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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, August 29, 2019 - Vol. 45 N° 26

Order of initiative on the future of the news media


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Montreal Gazette

TC Transcontinental

M. Marc-François Bernier

Société Radio-Canada (SRC)

Urbania

Réseau Monquartier

Mme Rhonda Massad

M. Alain Saulnier

Mme Dominique Payette

Autres intervenants

Mme Marie-Claude Nichols, présidente suppléante

M. Harold LeBel

M. Christopher Skeete

M. Youri Chassin

M. Louis Lemieux

Mme Isabelle Melançon

M. Gregory Kelley

Mme Jennifer Maccarone

Mme Catherine Dorion

Mme Catherine Fournier

M. Samuel Poulin

M. Jean-Bernard Émond

Mme Marwah Rizqy

*          Mme Lucinda Chodan, Montreal Gazette

*          M. François Olivier, TC Transcontinental

*          M. Pierre Marcoux, idem

*          M. Michel Bissonnette, SRC

*          M. Jean-François Rioux, idem

*          Mme Meredith Dellandrea, idem

*          Mme Luce Julien, idem

*          M. Philippe Lamarre, Urbania

*          Mme Raphaëlle Huysmans, idem

*          M. Arnaud Bertrand, Réseau Monquartier

*          Mme Suzie Genest, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.

Alors, la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias d'information.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) sera remplacé par M. Allaire (Maskinongé); Mme Grondin (Argenteuil), par M. Thouin (Rousseau); Mme Labrie (Sherbrooke), par Mme Dorion (Taschereau); et Mme Hivon (Joliette), par M. LeBel (Rimouski).

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme la...

M. LeBel : Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, M. le député.

M. LeBel : On entend parler, là, que la commission pourrait se déplacer en région, ça circule partout. Tout le monde... La décision semble être prise. Mais il faudrait qu'on trouve des dates, et, dans les prochaines semaines, chacun de nos partis politiques tient des caucus. Il faudrait qu'on réussisse à se parler aujourd'hui ou demain en séance de travail ou je ne sais pas trop quoi, mais qu'on définisse ensemble notre calendrier, parce qu'on ne peut pas... Je n'aimerais pas qu'on arrive à la dernière minute, qu'on se dise : Bien là, on n'a pas réussi à s'entendre, on n'ira pas en région. C'est nécessaire, que cette commission-là se déplace en région. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : C'est noté. C'est noté, M. le député. Donc, je pense que les leaders ont probablement... les bureaux des leaders respectifs ont probablement entendu le message aussi. Mais vous pouvez être certain que je vais rapporter le message. Merci. Et, si je ne me trompe pas, c'était dans l'intention de la présidence, là, d'organiser la commission dans les régions.

M. LeBel : ...se donner des dates, parce qu'on a un problème.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, il reste à déterminer les dates. On va vous revenir rapidement.

M. LeBel : Merci.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, cet avant-midi, nous entendrons Montreal Gazette, TC Transcontinental, M. Marc-François Bernier et Radio-Canada.

Alors, pour commencer cette matinée, je souhaite la bienvenue aux représentants de Montreal Gazette et je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, et présenter votre collègue ou les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous pour 10 minutes.

Montreal Gazette

Mme Chodan (Lucinda) : Merci et bonjour, tout le monde. Merci, Mme la Présidente et honorables membres de la commission. Merci d'avoir invité la Gazette à participer à la séance aujourd'hui. Mon nom est Lucinda Chodan, je suis rédactrice en chef de la Gazette, de même que vice-présidente directrice du contenu pour se société mère, Postmédia. Je suis accompagnée par ma collègue Eileen Flood, qui est chef des ressources humaines.

D'abord, quelques mots sur l'arrière-plan de mon intervention. La Gazette n'est pas seulement le quotidien publié depuis le plus longtemps au Québec, elle est également l'un des plus anciens journaux en Amérique du Nord. La première édition de la Gazette a été publiée en français en 1778. La Gazette est devenue un journal bilingue vers la fin du XVIIIe siècle. Nous n'avons commencé à publier la Gazette uniquement en anglais qu'au XIXe siècle.

J'aimerais replacer cet historique de 241 ans dans son contexte. La Gazette était au service de son lectorat lorsque la Révolution française a commencé, lorsque Mozart est décédé, lorsque Napoléon a perdu la bataille de Waterloo. Uniquement au cours des 10 dernières années, nos journalistes et photographes ont remporté des douzaines de prix provinciaux et nationaux pour leur engagement sans compromis envers la vérité.

Mais, comme ce comité le reconnaît, les médias au Québec vivent actuellement une crise. Tout comme nos collègues, nous luttons contre les perturbations sans précédent qui touchent la manière dont nos publics reçoivent de l'information et notre capacité à leur fournir celle-ci. Ça peut sembler paradoxal parce que nous rejoignons un public plus grand que jamais, plus d'un demi-million de personnes toutes les semaines, en édition imprimée et en ligne, mais nous peinons à assurer le financement de nos opérations, plus spécifiquement à obtenir des revenus suffisants pour rémunérer les journalistes professionnels dans notre salle de rédaction. Depuis au moins un siècle, la publicité dans l'édition imprimée de la Gazette finance nos journalistes. Il y a encore une décennie, la publicité imprimée constituait 80 % à 85 % de nos revenus. Au cours de la dernière décennie, partout en Amérique du Nord, nous avons connu une chute dramatique des revenus publicitaires de la presse imprimée, alors que de plus en plus de lecteurs accèdent gratuitement au contenu en ligne et de plus en plus d'annonceurs cherchent à atteindre ces publics au moyen de publicités numériques.

• (9 h 40) •

Par exemple, en juillet 2019, Postmédia a déclaré une baisse de 17,6 % des revenus de la publicité imprimée comparé à la même période en 2018. Il s'agit de 17,6 % au cours d'une seule année. Ça, c'est un changement alarmant. Les revenus issus de la publicité numérique ont connu une hausse de 10 %. Cependant, les annonceurs numériques ne paient qu'une fraction de ce que versent les annonceurs de publicité imprimée. De plus, nous sommes en concurrence avec deux géants internationaux, Google et Facebook, pour ces mêmes annonceurs numériques. Ces deux géants disposent de publics beaucoup plus vastes et offrent des outils sophistiqués pour les cibler. Ils fonctionnent également dans un espace pratiquement non réglementé et non assujetti aux taxes et impôts, tout en employant peu de Québécois et en ne produisant aucun contenu québécois.

Le déclin de la publicité imprimée s'accélère. Nos tentatives pour tirer des revenus importants en proposant l'abonnement en ligne n'ont, pour le moment, pas réussi à remplacer les revenus perdus. Les effets sur notre fonctionnement sont évidents. La Gazette a réduit la taille de sa salle de nouvelles à quatre reprises depuis que je suis devenue rédactrice en chef il y a six ans. Elle a maintenant une taille réduite de 50 % par rapport à septembre 2013. Cette réduction représente une menace pour la démocratie au Québec. Sans la Gazette et d'autres médias qui couvrent l'actualité locale et provinciale, une bonne partie des nouvelles qui touchent les Québécois ne sera tout simplement pas communiquée. En effet, malgré la prolifération des sources d'information sur les médias sociaux, ce sont encore les journalistes professionnels qui jouent le rôle d'approfondir l'information, d'obtenir l'accès nécessaire et de poser des questions. La meilleure manière de prévenir les fausses nouvelles est de disposer de journalistes professionnels qui participent à la recherche et à la diffusion de ce qui se passe dans notre province.

Au cours des deux dernières années, Aaron Derfel, journaliste de la Gazette, a révélé de sérieuses lacunes de sécurité à l'Hôpital général de Montréal, où une infirmière a été pratiquement étranglée par un patient psychiatrique. La journaliste Linda Gyulai, chez nous aussi, a exposé de graves problèmes qui touchent le programme de recyclage à Montréal alors que le recyclage a virtuellement cessé dans cette ville. La Gazette a aussi révélé l'identité d'un recruteur néonazi secret qui tentait d'attirer de jeunes Montréalais dans un mouvement pour la suprématie blanche. Il s'agit de reportages qui ne touchent pas seulement les Québécois anglophones, ce sont des sujets qui nous affectent tous, francophones comme anglophones.

Nous avons lancé une transformation massive afin de créer une entreprise qui peut survivre dans cet environnement en plein bouleversement. Mais, si la tendance actuelle se maintient, des mesures encore plus draconiennes seront nécessaires. Cela pourrait affecter les calendriers de publication, la quantité de contenu proposé de même que la taille des effectifs. Nous explorons des innovations qui peuvent transformer notre modèle d'affaires, mais ces efforts ne parviennent pas assez rapidement à combler l'écart grandissant.

Alors, comment pouvons-nous préserver ces voix québécoises distinctes dans les médias? D'abord, il y a un aspect purement commercial. Faites publier des publicités dans la Gazette, La Presse, Le Devoir, Le Soleil, The Sherbrooke Record en édition imprimée comme en ligne et explorez des moyens d'inciter les autres annonceurs à diffuser leurs publicités localement. Actuellement, les entreprises peuvent déduire le coût des publicités achetées auprès d'entités numériques étrangères au même taux que pour les journaux du Québec. Nous souhaitons que le gouvernement songe à adopter un taux de déduction plus élevé lorsque la publicité est diffusée par un média québécois.

Nous aimerions également demander que le gouvernement soutienne l'innovation dans les organes de presse du Québec non seulement au moyen d'un crédit unique ponctuel pour la transformation numérique, mais aussi pour le développement numérique continuel alors que nous oeuvrons à créer le nouveau modèle que nous voulons adopter. Dans une lutte pour la survie, l'investissement dans l'innovation, bien qu'absolument essentiel, est souvent ce qui est le plus négligé.

Autre chose, supprimer ou réduire la contribution au recyclage imposé aux médias écrits au Québec. En 2018, la Gazette avait une facture de 320 000 $ pour le recyclage. Il y a une réduction cette année mais seulement pour 2019. C'est important de continuer à baisser ou cesser ces frais.

Finalement, instaurer un crédit d'impôt remboursable pour la masse salariale des employés de salles de rédaction. Cela permettrait, les journaux du Québec, de continuer à employer des journalistes professionnels pour accomplir leur important travail.

Merci encore, Mme la Présidente et membres du comité, pour avoir invité la Gazette ce matin.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie, madame, de votre exposé. Alors, nous allons maintenant commencer la période d'échange. Est-ce qu'il y avait d'autres choses à ajouter? Il vous restait quand même un peu de temps.

Mme Chodan (Lucinda) : C'était terminé.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, on va maintenant continuer avec les exposés. Nous allons commencer avec la période d'échange avec la partie gouvernementale. Donc, M. le député de Sainte-Rose.

M. Skeete : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à la Gazette. Plus jeune, un des souvenirs que j'ai le plus tôt, c'est... j'avais un ami qui était camelot, et, annuellement, on avait hâte, les deux, parce qu'il y avait la sortie annuelle aux glissades d'eau. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, là, les autobus venaient nous chercher à l'ancien Cott, à Laval, dans Sainte-Rose, et on partait aux glissades d'eau. Alors, même jeune, là, c'était pour moi une institution, la Gazette. Alors, merci pour tout ce que vous faites. Vous êtes un journal et un média à parts égales au Québec. Alors, merci pour tout ce que vous faites.

J'ai quelques questions par rapport aux choix d'affaires que vous avez faits et surtout le lien avec Postmédia, parce qu'il y a beaucoup de médias québécois qui n'ont pas l'aide extérieure dans le Canada. J'aimerais ça, comprendre à quelle hauteur vous êtes financés ou aidés pour faire des virages technologiques, ou etc., par le parent, Postmédia.

Mme Chodan (Lucinda) : Je vais répondre en anglais parce que...

M. Skeete : Absolument.

Mme Chodan (Lucinda) : Merci. We receive... It's all part of a family of newspapers, and Postmedia sustains and underwrites the operations of The Gazette. Postmedia is one of the organizations that has applied for the tax credit announced by the federal Government, but as of now we have not received anything. So, in terms of the help that we received from Postmedia, there is a central «philosophie», but also a central department that helps with innovation, transformation, experimentation in terms of attracting new readers. Like the rest of Postmedia, it's pretty hard to break down exactly how much, but it's certainly part of the operations of Postmedia to complete or proceed down a path of transformation in order to survive.

M. Skeete : I think everybody here will agree that English media faces an additional challenge in Québec. But is it fair to say, with no hidden intention, that you guys actually have an advantage because your parent company has the ability to leverage its national network to support you or is that not the way the business plan works with your relationship with Postmedia?

Mme Chodan (Lucinda) : I think many people would dispute the theory that Postmedia has an advantage, having plunged into debt to an extraordinary degree and emerged from creditor protection in 2010 with an enormous debt load, which it is now trying to pay down.

Having said that, we have an advantage in that there is a central agglomeration of some of the finest minds in Canadian digital thinking. I would also say, however, that, in terms of the day-to-day operations of the Montreal Gazette, we are one of the smaller newsrooms in Postmedia and we are competing for audiences with La Presse, Le Journal de Montréal, Le Soleil, not as much, but Le Devoir for the same readership. So, I think it's a mixed bag in terms of declaring an advantage for The Gazette.

M. Skeete : Have you guys ever compiled any data as to your readership? What percentage of your readership is actually francophone?

• (9 h 50) •

Mme Chodan (Lucinda) : We don't have a... It's difficult to find out online exactly whether people are francophone or anglophone. Traditionally, in the print edition, about 20% of our readership was francophone. In the digital world, I can tell you that about 33% of our readers online are in Québec, 33% are in Canada and 33% are somewhere else. But, in terms of their mother tongue, we haven't really been able to pin down exactly how many Francophones, how many Anglophones. We do know, of course, that there are people, whoever they are, who do not mind reading content in English.

M. Skeete : I think that's interesting. I think my colleagues here would win to know that we're kind of mixed together in that way. I think that's a nice story to tell.

You guys have made the choice, like other medias, to abandon a paywall. I'm curious as to the reasons behind that. For instance, Le Devoir told us that, in their business plan, a paywall is not only necessary but required because they have a certain niche. The Gazette, to me, could be seen by some as having a niche, and you guys have foregone the paywall. So, I'd be interested in understanding the business decision behind that.

Mme Chodan (Lucinda) : We actually do have a paywall. Le Devoir has a paywall involving four articles; after four articles, you have to pay. The Gazette's wall is at 10 articles. And I think that, as media have floundered around trying to figure out how to survive, there have been different philosophies. We started out without a paywall and then we added one. And we are now... We have an incubator where we are trying a new system elsewhere in Postmedia that will likely come to The Gazette, which involves... you have to register after five articles, you have to... So, in other words, increasingly, it seems as if what people pay to read articles is an important part of our progress, but it's not enough. So, we are going to be using registration to target advertisements and to provide people with a more personalized experience in terms of what they receive from us.

M. Skeete : OK. Thank you.

Mme Chodan (Lucinda) : Thank you.

M. Skeete : Like many before you, we spoke with The Suburban as well, who mentioned the recycling tax. You said it was $320,000?

Mme Chodan (Lucinda) : Yes, in 2018.

M. Skeete : 2018, and there was a temporary reduction this year. But that expires next year, right?

Mme Chodan (Lucinda) : $58,000 this year, in 2019. But that is a temporary... We have not heard... We expect that, if there are no further announcements, we will go back to paying approximately $320,000. In spite of the fact that our circulation has been going down, the amount that we pay for recycling is going up.

M. Skeete : And just before I conclude, M. Giroux, when asked, he said something very interesting that was, I think, a surprise. He mentioned demography as one of the issues, one of the challenges that you guys are going through. He specifically named The Gazette when he mentioned that. Do you have anything to offer in terms of how the demography, for you, is a challenge and how the Québec Government could help in that regard?

Mme Chodan (Lucinda) : It is a big challenge because like all the other newspapers, except La Presse, who have been here, our print readers are aging out and, as they disappear, there are not many print readers coming on board. So, demographically, that part of our readership is, I would say, over 65 at this point, and there are not new recruits.

In terms of demography, we have... I actually have some statistics that the majority of our readers online are between the ages of 35 and 54, slightly more male than female. So, our challenge is to continue or find a way to attract younger readers, readers who may be language agnostic, because we know that those younger readers are brand agnostic. They're not subscribing to the Gazette app or La Presse app. They have that on, but they have a newsfeed, and it's whoever provides them with the most interesting news to them and the most relevant news at the right time. So, it is a great challenge. Further research on how to attract that critical demographic in order to sustain our medias, it would be really important.

M. Skeete : And just quickly, yes or no, M. Giroux also was quoted as saying... to counter the fact that, you know, English people have access to all kinds of media, he said that the New York Times won't tell you what's happening with your city. Do you agree, yes or no?

Mme Chodan (Lucinda) : Yes.

M. Skeete : Thank you.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme. Il vous reste 5 min 45 s.

M. Chassin : Merci. Merci, mesdames, de votre présentation. C'est fort apprécié de comprendre votre réalité. Je voudrais attirer peut-être votre attention aussi sur le fait que, dans cette commission, on a entendu de nombreux groupes qui ont présenté différentes réalités. Puis vous mentionnez que, dans la lutte à la survie pour certains médias, l'investissement dans l'innovation est essentiel, et en même temps c'est souvent le premier poste, là, qui souffre de compressions. Puis, dans une perspective où on cherche une façon d'appuyer nos médias et l'information locale, comment est-ce que vous considérez qu'on devrait prendre en compte le fait que certains ont fait cet investissement dans l'innovation, ont réussi à prendre un certain virage, et donc ne demandent pas autant de support, par rapport à d'autres médias qui, effectivement, ont davantage besoin de l'appui pour, par exemple, une transition vers le numérique? Comment vous vous placez dans cet enjeu où toutes les situations ne sont pas les mêmes que la vôtre?

Mme Chodan (Lucinda) : I think I would say that, you know, one of the things that is the most challenging in terms of... it's not just that compagnies decide not to invest in innovation as a concrete choice. We are a unionized newsroom and, as is the case with all unionized places, it's certainly not anti-union, it's just that, in terms of layoffs, in terms of voluntary buyouts, but particularly layoffs, the youngest people in our newsroom are the people who are the most vulnerable to being laid off if there is a need to do so. We've been very jealously guarding them through various means that I don't really want to go into here, but I think that something that would recognize the fact... or subsidize young journalists and young innovators.

Another thing that we have tried to do is hire people from outside the news industry to try and get them to lead us. Digital natives, we call them in English, but also people who are experts in attracting a digital audience, which is not necessarily the forte of people who come from journalism schools. You know, that kind of... A program that would help sustain a steady mentorship and a cultivation of young journalists and young innovators would be very helpful. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour 2 min 30 s.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Chodan, on vous a déjà posé une question au sujet de Postmédia, mais j'aimerais y revenir. Dans la mesure où vous êtes mieux placée que nous pour nous dire comment ça se passe avec les propriétés de Postmédia en particulier et La Presse canadienne en général par rapport au Québec, est-ce que, chez Postmédia, vous êtes l'enfant pauvre, ou vous êtes l'exception qui confirme la règle, ou vous êtes dans la moyenne de ce qui se passe dans ce qu'on appelle la crise des médias?

Mme Chodan (Lucinda) : En moyenne, oui, comme tous les autres journaux canadiens. C'est la même crise et les mêmes défis.

M. Lemieux : Est-ce que c'est plus dur pour vous par rapport à la... je n'ose pas dire la débarque, là, mais à la décroissance? Vous nous avez parlé d'une décroissance phénoménale depuis six ans. Est-ce que ça a été plus dur, ou plus soudain, ou plus compliqué?

Mme Chodan (Lucinda) : Pareil. It's similar to The Toronto Star. The Globe and Mail is impossible to see inside their closed world, but we believe the Winnipeg Free Press is in the same situation as us, that's an independent company, même que Toronto Star.

• (10 heures) •

M. Lemieux : Et il me reste peu de temps, mais je voudrais vous faire faire le même exercice par rapport au reste de la presse anglophone au Québec, la radio, la télé, qui font de l'information aussi parce que c'est les médias d'information. On a compris, depuis le début de la semaine, que les radios, en particulier, avaient souffert, mais il y a une particularité avec la communauté anglophone, qui est concentrée à Montréal. Est-ce que la radio puis la télé anglophones à Montréal ont mieux subi les contrecoups parce qu'ils avaient cette métropole énorme avec cette communauté qu'elles peuvent rejoindre, contrairement à d'autres médias du reste du Canada qui sont un peu disséminés, là?

Mme Chodan (Lucinda) : It's a very similar situation for them as well. They are reducing staff, people are disappearing from the airwaves. It is a big challenge for anglophone media, even in Montréal.

M. Lemieux : Les deux solitudes vivent à la même place. Merci beaucoup, madame.

Mme Chodan (Lucinda) : Oui, exactement. On espère que non.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Verdun.

Mme Melançon : Bonjour, mesdames. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Je serai très brève ce matin. Je lis, à l'intérieur de votre mémoire, bien sûr, que vous parlez du déclin dramatique des revenus publicitaires. Vous abordez très peu la problématique de l'iniquité avec, justement, les grands géants du Web. Vous en parlez un petit peu, là, à la toute fin lorsque vous parlez d'entités numériques étrangères. Donc, on comprend que vous vivez exactement la même situation que les autres groupes qui sont venus nous en... que nous avons entendu. J'ai une question très courte pour vous : Est-ce que le gouvernement du Québec doit faire, actuellement, une taxation auprès des géants du Web? Est-ce qu'on doit le faire de façon urgente pour qu'ils puissent payer des impôts et des taxes au Québec, rapidement, pour qu'on soit sur un même pied d'égalité et entre les géants du Web et les différentes entreprises de presse?

Mme Chodan (Lucinda) : Réponse : Bien oui.

Mme Melançon : Rapidement : Est-ce qu'on doit attendre l'OCDE?

Mme Chodan (Lucinda) : Aussitôt que possible. I mean, the sooner we can begin to... I thought Stéphane Giroux was very powerful in his statistics revealing how much exactly Facebook was able to make from Canadian and Québec sources of information. There was a very powerful example... I can't remember if it was him who said : You know, you're the restaurant, you pay a delivery... you get a delivery person to deliver the food, and they keep the money. It's a very unfair playing field. And, I mean, it's a precious commodity, the news that we have about our province. To have people profit from that, yet without investing in the cost of gathering that information, I think, is wrong.

Mme Melançon : Parce qu'hier on a entendu le premier ministre parler, justement, qu'il n'y avait pas beaucoup d'appétit, du côté gouvernemental, pour aller faire cette guerre-là sans le gouvernement fédéral, alors qu'il y a un gouvernement qui a déjà décidé d'aller chercher l'argent à Netflix. Nous, on l'a fait, de notre côté. Il y a un combat qui est à faire, du côté gouvernemental. Je pense que le gouvernement et le premier ministre vont devoir être moins insensibles devant l'inéquité qui sévit actuellement. Alors, je vous remercie d'être présentes. Mme la Présidente, je demanderais...

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, très bien. Alors, avant de donner la parole au député de Jacques-Cartier, j'aurais besoin de votre consentement.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, avec enthousiasme, consentement.

M. Kelley : Merci, mes collègues. Thank you for your presentation. You left out a very important aspect of things you cover, which is the Montréal Canadiens. Because, in all seriousness, I grew up reading Red Fisher, Pat Hickey. I had trouble reading, but my mom was always reassured that I could read out the box scores that the Philadelphia Flyers beat the Pittsburgh Penguins, no problem, in the morning. But that was the truth to the story, I grew up reading The Gazette, it's one of the ways I learned how to read. And I think there are countless other English-speaking Quebeckers who share that example. It's extremely important for us to have good local content.

And you bring up so many examples of all the good hard work your journalists did in Québec on so many different subjects, but it is so important to remind everyone that it takes good journalists who know our community to do that work. And the centralization of the English-speaking media in Québec, when we talk about that, it doesn't pass in the hands of a single entity, we're talking about a centralization of the media in Toronto. English-speaking Quebeckers want news from Québec. We care deeply about that. The issues, they're pertinent to us here, and we do not want journalists or people in Toronto just taking press releases from the Government and making a story, it's not adequate for us. It's not what we have learned from one of the longest-serving daily newspapers from the English-speaking community in the world... sorry, in North America. So, just that point is so important to us.

I know we don't have a lot of time, so I'm going to ask you to be pretty brief on the two questions I have. The Government has announced a tour that will be done by the Secretary for relations with English-speaking Quebeckers. Of course, this committee here will come up with recommendations, that's very important, but do you think that that tour should take into account local media, Québec English-speaking culture and what is its place and future here, in Québec? And also, to tell us here, as a Government, what do you expect of us to do with our relations with the federal Government. Where can we go to bat for English media with the federal Government for certain programs? I would just like to hear your thoughts on those two issues. Thanks.

Mme Chodan (Lucinda) : I think it's very important for our Government to work together with the federal Government. It is the same crisis taking place in the rest of Canada, but particularly in Québec, where we are a distinct society, anglophone as well as francophone. And it's very important to continue to... I mean, if the Government were able to work with the federal Government, for instance, to collaborate on labour taxes for reimbursable... labour taxes, to work together, certainly, against the... making sure that Facebook and... not Netflix, Facebook and Google pay their fair share, I mean, if we present a united front across the country, I think it's going to be a lot more powerful and successful in succeeding in making sure that some of that revenue comes back to the enterprises that actually create content.

M. Kelley : And for the tour of the secretariat, is there anything in particular that you would look for or hope that there is a block that's focussed specifically on Québec local media and local culture?

Mme Chodan (Lucinda) : Well, I think that... I mean, we more than anyone else, I think, in North America know how important language and communication is to the thriving of culture, so I think it's very important for the tour to touch upon those things in communities. If The Gazette were to cease to exist, there would still be other media, at least for some time, in Montréal. If we lose The Sherbrooke Record or some of the smaller, you know, in Western Québec, some of the anglophone media... Sometimes there aren't other opportunities, and no one will know what's going on at city council, no one will know, you know, the changes that are being instituted or things that may affect their lives, such as flooding. It doesn't... I mean, there are lots of people commenting on things, but without people actually gathering and reporting the new, how can we operate as a democratic society?

M. Kelley : Thank you. Je vais céder la parole à ma collègue de Westmount—Saint-Louis.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est à vous pour 2 min 40 s.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présence ici aujourd'hui. I remember the days when the Montreal Star was still in print. And my mother still has the last printed copy, so I think we knew, way back then, that there was an urgency to act.

You and I both attended the University Women's Club event, just a few months ago, and I was appalled and really shocked to see the community speak up in anger about the changes that The Gazette was going through. I think that it would be beneficial for the Members of this committee to hear a little bit from you about that reality, about what you have had to do, as a newspaper, to stay alive, to stay vital and the things that you have had to cut that were clearly important to those people that were present.

Mme Chodan (Lucinda) : Some of the things that we... I mean, our number one goal has been to protect journalists and protect our ability to cover the news. What that has meant, however, is that we have cut back on arts coverage, we've cut back on community service items like... Two of the things that people at that meeting of the University Women's Club mentioned were : We had a very elaborate system of reporting small movie summary and then where those movies were playing all over in French and English, super useful, also took up a day and a half to two days of journalists' time. We said : We can't afford that anymore. Tip Sheet and It's a date, two features that told the community, you know : There is a rummage sale in the church basement here, in Pointe-Claire, or, you know, in Pierrefonds, there is a lecture on this, we don't have the staff anymore to do those kinds of things because, although they are important to our community, they aren't at the heart of what we had decided to focus on, which is reporting news and information that is crucial for people to make decisions about our lives here as citizens of Québec.

Mme Maccarone : Briefly, can you just give us a little bit of an overview of what distribution is like for you — we understand that we are symbiotically tied to the francophone news distribution network — and the impact of what will happen at large on newspapers like TheGazette?

Mme Chodan (Lucinda) : Unfortunately, our carriers are no longer intelligent, young future politicians. We are mostly people that get up at 3 :30 in the morning and have to drive around to deliver things within Montréal. We split up the territory with «camionneurs» from the Journal de Montréal, La Presse is no longer delivering a print edition. So, if the Journal de Montréal has a different deadline and they print before we do, we can't get to those readers. If there are problems with the Journal de Montréal, we can't get to our readers either. So, we've had deep problems. The Journal de Montréal does not go very much to the Eastern Townships, so that's an English-language community that we...

• (10 h 10) •

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je suis désolée de vous interrompre. Je suis la gardienne du temps. Je suis désolée, je me trouve presque impolie. On doit cependant continuer la période d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci. Merci d'être là. J'ai l'impression qu'on va peut-être parler entre nous de... est-ce qu'on veut un programme pour sauver les médias, le temps qu'ils s'organisent et qu'ils traversent la crise, ou est-ce qu'on a besoin... si on considère l'information comme un bien essentiel, comme un service, finalement, nécessaire, important pour la bonne vie de notre démocratie, est-ce qu'on va avoir besoin de financer ça à long terme, un peu comme on l'a fait avec les arts. Quel est votre avis là-dessus?

Mme Chodan (Lucinda) : On espère que non, pas longtemps. I mean, really, what we believe and continue to believe is we need some time to innovate. Being very honest, the landscape is changing so quickly. Three years ago, we thought it was not a good idea to have a paywall; two years ago, we thought it was. The landscape is changing very quickly, so our goal would be to innovate our way to a successful, sustainable future. Mes doigts sont croisés.

Mme Dorion : Et est-ce que vous imaginez que, dans le futur, ça pourrait être possible de penser à d'autres structures d'entreprise ou d'aller vers l'économie sociale, par exemple, comme le proposent les travailleurs du Groupe Capitale Médias ou comme l'a fait La Presse?

Mme Chodan (Lucinda) : I don't know. We are continuing to experiment and to try to find ways to interrupt the disruption but, I would say, anything is possible. Journalists and journalistic organizations are highly motivated to keep doing what we do, which is serve the public with important information. So, I think any combination, any possibility of innovation is possible in the future, but it's not obvious how to solve the issue.

Mme Dorion : Dernier petit truc. Il y a une mesure qui est pratiquement universelle dans les pays européens, qui exonère les achats d'abonnements aux médias à la taxe, à la TVQ, par exemple, si c'était le cas au Québec. Est-ce que c'est quelque chose à quoi vous avez réfléchi et que vous penseriez que ce serait une bonne idée?

Mme Chodan (Lucinda) : I think it's a very good idea.

Mme Dorion : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci. Alors, nous poursuivons les échanges avec M. le député de Rimouski pour 2 min 30 s. Merci.

M. LeBel : Merci, madame. Je pense qu'il va falloir que je prenne une bière plus souvent avec le député de Jacques-Cartier pour qu'il m'apprenne à parler anglais un peu mieux. Mais vous me faites travailler fort, j'essaie de comprendre vos réponses. Je ne suis pas bilingue, ça fait que je vais vous poser la question en français, essayez de me répondre en français, s'il vous plaît.

Plusieurs des gens qui sont venus ici nous ont expliqué qu'il faut une politique pour sauver les médias, qu'il y a une crise dans les médias, il faut une politique globale. Dans la politique globale, il y a beaucoup d'éléments qui viennent du fédéral, entre autres, pour taxer les GAFA, les droits d'auteur, la radiodiffusion, télécoms, l'impôt, le revenu. Ça fait que le fédéral est un joueur important si on veut trouver une vraie solution. Et il y a des élections fédérales qui s'en viennent, on devrait être capables de demander aux partis politiques de se positionner par rapport à cette crise qu'on vit ici. Est-ce que vous êtes de cet avis? Et comment on pourrait faire cet appel au fédéral?

Mme Chodan (Lucinda) : Je ne sais pas. Je pense que c'est très important de demander au fédéral, mais, s'il y a des partis qui ne sont pas d'accord... Par exemple, M. Trudeau a dit : Oui, je vais continuer à donner des fonds aux journaux par la taxe remboursable, mais M. Scheer, non, il n'a dit rien. Ce n'est pas évident, mais c'est important de demander aux deux comment il veut faire.

M. LeBel : O.K. Moi, je pense, ce serait important, puis de le faire avant les élections. Et on a une belle liste d'épicerie, là, qu'on devrait être capables de s'entendre, tout le monde, sur nos revendications par rapport au gouvernement fédéral.

Dernière question, plus précise. Tout le monde nous parle des crédits d'impôt sur la masse salariale. Certains nous disent qu'il faudrait que ce ne soit visé qu'aux journalistes, que les crédits d'impôt ne soient que pour les salles de presse, pour les journalistes. Plusieurs... d'autres nous disent qu'il faudrait que ce soit sur l'ensemble des employés des médias. Comment vous voyez ça, vous?

Mme Chodan (Lucinda) : Salle de rédaction. Et je pense que c'est la meilleure chose, de donner l'argent directement aux gens pour la masse salariale dans la salle de rédaction.

M. LeBel : Pour l'ensemble?

Mme Chodan (Lucinda) : Je pense, oui.

M. LeBel : Merci, madame. Merci beaucoup.

Mme Chodan (Lucinda) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, nous concluons la période d'échange avec Mme la députée de Marie-Victorin, pour un temps de deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends que vous vous croisez les doigts, que ça va aller mieux d'ici quelques années. Par contre, cela dit, en entendant l'ensemble des intervenants, j'ai plutôt l'impression, personnellement, que ça va prendre une aide financière à long terme de la part de l'État.

Vous nous avez parlé de votre virage numérique, comme quoi vous avez décidé, il y a très peu de temps, d'aller vers le mur payant. Vous avez, bien sûr, une application. Vous voulez continuer d'innover. Vous avez mentionné vouloir attirer davantage de jeunes dans votre lectorat. Quelles sont les prochaines étapes pour la Gazette en ce sens-là?

Mme Chodan (Lucinda) : Continuer à expérimenter avec... Par exemple, on a «artificial intelligence» pour cibler des lecteurs, le lectorat avec la publicité mais aussi les contenus qui sont plus «relevant» pour eux, un système de... «system of registration», suivi par inscription pour obtenir de l'argent mais aussi pour obtenir de l'information qui est importante pour donner de l'information plus «relevant» pour eux. Après ça, on ne sait pas, on a regardé... We have an experiment taking place right now in London, Ontario, at The London Free Press. Si ça marche, ça vient à Montréal, à la Gazette, mais sinon on va essayer quelque chose d'autre.

Mme Fournier : O.K. L'inscription, vous parlez des abonnements ou il y a une nuance à faire entre l'inscription et l'abonnement?

Mme Chodan (Lucinda) : «Registration», donner le courriel et probablement des renseignements, on peut suivre leurs habitudes, les choses qu'ils ont lues, etc., et suivi par «inscription», quand on paie pour obtenir les contenants.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, je vous remercie, mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe, soit à TC Transcontinental, de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 18)

(Reprise à 10 h 21)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de TC Transcontinental. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

TC Transcontinental

M. Olivier (François) : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie très sincèrement de nous recevoir ici aujourd'hui. Je me présente, je suis François Olivier, président et chef de la direction de TC Transcontinental. Je suis accompagné de mes collègues Pierre Marcoux, président de TC Media, avec qui je vais partager cette présentation, et Benoit Caron, vice-président Distribution chez Transcontinental.

Tout d'abord, quelques mots sur qui nous sommes. Fondée en 1976 par l'un des grands bâtisseurs du Québec, Rémi Marcoux, Transcontinental a fait ses débuts dans l'impression, la distribution et l'édition. Aujourd'hui, TC Transcontinental est un chef de file en emballage souple en Amérique du Nord et le plus important imprimeur au Canada. La société est également un leader canadien dans ses activités de médias spécialisés. Nous comptons sur 9 000 personnes à notre emploi, dont 2 400 ici, au Québec.

Nous nous présentons devant vous aujourd'hui avec un point de vue unique. Notre entreprise a plus de 40 ans d'expérience en tant qu'éditeur, imprimeur et distributeur de produits médias. La crise des médias écrits est à un moment critique. Les journalistes, dont le nombre diminue de façon alarmante, racontent des histoires d'ici, des points de vue de gens d'ici et enrichissent notre vie en société. Il serait dramatique de laisser disparaître la diversité des voix, l'information locale, régionale, spécialisée, qui contribuent tous, d'une manière ou d'une autre, à une saine société.

Les médias écrits ont besoin d'aide pour survivre, et il n'y aura pas de retour en arrière. Il faut les soutenir, comme nos gouvernements soutiennent, depuis... de longue date nos institutions culturelles dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la musique, du livre et des arts de la scène. Ces institutions culturelles qui enrichissent notre vie en société ne pourraient pas exister sans fonds publics. Aujourd'hui, il en va de même pour la presse écrite. Comme nos institutions culturelles, elle a besoin de mesures simples, équitables, accessibles et surtout permanentes pour stimuler de nouveaux investissements dans la création de contenus québécois. C'est pour cela que nous nous sommes joints, en 2016, à la Coalition pour la pérennité de la presse d'information au Québec et que nous continuons d'appuyer leurs demandes.

Au cours des deux dernières années, nous avons vendu quelque 90 hebdos du Québec à des entrepreneurs locaux dynamiques, enthousiastes, proches de leur communauté. Ce faisant, nous avons voulu assurer leur pérennité. En même temps, nous sommes demeurés engagés dans cette industrie en restant leur imprimeur et leur distributeur avec le Publi-Sac. Nous sommes aussi demeurés un éditeur important de médias spécialisés, comme le journal Les Affaires, des publications qui contribuent à la vitalité économique et sociale du Québec.

Depuis, la situation s'est encore détériorée. Des efforts ont été faits, des investissements dans le numérique ont été réalisés, mais rien n'y fait, le choc publicitaire est trop rapide et trop grand. L'arrivée des géants américains tels Google, Apple, Facebook et Amazon a porté un coup dur, et ça continue. Ensuite, il y a les coûts d'opération, les salaires, les loyers, le papier, l'imprimerie et la distribution. Nous savons que les éditeurs ont fait le maximum pour contenir leurs coûts, mais, quand on coupe dans les salles de nouvelles, on coupe le nombre de pages, on diminue le tirage, un mal s'ajoute à un autre, c'est la spirale vers le bas. Lorsqu'on atteint un certain seuil critique, ce sont l'intégrité, la crédibilité et la pertinence même de la publication qui sont mises en cause. Plusieurs en sont rendus là, malheureusement.

TC Transcontinental, comme partie prenante de l'industrie en tant qu'imprimeur et distributeur, entend faire sa part pour continuer à soutenir ses clients éditeurs de journaux. Nous voulons notamment continuer d'accompagner les hebdos en leur permettant de rayonner partout au Québec grâce à la portée, l'efficacité et le prix inégalé de la distribution par Publi-Sac. En tant qu'éditeur de médias spécialisés, nous vous demandons aussi de considérer des mesures de soutien semblables pour les périodiques spécialisés au même titre que la presse d'information généraliste. Mon collègue Pierre vous en parlera dans un instant.

La distribution de porte en porte de 95 % des hebdos au Québec passe par le Publi-Sac. Le Publi-Sac est la courroie de transmission entre 3 millions de foyers québécois et leur information locale. Il est le seul véhicule de distribution à grande échelle abordable qui rejoint directement l'ensemble des foyers québécois. Il fait partie intégrante de l'écosystème économique des hebdos. Été comme hiver, beau temps, mauvais temps, chaque semaine, 2 000 camelots se déploient pour sillonner une par une toutes les rues du Québec et livrer aux Québécois leur hebdo local. Le Publi-Sac permet aux hebdos de bénéficier d'importantes économies d'échelle. Il faut comprendre que le coût de distribution des hebdos est partagé avec les détaillants et les commerçants locaux qui insèrent du matériel publicitaire dans le Publi-Sac. Les alternatives comme Postes Canada coûteraient aux éditeurs de trois à cinq fois plus cher. Un tel coût additionnel, qui représenterait des millions de dollars par année, ne pourrait pas être absorbé par eux. Portée, efficacité, prix raisonnable, c'est la formule du Publi-Sac dont les hebdos ne peuvent se passer.

Certains contestent le Publi-Sac pour des raisons environnementales. Nous partageons ces préoccupations, et c'est pourquoi nous lançons différentes initiatives de réduction à la source. Dès cet automne, nous réduirons de 30 % le plastique utilisé. De plus, nous introduirons un nouveau sac fait à 100 % de plastique recyclé et encore 100 % recyclable, et ce sac sera fait ici au Québec, et nous sommes fiers d'en être le fabricant. C'est donc une première dans l'établissement d'une économie circulaire du plastique au Québec.

Certains cherchent aussi à nous imposer un renversement de notre modèle d'affaires. Ils demandent que le Publi-Sac ne soit pas distribué, seulement à ceux qui en feraient la demande expresse, ou créer un système sur demande. Ceci remplacerait le système actuel, soit le libre-choix de ceux qui ne veulent pas le recevoir, par lequel nous envoyons gratuitement un pictogramme à ceux qui en font la demande. Un tel hypothétique modèle par abonnement n'est pas viable, ce serait la fin du Publi-Sac. Et la fin du Publi-Sac, ce serait la fin des hebdos.

Nous recommandons donc que la commission reconnaisse le rôle primordial que joue le Publi-Sac pour assurer aux hebdos la portée et l'efficacité dont ils ont besoin à des coûts qui leur permettront de continuer d'exister. Nous recommandons aussi que la commission appuie le maintien du modèle d'affaires actuel du Publi-Sac en tant que composante essentielle de l'écosystème économique des hebdos à travers le Québec.

Je passe maintenant la parole à mon collègue Pierre Marcoux.

• (10 h 30) •

M. Marcoux (Pierre) : Merci, François. Mme la Présidente, d'abord je vous remercie, à mon tour, de nous recevoir. Je suis associé au journal Les Affaires depuis 20 ans, tout d'abord comme journaliste puis comme gestionnaire. J'ai vécu autant les années fastes que celles des vaches maigres.

TC Media compte maintenant 14 marques, dont le journal Les Affaires, qui dessert les gens d'affaires, et d'autres publications spécialisées ciblées pour la finance, les ressources humaines et la construction au Québec, par exemple. Ces marques créent des contenus pertinents permettant aux gens d'affaires et aux professionnels des industries desservies de mieux comprendre leurs enjeux, de mieux comprendre leur environnement. Ces gens peuvent ainsi prendre de meilleures décisions afin que leur entreprise soit plus saine, adopte de meilleures pratiques de gestion et soit ultimement plus performante, moderne et accueillante, ceci sans compter l'évolution de la littératie économique et financière des Québécois, à laquelle nous avons grandement contribué au fil des ans et continuons de le faire.

Depuis 2015, les revenus publicitaires des marques spécialisées de TC Média au Québec ont chuté d'environ 40 %. Au journal Les Affaires, c'est plus de 50 % de nos revenus que nous avons perdus. Nous avons dû donc procéder à des réorganisations qui ont mené à des pertes d'emplois, entre autres, évidemment, également dans les salles de rédaction. Au Québec, depuis 2015, TC Media a perdu 25 % de son personnel éditorial, parfois plus, dans différentes publications. Nous avons aussi dû revoir à la baisse la fréquence de parution de nos titres. Par exemple, le journal Les Affaires était publié 52 fois par année vers la fin des années 2000. En 2017, le journal est passé d'une fréquence déjà réduite de 42 numéros à 26 par année, et la baisse des revenus publicitaires nous rattrape encore. Si les revenus publicitaires sont de moins en moins au rendez-vous, il n'en demeure pas moins que le lectorat des publications de TC Media demeure important. Depuis son changement de fréquence, le journal Les Affaires maintient un niveau d'abonnement relativement stable — dans les circonstances, c'est intéressant — à environ 55 000 abonnés. C'est la preuve que notre enjeu n'en est pas un de lecteurs mais bien d'annonceurs.

Nous recommandons donc, dans ce contexte, de mettre en place des mesures de soutien aux éditeurs des périodiques spécialisés, au même titre que la presse généraliste. Nous proposons, évidemment, un crédit d'impôt remboursable de 25 % sur la masse salariale dédiée à la création et à la production de contenu journalistique, nous proposons aussi un fonds couvrant 50 % des investissements numériques pour des projets innovants et, troisièmement, une exemption de la contribution aux coûts nets de la collecte sélective municipale, contribution en placement publicitaire, cependant, qui devrait être maintenue.

Je vous remercie de votre écoute. Mme la Présidente de la commission parlementaire, merci. Je redonne la parole à François.

M. Olivier (François) : Alors, en conclusion, les lecteurs sont toujours...

La Présidente (Mme Nichols) : Très rapidement, la conclusion, s'il vous plaît.

M. Olivier (François) : Une minute, est-ce que ça va?

La Présidente (Mme Nichols) : Oui.

M. Olivier (François) : Bon. En conclusion, les lecteurs sont toujours là, mais les revenus n'y sont plus, tandis que les coûts augmentent. Des tours de force sont réalisés chaque jour par les éditeurs pour continuer d'offrir des produits de qualité. Il faut les appuyer, reconnaître leur valeur dans la société. Des solutions doivent être apportées urgemment par les différentes instances gouvernementales. Comme nos institutions culturelles, nos médias sont une richesse collective et démocratique. L'industrie a besoin qu'on lui tende la main avant qu'il ne soit trop tard.

Les hebdos ont plus que jamais besoin aussi du Publi-Sac dans leur modèle actuel, et nous ne voulons pas les laisser tomber. Au moment où on s'apprête à les soutenir financièrement, il serait absurde de priver les hebdos, en même temps, du mode de distribution le plus efficace et le moins dispendieux. On donnerait d'une main et on reprendrait de l'autre. Un changement de modèle d'affaires du Publi-Sac vers l'abonnement signifierait la fin du Publi-Sac et, par conséquent, la fin des hebdos au Québec. TC Transcontinental veut faire sa part pour soutenir l'avenir des médias, et nous espérons ardemment que le gouvernement du Québec fera aussi la sienne. Merci de votre attention.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci, messieurs, merci pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange et nous allons commencer... la période est... voyons, la parole est au député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Olivier, M. Hénault, M. Marcoux, quel plaisir de vous retrouver. Très content également de pouvoir vous entendre, parce que les racines profondes de Transcontinental sont en Beauce, n'est-ce pas, M. Marcoux? Et Dieu sait que les racines de plusieurs entreprises au Québec sont en Beauce. Qu'est-ce qu'on ferait sans la Beauce? Ça, c'est un autre enjeu. Alors, très content de pouvoir vous entendre. Sans compter qu'il y a des membres de votre conseil d'administration qui sont aussi de la Beauce, je pense à Mme Thabet, entre autres, alors, bien content de pouvoir vous entendre.

Merci de nous rappeler l'importance des médias écrits, des journaux. Merci de nous rappeler également l'importance du Publi-Sac, on l'a témoigné ici, en commission parlementaire, aujourd'hui. Et ce n'est pas de vivre dans le passé, de comprendre qu'il y a encore des utilisateurs du Publi-Sac, il y a encore des utilisateurs de nos médias écrits. Je pense aux revues spécialisées que vous avez. Très souvent, les tablettes sont vides parce que ça s'envole rapidement, alors ça démontre qu'il y a des utilisateurs. Et, vous l'avez bien mentionné, vous dites : L'enjeu, ce n'est pas du lectorat, c'est un enjeu d'annonceurs.

Je veux parler avec vous de la vente des médias que vous avez faite il y a déjà quelques années, entre autres, en 2017. Il y a eu différentes vagues, là. Vous avez vendu des hebdos régionaux à différents groupes. Vous avez exprimé un peu, bon, la perte de revenus, l'arrivée de nouveaux joueurs, qui sont les géants du Web. Mais qu'est-ce qui a manqué, dans ces années-là, pour qu'on puisse vous aider, qui aurait empêché cette vente-là puis qui aurait encouragé Transcontinental à continuer cette administration-là d'hebdos régionaux et à posséder ces hebdos régionaux là? Est-ce qu'on aurait dû faire quelque chose à l'époque, ou, pour vous, c'était tout simplement inévitable, que vous deviez vous en départir à ce moment-là?

M. Olivier (François) : Bien, notre décision de changer de cap et de vendre beaucoup de nos médias — on n'a pas seulement vendu nos journaux, on a vendu nos magazines — c'est plus une décision d'entreprise stratégique où on a réinventé Transcontinental, au cours des cinq dernières années, dans l'emballage flexible. Donc, c'était une grande stratégie de portefeuille, donc, et c'est une stratégie globale, je dirais.

Mais, si je peux parler — parce qu'on a été propriétaires de médias pendant très, très longtemps — de ce qui se passait et pourquoi on est venus à la conclusion, il y a trois, quatre ans, que probablement que ces médias-là auraient besoin de l'État... C'est un médium qui était somme toute simple : si on créait du contenu de grande qualité et on augmentait notre audience, les publicitaires voulaient avoir accès à cette audience-là, et les revenus venaient avec l'audience. Et, il y a à peu près 10 ans, cette formule-là, qui a toujours marché dans les médias et qui faisait que les médias étaient une industrie très rentable... Parce que les gens, dans la société, qui payaient pour la création de contenu de grande qualité, c'étaient les publicitaires. Mais, avec l'arrivée de l'Internet, ça a donné des nouveaux médiums de communication, ça a fragmenté l'industrie, et les revenus publicitaires se sont déplacés vers ces plateformes-là, indépendamment de la qualité de l'audience et indépendamment de l'audience. Donc, Pierre a plus d'audience, au journal Les Affaires, qu'il n'en a jamais eu, mais on a 50 % moins de revenus. Dans le système passé, avant l'Internet, on aurait probablement 50 % plus de revenus. Donc, le modèle est brisé. Alors, c'est comme de demander à une compagnie de danse ou à l'orchestre symphonique de vivre des gens qui achètent des billets, tu sais, le modèle économique ne tient plus. Donc, l'Internet a brisé le modèle économique des médias traditionnels.

M. Poulin : Vous nous parlez également de virage numérique, et ce n'est pas d'hier qu'on parle du virage numérique, à la fois pour les hebdos régionaux ou pour les médias écrits. J'ai l'impression... Puis souvent, bon, ça fait des grands mots, ça fait des grands titres, de dire : Il y a des gens qui ont raté le virage numérique. Moi, je n'ai pas l'impression qu'on l'a raté, j'ai l'impression que ça va tellement vite qu'une fois qu'on l'a réglé, qu'on l'a fait, on est déjà rendu ailleurs, on est déjà rendu à un autre moment. Ça, c'est une chose.

Mais vous m'avez parlé de revenus tout à l'heure. Est-ce que les agences de publicité n'ont pas manqué également, dans cette considération-là envers à la fois les revues spécialisées, envers les hebdos régionaux, envers la presse régionale, en recommandant trop vite, trop rapidement de se tourner vers, justement, les médias sociaux? Et je pense qu'à un moment donné il va falloir étudier aussi la force d'une publicité dans un journal, dans une revue et la force d'une publicité sur Internet, qui... je ne dis pas qu'elle n'a pas de valeur, mais dont il y a également beaucoup de consommation puis il y a beaucoup de publicités sur Internet. Alors, est-ce que les agences de publicité ont été des partenaires de Transcontinental ou ont plutôt été plus des obstacles?

M. Olivier (François) : Je dirais que les agences de publicité ont suivi ce qui s'est passé technologiquement, et, à un moment donné, si tu n'étais pas sur Internet, tu ne faisais pas ton travail de publicitaire, à un moment donné, si tu n'étais pas sur les médias sociaux, tu ne faisais pas ton travail de publicitaire. Et les gens ont déplacé beaucoup d'argent, à mon sens, à tort, vers ces médias-là, beaucoup trop d'argent, et ont trop délaissé les médias traditionnels, qui sont les journaux, les magazines, la télévision généraliste. Mais il y a des publicitaires, maintenant, qui commencent à s'apercevoir qu'avoir mis tant d'argent en publicité dans les médias sociaux ça ne me fait pas vendre plus de produits. Ça fait des beaux rapports, ça a l'air cool, j'ai des pages vues mais je n'ai pas de ventes. Alors là, il y en a qui commencent à remettre de l'argent, et c'est cette balance-là...

Et les agences de publicité aussi, eux, se sont transformées aussi. Beaucoup de jeunes qui décident maintenant où les budgets publicitaires vont, ils savent c'est quoi, Google, je ne suis pas sûr qu'ils connaissent l'hebdo de Lac-Etchemin dans nos régions. Donc, il y a toute une éducation à faire. On ne peut pas les empêcher de suivre la technologie, mais l'audience se fragmente et les revenus se fragmentent. Donc, pour un publicitaire, c'est beaucoup plus dur, de créer une campagne médiatique efficace parce qu'il y a beaucoup plus de choix. Il y a 20 ans, tu avais la radio, la télévision puis les journaux. Un coup que tu avais mis ton budget dans ces trois plateformes-là, tu pouvais faire un bon travail. Aujourd'hui, il y a 10, ou 15, ou 20 plateformes. Donc, ne pas jeter toute la pierre aux publicitaires, leur travail est beaucoup plus complexe qu'avant. Mais je dirais que mon opinion, c'est qu'ils délaissent trop les médias traditionnels. Puis les médias traditionnels, ils sont encore beaucoup plus efficaces pour rejoindre l'audience de qualité qu'ils le pensent, à mon sens. Ça, c'est mon opinion personnelle.

• (10 h 40) •

M. Poulin : Oui, absolument. Puis, juste avant de céder la parole à un collègue, puisque vous avez parlé de Lac-Etchemin, je salue Caroline Gilbert, qui a travaillé chez Transcontinental pendant plusieurs années, et qui est encore là, et qui travaille très fort.

Mais moi, je me souviens d'une éditrice dans une région, dans une municipalité de 2 000 personnes, elle a dit : Une semaine, on n'envoie pas le journal dans le Publi-Sac parce que les annonceurs de la municipalité ne supportaient pas le journal, et elle a eu 700 messages, de dire : Pourquoi je n'ai pas eu mon journal? Alors, elle est allée voir les annonceurs, et elle a dit : Voyez-vous, je suis lue dans votre municipalité, j'ai reçu 700 messages. Et la semaine d'après, elle, elle leur a envoyé le Publi-Sac, et là les annonceurs se sont mis à rembarquer. Alors, je pense, des fois, quand on perd notre journal, on s'aperçoit également à quel point il est important dans une communauté. Merci pour le travail que vous avez fait également dans le passé.

M. Olivier (François) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : ...député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. M. Marcoux, M. Olivier, M. Caron, merci de votre présentation. Je comprends que vous avez, donc, encore le journal Les Affaires et certains autres médias spécialisés, si je ne m'abuse, qui... La justification de conserver des médias comme ceux-là qui sont, justement, spécialisés, un peu plus nichés, j'ai envie de vous poser la question, est-ce que c'est rentable ou est-ce que vous les conservez en dépit d'une situation financière difficile?

M. Marcoux (Pierre) : Bien, merci pour votre question, M. le député. En réalité, on a fait une certaine transformation à l'intérieur de ces produits-là dans les dernières années. On a greffé à ces produits-là d'autres plateformes, comme l'événementiel, par exemple. On crée beaucoup d'événements sous la marque Les Affaires, sous la marque Constructo, via une boîte de production qui s'appelle Contech. Également, sur Benefits Canada, Avantages, on crée, en fait, plusieurs conférences qui sont devenues un modèle très intéressant et qui fait que l'ensemble de l'écosystème fonctionne relativement bien.

Ceci dit, si on regarde uniquement les produits papier de ces business-là, c'est là que le bât blesse, c'est là que c'est beaucoup plus difficile, pour toutes les raisons qu'on vous a déjà données puis que les intervenants à la commission ont aussi données. On vit la même réalité à ce niveau-là. On a juste, dans le fond, peut-être réussi à s'en sortir autrement en créant des activités à côté de ça. Il n'en demeure pas moins que plus ça va et plus ces publications-là, financièrement, peuvent devenir un poids pour l'ensemble des activités. Et, tranquillement, on continue et on s'en va là, ce pourquoi il est important de se pencher sur la viabilité même de ces produits-là au sein d'un ensemble.

M. Chassin : Et est-ce que vous diriez, dans ce cas-là, que le modèle... Vous parlez que les versions papier sont de plus en plus difficiles. Bien évidemment, pour Transcontinental, il y a peut-être un attachement particulier aux versions papier. Mais néanmoins est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on considère, s'il y a un appui financier de la part de l'État, qu'on soit neutres par rapport au format, c'est-à-dire qu'on n'ait pas l'imprimé papier, spécifiquement, au détriment de d'autres, qu'on soit... puis, dans vos recommandations vous en avez parlé un peu, mais qu'on soit plus universels dans notre façon, notre approche?

M. Marcoux (Pierre) : Bien, nous, notre approche, c'est les... tous les journalistes travaillent sur deux plateformes, ils travaillent sur l'imprimé et sur le numérique. Il y a des contenus qui vont être pensés, crées, réfléchis en fonction du papier, d'autres qui vont être créés en fonction du numérique. Parfois, c'est un peu les mêmes sujets mais traités de manière différente. Donc, oui, on est très, très ouverts à ça. Parce que la réalité, c'est : au moment où la publicité baissait dans le papier, puis on a investi dans le numérique, ça a fonctionné pendant un temps. Après ça, les GAFA sont arrivés puis ils ont pris également ces revenus-là, ce qui fait qu'on se retrouve dans une situation où les revenus papier ont beaucoup diminué, et, du jour au lendemain, après des investissements importants dans le numérique, eux aussi sont sous pression. Donc, de voir ça dans son ensemble, je pense que c'est très, très, très important. Et, dans les deux cas, en fait, ça rejoint souvent des audiences qui sont similaires, qui sont des audiences de qualité mais qu'on rejoint sur différentes plateformes pour différentes raisons. Alors, c'est excessivement important pour nous.

M. Chassin : Merci, bien gentil.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, M. le député de Saint-Jean, pour une période de deux minutes.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Marcoux, en politique, on dit... en tout cas, on entend souvent dire qu'on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube, on comprend l'image. En Internet, ils disent qu'on ne peut pas remettre le génie dans la bouteille.

Tantôt, vous avez parlé de Postes Canada comme si votre vieux réflexe, c'était de dire : Écoutez, Postes Canada, ça coûterait une fortune, faire ça, ce qu'on fait avec le Publi-Sac. Mais le génie continue de travailler, lui. Vous n'avez pas peur que, dans le fond, le problème, c'est que la crise de publicité, elle se retrouve aussi dans le Publi-Sac puis qu'à un moment donné on va continuer tout le temps... C'est comme si, en faisant tout ce que vous nous avez dit, que je conçois très bien, puis on l'a entendu de bien du monde... Mais, à quelque part, ce n'est plus une hérésie, de dire que le papier, là, il va y en avoir de moins en moins, on le sait déjà. Non seulement il va y en avoir de moins en moins, mais il y a certaines choses, comme le Publi-Sac... Je vous suggère, en tout cas, là, sans vouloir être oiseau de malheur, que ça se peut que vous ayez la même crise dans le Publi-Sac par rapport à l'Internet puis au Web, là.

M. Olivier (François) : Oui, le Publi-Sac... 95 % du volume, dans le Publi-Sac, c'est des commerçants locaux et des détaillants locaux et nationaux qui annoncent à chaque semaine les rabais qu'ils veulent offrir aux Québécois. Les Québécois consultent le Publi-Sac à 87 % et économisent en moyenne 2 000 $ par année dans les biens essentiels. Les grands utilisateurs de Publi-Sac, c'est les détaillants alimentaires, les détaillants de pharmacie et les détaillants de biens de consommation, et le médium que les consommateurs préfèrent encore consulter pour faire des économies à chaque semaine puis savoir ce qui se passe dans leur communauté, c'est sur le format papier. Donc, je vous dirais que, dans certains des créneaux d'imprimerie de Transcontinental, la décroissance peut atteindre jusqu'à 10 % ou 15 % par année. On parle de journaux, on parle de magazines. Mais, au niveau de l'outil qui est une circulaire promotionnelle, il y a eu des années, dans les cinq dernières années, où on a eu de la croissance. C'est un médium que le consommateur attend, recherche. On reçoit 2 000 appels par semaine parce qu'on est en retard d'une demi-heure ou d'une heure à livrer le Publi-Sac ou on ne l'a pas accroché à la bonne place. On reçoit à peu près 20 à 25 appels parce qu'on n'a pas vu le pictogramme que la personne avait mis dans le bas de la fenêtre. Mais c'est un produit qui a de l'air à être résilient. Toutes ces promotions-là sont disponibles sur le Web, mais, partout au Canada, les Canadiens préfèrent encore le consulter de façon papier. Mais vous avez raison, à long terme, ça peut changer. Mais, quand on regarde les trois, à quatre, à cinq prochaines années, on pense que le Publi-Sac est un modèle encore très viable qui va permettre de continuer à diffuser et donner de la portée à toutes les histoires locales que les 120 hebdos, 150 hebdos au Québec racontent à chaque semaine.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Verdun pour une période de 10 minutes.

Mme Melançon : Merci. Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci de votre présence. Je pose la question à chaque personne qui vient devant nous : Taxer les géants du Web pour pouvoir assurer une équité entre un groupe comme celui de TC Transcontinental et les géants du Web, c'est une bonne idée?

M. Olivier (François) : Bien, moi, mon propos, c'est que je pense qu'on est rendus à un endroit où, comme société, on doit décider si les journalistes professionnels, qui ont une éthique de travail, qui racontent la vérité, qui donnent les deux points de vue de chaque histoire puis qui laissent le citoyen ou le lecteur décider quelle est son opinion... a besoin d'être supporté et a besoin d'être supporté de façon permanente. Comment vous voulez financer cette aide-là, avec quels moyens? Je vais vous laisser la créativité.

Mais ce que je peux vous dire, c'est que Transcontinental paie beaucoup d'impôts, paie tous ses impôts, paie pour le recyclage au Québec, on paie beaucoup de choses. Donc, ceux qui viennent opérer ici, qui viennent prendre nos revenus publicitaires sans investir une cent dans le contenu puis qui revendent notre contenu gratis avec des programmes de publicité digitale, il y a quelque chose à regarder là. Je n'étais pas préparé pour parler de ce dossier-là, mais... J'aurais tendance à être d'accord avec vous mais je vais vous laisser, comme parlementaires, parler de taxation peut-être à une autre table que celle d'ici.

Mme Melançon : Une chose est certaine, on parle d'inéquité, actuellement.

M. Olivier (François) : À haut niveau, je pense que oui.

Mme Melançon : Merci. Je veux aussi en venir à un autre point que j'ai abordé à plusieurs reprises, mais... je vais faire sourire les collègues de la banquette gouvernementale. Il y a aujourd'hui 119 jours — hier, on était à 118, aujourd'hui, on est à 119 jours — où j'ai déposé une motion à l'Assemblée nationale demandant que la publicité gouvernementale... que le gouvernement puisse y aller de l'exemplarité de l'État, donc, de cesser de mettre beaucoup de publicités à l'intérieur des géants du Web et de les investir dans les médias québécois.

Moi, j'ai fait... je ne sais pas si c'est oeuvre utile, je vais dire ça comme ça, mais j'ai voulu dire que je soutenais mon journal local. Je suis allée avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, j'ai embarqué dans leur mouvement. Pour moi, c'était important qu'on puisse le dire haut et fort. Mais une chose est certaine, moi, je veux savoir : Est-ce que ça peut faire une différence, la publicité gouvernementale chez vous?

• (10 h 50) •

M. Olivier (François) : Bien, c'est sûr que ça peut faire une différence, ça veut dire, c'est des revenus. Et je pense que ce qu'on a décrit tantôt, dans la question du député de la CAQ, sur ma vision des publicitaires qui ont, à mon sens, trop rapidement délaissé les médias traditionnels, je pense que mon commentaire s'applique au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada. On va selon ce qui est la tendance, ce qui est le fun, pas sûr qu'on s'inquiète beaucoup de l'efficacité de nos dépenses, puis on abandonne nos médias.

Donc, oui, si on redonne des revenus publicitaires aux hebdos, si on ramène les avis publics dans les hebdos, si on réinvestit dans ça, bien, ça, ça fait tout partie de l'aide. Ça peut être de l'aide gouvernementale ou ça peut être des revenus. Et, à mon sens, il devrait y avoir une réflexion du gouvernement à voir tout l'argent que nous dépensons comme gouvernement. Est-ce qu'on l'envoie tout en Californie ou on l'investit ici, au Québec, pour qu'il y ait des créateurs qui racontent l'histoire de chaque communauté au Québec? Et, dans le moment, dans plusieurs communautés il y a plusieurs histoires qui ne sont pas racontées que les gens voudraient lire.

Et, quand on était propriétaire des hebdos, j'ai vécu ça, me faire dire... J'ai eu des députés qui m'ont fait venir dans leur bureau : Vous n'avez pas couvert tel événement, M. Olivier, c'était un événement important dans mon comté, c'était une affaire communautaire, sociale importante, vous n'avez pas couvert ça. Bien non, mais j'avais cinq journalistes, et il m'en reste deux, ils ne peuvent pas tout couvrir. Et les gens qui étaient dans la salle annonçaient tous sur Google puis ils n'annonçaient pas dans l'hebdo. Je leur ai expliqué que, s'ils annonçaient dans l'hebdo, peut-être que je pourrais plus couvrir ce qu'ils vivent. S'ils ne nous encouragent pas, on ne peut pas faire des miracles si on n'a pas de revenus.

Mme Melançon : Je vais faire une parenthèse ici. Je ne suis pas de celles qui parlent le plus de ce que j'ai fait, là, dans la vie, mais moi, j'ai travaillé pour Transcontinental et je me rappelle très, très bien les bonnes années où il y avait plusieurs journalistes, justement, qui pouvaient aller couvrir chacun des événements. Je me souviens de ça comme si c'était hier. Alors, j'entends très bien votre message, et comptez sur nous pour continuer à porter le tout.

Moi, ce que j'ai trouvé très intéressant à l'intérieur de votre présentation, vous avez fait un parallèle entre la culture et l'information. Et, dans le fond, on se bat pour notre culture, on se bat pour notre identité, on se bat pour faire parler de nous, je vais le dire comme ça, chez nous, dans nos régions, de ce qui se passe dans nos quartiers. Pour moi, c'est le nerf de la guerre, actuellement. Et c'est là-dessus où on se bat, sans quoi on n'aura pas de journalistes, ça va être de l'information qui va provenir d'ailleurs. On en a même parlé tout à l'heure avec les gens de The Gazette, en disant : Est-ce qu'on s'attend à ce que l'information vienne uniquement de Toronto, par exemple, ou est-ce qu'on s'attend à ce que ce soit de l'information qui vient... Moi, je trouve ce rapprochement-là intéressant. Et il y a une phrase qui est attribuée à Winston Churchill, qui dit : «Then what are we fighting?», hein, après ça, on va se battre pour quoi? Alors, je pense que c'est ce qu'on est en train de faire ici à la commission.

Rapidement, vous parliez des périodiques spécialisés, et là je vais poser une question qui n'a pas été abordée du tout, du tout dans cette commission-là, je voudrais parler des médias de diversité culturelle. Parce qu'on a aussi des citoyens québécois qui sont Italiens, Créoles, bref, on pourrait en parler longtemps, et qui ont, eux aussi, des médias, principalement à Montréal. Je crois que certains d'entre eux sont distribués, notamment, ou même sous impression chez vous. Est-ce que, pour vous, c'est important que les programmes auxquels nous sommes à réfléchir puissent être introduits à l'intérieur... bien, dans le fond, il faut que ça fasse partie du groupe qu'on veut viser?

M. Olivier (François) : Bien, c'est sûr. Nous, notre propos, c'est tout ce qui touche autour de la création de contenu, c'est-à-dire les journalistes, les photographes, les pupitreurs, les gens qui créent le contenu, qui témoignent de ce que les Québécois font, vivent et interprètent les faits extérieurs pour les Québécois. C'est ces gens-là qui devraient être subventionnés. Que ça soit un journal francophone, anglophone, portugais, italien, arabe, on devrait subventionner le reflet des gens qui racontent l'histoire des Québécois.

Mme Melançon : C'est intéressant, parce qu'on n'en avait pas parlé durant les quatre jours où on est, donc je trouvais intéressant qu'on puisse l'amener ensemble aujourd'hui.

J'ai besoin de savoir, de votre côté, vous avez besoin d'une aide... Parce qu'hier on a entendu les gens de La Presse dire que c'était plus qu'urgent, on a parlé de fragilité avec eux, on a vu Le Groupe Capitale Médias venir nous dire : Bien, on connaît très bien la situation. Qu'est-ce qu'il en est des hebdos en région, actuellement? Selon moi, ce n'est pas égal partout, là, mais est-ce que c'est une situation... Vous parliez de situation critique lors de votre introduction. Critique, est-ce que ça veut dire dans le temps, rapidement? On est situés où?

M. Olivier (François) : Écoutez, Transcontinental a une vision très mathématique de la santé des hebdos au Québec, parce qu'on a des comptes à recevoir avec l'ensemble des éditeurs au Québec pour leurs coûts d'impression et de distribution à chaque semaine, et ça fait rapidement des centaines de milliers de dollars. Et, à la vitesse que les gens nous paient, on a une bonne idée si le journal est en forme ou pas en forme, et je peux vous dire qu'il y en a plusieurs qui ne sont pas en forme, et qu'on supporte, et que, si on arrêtait de supporter et on prenait les termes des ententes qu'on a prises, ils cesseraient de publier, et on les aide, et on les supporte. Donc, je vous dirais, oui, vous avez raison, ils ne sont pas tous égaux, il y en a qui sont plus en forme, il y en a qui sont moins en forme. Mais, je peux vous dire, ils ont tous, tous besoin d'aide, et, si vous ne les aidez pas... Il y en a au moins 40, hebdos qui ont disparu au Québec dans les cinq dernières années. Plusieurs hebdos publiaient deux éditions, une le week-end, une le samedi. Il n'y en a plus aucun qui produit deux éditions. Et je dirais que, dans les hebdos, il doit y avoir le tiers ou 40 % — je n'ai pas les chiffres exacts parce que je ne sais pas ce qu'ils ont fait depuis deux ans, là, mais autour de ça — de journalistes qui a disparu. Donc, quand tu as deux journalistes pour couvrir huit municipalités, il y a des municipalités qu'il y a des tournois de hockey, puis il y a des concerts, puis il y a des spectacles de danse qui ne sont plus couverts qui étaient couverts avant.

La Présidente (Mme Nichols) : En 20 secondes, Mme la députée.

Mme Melançon : Oui, bien sûr. Je vais terminer en disant : Les travaux de la commission sont très attendus, bien entendu, et vous pouvez compter sur moi pour continuer à faire le travail. J'espère simplement que la commission qu'on tient, actuellement, ne sera pas bidon. Hier, on a entendu le premier ministre dire qu'il ne voulait pas de commission parlementaire qui était pour gérer à la place du gouvernement. J'espère honnêtement que tout le monde ici présent, là, a mal reçu cette information-là, sur les différentes banquettes où nous sommes, et qu'on va pouvoir vraiment assurer des programmes et surtout la survie de tous nos médias en région. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Nichols) : Nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour une période de 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci. Bonjour. Merci d'être venus. Je suis en accord avec la presque totalité de vos suggestions, de vos propositions. Il y a, sur le Publi-Sac... Je pense que vous connaissez peut-être notre position là-dessus, mais je me demandais... Petite question sur le Publi-Sac. En fait, tu sais, il y a des groupes qui sont sortis, il y a beaucoup de groupes environnementalistes qui ont dit : Ça n'a pas de bon sens, ça devrait être seulement à la demande plutôt que de demander à la personne qui habite là de dire : Non, je n'en veux pas. Il y a eu des pétitions, il y a eu 15 000 noms à Montréal pour... qui disaient : Bon, bien, c'est une nuisance, ça, nous, on ne veut pas. Il y a une pétition, aussi, de 3 000 noms, des groupes qui se sont mobilisés. Il y a beaucoup de gens qui sont contents de recevoir les journaux mais il y a, malheureusement pour vous, beaucoup de gens qui sont mécontents de recevoir le Publi-Sac. Puis je comprends toute la complexité de la chose, ce que ça signifie pour les journaux. Vous voyez ça comment dans l'avenir? Est-ce que vous vous dites : Bien, c'est le temps qu'on puisse... Comment vous voyez ça, en fait?

M. Olivier (François) : Il faut améliorer notre performance. Puis on parle avec le gouvernement pour, probablement, faire une législation là-dedans pour mieux encadrer le droit de ceux qui ne veulent pas le recevoir. La vérité, c'est qu'on pense qu'il y a à peu près 13 % des Québécois qui ne veulent pas recevoir les encarts publicitaires. Je ne suis pas sûr que ces 13 % de gens là comprennent que, quand ils font ça, ils ne recevront plus leur hebdo parce que les deux sont distribués ensemble. Et nous, on met sur le sac à chaque semaine : Si vous ne désirez pas recevoir le Publi-Sac, appelez-nous. Et c'est important de nous appeler parce que, quand on nous appelle, on a un système informatique, on prend le nom et le code postal et on coupe à la source. Il faut comprendre que les circulaires qui sont imprimées, ce n'est pas Transcontinental qui décide. Nous, il faut aller voir Metro, Provigo, Walmart. Quand la personne nous appelle, on fait deux choses : on envoie le pictogramme, on le dit à nos camelots puis, quand on envoie au citoyen, on dit comment l'apposer, quel apposer puis on entraîne nos camelots...

• (11 heures) •

Mme Dorion : Mais... excusez-moi, je suis désolée, je n'ai pas beaucoup de temps. Ça fait que c'est quand même... c'est un peu comme les courriels qu'on reçoit, les appels qu'on reçoit, tu sais, à un moment donné, les gens n'en peuvent plus puis ils se disent : Pourquoi c'est toujours à moi? J'en ai beaucoup à faire, tu sais, donc de dire : Envoyez-moi plus ça, je peux-tu avoir la paix, entre guillemets... Puis en même temps je comprends vraiment, pour les journaux, l'importance de tout ça. Est-ce que vous avez pensé...

M. Olivier (François) : Bien, la réponse, c'est : Ceux qui ne veulent pas le recevoir, il y a un système qui est assez efficace qu'on veut améliorer pour respecter leur droit de ne pas le recevoir. On ne va pas faire un système pour la majorité qui veulent le recevoir, leur donner une obligation puis créer un système qui va ajouter de la complexité, des coûts à Transcontinental qui fait qu'on va fermer boutique.

Mme Dorion : Puis, dernière question, super rapidement : Est-ce que vous pensez qu'il faut une aide... en 10 secondes : Est-ce qu'il faut une aide juste pour une transition ou on va avoir besoin d'une aide au long terme?

M. Olivier (François) : L'opinion de Transcontinental, après avoir géré ces publications-là pendant 25 ans et avoir investi 10 ans dans l'Internet, on est rendus... à mon sens, il faut une partie permanente.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Oui, merci. Bonjour. J'ai eu quelques textos, des courriels qui m'arrivaient hier, qui disaient qu'on ne parlait pas assez souvent des hebdos dans cette commission-là, ça fait que je suis content d'en parler puis de parler de votre expérience. Puis j'ai un certain malaise sur... On me dit que la moyenne d'âge des hebdos est assez âgée. Souvent, en région, les lecteurs des hebdos, il y a une moyenne d'âge assez âgée. Et on parle beaucoup qu'il faut aller vers le numérique, aller... Moi, j'ai une certaine crainte. Il y a des gens de 65 ans et plus qui sont dans des villages, ils s'informent encore beaucoup par l'hebdo. C'est par là, c'est par le papier de l'hebdo qu'ils vont s'informer. Puis on sait que la démocratie, ça passe par l'information. J'ai comme une peur qu'on... ce n'est pas de l'âgisme, là, mais, quand on se met à dire : Là, il faut aller vers la jeunesse, vers le numérique et qu'on oublie qu'il y a une certaine partie de la population plus âgée qui ont encore besoin des médias traditionnels. Puis les hebdos, c'est majeur là-dedans. C'est pour ça que je pense... Est-ce que, le soutien aux hebdos, on devrait parler du long terme puis on devrait s'assurer que le média papier puisse toujours être là?

M. Olivier (François) : Bien, pour moi... Je ne parlerai pas pour ma paroisse, je suis le plus grand imprimeur au Canada, mais, pour moi, comme homme d'affaires, pour les éditeurs d'hebdos, ils devraient donner aux citoyens la plateforme que le citoyen veut avoir. S'il veut avoir de l'Internet uniquement, c'est ça qu'on devrait lui donner, et, s'il n'en veut plus, de papier, on devrait arrêter d'en faire. Dans le moment, il y a plusieurs citoyens qui veulent encore du papier. Qu'est-ce que ça va être dans cinq ans, dans 10 ans? On verra. Mais tout bon homme d'affaires devrait donner le contenu dans le format et dans les canaux de distribution que le consommateur veut l'avoir, qui lui permet de faire des revenus et de créer du contenu.

M. LeBel : Mais il y a une réalité qu'on n'entend pas assez, qu'on ne dit pas assez souvent, dans les régions comme la mienne, dans le Bas-Saint-Laurent, une personne sur quatre a 65 ans et plus. Il y a une réalité qui est là. Il y a des grosses parties de ma région qui n'ont pas Internet. Mon village natal, tu ne peux pas faire... un téléphone cellulaire, il n'y a pas de ligne. Ça fait qu'à un moment donné il faut bien se parler, là, il faut dire les vraies affaires, on a encore besoin du papier.

M. Olivier (François) : Je suis d'accord avec vous.

M. LeBel : Peut-être c'est parce que je suis le plus vieux ici, autour de la table.

La Présidente (Mme Nichols) : Un dernier commentaire, en 15 secondes, M. le député.

M. LeBel : Non, ça va aller, merci. Le message est passé.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, la parole est à Mme la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai deux questions, donc je vais y aller en rafale. Je veux juste être bien certaine de comprendre. Si le gouvernement du Québec décidait d'instaurer une aide universelle récurrente, à long terme, équitable pour l'ensemble du milieu médiatique québécois, est-ce que vous êtes absolument certains qu'à ce moment-là la question de l'abandon du Publi-Sac ne pourrait pas être envisagée ou, même s'il y a cette aide importante de l'État, vous croyez que votre modèle doit absolument garder le Publi-Sac? Donc, ça, c'était ma première question.

Je vais juste y aller avec ma deuxième, rapidement, vous pourrez répondre. Vous avez parlé que, s'il n'y avait pas le soutien de Transcontinental, vous avez certains hebdos, plusieurs seraient à risque de fermeture. Combien y en a-t-il, en proportion, par exemple?

M. Olivier (François) : Bon, premièrement, le futur du Publi-Sac ne dépend pas des hebdos. Les hebdos paient moins de 5 % du coût d'envoyer un camion à 3,3 millions de portes. Le coût de la distribution de masse au Québec, que les hebdos bénéficient, est payé à 95 % et plus par les détaillants. Donc, s'il n'y a pas plus d'hebdos au Québec, là, le Publi-Sac va très bien aller. S'il n'y a pas de Public-Sac, je ne suis pas sûr que l'inverse est... O.K.? Par rapport... Transcontinental est éditeur de magazines spécialisés, on n'est plus dans les hebdos, mais on est ici parce que nos clients, c'est tous les hebdos. Et, je vous dis, je suis très au courant de leur santé avec leurs comptes à recevoir. On comprend bien cette business-là puis on est ici pour les supporter. Puis, comme société publique importante au Québec, on pense que l'information locale, les histoires des Québécois, avoir des gens qui couvrent les conseils de ville, qui couvrent ce qui se passe dans chaque région, c'est important, comme société. Puis on est venus ici pour supporter nos clients puis pour dire que, comme citoyen corporatif, on pense que c'est important et qu'on est rendu que raconter les histoires des Québécois aux Québécois, pour un gouvernement, à notre sens, c'est aussi important qu'encourager une compagnie de danse.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, merci. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux le temps que le prochain... enfin, le prochain représentant prenne place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 06)

(Reprise à 11 h 09)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, très bien. Alors, on reprend les travaux. Je vous remercie de votre discipline, chers collègues.

Alors, je souhaite la bienvenue à M. Marc-François Bernier. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

M. Marc-François Bernier

M. Bernier (Marc-François) : Merci beaucoup. Alors, Marc-François Bernier, je suis professeur de journalisme à l'Université d'Ottawa. J'ai été journaliste pendant une vingtaine d'années, donc, et je fais de la recherche aussi sur le journalisme depuis plusieurs années.

D'abord, bonjour, et merci de m'avoir d'abord invité à soumettre un mémoire et à le présenter ce matin. Depuis plusieurs semaines, même mois et quelques années, ici et ailleurs, de nombreux intervenants, particulièrement des journalistes, leurs associations, leurs syndicats, des propriétaires et des gestionnaires de médias ont plaidé l'urgence pour aider financièrement les médias écrits locaux et régionaux. Je suis en très grande partie du même avis qu'eux, alors je ne vais pas répéter ici tout ce qui a été dit. Je voudrais aller ailleurs aussi, mais je voudrais quand même attirer l'attention de la commission sur l'importance d'assurer que toute aide publique aux médias d'information soit l'objet de transparence importante, qui cible la production et la diffusion d'informations pertinentes à la vie démocratique pour que l'investissement public soit accompagné de réelles retombées positives pour l'ensemble des citoyens et, bien sûr, pour la vitalité démocratique de notre société. Donc, il faudrait éventuellement concevoir des outils de mesure, des indicateurs objectifs, des dispositifs indépendants de reddition de comptes de la part des entreprises bénéficiaires pour savoir avec précision l'usage qui sera fait des fonds publics dont ils vont profiter. Je crois que cette information, elle est d'intérêt public.

 (11 h 10)

On voit par certaines recherches qu'il y a certains contenus médiatiques qui sont en croissance : le sport, la météo, le divertissement. Il y a des contenus médiatiques qui sont en décroissance : l'éducation, la science, etc., la politique locale également, l'information locale et régionale. Ça, les recherches nous le montrent. Donc, c'est important d'avoir un peu de ciblage pour ne pas saupoudrer de façon très large.

Je vais insister ici sur deux points particulièrement : l'indépendance des médias et de leurs journalistes, et la présence régionale, et la valorisation du rôle local de l'information. Je vais proposer... ou je propose la création d'une agence d'information, ce que j'appelle l'agence Télé-Québec, qui va enrichir l'offre d'information locale et régionale indépendante et de qualité, et puis je vais y revenir dans quelques minutes.

Je veux dire quelques mots sur l'indépendance journalistique. Il y a deux types d'indépendance auxquels on fait souvent référence dans les écrits sur le journalisme. Il y a l'indépendance des salles d'information ou des médias d'information, l'indépendance face aux pressions économiques et politiques de leur milieu, et puis il y a aussi l'indépendance des journalistes face aux pressions du milieu et face aussi à leur employeur.

On sait par la recherche puis par l'histoire du journalisme que l'indépendance journalistique, c'est étroitement associé à la vitalité économique des médias. Plus les médias sont fragiles sur le plan économique, plus leurs journalistes sont soumis aux pressions des annonceurs, hein, des annonceurs privés, des entreprises, des commerces et aussi parfois des annonceurs publics. Je pense aux municipalités qui, dans certaines circonstances, menacent de retirer des budgets publicitaires. Donc, l'engagement politique, dans d'autres circonstances, l'engagement politique de leur propriétaire et dirigeant peut nuire aussi à l'indépendance des journalistes ou à la perception de l'indépendance des journalistes dans l'espace public, ce qui est aussi dommageable, d'une certaine façon. Je n'irai pas répéter les statistiques que vous retrouvez dans mon mémoire, mais vous savez qu'à partir d'une recherche que j'ai faite en 2008 et puis une autre en 2013, il y a plusieurs journalistes, dans les salles de presse en région, dans des médias privés, dans des hebdos surtout, qui font état qu'ils sont soumis à des pressions économiques pour servir les intérêts des annonceurs. À peu près deux journalistes sur trois mentionnent que ça leur est arrivé plus ou moins souvent. Donc, c'est quand même... ce n'est pas banal, cette histoire-là, et ça, c'est de la recherche empirique, c'est une recherche menée auprès de 400 journalistes du Québec, là, il y a quelques années, qui a révélé ça.

Je ne suis pas très catastrophiste, là, il n'y a pas une catastrophe qui nous pend au bout du nez, mais les résultats montrent qu'il y a une menace, qu'il y a un sentiment de fragilité de la mission démocratique des médias, que les journalistes eux-mêmes peuvent... nous déclarent dans les enquêtes qui leur permettent d'être anonymes, bien entendu. Pour le législateur, les législateurs que vous êtes, c'est difficile d'intervenir pour limiter le poids des pressions internes dans les salles de presse. Ce n'est pas vraiment votre rôle ni le mien ici, mais, quand même, on peut atténuer la pression économique qui pèse sur les médias et qui percole souvent jusque chez les journalistes. Donc, il est possible d'implanter des politiques strictes qui interdiraient aux élus puis aux fonctionnaires, par exemple, d'exercer des pressions indues sur les médias et leurs journalistes, ne serait-ce que par un quota minimal de publicité en dessous duquel une municipalité ne pourrait pas retirer sa publicité d'un média en termes de représailles.

Je veux aborder quelques... plus rapidement, de façon un peu plus longue même, l'agence Télé-Québec dont je vous ai parlé. Pour moi, c'est un ajout à l'écosystème démocratique. On peut faire plus, on peut faire mieux que de simplement aider au financement des médias privés. Il faut aider les médias privés. Je pense que tous ceux qui sont venus avant moi et après moi vont continuer à plaider leur cause beaucoup mieux que je peux le faire. Mais néanmoins il y a certaines régions au Québec qui sont des déserts médiatiques où il n'y a pas de médias, où, même où les médias existent, ils sont très fragiles. Donc, il y a des réelles difficultés à produire de l'information à l'abri des pressions économiques, politiques, locales et régionales. C'est pour ça que je propose la création de l'agence Télé-Québec, qui est un média public indépendant et pleinement légitime. Le projet consiste à créer un média public d'information accessible à tous les Québécois pour favoriser la production et la diffusion d'information locale et régionale. Ça favorise la vitalité démocratique. Bien sûr, c'est une proposition qui est... ma proposition, c'est un premier pas. Il y a beaucoup de modalités dont on pourrait discuter, mais je crois que c'est quelque chose qui peut être très intéressant pour les régions, pour le droit du public à l'information en dehors des grands centres.

Ce système-là ou l'agence Télé-Québec que je propose, elle ne nuit pas aux médias existants en ce moment. Au fond, au contraire, elle va ajouter à l'offre, à la diversité et à la qualité de l'information démocratique au Québec, en priorisant, bien sûr, l'information locale et régionale. Je la conçois comme une division de Télé-Québec. Son directeur général ou sa directrice générale seraient bien sûr nommés à la suite d'une recommandation du conseil d'administration de Télé-Québec qui pourrait être entérinée par les deux tiers de l'Assemblée nationale.

J'y vois aussi un organigramme allégé. J'enseigne le journalisme à l'Université d'Ottawa, et de plus en plus la tâche des journalistes peut très bien se faire avec des équipements moins lourds. C'est fini... On n'est pas obligés d'avoir un bulletin de nouvelles pour faire de l'information, on n'est plus obligés d'avoir d'immenses studios. Il y a quand même beaucoup de mobilité chez les journalistes, donc on peut avoir un organigramme très allégé également pour une telle salle de presse qui est décentralisée.

Bien sûr, l'agence Télé-Québec, c'est avant tout un site, une plateforme multimédia d'information, de la nouvelle, des reportages, des comptes rendus. Elle emploierait idéalement des journalistes qui sont membres de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ou de l'Association des journalistes indépendants du Québec, des journalistes qui, dans tous les cas, s'engagent à respecter les règles déontologiques de leur milieu. Je pense que c'est important pour la crédibilité, d'abord, de l'agence et de l'information qui sera produite et aussi pour sa légitimité.

Bien sûr, cette agence-là n'est pas destinée à produire des blogues, des chroniques, des commentaires, des opinions. Nous sommes déjà saturés, dans notre société, de blogues, de chroniques, de commentaires et d'opinions, et je ne pense pas que c'est ça dont les gens ont besoin en région, ils les entendent sur toutes les tribunes et sur toutes les ondes.

Cette agence-là, bien sûr, respecte le droit du public à une information de qualité. Qualité, c'est l'impartialité dans le compte rendu, la diversité des sources qui sont mobilisées, qui sont recherchées par les journalistes, l'équité dans le traitement des sujets et l'intégrité aussi. L'intégrité, c'est important, c'est une question d'accorder beaucoup de crédibilité et de légitimité dans l'espace public face à cette nouvelle plateforme là. Ces informations seraient offertes en ligne, puis, bien sûr, c'est des applications mobiles. Il n'y aura pas de papier, il n'y aura pas de téléjournaux, et puis possible de faire des balados, des entrevues, des reportages.

Et puis, bien sûr — je vois que le temps file — je propose aussi que leur production, tout le contenu qui va être fourni, produit par l'agence Télé-Québec soit gratuitement disponible à tous les médias, tous les médias, même, du Groupe Capitales Médias. Les autres pourraient se l'approprier, sous réserve d'en indiquer la provenance. Donc, c'est une sorte d'agence de presse qui sert à tout le monde, que vous pouvez consulter directement, comme citoyen, sur la plateforme, mais que les médias traditionnels peuvent reprendre. Et c'est une façon aussi de les aider à diversifier leur offre. Si ce n'est pas sur leur version matérielle, qui est le papier dans bien des cas, ça peut être sur leur site Internet, parce qu'il y a facilité de développer des onglets régionaux sur les plateformes Internet de ces médias-là, bien sûr.

Donc, je ne vais pas m'allonger plus que ça là-dessus, mais il y a quand même des choses importantes à retenir. Il faut chercher des nouvelles façons d'ajouter à l'offre des médias, à l'offre de l'information locale et régionale, à la diversité. Et nous sommes dans une société où il y a beaucoup de concentration de la presse, et je pense que c'est une proposition qui permet... qui ne nuit aucunement à ceux qui existent et qui ajoute à l'écosystème médiatique du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie, M. Bernier, de votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et je cède la parole au député de Beauce-Sud pour une période de 15 minutes.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bernier. Merci pour vos recherches. J'ai été quand même étonné de certaines conclusions pour lesquelles vous en êtes. Je crois fermement que les journalistes sont indépendants. Je crois fermement que les journalistes ne subissent pas de pression, et, si jamais c'est le cas, ils s'arrangent pour que ça ne se reproduise pas. Alors, il faut croire à cette indépendance journalistique là. Mais, quand même, vous avez fait une recherche qui a été menée à l'automne 2013, vous dites, auprès de 397 journalistes syndiqués et non syndiqués pour le compte du Conseil de presse, vous dites : «...32 % étaient d'avis que les revenus publicitaires — c'est important — influencent le contenu journalistique de leur média.» Je suis animateur radio, j'ai été journaliste, j'ai de la difficulté à voir comment des revenus publicitaires peuvent influencer le contenu du média comme tel, quand on parle de journalisme.

M. Bernier (Marc-François) : Dans l'enquête, parce que l'enquête n'a pas été publiée, malheureusement, ça appartient au Conseil de presse, mais ce qui ressortait de ça, c'était souvent qu'ils étaient obligés de donner du contenu journalistique en échange de contrats de publicité. Donc, c'est ce qui fait en sorte que, quand il y a un contrat de publicité, il vient avec ça, de façon officielle ou officieuse, une garantie de couverture journalistique qui percole entre le mur de Chine qui existe plus ou moins dans certaines salles de rédaction, et ça percole... ça se répercute dans le travail des journalistes. J'ai travaillé dans des hebdos, moi aussi, et il fallait se battre tous les jours pour mettre des briques sur ce mur.

• (11 h 20) •

M. Poulin : Oui, bien, je pense qu'il peut y avoir une différence entre un texte de rédaction pour lequel le commerçant paie pour avoir, effectivement, un texte de rédaction pour présenter des nouveaux produits et une salle de rédaction journalistique qui a à traiter des événements, qui a à traiter des choses. Parce que, si vous dites : Ce n'est pas public, donc... Vous me dites... C'est la première fois que cette étude-là, elle est publique?

M. Bernier (Marc-François) : Dans celle-ci, en fait, moi, j'en ai déjà rapporté, des résultats, dans diverses publications, mais le Conseil de presse ne l'a pas rendue publique, cette étude.

M. Poulin : O.K. d'accord. Vous nous parlez, bien évidemment, de Télé-Québec, de cette proposition que vous faites. En quoi celle-ci serait si miraculeuse sur l'indépendance?

M. Bernier (Marc-François) : Il n'y a jamais de miracle dans la réalité. Donc, elle favorise l'indépendance, c'est-à-dire que le modèle économique d'une société publique où il n'y a pas de publicité non plus, il n'y a pas de pression économique de la... ça laisse plus de marge, plus d'autonomie aux journalistes. Ça, c'est une tendance, c'est une constance qu'on voit dans la recherche internationale.

L'autre chose qui protège les journalistes, on n'est pas rendus là, mais, de l'aveu même des journalistes, c'est le fait d'être syndiqué. J'avais fait une grande enquête, en 2008, auprès des journalistes québécois, et c'était très clair, statistiquement, que le fait d'être syndiqué, ça leur donnait une protection face aux pressions internes, parce que les journalistes subissent des pressions internes également. Vous dites : L'indépendance, il faut y croire. Je dis : Oui, il faut y croire, mais, dans les faits, là, statistiquement, empiriquement, quand on va sur le terrain, quand on parle à ces gens-là puis on fait des enquêtes, eux-mêmes nous le... ce n'est pas une vue de l'esprit, ce que je vous dis, eux-mêmes nous le dévoilent, mais eux ne viendront pas vous le dire ici, là, vous comprenez? Moi, je pense, c'est une façon de les aider que de le dire, de temps à autre, dans un espace public. Ils ont besoin de cette aide-là aussi parfois pour se protéger.

M. Poulin : Et c'est sûr que notre commission parlementaire se penche sur l'indépendance, la diversité de la presse et que c'est de bon aloi que vous nous l'apportiez. Ça complétait mes questions, de mon côté. Merci.

M. Bernier (Marc-François) : D'accord, merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci. Merci, M. Bernier, de votre présentation. Vous vous intéressez beaucoup à l'indépendance des médias. C'est une question qui m'intéresse aussi. J'ai envie un peu de vous poser la question, parce qu'évidemment, dans un contexte où il y a des annonceurs, il y a des publicitaires, il y a évidemment une variété d'annonceurs et de clients. Dans le cas où il y a une aide, par exemple, du gouvernement, il y a une source d'aide très particulière et très définie, est-ce que vous voyez... ou s'il y a un risque pour l'indépendance des médias de ce côté-là? Parce que vous semblez plutôt dire que non, ça garantit l'indépendance, de recevoir des subsides de l'État. Je ne suis pas sûr de vous suivre dans la distinction que vous faites, là.

M. Bernier (Marc-François) : O.K., bien... excusez-moi. Le subside étant non ciblé sur certaines fonctions, ou certains articles particuliers, ou certains enjeux, au fond, dégage un peu les journalistes de cette pression-là. Le subside étant normé, étant programmé, étant basé sur des critères objectifs, ça aide aussi à ce que les médias se sentent plus libres là-dedans.

Donc, ce n'est pas... Dans beaucoup de pays, il y a des aides publiques à l'information, et ce que nous montrent les index, par exemple, de liberté de presse sur la planète, c'est que c'est dans ces pays-là que la liberté de presse est la mieux respectée. Donc, c'est assez intéressant de voir que, quand il y a une aide publique qui est bien ciblée, qui est programmée puis qui est transparente, ce n'est pas nécessairement porteur d'une contrainte sur le travail des journalistes. Ça va un peu contre le paradigme qu'on a depuis 200 ans en Amérique du Nord, il faut le dire.

M. Chassin : Et vous ne pensez pas qu'à travers les normes, les critères, il y a certains choix qui sont faits, il y a certaines prémisses qui sont reflétées? On essaie, évidemment, d'avoir le maximum de neutralité, mais il y a toujours des risques à travers tout cela. On pense, par exemple, à des demandes qui nous sont faites d'avoir des subventions à la masse salariale pour des gens qui font de l'information. Là, vous-même, vous faites, par exemple, la distinction entre des chroniqueurs, des analystes, des journalistes. Ce n'est pas nécessairement facile à calibrer, et donc vous comprenez qu'il y a toujours un risque de dérive.

M. Bernier (Marc-François) : Il y aura toujours un risque de dérive, et je pense que la meilleure protection, c'est la transparence, puis l'imputabilité, et la reddition de comptes en cette matière. Je crois que ce qui nuit beaucoup — et les enquêtes nous le montrent depuis les années 80 — à la crédibilité ou à la confiance que les gens ont envers les journalistes et les médias, c'était le côté manque de transparence, le côté un peu arrogant que les gens percevaient des médias. C'est bien documenté aux États-Unis, moins bien ici, parce qu'on n'a pas les ressources pour faire la recherche de la même façon. Donc, je crois que la transparence, la reddition de comptes, la bonne foi, ça se présume aussi, et qu'il n'y aura jamais de système parfait non plus. Mais, en ce moment, la machine va très mal aussi, hein? Il faut l'aider, il faut mettre de l'huile dedans un peu.

M. Chassin : Puis, je pense, c'est ça qui fait, d'ailleurs, notre mandat d'initiative, c'est cette crise qu'on reconnaît tous et qui nous inquiète.

Je vous amène sur une autre de vos propositions, l'agence Télé-Québec, rapidement. J'ai envie de vous poser un peu la question : Comment pensez-vous que va réagir La Presse canadienne, d'avoir un concurrent gratuit?

M. Bernier (Marc-François) : Je pense qu'en principe ça ne devrait pas lui nuire beaucoup. D'abord, La Presse canadienne couvre de moins en moins les régions, et c'est... diminué beaucoup d'importance, La Presse canadienne, elle est peu dans les régions. Elle est dans les régions quand il arrive quelque chose d'important, mais, pour le suivi quotidien de ce qui se passe dans les hôtels de ville, dans les conseils municipaux, dans les soins de santé, dans plein de choses importantes pour les citoyens locaux, La Presse canadienne, ce n'est pas son mandat, d'aller faire ça, elle a un mandat souvent très national. Donc, ça ne duplique pas ou très peu, peut-être dans certains événements... je pense au Lac-Mégantic, tout le monde est là, bon, mais ce n'est pas l'ordinaire, ça, c'est l'extraordinaire. Généralement, il n'y aura pas beaucoup... je n'ai pas beaucoup de craintes qu'il y ait duplication, d'autant plus que La Presse canadienne nous annonce toujours la veille qu'est-ce qu'ils vont couvrir le lendemain, donc tout le monde peut s'ajuster.

M. Chassin : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour 7 min 30 s

M. Lemieux : Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bernier. Vous arrivez à point nommé pour nous parler de votre projet de l'ATQ, l'agence Télé-Québec, comme vous le nommez si bien, parce qu'on en a parlé énormément, tellement qu'hier je me sentais le besoin d'essayer de faire une espèce de... pas de bilan, mais de condensé de ce qu'on nous en avait dit. Parce que certains réagissent à des suggestions d'un retour de l'information à Télé-Québec. Ce serait la troisième fois, et les deux premières n'ont pas été très édifiantes, mettons. Mais ce n'est pas ce qu'on avait entendu ni de la part de Télé-Québec ni de la part des employés de Télé-Québec, leur syndicat est venu nous voir. Mais on a entendu ça parce qu'à partir du moment où on dit «information», «Télé-Québec», bien là, on imagine tous un autre téléjournal. Bon, on s'est fait dire que ce n'était pas vraiment ça, l'idée, c'était plus une plateforme, ça remontait au projet de 2012‑2013.

D'ailleurs, quand je dis que vous arrivez à point nommé, c'est que ce n'est pas nouveau pour vous non plus. Je me souviens d'articles de votre part et de papiers d'opinion qui datent de quelques années déjà, où vous étiez toujours en train de faire un appel du pied : Télé-Québec pourrait faire plus. Dans ce cas-ci, l'occasion fait le larron, vous venez de trouver une solution. Mais le mot «régional» est important là-dedans. La question de La Presse canadienne était pertinente à cet égard-là, c'est vraiment... on parle de régions, là, on ne parle pas de couvrir l'actualité nationale au Québec, là.

M. Bernier (Marc-François) : Non, je ne pense pas que l'agence Télé-Québec irait couvrir l'inauguration du pont Champlain une troisième fois. Effectivement, moi, ça fait depuis 2009 que je soumets cette idée. Il y avait eu un numéro spécial du magazine le Trente, de la Fédération professionnelle des journalistes, 10 grands chantiers pour les prochaines années, et on m'avait demandé une contribution, et c'est ce que j'avais déjà lancé comme idée. Donc, ça fait depuis 2009 que ça se fait.

Ce n'est pas non plus... Contrairement au site de 2012 qui a été évoqué — parce que j'ai écouté, je vous ai suivis — qui était une plateforme d'agrégation de ce que faisaient les autres médias, donc c'était une plateforme de mise en commun de plusieurs plateformes différentes, ce qui posait des défis informatiques sans doute très, très grands — moi qui ne suis pas informaticien, j'imagine que ça ne devait pas être facile — ce que je propose, ce n'est pas de faire de l'agrégation, c'est d'ajouter à l'espace démocratique ou à l'écosystème médiatique au Québec de nouveaux journalistes sur leur plateforme et avec une plateforme qui va être accessible à tous. Malheureusement, il y a des régions où ce n'est pas accessible facilement, Internet, malheureusement, mais accessible, en tout cas, au plus grand nombre. Puis bientôt, ça va être accessible dans toutes les régions, Internet. Mais je pense que la plateforme se prête bien à ça. C'est léger, c'est moins coûteux, ça n'a pas besoin d'un grand studio, ça n'a pas besoin de micro-ondes. Ces grands équipements pour le direct, ce n'est pas tellement dans l'ADN de ce que je propose, de ce que je vois.

• (11 h 30) •

M. Lemieux : Dans l'environnement général de votre proposition mais du reste de ce que vous avez écrit, il y a deux sujets sur lesquels je veux revenir : la reddition de comptes, ça, c'est fondamental, mais vous avez glissé comme ça, un peu comme une pelure de banane que vous nous laissiez sur le plancher, qu'il y a beaucoup d'opinions en ce moment. Quelle que soit la solution retenue, si c'est une solution ou le plan d'aide qui pourrait être déployé... Effectivement, le journalisme traditionnel est en train de prendre la place sur le banc d'en arrière dans une presse québécoise, à l'exemple de la presse américaine et canadienne, où c'est vraiment la presse d'opinion, chroniques, analyses puis nommez-les, on les a tous, là, mais on a de plus en plus de ça. Quand vous nous parlez d'indépendance, il n'y a pas une espèce de problème, là, ou, en tout cas, de vision d'un problème?

M. Bernier (Marc-François) : Bien, je vais dire deux, trois mots sur le journalisme d'opinion. Tout d'abord, historiquement, c'est ça qui a été à la fondation du journalisme en Occident depuis 400 ans, ça a commencé avec de l'opinion. Journaliste d'information, ça a été très populaire au XXe siècle. Donc, il y a plusieurs types de journalisme qui coexistent.

Ma crainte, moi, avec les mesures générales, avec l'aide aux salles de rédaction indifférenciées, c'est qu'éventuellement des fonds publics servent à financer de la chronique, de l'opinion, des chroniques de voiture, des chroniques de mode, des chroniques de voyage et que, progressivement, les citoyens vont savoir qu'ils paient pour ça, vont avoir encore plus de doutes — certains citoyens, en tout cas — face aux médias, vont être encore plus mécontents. C'est pour ça que je me dis : Il va falloir qu'il y ait une aide aux médias, je pense, pour moi, c'est indéniable. Il va falloir essayer de faire en sorte que les médias nous disent qu'est-ce qu'ils ont fait avec cet argent-là. Est-ce qu'ils ont fait plus de chroniques de mode? Est-ce qu'ils ont fait plus de couverture du Canadien de Montréal, plus de météo ou ils ont fait plus de couverture de conseils municipaux, d'établissements qui sont importants pour le bon fonctionnement de notre société? Parce que c'est un investissement public, et tous ceux qui demandent l'aide nous parlent de l'associer à la vie démocratique.

M. Lemieux : On oublie que, «avenir des médias», il y a toujours le mot «information» qui est enchâssé là-dedans, sous-entendu, en tout cas, et qu'on n'a pas parlé de ce que c'était que l'information, on a juste rajouté «information». Moi, j'ai répété à qui voulait l'entendre que, en ce qui me concerne, c'était de l'information civique d'intérêt public. Et là vous utilisez des exemples de ce que certains pourraient faire avec de l'aide gouvernementale, effectivement, il y a des questions à se poser là-dessus. Je ne veux pas nécessairement donner mes réponses, mais je pense que la question est bonne, vous la soulevez. Merci beaucoup.

Il me reste à peine le temps de vous demander de m'expliquer la reddition de comptes, et puis ensuite on va pouvoir parler du désert médiatique auquel vous faisiez allusion dans les régions. La reddition de comptes, on va faire ça comment?

M. Bernier (Marc-François) : Bonne question. Et puis d'abord il faut que ça se fasse mais il faut que ça soit léger. Il n'est pas question de demander aux médias de faire un rapport écrit de 75 pages. Déjà, ils ont du travail sur le terrain à faire. Mais il y a des outils technologiques qui permettent de voir les types de contenus qui sont en croissance ou en décroissance, et on peut facilement se servir de ces outils technologiques là, notamment grâce à l'intelligence artificielle, pour rapidement identifier les contenus qui sont en croissance et les contenus qui sont en décroissance dans chaque média, et ça se fait assez facilement. Influence Communication le fait tous les jours. Il fait son bilan annuel basé là-dessus, puis on voit très bien, l'éducation, moins de 1 % des contenus médiatiques, quand même, et le sport, la météo, ça prend quasiment le tiers des contenus médiatiques.

La Présidente (Mme Nichols) : En une minute.

M. Lemieux : Le fameux désert médiatique, et j'en suis, là... je parlais de peau de chagrin, mais je trouve que peau de chagrin, c'est devenu presque trop poli, en tout cas, c'est un gruyère, minimalement, puis le territoire québécois dans son ensemble. Évidemment, la crise de Groupe Capitales Médias, elle vient exacerber l'idée, là, c'est six quotidiens, là. Mais, même s'il n'y avait pas eu la crise Groupe Capitales Médias, qui aurait été bringuebalant quand même mais qui aurait été dans le décor, on a un problème régional, au Québec, avec la presse, là, locale et régionale.

M. Bernier (Marc-François) : Bien, c'est ce que des gens nous disent. Je pense qu'il faudrait faire une cartographie de la présence des médias, vraiment, sur le plan géographique, de montrer où ils sont, où étaient les autres, où ils sont, ceux qui demeurent. Donc, il y a peut-être au moins une cartographie à faire, qui peut se faire, j'imagine, assez facilement au ministère des Communications et de la Culture.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Alors, nous continuons la période d'échange avec la députée de Verdun pour une période de 10 minutes.

Mme Melançon : Bonjour, M. Bernier. Merci d'être avec nous. Vous nous amenez une autre lecture complètement... ce sur quoi on a discuté depuis les trois derniers jours. Et moi, j'aimerais vous entendre tout de même, parce que je trouvais la question du député de Saint-Jérôme tout à fait à propos, lorsqu'il posait la question sur... une agence comme celle-là, bien sûr que, probablement, on ne traiterait pas de la réouverture du pont Champlain, là, comme vous faisiez mention, mais à un moment donné la ligne est mince, là. Qu'est-ce qui devient... Qu'est-ce qui est une région? Qu'est-ce qui ne l'est plus? Est-ce qu'il y a un doublon? Est-ce qu'il n'y en a pas? La Presse canadienne — moi, j'ai rencontré des gens de La Presse canadienne dans les derniers jours — vit des moments difficiles, et avec les six journaux de Capitales Médias qui sont en mauvaise posture actuellement, ils sont fragilisés. Alors là, si vous m'amenez un joueur supplémentaire sur la patinoire, bien, moi, j'ai peur qu'on perde des joueurs au nom de nouveaux.

M. Bernier (Marc-François) : Bien, l'agence Télé-Québec étant gratuite, elle n'aura pas à chercher... n'aura pas siphonné les fonds des médias qui sont abonnés à La Presse canadienne. La Presse canadienne a de moins en moins de mandats régionaux aussi. Et c'est le problème qu'il y a dans beaucoup de régions du Québec, c'est l'absence de médias. On ne peut pas demander à La Presse canadienne d'être partout. Surtout qu'elle-même, hein, son service français... même le service de radio n'existe plus, le service français a diminué beaucoup, et il ne tient à peu près, de ce que j'ai lu, qu'à la survie du Groupe Capitales Médias, parce qu'au fond, si Le Groupe Capitales Médias tombe, il ne reste plus grand-chose d'abonné à La Presse canadienne.

Donc, l'agence Télé-Québec, pour moi, ne vient pas concurrencer, elle vient ajouter à l'écosystème médiatique des citoyens québécois. Je ne vois pas la zone de concurrence ou de duplication, sauf exception, là, de certains événements, là, qui sont ponctuels.

Mme Melançon : Ponctuels, mais parfois, quand même, si on est dans un milieu fragile, moi, j'ai certaines inquiétudes. Faites juste m'expliquer, cette agence-là, donc, avec de nouveaux journalistes sur le territoire, partout en région, est-ce que vous n'avez pas peur que certains hebdos disent : Bien, moi, plus besoin d'avoir de journalistes, je vais aller directement à cette agence-là? Et là on parle de diversité et de concentration. Est-ce que vous n'avez pas peur que ça devienne aussi un enjeu majeur?

M. Bernier (Marc-François) : Ça pourrait être un enjeu si des hebdomadaires décident de congédier, ou d'abandonner, ou d'abolir leurs services de rédaction. Je pense que ça pourrait être aussi une question qui fait partie des modalités d'une éventuelle agence Télé-Québec. Effectivement, ça peut être... Mais je vois difficilement ça parce que les hebdos aiment ça pouvoir aussi avoir la mainmise... je ne dirais pas la mainmise, mais contrôler leur politique éditoriale, ce qu'on couvre, ce qu'on ne couvre pas. Ils ne pourraient pas exiger de l'agence Télé-Québec d'aller couvrir des choses, l'agence Télé-Québec serait autonome. Donc, les hebdos aiment bien avoir une autonomie éditoriale aussi, ce dont vont parler nos journalistes. Je vous l'ai dit, j'ai travaillé dans l'hebdo, dans la presse régionale, dans l'hebdo aussi, et on avait beaucoup d'autonomie, mais c'était à l'époque aussi... Quoique j'étais dans un hebdomadaire qui était déficitaire également, là, à l'époque.

Mme Melançon : Parce que la situation étant tellement grave, je vais le dire comme ça, moi, vraiment, là... avec ce qu'on entend depuis quelques jours, les hebdos vont nous dire : Honnêtement, s'il y a un endroit où je suis capable de sauver, puis si c'est des salaires, puis si je suis capable d'aller chercher gratuitement une information, moi, je pense qu'il y en a plusieurs qui vont flairer la bonne affaire, vont y aller. Et, à un moment où on parle, justement, de l'importance de ne pas succomber à cette concentration qui peut être possible dans nos médias, moi, je vois... en tout cas, j'avais une certaine crainte en lisant.

Mais il faut qu'on réfléchisse à l'extérieur de la boîte. C'est ce que je demande aux gens qui viennent nous voir aujourd'hui, et vous l'avez bien fait en ce sens-là. Et là vous parliez de la ligne éditoriale. J'imagine que vous avez suivi les travaux hier.

M. Bernier (Marc-François) : Oui.

Mme Melançon : On s'est quand même fait dire que certains n'avaient pas de ligne éditoriale. Est-ce que vous croyez à ça?

M. Bernier (Marc-François) : C'est un grand terme, la ligne éditoriale, hein? Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'éditoriaux qu'on n'a pas de ligne éditoriale.

Mme Melançon : C'est là-dessus que je veux vous entendre.

M. Bernier (Marc-François) : Bien, la réponse est là. Effectivement, on peut avoir une ligne éditoriale par, d'abord, l'embauche des cadres, et la volonté du propriétaire ou du gestionnaire peut percoler jusqu'à la salle de rédaction par l'intermédiaire des cadres. C'est ce que la recherche nous dit. Et, un peu paradoxalement, c'est ce que M. Pierre Péladeau père disait à Radio-Canada il y a peut-être 40, 50 ans, il dit : Ce n'est pas moi qui appelle, mais, il dit, j'embauche des cadres pour faire passer des messages. Donc, c'est de même dans toutes les salles de rédaction. C'est plus ou moins subtil, par exemple. Après ça, il y a des... puis il y a des patrons de presse qui sont plus réticents à user de leur pouvoir. Il y a la personnalité des gens aussi, puis le mode de propriété influence aussi beaucoup dans ces choses-là.

Il y a beaucoup de nuances différentes, quand on fait des enquêtes, beaucoup de différences dans le type de gestion qui se fait. Il y a des médias où il y a une résistance entre les différents niveaux hiérarchiques, et c'est souvent ceux qui sont pris entre les deux qui sont les plus mal pris, parce que, dans la salle de presse, on est protégés par notre supérieur immédiat, mais, lui, il faut qu'il se batte en haut. Ça dépend toujours des personnalités aussi puis des jeux de pouvoir qui existent dans une entreprise, dans une organisation.

• (11 h 40) •

Mme Melançon : Merci. Merci de l'éclaircissement. On a parlé du journalisme versus la chronique, beaucoup. Est-ce que vous croyez important qu'on définisse le statut de journaliste? Ça a été, en tout cas, une longue réflexion il y a plusieurs années. Je vais poser la question à plusieurs personnes qui viennent nous visiter aujourd'hui, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bernier (Marc-François) : C'est une bonne question. Parce que vous savez que c'est très contesté de... La FPJQ a été longtemps en accord, jusqu'à un moment donné où elle n'était plus d'accord. Le statut de journaliste, ce qui est intéressant, c'est que c'était associé... D'abord, c'était volontaire, ce n'était pas contraignant. Quelqu'un pouvait décider qu'il adhérait au statut de journaliste professionnel et, implicitement ou explicitement, il adhérait aussi au guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, mais c'était volontaire. Et je pense que, si un statut est volontaire, il ne cause pas de dommages. Moi, je pense même que, si un journaliste a écrit... si j'étais encore journaliste, «Marc-François Bernier, FPJQ» ou «journaliste professionnel, FPJQ» dans ma signature, peut-être que ça donnerait un peu de crédibilité, peut-être pas, mais peut-être un peu de crédibilité, en tout cas, envers mes sources puis envers mes lecteurs ou mes publics. Je pense que ça ne nuit pas. Mais il faut que le... L'idée, à l'époque, c'était que c'était volontaire, c'était une contrainte librement consentie. C'est important, ça, de garder cette notion-là de contrainte librement consentie. C'est comme dire : Nous, on va se donner des critères un peu plus élevés, on n'empêche pas les autres de faire leur travail pour autant.

Mme Melançon : Et, pendant que j'y suis, le Conseil de presse — parce que, là aussi, il y a certaines problématiques, je vais l'exprimer ainsi, parce que ce n'est pas un tribunal, hein, c'est les pairs, quand même, qui sont là, qui sont sur place — est-ce que vous pouvez expliquer, pour la bonne connaissance de l'ensemble des membres, un peu le fonctionnement?

M. Bernier (Marc-François) : Bien, grosso modo, je vais juste mentionner que les conseils de presse... la recherche internationale est très mitigée. Ils livrent rarement la marchandise qu'ils ont promise, ils n'ont pas l'autonomie financière, ils sont toujours aux prises avec des tensions. D'ailleurs, dans Le Devoir aujourd'hui, il y a quelqu'un qui écrit à ce sujet-là, un ancien membre du Conseil de presse, l'ancien président du Conseil de presse aussi, Richard... Raymond...

Mme Melançon : L'ancien sous-ministre.

M. Bernier (Marc-François) : En fait, M. Corriveau a écrit amplement là-dessus. On sait que le Conseil de presse souffre de sous-financement et il souffre aussi du fait que les médias, quand ils ne sont pas contents, ils menacent de se retirer, ce qui donne une sorte de jurisprudence qui n'est pas toujours cohérente. Ça a été montré dans les recherches passées. On n'a pas de recherche très récente là-dessus, mais on voyait que la jurisprudence n'était pas très cohérente et qu'il pouvait y avoir aussi des décisions un peu basées sur le pouvoir du média au sein du Conseil de presse.

Mme Melançon : Mais, si, par exemple, on met un programme sur pied et que les différents journaux ou les médias, en tout cas, très largement, viennent cherche de l'argent public, croyez-vous qu'on devrait soumettre une obligation, à ce moment-là?

M. Bernier (Marc-François) : Je pense que ce serait une bonne chose. Ça ferait partie de la reddition, hein, d'abord, de l'imputabilité. Et également je pense qu'il faudrait procéder à une réforme en profondeur du Conseil de presse parce que, d'abord, il y a beaucoup de journalistes qui ne le prennent pas au sérieux. Ceux qui le prennent au sérieux, c'est souvent ceux qui en ont le moins besoin parce qu'ils font déjà des efforts pour être de bons journalistes. Or, le Conseil de presse, souvent, il devrait être là pour protéger le public contre ceux qui trouvent ça moins important de faire du bon journalisme. Donc, il faudrait, je crois, réviser, réformer le Conseil de presse, peut-être mieux le financer, encore une fois, pour atténuer la pression ou le pouvoir que certains médias membres ont dessus, sur son fonctionnement. Les conseils de presse, moi, je trouve que c'est une bonne idée qui ne fonctionne pas assez bien, par exemple. C'est mieux que rien, mais il faut... Parfois, ça fait un peu illusion. Il faut faire attention à ça.

Mme Melançon : Je ne sais pas si vous avez entendu hier l'échange que nous avons eu avec Télé-Québec et Marie Collin, qui nous disait ne pas avoir suffisamment, actuellement, là, de ressources humaines à l'intérieur, parce que, dans chaque région, il y a trois personnes...

La Présidente (Mme Nichols) : Je suis vraiment désolée de vous interrompre. Je m'excuse.

Mme Melançon : Ah non!

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, nous poursuivons la période d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci. Je ne peux pas, avant de vous poser ma question, ne pas revenir sur ce que vous disiez, notamment le sympathique député de Beauce-Sud. Je pense qu'il faut enlever nos lunettes roses par rapport à l'indépendance dans les médias privés. Je ne sais pas d'où ça vient, qu'on ne s'inquiète pas de ça puis qu'on s'inquiète vraiment de l'indépendance face à l'argent qui vient du public. On a eu des gens ici qui sont venus nous dire : Dans mon journal local, les gens du côté de la pub viennent voir les journalistes pour dire : Là, lui, il nous donne beaucoup d'argent, il faudrait que tu ailles couvrir son événement. Les cahiers spéciaux qui passent pour du reportage, qui sont écrits par des journalistes, sont payés par des compagnies privées dans les grands journaux. Ce n'est pas rien, puis j'aimerais qu'on arrête de faire comme si ça n'existait pas.

Maintenant, la montée des chroniques, des opinions, des blogues, tout ça, qui attirent le clic, qui vendent de la pub, c'est aussi lié à la publicité. Je ne sais pas si vous avez un côté sociologue dans votre analyse des choses, mais qu'est-ce que ça a créé dans la société, d'un point de vue social et démocratique, cette montée, dans les dernières années, de ça?

M. Bernier (Marc-François) : C'est bien difficile à mesurer, ces choses-là. Je pense que ça a contribué à une certaine polarisation de la société, parce que, oui, il y a un marché du clic. Il y a un marché du clic, et certaines recherches qui ont été faites aux États-Unis et en France nous montrent que les journalistes professionnels sont mal à l'aise dans ça parce qu'ils savent quelles sont les attentes de leurs employeurs, puis, d'un autre côté, ils savent que ces attentes-là peuvent être en porte-à-faux avec leurs normes professionnelles. Donc, il y a un malaise lié à ça, puis ils se disent : Bien, il faut que je fasse ça pour garder mon emploi, puis, d'un autre côté, il me semble que j'aimerais mieux faire autre chose. Donc, c'est un malaise chez les journalistes, et ça existe, cette tension-là qui existe. Mais je pense que, quand le marché du clic favorise des opinions très tranchées, où il n'y a pas beaucoup de nuances, il n'y a pas beaucoup, par exemple, de fondements factuels, bien, ça nuit beaucoup à la qualité du débat démocratique. Mais, dans une société de liberté presse, il faut vivre avec ça aussi. Il y a beaucoup plus de contre-pouvoirs, maintenant, qu'il n'y en avait.

Maintenant, les gens, les citoyens, vous et moi, tout le monde peut intervenir dans les médias sociaux pour peut-être rappeler à l'ordre les médias, leur dire : Vous savez, vous avez oublié cette information-là, voici une information inexacte. Il y a une forme d'imputabilité sociale qui s'est créée, au-delà du Conseil de presse, qui fait en sorte que les médias réagissent plus à l'opinion des publics que ce n'était le cas quand, moi, j'étais journaliste. Les gens nous appelaient de temps en temps et, si on ne leur donnait pas la parole, personne n'entendait leur parole. Maintenant, avec les médias sociaux, avec tous ces débordements, il y a aussi cette qualité-là qui fait qu'il y a un cinquième pouvoir qui surveille le quatrième pouvoir.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Alors, la parole est au député de Rimouski pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour.

M. Bernier (Marc-François) : Bonjour.

M. LeBel : Demain, Mme Brin, Colette Brin, va venir, puis je vais sûrement lui poser des questions sur les fameux déserts médiatiques, là. J'ai de la misère à comprendre ça, exactement. Je sais qu'il y a beaucoup... il y a moins de médias, je le vois dans ma région, mais, si je pars de La Pocatière jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine, je regarde, là, puis je ne vois pas quelles places il y a un désert médiatique. Il y a des médias partout : communautaires, des hebdos, Radio-Canada, TVA, et ils sont là partout. Ça fait que, Télé-Québec, arriver avec une salle de nouvelles en région... Moi, je pense que nos médias qu'on a chez nous, autant communautaires que les hebdos, et tout ça, ont besoin d'être aidés, ils n'ont pas besoin d'une compétition de plus. En même temps, ce que je vois chez nous, c'est que nos... on se parle entre nous autres, nos médias se parlent, on se parle entre nous autres, mais on ne réussit pas à propulser la nouvelle au plan national. Peut-être que, là, Télé-Québec aurait un rôle à jouer. Avec les médias qui sont déjà chez nous, est-ce que Télé-Québec pourrait peut-être jouer ce rôle-là de propulser, là, de ce qu'on se parle entre nous autres, en région, nous propulser cette nouvelle-là au plan national? Est-ce que ce n'est peut-être pas plus ça son... que venir nous compétitionner?

M. Bernier (Marc-François) : Bien, moi... encore une fois, dans tous les déserts, il y a des oasis aussi, hein, il ne faut pas oublier.

M. LeBel : Mais il y en a pas mal.

M. Bernier (Marc-François) : Mais, encore une fois, je ne le vois pas comme une compétition, je le vois comme un ajout. On sait très bien, factuellement, que les médias qui existent sont dans une situation financière très difficile et qu'ils ne font pas toute la couverture qu'ils pourraient ou qu'ils devraient faire ou à laquelle les communautés peuvent s'attendre. Et plus la situation économique est fragile, plus ils sont eux-mêmes soumis à ça. Ce sont les journalistes qui nous le disent.

Donc, je pense que, bien sûr, il faut les aider à se sortir de la crise, mais, même là, il y a tellement d'hebdos qui sont morts, qui sont tombés, il y en a tellement d'autres qui vont couvrir moins que qu'est-ce qu'ils pourraient ou qu'ils voudraient que l'ajout de l'agence Télé-Québec ne vient pas leur nuire. L'agence Télé-Québec, leurs journalistes vont couvrir des choses différemment, plus en profondeur. Dans les hebdos, on n'a pas toujours le temps d'aller en profondeur. Il y a beaucoup de... on se promène beaucoup avec la voiture, on fait des photos, on fait des entrevues, ça fait partie de la couverture locale et régionale. D'après ce que je vois, la façon que je le propose, l'agence Télé-Québec ne ferait que des choses un peu plus en profondeur et moins dépendantes de la bonne volonté de certains pouvoirs également.

M. LeBel : Moi, je pense que Télé-Québec, effectivement, a un rôle à jouer plus en région, et j'essaierais de trouver la formule où on pourrait se baser ou s'appuyer sur ce qu'il se fait déjà. Les artisans en information en région qui travaillent très fort dans nos hebdos, dans nos radios communautaires, les télés communautaires, TVA, Radio-Canada, tout le monde travaille déjà très fort. Est-ce qu'on pourrait trouver la formule où Télé-Québec pourrait être un miroir de ce qui se passe dans les régions, peut-être?

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Le temps est cependant écoulé, alors il pourra aller vous voir aussi.

M. Bernier (Marc-François) : ...ça aussi.

La Présidente (Mme Nichols) : Vous allez être occupé après. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Oui. Merci beaucoup pour votre contribution, c'est très, très intéressant. On a parlé, il y a quelques minutes, du fameux marché du clic, dont vous reconnaissez l'existence, notamment avec la montée du phénomène des chroniqueurs, des blogueurs. Hier, j'ai demandé à Québecor de nous expliquer, au bénéfice du public, le système d'incitatifs qu'ils ont mis en place, incitatifs, notamment, à la rémunération pour ce qui est des clics obtenus par leurs blogueurs sur le Web. Ils n'ont malheureusement pas voulu répondre à ma question. Moi, je serais curieuse de savoir si vous avez étudié ou mesuré ce phénomène-là.

• (11 h 50) •

M. Bernier (Marc-François) : Non, pas du tout. C'est que ce sont quasiment des secrets d'industrie, ces choses-là. Il faut peut-être avoir été chroniqueur, avoir connu la rémunération aux 1 000 ou aux 5 000 clics pour vous répondre à ça, et je n'ai pas... Ce que je comprends, c'est que ce n'est pas des fortunes, mais, quand même, je n'ai pas d'information précise à ce sujet-là.

Mme Fournier : Mais vous comprenez... vous avez quand même des informations selon lesquelles ces incitatifs-là existent bel et bien?

M. Bernier (Marc-François) : Bien, ils sont rémunérés, en bonne partie, en tout cas... il y a des incitatifs pour que leurs chroniques ou leurs propos prennent de l'ampleur et soient... aient de l'impact, disons, aient de l'impact. C'est plus neutre, comme formulation.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je vous remercie, M. Bernier, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et nous allons suspendre quelques instants, le temps de laisser la place au prochain groupe pour s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 11 h 53)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, très bien, merci. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Radio-Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé.

Juste avant de vous céder la parole, j'aurais besoin du consentement, étant donné qu'on a pris un petit peu de retard. On a commencé un petit peu en retard et on a pris un petit peu de retard. Est-ce qu'il y a consentement pour prolonger au-delà de la période prévue?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, merci. Et voilà, la période est à vous.

Société Radio-Canada (SRC)

M. Bissonnette (Michel) : Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Michel Bissonnette, et je suis vice-président principal de Radio-Canada. Et, pour commencer, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent aujourd'hui : à ma droite, Luce Julien, directrice générale de l'information, et, à ma gauche, Jean-François Rioux, directeur général des services régionaux, et Meredith Dellandrea, directrice régionale de CBC pour le Québec.

Je voudrais remercier les membres de la commission de nous donner la chance de participer à cette consultation, qui est fort importante. L'actualité des dernières semaines nous rappelle à quel point l'équilibre de notre écosystème est fragile. Le fait qu'un seul joueur trébuche remet à l'avant le problème de fond auquel nous devons faire face comme industrie. La crise qui ébranle les médias d'information n'est pas que financière, elle touche les institutions, la science, la vérité, elle est sociale, humaine, profonde et elle menace les fondements mêmes de notre démocratie.

Plusieurs solutions vous ont été présentées depuis le début de la semaine : crédit d'impôt, taxation des GAFA, mandat d'information pour Télé-Québec, pour ne donner que quelques exemples. Radio-Canada est favorable à une éventuelle aide du gouvernement, quelle qu'en soit la forme, dans la mesure où celle-ci respecte l'indépendance journalistique, l'intérêt public et le bien commun.

À Radio-Canada, nous croyons en l'importance d'un journalisme crédible, indépendant et de qualité pour une société démocratique en santé. Nous croyons aussi en l'importance de la diversité : diversité des voix, diversité de propriété, diversité culturelle, diversité des points de vue. Aujourd'hui, cette diversité est menacée. Comme élus, votre responsabilité est de nous amener vers une plus grande diversité plutôt que vers une plus grande concentration, qui est également en danger. Pour ce faire, il faut des entreprises de presse solides et viables, capables d'assurer cette diversité qui est essentielle à la vitalité de notre société.

Nous venons devant vous aujourd'hui dans un esprit de solidarité et de collaboration. Nous souhaitons profiter de cette tribune pour vous faire part de nos réflexions mais surtout pour réaffirmer la volonté de Radio-Canada de faire partie des solutions. À plusieurs reprises, Radio-Canada a exprimé sa volonté de travailler en partenariat avec l'industrie. Nous sommes convaincus que c'est en mettant nos forces en commun que nous réussirons à nous imposer face aux géants du numérique.

L'information fait partie de notre ADN. Dans cet esprit, il y a un peu plus de 20 ans, nous avons créé la première chaîne d'information en continu de langue française pour couvrir l'actualité partout au pays. Je parle, bien sûr, ici d'ICI RDI. En diffusant nombre de conférences de presse et autres événements en direct, ICI RDI rend cette information disponible, bien sûr, aux citoyens mais aussi aux médias locaux lorsqu'il leur est impossible de se déplacer.

Radio-Canada accorde beaucoup d'importance à son rôle en région. Pour nous, la relation de proximité entre les citoyens et leur diffuseur public fait partie intrinsèque de notre mandat. J'inviterais Jean-François à vous en parler davantage.

M. Rioux (Jean-François) : Merci, Michel. Au coeur de notre stratégie, il y a un souci constant de parler aux gens de ce qui se passe chez eux mais aussi d'assurer un reflet national dans l'ensemble du pays. Au Québec, Radio-Canada est présente dans presque toutes les régions du Québec. On parle de six stations multiplateformes, radio, télé, Internet, numériques, trois stations de radio qui font aussi du numérique et neuf bureaux journalistiques, que ce soit à Carleton, Roberval, Baie-Comeau ou Amos en Abitibi-Témiscamingue. On est en information sept jours sur sept, 18 heures par jour sur toutes nos plateformes. Notre offre régionale au Québec compte sept téléjournaux, 10 émissions matinales, 10 émissions de retour à la maison, 10 sites Internet et aussi qui sont disponibles sur le mobile. Notre présence sur le terrain nous permet d'approfondir notre couverture des enjeux régionaux. Elle nous permet aussi de connecter les grands enjeux nationaux et internationaux à la réalité des citoyens un peu partout sur le territoire.

M. Bissonnette (Michel) : Merci, Jean-François. Comme Radio-Canada le fait partout au pays pour les communautés francophones en milieu minoritaire, CBC est présente au Québec avec une offre régionale destinée principalement à la minorité anglophone, et j'inviterais Meredith à vous en parler davantage.

Mme Dellandrea (Meredith) : Merci, Michel. Refléter la réalité des communautés anglophones du Québec est au coeur de nos priorités, à CBC Québec. De Gaspé à Montréal en passant par Mont-Tremblant, nous informons les citoyens anglophones sur ce qui se passe chez eux. Nous avons aussi la responsabilité d'informer l'ensemble des Canadiens sur ce qui se passe au Québec.

En information, CBC offre une couverture régionale numérique sept jours sur sept. Nous proposons aussi des bulletins d'information quotidiens à la télévision et à la radio. De plus, CBC propose à la communauté anglophone du Québec une variété d'émissions locales radio que l'on trouve aussi regroupées sur la nouvelle application CBC Listen, lancée cette semaine.

Finalement, CBC s'associe avec des organismes et événements culturels, et, grâce à nos partenariats, nous pouvons diffuser des contenus créés au sein même des communautés. Je pourrais vous donner plusieurs exemples sur ce que nous faisons en diversité en région ou avec des communautés autochtones, et il me fera plaisir de répondre à vos questions tout à l'heure.

• (12 heures) •

M. Bissonnette (Michel) : Merci, Meredith. Comme je le disais en ouverture, nous souhaitons faire partie de la solution. Dans notre mémoire, nous avons identifié différentes pistes de collaboration possibles que Radio-Canada pourrait envisager pour appuyer les autres entreprises de presse. Par exemple, lors des dernières élections au Québec, Radio-Canada a offert gratuitement la production du débat des chefs clés en main. La diffusion a été reprise par plusieurs médias, principalement sur leurs plateformes numériques. C'est une formule que nous pourrions reprendre pour d'autres événements qui s'y prêtent. Nous pourrions offrir aussi de la formation journalistique.

Dans les autres pistes que nous envisageons, nous sommes prêts à considérer des collaborations ponctuelles en journalisme d'enquête et même des échanges de contenu, marché par marché. En fait, ce qui est important pour nous, c'est de voir avec les entreprises de presse elles-mêmes le type collaboration qui serait le plus approprié selon leurs propres réalités. Jusqu'à tout récemment, nous vivions dans un environnement relativement protégé, où chacun arrivait à tirer son épingle du jeu. Le numérique et les géants mondiaux comme Facebook, Google et compagnie ont fait tomber les barrières. Devant cette menace, nos concurrents d'hier doivent devenir nos alliés d'aujourd'hui.

Pour Radio-Canada, le meilleur exemple est probablement le modèle de partenariat que nous avons développé avec ICI Tou.tv. Nous avons réussi à amener d'autres diffuseurs, des concurrents à travailler ensemble dans un but commun. Dans un environnement qui évolue constamment et où la concurrence est mondiale, il faut mettre de côté nos vieilles façons de penser. Nous devons être créatifs et solidaires.

Avant de terminer, j'aimerais aborder la question de la confiance. J'inviterais Luce à vous parler davantage de la façon dont Radio-Canada aborde cet enjeu crucial en information.

Mme Julien (Luce) : Merci, Michel. En effet, au-delà des enjeux économiques, garder la confiance des citoyens envers les médias est sans doute le plus gros défi que nous avons tous à relever. En information, la confiance des citoyens est essentielle, surtout à l'ère de la désinformation. Et, s'il faut du temps pour obtenir leur confiance, il suffit de bien peu pour qu'elle s'évapore.

Comme la plupart des grands médias, Radio-Canada a mis en place des initiatives journalistiques pour aider le citoyen à démêler le vrai du faux. Chaque jour, nous nous engageons à faire preuve d'exactitude, d'intégrité, d'équité, d'impartialité et d'équilibre dans notre couverture journalistique. Si un citoyen a des doutes, il peut porter plainte auprès de l'ombudsman, et ses décisions sont publiques. Le processus est totalement transparent, et Radio-Canada n'hésite pas à reconnaître ses erreurs et à publier des correctifs.

Transparence et indépendance journalistique sont fondamentales pour que les citoyens aient confiance dans les médias et, évidemment, encore plus aujourd'hui. C'est d'ailleurs dans cet esprit que Radio-Canada recommande, dans son mémoire, qu'une éventuelle aide publique soit conditionnelle au respect scrupuleux de l'indépendance journalistique. Il ne doit y avoir aucun doute dans la tête des citoyens que les médias d'information ont toute la liberté nécessaire pour faire leur travail, même s'ils reçoivent une forme ou une autre d'aide publique.

Permettez-moi de revenir sur l'importance de la diversité des voix. Au fond, l'équation est assez simple : plus il y a de journalistes sur le terrain, plus il y a d'entreprises de presse dans un marché, meilleure sera la qualité de l'information pour le citoyen et, bien sûr, meilleure se portera notre démocratie. Dans un petit marché comme le Québec, le défi est d'autant plus grand. C'est pourquoi il est plus important que jamais d'être solidaires et d'explorer de nouvelles formes de collaboration.

M. Bissonnette (Michel) : Merci, Luce. Comme tous ceux qui sont venus devant vous, nous croyons qu'il nous faut prendre action, et Radio-Canada, comme je vous l'ai dit, s'engage à faire partie de la solution. Il est d'ailleurs rassurant de voir les populations locales se mobiliser pour soutenir leurs médias locaux, comme on a pu le voir dans plusieurs régions. Les habitudes de consommation vont continuer de changer, les sources, fiables ou non, vont continuer de proliférer. Mais les citoyens auront toujours besoin de savoir ce qui se passe au coin de la rue, dans leur coin de pays et partout dans le monde. Il en va de la survie de notre démocratie et de notre culture, comme francophones. Nous sommes maintenant disponibles à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Nous allons procéder à la période d'échange. Alors, je cède la parole au député de Beauce-Sud pour 15 minutes.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé. Merci également de vouloir faire partie de la solution. Bien évidemment, vous êtes une télévision d'État financée en très grande partie par le gouvernement fédéral. Pour plusieurs, on se dit : Ça permet de traverser la crise plus facilement quand on a un minimum de sources de revenus qui est assuré, on ne peut pas se le cacher.

Cependant, le choix que vous faites également, c'est d'aller dans les valeurs spécifiques qu'on souhaite se donner, entre autres l'information en région. J'aimerais savoir, au niveau des choix de programmation, quels efforts ont été faits par Radio-Canada pour que les émissions nationales se déplacent en région et quels efforts ont été faits pour qu'on voie plus, également, ce qui se passe dans les régions du Québec à la télévision nationale, au-delà des structures que vous avez, actuellement.

M. Bissonnette (Michel) : Bien, juste en introduction, peut-être corriger qu'on est une télévision publique et non une télévision d'État, ce qui est une nuance fort importante.

M. Poulin : Vous avez raison.

M. Bissonnette (Michel) : Parce qu'il existe un mur de Chine total et absolu entre le gouvernement et les salles de presse qu'on a chez nous.

Le point que vous soulevez au niveau de la présence du régional au national et cette activité-là en région est quelque chose qui nous anime tous les jours. Grâce aux réinvestissements qu'il y a eu du fédéral, ça nous a permis de rouvrir nos salles de nouvelles en région sept jours sur sept. Quand on a eu nos coupures, on fermait nos salles de nouvelles le vendredi à 5 heures et on les rouvrait uniquement le lundi matin, et, s'il se passait quelque chose pendant le week-end, bien, ce n'était malheureusement pas possible de le couvrir. Donc, cette présence-là en région nous assure maintenant que chacune des communautés est bien couverte. Et, comme l'expliquait Jean-François, le fait d'être présents en radio tous les matins, en radio tous les après-midi et d'avoir des TJ qui sont dans chacun des marchés pour couvrir les locaux est très important.

Après ça, l'autre défi, et c'est surtout à la radio mais également à la télévision, c'est comment ce reflet régional là se retrouve présent dans les émissions nationales, et je vous dirais : De plusieurs façons. C'est-à-dire que, si le dossier local est d'intérêt national, on va le retrouver dans les bulletins d'information, qu'ils soient à la radio ou qu'ils soient en télévision, on va le retrouver dans les émissions de radio nationales et également on va le retrouver sur notre plateforme numérique.

M. Poulin : Évidemment que, si une nouvelle est d'intérêt local et s'en va au niveau national, on pense à des grandes tragédies, entre autres, mais on doit dépasser ça aussi. Bien évidemment, on se doit également d'amener des bonnes nouvelles régionales au niveau national, à RDI, dans vos émissions d'affaires publiques, dans vos émissions de divertissement, tout en maintenant votre mission, également, de couvrir d'un océan à l'autre. Alors, ça, j'imagine que c'est un enjeu spécifique également.

Est-ce que vous êtes en augmentation d'embauche de journalistes dans vos salles de rédaction, présentement?

M. Bissonnette (Michel) : La réponse, c'est oui.

M. Poulin : O.K. Est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur, à peu près?

M. Bissonnette (Michel) : Bien, c'est-à-dire que... Oui.

M. Rioux (Jean-François) : Bien, je peux peut-être vous dire que, depuis trois ans, on a augmenté de 21 le nombre de journalistes sur le territoire, uniquement au Québec, puis là c'est les régions en dehors de Montréal.

M. Poulin : O.K. Radio-Canada, également, dispose de moyens pour faire son travail. Je pense entre autres à des équipes de recherche, à des réalisateurs, à des producteurs, entre autres à la radio de Radio-Canada. Est-ce que ces équipes sont également en augmentation?

M. Bissonnette (Michel) : Je vous dirais que c'est relativement stable, à ce niveau-là.

M. Poulin : O.K. Au niveau du recrutement de journalistes dans les régions du Québec, ça se passe bien aussi?

M. Rioux (Jean-François) : Je vous dirais que le recrutement de journalistes, en général, est un problème. C'est un problème d'industrie, on a de la difficulté, la relève est très difficile. J'ai assez d'ancienneté à Radio-Canada pour vous dire que, quand je suis rentré, il n'y avait aucune possibilité de rentrer au Québec, il fallait que tu passes par l'Ouest canadien et que tu fasses ton chemin tranquillement pour revenir. Aujourd'hui, on a de la difficulté à recruter pour Québec, on a de la difficulté à recruter pour Ottawa, on a de la difficulté à recruter pour l'Ouest. C'est une difficulté, honnêtement.

M. Poulin : Parfait. Et ça m'amène à vous parler du virage numérique, parce que ça en prend, des journalistes, ça prend des rédacteurs, ça prend des visionnaires, ça prend des gens qui réalisent tout ça. Est-ce que vous jugez, en date d'aujourd'hui, que Radio-Canada, avec les outils que vous avez, avec les sommes financières que vous avez, que vous avez réussi votre virage numérique?

M. Bissonnette (Michel) : Totalement. Vous savez, la croissance, elle est... de mois en mois, on a une plus grande croissance sur nos plateformes numériques. Et, je le dis souvent à la blague, il fut une époque où est-ce que, quand tu étais journaliste, tu avais réussi ta carrière quand ton topo passait au 22 heures, tu avais moyennement réussi quand tu étais au 18 heures et tu étais décidément le petit nouveau si tu étais sur le numérique. Le quotidien du journalisme a complètement changé aujourd'hui. Quand un journaliste couvre, il couvre d'abord sur le numérique parce que les gens veulent prendre leurs téléphones pour consommer l'information, et, par la suite, on vient raffiner la couverture qu'on va retrouver au TJ de 18 heures, au TJ de 22 heures pour remettre la nouvelle en contexte. Mais le rôle du numérique est vraiment important, et on a mission accomplie dans chacune des régions. Et d'ailleurs c'est pour ça que, sur notre application maintenant, les gens peuvent sélectionner leur région, et c'est automatiquement des nouvelles régionales qui vont apparaître au départ.

M. Poulin : Oui, absolument. Puis, quand c'est publié à 5 heures le matin aussi, ça nous force à être alertes.

Dites-moi, en terminant, je veux vous parler de nouvelles internationales. Donnez-moi un portrait, est-ce que vous êtes en augmentation d'investissements également dans les nouvelles internationales? Est-ce que c'est un des plus grands mandats de Radio-Canada au niveau des correspondants à l'étranger? Est-ce que, encore une fois, on a investi des sommes?

Mme Julien (Luce) : Je vous dirais, c'est stable. On a effectivement fermé le bureau de Beyrouth en janvier ou février dernier, sauf qu'on a réinvesti totalement l'argent qui était investi, les frais fixes, dans le fond, d'avoir un bureau. Donc, on a toujours six correspondants. On a nommé d'ailleurs, la semaine dernière, Marie-Ève Bédard à Paris et Jean-François Bélanger à Washington.

Juste pour vous donner un ordre de grandeur, au cours de l'année 2018, on a fait 2 300 reportages internationaux, radio, télé, Web. Pour nous, à la direction de l'information et à Radio-Canada, l'inter fait vraiment partie de notre mission, c'est notre rôle, et on va continuer. Vous avez vu Céline Galipeau à Hong Kong la semaine dernière. Donc, absolument, c'est fondamental. Et je vous dirais même qu'il est tellement important de pouvoir avoir un point de vue canadien sur ce qui se passe à l'international, surtout dans le contexte actuel, qu'on prend ce mandat-là vraiment à coeur.

M. Poulin : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je cède la parole au député de Sainte-Rose.

• (12 h 10) •

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Et merci pour, justement... C'est vrai que c'est important, surtout maintenant, d'avoir de l'information internationale, dirais-je, moins américanisée.

J'ai une question pour votre collègue de CBC, je pense que je ne vous surprends pas. On a parlé avec le Suburban, on a parlé avec le Quebec Community Newspapers Association, on a parlé aussi avec la Gazette récemment, ce matin. Surtout, je voulais soulever les défis particuliers qu'on trouve dans le réseau anglophone. Je me demandais si peut-être vous pouvez m'aider à mieux les comprendre dans votre contexte, dans votre quotidien.

Mme Dellandrea (Meredith) : Bien, on connaît bien les défis pour les communautés anglophones parce que la plupart des anglophones au Québec habitent à Montréal, mais il y a beaucoup d'autres qui sont partout en province dans les petites communautés. Alors, c'est un défi, de faire certain qu'on a l'information pour refléter les réalités des personnes dans les communautés soit pour eux-mêmes, aussi pour le refléter pour les autres Québécois et au Canada. Alors, nous, on a une relation avec le Quebec Community Newspapers Association, on couvre les changements... les fermetures de journaux en région comme nouvelles sur nos émissions, c'est sûr, et ça fait des années qu'on voit les changements là. Il y avait, à l'époque, des correspondants de ces journaux, où on pouvait les inviter sur nos émissions de radio, mais maintenant il faut trouver des autres stratégies pour faire certain de refléter la réalité des communautés. Alors, il faut inviter les citoyens, les entrepreneurs, les représentants eux-mêmes d'être sur nos émissions parce qu'on ne peut pas compter seulement sur les correspondants des journaux régionaux.

M. Skeete : Je vais poser une question, puis je ne veux pas être plate, là, mais je vais être plate pareil. Moi, j'ai la chance de faire des entrevues en anglais et en français, et, quand on va à Radio-Can, on voit manifestement des différences de financement, tant en infrastructures, tant en personnel, dans le réseau francophone, dans le réseau anglophone. Je n'ai pas eu la chance d'aller à Radio-Can dans les provinces anglaises, là, mais je peux vous dire qu'il y a... Est-ce que vous souffrez de sous-financement, à CBC? Je sais que vous direz que les deux réseaux souffrent de sous-financement, mais est-ce que vous êtes capables de le faire avec les ressources actuelles, le travail qui doit se faire? Je pense notamment à CBC Québec, qui doit couvrir, bien, la majorité du territoire québécois. Alors, avez-vous les ressources nécessaires pour faire le travail?

Mme Dellandrea (Meredith) : C'est sûr qu'il y a une différence quand on va à la Maison Radio-Canada, parce que notre salle de nouvelles, c'est une salle régionale, c'est plus petit, c'est sûr. Mais en même temps on fait ce qu'on peut faire avec nos moyens, on trouve les façons de faire certain qu'on peut garantir notre mandat aux citoyens.

Alors, nous, on a fait notre virage numérique, c'était tellement important de le faire. On a ajouté une journaliste numérique à l'équipe ici, à Québec, pour faire certain que les histoires en région peuvent être présentes sur notre site Web, plus nombreux sur notre site Web, disponibles pour les citoyens. Et aussi on a créé un poste de journaliste mandatée de voyager tout le temps, elle voyage à toutes les communautés. Et en fait on ne peut pas être présents dans chaque communauté tout le temps, alors on dédie nos ressources pour être là avec cette journaliste, faire certain que, quand on est là, on consulte aussi avec les citoyens, d'avoir du feed-back, de savoir c'est quoi, les enjeux majeurs, pour trouver s'il y a des partenariats ou des collaborations qu'on peut faire avec organismes communautaires.

Je pense, récemment, on a parlé avec des organismes qui travaillent sur l'emploi pour les jeunes en Estrie. Alors, on a eu une réunion avec eux, et nos journalistes ont été là aussi pour entendre les défis, pour avoir la chance de faire des reportages sur ces défis aussi et tisser des contacts avec les communautés.

M. Skeete : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme. Il vous reste quatre minutes.

M. Chassin : Je vais vous poser des questions assez rapides parce que je veux laisser à mon collègue de Saint-Jean le temps aussi. S'il y a aide publique... Vous exprimez votre solidarité, vous voulez, dans le fond, qu'on puisse apporter un certain support. S'il y a effectivement aide publique, est-ce que vous comptez là-dessus? Est-ce que vous vous attendez à en recevoir?

M. Bissonnette (Michel) : Aucunement.

M. Chassin : D'accord. Et, dans une perspective, disons, de diversité des voix, vous avez mentionné la diversité des propriétés. Pour vous, c'est important qu'il y ait des médias privés et publics? C'est ce que je comprends derrière ce commentaire-là?

M. Bissonnette (Michel) : Bien, tout à fait. C'est-à-dire qu'à la base moi, je pense que plus il y a de journalistes, plus il y a d'entreprises de presse, mieux va se porter notre démocratie. Et cet équilibre-là peut se faire entre des médias privés et des médias publics, mais il faut également qu'il y ait plusieurs médias privés et plusieurs sources qui puissent exister dans chacune des régions du Québec.

M. Chassin : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour trois minutes.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bissonnette, je n'ai pas eu le bonheur de travailler sous vos ordres.

M. Bissonnette (Michel) : Si vous saviez ce que vous avez manqué.

M. Lemieux : Oui, je sais. Mais ça fait six ans déjà que je suis à la retraite, hein, n'est-ce pas, Mme la patronne Julien, sous les ordres de qui j'ai travaillé?

Ceci dit, je prends le temps de le dire comme ça, parce qu'il est important pour moi de vous dire que j'ai lu les 65, 66, 67 mémoires qu'on a reçus et j'avoue que vous m'avez surpris, agréablement surpris. Vous m'avez même impressionné. Quand vous dites, à la page 6 : «Finie l'époque où nous étions en concurrence les uns avec les autres. La vraie concurrence est maintenant constituée de ces puissantes entreprises numériques.» Et le reste, là, parce qu'il faut que je fasse vite... et vous enchaînez en disant : «Quoi qu'il en soit, le portrait de l'écosystème médiatique est tel qu'il menace le droit du public à une information de qualité...» Ce n'est pas «ce sera», c'est maintenant, là, on est là-dedans. Il y a une lucidité dans vos affaires et dans la façon dont vous vous présentez ici aujourd'hui, et je l'apprécie, et j'en suis fier. Merci beaucoup.

Expliquez-moi deux choses. La première, c'est la collaboration. J'ai deux minutes, une minute par chose. La collaboration, c'est bien beau dire : On va vous laisser nos affaires, on va vous faire de la formation, bon, on peut faire plus que ça, non?

M. Bissonnette (Michel) : On peut faire plus que ça, sincèrement, absolument. Ce qui est important de la collaboration, sincèrement, l'offre de collaboration ne doit pas se substituer à l'importance d'une aide gouvernementale. C'est le premier point que je vais faire. Pour moi, elle doit s'ajouter de façon à faire des médias, dans chacune des régions, qui sont encore plus forts.

Et, oui, comme je le disais, ça peut être des collaborations sur des dossiers d'enquête, parce que c'est très coûteux de faire de l'enquête. Ça peut être des collaborations sur certains partages de contenu, en prenant le soin toutefois de ne pas venir cannibaliser La Presse canadienne parce qu'elle a son rôle à jouer. Mais ça peut être également une partie, dans notre inventaire publicitaire, qui peut être mise à la disposition de façon à faire la promotion des journaux en région.

Il y a plusieurs formes qui peuvent être utilisées pour pouvoir soutenir les médias régionaux. Parce que, si on se retrouve dans des régions où est-ce qu'il n'y a qu'un seul média ou que deux médias, ce n'est pas suffisant. Il y a une importance pour les quotidiens régionaux, pour les journaux qui sont des hebdomadaires communautaires et qu'on puisse également avoir des médias de télévision.

M. Lemieux : Petite parenthèse de 10 secondes, je me trompe ou vous êtes quasiment devenu le média le plus lu? Parce que, quand je regarde sur votre site, Radio-Canada Info, je vois énormément de matériel. C'est comme si vous aviez trouvé le secret de la Caramilk puis que vous aviez réussi à mettre en écrit tout ce que vous faites partout.

M. Bissonnette (Michel) : On est le site d'information numéro un au Québec et au Canada en français.

M. Lemieux : Il me semblait aussi. Et l'aide conditionnelle, puis ça, c'est le «crunch», là, il vous reste une minute, vous ferez comme vous voulez avec, mais vous dites... Si vous aidez, dans votre plan d'aide, les médias, il faudrait que ça soit conditionnel à quoi, Mme Julien?

La Présidente (Mme Nichols) : En 30 secondes.

Mme Julien (Luce) : Alors, je vous dirais, à des normes et politiques journalistiques très, très rigoureuses, d'une part. Est-ce que, par exemple... Je vais poser une question à un ombudsman dans chacun des médias... On a parlé tout à l'heure du Conseil de presse et on sait que le Conseil de presse est sous-financé. Et le mur de Chine entre l'entreprise de presse et la salle des nouvelles, ça, c'est fondamental.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, à titre informatif, nous avons reçu 63 mémoires. Alors, nous poursuivons avec la députée de Verdun.

Mme Melançon : Alors, merci. Merci d'être présents aujourd'hui. Et je vais abonder dans le même sens que le député de Saint-Jean, j'avais hâte de lire, lorsque j'ai su que Radio-Canada déposait, j'avais hâte de lire. J'ai trouvé ça intéressant. Le député de Saint-Jérôme en a fait mention, ça a été court et direct : Est-ce qu'actuellement Radio-Canada reçoit de l'aide directe du gouvernement du Québec?

Une voix : ...

Mme Melançon : Alors, j'ai bien entendu qu'advenant un nouveau programme, selon ce que la commission, dans le fond, fera comme proposition ou ce que le gouvernement en fera par la suite, Radio-Canada n'est pas là aujourd'hui pour vouloir obtenir des sommes du gouvernement du Québec.

M. Bissonnette (Michel) : Absolument pas.

• (12 h 20) •

Mme Melançon : Cela étant dit, vous le mentionnez, d'ailleurs, à l'intérieur de votre mémoire, partout dans le monde, actuellement, on est en train de se gratter la tête, parce que, justement, les géants du Web viennent complètement chambouler nos façons de faire dites traditionnelles. Comme Radio-Canada est «coast to coast», est-ce qu'à votre connaissance il y a une commission, actuellement, qui se penche comme ça dans d'autres provinces en ce moment?

M. Bissonnette (Michel) : Dans d'autres provinces, non. Et, bien entendu, au niveau fédéral, il y a la révision sur la loi sur la radiodiffusion et les télécommunications qui vont venir préciser, dans le futur, quel doit être le mandat du diffuseur public, et ce processus-là est fait avec beaucoup de rigueur, présentement, et devrait accoucher de quelque chose dans les prochains mois.

Et, vous savez, en 1936, quand le gouvernement canadien a décidé de créer Radio-Canada, c'est parce que les ondes radio américaines rentraient sur le territoire, puis on avait peur de perdre notre culture canadienne. On a vécu des années de bonheur où on était dans un environnement protégé, où le CRTC décidait qui avait le droit de jouer sur la patinoire canadienne, et cet écosystème-là a fait en sorte que tous les joueurs ont bien vécu pendant plusieurs années.

Maintenant que les géants du Web sont arrivés, l'envahissement américain est à nouveau présent, et on doit s'assurer encore plus, comme francophones, qu'on puisse encadrer et soutenir les médias, parce que sinon... les jeunes sont de plus en plus bilingues, et, si on revient où est-ce que la seule consommation qui se fait, c'est du produit américain, bien, nos références culturelles québécoises et canadiennes en français vont disparaître, et ça, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup.

Mme Melançon : D'ailleurs, c'est exactement en ce sens-là où, tout à l'heure, je disais aux représentants de TC Transcontinental que j'aimais beaucoup le parallèle qu'ils faisaient avec la culture québécoise. Parce qu'au final qu'est-ce qu'on essaie de sauver, actuellement, c'est notre identité. On veut pouvoir avoir des médias qui nous donnent de l'information avec l'oeil du Québec et l'oeil d'ici, de notre monde, mais de parler aussi de notre monde, pas uniquement entendre parler... Parce que, malheureusement, on le voit chez le voisin américain, actuellement, ce n'est pas joli, ce qui se passe là-bas. Alors, il faut pouvoir sauvegarder le tout. Là-dessus, on est d'accord.

Concernant l'indépendance et la confiance, je voudrais continuer à vous entendre sur l'importance d'un conseil de presse. J'ai posé la question tout à l'heure au Pr Bernier, à savoir : S'il y a une aide qui est consentie à des médias, il doit y avoir un retour, on ne peut pas uniquement donner de l'argent et laisser aller la chose. Comment est-ce que vous voyez ça? Parce que j'ai besoin... puis je pense que, pour l'ensemble de la commission, c'est important de savoir le geste que nous allons probablement poser, là. Je ne veux pas... Mais, comme c'est fait, actuellement, en Norvège ou en France, où il y a de l'aide étatique, hein, qui est consentie à l'indépendance, je veux vous entendre. Parce que Radio-Canada est un exemple où vous êtes financés entièrement par un gouvernement, et pourtant il y a une distance. Donc, je veux vous entendre sur ce sur quoi on devrait travailler.

Mme Julien (Luce) : Il y a toutes sortes de modèles, hein, à travers le monde. Je pense, entre autres, à France Télévisions, avec... on appelle ça des médiateurs plutôt qu'un ombudsman. À Radio-Canada, on a des ombudsmans. Et vous savez que, lorsqu'un journaliste de Radio-Canada reçoit un blâme de l'ombudsman, ça fait très mal à la réputation du journaliste et même à Radio-Canada, évidemment. Donc, est-ce que... Ce n'est pas à moi à déterminer comment on doit, effectivement, dessiner ce qui pourrait garantir l'indépendance journalistique de chaque média. Est-ce que c'est un ombudsman, par exemple, par média? Je ne le sais pas. Mais c'est certain que la notion d'imputabilité, la notion de transparence, surtout à l'ère du numérique... Vous savez, le New York Times publie même, chaque année, ses erreurs. Donc, la question de transparence, de relation avec le citoyen, c'est fondamental, et les attentes aussi, je vous dirais, de la nouvelle génération, de ceux qui consomment l'information sur le numérique, c'est cela, et on doit tous faire des efforts en ce sens-là.

On n'est pas parfaits, hein? Je ne suis pas en train de dire que Radio-Canada est parfaite, au contraire, mais on a vraiment décidé d'être beaucoup plus transparents et de mettre en place toutes sortes de mesures à cet égard-là et même d'expliquer, dans certains cas, les coulisses et notre démarche journalistique pour renforcer le lien, justement, du citoyen à l'endroit des médias. Parce que ce qui est le plus préoccupant, c'est justement ça, le fait que... l'effet de bulle, quand les citoyens ne s'informent que par l'entremise des réseaux sociaux. Cela dit, nous y sommes et nous devons y être pour atteindre l'auditoire qui ne consomme pas les médias dits traditionnels, la radio et la télé. Néanmoins, c'est fondamental quand même que notre information soit totalement crédible.

Mme Melançon : Je voulais venir rapidement sur ce qu'on appelle les «fake news». Lorsqu'on a entendu, de mémoire, là, c'est les journalistes indépendants, je pense, qui sont... la fédération des journalistes indépendants, qui sont venus nous parler du 30 secondes avant d'y croire. Hier, j'en ai parlé avec Télé-Québec aussi. Lorsqu'on parle de s'unir, et vous parlez de collaboration, moi, je pense que tout le monde devrait mettre l'épaule à la roue parce que, finalement, ça devient un problème sociétal.

Mme Julien (Luce) : Vous avez raison. Mais juste pour vous dire que nous avons collaboré avec la fédération des journalistes du Québec sur cette initiative-là, et que je suis extrêmement préoccupée aussi par la survie de la fédération des journalistes du Québec, et qu'on regarde... J'ai des discussions avec Mme Lafrance sur comment, Radio-Canada, on peut aussi soutenir la fédération. Mais, dans le fond, ce n'est pas soutenir la fédération, c'est soutenir la liberté de presse, l'indépendance journalistique.

Mme Melançon : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : ...la députée de Westmount—Saint-Louis. Il vous reste trois minutes.

Mme Maccarone : Merci. Je vais faire le pouce un peu sur qu'est-ce que ma collègue la députée de Verdun a parlé, de collaboration, puis la question est vraiment pour Meredith — désolée, votre nom de famille m'échappe. J'ai lu avec grand intérêt votre mémoire, mais aussi celui de SOCAM, SOCAM, la Société de communication Atikamekw-Montagnais, qui dessert vraiment la communauté autochtone. Ils ont 14 stations de radio du Québec et Labrador, puis, eux, leur raison d'être, c'est vraiment la préservation de leur langue et culture. Ils vivent vraiment des enjeux financiers qui sont extrêmement difficiles. Et, quand vous parlez de qu'est-ce que vous faites côté collaboration puis les choses que vous faites, Radio-Canada, CBC, pour la communauté autochtone, je voulais savoir s'il y avait des mesures de collaboration ou si c'était plutôt concurrentiel, des partenariats, qu'est-ce que vous faites ensembles.

Mme Dellandrea (Meredith) : Non, tout à fait, c'est les collaborations. Mais aussi je vais préciser qu'on a une équipe qui travaille à Montréal qui produit des émissions en cri pour les territoires du Nord. Et alors ça, c'est une façon où, CBC, on peut servir les communautés autochtones. Et ça, c'est de faire vraiment de la programmation en leur langue et c'est des journalistes cris qui le font. Ça, c'est la première façon de le faire.

On fait des consultations par... c'est informel, avec les communautés autochtones au Québec pour voir comment est-ce qu'on peut trouver des projets où on peut travailler ensemble pour servir leurs communautés et aussi pour avoir des contenus pour offrir aux anglophones au Québec, pour apprendre leur réalité. Alors, l'année passée, on a consulté à Kahnawake, on est allés là et aussi à CBC Indigenous, ça, c'est... qui travaille... une équipe de nouvelles. On a embauché une journaliste mohawk qui travaille dans notre salle de nouvelles à Montréal. Alors, oui, elle couvre les communautés autochtones au Québec mais aussi elle travaille en partenariat avec nos journalistes à la salle des nouvelles à Montréal.

Mme Maccarone : Est-ce que cela vous amène des difficultés de pénurie de main-d'oeuvre? Parce que, quand on parle de communautés minoritaires culturelles spécialisées, il doit être très difficile pour vous de trouver du monde, des journalistes qui peuvent vous appuyer dans ces démarches.

Mme Dellandrea (Meredith) : C'est, comme on a parlé, le défi de recrutement. Oui, c'est sûr, c'est sûr, c'est difficile, mais il faut investir. Il faut trouver les moyens soit d'aller parler avec les communautés pour parler du rôle du journaliste dans la société, c'est quoi qu'on fait pour... juste pour avoir l'information, de l'intérêt même de poursuivre ce métier. Ça, c'est une façon de le faire, mais aussi de tisser des liens avec les écoles de journalismes pour savoir : O.K., on cherche, on a besoin des personnes qui connaissent ces communautés-là.

M. Rioux (Jean-François) : Peut-être ajouter que, depuis le mois d'octobre l'année dernière, on a redirigé des antennes de Radio-Canada dans certaines localités, dont Chisasibi, pour pouvoir leur permettre de recevoir ce qu'ils voulaient recevoir. Donc, par exemple, il y a trois communautés dans la Haute-Mauricie qui reçoivent maintenant un signal de Trois-Rivières plutôt que Montréal, c'était leur demande, et où il y a une programmation en attikamek. Alors, on est en train de passer par le processus au fédéral, au CRTC... bien, en fait, Transports Canada, pour faire changer 10 autres émetteurs dans le Nord du Québec pour pouvoir rediriger.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci. Alors... (panne de son) ...députée de Taschereau pour 2 min 30 s.

• (12 h 30) •

Mme Dorion : Oui, merci. Bonjour, merci d'être là. On vous a entendu défendre, finalement, la diversité de la presse puis dire que la concentration de la presse, ce n'était pas une bonne chose, finalement, qui n'était pas souhaitable. Hier, Pierre-Karl Péladeau nous a beaucoup parlé des avantages de la concentration de la presse, donc, c'est un modèle qui avait permis la survie des médias, qui permettait des économies d'échelle, ça ne sert à rien, d'avoir deux photographes, trois journalistes pour le même événement, mais personne ne nous parle des désavantages de la concentration de la presse. Tout le monde nous dit... beaucoup de monde nous dit que ce n'est pas idéal. Pouvez-vous nous donner quelques arguments, nous expliquer en quoi la concentration de la presse est une mauvaise chose, selon vous?

M. Bissonnette (Michel) : Bien, c'est-à-dire que le principe est assez large, c'est que plus il y a de journalistes et plus il y a d'entreprises de presse, plus il va y avoir une variété de points de vue qui vont être présents et une couverture qui va être large et, à l'inverse, moins il va y avoir d'entreprises de presse et moins il va y avoir de journalistes, plus on va appauvrir la couverture journalistique. Donc, si on veut s'assurer... Parce que, vous savez, le pouvoir médiatique est important, mais c'est important qu'il soit en santé, parce que sinon ça devient juste une image mais qui n'a pas de moteur pour pouvoir livrer son résultat. Si on ne s'assure pas de cette diversité-là, on appauvrit l'ensemble.

Et, pour nous, c'est très sain d'avoir de la concurrence. Quand on voit de la concurrence dans les marchés, ça nous force à être meilleurs. Puis sincèrement, quand je vois TVA sortir quelque chose avant nous, ça me choque, parce que je me dis : On aurait pu être plus vite sur la nouvelle puis le sortir avant, mais c'est dans la nature même d'une entreprise médiatique. Et c'est pour ça que la diversité des entreprises, et des médias, et du nombre de journalistes est si importante. Je ne sais pas si je réponds correctement à votre question, mais c'est vraiment... pour nous, l'important, c'est ça.

Mme Dorion : Donc, c'est nécessaire d'avoir plusieurs angles sur un enjeu pour avoir une vision plus claire.

Mme Julien (Luce) : Vous pouvez avoir, par exemple, plusieurs journalistes, et vous connaissez ça, chacun, comme députés, lorsque vous avez un scrum, chaque média n'aura pas nécessairement la même question, et ce n'est pas... Alors, c'est là-dessus aussi que c'est fondamental. Chacun a ses propres enquêtes, etc. Et donc, s'il y a juste un journaliste qui couvre, par exemple, un conseil municipal, bien, c'est sûr qu'on appauvrit la presse locale.

Mme Dorion : Et, parce qu'il y a eu une diminution de la diversité dans les dernières décennies, une concentration de la presse, justement, considérez-vous qu'on commence déjà à vivre ou qu'on a vécu, dans les dernières... avec cette concentration-là, déjà, des désavantages par rapport à la qualité de l'information?

La Présidente (Mme Nichols) : En quelques secondes.

M. Bissonnette (Michel) : ...s'il y avait une disparition de Capitales Médias, on viendrait appauvrir la diversité.

Mme Julien (Luce) : ...un effet domino potentiel.

M. Bissonnette (Michel) : Et l'effet domino étant le Conseil de presse et, bien entendu, La Presse canadienne, surtout.

Mme Dorion : ...Québecor, ce n'est pas une solution qui vous...

M. Bissonnette (Michel) : Non, comme diffuseur public, sincèrement, on n'a pas à commenter une transaction entre deux entreprises privées, puis ce n'est pas un territoire où je veux aller. Mais, au niveau du principe, je veux juste réitérer l'importance, pour nous, qu'il y ait une variété de voix puis une variété de points de vue, puis c'est la base même de la démocratie et de notre rôle comme média.

Mme Dorion : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. La parole est au député de Rimouski.

M. LeBel : Oui, merci. Bonjour. Radio-Canada, c'est important pour nous autres, en région. En 1990, vous avez fermé les trois télés : Rimouski, Matane, Sept-Îles, il y a eu une levée de boucliers. 22 ans plus tard, vous êtes revenus, puis on ne vous laissera pas partir.

Mais, juste pour préciser, quand on parle... Radio-Canada parle de national, on parle de Canada, quand on parle de régions, on parle Maritimes, le Québec, l'Ouest canadien, juste pour qu'on s'entende dans notre vocabulaire. Et vous avez un mandat de refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays. J'aimerais savoir, par rapport à la production nationale québécoise, est-ce qu'il y a des directives ou des volontés de représenter aussi les réalités régionales québécoises dans vos émissions nationales.

M. Bissonnette (Michel) : Tout à fait. Bien, c'est-à-dire, autant au niveau de la télévision généraliste, c'est une condition de licence qu'on a avec le CRTC, où il y a une partie de notre programmation qui doit originer des francophones hors Québec puis une partie de notre programmation qui doit originer des francophones hors Montréal, donc de s'assurer qu'il y a des productions qui se fassent à l'extérieur du centre de production qui est Montréal.

Mais, au-delà de ça, sur les émissions qu'on produit nous-mêmes à l'interne, en radio ou en information, je le disais tantôt, la variété des points de vue régionaux, c'est ce qui fait la différence entre Radio-Canada puis les autres médias. Donc, il faut qu'on s'assure, quand il y a un topo qui est fait à Trois-Rivières, qu'il puisse se retrouver sur les plateformes de Radio-Canada dans les émissions nationales.

M. LeBel : Excellent. Ça, c'est important pour nous autres. Mais l'autre question, bien, il faut que j'aille vite. De plus en plus, je vais consulter Radio-Canada par la lecture, je vais lire Radio-Canada. D'habitude, on l'écoutait ou on la voyait, mais là, de plus en plus, on va lire. Est-ce que Radio-Canada devient un peu aussi un média écrit de plus en plus?

M. Bissonnette (Michel) : De facto, la réponse, c'est oui, parce que les gens consomment de plus en plus sur le numérique, et la première connexion qu'on fait avec le numérique, c'est au niveau de l'écriture. Et ça repositionne également nos rendez-vous qu'on a à la télévision. Si vous voyez, Le téléjournal, pendant plusieurs années, de 22 heures était vraiment une émission où en enlignait les nouvelles une après l'autre. Maintenant, comme les gens sont au courant de l'actualité parce qu'ils l'ont consommée sur leur téléphone, on profite du 22 heures pour remettre la nouvelle en contexte, en perspective, de pouvoir avoir des reportages qui sont plus longs, des spécialistes qui viennent commenter. Donc, les rendez-vous d'information ont évolué dans le temps.

M. LeBel : Mais est-ce que c'est toujours conforme à votre licence d'y aller par l'écrit ou ça reste... C'est parce que plusieurs m'ont posé la question.

M. Bissonnette (Michel) : C'est-à-dire que notre licence n'est pas par plateforme. Notre mandat, c'est d'informer, éclairer et divertir les Canadiens. Puis, dans notre rôle d'information, c'est intrinsèque qu'on doit être présent sur le numérique parce qu'il y a une clientèle de plus en plus grande qui consomme pour le numérique, au même titre que Tou.tv n'existait pas voilà quelques années, et maintenant on offre nos émissions de télévision en rattrapage ou en primeur sur une plateforme numérique.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Mme la députée de Marie-Victorin, pour deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup à vous quatre pour votre présentation. Je salue sincèrement toutes vos démarches pour cultiver une meilleure confiance dans la population. Je crois que c'est vraiment fondamental, voire essentiel.

Cela dit, j'ai quand même une question, parce que vous parliez beaucoup d'indépendance des médias. Mais est-ce que la mission même de Radio-Canada, qui a été fixée en 1991 par une loi du gouvernement canadien et qui vous demande notamment, explicitement, dans la mission, de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationale canadiennes, on s'entend... n'entre-t-il pas en contradiction, du moins dans la perception, envers le principe d'indépendance politique des médias?

M. Bissonnette (Michel) : Non, aucunement, parce que, sincèrement, il y a une différence fondamentale entre le mandat au sens large et le rôle que l'information vient jouer dans ça. Il y a un mur de Chine qui est haut comme ce n'est pas possible et qui est épais comme ce n'est pas possible entre le gouvernement et la salle de rédaction, entre la direction de l'entreprise et la salle de rédaction. Et, je le dis souvent à la blague, si je demande quelque chose, ça va être assez pour que ça ne se fasse pas. Donc, c'est vraiment important qu'il y ait cette autonomie-là, et c'est ma plus grande fierté, ça, d'avoir une salle avec des journalistes qui sont autonomes et indépendants.

Ceci étant dit, notre mandat, c'est de pouvoir s'assurer de refléter la culture canadienne. Donc, notre programmation, quand on arrive en heure de grande écoute, comme en journée, est composée à 99,5 % de contenu canadien. Les émissions qu'on produit en radio sont 100 % produites au Canada également. Donc, on reflète la culture canadienne puis, dans certains cas, en tout cas, au Québec, la culture québécoise par les productions qu'on fait, parce que c'est notre mandat, de pouvoir soutenir le contenu d'ici.

Mme Fournier : Donc, selon vous, le mandat n'a pas d'influence sur le contenu.

M. Bissonnette (Michel) : Non.

Mme Fournier : O.K. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 14 h 04)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, voilà, la commission reprend ses travaux afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias d'information. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Et cet après-midi nous entendrons Urbania, Monquartier, Mme Rhonda Massad, M. Alain Saulnier et Mme Dominique Payette.

Alors, je souhaite la bienvenue au premier groupe cet après-midi. Je vous demande de vous présenter, et vous aurez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Urbania

M. Lamarre (Philippe) : Merci. Tout d'abord, je tiens à remercier la commission de nous avoir invités à prendre la parole et à répondre à vos questions. C'est un honneur d'avoir cette tribune et de pouvoir contribuer à la réflexion.

Je suis Philippe Lamarre, fondateur et président d'Urbania, et je suis accompagné de Raphaëlle Huysmans, mon associée. Nous sommes à la tête d'un groupe média né à Montréal en 2003.

Urbania est une entreprise indépendante québécoise comptant une quarantaine d'employés permanents qui fait travailler un réseau de quelques centaines de pigistes chaque année. Nous créons et publions du contenu sur le Web à travers les divers canaux numériques, en imprimé et à la télévision. Notre modèle est le résultat d'un désir d'innovation et d'expérimentation mais est aussi né d'un pragmatisme et d'un réalisme par rapport à un secteur et à un marché en transformation. Nous nous sommes adaptés et diversifiés à mesure que les modèles ont évolué et se sont multipliés, tant en termes de distribution des contenus que de leur monétisation.

Notre modèle d'affaires ressemble en quelque sorte à celui des médias appelés «pure players», soit un modèle de média nouveau genre, pour qui le numérique est intrinsèque et qui, dans plusieurs cas, combine trois branches d'affaires principales : la création d'une audience propre avec nos canaux propriétaires, la production audiovisuelle et une agence de contenu au service des marques. Nous obtenons des revenus de plusieurs sources : la publicité, les services de création de contenu, les licences de diffuseur télé, des partenariats de services avec d'autres médias, des ventes de contenu télévisuel à l'international, des crédits d'impôts provinciaux et fédéraux, des crédits de recherche et développement, des revenus directs de vente en ligne, etc. Cette diversification a fait en sorte que nous sommes un des rares groupes médias qui ait connu une croissance ces dernières années au Québec.

Cela dit, notre modèle repose sur un fragile équilibre, et d'aucune manière nous ne pouvons prétendre que nous détenons une recette qui puisse être reproduite ou qui puisse tenir la route des années durant. C'est une gestion serrée combinée à une astucieuse alchimie entre nos branches d'affaires qui nous ont permis de tirer notre épingle du jeu.

Ces dernières années ont été catastrophiques pour les médias. La migration des revenus publicitaires vers Facebook et Google, sans compter les changements d'algorithme de ceux-ci, jumelée aux désabonnements du câble ont fait en sorte que nous sommes entrés dans une spirale dangereuse qui met en péril l'écosystème média tel que nous le connaissons.

Le Québec, protégé par sa langue et son caractère distinct, n'a pas été épargné par cette vague, mais elle est a été différée de quelques années. Sans vouloir être alarmiste, je crois qu'il est crucial de regarder la réalité en face, car ce qui nous attend n'est rien de moins qu'un tsunami. Et, comme cela a toujours été le cas avec la culture francophone québécoise, le gouvernement a un rôle central à jouer dans la création d'un écosystème d'entrepreneuriat média propre au Québec.

Avant de vous proposer des pistes de solution, je tiens à vous raconter notre parcours, car celui-ci vous éclairera sur les solutions que nous préconisons. Lors de la création du magazine Urbania en 2003, nous étions jeunes et sans expérience, car nous ne savions pas trop dans quoi nous embarquions au point de vue des affaires. S'il est assez facile de trouver des idées de thématiques et de sujets pour combler les pages d'un magazine, l'apprentissage de tout ce qui consiste au métier d'éditeur, soit les ventes publicitaires, l'impression, la distribution, les ventes d'abonnements, etc., sont rapidement devenus des enjeux auxquels nous étions confrontés. Nous avons vite compris que, si nous voulions que ce projet perdure, il fallait apprendre ce nouveau métier sur le tas. Nous l'avons fait, parfois à nos dépens, mais nous avons, par le fait même, inventé un modèle différent de celui dit des médias traditionnels.

Nous avons eu la chance, en 2007, de vendre une série documentaire à TV5. C'est alors qu'un nouveau monde s'est révélé à nous. Nous avons découvert qu'en télévision un modèle économique différent régnait. Bien que notre position de producteur nous laissait un petit peu moins libres que celle d'éditeur, nous avions la chance de créer du contenu financé grâce à un partenaire qui le distribuait ensuite à ses clients via sa chaîne câblée. Le diffuseur en question nous versait une licence qui était par la suite bonifiée grâce aux crédits d'impôt et aux investissements du Fonds des médias du Canada. De plus, nous nous sommes rendu compte qu'il existait des fonds privés, tels que le Fonds Bell ou Québecor, qui offraient des subventions pour la création de sites Web accompagnant les émissions de télévision dans le but d'innover et de développer l'offre de contenu canadien sur le Web. Pour nous, ça a été une révélation. Nous avons découvert un écosystème qui nous permettait de financer nos activités de création de contenu tout en faisant vivre la marque Urbania.

Je dirais que c'est là que notre système a commencé à prendre forme, tant en ce qui a trait au développement multiplateforme de la marque Urbania qu'au plan du modèle d'affaires média, où le magazine et le site Web devenaient des vecteurs de promotion de nos émissions de télé, ce qui est alléchant pour un partenaire diffuseur, et, inversement, les émissions de télé devenaient des opportunités d'élargir l'offre de services de notre agence de création.

Bien des magazines sont nés et disparus depuis 2003, mais notre capacité à bâtir une marque et un auditoire de façon multiplateforme nous a permis d'émerger et de ne pas dépendre uniquement des revenus publicitaires, de kiosque ou d'abonnement. Nous avons réussi à nous développer au fil des années parce que nous avons misé sur la force de la marque et du contenu Urbania, tout en gagnant de l'argent avec nos services de création ainsi qu'avec la production audiovisuelle qui combine argent privé et soutien de l'État.

Contrairement aux médias traditionnels, qui ont connu des années de vaches grasses, où la publicité générait des sommes faramineuses, nous avons dû être inventifs, agiles et stratégiques dans notre développement. Ces qualités ont fait en sorte qu'au lieu de générer de la décroissance nous avons investi de nouveaux marchés et développé de nouvelles expertises afin de survivre, gagner notre vie et financer notre croissance.

Aujourd'hui, l'existence même de cette commission illustre combien les temps ont changé et combien il est temps que le gouvernement agisse et prenne ses responsabilités dans l'établissement d'un nouvel écosystème. La commission s'intitule «avenir des médias d'information», et loin de moi le désir de tracer la ligne entre médias dits d'information et de divertissement. Je crois que, à l'heure qu'il est, l'important est de définir le rôle que l'État québécois désire jouer dans la régénération d'un écosystème média tout court.

Les médias d'information québécois au Québec sont rares. Quand ils ne font pas partie d'un grand groupe — Bell, Québecor, Cogeco, etc. — ils sont souvent la propriété d'un ou des passionnés qui les portent à bout de bras. Dans le cas du Devoir, de La Presse ou de L'Actualité, chacun a ses enjeux propres, mais qui aurait pu croire, il y a 10 ans, que l'avenir de La Presse ou de L'Actualité serait compromis ? Il devient évident que c'est le cas, et il est essentiel de ne pas se poser la question à savoir si mais plutôt comment l'État doit intervenir.

• (14 h 10) •

L'information est-elle le seul apanage des médias traditionnels? Je ne le crois pas. La nouvelle génération ne consomme plus les médias de la même manière que ses parents, et surtout leurs sources d'information ne sont plus les mêmes. La plupart des gens consomment désormais l'information à partir des réseaux sociaux sur leur téléphone, en fonction des médias qu'ils suivent ou des suggestions de leurs amis. À l'époque, la consommation média était d'abord définie par l'accès à ces médias, qu'il s'agisse de distribution papier ou de chaînes télé ou radio octroyées par le CRTC via de coûteuses licences. Dorénavant, rien ne régit l'accès à quoi que ce soit. Un jeune qui cherche à s'informer peut le faire à partir d'une recherche sur Google qui le mènera à une pléthore de contenus dont la grande majorité n'est ni québécoise ni francophone. C'est une réalité qui n'est pas près de changer, et je ne crois pas qu'à court terme il soit possible de renverser cette tendance.

Le citoyen père de famille que je suis angoisse un peu quand je vois mes enfants consommer du contenu qui ne leur dit rien sur qui ils sont ni d'où ils viennent. Qu'il s'agisse de youtubeurs français ou américains, de séries sur Netflix, l'offre est attrayante. Et, dans un monde numérique où nous sommes à un clic de tout, il faut se rendre à l'évidence que le combat est inégal en ce moment, car l'offre québécoise est rare et presque inexistante sur YouTube, Snapchat ou Netflix. Sans vouloir paraître fataliste, je crois que, dans deux générations, si rien n'est fait, la culture québécoise telle qu'on l'a connue va commencer à disparaître brutalement. On ne parle pas d'une lente agonie mais d'une fin assez abrupte. C'est notre existence en tant que peuple et nation qui en dépend, rien de moins.

Je pense qu'il faut fourbir nos armes et combattre l'offre par l'offre. Si on veut un Québec doté de médias forts et diversifiés, il faut un écosystème qui survit et prospère économiquement. De la même manière qu'à un moment de l'histoire nous avons collectivement décidé de nous doter d'une télé et d'une radio publiques, qu'a été créé le Fonds des médias du Canada ou la SODEC, il faut maintenant passer à l'ère numérique et créer un levier de financement pour le contenu québécois au sens large. Nous pouvons restreindre le programme aux médias d'information, mais, à mon avis, cela consisterait à soigner le canari alors que la mine s'apprête à exploser.

Ce dont on a besoin, c'est d'une véritable volonté politique. L'urgence actuelle ne consiste pas seulement à sauver de la faillite des organisations qui n'ont pas eu le courage ou la volonté de se transformer suffisamment rapidement pour s'adapter à une nouvelle réalité. Soit, on peut exiger que le gouvernement, dans le cadre de ses investissements publicitaires, encourage d'abord les médias d'ici. C'est un début, c'est facile à implanter et ça donne l'exemple. Il en va de même avec les crédits d'impôt à la transformation numérique. C'est bien, mais je crois que c'est un pansement sur une hémorragie. Si on veut réellement renverser le cours des choses, il faut un cadre et des objectifs plus ambitieux.

Au Canada, le CRTC protège de la concurrence étrangère les compagnies de télécommunications à propriété canadienne. En échange de cette protection, le fameux «walled garden», tel qu'on l'appelle en anglais, les entreprises offrant des services de câblodistribution versent au Fonds des médias du Canada une contribution servant à financer le contenu télévisuel conçu et fabriqué ici. C'est un système qui a fait ses preuves, mais aujourd'hui les gens se désabonnent du câble, et les revenus vont s'amenuiser. L'industrie télévisuelle a commencé à sentir les contrecoups de cette situation, et cette tendance ne sera pas renversée.

À l'ère numérique, où tout le contenu transite par les mêmes tuyaux, il apparaît évident qu'il faut élargir les contributions des entreprises de télécommunications non seulement à la câblodistribution, mais également aux services de téléphonie mobile et de services Internet. Cette piste est évoquée depuis belle lurette au Canada, mais le lobbying des grands groupes de télécommunications, jumelé à un manque de courage politique au niveau fédéral, ont fait en sorte que nous sommes pris dans un système en décroissance, sans réelle vision d'avenir.

L'argument principal qu'utilisent les Bell, Vidéotron ou Rogers quand ils dénoncent la réglementation canadienne, c'est que la concurrence est désormais mondiale et qu'à ce titre les contraindre à une contribution obligatoire alors que leurs concurrents que sont les Netflix et Spotify de ce monde n'y sont pas tenus fait en sorte que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous et qu'ils sont par conséquent désavantagés. Quand on évoque une augmentation de leur contribution, ils répondent qu'au final la facture sera refilée aux consommateurs et que ça devient une taxe déguisée.

Dans ce contexte, comment le gouvernement québécois pourrait-il prendre une position de tête et mettre en place un système qui puisse donner un souffle au contenu et médias québécois? Un changement législatif est difficile à envisager, car c'est le CRTC qui légifère, et il s'agit d'un champ de compétence fédéral. Je crois qu'il faut plutôt miser sur une volonté politique forte et affirmée, comme ce fut le cas avec le précédent gouvernement et l'imposition de la TVQ aux services Internet provenant de l'étranger. La population s'est indignée du fait que Netflix ne récoltait pas de taxe de vente. Le ministre Leitão a alors pris la balle au bond et décidé de faire passer une loi en ce sens, loi à laquelle la majorité des acteurs numériques s'est conformée.

Dans l'optique d'imposer des règles du jeu uniformes à tous sans désavantager nos entreprises de télécommunications par rapport aux joueurs étrangers, pourquoi ne pas simplement additionner les montants de TVQ à percevoir sur les services numériques? Et par services numériques, j'inclus la câblodistribution, l'accès Internet, la téléphonie mobile mais aussi les abonnements à Netflix, Spotify, Apple Music, la publicité sur Facebook ou Google. Bref, évaluer la somme totale de TVQ que cela représente et d'ensuite déterminer le pourcentage de cette somme qui, au lieu d'être versé dans le fonds consolidé du revenu du Québec, servirait à la création d'un fonds des médias du Québec et reverserait l'argent aux créateurs de contenus québécois.

La Présidente (Mme Nichols) : En conclusion.

M. Lamarre (Philippe) : Ainsi, tous les services, qu'ils soient locaux ou étrangers, cotiseraient indirectement via la TVQ perçue sur leurs services et, par conséquent, contribueraient au nouveau fonds. Plus personne ne pourrait prétendre que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie de votre exposé. Je comprends que vous en avez beaucoup à dire, mais...

M. Lamarre (Philippe) : J'avais juste, là, deux paragraphes de plus, mais c'est beau, je le dirai dans les questions.

La Présidente (Mme Nichols) : Bien, en fait, la période d'échange va vous permettre, probablement, de compléter votre exposé.

M. Lamarre (Philippe) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Donc, la parole est au député de Beauce-Sud pour 15 minutes.

M. Poulin : Pour deux paragraphes, monsieur, je vais vous laisser compléter.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, écoutez, je vais terminer avec un seul paragraphe, puis je pense que c'est lui qui nécessite une vision d'ensemble.

M. Poulin : Pas de problème.

M. Lamarre (Philippe) : Le Québec a été ambitieux par le passé, qu'il s'agisse de la nationalisation de l'électricité ou de la loi 101. Il faut parfois prendre des grandes décisions qui seront déterminantes pour notre avenir politique, économique et identitaire, et je crois que la situation actuelle requiert ce niveau d'ambition.

M. Poulin : Ça a valu la peine, hein?

M. Lamarre (Philippe) : Voilà.

M. Poulin : Merci, M. Lamarre, Mme Raphaëlle, qui vous a accompagné, très intéressant. Bien entendu, on connaît tous et toutes Urbania, parce que vous avez été, je pense, des leaders, des précurseurs également dans les informations de niche mais aussi avec des textes percutants, des photos percutantes qui nous réveillaient collectivement sur plusieurs enjeux. Alors, merci pour le travail que vous faites.

Peut-être nous parler, d'entrée de jeu, de votre équipe, parce que ça semble être... on a le goût de connaître un peu ces gens-là. Vous êtes combien de personnes? Comment vous travaillez? Comment vous vous séparez les sujets? J'ai l'impression que c'est beaucoup par intérêts, par connaissances. Mais juste nous parler un peu de votre équipe, chez Urbania.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, la façon que l'équipe est structurée, en fait, on a notre équipe de contenu qui est au coeur de l'entreprise, en fait, là. Il y a trois branches d'affaires principales, donc : la production audiovisuelle, une agence de services, qui est, en fait, notre service publicitaire de contenu de marque, et une branche qui est spécialisée en...

Mme Huysmans (Raphaëlle) : Bien, qui est un média qui développe des médias.

M. Lamarre (Philippe) : Exactement. Bien, au sein de l'équipe, justement, de contenu, on a vraiment des journalistes, on a des designers, on a des développeurs, on a des réalisateurs. Donc, on a vraiment des gens qui travaillent sur toutes les plateformes, mais en équipe. Il n'y a pas de silo au sein de l'entreprise, c'est vraiment le contenu qui est au coeur. Puis ensuite les canaux de distribution, bien, c'est en fonction des plateformes.

Mais l'équipe de contenu est centralisée, un petit peu de la même façon que les grands médias, justement... je sais qu'à Radio-Canada ils ont fait l'effort de centraliser l'équipe de contenu, mais c'est... mais on est une quarantaine d'employés, avec vraiment des expertises diversifiées, mais beaucoup, beaucoup de technologie, de contenus.

M. Poulin : Vous êtes combien de personnes, à peu près?

M. Lamarre (Philippe) : 40... 42 personnes, oui.

M. Poulin : 42 personnes. O.K., parfait. Vous avez mis des éléments fort intéressants dans votre mémoire. Vous dites : «Notre auditoire est principalement constitué de jeunes entre 25 et 44 ans à 70 %...» Vous avez fait un témoignage fort important sur l'importance que nos jeunes consomment la culture québécoise. C'est un vecteur d'identité, on le sait tous. Puis on a un grand défi, au Québec, de mieux positionner nos émissions de télévision, mieux positionner notre information également.

Alors, vous, vous réussissez à rejoindre les jeunes, d'ailleurs votre cible, 25-34 ans à 44 %. Vous dites que vous rejoignez mensuellement, à travers vos divers canaux, 1,8 million de gens, en grande majorité au Québec, donc c'est énorme. Et vous nous dites — et la phrase, je la trouve fort intéressante — vous dites : «Nous avons bâti ces auditoires principalement grâce aux réseaux sociaux...» Et on parle beaucoup des GAFA, à juste titre, où on devra trouver des mesures d'atténuation, et ça, je pense qu'on en est tous. Mais de quelle façon on se doit d'avoir cette relation-là avec les réseaux sociaux, qui, j'ai l'impression, est un peu une relation amour-haine, dans le sens où elle nous sert, elle nous permet de rejoindre un auditoire qui, par la suite, vient sur nos plateformes? Alors, de quelle façon, vous, vous avez réussi à conjuguer tout ça et à faire en sorte que les réseaux sociaux soient des partenaires, non pas seulement des gens qui vous mettent les bâtons dans les roues?

M. Lamarre (Philippe) : Bien, tout d'abord, les réseaux sociaux, il y a un aspect générationnel à tout ça. Nous, on est nés en 2003, Facebook est arrivé autour de 2006, 2007. C'est certain que notre auditoire... Nous, on faisait un magazine papier qu'on distribuait avec des camions aux quatre coins du Québec et à travers le Canada. On faisait des émissions de télé sur le câble qui étaient regardées par des gens de 45-50 ans. Et, quand les réseaux sociaux sont arrivés, c'est comme si on avait accès à un réseau de distribution extrêmement puissant qui rejoignait les auditoires qu'on souhaitait cibler, alors que, quand on travaillait dans le contexte traditionnel de distribution, bien, notre auditoire était beaucoup plus vieux, alors que le contenu qu'on faisait s'adressait à un auditoire plus jeune. Et c'est toujours un petit peu paradoxal, justement, d'être une marque comme Urbania, qui prétend parler aux jeunes, puis, quand on regarde les moyennes d'âge de gens qui regardent les émissions de télé qu'on produit, il y a un énorme décalage. Mais ça, c'est une question de plateforme, de distribution.

Donc, pour nous, on a vu les réseaux sociaux comme des camions de livraison, en fait, vraiment de cette façon-là, comme un réseau de distribution. Puis c'est comme ça qu'on le voit aujourd'hui, même à travers le modèle publicitaire. Nous, la publicité traditionnelle, on n'en a jamais bénéficié de la même façon que les médias traditionnels. Donc, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on crée du contenu, en partenariat avec des marques qu'on distribue ensuite sur les réseaux sociaux. Donc, nous, on a comme pris le problème à l'envers, on s'est servi de ce qu'il y avait de fort chez les réseaux sociaux. Au lieu de se plaindre qu'ils venaient nous voler nos revenus, bien, on a développé une expertise à distribuer le contenu à travers les réseaux sociaux puis on facture les marques pour cette distribution-là.

Mme Huysmans (Raphaëlle) : Mais le problème, c'est quand même que, ce réseau de distribution là, on ne le contrôle pas. Eux peuvent changer leurs algorithmes et diminuer drastiquement...

M. Lamarre (Philippe) : Oui, puis on l'a vu.

• (14 h 20) •

Mme Huysmans (Raphaëlle) : ...exactement, le trafic qu'on peut avoir sur une autre plateforme. Puis c'est là où il faut se créer une certaine forme d'indépendance dans nos réseaux de distribution, que ce soit via une infolettre, par exemple, ou, encore une fois, notre magazine imprimé qui subsiste.

M. Lamarre (Philippe) : Puis il y a un autre aspect aussi par rapport, justement, aux Facebook de ce monde. C'est certain que c'est des entreprises qui, quand ils voient le Canada comme marché, ils ne voient pas le Canada et le Québec. Tu sais, eux, ils ont mis quelqu'un en charge des médias à Toronto, qui est un unilingue anglophone, qui fait les partenariats médias puis qui répond à un e-mail sur deux. Ça fait que c'est certain que notre relation avec les médias... quand on compare en France ou aux États-Unis, disons que la relation n'est pas très collaborative.

M. Poulin : Je pense que la commission devra s'adresser également au fait... de la façon dont on livre l'information et comment on peut rejoindre les jeunes davantage. Je crois à des possibilités d'amener les médias québécois à plus rejoindre nos jeunes au-delà du numérique mais également dans la livraison des nouvelles. On a vu même les bulletins de nouvelles télévisés changer de formule plusieurs fois pour rejoindre les gens. À un moment donné, on lisait les nouvelles avec un ton très neutre, très calme, on a voulu rendre ça plus accessible, on a voulu aller sur le terrain. Il y a eu plus d'éditoriaux, plus de commentateurs qui entraient dans les bulletins de nouvelles dans les cinq premières minutes.

Vous, si les jeunes sont autant au rendez-vous, selon vos chiffres, c'est quoi qu'ils aiment chez vous? Est-ce que c'est le franc-parler de la livraison de la nouvelle, la photo, le sujet, le texte? Parce que vous dites : Je ne veux pas délimiter qu'est-ce qui est de l'information ou qu'est-ce qui est du divertissement. Des fois, le divertissement est souvent et de l'information également, puis l'information peut être aussi très divertissante.

Alors, ma question est simple : Qu'est-ce que les jeunes aiment tant chez vous, puis qu'est-ce que les médias devraient faire pour les rejoindre davantage? Au-delà de juste parler du numérique, est-ce que c'est également dans la livraison de l'information qu'on a un devoir à faire au Québec?

M. Lamarre (Philippe) : Bien, c'est sûr, je pense, que c'est un ensemble de facteurs. Je ne pourrais pas pointer un seul aspect qui fait en sorte que ça fonctionne, mais je pense que le fait que, premièrement, ce soient des personnes de leur âge qui leur parlent, ça aide beaucoup, parce que c'est des préoccupations que la nouvelle génération a.

La forme, la forme aide beaucoup, c'est certain. Moi, j'ai un passé de designer graphique. La forme a toujours fait partie de l'identité d'Urbania. Donc, de penser... Tu sais, pour nous, la forme, c'est du contenu aussi. «The medium is the message.» C'est vraiment une question de penser autant au fond qu'à la forme et puis de penser à des réseaux de distribution, justement, qui vont rejoindre les gens là où ils sont. Que ce soit Instagram, Facebook, ou peu importe, ou un journal imprimé, bien, il faut le faire puis aller rejoindre les gens, le distribuer là où les gens sont. Ça fait que c'est un ensemble de facteurs auxquels il faut penser.

Puis c'est certain que, quand on a été habitués, comme les médias traditionnels, à avoir les gros canaux de distribution, bien, de se mettre à mettre plein d'efforts sur plein de petits canaux de niche, justement, bien, c'est une révolution qui est difficile. Pour nous, on est nés dans cet univers-là, ça fait que c'est comme ça qu'on a grandi. C'est pour ça qu'une marque comme nous est en croissance, puis on est en train d'investir tous ces canaux-là. Mais, pour les traditionnels, de se transformer puis de devenir une espèce de tentacule multiple, c'est vraiment tout un défi.

M. Poulin : Parce qu'on est beaucoup dans la réflexion sur la distribution, sur le numérique, sur la transition, sur la façon dont on rejoint les gens, mais on peut avoir le meilleur canal de distribution puis être inintéressant pour bien du monde aussi. Alors, il y a ce devoir-là d'être innovateur dans la façon dont on livre la nouvelle, dont on livre l'information aussi.

M. Lamarre (Philippe) : Et d'être intéressant aussi.

M. Poulin : Et d'être intéressant et passionnant.

M. Lamarre (Philippe) : Mais ça, ce n'est pas donné à tout le monde.

M. Poulin : Ça, vous avez raison. Je vous remercie. Je vais céder la parole à un de mes collègues.

La Présidente (Mme Nichols) : La parole est au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. M. Lamarre, ça va nous prendre plus que le huit minutes qu'il me reste pour qu'on règle, vous et moi, une fois pour toutes, culture, information, nouvelle, marketing de contenu, divertissement, mais on ne fera pas ça là. Ce que je veux, c'est que vous m'expliquiez davantage ce que vous annoncez dans votre mémoire, que je voudrais être capable de comprendre, par rapport au tsunami. J'ai bien compris la mécanique au Québec, qu'on est une société un petit peu distincte et qu'on a une période de retenue un petit peu plus longue qu'ailleurs dans les modes, puis tout ça, mais, quand ça nous arrive, ça nous frappe d'aplomb. Si j'ai bien compris, le tsunami, c'est ça. Mais c'est quoi, la... pas la mécanique, mais le processus qui fait en sorte que ce tsunami-là nous arrive dessus, puis on ne le voit pas parce qu'on pense qu'on vient de subir le pire déjà, nous autres, là?

M. Lamarre (Philippe) : Bien, en fait, il y a le tsunami économique, on le sait, là, je pense que tout le monde qui est passé ici vous a parlé des enjeux des revenus publicitaires. Ça, ça a été extrêmement rapide, là. Une chute des revenus publicitaires, annuellement, c'est 10 % à 15 % qui disparaît, puis on sait où ça s'en va. Ça fait que ce tsunami-là, en fait, c'est que les entreprises ont des trésors de guerre accumulés, puis à un moment donné ils s'épuisent, puis à un moment donné tu tombes en déficit, et puis tu ne survis pas. Ça fait que ça, c'est... On l'a vu, Capitales Médias, c'est le premier à vivre ça. Mais c'est certain que c'est un effet systémique, là, tout ça se transmet chez tous les acteurs. Ils le vivent tous s'ils ne se renouvellent pas ou on ne trouve pas des façons.

Puis, quand j'ai nommé l'exemple, justement, que nous, on s'est mis à produire de la télé, bien, l'exemple, justement, d'un soutien sous forme de crédit d'impôt et d'un fonds d'investissement, pour moi, c'est une façon d'atténuer cette frappe-là qu'on vit. Tu sais, la télévision a connu une espèce d'essor au Québec grâce au soutien. S'il n'y avait pas eu de soutien de l'État, il y aurait deux postes de télé au Québec, puis je pense que ce serait tout. Donc, le tsunami, je pense qu'il est partout. Il est international, il est mondial, là. Ce n'est vraiment pas quelque chose qui est spécifique à nous. C'est juste que, nous, il arrive, on dirait, deux, trois ans après tout le monde.

Mais après ça, moi, l'autre fracture qui me fait peur, puis ça, c'est un tsunami plus identitaire, c'est vraiment par rapport à la... Tu sais, on regarde la consommation des médias télévisuels, par exemple, après 35 ans, les gens ne s'abonnent plus au câble, ne regardent plus la télévision comme nous, on l'a regardée. Et là, ça, ça a un effet extrêmement abrupt, dans le sens que, si on n'a pas grandi en regardant des émissions comme Passe-Partout, puis on n'a pas grandi avec la culture québécoise, puis en lisant La Presse, puis en s'abreuvant de médias qui nous ressemblent, bien, on consomme des contenus qui sont disponibles sur YouTube, et en général c'est des contenus américains ou français.

Donc, quand je dis qu'il faut combattre l'offre par l'offre, il faut être présents. Puis, si on veut être présents, bien, je pense qu'il faut que l'État ait un rôle à jouer pour soutenir les compagnies, les créateurs puis créer des nouvelles entreprises qui vont vraiment occuper cet espace-là qui, en ce moment, est assez laissé aux autres.

M. Lemieux : Et ça nous amène à ce débat dont je parlais où, entre autres, ils ne sont pas en opposition, culture et information, mais vous faites... et c'est éloquent de le dire comme ça, vous dites que vous êtes en train de vous intéresser à l'information. Mais, quand vous allez avoir... pas réussi, mais quand vous allez être rendus là, peut-être qu'il n'y en aura plus, de culture à défendre, dans le fond. Il y a une espèce de fossé, là, qui nous attend, que vous dites. Alors, c'est bien beau, l'information, mais il y a tout le reste. Mais ça, ça colore le reste de votre vision, parce que, pour vous, marketing de contenu contre une marque... nouvelles, divertissement, c'est tout ensemble, c'est à prendre ou à laisser tout ensemble, parce que sinon on va tout perdre.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, ça, c'est une question de modèle d'affaires. Ça, ce n'est pas tant qu'on mélange tout. Nous, l'approche qu'on a, c'est que la publicité traditionnelle, comme les prix ont extrêmement chuté, on ne met pas nos efforts à développer ce créneau-là, car c'est un créneau qui est en train de disparaître. On met nos efforts à faire du marketing de contenu pour des marques, donc c'est du contenu commandité. Les marques viennent nous voir pour intéresser un auditoire, et, nous, ce qu'on leur dit, c'est que nous, on sait parler à ces auditoires-là, on sait s'adresser à eux de façon intelligente, donc laissez-nous le faire et donnez-nous des sous pour les rejoindre, puis on va trouver des valeurs qu'on a en commun avec vous pour les communiquer à travers tout ça. Mais ce n'est pas... Puis c'est toujours de façon très transparente. Il n'y a pas de jeu caché derrière tout ça. On n'est pas dans des publireportages déguisés. Mais, nous, c'est notre façon de réinventer le modèle d'affaires des médias, puis on le fait de façon très transparente, puis on le fait sans rien cacher à personne. Donc, c'est vraiment... c'est une question de survie puis d'essayer d'exister dans le modèle actuel.

M. Lemieux : Et, pour vous, ça fonctionne, et c'est tant mieux. Félicitations! Mais pour le droit...

M. Lamarre (Philippe) : Mais le New York Times le fait, le Gardian le fait, La Presse le fait. Tous les grands médias ont développé des services de création de contenu sur mesure dans les dernières années. C'est devenu la façon de répondre à la chute des revenus publicitaires, et ça fonctionne, il y a un appétit pour ça.

M. Lemieux : Mais notre préoccupation est, si on parle d'un plan d'aide, éventuellement, et, avec un peu de chance, ce sera un plan d'aide universel et pérenne pour tout le monde — universel, évidemment, c'est pour tout le monde — c'est à cause du droit du public à l'information. On peut convenir ensemble — puis on peut régler ça avec une bière — que le droit de se divertir, c'est bon aussi, puis le droit à la culture, c'est parfait. Mais ce qui nous amène ici aujourd'hui, c'est le droit du public à l'information. Et le modèle dont vous parlez, il est difficilement — vous l'avez dit dès le début, d'ailleurs — transférable à ceux qui ont le problème que vous avez contourné, vous, là, en information.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, c'est la question que vous avez à vous poser. Est-ce que vous voulez seulement lancer des bouées de sauvetage à des gens en train de se noyer ou vous voulez propulser d'autres joueurs vers l'avenir? C'est ça, la question.

C'est parce que moi, je pense qu'il faut faire les deux en même temps. Je pense qu'on peut... Si on concentre toutes nos énergies à essayer d'atténuer la chute des géants, ça va être beaucoup d'énergie, ça va être beaucoup d'argent investi, mais on va se reposer la même question dans trois ans ou dans cinq ans parce que, là, ils vont encore dégringoler d'un autre étage, puis là il va falloir encore envoyer de l'argent. Moi, je pense... puis c'est pour ça que, dans les mesures à prendre, je pense que les crédits d'impôt sont une façon d'aider, justement, ces joueurs-là qui ont des grosses salles de presse avec beaucoup d'employés, d'atténuer leurs frais fixes puis de revenir peut-être à un équilibre budgétaire. Moi, je pense, c'est la partie de mon mémoire où je suis plus en mode offensif. Tu sais, pour moi, les crédits d'impôt, c'est défensif. La partie offensive, c'est de créer un fonds des médias québécois. Donc, c'est d'investir dans des projets, des entreprises qui ont une vision vers l'avenir, qui sont porteurs, qui ont un potentiel d'exportation ou d'aller séduire des nouveaux auditoires dans les nouvelles plateformes. Et là, ça, c'est une vision d'avenir, puis une vision qui doit être ambitieuse, puis qui doit correspondre à l'espèce de vision qu'on a pour la société québécoise des 20, 30, 50 prochaines années.

M. Lemieux : Radio-Canada était assise là où vous êtes il y a à peine deux heures, ils nous disaient : Si vous donnez de l'aide à quelqu'un — on parlait d'information, là — il faut que ce soit en fonction de paramètres de professionnalisme journalistique minimum, là, quelque part, là, tu sais. On est loin du marketing de contenu, là.

• (14 h 30) •

M. Lamarre (Philippe) : Bien, écoutez, ça, c'est certain... Oui, tu sais, il peut y avoir un débat là-dessus, je pense que c'est essentiel. Je pense que le lien avec le Conseil de presse est nécessaire. Mais je pense que, dans une entreprise à soutenir, il n'y a pas que le journalisme, je pense — puis j'ai vu le témoignage des gens de La Presse aussi — c'est un ensemble. Une entreprise média, là, justement, c'est des développeurs technologiques, c'est des journalistes, des designers. Il y a un ensemble de corps de métier qui sont autour, en périphérie de la profession journalistique. Donc, c'est ça.

Mais je pense que, oui, il y a des critères à mettre en place, mais je ne pense pas qu'en ce moment il faut essayer d'être plus catholique que le pape. Il faut essayer de voir l'ensemble du système, puis c'est pour ça que je dis d'élargir un petit peu le champ de vision sur l'ensemble des contenus québécois dans le monde numérique, parce que, si on se concentre sur l'information, écoutez, dans trois ans, là, vous allez faire une autre commission sur les enjeux culturels de contenu, puis ça va être les mêmes débats, puis ça va être les mêmes enjeux, puis il n'y aura pas eu de vision d'ensemble. Je pense qu'en ce moment c'est le temps de mettre une vision d'ensemble en place.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Nous poursuivons les échanges avec la députée de Verdun.

Mme Melançon : Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être avec nous. M. Lamarre, Philippe, je connais plutôt bien ce que vous créez, ce que vous faites. Moi, où je suis très interpelée par ce que vous dites, c'est probablement... puis là je vais le dire, puis je ne veux pas faire dans les âges, ou quoi que ce soit, mais j'ai des enfants qui ont à peu près le même âge que les vôtres, et, quand je regarde ma fille aller sur TikTok, parce que c'est ça, la réalité maintenant, là, j'ai beau essayer de la brancher uniquement sur Télé-Québec, là, puis essayer de lui donner... mais ils s'en vont sur ces plateformes-là, et c'est vrai que c'est inquiétant. Puis de savoir... on ne sait plus trop à qui puis à quoi ça va appartenir, à un moment donné. Puis c'est vrai que c'est l'identité pure et simple. Là-dessus, je suis totalement d'accord avec vous.

En page 7, vous écrivez : Ce n'est pas si, mais c'est comment on va aider. Donc, pour vous, je pense que c'est très, très clair qu'il doit y avoir de l'aide étatique.

M. Lamarre (Philippe) : De l'aide étatique sous forme de crédits d'impôt et sous forme d'un fonds; pour moi, une formule défensive et une formule offensive.

Mme Melançon : Oui, tout à fait, et ça, j'ai bien saisi. Bon, sur le fonds, moi, j'en parle depuis à peu près un an, là, de dire : Oui, ça prend un fonds dédié, un fonds dédié pour la culture, parce que tout est une histoire de contenu. Et, dans une autre vie, lorsque j'étais à la SODEC, on a déjà eu cette discussion-là ensemble, je me rappelle très bien, dans la grande salle, où on se disait : C'est parce que, là, ce n'est plus le contenant, c'est le contenu et c'est là-dessus où on doit miser. Alors, je suis persuadée qu'on doit aller sur le contenu.

Là, on parle plus de médias, on essaie de... on va essayer de ramener... parce que le député de Saint-Jean a quand même dit vrai, lorsqu'on... on veut parler plus des médias, actuellement, là, puis on pourra élargir, à un autre moment donné, mais je pense qu'on ne doit pas perdre de vue, quand même, l'idée de dire qu'une ne va pas sans l'autre puis qu'on parle d'identité pure et simple. Alors, je tenais à le souligner.

Il y a un passage, que j'essayais de trouver dans les derniers instants, où vous faites la part aussi entre le payeur... le contribuable et le consommateur, hein, vous faites la distinction...

M. Lamarre (Philippe) : Oui. C'est un des paragraphes que je n'ai pas eu le temps de lire, mais, bon.

Mme Melançon : Bien, j'aimerais ça si on pouvait prendre quelques instants, parce que, bien sûr, on parle du droit à l'information, on est là-dedans, mais je pense que c'est important. Si vous pouvez peut-être juste nous ramener...

M. Lamarre (Philippe) : Bien, juste... la nuance que je faisais, en fait, c'est par rapport, justement, aux cotisations qui sont faites au Fonds des médias. Au fédéral, justement, les entreprises de câblodistribution sont obligées de verser un pourcentage de leurs revenus bruts. Et, dans le cas ici, justement, l'idée d'utiliser les montants recueillis en TVQ, bien, pour moi, ce n'est pas une façon de taxer le citoyen, c'est une façon de taxer le consommateur. Donc, si on utilise les services de Netflix ou de Spotify, choses que les citoyens ont droit, bien, au moins, la partie de taxe de vente qui est prélevée sur ces services-là, bien, va être réinvestie en culture.

Puis après ça moi, je ne suis pas à votre place pour faire les détails des règles, mais, à mon avis, on devrait surpondérer quand c'est des services étrangers. Donc, on devrait faire en sorte que les services étrangers... Un petit peu comme en France, quand les films américains en salle versent une cotisation pour la création du cinéma français, bien, je trouve que c'est un petit peu la même chose ici. Donc, c'est de surpondérer la taxe prélevée sur les services étrangers, et qui serve vraiment entièrement, peut-être à 100 %, à créer du contenu local, tandis que, quand on... la TVQ qui est perçue sur les services de télécommunications, sur les services de Vidéotron, Illico, etc., bien, peut-être que, dans ce cas-là, on est à 80 % ou 60 %. Mais c'est de trouver une espèce de système qui fait en sorte, justement, que les services étrangers viennent vraiment contribuer au système.

Mme Melançon : Pour aller dans le même sens... et là je suis totalement d'accord, parce qu'il faut bien expliquer aux gens de la commission, c'est sur la valeur. On a l'impression, et là on l'a beaucoup entendu dans les derniers jours, que faire de l'information, bien, c'est gratuit, ça ne coûte rien parce que les gens n'ont pas besoin de payer. Il reste encore, on le disait, là, des... Il y a des «paywalls» pour certains, il y en a qui n'en ont pas, il y en a qui sont dans la gratuité, les hebdos, par exemple. C'est comme si on avait perdu... Mais c'est aussi vrai dans l'espace créatif, parce que la musique a vécu cette même problématique là, hein? Les gens allaient chercher, allaient télécharger de la musique de façon illégale. Puis, quand on entre avec Spotify, ce n'est pas la valeur de ce que ça coûte, finalement, puis... Donc, tout est une question de valeur, est-ce que je fais erreur?

M. Lamarre (Philippe) : Oui, mais ça, c'est vraiment quelque chose sur lequel on n'a pas de contrôle parce que ça, c'est quelque chose que, justement... En ce moment, Netflix a décidé que la valeur du contenu vidéo, c'était 10 $ ou 12 $ par mois. Est-ce que c'est la vraie valeur des choses? Non. C'est eux qui ont décidé, puis là tout le monde doit suivre parce que, là... Tou.tv Extra doit être à 8,99 $, Illico aussi. Ça fait que, tu sais, on ne dicte pas les prix en ce moment, c'est des joueurs étrangers qui le font.

Mme Melançon : Vous semblez donc être d'accord avec l'idée qu'il y a iniquité en ce moment, donc on ne joue pas sur le même... comme entrepreneur. Parce que, comme entrepreneur, chez Urbania, vous ne jouez pas sur le même plan équitable que pour un géant du Web parce qu'eux ne paient pas de taxes et d'impôts, et vous, oui.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, c'est sûr. Moi, dans ce cas-là, je trouve que ça relève de la fiscalité. C'est justement... pour moi, ce n'est pas tant d'où aller chercher l'argent qui m'importe, c'est qu'est-ce qu'on va faire une fois qu'on prend la décision de faire un geste. Après ça, c'est au gouvernement de choisir ses combats. Moi, je suggère que ce soit sur la TVQ perçue sur les services étrangers et les services où transitent la culture et l'information sur le Web. Après ça, c'est sûr que moi, je suis d'accord... Et c'est certain que les GAFA, dans les prochains 10 ans, c'est eux qui vont vivre la réglementation la plus sévère, là, mais ça, c'est au gouvernement puis à tout le monde de se prendre en main puis de réagir.

Mme Melançon : Et, malgré le fait que votre entreprise ait vu le jour...

M. Lamarre (Philippe) : 2003.

Mme Melançon : ...2003, j'imagine que... Parce que vous êtes tout jeunes, là, mais, quand même, ça fait, on va le dire, là, 16 ans, c'est assez formidable. Il y a urgence, pour une jeune compagnie comme la vôtre, quand même d'agir, actuellement?

M. Lamarre (Philippe) : Ah! bien, écoutez, on n'est pas en danger d'extinction, mais c'est certain que, chaque année, c'est... puis c'est Raphaëlle, la gestionnaire d'entreprise, c'est vraiment une gestion serrée de l'entreprise qui fait en sorte qu'on est passés à travers toutes ces années-là, tu sais. Tu sais, on ne se paie pas des salaires de millionnaires, on vit sobrement, mais on est libres, et on fait ce qu'on a envie, puis on est un vrai média indépendant qui dit ce qu'il veut. Puis nous, nos journalistes sont libres d'écrire sur ce qu'ils veulent, on n'intervient pas, puis il y a une liberté, puis, je pense, c'est ça que les gens apprécient de notre contenu.

Donc, l'aspect économique derrière tout ça, c'est certain que ça nous donnerait une bouffée puis une erre d'aller pour faire encore mieux, embaucher plus de journalistes, faire plus de contenu. Donc, nous, l'aide, elle servirait à ça. Elle ne servirait pas à nous sortir du trou, elle servirait à nous propulser puis à convertir la nouvelle génération au fait français, à connaître notre culture, à s'intéresser à des choses qui leur ressemblent.

Donc, moi, le plus important de mon mémoire, là, c'est de combattre l'offre par l'offre. Il ne faut pas une stratégie défensive, il faut être offensif en ce moment. Une stratégie défensive, ça ne va mener qu'à notre extinction.

Mme Melançon : Il ne faut pas jouer la trappe, comme on dit au hockey.

M. Lamarre (Philippe) : Exactement, il faut jouer offensif.

Mme Melançon : Si je vous demandais... Et vous en parlez rapidement dans votre mémoire, vous dites que, dans le fond, l'aide, le financement ou l'investissement publicitaire gouvernemental, c'est une petite partie, là, ce n'est pas là-dessus... je pense que tout le monde en convient, mais on doit agir rapidement.

M. Lamarre (Philippe) : Moi, je pense, ça serait une mesure à mettre en place, au moins qu'il y ait un pourcentage, 60 %, 80 % qui... puis que ce soit une politique générale, ne serait-ce que pour donner l'exemple. Mais je ne pense pas que c'est une solution sur laquelle je miserais. Je ne mettrais pas toutes mes énergies à mettre ce programme-là en place.

Mme Melançon : Non, bien, moi aussi, je pensais que c'était pour être rapide, mais je veux juste rappeler aux collègues l'autre côté : Savez-vous ça fait combien de jours qu'on a déposé la motion? 119 et demi.

M. Lamarre (Philippe) : Je ne veux pas interrompre vos débats partisans, mais je pense qu'il y a quelque chose...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lamarre (Philippe) : ...mais il y a des gens qui n'ont pas été invités à la commission que je pense qu'il serait nécessaire d'inviter, c'est des agences médias, donc les agences médias qui placent la publicité, qui conseillent leurs clients. Je ne comprends pas pourquoi personne n'était venu, parce que ces gens-là, c'est eux qui sont la courroie de transmission entre les acheteurs et les médias, et ces gens-là ont un rôle crucial dans l'économie des médias, et, je pense, ça aurait été intéressant de leur poser des questions pour que vous compreniez comment les décisions se prennent dans cet univers-là.

Mme Melançon : Moi, je veux juste vous rappeler que ce n'était pas tant un débat partisan. Moi, ce que je voulais surtout démontrer, c'est : quand on vote quelque chose à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est bien de le respecter.

M. Lamarre (Philippe) : Je suis d'accord.

Mme Melançon : Sur ce, pour ce qui est des groupes qui font le placement publicitaire, moi, je pense que c'est eux qu'on va devoir, nous, rencontrer par la suite, et ça, c'est vraiment faisable. Puis je pense qu'on est tous d'accord, là, à dire : On va devoir faire un petit travail de ce côté-là, sur un...

Une voix : ...

Mme Melançon : Pardon?

Une voix : ...

Mme Melançon : Oui, oui, tout à fait. Mais, pour les autres pans dont on faisait mention, il va falloir qu'on en voie d'autres, ceux qui font, nécessairement, les placements pour le gouvernement du Québec, on s'entend bien là-dessus. En terminant...

La Présidente (Mme Nichols) : En 20 secondes.

• (14 h 40) •

Mme Melançon : Ah! en 20 secondes, parce que vous disiez tout à l'heure : Je ne veux pas que vous soyez pessimistes sur la suite des choses, nous, on veut vraiment changer les choses, et j'espère que cette commission-là aura la latitude pour amener la réflexion aussi loin que sont vos espoirs.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme la députée. Alors, la parole est à Mme la députée de Taschereau pour 2 min 30 s.

Mme Dorion : Merci beaucoup. Merci de vous être déplacés, d'être venus nous parler de ça. C'est superintéressant, c'est un point de vue vraiment actuel, puis vous êtes nés dans ça, ça fait que ça... L'idée du fonds des médias, avec... qui peut être financé par les montants de TVQ, que vous avez mentionnée, c'est superbon.

Maintenant, j'aimerais ça avoir votre avis sur d'autres possibilités d'où on pourrait aller chercher de l'argent. Beaucoup disent : Oui, bien là, c'est à vous de voir où vous irez chercher l'argent pour financer ça, mais en même temps c'est... comment vous le présentez, que c'est une question de sauvegarde culturelle, de promotion de notre culture. Puis je suis vraiment de votre avis quand vous dites : Avec ce qui se passe aujourd'hui, en dedans de deux générations... Mes amis qui sont un peu plus jeunes que moi, juste 10 ans, là, qui consomment juste Netflix, et tout ça, qui sont beaucoup sur les nouvelles plateformes, c'est du monde de Québec, là, puis ils parlent plus chiac que moi. Puis, de plus en plus, ça va extrêmement vite, là, je vous dis, là. Donc, je me disais : Dites-moi si vous êtes plutôt en accord, plutôt en désaccord avec tout ça, O.K.?

M. Lamarre (Philippe) : On va faire un jeu, allons-y.

Mme Dorion : On va faire un jeu, O.K.? Pour financer ce fonds des médias, parce qu'on sait qu'ils vont avoir besoin de pas mal d'argent pour réaliser ça, est-ce qu'on devrait... le gouvernement devrait aussi se pencher, étudier ces solutions-là, donc, à part l'idée de TVQ, imposer les géants du Web sur leur chiffre d'affaires au Québec?

M. Lamarre (Philippe) : Si, en termes de fiscalité, vous êtes capables de le faire, allez-y.

Mme Dorion : Exiger du contenu local non seulement sur des plateformes comme Netflix, mais ça peut être aussi YouTube, Facebook Watch, et autres?

M. Lamarre (Philippe) : Oui.

Mme Dorion : Exiger une redevance des fournisseurs d'accès Internet, qui, eux aussi, profitent du contenu qui est créé?

M. Lamarre (Philippe) : Téléphonie aussi, accès Internet, oui, absolument.

Mme Dorion : Comme on l'exigeait des câblos pour le Fonds des médias?

M. Lamarre (Philippe) : Exactement. Puis ça, c'est quelque chose qui est... Ça fait longtemps que les producteurs télé du Québec militent pour ça. Mais évidemment il y a des groupes de lobby extrêmement puissants qui militent contre ça. Et d'ailleurs il y a des joueurs de... Tu sais, la fameuse taxe Netflix, là, je sais que ça a été... c'est devenu comme l'obsession des Québécois, mais c'était une très belle façon de distraire le débat sur le fait de faire contribuer les telcos et les fournisseurs Internet au Fonds des médias. Ça a été une excellente opération de relations publiques.

Mme Dorion : Effectivement. Exiger une taxe sur les téléphones portables, les ordinateurs, comme ça se fait ailleurs, en disant : Bien, si on achète ça, c'est aussi pour le contenu?

M. Lamarre (Philippe) : Oui, ça pourrait faire partie de ce fonds.

Mme Dorion : Beaucoup de ces choses-là se décident au CRTC ou se décident à Ottawa. Si Ottawa ne bouge pas, reste sur le neutre, comme il est en ce moment, est-ce que le gouvernement pourrait étudier l'option de faire pression sur Ottawa?

La Présidente (Mme Nichols) : En 10 secondes.

M. Lamarre (Philippe) : Ah! il faut que ça se fasse. Moi, c'est pour ça que j'ai misé sur l'idée de la TVQ. Comme ça, c'est qu'on n'a pas besoin d'Ottawa, c'est quelque chose qui est simple, rapide et efficace.

La Présidente (Mme Nichols) : Je suis désolée...

Mme Dorion : Et, si la pression ne marche pas, est-ce qu'on devrait rapatrier les pouvoirs en culture et communications, militer pour ça? Est-ce que ça serait une idée?

La Présidente (Mme Nichols) : Rapidement.

M. Lamarre (Philippe) : Bien, «go for it».

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, M. le député de Rimouski, pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Oui, merci. Vraiment très content de votre mémoire. Il y a un côté... vous dites vous êtes pessimistes un peu, puis des fois, l'avenir, si on ne fait rien... mais en même temps c'est un mémoire qui est plein d'optimisme et puis plein d'affaires nouvelles à proposer. Ça fait du bien. Vous êtes de la génération Passe-Partout;moi, je suis plus Bobino.

M. Lamarre (Philippe) : Un peu aussi.

M. LeBel : Puis j'ai même un peu écouté Pépinot et Capucine, ça fait que ça, c'est...

M. Lamarre (Philippe) : Ah! bien là, vous me perdez.

M. LeBel : Ça fait longtemps, ça, pas mal. Vous, l'avez-vous vu, vous, hein? Mais c'est vrai que ça nous fait, comme individu, pour l'avenir. Et moi aussi, j'ai des enfants, j'ai un gars de 23 puis un de 19 ans. Je les regarde aller, puis c'est vrai qu'il y a moins de productions locales qu'ils voient, ou tout ça, mais en même temps ils sont ouverts sur le monde, beaucoup plus que moi, j'étais. Ils connaissent tout ce qui se passe sur la planète, les discussions...

Mais je suis quand même... je suis d'accord un peu avec vous autres sur le fait... si on ne fait rien, dans deux générations... Doris Lussier, dans les années 70-80, il parlait de la louisianisation du Québec si on ne faisait rien. Là, je regarde ce que vous dites, ça s'en vient si on ne fait vraiment rien, et j'aimerais ça que vous m'en parliez plus. C'est un cri du coeur important, là, tu sais. Dans le fond, on est autour de la table pour parler de l'avenir des médias, mais c'est l'avenir de notre culture, puis de notre langue, puis de l'avenir du Québec qu'on parle, plus qu'on pense. Ça fait que j'aimerais...

M. Lamarre (Philippe) : Bien, je vais vous donner un exemple très concret qui va peut-être vous interpeler, comme vous êtes de Rimouski. Nous, on a produit une série documentaire sur un gars qui s'appelle Samuel Côté. Samuel Côté, c'est un chasseur d'épaves qui tripe sur le Saint-Laurent, qui s'intéresse à son histoire.

M. LeBel : C'est vraiment fin. J'ai des frissons.

M. Lamarre (Philippe) : C'est ça. Puis Samuel Côté, c'est un gars qu'on a découvert... on l'a interviewé pour notre site Web, comme ça, puis c'est un petit portrait d'un jeune tripant qui plonge dans le fond du Saint-Laurent, puis on a fait une série documentaire avec lui pour Historia, la chaîne Historia. Puis cette série-là, bien, c'était vraiment une histoire québécoise avec des gars qui ont des accents du Bas-du-Fleuve, puis des tripeux, puis des gens qui boivent une petite Labatt Bleue à la fin de la journée, parce qu'ils sont fiers, puis, tu sais, c'était vraiment un produit 100 % québécois.

Puis, quand vous parlez de l'ouverture au monde de vos enfants, bien, cette série-là a été vendue dans huit pays d'Europe. Maintenant, là, le Samuel Côté en question est en Russie, doublé en russe, il est en France, il est en Pologne, il est en Italie, tu sais. C'est qu'on a pris un produit 100 % québécois, on a en fait quelque chose dont on était fiers, donc qui parlait aux gens d'ici, mais en plus ça parle aux gens de l'extérieur.

Donc, moi, je pense, c'est ça, la vision que j'ai pour ce... bien, ce fameux fonds des médias ou la vision du contenu québécois de l'avenir. Puis c'est aligné avec un peu ce que Xavier Dolan peut faire, qui fait des films dont les propos sont québécois, dont l'âme est québécoise mais qui parlent au monde entier. Donc, un n'empêche pas l'autre. Je ne dis pas qu'il faut être protectionniste, puis se regarder le nombril, puis, tu sais, faire des films sur les raquettes en babiche, là, tu sais. Je pense que le but, c'est d'avoir une culture qui nous interpelle, puis de regarder le potentiel d'universalité derrière ce qu'on est comme Québécois, et de l'exporter, de le faire voir au monde.

M. LeBel : J'adore ce que vous dites. On n'a pas peur de ce qu'on est.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Lamarre. Merci. Alors, je cède la parole à la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Oui, merci énormément. C'est vraiment une bouffée d'air frais, je pense, que vous nous apportez cet après-midi. Parce que, bon, évidemment, c'est sûr, on a parlé beaucoup, beaucoup des modèles d'affaires traditionnels, la publicité, la publicité, la publicité...

M. Lamarre (Philippe) : C'est fini.

Mme Fournier : Bien, c'est un peu ça que j'ai envie de dire. Puis j'espère sérieusement qu'on va pouvoir faire preuve d'audace ici, à la commission, puis de ne pas se limiter à des solutions qui vont être bonnes pour...

M. Lamarre (Philippe) : Quatre groupes.

Mme Fournier : ...peut-être les deux, trois prochaines années, quatre groupes, comme vous le dites.

M. Lamarre (Philippe) : Pour quatre groupes médias.

Mme Fournier : Parce que les enjeux, là, sur lesquels on... qu'on regarde aujourd'hui, ils sont tellement importants, vous l'avez bien dit, pour la culture, pour l'identité, de ce qu'on est comme Québécois, donc, merci.

Puis je pense qu'il faut aussi qu'on distingue... On dit qu'on traite des médias d'information, mais l'information, c'est plus large aussi que juste qu'est-ce qu'il y a dans l'actualité, puis l'actualité, ça va tellement vite, comme vous le dites. Le reportage sur Samuel Côté, par exemple, à Rimouski, c'est de l'information. Bien sûr qu'il y a une notion de divertissement, d'en apprendre davantage, mais c'est de l'information, donc moi, je pense que vous devriez revendiquer votre contenu d'information.

M. Lamarre (Philippe) : Ah! bien, moi, je le revendique, le contenu d'information. Je sais que, oui, on fait un marketing de contenu qui semble... mais, tu sais...

Mme Fournier : Mais il y a de la transparence.

M. Lamarre (Philippe) : Mais le débat sur Slav est né dans Urbania. C'est un article qu'on a publié qui a déclenché cette discussion-là, tu sais. Il y a plein de choses qu'Urbania a... Puis, oui, on fait du marketing de contenu puis on gagne notre vie comme ça, je ne m'en excuserai pas.

Mme Fournier : Tout à fait. Puis, oui, bien sûr, je pense que le Québec, considérant tous les enjeux auxquels on fait face présentement, n'aura pas le choix, si on veut s'assurer, justement, de la survie de notre culture à long terme, de rapatrier des pouvoirs en matière de culture. Je pense que tout le monde s'entend, autour de la table, à assumer la souveraineté culturelle du Québec, même si on peut différer sur d'autres enjeux.

M. Lamarre (Philippe) : Mais au moins être offensifs, parce que, tu sais, moi, j'aperçois, quand on a un magazine... les seules subventions qu'on peut avoir quand on a un magazine un peu grand public, c'est à travers Patrimoine Canada. Quand on produit de la télé, c'est le Fonds des médias du Canada. Donc, quand on fait du contenu qui s'adresse au grand public, là, l'argent vient tout du fédéral, et il n'y a presque rien qui vient du provincial.

Mme Fournier : Tout à fait. Puis même le fonds des médias pourrait aussi être alimenté non seulement par la TVQ, mais... si le fédéral ne taxe pas les géants du Web, il n'y a rien qui empêche le Québec d'assumer la part fiscale du gouvernement canadien, à l'heure actuelle, et de taxer à la hauteur pour financer encore davantage un futur fonds des médias.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je vous remercie. Malheureusement, le temps est restreint. Je vous remercie de votre grande contribution aux présents travaux.

Et je suspends le temps que le prochain groupe puisse prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, nous poursuivons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Monquartier... bien, pas mon quartier, mais la dénomination Monquartier. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.

Réseau Monquartier

M. Bertrand (Arnaud) : Bonjour à tous, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Donc, je suis Arnaud Bertrand, je suis le fondateur du réseau média hyperlocal Monquartier.quebec. On est vraiment... on se trouve à Québec, ici. Je suis accompagné par Suzie Genest, qui est directrice de l'information et rédactrice en chef de notre média.

Donc, bien, nous, on vous remercie beaucoup pour l'invitation, de nous permettre de partager nos perspectives Web hyperlocales dans le cas de ce mandat d'initiative sur l'avenir des médias d'information. C'est avec beaucoup d'humilité que nous l'avons accepté et en prenant compte de la situation ou le point de vue d'autres médias Web hyperlocaux.

Fondé en 2008 de ma propre initiative, sans aide financière, Monlimoilou.com est au départ un portail Web pour faire connaître et rayonner la diversité, le dynamisme, les forces vives du quartier Limoilou à Québec. Comme vous pouvez l'entendre par mon accent, certainement, je ne suis pas... je n'ai pas l'accent de Limoilou. Il faut croire que c'est peut-être mes origines européennes qui m'attachent au quartier, à la vie de quartier. C'est ça que j'ai voulu créer en créant Monlimoilou.com. Et s'ajoute, l'année suivante, un blogue alimenté par des bénévoles, en plus de l'agrégation d'articles et de reportages des médias régionaux sous forme de revues de presse.

En 2012, Monsaintroch.com et Monsaintsauveur.com sont lancés, donc, dans deux quartiers voisins de Québec, puis, en 2014, Monmontcalm.com. Chacun des quatre sites comporte alors un blogue, un répertoire de commerçants et d'organismes, un calendrier d'événements, des offres d'emploi, des espaces publicitaires, donc, pour les annonceurs locaux.

Nos revenus, encore aujourd'hui, proviennent de l'achat de forfaits publicitaires par les commerçants, les entreprises, les organismes des quartiers qui permettent, à mesure, d'alimenter les budgets de rédaction. Donc, plus on a des revenus plus stables, plus on peut produire d'articles.

Délaissant la revue de presse, les «Mon», comme on les appelle communément à Québec, prennent le pari, en 2015, de couvrir l'actualité hyperlocale dans les limites de leurs ressources. Donc, c'est à partir de ce moment-là qu'on produit notre contenu à 100 %. C'est à partir de ce moment-là, donc, que nous avons délaissé l'appellation de blogue également, qui ne reflétait plus, en fait, la totalité des contenus qu'on produisait.

En 2017, avec la refonte des sites, s'ajoute Monquartier.québec, rassemblant les contenus, donc, des quatre quartiers et la création d'une boutique en ligne, Monquartier en boîte. Donc, c'est une plateforme de promotion pour les commerces locaux, encore là, et de livraison, puisqu'on peut y commander en ligne et se faire livrer des produits locaux. L'objectif de ce service qu'on a créé en parallèle aux médias est, encore là, donc, de contribuer au financement et à la survie de notre média.

Trois à six articles sont produits, actuellement, sur Monquartier.quebec, par quartier et partagés sur les pages Facebook et Twitter, sur nos pages Facebook et Twitter. Nos collaborateurs sont journalistes, chroniqueurs experts, donc, en architecture, en histoire, en art. On a des auteurs professionnels, des blogueurs, des citoyens, majoritairement rémunérés, certains bénévoles par choix.

Ce sont aujourd'hui 60 000 à 70 000 lecteurs qui sont rejoints par mois dans la ville de Québec. Près de 500 commerces, organismes, institutions profitent de nos services publicitaires. 60 % de notre trafic provient de Google, organique, 25 % des réseaux sociaux, et notre trafic est en croissance, comme la plupart des médias qui sont passés ici, malgré l'algorithme de Facebook, qui tend à empêcher la fuite des clics vers les sites externes, notamment les sites de médias.

Les valeurs. La dimension citoyenne-école, je dirais, le modèle de gestion et la réalité budgétaire de Monquartier le rapprochent plus des médias communautaires, de l'économie sociale. Malgré que nous n'ayons pas cette forme juridique, on n'est ni un OBNL ni une coop, on est une entreprise incorporée. Moi, je vais laisser la place à ma collègue Suzie Genest.

Mme Genest (Suzie) : Les médias Web hyperlocaux à Québec, comme Monquartier ou Le Bourdon du Faubourg dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, sont complémentaires aux hebdos et aux quotidiens dans un contexte où des journaux de quartier imprimés ont disparu ou ont dû réduire leurs activités. Ils véhiculent la valorisation du sentiment d'appartenance, de la consommation locale, l'engagement dans la communauté, etc. Nos quartiers centraux sont dotés d'identités collectives qui sont réelles et distinctives à Québec. Ils foisonnent d'activités, il y a beaucoup d'actualité en développement urbain. La réponse de nos lecteurs à la couverture de ces sujets nous démontre qu'en tant que médias Web hyperlocaux on répond à un besoin.

La dimension de média citoyen qu'on avait à l'origine est en mutation. Il y a plusieurs facteurs qu'on observe à ça. Il y a une multiplication d'initiatives qui sont portées par les citoyens dans les quartiers centraux. Les réseaux sociaux sont devenus des tribunes privilégiées, ce qui était beaucoup moins le cas en 2008, à la création de Monlimoilou. Bon, le plein-emploi et ses conséquences aussi changent un peu la disponibilité des gens. Il y a de nouvelles habitudes d'implication citoyenne aussi chez les plus jeunes générations, les milléniaux.

Du côté des organismes qui seraient des partenaires naturels pour collaborer ou rejoindre divers groupes de citoyens, il y a des débordements qui font que c'est difficile un peu, d'établir des collaborations. Même notre Carrefour des lecteurs est plutôt désert. On constate que le citoyen est davantage dans une position de lanceur d'alerte ou de lanceur d'idée que de collaborateur à la rédaction. Il y a une dimension média-école qui a parallèlement émergé d'elle-même, pour nous entre autres, ce qui pose des défis d'encadrement d'amateurs ou de débutants dans un contexte où on est tous pigistes à mi-temps en télétravail.

Les médias Web hyperlocaux ont des défis particuliers, notamment quant à l'indépendance de l'information et aux choix éditoriaux, d'une part, à cause de la proximité entre les sujets et les gens qui font l'actualité et ceux qui vont la couvrir, une proximité qui est territoriale, là, géographique mais aussi parfois professionnelle dans d'autres contextes que la rédaction. Il y a des attentes aussi des acheteurs de publicité ou des membres lorsque la formule est un OBNL avec des cotisations. Parce que les gens paient, ils ont une certaine attente par rapport à nos couvertures. Bon, aussi, il peut, dans certains dossiers un peu plus délicats, y avoir des risques de sécurité ou, en tout cas, sur le plan légal, qui peuvent être associés à certains sujets pour des pigistes qui sont sans filet ou sans département légal, et ça peut être difficile aussi de couvrir certains sujets dans les limites du nombre d'articles qu'on peut y consacrer quand ce sont des grands dossiers.

Par ailleurs, les médias Web hyperlocaux, on est aux premières loges pour constater et pour avoir à dissiper souvent une confusion des genres, ou des amalgames, ou des préjugés qui existent dans le public par rapport aux médias d'information, par rapport aux types de textes, que ce soient chroniques, articles, critiques, points de vue, éditoriaux. Cette difficulté-là existe dans le public mais notamment aussi, je dirais, dans le milieu numérique, qui est quand même concerné par ce qui nous amène ici aujourd'hui. Voilà.

M. Bertrand (Arnaud) : Rapidement, sur le modèle d'affaires, on est un média, comme j'ai dit tout à l'heure, dont le contenu se développe au gré des revenus publicitaires, ce qui nous place, en fait, un peu en marge de la crise des médias.

On est quand même... on considère qu'on est bien placés pour affirmer ceci : qu'un modèle de ce genre est difficile à adopter pour des journalistes seuls développant ou reprenant un média en se regroupant en OBNL, par exemple, car difficile à concilier avec l'éthique — donc, on ne pourrait pas avoir un journaliste qui est à la fois vendeur publicitaire et journaliste; un modèle de ce genre ne saurait assurer à lui seul la survie d'un quotidien régional — un quotidien dans un petit village, une petite ville, un quartier, oui, pas dans une région; que notre modèle ne permet non plus l'embauche de professionnels des médias sociaux à leur tarif habituel, ni la gestion de communauté 24 heures sur 24, pour des raisons de moyens, ni la production de contenu vidéo encore moins; que l'avenir de l'information ne saurait que reposer sur des pigistes slasheurs sans filet ou à risque de «ghoster».

• (15 heures) •

Mme Genest (Suzie) : Bien, en fait, pour ce qui est des recommandations qui ont déjà été faites par rapport au financement, si je reprends l'exercice de la liste de la députée de Taschereau, imposer les géants du Web, oui, ça fait partie de ce avec quoi on est d'accord, exiger les redevances des fournisseurs d'accès Internet aussi. Par contre, on a aussi la question à se poser par rapport au public. Si on lui demande de commencer à payer pour du contenu qui est considéré gratuit et qu'en même temps on lui demande de peut-être couvrir la différence de ce que ça va représenter pour les services d'accès Internet, qui ne sont pas nécessairement les moins chers chez nous, peut-être que ce n'est pas stratégique, d'y aller sur les deux fronts en même temps.

Bon, évidemment, là, ce qui a été apporté par Urbania, un fonds des médias, qui rejoint un peu ce qui avait été apporté par l'AJIQ aussi, s'inspirer des modèles qui existent en culture pour qu'il y ait une variété d'enveloppes de soutien au fonctionnement, aux projets, l'équivalent des bourses d'artistes pour les journalistes, les crédits d'impôt, ce qui existe à la SODEC, ça nous semble toutes des bonnes pistes parce qu'il y a beaucoup de parallèles à faire avec la culture. J'en vois d'autres également, là, en tant qu'ancienne travailleuse culturelle.

Je pense que d'encourager une mutualisation des ressources entre les médias, ce qui n'est pas nécessairement un réflexe naturel mais qui n'est pas impossible à envisager dans les circonstances, ne serait-ce que des partages de ressources matérielles, des enveloppes pour le développement organisationnel, le perfectionnement professionnel, le mentorat, des approches de développement public qui se reflètent aussi pour les médias en développement de lectorats, d'adapter la formule de médiation culturelle aussi à une médiation médiatique qui nous semble nécessaire parce qu'il y a visiblement un besoin d'éducation, de...

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie pour votre exposé. J'ai l'impression que vous avez déjà répondu à plusieurs questions, mais, à tout le moins, on rentre dans la période d'échange, et je vais céder la parole au député de Beauce-Sud pour 15 minutes.

M. Poulin : Merci beaucoup. Mme Genest, M. Bertrand, merci pour votre exposé également. Effectivement, hyperlocal, c'est un sujet très important, parce que vous avez également... Quand je pense, entre autres, à Limoilou, Saint-Roch, vous êtes collés à cet essor incroyable que les quartiers vivent depuis déjà plusieurs années, donc tant mieux si on peut avoir un média qui suit cette trajectoire d'essor économique et social.

Vous dites que vous publiez de trois à six articles par semaine. Est-ce que c'est vraiment à cause des défis de main-d'oeuvre en tant que tels?

M. Bertrand (Arnaud) : Bien, oui, je vais répondre, trois à six articles, c'est par quartier, donc on est plus, quand même, à une vingtaine d'articles par semaine. Donc, oui, bien, c'est ce qu'on a expliqué tout à l'heure, c'est ce que nos revenus, actuellement, nous permettent de produire, premièrement. Nos revenus publicitaires, nous autres, augmentent, par contre, depuis 2008. Donc, on n'a pas de fonds de pension à payer, on n'a pas de voitures de fonction, on n'a pas de bureaux dans une tour de verre. Oui, O.K., donc on a des... voilà, on construit tranquillement et on produit de plus en plus de contenu. On en produit beaucoup plus qu'on en produisait il y a 10 ans. Donc, ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, on a parlé, tout à l'heure, un petit peu de pénurie de main-d'oeuvre à Québec, de trouver des... On fonctionne principalement avec des pigistes, donc, des pigistes qui sont un petit peu partout, donc c'est en réflexion à l'interne, actuellement, justement, pour avoir des personnes plus permanentes au sein de l'équipe pour ne pas juste compter des pigistes qui sont parfois disponibles, parfois indisponibles. Donc, actuellement, je vous dirais même qu'on manque de main-d'oeuvre pour produire plus de contenu.

M. Poulin : Vous dites que vos revenus publicitaires sont en hausse. Est-ce que vous avez des relations, des contacts, des partenariats établis avec des agences de presse... des agences publicitaires, pardon? Est-ce que vous avez des relations avec eux? Est-ce que les agences publicitaires vous reconnaissent et vous conseillent dans le portefeuille de placement publicitaire d'une entreprise?

M. Bertrand (Arnaud) : Pas du tout, c'est des relations qui ont été créées au fil du temps, sur les 10 dernières années. On parlait, tout à l'heure, de média hyperlocal, proximité avec le milieu, donc je pense qu'il y a un bon écho de la part des institutions, des entreprises locales, des commerces locaux, même de la ville de Québec, qui s'aperçoit que, là, tout d'un coup... On a des placements publicitaires qui viennent de la ville de Québec parce qu'on est, en fait, une tribune qui permet de rejoindre de manière très ciblée une population. Donc, un commerce qui arrive dans un quartier puis qui veut se faire connaître dans un rayon de cinq kilomètres parce qu'il veut rejoindre cette clientèle-là, on est une bonne plateforme pour eux. Donc, c'est vraiment une clientèle qui s'est bâtie avec le temps, puis, oui, qui voulait rejoindre une clientèle locale, puis peut-être aussi qui, sans aller chercher... On n'a pas, actuellement, de système de dons. Je suis conscient qu'il y a beaucoup de commerces qui nous appuient parce qu'ils aiment ce qu'on fait, ils aiment nos contenus, puis c'est une manière pour eux de s'impliquer dans la communauté.

M. Poulin : Ces commerces-là qui, actuellement, achètent de la publicité chez vous, j'imagine, en achètent également ailleurs. Est-ce qu'ils ressentent assez rapidement l'impact, j'imagine, dans la communauté, dans la localité? Parce que je regardais... Donc, vous êtes sur la gastronomie, l'environnement, les arts, la culture, également des sujets municipaux et politiques. Donc, vous venez... On parle beaucoup d'influenceurs, de grands influenceurs, mais d'une certaine façon, quand vous mettez en valeur des produits locaux, vous influencez aussi les gens à se tourner vers de l'achat local et tout. Alors, qu'est-ce qu'ils vous disent, essentiellement, vos annonceurs?

M. Bertrand (Arnaud) : C'est difficile. D'abord, aujourd'hui, surtout avec l'arrivée des réseaux sociaux, les annonceurs font leurs placements publicitaires de manière, à mon avis, un petit peu désordonnée, sans nécessairement suivre les impacts, donc c'est difficile. On travaille beaucoup avec des artisans, des petits commerçants pour qui les communications et le numérique, ce n'est pas nécessairement leur tasse de thé. Ce qu'on entend beaucoup, c'est que la clientèle qui va venir les voir les a vus sur Facebook, O.K.? Sauf qu'aujourd'hui voir sur Facebook, c'est quoi? C'est voir... Est-ce qu'ils ont vu la publicité sur le Facebook du commerçant? Est-ce qu'ils l'ont vue sur le Facebook d'un ami qui a partagé une publication? Nous, on offre... on est allés aussi... toujours le modèle amour-haine avec les réseaux sociaux, on profite de la communauté Facebook qu'on a développée pour offrir cette plateforme-là à nos commerçants, donc on fait des publications sur notre plateforme Facebook pour les commerçants. Alors, est-ce que les commerçants... On n'a pas de réponse claire par rapport à ça. Est-ce que la clientèle qui va venir les voir les a vus chez nous ou dans un autre média? Puis, de toute façon, je pense que, pour avoir oeuvré en communications, il n'y a pas une solution publicitaire, il faut aller chercher plusieurs canaux, là, pour aller rejoindre sa clientèle.

M. Poulin : Bien, merci beaucoup. Merci pour le travail que vous faites, ça prend de la passion, de la détermination puis le goût de s'engager également dans son quartier. Alors, merci infiniment, fort intéressant.

M. Bertrand (Arnaud) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je cède la parole à M. le député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Alors, en toute humilité, je vous découvre aujourd'hui, cet après-midi, parce que je ne vous connaissais pas, n'étant pas de Québec. J'ai peut-être quelques questions pour bien comprendre. Donc, on a eu un intervenant juste avant vous, Urbania, qui parlait de la disparition des revenus publicitaires. Pour vous, la réalité, c'est plutôt que vos revenus augmentent tranquillement au fil, j'imagine, d'une notoriété, aussi, grandissante. Comment vous réconciliez les deux? Est-ce que vous avez l'impression, dans le fond, que, dans deux ou trois ans, cette source de revenus va se tarir?

M. Bertrand (Arnaud) : Non, je ne le vois pas comme ça, je ne m'en vais pas là. Je vous dirais qu'il faut qu'on développe, par contre... On a des choses à régler, nous, à l'interne, à développer nos contenus pour continuer à progresser, comme on disait tout à l'heure, avoir plus de moyens pour produire plus de contenu et des moyens vidéo, des capsules vidéo, par exemple. Je n'ai pas... je pense qu'on est encore, comme vous dites, en croissance de notoriété, donc je ne vois pas de décroissance de chiffre d'affaires à l'horizon.

Mais c'est sûr qu'on se questionne aussi, à l'interne, sur d'autres avenues de création de contenu... pardon, de revenus publicitaires, peut-être aller chercher des... créer un espace pour la population aussi pour peut-être plus intégrer les citoyens à leur plateforme de quartier. On s'est souvent comparé aux parvis d'église un petit peu, là. Quand on veut savoir ce qui se passe dans le quartier, c'est sur notre plateforme que ça se trouve.

M. Chassin : ...public, en quelque sorte.

M. Bertrand (Arnaud) : Voilà. Peut-être trouver un système de membership où le citoyen peut davantage prendre part à notre média puis amener aussi une forme de financement, mais je...

M. Chassin : Parce qu'en même temps... donc, ça, je vous découvre, mais je découvre aussi une réalité que je ne connaissais pas, donc, notamment ce que vous appelez des nouvelles hyperlocales ou un média hyperlocal, qui m'apparaît un modèle intéressant mais qui, évidemment, pose un peu un défi aussi dans le cadre d'une commission qui se rassemble pour réfléchir sur de l'aide publique aux médias d'information.

Il y a des critères, par exemple, qui peuvent être utilisés et qui sont déjà utilisés pour certains programmes, bien, notamment, par exemple, est-ce que le média embauche trois journalistes à temps plein ou des trucs comme ça. Puis évidemment, là, vous, vous vous retrouvez dans une situation où vous faites de l'information, mais vous seriez probablement laissés de côté par des programmes d'aide publics très normés. Comment vous vous voyez cette possibilité d'être considérés ou non dans un programme d'aide public à l'information?

• (15 h 10) •

Mme Genest (Suzie) : Bien, à la base, nous, on ne vient pas ici en prétendant qu'on devrait être soutenus, disons, au fonctionnement ou qu'on devrait... peu importe, là, quel serait le type de fonds qui existerait. Comme disait Arnaud, on est plus dans une situation de consolidation, si je peux dire, mais notre survie n'est pas menacée, et on n'est pas non plus un élément clé de l'avenir de l'information, là, au sens où on l'entend ici. Donc, nous, en fait, il y a déjà certaines... bien, il y a déjà certains programmes qui existent où on a pu déposer... par exemple, pour faire une planification stratégique. Donc, je présume que, s'il y avait un ensemble de mesures variées qui étaient instaurées au sens où l'AJIQ le suggère, par exemple qu'il y avait une... il y a certaines choses auxquelles on aurait accès qui nous permettraient de développer des projets ponctuels ou d'avoir accès à des enveloppes pour des besoins précis, pour nous... oui...

M. Chassin : Je comprends. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je cède la parole au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Moi, je pense vraiment que vous devriez... Mais, avant de poursuivre, je vais préfacer ce que je vais vous dire, en vous prévenant que, si ça a l'air du snobisme professionnel, ce que je dis parfois, ce n'en est pas, c'est juste que j'ai toujours eu un mal de chien avec le journalisme citoyen. Mais j'adore le média citoyen, tellement que, l'hyperlocal, par rapport à tout ce qu'on a dit de toute la semaine, j'avais hâte qu'on en parle, parce que moi, j'ai pas mal plus peur à nos villages puis à nos quartiers qu'à nos grands quotidiens. Là, on en a six qu'on va peut-être perdre, là, ça, c'est une autre paire de manches, puis c'est là où il y a péril en la demeure. Mais, pour les fins de la discussion théorique, ce que vous êtes en train de faire, en ce qui me concerne, c'est de ça dont on a cruellement besoin au Québec, parce que l'information civique, l'information citoyenne, pour pas mal de monde, c'est le Spotted de leur Facebook de leur coin, puis ce n'est pas recommandable, on s'entend-u, là? Alors, ce que vous faites, pour moi, dans l'écosystème, c'est la base, et je serais curieux... je suis curieux de vous entendre m'expliquer jusqu'à quel point c'est à la fois stimulant mais décourageant aussi.

Mme Genest (Suzie) : Oui, bien, c'est un bon résumé, stimulant et décourageant. C'est sûr que, en fait, on est bien placés pour voir que le besoin existe cruellement. On est bien placés parce que, sur le terrain, on connaît les gens. M. Bertrand a fondé Monlimoilou parce qu'il était déjà une personne très impliquée dans le quartier Monlimoilou. Je suis la rédactrice en chef, à la base, de Monsaintroch et Monsaintsauveur à l'origine, parce que je viens de ces quartiers-là, j'y ai habité pendant des années, j'y habite encore, donc j'étais impliquée dans mon quartier de différentes façons. À travers tout ce cheminement personnel et professionnel là, on est à même de constater que ce n'est pas parce que c'est un petit territoire que l'information est fluide, circule bien, qu'il n'y a pas de malentendus. Les gens ne sont pas très au fait... on n'est pas éduqués à comment fonctionne, bon, l'administration municipale, par exemple. Mais là on est dans une situation où il y a beaucoup d'enjeux de développement urbain, les citoyens sont invités à des consultations, on développe des places éphémères qui doivent être soutenues par le milieu. Les gens s'investissent bénévolement dans plein de choses, ont des attentes qui ne sont pas réalistes par rapport à leur administration, par rapport à l'élu de leur district. Donc, oui, c'est stimulant de voir qu'on peut répondre à ce besoin-là, puis c'est un peu décourageant de voir l'ampleur de ce besoin-là en regard de ce qu'on a comme ressources pour essayer d'y répondre, là. Puis même parfois on finit par être la courroie de transmission entre un commerçant puis un organisme ou... oui.

M. Bertrand (Arnaud) : Je crois qu'on a un rôle à jouer, aussi, d'éducation, c'est-à-dire que, quand un commerçant m'appelle dans le département des ventes pour faire un article sur la côte de porc qui est en spécial cette semaine, bien là, on va lui expliquer que ce n'est pas possible de faire ça. Par contre, bien avant que... parce qu'on ne fait pas de publireportage, on ne fait aucun reportage payé. Puis, bien avant que les médias développent cette formule de marketing de contenu, on avait... j'ai parlé tout à l'heure, de répertoires. Donc, si un commerçant nous appelle pour une information qui n'est pas de l'information d'intérêt public, on va le diriger vers des sections payantes, qui sont le répertoire des offres d'emploi, le répertoire des événements, etc. Donc, ça nous permet de sensibiliser, quelque part, le citoyen, le commerçant et qu'est-ce que c'est, un article de journal, puis qu'est-ce que c'est, une chronique, qu'est-ce que c'est, une publicité. Voilà.

Puis, pour terminer sur le journalisme citoyen, ce n'est pas facile de faire du journalisme de citoyen, on l'a dit tout à l'heure, parce que les gens vont aller s'exprimer sur Facebook aujourd'hui. Donc, on est au tournant, aujourd'hui, où on est à la recherche vraiment de journalistes professionnels qui sont quand même intéressés, bien impliqués dans les quartiers mais qui vont... sur qui on va pouvoir compter pour couvrir des sujets locaux.

M. Lemieux : De toute évidence, vous faites de l'éducation aussi, et c'est bien nécessaire. Je vais vous confier quelque chose, parce que vous parlez de Facebook puis vous parlez des problèmes d'algorithmes, j'ai longtemps rêvé, à la retraite, à ne rien faire, essayer de fonder un Facebook québécois. On s'entend, là, c'est un rêve de fou, puis je n'y arriverai pas, personne ne va y arriver, là, mais c'est ce que ça nous prendrait, dans le fond. Si on n'avait pas à se battre contre les algorithmes pour faire circuler de l'information... Moi, je rêve du jour où je vais me réveiller puis je vais être capable d'aller quelque part pour savoir...

Je vous raconte une histoire. À Marieville, O.K., aux dernières élections provinciales... municipales, je me suis couché sans savoir qui avait gagné, à la mairie de Marieville. C'est insultant parce que j'avais animé un débat entre les deux candidats trois semaines avant, puis pas capable de le savoir parce que personne ne s'y intéressait. Il y a 10 000 habitants à Marieville. Bon, on mérite tous, en se levant le matin, de répondre à nos questions de ce qui s'est passé autour de chez nous. Oui, ailleurs dans le monde, j'en suis, j'en veux, je regarde mon téléjournal, moi aussi, là, mais le Québec, en ce moment, quand je parle de gruyère, ce n'est pas qu'il n'y a pas de journaux, ce n'est pas qu'il n'y a pas de services, c'est que le service dont on a le plus cruellement besoin, c'est vous qui le faites puis vous le faites à bout de bras. Et j'en suis, je pense qu'il faudrait que ce soit le genre d'hyperlocal dont on bénéficie sur le Web si on n'était pas pieds et poings liés avec Facebook.

La Présidente (Mme Nichols) : En quelques secondes.

M. Bertrand (Arnaud) : Je n'ai pas de commentaire. Merci.

M. Lemieux : Êtes-vous un petit peu d'accord?

M. Bertrand (Arnaud) : Oui, oui, tout à fait, j'approuve.

M. Lemieux : Ah! bon, parfait. O.K., c'est bon. Au moins, on s'entend là-dessus.

M. Bertrand (Arnaud) : Pas de commentaire à ajouter.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, on poursuit la période d'échange avec Mme la députée de Verdun.

Mme Melançon : Bonjour. Merci d'être parmi nous. Ce qui est intéressant dans ce que vous apportez et qui est totalement nouveau, parce que c'est vrai, là, là on est dans de l'hyper... par quartier, c'est chouette parce que c'est un peu ce qu'on vit dans nos quartiers aussi à Montréal. Donc là, il va falloir peut-être penser, à un moment donné, à exporter le tout. Mais il y a différents modèles d'affaires, hein? Et ça, c'est ce à quoi on va devoir jongler, nous, avec la commission aussi parce qu'on fait affaire à toutes sortes de modèles. Ma question est la suivante : Est-ce que votre modèle est né d'un désert médiatique?

M. Bertrand (Arnaud) : Non, je ne dirais pas ça, plutôt d'un contrepoids. C'est-à-dire, c'était assez simple, c'était que le... je trouvais que le traitement médiatique du quartier Limoilou, en 2008, était dramatique. On ouvrait les journaux, c'était le pire des quartiers, il y avait des meurtres, il y avait du sang qui coulait sur les trottoirs, c'était infernal. Puis moi, je suis arrivé... j'arrivais, de manière très neutre et objective, d'Europe dans ce quartier-là, que je trouvais fabuleux, très vert, très agréable, un quartier en plein essor, avec des familles qui voulaient se réapproprier ce quartier-là, les petits commerces qui s'installaient, donc j'ai voulu faire, tout simplement, plus un contrepoids à ce qui se disait sur le quartier plutôt que... Non, je ne trouvais pas que... Bien, un quartier manque toujours de couverture médiatique, c'est sûr, parce qu'on va vraiment dans le très pointu, mais, non, ce n'était pas...

Mme Melançon : Ce n'était pas le désert médiatique.

M. Bertrand (Arnaud) : Non.

Mme Melançon : Mais vous vouliez amener une autre vision, une autre façon de voir votre réalité.

M. Bertrand (Arnaud) : Absolument.

Mme Melançon : Et, lorsque je parcours... je suis allée voir, parce que c'est vrai que la députée de Taschereau nous a parlé de vous, à un certain moment donné, lorsqu'il était le temps de faire cette liste-là, alors nous... moi, en tout cas, j'étais allée parcourir de quoi il était question. Et ce qui est intéressant dans l'histoire, c'est que vous faites quand même affaire avec des journalistes professionnels, et c'est là où il y a aussi une distinction à faire entre ce que vous êtes en donnant à la pige. Mais au final vous faites des sous? Est-ce que ça fonctionne suffisamment bien pour que vous puissiez dire : On pense que ça peut fonctionner ailleurs dans le même modèle?

M. Bertrand (Arnaud) : Oui. En fait, la formule est très légère, je vais répondre ça. C'est-à-dire que, demain, un journaliste et un homme d'affaires s'associent ensemble dans une petite ville, peuvent démarrer une plateforme avec notre modèle d'affaires et en vivre tous les deux. Je pense, avec suffisamment, c'est ça, de contacts dans une région, il y a moyen de... Et notre plateforme aussi est exportable, je dirais, est faite pour ça. Donc, je dirais, la plateforme existe peut-être pour des gens qui veulent se partir en affaires pour créer une petite structure. Je ne pense pas, on l'a dit tout à l'heure, qu'elle pourrait être applicable, utilisée pour un grand média régional, mais, oui, c'est viable, tout à fait.

Mme Melançon : Je vais demander à la présidente...

La Présidente (Mme Nichols) : ...je cède la parole à Mme la députée de Westmount—Saint-Louis.

• (15 h 20) •

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Je vais faire un peu de pouce sur ma collègue la députée de Verdun. Et, comme elle également et mon collègue le député de Saint-Jérôme, vous êtes une découverte pour moi, et je suis bien contente de voir qu'est-ce que vous avez en place, mais j'aimerais mieux comprendre votre façon de se financer. Vous avez dit que vos revenus augmentent. C'est sûr, c'est une plateforme de Web. Auparavant, moi, j'ai fait une recherche sur la société de sclérose en plaques — j'ai l'honneur d'être la présidente d'honneur en mai 2020 — et, c'est sûr, j'ai une publicité qui vient d'apparaître sur votre site par rapport à la sclérose en plaques. Alors, c'est de la publicité ciblée. Ça fait que vous avez dit que vous faites affaire avec Google. Alors, vous, pour vous, Google, c'est une source de revenus également, n'est-ce pas?

M. Bertrand (Arnaud) : C'est une très petite source de revenus, c'est 200 $ par mois. Les revenus Google, en tout cas, pour le trafic que nous, on a, vous pouvez faire une règle de trois, on a 60 000, 70 000 visites par mois, ça va nous donner 200 $ de Google, de publicités Google. Donc, on dit toujours que les revenus Google permettent de payer des petits frais d'hébergement, des choses comme ça. La majorité de notre revenu ne vient pas de là. Google va être utilisé, en fait, dans l'espace publicitaire quand nous avons fini de distribuer la publicité locale, parce que vous allez voir beaucoup plus de publicité locale sur nos plateformes. C'est ça aussi qu'on pense, que les gens sont plus attentifs à la publicité qui est proche d'eux qu'une publicité de voiture distribuée par Google. Donc, c'est ça, c'est minime, là. Je dirais, pour répondre à votre question, la majorité du chiffre d'affaires vient donc d'abonnements que les commerçants vont prendre, qui donnent plusieurs options de visibilité dans les plateformes.

Mme Maccarone : Ça fait que, mettons, un pourcentage de source de revenus, côté des annonceurs, Google représente quoi, par exemple?

M. Bertrand (Arnaud) : Les annonceurs versus Google?

Mme Maccarone : Oui, c'est 2 %, 3 %, 5 %?

M. Bertrand (Arnaud) : Google, c'est 1 % de revenus, oui.

Mme Maccarone : 1 %, ça fait que c'est très mineur, O.K. Puis, parmi vos annonceurs, est-ce que le gouvernement... est-ce qu'eux, ils font partie de vos annonceurs?

M. Bertrand (Arnaud) : Non. La ville de Québec, oui, le gouvernement, non. Puis on a essayé d'approcher des régies qui placent de la publicité pour le gouvernement, vu qu'on n'est pas un média communautaire, on nous a dit que ce n'était pas possible de recevoir ce genre de publicité là. C'est sûr, c'est un sujet que je n'ai pas creusé, là, mais qui pourrait peut-être...

Mme Maccarone : On vous a dit que vous n'êtes pas éligible?

M. Bertrand (Arnaud) : Ah! parce que c'était une agence qui travaillait essentiellement avec des médias communautaires, on n'est pas communautaire en tant que tel. Peut-être que, là, si je creusais la question du côté des agences qui travaillent avec tout type d'entreprise, ce serait possible, mais j'avoue que ce n'est pas une avenue que j'ai creusée plus que ça.

Mme Maccarone : Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des autres intervenants qui sont passés ici avant vous, il y en a plusieurs qui ont parlé d'une régie publicitaire. Que pensez-vous de ceci, si on peut déterminer que vous êtes éligible pour en faire partie?

M. Bertrand (Arnaud) : C'est possible, mais, je l'ai dit tout à l'heure, moi, je tiens beaucoup à ce que la publicité de mes sites soit en lien avec le quartier, donc je vais préférer mettre de l'énergie à trouver des annonceurs qui ont un lien avec la communauté, qui vont chercher à rejoindre cette clientèle locale, parce que la clientèle locale aussi, elle va être plus captive de la publicité locale qu'une publicité plus institutionnelle ou qui... pas d'intérêt d'annoncer de la publicité pour des entreprises qui ne sont pas dans la ville de Québec. C'est vraiment l'hyperlocal qui nous tient à coeur, donc on va toujours privilégier des annonceurs locaux, hyperlocaux à des annonceurs extérieurs aux quartiers.

Mme Maccarone : Mais les annonces du gouvernement sont quand même assez hyperlocales. On parle de santé, on parle d'Hydro-Québec, on parle vraiment de la publicité quand on dit... souvent, on le dit : Pas de cellulaire au volant, etc. Vous pensez que ce serait intéressant et important pour vous?

M. Bertrand (Arnaud) : Oui, tout à fait, tout à fait. Oui, oui, ça pourrait être pertinent de creuser cette avenue.

Mme Maccarone : L'âge moyen des gens de vos 60 000 à 70 000 personnes qui fréquentent votre site?

M. Bertrand (Arnaud) : 30 à 60, le plus gros de notre lectorat, donc pas de personnes très jeunes, plus des familles, des jeunes professionnels et des jeunes retraités, je dirais.

Mme Maccarone : Étant donné qu'aujourd'hui on parle vraiment de l'avenir des médias puis on sait qu'on a une crise auprès des médias imprimés, avez-vous une stratégie pour essayer de rejoindre une communauté qui est plus âgée pour s'assurer que, peut-être, eux, ils auront accès à des informations que vous avez ici? Entre autres, j'ai vu un article de ma collègue de Taschereau, c'est daté de l'année dernière, mais quand même. Avez-vous une telle stratégie pour rejoindre une clientèle plus âgée?

Mme Genest (Suzie) : En fait, on est en cours d'essayer de développer une telle stratégie. Question de disponibilité... C'est quelque chose qu'on réfléchit depuis longtemps, essayer de rejoindre des plus jeunes, d'une part, puis essayer de rejoindre des préretraités, retraités, aînés, dont on sait déjà qu'il y a un intérêt, parce que, notamment, on traite des sujets d'histoire, patrimoine, on voit qu'il y a des périodes dans la semaine où cette clientèle-là est plus présente, mais ils ne sont pas nécessairement toujours à l'affût sur les réseaux sociaux. Donc, on aimerait trouver une façon d'avoir des collaborations pour aller dans le... sur le terrain, dans la vraie vie pour être plus en contact direct avec des gens qui ne sont peut-être pas toujours sur les réseaux sociaux puis nous découvrent moins facilement, là, toujours l'enjeu de la découvrabilité aussi. On travaille aussi à essayer d'intégrer une collaboratrice qui est de cette génération-là, donc c'est un peu, là, ce qu'on est en train de réfléchir.

Mme Maccarone : Vous avez parlé de collaboration. Est-ce que c'est possible d'avoir de la collaboration entre autres médias dans votre région plus locale, que ce soit radio ou imprimés?

Mme Genest (Suzie) : C'est quelque chose qu'on est... C'est qu'on a commencé à avoir des discussions avec un média, notamment imprimé, un hebdo, là, un média de notre...

Mme Maccarone : Mais quelle est votre vision là-dessus? Ça fonctionnerait de quelle façon?

Mme Genest (Suzie) : Bien, c'est ça qu'il faut essayer de déterminer, parce que chacun est dans sa situation un peu de débordement ou d'urgence, ça fait qu'on n'est pas très avancés dans les pourparlers mais on est intéressés mutuellement.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, nous poursuivons les échanges avec Mme la députée de Taschereau...

Mme Dorion : Merci. Merci d'être venus. Il y a Télé-Québec qui sont venus nous... C'est-u Télé-Québec qui nous a parlé de l'agence Télé-Québec? Excusez-moi. En tout cas, il y a des gens qui sont venus nous parler de l'idée d'une agence de presse qui pourrait être Télé-Québec, qui remplirait les trous d'information au Québec, là où il n'y a pas ni d'agence ni assez de journalistes pour aller... donc, ça peut être dans les villages éloignés mais ça peut être aussi, comme vous le dites, dans l'hyperlocal, dans des quartiers, même, dans les villes. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait vous servir ou vous auriez plutôt peur que ça vous fasse concurrence?

Mme Genest (Suzie) : C'est quelque chose qui nous donnerait envie de faire des partenariats, si c'est possible, en tout cas, ça, c'est certain. Et j'imagine qu'ils auraient, eux, une possibilité de produire du contenu audiovisuel plus facilement que nous, pour des raisons évidentes, nous, on a du personnel pour écrire. Il y a peut-être quelque chose à faire là si l'ouverture existe.

Mme Dorion : O.K. Donc, si ça se faisait en collaboration avec ce qu'il y a déjà sur le terrain, ça pourrait être une bonne idée. Puis vous avez... Dans vos suggestions, vous parlez de prélever une taxe, une redevance chez les fournisseurs d'accès Internet, c'est quelque chose dont on a peu parlé depuis le début de la semaine. Je ne sais pas si tout le monde est au fait de c'est quoi, mais en fait c'est qu'il n'y a pas juste les GAFAM qui profitent du contenu puis qui ramassent l'argent, en passant, il y a aussi les fournisseurs d'accès Internet. Si les gens se branchent sur Bell ou sur Vidéotron, ce n'est pas pour le plaisir d'être branchés, c'est parce qu'ils veulent avoir accès à du contenu. Et donc vous parlez de ça, mais c'est de compétence fédérale. Est-ce que vous seriez d'avis qu'on devrait, au gouvernement du Québec, puisqu'il y a un mandat du gouvernement de protéger, promouvoir la culture et donc aussi l'information québécoise locale dans notre langue, etc., est-ce qu'on devrait, en tant que gouvernement et que parlementaires, faire pression sur Ottawa? Puis, si on ne réussit pas, est-ce que ça pourrait être une bonne idée que de tenter de rapatrier les pouvoirs en culture, communications en général? Votre avis là-dessus. Bien, je comprends que c'est très large, mais...

M. Bertrand (Arnaud) : Je ne sais pas. Je ne répondrais pas comme ça à la question, j'irais plus... C'est primordial, je crois, que les utilisateurs paient pour des contenus, mais pas nécessairement... Il y a des gens qui profitent, c'est clair, des contenus gratuits, qu'ils soient musicaux, vidéo, cinématographiques, médiatiques, mais on n'est pas capables, au Québec, de taxer un fournisseur d'accès pour... C'est ça que vous me dites, on n'est pas capables de taxer un fournisseur d'accès?

Mme Dorion : C'est de compétence fédérale, c'est ça, c'est... Internet, en tant que nouveauté, tombe dans la compétence du fédéral, ce qui est un problème quand on veut protéger notre culture.

M. Bertrand (Arnaud) : O.K., oui, bien, c'est sûr qu'il faut taxer.

La Présidente (Mme Nichols) : Je suis désolée de vous interrompre...

M. Bertrand (Arnaud) : La mécanique, je ne connais pas bien la mécanique.

La Présidente (Mme Nichols) : Nous allons poursuivre les échanges avec M. le député de Rimouski.

• (15 h 30) •

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Vous avez dit quelque chose qui m'a... bien, c'est venu me chercher, mais c'est parce que vous avez dit : Avant, c'était le parvis de l'église, maintenant, pour savoir ce qui se passe dans mon quartier, maintenant, c'est par vos plateformes, qu'on peut savoir un peu plus ce qui se passe dans nos quartiers. Il y a un mot que je ne connaissais pas, là, «l'illectronisme», c'est des gens qui ont de la difficulté à aller sur les plateformes. Vous êtes dans des quartiers... puis vous les connaissez, parce que vous faites de l'hyperlocal, vous êtes dans des quartiers populaires. Tu sais, le taux de revenus dans Limoilou, c'est un des plus bas dans la région de Québec, le taux de scolarité, il y a 17 % qui sont sans diplôme, 20 % qui ont un diplôme d'études secondaires seulement, et là ce monde-là... moi, j'ai peur que, tranquillement, c'est une partie de la population qui va être exclue s'ils n'ont pas accès à ces plateformes, ils vont être exclus parce qu'ils n'auront pas accès à l'information et vont être isolés. Et j'hésite, moi, à parler de taxe pour aller se payer ces affaires-là. On va encore s'assurer qu'il y a encore du monde qui n'auront pas accès à ça, puis ils vont s'exclure encore davantage, la pauvreté, et tout ça. Vous connaissez votre secteur. Qu'est-ce qu'on peut faire pour faire en sorte d'éviter que ces gens-là soient exclus? Par la formation? Qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter qu'il y ait des gens qui soient complètement isolés, s'exclure des discussions qu'il y a sur vos plateformes?

Mme Genest (Suzie) : Bien, il y a deux éléments dans ce que vous dites. On a, disons, l'accessibilité économique mais on a aussi les fractures numériques — j'insiste, c'est pluriel — puis les fractures numériques, ça n'existe pas que chez les gens défavorisés socioéconomiquement, là, je veux dire, il y a de multiples formes de fractures numériques. On pourrait en énumérer plusieurs, je ne le ferai pas, mais, bon, des gens très aisés qui possèdent des appareils mobiles, qui les utilisent tous les jours ne seront pas nécessairement à l'abri des fractures numériques. Les gens vont sur les réseaux sociaux parfois sans trop savoir comment ça fonctionne. Ce n'est pas parce qu'ils sont sur les réseaux sociaux qu'ils voient ce qu'ils voudraient voir. Comment on fait pour adresser tous ces enjeux-là? Moi, je dis souvent qu'il existe différentes initiatives qui ont été mises en place dans le culturel, notamment, ensuite avec les commerçants pour, disons, aider les gens à prendre le virage numérique en tant que professionnels mais aussi en tant qu'utilisateurs. Il y a un besoin dans le milieu communautaire mais il n'y a pas d'enveloppes qui sont dédiées à ça. Les organismes communautaires sont des lieux qui sont fréquentés par les gens que vous avez décrits précédemment, c'est les personnes les plus aptes. C'est sûr que, dans les bibliothèques, il existe des cours d'initiation à l'utilisation des ordinateurs, il y a des ordinateurs en utilisation libre, et tout ça, mais on n'a pas encore fait le tour de ça en tant que société, là, je pense qu'il y a encore des besoins.

La Présidente (Mme Nichols) : Encore merci. Nous pourrons continuer avec Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup. C'est vraiment superintéressant, ce que vous faites, d'autant que je pense que, maintenant, on est à une époque où il y a un retour vers le local qui s'exerce beaucoup, et les gens sont très, très intéressés par ce qui se passe tout près d'eux dans leur quartier, tout ça. Donc, vous répondez bien à ça, vous êtes comme des superniches, en quelque sorte. Je pense que vous faites aussi... vous êtes aussi un important contrepoids à tous, justement, les Spotted de ce monde dont faisait état le député de Saint-Jean tantôt, donc, bravo pour ça.

Il y a une phrase dans votre mémoire qui m'a peut-être interpelée. À la page 8, vous dites que vous vous rapprochez de l'économie sociale, que, toutefois, votre forme juridique n'est pas celle d'un OBNL ni d'une coopérative. J'aurais envie juste de vous demander pourquoi.

Mme Genest (Suzie) : Parce que ça a été fondé par une personne qui, au début, a démarré une compagnie toute seule...

Mme Fournier : Est-ce que ça vous intéresse? Est-ce que c'est un modèle sur lequel vous vous tournez pour l'avenir?

M. Bertrand (Arnaud) : Oui, possiblement. C'est des discussions qu'on a, tout à fait, de changer la forme juridique, oui, c'est dans les discussions.

Mme Fournier : O.K., bon. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps de faire place au prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 33)

(Reprise à 15 h 37)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre prochaine représentante, soit Mme Massad. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons ensuite à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à l'exposé.

Je me permets de souligner aux collègues, s'il y a... ça se peut que... en fait, on met à votre disposition l'interprétation. Donc, madame, aussi, sachez que c'est à votre disposition si vous souhaitez en bénéficier. Très bien? Alors, voilà, vous disposez de 10 minutes.

Mme Rhonda Massad

Mme Massad (Rhonda) : Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, mon nom est Rhonda Massad, je suis fondatrice du West Island Blog, un journal en ligne qui s'élève à plus de 12 millions de visites dans les dernières cinq années. As a freelance journalist, I have contributed to such news agents as The Suburban, The Gazette, Global NewsMontreal. During the flood of 2017, I reported live from the site for CBC National News. Je siège au conseil des refuges d'urgence pour jeunes Ricochet et je suis cofondatrice de Neighbours for Neighbours Food Drive. Je suis ambassadrice auprès de la fondation de l'hôpital Lakeshore de l'Ouest-de-l'Île et du Refuge pour femmes de l'Ouest-de-l'Île. Je suis éditrice et chef du Westmount Neighbours Magazine.

While community news is in transition, is it also on the rise. People need to connect to feel soothe in a time where national and international news is not only disappointing, but very scary. A sense of helplessness with regards to the world's events has readers reaching for local news sources more than ever. Local news provides positive feedback in the world they live in, in a world that they can impact themselves. Les agences de nouvelles en ligne réunissent les communautés.

I'll be putting these slides up periodically, you'll see my reach. You can see here that, in one week, this last week, we reached 136,000 people in the week and 41,000 people engaged in my content, so they spoke to me, they liked the page, they asked a question. So, that's 41,000 people in one week and 107,000 people this month.

• (15 h 40) •

The reason our readership has grown exponentially is because we strive to deliver an ethical news in an ethical way, with timely facts and non-partisan reporting. The West Island community trusts our team to deliver ethically curated news. There's a high demand for local news. We soft launched both the Montréal and Laval recently, and it's doing well. We hope to unite the communities in those areas as well, like we have on the West Island. The confidence people have in our reporting is spreading, and the demand is there.

We report in the area of the West Island. Because the West Island Blog team lives in the community, we see and understand the history and the news in its context. We're not strangers when we're reporting the news, we are actually reporting the news that you know, we are there with you and we feel the news, so it's not out of context. It is the first time in history that people can know their reporters as much as they know the topics of discussion. Viewers can choose who they align with both ethically and journalistically.

My particular blog that we're talking about today represents the green portion. We represent 234,000 residents in a concentrated area, but we do bleed out, and I do have Google analytics that show people not expats that follow us from Europe that have moved away, and so on. Many videos are shot in both official languages, en français et en anglais. Our objective is to cover local and regional news. The mission is to provide everyone the right to receive local information. We cover events at John Abbott, our local cégep, and cégep Gérald-Godin, that was built with a mission to preserve the French culture. Our goal is to have the trust of this very diverse community with all its various languages and cultures.

News today is interactive. With the rise of traffic on social media, where articles are posted and shared, comments are quick and easy to post. Updates can be made instantly, so articles are never dry and out-of-date, we update them as news occurs. If there's an accident on the highway, we announce that, and, further during the day... I have four volunteers that work with me, we will all be updating that information as the day goes along.

Aujourd'hui, un aspect crucial des nouvelles locales en ligne est la touche personnelle offerte par les différents médias. Grâce à l'aspect interactif du Web, mes abonnés me connaissent, et je les connais. Ils me voient à mon meilleur en tenue de gala et me voient prête à remplir des sacs de sable lors d'une inondation. Ce lien de proximité n'aurait jamais été possible auparavant pour toute source de nouvelles locales.

News shoppers know they can get national and international news from the larger outlets. When it comes to local community-driven news, they are checking with a team they have met, they know us. You can see here the social impact of this particular slide. We are showing the... This broadcast shows the mats for the homeless. There's a church in our area that is asking for bags. So, it's an environmentally sound initiative, they're making mats for the homeless, so people that sleep on the streets... ceux qui restent dans la rue ont un matelas fait par cette église, les femmes dans cette église, qui vraiment... elles tissent le matelas même. Alors, on a reçu plus de 100 partages et plus de 11 millions de personnes... 11 000 personnes ont vu ce «post», puis on aura beaucoup de sacs pour ces femmes-là.

Ça, c'est une autre... We change lives by being able to reach out for help from the community. During the flood and a search for a missing teen, you can also see here we reached 98,000 people in three days. It's an important aspect of what we do. More than 2,000 people shared this post, there was a missing teenager. It took four or five days, but this teenager was found, and I'm quite certain... I'm not the only one that shared it, but with all of us together, we certainly made an impact on how to find her.

We can also poll instantly. As an example, we recently polled an audience asking them what questions they would like us to ask and what their concerns are for the federal election. We had 298 comments to sift through to figure out our interview questions moving forward. I don't just ask questions that I'm interested in. I need to know what my readership wants and needs. So, we poll them first, then our upcoming interviews will make sense to them.

Trust is a major factor in connecting with the community. News must be relevant and factual. I can assure you that, if I make a mistake, I'm guessing, much like yourselves, we will be called out, it doesn't take more than a second. So, there are no errors allowed. During the first flood of 2017, the readers came to help me. I opened up a location for a food drive, and people could see that I couldn't manage the blog and the food drive simultaneously. They themselves came, and walked up, and said : Give me your computer, we're going to help you. They feel this blog belongs to them. They're very much engaged in what I do. And, what, now, we have four volunteers, like I said, it's... people are coming to help me because they believe in this as well.

The West Island Blog has an impact by helping people in the community. From an on-site coverage to the recent flood, to the celebration of the Cancer Wellness Center, to being instrumental in getting much needed drugs to the youth in need, we are not just a place to get news. Web is a resource that people seek out in a crisis to know what is happening and how to reach resources in their community.

You can see here... Oups! I missed one. OK. So, I'm going to show you the very first experience I had with the West Island Blog. During the 2017 flood. I was on the ground, and people called me from the location in Île-Bizard and said : We are not seen, we have no way of communicating with the Government, can you please come here and maybe help us show the right people the right information? And this is what it looked like for me... How do I do that?

Une voix : ...

Mme Massad (Rhonda) : What do I do? I'll try that. At home, I just press every button until something happens.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Massad (Rhonda) : That's all, that's how I do it. OK. I'll let you find the video. If you go back to my slides. OK.

The business model... We saw 569,000 people this month of April in this flood, the flood for the...

Une voix : ...

Mme Massad (Rhonda) : What we're trying to show you is a 2017 video, but the 2019 information is... we received... 569,000 people watched the videos during the flood, and they watched what the city gave us as well, both... the cities that were impacted. In fact, all three were communicating to me, and we were doing live videos, so the city officials could in fact reach their residences «à la minute». So, they knew where to go, what... don't everybody run to the same location. In 2017, we refunnelled the traffic away from the site. It was a very important part of what happened, and it saved a lot of energy, and time, and traffic.

Of course, it's not going to happen... There we go. OK. There's me. There I am. I'm in a canoe in this video.

(Présentation audiovisuelle)

Mme Massad (Rhonda) : Can you hear that? I'm in a canoe. There's a gentleman bringing home his groceries, and I'm in a canoe that is taking me through the streets.

(Présentation audiovisuelle)

• (15 h 47  15 h 48) •

Mme Massad (Rhonda) : OK. Somebody's got to get me back to my slides.

OK. So, our social impact is quite relevant, and it's become... There we go. OK. I want to also point out that we did reach 500,000 in our videos during the 2019 flood. It was the place to go to look for what you needed during that time.

I wanted to point out that we want to introduce you to Dario. He is our youth... Right now, the blog has become so intrenched in the community that the youth have reached out to me : Can we do some work for you? Can we get some experience journastically? And we have been very, very well received with that. The community loves to see their youth participating.

Freelance news reports range from $35 to $100. That's what people get paid. If you're wondering why investigative journalism is at a lack or why people don't show up when you call them to do a press conference, it's because it's $35 and it's more expansive to put the gas on that. So, take your taxes from that, you're not walking home with a lot of money.

En 2019, à Montréal, un reporter pigiste peut être payé entre 40 $ et 100 $ par article au niveau local. Dans cette échelle de prix, il y a peu de place pour l'enquête. La qualité des nouvelles est dictée à la fois par le prix et par besoin de livraison rapide. Les médias auront de plus en plus de difficulté à embaucher les journalistes et à tirer le meilleur de leurs capacités et assurer les informations... est vrai. Les nouvelles continueront d'être superficielles, ce qui, en retour, nuit au système démocratique. A lack of subsidy threatens our quality of reporting. I do not believe government involvement would compromise this mission if we use CBC as an example of a news agent.

Here's some costs that it costs in the new world of online reporting : translation is $150 for a 600 word article, tech support is $80 an hour, SEO management is $100 an hour, and so on. You can see that. So, you reached out to me... — to me! — to people to find out what was the future of media. This is the future of media, this is what it looks like, locally speaking, I can't speak to national or international.

Subsidies would be great, tax credits, even on translation, would be great, redefining journalism. I would love to see some regulation for social media. There has to be some way of qualifying us as journalistic people. And the actual pathways that are being delivered, Facebook and LinkedIn, are in charge of our media and the delivery. So, it's time to recognize and include online sources and make them part of the conversation. Thank you. And, oh! this is my special slide for you, guys. There you are. There you are.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Une dernière photo bien diversifiée. Merci beaucoup. Merci, Mme Massad. Alors, merci pour votre exposé. Désolée pour le technique, là, qui a été un petit peu...

Mme Massad (Rhonda) : Ah! ce n'est pas grave.

La Présidente (Mme Nichols) : ...un petit peu plus compliqué. Mais on vous a alloué, là, le temps, là, pour vous permettre de terminer votre exposé. Et maintenant, dans la période d'échange, je vais céder la parole au député de Sainte-Rose.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Welcome, Rhonda.

Mme Massad (Rhonda) : Thank you.

M. Skeete : I have a few questions specifically about your business model. If you could just give me a sense of what it is, what it's like. For instance, are you full-time staff yourself? Do you operate only with volunteers? Can you give me a sense? Because it seems to me that you do very well, considering the current media climate. So, I think, understanding your business case a little bit... your business plan or your business profile a little bit better would help us in these proceedings.

Mme Massad (Rhonda) : OK. I'm going to tell you what happens to me, because this was a passion product. I started to do this to unite the community, so it was a volunteer initiative on my part. I was filling a personal void to help the community.

That being said, over time, many businesses in the community would like to be highlighted, so there is space for ad revenue. I do some of that. My passion lies in the reporting, so I neglect my sales. If I had a sales force of my own, which is costly, I would... There is room for much more revenue than I have. We could do Google ad words, we could do... but like the gentleman before, it's a minimal amount of money, but ad revenue is the way to go. Video vlogging is the way to go. I'd like to introduce the businesses to the community. So, there is more money to make, but I'm one person. «Full time» is an underestimated word that you could use for me. I have my readers actually concerned : Are you overdoing it? No, I'm good. But we have four volunteers that jumped on board this summer, so that helps. It would help to have a writer and a full-time reporter because all of us are managing our daily lives and helping, but there is room for growth in this business, and it would be absolutely amazing to have students from every jurisdiction reporting for us. It would be great, and giving them experience, and letting them get to know how the business works.

M. Skeete : I have... I think your model is... I agree with you, I think that what you are doing, sort of, it looks a little bit like the future. I have a concern, though, because the scalability of that future, the viability of the information and the quality of the information... Can you give me a sense of your abilities, not personally, but, you know, structurally, within your organization as to the quality control that goes into your media output, the journalistic standards that you have so that, you know, maybe this commission could say : Maybe this is the way to go forward, because the quality and the standards are there?

Mme Massad (Rhonda) : The quality and standards are there, are going to be driven by the person at the company itself. We trust certain news outlets in traditional news as well. I don't believe you would survive if your ethics were out of line. I think you would last probably a very short period of time because, like I said, if we mess up our facts, we are told. And I can tell you that if I mess up my facts too much, I won't have any listeners.

So, I think the actual ethics and the actual journalistic standard will be elevated by virtue of the actual interaction we have. You don't... It's not like I got my paper on Wednesday, and then maybe there's an error, and it comes out next week. The errors are called out within seconds. So, as far as quality of workmanship, even the people that we're interviewing will tell us : That's not right. From my perspective, my ethics lie in factual reporting, and I make sure that we have both sides of every coin. C'est les deux bords qui doivent être entendus à chaque fois.

M. Skeete : And the local community aspect of, you know, the truly grassroots of what you do is very appealing. I'm wondering, if we decided that we wanted to help you, if the Government decided that it wanted to help people like you, how could we do it, considering you're not — unless you are — a recognized media outlet? You know, what form... what can we anchor that help in, in terms of getting you the help that you would need if we decided that your model was one that we wanted to support?

Mme Massad (Rhonda) : You could help me by giving me business, you could... There are two cities that already use my site to announce things, if there's a specific event or whatever. Maybe that would be a way to legitimately help and not just hand out dollars, mind you. Like grants and stuff are obviously welcome, but if you advertise with us, then it gives us credibility, it also gives the reader a chance to know that we're well backed, we're supported by the community and the Government in our community. So, I think that would be a simple way. Tax credits are another way. Translation, to have your site in both languages is a really rough thing to do, it's a very expensive thing to do, so that would be a way to help us. Tech support, SEO management costs me $1,000 a month, and if I don't have SEO management, I have errors, which means I don't qualify, which... I have a body of people to deal with, but I have Google to deal with, I have a lot to contend with in terms of tech support. Tech support would be something... that would be somewhere a subsidy which I would relish.

M. Skeete : What you're saying is interesting, because we've had a lot of different groups come in here and tell us that the advertising model is... well, at least in my eyes, it seems to be a dying model. And here you are, telling me that your business model rests on revenue from advertisers, and the best way we can help you is just to give you what the Government used to or should be doing in terms of the amount of public notices and whatnot.

Mme Massad (Rhonda) : Yes, cause that's ads for me.

M. Skeete : What would you say to those people who are saying that, really, the advertising dollars aren't there anymore because of these giant GAFA players and that it's not viable going forward?

Mme Massad (Rhonda) : I think it also depends on how much you're looking to make in terms of revenues. Like, I can definitely subsist if I had somebody else selling besides me, because when I sell, I'm not writing, and I prefer to write, but I think if I had a salesperson or an extra person in my company, definitely, it would help. It's not the revenues that you're thinking, you know, let's say, for an example, an article in a newspaper or an add in a newspaper costs $300 to $400 a week. We're talking about $300 to $400 a month, so it's a different scale. So, does it work for me? Could I support four people on this business and have a family? Absolutely not, absolutely not, there's no way. But there is room to grow and there are branches... And at the end of the day, how else are we going to get our news?

M. Skeete : So, what you're saying is very important, because viability becomes a question. Your model is very interesting, but, I mean, if people can't eat in this model, then what... other than just giving you ads, is there anything else that you would think would be useful?

Mme Massad (Rhonda) : The tech support would provide revenue by virtue of having... The stronger I get, the more revenues I can get. I would get not necessarily my local advertisers, I would be able to charge a little bit more and get a bigger company, like a mobile company, or IKEA, or something like that, like... I'm very, very local, but as my numbers grow with tech support... It's all one big thing. Tech support would grant me more revenues, because I would be properly supported. A custom website, which I can't afford, would be a way to garner more. I could get revenues from other people.

M. Skeete : So, when we met with The Suburban, they mentioned a government program that exists to help media outlets transition from paper to digital era. Things like that would be things that you could benefit from, provided you were allowed...

Mme Massad (Rhonda) : But, since I'm not transitioning, I don't qualify, nobody will help me because I'm not transitioning from paper to online. I can't get the subsidies to be online... to be in paper, I can't produce a paper. And I can't get the help form the Government because I don't qualify because I don't have paper. And you're not helping me transition my business, it is my business, so that's where we're left out here in the cold a little bit, I got to say.

M. Skeete : Thank you. C'est tout pour moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, je cède la parole au député de Saint-Jérôme.

• (16 heures) •

M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Mon collègue le député de Sainte-Rose a posé quelques questions que j'avais en tête. Dans le fond, merci de venir nous rencontrer, parce qu'avec vous on explore un petit peu la limite de ce qu'il serait possible de faire, jusqu'où, par exemple, une aide publique devrait s'étendre, en quelque sorte. Et je trouve votre modèle très intéressant. Le succès que vous avez à l'intérieur de votre communauté est remarquable. Et, en même temps, j'ai envie de vous poser la question un peu effrontée, si vous me permettez.

Mme Massad (Rhonda) : Vas-y.

M. Chassin : Si un programme gouvernemental vous venait en aide, finalement, qu'est-ce qui empêcherait un peu n'importe qui d'ouvrir un blogue citoyen puis de dire : On répond à un besoin dans notre communauté? Vous-même, vous avez un background en journalisme. Mais qu'est-ce qui empêcherait, finalement, que d'autres médias apparaissent et réclament aussi un traitement équitable en ayant accès au même programme auquel vous, vous auriez accès si c'était le cas?

Mme Massad (Rhonda) : Il n'y a rien à empêcher un autre organisme à faire la même chose. C'est ça, la question?

M. Chassin : Oui.

Mme Massad (Rhonda) : Et pour recevoir... Il n'y a rien, mais c'est comme n'importe quelle affaire, si on est... Premièrement, l'Internet est assez grand pour tout le monde. C'est ça, ma perception. Moi, quand je travaille, je travaille avec des «blinders», il n'y a pas d'autre personne, il n'y a pas d'autre journal, il n'y a rien d'autre. Alors, dans mon... tout le monde peut faire ce que je fais. C'est le public même, c'est les... C'est différent que les journaux à ancien temps. C'est nouveau, dans le sens que le citoyen même est capable de réagir instamment sur mes «post». Alors, si je suis bon, ça va être correct, si mes informations sont mauvaises, ça ne marchera pas. C'est à moi d'assurer que mon business est effectueux.

M. Chassin : Combien de temps?

La Présidente (Mme Nichols) : ...

M. Chassin : Ah!

Une voix : ...

M. Chassin : Oui? Alors, je vais me permettre une autre question. In this sense, if we rely on clicks and interaction to judge the validity, the program, the aid, the public aid program wouldn't be a real support, it would recompense the success, right?

Mme Massad (Rhonda) : Well, you... it won't be a real support... What I think what needs to happen, it's just... there has to be a certain amount of regulation for people like me. If I had an emblem that said I had followed... taken a course that was allocated by the Government or I had followed certain steps we must include, I don't know, whatever credentials we can come up with, let's say we have to include so many business posts, so many... this post or that post, so we would have... If I could... It would help me if you regulated me so that people could trust me even further. So, that's important. C'est important, this part, cet aspect. Est-ce que ça répond aux questions?

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Nous allons poursuivre la période d'échange avec la députée de Westmount—Saint-Louis. La parole est à vous.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Rhonda, we only have 10 minutes, so we're going to have to go fast. I think, first and foremost, I want to thank you for the local media coverage in the face of a real crisis and receiving local media, local news. What you provide is a vital resource. And so, when we're talking about the future and the viability of the future, I do think that there is something to be said about exactly what you're doing, because you've already adapted your model, and you're not alone.

Collègues, je vous invite à lire les commentaires qu'on reçoit sur le Greffier, entre autres un qui a été déposé juste hier par Pierre-Olivier Bédard de Longueuil. Je ne lirai pas en entier, mais il dit : «J'aimerais que les blogues spécialisés soient pris en compte dans les travaux de la commission. Ce ne sont pas que les médias imprimés généralistes qui doivent rivaliser avec Facebook et autres. Il faut permettre aux petits joueurs d'avoir accès aux programmes qui seront développés. Principalement, les aides devraient cibler ce qui touche directement la création de contenu, comme les frais d'hébergement de site Web, les noms de domaine, etc.» So, really, exactly in line with what you're saying. So, I think one of the things that would be beneficial for our commission to understand is how do you compare to other media outlets.

Mme Massad (Rhonda) : I'm going to show you, actually. I did this big thing in case we had technical difficulties, so I'm going to show you exactly how I compare. I can actually say I compare quite well. During the flood itself, I had 275,000 interactions on my site, whereas other local media had less. I don't know if I'm allowed to say names of other medias, but the big guys, the big boys were struggling to keep up with me. So, it's... as you can see here... you can see here we had a great success during that time and how we compare to other media. Can you see that?

Mme Maccarone : No, but that's OK.

Mme Massad (Rhonda) : We have Montreal Gazette at 368,000 during that month, we have Global at 83,000, CJAD at 122,000, West Island Blogat 214,000 and the local main newspapers, TheSuburban had 2,000, and Jewel 106, local radio station, had 3,000. So, different groups had different... you absolutely can... I've brought you all a copy. So, we do compare, we are in line...

Mme Maccarone : You're out there with the big players.

Mme Massad (Rhonda) : We are. We're not treated as a big player because we are not accredited.

Mme Maccarone : But in part... I know we were talking a lot about advertising models; your advertising model is actually quite particular. Can you share a little bit on how it works for you, for your blog?

Mme Massad (Rhonda) : Absolutely. The most important thing that I do is videoblogging, it's the videos which will... when you're in a business, I go show off your business, I show off whatever you're doing. Recently, I did one post on a business that is doing a new app for geohistory learning. 5,000 people, like, that's how you're going to... You're going to want me to do that for your business in the area, so everybody knows. If I eat somewhere and I post what I'm eating, generally, people are interested. My team does the same.

Mme Maccarone : But you have a social clause with your advertisers, do you not?

Mme Massad (Rhonda) : I do have a social clause. Any partner, any serious partner that's coming onto the blog does in fact have to participate in a fund raising or a community aspect. They have to involve, implicate. I don't want just a partner that is going to put a sign and leave. You have to get engaged in the community and help.

Mme Maccarone : OK. You know, we're talking a lot about future of advertising and there's some questions about should you be eligible. What's your definition of journalism, a journalist? And do you feel that you qualify?

Mme Massad (Rhonda) : I do feel that I'm qualified. I think journalism today is... yes, we need our courses, we need to be educated, and so on, but it's reporting factual, honest information and making sure it's non-partisan. That, to me, is what a journalist, a journalistic person should do. I've been trained by my mentor, and he trained me very carefully in the fact that we had to have both sides of the coin, it was very specific training. So, I do believe that I do qualify as a journalist.

Mme Maccarone : One of the things that we were talking about with other individuals that have come here, partnerships, what we're going to be doing to help those local communities and the local news stay vital. What's your vision of partnerships with the type of news that you offer?

Mme Massad (Rhonda) : I welcome partnerships. I really do welcome a partnership. I had no idea that this was going to happen to me. I didn't know it was going to be so viral. And a partnership with maybe one of the big boys, again... If one of the big boys decided that I can handle their local coverage, I would be more than welcome to partner because, like I said, I didn't really realize this was going to happen. And now I have a certain aspect of social responsibility to use the blog for good, it's not... And it's unfortunate that I named it a blog because I didn't know... it was supposed to be personal when I started it five years ago, but it's not personal anymore. It doesn't belong to me anymore; it belongs to the community that it's serving.

Mme Maccarone : So, talking about the community, how do the municipalities benefit from the news that you report and then you provide to the community?

Mme Massad (Rhonda) : The municipalities use me often to... if there's something that needs to be said or done quickly, oftentimes I've got more reach and I've got a global reach, whereas the cities have their particular reach. So, I reach the entire region as opposed to a municipality that would reach only their area or their city. So, in a crisis... in the last flood I was called on to orchestrate the volunteers.

Mme Maccarone : Do they advertise on your blog?

Mme Massad (Rhonda) : Two cities already do, yes, I'm very proud of that, to be honest, because you have to be non-partisan to get... you are not going to get somebody to advertise on your site if you're bashing people here and there. There's no... I cannot... There can be no emotions in my reporting, zero, it's not Rhonda's opinion that matters at all.

• (16 h 10) •

Mme Maccarone : What's the average age of the visitors that come to your site? Do you have that information?

Mme Massad (Rhonda) : Originally, it was 35 to 65, and now it spread to the 18-year-olds. We are starting at 18, now, to 65 and we do have a range up to 70.

Mme Maccarone : It's very interesting, because I know one of the things that you mentioned was you've got a youth component, you have a lot of young reporters. So, my colleague once called... a «pépinière», right, so, you've got your own «pépinière» that maybe you're starting. But a concern that many members here, around the table, have, and rightfully so, is reaching our seniors. We want to make sure that we are working against isolation and reaching out to them. Do you have a plan for that as well?

Mme Massad (Rhonda) : I don't have a specific plan for seniors, but that partnership you were discussing would help me solve that problem. I think, if we were unified in general, it would help reach the seniors. Maybe we could do that through a printed version, maybe a once-a-month printed version so that everybody's up to date. It's more difficult to print from my perspective. I have absolutely no knowledge of print, so it would be difficult, but if I partnered up with somebody that did, that would be great.

Mme Maccarone : You mentioned earlier that your revenue stream isn't one where you could support a family, for example, and you said that you have a lot of volunteers coming to help you. Would you give any consideration to adapting your business model so that you would be eligible for funding, for example, from the Secretariat? Because the service that you provide, again, is in part the future, you are open to partnerships. Is that something that would be a viable conversation to have with you?

Mme Massad (Rhonda) : I think so, yes, I think we could... I'm willing to compromise. I'm in a learning process myself, as we all are, because it's a brand new way of delivering news, and it seems to be the way that people are receiving it. 500,000 people checked in with me during the flood. So, it's vital. How we proceed forward, I'm open because, like I said, we are learning here, it's new.

Mme Maccarone : In your experience with other people that are doing a similar type of news media as what you are doing, do you think that they would benefit from being part of a registry for advertisers? Again, one of the things, if you've been paying attention a bit to the commission, that has been presented here is that to make sure that there in an equitable balance of government advertising, to make sure that it gets out to the community, we have talked about this famous 4% that we don't seem to be able to achieve. Is that something that you think that you could benefit from as well and partner with?

Mme Massad (Rhonda) : Yes, I do. I think... You have to look at the people like me, we have... it's self-employed, we have no pension, we have no insurance, we have no way of doing that. Even if I was receiving all my ads, I don't think I would still be able to manage that kind of thing. So, yes, it's definitely something to consider for us.

Mme Maccarone : You talked a lot about the social impact, about the news that you provide. What do you think the social impact would be if the blog was gone? Because now you've expanded, right, you are not just West Island, you are Montréal, you've (DT : 5731)got... in Laval(/DT : 5731) now, right, so you have really expanded your model. What do you think is the social impact of the demise of what you are doing because it's no longer financially feasible for you to continue?

Mme Massad (Rhonda) : I think it would be detrimental to my community. I think it's now... Now, we are entrenched and people looking to us for this as a resource. If it was gone, do I think somebody else might do it? Possibly, but if it's not viable for me, it's not going to be viable for them, and we are going... I think democracy is in jeopardy here. We need to have our voices heard. People need to be spoken to, and issues need to be addressed, and people need... I will be interviewing every federal candidate. So, my readers need to know who... It's very important that they vote and it's very important that they know who they are voting for. I don't believe in voting for somebody I don't know. And I feel it's my personal job to get them every single interview and meet every single person.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme Massad. Alors, je cède la parole au député de Rimouski pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bonjour.

Mme Massad (Rhonda) : Bonjour.

M. LeBel : Vous avez l'air d'être une femme en symbiose avec votre communauté, et je pense que c'est ça qui est beau à voir dans ce que vous avez présenté tantôt. Mais vous considérez-vous comme blogueuse, journaliste ou influenceure?

Mme Massad (Rhonda) : Je suis journaliste, c'est sûr. C'est dommage que j'aie appelé the West Island Blog au lieu de West Island News, c'est dommage, mais je ne savais pas ce que je faisais dans le temps. Alors, on est là pour changer le nom, ce n'est pas vraiment efficace.

M. LeBel : O.K. Parce qu'il y a des règles dans le milieu journalistique, là, le CRTC. Tu pars un journal, tu as des règles, le gouvernement te demande de faire des déclarations, on a des règles... Comment on peut régler... régir ou donner certaines règles avant de subventionner ou de donner des crédits d'impôt à un blog ou quelque chose comme ce que vous faites? Parce qu'il peut y en avoir dans différents domaines, là, il peut y en avoir... Vous, vous êtes très proche de votre communauté, mais il peut y en avoir dans le sport, sous différentes choses, il peut y en avoir... d'idées politiques d'extrêmes, il peut y avoir n'importe quoi, là, un peu, là-dedans. Comment le gouvernement peut trouver une façon de supporter ça avec des règles... puis surtout, si on pense... d'achat de publicité?

Mme Massad (Rhonda) : Un journal, dans mon opinion, il y a une section «lifestyle», il y a une section sports, il y a une section... et la section «lifestyle» et éditoriale, c'est la seule place, c'est... les opinions sont bienvenues. Alors, un journal, pour moi, c'est des informations non partisanes qui sont claires, nettes et factuelles. Pour donner une subvention à quelqu'un qui est une blogueuse traditionnelle, c'est leurs opinions, ce n'est pas ça que...

M. LeBel : Et c'est là, la différence?

Mme Massad (Rhonda) : C'est là, la différence.

M. LeBel : O.K. Un journaliste... puis je l'ai compris tantôt, puis il y en a plusieurs qui l'ont dit aussi, là, vous dites : Il faut être neutre, là, il ne faut pas être partisan, il ne faut pas que je dise quelque chose de méchant contre le maire si je veux être... En même temps, c'est un peu le rôle du journaliste aussi. Si le maire fait des affaires toutes croches, il faut le dire, là.

Mme Massad (Rhonda) : Ça, c'est un fait, par exemple, ce n'est pas une opinion.

M. LeBel : Mais là le maire ne sera pas content.

Mme Massad (Rhonda) : Ça, ce n'est pas mon problème à moi. Moi, c'est pour être sûre d'avoir les faits. Si les faits sont là, c'est... les faits sont là... Tu as porté un chandail rouge, tu as porté un chandail vert, ça, c'est les faits. Mon opinion, c'est que je n'aime pas le vert. Ça, ça n'a pas de place dans les informations.

M. LeBel : O.K. C'est une ligne éditoriale, là, c'est votre ligne à vous, comme... bien, blogueuse-journaliste.

Mme Massad (Rhonda) : Oui. Une blogueuse, c'est... blogue, c'est votre opinion.

M. LeBel : C'est là qu'il peut être difficile pour le gouvernement de trouver la ligne, comment on peut soutenir ce genre de média là. Mais c'est vrai que c'est moderne, c'est aujourd'hui, il faudra y réfléchir, là. Vous amenez quelque chose de nouveau. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. le député. Alors, je cède la parole à la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.

Mme Fournier : Merci beaucoup. C'est très impressionnant, ce que vous faites. Même, vous avez eu plus d'engagements sur les réseaux sociaux, au final, que les autres médias, quand on analyse ça, donc, bravo!

Lorsque, dans votre mémoire, vous écrivez, à la... je pense que c'est à la dernière page, oui, vous dites : «Les organismes gouvernementaux doivent réglementer le montant des frais facturés pour pousser une publication sur les médias sociaux», qu'est-ce que vous voulez dire par là? Est-ce que vous pensez que...

Mme Massad (Rhonda) : Présentement, le Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, il y a un frais si je veux booster mes annonces, mes «posts». Si ça arrive à un certain point que ces frais sont très élevés, ce n'est pas bon pour la démocratie parce que c'est la seule façon qu'on dirige les nouvelles. Dans l'ancien temps, il y avait un petit jeune qui livrait les papiers, les journaux. Aujourd'hui, c'est Facebook qui a... nos nouvelles sont dans les mains de Facebook, Twitter, Instagram. Si jamais ils nous chargent, la démocratie est finie. Tout à coup, c'est eux autres qui décident quoi c'est valide et quoi n'est pas valide.

Mme Fournier : En termes d'algorithmes, vous voulez dire, si Facebook et tous les autres réseaux sociaux changent les algorithmes de sorte que ça soit encore plus difficile pour les médias de percer sans payer. C'est ce que vous voulez dire?

Mme Massad (Rhonda) : Exact. Déjà, si je ne booste pas, je n'ai pas le même «reach». Alors, ce n'est pas correct dans le sens des nouvelles, parce que tout le monde a le droit d'avoir les nouvelles.

Mme Fournier : Oui, c'est intéressant, ce que vous nous dites — vous êtes la première à l'avancer — parce que souvent on met en compétition, en fait, les publicités dans les différents médias traditionnels et les publicités sur les réseaux sociaux, et beaucoup de gens vont dire que c'est peut-être plus attractif de faire la publicité sur les réseaux sociaux parce qu'à l'heure actuelle c'est moins cher. Mais au final, sur les réseaux sociaux, ce que vous avancez, c'est que ce n'est pas tant la publicité que... vous concevez les réseaux sociaux comme étant un canal de distribution, comme l'étaient avant les réseaux de camelots, par exemple.

Mme Massad (Rhonda) : Oui.

Mme Fournier : C'est intéressant.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme la députée. Alors, merci, Mme Massad, pour votre contribution aux travaux.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps de changer de représentants. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 21)

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, alors, je souhaite la bienvenue à M. Saulnier. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, bien que je l'aie déjà fait en partie, et à procéder à votre exposé. Bienvenue.

M. Alain Saulnier

M. Saulnier (Alain) : Alors, bonjour. Alain Saulnier, je suis professeur et chercheur invité au Département de communication à l'Université de Montréal, j'y enseigne le journalisme. Je parle ici en mon nom personnel. En toute transparence, je dois toutefois préciser que je siège au conseil d'administration du journal Le Devoir, mais je suis avant tout une personne à l'esprit libre, très indépendant, voilà.

Dans une autre vie, j'ai dirigé les services français de l'information de Radio-Canada de 2006 à 2012. Dans ce rôle, la meilleure décision que j'ai pu prendre a été la création de l'émission Enquête à Radio-Canada. Au bout de cette carrière de plus de 25 ans à Radio-Canada, j'ai écrit un livre dont le titre est Ici était Radio-Canada sur le rôle important qu'a joué Radio-Canada pour les francophones en matière d'information et de culture. Et, à mon avis, ça doit continuer, car le service public peut être un extraordinaire rempart contre la domination américaine en matière de culture et d'information.

J'ai suivi avec intérêt ce qui s'est dit au cours de la semaine, en fait, depuis la crise du Groupe Capitales Médias la semaine dernière. En premier lieu, je salue l'intervention rapide du gouvernement pour éviter le pire. Je constate que, depuis, nous faisons tous, vous faites tous et toutes oeuvre utile de pédagogie auprès du public sur l'importance cruciale de nos médias pour la démocratie locale, régionale, nationale, vos travaux de la semaine en témoignent. Bravo!

La semaine dernière, j'ai écrit un texte dans La Presse+ à propos du Groupe Capitales Médias. J'ai insisté sur le fait qu'il faut trouver un repreneur qui puisse enrichir la qualité de la vie démocratique, et pas seulement trouver un propriétaire à tout prix. Non, non, je ne parlais pas ici seulement de M. Péladeau. J'ai du respect pour lui et je comprends la logique de sa stratégie. Il veut bâtir une mégaentreprise afin de contrer, en toute équité, ce qui est légitime, les superpuissances numériques américaines et peut-être aussi Bell Média, mais ça, c'est autre chose. On peut certainement trouver d'autres modèles, à mon avis, d'affaires et formules d'entreprise que de bâtir un mégaempire pour contrer les superpuissances du Web. Voilà, c'est dit.

Alors, quel repreneur pour Capitales Médias? Il faut établir des critères complémentaires à la solvabilité et à l'allure du plan d'affaires du fameux repreneur. Quels sont-ils? Des normes journalistiques éthiques, un enrichissement à la diversité des voix et des sujets, bien mesurer les effets directs d'une transaction sur l'écosystème existant, par exemple, sur l'avenir de La Presse canadienne. On souhaite que les hypothèses de repreneur viendront malgré le tableau très sombre de l'état des finances de l'entreprise, on l'a vu et on l'a entendu encore cette semaine.

Nous avons aussi entendu cette semaine de multiples solutions : des crédits d'impôt pour les abonnements, sur la masse salariale, 25 % ou 35 %, c'est selon, afin de favoriser la création d'emplois de journalistes, d'autres pour améliorer les éditions numériques des médias locaux communautaires, toutes des mesures pertinentes, à mon point de vue. J'ai particulièrement apprécié cette insistance pour mettre en place des mesures favorables afin que les gouvernements, les annonceurs et leurs publicités privilégient les médias québécois plutôt que Facebook. À mon avis, toutes ces mesures devront être nécessairement coordonnées et harmonisées avec celles mises de l'avant par le gouvernement fédéral, mais déjà le gouvernement du Québec peut bouger pour plusieurs de ces mesures.

Nous avons aussi entendu des pistes de solution pour le public et les jeunes — j'ai une grande préoccupation à cet égard-là : soutenir les institutions d'enseignement pour des formations d'appoint sur le rôle des médias et des journalistes, proposer des formations ponctuelles pour la lutte à la désinformation auprès des jeunes du primaire et du secondaire, comme ces initiatives développées par la FPJQ.

Je dis, à chaque début de session, à mes étudiants et étudiantes que le combat extrême du XXIe siècle, c'est celui entre l'information et la désinformation. Or, rappelons-nous, 90 % des 18-34 ans ne lisent plus les grands quotidiens, n'ont pas de tablette ni de téléviseur, peut-être un ordinateur partagé, pour suivre les bulletins de nouvelles, allez voir. Ils et elles s'informent par le truchement des réseaux sociaux, en consultant principalement leur portable. On ne les récupérera pas s'il n'y a pas une stratégie particulière pour les rattraper. En ce sens, je considère que les médias et les journalistes ont un immense travail à faire et aussi un examen de conscience pour aller chercher les jeunes avec de nouveaux formats adaptés à leurs nouvelles habitudes de consommation des médias : les baladodiffusions, les expériences comme Rad, à Radio-Canada, les reportages en réalité virtuelle, et bien d'autres.

La course à la nouvelle a aussi un fort concurrent, ça s'appelle les réseaux sociaux. Pour ma part, je soulève aussi le fait que nous avons au Québec des leaders mondiaux en intelligence artificielle, on l'oublie. Peut-être, on pourrait les mettre à contribution pour nous aider à développer des formules novatrices avec nos propres algorithmes qui aideront à percevoir les droits d'auteur sur chaque clic vers un texte, un reportage, une chronique, une chanson, une vidéo, un documentaire, nous aider à rendre opérationnel ce genre de formule, obliger les géants numériques à faire preuve de plus de transparence sur leurs algorithmes, sur la collecte de nos données personnelles. Ces leaders mondiaux en intelligence artificielle habitent ici, ils peuvent nous aider pour faciliter la traçabilité des informations et la désinformation, pour favoriser la découvrabilité de nos contenus en information et en culture. Faisons appel à eux et à elles.

Plusieurs ont parlé de Télé-Québec et de sa plateforme numérique. La Fabrique culturelle est une superbe initiative. Développer des salles de nouvelles à Télé-Québec, on peut en discuter. Je signale que j'ai travaillé deux ans à Radio-Québec, c'est comme ça qu'on l'appelait dans le temps.

Plus la semaine avance, plus je perçois qu'il se dégage quand même une tendance lourde, un consensus de tous les partis politiques ici réunis, c'est qu'il faut s'attaquer aux GAFAM. On ne peut plus les ignorer. Par contre, il y a divergence entre vous sur quand et comment passer à l'action, ai-je tort? Sauf qu'en attendant, comme le disait le député de Saint-Jean, Louis Lemieux, et ancien collègue, on fait quoi? Il faut agir, et vite. C'est exact, particulièrement pour les médias régionaux et locaux.

Aussi, voici quelques conclusions. À mon avis, on ne doit pas rechercher le modèle d'affaires, il n'y en a pas qu'un seul. Québecor a le sien, Le Devoir a le sien, La Presse+ a le sien, le Guardian a le sien, le New York Times également. Mais ne soyons pas naïfs, tous les médias vont un jour ou l'autre être confrontés à un mur — pas très payant, celui-là — celui des superpuissances numériques, les GAFAM, auxquels s'ajouteront les Netflix, Spotify bientôt Disney, qui s'en vient avec ses gros sabots, et quelques autres encore. Aux États-Unis seulement, 1 760 quotidiens américains sont disparus entre 2004 et 2018. Même les grands réseaux américains sont confrontés à une baisse de leurs revenus. Nos réseaux de radio sont déjà durement heurtés par la baisse des revenus, on l'a entendu ici. Les réseaux de télévision n'y échapperont pas, eux aussi seront touchés, et il faut voir venir le gros iceberg avant qu'il ne soit trop tard.

À court terme, il y a des mesures d'urgence à prendre : crédits d'impôt sur la masse salariale des journalistes, j'en suis; forcer le gouvernement et les sociétés d'État à placer leurs publicités dans les médias locaux, régionaux et nationaux, pas seulement de l'écrit, les radios également, j'en suis; rétablir les avis publics des municipalités dans les médias locaux, j'en suis également; augmenter les crédits d'impôt pour les entreprises et organisations qui font du placement publicitaire dans les médias d'ici; a contrario, enlever la possibilité d'obtenir des crédits d'impôt lorsque ces publicités sont déposées sur des plateformes comme Facebook. Le gouvernement du Québec pourrait rapidement donner des crédits d'impôt pour la philanthropie. Il n'y a rien qui l'en empêche. Voilà une autre avenue complémentaire à un modèle d'affaires. Pourquoi attendre? Offrir un crédit d'impôt à l'abonnement là où cette formule existe, éliminer immédiatement la taxe sur le recyclage pour les journaux et hebdos papier, favoriser les nouveaux modèles, la formule de coopérative lancée par les employés de Capitales Médias, pourquoi pas, d'autres initiatives régionales novatrices également.

• (16 h 30) •

Mais, comme je l'ai écrit dans mon mémoire, on ne panse pas une blessure ouverte avec un simple sparadrap, un diachylon, si vous préférez — ou moi, plus jeune, j'appelais ça un plasteur — alors, à moyen et à long terme, c'est pourquoi j'invite le gouvernement du Québec et les ministères concernés, le bureau du premier ministre, le ministère des Finances, Éducation, Culture, Communications, Économie et Innovation, Relations internationales et Francophonie à développer une stratégie interministérielle globale afin de concevoir dès maintenant un plan pour assurer une saine cohabitation avec les superpuissances numériques, américaines, faut-il le rappeler.

Attendre 2020 et l'OCDE? Ce que je souhaite, c'est qu'on démarre et travaille tout de suite sur ce plan stratégique. On traîne trop la patte. Je le répète, la vraie menace à la langue et à la culture françaises provient des superpuissances numériques américaines qui marginalisent tout ce que nous produisons, créons, écrivons, qui décident de ce que nous devons écouter, regarder, lire sans verser de droits d'auteur, parfois sans payer de taxes, sans verser d'impôt à l'État. Nous serons de plus en plus inondés de contenu américain, comme le disait un des témoins cet après-midi. Il faudra bien se découvrir un espace dans cet univers numérique contrôlé par les grands propriétaires fonciers que sont les géants du Web. C'est l'État québécois qui doit donner le ton. Alors, accélérons la cadence, 2020 devrait être la date d'entrée en vigueur de ce plan stratégique que nous aurons déjà bien préparé, pas la case départ.

Les deux gouvernements doivent s'impliquer. Il faut quand même saluer le fait que le gouvernement Trudeau ait porté le débat de l'avenir des médias au G7. Sauf que, maintenant, le gouvernement du Québec et tous les partis à l'Assemblée nationale doivent faire pression sans relâche sur le gouvernement canadien afin qu'il développe ce plan stratégique global avec le gouvernement du Québec pour contrer l'omnipuissance des géants américains du Web, favoriser une cohabitation tranquille avec eux, qu'Ottawa et le Québec — berceau de la francophonie, j'insiste — structurent cette stratégie. Le Québec doit exercer ce leadership. Le Canada doit rejoindre au plus vite le camp des pays qui ont décidé de réglementer la cohabitation avec les géants du Web.

La Présidente (Mme Nichols) : En conclusion.

M. Saulnier (Alain) : Il est vrai que ces mesures ne peuvent se faire sans une concertation entre tous les États, mais il faut dès aujourd'hui poser des jalons pour cette nouvelle cohabitation, rejoindre le camp de la France, bientôt la Nouvelle-Zélande et d'autres encore, pas celui des GAFAM.

En terminant, je veux dire une chose : La France maintient ainsi la taxe de 3 % avec l'entente qu'il y a eu entre les États-Unis, et la France, ça veut dire 750 millions d'euros. Si le Canada avait appliqué le 3 %, selon un de mes collègues, Jean-Hugues Roy, on aurait recueilli en 2018 110,6 millions uniquement pour Facebook. Alors, voilà. Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie, M. Saulnier, de votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange avec la partie gouvernementale pour 15 minutes, le député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Saulnier. C'est un plaisir de pouvoir vous avoir en commission parlementaire aujourd'hui. Je me souviens d'avoir lu votre livre pendant les vacances de 2014, c'est sorti en novembre, je me souviens de Noël 2014, Ici était Radio-Canada. Vous sonniez l'alarme sur plusieurs éléments : bien évidemment, les compressions qu'il y a eu à Radio-Canada dans son histoire, les bâtons que vous avez eus dans les roues, entre autres, pour faire bouger une salle des nouvelles, les investissements dans une salle des nouvelles pour du journalisme de qualité, du journalisme d'enquête, évidemment aussi, bien évidemment, les différentes façons de penser dans une salle de rédaction, dans une salle de nouvelles et l'importance d'un mur de Chine, à Radio-Canada, entre les intérêts du gouvernement fédéral et, bien évidemment, le fait que c'est une télévision publique, comme Radio-Canada a aimé nous le rappeler ce matin. Donc, j'ai beaucoup appris avec votre livre et j'ai beaucoup appris également avec Mychel St-Louis, qui a travaillé avec nous pendant de nombreuses années dans l'opposition, que je salue, qui, je sais, suit nos travaux parlementaires, qui vit également certains ennuis de santé. Alors, je suis en pensée avec Mychel, parce que Mychel est un grand de l'information au Québec, qui a travaillé chez nous, à la Coalition avenir Québec, donc je tiens à le saluer chaudement.

J'aimerais savoir, l'alarme que vous avez sonnée en 2014 sur Radio-Canada mais également l'ensemble de l'information au Québec versus aujourd'hui, est-ce que ça a changé, est-ce que ça a évolué ou est-ce que ça a rempiré. Je pense que j'ai...

M. Saulnier (Alain) : Cinq ans de plus des GAFA, GAFAM, comme on les appelle maintenant, c'est beaucoup. Ils ont réussi à bousculer, à bulldozer systématiquement l'ensemble de nos institutions, de nos médias, institutions pas juste dans le domaine médiatique, mais institutions culturelles également. Il faut qu'on comprenne une chose, on est effectivement assiégés, d'une certaine manière, par les GAFAM sur le plan médiatique, sur le plan culturel. Alors, depuis cinq ans, je peux vous dire une chose, c'est que ça a déferlé complètement.

Vous savez, il y a quelques années, quand on disait : La course à la nouvelle, c'est ce qui nous motive, les journalistes... Quand M. Parizeau est décédé, Mme Lapointe, elle n'a pas appelé un journaliste, elle a mis ça sur Twitter. Alors, ce que ça veut dire, c'est que, maintenant, on est en train de vivre une nouvelle façon de faire l'information, de faire circuler l'information. C'est ça qui a changé depuis les cinq dernières années, et, à mon point de vue, on va assister à des changements encore plus importants au cours des prochaines.

M. Poulin : Mais on a vu des politiciens, puis on fait partie également de ce film-là, qui font des Facebook Live et répondent aux questions des journalistes beaucoup plus tard, Alors, c'est vrai que l'information a changé, mais c'est surtout la façon dont on parle aux gens.

Radio-Canada a été avec nous ce matin. En 2014, votre livre a ébranlé. Est-ce que vous considérez que Radio-Canada remplit, actuellement, sa mission d'information régionale comme elle devrait la remplir avec les sommes financières qu'elle a?

M. Saulnier (Alain) : Bien, écoutez, je ne suis pas au courant de tous les détails et la proportion budgétaire, mais, de loin, ce que je peux vous dire, c'est que je suis plutôt satisfait d'avoir entendu ce que j'ai entendu ce matin et je les suis, évidemment, avec beaucoup d'intérêt. Je pense qu'il y a eu une trop mauvaise parenthèse à Radio-Canada. Il y a eu l'ère Harper, il y a eu aussi une direction qui, à mon point de vue, ne se tenait pas debout face au gouvernement canadien, j'en ai longuement parlé dans mon livre. Et puis aujourd'hui on assiste à tout à fait autre chose, alors donc il y a eu progression. Puis, pour ce qui est des régions, je pense qu'il y a l'injection de 675 millions qui a été faite sur Radio-Canada qui va sûrement enrichir davantage les contenus régionaux, comme on l'a entendu ce matin.

M. Poulin : Parfait. En terminant, de mon côté, puisque vous êtes enseignant, j'imagine que vous avez une opinion sur la façon dont on forme nos journalistes au Québec. Demain, on aura les gens d'ATM, à Jonquière, qui vont venir nous parler, entre autres. Quel est votre avis, votre opinion sur la formation qui est offerte aux journalistes? Est-ce qu'on réussit à former les journalistes que l'on souhaite, avec tous les outils pour traverser le travail qui doit se faire aujourd'hui?

M. Saulnier (Alain) : C'est une grande question sur laquelle il y a plusieurs opinions. Moi, je n'ai jamais étudié en journalisme. J'ai été journaliste très longtemps, j'ai été patron d'une entreprise de presse et je pense qu'il ne faut pas avoir une seule formation pour faire du journalisme. Moi, j'ai une formation en sciences politiques, il y en a d'autres qui ont des formations en histoire, en littérature, en économie. Alors donc, ce qui est le plus important, à mon point de vue, c'est qu'une fois qu'on a une formation personnelle qui est vraiment riche et qu'on a une maîtrise de la langue française, aussi, qui est à la hauteur de ce à quoi on doit s'attendre lorsqu'on travaille dans un média il faut se donner les outils pour performer, pour maîtriser, en fait, les outils de production, et ça, il y a plusieurs écoles, plusieurs universités qui le font très bien, comme on le fait nous ici, à l'Université de Montréal, au D.E.S.S. en journalisme où je travaille.

M. Poulin : Et, si je peux me permettre, le fait de bien maîtriser la langue française ou d'avoir une bonne diction devrait commencer également dès le primaire et le secondaire. Alors, ce n'est pas seulement un enjeu collégial ou universitaire pour former de bons journalistes. Peu importe le métier qu'on fait, on doit la protéger puis on doit surtout la valoriser. Merci, M. Saulnier.

M. Saulnier (Alain) : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Je cède la parole au député de Richelieu.

M. Émond : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre intéressant mémoire. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, il y a plusieurs mesures qui se dégagent dans nos travaux, dans les dernières journées, des mesures à court terme qui se retrouvent dans plusieurs présentations et qui sont intéressantes et pertinentes. Je vais m'appliquer à discuter avec vous de mesures à court, moyen, mais long terme — vous me voyez venir — avec nos jeunes, entre autres, avec l'éducation.

Vous avez parlé, dans vos recommandations, d'offrir, dans toutes les régions du Québec, des formations aux jeunes dans le cadre de cours à la citoyenneté des jeunes, parce que, vous l'avez dit tantôt, la plupart d'entre eux — puis je le vis à la maison — tirent leurs informations au travers de leur portable en naviguant au travers de contenus dont ce n'est pas à nous de juger de la pertinence aujourd'hui, là, mais parmi des photos d'amis, de vidéos d'artistes, puis là ils voient passer une nouvelle, souvent vraie, parfois fausse. Alors, je crois que c'est important de les éduquer à la citoyenneté et sur la manière de recevoir cette information-là.

Et je fais une parenthèse en saluant votre idée de mettre à contribution nos spécialistes en intelligence artificielle, un très bon flash qui ne nous avait pas été mentionné jusqu'à maintenant. Donc, Pr Saulnier, j'aimerais vous entendre davantage sur comment, au niveau pédagogique... et qu'est-ce que vous aimeriez voir se retrouver à l'intérieur de ces cours pour initier nos jeunes à la citoyenneté.

• (16 h 40) •

M. Saulnier (Alain) : Bien, écoutez, je n'ai pas un cursus développé, là, sur qu'est-ce qu'on devrait leur enseigner, mais je pense que ce qu'il faut absolument établir, c'est une plus grande relation étroite entre les médias, les journalistes et les institutions d'enseignement, que ce soit au niveau primaire, au niveau secondaire ou collégial.

Moi, j'accepte à peu près toutes les invitations qu'on me fait d'aller faire des conférences dans les cégeps, dans les polyvalentes. Puis c'est toujours un plaisir de les faire parce qu'on s'aperçoit, finalement, que les jeunes, oui, ils sont très différents de ma génération — moi, j'ai 66 ans, alors donc, c'est certain que les jeunes auxquels je m'adresse, lorsque je vais faire ces conférences-là, qui ont en bas de 18 ans, on ne s'adresse pas à eux de la même façon — mais sauf que je sais à quel point ces gens-là cherchent aussi une certaine forme... une quête de qui suis-je et qu'est-ce que je veux faire dans la vie quand je vais être grand. Alors donc, nous, on peut, quand on partage notre propre profession, leur expliquer c'est quoi, le journalisme, c'est quoi, les médias, de quelle façon est-ce qu'on doit voir aussi la culture québécoise dans un contexte où les multinationales américaines nous inondent de leurs propres contenus. On a des échanges aussi, dans ces conférences-là, sur la radicalisation. J'ai fait quelques conférences là-dessus pour essayer de prévenir la radicalisation des jeunes. Alors, il faut que les journalistes, que les gens qui ont de l'expérience s'investissent dans ces institutions-là.

M. Émond : Oui, c'est intéressant, ce que vous dites, parce qu'il y a un effet pervers qui est en train de se produire avec nos jeunes qui s'informent uniquement à l'aide de leur appareil, et ça vient des fameux algorithmes. Parce qu'on le vit tous. Il serait très dangereux, selon moi, que, dans l'avenir, nos jeunes... Ça va accentuer une certaine polarisation de l'information puis surtout de la pensée personnelle si nos jeunes sont confrontés uniquement à des pensées qui les rejoignent dans des canaux très précis. Alors, on risque de se retrouver avec des gens du même âge qui n'ont pas eu accès à des opinions diverses pour être capables de former la sienne. Là s'arrêtera mon point éditorial. Je vais passer la parole à un autre collègue.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Saulnier, de votre présentation. Je vous rassure ou, à tout le moins, vous éclaire, s'il y a un consensus sur les GAFA et s'attaquer aux GAFA, moi, je ne l'ai pas vu comme ça. Et, même si on choisissait d'aller dans une direction, par exemple, de taxation, je pense qu'à ce moment-là ce serait un autre mandat que celui qui nous a été confié, d'où proviendraient les revenus.

Puis je pense qu'il y a quand même un aspect où, dans le vocabulaire que vous utilisez, il y a des connotations. Quand vous dites, par exemple, qu'on est assiégés par les GAFA ou que Facebook et Google accaparent les recettes publicitaires, est-ce que vous ne pensez pas que, derrière ce choix de mots là, il y a un peu... puis là je dis ça un sourire en coin, mais il y a un peu cette présomption que les publics devraient appartenir aux médias traditionnels et que cette évolution-là ne devrait pas se produire? Moi, c'est ça que j'entends. Rassurez-moi.

M. Saulnier (Alain) : Alors, je vais vous rassurer tout de suite, je ne suis surtout pas ringard de «dans mon temps, c'était meilleur», on s'entend là-dessus. Je suis moi-même sur Facebook, j'ai un compte Twitter, je suis régulièrement tout ce qui se passe sur ces réseaux sociaux là. Ce que je dis, par contre, c'est qu'on ne peut pas rester mous face à l'omnipuissance de ces réseaux sociaux là, quand bien même ce serait pour des raisons à la fois pédagogiques, comme on parlait tantôt, ou culturelles, ou le fait qu'ils sont en train de tasser complètement les médias.

Moi, je ne veux pas déclarer la guerre à Facebook, je suis un des leurs, j'ai mon compte Facebook. Mais par contre il faut établir tout de suite des règles du jeu pour une cohabitation avec les géants du Web. On ne les mettra pas en dehors du Canada, ils sont là pour rester, sauf qu'il faut trouver une façon de cohabiter. Ça, c'est comme quand tu as un coloc chez vous, il y a des règles. Alors, il faut nécessairement qu'on établisse ces règles-là, et ça urge parce que, jusqu'à maintenant, il n'y en a eu aucune. Le CRTC, en 1997 ou 1999, a décidé qu'Internet ça ne les concernait pas. Aïe! Je peux vous dire qu'ils ont été contents, hein, les géants d'Internet, parce qu'ils ont dit : Ça y est, on débarque. Alors, depuis ce temps-là, on n'a plus rien qui encadre le travail qui est fait par les réseaux sociaux, par les géants numériques.

M. Chassin : Puis j'imagine que, derrière ces règles-là, il y a une certaine préservation de la concurrence qui, finalement, permet le choix aux citoyens aussi d'aller utiliser, par exemple, l'intermédiaire d'un journaliste pour une nouvelle ou d'aller directement sur le compte de Mme Lapointe sur Twitter pour apprendre ce qui pour vous est une nouvelle, mais ce qui pour elle est une nécessité de communiquer.

M. Saulnier (Alain) : C'est son choix. Mais c'est la raison pour laquelle je dis : Les journalistes et les médias doivent aussi faire leur examen de conscience. Qu'est-ce qu'on a fait qui a... on a perdu ce monde-là?

M. Chassin : Ah! là-dessus, je suis tout à fait de votre avis.

M. Saulnier (Alain) : Alors, moi, je ne suis pas en train de dire qu'il faut retourner dans le temps passé, ce que je dis, c'est que, aïe! c'est l'occasion — et peut-être que vous pouvez aussi nous aider à cet égard-là — dans le milieu journalistique, pour réfléchir sur comment on va chercher les moins de 35 ans, comment on peut parler autrement aux gens qu'avec les invectives des uns et des autres sur Twitter. Moi, hier, j'ai juste envoyé une petite remarque sur Twitter, puis, eh! je me suis fait ramasser comme ce n'était pas permis, là. Mais ça fait partie de la vie, ça, alors il faut qu'on trouve une façon aussi d'encadrer un peu tout ça, là.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, pour le temps restant, 2 min 30 s au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Pour faire du pouce sur le collègue de Saint-Jérôme, quelqu'un a dit que gouverner, c'était communiquer. Le président Trump a connu ça puis il a découvert Twitter, bon.

Bonjour, M. Saulnier. Je ne ferai pas comme si on ne se connaissait pas, Alain, mais je ne vous ai jamais appelé Alain, puisque vous avez été mon patron, le temps qu'on a travaillé ensemble, et je disais «patron» ou «M. Saulnier».

Trois petites choses rapides. D'abord, culture et information, information et culture, je sens que vous imbriquez les deux. On peut-u s'entendre que le feu est pogné à l'information, mais que c'est le même problème, ça fait partie de la même dimension, GAFAM et le reste, mais, à quelque part, c'est juste une question de perspective, mais la solution peut être un peu dans la même lignée, dans le fond, là?

M. Saulnier (Alain) : Vous avez tout à fait raison, parce que, dans deux mois, peut-être que c'est Solange Drouin, de l'ADISQ, qui va débarquer ici puis qui va vous dire : Ça ne va pas bien dans le milieu de la culture. Et puis moi, je travaille beaucoup avec le milieu culturel, et puis c'est ce que j'entends également. Alors, il faut être conscients que, quand je parle, je dirais, de cette bataille qu'il nous faut mener pour trouver un espace pour la culture et les médias francophones, ça concerne nécessairement le milieu culturel et le milieu des médias.

M. Lemieux : Deux autres petites choses. D'abord, votre idée des crédits d'impôt aux abonnements, sur le coup, j'ai dit : Ah! c'est vrai, c'est une bonne idée. Mais là, si on veut une mesure universelle, il y en a qui ont des «paywalls», il y en a qui ont des abonnements, il y en a qui sont gratuits. Comment on va faire? Ça va juste être une prime à l'abonnement ou ça va être...

M. Saulnier (Alain) : C'est leur choix. C'est-à-dire, comme je l'ai dit, il n'y a pas un seul modèle, c'est chacun qui décide de son modèle...

M. Lemieux : Oui, oui, mais l'aide que le gouvernement donnerait, ce serait un crédit d'impôt à l'abonnement. Mais, s'ils n'en ont pas, d'abonnement, on ne les aide pas puis on aide seulement ceux qui en ont, là?

M. Saulnier (Alain) : Bien, c'est-à-dire qu'à ce moment-là on verra comment les choses vont évoluer. Mais moi, je peux penser qu'il y aura peut-être des modifications qui vont se faire dans le milieu des médias.

M. Lemieux : 30 secondes. Vous avez signé votre mémoire le 6 mai 2019. Il s'en est passé, des choses, depuis ce temps-là. Et vous aviez une section sur l'«e-government» ou, si vous préférez, l'«open government», ça reste un anglicisme pareil. Vous n'en avez pas parlé aujourd'hui, mais ça ne fait pas partie de l'ensemble de l'oeuvre, ça?

La Présidente (Mme Nichols) : En 20 secondes, s'il vous plaît.

M. Saulnier (Alain) : Écoutez, à la pause, est-ce qu'on peut en parler?

M. Lemieux : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, nous poursuivons les échanges, pour une période de 10 minutes, avec Mme la députée de Verdun.

Mme Melançon : Un grand plaisir de vous recevoir, en effet, aujourd'hui à la commission. Ça va dans plein de sens, les questions que j'ai. D'abord, je veux vous entendre sur la diversité qu'on... bien, face à la concentration ou la concentration face à la diversité, ça dépend toujours de qui est dans la chaise devant nous, là, l'importance pour le Québec d'avoir une diversité des voix, surtout dans les médias.

M. Saulnier (Alain) : Écoutez, moi, je suis quelqu'un qui, dans mes années de jeunesse, était quelqu'un de l'extrême gauche, alors vous voyez un peu mon point de départ. Donc, la pensée unique, j'ai connu ça dans les groupes de gauche où j'étais. Alors, par conséquent, moi, ce que je dis, c'est que, pour éviter la pensée unique, il faut avoir la diversité d'opinions, la diversité des voix. Et, par conséquent, ça signifie que les médias doivent nous permettre d'offrir ça ou même que, dans un seul et même média, on puisse offrir différents points de vue, et ça, ça ajoute à la richesse. Puis, moi, la plus grande découverte que j'ai faite, après mes années folles de jeunesse, ça a été, justement, de découvrir que la liberté d'expression, que la diversité d'opinions, le pluralisme, c'était une immense richesse de cette société-là. Et ça, il faut préserver ça, puis nos médias peuvent nous aider à le faire.

Mme Melançon : Je lisais, je crois que c'est cette semaine, quelqu'un qui écrivait sur le sujet en parlant... en disant : La cassure, à un moment donné, vient de la polarisation, hein, parce que je pense que le monde est en train de se polariser énormément puis... Est-ce qu'il y a une façon de contrer ça? Vous, là, qui avez été à la tête de l'information, là, on peut arriver à ça comment dans nos médias?

• (16 h 50) •

M. Saulnier (Alain) : Oui, bien, la polarisation, elle vient un peu de l'extérieur, elle est venue beaucoup avec les réseaux sociaux. C'est incroyable de voir comment on peut lancer une opinion puis comment on peut se faire ramasser au bout des trois, quatre, cinq ou six étapes qui suivent. Chacun s'enferme dans sa bulle. C'est ça, le propre des réseaux sociaux, on a notre bulle. Dans Facebook, c'est ça, on a notre bulle : j'ai ma gang, puis une autre personne a sa propre gang, puis c'est comme si ces groupes-là ne pouvaient pas se parler.

Je pense qu'on est dans une société où la polarisation, elle est de plus en plus forte. Et ça, ce n'est pas de ma faute, ce n'est pas de votre faute, c'est arrivé un peu de façon insidieuse, un peu comme ça. Il y a Umberto Eco qui disait qu'avant quelqu'un qui avait quelque chose contre l'autre pouvait, dans une discussion de taverne, dire ce qu'il pensait. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, vous faites cette discussion-là sur les réseaux sociaux, puis là lui disait que ça peut donner autant d'importance à quelqu'un qui fait ça qu'un prix Nobel.

Alors donc, on se retrouve dans une société qu'on ne contrôle pas tant que ça, où les idées circulent, et c'est une bonne chose en même temps, c'est une richesse, mais les idées circulent, puis on a comme l'impression de ne pas toujours être capables de pouvoir gérer cette surabondance d'information là. C'est ça qui caractérise notre société aujourd'hui. Comment faire en sorte qu'on soit capables de trouver un espace où le respect... où on est capables d'être contents d'entendre une opinion contraire puis on peut avoir une bonne discussion? C'est le fun, des bonnes discussions aussi.

Mme Melançon : Tout à fait, mais encore faut-il pouvoir être assez mature pour débattre. Et ça, dans la société...

M. Saulnier (Alain) : Et, ça aussi, ça s'enseigne jeune.

Mme Melançon : Oui, vous avez tout à fait raison. Il y a des coûts pour une forme de journalisme. Par exemple, je vais reprendre l'exemple de l'émission Enquête, c'est une émission qui est coûteuse parce que ça prend beaucoup de temps, ça prend des recherchistes, ça prend des journalistes. Ce genre de mission là doit être donnée uniquement à une société comme Radio-Canada ou, si on est capables d'arriver puis de faire survivre les médias... parce qu'il y a aussi des grands reportages dans la presse écrite, je tiens à le rappeler, c'est de plus en plus rare. Est-ce qu'on peut trouver une façon de redorer, je vais dire ça comme ça, là, pas tant le journalisme d'enquête ou qui est très long, parce qu'il y en a plein qui en font... mais comment est-ce qu'on peut relancer tout ça, vu les coûts et vu la problématique qu'on a, actuellement, au Québec?

M. Saulnier (Alain) : Bien, c'est beaucoup de travail, ça prend une rigueur, ça prend des faits, ça prend de la recherche. Et puis il faut prévoir aussi qu'un jour on va peut-être se retrouver en cour puis se faire ramasser si on a commis une erreur. Alors, c'est certain que ça prend de bons journalistes qui ont de l'expérience, ça prend des avocats qui sont capables de nous défendre et ça prend surtout des patrons qui ont du courage, et je peux vous dire que ce n'est pas toujours le cas.

Alors, il y a d'autres formules. En France, vous avez Mediapart qui existe, Mediapart qui fonctionne sur la base de l'abonnement et qui ne font à peu près que ça, de l'enquête. Eux autres, ils ne font que de l'abonnement. Leurs recettes, c'est l'abonnement. Évidemment, ils ont plus de population que nous, on en a ici. Alors, j'ai déjà discuté avec M. Plenel, qui est le grand patron de Mediapart, et puis je lui disais : Bien, ici, c'est parce que, quand tu as une population de 8, 9 millions, le nombre d'abonnés que tu pourrais avoir, il n'est pas élevé comme c'est le cas quand tu es en France. Mais il y a peut-être d'autres modèles à développer, éventuellement.

Mme Melançon : On parlait de l'indépendance des journalistes. Et, si jamais on arrivait à une aide étatique pour les médias, certains voient que l'indépendance pourrait être mise à mal. Est-ce que vous êtes inquiet de ça, vous?

M. Saulnier (Alain) : Moi, je ne suis pas inquiet de ça. Je pense qu'il faut trouver des mesures qui soient non pas de l'ingérence dans la gestion éditoriale, dans la gestion de l'entreprise. Des formules indirectes comme des crédits d'impôt, ça va très bien. Je pense que ça, ce n'est pas une façon pour l'État de prendre le contrôle d'une entreprise médiatique. Alors donc, il faut trouver des formules de soutien indirect, puis les médias et les journalistes sont capables de faire la part des choses.

Mme Melançon : Lorsque vous vous êtes adressé à nous, en introduction, je crois que, juste par votre non-dit sur attendre après 2020 pour pouvoir taxer ou encore imposer ces géants du Web, c'était attendre trop longtemps?

M. Saulnier (Alain) : Le non-dit est dit. Alors, il ne faut pas attendre. C'est-à-dire, moi, ce que je dis, c'est que, si on attend à la toute fin des discussions sur l'OCDE, on risque de perdre beaucoup de temps. L'OCDE, ça fait des années qu'ils parlent des paradis fiscaux puis qu'ils vont essayer de régler ça, ça s'en vient. Ça fait neuf ans, à peu près — Mme Rizqy, vous le savez — alors...

Mme Rizqy : Oui.

M. Saulnier (Alain) : ...qu'ils nous annoncent ça. Donc, moi, je ne voudrais pas donner le bon Dieu sans confession à l'OCDE. Je voudrais m'assurer qu'on travaille dès maintenant sur le plan stratégique et que tous les partis politiques y contribuent. Puis ça, ça va vouloir dire aussi d'impliquer le gouvernement canadien, et rapidement. Puis on verra, après l'élection, qui formera le prochain gouvernement, mais il va falloir qu'on s'assoie puis qu'on bâtisse ce plan stratégique là.

Alors, c'est pour ça que je disais dans ma présentation : Il ne faut pas que ça soit la case départ, 2020, il faut déjà y travailler maintenant pour qu'en 2020... c'est parce qu'on est prêts, on a créé un comité interministériel, on aura fait toutes les études nécessaires, on a trouvé les moyens d'organiser la taxation, comment faire payer de l'impôt, quel est le bon taux d'impôt, etc. Je ne suis pas un fiscaliste, mais vous avez plein de ressources pour le faire.

Mme Melançon : Heureusement, on en a une bonne dans notre équipe, alors on pourra même donner des idées à ceux qui n'en ont pas. Sur l'aide, est-ce que vous voyez que ce soit une aide permanente ou encore une aide transitoire?

M. Saulnier (Alain) : Bien, écoutez, il y a peut-être des mesures qui devraient être permanentes. Je pense entre autres à la question de la taxe sur le recyclage des éditions papier, là, on ne va pas dire que c'est juste pour trois ans, je veux dire, je pense qu'on est capables de dire : Bon, très bien, on l'abolit puis on va faire autre chose dorénavant. Il y a certaines mesures qui peuvent être établies de façon permanente, quitte à ce qu'un jour on dise : Bien là, on a exagéré, puis il faut revenir en arrière. Mais il y a certainement... il faut avoir un plan soit pour trois ans, soit pour cinq ans, mais on ne peut pas juste dire : On va faire ça, O.K., pour une année, là, je pense qu'il faudra peut-être avoir un horizon de cinq ans. J'ai entendu certains des témoignages qui allaient dans...

Mme Melançon : La Presse.

M. Saulnier (Alain) : La Presse, je pense, allait dans ce sens-là. Je trouve que c'est une bonne idée, d'avoir au moins un horizon de cinq ans. Comme à Radio-Canada, d'ailleurs, quand j'étais là, on demandait toujours un budget pour les cinq années à venir, sauf que le gouvernement canadien voulait changer ça à chaque année, lui, alors ça devient un petit peu difficile, dans ce temps-là.

Mme Melançon : Et vous étiez parmi nous, tout à l'heure, lorsqu'on a entendu Philippe Lamarre, d'Urbania, nous parler, justement, du parallèle, et vous l'avez fait tout à l'heure, avec la culture. Je suis d'avis que le contenu, qu'il soit journalistique, qu'il soit en cinéma, qu'il soit... on parle d'identité, et je pense qu'il faut introduire cette discussion-là. Et on a une politique culturelle, hein, qui est nouvellement... qui a été mise sur pied par l'ancien gouvernement et que la ministre a annoncée. Je pense que, là, on a aussi des poignées intéressantes, vous en avez fait mention. Est-ce que vous avez des idées là-dessus? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

M. Saulnier (Alain) : Bien, c'est-à-dire qu'il faut...

La Présidente (Mme Nichols) : En quelques secondes...

M. Saulnier (Alain) : ...il faut nécessairement rapprocher le monde des médias et le monde de la culture, parce qu'on a le même obstacle, les mêmes enjeux. Par exemple, dans le cadre de la campagne électorale, je vous annonce en primeur qu'il y aura un débat lectoral pour l'élection fédérale, avec des tables des médias et des tables de la culture ensemble pour recevoir les représentants de tous les partis politiques fédéraux, et on va leur poser ces questions sur les médias et sur la culture. Vous êtes invités, c'est au Monument national le 18 septembre en après-midi.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Saulnier. Alors, la parole est à la députée de Taschereau pour 2 min 30 s

Mme Dorion : Merci. Merci, M. Saulnier, d'être venu. J'observais, récemment... je lisais sur l'évolution des médias depuis l'arrivée des GAFAM, puis comment ça a transformé l'intérieur des entreprises, les choix, tout ça, comment ça a dû être fait. On a vu apparaître des sections opinions, commentaires, même chez les radios, les animateurs, tout ça. C'est des nouveautés, plus ou moins des nouvelles, en fait, plus ou moins des nouveautés mais qui ont pris de l'ampleur. Puis je me demande comment on va faire ou est-ce que vous avez des idées à nous donner sur comment on va faire pour dire : Bon, bien, O.K., un média qui, d'abord, se dédiait à l'information... puis là je ne parle pas de Radio-Canada, évidemment, mais qui, d'abord, se dédiait à l'information puis qui, là, pour attirer des gens sur son site, a mis de plus en plus d'efforts, donc, faire des trucs sensationnalistes, plus basés sur l'opinion, sur le scandale, sur les petites guerres d'idées, attire le monde sur son site dans le but, au début, de les envoyer vers leurs nouvelles, mais finalement la nouvelle, l'information devient superflue, puisque c'est ça qui attire le plus de monde... Comme c'est une tendance puis que les médias qui sont en crise ont embarqué plus ou moins, selon chacun, dans cette tendance-là, comment on fait pour dire : Bien oui, mais nous, ce qu'on veut aider, c'est l'information ou l'analyse fine, poussée? Où on met le... Comment on fait pour faire ça? On voit que, dans certains médias, c'est très mélangé.

• (17 heures) •

M. Saulnier (Alain) : On m'a souvent posé la question : Est-ce qu'il y a trop d'opinions au Québec? Moi, ce que je dis souvent, c'est que ce qu'il y a trop, c'est de l'opinion qui ne s'appuie pas sur des faits. Alors, ce qu'il faut, c'est de favoriser que l'opinion, que les chroniques qui sont écrites puissent s'appuyer sur des faits, et c'est en ce sens-là qu'on va évoluer. Mais en même temps le bon goût d'une chronique, le bon goût d'une radio, ou d'une télévision, ou d'un média qui décide de faire un peu plus de sensationnalisme... Vous avez votre interprétation, j'ai la mienne, M. le député de Saint-Jean également. Alors donc, il faut juste être conscients que c'est difficile d'établir c'est quoi, les limites et puis c'est quoi, le bon goût.

Mme Dorion : Est-ce qu'on pourrait, par exemple, avoir une façon, bien, de faire en sorte que, quand il y a des erreurs factuelles, quand il y a des exagérations qui décollent de la réalité, on puisse avoir une forme de...

M. Saulnier (Alain) : Oui, bien, c'est pour ça que le Conseil de presse avait été créé, à l'origine, dans les années 70. D'ailleurs, c'étaient les journalistes eux-mêmes qui avaient demandé la création de ce Conseil de presse là. Puis, bon, le Conseil de presse a évolué, il y a des choses à améliorer, mais ça reste encore un outil qui peut jouer un rôle à cet égard-là. Les gens peuvent se plaindre, les gens peuvent aussi faire des poursuites en diffamation s'il y a des problèmes. On a des lois qui existent déjà, il faut juste les appliquer.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Merci pour vos propositions. Sur la partie éducation, je rajouterais peut-être deux éléments, parce que je trouve que ce que vous proposez là est très bon, mais il y a la partie... vous le savez, je l'ai dit tantôt, je viens d'une région où le vieillissement de la population est assez élevé, une personne sur quatre, 65 et plus, on est en train de perdre cette partie-là. Je parlais avec une dame, l'autre jour, qu'on lui proposait de faire son épicerie par Internet, elle m'a dit : Tu sais, ce n'est pas vrai, que je vais faire ça par Internet, on a des problèmes avec Desjardins, tout ça.

Il y a de la formation à faire aussi auprès des aînés. Il faudra investir pour faire en sorte que les aînés ne soient pas exclus de tout le virage numérique. Même chose pour les gens qui vivent dans la pauvreté ou qui sont un peu... parce que, là, on va avoir une cassure encore plus énorme qu'on a là, et ça, je pense que, dans tout ce qu'on a à réfléchir, il y a ça aussi.

Sur Internet, vous avez raison, c'est un gros, gros, gros problème dans plusieurs régions du Québec. On voulait faire, dans quatre ou cinq ans... pluguer tout le Québec, là, à Internet haute vitesse, mais on parle de sept ans maintenant. C'est des retards énormes, puis ça a des impacts majeurs.

Mais ma question... Vous êtes celui... un autre qui a dit qu'il faut faire des pressions sans relâche sur le gouvernement fédéral, et vous dites qu'il faut une stratégie globale, qu'il faut coordonner l'action des paliers. Comme, tantôt, je vous ai vu, vous avez connu Pépinot et Capucine, vous avez de l'expérience. C'est quoi, les conditions du succès d'un travail coordonné entre ces deux gouvernements-là, étant donné la...

M. Saulnier (Alain) : Alors, ça dépend toujours de c'est quoi, la relation qui existe entre les deux paliers de gouvernement. Mais c'est certain qu'il y a comme une tension, actuellement, qui peut exister entre ces deux ordres de gouvernement là parce que les deux n'ont pas les mêmes responsabilités. Et, si on remonte il y a quelques années, moi, j'ai connu le rapport de la commission Arpin, qui demandait que tous les directeurs des communications et de la culture soient rapatriés au gouvernement du Québec. Robert Bourassa lui-même, il parlait de souveraineté culturelle. Alors donc, il faut juste qu'on s'inscrive aussi dans cette trajectoire historique là. Alors, peut-être qu'un jour il faudra se poser ces questions-là. Liza Frulla, à l'époque, quand elle était ministre de la Culture et de Communications, elle avait bien reçu ce rapport-là, elle était dans le gouvernement de M. Bourassa. Alors, je pense qu'il faut peut-être qu'on réfléchisse à ces questions-là.

Mais, quoi qu'il en soit, le gouvernement du Québec doit exercer ce leadership-là, parce que c'est le berceau de la francophonie et c'est donc au gouvernement du Québec de montrer la trajectoire, la direction où il faut s'en aller là-dedans, et c'est ça que ça veut dire, quand on dit qu'il faut faire des pressions.

M. LeBel : Merci.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. La parole est à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci beaucoup. C'est superintéressant de vous entendre. Dans la même veine, si le gouvernement canadien refuse d'agir pour l'équité et de taxer les géants du Web, croyez-vous que le gouvernement du Québec devrait occuper le champ fiscal laissé vacant par le gouvernement du Canada?

M. Saulnier (Alain) : Tout à fait. Je ne vois pas pourquoi il ne le ferait pas.

Mme Fournier : Super. Merci. Puis peut-être plus globalement, on l'a dit dans la commission un peu plus tôt, qu'il y a seulement maintenant 49 % des Québécois qui ont confiance dans les médias d'information. Selon vous, c'est quoi, les principales causes de phénomène-là qui est vraiment préoccupant?

M. Saulnier (Alain) : Je me méfie de ce sondage-là, comme je me méfie de tous les sondages, comme vous autres, sans doute, aussi. Je m'en méfie pourquoi? Parce qu'après l'ensemble des scandales qui ont été révélés par l'émission Enquête à Radio-Canada — et puis Dieu sait qu'on en a révélé, des scandales — le taux d'appréciation des journalistes était au top, on ne l'avait pas vu comme ça depuis des années. Quand les journalistes démontrent leur utilité, ils sont populaires. Alors, c'est la raison pour laquelle je me méfie, parce que ça fait un peu comme cette allure de dire : Ah! le monde ne nous aime pas, qu'est-ce qu'on va faire? Regarde, ce n'est pas ça, là, qu'il faut faire. Il faut agir de telle sorte qu'on fasse du bon journalisme et qu'on se démarque en montrant la nécessité d'avoir du bon journalisme au Québec, tout simplement.

Mme Fournier : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, merci beaucoup, M. Saulnier, pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, je suspends, le temps que la prochaine représentante prenne place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 05)

(Reprise à 17 h 08)

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre dernière représentante de la journée, Mme Payette. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis que nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. Je m'excuse, juste avant de...

Mme Dominique Payette

Mme Payette (Dominique) : Oui, allez-y. Vous m'arrêterez, parce que je pourrais en parler pendant des heures, alors...

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, je suis une experte pour arrêter les représentants, mais je dois préalablement vérifier le consentement pour pouvoir déborder, puisqu'on a pris un peu de retard, entre autres, avec des difficultés techniques. Consentement? Très bien.

Mme Dorion : Excusez-moi, c'est parce que je vais devoir partir chercher mes enfants à l'heure dite, mais est-ce que je pourrais échanger avec le Parti libéral pour parler ou, en tout cas...

La Présidente (Mme Nichols) : Ce que je propose, c'est qu'on peut peut-être commencer le...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Parfait. Donc, on va commencer l'exposé, et je vous reviens avant aller dans la période des échanges. Très bien. Merci.

• (17 h 10) •

Mme Payette (Dominique) : Je vais juste prendre quelques minutes, je ne peux pas présumer que vous me connaissez. Alors, j'ai été journaliste pendant plus de 30 ans, 32 exactement, donc, principalement à la radio et à la télévision, à Radio-Canada, à Télé-Québec, mais j'ai aussi été stagiaire à La Presse, à l'époque où La Presse avait les moyens d'avoir des stagiaires, et j'ai aussi été journaliste à la salle de nouvelles de CJMS à l'époque où les radios privées avaient le désir d'avoir des salles de rédaction.

J'enseigne le journalisme depuis 20 ans maintenant — oui, bien sûr, des fois, ça s'est chevauché, là, parce que, sinon, j'aurais la fontaine de Jouvence — à l'Université de Montréal, à l'UQAM et maintenant à l'Université Laval. Depuis 2006, je suis professeure titulaire à l'Université Laval et je suis docteure en sociologie, spécialiste des médias par le biais de la socio, il n'y en a pas des tonnes au Québec. Donc, par la sociologie, j'ai une vision très concrète des forces en présence et notamment des rapports de force dans le secteur des communications, dans l'industrie médiatique, que moi, j'appelle des entreprises de presse, pour les ramener de temps en temps à leur fonction première qui est de nous rendre... de faire de nous de meilleurs citoyens.

Je suis très contente d'arriver... d'avoir assisté à la présentation, tout à l'heure, de Mme Massad et de son blogue du West Island, parce que j'avais envie, justement, de parler de ce type d'émergence de médias et je vous aurais parlé principalement d'un média qui s'appelle le Journal des Voisins, et qui est un journal d'une extrême... très, très grande qualité, dans Ahuntsic-Cartierville, et qui est maintenant disponible aussi sur papier, mais qui a d'abord été ce qu'on appelle un «pure player», donc un journal entièrement sur Internet, et qui est dans l'hyperlocal, c'est-à-dire qu'est-ce qui se passe dans Ahuntsic-Cartierville, y compris dans des séances du conseil municipal.

Je vais parler... Je veux partir de ça, parce que le problème... Vous avez un chantier extraordinaire devant vous. Et, comme j'étais très frustrée, en 2011, après avoir travaillé... On a rencontré des centaines de personnes, on les a fait travailler pendant toute une année sur des tables distinctes et on avait à peu près atteint un certain... en tout cas, une adhésion large, à défaut d'un consensus, et tout ça est tombé à l'eau bêtement, et je me retiens beaucoup de vous dire : Je vous l'avais dit. Je me retiens beaucoup de vous dire ça, parce que vous allez trouver, dans les 50 recommandations que nous avions faites à l'époque, en 2011, la plupart des suggestions qui vous sont faites depuis une semaine sur le financement des modèles d'affaires en fonction du modèle d'affaires en question. Donc, on n'a pas inventé beaucoup de choses depuis 2011, sauf peut-être la taxe sur le GAFA, qui n'est pas dans mes recommandations de 2011 parce qu'on m'avait demandé, à l'époque, de ne pas rouvrir à moi toute seule la Constitution canadienne. Et je n'ai pas non plus recommandé que le Québec développe son propre CRTC de manière à rapprocher les décisions de ce conseil de la communauté francophone canadienne. Donc, tout ça pour vous dire que je pense que vous avez un formidable chantier, qui est d'une extraordinaire complexité, mais qui peut être aussi formidablement rassembleur.

En 2011, quand j'ai remis le rapport, il y avait encore des entreprises de presse qui disaient : On n'a pas besoin d'argent. En fait, la majorité des entreprises de presse disaient : On n'en a pas besoin, la crise, elle est circonstancielle. Rappelez-vous, on sortait de la crise économique 2008‑2009, il y avait une baisse importante de la publicité. Mais la plupart des médias, à l'époque, croyaient que ce serait possible de récupérer tout ça. On a démontré depuis que ce n'est pas vrai, et ça ne s'est pas arrangé. Et, s'il y a une chose qui s'est produite, c'est, bien sûr, une aggravation de la situation telle que moi, je l'avais décrite déjà, en 2011, et notamment, plus discrètement que ce qu'on a vu cette semaine avec Capitales Médias, dans les régions. La guerre entre Québecor et Transcontinental a fait des morts dans les régions. La décision du Bureau de la concurrence du Canada, qui ne voulait pas que Transcontinental ait deux hebdos dans la même ville au nom de la concurrence, bien, ce que ça a fait, c'est qu'il y en a un des deux qui a fermé. Alors, on a créé des situations monopolistiques en essayant de protéger la concurrence, cherchez l'erreur.

Maintenant, la question, c'est : Comment intervenir pour que Mme Massad, que vous estimez beaucoup, soit soutenue dans sa démarche, comme le serait peut-être le Journal des Voisins d'Ahuntsic-Cartierville? Mais en même temps vous savez très bien qu'il y a, par exemple, une jeune youtubeuse, je n'ai pas besoin de la nommer, qui fait une fortune en recevant des cosmétiques des compagnies de cosmétiques et qui dit qu'elle est journaliste, puisqu'elle est critique de ces cosmétiques-là. Comment... Ce n'est pas si simple, de tirer la ligne entre les deux, pas si simple. Alors, la question principale que vous avez à vous poser, c'est : Qu'est-ce que c'est qu'une entreprise de presse? Et la deuxième, c'est : Qu'est-ce que c'est qu'un journaliste? Alors, je pense que je vais essayer de vous aider à mettre un couvercle sur la marmite puis je vais vous dire que c'est une question qui ne vous regarde pas, c'est une question qui doit se décider entre pairs. Et la suggestion que je fais pour éviter cette boîte de Pandore qui risque de s'ouvrir et de devenir absolument incontrôlable, c'est d'avoir une organisation qui va déterminer qui est admissible à recevoir de l'aide gouvernementale et d'avoir une organisation qui va avoir le droit de décider qui est journaliste, et qui ne l'est pas, et qui le reste, et qui ne le reste pas, donc qui applique un code de déontologie, qui applique des normes et pratiques généralement reconnues dans la profession et qui ne le fait pas. Alors, je dirais, pour moi, c'est le Conseil de presse, et ça allait de soi jusqu'à tout récemment, jusqu'à ce que le Conseil de presse dise : Non, nous autres, on ne veut pas.

Bon, le Conseil de presse, quand il a été fondé, je reviens un peu sur les propos de mon ami Saulnier, les entreprises de presse n'en voulaient pas. C'est seulement parce que Robert Bourassa, au cours d'une commission parlementaire, avait menacé d'introduire une loi sur le contrôle des médias qu'ils ont décidé de s'autoréguler. Jusque-là, ça ne leur tentait pas du tout et, encore aujourd'hui, ça ne leur tente pas du tout d'avoir des comptes à rendre à la population. Ça ne leur tente pas, puis les journalistes non plus, ça ne leur tente pas. Mais moi, comme représentante de la population, je n'ai pas envie de financer la jeune youtubeuse. Je pense que les fonds publics, ça ne doit pas servir à ça. Ça ne doit pas servir non plus, si par exemple... Et ça, le modèle français, là-dessus, est une grossière erreur, et il y a la Cour des comptes, en France, qui a sévèrement blâmé le gouvernement. Parce que, là-bas, il y a une carte de presse, donc c'est facile, de savoir où sont les journalistes, alors on a décidé de donner l'argent aux entreprises de presse directement. Mais qu'est-ce qui va les empêcher, si vous faites ça, de décider de faire un cahier cuisine le samedi ou de faire un cahier décoration puis de rentrer plein de publicités supplémentaires par des agences immobilières ou de faire plus de mots croisés? Alors, là-dessus, vous ne pouvez pas avoir de contrôle, vous ne devez pas avoir de contrôle, mais il y a un intermédiaire qui doit en avoir un, contrôle, et cet intermédiaire-là, dans ma tête à moi, parce qu'il y a déjà une loi constitutive, c'est le Conseil de presse. Alors, des entreprises de presse qui veulent avoir des sous publics, c'est-à-dire mon argent et le vôtre, doivent se soumettre à un code de déontologie. Il n'y a aucune raison pour que l'État finance des entreprises de presse qui refusent d'appliquer des codes de déontologie, aucune espèce de raison.

De la même façon, une organisation comme la Fédération professionnelle des journalistes pourrait être celle qui nous dirait : Vous êtes journaliste ou vous ne l'êtes pas. Comment elle va faire ça? Je n'en sais rien, hein? J'aurais des tas de suggestions à leur faire le moment venu, mais, pour l'instant, ce que je sais, c'est que la FPJQ, telle qu'elle est actuellement, par son mode d'admission de ses membres, tout ce qu'elle fait, c'est une tautologie, c'est-à-dire, vous devenez membre de la FPJQ parce que vous êtes embauché comme journaliste par une entreprise de presse qui, elle, n'est garantie par rien. Alors, on est dans un système très, très flou dans lequel moi, je vous invite à ne pas trop plonger mais à tenter de définir comment vous allez distribuer cet argent. Et, même si vous avez la taxe du GAFA, ça ne vous donnera pas plus d'idées d'à qui les donner, ces sommes-là. Voilà, c'est tout.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et je vais céder la parole au député de Beauce-Sud.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Payette. Bienvenue à cette commission parlementaire. Merci...

Mme Payette (Dominique) : Vous me permettez, juste une petite seconde, de dire que c'est aujourd'hui l'anniversaire de ma mère, Lise Payette, et que, quelle coïncidence formidable, je suis aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Je vous en prie, allez-y.

M. Poulin : Oui, absolument, absolument. Et, bien évidemment, on a une pensée pour votre famille également en cette journée. C'est quelque chose qui nous marque à vie, des anniversaires de nos proches, même quand ils nous quittent. C'est très important.

Donc, merci pour votre contribution, merci pour le travail, également, que vous avez fait en 2011. Évidemment, le métier de journaliste a changé, a évolué. On comprend l'importance des pratiques, des normes journalistiques, de l'éthique dont on se doit de se doter. Mais il est évident qu'en région ou même dans les grands centres on assiste présentement à une rareté de main-d'oeuvre en termes de journalistes. Alors, bien sûr, les entreprises de presse disent : Oui, on veut offrir plus d'information à nos gens, on souhaite offrir des plus grandes salles de rédaction, des meilleures équipes de recherche, on souhaite tout faire ça, mais il nous manque des gens.

Alors, moi, je veux vous entendre parler de la formation de journaliste, comme telle. On l'a explorée tout à l'heure avec M. Saulnier, où on disait : Des gens ont été d'excellents journalistes sans avoir de formation parce que, d'abord et avant tout, la base d'un journaliste, c'est d'être curieux et d'avoir un bon français. Après ça, ça aide à faire le travail. Alors, je veux vous entendre là-dessus puis également sur cet univers où, oui, on a des animateurs radio dans différentes stations au Québec, où, oui, on a des émissions d'affaires publiques, également, qui donnent de l'information sans être nécessairement des journalistes. Alors, je veux vous entendre là-dessus, Mme Payette.

• (17 h 20) •

Mme Payette (Dominique) : Bien, en fait, moi, je ne suis pas capable de dire, comme vous : Ce sont ou pas des journalistes. Moi, je m'appuie sur la définition du Conseil de presse du Québec. Quand on lit cette définition, il existe deux types de journalistes : ceux qui font de l'opinion et ceux qui sont des journalistes factuels. Mais, quand vous regardez la définition du journalisme d'opinion, vous vous rendez bien compte que les journalistes d'opinion, il y en a bien peu qui respectent ces règles. M. Ryan doit se retourner dans sa tombe quand il lit des chroniques, hein, parce qu'on demande au journaliste d'opinion d'appuyer sur des faits, on lui demande de tenir compte de l'ensemble de la diversité des points de vue, et, au bout du compte, moi, ce que je dis à mes étudiants, c'est : On doit être capable de ne pas être d'accord avec vous, O.K.? Bon, ce type de journalisme d'opinion, on ne le rencontre plus très souvent. Ça n'empêche pas que c'est du journalisme. Vous savez, c'est comme un médecin qui n'est pas très bon — je ne sais pas si vous en avez déjà eu, moi, ça m'est déjà arrivé — ça ne l'empêche pas d'être un médecin. Ça nous donne des recours, mais ça ne l'empêche pas d'être un médecin.

Alors, moi, je ne parle pas d'un ordre professionnel de journalistes parce que, selon des juristes, ça ne tiendrait pas la route cinq minutes devant un tribunal à cause de la liberté de la presse et de la liberté d'expression. Donc, je ne veux pas que les employeurs soient tenus d'embaucher des journalistes professionnels, mais je pense que des journalistes peuvent avoir envie de devenir des journalistes professionnels si on leur donne ce qui va avec. Et, à mon avis, ce qui allait avec, c'était le secret des sources et l'accès privilégié à l'information gouvernementale. Si vous mettez ça dans ma valise, vous m'aidez beaucoup comme journaliste.

Il y a eu, bien sûr, la loi Carignan, mais, en tout respect pour M. le sénateur, elle n'a pas changé grand-chose, la Loi sur la protection des sources, puisque je dois aller devant le juge pour lui dire : Je suis journaliste. Alors, on a simplement changé un peu la démarche judiciaire, mais la démarche judiciaire, elle est toujours là. Alors que, si on mettait ça dans... Et il y a beaucoup de décisions des tribunaux, ces dernières années, sur le secret des sources, qui commencent toutes par le même paragraphe, c'est-à-dire : Je ne peux pas l'appliquer, le secret des sources, parce que je ne sais pas à qui ça s'applique. Alors, je dis : Nous, au Québec, on règle ça, ça s'applique aux journalistes professionnels, et ce sont eux qui vont bénéficier des avantages financiers, ce sont eux dont l'embauche va être subventionnée à hauteur de ce que vous voudrez. On fait à 35 % dans le jeu vidéo, on peut toujours bien faire 35 % dans le journalisme, hein? Bon, sur le plan citoyen, ça se vaut.

M. Poulin : Oui, absolument. Vous avez parlé des GAFA, vous avez dit, bon : S'il y a une taxation, après ça, de quelle façon on gère cet argent-là, via des paramètres, via une certaine équité, et tout? Puis on sait très bien que ce n'est pas la seule solution pour avoir des mesures d'atténuation concernant les GAFA puis que, demain matin, s'il y avait une taxation, ça ne sauverait pas toutes les entreprises de presse non plus au Québec. Comment vous voyez l'avenir au niveau des sources de revenus des médias, dans une perspective où on souhaite également maintenir les médias traditionnels, donc les médias écrits? On a beaucoup parlé des agences publicitaires, qui ont un rôle à jouer de ne pas simplement conseiller les gens de se tourner vers le Web, mais également vers les médias traditionnels. Il y a la radio qui a réussi à traverser le temps avec les années aussi. Plusieurs patrons de presse nous ont dit : Vous ne devez pas oublier la télé aussi, la télé vit également des difficultés. Alors, avec votre expertise, avec votre travail, avec également ce que vous disiez en 2011, est-ce que vous souhaitez encercler quelque chose en plus grands traits à ce niveau-là?

Mme Payette (Dominique) : Il y a beaucoup, beaucoup de choses dans votre question. Personnellement, je n'ai jamais pensé que de casser des syndicats de journalistes, ça faisait du meilleur journalisme. Je pense que la loi de l'offre et de la demande, quand on l'applique au journalisme, ça ne tire pas par en haut. Quand on ne veut respecter aucune autre règle que celle du marché, ça ne tire pas le journalisme par en haut. M. Péladeau père avait l'habitude de dire : Pour faire marcher un journal, on sait très bien comment faire, il y a les trois s : le sang, le sexe et le sport, voilà, et, bon, maintenant on pourrait rajouter l'opinion. Alors, j'ai le sang, le sexe, le sport et l'opinion, si possible polémique. Bon, est-ce que c'est vraiment ce modèle, est-ce que c'est ce type de journalisme qu'on veut défendre? Est-ce que c'est ce type de journalisme qui fait de nous de meilleurs citoyens, de meilleures citoyennes? Moi, je ne pense pas.

M. Poulin : Sur les revenus?

Mme Payette (Dominique) : Les revenus, c'est sûr que ça, c'est un chantier à long terme. Je ne pense pas que les choses vont se régler rapidement. Il y a aussi ce que personne n'aborde vraiment, mais c'est une espèce de désintérêt de la population par la chose publique. J'ai été mairesse de ma petite municipalité pendant quatre ans, je sais à quel point c'est difficile, de traîner nos citoyens, nos concitoyens dans les séances du conseil municipal. Donc, il y a ce désintérêt de la chose publique. Il y a souvent un traitement même un peu méprisant, aujourd'hui, de la chose publique et des élus en particulier. Et ça, c'est comme un cercle vicieux, c'est-à-dire, si je ne suis pas intéressée à la chose publique, je n'irai pas voir les médias, si les médias continuent de dire que ce que font les élus, c'est inutile et ce n'est pas correct, etc., je suis toujours dans ce cercle vicieux, et je pense qu'on est là-dedans aussi. Ce désintérêt pour la chose publique est très grave, très sérieux et frappe principalement les moins de 35 ans mais pas seulement. Et ça aussi, c'est un enjeu très important pour les entreprises de presse, comment réussir à conquérir... à rebâtir l'intérêt de cette génération pour la chose publique.

M. Poulin : Le sens sociétal qu'on se doit de retrouver dans notre société.

Mme Payette (Dominique) : Le sens sociétal, le bien commun, tous ces... ce sont des enjeux très graves qui font que... Quand j'avais 25 ans, j'étais intéressée, je lisais, je ne sais pas, trois ou quatre quotidiens par jour. Je ne connais personne de cet âge-là aujourd'hui qui fait ça, même sur son téléphone.

M. Poulin : Absolument. Merci pour votre travail à Lac-Delage également.

Mme Payette (Dominique) : Ah oui. Merci.

M. Poulin : Très important, un beau coin. Je vais céder la parole à l'un de mes collègues.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Sainte-Rose.

M. Skeete : Oui, mais rapidement. Puis merci beaucoup de nous éclairer sur votre point de vue. J'ai de la misère à suivre. C'est quoi, la première étape? Parce qu'on reçoit énormément de pression de nos collègues pour agir rapidement, mais en même temps on dirait que la profession n'est pas prête à définir ce qu'elle est elle-même. Donc, comment on fait pour agir rapidement, compte tenu qu'il y a tellement de travail qui ne nous regarde pas et qui ne devrait pas, vous avez bien dit, nous regarder?

Mme Payette (Dominique) : Je pense que, parmi les journalistes, on a un phénomène générationnel très important. Les journalistes de ma génération ne veulent pas du tout avoir de comptes à rendre, que ce soit à leurs pairs ou à qui que ce soit d'autre; à la limite, le juge, si c'est nécessaire, mais les tribunaux ordinaires, pour eux, suffisent. Quand je regarde mes étudiants, depuis 20 ans, j'ai beaucoup d'étudiants au premier cycle qui sont étonnés d'apprendre qu'il n'y a pas d'ordre professionnel et que n'importe qui peut se déclarer journaliste au Québec, ce qui est vrai. Donc, il y a ce phénomène générationnel où, pour les gens de mon âge et d'Alain Saulnier, le Conseil de presse était un acquis très important et suffisant. On constate aujourd'hui qu'il est quasi moribond, notamment parce qu'il a été quitté par l'empire Québecor et que ça fait beaucoup moins de revenus que ce qu'il avait auparavant, mais aussi parce que le Conseil de presse considère qu'il doit traiter toutes les plaintes, quel que soit le support. Alors, à la limite, je pourrais même avoir une plainte contre ma jeune youtubeuse, et le Conseil de presse pourrait être tenu de la recevoir.

M. Skeete : Merci beaucoup.

Mme Payette (Dominique) : Je pense que je ne réponds pas très bien à votre question, mais...

M. Skeete : Bien, c'est complexe et...

Mme Payette (Dominique) : Oui, puis, dès qu'on lève un aspect dans ce dossier-là, on s'aperçoit que, tiens, ça bouge ailleurs.

M. Skeete : Donc, la rapidité et de décider rapidement...

Mme Payette (Dominique) : Il y a des choses à faire rapidement. Je pense que mettre les journalistes devant leur responsabilité de définir qu'est-ce que c'est, le journalisme qu'on doit soutenir... C'est eux qui doivent vous le dire. Enfin, ils ne vous le diront peut-être même pas à vous mais au moins se le dire entre eux.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, je cède la parole au député de Saint-Jérôme.

M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Nichols) : Cinq minutes.

M. Chassin : Oh! O.K. Je vais laisser du temps aussi à mon collègue. Merci, Mme Payette, de votre présentation. Vous me faites énormément réagir, je suis en ébullition, et les questions que vous posez sont les questions qui me taraudent depuis le début de l'exercice. Je suis toujours à la recherche d'une voie de passage qui soit la plus neutre possible. J'ai moi-même... je ne le dirais pas dans vos mots, je n'ai pas de mépris pour la chose publique, mais j'ai certainement toujours un oeil prudent par rapport aux interventions de l'État et à leurs conséquences négatives, souvent peu anticipées ou mal anticipées.

En même temps, puis je pense que vous le reconnaissez aussi, notamment par rapport au fait d'un rapport où vous vous êtes intéressée à la situation il y a déjà quelques années, il y a 15 ans, Facebook n'existait pas, mais il y avait déjà une crise, par exemple dans les annonces classées, pour les journaux papier. Dans 15 ans, quel sera le concurrent? Est-ce que ce sera encore les GAFA ou autre chose? Donc, cette évolution, elle est, je pense, assez rapide.

Le mécanisme que vous proposez, c'est, finalement, un mécanisme un peu permanent où, de façon tout à fait légitime et très pertinente, je pense, on aurait comme parlementaires, comme législateurs, voire comme gouvernement, si le gouvernement embarquait dans cette proposition-là, l'humilité de dire : Ce n'est pas à nous de fixer les critères. Alors, je trouve ça drôlement pertinent. En même temps, de demander aux journalistes ou à un organe comme le Conseil de presse qui, par exemple, forcerait Québecor à réintégrer un organe qui...

Mme Payette (Dominique) : Il ne forcerait pas. Québecor n'est pas obligé d'y aller s'il ne veut... S'il ne veut pas d'argent, il n'est pas obligé d'y aller.

M. Chassin : ...bien, ou inciterait vachement, étant donné que ses concurrents seraient subventionnés.

Mme Payette (Dominique) : Oui, mais, s'il ne veut pas y aller, il n'est pas obligé non plus.

M. Chassin : Exact, c'est ça.

Mme Payette (Dominique) : Parce que, sinon, ça ne tiendra pas la route, je suis d'accord avec vous.

• (17 h 30) •

M. Chassin : Disons que ça serait la carotte et pas le bâton. Ou encore de demander à des journalistes de définir ce qu'est un journaliste, ce qui est aussi particulier. Est-ce que, dans cette situation-là, vous voyez qu'il y a aussi possibilité de dérive, même si ce n'est pas les parlementaires ou le gouvernement qui proposent une définition, compte tenu que, par exemple, le métier de journaliste a considérablement évolué, que sa formation n'est pas unique?

Mme Payette (Dominique) : Les fondamentaux, ça reste les mêmes. Le fondamental, ça reste le même pour le journaliste, c'est la recherche de la vérité. En fait, il est le seul, de toute la nébuleuse communicationnelle, à avoir l'obligation absolue de chercher la vérité et de vous la dire. Mon exemple préféré, c'est Nutella : le publicitaire, il va vous dire que Nutella, c'est très bon au goût; le relationniste, il va vous le faire goûter; le journaliste, c'est le seul qui va vous dire qu'il y a trop de sucre dedans. Le journalisme, il se distingue de cette façon-là dans l'univers communicationnel.

M. Chassin : Bien, je trouve votre exemple très intéressant, parce que «il y a trop de sucre», c'est un jugement de valeur. C'est-à-dire que le journaliste ferait, dans le fond, appel à une diététicienne qui dirait : Attention, consommez du Nutella modérément parce qu'il y a une quantité de sucre qui correspond à...

Mme Payette (Dominique) : Bien, absolument, absolument. Le journalisme, c'est ça, c'est aussi de...

M. Chassin : Donc, qu'il y a trop de sucre, c'est un jugement. Un journaliste...

Mme Payette (Dominique) : Donc, disons qu'il y a beaucoup de sucre.

M. Chassin : Bien oui, mais voyez-vous la définition des... Et je trouve ça intéressant, parce que votre exemple révèle à quel point la définition, elle est relativement arbitraire.

Mme Payette (Dominique) : Oui, mais, moi, ce qui me frappait, à l'époque, en 2011, c'est que ça existe déjà au gouvernement du Québec, par exemple, pour les traducteurs. Les traducteurs, l'association des traducteurs admettait des personnes qui étaient habiles dans une autre langue que la leur après une journée d'examen. Après, bon, je ne sais plus trop combien de... et après ces tests-là qui étaient faits, on devenait un traducteur agréé. L'autre phénomène existe aussi avec les libraires. Les subventions aux libraires sont données, O.K., par une association de libraires...

M. Chassin : Par manque de temps... J'avais envie de vous demander, par oui ou non, si, par exemple, le West Island Blog... selon vous, est-ce que c'est une journaliste, par exemple?

Mme Payette (Dominique) : Oui, bien sûr, à sa face même.

M. Chassin : Je laisse le temps restant à...

Mme Payette (Dominique) : Prima facie, dirait-on, en droit.

La Présidente (Mme Nichols) : Alors, le solde est de 50 secondes au député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Vous nous l'aviez dit, Mme Payette, c'est vrai. J'ai même presque eu pitié de vous en lisant votre rapport pendant le temps des fêtes en sachant qu'on allait se revoir ici, parce qu'il y avait bien des choses là-dedans, et vous avez raison, ce n'est pas nos affaires. Mais le journaliste professionnel que j'ai été, sans... n'a jamais compris le débat, puis je pense qu'on n'y arrivera jamais. Pourtant, avant la fin de l'année, il va y avoir des mesures d'aide, il faut, parce que, là, on est rendus là. Alors, on va faire avec ce qu'on peut, mais, ce débat-là, je pense que je vous le laisse.

La Présidente (Mme Nichols) : En 10 secondes.

Mme Payette (Dominique) : Ah! bien, je...

M. Lemieux : Non, non, j'ai fini. C'était un commentaire, ce n'était pas une question.

La Présidente (Mme Nichols) : Ah! très bien. Alors...

Mme Payette (Dominique) : Mais, je ne sais pas, je vous dirais, en conclusion...

M. Lemieux : Non, non, non...

La Présidente (Mme Nichols) : C'est très bien.

Mme Payette (Dominique) : ...

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, oui, il y aura d'autres périodes d'échange. Et je vous dirais que, de façon exceptionnelle et avec la plus grande gentillesse, l'opposition officielle accepte de laisser précéder l'intervention de la députée de Taschereau, soulignant à la députée que nous acceptons, puisque nous sommes aussi des mamans, donc nous comprenons, nous comprenons. D'ailleurs, je salue ma fille, qui m'attend pour souper. Alors, 2 min 30 s, à vous, Mme la députée.

Mme Dorion : Merci beaucoup.

Mme Payette (Dominique) : Conciliation travail-famille.

La Présidente (Mme Nichols) : Exactement.

Mme Dorion : Merci beaucoup pour élever la discussion, pour la structure intellectuelle et recadrer aussi vers les questions sur lesquelles on va devoir se pencher. Mais j'aimerais avoir... J'ai une question, en fait, pour la sociologue. J'espère qu'on n'aura pas une solution plasteur qui va sauver un peu, pour les prochaines années, les médias, puis je vois qu'il y a des tendances à long terme qu'il faudrait stopper ou inverser. Et j'aimerais que vous me parliez de... Bon, puisque les revenus ont baissé, les médias se sont beaucoup tournés vers, vous en avez parlé, la chronique, tout ça, l'opinion. Et vous vous êtes penchée aussi sur l'intimidation médiatique que des gens qui ont de l'opinion et des grosses tribunes peuvent avoir. Quel impact ça peut avoir sur notre démocratie, ça a eu sur notre démocratie et ça pourrait continuer d'avoir?

Mme Payette (Dominique) : Oui, merci de cette question. En fait, ce que j'ai constaté... J'ai publié un petit machin, le printemps dernier, qui s'appelle Les brutes et la punaise. La punaise, c'est moi, c'était à la suite de menaces de me faire écraser comme ces malheureuses petites bêtes que le titre est né. Ce que j'essaie de dire dans ce petit livre, c'est que ce que font ces radios-là, c'est totalement illégal, là. Ce n'est pas me demander si c'est bon, si ce n'est pas bon, si c'est normal, si ce n'est pas normal, ce n'est pas légal.

Quand vous lisez attentivement la loi sur la radio, qui est encore de compétence fédérale, vous allez noter que la loi exige la diversité des points de vue sur les sujets d'intérêt public pour tous ceux qui ont une licence. Alors, quand vous avez une station de radio qui va entièrement dans un sens et qui soutient entièrement, par exemple, le même type de parti politique et le même type de position politique, c'est contraire à la Loi sur la radiodiffusion. Alors, moi, mon inquiétude, c'est : Comment se fait-il que nos parlementaires, partout, soient paralysés au point de ne pas faire appliquer la loi? Et je pense qu'ils sont pris en otage, parce que ces radios sont d'une extraordinaire violence, et je comprends tout le monde d'avoir peur, parce que j'ai eu peur moi-même. Et ce n'est pas normal que ces radios fassent peur à des citoyens ordinaires comme moi, et à des élus comme vous, ce n'est pas normal non plus. Donc, pour moi, c'est d'abord illégal à cause de la Loi sur la radiodiffusion et c'est également illégal en vertu de la loi sur les élections au Québec, dans laquelle je n'ai pas le droit de faire tout un paquet de choses que ces radios ont faites ces dernières années, comme par exemple de simuler un débat avec une candidate à la mairie de Québec comme si elle était assise devant eux, alors qu'elle ne l'était pas, etc. Donc, il y a une foule de... C'est totalement inqualifiable, qu'on tolère ce genre d'opinion et de violence sur les ondes de nos radios.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Nous allons poursuivre la période d'échange avec la députée de Saint-Laurent, pour 10 minutes.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous confirme, le Journal des Voisins, à Saint-Laurent ainsi que dans le comté de l'Acadie, on est contents de l'avoir, et effectivement ça permet d'avoir de l'information de qualité mais surtout le reflet de la réalité très terrain. Et particulièrement avec les inondations qu'on a connues, c'était bien d'avoir de l'information juste et de savoir pratiquement exactement à quelles rues les gens étaient affectés.

Mme Payette (Dominique) : C'est de la même façon, à votre avis, que, dans le West Island, vous avez là affaire à des journalistes professionnels qui pourraient très bien écrire «JP» à la fin de leurs reportages, et vous sauriez aussi, vous, élus, à qui vous avez à faire en face de vous quand vous répondez à des questions. Il n'y a rien qui vous oblige à répondre à toutes les questions si ce JP là n'y figure pas.

Mme Rizqy : Dites-moi, dernièrement, on a vu que Facebook demandait aux gens de faire des vidéos, et, en quelque sorte, de se transformer eux-mêmes en journalistes, et de mettre en ligne ces vidéos pour être en mesure de favoriser le partage des nouvelles locales — et je mets «nouvelles» entre guillemets. Il me semble que ça peut être quand même dangereux, parce qu'habituellement, par exemple, un journaliste, avant de diffuser de l'information, il met un contexte et explique, en quelque sorte, la nouvelle, alors que, par exemple, un simple citoyen comme moi, par exemple, qui n'est pas un journaliste, mettre une information sans contexte, ça peut facilement induire les gens en erreur, ou même semer le doute, ou même, dans des cas, de la panique.

Mme Payette (Dominique) : Oui, et on l'a vu il n'y a pas si longtemps, je pense que c'était à Gatineau, où, tout à coup, est partie cette rumeur à l'effet que, si la ville de Gatineau ne décrétait pas l'état d'urgence au moment des inondations, les assurances refuseraient de rembourser les personnes qui étaient sinistrées. C'est entièrement faux, mais c'est parti de cette manière-là. Donc, en fait, le seul rempart qu'on a contre la rumeur, c'est le journalisme professionnel.

Mme Rizqy : Et là, maintenant, on a de moins en moins de journalistes, et ils doivent faire un travail double : non seulement informer la population, mais en plus de vérifier les fausses informations qui circulent à vitesse grand V sur des plateformes telles que Facebook.

Mme Payette (Dominique) : ...ils doivent le faire alors qu'ils sont 1,5 pour deux hebdos.

Mme Rizqy : Et, en plus de ça...

Mme Payette (Dominique) : Donc, l'embauche de journalistes avec un crédit d'impôt m'apparaît, depuis 2011, non seulement une nécessité, mais une obligation. Et mon inquiétude, maintenant, c'est : Avec ce crédit d'impôt, est-ce qu'on arrive trop tard? C'est-à-dire, est-ce que certaines entreprises devraient prendre aussi des start-up? Parce que certaines entreprises n'ont pas le 55 % de plus que le 35 % du crédit d'impôt, et c'est là où ça devient embêtant d'avoir une seule mesure, il faudra plusieurs mesures. C'est pour ça que je dis : Vous avez un chantier passionnant, parce qu'il faudra plusieurs mesures pour être en mesure de rétablir un niveau d'information, à Québec, qui soit acceptable.

• (17 h 40) •

Mme Rizqy : Absolument. Et je reste encore avec Facebook, car le grand patron a beaucoup de difficultés à gérer son entreprise, qui a un peu, maintenant, l'âge d'un adolescent, 15 ans. Donc, Facebook, par exemple, on a vu, quand il y a eu une tuerie, il y a une vidéo qui a circulé, ça a pris environ 30 minutes pour retirer la vidéo avec des scènes qui ont traumatisé plusieurs personnes, malgré que le premier appel qui a été logé, c'était immédiat. Il y a un numéro d'appel où est-ce qu'on peut dire : Non, non, ces images-là ne sont pas pour le grand public. ça a pris beaucoup de temps. Par la suite, Zuckerberg s'est justifié, mais il n'en reste pas moins qu'ils jouent un peu un double jeu, dans le sens qu'ils se disent : Nous ne sommes pas des journalistes, nous ne sommes qu'une courroie de transmission. J'ai l'impression qu'ils ont le beurre et l'argent du beurre : on ne paie pas d'impôt, on fait un paquet de profits sur les revenus publicitaires, mais on ne veut avoir aucune responsabilité ni fiscale ni non plus à titre de personnes qui diffusent de l'information au grand public à vitesse... à la vitesse de la lumière, en fait.

Mme Payette (Dominique) : Et d'ailleurs cette pression-là s'est exercée sur les journalistes aussi, qui ont tendance à faire parfois les coins ronds parce qu'ils veulent aller aussi vite. Peut-être qu'à ce moment-là il faudrait que les journalistes et les entreprises de presse se demandent si c'est encore cette course-là qui est leur véritable fonction. Est-ce que leur véritable fonction, ce n'est pas de prendre un peu plus de temps et de nous donner un travail de fond?

Moi, je suis encore très idéaliste par rapport aux médias, chez nous, c'est-à-dire que je crois encore que, si on retrouvait une information locale et régionale de qualité... Et j'ose dire ce mot-là parce que, depuis le début de la semaine, je trouve que c'est... moi, c'est ça que je trouve qui est l'éléphant dans la pièce, c'est qu'il y a certains journaux qui sont tellement l'ombre de ce qu'ils ont été qu'on se demande à quoi bon les défendre. Alors, on se dit : Bon, bien, il faut les défendre, parce qu'avec des sous, avec des journalistes professionnels, on va remonter une information locale et régionale qui va faire que les citoyens ne vont pas s'en passer. Parce qu'aujourd'hui ça s'est fait tellement... ça s'est effrité tellement doucement qu'on ne sait pas ce qu'on ignore, hein? Alors, je ne peux pas être facilement critique avec mon journal local, d'abord parce qu'il me raconte des choses amusantes sur le club des Pee-Wee puis sur ces machins comme ça puis que... Tout ça est très léger. Mon journal local, ils ont pris la décision de ne même pas aller aux conseils municipaux parce que c'est plate, hein? Mais les gens, ils ne s'en plaignent pas, ils sont très satisfaits de ce journal local là. Alors, donnons-leur les moyens, avec des journalistes professionnels qui ne sont pas entièrement soumis à leur employeur.

D'ailleurs, c'est une bonne façon de revamper la profession, que ce soient eux qui soient le porteur de ce ballon financier là, parce que, jusqu'à maintenant, ils sont plutôt dans une situation extraordinairement précaire par rapport à l'autonomie professionnelle dont ma génération a bénéficié. Quand je regarde ce que la profession est aujourd'hui, avec le retour que mes étudiants me font à l'occasion, je ne suis pas sûre que j'aurais refait le même... je suis même sûre que je ne choisirais pas la même profession aujourd'hui. Et des journalistes soumis à leur employeur, ce n'est pas des journalistes qui remplissent leurs fonctions, parce que ce sont des professionnels qui doivent être au service de leur lectorat ou bien au service de leur auditoire, c'est fondamental. Leur employeur, il vient en deuxième. Alors, essayer d'expliquer ça aujourd'hui à mes étudiants, c'est comme me faire dire que je suis vraiment idéaliste, parce qu'ils sont extraordinairement soumis dans le contexte actuel, parce qu'il n'y a pas beaucoup de jobs, parce qu'ils ont besoin de garder la leur, parce qu'ils savent que, s'ils la perdent, ils n'en retrouveront probablement pas une parce que la concentration est très forte. Ça fait des journalistes soumis puis ça fait des moins bons journalistes, alors qu'ils n'ont jamais été aussi bien formés.

Mme Rizqy : J'ai travaillé avec plusieurs journalistes dans la lutte contre les paradis fiscaux, et je n'ai jamais senti de pression qu'on ne puisse pas sortir une nouvelle, même si parfois, dans les travaux qu'on faisait, ce n'étaient pas 12 mois mais bien 18 mois d'enquête avant de sortir une nouvelle. Je m'en rappelle aussi que, quand j'étais étudiante à l'Université de Sherbrooke, pour la protection du mont Orford, c'était d'abord une initiative locale par le journal local, qui est, en fait, devenue par la suite une nouvelle nationale. Je me rappelle aussi des jeunes de moins de 35 ans qui, maintenant, prennent la rue pour nous demander, à nous tous, de faire de l'enjeu environnemental un enjeu immédiat. Alors, je pense qu'il y a encore beaucoup...

Mme Payette (Dominique) : Vous êtes idéaliste, vous aussi, alors, comme moi.

Mme Rizqy : Moi aussi, je suis idéaliste, et nous n'avons pas le choix de l'être, car les défis sont grands.

Mme Payette (Dominique) : Bien sûr.

Mme Rizqy : Et je maintiens qu'au XXIe siècle les deux défis les plus importants n'ont pas de frontières, c'est la lutte contre les paradis fiscaux et la lutte contre les changements climatiques. Ça, c'est mon opinion à titre de députée de Saint-Laurent, professeure...

Mme Payette (Dominique) : ...la lutte à l'ignorance politique, parce que, là, on est en train de sombrer aussi là-dedans.

Mme Rizqy : Bien, il y a beaucoup de luttes, évidemment, il y a beaucoup de luttes. J'entends très bien ce que vous dites, et je sais que vous êtes une idéaliste, et j'espère que nous continuerons d'être idéalistes parce que les défis sont grands et nombreux.

Et j'aimerais revenir, tantôt vous avez parlé des blogueurs et blogueuses. On a vu qu'aux États-Unis est arrivé un incident assez majeur où est-ce que des blogueurs invitaient les gens à aller dans une île, ils ont payé des frais, et finalement c'était un fiasco, il n'y avait pas d'île. Et on voyait même des influenceurs qui ont été payés mais qui ne mentionnaient pas avoir été payés pour ce type d'événement sur Instagram. Pensez-vous que, nous aussi, au Québec, il est temps qu'on légifère pour s'assurer que les influenceurs doivent vraiment, un, faire preuve de transparence mais aussi d'avoir une imputabilité sur les produits qu'ils sponsorent ou qu'ils commanditent?

Mme Payette (Dominique) : Je dois dire que je n'ai pas travaillé cette question-là mais qu'elle est intéressante. Ce qui est très... Dans le contexte actuel, qui est le contexte dans lequel on veut vivre, c'est-à-dire un contexte où la liberté d'expression est protégée, c'est très difficile de légiférer. C'est, encore une fois, pour ça que je parlais, tout à l'heure, de tout simplement vous aider à mettre le couvercle sur la boîte de Pandore, c'est-à-dire que je ne peux pas dire ceci... Et je ne voudrais pas qu'on le fasse, qu'on... dire que cet influenceur ou cette influenceuse ne devrait pas...

Mme Rizqy : ...mentionner de façon transparente qu'effectivement ils ont... que c'est commandité et qu'ils ont reçu une rémunération pour dire cela.

Mme Payette (Dominique) : De le mentionner, certainement, mais vous allez surveiller ça comment?

Mme Rizqy : Ah! bien, écoutez, inquiétez-vous pas là-dessus. Je suis une personne qui lutte contre l'évasion fiscale, donc j'ai pas mal d'outils dans ma boîte de fiscaliste.

Mme Payette (Dominique) : Vous aurez une autre police.

Mme Rizqy : Parce que, comment je vais le surveiller, si vous me permettez, je vais vous répondre — un petit peu de pédagogie là-dedans — c'est que ces entreprises paient, donc c'est une dépense, donc, si c'est une dépense, ils veulent, évidemment, la passer à l'impôt. Alors, s'ils veulent la passer à l'impôt, ça me fait plaisir, en autant que le...

Mme Payette (Dominique) : De les attraper là.

Mme Rizqy : ...commandité, c'est-à-dire la personne qui est l'influenceur, la mette, elle aussi, dans ses déclarations d'impôt.

Mme Payette (Dominique) : Oui, pas bête. Mais ce qui me paraît vraiment très important, c'est que les journalistes soient capables de nous dire : Cette personne n'est pas un journaliste professionnel, et qu'ils prennent cette responsabilité, et que... Il va falloir que ce soient eux qui le fassent.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski, pour 2 min 30 s.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Je ne peux pas... Tantôt, c'était quand même intéressant, là, vous saluez votre fille à la maison, on parle de conciliation famille, la présence des femmes ici. C'est un beau clin d'oeil à votre mère aujourd'hui, je trouve, ça adonnait pile.

Tantôt, votre préoccupation, là, par rapport aux blogues puis aux influenceurs... Puis, le questionnement, j'ai essayé... Tantôt, vous m'avez vu, j'ai essayé de poser des questions un peu là-dessus, comment définir si c'est journaliste, influenceur ou blogue. Mais c'est sûr que, quand il y a moins de journalistes dans les salles de presse, il faut trouver d'autres façons de passer le message. Puis ce n'est pas une critique, mais, aux dernières élections, les journalistes avaient boudé Québec solidaire dans l'autobus. Et Québec solidaire, pendant une journée ou deux, ont mis des influenceurs dans l'autobus, et ça a quand même fonctionné, tu sais. Ça fait qu'à un moment donné il faut... Puis c'était une bonne idée, ils l'ont fait, ils se sont virés de bord. Mais il y a... C'est pour ça qu'il faut qu'il y ait des journalistes, parce que, sinon, quelqu'un d'autre va prendre la place.

Et j'ai posé aussi une question à des gens ici par rapport à pourquoi que, quand j'ouvre Le téléjournal, il faut que je me tape quelqu'un, un commentateur, un chroniqueur qui va me dire pendant cinq minutes à quoi je vais penser. J'aimerais mieux, moi, voir les nouvelles. Là, on m'a expliqué qu'un chroniqueur, ça coûte moins cher que des journalistes. Là aussi, il y a un problème, à mon avis, c'est pour ça qu'il faut bien définir le rôle des journalistes. Puis ce que vous faites là, c'est très bon...

Mme Payette (Dominique) : ...le chroniqueur a plusieurs emplois, et souvent un autre bien mieux rémunéré. Être chroniqueur au Journal de Montréal, au Journal de Québec, ça va vous rapporter, quoi, 100 $ de la chronique, alors, évidemment, c'est la porte que ça vous ouvre qui est intéressante, ce n'est pas le revenu que vous en tirez. C'est très prestigieux... enfin, c'est prestigieux, tu sais...

M. LeBel : Ça m'amène à une question, en terminant, parce que je n'ai pas beaucoup de temps...

Mme Payette (Dominique) : Pardon, excusez-moi.

M. LeBel : ...ça veut dire que les crédits d'impôt qu'on aurait à donner, à offrir, il faudrait vraiment le préciser pour les journalistes. Parce que plusieurs nous ont dit que ça devrait être pour tout le monde : les chroniqueurs, les animateurs. Si on veut que ça ait un impact, il faudrait qu'ils soient visés aux journalistes.

Mme Payette (Dominique) : Oui, mais les animateurs, à mon avis, peuvent être des journalistes. Pour moi, un journaliste, c'est quelqu'un qui accepte de répondre de ses actes en fonction d'un code de déontologie. Alors, si Pierre Mailloux ou Jean-François Fillion décident d'appliquer le code de déontologie du Conseil de presse ou celui de la fédération des journalistes, je n'ai pas d'objection, aucune, aucune objection. Si mon mauvais docteur décide d'aller étudier un petit peu plus longtemps pour devenir un meilleur docteur, tant mieux, qu'il continue d'être docteur.

M. LeBel : Le chroniqueur aussi.

Mme Payette (Dominique) : Et le chroniqueur aussi. Le chroniqueur également, il répond aux normes du journalisme d'opinion qu'on trouve dans la description du journalisme par le Conseil de presse, mais ça veut dire qu'il va être obligé de travailler probablement un petit peu plus fort.

La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci...

M. LeBel : Merci.

• (17 h 50) •

Mme Payette (Dominique) : Et ce statut-là, moi, ce que je pense, c'est qu'il n'est pas à vie. Il n'est pas à vie, c'est-à-dire qu'il va falloir que les journalistes respectent un code de déontologie et qu'ils n'aient pas plus que, je ne sais pas, moi, trois ou quatre plaintes sur cinq ans pour rester journalistes. C'est ça, l'enjeu, c'est de ramener la déontologie au coeur des pratiques.

La Présidente (Mme Nichols) : Merci. La parole est la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci énormément pour votre contribution. Je trouve ça très intéressant, l'idée de voir le Conseil de presse baliser le statut de journaliste professionnel, par exemple, ou encore quels médias pourraient obtenir de l'aide financière de la part de l'État. Par contre, ça m'amène à un questionnement. On sait qu'il y a plusieurs joueurs qui, actuellement, ne font pas partie du Conseil de presse, et je ne parle pas juste de Québecor, on parle des nouveaux médias, comme Mme Massad, qu'on a rencontrée tout à l'heure. Et n'avez-vous pas peur que, si on laisse le soin au Conseil de presse de choisir qui reçoit, par exemple, les subventions gouvernementales, il y ait un blocage à l'entrée de nouveaux joueurs?

Mme Payette (Dominique) : ...Mme Massad, je ferais une demande en ce sens, et là le Conseil de presse devrait décider pourquoi il me refuserait, hein?

Mme Fournier : Donc, vous pensez que ça va aller de soi?

Mme Payette (Dominique) : Bien, je pense que ça irait de soi et que tous ceux... toutes les entreprises, petites ou grosses, qui veulent bénéficier de l'aide gouvernementale auraient tout intérêt à ce moment-là à rejoindre le Conseil de presse.

Mme Fournier : O.K., merci. Puis, dernière petite question, on a parlé beaucoup de la montée des blogueurs, chroniqueurs, tout ça, vous avez dit, bon : Ce n'est peut-être pas très payant, d'être blogueur pour un journal. Mais on sait qu'il y a certains journaux qui donnent des incitatifs, disons, à la rémunération pour obtenir plus de clics, par exemple, sur le Web, donc, si vous avez un certain nombre de clics, bien, on vous donne plus d'argent. Est-ce que vous trouvez que c'est une pratique qui est saine pour la démocratie?

Mme Payette (Dominique) : Non, pas du tout. Mais c'est une des raisons pour lesquelles, d'après moi, si on se contente d'appliquer la loi de l'offre et de la demande, on ne fait pas du journalisme, on tire le journalisme vers le bas. Et c'est une des raisons pour lesquelles, à mon avis, le rôle de l'État est extrêmement important, actuellement, pour maintenir le journalisme vers en haut.

C'est un paradoxe aussi en information, parce que, si vous demandez aux gens qui lisent un journal : Qu'est-ce que vous n'aimez pas?, alors on n'aime pas qu'il y ait trop de sang, on n'aime pas qu'il y ait trop d'atteinte à la vie privée, on n'aime pas qu'il... etc., mais en même temps on sait très bien que qu'est-ce que vous lisez dans le journal, bien, c'est ça que vous lisez, précisément. Donc, on est dans cette espèce de paradoxe où la demande tire par en bas, très souvent, et que c'est aux journalistes, d'une certaine manière, de tirer par en haut. Et l'entreprise de presse, plus elle est serrée financièrement, plus elle va s'en aller vers le bas. Plus la concurrence va être forte entre les entreprises de presse, plus ça va les tirer par en bas.

Mme Fournier : Merci. C'est une belle conclusion.

La Présidente (Mme Nichols) : Oui, une belle conclusion. Je vous remercie pour votre participation à nos travaux, Mme Payette.

Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, jeudi 28 août, à 9 h 30, et nous serons à la salle...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Nichols) : ...vendredi, je m'excuse, vendredi, et nous serons à la salle du Conseil législatif.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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