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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Friday, April 12, 2019 - Vol. 45 N° 9

Interpellation by the Member for Îles-de-la-Madeleine to the Minister Responsible for the French Language on the following subject: The Government’s lack of commitment as regards protection of the French language in Québec, and the need to strengthen Bill 101 to fight its alarming decline


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Table des matières

Exposé du sujet

M. Joël Arseneau

Réponse de la ministre

Mme Nathalie Roy

Argumentation

Conclusions

Mme Nathalie Roy

M. Joël Arseneau

Autres intervenants

M. Mario Asselin, vice-président

M. Louis Lemieux

M. Frantz Benjamin

M. Jean-Bernard Émond

Journal des débats

(Dix heures)

Le Président (M. Asselin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député des Îles-de-la-Madeleine à la ministre responsable de la Langue française sur le sujet suivant : Le manque d'engagement du gouvernement en matière de protection de la langue française au Québec, et la nécessité de renforcer la loi 101 afin de combattre son inquiétant recul.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Rizqy (Saint-Laurent) sera remplacée par M. Benjamin (Viau) et Mme Hivon (Joliette), par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Le Président (M. Asselin) : Très bien. Je comprends qu'il y a entente afin que l'opposition officielle intervienne lors des deuxième, quatrième et sixième séries d'interventions. Alors, nous débutons par la déclaration d'ouverture de M. le député des Îles-de-la-Madeleine et porte-parole du troisième groupe d'opposition en matière de langue française. Vous avez la parole pour 10 minutes. M. le député.

Exposé du sujet

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je vous remercie tous de vous prêter à cet exercice, particulièrement Mme la ministre responsable de la Langue française, les députés ici présents. On vous retient ici en ce vendredi matin. Je crois que c'est pour une bonne cause, comme je vous le disais préalablement. On a déjà eu l'occasion de faire quelques échanges au salon bleu pendant la période de questions, mais souvent, Mme la ministre, on manquait de temps entre les périodes de pause publicitaire, et souvent les réponses nous ont laissés un peu sur notre faim, en ce qui nous concerne. Alors, j'espère qu'on aura l'occasion, là, d'approfondir un certain nombre d'éléments. C'est l'objectif de l'interpellation d'aujourd'hui.

Toutefois, en préambule, j'aimerais quand même vous faire part de mon étonnement de voir hier, à moins de 24 heures de cette interpellation, d'apprendre, donc, que la présidente-directrice générale de l'Office québécois de la langue française avait convoqué les médias, il y a de ça une demi-heure, pour dévoiler le rapport sur l'évolution de la situation linguistique au Québec. Évidemment, on est toujours à l'affût de nouvelles informations et on apprécie le fait que l'office puisse révéler des données toutes chaudes. On aurait apprécié pouvoir les obtenir plus longtemps à l'avance pour en prendre acte, puisque le rapport est quand même assez important. Donc, on n'y fera pas référence de façon directe. C'est quand même préoccupant, dans la mesure où je pense qu'il faut que ce débat-là se fasse avec toute l'information disponible pour tous les partis, et, honnêtement, en voyant que ce rapport-là ne nous était pas soumis avant l'interpellation, ni même publié dans les médias ou soumis à l'attention du public, il y a là-dedans une certaine forme de manque de respect, à mon point de vue. En fait, on a de la difficulté à croire que c'est un hasard, que l'instance qui se veut neutre et indépendante comme l'Office québécois de la langue française puisse arriver, avec un concours de circonstances absolument invraisemblable, à remettre son rapport une demi-heure avant cet événement d'aujourd'hui, avant ce rendez-vous d'aujourd'hui. Si le rapport était prêt il y a longtemps, on aurait pu en prendre acte auparavant, et s'il a été fait dans la précipitation, bien là, il faut se poser d'autres questions, et peut-être faire un rappel : l'Office québécois de la langue française a pour responsabilité de protéger la langue française, et non pas de protéger le gouvernement.

Alors, je pense qu'il est important, d'entrée de jeu, de rappeler que la Charte de la langue française, qui existe, comme on l'a mentionné cette semaine, depuis 1977, c'est l'héritage de Camille Laurin, avait pour objectif de faire du français la langue normale, habituelle, de travail notamment, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires. Donc, franciser le Québec toujours davantage.

On a, depuis une vingtaine d'années, des préoccupations importantes sur l'état du français au Québec. On sait que la Charte de la langue française, la loi 101, a été charcutée, au fil de jugements par les tribunaux et de contestations, par certains groupes dans la population, et je pense qu'à cet égard, si on se fie à des témoignages qui ont été faits dans les derniers mois, nous ne sommes pas les seuls à avoir des inquiétudes. Mme la ministre s'est dit, à quelques reprises, préoccupée par la situation sur les... donc, elle avait exprimé certaines craintes sur des reculs en matière de francisation ou en matière d'évolution du français dans la société québécoise.

Mais ce qu'on a aussi constaté, en voulant approfondir, là, les moyens qui pouvaient être mis en place... qu'il n'était pas dans l'intention du gouvernement de renforcer la loi 101, ce qu'on déplore évidemment, mais on va reposer la question aujourd'hui, à savoir comment peut-on dissiper ces craintes, enrayer ce recul sans raffermir les moyens légaux ou réglementaires qui ont un lien avec la loi 101 et la Charte de la langue française. Donc, le simple fait d'appliquer la réglementation et la loi actuelle, de façon intelligente, a dit la ministre, et avec fermeté, peut-elle véritablement modifier le portrait et les choses et la tendance observable depuis nombre d'années? Pourquoi, en fait, écarter d'emblée la possibilité de renforcer la loi 101? Quelle est la philosophie derrière ça? Et surtout, si on ne le fait pas, quels sont les moyens qui vont être mis en place pour obtenir des résultats?

On peut parler, par exemple, du visage français du Québec par l'affichage, je pense que c'est un sujet qui préoccupe la ministre, elle en a parlé à plusieurs reprises, mais force est de constater que la loi n'a plus de dents, que, maintenant, avec les changements qui ont été faits à la réglementation et non pas à la loi en 2016, il s'agit simplement d'assurer une présence suffisante du français dans l'affichage ou à l'entrée des commerces, ce qui donne place évidemment à une interprétation très, très large de la situation. Il est aussi difficile de mesurer le progrès puisque la règle a été changée; on parlait autrefois d'une prédominance nette du français, maintenant, la présence suffisante peut être appréciée par certains employés de l'État comme étant... enfin, on peut qualifier la présence du français sur certains commerces comme étant conforme, alors qu'en réalité elle peut être très marginale, et, si on avait les mêmes barèmes de mesure que dans les années 90, on constaterait qu'on ne progresse pas. Est-ce qu'on va se contenter de voeux pieux, d'espérer que la situation se résorbe ou est-ce qu'on va prendre des actions résolues pour que les choses s'améliorent dans l'affichage? On va vouloir vous entendre là-dessus.

Le français au travail est une autre préoccupation que nous avons. Faire du français la langue habituelle du travail et pour tous, ça ne semble pas être en voie de se réaliser. On sait qu'il y a cet espace dans les petites et moyennes entreprises, entre 25 et 50 employés, où on voit que les simples incitations à faire mieux n'ont pas donné les résultats escomptés. On voit aussi que l'approche gouvernementale à cet effet, c'est de continuer à encourager les entreprises à mieux faire et, de notre côté, on voit mal comment, si ça n'a pas réussi depuis 40 ans, que ça pourrait véritablement faire un effet ou, si oui, quelles sont les nouvelles stratégies qui seront déployées pour obtenir, cette fois-ci, des résultats.

• (10 h 10) •

Ce qu'on constate par contre, c'est que, si le français au travail ne progresse pas, le bilinguisme, lui, est de plus en plus présent, et, si je ne m'abuse, les chiffres qui ont été soumis tout à l'heure, là, tendent à le démontrer, et ça, ça peut être aussi une tendance inquiétante dans la mesure où on voulait faire du français la langue commune. Si, maintenant, on dit que l'objectif, c'est de bilinguiser les milieux de travail ou la société, évidemment, on n'obtient pas les mêmes résultats, notamment en exigeant, par exemple, de la majorité francophone qu'elle soit bilingue et que ce soit un critère d'embauche pour les futurs employés des entreprises. Donc, ça, c'est une tendance qu'il faut enrayer et de façon, encore une fois, résolue.

Toute la question de la francisation des nouveaux arrivants est aussi fondamentale. La population décline, nous avons des pénuries de main-d'oeuvre. Nous souhaitons effectivement que des gens puissent venir soutenir notre développement économique, s'intégrer à la société québécoise, y participer à travers le travail mais à travers la vie sociale également, et le français langue commune est certainement un vecteur extrêmement important à cet égard. Et le fait que le gouvernement se refuse à exiger une connaissance minimale du français à l'arrivée des immigrants, pour nous, est une approche qui risque de ne pas produire les résultats escomptés. On va vouloir vous entendre là-dessus, à savoir quels sont les moyens qui peuvent véritablement être mis en place pour qu'à l'intérieur de trois ans on puisse obtenir des résultats qu'on n'a jamais obtenus dans le passé, et qu'on en vienne... en fait, qu'on n'en vienne pas à l'expulsion, comme ça a été proposé.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Maintenant, je cède la parole à Mme la ministre responsable de la Langue française pour une période de 10 minutes. À vous la parole.

Réponse de la ministre

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Bien, naturellement, je remercie mon collègue le député des Îles-de-la-Madeleine pour m'offrir l'occasion, ce matin, de faire un état de la situation, mais un état de la situation lucide sur la langue française et qui, je l'espère, va inspirer une volonté commune pour l'avenir de notre belle langue au Québec. C'est vrai qu'elle est belle, la langue française, M. le Président. Alors, je veux remercier mes collègues ainsi que toutes les personnes et organisations qui se dévouent pour la protection du français au Québec. Vous savez, il y en a plusieurs qui le font.

L'action gouvernementale en faveur de la langue française couvre un périmètre beaucoup plus vaste que l'application de la loi 101; ça, il faut que vous le sachiez. Il n'en reste pas moins que la charte, puisque c'est l'objet aujourd'hui de cette interpellation, la Charte de la langue française demeure aujourd'hui l'outil qui permet d'intervenir pour assurer la pérennité du français. Le Québec, c'est la grande nation francophone des Amériques, et nous devons l'affirmer, nous devons le dire, le répéter et en être très, très fiers, mais, pour ça, il est impératif que nos actions en témoignent. L'État doit agir de manière exemplaire, et nous devons tous assurer la primauté du français dans l'espace public. Nous l'avons répété, nous entendons agir avec fermeté, fierté et affirmation en matière de langue française au Québec. Au Québec, M. le Président, c'est comme ça que ça se passe, en français. C'est très important de le dire.

Depuis notre entrée en fonction, il y a six mois maintenant, six mois, nous sommes confrontés à un héritage libéral peu reluisant en matière de langue française : laxisme, indifférence et bilinguisation, anglicisation de la métropole, négligence flagrante des régions en matière de soutien à la langue française, et, pour la transparence et la reddition de comptes, M. le Président, on va repasser.

Vous le savez sans doute, mon collègue des Îles-de-la-Madeleine le sait également, l'OQLF, l'Office québécois de la langue française a, depuis 2012, dans sa loi, la responsabilité de faire un rapport tous les cinq ans. Et c'est un article de loi, l'article 160 dans la charte, qui nous dit, et je vais le lire au bénéfice des gens qui nous écoutent : «L'office surveille l'évolution de la situation linguistique au Québec et en fait rapport au moins tous les cinq ans au ministre, notamment en ce qui a trait à l'usage et au statut de la langue française ainsi qu'aux comportements et attitudes des différents groupes linguistiques.»

Ce qui est la triste réalité, M. le Président, c'est que l'office a publié un rapport partiel, incomplet, trois petits morceaux d'étude pour la période 2008‑2013 : une petite étude en 2011, juin 2012, puis le dernier, novembre 2012. Mais le dernier rapport complet, et ça, c'est l'obligation de l'office, là, c'est dans la charte, le dernier rapport complet, M. le Président, remonte à 2007, c'est-à-dire il y a 12 ans. Alors, je vous disais que, pour la transparence et la reddition de comptes, là, les anciens gouvernements, là, n'ont pas de leçons à donner.

On peut facilement convenir que les trois portions d'études qui ont été égrenées ne puissent pas permettre d'établir un portrait d'ensemble de la situation linguistique au Québec. Ce n'est pas un rapport complet.

Alors, la grande question, M. le Président, que je vous pose, c'est : Pourquoi nos prédécesseurs ont-ils délibérément empêché les Québécois d'avoir l'heure juste quant à l'évolution du français au Québec? Pourquoi? Pourquoi ne pas avoir produit le rapport quinquennal en 2017, tel que le prévoit la loi? C'est une obligation qu'a l'Office québécois de la langue française à l'article 160, je vous le répète. Ça n'a pas été fait, M. le Président.

Ironiquement, la troisième opposition m'interpelle aujourd'hui et questionne notre manque d'engagement puisque ça fait partie du discours. Alors, spontanément, je vais lui répondre : M. le député, il aura fallu plus d'une demi-douzaine de ministres et 12 ans pour obtenir un rapport complet, alors qu'il n'aura fallu que six mois à ce nouveau gouvernement de la Coalition avenir Québec pour arriver à faire en sorte que l'office le produise, ce rapport. Ça, M. le Président, ça s'appelle un gouvernement qui agit. Ça s'appelle aussi un gouvernement transparent. Nous les voulions, ces données, tout comme lorsque nous étions dans l'opposition, tout comme le Parti québécois l'a réclamé également. Nous les voulions, ces données, nous voulions ce rapport.

Bien, permettez-moi de faire les choses dans l'ordre. Les six derniers mois ont été l'occasion pour nous, en l'absence de rapport récent ou de données scientifiques, de baser nos constats sur des cas concrets, sur les écueils, les écueils de l'héritage libéral, aux vieux réflexes d'une machine laxiste. Parce qu'on a vu qui s'est passé des choses au cours des six derniers mois, et les oppositions nous le faisaient remarquer, à juste titre, parce que moi aussi, j'ai sursauté. Lorsqu'on a vu les cas, pensons à l'affichage en anglais à l'hôpital de Lachute, on a réagi, on a agi. Quand on pense au cas récent d'Amazon, Amazon qui affichait des offres d'emploi uniquement en anglais, bien, on a agi, là, ça a été corrigé. Quand on pense, entre autres, au cas de la rue Wellington, des commerces qui affichaient en d'autres langues que le français — c'était dans nos journaux — bien, on a agi. Ça, ça s'est passé au cours des six derniers mois. La situation a été corrigée.

Le premier ministre et moi avons, à maintes reprises, affirmé nos intentions dès notre entrée en poste, insistant sur une application plus ferme de la loi 101, notamment, relativement à l'anglicisation de la métropole, en constatant l'immense rattrapage qui s'impose à Montréal. Je le disais, ça m'inquiétait. Je le disais dans mes premières entrevues, je crains qu'il y ait une forme d'anglicisation à Montréal. On le voit, on l'entend. Je le craignais. Bien, aujourd'hui, c'est confirmé.

Nous avons indiqué, il y a quelques mois, notre intention de donner le ton rapidement pour assurer l'application de la loi 101 et amorcer un important virage français pour le Québec. Donc, comme première action concrète, en marge du Mois de la francophonie, nous avons doté l'OQLF d'une toute nouvelle présidence en la personne de Mme Ginette Galarneau. Nous voulons et nous ferons de l'OQLF et de ses membres un partenaire de premier plan pour entreprendre un virage digne de ce nom.

L'opposition parle sans cesse de renforcer la loi 101, mais, je vous dis, si on commençait par en assurer l'application, si on commençait par nous assurer que les organismes qui s'occupent de la charte puissent s'acquitter de leur mandat comme il se doit, si on solidifiait la base, M. le Président? Commencer par le commencement, M. le Président.

Quand je parle de faire les choses dans l'ordre, bien là, écoutez, j'ai le privilège, ce matin, d'avoir en ma possession une copie encore toute chaude du Rapport sur l'évolution de la situation linguistique du Québec. Le député des Îles-de-la-Madeleine en parlait. Alors, le voici, ce fameux Rapport sur l'évolution de la situation linguistique au Québec, avril 2019. M. le Président, les Québécois, tous les citoyens du Québec et les oppositions, le Parti québécois particulièrement, attendaient ce rapport-là depuis des lunes, nous aussi, lorsque nous étions dans l'opposition. Nous agissons. Ce matin, notre nouvelle présidente de l'OQLF a déposé ce rapport. Elle l'a déposé il y a quelques heures à peine, au moment même où nous amorçons aujourd'hui ce débat. Mais il faut dire que notre nouvelle présidente est entrée en poste il y a à peine deux mois, et ce qu'elle est en train de faire... Vous savez, le député me disait, le député des Îles-de-la-Madeleine, que c'est préoccupant que ce rapport sorte aujourd'hui. Bien, non, moi, je dis hourra!

• (10 h 20) •

Vous savez, le gouvernement, lorsqu'il entre en fonction, le gouvernement, il doit donner ses orientations. C'est pour ça que nous sommes des élus. Nous sommes tous élus, et le gouvernement donne ses orientations. Et, dès le départ, lorsque je suis entrée en fonction, j'avais donné mes orientations à l'ancien directeur général de l'OQLF. Et on l'attendait, on l'attendait, ce rapport. L'occasion du renouvellement du mandat est arrivée. Notre gouvernement a nommé une nouvelle directrice générale. Et je lui ai répété : Nous voulons ce rapport quand il sera prêt. Il y a, sur ce rapport, d'importants chercheurs qui y ont travaillé. Alors, ce matin, c'est avec grand plaisir... Et j'ai dit : Lorsque nous l'aurons, de grâce, offrons-le aux citoyens, offrons-le aux oppositions. Il était impératif pour nous d'avoir ce document en main le plus rapidement possible pour que tous les Québécois puissent en prendre connaissance, tous les citoyens du Québec puissent avoir le portrait, le portrait global de la situation de la langue au Québec. Et d'éminents chercheurs y ont travaillé. Et, vous savez, je n'ai pas eu le temps d'en prendre connaissance. Je l'ai... Le conseil d'administration, le conseil l'a entériné, il y a quelques heures à peine, hier. Alors, ce document, j'invite tous les citoyens à en prendre connaissance, et on va en apprendre davantage aujourd'hui, mais c'est de la transparence.

Argumentation

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant procéder en alternance aux interventions de cinq minutes selon la séquence suivante : un député de l'opposition, la ministre, un député du groupe formant le gouvernement, et ainsi de suite. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme la ministre. Vous avez fait grand état de l'héritage dont vous avez pris connaissance, là, suite à 15 années de laxisme. Et on est d'accord avec cette analyse-là. Le fait que les actions n'ont pas été prises au cours des dernières années ne peut pas justifier l'absence d'un plan de match. C'est ce qu'on veut obtenir aujourd'hui comme réponse de la part de la ministre, c'est quelles sont les véritables orientations. Le fait de vouloir appuyer des décisions sur un portrait juste de la situation vous honore, mais il y a quand même un certain nombre d'éléments qui seront sans doute dans le rapport qui peuvent s'apercevoir, s'observer de façon empirique au jour le jour dans les entreprises, dans la ville de Montréal en particulier, dans le paysage urbain. Et, à cet égard, nous avons de la difficulté à voir comment, par exemple, on peut, à l'occasion d'un budget, soutenir que les actions seront prises, alors que ce que l'on observe, c'est qu'il n'y a pas davantage de ressources données à l'Office québécois de la langue française pour faire appliquer la loi avec plus de fermeté, comme vous le dites.

En fait, en réponse à une question que nous avions posée, ce qu'on a pu comprendre, c'est que, oui, il y avait davantage d'argent qui serait investi en publicité, donc, en campagnes de sensibilisation, ce qui n'est pas mauvais en soi, mais il n'est pas question de cela lorsqu'il est plutôt affirmé que la loi sera mieux appliquée ou appliquée avec davantage de fermeté. Et, par ailleurs, bien, on dit du même souffle que des postes, huit postes... des contrats ne seront pas renouvelés. Alors, je vous repose la question : Comment peut-on croire qu'il y aura effectivement une modification de l'approche avec ce nouveau gouvernement si on coupe dans les ressources pour faire appliquer la loi? Alors, on déplore l'apathie du gouvernement précédent, mais on ne met pas les moyens en place pour agir davantage.

Alors, ça, c'est une contradiction que l'on relève et qu'on aimerait pouvoir débattre et sur laquelle on aimerait obtenir des explications pour mieux comprendre l'approche du gouvernement, surtout qu'à plusieurs reprises, entre 2015‑2016 et la campagne électorale qu'on a vécue l'automne dernier, le parti de la Coalition avenir Québec mentionnait effectivement qu'il fallait agir et qu'il fallait donner plus de mordant ou plus de poids aux interventions en matière de langue française, notamment l'idée de créer un commissaire à la langue française, donc évidemment une action qui devrait être enchâssée dans la loi, qui viendra, en quelque sorte, là, remplacer le chien de garde, là, le conseil qui existait... le Conseil de la langue française qui existait. Et donc cette approche-là, sans présumer des résultats que ça pourrait donner, semblait au moins traduire une volonté d'agir, d'agir de façon plus ferme et elle n'apparaît pas actuellement sur le radar du gouvernement. On n'a pas réitéré cette intention-là.

On aimerait pouvoir avoir davantage de détails, donc, sur la réflexion qui se fait au gouvernement quant aux actions à mener pour véritablement que les paroles qui sont rassurantes sur la volonté de raffermir la présence du français dans la société, dans le rapport de l'État avec les citoyens, avec tous les citoyens... Et, oui, il y a eu des interventions qui, selon nous, étaient appropriées. Lorsqu'on a vu, par exemple, là, ce qui s'est passé à l'hôpital de Lachute, le gouvernement a réagi comme il se doit, et c'était la moindre des choses, mais on peut saluer le fait que ça soit fait. Par contre, on n'a pas entendu la même fermeté en ce qui concerne, par exemple, le lien des sociétés d'État avec ses clients, notamment la décision d'Hydro-Québec de produire des factures unilingues anglaises.

Le Président (M. Asselin) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour un maximum de cinq minutes.

Mme Roy : Ça va vite, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Ça va vite.

Mme Roy : J'étais pendu aux lèvres, aux paroles de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine. Je vous écoutais puis, mon Dieu! déjà mon tour.

Il y a beaucoup de choses dans ce que vous venez de dire, mais je salue le fait que vous saluez le fait que notre gouvernement a agi rapidement relativement à l'affichage anglophone de cet hôpital. Effectivement, notre premier ministre a réagi aussitôt. Le visage du Québec est français, l'affichage sera français pour nos institutions, nous parlions ici d'un hôpital, et la situation a été corrigée rapidement.

Et, si vous permettez, je vais revenir précisément sur cet important rapport qui a été rendu public ce matin, et j'y reviens parce qu'on y trouve, à l'intérieur, vraiment le portrait global de la situation du français au Québec, chose que tous les intéressés, les citoyens, les analystes, les chroniqueurs, les politiciens attendaient depuis 2007. Il s'agit du premier rapport complet, tel que prévu par la Charte de la langue française, à être rendu public en 12 ans. C'est ce qui s'appelle un exercice de transparence. Et je ne peux que saluer, M. le Président, l'arrivée de notre nouvelle directrice générale, qui a compris les orientations du nouveau gouvernement, qui veut travailler main dans la main et avec le nouveau gouvernement pour s'assurer de faire la promotion de notre langue française, pour s'assurer que la Charte de la langue française soit appliquée.

M. le député des Îles-de-la-Madeleine me demande des solutions tout de suite, ce matin. Il y en aura, des solutions, mais vous allez me permettre de prendre connaissance de ces études, puisque le document que je brandissais tout à l'heure, ce document-ci, c'est un rapport, c'est un résumé de neuf nouvelles études qui s'additionnent à neuf autres, une vingtaine d'études au total, qui ont été réalisées de façon très méticuleuse par des chercheurs universitaires et qui totalisent plus de 1 000 pages d'études et d'analyses. Et c'est la raison pour laquelle je dis et je réitère le fait que j'invite la population du Québec à en prendre acte mais surtout à s'y intéresser parce que je crois que la protection de la langue française, c'est aussi une responsabilité collective.

• (10 h 30) •

Vous nous parliez de la loi 101 tout à l'heure. C'était une loi plus que nécessaire, c'est une loi qui a permis de nous assurer de la pérennité du français, et cette loi, on l'a appliquée, et nous le verrons à la lecture même de ce rapport, de façon différente au fil du temps. À certains égards, à certains moments, il y a eu du laxisme, tout dépendant des gouvernements qui étaient en place. À d'autres moments, on était plus sensibles à l'importance de la protection de la langue française.

M. le Président, nous sommes un gouvernement pour qui la langue française, c'est une valeur primordiale. La langue française, c'est beaucoup plus qu'un moyen d'expression, c'est qui nous sommes, c'est notre identité, c'est notre culture, nous voulons la partager et nous voulons surtout l'enseigner au plus grand nombre. Vous savez, M. le Président, la langue française sera toujours vulnérable en Amérique du Nord, nous sommes entourés de cette mer d'anglophones et allophones, alors il faut en prendre soin, mais c'est une langue magnifique.

Et je vous parlais de la nouvelle présidente de l'Office québécois de la langue française, office qui doit justement protéger et valoriser la langue française, et je vous disais que nous allons travailler ensemble et donner des orientations, soyez-en assuré, mais soyez assuré aussi d'une chose : Ce n'est pas la coercition qui nous intéresse, c'est la collaboration. Il faut faire naître, dans le coeur de chaque Québécois, l'amour de la langue française, et particulièrement des néo-Québécois, des nouveaux arrivants. Il faut faire comprendre aussi à bien des gens que la langue française, c'est ce qui nous distingue, c'est ce qui fait notre richesse, c'est ce qui fait la beauté du Québec et c'est ce qui fait que nous sommes attractifs, c'est ce qui fait que les citoyens d'un peu partout sur la planète, je n'ai qu'à penser à nos amis du sud de la frontière, nos amis américains, viennent ici, viennent particulièrement, ou dans le Vieux-Québec ou dans le Vieux-Montréal, pour ce charme...

Le Président (M. Asselin) : Merci.

Mme Roy : Mon Dieu, que ça va vite, M. le Président!

Le Président (M. Asselin) : Ça va très vite.

Mme Roy : Bon, je poursuivrai...

Le Président (M. Asselin) : C'est maintenant au tour du député de Saint-Jean de nous adresser la parole. À vous.

M. Lemieux : Merci beaucoup, M. le Président. Je veux remercier notre collègue à mon tour, le collègue des Îles-de-la-Madeleine, de nous donner l'occasion de discuter de la langue française ce matin, de l'importance évidemment de la protéger, même s'il fait ça en reprochant au gouvernement son manque d'engagement à cet égard. Mais ça, on va y revenir. Mais, pendant que j'en suis aux mercis et aux mots d'usage, c'est mon baptême d'une interpellation au salon bleu, et ça tombe bien parce que, vous allez le voir, vous allez l'entendre, il s'est passé des choses au cours des dernières semaines, des derniers mois, qui font que j'ai plein de choses à dire, justement.

Pas plus tard qu'hier, de toute façon, j'entendais encore notre premier ministre répéter en cette Chambre, assis juste là, combien notre langue était fragile, et l'importance que lui accordait à sa protection. Le fait est que c'est probablement ce que nous pensons tous et toutes en cette Chambre, et la réalité nord-américaine à laquelle faisait référence notre ministre est probablement la raison fondamentale de tout ça.

D'ailleurs, ce qu'elle dit depuis presque six mois... Mais c'est presque six mois, Mme la ministre, parce qu'en m'assoyant ici, je suis face à face avec le fameux calendrier qu'on a en Chambre et je remarquais qu'il y aura, dans quelques jours, l'anniversaire de vos six mois, de nos six mois, comme assermentation. On a été élus le 1er octobre, mais assermentés un peu plus tard. Toujours est-il que c'est de la musique à mes oreilles d'entendre la députée de Montarville, notre ministre responsable parler de ce rapport qu'elle a entre les mains et de ce qu'elle veut faire avec parce qu'il y a beaucoup à faire avec. Effectivement, les dernières données dataient d'un peu trop longtemps, elle en a déjà donné l'explication, mais, même à mon âge, je suis capable de remarquer qu'il y a plus que le contexte nord-américain qui fait en sorte que la bataille du français est toujours à recommencer. Comme notre premier ministre le disait, c'est que le contexte global, le 2.0, 3.0, 4.0, M. le Président, vous jugerez, fait en sorte que cette globalité et cette numérisation de notre planète, maintenant, fait en sorte que l'anglais a pris le pas sur le reste de la planète, et donc nos nouvelles générations, nos nouveaux arrivants aussi nous forcent à nous remettre continuellement en question et à nous mettre en contradiction avec nous-mêmes par rapport avec ce qu'on veut pour cette langue française à l'avenir.

Évidemment, on veut plus, on veut mieux, on l'a déjà dit, et c'est déjà commencé. Il faut la protéger, mais il faut la promouvoir aussi, la langue française. Ça se fait de plein de façons, c'est une responsabilité collective, mais c'est aussi par l'exemple. La fierté qu'on a de notre langue, la fierté qu'on a de la parler, de bien la parler, fait en sorte qu'on transmet forcément cette fierté-là et cette importance-là aux générations qui nous suivent et aux nouveaux arrivants qui se joignent à nous.

Je vous parlais de ce qui s'est passé au cours des derniers mois. Je ne peux pas vous donner son nom parce que je n'ai pas réussi à la rejoindre depuis hier pour lui demander la permission de citer sa lettre avec son nom, mais c'est une citoyenne qui a écrit à mon bureau de comté le 28 février dernier et qui se plaignait, qui était même plus qu'en train de se plaindre, elle était exaspérée de voir à notre télé des émissions qui maintenant utilisent le titre en anglais parce que c'est comme ça qu'on les connaît, les House of Cards de ce monde, même en version française, et les autres émissions en version française mais avec des titres en anglais. Et elle écrivait à sa députée, cette dame de mon comté, pour dire : Y a-tu moyen de faire quelque chose? Ça m'exaspère, ça m'horripile, ça me dérange. Son député, votre humble serviteur, lui a répondu en commençant par dire : Vous avez tellement raison, madame, sur toute la ligne.

C'est un combat quotidien, la défense du français, la défense de notre langue. Et, même si, dans l'interpellation du député des Îles-de-la-Madeleine ce matin, il était dit qu'il fallait... la nécessité de renforcer la loi 101, il commençait par dire le manque d'engagement du gouvernement en matière de protection afin de combattre l'inquiétant recul. Bien, on verra le recul quand on pourra voir les 20 quelques études dont parlait la ministre et de ce qu'il y a d'autre comme données probantes, nouvelles, et pertinentes et actuelles dans ce rapport.

Mais je suis conscient et je suis certain d'une chose, M. le Président, c'est que le gouvernement avec lequel j'ai été élu le 1er octobre dernier va faire ce qu'il faut et va faire comme il faut pour que notre fierté de parler cette langue reste bien vivante tout au long des années où nous aurons la chance de faire ce qu'il faut. J'aurai l'occasion de revenir pour parler, entre autres, de la promotion qu'on doit faire de la langue française.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Je cède maintenant la parole au député de Viau.

M. Benjamin : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je salue Mme la ministre. Je salue aussi les collègues présents pour cette interpellation.

Je suis très content d'être là aujourd'hui puisque... comme député du Parti libéral du Québec, comme député de la circonscription de Viau, mais aussi comme grand amoureux de la langue française aussi. Cette langue, c'est une langue dans laquelle j'ai publié, j'ai publié plusieurs recueils de poèmes. C'est une langue aussi avec laquelle... que j'ai utilisée pour travailler auprès des jeunes, de jeunes Montréalaises et de jeunes Montréalais, un peu partout, pour partager avec eux mon amour pour cette langue.

Écoutez, dans un premier temps, ce qu'il faut savoir, le travail que le Parti libéral du Québec a toujours fait, c'est un travail de vigilance et de pragmatisme. Je parle de vigilance et de pragmatisme. Et, si nous avons aujourd'hui à parler des faits... Nous ne pouvons pas faire l'économie des faits. Un premier fait, la première fois dans l'histoire du Québec que la langue française est devenue une langue officielle, c'est en 1974. Donc, ça, c'est un fait, c'est l'histoire.

Et, aujourd'hui, je partage aussi, d'ailleurs, les propos de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, les premiers dans les remarques préliminaires, à savoir sur le caractère précipité de ce dépôt de ce rapport, à moins de 24 heures, à moins de 24 heures d'une interpellation. Comme la ministre, je n'ai pas encore pris connaissance du rapport, mais les quelques faits saillants me permettent de déclarer ce qui suit : Je crois qu'il y a une première personne, je crois, que ce rapport va rassurer, c'est le premier ministre du Québec. Donc, je pense que le premier ministre du Québec doit se rassurer, ses petits-enfants vont parler français. Et moi, personnellement, je crois aussi que mes petits-enfants, si j'ai la chance d'en avoir, donc, mes petits-enfants parleront français. Donc, alors... Et, si on doit parler des faits saillants, on va parler de quelques éléments des faits saillants qui sont sortis dans ce rapport.

«Depuis 2007 — et c'est le rapport, c'est les faits saillants — les anglophones de l'île de Montréal utilisent davantage le français dans l'espace public. [...]En 2016, 94 % des Québécoises et des Québécois déclarent être en mesure de soutenir une conversation en français.» Ce sont des faits, M. le Président.

• (10 h 40) •

L'attraction — un autre fait — l'attraction du français chez les allophones arrivés récemment s'accentue progressivement puisqu'ils sont, depuis 1981, plus nombreux, à chaque cohorte d'immigration, à utiliser le plus souvent le français à la maison. Dans l'espace public, nous allons y revenir dans une autre... dans une prochaine intervention, mais je tiens tout de suite à souligner ce fait, M. le Président, le français est utilisé seul ou conjointement avec l'anglais par 88 % de la population en 2016, un résultat stable par rapport à 2007.

Un autre fait important, l'enseignement, l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire et secondaire en français ont fait des gains considérables depuis l'adoption de la charte, particulièrement sur l'île de Montréal. «En 2015, 90 % des élèves fréquentaient une école de langue française. Plus précisément, 28 % de l'ensemble des élèves de langue maternelle anglaise et 89 % de ceux de langue maternelle autre fréquentaient une école de langue française.»

Vous savez, M. le Président, souvent j'entends... Quand vient le temps d'aborder cette question importante, importante, vitale, vitale pour l'ensemble du Québec qu'est la langue française, on parle de l'île de Montréal. Mais écoutez les propos. L'île de Montréal qu'évoquait tout à l'heure Mme la ministre me semble étrangère, puisque c'est une île que je connais très bien. J'y vis, donc, j'y ai travaillé, et un peu partout, dans l'est, dans l'ouest, au nord comme au sud, et, bien sûr, ce sur quoi qu'il faut tabler aujourd'hui... Il nous faudra être vigilants, évidemment, à tout instant, à chaque instant, pour la protection, la valorisation de notre langue, mais, de grâce, il ne faut pas être alarmiste, car ce qui commande aujourd'hui la protection de la langue française, aujourd'hui, commande que nous soyons responsables dans nos propos, dans nos déclarations et surtout dans nos actions. Et pour ce qui est des actions, je crois que j'aurai l'occasion tout à l'heure de revenir, pour ce qui est des actions que le Parti libéral du Québec a réalisées au cours des dernières années en matière de la protection et de la valorisation de la langue française. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député de Viau. Je cède maintenant la parole pour cinq minutes à Mme la ministre.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. M. le député de Viau, pour qui j'ai un très grand respect, me fait sourire ce matin lorsqu'il dit que ce rapport, ce rapport que je vous remontre ici, de l'Office québécois de la langue française, a été déposé de façon précipitée. M. le Président, ça fait 12 ans que les citoyens du Québec l'attendent. De façon précipitée... Moi, j'aimerais demander au député de Viau comment se fait-il que, lors de la dernière législature... Votre gouvernement, le gouvernement libéral était en poste de 2014 à 2018, et... qu'en aucun temps ce rapport, qui est une obligation de la Charte de la langue française, une obligation à son article 160, comment se fait-il que ce rapport complet n'a jamais été déposé? Moi, je trouve ça terriblement intrigant et même, je vous dirais, inquiétant, parce que, vous savez, les chercheurs, les analystes, les politiciens, la population au complet a le droit de savoir quel est le portrait réel, et votre gouvernement n'a pas livré la marchandise. Et je me demande pourquoi, je me pose des questions. Et si je peux rassurer mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, dès mon arrivée en fonction, et mon collègue député le disait, à juste titre...

Une voix : ...

Mme Roy : ...de Saint-Jean, voilà, le disait à juste titre — je suis habituée de vous appeler Louis, désolée — le disait à juste titre : Nous sommes en poste depuis octobre 2018, assermentés le 18 octobre 2018, et, dès mon arrivée en fonction, j'ai posé des questions à l'OQLF, M. le député de Viau, dès mon arrivée. On m'a dit : Ah! vous savez, il y a des études, ça ne va pas très bien sur l'île de Montréal. Et j'ai dit : Ah! oui, j'ai hâte de voir, j'ai hâte de les avoir, ces études. Et les mois ont passé, octobre, novembre, décembre, janvier, février, toujours pas d'études. Et je les ai demandées, M. le Président, j'avais hâte de les voir. Le mandat de l'ancien président-directeur général est venu à échéance, nous avons nommé une nouvelle directrice générale, et je lui ai dit : Les études dont on me parlait, là, est-ce qu'on peut les avoir? En février, j'ai réitéré cette demande des études. J'ai dit : Notre gouvernement veut voir ces études, et le plus tôt sera le mieux. Bien, M. le Président, en moins de deux mois, en moins de deux mois, elle a réussi à faire en sorte qu'elle puisse présenter à l'office, à ses membres, cette étude, puisqu'il y a un dépôt qui doit être fait en bonne et due forme. Ça a été fait, à moins que je ne m'abuse, hier soir ou avant-hier, au cours des dernières heures. Et, ce matin, elle les offre à la population. Alors, moi, ce qui me préoccupe, c'est que vous trouvez que ce soit précipité. Moi, je suis plutôt ravie, je suis plutôt ravie que ces études aient été publiées. Et je le répète : prenez-en possession, puis on va avoir un portrait très précis des actions que nous devons prendre.

Mais j'ai vu mon collègue déjà dire quelques bribes d'information. Moi aussi, je vais vous en donner d'autres, quelques bribes, parce que je n'ai pas lu l'entièreté des 1 000 pages, vous le comprendrez. Mais il y a une nouvelle réalité, il y a un nouveau phénomène qui s'inscrit au Québec — il me reste 1 min 36 s, vous comprendrez qu'on va poursuivre cet échange. «Dans l'ensemble du Québec, [on apprend que] le poids des personnes déclarant avoir le français comme seule langue maternelle a, en effet, baissé — il a diminué — entre 2011 et 2016.» Le poids des personnes déclarant avoir le français comme seule langue maternelle est passé de 78 % en 2011, à 77 % en 2016, on descend. Celui des personnes de langue maternelle anglaise a, lui aussi, légèrement fléchi, ça, c'est une surprise. Il y a aussi moins de personnes de langue maternelle anglaise, c'est passé de 7,7 % à 7,5 %. Mais voici ce qui est intéressant et nouveau, qui est la nouvelle réalité du Québec, tandis que le poids des personnes de langue maternelle autre a augmenté, il est passé de 12 % à 13 % durant la même période, de 2011 à 2016. Alors, c'est le poids démographique des personnes allophones qui augmente actuellement.

Alors, voyez-vous, on est devant une nouvelle réalité, une nouvelle réalité qui nécessitera de nouvelles interventions pour s'assurer que cette nouvelle cohorte de Québécois parle français. Et, moi, je veux que ce soit fait dans l'harmonie, dans la collaboration, dans l'amour de la langue française. Et j'avais commencé à dire à votre collègue des Îles-de-la-Madeleine que cette langue-là, c'est une richesse, nous la partageons, et il faut justement que les nouveaux arrivants la partagent, et on va les convaincre.

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Richelieu.

M. Émond : Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux de prendre la parole, ce matin, dans le cadre de cette interpellation du vendredi. Je salue Mme la ministre de la Culture et des Communications et la ministre responsable de la Langue française, mes salutations aux collègues députés et aussi à l'ensemble des collaborateurs qui sont présents, ce matin, avec nous.

Alors, comme nous traitons, ce matin, M. le Président, de la langue française, permettez-moi de souligner, et je le constate depuis un certain temps déjà parce qu'on se connaît depuis plusieurs années, la qualité du français de Mme la ministre à chacune de ses interventions, donc, pour un nouveau député comme moi, c'est un peu un modèle, si j'oserais dire. Je vais être bon joueur également en soulignant le député des Îles-de-la-Madeleine, qui s'exprime avec beaucoup d'éloquence, le député de Viau, je le constate à chacune des périodes de questions au salon bleu, la période de questions, ce moment où il règne une franche camaraderie entre tous les parlementaires. Et, vous savez, je suis certain que l'ensemble des collègues députés, comme moi, nos commettants dans chacune de nos circonscriptions nous indiquent qu'ils suivent nos travaux, hein? Et, moi, à chaque fois que je leur dis : Bien, ne suivez pas uniquement la période de questions, je vous invite également à suivre les travaux en commission parlementaire, qui sont très intéressants.

Ceci étant dit, M. le Président, je crois que Mme la ministre responsable de la Langue française a été très claire en décembre dernier, la loi 101, nous croyons qu'il n'est pas nécessaire de la renforcer, mais il faut toutefois s'assurer qu'elle soit appliquée avec fermeté et discernement afin de protéger adéquatement le français au Québec. Et, en tout respect pour mon collègue de Viau, je rappellerais que le Parti libéral, dans le cadre de la politique culturelle et plan gouvernemental, alors, sur un budget total de 600 millions de dollars, contant 41 mesures, alors, il n'y avait de réservé que 11,5 millions de dollars dans trois petites mesures pour la promotion et la valorisation de la langue française. Alors, ce sous-financement, M. le Président, n'est pas le seul impair du précédent gouvernement.

J'aimerais vous indiquer quelques constats faits à notre arrivée en poste en octobre dernier. On a parlé beaucoup de l'Office québécois de la langue française, mais qui n'avait pas terminé son rapport quinquennal, Rapport sur l'évolution de la situation linguistique au Québec, qui devait pourtant être publié en septembre 2018, Mme la ministre l'a souligné à plusieurs reprises aujourd'hui, on est heureux que ce soit maintenant fait. L'OQLF peinait à s'acquitter de son mandat, tant sur le plan de l'application de la charte que de la stratégie d'enseignement et d'apprentissage de la langue française pour les nouveaux arrivants. La primauté de la langue française n'apparaît pas dans la politique culturelle et le plan gouvernemental, les indicateurs laissaient apparaître la perte de vitesse de la langue française dans la région métropolitaine de Montréal.

• (10 h 50) •

Alors, ce que je retiens ici, c'est que nous avons débuté, M. le Président, le mandat alors que la situation de la protection du français était loin d'être, disons, optimale. Mais le gouvernement actuel, avec Mme la ministre en tête, a pris acte de cette situation. Alors, nos engagements afin de corriger la négligence des dernières années sont nombreux.

Commençons en disant que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec la nouvelle directrice de l'OQLF nommée en février dernier. Le gouvernement va également travailler en étroite collaboration avec les instances municipales des 16 régions administratives pour y faire la promotion du français. Notre stratégie assurera la primauté du français dans l'espace public québécois. Nous mettrons également en place les conditions menant à l'exemplarité et au renforcement de l'usage du français dans l'appareil gouvernemental, et nous allons poursuivre les actions menant à stimuler l'intérêt envers la langue française en faisant valoir tous les avantages de celle-ci en faisant, entre autres, la promotion de l'offre gouvernementale en francisation et en faisant également la promotion de l'utilisation du français comme langue de service dans les commerces québécois.

Puis cette dernière mesure de financement des ententes de développement culturel avec les instances municipales qui soutiennent et mettent en oeuvre des actions visant l'emploi, la qualité et la promotion du français au Québec, alors, ce sont 750 000 $, M. le Président, en crédits par le biais du Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française. C'est 35 ententes de développement culturel avec autant d'instances municipales qui ont été négociées pour inclure des projets de promotion du français. Alors, selon moi, ce sont des initiatives concrètes, porteuses de résultats qui aideront à assurer la francisation des immigrants à travers des activités culturelles en français. Et j'aurai l'occasion de développer davantage sur nos actions dans ma prochaine intervention, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député de Richelieu. Maintenant, la parole est au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur les propos de la ministre qui dit ne pas vouloir privilégier une approche coercitive dans le dossier de la langue française. Et, évidemment, ça force un certain sourire lorsqu'on regarde ce qui se passe avec l'approche gouvernementale dans des projets qui lui tiennent véritablement à coeur, que ce soit le projet de loi sur le taxi — s'il y a des éléments qui sont coercitifs, c'est bien dans ce projet-là qu'on les retrouve — évidemment, il y a toute la question des autres projets de loi qu'on pourrait nommer les uns après les autres où le gouvernement agit de façon résolue pour le meilleur ou pour le pire.

Et, pour ce qui est de la langue française, on sent une absence de volonté affirmée d'agir de façon résolue. On ne veut surtout pas toucher à la loi. Pourtant, on a le pouvoir de le faire. J'irais même jusqu'à dire qu'on a le devoir de le faire. Et, surtout, je m'interroge sur la capacité du gouvernement à infléchir la situation actuelle en utilisant les recettes qu'on dénonce sur le régime des 15 dernières années. Est-ce qu'on peut véritablement croire qu'en utilisant les mêmes moyens, on va obtenir des résultats différents ou inverser la tendance?

Je prends l'exemple des relations de l'État avec les entreprises ou avec les citoyens. Votre collègue d'Iberville, Mme Samson, proposait dans un rapport en 2016 de donner un vigoureux coup de barre en matière de francisation des immigrants, de cesser d'utiliser l'anglais dans les communications avec les allophones. Alors, je ne sais pas si c'est toujours l'intention du gouvernement d'agir de cette façon-là. Mais, de façon plus large, on l'a déjà réclamé, pourquoi le gouvernement ne mettrait-il pas en vigueur l'article 1 de la loi n° 104 qui consiste à entretenir des relations de communications en français avec les entreprises du Québec?

Ce n'est pas une modification législative. On dit, et, bon, j'y souscris jusqu'à un certain point, que, si l'Office québécois de la langue française doit se soumettre à des obligations de remettre un rapport à tous les cinq ans, bien, il faut aussi s'imposer des obligations à nous-mêmes de porter cette espèce d'esprit là de la loi 101, où on va communiquer avec les citoyens en français, on va exiger ici, au Québec, même s'il peut respecter certaines directives de l'office, quand même l'inciter à communiquer avec ses clients en français et même chose pour le gouvernement dans sa communication avec les entreprises.

Maintenant, il y a aussi toute la question auquel on n'a pas fait référence, du côté de la ministre, suite à l'intervention que j'ai faite plus tôt dans l'interpellation sur les moyens et les moyens financiers. Je ne vois pas dans les intentions, à l'heure actuelle, de la ministre cette volonté ferme de déployer des moyens pour que la situation s'améliore. Je ne le vois pas non plus dans le budget qui a été déposé, et j'aimerais, de façon plus pointue, qu'elle nous explique pourquoi huit contrats ont été abolis ou non renouvelés et comment est-ce que cette décision-là peut se traduire par de meilleurs résultats dans l'application plus ferme de la loi 101 par l'Office québécois de la langue française. Si les bobines ou les... plutôt les babines et les bottines doivent aller dans le même sens, bien, on doit quand même le démontrer, donc, que les actions suivent les ambitions, et de quelle façon ça peut se traduire à la fois dans les mesures concrètes, concrètes, et les mesures budgétaires adoptées. On aura l'occasion, au cours de la prochaine semaine, de regarder de façon plus attentive les crédits, mais on souhaite véritablement y trouver ce qu'on n'a pas vu à première vue, c'est les moyens d'agir sur le terrain pour traduire la volonté de la ministre d'agir de façon plus ferme dans le respect de la loi que ce qu'on a pu voir au cours des 10, 15 dernières années.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député des Îles. Alors, je redonne la parole à Mme la ministre.

Mme Roy : Merci. Bien, écoutez, d'entrée de jeu, je vais vous rassurer tout de suite, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il n'y a pas eu de coupures à l'OQLF, mais je vais vous expliquer ce qui s'est passé, vous allez voir, c'est très intéressant.

De un, ce qui s'est passé, c'est de l'optimisation. Et d'ailleurs le gouvernement, votre nouveau gouvernement, demande à tout le monde de s'assurer de voir... Y a-t-il des endroits où il y a de l'argent qui est là et qui pourrait aller ailleurs parce qu'il ne sert pas? Et voici ce que je vais vous expliquer. À juste titre, il y a huit postes à l'Office québécois de la langue française, huit postes qui étaient libres, qui étaient non comblés. Personne n'y travaillait depuis des lunes. Mais ils existaient. Il y avait des sous puis ils existaient, mais personne n'y travaillait. Alors, ce qu'on a fait, c'est que ces huit postes-là n'existent plus, mais... et ça équivaut... il y a toute une opération comptable, mais ça équivaut, au total, parce qu'on a pris des sous et on a augmenté les autres travailleurs de l'OQLF, soit dit en passant, et ça équivaut à une diminution, si on enlève les augmentations, de 165 000 $ au total.

Par ailleurs, nous avons augmenté de 4 millions de dollars, c'est important de le dire, nous avons augmenté le budget à la promotion de la langue française, et c'est ce que vous et moi souhaitons, qu'il y ait davantage d'argent dans ces services. La promotion, la valorisation, c'est ce que doit faire l'Office québécois de la langue française. Alors, je veux vous rassurer, là, parce que c'était la chaise vide, et il y avait de l'argent réservé pour la chaise vide et il ne se passait rien. Alors, vous avez bien compris l'explication.

Par ailleurs, j'aimerais revenir sur ce rapport puisque le collègue de Viau nous sortait quelques lignes qui, à ses yeux, étaient plutôt encourageantes. Mais, vous savez, il n'y a rien de tout noir, là, mais ce n'est pas tout rose, hein? On n'est pas dans le rose non plus. Et il y a des données qui sont inquiétantes. Et ce qu'il y avait d'intéressant, les bons coups, là, la francisation des jeunes, par exemple, des étudiants dans nos écoles, bien, ça, on le doit à la charte, on le doit à la Charte de la langue française. Elle fonctionne, elle fonctionne auprès des tout-petits. On francise les immigrants, les nouveaux arrivants avec nos écoles. Mais nous, ce que nous disons, M. le député, MM. les députés, c'est qu'il faut aller plus loin, et cette valorisation, cette promotion, il faut la faire de façon positive, avec coeur, avec amour, et non dans la coercition. Parce qu'une langue, c'est beau. Apprendre une langue, faire partie d'une communauté, d'une société, c'est par la langue qu'il y a de l'intégration. Et on y croit, et nos efforts seront dirigés en ce sens.

• (11 heures) •

Et vous allez voir... Vous dites : On fait plus de la même chose, plus de ce qui ne fonctionne pas. Bien, voyez-vous, le problème, c'est qu'on ne faisait rien avant. Alors là, la charte, nous allons l'appliquer et nous assurer que cette valorisation, cette promotion, ce respect, ce respect de la charte soit appliqué.

Maintenant, il y a des données inquiétantes dans ce rapport, il y en a quelques-unes qui me préoccupent particulièrement, par exemple en ce qui concerne la langue d'accueil. Vous savez que la charte reconnaît le droit d'être informé et servi en français dans les commerces. Alors, le service doit être en français, mais, en ce qui a trait à la langue d'accueil, les observateurs qui ont été mandatés, parce qu'ils ont été mandatés, ils sont allés se promener dans les commerces, ils ont découvert que la proportion de commerces offrant un accueil uniquement en français — et je vous vois sourire, parce que je m'en vais sûrement sur une piste que vous souhaitiez — donc la proportion de commerces offrant un accueil uniquement en français a reculé, entre 2010 et 2017, passant de 84 % à 75 %. Ça, moi, je trouve ça inquiétant. «En 2017, l'accueil exclusivement en anglais se concentrait surtout dans les commerces de la zone ouest de l'île de Montréal.» Quelle surprise! En 2017, 34 % des commerces de l'ouest de l'île nous accueillaient exclusivement en anglais, tandis que l'accueil bilingue se constatait principalement dans les commerces des zones ouest, à 14 %, et centre, à 13 %.

Par ailleurs, il y a d'autres données, écoutez, il y en a une ici... Il y a plein de données, là, je ne vous ferai pas le résumé, naturellement. La langue de travail. Je vous amène sûrement sur quelque chose que vous voulez me parler, alors : «Dans l'ensemble du Québec, 80 % des personnes utilisaient le plus souvent le français au travail en 2016, une baisse par rapport à 2011.» En 2011, c'était 82 % qui utilisaient surtout le français. Ça diminue, ça m'inquiète, nous allons en reparler dans quelques secondes.

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole au député de Richelieu... au député... à vous, M. le député de Saint-Jean. C'est Saint-Jean-sur-Richelieu. C'est à vous.

M. Lemieux : Moi, c'est Saint-Jean, lui, c'est Richelieu.

Le Président (M. Asselin) : Pas loin, quand même.

M. Lemieux : Merci, M. le Président. Loin de moi l'idée et encore plus l'envie de vous faire la leçon ou la morale, mais je pensais qu'il était important de mettre un peu de théorie autour de la pratique et de regarder les choses dans une perspective un peu plus philosophique. Vous savez, la protection de notre langue, M. le Président, transcende la partisanerie. Nous sommes, tous et toutes en cette Chambre, et tous et toutes dans le domaine public, les représentants du peuple. Ce peuple, il est digne et fier, et fier de sa langue.

Où que vous soyez sur l'échiquier politique, l'entièreté de la nation québécoise se voit reflétée dans le combat perpétuel que nous menons, au Québec, afin de défendre la langue française. J'ai presque envie de dire qu'on y est condamnés. Il ne faut pas y voir un affrontement dans les langues puisque la période des empires linguistiques globaux est révolue. Bon, bien, je ne vous ferai pas un cours d'histoire, mais vous savez qu'il est d'ores et déjà acquis que l'avènement de l'âge informatique a standardisé l'anglais comme langue d'usage dans les communications internationales.

Notre but n'a jamais été et ne sera pas non plus, pour le nouveau gouvernement, d'empêcher l'expression de langues diverses, surtout qu'il faut faire des affaires avec le reste de la planète. Il est plutôt question de continuer à faire rayonner le français chez nous, comme élément de fierté. Puisque le peuple québécois ressent ardemment de l'estime envers son héritage francophone, il est du devoir de l'État de supporter sa pérennité et de favoriser son apprentissage. Vous avez entendu la ministre de la Culture et des Communications, également responsable, on le sait, c'est pour ça qu'elle est là, de la Langue française; il est clair comme de l'eau de roche, pour quiconque a écouté ses paroles ce matin et depuis quelques semaines et quelques mois, que le gouvernement, à travers elle et à travers nous, a à coeur le statut de la langue française. Nous n'abandonnerons jamais nos efforts en ce sens, et aucun parti politique n'a le monopole sur ce front et sur cette question de la langue.

Il y a bien sûr l'aspect financier, comme manière d'y recourir, il y a également le volet promotion et valorisation, Mme la ministre en a parlé, j'ai quelques petits exemples pour plus tard. Nous sommes conscients, et vous avez pu le constater, que les investissements monétaires ne sont pas négligeables. C'est aussi par nos échanges commerciaux et culturels — je parlais de faire des affaires — que nous le faisons, c'est par le support des arts, de la télévision, du cinéma. Jamais nous ne renierons ces contributions.

L'apprentissage d'une langue et d'un langage se fait de plus en plus jeune de nos jours, semble-t-il, difficile pour moi d'en parler, mais on comprend tous qu'après un certain temps il est plus difficile pour les adultes d'apprendre une nouvelle langue. De la même manière, M. le Président, la valorisation du français ne se fait pas au détriment des autres langues ou cultures, comme certains se plaisent à le dire. Nous pouvons être fiers de notre langue tout en valorisant l'enseignement de langues secondes. Au-delà de la nécessité pratique de connaître l'anglais, nous voulons tous que nos enfants s'ouvrent sur les cultures du monde. La culture, elle rime avec langue. Les deux vont de pair et, ensemble, ils font et forment la fierté.

Il fut une fois où le français était la langue de l'aristocratie — on se fait raconter ça quand on est tout petit, à l'école — et de la haute bourgeoisie, en Europe, dans les grandes cours. Il était enseigné à Saint-Pétersbourg et à Amsterdam, le français, à la cour des rois et dans les universités. Le français a aussi longtemps été une langue de commerce, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise. Nous avons tendance à penser que son influence est révolue. Pourtant, selon les chiffres clés de 2017 de l'enseignement des langues à l'école en Europe, colligés par la Commission européenne, le français vient au deuxième rang du niveau secondaire inférieur. Le français, le tiers des élèves l'apprennent en Europe, surclassant l'allemand à 23 %, et loin devant l'espagnol, à 13 %. De plus, la francophonie se porte merveilleusement bien en Afrique grâce à l'explosion démographique de certains pays faisant partie de l'OIF. L'attrait du français à l'international et la ténacité des gens de chez nous, dont nous faisons entièrement et fièrement partie au gouvernement, fait en sorte que nous pouvons être confiants pour sa perpétuité, et pas seulement pour sa survie.

Certes, nous allons continuer de surveiller attentivement les fluctuations statistiques des constats sur l'utilisation du français à la maison, d'autant plus qu'on a des données fraîches à se mettre sous la dent. Nous allons continuer aussi d'être présents pour appuyer les communautés linguistiques francophones pancanadiennes, à commencer par nos voisins immédiats franco-ontariens et acadiens, que je connais bien et à qui je pense à chaque fois qu'on parle du français. Vous savez, j'ai passé 10 ans dans l'Ouest canadien, cinq ans en Atlantique. Il faut avoir à se battre pour protéger sa langue pour savoir à quel point elle est importante. C'est pour ça que les Français la défendent un peu moins, mais eux aussi vont finir par comprendre.

Le Président (M. Asselin) : Merci au député de Saint-Jean. Je cède maintenant la parole au député de Viau. À vous.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Écoutez, j'ai le goût de demander au député de Saint-Jean de m'emprunter ses paroles pour rappeler, comme lui, effectivement, que l'enjeu de la langue française, l'enjeu de la protection et de la valorisation de la langue française doit être un enjeu non partisan, doit être un enjeu où nous devons... Nous avons cette responsabilité-là, de travailler sur une base non partisane. Et cela me porte à poser la question suivante à la ministre : Quelle est la date de péremption? C'est-à-dire quelle est la date de péremption où nous allons arrêter à blâmer l'ancien gouvernement et à quand la ministre va déposer un plan d'action?

Vous savez, au cours des dernières années, je le disais tout à l'heure lors de ma précédente intervention, nous avions agi. Nous avions agi. Et les paradigmes, les paramètres dans lesquels nous avions agi, c'est la vigilance et aussi le pragmatisme. Nous sommes — je parle... je fais allusion à l'ancien gouvernement libéral — le gouvernement qui a fait adopter en 2016 un règlement autour de l'affichage, ce qui n'avait pas été fait depuis les 40 dernières années. Nous sommes aussi le gouvernement qui a mis en place une Stratégie partenariale de promotion et de valorisation de la langue française 2016 à 2021. Dans le cadre de cette stratégie-là, de nombreuses campagnes publicitaires, notamment De bonnes choses arrivent quand on parle français, en complémentarité avec l'homologue du MIDI, qui mettait en valeur les services de francisation. Nous avons toujours eu la ferme conviction qu'au Québec la connaissance et la maîtrise de la langue française permettent de mieux s'intégrer à la société, d'occuper un meilleur emploi et de mieux interagir avec sa communauté. C'est aussi, M. le Président, sous le dernier gouvernement libéral qu'a été mis en place le programme de jumelage linguistique, en collaboration avec la chambre de commerce du Grand Montréal. Ce programme est un élément exemplaire découlant de la Stratégie partenariale de promotion et de valorisation de la langue française. C'est un programme qui a permis des centaines de jumelages.

• (11 h 10) •

Un des éléments, je crois, et à la lumière des chiffres qui ont été évoqués lors de la dernière intervention de la ministre, un des éléments, je pense, qui manque aujourd'hui à cette interpellation... J'aurais aimé voir la ministre être accompagnée par son collègue ministre de l'Immigration pour nous parler, par exemple, de sa stratégie, de sa vision par rapport à la francisation des immigrants. Vous savez, M. le Président, aujourd'hui au Québec, un peu partout dans nos régions au Québec, il y a des organismes, beaucoup d'organismes communautaires qui travaillent au quotidien en accueillant les immigrants, en travaillant sur leur francisation. Aujourd'hui, j'aurais aimé entendre le ministre de l'Immigration sur les moyens financiers qu'il mettra en place, qu'il compte mettre en place pour soutenir davantage la francisation des immigrants. C'était d'ailleurs une des avenues dans laquelle nous croyions beaucoup. Quand on parle de protection, de valorisation de la langue française, il faut investir davantage au niveau de la francisation.

Un point sur lequel je suis d'accord avec la ministre, je suis d'accord qu'effectivement nous croyons que la coercition n'est pas nécessairement la meilleure avenue pour protéger et promouvoir la langue française. Comme elle, nous pensons effectivement que pour protéger la langue française et valoriser la langue française, donc, partout au Québec, qu'il faille davantage mettre en place des mesures de soutien pour faciliter la francisation, pour promouvoir la langue française, et dans toutes les couches de la population, quand je parle de cette promotion, promouvoir une bonne qualité du français. Et ça, c'est un engagement qu'il faut prendre dès maintenant.

Autre chose que j'aimerais aussi ajouter, aussi, quand on parle de la protection de la langue française, deux éléments, des faits parce que j'aime beaucoup les faits, M. le Président, un fait rapidement qui est sorti dans la dernière étude sur la situation linguistique au Québec : la proportion d'anglophones et d'allophones déclarant avoir une connaissance suffisante du français pour soutenir une conversation a augmenté au cours des 20 dernières années. En 2016, le français était la langue de travail pour la majorité des travailleuses et des travailleurs au Québec, 80 %. Les résultats liés à l'évolution du français comme langue de travail montrent une relative stabilité du français au travail. Est-ce que nous sommes satisfaits? Absolument pas. Il faut en faire plus et c'est pour cette raison que, comme le député de Saint-Jean, nous pensons qu'il faut travailler sur cet enjeu sur une base non partisane.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup au député de Viau. Maintenant, je céderai la parole à la ministre responsable de la Langue française.

Mme Roy : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, mon collègue de Viau m'a encore fait sourire quand il dit : Combien de temps ça va prendre au gouvernement pour qu'il arrête de blâmer le Parti libéral de ses actions? Bien, je vais lui répondre tout simplement, vous savez, vous n'étiez pas là, mon cher collègue, mais le Parti libéral en a cassé beaucoup, des pots, hein? Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de pots cassés, alors, ça va prendre le temps que ça va prendre pour tout réparer. Alors, voilà.

Maintenant, vous nous parliez de la langue de travail, avec cette étude de 2016. Alors, ici, on a le rapport complet, et je spécifie que ce rapport collige neuf études, dont celle dont vous parlez, mais également en additionne neuf autres. On a près d'une vingtaine d'études dans ce rapport. Si on parle de la langue de travail, c'est bien beau dire qu'elle se maintient, que le français est encore la langue majoritaire au travail, mais si on regarde de plus près à Montréal, et ça faisait exactement partie de l'interpellation de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, on apprend que, dans l'ensemble... Le député de Viau nous disait 80 % des personnes utilisaient le plus souvent le français au travail en 2016, mais il ne vous a pas dit que ça, c'est une baisse par rapport à 2011, alors que c'était 82 %. Alors, on diminue. Vous savez, les chiffres, là, on dit un chiffre, mais il faut peut-être comparer avec l'autre avant. Alors, de un, la donne de mon collègue de Viau, 80 %, bien, c'est une diminution, hein? En 2011, c'était 82 % des gens qui utilisaient le plus souvent le français au travail, et en 2016, 80 %, Donc, ça, c'est un indicateur qui est inquiétant. Par ailleurs, si on pose la même question pour les personnes résidant sur l'île de Montréal, eh bien, elles étaient beaucoup moins nombreuses, en proportion, à utiliser le français le plus souvent. Le français au travail, eh bien, sur l'île de Montréal, c'est de 60 % à 57 %. Moi, je trouve ça très, très inquiétant. Sur la couronne de Montréal, c'est de 83 % à 81 %, puis dans les autres régions du Québec, miracle, c'est de 91,4 % à 90,6 %. Donc, on descend, là. Le français au travail descend, entre 2011 et 2016, beaucoup sur l'île de Montréal, un peu sur la couronne et puis un petit peu dans le reste du Québec. Alors, il descend partout, M. le Président. Moi, je trouve ça particulièrement inquiétant.

Par ailleurs, plus de la moitié, 56 % de la population immigrante au Québec utilisait le plus souvent le français en 2016, tandis que près du quart, 24 %, y utilisait le plus souvent l'anglais. Mais quand on dit la moitié de la population immigrante, là, 56 %, c'est un immigrant sur deux utilisait le français pour travailler. Ce n'est vraiment pas beaucoup. Et le quart utilisaient l'anglais. Ça, c'est inquiétant. On est très, très loin de «français, langue de travail». Le français, c'est notre langue commune. Alors, il faut expliquer, il y a beaucoup, beaucoup de pédagogie qui devra être faite, beaucoup d'accompagnement. Il y a des directives qui devront être données en ce sens à l'Office québécois de la langue française parce que ce sont des tangentes inquiétantes qu'il faut redresser.

Par ailleurs, autre phénomène intéressant, la fameuse charte, notre charte, elle prévoit une démarche pour implanter le français dans les activités des entreprises de 50 employés et plus et dans les organismes de l'administration publique. Et ça, ça nous touche, hein, nous faisons partie de l'organisation... de l'administration publique, pardon, au Québec. Alors, il y a des chiffres très, très intéressants. Imaginez-vous que les ministères et organismes de l'administration publique, lorsqu'on parle de francisation, là, de détenir un certificat de francisation de l'Office québécois de la langue française, de la charte, pour dire que le français, c'est la langue normale et habituelle du travail, eh bien, dans ce rapport, on y apprend que «quant aux ministères et organismes de l'administration publique, en 2018 — donc, ça, c'est il y a six mois — 92 % des 2 344 organismes détenaient une attestation de francisation». Bon Dieu, M. le Président! Comme se fait-il que ce n'est pas 100 % des organismes du gouvernement qui détiennent ce certificat? Moi, je me pose des questions.

Et là le député de Viau me dit : Quand allez-vous arrêter de nous blâmer? Bien, vous n'avez pas été ambitieux à cet égard-là. Ça fait quatre ans que vous êtes là, pourquoi n'avez-vous pas poussé pour que les organisations gouvernementales obtiennent leur certificat de francisation? Vous étiez là pour le faire, vous ne l'avez pas fait. Vous savez quoi, M. le Président? On va s'y atteler pour augmenter ce nombre.

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Richelieu.

M. Émond : Merci, M. le Président. Alors, tout à l'heure, j'ai eu l'occasion de parler plutôt de mesures que notre gouvernement a mises en place pour favoriser la promotion du français au Québec. Maintenant, j'aimerais en présenter deux autres, si vous le permettez.

La première de ces mesures, le jumelage linguistique commerçants-étudiants, est un programme de mentorat financé par le ministère de la Culture et des Communications et qui est déployé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Le 29 octobre dernier, Mme la ministre a annoncé que le projet de jumelage linguistique sera décliné pour la première fois, M. le Président, à l'extérieur de la grande région de Montréal, soit dans la région estrienne, en collaboration avec l'Université de Sherbrooke. Le 1er février, une bonification de 450 000 $ a été annoncée également par Mme la ministre, faisant passer l'enveloppe de 950 000 $ à 1,4 million de dollars, quand même. À Montréal, le jumelage s'étend maintenant à six arrondissements, et c'est en cours de développement dans la couronne, notamment à Longueuil, et à Laval, ainsi qu'à Brossard. Alors, de plus, le gouvernement entend développer une démarche de jumelage... linguistique, pardon, adaptée à d'autres régions du Québec, notamment en Outaouais.

La deuxième mesure, M. le Président, présentement en développement, fait suite au rapport du 20 février 2018 du Conseil supérieur de la langue française intitulé La francisation et l'intégration professionnelle des personnes immigrantes. Alors, cette étude porte sur les principaux acteurs de la francisation des immigrants adultes au Québec, documente les différentes formes que prend l'offre de francisation et relève les résultats quant à l'intégration professionnelle des personnes immigrantes. Nous nous en inspirerons pour mettre en place des actions afin de s'assurer d'une offre gouvernementale en francisation qui favorise l'intégration pleine et entière des immigrants. Un tel portrait permettra de déterminer les meilleures pratiques et de suggérer des pistes d'amélioration pour l'adoption de pratiques conformes aux objectifs de la Politique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'Administration, qui a été adoptée en 2011.

• (11 h 20) •

Alors, maintenant, M. le Président, permettez-moi de citer quelques chiffres du rapport de la Vérificatrice générale en 2017. Premièrement, seulement le tiers des immigrants auxquels est destiné le processus de francisation se sont inscrits aux cours offerts par le ministère de l'Immigration entre 2010 et 2016. De plus, plusieurs s'inscrivent aux cours, mais abandonnent en chemin sans qu'aucun suivi ne soit effectué par le ministère. Moi, je trouve ça préoccupant, M. le Président. C'est seulement également 9,1 % d'entre eux qui ont atteint le seuil d'autonomie langagière, qui est la capacité, rappelons-nous, de fonctionner en société dans une langue. Nous savons tous, ne pas avoir cette autonomie affecte un bon nombre de sphères de la vie d'un immigrant sur sa terre d'accueil. Alors, ces chiffres, M. le Président, sont profondément gênants, mais notre gouvernement est déjà à pied d'oeuvre afin de les corriger.

S'attaquer à la francisation contribue à améliorer la rétention des immigrants que nous accueillons, mais aussi à faciliter leur intégration. Et j'aimerais... M. le Président, je vais prendre quelques secondes pour vous parler d'un exemple dans ma circonscription, chez moi, Sorel-Tracy, alors une entreprise de la région. Moi, vous savez, je viens du milieu des affaires et, déjà, on parlait, voilà huit, neuf, 10 ans, du problème de pénurie de main-d'oeuvre, mais on dirait, depuis deux, trois ans, que ça nous a frappés en pleine face, là. Dans mes rencontres avec les chambres de commerce, entre autres, avec les industries de ma région, c'est une préoccupation qui est vraiment, vraiment présente. Alors, un industriel de mon coin, une compagnie en usinage, avait un besoin pressant de main-d'oeuvre. Alors, plutôt que de passer par le canal actuel, il a identifié son besoin, a déniché deux travailleurs ukrainiens qui avaient des compétences particulières sur exactement ce type de machinerie, et le contact a été fait, et les deux Ukrainiens sont maintenant dans la région avec leur famille. Ils ne parlaient pas un mot de français à leur arrivée, l'intégration se fait d'une manière fantastique avec leurs collègues de travail. Alors, ils apprennent à développer leurs habiletés en français dans le cadre de leur travail. Alors, ça, c'est un processus que je salue. J'en profite pour saluer la démarche appelée La Grande Corvée, du ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, qui s'apprête présentement justement à identifier les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre. Alors, voilà un exemple concret, M. le Président.

Et je terminerais en disant que notre gouvernement a accordé un montant supplémentaire de 10 millions sur cinq ans pour la valorisation, la promotion et la protection de notre belle langue commune, un budget de 34 millions de dollars, une somme historique, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Merci. Merci beaucoup, M. le député de Richelieu. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. C'est la dernière intervention avant la conclusion, et je m'en voudrais de ne pas souligner le commentaire, que j'apprécie, de la part du député de Saint-Jean lorsqu'il évoque la lutte de toujours et depuis, en fait, plusieurs siècles, des Acadiens. Donc, je suis Acadien québécois, mais toujours très solidaire de la lutte des gens, au Nouveau-Brunswick en particulier mais dans le Canada francophone aussi. Chacun a ses luttes dans les minorités francophones qui tentent de se faire respecter malgré un climat, à l'heure actuelle, qui est défavorable au respect de leurs droits.

Évidemment, on est ici complètement ailleurs, mais là où on peut faire un lien, c'est dans la capacité de l'État du Québec à agir, et c'est la raison précise pour laquelle aujourd'hui nous soumettons le dossier à la ministre et aux autres députés. Ce qu'on veut, c'est un plan d'action qui nous permette de faire avancer le français au Québec.

Et je veux revenir sur certains éléments qui ont été mentionnés parce que la ministre responsable de la Langue française semble s'amuser de certains des commentaires de notre collègue du Parti libéral, mais on peut se permettre aussi d'esquisser un sourire quant à certaines explications de la ministre, qui nous dit que, pour faire différemment du Parti libéral, qui laissait des chaises vides, bien, on va abolir les chaises. Alors, permettez-moi de sourire à l'idée qu'on va être plus efficaces avec des chaises qui ont disparu qu'avec des chaises vides lorsqu'il est question de faire appliquer la Charte de la langue française.

Un autre élément aussi, c'est l'approche de sensibilisation qu'on veut certainement promouvoir au gouvernement et qui nous semble, bien humblement, insuffisante, et si j'ai mentionné tout à l'heure approuver l'intervention du premier ministre et du gouvernement quand il était question de l'affichage à l'hôpital de Lachute, c'était précisément parce qu'on y est allé de façon à faire respecter la loi, respecter les règles. On n'y est pas allé de façon indicative pour sensibiliser, on s'est dit : Il faut respecter la loi, mais, pour faire respecter la loi, encore faut-il s'en donner les moyens et ne pas attendre nécessairement que ces cas-là soient médiatisés et que les gens doivent monter une campagne à travers les médias pour qu'ensuite le gouvernement réagisse. Il faut être beaucoup plus actif sur le terrain avec les ressources, et c'est ce qu'on demande au gouvernement actuel de faire, de déployer des moyens, une stratégie, un plan d'action.

Et je partage certaines des inquiétudes de la ministre. Vous avez cité abondamment plusieurs chiffres de l'étude que vous n'avez pas lue, moi, je ne peux pas en faire autant, je ne les ai pas, ces chiffres-là, mais j'écoute ce que vous me dites sur la réduction du nombre de personnes ou du pourcentage de gens qui utilisent le français en milieu de travail. Vous avez parlé d'une baisse de 2 % en cinq ans. Alors, essentiellement, si ce phénomène-là est réel, il faut agir et, puisqu'on parlait d'approche non partisane, nous ne vous demandons rien de mieux que de collaborer, de prendre, par exemple, une proposition qui a été faite par le Parti québécois et qui consiste à appliquer la Charte de la langue française dans les milieux de travail, dans les entreprises de 25 employés jusqu'à 50. Ce n'est pas une question partisane, c'est une question d'efficacité, c'est une question de moyens, c'est une question de résultats espérés pour améliorer, donc, la situation.

Dernier élément, c'est face aux inquiétudes que la ministre a exprimées. Elle dit : Il va falloir, oui, sensibiliser, il va falloir mieux appliquer la loi, avec plus de fermeté, il va falloir des directives. Alors, est-ce qu'on peut conclure que ces directives-là vont émaner de la ministre? Que les directives vont être beaucoup plus fermes et beaucoup plus claires, et qu'elle va... Peut-elle nous indiquer quel type de directives elle entend appliquer, ou mettre en oeuvre, ou décréter au cours de prochaines semaines, sur l'application de la loi, de la Charte de la langue française?

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Je cède la parole à la ministre.

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Il y a beaucoup de choses à dire. D'abord, le député des Îles-de-la-Madeleine nous dit qu'il faut renforcer, renforcer, renforcer la loi pour la faire respecter. Moi, je dis : Il faut l'appliquer pour la faire respecter, parce que, de un, elle n'est pas appliquée. Alors, nous agissons, nous allons agir, nous allons continuer d'agir pour nous assurer qu'elle soit appliquée. C'est en l'appliquant qu'elle se fait respecter, mais là, s'il y a du laxisme, puis elle n'est pas appliquée, on ne la respecte pas. Alors, comprenez-moi bien, je l'ai dit et répété, et nous allons la faire respecter, cette loi, et il est là, le problème, là, il y a eu un manque d'application, il y a eu du laxisme au cours des dernières années.

Vous nous dites... Vais-je donner des orientations? Bien, je pense que j'ai été très claire. Une des premières orientations à notre nouvelle directrice générale de l'Office québécois de la langue française, c'est : De grâce, est-ce qu'on peut les voir, ces études, le plus rapidement possible? Alors, je pense que c'est mission accomplie, vous les avez, nous les décortiquerons ensemble. Et vous comme moi considérons que la langue française est extrêmement importante pour la nation québécoise, pour notre identité, et nous allons trouver des façons de faire en sorte que de plus en plus de gens la parlent, l'aiment, l'apprécient, l'affichent. C'est le but. C'est le but.

Et, pour moi... tout à l'heure, mon collègue de Saint-Jean nous disait que la langue française, à une certaine époque, était la langue des aristocrates, mais moi, je vous dirais que la langue française, pour moi, c'est la langue de l'amour. Il faut qu'on l'aime à nouveau, et c'est vraiment la mission que je nous donne, que je nous donne tous, collectivement, de façon non partisane. La langue française, c'est notre identité.

Moi, vous savez, M. le député, je n'ai pas oublié qu'avant d'être le Québec moderne qu'est le Québec d'aujourd'hui, bien, il y a eu une Nouvelle-France aussi, il y a eu une Nouvelle-France pendant des centaines d'années. Nous venons de la France, notre mère patrie. Et puis il y a eu les pères fondateurs, il y a eu le Haut et le Bas-Canada, il y a deux pères fondateurs, c'est deux langues, l'anglais et le français, ils ont fait le Canada que nous connaissons maintenant.

Et, vous savez, cet amour de la langue française, là, il date, il est dans nos gênes, il est chez nos ancêtres, nos parents, nos grands-parents. Et vous me parliez, à juste titre, tout à l'heure, de l'Acadie, et je vais vous dire quelque chose, une petite confidence : Je suis Acadienne, de ma mère. Mais oui! Vous connaissez Caraquet? Ma mère est juste à côté, à Shippagan, Shippagan. Alors, vous me verrez toujours défendre les intérêts, naturellement, de tous les locuteurs de la langue française, et particulièrement de tous les francophones du pays parce que ça me touche profondément. Je sais ce qui se passe au Nouveau-Brunswick, je sais ce qui se passe en Ontario. Et ça, là, cette langue-là, cette beauté, cette diversité dans la langue, parce que les Acadiens la parlent d'une façon, les Ontariens la parlent d'une façon, les Albertains la parlent d'une autre façon, à la grandeur du Canada, d'un océan à l'autre, les francophones la parlent à leur façon, bien, cette langue française, moi, j'y tiens, et j'y tiens particulièrement au Québec.

Maintenant, pour faire un petit peu de millage sur un excellent commentaire de mon collègue de... pardon, pardon, pardon, de...

• (11 h 30) •

Une voix : Richelieu.

Mme Roy : ...Richelieu... Que voulez-vous, quand vous appelez vos collègues par leur prénom, le nom de circonscription est difficile à retenir. Alors, mon collègue de Richelieu nous parlait tout à l'heure d'une initiative et, à juste titre, le collègue de Viau disait que c'est une initiative de son gouvernement. J'espère! Son gouvernement a dû agir parce qu'il s'est rendu compte qu'il y avait un gros problème de francisation au travail. Et cette initiative de jumelage, de mentorat chez les nouveaux arrivants qui ont des commerces, bien, vous savez quoi? Je l'ai embrassée, j'ai dit : Ça, c'était une bonne chose à faire. Mais il fallait que vous agissiez, pas vous, vous n'étiez pas là, mais vos amis du Parti libéral n'avaient pas le choix que d'agir. Et c'est tellement une bonne initiative que je l'ai bonifiée. D'ailleurs, c'est une des premières interventions que j'ai faites en me rendant à mon alma mater, à l'Université de Sherbrooke, puisque ce projet pilote a été étendu à Sherbrooke. Mais dois-je vous spécifier qu'il a également été étendu récemment à Montréal, naturellement, où il a commencé, mais dans les couronnes, à Laval, à Longueuil?

Alors, c'est un projet de jumelage extraordinaire, où les nouveaux arrivants qui travaillent n'ont pas le temps d'aller s'asseoir à un cours de francisation, bien, ce sont les étudiants universitaires spécialisés en langues qui viennent les rencontrer sur leurs lieux de travail, passent des journées avec eux, bien, quelques heures par-ci, par-là, mais enfin, ça devient des journées, pour franciser leur milieu de travail avec la clientèle, et c'est extraordinaire, comme projet pilote. Donc, vous voyez, il y a des bonnes choses qui se font, et, lorsqu'elles sont bonnes et efficaces, je les embrasse et je vais les poursuivre.

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : M. le Président, j'espère que mon camarade et voisin, le député de Richelieu, ne m'en voudra pas de vendre sa mèche et de révéler un secret, mais une des raisons pour lesquelles il a abondamment parlé de chiffres en terminant, tout à l'heure, et les collègues d'en face vont le comprendre, c'est qu'on est dans les crédits jusque là, hein? Alors, on s'est servi de ça pour parler de langue française aussi, et c'est important parce qu'on se prépare pour les crédits, entre autres, dans les commissions avec la ministre.

Et il y a des chiffres, et mon camarade a commencé à parler de 34 millions tout à l'heure. C'est au sujet de la promotion. C'est très important. Tout ce dont on vient de parler, tout ce qu'on vient de dire, ça dit qu'il faut être fiers de notre langue, mais encore faut-il le dire, le savoir, le partager. Et il y a 34 millions, ça, c'est 10 de plus sur les cinq prochaines années, là, c'est 10 de plus que ce qu'il n'y avait jamais eu, c'est un sommet historique, entre autres pour financer des trucs comme Le français, c'est notre trait d'union. Je ne sais pas si vous avez remarqué la campagne. Elle a été renouvelée, elle a été modifiée quelque peu, pour le mieux, je pense, et c'est une campagne fantastique. Le français, c'est notre trait d'union est une campagne qui va bénéficier de ces sommes-là.

D'ailleurs, moi aussi, je suis dans les budgets jusque-là, alors je suis allé faire un tour, essayer de comprendre les acronymes, des fois. Je ne vous propose pas de jouer aux acrostiches, mais on va quand même en faire un peu ensemble parce que... Toujours dans l'esprit de regarder les crédits, je suis allé voir le FPVLF. C'est le Fonds de promotion et de valorisation de la langue française, qui va bénéficier d'un peu plus d'aide, aussi, grâce au dernier budget de notre gouvernement. Et, entre autres, dans ce fonds-là, et vous allez trouver ça dans les crédits, annexe E, bon, en tout cas, vous connaissez, vous savez où les trouver, il y a le Canal Savoir, qu'on appelle maintenant Savoir Média, qui va profiter de ce programme-là pour la conception de capsules linguistiques, et j'adore le titre : Mets-les en mots dits. Et c'est des capsules très importantes qui font la promotion de ce dont on parle, le français.

Je suis allé voir aussi un autre, puisqu'on joue aux acrostiches, dans le PFAC. Je vous le donne en mille, c'est le Programme de promotion du français lors d'activités culturelles, et vous allez trouver là-dedans, entre autres, pour l'Orchestre symphonique de Laval, un programme qui s'appelle La langue de chez nous, parlez-en. Le projet vise à aider les jeunes allophones à maîtriser la langue française en stimulant leur intérêt à travers la musique. Le cahier des crédits en langue française est plein de ces exemples-là.

Et je dis «exemples» parce que c'est ce à quoi je voulais en venir, ce sont des exemples de ce qu'on fait. Et c'est important parce qu'on a tous une responsabilité, on a tous, dans la machine, qu'on soit ministres ou qu'on soit députés, qu'on soit citoyens, qu'on soit un organisme bénéficiaire, on a tous notre responsabilité pour faire ce qu'on fait, pour faire la promotion de la langue française et pour dire tout haut et bien fort combien on en est fiers pour pouvoir mieux épauler les efforts de tout le monde.

Par exemple, et je ne veux pas me donner en exemple, mais ça fait partie de ce que j'étais en train de dire, c'est-à-dire la chaîne de conséquences. Il y a des programmes, il y a des gens qui demandent de l'aide et en obtiennent de la ministre, on va le voir dans les crédits. Il y a aussi, le 23 avril prochain, dans ma circonscription, quelque chose que j'ai organisé avec des auteurs parce que ça fait un peu, beaucoup, énormément partie de la langue française, les auteurs. Et, pour la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, cette année, 23 avril, imaginez-vous qu'au Québec les organismes qui organisaient cette journée-là font relâche; ils sont en train de reconsidérer comment ils vont faire ça à l'avenir. Je trouvais ça très triste pour un nouveau député qui a à coeur la littérature, alors j'ai organisé ma propre journée mondiale du livre et du droit d'auteur. Ça se passe dans un petit café ce mardi soir là après Pâques. J'ai convié une douzaine d'auteurs à venir se faire féliciter, saluer, applaudir et lire leurs oeuvres avec ce que j'appelle la fédération des arts et de la culture, c'est-à-dire tous les groupes culturels qui sont invités à venir les assister. Je ne veux pas d'applaudissements, je veux seulement dire que c'est ce qu'il faut qu'on fasse tous, chacun chez nous, à notre façon.

Et je veux rassurer le député des Îles-de-la-Madeleine et vous saluer, M. le Président, vous remercier d'avoir mené ces débats. Je suis le dernier, mais il y a les discours de clôture, évidemment, mais, encore une fois, le gouvernement auquel j'appartiens prend cet enjeu très au sérieux, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. La langue française, ce n'est pas seulement la responsabilité d'un ministère ou d'un parti politique. La vitalité de la langue française, c'est la responsabilité de tous les Québécois. Et, comme membre de ce gouvernement, j'ai bien l'intention, comme tous mes collègues et tous les collègues d'en face aussi, j'espère, d'être des leaders exemplaires en la matière.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député de Saint-Jean. Avant les dernières interventions, pour trois minutes, je laisserais la parole au député de Viau.

M. Benjamin : Merci, M. le Président. Écoutez, puisqu'il s'agit de ma dernière intervention dans les tours de parole, donc, je veux remercier l'ensemble de mes collègues pour ce débat quand même très édifiant. Notamment, je pense à la proposition de mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, mais je n'ai pas entendu de propositions concrètes de la ministre, malheureusement. Par contre, je reconnais qu'elle ait reconnu que notre gouvernement a agi, notamment lorsqu'elle souligne le travail qui a été fait à travers ce programme, donc, de jumelage. Et ça, il faut le souligner.

M. le député de Saint-Jean vient de le rappeler, M. le Président, le travail pour la promotion, la valorisation, la protection du français, c'est un travail collectif qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs, non seulement les décideurs au niveau du gouvernement du Québec, mais aussi les acteurs locaux. Et je veux évoquer une des ententes qui a été signée il y a moins d'un an, actuellement, c'est une entente entre le MIDI et la ville de Montréal qui permet, par exemple, à la ville de Montréal d'avoir une plus grande marge de manoeuvre par rapport à l'accueil, l'intégration et la francisation des immigrants. Parce que, vous savez, les immigrants, lorsqu'ils arrivent, ils arrivent dans des villes, ils arrivent dans des quartiers, dans des communautés, et c'est là que ça se passe. Alors, pour cela, l'ensemble des acteurs doivent être mobilisés.

Et pour moi aussi, je crois que j'inviterais Mme la ministre, dans le cadre du plan d'action à venir, qu'elle aura à nous présenter, à faire preuve, comme nous l'avions fait, de pragmatisme et de vigilance dans la protection et la valorisation du français.

Aujourd'hui, le français, la langue française au Québec, c'est la langue de Gaston Miron, c'est la langue d'Anne Hébert, c'est celle de Dany Laferrière, de Marco Micone, et nous avons une responsabilité collective, tous, Québécois de vieille souche ou de nouvelle souche, d'adoption, de faire en sorte que le français soit notre langue, fiers de la parler, fiers de la promouvoir.

• (11 h 40) •

Je veux, pour terminer, rappeler aussi que, pour nous, il y a des pôles sur lesquels on peut travailler, notamment, par exemple, la francisation en milieu de travail. Je pense entre autres, aujourd'hui, à une entreprise en particulier dans ma circonscription, Peerless, qui est une entreprise extraordinaire où il y a des dizaines de personnes qui y travaillent. Et vous savez quoi? Il y a des mesures, des actions au niveau de la francisation des ouvriers, où on dégage, on libère les ouvriers et les ouvrières pour leur permettre d'avoir des cours de français. Et ça marche, M. le Président, ça marche puisque, pour avoir visité Peerless à quelques reprises, je peux, évidemment, au bout de deux ans, tenir des conversations en français avec l'ensemble des employés qui y travaillent. Et à Peerless, M. le Président, il y a des employés qui travaillent qui sont d'origine philippine, de l'Amérique latine, d'Haïti, d'Afrique, d'un peu partout du monde, mais ce qui est formidable, c'est que tout ce beau monde là, ils vivent, ils travaillent en français. Et ça, je crois que c'est des exemples de ce genre, c'est des bonnes pratiques comme ça, je crois, qu'il faut multiplier. Merci.

Conclusions

Le Président (M. Asselin) : Merci, merci beaucoup, M. le député de Viau. Nous en sommes maintenant aux dernières interventions. Mme la ministre, vous avez la parole pour 10 minutes.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme c'est ma dernière intervention, je veux remercier mes collègues députés, celui des Îles-de-la-Madeleine et également de Viau, pour cette magnifique interpellation qui se veut très civilisée. Ça fait beaucoup de bien parce qu'on est habitués aux chicanes à la période des questions. Alors, merci pour ces échanges.

Et j'étais très contente d'être ici ce matin parce que la langue française, c'est ce qui nous définit, c'est ce qui nous unit. Et nous voulons travailler justement dans cette unité, nous voulons rassembler autour de la langue française. C'est pour ça que je vous dis que je vous parlais de la langue de l'amour, tout à l'heure, et il faut redonner le goût, à ceux qui l'ont perdu, de la langue française, et il faut aussi donner le goût de la langue française à ceux qui ne la connaissent pas.

Et je reviens sur ce rapport qui a été présenté aujourd'hui, déposé au public par la nouvelle présidente-directrice générale de l'Office québécois de la langue française, puisqu'il va falloir le décortiquer. Il y a 1 000 pages là-dedans. Je pense qu'on va trouver où le bât blesse, on va trouver où il y a eu des améliorations. Moi, je trouve qu'il y a beaucoup de choses que nous devrons améliorer tous ensemble, tous ensemble, et je crois qu'on est capables d'y arriver parce qu'on y tient, à la langue française. Cette étude de plus de 1 000 pages, nous l'attendions, M. le Président, puis c'est important de le répéter, depuis 12 ans. Alors, tant les libéraux que les péquistes ont joué dans le film et ne nous l'ont pas déposé. Nous agissons, M. le Président. Ça a été une de mes premières demandes auprès de l'office de voir ces chiffres et idéalement de les avoir avant la période des crédits. Alors, l'interpellation de ce matin, c'est une belle surprise, puisque ça nous permet de débattre de ce rapport, mais surtout de la situation de la langue française. Et, dans ce rapport sur la langue française, il y a plusieurs grands sujets d'étude qui ont été analysés, pour le bénéfice de tous. On y traite... Et vous allez voir, c'est vraiment un portrait global, ce qu'on n'a jamais eu depuis 12 ans, là. On y traite des caractéristiques linguistiques de la population du Québec.

Je vous disais tout à l'heure qu'il y avait une mutation, il y avait de nouvelles réalités, entre autres que les locuteurs anglophones diminuent — voyez-vous, c'est une nouvelle réalité — et que les locuteurs d'autres langues augmentent. Nouvelle réalité. On y traite de la langue d'enseignement, des compétences en français, de la langue de production et de consommation des produits culturels — mon collègue en parlait, de Saint-Jean, très intéressant — de la langue de communication dans diverses situations publiques, de la langue de l'affichage public des entreprises sur l'île de Montréal — ça, c'est un important chantier sur lequel, oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, nous allons nous pencher cette année parce qu'il y a des obligations, il y a un décret qu'il faudra... qui devra, pardon, être respecté, nous y verrons — de la langue d'accueil et la langue de service dans les commerces, et de la langue de travail.

Il y a une donnée ici sur laquelle je veux vous interpeler à mon tour : la charte prévoit une démarche pour implanter le français dans les activités des entreprises de 50 employés et plus. Ça, c'est une obligation de la charte. Voici le dernier chiffre : «Ainsi, en 2018, 87 % des 6 958 entreprises inscrites à l'office détenaient un certificat de francisation et faisaient du français la langue normale et habituelle du travail.» M. le Président, 87 %, ce n'est pas tout le monde. Il en manque 13 %, 13 % des entreprises qui n'ont pas encore de certificat de francisation. Nous allons y travailler, l'office va y travailler, on va accompagner ces entreprises pour qu'elles l'obtiennent. C'est ça, agir, M. le Président. C'est important que je vous le mentionne parce qu'il y a encore du travail à faire, du travail qui, visiblement, n'a pas été fait au cours des dernières années. Alors, j'invite vraiment, vraiment les gens à décortiquer ces études.

M. le Président, notre gouvernement souhaite miser sur une application intelligente et ferme, et ferme de la Charte de la langue française, sur le renforcement du rôle et du leadership de l'Office québécois de la langue française et sur trois grandes priorités, trois axes dans l'amorce du virage français de la Coalition avenir Québec. On doit mettre en place les conditions menant à l'exemplarité et au renforcement de l'usage et de la maîtrise du français dans l'appareil gouvernemental. Nous avons un devoir d'exemplarité. Et je vous disais tout à l'heure que, dans l'appareil gouvernemental, comment se fait-il que ce n'est pas toutes les organisations qui ont leur certificat? Moi, je me pose la question. Il faudrait la poser aux collègues qui étaient au gouvernement au fil des dernières années. Comment se fait-il?

Maintenant, on doit aussi assurer la primauté du français dans l'espace public québécois. C'est beau, de dire aux gens qu'ici nous parlons français et leur dire : Bonjour, est-ce qu'on peut vous aider? C'est ce qui fait notre différence. Et j'avais commencé tout à l'heure à dire c'est ce qui attire aussi les Américains ici, cette saveur européenne, cette saveur française. C'est plus qu'une saveur, M. le Président, c'est notre identité, c'est qui nous sommes. Et c'est attractif. Ça attire les touristes et ça attire aussi les immigrants. Plusieurs aussi choisissent de venir s'établir ici parce que nous sommes francophones. Et c'est important de le dire. On n'a qu'à penser à nos amis haïtiens entre autres. Alors, la langue française, c'est important.

M. le Président, quand je parle de faire les choses dans l'ordre, je privilégie ce matin d'avoir en possession cette étude, je vous l'ai dit, mais je pense que c'est le point de départ de tout. C'est le point de départ que nous nous donnons comme nouveau gouvernement. Et nous allons agir pour défendre la place du français dans le milieu culturel, sur nos scènes, nos écrans, dans nos salles de spectacle. Oui, M. le député de Saint-Jean. On va agir aussi pour assurer la primauté du français dans la métropole du Québec, dans ses commerces, en milieu de travail où malheureusement la tendance à la bilinguisation commence à s'étendre dans les couronnes. On l'a vu avec les quelques chiffres que je vous ai donnés ce matin, M. le Président, on travaille de plus en plus en anglais et on se fait recevoir et servir de plus en plus en anglais. Et ce qui est triste, je n'ai pas eu le temps de vous le mentionner, mais il y a une donnée très triste chez les plus jeunes : ça ne les dérange pas. 50 % d'entre eux, ça ne les dérange pas, peu importe. Alors, je trouve qu'il y a un petit peu un manque d'amour à l'égard de la langue française. Ça, je trouve ça très attristant. On devra y voir parce que c'est important que nous parlions français dans nos commerces.

On va aussi agir, M. le Président, pour que les personnes immigrantes, dont près du quart utilise plutôt l'anglais que le français, peu importe la langue maternelle, parlent le français pour pouvoir s'intégrer pleinement à la société québécoise. Les données que nous dévoile l'OQLF aujourd'hui, M. le Président, vont guider nos actions, vont nous permettre d'entreprendre un véritable virage pour la langue française au Québec. Vous en voulez, des actions, M. le député des Îles-de-la-Madeleine? Bien, sachez que j'ai confié le mandat à notre nouvelle présidente, Mme Galarneau, d'amorcer un important chantier dans la foulée du dépôt de ce rapport-là, puisque nous l'attendions depuis 12 ans, et ce que je lui ai demandé, c'est, dans un premier temps, consulter les acteurs du milieu, consulter, là, les groupes qui sont spécialisés et qui s'intéressent à la langue française. Donc, je lui ai demandé déjà un premier portrait, de parler avec ces gens-là, tous ces groupes qui oeuvrent à la protection de notre belle langue française, et ensuite de rouvrir les canaux de communication avec les Québécois.

• (11 h 50) •

Vous savez, personnellement je souhaite — et ça, c'est mon souhait le plus cher — que l'Office québécois de la langue française devienne l'outil, l'outil primordial pour tous les citoyens du Québec à l'égard de la protection et de la valorisation de notre langue, qu'on s'en fasse un ami, que ce ne soit pas une structure ou juste une autre organisation gouvernementale et, à cet égard-là, il y a des orientations bien précises que j'ai soulevées, des préoccupations, et je suis convaincue que l'office saura répondre à ces orientations. Parce que l'office est là au service de qui, M. le député? Des citoyens. Et je veux qu'il en soit ainsi. Et je veux que les citoyens sentent que l'Office québécois de la langue française, c'est leur office, c'est leur outil. Et il est là pour aider, pour accompagner, pour faire respecter, pour appliquer la Charte de la langue française. Et tout ça peut se faire dans l'ordre, dans le respect, et dans le respect des autres minorités totalement, des autres langues, totalement, mais notre langue, notre langue commune, notre langue officielle, c'est le français. La primauté du français dans l'espace public québécois, c'est la mission que nous nous donnons. Et je pense que c'est plus qu'une mission, c'est un devoir, c'est un devoir quand nous sommes... en fait, pour notre gouvernement, pour la Coalition avenir Québec, la langue française, elle est primordiale, c'est un devoir de la protéger, d'en faire la promotion, de sensibiliser tout le monde, tout le monde a son importance, puis de ne pas oublier nos racines.

Je vous disais tout à l'heure, moi, je n'ai pas oublié, la Nouvelle-France, je n'ai pas oublié que nous venons, en grande partie, de cette Nouvelle-France. Et c'est cet héritage de la Nouvelle-France qui a traversé le temps et qui a formé qui nous sommes maintenant. Bien, je n'ai pas oublié. Alors, nous allons travailler, je l'espère, en ce sens, de façon non partisane. Merci infiniment, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Merci, Mme la ministre responsable de la Langue française. Je cède maintenant la parole au député des Îles-de-la-Madeleine pour sa dernière intervention. Vous disposez de 10 minutes.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bien entendu, j'ai apprécié les échanges avec mes collèges députés et Mme la ministre. Mais force est de constater qu'après 40 ans, 40 ans après l'adoption de la loi 101, on ne peut pas dire que le français est devenu la langue normale, habituelle dans les entreprises, à Montréal notamment, que le visage français est évident lorsqu'on déambule dans les rues de la métropole, lorsqu'on entre dans les commerces. Il a fallu une motion unanime de l'Assemblée nationale pour relever le fait que, de plus en plus, on entend le «Bonjour! Hi!», alors qu'on pourrait tout simplement, par respect pour la clientèle et pour notre langue, aborder les gens d'abord en français, et s'ajuster, si besoin est, à la diversité qui nous visite et au tourisme, et ainsi de suite. Et cette tendance-là, malheureusement, malgré l'adoption d'une motion, elle est toujours présente, il suffit de fréquenter Montréal pour s'en rendre compte.

Maintenant, on a parlé beaucoup... en fait, la ministre a évoqué le fait que, pendant une quinzaine d'années, les gains concernant le français sont minimes, sinon absents, que c'est plutôt le laisser-faire ou l'immobilisme qui a dominé. Et malheureusement on ne peut pas dire, à l'heure actuelle, que, si les libéraux ont refusé d'affermir la Charte de la langue française pendant toutes ces années, que le gouvernement actuel propose quelque chose de fondamentalement différent. On en voudrait davantage. Il y a énormément d'intentions qui sont formulées par la ministre, et avec lesquelles on est forcément d'accord, mais on ne peut s'empêcher d'y voir un certain jovialisme, je l'ai dit tout à l'heure, à utiliser les mêmes moyens, à utiliser cette approche de collaboration dans les derniers pourcentages qu'il faut aller chercher, par exemple, là, sur les certificats dans les entreprises de francisation. Il faut en faire davantage que par la méthode incitative. Il faut, vous l'avez dit, appliquer la loi avec plus de fermeté. Nous, on pense qu'il faut aussi aller plus loin en raffermissant la loi en tant que telle, on l'a déjà mentionné.

Et on déplore... parce que même si on ne l'a pas dit aujourd'hui, on déplore le fait que les quelques petites mesures qui semblaient faire partie de la plateforme de la Coalition avenir Québec pour renforcer le français au Québec, à savoir la nomination d'un commissaire à la langue française, semblent complètement évacuées. C'était une disposition qui était une preuve de volonté affirmée d'agir de façon claire avec l'objectif de pouvoir recueillir des plaintes, de pouvoir les traiter, pouvoir être véritablement le chien de garde de l'application de la Charte de la langue française, et on n'en a pas soufflé mot aujourd'hui. On a posé les questions. Donc, on doit conclure qu'il y a un certain recul de la part du gouvernement à l'idée d'agir grâce à des moyens légaux.

Les moyens réglementaires aussi sont à la disposition du gouvernement. Et, à l'époque, parce qu'on a peu parlé d'affichage aujourd'hui, on aura l'occasion d'y revenir, je n'en doute pas, mais ce qu'on voit, c'est qu'il y a encore près du quart des entreprises qui n'affichent pas le français de façon prédominante, bien entendu, mais qui n'affichent pas en français. En fait, on parle aujourd'hui, avec la réglementation qui a été adoptée en 2016... c'est strictement de la présence suffisante du français, et, à l'époque, nous avions évidemment dénoncé cette approche extrêmement minimaliste. La CAQ l'avait fait effectivement aussi, en disant que c'était un coup d'épée dans l'eau. Alors, j'inviterais le gouvernement à revoir ses déclarations du passé et à réfléchir à la façon dont on peut améliorer le règlement ou, de façon, en fait, plus active et plus ferme, revoir la Charte de la langue française en tant que telle pour s'assurer qu'on puisse obtenir de la part des entreprises une action concrète, affirmée, résolue, claire, visible, que ça se passe, comme on l'a mentionné, en français au Québec, et au-delà, là, des grandes bannières qui ont fait ce débat, là, en cours, pour imposer le non-respect de la langue française dans leur établissement. Parce qu'il faut l'interpréter comme ça : ne pas spécifier quoi que ce soit d'autre que le nom de l'entreprise, bafouer en quelque sorte l'esprit de la loi 101 de cette façon-là et aller jusqu'en cours plutôt que s'ajuster aux besoins, et aux désirs, et à la volonté de la clientèle, c'est évidemment — et le débat a déjà été fait, là — assez désespérant.

Maintenant, on a aussi pu comprendre aujourd'hui que, malgré le fait qu'on souhaite aller appliquer la loi de façon plus ferme, la façon dont on le fait, c'est en éliminant des postes qui étaient inoccupés plutôt que pourvoir ces postes-là. Moi, je retiens que ce n'est pas de cette façon-là qu'on va être plus efficaces sur le terrain.

Le pourcentage — j'y vais en rafale parce que le temps file — le pourcentage, et ça, on partage certaines inquiétudes... Le pourcentage des entreprises qui n'ont pas obtenu leur certificat de francisation, à 87 %, bien évidemment c'est un échec. Il faut obtenir le 100 %, il faut se donner un plan de match pour atteindre le 100 %, et ça, on va certainement continuer de vous interpeler là-dessus parce qu'on doit se donner des objectifs, on doit se donner un plan d'action. Et ça vaut pour les entreprises de 50 employés et plus, mais je ne peux m'empêcher de reformuler, encore une fois, le souhait que vous considériez la proposition du Parti québécois de regarder du côté des entreprises de 25 employés jusqu'à 50, qui... Imaginez, s'ils n'ont pas l'obligation de le faire, quel est le pourcentage qui est atteint en termes de francisation? On peut l'imaginer... Donc, d'en faire un chantier de travail si on veut obtenir des résultats.

En résumé, je pense que l'usage du français au travail ne peut se faire uniquement par des déclarations généreuses à l'effet qu'au Québec il faut que le français ait prédominance. On parle... Vous avez parlé, Mme la ministre, de votre amour pour la langue française, et je vous crois et je partage cet amour pour la langue française, mais malheureusement ce discours est insuffisant à aller accomplir les objectifs qu'on s'est fixés comme société en 1977.

• (12 heures) •

Il faut malheureusement, et c'est le cas dans bien des domaines, qu'on parle de la sensibilisation à l'environnement, dans la culture, pour la langue, il y a toujours des poches de résistance qu'il faut pouvoir aller toucher d'une autre façon, par des moyens beaucoup plus actifs, soit des moyens financiers, soit par la réglementation ou par la loi, ce qui ne veut pas dire qu'on ne continue pas à faire de la sensibilisation pour autant. Et ça vaut évidemment pour l'affichage, pour la langue au travail et, enfin, pour la francisation; là aussi c'est un élément sur lequel on aurait pu discuter longuement.

La question de l'accueil des immigrants est fondamentale pour non seulement dynamiser l'économie du Québec, mais pour s'assurer de l'harmonie ou de l'intégration harmonieuse de nos nouveaux arrivants. Je pense que, vous l'avez dit, il faut réaffirmer que le Québec est une société inclusive, mais qu'elle arrivera à inclure de façon harmonieuse la diversité, l'ensemble des immigrants qui voudront se joindre à nous pour développer le Québec si on le fait sur la base d'une langue commune et, pour ce faire, il faut mettre les moyens en place. Vous me parlez de franciser sur une période de trois ans ces gens-là, et il faudra mettre des ressources importantes à cet égard. Merci beaucoup.

Le Président (M. Asselin) : Merci. Merci beaucoup au député des Îles-de-la-Madeleine, merci à la ministre, merci à tous mes collègues.

Je lève la séance et, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux jusqu'au mardi 16 avril 2019.

(Fin de la séance à 12 h 1)

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