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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Thursday, March 14, 2013 - Vol. 43 N° 11

General consultation and public hearings on Bill 14 : An Act to amend the Charter of the French language, the Charter of human rights and freedoms and other legislative provisions


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Table des matières

Auditions (suite)

M. Martin Laperrière

M. Steven Gold

M. Robert Auclair

Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ)

Communauté sourde du Québec

Option nationale

Autres intervenants

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien,  vice-présidente

Mme Diane De Courcy

M. Marc Tanguay

M. Geoffrey Kelley

Mme Nathalie Roy

M. Daniel Breton

M. André Villeneuve

M. Sylvain Roy

Mme Françoise David

*          M. Gilles Laporte, MNQ

*          M. Daniel Forgues, communauté sourde du Québec

*          M. Michel Lelièvre, idem

*          M. Dominique Lemay, idem

*          M. André Hallé, idem

*          M. Pierre Curzi, Option nationale

*          M. Patrick Sabourin, idem

*          Mme Catherine Dorion, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures quarante-quatre minutes)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Roy (Bonaventure) sera remplacé par M. Villeneuve (Berthier); Mme Charbonneau (Mille-Îles), par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger); et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par M. Kelley (Jacques-Cartier).

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous entendrons M. Laperrière, M. Gold et M. Auclair. Cet après-midi, nous poursuivrons avec le mouvement national des Québécois et Québécoises, la communauté sourde du Québec et Option nationale.

Auditions (suite)

Donc, nous commençons avec vous, M. Laperrière. Vous avez un maximum de temps qui vous est alloué de 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite suivra une période d'échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

M. Martin Laperrière

M. Laperrière (Martin) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, Mme la Présidente de la Commission de la culture et de l'éducation, chers parlementaires, il me fait plaisir de vous soumettre mon mémoire portant sur le projet de loi n° 14. Sachant que la langue peut devenir un débat très émotif, mon mémoire ne porte que sur la langue d'affichage et la langue d'enseignement, en espérant que le tout soit à votre entière satisfaction.

La langue d'affichage. Il est clair que la langue d'affichage doit être le français, mais, pour être conforme aux chartes des droits et libertés de la personne, canadienne et québécoise, le gouvernement du Québec devrait permettre l'affichage dans d'autres langues là où le nombre le justifie.

Voici les exceptions où une autre langue devrait être permise. Dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, à partir du boulevard Saint-Laurent, côté ouest, jusqu'à la pointe de l'île, je pense que l'anglais et le français devraient vivre pacifiquement dans l'affichage. Pour le Vieux-Montréal et le Vieux-Québec, et pour des raisons évidentes — exemple, le tourisme — le multilinguisme devrait être permis. Pour les Amérindiens, nos Premières Nations, le gouvernement du Québec devrait permettre la langue de la nation autochtone à égalité avec le français — je donne ici quelques exemples dans mon mémoire. Je pense sincèrement que les langues autochtones ne sont pas une menace pour le français. Au contraire, je trouve qu'elles seraient un atout culturel pour tous les Québécois.

La langue d'enseignement. En ce qui concerne la langue d'enseignement, ce dernier point ayant fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années, je vous recommande dans mon mémoire deux éléments. Étant donné que, pour un immigrant, c'est un privilège d'être reçu au Québec et non un droit, il me semble être légitime d'obliger tous les immigrants à être éduqués en français du primaire à l'université. Seuls les anglophones québécois — nés au Québec — et les Québécois francophones de souche auraient le droit d'aller à l'école anglaise, collèges et universités inclus. Il est à noter que, pour les Québécois francophones de souche, la réussite du primaire et du secondaire en français est obligatoire avant d'aller faire le cégep et l'université en anglais.

Je vous remercie beaucoup de votre écoute et je suis prêt à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laperrière. Nous allons maintenant du côté du gouvernement pour débuter cet échange. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Bien, je voudrais d'abord, monsieur, vous remercier de vous inscrire avec courage à une commission parlementaire comme citoyen. Quand on ne fait pas partie d'un groupe organisé, c'est d'autant plus un geste quand même assez... assez audacieux, alors je vous remercie.

Vous identifiez un certain nombre de choses dans votre mémoire. C'est la première fois qu'on fait écho, dans ce que j'ai lu, de la question multilingue. Je vous indique que je vais porter une attention particulière à ce que vous mentionnez.

J'aimerais juste connaître votre motivation pour ce caractère multilingue là. Est-ce que vous avez vu ça ailleurs dans le monde? Est-ce que...

M. Laperrière (Martin) : ...moi, j'ai travaillé ici, dans le Vieux-Québec, il y a quelques années, puis je ne pense pas que ce soit un mot, exemple «bienvenue» écrit en italien, qui cause problème. Je pense que le gouvernement pourrait le permettre, là, sans aucun problème, là.

Mme De Courcy : Vous avez observé ça. Bien, je vous remercie beaucoup, monsieur, pour votre contribution. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons aller maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, porte-parole de l'opposition officielle pour la Charte de la langue française, la parole est à vous, M. le député.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Laperrière, merci beaucoup pour votre présence. Merci d'avoir pris le temps, justement, de prendre votre crayon, du papier et d'écrire le mémoire, que nous avons tous lu du début à la fin. Donc, c'est important d'avoir la rétroaction des gens quant au dossier, évidemment, de la langue, qui est un dossier délicat et qui demande une approche non pas coercitive, mais une approche proactive, et je pense que vous en êtes également. Alors, votre mémoire était très clair, et vous l'avez très bien résumé.

J'aimerais savoir : Lorsque vous parlez au niveau de la langue d'affichage, les exceptions, vous parliez de l'Ouest-de-l'Île et également vous parliez de Vieux-Montréal, Vieux-Québec et de façon plus générale pour les Premières Nations, est-ce que cette liste-là, elle est fermée? Est-ce que ce n'étaient que des exemples que vous donniez ou c'était une liste fermée?

M. Laperrière (Martin) : Moi, c'est ce que je pensais qui était primordial, là, pour les anglophones à partir du... Parce que, quand on regarde l'île de Montréal, la carte de l'île de Montréal, c'est le boulevard Saint-Laurent. Tout ce qui est à l'ouest de ça, jusqu'à la pointe ouest, ça devrait être, à mon avis, bilingue, là, anglais et français dans l'affichage, et tout ce qui est le côté est du boulevard Saint-Laurent, jusqu'à Pointe-aux-Trembles, ça devrait être uniquement unilingue en français. Ça fait que tout le monde serait... D'après moi, là. C'est une position personnelle, là. Moi, je pense que tout le monde serait content. Je dirais que les purs et durs de la langue française seraient contents, parce qu'il y a une bonne partie du centre-ville de Montréal qui serait uniquement en français, et les anglophones seraient contents aussi, du West Island, parce que c'est ça qu'ils veulent avoir, eux, que ça soit bilingue.

M. Tanguay : Alors, je vous remercie pour votre opinion. Je vais laisser la parole à mon confrère.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Jacques-Cartier, la parole est à vous.

(11 h 50)

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Laperrière. J'ai lu votre document et, surtout la question de l'accès aux universités, je veux juste amener peut-être un autre point de vue.

Nos universités anglophones, à Montréal surtout mais à Bishop's aussi, amènent beaucoup de personnes ici, au Québec. Au niveau de l'impact économique, c'est très intéressant qu'il y ait des personnes qui viennent de l'extérieur étudier à McGill. Certains vont faire le choix de rester ici, apprendre le français et devenir des personnes… membres entiers de la société québécoise, mais d'autres vont retourner dans leur pays d'origine et rester quand même amis de la cause québécoise, si je peux dire ça ainsi. Je pense, entre autres, à l'exemple à McGill, où le fils du premier ministre de l'Inde est finissant de McGill. Alors, c'est un contact intéressant pour la société québécoise qu'un homme influent dans une des grandes économies mondiales, quelqu'un qui connaît Montréal, a déjà fait un temps à Montréal.

Alors, quand je vois de réduire l'accès aux universités dans votre suggestion, moi, je vous propose honnêtement de regarder toute la situation des étudiants qui viennent de l'extérieur, qui font une contribution importante pas uniquement aux universités anglaises, parce qu'il y a un fonds de péréquation qui existe. Alors, l'argent que McGill va chercher — ou Concordia et Bishop's — est partagé avec l'ensemble du réseau universitaire, alors je pense qu'il y a un bénéfice net avec notre accès libre à l'enseignement universitaire. Alors, de commencer à jouer de réduire l'accès aux universités, je pense qu'on fait fausse route. Je soumets... Je comprends votre logique, et tout le reste, mais je pense qu'on a tout intérêt de garder les portes ouvertes à nos universités.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. Laperrière.

M. Laperrière (Martin) : Oui. Je voulais répondre à M. le député. C'est que, lorsque le Parti québécois a proposé le cégep en français, j'étais d'accord. L'obligation pour les immigrants d'aller à l'école française, je suis d'accord avec eux. Mais je suis d'accord aussi avec la position du Parti libéral qui dit qu'il faut défendre le droit de la minorité anglophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Et ça aussi, je suis d'accord avec ça, et mon mémoire reflète ça, parce qu'il y en a un peu pour tout le monde dans mon mémoire. Je crois que c'est une position modérée. Contrairement à des extrémistes qui, eux, voudraient faire monter le débat linguistique de part et d'autre, moi, je pense que la question linguistique, elle doit être... les modérés doivent prendre le lead de cette question-là et de tasser les extrémistes qui, eux, voudraient bien, là, embarquer dans ce débat-là pour x, y raisons. Je pense que la question de la langue doit rester une question, à mon avis, là, menée par les modérés, puis ma position de mon mémoire est assez modérée, là.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laperrière. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : …je respecte votre opinion, mais je reviens toujours à l'origine, René Lévesque qui a dit : Pour les adultes, ils ont le droit de choisir la langue de leur enseignement collégial et universitaire. Alors, ça, c'était le point de départ, et moi, je pense qu'il y avait beaucoup de sagesse dans la position que M. Lévesque a prise à l'époque.

M. Laperrière (Martin) : Oui, bien, c'est ça, mon mémoire a été inspiré aussi… Parce qu'à l'époque M. Lévesque était en faveur du libre choix d'enseignement. C'est ce que je propose, moi aussi, mais uniquement pour les anglophones du Québec et les francophones de souche, parce que nous, on est nés ici, au Québec, donc, nous, c'est un droit, alors que, pour les immigrants, eux, qui viennent ici, au Québec, bien ce n'est pas un droit, c'est un privilège d'être reçu au Québec, là. Je fais une distinction entre le droit et le privilège.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laperrière. Nous allons aller maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition, et je reconnais Mme la députée de Montarville, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de culture, de communications, de la Charte de la langue française et de l'éducation. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci, Mme la Présidente. Bon matin, tout le monde.

D'abord, M. Laperrière, merci d'avoir déposé ce mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt. Vous dites que vous voulez avoir une position qui est plus mitoyenne, qui est plus... enfin, les mots que vous avez dits — je dois mettre mes lunettes parce que je ne vois rien — vous voulez tasser les extrémistes. Ça, je suis d'accord avec vous, et c'est une position qu'on veut prendre, d'être raisonnables mais d'être effectivement... de préserver les droits des minorités anglophones tout en préservant la langue française. Il faut trouver un juste milieu, je suis d'accord avec vous. Mais, en ce qui a trait aux études supérieures, j'ai lu ce que vous avez écrit avec intérêt, mais je suis un petit peu surprise. J'aimerais que vous m'expliquiez, puis peut-être qu'on pourrait échanger à cet égard-là. Vous dites que c'est uniquement sur la base de la naissance. Si on est né au Québec, on devrait choisir d'aller étudier dans la langue de notre choix pour les études supérieures.

Ne pensez-vous pas que, lorsqu'on est rendu aux études supérieures, on est rendu adulte, et que ça devrait être un choix d'adulte, puisque, là, on n'a plus à protéger la langue française, rendu au cégep et à l'université?

M. Laperrière (Martin) : Pas tout à fait. Bien, je voudrais vous remercier pour vos commentaires. Je suis d'accord avec vous sur la position de votre parti qui disait que… Les militaires devraient, à mon avis, choisir la langue d'enseignement, sauf que, pour nous, les Québécois francophones, au niveau du collège et université… Ce n'est pas interdit, mais… Je ne sais pas exactement, mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas traverser pour faire le cégep et l'université en anglais, là, je ne sais pas si... je pense qu'il y a des clauses qui sont un peu... Parce que moi, je voulais le permettre à ceux qui sont nés au Québec. Ça ressemble un peu à la clause Québec qui avait déjà été proposée par le Parti québécois, mais elle est peut-être un petit peu plus ouverte là-dessus. Mais, à mon avis, ce qui est ma position à moi, ça devrait être réservé uniquement à ceux qui sont nés au Québec, les anglophones et les francophones de souche.

Mme Roy (Montarville) : …décider la langue des études supérieures?

M. Laperrière (Martin) : Bien, de choisir, le libre... Oui, des études supérieures, là, au niveau du cégep et de l'université.

Mme Roy (Montarville) : Mais le choix existe actuellement. On peut choisir d'aller à l'université en anglais, si on le veut…

            M. Laperrière (Martin) : Oui, ils l'ont changé, là, mais à l'époque que moi, j'étais sur les bancs d'école ce n'était pas permis aux francophones de s'en aller vers le cégep en anglais. Ça a été changé en cours de route, là.

Une voix : ...

M. Laperrière (Martin) : Oui, c'est… Bien là, maintenant, c'est bien, mais à l'époque ça ne l'était pas, là, ça a été changé en cours de route. Mais tout ça pour dire qu'à mon avis ce que le Parti québécois, eux, ont proposé puis qu'ils ont laissé tomber de côté, c'est que le cégep en français et l'université en français, pour les immigrants, ça devrait être ça. Le droit à l'école anglaise devrait être réservé uniquement aux Anglo-Québécois puis aux Québécois francophones de souche, là.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie, M. Laperrière.

M. Laperrière (Martin) : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laperrière. Nous allons suspendre quelques instants.

Juste avant de suspendre, si on devait dépasser de quelques minutes l'heure prévue, j'ai le consentement afin de poursuivre nos travaux juste de quelques minutes? Oui? Parfait, merci.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : J'ai très bien compris, mais ça peut juste...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait, quelques minutes.

Nous suspendons nos travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 58)

(Reprise à 11 h 59)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Les esprits sont un petit peu échauffés mais sur le bon sens. Je ne sais pas si on va avoir une tempête, là. On va reprendre de façon plus sérieuse.

Bienvenue, M. Steven Gold. Vous êtes notre deuxième intervenant. Vous allez avoir un temps de parole qui va vous être alloué de 10 minutes, et après il y aura une période d'échange avec les différents groupes parlementaires. Donc, je vous demande quand même de vous présenter, et la parole est à vous pour 10 minutes.

M. Steven Gold

M. Gold (Steven) : Oui, bonjour. Merci à la ministre et à toute l'équipe ici. Mon nom est M. Gold. Je parle les deux langues, anglais et français. Je commence en français. Je viens de Montréal et j'avais quelque chose à dire en français et en anglais à cette commission-là.

(12 heures)

L'amour et le respect des citoyens canadiens autour du Canada pour le peuple du Québec, ça arrive après 45 années de premiers ministres de la province de Québec. Pierre Trudeau, Bryan Mulroney, Jean Chrétien et Paul Martin ont donné aux citoyens du Canada confidence à parler français, et, pour les jeunes politiciens dans Ottawa, c'est nécessaire pour travailler pour le gouvernement fédéral.

Nous avons un problème à retrouver notre vie dans le Canada. Je parle d'une expérience, moi-même, quand j'ai fait le temps dans les autres provinces, comme British Columbia et mon temps dans Vancouver, et c'est une vie extraordinaire quand les citoyens du Canada parlent les deux langues officielles comme un choix, avec respect.

La deuxième chose : le peuple du Québec, avoir le droit pour choisir une vie dans Ontario ou Alberta, pour trouver un bon emploi ou juste pour le fun, c'est la nature du Canada. Ce n'est pas le temps de René Lévesque et son idée. Oui, il a fait quelque chose pour les citoyens du Québec, pour prendre du respect à chaque jour, mais ce n'est pas le temps pour terminer la vie dans le Canada, c'est juste commencer à nouveau avec mes idées. Et je ne suis pas sûr les autres personnes veulent aimer et aider le français comme vous, comprendre la vie dans le Canada avec le respect mutuel. Et j'espère que vous pensez comme moi.

La troisième chose : l'immédiat, besoin l'idée pour quelque chose. Nous sommes prêts pour ouvrir la porte des citoyens anglais et nouveaux citoyens pour comprendre la culture. Vraiment, maintenant, les gens veulent parler un petit peu français et vivre ensemble, mais pas finir la langue anglaise dans cette province, parce que les gens du Québec veulent parler un petit peu anglais, et vice versa.

Finalement, c'est très sérieux pour tous les citoyens du Québec à trouver la place dans le Canada. Le «burden», maintenant, c'est avec moi et toi. On travaille ensemble.

Ce sont les choses je veux dire en français, et maintenant je coupe en anglais.

I'm participating in this Commission for the new language law for the Québec Bill 14. I'm acting on behalf of myself, and my goal is to reassure the Commission that other Canadians of different nationalities in Québec and across Canada are respecting the French language in spirit and also with an understanding that there are two official languages in Canada. We are encouraged to learn and use these languages as a choice, and that should be brought to the attention of the general publicthat we are welcome to use these languages as equal and, in Québec, with an understanding that French is the more popular of the two languages in Québec, and understand the need to make the point that we use French in business and commerce, yet it is of importance to note that due to the fact that Canadian federalism in Québec is being considered more often than not. We should be aware that this is a now growing trend.

This is why I have prepared this brief. It is a new reality, that consideration for Canada and the good things that Canada has to offer Quebeckers, who have been forced to speak only French when, in general, English is being omitted in the culture and laws of Québec. We need to bring this out in the public consultation and let the commissioners know they have a chance to recognize that we can get along with the rest of Canada and leave languages issues as a footnote from a by-gone era. We could concentrate on other endeavors.

So, I would like to say that I believe we can try to ease up on the restrictions, but I made a few points here :

1. The elimination of the English in the workplace is not acceptable in Québec and should be looked in as a Canadian context, where good will and mutual respect is the norm in our country. And also it is now common knowledge that other provinces in Canada are doing the same in 2013.

2. The basic understanding of English is important to the French community also in Québec, and should not be ignored in work and university, and should be an important issue in this Commission of the use of the French in Québec.

3. We should not be ready to change the bilingual status of communities in Québec that fall below the 50% mark of English-speaking residents and switch to unilingual French communities, which would confuse the policy makers and local politicians on the maintenance of the quality of life and the basic understanding of each individual of the community.

4. I believe that French signs of information styled in windows in establishments in Québec should be offered in French and English as equal signage, and copyrights of business should be respected and should be left as it is, with understanding that identity and trademarks are very valuable to each business and their relationship with their customers.

5. It is now the year 2013, and we are trying to make Canada a desired destination for young Canadians. New immigrants and tourists should not be confronted with the old attitudes of language in Québec, and hopefully these issues can be resolved today. We are lucky to live in this country of tolerance and forgiving of different nationalities, not forgetting that we are working together and not giving up in the Canadian dream of unity.

6. It is time to acknowledge to the general public that we are part of a larger country that has made an effort, through our representatives in Ottawa, to get the message out that we are working together and no longer in different zones, we are truly nationalistic, with pride for our country, and we're understanding of our differences.

7. The idea of reasonable accommodation brought out by the Bouchard-Taylor Commission of several years ago was a step in the right direction in tolerance of different cultures in Québec, but it is important to note that we are discussing the possibility of changing the status of the use of English in Québec. And we have to open up our discussion to include that it is common knowledge today that the use of English is very popular in the business community, and we should not deny the motivation of profit.

8. And, finally, I have been living in Québec for most of my life, and to be denied basic understanding of Canadian rights is unacceptable when anyone can read the Canadian Constitution of Canada, which clearly says the English and the French are the official languages in Québec. I'm happy to speak French whenever I can, and I would expect the same from French-speaking Quebeckers. Thank you.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold. Nous allons commencer les échanges, et je vais aller du côté du gouvernement avec Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Alors, bien, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps, monsieur, de venir nous voir. Il s'agit là toujours — je l'ai dit à celui qui vous a précédé — d'un geste audacieux et courageux, parce que d'habitude défilent ici des organisations, etc.

M. Gold (Steven) : …pour moi seulement.

Mme De Courcy : Bien oui, mais c'est très bien, c'est très bien. Alors, simplement vous indiquer… Ce ne sera pas une question, j'ai bien compris votre mémoire et votre présentation, mais je veux vous réitérer que la formation que je représente, et le ministère que je représente, notre gouvernement, a un profond respect pour les droits linguistiques de la minorité et que nous sommes, bien sûr, très sensibles aux arguments qui visent à nous sensibiliser au fait de perdre ces droits ou de les voir altérés, que ce soit dans la perception ou dans la réalité. Alors, je vous remercie de nous rappeler l'importance de la minorité linguistique d'expression anglaise. Merci.

M. Gold (Steven) : Je trouvais que la vie, c'est un peu différent aujourd'hui, après le temps des premiers ministres dans Ottawa, pour pas seulement le français ici, au Québec, mais pour les autres provinces. Et les personnes prennent le temps pour prendre des cours en français, et ça, c'est mon expérience, j'ai entendu ça beaucoup. Et, quand j'ai fait mon tour des autres provinces, j'ai trouvé que les autres personnes essayaient de parler la langue française. Et c'est nécessaire pour travailler dans Ottawa, maintenant, de parler la langue française.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci.

Mme De Courcy : Merci, monsieur.

          La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold. Je reconnais maintenant le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Breton : Bonjour, M. Gold.

M. Gold (Steven) : Bonjour, monsieur.

(12 h 10)

M. Breton : Merci beaucoup de participer à cette commission parlementaire, j'apprécie beaucoup le geste citoyen que vous posez. Je pense que c'est important, ce que vous faites, et, à mon avis, il devrait y avoir plus de citoyens qui posent des gestes comme ça.

Une question pour vous : Comment voyez-vous le fait qu'une multinationale, lorsqu'on leur demande de faire de l'affichage en français — par exemple, pour ne pas la nommer, Wal-Mart — poursuive le gouvernement pour ne pas le faire? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Gold (Steven) : Oui, je prends l'idée des compagnies qui viennent dans Québec. Il faut respecter la loi à 100 % pour aider les employés de parler la langue française et communiquer avec les employés en français, parce que ça, c'est le Québec, c'est le Québec, mais il y a une idée de respect, comme j'ai dit, quand il y a des «signages» ou des marques d'affaires, pour donner une chance à cette compagnie-là pour rester avec le même nom, ne pas changer le nom exactement, pour tourner les mots, quelque chose, mais pour respecter la compagnie et comment ils font le travail avec les clients, mais toujours avec le respect pour la langue française. Always with respect for the French language in Québec.

M. Breton :O.K. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais maintenant le député de Jacques-Cartier. M. le député.

M. Kelley : My turn to say thank you very much, Mr. Gold. You've taken the time to come down Highway 20 from Montréal to participate in one of our hearings. And I think I'd like to echo what my colleagues on the other side of the table have said. I think it's always important for citizens to participate, because ultimately these are rules, and regulations, and legislation that impact people's lives. And I like very much the pitch you've made for respect, and I think mutual respect is something we're all trying to seek.

And just if I could hear you a little bit more, because you mentioned it in your last answer, but I think we all agree that the Québec Government, because in the large ocean which is North America there's a very small place where French is spoken, it's really... there are a few pockets here and there outside of Québec, but really Québec, and the Québec Government as a result, has a special role to make sure that that French fact in North America is protected, it can thrive. I think we all have an interest in that. It's something that we try in different... We may disagree on the tactics to get to that goal, but it's a goal that's shared. And I understand from your last answer, I just… If you could elaborate it on a little bit more on how important it is to keep that language diversity in North America and to make sure that there is a place where the French language can thrive.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Gold.

M. Gold (Steven) : OK. You know, again, I could say something about business. A business is important to the community to make a living and, to do that, will always have to communicate well with their employees. And especially in Québec, yes, we have to acknowledge that there is, you know, a big French community and... but also we have to understand that the people now who live in Québec, they like living here, we like... J'aime de parler la langue française. Ça, c'est très important. J'aime de parler français...

Une voix : ...

M. Gold (Steven) : Pardon?

M. Breton : Et vous parlez bien.

M. Gold (Steven) : Merci beaucoup. Et ça, c'est mon esprit et mon... J'ai trouvé ça avec mes autres citoyens dans Québec. Les personnes aînées, O.K., il y a des médias, les médias parlent anglais, parlent français, mais une chose… Dans la rue ou dans les magasins, c'est comme ça, les personnes anglaises… Moi, je suis né ici, à Québec, et maintenant je trouve que j'aime la vie ici. J'aime de parler français pour être compris en français, et ça, c'est la vie ici. Moi, je ne suis pas seul dans ce point, parce qu'il y a beaucoup de citoyens anglais comme moi qui aiment de vivre ici, à Montréal ou au Québec, mais c'est les citoyens qui vivent ici longtemps, et ce n'est pas un problème.

Mais, oui, vous avez des points de respect de la langue française, mais ce n'est pas exactement… ce n'est pas vraiment un problème. Si vous donnez un petit peu d'information… Par exemple, si vous allez à l'aéroport, les personnes qui travaillent là-bas veulent parler anglais et français pour communiquer avec les touristes, avec les personnes qui viennent ici, O.K., peut-être pas seulement en français, parce que c'est fédéral, mais il y a des personnes qui vivent ici qui veulent parler français comme moi. Moi, je veux parler français, et il y a du monde comme ça. Mais il y a des autres points que vous avez seulement à Québec. Si vous allez dans les autres provinces, vous trouvez une bonne chose, vous dites... À mon expérience, les personnes en Ontario, Saskatchewan, Alberta, il y a des personnes qui parlent français et aiment de parler français pour faire de la pratique, et la même chose en British Columbia. Il y a plus de respect pour les personnes françaises au Québec.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold.

Une voix : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup pour votre présentation. Nous allons maintenant recevoir M. Robert Auclair...

Des voix : ...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oh! Excusez-moi. Excusez-moi, je suis vraiment désolée. C'est parce que vous vous faites discrète, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Je suis respectueuse et j'écoute.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : C'est très bien.

Mme Roy (Montarville) : Et, cela dit, d'ici la fin de la commission, vous n'allez pas m'oublier, j'en suis certaine.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : J'en suis désolée. Soyez assurée que ce n'était pas mon intention de vous oublier.

Mme Roy (Montarville) : Oui, je sais.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je vous cède la parole, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Merci beaucoup. M. Gold, merci beaucoup pour votre mémoire que vous nous avez déposé.

Vous parlez de respect. À la commission avenir Québec, c'est la chose qui est la plus importante pour nous... À la Coalition, pardon, avenir Québec, ce que nous voulons, c'est défendre et protéger la langue française tout en respectant les droits de la minorité anglophone. C'est bien important que vous le compreniez.

Dans votre mémoire, vous nous écrivez... entre autres, vous parlez du statut des municipalités bilingues, qui pourraient le perdre, ce à quoi nous nous opposons, là, de la façon dont c'est libellé dans le projet de loi n° 14, et vous nous parlez de la qualité de vie. Dites-moi, dans quelle mesure pensez-vous que ces villes au statut bilingue, si elles perdaient leur statut, y perdraient en qualité de vie pour les gens qui vivent là?

(12 h 20)

M. Gold (Steven) : Oui, c'est facile. Il y a des choses différentes, on pense les choses différentes. La première chose : ce n'est pas la langue de «North» Amérique en général, O.K., c'est… Amérique, des États-Unis, mais, au Canada, je vous dis sérieusement, il y a une grosse portion de la population qui veut parler français comme moi. Moi, j'aime de parler français, j'aime la culture, la culture, et, je trouve, ça, c'est très, très intéressant, la vie, les choses à manger, tout ça, «you know». C'est tout ça.

Mais moi, je parle avec, comme moi, je dis, un petit peu de respect, mais il y a des autres personnes comme moi qui avaient une... pour essayer de communiquer, mais ce n'est pas facile pour parler la langue. Mais, pour les jeunes personnes, O.K., les jeunes personnes veulent essayer de prendre les mots pour comprendre la culture un petit peu, mais les vieux, des personnes âgées comme moi — je ne suis pas trop âgé, mais… — je sais, il y a une communication, une bonnecommunication, mais il y a un problème. Si c'est trop vite pour quelqu'un, c'est prendre, O.K., une note, comme moi, j'ai dit à la ministre, pour donner une chance, O.K., pour bien expliquer, pour bien expliquer à la communauté pour avoir une chance pour apprendre la langue française — ça, c'est très important — pour expliquer. Vous avez des chances pour les citoyens qui vivent ici beaucoup des années. C'est normal, parler français, et je ne suis pas seul dans ça, je ne suis pas seul.

Il y a des personnes qui avaient des problèmes, c'est vrai, mais, pour les autres personnes qui... des personnes françaises qui veulent parler un petit peu anglais, c'est nécessaire pour laisser la porte ouverte, laisser la porte ouverte un petit peu pour communiquer, les jeunes Français, pour les hommes d'affaires, ne pas fermer la porte pour seulement parler français, ce n'est pas une bonne chose. Je dis pourquoi : parce que beaucoup d'argent arrive dans Québec, dans les autres provinces, pour les autres compagnies, des personnes très intelligentes, et la même chose pour les États-Unis. Mais les temps ont changé, les personnes comprennent la situation. Ce n'est pas grave, ce n'est pas grave, c'est juste pour informer — ça, c'est très important — pour informer les populations, la même chose dans l'aéroport pour les touristes. Mais les gens qui vivent ici, ce n'est pas un gros problème. C'est juste pour informer le public. Ce n'est pas nécessaire, une loi trop forte avec les personnes qui travaillent, qui avoir une famille, qui avoir des... pour expérience, pour donner une chance à la famille.

Mais les familles ici, au Québec, ce n'est pas la même chose dans les autres provinces, O.K., je vous dis ça. Mais Ottawa, ce n'est pas loin, à Montréal c'est seulement deux heures pour se rendre à Ottawa, mais c'est bilingue à Ottawa. À Ottawa, ça marche très bien, il y a beaucoup de Français qui… des gens et les madames qui travaillent en français à Ottawa. C'est nécessaire, c'est une obligation. Comme moi, j'ai dit à la première page, j'explique, après 45 ans de premiers ministres français qui viennent du Québec, les personnes comprennent ça, et c'est la loi à Ottawa, parler deux langues, O.K.? Ça, tout le monde sait ça. Si vous travaillez dans Ottawa, c'est nécessaire de parler les deux langues. Si d'autres personnes dans les autres provinces veulent travailler dans Ottawa, elles veulent parler bilingue.

Mais, au Québec, juste pour informer, donner une chance aux personnes dans la loi n° 14, n'importe quelle, la loi 101, ça marche bien, mais juste pour informer et pas... avec un employé très intelligent. Votre équipe du gouvernement, ça, c'est très important, très important pour avoir une équipe qui travaille pour le gouvernement qui sait qu'est-ce qui se passe avec les personnes à Montréal — je pense à Montréal parce que je sais Montréal très bien — pour donner aux personnes l'information et ne pas dire : Ça, c'est nécessaire, ça, c'est la loi, et c'est terminé. Non, non. Avec une équipe, bien compris la loi et pour bien informer, O.K., pas avec l'OLF qui prend... qui allait... O.K., Mme la ministre, elle trouve que ça, c'est un problème. La ministre, vous trouvez ça tout de suite. Ça, c'est correct. Mais bien compris, les employés, pour avoir une chance pour informer le public, c'est tout, c'est tout ce que je dis, pour informer le public avec un petit peu de nuance, «you know», pour bien… laisser tranquille un petit peu et donner au public une chance pour la croissance, donner la chance pour la croissance.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. Gold. Je comprends votre message. Merci beaucoup, M. Gold.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Gold.

Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à M. Robert Auclair de prendre place. Nous suspendons quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 12 h 25)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre ses travaux. M. Auclair, bienvenue à la commission. Je vous demande quand même de vous identifier. Vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura une période d'échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

M. Robert Auclair

M. Auclair (Robert) : Alors, je m'appelle Robert Auclair. Je suis un citoyen du Québec. Alors, je vous remercie de me recevoir pour vous résumer rapidement mon petit mémoire. Le présent mémoire porte en fait sur un point, c'est la Direction de l'Office québécois, et un court commentaire sur l'article 50.6 qui est une question de rédaction.

Une loi, fut-elle la meilleure, vaut dans la mesure où elle est appliquée. C'est là un truisme que l'on est porté à oublier. Si l'objet de la loi porte sur un sujet qui fait consensus, la protection des oiseaux migrateurs par exemple, il n'est pas nécessaire que l'autorité chargée de l'application de cette loi ait un statut spécial. Il en est autrement de la langue, qui n'est pas un dossier comme les autres, elle est un élément du patrimoine commun à toute la population. Une loi linguistique est un sujet controversé qui fait l'objet d'éternels débats, qui divise les partis politiques et les groupes ethniques. Il est donc essentiel que l'organisme chargé de l'application de cette loi ait une autorité et un prestige à toute épreuve.

La langue, c'est une évidence, est un sujet d'ordre politique qui ne laisse aucun gouvernement indifférent, encore moins le ministre responsable, qui n'aime jamais entendre parler de questions d'ordre linguistique embarrassantes politiquement. Le gouvernement a toujours intérêt à choisir, pour la Direction de l'office, une personne avec qui il s'entend bien, malléable — oui, malléable — qui ne lui causera pas trop d'ennuis et qui ne fera pas trop de vagues. L'important, c'est d'affranchir l'office du politique, d'écarter les influences qui s'exercent au moment des nominations et pour un travail à accomplir. En somme, dépolitiser l'office.

L'application de la charte relève d'un organisme dirigé par un président-directeur général. Cette personne est un fonctionnaire au sens de la Loi de la fonction publique. Elle a le statut de sous-ministre adjoint, donc elle relève d'un sous-ministre et d'un ministre. En définitive, un sous-ministre qui voudrait contrer cette volonté serait mieux de changer d'idée. En outre, les ministères, les organismes, les entreprises et les syndicats n'hésitent pas à faire valoir fermement leur point de vue au sous-ministre adjoint — j'entends le président de l'office — et à s'adresser, au besoin, à l'autorité ministérielle.

(12 h 30)

Je rappelle ici une phrase de Guy Rocher, l'un des auteurs de la charte, qui souhaitait que les personnes qui soient nommées soient des personnes d'expérience et de notoriété publique, soit les plus aptes à remplir énergiquement la mission que la loi 101 a conférée à chacun de ces organismes. Il a d'ailleurs repris cette affirmation à plusieurs reprises, et plusieurs intervenants, dans le passé, ont insisté sur ce point.

Si la personne responsable de l'application de la charte était nommée par l'Assemblée nationale après consultation de tous les partis politiques, si elle devait répondre de son administration à cette Assemblée, elle aurait un tout autre pouvoir et un autre prestige, c'est l'évidence même. Ce n'est pas sans raison que la Direction des élections, le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen — puis je ne les ai pas tous nommés là-dessus — ont un tel statut, on a voulu garantir leur indépendance et leur assurer le prestige qu'ils méritent et dont ils ont besoin pour faire appliquer la loi. En valorisant ainsi l'office, l'État enverrait à la population un message clair sur l'importance qu'il accorde à la langue. Plus personne ne pourrait dire qu'il n'y a pas de volonté politique au Québec pour la promotion du français.

Le sujet suivant, statuts et états financiers, c'est une question de rédaction mais qui est importante. Le projet de loi donne suite à une recommandation qui a été faite d'obliger les syndicats à fournir à leurs membres des statuts et règlements puis des états financiers en français, ce qui n'est pas toujours le cas et ce qui est surprenant. Et cette demande-là faisait suite à une décision des tribunaux. Ils ont décidé que les communications des syndicats ne comprenaient pas ça.

Le texte de la loi, là, il est écrit là, l'article 50.6. En deux mots, cet article-là, la rédaction ne répond pas à l'objectif visé, qui est de s'assurer que les travailleurs reçoivent automatiquement ces documents en français. Il est rédigé, au contraire, de façon à en limiter l'application, et je m'explique.

L'article 50 mentionne qu'on doit fournir ces documents en français sur demande. Je n'arrive pas à deviner ce qui a pu pousser le rédacteur à ajouter les mots «sur demande», c'est tout simplement humiliant. On n'a pas à quémander de français au Québec, il devrait être offert automatiquement.

En outre, l'article continue en disant que le syndicat doit fournir ces renseignements «à l'un de ses membres», ce qui veut dire que le syndicat pourrait donner le renseignement en français au plaignant et ne pas en informer le syndicat comme tel, qui pourrait continuer de fonctionner dans une autre langue. Ce n'est pas une rédaction acceptable.

Enfin, la loi parle d'une version française. Là, ça dépassait les limites. Une version française, ça suppose l'existence d'une autre version, sous-entendu, originale. Le législateur veut s'assurer de donner une traduction française aux membres du Québec. Il ne doit pas s'exprimer de cette façon, il doit dire tout simplement qu'un texte doit être fourni en français.

Maintenant, lorsque j'ai préparé le mémoire, je n'avais pas eu le temps de vous donner le... de proposer un texte. Alors, j'ai proposé un petit texte. Je pense que je n'en ai pas gardé de copie, je vais regarder. Non, j'en ai une, je m'en suis gardé une. Alors, l'article qui est proposé là s'inspire de la rédaction de l'article 41 du projet de loi actuel, alors : Une association ou un regroupement visé à l'article 50 rend disponibles en français ses statuts et règlements de même que ses états financiers pour ses membres. C'est simple, c'est clair, puis on n'a pas besoin de faire un grand discours.

Je mentionne tout simplement une petite question de vocabulaire. Dans mon projet, vous voyez les mots «statuts et règlements». Dans le projet de loi, il est question des statuts, et moi-même, j'ai suggéré «statuts», mais on m'a fait remarquer, tant des gens de l'Office de la langue française que des légistes, que d'employer le mot «statuts», c'est probablement un terme restrictif. «Statuts», ça veut dire qu'ils découleraient de la constitution même du syndicat et que ça ne vaudrait pas pour toutes sortes de règlements. Par exemple, un syndicat qui adopterait un règlement pour les frais de voyage, de déplacement de ses membres à l'occasion d'arbitrages ou de congrès, un tel règlement, est-ce que ça serait statutaire? Alors, c'est pour ça que l'expression «statuts et règlements», qui est courante, est probablement préférable. Je le signale. C'est un détail, mais je pense qu'il n'est pas mauvais de le mentionner. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Auclair. Nous allons débuter les échanges, et je vais du côté du gouvernement. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.

Mme De Courcy : D'abord, merci, M. Auclair, de vous être inscrit à ces auditions. Je sais que l'association, l'association pour l'usage et le soutien de la langue française, ai-je compris, et que vous avez fondée, je crois, a fait un travail remarquable afin d'épauler tous et toutes qui ont à parler ou écrire des lois au Québec, entre autres, alors je vous en remercie.

J'aimerais par ailleurs vous poser deux petites questions, deux petites questions, une sur les relations qui existent, selon vous, entre la qualité du français et la langue utilisée dans les milieux de travail, notamment j'ai en tête l'influence de la langue numérique, l'utilisation d'Internet, et etc. Est-ce que vous pensez que ça a... Quel type d'influence ça a?

Et mon autre question qui est soulevée, qui touche à ce qui est soulevé, c'est l'expression… Elle est dans le projet de loi n° 14, d'ailleurs. Je voulais vous demander si vous aviez une solution linguistique autour de ça, «prendre des mesures».

M. Auclair (Robert) : Prendre…

Mme De Courcy : Prendre des mesures, on dit «prendre des mesures». Il s'agit là d'un calque de l'anglais, alors je voulais savoir quelle solution vous...

Une voix : ...

Mme De Courcy : … — c'est ça — quelle solution vous... Parce que, dans le langage usuel que j'entends beaucoup au gouvernement, «prendre des mesures», là, je pense... probablement qu'à tous les jours on doit l'entendre, trois, quatre, cinq fois par jour. Alors, j'aimerais ça avoir votre solution autour de ça. Merci.

M. Auclair (Robert) : «Prendre des mesures», ça, c'est un exemple. On pourrait en sortir 10 de suite, là, des calques de l'anglais dont on est inconscients, moi le premier, qu'est-ce que vous voulez, puis on en apprend tous les jours.

Maintenant, votre première question, c'était l'influence sur la qualité de la langue?

Mme De Courcy : Si vous avez une opinion là-dessus, quand on utilise beaucoup le réseau Internet, les technologies quand on est en milieu de travail. Si vous pensez que ça affecte la qualité du français écrit et parlé par la suite, si vous avez une opinion.

M. Auclair (Robert) : Je vous réponds spontanément oui, mais je repars autrement. La qualité de la langue, là, ça ne dépend pas d'Internet en particulier. Vu que vous m'abordez ce sujet-là, les conventions collectives, là, signées par le gouvernement du Québec, fonctionnaires, là, conventions collectives des enseignants, la CEQ, le ministère... la Fédération des commissions scolaires — ça, c'est des organismes publics — moi, ça fait des années, 20 ans et plus que j'ai fait des suggestions au nom de l'association pour corriger des fautes de français dans la convention collective. Bien, vous allez les regarder, les conventions, on ne les corrige pas.

J'ai réussi il y a trois ans dans le domaine des enseignants. Ça faisait 20 ans que je leur disais à chaque négociation : Corrigez. Bien, la dernière négociation, ils en ont corrigé un bon paquet, un succès incroyable, oui, mais il en reste encore. Je leur ai dit : J'ai de la mémoire. La prochaine négociation s'en vient, il vous reste une quinzaine de fautes, là, allez-y. Je ne le sais pas, s'ils vont le faire.

Maintenant, je vous mentionne… Dans les grandes entreprises, vu que vous me parlez de la qualité, là, le grand quotidien français d'Amérique, là, ça fait 25 ans, comprenez-vous, pas 25 jours, 25 ans que l'ASULF écrit au syndicat affilié à la fédération de... bien à la CSN puis aux gens de La Presse pour leur dire : Corrigez donc les fautes de français, puis ils ne les ont jamais corrigées, même pas une virgule. J'ai déjà écrit à une centaine de journalistes personnellement, à La Presse : Corrigez donc les fautes. Je n'ai jamais eu de réponse. Mais les fautes sont là. Mais là ils vont entreprendre des négociations bientôt, la… Je vais réécrire de nouveau. Est-ce qu'ils vont les corriger?

Mais, j'ajoute, l'Office de la langue française, là, ne s'est pas montré le bout du nez bien loin. J'ai écrit à l'office, l'office a écrit une belle lettre à ces gens-là : Nous vous invitons à corriger les fautes de français, puis nous vous offrons notre collaboration, puis nous avons un grand dictionnaire terminologique, puis nous avons publié un vocabulaire des conventions collectives, puis nous sommes à votre disposition. Les gens reçoivent la lettre puis ils la laissent là. Puis ils vivent avec leurs fautes depuis 25 ans.

Puis là je m'arrête parce que je vais dépasser mon temps. J'aurais d'autres exemples à vous donner.

Mme De Courcy : Je vous remercie beaucoup, M. Auclair. Merci.

Une voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui. Je reconnais maintenant le député d'Iberville.

Une voix : Berthier.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : De Berthier. Excusez-moi, M. le député. Le député de Berthier.

M. Villeneuve : Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. C'est, je vous dirais, très intéressant de voir à quel point vous avez la langue française à coeur et à quel point vous la défendez sur tous les fronts. Bravo, je vous félicite. J'aurais moi-même probablement beaucoup à apprendre de votre expérience en la matière.

Moi, j'aimerais savoir de votre part, étant donné... Puis vous avez abordé un peu le sujet avec la ministre tantôt concernant les médias sociaux, l'Internet et, bon, le clavardage, pour ne nommer que celui-là, et évidemment, tous nos jeunes qui baignent dans cet environnement-là, ce nouvel environnement là, donc, j'essaie de suivre, moi là, là, et je pense que j'y arrive, à tout le moins, en faisant les efforts qu'il faut, mais on voit aussi... j'ai beaucoup de difficultés, je regarde mes... — j'ai des jeunes enfants, là, si jeune, c'est 16 ans, 18 ans, 22 ans, là — quand ils font du clavardage pour réussir à comprendre ce nouveau code, si on peut dire ça comme ça.

Est-ce que vous voyez dans cette façon de faire, cette nouvelle façon de faire grâce à l'Internet, si on peut dire «grâce», là... Est-ce que vous voyez un péril par rapport à la langue française? Et, si oui, est-ce que vous avez des avenues à nous proposer pour justement peut-être s'assurer, finalement, que la langue française puisse traverser cette époque de l'Internet, et cette époque du clavardage, et toute cette nouvelle façon de faire au niveau des communications? Parce que c'est important, là. Les communications, c'est la base même de la langue, l'écriture, la lecture. Alors, j'aimerais vous entendre peut-être là-dessus.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Berthier. Monsieur...

M. Auclair (Robert) : Je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour vous répondre, parce qu'à me voir vous voyez que je ne suis pas un jeune diplômé de la semaine dernière, je ne suis même plus éligible comme cardinal parce que je dépasse 80. Je ne peux pas réellement vous répondre là-dessus, mais je sais que l'ASULF qui est ici, ils vont probablement noter la question, ils pourraient vous répondre, parce que moi, l'Internet — vous pouvez me traiter de «p'tit vieux» — j'ai décidé de ne pas apprendre ça. Alors, je suis un ignorant puis je suis obligé d'avoir recours à des secrétaires, que j'appelle amicalement des esclaves, pour fonctionner avec ça. Moi, l'Internet, je ne connais pas ça, alors je ne peux pas vous répondre là-dessus, mais évidemment que j'ai le sentiment, parce que je vois comme vous tout ce qui s'écrit, qu'il faut avoir les yeux ouverts. Il ne faut pas être indifférent puis laisser aller les choses, suivre le courant.

M. Villeneuve : Oui, bien, je vous posais la question... Merci de la réponse, mais je vous posais la question parce que je vois que vous êtes un gardien de cette belle langue française là, et je me suis dit : Peut-être qu'il a réfléchi à la question.

Mais il n'est pas trop tard, hein? Vous pouvez répondre à la question, si jamais ça vous intéressait d'y répondre, directement par le site de la commission ou envoyer un document à la commission, parce que la question, je crois, elle est très d'actualité, si je peux dire, et drôlement... autant intéressante que peut-être aussi inquiétante pour la suite des choses. Mais merci.

M. Auclair (Robert) : ...l'association, qui a déposé un mémoire, va être entendue. Je pense qu'ils doivent écouter puis noter votre question pour pouvoir y répondre mieux que moi.

(12 h 40)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Auclair. Nous allons aller maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, M. Auclair, merci beaucoup pour votre temps aujourd'hui. Merci d'avoir déposé le mémoire, que nous avons tous lu avec un grand intérêt, et merci pour votre présence aujourd'hui.

J'ai noté donc dans votre mémoire et de votre témoignage… Évidemment, comme vous le soulignez, le dossier du français au Québec est un dossier, vous l'avez souligné, on le reconnait tous… un dossier très important, central, qui est néanmoins délicat. L'épanouissement du français, c'est l'affaire de tous, l'affaire de tout le monde, et on ne pourrait pas atteindre cet objectif-là s'il en était autrement.

Il y a également différentes façons d'atteindre cet objectif-là, et une modification législative n'en est pas, et loin de là, la seule. Il y a également des programmes d'aide, de soutien, des approches qui font en sorte que ça devienne une réalité dans tous les jours, mais il y a un nécessaire accompagnement à mettre de l'avant, et il y a une réflexion qui doit toujours être mise à jour. On parlait des médias sociaux un peu plus tôt. Il y a beaucoup à faire là, et, encore une fois, je pense, c'est en accompagnant les gens et en faisant en sorte qu'ils aient les outils nécessaires, et nous devons toujours demeurer vigilants en ce sens-là.

Vous avez parlé, dans votre mémoire et dans votre intervention un peu plus tôt, de l'importance de l'Office de la langue française. Vous suggérez donc qu'il y ait même un nouveau mode de nomination de la personne qui le préside, et, en ce sens-là, je pense que vous reconnaissez l'important rôle de l'office, l'office qui veille à l'application de la Charte de la langue française, qui a même des pouvoirs d'enquête en vertu de la loi. Vous reconnaissez donc l'importance de l'office — applique la loi, pouvoir d'enquête — l'importance aussi que l'office ait toute son indépendance et les coudées franches pour bien appliquer la loi.

Comment percevez-vous, vous — puis, si vous n'y avez pas réfléchi, dites-le-moi, il n'y aura pas de problème, mais j'aimerais vous poser la question — que, de façon, je vous dirais, concurrente à l'office, la ministre puisse nommer également, elle, en plus de se constituer elle-même comme une personne qui peut enquêter en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête… qu'elle puisse également, en compétition avec l'office, nommer une série d'enquêteurs qui eux également veilleraient à l'application de la Charte de la langue française? Comment vous verriez, vous, l'efficacité d'un tel possible dédoublement?

M. Auclair (Robert) : Pour être bien franc, j'ai vu ça, mais j'ai passé par-dessus ça, parce que, dans le projet de loi, il y a beaucoup de choses sur lesquelles j'aurais aimé parler, mais je me suis dit : Je vais parler d'un sujet qui, pour moi, est fondamental, c'est la nomination du président. Or, l'aspect que vous me parlez là, je n'y ai pas réfléchi, franchement, parce que, pour moi, la cheville, c'est la nomination du président. En tout cas, vous ne me posez pas de question là-dessus, j'ai dit ce que j'avais à dire. D'après moi, c'est le point de départ.

M. Tanguay : Bien, je tiens à vous remercier. Et ce message-là, il a été très clair et très bien entendu. Merci beaucoup, M. Auclair.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons maintenant du côté de la deuxième opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Auclair. Merci pour votre mémoire. Je voudrais vous dire d'entrée de jeu que vous faites une analyse très juste d'une problématique, et nous trouvons que c'est une problématique, à la Coalition avenir Québec, c'est une de vos préoccupations et c'est une des nôtres, et je vous cite quand vous dites que «l'important, c'est d'affranchir l'Office [québécois de la langue française] du politique, d'écarter les influences qui s'exercent au moment des nominations et pour un travail à accomplir». Et là vous ajoutez : «En somme, dépolitiser l'office.» Alors, nous sommes tout à fait d'accord avec vous à cet égard-là. Le fait de nommer peut-être par l'Assemblée nationale la tête de l'office aussi, c'est une idée qui nous interpelle, ce que vous dites.

Cependant, vous parliez... Et vous êtes très interpellé aussi par la qualité du français à l'intérieur même de nos murs, de nos institutions, et la question que je me pose, c'est : Est-ce qu'il est possible, pensez-vous, que ce ne soit pas nécessairement l'anglais qui soit une menace à la langue française au Québec, mais peut-être, je vous dis bien peut-être est-ce possible que ce soit le français lui-même, tel que nous l'apprenons, l'écrivons, l'enseignons, le parlonsactuellement, qui soit lui-même une menace à la langue française actuellement? Y a-t-il un déclin, selon vous, de la langue française, de la qualité de notre langue française?

M. Auclair (Robert) : Vous voulez dire la façon dont on l'enseigne et tout?

Mme Roy (Montarville) : …le résultat au bout du compte. Nos jeunes, nos enfants, la façon dont ils le parlent, qu'ils l'écrivent, trouvez-vous qu'il y a un déclin? Devrait-on resserrer à cet égard-là pour protéger la langue française?

M. Auclair (Robert) : Bien, si je comprends bien la question, la langue, l'enseignement de la langue, ça compte au point de départ. Puis l'emploi que tous les organismes publics font de la langue, si le gouvernement s'exprime correctement puis si les syndicats puis les employeurs s'expriment correctement, bien, par le fait de l'imitation, on répète les mots qu'on entend, alors, si on entend un terme erroné, tout le monde va le répéter.

Ça, je pense que, la langue, comme je vous dis, si je comprends bien votre question, ça va de soi, il faut qu'il y ait un effort de tout le monde, du législateur, des syndicats, je ne sais pas, moi, de tout…

Mme Roy (Montarville) : ...protéger la langue française, pour vous, également… protéger la langue française, ce serait — et je soumets une hypothèse — également bien l'enseigner et bien faire en sorte que nos jeunes la parlent. Parce que vous disiez que vous avez noté des fautes, que vous répétiez à l'office qu'il y avait des fautes, puis on n'a pas changé nos pratiques. Alors, ma question — et je me suis peut-être mal exprimée — ce que je disais, c'est : Est-ce possible que la façon dont on parle notre langue et la façon dont nous l'écrivons dans nos organismes publics soient aussi, à certains égards, à certains moments, une menace pour la langue, donc qu'il faille resserrer, justement, l'enseignement et la pratique de notre belle langue française?

M. Auclair (Robert) : Bien, ce n'est pas parfait, seulement les lois — je parle des lois — sont sûrement mieux rédigées qu'elles ne l'ont déjà été. Nos conventions collectives — c'est un domaine que je connais — sont farcies de fautes de français, mais j'oserais dire que ça s'est amélioré. On ne peut pas penser, du jour au lendemain, prendre un texte qui est tout de travers puis dire : C'est un modèle, mais il faut faire des efforts, puis l'Office de la langue, là-dessus, rend des services, puis il y a des gens dans les syndicats puis chez les employeurs qui ont le souci d'écrire correctement. Ça se fait, ça, à la longue, on ne peut pas avoir une décision qui règle le problème d'un coup sec. Je ne sais pas si ça répond à votre question, mais…

Mme Roy (Montarville) : Oui, pleinement. Je vous remercie beaucoup, M. Auclair. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Auclair.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Et vous pouvez laisser les documents sur place, la salle sera sécurisée. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 15 h 12)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Nous allons reprendre nos travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Et nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Et nous recevons maintenant le mouvement national des Québécois et Québécoises. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demande de vous présenter, de présenter également la personne qui vous accompagne, et vous disposez d'un temps de 10 minutes. Par la suite, il y aura un échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous.

Mouvement national des
Québécoises et Québécois (MNQ)

M. Laporte (Gilles) : Mme la ministre, Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés, merci de nous accueillir. Mon nom est Gilles Laporte. Je suis président du Mouvement national des Québécois, fraîchement élu, il faut dire. Je remplace Mme Chantale Trottier, qui a occupé les mêmes fonctions durant les 10 dernières années. Je suis accompagné du directeur général du Mouvement national des Québécoises et Québécois, M. Gilles Grondin.

Vous me permettrez d'utiliser la première minute de mon 10 minutes de gloire pour vous présenter le Mouvement national des Québécois, qui est une vénérable institution fondée en 1947. Imaginez un regroupement de toutes les sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec à l'époque. Pour vous dire, par exemple, nous avons été un des grands promoteurs de l'instauration du drapeau québécois en 1948, alors c'est vous dire.

Donc, nous nous définissons nous-mêmes comme un promoteur de l'identité québécoise dans tous les domaines, à la fois dans l'histoire, la culture, bien sûr la langue. Nous sommes engagés dans les commémorations. On pense, par exemple, à la Journée nationale des patriotes, la journée de la Francophonie, d'ailleurs, qui va se dérouler la semaine prochaine, d'autres commémorations comme la journée du drapeau et, bien sûr, la fête nationale des Québécoises et Québécois, dont nous sommes le fier partenaire depuis 1984.

À cet égard, d'ailleurs, il nous fait plaisir d'inaugurer ici une petite... une épinglette, en fait, qui est davantage qu'une épinglette. C'est un symbole, le symbole de la participation du Québec à la Journée internationale de laFrancophonie qui va se dérouler le 20 mars prochain. Il y a peut-être des activités qui se déroulent dans vos comtés. Et je tiens à vous dire, parce qu'il y en a... C'est des enveloppes personnalisées qui ont toutes été remises aujourd'hui, mais il y a des nouveaux ici, il y a des visiteurs, alors je veux juste vous assurer, là, en mon nom puis au nom de M. Grondin, qu'elles sont déjà dans le courrier interne à votre… donc pour vous être remises. Alors, c'est une épinglette intéressante qui représente évidemment en gros le drapeau du Québec mais avec les quatre couleurs de la Francophonie internationale et avec un joli f stylisé pour la barre verticale. Le Mouvement national des Québécois veut ainsi montrer l'enracinement de la francophonie du Québec dans le contexte international et montrer son appui à cette journée.

Alors, si vous me permettez, je voudrais maintenant présenter notre mémoire, que vous avez tous en main. Je dirais simplement... J'attirerais votre attention, parce que je suis d'abord professeur, sur le titre que nous avons voulu donner à ce mémoire. Il y a deux parties. La première, c'est Retrouver l'esprit de la loi 101, et la seconde,Redécouvrir une volonté politique. En ce sens-là, pour nous, ça définit bien le programme, il me semble, qui attend le gouvernement et ce que la société civile, selon le Mouvement national des Québécoises et Québécois, attend du gouvernement.

En présentant une nouvelle loi 101, le gouvernement marque une volonté de s'inscrire dans un plus vaste mouvement historique d'affirmation collective. À cet égard, donc, il ne s'agit pas nécessairement de mesuresadministratives, topiques, il s'agit bel et bien de proposer une nouvelle... une refonte de la loi 101. Par conséquent, à la lumière de ces… du mémoire, dis-je, et du projet de loi qui a été soumis, nous voulons rapidement souligner quelques très bons coups. Ces très bons coups là, je vais m'en tenir à quatre seulement.

Le premier, d'abord, qui nous apparaît évident dans le contexte du milieu du travail en 2013, c'est que plusieurs entreprises ont pris l'habitude d'inscrire le bilinguisme obligatoire de leurs employés comme allant de soi, pratiquement comme une formule de politesse qu'on place à la suite de n'importe quel appel d'offres pour un emploi. Nous soulignons le fait que, dans le projet de loi, on mentionne qu'elle peut être considérée désormais comme une clause discriminatoire et qui opère une discrimination parmi la main-d'oeuvre. Comprenons-nous bien, le projet de loi souligne bien que, lorsque le bilinguisme est véritablement nécessaire, il peut y demeurer, mais que cette clause soit pratiquement… mise à toutes les sauces, pour un emploi, par exemple, dans la restauration rapide à Val-d'Or, nous appuyons le gouvernement dans sa volonté d'y mettre bon ordre.

Nous, évidemment, soulignons un extraordinaire bon coup, c'est-à-dire enfin la francisation des entreprises de 26 à 49 employés. Bravo, parce que c'est là qu'on retrouve notamment la clientèle... bien, en fait, la population néo-québécoise et donc qui requiert un environnement favorable à sa francisation. Bravo également parce qu'il s'agit dans bien des cas, les entrepreneurs, entrepreneuses ici le savent… il s'agit souvent d'entreprises qui sont de jeunes entreprises, ce qu'on appelle en bon français des «start-up». Par conséquent, elles ont tout intérêt à entreprendre tôt leur francisation, en prévision d'une phase de croissance.

À cet égard, enfin, il y a eu évidemment la question : Est-ce que ça représente un poids supplémentaire pour les entreprises? On pourra y revenir dans le débat. Nous concédons néanmoins qu'il ne s'agit pas dans aucun cas, de 26 à 49 employés, de microentreprises. Considérons que ces entreprises-là ont toutes à leur service au moins un service administratif, un comptable à temps plein et que, tout compte fait, dans plus de 80 % des cas, la francisation de ces entreprises au Québec ne pose pas de problème. Elle pose peut-être des problèmes mais justement auprès des entreprises qui ont peut-être besoin d'opérer leur francisation, donc la francisation est susceptible d'agir là où il le faut. Mais passons.

Nous signalerons un dernier bon coup, certainement revoir le statut des municipalités bilingues. On y reviendra dans le débat, mais nous avons cru entendre, nous, au Mouvement national des Québécois, que certains suggéraient de confier ça aux municipalités, comme si ça réglait le problème. Nous attirons l'attention des commissaires, au contraire, sur les problèmes engendrés, parce que confier à des municipalités le soin de déterminer leur statut linguistique ne constitue ni plus ni moins qu'un amendement à la Constitution canadienne, à l'article 94 et 95, où il est explicitement dit que les matières de langue et de communication relèvent des provinces. Serions-nous prêts à confier aux municipalités des responsabilités constitutionnelles?

En outre, la question des municipalités pose aussi la question de la crispation que ça peut représenter. Entre vous et moi, voyez-vous sérieusement un conseil municipal québécois voter à majorité des conseillers de perdre son statut bilingue? On voit immédiatement des assemblées tumultueuses dans les conseils municipaux. Mais passons.

Dans les faits, donc, pour ce qui est des recommandations, alors, recommandations, elles sont réunies à la toute fin de notre mémoire. Si vous le voulez bien, je me permettrais de les commenter l'une après l'autre, parce qu'il y a de jolis sujets sur lesquels le Mouvement national des Québécois est sensible à vos commentaires.

La première recommandation que nous proposons en page 18 : Que le gouvernement du Québec s'assure que le français soit utilisé dans toutes les sphères de l'administration publique. Ce fait-là est rappelé à plusieurs endroits dans le projet de loi, mais nous souhaiterions que les amendements qui vont sans doute suivre permettent de clarifier le statut du français comme langue normale de l'administration publique du Québec. Et on a cru... Nous sont parvenus les échos du mémoire du SFPQ hier et qui ont mis, selon nous, le doigt sur un certain nombre d'incertitudes ou de... En tout cas, il y a des points qui méritent clarification à propos du sens que l'on prête à certains aspects ou certains articles du projet de loi afin, encore une fois, de faire du français la langue normale de l'administration publique.

Que le gouvernement du Québec crée un commissariat indépendant à la langue française. Peut-être cette remarque-là vous surprend. Quoi, encore de la bureaucratie? Nous interrogeons, à ce moment-ci, le rôle de l'Office québécois de la langue française. Je vous rappelle, l'office a quand même beaucoup de chapeaux à porter à l'heure actuelle. Il est à la fois, en quelque sorte, tribunal administratif, il fait enquête et il porte des plaintes, mais on lui demande aussi à l'occasion de pondre des études, de colliger des statistiques et de remettre des rapports. On a vu ces dernières années que ce n'est pas un rôle idéal pour l'office, certaines études ont pu ne pas parvenir jusqu'à l'opinion publique. Est-ce que c'est le rôle de l'office de produire des études incontestées dont les résultats sont reconnus par tous les éditorialistes, les commentateurs et les partis politiques — nous croyons que non — et aussi bien qu'un commissaire indépendant à la langue, l'équivalent, si vous me permettez, d'un Graham Fraser à Ottawa, un individu qui ferait autorité, qui aurait un tout petit service autour de lui, qui serait sans doute nommé par l'Assemblée nationale et qui pourrait, lui, remettre des rapports annuels qui feraient en sorte qu'on aurait enfin, si vous me permettez, un véritable portrait de l'évolution du français et qu'on cesserait de crier au loup d'un côté ou de tenter d'inviter la population à l'apathie de l'autre, selon telle ou telle statistique?

Avant de passer à la prochaine, je vous rappelle que Statistique Canada a opéré des coupes sombres dans ses budgets de recherche, et on risque d'avoir, dans les recensements prochains, des informations de moins en moins complètes à propos du portrait linguistique, notamment de la région de Montréal.

(15 h 20)

Je poursuis rapidement, si vous me permettez. Donc, le point 3 : Que le gouvernement du Québec assure un financement durable et soutenu à la recherche scientifique sur l'état du français. C'est bien clair qu'on voit ça en concomitance avec le rôle de ce commissaire, qui pourra, à ce moment-là, compter sur des statistiques fiables et irréprochables.

Plus rapidement, pour poursuivre : Que le gouvernement du Québec fasse de la connaissance du français un critère de sélection obligatoire. On pourra s'en expliquer. Il s'agit en somme de vérifier la prédisposition d'un néo-Québécois à s'intégrer à la majorité de langue française.

Que le gouvernement du Québec investisse dans l'accueil et l'intégration des immigrants et ne se préoccupe pas seulement de la langue.

Que le gouvernement du Québec mette en place une politique de rétention des jeunes ménages à Montréal. Je sais que le ministre responsable de la métropole est préoccupé par ce dossier-là. Je crois que le dossier de la langue estintimement lié aux politiques mises de l'avant afin de retenir sur l'île de Montréal une masse critique de francophones à même d'intégrer les néo-Québécois. Comme les statistiques le montrent souvent, les néo-Québécois s'installent à Montréal, où on demande à seulement 20 % des francophones du Québec de les intégrer. C'est trop leur demander. Il faut leur donner les moyens de demeurer sur l'île de Montréal, le MNQ en fait une recommandation.

Je vais me permettre peut-être d'aller plus rapidement pour les dernières, mais quand même j'insisterais sur : Que le gouvernement du Québec garde le cap sur l'application de la loi 101 aux cégeps. Je veux ici signaler essentiellement que le projet de loi offre de belles avancées, et notamment — et une recommandation qui semble faire consensus — à l'effet, tout bonnement, que les étudiants qui terminent leur collégial en anglais aient à passer un test d'aptitude au français. C'est une mesure transitoire qui nous apparaît prometteuse puis qui, en tout cas, est perçue par le Mouvement national des Québécois comme une concession du gouvernement mais une concession à laquelle nous sommes prêts à acquiescer dans les circonstances. Merci. À vous la parole.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. Vous avez dépassé d'environ une minute, mais on le prendra sur le temps du gouvernement, avec l'accord de la ministre. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Bien, d'abord, merci d'avoir produit ce mémoire, un mémoire qui, dans ses recommandations, m'apparaît raisonnable, très raisonnable, et m'apparaît avoir décidé de prendre un point de vue pragmatique, un point de vue qui nous aide à le bonifier sans doute et qui nous permet de voir qu'un mouvement même — c'est 1947, vous avez dit? — ...

M. Laporte (Gilles) : Exactement, oui.

Mme De Courcy : …1947, bien, a bien vieilli, a bien vieilli. Alors donc, je suis très contente de vous recevoir.

Maintenant, j'ai des précisions à vous demander, entre autres sur l'ensemble des recommandations. D'abord, à la recommandation 8 : Que le gouvernement du Québec abolisse les écoles passerelles, vous savez que j'ai annoncé qu'il y aurait une législation que je proposerais à l'Assemblée nationale, compte tenu du fait que ce sujet-là a fait objet d'unanimité à l'Assemblée nationale, le dossier des écoles passerelles. Je ne croirais pas, à ce stade-ci… Mais vous savez que je suis très optimiste. Je ne croirais pas, à ce stade-ci, que ce serait difficile ou compliqué.

Vous avancez aussi dans vos recommandations deux éléments qui, là, me préoccupent un peu. Je vais essayer d'interpréter vos recommandations.

Au point 4, vous dites : Que le gouvernement du Québec fasse de la connaissance du français un critère de sélection obligatoire pour immigrer au Québec. Je crois comprendre… en tout cas je veux comprendre que cette recommandation-là n'est pas finale et sans appel, à savoir qu'il y a très certainement des personnes immigrantes dont le Québec a besoin et qui ont besoin du Québec qui pourraient, sans cette maîtrise, cette connaissance du français, parvenir chez nous, des travailleurs très spécialisés ou des gens qui ont été très abîmés, des réfugiés, des gens dont… un certain nombre de personnes qui, avec la capacité de la société québécoise, méritent d'être intégrées chez nous. Alors, j'espère comprendre le point 4 dans cette ouverture, dans cette ouverture.

Mon autre question va être dans le point 5. Vous dites : Qu'il s'assure non seulement de leur francisation, mais aussi de leur intégration culturelle à la majorité francophone, dans la lignée historique des centres d'orientation et… en fait des COFI, des COFI. Là aussi, j'espère comprendre que ce que vous voulez dire, c'est qu'il est important que les personnes immigrantes puissent avoir accès à ces services-là de qualité, résolument ancrés vers l'intégration, mais que vous n'allez pas jusqu'à dire qu'il faut remettre les COFI en place, compte tenu de l'expertise des organismescommunautaires présents partout au Québec. Il y a quelques mois, je vous aurais dit «partout à Montréal», mais maintenant, après la tournée des 16 régions du Québec que j'ai faite, je dis «partout au Québec». J'en ai vu partout et avec de l'excellence dans la prestation des services qu'ils offrent aux personnes immigrantes.

Alors, je présume que je comprends ça de cette manière-là, plus dans la mission d'intégration, c'est-à-dire être résolument tourné vers l'intégration. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, et après je vous reviendrais sur le dossier... sur le point 7, sur le point 7.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Laporte.

M. Laporte (Gilles) : Merci pour vos questions. D'abord et avant tout, je prendrais la dernière.

D'abord, à propos de la fameuse clause français, bien sûr que la formulation, elle est directe. Cependant, je vous invite à faire la réflexion suivante puis que nous menons aussi à Montréal puis au Mouvement national des Québécois. Il s'agit de la capacité d'intégration de la communauté francophone de Montréal.

Vous savez, selon le dernier recensement, la capacité des francophones de Montréal à franciser les immigrants plafonne. À l'heure actuelle, plus de 80 % de la population ne réussit à franciser que 50 % des immigrants, tandis que 8 % des Québécois de langue historique anglaise réussissent à intégrer à leur tour 50 %. Nous sommes authentiquement à la recherche d'un moyen efficace de franciser notre communauté néo-québécoise. Nous y travaillons, nous cherchons des solutions.

Bien sûr qu'il faut voir cette proposition dans son angle large, et c'est pour ça que j'utilisais davantage la question de la prédisposition. Par exemple, lorsque nous sélectionnons à l'extérieur, bien sûr que l'employabilité doit être un critère de base, mais la connaissance du français est un très bon critère d'employabilité, d'une part. Mais, d'autre part, il faut voir la prédisposition d'un individu. Dans la plupart des pays d'où nous proviennent les immigrants, il y a possibilité d'un début de francisation dans leur pays d'origine. Il y a des unions françaises, mais par ailleurs il y a aussi des communautés qui... de langue historique française. Puis de toute façon… Je comprends peut-être, là, qu'on pourrait sourciller à propos de l'origine culturelle, mais on le fait de toute façon à propos de l'employabilité puis de la formation de l'individu.

Je rappellerais cependant qu'à l'heure actuelle, de toute façon, le critère de la langue est devenu important, plus du quart des immigrants, l'an dernier, venaient de pays, bon, qui sont plus ou moins dans la mouvance de lafrancophonie. Nous souhaitons cependant que cette préoccupation soit abordée. Je sais que c'est un enjeu qui est parfois délicat, et tout le reste, mais, en plaçant de façon claire cette proposition-là, le Mouvement national des Québécois voudrait qu'on évite de cacher cet enjeu que personne ne saurait voir, là, et qu'on puisse véritablement aborder la question de la sélection préalable des néo-Québécois sur une base linguistique, en tout respect puis en regard des autres critères qui doivent être tenus en compte.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. Mme la ministre.

Mme De Courcy : Vous savez sans doute, parce que ça a été annoncé au moment du lancement du projet de loi n° 14, que j'ai aussi indiqué qu'il y aurait modification à la grille de sélection et que ce renforcement-là de l'exigence du français serait vraiment important, mais, pour ma part, c'est le caractère obligatoire qui me préoccupait. Mais j'entends bien ce que vous venez de me dire.

L'autre question porte plutôt sur la question des COFI. Est-ce que vous pouvez préciser votre pensée autour de ça?

(15 h 30)

M. Laporte (Gilles) : Oui. Alors, cette proposition, c'est clair… D'ailleurs, je suis content que vous mettiez de l'avant les organismes communautaires qui existent, mais pas qu'eux. Nous, on a une société nationale qui fait partie de l'une de nos 18 sociétés, des Laurentides, en l'occurrence, qui anime des cafés, c'est-à-dire des comités d'arrimage et de francisation des immigrants dans la région des Laurentides, on en est très fiers, et il y a effectivement des initiatives régionales qui sont prises, on se comprend bien. Ici, on rappelle le rôle historique des COFI, qui avait été une tentative de l'établir au niveau national, mais ces initiatives-là doivent être encouragées, au contraire.

Ce que le Mouvement national des Québécoises et Québécois veut dire, c'est tout simplement que l'intégration n'est pas qu'affaire de langue. Il y a aussi l'intégration, bien sûr, à la culture, c'est un enjeu qui nous préoccupe, mais aussi à l'emploi. Bref, entendre l'intégration dans son sens plus large.

Et, dans le mémoire, on a l'occasion d'étayer là-dessus. L'emploi, par exemple, est la clé de l'intégration à la culture. Vous le savez comme moi, il y a plusieurs néo-Québécois qui maîtrisent assez bien, tout compte fait, le français mais qui maîtrisent assez peu la culture, les usages et qui, pour cette raison-là, ont tendance à se retrouver dans des créneaux d'emploi où ils se retrouvent parmi eux… ou en tout cas ils ne sont pas mis en contact avec la majorité. C'est très clair que l'intégration doit être vue dans un sens beaucoup plus large que le strict enjeu de la francisation, auquel on a trop réduit souvent l'intégration des néo-Québécois. On pense en particulier à la culture mais aussi à l'emploi. Et, par l'emploi, on parle aussi des efforts que peut accomplir la fonction publique afin de leur ouvrir davantage les portes, mais il y aaussi les entreprises québécoises qui peuvent aussi faire un effort puis participer à l'intégration à la francisation. Ce n'est pas qu'une affaire de cours de langue, ce n'est pas qu'une affaire d'intégration à la culture, c'est aussi un effort collectif, et c'est ce qu'on voulait rappeler par ce point-là.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte.

Mme De Courcy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Monsieur, merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je reconnais maintenant le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. le député, la parole est à vous.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Très intéressant, votre mémoire, vraiment. J'ai beaucoup apprécié l'apport à la discussion.

Évidemment, comme Montréalais et comme député de Montréal, il y a un paragraphe que j'ai lu… Je vais le lire ici parce que je trouve que c'est important : «À Montréal, le bilinguisme s'impose comme une norme économique, sociale, culturelle et identitaire, et cela, il faut le dire avec un certain regret, dans l'indifférence généralisée. Désormais, l'identité québécoise est enjointe à se fondre dans une nouvelle identité montréalaise appelée à s'autonomiser. On assiste ainsi au développement d'une fracture identitaire au Québec entre la métropole et les régions.» Oui, mais jusqu'à un certain point, parce que, vous savez, moi, j'ai vu, en fin de compte… J'ai la jeune cinquantaine. J'ai vu, comme quelqu'un qui a grandi dans Montréal, qu'il y avait vraiment une prédominance de l'anglais dans les années 60, 70, et là le fait français s'est affirmé dans les années 80, 90. Et on voit un certain déclin de l'importance du français, de la prédominance du français à Montréal, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que, comme… Beaucoup de gens de ma génération, anglophones et francophones, avons appris à nous parler en français, beaucoup d'anglophones de ma génération ou à peu près la plupart parlent anglais, mais il semble — et ça, écoutez, c'est mon impression — que la génération qui a suivi semblaitconsidérer le fait français, l'importance de parler français, l'importance du français comme moins importante, comme si, en bon québécois, c'était out de parler français. Et donc moi, je ne peux m'empêcher de me dire que, si tu es un jeune anglophone de 20, 25 ans et que tu n'as pas l'impression que, pour un jeune francophone, de parler français, c'est important, lui, il ne verra pas bien, bien pourquoi ça l'est tant que ça.

Ça fait que ça fait partie de la réflexion sur laquelle je me penche depuis quelques années, ça fait partie des discussions que j'ai eues avec la génération plus jeune, et puis ça m'amène à parler de ce dont vous avez parlé, que je trouve très intéressant, ce que vous appelez le commissariat québécois de la langue française, là, l'espèce de Graham Fraisier québécois. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu, de ça, de voir le rôle que ça pourrait jouer là-dedans.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. Laporte.

M. Laporte (Gilles) : Merci. Oui, effectivement, je voudrais insister sur ce que vous venez d'apporter à propos de la sous-culture montréalaise qui est en train de se développer. Je suis un peu historien aussi à mes heures et je peux vous rappeler qu'historiquement le phénomène que vous avez décrit est exact et se démontre notamment par les axes démographiques, c'est-à-dire que Montréal a été, dans l'après-guerre, un vaste maelström où le Québec entier s'est engouffré, hein? Regardez les Montréalais. Ce sont tous, à la limite, des gens qui sont issus des régions, depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce qui s'est produit, c'est que ce flux-là a accompagné l'affirmation du fait français à Montréal durant les années 60 et 70, c'est ces gens-là qui venaient des régions, qui avaient grandi dans un contexte francophone, qui trouvaient tout à fait normal de pouvoir le poursuivre à Montréal. Et ces gens-là arrivaient avec leur enthousiasme des régions. Prenez juste quand Dédé Fortin, des Colocs, est arrivé à Montréal, à quel point pour lui c'était normal de parler français.

Ce flux migratoire s'est tari, et on assiste maintenant plutôt à un flux inverse, c'est-à-dire que les Montréalais, désormais, de deuxième génération commencent à quitter l'île pour s'installer notamment en banlieue. Cette stagnation démographique, on ne l'a pas rencontrée du côté des néo-Québécois, qui, eux, continuent à converger vers Montréal. Le rapport de force change, le rapport des cultures change, à l'heure actuelle, les francophones de Montréal sont essoufflés, et c'est en ce sens-là qu'on voit l'opportunité de leur porter secours et de leur donner la possibilité, à tout le moins, de rester sur l'île, qu'ils sont en train de quitter pour de bêtes questions immobilières, de prix de maison et de taxes, ce qui est complètement contraire à l'entreprise que l'on souhaite poursuivre, c'est-à-dire que Montréal demeure une ville française. J'ajouterai, si c'est nécessaire, que, lorsqu'on va se mettre à installer des péages sur les ponts, ça risque de devenir pire encore.

À propos de votre question, c'est parce que vous allez entendre… — c'est commencé — vous allez entendre aussi d'autres mémoires qui vont vous proposer sans doute de renforcer le pouvoir de l'Office québécois de la langue française. Nous entendons, nous aussi, ces mémoires-là. Et, avant peut-être d'engager dans cette filière-là, il faudrait réfléchir, cependant, sur les limites objectives que l'office peut remplir. Jusqu'à tout récemment, ce n'est pas à l'office, par exemple, de jouer le rôle de police de la langue ni de lieu de surveillance. Il y avait, pour ça, le conseil de protection de la langue française, si je me souviens bien, jusqu'au début du XXIe siècle, qui a été aboli. L'office joue le rôle, en somme, de régie et puis de tribunal administratif, son rôle n'est... D'ailleurs, ses études ne font même pas l'unanimité. Il est très difficile, à l'heure actuelle, de pouvoir compter sur l'office pour produire des rapports qui font autorité puis — je m'attendrais à cette remarque — parce que ce n'est pas son job essentiel. Et, en ce sens-là, un commissaire indépendant, sans doute nommé par l'Assemblée nationale... On ne parle pas d'un département ou d'un bureau, on parle d'un individu avec un tout petit secrétariat mais dont les rapports sur l'état du français pourraient enfin peut-être obtenir l'appui des principaux commentateurs dans la société.

Vous suivez comme moi l'actualité et vous voyez que tout le monde s'entend, au Québec, sur la promotion du français. Or, le constat est complètement différent selon qu'on s'appuie sur tels ou tels chiffres. C'est là-dessus que le gouvernement, je crois, a pour tâche de permettre à la société d'avoir accès à des données vérifiées et falsifiéesscientifiquement. À l'heure actuelle, c'est parfois des instituts de recherche, parfois l'Université de Montréal, parfois des chercheurs indépendants qui livrent des études, et, selon le point de vue d'où on se place, on conteste presque automatiquement les chiffres qui sont fournis.

Je crois que le ministère a intérêt, la ministre a intérêt à se pencher sur cette question-là de la valeur des chiffres qui sont prouvés. Nous proposons effectivement, dans le contexte, pour éviter toute forme de partisanerie ou de nomination partisane, que ce soit à l'Assemblée nationale à nommer cette personne-là. C'est une proposition, c'est une... Ça allégerait l'office de l'odieux d'avoir à être à la fois juge et partie et ça permettrait à la société québécoise de savoir bel et bien où on en est au niveau de la qualité, de l'usage du français, un rapport annuel qui serait remis devant les médias, avec une copie à la ministre, et tout le monde peut ensuite parler à partir des mêmes bases.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. Je reconnais maintenant le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste 3 min 30 s, à peu près.

M. Roy : Trois minutes? Ça va être court. Salutations, messieurs. Je tiens à souligner que vous avez un mémoire qui est très intéressant, une belle lecture macrosociologique des enjeux liés à la langue et à la culture.

Dans la première partie de votre mémoire, vous établissez une série de constats sur la précarité linguistique et identitaire qui se pose à de nombreuses nations comme celle du Québec et, si je vais dans votre texte, vous énoncez, bon, certaines tendances comme la mondialisation, révolution technologique, disqualification idéologique des grands projets collectifs, popularité médiatique de l'idéologie multiculturaliste, etc., tout cela pour nous amener à une nouvelle époque tendancielle plus inquiétante pour les petites nations.

Moi, la question que j'aimerais vous poser : Est-ce que, parmi ces autres nations, vous êtes au courant de mesures ou de... concrètes et efficaces qui ont permis d'assurer l'épanouissement linguistique et culturel de ces nations qui sont, à quelque part, en danger, selon vos énoncés?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Laporte, moins d'une minute.

(15 h 40)

M. Laporte (Gilles) : Oui, bien c'est qu'il y a tellement d'angles sous lesquels aborder votre question. Il demeure une chose, c'est que partout on se rend compte que les petites nations peuvent être une richesse culturelle indéniable. Dans un contexte européen, on le sait. En Bretagne, en Corse, en Catalogne, ça va. Même les États centraux, au péril même d'encourager des mouvements autonomistes — je laisse ça de côté — ont quand même mis sur pied des campagnes afin de sauvegarder ces cultures-là.

On s'en rend compte même nous aussi, au Québec. Je vais prendre l'exemple pas très loin, les autochtones. La société blanche a compris une chose, c'est que la façon d'assurer le tissu social des sociétés autochtones, la façon de faire renaître la fierté chez ces communautés, c'est justement de remettre de l'avant leur culture et leur langue d'origine. Il faut voir véritablement ça comme une manière d'intégrer les citoyens, de leur donner le goût de s'engager dans les institutions parlementaires, les institutions représentatives. Ce n'est pas nous qui... Il n'y a pas un État central qui y voit un danger, mais c'est bel et bien une chance qu'il faut prendre d'intégrer les citoyens, de leur donner le moyen, en somme, d'agir positivement dans la société.

Mais je vois que je n'ai pas beaucoup d'autre temps, mais...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Malheureusement, c'est terminé, M. Laporte.Nous allons aller maintenant du côté de l'opposition officielle. Je reconnais le député de LaFontaine et porte-parole pour la Charte de la langue française.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pouvez-vous nous indiquer de combien de temps disposons-nous?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous disposez de 16 minutes, M. le député.

M. Tanguay : 16. O.K., merci beaucoup. Bien, merci beaucoup pour votre présence. Merci beaucoup également pour les efforts, le travail très, très substantiel et vérifiable que vous avez mis, donc, dans la préparation du mémoire. Et c'était important de vous entendre, et j'en suis très heureux.

J'ai quelques questions à vous poser, mais peut-être, si vous me permettez, une courte introduction. Je vais essayer de la faire la plus courte possible pour que nous ayons le temps d'y aller de l'avant avec des échanges.

D'abord, je suis heureux, et c'est une évidence, mais c'est Talleyrand qui disait... quelqu'un lui avait dit : Il va sans dire, mon cher, et il avait dit : Ça irait encore mieux en le disant, et je pense qu'il est important de resouligner le fait que l'épanouissement du français est un objectif commun à tous, il n'y a pas personne qui n'en est pas, pas personne qui ne le désire pas, et, en ce sens-là, il y a un débat au niveau des moyens, des façons d'atteindre cet objectif-là, faire en sorte non seulement de défendre la langue... Je ne pense pas que ce soit un terme approprié, mais il faut faire en sorte que le français puisse s'épanouir. Et, dans ce contexte-là, il y a évidemment des défis qui sont reconnus par tous, des défis auxquels nous voulons évidemment faire face et des réalités auxquelles nous ne voulons pas échapper et nous ne pourrons pas échapper.

Par exemple, vous n'êtes pas sans savoir que, pour les PME québécoises, 20 % d'entre elles exportent vers les États-Unis, 50 % des PME québécoises importent des États-Unis. Et ces proportions-là sont encore plus grandes et substantielles lorsque l'on parle d'échanges entre les PME et les autres provinces canadiennes. Et là je n'en suis réellement qu'au niveau des PME.

Évidemment, cette réalité-là fait en sorte que, pour une entreprise de 10, 15, 26, 49 employés, il y a une réalité où il doit y avoir nécessairement des communications, puis c'est l'ouverture des marchés, que ce soit téléphonique, par courriel, par télécopie, que ce soit… Vous êtes une entreprise de la Beauce et vous venez de recevoir un «purchase order», et il y a des «fine prints», «terms and conditions». Il faut être capable… Et ce n'est pas vrai que ce sera le seul patron ou une seule personne qui devra être capable de prendre ce document légal là extrêmement important qui dictera le comportement, si tant est que les parties le signent, des partenaires économiques par la suite. Il est important de bienle comprendre, de bien l'assimiler, et ce, pour toutes les phases de l'entreprise, tant au niveau des opérations qu'évidemment, au premier titre, au niveau des ventes, mais au niveau administratif également quand on parle, entre autres, des modalités de paiement.

Et ça, c'est une réalité. Je vous donnais l'exemple de la Beauce. On peut en donner pas juste à Montréal, évidemment, partout au Québec. Et nous en sommes. 2013, le Québec, c'est cela. On a un objectif collectif qui est l'épanouissement du français, mais nous devons par ailleurs nous assurer d'être capables de tirer notre épingle du jeu.

Et, en ce sens-là, vous me permettrez également… Puis on aura l'occasion un peu plus tard de parler de l'importance — que vous soulignez — d'avoir des statistiques fiables, des statistiques qui fassent consensus quant à leur bien-fondé. En ce sens-là, vous me permettrez de rappeler que, de 1971 à 2010, la proportion d'anglophones qui allaient à l'école en français est passée de 9,5 % à tout près de 25 %. Donc, il y a là, sur une trentaine d'années, sur une quarantaine d'années, une tendance lourde. Également, de 1971 à 2010, les allophones vont à l'école en français dans des proportions de 14,6 % à plus de 85 %. Il y a donc là une tendance lourde aussi qui est vérifiable. Autre élément : au niveau du cégep, les allophones, en 1998, allaient au cégep en français dans une proportion de 43,8 %, en 1998, et, en 2009, dans une proportion de 64,2 %.

Alors, on peut voir des statistiques qui, je crois, ne nous détournent pas de notre défi de faire en sorte que le français et son épanouissement soient une réalité mais des statistiques également qui nous démontrent qu'il y a des tendances lourdes, il y a un changement au sein de la société qui fait en sorte que nous devons prendre la bonne mesure du défi et agir, je vous dirais, de la façon la plus efficace. Et la façon la plus efficace, force nous est de constater qu'elle n'est pas nécessairement et automatiquement une modification dans la loi, parce qu'au-delà de la loi il y a le au jour le jour, lafaçon dont elle est appliquée, la façon dont les gens vont se sentir impliqués et vont vouloir faire en sorte que l'épanouissement du français soit une réalité — en ce sens-là, il y a des statistiques importantes, langue d'affichage, il y a des statistiques là-dessus, langue de travail, langue d'enseignement, je viens d'en donner quelques exemples, la langue de commerce également — faire en sorte que le français, affichage, travail, enseignement, commerce, son épanouissement soit une réalité, évidemment, tout en respectant les minorités.

Vous dites que la langue parlée à la maison est la langue… vous mettez entre guillemets «identitaire». J'aimerais savoir quelle valeur réelle vous accordez à des statistiques qui touchent à la langue parlée à la maison. Et comment pouvez-vous m'expliquer le qualificatif que vous lui donnez d'«identitaire» dans le contexte actuel?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député. M. Laporte.

M. Laporte (Gilles) : Oui, de belles remarques. Vous venez d'ailleurs rappeler… Toujours plaisant d'entendre les acquis, effectivement, de la Charte de la langue française, qui a permis effectivement une francisation importante de la société, en tout cas un redressement. Et, quand on prend les chiffres à partir de 1971, on se trompe rarement, généralement le portrait s'est beaucoup amélioré.

Effectivement, il faut prendre les dernières tendances, puis elles sont plus complexes au niveau notamment des choix des études supérieures de la part des néo-Québécois. Bien sûr que je prends acte — on a les mêmes chiffres — à propos de l'accès au collégial pour les néo-Québécois, mais ça, on est encore avec la génération de la loi 101, si vous me permettez. Les tendances, à l'heure actuelle, sont bel et bien qu'il y a un certain nombre… On parle de 18 % à 20 % de néo-Québécois francisés au nom de la loi 101 qui passent néanmoins au réseau anglais arrivés au niveau collégial. On peut le constater, mais il faut néanmoins poser la question : Est-ce que c'est ce qu'on souhaite? Et est-ce que, d'une certaine mesure… Pourquoi le collégial devient en somme cette branche qui permet de les aiguiller vers le réseau anglais? Je crois qu'il y a quand même quelque chose de préoccupant au-delà des chiffres rassurants, que vous mentionnez avec raison mais qui sont bel et bien, pour l'essentiel, simplement des acquis de la loi de 1977.

En ce qui a trait à l'importance de commercer avec l'extérieur puis l'usage de l'anglais, ça va de soi. Le MNQ convient que, par exemple, lorsque le bilinguisme est requis, il puisse être demandé par les employeurs.

En outre, cependant, lorsqu'on parle d'entreprises qui exportent, et tout le reste, les entreprises qui ont le plus de rapports avec l'extérieur, donc avec le monde anglophone, sont déjà, en principe, couvertes par la loi 101, c'est-à-dire l'obligation de détenir un certificat de francisation. Ici, on parle d'une catégorie d'entreprises qui ont, par définition, moins de contacts avec l'extérieur, même si on ne le nie pas, c'est-à-dire que le problème que vous semblez soulever à propos des rapports avec l'extérieur se pose d'autant moins à propos d'entreprises qui sont plus modestes.

En ce qui a trait essentiellement à la langue identitaire, le MNQ est très à l'aise avec ces catégories-là. Nous, on patauge dans l'identité et dans l'appartenance à la société québécoise depuis des décennies, cette notion-là de langue identitaire, elle est essentielle, c'est-à-dire que l'on parle du français au travail, on parle du français dans les communications, à l'école, mais cette préoccupation-là à propos de la langue qui est utilisée à la maison, nous, on la prend au pied de la lettre, et il faut aborder cet enjeu-là. On ne souhaite pas créer des individus qui soient, jusqu'à un certain point,schizophrènes, c'est-à-dire qu'ils doivent employer une langue lorsqu'ils sont à l'extérieur de la maison et puis ils peuvent retourner dans leurs chaussettes nationales lorsqu'ils sont chez eux. Il ne s'agit pas que l'État entre dans les foyers, il s'agit juste de prendre acte de cette, je dirais même — oui, je vais prendre le mot — schizophrénie à laquelle on invite les néo-Québécois si on ne se préoccupe pas suffisamment de la langue d'usage à la maison comme facteur d'intégration à la communauté culturelle. Je veux bien que l'on demande aux gens de travailler et de vivre en français, mais, si c'est pour revenir chez eux rejoindre, disons, des créneaux culturels qui renforcent un certain nombre de préjugés, autant la majorité envers les communautés que les communautés envers la majorité, je crois que le sujet mérite d'être abordé, et c'est ce qu'on a simplement voulu faire dans notre mémoire.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. M. le député de LaFontaine.

(15 h 50)

M. Tanguay : Donc, là-dessus, évidemment, je vous remercie pour votre réponse. Mais évidemment vous aurez lu entre les lignes, là, l'aspect de vie privée, évidemment, que représente la langue parlée à la maison. Et, si d'aventure, dans un monde tout à fait hypothétique... Et parfois il faut prendre des exemples, je vous dirais, où les statistiques sont pures, du 100 % avec du 0 %. Si d'aventure nous avions 100 % de langue d'affichage, 100 % de travail, enseignement et commerce, ce sur quoi travaille et ce sur quoi s'axe l'actuelle Charte de la langue française, la langue parlée à la maison, vous savez, avec un Québec que l'on veut tous ouvert sur le monde, c'est comparable aussi, certains vous diraient — et j'aimerais vous entendre là-dessus — à la langue maternelle également. Une personne qui arrive au Québec, qui a une langue maternelle qui est soit l'espagnol, le russe, l'allemand et qui est capable de vivre et de travailler dans la sphère publique, qui a été à l'école en français, elle parlera la langue qu'elle... ils parleront la langue qu'ils voudront à la maison, et un peu comme on disait dans les années 60, en 1967, l'État n'a pas à aller dans la chambre à coucher des gens.

Est-ce que, selon vous, l'État devrait également, là aussi, par extension, s'assurer que, dans les maisons également, dans la sphère la plus stricte privée… l'État devrait également s'y intéresser, compte tenu — je conclus là-dessus — des impacts et ce sur quoi l'on veut réellement travailler, nous, c'est-à-dire un épanouissement pas dans le salon mais un épanouissement public, une langue de qualité, qui est bien parlée? Et, en ce sens-là, je pense qu'il est là, l'objectif, non?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. M. Laporte.

M. Laporte (Gilles) : Oui, bien sûr que la question des droits se pose. Le projet de loi ne prévoit nullement entrer dans la vie privée des gens. Ce que le Mouvement national des Québécois veut faire, c'est aider à l'intégration. Et, lorsqu'on pose des questions notamment sur la langue, la sélection par la langue ou à propos de la langue à la maison, nous souhaitons simplement dire que ces sujets-là existent.

Quant à la stricte muraille de Chine que doivent représenter les droits individuels, vous savez qu'il n'est pas question ici d'entrer dans les maisons. Il est question de poser la question, par exemple, jusqu'où la société est elle-même rendue lorsqu'on se préoccupe du taux de calories qu'il y a dans un repas d'un enfant à la maison ou lorsqu'on voit qu'il y a des mesures qui sont prises afin, des fois, parfois, de pallier à telle carence dans le milieu familial. Et ce n'est pas un sujet tabou, de voir ce qui se passe dans la maison, la société s'intéresse à ce qui se passe dans les maisons des citoyens. Disons, à ce moment-ci, que c'est une main que nous souhaitons tendre aux communautés culturelles afin qu'elles réussissent mieux leur intégration à la société québécoise, et certainement pas leur imposer du Robert Charlebois dans leur discothèque.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Non, c'est ça. Puis je trouve que c'est intéressant puis c'est un échange, je pense, qui est très fructueux, puis il faut prendre le temps de le faire. Mais, sur votre exemple du fait de s'intéresser au nombre de calories pour un enfant, oui, il va le prendre puis il risque d'aller le manger à la maison, mais là où l'État a agi, c'était au niveau de la composition de l'aliment. Donc, c'était ab initio, en amont, la réglementation quant aux fabricants de l'aliment, et également de l'affichage, et ainsi de suite, mais, une fois que le bien est individualisé et à la maison, l'État n'a plus d'affaire là, l'État ne sera plus là, là. Donc, c'est en ce sens-là, mais je pense qu'on a un échange qui est sain en ce sens-là.

J'aimerais également vous entendre, avec le temps qu'il nous reste... Puis on pourrait poursuivre cette discussion-là bien longtemps. Vous parlez, dans votre mémoire, d'une demande sociale de bilinguisme de plus en plus manifeste. Il y a également... Et je joins cette question-là avec une autre question que j'avais, mais le temps va nous manquer.

À la page 14, vous parlez de la loi 101 au cégep. Ne trouvez-vous pas, en 2013... Moi, j'ai deux filles, elles ont neuf ans et sept ans. Langue maternelle : le français. Je serai le plus heureux des pères puis leur mère également sera la plus heureuse des mères lorsqu'elles seront capables... Elles vont très bien parler en français, c'est leur langue maternelle, mais, qu'elles puissent ajouter à cela l'anglais, l'espagnol, je serai le plus heureux. Et savez-vous quoi? Si tant est que mes filles désirent aller au cégep en anglais, je ne voudrais pas, moi, pour elles, pour leur avenir puis pour moi, comme leur père qui espère qu'elles aient l'avenir le plus positif possible, que l'État ait décidé : Bien, vous savez quoi, les grandes? Vous êtes adultes, vous avez 18 ans, mais vous n'irez pas au cégep en anglais. Alors, c'est là-dessus. De façon trèsrespectueuse et courtoise, j'aimerais vous entendre quant à la justification de cette mesure-là que même René Lévesque ne voulait pas.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Laporte, deux minutes.

M. Laporte (Gilles) : Je suis ravi que vous posiez la question, parce qu'il s'agit d'insister sur un terrible malentendu à propos des cégeps anglophones. J'enseigne moi-même dans un cégep depuis 30 ans, monsieur, et je tiens à vous dire que, lorsqu'on présente les cégeps anglophones comme l'opportunité de s'initier à l'anglais… C'est un peu comme ça parfois qu'on l'entend. Imaginez en somme ce que ça implique. Ça implique deux choses. Ça implique d'abord que la formation qu'ils ont eue en anglais du primaire jusque dans les cours obligatoires au collégial, elle n'est pas valable, elle n'a pas servi à quoi que ce soit, puisqu'apparemment, pour certains, la véritable manière d'apprendre l'anglais, c'est de s'inscrire à Dawson ou à John-Abbott. Ici, il y a un premier et énorme malentendu. Il ne s'agit pas de nuire au bilinguisme ou de nuire à l'initiation à l'anglais, mais est-ce à dire que, pour apprendre l'anglais, il faut s'inscrire à un collège, à un cégep anglophone? C'est avoir un jugement très dur envers ce qui se donne comme formation en anglais, langue seconde dans le réseau français.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, vous avez encore du temps, une minute.

M. Tanguay : Dernière petite question. Je pense qu'effectivement il y a des opportunités au cégep lorsque l'on apprend une technique. Donc, de un, il y a la matière qui est enseignée. Ce n'est pas uniquement la langue anglaise que l'on va chercher, mais effectivement l'opportunité de pouvoir se perfectionner, parce qu'il y a différents niveaux d'anglais, comme on se rend compte. Le projet de loi même, 14, fait des distinctions quant à la qualité du français parlé. Et, là-dessus, on n'entrera pas dans le débat de la nécessité, justement, de renforcer la qualité du français qui est enseigné.

J'aimerais vous entendre sur le commissariat que vous proposez. Il y a l'office, il y a les finances de recherche et les chaires, donc, pour les statistiques, et là il y aurait un commissariat pour faire respecter l'esprit de la charte. Qu'est-ce que ce serait?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui ou non... ou en tout cas peut-être répondre si vous êtes d'accord ou pas en quelques secondes, parce que le temps est...

M. Tanguay : C'est malheureux, hein?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : C'est malheureux, mais nous n'avons plus de temps. M. Laporte, très, très brièvement.

Une voix : On n'a plus de temps. Vas-y.

M. Laporte (Gilles) : On n'a pas de temps? O.K. Alors, très rapidement, ce commissaire-là est essentiellement indépendant. Alors, tout simplement, il est là non pas… pour promouvoir le français. Ce n'est pas un prêcheur, c'est un promoteur. C'est essentiellement un protecteur du français, et il a un mandat très clairement défini, d'abord et avant tout, de faire enquête, de faire rapport sur l'état annuel du français.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Laporte. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Je reconnais Mme la députée de Montarville, qui est porte-parole en matière de culture, de communications, de Charte de la langue française et de l'éducation. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Juste me dire, je vous prie… Combien de temps ai-je?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous disposez de quatre minutes, questions et réponses.

(16 heures)

Mme Roy (Montarville) : Oh, c'est court! Merci beaucoup. Merci, messieurs, pour votre mémoire. Merci de vous être déplacés. D'entrée de jeu, je vous dis qu'il est important pour nous de protéger la langue française, ça, c'est inconditionnel, et naturellement dans le respect des droits de nos minorités également qui sont avec nous ici.

Vous dites quelque chose de très intéressant : «Il sera nécessaire, dans les années à venir, de s'assurer de la rétention des familles francophones à Montréal.» Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème. Les francophones quittent l'île de Montréal, ce qui fait qu'on augmente la population anglophone de cette façon-là. Et ce sur quoi j'aimerais vous entendre, c'est qu'on a reçu pas plus tard que mardi soir dernier l'Association des Townshippers, les gens des Cantons-de-l'Est, il y a 18 municipalités qui ont actuellement le statut bilingue là-bas, et on nous disait... On posait la question : Qu'arriverait-il si ces petites villes toutes charmantes perdaient leur statut bilingue, que se passerait-il avec les 46 000 habitants anglophones des Cantons-de-l'Est?, et M. Cutting, le président de l'association, nous dit : Ce n'est pas compliqué, il y en a la moitié qui vont partir.

Alors, ne craignez-vous pas qu'on crée un effet pervers en enlevant le statut de municipalité bilingue à ces petites villes? Puisque des anglophones pourraient en grande partie se déplacer vers Montréal, alors là on ne règle pas le problème, là.

M. Laporte (Gilles) : Parfait. Nous ne...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, allez-y.

M. Laporte (Gilles) : Pardon.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Non, allez-y.

M. Laporte (Gilles) : Merci. Le point… Vous avez raison, les nuances sont justes, c'est-à-dire que le Mouvement national des Québécois n'arrive pas en disant : Automatiquement, dès que vous avez atteint moins de 50 %... Nous posons cependant la question et nous réagissons justement à ce mémoire qui semble voir une avenue dorée dans l'éventualité de laisser ça aux conseils municipaux. Nous croyons que c'est une véritable boîte de Pandore… ou pire c'est justement la porte qui est ouverte à un certain chaos, mais un chaos local qui va insécuriser les communautés. Est-ce que vous croyez que ça va les rassurer si on leur dit que désormais il va y avoir un vote qui va être passé à propos du statut bilingue de leur ville? Et...

Mme Roy (Montarville) : ...déplacement des populations. Il est là, l'effet pervers, ces anglophones qui quitteraient leurs petites villes un peu partout pour aller à Montréal, pour grossir les grosses villes anglophones.

M. Laporte (Gilles) : Vous me permettrez par contre peut-être de nuancer cette information-là, parce que, lorsqu'on parle de municipalités bilingues, on parle des communications, on parle de petits bulletins, des avis publics. Je n'ai pas vu personne, jamais, déchirer sa chemise sur cet enjeu et encore moins changer de région, mais c'est quand même juste une opinion.

En ce qui a trait, là, au déplacement démographique, ce n'est pas le statut bilingue des villes qui va le changer. À preuve, vous n'avez qu'à voir les fameuses municipalités bilingues de 1977. Elles ont beaucoup changé, et je n'ai pas vu des anglophones se réfugier dans ces villes-là sous prétexte qu'elles étaient bilingues. Elles ont plutôt, d'ailleurs, perdu la plupart de leurs anglophones. Elles ont connu, comme les autres régions, avec le même rythme, les mêmes changements démographiques, les mêmes déplacements linguistiques, selon des axes beaucoup plus économiques que selon le statut ou non d'une ville bilingue.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous avez encore 1 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Fantastique! Donc, cette hypothèse-là du déplacement, vous ne la voyez pas.

Ces gens-là, les anglophones, lorsqu'ils nous parlent, sont très, très inquiets, on sent vraiment qu'il y a une inquiétude. Comment pourrait-on les rassurer?

M. Laporte (Gilles) : D'abord et avant tout, ces communautés-là en région, ce sont en général de vieilles communautés qui ont des racines historiques importantes. Il demeure une chose, c'est qu'elles ne sont pas susceptibles d'être très, très mobiles dans les prochaines années. En revanche, on peut se préoccuper des jeunes. À moins que ce soit pour se déplacer vers... des raisons... pour des condos, des choses comme ça, liées à leurs choix ou leur position, on est beaucoup plus préoccupés à propos des jeunes populations de Montréal et on souhaiterait véritablement que la ministre prenne acte de ce problème-là d'intégration, comme vous le mentionniez, des néo-Québécois sur l'île de Montréal. Et le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques le soulevait avec raison tantôt, c'est une problématique, là. On demande à moins de 20 % des Québécois, à l'heure actuelle, francophones d'intégrer 80 % à 90 % des immigrants.

Mme Roy (Montarville) : Et ne croyez-vous pas qu'il est là, le problème, justement?

M. Laporte (Gilles) : Oui, certainement. Alors, ces gens-là, il faut les retenir sur l'île sans faire de profilage, sauf qu'on sait que les populations francophones sont sensibles à certains phénomènes.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Laporte, c'est malheureusement tout le temps qui était alloué. Nous allons maintenant du côté de Mme la députée de Gouin. La parole est à vous pour quatre minutes, Mme la députée.

Mme David : C'est ce que j'allais vous demander, merci beaucoup. Messieurs, bonjour. Je vais essayer de faire le préambule le plus bref possible. J'ai une question à vous poser, mais mon préambule va vous indiquer quand même un petit peu… à la fois toute l'admiration que j'ai pour votre travail et votre mémoire mais un certain malaise.

Par exemple, dans votre mémoire, vous parlez de garder à Montréal les jeunes familles francophones... ou familles francophones. Dans votre recommandation, là vous ne parlez plus de rétention des jeunes familles francophones, vous parlez de rétention des jeunes ménages, sans spécifier s'ils sont francophones, anglophones ou allophones. Je préfère, personnellement, la formulation de l'amendement, parce que, si l'on devait mettre en place des façons de maintenir les familles à Montréal, ce qui est un vrai problème à cause de la spéculation immobilière, on ne pourrait pas commencer à dire : On va aider les familles francophones et on n'aidera pas les autres. Ça me paraîtrait un peu compliqué.

De la même façon, la ministre, déjà, a prévu à l'article 73 du projet de loi que la sélection des ressortissants étrangers devait inclure la connaissance du français. Ce je voudrais savoir, c'est : Quand vous proposez en amendement que la connaissance du français soit un critère de sélection obligatoire, mais que je lis dans le projet de loi que la connaissance du français semble quand même importante — et, pour avoir eu quelques discussions, je sais qu'elle est importante — quelle distinction faites-vous entre le projet de loi et votre proposition?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Laporte.

M. Laporte (Gilles) : Merci. À propos des familles et, bien sûr, pour poursuivre, il n'est, bien sûr, pas question de faire de profilage de quelque manière que ce soit, on se comprend. Qu'ils soient de quelconque origine, pour éviter la rupture Montréal-régions par ailleurs, nous souhaitons donc qu'une masse critique de francophones, de locuteurs de langue française demeure sur l'île, il s'agit essentiellement de... d'ailleurs dans une perspective aussi où nous souhaitons que Montréal présente un profil sociographique équilibré, c'est-à-dire que l'on souhaite que des familles s'y installent, que ce soient des ménages à revenus modestes… que ces gens-là peuvent être issus de l'immigration mais soient mis en contact avec des locuteurs francophones. Bref, ces mesures-là peuvent être mises sur pied simplement en identifiant le profil socioéconomique de ces populations. Par exemple, des mesures de rénovation, de conversion de logements en copropriétés ou en coopératives, toutes ces mesures-là reviennent, finalement, à soutenir les jeunes familles, et notamment les familles qui sont de culture traditionnellement franco-catholique, comme on dira, mais, dans les faits, intelligemment rédigé, ce projet-là obtiendra exactement les mêmes résultats sans avoir à identifier une communauté culturelle en particulier.

En ce qui a trait à... on s'est quand même assez expliqués à propos de ce fameux critère. C'est que nous souhaitons peut-être que les choses soient dites. Comme vous le spécifiez, oui, c'est mentionné, la langue française comme critère, et tout le reste. Nous, nous rappelons cependant l'importance peut-être de le clarifier, cet enjeu-là. Nous savons que le Québec n'est pas le seul responsable en matière d'immigration. Dans la population, ce critère-là n'est souvent pas connu, et nous souhaiterions simplement que cet élément-là soit plus saillant, plus clairement mentionné pour que la population sache qu'au Québec il y a une politique d'immigration favorable au fait français. Et ce n'est pas rien, qu'un projet de loi puisse le dire ouvertement, parce que nous souhaiterions d'abord et avant tout que ça soit connu de ceux qui souhaitent immigrer au Québec et ceux qui souhaitent y venir, parce que, lorsque nous parlons de critères obligatoires, c'est qu'ils le sachent avant de partir et qu'ils puissent entreprendre éventuellement même une francisation dans leur pays d'origine. Pour moi, quelqu'un qui a entrepris une francisation avant de mettre le pied en territoire québécois est quelqu'un qui se prédispose très bien à apprendre notre langue. C'est le sens, en fait, que nous souhaitions donner à cette recommandation.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, MM. Laporte et Grondin. Malheureusement, le temps qui était alloué est terminé.

Nous allons prendre une pause pour quelques instants pour permettre à la communauté sourde du Québec de pouvoir s'installer. Donc, on suspend les travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 14)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Rebonjour. Nous recevons maintenant le comité... la communauté sourde du Québec et nous avons les personnes… M. Forgues, M. Lemay, M. Lelièvre et M. Hallé. Et je cède maintenant la parole à M. Forgues, qui va avoir un temps qui va lui être alloué de 10 minutes pour nous faire sa présentation, et par la suite suivra un échange avec les différents groupes parlementaires. M. Forgues, la parole est à vous.

Communauté sourde du Québec

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Bonjour. Bonjour à tous. Merci beaucoup de nous avoir invités aujourd'hui. Je me présente : Mon nom est Daniel Forgues, je suis président et directeur général de La Fondation des sourds du Québec. Je vous présente mon adjoint à la présidence, M. André Hallé, qui a préparé le mémoire et qui nous a aidés. Je vous présente le président de la communauté… M. Dominique Lemay, le président de La Société culturelle québécoise, qui nous appuie aussi puis avec qui on collabore dans la présentation de ce mémoire, ainsi que Michel Lelièvre, qui est linguiste spécialisé dans l'étude de la langue des signes québécoise, la LSQ, et enseignant.

Bon, nous avons discuté ensemble et nous laissons M. Lelièvre vous présenter, là, l'objet de nos discussions. [Fin de l'interprétation]

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Merci, dit M. Lelièvre. Alors, vous avez certainement lu le mémoire qu'on vous a présenté. J'en présente des parties, là, choisies.

Alors, la langue des signes est la langue de communication des personnes sourdes. Comme vous avez vu, on communique en langue des signes ensemble. Ça demeure souvent la langue maternelle, la langue première apprise par beaucoup de personnes sourdes au Québec. Cette langue nous est très utile pour accéder au français écrit, au français qui est la langue de la majorité, on utilise le français dans tous les services qu'on reçoit, pour s'informer, pour, aussi, être scolarisés, mais, pour les sourds, c'est clair, donc, que nous avons une langue première qui est la langue des signes, qui est gestuelle, qui est visuelle. C'est notre langue dans laquelle on peut s'exprimer sans limites et utiliser notre droit d'expression, notre liberté d'expression. C'est la langue qui est utilisée à la maison, et le français est une langue qui est apprise aussi pour dans la vie de tous les jours, dans la société, s'intégrer à la société québécoise qui est la nôtre.

À l'intérieur des écoles au Québec, quand les personnes sourdes sont intégrées, elles ont besoin d'utiliser la LSQ comme langue de référence pour réussir à accéder au français et l'apprendre, le français qui est une langue apprise plus de façon scolaire. La LSQ, si elle était reconnue, ça aiderait énormément les personnes sourdes, entre autres les enfants sourds dans les écoles, à accéder à plus de services au niveau de l'éducation, des services sociaux, et autres. Cette reconnaissance de la LSQ, ça aiderait également les enfants sourds à accéder à une meilleure éducation.

Dans la conférence relative aux droits des personnes handicapées qui a été adoptée par les Nations unies en 2006, le gouvernement canadien aussi a ratifié cet écrit, et, à l'intérieur de ça, ce qu'on retrouve, c'est que les provinces doivent reconnaître les langues des signes et les utiliser dans l'éducation des enfants sourds. Bon, il y a des provinces qui ont fait des pas à ce niveau-là, mais, jusqu'à maintenant, il y a trois provinces qui ont suivi ces recommandations. On retrouve l'Alberta, le Manitoba où la langue des signes est reconnue. C'est la langue... C'est l'ASL, là-bas, l'American Sign Language, que les sourds utilisent du côté anglophone du Canada. En Ontario, il y a la LSQ, la langue des signesquébécoise, dans la partie francophone et l'ASL, l'American Sign Language, dans toute la partie anglophone de l'Ontario, qui est reconnue légalement en Ontario entre autres comme une langue d'enseignement. Ici, au Québec, nous ne retrouvons en aucun cas ce genre de reconnaissance. Il n'y a rien qui a été fait jusqu'à présent. Si je prends l'exemple des langues autochtones, au Québec elles font partie du préambule de la Charte de la langue française, les langues amérindiennes et inuites, mais, au niveau des personnes sourdes, on mène une bataille depuis plus de 25 ans et on n'a toujours... et même plus, les associations de personnes sourdes partout font ces revendications-là au niveau de la LSQ, et il y a très peu d'évolution qu'on observe depuis, là.

Selon un chercheur, dans ses écrits qui datent de 2009, on voit que partout dans le monde… Au niveau de la reconnaissance des langues des signes, il recense 44 pays où les langues des signes de personnes sourdes sont déjà reconnues comme des vraies langues. Si on compare avec ce qui se passe au Québec, on voit qu'on accuse un retard importantpour l'accessibilité à une éducation de qualité, pour la communication. C'est malheureusement ce qu'on peut observer.

La commission des états généraux sur la Charte de la langue française, en 2001, a déjà émis des recommandations au niveau de la langue des signes québécoise, qui est la langue des signes, et ce qui s'y est dit, c'est que ça devrait être reconnu comme une langue d'éducation… une langue d'enseignement, pardon. Le ministre de l'Éducation devrait donc reconnaître la LSQ comme une langue d'enseignement grâce à laquelle les personnes sourdes et les enfants sourds peuvent apprendre la langue française. C'est au niveau de l'article 72 que des amendements ou des modifications devraient être apportés pour que ça se fasse, mais ça n'a pas encore été fait, malgré ces recommandations-là. On attend toujours la concrétisation, et maintenant ce qu'on voit, là, c'est que les enfants sourds, les adultes sourds aussi ont des besoins. On leur offre des services éducatifs, des services au niveau de la communication, mais ce n'est vraiment pas à la mesure de leurs besoins. Il y a un écart important qu'on observe et qui continue de se creuser, là, si on pense à une société de plus en plus éduquée.

Par exemple, les enfants, là, à l'âge préscolaire, primaire et même avant ont besoin de stimulation précoce au niveau de la langue des signes pour développer leur langage, et, pour l'instant, il n'y a pas de services qui sont offerts à ce niveau-là. Donc, c'est difficile d'imaginer un meilleur avenir si ça ne change pas.

Je passe la parole à M. Lemay. [Fin de l'interprétation]

(16 h 20)

M. Lemay (Dominique) :(S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Lemay dit : Il existe un groupe de recherche sur la LSQ à l'UQAM, présidé par Mme Anne-Marie Parisot. Ce qu'elle mentionne, ce que ce groupe de recherche mentionne, ce sont plusieurs difficultés en lien avec le manque de reconnaissance de la LSQ.

La première difficulté, c'est que, pour des parents qui ont un enfant sourd, que ces parents-là soient déjà sourds ou qu'ils entendent, ils ont de la difficulté à offrir un bon modèle d'une langue forte, d'une langue des signes véritable pour éduquer leurs enfants, les accompagner dans leur apprentissage.

Une deuxième difficulté vient pour les enseignants, qui ne savent pas comment... qui n'ont pas les outils pour évaluer l'apprentissage du français au moyen de la LSQ, l'apprentissage de la LSQ non plus. Les outils dont ils disposent en ce moment sont trop ambigus, ne sont pas assez poussés.

Il y a des difficultés aussi pour les formateurs, les personnes sourdes qui peuvent être des bons modèles pour les enfants sourds un peu partout. Ils n'ont pas de statut. Donc, au niveau provincial, il n'y a rien d'assez clair pour que tout ça avance.

Ce qui est difficile aussi : même pour les interprètes en langue des signes, ils ont besoin de plus d'outils pour exercer leur profession avec une meilleure qualité, puis la reconnaissance de la LSQ qui n'est pas encore faite les empêche, là, d'avoir tout ce qu'il faut.

Une autre difficulté, c'est au niveau des commissions scolaires. Comment recruter des spécialistes pour enseigner aux enfants sourds? Tout ça fait défaut. Comment adapter du matériel pour les enfants sourds? Les budgets ne sont pas là, les portes ne sont pas ouvertes, on n'a pas la reconnaissance qu'il faut pour avancer.

Ensuite, une autre difficulté qui est citée par le groupe de recherche, c'est que, dans les universités, on forme des gens qui vont, plus tard, intervenir avec des personnes sourdes puis on n'a pas ce qu'il faut pour les former, pour qu'ils sachent comment fonctionne une personne sourde, sa langue de communication, et tout.

Une autre difficulté pour le MELS, le ministère de l'Éducation, c'est qu'il n'y a pas de statut clair d'accordé à la langue des signes. Est-ce qu'on enseigne aux sourds dans la LSQ, la langue des signes québécoise, en français? Comment on compose avec le bilinguisme? Tout ça, c'est à enrichir. [Fin de l'interprétation]

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Forgues prend la parole en vous disant : On vous a remis tout à l'heure ce résumé-là, O.K., dont on vient de vous parler. Merci de votre écoute. Si vous avez des questions, allez-y. On est là, profitez-en. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci beaucoup, messieurs. Nous allons commencer les échanges avec le gouvernement, et je reconnais Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française. Mme la ministre, la parole est à vous pour le premier bloc d'échange.

Mme De Courcy : Bien, d'abord, un très grand merci à vous tous pour votre présentation et l'idée d'avoir fait un mémoire. Alors, je vais faire comme à l'école Gadbois, hein, n'est-ce pas? Alors, vous connaissez, bien sûr, l'école Gadbois, vous connaissez l'école Lucien-Pagé. Moi, j'en ai une connaissance de mon ancienne vie, qui n'est pas si ancienne que ça. Alors, c'est sûr que j'ai prêté une attention particulière, particulière à votre mémoire mais aussi au fait que vous ayez choisi en toute confiance de venir devant cette commission, ces auditions en commission parlementaire pour venir faire valoir un point de vue que nous n'entendons pas souvent, nous n'avons pas la chance ou le... que nous n'avons pas porté une attention suffisante à ce défi que représente la reconnaissance de votre langue. Alors, je veux que vous sachiez qu'en aucune façon je ne vous poserai des questions sur la pertinence de la reconnaître, bien au contraire. Je vais d'ailleurs aussi parler assez rapidement à ma collègue Malavoy, qui est la ministre de l'Éducation pour l'ordre d'enseignement primaire et secondaire, et aussi à mon collègue Duchesneau pour l'ordre d'enseignement...

Une voix : ...

Mme De Courcy : …Duchesne — on parlera à mon collègue Duchesneau aussi — à mon collègue Duchesne qui est ministre de l'Enseignement supérieur pour ce que vous avez évoqué, au moins en termes de services.

Mais je pense que votre intervention va plus loin que le niveau d'enseignement, parce qu'on s'est toujours attardé au niveau d'enseignement mais rarement à la vie de tous les jours, à la vie de tous les jours où on a besoin, je crois, de cette reconnaissance-là. J'ai vu des expériences probantes dans de grandes villes, notamment à New York, où il y a eu des avancées assez significatives sur le plan de la reconnaissance de votre langue, alors je crois que le Québec peut très bien s'inspirer de différentes expériences et se reposer sur l'expertise de votre regroupement.

Alors donc, merci de donner une couleur différente à ce débat et de nous permettre, exactement comme la première ministre l'avait souhaité quand elle m'a confié ce mandat, de nous projeter à travers ce projet de loi là dans un Québec futur, dans une façon d'être et de faire différente. Alors, soyez assurés que je vais donc porter une attention toute particulière… Et puis notre équipe, j'en suis certaine, sera là. Je ne serais pas étonnée que tous les parlementaires soient là, je serais très étonnée que nous ne soyons pas tous là. Alors, je me chargerai donc d'être votre porte-parole au sein de l'Assemblée nationale. Ça me fera très plaisir de prendre votre relais dans notre Parlement, pour des préoccupations qui m'apparaissent hautement légitimes de votre part. Donc, merci beaucoup pour votre prestation, et encore une fois… (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Bravo à vous, on vous applaudit à notre tour. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons maintenant du côté du député de Bonaventure. À ce moment-ci, j'aurais besoin d'un consentement, parce que le député de Bonaventure a été remplacé ce matin. Il y a consentement? Merci. M. le député, la parole est à vous.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, écoutez, vos revendications sont tout à fait légitimes, et j'entends la ministre qui va dans ce sens-là. J'aimerais, par contre, vous entendre par rapport à l'environnement dans lequel évoluent les élèves sourds. Vous avez énuméré des problématiques par rapport aux services, mais j'aimerais en entendre davantage, et peut-être au niveau quantitatif et qualitatif aussi, mais nous expliquer c'est quoi actuellement, quels sont les services qui sont offerts actuellement. C'est quoi, l'offre de services type ou typique qui est offerte aux jeunes qui ont, bon, des problèmes de surdité?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Lelièvre.

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Bon, pour l'offre de services qui existe, depuis... Bon, vous savez, il y a plusieurs choses, il y en a, des services, mais le problème, c'est le manque de spécialistes, le manque de formation pour les enseignants, qui devraient avoir une spécialité. Ces enseignants-là n'ont pas les informations adéquates sur la LSQ. Ça, ça fait partie du problème. Ils ne connaissent pas la langue des signes québécoise. Les orthophonistes, les audiologistes, qui sont les premiers intervenants avec les personnes sourdes, les enfants sourds, n'ont pas de formation sur la LSQ, ils manquent d'information. C'est eux qui doivent informer les parents ensuite, et les parents prennent des décisions sur l'avenir de leurs enfants, au sujet de l'avenir de leurs enfants à partir des informations des audiologistes, orthophonistes, entre autres, ou d'autres spécialistes qui ne sont pas formés parce que la langue des signes québécoise n'est pas reconnue. Tout ça s'enchaîne ensuite, là. Ça commence par la reconnaissance, puis ensuite tous les besoins qui doivent être répondus en découlent. [Fin de l'interprétation]

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Forgues dit : Si j'ai un ajout à faire, ce serait qu'il y a beaucoup d'enfants sourds qui naissent et que tout de suite on corrige leur surdité en les opérant, en leur mettant un implant cochléaire et en les forçant à apprendre à parler, mais en même temps on peut leur montrer que la langue des signes est une langue complètement accessible pour eux et leur donner la chance plus tard de communiquer autant avec les personnes qui entendent et avec les personnes sourdes qui forment une communauté sans aucune limite. Ça fait plusieurs, plusieurs années que les enfants qui sont implantés, depuis 15, 20 ans ou plus, dès qu'ils arrivent à l'adolescence… Ils ont eu un implant cochléaire qui est censé les rendre performants à entendre, mais on voit qu'ils ne se sentent pas partie... ils ne se sentent pas complètement comme des personnes qui entendent, et, rendus à l'adolescence, bien ils ont besoin de retrouver un groupe avec qui ils peuvent s'exprimer puis se comprendre. Donc, la langue des signes n'est pas là pour... elle est là pour eux puis elle est là pour continuer, peu importe si on leur donne la chance de parler ou d'entendre. [Fin de l'interprétation]

M. Hallé (André) : J'aimerais peut-être ajouter une petite chose. Tout à l'heure, Mme la présidente parlait de l'école Gadbois à Montréal, de l'école Lucien-Pagé, mais les services ne sont pas identiques partout, hein? À Montréal et à Québec, il y a des services, mais, dans les autres régions du Québec, il y a très peu de choses. Il n'y a rien. Alors, c'est pour ça que… Ce qui est important pour un enfant dès sa naissance, c'est qu'il développe son langage, et, s'il est sourd, le seul moyen, pour lui, de développer son langage, c'est par une langue visuelle. Et le développement du langage, ça ne commence pas à trois ans, ça, ça commence à six mois. Et, s'il n'y a aucun développement de langage dès six mois, dès les premiers instants… L'enfant qui arrive à l'école, là, il apprend des signes, comment je pourrais dire… des signes domestiques de ses parents, mais il n'a pas développé son langage, donc il arrive avec des retards très importants, il va arriver peut-être à l'école avec 300, 400 mots, mais un enfant entendant qui arrive à l'école, il arrive avec 2 000 mots. Alors, comment voulez-vous qu'il apprenne correctement le français, les mathématiques, etc.?

Alors, c'est par le développement de son langage à l'aide d'une langue gestuelle qui est la langue des signes québécoise que l'enfant va arriver à l'école avec autant de chances qu'un autre enfant entendant. Et c'est pour ça que, si elle est reconnue, bien il va y avoir des services qui vont être offerts dans d'autres régions, etc.

Nous, à La Fondation des sourds, pour faciliter l'apprentissage de la langue des signes, nous avons mis des cours sur Internet. C'est la première fois que ça se fait au monde. Nous avons quatre ou cinq cours de langue des signes qui sont offerts sur Internet. Nous sommes en train de développer un dictionnaire de la LSQ et qui va être diffusé également gratuitement.

(16 h 30)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Hallé.

M. Roy : En complément, donc, ce qui...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci. Ça implique aussi des programmes de formation pour les parents, ce qui est fondamental.

M. Hallé (André) : Oui, ça implique une information. Ce n'est pas des gros programmes de formation, là, amener les parents à des heures de cours. Ça prend une information aux parents pour les amener à bien comprendre c'est quoi, la surdité, c'est quoi, les besoins d'un enfant, etc. Alors, ça, c'est très important.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant avec le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Breton : Merci beaucoup d'être ici. Vous dites dans votre mémoire que la reconnaissance officielle de la LSQ a été réclamée lors de la tenue de la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec. Je vais vous dire, je trouve ça intéressant, parce que vous m'ouvrez les yeux à bien des égards. Vous savez, j'ai des contacts depuis de nombreuses années avec des gens de différentes communautés autochtones, dont la communauté inuite, et vous avez certainement déjà vu la langue inuktitute, qui est écrite d'une manière très particulière. Et évidemment cette langue-là correspond, que ce soit à l'écrit ou à l'oral, à une culture.

Dans le fond, votre vocabulaire, votre façon de vous exprimer correspond aussi à une culture. Est-ce que je me trompe?

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Oui, c'est exact, vous ne vous trompez pas. M. Lelièvre dit : La langue des signes, c'est une langue qui s'attache à sa culture. Elles sont indissociables, la langue et la culture, c'est comme ça partout. D'abord, la perception d'une personne sourde, d'un enfant sourd n'est pas la même quand il y a une surdité que s'il n'y en a pas, il appréhende le monde de façon totalement visuelle. Puis la langue, c'est quelque chose qui se développe, qui est vivant, qui évolue. Allez-y. [Fin de l'interprétation]

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Forgues dit : Peut-être que vous pensez qu'un mot... Combien de signes vous pensez qu'on utilise? Pensez-vous qu'on utilise 100 mots, hein, pour utiliser les signes? Pensez-vous que tous les mots peuvent avoir un signe qui s'accorde à ça? Pensez-vous qu'une langue des signes a toute, toute, toute sa structure? Oui, elle a des milliers et plus de mots… Oh! Là, l'interprète a dit qu'il y avait une sonnerie de téléphone. M. Forgues dit : Vous savez que la structure d'une langue parlée, c'est une structure auditivo-orale, tous les phonèmes, toutes les parties de la langue s'entendent, tandis que la langue des sourds, c'est une langue signée, visuelle, puis il y a près de 119 langues différentes créées par les personnes sourdes de partout à travers le monde. En France, on parle la LSF, la langue des signes française. En Suède, en Allemagne… Chaque communauté sourde à travers le monde a créé la langue pour communiquer ensemble. [Fin de l'interprétation]

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Lelièvre dit : Ça veut dire qu'au Québec, par exemple, la langue, la LSQ, a ses spécificités. Les personnes sourdes ont une culture. Ils ont culture sourde, mais ils ont une culture québécoise aussi. On n'a pas la même culture que les autres sourds à travers le monde. Comme vous voyez, j'ai l'air totalement d'un Québécois comme vous. La différence entre vous et moi, c'est que je suis sourd, mais j'ai une langue et une culture qui est vraiment spécifique aux personnes sourdes. Est-ce que ça répond bien à votre question? [Fin de l'interprétation]

M. Breton : Très bien. Et, comme je vous dis, là, je viens de m'éveiller à quelque chose, là. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant... Vous avez terminé? Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour également, je suis heureux de vous dire bonjour. Et encore une fois félicitations. Merci d'être ici aujourd'hui, d'avoir pris le temps de rédiger ce mémoire, qui est d'un très grand intérêt.

Et, en ce sens-là, j'aimerais donc aller au coeur, si vous me permettez, à la page 16, là où vous avez inscrit : Nous recommandons que… Et je pense que c'est important d'y aller et de prendre le temps, pour vous, de regarder l'audition dans laquelle vous vous inscrivez aujourd'hui, qui vise une modification à la Charte de la langue française et, de façon plus spécifique, à son article 72. J'aimerais savoir… Et nous sommes tous, évidemment, comme il a été mentionné un peu plus tôt, je crois, en faveur d'une reconnaissance officielle de la LSQ.

Est-ce que vous voyez l'opportunité ou la possibilité d'atteindre vos objectifs? Et là, vous voyez, je suis en amont, je vais d'abord vous poser une question au niveau de la reconnaissance de la LSQ, parce qu'évidemment ce qui est important par la suite, c'est la façon par laquelle la mise en application, l'enseignement seront rendus possibles par cette reconnaissance-là. Alors, en amont, croyez-vous qu'il y aurait, oui, une possibilité par un amendement à l'article 72, mais tout aussi bien une reconnaissance qui serait aussi forte et entière par un amendement à une autre loi ou par une autre mesure gouvernementale? Parce que je pense que c'est ça qui est votre objectif, qui est notre objectif, qu'il y en ait, donc, une reconnaissance, et que… Là, vous aviez ce véhicule-là, mais pourrait-il y en avoir d'autres qui nous permettraient d'atteindre notre objectif?

M. Hallé (André) : Je vais tenter de répondre à votre question, si vous permettez.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Hallé, allez-y.

M. Hallé (André) : Nous voyons un amendement à la Charte de la langue française. D'ailleurs, ça avait été étudié lors de la commission des états généraux sur la situation du français au Québec. Je pense que c'était en 2001. Le rapport est ici, et il avait été recommandé qu'il y ait une modification à l'article 72. C'est important que ça soit dans la Charte de la langue française, parce que la LSQ, c'est relié étroitement à l'apprentissage du français, et, pour les sourds, c'est le français écrit, lecture et écriture, ce n'est pas le français oral. Un sourd ne peut pas parler, il ne peut pas écouter des discours à moins que les discours soient traduits en LSQ par des interprètes, et c'est le cas.

Mais est-ce que ça devrait être dans d'autres lois? Je ne crois pas. Moi, je crois que ça devrait être plutôt dans la Charte de la langue française. Et cette fois-ci, dans le mémoire, on a ouvert une autre petite porte. On s'est dit : Si c'est difficile, à l'article 72, de faire un article spécifique, bien peut-être qu'on devrait la reconnaître dans le préambule, comme c'est, actuellement, pour les langues autochtones. Dans le préambule, on reconnaît l'inuit, l'inuktitut, etc., alors, dans le préambule, on peut reconnaître la LSQ comme langue de communication des sourds au Québec.

Alors, il peut y avoir deux endroits possibles, dans le préambule ou à l'article 72, et, en la reconnaissant, bien évidemment, ça va donner plus de force, ça va donner plus de force au niveau de l'éducation, ça va donner plus de force au niveau de la formation dans les universités, parce qu'actuellement vous avez...

Nous, on a vendu une idée à l'Université Laval. Pourquoi les audiologistes n'apprendraient pas la LSQ? Leurs clients, ça va être des sourds. Alors, comment ils font pour communiquer avec des sourds, s'ils ne connaissent pas la LSQ? Et ça a été accepté, et nous avons une personne à la fondation qui va donner des cours de LSQ, à l'université, à des audiologistes. Mais les maîtres, la formation des maîtres, bien ils devraient avoir peut-être des notions au niveau de l'éducation des sourds, parce que l'éducation des sourds, c'est différent de l'éducation des autres enfants. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

(16 h 40)

M. Tanguay : Oui.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, allez-y, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, merci beaucoup. Et, juste afin de m'assurer de bien... Excusez-moi, Mme la Présidente…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui?

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Est-ce que je peux faire un petit ajout? [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Allez-y. Allez-y, M. Forgues.

M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] Je vous remercie. J'aimerais m'expliquer ici.

Au niveau de la population sourde, là, dans les années 1830, il y a longtemps, les personnes sourdescommuniquaient en signes. Elles ont été éduquées, mais c'était tellement faible, là, ces personnes-là n'ont pas eu une vie normale, là, c'est-à-dire n'ont pas eu une éducation très riche. Elles continuent de vivre, elles continuent de payer des impôts et de participer à la société, mais, au niveau de l'enseignement, on accuse des retards tellement importants là! L'enseignement de la langue française ici, au Québec, quand on entend, c'est facile de l'apprendre, ça se fait bien, mais, quand on a une surdité, notre accès à la langue française, d'abord à l'école, est très difficile encore. [Fin de l'interprétation]

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup. J'ai deux dernières questions et pour m'assurer que votre représentation soit pleine et entière et m'assurer que vous marquiez bien le coup.

Vous suggérez donc soit l'amendement à l'article 72… Et vous avez bien dit : Ou un amendement qui ferait en sorte d'ajouter la LSQ au préambule, et vous avez donné l'exemple, donc, de la reconnaissance des langues autochtones. Est-ce que, si d'aventure il n'y avait qu'une reconnaissance, et je dis «qu'une» non de manière réductrice, mais qu'il y avait une modification seulement au préambule… Selon l'expérience que vous avez, les impacts tangibles que ça a ou pas, pouvez-vous confirmer que ce serait donc suffisant pour atteindre l'objectif, que seul le préambule soit amendé?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Hallé.

M. Hallé (André) : Moi, je ne suis pas un spécialiste des lois, là. Je suppose que le préambule fait partie de la loi, et il devrait avoir autant d'importance qu'un article. Mais c'est certain que, s'il y avait un article spécifique, ça a beaucoup plus de force. C'est assez difficile pour nous de juger quelle est la meilleure solution législative. Ce sont les spécialistes dans le domaine… Une fois que la volonté est exprimée, qu'on a exprimé des intentions claires et précises et que c'est important… Parce que c'est beau que les Nations unies aient reconnu les langues gestuelles, et c'est beau que cette convention-là ait été entérinée au Canada, mais qu'est-ce qu'on fait ici, au Québec, là? Il est temps qu'on prenne des actions concrètes et précises pour y donner suite.

Et je me souviens qu'il y a eu un congrès mondial des sourds à Montréal peut-être il y a sept, huit ans et...

[Interprétation] Oui, c'était en 2006, dit M. Lelièvre. [Fin de l'interprétation]

M. Hallé (André) : À ce moment-là, un ministre était venu au congrès mondial puis il avait pris l'engagement qu'au Québec on reconnaîtrait officiellement la langue des signes pour… notamment aux fins d'enseignement, etc., mais, depuis ce temps-là… Ça fait déjà… 2006, là, ça fait huit ans, hein?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Alors, moi, j'aimerais donc, évidemment, vous remercier beaucoup, beaucoup, votre passage ici aujourd'hui était important. Je pense que vous avez bien marqué le coup, et c'est important de faire en sorte… Et là-dessus je m'inspire des deux dernières recommandations. Autrement dit, il faut rendre accessible la langue française aux sourds québécois, faire en sorte que les services éducatifs soient planifiés en conséquence et que le personnel enseignant reçoive une formation appropriée. Et ça, ces objectifs-là, là, ultimement, c'est ce qu'il faut atteindre. Merci beaucoup pour vos représentations, et au plaisir de vous revoir très bientôt et de faire cheminer cette demande-là qui est tout à fait légitime. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe de l'opposition, et je reconnais maintenant Mme la députée de Montarville. C'est à vous la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous tous, merci d'être ici. Vraiment, personnellement, vous m'impressionnez, la langue des signes m'impressionne. Ce que vous nous dites nous touche et nous touche d'une façon émotive.

C'est important, ce que vous nous dites, mais c'est aussi intéressant. J'ignorais qu'il y avait 119 langues des signes. Alors, nous sommes au Québec, il y a la langue des signes du Québec, la langue des signes anglophone.

Et maintenant ma question est la suivante : À quel moment s'opère le choix pour un parent? Et est-ce que la langue des signes québécoise, la LSQ, est en danger face à la langue des signes anglophone au Québec? C'est en quelles proportions? Ça ressemble à quoi?

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Lelièvre répond : Réellement, bon, pour un enfant qui est dans... un enfant sourd qui naît dans une famille d'entendants, il y a aussi des... Je pourrais vous préciser d'abord qu'il y a 10 % des enfants sourds qui ont des parents sourds, eux aussi, mais en majorité les familles... Bon, au Québec, il y a une majorité de familles francophones. Si l'enfant est francophone, il va aller à l'école en français automatiquement. Puis c'est toujours en lien avec la langue parlée, la langue des signes qui est choisie, normalement, là, logiquement, donc les francophones utilisent la LSQ pour leurs enfants français, puis les anglophones, l'ASL. Un peu partout, dans tous les autres pays, c'est comme ça aussi, dans le fond. Mais, si on reconnaît la LSQ, c'est sûr que ça nous aide à protéger la langue, parce qu'au Canada, partout, c'est l'ASL qui est utilisée, sauf au Québec. On a vraiment une langue qui a des spécificités au Québec.

Mais en Ontario aussi il y a une reconnaissance de la LSQ qui est faite, il y a une loi qui existe là. Donc, la LSQ vient du Québec, mais c'est chez nous qu'on ne la reconnaît pas, paradoxalement, donc ça enlève un peu de fierté à ce qu'on pourrait ressentir face à notre langue et la fierté d'être Québécois.

M. Forgues dit : C'est presque gênant, c'en est gênant quand on parle à d'autres sourds, là. Puis M. Lelièvre dit : Merci de la question, là, ça m'a fait plaisir d'y répondre. [Fin de l'interprétation]

(16 h 50)

Mme Roy (Montarville) : Merci pour la réponse. Par ailleurs, quelles sont, à titre informatif — pour qu'on se couche ce soir plus intelligents — les grandes différences avec la langue anglophone et la langue francophone des signes, la langue québécoise des signes?

M. Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).

[Interprétation] M. Lelièvre dit : Bon, jusqu'à maintenant, l'ASL et la LSQ, ça a toujours été deux langues des signes. Elles ont des similarités parce qu'elles sont visuelles, elles ont une grammaire de base semblable, mais les signes eux-mêmes sont différents, la manière de s'exprimer aussi est différente, la structure et la syntaxe ont des différences aussi. M. Forgues l'a déjà dit aussi au début, il l'a dit tout à l'heure, les expressions faciales sont importantes dans la langue des signes. Vous nous voyez signer. C'est ce qu'il disait au début, les expressions faciales en font partie.

Mais les origines des langues des signes ont des similarités. L'ASL... La LSQ vient en partie de la France, de la LSF, qui a été importée aux États-Unis puis ensuite qui a subi de nombreuses adaptations, suite à l'histoire, la géographie, puis qui a acquis ses spécificités pour devenir la LSQ à l'intérieur de l'Amérique du Nord. [Fin de l'interprétation]

Mme Roy (Montarville) : Donc, vu ses spécificités bien francophones et québécoises, l'importance de la protéger que vous avez partagée avec nous aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup pour vos réponses.

M. Hallé (André) : Peut-être que j'aimerais ajouter une petite information. On a traduit — vous pouvez voir ça sur notre site Web — plus d'une cinquantaine de documents pour différents ministères en langue des signes. Quand les sourds... Exemple : le guide H1N1, le guide d'autosoins. Il a été distribué dans toutes les familles, mais les sourds ne pouvaient pas comprendre le guide, ils ont beaucoup de difficultés à comprendre le français écrit s'ils n'ont pas eu une éducation appropriée. Alors, nous avons traduit ce guide-là en langue des signes québécoise, nous avons fait un DVD. Et on a distribué le DVD dans toutes les associations des personnes sourdes du Québec et on a publié le DVD sur le site Web de la fondation.

Alors, déjà, on fait également des travaux pour différents musées, où on traduit des expositions en langue des signes qui sont mises sur iPod, et, avec l'iPod, les sourds peuvent visiter une exposition de façon autonome. Ça, on appelle ça un visioguide.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Je reconnais maintenant Mme la députée de Gouin. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme David : Merci. Messieurs, bonjour. Merci d'être là. Ça fait quelques années que j'ai été sensibilisée à la question de la langue des signes, mais pas assez, puisqu'une de vos associations est venue me voir durant la dernière campagne électorale pour me faire remarquer que tout notre matériel, si vous voulez, audiovisuel n'avait pas de sous-titres, n'avait rien en langage des signes. J'avoue que j'ai eu un peu honte, et on s'est engagés à ce que cela ne se reproduise pas. Donc, vous nous avez aidés à faire de grands pas, qu'il reste à concrétiser.

Ce que je comprends de ce que vous nous dites, c'est qu'il faut plus que des bonnes intentions. Ce que vous nous dites, c'est que vous voulez une reconnaissance officielle de la langue des signes québécoise, et ce que je comprends, c'est que vous insistez que ça soit dans le préambule de la charte au même titre que la langue française ou les langues amérindiennes et inuites. Et là mon sentiment, c'est qu'il y a non seulement un effet juridique important, mais un apport symbolique, à ce moment-là, qui est extrêmement important. Et, si vous parlez de l'article 72 — ça me paraît assez clair — c'est parce que vous voulez qu'il soit en fait impossible que, désormais, un enfant sourd ne puisse pas recevoir un enseignement bilingue. Vous nous demandez un engagement formel.

Comme d'autres ici, je ne suis pas juriste. C'est difficile pour moi, à ce stade-ci, de dire avec assurance : C'est la meilleure façon de faire. Mais d'emblée, en fait, j'ai juste envie de dire oui. Si jamais il y a encore de meilleurs moyens, bien, tant mieux, mais déjà ce que vous nous proposez me paraît tout à fait recevable.

Et j'ajouterais en terminant, parce qu'en fait je n'ai pas vraiment de question… j'ajouterais en terminant que vous réussissez aujourd'hui quelque chose qu'il sera difficile de retrouver dans cette commission parlementaire sur un sujet qui n'est pas facile, c'est qu'on est tous d'accord, et je pense que, là, vous venez de faire des gains importants. Merci beaucoup.

M. Hallé (André) : Merci. Et, si je peux renchérir sur votre commentaire, que je trouve très pertinent, c'est qu'une meilleure éducation, ça va permettre aux sourds de pouvoir travailler, d'avoir accès à l'emploi, ce qui est très difficile pour les sourds, parce que des fois ils n'ont pas toute la formation appropriée pour pouvoir travailler. Ils ont des emplois de bas niveau, et pourtant il y a des sourds actuellement...

Ce n'est pas une barrière, la communication LSQ, dans les entreprises. Nous allons publier un dépliant, là, sur l'embauche des personnes sourdes. Et il y a des sourds qui travaillent dans des firmes de microsoudure, qui travaillent dans des laboratoires, qui travaillent dans différents types d'emploi. Ils sont en contact avec des entendants. Les entendants apprennent quelques signes, et ils peuvent communiquer. Et ça, c'est très, très important de donner cette chance aux sourds d'avoir accès à une éducation et d'avoir accès à l'emploi, et les sourds sont heureux de travailler.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, MM. Forgues, Lemay, Lelièvre et Hallé.

Nous allons maintenant suspendre la commission... les travaux pour quelques instants pour permettre au groupe d'Option nationale de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Je vous demanderais de vous identifier — bonjour — et de nous nommer également aussi les personnes qui vous accompagnent. Vous avez un temps qui vous est alloué de 10 minutes, par la suite suivra un échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous, M. Curzi.

Option nationale

M. Curzi (Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente : M. Pierre Curzi, ex-député. Je suis ici à titre de membre d'Option nationale mais aussi un petit peu responsable du dossier de la langue au sein d'Option nationale. Je suis accompagné de Mme Catherine...

D'abord, je vais excuser M. Jean-Martin Aussant, qui devait être avec nous, mais, pour des raisons familiales importantes, il a dû vaquer à d'autres occupations. Mme Catherine Dorion est membre du conseil national d'Option nationale, donc, à ce titre… et c'est une résidente de Québec et quelqu'un qui travaille aussi sur la langue, dont elle a fait un métier littéralement, à la fois comme actrice, et comme slameuse, et comme créatrice et auteure, voilà. Et M. Patrick Sabourin, qui est ici à titre de consultant, démographe, étudiant en... doctorant en démographie. On peut dire ça comme ça? Doctorant.

(17 heures)

Mme la ministre, bonjour. Mmes et MM. les députés, bonjour. C'est un peu étrange, effectivement, de me retrouver ici face à vous. D'habitude, j'étais de votre côté.

Le projet de loi n° 14, il y a énormément de choses à dire au projet de loi n° 14. Vous en avez déjà entendu, je crois, et vous allez en entendre énormément. Il y a ce mémoire qu'on vous présente, et, dans ce mémoire-là, on a surtout axé le mémoire sur ce qui nous apparaissait comme les insuffisances.

Alors, partons d'une constatation générale. Le constat général, c'est que le projet de loi n° 14 ne constitue pas une nouvelle charte de la langue française. C'est un projet de loi qui modifie un certain nombre d'articles et qui est en quelque sorte... je pense que le sous-ministre aurait utilisé l'expression «du boulonnage», c'est-à-dire qu'on ajuste des boulons ici et là, certaines mesures. Et il y a certaines mesures qui méritent toute notre attention et avec lesquelles je suis assez d'accord. Fondamentalement, et sans précéder la conclusion de ce que je veux dire, ce projet de loi là, malgré qu'il y ait plusieurs intentions que nous épousons... Je ne sais pas si je vais parler... Je vais parler au «je» puis au «nous» puis je vais tout mêler ça. Mais, grosso modo, malgré les bonnes intentions que ce projet de loi là contient, le constat général, c'est que ce projet de loi là ne va pas suffisamment loin pour être un contrepoids efficace face à la situation, à l'état du français dans la grande région de Montréal et en Outaouais, par exemple, là où les problèmes se posent.

Le constat, je ne le referai pas, vous l'avez entendu probablement mille et une fois, mais il est clair que, sur territoire donné… Puis, dans ce cas-ci, c'est le territoire de recensement de la région métropolitaine, qui comprend quand même 3,9 millions de personnes. Dans ce territoire-là, il y a nettement une présence de deux langues, deux langues qui se juxtaposent, il y a le français et il y a l'anglais, et ce qu'on constate au bout de toutes les études — puis on pourrait sortir des chiffres jusqu'à demain matin — ce qu'on constate fondamentalement, c'est que, l'indice de vitalité des langues, qui est un indice, là, global, nous indique que le français progresse sur ce territoire-là, mais il progresse modestement, c'est un indice sur 100, puis le chiffre, c'est 107, alors que la langue anglaise, elle, progresse à vitesse grand V, et l'indice de vitalité, dans ce cas-là, c'est 172. C'est énorme, la différence.

Évidemment, il faut mettre ça en perspective. Puisqu'on parle d'une majorité de francophones puis d'une minorité d'anglophones, donc... Et c'est ce qui trouble beaucoup le portrait.

Quand j'étais au Parti québécois et que j'avais la responsabilité d'apporter des changements à la Charte de la langue française, j'ai passé plusieurs années à essayer d'établir un portrait fiable, clair, et ce portrait-là n'a pas été contesté au niveau de ce qu'il nous disait, et ce qu'il nous dit, il nous dit que, dans cette région métropolitaine de recensement, il y a une lutte. Sous les apparences d'une paix linguistique, il s'est développé une lutte. Et c'est normal et ça arrive dans tous les cas où deux langues sont en interface sur un territoire donné. Il y a forcément une langue qui cherche à dominer l'autre.

L'inquiétude qu'on a et que nous essayons de faire partager, c'est que cette lutte-là, cette bataille linguistique qui n'est pas une bataille contre l'anglais ou contre ceux qui parle l'anglais mais bien un phénomène réel d'affrontement linguistique, d'occupation du territoire, cette bataille-là, actuellement, a amené un déséquilibre, et le déséquilibre, il est ce que je disais tantôt, un indice de vitalité extrêmement puissant pour la langue anglaise et un indice de vitalité réel mais beaucoup trop faible par rapport au nombre que nous constituons. Autrement dit, cette majorité de francophones qui habite le territoire du Québec vit, hors Montréal, fort bien dans sa langue française, dans ses institutions françaises, alors que, sur le territoire plus restreint de Montréal et en Outaouais aussi, il y a là des progrès qui font qu'il y a un déséquilibre.

Comment pallier ce déséquilibre-là? C'est l'objet du projet de loi n° 14 comme c'était l'objet de la loi 101 à l'époque, et la loi 101 a permis des avancées considérables, mais sous les apparences d'une paix linguistique s'est développé un rapport de force qui, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il me semble qu'on a beaucoup écrit, pour toutes sortes de raisons, privilégie maintenant une avancée très forte de la langue anglaise, et ça, c'est périlleux. Et pour contrer et donc pour établir un équilibre qui ferait que la langue de la majorité soit dans un réel rapport de force normal alors qu'il y a une majorité puis une minorité, il faut avoir des mesures très fortes, il faut avoir des mesures qui structurent, etprincipalement des mesures qui vont faire que le français sera la langue de l'ensemble des institutions, et non seulement la langue officielle et normale, mais la langue commune. Et, quand on utilise le terme de «langue commune», on va un pas de plus que la langue normale ou que la langue officielle, parce que dire «une langue normale et officielle», c'est dire qu'on peut être dans une situation anormale et une situation qui n'est pas si officielle, et, à mon humble avis, c'est un peu ça qui est en train de se produire si nous n'agissons pas.

Comment peut-on agir d'une façon qui soit structurante puis en même temps qui laisse aux individus non seulement le libre choix, mais la possibilité d'être bilingues, trilingues, multilingues, ce qui est en soi une richesse? Et cette différence-là, elle est cruciale. Il y a une différence fondamentale entre ce qui relève d'un individu au niveau linguistique et ce qui relève d'une collectivité. Et, quand on parle de la langue des individus, on laisse une totale liberté à chacun de parler chez lui, dans sa vie, dans sa vie personnelle, toutes les langues qui existent dans le monde. Ce que nous disons, ce que bien des gens disent, c'est qu'au niveau des institutions il faut cependant qu'il y ait une langue commune qui permette à tout le monde de se parler et qu'on crée enfin une cohésion sociale au-delà de nos querelles linguistiques. Il faut sortir de ce paradigme-là.

Qu'est-ce que ça veut dire, une langue commune dans les institutions? Ça veut dire une langue commune dans l'éducation, dans la santé, dans le travail, dans la langue de l'administration municipale, provinciale et fédérale. Ça veut dire une langue commune dans l'affichage. Ça veut dire une langue commune partout. Et, en ce sens-là, le projet de loi pose des gestes, fait des énoncés, a des articles qui vont dans ce sens-là mais qui n'ont pas un effet structurant.

Je vous donne deux exemples. Au niveau de l'éducation, il y a des mesures qui touchent à l'enseignement collégial, mais le gouvernement a refusé de tenir sa promesse électorale de dire que la loi 101 allait s'appliquer aux cégeps voilà... et donc on ne va pas structurer le milieu collégial de telle sorte qu'on empêcherait le phénomène qui se produit depuis plusieurs années de l'érosion après le secondaire d'une partie des étudiants qui vont aller vers le collégial anglais et vers les universités anglaises. Quand un étudiant sur quatre fréquente les universités anglaises, quand 30 % du financement va vers les universités, ça pose des questions. Il y a un déséquilibre là.

Au niveau de la santé, les institutions anglophones sont hautement respectées, et clairement il s'agit de préserver les droits historiques qui appartiennent à la communauté culturelle de langue anglaise, mais clairement aussi il faut structurer mieux.

Et, quand on parle d'appliquer la loi 101 aux petites entreprises de 26 à 50, fort bien, mais encore faut-il avoir...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Excusez-moi...

M. Curzi (Pierre) : Oui, je sais que vous allez devoir m'interrompre. Donc, je vais conclure.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Quelques secondes.

M. Curzi (Pierre) : Je vais conclure en disant que je suis prêt à reconnaître l'ensemble des bonnes mesures qu'il y a là-dedans, mais, dans tous les cas, je crois que ces mesures-là n'ont pas d'effet structurant suffisant.

Je termine en disant tout de suite ma conclusion, c'est que, si le gouvernement va de l'avant avec ce projet de loi là comme il est en train d'aller de l'avant et qu'il se heurte à une opposition farouche, il semble que le gouvernement ait très peu de marge de compromis. Je crois que le gouvernement ne devrait pas ouvrir à des compromis, parce que ce serait affaiblir trop lourdement son projet de loi. Et, par ailleurs, si l'opposition refuse d'entendre raison, personnellement, je souhaite que ce soit un gouvernement majoritaire qui reprenne ce projet de loi là et qui, lorsqu'il sera majoritaire, puisse offrir une nouvelle Charte de la langue française, nécessaire et essentielle pour rétablir un équilibre juste dans la situation qui prévaut actuellement. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Je vais maintenant du côté du gouvernement, la parole est à la ministre responsable de la Charte de la langue française. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme De Courcy : Bien, merci et bienvenue, messieurs dames. D'abord, M. Curzi, M. Sabourin, puisque vous y avez contribué indirectement, je voudrais dire publiquement que, lorsque j'ai été nommée et que j'ai obtenu ce mandat-là, évidemment que je me suis largement inspirée du projet de loi que vous aviez mis de l'avant et de vos recherches, ce qui fait, je présume, que vous vous reconnaissez un peu.

M. Curzi (Pierre) : En partie.

Mme De Courcy : Bon. Alors, je veux vous remercier, donc, de m'avoir facilité ce travail.

Maintenant, je voudrais vous rassurer sur deux points, juste sur deux. Si j'avais plus de temps, je vous rassurerais sur davantage, en tout cas je tenterais de le faire, mais là je vais vous rassurer sur deux.

Concernant les écoles passerelles, je lisais que vous indiquiez que je ne l'avais pas inclus dans le projet de loi n° 14. C'est vrai, mais je présume que vous savez que j'ai annoncé une législation à court terme, à court terme. C'est sciemment que je l'avais fait séparément. On peut ne pas être d'accord avec cette stratégie-là, mais j'ai choisi de permettre aux parlementaires de pouvoir se consacrer sur le projet de loi n° 14 et par la suite sur quelque chose qui était déjà assez unanime, hein, à l'Assemblée nationale. Si je pense à la loi n° 104 autour des écoles passerelles, je ne devrais pas être très inquiète. Alors, évidemment que vous connaissez à quel point j'ai foi, une foi très grande dans le processus parlementaire. J'espère que ça va bien fonctionner.

L'autre élément : je sais que vous n'êtes pas d'accord sur l'orientation gouvernementale autour de l'enseignement de l'anglais, mais la ministre de l'Éducation a annoncé des correctifs importants, je crois, qui vont dans le sens de ce que vous aviez émis. Maintenant, il est vrai aussi qu'il appartiendra à chacun des conseils d'établissement de faire les choix nécessaires, ce qui n'était pas nécessairement votre option, mais à 12 %... Vous savez, depuis tous les événements qui ont présidé à la mise en place de l'anglais intensif, etc., il n'y a que 12 % des écoles au Québec qui se sont prévalues de cet avantage-là. Alors, je pense sincèrement que les conseils d'établissement vont agir dans le sens de ce qu'on croit, que ce pourcentage-là ne variera pas vraiment beaucoup.

Alors, je pense qu'on a donné un signal assez clair de notre intention, ce qui n'exclut pas, par ailleurs, l'importance à accorder… Et je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Il ne s'agit pas de mesures antianglos, antianglais, anti-apprentissage de la langue anglaise, on n'est pas là, hein, ni vous ni moi. Nous sommes, au contraire, je pense... Vous qui êtes, en plus d'être un politicien, un artiste, vous savez à quel point c'est important, cette vision mondiale des rapports que nous pouvons avoir dans toutes les langues possibles, par la culture et aussi par d'autres langues. Je pense qu'on n'est pas en désaccord là-dessus.

Donc, j'ai bien lu, j'ai bien compris aussi votre message de fin. Je vous avoue qu'il m'encourage beaucoup, votre message de fin.

Je veux vous demander ce que vous avez pensé des événements qui ont entouré l'OQLF au cours des dernières semaines à cause de votre grande connaissance du dossier de la langue, de ce qui s'est passé autour de l'OQLF. Je vais aussi demander à M. Sabourin qui vous accompagne, si vous le permettez, vous tous, ce que vous pensez de l'importance d'avoir des indicateurs publics reconnus par tous et toutes, n'obligeant pas des députés à faire des études longues seuls, à ramasser avec d'autres chercheurs, mais plutôt d'avoir des indicateurs publics déposés à l'Assemblée nationale nous permettant d'avoir une boussole sur la langue mais reconnue par tous, là, et qui font qu'on a une référence, que c'est la bonne et que… Des chercheurs de différentes écoles pourraient être regroupés, etc. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ça. Et à qui devrait être confiée la fabrication de... la confection de tels indicateurs?

Un peu plus tôt dans la journée, on a eu une proposition de commissaire...

(17 h 10)

Une voix : Du Mouvement national des Québécois.

Mme De Courcy : …oui, c'est ça, du Mouvement national des Québécois, d'un commissariat ou d'uncommissaire. Alors, j'avoue que je suis à la recherche, là, de comment faire cela. Puis après ça je serai obligée de vous laisser tranquille, parce que je n'aurai plus de temps.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Curzi.

M. Curzi (Pierre) : Bien, je vais laisser Patrick Sabourin répondre sur la question des indicateurs parce que c'est la meilleure personne. Patrick.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Sabourin.

M. Sabourin (Patrick) : Vous ne voulez pas commencer?

M. Curzi (Pierre) : Ah, moi, je peux commencer aussi. Bon, parlons de... Ça ne me fait rien, je peux commencer. Parlons de l'OQLF, commençons plus doucement.

Sur la loi n° 115, vous avez annoncé qu'il y aurait une législation. Le seul problème, c'est que ça, dans la nouvelle Charte de la langue française que j'avais déposée, le 593, on avait retiré les nombreux articles qui ont été ajoutés au moment de la loi n° 115. Donc, c'est pour ça que je vous crois, là, que vous allez présenter un projet de loi, mais, en attendant, vous allez être obligés donc de réouvrir le projet de loi n° 14 pour en extraire ces articles-là, et ça, je trouve que c'est étrange comme méthode.

Mme De Courcy : …dévoilerai pas tout de suite la législation, mais ce n'est peut-être pas par l'unique voie qu'on peut y arriver.

M. Curzi (Pierre) : Bon, très bien. Ah, c'est intéressant. On va réfléchir à ça.

Pour ce qui est de l'OQLF, ce qui est arrivé à l'OQLF, il y a plusieurs aspects. On sait très bien que ça a été l'application stricte d'un article de loi réel. Est-ce que ça a été fait avec zèle, exagéré? Incontestablement. Est-ce que cet événement-là a été utilisé largement pour, là, littéralement incendier l'OQLF et le faire immédiatement avec la commission parlementaire? Très franchement, j'en suis convaincu. Je ne suis pas convaincu qu'il y a eu... des gens se sont parlé puis ils ont fomenté ça, mais on s'est servi de cet incident-là pour le monter en épingle, et ça, je trouve que c'est, disons, à tout le moins pas très gracieux. Et c'est drôlement dommageable pour le Québec que tout d'un coup un événement qui est somme toute déplorable mais relativement banal et qui n'avait pas de conséquences sérieuses devienne... soit répandu à travers le monde, et ça fasse un «Québec bashing» épouvantable. Ça, là, j'avoue que j'ai eu de la misère à gober ça. Même si je n'ai pas suivi tout ce «Québec bashing» là, il me semble que, là, il y a eu vraiment exagération.

Mais ça met en lumière la fragilité aussi de l'OQLF. Et, dans votre document, et ça, c'est un des aspects par rapport auxquels je suis critique, c'est que vous donnez plus de pouvoirs à la ministre, au ministre, et donc, ce faisant, il y a moins de pouvoirs qui appartiennent à l'OQLF, mais surtout c'est que l'Office québécois de la langue française dépend toujours du pouvoir politique.

Je peux comprendre que, quand on est ministre de quelque chose, il faut quand même qu'on puisse agir sur ce quelque chose là, mais n'empêche que c'est tellement sensible et tellement délicat, la question de la langue, et ça a subi de tels contrecoups quand on changeait de parti politique au gouvernement que ce qui semblerait raisonnable, c'est que l'Office québécois de la langue française dépende des deux tiers de l'Assemblée nationale pour la nomination des gens quiconstituent son conseil et sur recommandation du premier ministre, comme ça se fait dans d'autres... et donc... et que cet office-là soit tenu de rendre compte à l'Assemblée nationale avec des processus x. On donne à l'Office québécois l'autonomie dont il a besoin pour pouvoir appliquer correctement la législation et aussi le pouvoir de faire enquête, et, en ce sens-là, je trouve qu'on ne devrait pas diminuer l'importance de l'Office québécois mais au contraire lui donner les moyens d'être indépendant du pouvoir politique, quel que soit le parti au pouvoir. Et, en ce sens-là, je pense que ça ouvre la porte à la façon dont on pourrait créer des indicateurs.

M. Sabourin (Patrick) : Alors, merci, M. Curzi. Effectivement, il faudrait parler des indicateurs et non pas d'un indicateur. Donc, la langue est un phénomène… Vous savez, hein, vous avez étudié ça, donc vous savez que la langue est un phénomène complexe, multifactoriel, multiforme. On ne peut pas approcher cette problématique avec un seul indicateur, donc il faudra réfléchir à une batterie d'indicateurs.

Peut-être qu'on pourrait les faire adopter par l'Assemblée nationale. Ça reste délicat, parce que ça demeure du domaine de la science et non pas de la politique, et je ne sais pas comment on va arrimer les deux. Peut-être que ça se fait, il faudrait que j'y réfléchisse davantage. Une chose est sûre, c'est que ce ne serait pas suffisant, je pense, pour qu'il se dégage un consensus sur la situation linguistique. Il faut encourager la réflexion, la diversité de pensée sur la langue.

Un des effets pervers, à mon avis, créé par le fait que la recherche est concentrée à l'Office québécois de la langue française et au Conseil supérieur de la langue française, c'est qu'on n'a pas instauré une tradition académique d'étude des questions linguistiques au Québec. Donc, il n'y a pas de chaire, par exemple, dans les universités, sur la démolinguistique, par exemple. Ce sont des profs qui prennent des contrats quand l'office fait des appels d'offres, et ils rédigent un contrat, et puis, bon, c'est fini. Donc, il n'y a pas des écoles de pensée, il n'y a pas des étudiants au doctorat qui trouvent un poste après dans un département où la question linguistique est étudiée puis après qui passent leur savoir à d'autres étudiants. Donc, cette tradition académique là n'existe pas au Québec, ce qui est particulièrement étonnant, puisque la langue fait partie de notre psyché collective, si on veut.

Alors, à mon avis, le fait de concentrer la recherche au conseil et à l'office, le fait qu'il manque cette diversité de pensée qui nous permet, en fin de compte... ce qui est paradoxal, mais c'est comme ça que ça fonctionne un peu en sciences, par la diversité des approches on finit par dégager un consensus, alors il y a peut-être un piège à cette idée d'aller trouver les indicateurs qui vont nous amener les bonnes réponses.

Maintenant, pour ce qui est du commissaire — ici, ce serait à la langue officielle — je vous dirais que je suis probablement en faveur d'un tel poste, notamment parce que la vision de l'aménagement linguistique au Canada dans son ensemble, au Canada anglais et surtout au Canada dans son ensemble, est très différente de la vision de l'aménagement linguistique au Québec. Donc, au Canada anglais et au Canada dans son ensemble, c'est beaucoup l'individu qui est le centre de la politique linguistique, c'est-à-dire que ce sont les droits de l'individu d'utiliser la langue qu'il veut, de fréquenter les institutions qu'il veut, alors qu'au Québec on a ce qu'on appelle une politique d'unilinguisme institutionnel où on décrète que le français est la langue commune, la langue des institutions, ce qui n'empêche pas les gens, comme disait M. Curzi, d'utiliser les langues qu'ils veulent dans la sphère privée, mais la sphère publique, au Québec, selon la loi et l'esprit de la loi 101, c'est que le français est la langue commune et la langue des institutions.

Alors, on a ici deux modèles qui sont incompatibles. On peut le mettre comme on veut, là, essayer de tordre la réalité, mais les deux modèles d'aménagement linguistique sont incompatibles. Alors, on a à Ottawa le Commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, qui défend cette vision canadienne — et il le fait très bien, je pense — de bilinguisme «coast to coast», et c'est son droit, et non seulement c'est son droit, mais c'est son office, c'est ce qu'il doit faire, mais il n'y a pas d'équivalent au Québec pour défendre le modèle d'aménagement linguistique québécois qui est fondé sur une politique d'unilinguisme institutionnel, et je pense que, là, il y a une asymétrie. Et il y a certainement un lien entre ça et le fait que les gens ne sont pas tellement conscients du modèle d'aménagement linguistique du Québec, ils n'arrivent pas vraiment à situer… Est-ce que ça devrait bilingue? Est-ce qu'on est unilingues? Est-ce que c'est les individus qui sont unilingues? Est-ce que ce sont les institutions qui sont unilingues? Alors, je pense qu'un commissaire à la langue officielle au Québec pourrait être très utile sur le plan de la vulgarisation mais aussi sur le plan de la confrontation entre les politiques d'aménagement linguistique. Ce n'est pas une affaire de souverainiste, fédéraliste, c'est vraiment une affaire de vision de l'aménagement linguistique, et je pense qu'un commissaire à la langue officielle pourrait faire ce travail.

Mme De Courcy : Pour éviter de prendre trop de temps et que mes collègues qui voulaient absolument vous parler puissent vous poser des questions, vous avez dit à deux, trois reprises : On diminue les pouvoirs de l'OQLF pour... Non, le projet de loi ne fait pas ça. Et je vais demander à M. Turcotte qui m'accompagne tantôt, à la fin, d'aller vous voir, on va s'expliquer autour de ces questions-là, parce que ce n'est pas la première fois que je vous entends le nommer.

Alors, je vais laisser mes... parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, il ne nous reste que sept minutes, nous, du côté de...

Une voix : ...

Mme De Courcy : Bien oui, c'est ça. Alors, il faut permettre de laisser tout le monde filer, c'est pour ça que je le fais comme ça.

Alors, mes collègues aimeraient s'adresser à vous. Je vous remercie de la franchise du point de vue.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la parole est à vous.

(17 h 20)

M. Breton : Bien, bonjour. C'est drôle parce que depuis le début du débat qu'on a présentement il est question de promotion et de coercition, et j'ai entendu le fait que les gens de l'opposition officielle et de la deuxième opposition s'opposaient à quelque forme de coercition que ce soit. Dans la mesure du possible, ils disaient qu'on devrait faire la promotion, mais que la coercition mal venue. Venant du milieu de l'environnement, je le sais que, quand on fait juste la promotion de l'environnement et qu'il n'y a pas de règle coercitive, on n'avance pas bien, bien.

Moi, une des choses que je ne peux pas m'empêcher de faire comme réflexion, ceci dit, c'est que, pour être quelqu'un de Montréal — j'y suis né, j'ai grandi à Montréal, je suis député de Montréal — je sais néanmoins que, d'un point de vue générationnel, quand je pense aux gens de ma génération, le fait français, la promotion du français, l'importancede se faire respecter lorsqu'on parlait français étaient très importants, et j'ai vu un relâchement dans la génération qui a suivi. Et moi, j'ai beaucoup d'amis anglophones, et un de mes amis m'a dit, à un moment donné : Tu sais, Daniel, si les jeunes francophones ne considèrent pas si important que ça de parler français, pourquoi est-ce que nous devrions le considérer? Et ça, c'est une question qui interpelle les jeunes francophones.

J'aimerais ça avoir votre point de vue là-dessus et puis j'aimerais ça aussi vous entendre sur... Parce que, dans le fond, ce que vous avez dit... Parce qu'on avait parlé, comme j'avais dit tout à l'heure en blague, d'une espèce de Graham Fraisier québécois. Dans le fond, j'aimerais ça vous entendre sur... Dans le fond, c'est la notion de droits individuels versus les droits collectifs. J'aimerais ça avoir vos avis là-dessus.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Curzi. Non? Mme Dorion.

M. Curzi (Pierre) : Mme Dorion va répondre à la première partie de la question.

Mme Dorion (Catherine) : Oui, je vais répondre. Justement, bien, c'était en lien avec la coercition, la loi 101 au cégep qui est un exemple de coercition. On n'aime pas ça, des droits individuels sont brimés, les gens ne peuvent pas aller apprendre l'anglais, tout ça, c'est quelque chose qui nous chicote. Puis, comme on disait aussi, la langue est une question hypersensible, ça fait que d'arriver en voulant proposer ça, ça peut être un danger politique. On se dit : Ça va soulever beaucoup trop de passions, on aime peut-être mieux mettre ça de côté pour éviter ça. Mais, pour avoir étudié en Europe longtemps, j'ai été au milieu de grosses manifestations où la polarisation des communautarismes était telle, le malaise par rapport à l'immigration était devenu tel, dans la société majoritaire, que je me demandais vraiment comment ils allaient faire pour se sortir de ce bourbier-là. Puis, comme j'ai vu depuis que j'en suis revenue, ça ne s'est pas amélioré, ça s'est empiré.

Nous, au Québec, on a la chance de ne pas vivre encore cette situation-là. Peut-être qu'on ne la vivra pas. Je l'espère, mais, comme toutes les sociétés d'accueil — et les sociétés occidentales sont des grandes sociétés d'accueil — c'est quelque chose qui nous guette, puis, si on veut qu'il y ait une bonne cohésion sociale… Une cohésion sociale, c'est nécessaire si on veut pouvoir, entre les communautés, se parler, arriver à des consensus, qui sont toujours plus créatifs et plus intelligents que de rester dans nos préjugés vis-à-vis l'autre puis de ne jamais être ouvert à l'autre de chaque côté. Si on veut arriver à être cette société-là créative, cohésive, il va falloir qu'on ait quelque chose sur quoi se baser pour communiquer tous ensemble, c'est-à-dire la langue française.

J'ai fait une petite étude de terrain à travers un documentaire que je fais auprès d'immigrants qui se sont extrêmement bien intégrés dans la société québécoise puis qui l'adorent, tu sais, qui tripent sur le Québec. Ça fait que j'en ai interrogé plusieurs dizaines. Donc, ce n'est pas une étude quantitative, mais c'est quand même une étude qualitative, parce que c'étaient des entrevues de fond que je faisais avec eux, et la majorité m'ont dit : Moi, en tant qu'immigrant, je viens d'un milieu qui n'a pas beaucoup de curiosité, pas beaucoup d'ouverture envers le fait français au Québec, qui n'a pas vraiment envie d'aller voir puis qui, souvent, ressasse les mêmes préjugés par rapport à : Ah, tu sais, ils sont invasifs, pourquoi ils veulent nous imposer des choses?, etc., souvent relayé par les médias non francophones. Et la majorité d'entre eux m'ont dit : J'ai commencé à m'intéresser à la culture du Québec au cégep. Au cégep, quand on quitte l'école, en fait, on est en train de devenir un citoyen, c'est vraiment le passage où on rencontre les gens avec qui on va travailler plus tard, on devient un travailleur, un citoyen, quelqu'un qui va être intégré dans la société, au lieu d'être dans une classe… Bon, finalement, ça devient un citoyen. Et là ils ont rencontré, dans les cégeps francophones, des Québécois francophones qui leur ont transmis… fait partager leur culture, etc., puis leur préjugé s'est défait, s'est étiolé petit à petit. Puis ça a été des gens qui étaient des ponts entre deux communautés, la communauté de laquelle ils venaient, pleine de préjugés, et les francophones qui ne connaissaient pas les immigrants, pleins de préjugés. Puis ça faisait des êtres beaucoup plus intéressants pour participer à cette cohésion sociale là au Québec.

Oui, c'est une coercition, c'est énervant, on n'aime pas ça, mais, quand on pense qu'à long terme ça pourrait vraiment travailler en faveur de la paix sociale au Québec, si on ne veut pas qu'il nous arrive ce qui arrive à beaucoup de pays européens, il y a des raisons des fois dans la vie où la coercition, bien, c'est pour le mieux, tu sais.

Ça fait que c'est ça. Ça, c'était ma petite étude de terrain qualitative que je voulais vous partager. Et j'étais vraiment contre la loi 101 au cégep avant ça, puis c'est vraiment en leur parlant… C'est eux qui m'ont dit : Ça passe par la langue. S'intéresser à la société québécoise et en faire partie, ça passe par la langue, puis, si je n'étais pas allé dans un cégep francophone, j'aurais passé à côté de ça.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme Dorion. M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Deux minutes, questions et réponses.

M. Roy : Ah, mon Dieu, je suis toujours le dernier! Écoutez... Bonjour. M. Curzi, j'ai beaucoup de respect pour vous, enchanté de vous rencontrer.

Vous avez utilisé un langage imagé, tout à l'heure, lorsque vous parliez de la langue, puis ça m'a donné l'impression, et j'ouvre la parenthèse, que… Vous avez émis, bon, certains énoncés qui orientent la langue vers un organisme bio conquérant, où j'y vois un peu le... ça nous renvoie au paradigme de la compétition comme moteur de l'évolution… et l'utilisation d'antibiotiques aussi. Bref, on s'en va vers une biologisation qui est peut-être un piège de la pensée ou une trappe épistémologique qui peut nous amener à des actions particulières, O.K.? Et là je pense que les chercheurs m'ont compris, là.

Ceci étant dit — je ne recommencerai pas — vous préconisez de donner à l'office le pouvoir d'émettre des constats d'infraction sans avoir à transmettre un dossier au Directeur des poursuites criminelles ou pénales. Qu'est-ce qui vous amène à proposer une telle disposition?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Curzi, en moins d'une minute.

M. Curzi (Pierre) : Bien, la lourdeur des procédures. Et on sait très bien que les systèmes de plainte, quand ça devient judiciarisé, c'est extrêmement lourd, c'est une démarche très compliquée.

L'idée derrière ça, c'était de réduire le montant des amendes. C'était lié beaucoup à l'affichage, en disant...comme, tu sais, une voiture qu'on stationne au mauvais endroit, tout d'un coup on a une contravention; la deuxième fois, deux contraventions. Après deux, généralement, on s'organise pour ne plus avoir à payer cette contravention. Donc, dans l'idée de l'affichage... Et là je déplore que, dans le projet de loi, on n'ait pas fait du règlement sur le terme générique… qu'on n'en ait pas fait un article de loi. Puis moi, j'allais plus loin en disant : Si les gens de l'office avaient le pouvoir de policer cette partie-là en donnant des amendes très peu élevées, donc qui ne touchent pas à la vie économique descommerces mais qui leur rappellent qu'il y a une loi, qu'elle doit être appliquée et que, si on le fait systématiquement, peut-être qu'on arrive à un résultat plus souple… pas agréable, mais peut-être qu'on arrive à quelque chose de moins lourd que judiciariser, et là ça se perd puis ça prend des années, puis tout le monde est mécontent, puis on a dépensé beaucoup d'argent.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais maintenant le député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être présents aujourd'hui pour nous apporter votre éclairage.

Vous avez dit en conclusion… Et j'ai entendu la ministre, un peu plus tôt, dire que «votre message de finm'encourage beaucoup». Fin de la citation. Mais votre message de fin était : J'ose espérer qu'un gouvernement majoritaire nous permettra d'aller beaucoup plus loin.

Force m'est... Je suis obligé de vous demander : Un gouvernement majoritaire du Parti québécois ou de l'Option nationale?

M. Curzi (Pierre) : Si le Parti libéral veut se lancer, moi, je n'ai aucun problème, mais ça m'étonnerait un peu.

M. Tanguay : Alors, il s'agirait de préciser si c'est du Parti québécois ou de l'Option nationale. J'imagine que c'est un gouvernement majoritaire d'Option nationale auquel vous faisiez référence.

Mais trêve de plaisanteries. Je pense qu'il est important… Et j'ai, entre autres, particulièrement aimé le passage où l'on disait que l'épanouissement du français n'est pas une question souverainiste ou fédéraliste. Je pense que c'est vous qui avez dit ça et je pense que c'est important effectivement de le rementionner. L'épanouissement du français est un objectif qui est commun à tous, et je pense qu'il n'y a personne qui ne veut pas voir se réaliser cet objectif-là.

Maintenant, au niveau des moyens, il y en a différentes, façons, par différentes façons, et je vous dirais même que — et je pense que vous seriez d'accord avec moi — qu'il n'y en aurait pas une unique. Par exemple, avoir une loi ne réglerait pas tout, nous aurions toujours besoin d'avoir des règlements d'application sensés, intelligents, avec évidemment... qui nous permettraient d'atteindre cet objectif-là. Nous aurions besoin également de programmes, programmes incitatifs. Et aussi on dit toujours : Ça prend les crédits, ça prend les fonds nécessaires, quand on parle d'accompagnement.

Alors, on voit que c'est un dossier où, de façon unanime, je dirais, là, à défaut d'être contredit là-dessus, il y a un objectif commun : l'épanouissement du français. Il y a plusieurs façons par lesquelles nous pouvons atteindre cet objectif-là, et l'amendement à la Charte de la langue française, on le reconnaît, est une de ces façons-là, sans être par ailleurs la seule façon, la façon unique.

J'aimerais reprendre la balle au bond et revenir sur l'application de la loi 101 aux cégeps. Nous avons entendu en début d'après-midi les représentants du Mouvement national des Québécoises et Québécois et nous avons eu l'occasion de leur poser des questions sur une déclaration qu'ils ont faite dans leur mémoire à la page 6 : «Dans plusieurs régions du Québec — et je les cite — on assiste par ailleurs, au même moment, à une demande sociale de bilinguisme de plus en plus manifeste…» Ça, c'est une chose.

Par ailleurs aussi, j'ai devant moi le texte de l'article, de l'entretien de L'Express du mercredi 6 mars dernier où notre première ministre était interviewée par le journaliste, et je cite deux extraits, Mme la première ministre qui parle : «…à propos de la nouvelle Charte de la langue française, nous nous étions engagés à ce qu'elle soit appliquée à nosétablissements d'enseignement supérieur, les cégeps. [...]Ce point particulier a [...] été mis de côté.» Et elle dit : «…moi, [...]je suis à l'écoute de la population.» Fin de la citation.

Est-ce qu'il n'y a pas là, Mouvement national des Québécoises et Québécois, la citation de la première ministre et le fait que ce n'est pas dans le projet de loi n° 14… J'aimerais vous entendre là-dessus. Donc, est-ce là une lecture différente d'une réalité où les parents, entre autres, et même les adultes qui iraient au cégep, mais les parents, pour leurs enfants, désirent avoir cette opportunité-là? Est-ce que vous avez une lecture différente ou la même lecture mais un traitement différent? C'est la question j'aimerais vous poser.

(17 h 30)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député. M. Curzi.

M. Curzi (Pierre) : Oui, il y a quelques questions. Les plus simples sont celles sur le bilinguisme. Mme la ministre, tantôt, a dit qu'il y a eu des adoucissements sur l'application qui voulait que ce soit absolument nécessaire de faire six mois d'anglais intensif en sixième année. Personnellement, dans les études que j'ai faites, on disait fin du primaire, début secondaire. Et moi, je ne suis pas opposé du tout à ce qu'il y ait des sessions intensives. La seule chose, c'est qu'il y a des régions, des populations qui ont vraiment besoin d'avoir accès à la langue anglaise, parce que c'est un outil qui est nécessaire dans le monde du travail pour une partie de ceux qui y travaillent, mais, à l'inverse, on sait très bien que, dans la région de Montréal, par exemple… Et ça, c'est une déclaration de la ministre lorsqu'elle dirigeait la CSDM, qui disait :C'est plutôt de français dont on a besoin, parce qu'il y a des populations qui ont besoin d'avoir des sessions intensives de français pour être certaines qu'elles vont mieux réussir leur secondaire et leurs études supérieures. Donc, que ce soit à géométrie variable, c'est bien, pourvu que ça ne devienne pas un débat entre parents, ce que ça peut être dans certains cas. Mais au moins les parents pourront s'exprimer, puis on verra bien quel sera le résultat.

Je ne suis pas certain que ça va demeurer à 12 %, je pense que ça va croître, parce que vous dites : Nous sommes tous d'accord sur l'épanouissement du français, oui, tout le monde est d'accord sur la vertu, et personne ne s'entend trop, trop sur la façon d'avoir de la vertu, mais moi, je commence à me poser des questions sur cette volonté-là, parce que peu àpeu, dans le discours, s'il n'y a pas de fermeté dans notre discours, peu à peu, soi-même, on a tendance à glisser, parce que toutes les raisons du monde sont là pour que le bilinguisme devienne une notion qui peu à peu nous gangrène, je dirais. Et c'est une notion très subtile au niveau des institutions, on comprend bien, au niveau des institutions, parce que c'est une tentation, parce que toutes les raisons du monde sont là : la mondialisation, l'anglicisation du monde, la puissance et la séduction de la culture qui s'exprime en anglais. Tout cela est très fort. Alors, le vrai choix des Québécois, c'est de dire : Est-ce qu'on est fermes dans notre volonté d'avoir le français comme une langue commune? Et ça, ça veut dire changer le paradigme. Ça veut dire ce que les anglophones ont très bien compris avec la loi 101. La majorité d'entre eux sont devenus bilingues, et beaucoup d'anglophones vivent littéralement en français.

Donc, il n'y a pas beaucoup de distance entre une institution qui fonctionne dans la langue commune puis la réalité, là, la réalité possible des gens, mais, si on laisse glisser, ce qui va apparaître, c'est plutôt une habitude du libre choix individuel, au-delà de l'intérêt collectif d'avoir une langue commune, et c'est ça qui est à craindre. Et ce n'est pas une hantise de l'autre, c'est au contraire un désir de l'autre. C'est là-dessus qu'on doit se baser, et ce désir-là, il doit être clair pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens du Québec, toutes langues et toutes provenances confondues. C'est ça, la pierre d'assise.

Je fais juste terminer en disant que la loi ne règle pas tout. J'ai toujours été convaincu que, pour rétablir un équilibre et pour qu'on se sente à l'aise, il fallait une politique linguistique beaucoup plus large qui comprend des mesures sur l'immigration — il y en a certaines — qui comprend le retour des francophones sur l'île de Montréal, qui comprend bien des aspects, quelque chose de très large. Puis j'irais jusqu'à vous dire que ce dont je rêve, finalement, c'est qu'il n'y en ait plus, de loi 101, c'est qu'on n'ait plus besoin de la loi 101, mais malheureusement je pense qu'on va en avoir besoin encore pour fort longtemps. Mais il faut accepter de payer le prix de notre petit nombre face au grand nombre. Ça, c'est une loi de l'histoire. Et on peut très bien collectivement décider qu'au contraire le petit nombre décide de céder au grand nombre et laisser l'histoire rouler comme elle le fait depuis des siècles ou on peut décider que nous allons maintenir et payer le prix qu'il faut pour maintenir une culture différente. C'est tout l'enjeu de la biodiversité, l'enjeu de la biodiversité culturelle aussi. C'est tout l'enjeu de : Est-ce qu'on veut un monde uniforme ou est-ce qu'on veut un monde où il y a différentes couleurs qui apparaissent et qui existent?

Tu voulais ajouter quelque… Patrick.

M. Sabourin (Patrick) : Oui, peut-être sur cette association qui est faite, qui est tentante, hein, mais qui, à mon avis, est fautive entre le bilinguisme individuel et le fait de fréquenter un cégep anglais. Ça, à mon avis, c'est une association qui est non fondée, c'est-à-dire que les francophones… Par exemple, si on regarde les francophones de l'île de Montréal, là où sont concentrés la majorité des cégeps anglais, par exemple, ils sont bilingues, les francophones sont bilingues depuis... selon le recensement de 2011, là, aux plus des trois quarts, hein, chez les 20-34, chez les jeunes. Les jeunes francophones sont extrêmement bilingues. Ça, on l'oublie, on dirait, parce qu'on regarde souvent les statistiques de l'ensemble de la population, mais les francophones sont très bilingues, et ce ne sont pas tous ces francophones qui sont passés par le cégep anglais. Alors, c'est là où on confond, justement, le bilinguisme institutionnel, c'est-à-dire cette idée qu'il y a les deux langues dans les institutions publiques, et le bilinguisme personnel, individuel.

Maintenant, donc, il y a 6 %, 5 % à 6 % des francophones qui vont au cégep anglais; ils sont plus de 50 %, chez les jeunes, à parler l'anglais. Alors, il n'y a pas de lien entre les deux vraiment. Donc, le bilinguisme s'acquiert... peut être...

Une voix : Acquis.

M. Sabourin (Patrick) : ...acquis — merci — peut être acquis au primaire, secondaire, au cégep, même au cégep français, dans les cours d'anglais. Ça, ça se fait. Et j'ajouterais à ça que le Québec se compare assez bien aux pays européens en ce qui a trait au bilinguisme.

Là où on traîne la patte, c'est par rapport au trilinguisme. Là, les pays européens nous dominent complètement, sur le trilinguisme. Alors, si on veut se comparer au monde — parce que c'est quelque chose qu'on aime faire — alors c'est sur le trilinguisme qu'on traîne la patte. Ce sont des politiques d'apprentissage d'autres langues secondes qui nous manquent.

L'anglais au Québec, le bilinguisme des francophones au Québec est un faux problème, à mon avis. Ça augmente depuis des décennies, les jeunes sont beaucoup plus bilingues que leurs parents, et ça, c'est avant l'anglais intensif. Ça s'est fait tout seul. Et les moyens de communication modernes font que les jeunes se frottent à l'anglais quotidiennement à travers les téléséries américaines, à travers la musique, à travers la culture américaine. Ça se fait bien tout seul.

Donc, ça augmente tout seul, l'apprentissage des langues secondes ne passe pas nécessairement par le fait d'étudier en anglais. On peut étudier l'anglais, mais étudier en anglais, ce n'est pas nécessairement la solution.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, Mme la Présidente. Et j'aimerais vous entendre, donc, sur un exemple d'application et qui me touche particulièrement, si d'aventure la loi 101 était appliquée aux cégeps, moi, père de famille, deux filles, neuf ans et sept ans, langue maternelle française, vont à l'école primaire en français, iront au secondaire en français, bien évidemment, article 72 de la Charte de la langue française, et tout d'un coup un domaine technique se donne à un cégep anglophone… et/ou l'intérêt de réellement bien maîtriser la langue anglaise, différents facteurs font en sorte qu'il y aurait un choix qui s'exprimerait là. Comment réconcilier ce choix qui est fondamental dans la vie d'une personne et une interdiction qui empêcherait sa matérialisation, là? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Curzi (Pierre) : Oui, je n'ai pas répondu à votre question de tantôt…

M. Tanguay : Ah! Bien, je... non, non…

(17 h 40)

M. Curzi (Pierre) : …parce que vous me la posiez de cette façon-là, c'est vrai, je me suis laissé emporter. Oui, c'est clair que cette mesure-là, ce n'est pas une mesure populaire, ce n'est pas une mesure facile à cause... pour les raisons que vous exprimez, c'est-à-dire que les gens disent : Mais on est en train de contraindre les choix soit des parents ou des individus eux-mêmes, on restreint, là, en quelque sorte leur liberté. C'est comme si jamais personne ne s'était dit que, dans le système francophone, il est anormal qu'on ne puisse pas apprendre correctement une deuxième ou une troisième langue. Et, comme vient de le dire Patrick, malgré cela, il y a bilinguisation. Et, quand toutes les études nous disent que plus on augmente dans le niveau d'études, quand on est au collégial, quand on va au bac, en maîtrise ou au doctorat, le pourcentage de bilinguisme augmente, là, jusque... Au doctorat, c'est 85 %, mais on part de 78,5 % de gens bilingues, et là ça monte.

Donc, la connaissance de la langue anglaise qui, dans les études supérieures, est incontournable même dans le système francophone, c'est quelque chose de simple. Et, pour les gens qui voudraient pousser plus loin leurs connaissances, pourquoi ce système francophone n'est-il pas en mesure d'enseigner correctement? L'anglais intensif en sixième année va dans ce sens-là, et il n'y a aucune raison qu'on ne continue pas dans ce sens-là et qu'au contraire on donne accès aussi à une troisième langue. On n'est pas obligés d'étudier en anglais pour apprendre l'anglais. Au contraire, on devrait l'apprendre dans notre système.

Maintenant, s'il y a des cas particuliers, si une spécialité se donne dans un cégep, fort bien, mais c'est quand même curieux que le plus gros cégep du Québec soit un cégep anglophone. C'est le plus gros. Alors, forcément, plus on est gros… Et c'est le même phénomène avec les universités, l'Université McGill offre des spécialités qu'on ne trouvera nulle part ailleurs. Il ne s'agit pas, donc, de détruire ces spécialités-là, mais il faut se poser la question sur : Comment se fait-il qu'on développe à ce point une culture, une langue, des études, des institutions? Comment se fait-il qu'il y ait 130 000 personnes qui travaillent en anglais dans les administrations municipales, provinciales, fédérales par rapport à une population dont les droits garantis… qui est de 8,5 %? Il y a une disproportion. Donc, on a calculé qu'il y a 50 000 emplois dans ces administrations-là qui se déroulent en anglais, et ce sont des emplois occupés par des francophones et par des allophones. Donc, à même les deniers publics, municipal, provincial et fédéral, on finance l'anglicisation de la langue de travail de 50 000 personnes de plus que nécessaire. Il y a quelque chose… On ne peut pas se mettre la tête dans le sable et faire semblant que ça n'existe pas. C'est une réalité, là.

Et je reviens au fait que... Je sais que je parle avec passion, mais je suis sans émotion par rapport à la langue. Pour moi, c'est un objet d'études, et c'est un objet d'études qui montre qu'il y a des déséquilibres et qu'on doit agir pour rétablir l'équilibre. Et les moyens, malheureusement, quand on laisse aller… Et là je ne veux pas vous faire de reproches à vous qui êtes un nouveau député, mais il n'empêche qu'il y a eu du laxisme dans l'application, dans la mise en oeuvre de la loi 101, il y a eu une guérilla sans fin par l'intermédiaire de la Cour suprême et bien financée par notre gouvernement contre la loi 101, et ces 35 ans qui auraient dû produire des effets, qui auraient dû nous amener à diminuer les exigences de la loi 101 nous amènent au point où on est obligés de renforcer la loi 101, et c'est un paradoxe dont il faudrait bien sortir en ayant une loi suffisamment contraignante et agissante pour que le problème cesse de se poser et qu'on soit beaucoup plus libres à l'égard des langues que nous le sommes.

M. Tanguay : Mme la Présidente, je vous entends bien et je pense par contre qu'on reconnaît... Puis ce n'était pas, je pense, votre intention de dire que la loi 101... Il y a eu effectivement, depuis 35 ans, des avancées tangibles. Et, comme on l'a noté, je pense, M. Sabourin l'a noté, évidemment, les anglophones au Québec de 1977 versus en 2013, il y a une ouverture davantage, le taux de bilinguisme, donc, des anglophones, jeunes anglophones qui parlent le français. Donc, il y a eu des avancées tangibles, on le reconnaît tous, de la Charte de la langue française.

Quelle pondération, quelle valeur, quel impact accordez-vous... Et là j'aimerais ça vous nommer un seul facteur, mais il faudrait que je vous en nomme plusieurs. J'en prends quelques-uns. Les échanges économiques dans les années 90, au Québec, ont plus que doublé, une chose. Deuxième chose : l'Internet. Je me rappelle un discours célèbre de Bill Clinton qui disait que l'Internet, 1992, 1993, 1994, c'était la prochaine révolution, et on sait qu'Internet, la dernière fois que j'ai regardé les statistiques, l'Internet au niveau mondial, 35 % des usagers sont de langue anglophone, mais 57 % du contenu est en anglais. Troisième élément : les PME du Québec. Dans le jour le jour, et on en parlait un peu plus tôt, que ce soit une PME... Ça peut être 12, ça peut être 26, 49 employés, en Beauce, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, à Montréal ou à Trois-Rivières. Une PME, de façon globale, 20 % des PME exportent aux États-Unis, plus de 50 % importent des États-Unis, et ces proportions-là import-export sont davantage élevées lorsqu'on parle des relations avec les autres provinces canadiennes.

Dans ce contexte-là aussi où les gens sont davantage mobiles, les opportunités sont davantage là et ouvertes avec toutes les communications… Bref — je me résume, je conclus — quelle pondération ou quelle valeur accordez-vous à tout cet environnement-là qui a fait en sorte… Oui, c'est le défi du Québec, l'épanouissement du français, il y a les résultats tangibles de la Charte de la langue française, mais il y a cette réalité-là qui fait en sorte, moi, je crois, que nous pouvons et voulons tirer notre épingle du jeu. On veut, au Québec, performer pas uniquement au Québec, mais partout à travers le monde. Il faut se donner les outils et toujours notre objectif commun de voir s'épanouir la langue française. Alors, quelle pondération reconnaissez-vous de ces facteurs-là?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Curzi.

M. Curzi (Pierre) : J'y accorde une extrême importance. Le monde a changé, en 35 ans, c'est clair. Ce que vous décrivez comme phénomène, ça s'est produit. Est-ce qu'il y a la nécessité qu'une partie de la population connaisse bien l'anglais pour transiger avec le monde? Absolument. Il y a une interface nécessaire et il y a une interface inévitable. Qu'on le veuille ou pas, nous sommes plongés... nous sommes de culture américaine, nous sommes dans les réseaux. Ceux-là s'expriment pour le moment en anglais. Et nous commerçons avec l'ensemble du monde, et la langue de commerce est souvent l'anglais.

C'est toujours la même distinction. Nous sommes en faveur... Tout le monde est en faveur de la connaissance de l'anglais comme langue personnelle, comme langue utile dans les compagnies. Tout ce que nous disons, c'est : Cependant, il est possible — et c'est la grande richesse du Québec — d'avoir la connaissance... d'avoir une langue commune qui est le français. Donc, sur ce territoire qui s'appelle le Québec et aussi à l'extérieur du Québec, dans certaines communautés, il est possible de vivre une vie avec cette langue-là, que ce soit la langue de la réussite, que ce soit la langue de... à tous égards. Et ce l'est et ça l'a été, le français a été la langue de la réussite dans les affaires, a été la langue de la réussite politique, a été la langue de la réussite culturelle.

Si on n'agit pas, ce qui va devenir la langue de la réussite dans tous les domaines, ce sera le bilinguisme. Or, c'est une langue qui n'existe pas en soi, le bilinguisme. C'est un ou l'autre. Mais les deux sont compatibles chez un individu. Les deux vivent très difficilement... ne vivent pas ensemble dans les institutions, dans ce qui est la langue des institutions.

Et je reviens constamment à ça. Et, si on est capables de vivre dans ce paradoxe riche d'avoir une langue commune qui nous permet de communiquer tous ensemble et d'avoir des institutions que nous fréquentons de la bonne façon et en respectant les droits de la minorité anglophone, à ce moment-là, c'est... Je crois, au contraire, qu'on est en train de passer à côté d'une occasion inouïe. Le Québec devrait être le lieu où tous les traducteurs vivent. On devrait être le lieu où tous ceux qui doublent toutes les émissions existent. On devrait ici, au Québec, développer d'une façon extrême la connaissance du français, de l'anglais, de l'espagnol et des autres langues. Ça devrait être un des grands vecteurs de développement de notre économie, de l'économie du savoir, et on devrait venir à l'Université de Montréal pour apprendre des langues. C'est ça, l'enjeu, sortir de la victimisation linguistique et l'utiliser comme étant une qualité de réussite, au contraire.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Malheureusement...

M. Tanguay : …on avait plein d'autres questions, mais...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il n'y a plus de temps. Nous devons aller maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition, et je reconnais maintenant Mme la députée de Montarville. C'est à vous la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Et pour combien de temps, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : 5 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci, madame. Merci, messieurs. Merci de vous être déplacés et d'avoir présenté ce mémoire. C'est intéressant de vous entendre, et je suis d'accord avec vous, nous sommes d'accord avec vous, il faut protéger la langue française au Québec mais dans le respect également des minorités, et je pense que c'est toute la subtilité de l'exercice que nous avons devant vous.

Je vais m'adresser plus précisément à M. Curzi. M. Curzi, vous avez été député du Parti québécois. Dites-moi, depuis votre élection et jusqu'à aujourd'hui — maintenant nous sommes en 2013 — vous qui avez travaillé sur la langue, qui avez fouillé sur la langue, qui avez étudié, qui avez réfléchi à la question, est-ce que vous trouvez que la position du Parti québécois sur la protection de la langue a changé? Et, si oui, dans quelle mesure depuis l'époque où vous étiez député?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Curzi.

M. Curzi (Pierre) : Bien, elle a changé… Dans le projet de loi, elle s'exprime avec moins de... elle va un peu moins loin que ce qui avait été adopté, par exemple, lors du congrès du Parti québécois, de ce qui a été promis dans la campagne électorale. Donc, il y a, oui, une sorte d'affaiblissement de... Mais en même temps il y a plusieurs mesures qui vont dans le sens de la réflexion qu'on avait menée à l'intérieur du Parti québécois, par exemple l'application de la loi 101 aux petites entreprises, mais il n'y a pas les mécanismes, enfin, que moi, j'ai proposés dans le projet de loi n° 593. Pour ce qui est de la langue de l'enseignement, bien on en a parlé largement. Il y a certaines mesures, par exemple, qui s'appliquent aux études collégiales, mais on ne va pas jusqu'à dire : Ce sera la loi 101.

Donc, il y a comme une position mi-figue, mi-raisin, mi-chair, mi-poisson, bon, mi-mi, il y a une position mi-mi, et c'est l'objet de ma remarque. Si, par exemple… Et vous, vous représentez la CAQ. Si la CAQ demande des compromis majeurs sur des parties qui m'apparaissent être centrales et intéressantes dans le projet de loi, moi, je dis : Bien, le gouvernement, vous n'avez pas de marge de manoeuvre beaucoup, là, vous ne pouvez pas accepter beaucoup de compromis, parce que, si vous le faites, vous allez dénaturer ce qui me semble déjà, disons, à tout le moins minimal, et donc vous seriez mieux de retirer votre projet de loi plutôt que de l'amoindrir, et attendez d'avoir une situation politique qui vous permette d'avoir une politique de la langue qui soit ferme, qui représente vraiment... Ça, c'est... Mais c'est un conseil qui est comme complètement fantaisiste, si j'ose dire.

J'espère que j'ai répondu à votre question.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Mme la députée, allez-y.

(17 h 50)

Mme Roy (Montarville) : Oui. Et je vous écoute, et ce que vous me dites, c'est que la position du p.l. n° 14 actuellement, tel qu'il est là, semble mi-mi, comme vous disiez, et peut-être même une position de recul par rapport à ce que vous, vous en pensez, la protection de la langue. On parle de recul.

M. Curzi (Pierre) : Vous voulez me faire dire que le PQ a reculé, que... C'est ça que vous voulez que je dise? Mais je ne l'ai pas dit, là, je ne dirai pas ça. Je dis qu'effectivement la position... Je dis que la situation actuelle impose d'un gouvernement dont c'est un des axes importants d'avoir encore plus de fermeté que ce que je retrouve là-dedans et qu'à tout le moins ce dont... puisque le projet de loi est déposé… On ne peut pas arrêter ce processus-là, hein, je ne peux pas l'arrêter, et je ne pense pas qu'on puisse importer un ensemble de mesures extrêmement plus contraignantes après avoir déposé des articles. Or, je suis pris avec le train, et donc je me dis : Bon, à défaut de ce que j'aurais souhaité, à tout le moins, conservons intégralement ce qui est là, qui est quand même une bonification de certains articles.

Mais est-ce que cette bonification-là va changer la situation? Selon l'évaluation que plusieurs d'entre nous faisons, non, ça ne sera pas suffisant pour rétablir l'équilibre linguistique à Montréal. Et, si le souhait du PQ, c'est vraiment d'agir sur le rétablissement de l'équilibre, il va devoir, dans un moment ou un autre, aller plus loin que les mesures qui sont contenues dans ce projet de loi là.

Mme Roy (Montarville) : C'est ce qu'Option nationale ferait?

M. Curzi (Pierre) : Absolument. Si Option nationale endossait, par exemple, ce rapport-là et ce que je suis en train de vous dire, oui. Oui, parce qu'il y a une clarté dans ce parti. Et en particulier, là, je parlais du suremploi, du surfinancement du système, des études universitaires. Il y a des choses qui sont claires dans ce parti-là mais...

Mme Dorion (Catherine) : Il y a un certain pragmatisme aussi… Si tu permets….

M. Curzi (Pierre) : Oui, vas-y.

Mme Dorion (Catherine) : Il y a un certain pragmatisme aussi dans l'idée qu'on peut mettre des millions sur les organismes de la charte pour aider le français, etc., mais, si on met des milliards dans payer des allophones et des francophones pour qu'ils travaillent en anglais dans notre réseau universitaire, dans notre réseau de la santé, s'il y a une surreprésentation de l'anglais dans ces réseaux-là, c'est quand même l'argent du gouvernement du Québec, ce n'est pas pragmatique, là, ce n'est pas une façon qui a un effet clair, là, je veux dire, on... Vous comprenez?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Mme Dorion, MM. Curzi et Sabourin, merci.

M. Curzi (Pierre) : Merci à vous toutes et vous tous.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : La commission suspend ses travaux jusqu'au mardi 19 mars 2013, à 10 heures, afin de poursuivre ce mandat. Bonne fin de journée à tous et à toutes.

(Fin de la séance à 18 heures)

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