'utilisation de ces registres, et ce, pour une période indéterminée, revient à soumettre l'accessibilité à la totalité des registres à l'article 19 de la Loi sur les archives et donc à ne les rendre accessibles qu'après 150 ans. C'est donc à toutes fins pratiques la totalité du phénomène d'exode rural et d'industrialisation qui échappera à la recherche pendant un siècle et demi.

La plupart des villes et des villages du Québec ayant été fondés entre 1850 et 1890, la société québécoise devra donc attendre 50 ans avant d'étudier le phénomène d'urbanisation. Les chercheurs ne pourront étudier les effets de la crise de 1930 sur le logement avant l'an 2080, et l'étude de l'impact de la Deuxième Guerre mondiale sur le développement urbain ne pourra débuter qu'au tournant du IVe millénaire.

Nous ne pouvons nous résoudre à croire que le législateur voulait paralyser à ce point le développement de la recherche au Québec. À notre avis, le législateur devrait être plus précis dans ses intentions et n'interdire que ce qui peut effectivement constituer une menace pour la vie privée des individus. Cet objectif serait atteint en inventoriant l'ensemble des renseignements à caractère public, en déterminant exactement les informations qui doivent être recueillies et en interdisant spécifiquement certains procédés réellement préjudiciables aux individus, comme par exemple le téléchargement de ces registres sur Internet. Il convient, ici, de noter que la communauté historienne du Québec partage entièrement nos préoccupations à ce chapitre.

Plus précisément, l'Association recommande le retrait de l'article 13 du projet de loi n° 451, ce qui m'amène à parler de notre deuxième point, l'inventaire des fichiers de renseignements personnels. L'article 26 du projet de loi n° 451 modifie, quant à lui, les articles 76 et 77 de la loi sur l'accès en faisant disparaître pour les organismes publics l'obligation universelle de déclarer leurs fichiers de renseignements personnels à la Commission d'accès à l'information. Cette obligation est remplacée par celle d'inclure le sommaire de cette déclaration dans le rapport annuel. Outre que les organismes ne produisent pas tous de rapport annuel, cet article permettra aux organismes publics d'affaiblir le contrôle de la création et de la protection des renseignements personnels en réduisant l'importance de la mesure de protection que représente la déclaration des fichiers de renseignements personnels.

Bien que la déclaration des fichiers ne constitue pas une panacée, l'obligation de produire ce document symbolise l'importance accordée par le législateur aux mesures qui doivent être prises par les organismes afin de protéger les renseignements personnels qu'ils recueillent ou détiennent. Cette modification à la loi nous paraît d'autant moins justifiée que la Commission d'accès à l'information concluait, pas plus tard qu'en juin dernier, que les organismes publics appliquent la loi de manière nonchalante.

Abolir l'obligation, pour les organismes publics, de déclarer leurs fichiers de renseignements nominatifs n'aura pas pour effet de renverser cette situation, bien au contraire. Des études récentes, comme celle réalisée par les Archives nationales du Québec sur le processus de révision des calendriers de conservation et des plans de classification préparés par les ministères et organismes gouvernementaux, ont d'ailleurs prouvé que l'obligation légale de déposer certains documents en vue de leur approbation représentait souvent l'unique garantie d'obtenir les résultats escomptés. En conséquence, l'Association recommande que l'article 26 du projet de loi n° 451 soit aboli et que la situation actuelle soit maintenue.

Troisième point qui nous intéresse plus particulièrement ce matin: les services d'archives agréés. L'article 68 du projet de loi n° 451 modifie la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, entre autres, en permettant à une entreprise de communiquer, sans le consentement de la personne concernée, les renseignements personnels sur autrui à un service d'archives agréé si les renseignements personnels sont communiqués dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt des archives de l'entreprise. L'Association des archivistes du Québec se réjouit de l'ouverture que manifeste le gouvernement en permettant, par cette disposition, la transmission à des services d'archives privées de renseignements personnels contenus dans des dossiers de valeur historique, esprit qui manquait totalement dans la loi sur le secteur privé. Cependant, tout en approuvant le désir du gouvernement d'assurer le professionnalisme des services d'archives privées habilités à recevoir des renseignements personnels, l'Association considère que le mécanisme adopté – en l'occurrence, le service d'archives agréé – en vertu de l'actuel Règlement sur l'agrément d'un service d'archives privées est mal adapté au but que vise le gouvernement, et ce, pour trois raisons fondamentales.

Premièrement, à l'heure actuelle, il n'existe que 23 services d'archives privées agréés sur le territoire québécois, un nombre nettement insuffisant pour recevoir l'ensemble des archives de valeur historique renfermant des renseignements personnels. Afin de mettre ce nombre en perspective, il faut savoir qu'il représente moins de 10 % – et là il s'agit vraiment d'une estimation très conservatrice – de l'ensemble des centres d'archives privées de la province.

Deuxièmement, les services d'archives agréés ne couvrent pas l'ensemble de la province. Des régions entières ne possèdent aucun service d'archives agréé. C'est le cas, par exemple, des régions de Laval, des Laurentides, de l'Outaouais et des Îles-de-la-Madeleine. En outre, même quand une région est desservie par un service d'archives agréé, l'ensemble de cette région ne l'est pas pour autant. En effet, comme de plus en plus de services d'archives au Québec, les centres d'archives agréés disposent d'une politique d'acquisition qui limite le nombre de leurs champs d'acquisition d'archives. Parfois, certains centres d'archives vont acquérir selon un thème ou selon une région très précise, ce qui fait que ce n'est pas nécessairement l'ensemble des archives de valeur historique contenant des renseignements personnels dans une région donnée qui vont être préservées ou déposées dans un centre d'archives. L'impact de la loi serait, ici, de privilégier les régions ou même des parties de région où se trouve au moins un service agréé au détriment des autres. L'inéquité, ici, saute vraiment aux yeux.

(9 h 50)

Troisièmement, aussi l'agrément ne distingue pas les services compétents des services non compétents. S'il est vrai que tout service d'archives agréé doit respecter des normes de fonctionnement établies par les ANQ, les Archives nationales du Québec, beaucoup de services non agréés respectent, eux aussi, ces mêmes normes. Ils ne sont pas agréés pour la simple et unique raison que le budget des Archives nationales du Québec ne le permet pas, parce qu'on sait que l'agrément est accompagné d'une subvention et que, bien sûr, c'est hors de la portée des Archives nationales du Québec de pouvoir subventionner l'ensemble des services d'archives privées à l'échelle de la province. Donc, ces trois raisons fondamentales là font que la politique d'agrément ne sied vraiment pas – trois minutes, oui, O.K. – au but visé.

L'Association des archivistes croit qu'on peut rendre plus pratique et plus équitable la possibilité, pour des services d'archives privées, de recevoir des renseignements personnels en les obligeant, pour ce faire, à satisfaire à des normes de fonctionnement précisées dans un texte réglementaire de la même manière que les services agréés actuels doivent respecter des normes de fonctionnement établies dans le règlement sur l'agrément. Encore là, il importe de souligner que cette position est partagée par la communauté historienne du Québec.

Enfin, j'arrive rapidement, je sais, au délai d'accessibilité uniforme de 150 ans. L'article 68 du projet de loi n° 451 modifie la loi sur le secteur privé en permettant à une personne qui exploite une entreprise de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée, «si ces renseignements sont dans un document qui date de plus de 150 ans». Par rapport à la loi sur le secteur privé qui soumettait des renseignements personnels à un régime de confidentialité éternel, cette révision représente un gain pour la constitution de la mémoire, et l'Association salue l'ouverture du législateur à ce propos.

Cependant, d'après des recherches fouillées, sur lesquelles on ne reviendra pas parce que vous avez tout ça en annexe dans le mémoire, on voit très clairement que le délai proposé ici est un des plus hostiles sinon le plus hostile à la recherche, et c'est la raison pour laquelle l'Association des archivistes du Québec, en se basant justement à la lumière des législations provinciales, de la législation fédérale, à la lumière aussi de la législation sur la scène internationale, propose ou recommande de réduire ces délais-là, d'établir une protection, pour les renseignements personnels, de 100 ans à partir de la date du document ou de 30 ans après le décès de la personne concernée. Il convient de noter ici que le «ou» revêt vraiment une importance particulière, la communication des documents étant autorisée en fonction du délai qui survient en premier.

Là, je passe rapidement parce que je veux vraiment laisser du temps pour les discussions. En conclusion, très brièvement, on croit que, si ces révisions-là dont il a été question ce matin sont apportées au projet de loi en question, on va vraiment pouvoir arriver à un équilibre entre la protection des renseignements personnels et leur communication.

Un dernier mot en conclusion. La dernière étape à franchir, ce serait sans doute la révision du Code civil, plus particulièrement les articles 45... Vous allez me corriger?

Une voix: Les articles 35 à 40.

Mme Lacasse (Danielle): Les articles 35 à 40. Merci. C'est toujours plaisant de ne pas venir seul à ces choses-là. Ha, ha, ha! Les articles 35 et 40. À notre avis, c'est vraiment la dernière pierre à poser pour construire un cadre législatif qui permettrait vraiment aux archives de jouer le rôle qui leur revient dans le développement d'une société durable. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, madame. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation, vous remercier aussi pour la qualité du mémoire et la recherche que vous avez faite pour les annexes qui l'accompagnent. L'annexe II, particulièrement, qui contient la liste des législations qui nous renseignent sur le délai pour ne pas rendre accessible un certain nombre de renseignements, est fort utile et m'a certainement permis de cheminer dans ma réflexion.

Je dois vous dire que le 150 ans a été un peu lancé, je dois vous le dire, comme un ballon d'essai. Vous n'êtes pas sans savoir toute la sensibilité que ma collègue Louise Beaudoin apporte à cette question, et nous avons longuement discuté de cette question. Il est prévu, à la décision du Conseil des ministres, que je revienne devant mes collègues pour faire le point sur cette question, et je ne me gênerai pas pour leur remettre une copie de l'annexe qui accompagne votre mémoire.

La raison pour laquelle, je vais vous dire, on a mis 150 ans dans le projet de loi, sachant que nous nous en allions en commission parlementaire, c'est que c'est aussi ce que nous indique le Barreau. Et je remarque que votre commentaire était des plus pertinents, à la fin, lorsque vous nous indiquiez les possibles ajustements à faire avec le Code civil. Mais je vous rappelle que le Barreau, au sujet de l'article 68 qui prévoit le délai de 150 ans, indique, juste pour votre compréhension:

«L'article 68 du projet de loi amène la possibilité de transmettre à toute personne tout renseignement personnel contenu dans un dossier archivé après une période de 150 ans. Or, l'article 35 du Code civil reconnaît la transmissibilité du droit à la vie privée aux héritiers. Le droit à la vie privée, et surtout le droit à la réputation, ne se limite pas à une période de 150 ans; en conséquence, cette disposition ne nous apparaît pas conforme à l'esprit du Code civil. Il y aurait lieu de circonscrire davantage cette disposition. Quels sont les véritables problèmes que l'on cherche à solutionner par cette disposition? Nous croyons que le législateur devrait davantage s'inspirer de l'esprit du Code civil à ce sujet.»

Donc, le débat, il est ouvert. Je pense que les réflexions de nos collègues membres de cette commission seront aussi pertinentes. Mais je serais certainement dans de bonnes dispositions pour réduire ce délai à 100 ans. Maintenant, je souhaite aussi poursuivre la réflexion avec les gens du Barreau, puisque leur opposition est quand même assez ferme. Est-ce que vous êtes vous-mêmes en contact avec les gens du Barreau sur cette question? Puisque vous réclamez des amendements au Code civil, est-ce que, par exemple, vous avez parlé à mon collègue de la Justice? L'avez-vous sensibilisé à cette question?

M. Lambert (James): Non, jusqu'ici, on n'a pas été en contact avec les gens du Barreau, mais on va corriger cette situation. On vient d'apprendre la position du Barreau, en fait, et on compte, l'Association, peut-être avec la collaboration de l'Institut d'histoire de l'Amérique française, tenir un colloque plus tard cette année ou au début de l'année prochaine précisément pour discuter de la question du Code civil. Et puis je pense bien qu'on va inviter un représentant du Barreau à ce colloque-là.

M. Boisclair: Je vous invite à prendre contact aussi avec mon collègue de la Justice, là, pour les amendements au Code civil. Nous prenons note de vos propos, mais il serait important qu'il y ait sans doute une réflexion qui soit amorcée au ministère de la Justice sur cette question.

Je comprends que vous êtes satisfaits du bout de chemin que nous avons fait. Vous réclamez qu'on aille un peu plus loin. Soit! Je vous inviterais, vous aussi, peut-être à faire un petit pas avec moi, et je m'explique. D'abord, sur votre première recommandation, que vous nous avez gentiment résumée au début de votre mémoire, à la page iv de votre mémoire, vous recommandez le retrait de l'article 13 du projet de loi. Effectivement, cet article devra être revu. Et je vous indique aussi que, pour tous les renseignements à caractère public, il faut revoir la question de la pertinence des renseignements à caractère public. Et, en plus des décisions prises par mes collègues au Conseil des ministres, qui ont amené le dépôt du projet de loi, je me suis fait mandater par mes collègues pour revoir cette question. Donc, la Direction des droits au ministère, chez nous, aura à poursuivre une réflexion et devra faire un tour de piste complet de cette question. Vous n'êtes pas les premiers à nous en parler, et vos commentaires sont très bien accueillis à ce sujet.

Votre deuxième recommandation. Vous recommandez que l'article 26 du projet de loi soit aboli et que la situation actuelle soit maintenue. Là, vraiment, nous avons, je pense, une divergence d'interprétations. Vous êtes les premiers à en arriver à cette conclusion de la lecture du projet de loi. Je voudrais peut-être tenter de vous rassurer, puisque la Commission d'accès à l'information elle-même et d'autres organismes se réjouissent de cette introduction.

Je vous indique que l'obligation qui est faite à l'article 77 du projet de loi – je ne sais pas si vous l'avez sous les yeux – fait obligation à un organisme public de transmettre à la Commission d'accès à l'information l'inventaire de ses fichiers. Je vous indique que les rapports récents du Vérificateur général et d'autres organismes qui ont étudié ces questions nous rappelaient bien qu'un des graves problèmes, c'était que la Commission n'avait pas accès à l'ensemble du portrait. Donc, les détenteurs de mégafichiers devront transmettre à la Commission l'inventaire des fichiers et devront aussi indiquer une description de ce fichier et un résumé des mesures de sécurité dans le rapport annuel, qui est quand même l'outil par excellence de reddition de comptes de ces organismes devant les parlementaires.

Donc, cela apparaît comme un avantage pour ceux qui veillent à la protection des renseignements personnels – particulièrement la Commission – et aussi pour les petits organismes, qui voient là leur travail et leurs obligations soulagés, mais tout en travaillant aussi à renforcer la protection de la vie privée. Est-ce que ces propos vous convainquent de la pertinence du maintien de la disposition de l'article 26?

Mme Baillargeon (Diane): Si mon souvenir est bon, je n'ai pas sous les yeux le texte du projet de loi n° 451, mais il me semble avoir lu que les organismes doivent les déposer sur demande à la Commission et non pas de façon universelle.

(10 heures)

M. Boisclair: Non. Voilà. C'est ça, peut-être, une différence d'interprétations qui vous a amenés à cette conclusion, mais ce n'est pas le cas. Il y a vraiment obligation qui est faite, et, je vous rappelle, c'est à l'article 77:

«Un organisme public doit, lorsqu'un décret du gouvernement l'y oblige, transmettre à la Commission l'inventaire de ses fichiers de renseignements personnels et sa mise à jour.

«Un tel organisme doit aussi indiquer un sommaire de cet inventaire dans son rapport annuel.»

Je comprends que, par décret, tous les détenteurs de mégafichiers seront invités à déposer auprès de la Commission...

Mme Baillargeon (Diane): Alors, c'est peut-être là la différence, on avait vu que c'était sur demande seulement, lorsqu'il y avait un décret. On n'avait pas compris, dans cet article-là, que tous les organismes seraient invités par décret, de façon universelle, à le faire.

M. Boisclair: Oui. Alors, je voudrais vous apporter cette précision. Et, en dernier lieu, peut-être mon collègue député de Vachon a-t-il des questions à vous poser. Mais je voudrais revenir sur votre troisième recommandation, sur le fait que le dépôt puisse se faire uniquement dans des centres d'archives agréés.

J'ai pris aussi connaissance de la liste. J'ai bien réalisé qu'ils n'étaient que 23, si ma mémoire est juste. C'est une recommandation qui est pertinente. Vous me permettrez toutefois, avant de statuer de façon finale sur cette recommandation, d'avoir des discussions avec ma collègue Louise Beaudoin, ministre de la Culture. Je pense que nous pourrons ensemble faire le point sur cette question et vous revenir assez rapidement sur une orientation gouvernementale, puisqu'il est clair qu'il y aura des amendements qui seront déposés. Pour la suite des choses, je demeure bien disponible pour poursuivre cette discussion que nous avons agréablement initiée. Je vous en remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: M. le Président, au nom de l'opposition officielle, il me fait extrêmement plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentantes et représentants de l'Association des archivistes du Québec. Je tiens à vous remercier beaucoup pour votre présentation et pour l'analyse fouillée que vous avez faite pour les aspects du projet de loi n° 451 qui concernent plus particulièrement votre domaine d'activité.

J'aimerais me concentrer sur deux aspects de votre rapport. Le ministre vient de toucher un peu à ces questions-là et j'aimerais y revenir. Il me semble que, malgré ce que vous avez indiqué tout à l'heure, le fait que la limitation du nombre d'archives agréées est fonction des subventions disponibles au ministère de la Culture, il y a néanmoins un aspect de l'agrément, peu importe le cas, qui assure une certaine validité de leurs démarches et un certain respect des normes.

Est-ce que vous pouvez nous aider avec ça? Je suis sensible au fait que le ministre dit qu'il doit contacter et communiquer avec sa collègue Mme Beaudoin, mais le fait est que ce n'est pas agréé pour rien. Il y a quand même une certaine garantie que des règles du jeu vont être respectées. Alors, avez-vous des conseils pour nous dans cette démarche-là? Comment est-ce qu'on peut élargir le nombre d'archives qui peuvent être dépositaires de ces choses-là sans avoir cet agrément? Ou est-ce qu'on se trompe? Est-ce que l'agrément est tout simplement justement pour fins de subventions, et ça ne représente aucune garantie additionnelle?

Mme Baillargeon (Diane): Notre but n'est pas de dire que l'agrément ne représente aucune garantie. Effectivement, et comme on l'a fait valoir dans notre mémoire, tous les centres d'archives qui sont agréés doivent répondre à des critères d'agrément, mais les critères d'agrément sont là pour guider le gouvernement pour déterminer quels sont ses partenaires privilégiés dans l'acquisition et la conservation des archives privées.

Mais ce n'est pas une mesure universelle. Tous les organismes, tous les centres d'archives, tous les services d'archives qui répondent à ces critères-là ne sont pas agréés. Alors, dans une même région, il peut y avoir cinq, six, sept, huit services d'archives qui répondraient à ces critères d'excellence là, mais il y en a seulement un ou deux qui seraient agréés.

Donc, en limitant aux seuls services d'archives agréés le droit de recevoir des renseignements personnels, enfin le droit de recevoir des documents contenant des renseignements personnels, on viendrait limiter effectivement le travail des autres services d'archives.

M. Mulcair: On se comprend là-dessus. Cependant, sur le plan pratique... Parce la démarche à laquelle on se livre aujourd'hui consiste à élaborer une norme, une règle de droit. Alors, je vous entends bien. Il y a d'autres services d'archives qui répondent exactement aux mêmes critères, comme vous le dites, d'excellence – ils rencontrent les normes; ça va, ça – et, parce qu'il y a juste une certaine somme qui est disponible pour fins de subventions, il pourrait y avoir cinq services d'archives répondant exactement aux mêmes normes et il y en a juste un qui reçoit des subventions: le seul qui est agréé.

Est-ce que la solution, à ce moment-là, c'est de changer le critère? Parce que, finalement, le fait qu'ils reçoivent de l'argent, ça ne change rien à la qualité de leurs services. Alors, concrètement, pour nous, comme législateurs, est-ce que la réponse consiste à travailler avec la Culture pour s'assurer que ces normes-là n'aient plus aucun rapport avec le fait qu'ils reçoivent ou non une subvention et que ce soit beaucoup plus objectif? Est-ce que c'est ça, le début de la réponse au problème?

Mme Baillargeon (Diane): Nous, ce qu'on propose dans notre mémoire, c'est – déjà, le projet de loi n° 451 ou la loi 68 prévoient qu'il peut y avoir des règlements – donc d'introduire une réglementation pour définir quels sont les critères d'un service d'archives propre ou habilité à recevoir des documents contenant des renseignements personnels. Donc, ça pourrait être une réglementation qui édicte un certain nombre de critères. Par exemple, la présence dans les services d'archives d'un professionnel, d'un archiviste, ça pourrait être un des critères qui permettent d'encadrer justement qui est habilité à recevoir des renseignements personnels. Donc, tout un train de mesures, une réglementation, de critères qui viendraient définir quels sont les services d'archives qui peuvent vraiment se distinguer à travers les autres services d'archives et qui sont habilités à recevoir des renseignements personnels.

À ce moment-là, nous, ce qu'on dit, c'est que ça deviendrait la responsabilité du tiers, donc l'organisme verseur, de s'assurer qu'il cède bien ses archives à un service d'archives qui répond aux critères. Pour énoncer ces critères-là, pour définir ces critères-là, on dit qu'il faudrait évidemment que la Commission d'accès soit partie prenante de cette définition-là, les Archives nationales du Québec. L'Association des archivistes du Québec, on offre évidemment notre collaboration pour travailler, pour édicter ces règlements-là, cette réglementation qui viendra définir quels sont les services d'archives qui sont propres à recevoir, mais qui ne seront pas nécessairement agréés en vertu d'un programme différent géré par le ministère de la Culture et des Communications qui est là pour vraiment édicter ou définir des partenaires dans la gestion des archives privées, qui a vraiment un autre but.

Le projet de règlement sur l'agrément a un but précis. Le règlement pour définir quels sont les services d'archives propres à recevoir les renseignements personnels en aurait un autre. Là, il y aurait une autre vision qui serait accordée, et là ce serait vraiment le soutien professionnel à l'intérieur du service d'archives plus que de... Par exemple, au niveau des centres agréés, on parle de conditions de conservation, on parle de nombre de places pour les chercheurs. Ce n'est pas des conditions qu'aurait à rencontrer un service d'archives propre à habiliter à recevoir des renseignements personnels. Qu'il y ait cinq personnes ou trois personnes à la fois dans le service, ça n'a pas d'incidence sur la qualité qui est offerte pour la protection des renseignements personnels, alors que ça l'est au niveau des centres agréés.

M. Mulcair: Donc, à l'heure actuelle, l'agrément dont il est question est prévu aux termes d'une législation qui relève du ministère de la Culture et des Communications.

Mme Baillargeon (Diane): Tout à fait.

M. Mulcair: Et vous êtes en train de nous dire: Il n'y a rien qui nous empêcherait de trouver une autre terminologie et une autre définition et de pourvoir à l'intérieur d'une réglementation qui serait édictée en application de la loi sur l'accès.

Mme Baillargeon (Diane): Exact. C'est ça.

M. Mulcair: Excellent. Pour ce qui est du deuxième point, à la page 12 de votre mémoire, vous parlez de vos recherches effectuées dans la législation touchant les renseignements personnels ailleurs au Canada et dans le monde. Vous dites que c'est la disposition prévue dans le 451 qui ferait encore de la loi sur le secteur privé une des plus hostiles sinon la plus hostile à la recherche.

J'écoutais tantôt le ministre expliquer, en quelque sorte, que ce n'est pas de sa faute, que c'est prévu aux termes du Code civil, mais il me semble que c'est très pertinent, ce que vous êtes en train de soulever ici. Si on se targue d'être un peuple unique en Amérique du Nord, et on a une histoire qu'on veut relater, il me semble que c'est assez curieux de voir une telle démarche, même si le Code civil prévoit, à tort, que les héritiers ont un mot à dire sur la vie privée. Il me semble qu'il va falloir qu'on revienne là-dessus.

Vous dites, donc, que le délai ne dépasse pas une centaine d'années dans les autres juridictions dans le monde et que, nous, on est en train de prévoir 150. C'est bien ça?

M. Lambert (James): C'est ça. Normalement, le délai ne dépasse pas 100 ans. Parfois, il y a des pays qui ont un délai qui dépasse 100 ans, 120 ans, mettons, ou même jusqu'à 150 ans dans certains cas, mais c'est pour des dossiers spécifiques comme des dossiers médicaux, tandis que le 150 ans ici s'applique à tout.

(10 h 10)

M. Mulcair: Est-ce que ce serait là, peut-être, une approche que l'on pourrait utiliser? C'est-à-dire que, s'il y a des distinctions qui sont faites pour des choses plus délicates et plus proches de la personne, comme le dossier médical, ce serait peut-être un moyen de respecter ce qui est dans le Code civil pour l'instant, ce droit des héritiers sur la vie privée de leurs aïeux. De faire des distinctions, peut-être que c'est là-dessus qu'on devrait travailler plutôt que de tenter... Parce que, au plan pratique, on ne pourra pas, à court terme, ouvrir le Code civil là-dessus. Ça exige une réflexion. Les sociétés de généalogie et d'histoire qui vont vous suivre en parleront davantage, mais est-ce que ça serait une voie de solution possible, que de tenter de cerner un peu plus spécifiquement qu'est-ce qui est sujet à une restriction plus courte?

M. Lambert (James): Je crois que c'est quand même une minorité de pays qui ont cette disposition-là. C'est toujours possible. D'ailleurs, dans notre premier mémoire, on avait proposé des délais de protection selon la sensibilité des données, puis on avait compris que cette solution avait été rejetée. Donc, on est revenus, nous aussi, avec un délai uniforme. Par contre, ce n'est pas impossible. Il faudrait qu'on revoie les annexes, mais je crois que c'est quand même une minorité de pays qui ont cette disposition-là.

M. Mulcair: O.K. Merci beaucoup.

M. Baillargeon (Diane): Aussi, il faut dire que c'est vraiment très ciblé pour les dossiers médicaux, comme disait James, et aussi les dossiers personnels, alors que, dans notre premier mémoire, on avait proposé un délai d'accessibilité différent selon que les renseignements étaient sensibles ou non sensibles. Évidemment, les délais étaient moindres que ce qu'on avait proposé et on avait englobé plus de choses dans les délais sensibles. Mais c'est sûr que, si le législateur est prêt à regarder cette option-là, ça peut être aussi quelque chose qui pourrait être très intéressant.

M. Mulcair: Merci bien.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Vachon, est-ce que vous avez des questions?

M. Payne: Je n'ai pas demandé la parole.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre, ça va? Est-ce que, du côté de l'opposition, ça va aussi? Donc, mesdames, monsieur, je vous remercie infiniment de votre contribution à nos travaux.

Mme Lacasse (Danielle): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite maintenant les représentants de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec à se présenter en avant, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Je vous demanderais de vous présenter, en vous rappelant que nous disposons de 45 minutes: 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, 15 minutes d'échanges entre le côté ministériel et le côté de l'opposition. Donc, bienvenue.


Corporation des officiers municipaux agréés du Québec (COMAQ)

M. Carrier (Antoine): Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission de la culture, mon nom est Antoine Carrier. Je suis avocat, greffier de la ville de Québec, directeur du service du greffe de la ville de Québec et président de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec.

Je voudrais tout d'abord remercier les membres de la commission de la culture de nous donner l'occasion aujourd'hui de vous soumettre nos représentations dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi n° 451.

Permettez-moi de vous présenter les personnes qui m'accompagnent ce matin. Il s'agit, à ma gauche, de Me Michel Pinault, avocat, greffier de la ville de Granby et président du comité de législation de la COMAQ; et, à ma droite, de Me Gabriel Michaud, avocat, adjoint au directeur du contentieux de la ville de Laval, qui est membre du comité de législation.

La COMAQ a été créée en 1968 par une loi du gouvernement et elle regroupe plus de 500 membres qui occupent tous des fonctions reliées à l'administration générale des municipalités, soit au niveau de la direction générale, des finances, du greffe, du contentieux ou de toute autre fonction d'administration municipale.

Lorsqu'il est question de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, il s'avère que, dans les faits, M. le Président, et suivant la délégation prévue à la loi, le rôle de responsable de l'accès aux documents et de la protection des renseignements personnels est assumé, dans la très grande majorité des cas dans les municipalités du Québec, par des officiers municipaux que notre Corporation représente.

Tout en évitant d'intervenir sur des questions qui relèvent davantage du niveau politique, notre expérience de l'administration municipale et notre implication au niveau de l'application de la loi dont il est question nous amènent cependant à formuler un certain nombre de commentaires qui font l'objet du mémoire qui vous a été transmis pour considération.

Alors, je cède donc la parole à Me Gabriel Michaud pour vous présenter notre réflexion et nos commentaires sur ce document. Nous sommes disponibles et à votre disposition pour répondre à toute question que vous voudrez bien nous soumettre.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Michaud.

M. Michaud (Gabriel): Merci. Comme commentaire peut-être préliminaire, l'an dernier, à peu près à la même période, nous avions présenté un mémoire faisant suite au rapport quinquennal de la Commission. C'était certain, à ce moment-là, que l'une des préoccupations majeures qui découlaient des réflexions de la Commission d'accès tournait autour de la protection des renseignements personnels. L'inquiétude était certainement bien fondée avec la venue des nouvelles technologies, tout en se souvenant que le commentaire que nous formulions était à l'effet que, avec les nouvelles technologies qui évoluent très rapidement, même les concepteurs de ces nouvelles technologies sont souvent un peu dépassés par leurs propres technologies lorsqu'il est question des mesures de sécurité, question de certification des signatures électroniques, etc. De sorte que les commentaires formulés... Et on voit maintenant le projet de loi n° 451 qui veut resserrer les mesures qui visent à protéger les renseignements personnels. On voit que c'est, encore là, cette préoccupation-là qui ressort du projet de loi déposé.

Je ferai quelques commentaires sur... Je ne lirai pas le mémoire au complet. Je vais peut-être m'attarder sur certains aspects que je considère plus importants tout en soulignant qu'évidemment il y a plusieurs bons points apportés dans la loi sur lesquels on ne s'attardera pas. On va plutôt insister sur les éléments qui, à notre avis, mériteraient d'être revus ou bonifiés.

Tout d'abord, un des premiers éléments, lorsqu'il est question de la notion d'organisme municipal, l'article 2 du projet de loi, avec raison, vise à redéfinir la notion d'organisme municipal afin de couvrir un peu plus large. Cependant, nous comprenons difficilement l'exclusion générale qui est faite à l'égard de tout organisme privé. Par exemple, qu'en est-il de tous les organismes qui sont constitués en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies, ce qu'on appelle les paramunicipaux qui gèrent des secteur parfois importants des activités municipales?

Nous, on fait le parallèle avec les commentaires que nous avions formulés lors du dépôt de la loi sur les sociétés d'économie mixte. Ça a été traduit finalement dans la loi elle-même. Les sociétés d'économie mixte, qui sont pourtant un organisme privé, sont expressément désignées dans la loi comme étant soumises à la loi d'accès à l'information. On comprend difficilement que le projet de loi, tel que déposé, exclurait les organismes privés qui, je le répète, souvent couvrent des activités traditionnellement municipales. À ce moment-là, qu'il s'agisse du domaine des loisirs, des immeubles industriels, on sait qu'est-ce qui se passe dans la majorité des municipalités à l'égard de ces délégations-là à de tels organismes.

L'article 13 du projet de loi traite du caractère public d'un renseignement. L'ajout suggéré à l'article 55 de la loi générale pose, quant à nous, de sérieux problèmes tant au niveau des principes qu'au niveau de l'application. Comme nous le mentionnions l'an dernier dans notre mémoire déposé devant cette commission, certains documents, de par leur raison d'être, ont un caractère public même s'ils contiennent des renseignements personnels. C'est le cas, par exemple, du rôle d'évaluation qui constitue la clé de voûte de la fiscalité municipale basée fondamentalement sur la richesse foncière.

Nous réitérons la position exprimée antérieurement à l'effet que la consultation, qu'elle se fasse par les moyens conventionnels ou par un mode électronique, doit permettre de donner accès à toutes et chacune des données qui ont un caractère public. Tel que soumis, le deuxième alinéa proposé comme ajout à l'article 55 de la loi empêcherait une municipalité d'utiliser un mode électronique comme, par exemple, Internet pour communiquer certains documents comme le rôle d'évaluation. Pourtant, les avantages d'utiliser un tel mode sont indéniables, que ce soit au niveau de la rapidité d'accès, de la sécurité quant aux informations obtenues ou du désengorgement aux comptoirs de consultation des services concernés. Et il faut rappeler, comme on le mentionnait l'an passé, que la quasi-totalité des renseignements qui apparaissent dans un rôle d'évaluation sont déjà des renseignements qui peuvent être obtenus soit au bureau de la publicité des droits et ailleurs.

(10 h 20)

De sorte que nous croyons que, si le législateur veut limiter l'accès, il faudrait que, dans la loi sur la fiscalité, il épure par l'effet de la loi certains renseignements. Si on ne veut pas que certains renseignements soient publics, qu'on les écarte, mais, à partir du moment où un renseignement personnel est public, nous croyons qu'on ne peut pas commencer à dire: Bien, c'est public en totalité ou la consultation ne peut se faire qu'à l'unité. Par ailleurs, et c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire, lorsqu'il est question de cette consultation à l'unité, déjà, au départ, il y a certains registres, comme le registre, mettons, de consultation des personnes habiles à voter, il est pratiquement impossible de ne permettre la consultation qu'à l'unité. C'est tout le registre, à ce moment-là, qui devra être public.

Sur un autre aspect, l'article 16 du projet de loi traite des mesures de sécurité. À nouveau, nous réitérons les positions que nous avions exprimées antérieurement. Le législateur reconnaît la nécessité de prévoir des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel des renseignements particulièrement lors de l'utilisation d'une technologie en particulier. Cependant, nous rappelons le commentaire déjà formulé à l'effet que l'expérience nous démontre trop souvent que les personnes qui occupent, du moins dans les municipalités, toujours par délégation – parce que le maire, dans toutes les municipalités, un des premiers gestes qu'il pose après avoir été élu, c'est de déléguer la responsabilité d'application de la loi sur l'accès à un fonctionnaire, un officier municipal qui, presque toujours, est le greffier de la municipalité ou le secrétaire-trésorier dans les municipalités plus petites – la fonction de responsable de l'accès aux documents risquent d'être placées devant le fait accompli lorsqu'il est question d'utiliser l'autoroute de l'information ou toute technologie pour permettre l'accès à des banques de données.

Trop d'intervenants sont souvent impliqués dans le choix et l'élaboration d'une technologie, intervenants qui ne partagent pas nécessairement la même préoccupation quant à la nécessité d'assurer le caractère confidentiel des renseignements personnels. Nous croyons que le législateur devrait apporter des précisions quant à la responsabilité et à l'imputabilité de ceux qui approuvent la technologie retenue. À défaut que le choix de cette technologie soit assujetti à l'approbation du responsable de l'accès aux documents, quant aux modalités d'accès et aux mesures de sécurité mises en place, n'y aurait-il pas lieu qu'une telle approbation soit requise de la part de la plus haute instance de l'organisme, en l'occurrence du conseil municipal lorsqu'il est question d'un organisme municipal? Évidemment, nous soulignons que cette approbation serait préalable à la mise en opération de la nouvelle technologie.

Quant à l'utilisation des renseignements personnels, les articles 18, 19 et 22 du projet de loi déposé traitent de cette question. Nous formulons dans le rapport certains commentaires émis lors de notre mémoire de septembre 1997. J'ajouterai que, lorsqu'il est question de l'application d'une loi, nous croyons que le nouvel article 66.1 proposé dans le projet de loi n° 451 ajoute des contraintes trop lourdes eu égard à l'objectif recherché. Ces contraintes tournent autour des contrôles conférés à la Commission d'accès. Quant à nous, il s'agit très souvent de demandes ponctuelles de personnes chargées d'appliquer les lois et règlements, qui font des demandes d'accès. Nous sommes d'avis qu'un renseignement personnel devrait alors pouvoir être communiqué après s'être assuré de l'identité du demandeur d'information et de l'existence de la loi ou du règlement à l'origine de la demande sans être contraint par l'obligation de donner par la suite à chaque fois un avis à la Commission. Dans les circonstances, nous sommes toujours d'avis que les articles 67 à 68.1 de la loi, tels que nous les retrouvons actuellement, apparaissent adéquats, référence étant faite en particulier aux articles 67 et 67.1 relatifs à l'application des lois, conventions collectives, décrets, etc.

Quant à l'administration des programmes mis sur pied et des mandats propres à un organisme, une bonne gestion, quant à nous, des deniers publics peut mener à l'utilisation de renseignements personnels à ces fins. Dans de tels cas, nous pensons que les articles actuels de la loi sont adéquats sous réserve que le législateur veuille, dans ces cas-là, renforcer ces articles, mais seulement dans le cadre d'un contrôle a posteriori, c'est-à-dire par un avis informant la Commission et non pas par une approbation préalable.

Quant à la comparaison des fichiers, aspect qui est traité à l'article 25 du projet de loi, à nouveau, nous réitérons les positions déjà exprimées. Nous acceptons l'idée de certains contrôles a posteriori, mais nous croyons qu'il faut éviter des contraintes qui empêcheraient les organismes publics de remplir leur mission, d'assurer une bonne gestion des deniers publics et de voir à ce que les programmes mis sur pied soient utilisés pour les fins pour lesquelles ils ont été créés.

Tout en comprenant la nécessité d'accorder une protection adéquate aux renseignements personnels, nous sommes d'avis qu'il faut éviter de confier à la Commission un rôle et des responsabilités qui, avec le temps, contraindraient les organismes publics jusqu'à mener à un laxisme non souhaité dans la gestion des deniers publics et des programmes qui doivent être appliqués au bénéfice de l'ensemble de la population.

Je terminerai par deux points. Le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure, à l'article 37 du projet de loi. Nous croyons que le droit de surveillance et de réforme conféré à la Cour supérieure en vertu du Code de procédure civile constitue une assise de notre système judiciaire. Par conséquent, la COMAQ ne souscrit pas à une disposition comme celle suggérée qui verrait à éliminer le droit de surveillance et de réforme de la Cour supérieure tel qu'exprimé à l'article 37 du projet de loi.

Le dernier point, sur les responsabilités et sanctions inscrites dans le projet de loi. C'est ce qu'on appelle, nous, un régime qui ressemble à un régime de responsabilité stricte lorsqu'il est question de prévoir qu'il y a automatiquement infraction dès qu'il est impossible de donner une justification au pourquoi de la divulgation d'un renseignement. Nous, on dit que, à défaut de renforcir le statut du responsable de l'application de la loi, notre expérience démontre qu'au sein des organismes municipaux le rôle et le statut des personnes qui agissent comme responsables de la loi ne sont généralement pas reconnus comme cela devrait être le cas. Et, à défaut de renforcir leur rôle et leur statut dans la loi pour qu'ils soient reconnus tels qu'ils doivent l'être, nous avons de la difficulté à accepter les ajouts suggérés à la loi quant au niveau de responsabilité et quant aux sanctions qui découlent du rôle joué par de tels responsables.

Je termine par le commentaire suivant, c'est que la protection des renseignements personnels, nous souscrivons à l'objectif, mais évidemment tout est dans la mesure adéquate que tout le monde recherche. C'est sur cette mesure adéquate, cet équilibre recherché que nous formulons nos commentaires. Je termine là-dessus. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Boisclair: Messieurs, je voudrais vous remercier pour votre présentation. Votre mémoire a le mérite de soulever de nouveaux débats que nous n'avons pas eus jusqu'à date, particulièrement sur le régime d'échange des renseignements personnels. J'y reviendrai dans le corps de mon intervention. Je voudrais peut-être vous donner quelques informations.

L'article 2, sur la notion d'organisme municipal, je vous le concède, ce n'est pas la trouvaille du siècle. Il faut en arriver à une définition qui reprend essentiellement comme objectifs ceux qui étaient décrits par la Commission d'accès à l'information. Ce qui est visé aux pages 80 et 81 du rapport de la Commission d'accès à l'information, essentiellement ce sont des organismes comme la Corporation de développement économique de LaSalle qui avait été jugée exclue, la Corporation du 350e à Montréal et d'autres organismes de ce genre. Mais nous ne voulions pas, du même fait, couvrir par la loi un organisme de loisirs, par exemple, un club de baseball qui pourrait être financé par la municipalité.

Donc, il faut trouver une juste limite. Il est clair que, pour les corporations de développement économique, la question se pose moins, vu leur fusion avec les CLD, dans bien des cas. Ce qui n'est pas le cas cependant à Montréal où des corporations de développement économique gardent une entité, une existence juridique autonome. Donc, c'est un peu le sens de l'intention du législateur.

Nous avons eu toutes sortes d'interprétations de cette définition. Les discussions et la présentation que vous nous faites ce matin rajoutent tout simplement à ma conviction qu'il faut préciser davantage la portée de la définition d'organisme municipal. Je veux vous assurer que, sur cette question, de la même façon que je l'ai dit à l'UMQ puis à l'UMRCQ, nous souhaitons pouvoir poursuivre la discussion avec vous. M. Parent qui m'accompagne, des avocats aussi du ministère seront en contact avec vous pour qu'on puisse bien atteindre l'objectif que nous recherchons de part et d'autre, si j'ai bien compris le sens de votre mémoire.

Même assurance que je peux vous donner pour les articles 3 et 52 pour la possibilité pour une personne handicapée d'avoir accès, sur un support adapté, aux renseignements. Vous serez, bien sûr, consultés sur les règlements. D'abord, il y a une procédure de consultation publique pour un règlement. Vos commentaires sont, bien sûr, bienvenus.

(10 h 30)

Sur les mesures de sécurité, j'entends ce que vous me dites sur la délégation de pouvoir qui pourrait être plus grande aux responsables de l'application de la loi d'accès dans une municipalité. La crainte que nous avons aussi, si on avait à confirmer ce statut avec de nouveaux pouvoirs dans la loi, c'est que rapidement les municipalités vont nous dire: Bien, ça va être à Québec de le payer. Est-ce que ce ne serait pas là alourdir davantage la charge d'officiers municipaux qui sont payés par l'administration municipale?

Je dois vous dire, je crains d'ouvrir de nouveaux pouvoirs aux responsables chargés de l'application de la loi. Nous ne voudrions pas en faire des agents de contrôle. Peut-être pourriez-vous m'instruire davantage. Avez-vous peut-être des modèles ou des exemples de responsabilités qui seraient assumées par de vos membres qui pourraient s'assimiler à celles que vous souhaitez voir octroyées aux responsables de la loi?

M. Michaud (Gabriel): Votre commentaire évidemment est particulièrement en fonction des mesures de sécurité reliées aux technologies utilisées. Ce sur quoi nous insistons, c'est que les gens qui travaillent sur l'élaboration et sur les choix de ces technologies, ce ne sont pas nécessairement des gens qui partagent la préoccupation qui doit être celle du responsable de la loi d'accès et celle du conseil municipal et de la plus haute instance qui est le maire. C'est pour ça qu'on dit, à défaut que ces questions d'imputabilité sur les conséquences de choisir une technologie x... assurons-nous que, préalablement à la mise en application de la technologie, les gens responsables de la loi d'accès, à défaut que ça soit le responsable qu'on dise au moins que la plus haute instance... si ce n'est pas le responsable de la loi d'accès qui doit se prononcer sur le choix de ces technologies en termes de mesure d'accès et de sécurité, ramenons-le à ce moment-là au conseil municipal.

Et le commentaire que vous faites, que je comprends très bien, à ce moment-là ça n'impliquerait pas nécessairement une fonction additionnelle au responsable de la loi d'accès, mais ça amènerait au moins le conseil, à défaut que ça soit le responsable de la loi d'accès, à se prononcer et à être conscientisé sur le fait que la technologie choisie doit répondre à certaines attentes en termes de mode d'accès et en termes de sécurité.

M. Boisclair: Est-ce que vous avez le projet de loi sous les yeux?

M. Michaud (Gabriel): Oui.

M. Boisclair: Je vous invite juste à prendre connaissance de l'article 16, à la page 10. Je le lis pour la connaissance des membres de la commission: «Un organisme public qui recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels doit prendre et appliquer des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel de ces renseignements – donc, à cet égard, la municipalité. Il doit notamment, lors de l'utilisation d'une technologie, veiller à ce que le caractère confidentiel des renseignements personnels soit assuré.» Bien sûr, il ne s'agit pas là d'une obligation de résultat mais bien d'une obligation de moyen. Est-ce qu'on atteint, par cet objectif, une partie des objectifs que vous recherchez?

M. Michaud (Gabriel): En partie. D'ailleurs, notre commentaire répondait à cet article-là. Oui, l'organisme, et l'organisme parle par son conseil, par résolution du conseil, mais dans l'élaboration et le choix, ce qui va arriver, c'est qu'à un moment donné la technologie va être mise en application. Cependant, c'est qu'au moment de l'élaboration et du choix jusqu'à quel point... Ça serait simplement de bonifier quant à nous l'article 16 pour qu'à ce moment-là que ce soit peut-être – et j'élabore ça sans que ce soit pointu – que l'article précise qu'à ce moment-là, dans la décision prise par l'organisme de choisir une technologie x, il élabore, il fasse état de quelles sont les mesures de sécurité qui ont été mises en place pour respecter l'article en question.

Parce que, à un moment donné, tel que c'est exprimé, je pense que l'idée est là; il s'agirait peut-être de resserrer, et à défaut que ce soit le responsable de la loi d'accès qui achemine la recommandation sur le choix de la technologie, l'identification des moyens d'accès et des mesures de sécurité.

M. Boisclair: Bien. Alors, vous êtes certainement entendu et compris sur cette question.

Sur le régime d'échange de renseignements, écoutez, je pense que le modèle proposé est un modèle qui sera efficace, de mesure à assurer une plus grande protection des renseignements personnels, mais l'objection que vous nous formulez à la page 8 de votre mémoire, c'est de dire qu'«il faut éviter de confier à la Commission un rôle et des responsabilités qui, avec le temps, contraindraient les organismes publics jusqu'à mener à un laxisme non souhaité dans la gestion des deniers publics et des programmes qui doivent être appliqués au bénéfice de l'ensemble de la population». Quel est le message que vous voulez me passer par cette phrase incendiaire?

M. Michaud (Gabriel): Non, on n'a pas...

M. Boisclair: Non, mais qu'est-ce que... Il y a quelque chose derrière ça, là.

M. Michaud (Gabriel): On n'a pas l'idée d'être incendiaire. Il faut dire que ça fait suite aux commentaires qui étaient formulés à l'égard de l'utilisation des renseignements personnels et les articles précédents. C'est que, si on parle d'un organisme municipal en particulier et d'autres organismes, que ce soit des paramunicipals ou d'autres organismes avec qui traite la municipalité, les renseignements qui sont déjà dans des fichiers, des renseignements personnels, à caractère personnel, peuvent être utiles pour s'assurer que l'application d'un programme, ou d'un mandat propre à l'organisme, que le programme est bien utilisé pour les fins auxquelles il est utilisé et de mettre sur pied les contrôles adéquats en utilisant les renseignements qui sont existants et disponibles, empêcher finalement de...

De mettre des cloisons trop étanches entre les fichiers de renseignements personnels, on dit que ça pourrait mener à un laxisme non souhaité, et c'est de voir quelles sont ces cloisons et l'étanchéité de ces cloisons-là et sans toujours être obligé de référer à la Commission qui se substitue à ce moment-là finalement, qui pourrait se substituer finalement, au jugement de l'organisme municipal lui-même quant à la nécessité ou non de permettre l'utilisation des renseignements disponibles.

M. Boisclair: Je vous entends. Je voudrais vous remercier et vous dire, pour 37, ce que les juristes me disent, ce serait une erreur d'interprétation de votre part. Ce qui est là, à l'article 37, est essentiellement une question d'harmonisation avec le nouveau Tribunal administratif du Québec; peut-être nos collègues avocats tout à l'heure pourront poursuivre la discussion avec vous pour éclaircir votre pensée sur cette question. Mais merci d'avoir éclairci la nôtre, en attendant. Merci.

M. Michaud (Gabriel): Nous avons exprimé une inquiétude et à ce moment-là qui n'était pas fondée. C'est ce que vous nous direz.

M. Boisclair: Merci.

Le Président (M. Payne): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. À notre tour, j'aimerais dire un mot de bonjour aux représentants de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec.

Juste pour suivre la question du ministre sur la page 8 et cette notion de laxisme, avez-vous des exemples tangibles ou concrets avec le temps de qu'est-ce qui peut arriver qui va créer cette notion d'un laxisme quant à la surveillance des deniers publics, juste pour m'éclairer davantage sur ce commentaire?

M. Michaud (Gabriel): Nous, le commentaire général qu'on a fait, c'est que les mesures actuelles, de façon générale, permettent quand même de fonctionner de façon adéquate, disons, et, si des mesures trop serrées, le risque serait d'arriver à ça.

Maintenant, comme exemple qu'on pourrait donner, prenons des renseignements personnels qui seraient recueillis pour un programme de loisirs, par exemple, où on a déjà les listes électorales qui comportent un certain nombre de renseignements. Mais prenons, mettons, des renseignements qui seraient obtenus lors d'inscriptions dans des activités de loisirs, pour les fins de loisirs, pourquoi ces données-là ne pourraient-elles pas également être consultées pour un autre programme de la municipalité quant au véritable lieu de résidence d'une personne pour constater l'identité, parce qu'on n'en est pas encore au stade des cartes d'identité? Il en avait été question, l'an passé, mais nous n'avons pas vu, dans le projet de loi, de dispositions qui mèneraient à l'instauration d'une telle carte d'identité.

Mais c'est surtout, à un moment donné, sur l'admissibilité où il y a un programme de subvention établi par la municipalité dans un domaine donné, pourquoi ne pourrait-elle pas s'assurer de l'identité par d'autres fichiers qu'elle possède déjà? Parfois, lorsque les paramunicipales existent... mais entre un fichier d'une paramunicipale et celui de la municipalité, il y a quelques exemples qu'on pourrait peut-être tirer de ça, à moins qu'il y en ait d'autres que mes collègues peuvent soulever.

(10 h 40)

M. Kelley: Juste pour bien saisir la crainte qui est ici, parce qu'on voit, dans les municipalités... Moi, je demeure dans l'ouest de l'île de Montréal, alors il y a toute une question de l'accès aux renseignements, qui divise le maire de la ville de Lachine, qui est à côté de mon comté, avec le directeur général de sa ville. Alors, c'est quelque chose qui fait l'actualité dans l'ouest de l'île de Montréal en ce moment, toutes ces questions de la bonne surveillance ou qui a le droit de faire la surveillance de quelque... la gestion des fonds publics qui est en jeu dans Lachine. Je ne veux pas commenter sur le fond, mais je veux juste dire que c'est un exemple très concret, avec la loi actuelle, où il y a tout un grand débat sur qui a le droit de faire quoi quant à la surveillance ou l'approbation des dépenses publiques dans cette municipalité.

M. Michaud (Gabriel): Mais ça ne viserait pas, comme telle, une situation comme celle...

M. Kelley: Non.

M. Michaud (Gabriel): ...de Lachine où, là, c'est sur qui peut avoir accès à. Ça, s'il y a déjà les règles; à ce moment-là, ils s'en tireront avec les règles qui existent. Ce n'est pas sur ce genre d'exemples là qu'on interviendrait, effectivement.

M. Kelley: Ma deuxième question. Hier, l'Union des municipalités du Québec et l'UMRCQ sont venues, et leur crainte sur l'article 2, c'était que c'est trop large, c'est-à-dire que la définition des organismes municipaux va inclure les clubs de baseball et d'autres activités culturelles. Alors, leur suggestion est de quelque 2 200 groupes qui risquent d'être assujettis.

Votre commentaire aujourd'hui, vous avez dit que les paramunicipales – qui est encore un dossier surtout sur l'île de Montréal, qui a fait couler beaucoup d'encre sur la surveillance ou la non-surveillance du fonctionnement de certaines sociétés paramunicipales sur l'île de Montréal... Premièrement, avez-vous une réaction aux commentaires des unions, hier, qu'on vise trop large avec ça? Avez-vous des suggestions? Votre dernière phrase a piqué ma curiosité: Il y aurait avantage à préciser l'article 2. Comment? C'est quoi? Comment est-ce que le législateur peut viser les choses qu'on veut viser?

Je pense que le ministre a mentionné, entre autres, les choses comme la Corporation pour le 350e anniversaire de Montréal; ça, c'est quelque chose où il y avait beaucoup de fonds publics. Je pense qu'il y a un droit de regard qu'il faut avoir pour ces genres de corporations. Mais, si la crainte des unions est justifiée, on ne veut pas aller dans chacun des clubs de baseball à travers la province pour voir comment ils ont dépensé leur subvention municipale.

M. Pinault (Michel): Oui. Nous avons eu des discussions avec les représentants de l'UMQ qui étaient attitrés à la confection de leur mémoire et à la présentation, et ce que nous comprenions de leurs propos, c'était que l'UMQ ne souhaitait pas que les organismes qui gravitent autour des municipalités... Tel, à titre d'exemple, les Loisirs de Granby, qui est une corporation incorporée suivant la troisième partie de la Loi sur les compagnies et qui gère, en fait, le budget des loisirs de la ville de Granby, serait couvert à ce moment-ci par la Loi sur l'accès et deviendrait donc un organisme public.

Je pense que c'est la crainte de l'UMQ de voir ces organismes-là, et non pas... On ne parle pas des clubs de baseball, parce qu'un club de baseball, dans une municipalité, n'est pas administré par la municipalité ou par une délégation de la municipalité. Il n'y a pas d'élus qui siègent sur l'Association du hockey mineur comme représentant de la ville ni au niveau du baseball, à titre d'exemple. Mais un organisme qui chapeaute ces petits organismes là – tel que je le mentionnais tout à l'heure – les Loisirs de Granby, qui sont en fait une extension de la municipalité, l'UMQ craint que ces organismes-là soient touchés par la loi sur l'accès.

Nous, ce que nous disons: Le texte nous apparaît imprécis quant à cette notion, et nous voulons que ce soit précisé. Sur la pertinence que ce soit couvert ou pas par la loi, on n'en discute pas. Mais l'UMQ craignait que la charge de travail, qui à ce moment-là incomberait à l'organisme public qui gravite autour de la municipalité, soit par conséquent transférée sur les épaules du responsable de la loi sur l'accès à l'information de la municipalité, augmentant ainsi sa charge, parce que, disaient-ils, bien, il est certain que les gens, qui sont souvent des bénévoles, n'auront pas cette préoccupation-là et à ce moment-là le fonctionnaire municipal va devoir exercer une plus grande surveillance et va devoir appuyer davantage d'organismes publics. C'est ce qu'on comprenait du commentaire de l'UMQ, nous, lors des échanges que nous avons eus avec eux.

Maintenant, nous, ce que nous disons, tel que Me Michaud le mentionnait tout à l'heure, il y a quant à nous à être précisé, à l'article 2, qu'est-ce que, exactement, le gouvernement souhaite. Est-ce qu'il souhaite couvrir ou non les organismes qui gravitent? Et là on ne parle pas de clubs de baseball ou on ne parle pas de clubs de hockey, on parle d'organismes responsables d'une compétence municipale par délégation.

M. Michaud (Gabriel): Je me permettrais peut-être un commentaire complémentaire: c'est que déjà, dans l'article 2 proposé, on parle d'organismes dont le conseil est composé d'au moins un élu – le club de baseball, normalement, il n'y a pas nécessairement un élu là-dessus – et dont le budget est approuvé par une municipalité, etc. Comme le commentaire que nous avions fait pour les sociétés d'économie mixte, on a quand même de la difficulté à accepter le principe que, lorsqu'un pan d'activités municipales, traditionnellement municipales, simplement parce qu'il n'est plus géré par la municipalité elle-même, qu'il est géré par un autre organisme, que ce soit une société d'économie mixte ou une paramunicipale, on ne parle pas effectivement d'un club de baseball, tout à coup cet organisme-là à qui on délègue n'est plus régi par les mêmes règles que nous on est régis au sein de l'hôtel de ville. C'est en ce sens-là qu'on se prononce.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Vous comprendrez que nos préoccupations sont souvent, inévitablement, le souci de l'individu, du consommateur, des électeurs. Donc, je voudrais poursuivre un peu plus loin la discussion qu'on a commencée hier quant à l'utilisation, en principe semblable, par l'Internet des données, comme par exemple le rôle d'évaluation, comparables et semblables à ce qui existe déjà sous forme physique, manuelle, papier. Ne croyez-vous pas que le consommateur est légitime, est raisonnable dans son souci de limiter la façon qu'on puisse avoir accès à ce genre de données?

Je m'explique. Lorsque je vais à une bibliothèque pour consulter un livre, traditionnellement on me permet de consulter un livre ou deux ou tous les livres ... mais par la force de la nature je ne peux pas partir avec la bibliothèque. Mais avec les moyens de communication maintenant, nous pouvons avoir sur notre disque rigide – je peux vous donner beaucoup, beaucoup d'exemples – un accès extraordinaire à toutes sortes de données, d'où vient l'intérêt inévitable, qui est bien documenté aux États-Unis – je peux vous donner l'exemple d'Alabama où il y a des abus – la commercialisation de ces données-là, dans l'État d'Alabama.

Nous, au Québec, je pense qu'on devrait être un peu plus prudents, avant-gardistes et prévoir des mécanismes qui peuvent faire en sorte qu'on puisse protéger le consommateur. Ma première question: Indépendamment de vos préoccupations de coûts ou même de principes quant à l'accessibilité absolue, nécessaire, vous avez aussi des soucis pour l'intérêt de l'efficacité, n'avez-vous pas un souci pour le consommateur qui, lui, par exemple, peut vouloir limiter, empêcher la commercialisation de ces données à large échelle?

M. Michaud (Gabriel): Oui. Et dans le mémoire présenté l'an dernier, nous nous étions exprimés là-dessus et nous disions à ce moment-là que, si on prend le rôle d'évaluation qui est une pièce maîtresse qui assure quand même toute la base de la fiscalité municipale qui est basée sur la richesse foncière, la transparence du système amène que le rôle doit être public, peut être consulté. Mais à la limite, on disait que le législateur à ce moment-là, s'il y a des données qu'on ne veut pas qu'elles soient... parce que toute la fiche de l'évaluateur n'est pas publique, et ça ne doit pas être public non plus. Si on veut qu'il y ait des choses qui soient dans la fiche de l'évaluateur et qu'elles n'apparaissent pas sur le rôle, il y aurait peut-être possibilité d'éliminer quelques renseignements.

Il était un temps où dans le rôle il y avait, bon, la religion, la langue puis quelques autres informations. Il n'est pas nécessairement dit que tous les renseignements qui sont actuellement publics devraient le demeurer; peut-être qu'il pourrait y avoir une épuration. Maintenant, à partir du moment où c'est le nom du propriétaire, son adresse, la valeur du bâtiment, plusieurs de ces renseignements-là sont déjà accessibles au bureau de la publicité des droits, et je pense qu'on n'entre pas dans la vie plus personnelle des gens si ce n'est que, oui, effectivement il y a une tentation de compagnies – qu'on pourrait nommer, qui ont voulu avoir les rôles d'évaluation, mais qu'on ne nommera pas ici – qui peuvent se servir du rôle pour pouvoir avoir un bon listing d'adresses. Mais du télémarketing il s'en fait avec diverses sources de données. Mais il ne faudrait pas dévier du fondement de la fiscalité municipale qui est basée sur la richesse foncière.

(10 h 50)

Et le principal point que je voudrais soulever, en dernier recours, c'est que la consultation à l'unité, pratico-pratique, telle qu'exprimée dans le projet de loi, on ne voit pas comment on pourrait gérer ça, d'une façon pratico-pratique.

M. Payne: Mais la valeur, par exemple...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Très rapide, M. le député de Vachon, 30 secondes.

M. Payne: La valeur d'une banque de données, comme par exemple Équifax, est en fonction de deux facteurs: le volume et la véracité des données. Ne voyez-vous pas un intérêt évident, de la part de ce genre de banques de données, d'avoir accès, si ce n'est les données les plus élémentaires comme la valeur d'une bâtisse d'un propriétaire? Et je ne mentionnerai pas, par exemple, le fait que, dans d'autres rôles d'évaluation, la religion était bien là parce qu'on était inscrit sur une commission scolaire quelconque. À ce moment-là, c'était sur la base confessionnelle plutôt que linguistique.

Il y a tout intérêt à commercialiser ce genre de données là, et je vous dis que l'intérêt est manifeste de la part de ces personnes-là, ces organismes-là. Ce sont des organismes à but lucratif, ce sont des organismes à but commercial.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vais être obligé de passer la parole au représentant de l'opposition parce que le temps imparti au côté ministériel est terminé, donc les réponses également.

M. Pinault (Michel): D'accord.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Vous pouvez peut-être...

M. Pinault (Michel): De toute façon...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): ...à partir des questions du député d'Outremont, revenir sur la question qui vous a été posée par le député de Vachon. M. le député d'Outremont.

M. Pinault (Michel): Peut-être qu'une des questions...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Si ça fait de la suite dans les choses.

M. Pinault (Michel): Peut-être qu'une question de l'opposition pourrait être: Quelle est votre réponse à la question de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: On peut faire ça, oui, d'accord. Mais avant je voudrais avoir votre évaluation de l'article 3 sur l'adaptation de la loi aux personnes en déficience visuelle et auditive. Vous dites... Bon, il y a eu des réactions assez variables, au cours de cette commission là-dessus puis dans les mémoires qui vont venir aussi, là; il y a des gens qui sont favorables d'une façon inconditionnelle à cet article-là, il y en a d'autres qui, tout en n'étant pas défavorables en principe, ont des réserves sur l'article compte tenu de ses impacts.

Vous autres, vous dites que vous n'avez pas de commentaires particuliers à faire sur l'article 3 mais que vous voudriez être consultés lorsque la réglementation sera élaborée. Mais vous devez certainement avoir des vues là-dessus, des opinions là-dessus, alors est-ce qu'on pourrait vous entendre?

M. Michaud (Gabriel): Sur le principe, comme exprimé, on n'a pas de commentaires particuliers. Notre inquiétude, c'est sur le règlement qui viendra en application de ce principe-là. Et, comme je le disais précédemment, à un moment donné tout est dans la mesure.

C'est que, si le règlement – et c'est là-dessus qu'on voudrait être consulté en temps et lieu – fait en sorte qu'on va trop loin quant aux règles applicables pour satisfaire à ce genre de demandes là, là on pourrait être un peu plus mitigés sur le principe lui-même. Mais sur le principe on n'a pas de commentaires particuliers. C'est sur les mesures qui seront mises en application dans le règlement qui viendra plus tard. C'est là notre inquiétude.

M. Laporte: Mais est-ce que c'est parce que vous... Oui, vous avez un commentaire?

M. Carrier (Antoine): Oui. Juste, M. le député, pour compléter l'intervention de Me Michaud. Si, par exemple, on nous imposait, aux municipalités, l'obligation d'avoir des transcripteurs, il y a toute une question... C'est toute une question de coûts. La personne visuellement atteinte ou handicapée qui voudrait consulter doit avoir à ce moment-là des moyens pour le faire. Alors, qui va être responsable de les mettre en application? Qui va être responsable, surtout, d'en payer le coût?

M. Laporte: Est-ce que vous pourriez... Je souhaiterais que vous répondiez à la question de mon collègue de Vachon.

M. Pinault (Michel): J'allais justement enchaîner dans le sens où je disais: Si une personne handicapée visuellement se présentait au comptoir d'évaluation pour avoir accès à Internet, il faudrait voir quels sont les moyens qu'on lui accordera.

Mais ce que, nous, nous retenons, c'est le principe suivant: Les informations qui sont contenues au rôle d'évaluation sont déjà publiques en vertu des différentes lois, loi des cités et villes, Loi sur la fiscalité municipale et la loi sur l'accès également. Donc, nous arrivons dans une ère où Internet, l'informatique, permet une accessibilité plus rapide à l'ensemble de ces informations-là, mais ça n'ajoute pas, la technologie n'ajoute pas au principe d'accessibilité ou ne diminue pas le principe d'accessibilité. C'est strictement une question de rapidité de l'information.

Quant à l'aspect commercial, l'entreprise qui veut commercialiser ces informations-là pourrait le faire tout aussi bien sans une technologie informatique. Elle pourrait le faire manuellement. Vous allez me dire: C'est fastidieux, c'est quasiment impossible, mais je ne crois pas que la limitation de l'accès à l'information doit se faire par le truchement des moyens utilisés. Qu'on établisse des principes clairs. Si les informations sont publiques, elles le sont, peu importe les outils pour y accéder. Si effectivement on ne veut pas que ce soit accessible, à ce moment-là modifions les autres lois en conséquence. C'est l'un ou l'autre. Je pense que d'aller – et ça, évidemment, c'est une question qui relève beaucoup plus du gouvernement – entre les deux, les mesures de contrôle vont être difficiles. En tout cas, quant à nous.

M. Michaud (Gabriel): Un bref commentaire additionnel...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En deux minutes, s'il vous plaît.

M. Michaud (Gabriel): Je vais vous donner l'exemple de ce que Laval a fait avec le rôle d'évaluation sur Internet. Elle a elle-même limité la possibilité d'accès à pas plus que cinq unités par jour via Internet. Mais, tel qu'exprimé dans le projet de loi, il reste que le rôle peut être consulté. Mais, tel que c'est, ça ne pourrait pas se traduire... Laval serait obligée de mettre fin à cette pratique parce que ça contredirait la loi telle que soumise. Mais d'elle-même, elle a limité à cinq par jour. Mais quelqu'un voudrait, ils se mettraient 50 puis ils sortiraient chacun cinq unités par jour... bon, un rôle comme Laval, ça prendrait quand même du temps, mais...

M. Pinault (Michel): Une piste peut-être de solution, et par analogie avec l'introduction de la liste électorale permanente au Québec, il y a une disposition particulière dans la loi qui est venue établir la liste électorale permanente où il est stipulé qu'on ne peut utiliser la liste électorale à d'autres fins que pour celle qu'elle est utilisée, c'est-à-dire pour des élections. Alors, si effectivement l'on veut limiter l'accessibilité globale à des informations, introduisez une disposition semblable au niveau de l'accès à l'information au niveau des rôles d'évaluation, que ce soit utilisé strictement pour les fins d'évaluation municipale ou de perception de taxes ou etc., ce qui va rendre inaccessibles, dans une certaine mesure, en volume, les informations y contenues. Alors, écoutez, c'est peut-être...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, merci infiniment. Le temps imparti est terminé. Donc, on vous remercie infiniment de votre contribution à nos travaux.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): J'invite immédiatement la Fédération québécoise des sociétés de généalogie à se présenter à l'avant, s'il vous plaît.

(11 heures)

Donc, mesdames, monsieur, nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue, et je vous rappelle que nous avons 45 minutes ensemble. Habituellement, le temps imparti est de la façon suivante: vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire et chacun des côtés de la présidence a aussi 15 minutes pour échanger avec vous. Donc, je vous demanderais, Mme Ouellet, de présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Fédération québécoise des sociétés de généalogie (FQSG)

Mme Ouellet (Jeannine): Merci, M. le Président, messieurs, membres de cette commission de la culture, M. le ministre. Je vais vous présenter mes deux collaborateurs. Alors, il s'agit de Mme Esther Taillon, présidente ex officio et toujours membre du conseil d'administration de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, ex-présidente et gouverneur de la Société de généalogie de Québec et aussi ex-directrice générale de la Société historique de Québec. Et, à ma droite, Me Denis Racine, avocat, ex-trésorier de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec, ex-président et gouverneur de la Société de généalogie de Québec et ex-président de la Société historique de Québec; et, moi-même, Jeannine Ouellet, présidente de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, présidente ex officio de la Société d'histoire et de généalogie de Rivière-du-Loup et vice-présidente de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec.

Je vous remercie de nous avoir invités, de nous permettre de participer à ces audiences publiques consacrées à l'examen du projet de loi n° 451 qui va modifier, nous l'espérons, à la fois la loi sur l'accès aux documents administratifs et la protection des renseignements personnels dans le secteur public et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Comme le disait si bien M. le ministre Boisclair, il y a deux jours, nous devons mettre nos lois à jour, les rajeunir. Aussi, vous déploriez, tout comme le Commissaire fédéral à l'information, le fait que la manie du secret continue de fleurir dans beaucoup trop de hautes sphères.

Alors, aujourd'hui, nous représentons ici les 31 sociétés membres de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, soit plus de 10 000 membres, les membres de la Fédération des familles-souches québécoises qui nous ont été officiellement confiés au printemps dernier, soit 22 000 membres, et tous les autres généalogistes québécois et étrangers ayant des racines en terre québécoise. Parmi eux, le groupe le plus impressionnant, les Américains, à eux seuls, représentent 11 000 000 de personnes. Bon nombre d'entre eux traversent chaque année les frontières canado-américaines afin de découvrir le coin de pays qui a vu naître leurs ancêtres. Notre démarche ici aujourd'hui est d'une extrême importance puisque nous l'accomplissons au nom de ce nombre considérable d'individus touchés par ce projet de loi n° 451.

Alors, il me fait plaisir de vous présenter un bref résumé comprenant l'essentiel des notions abordées dans notre mémoire. Ce qui distingue la généalogie de toutes les autres disciplines, c'est, entre autres, et en premier lieu, l'établissement des filiations, c'est-à-dire qu'à partir de soi on doit remonter de génération en génération jusqu'à l'ancêtre arrivé en ce pays. Cela suppose une connaissance de l'origine de ses propres parents et grands-parents, leur nom, lieu de mariage et dates approximatives, avant de trouver les dates réelles. Rares sont les individus qui peuvent, par tradition orale, aller au-delà de ces générations. Si l'on convient qu'une génération équivaut à 20 ou 25 ans, l'on peut déduire qu'au-delà d'une période de 70 ans la mémoire qui relie l'individu aux générations précédant ce laps de temps est déficiente.

Pour établir sa filiation, il faut donc recourir aux sources écrites conservées à l'État civil et dans les autres dépôts d'archives privées et publiques, d'où l'importance d'un accès sans restriction, tout comme le journaliste et l'historien y ont droit. Une filiation est la première étape de l'établissement d'une généalogie qui n'est pas uniquement une liste de noms et de dates. Celle-ci se complète par la recherche de renseignements personnels qui viendront rendre vivant et fidèle le portrait des ancêtres de la lignée: le lieu de vie, les métiers exercés, les détails sur la personne, etc.

Une généalogie vouée à être cachée devient inutile, à moins que ce ne soit la volonté de son propriétaire. Là-dessus, le code de déontologie du généalogiste est formel, et je cite: «Le généalogiste respecte la nature confidentielle sur la vie privée des citoyens, faisant preuve de discrétion et de discernement sur la communication, la publication et la diffusion de telles informations et obtenant, le cas échéant, l'autorisation des personnes concernées.»

Aujourd'hui, au Québec, il est devenu difficile de recueillir des éléments à caractère personnel et la diffusion des travaux de recherche l'est tout autant. En regard de la divulgation d'éléments à caractère généalogique, la Fédération désire soulever les points suivants: d'abord, la difficulté de retracer les héritiers et d'obtenir le consentement et le délai de 150 ans de la prohibition de divulgation de renseignements à caractère personnel.

Au-delà des bénéfices personnels associés à la recherche, le généalogiste, par ses travaux de recherche sur sa famille, contribue à garder vivant le patrimoine de la société à laquelle il s'intéresse. Par le fruit de ses recherches, il apporte une dimension sociale profonde. En élargissant sa vision de l'origine de sa propre existence qui finalement rejoint celle de ses contemporains, il réalise ainsi et fait réaliser la pluralité des origines de chacun.

Enfin, les travaux des généalogistes bénéficient de plus en plus à d'autres disciplines, dont la démographie, la génétique, la statistique, l'héraldique, l'histoire et l'ethnographie, pour ne nommer que celles-là. Comme la recherche généalogique existe depuis des temps immémoriaux, nous sommes convaincus que le législateur sera sensible à nos représentations et aux recommandations suggérées.

Notre première recommandation est celle-ci. Modifier l'article 13 pour qu'il se lise comme suit – alors, il fait référence à: L'article 55 de cette loi est remplacé par le suivant:

«Un renseignement qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas un renseignement personnel pour les fins du présent chapitre.»

Ce renseignement ne serait donc plus confidentiel. Ainsi, il nous semble que les registres publics, tels que les rôles d'évaluation, ont un caractère public et ne peuvent fournir un renseignement intéressant dans une histoire de famille. De plus, les renseignements personnels ayant un caractère public font partie de la liberté d'expression lorsque l'on traite de l'histoire et de la généalogie d'un peuple.

Notre deuxième recommandation est celle-ci. Nous demandons que seul un délai de 70 ans de la date du document contenant des renseignements personnels sur un individu puisse s'appliquer. La règle de 70 ans s'inspire des lois américaines visant les corps publics. On ne peut qu'applaudir de prévoir un délai maximal où les contraintes législatives s'appliquent. Cependant, un délai de 150 ans est manifestement beaucoup trop long. Cette limite nous amène à l'année 1848, ce qui est très contraignant pour un généalogiste.

Notre troisième recommandation. Modifier l'article 68 afin qu'il se lise comme suit: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 18, des suivants:

«18.1. Une personne qui exploite une entreprise peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer des renseignements personnels contenus dans un dossier qu'elle détient sur autrui à un service d'archives agréé ou une société sans but lucratif oeuvrant dans la recherche historique ou généalogique si ces renseignements sont communiqués dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt des archives de l'entreprise.»

Les généalogistes ne peuvent qu'applaudir à la décision d'adopter l'article 68 à l'effet de permettre la communication de renseignements qui ont un caractère public sans le consentement de la personne concernée. Ainsi, il est possible pour les généalogistes de communiquer des renseignements provenant de journaux tels que les chroniques nécrologiques, les publications de bans, entre autres.

Notre quatrième et dernière recommandation concerne le dernier paragraphe de l'article 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui devrait être amendé pour inclure, après le mot «journalistique», les mots suivants: «ou historique».

L'on pourrait alors lire: «La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication du matériel journalistique ou historique à une fin d'information au public.»

En conclusion, la Fédération québécoise des sociétés de généalogie croit que, si la loi sur l'accès et la loi sur le secteur privé de même que certaines dispositions du Code civil restaient inchangées, cela signifierait la fin des travaux à caractère généalogique au Québec. En effet, à quoi servirait la recherche si les résultats devaient demeurer soigneusement cachés sous peine d'enfreindre les lois du pays? L'activité généalogique deviendrait une occupation égoïste, tout au plus propre à satisfaire la curiosité de quelques individus. Les généalogistes veulent l'accès aux sources d'information et souhaitent avoir plus de liberté pour publier leurs travaux. Ils n'en ont plus beaucoup depuis janvier 1994.

Je demanderai maintenant à Me Denis Racine de compléter ma présentation.

(11 h 10)

M. Racine (Denis): Merci, Mme Ouellet, merci, M. le Président. Messieurs de la commission parlementaire, je veux intervenir plus particulièrement sur la deuxième recommandation, sur le délai de 150 ans qui est stipulé par la loi, et plus précisément par l'article 68 du projet de loi qui est actuellement à l'étude, et qui est en rapport avec l'article 19 de la Loi sur les archives, article existant. Tous les deux, ces deux articles-là font référence à un délai de 150 ans.

Je pense que, depuis quelques années, au Québec, on a eu beaucoup de préoccupations par rapport à la protection de la vie privée. Ainsi, textuellement, dans la Charte québécoise des droits, la protection de la vie privée apparaît, contrairement à la Charte canadienne, par exemple. Alors, évidemment, en conséquence de cette disposition de la Charte, on a ajusté notre législation et particulièrement les dispositions du Code civil. Le délai de 150 ans trouve sa source directement dans cette protection de la vie privée.

Mais, au-delà de ça, il faut quand même voir les conséquences que ce délai de 150 ans pourrait avoir sur la recherche généalogique, la recherche historique et, plus généralement, sur notre mémoire collective. Cent cinquante ans après un document, ça nous mène en 1848. Donc, on ne pourrait, en tenant compte de cette disposition, rendre public un renseignement personnel qui date d'après 1848 sans obtenir le consentement de la personne concernée, qui, dans ce cas-là, est morte depuis belle lurette, ou de ses héritiers.

Le résultat, MM. les parlementaires, c'est que, si on voulait écrire une biographie sur un parlementaire, par exemple, on ne pourrait pas le faire parce que cette biographie contiendrait des renseignements personnels, forcément, et il faudrait soit attendre 150 ans du document – alors, comme on parle de l'ensemble d'une vie, donc c'est 150 ans après la mort de la personne – ou obtenir le consentement des héritiers. Alors, évidemment, si la personne vit encore, ça peut toujours aller, mais, plus on s'éloigne du décès, plus le nombre des héritiers croît, et ça prend le consentement de tous et chacun des héritiers. Or, ça pose un problème très sérieux quant à la conservation de notre mémoire collective.

À ce sujet, MM. les parlementaires, en août dernier, août 1998, la revue L'actualité , à la page 64, publié sous la plume de M. Gilles Courtemanche, un excellent article qui s'appelle La loi de l'oubli fait justement état de cela. La conséquence de ça, c'est qu'on serait obligé de se retrouver avec des biographies complaisantes pour ne pas déplaire aux héritiers de cela. Là-dedans, dans cet article, ceux qui étaient à l'origine des dispositions nous disent: On devrait attendre les jugements de la cour pour savoir à quoi s'en tenir. Mais les jugements de la cour, c'est très long. On en dispose d'un actuellement. Vous le connaissez, c'est l'affaire Aubry de la Cour suprême du mois d'avril dernier et qui définit les grandes lignes. Sans une législation appropriée, ça laisse tous les généalogistes, les historiens, les gens qui font de la recherche, au niveau de leur publication, généralement sans protection ou, à tout le moins, avec de sérieux points d'interrogation quant à l'application de ça.

Et, à titre de comparaison, on a parlé des dispositions – je terminerai là-dessus, M. le Président – américaines en parlant du 70 ans. Je serais tenté d'aller même plus loin, d'encore rétrécir ce délai en comparant la législation fédérale et la législation ontarienne. Il est vrai, je dois le dire, qu'en Ontario et dans la Charte canadienne on ne retrouve pas les dispositions concernant la protection de la vie privée, mais je pense qu'on peut quand même faire des comparaisons. Par exemple, au fédéral, le délai est de 20 ans. Dans la loi sur l'accès à l'information au fédéral, c'est 20 ans après le décès et, au niveau Ontario, c'est 30 ans après le décès.

Voilà, M. le Président, ce sont mes remarques. Alors, notre mémoire parle de 70 ans et, si même on pouvait le rétrécir à 30 ans, j'en serais, pour être un chercheur assidu, très heureux.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Me Racine. M. le ministre.

M. Boisclair: Mesdames, monsieur, merci pour cette présentation. Je dois vous dire que j'ai été impressionné, moi qui ne suis pas familier avec votre activité de généalogiste que vous pratiquez sans doute dans le quotidien des choses, de voir le nombre de sociétés membres, tout près de 32, de voir aussi le nombre d'associations de familles qui sont affiliées. Je comprends, à votre société, que c'est là des gens sans doute nombreux, engagés, dévoués et intéressés par la cause qu'ils poursuivent. Je pense que c'est avec toute l'attention nécessaire qu'on doit prendre connaissance de vos recommandations.

Je voudrais commencer peut-être avec le dernier sujet de discussion, le délai de 150 ans. J'ai pris connaissance de l'article de M. Courtemanche lorsqu'il a été publié, je pense, au début de l'été. Effectivement, M. Courtemanche aborde la question du Code civil. Ce que M. Courtemanche n'aborde pas, c'est la loi qui était déposée à l'Assemblée nationale qui effectivement propose déjà une réduction des délais. C'est la première fois que nous faisons publiquement ce débat depuis l'adoption du Code civil. Nous en avons parlé rapidement lorsque le rapport quinquennal de la Commission d'accès a été rendu public, mais, pour la première fois, nous sommes vraiment dans le coeur du débat. Je n'ai pas le mémoire... Peut-être qu'on pourrait me trouver le mémoire du Barreau qui exprimait un certain nombre de réserves à l'endroit de cette ouverture plus grande à l'accès à l'information, invoquant le droit à la vie privée.

Donc, j'entends très bien votre point de vue. Vous me dites, même 30 ans, vous seriez très heureux. J'ai cru voir de loin un petit sourire en coin, mais vous comprenez que le législateur, même s'il est conscient de la difficulté, du problème bien réel que vous posez, nous allons essayer, tenter de trouver un équilibre entre la nécessaire connaissance du passé pour éviter de sombrer dans l'oubli, comme Courtemanche nous le rappelle, et aussi des propos du Barreau.

Je vous les lis. C'est important, parce qu'il y a un véritable débat. Voyez, les gens du Barreau nous disent: «L'article 68 du projet de loi amène la possibilité de transmettre à toute personne tout renseignement personnel contenu dans un dossier archivé après une période de 150 ans. Or, l'article 35 du Code civil reconnaît la transmissibilité du droit à la vie privée aux héritiers. Le droit à la vie privée, et surtout le droit à la réputation, ne se limite pas à une période de 150 ans; en conséquence, cette disposition ne nous apparaît pas conforme à l'esprit du Code civil. Il y aurait lieu de circonscrire davantage cette disposition. Quels sont les véritables problèmes que l'on cherche à solutionner par cette disposition? Nous croyons que le législateur devrait davantage s'inspirer de l'esprit du Code civil à ce sujet.»

Donc, je n'évoque pas les arguments du Barreau comme étant une vérité en soi, mais je veux tout simplement attirer votre sensibilité au fait qu'il y a un véritable débat. Je pense que le législateur doit être prudent dans ses choix, mais il peut aussi être progressiste.

Alors, on a commencé le débat avec 150 ans. Nous avons reçu les archivistes et j'ai pris connaissance d'un travail bien documenté de leur part, où on faisait le tour des législations en Amérique du Nord sur ces questions et même quelques expériences étrangères en Europe. Je dois vous dire que je suis plutôt sensible... Si j'avais à faire un choix aujourd'hui, je peux vous dire que je me tournerais davantage vers le 100 ans, peut-être 30 ans après le décès, donc jouer alentour de cette formule. Je dois revenir au Conseil des ministres et cette question sera débattue. Voyez la proposition qui est contenue au projet de loi comme étant le délai maximum qui peut s'appliquer. Alors, on va poursuivre cette discussion.

Je vous invite, de votre part, à faire connaître votre point de vue au ministre de la Justice aussi et à ma collègue Louise Beaudoin, étant elle-même historienne de formation, qui est très sensible à cette question. Vous pouvez être assurés, en tout cas, de sa bonne écoute comme de la mienne.

Vous nous faites une proposition originale dans votre mémoire. Vous dites que les centres comme les vôtres devraient pouvoir recevoir des dépôts d'archives comme les centres d'archives agréés, devraient pouvoir en recevoir comme on le propose dans le projet de loi. Je voudrais que vous me renseigniez davantage. Ce que je comprends, c'est que ces centres d'archives, ceux qui sont agréés, sont régis par une réglementation, par un règlement, je présume, d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale qui serait de la responsabilité de ma collègue de la Culture.

Est-ce que vous-mêmes êtes soumis, vos centres sont soumis par une réglementation du gouvernement du Québec? Si ce n'est pas le cas, alors que vous demandez de pouvoir recevoir, être un centre de dépôt, est-ce qu'il ne serait pas pertinent qu'en contrepartie on étende la portée de la réglementation qui s'applique aux centres qui sont agréés?

Mme Ouellet (Jeannine): Oui. Je pense qu'il faudrait étendre justement ce règlement. D'ailleurs, actuellement les sociétés d'histoire et de généalogie au Québec ont des dépôts d'archives, fréquemment.

(11 h 20)

M. Boisclair: Cette question, on va la regarder attentivement. Il faudra vraiment, sur ces questions, qu'avec le ministère de la Culture nous ayons une vision commune des enjeux. Et je vous invite vous-mêmes à faire connaître votre point de vue auprès des collaborateurs de ma collègue Louise Beaudoin. Il faudra faire un petit comité de travail et rapidement se faire une idée claire sur cette question, puisque notre intention, c'est de procéder assez rapidement, certainement avant la fin de décembre, à l'adoption du projet de loi.

Est-ce que, sur ces questions, vous avez des contacts avec les gens du ministère de la Culture? Est-ce que ceux-ci vous ont fait part d'une opinion sur la question que vous nous soulevez?

Mme Ouellet (Jeannine): Non, pas à ma connaissance.

M. Boisclair: Non. Alors, je vous invite peut-être à le faire, puisque... La proposition que vous nous faites n'est certainement pas à rejeter du revers de la main; bien au contraire, je pense qu'elle est à étudier sérieusement.

L'article 13, écoutez, tout le monde nous en parle, c'est votre première recommandation. Il est clair qu'il y a une difficulté qui se pose dans le libellé de l'article. Nous prenons note de vos recommandations et j'espère que les modifications que nous proposerons seront de mesure à vous satisfaire.

Et, pour le reste, votre dernière recommandation, rajouter le mot «historique», je vais le regarder, mais je ne voudrais pas que vous quittiez ici avec un optimisme délirant. Ce qu'on me dit, les gens qui connaissent ces questions me disent que ce serait embrasser trop large et que, s'il y avait peut-être un autre genre de formulation, on va regarder. On comprend bien le sens de votre intervention, mais je ne pense pas non plus que l'amendement proposé, tel que libellé, serait de mesure à faire en sorte de rencontrer, peut-être, nos objectifs communs.

Alors, nous allons regarder attentivement ces questions. Je vous invite à poursuivre cette discussion avec soit mes collaborateurs ou moi-même. Je me rends bien disponible. Et je vous remercie pour la qualité de votre présentation. Si vous avez des commentaires, n'hésitez pas, vous pouvez poursuivre.

Mme Taillon (Esther): M. le ministre, moi, personnellement, je suis très heureuse de voir que vous semblez sensible à notre recommandation, surtout celle de rétrécir l'écart, de diminuer... Vous avez parlé entre 100 ans et 30 ans.

M. Boisclair: Cent ans, 30 ans après le décès, ce serait la règle que nous proposaient les archivistes. Je m'éloigne un peu de la proposition de monsieur, mais...

Mme Taillon (Esther): C'est que, voyez-vous, je reviens encore là-dessus, dans 15 mois, on sera au XXIe siècle. Or, nous, les généalogistes, on ne pourra rien publier du XXe siècle, et même de 50 ans du XIXe siècle. Ça fait très loin. Ça veut dire, en généalogie, à peu près six générations. Six générations, alors c'est beaucoup, ça, à cacher, disons.

C'est une période qui est très fertile, hein, c'est la période du curé Labelle, d'Arthur Buies, d'Honoré Mercier, de Riel, et j'en passe. On est des êtres humains. On descend soit par les collatéraux ou soit en ligne directe de ces gens-là. Donc, dans nos généalogies, si quelqu'un est associé à Honoré Mercier ou, par les collatéraux, au curé Labelle, eh bien, on est très heureux de le dire et d'en parler. Mais vous comprenez que, si on remonte du XXIe siècle, on ne peut rien dire du XXe et on ne peut rien dire à la moitié du XIXe, il ne nous reste pas grand-chose à dire.

Nos bulletins de généalogie, qu'est-ce qu'on va dire dedans, à part de parler toujours du Régime français? Les biographies d'ancêtres, fini. Les livres de famille. On veut se rassembler en famille, eh bien, qu'est-ce qu'on va dire, en famille? On aime généralement produire des brochures, produire des biographies quand on se rassemble en famille, mais là, si on cache six générations, c'est beaucoup, M. le ministre. Alors, on est très contents de voir qu'il y a une ouverture de ce côté-là.

M. Boisclair: Si c'est pour vous permettre d'écrire sur le curé Labelle et sur Honoré Mercier, soyez assurés que c'est un bon argument. Mais comprenez la situation dans laquelle je suis. J'entends très bien vos propos, madame, et j'y suis sensible, et nombreux de mes collègues aussi, au Conseil des ministres et dans la députation, sont sensibles à cette réalité.

Il y a un premier pas qui est fait. Écoutez, c'était illimité auparavant, là, hein? Là, on met 150 ans, comme première proposition. Et je l'avais faite dans un contexte où je savais qu'il y avait une commission qui s'en venait et où j'avais l'occasion de vous entendre. L'objectif que je poursuivais, c'était de vous entendre me le réclamer, puisque je sais qu'il y a des gens qui s'y opposent. À cet égard, votre présentation me permet de mettre davantage d'arguments dans ma besace. Si je suis capable de, fort de ces arguments et de votre travail aussi...

Je vous invite, auprès du Barreau, à faire certaines représentations. Ce que je souhaiterais être capable de faire, c'est peut-être le 100 ans, règle générale, 30 ans après le décès. Je pense que ce serait là un bon pas de fait dans le sens de vos préoccupations. Comprenez qu'il y en a une autre aussi qui est tout à fait juste et légitime, qui a inspiré le législateur au moment de la rédaction du Code civil. Nous serons heureux de peut-être faire le point à nouveau dans les amendements que nous aurons l'occasion de présenter. Merci de votre travail et merci, je comprends, pour votre appui.

M. Racine (Denis): Un petit mot, M. le ministre, si vous le permettez.

M. Boisclair: Oui.

M. Racine (Denis): Vous avez bien saisi, je pense, que les questions en balance, c'est le droit à l'anonymat, comme l'écrivent les auteurs, et le droit du public à l'information ou, plus généralement, toute la question de la recherche historique et de la recherche généalogique. Ces deux droits-là, sur le point précis, se contredisent, on le voit bien. Je pense que vous avez bien saisi le point.

Il faut aussi voir qu'avec l'éclosion de la recherche historique depuis quelques années... Autrefois, on n'écrivait que sur des personnages connus de notre histoire, des personnages qui ont eu des carrières de caractère public, des hommes politiques ou des femmes politiques ou des gens dans le domaine des affaires ou dans le domaine ecclésiastique, etc. Bon. La Cour suprême, dans l'arrêt Aubry, donne des ouvertures là-dessus. Encore là, il y a des nuances. Puis, quand tu publies, t'es pas toujours... Enfin, les gens ne sont pas nécessairement des juristes et il serait toujours difficile de passer ton manuscrit à un juriste avant même de publier. Vous comprenez que ça serait mettre une embûche importante.

Mais je pense que vous avez bien saisi. Il s'agit de mettre tout ça en balance et de voir dans quelle mesure la loi de l'oubli ne pourrait pas tomber. Je pense que votre proposition – oui, je termine – de 100 ans et 30 ans après le décès, en tout cas, à mon sens, nous agréerait. Je vous dirai, en terminant, que j'aurai spécialement intérêt à aller plus souvent au congrès de ma corporation professionnelle, le Barreau du Québec.

M. Boisclair: Oui, bien, ça... D'autant plus que vous en êtes membre, du Barreau. À la blague, je vous rappellerai que, quand même, la loi de l'oubli est une loi libérale adoptée à l'époque par M. Rémillard, mais, en toute honnêteté, le Code civil a été adopté à l'unanimité. Je pense qu'entre parlementaires il y a véritablement un débat à faire sur cette question. Tant mieux si vous pouvez, avec vos collègues, faire le point à nouveau, parce que ceux-ci se sont montré, sur cette question, comme sur bien d'autres – vous connaissez le Barreau – assez affirmatifs, pour le moins. Merci beaucoup pour cet échange.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. À mon tour, j'aimerais remercier les représentants de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie pour la présentation, ce matin.

Juste pour mettre ça plus clair, moi, je suis le paresseux de notre famille. J'ai un frère et une tante qui ont tout fait pour déterminer qui est venu quand, etc. Alors, moi, je peux profiter des fruits des recherches que les autres membres de notre famille ont faites.

Juste pour bien saisir, si, moi, je veux revoir la vie de mon arrière-grand-père qui était pasteur anglican, c'est quoi les empêchements, c'est quoi les choses qui rendent la tâche, pour moi ou pour quelqu'un d'autre qui s'intéresse à la vie de la paroisse de l'église St. Mathew sur la rue Saint-Jean, plus difficile? C'est quoi, les empêchements? Et comment votre première recommandation peut aider la tâche des généalogistes?

M. Racine (Denis): Voici, M. le député, vous avez, dans les deux lois qui sont sous étude, dans le secteur privé et le secteur public, des restrictions à la communication de renseignements personnels. Donc, on ne peut communiquer tout renseignement personnel qui date de moins de 150 ans, si évidemment le projet de loi est adopté. Ça, c'est un aspect au niveau de la communication. Donc, quand vous faites une biographie de votre arrière-grand-père, par exemple, vous devez monter votre matériel. Alors, évidemment, il y a une partie des sources auxquelles vous n'avez pas accès.

Avec le projet de loi, il y a des choses qui s'améliorent, comme on dit. On peut communiquer des renseignements, dans la mesure évidemment où la personne qui les reçoit, pour les fins de recherche, ne peut les communiquer elle-même. Donc, au niveau de la communication, le projet de loi donne un certain nombre d'ouvertures.

(11 h 30)

La question, c'est au niveau de la publication. Dans ces lois-là, on parle de 150 ans, on définit les «renseignements personnels». Vous avez la disposition de la Charte qui donne le droit à la vie privée et vous avez des dispositions au Code civil, l'article 35 – on l'a mentionné tout à l'heure – qui viennent aussi restreindre les possibilités de publier des biographies au niveau des renseignements personnels.

Évidemment, ça dépend de ce que faisait votre grand-père. Si votre grand-père avait une carrière publique... Et là je me réfère directement à l'arrêt Aubry qui nous dit: «Ceci tient au fait que l'expectative de vie privée est réduite dans certains cas.» Et on dit que c'est le cas notamment des artistes, des personnalités politiques, mais aussi, plus globalement, de tous ceux dont la réussite professionnelle dépend de l'opinion publique.

Alors, il y a des aspects qui, compte tenu de l'arrêt Aubry... même si des renseignements qui pourraient être personnels pour une autre personne pourraient être publiés. Mais, si on parle de gens qui sont le commun des mortels, qui n'ont pas fait nécessairement une carrière publique, vous ne pouvez pas publier une biographie sans avoir le consentement de la personne ou de ses héritiers.

Évidemment, les héritiers, vous savez qu'il y a eu une revanche des berceaux, à cette époque-là, au Québec, et j'ai eu l'occasion de travailler sur une biographie de mon arrière-grand-père, et aujourd'hui il y a plus que 1 000 héritiers. Alors, vous comprendrez que c'est à toutes fins pratiques impossible. C'est ça, les embûches.

Au niveau de la communication de la recherche, avec le projet de loi, ça se libéralise – sans jeu de mots – et ça va assez bien. Mais, au niveau de la publication, compte tenu des dispositions du Code civil... Évidemment, M. le ministre l'a souligné à juste titre, ce n'est peut-être pas nécessairement l'objet de la présente commission, mais on a une restriction importante: il s'agit de mettre les choses en balance.

Dans le projet de loi, on dit que, plus vieux que 150 ans, ce n'est plus un renseignement personnel. Donc, on vient d'éclaircir le terrain. On se poserait la question: Peut-on écrire une biographie de Samuel de Champlain? Bien, trouver les héritiers de Samuel de Champlain aujourd'hui poserait un certain nombre de problèmes. Avec le projet de loi, oui. Mais on ne pourrait pas écrire une biographie d'un des Pères de la Confédération, ou d'un politicien, ou même du commun des mortels, de votre arrière-grand-père, par exemple, qui est mort dans les années quarante, mettons, 1940.

M. Kelley: Alors, pour le faire, parce que effectivement mon arrière-grand-père est décédé, je pense, en 1944, il faut attendre la fin du XXIe siècle avant de procéder. Mais, jusqu'au niveau de la communication, est-ce que ça rend difficile l'accès à son ancien employeur qui était l'Église anglicane? J'imagine qu'il y a des archives de l'Église ici, à Québec. Est-ce qu'il y a un empêchement au niveau de les consulter? Parce qu'il était pasteur, mais, d'une certaine façon, un employé depuis une quarantaine d'années de l'Église anglicane ici, à Québec. Est-ce qu'il y a des empêchements, pour un chercheur, d'aller consulter ce genre de documents sans avoir les consentements préalables?

M. Racine (Denis): Bon, il y a différents éléments. Si on parle de l'état civil, il y a des dispositions particulières qui ont été déterminées avec le directeur de l'état civil, et on peut dire qu'aujourd'hui – je pense que mes collègues vont être d'accord – les problèmes sont à peu près aplanis de ce côté-là.

M. Boisclair: Ça relève de moi aussi, ça. Vous êtes contents de ça.

M. Racine (Denis): Oui, on est très satisfaits, effectivement.

M. Boisclair: Parce qu'on a travaillé fort.

M. Racine (Denis): Ha, ha, ha! Oui, oui, tout à fait. Alors, de ce côté-là, ça va. Donc, vous pourriez avoir accès à l'acte de naissance ou à l'acte de décès.

M. Kelley: Oui, ça, c'est les documents publics, mais, moi, je parle de l'Église, comme, dans son cas, c'est son employeur.

M. Racine (Denis): C'est ça. Alors, si vous voulez avoir, par exemple, accès aux archives, à son travail, à ce qu'il faisait, à son travail de tous les jours chez l'employeur, donc au dossier de l'entreprise, ni plus ni moins, à ce moment-là vous avez l'article 68 de la loi qui vient éclaircir un peu les choses dans le secteur public. Dans le secteur privé, on pourrait avoir une communication, mais vous ne pouvez pas publier. Vous êtes toujours au même point.

M. Kelley: Alors, je peux consulter son dossier d'emploi, je ne sais pas. Mais je ne peux pas communiquer ça sans, en théorie, obtenir le consentement de tous mes cousins, de mes deuxièmes cousins, de mes troisièmes cousins, etc.

M. Racine (Denis): Oui.

M. Kelley: Dans le même ordre d'idées, dans l'article 68, il y a le troisième paragraphe. Je ne sais pas si vous avez le libellé. J'essaie juste de bien le comprendre: «Toutefois, ces renseignements peuvent être communiqués, sans le consentement de la personne concernée, à une personne à des fins de recherche avant ce délai de 150 ans...» Mais après ça il y a beaucoup de si: si ce n'est pas automatisé, si on ne peut pas nommer la personne ou le symbole.

Comme simple législateur, est-ce que tout ça est gérable? Ça a l'air, à première vue, d'être fort compliqué de comprendre exactement, pour les archives et pour ces renseignements... Dans la gestion, ça a l'air compliqué. Peut-être que ça ne l'est pas, mais je ne suis pas archiviste de métier. Avez-vous regardé ce paragraphe? Et est-ce que ça aide ou si ça complique l'affaire?

M. Racine (Denis): Ce que j'en comprends, M. le député, de ce paragraphe, c'est que, si le document... D'abord, si le traitement, il n'est pas automatisé, on sait à peu près ce que ça veut dire; ça, ça va assez bien. Mais, du restant de la phrase, ce que j'en comprends – et on me corrigera si je me trompe – c'est que, si le document est archivé au nom de la personne – lettre de M. Untel à M. ou Mme Unetelle – là vous ne pourriez pas nécessairement avoir accès au document parce que c'est un document qui est retrouvé par référence au nom d'une personne. Bon. Par contre, si on cherche un procès-verbal de la fabrique, pour reprendre votre exemple, ou, en fait, de l'institution religieuse, à ce moment-là on ne retrouve pas le procès-verbal au nom de M. ou de Mme Unetelle, on le retrouve comme procès-verbal à telle date. Là, à ce moment-là, on pourra probablement y avoir accès. Je ne sais pas si mon interprétation est correcte; peut-être qu'on pourra me corriger. Mais, moi, c'est ce que j'en comprends.

M. Kelley: On a mis ça, et ça va peut-être... au moment où on va étudier ça article par article, d'avoir une meilleure compréhension. Mais je lis ça, et on a mis ça pour essayer de faciliter la tâche de la communication de ce genre de renseignements, d'aider la tâche des personnes, des chercheurs. À première vue, je ne vois pas si ça va vous aider ou si les problèmes que vous avez décrits demeurent entiers. Je comprends fort bien la problématique que vous avez soulevée.

Comme j'ai dit, mon arrière-grand-père, ça fait déjà 54 ans qu'il est décédé, mais il reste un autre 96 ans, si j'ai bien compris, avant qu'on puisse publier une biographie sur qu'est-ce qu'il a fait, sauf les choses qui sont d'ordre public. Alors, s'il y a des articles de journaux, s'il y a des références publiques... Les activités publiques d'un curé Labelle, par exemple, on peut toujours écrire sur qu'est-ce qu'il y a «on the record», mais c'est plutôt l'accès aux archives des lettres personnelles, etc. C'est là où, pour les personnages publics connus comme le curé Labelle, se trouve le problème, si j'ai bien compris?

M. Racine (Denis): Tout à fait, et aussi pour les personnages qui n'ont pas eu de carrière publique, évidemment. Là ça couvre l'ensemble de leur vie.

Vous l'avez mentionné, il y a un problème au niveau de la recherche et un problème au niveau de la publication. Au niveau de la publication, le problème demeure entier avec cet article-là. Au niveau de la recherche, c'est certain que la restriction qui apparaît dans l'article 68 du projet de loi constitue une réserve très importante. Je ne sais pas comment ça va être géré, mais, si l'interprétation que j'en ai donnée tout à l'heure, à supposer qu'elle soit exacte... ça va poser un problème, effectivement.

M. Kelley: Dernière question. Je comprends la réserve que le ministre a mise sur la notion de «matériel historique», mais avez-vous des précisions ou une définition qui peut nous guider un petit peu? Quand on parle de matériel historique, d'une certaine façon, toutes les choses ont un certain intérêt historique. Je peux avoir une carte d'un restaurant du XIXe siècle, mais, si on a un intérêt dans comment le monde s'est alimenté dans le XIXe siècle, ça peut être un matériel historique. Alors, avez-vous, dans votre formulation de cette recommandation, des idées ou une manière de nous guider sur c'est quoi exactement, du matériel historique?

M. Racine (Denis): M. le député, j'ai ici des photocopies, là, je les cherche. Mais je sais que, dans la loi – je ne sais pas si c'est la loi fédérale ou la loi ontarienne – on définit la notion de «recherche» ou de «matériel». Je me souviens d'avoir vu ça. Je ne retrouve pas l'article en particulier, mais je pense qu'on fait une définition de ces termes-là; peut-être pas dans le sens du matériel historique ou généalogique, mais plus au sens de la recherche et de la statistique. C'est dans ce sens-là. Je vous dis ça sous toutes réserves et de mémoire. Je n'ai pas l'article à portée de la main, mais il me semble que, dans ces deux lois-là, on en parle.

(11 h 40)

M. Kelley: Non, non. Si vous avez les précisions... Je comprends à la fois qu'est-ce que le ministre dit, parce que, au bout de la ligne, avec un bon historien, tout document ou tout article de notre passé a un intérêt historique, dans les bonnes mains. Alors, c'est difficile de bien cerner. Quand on parle de matériel journalistique, j'imagine que c'est des journaux, que c'est des cassettes audio ou la télévision, alors on peut mieux cerner c'est quoi qui est visé par la notion de «matériel journalistique». J'imagine qu'il y aura un débat sur les notes qu'un journaliste prend pendant une conférence de presse: Est-ce que ça, c'est du matériel journalistique ou privé? J'imagine qu'on peut lancer un débat sur ça. Mais la notion de «matériel historique», c'est beaucoup plus difficile à bien cerner parce que, au bout de la ligne, ça peut inclure toutes les choses qui viennent de notre passé.

En tout cas, si vous avez des précisions ou une réflexion à faire pour mieux cerner l'objectif visé par ça, vous pouvez communiquer avec les membres de la commission, on l'apprécierait énormément. Merci.

M. Racine (Denis): Je viens de le retrouver, là, mais je pense que je me suis avancé un petit peu. Dans le chapitre P-21 des lois fédérales, à l'article 8(2)j, on dit: «...communication à toute personne ou à tout organisme pour des travaux de recherche ou de statistique, pourvu que soient réalisées les deux conditions suivantes.» Puis là on dit: «...les renseignements sont communiqués ne peuvent être normalement atteintes que si les renseignements sont donnés sous une forme qui permette d'identifier l'individu...» Et: «...s'abstenir de toute communication ultérieure...» À ce moment-là, ça rejoint les principes du projet de loi.

J'ai dit tout à l'heure qu'on définissait, mais je pense qu'on parle tout simplement des travaux de recherche et de statistique, ici. On ne définit pas. Et l'expression «journalisme», effectivement, ça peut être large. Quand, moi, j'écris dans ma revue de famille un article, suis-je un journaliste? Et là on rejoint directement les dispositions du Code civil.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment. Ça termine la présentation. Je vous remercie infiniment de votre contribution à nos travaux.

M. Racine (Denis): Merci.

Mme Ouellet (Jeannine): Nous vous remercions de votre bienveillante attention.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Maintenant, je demanderais aux gens qui représentent la Fédération des sociétés d'histoire du Québec de se présenter devant la commission, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rebonjour, madame. Messieurs, bonjour. Bienvenue devant la commission de la culture. Je demanderais à vous, M. Beaudoin, de nous faire la présentation des gens qui vous accompagnent. Nous n'ignorons pas qu'il y a quelqu'un à votre droite que nous connaissons bien.


Fédération des sociétés d'histoire du Québec (FSHQ)

M. Beaudoin (Marc): Ha, ha, ha! Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, bon, voici, Marc Beaudoin, je suis président de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec. Alors, évidemment, vous avez Mme Jeannine Ouellet, qui est maintenant vice-présidente au développement à la Fédération des sociétés d'histoire du Québec. Elle vient de changer de chapeau. Ha, ha, ha!

Mme Ouellet (Jeannine): Et de chaise.

M. Beaudoin (Marc): Ha, ha, ha! Et de chaise. Et Me Denis Hardy est vice-président exécutif à la même Fédération. Aussi, vous avez M. Jacques Boutet, qui est membre du comité du patrimoine de la Fédération des sociétés d'histoire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous rappellerai aussi un petit peu les paramètres qui nous dirigent: vous avez environ 15 minutes pour présenter votre mémoire, et ensuite il y a un échange avec les deux côtés de la présidence pour une période de 15 minutes chacun. Merci.

M. Beaudoin (Marc): Merci beaucoup. O.K. Fondée en 1965, la Fédération des sociétés d'histoire du Québec compte 136 sociétés membres qui regroupent ainsi plus de 29 000 adhérents sur l'ensemble du territoire québécois. Nos membres oeuvrent dans les domaines de la recherche historique et généalogique, de la protection et de la mise en valeur du patrimoine immobilier, mobilier, archivistique et ethnologique, ainsi que de l'édition de publications sur l'histoire d'une région, d'une municipalité ou encore d'une famille, et d'individus aussi.

De par leur intérêt pour notre histoire collective, les membres des sociétés d'histoire se sentent concernés au premier chef par toute entrave à la recherche historique et, par voie de conséquence, à la protection et à la mise en valeur du patrimoine québécois. Déjà, nous déplorons les limites que le nouveau Code civil a introduites dans la pratique de la généalogie et la rédaction des histoires de famille. Voilà que certains articles du projet de loi n° 451 ajoutent encore plus d'entraves à la connaissance de notre passé collectif. Sommes-nous en face d'un gouvernement qui oublie que l'identité d'un peuple s'enrichit de l'apport de chaque génération? En voulant protéger la vie privée et l'image des individus au détriment des aspirations à la connaissance des générations qui nous suivent, nous risquons de faire de notre peuple des amnésiques institutionnels dont la devise devrait se lire: Je veux oublier .

La protection de la vie privée est un droit qui concerne chacun d'entre nous. Les membres des sociétés d'histoire et de généalogie tiennent au respect de la vie privée, mais les limites à l'accès énoncées dans le projet de loi n° 451 ont l'effet pervers de rendre pratiquement impossible la recherche historique et généalogique.

Vous nous permettrez, ici, de déplorer que, en exigeant que toute réaction écrite soit soumise avant la fin d'août, le gouvernement nous a empêchés, à cause de la période des vacances, de consulter les sociétés membres et d'effectuer des recherches approfondies sur les impacts du projet de loi. Compte tenu de l'importance que nous accordons à la constitution de notre histoire collective, cela marque drôlement le processus démocratique.

La Fédération des sociétés d'histoire se réjouit que l'article 6 du projet de loi n° 451 introduise une limite de 25 ans à l'inaccessibilité des décisions du Conseil exécutif et du Conseil du trésor. Vous permettez aux citoyens du Québec d'avoir accès dans un temps relativement court aux décisions prises par un des niveaux décisionnels les plus importants de notre démocratie. C'est une grande victoire pour le droit des citoyens à l'information. Elle s'inscrit dans l'esprit de la loi sur l'accès dont le principe directeur est précisément l'accessibilité des documents administratifs. Nous espérons aussi que cette nouvelle accessibilité aux chercheurs n'aura pas pour conséquence de rendre ces documents sans intérêt pour la compréhension des décisions prises. Nous souhaitons que le législateur prenne les moyens pour s'assurer que la rédaction des documents du Conseil exécutif et du Conseil du trésor ne soit pas soumise à des impératifs d'image que l'on veut laisser à la postérité.

L'article 13 du projet de loi modifie l'article 55 de la loi d'accès à l'information en limitant à l'unité l'accès aux renseignements personnels à caractère public en vertu de la loi, inscrits dans un registre. Ce faisant, le projet de loi vise, à bon escient, la protection du caractère personnel des renseignements contenus dans les registres contre une exploitation abusive à l'aide des technologies de l'information. La FSHQ considère légitime cette préoccupation du législateur. Par contre, nous soulignons le risque de nuire à la recherche que comporte cet article. De tout temps, les rôles d'évaluation, par exemple, sont utilisés comme matériaux de recherche par les historiens, les urbanistes, les sociologues, les géographes, les chercheurs d'autres disciplines des sciences humaines et sociales, souvent pour le compte des municipalités et de différents ministères. De tels registres constituent une source extrêmement riche d'information sur le développement social et l'urbanisation.

En introduisant une telle limitation à l'utilisation de ces registres, et ce, sans aucune limite dans le temps, vous les soumettez à l'article 19 de la Loi sur les archives et, par conséquent, vous ne les rendez accessibles qu'après 150 ans. Ce faisant, vous empêchez la recherche et l'étude pour un siècle et demi de la totalité du phénomène d'exode rural et d'industrialisation. Rappelons que la plupart des municipalités importantes du Québec ont été fondées entre 1850 et 1890. La société québécoise devra donc attendre encore 50 ans avant d'étudier le phénomène de l'urbanisation. Les chercheurs ne pourront utiliser les effets de la crise des années trente sur le logement avant l'an 2080. De plus, il faudra attendre deux siècles pour étudier le boom immobilier qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Nous ne pouvons nous résoudre à croire que c'est l'objectif du gouvernement du Québec.

Déjà, en interdisant spécifiquement certains procédés réellement préjudiciables aux individus, comme le téléchargement de ces registres sur Internet, et en inventoriant l'ensemble des renseignements à caractère public en déterminant exactement les informations essentielles, le législateur obtiendrait plus de précision dans ses intentions et pourrait n'interdire que ce qui peut effectivement constituer une menace pour la vie privée des individus. En conséquence, la Fédération des sociétés d'histoire recommande le retrait de l'article 13 du projet de loi n° 451.

(11 h 50)

L'article 68 du projet de loi modifie la loi sur le secteur privé en permettant à une entreprise, sans le consentement de la personne concernée, de communiquer des renseignements personnels sur autrui à un service d'archives agréé si les renseignements personnels sont communiqués dans le cadre d'une cession ou d'un dépôt d'archives de l'entreprise. La Fédération se réjouit que les services d'archives privées puissent désormais recevoir des renseignements personnels contenus dans des dossiers de valeur historique. C'est là une ouverture d'esprit qui manquait totalement à la loi sur le secteur privé.

Les sociétés d'histoire sont des pionnières dans la collecte et la conservation des archives. Dès 1824 à Québec et 1857 à Montréal, des sociétés d'histoire organisaient des missions de collecte et de copie de documents relatifs à notre histoire dans les fonds d'archives en Europe et aux États-Unis. Cette activité sera par la suite reprise par les Archives du Canada et celles du Québec. Plus près de nous, plusieurs sociétés d'histoire à travers le Québec acquièrent et gèrent des fonds d'archives privées de particuliers et d'entreprises de leur région. Elles sont souvent les seuls organismes du milieu en mesure de conserver et de rendre accessibles ces fonds d'archives pour la postérité. Plusieurs sociétés d'histoire sont à l'origine, quand elles n'en sont pas une constituante, de services d'archives aujourd'hui agréés par les Archives nationales du Québec.

La FSHQ considère que le recours aux seuls services d'archives agréés en vertu de l'actuel Règlement sur l'agrément d'un service d'archives privées est mal adapté au but que vise le gouvernement, pour de multiples raisons. D'abord, les quelque 23 services d'archives privées agréés sont nettement insuffisants pour recevoir l'ensemble des archives de valeur historique renfermant des renseignements personnels. De plus, jusqu'à l'adoption de la loi sur le secteur privé, la grande majorité des quelque 226 centres d'archives privées au Québec recevait des renseignements personnels sans que personne ne s'en plaigne. La Fédération déplore que cette modification à la loi sur le secteur privé n'ouvre un champ de pratique qu'à moins de 10 % des services d'archives au Québec, d'autant plus que le retrait graduel des Archives nationales du Québec, souvent pour des raisons budgétaires, de l'acquisition d'archives privées a provoqué la fondation de nombreux services d'archives privées.

Par ailleurs, nous comprenons que, par le biais de ce projet de loi, le législateur veut favoriser les services déjà agréés – peut-être une façon de les aider financièrement. Mais ils ne couvrent même pas l'ensemble de la province. Ainsi, des régions entières comme celles de Laval, des Laurentides, de l'Outaouais et des Îles-de-la-Madeleine ne possèdent aucun service d'archives agréé. De plus, les limites financières et matérielles obligent ces services d'archives agréés, comme la plupart des autres dépôts d'archives au Québec, à avoir une politique d'acquisition qui limite le nombre de leurs champs d'action et à harmoniser leur politique d'acquisition avec les autres centres d'archives de leur région afin de se compléter et ainsi de permettre à l'ensemble des services d'archives de cette région de la desservir de la manière la plus systématique et complète possible, ce qu'aucun service d'archives, même agréé, ne peut faire tout seul. L'impact de la loi est donc de favoriser les régions ou parties de région où se trouve au moins un service d'archives agréé au détriment des autres. Nous osons croire que ce n'est pas l'objectif que vise le législateur.

En plus de favoriser certains services d'archives au détriment d'autres, le projet de loi a pour effet pervers d'empêcher l'agrément éventuel d'autres services d'archives qualifiés. En empêchant plus de 90 % des services d'archives du Québec d'acquérir des archives privées renfermant des renseignements personnels – et, en passant, presque tous ces fonds d'archives en renferment – la loi nous ferme la porte à l'agrément, et, à la longue, des archives d'entreprises seront détruites, faute de place, et ainsi des pans entiers de notre histoire seront perdus.

Le règlement actuel de l'agrément d'un service d'archives est donc un instrument mal conçu pour atteindre l'objectif que vise le législateur. Il ne faudrait pas que les bonnes intentions du législateur aient aussi pour effet de le priver de partenaires des plus actifs que sont les sociétés d'histoire dans la conservation et la mise en valeur des archives des régions.

En conséquence, la Fédération des sociétés d'histoire propose de remplacer, dans le libellé de l'article 18.1, le mot «agréé» par l'expression «habilité à les recevoir en vertu de l'article 90.5» et de préciser dans un texte réglementaire les normes et critères de fonctionnement d'un service d'archives ainsi habilité. La Fédération des sociétés d'histoire recommande aussi que les Archives nationales du Québec soient mandatées pour déterminer ces normes et critères et, par la suite, pour gérer le programme d'habilitation des services d'archives qualifiés. Il nous apparaît aussi évident que les Archives nationales devront être dotées des ressources nécessaires pour réaliser ce mandat.

L'article 68 modifie aussi la loi sur le secteur privé en permettant à une personne qui exploite une entreprise de communiquer des renseignements si ces renseignements ont une date de plus de 150 ans. Entre les renseignements personnels protégés pour l'éternité dans l'actuelle loi sur le secteur privé et 150 ans, c'est une nette amélioration.

La Fédération reconnaît le désir du législateur d'établir un seul délai, indépendamment du degré de sensibilité des renseignements personnels. Mais les 29 000 chercheurs en histoire et en généalogie que nous représentons comprennent aussi le nécessaire recul de la consultation des documents contenant des renseignements personnels. Mais ils ne peuvent accepter que, si les dispositions du projet de loi n° 451 s'appliquaient, c'est seulement la huitième génération – là, il va y avoir un conflit de générations, ha, ha, ha! – qui pourrait consulter les documents relatifs aux phénomènes humains et sociaux qui marquent la fin de notre millénaire. C'est nettement trop long pour des actes aussi publics que la naissance, le mariage et le décès, l'acquisition d'une entreprise ou d'une maison. À ce compte-là, il faudrait interdire les chroniques mondaines et nécrologiques des quotidiens pour respecter la vie privée.

C'est pourquoi la Fédération des sociétés d'histoire recommande que, dans l'article 18.1, on remplace les mots «de plus de 150 ans» par «de plus de 75 ans ou 30 ans après le décès de la personne concernée» et que, de même, dans le troisième alinéa, on fasse la même substitution du «150 ans» pour «75 ans ou 30 ans après le décès de la personne concernée».

En conclusion, les recommandations que propose la Fédération veulent être le reflet des préoccupations des membres des sociétés d'histoire. Ces chercheurs passionnés de notre histoire collective veulent pouvoir avoir accès à des données et à des informations qui leur permettent de comprendre, d'interpréter et de présenter les faits et les tendances de la société québécoise aux différentes étapes de son évolution. Nous croyons que les archives et les renseignements qu'elles contiennent doivent être préservés et mis en valeur pour permettre la consultation et l'étude.

Nous sommes aussi d'accord avec le principe du respect de la vie privée des individus, membres de la société québécoise. Mais, au-delà d'un certain temps, nous croyons que l'ensemble des données accumulées par les gouvernements, les municipalités et les entreprises doivent être accessibles pour permettre de mieux comprendre les paramètres de la société québécoise à une période donnée. Le trop long délai d'accès à cette information équivaut à favoriser une certaine déformation de l'histoire, puisque toutes les informations pertinentes ne sont pas accessibles.

En reportant au XXIIe siècle l'étude des phénomènes que vit notre société de cette fin de XXe siècle, c'est interdire à nos petits-enfants l'opportunité d'étudier et de comprendre le mouvement souverainiste, la laïcisation des hôpitaux et de l'enseignement ou encore l'urbanisation de la dernière moitié du XXe siècle. De plus, la Fédération des sociétés d'histoire veut aussi rappeler que la législation québécoise a toujours un vide parce que le Code civil vient encore contraindre la recherche historique. Pour la majorité des chercheurs, l'utilisation de la recherche, c'est un champ de mines. Donc, tout en protégeant la vie privée, le Code civil n'offre à son interprétation par les cours aucune balise qui reconnaît explicitement... pour une société, de constituer sa mémoire. Nous ne trouvons toujours pas normal qu'un peuple qui aspire à la pleine possession des leviers de son développement se mette volontairement des entraves à la recherche et à la connaissance de son histoire collective. C'est pourquoi... Je veux juste terminer.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, allez-y, en terminant.

M. Beaudoin (Marc): O.K. C'est pourquoi la Fédération voudrait que l'Assemblée nationale intègre dans la législation québécoise le principe selon lequel le traitement ultérieur de données à caractère personnel à des fins historiques, statistiques ou scientifiques ne soit pas considéré en général comme incompatible avec les finalités pour lesquelles les données ont été auparavant collectées, dans la mesure où l'État prévoit des garanties appropriées, et que ces garanties doivent notamment empêcher l'utilisation des données à l'appui de mesures ou de décisions prises à l'encontre d'une personne. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci infiniment. M. le ministre.

(12 heures)

M. Boisclair: Vous avez assisté tout à l'heure à la discussion que nous avons eue avec votre collègue qui est à ma droite mais à votre gauche. D'abord, vous comprenez que nous sommes en convergence de vues à bien des sujets. Je voudrais vous remercier de le souligner, comme vous l'avez bien fait dans votre mémoire. Vous êtes d'ailleurs les premiers à relever le fait que nous ayons réduit les délais d'inaccessibilité pour les décisions du Conseil des ministres et du Conseil du trésor. Je ne voudrais pas qu'on m'en attribue grand mérite, puisque ce que j'ai d'abord fait, c'est corriger une erreur qui s'était glissée au moment de la rédaction de la loi, puisque les délibérations étaient accessibles mais pas les décisions. Pour participer au Conseil des ministres, je comprends que les délibérations éclairent immédiatement sur la décision, et, à cet égard, nous avons tout simplement voulu faire preuve de cohérence, bien sûr d'une plus grande ouverture, d'une plus grande transparence. Je pense qu'il allait de soi, si les délibérations étaient accessibles, que les décisions, de ce fait, deviennent accessibles. Donc, je pense que c'est un pas de plus que nous franchissons.

C'est M. Lévesque le premier qui avait choisi ce pari d'une plus grande transparence de l'administration publique. Je pense qu'il était temps d'être conséquent et de faire en sorte de rendre accessibles les décisions du Conseil des ministres et du Conseil du trésor. Donc, merci de le souligner, mais je pense qu'il faut se rappeler d'abord le premier choix qui a été fait, le premier pari qui était celui de M. Lévesque lorsque lui et les membres de son cabinet ont décidé d'introduire les premières dispositions dans la loi qui fut adoptée il y a de ça maintenant plus de 15 ans, plus de 20 ans, même. Pas 20 ans. Combien exactement?

Une voix: Quinze.

M. Boisclair: Quinze ans. C'est ça, 15 ans.

Sur le délai d'inaccessibilité, je pense que, là aussi, nous allons peut-être... Vous nous avez fait lecture de votre mémoire. Vous comprenez que, depuis sa rédaction, les choses vont évoluer. Je vous rappelle à nouveau que le 150 ans était là pour stimuler un débat. Et je serai aussi fort de vos arguments pour convaincre des gens qui manifestent, je pense, une inquiétude légitime, qu'on puisse trouver un juste équilibre. Je pense que le 100 ans serait une balise qui serait d'augure à nous permettre de continuer sur une voie positive. Je pense que le Conseil des ministres pourrait certainement retenir cette proposition.

À votre tour, je vous invite à faire part de vos préoccupations au ministre de la Justice et aussi à ma collègue ministre de la Culture et des Communications. Des sociétés comme la vôtre auraient intérêt à avoir des discussions avec les gens du Barreau du Québec, qui se sont montrés assez fermes sur leur volonté même de peut-être voir renforcées les dispositions qui étaient prévues à l'actuel projet de loi, avec le délai de 150 ans. J'avais fait la lecture, tout à l'heure. Je pense que vous étiez présents quand j'en ai fait la lecture. Donc, je voudrais vous en remercier.

Sur le fait qu'on ne devrait pas limiter à un service d'archives agréé la possibilité offerte par l'article 68 du projet de loi, il faut regarder cette question. Je manifeste la même ouverture à votre endroit que celle que j'ai manifestée tout à l'heure auprès de vos collègues. Je peux aussi vous rappeler que l'article 13 doit être revu. Vous nous en parlez avec pertinence dans votre mémoire. Vous n'êtes pas les premiers à nous en parler. Je pense que, s'il y avait un dénominateur commun aux présentations auxquelles j'assiste depuis hier... Je comprends qu'il y a là un os et puis qu'il faut y travailler davantage.

Alors, je pense qu'on pourrait, de cette façon, conclure notre conversation, vous remercier pour votre présentation et pour votre appui. J'espère que vous serez encore plus enthousiastes lorsque vous verrez le projet de loi finalement adopté par l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale. Et peut-être que je me permets de lancer une pointe à mon collègue de l'opposition et de lui dire que j'espère que ce que nous entendons depuis ce matin l'amènera à changer de point de vue et d'attitude à l'endroit du projet de loi, puisque l'opposition libérale a voté contre le principe du projet de loi lors de l'adoption du principe à l'Assemblée nationale. J'en suis d'ailleurs étonné. On peut être contre certaines dispositions particulières, comme vous le faites, mais, pour autant, tous adhèrent au principe. Et pourtant l'opposition, pour des raisons que je n'arrive pas encore à m'expliquer...

Peut-être que le député pourra nous renseigner sur cette question, lui qui a une expérience parlementaire suffisamment complète pour comprendre les différentes étapes et les nuances à chacune des étapes de l'adoption d'un projet de loi. J'espère que vos arguments l'auront convaincu de voter en faveur du projet de loi. Je pense que nous devons maintenir cette grande tradition que nous avions amorcée dans ce Parlement de débattre de ces questions d'accessibilité et de respect de la vie privée dans un contexte non partisan. Je suis sûr que le député qui est devant nous est d'accord. Je souhaite juste qu'il puisse convaincre son collègue le député de Chomedey. Je mise sur son savoir-faire, son expertise et sa grande crédibilité. Je vous remercie pour cet appui.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. Est-ce que vous avez des commentaires?

M. Beaudoin (Marc): Pour l'instant, non, ça va.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va? M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. C'est évident que l'opposition officielle cherche toujours à améliorer et à bonifier les projets de loi. Alors, si nous avons voté contre au départ, c'était toujours dans le souhait qu'on veut bonifier le projet de loi qui est devant nous, et je pense que la présentation de la Fédération des sociétés d'histoire du Québec va nous aider.

Une voix: Ils ont voté contre le principe. Il est contre le principe.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): S'il vous plaît!

M. Kelley: Je pense que j'ai le droit de parole?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Oui, vous avez le droit de parole.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président.

M. Boisclair: Une erreur d'interprétation...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Excusez. M. le député de Jacques-Cartier, c'est à vous la parole.

M. Kelley: Merci beaucoup. Je veux mieux comprendre la distinction que vous avez faite entre les services d'archives privées agréés et non agréés. Je suis peu familier avec le domaine. Alors, c'est quoi, le problème quant à la préservation des documents qui est soulevé par la distinction? Je sais que c'est décrit dans votre mémoire, mais si vous pouvez m'expliquer ça davantage, s'il vous plaît.

M. Beaudoin (Marc): Techniquement, la seule distinction qui existe entre un service d'archives agréé et celui qui ne l'est pas, c'est simplement que le service d'archives agréé a été reconnu par les Archives nationales en vertu d'un programme qui existe et qui lui donne un financement à ce titre-là. Les autres dépôts d'archives qui existent et qui ne sont pas agréés n'ont pas de financement de l'État pour conserver des archives.

Mais, de la façon dont le projet de loi est fait, le fait que, dans le texte, on ne parle que d'archives agréées fait que maintenant seulement les archives agréées pourront recevoir des archives d'entreprises ou des archives de personnes en vertu de la loi. Les autres fonds d'archives, les autres dépôts d'archives ne pourront plus le faire, techniquement, parce qu'ils se retrouvent exclus de la loi telle qu'elle est libellée présentement dans le projet de loi.

M. Kelley: Si je comprends, l'histoire d'une entreprise forestière du XIXe siècle est très intéressante quant au développement de l'Abitibi ou... Je cherche un exemple de quelque chose comme ça. Pour mieux comprendre l'histoire d'une région ou le développement d'une région, ces archives d'entreprises seraient fort intéressantes. Si une région n'a pas des archives agréées, ça risque d'être perdu ou ça peut limiter l'accès pour les chercheurs du coin?

M. Beaudoin (Marc): C'est que, physiquement, parce que ces institutions-là ont des limites physiques, ont des limites budgétaires, comme toute organisation humaine, et d'intérêt et ne peuvent pas, de par cette structure-là... En limitant, on privilégie un type de dépôt d'archives dans une loi, ce qui fait que, techniquement, les entreprises ou les individus qui voudraient déposer leurs archives vont tout naturellement aller vers les dépôts d'archives agréés, puisque la loi, c'est vers là qu'elle les pousse. Je pense que Me Hardy voudrait peut-être compléter aussi.

M. Hardy (Denis): Pour bien concrétiser, je suis secrétaire de la Société d'histoire des Mille-Îles. Nous avons des archives, nous avons un dépôt d'archives, nous essayons de recueillir les archives sur notre territoire, le secteur des Mille-Îles. Il y a des entreprises qui ont cessé d'exister. Sainte-Thérèse fut jadis la ville du piano. Il y avait trois usines de pianos à Sainte-Thérèse. Alors, ça a marqué l'histoire de la région. Nous recevons de ces archives. Il peut y avoir des renseignements personnels dans ces archives. Alors, si le libellé de la loi restait tel qu'il est actuellement, nous ne pourrions plus, nous, Société d'histoire des Mille-Îles, recevoir de telles archives parce que nous ne sommes pas un centre d'archives agréé. Alors, où iront ces archives-là si, à un moment donné... Moi, je connais des entreprises qui, à un moment donné, nous ont dit: Si vous ne les prenez pas, on va envoyer ça à la récupération. Alors, c'est dans ce sens-là que le fait de limiter aux centres d'archives agréés, ça risque fort qu'il y ait destruction d'archives.

(12 h 10)

Je ne sais pas, je n'ai pas fait d'étude dans d'autres pays, mais ici, au Québec, il y a eu des destructions effroyables. On n'a pas idée du nombre d'archives privées d'entreprises ou d'individus... Il y a une nouvelle mode, maintenant, les hommes politiques commencent à écrire leurs mémoires. Jadis, non seulement ils n'écrivaient pas leurs mémoires, mais bien souvent leurs familles ne conservaient pas les archives. Alors, c'est une perte extraordinaire pour la mémoire collective, pour notre histoire et finalement pour notre identité.

Si vous me permettez une petite parenthèse, moi, je reste toujours absolument ébahi devant ces phénomènes contradictoires qui se produisent dans notre société, par exemple quand je constate que c'est au moment où il y a eu une résurgence du phénomène nationaliste, dans les années soixante jusqu'à aujourd'hui, au Québec, qu'on s'est mis à abandonner l'étude de l'histoire dans les écoles. C'est aussi au même moment où bien souvent on a laissé détruire des monuments, le patrimoine architectural. Alors, il y a des espèces de contradictions. L'identité de la nation québécoise, du peuple québécois est intimement liée à la connaissance de notre histoire, à la conservation de notre patrimoine. Mais on constate qu'à un moment donné il semble y avoir des contradictions devant ces valeurs qui pourtant sont intimement liées.

M Kelley: J'ai posé la même question au dernier groupe, mais, dans l'article 68, au troisième paragraphe, il y a un «cependant» et un «toutefois» et j'essaie de mieux comprendre. Les renseignements peuvent être communiqués, sans le consentement de la personne concernée, à une personne à des fins de recherche avant le délai de 150 ans, mais après ça il y a beaucoup de bémols et de limitations. Est-ce que, pour les sociétés d'histoire qui risquent d'être appelées à appliquer ce troisième paragraphe, ça pose des problèmes ou est-ce que c'est quelque chose qui va être gérable?

M. Beaudoin (Marc): Je pense que les sociétés d'histoire vont devoir se transformer parce que, vous savez, un fond d'archives, je ne sais pas si vous avez déjà vu 30 mètres linéaires de documents, ça veut dire qu'il va falloir éplucher à la loupe chacun des documents pour vérifier, pour voir les différents types de documents, les différents renseignements. Est-ce qu'il va falloir gommer nos documents pour pouvoir les rendre accessibles ou faire signer aux chercheurs des protocoles de recherche puis de divulgation? Quelle sera la mécanique? C'est évident que ça va alourdir énormément tout le processus, d'une part. On comprend qu'on voulait assurer une certaine limitation dans le temps, mais déjà en partant toute la problématique, toute la mécanique alourdit énormément. Et les sociétés d'histoire, ce sont des organismes qui regroupent des bénévoles qui souvent réussissent tant bien que mal à financer le salaire – à demi-temps, souvent – d'un permanent. Alors, oui, ça va donner énormément de travail à ces organismes-là.

Je peux comprendre le législateur de nous parler de dépôts d'archives agréés, dans ce contexte-là, parce que eux autres seraient financés par l'État. Mais actuellement les subventions que les dépôts d'archives agréés reçoivent des Archives nationales – parce que c'est via les Archives nationales que ce financement-là se fait – c'est mineur, c'est minime et ce n'est pas avec ça que ces dépôts d'archives là peuvent travailler, ce n'est pas suffisant. Une des grosses parties de leur travail est de chercher d'autres fonds sonnants et trébuchants pour pouvoir travailler.

M. Kelley: Merci beaucoup pour ces éclaircissements sur la gestion, parce que c'est beau de mettre les «provisions» dans nos lois, mais c'est quelqu'un qui doit les gérer, après. Alors, c'est toujours important, pour le législateur, d'avoir une connaissance des défis que confrontent nos archivistes au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre.

M. Boisclair: Est-ce que rapidement je peux demander au député si ça l'a convaincu de voter pour le projet de loi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kelley: On a un caucus, on va discuter de ça dans notre caucus. On va prendre une décision au moment opportun, mais on n'est pas rendus à ce stade-là.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

M. Boisclair: Je croyais que le député faisait davantage preuve de leadership, d'habitude, mais je prends note.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je pense que la discussion au niveau du mémoire est avancée. Est-ce que vous avez des remarques? Ça va?

M. Beaudoin (Marc): Bien, je remercie beaucoup les parlementaires d'avoir accueilli le mémoire de la Fédération des sociétés d'histoire, et soyez assurés qu'on va suivre ça de très près. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): On vous remercie infiniment de votre contribution aux travaux de notre commission.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Alors, nous reprenons nos travaux. J'invite à venir se joindre à nous les représentants et représentantes du Conseil du patronat du Québec, M. Gilles Taillon et Mme Louise Marchand. Me Louise Marchand?

Mme Marchand (Louise): C'est ça.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça me fait plaisir, madame, bienvenue. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue devant nos travaux et je vais vous donner un peu les coordonnées. Habituellement, nous disposons de 45 minutes; vous avez environ 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et chacun des deux côtés de la présidence échange avec vous durant environ 15 minutes chacun. Donc, bienvenue.


Conseil du patronat du Québec (CPQ)

Mme Marchand (Louise): Merci, M. le Président. Alors, mon nom, donc, est Louise Marchand, je suis avocate au Conseil du patronat. Je dois, d'entrée de jeu, excuser M. Gilles Taillon, le président, qui a été retenu à Montréal, ce matin, par une réunion avec le ministre du Travail, M. Matthias Rioux, une réunion qui s'est prolongée. Alors, il m'a téléphoné, à midi, pour me demander de vous faire part des commentaires du Conseil du patronat sur le projet de loi.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci.

Mme Marchand (Louise): Donc, le Conseil du patronat remercie les membres de cette commission de lui donner l'occasion de se faire entendre sur un projet de loi modifiant la loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Même s'il ne s'agit pas d'une réforme majeure en matière d'accès à l'information et de la protection de la vie privée, le Conseil du patronat s'inquiète néanmoins des modifications proposées à la loi sur l'accès aux documents des organismes publics et à la loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et ce, dans la mesure où les amendements projetés viendront, à ce qu'il nous semble, resserrer les balises dans le secteur privé sans pour autant nécessairement rassurer les citoyens, en général, sur l'immixtion des organismes publics dans leurs renseignements personnels.

Le législateur se propose en effet d'imposer plus de contraintes aux entreprises qu'il ne le fait à l'égard des organismes publics en matière de protection de la vie privée des citoyens. La Commission d'accès a elle-même noté, dans son rapport sur la sécurité et la confidentialité des renseignements personnels dans l'appareil gouvernemental, publié en juin dernier, que les organismes du gouvernement manifestent une certaine désinvolture pour le moins étonnante dans la protection des renseignements personnels des administrés, et c'est à l'égard du secteur privé qu'on sent le plus de contraintes.

(14 h 10)

Au titre de ces exigences, le projet de loi propose d'édicter des dispositions pénales qui pourront être très lourdes de conséquences pour les entreprises en engendrant éventuellement des poursuites nombreuses et coûteuses tant évidemment pour les défendeurs, notamment pour les PME, que pour les fonds publics. En outre, on se rappellera que, dans le rapport conjoint de la commission parlementaire qui étudiait le rapport de la Commission d'accès, l'automne dernier, on a envoyé un signal très clair qui dénotait une intention sérieuse de renforcer la surveillance et le contrôle sur les entreprises privées et éventuellement, évidemment, d'intenter des poursuites.

La loi d'accès a 15 ans d'existence, alors que la loi sur le secteur privé a été édictée il y a quatre ans, donc les entreprises n'ont pas eu beaucoup de temps pour s'adapter à cette dernière loi, sans compter que les normes de cette dernière sont encore trop souvent imprécises et floues.

Les poursuites pour lesquelles on pave la voie sont, à notre avis, prématurées. Dans une perspective d'efficacité et pour atteindre à une plus grande simplicité d'application, nous avions suggéré, l'automne dernier, devant cette même commission, que le législateur adopte une réglementation, après consultation évidemment avec les divers milieux d'affaires, pour préciser, par exemple, quelles étaient les renseignements que les entreprises peuvent utiliser ou communiquer sans obtenir le consentement de la personne concernée. En d'autres termes, nous recommandions qu'avant de songer à des poursuites pénales contre les entreprises qui commettraient des infractions à la loi il y aurait lieu que le législateur précise les normes de cette loi.

Notre suggestion a été évacuée, mais le problème subsiste, et nous suggérons que l'on doit reconsidérer cette solution ou, à tout le moins, que le législateur fasse un effort pour préciser des notions qui ne sont pas suffisamment circonscrites à la loi et que la jurisprudence n'a pas pu préciser au cours des années. Ainsi, les notions de dossier, d'objet de dossier, de renseignements nécessaires, d'utilisation pertinente, de renseignements nécessaires à l'exercice des fonctions, sont tous des concepts qu'à notre avis il y aurait lieu de mieux définir.

Au titre de l'utilisation d'une technologie, le projet de loi impose également aux entreprises et aux organismes publics de s'assurer de la préservation de la confidentialité des renseignements personnels lors de l'utilisation d'une technologie. Nous soumettons qu'il sera très difficile pour les entreprises de s'acquitter d'un tel fardeau. Nous comprenons que, pour des raisons constitutionnelles, le législateur ne puisse régir le secteur des télécommunications qui, à l'inverse, par exemple, des agences privées de transport de courrier, n'est pas soumis à la loi d'accès. Mais il nous semble malencontreux que cette exigence soit refilée aux utilisateurs qui n'auront à peu près pas de moyens pour s'acquitter de cette tâche.

En ce qui a trait aux avis aux tiers – et c'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur – au chapitre de la loi publique, le projet de loi n° 451 propose que les tiers dont les documents font l'objet d'une demande d'accès puissent n'être avisés que par avis public publié dans un journal ou diffusé à la télévision ou à la radio. Cette proposition ne peut être acceptable pour le Conseil du patronat, et ce, pour plusieurs raisons.

La présomption de consentement à la divulgation de l'article 49 de la loi d'accès étant maintenue lorsqu'il n'y a pas d'opposition, le tiers qui n'aurait pas vu les journaux ou écouté la radio sera donc présumé avoir accepté que des documents qui sont parfois d'une grande sensibilité et d'une importante valeur commerciale soient divulgués à quiconque en fera la demande.

Dans l'affaire de la Commission d'accès à l'information contre General Motors du Canada, la Cour d'appel a pourtant mis en lumière que cette façon de faire de la Commission n'était pas acceptable, notamment au titre des principes de justice naturelle, et nous sommes d'avis qu'il faut garder ces enseignements en mémoire même si certains embarras administratifs peuvent en découler, et ce, d'autant plus que la loi actuelle prévoit des mécanismes pour obvier au problème, mécanismes qui sont même renforcés dans le projet de loi n° 451.

Nous voyons également un risque de conflit d'intérêts pour la Commission d'accès qui devra permettre ou refuser à un organisme de procéder par avis public. Si elle refuse et que la décision de l'organisme vienne en révision, c'est alors la Commission qui devra elle-même aviser les tiers en cause. Elle aura donc la tentation très forte de toujours accorder la permission de procéder par avis public, et nous sommes d'avis que, ce faisant, les droits des entreprises ne seront pas adéquatement protégés, non plus que les droits de quelque tiers que ce soit.

Nous recommandons alors de modifier le libellé de l'article 10.2° et de prendre modèle sur les dispositions du Code de procédure civile, qui exige que la permission de signifier autrement que par les modes prescrits soit donnée par un juge ou un greffier qui est neutre et indépendant et dont le rôle est de préserver les droits de toutes les parties. Si le législateur ne retient pas notre suggestion, nous lui demandons au moins de laisser tomber la présomption de consentement à la divulgation de documents.

En ce qui a trait au double rôle de la Commission, nous sommes inquiets justement que le législateur l'ait maintenu. Le projet de loi permet même, à l'article 81, qu'un membre de la Commission, qui éventuellement siégera en adjudication, fasse enquête. Il nous apparaît fondamental que les fonctions d'adjudication et d'enquête soient nettement dissociées pour préserver les garanties procédurales et protéger véritablement les droits des parties.

Dans cette même veine, nous recommandons que l'on donne suite aux engagements de la Commission de permettre aux entreprises de se faire entendre lorsqu'elles sont concernées, et ce, avant même que le rapport de la commission ne soit rendu public. Les entreprises ont toujours souscrit à la protection des renseignements personnels. Elles essaient, parce qu'elles sont vraiment soucieuses de respecter la vie privée, de respecter la loi dans toutes ses modalités, mais ses prescriptions doivent être raisonnables et tenir compte de la réalité des entreprises et de tout ceux que l'on veut régir. Je vous remercie.

Vous aurez compris que j'ai fait un résumé du mémoire en en extrayant les points saillants. Je suis tout à fait disposée à échanger avec les membres de cette commission. Et je vous souligne que je suis accompagnée de Me Raymond Doray, de l'étude Lavery, de Billy, qui a été notre expert-conseil dans le dossier. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Me Marchand et bienvenue M. Doray. M. le ministre.

M. Boisclair: Bien. Nous avions pris connaissance de ce mémoire. Je regrette que le président ait été retenu. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie. Moi-même parfois je dois m'excuser de certaines obligations alors que pourtant j'avais des engagements. Toutefois, je note qu'aucun élu n'a pu se présenter à la commission, ce qui donne un sens différent à l'échange que nous pourrions avoir, puisque j'aurais aimé avoir un certain nombre de réponses quant à des orientations qui ne peuvent me venir que d'élus du Conseil du patronat.

Je profiterais peut-être de cette présence pour plutôt discuter du fond et des orientations, dont nombreuses m'apparaissent discutables, du Conseil du patronat. Je prends, par exemple, cette question de cloisonnement des fonctions de la Commission d'accès à l'information. Nous nous sommes posé cette question. Nous y avons répondu tous ensemble, les membres de la commission, après avoir entendu deux experts, Louis Borgeat et Me Jules Brière, justement sur cette question que j'avais moi-même soulevée, il y a environ un an, à l'occasion de l'audition du rapport quinquennal. Nous avons tous été satisfaits des réponses que nous avons obtenues quant à notre questionnement et nous nous sommes tous, je pense, entendus sur le fait qu'il n'y a pas d'apparence de partialité et qu'il n'y a pas de difficulté compte tenu du cloisonnement des fonctions latérales de la Commission. Vous avez un avis différent. Nous en prenons note, mais nous ne le partageons pas.

Vous accordez quatre pages de votre mémoire sur les avis aux tiers puis vous êtes vraiment virulents sur cette question. Nous avons, encore là, une interprétation tout à fait différente de vous sur cette question, et je voudrais demander à Gaétan Côté, qui est un des légistes qui a travaillé à la rédaction du projet de loi, de bien préciser la pensée du législateur et je lui permettrais... puisque lui-même a concouru à la rédaction de la loi, je voudrais lui permettre d'intervenir, si les membres de la commission en conviennent, pour vous rassurer sur cette question, puisque nous n'avons pas la même interprétation que la vôtre. Je pense que vos commentaires font surtout référence aux demandes de la Commission d'accès plutôt qu'à ce qui est proposé dans le projet de loi. Je laisserais le soin à Me Côté d'apporter des précisions.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Côté.

M. Côté (Gaétan): Merci, M. le Président. Peut-être rappeler au départ que la Commission, dans son rapport quinquennal, à ce sujet-là, avait demandé la possibilité de pouvoir donner des avis publics lorsque dans certaines circonstances elle demandait de pouvoir le faire lorsque la personne ne pouvait être rejointe par courrier et aussi dans les cas où c'était volumineux. Ce que le projet retient, c'est seulement la première hypothèse à savoir, lorsqu'il est impossible de rejoindre quelqu'un par courrier, d'avoir une autre possibilité d'essayer d'aviser cette personne-là. Il n'a pas été retenu des motifs de volume ou de coûts. C'est vraiment lorsqu'il est impossible d'aviser un tiers par courrier que la Commission pourra donner la permission de faire un avis public. Quant aux modalités qui sont retenues ici, elles reprennent essentiellement ce qu'on retrouve actuellement au Code de procédure civile lorsque de tels avis peuvent être donnés, sur autorisation d'un juge dans ce cas-là.

(14 h 20)

Mme Marchand (Louise): Si vous me permettez, M. le Président, je vais demander à Me Doray de commenter la réponse de Me Côté.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y, Me Doray.

M. Doray (Raymond): Merci, M. le Président. Je comprends bien les propos qui viennent d'être énoncés par Me Côté, mais il me semble que le libellé de l'article 10 du projet de loi – et je vous lis les mots introductifs – «lorsque le responsable ne peut aviser un tiers par courrier», ne peut aviser, ça peut être beaucoup de choses. Ne peut, parce qu'il y a trop de demandeurs ou de tiers impliqués, ne peut parce que, effectivement, on n'a pas une adresse à jour et on n'a pas pris le soin de garder un registre à jour des adresses des entreprises avec lesquelles le ministère ou l'organisme fait affaire.

Puisque j'ai plaidé cette cause qui s'est rendue jusqu'à la Cour d'appel dans l'affaire General Motors, je peux vous dire que c'était l'interprétation que la Commission d'accès donnait à l'époque, et c'est ce qui l'a amenée à publier un avis dans le journal à la page A6 de La Presse et qu'à peu près personne n'a vu sauf votre humble serviteur. Mais la Commission disait: On n'a pas d'autre choix que de publier dans les journaux parce que c'est impossible de rejoindre 6 000 entreprises. Et je pense que la Commission interpréterait, malgré ce que l'on peut dire cet après-midi entre nous, l'expression «le responsable ne peut aviser un tiers» comme pouvant viser différentes situations, et c'est notre crainte.

D'autre part, je pense que le mémoire du Conseil du patronat et la présentation de Me Marchand soulevaient la problématique du conflit de la Commission. La Commission, vous le savez, en vertu de la loi, a elle-même l'obligation d'aviser les tiers lorsqu'il y a un mécanisme de révision qui s'enclenche. Si la Commission a autorisé un organisme public à procéder par avis aux tiers, elle pourra s'autoriser elle-même à procéder de la même façon; si elle l'a refusé, ça voudra dire qu'elle sera tenue elle-même d'écrire à 6 000, 3 000, 2 000 entreprises, ce qui pourrait être très lourd pour son budget et pour ses effectifs. Elle se trouve donc, quelque part, quand elle prend sa décision, dans une situation qui n'est pas vraiment la neutralité ou l'impartialité. Et c'est un peu l'inquiétude.

Peut-être y aurait-il lieu, à tout le moins – et je pense que la proposition du Conseil du patronat est assez sage – que, dans les cas où cette procédure est utilisée – et je peux comprendre qu'elle puisse être nécessaire – la présomption de la loi, selon laquelle le tiers qui n'a pas répondu est présumé avoir accepté que les renseignements confidentiels qu'il a fournis à un organisme public soient rendus public, soit mise de côté, au moins lorsque cette procédure exceptionnelle est enclenchée.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le ministre.

M. Boisclair: Cette question est... la cause est plaidée, les juristes du comité de législation qui ont toute la compétence et l'habitude pourront trancher, mais je pense que ces points de vue se sont fait entendre.

Avant de passer la parole à de mes collègues qui veulent s'exprimer, tout simplement vous indiquer que sur d'autres questions... L'utilisation des technologies, nous pourrions en discuter. Les dispositions pénales, à la page 13, vous nous indiquez: «Il est pour le moins troublant qu'une personne qui se contenterait de demander un renseignement sans avoir la qualité pour le connaître commettrait une infraction à la loi.» Ce que nous voulons éviter, c'est éviter, par exemple, qu'un ou une secrétaire médicale interroge quelqu'un sur le dossier de santé d'un patient; ce sont des choses qui, à mon avis, devraient être sanctionnées par la loi, et c'est ce que nous cherchons à obtenir.

Sur les autres questions... Il y a des questions d'orientation. J'aurais bien aimé pouvoir entendre les élus du Conseil du patronat me parler de la paranoïa des consommateurs, mais je réserverai une autre occasion, lorsque j'aurai l'occasion de m'entretenir avec des élus du Conseil, m'entretenir sur le sens profond de cette déclaration. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Conseil du patronat du Québec. Je dois avouer que sur le dernier point, M. le Président, je pense que l'objection, du moins à première vue, semble loin d'être farfelue. Je pense que leur préoccupation est très réelle, fondée sur un cas vécu. Et ce n'est strictement pas pour retirer quoique ce soit aux excellents légistes au ministère de la Justice, qui effectivement connaissent la jurisprudence. Le fait est que, quand on connaît la pratique quotidienne puis l'effet réel d'une pratique ou d'une disposition législative, il est parfois plus facile justement de prédire qu'est-ce qui peut en être, et c'est exactement le cas avec l'exemple que Me Doray vient de nous donner dans le cas de General Motors.

Je peux juste rassurer nos invités que, dans ce dossier-ci, il y a eu très peu d'aspect partisan. Ça a été plutôt une tentative de concilier l'intérêt du public avec l'impératif d'assurer la protection de la vie privée et l'accès aux documents. Puis dans un cas comme celui-ci, je suis sûr qu'avec les experts justement, comme Me Côté du ministère, on va arriver à une suggestion qui ne risquerait pas de brimer les règles de justice naturelle qui ont été soulignées dans le rapport.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais adresser mes propos sur un autre chapitre, parce que c'est un des seuls groupes à s'être adressé dans le détail à ces questions-là. On a vu quelques aspects touchés légèrement, mais le Conseil du patronat va pas mal plus dans le détail concernant les dispositions pénales et les amendes. Je pense qu'encore une fois il soulève un point qui mérite qu'on s'y attarde quelque peu.

Si on regarde l'article 84 du projet de loi, on constate, comme nous le souligne le Conseil du patronat, que l'article 91 de la loi serait remplacé avec une disposition qui prévoit... Et ça, en termes de rédaction législative, je suis très heureux de voir qu'on prend cas par cas et qu'on énumère les gestes exacts qui constituent des infractions. Comme beaucoup de juristes, je suis très mal à l'aise lorsqu'on arrive avec une disposition globale à l'effet de dire: Quiconque enfreint une disposition de la présente loi commet une infraction, puis là t'as des choses comme l'obligation de déposer le rapport annuel dans les 90 jours. Si ce n'est pas fait, est-ce que c'est une infraction? Alors, ça laisse trop de latitude. Même si nul n'est censé ignorer la loi, le public est en droit de savoir exactement quel geste constitue une infraction.

Maintenant, si on se retourne vers l'article 91, qui serait édicté par le nouvel article que j'ai cité tantôt, le 84, on constate effectivement, comme nous le souligne le Conseil du patronat, qu'est passible d'une amende de 1 000 $ à 10 000 $, pour une première infraction, et, en cas de récidive, de 10 000 $ à 20 000 $, quiconque. Alors, quiconque, on s'entend bien, ça peut être tantôt une personne physique, c'est-à-dire un particulier, tantôt une personne morale, c'est-à-dire une corporation, une compagnie.

Alors, on commence à donner l'énumération, puis je vais reprendre l'exemple que nous donne, au huitième paragraphe, le Conseil du patronat: «quiconque cherche à obtenir un renseignement personnel, dans l'exploitation d'une entreprise, à titre de préposé, mandataire ou agent de l'exploitant ou de partie à un contrat de service ou d'entreprise, sans avoir qualité pour le connaître ou sans que le renseignement ne soit nécessaire à l'exercice de ses fonctions suivant l'article 20». Quiconque cherche à obtenir un renseignement personnel à titre de préposé – lourd, ça, 1 000 $ à 10 000 $, pour un particulier. Très, très lourd. Alors, ce qui amène le Conseil du patronat à faire une déclaration avec laquelle j'ai honnêtement de la difficulté. Ils disent: «Il est à souhaiter que l'utilisation de ces dispositions soit faite de manière très parcimonieuse, et dans le cadre d'une interprétation très restrictive.» Ce n'est pas juste ça, non plus.

Dans une société de droit, on ne permet pas à quiconque de faire une évaluation comme ça: Je vais être parcimonieux; cette fois-ci, c'est une infraction, l'autre fois, ça ne le sera pas. Parce que le préposé dans l'entreprise x et le préposé dans l'entreprise y – c'est le fondement même de notre société – doivent être traités de la même manière sans que quelqu'un d'autre se permette ce jugement-là. Mais je comprends la préoccupation et je comprends qu'est-ce qui a amené le Conseil du patronat à dire ça. Ils disent: Ça n'a pas de bon sens, la manière que c'est écrit là. Et je vais aller plus loin.

Si on regarde l'article 86 qui ajouterait un nouvel article 92.1, on dit: «Quiconque contrevient à une disposition d'un règlement du gouvernement dont la violation constitue une infraction – donc un règlement pris en application de notre loi, ici – commet une infraction», et cette fois-ci les amendes sont de 200 $ à 1 000 $ et, en cas de récidive, une amende de 500 $ à 2 500 $. Mais sans égard pour l'importance objective de la faute. Ce n'est pas parce que c'est un règlement que c'est une faute moins grave en regard de la protection de la vie privée, par exemple. Objectivement, on ne peut pas faire cette affirmation-là. Qui plus est, si on a vraiment besoin de se convaincre, on n'a qu'à regarder le prochain article, 92.2, M. le Président.

(14 h 30)

Quiconque entrave le déroulement d'une enquête – on est en pleine enquête en ce moment sur les fuites au bureau du premier ministre, de renseignements personnels, au ministère du Revenu – quiconque entraverait le déroulement de cette enquête, pour donner un exemple, en lui communiquant des renseignements faux, inexacts ou autrement, alors quelqu'un qui apporterait de l'information fausse devant cette enquête, n'aurait la possibilité d'une amende que de 200 $ à 1 000 $, parce que c'est les amendes de 92.1 qui s'appliquent à ce moment-là, alors que notre préposé, dans l'exemple bien choisi par le Conseil du patronat, est automatiquement passible d'une amende d'au moins 1 000 $.

Je pense qu'il y a vraiment un problème là et je remercie sincèrement le Conseil du patronat d'avoir mis ça sous la loupe. Parce que, effectivement, à force de regarder les détails de plusieurs autres dispositions de la loi, ça a un peu échappé à une attention détaillée jusqu'à aujourd'hui. On vous remercie beaucoup de l'avoir fait, parce que je pense que, encore une fois, c'est quelque chose qu'il va falloir vraiment qu'on regarde à nouveau, jeter un coup d'oeil critique là-dessus, ne serait-ce que pour faire comme on fait dans d'autres lois. On peut faire une distinction entre une personne physique et une personne morale, si c'est bien ça qu'on a voulu en disant que 1 000 $, c'est un minimum. Il me semble que, peut-être, la logique qui a prévalu là-dedans, c'était ça. Ça existe ça. La Charte de la langue française fait cette distinction-là, par exemple.

Donc, de notre côté, on ne peut que réitérer nos remerciements d'avoir porté cet élément-là en particulier à notre attention, et vous pouvez être sûr qu'avec la collaboration du côté ministériel, on va pouvoir apporter les correctifs nécessaires. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député de Chomedey.

Mme Marchand (Louise): Je vous remercie, M. Mulcair. Évidemment, notre intention était tout simplement de faire des critiques constructives. J'espère qu'on en prendra bonne note et, quant aux orientations, le Conseil du patronat, je le répète, endosse complètement le mémoire. Si cela peut rassurer M. le ministre, c'est un mémoire qui a été endossé, qui vous aurait été livré avec plaisir par le président, eût-il été là, et sachez que ça représente très fidèlement l'esprit du Conseil du patronat, ce mémoire.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir également de souhaiter la bienvenue au Conseil du patronat, tout en exprimant un regret que les responsables élus ne soient pas présents, parce que, inévitablement, on risque de s'enfarger dans une discussion juridique, tandis que, moi, ma préoccupation, c'est les consommateurs.

Il y a un principe dans la loi que je vois qui concerne le consentement. C'est dans nos moeurs ici, au Québec, depuis longtemps. Si je comprends bien le mémoire, il semble suggérer que le seul «lip service», si je peux dire, que le Conseil du patronat soit prêt à offrir au principe du consentement, c'est de suggérer qu'on établisse une liste qui va faire en sorte qu'on légifère par dérogation. Je m'explique. Vous avez suggéré que le législateur sorte une réglementation pour établir quels sont les renseignements personnels qu'une entreprise peut recueillir sans obtenir de consentement spécifique, et ça, ça m'inquiète.

Pourquoi je pose la question? Là encore, c'est un problème, parce que je ne voudrais pas une réponse juridique, je voudrais avoir l'esprit, le sentiment, la philosophie du Conseil du patronat. Quels sont les principes qui sont derrière votre philosophie et qui suggèrent cette approche-là?

Je vous donne, à titre d'exemple – et je voudrais simplifier par un exemple: Si quelqu'un demande une carte de crédit, n'est-ce pas normal qu'il puisse donner un consentement, par exemple, à l'émetteur de la carte de crédit pour que l'émetteur de la carte de crédit, lui, l'entreprise puisse communiquer, par exemple, avec une agence de crédit? J'essaie de m'expliquer, dans votre approche, que vous trouviez ça anormal que le consommateur doive avoir un droit d'avis, d'avoir un avis sur l'utilisation des renseignements qui le concernent lui-même, qui lui appartiennent. À titre d'exemple, si quelqu'un a été marié une fois, deux fois, ce sont des renseignements qu'il peut lui-même ou elle-même considérer personnels. Vous voudriez, si je comprends bien, enlever ce droit-là et que le consentement ne soit pas nécessaire? Je n'ai rien compris.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Mme Marchand.

Mme Marchand (Louise): Bon. Il n'est pas du tout question que le Conseil du patronat, au nom des entreprises, s'oppose à ce que les consommateurs aient un certain droit de regard sur les renseignements qu'ils donnent à diverses entreprises, par exemple à une entreprise qui serait émettrice d'une carte de crédit.

Ce que nous avons suggéré d'abord dans notre mémoire à l'automne dernier et que nous avons réitéré à ce moment-ci, c'est que les entreprises puissent recueillir un certain nombre de renseignements qui seraient prévus par règlement et, donc, qui seraient conformes au principe de la loi, au principe que le législateur a édicté, donc au principe de protection des renseignements personnels, et que ces renseignements, qui sont des renseignements pour les transactions usuelles, que ce soient les compagnies d'assurances, justement les cartes de crédit, enfin toutes sortes de renseignements qu'on peut donner aux diverses entreprises lorsqu'on fait des affaires courantes... et que le consentement soit obtenu pour les entreprises dont les demandes excèdent ce qui serait prévu par règlement.

Alors, en d'autres termes, ce que nous disons, c'est que le législateur pourrait s'asseoir avec les différents secteurs d'industrie et édicter une réglementation qui prévoirait quels seraient les renseignements que la loi autorise une entreprise à recueillir. Donc, il me semble qu'on serait beaucoup plus certain de l'efficacité, d'une part, et du respect de la loi aussi.

Ce n'est pas très facile, toujours, pour les entreprises de rédiger des formulaires de consentement qui sont exactement conformes à la loi. La jurisprudence a démontré qu'un simple consentement ouvert, non explicite, n'était pas suffisant. Alors, dans la mesure où ces renseignements seraient par règlement, les entreprises auraient une meilleure sécurité quant à leur respect de la loi. C'est ce que nous visons, et non pas à priver le consommateur de sa capacité d'exercer un contrôle sur les renseignements très sensibles qu'il donne à ces entreprises. Loin de nous cette idée, monsieur.

M. Payne: Lorsque vous dites – et c'est cela que je trouve inquiétant d'un point de vue de consommateur, et je parle de mes électeurs: «Nous avions souligné également que les consommateurs, souvent inquiets et, je vous cite, incapables d'apprécier la pertinence [...] refusent de signer les formulaires de consentement ou procèdent à une sélection de renseignements qu'ils autorisent l'entreprise à recueillir», je comprends mal cela. Si vous avez l'intérêt des consommateurs à coeur, en quoi ça vous inquiète?

En réponse à une partie de votre question de tout à l'heure, j'ajouterai la suivante. Quand vous dites qu'une entreprise, souvent, elle doit bien s'encadrer, vous êtes d'accord avec ça, pour qu'elle puisse juste piger, utiliser une information ici, et une autre entreprise là, mon inquiétude, c'est précisément la multiplication et la compilation de ces données-là qui finissent dans les banques de données. Ces informations-là, on sait très bien qu'elles sont commercialisées.

Nous avons de plus en plus de banques, toutes sortes de banques de données. Ça peut être au sein même d'une institution financière, par exemple, ou au sein d'une institution qui a comme but principal de commercialiser les données. On augmente constamment les informations sur le sexe, sur l'âge, sur l'historique de la personne, pour ne pas mentionner la religion ou le changement de religion ou le salaire. C'est ça, l'inquiétude du consommateur. Je pense que c'est reflété dans la préoccupation du gouvernement, que je partage. Avez-vous un esprit de compréhension de ce souci du consommateur?

Mme Marchand (Louise): Très rapidement, puis je demanderai peut-être à Me Doray de compléter. C'est justement notre souci de bien encadrer cette cueillette de renseignements qui nous avait fait proposer la réglementation, d'une part. Puis, juste pour vous répondre sur notre énoncé à l'effet que souvent les consommateurs ne sont pas en mesure d'apprécier la pertinence des renseignements demandés, ce que nous voulions dire, c'est que quelqu'un qui n'est pas familier, par exemple, avec le domaine de l'assurance pourra souvent ne pas très bien comprendre pourquoi sa compagnie d'assurances lui demande tel, ou tel, ou tel renseignement. Ce qui s'est passé dans bien des cas, c'est que les gens donnaient un consentement assez général et, finalement, finissaient par le révoquer alors que les contrats avaient été conclus. Pour la sécurité des affaires, c'est loin d'être simple. Me Doray.

(14 h 40)

M. Doray (Raymond): Si vous me permettez, M. le Président, juste de donner un exemple au député de Vachon. Le consentement type qu'on retrouve dans le domaine de l'assurance, qui est assez long, en quelque sorte est libellé de la manière suivante: J'autorise telle compagnie d'assurances à recueillir tout renseignement nécessaire à des fins de souscription ou de réclamation. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, pour le commun des mortels qui ne comprend pas et qui n'a pas étudié le fonctionnement d'une compagnie d'assurances? Lorsqu'il appose sa signature en bas du formulaire, est-ce que le consommateur sait ce qu'il a autorisé? Est-ce qu'il a un véritable contrôle sur l'information? Je ne le crois pas.

Je pense que les notions de la loi sont peut-être trop floues. À cet égard-là, la suggestion du Conseil, c'était de dire: Pour les transactions les plus usuelles, celles dans lesquelles les consommateurs sont impliqués quotidiennement, que le gouvernement, par le biais du pouvoir réglementaire, établisse... le fasse, cet examen de ce qui est nécessaire et de ce qui n'est pas nécessaire. Mais, d'aucune façon, le Conseil du patronat n'a dit: Il faut laisser les entreprises faire n'importe quoi ou encore utiliser les renseignements à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été obtenus. Ces principes-là, le Conseil du patronat y souscrit sans aucune réticence.

C'est plus pour faciliter le respect de la loi, parce qu'à l'heure actuelle le consentement laisse et à l'entreprise et à l'interprétation ultérieure que fera la Commission le soin d'identifier ce qui est acceptable ou ne l'est pas en vertu de la loi.

M. Payne: Juste un commentaire...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, il ne reste plus de temps.

M. Payne: ...dans une phrase pour dire que, moi, je pense que votre approche, c'est une approche de la réglementation qui souvent fait l'objet d'objections de la part du Conseil du patronat. Vous êtes contre, souvent, de la réglementation.

Je pense que vous allez dans une démarche qui ajouterait à la complexité administrative quand vous dites: Une réglementation qui établirait quels sont les renseignements personnels qu'une entreprise peut recueillir sans obtenir le consentement spécifique. C'est compliqué. C'est compliqué. Vraiment complexe, comme approche, ça, là. Ça, c'est ma réflexion.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. Le temps imparti est terminé. je m'excuse. Je veux vous remercier, Me Marchand. Me Doray, merci également. Merci de votre contribution aux travaux de la commission.

J'invite les représentants du Bureau d'assurance du Canada à venir prendre place en avant, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

M. Medza (Raymond): Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Ça va. Bienvenue, M. Medza. Vous connaissez, je pense, la procédure. Nous avons 45 minutes à notre disposition. Vous disposez d'environ 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et chaque côté de la présidence échange avec vous 15 minutes chacun. Donc, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne.


Bureau d'assurance du Canada (BAC)

M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Je suis accompagné de Me Louis Guay, qui est notre conseiller juridique au Bureau d'assurance du Canada; également de Me Giraudo, du Groupe Promutuel assurances; et M. André Dubois, d'Assurance Missisquoi.

M. le ministre, MM. les députés, le BAC, c'est une association qui représente les compagnies, je ne vous apprends rien. Nous souscrivons environ 80 % du volume au Canada. Nous sommes dirigés par des chefs de direction qui sont dans la province de Québec, qui y ont soit leur siège social ou leur principale place d'affaires. En plus de maintenir évidemment un dialogue constant avec les autorités gouvernementales, une de nos fonctions, c'est d'assister le public en général. C'est pourquoi on opère un centre d'information depuis 1971, un centre qui répond à près de 55 000 appels annuellement.

De plus, le BAC, évidemment, s'implique dans l'amélioration de la qualité de la vie par la prévention: la prévention des sinistres, la prévention des accidents, la sécurité routière, la prévention du crime. Vous savez qu'Info-crime Québec maintenant sera à la grandeur du Québec dans un mois, alors qu'il n'était que concentré à Montréal il y a à peine un an. On s'occupe des catastrophes naturelles. D'ailleurs, la tempête de verglas, on aura des déboursés qui vont dépasser le 1 000 000 000 $ au Québec. Alors, on est un peu présent partout.

Une de nos préoccupations, bien sûr, c'est la protection des renseignements personnels, tant comme assureur pour protéger nos propres assurés que du point de vue strictement éthique. En 1987, d'ailleurs, on avait pris l'initiative, avec l'Association canadienne de normalisation et basés sur les normes de l'OCDE, de mettre de l'avant un code que nous avons redéveloppé par la suite. D'ailleurs, vous en avez un à l'annexe de notre mémoire que nous avons présenté. Dans le cadre de la loi n° 188, plus récemment, nous avions fait des représentations assez musclées pour s'assurer que certaines des dispositions du projet de loi soient resserrées pour bien garantir la protection des renseignements personnels.

La loi est entrée en vigueur il y a à peine quatre ans. C'est donc normal que la loi fasse encore l'objet de certains ajustements. C'est une loi relativement jeune, je pense qu'il faut le rappeler. C'est une loi qui n'a pas de précédent, à notre connaissance, en Amérique du Nord. Dans certains domaines du secteur privé comme l'assurance de dommages, l'application de la partie au secteur privé présente certains problèmes. On avait d'ailleurs souligné ceci dans nos présentations lors de l'adoption de la loi et lors du rapport de notre mémoire de septembre, et plus particulièrement sur la question de l'obtention du consentement manifeste et éclairé.

On est heureux de constater que, dans le projet de loi, il y a peu de recommandations que nous avons faites. Donc, on présume que le projet de loi a été bien fait. Il reflète, en fait, certaines des recommandations que nous avions formulées. Mais le problème, c'est toujours avec l'obtention du consentement à cause de l'interprétation qu'en fait la Commission d'accès qui dit: Manifeste, restrictivement, c'est strictement par écrit, alors que, quand on avait demandé, fait des représentations lors de l'adoption de la loi, on avait éliminé le consentement écrit pour en faire un consentement manifeste. Donc, pas un consentement écrit. Mais l'interprétation, ça nous dit qu'il doit être écrit. Alors, c'est un peu difficile et c'est un peu sur cette partie-là que nous allons vous faire nos représentations.

Évidemment, comme il s'agit d'un dossier relativement complexe et que je ne voudrais pas me substituer à des juristes eu égard à ceux qui le sont, j'ai demandé à mon collègue, Me Guay, de vous expliquer un peu la nature technique de ce qu'on entend par consentement manifeste et comment on pourrait peut-être le substituer à l'obligation pour un assureur de transmettre un avis, comme on le fait dans le cas de l'assurance automobile, par exemple. Alors, Me Guay.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Me Guay.

M. Guay (Louis H.): Merci, M. Medza. Brièvement, avant d'enchaîner, pour ceux qui ont regardé le mémoire, vous avez vu qu'on a fait ça en deux parties, M. le Président. Une partie qui comporte certains commentaires sur le projet de loi, trois, quatre articles. Alors, je vais y venir à la fin. Je vais plutôt enchaîner avec les commentaires de M. Medza sur la question du consentement, qui était, en fait, la deuxième partie de notre mémoire.

Concrètement, nous, contrairement à l'interprétation de la Commission d'accès, on soumet, le BAC soumet que les dispositions de la loi 68 ne permettent pas de déterminer clairement si les assureurs de dommages doivent obtenir le consentement écrit de leur assuré pour utiliser, communiquer ou recueillir des renseignements personnels auprès de tiers.

Par exemple, une autre interprétation qu'on pourrait en faire, une interprétation de la loi combinée à certains articles du Code civil du Québec, qui sont les articles 2408 à 2410 et 2470 à 2472, pourrait signifier que, dans le cadre de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat d'assurance de dommages, un assureur n'a pas nécessairement à obtenir un consentement. Concrètement, une explication peut-être un petit peu plus détaillée, 2408 à 2410 et 2470 à 2472 du Code civil du Québec imposent à un assuré l'obligation de déclarer, tant au stade de la souscription qu'au stade d'une réclamation, soit les faits qui entourent la survenance du sinistre ou les faits ou les informations qui le concernent qui sont susceptibles d'influencer un assureur dans la tarification et l'évaluation de la prime.

(14 h 50)

Alors, étant donné ces obligations de déclaration là qui reposent sur l'assuré tant au stade de la souscription, comme je l'ai dit, qu'au stade de la réclamation, nous, on prétend, le BAC, qu'un assureur pourrait bénéficier, par exemple, de l'exception qui est prévue à l'article 6 de la loi sur le secteur privé, qui stipule qu'une entreprise n'a pas nécessairement à obtenir le consentement d'un assuré, d'une personne concernée, en fait, pour recueillir des renseignements auprès de tiers quand il s'agit de vérifier, quand la cueillette est effectuée seulement pour vérifier les renseignements qui lui ont été transmis.

Alors, lors d'une enquête de souscription ou lors d'une enquête lors d'une réclamation, c'est exactement ça qu'un assureur fait. Il ne fait que vérifier, en fait, les informations qui lui ont été transmises par son assuré qui, lui, a l'obligation de les déclarer de bonne foi. C'est codifié, c'est dans notre Code civil, cette obligation-là. Alors, nous, c'est une interprétation qu'on suggère.

Malheureusement, quoi qu'il en soit, à l'heure actuelle, les entreprises du secteur privé doivent se conformer du mieux possible à l'interprétation de la loi 68 que la Commission en a faite. C'est bien entendu, c'est elle qui supervise l'application de la loi. Alors, les assureurs de dommages ne font pas exception à la règle. Ils essaient d'obtenir, dans la mesure du possible, la signature d'un formulaire de consentement écrit, consentement par lequel l'assuré consent à l'avance à la cueillette, l'utilisation, la communication d'un renseignement qui le concerne.

C'est précisément, comme M. Medza l'a dit, l'utilisation de ces formulaires-là qui pose problème en assurance de dommages. Pourquoi? Parce que, dans l'industrie de l'assurance de dommages, je pense que je n'apprends rien à personne à ce niveau-là, la majorité des communications entre assureur et assuré se font au téléphone. Alors, on appelle son courtier, on appelle son agent d'assurances, on appelle directement son assureur pour lui demander de nous assurer et on lui fait une déclaration des faits qui nous semblent importants ou en réponse tout simplement à des questions posées.

Alors, depuis l'entrée en vigueur de la loi, depuis quatre ans, donc, l'expérience actuelle démontre amplement, selon nous, que cette réalité est incompatible avec les délais qu'occasionne la signature d'un formulaire de consentement. En fait, cette pratique est tellement déconnectée de la réalité que certains assurés refusent même parfois – et j'ai eu l'avantage d'être ici tout à l'heure quand les gens du CPQ étaient là... C'est vrai qu'il y a des gens qui refusent de signer les formulaires de consentement parce qu'ils ne comprennent pas l'utilité, ne comprennent pas ce qu'on leur demande et jugent le formulaire trop complexe.

Alors, le BAC a expliqué, dans la première partie de son mémoire – je parle du mémoire de septembre 1997, celui de la commission précédente – comment tous les renseignements qu'un assureur de dommages recueille sont nécessaires à l'exécution ou à la conclusion du contrat. Et c'est la nature même du contrat d'assurance qui fait en sorte que, lorsqu'un assuré transige avec son assureur, cette personne accepte d'emblée qu'on recueille et qu'on utilise les renseignements personnels qui la concernent aux fins de tarification ou tout simplement pour régler une demande d'indemnité.

Une autre distinction qui est importante à faire, très importante je dirais, on rencontre trop souvent des gens qui ne font pas la différence: les assureurs de dommages ne sont pas des institutions financières comme les autres. Les assureurs de dommages membres du BAC ne font pas de prêts, ne font pas de crédit, d'hypothèques, ne perçoivent pas de dépôts. La seule chose, les seuls contrats que les assureurs de dommages transigent, ce sont des contrats d'assurance de dommages. Alors, l'utilisation abusive ou secondaire de renseignements est nulle. Nous croyons, pour ça, que le législateur ne devrait pas imposer aux assureurs de dommages l'obligation d'obtenir la signature d'un formulaire de consentement comme la Commission l'impose actuellement, comme l'interprétation de la Commission le suggère.

Comme solution, nous, on a regardé un petit peu ce qui se faisait dans le droit québécois et on a relevé un précédent, selon nous, à l'article 179 de la Loi sur l'assurance automobile, qui prévoit deux choses: premièrement, la création d'un fichier qui contient les renseignements sur l'expérience de conduite des automobilistes québécois; et, dans un deuxième temps, le législateur a reconnu que les assureurs de dommages pouvaient accéder à ce fichier-là sans le consentement de leur assuré pour fixer la tarification, à condition de transmettre à l'assuré plus tard un avis les informant que le fichier central – on l'appelle le fichier central des sinistres automobiles – a été consulté.

Alors, le BAC propose simplement de modifier la loi sur le secteur privé, la loi 68, plus précisément l'article 14, pour y insérer le même type de mécanisme. Nous croyons que cette modification-là clarifierait beaucoup les dispositions de la loi sur le secteur privé en ce qui concerne le consentement. Ça nous apparaît d'autant plus essentiel que la commission de la culture, dans son dernier rapport, a recommandé à la Commission d'accès à l'information de faire preuve de plus de sévérité dans l'application de la loi. Alors, il ne faudrait pas qu'on devienne très sévère dans l'application d'une loi dont les obligations ne sont pas très claires. Je pense que ça serait assez inéquitable pour les entreprises.

La deuxième partie, en fait la première partie de notre mémoire, mais qui est la deuxième partie de notre présentation, ce sont simplement des commentaires sur les articles 13, 63 et 64 du projet de loi. On voudrait tout simplement que ces articles-là soient un peu clarifiés, surtout l'article 64 qui propose de modifier l'article 12 en retranchant une partie du texte actuel. On suggère de modifier cet article-là pour prévoir plus spécifiquement qu'une entreprise peut conserver des renseignements qui sont contenus dans un dossier dont l'objet est accompli et que l'entreprise ne peut utiliser ces renseignements sans le consentement de la personne concernée sauf lorsque cela est nécessaire pour faire valoir ses droits dans un litige.

Alors, en conclusion, on pourrait simplement rappeler qu'en résumé le BAC est satisfait des dispositions du projet de loi n° 451. On a les quelques commentaires sur certains articles que j'ai énumérés, 13, 63 et 64. Finalement, le plus important, on pense que la loi devrait être modifiée pour clarifier les obligations qui concernent le consentement et, si possible, insérer un mécanisme semblable à celui qu'on retrouve présentement à l'article 179 de la Loi sur l'assurance automobile. Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Me Guay, merci, M. Medza. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier pour votre présentation et – comment vous dire – vous assurer que... Par les modifications que nous voulons apporter à cette loi, nous sommes bien conscients que nous imposons des contraintes importantes à l'entreprise, mais je voudrais aussi vous rassurer sur le fait que le secteur public va lui-même, aussi, s'imposer les mêmes contraintes. Certaines personnes s'interrogent sur le deux poids, deux mesures, le secteur public qui serait plus laxiste dans sa façon de faire. Ceux qui pensent de cette façon devraient relire le projet de loi, puisque nous nous imposons de nouvelles obligations. Alors, je suis à l'aise de discuter avec des représentants du secteur privé qui, fort correctement, nous font part de leurs préoccupations. Je suis heureux de voir des gens de l'entreprise nous apporter des cas bien précis, bien concrets, nous apporter aussi leur expertise terrain qu'ils ont acquise au fil des ans.

Je voudrais vous dire que votre raisonnement juridique m'apparaît implacable lorsque effectivement... Et nous sommes nombreux, les quelques-uns ici, alentour de cette table, à penser de la même façon que vous. Lorsqu'on relit effectivement les dispositions du Code civil, qu'on relit les dispositions de la loi d'accès, nous serions fort tentés de conclure de la même façon que vous. Je comprends que la Commission a décidé autrement.

Il y a, à l'heure actuelle, des recours. Est-ce que vous avez une interprétation qui aurait été confirmée par des tribunaux supérieurs qui pourrait, selon vous, vous donner raison? Puisque votre raisonnement juridique nous apparaît tout à fait clair. Et la question, c'est: Est-ce qu'il faut changer la loi? Peut-être pourriez-vous me renseigner sur cette question.

M. Guay (Louis H.): Voyez-vous, le problème, c'est qu'il y a tellement peu de plaintes contre les assureurs de dommages qu'on a peu l'occasion de tester le raisonnement juridique que je vous ai proposé. Par contre, ce n'est pas impossible que ça arrive.

M. Boisclair: Est-ce que la Commission a déjà tranché cette question?

(15 heures)

M. Guay (Louis H.): Pas la proposition ou le raisonnement que je viens de vous exposer. Ça, ça n'a jamais été interprété clairement. Disons que c'est une interprétation qu'on peut faire parce qu'il nous semble que la loi sur le secteur privé, la loi sur la protection des renseignements personnels, doit être interprétée de concert avec évidemment nos autres lois. Quelle autre loi est aussi importante, sinon plus, que la loi sur le secteur privé? Le Code civil du Québec, les articles 24... Le Code a été modifié en 1994, mais il y a toute une série d'articles dans le Code civil du Québec qui prévoient très clairement quelles doivent être les obligations d'un assuré et d'un assureur. C'est en tenant compte de ces articles-là, de la codification qui est faite de ces obligations-là, que, nous, on propose l'interprétation que je vous ai faite. Maintenant, je ne suis pas au courant de décisions qui confirmeraient ça.

M. Boisclair: On va entendre tout à l'heure des gens du Mouvement Desjardins qui pourront peut-être nous renseigner, mais je présume que de vos membres ont déjà fouillé, doivent avoir des avis juridiques sur ces questions? Vous avez sans doute dû partager vous-même l'expertise que vous avez développée?

M. Medza (Raymond): En fait, M. le Président, ce que nous savons, c'est que, au moment où... voyant que la loi nous forçait, nous demandait d'obtenir un consentement manifeste, nous avions développé une formulation que nous voulions mettre à la disposition de nos membres pour les inciter et les inviter à l'utiliser dans leurs contacts avec leurs clients de façon à obtenir leur consentement, entre guillemets, manifeste.

Dans les conversations qu'on a eues avec la Commission, les conclusions auxquelles ils en venaient, c'est qu'il n'y avait pas de consentement autrement... un consentement ne pouvait pas être manifeste autrement que par écrit. On part mal. C'est que dans les discussions...

M. Boisclair: Je comprends. Mais les discussions et les décisions, la Commission fait toujours bien attention, dans les rapports qu'elle peut avoir avec des tiers, de ne pas supposer d'une décision qu'elle aurait à rendre si jamais une cause était portée devant elle. Donc, il faut toujours prendre avec un certain recul les commentaires que des membres du personnel de la Commission peuvent à cet égard communiquer à des gens qui s'interrogent sur la portée de la loi.

Mais, en tout cas, la lecture qu'on en fait, d'un problème que vous soulevez, qui est tout à fait réel, devrait à mon avis être fouillée davantage, quitte à ce que vos membres adopte une autre position et qu'on voie de quelle façon la Commission serait appelée à trancher. D'aucune façon, je ne voudrais supposer de sa décision, mais vous semblez nous présenter, à notre avis, un raisonnement juridique qui est fort valable. À cet égard, je vous invite peut-être à poursuivre, à essayer de le faire valider, d'une façon ou d'une autre, par des gens qui ont la compétence pour le faire.

Si tel n'était pas le cas et, si votre raisonnement juridique n'était pas celui qui est était juste, en quoi est-ce si difficile pour vous d'obtenir un consentement écrit? Dans bien des cas – j'en parlais avec des collègues, nous en avons déjà parlé – des gens peuvent requérir par écrit, dans les jours qui suivent l'adhésion d'une personne à un contrat, une fois qu'elle a souscrit un contrat, la signature, le consentement de la personne. Par la suite, si cette personne ne retourne pas le formulaire signé, elle est présumée avoir consenti. Est-ce qu'il y a là une véritable lourdeur? Est-ce qu'il y a là une véritable difficulté?

M. Medza (Raymond): Particulièrement en assurance automobile où tout le monde est obligé de s'assurer, il y a une question de rapidité. Lorsqu'un consommateur se présente chez un carrossier pour prendre livraison de son véhicule ou d'une automobile, il veut avoir la protection dans les minutes qui suivent. Or, en assurance automobile, la classification est basée sur un certain nombre de critères, notamment ceux qui sont reliés aux points d'inaptitude, aux accidents, et autres. Je prends juste les points d'inaptitude. Dans plusieurs cas, on ne peut pas les obtenir parce qu'on n'a pas le consentement. Donc, notre tarification devient inéquitable. Enfin, je ne veux pas rentrer dans les détails techniques...

M. Boisclair: Non, je comprends bien.

M. Medza (Raymond): ...mais il y a une question d'inéquité qui peut survenir, alors que, dans le cas des accidents, la loi a prévu que les assureurs vont les mettre tous ensemble et informer le client à chaque fois qu'on y met de l'information. Alors, voyez-vous, il y a une sorte de notion de responsabilisation de l'assureur dans ça qu'on a acceptée de bon gré.

M. Boisclair: Oui, mais vous pouvez toujours faire une vérification a posteriori. Moi, par exemple, je suis le client, vous êtes l'assureur. Je vous dis: J'ai cinq points à mon dossier. Je souscris, à la limite je donne l'autorisation de payer, j'envoie un chèque, ou je ne sais trop. Mais vous pouvez, par la suite, faire les vérifications et, si j'ai fait une fausse déclaration, le contrat est nul et non avenant.

M. Medza (Raymond): Effectivement, vous avez raison, M. le Président, que, dans le cas où... il y a des contrats d'assurance qui peuvent être retirés dans le cas où vous avez, par exemple, quelqu'un qui a des accidents et qu'il ne les déclare pas. Avant d'obtenir le consentement de cette personne-là, je pourrais tarifer sur les informations que j'ai reçues. Vous m'informez, par la suite, que vous avez eu d'autres réclamations. La question est de savoir: Est-ce que le Code me permet et le contrat d'assurance-automobile, avec la Loi sur l'assurance automobile, me permettent-ils de considérer le contrat d'assurance comme étant nul et non avenu? Ou est-ce que je dois lui donner l'avis qui, s'il est donné à l'intérieur de 30 jours, je pense, doit être au moins de 15 jours ou de 30 jours... Alors, là, on commence à rentrer dans toutes les considérations juridiques et vous savez que les personnes qui vont vouloir se refuser à donner de l'information sont les personnes qui connaissent le système et, donc, qui vont toujours aller à l'encontre des gens qui, normalement, seront bien tarifés...

M. Boisclair: Mais ce n'est pas une question insoluble, là.

M. Medza (Raymond): Pardon?

M. Boisclair: Ce n'est pas un problème insoluble.

M. Medza (Raymond): Ce n'est pas un problème insoluble. Il n'y a aucun problème qui est insoluble. Tout ce qu'on essaie de faire, c'est de trouver la façon de le faire le plus simplement possible, en respectant l'esprit de la loi mais en respectant aussi la praticalité pour le consommateur et pour l'assureur qui est le fournisseur du service.

M. Boisclair: Est-ce qu'il y a, au moment où on se parle, des cas problématiques qui ont été portés à votre attention? Parce que, là, ce que vous anticipez, si je comprends bien, c'est compte tenu des nouveaux pouvoirs de la Commission, des nouvelles ressources qu'elle aura, d'une volonté, sans doute, affirmée des gens de la Commission, compte tenu aussi de ses nouvelles responsabilités.

M. Medza (Raymond): Je pense qu'il y a eu une cinquantaine de cas, M. le Président, qui ont été soulignés à la Commission d'accès sur l'assurance de dommages. Alors, ce n'est pas très important, mais le fait que ce ne soit pas très important ne rend pas le processus plus simple. Notre préoccupation, c'est que, avant d'entrer dans une question de complication, on aime mieux, alors qu'il y a une opportunité qui se présente, essayer de voir comment on est capable de simplifier la loi pour la rendre la plus simple possible à administrer tout en respectant l'esprit qu'on veut lui donner.

M. Boisclair: Je reconnais là la sagesse et la prudence du BAC et je voudrais vous remercier pour cet échange.

M. Guay (Louis H.): Peut-être pour compléter, si vous permettez, M. le Président, la réponse à la question du ministre, les cas qui sont portés actuellement devant la Commission d'accès à l'information et qui impliquent des assureurs de dommages sont surtout ce qu'on appelle les cas d'accès aux dossiers. Alors, il s'agit d'un assuré qui a souvent le pattern – passez-moi l'expression... c'est un assuré qui a une réclamation. Donc, on n'est pas à la souscription du contrat, là, on est au stade de la réclamation.

L'assuré fait une réclamation. L'assureur nie couverture ou prend une décision qui ne fait pas l'affaire de l'assuré, et l'assuré demande à consulter certaines informations qui sont dans le dossier et qui peuvent... C'est là où il y a des litiges, parce qu'il y a des documents, parfois, dans les dossiers d'enquête d'assureurs, par exemple des expertises, que l'assureur préfère garder confidentielles pour des raisons évidentes en cas de litige. Alors, c'est surtout ce genre de cas là qu'on retrouve actuellement et, parfois, aussi, des litiges sur le consentement mais le formulaire; il y a des gens qui portent plainte sur le formulaire, le jugeant pas assez précis, trop précis, bon, j'en passe, là. C'est surtout ce genre de litiges là qu'on a actuellement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député de Chomedey.

(15 h 10)

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et de protection de la vie privée, il me fait plaisir de souhaiter, à nouveau, bienvenue aux représentants du Bureau d'assurance du Canada. Comme vous le savez, M. le Président, M. Medza est un régulier devant les diverses commissions parlementaires, et son apport est toujours précieux pour les membres des diverses commissions, et aujourd'hui ce n'est pas une exception.

J'ai pris bonne note de votre échange avec le ministre sur la question du consentement, et je suis sûr qu'on va pouvoir le travailler afin d'éviter qu'une bonne intention visant la protection du public devienne en fait un empêchement de tourner en rond et devienne plus de paperasse; personne ne veut ça. On veut s'assurer que les gens sachent dans quoi ils s'embarquent quand ils donnent une autorisation, mais ce n'est pas notre but, ni d'une part ni de l'autre, d'inventer de nouvelles règles qui font en sorte que, dans le monde de tous les jours, ce soit plus difficile d'obtenir un service essentiel comme une assurance. Alors, soyez assuré que votre message a été bien compris là-dessus.

Mais je veux retourner maintenant sur les deux premiers aspects de votre mémoire – et on va les traiter dans l'ordre – des aspects qui traitent tantôt de la loi sur le secteur public, et le secteur privé, parce que je pense que ça rejoint notre discussion de tantôt sur les peines, les infractions en vertu de la loi, et ça vaut la peine qu'on s'y attarde quelque peu.

Votre premier point concerne l'article 13 du projet de loi n° 451, qui vise à modifier l'article 55 de la loi du secteur public, la loi existante. C'est là où on retrouve une disposition qui prévoit que, lorsqu'un «organisme public qui détient un registre, un rôle d'évaluation ou tout autre fichier de même nature contenant des renseignements ayant un caractère public en vertu de la loi ne peut permettre l'accès à ces renseignements qu'à l'unité». Un rôle d'évaluation, donc, c'est quelque chose que tout le monde peut comprendre. «Il ne peut également communiquer un tel fichier, à moins que cela ne soit nécessaire...»

Si on se tourne maintenant vers l'article 59 du projet de loi n° 451, qui crée les infractions, on remarque que la première infraction créée, c'est justement: commet une infraction et est passible des amendes qu'on a vues tantôt, et on s'est entendu pour regarder ça à nouveau; «communique à une personne, contrairement à l'article 55 – qu'on vient de lire – un fichier informatisé de renseignements à caractère public lorsque la communication d'un tel fichier n'est pas nécessaire à l'application d'une loi...», etc.

Alors, on peut bien comprendre tout de suite le problème, parce que vous le soulevez dans un autre angle. Vous dites: Mais il faut tenir compte des moyens technologiques actuels. Mais, moi, je me permets de souligner, comme législateur, que ce qu'on vient de faire là, c'est de créer l'infraction qui consiste à communiquer le fichier au complet, alors que l'obligation faite au début de l'article 55, c'est de ne donner cette information qu'à l'unité; c'est là l'expression employée à l'article 55. Donc, qu'on se comprenne bien, quelqu'un qui donnerait les trois quarts d'un fichier n'a pas communiqué le fichier, et je ne pense pas que ce soit là ce qu'on veut. Alors, il va falloir vraiment qu'on porte une attention particulière sur cette question-là.

Par ailleurs, pour ce qui est de votre question soulevée, je tiens juste à vous rassurer que la question des moyens technologiques courants a été soulevée hier. Il faut bien comprendre, on est dans un domaine assez particulier. Il y a effectivement des documents à caractère public, le rôle d'évaluation d'une municipalité en est un. À l'heure actuelle, dans beaucoup de municipalités, on va à l'hôtel de ville, et le rôle est là, déposé. C'est normal que vous puissiez savoir si votre voisin, avec une maison presque pareille, paie les mêmes taxes que vous. Ou est-ce que, par hasard, il connaissait l'évaluateur, s'était fait évaluer un peu plus bas et paie beaucoup moins de taxes? C'est normal que, dans une société où ces lois-là doivent être appliquées également à tout le monde, on ait le droit de vérifier ces choses-là.

Ce qui est visé, l'objectif – on parle souvent de l'intention du législateur – que l'on vise à l'article 55, c'est d'éviter qu'un cédérom du rôle d'évaluation de toutes les municipalités du Québec circule librement, parce qu'il y a là-dedans, au moment où on se parle... Avant, il y avait des informations concernant la religion; maintenant, il y a des questions de propriété, il y a des noms d'individus, des renseignements nominatifs, et, avec les rôles scolaires, maintenant on sait si on paie nos taxes scolaires à une commission scolaire anglophone ou francophone. Donc, ce sont des informations qui concernent les personnes.

C'est difficile, ça. C'est comme dans le plumitif de la cour: les gens qui ont été acquittés d'une infraction, leur nom continue à apparaître même s'ils n'ont jamais été trouvés coupables de quelque chose. Et, croyez-le ou non, ça les désavantage vis-à-vis quelqu'un trouvé coupable, qui, après cinq ans, peut demander d'être exonéré, d'avoir un pardon; et avec le pardon son nom n'apparaît plus, alors que la personne qui a été accusée mais jamais condamnée son nom continue à apparaître. La solution – demi-solution – qui avait été proposée par le ministre de la Justice, c'était de dire: Il y aura un accès restreint à ça. Mais les journalistes y ont accès. C'est un peu ce qu'on tente de faire ici. On dit: Il y aura un accès restreint, parce que c'est de l'information qui doit être publique, dans l'intérêt du public.

Mais je pense que vous nous appelez vraiment à regarder ça attentivement, puis je pense que vous avez raison. Il va falloir vraiment qu'on prenne le temps de regarder si on est en train juste d'exprimer un voeu pieux puis qu'on est en train de faire semblant de protéger une information qui est de toute façon publique. Plus ça va, plus j'entends des arguments comme le vôtre, moins je suis persuadé qu'on a encore trouvé la formule, mais je suis prêt à le travailler encore parce que le but recherché demeure quand même valable. Merci pour ce premier point.

Le deuxième. Pour ce qui est de la loi sur le secteur privé, on peut retourner à l'article 63 du projet de loi et on ajoute: «Elle doit notamment, lors de l'utilisation d'une technologie, veiller à ce que le caractère confidentiel des renseignements personnels soit assuré.» Je veux m'assurer d'avoir bien compris votre propos. Vous utilisez l'exemple de l'Internet dans votre mémoire?

M. Medza (Raymond): Oui.

M. Mulcair: Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus pour nous?

M. Guay (Louis H.): Premièrement, je dois vous dire, comme commentaire introductif, qu'il y a peu d'assureurs qui transigent à l'heure actuelle par Internet. Mais l'industrie de l'assurance est une industrie qui évolue très vite, parfois, et je ne serais pas surpris que l'an prochain ou dans deux ans il y ait des assureurs qui commencent à être très actifs à ce niveau-là.

Autrement dit, l'utilisation de la technologie Internet permettrait à quelqu'un, à un assuré, de communiquer avec un assureur pour acheter une police d'assurance. Alors, il ne faudrait pas que... Notre commentaire quant à l'utilisation d'une technologie comme Internet, il ne faudrait pas que... Évidemment, l'assureur qui transige de cette façon-là n'a pas de contrôle, à ma connaissance, sur les informations qui vont circuler alors que les informations sont en cours, si vous voulez, de livraison vers son entreprise. Alors, il ne faudrait pas qu'une entreprise soit pénalisée et soit, si vous voulez, forcée d'exercer un contrôle sur les renseignements alors qu'ils sont en livraison, parce que ce n'est pas des renseignements... elle n'a pas de contrôle sur ces renseignements-là à ce moment-là.

Il est bien de continuer à imposer certaines obligations, peu importe le moyen de transmission utilisé, mais alors que l'entreprise détient effectivement les renseignements. Mais, si les renseignements sont interceptés en cours de route, il ne faudrait pas que l'entreprise soit pénalisée pour ça. Par exemple, si un assuré donnait à un assureur des informations via Internet pour les fins de souscription d'un contrat et que ces informations-là soient détournées par un tiers et servent finalement à d'autres fins, il ne faudrait pas que l'entreprise vers qui ces informations-là étaient dirigées soit pénalisée. Alors, c'est simplement ça. Je ne sais pas si c'est assez clair comme explication.

M. Mulcair: Puis encore une fois, pour nos fins à nous, je ne suis pas sûr qu'on ait réussi à capter l'ajout, ici, comme infraction, parce que ce qui est prévu, ici, à l'article 63, c'est l'ajout d'un nouveau paragraphe qui dit: «Elle doit notamment – c'est-à-dire toute personne qui exploite une entreprise – lors de l'utilisation d'une technologie, veiller à ce que le caractère confidentiel soit assuré», alors que le premier paragraphe prévoyait l'obligation pour cette personne qui exploite l'entreprise et qui recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels sur autrui de prendre et appliquer des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel.

Si on se réfère à la disposition pénale maintenant, à l'article 91, quatrième paragraphe, c'est juste le premier paragraphe qui devient une infraction. Le deuxième paragraphe ne crée pas d'infraction. Alors, si on veut créer l'obligation il faut avoir une manière de l'appliquer, et ça semble avoir...

M. Boisclair: Il y a des difficultés qu'il va falloir corriger.

M. Mulcair: Oui. Je pense qu'il va falloir qu'on travaille ça ensemble. Alors, encore une fois, les détails que vous avez soulevés avec nous aujourd'hui vont nous aider beaucoup lorsqu'on travaillera les détails techniques de la loi. Puis il commence à apparaître que sur les dispositions pénales on a quelques difficultés d'ordre rédactionnel puis on va les travailler ensemble. M. le Président, s'il reste du temps, mon collègue le député d'Outremont, aussi, aurait voulu intervenir.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Regardez. Sur...

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): En vous rappelant qu'il reste deux minutes.

(15 h 20)

M. Boisclair: Oui. Très rapidement. Sur les infractions, il va falloir regarder cette question-là. Pour revenir au questionnement du député, avant-midi ou, je ne sais pas, peut-être à l'occasion de la discussion avec le Conseil du patronat, certaines des infractions étaient déjà dans la loi, et nous les avons reprises mutatis mutandis. Mais je comprends qu'il faut poursuivre notre réflexion pour s'assurer d'une plus grande cohérence. Je partage l'opinion du député.

Sur l'article 64 et vos commentaires à la page 5 du mémoire, nous avions une interprétation différente de celle que vous nous présentez lorsque vous questionnez l'utilisation de l'article 64 pour supprimer les termes «sous réserve du délai prévu par la loi ou par un calendrier de conservation établi par règlement du gouvernement». Je demanderais à des experts qui m'accompagnent, peut-être, de préciser notre pensée ou peut-être... J'invite madame, tout simplement.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.

Mme Poitras (Diane): Diane Poitras.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Allez-y.

Mme Poitras (Diane): La question était: Est-ce que vous avez des décisions de la Commission qui ont conclu que l'utilisation aux fins pour lesquelles... Par exemple, pour vous défendre suite à... pour une procédure judiciaire, est-ce que la Commission a conclu que, ça, c'était une utilisation qui n'était pas pertinente ou nécessaire aux fins... pour l'objet du dossier?

M. Guay (Louis H.): Pas en assurance de dommages.

Mme Poitras (Diane): Pardon?

M. Guay (Louis H.): Pas en assurance de dommages.

M. Boisclair: Donc, vous avez un peu peur d'avoir peur.

M. Guay (Louis H.): On n'est jamais trop prudent.

M. Boisclair: Non. C'est pour ça que les gens s'assurent, ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Guay (Louis H.): Et voilà.

M. Boisclair: C'est pour ça. C'est ce sur quoi vous fondez votre industrie.

M. Guay (Louis H.): Et voilà.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Je vous remercie.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup pour cette présentation.

M. Guay (Louis H.): Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): M. le député d'Outremont, en vous rappelant qu'il vous reste cinq minutes.

M. Laporte: La partie de votre mémoire qui porte sur la problématique du consentement, j'ai trouvé ça très intéressant. En fait, ce que vous dites, si j'ai bien compris... En fait, même pas ce que vous dites, ce qui arrive, si on lit votre mémoire, c'est que ce qu'a fait la commission c'est un bel exemple de la redéfinition d'un concept par le recours à un indicateur. En d'autres mots, on a utilisé, comme indicateur de consentement manifeste, libre et éclairé, le «consigner par écrit». On est donc en train de parler d'un consentement par écrit et pas d'un consentement manifeste, libre et éclairé.

Donc, vous, ce que vous dites, c'est que par voie téléphonique, par exemple, on pourrait obtenir un consentement qui correspondrait à la notion de consentement, ici, sans que ça soit par écrit. C'est ce que vous êtes... Enfin, vous trouvez que cette interprétation-là est restrictive. Et, moi, je partage votre opinion là-dessus.

Il y a une question que je voudrais vous poser, c'est que, dans le cas d'une compagnie d'assurances, les renseignements que vous obtenez par téléphone, est-ce qu'ils sont enregistrés, dans certains cas?

M. Medza (Raymond): Non. La plupart du temps... Sauf quand on fait une vérification du travail pour des compagnies qui transigent directement avec le public, comme ce serait le cas, par exemple, pour le Groupe Desjardins, il est possible qu'on enregistre, à l'occasion, des conversations pour voir si on répond bien à la clientèle, si on ne fait pas d'erreurs, et ainsi de suite; c'est une question de contrôle de la qualité, mais ce n'est pas une pratique. Un assureur, un courtier ne fera pas non plus d'enregistrement, sauf si ce n'est peut-être pour vérifier la qualité du travail.

Ce que nous proposons, c'est que, en lieu de consentement, plutôt que de demander un consentement en disant «Êtes-vous d'accord à me donner votre consentement pour que j'aille fouiller un peu partout?», nous, on dit: Est-ce que la modalité de l'avis formel par lequel je vous indique que je vais aller à tel endroit et que, si j'obtiens de l'information, je vais vous la transmettre... ça m'oblige à des choses auxquelles je suis déjà convaincu, mais je n'ai pas besoin d'un consentement. Parce que, quand vous demandez un contrat d'assurance, il est certain que vous devez vous attendre à avoir des questions sur vos accidents, sur votre permis de conduire, et autres.

Alors, tout ce que je vous dis, c'est, plutôt que de vous demander un consentement qui est forcé – il n'est plus libre – est-ce que vous ne seriez pas mieux de nous demander un avis formel comme quoi je vais aller vérifier votre permis de conduire, je vais aller vérifier vos accidents, comme, c'est le cas, par exemple, comme c'est spécifié à l'article 179 de la loi sur l'assurance automobile. Je ne sais pas si tu veux rajouter...

M. Laporte: Mais, ça, ça pourrait se faire par écrit, mais pas nécessairement.

M. Medza (Raymond): Ça pourrait se faire par écrit. Dans le cas de l'assurance automobile, à chaque fois qu'on envoie un paiement de réclamation, c'est inscrit sur le chèque que l'information qui est ici va être transmise dans un fichier que je pourrai transmettre à quelqu'un d'autre. Alors, voyez-vous, la personne le sait.

M. Laporte: Oui, oui. D'accord. Et ça, pour vous, c'est un consentement manifeste, libre et éclairé?

M. Medza (Raymond): Non. Ça, ça serait mieux que le consentement manifeste qui porte à confusion.

M. Laporte: D'accord, d'accord, d'accord. Mais vous l'appelleriez comment, à ce moment-là?

M. Medza (Raymond): Ce serait l'avis formel.

M. Laporte: L'avis formel. Vous n'avez pas l'impression que votre recommandation est retenue dans le projet de loi qu'on a devant nous?

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Medza (Raymond): Dans la formulation de la loi, actuellement, je pense que, à moins de nous singulariser à l'intérieur de la loi – ce que je ne crois pas que ce soit une option... On dit: Un consentement manifeste et éclairé et si les tendances... Peut-être que les tribunaux se prononceraient différemment, mais, si on est capable d'éviter le problème d'aller faire trancher une loi qu'on est en train de préparer par les tribunaux en utilisant un moyen qui est plus direct et plus clair, alors évitons-le. C'est une suggestion qu'on essaie de faire sans se singulariser de cette... mais c'est reconnaître l'aspect particulier.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci de votre présentation et de votre contribution à nos travaux.

(Changement d'organisme)

J'invite maintenant les représentants et représentantes de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins à se présenter devant nous, s'il vous plaît. Nous vous souhaitons la plus cordiale bienvenue. Je vous rappelle un peu la teneur de nos travaux. On a environ 45 minutes ensemble; vous avez 15 minutes pour faire la présentation de votre mémoire, et ensuite il y a un échange de part et d'autre, 15 minutes, de chaque côté de la présidence. Si vous voulez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Bienvenue parmi nous.


La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec

M. Morency (Yves): Parfait. Mon nom est Yves Morency, je suis secrétaire aux relations intergouvernementales à La Confédération. À ma droite, Me Linda Poulin, de La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins, et, à ma gauche, Me François Cholette, de l'Assurance-vie Desjardins-Laurentienne.

Le Mouvement des caisses Desjardins remercie les membres de la commission de la culture de l'avoir invité à nouveau à échanger avec eux sur cet important sujet du respect de la vie privée et de la protection des renseignements personnels. Par considération pour nos membres et nos clients, le Mouvement Desjardins porte une attention toute spéciale à la protection des renseignements personnels qui lui sont confiés. Un tel engagement constitue pour nous un élément indissociable de nos pratiques d'affaires.

Notre mémoire, que vous avez devant vous, comporte deux parties dont l'une commente certaines modifications proposées par le projet de loi à l'étude, et, dans un deuxième temps, propose d'autres modifications. De façon générale, le Mouvement Desjardins approuve l'ensemble des modifications proposées par le projet de loi qui concerne la loi sur le secteur privé. Toutefois, il propose des suggestions visant davantage à faciliter l'interprétation et l'application de certaines modifications qui sont préconisées de façon à ce que toutes les parties concernées par ces changements, soit les entreprises privées et les consommateurs, aient la même compréhension et interprétation des textes de loi.

L'un des commentaires les plus importants pour le Mouvement Desjardins concerne l'article 66 du projet de loi, qui vise à faire modifier l'article 14 de la loi sur le secteur privé. La modification proposée consiste à ce que le consentement à la collecte de renseignements personnels par une entreprise privée respecte les mêmes critères que le consentement actuel à la communication ou à l'utilisation de ces renseignements.

(15 h 30)

Permettez-moi de rappeler les critères que doivent rencontrer actuellement ces consentements. Vous savez tous qu'ils doivent être libres, manifestes, éclairés et donnés à des fins spécifiques. C'est particulièrement cette dernière caractéristique, «donnés à des fins spécifiques», qui, selon nous, serait problématique si la modification proposée par retenue. En effet, actuellement la loi sur le secteur privé fait en sorte qu'une entreprise peut exiger qu'une personne lui communique des renseignements personnels dans les cas suivants: lorsque les renseignements demandés sont nécessaires à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat et lorsque les renseignements demandés sont nécessaires à l'objet du dossier. Toutefois, cela n'empêche pas une entreprise privée de recueillir d'autres renseignements que ceux qui sont nécessaires lors de la conclusion d'un contrat avec un consommateur, pourvu que les renseignements demandés soient pertinents à l'objet du dossier du consommateur chez l'entreprise et que le consommateur y consente.

Si la modification proposée par l'article 66 du projet était retenue, cela signifierait que, dans le cas où une personne accepterait volontairement de communiquer à une entreprise des renseignements la concernant, renseignements conformes à l'objet du dossier déclaré par l'entreprise, cette dernière devrait expliquer au consommateur toutes les fins auxquelles de tels renseignements pourraient être utilisés et obtenir alors du consommateur un consentement manifeste et éclairé. Par exemple, pour une caisse, cela signifierait qu'elle devrait mentionner à son membre que de tels renseignements pourraient être utilisés pour des fins de sollicitation à tel ou tel produit défini précisément, pour des fins de statistiques, pour des fins de développement de nouveaux produits, pour des fins de recherche ou d'analyse prédéterminée, et j'en passe.

On constate que la transmission de telles informations de la part de la caisse serait difficilement conciliable avec les exigences de ce même article, qui veulent que le membre donne un consentement éclairé et à des fins spécifiques à la cueillette de renseignements personnels le concernant. Une telle modification serait-elle très lourde de conséquences, notamment pour les institutions financières, et ce, en raison de la nature de la relation qu'elles entretiennent avec leurs membres et clients et de la nature des opérations qu'elles effectuent avec eux? À cela, bien sûr, s'ajoute le fait que cette loi sur le secteur privé ne semble pas être appliquée et respectée avec la même vigueur par tous les intervenants au Québec, entre autres les institutions financières à charte fédérale, pour des motifs de juridiction constitutionnelle, et qu'on ne perçoit pas de volonté manifeste, de la part du gouvernement fédéral, d'harmoniser ses lois en conséquence.

Pour ces raisons, le Mouvement Desjardins croit que le législateur pourrait atteindre les fins recherchées par la modification préconisée en précisant plutôt dans la loi sur le secteur privé qu'une personne peut retirer en tout temps le droit à une entreprise d'utiliser des renseignements qu'elle a recueillis légalement, c'est-à-dire conformément à l'objet du dossier, lorsque ces renseignements n'étaient pas nécessaires à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat. En procédant de la sorte, le respect de la vie privée des consommateurs serait protégé, tout en permettant aux entreprises privées de les servir plus efficacement et de demeurer compétitives avec leurs concurrents qui ont tendance à appliquer moins rigoureusement certaines dispositions de la loi actuelle.

Je vous rappelle ici que, lorsqu'on s'était présentés devant vous à la dernière commission, on vous avait remis un petit document de la Banque TD qu'elle avait transmis à ses consommateurs et qui disait: La confidentialité et vous: voyez comment le Groupe TD protège la confidentialité. Et, si vous n'aviez pas répondu avant telle date, le Groupe TD se sentait libre de faire circuler l'information qu'il détenait sur vous dans tous les éléments du Groupe puis dans toutes les filiales: banque, valeurs mobilières TD, fiducie TD, également compagnie d'assurances sur la vie. Alors, c'était quand même un consentement qui était large, et, à ma connaissance, je ne pense pas que la Commission se soit penchée sur une telle pratique ni que le gouvernement soit intervenu auprès de la Banque TD pour lui dire que de telles pratiques n'étaient pas acceptables au niveau de la loi. Alors, quand on parle des éléments concurrentiels, c'est à ça un petit peu qu'on fait référence.

Un autre aspect sur lequel nous désirons attirer votre attention concerne la proposition d'insérer l'article 18.2 à la loi sur le secteur privé. Permettez-moi de rappeler que cet article ferait en sorte qu'une entreprise pourrait, sans le consentement des personnes concernées, communiquer à un tiers un renseignement qui a un caractère public en vertu de la loi. Dans son mémoire, le Mouvement Desjardins a demandé de préciser en quoi consiste un renseignement à caractère public et également dans quelles situations un tel renseignement pouvait être communiqué.

Une des situations importantes pour nous, pour laquelle il désirerait communiquer des renseignements personnels à un tiers sans le consentement de la personne concernée, serait dans le cas où l'une des ses composantes se fait attaquer en public sur un cas en particulier et où malheureusement il ne peut se défendre parce que, pour ce faire, il doit invoquer des renseignements personnels concernant le plaignant, lequel, vous l'imaginez sans doute, ne consent pas à une telle communication. Permettre une ouverture en de telles circonstances exceptionnelles est indispensable pour protéger l'intérêt de l'entreprise et son image. On n'a qu'à penser à certains reportages qui ont paru récemment dans les journaux concernant les plaintes qui ont été reçues sur les chèques sans provision, les assemblées de caisse, les attaques dans les médias, etc., et j'en passe.

Un autre commentaire sur lequel nous désirons attirer particulièrement votre attention aujourd'hui concerne l'article 97 de la loi sur le secteur privé, auquel aucune modification n'a été proposée par le projet de loi n° 451. Ainsi, en considération de différentes obligations auxquelles les caisses Desjardins sont tenues, cet article permet à ces dernières, aux fédérations auxquelles elles sont affiliées, à La Confédération et à la Caisse centrale Desjardins de se communiquer des renseignements sur une personne physique lorsque cela est nécessaire à la fourniture d'un bien ou à la prestation d'un service.

Considérant qu'en droit le mot «nécessaire» doit être interprété dans le sens d'«indispensable», il arrive dans bien des cas qu'une communication de renseignements entre ces composantes soit très pertinente sans pour autant être indispensable à la fourniture d'un bien ou à la prestation d'un service. En conséquence, si le mot «nécessaire» mentionné à l'article 97 était modifié pour «pertinent», les composantes du Mouvement Desjardins visées par cet article – caisses, fédérations, Confédération, Caisse centrale – pourraient mieux comprendre certains besoins financiers de leurs membres et ainsi leur offrir de meilleurs services financiers adaptés à ces besoins.

D'autre part, nous désirons attirer votre attention sur la disposition concernant l'accès aux notes personnelles inscrites dans un dossier. À cet égard, le Mouvement Desjardins souhaite une concordance entre la loi publique et la loi privée. Ainsi, au même titre que l'article 9 de la loi sur l'accès, Desjardins est d'avis que le droit d'accès d'une personne ne devrait pas s'étendre aux notes personnelles inscrites dans un dossier ni aux brouillons, notes préparatoires et autres documents de même nature. Avec votre permission et si le temps nous le permet d'ici la fin de cette audience, nous apprécierions, lors de nos échanges, vous exposer nos réserves sur cet aspect.

Par ailleurs, le Mouvement Desjardins souhaiterait que le libellé de l'article 39 du Code civil, qui prescrit qu'une personne peut refuser l'accès à des renseignements personnels lorsqu'elle a un intérêt sérieux et légitime à le faire, soit reproduit comme principe général dans la loi privée. En effet, à ce jour, la Commission d'accès à l'information se refuse à appliquer cet article.

Enfin, le Mouvement Desjardins apprécierait aussi que des ajustements soient apportés à la loi pour qu'une entreprise qui a communiqué un renseignement personnel à un tiers et qui aurait une exception au droit d'accès à faire valoir puisse intervenir lorsqu'une demande d'accès est formulée auprès de ce tiers. Nous rejoignons ainsi une préoccupation qui vous a été exprimée, entre autres, par le Barreau lors de cette commission.

En guise de conclusion, j'aimerais vous rappeler à nouveau, comme je l'avais indiqué au début, que le Mouvement Desjardins se dit en accord avec la très grande majorité des changements qui sont proposés par le projet de loi n° 451, tout comme il avait appuyé l'adoption de la loi 68 telle que proposée par le gouvernement précédent. Toutefois, il croit que des précisions devraient être apportées à certaines modifications afin que toutes les personnes concernées par cette loi en aient la même compréhension et la même interprétation et que celle-ci, la plus avancée en matière de respect de la vie privée et de protection de renseignements personnels en Amérique du Nord, soit la plus claire possible et continue d'être un exemple et une fierté pour nous tous. Alors, je vous remercie de votre attention, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions de clarification.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, Me Morency. M. le ministre.

M. Boisclair: M. Morency, madame, monsieur, bienvenue en commission parlementaire. D'abord, je voudrais vous dire d'entrée de jeu qu'on ne pourra pas régler ici aujourd'hui l'ensemble des questions que vous soulevez dans un échange de 15 minutes, c'est impossible de le faire. Mais je vais d'abord vous donner la garantie que je mettrai à votre disposition le personnel requis pour qu'on puisse échanger plus longuement sur les problématiques que vous soulevez.

M. Morency (Yves): Nous apprécions grandement.

M. Boisclair: À cet égard, vous connaissez Me Jules Brière qui a travaillé comme conseiller à mes côtés pour rédaction et cheminement de ce projet de loi. Je pense qu'on peut anticiper le plaisir d'une rencontre à assez court terme entre les représentants de vos services – ou vous-même, si vous le souhaitez – Me Brière et des gens qui travaillent chez nous pour faire le point sur un certain nombre de questions que vous soulevez.

M. Morency (Yves): Nous l'apprécions beaucoup, M. le ministre.

M. Boisclair: J'apprécie surtout le ton de votre mémoire qui, si vous me permettez un commentaire un peu personnel, tranche avec celui que j'avais entendu précédemment, et j'apprécie le fait que vous témoignez, bien sûr, de vos intérêts commerciaux, ce qui est tout à fait légitime, mais que vous nous avez fait la démonstration que vous êtes capables de témoigner d'autres genres de préoccupations et que notre vivre ensemble vous préoccupe certainement de la même façon que, de façon tout à fait légitime, vos intérêts commerciaux vous préoccupent.

(15 h 40)

Peut-être un certain nombre de choses. Rapidement, je peux vous donner des indications. Sur l'article 66, la façon dont on le conçoit, c'est que le consentement qui était requis pour la collecte était un consentement qu'on a toujours eu. Dans l'esprit du législateur, au moment où la loi a été rédigée, il était clair pour nous que le consentement devait être requis à des fins spécifiques. À la limite, dans les notes qu'on avait préparées sur le projet de loi, on avait dit qu'il s'agissait là de modifications de concordance et qu'on pouvait certainement se questionner sur la pertinence, effectivement, d'informer dès le moment de la cueillette – non seulement uniquement au moment de l'échange, mais au moment de la cueillette – des fins pour lesquelles on requiert les renseignements. Je comprends que cette question soulève des préoccupations sérieuses chez vous. Faudra la revoir, mais il y a quand même une volonté de faire preuve d'une certaine cohérence. Si c'est vrai pour l'échange, ça devrait être vrai aussi pour la cueillette.

Concernant l'article 67 sur le recouvrement des créances, nous sommes d'accord qu'il faut retenir la suggestion que vous nous faites. Donc, il est possible de prévoir le dépôt d'un amendement. À l'article 68, vous estimez que l'expression «services d'archives agréé» est trop limitative. J'ai eu l'occasion ce matin d'indiquer aux gens qui s'intéressent aux questions de généalogie, aux sociétés d'histoire que je discuterais de cette question avec ma collègue Louise Beaudoin. Il faudra voir si la réglementation qui s'applique aux services agréés devra s'appliquer à d'autres types d'organismes qui font un travail similaire. L'objectif est de s'assurer de la confidentialité. Il n'y a que 23 services d'archives qui sont agréés, mais il y aura peut-être lieu d'étendre effectivement à d'autres services, à d'autres sociétés la possibilité de recevoir en dépôt des renseignements.

Le délai de 150 ans, j'apprécie, je prends note de cet appui. Cent cinquante ans, c'était là pour partir le débat, puisque, Me Morency, les membres de votre propre corporation professionnelle disent que 150 ans, c'est déjà trop court et qu'il faudrait resserrer même le 150 ans.

M. Morency (Yves): Même si la longévité tend à augmenter? Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Voilà. Alors, la proposition qui risque de venir, c'est 100 ans, et de s'inspirer de la Loi sur les archives, si ma mémoire est juste, pour des amendements à la loi.

À 69, il faudra préciser, vous faites bien de nous le rappeler. Quant aux autres articles, je pourrai revenir sur d'autres questions, mais, sur l'article 81, je tiens à préciser. Vous craignez que, parce qu'on permet à un commissaire de siéger à un banc... Bon. Vous vous inquiétez, vous dites: L'information juridique n'est pas toujours partagée par tous les membres de la Commission. C'est le cas d'une seule personne à la Commission, en ce moment, et je pense que nul tribunal n'est à l'abri de contradictions dans ses décisions. Je pense cependant qu'il est utile que la Commission puisse siéger à un banc. C'est réclamé de longue date par bien des gens. Et, sur 81, je vous indique qu'il est peu probable, à moins que, dans des discussions ultérieures... Je pense que l'opposition aussi souscrit à cette proposition. Il est peu probable qu'il y ait des modifications.

À 84, faut revoir la rédaction. C'est une question de rédaction. Déjà, le député de Chomedey nous a fait part d'un certain nombre de préoccupations que nous-mêmes n'avions pas soulevées. Nous convenons qu'il faut, sur les dispositions pénales, revoir un certain nombre de choses.

C'est surtout quant aux autres sujets qu'il faudra poursuivre la discussion, particulièrement sur le critère de nécessité versus le critère de pertinence. Il y a déjà tout un débat qui est loin d'être simple. Ça me fait penser un peu au débat sur le «peut» et le «doit». Alors, je pense qu'il faudra poursuivre cette discussion. Mais je vous remercie, c'est un mémoire qui sera pris très au sérieux. Et j'apprécie votre contribution à cette réflexion des parlementaires.

M. Morency (Yves): Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le ministre. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président.

M. Boisclair: Si vous avez peut-être des commentaires, n'hésitez pas, hein?

M. Morency (Yves): Non, ça va. Tout simplement pour vous dire qu'on apprécie l'ouverture que vous manifestez et aussi certains ajustements dont vous nous avez fait part. Soyez assuré qu'on va entrer en communication avec vos gens pour justement débattre de certains éléments et préciser certains points qui mériteraient d'être... améliorer la compréhension, quand même, qu'on peut avoir de part et d'autre des éléments qui sont en présence. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Mouvement Desjardins. J'aimerais commencer avec quelque chose que M. Morency a mentionné au début juste pour avoir une précision là-dessus. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus long sur la difficulté que vous éprouvez avec la Banque TD par rapport à vos propres obligations? Dans un premier temps, j'aimerais en savoir un peu plus sur l'exemple que vous avez donné. Je sais qu'il en a déjà été question, mais, si je vous ai bien compris, vous étiez en train de reprocher le fait que la Commission ne s'était jamais prononcée sur cette pratique-là, si j'ai bien compris.

M. Morency (Yves): Bien, à notre connaissance, on n'a pas entendu parler que, même si on l'avait soumis ici, on s'était penché sur cette problématique-là. Ce qu'on voulait surtout illustrer, ce n'est pas tant cet exemple-là, mais porter à l'attention du gouvernement et de cette commission que, Desjardins ou tout autre organisme dans le secteur privé, nous sommes en concurrence avec des gens qui sont légiférés à l'extérieur du Québec, et notamment les banques.

Vous savez, souvent les banques viennent ici en ce qui concerne les lois de la protection de la vie privée, les lois de protection du consommateur, et, d'entrée de jeu, ce qu'elles vous disent, et même sur 188, c'est qu'elles sont de juridiction fédérale, de sorte que tout ce qui s'applique à elles ne doit pas être légiféré à l'extérieur du gouvernement fédéral. Alors, on dit: Écoutez, faudrait quand même faire attention, ne pas mettre dans une situation désavantageuse sur le plan concurrentiel une institution ou des institutions qui sont réglementées par le gouvernement du Québec. Alors, on portait à votre attention cet élément-là, entre autres, en vous disant que le Groupe TD, quand il dit: Moi, l'information, je vais la faire circuler librement, à moins que vous me disiez que le consommateur, le client dit: Non, je ne voudrais pas que tu le fasses, mais à toutes mes filiales ou à toutes mes composantes du Groupe, nous, dans la loi, ce que nous avons comme restriction ou permission, c'est que l'information circule, mais à l'intérieur de ce qu'on appelle, entre guillemets, notre réseau bancaire, donc caisses, fédérations, Confédération, Caisse centrale. Mais l'accès pour cette communication-là ne se fait pas vers nos filiales. Alors, on voit, ici, que TD ne se gêne pas pour dire: Moi, l'information, je vais la véhiculer dans mon réseau bancaire, dans mon réseau de valeurs mobilières, dans mon réseau de fiducie, dans mon réseau de... C'est un peu ça qu'on voulait porter à votre attention, juste pour montrer qu'il faut...

M. Mulcair: Le 188 auquel vous référez, c'était le...

M. Morency (Yves): La Loi sur la distribution de produits et services financiers.

M. Mulcair: Exact, ce dont il a été fortement question avant l'été.

M. Morency (Yves): Longuement débattu, oui.

M. Mulcair: Moi, je voudrais juste m'assurer de bien vous comprendre parce que mon expérience a toujours été que, malgré le fait qu'effectivement les banques sont du ressort du gouvernement fédéral et du Parlement d'Ottawa, elles ont toujours accepté volontairement d'obtempérer aux dispositions de la Loi québécoise de protection du consommateur. Lorsque cela était plus serré, elles le respectaient, que ce soit dans leurs formulaires ou autrement. Est-ce que ce n'est pas votre expérience?

Mme Poulin (Linda): Par rapport justement à l'exemple de la Banque TD, parce qu'on a vu aussi un cas que les banques ont adopté, là, que l'ABC a adopté par rapport aux renseignements personnels, il y a toutes sortes d'exemples là-dedans, comme par exemple quand quelqu'un attaque la banque en public. Bien, la banque, elle, c'est comme si elle était relevée de son devoir de confidentialité, et elle peut, à ce moment-là, elle, faire voir son côté de la médaille.

Concernant le consentement manifeste, ici, la Banque TD, bon... On sait que l'article 14 de la loi vient dire que le consentement, la communication doit être, entre autres, manifeste. Alors, tantôt j'entendais un peu: «Manifeste», est-ce que ça doit être écrit? Personnellement, je ne pense pas que ce soit écrit. Le problème qu'on a souvent, c'est: Quand ce n'est pas écrit, comment on va pouvoir le prouver si quelqu'un vient nous dire qu'il y a un problème? Alors, on peut avoir toutes sortes de moyens technologiques, que ce soit par des enregistrements de téléphone ou par...

Par exemple, à un moment donné, on songeait peut-être à faire que la personne, quand elle va, supposons, au guichet automatique, si on lui pose une question: Consentez-vous à telle chose? recomposez votre NIP pour nous confirmer que ça équivaut, bien, à ce moment-là, ça équivaut à une signature électronique. De toute façon, le Code civil reconnaît maintenant la signature électronique, sauf que, «manifeste», il faut que la personne ait fait quelque chose, alors que la publicité de la Banque TD... C'est qu'elle envoie la publicité à tout son monde et qu'elle dit: Si vous ne faites rien avant le 30 août, je prends pour acquis que vous avez dit oui. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on se dit: Le «manifeste», là, en tout cas, à notre avis, il n'est pas trop respecté.

M. Mulcair: Oui, c'est ce que certaines compagnies de câblevision ont fait aussi pour le choix des chaînes, et tout ça, «opting out versus opting in», comme on dit en anglais.

Mme Poulin (Linda): Oui.

(15 h 50)

M. Mulcair: O.K. Mais la question était quand même de savoir si, dans votre expérience, les banques à charte fédérale suivaient, oui ou non, les lois québécoises. Les exemples que je peux donner sont relativement bien connus, c'est la Loi sur la protection du consommateur. Encore une fois, mon expérience, c'est que oui. Il y a même souvent, en haut de leurs formulaires, des références à des dispositions spécifiques de la loi québécoise à cet égard-là, à la Charte de la langue française qui, objectivement, légalement, constitutionnellement, ne s'appliquerait pas à l'affichage sur ou dans une banque à charte. Pourtant, ça fait 20 ans que les banques à charte disent: Comme bons citoyens corporatifs, on va suivre cette loi-là.

Alors, selon l'expérience que vous avez vécue, est-ce que vous êtes en train de nous dire que, généralement, c'est différent dans le domaine de la protection de la vie privée et de la protection des renseignements ou est-ce que c'est un cas d'espèce, ce que vous soulevez à propos de la Banque TD?

M. Morency (Yves): Non. Je vous dirais que, dans l'ensemble, je ne veux pas, ici, minimiser l'observation que les institutions financières fédérales font des lois québécoises. Je ne veux pas faire de cas d'espèce, mais les banques, en général, l'observent dans la mesure où elles doivent respecter de façon très générale les éléments de ces lois-là.

Je vous donnais l'exemple, tout à l'heure – vous le mentionniez – de la loi de PC, la Loi de protection du consommateur. Les banques ont fait, au cours des 10 dernières années, du crédit à taux variable, et nous n'y avons pas droit. Ce n'est qu'il y a deux ans que finalement on a permis à Desjardins de pouvoir consentir du crédit à taux variable, alors que les banques ne s'en sont jamais préoccupées, de la loi de PC. Alors, c'est un peu dans ce sens-là.

Je ne voudrais pas, quand même, prendre chacun des exemples, mais je vous dis que, quand les institutions financières à charte fédérale, ça fait leur affaire d'observer les lois, elles les observent de façon générale. Je ne vous dirais pas que c'est... mais il y a quand même des exceptions. À ce moment-là, on n'intervient pas.

Mme Poulin (Linda): Et, si je peux me permettre, par exemple dans le code qui a été fait par l'ABC, quand on vient pour définir «banque», on dit: «Le code de confidentialité de chaque banque doit définir clairement quelles sont les filiales comprises dans le mot "banque".» Alors, pour nous autres, on ne peut pas dire: Voici, le mot «caisse», ça comprend telles filiales. Une caisse, c'est une caisse, et une banque, c'est une banque, alors que, eux autres, ils viennent dire: Tout dépendant comment la banque va définir, elle peut inclure les filiales avec ça.

On vient dire aussi «consentement», bon, un acquiescement libre. On dit: «Il y a consentement implicite lorsque l'action ou l'inaction d'un client permet de déduire raisonnablement qu'il y a consentement.» Alors, est-ce que c'est manifeste? Alors, là, c'est un document qui a peut-être un quart de pouce, mais... Il y a plusieurs exemples, notamment au sens de la vie privée.

M. Mulcair: Bon, M. le Président, la prochaine question qu'on va tenter, ça concerne justement un rapport qui a été rendu public dans le temps du débat ici, au Parlement, sur le projet de loi n° 188 et qui tendait à démontrer, tout comme certaines constatations de groupes de consommateurs – des ACEF à Montréal, notamment – que, lorsque l'on refuse un consentement, même un consentement assez large, que ça soit auprès d'une banque ou d'une caisse, très souvent le service va être refusé, même si le service, normalement, ne devrait pas dépendre du consentement en question. Avez-vous pris connaissance du rapport qui est sorti avant l'été? Et, si oui, quels sont vos commentaires? Et êtes-vous en train de suivre ce dossier-là avec nous et avec les associations de consommateurs?

M. Morency (Yves): Je dirais que, par rapport aux associations de consommateurs, sur une base biannuelle nous les rencontrons, et les associations nous exposent leurs problèmes, et avec elles nous essayons de trouver des solutions. Mais, par rapport à ce document dont vous faites mention, on n'a pas eu l'occasion de rencontrer les associations de consommateurs; ça va se faire à l'automne, et il est fort possible que cette question-là revienne sur le tapis. On essaie quand même avec elles de trouver des façons d'améliorer ce qu'elles perçoivent, ce qu'elles nous disent qui ne va pas dans certaines questions comme la question des consentements. Alors, ce sont des discussions que nous avons régulièrement avec les différentes associations de consommateurs. Mais, spécifiquement, moi personnellement, pour l'instant, là... On n'a pas nécessairement une connaissance approfondie du rapport.

M. Mulcair: Merci.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci, M. le député de Chomedey. M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Rapidement, je pense que ce sont non seulement les perceptions, mais parfois les pratiques qu'il faut améliorer. Il y a encore sur le terrain trop de situations qui sont portées à l'attention des députés quels qu'ils soient, de quelque parti que ce soit. D'aucune façon je ne voudrais mettre en cause la bonne foi des dirigeants de Desjardins et leur détermination à faire en sorte que les principes auxquels ils adhèrent se traduisent dans la réalité, mais on sait que sur le terrain il y a des difficultés. Je ne citerai que mon exemple. Il y a quelques années de cela, j'en conviens, à la Caisse populaire Saint-Marc de Rosemont, on a refusé de m'ouvrir un compte parce que je ne voulais pas me faire prendre en photo. À l'époque, cette information-là était numérisée, et Dieu sait de quelle façon est conservé ça, mais c'était vraiment un système des plus sophistiqués. Donc, il y a encore des difficultés.

Tout récemment, par une institution concurrente – et ce n'est pas du tout Desjardins, c'est une institution concurrente – je me suis fait solliciter pour de la vente d'assurance par mon émetteur de cartes de crédit, et, sur le terrain, au-delà des paroles, un peu comme nous, au-delà des lois que, nous-mêmes, nous adoptons, il y a des efforts à faire au niveau de l'éducation pour faire en sorte que les principes que nous partageons se traduisent dans la réalité.

Je pense que, de la même façon qu'au gouvernement nous tentons de développer une expertise pour, par la suite, former des gens, les répondants dans chacun des ministères doivent avoir accès à une formation, devront être informés des nouvelles dispositions de la loi. À l'époque, il y a toutes sortes de formules qui ont existé, il s'est donné des cours à l'ENAP, il y a une association aussi de gens qui ont la responsabilité de voir à l'application de la loi, des gens qui se réunissent, qui organisent des colloques, qui font de la formation. Donc, j'invite les gens de Desjardins, les gens de l'entreprise privée, de façon générale, à copier ce genre de pratique, puisque le vrai test, c'est aussi sur le terrain.

M. Morency (Yves): C'est ça.

M. Boisclair: Le député de Chomedey, à plusieurs reprises, a fait des commentaires qui étaient pertinents. On peut voter des choses, mais, en bout de course, on ne peut pas uniquement se fier sur la sanction possible, prévue à la loi, pour s'assurer du respect des dispositions de la loi. Je pense qu'il faut aussi miser énormément sur la question de l'éducation et je compte sur votre engagement pour y arriver.

M. Morency (Yves): Vous avez tout à fait raison, et c'est la raison pour laquelle régulièrement, nous, nous envoyons des directives. Et, à l'occasion, nous sentons le besoin de revenir pour sensibiliser à nouveau les personnes au fait que les questions de confidentialité et les questions d'accessibilité sont nettement importantes.

Pour revenir juste sur l'exemple que vous mentionniez de votre photo, nous avons regardé dans nos directives et c'est une mesure qui est non obligatoire, qui est facultative. Donc, tout peut dépendre de l'interprétation qu'on en donne.

M. Boisclair: C'est difficile pour le client parce que le client ne se promène pas avec votre guide de mesures, de directives, et tout ça. Ha, ha, ha!

M. Morency (Yves): Mais il n'y a pas d'obligation.

M. Boisclair: Le client, quand il se fait dire par un gérant de caisse: Je n'ouvre pas ton compte, là...

Dernière petite question. Les gens du BAC nous ont présenté un argumentaire juridique relativement intéressant pour l'assurance de dommages en ce qui a trait au consentement qui, selon eux, n'aurait pas à être requis, puisque indirectement requis par les dispositions du Code civil. Vous avez assisté à cette présentation, tout à l'heure?

M. Morency (Yves): À la toute fin.

M. Boisclair: En tout cas, ce serait intéressant d'avoir votre opinion, sans vouloir pervertir d'aucune façon l'argumentation du Bureau d'assurance du Canada. Mais ce que je comprends, c'est que ces gens argumentent que le consentement pour l'assurance de dommages n'a pas nécessairement à être requis, puisque déjà requis par les articles 2408 et suivants du Code civil et que déjà la loi d'accès prévoit le fait que, lorsque des informations sont requises pour l'application d'une loi, le consentement n'est pas nécessairement requis. Donc, il y a certainement lieu, sur la question du consentement, de pousser la réflexion et de voir si véritablement la loi cause problème. Je vous invite à prendre connaissance du mémoire du BAC qui nous fait une présentation certainement originale. C'est une démonstration qui nous apparaît tout à fait fondée, qui pourrait peut-être clarifier votre point de vue sur les questions de consentement, et je vous invite à étudier attentivement cette analyse.

M. Morency (Yves): On pourra en discuter avec les gens auxquels vous avez fait référence.

M. Boisclair: Oui, tout à fait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci de votre présentation, merci de votre contribution à nos travaux. Si vous nous le permettez, nous allons suspendre nos travaux pour environ deux, trois minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Nous reprenons donc nos travaux. J'en profite pour souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec. Je vous rappelle que nous avons environ 45 minutes ensemble: la présentation de votre mémoire, environ 15 minutes, et l'échange avec les deux côtés de la présidence, les 30 autres minutes réparties également. Donc, je vous souhaite la bienvenue, puis allez-y pour votre mémoire, s'il vous plaît.


Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec (AMEQ)

M. Dussault (Manuel): Merci, M. le Président. Alors, membres de la commission, M. le ministre, j'aimerais vous présenter, à ma droite, Me John Dolfato, qui est le président du comité environnement de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec. Mon nom est Manuel Dussault et je suis directeur de la recherche et de l'analyse.

Comme vous le savez, l'Alliance est vouée à la promotion de la compétitivité de l'industrie québécoise et à la croissance de ses exportations. Les manufacturiers et les exportateurs du Québec sont les créateurs de richesse de notre économie. Ils oeuvrent dans un marché de plus en plus concurrentiel. Le secteur manufacturier représente 26 % de l'économie et 19 % des emplois au Québec et les exportations sont source de croissance. Les dernières statistiques indiquent qu'en 1998 les exportations ont crû de 11 %.

L'Alliance désire, en premier lieu, vous remercier de lui fournir l'occasion de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 451. On tient aussi à souligner la pertinence de la décision du législateur de prévoir, sur les questions d'accès à l'information et de protection de la vie privée, un régime de révision statutaire. On a déjà comparu devant vous l'automne dernier à ce sujet et plusieurs des recommandations de l'Alliance ont trouvé réponse dans le projet de loi n° 451.

Pour les fins de notre présente comparution, on tient à insister d'abord sur l'article 10 du projet de loi n° 451, qui, à notre avis, peut avoir un impact important sur la compétitivité des manufacturiers et des exportateurs du Québec. Il s'agit, en fait, du processus d'avis aux tiers. Comme on le soulignait dans notre dernier mémoire: «Si le législateur ne veut pas que la loi sur l'accès du Québec serve à affaiblir nos entreprises et à les rendre plus vulnérables à l'égard des compétiteurs et s'il veut éviter que les investissements en recherche et développement soient dirigés vers d'autres juridictions qui protègent mieux la confidentialité des secrets commerciaux et industriels, il doit continuer à offrir dans cette loi des garanties à ces égards.»

Selon l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, les changements proposés par le projet de loi n° 451 ne protègent pas suffisamment les droits des tiers. Me Dolfato présentera l'argumentation plus précise à ce sujet.

Enfin, l'Alliance appuie évidemment le fait que les entreprises doivent assurer la protection des renseignements privés qu'elles détiennent et respecter la vie privée des employés, des clients et des tiers. Cependant, le projet de loi n° 451, loin de réviser en profondeur les mécanismes de protection actuels comme nous l'avions recommandé dans notre mémoire l'automne dernier, propose plutôt des changements au régime de sanctions pénales. À notre avis, une analyse des différentes options pour assurer le respect des objectifs du législateur, qui sont en fait la protection des renseignements privés et des renseignements personnels, devrait plutôt être effectuée.

En ce qui concerne la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, peut-être d'abord une mise en contexte pour bien expliquer que l'intention de l'Alliance n'est pas que ses membres cachent de l'information sur l'environnement ou qui concerne la protection de la santé du public, mais plutôt de protéger les secrets industriels des entreprises.

Il faut vous rappeler que la pratique, les expériences américaines, canadiennes et québécoises démontrent que ce sont souvent des concurrents des entreprises qui font des demandes d'accès. L'Alliance a d'ailleurs encouragé la communication entre les entreprises et le public, passé un accord avec le ministère de l'Environnement qui informe, donne aux particuliers qui font une demande d'accès le nom d'un contact à l'intérieur de l'entreprise pour qu'un dialogue plus ouvert et plus franc puisse s'établir entre le public et les entreprises au sujet de l'environnement. Donc, toute l'importance de protéger les secrets industriels des entreprises vis-à-vis les concurrents.

Au sujet de l'article 10, je laisse la parole à mon collègue, Me Dolfato.

M. Dolfato (John): En ce qui concerne l'article 10 tel que prévu à la loi, les manufacturiers voient, dans l'argument qui est proposé, le mécanisme qui est proposé, une question qui va au-delà simplement d'une question de procédure, mais une question de droit fondamental.

(16 h 20)

La loi telle qu'elle existe présentement prévoit un mécanisme où, si un tiers veut l'accès à un document ou à un renseignement qui a été fourni, la personne qui a fourni l'accès a le droit de recevoir un avis. Ce mécanisme-là a déjà été soutenu par la cour comme donnant à la personne fournissant le renseignement un droit fondamental. Et c'est le droit d'être avisé que ces données-là seront rendues publiques. À ce moment-là, il pourrait faire valoir son point de vue s'il pense qu'il y aurait, là-dedans, un dommage quelconque qui serait subi au point de vue de ses secrets industriels ou dévoiler d'autre chose, surtout à des concurrents. Donc, lorsqu'on est avisé de la nature de la demande et du renseignement qui est recherché, la personne qui reçoit l'avis peut, à ce moment-là, juger si c'est à propos, oui ou non, de contester que les renseignements soient fournis.

Donc, pour les manufacturiers, ça devient une question importante, à savoir lorsqu'il y a un renseignement qui est d'ordre du secret industriel qui serait dévoilé à un concurrent. C'est pour ça qu'on insiste que le simple avis public ne suffit pas et qu'on devrait recevoir un avis directement et, à ce moment-là, se maintenir au procédé qui existe déjà dans la loi.

M. Dussault (Manuel): Si vous voulez, on pourra répondre plus en détail à vos questions. On donne, dans notre mémoire, un certain nombre de pistes aussi à l'article 10. Notre première demande, effectivement, c'est que l'article 10, tel que libellé, soit retiré. À tout le moins, ces articles devraient être modifiés de manière à prévoir spécifiquement les cas où il serait permis de procéder par avis public.

La loi devrait prévoir que le responsable de l'accès doit transmettre au moins un avis par courrier avant de s'adresser à la Commission d'accès à l'information pour obtenir l'autorisation de procéder par avis public. De plus, il serait nécessaire de prévoir que le responsable de l'accès d'un organisme doit vérifier la dernière adresse connue du tiers. Et, finalement, la présomption voulant que le tiers qui ne répond pas est présumé avoir consenti devrait être écartée dans le cas d'un avis public.

Quelques commentaires sur les articles 16 et 63, en particulier 63 qui s'applique aux entreprises. Il semble, à l'Alliance, qu'il y ait lieu de préciser qu'il s'agit d'une obligation de moyen et non de résultat dans l'utilisation de la technologie. L'article 63 dit que l'entreprise doit veiller à assurer la confidentialité quand des réseaux comme ceux de Bell ou de Vidéotron sont utilisés. C'est un fardeau trop lourd de demander aux entreprises de veiller à ce que l'utilisation de la technologie protège la confidentialité.

En ce qui concerne la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, nous avons eu ce débat la dernière fois que nous vous avons rencontrés. Alors, je passe rapidement là-dessus. Il y a, pour les entreprises membres de l'Alliance, un fardeau trop important au niveau de l'administration de la loi. On avait donné quelques pistes de solution, à l'époque, qui étaient une réglementation, dans certains cas, pour spécifier quels documents devraient être demandés. Plutôt, le projet de loi n° 451 recommande de préciser les sanctions.

L'approche que l'Alliance vous propose plutôt, c'est de regarder de quelle façon mieux assurer la protection des renseignements privés, parce que, ultimement, c'est ça, le résultat qu'on veut atteindre. Et la meilleure façon... Il y a un choix à faire qui, à notre avis, devrait être évalué. Est-ce que c'est d'augmenter les sanctions au-delà de ce que font, selon ma connaissance, tous nos concurrents? Est-ce que c'est d'augmenter des sanctions, créer des nouvelles infractions ou, plutôt, de baliser l'administration de la loi en spécifiant certains règlements, en rendant la réglementation plus claire en ce qui concerne le rôle du consentement implicite à la révélation de certains renseignements? En tout cas, on vous propose plutôt d'aller dans la voie de baliser. Ce n'est pas parce que le règlement serait un peu plus long en termes de lignes que ça veut dire que ça serait un peu plus lourd pour l'entreprise de l'administrer. C'est tout aussi lourd se présenter en cour puis mettre en place les systèmes pour se protéger.

Et permettez-moi rapidement de simplement revenir sur quelques recommandations qu'on avait faites à l'époque aussi sur l'application de la loi sur le secteur privé aux renseignements personnels. Il y a un enjeu, nous semble-t-il, au niveau de la possibilité, pour le Québec, de devenir un lieu d'utilisation de banques de données sur des particuliers à l'étranger. Les règles ne sont pas nécessairement les mêmes dans toutes les juridictions. Alors, ce qu'on vous propose, c'est que les règles des autres juridictions s'appliquent au Québec lorsque ça vise des personnes de ces autres juridictions là. Si on impose des règlements plus élevés au Québec que les autres juridictions, ça veut dire que les banques de données québécoises ne pourront pas contenir les renseignements visant des personnes à l'extérieur du Québec.

Enfin, à notre avis, la loi sur le secteur privé devrait permettre à une entreprise de refuser à une personne l'accès à son dossier alors que le processus décisionnel la concernant n'est pas complété et que la décision à son sujet n'a pas été prise. Il s'agit, en fait, de protéger et de permettre à l'entreprise de prendre des décisions qui sont en cours. Je pense que c'est un droit que le projet de loi n° 451 reconnaît. Je pense aussi au ministre des Finances en ce qui concerne la politique budgétaire.

Somme toute, je vous remercie. Il s'agit de l'essentiel de nos recommandations. Il va nous faire plaisir de répondre à vos questions. J'insiste, enfin, beaucoup sur l'article 10 qui vraiment est le coeur, je pense, de nos représentations auprès de vous, c'est-à-dire la protection du droit des tiers à recevoir un avis. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin, Nicolet-Yamaska): Merci. M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier, messieurs, pour votre présentation. Écoutez, sur la question qui semble... D'abord, ce que je comprends, c'est un appui général au projet de loi. Je ne désespère pas l'opposition d'appuyer le principe du projet de loi. Je comprends que vous nous faites part de préoccupations plus particulières, de façon toute spécifique eu égard aux règles concernant la notification des tiers.

Alors, depuis cet après-midi, 14 heures, un débat entre experts juridiques est ouvert. Dans un coin, les procureurs du Conseil du patronat représenté par Me Doray, dans un autre, les légistes du ministère. En tout humble économiste que je sois, je laisserai à ces personnes le soin de trancher. Mais soyez assurés, s'inspirant des règles qui sont généralement reconnues, que, lorsque tous les recours sont épuisés – et c'est comme ça que je l'ai toujours compris – si, en bout de course, il est impossible de rejoindre une personne – en comprenant toutefois que l'organisme doit, lui, avoir une responsabilité de tenir les fichiers à jour et doit prendre les moyens nécessaires dans son administration quotidienne pour faire en sorte de rejoindre autant que possible en tout temps chaque personne – l'objectif, c'est de faire en sorte qu'on puisse, par un avis dans les journaux, quand même procéder.

Ce n'était pas là la demande de la Commission d'accès à l'information. Nous répondons en partie à une demande de la Commission d'accès à l'information puisque, effectivement, il nous aurait semblé préjudiciable de répondre entièrement à la demande, puisqu'elle nous demandait d'être soulagée de la possibilité d'avoir à notifier plusieurs personnes et de le faire plutôt par avis public. Cette obligation est maintenue. C'est uniquement dans le cas où on ne peut aviser un tiers par courrier. Et ce qu'on m'indique, c'est une disposition qui serait supplétive et ça serait aussi à la Commission d'autoriser ce type de façon de faire pour notifier des tiers.

(16 h 30)

Alors, écoutez, cette question-là est ouverte. Nos intentions sont honorables. J'entends vos craintes. J'ai entendu celles du Conseil du patronat. Nous allons aller plus à fond et certainement aurons-nous l'occasion de rediscuter avec vous de cette question.

Je me permettrai un commentaire eu égard à l'application de la loi à des citoyens qui ne sont pas des résidents du Québec. Essentiellement, vous nous indiquez que cela pourrait nuire à des activités commerciales qui pourraient se faire au Québec. C'est un point de vue. Nous préférons cependant nous inspirer de la directive européenne et faire en sorte d'avoir un standard de protection au moins équivalent à celui qui est prévu dans la directive européenne. Certaines personnes y voient là, même, un facteur pouvant attirer de nouvelles affaires au Québec. Le fait que nous ayons une protection au moins équivalente à celle qui est exigée par la directive européenne semble être un élément qui pourrait ajouter à la compétitivité du Québec.

Alors, je comprends que ce sont deux points de vue qui divergent, mais je pense que, dans ce domaine comme dans d'autres, nous devons prendre le pari que l'ouverture des marchés, la plus grande concurrence, le fait que de plus en plus nous ayons des entreprises qui oeuvrent sur les marchés d'exportation – on sait l'importance des activités d'exportation dans le produit intérieur brut du Québec – la mise aux normes, une plus grande standardisation, et s'inspirant particulièrement des dispositions de la directive européenne, cela peut être un plus pour les entreprises. Alors, à cet égard, j'ai un point de vue qui est différent.

Peut-être seriez-vous intéressés à argumenter, mais c'est certainement débattable, je le pense, et, à cet égard, je pense qu'il y a un choix gouvernemental qui est clair. À ce jour, on ne m'a pas présenté d'argument qui pourrait m'amener à adopter un point de vue différent. Je pense que tous les membres de la commission partagent ce point de vue. Alors, peut-être pourriez-vous aller plus à fond dans votre réflexion. Je vous en donne l'occasion.

Moi, ce que je comprends de toutes les discussions que j'ai pu avoir et la compréhension que j'ai avec la directive européenne, les discussions que j'ai eues avec le président de la Commission, c'est qu'au contraire cette disposition à l'effet qu'on soit reconnus comme ayant, au Québec, une protection au moins équivalente à celle de la directive européenne attire des entreprises au Québec. Et le président de la Commission d'accès à l'information, il y a quelques mois, me donnait un exemple d'une entreprise qui est venue s'établir au Québec du fait de cette protection. En tout cas, si vous souhaitez poursuivre sur cette discussion, je vous en donne l'occasion.

M. Dussault (Manuel): Je ne sais pas si vous me permettriez, M. le ministre, de poursuivre sur l'article 10, peut-être. Je ne suis pas aux faits des arguments qui...

M. Boisclair: Oui. Là, il y a tout un débat qui... Je vous invite peut-être à prendre connaissance du mémoire du Conseil du patronat. Sur quatre ou cinq pages, ils nous ont présenté leur opinion qui ressemble en grande partie à la vôtre, qui reprend essentiellement la même chose. Des gens du ministère, des légistes qui ont travaillé avec moi à la rédaction de la loi se sont exprimés tout à l'heure et semblaient avoir un point de vue divergeant.

Comme non initié à la chose du droit, je comprends qu'il y a deux points de vue et que nous allons faire, s'il y a lieu, davantage de consultations. Peut-être est-ce là un débat de praticiens versus de théoriciens, je n'en sais trop rien, mais le député de Chomedey et moi avons bien compris les paramètres du débat et on va sans aucun doute essayer d'obtenir une réponse qui est satisfaisante. L'idée n'est pas de proscrire l'avis public, mais c'est de faire en sorte que ce soit uniquement le dernier recours et de faire en sorte que l'entreprise ou la personne qui aurait à utiliser cette voie d'avis n'ait pas à se soustraire non plus de ses obligations de tenir un fichier à jour.

Bon, est-ce que la radio, la télévision... C'est tout ça qu'il faudra regarder. Mais je comprends que l'inspiration première de cette disposition nous vient du Code de procédure civile. C'est l'argumentation qu'on a présentée au procureur du Conseil du patronat. C'est 158, si ma mémoire est juste, du Code de procédure civile?

M. Dussault (Manuel): C'est 138.

M. Boisclair: C'est 138, oui, du Code de procédure civile. Ceci étant dit, ça ne semblait pas convaincant. Donc, on va aller au fond des choses et on va tenter, avec vous tout comme avec le Conseil, d'avoir une réponse qui est satisfaisante. Parce que, à la limite, le scénario que vous décrivez là, si tel était le cas, il faut comprendre qu'il pourrait y avoir des difficultés.

M. Dussault (Manuel): Peut-être pour mettre en contexte, John Dolfato était à l'Alliance bien avant moi. C'est un dossier que l'Alliance a à coeur depuis de nombreuses années. On a d'ailleurs été partie dans une cause à cet effet-là, l'Alliance a été partie à une cause en ce qui concerne l'avis aux tiers. À l'époque, le ministère de l'Environnement avait reçu un certain nombre de demandes visant plusieurs entreprises...

Une voix: ...

M. Dussault (Manuel): C'est ça, oui.

M. Boisclair: C'est la même cause à laquelle faisait référence Me Doray.

M. Dussault (Manuel): Et l'Alliance était partie à cette cause-là. D'ailleurs, on était intervenus devant le tribunal pour indiquer que ça ne devait pas être un procédé administratif, mais il y avait un droit des tiers à recevoir cet avis-là. Moi, je suis fort heureux d'entendre qu'on s'entend sur le principe. Je pense qu'il y a un droit des tiers, et ça doit être une mesure d'exception. Ça ne doit pas être utilisé comme facilitant administratif. Je ne pense pas que des raisons administratives puissent être évoquées contre la présence d'un droit. Je pense qu'une fois que vous avez donné, M. le ministre, ces directives-là... Mais je suis d'accord avec vous qu'il faut laisser les écrivains de législation...

M. Boisclair: Mais l'orientation est très claire sur cette question-là. L'interprétation semblait l'être aussi tout à fait. On va fouiller davantage cette question-là. Parce qu'il est clair que ce n'est pas là une façon détournée de simplifier les procédures administratives. Le droit des tiers, comme vous le soulignez, à se faire entendre est un droit nécessaire, fondamental. Je ne voudrais pas qu'on se serve de cet article 10 pour tout simplement se détourner de l'obligation que nous souhaitons pourtant retenir. Alors, l'idée, c'est tout simplement, si c'est impossible de le faire, qu'on puisse utiliser les médias.

M. Dussault (Manuel): C'est ça. Vous serez d'accord que, si, à ce moment-là, je pense, des gens de bonne foi des deux côtés regardent cet article-là puis en arrivent à avoir une interprétation différente, c'est donc qu'il faut préciser, à tout le moins dans l'article 10, que c'est un régime d'exception, que ça doit être en dernier recours, puis ajouter des éléments. Je pense qu'il ne faut pas créer une autre cause dans laquelle l'Alliance va devoir intervenir parce que l'article n'a pas été précisé.

M. Boisclair: En rappelant que l'article 10 aussi, c'est soumis à l'autorisation d'un membre de la Commission. Écoutez, on regarde cette question-là. Si jamais j'errais, je compte sur le député de Chomedey pour me remettre à l'ordre.

M. Dussault (Manuel): Excellent.

M. Boisclair: Me rappeler à l'ordre, plutôt. Dans un esprit de saine collaboration.

M. Dussault (Manuel): Mais je pense qu'on a vu dans...

M. Boisclair: Vous voyez ce que je ne ferais pas pour le convaincre d'appuyer le projet de loi.

M. Dussault (Manuel): Quand on est venus cet automne, on avait discuté de la recommandation de la Commission. Je pense que vous en avez tenu compte. On a constaté, nous, à l'Alliance, que vous aviez en effet calqué d'une certaine façon sur le Code de procédure civile pour essayer de trouver un régime. Ce qu'on vient vous dire, c'est qu'il faut encore préciser. On est dans du nouveau droit, quant à moi, puis un droit qui est important pour la compétitivité des entreprises. À notre avis, plus de précisions est mieux que pas assez dans ce cas-là.

M. Boisclair: Puisqu'on a un peu de temps, ce qui m'étonne, c'est de ne pas vous entendre parler de modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement où non seulement le fichier, mais le contenu du fichier est maintenant dorénavant rendu accessible. Je note que vous n'en soufflez mot. C'est donc dire que vous êtes d'accord avec les modifications qui sont apportées.

M. Dussault (Manuel): Excusez, de quel article vous parlez?

(16 h 40)

M. Boisclair: Quel article? Ce serait des modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement. Attendez un instant. C'est l'article 92, me glisse-t-on, oui. Alors, nous allons prévoir que les renseignements contenus dans le registre et dans les documents auxquels il réfère sont accessibles, sous réserve, bien sûr, des restrictions aux droits d'accès prévues à 23, 24 et 28 de la loi à l'accès. Ça, 23, 24, 28, c'est le secret industriel, et ainsi de suite, renseignements sur les entreprises. On est bien heureux de voir que vous appuyez le consensus des parlementaires sur cette question.

M. Dussault (Manuel): Bien, ça nous semble une bonne chose, un bon avancement de la situation, oui, en effet.

M. Boisclair: Alors, merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Il nous fait plaisir, à l'opposition, de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec.

Pour ce qui est de l'article 10, je peux dire tout de suite que le point a déjà été effectivement très bien soulevé par le Conseil du patronat. Vous y revenez. Je pense que c'est assez clair que l'intention n'était pas de permettre à la Commission de décider que ça coûtait un peu trop cher d'envoyer autant d'avis et de dire, donc: On ne peut le faire. Si ça prend une précision à cet égard-là, soyez assurés qu'on va parvenir à une rédaction qui évite cette possibilité-là.

J'aimerais me concentrer sur les deux autres points. Le ministre vient d'en relever un qui concerne les gens qui ne résident pas au Québec, mais les autres considérations que vous soulevez à la page 10 de votre mémoire, j'aimerais les traiter brièvement.

Vous dites que vous êtes en train de revenir à la charge concernant certaines propositions que vous aviez faites l'automne dernier. Vous dites notamment que vous souhaitez toujours que l'article 2 de la loi sur le secteur privé soit modifié afin d'indiquer que ne sont pas des renseignements personnels les renseignements qui concernent une entreprise, quelle qu'en soit sa forme juridique.

Moi, ça m'intrigue un peu, ça, parce que vous étiez en train de dire que l'entreprise qui détient l'information sur d'autres entreprises ne devrait pas être contrainte de suivre les règles de conservation et de préservation de la vie privée parce que cette information-là concerne une entreprise, même si ce n'est pas incorporé. Est-ce que c'est bien ça, votre propos?

M. Dussault (Manuel): Même si c'est? Pardon?

M. Mulcair: Ce n'est pas incorporé. Vous étiez en train de dire qu'une société enregistrée, une affaire qu'une personne opère chez elle sous son propre nom, puis fait inscrire au Palais de justice, plutôt que de le faire incorporer, c'est donc juste la même personne faisant affaire sous son propre nom ou un nom inventé... Est-ce que c'est ça que vous étiez en train de dire, que, peu importe... Lorsque vous dites: Quelle qu'en soit sa forme juridique, est-ce que c'est ça que vous visez?

M. Dussault (Manuel): Peut-être que ça revient au point plus large qu'il y a une certaine difficulté – je vous le rappelle, je ne voudrais vraiment pas escamoter cette question-là – dans la gestion, l'administration de la loi. Il y a un fardeau administratif qui est assez lourd pour les entreprises.

On est partis du point de vue... En ce qui concerne l'article 2 puis les entreprises non incorporées, je pense que vous avez raison dans l'interprétation que vous faites de notre recommandation. C'est qu'il y a des gens qui font affaire avec nos membres, au même titre qu'une autre entreprise fait affaire avec des membres, c'est-à-dire sont dans le domaine des affaires, ce qui implique certaines traditions, certaines conventions qui étaient là aussi avant la loi et qui ont un régime différent des entreprises incorporées, parce qu'ils n'ont pas jugé bon de s'incorporer. Alors, du strict point de vue légal, il y a une différence, mais, du point de vue administratif, pour l'entreprise, elle doit gérer deux types de régime.

M. Mulcair: Mais, moi, je me situerais... C'est ça, ma question. J'aimerais que vous vous mettiez dans la peau d'un de vos membres qui serait une entreprise non incorporée qui fabrique, à une petite échelle, un produit quelconque. Cette personne-là, cette entreprise-là exporte un peu partout. Pour des raisons économiques, pour des raisons personnelles, pour des raisons qu'elle n'est pas encore prête à débourser pour faire l'incorporation, peu importe, cette personne-là, elle fait affaire sous son propre nom, l'entreprise n'est pas incorporée. Votre position, si je l'interprète correctement, c'est que votre membre exportateur, entreprise... Parce que je présume que ce ne sont pas que des entreprises incorporées qui ont le droit d'adhérer à votre groupe. Si? Il faut absolument...

M. Dussault (Manuel): Non, non, non.

M. Mulcair: Non.

M. Dussault (Manuel): J'approuve ce que vous dites. Oui. oui.

M. Mulcair: Alors, je parle d'un de vos membres non incorporé qui est dans cette situation-là. Votre proposition aurait pour effet d'amoindrir la protection que votre membre aurait de sauvegarder sa vie privée, parce que, effectivement, vu que cette personne-là ne s'est pas dotée de la protection du voile corporatif – il n'y a rien qui sépare cette personne, comme individu, comme particulier, de son entreprise – vous êtes en train de dire: Mais ce n'est pas grave, ça, je veux que ce membre-là, sa personne, son information privée soit traitée comme si ça ne l'était pas, du simple fait qu'elle fait affaire. Moi, j'ai du mal à vous suivre là-dessus.

M. Dussault (Manuel): En fait, si vous regardez notre recommandation, c'est les renseignements qui concernent la personne non incorporée en tant qu'elle exerce une fonction d'entreprise. Ça ne serait pas un accès à son fichier médical ou des choses comme ça.

M. Mulcair: Mais est-ce qu'on s'entend bien que toute information concernant justement ses états financiers... Les états financiers d'une entité corporative, d'une société à responsabilité limitée, les états financiers de cette société concernent une personne morale qui n'est pas une personne physique. Mais, dans l'autre cas, les états financiers sont les états financiers de la personne. Vous comprenez? Et il me semble que cette personne-là, tant et aussi longtemps qu'elle ne décide pas de se doter de cette structure corporative qui lui donne effectivement une responsabilité limitée, devrait jouir des mêmes droits que les autres.

C'est pour ça que j'étais intrigué de savoir, effectivement, si vous aviez des membres entreprises non incorporées, parce que vous étiez en train, à mon point de vue... Encore une fois, si j'interprète bien, il est possible, du moins, que vous soyez en train de prévoir moins de protection pour certains de vos membres avec ça. Je comprends bien que vous l'avez abordé sous l'angle de vos membres qui détiennent de l'information. Ils ne devraient pas avoir à regarder si c'est incorporé ou pas incorporé.

Mais je vous invite à cette autre réflexion qui vous amènera peut-être à comprendre pourquoi – parce que c'est vos membres qui risqueraient de perdre des droits, justement – c'est important de maintenir cette distinction-là. C'est toute l'économie de notre droit des affaires qui est en cause quand vous dites ça. C'est le droit strict d'une personne de faire affaire sous son propre nom et de ne pas s'incorporer.

M. Dussault (Manuel): Je pense que, si vous me...

M. Mulcair: Le deuxième point que vous soulevez, à la page 10...

M. Dussault (Manuel): Est-ce que vous me permettez...

M. Mulcair: Oui, avec plaisir.

M. Dussault (Manuel): ...monsieur, peut-être de simplement... Je pense que ce sont des points excessivement valides que vous soulevez. Comme vous, on a, à l'Association, à faire des arbitrages, un peu, entre nos membres et à essayer de se donner des principes, une certaine rigueur dans les positions qu'on prend. Il nous semblait une bonne chose d'équilibrer les deux régimes, entre les entreprises non incorporées et incorporées.

Je pense qu'il y a certains renseignements qui, possiblement, devraient être certainement disponibles plus facilement. Vous soulevez la question des états financiers. Ça, c'est une excellente question. Le nom des personnes dans les partenariats, c'est peut-être une autre question, aussi, qui est moins délicate à traiter. Je pense que ce que ça démontre pour moi, c'est l'importance de baliser un peu le type de renseignements qui sont considérés comme renseignements d'affaires. En tout cas, moi, c'est la conclusion que je retire de notre échange.

M. Mulcair: Dernier point, M. le Président. Toujours à la page 10, l'Alliance nous dit que «la loi sur le secteur privé devrait permettre à une entreprise de refuser à une personne l'accès à son dossier alors que le processus décisionnel la concernant n'est pas complété et que la décision à son sujet n'a pas été prise». Est-ce que vous pourriez nous fournir un exemple concret, pour qu'on puisse comprendre?

(16 h 50)

M. Dussault (Manuel): Je vais vous citer l'exemple qu'on avait dans le mémoire l'automne dernier. Alors, je le cite: «Par exemple, lorsqu'une entreprise étudie le dossier d'un employé en vue de prendre une décision – mutation, promotion, sanction disciplinaire – il n'est pas opportun que les renseignements servant à cette prise de décision soient divulgués immédiatement. Le processus décisionnel d'une entreprise risque alors sérieusement d'être court-circuité par l'exercice du droit d'accès. Le législateur a d'ailleurs reconnu l'existence d'un tel préjudice et la pertinence de prévoir une exception visant à l'éviter lorsqu'il a adopté les articles 37 à 39 de la loi sur l'accès, applicables au secteur public. Rien, selon l'Alliance, ne justifie qu'une exception similaire ne soit pas prévue dans la loi sur le secteur privé.»

M. Mulcair: Je pense que c'est un point... Vous étiez un des seuls groupes, si ma mémoire est bonne, à avoir soulevé ce point spécifique. Vous faites bien de revenir à la charge. Je vous avoue que, sur le plan rédactionnel, sur le plan de la législation, c'est extrêmement difficile de prévoir ce fait-là parce que, dans le contexte gouvernemental, ça conduit à une décision qui est facile à cerner. Donc, les documents ayant conduit à ça sont définissables, passablement plus faciles, me semble-t-il, du moins, dans le secteur public que dans le secteur privé.

Mais, étant donné que vous y tenez, on va quand même s'assurer de donner un dernier regard sur ce point-là avant de l'abandonner, si telle est la décision, bien entendu, parce qu'il y a quelque chose là. Et vous avez raison, il y a une symétrie à établir. Si l'État s'est dit: Bien oui, vous n'avez pas le droit de regarder tant que la décision n'est pas mûre, pourquoi on assujettirait le secteur privé à un... En tout cas, on va essayer de le travailler ensemble, puis on va voir ce qu'on est capables de faire. Merci.

M. Dussault (Manuel): Merci.

Le Président (M. Garon): Avez-vous terminé, monsieur?

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant le Service anti-crime des assureurs à s'approcher à la table des délibérations.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Garon): Alors, j'invite les représentants du Service anti-crime des assureurs à se présenter ou le porte-parole à se présenter et à présenter la personne qui l'accompagne. Nous avons 45 minutes ensemble, c'est-à-dire normalement 15 minutes pour votre exposé et 15 minutes pour chacun des partis représentés autour de cette table. Allez-y.


Service anti-crime des assureurs

M. Brochier (Jean-Pierre): M. le Président, mon nom est Jean-Pierre Brochier. Je suis vice-président associé du Service anti-crime des assureurs ici, au Québec, et je suis responsable de cette organisation dans la province. Je suis accompagné, pour le besoin de la cause, de Me Raymond Doray – je pense que tout le monde le connaît – de la firme Lavery, de Billy, du bureau de Montréal. Au nom du Service anti-crime des assureurs, je remercie la commission de nous avoir invités à participer à ce présent débat et je précise immédiatement que le Service anti-crime des assureurs est assujetti à la loi de l'accès à l'information dans le secteur privé.

Sans plus de préambule, étant donné le temps limité, le Service anti-crime des assureurs est un organisme qui a pour mission principale d'aider l'industrie de l'assurance et les autorités gouvernementales à prévenir, détecter et réprimer les crimes qui entraînent ou qui peuvent entraîner des décès, des pertes, des blessures corporelles ou des dommages matériels. Ici, M. le Président, je fais une parenthèse et vous mentionne que la fraude de l'assurance va bon train au Québec.

Le Service anti-crime des assureurs constitue, depuis le 1er janvier 1998, une division du Conseil des assurances du Canada. Il importe cependant de souligner que les informations obtenues par le SACA dans le cadre de ses activités, notamment dans ses rapports d'enquêtes et ses banques de données, ne sont pas communiquées aux autres entités faisant partie du CAC. De même, les décisions prises par le SACA sont totalement indépendantes des instances décisionnelles du CAC.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous mentionne, M. le Président, que le SACA a déjà un statut particulier reconnu dans le Code de la sécurité routière du Québec et la loi sur les renseignements personnels dans le secteur privé.

La problématique du consentement. L'obligation pour un assureur de requérir, à l'étape de la souscription, le consentement de l'assuré dans le but de vérifier ses antécédents de sinistre pose de sérieuses difficultés puisque, dans une majorité de cas, le contrat d'assurance de dommages est négocié au téléphone et la police n'est transmise qu'ultérieurement à l'assuré. De plus, l'exigence à cette étape d'un consentement écrit et distinct, comme le requiert la Commission d'accès à l'information, semble difficile à justifier.

En effet, l'article 2408 du Code civil du Québec prévoit que le preneur et l'assuré ont l'obligation de dénoncer à l'assureur tout risque afin de permettre à ce dernier d'évaluer en tout état de cause l'opportunité d'accepter ces risques et la possibilité de fixer une prime adéquate. Les assurés sont, par ailleurs, en mesure de comprendre facilement les raisons d'être de la vérification des antécédents d'une personne ou de ce que l'on appelle usuellement son expérience de risque. Qui plus est, dans le domaine de l'assurance automobile, les assureurs consultent régulièrement le fichier central des sinistres automobiles, et ce, sans le consentement de la personne concernée, puisque la loi autorise spécifiquement une telle consultation. Ici, je reviendrai sur la recommandation n° 1 que je vous énumérerai tantôt.

D'autre part, à l'étape de la réclamation, le SACA peut être appelé à enquêter non seulement sur l'assuré, mais également sur son conjoint ou sur une personne qui lui est liée. Étant donné que le consentement obtenu de l'assuré ne vaut que pour lui, il est alors difficile, voire impossible, d'obtenir un consentement de la part de ces tiers. Une intervention législative à cet égard est d'autant plus essentielle, croyons-nous, que le projet de loi n° 451 annonce non seulement clairement resserrer les dispositions pénales de la loi sur le secteur privé, mais que la commission de la culture a récemment invité la Commission d'accès à l'information à faire preuve de plus de sévérité en regard du respect de cette loi. Celle-ci s'applique à la recommandation n° 2 que nous verrons tantôt.

Le SACA a par ailleurs soulevé, dans son mémoire sur le rapport quinquennal de la CAI, que le législateur devrait intervenir pour consacrer le caractère irrévocable du consentement à la communication de renseignements personnels qui est fourni par une personne dans le cadre d'un contrat relatif à la fourniture de biens ou de services. Il s'agit là d'un problème majeur qui, selon nous, est susceptible d'ébranler le délicat équilibre que la loi sur le secteur privé a voulu établir entre, d'une part, les obligations de l'entreprise en regard de la protection des renseignements personnels et, d'autre part, les droits de cette dernière. Ici, la recommandation n° 3 s'applique, et nous y reviendrons tantôt.

Les renseignements à caractère public. L'article 68 du projet de loi n° 451 propose l'ajout de l'article 18.2 de la loi sur le secteur privé qui a pour but de permettre la communication de renseignements qui ont un caractère public en vertu de la loi sans le consentement de la personne concernée. Le SACA est d'avis que les effets positifs d'une telle modification pourraient être compromis si, d'un même souffle, devait être adopté l'article 13 du projet de loi qui a pour effet d'interdire à un organisme public de communiquer les renseignements qui se trouvent dans un registre, un rôle d'évaluation ou tout autre fichier de même nature autrement qu'à l'unité. Le SACA est d'avis que cette disposition pourrait avoir pour effet de limiter la capacité des citoyens, individus ou entreprises, ainsi que des organismes d'enquêtes tels que SACA de procéder à certaines vérifications d'intérêt public. Dans cette perspective, le SACA craint que le libellé proposé ne soit trop restrictif.

Ainsi, les plumitifs des tribunaux sont une source importante d'information permettant au SACA de vérifier les antécédents criminels d'une personne suspectée d'avoir soumis une réclamation frauduleuse. De même, il nous est essentiel de savoir si un assuré a fait l'objet d'un recours civil susceptible de compromettre sa situation financière ou de vérifier s'il n'a pas récemment déclaré faillite. Le fichier central des entreprises est en outre une source essentielle d'information permettant de connaître les liens pouvant exister entre certaines entreprises et leurs dirigeants et administrateurs.

(17 heures)

Or, la notion d'accès à l'unité que l'on retrouve à l'article 55 est susceptible de limiter grandement la marge de manoeuvre du SACA dans ce domaine en forçant les organismes qui détiennent ce type de banque de données à caractère public à exiger du demandeur qu'il identifie dès le départ la personne au sujet de laquelle il veut obtenir des renseignements et à interdire tout recoupement d'informations par le biais du fichier informatisé.

C'est pourquoi le SACA invite le législateur à revoir le libellé de l'article 13 du projet de loi de manière à éviter les effets pervers précédemment énoncés. Par exemple, il pourrait être prévu que cette restriction ne s'applique pas aux banques de données des plumitifs civils et pénaux. De même, la loi pourrait prévoir qu'un organisme public peut permettre à une personne d'avoir accès à l'ensemble du fichier contenant des renseignements à caractère public incluant un accès par l'informatique si cette personne établit à la satisfaction de l'organisme public concerné qu'elle poursuit des fins sérieuses et légitimes. Ici, M. le Président, on pourrait ajouter: ou un organisme voué à la détection et la prévention du crime. Découle de ces paragraphes précédents la recommandation n° 4 que nous verrons tantôt.

Le caractère confidentiel des renseignements personnels et les nouvelles technologies. L'article 63 du projet de loi modifie l'article 10 de la loi sur le secteur privé en imposant aux entreprises de veiller, lors de l'utilisation d'une technologie, à ce que le caractère confidentiel des renseignements personnels soit assuré. Le SACA croit que cette disposition pose de sérieux problèmes opérationnels puisque l'entreprise qui utilise une technologie, par exemple Internet, n'en est pas propriétaire et ne peut donc véritablement s'assurer de son caractère sécuritaire. Découle la recommandation n° 5 que nous verrons tantôt.

Interdiction d'utiliser des renseignements personnels dont l'objet est accompli. L'article 64 du projet de loi modifie l'article 12 de la loi sur le secteur privé de manière à ce qu'une entreprise se voie interdire l'utilisation des renseignements personnels lorsque l'objet du dossier est accompli. Cette restriction s'appliquerait désormais sans égard au calendrier de conservation que le gouvernement est habilité à établir aux termes de l'article 90.3 de la loi.

Le SACA croit qu'il y aurait lieu de modifier l'actuel article 12 de la loi sur le secteur privé de manière à prévoir explicitement qu'une entreprise peut conserver des renseignements périmés ou qui sont contenus dans un dossier dont l'objet est accompli. Telle était d'ailleurs la volonté du législateur lorsqu'il a adopté le projet de loi 68. Il devrait cependant être prévu qu'une entreprise ne peut utiliser ces renseignements sans le consentement de la personne concernée sauf pour faire valoir ses droits dans un litige. Par contre, pour certains types de renseignements et de dossiers, lorsque le gouvernement juge qu'après une certaine période de temps la personne concernée devrait profiter d'une certaine forme d'amnistie, l'entreprise serait tenue de détruire les renseignements ou les dossiers visés par règlement. Ici découle la recommandation n° 6 que nous verrons plus tard.

La refonte des dispositions pénales de la loi sur le secteur privé. Le projet de loi n° 451 modifie substantiellement les dispositions pénales applicables à la violation des obligations imposées aux entreprises par la loi sur le secteur privé afin de les rendre plus spécifiques et, par voie de conséquence, plus faciles d'application. Le SACA s'inquiète du fait que l'on se retrouverait maintenant avec un régime pénal très sévère et facile à enclencher alors que plusieurs obligations imposées aux entreprises par la loi sur le secteur privé sont éminemment floues et imprécises et qu'elles donnent lieu à des interprétations souvent contradictoires ou, à tout le moins, fréquemment changeantes. Découle la recommandation n° 7 que nous verrons plus tard.

D'un point de vue plus technique, le SACA note, par ailleurs, que l'article 84 du projet de loi n° 451 modifie le sixième paragraphe de l'article 91 de la loi sur le secteur privé de manière à ce que constitue une infraction le fait, pour une entreprise, de communiquer sans le consentement de la personne concernée un renseignement personnel compte tenu des articles 17, 18 ou 18.1 de cette loi. Le SACA soumet qu'il y aurait également lieu d'ajouter à cette énumération les articles 15 et 20 de la loi sur le secteur privé. Ici, la recommandation n° 8 s'y ajoute.

Donc, passons aux recommandations, et commençons par le première. La recommandation n° 1. L'article 18 de la loi sur le secteur privé devrait être modifié afin d'ajouter une exception permettant à un assureur d'échanger, sans le consentement de la personne concernée, des renseignements concernant l'expérience de sinistres d'un preneur ou d'un assuré avec un organisme qui compile des données à des fins d'évaluation des risques en matière d'assurance. La loi pourrait cependant prévoir que l'assureur a l'obligation d'informer le preneur ou l'assuré de cette communication.

Recommandation 2. L'article 18 de la loi sur le secteur privé devrait, de plus, être modifié afin de prévoir qu'un assureur ou une personne agissant pour un assureur peut, aux fins d'une enquête relative à une réclamation, échanger, sans le consentement de la personne concernée, des renseignements personnels concernant un tiers lorsque cette communication est nécessaire à la poursuite d'une telle enquête.

Recommandation 3. L'article 14 de la loi sur le secteur privé devrait être modifié pour établir que le consentement donné à l'occasion de la conclusion d'un contrat de fournitures, de biens ou de services fait partie intégrante de ce contrat et vaut pour la durée nécessaire à la réalisation des fins pour lesquelles il a été demandé.

Recommandation 4. L'article 13 du projet de loi n° 451 qui modifie l'article 55 de la loi sur l'accès devrait être modifié afin de prévoir que son deuxième alinéa ne s'applique pas aux plumitifs civils et pénaux des tribunaux judiciaires. Il devrait également être mentionné qu'une personne peut avoir accès à l'ensemble d'un fichier, incluant un accès par lien informatisé, si elle établit, à la satisfaction de l'organisme public concerné, qu'elle poursuit une fin sérieuse et légitime.

Recommandation 5. L'article 63 du projet de loi n° 451 qui modifie l'article 10 de la loi sur le secteur privé devrait être reformulé de manière à ne pas imposer aux entreprises qui utilisent des nouvelles technologies dont elles ne sont pas les concepteurs ou propriétaires l'obligation de s'assurer de leur caractère sécuritaire.

Recommandation 6. L'article 64 du projet de loi n° 451 qui modifie l'article 12 de la loi sur le secteur privé devrait être reformulé de manière à prévoir clairement qu'une entreprise peut conserver les renseignements personnels qui sont périmés ou qui sont contenus dans un dossier dont l'objet est accompli, mais qu'elle ne peut utiliser ces renseignements sans le consentement de la personne concernée sauf lorsque leur utilisation est nécessaire pour faire valoir ses droits. Enfin, un alinéa distinct devrait indiquer que, malgré cette règle générale, le gouvernement peut adopter des calendriers de conservation prévoyant la période au terme de laquelle une entreprise doit détruire certains types de dossiers ou de renseignements personnels.

Recommandation 7. Le SACA incite le législateur à préciser les notions floues et imprécises qui se retrouvent dans la loi sur le secteur privé de même qu'à trancher les controverses jurisprudentielles qui sont susceptibles de rendre difficile le respect de la loi par les entreprises. Ce faisant, le législateur pourra permettre une application efficace et juste au niveau régime pénal proposé.

Et, finalement, l'article 84 du projet de loi n° 451 qui modifie l'article 91 de la loi sur le secteur privé devrait être modifié de manière à ce que l'infraction relative à la communication de renseignements personnels, article 91.6, tienne compte également des articles 15 et 20 de cette loi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Boisclair: Merci. On pourrait peut-être commencer par vos deux premières recommandations que l'on retrouve à la page 15 de votre mémoire. Sur la question du consentement, il y a une nouvelle argumentation qui a été présentée par les représentants du Bureau d'assurance du Canada tout à l'heure, où essentiellement, si on relit attentivement les dispositions 2408 et suivantes du Code civil qui imposent à l'assuré l'obligation de déclarer à son assureur tous les renseignements qui permettront à l'assureur d'apprécier le risque et d'établir la prime, on pourrait conclure, étant donné cette obligation de déclaration tant au stade de la souscription qu'au stade de la réclamation, on pourrait prétendre, entre autres, que les assureurs de dommages bénéficient dans l'une et l'autre circonstance de l'exception prévue à l'article 6 de la loi sur le secteur privé. Est-ce que cette argumentation serait de nature à vous rassurer quant à des modifications législatives qui, dans le cas où l'opinion se vérifierait, ne seraient plus requises?

(17 h 10)

M. Brochier (Jean-Pierre): Je vais laisser Me Doray répondre à cette question.

M. Doray (Raymond): M. le ministre, M. le Président, je vous remercie de poser cette question. J'en suis extrêmement heureux. J'ai entendu les propos du Bureau d'assurance du Canada un peu plus tôt cet après-midi, et, avec tout respect pour leur opinion, je pense d'abord que le ministre doit savoir, et les membres de cette commission, que cette thèse a été rejetée par la Commission d'accès à l'information.

Vous avez posé la question au procureur du BAC, qui n'avait pas la réponse, mais je peux vous dire que cette interprétation de la loi 68 voulant qu'une entreprise qui est autorisée par l'article 6 à recueillir des renseignements qui sont nécessaires afin de vérifier leur exactitude aurait pour conséquence que les tiers qui détiennent des renseignements sont autorisés, par le fait même, à les communiquer sans consentement à l'entreprise. Ç'a été rejeté à plusieurs reprises par la Commission d'accès à l'information. Et je dois vous dire maintenant que je pense que la Commission d'accès à l'information a eu totalement raison de rejeter cette interprétation-là qui mènerait ultimement à une négation de la loi 68. Et je vais vous donner un exemple qui, je pense, est percutant.

Dans le domaine du crédit, qui est le domaine le plus simple, vous allez voir votre banquier pour emprunter de l'argent. Il vous fait remplir un formulaire dans lequel vous donnez des renseignements sur votre actif et sur votre passif financiers. Si la thèse soutenue par le BAC était valide, votre banquier n'aurait pas besoin de votre consentement pour aller vérifier cette information-là auprès de votre employeur ou auprès d'autres institutions financières, auprès de n'importe quelle entreprise au Québec, et la loi 68 aurait opéré une régression par rapport à ce qui existe à l'heure actuelle ou ce qui existait avant son entrée en vigueur. C'est sur ce même raisonnement qu'est fondée la thèse du BAC. Je pense qu'elle ne résiste pas à l'analyse, et la Commission a eu raison de la rejeter.

Alors, je pense que la solution n'est pas dans un appel devant les tribunaux judiciaires, qui soutiendrait la thèse du BAC; elle est dans une modification législative qui va dans le sens de celle suggérée par le Service anti-crime ou encore par le BAC dans ses derniers retranchements, à savoir un avis qui pourrait remplacer le consentement formel dans les cas où il était impossible de l'obtenir.

M. Boisclair: Bon. Vous venez d'éteindre tous mes espoirs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doray (Raymond): Ce n'était pas mon but, M. le ministre, mais je pense que c'était important que vous le sachiez. Alors, je suis très heureux de pouvoir répondre à la question.

M. Boisclair: Je comprends très bien la pertinence, aussi, de votre raisonnement. L'exemple que vous donnez est tout à fait juste. Bon. Alors, cette question devra continuer à être fouillée.

C'est comique, hein, on est souvent tentés de vouloir imposer des grands principes et de toujours plaider la règle générale alors qu'on sait parfois qu'il y a des difficultés d'application dans la vie de tous les jours. D'un autre côté, on ne veut pas donner l'impression que les principes qui nous sont chers, qui devraient inspirer l'ensemble des administrations, tant dans le secteur public que dans le secteur privé... On ne veut pas avoir l'air de les mettre de côté. Mais je suis parfois tenté de croire qu'il ne faut pas céder à la dictature de la raison et que, parfois, il y a lieu de faire un certain nombre d'accommodements sans pour autant faire de compromission.

Je ne peux pas vous dire, en ce moment, quelle orientation je retiendrai. Nous devrons en rediscuter avec nos collègues de la commission, moi-même avec mes collègues du Conseil des ministres. Mais, s'il y a une impression générale qui se dégage, à ce moment-ci, puisque nous en avons particulièrement parlé aujourd'hui, il y a un flou artistique, là. J'aime bien, aussi, le côté pratique des choses. Et la démonstration du BAC, ce que vous rajoutez à l'argumentation, à l'évidence, il y a un problème. Maintenant, est-ce qu'on se ferme les yeux puis on nie le problème ou si on essaie de trouver une solution? Je suis plutôt du genre à vouloir trouver une solution.

Il faudrait voir aussi ce dont on n'a pas beaucoup discuté, c'est que le consentement, finalement, il n'est pas non plus si difficile que ça à obtenir. Et je serais peut-être tenté de vous demander en quoi l'obtention du consentement à l'heure actuelle est si difficile. Par exemple, dans l'assurance de dommages, la personne peut être assurée, peut souscrire à un contrat. On peut lui demander, au lendemain de son adhésion, de signer tous les consentements nécessaires et de remplir un formulaire et de le retourner.

M. Brochier (Jean-Pierre): Vous parliez de particularités tantôt. Je pense qu'il faut savoir respecter ça aussi. Le monde de l'assurance...

M. Boisclair: Oui, mais, à la limite, tout le monde peut plaider ça. Vous savez, ça fait huit ans que je fais de la politique. À chaque fois que j'entends des gens ou que je me promène dans une région, que je rencontre un organisme, tout est particulier. Je fais le tour à l'heure actuelle des régions du Québec puis je me fais dire par tous les représentants, chaque région: C'est particulier, chez nous.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: On sait que Lévis est une ville très particulière.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: De par son maire, notamment.

M. Boisclair: De par son député. Je fais le tour des carrefours jeunesse-emploi, il y en a près de 99 sur le territoire, et, à chaque fois, je me fais dire: Chez nous, c'est différent, c'est particulier. Bon. Je comprends qu'on veuille plaider notre identité propre. Effectivement, dans les faits, les choses sont toutes différentes l'une de l'autre, mais n'empêche qu'il y a quand même des principes généraux qui nous gouvernent et je pense qu'ils ont leur raison et leur pertinence. Alors, c'est ça. Il y a certainement une confusion, là, qu'il faut lever. J'apprécie votre point de vue.

Là, on va essayer de tenter de faire un bout de chemin. C'est l'article 64 où vous réitérez les propos que vous avez déjà tenus quant à l'interdiction d'utiliser des renseignements personnels dont l'objet est accompli. Nous avons, encore là, une interprétation différente. Je sais que les gens d'Équifax reprennent ce même point de vue. Je crois, en tout cas, que le projet de loi – l'interprétation qu'on en fait me paraît assez claire – permet quand même à une entreprise de conserver des renseignements au-delà de l'utilisation pour laquelle ils avaient été recueillis. Peut-être que pourrais permettre à une de nos collègues de s'exprimer sur cette question et qu'on puisse poursuivre la discussion.

Mme Poitras (Diane): Diane Poitras, ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Effectivement, nous convenons, comme vous en faites état dans votre mémoire, que, par l'article 12 et par la loi 68, l'intention n'était pas d'obliger les entreprises à détruire les renseignements une fois que l'objet du dossier était accompli. Toutefois, les représentations que nous ont faites notamment les archivistes étaient que l'utilisation de calendriers de conservation se prêtait mal au contexte de l'article 12, et je m'explique.

L'article 12 parle d'utilisation, qu'on ne peut pas utiliser un renseignement une fois l'objet du dossier accompli. Or, si on parle de calendriers de conservation, on parle de destruction. C'est pour ça que ce bout de phrase là a été enlevé. Mais l'objectif n'est pas d'obliger une entreprise à détruire des renseignements. Ça, c'est pour le premier volet de votre commentaire sur 64.

Sur le second volet, en ce qui concerne de prévoir, dans un alinéa distinct, que le gouvernement peut adopter des calendriers de conservation, c'est déjà prévu dans la loi sur le secteur privé à l'article 90.3°. Le projet de loi n'a pas enlevé cette possibilité pour le gouvernement de se faire dans l'avenir.

M. Doray (Raymond): M. le Président, Me Poitras, je pense qu'on se comprend, mais il y a peut-être certaines ambiguïtés, et je vous explique. Il me semble que le problème de l'article 12 est beaucoup plus un problème de rédaction que d'autre chose. On a utilisé la négative. On a dit: L'utilisation des renseignements contenus dans un dossier n'est permise, une fois l'objet du dossier accompli, qu'avec le consentement de la personne concernée.

Il y a un premier problème qui... Et vous connaissez certainement cette jurisprudence de la Commission d'accès à l'information qui, en dépit d'une volonté très clairement exprimée, au moins dans les débats parlementaires, du législateur, de ne pas obliger les entreprises à détruire les renseignements dont l'objet est accompli, a jugé qu'elle avait malgré tout ce pouvoir-là qui lui venait de l'article 39 du Code civil du Québec et qu'elle pouvait même ordonner à une entreprise de détruire des renseignements périmés ou dont l'objet est accompli. Alors, ça, c'est un véritable problème parce que, par le biais de la jurisprudence, on est en train de contrecarrer la volonté législative.

(17 h 20)

Maintenant, la problématique qui a été portée à votre attention par l'Association des archivistes, je comprends effectivement la difficulté et je pense qu'elle est liée au fait que, dans le libellé de l'article 12, on a raccroché le pouvoir du lieutenant-gouverneur en conseil d'adopter des règlements sur les calendriers de conservation directement à la règle générale, et ça peut prêter à confusion. Mais, contrairement à ce que vous avez énoncé tout à l'heure, il me semble que, si l'on voulait préciser très clairement ce que l'on veut ici, on pourrait dire clairement qu'une entreprise n'est pas tenue de détruire des renseignements personnels quand l'objet du dossier est accompli, mais cependant qu'elle ne peut les utiliser sans le consentement de la personne concernée. Et ça, c'est la règle générale. Là, tout serait clair.

Par contre, il me semble que le gouvernement voudrait se réserver le pouvoir d'établir, par règlement, que certains renseignements personnels doivent être détruits par les entreprises. C'est le cas en matière de crédit, par exemple, où le gouvernement décidera vraisemblablement un jour qu'un dossier de crédit, après six ans, ça doit être épuré pour certains types de renseignements. Après 12 ans, un individu a droit à une certaine forme, j'allais dire, d'oubli ou de pardon. Le lieutenant-gouverneur, comme ça s'est fait dans la plupart des autres provinces canadiennes, voudra possiblement établir des normes et il faut qu'effectivement la règle générale de l'article 12 prévoie que ces normes réglementaires passent par-dessus la règle générale selon laquelle les renseignements n'ont pas à être détruits. Alors, il faut le faire, le raccord. Sans ça, vous allez avoir un problème d'un point de vue légistique, j'en suis persuadé.

M. Boisclair: Rapidement, si M. le Président permet, pour compléter l'échange, je demanderais à Mme Poitras de...

Mme Poitras (Diane): Je connais très bien votre argumentation et la jurisprudence que vous citez sur l'obligation, la juridiction de la Commission de pouvoir ordonner la destruction. Je vous dirais: Vous affirmez la volonté législative – on devrait le préciser – qu'on n'a pas l'obligation de détruire. Toutefois, la volonté législative est qu'une entreprise ait l'obligation de détruire par le biais de la rectification, et c'est clairement énoncé dans le Code civil, lorsqu'on considère qu'un renseignement est périmé.

M. Doray (Raymond): Tout à fait.

Mme Poitras (Diane): Alors, je pense qu'il faut lire les deux dispositions, l'une et l'autre, et c'est: Oui, vous n'avez pas l'obligation de détruire, sous réserve de ce que prévoit le droit de rectification.

M. Doray (Raymond): Mais le problème, si vous permettez, c'est que les renseignements périmés ont un intérêt pour une entreprise. Pensez au Service anti-crime des assureurs. L'ancienne adresse d'un individu, c'est extrêmement important pour le Service anti-crime des assureurs et c'est un renseignement périmé. C'est un renseignement qui n'est plus à l'heure du jour. Mais, pour le Service anti-crime, de savoir qu'un individu habitait sur telle autre rue il y a quatre ans et qu'il a fait des réclamations parce qu'il y avait eu un feu à sa maison, qu'il y a huit ans il habitait dans une autre ville au Québec puis que, par un curieux hasard, sa maison a brûlé, qu'il y a 12 ans sa maison a brûlé, c'est fondamental en matière de ce Service anti-crime des assureurs pour établir une fraude.

Il me semble que la règle selon laquelle les renseignements périmés doivent être détruits par les entreprises n'a pas sa raison d'être. L'entreprise a droit de garder un historique de ce qui s'est passé au sujet d'un individu. Ce qu'on dit, c'est qu'elle ne peut pas l'utiliser. Lorsque son enquête est terminée, elle obtiendra le consentement ultérieurement pour pouvoir rouvrir le dossier.

M. Boisclair: Mais est-ce que, dans ce cas-là, c'est un renseignement périmé?

M. Doray (Raymond): Selon la Commission, oui. Et c'est vrai. Si vous regardez la définition dans le dictionnaire de ce que c'est qu'un renseignement périmé, c'est un renseignement qui n'est plus à jour. Effectivement, mon ancienne adresse, elle n'est plus à jour, mais elle est pertinente et drôlement pertinente. C'est la même chose pour un banquier. Savoir où vous étiez antérieurement, c'est peut-être très important pour pouvoir aller vérifier auprès de la caisse populaire de ce village ou de cette ville si vous avez payé vos prêts de façon régulière.

Le Président (M. Garon): Le temps est terminé. M. le député de Chomedey.

M. Boisclair: Me Doray, on va régler cette question-là.

M. Mulcair: M. le Président, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Service anti-crime des assureurs. L'avocat est un peu plus connu des membres de cette commission que le présentateur, mais c'était d'un aussi grand intérêt dans un cas comme dans l'autre.

J'aimerais commencer avec effectivement, comme mon collègue le ministre l'a fait tantôt, les recommandations. J'aimerais vous poser, d'abord, la question suivante en ce qui concerne la transmission de cette même information, dont on vient justement de parler, sans le consentement. Quelle règle prévaut dans les autres provinces, au Canada? Est-ce que la règle que nous nous apprêtons, si on restait avec 451... Est-ce que cette règle innove ou est-ce que c'est tout à fait conforme à ce qui se fait dans les autres juridictions au Canada?

M. Brochier (Jean-Pierre): Je ne pourrais vous dire. Personnellement, je ne peux pas vous dire.

M. Mulcair: Moi, j'apprécierais obtenir cette...

M. Doray (Raymond): Relativement au consentement, vous dites?

M. Mulcair: Oui, c'est ça. Vous étiez en train de demander, à votre première demande, que l'article 18 soit modifié pour ajouter une exception permettant à un assureur d'échanger, sans le consentement de la personne concernée, des renseignements concernant l'expérience des sinistres. Je reprends votre exemple de tantôt, Me Doray, très intéressant. Je n'ai pas de difficulté avec ça, et on est tous capables de deviner que ça peut avoir une influence même importante sur le coût de l'assurance de tout le monde.

Alors, ce que je veux savoir simplement, c'est: Quelle est la pratique dans les autres provinces canadiennes? Cette comparaison, souvent, peut avoir une bonne influence sur nos pratiques ici, puisque ce sont des marchés qui traversent les frontières.

M. Doray (Raymond): Dans la grande majorité des provinces canadiennes, il n'y a aucune loi, aucune réglementation qui prescrive l'obtention du consentement pour un assureur, mais il y a – et, de mémoire, je pense que c'est au Nouveau-Brunswick et peut-être dans une autre province canadienne – un règlement en matière d'assurance qui prévoit que l'assureur doit donner un avis à l'assuré lui indiquant exactement quelles sont les consultations de renseignements qui ont été faites lorsque l'on refuse, uniquement dans les cas où on refuse à l'assuré le contrat d'assurance qu'il a demandé. Quitte à le vérifier, je vous le dis sous toutes réserves, mais je suis presque persuadé que ça existe au moins dans une province et possiblement dans deux provinces sous forme de règlement applicable dans le domaine de l'assurance.

Et c'est la même chose en matière de crédit. Dans plusieurs provinces canadiennes, le consentement ne s'applique pas, mais ce que l'on requiert d'un bureau de crédit, c'est qu'il envoie un avis à la personne concernée comme quoi il y a eu consultation de son bureau de crédit avant de lui refuser un prêt.

M. Mulcair: Afin de nous aider dans nos travaux, on vous invite – on ne peut évidemment pas l'imposer, mais on vous invite – à nous fournir cette information comparative qui nous permettrait peut-être d'arriver à une décision qui ferait votre affaire sur la base de cette comparaison-là.

Une voix: Nous allons le faire.

M. Mulcair: Le deuxième item, je pense que c'est pas mal plus difficile d'y accéder. Je comprends qu'on s'essaie toujours, mais je pense que ça viendrait vraiment abîmer l'économie de ce qu'on est en train de faire ici. Et il en va de même pour le troisième.

Maintenant, j'aimerais arriver au quatrième. Peut-être sans le savoir, mais vous soulevez un drôle de problème, parce que votre lecture, si je comprends bien... Vous nous dites: «L'article 13 devrait être précisé afin de s'assurer que ça ne s'applique pas aux plumitifs civils et pénaux des tribunaux judiciaires.» Je vous avoue que, pour ma part, ma lecture de l'article 13 me conduisait à conclure que ça ne s'appliquait pas aux plumitifs, d'autant plus que c'est en vertu d'une législation fédérale. Et c'est fondamental, dans une société de droit, qu'on doit tous avoir recours et accès à ce qui se passe devant les tribunaux. L'ouverture des tribunaux... Et on n'est pas encore rendu avec des «star chambers».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: Alors, les tribunaux sont ouverts. C'est une des garanties fondamentales de liberté dans notre société, qu'on a le droit de savoir ce qui se passe. Et les plumitifs sont tout simplement des registres qui disent qui a été devant quelle cour, quand, pour quelle raison et quel a été le résultat. Coudon, il y en a toujours un qui perd et l'autre qui gagne, mais, n'en déplaise à celui qui perd, il faut quand même que ça soit public, c'est bon pour nous tous.

Mais le fait même que vous pensiez que c'était peut-être possible que ça s'applique à ça révèle qu'il y a peut-être effectivement un problème de flou rédactionnel là-dessus, parce qu'on dit «un fichier de même nature». Alors, qu'est-ce que c'est, un fichier de même nature? Alors, c'est une technique rédactionnelle qui permet d'éviter une très longue énumération dans laquelle inévitablement on oublie quelque chose. Alors, on essaie de le regrouper en donnant quelques exemples. La règle d'interprétation ejusdem generis s'applique alors et on dit «de même nature».

Si des gens de votre expérience craignent que ça exclue ça, il va peut-être falloir qu'on le trouve, mais on ne va pas commencer à alourdir le texte en disant: Sont notamment exclues telles et telles affaires. Il me semble que ça n'a jamais été là-dedans, mais on va le regarder avec des experts responsables de la rédaction.

M. Brochier (Jean-Pierre): On tenait à le préciser à la commission, cependant.

(17 h 30)

M. Mulcair: Mais, moi, je vais me permettre de vous lancer un problème qui existe. Le ministre de la Justice a sorti un communiqué de presse au printemps disant que, pour satisfaire à des demandes de citoyens qui trouvaient ça injuste que leur nom continue à apparaître dans les plumitifs pénaux même s'ils avaient été acquittés d'un crime, d'une accusation, ils ont donc demandé que ça soit expurgé des registres. Il y a des groupes de journalistes qui disaient: Non, non, c'est normal, on devrait même savoir ça. L'ironie, bien entendu, c'est que, par le fait même, la personne coupable jouit de plus de droits parce qu'après cinq ans on peut demander le pardon, et là c'est illégal de garder une trace de la condamnation, alors que la personne qui a été acquittée, ça continue à demeurer là-dedans. Alors, j'aimerais connaître votre réaction à ça. Quelle est la solution à ça? Est-ce que vous en voyez?

Par ailleurs, la solution du ministre consistait à dire, un peu comme nous, à l'article 55: On va faire ça à l'unité. Sa solution, c'était de dire: Bien, il y aura un accès restreint. Ça va être justement à la pièce, puis il faut montrer que c'est sérieux. Mais il a, par ailleurs, tenu à préciser que les journalistes auraient accès. Alors, moi, je vous avoue que je pense qu'on se fait plaisir, à ce moment-là. Je ne pense pas que c'est sérieux. Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Doray (Raymond): Écoutez, j'aimerais juste répondre, d'abord, sommairement sur votre premier point. Je pense qu'il y a un risque effectivement que le libellé de l'article 55 puisse viser les registres, parce qu'on parle de registres dans le Code de procédure civile, pour les plumitifs civils et pénaux. De fait, l'administration de la justice relève de la province. Donc, effectivement la province aurait le droit de légiférer là-dessus. L'interprétation pourrait donc aller dans le sens que ça vise les registres des tribunaux civils et des tribunaux criminels.

Est-ce que ce serait constitutionnel? Ça, c'est une autre question. Ça rejoint votre deuxième point, M. le député de Chomedey, c'est-à-dire que la Cour suprême nous a dit, dans l'arrêt McIntyre, que le droit de consulter les registres, c'est-à-dire les plumitifs civils et pénaux, incluant tous les renseignements qui s'y trouvent autant sur une personne acquittée que sur une personne qui a été condamnée, c'est un droit constitutionnel qui est protégé par la Constitution du Canada par le biais du préambule. Donc, une telle intervention serait peut-être inconstitutionnelle. Je pense que ce serait inutile de devoir faire un débat jusqu'à la Cour suprême pour essayer de... alors que ce n'est pas la volonté du législateur, d'ailleurs, de viser ce type de registres là.

Maintenant, le problème que vous soulevez relativement à la volonté exprimée à l'époque par le ministre de la Justice, je reconnais qu'il est entier. Il y aurait peut-être, à tout le moins, une possibilité de prévoir un mécanisme par lequel la personne qui est acquittée puisse demander l'exclusion de son nom. Et, si la loi sur le pardon est valide constitutionnellement, je ne vois pas pourquoi une loi qui permettrait une forme d'amnistie, à tout le moins, ou d'anonymat aux personnes acquittées serait invalide.

M. Mulcair: Puis, pour ce qui est de votre deuxième partie de votre quatrième suggestion, «il devrait également être mentionné qu'une personne peut avoir accès à l'ensemble d'un fichier, incluant un accès par lien informatisé, si elle établit, à la satisfaction de l'organisme public concerné, qu'elle poursuit une fin sérieuse et légitime», moi, je me permets de dire: «That's the pot calling the kettle black» pour ce qui est de votre reproche qu'il faut enlever les notions floues et imprécises. S'il y a une notion floue et imprécise, c'est bien de prouver à quelqu'un que t'es sérieux et légitime. Je vois difficilement quelqu'un prétendre le contraire.

Mais ça revient quand même sur un point qui est revenu à plusieurs reprises. Vous vous souvenez, à une époque un peu plus pudique, même des grands tableaux dans les musées, et tout ça, il y en a qui disaient qu'il faudrait peindre des feuilles de vigne devant certaines parties cruciales. J'ai l'impression que, nous, on essaie de coller une feuille de vigne législative sur quelque chose ici, parce qu'effectivement on est en train de dire: C'est public, mais il va falloir y aller au compte-gouttes. Plus ça va, plus je suis convaincu que ce n'est pas une approche qui est sérieuse législativement.

M. Doray (Raymond): Le problème, si vous permettez... La solution, c'est probablement l'utilisation. Ce n'est pas que les gens aient accès à des registres ou à des rôles d'évaluation d'une façon globale qui pose des difficultés, c'est l'utilisation que certaines entreprises de marketing direct ou autres pourraient en faire. C'est peut-être là qu'il faut frapper, c'est-à-dire prévoir des règles très strictes et même très sévères quant à l'utilisation des renseignements qui se retrouvent sur ce type de registres et peut-être effectivement interdire, par exemple pour les rôles d'évaluation, leur transmission par voie de disquettes complètes.

Ça, je pense que, d'ailleurs, la Commission d'accès à l'information, dans sa jurisprudence, a déjà, il y a sept ou huit ans, décidé qu'il est interdit à une municipalité de communiquer sur support informatique le rôle d'évaluation. La Commission a dit que cette communication-là allait à l'encontre des principes fondamentaux de la loi. Elle l'a dit clairement. Depuis ce temps-là, il y a peut-être des municipalités qui ne connaissent pas la jurisprudence, mais c'est bel et bien l'état du droit au moment où on se parle.

M. Mulcair: O.K. Alors, merci beaucoup pour ça. Puis, si vous étiez capables de nous fournir l'autre information, ça risquerait de vous aider.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Service anti-crime des assureurs de leur contribution aux travaux de cette commission. Et, comme l'ordre du jour prévu pour la journée est épuisé, j'ajourne les travaux de la commission au mardi 15 septembre, à 14 heures, à la salle Papineau.

(Fin de la séance à 17 h 36)


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