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Version finale

38th Legislature, 1st Session
(May 8, 2007 au November 5, 2008)

Thursday, September 27, 2007 - Vol. 40 N° 12

Consultation générale sur le document intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2008-2010


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Dubourg): Mesdames, messieurs, bonjour. Chers collègues parlementaires, je vous souhaite à tous la bienvenue à cette commission. Je constate le quorum et donc je déclare par conséquent la séance de la Commission de la culture ouverte. Le mandat de cette commission, l'objet de cette séance est de procéder à une consultation générale sur le document intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2008-2010.

Je demande tout de suite au secrétaire s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Curzi (Borduas) est remplacé par M. Lemay (Sainte-Marie? Saint-Jacques).

Le Président (M. Dubourg): D'accord. Merci. Donc, M. Sainte-Marie?Saint-Jacques qui s'amène... le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques, de préférence. Donc, je voudrais aussi demander aux personnes de l'assistance de bien vouloir éteindre leurs cellulaires. D'accord?

Aujourd'hui, qu'est-ce que nous avons au programme? Donc, tout d'abord, nous allons donc commencer avec l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Ensuite, ce sera au tour de la ville de Sherbrooke, de M. Michel Paillé, et nous terminerons avec Le Coffret Méridien.

Auditions (suite)

Donc, tout d'abord, je voudrais encore une fois souhaiter la bienvenue à l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées. Et je voudrais vous dire que, bon, vous allez avoir 15 minutes pour faire votre exposé, et après quoi les parlementaires ici présents vous questionneront pendant environ une quarantaine de minutes pour approfondir votre mémoire. Donc, je demanderais tout de suite à la directrice générale, Mme Luciana Soave, de bien vouloir se présenter et présenter aussi les gens qui l'accompagnent.

Association multiethnique pour
l'intégration des personnes
handicapées (AMEIPH)

Mme Soave (Luciana): Merci beaucoup. Merci de nous avoir accueillis. Je présente mes collègues: Mme Teresa Peñafiel, qui coordonne les services de promotion et la formation, et également notre collègue Mirlande Demers, de la Coalition contre la discrimination, qui est ici, du Québec, avec laquelle nous collaborons très étroitement. Je procède donc à présenter notre minimémoire.

Nous avons présenté cet avis à la commission en tenant compte que les personnes handicapées issues de l'immigration et des communautés culturelles sont quand même une minorité parmi les minorités. Ils font quand même partie de la société québécoise, et c'est très important pour nous que leur présence soit prise en compte.

Le point principal que nous voulons présenter aujourd'hui, c'est le fait que très souvent ces personnes ne sont pas même mentionnées dans des politiques, dans des programmes et dans des services. Et notre premier constat était également que, dans le document de consultation du ministère, il n'y a aucunement mention des personnes handicapées qui arrivent, qu'il peut arriver en tant que membre de la famille d'une personne reconnue, dans la réunification familiale, des personnes qui entrent comme réfugiés politiques que, par la suite, il obtient la résidence permanente. Et également il peut avoir la situation des personnes qui ont un accident ou maladie après leur arrivée à Québec, qu'ils deviennent handicapés, ou des enfants qui viennent au monde des personnes qui ont immigré récemment ou moins récemment dont la famille n'est pas nécessairement encore très intégrée dans la société québécoise. Donc, ce sont des personnes, je le répète, minoritaires parmi la minorité mais qui sont là et pour lesquelles il faut absolument tenir compte.

Si une personne n'est pas mentionnée dans une loi, politique, règlement, un programme, on ne prendrait jamais des mesures pour pallier aux besoins spécifiques de ces personnes. Donc, nous demandons ? nous allons le répéter plusieurs fois lors de l'audience, que sans une mention explicite, sans le noir sur blanc, les personnes n'iront jamais avoir les services qui sont adéquats ? que les personnes ayant des limitations fonctionnelles soient inclues pour prévoir un accompagnement personnalisé dès leur arrivée.

Les problèmes de francisation des personnes qui ont une mobilité réduite, des personnes non voyantes, des personnes avec des problèmes de surdité sont assez problématiques, et nous mentionnons particulièrement les personnes qui ont une déficience intellectuelle, pour lesquelles actuellement les seuls services, à notre connaissance, qui se donnent, c'est ceux que l'association a créés depuis une quinzaine d'années. Et, si on pense qu'on offre les services à toute la population, bien nous ne rejoignons pas toute la population. C'est ça, le problème. Et ça ne devrait pas revenir à une association à but non lucratif de franciser toutes les personnes qui ont une déficience intellectuelle qui arrivent au Québec.

Et le soutien aux organismes communautaires également, les organismes subventionnés par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles offrent un service d'accueil aux nouveaux immigrants. Ces organismes offrent d'excellents services d'accueil aux nouveaux immigrants, mais ils n'ont pas la connaissance ou l'expertise d'accueillir les personnes qui ont des limitations. Nous avons eu des rencontres, même dernièrement, avec du personnel du ministère qui est en train de préparer un plan d'action pour l'adaptation des services aux personnes handicapées, selon la demande de l'Office de personnes handicapées, et nous pouvons parler davantage de nos recommandations que nous avons faites au ministère. Mais c'est très important que, même si l'Association multiethnique n'est pas subventionnée dans les programmes PANA, il est important quand même que son existence soit reconnue et qu'on ait une certaine reconnaissance, même monétaire, pour le travail que nous faisons.

Teresa, tu veux continuer un peu avec la promotion?

Mme Peñafiel (Teresa): Oui. Bonjour. Merci de nous accueillir. Oui, on revient un peu à la charge, puisque notre premier constat sur l'absence de la mention des personnes handicapées faisait déjà partie de notre présentation lors de la commission sur la discrimination qui a été faite par votre ministère. Et, à ce moment-là, c'était surtout l'absence de mention sur laquelle on revient ici.

Alors là, on se situe plus dans le cadre de la planification de l'immigration, bien sûr. Et je suis sûre que vous avez des chiffres peut-être plus ajustés que les nôtres, mais on sait pertinemment que le nombre de personnes handicapées qui sont acceptées par le Québec tourne autour du 11 % à 12 % de la population. Ça inclut, comme l'a dit Mme Soave, les personnes qui sont nées ici ainsi que celles qui ont acquis le handicap étant déjà au Québec, par un accident de travail, une maladie ou un accident de la route. Les chiffres qui sont énoncés par l'Office des personnes handicapées du Québec donnent des pourcentages parfois plus élevés selon les régions du Québec et de Montréal même, mais ça implique qu'on peut parler de l'existence de 10 % de la population d'origine autre que francophone ou anglophone qui a une limitation. Donc, on commence déjà à chiffrer l'ampleur du problème.

Si on considère à ce moment-là une planification, on devra considérer que, des 40 000 personnes, on peut parler d'une arrivée de... 1 % des personnes ayant des limitations, ça implique 400 personnes par année qui auront besoin des services. Donc, de là l'importance de cette mention dans la planification, parce que, si on se prépare à l'avance à recevoir ces personnes, ça va faciliter leur intégration et l'intégration parfois des familles au grand complet à la société québécoise.

n (9 h 50) n

Un point sur lequel, pour nous, le gouvernement québécois pourrait travailler ? et c'est un lien avec le gouvernement fédéral ? c'est pour ce qui est de la mention de la condition de limitation que la personne pourrait avoir dans son dossier d'immigration. Ceci n'implique aucunement une discrimination, mais plutôt une mesure d'accueil. Lors d'une rencontre d'échange avec des agents d'accueil du ministère à Montréal, on nous a donné l'exemple d'une personne qui arrivait directement de son pays d'origine qui devait être transportée immédiatement en région, dans le cadre de la régionalisation de l'immigration. À la surprise de l'agent d'accueil, la personne était en fauteuil roulant, et l'autobus dans lequel il devait se transporter ? je ne sais pas si à Sherbrooke ou à quelle ville ? n'était pas accessible.

Donc, voilà un exemple très concret du travail des gens de l'Immigration qui se fait et qui pourrait être facilité par la mention, la simple mention «personne ayant des besoins spécifiques». Je sais que ça correspond au fédéral, mais je sais aussi qu'il y a de l'intérêt dans certains secteurs pour demander cette mention qui faciliterait l'accueil et qui dit à la personne qui arrive aussi: Vous êtes accepté tel que vous êtes. Alors, il y a une double vision de cette mention, que, je crois, ça faciliterait énormément l'arrivée, l'accueil et l'intégration de la personne et de sa famille.

Vous avez parlé de l'accompagnement personnalisé de la personne qui arrive, et cette mention aussi pourrait se faire dans le cahier que vous avez créé, et qui est le Guide pour réussir mon intégration, et qui ne considère pas non plus l'intégration de la personne qui a une limitation. Et ça m'apparaît davantage évident dans la mesure que, par exemple, il y a, dans les mesures de francisation, il y a une entente entre les services de francisation réguliers du ministère et un organisme pour personnes sourdes, qui ont été mandatés pour donner l'acquisition de la langue aux personnes ayant des limitations auditives.

À notre grande surprise, nous avons reçu récemment une personne d'origine latino-américaine qui suit les cours de francisation réguliers. On a fait les contacts avec le ministère, et ils nous ont dit que, oui, le service est là, l'entente est là avec ce groupe, et il y a un responsable de ce programme au ministère, mais il faut approcher soit le ministère soit le centre de la communauté sourde. Aucune de ces deux façons d'accueillir et de franciser cette personne n'a été faite. Donc, la personne suit avec beaucoup de difficultés parce qu'elle n'a pas la connaissance de la lecture labiale, et son seuil d'audition est minime, vraiment. Donc, elle suit un cours sans pouvoir tirer tout le profit qu'elle pourrait. Alors, de là l'intérêt d'avoir une mention de la condition de la personne, de là l'intérêt de l'intégrer dans un document comme le guide pour la réussite de l'intégration, parce que ça va donner comme le feu vert, ça va permettre à tout le personnel d'immigration aussi de mettre l'accent, de faire attention à ces petits détails qui peuvent faire toute la différence pour une personne qui a une limitation, comme c'est le cas de la surdité ou la personne qui est aveugle. Alors ça, c'est pour la mesure d'inclusion de la mention.

Pour ce qui est de la francisation, Mme Soave le disait tout à l'heure, le seul programme qui existe pour la déficience intellectuelle est celui qui est offert par l'Association multiethnique, avec la limitation que nous avons de capacité d'accueil et en plus des références. Parce que ça prend parfois des années pour que la famille ou la personne arrive à nos services, et, nous, si toutes les personnes qui ont une limitation intellectuelle venaient à nos portes du jour au lendemain, on ne serait pas en mesure, avec les moyens que nous avons actuellement, de desservir cette population. De là la question que, bon, on se pose et qu'on pose au ministère depuis des années: Quand est-ce que ce programme va être appuyé financièrement par le ministère? Ça fait partie de la francisation, puis, nous, on fait notre possible en grattant des sous par ci, des sous par là. On veut le faire, on veut continuer. On a une expertise de 15 ans, on a un taux de réussite vraiment au-delà de... d'espoir de bien des familles, puis on voudrait continuer à le faire. Mais c'est difficile dans les circonstances que nous avons là, puis on sait qu'il y a d'autres personnes qui pourraient en bénéficier et qui ne le font pas.

Finalement, ça implique aussi le soutien aux organismes bien sûr qui font partie de l'accueil, et lesquels ne sont pas non plus nécessairement très bien informés parfois des services pour les personnes ayant des limitations. On reçoit certaines références des organismes d'accueil, mais pas de façon régulière. Donc, encore, il y a une perte de temps entre l'arrivée de la personne et le moment où elle commence à recevoir des services. Comme vous pouvez voir, le travail de la promotion de l'association, c'est beaucoup la défense des droits, et on fait tout ce qu'on peut, et on essaie d'être le plus présents possible dans des forums, des occasions comme celle-ci, pour rappeler l'existence des personnes ayant des limitations qui proviennent des communautés culturelles, qui sont arrivées ici depuis un certain temps ou parfois depuis longtemps.

Ça, c'est une autre limitation des services parfois dans les services d'accueil, qu'on a imposé des délais de temps de résidence pour être admissible à certains services. L'Association multiethnique n'émet aucune limite au temps de résidence de la personne ou de la famille pour offrir ce service et pour offrir les cours. Le cours de francisation qui est offert par l'association n'a pas de limite non plus, parce que, dans le cas de la déficience intellectuelle, il s'agit d'un rythme individuel. Il y a des personnes qui vont réussir à un certain rythme plus ou moins normal, si on parle d'un groupe, mais jamais ils ne seront en mesure de suivre les cours offerts par le ministère. Et de là le problème pour lequel... disons, la situation pour laquelle le ministère n'a jamais pris en charge la francisation des personnes ayant une limitation intellectuelle.

On le comprend, on offre les services, mais on aimerait avoir une reconnaissance officielle de façon que le cours soit offert aux personnes qui arrivent mais aussi qu'on soit en mesure de le maintenir, parce que dans ces programmes, à un certain moment, on a eu, par exemple, un volet qui était l'utilisation de l'informatique, qui donnait des résultats incroyables parce que la capacité de concentration, la vision de la personne, de l'alphabet, par exemple, sur l'écran, la motricité fine et bien d'autres étaient vraiment stimulées par l'utilisation de l'ordinateur. Mais c'est un volet qu'on a dû délaisser parce qu'on n'avait pas la possibilité de le maintenir. Je ne sais pas si je dépasse...

Le Président (M. Dubourg): Oui. Merci. Merci beaucoup, Mme Peñafiel. Merci, Mme Soave. Donc, je passe la parole tout de suite au député de Nelligan, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, pour les premières questions.

Mme James: Merci, M. le Président. Mme Soave, Mme Peñafiel puis Mme Demers, bonjour. Merci d'être là. Je suis contente de vous retrouver. Je dois dire que vous êtes souvent des habituées des commissions parlementaires et je reconnais non seulement votre passion, mais l'expertise que vous apportez et le fait que vous soyez vraiment là afin de défendre les droits, il faut dire, les droits des personnes handicapées, un domaine que je connais bien. Je pourrais y revenir.

Mais je voulais aussi souligner l'apport de Mme Soave. Vous savez, Mme Soave, vous avez pu être récipiendaire du prix Jacques-Couture en 2006 et de l'insigne Mérite civique de Santé Canada. Hier, on a reçu Dr Goldbloom. Je pense que cette commission parlementaire nous permet de recevoir des grands Québécois qui ont pu contribuer de façon remarquable à l'avancement de la société puis je voulais en profiter pour vous remercier de votre contribution et de votre présence ce matin.

n (10 heures) n

Comme je disais tout à l'heure, vous savez que j'ai pu, j'ai eu ce privilège de travailler, dans une vie antérieure, sur la modification de la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées. Et vous avez évoqué dans votre présentation l'importance ? puis vous l'avez fait également lorsque vous avez fait une présentation, lors de la commission sur la discrimination, l'année passée; l'importance ? de voir et de reconnaître les droits, et la présence des personnes handicapées, et de l'intégration. Non seulement je suis sensible à ça... Puis vous avez parlé du plan d'action, une des choses ? puis j'ai pu communiquer avec vous ainsi qu'avec d'autres groupes lorsque nous avons entamé cette procédure de modification de cette loi ? que c'était important d'exiger que chaque ministère se dote d'un plan d'action justement pour s'assurer que les droits et les services aux personnes handicapées y soient inclus.

Alors, sur ça, ma première question sera non seulement sur le plan d'action, mais plus que ça, sur une stratégie qui était aussi, M. le Président, incluse dans la loi, qu'Emploi-Québec ou, je vais dire, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale devait se doter d'une stratégie d'insertion en emploi pour les personnes handicapées. Et, compte tenu de votre expertise, je me demandais quelle a été votre contribution, si vous aviez été consultés à ce sujet-là, compte tenu de tout ce que vous faites au niveau de l'insertion.

Mme Soave (Luciana): Oui, nous avons été consultés. J'ai trouvé fort intéressant également que les documents ? je pense que je l'avais mentionné même à notre présence lors de la consultation sur la discrimination ? que c'étaient les premiers documents gouvernementaux qui mentionnaient noir sur blanc que c'est important de prendre des mesures pour intégrer les personnes handicapées issues des communautés culturelles dans le marché du travail. Et c'était vraiment... J'espère que ce n'est pas la dernière.

Et nous avons participé aux consultations, et, suite à ces consultations-là, on nous a invités à faire partie officiellement de la table sur l'intégration en emploi, pour laquelle nous avons cherché de faire partie depuis une quinzaine d'années. On nous disait tout le temps que la table est fermée et qu'il y a déjà assez de monde, que ce n'était pas nécessaire, tout ça, puis, à la fin, on nous a intégrés dans la table d'intégration au travail. Donc, nous collaborons maintenant aussi dans les suivis et dans l'implantation des mesures.

Mme James: Parfait. La situation, lorsqu'on regarde la question de l'intégration des personnes handicapées, point, en est une qu'il est important de sensibiliser l'ensemble de la population sur ces questions. Et, lorsqu'on regarde plus précisément encore l'insertion en emploi ou l'intégration des personnes handicapées issues de l'immigration, reste qu'encore là il y a des efforts qu'on doit y mettre.

Lorsque je regarde tout ce que vous faites et toute votre action que vous avez menée depuis bien des années maintenant, vous offrez des services. Je sais que souvent votre... vous êtes subventionnés par le ministère de la Santé et des Services sociaux. On pourra revenir sur la francisation, mais pour l'instant je souhaitais vous entendre sur des ateliers spécialisés que vous offrez à cette clientèle-là. Dans un objectif de savoir ce qui se fait, moi aussi, je voulais savoir comment est-ce qu'on pourrait mieux, en tant que gouvernement, mieux supporter et accompagner les gens issus de l'immigration et qui sont également des personnes handicapées.

Mme Soave (Luciana): On parle du programme que nous avons appelé Je découvre ma nouvelle langue, mon nouveau pays, moi-même. C'est un programme qui s'est développé... Ça remonte loin, 1981. C'était un des membres fondateurs de l'association, un investisseur qui provenait d'Italie, avec un fils de 28 ans avec un syndrome de Down qui voulait apprendre le français. Il participait aux Ateliers Le Fil d'Ariane, mais il était isolé complètement du reste de ses collègues de travail. Et c'est là qu'on s'est dit: Oui, c'est bien, il peut apprendre. Pourquoi pas? Il travaillait, il faisait des oeuvres d'art, pourquoi pas apprendre le français? Et là on s'est trouvé avec une autre grande surprise, qu'il n'y avait rien, il n'y avait aucune possibilité et il n'y en avait pas, de classe qui se donnait pour les 18 ans et plus. Quand une personne arrive, jusqu'à 18 ans ils ont accès à l'école publique où, d'une façon ou l'autre, ils sont intégrés quand même dans les classes de francisation. Si la personne arrive à 18 ans et plus, ils n'ont pas accès à l'école publique. Les anciens COFI ou les anciens cours pour immigrants n'accueillent pas, ils ne sont pas adaptés pour les personnes ayant une limitation intellectuelle.

Donc, nous avons commencé nos démarches. Qui devrait les faire? Ça devrait être le ministère de l'Immigration ? comment il s'appelait à l'époque?, je ne me rappelle pas ? où là ils nous disaient: Non, c'est le ministère de l'Éducation. Donc, on est passés... Juste pour être bref, on s'est lancé la balle entre un ministère, une commission scolaire, l'autre ministère, l'éducation populaire. Et on a poursuivi comme ça environ jusqu'en 1991, jusqu'à quand... Bien, d'abord, la famille était retournée en Italie découragée parce qu'on n'accueillait pas son fils. La crise, qu'ils avaient peur de perdre leurs investissements, était passée, donc ils sont retournés investir en Italie. Mais nous avions d'autres demandes, d'autres personnes qui voulaient apprendre le français, et, à la fin, la commission scolaire catholique de l'époque avait accepté d'envoyer une enseignante spécialisée en déficience intellectuelle pour donner des cours. Malheureusement, elle ne connaissait rien de l'approche avec les immigrants. On a commencé avec sept étudiants, on a fini avec deux. Donc, la commission s'est retirée en disant que, si on aurait un minimum de sept étudiants, on pourrait commencer. Donc là, c'était la commission protestante de l'époque qui nous ont commencé à donner de l'argent. Nous étions chanceux, on avait un bénévole qui avait une formation en alphabétisation et en éducation spécialisée, et on a parti avec les 5 000 $ de la commission protestante pour donner des cours de français.

Un peu ironique, c'était la commission anglophone qui nous payait pour enseigner le français. Ils ont continué à nous soutenir. Ça fait sept, huit ans qu'ils ont arrêté de nous soutenir. Entre-temps, nous fonctionnons avec des dons surtout de la Fondation Roger-Roy ou d'autres subventions. Parfois, on fait appel au député provincial, on ramasse un peu à droite, à gauche. Et on continue, nous avons autour de 25 étudiants divisés en deux groupes: un groupe pour une déficience légère et un groupe pour une déficience un peu moyenne. Et, comme Mme Peñafiel soulignait, ces gens vont après soit au Centre Champagnat ou à d'autres centres d'enseignement plus avancé, régulier. Notre but, c'est vraiment de les mettre en mesure d'avoir une connaissance suffisante du français pour pouvoir intégrer les services existants. Donc, ils vont au centre de réadaptation, au Centre Champagnat, même aux activités des personnes d'abord. Donc, pour nous, c'est vraiment les préparer. Et de plus en plus ce sont les centres de réadaptation qui font appel à nous. Parce qu'ils ont déjà une liste d'attente, alors ils disent: Bon, qu'ils se préparent un peu en français en attendant.

Mme James: Justement, sur cette question, parce qu'on m'indique qu'il me reste à peine 30 secondes, je crois bien...

Le Président (M. Dubourg): 30 secondes, absolument.

Mme James: Alors, je voulais toucher cet aspect-là de francisation parce que je sais que, bon, vous avez parlé de cette question de financement, mais que vous donnez, vous offrez des cours de francisation subventionnés par le ministère de la Santé et des Services sociaux, mais, au ministère de l'Immigration, on offre aussi des services adaptés en francisation. Reste que les données que j'ai lues, on n'a que trois ou quatre demandes par année.

Alors, en quelque part ? puis je le dis très ouvertement ? est-ce qu'à votre avis ? vous êtes là, sur le terrain, vous offrez ces cours-là ? on a besoin davantage... Les gens, soit qu'on n'est pas... on ne va pas assez vers eux. Le besoin est là, vous l'avez évoqué, qu'est-ce qu'on peut faire davantage pour s'assurer que les gens puissent venir en bénéficier? Parce que les services sont offerts, des services adaptés, chez nous.

n (10 h 10) n

Mme Soave (Luciana): Assouplir les règles, parce qu'on nous demande un minimum de 15 ou 16 participants homogènes avec... Il ne faut pas qu'ils aient dépassé un certain nombre de mois de résidence au Québec, et, étant donné que souvent, nous, on les détecte, ces personnes, même après quatre, cinq ou 10 ans qu'ils sont au Québec, nous prenons des gens, même des citoyens canadiens qui sont là depuis un certain temps... On a eu une personne de 56 ans que ça faisait 50 ans qu'il était au Québec, jamais allé à l'école. C'est sûr que votre ministère ne nous aurait pas subventionnés pour une personne qui a passé 50 ans de sa vie au Québec renfermée dans sa maison, sans aller à l'école. Il n'a même pas participé à l'école de quartier, jamais, ni aux écoles spécialisées. Nous offrons des cours à n'importe qui a besoin, sans regarder la limite de temps qu'ils sont au Québec. C'est un peu la barrière que nous avons avec le ministère.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Merci, Mme Soave. Merci, Mme la ministre. Alors, maintenant, la période de questions, c'est la députée de Deux-Montagnes qui va vous poser la question.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Écoutez, ça me fait plaisir... Comme vous le dites, malgré un mémoire assez écourté... Mais je pense que vous avez quand même, à l'inverse, une feuille de route qui est quand même très longue sur l'intégration de nos immigrants, particulièrement handicapés, donc je vous en félicite. On voit très bien que avez fait quand même un travail colossal face, disons, face aux outils que vous aviez en main.

Donc, écoutez, pour débuter, vous... Parce que Mme la ministre a quand même pris quelques questions où on avait les mêmes questions, donc, écoutez, je vais débuter en vous demandant... Vous faites mention dans votre document, là, les documents de consultation ? et vous en avez parlé tantôt ? ne mentionnaient aucunement «les personnes handicapées qui arrivent au Québec comme membres de la famille d'un immigrant sélectionné à l'étranger, mais également dans le cadre de la réunification familiale ou du refuge». Votre constat de cette absence, dans votre document ? et je vous cite ? «un éventuel "fardeau excessif"», qui est quand même grave de conséquences. Et on peut comprendre aussi, disons, votre approche, là, votre ? voyons, là, excusez, je cherche mon mot, là; votre ? compréhension de tout ça, mais c'est quand même lourd de conséquences. Puis, considérant ce constat, que faites-vous pour... et comment renverser... vous savez, comment renverser tout ça? On parlait, bon, tantôt, c'est sûr, il y a la sensibilisation, mais c'est quand même grave, et comment... tu sais, aujourd'hui, là, c'est le constat que vous en faites, comment renverser tout ça?

Mme Peñafiel (Teresa): Vous, vous voulez savoir en termes de qu'est-ce qu'on fait pour arriver à contacter les personnes?

Mme Leblanc: Bien, écoutez, dans son ensemble, parce que, bon, comment... Pour la perception, vous savez, que représenteraient ces personnes-là comme des fardeaux excessifs, comment renverser cette perception-là?

Mme Peñafiel (Teresa): Mais la perception... Je pense, on considère toujours que le meilleur changement de perception se fait à travers la présence de ces personnes dans les milieux réguliers. Et c'est quelque chose qui revient dans toute politique, des changements de perception... disons, pas politique, dans toute mesure. Si on parle, par exemple, comment changer la perception des personnes des communautés culturelles, tout simplement c'est en évitant, par exemple, de les mettre en évidence. Dans les faits, carrément un policier et un monsieur d'origine, je ne sais pas quoi... Et ça, ça a été changé et ça change la perception du public. Même chose, si les gens apparaissent à l'image de la télévision, ils deviennent partie du paysage. Les personnes handicapées n'apparaissent nulle part, elles n'existent pas dans l'imaginaire collectif. Si une personne handicapée des communautés culturelles réussit à se faire une place dans un milieu de travail normal, régulier, c'est un modèle, c'est une façon de commencer la sensibilisation de façon la plus importante. Donc, si on pouvait améliorer ce taux d'insertion des personnes handicapées des communautés culturelles dans tous les milieux de travail, dans l'éducation, n'importe où, c'est la meilleure sensibilisation qu'on puisse faire.

Mme Soave (Luciana): On peut demander à Mme Demers.

Mme Demers (Mirlande): Oui. Bien, j'ajouterais qu'au niveau de la loi canadienne sur l'immigration justement cette question-là de fardeau excessif est présente, ce qui fait que ça limite même l'immigration des personnes ayant une limitation fonctionnelle. Donc, il y aurait un pas à faire, peut-être, pour le gouvernement québécois, de faire des pressions sur le gouvernement canadien pour que le règlement, la loi canadienne sur l'immigration soient changés. Donc, si déjà, à l'intérieur des institutions gouvernementales, on commence à changer cette vision-là, ce sera déjà un pas. Je pense qu'il y a un gros travail à faire. La Coalition contre la discrimination fait partie d'un autre organisme plus large, le Conseil canadien de lutte contre le racisme. On a rencontré des parlementaires à Ottawa sur cette question-là puis on voit qu'il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire juste au sein même des parlementaires. Puis j'imagine qu'au Québec aussi on a du travail à faire. Puis, le Québec a des compétences au niveau de l'immigration, donc je pense que ça devrait être clair qu'au Québec ce n'est pas cette perception-là qu'on a des personnes handicapées, on croit qu'elles peuvent immigrer puis contribuer à notre société.

Puis c'est sûr que, comme elle le mentionnait, c'est difficile pour une personne handicapée qui appartient à la société majoritaire de trouver un emploi, donc c'est doublement ou triplement difficile si en plus tu as un handicap... si en plus tu appartiens à une communauté racialisée, si en plus tu es une femme. Donc, c'est des grosses, grosses barrières, puis je pense qu'il y a un travail majeur à faire. Puis, au niveau de la représentation médiatique, c'est déjà un pas de dire qu'elles existent, qu'elles peuvent contribuer puis de ne pas voir la personne handicapée comme un problème, mais plutôt comme un apport, puis qu'elle peut nous faire découvrir différentes possibilités, puis, je veux dire, il y en a qui ont des compétences à tous les niveaux. Donc, je pense que c'est ça, de faire comprendre aux gens que la personne handicapée n'est pas un handicap, est une personne d'abord puis peut contribuer à notre société.

Donc, les programmes de sensibilisation, le financement d'organismes, que ce soit comme la coalition ou comme l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées, par le ministère, je pense que c'est quelque chose d'important, puis de comprendre que, quand on arrive à s'occuper des personnes handicapées qui sont issues de l'immigration ou qui appartiennent à une communauté racialisée, bien il faut assouplir les règlements. Vraiment, je pense, c'est ça, l'importance, c'est où le bât blesse, c'est qu'on ne peut pas demander à quelqu'un, c'est ça, qui a une déficience intellectuelle, bien, de nécessairement apprendre aussi vite le français. Donc, je pense qu'il y a un gros besoin d'assouplir les règlements puis je pense que c'est là que vous pouvez jouer un rôle, au niveau des parlementaires, puis s'asseoir avec les organismes comme les nôtres, puis voir comment justement on peut travailler ensemble, puis qu'il y ait un financement rapide. Parce que, imaginez, 50 ans d'exclusion pour un monsieur, comme elle le disait tout à l'heure, ce n'est pas normal, on ne peut pas se permettre ça. Il y a une urgence pour qu'on finance l'éducation, la francisation des personnes immigrantes ayant des limitations fonctionnelles.

Mme Leblanc: Merci. Bien, écoutez, vous avez un petit peu répondu à ma deuxième question. Bon, c'est ça, vous parlez d'assouplissement, là, peut-être des règles pour aider l'intégration, mais, à court terme, parce qu'on sait qu'il y a un travail colossal à faire du côté des immigrants handicapés, donc, à court terme et concrètement, c'est quoi, votre priorité, là, tu sais, que le gouvernement pourrait mettre en place, là, pour effectivement accélérer et aider grandement, là?

Mme Soave (Luciana): Bien, ce qu'on demande depuis longtemps, là, commençons à reconnaître qu'elles existent. Dans n'importe quel document que le document produit, on doit reconnaître qu'il y a des personnes qui ont des capacités différentes qui peuvent venir. On parle de différences de sexe, de statut social, d'orientation sexuelle, on parle de tout. Il y a des personnes handicapées qui ont des limitations, que ce soit physiques, intellectuelles, de santé mentale, visuelles ou d'autres, et il faut qu'on commence à reconnaître que les personnes font partie de la société. Nous vivons dans une société qui veut intégrer tout le monde, reconnaître les différences, et la mention de ces personnes qui vivent la différence du point de vue habiletés, ou manque d'habiletés, ou habiletés différentes soit incluse dans tout discours. C'est le premier pas. Ça ne coûte pas cher, ça ne coûte rien. C'est sûr que c'est à ajouter.

Tout dernièrement, même, il y a toute une consultation qui s'est faite au mouvement associatif pour la révision de la politique À part... égale. Nous avons participé aux consultations, puis on arrive à la fin que, dans le résultat final, le document final, à tous les niveaux, même si on était présents, le dernier document, oups! elles sont disparues, les communautés culturelles. Alors, c'est arrivé justement il y a deux jours, le compte rendu de tous les regroupements du Québec concernant les personnes handicapées avait oublié encore une fois. J'ai envoyé tout de suite au président qui organise la consultation, j'ai dit: Aïe, aïe, aïe! Richard, tu m'as oubliée à nouveau. 10 minutes plus tard, il m'a envoyé le document. Je m'excuse, j'ai corrigé, fait. Mais il faut tout le temps rappeler. Avec le temps, ça va devenir automatique, mais c'est important qu'on commence, dans tout document, dans toute consultation, dans toute politique, dans tout programme, commencer à rentrer, que ce soient juste les mots «intégrer les personnes handicapées issues des communautés culturelles et de l'immigration». Qu'on commence par ça, le reste va venir. C'est un premier pas que ça ne coûte rien au gouvernement.

n (10 h 20) n

Mme Peñafiel (Teresa): Si je peux ajouter un petit mot, je pense que cette espèce d'oubli des personnes ayant des limitations est à la source un peu dans le fait que la population en général a l'impression que les personnes handicapées, en général, ont tout pour s'intégrer, et cette notion de départ est fausse. Il y a plein de choses, plein de revendications que le mouvement des personnes handicapées en général sont en train de faire depuis la Décennie des personnes handicapées. Et, bien que la situation s'améliore, ce n'est pas encore tout rose, et la population a cette fausse image que, parce que les trottoirs des rues sont tous accessibles, les personnes handicapées sont dans les meilleures du monde. C'est vrai, le Québec est vraiment en tête de file concernant les personnes handicapées, mais il reste du chemin à faire. Et les personnes handicapées des communautés culturelles sont dans une situation de double, triple discrimination, comme le disait madame tout à l'heure, et ça ne fait que rendre le cheminement de l'intégration davantage difficile. Alors, si on ne les mentionne pas, ça ne veut pas dire qu'elles soient couvertes par les programmes et les services de façon automatique.

Mme Demers (Mirlande): Voilà. Puis je pense aussi qu'il faut être conscient du vécu des personnes handicapées déjà, parce que les trottoirs, eux autres, ne sont pas tous accessibles. Il y a encore bien des défis juste au niveau structurel. Même des Emploi-Québec dans lesquels je ne peux même pas monter avec mon quadriporteur, dans l'ascenseur, c'est un édifice gouvernemental. Donc, même si le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale a fait son plan d'action pour l'intégration des personnes handicapées, bien, si l'ascenseur, on ne peut pas rentrer avec un quadriporteur, ça démontre qu'il y a encore beaucoup de problèmes concrets qui limitent carrément l'accès aux personnes handicapées à ce type de services là, d'une part, et puis justement, bien il faut se battre pour avoir tout. Si en plus tu as la barrière de la langue... Déjà, la fatigue physique, émotionnelle à avoir à se battre pour avoir les services du CLSC pour avoir un bain par semaine, ce n'est pas normal que les gens se battent pour ça, on devrait avoir droit d'avoir plus d'un bain. Donc, il faut être conscient que toutes ces difficultés-là que les personnes ont à vivre s'ajoutent à la barrière de la langue, à la barrière de la culture. Donc, je pense que c'est important que le ministère aille vers elles davantage, qu'on explique aux gens que ces services-là existent, parce que souvent, dans le pays d'origine, les services n'existent pas. Donc, il faut être conscient qu'il faut faire comme un double effort pour aller rejoindre ces personnes-là.

Puis je pense qu'aussi, dans le cadre justement du plan d'action qui a découlé de la politique sur l'exercice des droits des personnes handicapées, bon, le ministère a fait son plan d'action, mais surtout pour intégrer les personnes au sein de son ministère. Maintenant, il faudrait que ça transparaisse aussi dans les documents, tout document fait par le ministère, comme celui dont on discute aujourd'hui, la planification de l'immigration. Il faut qu'à chaque fois on le mentionne, puis ensuite qu'il y ait des services qui suivent, puis qu'ensuite il y ait des fonds qui suivent pour financer ce type de programmes. Donc, l'avoir toujours en tête, puis on sait que c'est difficile. Des fois, on le dit, on recule, comme le disait Mme Soave. C'est la même chose pour nous, dans le milieu des personnes handicapées, il faut se battre pour les communautés culturelles, il faut se battre pour que les communautés racialisées s'y retrouvent. Et, dans le milieu de l'immigration, il faut se battre pour que les personnes handicapées se retrouvent. Donc, c'est comme une lutte qui est continuelle, qui est difficile, puis je pense que, bien, vous êtes un bon endroit pour s'assurer que ce qu'on dit, que le discours qu'on porte soit au moins représenté dans les papiers puis qu'une fois qu'on le dise, bien, c'est ça, qu'on mette l'énergie, l'argent pour financer le tout.

Le Président (M. Dubourg): Encore une minute.

Mme Leblanc: Oui, d'accord. Écoutez, dans la mesure 3, vous suggérez au ministère d'inclure votre organisme comme partenaire d'accueil et de référence, et je pense que la demande est entendue aujourd'hui, effectivement. Un petit peu... Dans votre présentation, vous avez parlé aussi de votre présence sur des C.A. Là, on comprend que finalement vous êtes présents via différents organismes, à travers différents organismes, mais je présume aussi que, quand même, la tâche colossale que vous avez d'aider l'intégration via votre organisme... le fait que vous deviez passer par des C.A., des partenaires, est-ce que ça vous rend d'autant plus la tâche difficile également?

Mme Soave (Luciana): Non, je pense que ça fait partie de notre rôle de promotion et de sensibilisation. Et c'est sûr que c'est un travail à longue haleine. Je siège dans le conseil d'administration de l'Office des personnes handicapées depuis 10 ans, et ça a pris des années, mais maintenant ça vient automatique que, dans les documents, éventuellement on l'intègre, là. Mais ça a pris du temps, là, il fallait chaque fois: Aïe! Aïe! Vous avez oublié! Oups! La présence constante. Éventuellement, on s'habitue.

Mais nous sommes un petit organisme. Nous avons un budget, avec les projets, les subventions non récurrentes, qui va autour de 300 000 $, mais... Les subventions sont autour de 120 000 $. Le reste, ça vient des projets d'autofinancement. Donc, ça prend beaucoup de ressources. On travaille soit au niveau des services qu'au niveau de la promotion, dans tous les domaines: l'intégration au travail, les droits des femmes, la discrimination, l'éducation, les personnes âgées. On touche tous les domaines dans... Donc, c'est assez épuisant, on ne peut pas siéger dans tous les conseils d'administration. Donc, on se limite, on peut limiter.

Mais on cherche et on publie beaucoup de documents. On cherche de faire la diffusion ici. J'ai quelques échantillons de documents. Mme Peñafiel s'est même rendue en Afrique du Sud en 2001, et je peux dire qu'elle est un peu à la base de ce qui est maintenant la convention que les Nations unies ont adoptée, pour les personnes handicapées. Donc, nous cherchons. Avec l'arrivée de l'Internet, la diffusion de nos documents se fait plus à large échelle. Donc, ça nous aide un peu, et on espère qu'éventuellement il y a d'autres organismes qui s'ajoutent ou qui prennent la relève. On est bien contents de la collaboration de Mme Demers, qui habite à Québec et qui travaille à Québec. Donc, ça peut commencer à s'étendre à travers la province. Mais on a semé pour 26 ans, on espère qu'on commence à récolter.

Le Président (M. Dubourg): À récolter. Merci. Merci beaucoup, Mme Soave. La dernière série de questions sera donc posée par le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. C'est un plaisir de vous entendre et de vous rencontrer ce matin. Juste vous demander d'entrée de jeu seulement quelques chiffres juste pour nous situer un peu, là. Évidemment, bien je comprends que vous n'avez pas les ressources, là, pour faire toutes sortes d'études, et tout ça, là, je le comprends, mais vous avez émis l'hypothèse, là, que dans la société en général il y a de 10 % à 12 % des personnes qui ont un handicap plus ou moins sévère. Vous partez de l'hypothèse de 1 % au niveau des 40 000 entrées, disons, pour les prochaines années, ce qui donnerait à peu près 400 personnes par année qui auraient encore là... Avez-vous une idée... Parce que vous avez des classes... Vous dites que vous avez 25 étudiants à l'heure actuelle. Avez-vous une petite idée, là ? ça fait 26 ans que vous existez ? du nombre de personnes ? et là je parle juste, là, le volet, disons, immigration; avez-vous une idée du nombre de personnes ? soit des personnes réfugiées soit la réunification des familles? Avez-vous une petite idée? Et encore là, là-dessus, je suis conscient, là, que vous avez d'autres choses à faire que de faire des recherches statistiques, là, mais ça aide quand même un peu si on veut réfléchir à...

Mme Soave (Luciana): Il n'y a pas de statistiques, point, parce que les seules statistiques qui existent sur les personnes handicapées ont été publiées en 2003 environ par l'Office des personnes handicapées, où, pour la première fois, on mentionne des personnes qui sont ni de langue anglaise ou française, mais dans lesquelles on a inclus les autochtones, donc ça fausse un peu les résultats. Et, à part ça, il n'y a pas tellement des statistiques de faites. Statistique Canada et Statistique Québec, on peut mesurer les immigrants, les nouveaux arrivants, les réfugiés ou les personnes handicapées, mais jamais les deux.

Nous avons quand même extrapolé, pas scientifiquement. Donc, on peut conclure... On avait calculé grosso modo qu'il pourrait y avoir entre 500 000 ou 600 000 personnes qui ont un type de déficience quelconque à travers le Québec, mais c'est sûr, là, que ce n'est pas scientifique. Mais, si on estime environ le pourcentage de personnes handicapées qui existent au Québec avec le pourcentage d'immigrants, moi, je dirais que ce n'est pas moins de 500 000 ou 600 000 personnes qui ont... Et là on parle de déficiences physiques. Ça pourrait être épilepsie, santé mentale, déficience visuelle, auditive, tout ça. On a aussi des personnes vieillissantes. Nous avons des personnes même qui, dans la réunification des familles, ce sont des personnes qui ont des limitations. Donc, en tout, moi, je dirais que ce n'est pas moins de 500 000 ou 600 000 personnes.

M. Lemay: Dans la société en général.

Mme Soave (Luciana): Dans la société en général.

n (10 h 30) n

M. Lemay: Donc, c'est difficile d'extrapoler. Comme vous dites, le manque de statistiques, c'est difficile...

Mme Soave (Luciana): Il n'y en a pas.

M. Lemay: Encore là, au niveau des services que vous offrez et que vous offrirez aux nouveaux arrivants, qu'est-ce que vous offrez comme services? Vous parlez de francisation, qu'est-ce que vous offrez exactement?

Mme Soave (Luciana): On veut mettre les personnes au courant de ce qui existe au Québec, donc c'est... L'immigrant qui... On offre, si on veut, les mêmes services des organismes qui sont subventionnés par le ministère: l'accueil aux personnes, les mettre au courant des services qui existent, donner les moyens, le support pour qu'ils aient accès aux services. Seulement que, pour nous, c'est les services spécialisés que les organismes d'accueil ne connaissent pas. Donc, c'est le transport adapté, les adaptations spéciales. Donc, c'est... On ne veut pas remplacer les organismes d'accueil, ils font déjà un bon travail, mais ces organismes-là ne connaissent pas les ressources pour les personnes handicapées. Donc, nous, on peut les orienter vers les organismes d'accueil, qui en général n'ont pas les locaux accessibles. On cherche quand même d'avoir les contacts, d'avoir les informations. On accompagne les gens vers les ressources qui existent. On les aide à remplir les formulaires. On donne beaucoup de support moral, beaucoup d'entraide.

M. Lemay: Les groupes qui font, comme vous dites, déjà affaire avec le ministère vous réfèrent des personnes qui ont des besoins particuliers?

Mme Soave (Luciana): Pas assez. On trouve que... On pense... Pour des raisons qu'on ne connaît pas très bien, on a très peu de références des organismes d'accueil. On nous dit tout le temps que, si on les aurait, on vous les réfère. Cependant, quand on arrive à... Ah oui, c'est vrai, l'année dernière, j'avais une personne, ça m'a pris presque un an pour trouver la ressource parce que je ne connaissais pas ça. «Tu nous connais.»«Oui, mais on n'a pas pensé à vous.» Donc, ce n'est pas automatique. C'est une des recommandations que j'ai faites quand j'ai rencontré Mme Lévesque et M. St-Cyr, qui sont en train de travailler pour le plan d'action, de faire une sensibilisation à nos organismes d'accueil, qu'on nous mette comme lieu de référence. On ne veut pas, si on veut, voler leurs clients, on veut que les clients aient les services. Ça va accélérer... Ça va faciliter leur vie et leur faciliter d'offrir les services, s'ils font un appel: Aïe! j'ai une personne qui ne marche pas, est-ce qu'il y aurait quelque chose qu'on peut faire, là? On pourrait lui donner les services.

Donc, la référence est très limitée. C'est un peu un regret. C'est quelque chose qu'on veut éventuellement travailler plus, et on demande de l'aide du ministère, éventuellement qu'il sensibilise plus les organismes. S'il arrive une personne qui a des besoins spéciaux, il y a un organisme qui peut vous donner un coup de pouce.

M. Lemay: D'accord. Merci. M. le Président, mon collègue d'Abitibi-Est aurait également quelques questions. Merci.

Le Président (M. Dubourg): D'accord. Donc, j'invite donc le député d'Abitibi-Est de poser sa question. Allez-y.

M. Wawanoloath: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de votre présentation, qui était bien intéressante. On entend beaucoup de groupes venir ici nous parler de régionalisation. Étant moi-même un député d'une région dite éloignée, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. On sent aussi cette volonté-là de faire de la régionalisation. On dit qu'il va y avoir 50 % des emplois disponibles au Québec qui vont être dans les régions ressources, donc on va avoir besoin aussi d'immigrants. Si on réussit ça, ça veut dire qu'il va y avoir aussi des personnes qui vont avoir des besoins spéciaux, des personnes immigrées qui vont avoir des besoins spéciaux dans les régions. Déjà que ce n'est pas nécessairement qu'est-ce qu'il y a de plus facile d'être une personne handicapée en région en étant ? excusez-moi l'expression, je n'aime pas trop ? un Québécois de souche ou en tout cas, peu importe, j'imagine que les difficultés vont être encore plus grandes si jamais des personnes d'origine... de multiples... ethnique qui viendraient en région seraient encore plus grandes.

J'imagine que vous êtes la seule association au Québec, je ne sais pas s'il y en a d'autres, et comment voyez-vous justement l'intégration des personnes immigrantes avec un handicap dans les régions? Vous nous avez parlé du cas de Sherbrooke, d'un monsieur qui n'avait pas eu un transport adapté. Je ne sais pas si vous avez d'autres références par rapport à des personnes en région. Il y a Mme Demers qui habite Québec, mais j'aimerais vous entendre un peu parler à propos de ce sujet-là, de la régionalisation, de la volonté d'y aller encore plus fort et...

Mme Soave (Luciana): Nous avons demandé un petit projet, malheureusement non récurrent. Nous avons eu une subvention, deux ans consécutifs, du ministère, en collaboration avec l'Office des personnes handicapées. Nous avons fait une petite tournée, une minitournée dans cinq régions où nous avons cherché de mettre ensemble un représentant de l'Office des personnes handicapées avec un représentant du ministère, avec nous-mêmes pour regarder qu'est-ce qui arrive en région, s'il y a des personnes handicapées d'origine ethnoculturelle, comment est-ce que l'intégration se fait. La réponse, en général, au début, c'était: Il n'y en a pas. Par la suite, dans la deuxième rencontre, la plupart des régions nous ont invités à participer aux tables régionales, et là ça sortait, des belles surprises. Ça a commencé: Il n'y en a pas, et puis ils disaient: Ouais, mais je me rappelle, une fois, il y a deux ans, il y avait une personne que... et puis là: Ah oui! C'est vrai, il y en avait. Donc, il y en a. Il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a.

Nous avons reçu une visite de quelqu'un de Thetford Mines qui justement... il voulait établir des liens avec nous parce qu'il connaissait le cas de deux personnes qui habitaient là, mais il dit: Vraiment, il n'y avait pas de services, et puis on les a conseillé d'aller vivre à Drummondville. Il dit: Au moins, là-bas, tu pourrais avoir quelque chose. Encore là, je répète, il n'y en a pas beaucoup, mais ce serait important que si... Et, nous, nous ne pouvons pas être partout, et nous avons dit lors de notre tournée: Nous ne pouvons pas vous remplacer. S'il y aura des services à créer, ça va être à vous à les créer. Nous pouvons être un organisme de référence...

M. Wawanoloath: Vous avez une expertise dans ce domaine-là qui est quand même longue.

Mme Soave (Luciana): ...nous pouvons vous passer des documentations, nous pouvons vous donner des conseils, mais c'est sûr que les services doivent être créés en région, selon les ressources et les besoins en région. Mais c'est important éventuellement qu'on reconnaît qu'on collabore, et de là, de notre minitournée, que... J'espère qu'elle a laissé une petite trace, mais ce serait important éventuellement qu'on y retourne si on trouve les moyens, de continuer à battre le fer, au moins que l'Office des personnes handicapées et le ministère de l'Immigration se parlent. De savoir que l'un et l'autre existent, ce serait quelque chose de très important. Et les organismes des personnes handicapées en région ou les organismes d'accueil des immigrants en région aussi devraient se parler.

Le Président (M. Dubourg): Merci.

Mme Demers (Mirlande): J'ajouterais peut-être rapidement que, c'est ça, bien, venant de Québec, c'est ça, il n'y a pas d'organisme comme l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées, donc c'est sûr qu'il y a un manque. Puis je pense que souvent, quand on va vers les organismes, par exemple les organismes qui s'occupent de l'accueil des immigrants, on va avoir l'idée qu'il n'y en a pas parce que les gens ne peuvent pas y aller, ils ne viennent pas parce que ce n'est pas accessible. Donc, il y a toujours cette histoire-là: les gens ne comprennent pas, il n'y a pas encore ce déclic-là qui se fait que, si tu as des marches, si tu n'as pas de traduction pour les personnes sourdes ou si tu n'as pas d'accueil pour les personnes avec déficience, ils ne viendront pas. Donc, les gens s'arrêtent à se dire: Il n'y en a pas, puis le service n'est pas là.

Donc, il y a un grand manque, je pense, qui est à reconnaître, puis c'est sûr que je pense qu'il faudrait que le service soit offert, mais qu'il y ait du financement aussi. Souvent, dans les régions, bien tu as déjà une enveloppe pour la santé. Donc, un nouvel organisme qui veut se créer, bien il n'y a pas de place pour toi parce que tout l'argent est déjà pris. Donc, il y aurait à avoir peut-être justement une enveloppe budgétaire spécifique pour financer des services, avec une analyse un peu justement intersectionnelle où est-ce qu'on reconnaît que tu peux avoir à la fois un handicap et être immigrant et racialisé, par exemple.

Donc, je pense que c'est important d'avoir ça dans l'idée, d'offrir ce service-là puis de penser dans vos programmes... être sûrs que, dans les régions, on a cette possibilité-là, parce que les gens... Par exemple, à Québec, il y a un manque au niveau de ce service-là, puis il y a un grand travail à faire, puis il faudrait que ce soit possible pour des groupes de se créer, ce qui n'est pas le cas pour l'instant à cause du manque de financement, des enveloppes fermées au niveau des différentes agences de la santé, par exemple.

Le Président (M. Dubourg): Oui. Bon, merci.

Mme Peñafiel (Teresa): Est-ce que je peux...

Le Président (M. Dubourg): 10 secondes.

Mme Peñafiel (Teresa): 10 secondes.

Le Président (M. Dubourg): 10 secondes, Mme Peñafiel, oui.

Mme Peñafiel (Teresa): Ce n'est pas la question de créer des services. L'idée ? et c'est toujours le point sur lequel on revient ? c'est de les assouplir de façon... de les adapter. Alors, ce n'est pas question d'inventer la roue.

Le Président (M. Dubourg): D'accord. D'accord. Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Bien, je profite... Écoutez, malheureusement, je dois interrompre cette discussion intéressante. Donc, j'aimerais remercier l'Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées, représentée par Mme Soave, Mme Peñafiel et Mme Demers, ici. Merci et bonne journée. Donc, je suspends donc pour une minute, le temps de saluer les personnes.

(Suspension de la séance à 10 h 40)

 

(Reprise à 10 h 42)

Le Président (M. Dubourg): Nous allons donc poursuivre les travaux de cette commission, mais tout d'abord je voudrais passer la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme James: Merci. Bonjour. Je souhaitais tout simplement, M. le Président, suite à la demande de l'opposition, déposer les étapes et les délais requis pour modifier la grille de sélection des candidats à l'immigration de Québec.

Document déposé

Le Président (M. Dubourg): Je vous remercie. Donc, le document a été déposé. Donc, nous allons faire des copies afin de distribuer aux participants de la commission. Alors donc, je souhaite, au nom de la Commission de la culture, la bienvenue à la ville de Sherbrooke, qui est représentée par M. Pierre Boisvert, conseiller, ainsi que Mme Marie-Laure Pilette, conseillère à la vie communautaire. Donc, vous allez avoir donc 15 minutes pour nous faire votre exposé, et ensuite nous vous questionnerons afin d'approfondir ce mémoire. La parole est à vous.

Ville de Sherbrooke

M. Boisvert (Pierre): Alors, M. le Président, je vais laisser la parole à Mme Pilette, qui est à l'origine du document. Une des parties du document qu'on va devoir discuter d'ailleurs, c'est le timing de nous envoyer ça à la mi-juillet. Et, dans ce sens-là, peut-être à la fin d'ailleurs, on pourra réviser cette façon de procéder là.

Mais j'aimerais souligner que Mme Pilette est en fait Dre Pilette, qu'elle a un doctorat en anthropologie et que ça signifie qu'à la ville on est très bien conseillés. Et, malgré son titre qui paraît un peu ronflant, on lui fait bien confiance. Et, même si elle nous a suggéré des documents et qu'on les a attentivement révisés, je vais lui laisser faire la présentation.

Mme Pilette (Marie-Laure): Bien, merci. Bonjour. Ce sera très court. Je vais juste un petit peu résumer, en 15 minutes, la démarche que Sherbrooke a faite et, je dirais, aussi la réflexion à travers le mémoire qui a été déposé dans le cadre de cette consultation.

Donc, plusieurs, cinq scénarios nous étaient proposés. Je vous dirais que, brièvement, naturellement, à Sherbrooke, étant donné qu'on a une politique d'accueil et d'intégration des personnes immigrantes, on penchait, je vous dirais, naturellement vers le scénario 4, c'est-à-dire l'admission de 55 000 personnes en 2010.

Pourquoi? Bien, pour des raisons, je vous dirais, avant tout économiques. C'est qu'un diagnostic qui avait été dressé à Sherbrooke, je pense, au début 2007 nous disait qu'on avait un énorme besoin, à Sherbrooke, de travailleurs hautement qualifiés. Et on sait qu'une majorité des personnes qui arrivent chez nous, à Sherbrooke, sont très qualifiées, sont, pour, je vous dirais, presque la majorité, des universitaires. Et on a aussi... parallèlement on a besoin, à Sherbrooke, de médecins. On a besoin de la création d'entreprises à forte valeur ajoutée. On a du potentiel, mais on n'a pas, on n'a pas souvent les personnes pour ça sur place.

On a aussi, je vous dirais, une difficulté parfois de rétention de nos diplômés sherbrookois, natifs sherbrookois, et ces personnes-là s'en vont ailleurs. Donc, il faut les remplacer, il faut qu'elles soient remplacées. Il y a des places à prendre à Sherbrooke, et il faut qu'elles soient prises.

On a aussi un besoin qu'on avait identifié au niveau de l'innovation puis de la créativité au niveau des entreprises pour créer une saine compétitivité. On avait besoin aussi de stimuler l'entrepreneuriat à Sherbrooke. Et j'ai vu quelque part que les personnes d'origine immigrante avaient une plus forte propension au travail autonome et à l'entrepreneuriat, et on a besoin de ça, nous autres, à Sherbrooke.

Donc, pour ces raisons-là, on se disait: Le scénario 4 est quelque chose qui nous paraîtrait raisonnable. Mais après ça on s'est regardés et, même si on travaille fort et on y croit beaucoup, beaucoup à Sherbrooke, on s'est dit: Peut-être qu'on devrait réviser nos choses parce qu'on a des limites, on a beaucoup de limitations. Et on se disait que, pour bien accueillir les gens, il faut être bien préparé. Puis, quand on est bien préparé, bien on intègre mieux, et, quand on intègre mieux, bien on retient nos gens qui viennent chez nous. Et là on s'est dit: Bon, le scénario 3 serait peut-être quelque chose de plus plausible pour nous.

Être bien préparé, bien on s'est aperçu qu'on a encore des améliorations à faire au niveau des services essentiels à Sherbrooke, par exemple, comme le logement. On a un manque important de logements du type cinq et demie, six et demie ? vous me corrigerez si je me trompe ? bien qu'il y ait des initiatives de création de coopératifs pour grandes familles. Mais, encore là, on a un manque pour accueillir nos gens aussi au niveau des services, je vous dirais, directs à la population, tel qu'Hydro-Sherbrooke, tel que l'électricité, tel que le sport, le loisir. Au niveau de la ville de Sherbrooke, on est en train actuellement de sensibiliser tout notre personnel, nos cols bleus, nos cols blancs qui sont vraiment directement au service à la population. On est en train de les ouvrir à la diversité, de leur expliquer. Il y a une formation intensive qui se fait à l'interne, à la ville, pour donner du meilleur service et comprendre aussi les besoins puis les demandes qui nous viennent des personnes qu'on accueille.

Donc, on s'est dit: Là, on encore beaucoup de travail au niveau de notre préparation. On a encore aussi du travail au niveau de l'intégration, et notamment, je vous dirais, au niveau de la capacité à l'accompagnement des personnes qui arrivent. On nous a dit souvent: On a tout ce qu'il faut, on a un organisme qui fait un super beau travail, qui est Le Service d'aide aux néo-Canadiens, à Sherbrooke, qui est, je vous dirais, dévoué corps et âme et 24 heures sur 24 pour l'accueil et l'installation des personnes. Mais après ça, quand ça fait trois ans, quatre ans qu'ils sont là, le processus d'intégration, particulièrement socioéconomique, n'est pas complété, et les personnes nous disent: On a l'impression d'être laissées à nous-mêmes, d'être abandonnées. Il n'y a rien, on ne sait pas où aller. On se retourne vers notre communauté ou on pense à quitter Sherbrooke et même parfois quitter le Québec. Parce que, comme vous savez, on a un seuil migratoire interprovincial déficitaire, et, chez nous, plusieurs personnes quittent pour l'Alberta ou l'Ontario ? chez nous, à Sherbrooke, j'entends. Donc, à ce niveau-là, disons, on a encore à faire, il nous manque des maillons encore à attacher ensemble pour mieux intégrer.

Au niveau évidemment de la rétention aussi, nous autres, à la ville, on travaille fort pour s'ouvrir, pour ouvrir notre milieu, qui est encore très, très homogène, là, à l'intérieur ? je vous parle de la ville, là ? et on veut procéder à l'embauche de plus en plus de personnes d'origine immigrante. Mais avant ça il y a tout le travail préalable qu'on fait sur ceux qui sont en place là pour qu'ils s'ouvrent. Et ça, c'est ce qu'on fait à Sherbrooke, mais on sait aussi que d'autres institutions à Sherbrooke le font, commencent à le faire, comme le CSSS, comme l'agence, comme la commission scolaire. Mais, au niveau des entreprises privées, est-ce que ce travail-là se fait? Et ça, on est en train de voir à ça. Donc, à ce niveau-là, il y a un travail de sensibilisation à l'interculturel au niveau des employeurs.

n(10 h 50)n

Au niveau de la reconnaissance des diplômes, je sais qu'il y a eu récemment, là, au cours de l'été, plusieurs ordres professionnels, là, qui se sont ouverts. Ça fait que ça, c'est des démarches, là, qui vont permettre de débloquer pour certains de nos arrivants chez nous. Et, au niveau, bon, évidemment, de l'emploi... Et là on sait qu'il y a beaucoup de travail à faire. Et, quand on parle d'emploi, nous, c'est du vrai emploi. C'est-à-dire, quelqu'un qui est ingénieur en électrotechnique, mettons, et puis qui tond la pelouse devant l'hôtel de ville ou ailleurs, ce n'est pas ça qu'on veut considérer le plein emploi. Alors, on sait qu'il y a un énorme travail à faire là-dessus. C'est pour ça qu'on était retournés au scénario 3, parce qu'on se disait: On fait des belles choses, et tout ça, mais on a encore beaucoup à faire au niveau de la préparation pour mieux intégrer, comme je vous disais, puis surtout retenir, parce que c'est ça qui va être notre indice de réussite, c'est la capacité de rétention qu'on pourrait prouver qu'on a à Sherbrooke.

Alors, je vais laisser la parole peut-être maintenant. C'est un peu ça, je vous résumais un petit peu le cheminement qu'on a fait pour légitimer le fait qu'on pensait qu'il fallait être peut-être modéré, et bien faire les choses, et donner le temps à la fois à la société d'accueil, mais aussi bien accueillir nos personnes qui arrivent.

M. Boisvert (Pierre): Celui ou ceux qu'on considère comme les grands laissés-pour-compte à Sherbrooke, c'est la communauté elle-même. On s'en aperçoit en écoutant ce qui se passe à la commission Bouchard-Taylor, c'est que, dans tous nos plans d'intervention, dans toute notre préparation à accueillir les personnes issues de l'immigration, on n'a pas réussi à... On a réussi à préparer notre système de police, qui nous dit qu'il commence à y avoir de la formation de 20 policiers qui ont été mis sur place par le Service des ressources humaines, qui ont huit heures de formation pour absolument tous les patrouilleurs, quatre heures pour les autres divisions, etc. Donc, il y a des choses qui sont faites sur ceux qu'on contrôle, mais la population d'accueil, les voisins, les amis, les amis, entre guillemets, des personnes qui sont issues de l'immigration et qui nous arrivent, eux, on n'a pas réussi à trouver un moyen de les préparer. Parce que, même si on pense qu'ils sont ouverts à la diversité, ce n'est pas vrai qu'on met les chances de notre côté, qu'on augmente les probabilités qu'ils accueillent bien les personnes issues de l'immigration si on ne les prépare pas, si on ne trouve pas un moyen de faire avec eux ce qu'on fait avec nos employés. Alors, si on pense que nos employés sont bons mais qu'on leur prépare des choses, bien c'est la même chose avec la population d'accueil, il faut, à un moment donné, prévoir un plan d'intervention auprès de la population en général.

On étudie la question, on se creuse la tête. Est-ce qu'on va avoir une... je n'appellerai pas ça une commission ambulante, mais un groupe qui va se promener des clubs d'âge d'or aux Chevaliers de Colomb, à tous les organismes? On a 600 organismes de toutes les sortes à Sherbrooke qui sont reconnus par la ville, donc est-ce que ça va être un premier pas qui va être fait de ce côté-là? Mais on s'aperçoit ? et il faut être un peu aveugle pour ne pas s'en apercevoir ? qu'il y a un travail à faire du côté de la population d'accueil en général. Et, si nos employeurs ne sont pas aussi ouverts qu'on le voudrait, c'est peut-être qu'eux aussi ont une espèce de crainte que, s'ils ont une business qui fait affaire avec le public, mais que ceux qui servent le public sont immigrants et que le public n'est pas prêt à faire affaire avec les immigrants... bien eux ont peur de perdre de l'argent, ont peur de perdre de la business, et c'est contraire à ce pour lesquels on les engage.

Est-ce qu'il y a un plan qui est fait par le ministère? Est-ce qu'on peut avoir une espèce de conseil de toutes les villes qui va se réunir pour trouver des mécanismes ou, s'il y en a qui en ont trouvé, les partager avec tout le monde? Sauf que, dans ce cas-ci, vu que la consultation prévoit des niveaux pour les trois prochaines années, nous, on se dit: Est-ce qu'on n'est pas mieux d'y aller prudemment pour les trois prochaines années et d'investir beaucoup d'argent, et de temps, et d'efforts à préparer notre population, nos employés, nos employeurs, nos institutions, nos organismes, et que finalement, quand l'accueil va se faire, il va être réussi ou on va maximiser les chances que ce soit réussi? Parce que, si on manque notre coup, si jamais un groupe, un organisme, un employeur manque son coup, c'est deux fois plus difficile après ça de recommencer et de le faire comme il faut pour que l'immigration soit bien perçue, soit acceptée.

On a mentionné qu'à la ville de Sherbrooke on a des grands besoins des gens issus de l'immigration. Et on a eu d'ailleurs un document qui est sorti et qui en parle en disant que «le marché du travail traverse une zone de turbulence qui pourrait très bien se transformer en forte tempête si des correctifs ne sont pas effectués à temps. Les employeurs peinent à recruter et mettent souvent frein à leur croissance faute d'effectifs». Là, on cite des entreprises manufacturières, on cite une forte demande pour les monteurs-soudeurs, pour les machinistes. On prévoit qu'on va a avoir besoin de 7 000... C'est-u bien ça? Alors que les entreprises se tournent vers les centres de formation pour recruter ? c'est ça ? les programmes ou les perspectives d'emploi sont pourtant intéressantes, mais on n'est pas capable d'attirer la main-d'oeuvre dont on a besoin. Et, ici ? c'est bien 7 000, je vous le confirme ? «7 000 postes seront à combler dans le réseau de la santé estrien dans les cinq prochaines années». Ce n'est pas peu, là. Donc, on sait qu'on a un besoin et donc qu'on devrait aller vers le scénario 4. Malgré ça, on vous suggère le scénario 3 parce qu'on pense que c'est plus important de réussir ce qu'on va faire, même si c'est moins que ce qu'on a besoin. Mais on ne peut pas manquer notre coup, d'où l'intervention de ce matin.

Le Président (M. Dubourg): Je vous remercie beaucoup, M. Boisvert et Dre Pilette. Donc, je passe donc la parole tout de suite au député de Nelligan, qui est la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, de façon à vous poser les premières questions.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. M. Boisvert, Mme Pilette, merci d'être venus en commission parlementaire. On a la ville de Sherbrooke avec nous. J'ai eu l'occasion, lorsque Rawdon a été là, de parler du fait que ce soit une municipalité qui est un modèle, mais je vais vous dire que la ville de Sherbrooke l'est également, M. le Président. On a une collaboration qui est très étroite avec vous, on a signé une entente qui fonctionne très bien. Vous l'avez évoqué dans votre présentation, mais on a eu, les parlementaires... J'ai pu me rendre en région vous voir et je serai là davantage la semaine prochaine dans le cadre de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, mais nous avons reçu Le Service d'aide aux néo-Canadiens également, et l'ensemble des parlementaires membres de la commission ont pu bénéficier de leur présentation et prendre connaissance du travail extraordinaire qu'ils font dans la région.

Vous avez parlé de cette question et de la réflexion, je dois dire, que vous avez faite par rapport au choix du scénario ou du niveau d'immigrants que vous pensez, dans cette prochaine planification qu'on devrait entreprendre, puis j'ai trouvé que le fait que vous soyez très préoccupés par cette question économique et les besoins de main-d'oeuvre... Justement, je lisais... Quand on regarde un taux de chômage quand même assez bas, de 8 %, dans la région, et c'est 26 000 postes, M. le Président, dans les perspectives d'emploi, d'horizon pour 2009, alors les besoins sont là, ils sont criants. Tout en étant très consciente... Je vous ai entendus lorsque vous dites que c'est important de s'assurer de bien réussir. Alors, vous hésitez entre le scénario 4 et 3, si je comprends bien. C'est les raisons pour lesquelles vous avez décidé de s'attaquer sur le scénario 3.

Moi, je souhaitais vous entretenir puis vous entendre davantage sur la réussite de l'intégration professionnelle. On a eu beaucoup d'institutions ? je pense, entre autres, à l'Université Laval qui est venue faire une présentation; mais on a eu beaucoup ? de gens ou de groupes qui sont venus nous parler de l'importance et de la nécessité de l'implication des institutions d'enseignement. Quand je pense à Sherbrooke, vous êtes une ville de savoir, vous avez deux institutions universitaires prestigieuses chez vous. Est-ce que vous pouvez nous faire part de la nature de la collaboration que vous avez en ce sens-là?

n(11 heures)n

M. Boisvert (Pierre): Moi, j'irais en... Je ne suis pas certain de la question, dans la mesure où, oui, on a une très bonne collaboration avec l'université. Entre autres, c'est le Dr Proulx qui est venu beaucoup aider la ville à se situer quant à la diversité, en commençant par le conseil municipal, qui a passé un après-midi avec le conseil municipal. Et Dieu sait que les conseils municipaux pourraient avoir bien d'autres choses à faire, mais c'est vraiment important. Donc, il y a une collaboration. À partir de là, un de ses étudiants au doctorat est encore parmi nous, aux Ressources humaines, Étienne Lavoie, et à temps plein, et c'est le genre de rapport qu'on veut avoir.

Mais qu'est-ce que l'université fait? C'est les premiers qui ont attiré l'immigration à Sherbrooke parce qu'ils n'avaient pas le corps professoral suffisant au début des années cinquante, quand elle a été créée, pour donner les cours de haut calibre qu'on a présentement. Donc, même encore aujourd'hui, s'il n'y a pas la moitié du corps professoral qui vient, qui est issue ou qui a étudié, ou autrement eu un contact avec l'étranger, là je vais être très surpris. Donc, dans ce sens, ils ont été le fer de lance de la ville de Sherbrooke. Mais M. Bruno-Marie Béchard serait mieux à même de vous dire qu'est-ce qu'eux font dans le domaine de l'accueil et de l'intégration des personnes immigrantes, au moins celles qui passent par l'université ou celles où l'université s'implique.

Je sais qu'il y a un autre programme qu'ils viennent de mettre sur pied, c'est plus du côté social, mais ça va viser aussi l'immigration. C'est un programme où les étudiants qui doivent faire des... Parce que, nous, c'est six mois d'études et six mois de travail ? ou en tout cas dans la plupart des facultés, là ? le programme coopératif, et, plutôt que de le faire sur des sujets théoriques ou ailleurs, ils vont le faire avec nos organismes de développement social, avec nos organismes communautaires, avec des organismes qui travaillent avec les personnes démunies. Et je ne parle pas seulement démunies au point de vue monétaire. Donc, dans ce sens-là, il va y avoir une collaboration, puis je suis certain que ça va s'étendre. Et d'ailleurs c'est déjà sur pied, il y a déjà des organismes qui ont reçu un coup de main dans ce sens-là.

Et c'est notre façon de profiter du savoir et de profiter d'une manne qu'on a à Sherbrooke et qu'on a mal utilisée à date. Dans ce sens-là, si c'était le sens de votre question, heureusement qu'on a commencé à s'en apercevoir et s'en préoccuper. Mais, pour la ville elle-même, l'implication des partenaires, que ce soit la commission scolaire, l'université, que ce soit la chambre de commerce, que ce soient les autres organismes à caractère... ou liés à l'immigration, nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de les aider. Mais on ne peut pas encore leur dire quoi faire, parce qu'on essaie, nous, avant de prêcher, de prêcher par l'exemple. Donc, on essaie, nous, de mettre notre maison en ordre, à la ville de Sherbrooke, et, malgré tout le travail qu'on fait, on réalise le travail qu'il reste à faire, et avec notre population, entre autres, qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, est probablement le grand oublié de toute notre opération. Et je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, et je ne sais pas si vous voulez rajouter...

Mme James: Oui. Oui, vous avez répondu, c'était vraiment... Je posais la question en me rappelant ce qu'on a entendu beaucoup sur les besoins et aussi sur les cas, je dois dire, de réussite en région. Là où l'intégration et l'accueil des immigrants se réussit, c'est là où il y a une très forte concertation des partenaires. Et, compte tenu des institutions universitaires que vous avez là, je vois bien que vous êtes bien organisés. Je comprends qu'il y en a toujours à faire, mais la question était vraiment... Vous avez bien répondu sur la collaboration qui pourrait exister davantage avec les universités. Mais je voudrais... Vous voulez ajouter quelque chose, Mme Pilette?

Mme Pilette (Marie-Laure): Non. Bien, continuez, je pourrai l'ajouter après.

Mme James: Non, non, allez-y, allez-y...

Mme Pilette (Marie-Laure): En termes de collaboration, peut-être on pourrait ajouter qu'il existe à l'Université de Sherbrooke, au Département de service social, ce qu'on appelle l'Observatoire sur l'immigration dans les zones à faible densité d'immigration... En tout cas, c'est très long. C'est Dre Michèle Vatz Laaroussi qui chapeaute tout ça et c'est de la recherche qui se fait sur des... en fait, une comparaison sur des manières d'accueillir, et d'accompagner, et de faciliter l'intégration des personnes immigrantes dans différentes régions du Québec.

Alors, il y a Gatineau qui est partenaire aussi, mais il y a des plus petites municipalités. Je pense à Sainte-Clothilde, en Beauce, il y a Trois-Pistoles aussi, dans le Bas-Saint-Laurent, mais ça s'étend aussi à certaines municipalités en Saskatchewan, en Alberta. Alors, on essaie de comparer des manières d'accueillir, comme je vous disais tantôt, puis d'intégrer. Donc, nous, à Sherbrooke, bien c'est notre savoir-faire qu'on est en train de mettre sur pied puis de développer. Alors, on partage des pratiques tout simplement et on voit qu'est-ce qui pourrait être exportable d'une région à l'autre et être, je vous dirais, une plus-value, là, pour aider et faciliter l'intégration de nos personnes immigrantes.

Mme James: Merci beaucoup. Je souhaitais vous parler d'une catégorie d'immigrants qu'on n'a pas beaucoup parlé encore au cours de nos travaux jusqu'ici, il s'agit des entrepreneurs. Pas les investisseurs entrepreneurs, mais le cadre du programme Entrepreneurs. Il s'agit des gens d'affaires qui viennent de l'extérieur pour créer une entreprise, ou ils peuvent même acheter une part, maintenant, d'une entreprise existante au Québec. Alors, les bénéfices sont le capital. Deux, c'est des gens qui nous amènent une expérience de gestion d'entreprise. Alors, il y a une réflexion puis des modifications, au ministère, qui ont été faites pour s'assurer de mettre en valeur, puis de modifier, puis de bonifier ce programme-là, notamment en permettant aux gens maintenant d'investir dans des entreprises québécoises. Auparavant, on leur demandait d'arriver puis de créer leur propre entreprise. Alors, c'est une façon de favoriser une meilleure intégration. Sherbrooke, je sais bien, reçoit peu de ces entrepreneurs. Est-ce que la ville a prévu des mesures pour en attirer davantage dans la région?

M. Boisvert (Pierre): Vous entrez exactement dans ce qu'on planifie présentement. Et d'ailleurs, pour ajouter à votre diagnostic, M. Nguyen, qui est présentement propriétaire d'une entreprise, qui est établi... Il est Vietnamien, et il date des années soixante qu'il est avec nous. Et, selon lui, il y a sinon la moitié, près de la moitié des entreprises dans notre parc industriel qui sont possédées ou autrement dirigées par des personnes issues de l'immigration. Mais on dirait qu'on a un mélange des deux. On aimerait bien faire venir des gens qui sont entrepreneurs, pour des raisons évidentes. On ne veut pas faire de catégorisation entre les immigrants, mais c'est sûr qu'ils ont un attrait indéniable. Mais il semble que, d'où ça se passe, à défaut de se trouver un emploi, il y en a qui vont devenir entrepreneurs, et il y a présentement des cours.

Hier, j'étais au Carrefour Accès Loisirs, et il y a des cours qui sont donnés ? et les classes sont pleines ? pour comment partir ton entreprise, et plus de la moitié sont des personnes issues de l'immigration qui assistaient à ces cours-là. Et, dans ce sens-là, est-ce qu'on devrait trouver un moyen de les attirer davantage? Est-ce que ça va être... On pensait, à un moment donné, mais on se trouve un peu ambitieux d'envoyer des délégations à l'extérieur. Mais on n'est peut-être pas prêts à ça. On pensait se joindre à d'autres qui le font déjà, mais présentement les liens ne sont pas faits. Le site Internet, qui est un accès sur le monde, pourrait être aussi une solution. On a sorti hier un cahier, dont vous faites partie d'ailleurs ? on va vous le donner à la fin parce que... ? et qui va être sur notre site Internet, et qui se veut aussi une porte ouverte aux gens qui viennent de partout dans le monde, et, entre autres, les entrepreneurs. Est-ce que nos solutions vont fonctionner? Quand est-ce qu'on va décider lesquelles on ajoute? Vous êtes pas mal dans le coeur du débat présentement. Mais, le débat n'étant pas fini, je ne peux pas vous donner la réponse. Mais on est d'accord avec le point que vous avez mis, à un des endroits sensibles qu'on a à Sherbrooke, on est d'accord avec vous.

Mme James: C'est bon, merci.

Le Président (M. Dubourg): Merci, M. Boisvert. Merci, Mme la ministre. Donc, la deuxième série de questions sera donc posée... Alors, ce sera au tour du député de Berthier, qui fait partie de l'opposition officielle.

M. Benjamin: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, M. Boisvert et Mme Pilette. C'est sûr que c'est juste la deuxième municipalité qu'on entend, puis je trouve ça extraordinaire que vous puissiez vous pencher là-dessus, parce que c'est vraiment important. Il y a des municipalités comme Rawdon, qu'on a entendu parler avec un... On l'a entendu aux nouvelles hier, aussi, qui est dans la région de Lanaudière...

Une voix: ...

M. Benjamin: Pardon? Oui, oui, c'est ça. Alors, vous avez effleuré un petit peu quelques questions... quelques réponses au niveau des universités. Alors, on comprend qu'il y a deux universités, il y a des grosses universités. J'avais préparé quelques petites questions au niveau des universités, pas quelque chose d'élaboré, là, mais est-ce qu'ils ont une structure pour attirer les étudiants étrangers, à votre connaissance?

n(11 h 10)n

M. Boisvert (Pierre): En tout cas, pour l'Université de Sherbrooke, évidemment eux seraient mieux placés pour répondre, mais l'information que j'ai, c'est qu'ils ont plus qu'une structure. Il y a présentement des pavillons de l'Université de Sherbrooke en Afrique. Il y en a au moins un au Maroc pour sûr, mais je pense qu'il y en a plus qu'un. Donc, non seulement ils ont des structures, mais ils n'ont pas seulement un pavillon à Longueuil, il y en a plus qu'un ailleurs dans le monde. Et les contacts sont faits un peu partout dans...

Une voix: ...

M. Boisvert (Pierre): Oui, eux ont des délégations qui vont à l'extérieur et qui accompagnent souvent d'ailleurs les délégations soit fédérales ou provinciales qui vont... Ils ont une personne à temps plein ? je ne me souviens pas de son nom, madame... ? qui ne fait que ça, les liens avec l'étranger. Mais, encore une fois, il faut que vous preniez mon information avec un grain de sel, mais je pense être pas loin de la vérité quand je vous dis qu'ils sont beaucoup plus avancés que nous pour aller recruter leurs gens à l'extérieur. Et évidemment ce ne sont pas seulement les étudiants, aussi leur corps enseignant.

Mme Pilette (Marie-Laure): Ils ont un réseau aussi, je sais, à l'interne. Quand les étudiants sont attirés, et étudient, et ont leur diplomation à l'Université de Sherbrooke, ils sont mis directement en lien avec des grosses entreprises qui cherchent, qui ont des chercheurs de têtes, là, pour recruter des étudiants fraîchement diplômés. Donc, ils sont très, très organisés à ce niveau-là.

M. Boisvert (Pierre): Tandis qu'on est sur le sujet de l'université, je sais que présentement ils essaient de mettre sur pied une maîtrise en...

Mme Pilette (Marie-Laure): En relations interculturelles.

M. Boisvert (Pierre): ...en relations interculturelles...

Mme Pilette (Marie-Laure): C'est multidisciplinaire.

M. Boisvert (Pierre): ...qui serait extrêmement utile. Et, si jamais vos confrères du ministère de l'Éducation peuvent vous écouter ou en tout cas... on parle favorablement pour que vous acceptiez cette nouvelle demande là de l'Université de Sherbrooke, elle nous serait très utile.

M. Benjamin: Bien, je pense que le message est passé, il y a beaucoup de personnes qui nous écoutent. Qu'est-ce qui arrive aussi, à votre connaissance, des étudiants qui sont allés étudier? Est-ce qu'il y en a une forte proportion qui restent dans Sherbrooke ou c'est volatile?

M. Boisvert (Pierre): Il y en a beaucoup, dans la mesure où ceux que, moi, je rencontre, il y en a certainement un pourcentage très important. Ce n'est pas la moitié, mais c'est un pourcentage très important qui disent que c'est à partir de l'Université de Sherbrooke qu'ils ont fait leur demande pour rester au Québec et qui a été acceptée. Et j'imagine... en tout cas, je pense que même les procédures du MICC sont rendues encore plus faciles maintenant, aujourd'hui, pour que cela puisse se faire. Maintenant, en proportion, si on pouvait avoir les statistiques 2006 très prochainement, probablement que ce serait le genre d'information qu'on pourrait avoir aussi, mais c'est un pourcentage substantiel, suffisamment important pour qu'on l'ait remarqué, là.

Mme Pilette (Marie-Laure): Bien, c'est ça, on est en train d'essayer de ramasser des données plus substantielles sur la rétention justement de ces étudiants-là. Est-ce qu'ils restent à Sherbrooke? Je vous dirais, il y en a, oui, qui restent. Et tantôt c'est pour ça qu'on vous parlait un petit peu qu'on veut être prudents, parce que, nous, on veut vraiment miser sur la rétention de nos gens à Sherbrooke, et on sait que beaucoup d'étudiants diplômés ne trouvent pas d'emploi après. On en a une proportion quand même... On n'a pas de chiffres, c'est ça qui est difficile vraiment à quantifier. Mais il reste qu'ils ont des emplois souvent qui sont sous-qualifiés par rapport à leurs compétences, donc est-ce qu'ils restent? Est-ce qu'ils vont dans d'autres provinces ou d'autres villes, même? On pense que oui pour certains, mais on n'a pas de données vraiment concrètes encore à ce niveau-là. D'où la prudence, tantôt, qu'on vous disait... dans la capacité d'accueil. Mais, ceci dit, ça, ce sont des étudiants, ils transitent par l'Université de Sherbrooke, et ils viennent avec un visa d'étudiant, je suppose, et puis ils font une demande après pour pouvoir rester. Alors, c'est difficilement contrôlable à ce niveau-là.

M. Benjamin: Merci. Dans votre document, à la page 17, on parle de la capacité d'accueil au niveau des services essentiels. Dans une autre vie, j'étais maire d'une municipalité. Pouvez-vous m'expliquer quelle sorte d'adaptation de services municipaux qui sont essentiels puis comment vous allez faire ça?

M. Boisvert (Pierre): Bien, il y en a une partie qui ne relève pas directement de la municipalité, comme le logement, mais c'est quand même un service essentiel. On a quand même un office municipal d'habitation, on fait partie des tables, là, qui discutent de logement. Le problème, c'est qu'à Sherbrooke, sauf si ça a changé dernièrement, on a un taux d'inoccupation qui approche le 1 % ou en tout cas qui n'est certainement pas supérieur à 2 %. Je pense que la dernière information qu'on avait, c'était 1,7 %. 1,7 %, regarde, vous ne pouvez pas apporter 500 personnes demain matin dans une ville comme Sherbrooke, qui a 150 000 personnes, avec un taux d'inoccupation à 1,5 %. Ils vont loger où? Dans des tentes? Je veux dire, il n'y a pas de place, là, c'est carré. Donc, c'est un des services essentiels.

On a parlé tout à l'heure du transport. Je ne voyais pas le transport comme étant un problème, mais on va comprendre qu'une ville de la grosseur de Sherbrooke n'a certainement pas la même capacité de système de transport en commun qu'une ville comme Montréal. Donc, les temps d'attente, les parcours, etc., on a beau mettre, à la ville de Sherbrooke, près de 10 millions sur le transport en commun, avec 77 autobus, il y a des limitations à ce qu'on peut faire.

Il y a des services divers qui sont offerts, que ce soient des services de santé, que ce soient des services de traduction, que ce soient des services... et donc ce n'est pas directement contrôlé par la ville, mais c'est sur le territoire, et, nous, on dit: Si vous amenez des gens qui sont issus de l'immigration à Sherbrooke, bien il faut que le territoire soit capable de l'absorber, entre autres pour les services essentiels. Les gens qui sont, par exemple, réfugiés ? et je pense, sans me tromper, qu'on a un pourcentage de réfugiés qui est de beaucoup supérieur à Montréal, par exemple ? bien l'impact est plus grand sur les services de la ville ? mais pas la ville comme appareil, mais la ville comme territoire; l'impact est beaucoup plus grand ? donc les services demandés sont beaucoup plus importants. Et, si les gens ne reçoivent que la sécurité du revenu, bien on comprend que le reste, il faut qu'il suive, ils ne pourront pas se déplacer facilement.

Tu peux en rajouter là-dessus?

Mme Pilette (Marie-Laure): Oui, je voulais ajouter aussi, en termes, bien, peut-être de services directement liés à la ville, comme l'électricité, Hydro-Sherbrooke, je dirais, la police, qui sont des services essentiels ? il y a le loisir, le sport ? ce qu'on fait actuellement, c'est beaucoup de travailler sur la manière dont va être donné le service. Donc, il y a beaucoup de sensibilisation ? j'en parlais tantôt ? qui se fait quasiment... Les employés sont pris, sont formés, là, par quelqu'un qui leur donne sous forme d'ateliers, aussi sous forme de cours magistral des fois... pour leur expliquer c'est quoi, la diversité culturelle, c'est quoi, comment on donne un service à une personne qui, même si elle parle français, peut-être a des habitudes qui sont différentes. Donc, on essaie d'adapter vraiment la façon dont va être donné le service mais aussi de comprendre les besoins, parce qu'il y a des besoins qui sont de natures très différentes, et qui nous sont des fois demandés, et pour lesquels des fois les employés en première ligne ne sont pas préparés ou ne comprennent pas. Alors, on travaille beaucoup, beaucoup, beaucoup à ce niveau-là.

En termes aussi d'accessibilité peut-être plus économique, je pourrais dire qu'au niveau du sport et du loisir on a un fonds, à la ville de Sherbrooke, qui est le Fonds du loisir et du sport, qui aide les familles qui sont plus défavorisées économiquement. On défraie les trois quarts des coûts d'inscription dans les organismes de sport ou de loisir et de culture, à la ville. Et je peux vous le dire quand ça passe parce que ça passe par mon bureau, puis les trois quarts ? peut-être même un peu plus que les trois quarts ? sont des personnes d'origine immigrante, alors dont une bonne proportion sont des gens qui sont réfugiés, puisqu'on a une grosse proportion de réfugiés, à Sherbrooke, dont d'autres ne sont pas réfugiés, ce sont des indépendants. Ils ont été étudiants, ils ont étudié à Sherbrooke, mais ils ne se sont pas trouvé d'emploi après ou ils ont des petits emplois précaires, donc ils se trouvent en situation financière difficile. Donc, ils ont besoin qu'on les aide à ce niveau-là pour accéder à du loisir, à du sport, etc. Donc, sur le plan économique, on a ce niveau-là.

M. Boisvert (Pierre): Juste pour ajouter, dans le service essentiel, quand on parle de la police, je vois beaucoup de points d'interrogation dans les visages. Quand on interpelle une personne issue de l'immigration, quand un policier interpelle, peu importe la raison, vitesse au volant, ou simplement dans le parc, ou c'est une visite à la maison, ou peu importe, on a beaucoup d'exemples de situations qu'on considère cocasses aujourd'hui mais qui, à l'époque, leur semblaient dramatiques, simplement parce que le policier n'est absolument pas habitué à la réaction ou pas préparé du tout à la réaction, donc il va faire... C'est la même chose pour les policiers, pour l'Hydro, pour une personne qui va poser une question à une dame, puis c'est le monsieur qui répond puis qui ne comprend pas pourquoi elle, etc., là. Donc, il y a des services essentiels.

Est-ce qu'on dit: Bien, une fois qu'on l'a préparé, qu'il rencontre une personne ou qu'il en rencontre 10, ça ne fera pas de différence? Mais la rapidité avec laquelle on prépare ces services-là fait qu'on n'est pas prêts à des grandes quantités. Ou en tout cas on pense qu'il faut être extrêmement prudent avant d'augmenter sensiblement la quantité, parce que, nous, on considère que ces services-là, s'ils ne sont pas à capacité, ils sont près de la capacité, puis il faut les préparer à recevoir davantage, mais ça va prendre un certain temps. Si on est un peu longs dans la réponse, je suis désolé, mais...

n(11 h 20)n

M. Benjamin: Non, il n'y a pas de problème, c'est ça que je voulais entendre parler. Mais vous me posez une petite question: Dans le monde municipal, comment vous faites pour favoriser l'accès aux sports à trois quarts de la facture? Comment les citoyens autres réagissent à ça?

M. Boisvert (Pierre): C'est un fonds indépendant. C'est suite à, si je me souviens bien, les Mondiaux jeunesse. Puis, avant ça, je pense qu'on avait reçu les Jeux du Québec ou les Jeux du Canada, on a créé un fonds avec... Je pense, l'enveloppe initiale, c'était 250 000 $ ou 300 000 $. Je pense que ça approche 600 000 $ aujourd'hui, et c'est seulement les intérêts qui sont réinvestis dans le domaine du loisir ou du sport. Ça ne touche pas du tout au budget de la ville, les citoyens n'en sont pas affectés, mais il s'ajoute au capital chaque année un peu d'argent. Et ça n'a pas de couleur, ce fonds-là, donc...

Mme Pilette (Marie-Laure): Il y a un cocktail-bénéfice à chaque année, avec une vente de billets, alors c'est vraiment... il s'auto...

M. Boisvert (Pierre): Marie-Laure l'a mentionné, mais, moi, je n'avais aucune idée de la proportion de qui utilisait ce fonds-là, là.

M. Benjamin: Mais c'est intéressant comme activité. Merci.

Le Président (M. Dubourg): Merci, M. le député. Donc, j'invite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition à poser ses questions, donc le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur, madame. C'est un grand plaisir de vous recevoir ce matin. On parlait des institutions d'enseignement à Sherbrooke. Pour avoir fait mon collège là-bas, je suis un témoin de la qualité des institutions scolaires, des institutions d'enseignement à Sherbrooke.

Peut-être, je vous référerais à la page 6 de votre mémoire, où vous avez des statistiques, là. Et j'irais au niveau des langues d'origine, là, au milieu de votre tableau Connaissance du français et de l'anglais lors de l'admission. Donc, en fin de compte, il y a plus de 50 % des gens qui sont arrivés et qui ne connaissaient ni le français, ni l'anglais, ni le... Je veux être sûr. C'est ça, ni le français ni anglais. Plus ceux qui connaissent l'anglais seulement, on est près de 60 %, là. Donc, quelle est votre stratégie d'intégration, francisation? Parce que c'est un nombre quand même considérable. Et, ceci étant dit, là, c'est tout à fait normal, là. Je ne dénonce pas ces nombres-là, au contraire. Mais avez-vous une stratégie d'intégration, francisation de ces gens-là?

Mme Pilette (Marie-Laure): La ville n'est pas directement impliquée dans la francisation, là, c'est plus... Il y a le cégep de Sherbrooke qui accueille et puis qui francise vraiment les personnes quand elles arrivent directement. Après ça, quand ce sont des adultes, ça fait... disons qu'ils sont près d'être sur le marché du travail, c'est le Centre Saint-Michel, là, qui dépend de la commission scolaire, qui a des cours, qui offre des cours de francisation, d'intégration aux adultes.

Et ça fonctionne bien, je vous dirais, de ce qu'on sait. Cependant, ce qu'on sait aussi, c'est que plusieurs personnes d'origine immigrante qui ont un niveau d'éducation très élevé nous disent qu'au niveau de l'apprentissage du français c'est un peu... c'est comme... comment je pourrais dire, pour parler en bon français? C'est toppé, dans le sens que le français qu'ils vont apprendre comme adultes au Centre Saint-Michel, mettons, ne les prépare pas complètement, directement au marché du travail en termes de vocabulaire, en termes de... Ça fait que souvent c'est des... Et ils doivent avoir recours, mettons, peut-être à des boîtes privées, là, pour compléter leur français. Ça fait que c'est des choses qu'on nous dit comme ça. Mais, ceci dit, on n'a pas de chiffres là-dessus. Mais, pour ce qui est vraiment du premier niveau de francisation, d'accueil, je vous dirais, le cégep de Sherbrooke et puis le Centre Saint-Michel font du très beau travail. Et ils ont un service de placement aussi, même directement. Le Centre Saint-Michel, qui...

M. Lemay: Placement en emploi?

Mme Pilette (Marie-Laure): Oui. Placement en emploi, oui, par des visites, des jumelages professionnels dans des entreprises. Excuse-moi, Pierre.

M. Boisvert (Pierre): Ça va. Et vous avez mis le doigt sur un des sujets sensibles, aussi, à la ville de Sherbrooke et aux arrondissements, en particulier l'arrondissement du Mont-Bellevue, si on veut être plus précis, c'est que vous voyez, par la quantité de gens qui ont besoin de francisation, que le besoin dépasse peut-être les capacités qu'ont nos services de francisation, parce qu'un des problèmes qu'on a, c'est que tout le monde n'arrive pas, une semaine, bien... Tu sais, c'est par mottons, là. Et le problème avec les mottons, c'est qu'on ne peut pas étirer l'élastique. Donc, il y a des gens qui se retrouvent en situation d'attente. Et on comprendra que souvent... Et là-dessus je n'ai pas de statistiques non plus, mais il se retrouve que, si on a le choix, dans une famille, entre le père de famille qui doit se trouver un emploi et la mère de famille, c'est le père de famille qui va avoir la francisation d'abord. Je n'ai pas de statistiques là-dessus, mais je sais qu'il y a des gens qui se retrouvent en période d'attente pour la francisation, sur des périodes de plusieurs mois. Combien de mois aussi? Ça dépend, là. Et on ne peut pas laisser une personne qui ne parle pas la langue seule avec ses enfants, incapable de communiquer pendant plusieurs mois. C'est la recette pour le désastre.

Donc, on a dû développer, parce que, là, il y a un trou, et il n'y a pas personne qui avait cette responsabilité-là, surtout pas les arrondissements, on a dû, nous, développer, avec Ascot en santé, par exemple, des cours... Ou, ce n'est pas vraiment des cours, mais c'est des sessions où, quatre fois par semaine, ils vont au centre communautaire... Ce n'est pas le centre communautaire, c'est l'église au côté, mais... Et ils se réunissent quatre après-midi par semaine, des groupes de cinq à 15, des fois un peu plus, et il y a un contact entre les femmes issues de l'immigration, la plupart du temps, et des professeurs qui sont évidemment des ex-enseignants ou qui sont déjà à la retraite, et aussi des dames soit volontaires, bénévoles ou autres. Et il y a une espèce de contact qui se crée donc à double avantage: un, quant à la francisation; deux, quant au contact humain.

Et si, à un moment donné dans le temps, il y a quelqu'un qui pouvait penser à aider financièrement ces groupes-là justement pendant la période d'attente... Et il y en a deux, moments d'attente: il y a le moment avant d'être francisé; mais, le lendemain qu'on est francisé, on ne se trouve pas un emploi, il y a également un autre moment d'attente là. Et, si on ne trouve pas un moyen de combler ce vide-là soit par justement ce qu'on mentionnait, des cours d'appoint qui préparent davantage à l'emploi... Parce que les cours de langue, ceux qu'on donne, on les donne d'habitude aux gens qui sont à un certain niveau de scolarisation ou pour certains... pour préparer au marché du travail en général, mais il pourrait y avoir beaucoup plus de services de ce côté-là, beaucoup plus de travail qui soit fait de ce côté-là, et, nous, ça nous empêcherait de perdre ou de détériorer davantage la ressource humaine qu'on reçoit.

M. Lemay: C'est important pour la rétention?

M. Boisvert (Pierre): Oui.

M. Lemay: C'est parce que ce que vous soulevez est un peu généralisé également, hein? Il y a le temps d'attente, il y a le type de francisation qu'on fait. Parce qu'il y a des gens d'organismes chinois qui sont venus nous dire: Aider quelqu'un d'origine chinoise à apprendre le français, c'est beaucoup de travail. Quelqu'un qui a déjà une langue latine, c'est déjà un peu plus simple, encore que ça peut être compliqué aussi. Et vous avez déjà évoqué l'autre problème: c'est que vous recevez des immigrants très scolarisés, donc on serait en droit de s'attendre à ce que la francisation soit peut-être plus spécialisée. Sans rien enlever aux autres qui ne sont pas scolarisés, là, soyons clairs là-dessus, mais quelqu'un qui a un doctorat ou que c'est un ouvrier spécialisé en informatique, la francisation, c'est un... Et tout ça, comme vous le dites si bien, c'est une condition sine qua non à la rétention de ces gens-là.

Mme Pilette (Marie-Laure): M. Boisvert parlait tantôt d'Ascot en santé, là, qui est vraiment une initiative du milieu. Dans l'intégration puis la rétention, on parle beaucoup des institutions, l'université, la ville, le gouvernement, etc., mais le milieu aussi, il joue... Les citoyens en tant que tels qui se prennent en charge, qui décident de se prendre en charge, ça, on s'aperçoit, à Sherbrooke, que c'est vraiment quelque chose de très important, puis il y a de très beaux résultats, comme dans le quartier Ascot en particulier où il y a une grosse, grosse majorité de personnes d'origine immigrante, puis c'est très varié. À peu près tous les continents sont représentés là. Ce qui marche le mieux, c'est, à chaque fois, quand ça a parti des citoyens, et, nous, comme institution, bien on va accompagner, on va aider, on va soutenir. Mais, quand l'initiative vient de la base ? et là, quand on dit «citoyens», on dit ceux qui arrivent puis ceux qui sont nés là ? c'est merveilleux, on s'est aperçus que c'est la recette gagnante.

n(11 h 30)n

M. Lemay: Et vous n'avez pas de statistiques de rétention à cet égard?

Mme Pilette (Marie-Laure): C'est trop tôt. C'est trop tôt.

M. Lemay: Remarquez que je ne vous blâme pas de ne pas en avoir, là.

Mme Pilette (Marie-Laure): Non, mais ça, c'est trop tôt. Ça commence, puis on essaie de mettre beaucoup... Surtout, il y a beaucoup de travail qui se fait avec les organisateurs communautaires du CSSS, IUGS maintenant, anciennement CLSC. Et il y a beaucoup de travail qui se fait avec eux, parce qu'ils sont sur le terrain avec les gens, ils les connaissent, ils les suivent, et ça, c'est essentiel.

On parlait de la francisation aussi. On a des cas de mamans, des jeunes mamans qui, puisqu'il n'y a pas de place dans les garderies, dans les CPE, puis ils ne le savaient pas...

Une voix: ...

Mme Pilette (Marie-Laure): Excusez-moi, j'ai dépassé. Mais juste que ces mamans-là, elles restent à la maison avec leurs enfants et elles n'apprennent pas le français.

M. Lemay: Excusez-moi. Merci. Ça passe tellement vite. J'ai une dernière question, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Dubourg): Allez-y. Allez-y rapidement, oui.

M. Lemay: Et je cite encore votre mémoire, à la page 19: «La capacité ? et là je le cite littéralement; la capacité ? organisationnelle de la société sherbrookoise à l'augmentation de volume de personnes immigrantes est loin d'être certaine.» Vous en avez parlé un petit peu dans votre introduction. Peut-être, si vous pourriez peut-être... Et vous l'avez dit tout à l'heure aussi dans une autre réponse: une pression sur vos services, en fait, là, sur les différents services municipaux, vous l'avez dit tout à l'heure, en arrondissement. Pourriez-vous élaborer un petit peu là-dessus, ce que vous vivez comme difficultés en ce qui concerne votre capacité d'accueil? Quand vous dites qu'elle est loin d'être certaine, qu'est-ce que...

Mme Pilette (Marie-Laure): Oui. Bien, on parlait aussi, comme Pierre le disait au début, au niveau de la population en général, aussi la capacité d'ouverture. Puis, nous, c'est sûr, on peut travailler sur le personnel de la ville, les autres institutions peuvent travailler sur leurs employés par la sensibilisation à l'interculturel, etc., toutes sortes de mesures à l'interne, là, qui vont ouvrir davantage la machine, puis les esprits, puis les façons de faire, mais, quand la population est non captive, comme le simple citoyen, ça, c'est très difficile de...

M. Lemay: Les cultures, là?

Mme Pilette (Marie-Laure): Oui. Oui.

M. Lemay: C'est ce que vous voulez dire, là?

Mme Pilette (Marie-Laure): Oui.

M. Lemay: O.K. C'est quoi, la population de Sherbrooke?

M. Boisvert (Pierre): 148 000, les derniers chiffres.

M. Lemay: 148 000, le Grand Sherbrooke ou...

M. Boisvert (Pierre): Le Grand...

M. Lemay: Le Grand...

M. Boisvert (Pierre): Bien, le Sherbrooke fusionné.

M. Lemay: La ville, là, la ville de Sherbrooke.

M. Boisvert (Pierre): Oui, le territoire de Sherbrooke.

M. Lemay: 148 000, d'accord. Merci.

Le Président (M. Dubourg): D'accord. Donc, je vous remercie beaucoup. Donc, je profite pour remercier la ville de Sherbrooke, là, de nous avoir présenté un mémoire, de participer à cette consultation. Donc, merci, M. Boisvert, et merci, Dre Pilette, d'être venus nous voir. Alors, voilà. Donc, j'ajourne la séance pour quelques minutes, le temps d'accueillir les autres participants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 33)

 

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Dubourg): Donc, nous reprenons les travaux de la commission. Je souhaite la bienvenue à M. Michel Paillé. M. Paillé, je voudrais tout simplement rappeler l'objectif de cette commission. Donc, l'objet de cette séance est de procéder à une consultation générale sur le document intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2008-2010. Donc, je vous cède la parole pour environ 15 minutes, et après les parlementaires ici présents vous questionneront. À vous la parole.

M. Michel Paillé

M. Paillé (Michel): Merci, M. le Président. Je veux remercier cette commission de m'inviter, je dirais, à nouveau devant elle pour m'entendre. Je n'en suis pas à ma première expérience, mais mettons que c'est toujours impressionnant. Je voudrais remercier également deux personnes qui me sont très chères, puisqu'on va parler d'immigration, il s'agit de deux Québécois d'adoption très bien intégrés au Québec français, que j'ai remerciés dans mon mémoire. Je leur ai fait lire une première version, j'ai beaucoup apprécié leurs commentaires. Ce sont deux immigrés venus d'Europe, de langue maternelle allemande. Alors, il s'agit de Mme Élisabeth Gramshammer et de M. Georges-Henri Arenstein.

Donc, comme je disais d'entrée de jeu dans mon petit mémoire, que j'ai voulu assez restreint, ma spécialité est la langue française. J'ai dévoué ma carrière jusqu'à maintenant à la loi 101, et mon dossier le plus palpitant, ça a toujours été celui des enfants de la loi 101. Mais, cette fois-ci, j'ai décidé de considérer les parents des enfants de la loi 101, ceux qui ne peuvent pas apprendre le français dans nos écoles. Autrement dit, je suis sorti de la loi 101, parce que ce qu'on confond généralement, c'est loi 101 et politique linguistique. La loi 101, c'est bien sûr le coeur, le noyau de notre politique linguistique, mais il y a bien d'autres choses en dehors. Notamment, la sélection des immigrants qui connaissent le français et l'apprentissage du français par les immigrants qui ne le connaissent pas, ça fait partie de notre politique linguistique, mais c'est extérieur à la charte.

Donc, au cours de ma carrière, j'ai bien vu que les ministres responsables de ce ministère attachaient beaucoup d'importance sur la sélection des immigrants, pour aller chercher au moins 50 % d'immigrants sachant parler le français. Et j'étais même ici quand M. Robert Perreault, qui était le titulaire à l'époque, était heureux d'annoncer que l'objectif avait été atteint pour la première fois. Et, comme on dit dans le document du ministère, cet objectif a été dépassé, nous en sommes maintenant à près de 58 %. C'est donc une belle médaille d'or pour le Québec en ce sens.

n(11 h 40)n

Mais il y a un revers à cette médaille-là, ce revers étant que, sans le rechercher, comme je l'ai montré dans la figure que j'ai faite en traitant les données du ministère, que j'ai trouvées sur Internet, il s'en est suivi qu'on s'est trouvé à, dans notre immigration des dernières années, surtout depuis 1997, une augmentation de ceux qui connaissent également l'anglais. Donc, il y a beaucoup de bilinguisme à travers ça. Si on regarde ceux qui connaissent au moins l'anglais, peu importe qu'ils sachent le français en même temps, on en est à 53,5 %. C'est très proche de ceux qui connaissent le français. Et il y a évidemment les bilingues tout court, ceux qui connaissent les deux langues, qui sont 34 % de notre immigration.

Alors, étant donné qu'il y a une très forte concentration de ces immigrants-là à Montréal, Montréal qui est déjà très fortement bilingue, c'est là où on trouve chez les francophones la plus grande proportion du bilinguisme et c'est là où on trouve, comme vous le savez, la minorité anglophone. Autrement dit, pour 80 % des immigrants qui s'installent là, l'anglais a énormément d'importance. Le document fait état du contrat moral du gouvernement avec l'immigrant, le gouvernement s'engageant à faire apprendre la français aux immigrants le plus tôt possible, dès leur arrivée, dit le document. Malheureusement, d'autres documents montrent que c'est un processus très lent, et on doit attendre jusqu'à, des fois, 17 semaines pour entrer dans une classe, la moyenne étant de neuf semaines, donc après 45 jours ouvrables. Et, pendant toutes ces semaines-là, plus de deux mois en moyenne, les immigrants peuvent faire leur vie en anglais à Montréal, et même que des emplois leur sont offerts parce qu'ils connaissent l'anglais. Il y a même des immigrants qui se plaignent du fait que, pour entrer ici, on insistait sur la connaissance du français, mais, une fois arrivés, on demandait l'anglais pour qu'ils obtiennent un emploi.

Donc, une connaissance... Il faut maintenant franciser ceux qui ne connaissent pas le français. Et j'ai fait des calculs en rapport avec les cinq scénarios d'immigration qui sont présentés dans le mémoire ? de 40 000 à 60 000 immigrants ? et je me suis rendu compte que la demande est très grosse, elle est très forte. Par année, là, avec 40 000 immigrants, c'est près de 17 000 personnes qu'il faut franciser. Ça représente, ça, comme s'il y avait un roulement continu, là, 240 personnes par semaine, l'équivalent de 13 classes à former à chaque semaine. Et à l'autre bout, à 60 000 immigrants par année, c'est plus de 25 000 personnes à franciser année après année, 370 par semaine, 21 classes à commencer. Sauf que le problème, c'est que les classes sont formées quelques fois par année seulement. Ça ne se forme pas en cours de route, il faut attendre que les classes se forment.

Et là, sur la base de mon expérience à l'Office québécois de la langue française, j'ai vu comment fonctionnait la francisation dans les entreprises: c'est un travail de tous les instants, et il faut constamment obliger les entreprises à se conformer à la loi. Il ne fallait pas s'imaginer qu'après un certain temps la francisation, le travail se ferait tout seul, il faut toujours y revenir. Donc, autrement dit, ça prendrait... je vous propose de créer un organisme dévoué à la francisation des immigrants qui, lui, serait un peu comme un office de francisation des immigrants ne connaissant pas le français ? des immigrants adultes, en quelque sorte ? et qui aurait pour rôle d'assigner une classe... d'abord évaluer les immigrants, leurs compétences et leur assigner des classes de français selon leur origine. On a dit tout à l'heure que les Chinois, c'est plus difficile; pour les Latinos, c'est un peu plus facile, donc créer des classes plus homogènes. Et un organisme comme ça pourrait faire ça et faire entrer à toutes les semaines, à tous les 10 jours ou, au pis aller, à tous les 15 jours, faire rentrer des immigrants. C'est une roue à faire tourner, bien sûr, et, quand les professeurs sont libérés, ils recommencent avec d'autres groupes.

Donc, tout ça est très important à mon sens, parce qu'à mon avis l'immigration internationale ne contribue pas d'elle-même au renforcement du fait français, c'est plutôt notre politique linguistique globale qui le fait. Et, si on ne renforce pas ça, on n'atteindra pas l'un des objectifs que l'on vise: d'assurer la vitalité du fait français par l'immigration.

Mais, quand je regarde les quatre raisons, les quatre rôles qu'on attribue à l'immigration, je suis un peu gêné. Évidemment, la démographie étant nommée en premier, je pourrais me flatter de voir ma discipline bien représentée en tête de liste, mais je trouve qu'en parlant d'abord d'immigration et d'économie, je trouve que c'est une approche un peu trop utilitariste et même matérialiste. Il y a même aujourd'hui, en page Idées du Devoir, dans le bas, un très beau texte que j'ai lu ce matin, et justement on parle de cette notion-là. Et j'ai même entendu ces derniers temps, à la radio, à la télé, des gens parler de la dimension plus humaniste de l'immigration. C'est pourquoi j'ai toujours pensé, moi, que la première raison d'accueillir des immigrants, c'est celle qui est nommée en quatrième, l'ouverture sur le monde, parce que nous sommes une démocratie. Une démocratie est par définition ouverte sur les autres dans les deux sens, à l'entrée comme à la sortie. Et aussi, étant issus d'une grande civilisation humaniste, nous ne pouvons pas rester indifférents aux réfugiés, donc l'accueil aux réfugiés. Et bien sûr il y a un peu de donnant, donnant dans tout ça: l'immigrant cherche à refaire sa vie ici, et, nous, il nous apporte évidemment, sur le plan économique, sur le plan démographique, des avantages. Ça, je ne le nie pas, mais il ne faut pas le mettre à l'avant-plan.

Comme disait l'article dans Le Devoir de ce matin, si notre économie allait bien, si notre démographie allait bien, allons-nous fermer nos frontières? Pas du tout. Même que je dirais que plus notre démographie est vivante et dynamique, plus on a une capacité forte d'intégrer les immigrants. C'est plus difficile à faire quand notre démographie est vieillissante et appauvrie.

Au cours de ma carrière, je me suis rendu compte que tout ça était articulé, que politique linguistique, politique d'immigration, politique de population en général, c'est très soudé ensemble. J'ai d'ailleurs... Pour vous donner ma petite expérience personnelle, moi, je rêvais de devenir professeur, dans les années soixante, et, à cause de la dénatalité, j'étais obligé de changer d'emploi presque tous les ans. Alors, pour comprendre ce qui m'arrivait, je me suis recyclé en démographie. J'ai effectivement compris ce qui m'arrivait, mais en même temps j'ai compris ce qui nous arrivait. Et ça fait plus de 35 ans que je pratique la profession, et ça devient de plus en plus criant. J'ai eu des espoirs qui ont été déçus en cours de route.

Le premier premier ministre du Québec qui a osé parler de population et de... qui a même parlé d'un ministère de la Population, c'est Robert Bourassa. Dans les années soixante-dix, Robert Bourassa a commandé une étude intitulée Pour une politique de population, publiée en septembre 1975 ? on appelait ça un livre blanc à l'époque, aujourd'hui on dit un énoncé de politique ? livre blanc sur les ressources humaines. Vous trouverez ça dans vos archives. Et ce livre-là, bien que la fécondité était à peine... À cette époque-là, notre indice était encore à 1,75, relativement haut, et ça faisait seulement quatre ans que nous étions sous le seuil, et déjà on disait: Il faut faire quelque chose pour inciter les couples qui veulent des enfants à les avoir et à les éduquer. Mais c'est tombé en plan.

Dans les années quatre-vingt, la chose est rebondie. Là, j'étais dans la fonction publique, rendu là, et il y a eu, en trois années consécutives, trois documents, d'abord la publication, en février 1994, de L'évolution de la population du Québec et ses conséquences, par le ministre responsable, M. Pierre Marc Johnson, à l'époque. Notre fécondité avait baissé à 1,42, et ça faisait déjà 13 ans que nous étions sous le seuil de renouvellement. Et je vous lis la toute dernière page ? c'est 96 pages ? à la page 96, on dit simplement ceci: «Concernant le relèvement du taux de fécondité, il demeurera nécessaire si nous voulons maintenir notre niveau de population, même avec une meilleure performance au niveau de la migration.» Donc, autrement dit, la migration, c'est beau, mais ça prend la fécondité pour la soutenir. Donc, on disait ça en 1984.

n(11 h 50)n

L'année suivante, en 1985, vos ancêtres de la Commission de la culture ont présenté un mémoire, en septembre 1985, intitulé Étude de l'impact culturel, social et économique des tendances démographiques, etc. ? le titre est très long ? et ces gens-là étaient bien conscients, là, qu'on était face à quelque chose de très important. Et je vous lis un tout petit paragraphe: «L'écart entre le nombre d'enfants que les femmes disent souhaiter et qu'elles ont en réalité est tel qu'une politique de soutien de la fécondité n'a aucunement besoin d'obliger quiconque à avoir des enfants. L'État n'a pas à s'immiscer dans la vie privée, mais il doit contribuer à éliminer les obstacles qui empêchent de réaliser le désir d'enfants.» Et ce désir d'enfants, il est toujours là.

Et à la fin, à la page 105, le mémoire dit: «Une politique de fécondité qui se voudrait efficace pourrait s'avérer coûteuse financièrement.» On reconnaît ça, mais on ajoute: «L'avenir du Québec est à ce prix.» Et j'ai toujours été d'accord avec ça. Malheureusement, il n'y a pas une véritable politique de population intégrée qui a été mise sur pied.

L'année d'ensuite, en 1986, le Conseil de la langue française, mon employeur, a reçu une demande d'avis pour articuler tout ça avec la loi 101, la politique linguistique, et je vous lis la recommandation n° 6: «Que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration ? l'ancêtre du ministère d'aujourd'hui ? et le ministère de l'Éducation du Québec assurent une coordination très stricte entre les divers intervenants responsables de l'enseignement du français aux immigrants et à leurs enfants d'âge scolaire.» Donc, en quelque sorte, ma recommandation d'aujourd'hui s'inspire de ça.

Et finalement, dans les années quatre-vingt-dix, on a fait pire que tout ça, on a produit un rapport de 350 pages, mais on ne l'a jamais publié. En avril 1993, j'ai rescapé de ça simplement une table de matières partielle de ce document-là qui a probablement abouti sur une tablette, malheureusement. Vous pourriez peut-être trouver ce document-là dans vos archives. C'est le ministre Claude Ryan, qui n'a pas aimé sans doute ce qu'on y trouvait, là-dedans, et il ne l'a pas publié. Donc, autrement dit, il a refusé que la population en débatte. C'est malheureux. Et je vous lis simplement les en-têtes de chapitres de la première partie de la table des matières que j'ai sauvée de ça: Main-d'oeuvre; Logement; Population des régions; Situation linguistique. Ensuite, dans la deuxième partie, il y a: Dépenses sociales; Services sociaux; Secteur de l'éducation; Sécurité du revenu; Dépenses sociales; toutes des choses qui nous interpellent depuis très longtemps et qu'on a laissées de côté. Et ce qui est malheureux, c'est qu'on n'a pas bougé face à ça.

Et le MICC a publié, en même temps que l'énoncé de politique de 1990 auquel on fait référence, a publié un excellent document qui, bien qu'il ait vieilli dans les chiffres, reste fondamental, je pense, dans certains éléments, et je vais vous lire un paragraphe qui est très criant: «Les résultats des simulations montrent la nécessité de viser le redressement de la fécondité en associant des volumes d'immigration supérieurs aux tendances récentes. L'immigration à elle seule ne suffit pas pour contrecarrer les évolutions à venir. Elle peut cependant reporter l'échéance de certaines d'entres elles et atténuer les autres effets des tendances lourdes.» Donc, nécessité d'une politique de la famille pour pouvoir intégrer les immigrants dont on a besoin.

Le Président (M. Dubourg): Merci beaucoup, M. Paillé. Donc, la parole maintenant est au député... à la députée de Nelligan, la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme James: Oui, c'est bien «la».

Le Président (M. Dubourg): Oui. Ha, ha, ha!

Mme James: Merci, M. le Président. M. Paillé, merci beaucoup. Un habitué des commissions parlementaires, et, tout au long de votre présentation, on a pu constater que vous avez été évidemment très impliqué puis vous avez contribué à toutes les consultations puis les planifications antérieures par différents ministres que vous avez nommés.

Vous êtes un démographe, mais j'ai été surprise de voir que vous n'avez pas traité dans votre mémoire du niveau, des cinq scénarios qui ont été proposés dans le document de consultation. Vous avez parlé surtout de francisation ? puis on pourra y revenir ? mais j'aimerais vous entendre sur les conséquences du déclin démographique anticipé au Québec et sur la pérennité du français. Vous avez parlé des énoncés dans les documents du ministère, notamment en 1990, mais, pour ce qui s'en vient pour les trois prochaines années, là, quel scénario souhaitez-vous privilégier?

M. Paillé (Michel): Bon. Alors, vous m'excuserez, Mme la ministre, de ne pas avoir abordé cette dimension-là, c'est peut-être une déformation, vu ma carrière. Quand j'étais président de l'Association des démographes du Québec, j'étais venu ici présenter le mémoire de mon association et j'aurais été obligé de démissionner si j'avais osé avancer un chiffre sur les niveaux d'immigration. Parce que mettez 200 démographes ensemble pour discuter là-dessus, et vous n'aurez jamais un consensus, il y a beaucoup d'idéologie derrière ça. Alors, j'ai toujours marché sur la pointe des pieds concernant les niveaux.

Cependant, puisque vous abordez le sujet et que maintenant je suis affranchi de la fonction publique, là, et de mon rôle de président de l'Association des démographes du Québec ? je vous souligne que c'est l'ADQ, la première ADQ qui a été fondée au Québec, c'est notre association ? alors je peux vous parler un peu des niveaux. Ce que j'ai remarqué au cours de ma carrière, c'est que, quand on regarde ça à long terme, on s'aperçoit que, malgré des fluctuations assez grandes, des creux et des sommets, que finalement ce qu'on a accueilli au Québec depuis plus de 50 ans, c'est environ 29 500, 30 000 immigrants par année en moyenne. Et en général ça fluctue très peu. Il y a des creux, il y a des sommets.

Je vous ferai remarquer que, depuis 1998, globalement, là, si on fait une projection linéaire jusqu'à aujourd'hui, 2006, notre immigration a déjà augmenté de 68 %. En peu d'années. C'est considéré, ça, sur le plan démographique, comme quelque chose d'assez gros. Mais ce n'est pas le cas le plus patent, il y a eu des hausses plus importantes dans les années soixante, par exemple. Mais il y a eu des périodes de creux. Mais le discours a changé de nos jours par rapport à une éventuelle baisse de l'immigration. Par exemple, de 1967 à 1972, notre immigration a baissé de 59 %. De 1974 à 1978, elle a baissé de 57 %. Après une hausse ensuite, de 1980 à 1984, elle a baissé de 35 %. Et là elle a monté beaucoup à la fin des années quatre-vingt jusqu'en 1991 et, de 1991 jusqu'à 1995, elle a baissé de 48 %.

Ce que j'ai remarqué dans le débat sur la question de l'immigration, c'est qu'à toutes ces époques-là de baisse personne n'a parlé de fermeture, de repli sur soi. Et là je remarque que, depuis quelques années, le moindrement qu'on parle de nombre et qu'on ose présenter un chiffre plus bas que la moyenne, là il y a des personnes ? je ne sais pas si c'est la rectitude politique qui fait ça; mais il y a des personnes ? qui parlent de fermeture. Autrement dit, quiconque oserait dire: Écoutez, là, notre moyenne est de 30 000, 35 000, c'est déjà pas mal au-dessus de notre moyenne, ce qui impliquerait une baisse par rapport à aujourd'hui, ce ne serait pas dramatique, ce ne serait pas une fermeture, c'est complètement une vue de l'esprit. D'ailleurs, quand on regarde les poids liés à ça, par exemple, il y a une très grosse association internationale en matière de population, qui a un gros congrès à tous les quatre ans, et, en 1993, ils ont tenu leur congrès international à Montréal, et, moi, je me souviens que certains intervenants disaient qu'un taux d'immigration qui dépasse les 0,5 %, 0,6 % de la population d'accueil et soutenu systématiquement, c'est gros, c'est considéré comme très, très gros. Il y a des exceptions, et une de ces exceptions-là, c'est l'Ontario, nos voisins. Donc, en matière de...

n(12 heures)n

Moi, j'ai parlé du discours récent, là, il n'y a plus... le consensus est comme brisé, en quelque sorte. Ce que j'ai observé ici, c'est qu'à l'Assemblée nationale, comme dans la société civile, j'ai remarqué un consensus, peu importe que l'immigration augmente ou baisse, et là c'est la première fois, là, qu'on se pose des questions et d'une manière un peu tranchée. Mais, quand on regarde la conjoncture économique très, très récente ? je ne sais pas combien de mois vous avez à votre disposition avant de prendre une décision pour les trois prochaines années ? mais il reste qu'on parle d'une récession aux États-Unis, le dollar québécois... le dollar canadien ? pardon, excusez le lapsus; le dollar canadien ? s'est beaucoup apprécié et trop rapidement, disent les économistes. Et j'espère que les économistes vont venir vous parler de toutes ces choses-là, mais j'ai comme l'impression qu'il faudrait être prudent ici face à toute hausse. Surtout pour la première année, en 2008, là, il y a... Pour 2009-2010, sur le plan économique, c'est peut-être un peu trop tôt pour déterminer ça. Donc, je vous ai donné... Je ne sais pas si c'est satisfaisant, Mme la ministre, comme réponse?

Mme James: Oui. Oui, ça satisfait. Merci beaucoup, M. Paillé. Je souhaitais vous poser une question sur votre proposition sur la création d'un bureau qui s'occuperait de la francisation donnée aux nouveaux arrivants. Vous savez qu'après réflexion on a posé, au sein des ministères, avec les sommes de 5,3 millions, entre autres, une volonté de répondre aux besoins, d'offrir une francisation qui est diversifiée, une francisation qui va répondre aux besoins, qui sont différents, des nouveaux arrivants. Que ce soit offert dans les cégeps, que ce soit offert par chez nous, des universités, des organismes communautaires, du milieu du travail, c'est 18 000 personnes qu'on a pu franciser jusqu'ici. Puis il y a des organismes qui se sont même battus pour justement avoir ce droit de continuer de donner des cours de francisation pour répondre à des besoins, à des gens qui sont parfois dans des situations où ils sont plus isolés, ils vont pouvoir utiliser l'expertise qu'ils ont pour aller chercher cette clientèle-là. C'est clair qu'on veut s'assurer d'avoir une coordination, de savoir qui donne les services et que les services sont donnés de qualité, mais c'était fait délibérément, de voir à ce qu'on puisse offrir un service qui est diversifié.

Est-ce que vous avez pensé que le fait de créer un bureau qui aurait comme mandat, seule responsabilité d'offrir ces termes-là pourrait avoir comme conséquence de réduire la diversité des services offerts en francisation?

M. Paillé (Michel): Non. Je crois, dans mon mémoire, avoir fait allusion à la possibilité pour cet organisme-là de faire des ententes avec d'autres. J'ai mentionné, je pense, tout ce que vous avez nommé, là, les cégeps, les commissions scolaires, les universités. Remarquez qu'en démographie on a tendance d'abord à analyser la situation de manière globale. Le tableau que je vous présente, c'est un tableau unidimensionnel, il présente les choses globalement. Évidemment, j'aurais eu besoin de données plus fines pour pouvoir ventiler ces données-là et tenir compte... par exemple, de distinguer où ces cours-là pourraient être donnés. Il y a moyen de créer un organisme qui pourrait en être responsable, et qui délègue, et qui permet... ou invite des communautés à enseigner le français à des immigrants.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Bien, alors, je passe la parole maintenant à la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour. Et merci pour le dépôt de votre mémoire. Il y a un élément qui m'a accrochée, vers la fin plus particulièrement, parce que votre mémoire m'a accrochée... Je vous ai suivi tout le long, mais un des derniers éléments dont vous avez discuté, ça concernait justement les enjeux démographiques et le taux de natalité. Je vous ai entendu dire que tôt ou tard il faudrait qu'on ait un meilleur taux de fécondité, et vous insistez sur le fait que, bon, on devrait avoir une politique de population globale, articulée et puis qu'on est même un peu tard pour la développer.

Je ne peux pas passer à côté de ça puis vous parler de ça, mais, dans le contexte où on se rappellera qu'il y a un an La Presse avait cité que le Québec était le paradis des familles, dans le contexte où je vous rappelle que... En tout cas, ce que j'ai vu, moi, c'est que le taux de fécondité s'est amélioré. Je ne vous dis que c'est une amélioration qui est suffisante, là, mais ça s'est amélioré. Mais je suis une femme et je parle avec les citoyens de mon comté. Mon comté, il y a beaucoup de jeunes familles, on me parle... Depuis qu'on est là, nous, bref depuis 2003, on a haussé substantiellement le nombre de places en services de garde, on a mis sur pied la prime de soutien aux enfants, bien que les gens de mon comté puis de d'autres comtés au Québec savent qu'il y a de l'argent qui rentre dans leur compte de banque, mais ils ne savent pas d'où ça vient.

Je le sais parce que ma fille a travaillé dans une caisse populaire, puis je peux vous jurer qu'il n'y a personne qui sait d'où ça vient, qu'il n'y a personne qui sait que c'est notre gouvernement qui a mis ça en place. Mais ce qu'ils savent, c'est qu'il y a de la nouvelle argent. Même que c'est confondu, souvent c'est pensé que c'est le fédéral qui envoie ces sommes-là. Le congé parental qui a été mis sur pied, ce sont des améliorations notables, je pense, qui font en sorte, là, que, comme vous le dites, le taux de fécondité peut s'améliorer. Est-ce que vous avez d'autres alternatives que vous pourriez nous suggérer pour aider les couples et les femmes à penser faire des enfants? Mais je vous amène tout de suite une mise en garde, parce que je suis une femme, et j'ai évolué, là, bon, j'arrive à tout près de la cinquantaine...

Le Président (M. Dubourg): Mme la députée, je vous inviterais à poser votre question...

Mme Charlebois: J'y arrive, M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): ...parce qu'il vous reste très peu de temps.

Mme Charlebois: Oui. Je ne voudrais pas qu'on recule, que les femmes perdent les avantages qu'elles ont pu avoir au cours des années où... Comme je vous dis, les places en service de garde, l'amélioration du congé parental, bon, les primes de soutien aux enfants, c'est certainement des éléments qui font en sorte que les femmes ont des conditions plus faciles. Est-ce que vous aviez d'autres éléments que vous pourriez apporter? Et est-ce que vous considérez que ces éléments-là, ce sont de bons éléments qui ont fait en sorte que... Moi, en tout cas, chez nous ? puis j'ai parlé avec d'autres députés ? c'est le paradis des femmes enceintes, là, depuis un an ou deux, là, il y a y baby-boom, là, il y a un petit, mini baby-boom.

Le Président (M. Dubourg): M. Paillé, s'il vous plaît, je vous demanderais, en 30 secondes, là, de répondre à cette intervention, s'il vous plaît.

M. Paillé (Michel): Bon, il est vrai que depuis la baisse de la fécondité au Québec il y a eu deux petits regains. En 1992, on est remontés à 1,67, mais on était toujours à 21 % sous le seuil de remplacement. Et, en 2006, on est remontés à 1,62, donc moins qu'en 1992. On est toujours 23 % sous le seuil de remplacement. Et il y a des pays en quelque sorte qui peuvent nous servir de modèle. Que le Québec soit le paradis de la famille, jusqu'à un certain point je suis prêt à le reconnaître. Il y a des mesures effectivement, je n'ai pas dit qu'il ne se faisait rien. Ce dont je dis, c'est que ça prend une politique beaucoup plus globale. Et je vous signale, par exemple, qu'aux États-Unis c'est 2,1 comme indice de fécondité; l'Irlande, 1,9; la France, 1,87; la Norvège, 1,85; la Nouvelle-Zélande, 1,8. Nous, ça fait depuis 1977 qu'on n'est même pas montés à 1,7. Alors, il y a un effort à faire de ce côté-là.

Mais je reconnais qu'il y a des acquis qu'il ne faut pas sacrifier. Je me souviens avoir déjà été questionné par une femme, comme ça, qui était un peu... qui voyait un peu mon propos... qui pensait que je voulais le retour des femmes au foyer. Ce n'est pas là du tout. J'ai répondu par une boutade et je vous la sers si vous voulez: Moi, j'ai l'impression que le premier enfant remplace la mère, on va donner priorité à la mère, mais le deuxième enfant, il remplace une partie des pères. Alors, la question que je me pose, c'est plutôt les hommes qui sont le problème là-dedans. J'ai comme l'impression qu'il faudrait que l'homme rose arrive suite à l'émancipation de la femme.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Merci, M. Paillé. Donc, écoutez, merci. Donc, je profite tout de suite pour passer la parole à la députée de Deux-Montagnes, qui est aussi... Ah non! D'accord, je m'excuse. Donc, c'est plutôt le député de Joliette qui souhaite vous poser des questions.

M. Beaupré: Oui. Bonjour, M. Paillé. Je vous salue et vous remercie de nous avoir présenté, là, votre mémoire, au nom de l'opposition officielle. M. Paillé, est-ce que selon vous l'objectif de maintenir au moins à 50 % la proportion de personnes immigrantes admises connaissant le français est suffisant? Et quel devrait être selon vous l'objectif du gouvernement?

n(12 h 10)n

M. Paillé (Michel): Là, actuellement, on est près de 58 %. Le pourcentage, évidemment ça aide, parce que plus de personnes connaissent le français à l'arrivée, mieux c'est, on n'a pas à les franciser. Cependant, je vous ferai remarquer une chose: en général, les personnes ? les études le démontrent ? qui arrivent avec une connaissance de l'anglais connaissent mieux l'anglais que ceux qui arrivent avec une connaissance du français. Et ça, ce n'est pas évalué. C'est vrai pour la population d'accueil. Dans chaque recensement canadien, on demande aux personnes du Canada de dire s'ils peuvent parler en français ou en anglais. On donne plein de chiffres sur le bilinguisme au Canada, mais on oublie toujours de dire que ceux qui se disent aptes à parler français le parlent généralement moins bien que ceux qui disent être capables de parler l'anglais. Alors ça, c'est la première des choses.

La deuxième partie de votre question, M. le député, c'est que ça revient à ma proposition: il faut franciser au plus vite les immigrants qui ne connaissent pas notre langue. Il faut agir très rapidement et d'une manière vraiment... pour être en conformité finalement avec notre loi. L'article 4.4 de la Loi du ministère de l'Immigration dit clairement qu'il faut enseigner le français à nos immigrants dès leur arrivée, et on ajoute même qu'on peut le leur apprendre avant même qu'ils arrivent. Et le contrat moral, en quelque sorte, c'est un contrat justement moral. Il n'est pas écrit, on ne va mettre personne à la porte s'il n'apprend pas le français, mais il ne faudrait quand même pas que l'État québécois montre le mauvais exemple.

Alors, en réalité, il faut vraiment prendre les choses sérieusement, et, moi, je pense à quelque chose de très particulier. Et je vous ai dit en introduction que le joyau de la loi 101, ce sont les enfants de la loi 101. Ça a été le dossier le plus palpitant pour moi dans ma carrière, et là je m'intéresse aux parents de ces enfants-là qui doivent suivre le cheminement scolaire de leurs enfants. Comment peuvent-ils le faire sérieusement s'ils n'apprennent pas le français rapidement, au même rythme que leurs enfants?

M. Beaupré: Merci. Vous parlez, à la page 4 de votre mémoire, que dans le contexte actuel le français pourrait être vu comme accessoire aux yeux des immigrants. Est-ce que vous pensez que, si les délais pour le suivi des cours de français seraient raccourcis, cela aurait un impact considérable sur le fait que le français pourrait être vu comme un accessoire?

M. Paillé (Michel): Bon, évidemment, il y a plus que ça. Ce serait déjà un premier élément. Dès qu'une personne... Imaginons, là, qu'à peu près tous les immigrants entrent en classe de français dans les 12 à 15 jours suivant leur arrivée, ils vont d'abord tout de suite recevoir un message que notre société est vraiment francophone et qu'on tient à ce qu'ils apprennent le français. C'est la première démarche.

Mais évidemment je vois dans cette question-là autre chose, parce qu'il faut aller plus loin. Il y a la fameuse attitude de la population d'accueil de s'adresser en anglais, même dans un anglais parfois très, très rudimentaire, dès qu'on se retrouve devant une personne de couleur, devant une personne qui a un accent, devant une personne qui semble ne pas être d'ici. Alors ça, c'est malheureux. La population d'accueil, là, en particulier la population francophone du Québec, a un examen de conscience à faire et à faire très attention à s'adresser en français à tous ceux, immigrants ou pas, hein, à tous ceux qui doivent l'apprendre. Je fais personnellement un effort en ce sens.

J'ai souvent été témoin, lors de mes visites à Montréal, de personnes, de caissières, pendant que j'attendais en file d'attente, baragouiner un anglais pitoyable pour aider quelqu'un qui demandait un renseignement dans le centre-ville de Montréal. Eh bien, moi, une demi-heure après, si je rencontrais quelqu'un qui s'adressait à moi en anglais, j'aurais pu lui répondre dans un meilleur anglais, sans me claquer les bretelles, là, j'aurais pu lui répondre dans un bon anglais, mais je me faisais un effort de le faire en français avec moult gestuelles pour me faire comprendre. Et j'ai récemment guidé un immigrant qui arrivait d'Amérique latine, nous avons marché ensemble côte à côte pendant deux pâtés de maisons parce qu'il cherchait l'école où il devait aller pour ses cours de français. Imaginez que je le guide en anglais, ça n'avait pas de bon sens. Lui, il me parlait en anglais, et je le guidais en français avec des gestes, et il a très bien trouvé son école, j'en suis certain. Alors, je pense qu'il y a un devoir à faire de ce côté-là.

M. Beaupré: Merci. Vous mentionnez, à la page 7 de votre mémoire, que le Québec aurait eu grandement besoin, depuis quelques décennies, d'une politique de population globale et articulée. Quelles devraient être selon vous les grandes orientations de cette politique?

M. Paillé (Michel): Ah, là, ça, c'est un gros... En somme, faire la synthèse de ça, c'est les quatre, cinq documents, là, que j'ai présentés brièvement. On a fait des tentatives dans les années soixante-dix, quatre-vingt, quatre-vingt-dix, et on dirait qu'à chaque fois on fait table rase puis... Enfin, je peux même vous répondre avec une anecdote. J'ai un collègue démographe qui a été formé à la même époque que moi, et, lui qui a travaillé dans la fonction publique québécoise en matière de famille, très souvent son ministre changeait et, à chaque changement de ministre, il recevait une commande qui lui posait deux questions. Première question: Quelle est la cause de la sous-fécondité? Deuxième question: Quelle est la solution? Alors, évidemment, il recommençait le même discours pour expliquer que les causes sont multiples et que les solutions sont extrêmement complexes, qu'il faut les articuler, on a des choses à innover à partir de ce que l'on est, on a des exemples à aller chercher ailleurs, dans d'autres pays, notamment des pays européens.

Et là, M. le député, vous venez d'ouvrir quelque chose d'immense, de très gros et qu'il faudrait refaire une fois pour toutes pour vraiment arriver peut-être à mettre sur pied un ministère de la Population, comme rêvait Robert Bourassa dans les années soixante-dix, ça fait quand même déjà une quarantaine d'années de ça.

M. Beaupré: Considérez-vous que les 660 heures d'enseignement du français sont suffisantes pour la francisation des immigrants?

M. Paillé (Michel): Tous ceux que j'ai consultés là-dessus sont unanimes, ce n'est vraiment pas suffisant, 660 heures. Nous-mêmes, pourrions-nous apprendre une langue en 660 heures? J'en doute beaucoup. D'ailleurs, à l'époque où c'était 750 heures ? j'ai donné le témoignage dans une note, je crois, de mon mémoire ? je me rappelle d'un colloque où un professeur dans un COFI avait l'impression de labourer la mer. On sentait que c'était quelqu'un de passionné qui croyait au rôle qu'il jouait dans la société mais que malheureusement, à chaque fois qu'il libérait ses étudiants, il devait repartir à zéro avec d'autres groupes, alors qu'il sentait le besoin de poursuivre. Donc, je ne suis pas spécialiste de l'enseignement des langues, mais c'est peut-être 1 000 heures, 1 200 heures qu'il faudrait pour parvenir à apprendre vraiment le français minimalement.

M. Beaupré: Jusqu'où selon vous il faudrait aller pour la régionalisation de l'immigration?

M. Paillé (Michel): Dans mon mémoire, j'ai fait remarquer que le Québec étant à l'extrémité nord-est de l'Amérique du Nord, on fait partie d'un grand ensemble qui comprend les provinces de l'Atlantique, les États du Maine, New-Hampshire, Vermont et peut-être même le nord-est de l'État de New York. Il y a très peu d'immigrants qui vont dans ces régions-là, et chercher à régionaliser, depuis le temps qu'on en parle... Moi, je me souviens que dans les années quatre-vingt on en parlait beaucoup. Et, 25 ans plus tard, on s'aperçoit que ça se fait quasiment au compte-gouttes. Quand on regarde d'un recensement à l'autre, on trouve toujours la même concentration à Montréal et tout autour, très proche.

Alors, c'est malheureux qu'il en soit ainsi, parce que mes propres études avaient démontré que la fraction, le 10 % d'immigrants qui s'installent en dehors de la région métropolitaine de Montréal, partout ailleurs, adoptent le français beaucoup plus rapidement et dans une plus grande proportion que partout ailleurs. Donc, la régionalisation est importante, mais... J'avais même suggéré de commencer non pas par les régions éloignées, mais par les régions plus proches de Montréal. Mais ça prendrait un soutien économique de tout ça.

n(12 h 20)n

Si on avait été clairvoyants... Je pourrais terminer avec la chose suivante. J'ai comme l'impression que, quand on regarde notre histoire... Rappelez-vous, dans les années cinquante et soixante, on parlait ? surtout les années cinquante; on parlait ? du mythe de la revanche des berceaux. On a cru, au Québec, que nos grosses familles, c'était garantie d'avenir et qu'on se désintéressait à l'immigration. On a compris, suite à la dénatalité, qu'il fallait agir dans le domaine de la migration, on a créé le ministère, et là, aujourd'hui, à cause de nos politiques linguistiques, on... J'ai comme l'impression qu'on se cache derrière nos politiques linguistiques et que ce sera suffisant... On prend en quelque sorte nos politiques linguistiques comme étant une politique globale de population, incluant la régionalisation, et, avant la régionalisation, le prérequis, c'est le développement économique de ces régions-là, parce que, si vous n'avez pas de grands centres d'attraction d'abord pour retenir la population de ces milieux-là, comment attirer les immigrants et surtout pour qu'ils y restent? Parce que rappelez-vous l'époque de ce qu'on a appelé les «boat people», il y en a eu beaucoup qui ont été parrainés, à travers toutes les régions du Québec, à la fin des années soixante-dix, mais des études ont montré que, quelques années plus tard, on les retrouvait à Montréal. J'ai moi-même fait des études là-dessus, sur la migration interrégionale, et effectivement Montréal se trouve à attirer beaucoup trop par rapport au reste du Québec, alors d'où l'importance d'une politique globale de population.

Le Président (M. Dubourg): Merci, M. Paillé. Merci, M. le député de Joliette. Donc, j'invite tout de suite le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'immigration et de communautés culturelles, le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Merci beaucoup, M. le Président. M. Paillé, c'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Mais d'entrée de jeu je voudrais remercier la ministre, qui nous a déposé les documents sur la... On voit qu'on ne peut pas changer les règlements, hein? Les gens nous demandaient... On voit que ça prend quand même plusieurs mois quelquefois pour changer les règlements, voilà, exactement, ce qui est tout à fait normal. Mais c'est bon de savoir si on veut effectivement répondre à ces questions-là, alors je vous en remercie.

J'ai quelques petites questions rapides. J'en ai une plus globale, par exemple, mais la première, plus rapide: Dans le document du ministère, vous qui êtes là-dedans depuis très, très longtemps, là, même si vous êtes très jeune, ceci étant dit, il y a, à la page 25 du document du ministère, il y a 34 % des nouveaux arrivants qui parlent, qui utilisent principalement l'anglais au travail. Avez-vous une réflexion ou quelques données là-dessus? Parce qu'on a beau dire... On parle beaucoup de francisation ? et j'y reviendrai plus tard ? mais, à quelque part, si une des mécaniques, la plus importante, d'intégration... les gens se voient soit obligés de parler anglais ou être bilingues, comme c'est souvent le cas, comme ça nous a été dit, on a un problème, là. On aura beau avoir toutes les classes de francisation que vous voudrez... Alors, quelle réflexion que vous avez là-dessus? 34 %, moi, ça me semble énorme. Malheureusement, on n'a pas de contexte. Ça date de 2001, c'est tout ce qu'on sait. Est-ce que c'est à Montréal? Est-ce que c'est partout? Est-ce que c'est l'immigration des 50 dernières années? Il n'y a aucun contexte. Je ne sais pas si vous en savez un petit peu plus de ce chiffre-là?

M. Paillé (Michel): Oui. En 2002, la loi 101 a été révisée, et la recherche est passée du conseil à l'office ? c'est ce qui fait que mon poste a changé d'organisme; je l'ai suivi ? et l'office, à tous les cinq ans au moins, doit faire un bilan qui devrait normalement répondre à la question que vous posez. Alors, par exemple, l'office a entrepris de publier des fascicules comme ça sur le suivi de la situation linguistique. Celui-ci, c'est un ouvrage général sur la population, les caractéristiques linguistiques de la population du Québec. Il devrait y en avoir un comme ça, par exemple, sur l'immigration. À ma connaissance, il n'est pas encore publié. Sur l'éducation, il n'est pas encore publié. Mais il y en a un qui a été publié sur la langue de travail, et c'est une analyse ? je ne l'ai pas avec moi; mais c'est une analyse ? de la langue du travail, dans le recensement de 2001. Pour le recensement de 2006, malheureusement les données du recensement de 2006 sur la langue de travail vont paraître seulement au début de l'année prochaine. J'ai apporté le calendrier. Je ne sais pas si je peux le retrouver rapidement. Enfin, peu importe.

M. Lemay: C'est de la mécanique, là. Mais, sur ce chiffre-là, avez-vous une réflexion là-dessus? Avez-vous des données? Avez-vous consulté le document de l'office là-dessus? Moi, 34 %, ça me surprend, puis surtout qu'on le donne sans contexte.

M. Paillé (Michel): C'est gros. Il faudrait voir dans quelles circonstances... Est-ce que c'est seulement les petites entreprises qui sont de moins de 50 employés, là où la loi 101 n'a pas de prise? C'est peut-être là, il faudrait voir. Ce n'est pas un dossier avec lequel je suis familier, on réserve ça aux sociolinguistes, généralement.

M. Lemay: Oui. O.K. Mais 34 %, c'est quand même un gros chiffre. Et encore une fois, à toutes les fois que je me suis servi de ce chiffre-là, M. le Président, loin de moi l'idée d'en parler pour blâmer qui que ce soit de quoi que ce soit. Si les gens sont obligés de travailler en anglais, c'est une réalité...

Vous savez certainement qu'au niveau de l'immigration le bassin de francophones, disons, est assez limité, hein? C'est dit dans le document, c'est dit partout. Donc, on se voit, et c'est très correct également, on se voit... on reçoit donc des gens de vraiment à travers le monde, et, moi, j'ai... Avez-vous le sentiment ou avez-vous des chiffres qui font en sorte que ça va de plus en plus augmenter d'année en année? Parce que le nombre d'immigrants augmente, donc le nombre de non-francophones augmente d'autant, et, à un moment donné, ce qui est potentiellement francophone, avec les années, va diminuer. Avez-vous regardé ce côté-là également de...

M. Paillé (Michel): Ça, je pense que c'est quasiment impossible à calculer d'avance...

M. Lemay: À calculer, hein? O.K.

M. Paillé (Michel): ...à faire ce genre de projection là parce que les bassins changent, ça dépend comment le recrutement se fait d'une place à l'autre. Il y a un chassé-croisé de toutes sortes de circonstances qui fait que...

Cependant, je profite de cette question-là pour vous faire remarquer qu'il y a des mythes qui sont véhiculés dans les médias autour de ça. Il y a pourtant des intellectuels qui disent que plus on augmente l'immigration, plus on en choisit, parce qu'il y a une partie de l'immigration qui n'est pas choisie: les réfugiés et les familles.

M. Lemay: Réunification familiale.

M. Paillé (Michel): Réunification des familles. Alors, certaines personnes disent: Si on réduisait l'immigration, là on va se ramasser uniquement avec des réfugiés puis des familles puis on ne choisira plus personne. C'est une erreur parce que la réunification des familles, c'est induit, ça. Il y a même des immigrants qui arrivent en janvier, février d'une année, puis leur conjoint, leurs enfants arrivent quelques mois plus tard dans la même année. Alors, il y a un effet d'induction. Il peut y avoir un décalage dans le temps. S'il y avait une baisse dramatique, c'est peut-être vrai que, pour les premiers six mois, ce serait un peu... il y aurait une marge qui se rétrécirait, mais ça se rétablit très, très rapidement. Bon.

Mais, pour ce qui est des bassins, moi, j'ai entendu récemment, là, à la télé quelqu'un qui souhaiterait qu'on n'invite que des Français à venir s'installer au Québec. Ce n'est pas la première fois que j'entends ça, il y a...

M. Lemay: ...retour à l'envers.

M. Paillé (Michel): Oui, c'est ça. Mais ça, il y en a qui ont essayé de faire ça. Il y a même des personnes qui ont essayé de récupérer, en Nouvelle-Angleterre, des Québécois qui avaient migré puis qu'on a voulu ramener ici. Mais ces choses-là, c'est très difficile à faire et c'est très difficile à prévoir.

Mais il reste quand même que, quand on regarde les courbes, il y a comme un fléchissement qui se présente. La figure que j'ai présentée montre qu'il y a un certain plafonnement qui risque d'arriver. Mais comment prévoir ça? Parce que le problème qu'on a là-dessus, c'est que, comme je l'ai dit, étant donné que notre moyenne, c'est 30 000, passer à 60 000, par exemple, ça veut dire doubler par rapport à notre moyenne. Là, évidemment, si on faisait ça d'une claque, là, probablement que là on aurait des difficultés dans le sens de votre question. Mais, si ça se faisait graduellement, il faudrait voir. Mais, comme on n'a pas de précédent... C'est sûr, pendant deux années, là, seulement, il y en a eu plus de 50 000, mais ça date pas mal, ces deux années-là, alors on ne peut pas voir, le monde a changé depuis ce temps-là. Il faudrait voir si...

M. Lemay: O.K. Donc, on peut, de façon générale, analyser la population que nous avons au niveau de critères scientifiques avec lesquels vous travaillez. C'est plus complexe, là ? évidemment, c'est des boules de cristal un peu, là ? de prévoir, là, d'où viendront les... J'ai une dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): Allez-y.

n(12 h 30)n

M. Lemay: Je trouve votre idée de la création d'une espèce d'office d'accueil à part... Parce que le ministère de l'Immigration bien sûr met en opération tout le processus très, très, très complexe d'immigration ici, d'une intégration, dans un premier temps, dans un... très, très, très rapide, et de réfléchir à une espèce d'instance, peu importe le nom qu'on peut y trouver, qui aurait le mandat non seulement de faire apprendre le français aux nouveaux arrivants, mais également, moi, j'irais peut-être plus loin, là, ce serait vraiment une intégration culturelle, l'apprentissage du français bien sûr, mais aussi la culture, les arts, la musique, l'histoire, et tout, de façon beaucoup plus englobante, je vous dirais, que...

Donc, j'aimerais là-dessus que vous nous parliez un petit peu de cette idée-là. Comment vous est venue cette idée-là, là? Qu'est-ce que vous avez en tête plus précisément, peut-être?

M. Paillé (Michel): Oui, comme je vous disais, j'ai vu, à l'Office québécois de la langue française, comment se faisait la francisation. J'avais des collègues à proximité de mon bureau qui devaient téléphoner aux responsables d'entreprise, responsables de la francisation, pour fixer rendez-vous pour assurer un suivi de la francisation, et je me suis rendu compte qu'effectivement c'est un travail qu'il faut toujours refaire. Les compagnies changent, il y a des fusions, il y a des changements de nom, il y a des changements de personnes, réorganisation structurelle, on oublie de faire suivre le comité de francisation, et tout ça. Alors, il faut constamment tenir ça en haleine. Et, moi, je me suis dit: Et s'il y avait un organisme pour assurer la francisation des immigrants, on aurait effectivement un organisme qui n'aurait que ça à faire, et, à travers la langue, à travers l'enseignement passerait sans doute la culture. D'ailleurs, je vous ferai remarquer que cette idée-là, en peaufinant ça et en regardant les chiffres, ce que je propose, ce n'est pas qu'une petite béquille complémentaire à l'Office québécois de la langue française, au contraire. Le nouvel organisme à créer serait trois à quatre fois plus gros que l'office lui-même. Parce qu'il pourrait y avoir 1 000 profs là-dedans, alors qu'à l'office vous avez seulement 260 employés ou quelque chose comme ça.

Alors, vraiment, c'est curieux à dire, là, le cas de notre politique linguistique qui est la loi 101, avec ses organismes dont l'office, c'est beau, mais à côté de ça il y a plein de choses qui ne font pas partie de la loi 101 et qu'on laisse un peu dans le flou, dans le vague. Alors, avec un organisme qui serait encore... qui aurait son importance, sa visibilité, avec son rapport annuel, qui devrait soutenir ses crédits devant vous, en commission parlementaire, il y aurait une transparence là-dedans, là. Il y aurait un président, une présidente, avec des comptes à rendre, reddition de comptes. Alors, je pense que c'est quelque chose d'important pour que la francisation des adultes se fasse très sérieusement et que la culture suive avec ça. Il y aurait un contact plus direct avec la population d'accueil.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Merci, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques. Mais, M. Paillé, je vous remercie d'être venu nous présenter votre mémoire. Et voilà, sur ce, je vous souhaite, à vous personnellement, une bonne fin d'après-midi au nom des parlementaires de cette commission. Je suspends, 30 secondes.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 12 h 35)

Le Président (M. Dubourg): Donc, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons avec grand plaisir Mme Line Chaloux, directrice générale, Le Coffret, Méridien 74. La façon de procéder, c'est que, madame, vous allez avoir 15 minutes pour nous présenter votre mémoire, et après les parlementaires ici présents vous questionneront. La parole est à vous.

Le Coffret

Mme Chaloux (Line): Merci beaucoup. Alors, je voudrais vous remercier de l'accueil que vous faites aux organismes communautaires à cette commission. C'est très important pour nous d'exprimer notre position sur les niveaux d'immigration.

Le Coffret est un organisme qui est situé à Saint-Jérôme et qui aide les nouveaux arrivants à s'intégrer dans la région des Laurentides. Notre position face aux niveaux d'immigration est que soit maintenu le niveau actuel, là, qui était autour de 45 000, par rapport aux positions que vous avez amenées. Nous recommandons ce nombre-là parce que nous serions inquiets s'il y avait une augmentation, suite aux données auxquelles on a accès dans l'intégration en emploi des nouveaux arrivants. Alors, on se dit que c'est mieux qu'on développe des habilités à mieux intégrer les gens qui arrivent avant d'augmenter le niveau d'accueil au Québec.

On s'inquiète aussi un peu, quand on parle d'intégration, là... c'est sûr que tous les nouveaux arrivants qui arrivent, ils viennent ici parce que le Québec leur offre la sécurité, leur offre la paix, leur offre un environnement dans lequel ils vont pouvoir prospérer. Mais, si on n'a pas la capacité de bien intégrer ces gens-là, bien notre réalité quotidienne va se fragiliser, et pour nous c'est assez important de créer un contexte dans lequel l'ensemble des nouveaux arrivants vont s'intégrer et aussi la deuxième génération, hein, parce qu'il faut... Moi, je pense que c'est très important de voir... Quand on observe ce qui se passe dans les pays occidentaux présentement ? on pense à l'Europe ? il y a, dans la deuxième génération, souvent des problématiques assez particulières d'intégration qui créent une insécurité au sein des populations.

Dans les recommandations que nous avons incluses dans notre mémoire, on pense aussi qu'il serait intéressant de faire une étude sur les habilités et la volonté d'intégration des communautés culturelles en fonction de la charge économique et sociale qu'elles représentent pour notre système, alors de voir quelles sont les motivations au niveau des organisations ethniques sur la possibilité pour les leaders d'entretenir une relation significative avec les communautés et de voir la capacité d'intégration de ces communautés-là.

On recommanderait aussi qu'il y ait une diversification adéquate qui soit établie auprès des nouveaux... des programmes de sélection de façon à ce qu'il n'y ait pas de déséquilibre ethnique prévisible dans l'arrivée de nouveaux arrivants et que les bassins ne se limitent pas à certaines communautés et pas nécessairement non plus aux communautés francophones.

On recommande aussi que les communautés culturelles qui démontrent une capacité d'adaptation et d'intégration significative plus importante, bien, puissent être privilégiées dans la sélection, même si elles ne sont pas francophones.

On recommande aussi que soit renforcé le rôle du Québec comme terre d'accueil pour les réfugiés et les personnes en situation de détresse. Depuis que les ententes ont été faites avec les États-Unis au niveau du pays tierce de sécurité, on sait que les réfugiés qui arrivent ici et qui demandent l'asile politique sont plus souvent qu'autrement retournés dans un pays tierce, ce qui a fait baisser de façon très significative l'arrivée de revendicateurs chez nous. Alors, nous, nous vous proposons qu'il y ait une perspective d'augmenter le nombre de réfugiés sélectionnés à l'étranger, c'est-à-dire directement dans les camps, d'ici à 2010, et, nous, ce que nous proposons, c'est que ce chiffre-là puisse être établi, là, à près de 4 000 personnes par année.

On recommande aussi qu'une politique de régionalisation soit développée en associant les instances régionales qui... dans les régions où il y a une croissance économique. Alors, pour nous, la régionalisation de l'immigration, puis je pense qu'avant moi on entendait un peu la même chose, la régionalisation de l'immigration est vraiment un outil qui permet une intégration beaucoup plus significative des gens, quand ils vont en région, qu'ils sont entourés de francophones et qui cohabitent avec des Québécois de souche, si je peux dire, alors l'intégration se fait beaucoup plus facilement.

n(12 h 40)n

On recommande aussi que le gouvernement du Québec établisse des normes d'accès aux ordres professionnels, comparatives et équitables avec le reste du Canada. Alors, on devine, au niveau de l'intégration en emploi, des injustices, si je peux m'exprimer ainsi, au Québec. Dernièrement, on entendait, entre autres au niveau des enseignants qui arrivent ici et qui ne peuvent pas enseigner parce qu'on ne reconnaît pas leurs diplômes, on ne reconnaît pas leur expertise, mais, s'ils vont en Ontario, suivent un cours de pédagogie, alors là ils peuvent revenir ici et là ils peuvent enseigner. Mais, ici, au Québec, ce cours-là n'est pas disponible. Et ce qu'on observe aussi dans certaines villes au Québec, c'est que ce sont des institutions d'enseignement qui ont la responsabilité de voir à émettre les équivalences pour les gens, et souvent les institutions d'enseignement vont aller dans une diminution de reconnaissance pour faire en sorte que les nouveaux arrivants aient à s'inscrire et à suivre des formations de deux, trois et parfois quatre ans, quand dans le fond c'est seulement qu'un ajustement de leur formation auquel ils pourraient avoir accès et pouvoir pratiquer le métier pour lequel ils ont été sélectionnés.

Et on se rappelle que la sélection qu'on fait se fait en fonction de nos besoins réels. Alors, le Québec a besoin de main-d'oeuvre. Dans la région des Laurentides, nous, on a vraiment besoin de main-d'oeuvre. Il y a des poches d'emploi, là, qui sont vraiment en souffrance parce qu'on manque de main-d'oeuvre. Les immigrants sont sélectionnés en fonction de ça, et, quand ils arrivent ici, on ne reconnaît pas leur formation, on ne reconnaît pas leur expertise ni leur expérience, et ça crée vraiment un malaise. Ces gens-là souvent vont avoir l'impression d'avoir été victimes d'une arnaque, vont avoir l'impression de vivre une exclusion, et cette exclusion-là va les amener à une marginalisation, et, pour certains groupes ethniques, cette marginalisation-là va les ramener à une pratique religieuse qui peut devenir quelque chose qui va empêcher leur intégration.

On demande aussi à ce que la réunification familiale soit reconnue comme un droit fondamental, indépendamment de la capacité financière du garant. Alors, je pense que ça aussi, vous en avez déjà entendu parler. Le fait que des parents arrivent ici et qu'ils ont à attendre plusieurs années avant que les enfants puissent les suivre, ça crée chez ces gens-là une situation qui fait que leur équilibre mental des fois, leur équilibre émotionnel est tellement difficile à maintenir qu'ils ont de la difficulté à apprendre le français, ils ont de la difficulté à s'intégrer en emploi et ils ne peuvent vivre ce rêve d'immigration qu'ils ont réalisé, ils ne peuvent vivre non plus une expérience qui va leur permettre de participer complètement à la vie québécoise.

On recommande aussi que la mission globale des ONG qui sont responsables de l'intégration des nouveaux arrivants puisse être financée de façon adéquate afin d'offrir des services stables et de qualité. Alors, les organismes qui sont liés au MICC par leur volet immigration ne sont pas... malheureusement ne sont pas tous financés dans leur mission globale, et je pense que c'est un besoin fondamental. La majorité des organismes sont rattachés à un ministère et peuvent avoir accès à un financement dans la mission globale. Alors, ce serait très important. Surtout quand on regarde à quel point l'intégration des nouveaux arrivants est importante dans l'équilibre de notre pays, bien je pense que c'est incontournable.

Et, pour terminer, bien on recommande que soient indexés, là, de façon systématique les programmes d'accueil et d'établissement en fonction de l'indexation, là, de l'Accord Canada-Québec, et en ce sens bien j'en profite pour féliciter le ministère, qui a fait des démarches auprès du Conseil du trésor pour justement faire en sorte que cet équilibre-là revienne, parce que, depuis les années que cet accord-là a été signé, moi, je pense que votre ministère a été exclu de l'enveloppe, parce que cette enveloppe-là a été réalisée avec une équation vraiment magnifique. Alors, à chaque année, il y a des montants, des zéros qui se rajoutent, et c'est assez impressionnant, mais malheureusement ces montants-là n'arrivent pas à votre ministère et, par le fait même, ne nous arrivent pas à nous, ceux qui sont près de la population immigrante, qui doivent participer à leur intégration. Et, moi, je crois que le ministère de l'Immigration est le joueur fondamental de l'intégration et devrait être capable de répondre aux besoins des organismes qui en dépendent et des responsabilités qui lui sont mandatées.

Le Président (M. Dubourg): Je vous remercie beaucoup, Mme Chaloux. Alors, la parole est à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme James: Merci beaucoup, Mme Chaloux, pour votre mémoire, pour votre présentation. Vous avez parlé beaucoup, à la fin de votre présentation, de financement et du fait que le ministère... c'est vrai qu'on se préoccupe beaucoup de cette question de vouloir s'assurer qu'on répond aux besoins, parce qu'on croit beaucoup à l'immigration. J'ai toujours dit que c'est important de se donner les moyens de réussir notre immigration, parce que le Québec est plus riche et on ne peut pas se permettre de perdre cet enrichissement, à mon avis. On pourrait revenir une autre fois sur une question des rôles des autres ministères, parce que je pense que c'est de l'action gouvernementale que tous les ministères doivent continuer à prendre leurs responsabilités face à l'intégration, je veux dire, des nouveaux Québécois, parce que ce sont des Québécois comme tout autre, mais des nouveaux Québécois.

Mais je trouve que vous avez touché à une question... vous avez eu l'audace, je veux dire, de toucher à une question qui est sensible mais à laquelle je pense que, dans un contexte d'une planification, c'est tout à fait approprié qu'on puisse en discuter. Vous avez parlé de cette question de déterminer des cultures qui s'adaptent mieux à notre culture, je veux dire «des bassins». Dans votre présentation, vous avez parlé de la sélection des bassins puis de faire attention de la façon qu'on pourrait choisir un bassin par rapport à un autre. Puis, loin de vouloir vous taxer d'intolérance, ou quoi que ce soit, mais vous êtes sûrement très consciente qu'en lisant ça une personne pourrait... ou des gens pourraient penser: Mais attention, qu'est-ce qu'on veut dire par là lorsqu'on dit qu'on va privilégier un bassin par rapport à un autre? Ça, c'est la première partie de ma question, parce que je vais vous laisser vous expliquer, puis la deuxième étant...

Vous avez clairement dit, parce que c'est un choix que ce gouvernement a fait, puis tous les gouvernements antérieurs, c'était de se fixer ce seuil de 50 % puis de faire en sorte qu'on allait chercher d'abord et avant tout des gens qui sont francophones et qui parlent déjà le français, dans la mesure où je pense que la logique c'est que: Bon, bien, c'est des gens qui n'auront pas à apprendre la langue, et l'intégration doit se faire... se ferait naturellement plus facilement. Mise en garde, et je suis pas mal sûre que les collègues sont d'accord avec ça, ce n'est pas parce qu'on parle français qu'on est nécessairement intégré. Je pense que ça fait partie de la réflexion qu'on a, comme je disais.

Mais je voulais vous entendre sur ce que vous vouliez dire par cette question de s'adapter, de choisir des gens qui auront une facilité de s'adapter à notre culture québécoise. Et l'autre étant cette question d'aller chercher des gens dans des bassins eu égard de la question s'ils ont une connaissance du français ou pas. Je vais vous laisser expliquer votre position.

Mme Chaloux (Line): Oui. Bien, vous savez qu'il y a une autre commission qui se promène au Québec présentement, la question Bouchard-Taylor, et nous avons déposé un mémoire aussi à cette commission-là, et, dans la recherche que nous avons faite pour écrire ce mémoire-là, il était important pour nous de bien comprendre de qui on parle quand on parle de ceux envers qui il faut qu'on s'accommode raisonnablement. Et, dans les recherches qu'on a faites, on avait à déterminer: Est-ce que, dans ceux qui ont de la difficulté à s'intégrer, est-ce qu'il y a une problématique au niveau ethnique ou culturel qui ressort? Alors, on avait décidé de faire une recherche, à savoir: Est-ce que les gens qui sont à l'aide sociale, est-ce qu'il y a une surreprésentation de l'immigration à l'aide sociale?

Alors, on a réussi à comparer les chiffres, et on s'est aperçu qu'il n'y avait pas de surreprésentation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas plus d'immigrants qui sont à l'aide sociale qu'il y a de Québécois qui sont à l'aide sociale. Les proportions, là, sont similaires, là, quand on compte le nombre d'immigrants qui sont à l'aide et la population, et tout ça. Et, dans ce même ordre d'idées là, on voulait vérifier si, au niveau de nos institutions carcérales, s'il y avait plus d'immigrants qui se retrouvaient dans les prisons que de Québécois. Et la réponse a été la même, c'est-à-dire qu'il n'y a pas plus d'immigrants dans les prisons qu'il y a de Québécois, la proportion est exactement la même. C'est quand on a regardé quelles étaient les origines ethniques des personnes qui étaient à l'aide sociale et quelles étaient les origines ethniques des personnes immigrantes qui se retrouvaient en milieu carcéral que, là, on s'est aperçu qu'on pouvait avoir... Puis là, ce que je vous parle là, c'est sûr qu'il pourrait être très intéressant de faire une recherche plus approfondie là-dessus, mais il nous semble que c'est vers ça qu'il faut qu'on aille aussi quand on pense qui s'intègre, qui ne s'intègre pas. Et je pourrais juste retenir que, dans les recherches qu'on a faites, on s'est aperçu qu'il y avait très peu d'Asiatiques à l'aide sociale et pratiquement pas d'Asiatiques dans nos prisons, ce qui fait que je n'ai pas à vous dire qui y était.

n(12 h 50)n

Alors, nous, ce qu'on retient, c'est que, dans les bassins de sélection comme tels, il y a très peu de sélections qui sont faites en Asie, sinon chez les gens d'affaires chinois. Et, moi, je pense que... en tout cas, pour vous dire que, dans les Laurentides, presque tous les dépanneurs maintenant, ce sont des Chinois, la plupart... beaucoup de restaurants aussi, et ce sont des personnes qui ont une présence très significative parce que... Je peux vous raconter une petite histoire, là. Dans le nord, dans le coin de Lantier, il y avait un village où le dépanneur et le restaurant avaient fermé, et ça avait créé dans le village un vide, c'est-à-dire que les motoneiges n'y allaient plus, les passants... les voitures qui passaient pour se rendre dans Lanaudière, vers Saint-Donat, ne s'arrêtaient plus dans le village, et c'était devenu difficile. Et ce sont des investisseurs chinois qui sont arrivés là, qui ont acheté le dépanneur, qui ont acheté le restaurant et qui ont redonné vie au village, qui ont permis au village de reprendre un dynamisme, mais ça a vraiment été très significatif. Alors, c'est un apport qui est important.

Et, si je fais un peu le lien avec ce qu'on vous recommandait au niveau de la sélection à l'étranger des réfugiés dans les camps, eh bien, au Québec, il y a très peu de sélection qui se fait dans les camps asiatiques, et pourtant il y en a énormément, de gens qui sont dans des camps et qui n'attendent qu'à être sélectionnés pour pouvoir aller ailleurs. Nous, dans notre région, c'est surtout des Colombiens et des Africains qui arrivent, et nous pensons, toujours dans l'objectif de garder un équilibre ethnique, qu'il serait très important de diversifier les lieux où on va chercher les immigrants, et, nous, on voudrait se qualifier, en tout cas on est en démarche présentement. On sait que, cette année ou à la fin de l'année, il y a des réfugiés du Myanmar qui vont arriver au Québec et que le Canada a signé des ententes pour aussi aller faire de la sélection dans des camps de réfugiés au Népal, et pour nous ces gens-là deviendraient des éléments de diversification, et, malgré le fait qu'ils ne parlent pas français, on est persuadé que leur intégration se ferait bien aussi.

Mme James: Parce qu'on pourrait les franciser davantage.

Mme Chaloux (Line): Absolument. Absolument.

Mme James: Mais je veux vous poser une question par rapport à la réaction.... Je vous entends et j'aborde dans le sens que c'est important d'avoir une diversification, d'avoir... la quatrième orientation, pour nous, dans notre politique d'immigration, d'être ouverts sur le monde. Mais, en vous écoutant parler, notamment par une sélection des Asiatiques, je vais vous dire, j'ai senti un malaise, en disant... Bon, il me semble, ce qui ressort: Mais, si on va chercher des Asiatiques, bon, ce n'est pas des gens qui causent problème, mais il y a d'autres ethnies qui pourraient être plus problématiques. Je ne veux pas vous dire que c'est ça que vous voulez dire, mais je pense qu'en même temps il faut faire attention à ça. Ce que je veux dire par là, vous ne pensez pas que l'accent devrait être davantage pas sur la provenance de la personne, mais plus sur sa capacité personnelle, peu importe d'où il ou elle vient, de s'intégrer, c'est-à-dire de vouloir travailler, de vouloir contribuer, de vouloir s'intégrer, de vouloir apprendre le français, s'ils ne sont pas déjà des personnes francophones? Vous comprendrez le malaise que je ressens par rapport à ce que vous évoquez là?

Mme Chaloux (Line): Bien, moi, je pense que la complexité de l'intégration... c'est sûr que ça va au-delà de la référence ethnique, mais il reste que la sélection que nous faisons présentement, que le Québec fait à l'étranger présentement, fait en sorte que les pays où les gens sont sélectionnés, il y a... Il y a des pays, et, moi, je pense entre autres au Maghreb, où il y a une forte représentation, c'est... Selon les chiffres qu'on a, c'est presque 50 % de l'immigration qui vient de là. Quand on prend les gens qui sont sélectionnés, et la réunification familiale, il reste que c'est un bassin très important. Et, quand on parle de diversité, eh bien c'est vraiment dans ce contexte-là. Nous considérons que 50 % de l'immigration qui vient d'une même zone géographique, c'est difficile. C'est difficile pour eux de s'intégrer, premièrement, surtout dans le contexte... après septembre 2001, on le sait que, pour ces gens-là, c'est très difficile de s'intégrer à l'emploi. Il y a une réaction, il y a une résistance.

Il y a très peu de promotion qui est faite auprès de la population sur les motifs, puis je pense que la table de concertation vous en a parlé un peu aussi cette semaine, il y a très peu de promotion qui est faite de la part du gouvernement sur les raisons, les motivations de l'immigration, ce qui fait que la population est un peu laissée à elle-même, et surtout les employeurs naturellement qui sont le coeur du sujet quand on parle d'intégration en emploi, et qu'il y a une résistance qui parfois va être liée à la sécurité de l'entreprise, mais qui va être liée aussi aux conflits possibles à l'intérieur de l'entreprise. Si les employeurs n'ont pas d'argumentation pour être capables de comprendre pourquoi il y a tant d'immigrants qui arrivent ici et qui viennent du Maghreb, bien c'est difficile pour eux de participer à cette intégration-là. Et c'est vraiment dans un contexte où l'intégration... plus la communauté... puis on le vit, nous, chez nous, plus une communauté est importante, bien, plus c'est facile pour les nouvelles personnes qui arrivent du même groupe ethnique de rester dans leur communauté plutôt que de s'intégrer, et là...

Mme James: Merci. Oh! excusez, continuez, vous voulez souhaiter...

Mme Chaloux (Line): Bien, c'est la réalité qu'on observe et c'est ce qu'on observe à Montréal aussi. La communauté musulmane de Montréal, c'est une très grosse communauté, et, si on n'a pas d'outils qui sont développés pour aider ces gens-là à s'intégrer et si on continue à faire en sorte que c'est cette communauté-là qui prend de l'ampleur et qui pourrait doubler assez rapidement, bien, moi, je pense qu'on a une responsabilité très significative envers ces gens-là. S'ils ne s'intègrent pas, ça veut dire que la deuxième génération aussi peut avoir une problématique d'intégration, et c'est nous qui en sommes responsables, c'est nous qui faisons les choix, et c'est nous qui limitons, des fois par manque de ressources, par manque d'alternatives pour en faire la promotion, d'outils pour convaincre la population de travailler à les intégrer, ces gens-là, puis c'est la population aussi en général qui doit accepter d'engager ces gens-là, accepter de faire une place à cette communauté-là.

Mme James: Merci.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Je passe donc la parole à la députée de Soulanges, whip adjointe du gouvernement.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chaloux, merci pour le dépôt de votre mémoire fort intéressant. Vous citez dans votre mémoire... vous venez d'en faire... vous venez d'en parler ? excusez-moi ? de l'illusion d'ouverture du système québécois qui favorise une démotivation systématique chez les nouveaux arrivants, ce qui fait qu'ils se retrouvent souvent en situation d'exclusion, de... Et, pour beaucoup de Québécois, on semble une terre d'accueil. Pour eux, ça ne semble pas une illusion que nous sommes une société ouverte à l'immigration et qu'on a une... on est un peuple qui accueille facilement. Je souligne que, vous, vous mentionnez qu'il y a une illusion, là. Est-ce que vous voulez...

Mme Chaloux (Line): Pour l'immigrant, pour l'immigrant.

Mme Charlebois: Oui.

Mme Chaloux (Line): L'immigrant va vivre une désillusion en arrivant parce que souvent ces gens-là, là... je veux dire, ils ont vendu leur maison, ils avaient des commerces, ils quittent tout pour s'en venir ici, et là ils ont été sélectionnés en fonction de leurs expertises, de leur formation, de leurs expériences de travail, ils arrivent ici, et on ne reconnaît pas leur formation, on ne reconnaît pas leur expertise, et ils... Écoutez, vous le savez, on se retrouve avec des médecins chauffeurs de taxi, des ingénieurs qui lavent de la vaisselle, c'est une aberration et c'est une injustice par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces au Canada. Moi, je pense que le peuple québécois est un peuple très accueillant, c'est notre système qui est défaillant, c'est au niveau du système, c'est au niveau des ordres professionnels qu'il y a un problème.

Mme Charlebois: Allez-y parce que c'était là mon autre question qui arrivait, parce que vous dites dans la recommandation 7, là: «Nous recommandons que le gouvernement du Québec établisse les normes d'accès aux ordres professionnels comparativement équitables avec le reste du Canada.» Alors, je voulais que vous me donniez quelques exemples à ce niveau-là.

n(13 heures)n

Mme Chaloux (Line): Bien, tantôt, je vous parlais de l'enseignement. Je veux dire, il y a des enseignants... puis vous le savez à quel point, puis là ça va être de pire en pire, là, parce que les jeunes baby-boomers, hein, ils vont tous prendre leur retraite, alors on va se retrouver avec un vide dans nos commissions scolaires... Dans notre région, nous, on bâtit des écoles, là, à tout bout de champ, puis ce n'est pas un jeu de mots, les champs se transforment très rapidement un peu partout au Québec, et on va se retrouver avec un manque d'enseignants, et là on a des gens qui ont une expérience et une connaissance extraordinaires. Moi, je pense, au niveau de la culture universelle, là, c'est quelque chose, là, qui est très important, puis même je vous ramènerais à la période la Révolution tranquille, où le Québec a pu prendre cette expansion-là grâce à l'arrivée des immigrants qui sont venus, qui sont devenus des enseignants dans nos universités. Est-ce qu'on reconnaissait leur capacité pédagogique, à la fin des années soixante? Comment ça se fait qu'on ne la reconnaît pas en l'an 2000? C'est quoi... qu'est-ce qui a changé, là? Qu'est-ce qui n'est pas comme dans les années soixante? Et le fait que ces personnes-là puissent aller en Ontario suivre un cours de pédagogie et revenir ici et pouvoir enseigner, là, bien ça, là, écoutez, c'est incompréhensible. Et c'est même rendu que des Québécois font la même chose. Alors, il y a des Québécois maintenant qui vont suivre ce cours-là en Ontario et qui reviennent ici enseigner. Alors, si ce n'est pas un problème d'ordre professionnel, là, je ne sais pas c'est quelle sorte de problème.

Mais c'est comme s'il y avait un protectionnisme au niveau des universités qui fait en sorte d'obliger les gens à suivre une formation de trois, quatre ans quand ils pourraient faire soit juste un certificat ou même avoir seulement des cours d'appoint pour que leur expertise puisse être reconnue ici. Et c'est là où le Québec perd tout son... Vous parliez d'enrichissement, Mme la ministre. Si vous voulez vraiment que le Québec s'enrichisse, là, il faut que les immigrants, là, ils soient contents de s'intégrer sur le marché du travail. Présentement, quand ça prend trois, quatre ans avant qu'ils s'intègrent, là, bien il y a bien des choses qui peuvent arriver pendant ces trois ans-là, et c'est là qu'est le danger.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Merci, Mme Chaloux. Donc, la deuxième série de questions sera posée par la députée de Deux-Montagnes qui est aussi porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chaloux, puis bravo pour votre mémoire. Écoutez, vous êtes quand même voisine de comté, dans la même belle région, et, comme vous le disiez si bien, les écoles poussent dans nos champs, c'est une réalité que vivent les... en particulier dans les Basses-Laurentides, c'est ce qu'on vit, même les Laurentides, et ça progresse. Il y a des groupes aussi qui sont venus dire, même en région, comment on est prêts à accueillir, et la difficulté en région, c'est ça, de recevoir des immigrants.

Donc, je vais peut-être débuter, parce que c'est un peu comme ça que les propos de ma collègue se sont terminés, donc en parlant peut-être... Je vais vous parler de la régionalisation. Vous parlez, entre autres, d'une politique de régionalisation. Je trouve ça très intéressant, compte tenu de ce que vivent les régions, et plusieurs, c'est ça, sont venus nous... en ont parlé. Donc, jusqu'où on doit aller dans la régionalisation de l'immigration, là, selon vous? Qu'est-ce qu'on doit, vous savez, à court terme mettre en place pour...

Mme Chaloux (Line): Bien, moi, je pense que toutes les régions du Québec qui sont en croissance économique, là... C'est sûr que, dans les régions où il y a un exode de jeunes ou qu'il y a un faible développement économique, on ne peut pas penser aller installer des immigrants, puis je pense que ça a toujours été une préoccupation pour le gouvernement de ne pas faire de l'immigration, là, une façon de faire élever les populations dans les régions qui se vident, ça, c'est incontournable. Mais je pense que, dans les régions où il y a un développement économique significatif, il devrait y avoir une obligation pour ces régions-là d'avoir des plans de régionalisation, des programmes de régionalisation de l'immigration qui soient rattachés aux commissions régionales des élus et qui forcent les commissions régionales des élus d'avoir des ententes spécifiques sur l'immigration et de faire en sorte de développer des facteurs d'attraction, des facteurs de rétention et des facteurs de sensibilisation auprès des employeurs, comme on parlait un peu plus tôt, pour qu'il y ait dans chacune des régions une responsabilité.

Parce que c'est comme si on désincarnait le Québec en plusieurs parties. Il y a Montréal qui reçoit un surplus d'immigration, il ne faut pas se le cacher, le fait qu'il y ait tant d'immigrants qui restent sur Montréal, c'est comme s'il y avait un Québec séparé en deux, il y a Montréal, qui est d'une cosmopolité invraisemblable, et le reste du Québec, où les immigrants passent inaperçus. Moi, je pense que chaque région qui a une forte croissance économique devrait prendre ses responsabilités et participer au développement des populations.

Alors, juste avant moi, là, je pense que c'était très intéressant de voir que, s'il y avait une politique de population au Québec, là, ce serait très intéressant et, encore là, ça pourrait obliger les régions à prendre leurs responsabilités en ce sens.

Mme Leblanc: Merci. Dans votre point 3, dans votre recommandation 3, vous parlez d'une diversification adéquate, bon, et d'un équilibre ethnique, là, à atteindre. Par contre, vous dites que ça ne doit pas se limiter aux communautés francophones. On comprend votre point de vue. Toutefois, la plupart des groupes qui ont donné leur mémoire ont parlé beaucoup de l'importance de la francisation. Par contre, vous n'explorez pas cet aspect-là, pour vous. Parce que, vous savez, on dit que c'est essentiel finalement, une bonne intégration. Donc, quelle est votre position?

Mme Chaloux (Line): Bien, la perception que, nous, nous avons, c'est toujours dans un contexte de régionalisation, hein? Alors, nous, on amène ça en disant qu'il faut diversifier, et la diversification va se vivre aussi dans les régions. Et c'est sûr que le fait français en région est beaucoup plus significatif qu'à Montréal. Quand on voit les chiffres, là, sur le nombre d'immigrants qui parlent anglais, c'est sûr que c'est sur Montréal. Les immigrants qui s'en vont en région sont obligés de parler français, les écoles sont francophones et l'intégration se fait... tout, tout se fait en français.

Les bassins de population qui ne parlent pas français et qui peuvent très bien être dirigés vers les régions vont être capables de s'adapter à la période de francisation pour être capables de s'intégrer. Si on n'a pas de politique de régionalisation, si on a des bassins d'immigration de plus en plus ciblés, c'est-à-dire de plus en plus importants, puis je pense toujours au Maghreb, bien ça va devenir malgré nous et, j'oserais dire, malgré eux, parce que, eux, je veux dire, tous ces Maghrébins qui arrivent chez nous se retrouvent dans leur communauté, se retrouvent limités face à l'accès à l'emploi, et ils se retrouvent en grand nombre sur Montréal, et ils n'ont pas... Pourquoi ils iraient en région? Est-ce qu'en région on va reconnaître plus leur formation? Je ne pense pas. Alors, il y a vraiment un problème. Tandis que, si on va vers des bassins de population qui sont plus diversifiés, on va faire en sorte que ces gens-là vont être plus mobiles parce qu'ils vont être moins rattachés à leur communauté et plus intéressés d'aller ailleurs. Et, dans notre mémoire, on parle aussi, au niveau de la sélection, d'aller vers une sélection moins professionnelle, plus technique, et chercher la polyvalence, c'est-à-dire des gens qui vont être capables de s'adapter aux besoins. Même chez les Québécois, c'est ce qu'on recherche à l'intégration en emploi, c'est des personnes polyvalentes qui vont être capables de s'adapter aux besoins de l'entreprise.

Mme Leblanc: Merci. Puis vous parlez également d'éléments de frustration chez les nouveaux arrivants dans le processus d'intégration. Selon vous, est-ce que le ministère a une bonne approche en matière d'intégration? Est-ce que...

Mme Chaloux (Line): Face à la frustration ou...

Mme Leblanc: Bien...

Mme Chaloux (Line): Moi, je pense qu'on ne réagit pas assez à cette frustration-là, c'est comme si on n'en tenait pas compte, et elle est réellement là. Alors, nous, dans notre organisation et avec d'autres partenaires, on travaille avec des organismes de Montréal pour les inciter à venir en région et on rencontre des organisations culturelles qui nous témoignent du niveau de frustration de leurs membres, et c'est un niveau qui pourrait devenir inquiétant. Quand un groupe ethnique prend une ampleur significative dans une ville et qu'ils sont frustrés parce qu'ils sont incapables d'avoir accès à des emplois selon lesquels ils ont droit, parce que c'est pour ça qu'ils ont été sélectionnés, bien ça demeure une blessure sociale qu'il va falloir guérir et non pas seulement mettre un pansement dessus, là. Il faut vraiment qu'il y ait des gestes à très court terme qui soient faits pour faire en sorte que les immigrants qui sont arrivés, j'oserais dire, dans les cinq dernières années puissent être intégrés de façon à soutenir l'expertise qu'ils nous offrent et à soutenir le besoin de nos entreprises qui ont signifié ce besoin-là. Il faut accorder une importance significative à Emploi-Québec qui signifie que c'est ça, nos besoins en main-d'oeuvre, et à vos agents à l'étranger qui vont chercher telle, telle personne.

n(13 h 10)n

Bien, comment on fait pour que ça marche, que ça s'imbrique, ça? Ce qui fait que ça ne s'imbrique pas, ce sont, dans une certaine part, les ordres professionnels qui refusent de reconnaître la profession des gens qui arrivent, et puis là on va, là... on parle des médecins et des ingénieurs, mais on peut passer par les sages-femmes, par les infirmières, par toutes sortes de métiers dont on a besoin ici, au Québec. Et le fait qu'on ne reconnaît pas l'accès à ces gens-là, bien il y a une frustration qui se vit qui est très significative, et dans certains cas, comme on en entend parler... je veux dire, les gens qui sont frustrés, il va falloir qu'ils le règlent, leur problème de frustration. Ce n'est pas des gens qui veulent devenir violents, hein, ils veulent se contenir. Alors, quand on pense aux gens du Maghreb, bien ils vont se contenir, puis ils vont rentrer à la mosquée, puis ils vont aller prier pour qu'on les aide. Alors, c'est notre responsabilité, là, de voir comment on fait pour aider ces gens-là, de répondre à leurs prières ? ha, ha, ha! ? même si on a enlevé le crucifix, là, il va falloir qu'on réponde à leurs prières pareil. Je veux dire, il y a un fondement, il y a une éthique qu'on doit avoir envers ces gens-là qui fait que ce n'est pas vrai, ils ne sont pas pris dans une arnaque, eux autres, là, là. On ne leur a pas fait des fausses promesses. C'est qu'on a un problème systémique à faire en sorte qu'ils aient accès aux emplois auxquels ils ont droit. Mais on doit les convaincre qu'on est sur leur bord puis qu'on veut les aider à les trouver, ces emplois-là.

Mme Leblanc: Puis j'imagine... Écoutez, parce qu'on a parlé, c'est ça, de services... Tantôt, on parlait, là, c'est ça, de... si les immigrants passaient par la francisation au bout de quelques jours, là, déjà là on accélérerait, vous savez, leur intégration. Donc, j'imagine que l'accélération, si on veut, ou de meilleurs... de services supplémentaires et de fonds supplémentaires, j'imagine, sont en lien aussi avec...

Mme Chaloux (Line): ...et puis, moi, je pense que, si on investit dans la francisation avec des groupes qui s'intègrent bien, bien, à moyen terme, c'est très rentable pour notre système aussi, là. Ce qui est important, c'est que les personnes qui arrivent puissent s'intégrer à la population, s'intégrer à notre avenir, participer, être des acteurs significatifs. Et c'est notre responsabilité, autant en région qu'ici, à Québec ou à Montréal.

Mme Leblanc: D'accord. Merci. Il y a quelque chose qui m'intrigue. Vous parlez de la société québécoise qui a une culture isolationniste.

Mme Chaloux (Line): Absolument.

Mme Leblanc: Pouvez-vous définir davantage?

Mme Chaloux (Line): Oui. Bien, je pense que le Québec, afin de garder toute sa culture francophone et sa culture catholique, jusqu'à un certain point s'est isolé dans cette mer d'anglophones et de protestants, ce qui a fait qu'on n'a pas une ouverture nécessairement. Et je pense que, même pour le Québécois moyen, pour ne pas dire général, c'est très difficile de sentir qu'il fait partie de la communauté internationale. On s'est tellement isolé à se protéger qu'on n'a pas de liens significatifs avec d'autres pays, des échanges intellectuels, universitaires, sinon à Montréal. Mais, dans les régions, c'est quelque chose qui est complètement absent. Et, moi, je pense qu'il serait important qu'on puisse développer au Québec, dans nos régions, toute une orientation sur l'internationalisation pour faire en sorte que les Québécois comprennent à quel point le Québec est important dans la communauté internationale. La perception qu'ont les autres pays du Québec est quelque chose de très intéressant. Ils nous considèrent comme une terre justement de paix. On est des gens qui sont reconnus pour notre façon de régler nos problématiques de façon très pacifique, d'être un pays où il y a très peu de corruption, où on a une sécurité immuable. Et, tant qu'on s'isole dans notre protectionnisme, on ne prend pas conscience de la perception que les autres ont de nous. Et, moi, je pense que, dans notre quête d'identité ? on en parle si peu de ce temps-là ? ce serait important qu'on se situe au sein de la communauté internationale pour être capable de voir à quel point on est bien au Québec, on est privilégié d'être au Québec et que les gens qui viennent chez nous de cette communauté internationale là, bien, doivent faire partie de cet élan-là.

Et ce qu'on a... Je n'en ai pas parlé dans ce mémoire-ci, mais, dans le mémoire qu'on a déposé à la commission Bouchard-Taylor, on a aussi signifié que ce qui était très important pour nous, c'était que le Québec puisse avoir une constitution. Si le Québec avait une constitution dans laquelle on est capable d'établir les paramètres de nos valeurs fondamentales, ce serait beaucoup plus facile pour les immigrants de s'intégrer parce qu'il y aurait une référence constitutionnelle, il y aurait le droit constitutionnel québécois qui favoriserait à notre sens une meilleure intégration.

Mme Leblanc: Je pense que vous avez répondu peut-être à... Il y a M. le président qui me dit qu'il me reste une minute. Mais je pense que vous venez quand même de répondre pas mal à ma dernière question, qui était la recommandation 4, là, dans le sens de privilégier la sélection d'immigrants, comme Mme la ministre vous le mentionnait tantôt, là. Donc, en lien avec cette suggestion-là, comment affirmer adéquatement nos valeurs, bien là je comprends que vous voulez parler de...

Mme Chaloux (Line): Oui. Et je pense que, dans... Il me semble que c'est en 2004 que votre gouvernement avait passé une loi pour justement garantir une certaine équité au niveau des bassins géographiques. Bien, moi, je pense qu'il serait très important d'appliquer cette loi-là. Et c'est un peu, en image, là, la tarte que je vois, là. Et la tarte Asie, bien c'est une petite pointe, tu sais. Moi, je pense que la tarte Asie devrait prendre... la pointe devrait être plus significative dans notre bassin parce que ce sont des gens qui participent de façon très saine à la vie québécoise et qui sont sous-représentés dans la sélection qu'on fait présentement. Alors, c'était dans cet objectif-là qu'on a signifié ça.

Mme Leblanc: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dubourg): Merci, Mme la députée de Deux-Montagnes. Merci, Mme Chaloux. Alors, la parole maintenant est au député d'Abitibi-Est.

M. Wawanoloath: Merci, M. le Président. Mme Chaloux, je tiens d'abord à vous féliciter pour la franchise de votre présentation, de votre mémoire. La première fois qu'on... La première lecture qu'on peut en faire, on peut avoir des sursauts en le lisant, mais, avec votre présentation... et vous posez des questions qui sont franches et vous amenez des pistes de solution qui peuvent être quand même assez intéressantes.

J'aimerais commencer avec vous en vous parlant un peu des points 5 et 8. Quand vous parlez qu'on devrait renforcer le rôle du Québec comme terre d'accueil pour les réfugiés, une première question pour introduire ça: Est-ce que vous avez remarqué dans votre expérience que les réfugiés, comparativement à des gens qui sont peut-être surspécialisés, ont une capacité d'adaptation et d'intégration plus grande due à leur volonté et à leur reconnaissance au pays d'accueil?

Mme Chaloux (Line): Moi, je pense que c'est exactement la même chose que les autres immigrants. C'est des personnes qui vont arriver ici et qui ont une période d'adaptation plus importante que les indépendants ou les gens d'affaires, à cause de certains traumatismes qu'ils ont pu vivre. Entre autres, on parlait tantôt, un peu plus tôt, de la francisation, avec la personne qui était avant moi. Pour nous, ce qu'on a pu observer, c'était que la période de francisation pourrait être plus importante dans le cas des réfugiés parce que les gens arrivent, et parfois les traumatismes qu'ils ont les empêchent de pouvoir se franciser dans une courte période à cause des problématiques, là, dues au choc de ce qu'ils ont vécu avant d'arriver, mais sinon la capacité d'adaptation, pour nous, elle est la même.

M. Wawanoloath: Donc, pour poursuivre là-dessus, vous recommandez... Est-ce que vous ne voyez pas un peu des problèmes aussi avec... Vous dites aussi que la réunification familiale devrait être reconnue comme un droit fondamental indépendant de la capacité financière du garant. Et, par rapport aux réfugiés, on sait que la réunification familiale et la question des réfugiés est plus de compétence fédérale. Devrait-on essayer d'avoir des meilleures ententes avec le fédéral, essayer de mettre un peu plus notre grain de sel là-dedans? Est-ce qu'on devrait revendiquer plus de compétences à ce niveau-là?

Mme Chaloux (Line): Bien, moi, je pense que la recommandation que je fais au gouvernement québécois aujourd'hui devrait être la même s'il y avait des audiences au fédéral. Moi, je pense que le Canada ne fait pas sa part, dans la communauté internationale, au niveau du mouvement des réfugiés sur la planète. C'est un mouvement d'une envergure inimaginable. Moi, j'étais en formation avec le Haut-Commissariat des réfugiés, à Strasbourg, cet été, et j'étais très gênée de la part que le Canada et le Québec prennent, quand on voit des pays... des petits pays comme le Tchad qui doivent accueillir près de... de millions de personnes qui n'ont pas d'emploi, qui n'ont pas de quoi les nourrir, qui n'ont aucun système de santé. Il y a un mouvement de population qui se fait même en Asie, et c'est pour ça que j'aborde l'Asie un peu ici. Il y a des mouvements de population qui doivent absolument être aidés par la communauté internationale, mais le Canada et le Québec ont... Je veux dire, le Canada, il prend peut-être... je ne sais même pas si, cette année, ils ont pris 20 000 personnes; le Québec, 2 000 personnes, là, tu sais, juste... Et pourtant le Canada est présent au Moyen-Orient, sans prendre en compte que l'exode en Irak a été de plus de 4 millions de personnes qui ont fui, qui se retrouvent dans des camps. On envoie l'armée, mais on ne prend pas les réfugiés, tu sais? Il y a quelque chose, je trouve, qui est inéquitable au niveau de notre responsabilité dans la communauté internationale et c'est dans ce sens-là... Notre réflexion n'est pas nécessairement au niveau de la capacité d'intégration des réfugiés, mais plus au niveau de la responsabilité du Québec dans la communauté internationale.

M. Wawanoloath: Du rôle humanitaire qu'on devrait avoir.

Mme Chaloux (Line): Absolument.

M. Wawanoloath: Bien, pourtant, on a l'impression puis on a ce sentiment-là que le Canada est une terre d'immigration, qu'on accueille beaucoup d'immigration, que, selon la convention de Genève sur les réfugiés, on est dans les pays les plus accueillants, mais vous constatez, comparé à d'autres pays, qu'on ne fait pas assez notre part.

Mme Chaloux (Line): Même au niveau des revendicateurs, il y a eu, depuis quelques années, un recul significatif au niveau des chiffres, à cause du pays tierce, qui fait que les personnes, s'ils ont passé par un pays tierce sûr avant d'arriver au Canada, alors on va les renvoyer dans le pays tierce tout en sachant bien que ce pays-là va les renvoyer dans leur pays. Et ça aussi, ça fait partie de notre irresponsabilité, et c'est tout ce bassin-là, je veux dire, je m'excuse de parler comme ça, là, mais ce nombre de personnes là...

n(13 h 20)n

M. Wawanoloath: Mettons, ceux-là qui passent par les États-Unis, on n'a pas de misère à les renvoyer là-bas, facilement...

Mme Chaloux (Line): Du tout.

M. Wawanoloath: Oui.

Mme Chaloux (Line): Puis, les États-Unis vont les retourner chez eux.

M. Wawanoloath: O.K. Vous dites que... Vous recommandez au gouvernement du Québec que les normes d'accès aux ordres professionnels soient équitables avec le reste du Canada. Et, si on regarde... on a jasé un peu avec le conseil interordres du Québec, hier, et, eux, ils ont des négociations par rapport à la mobilité des personnes au Canada. Et on retrouve souvent, comme les autres ordres... je vous cite un extrait de leur mémoire: les autres «ordres professionnels d'autres provinces contestent le fait qu'un ordre professionnel québécois puisse admettre des candidats par la voie de la reconnaissance d'une équivalence de diplôme ou de formation acquis à l'étranger», donc sans examen. On a l'air de voir, selon les ordres québécois, qu'on aurait plus de facilité à accueillir ou à admettre quelqu'un dans un ordre. Votre expérience du terrain ne serait pas la même que qu'est-ce qui aurait été...

Mme Chaloux (Line): ...le contraire qu'on voit. Nous, ce qu'on voit, c'est que les gens qui sont au Québec ont beaucoup de difficultés à avoir accès aux ordres et qu'il y en a beaucoup qui partent vers les autres provinces et qui ont accès à des ordres plus... Nous, c'est... Mais c'est sûr que, moi, là, je ne suis pas allée voir en Ontario, à Calgary comment ça se passe, ni à Vancouver, mais, nous, c'est l'écho qu'on a, l'écho... Puis ce qu'on voit sur le terrain, au Québec, c'est la difficulté de ces gens-là d'avoir accès aux ordres et c'est surtout... Hein, ce n'est pas juste les ordres où est la problématique, c'est aussi au niveau des institutions d'enseignement. Il y a un jeu dangereux qui se fait au niveau des universités, qui ont le rôle de reconnaître les équivalences et qui en même temps ont l'intérêt à ce que la personne, elle rentre à l'université pour trois ans.

M. Wawanoloath: Oui, bien, c'est ça, on voyait dans leur mémoire, à l'ordre, que beaucoup de besoins des immigrants qui devaient rentrer dans un ordre étaient au niveau d'un stage ou des petites formations, très courtes. Donc, les établissements d'enseignement faisaient plus des attestations, des fois, de 44 semaines ou... des choses, des formations qui sont un peu trop longues pour les besoins, parce que dans le fond c'est des cours qu'ils paient, puis ils font un peu d'argent avec ça.

Mme Chaloux (Line): Absolument, oui.

M. Wawanoloath: Donc, il faudrait peut-être essayer de séparer ça, selon vous, la reconnaissance...

Mme Chaloux (Line): Moi, je pense qu'on n'a pas à le séparer comme tel, parce que nos universités ont l'expertise. Mais, s'il y avait une légifération, si le gouvernement était capable d'avoir une façon de faire et de faire en sorte que nos institutions s'adaptent à cette façon de faire là... Moi, je suis contre le fait de créer d'autres institutions, on en a déjà assez, on en a, j'oserais dire, des fois trop. Moi, je pense qu'il faut renforcer les institutions qu'on a et faire en sorte de les doter de références qui vont faire en sorte qu'ils vont atteindre l'objectif auquel on s'attend en leur donnant des mandats significatifs. Alors, moi, je pense que les universités, les cégeps ou d'autres institutions d'enseignement, c'est à eux à faire ça. Mais il faut absolument qu'on ait une façon de faire qui va les obliger à le faire dans des paramètres équitables pour les immigrants.

M. Wawanoloath: Bien, merci. Ça répond à beaucoup de mes interrogations. Bonne fin de journée.

Mme Chaloux (Line): Merci beaucoup. Vous aussi. Bonne fin de semaine.

Le Président (M. Dubourg): Merci. Bien, je remercie tout d'abord le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de jeunesse.

Donc, Mme Chaloux, je dois vous dire que vous êtes le 38e groupe que nous avons rencontré depuis le début de cette commission, et vraiment je vous remercie, au nom de toute la commission, d'avoir participé, d'avoir pris le temps de nous soumettre un mémoire pour nous aider dans la planification de l'immigration au Québec pour la période 2008-2010.

Et je voudrais aussi saluer mes collègues parlementaires pour leur collaboration, saluer aussi l'équipe technique qui nous a accompagnés.

Et nous allons donc ajourner les travaux de cette Commission de la culture au mercredi 10 octobre 2007, à 14 heures. Donc, Mme Chaloux, bonne fin de journée à vous aussi.

Une voix: ...

Le Président (M. Dubourg): Je vous remercie.

(Fin de la séance à 13 h 24)


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