Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Tuesday, September 21, 2021
-
Vol. 45 N° 92
Special consultations and public hearings on Bill 96, An Act respecting French, the official and common language of Québec
Aller directement au contenu du Journal des débats
9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. La commission
est réunie afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente : Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette (La Pinière);
Mme Saint-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme
Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette)
est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Donc, ce matin, nous allons débuter par les remarques
préliminaires puis nous entendrons les témoins suivants : l'Office
québécois de la langue française, le Pr Guillaume Rousseau et la Centrale des
syndicats du Québec.
Donc, je cède maintenant la parole au ministre
responsable de la Langue française pour ses remarques préliminaires. M. le
ministre, vous disposez de 5 min 34 s. La parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Je souhaite saluer, dans un premier temps, les collègues parlementaires
qui nous accompagnent pour cet important projet de loi. Également... saluer la
présence également des membres du Secrétariat à la promotion et la valorisation
de la langue française qui vont nous accompagner durant l'étude du projet de
loi, et les membres du cabinet, également, qui nous accompagnent.
C'est aujourd'hui que débutent les consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Ces consultations sont les plus importantes de la présente législature en
termes de nombre d'heures et de groupes entendus. La langue française nous
rassemble. C'est l'expression de notre culture, de notre identité et de notre
fierté, et surtout de notre nation.
Le constat est clair et factuel, le français
connaît un recul inquiétant au Québec, et ce, particulièrement dans le Grand
Montréal. Nous ne le répéterons jamais assez, quand le français perd du terrain au Québec, c'est la nation qui perd de sa force.
Vous mesurez, tout comme nous, l'importance d'agir promptement pour protéger,
promouvoir et surtout pour assurer l'avenir de notre langue commune, le
français. Une réforme majeure de la Charte de la langue française n'est pas
seulement nécessaire, il s'agit d'une priorité nationale. Avec le projet de loi...
M. Jolin-Barrette :
...Québec, c'est la nation qui perd de sa force. Vous mesurez, tout comme nous,
l'importance d'agir promptement pour protéger, promouvoir et surtout pour
assurer l'avenir de notre langue commune, le français. Une réforme majeure de
la Charte de la langue française n'est pas seulement nécessaire, il s'agit
d'une priorité nationale. Avec le projet de loi n° 96,
nous proposons donc la plus importante réforme de cette loi fondamentale depuis
son adoption il y a de cela 40 ans.
Vous me permettrez de rappeler en quelques
mots les grands pans du projet de loi n° 96. Le devoir d'exemlarité de l'État
en matière d'usage du français se trouve au coeur du projet de loi. Nous
formons une société de langue française, et l'État doit agir comme principal
protecteur de ce trait distinctif. Le bilinguisme systématique doit cesser au
sein de l'appareil public. Ainsi le projet de loi fait de l'usage exclusif du
français la norme, sauf dans certaines situations clairement définies, le tout,
bien sûr, en assurant la protection des droits des Premières Nations et des
Inuits ainsi que des institutions anglophones.
Le droit de travailler en français au
Québec doit être mieux protégé. Les Québécoises et les Québécois ont le droit
de gagner leur vie en français au Québec. Et le fait de travailler dans une
entreprise de juridiction fédérale ne devrait rien y changer. De plus, la
connaissance d'une autre langue que le français ne devrait pas être une
condition d'embauche à moins d'être nécessaire. L'affichage commercial et le
service en français sont aussi des priorités. La population a le droit d'être
servie et informée en français. La Québec est francophone, et il faut que cela
se voie, que cela s'entende.
En outre, ce projet de réforme vise à
consacrer le droit pour toute personne domiciliée au Québec d'apprendre le
français. À cet effet nous proposons la création de Francisation Québec. Ce
nouveau point d'accès unique permettra de centraliser tous les services
d'apprentissage du français, ce qui rendra l'inscription et l'apprentissage
beaucoup plus simple pour tous. En matière d'enseignement secondaire, vous
l'avez souvent entendu au cours des derniers mois, le français est et doit
demeurer la langue normale des études au Québec. Nous y veillons dans notre
projet de loi. Nous voulons mettre fin aux tendances qui, depuis 25 ans,
défavorisent les études en français.
• (9 h 50) •
Afin que toutes ces propositions soient
porteuses pour l'avenir et que la vitalité de la langue française soit une
priorité d'action permanente du gouvernement du Québec, nous prévoyons
également la création d'un ministère de la langue française ainsi que d'un
poste de commissaire à la langue française indépendant et impartial, nommé par
l'Assemblée nationale.
Enfin, le fruit est mûr et les conditions
gagnantes sont réunies. La troisième voie existe, et c'est celle d'un Québec
qui s'affirme, d'un Québec qui n'hésitera plus pour définir ce qu'il est.
Ainsi, fière de ce qu'elle est, la nation québécoise inscrira son existence et
son caractère francophone dans la Loi constitutionnelle de 1867, dans la
Constitution. Nous sommes une grande nation portée par plus de 400 ans
d'histoire. Nous n'avons pas besoin de la permission que quiconque pour
exister.
Les murs de l'enceinte de notre Assemblée
nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et
notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines, certaines
organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le Québec ne
fonctionnent plus...
M. Jolin-Barrette : …quiconque
pour exister.
Les murs de l'enceinte de notre Assemblée
nationale ont été témoins de grands débats qui ont façonné notre démocratie et
notre histoire. Malheureusement, dans les dernières semaines, certaines
organisations ont tenu des propos insensés. Ces attaques envers le Québec ne
fonctionnent plus. La nation québécoise, plus confiante que jamais, sait que
son action est légitime et pertinente.
C'est donc avec respect, mais fermeté que
nous réitérons qu'un appel au calme est nécessaire. Nous devons collectivement,
tous ensemble, être à la hauteur de cet important débat. D'autres avant nous
ont supposé les gestes pour assurer l'existence d'une nation francophone en Amérique
du Nord. C'est à notre tour aujourd'hui de reprendre le flambeau de leurs
efforts et de leur engagement.
Au laxisme qui a caractérisé les
15 dernières années, nous proposons l'ambition d'une relance linguistique.
Il y a actuellement consensus historique, au Québec, sur la question
linguistique. L'heure est venue de poser des gestes forts et concrets pour
protéger et valoriser le français, notre langue officielle et commune. Le
français doit être la langue utile, la langue rentable, la langue
indispensable, comme le disait le ministre Camille Laurin en 1977.
C'est donc avec plaisir que nous lançons
les consultations particulières sur le projet de loi n° 96. Je tiens à
remercier tous ceux et celles qui seront présents aujourd'hui, dans les
semaines à venir, et qui contribueront à faire avancer cet important débat pour
la nation québécoise. Alors, à tous, je vous souhaite de bonnes consultations.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle et députée de Marguerite-Bourgeoys à faire ses remarques
préliminaires pour une durée maximale de 3 min 43 s. La parole
est à vous.
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, tous ceux qui vous
accompagnent. Bonjour, tous les collègues députés. Bonjour mes chers collègues.
Bonjour les partis d'opposition. On va passer beaucoup de temps ensemble, je
l'espère beaucoup, parce que nous ne voulons pas de bâillons pour ce projet de
loi, comme a dit le ministre, si important. Mais, avant toute chose, je
voudrais féliciter le ministre pour l'agrandissement de sa jeune famille.
Alors, je lui souhaite toute l'énergie nécessaire à mener de front tous ses
aspects de sa vie. Et, dans quelques semaines, il me félicitera, moi aussi, je
l'espère, pour l'agrandissement de ma famille où je deviendrai mamie pour la
première fois. Donc, voilà, génération oblige.
Je veux donc commencer en disant que c'est
un projet de loi évidemment ambitieux, c'est un projet de loi substantiel avec
de très, très, très nombreux articles qui vont demander de très, très, très
sérieuses analyses particulièrement dans l'applicabilité.
Nous aurions aimé, et je l'avais dit au
ministre dès le début, avoir des consultations générales qui auraient été à la
hauteur et à la mesure des enjeux, évidemment, qui sont soulevés. Beaucoup,
beaucoup, beaucoup de gens ont manifesté leur déception de ne pas être
entendus. Il y aura 51, quand même, groupes qui seront entendus. Nous allons
les lire, les écouter, les questionner avec toute la rigueur et l'objectivité
possible, mais nous aurions préféré des consultations…
Mme David : …beaucoup de gens
ont manifesté leur déception de ne pas être entendus. Il y aura 51, quand même,
groupes qui seront entendus. Nous allons les lire, les écouter, les questionner
avec toute la rigueur et l'objectivité possibles, mais nous aurions préféré des
consultations générales.
Évidemment, il y a une utilisation, pour
l'instant — on va en discuter longuement avec le ministre — du
recours aux dispositions de dérogation qui sont sur tous les articles, les
202 articles, et nous aurons des questions très sérieuses par rapport à
ça. Mais, étant donné, justement, le sérieux et l'ampleur de toutes ces
dispositions de dérogation, nous pensons que mettre un bâillon par-dessus tout
ça, ça serait vraiment très difficile et que, si on avait l'assurance de ne pas
avoir de bâillon, ça pourrait mettre la table pour des consultations sereines,
constructives pour le bien de tout le Québec.
Nous avons nous-mêmes déposé
27 propositions que, malheureusement, je ne retrouve pas toutes dans le
projet de loi du ministre. J'en propose une, et j'espère qu'il pourra regarder
ça attentivement. C'est qu'au lieu de faire le grand schisme entre anglophones
et francophones sur la loi 101 au cégep, etc., nous proposions qu'il y ait
des cours donnés en français dans les cégeps anglophones, trois cours sur
peut-être 32 cours d'un D.E.C. habituel et normal, ce qui pourrait faire
se mélanger ensemble deux cultures autour qui d'un cours en histoire, qui d'un
cours en sciences politiques, qui d'un cours de langue et d'histoire communes,
comme le ministre aime beaucoup employer ce mot. Alors, c'est quelque chose,
vraiment, qui pourrait être très intéressant et constructif au lieu d'être
divisif.
Ça sera notre ligne de réflexion tout le
long : essayer d'être inclusifs. Le ministre nous a promis qu'il serait
inclusif, que son projet de loi n'était pas divisif. Évidemment, il a lui-même
fait référence à des enjeux qui sont ressortis. Je pense qu'il va falloir
regarder ça avec beaucoup de maturité et de responsabilité pour faire… de
sortir de ce projet de loi là non pas divisés mais réunis autour d'un enjeu que
le Parti libéral a toujours trouvé très important : la langue française.
Nous avons proclamé en 1974 que la langue française était la langue officielle
du Québec. Nous n'avons pas changé d'idée. Nous continuons à penser que le
projet de loi est important et nous allons travailler de façon constructive,
Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition, Mme la députée de Mercier, à faire ses remarques préliminaires.
Vous disposez de 56 secondes.
Mme Ghazal : Oh! merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers collègues,
élus et employés. Je suis très, très contente d'être ici aujourd'hui avec vous
pour étudier cet important projet de loi.
Le ministre a parlé de consensus. C'est
vrai qu'il y a un consensus dans la société québécoise et ici, à l'Assemblée
nationale, autour de la langue française, notre langue commune qu'on veut
protéger. On s'est beaucoup divisés, dans les dernières années, au Québec, sur
différentes choses : la laïcité, le racisme systémique, etc., et c'est
tout à fait normal, dans une société libre et démocratique, qu'on ne soit pas
d'accord. Puis, ici, c'est la maison du peuple, la maison des débats, c'est ici
qu'il faut qu'on les fasse. Mais la langue française, c'est une opportunité ici
de nous unir autour…
Mme Ghazal : …on s'est beaucoup
divisé, dans les dernières années, au Québec, sur différentes choses, la
laïcité, le racisme systémique, etc. Et c'est tout à fait normal, dans une
société libre et démocratique, qu'on ne soit pas d'accord, puis ici c'est la
maison du peuple, la maison des débats, c'est ici qu'il faut qu'on les fasse,
mais la langue française, c'est une opportunité, ici, de nous unir autour
d'elle. Et moi, ma priorité, je l'annonce tout de suite, ça va être, comme l'a
dit, le monsieur le ministre, il faut que la langue française soit rentable.
Oui, on l'aime, c'est la langue du coeur, mais il faut aussi qu'elle soit la
langue du pain, et pour qu'elle vive, bien, il faut que tous les Québécois
travaillent en français. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Mercier. Donc, sans plus tarder, je regarde M. le
député de Matane-Matapédia. Vous aussi pour une période de 56 secondes.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Dans toute l'histoire du Québec, aucune formation politique n'a
posé des gestes aussi importants et courageux, de sa fondation à aujourd'hui,
que le Parti québécois, et nous ne faisons pas exception avec nos propositions.
Le gouvernement veut une proposition rassembleuse, il veut convaincre le Parti
libéral du Québec, il veut convaincre la communauté anglophone, il veut
convaincre les partis fédéraux. S'il y a un déclin, il ne faut pas poser des
gestes qui rassemblent, il faut poser des gestes nécessaires, des gestes
courageux, comme Camille Laurin et le Parti québécois l'ont fait en 1977. Et le
gouvernement de la CAQ est loin du compte, n'ayant pas réussi à convaincre son
aile fédéraliste et affairiste d'aller plus loin. Il faut intervenir avec des
mesures courageuses qui ne feront pas l'unanimité : la fréquentation du
cégep, un vrai débat sur l'immigration, l'exemplarité de l'État, le droit de
travailler en français, la culture, les jeunes, ne pas permettre à des
entreprises qui ne respectent pas le français de faire affaire avec l'État, les
municipalités bilingues comme la municipalité d'Otterburn Park avec 8 %
d'anglophones dans la circonscription du ministre qui va pouvoir permettre…
continuer…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à votre 56 secondes, M. le député de Matane. Comme
vous voyez, je serai très rigoureuse sur temps qui est accordé, autant aux
présentations qu'au droit de parole des députés.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants de l'Office québécois de la langue française, et
j'ai Mme Ginette Galarneau qui est la présidente-directrice générale et
Mme Josée Saindon qui est la directrice générale, relations avec les
entreprises et l'administration. Bienvenue, je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé. Après quoi, nous procéderons à la période
d'échanges avec les membres de la commission. Donc, je vous invite à vous
présenter et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
• (10 heures) •
Mme Galarneau (Ginette) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs les députés. La
mission de l'office c'est de veiller à ce que le français soit la langue du
travail, du commerce et des affaires, de faire la promotion de l'usage et de la
qualité de la langue française et de surveiller l'évolution de la situation
linguistique. La Commission de toponymie qui est rattachée à l'office a pour
mission de s'assurer que le territoire du Québec est nommé avec justesse.
Les membres de l'office ainsi que le
personnel, nous avons la conviction que forts d'une expérience de plus de
40 ans au service de la population et de liens de collaboration durables,
établis avec les entreprises…
10 h (version non révisée)
Mme Galarneau (Ginette) : …à
l'office a pour mission de s'assurer que le territoire du Québec est nommé avec
justesse.
Les membres de l'office ainsi que le
personnel, nous avons la conviction que, forte d'une expérience de plus de
40 ans au service de la population et de liens de collaboration durables
établis avec les entreprises et les organismes de l'administration, l'office a
les compétences requises pour assumer pleinement les nouvelles responsabilités
qui lui seront confiées avec le projet de loi.
Toutes les entreprises au Québec ont
certaines obligations à l'égard de la charte, par exemple, celle d'avoir leur
affichage public : leurs factures, leurs sites Web, leurs publications sur
les médias sociaux et les inscriptions sur les produits en français. Le projet
de loi vient préciser qu'aucune disposition de la charte ne peut être
interprétée de façon à en empêcher l'application à toute entreprise, ou à tout
employeur, qui exerce ses activités au Québec.
De plus, il propose que les entreprises de
25 à 49 personnes soient tenues de s'inscrire et de s'engager dans une
démarche de francisation. Le Québec compte 20 000 entreprises qui
emploient de 25 à 49 personnes. Comme c'est le cas actuellement pour les
entreprises comptant 50 personnes et plus, elles devront démontrer que
leur personnel peut travailler en français, que les communications internes et
les outils de travail sont disponibles en français et que des mécanismes sont
en place pour que leurs contacts avec la clientèle soient en français.
Il est certain qu'une démarche de francisation
demande un engagement de la part des entreprises, mais les efforts investis
sont durables et bénéfiques. Une fois certifiées, 94 % d'entre elles
demeurent conformes à la charte. Dans de très nombreux cas, l'entreprise aura
peu de changement à faire pour obtenir sa certification. Depuis 10 ans,
les deux tiers des entreprises ont été certifiés sans avoir à mettre en place
un programme de francisation.
L'office a établi une relation privilégiée
avec les entreprises. Un sondage qu'on a fait, l'hiver dernier, auprès de
1 000 entreprises a montré que 87 % d'entre elles étaient
satisfaites des services de l'office. Un pourcentage en augmentation par rapport
à celui de 2015, qui était alors de 82 %. L'office est persuadé que la
relation de confiance établie avec les entreprises lui permettra d'implanter de
manière harmonieuse les modifications apportées par le projet de loi.
Au 31 mars, c'est 73 % des
plaintes qui visaient des entreprises de moins de 50 personnes. Il est
donc essentiel de rejoindre ces entreprises par d'autres moyens que le
traitement d'une plainte. L'investissement de 5 millions de dollars
accordé par le gouvernement en 2020 a notamment permis à l'office de mettre en
place des services destinés aux entreprises employant moins de
50 personnes. Regroupés sous le nom de Mémo, mon assistant pour la
francisation, des outils dynamiques comme une auto-évaluation en ligne, des
capsules…
Mme Galarneau (Ginette) : ...5 millions
de dollars accordés par le gouvernement en 2020 a notamment permis à l'office
de mettre en place des services destinés aux entreprises employant moins de
50 personnes.
Regroupés sur... mon assistant pour la
francisation, des outils dynamiques comme l'auto-évaluation en ligne, des
capsules vidéo sont fort précieux pour aider les entreprises employant de 25 à
49 personnes dans leur démarche de francisation.
240 entreprises de compétence fédérale sur
les quelques 3 000 situées au Québec sont inscrites à l'office et 189
d'entre elles, soit 80 %, sont certifiées. Ces entreprises ont compris la
nécessité de servir leur clientèle en français. Elles ont aussi voulu offrir à
leur personnel un environnement de travail en français.
Comme il le fait déjà avec succès,
l'office soutiendra les entreprises de compétence fédérale dans leur démarche
de francisation. Il dispose déjà de l'expertise et des outils requis à cette
fin.
Quant aux entreprises de cinq à
24 personnes qui devront déclarer au Registraire des entreprises du Québec
la proportion des salariés qui ne sont pas en mesure de communiquer en
français, le projet de loi prévoit que l'office, en collaboration avec
Francisation Québec, déterminera annuellement les secteurs d'activité où le
français est moins présent. Par la suite, il transmettra aux entreprises de ces
secteurs une offre pour la mise en place de cours de français.
L'office collabore déjà avec le ministère
de l'Immigration afin de faire connaître aux entreprises l'ordre de services en
francisation du ministère ainsi qu'en mettant à disposition des apprenants des
vocabulaires de divers domaines de travail.
Une plainte sur cinq reçue à l'office en
2020‑2021 visait l'affichage public. Il s'agit donc d'une préoccupation
importante de la population.
Le projet de loi propose que les mots en
français contenus dans l'affichage soient nettement prédominants lorsque le nom
de l'entreprise ou la marque de commerce n'est pas en français. Ce changement
contribuera à assurer le visage français du Québec.
En matière d'affichage public, l'office
est très présent sur le terrain. Par exemple, à l'occasion de la pleine entrée
en vigueur du règlement en 2019, plus de 1 000 entreprises ont été
inspectées. Le travail de l'office a fait en sorte que la majorité de ces
entreprises ont apporté les modifications nécessaires sans qu'aucune démarche
juridique ne soit requise. De plus, avec l'ajout des nouvelles ressources,
l'office a mis en place une équipe de surveillance qui a récemment inspecté
l'affichage extérieur de 1 341 entreprises, situées dans
10 régions du Québec.
La langue de service est également une
préoccupation importante de la population puisque le quart des plaintes reçues
à l'office portent sur l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le
second motif de plainte en importance. Le projet de loi...
Mme Galarneau (Ginette) : …10
régions du Québec. La langue de service est également une préoccupation importante
de la population puisque le quart des plaintes reçues à l'office porte sur
l'incapacité d'être servi en français, ce qui en fait le second motif de
plainte en importance. Le projet de loi permettra à l'office d'exiger des
mesures de correction de la part des entreprises qui font l'objet de plainte
alors qu'actuellement il ne peut que les sensibiliser. L'office fait de
nombreux rappels relativement aux droits de la clientèle d'être servie en français.
Il mène, depuis cet été, une opération de surveillance visant à sensibiliser
les commerces ainsi que les services sociaux et les franchiseurs de grande
enseigne de plus de 250 commerces situés sur l'île de Montréal, à Longueuil, à
Laval et à Gatineau.
Du côté de l'administration, en mars
dernier, 92 % de quelque 2 000 organismes de l'administration
inscrits à l'office détenaient un certificat de conformité, et 87 % des ministères
et organismes gouvernementaux avaient une politique linguistique approuvée.
Présentement, la charte n'oblige pas les organismes de l'administration,
contrairement aux entreprises, à réévaluer périodiquement leur situation
linguistique. L'office a donc mis en place, depuis deux ans, une approche de
suivi afin de s'assurer que les organismes, une fois certifiés, demeurent
conformes à leurs obligations linguistiques. En mars dernier, 73 % des
organismes examinés avaient maintenu des pratiques conformes. L'expérience
menée a confirmé l'utilité et l'efficacité de cette approche que l'on retrouve
dans le projet de loi pour les organismes scolaires et de la santé et des
services sociaux.
L'office assure le traitement de toutes
les plaintes qui sont déposées par les citoyens et les organismes. Elle en a
reçu 4 326 en 2020‑2021, soit une augmentation de 18 % par rapport à
l'année précédente, et de 54 % par rapport à 2018‑2019. Les deux motifs
les plus fréquents sont les sites Web et la langue de service. L'augmentation
du nombre de plaintes est une expression tangible de la préoccupation des
Québécois quant à la situation du français. Le projet de loi renforce
l'importance de tenir le plaignant informé du traitement de sa plainte, il
précise les informations que celui-ci pourra obtenir. Ces modifications
s'inscrivent dans la continuité des pratiques actuelles de l'office.
Rappelons que, dans le cadre d'une
plainte, l'office se rend dans l'entreprise pour une inspection qui lui permet
de constater s'il y a une contravention. Puis il communique avec l'entreprise
pour lui expliquer la nature de la contravention et il lui offre
l'accompagnement nécessaire afin qu'elle effectue les corrections requises dans
un délai raisonnable. Cette démarche permet d'obtenir de véritables résultats
tout en minimisant le recours aux tribunaux. Seul, 1 % des…
Mme Galarneau (Ginette) : …la
nature de la contravention et il lui offre l'accompagnement nécessaire afin
qu'elle effectue les corrections requises dans un délai raisonnable. Cette
démarche permet d'obtenir de véritables résultats tout en minimisant le recours
aux tribunaux. Seul 1 % des dossiers de plaintes sont transmis en moyenne
par année au Directeur des poursuites criminelles et pénales.
En conclusion, la situation linguistique
appelle à des efforts supplémentaires pour garantir que le français demeure la
langue commune au Québec. Cela implique, entre autres, l'ajout de nouveaux
acteurs, l'assujettissement de plus d'entreprises à la démarche de francisation
et le renforcement de l'exemplarité de l'administration. Les changements…
• (10 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir vous interrompre à ce moment-ci, Mme Galarneau,
malheureusement, parce que le temps est déjà passé. Désolée. Donc… Pardon?
M. Jolin-Barrette : Ça peut
être sur mon temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va être pris sur le temps du ministre. Pas de problème. Continuez,
Mme Galarneau, on va retrancher les secondes sur le temps du ministre.
Allez-y.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, quelques secondes. Les changements législatifs proposés
s'inscrivent dans l'approche préconisée par l'office au cours des dernières
années et des activités menées auprès des entreprises, des organismes de
l'administration ainsi que des citoyennes et citoyens pour assurer le respect
des dispositions de la charte. Et c'est fort d'une expérience de plus de
40 ans que l'office pourra assumer les nouvelles responsabilités qui lui
seront confiées avec le projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci beaucoup. Désolée pour l'interruption. Malheureusement, je suis
la gardienne du temps, donc merci au ministre d'avoir partagé ses secondes avec
vous. Dans le bloc qui suit au niveau des échanges, nous allons procéder avec
la partie ministérielle. Vous avez 15 minutes… Non, pardon. Sans débuter,
16 min 30 s, l'opposition officielle, 11 minutes, le deuxième et
troisième groupes d'opposition, 2 min 45 s, plus ou moins, selon
le temps qu'on aura coupé. M. le ministre, la parole...
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Galarneau, Mme Saindon, bonjour. Merci d'être
présentes avec nous pour le début des consultations sur le projet de loi
n° 96.
On sait que l'OQLF est un partenaire
important dans l'application de la Charte de la langue française. Je voulais
savoir, d'entrée de jeu, parce qu'on en a beaucoup discuté au cours de la
dernière année, de l'assujettissement des entreprises de juridiction fédérale à
la Charte de la langue française. Le projet de loi, très clairement, vient dire
que toutes les entreprises doivent être assujetties parce que, dans le fond,
tous les travailleurs doivent avoir la possibilité de travailler dans leur
langue, en français. Vous disiez dans votre allocution, Mme Galarneau,
que, déjà, il y avait 240 entreprises de juridiction fédérale qui
s'étaient assujetties volontairement à la Charte de la langue française.
Comment envisagez-vous la capacité pour l'office de répondre à
l'assujettissement de toutes les entreprises de juridiction fédérale?
Mme Galarneau (Ginette) : À la
sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés
et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur
certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront
trois ans pour le faire. On compte déployer plusieurs…
Mme Galarneau (Ginette) : À la
sanction de la loi, les entreprises de compétence fédérale de 50 employés
et plus devront s'engager dans une démarche de francisation pour obtenir leur
certificat, et celles qui emploient de 25 à 49 personnes auront trois ans
pour le faire.
On compte déployer plusieurs moyens, par
exemple, des campagnes d'information, établir des partenariats avec des
regroupements sectoriels comme celui, par exemple, du transport routier, dans
lequel on retrouve plusieurs entreprises de compétence fédérale, et évidemment
avoir des communications directes avec les entreprises.
Un grand nombre d'entreprises de
compétence fédérale sont situées dans la grande région de Montréal, et on va y
planifier des activités particulières de sensibilisation pour viser à
l'inscription et à l'insertion dans la démarche de francisation. Et notre
action sera également coordonnée avec celles de nos 10 autres bureaux.
Donc, on va offrir un soutien personnalisé aux entreprises de compétence
fédérale qui ont de 25 à 49 personnes pendant la période transitoire de
trois ans. On va les accompagner dans la mise en place de bonnes pratiques
linguistiques avec les outils qu'on a mis en place avec Mémo, dont j'ai parlé,
mon assistant pour la francisation. Donc, il y aura des moyens qui pourront être
déployés. Et il y en a plusieurs qui sont inscrites, hein, quand on dit un
chiffre comme 240, il y en a qui sont très connues du public, j'ose les nommer,
par exemple, Bell, le Groupe TVA, Telus, les Autobus La Québécoise, les
installations portuaires Rio Tinto Alcan, toutes les banques à charte, les
six grandes banques qui sont présentes au Québec sont inscrites à
l'office, sont certifiées. Alors, ça nous montre que c'est possible de faire,
qu'on a l'expertise pour le faire, qu'on a les moyens, les outils, pour faire
en sorte que le plus grand nombre d'entreprises, un bien plus grand nombre
d'entreprises de compétence fédérale soient certifiées.
M. Jolin-Barrette : Donc, je
comprends que vous êtes en mesure de répondre à ce défi-là, puis il n'y a pas
d'enjeux pour l'OQLF par rapport à cet élément-là, d'ailleurs vous l'avez bien
dit il y en a certaines qui s'y assujettissent elles-mêmes actuellement.
Tout à l'heure, vous avez parlé du
processus de plainte à l'OQLF, et je vais aborder la question de front,
souvent, parmi les critiques de l'OQLF, on entend beaucoup dire : Écoutez,
l'OQLF, c'est la police de la langue. Or, ce que j'ai constaté dans votre
allocution, c'est surtout que l'OQLF est en mode accompagnement des entreprises
à partir du moment où il y a une plainte. Alors, au niveau du processus, là, on
vient donner des nouveaux pouvoirs à l'OQLF pour moderniser la loi, pour
s'assurer que la Charte de la langue française soit respectée et de donner les
outils à l'OQLF pour le faire, mais la logique dans laquelle l'OQLF se situe,
là, je dois comprendre que c'est véritablement un accompagnement des
entreprises pour changer les façons de faire et amener vers la
francisation…
M. Jolin-Barrette : …pour
moderniser la loi, pour s'assurer que la Charte de la langue française soit
respectée et de donner les outils à l'OQLF pour le faire, mais la logique dans
laquelle l'OQLF se situe, là, je dois comprendre que c'est véritablement un
accompagnement des entreprises pour changer les façons de faire et amener vers
la francisation et faire en sorte, dans le fond, que l'environnement se déroule
en français, en conformité avec la Charte. Vous y allez beaucoup avec la
carotte pour faire en sorte d'amener les changements à l'interne au sein des
différentes entreprises, est-ce que c'est bien ça?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
absolument, c'est l'approche qu'on adopte. C'est comme je le précisais tantôt,
on se rend dans une entreprise pour constater l'infraction, mais, dès qu'on
sait qu'il s'agit bien d'une infraction, on communique avec l'entreprise pour
lui expliquer puis lui offrir l'accompagnement nécessaire, parce qu'on lui
demande de faire des corrections dans un délai raisonnable. Les plaintes ont beaucoup
augmenté et, avec l'ajout de ressources, le nombre d'inspecteurs est passé de
quatre à huit, mais c'est toujours le même rôle qu'ont les inspecteurs, c'est
de recueillir de l'information puis de ne pas exiger de correction
immédiatement. Alors, contrairement à ce qui est dit, l'Office ne donne pas de
contravention ni d'amende, au contraire, on est là pour accompagner les
entreprises. Tous nos efforts sont faits, justement, pour faire en sorte de
comprendre leur situation, voir quelle était véritablement l'intention de
l'entreprise quand elle a mis en place tel affichage ou agi de telle manière
dans le cas de la langue de service. Donc, tous nos efforts, puisqu'on a une
longue expérience, qu'on traite avec un ensemble d'entreprises dans des
secteurs différents, permettent aux entreprises qui ont… qui n'avaient pas de,
je dirais, de solution en tête, de leur en proposer et de leur donner le temps
de le faire dans un délai raisonnable.
On l'a vu avec l'expérience menée dans le
cas de la réglementation qui est entrée en vigueur en 2019, on a fait de grandes
opérations à la fois de sensibilisation, auprès de 5 000 commerces, on est
allés également faire des inspections, on a accompagné les entreprises qui
étaient… qui avaient des affichages non conformes, donc c'est vraiment la
pratique de faire en sorte qu'on accompagne les entreprises, on les soutient,
on leur donne des conseils.
M. Jolin-Barrette : Et sur la
question des nouveaux pouvoirs que l'on vient confier à l'Office, puisque la
loi a été rédigée il y a 40 ans, c'est nécessaire également de moderniser
les pouvoirs de l'Office, si on veut que l'Office puisse réaliser pleinement sa
mission?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours,
des recours par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui
ont été dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes
ces questions-là qui ont trait…
Mme Galarneau (Ginette) : …oui,
effectivement, nos efforts sont faits pour éviter le plus possible des recours
par les processus judiciaires. Mais il y a beaucoup de choses qui ont été
dites, et je laisserais Josée Saindon préciser, effectivement, toutes ces
questions-là qui ont trait aux heures de visite, aux manières qui seront
empruntées pour faire les inspections, si vous le permettez.
Mme Saindon (Josée) : Je vous
remercie. Je prends quelques minutes à peine, simplement vous dire qu'effectivement
le projet de loi vient apporter des précisions sur les endroits où pourront se
faire des inspections, les moments où elles pourront se faire et ce que pourra
demander un inspecteur. Donc, à cet égard-là, c'est fort intéressant. Ce sont
des précisions qui sont utiles aux entreprises, utiles aux plaignants, utiles
également à l'office.
M. Jolin-Barrette : O.K.
J'aimerais qu'on revienne sur l'étude qui a été publiée au mois de mars dernier
par rapport à la situation linguistique, là, 2011-2036, basée sur le portrait
de la langue parlée à la maison, notamment le poids démographique des
francophones dans la région métropolitaine de Montréal, notamment. Pouvez-vous
nous rappeler les grandes conclusions de cette étude-là de l'OQLF?
• (10 h 20) •
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
c'est une étude qui était un complément d'une étude qui avait été menée par
Statistique Canada sur les projections, justement, du nombre de personnes qui
allaient utiliser… qui allaient avoir, par exemple, du côté de la langue
maternelle ou de la langue qui était parlée à la maison ou de la langue qui
était connue… et donc il y avait plusieurs scénarios qui avaient été soumis par
l'office à cette époque-là. Et donc, peu importe les scénarios qui étaient
envisagés, le poids des personnes dont le français est la langue parlée le plus
souvent à la maison, on voit qu'il va diminuer d'ici 2036 parce que la
proportion des francophones passerait de 82 % à autour de 75 %. Dans
la RMR de Montréal, la proportion passerait, elle, de 69 % en 2011 à
61 % en 2036. Et ce n'est pas la seule étude, de toute façon, qui a été
menée par l'office, qui montre qu'il y avait… qu'il y a un recul, par exemple,
dans l'utilisation du français au travail.
M. Jolin-Barrette : Donc, les
récentes études démontrent qu'il y a un recul du français, un recul également
de la langue parlée à la maison, également, d'où la nécessité d'agir sur
plusieurs volets de la société, notamment la langue de travail, la langue des
affaires, que ça se passe en français.
Sur la question, là… et ça sera ma
dernière question avant de passer la parole à mes collègues de Saint-Jean et de
Chapleau. Sur la question de la francisation en entreprise, il y a un volet du projet
de loi, là, qui aborde ça, comment l'office envisage son rôle au niveau de la…
M. Jolin-Barrette : …Sur la
question, là… Et ça sera ma dernière question avant de passer la parole à mes
collègues de Saint-Jean et de Chapleau. Sur la question de la francisation en
entreprise, il y a un volet du projet de loi, là, qui aborde ça. Comment
l'office envisage son rôle au niveau de la francisation en entreprise? Il y a
beaucoup d'entreprises qui devront être francisées pour les employés justement.
Comment est-ce que l'office envisage ces responsabilités-là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
Les entreprises, donc de 5 à 24 personnes, dans trois ans, et dès
maintenant, dès la sanction de la loi pour les entreprises de 25 à 49, les
entreprises auront la responsabilité d'inscrire dans leur déclaration annuelle
au Registraire des entreprises la proportion de leurs salariés travaillant au
Québec qui ne sont pas en mesure de communiquer en français. Les inscriptions
c'est… ils sont fournis à même, là, des formulaires existants du registraire, et
c'est des formulaires que les entreprises sont déjà tenues de remplir. Puis ce
qu'on… l'office devra faire, c'est que l'office pourra permettre à ses… pourra
identifier annuellement les secteurs d'activité qui… où le français est moins
présent, il fera, en collaboration avec Francisation Québec, une offre aux
entreprises de cours de français. Et donc c'est, pour nous, une occasion
d'aller beaucoup plus loin du côté de la francisation des petites entreprises, parce
que, déjà, on fait connaître aux entreprises l'offre de service du ministère en
ce qui a trait aux cours de français et aux aides financières.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Galarneau. M. le député de Chapleau, il reste
quatre minutes au bloc.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et j'en profite également pour remercier le
ministre, saluer les collègues. Merci, Mmes Galarneau et Saindon.
J'aimerais peut-être revenir sur les
services d'accompagnement de l'office, un peu comment, dans le fond, faire un
peu, là, un suivi avec vous des étapes d'accompagnement, comment qu'elles se
déploient. Vous avez parlé d'inspections, vous avez parlé également, suite à
l'inspection, d'un certain suivi. Puis, dans le fond, quels sont ces
services-là, donc, par étape, juste pour me donner un bon portrait, là, d'un
cas que vous traitez d'une façon très générique, là?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
L'inspection effectivement c'est à la suite d'une plainte. D'autre part, j'ai
expliqué ce processus-là où effectivement l'accompagnement entre en ligne de
compte dès l'instant que l'entreprise est informée qu'il y a une contravention.
Mais de façon générale, les entreprises actuellement de… employant
50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand elles
s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la situation
linguistique de leur entreprise. Et c'est…
Mme Galarneau (Ginette) :
...une contravention. Mais, de façon générale, les entreprises actuellement
employant 50 employés et plus doivent s'inscrire à l'office. Donc, quand elles
s'inscrivent, on leur demande de compléter une analyse de la situation linguistique
de leur entreprise, et c'est fort de cette analyse-là qu'on peut voir avec les entreprises
quelles sont les mesures qui devraient être mises en place.
Comme je l'ai dit, les deux tiers des entreprises
ont des corrections très mineures à effectuer, elles le font et, après
correction, obtiennent leur certificat de francisation. Dans le cas des autres
entreprises qui ont plus de mesures à mettre en place, il s'agit donc
d'élaborer et de réaliser un programme de francisation au terme duquel les
entreprises peuvent obtenir leur certification.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci. Vous avez parlé de... vous avez fait une distinction, c'est-à-dire,
entre une mesure de correction exigée versus suggérée. Actuellement, vous
pouvez simplement suggérer certaines mesures de correction et, avec le projet
de loi, vous allez pouvoir l'exiger. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que
ça va vous permettre de faire et quels bénéfices cela va pouvoir... vous allez
pouvoir tirer de cela?
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
il y a une seule mesure dans laquelle l'office ne peut que sensibiliser les
entreprises, ça a trait à la langue de service. Quand il y a des plaintes
concernant un commerce, par exemple, où le français n'aurait pas été utilisé,
ce qui se produit à ce moment-là, c'est que, dans ce cas-là, l'office
communique avec l'entreprise, lui communique l'insatisfaction du client de ne
pas avoir été servi en français, et on fait un rappel de l'importance d'être
servi en français. Ce que le projet de loi introduit, c'est l'obligation avec
l'entreprise de trouver un moyen pour corriger de manière durable cette
infraction qui est apparue, c'est-à-dire cette non... le fait que le service
n'avait pas été donné en français à l'occasion où le client s'est présenté.
M. Lévesque (Chapleau) : Et
est-ce que dans les différents cas que vous analysez, que vous voyez, là, au
quotidien, est-ce qu'il y a des zones grises que vous notez, que le projet de
loi ne couvrirait pas nécessairement, ou certains pouvoirs dont vous auriez
besoin, ou certains leviers qui vous seraient nécessaires justement pour bien
mener à terme votre mandat?
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Galarneau.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
On est en présence d'un projet de loi qui est un projet d'envergure et qui
présente des défis extrêmement intéressants. Je pense que le fait qu'on puisse
assujettir les entreprises de 25 à 49, c'est un pas très important et c'est un
défi important que l'office a bien hâte de relever.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle
avec Mme la députée de...
Mme Galarneau (Ginette) : …les entreprises
de 25 à 49, c'est un pas très important et c'est un défi important que l'office
a bien hâte de relever.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais aller du côté de l'opposition officielle
avec Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Vous avez 11 minutes d'échange
avec l'Office québécois de la langue française.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, Mmes Galarneau et Saindon, je crois. Bonjour. Merci beaucoup de vos commentaires.
Je vais aller directement aux articles 23, 26, 35, un changement majeur dans
vos rapports avec l'Office des professions du Québec. J'ai fait longtemps
partie d'un ordre professionnel, j'ai fait des inspections professionnelles. Il
y a le changement majeur, pour ceux qui ne savent pas à quoi je réfère, c'est
le changement du mot «réputer» par le mot «maintenir». En termes législatifs,
«réputer», c'est extrêmement différent du mot «maintenir», alors on parle de connaissance
de la langue française. Alors, jusqu'à maintenant, les professionnels qui
n'avaient pas été, il y a des critères, formés en français, qui n'ont pas eu de
l'éducation secondaire ou universitaire, etc., avaient donc besoin de passer un
examen de l'OQLF. J'étais même allée vous rencontrer, à l'époque où j'avais des
fonctions du ministre actuel, et on parlait beaucoup des examens de français
pour les professionnels justement qui sont soit formés à l'étranger, soit
formés dans des universités anglophones.
Et donc, ça, c'est changé, la personne ne
sera plus réputée, une fois pour toutes, à vie, comme on dit, comme les
gagnants à vie de la loterie, gagnant à vie d'être réputé parler français, il
va devoir maintenir ses compétences en français. Ma question : Comment
allez-vous suivre ces professionnels-là? Comment… sur quels critères vous allez
faire le suivi des connaissances linguistiques? Sur quels critères vous allez
appliquer la durée des conditions pour lesquelles ce professionnel sera donc
réputé connaître le français?
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, le projet de loi modifie le Code des professions. Le
non-maintien d'une connaissance appropriée, ça constitue un manquement
déontologique. Le plaignant serait alors dirigé vers l'ordre professionnel et
l'ordre professionnel pourrait demander à l'office de procéder à une évaluation
pour s'assurer du maintien de la connaissance du français. Alors, globalement,
ça permet de s'assurer davantage que les membres sont en mesure d'offrir leurs
services en français, et ce, de façon continue. L'office déploie beaucoup de
moyens, effectivement, pour accompagner les membres des ordres professionnels
en mettant à leur disposition des vocabulaires faisant en sorte qu'au moment où
ils viennent passer les examens ils ont eu les outils nécessaires pour s'y
préparer.
• (10 h 30) •
Mme David : On ne parle pas
juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle de maintenir le
niveau de connaissance du français. Ce n'est pas clair, pour moi, quel va être
le rôle de l'office dans le maintien tout au long de la carrière, ça, ça fait
40 ans facilement…
10 h 30 (version non révisée)
Mme Galarneau (Ginette) : …ils
ont eu les outils nécessaires pour s'y préparer.
Mme David : On ne parle pas
juste de vocabulaire technique lié à la profession, on parle maintenir le
niveau de connaissance de français. Ce n'est pas clair pour moi quel va être le
rôle de l'Office dans le maintien, tout au long de la carrière, ça, ça peut
être 40 ans facilement, de maintenir le français. Ce n'est pas clair pour moi
si ce sont les inspecteurs de l'Office, les inspecteurs des ordres
professionnels, si on vérifie autant le maintien, la tenue de dossiers, par
exemple, d'un professionnel, et est-ce que ce même inspecteur qui est souvent
du même métier, et évidemment de la même profession que le professionnel visé,
va devoir faire passer des tests de français, ce n'est pas clair pour moi ni
dans le projet de loi ni, pour l'instant, dans les indications que vous nous
avez données.
Mme Galarneau (Ginette) :
Bien, effectivement, ça va revenir aux ordres professionnels, qui pourront
exiger de leurs membres qu'ils suivent des cours de perfectionnement pour
recouvrir au besoin cette connaissance du français, et ils pourront exiger
qu'ils obtiennent l'attestation de connaissance du français délivrée par
l'Office.
Mme David : Bien, voilà, ce
n'est pas l'ordre professionnel, c'est donc l'Office, vous venez de le dire,
qui va attester de la … du bon maintien du français, le cas échéant, pour un
ordre professionnel où l'inspecteur aurait juré… aurait jugé que le
professionnel ne parlait pas suffisamment bien son français, ce n'est pas du
tout clair pour moi comment ça va fonctionner, et je sais, parce que l'Office
des professions du Québec, c'est beaucoup, beaucoup de professions, ça implique
beaucoup, beaucoup de professionnels, ils sont inquiets, ils veulent avoir des
précisions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, on le sait que les ordres… dans les ordres professionnels, on ne
peut pas délivrer de permis aux personnes qui n'ont pas de connaissance du
français qui est appropriée, donc il y a une obligation additionnelle que celle
de maintenir et c'est les ordres professionnels qui pourront constater, à
l'occasion d'une plainte ou à l'occasion d'activités, qu'il y a des personnes
qui devront suivre des cours de perfectionnement et que l'Office, comme il le
fait actuellement, pour obtenir un permis de l'Ordre, l'Office pourra attester
de la connaissance du français avec les examens…
Mme David : Donc, vous dites à
l'occasion d'une plainte, ou c'est l'inspecteur qui fait des inspections
régulières? On sait, à tous les trois, quatre ans, notre nom est pigé dans les
25 000 professionnels, ou les 10 000, il y a 75 000 infirmières,
donc les inspections sont souvent aléatoires. Là, vous dites ça peut être une
plainte, ce n'est pas ça qui est dit dans le projet de loi.
Mme Galarneau (Ginette) :
Bien, ça pourrait être à cette occasion-là, ça pourrait être très certainement
dans diverses situations. C'est l'ordre professionnel qui pourra en juger.
Mme David : Donc, quelqu'un
fait une dénonciation, ça peut être un collègue, un autre collègue qui
dit : Lui, il ne parle pas assez bien le français? J'essaie de comprendre
comment on maintient, tout au long de la carrière, la compétence en français.
Mme Galarneau (Ginette) :
Effectivement, c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en sorte de…
Mme David : ...un autre
collègue qui dit : Lui, il ne parle pas assez bien le français. J'essaie
de comprendre comment on maintient, tout au long de la carrière, la compétence
en français.
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
c'est l'ordre professionnel qui pourra faire en sorte de réaliser que la
personne n'a pas la pleine connaissance du français qui lui permet d'accueillir
et de servir la clientèle en français.
Mme David : Et
l'article 35, vous avez parlé tout à l'heure des sanctions. Alors, je ne
sais pas si c'est vous directement, là, qui donnez éventuellement les
sanctions, mais c'est, selon le Code des professions, c'est la sanction la plus
grave qui peut être donnée, qui est au niveau d'accusations, de collusions, de
corruption, d'abus, de gestes sexuels... passion de titre, etc., si la personne
est considérée ne pas avoir maintenu suffisamment son français. Qu'est-ce que
vous dites de ça?
Mme Galarneau (Ginette) :
C'est l'ordre professionnel qui pourra juger de ce qui doit être fait, de la
même façon que j'ai dit tantôt qu'il pourrait y avoir des cours de
perfectionnement qui pourraient exiger que cette personne-là repasse l'examen
de français de l'office. Donc, c'est l'ordre professionnel.
Mme David : Et donc c'est
l'office qui va décider que la personne échoue ou n'échoue pas le cours de français
tout au long de sa vie.
Mme Galarneau (Ginette) : S'il
y a eu l'exigence, effectivement, de l'attestation. C'est comme ça de toute
façon pour près de 2 000 personnes par année qui...
Mme David : Par année, une
fois dans leur vie.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui.
Mme David : C'est ça, O.K.,
merci beaucoup. Je veux juste, avant de passer la parole à mon collègue, vous
demander ce que vous pensez de notre proposition, il me semble qu'elle était
bonne au Parti libéral, qu'il y ait un conseil d'administration à l'office. Il
n'y a pas de conseil d'administration. Le ministre garde donc la... Il y a des
membres, mais il n'y a pas de conseil d'administration au sens de l'IGOPP et de
la gouvernance des conseils d'administration. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Galarneau (Ginette) : Pour
connaître un peu la Loi sur les conseils d'administration, très souvent on
retrouve cette loi-là qui s'applique à des organismes qui sont des organismes
qu'ils peuvent subventionner, par exemple, des organismes de nature économique.
Les organismes d'application des lois, je pense à l'Office de la protection du
consommateur, je pense à l'Office des professions, c'est des organismes qui
sont constitués de la même façon que l'office. De la même façon, on rencontre,
dans le rapport annuel, à chaque année, des décisions qui sont prises pour les
membres, parce que la loi est très précise sur les responsabilités des membres,
les membres, par exemple, qui...
Mme David : Merci. Ça va,
merci beaucoup. Je voudrais laisser du temps pour mon collègue...
Mme Galarneau (Ginette) :
Excusez-moi.
Mme David : ...ou le député de
D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 2 min 25 s
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans
mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et
c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et
transparence. Alors, j'en suis reconnaissant.
Je veux parler des pouvoirs d'enquête. À
l'article...
La Présidente (Mme Thériault) :
…2 min 25 s
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mmes Galarneau et Saindon. Moi, j'ai eu le plaisir dans
mes vies antérieures professionnelles d'avoir affaire avec l'office, et
c'étaient des entretiens toujours marqués par du professionnalisme et
transparence. Alors, j'en suis reconnaissant. Je veux parler des pouvoirs d'enquête.
À l'article 174, on a que «la personne qui effectue une inspection pour
l'application de la présente loi peut :
«1° pénétrer, à toute heure raisonnable,
dans tout endroit, autre qu'une maison d'habitation, où s'exerce une activité
régie par la présente loi ou dans tout autre endroit où peuvent être détenus
des documents ou d'autres biens auxquels elle s'applique».
Bon, on parle de l'ère numérique maintenant
et les pouvoirs accrus nécessaires. Pouvez-vous me parler de trois choses? Dans
un premier temps, les difficultés actuelles, sens et pouvoir dits pas mal
exceptionnels; comment vous allez former vos inspecteurs pour qu'ils puissent
se prévaloir d'un pouvoir assez sensible; et troisièmement, vous avez parlé vous-même
de relation de confiance, l'efficacité de vos entretiens avec les entreprises?
Est-ce que, de votre avis, cette efficacité ne serait pas compromise par le
fait que ces pouvoirs soient à l'abri de la charte québécoise et canadienne de
droits et libertés?
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez une minute pour répondre, Mme Galarneau.
Mme Galarneau (Ginette) :
Alors, je vais commencer et je demanderai à Mme Saindon de compléter.
L'office, je l'ai mentionné tantôt, c'est un organisme qui traite toutes les
plaintes qui sont reçues à l'office. On a des défis parfois d'inspections, par
exemple, dans des entrepôts. Il n'est pas possible puisque ce n'est pas un lieu
accessible au public de faire des inspections dans les entrepôts, donc, ça, ça
en fait partie des défis.
Du côté de la formation, je vous dirais
que nos… il y aura tout un programme de formation pour le personnel de l'office
à la sanction de la loi pour faire en sorte, effectivement, qu'à la suite
d'avis juridiques nous assurer d'une interprétation qui est cohérente, qui est
uniforme, on va faire en sorte que les employés, effectivement, soient bien
formés, et…
La Présidente (Mme Thériault) :
…met fin au bloc d'échange, Mme Galarneau, malheureusement,
Mme Saindon. C'est pour une autre fois
Mme Galarneau (Ginette) :
Désolée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. C'est le temps, c'est comme ça, malheureusement. Mme
la députée de Mercier, 2 min 45 s pour vous.
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Donc, j'ai peu de
temps en 2 min 45 s. Je vais vous poser deux questions en
rafale… ou, si c'est possible, d'avoir votre document déposé, celui que vous
avez lu au début, ça nous aiderait dans nos travaux. Vous avez dit que 73 %
des plaintes proviennent d'entreprises qui ont 50 employés et moins,
est-ce que vous avez le détail? Par exemple, combien des plaintes proviennent
d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce que vous avez ce genre de détail
là? Et aussi, par rapport à la francisation en entreprise, c'est-à-dire que
vous allez avoir les…
Mme Ghazal : …qui ont
50 employés et moins, est-ce que vous avez le détail? Par exemple, combien
des plaintes proviennent d'entreprises de 10 employés à 25? Est-ce que
vous avez ce genre de détail là?
Et aussi, par rapport à la francisation en
entreprise, c'est-à-dire que vous allez avoir les chiffres dans les
entreprises, les employés qui ne parlent pas français qui sont au Québec dans
ces entreprises-là. Est-ce que, dans le projet de loi, vous trouvez qu'il y a suffisamment
d'incitatifs pour qu'il y ait de la francisation en entreprise? Et, quand je
dis «francisation en entreprise», je pense, par exemple, à une mère
monoparentale qui travaille le jour. Même si son employeur lui dit : Tu
peux aller suivre une formation dans un organisme communautaire ou quelque part
le soir, ce n'est pas possible. On le sait, la francisation la plus efficace,
c'est celle qui se fait dans le milieu de travail. Est-ce qu'il y a… Est-ce
que, selon vous, cette possibilité-là… Est-ce qu'il y a suffisamment
d'incitatifs pour que la francisation se fasse en entreprise sur les heures du
travail dans le projet de loi n° 96?
• (10 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Et vous avez 1 min 25 s pour répondre aux questions.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
effectivement, je considère qu'il y a beaucoup de moyens, en tout cas, qui
pourront être mis en place à la suite de l'adoption des mesures qui sont
prévues. Avec Francisation Québec, il faut mener un certain nombre
d'expériences de cours de français, justement, dans les milieux de travail,
faire en sorte que cette offre-là soit accessible aux personnes, par exemple en
virtuel, au moment où les personnes sont disponibles ou sur les heures de
travail. On sait qu'il existe déjà avec… des subventions qui existent, par
exemple, du côté de la Commission des partenaires du marché du travail, avec un
programme favorisant l'apprentissage en milieu de travail et la francisation.
Donc, il faut tenter de déployer le plus possible ces moyens-là et d'atteindre
les milieux où le français est moins présent.
Dans une étude qu'on avait réalisée dans
le cadre du dernier programme de recherche, on a été capables de mettre le
doigt sur les secteurs, par exemple les secteurs du commerce de détail, du
commerce en gros, du transport, d'être en mesure de voir que c'est dans ces
secteurs-là qu'il faut tenter de rejoindre le plus grand nombre d'entreprises.
Mme Ghazal : Oui, ça, c'est…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois…
Mme Ghazal : Est-ce qu'il y a
des cibles?
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, malheureusement, il ne reste plus de temps. Désolée.
Mme Ghazal : Oui, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, vous
aussi, pour 2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Le droit de travailler en français. 51,8 % des entreprises ont
exigé l'anglais à l'embauche, selon vos statistiques. Alors, le projet de loi
n° 96, est-ce qu'il va assez loin pour contrer l'exigence systématique de
l'anglais à l'embauche? Parce qu'il ne l'interdit pas. Et, comme vous avez une
indépendance face au gouvernement du Québec, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français et qu'il
y a une utilisation de plus en plus grande du français avec l'anglais et qu'il
y a des exigences qui…
M. Bérubé : …et comme vous avez
une indépendance face au gouvernement du Québec, j'aimerais vous entendre
là-dessus.
Mme Galarneau (Ginette) : Effectivement,
les études qu'on a menées nous montrent qu'il y a un recul du français et qu'il
y a une utilisation de plus en plus grande du français avec l'anglais, et qu'il
y a des exigences qui sont de plus en plus nombreuses de la connaissance de
l'anglais, que ce soit dans les entreprises ou les municipalités. Vous nous
avez…
M. Bérubé : Ce n'est pas ma
question.
Mme Galarneau (Ginette) : Oui,
je sais.
M. Bérubé : Est-ce qu'il
serait préférable de l'interdire?
Mme Galarneau (Ginette) : On
pense qu'il y a des situations, et ces des situations qui nous sont rapportées,
il y a des situations où les entreprises ont véritablement besoin. Quand elles
ont, par exemple, elles ont un siège social et elles ont des établissements en
dehors du Québec, il arrive qu'il y a des personnes qui ont un rôle à jouer.
C'est des situations où elles ont des fournisseurs qui sont à l'extérieur du
Québec. Donc, il y a des situations, mais on va passer d'une situation où on va
avoir la possibilité de pouvoir nommer la nécessité, il va y avoir toute une
évaluation qui devra être faite par l'entreprise. Avoir évalué les besoins
linguistiques réels…
M. Bérubé : Merci, madame. En
fait, mais j'ai peu de temps, madame. Nous sommes d'avis qu'il faut interdire.
Vous partez d'exceptions pour appliquer la règle à l'ensemble des entreprises.
Selon le Parti québécois, notre proposition, il vaut mieux interdire à tout le
monde et que la règle soit claire, au lieu de prendre l'exception et d'en faire
la règle. Donc, avec les statistiques que vous avez dévoilées, je suis d'avis
qu'il vaudrait mieux interdire. Ça ne semble pas votre position.
Mme Galarneau (Ginette) : De
toute façon, ce n'est pas la position de l'office. Le projet de loi va loin en
disant que l'employeur devra s'être assuré que les connaissances linguistiques
déjà exigées des autres membres sont insuffisantes et avoir restreint le plus
possible le nombre de postes dans l'accomplissement des tâches qui nécessitent
la connaissance de l'anglais.
M. Bérubé : Respectueusement,
nous n'avons pas la même définition d'aller assez loin en matière de projet de
loi. Il m'apparaît que le gouvernement passe à côté de l'objectif. On interdit
ou pas. On ne continue pas de prendre les exceptions et d'en faire la règle, et
en ce sens notre position est diamétralement opposée à celle du gouvernement du
Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme Galarneau, Mme Saindon,
merci beaucoup pour votre passage en commission. Nous allons suspendre,
maintenant, quelques instants afin de laisser la place aux prochains
intervenants. Merci, bonne journée.
Mme Galarneau (Ginette) :
Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 44)
(Reprise à 20 h 49)
La Présidente (Mme Thériault) :
Rebonjour, tout le monde. Donc, nous en sommes rendus au deuxième groupe de la
matinée. Nous avons le Pr Guillaume Rousseau de l'Université de Sherbrooke, qui
est accompagné de M. Marc-Antoine Larivée, diplômé en droit de l'Université de
Sherbrooke et étudiant à l'École du Barreau. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Vous êtes un des rares groupes en présentiel. Donc, bienvenue. Et, sans plus
tarder, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, évidemment, présenter
qui est qui. Allez-y. La parole est à vous.
• (10 h 50) •
M. Rousseau (Guillaume) :
Alors, bonjour, tout le monde. Je me présente, je suis Guillaume Rousseau.
Merci pour l'invitation à venir vous faire part de nos commentaires sur le projet
de loi n° 96. Je suis accompagné par M. Marc-Antoine Larivée, qui est
étudiant à l'École du Barreau, et qui, comme moi, ici, aujourd'hui, s'exprime à
titre personnel. Il s'agit de la troisième fois que je suis invité en
commission parlementaire à titre d'expert, mais je dois avouer que c'est la
première fois que je suis invité à commenter un projet de loi aussi volumineux.
Donc, vous allez me permettre, vu le temps qui nous est imparti, qui est quand
même limité, de me concentrer sur les commentaires généraux, à la fois sur
notre cadre théorique, notre méthodologie, et ensuite sur certains éléments du
projet de loi, évidemment, on ne pourra pas tous les commenter.
Mais, d'abord, permettez-moi de saluer le
sérieux et la profondeur de ce projet de loi qui touche beaucoup de domaines et
qui tient compte, je pense, des propositions fort pertinentes des différentes
formations politiques représentées à l'Assemblée nationale qui, au cours des
dernières années, des derniers mois particuliers, ont fait des propositions, et
on sent que ça a été repris, là, en partie par le projet de loi. Donc, nous
saluons également ces autres propositions. Et nous soulignons également qu'un
projet de loi puise dans la littérature scientifique en matière de droit
linguistique québécois, donc, pour des chercheurs comme nous, c'est vraiment
bien de voir qu'on sent que les travaux de recherche des dernières années en
droit linguistique québécois ont été pris en compte par les rédacteurs du
projet de loi, et c'est évidemment une très bonne pratique.
Donc, notre mémoire puise dans cette
littérature en matière de droit linguistique québécois, et cette littérature
révèle une chose fort importante, c'est que l'épanouissement d'une langue
minoritaire, comme le français au Canada, pour assurer cet épanouissement-là,
il faut vraiment une approche territoriale, donc il faut une seule langue
officielle par territoire. Donc, la littérature scientifique est très, très
claire là-dessus, et c'est d'ailleurs l'approche, qui était à la base de la loi
101 en 1977, et qui a mené…
M. Rousseau (Guillaume) :
…c'est que, l'épanouissement d'une langue minoritaire, comme le français au
Canada, pour assurer cet épanouissement-là, il faut vraiment une approche
territoriale, donc il faut une seule langue officielle par territoire. Donc, la
littérature scientifique est très, très claire là-dessus, et c'était d'ailleurs
l'approche qui était à la base de la loi 101 en 1977 et qui a mené à des
progrès pour le français à cette époque-là, dans les années qui ont suivi. Puis
ensuite il y a eu, donc cette approche territoriale dans la loi 101 a
connu un certain nombre de reculs et avec elle, la langue française a connu des
reculs. Évidemment, il y a d'autres facteurs qui peuvent jouer, mais n'empêche
que c'est assez frappant. Alors, c'est une des raisons pourquoi, à certains
égards, nous recommandons un retour à certains éléments de la loi 101 de
1977.
En même temps, puisque c'est la première
grande réforme de la loi 101 depuis 1977, bien je pense qu'il faut aussi moderniser
cette loi-là en tenant compte des évolutions survenues au Québec depuis 1977.
C'est ce que le projet de loi cherche à faire, c'est pourquoi nous le jugeons
opportun. Mais en même temps, nous proposons beaucoup de propositions
d'amendements — vous en trouverez plus d'une vingtaine dans notre
mémoire — et elles visent toutes ces propositions-là, soit à
accentuer le caractère territorial de la loi, soit revenir à la version de 1977
ou soit encore à moderniser la loi 101 en tenant compte d'évolutions
récentes.
Donc, si on y va pour certaines
dispositions, donc du projet de loi. D'abord, les modifications au préambule
nous semblent parfaitement opportunes. On en propose trois autres, dont une sur
laquelle je veux insister, c'est la mention du territoire québécois dans le
préambule. Ça peut sembler symbolique, mais c'est que ça permettrait vraiment
de mettre l'accent sur le fait que la loi 101, c'est une approche de
territorialité linguistique, et c'est important que les personnes appelées à
appliquer la loi aient ça en tête.
Ensuite, au niveau des droits
linguistiques fondamentaux, parce qu'il ne faut jamais oublier, la
loi 101, c'est quoi : le français, langue officielle, des droits linguistiques
fondamentaux puis, ensuite, plein de dispositions spécifiques qui visent à
mettre en oeuvre ces droits linguistiques fondamentaux. Ces droits-là qui
n'avaient pas été revus depuis 1977. Et là, vraiment, on a des choses
intéressantes en matière de droits linguistiques fondamentaux, notamment un
droit à la législation et à la justice en français. Et on a l'article 5 du
projet de loi qui vient vraiment donner le corps à ce droit-là, entre autres,
avec la règle résiduaire de la primauté de la version française des lois. Cette
règle-là est valide, à l'égard de la constitution, surtout si on inclut dans la
constitution l'article 90, Q-2, qui est proposé par le projet de loi. Et à
la fois cette règle-là et cet ajout à la constitution sont tout à fait
possibles en vertu de l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982,
qui permet au Québec de modifier sa propre constitution. C'est un pouvoir
analogue à celui-là qui a permis, par exemple, d'adopter la loi sur le Conseil
législatif qui a modifié l'article 133 de la constitution, hein, cet
article-là parle des deux chambres de la législature de Québec. Ça a été
modifié par la loi sur le Conseil législatif, et c'est tout à fait valide, ça a
été confirmé par un jugement dans l'affaire Montplaisir.
Ensuite, toujours au niveau des droits
linguistiques fondamentaux, on propose de nouveaux droits des technologies de
l'information en français, droit à l'enseignement en français, du CPE, qui
n'existait pas en 1977, jusqu'à l'université, et on propose également
d'élargir…
M. Rousseau (Guillaume) : …et
c'est tout à fait valide, ça a été confirmé par un jugement dans l'affaire
Montplaisir. Ensuite, toujours au niveau des droits linguistiques fondamentaux,
on propose de nouveaux droits des technologies de l'information en français,
droit à l'enseignement en français du CPE, qui n'existait pas en 77, jusqu'à
l'université, et on propose également d'élargir le droit fondamental d'exercer
ses activités en français. Hein, pour l'instant, dans la loi, c'est seulement
pour les travailleurs, et en 77 il n'y avait pas une pertinence à ça. Maintenant,
il faut élargir ça, notamment aux entrepreneurs, on sait qu'il y a plus
d'entrepreneuriat, là, chez les francophones aujourd'hui qu'à l'époque.
Les dispositions du projet de loi en
matière de langue du travail sont également fort bien pensées, on propose un
ajout, c'est-à-dire d'interdire de discriminer un employé parce qu'il ne parle
pas une autre langue, parce qu'il ne parle pas anglais généralement, même
lorsque c'est requis par le poste de parler anglais, pourvu que l'employé soit
prêt à apprendre cette langue aux frais de l'employeur. Concernant les cégeps,
on y va d'une proposition pour concilier l'application de la loi 101 au cégep
et la préservation d'un certain libre choix, donc on a une espèce de
proposition de compromis qui permettrait entre autres de garantir aux
anglophones le choix de leur cégep, ce qui n'est pas toujours évident à l'heure
actuelle. Et si jamais le législateur ne nous suit plus, ne nous suit pas pour
cette proposition, on en a une autre, qui est simplement de mettre un objectif
à moyen terme, en termes de réduction des effectifs des cégeps anglais.
Sinon, toujours en matière d'enseignement
supérieur, et là c'est peut-être le gros oubli du projet de loi : le français
comme langue de recherche. Il faut dire qu'il y a une étude de l'ACFAS qui est
sortie après le dépôt du projet de loi et qui démontre clairement le recul du
français comme langue de recherche. Donc, nous, on vous propose un amendement
très, très détaillé en cette matière. Ensuite, il y a la question des langues
autochtones, à mon avis il n'y a rien dans le projet de loi qui porte atteinte
ou qui enlève de quelconque manière des droits relatifs aux langues
autochtones. En fait, il y a juste l'article 68 qui concerne les autochtones,
puis il permet de les accommoder davantage, donc il n'y a pas de problème, et
ce qu'on souhaite attirer à votre attention, c'est que ce ne serait
probablement pas le bon endroit, ce projet de loi là, et la loi 101, pour adopter
des mesures favorables aux langues autochtones. Parce que la façon dont
fonctionne la loi 101, c'est le principe, c'est pour le français, et les
dispositions sur les autres langues, c'est des exceptions, donc
d'interprétation stricte. Alors, si on veut adopter des mesures pour les lois
autochtones, il faut plutôt les mettre dans une autre loi, où à ce moment-là ce
seraient des principes en faveur des langues autochtones, mais pour ça, c'est
vraiment une autre loi, un autre projet de loi, là, qui serait le véhicule
approprié.
Enfin, concernant la langue du commerce,
on salue les avancées, notamment en matière de marques de commerce, on souhaite
aller plus loin, on souhaite qu'il y ait un droit à avoir des vêtements, des
accessoires en français, et on souhaite un retour à la règle de l'affichage
commercial exclusif en français, mais seulement pour les grandes, voire les
très grandes entreprises, et on suggère comme seuil 75 employés. Pourquoi?
Parce qu'ailleurs dans le mémoire, on suggère d'abaisser le seuil, pour le
comité de francisation, de 100 à 75 employés. À l'heure actuelle, le projet de
loi touche au seuil pour les certificats de francisation, de 50 à 25, par
cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de
francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes
entreprises, notamment…
M. Rousseau (Guillaume) :
…comité de francisation, de 100 à 175 employés. À l'heure actuelle, le projet
de loi touche au seuil pour les certificats de francisation de 50 à 25. Par
cohérence, nous, on irait de 100 à 75 pour l'obligation d'un comité de
francisation, et 75 deviendrait le seuil des règles applicables aux grandes entreprises,
notamment l'affichage unilingue au niveau commercial. Évidemment, ça pourrait
être contesté en vertu de la liberté d'expression des chartes des droits, mais
grâce aux dispositions dérogations, ce serait protégé et, soit dit en passant,
l'usage de la disposition de dérogation, des dispositions de dérogation dans le
projet de loi, c'est tout à fait conforme à la jurisprudence, à la théorie
doctrinale dominante, à la pratique pensée de l'Assemblée nationale, parce que
c'est un usage préventif, mais non rétroactif, express et qui est fait pour les
questions d'identité et de progrès social.
Cela dit, même s'il n'y avait pas de
dispositions de dérogation, l'affichage unilingue français pour les grandes entreprises,
ça passerait le test des chartes, très vraisemblablement. Et là-dessus je
laisse Marc-Antoine développer avec le temps qu'il nous reste.
M. Larivée (Marc-Antoine) :
Oui. Donc, Mme la Présidente, en passant, bonjour à tous et à toutes, donc,
pour faire suite à la proposition du Pr Rousseau, selon l'avis juridique
de 1993 du Pr José Woehrling, un retour à la règle d'affichage exclusif en
français, donc, comme il l'a mentionné pour les entreprises de 75 personnes
et plus, passerait vraisemblablement aujourd'hui les exigences du test de l'article
premier de la charte canadienne, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, la jurisprudence actuelle
prévoit que lorsque le législateur tente de conseiller des intérêts qu'ils
soient politiques, sociaux ou économiques, comme en espèce, il faut interpréter
le critère de l'atteinte minimale de manière souple ou flexible, contrairement
à l'interprétation rigoureuse que la Cour suprême a autrefois appliquée dans
certaines décisions telles que l'arrêt Oakes ou l'arrêt Ford.
Deuxièmement, la jurisprudence prévoit que
des restrictions à la liberté d'expression commerciale se justifient beaucoup
plus facilement au sens de l'article premier que, par exemple, les restrictions
à la liberté d'expression politique parce que la liberté d'expression
commerciale ne s'assimile pas aux valeurs qui sont fondamentalement protégées
par l'article 2b) de la charte canadienne. Il important de souligner que ce
principe a récemment été confirmé par la Cour d'appel fédéral en 2020 dans
l'affaire Canada Inc., Compu-Finder contre Canada.
Finalement, pour terminer, on propose une
modification quant aux traitements des plaintes de l'office française
québécoise. En fait, on juge que, lorsqu'il s'agit d'une plainte d'intérêt
collectif et général, l'office devrait avoir l'obligation d'informer : Un,
le plaignant de sa plainte; deux, les mesures que l'office prend; et trois, les
mesures que l'auteur du manquement prend, le cas échéant.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Avec l'autorisation du ministre, les 15 secondes de plus que vous
avez prises seront retranchées au temps du ministre. M. le ministre, la parole
est à vous.
• (11 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. M. le professeur Rousseau, M. Marc-Antoine,
merci de participer aux consultations sur le projet de loi n° 96. Je tiens
à vous féliciter pour votre mémoire qui est fort intéressant et très fouillé.
D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre
sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce
que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la culture commune…
11 h (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : …sur le projet
de loi n° 96. Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire qui est fort
intéressant et très fouillé.
D'entrée de jeu, je voudrais vous entendre
sur la notion de langue commune et de la question de la culture commune, parce
que vous semblez faire un lien entre la langue commune, la culture commune et
la convergence culturelle. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par
là et ce que ça signifie?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
merci pour cette question. Effectivement, c'est un des points que je n'avais
pas pu aborder dans ma présentation orale, mais qui est développé dans le
mémoire. Donc, je suis content d'avoir l'occasion de développer ça un peu.
Donc, la notion de langue commune, d'abord
il faut vraiment rappeler de quoi on parle. Ça s'inscrit, la notion de langue
commune, c'est arrivé avec la commission Gendron, au début des années 70,
parce qu'à ce moment-là il y avait comme un débat où on avait d'une part le
bilinguisme prôné par le gouvernement Trudeau, la Loi sur les langues
officielles, puis d'autre part, il y avait l'unilinguisme avec le RNI, et là
c'est comme si on avait ce choix, soit c'était le bilinguisme, soit c'était
l'unilinguisme. Ce qui était, évidemment, un non-sens. Donc, la commission
Gendron est arrivée à cette notion de langue commune qui disait, dans le
fond : On peut très bien avoir plusieurs langues au Québec, il peut très
bien avoir une communauté d'expression anglaise avec des membres de la
communauté qui parlent anglais entre eux, il peut avoir une communauté
hispanophone, arabophone, nommez-les, mais il faut une langue commune,
c'est-à-dire que lorsque vous avez quelqu'un de la communauté anglophone qui parle
à quelqu'un d'expression française, la langue de communication
interlinguistique, dit-on parfois en langage technique, ça devrait être le
français. Puis, des fois, on allait même plus loin, on disait : Lorsqu'un
hispanophone s'adresse à un anglophone, la langue commune ça devrait être le
français parce que c'est la langue que tout le monde connaît au Québec. Donc,
dès qu'on est dans un contexte interlinguistique, le français devrait être la
langue commune. Donc, ça permettait de dépasser cette opposition entre
unilinguisme et bilinguisme et ça a fait consensus. Donc, ça, c'est vraiment,
donc c'est extrêmement opportun, à mon avis, que le projet de loi mette ce
concept-là dans la loi, alors qu'avant c'était dans le livre blanc. Donc, on
savait que c'était derrière la tête du législateur en 1977, mais là, vraiment,
de le mettre dans la loi ça m'apparaît vraiment très opportun.
Et, toujours en 1977, donc après la
loi 101 en 1977, est arrivé en 1978, la politique de développement
culturel, dans les deux cas, sous la responsabilité de Camille Laurin avec
Fernand Dumont, Guy Rocher et quelques autres, et là, ce qu'on disait,
c'est que : Si vous avez une langue commune, forcément ça a des
conséquences sur la culture parce que la façon dont on conçoit la langue au
Québec c'est, oui, évidemment, un outil de communication, mais c'est aussi un
véhicule culturel. Donc, et c'est là que l'approche québécoise diffère de
l'approche fédérale, où au fédéral on dit : Il y a le bilinguisme et le
multiculturalisme. Donc, on déconnecte langue et culture. Au Québec, on a
plutôt l'approche de dire : Non, non, la langue c'est très culturel. Donc,
à partir de là, si on fait la promotion d'une langue commune, il faut en même
temps faire la promotion d'une culture commune. C'est dans la logique des
choses, puis donc, toujours dans la politique de développement culturel de
1978, on disait : Comment on peut faire cette culture commune là sachant
qu'il y a plusieurs cultures présentes au Québec? Personne ne nie ça, au
contraire il s'agit de valoriser ça. Mais le concept qui a été mis de l'avant
c'est celui de convergence culturelle, c'est-à-dire reconnaissons qu'il y a
plusieurs gens avec des bagages culturels distincts, mais projetons-nous vers
l'avenir, convergeons vers le fait de bâtir ensemble une culture commune à
tous, ce qui ne nous empêche pas d'avoir chacun des référents particuliers,
mais convergeons vers une culture commune…
M. Rousseau (Guillaume) :
...mais le concept qui a été mis de l'avant, c'est celui de convergence
culturelle, c'est-à-dire reconnaissons qu'il y a plusieurs gens avec des
bagages culturels distincts, mais projetons-nous vers l'avenir, convergeons
vers le fait de bâtir ensemble une culture commune à tous, ce qui ne nous
empêche pas d'avoir chacun des référents culturels particuliers, mais
convergeons vers une culture commune qui, forcément, est la culture québécoise
d'expression française, mais qui est évidemment ouverte à des apports notamment
provenant des cultures issues de l'immigration. Donc, c'est pourquoi on parle
dans le mémoire de langue commune, culture commune, convergence culturelle.
M. Jolin-Barrette : Et
pensez-vous que cette approche-là permettrait autant sur la question de la
langue commune, mais aussi de la culture commune, d'avoir une meilleure intégration
des personnes immigrantes? Parce qu'un des enjeux que nous vivons et des défis
que nous vivons pour dès maintenant et pour les prochaines années, c'est
d'intégrer les personnes immigrantes en français, parce qu'on sait à quel point
l'anglais est attractif dans l'environnement nord-américain. Mais si on veut,
comme nation, faire en sorte de pouvoir continuer de vivre en français, de
travailler en français, bien, il faut que l'ensemble de la société, l'ensemble
des personnes immigrantes, on puisse... on réussisse à les intégrer en
français. Il y a un volet du projet de loi, notamment sur Francisation Québec,
qui va toucher ça. Mais plus au niveau du fond des choses sur cet aspect-là, au
niveau de la convergence, la langue commune, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui.
Donc, très bon, puis vous faites bien de parler de Francisation Québec, parce
qu'une des raisons pourquoi on propose de parler de culture commune dans le
projet de loi, de convergence culturelle, c'est parce qu'on a l'impression que
c'est déjà dans le projet de loi, mais de manière implicite. Donc, c'est à la
fois par souci de transparence, d'explicitation puis aussi on appelle ça en
légistique le principe de cohérence interne, c'est-à-dire qu'il faut que les
différentes dispositions d'une même loi forment un tout cohérent,
particulièrement dans notre tradition de droit civil, c'est extrêmement
important. Donc, d'où le fait de mentionner langue commune puisque c'est là, de
toute façon, derrière.
Et effectivement, vous avez raison, c'est
extrêmement important pour nos compatriotes issus de l'immigration parce que,
dans le fond, la culture, ça occupe plus de place qu'ailleurs, que dans
d'autres provinces. Au Québec, les budgets du ministère de la Culture sont plus
grands que dans d'autres provinces, etc. Donc, il faut se servir de cet
extraordinaire véhicule que sont les arts, les lettres, l'histoire du Québec,
pour faire participer à, hein, intégrer, ça veut essentiellement dire ça, nos compatriotes
issus de l'immigration, puis ça va dans le sens du projet de loi, là, il y aura
une cohérence.
M. Jolin-Barrette : Et sur ce
point-là, vous nous invitez à rejeter clairement le multiculturalisme canadien.
Est-ce que ça devrait faire partie du projet de loi, ça? Parce que, de votre
propos, je comprends que, puisque nous avons une langue commune, puisque nous
avons une culture commune, le modèle d'intégration au Québec, il est distinct
du reste du Canada. Puis les récents événements nous ont démontré, au cours de
la dernière campagne électorale, le… Et on le note depuis des années, notamment
l'accord du lac Meech, un qui avait été négocié par Robert Bourassa
disait : La société distincte. On vient inscrire le fait que le Québec est
une nation au sein de la constitution canadienne. Comment vous voyez ça la
question du multiculturalisme pour le Québec comme nation?
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, de deux choses l'une. C'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi,
ça peut être difficilement concevable. Ça pourrait peut-être être dans le
préambule, on pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le
Québec n'adhère pas à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça
pourrait avoir sa place là.
Mais sinon, je pense que…
M. Rousseau (Guillaume) : …de
deux choses l'une, c'est sûr que le rejet d'un concept dans une loi, ça peut
être difficilement concevable, ça pourrait peut-être être dans le préambule, on
pourrait imaginer un préambule qui fait part du fait que le Québec n'adhère pas
à la doctrine du multiculturalisme canadien, donc ça pourrait avoir sa place
là.
Mais sinon, je pense que du fait de
référer à la convergence culturelle, n'importe qui, qui connaît un petit peu la
littérature scientifique multiculturaliste, interculturaliste, convergence
culturelle, va bien comprendre que le Québec propose un modèle différent. Alors
que si, au contraire, on parle plutôt d'interculturalisme, et là il y a une
fois le mot «interculturel» dans le projet de loi, puis je pense que ça ne
reflète pas bien l'esprit du projet de loi et que, notamment pour cette
raison-là, on pourrait enlever ce mot-là.
Mais donc, j'irais un petit peu plus loin,
peut-être, que vous le faites explicitement, c'est-à-dire non seulement je
pense que le modèle du multiculturalisme ne correspond pas au Québec, entre
autres, en raison de ce que je disais plus tôt, c'est-à-dire que langue et
culture, au Québec, c'est lié. Donc, si on a une langue commune, il faut avoir
une culture commune, on ne peut pas adhérer au multiculturalisme.
Et l'interculturalisme, c'est
essentiellement la même chose que le multiculturalisme. C'est sûr qu'on insiste
plus sur les interactions entre les différentes cultures. Mais, si vous
regardez le jugement dans l'affaire Hak qui a été rendu, on dit clairement que
l'interculturalisme est en gros la même chose que le multiculturalisme. Il y a
des publications officielles du gouvernement fédéral qui disent exactement ça.
Et je pense qu'il y a encore un débat en sciences sociales, là, mais je pense
que, juridiquement, c'est maintenant établi que l'interculturalisme, c'est un
mot québécois pour dire multiculturalisme, là, avec peut-être quelques nuances,
mais à peine.
Donc, c'est pourquoi j'irais dans le sens
de oui, mentionner ce rejet du multiculturalisme, mais sous forme positive.
Parce que je pense, justement, que la stratégie du Québec, depuis une
quarantaine d'années, de rejeter le multiculturalisme mais sans mettre de
l'avant un modèle alternatif, ça a ses limites. Donc, ce modèle alternatif là,
qui est vraiment différent du multiculturalisme, c'est la convergence
culturelle. Donc, si on veut non seulement rejeter… mais je pense qu'il faut
sortir de la logique du rejet et d'être dans une logique de proposer un modèle
alternatif. Et le seul que je connais, c'est la convergence culturelle, et j'ai
différentes publications à ce sujet-là, dont une qui s'en vient dans la revue Droit
et société.
M. Jolin-Barrette :
Rapidement, parce que je veux céder la parole à mes collègues, deux questions
en rafale. Le fait qu'on vient d'inscrire… Vous êtes constitutionnaliste. Le
fait qu'on vient d'inscrire que les Québécoises et les Québécois forment une
nation et que la langue officielle du Québec, c'est le français, dans la
Constitution, y voyez-vous un enjeu?
Et deuxième question. Vous avez abordé la
question de l'utilisation de la disposition de dérogation ou les dispositions
de souveraineté parlementaire, voyez-vous un enjeu relativement au fait de le
faire également pour la charte québécoise? Pourquoi est-ce qu'on le fait?
Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas d'autonomisation de la charte
québécoise, le fait qu'on doit utiliser la disposition de dérogation pour la
charte québécoise?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
donc, rapidement, en ce qui concerne la nation et le français langue officielle
dans la Constitution, ça me semble extrêmement opportun. C'était une vieille
revendication du Québec, mais le Québec avait cherché à l'obtenir de façon
multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire
unilatéralement, ce que permet la Constitution canadienne, ça me paraît
opportun.
Encore là, on est dans la logique que je
disais tantôt de ne pas seulement être en opposition, en rejet, mais de
proposer des choses, proposer un modèle alternatif, donc ça m'apparaît tout à
fait pertinent. Et je pense que les tribunaux n'auront pas le choix d'en tenir…
M. Rousseau (Guillaume) : ...de
façon multilatérale, ce qui était beaucoup plus difficile. Donc, de le faire
unilatéralement, ce que permet la constitution canadienne, c'est... me paraît
important. Encore là on est dans la logique que je disais tantôt, de ne pas
seulement être en opposition ou en rejet, mais de proposer des choses, proposer
un modèle alternatif. Donc, ça m'apparaît tout à fait pertinent. Et je pense
que les tribunaux n'auront pas le choix d'en tenir compte et que 90Q.2
pourrait... devra être concilié avec 133, ce qui pourrait laisser une certaine marge
de manoeuvre au Québec, notamment pour établir la primauté de la version française
des lois, quoique même sans 90Q.2, ça passerait quand même le test, mais je
pense que ça vient renforcer cela.
• (11 h 10) •
Concernant la disposition de dérogation de
la charte québécoise, effectivement, il faut savoir que la charte québécoise,
elle est interprétée exactement comme la charte canadienne, là, dans la très,
très, très grande majorité des cas. Donc, si on mettait la disposition de
dérogation de la charte canadienne, sans mettre celle de la charte québécoise,
clairement les opposants à la Charte de la langue française pourraient s'y
attaquer. D'ailleurs, c'est ce qui est arrivé dans Ford. Pour une des
dispositions qui étaient attaquées dans l'affaire Ford, il y avait la
disposition de dérogation de la charte canadienne, il n'y avait pas celle de la
charte québécoise. Et même quand les libellés des deux chartes sont très
différents, les tribunaux disent : On applique l'interprétation de la
charte canadienne. Donc, il n'y a effectivement pas d'autonomie de la charte
québécoise. Là, on peut toujours essayer de la modifier puis d'envoyer des
signaux au juge, mais à la fin de la journée, il y a une hiérarchie, la charte
canadienne est au-dessus de la charte québécoise et ce sont des juges qui
décident du détail du rapport entre les deux. Puis à date, la jurisprudence est
extrêmement claire. Donc, je parle même, moi, d'inféodation de la charte
québécoise, de la charte canadienne. Donc, c'est extrêmement important d'avoir
la disposition de dérogation de la charte québécoise.
M. Jolin-Barrette : Je crois
que les collègues de Saint-Jean et Sainte-Rose souhaitent prendre la parole,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il n'y a pas de problème. Dans l'ordre, je vois que le député de Sainte-Rose me
regarde. Donc, M. le député de Sainte-Rose, la parole est à vous.
5 min 20 s.
M. Skeete : Merci beaucoup
pour votre exposé. J'ai une question. Je vais y aller rapidement pour sauver du
temps pour mes collègues. Est-ce que le projet de loi n° 96
enlève des droits aux Québécois d'expression anglaise d'être des Québécois
d'expression anglaise à... entière québécois sur le territoire du Québec?
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
effectivement, il n'y a rien. Quand on parle de nation au Québec, on l'a déjà
fait dans d'autres lois puis ça a toujours été interprété comme signifiant tous
les habitants du territoire québécois, puis je ne vois rien dans le projet de
loi qui nous permettrait de dire qu'il y a une cassure avec la tradition de définir
soit peuple, soit nation comme incluant tous les citoyens, là, canadiens qui
résident au Québec depuis un certain temps.
M. Skeete : Puis un Québécois
d'expression anglaise qui, aujourd'hui, reçoit des services juridiques, là, il
s'en va en cour, il conteste qu'il a un ticket ou même dans le domaine
criminel, là, qui veut se présenter en cour, est-ce que le projet de loi n° 96 lui empêche de faire ça après son ascension? Est-ce
qu'un Québécois d'expression anglaise va avoir un service réduit en matière de
justice suite au passage d'un projet de loi comme ça? Est-ce que vous avez vu
quelque chose qui enlève ces droits-là?
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
mais c'est plus... disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines
dispositions pour faire en sorte... bien, comme la primauté de la version
française. On a des choses qui disent qu'il faut vraiment qu'il y ait une
prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des concitoyens
de langue anglaise.
Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre
qui est subtil, puis des fois l'aspect...
M. Rousseau (Guillaume) : …non,
mais c'est plus, disons qu'il y a une promotion du français, on a certaines
dispositions pour faire en sorte, bien, comme la primauté de la version
française, des fois on a des choses qui disent il faut vraiment qu'il y ait une
prépondérance du français, mais tout en préservant les droits des concitoyens
de langue anglaise. Donc, c'est pour ça que c'est un équilibre qui est subtil,
puis, des fois, l'aspect prépondérance peut faire que… du français, peut faire
craindre pour des droits d'accès à des services en anglais, mais quand on
regarde le détail du projet de loi, il y a ce jeu d'équilibre qui me semble
globalement maintenu, c'est-à-dire on renforce un petit peu la promotion du
français, mais tout en s'assurant que ça ne porte pas atteinte à des droits
acquis de la communauté d'expression anglaise.
M. Skeete : Donc, je vous
entends que ça peut causer des craintes, mais vraiment en bout de ligne, il n'y
a rien dans le projet de loi qui l'enlève?
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
puis surtout, les craintes que j'ai beaucoup entendu parler par les
compatriotes d'expression anglaise, c'est beaucoup au niveau du système de
santé, or, le fameux article de la loi sur les services de santé, les services
sociaux qui garantit des services aux concitoyens d'expression anglaise, cet
article-là n'est pas touché par le projet de loi. Donc, c'est vraiment là que
ça se passe, comme on dit, là, si on avait voulu aller très loin dans la
promotion des services en français seulement pour envoyer des messages, on
serait allés là, le projet de loi ne va pas là.
M. Skeete : Donc, c'était ma
prochaine question. En matière de santé, donc, ou s'il n'y a rien qui touche
l'accès à la santé d'un Québécois d'expression anglaise.
M. Rousseau (Guillaume) : Non,
on a décidé de ne pas toucher à la Loi sur la Santé et les Services sociaux.
M. Skeete : Finalement,
dernière question sur la clause dérogatoire. Il y a beaucoup d'arguments, là,
je pense qu'on est dans un argument de droit individuel versus des droits
collectifs. J'aimerais vous entendre, est-ce que c'est… je sais que c'est un
paradoxe, là, puis je ne suis pas juriste, là, mais on lance souvent la
caricature que ce n'est pas constitutionnel. Je comprends que c'est dans la
Constitution, donc par définition c'est constitutionnel, mais je pense que ce
qu'on essaie de dire quand on dit ça, c'est qu'en enlevant des droits, peu
importe, on brime des droits. C'est quoi votre opinion là-dessus?
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que la façon dont fonctionne la Charte de
la langue française, c'est qu'elle garantit des droits linguistiques
fondamentaux : droit de travailler en français, droit de s'exprimer en
français, droit à des services, des biens en français, et tout le reste de la
loi, c'est des organismes, des règles particulières, parfois tatillonnes, ce
n'est pas parfait, mais tout le reste de la loi sert à mettre en oeuvre les
droits linguistiques fondamentaux. Donc, quand quelqu'un vient invoquer un
argument de Charte des droits pour venir invalider une partie de la loi 101, forcément,
c'est au droit linguistique fondamental, à des services, à un enseignement ou
quoi que ce soit, en français, qui est atteint. Donc, il faut comprendre qu'il
ne s'agit pas de droits fondamentaux contre autre chose, des intérêts
collectifs, il y a un peu de ça, parce qu'évidemment, le français est un bien
commun puis on peut aussi faire cet argument-là, mais c'est droits individuels,
fondamentaux, contre droits linguistiques individuels fondamentaux, puis c'est
de trouver un équilibre entre les deux. Puis la vraie question, ce n'est pas
tant de savoir est-ce qu'on a trouvé le bon équilibre ici et là, je veux dire…
c'est difficile d'y répondre de manière absolue. La vraie question, c'est
davantage qui doit décider de ça? Là, à la fin de la journée, on veut et des
droits linguistiques fondamentaux à l'usage du français, on veut aussi des
libertés d'expression dans d'autres langues itou, il faut concilier tout ça, et
c'est qui qui décide à la fin de la journée? La Constitution canadienne, la
Charte québécoise des droits nous dit : Si le législateur veut décider,
veut avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un certain…
M. Rousseau (Guillaume) : …la
vraie question, c'est davantage : Qui doit décider de ça? Là, à la fin de
la journée, on veut et des droits linguistiques fondamentaux à l'usage du
français, on veut aussi des libertés d'expression dans d'autres langues itou,
il faut concilier tout ça, et c'est qui qui décide à la fin de la journée? La Constitution
canadienne, la charte québécoise des droits nous dit : Si le législateur
veut décider, veut avoir le dernier mot, il peut le faire en respectant un
certain nombre de conditions qui sont parfaitement respectées par le projet de
loi. Donc, en ce sens-là, ça m'apparaît tout à fait légitime pour l'Assemblée
nationale de décider que, sur cette question-là, qui est au coeur même de
l'existence du Québec, de l'Assemblée nationale, hein, s'il n'y avait pas un
Français, on n'aurait peut-être pas créé une fédération canadienne, on aurait
peut-être un État unitaire d'un océan à l'autre. Tout le monde parlerait
anglais, on n'aurait pas besoin de l'Assemblée nationale. S'il y a l'Assemblée
nationale, c'est pour qu'elle prenne les décisions en matière de langue, et
pour prendre les décisions en matière de langue, il faut utiliser la
disposition de dérogation, sinon l'Assemblée nationale se trouve être sous la
tutelle des juges nommés par le fédéral qui, parfois, prennent des bonnes
décisions, mais historiquement en on souvent prit qui ont nui au français au
Québec. Donc, on n'a pas le choix de tenir compte des 43 ans de
jurisprudence qui ont fait reculer la protection du français et le français,
bien qu'il y ait d'autres facteurs qui puissent jouer.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et cela met fin à l'échange. Il restait trois secondes. M. le député de
Saint-Jean, vous allez vous reprendre au prochain tour, j'en suis convaincu.
Donc, au prochain tour.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys
pour votre 11 minutes.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, professeur Rousseau.
M. Rousseau (Guillaume) :
Bonjour
Mme David : J'ai passé
beaucoup de temps avec vous cet été, beaucoup, beaucoup, beaucoup. J'ai lu
énormément, vous, ainsi que… absolument, ainsi que M. Poirier, évidemment, qui
était votre, jusqu'à tout récemment, votre étudiant au doctorant, qui a passé
brillamment son doctorat en février 2021 ou qui a obtenu son diplôme.
Bravo.
M. Rousseau (Guillaume) : Je
confirme.
Mme David : Pardon?
M. Rousseau (Guillaume) : Je
confirme.
Mme David : Je vois qu'on
reste en famille. Vous étiez en face pendant des mois, à côté du ministre, pour
la loi 21. Là, vous avez dit, tout à l'heure : On a décidé de ne pas
toucher. Je me demande même si vous n'êtes pas resté très, très près de la
rédaction de ce projet de loi là, puisque c'est votre formidable doctorant qui
a écrit un livre, d'ailleurs, sur les 40 ans de la loi 101, que j'ai
lu abondamment aussi. Alors, j'ai l'impression qu'on est en famille, mais le
paradoxe c'est que je lis votre mémoire attentivement, long mémoire, merci
beaucoup, aussi, à, probablement, votre ex-étudiant, et là je ne comprends plus
beaucoup. Vous aviez annoncé dans Mathieu Bock-Côté, le… au mois de juin, le
12 juin, long entretien, vous avez ce privilège, long entretien avec
Mathieu Bock-Côté, et je vous cite : «D'un point de vue politique, je
partage, en gros, l'opinion de Joseph Yvon Thériault qui, lors d'une causerie
sur le projet de loi n° 96 organisé par Patrick Taillon…» Que nous allons,
évidemment, avoir le plaisir d'entendre. «…a affirmé que ce projet de loi va
aussi loin que la société québécoise est prête à aller. À mon avis, la société
serait prête à ce qu'il aille un peu plus loin, pas beaucoup plus loin, à moins
qu'elle soit convaincue par de nouveaux arguments.» Et j'ai l'impression que
c'est votre croisade, si vous me permettez l'expression, parce que quand je lis
votre mémoire, c'est beaucoup d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur
votre politique de convergence culturelle, etc. Je vous dis, j'aurais été une
bonne élève pour vous, aussi. Souveraineté parlementaire, multiculturalisme,
vous oubliez juste de mentionner interculturalisme, mais je sais que vous en…
Mme David : …si vous me
permettez l'expression, parce que, quand je lis votre mémoire, c'est beaucoup
d'arguments, effectivement. J'avais tout lu sur votre politique de convergence
culturelle, etc., je vous dis, j'aurais été une bonne élève pour vous aussi,
souveraineté parlementaire, multiculturalisme — vous oubliez juste de
mentionner interculturalisme, mais je sais que vous en discutez dans vos articles — la
théorie doctrinale prédominante qu'elle a recours aux dispositions de
dérogation, il n'y a pas beaucoup de chiffres qui accompagnent ça, mais je…
vous dites, quand même, avec Henri Brun et compagnie, bon, que c'est ce que
pensent la plupart des constitutionnalistes. Moi, j'en connais qui ne sont pas
du tout là-dedans, et qui sont tout aussi constitutionnalistes, et ont tout
autant un doctorat, et sont tout autant professeurs de droit. Alors, la théorie
prédominante, bien, on sait que, nous, universitaires, professeurs, on est
souvent en train de se disputer un peu là-dessus.
Mais, quand vous déposez, vous, dans votre
mémoire, 24 propositions pour bonifier le projet de loi, vous l'aviez
annoncé à Mathieu Bock-Côté, vous aviez dit : Attention, je vais arriver
avec des propositions pour ramener la loi sur l'esprit d'origine. J'oserais
dire : Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous avez vraiment, vraiment
travaillé fort pour trouver beaucoup, beaucoup de choses qui ne vont pas assez
loin selon vous, même si vous dites, par ailleurs, à Mathieu Bock-Côté, qu'il
ne faut pas aller plus loin, la société n'est pas prête à aller là. Donc, vous
allez vraiment avec beaucoup, beaucoup de critiques : Vous revenez à votre
concept de politique, convergence culturelle; vous voulez étendre la Charte de
la langue française, littéralement du CPE à l'université, gros débat; vous
souhaitez alourdir la procédure pour les municipalités bilingues, vous n'en
avez pas parlé, tout à l'heure, pour conserver leur reconnaissance; vous
souhaitez que la Charte de la langue française modifie la mission des ordres
professionnels; vous souhaitez que votre gouvernement soit plus sévère pour les
entreprises pour exiger l'anglais à l'embauche; vous souhaitez que le
gouvernement impose que les bijoux et accessoires soient obligatoirement
disponibles en français; vous souhaitez revenir à l'affichage exclusif en
français, vous en avez parlé, l'arrêt, bon; vous souhaitez des dispositions sur
la langue de la recherche universitaire; vous proposez un système privé que je
qualifierais d'élitiste d'admission au cégep pour les francophones; et vous
allez vers une modification, tant qu'à faire 90, on va l'appeler 3q, qui serait
concernant la laïcité de l'État. On a déjà une autre proposition de quelqu'un
d'autre qui va venir en mémoire pour proposer une autre, un autre… Alors, j'ai
l'impression qu'on est en train d'écrire toute une constitution à partir de ça.
• (11 h 20) •
Bref, devons-nous en comprendre que vous
n'êtes pas tout à fait satisfait du travail du gouvernement concernant le
projet de loi n° 96 et que vous suggérez, je dirais même, presque de réécrire
le projet de loi? Parce que, cette fois-ci, ce n'est pas vous qui êtes assis
avec le ministre. On dirait qu'il y a comme un… je ne sais pas, le goût d'aller
vous rasseoir là ou d'avoir été beaucoup plus loin que ce que le ministre a
décidé de faire.
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, beaucoup de choses à votre question. Bien, d'abord, merci pour votre
question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça… ça semble vous avoir nourri
puis j'en suis bien heureux. Donc, c'est ça. Donc, globalement, dans le fond,
le projet de loi va dans la bonne direction, le projet de loi…
Mme David : ...a décidé de
faire.
M. Rousseau (Guillaume) :
Donc, beaucoup de choses dans votre question. Bien, d'abord, merci pour votre
question. Merci pour vos lectures. J'espère que ça... ça semble vous avoir
nourri puis j'en suis bien heureux. Donc, c'est ça. Donc, globalement, dans le
fond, le projet de loi va dans la bonne direction, le projet de loi a vraiment
des fondements très solides. Juridiquement... je trouve que, juridiquement, il
est solide au niveau des droits linguistiques fondamentaux qui sont bonifiés.
Les mesures pour assurer le respect de ces droits-là sont bonifiées. Les
protections juridiques pour la Charte de la langue française, que ce soit
constitutionnel, que ce soit une disposition de primauté parlementaire... Donc,
vraiment, c'est très, très solide juridiquement.
Maintenant, est-ce que vraiment c'est
suffisant pour faire en sorte que les indices de vitalité linguistique pour le français
au Québec s'améliorent? Et c'est là où ça échappe en partie à mon expertise.
Donc, je m'en remets à Sabourin, Marois et à d'autres qui disent que ce n'est
pas suffisant, ce qu'il y a dans le projet de loi. Donc, prenant acte des
critiques de certains démographes. Je fais mon travail de juriste qui consiste
à essayer d'améliorer les choses sachant qu'une loi ne peut pas changer des
grandes tendances démographiques, mais peut quand même contribuer. Donc, je
pense que c'est comme ça qu'il faut comprendre le mémoire, c'est-à-dire que
j'ai pris acte du fait que des gens qui s'y se connaissent encore plus que moi
en matière de démographie font ces genres de critiques là. Et là on essaie de
voir juridiquement... puis je suis sûr que mes collègues démographes diraient
que c'est largement insuffisant ce que je propose. Donc, je ne prétends pas nécessairement
aller jusqu'où ils souhaiteraient aller, mais c'est un peu ça, le sens.
Puis sinon, moi, ce que je peux faire avec
mon expertise, qui n'est pas celle de la démographie, c'est de remarquer la
chose suivante avec mes études en histoire du droit, c'est clairement, en 1977,
dans les années qui ont suivi, il y a eu des améliorations pour la situation du
français au Québec. Évidemment que c'est multifactoriel, mais la Loi 101
semble... de 1977, semble avoir réuni un certain nombre de conditions qui ont
permis la progression du français, fin des années 70, début des
années 80.
Ensuite, il y a eu des jugements qui sont
venus invalider la loi 101. Il y a aussi eu des projets de loi, des lois
qui ont fait des amendements, qui ont fait reculer la protection du français.
Et, ensuite, il y a eu un déclin au niveau démographique du français. Comme je
vous dis, c'est évidemment multifactoriel, mais n'empêche que, moi, la
conclusion à laquelle j'arrive à titre de chercheur en histoire du droit,
c'est, si vous voulez améliorer ces indices-là, eût égard à la vitalité du français,
bien, la version de 1977, je pense que c'est clairement, à certains égards, il
faut y revenir. Puis ensuite on peut faire plein de nuances, puis vous voyez
que je l'ai fait en proposant, oui, le retour à l'affichage exclusif en français,
mais seulement pour les grandes, voire les très grandes entreprises. Donc,
ensuite on peut faire toutes les nuances qui s'imposent, mais je ne pense pas
qu'on puisse échapper à l'interrogation de dire qu'est-ce qui a marché en 1977
et qui n'a... qui a cessé de marcher. Pourquoi la Loi 101 marchait à la
fin des années 70, début 80 et qu'elle a cessé de fonctionner après?
Une fois qu'on pose cette question-là, difficile d'arriver à une conclusion
autre que : Bien, peut-être qu'il faudrait revenir à certains égards à la
version de 1977.
Mme David : Vous dites justement
qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles... et c'est normal, vous n'avez pas
l'expertise, on aura des démographes demain, mais vous vous prononcez quand
même sur un joli paquet de choses dans votre mémoire. J'en ai cité
quelques-uns. Et je me demande des fois où vous avez toute cette expertise,
justement. Puis je vais aller vers la question de la fréquentation collégiale,
parce que vous consacrez...
Mme David : …on aura des
démographes demain, mais vous vous prononcez quand même sur un joli paquet de
choses dans votre mémoire. J'en ai cité quelques-uns. Et je me demande des fois
où vous avez toute cette expertise justement.
Puis je vais aller vers la question de la
fréquentation collégiale, parce que vous consacrez au moins sept pages
là-dessus et vous le dites… des propositions de votre cru probablement, je ne
sais pas quoi dire d'autre, mais là j'ai vraiment beaucoup, beaucoup de
difficulté à vous suivre, je vous le dis sincèrement, là. Vous voulez l'application
de la Charte de la langue française au collégial, première prémisse, mais vous
ne voulez pas diminuer la fréquentation des cégeps anglophones, vous le dites à
plusieurs endroits dans les sept pages qui… Alors, vous aimeriez même que
ça s'accroisse, donc il faut trouver des étudiants. S'il y a la charte, ça veut
dire qu'on réduit considérablement la fréquentation. Alors, vous proposer des
dérogations, puis là, on dirait que vous réfléchissez en écrivant : Ah
bien! Tiens, il pourrait avoir une autre dérogation, puis une autre dérogation,
puis une autre dérogation. Alors, vous proposez toutes sortes de dérogations et
vous suggérez évidemment de ne plus subventionner ce que vous appelez les non-ayants droit, donc ceux qui sont francophones,
allophones, qui ont fréquenté les écoles françaises, parce qu'ils n'avaient pas
le droit justement à cause de la loi 101 d'aller au primaire et
secondaire. Donc, les non-ayants droit, bien là, si on ne les subventionne
plus… Je me suis demandé si vous aviez appelé au ministère de l'Éducation ou si
vous aviez regardé les collèges privés non subventionnés pour savoir combien ça
coûte. Combien ça coûte? Demander aux pauvres immigrants qui vont dans des
collèges privés non subventionnés et qui font une technique en soins, en
hygiène dentaire à 17 000 $ pour une A.E.C, 17 000 $ pour
une A.E.C.
Là, vous, vous parlez de D.E.C
complet : 20 000 $, 30 000 $, 50 000 $,
60 000 $? Ça commence à être cher ça pour les francos qui veulent
aller… Mais ce n'est pas grave, pour vous, il n'y a pas de problème parce que
vous dites : Comme ils ont 16 ans et plus, ils peuvent travailler,
ils peuvent travailler pour pouvoir payer leurs études. Ils vont en travailler
des heures dans le dépanneur pour payer 60 000 $ d'études, ou alors,
ou alors, l'autre possibilité, ils vont avoir des parents très, très, très
riches, francophones, qui vont décider de mettre 50 000 $ dans les
études de… Ça, si ce n'est pas de l'élitisme pour les… on dit… déjà, il y en a
qui disent : Ah! c'est les meilleurs qui vont dans les cégeps anglophones.
Alors, ou les parents sont très riches, ou tu travailles un joli paquet
d'heures pour arriver à payer tes 50 000 $, ou alors, un autre
exemple qui m'apparaît vraiment formidable, c'est que l'étudiant, il veut aller
dans un sport d'élite, puis le sport d'élite, il n'existe pas dans un cégep
francophone, donc il va aller peut-être avoir une bourse pour pouvoir… mais la
bourse va peut-être venir de l'État, donc c'est le même argent, pour payer sa
fréquentation du cégep anglophone, pour pouvoir aller où, vous le dites
textuellement, dans une grande université américaine. Et donc on va envoyer
l'étudiant à l'extérieur du Québec pour faire son sport. Alors… ou alors vous
finissez par dire : Il y a peut-être les parents, pour avoir fait
l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir permis de… pouvoir
fréquenter le cégep anglais, sauf que l'enseignement collégial au Canada, les
cégeps, c'est pas mal la société distincte au Québec, les cégeps, c'est pas mal
une spécificité du Québec.
Alors, moi, je ne comprends pas, en
enseignement supérieur, on…
Mme David : …les parents, pour
avoir fait l'enseignement collégial au Canada, donc pour avoir permis de… pour
pouvoir fréquenter le cégep anglais, sauf que l'enseignement collégial au Canada,
les cégeps, c'est pas mal la société distincte au Québec, les cégeps, c'est pas
mal une spécificité du Québec. Alors, moi, je ne comprends pas, en enseignement
supérieur, on admet sur le dossier, d'habitude. Je trouve que c'est des propositions
plutôt très, très élitistes.
La Présidente (Mme Thériault) :
…vous interrompre.
Mme David : Alors, voilà, j'ai
dit ce que je pensais de sa proposition.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous n'avez plus de temps, malheureusement. Donc, je vous invite à peut-être
poursuivre vos échanges en dehors du temps qui nous imparti. Désolée. On
m'informe que pour le prochain bloc d'échange pour la deuxième opposition, Mme
la députée de Sherbrooke voudrait prendre soin… part à l'audition et se
prévaloir du droit de parole de la députée de Mercier. Est-ce que j'ai consentement.
Une voix
: Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement des collègues. Donc, parfait. Mme la députée de Sherbrooke, vous
avez 2 min 45 s pour échanger avec le groupe.
Mme Labrie : Merci de
m'autoriser à remplacer ma collègue qui devait s'absenter. Bonjour,
M. Rousseau. J'ai quelques petites questions pour vous. La première, c'est
le projet de loi fait passer, de 50 à 25, le nombre d'employés pour qu'une entreprise
soit soumise au processus de francisation, est-ce que vous pensez que de
réduire ce nombre-là à 10 employés pour englober plus d'entreprises serait
une avenue intéressante?
M. Rousseau (Guillaume) :
Merci. Merci beaucoup. J'en profite pour saluer ma députée et la remercier pour
sa question. Donc, c'est une piste intéressante. Bon, évidemment, on comprend
rapidement, là, le contre-argument, là, à l'effet que c'est des lourdeurs
administratives pour des toutes petites entreprises, et j'avoue être un peu
sensible à cet argument-là. À ce moment-là, ce qui, peut-être, serait une
solution envisageable, ce serait que peut-être, pour les 10 à 25 employés,
on pourrait peut-être imaginer une procédure simplifiée de certificat de francisation,
hein, un peu une logique de subsidiarité, c'est-à-dire plus l'organisme est
gros, a des capacités, plus on peut lui en demander, plus il est petit, plus il
faut être réalistes dans ce qu'on lui demande. Ça fait que j'aurais tendance à
être d'accord avec vous, mais ça prendrait un petit peu de travail au niveau
technique. Jusqu'à quel point ça serait possible? Il faudrait regarder avec les
gens de l'office de la langue, là, si ça serait possible de créer ce certificat
simplifié pour les 10 à 25 ou 10 à 24 employés, mais c'est certainement
une piste intéressante.
Mme Labrie : Merci pour votre
réponse. J'ai une autre question sur les enjeux du numérique. Le projet de loi
ne fait pas mention de ça, est-ce que vous vous pensez que le projet de loi
devrait aborder les enjeux du numérique?
• (11 h 30) •
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
tout à fait. Très bonne question. En fait, il faut savoir que, de ce côté-là,
la jurisprudence a fait évoluer la loi. Donc, dès le début des années 2000,
quand s'est posée la question : Est-ce que la loi 101 s'applique sur
Internet? Il y en a qu'ils ont plaidé que, non, l'Internet, c'est
transnational, ça échappe aux lois. Rapidement, les juges ont dit : Non,
non, la loi… Vous voulez faire un acte de commerce au Québec? Vous faites de la
publicité sur Internet? Votre publicité devra être disponible en français.
Donc, rapidement, les tribunaux ont quand même fait un peu le boulot et,
ensuite, il y a eu un certainement nombre de modifications au fil des années,
notamment, après la commission Larose, à la loi 101. Donc, il y a deux,
trois articles sur les logiciels, sur… dans l'entreprise, là, le niveau de
francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que
j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière un petit
peu… vraiment, par petites touches. Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au
niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne
la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques fondamentaux
puis ensuite des…
11 h 30 (version non révisée)
M. Rousseau (Guillaume) : …de
francisation, il y a un critère qui a été ajouté à cet égard-là. Ça fait que
j'ai l'impression que ça a été un peu fait au cas par cas, de manière un petit
peu… vraiment par petites touches.
Mais ce qui n'a pas été fait, c'est au
niveau des droits linguistiques fondamentaux. Parce que la façon que fonctionne
la loi 101, je le répète toujours, des droits linguistiques fondamentaux
puis ensuite des dispositions spécifiques qui mettent en oeuvre ces droits
linguistiques fondamentaux. Donc, ce qui n'a pas été fait, parce que les droits
linguistiques fondamentaux n'ont jamais été retouchés depuis 1977, c'est un
droit linguistique fondamental qui viendrait à des technologies de
l'information en français, qui viendrait renforcer à la fois… qui consoliderait
la jurisprudence dont je vous parlais et qui viendrait renforcer les
dispositions qui ont été ajoutées au fil du temps mais qui sont un petit peu
déconnectées des droits linguistiques fondamentaux, contrairement aux autres
dispositions spécifiques de la loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
…fin à l'échange, malheureusement.
Mme Labrie : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sans plus tarder, M. le député de Matane-Matapédia, vous aussi pour votre
2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Pr Rousseau. Écoutez, vous avez dit tout à l'heure qu'un des
grands oublis de votre présentation, c'est la langue de recherche. En tout
respect, la langue d'enseignement m'apparaît un enjeu beaucoup plus crucial
présentement dans le débat. Ça fait un bout de temps que je vous suis
également. Comme la députée porte-parole de son parti au Parti libéral l'a
indiqué, vous avez eu des propos qui m'intéressent.
Vous avez déjà indiqué qu'un nouvel
arrivant qui n'aurait pas étudié en français au primaire et au secondaire se
verrait dans l'obligation de fréquenter un cégep francophone. Vous avez
expliqué que cette mesure vise à assurer que la personne a été suffisamment
francisée ou a assez d'éducation en français pour travailler en français. Et
vous alliez plus loin : interdire aux francophones et allophones de
s'inscrire à l'éducation aux adultes et à la formation professionnelle en
anglais. Mais, de façon plus générale, vous êtes comme nous en faveur qu'on
réduise l'accès dans les cégeps. Alors, est-ce que vous avez toujours cette
position?
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
merci, merci pour la question. Ça me permet aussi d'en même temps répondre à la
porte-parole de l'opposition officielle. Donc, en gros, ce que j'ai essayé de
faire, puis là, en le faisant, j'ai peut-être compris que c'était à peu près
impossible, mais, bon, j'aurai au moins essayé, c'est de concilier
l'application de la loi 101 au cégep qui renforcerait… qui aurait des
effets structurants sur le français langue du travail, langue des affaires, sur
la consommation de produits culturels en français, les études de Sabourin sont
très claires là-dessus. Donc, on veut ça, en même temps, on veut préserver un
certain libre-choix, du moins je comprends que c'est la volonté gouvernementale.
Donc, à partir du moment où on veut
concilier ça, ce n'est pas évident. Donc, moi, ce que je propose, c'est de
définir largement les ayants droit au cégep anglais, donc en prenant tous les
francophones et les allophones qui ont été au cégep anglais des dernières
années, en les définissant comme ayants droit. Ça, personne ne s'est jamais
prononcé là-dessus. Qu'on soit pour ou contre la loi 101 au cégep, je
pense que c'est la question qui se pose. Est-ce que ceux qui ont été au cégep
depuis quelques années deviennent des ayants droit? Donc, je propose que oui.
Puis je propose un programme de bourses pour répondre au point de la députée du
Parti libéral, là, Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Thériault) :
On va aller à M. le député parce qu'il a très peu de temps.
M. Bérubé : J'ai peu de temps.
Désolé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y…
M. Rousseau (Guillaume) : Oui,
désolé. Donc, je propose un programme de bourses…
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente.
M. Rousseau (Guillaume) :
…pour que les gens des revenus modestes aient accès au cégep anglais dans
certains cas.
M. Bérubé : Donc, vous avez
toujours la même position qui est celle qui s'apparente à la nôtre et non celle
qui s'apparente au projet de loi n° 96 du ministre. C'est bien juste?
M. Rousseau (Guillaume) :
C'est ce que je comprends, effectivement…
M. Bérubé : Merci.
M. Rousseau (Guillaume) :
…mais avec la nuance. Puis j'aimerais connaître votre position là-dessus, sur…
est-ce que ceux qui ont été au cégep…
M. Bérubé : Ah! bien, c'est
moi qui questionne ici, M. le professeur.
M. Rousseau (Guillaume) :
Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie
question que je me pose.
M. Bérubé : J'ai une autre
question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans
les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la pandémie…
M. Bérubé : …c'est bien juste?
M. Rousseau (Guillaume) :
C'est ce que je comprends, effectivement…
M. Bérubé : Merci.
M. Rousseau (Guillaume) :
…mais avec la nuance, puis j'aimerais connaître votre position là-dessus. Sur
le… est-ce que ceux qui ont été au cégep…
M. Bérubé : Ah, mais c'est moi
qui questionne ici, monsieur le professeur.
M. Rousseau (Guillaume) :
Est-ce que ceux qui ont été au cégep seraient des ayants droit? C'est une vraie
question que je me pose.
M. Bérubé : J'ai une autre
question. Exemplarité de l'État. Je vais prendre un exemple très concret. Dans
les conférences de presse du gouvernement du Québec sur la pandémie, est-ce que
vous considérez que de faire des conférences bilingues ça respecte l'esprit de
l'exemplarité de l'État?
M. Rousseau (Guillaume) : Je
pense qu'a priori on serait tenté de dire non. Donc, ce serait ça la première
réponse. Maintenant, l'esprit de la loi 101 c'est à la fois une certaine
rigueur sur les principes, une certaine souplesse dans l'application. Donc,
est-ce que la souplesse du droit linguistique québécois en matière de santé
pourrait nous faire comprendre que c'est dans son esprit?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je n'ai plus de temps. Et je n'ai plus de temps, malheureusement.
M. Rousseau (Guillaume) : Je
pense qu'il y a deux interprétations possibles, mais je vous ai donné ma
première réponse qui me semble la plus évidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'ai plus de temps, malheureusement. Donc, je sais que les échanges sont
assez… viennent nous chercher. Vous êtes des gens qui êtes très convaincus et
enflammés, malheureusement je suis la gardienne du temps et je n'en ai plus.
Donc, je veux vous remercier pour votre passage et nous allons suspendre
pendant quelques instants, le temps de permettre à l'autre groupe de venir nous
rejoindre. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 34)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, bonjour. Bienvenue à la Centrale des syndicats du
Québec. Donc, je vous rappelle que vous avez 10 minutes à votre
disposition pour faire votre présentation. Donc, après votre présentation, nous
procéderons à la période d'échange avec les parlementaires. Donc, si vous
voulez nous présenter la personne qui se présente, qui prend la parole et nous
présenter la personne qui vous accompagne. Et, la parole est à vous.
M. Beauchemin (Mario) : Oui. Merci
beaucoup. Alors, je me nomme Mario Beauchemin, je suis le troisième vice-président
à la Centrale des syndicats du Québec et je suis accompagné de
Gabriel Danis qui est conseiller politique à la CSQ. Bonjour.
Alors, pour commencer, pour débuter,
j'aimerais quand même souligner que la Centrale des syndicats du Québec
représente environ 200 000 membres, 240 syndicats composés de
11 fédérations, là, qui évoluent autant en éducation, en enseignement
supérieur, en petite enfance, en santé et dans le milieu communautaire. Il y a
aussi l'Association des retraitées et retraités en l'enseignement du Québec qui
font aussi partie… qui compose aussi la Centrale des syndicats du Québec.
J'aimerais dire que la CSQ aussi… Ça fait
plusieurs, plusieurs, plusieurs années que la CSQ s'intéresse à la pérennité
puis à l'importance de la langue française au Québec. C'est pour cela que
l'analyse qu'on fait du projet de loi n° 96 s'appuie sur des positions
historiques, mais des orientations aussi un peu plus récentes que nous avons
prises lors des différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières
années.
En termes de remarques préliminaires, là,
on tient à… c'est-à-dire, en termes d'appréciation globale, on tient à
souligner que, d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet
de loi n° 96. On pense que…
M. Beauchemin (Mario) : ...lors des
différents conseils généraux qui ont jalonné nos dernières années.
En termes de remarques préliminaires, là,
on tient à... c'est-à-dire, en termes d'appréciation globale, on tient à
souligner que d'entrée de jeu, nous sommes assez et très satisfaits du projet
de loi n° 96. On pense qu'il y a beaucoup de propositions, là, qui
correspondent à des avancées importantes. ...penser par exemple, là, à la
reconnaissance du français comme langue commune et officielle, à l'exemplarité
de l'État, au français en milieu de travail et à la création de nouveaux droits
linguistiques fondamentaux. Toutes ces mesures sont accueillies favorablement
par la Centrale des syndicats du Québec.
Évidemment, on est en commission
parlementaire, on a des commentaires, et on a aussi 14 recommandations à
formuler à la commission parlementaire, qui vont s'articuler autour de six
thèmes : le statut de la langue française, l'exemplarité de l'État, la
gouvernance linguistique, la langue du travail et la francisation des entreprises,
la francisation au Québec, ainsi que la langue des études en enseignement
supérieur.
En ce qui concerne le statut de la langue
française, on pense que l'ensemble des mesures qu'on retrouve dans le projet de
loi, là, pour imposer le français comme langue publique commune dans les
milieux de travail, on accueille ça très, très favorablement.
En ce qui concerne l'exemplarité de
l'État, par contre, l'article 22.2, là, du projet de loi, nous laisse un
peu et pas mal songeurs. Vous le savez, il précise que l'administration
pourrait continuer de communiquer, à l'écrit et à l'oral, en anglais avec les
personnes physiques avec lesquelles elle communiquait exclusivement dans cette
langue avant la date de présentation du projet de loi, de même qu'avec des
personnes déclarées admissibles à l'enseignement en l'anglais, conformément à
la Charte de la langue française. Et là ça nous pose quelques questions. En
agissant de la sorte, est-ce qu'on ne vient pas créer un nouveau droit aux
services de l'État en anglais, est-ce qu'on ne contribue pas à perpétuer
l'anglicisation des services de l'État québécois? De même, en aucun cas les
règles qui régissent l'admissibilité à l'enseignement en anglais n'ont été
élaborées afin qu'elles s'appliquent aux services de l'État québécois. Par
conséquent, sur quelle base peut-on extrapoler leur portée, comme le fait le
projet de loi n° 96? C'est des… bien, on n'a pas de suggestion de
recommandantion à cet effet, mais c'est quand même des questions qui nous
apparaissent assez importantes.
En ce qui concerne la gouvernance
linguistique, ça fait longtemps que la CSQ recommande la création d'un
commissaire à la langue. Donc, on accueille évidemment positivement cette
proposition-là, tant pour la création du ministère que pour le commissaire, la
CSQ salue l'inclusion de ces deux institutions au sein de la Charte de la
langue française. Toutefois, on tient à préciser, là, qu'il manque peut-être un
élément essentiel en suivi linguistique, c'est-à-dire que pour nous la question
des transferts linguistiques des allophones vers le français est un facteur
névralgique de la vitalité et de la pérennité future du français au Québec.
Alors, on pense que le ministère de la Langue française doit fixer des cibles
ambitieuses en la matière, et doit confier le suivi de l'atteinte de ces cibles
au commissaire à la langue française. C'est pouquoi notre première
recommandation est à l'effet que le ministère de la Langue française fixe des
cibles ambitieuses en matière de transfert linguistique des allophones vers le
français, et que le commissaire à la langue française en assure le suivi. En ce
qui concerne la langue du travail et de la francisation des entreprises, encore
une fois, la…
M. Beauchemin (Mario) :
...c'est pourquoi notre première recommandation est à l'effet que le ministère
de la Langue française se fixe des cibles ambitieuses en matière de transfert
linguistique des allophones vers le français et que le commissaire à la langue
française en assure le suivi.
En ce qui concerne la langue du travail et
de la francisation des entreprises, encore une fois, la centrale accueille
positivement la volonté que les entreprises de 25 à 49 personnes soient
désormais visées par les dispositions qui s'appliquent à celles employant de 50
à 99 personnes. Toutefois, on a des questions sur l'article 39 qui
prévoit qu'en présence d'une entente ou d'une convention collective le salarié
ou la salariée doive faire valoir ses droits selon les voies de droit que
prévoit cette convention ou cette entente.
Or, l'article 39 du projet de loi
prévoit aussi que le travailleur ou la travailleuse peut soumettre directement
à l'arbitrage un grief si le syndicat refuse de le faire. Pour nous, il s'agit
d'une règle qui déroge au principe de l'article 47.2 du Code du travail.
C'est pour ça que notre deuxième recommandation est à l'effet que soit
remplacé, à l'article 39 du projet de loi n° 96, «celui-ci peut le
faire» par «celui-ci peut exercer les recours découlant de l'article 47.2
du Code du travail ou tout autre recours analogue en vertu d'une autre loi».
Cette recommandation étant faite, nous
saluons quand même le renforcement du droit de travailler en français et
l'accès facilité à des recours en cas de litige. Ceci dit, les propositions
auront peu de portée s'ils ne sont pas publicisés et connus des travailleurs et
des travailleuses. C'est pourquoi on recommande qu'une vaste campagne de
sensibilisation et de publicité sur les droits et les recours linguistiques
accompagne l'entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue
française.
En ce qui concerne le prochain thème,
Francisation Québec, on doit avouer, là, que c'est peut-être l'aspect du projet
de loi, là, qui nous déçoit le plus. Ce dernier ne fait aucunement mention du ministère
de l'Éducation, tout comme de son réseau qui constitue pourtant des partenaires
incontournables lorsqu'il s'agit de francisation et d'apprentissage du français
au Québec. On se demande si on ne doit pas comprendre que le ministère de
l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration veut, par ce projet de
loi, diminuer ou retirer l'offre de francisation au ministère de l'Éducation.
C'est une question qu'on se pose. Pour nous, il est urgent que le MIFI
collabore étroitement avec le ministère de l'Éducation afin d'avoir un portrait
complet de ce qu'il se fait en termes d'apprentissage du français au Québec.
C'est pour cela que la CSQ recommande que le ministère de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration s'assure que Francisation Québec travaille en
étroite collaboration avec le ministère de l'Éducation afin de prendre en
compte, dans l'offre de service, l'apprentissage du français, les éléments
suivants : Les cours de francisation reconnus par le ministère de
l'Éducation qui sont offerts par les centres de services scolaires du Québec et
l'offre de cours de français en langue seconde.
On recommande aussi à cet égard que le ministère
de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration se ravise en acceptant
les tests de français reconnus par le ministère de l'Éducation et qu'on utilise
donc nos propres tests plutôt que ceux développés par la France, particulièrement.
En ce qui concerne les écoles passerelles,
les modifications proposées par le projet de loi auront pour effet de limiter
un maximum de trois ans la période pendant laquelle les enfants de certains
ressortissants étrangers en séjour temporaire au Québec pourront bénéficier de
l'admissibilité à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé
subventionné...
M. Beauchemin (Mario) :
...développés par la France, particulièrement.
En ce qui concerne les écoles passerelles,
les modifications proposées par le projet de loi auront pour effet de limiter à
un maximum de trois ans la période pendant laquelle les enfants de certains
ressortissants étrangers en séjour temporaire au Québec pourront bénéficier de
l'admissibilité à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé
subventionné.
Est-ce que le passage de trois ans de ces
élèves pourrait être considéré comme un parcours authentique leur permettant par
la suite d'avoir droit à l'enseignement public en anglais? C'est une question,
là, qui mérite d'être soulevée.
C'est pour cela aussi que la CSQ
recommande, d'une part, que le gouvernement brosse un portrait du phénomène des
écoles passerelles et du nombre de demandes... d'admissibilité — pardon — à
l'enseignement en anglais, et qu'il rende ces données rapidement publiques, et,
d'autre part, dans l'éventualité d'une hausse marquée de ces demandes, que le gouvernement
cesse d'accorder l'admissibilité de l'enseignement en anglais aux enfants de
ressortissants étrangers dans le réseau public et privé subventionné.
Finalement, pour terminer la présentation,
on va aborder plus particulièrement, donc la langue des études à l'enseignement
supérieur et plus particulièrement dans le réseau collégial. La réception du
projet de loi, et plus spécifiquement des dispositions particulières à
l'enseignement collégial, ont été… a été assez positive au sein de nos
fédérations et de nos syndicats affiliés. Plusieurs des dispositions du projet
de loi rejoignent les positions adoptées et nos orientations sur lesquelles on
travaille depuis 2011-2012. Toutefois, au cours de ces consultations, certaines
préoccupations ont émergé, trois principalement : préoccupation
relativement au potentiel d'amplification de la concurrence entre les cégeps
anglophones, d'une part, et les cégeps francophones offrant un ou des programmes
en anglais, d'autre part, préoccupation quant à l'applicabilité de l'épreuve
uniforme de français au sein des cégeps anglophones et finalement préoccupation
sur le potentiel d'amplification des obstacles systémiques pour les étudiants
et les étudiants autochtones.
• (11 h 50) •
En ce qui concerne la détermination des
effectifs et notre première série de préoccupations, étant donné la place
qu'occupe le ministère et le ministre dans ce dossier-là, étant donné aussi le
flou qui existe autour des mécanismes de détermination des effectifs totaux
particuliers, la CSQ recommande de clarifier les mécanismes de détermination
annuelle des effectifs totaux, de prévoir un mécanisme de concertation avec les
partenaires du réseau collégial, de porter une attention particulière au
rayonnement des établissements offrant un ou des programmes en anglais qui
répondent aux besoins des communautés historiques anglophones en région et
finalement la CSQ recommande aussi de prévoir un mécanisme de concertation avec
les partenaires du réseau collégial au sujet des ayants droit afin de favoriser
un équilibre dans le réseau.
En ce qui concerne nos préoccupations
liées à l'implantation de l'épreuve uniforme de français, je pense que
plusieurs limitations sont à prévoir dans les cégeps anglophones. On pense
aussi qu'il va y avoir la nécessité d'ajouter des ressources et qu'il faut
aussi se préoccuper du cas très particulier des étudiantes et des étudiants
réfugiés. C'est pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement
supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au sujet des
éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des études
collégiales... J'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vais vous demander de terminer. On est déjà sur le temps du ministre.
Allez-y…
M. Beauchemin (Mario) :
...réfugié. C'est pour ça que la CSQ recommande au ministère de l'Enseignement
supérieur de consulter les partenaires du réseau collégial au sujet des
éventuels impacts des modifications au Règlement sur le régime des études
collégiales... J'ai terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vais vous demander de terminer. On est déjà sur le temps du ministre.
Allez-y rapidement.
M. Beauchemin (Mario) :
...qu'il est important aussi d'ajouter des ressources nécessaires afin
d'améliorer des mesures de soutien en français dans l'ensemble du réseau et
enfin, pour terminer, d'exempter les étudiants et les étudiantes réfugiés
accueillis dans les cégeps anglophones à travers le Programme d'étudiants
réfugiés ou PER. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Beauchemin. Donc, M. le ministre, on retranchera
40 secondes.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci,
Mme la Présidente. M. Beauchemin, M. Danis, bonjour. Merci de participer
aux travaux de la commission parlementaire.
Allons-y par la fin de votre intervention au
niveau des établissements collégiaux. À la page 15 de votre mémoire, vous
indiquez : «Or, depuis plusieurs années, des intervenantes et intervenants
sonnent l'alarme, signalant qu'une proportion considérable des étudiantes et
des étudiants des cégeps anglophones qui obtiennent un diplôme n'ont pas le
niveau de connaissance nécessaire en français dans un contexte de travail, tant
à l'oral qu'à l'écrit, et ce, après avoir suivi deux cours obligatoires en français
langue seconde au collégial. Le CG statuait en décembre 2020 que l'amélioration
du français langue seconde, sujet trop souvent négligé, pourrait bénéficier
d'une attention plus soutenue et de l'introduction de mesures structurantes,
qu'il s'agisse de cours additionnels. On parle d'une épreuve ministérielle qui
permettrait de renforcer les compétences linguistiques des personnes diplômées
et... des cégeps anglophones.»
Donc, nous, dans notre proposition
législative avec le projet de loi n° 96, on propose de faire en sorte que
désormais l'épreuve uniforme de français s'applique aux étudiants également au
niveau collégial anglophone, donc que ça soit pour les francophones et les
allophones, exception faite des ayants droit. Donc, je comprends que la mesure
que nous proposons est une mesure dans la bonne direction?
M. Beauchemin (Mario) : Tout à
fait, effectivement.
M. Jolin-Barrette : Et vous,
vous représentez un des deux syndicats, dans le fond, affiliés avec la CSQ, un
des deux syndicats de professeurs des cégeps également au Québec.
M. Beauchemin (Mario) : En ce
qui concerne les enseignants, effectivement, la Fédération des enseignantes et
enseignants de cégep est affiliée chez nous, mais on a aussi deux autres
fédérations du réseau collégial qui sont aussi affiliées à la CSQ.
M. Jolin-Barrette : O.K. Puis
ça représente combien de professeurs environ?
M. Beauchemin (Mario) : Chez
nous, en termes d'enseignants, c'est 3 000 environ.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
nous invitez à nous fixer une cible notamment au niveau des transferts
linguistiques. Vous dites : Bon, au niveau de la gouvernance, c'est une
bonne chose, le fait de créer un ministère de la Langue française, le fait de
créer également un commissaire à la langue française.
Au niveau des transferts linguistiques,
j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, pour qu'il y ait un
inversement de tendance, c'est important que le taux de transfert linguistique
soit de plus de 90 % pour faire en sorte véritablement que la langue
commune, la langue d'usage devienne la langue française. Alors, nous, les
objectifs que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce niveau-là. Et, lorsque le
Parti québécois, en 77, a déposé le projet de loi avec M. Laurin, on était
dans un taux de transfert linguistique de moins de 20 %, on est rendus à
près de 50 %. Il faut agir. Alors, est-ce que...
M. Jolin-Barrette : …la langue
française. Alors, nous, les objectifs que j'ai en tête, c'est d'atteindre ce
niveau-là. Et, lorsque le Parti québécois, en 1977, a déposé le projet de loi
avec M. Laurin, on était dans un taux de transfert linguistique de moins
de 20 %, on est rendus à près de 50 %. Il faut agir. Alors, est-ce
que vous nous invitez à choisir ce taux-là, le taux qui va véritablement avoir
un transfert complet, comme dans le reste du Canada où c'est 99 points quelques
pour cent vers l'anglais, Nouveau-Brunswick, c'est un petit peu plus faible
également, mais c'est encore vers l'anglais?
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
c'est une bonne question. On ne s'est pas véritablement penchés sur l'objectif
très clair et très précis, mais on pense effectivement qu'il faut tendre vers
ce pourcentage-là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Au
niveau des autres indicateurs, est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous
dites : Écoutez, il faut utiliser ces indicateurs-là pour vraiment mesurer
ou constater l'évolution? Parce qu'il faut le dire, hein, durant des années,
les études de l'OQLF n'étaient pas publiées, hein? À un moment donné, ça a pris
sept ans, lorsque ma collègue la ministre de la Culture actuelle, Mme Roy, la
députée de Montarville, a rendu publique, à l'époque où elle était responsable
de la charte, donc en 2018... Ça faisait plus de sept ans que l'étude était
prête à l'OQLF, mais qu'elle n'avait pas été publiée. On s'explique mal comment
ça se fait que ces études-là sur la situation linguistique au Québec n'ont pas
été publiées par un organisme gouvernemental durant toutes ces années-là.
Mais quels sont, selon vous, là, les
indicateurs les plus parlants qui devraient être établis? Et dans le projet de
loi, on en a mis certains, là. Désormais, l'OQLF, en collaboration avec le
commissaire à la langue française, va pouvoir choisir les indicateurs pour,
justement, avoir un véritable portrait de la situation, et pour ne pas que
certains gouvernements cachent la réalité aux Québécois sur la situation du
français. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Danis
(Gabriel) : Bien, effectivement, si je peux répondre, c'est
assez troublant, le suivi de la situation linguistique au Québec, depuis
plusieurs années. Moi, je suis ça personnellement, à la CSQ, avec d'autres
collègues, puis c'est extrêmement difficile d'avoir des données claires, d'avoir
un suivi cohérent. On a senti une certaine forme de politisation, pendant des
années, de ces études-là, puis c'est extrêmement... nous autres, ça nous a
beaucoup, beaucoup préoccupés. Et on ose croire, on ose espérer que cette
situation-là va être renversée, qu'il y aura dépolitisation de cette
question-là, puis un suivi, grâce aux nouvelles institutions du commissaire, du
ministère, qu'il y aura un suivi non partisan, et que c'est un sujet qui soit
facile à faire, qu'on puisse se retrouver au sein des données des indicateurs.
Pour répondre particulièrement à la
question, on pense que l'indicateur suprême, pour nous, c'est des transferts
linguistiques des allophones vers le français. Évidemment, il y a d'autres
indicateurs. On peut penser au français comme langue de travail, on peut penser
au français comme langue commune ou comme langue d'usage public. Mais pour
nous, c'est mathématique, là. La pérennité du français, la vitalité du français
doit passer par une amélioration des...
M. Danis (Gabriel) :
...le français. Évidemment, il y a d'autres indicateurs. On peut penser au français
comme langue de travail, ...penser au français comme langue commune ou comme
langue d'usage public. Mais pour nous, c'est mathématique, là. La pérennité du français
et la vitalité du français doit passer par une amélioration des... des
transferts des allophones dans leur français.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question des... Bien, en fait, justement sur le transfert linguistique, est-ce
que vous pensez qu'on devrait en faire une disposition législative dans le projet
de loi?
M. Beauchemin (Mario) :
Je pense que oui.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question de Francisation Québec, là, puis du ministère de l'Éducation, un
des enjeux qu'il y a depuis plusieurs années, c'est qu'il y avait plusieurs
portes au niveau de la francisation. Donc, il y en avait qui se faisait au
ministère de l'Immigration, il y en avait qui se faisait au ministère de
l'Éducation puis au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité
sociale. Alors, l'objectif de Francisation Québec est de fédérer et de n'avoir
qu'une seule porte d'entrée pour ensuite diffuser... Bien, en fait, utiliser la
force de l'État québécois pour vraiment mettre en place des mesures de
francisation sur les milieux de travail, notamment pour les personnes
immigrantes en matière d'intégration. Donc, je vous entends bien de dire ne pas
oublier le ministère de l'Éducation, les ressources qui sont là. Donc, vous
nous invitez à dire : Bien, oui, il y a Francisation Québec, mais vraiment
intégrer le ministère de l'Éducation. C'est bien ça?
M. Beauchemin (Mario) :
Oui, exactement. Donc, on est content d'entendre ça parce qu'à la lecture du
projet de loi, ça, c'est moins évident. Puis il y a une expertise sur la
francisation dans le réseau de l'éducation, qu'est-ce que la formation
professionnelle, la formation des adultes. Donc, c'est important de les mettre
à contribution aussi.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. C'est l'objectif qui est recherché. Dans le fond l'entité de
Francisation Québec vient centraliser le tout, mais justement au bénéfice à la
fois des entreprises, mais à la fois aussi des personnes qui souhaitent obtenir
des cours de francisation. Et on va offrir cette francisation-là également aux
personnes qui ne sont pas des nouveaux arrivants, mais qui sont des Québécois
et qui souhaitent améliorer et peaufiner leurs connaissances de la langue
française également.
Dans votre mémoire, vous abordez la
question des attestations d'études collégiales. Pouvez-vous développer
là-dessus parce que, dans le fond, le projet de loi vise notamment des diplômes
d'études collégiales, mais quelle est votre position, là, sur les attestations
d'études collégiales?
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
ces propositions-là, on sait qu'ils débordent... qu'elles débordent un peu le
cadre du projet de loi n° 96, mais ça provient... C'est issu des travaux
qu'on a effectués en 2011‑2012 à partir de la création d'un comité de travail,
là, interfédératif et avec la centrale justement pour voir si on devait
appliquer ou non la loi 101 au collégial. On était arrivé avec des
propositions qu'on retrouve dans le présent mémoire. Mais nous, on pense qu'il
est important que des mesures soient mises en place aussi dans les milieux où
on retrouve des attestations d'études collégiales parce qu'on peut y retrouver
aussi une main-d'oeuvre qui n'est pas une main-d'oeuvre, une... pas une
clientèle non plus, mais des étudiants et des étudiantes qui ne maîtrisent pas
très bien le français. Alors, pour nous, c'est important de ne pas mettre de
côté les A.E.C. qui occupent une place souvent dans certains collèges très,
très, très importante.
M. Jolin-Barrette : O.K.
• (12 heures) •
M. Danis
(Gabriel) : Puis on sait... Si je peux me permettre, si je peux
ajouter, on sait que particulièrement à Montréal, dans les cégeps anglos, une
grande...
12 h (version non révisée)
M. Beauchemin (Mario) : ...des
étudiantes qui ne maîtrisent pas très bien le français. Alors, pour nous, c'est
important de ne pas mettre de côté les A.E.C. qui occupent une place souvent,
dans certains collèges, très, très, très importantes.
M. Danis
(Gabriel) : Si je peux me permettre, je peux ajouter, on sait
que, particulièrement à Montréal, dans les cégeps anglos, une grande partie des
étudiants inscrits à une attestation d'études collégiales sont des immigrants
récents qui veulent avoir une formation rapide qui leur donne accès rapide au marché
du travail. Et on se tire dans le pied à ne pas profiter de ces étudiants-là
qui sont aux études pour une courte période de temps, pour en profiter pour
offrir des cours de français langue seconde ou d'apprentissage du français bien
que ça ne soit pas l'objectif des A.E.C. actuellement, mais je pense qu'on peut
modifier la structure puis le fonctionnement des A.E.C. pour aller dans cet
objectif-là.
M. Jolin-Barrette : Et est-ce
que votre proposition de viser les A.E.C. devrait s'appliquer également pour
les collèges non subventionnés qui donnent les cours en anglais? Donc, il y a
une kyrielle de collèges, là, accrédités par le ministère de l'Enseignement
supérieur qui sont non subventionnés, mais qui ont beaucoup une clientèle
d'étudiants étrangers qui viennent chercher un diplôme ici. Alors, pensez-vous qu'on
devrait viser le non subventionné, donc le privé-privé?
M. Beauchemin (Mario) : Notre
réponse est oui, tout à fait.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Juste avant de céder la parole au collègue de Saint-Jean, vous avez émis des
réserves sur l'article 22.2 du projet de loi relativement aux services
offerts en anglais. Alors, l'objectif, il est très clair, c'est les services de
l'État sont donnés en français, c'est au niveau de l'exemplarité de l'État,
mais, par contre, on vient protéger, dans le fond, les droits acquis des
membres de la communauté anglophone, des membres des communautés autochtones également.
Alors, l'objectif est simplement de faire en sorte que ceux qui recevaient
leurs services dans la langue anglaise puissent continuer de le recevoir, qu'il
n'y ait pas de bris de service pour eux. Donc, je ne sais pas si ça vous
explique le tout. Alors, je vais céder la parole, Mme la Présidente, au député
de Saint-Jean.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Est-ce que vous vouliez passer un commentaire? Non, ça va? Parfait. M. le
député de Saint-Jean... 35 secondes.
M. Lemieux : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, messieurs. Vous avez... Merci de répondre à nos questions.
Vous avez parlé, en parlant des effets pervers du projet de loi, entre autres,
pour l'enseignement collégial, vous avez parlé d'une amplification de
compétition. Et vous avez abouti aussi avec ce que vous considérez être un
problème particulier pour la clientèle autochtone. Pouvez-vous m'expliquer ça
en reculant un petit peu pour le mettre en contexte, s'il vous plaît?
M. Beauchemin (Mario) :
Certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne trouve pas vraiment, là,
quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et étudiantes
dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas, puis c'est peut-être normal
aussi à ce moment-ci...
M. Beauchemin (Mario) :
…certainement. C'est que, dans le projet de loi, on ne retrouve pas vraiment,
là, quand on va stabiliser ou stopper l'augmentation des étudiants et
étudiantes dans les collèges anglophones, on ne retrouve pas — puis
c'est peut-être normal aussi à ce moment-ci de l'étude du projet de
loi — des mécanismes. Comment on va répartir les étudiants, les
étudiantes qui auront l'occasion de s'inscrire dans un cégep anglophone, entre
le cégep de Vanier, par exemple, et le cégep… ou Dawson et le cégep de
Lennoxville, qui est un cégep important en région, est-ce qu'il va y avoir un
mécanisme de répartition des effectifs, étant donné maintenant qu'ils seront
limités? Alors, c'est ça un peu notre préoccupation, là, c'est ce qu'on
soulève, d'où l'importance pour nous qu'il y ait une concertation avec les différents
partenaires du réseau pour ne pas exacerber cette concurrence-là, à partir du
moment où on fixe une limite, peut-être que les collèges anglophones seraient
tentés de se livrer une concurrence qui pourrait devenir malsaine. C'est pas
mal ça.
M. Lemieux : D'accord. Tout à
l'heure, vous n'étiez pas là mais ce n'est pas grave, c'est le contexte, l'OQLF
était là pour nous parler d'étude sur le français au Québec, 2011-2036, avec
des chiffres dont parlait le ministre tout à l'heure, qui sont inquiétants, et
vous sembliez d'accord dans vos commentaires avec lui plus tôt. Si, au lieu de
parler de quantitatif avec des statistiques, quand on dit «langue parlée à la
maison», dans le fond, c'est une autoqualification qu'on fait, quand on répond
ça dans un sondage. Vous êtes, vous l'avez dit, très présents dans les écoles
et les cégeps, si on parlait de qualitatif plutôt, sur notre langue, sur ces
années-là qu'on peut voir derrière et qu'on regarde en avant. Je vous prends un
peu… pas à dépourvu, mais je vous prends un peu hors de votre texte, mais ça
m'intéresse beaucoup, ce que vous en pensez, de l'état du français depuis 2011,
puis où on s'en va en 2036, en le plaçant dans le contexte de… c'est vous qui
l'enseignez finalement, c'est vos membres qui l'enseignent.
M. Beauchemin (Mario) :
Écoutez, effectivement, ça sort un peu du cadre de notre mémoire. Est-ce qu'il
y a des efforts à faire pour améliorer la qualité du français enseigné dans le
réseau de l'éducation et dans le réseau collégial, je pense que oui. Je ne peux
pas me prononcer beaucoup pour le réseau scolaire, mais, pour le réseau
collégial, je peux quand même affirmer que je l'ai enseigné avant de
m'impliquer complètement dans le syndicalisme, de 1992 à 2002, et que moi,
lorsque souvent on fait ressortir des cas où ils ont de la misère à conjuguer
les participes passés et tout ça, là, moi, je me suis aperçu qu'il y avait eu
quand même une amélioration qualitative de la langue écrite et parlée au niveau
collégial au cours des dix années où j'y ai enseigné. Est-ce qu'il y a encore
des efforts à fournir, est-ce qu'on devrait ajouter un cours de maîtrise de la
langue dans le réseau collégial en plus des cours de littérature? C'est une
question qu'il faudrait creuser.
M. Lemieux : J'en ai peut-être
pas tellement à essayer de vous faire dire comment on devrait faire, mais plus
comment vous considérez l'état du…
M. Beauchemin (Mario) :
...est-ce qu'on devrait un cours de maîtrise de la langue dans le réseau
collégial en plus des cours de littérature? C'est une question qu'il faudrait
creuser.
M. Lemieux : Je n'ai peut-être
pas tellement essayé de vous faire dire comment on devrait faire, mais plus
comment vous considérez l'état du français en 2021, considérant ce qu'on sait
de ce que l'OQLF nous donne comme chiffre par rapport à là où s'en va. Dans le
fond, c'est plus la mesure de l'urgence d'agir que je cherche par rapport à ce
que vous constatez sur le terrain du français qu'on parle dans nos cégeps.
M. Beauchemin (Mario) : Sur la
qualité, écoutez, on n'a pas fait d'étude, nous, là-dessus. Ce qu'on pourrait
avancer relèverait un petit peu plus de l'anecdote et de l'opinion. Donc, on
préfère ne pas se prononcer là-dessus.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
C'est correct, je ne vous cherchais pas de noise, là, j'essayais de mettre un
peu de couleur autour de ce que vous nous donnez comme considérations puis
comme recommandations, qui sont très précises, là. Et là-dessus, votre mémoire
est sans faute, vous savez ce que vous voulez.
D'ailleurs, vous avez commencé, puis je
vais terminer là-dessus, je pense qu'il faut que je termine, Mme la Présidente,
vous commencez en répondant comme un sondage : Nous sommes très, ou très,
très satisfaits. Vous avez commencé comme ça. Je pense qu'avec les recommandations
que vous nous présentez, il y a moyen de vous rendre très, très, très
satisfaits.
M. Beauchemin (Mario) : ...Ça
fait du bien à entendre. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, merci. Sans plus tarder, je vais me tourner du côté de l'opposition
officielle, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup. Je
ne reviendrai pas sur la qualité de la langue, mais je remercie quand même le
député de Saint-Jean d'aborder cet aspect-là parce que je pense que c'est un
aspect qu'on devrait aborder dans le projet de loi. On aura amplement le temps
et je serai toujours une alliée de cette question-là. On en parlera cet après-midi
dans un mémoire qui en parle quand même beaucoup.
Merci beaucoup, Centrale des syndicats du
Québec. J'ai trouvé... J'ai beaucoup apprécié votre mémoire. Il est fait de
façon intelligente, rigoureuse, et on voit bien, quand vous n'avez pas
d'études, vous n'aimez pas trop vous prononcer. Alors, chaque chose sur
laquelle... chaque enjeu est bien étayé. J'en ai quelques-uns, donc, à discuter
avec vous.
Alors, dans l'applicabilité, parce que
vous parlez beaucoup, beaucoup... et j'ai vérifié, c'est vraiment un mot français,
là, de dire «applicabilité», tous les dictionnaires l'ont, alors votre mémoire
fait état de plusieurs problématiques quant à l'applicabilité du projet de loi
tel que libellé actuellement. J'en ai relevé en francisation, en enseignement
supérieur et d'une interférence dans la représentation syndicale. Mais si vous
aviez à retenir, là, juste une problématique qui devrait être absolument
corrigée dans l'étude article par article, j'ai des idées, mais je voudrais
vous entendre sur ce serait quoi la problématique le plus importante.
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M. le
ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le
français est une de nos principales...
Mme David : ...la problématique
la plus importante?
M. Beauchemin (Mario) : Bien,
je crois qu'on en a, encore là, effleuré le sujet tout à l'heure avec M. le
ministre. Je pense que le transfert linguistique des allophones vers le français
est une de nos principales préoccupations qui parcourt notre mémoire, en effet.
Mme David : ...le projet de
loi répond à cette inquiétude ou à cet enjeu, répond à votre goût?
• (12 h 10) •
M. Beauchemin (Mario) : Non.
Non, mais je pense... probablement qu'effectivement, comme ça a été un petit
peu souligné tout à l'heure, il va falloir être capable, être en mesure de se
fixer des cibles, là, réalistes, là, mais en même temps ambitieuses à cet égard.
Mme David : O.K. Puis M. le
ministre a posé des questions. Alors, là-dessus, je vais passer à la francisation.
On le savait, mais de vous l'entendre et de vous lire, ça rend la chose encore
plus incompréhensible. Et je ne serais pas étonnée que le ministre partage mon
opinion et votre opinion là-dessus, sur... Vous dites : «L'ambiguïté,
jumelée aux craintes que suscite la création de Francisation Québec, est la
grande déception de ce projet de loi.» On ajoute : «Les personnes
immigrantes qui suivent des cours de francisation au Québec sont évaluées par — et
je suis gentille — nos cousins français. Certains embauchent même un professeur
en France — et là je ne l'invente pas, c'est vous qui
l'écrivez — embauchent un professeur en France pour des cours de
rattrapage à distance pour pouvoir reprendre leur examen.» Parce que l'examen
est fait en France. C'est un examen pour des Français. Et avec toute l'estime
que j'ai, et même mon passeport français moi-même, ce n'est pas la même chose
que le français au Québec. Alors, imaginez l'immigrant qui prend des cours d'un
professeur de français en France parce que le professeur sait quelle sorte de
question va être posée, ça me semble une aberration. Alors, je voudrais vous
entendre là-dessus parce que c'est vous qui êtes aux prises avec ça.
M. Beauchemin (Mario) : On
pourrait faire des blagues, là, mais je n'en ferai pas, du coup. Mais nous, on
a été extrêmement surpris de voir ça, étant donné qu'il existe des tests au
Québec qui sont administrés à tous les jours dans le réseau scolaire et qui
peuvent très, très, très bien faire l'affaire. On ne comprend pas pourquoi il
faudrait aller chercher des tests de la chambre de commerce et d'industrie de
Paris-Île de France. On avoue qu'on ne le comprend pas, celui-là. D'ailleurs,
c'est pour ça qu'une de nos recommandations, là, est à l'effet justement de
prendre en considération les tests qui sont réalisés, élaborés et appliqués au
Québec.
Mme David : Bien, merci
beaucoup, belle recommandation d'amendement, on prend très, très bonne note. Je
vais revenir à l'enseignement supérieur, parce que vraiment vous mettez tous
vos talents et compétences à bien expliquer les enjeux, puis je vous en
remercie. Alors, évidemment, nous, nous avons, comme parti et comme... on a
fait des propositions de donner des cours carrément en français dans les cégeps
anglophones, un minimum, disons, de trois cours qui pourraient se passer en
français pour mélanger les clientèles et… On dit beaucoup... Et cet après-midi,
il y aura Mmes Beaudoin...
Mme David : …nous, nous avons
comme parti, et comme… on a fait des propositions, de donner des cours
carrément en français dans les cégeps anglophones, un minimum, disons, de trois
cours qui pourraient se passer en français pour mélanger les clientèles et… On
dit beaucoup et… Cet après-midi, il y aura Mmes Beaudoin et
Harel — je ne sais pas si j'ai le droit de le dire, non ou
oui — qui vont venir parler de ça, de l'importance non seulement de
la francisation, de prononcer des mots en français, mais de la culture. Et donc
j'aurais peut-être voulu vous entendre là-dessus, mais vous n'êtes pas obligé,
là, de…
M. Beauchemin (Mario) :
Écoutez, dans les travaux que nous avons effectués en 2011-2012, c'est une
proposition qui avait été soulevée. Maintenant, il faut voir, encore une fois
dans son application, quel problème ça peut soulever. Vous savez qu'il y a des
conventions collectives, il y a toute une question d'effectifs, mais au-delà de
ça puis au-delà des préoccupations que je dirais un petit peu plus
corporatives, c'est parce que les programmes dans les collèges, ils sont déjà
très, très, très chargés, que ce soit en sciences de la nature, en sciences
humaines, avec ou sans maths, ou dans… puis je ne parle même pas des programmes
techniques. Alors, d'implanter trois nouveaux cours, c'est un défi
colossal. Mais on trouve…
Mme David : Ce n'est peut-être
pas trois nouveaux cours, mais trois cours donnés en français plutôt qu'en
anglais.
M. Beauchemin (Mario) : O.K.
Mme David : Mais vous avez
raison, ce n'est pas trois nouveaux cours.
M. Beauchemin (Mario) : …Mais
à ce moment-là, c'est…
Mme David : Oui.
M. Beauchemin (Mario) : O.K. D'accord.
Mais à ce moment-là, techniquement, il y a une question de personnel, de
professeurs, puis d'enseignants et d'enseignantes… Qu'est-ce qu'on fait avec
les conventions collectives?
Mme David : On sait qu'il y a
une grande proportion de professeurs qui parle le français dans les cégeps
anglophones. Maintenant, d'imposer l'EUF, l'épreuve uniforme de français, va
demander des changements substantiels, vous le dites, dans le REC, le régime
d'études collégiales, parce qu'un cursus pour préparer à l'épreuve uniforme de
français n'est pas le même, on le sait, qu'un cursus pour l'épreuve uniforme
d'anglais. Ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même approche, la même
philosophie. Vous vous inquiétez de ça. Quels changements devraient être
apportés aux REC?
M. Beauchemin (Mario) : Oh!
c'est une bonne question. C'est une très bonne question. Nous, on pense
qu'avant de proposer des changements aux REC, il faut que les partenaires se
parlent, il faut que les syndicats, que la fédération des cégeps, que l'administration
aussi, locale, avec le ministère, s'assoient à la même table et voient à
comment on pourrait justement mettre en place l'épreuve uniforme de français
dans les cégeps anglophones.
Mme David : Vous parlez…
M. Beauchemin (Mario) : Parce
que ça…
Mme David : Oui. Je vous
écoute. Ça va? Vous parlez de…
M. Beauchemin (Mario) : …
Mme David : Excusez… Vous
parlez de, vous parlez, donc de préparation adéquate des étudiants, c'est sûr,
il faut que ça soit équitable français, anglais; vous parlez de ressources
supplémentaires dans les cégeps anglophones qui vont être essentielles pour ça
et puis vous parlez de réorganisation scolaire et structurelle importantes.
Vous venez de dire qu'on le sait les programmes sont extrêmement denses,
extrêmement normés, il y a... Bon. Alors, comment vous voyez par quel angle il
va falloir prendre tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce sens-là
du projet de loi il va falloir être sûr que ça soit réaliste…
Mme David : ...vous venez de
dire qu'on le sait les programmes collégiaux sont extrêmement denses, extrêmement
normés, il y a... Bon. Alors, comment vous voyez par quel angle il va falloir
prendre tout ça? Parce qu'avant de voter un article dans ce sens-là du projet
de loi il va falloir être sûr que ça soit réaliste.
M. Beauchemin (Mario) :
Écoutez, on a réussi à l'implanter. Ce n'est pas... L'épreuve uniforme de
français n'a pas toujours existé dans le réseau collégial, dans les cégeps
francophones. Alors, on a réussi à l'implanter, ça a demandé des changements,
ça a demandé de la mise en place de certains mécanismes plus précis. Je pense
qu'on peut s'inspirer de l'expérience qui a été réalisée dans les cégeps
francophones, sans les copier, on pourrait s'en inspirer pour intégrer
graduellement, sans que ça fasse trop mal, l'épreuve uniforme de français dans
les cégeps anglophones aussi.
Mme David : On voit votre
expérience dans l'implantation de mesures, «sans que ça fasse trop mal».
La question des devis. Alors, vous êtes
bien précis sur la question des devis, ça vous inquiète. Compétition entre
cégeps anglophones, comment répartir? Cégeps en région, même cégeps montréalais
ou plus près de Montréal ou de Québec. Comment vous voyez ça? Parce que la
question des devis a toujours été un immense enjeu dans le réseau collégial.
Puis là on attend 25 000 étudiants seulement dans l'île de Montréal
additionnels. Comment vous voyez tout ça?
M. Beauchemin (Mario) : En
fait, nous, on est d'accord, hein, avec une gestion de la limitation puis le
respect des devis, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé. Mais, à
partir du moment où, comme je l'ai dit tout à l'heure, on met des limites à
l'augmentation des devis dans les cégeps anglophones, il faut s'assurer que ça
ne participe pas, là, d'une concurrence entre les différents cégeps anglophones
pour s'attirer, comme on dit aujourd'hui, de la clientèle supplémentaire.
Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'il faut
qu'il y ait encore une fois ici, là, un mécanisme phare et durable de
concertation en les différents partenaires pour éviter cette concurrence-là,
qui existe déjà dans le réseau collégial et, si vous me permettez l'expression,
qui est une vraie plaie depuis plusieurs années, où on fait la promotion, où on
se vole des étudiants et des étudiantes, que ça soit entre les cégeps
francophones, ou entre les cégeps anglophones, ou entre les deux cégeps
francophones et anglophones aussi. Donc, on pense qu'avec un mécanisme de
concertation on va pouvoir atténuer, là, cette concurrence-là qui mène souvent
à des dépenses excessives en termes aussi de promotion.
Mme David : Merci beaucoup. Il
y a une phrase qui a attiré mon attention dans votre mémoire : «Nous comprenons
que la mise en place des mesures cherchant à favoriser l'admission des ayants
droit — donc on le sait de qui on parle, plus des
anglophones — dans chacun des cégeps anglophones repose
essentiellement sur le droit de veto du ministre de la Langue française.»
Dois-je comprendre par cette affirmation que vous jugez que le futur ministre
de la Langue française aura un mot à dire et plus de pouvoir sur les admissions
que le ministre de l'Enseignement supérieur?
M. Beauchemin (Mario) : C'est
la façon dont on a compris l'article du projet de loi, oui. C'est notre
perception.
Mme David : Donc, ça va passer
beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là, ça va aller... Le
ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise, oui ou non, c'est
correct ou pas la répartition, c'est ça...
Mme David : ...plus de
pouvoir sur les admissions que le ministre de l'Enseignement supérieur?
M. Beauchemin (Mario) :
C'est la façon dont on a compris l'article du projet de loi oui. C'est notre
perception.
Mme David : Donc, ça va
passer beaucoup, beaucoup d'étapes, là, des nouvelles étapes, là. Ça va
aller... Le ministre de la Langue française, il va falloir qu'il dise oui ou
non, c'est correct ou pas, la répartition. C'est ça?
M. Beauchemin (Mario) :
C'est ce qu'on a compris. Présentement, c'est ce qu'on a compris. Oui.
Mme David : Ça vous
inquiète.
M. Beauchemin (Mario) :
Ça nous inquiète un peu.
Mme David : L'admission
des étudiants anglophones, est-ce que ça va être simple, ça? Sur quelle base on
v les admettre par rapport à des dossiers académiques moins bons ou meilleurs
que d'autres?
M. Beauchemin (Mario) :
C'est toute la question. Bien, encore là, il y a beaucoup de questions, là, que
soulève le projet de loi plus que de réponses sur ces questions-là. Mais on
cherche entre les lignes, mais on n'a pas les réponses, nous. On a l'impression
que le gouvernement pellette un peu dans les cégeps cette responsabilité-là
sans donner trop de balises pour l'instant.
Mme David : O.K. Je sens
qu'on va avoir beaucoup de travail à faire pour essayer de trouver les
solutions à tout ça. Merci beaucoup. Merci beaucoup.
Une voix
: Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Nous allons passer maintenant à la députée
de Mercier pour votre temps de parole. Allez-y, madame.
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre présentation. J'ai à peu
près 2 min 45 s. Donc, ça va aller vite. Évidemment, vous avez beaucoup
parlé des cégeps parce que le projet de loi en parle puis vous représentez
aussi des fédérations d'enseignants au cégep. Et vous représentez aussi des
enseignants au secondaire et au primaire. Donc, j'ai envie de vous amener en
amont. Je suis moi-même produit des classes d'accueil dans les écoles à
Montréal, et j'avais envie de connaître l'état de la situation par vous.
Est-ce que, par exemple, dans nos écoles
publiques, il y a suffisamment de classes d'accueil? Dans les régions où il n'y
a pas de possibilités d'avoir de classes d'accueil à cause... parce que le
nombre ne le justifie pas, est-ce qu'il y a suffisamment de soutien
linguistique? Parce qu'on sait que s'il y a un manque de ressources et de
support à ce niveau-là, ça peut mener à des échecs académiques ou par exemple
si les enfants parlaient déjà anglais, ils pourraient aller pour favoriser de
continuer leurs études postsecondaires en anglais. Donc, je voulais vous
entendre là-dessus même si votre mémoire ne portait pas là-dessus. Est-ce que
c'est quelque chose sur lequel vous pouvez vous prononcer?
• (12 h 20) •
M. Beauchemin (Mario) :
Pas présentement. Bien honnêtement, là, non. On n'a pas creusé cette
question-là, mais sûrement que si vous prenez contact avec la Fédération des
syndicats de l'enseignement, donc, qui est affiliée à la CSQ, le plus gros
syndicat, là, puis qui représente les profs du primaire et du secondaire, ils
ont sûrement des...
Mme Ghazal : Bien, ça, je
voulais assurer aussi votre attention là-dessus parce qu'avec ma collègue qui
est responsable aussi de l'éducation, la députée de Sherbrooke, on a rencontré
des enseignants en francisation. Puis il y a beaucoup, beaucoup de défis aussi
en amont. On se fait dire que la loi 101 permet à ces enfants d'être
scolarisés en français. Évidemment, ils sont obligés, mais après ça, est-ce
qu'on donne le soutien? Puis ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas
suffisamment.
Maintenant, pour ce qui est... J'aimerais
savoir, le... Les mesures qui sont dans le projet de loi, qu'on appelle le
contingentement, là, communément pour le cégep, est-ce que vous n'avez pas
l'impression... Parce que, vous dites, il faut le renforcer. Il faut s'assurer
qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen... un moyen de le faire
Mme Ghazal : …de soutien, puis
ça, c'est quelque chose dont on ne parle pas suffisamment. Maintenant, pour ce
qui est… j'aimerais savoir, les mesures qui sont dans le projet de loi, ce
qu'on appelle le contingentement, là, communément, pour le cégep, est-ce que
vous n'avez pas l'impression… parce que vous dites : Il faut le renforcer,
il faut s'assurer qu'il y ait des transferts linguistiques puis le moyen… un
moyen de le faire, c'est l'enseignement au cégep et d'avoir un contingentement
dans l'enseignement dans les cégeps anglophones, est-ce qu'il n'y aurait pas
comme… de la façon que c'est mis dans le projet de loi, une inquiétude que moi
j'ai, que le diplôme des cégeps anglophones ait une valeur plus grande que, par
exemple, le diplôme dans les cégeps francophones? Est-ce que c'est une
inquiétude que vous avez avec les mesures actuelles dans le projet de loi
n° 96?
M. Beauchemin (Mario) : Non,
du tout. Non, du tout, parce que le diplôme d'études collégiales est un diplôme
national, malgré les particularités qui touchent l'ensemble… qui touchent les
différents établissements, donc à partir du moment où le diplôme national
demeure, nous, on n'a pas d'inquiétude à cet égard-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Nous allons aller maintenant du côté du député de Matane-Matapédia, deux
minutes 45 secondes vous aussi, M. le député.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue à la commission. On a appris en mai dernier qu'il n'y a
aucune disposition du projet de loi n° 96 du gouvernement qui concerne
l'apprentissage obligatoire du français dans les collèges privés non
subventionnés. Puis il y en a beaucoup autour de Montréal, j'en entends parler,
alors je voulais savoir si ça vous préoccupait, puis quel est le regard que
vous portez sur l'équilibre linguistique à Montréal, qui est un déséquilibre,
la moitié des étudiants étudie en anglais, et vous ne vous êtes pas prononcé
directement sur la fréquentation scolaire.
M. Beauchemin (Mario) : En ce
qui concerne votre première question, oui, effectivement, ça nous préoccupe
beaucoup, l'apprentissage du français dans les collèges privés non subventionnés.
Alors, il y aura probablement des mesures à appliquer à cet égard-là et sur le
déséquilibre, bien, je vais te laisser aller sur l'île de Montréal, là, je
pense que… bien… le projet de loi tente… de répondre à ce problème-là, mais
encore…
M. Danis
(Gabriel) : Pour ce qui est des collèges privés non
subventionnés, on ne représente pas de membres dans ces collèges-là, donc on a
choisi de ne pas aborder cette question-là, mais effectivement, c'est très
préoccupant, il y a eu plusieurs articles dans les médias récemment, qui
démontraient la hausse fulgurante de ces étudiants-là, de ces collèges privés
là, qui souvent obtiennent des accréditations à rabais, du ministère. Donc, ça,
c'est un problème assurément puis il faut améliorer l'apprentissage du français
dans ces formations-là, ça nous apparaît comme étant essentiel. Ça, c'est une
chose. Pour ce qui est de l'équilibre, effectivement, je pense qu'on a atteint
un point, on n'est plus dans un point d'équilibre, là, on est dans un point de
déséquilibre sur l'île de Montréal, et on pense qu'à tout le moins, la première
chose à faire, c'est le contingentement qui est proposé par le projet de loi,
c'est de diminuer la hausse. On sait que les prévisions démographiques
prévoient plusieurs milliers de nouveaux étudiants au collégial, on sait que
les prévisions démographiques sont à prendre avec des pincettes parfois, mais
on s'attend tout de même à des hausses importantes, et si c'est… la grande
majorité de cette hausse-là peuvent aller dans les cégeps francos, bien, on
aura quand même fait un bout de chemin sur cette recherche d'équilibre là.
M. Bérubé : Merci. En tout
cas, pour les collèges privés non…
M. Beauchemin (Mario) : ...aux
étudiants au collégial. On sait que les prévisions démographiques sont à
prendre avec des pincettes parfois, mais on s'attend tout de même à des hausses
importantes. Et si la grande majorité de ces hausses-là peuvent aller dans les
cégeps francos, bien, on aura quand même fait un bout de chemin sur cette
recherche d'équilibre là.
M.
Bérubé
:
Merci. En tout cas, pour les collèges privés non subventionnés, j'espère que
c'est davantage un oubli qu'un choix parce que, si c'est un choix, c'est drôlement
inquiétant, puis je me demande qui a réussi à ne pas faire appliquer cette
règle-là à ces collèges.
Quant à l'équilibre à Montréal, selon
nous... on débat... il nous apparaît que, si on contingente, il y a encore des
gens qui seront favorisés, il y a des gens qui seront choisis, eux, pour y
aller, d'autres ne pourront pas. Ça ne nous apparaît pas équitable, alors il
faut une règle pour tout le monde, ou on n'en fait pas. Si l'enjeu est sérieux,
du déséquilibre, il faut agir, même si ce ne sera pas une mesure populaire.
Donc, je comprends que vous êtes d'accord avec la mesure du projet de loi n° 96, mais je vous soumets humblement qu'on
va continuer à avoir une brèche qui ne va pas aider les Québécois.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et ceci met fin à la séance de ce
matin. Donc, merci pour votre contribution, M. Beauchemin, M. Danis.
Nous allons suspendre les
travaux jusqu'après les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 25)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 16)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, bonjour. Bienvenue à la Commission de la culture et de l'éducation. Donc,
cet après-midi, nous allons entendre le Syndicat canadien de la fonction
publique, Mmes Louise Beaudoin et Louise Harel, la Confédération des
syndicats nationaux et, pour terminer, M. Christian Dufour.
Donc, nous poursuivons les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96, sur la Loi sur la langue officielle et
commune du Québec, le français.
Donc, sans plus tarder, je vais céder à la
parole au Syndicat canadien de la fonction publique pour votre présentation.
Vous avez une dizaine de minutes si vous voulez vous présenter chacun. Allez-y.
M. Brisson (Frédéric) :
Bonjour. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Frédéric Brisson, secrétaire
général du Syndicat canadien de la fonction publique.
Mme Blais (Nathalie) : Bonjour,
tout le monde. Nathalie Blais, conseillère à la recherche au SCFP.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
bonjour, M. le Président, Mme la Présidente, membres du comité. Je vous
remercie de nous avoir invités à donner notre avis sur le projet de loi n° 96.
Notre intervention, vous vous en doutez,
portera principalement sur les dispositions visant le secteur public. Le SCFP Québec
représente en effet environ 70 % des travailleuses et des travailleurs des
municipalités du Québec. Il est également un acteur syndical important dans le
réseau de la santé et des services sociaux, particulièrement dans les
catégories 2, 3 et 4 ainsi qu'en éducation où il représente
majoritairement du personnel de soutien.
C'est un chantier ambitieux de mises à
jour de la Charte de la langue française que vous entreprenez aujourd'hui, une
mission difficile, parsemée d'embûches, mais pour laquelle il faut garder le
cap. L'objectif étant de maintenir le français comme langue commune de la
société québécoise pour les années à venir.
Le SCFP Québec a parlé du projet de loi n° 96 comme d'une réforme nécessaire lors de son dépôt au
printemps. C'est une analyse que nous réitérons. Nous appuyons d'ailleurs le
mémoire de la FTQ que ses représentants vous présenteront demain.
D'ici là, nous souhaitons aborder avec
vous deux aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos
membres à travailler en français et la pérennité de la langue française au
Québec : il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français
en emploi.
Mme Blais (Nathalie) : Depuis
quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre
croissant de postes bilingues dans les villes...
M. Brisson (Frédéric) : …deux
aspects du projet de loi à renforcer pour assurer le droit de nos membres à
travailler en français et la pérennité de la langue française au Québec :
il s'agit du bilinguisme au travail et de l'apprentissage du français en
emploi.
Mme Blais (Nathalie) : Depuis
quelques années, nos représentants syndicaux rapportent l'affichage d'un nombre
croissant de postes bilingues dans les villes et les établissements de santé du
Québec. À la ville de Gatineau, par exemple, on exige que tous les fonctionnaires
cols blancs aient une bonne maîtrise de l'anglais. Pourtant, la municipalité
n'est pas reconnue comme bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi,
puisqu'elle compte moins de 15 % de citoyens de langue maternelle
anglaise. À Montréal aussi, les postes bilingues sont fréquents. Ce constat est
corroboré par une étude de l'Institut de la statistique du Québec montrant que
plus de 50 % des arrondissements de Montréal font du bilinguisme ou de la
connaissance de l'anglais une condition d'embauche. Dans la santé, on note
également une augmentation des exigences de bilinguisme particulièrement dans
des fonctions administratives et de bureau. Comprenons-nous bien, le
SCFP-Québec ne s'oppose pas à l'apprentissage ou à la maîtrise de l'anglais ou
d'une autre langue par la population du Québec ni à l'offre de tout service en
anglais. Ce que nous contestons, c'est la propension qu'ont les employeurs de
l'administration publique, principalement les municipalités, les CIUSSS et les
CISSS, à afficher des postes bilingues sans justification. Cette attitude a
mené à une multiplication des arbitrages dans certains milieux depuis 2010
environ afin de préserver le droit de nos membres de travailler en français et
de pouvoir progresser professionnellement dans le secteur public même s'ils ne
parlent pas une langue seconde.
• (15 h 20) •
Le projet de loi n° 96
fait un pas dans la bonne direction en modifiant les articles 45 et 46 de la
Charte de la langue française. Ainsi modifiés, ces articles interdisent à un
employeur d'exiger la connaissance d'une autre langue pour des tâches qui ne le
nécessitent pas. Ils obligent également l'employeur à appliquer les critères de
la jurisprudence en amont de l'affichage d'un poste pour reconnaître qu'il a
pris tous les moyens raisonnables afin d'éviter d'imposer cette exigence. Ces
dispositions viennent sans contredit clarifier les choses. Toutefois, nous
croyons qu'elles n'entraîneront pas à elles seules une réduction à la source
des affichages de postes bilingues et des litiges qui y sont associés dans le
secteur public. Pour y arriver, il faut doter des organismes de
l'administration de comités de francisation, comme c'est le cas dans le privé.
Ces comités ont permis d'accompagner des entreprises dans leur francisation
depuis l'adoption de la loi 101 en 1977. Nous pensons qu'ils pourraient
maintenant aider les municipalités ainsi que les secteurs de la santé et de
l'éducation à mieux cibler leurs réels besoins en matière de bilinguisme. Nous
recommandons donc que l'article 238.1 soit reformulé de façon à ce que le
comité de francisation puisse, de son propre chef, donner son avis à
l'employeur sur la nécessité de créer des postes bilingues ou d'exiger la
connaissance d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à un poste ou
le conserver.
M. Brisson (Frédéric) : La
seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque
cruel de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il
faut comprendre que, contrairement aux enfants, qui sont automatiquement
scolarisés en français dès leur arrivée au Québec…
Mme Blais (Nathalie) : ...la connaissance
d'une deuxième langue à toute personne pour accéder à un poste ou le conserver.
M. Brisson (Frédéric) : La
seconde problématique que nous souhaitons discuter avec vous est le manque cruel
de ressources d'apprentissage du français pour les nouveaux arrivants. Il faut
comprendre que, contrairement aux enfants qui sont automatiquement scolarisés
en français dès leur arrivée au Québec, les immigrants adultes, eux, sont
laissés à eux-mêmes. Bien souvent, ils n'ont pas le temps ni les ressources
nécessaires pour apprendre le français avant d'entrer sur le marché du travail.
Ces gens doivent donc occuper un emploi, parfois même deux, pour subvenir à
leurs besoins de leur famille sans avoir les bases de la langue leur permettant
de s'intégrer à la société québécoise.
Nos membres qui sont dans cette situation
nous rapportent que les cours de français actuellement offerts à l'extérieur du
boulot ne tiennent pas compte de leur réalité. Après de longues heures de
travail et après avoir pris soin de leur famille, ils ne disposent souvent plus
de l'énergie requise pour étudier efficacement le français. On peut les
comprendre. Cela les force à reporter l'apprentissage du français, mais tous
les nouveaux arrivants nous confient vouloir l'apprendre pour communiquer avec
leur entourage au travail ainsi que mieux comprendre le Québec et ses
habitants.
Le SCFP-Québec préconise donc l'offre de
cours de français et de culture québécoise sur les lieux du travail et pendant
les heures de travail. La société québécoise y gagnerait doublement. D'une
part, le personnel offrant des services publics serait en mesure d'échanger
plus efficacement avec les citoyens afin qu'ils se sentent non seulement
écoutés, mais compris. D'autre part, cela contribuerait à une intégration plus
rapide des nouveaux arrivants adultes.
Nous sommes heureux de voir que le projet
de loi n° 96 fait de l'apprentissage de notre langue commune un droit
fondamental. De plus, l'État se donne des responsabilités à ce chapitre en
faisant du français la langue d'accueil et d'intégration à la société
québécoise. Il s'oblige ainsi à prendre des mesures pour favoriser
l'utilisation du français par tous et pour assurer la pérennité de la langue
française.
Le projet de loi crée Francisation Québec,
un guichet unique qui a pour but de fournir les services d'apprentissage du
français en classe, en ligne et en milieu de travail à toute personne
domiciliée au Québec et qui n'est pas prise en charge par le système scolaire.
Nous saluons cette initiative. Cependant, il faut clarifier le rôle de
Francisation Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé
présentement, le projet de loi n° 96 semble réserver ces services aux
entreprises privées. Pourtant, les besoins d'apprentissage du français sont
criants dans certains secteurs de l'administration. C'est notamment le cas dans
le réseau de la santé, qui emploie un grand nombre d'immigrants.
Nous encourageons donc le gouvernement à
amender le projet de loi pour donner le mandat à Francisation Québec d'offrir
des cours de français au travail non seulement au privé, mais également dans le
secteur public. Il faut aussi absolument lui allouer un financement
supplémentaire afin que les budgets de fonctionnement des services publics
auxquels il vient en aide ne soient pas amputés par les coûts de la
francisation. Ces deux mesures sont essentielles pour favoriser l'utilisation
du français par tous au cours des décennies à venir.
Ici encore, les comités de francisation
que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir
leur utilité en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est
requis en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme
public et en faisant rapport sur les résultats obtenus...
M. Brisson (Frédéric) : ...par
tous au cours des décennies à venir.
Ici encore, les comités de francisation
que nous avons proposé d'instaurer dans les organismes publics pourraient avoir
leur utilité, en déterminant les milieux où l'apprentissage du français est
requis, en les incluant dans le programme de conformité de chaque organisme
public et en faisant rapport sur les résultats obtenus.
On a trop longtemps tenu pour acquis que
les organisations de l'administration avaient un comportement exemplaire dans
l'utilisation du français, mais force est d'admettre que ce n'est plus le cas.
La prolifération des postes exigeant la maîtrise de l'anglais dans des villes
qui ne sont même pas reconnues comme bilingues en est la preuve. Un autre
exemple, l'embauche de personnel dans la santé ne parlant pas français, et
parfois même, ni l'anglais ni le français.
Nous ne sommes plus à l'époque de
l'adoption de la loi 101, où la priorité était de franciser les entreprises
privées fonctionnant totalement en anglais. Nous en sommes à un nouveau moment
charnière de notre histoire, celui où il faut s'assurer que les nouveaux
immigrants que nous accueillons sont en mesure de s'intégrer à la société dans
notre langue commune, le français.
Nous vous remercions de votre intérêt et
nous sommes prêts à échanger sur nos propositions avec vous. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Blais et Mme Brisson... non, l'inverse, Mme Blais et M.
Brisson. Donc, sans plus tarder, je vais passer la parole au ministre. M. le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Blais et M. Brisson, bonjour, merci de participer aux
travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 96.
D'entrée de jeu, je voudrais vous demander... En ce qui concerne les
dispositions du projet de loi relativement à l'assujettissement des entreprises
de juridiction fédérale à la Charte de la langue française, dans le fond, on a
mis un article pour faire en sorte que tous les travailleurs québécois aient le
droit de travailler dans leur langue et que, dans le fond, ce qui encadre les
entreprises de juridiction fédérale sur la question de la langue, que ce soit
la Charte de la langue française. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
en fait, je crois comprendre qu'on me cède la parole. Donc, le SCFP appuie la
position de la FTQ, qui est, en ce qui concerne les entreprises de juridiction
fédérale, de faire en sorte que le gouvernement québécois ait, en cette
matière, la main haute. Et donc il reviendrait à l'OQLF d'assurer la
réalisation de la francisation des entreprises de juridiction fédérale au
Québec. Et à ma connaissance, d'ailleurs, ces entreprises, en tout cas, celles
avec lesquelles nous travaillons au SCFP, se conforment, pour la plupart, déjà
à la Charte de la langue française. Donc, je ne pense pas que c'est un effort
déraisonnable à demander.
M. Jolin-Barrette : Et je
comprends que vous, votre syndicat, il a une portée pancanadienne?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
le SCFP, bien, est canadien. Mais je laisse Frédéric compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) : Oui,
effectivement, le syndicat... C'est le SCFP, Syndicat canadien de la fonction
publique, mais nous, on gère... c'est vraiment par province. Nous, on est le
SCFP Québec en soi, et non pour... On vient ici en tant que Québécois et en
tant que représentants du syndicat québécois de... canadien de la fonction
publique.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui
travaillent dans le milieu municipal. Donc...
M. Brisson (Frédéric) :
...Québec en soi, et non... On vient ici en tant que Québécois et en tant que
représentants du syndicat québécois de... canadien de la fonction publique.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je crois que votre organisation représente plusieurs travailleurs qui
travaillent dans le milieu municipal. Donc, le projet de loi fait en sorte
désormais que les municipalités qui sont considérées bilingues en vertu de
l'actuelle Charte de la langue française pourraient perdre leur statut si la
population ne constitue pas le seuil qui est prévu, donc le 50 %, à moins
qu'ils adoptent une résolution. Pouvez-vous nous parler de la réalité des
travailleurs puis des travailleuses qui sont dans les municipalités, qui
représentent, dans le fond, les membres de votre organisation? Comment
voyez-vous ça, là, les dispositions entourant notamment également l'exemplarité
des municipalités? Donc... (panne de son) ...et la question du statut
bilingue.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
Nathalie, je vais te laisser répondre, là, municipalités... je vais te laisser
répondre à cette question.
Mme Blais (Nathalie) :
D'abord, sur la question de l'exemplarité, nous, on pense que ça va de soi, les
municipalités doivent faire partie de cet effort d'exemplarité. Et d'ailleurs
c'est ce qu'on évoquait dans notre présentation. Il y a de nombreux litiges
concernant des postes bilingues parce que les municipalités souvent ne
justifient pas l'affichage de postes bilingues et ça empêche de nos membres de
progresser au sein des municipalités. Ça devient difficile pour eux d'accéder à
des postes supérieurs si on a une exigence de bilinguisme qui est démesurée par
rapport à la population d'ayants droit à desservir dans une autre langue.
L'exemple de Gatineau, c'est vraiment
celui qui est le plus frappant. On demande un anglais 4 sur 6 à tous les
fonctionnaires municipaux alors qu'il y a 15 %... un petit peu moins de
15 % de la population qui est de souche anglophone. Donc, c'est une
exigence, à notre avis, qui est démesurée.
Puis l'autre exemple qu'on peut vous
donner, c'est au service 9-1-1 de la même ville, on demande une exigence 5 sur
6, qui est plus élevée que l'exigence de la ville d'Ottawa puisque les gens qui
n'obtiennent pas un poste au 9-1-1 à Gatineau obtiennent automatiquement un
poste à Ottawa. Donc, forcément, la connaissance de l'anglais a un poids plus
grand à Gatineau qu'à Ottawa, qui est de l'autre côté de la rivière. Ça, ça n'a
aucun sens. Les deux villes devraient avoir la même exigence. Parce que c'est
normal qu'on offre des services de santé notamment en anglais, mais est-ce que
c'est normal qu'une ville anglophone, Ottawa, demande une exigence plus faible
en anglais que la ville francophone juste à côté?
• (15 h 30) •
M. Brisson (Frédéric) : Puis
on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone... bien, qu'une personne
unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à
20 % ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguiste parce qu'ils
l'avaient… le statut bilingue parce qu'ils l'avaient auparavant, qui est
descendu en bas de 20 %...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Blais (Nathalie) : …juste
à côté.
M. Brisson (Frédéric) : Puis
on trouve ça dommage aussi, là, qu'un francophone, bien, qu'une personne
unilingue, là, francophone, qui travaille dans une municipalité qui est à 20 %
ou 15 % anglophone, qui a le statut bilinguisme parce qu'il l'avait… le
statut bilingue parce qu'il l'avait auparavant, qui est descendu en bas de
20 %, et un francophone unilingue se voit empêché de postuler sur des
postes à cause, là, des demandes d'anglais sur certains postes, la plupart,
quand qu'on a un statut bilingue, là, la plupart sont avec un statut… on
affiche un poste avec un statut bilingue, et ça empêche, là, des unilingues
québécois d'avoir des bons emplois.
M. Jolin-Barrette : Et donc
pour vous, les municipalités doivent être considérées comme faisant partie de
l'État, et donc assujetties à la politique linguistique de l'État aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Tout à
fait.
M. Brisson (Frédéric) : Tout
à fait.
M. Jolin-Barrette : Et
pourquoi c'est important qu'ils soient assujettis à la même politique de l'État
en termes d'exemplarité de l'État, pourquoi les municipalités, c'est important
qu'elles y soient assujetties?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
pour envoyer, en fait, c'est que c'est un message à envoyer, dans le fond, à
toutes les municipalités, de la part du gouvernement. Si on souhaite
effectivement que le français soit pérenne au Québec, ça ne peut pas uniquement
passer par l'administration publique du gouvernement du Québec et les
organisations qui en découlent, ça doit aussi passer par le secteur municipal,
qui est en contact direct avec les citoyens.
M. Brisson (Frédéric) :
Effectivement.
M. Jolin-Barrette : Et vous
nous disiez, dans le fond, dans le cas de Gatineau, dans l'exemple que vous
citiez, je comprends que certains Québécois francophones unilingues, leur
progression de carrière, elle est freinée en raison du fait qu'il y a une
exigence démesurée de la connaissance de la langue anglaise pour accéder à des
emplois supérieurs. Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
pire que ça, oui, il y a ça, mais pire que ça, il y a des gens qui ne peuvent
pas accéder à un emploi dans la fonction publique à Gatineau parce qu'ils n'ont
pas un anglais quatre sur six. Donc, alors que le poste dans lequel ils sont
embauchés ne requiert pas nécessairement l'usage de l'anglais. Donc, on est
contents de voir que dans le projet de loi, à l'article 46, le gouvernement
interdit aux employeurs d'exiger une autre langue que le français quand ce
n'est pas nécessaire à l'exercice de la fonction. Ça, ça vient nous donner de
l'argumentation en comité de grief pour éviter, peut-être, de se rendre à
l'arbitrage. Mais ce qu'on voudrait aussi, c'est qu'il y ait des comités de
francisation dans les villes, pour qu'il y ait un dialogue en permanence avec
l'employeur sur la bilinguisation des postes et sur la situation linguistique
de la municipalité. On trouve que le gouvernement, présentement, et l'OQLF,
sont un peu dans le noir par rapport à ce qui se passe dans les municipalités,
dans les hôpitaux, dans les écoles, par rapport à ces postes bilingues, mais
aussi par rapport à la formation, à la francisation des gens qui intègrent le
réseau public.
M. Jolin-Barrette : Et
l'OQLF…
Mme Blais (Nathalie) :
...gouvernement présentement et l'OQLF sont un peu dans le noir par rapport à
ce qui se passe dans les municipalités, dans les hôpitaux, dans les écoles par
rapport à ces postes bilingues, mais aussi par rapport à la formation, à la francisation
des gens qui intègrent le réseau public.
M. Jolin-Barrette : Et
l'OQLF a publié, là, au mois d'août 2020, donc l'an passé, une étude relativement
à l'exigence des municipalités du Québec, où on disait que 23,5 % des
municipalités du Québec et des arrondissements de Montréal ont exigé ou
souhaité des compétences en français et en anglais, ou seulement en anglais à
l'embauche. Et sur l'île de Montréal, c'était 50 % des municipalités et
des arrondissements qui ont recherché des personnes ayant des compétences en
français, en anglais ou en anglais seulement. Comment vous qualifiez cet état
de fait là, qui a été documenté par l'OQLF?
M. Brisson (Frédéric) :
C'est une bonne question. Je viens d'apprendre cette étude-là, là, qui était...
Mais, Nathalie, tu as peut-être quelque chose à dire là-dessus.
Mme Blais (Nathalie) :
Bien, je vous dirais simplement qu'on n'a pas à avoir... On a n'a pas à
commenter. C'est des faits, là. C'est réel. Il y a vraiment des exigences qui
dépassent même 50 % des arrondissements pour des connaissances en anglais.
Et on a de nombreux arbitrages, là. J'étais justement en train d'en lire un, je
n'ai pas fini de lire, mais où l'arbitre fait la liste de tous les postes où la
ville de Montréal ou un arrondissement exigeait l'anglais, et demande à la
ville de retirer ces affichages-là et de refaire ses devoirs, de retourner à la
source voir s'il y a vraiment une nécessité dans tous ces postes d'exiger
l'anglais. Donc, on pense que l'article 46 va tout à fait... vise
exactement au bon endroit, là, en exigeant qu'en amont de son affichage de
poste l'employeur fasse l'exercice et vérifie, est-ce que j'ai suffisamment
d'employés qui parlent déjà la langue dont j'ai besoin? Et est-ce que j'ai
réellement besoin d'ajouter du personnel qui parle cette deuxième langue là?
M. Jolin-Barrette :
Donc, je comprends de votre intervention que vous êtes en accord avec la
modification qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue
française. Donc, on amène une bonification.
Mme Blais (Nathalie) :
Oui.
M. Jolin-Barrette : Sur
la question, là... Vous avez abordé la question des comités de francisation à
l'intérieur des municipalités. Comment vous envisageriez ce genre de comité,
là? Comment ça fonctionnerait au sein des municipalités?
Mme Blais (Nathalie) :
Bien, c'est sûr qu'il y a des municipalités de différentes tailles au Québec.
On ne pourrait pas avoir le même type de comité de francisation dans une très
petite municipalité et une très grande comme la ville de Montréal. À Montréal,
on peut imaginer que ça pourrait se passer par arrondissement. Alors que dans
des plus petites municipalités, bien, ça pourrait être un comité pour la
municipalité. On a réfléchi aussi un peu à ce qu'il pourrait se passer dans le
secteur de la santé. Je ne sais pas, Frédéric, si tu veux compléter là-dessus.
M. Brisson (Frédéric) :
Bien, dans le secteur de la santé, moi, je trouve que ça serait très, très
important, là, un comité de francisation. Je viens du domaine de la santé. Je
suis un préposé aux bénéficiaires en salle d'opération. Et de plus en plus
d'immigrants arrivent sur le marché du travail. Et ce que je trouve dommage,
c'est, souvent, c'est qu'ils ont de la misère à communiquer avec les patients.
Donc, je pense que...
M. Brisson (Frédéric) : …moi,
je trouve que ce serait très, très important, là, un comité de francisation. Je
viens du domaine de la santé, je suis un préposé aux bénéficiaires en salle
d'opération, et de plus en plus d'immigrants arrivent sur le marché du travail.
Ce que je trouve dommage, c'est… souvent, c'est qu'ils ont de la misère à
communiquer avec les patients. Donc, je pense qu'un comité de francisation, là,
dans le secteur public, dans le milieu de la santé, ça ne serait que bon pour
tous, autant les travailleurs, autant les patients. Et j'ajouterais aussi, je
me permets de le dire ici, là, mais j'ajouterais aussi que ça doit se faire sur
le milieu du travail, parce qu'on le sait, là, présentement, les travailleuses
et travailleurs du réseau de la santé ont énormément de pression sur les
épaules, font énormément d'heures supplémentaires, du temps supplémentaire
obligatoire également. Quand on arrive à la maison par après, là, s'occuper de
la famille... et on vient de s'occuper de 20 patients au lieu d'en avoir huit,
on n'a plus le temps et on n'a plus la tête pour essayer d'apprendre le
français. Donc, je pense que ça serait très important que ça se fasse sur le
milieu de travail.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Et, juste avant de céder la parole, juste vous dire que Francisation Québec a
été construit notamment pour la francisation en entreprise, mais, également, il
va pouvoir aller au sein de l'administration publique, effectivement. Donc, ça
va être un guichet unique, et justement pour offrir de la francisation. D'ailleurs,
sur les questions des cours de francisation, à l'époque où j'étais à
l'Immigration, on a bonifié de façon substantielle les allocations à temps
plein et on l'a créé à temps partiel également justement pour répondre à ce que
vous dites, pour faire en sorte que les gens puissent aller apprendre le
français et peaufiner leur connaissance de la langue française. Également, on a
couvert les frais de garde également. Mais je vais céder la parole, Mme la
Présidente, au collègue.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, M. le député de Chapleau, 4 min 30 s pour vous.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Blais, M. Brisson, vraiment un
plaisir de voir… Merci de votre témoignage. J'aimerais revenir sur le cas de Gatineau
plus spécifiquement. Moi, c'est ma ville, et mon comté s'y trouve, donc c'est
certain que ça me préoccupe, mais ça va quand même être plus large, là, en
termes de débat, puis ça pourra s'appliquer ailleurs aussi, là. J'aimerais vous
entendre sur ce que vos membres vous disent dans ces cas-là, spécifiquement, du
pourquoi cette obligation-là. Qu'est-ce qu'ils perçoivent, là, dans cette situation-là,
particulièrement?
Mme Blais (Nathalie) : Bien,
dans le cas de Gatineau, ce qu'on me dit, c'est que, bien que la ville n'a pas
un statut de ville bilingue en vertu de l'article 29.1 de la loi, la ville se
déclare elle-même ville bilingue et donc souhaite offrir des services en
français et en anglais à toute sa population. Donc, c'est tout simplement ça
qui est la base du raisonnement de la ville et c'est ce qui fait en sorte qu'il
y a autant d'exigences de bilinguisme à Gatineau.
M. Lévesque (Chapleau) : Vous
parlez également de possibilités d'avancement bloquées pour certains travailleurs.
Avez-vous des statistiques? Avez-vous des chiffres sur ça, qu'est-ce qui…
peut-être, dans vos membres, un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans
leur carrière ou n'ont pas pu avoir un certain poste à cause de ces exigences?
Mme Blais (Nathalie) : Je
n'ai pas de statistiques précisément là-dessus. La seule chose…
M. Lévesque (Chapleau) :
...possibilité d'avancement bloquée pour certains travailleurs. Avez-vous des
statistiques, avez-vous des chiffres sur ça? Qu'est-ce qui... dans vos membres,
un certain nombre qui n'ont pas pu avancer dans leur carrière ou n'ont pas pu
avoir un certain poste à cause de ces exigences?
Mme Blais (Nathalie) : Je
n'ai pas de statistique précisément là-dessus. La seule chose que je peux vous
dire, c'est qu'il y eu tellement de griefs sur ces affichages de postes
bilingues que le syndicat s'est entendu avec l'employeur pour mettre en place
un genre de table de concertation pour discuter de cette question-là. On a mis
sur la glace... on a fait un dernier grief qui couvre tous les futurs
affichages de postes pour préserver les droits de tous, et là on a interrompu
les discussions à cette table de concertation en attendant les travaux de l'Assemblée
nationale, en attendant de voir qu'est-ce qui arrive avec la Charte de la
langue française et comment la ville devra, à l'avenir, appliquer cette charte.
Je n'ai pas de statistique spécifique sur les problèmes d'avancement. Par
contre, nous, on a l'intention de déposer un mémoire à la commission dans les
prochaines semaines et je pourrais voir si c'est possible, là, d'avoir quelques
chiffres là-dessus du côté des municipalités.
• (16 h 10) •
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
si vous pouviez le déposer, là, au secrétariat de la commission, ce serait bien
apprécié.
Vous avez également parlé des villes qui
ont actuellement le statut bilingue. Est-ce que, si j'ai bien compris, tous les
postes demandent le bilinguisme d'entrée de jeu dans ces villes-là?
Mme Blais (Nathalie) : À
Gatineau spécifiquement, oui. C'est 100 % des postes de cols blancs pour
lesquels on demande le bilinguisme.
M. Lévesque (Chapleau) :
...pas le statut de ville bilingue, là, mais je parle plus pour les villes
bilingues, là, celles qui l'ont, le statut. Est-ce qu'ils le demandent à
100 %?
Mme Blais (Nathalie) : Ce
n'est pas nécessairement 100 % des postes dans les villes qui sont
reconnus bilingues. Ça dépend de la taille de la municipalité en fait. Je pense
que, plus la municipalité est grande, plus ça laisse une place à ce qu'il y ait
un pourcentage de gens qui ne parlent pas nécessairement les deux langues.
Quand la municipalité est très petite, parce qu'il y a beaucoup de petites
municipalités, là, dans la liste des 92 qui sont... qui ont le statut bilingue,
à ce moment-là, bien, il y a moins de marge de manoeuvre, disons.
M. Lévesque (Chapleau) :
Est-ce que je comprends également, là, dans votre propos que Gatineau ferait du
zèle plus qu'une ville à statut bilingue confirmé? C'est ce que je comprends?
Mme Blais (Nathalie) : C'est
ce qu'on nous rapporte, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah,
d'accord! Un autre sujet, là, s'il me reste, Mme la Présidente, quelques...
La Présidente (Mme Thériault) :
50 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : 50
secondes. Rapidement, vous parlez justement de Francisation Québec, un volet
culture aux cours qui seraient offerts. Pourquoi? Qu'est-ce que vous y voyez
dans ces cours-là que pourrait apporter, là, Francisation Québec?
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
je peux répondre, Nathalie. On se fait souvent dire par les gens qu'il y a des
immigrants qui arrivent au Québec qui ne comprennent pas pourquoi que, nous,
les Québécois, on peut être frustrés qu'il y ait des gens qui ne parlent pas
bien le français ou qu'on ne se fasse pas comprendre. Ils ne connaissent pas...
en fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je pense que ça serait
très, très bien, dans la formation, si on parlait de la culture pour apprendre
pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est rendus aujourd'hui et
toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la protection de la
langue française. Je pense que ça serait important de connaître notre
culture...
M. Brisson (Frédéric) : …Ils
ne connaissent pas… en fait, ils ne connaissent pas la culture québécoise. Je
pense que ça serait très, très bien, dans la formation, si on parlait de la
culture pour apprendre pourquoi qu'on réagit comme ça, où est-ce qu'on est
rendus aujourd'hui et toutes les batailles qu'on a vécues dans le passé pour la
protection de la langue française. Je pense que ça serait important de
connaître notre culture québécoise tout simplement.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre intervention. Je me tourne maintenant du côté de
l'opposition officielle pour l'échange… la suite des échanges avec la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Bonjour.
Bonjour, tout le monde. Bien contente de vous voir ici, Mme Blais,
M. Brisson. Alors, écoutez, je vais faire du pouce sur l'intervention du collègue
précédent, parce que je voulais aller vers ça moi aussi. On va finir tous
ensemble, M. le député, à coûter bien cher au ministre, mais ce n'est pas
grave, c'est pour une bonne cause. Alors, quand vous nous proposez de mettre
des cours de français dans les services publics et pas seulement dans le
secteur privé, et quand vous décidez… vous ne décidez pas, mais vous proposez
qu'il y ait des cours de français et de culture québécoise, ça m'a vraiment
allumée beaucoup. J'ai trouvé ça extrêmement intéressant. Et on va le voir dans
un mémoire qui s'en vient qu'est-ce que ça donne d'apprendre des mots en français
si on ne comprend pas dans quelle culture l'on s'inscrit. Alors, pour moi, là,
ça, c'est fondamental. Et je vous remercie d'apporter ce volet-là puis je
remercie le député de l'apporter aussi du côté gouvernemental, parce que ça va
donner beaucoup plus de sens d'abord aux mots qu'ils emploient et à leur vie,
ici, au Québec et dans leurs lieux de travail.
L'autre chose pour laquelle je vous
remercie infiniment, c'est de parler de l'apprentissage du français non
seulement en milieu de travail — on le sait que c'est fait dans des
petites entreprises avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, il y
avait un magnifique programme, etc. — mais vous parlez du secteur
public, qui est un secteur dont on ne parle pas assez. Et vous m'avez fait
réaliser vraiment, là — puis je vous remercie pour ça — qu'à
l'époque de la loi 101, quand on a adopté ce projet de loi, c'était
vraiment de franciser les entreprises privées, comme vous dites, fonctionnant
totalement en anglais. Les temps ont changé, il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup de nouveaux arrivants, et on le sait — vous le dites très
bien — qui travaillent, et heureusement qu'on les a, dans les
services publics pour faire des emplois… occuper des emplois que beaucoup de
monde ne voudrait pas occuper, qui sont difficiles, des longues heures, et ils
n'ont pas le temps d'aller suivre des cours, ils n'ont juste pas le temps.
Alors, de permettre qu'ils soient probablement rémunérés, comme on a eu dans
d'autres secteurs, pour pouvoir faire ça pendant qu'ils sont au public sur
leurs heures de travail, et qu'en plus on en profite pour donner une
sensibilisation à la culture québécoise. J'aimerais vous entendre plus pour ça,
parce que je pense que je vais vraiment la mettre dans mes priorités
d'amendement au ministre.
M. Brisson (Frédéric) : Bien…
Oui effectivement, bien, merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux mots.
Je pense que c'est important — vous l'avez dit, là — je
pense que c'est important pour eux d'apprendre la culture québécoise,
d'apprendre…
Mme David : ...priorité d'amendement
au ministre.
M. Brisson (Frédéric) :
Bien, oui, effectivement. Mais merci beaucoup, Mme David, pour ces beaux
mots. Je pense que c'est important. Vous l'avez dit, là, je pense que c'est
important pour eux d'apprendre la culture québécoise, d'apprendre le français
en milieu de travail, vous l'avez dit, les gens sont débordés dans le marché de
la santé, mais il y a aussi, en service de garde, en milieu scolaire, de plus
en plus, il y a des immigrants qui vont travailler là. Je peux parler de ma
soeur qui travaillait en milieu scolaire en garderie et qui avait beaucoup de
misère, elle-même, à se faire comprendre avec sa collègue de travail.
Donc, imaginez, des fois, les relations
avec les enfants, ce n'est pas toujours évident. Peut-être que même Nathalie
qui me parlait tantôt d'un exemple d'un employé qui a été suspendu par mauvaise
compréhension. Donc, je pense que c'est très important, là, de leur apprendre
la langue française. Et je vais insister aussi sur la culture française, là... québécoise,
excusez. Je pense c'est important. Nathalie, tu peux peut-être ajouter à ça.
Mme Blais (Nathalie) :
Oui. Bien, c'est ça, je ne sais pas si l'employé dont tu parles a été suspendu,
mais il y a eu une mesure disciplinaire contre une employée dans une école, qui
ne comprenait pas suffisamment le français, et donc qui a possiblement mal
appliqué une règle, et peut-être par rapport à la COVID, peut-être par rapport
à d'autres choses, que sais-je, mais qui a été disciplinée parce qu'elle ne
connaissait pas assez bien le français. Mais l'école était probablement dans
une situation où elle ne pouvait... n'avait plus suffisamment de travailleurs
qui comprenaient suffisamment bien le français.
Parce qu'on me disait également dans le
secteur de la santé, au CIUSSS—Ouest-de-l'Île qu'on commence à embaucher des
gens qui ne connaissent ni le français ni d'anglais quand il n'y a plus
personne, là, sur les listes de rappel. Donc, ça commence à devenir une
problématique. Et par contre nos gens qui travaillent dans ce CIUSSS nous
disent qu'ils veulent tous apprendre le français. Ils voudraient mieux
comprendre la culture québécoise, comprendre, comme disait tantôt Frédéric,
pourquoi on tient tant au français. Et ce n'est absolument pas de la mauvaise
volonté de leur part de ne pas maîtriser la langue. Donc, si on met des mesures
en place, nous, on pense que c'est gagnant-gagnant. On va investir et on va
réussir à renverser la tendance actuelle.
Mme David : Et donc, je
vous lis, là, vous dites : «Il faut clarifier le rôle de Francisation
Québec auprès des organismes publics, car, tel qu'il est rédigé présentement,
le projet de loi n° 96 semble réserver ses services aux entreprises
privées». Je n'avais pas pris conscience à ce point-là qu'effectivement
peut-être qu'on aurait pu... On aurait pu penser pas mal plus aussi aux... pas
aux entreprises, justement, au secteur public. Vous dites : «Les besoins
d'apprentissage du français sont criants dans certains secteurs de
l'administration». Vous nommez la santé. On rajoute l'éducation, les CPE. Et on
on le sait, un, il y a beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre. Puis là ils vont
dire : Ne donnez-leur pas des cours de français en plus pendant qu'ils
sont au travail parce que, bon... Mais, en même temps, vous dites l'inverse de
ça. Vous dites, il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce que,
justement, ils ne maîtrisent pas assez bien le français. Et quoi de mieux que
de mettre... d'ajouter la culture pour, si on s'occupe d'enfants...
Mme David : …et on le sait. Un,
il y a beaucoup de pénurie de main-d'oeuvre, puis là ils vont dire : Bien,
non, donnez-leur pas des cours de français en plus pendant qu'ils sont au
travail, parce que… bon. Mais en même temps, vous dites l'inverse de ça, vous
dites : Il y a des gens qui peuvent perdre leur emploi parce que, justement,
ils ne maîtrisent pas assez bien le français, et quoi de mieux que de mettre,
d'ajouter la culture pour, si on s'occupe d'enfants, savoir un peu dans quelle
culture aussi on s'occupe d'eux puis on les éduque. Alors, encore une fois, je
vous remercie de ça.
Je voulais aller vers la question des
griefs des municipalités, moi, je voudrais savoir, qu'est-ce que ça a donné,
tous les nombreux arbitrages, parce que je vous écoute, là, puis j'ai
dit : Mais là, je suis un peu mêlée. Des municipalités, selon l'annexe I
du projet de loi, page 97, troisième alinéa, tiret A : Les municipalités
sont soumis à la Charte de la langue française, alors normalement ils sont
soumis aux politiques linguistiques, là. Il y a quelque chose qui m'échappe,
vous sembliez dire tout à l'heure que les municipalités ne sont pas… vous avez…
je pense le ministre va poser la question, assujettir les municipalités à la
politique linguistique de l'État, ne sont-ils pas déjà assujettis?
Mme Blais (Nathalie) :
Écoutez, c'est un «catch-22», je ne peux pas répondre à votre question. Ma
compréhension à moi, c'est que les municipalités étaient déjà assujetties à la
politique linguistique de l'État. La raison pour laquelle on fait des griefs,
c'est que, souvent, dans les conventions collectives, on va, par exemple,
déterminer avec l'employeur que pour tel et tel poste, on a une exigence
d'anglais, et, à ce moment-là, l'affichage comprend cette exigence de
bilinguisme, mais ce qu'on a constaté dans les dernières années, là, depuis à
peu près 2010, c'est que sans justification, sans négociation avec le syndicat,
les employeurs affichent les postes bilingues, et là on a des membres qui
disent : Bien, moi, je voudrais postuler sur ce poste-là, mais s'il est
bilingue, je ne peux pas le faire, ou je voudrais…
Mme David : C'est donc la
mauvaise application de l'article 46-1, c'est ça, le problème.
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
c'est… exactement.
• (16 h 20) •
Mme David : C'est
l'application trop laxiste ou sans balises nécessaires. On y reviendra, parce
qu'il y a quand même l'article 46-1, là, nouvellement écrit, on va pouvoir en
parler longuement en étude détaillée. Il y a quand même des conditions qui
sont… dont il va falloir parler, de l'applicabilité et des détails de ça. Mais
ce que je comprends, c'est que vous avec beaucoup de griefs, mais moi, je suis
curieuse, donnez-moi un exemple de résultat de grief. Là, vous avez dit :
Il y a une sorte de moratoire, mais ça fait 50 ans que vous vivez avec la loi
101, l'article 46. Alors, comment ça marche, les griefs, est-ce que vous les
gagnez habituellement, sur la langue, ou non, ou est-ce que ça améliorer la
situation de l'affichage?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
bien, c'est ça, on est dans une situation où il y a eu quelques griefs qu'on a
gagnés, autour de 2014, 2015, et en 2016 il y a eu une décision de la Cour
d'appel qui a renversé cette décision-là, et depuis, c'est pas mal les
critères, là, dans ma compréhension à moi, qui est limitée, mais quand même
j'ai fait le tour de quelques arbitrages, mais je ne pourrais pas vous dire,
là, que c'est la jurisprudence complète. Mais en gros, ce que ça dit, ce que la
Cour d'appel est venue dire, c'est que si l'employeur a une population à
desservir dans une autre langue, il est...
Mme Blais (Nathalie) : ...et
depuis c'est pas mal les critères, là, dans ma compréhension à moi qui est
limitée, mais quand même. J'ai fait le tour de quelques arbitrages, mais je ne
pourrais pas vous dire, là, que c'était la jurisprudence complète. Mais en
gros, ce que ça dit, ce que la Cour d'appel est venue dire, c'est que, si
l'employeur a une population à desservir dans une autre langue, il est justifié
de demander le bilinguisme. Et, à partir de ce moment-là, ça a rendu très
difficile pour nous de marquer des points en arbitrage et de revenir à un poste
où on ne demandait pas le bilinguisme. Par contre, l'arbitre a dit : Il
faut que vous justifiiez la raison pour laquelle vous demandez que le poste
soit bilingue, il faut que ça soit étayé par des faits.
Donc, l'article 46 dont vous parlez,
là, les modifications ont intégré en quelque sorte la jurisprudence dans la
loi, mais en balisant également de quelle façon ça doit être fait. Donc, ça
doit être fait avant l'affichage. On doit s'assurer également qu'il n'y a pas personne
d'autre qui peut faire le travail. Par exemple, si vous avez un département
avec huit personnes, est-ce que les huit doivent parler anglais si on a 15 %
de notre clientèle à desservir en anglais? Alors, ce n'est pas probablement pas
justifié à ce moment-là, on a besoin peut-être...
Mme David : ...projet de loi,
là, de 96, les trois conditions.
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
exactement.
Mme David : O.K. Mais c'est ça
qui n'est pas nécessairement...
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
c'est ça. Et présentement ce n'est pas dans la loi, donc, bien, les employeurs
s'essaient. Alors, ils affichent anglais puis ils affichent avec un poste
bilingue, et puis là on doit faire l'arbitrage, et c'est long, vous savez, les délais
avant que ce soit tranché.
M. Brisson (Frédéric) : C'est
pour ça qu'on demande la création d'un comité de francisation, là, dans le
municipal également pour...
Mme David : C'était ma
dernière. Puis comme il me reste quelques secondes, ça a été une autre, un peu,
révélation pour moi, il n'y a pas d'obligation de comité de francisation dans
le secteur public. Autant il y en a dans le secteur privé à partir d'un certain
nombre d'employés, autant ce n'est pas nécessaire. C'est ça qu'on comprend que
vous suggérez de mettre dans le secteur public aussi?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
parce qu'on pense que le gouvernement ne voit pas toujours où sont les besoins
aussi, là. Dans un CIUSSS, il y a énormément d'établissements, mais les
employés pourraient, eux, les travailleurs, les travailleuses, dire :
Bien, il y a plus de besoins dans tel établissement que dans tel autre, et
prioriser un peu la francisation.
Mme David : Merci infiniment
de votre prestation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, nous allons aller du côté de la deuxième opposition. Vous
avez 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation, c'était très, très
intéressant, surtout tout l'aspect évidemment bilinguisme en milieu de travail.
Parce qu'on sait, hein, la langue française, elle va pouvoir survivre et être
pérenne dans le temps si elle est parlée au travail. Et aujourd'hui j'ai déposé
une motion qui a été appuyée à l'unanimité par les 125 députés de l'Assemblée
nationale à l'effet qu'il faut renforcer le français en milieu de travail, il
faut que les entreprises fassent leur part, et encore plus évidemment les
municipalités ou la fonction publique, donc les employeurs fassent leur part.
J'avais une question justement pour
l'applicabilité de la question d'interdire...
Mme Ghazal : ...125 députés de l'Assemblée
nationale, à l'effet qu'il faut renforcer le français en milieu de travail, il
faut que les entreprises fassent leur part, et encore plus, évidemment, les municipalités
ou la fonction publique, donc, que les employeurs fassent leur part.
J'avais une question justement pour l'applicabilité
de la question d'interdire l'exigence de l'anglais à l'embauche. Moi, j'avais
fait une proposition, et je voulais vous entendre là-dessus, sur le fait que...
de faire la démonstration de pour quelle raison est-ce que l'anglais est exigé
pour un poste directement dans l'offre d'emploi. Est-ce que c'est une avenue
que vous trouvez intéressante? Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Blais (Nathalie) : Est-ce
que je peux vous demander de préciser, parce que... Vous voulez dire,
d'inclure, par exemple, dans l'affichage du poste, que l'anglais est requis?
Mme Ghazal : Oui, parce que
d'habitude, on dit français, anglais ou bilinguisme requis, et ça fait partie
d'une liste de critères et de compétences, et c'est tout. On ne sait pas trop,
il y a peut-être tout un travail qui a été fait en arrière. Mais de l'afficher
puis de justifier, par une phrase, un paragraphe, pour quelle raison est-ce que
c'est demandé à l'emploi, peut-être parce que la majorité, 100 % des
clients sont de l'étranger, admettons, quelque chose comme ça, par exemple.
Qu'est-ce que vous pensez de cette idée?
Mme Blais (Nathalie) : Bien, je
veux dire, ce n'est pas une mauvaise idée, dans la mesure où l'article 46.1
demande... en fait, du projet de loi va demander à l'employeur de justifier,
avant l'affichage, qu'il a ce besoin. Donc, ça viendrait prouver effectivement
que l'exercice a été fait, de la même... Par contre, par contre, ça ne voudrait
pas dire que l'exercice a été bien fait. Alors, c'est là où je pense que le
comité de francisation entrerait en jeu. C'est-à-dire que là, il pourrait y
avoir une discussion à l'interne, à savoir si, oui ou non, on a suffisamment de
travailleurs également qui peuvent déjà accomplir le travail dans l'autre
langue.
Mme Ghazal : Exactement.
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
je pense que c'est ça. Excusez, je pense que c'est ça. Nathalie vient de le
dire. Si c'est bien fait, dans un comité, tout le monde ensemble, qu'il y a des
discussions, je pense que oui, ça pourrait être une bonne solution. Mais si
jamais c'est une phrase qui est inscrite là seulement par l'employeur, ça va
juste faire des contestations de plus, ce qu'on veut éviter.
Mme Ghazal : Je comprends.
C'est-à-dire que, pour vous...
M. Brisson (Frédéric) :
Excusez.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange. Donc, merci.
Mme Ghazal : Oui, parfait.
Merci, merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Je vais me tourner vers le député de Matane-Matapédia, pour
2 min 45 s.
M.
Bérubé
:
Merci. Dans un communiqué du 13 mai 2021, vous avez mentionné qu'on pouvait
s'attendre à ce que le gouvernement aille plus loin quant au statut bilingue
des municipalités. Et s'il y a des exigences en anglais, c'est parce qu'il y a
des statuts bilingues qui ne sont pas justifiés dans certains cas. Vous y avez
fait référence un peu plus tôt. Je vous donne trois exemples très concrets.
Ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones. Rosemère, 12,1 %. Otterburn
Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous considérez que ces municipalités
devraient conserver leur statut, et qu'on devrait aller plus loin que de
laisser le libre choix aux conseils municipaux...
M.
Bérubé
:
…ville Mont-Royal, 18,5 % d'anglophones; Rosemère, 12,1 %; Otterburn
Park, 6,8 %. À sa face même, est-ce que vous considérez que ces
municipalités devraient conserver leur statut et qu'on devrait aller plus loin
que de laisser le libre choix aux conseils municipaux, et non à la population
totale de décider de maintenir ce statut?
M. Brisson (Frédéric) : Bien,
j'y vais, Nathalie?
Mme Blais (Nathalie) : Oui,
vas-y.
M. Brisson (Frédéric) : Oui.
Oui. Bien, vous l'avez… Il y a le mémoire de la FTQ, qui va vous être présenté
demain, où on parle aussi, là, d'un statut de 40 %, 20 %, là. Donc,
moi, je considère… nous considérons, plutôt, là, qu'en bas de 50 %… Vous
avez nommé trois villes, là, à 18 %, 6 % et 12 %, là, si ma
mémoire est bonne des chiffres, là. On pense que, oui, effectivement, elles
devraient perdre le statut bilingue et que ça vienne à la responsabilité, là,
de la municipalité, là, de…
M.
Bérubé
: On
est d'accord, votre syndicat et moi. Et je me permets de mettre au jeu notre
proposition : de modifier le statut des municipalités bilingues comptant
moins de 33 % de résidents ayant l'anglais comme langue maternelle, ça
serait automatique, et on laisserait la discrétion au ministre pour le statut
des municipalités dont la proportion oscille entre 33 % et 49 %.
Donc, il y a là un automatisme. Si le gouvernement veut faire preuve de
leadership et de courage, ce que je lui demande depuis le début, bien, il
prendrait lui-même la décision, comme le gouvernement du Parti québécois a pris
la décision d'accorder un statut en 1977.
Donc, je retiens non seulement le droit de
travailler en français, mais aussi un avantage qui a été consenti qui est
maintenant anachronique et qui ne représente pas la réalité des municipalités.
Et, en ce sens-là, je comprends qu'on se rejoint là-dessus. N'est-ce pas?
M. Brisson (Frédéric) :
N'est-ce pas? Oui.
Mme Blais (Nathalie) : Si je
peux simplement compléter, la proposition de la FTQ, c'est qu'entre 40 %
et 50 % de population d'ayants droit anglophones, il y ait une possibilité
de conserver le statut par résolution, mais qu'en deçà de 40 %, le statut
soit perdu.
M.
Bérubé
: Au
début septembre, vous avez été… nous avons été avisés d'une situation où des
Québécois ont été incapables de se faire soigner en
français — chroniqueuse Sophie Durocher. Le ministère de la Santé a
répondu : «Les services de traduction en français doivent être assurés sur
le terrain si jamais les employés éprouvent de la difficulté dans cette
langue.» C'est inacceptable. Est-ce qu'on va assez loin?
La Présidente (Mme Thériault) :
Alors, maintenant… mettre fin à l'échange. M. le député, désolée.
M.
Bérubé
: On
s'appellera.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée.
Mme Blais (Nathalie) : On
s'appellera.
M. Brisson (Frédéric) : On se
rappellera.
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée. Donc, M. Brisson, Mme Blais, merci pour votre parution en commission.
Nous allons suspendre les travaux quelques instants, le temps de laisser au
prochain groupe de prendre la place. Merci beaucoup.
M. Brisson (Frédéric) : Merci
à vous, merci.
Mme Blais (Nathalie) : Merci.
(Suspension de la séance à 16 heures)
16 h (version non révisée)
Mme Beaudoin (Louise) : …La
qualité de la langue, bien sûr, la langue écrite sur laquelle le gouvernement
peut avoir une véritable influence, c'est extrêmement important. Mais il y a aussi
la langue parlée qui dépend en partie, bien sûr, de l'apprentissage de la
langue à l'école, mais ça demeure essentiellement, de la part des locuteurs,
leur volonté de bien s'exprimer, de bien parler, de bien écrire le français.
L'objectif pour nous, c'est de se faire
comprendre par les… Parce que je comprends qu'il peut y avoir différentes
mesures et différents niveaux de langage, mais l'objectif, pour nous, c'est de
se faire comprendre par les 200 millions de francophones et francophiles
dans le monde, qui sont disséminés sur les cinq continents.
Il faut… comprendre des… parce que j'ai
vécu une expérience, une anecdote, mais je vous la raconte, parce qu'elle m'a
beaucoup frappée. À l'émission La Voix, Anne Dorval a demandé à un
concurrent de lui lire une fable de La Fontaine qu'elle avait apportée. Le
concurrent l'a lu, puis en terminant, il a dit : Je n'ai rien compris de
ce que j'ai lu. Et là Anne Dorval d'une toute petite voix, elle a dit :
Pourtant, c'est une des plus faciles et une des plus simples. Alors, ça m'a
beaucoup inquiétée quant au niveau de compréhension qu'on peut avoir, en
général, donc dans la société, c'est une véritable problématique.
Je passe donc sur l'invraisemblable
hypothèse, un temps retenu par la ministre de l'Enseignement supérieur, de
permettre l'utilisation d'Antidote et d'autres correcteurs pour augmenter le
taux de réussite de l'examen uniforme de français au collégial. Je pense que ce
n'est pas la bonne façon, parce qu'il faut d'abord apprendre le français avant
de se servir… correctement le français avant de se servir de quelque Antidote…
…menant directement au nivellement par le bas est définitivement enterré.
La dernière… que nous abordons, c'est
notre responsabilité en tant que Québécois, le gouvernement, mais l'ensemble
des Québécois, pour nous assurer que le français demeure une des
10 grandes langues internationales. Défendre le plurilinguisme
linguistique sur la scène internationale, c'est aussi important dans notre
point de vue que de défendre la biodiversité. Notre destin, en tant que
francophone dans les Amériques, en dépend. Et en défendant le français, sur la
scène internationale, par la même occasion, nous défendons toutes les autres
langues. Servons-nous pour prendre, comme nous l'avons fait pour la diversité
culturelle, le leadership de ce combat pour la diversité linguistique de notre
présence pleine et entière en francophonie et dans notre relation directe et
privilégiée avec…
En conclusion, nous sommes en effet d'avis
que le déclin amplement documenté du français ne sera pas vraiment enrayé ni...
significativement augmenté par ce projet de loi. Il faudra donc que le ministre
fasse preuve d'encore plus de courage pour y…
Mme Beaudoin (Louise) :
...sommes en effet d'avis qu'un déclin amplement documenté du français ne sera
pas vraiment enrayé ni... significativement augmenté par de projet de loi. Il
faudra donc que le ministre fasse preuve d'encore plus de courage pour y
arriver. Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, mesdames, pour votre exposé. Le ministre
vous a offert 1 min 30 s de son précieux temps d'échange avec
vous pour vous permettre de compléter votre échange. Donc, M. le ministre, la
parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Beaudoin et Mme Harel, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission. C'est un plaisir de vous y retrouver. D'entrée
de jeu, Mme Beaudoin, vous dites : Il faut... Il faut y aller davantage.
Il faut... Il faut renforcer le projet de loi qu'on a déposé. On agit déjà sur plusieurs
volets, là, la langue du travail, les ordres professionnels, la nette
prédominance dans l'affichage des marques de commerce, la gouvernance, un ministère
de la langue française, des pouvoirs supplémentaires à l'OQLF, un commissaire.
On vient affirmer que la nation québécoise dans la constitution canadienne, les
droits linguistiques fondamentaux qui deviennent exécutoires également. Je
comprends qu'il y a certains éléments dans le projet de loi que vous souhaitez
voir améliorés, mais somme toute est-ce que vous trouvez que le projet de loi
amène des bonifications substantielles?
Mme Beaudoin (Louise) :
Amène des bonifications, c'est sûr et certain. D'ailleurs, j'ai dit
l'exemplarité de l'État, pour moi, c'est fondamental parce qu'il y a une
dérive, une véritable dérive, et là que vous avez fermement l'intention de
corriger. Et vous en aurez tous les outils avec le commissaire, en effet ce qui
est une excellente d'ailleurs initiative que de créer ce poste de commissaire
via l'Assemblée nationale. Alors, oui, je reconnais qu'il y a des choses
intéressantes.
Évidemment, on le sait, et je suis
particulièrement attachée aux choses structurantes qui ne le sont pas
suffisamment, justement. Mme Harel a parlé du cégep, elle pourrait y
revenir parce que c'est elle qui a travaillé ce thème-là, mais moi, sur les
municipalités bilingues, franchement, je suis tombée en bas de ma chaise, là.
Ça fait que je trouvais que vous défaisiez... dans la même phrase ce que vous
tentiez de corriger. Alors, je ne comprends pas. Je ne comprends toujours pas.
Et puis ajouter une dimension
internationale, ça aussi je pense, c'est extrêmement structurant, que les
Québécois se sentent partis de la grande famille francophone comme ils l'ont
senti à quelques reprises lors de sommets francophones qui se sont tenus à
Québec, lors de la Francofête et dans certains moments. Alors, nous, on a une
responsabilité. Je voudrais qu'on prenne le leadership. On l'a déjà pris dans
l'autre dossier, celui de la diversité culturelle, celui du plurilinguisme...
international. Ça devrait... Et ça devrait nous enthousiasmer comme Québécois
d'avoir cette influence-là dans le monde.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme Harel. Mme Harel, est-ce que vous avez
quelque chose à ajouter à la demande du ministre?
Mme Harel (Louise) :
Oui, certainement. Oui. Bien, écoutez, il y a certainement des mesures qui sont
très intéressantes. Cependant, il faut...
Mme Beaudoin (Louise) :
...dans le monde.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel. Mme Harel, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter à la demande
du ministre?
Mme Harel (Louise) : Oui, certainement.
Oui, bien, écoutez, il y a certainement des mesures qui sont très intéressantes.
Cependant, il faut comprendre qu'elles sont insuffisantes. Et ça dépend évidemment
de l'objectif qu'on se fixe, là. Si l'objectif est bien celui de faire
progresser la substitution linguistique vers le français par les allophones,
alors là, le projet de loi est décevant. Ça, il faut le dire tel quel. Parce
que finalement, ces substitutions linguistiques, si on regarde comment on a pu
y arriver à 53 % avec la loi 101, de 10 % à 53 %, bien, les deux
mesures les plus structurantes auront été à la fois l'immigration francophone,
francotrope et puis l'école.
Alors, sur ces deux questions-là, bien, ce
qu'on comprend, c'est que l'immigration francophone est à la baisse. De ce
qu'on a obtenu comme chiffres les plus récents du ministère de l'Immigration,
de la Francisation et de l'Intégration, c'est une diminution du nombre
d'immigrants qui déclarent connaître le français avant d'arriver. Et c'est
pourtant cette condition-là qui a permis les succès mitigés, demi-succès,
convenons-en, mais le succès de la loi 101. Alors que ça, avec surtout
l'immigration temporaire, qui est une immigration qui, en fait, relève du
fédéral, qui accorde les permis de statut temporaire sans... l'exigence de
connaissance du français, bien, on a quelques chiffres à cet égard.
Alors, c'est évident que, sur ce plan-là,
l'immigration francophone, francotrope et la question de l'école... La question
de l'école, maintenant, est extrêmement importante parce que, vous savez...
D'abord, évidemment, on n'a pas abordé encore la question de l'écrémage, mais,
comme vous savez, les cégeps anglais à Montréal font de l'écrémage, considérant
qu'ils viennent à penser que les cégeps français sont de seconde zone, si je me
permets l'expression. Et les cégeps anglais sont allés chercher le... bien,
95 % de la hausse des effectifs au cours des deux dernières décennies.
On en a parlé beaucoup, Louise et moi,
parce qu'on se dit qu'il y a un coup de barre, évidemment, à donner. Pourquoi?
On se posait la question, mais... Et parce que surtout, l'immigration va
s'intensifier. Et l'immigration temporaire, avec, entre autres, l'annonce faite
au mois d'août, là, par Mme la ministre Girault et M. Boulet, cette immigration
temporaire va continuer d'augmenter...
Mme Beaudoin (Louise) : ...parce
que surtout l'immigration va s'intensifier et l'immigration temporaire avec,
entre autres, l'annonce faite au mois d'août, là, par Mme la ministre Girault
et M. Boulet, cette immigration temporaire va continuer d'augmenter
considérablement. Alors, il faut simplement le dire de plus, ces personnes à
statut temporaire vont pouvoir envoyer leurs enfants à l'école publique
anglaise. On peut penser que plusieurs d'entre elles vont peut-être suivre.
Moi, je pense, en tout cas, ce qui est bon dans votre projet de loi, c'est la
francisation, mais c'est une francisation qui va leur permettre d'être
bilingue, mais non pas d'adopter la culture québécoise, non même pas de la
connaître, sans doute, et non pas non plus, bien, en fait, de progresser vers
ce qui peut assurer notre survie en tant que Québec français.
M. Jolin-Barrette : Donc, une
question en fait pour répondre à vos interrogations relativement à
l'immigration, notamment à l'entente qui a été conclue par mes collègues la
ministre des Relations internationales et le ministre responsable du Travail,
dans le fond. Les immigrants en situation temporaire au Québec, afin de pouvoir
être permanentisé, la majeure partie, là, près de 90 % au cours des
dernières années, sont ceux qui ont été admis par le Programme d'expérience
québécoise. Et là il y a un niveau 7 à l'intérieur du Programme
d'expérience québécoise de connaissance du français, donc ce sont des candidats
francophones pour la majorité.
Là où vous avez raison, c'est notamment au
niveau du regroupement familial, au niveau également des réfugiés, donc
l'ensemble de la partie que le Québec ne contrôle pas en termes d'immigration,
où il n'y a pas de possibilité de mettre un niveau de connaissance de langue.
Eh oui, ça influe, vous avez raison, sur le niveau d'aptitude et de
connaissance de la langue française.
Vous dites également, sur la question de
l'école anglaise, bien, avant la modification législative que je fais, les
personnes en situation temporaire pouvaient envoyer sans limites de temps leurs
enfants à l'école anglaise. Or, on met une situation de trois ans maximum et,
par la suite, devront intégrer le cursus francophone. Donc, théoriquement, une
personne en situation temporaire est temporaire et retourne dans son pays, à
moins qu'elle permanentise son statut.
Mais je voulais peut-être vous entendre
sur un autre sujet pour les deux. Parce qu'à la fois, Mme Harel, vous avez
été députée d'Hochelaga-Maisonneuve durant plusieurs années, et
Mme Beaudoin également députée de Rosemont, auparavant députée de Chambly,
mais c'est dans le Grand Montréal également. On parle beaucoup de l'exemplarité
de l'État. Le gouvernement du Québec va prendre ses responsabilités, et c'est
pour ça qu'on met la politique en matière d'exemplarité de l'État. J'aimerais
vous entendre sur le rôle qui est joué par la ville de Montréal relativement à
la promotion et à la défense du français.
Mme Harel (Louise) : ...je
vous rappelle que, très récemment, la ville de Montréal, au mois de juin
dernier, le conseil de ville, à l'unanimité, a décidé de la nomination d'un
commissaire pour, en fait, promouvoir et protéger la langue française. Je pense
que...
Mme Harel (Louise) : …ville de
Montréal, le mois de juin dernier, le conseil de ville, à l'unanimité, a décidé
de la nomination d'un commissaire pour, en fait, promouvoir et protéger la
langue française. Je pense que c'était un pas important, je… moi qui ai déjà
siégé à la ville de Montréal il y a quelques années maintenant, là, je n'aurais
pas imaginé qu'on aurait pu arriver à un vote unanime sur cette question-là. Je
pense qu'il y a une bonne volonté, il y a un plan d'action, là, qui a été
déposé également par l'actuelle administration, mais je crois que ça fait le
consensus, du moins certainement, des élus, quel que soit le parti auquel ils
appartiennent, et je pense que les… disons les temps sont favorables à ce qu'il
y ait des changements. Là où il y aura à opérationnaliser tout ça, c'est bien
sûr que, en fait, les dossiers sont des dossiers… les dossiers des anglophones,
là, ils sont de souche, si je peux me permettre l'expression, ce sont les
dossiers d'élèves. Alors… mais ceux d'entre eux qui n'ont pas d'élèves, qui
n'ont pas eu d'élèves, disons, à l'école anglaise au primaire et secondaire et
autre, là, je ne sais pas comment vous pensiez opérationnaliser le tout. Mais
si je reviens au fait que vous nous dites… moi, je pense qu'il va y avoir… Maintenant,
l'offre de cours de francisation est ouverte aussi, c'est… j'ai bien lu la loi,
là, elle est même ouverte aux personnes qui ont un statut temporaire, mais
encore faut-il se… il y aura toujours, en fait, même le niveau sept dont vous
parlez, là, est-ce que vous pensez, là, vous me dites que vous pensez
sincèrement que ces personnes vont faire un transfert linguistique pour parler français
à la maison?
• (17 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
…laisser le ministre répondre, je vais donner la parole à Mme Beaudoin.
Allez-y, Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Louise) : Oui.
Alors, moi, je suis un peu moins optimiste que ma collègue et amie là-dessus
parce que je pense que la ville de Montréal a pris de bien mauvaises habitudes.
Comme certains ministères d'ailleurs, quand on regarde le rapport de la
Commission de la fonction publique, et quand on va sur le site Web, et moi, je
vais vous poser justement la question, M. le ministre, de la ville de Montréal,
bien, tout est parfaitement bilingue. …problème, et c'est clair, là, «Press
nine, English will follow»… Qu'est-ce que ça va changer, effectivement, à la
ville de Montréal, ce que vous allez imposer? Moi, j'espère fortement qu'en
effet ce sera très… non pas pour les anglophones, justement, disons des ayants
droit, mais pour tous les allophones. Je vois bien que vous dites que pendant
six mois on pourra les accueillir dans d'autres langues, c'est normal, leur
laisser le temps de s'installer et tout, mais qu'au bout de six mois…
Mme Beaudoin (Louise) : ...non
pas pour les allophones, justement, disons des ayants droit, mais pour tous les
allophones. Je vois bien que vous dites que pendant six mois on pourra les
accueillir dans d'autres langues, c'est normal, leur laisser le temps de
s'installer et tout, mais qu'au bout de six mois, toutes les communications,
ça, ça me fait grandement plaisir, se feront donc en français à l'oral et à
l'écrit. Mais c'est vrai que, moi aussi, je me demande comment vous allez
appliquer ça et comment ça va fonctionner. Ça va prendre un peu de temps, ça,
je le conçois, mais je crois que, là, vous avez, dans votre projet de loi,
quelque chose entre les mains, en effet, qui est fondamental.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je sais que j'ai des collègues qui veulent vous poser des questions également.
Alors, je pense que je vais céder la parole au député de Saint-Jean, au député
de Beauce-Sud aussi.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Saint-Jean, vous avez exactement trois minutes d'échange avec
nos deux invités.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Mme Beaudoin, si je ne m'abuse, vous avez,
vers la fin des années 90, malheureusement, je n'ai pas la date exacte,
vous êtes intervenu pour ajouter les premières dispositions sur les
technologies de l'information dans la Loi 101. Le projet de loi n° 96 s'applique aux entreprises du numérique et plus, je
pense à Uber, je pense... et pour les services de l'information en français
aussi, les sites Internet. Jusqu'où vous iriez, vous, si vous aviez le curseur?
Mme Beaudoin (Louise) : Eh
bien, vous savez, je veux juste vous rappeler en effet qu'à l'époque, il y a
déjà quand même 25 ans de ça, là, c'était tout nouveau, hein? Je veux
dire, bon, Microsoft, entre autres, prétendait... (panne de son)... Il fallait
attendre que... les réclames et que donc on était à la... de la France. Alors,
j'avais demandé aux dirigeants de Microsoft Canada : Bien, écoutez, non,
là, on n'est plus des colons français, là, on est des Québécois, là, puis, bon,
par conséquent, vous allez faire en sorte qu'il y ait des versions québécoises
françaises avant même que ça traverse l'Atlantique, s'ils sont en retard... (panne
de son).
Alors, jusqu'où il faut aller? Bien,
moi... (panne de son)... pour qu'on sente quand on arrive au Québec... moi, je
ne prends pas ça, Uber, hein? Parce que, si je comprends bien, ils n'ont pas
encore payé leurs impôts ici, là. Ça fait que... peut-être que c'est fait, là,
mais, en tout cas, à l'époque, ça ne l'était pas puis je me suis permis de ne
pas m'abonner à Uber parce que je ne croyais pas que c'étaient des bons citoyens
corporatifs.
Bon. Ceci... parenthèse étant faite, oui,
je pense qu'il faut que les réponses au téléphone, quand on appelle, que ce ne
soit pas bilingue continuellement, que ce soit en français. C'est ça, les
questions puis les réponses en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
...40 secondes. Allez-y.
M. Lemieux : Mesdames, dans
votre mémoire, vous invoquez L'Arlésienne pour parler de la qualité de la...
Mme Beaudoin (Louise) :
...que ça ne soit pas bilingue continuellement, que ce soit en français. C'est
ça, les questions puis les réponses en français.
La Présidente
(Mme Thériault) : 40 secondes. Allez-y.
M. Lemieux : Mesdames,
dans votre mémoire, vous invoquez L'Arlésienne pour parler de la qualité de la
langue. C'est un peu... On n'a pas assez... On n'a pas assez de temps pour
aller au bout de ça, mais il y a plus que juste la qualité. Il y a aussi l'amour,
la fierté et tout ce qui va avec parce que si on n'a pas la qualité c'est probablement
qu'il manque ça aussi, non?
La Présidente
(Mme Thériault) : En 25 secondes, Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Louise) :
Bon. Ça, c'est un... C'est un débat qui pourrait durer très longtemps. Oui. Et
puis, moi, j'étais dans un parti politique qui, longtemps, pensait qu'il n'y
avait que le statut de la langue qui était important, et non pas sa qualité,
qui a pensé ça pendant un certain temps. Mais vous avez raison. Et c'est pour
ça que je parle des 200 millions de francophones. C'est qu'on n'est
pas seuls. J'ai cité Pierre Bourgault... nous isole et nous ouvre les portes du
monde.
La Présidente
(Mme Thériault) : Je dois mettre fin à cet échange,
Mme Beaudoin, malheureusement, la technique m'aidant, puisqu'ils ont à peu
près coupé votre son. C'est les joies de l'Internet qui n'est pas haute vitesse
tout partout au Québec. Donc, je vais me tourner maintenant du côté de l'opposition
officielle avec la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, encore
une fois, je vais poursuivre sur la lancée du député de Saint-Jean parce que ce
n'était pas dans ma première question, mais je voulais revenir à L'Arlésienne,
moi aussi. Et on voit qu'Alphonse Daudet est convoqué dans notre discussion. Et
peut-être que, les jeunes, ils ne lisent plus Les lettres de mon moulin,
mais de toute évidence, vous vous en souvenez. Et c'est là que vous parlez de
la qualité de la langue. Vous dites : C'est L'Arlésienne que l'on appelle
de tous nos voeux, mais qui n'arrive jamais dans aucune politique linguistique gouvernementale,
la qualité de la langue. Et on sait, on a parlé de, et je vais y venir, culture
et francisation, mais la qualité de la langue, c'est un autre sujet tellement
important. Qu'est-ce qu'on fait, mesdames? Vous avez tellement d'expérience en politique.
Ça fait longtemps que vous y croyez. On a parlé d'Antidote, je voulais y
revenir, puis, évidemment que l'épreuve uniforme de français avec une béquille
comme Antidote, bien, c'est... vous qualifiez ça carrément d'inacceptable.
Alors, vous égratignez à quelques reprises
le projet de loi, je dois dire, l'improvisation par rapport aux admissions au
cégep, un ministre qui dit une croissance et puis on ne changera pas d'idée,
l'autre ministre qui dit : «Non, on gèle pendant 10 ans les
admissions» deux mois après le dépôt du projet de loi. C'est tellement, tellement
contradictoire qu'on se demande s'il y a une discussion entre les deux ministres.
Mais pour revenir à cette qualité de la langue, on fait quoi pour l'améliorer?
Mme Beaudoin (Louise) :
Bien, je vais répondre, Louise. Juste avant de te laisser la parole sur le
reste avec Mme la députée, c'est que je crois que ça commence à l'école, à
l'école, à l'école, à la maternelle, à l'école primaire. Et puis... Et puis
l'enseigner. Et puis j'ai été...
Mme Beaudoin (Louise) : Bien,
je vais répondre, Louise, juste avant que… de te laisser la parole sur le reste
avec la Mme la députée. C'est que je crois que ça commence à l'école, à
l'école, à l'école, à la maternelle, à l'école primaire, et puis l'enseigner.
Et puis j'ai été à l'Université de Montréal pendant que vous étiez
vice-rectrice, et même au niveau de la maîtrise, il y en a peut-être le tiers
que je ne comprenais pas, qui faisaient des contresens continuellement. Alors, ça
veut dire qu'il faut commencer en amont, il faut recommencer en amont. Ça
prendra une génération, mais il me semble qu'il faut s'y mettre.
Mme Harel (Louise) : Le
support, par ailleurs… Le député de Saint-Jean a bien raison, le support
dominant de bien parler, bien écrire, c'est la fierté, c'est vraiment, vraiment
la fierté. Et ça, Mme la députée, là, si je savais comment on peut s'inoculer
de la fierté, là, là, là, vraiment, j'en inoculerais à forte dose, y compris à
mes petits-enfants.
Mme David : Et la bonne chose,
c'est que plusieurs mémoires parlent de ça aussi, comment insuffler cette
fierté de la langue française, et ça ne se fait pas dans une prise de sang ou,
malheureusement, une vaccination. Mais vous abordez des points que peu
d'autres, je soupçonne, vont aborder, et c'est pour ça que je veux vous
remercier pour ça. Vous abordez la qualité de la langue, la culture des
francisations, dont on a parlé ce matin, l'international, qui est très, très
peu discuté, peut-être parce que c'est moins pertinent dans un projet de loi,
mais ce n'est certainement pas moins pertinent dans une société qui se veut
francophone et francophile.
Alors, vous déplorez l'absence d'un livre
blanc. Pour avoir lu beaucoup sur cette époque-là, puis entre autres dans la
biographie de Camille Laurin, hein, tout ça est décrit en détail, un livre
blanc, ça oriente, ça donne une vision. Qu'est-ce que vous auriez attendu dans
ce cas-ci d'un tel livre?
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel.
Mme Harel (Louise) : Alors,
écoutez, d'abord, ça a toujours été la pratique courante, lorsqu'il y avait
dépôt d'une politique… majeure et significative qu'elle soit accompagnée par
soit un livre blanc ou un document, là, de réflexion. La première des choses,
c'est l'analyse. Comment s'est-on rendu de 10 % à 53 %? Vous voyez?
Parce que, là, on a un demi-succès, effectivement. Mais ce demi-succès a été
rendu possible grâce à quelles mesures? C'est en fait l'analyse que l'on a
faite, en se rendant compte que ce demi-succès a surtout été possible grâce à
une immigration francophone, «francoforte» préalable à l'arrivée et aussi grâce
aux dispositions de l'enseignement en français aux niveaux primaire et secondaire.
Et donc, le reste du projet de loi est intéressant et…
Mme Harel (Louise) :
…francophone, …préalable à l'arrivée et aussi grâce aux dispositions de
l'enseignement en français au niveau primaire et secondaire. Et donc le reste
du projet de loi est intéressant indéniablement. Évidemment, on peut
penser qu'il va y avoir à la fois le ministre, le commissaire et l'office, et
pour bien s'assurer qu'ils ne se pilent pas trop sur les pieds mutuellement…
Mais, vous savez, l'objectif… C'est sûr qu'il y a du bon à vouloir franciser,
mais cette francisation peut être celle d'une langue seconde, tant mieux,
langue seconde, langue tierce, tout ça est bon, là, mais en même temps, ce
n'est pas ce qui va… soutenir la pérennité du Québec français et de la culture
québécoise. Il n'y a pas de culture langue seconde. La seule culture québécoise
n'a comme support que la langue française.
Mme David : Oui. Ma…
Mme Harel (Louise) : Alors…
Excusez-moi…
Mme David : Excusez,
Mme Harel, je ne voulais pas vous interrompre…
Mme Harel (Louise) : …
Mme David : …mais vous
m'amener spontanément vers une question qu'on aborde peu, mais qu'il me semble
extrêmement importante en disant : Il faut s'approprier… Tous les citoyens
doivent s'approprier la question du français au Québec. Mais quel rôle… Vous
qui avez tant d'expérience avec et la politique et toutes les communautés, quel
rôle vous voyez que les Québécois d'expression anglaise peuvent jouer justement
dans la promotion et la protection de la langue française?
Mme Harel (Louise) : Ah! ça,
c'est vraiment une bonne question. D'abord, il faudrait que leurs médias
cessent de, si vous voulez, de les traumatiser en quelque sorte, là, parce
qu'on ne peut pas dire que les médias anglophones, à Montréal, là, favorisent
l'ouverture, hein, à l'égard de la promotion du français. Et donc, souvent,
c'est… l'information va venir aux citoyens de langue anglaise essentiellement
par leurs médias… Alors, vous aimeriez qu'ils jouent un rôle, c'est ce que je
comprends, là, dans votre question hein? Quel rôle vous…
Mme David : Oui. Je pense
qu'ils jouent un rôle, oui. Oui, on a des collègues formidables… qui sont plus
dans les communautés anglophones, que ça soit du côté de… Je vois certains
députés, on en a dans notre parti, vous en avez eu vous aussi, qui jouent un
rôle extrêmement important. Alors, est-ce qu'on peut…
Mme Harel (Louise) : C'est
intéressant ce que vous nous dites.
Mme David : Oui.
Mme Harel (Louise) : Oui.
Vous avez raison. Et je pense qu'il faut qu'ils plaident aussi pour que leurs
institutions, entre autres, les cégeps anglais, il n'y ait pas cet écrémage
qui, semble-t-il, est de plus en plus exclu des effectifs scolaires des cégeps
anglais, des anglophones qui n'ont pas la bonne cote R…
Mme Harel (Louise) : ...les
cégeps anglais, il n'y a pas cet écrémage qui, semble-t-il, de plus en plus
exclut des effectifs scolaires des cégeps anglais des anglophones qui n'ont pas
la bonne cote R, étant donné la sélection qui se base à partir de cette fameuse
cote R pour qu'un parent ou grand-parent...
Alors, peut-être peuvent-ils faire valoir
que, finalement, le cégep français pour les nouveaux arrivants, en fait, les
enfants de familles allophones, bien, ce qui, en fait, se justifie, hein, dans
toute société, alors que leurs propres institutions vont poursuivre et
continuer d'exister.
Mme David : On va passer à l'international,
là, ça aussi est un sujet peu abordé, finalement, mais très, très important, le
rôle du Québec dans la francophonie mondiale. Mme Beaudoin, vous en savez quelque
chose, vous avez été actrice de ce rôle à l'international. Vous trouvez que
c'est un peu absent, hein, dans le projet de loi. Qu'est-ce qu'on pourrait
prendre comme opportunité dans le projet de loi pour parler du Québec à l'international?
Mme Beaudoin (Louise) : Bon.
Alors, moi, je pense que dans les articles qui suivent l'article 29, qui
concerne justement la francophonie canadienne, ce qui est extrêmement important...
Vous savez, moi, j'ai toujours pensé que plus on était nombreux au Canada, de
francophones, mieux on se porterait, là. Alors, oui à la francophonie canadienne,
et on prend des engagements dans ce projet de loi concernant la francophonie canadienne.
Et je voudrais qu'on en prenne pour la francophonie internationale, c'est-à-dire
que la francophonie internationale... (panne de son). Il l'a affirmé, mais en
tout début de mandat, que le français devait redevenir le coeur du réacteur
francophone et son coeur de métier, parce qu'on l'a un peu oublié, là, en
faisant des millefeuilles, en additionnant à chacun des sommets des thématiques
nouvelles, mais que là on revienne au prochain sommet. Est-ce qu'il se tiendra
à Tunis, à Djerba, à l'automne? Ce n'est pas évident. Alors, peut-être qu'il
sera encore une fois reporté. Mais que le Québec s'affirme en disant que tout
ce qui concerne le français sur la scène internationale, on doit conserver,
donc, le français comme une des dix grandes langues internationales et qu'on
devrait faire à l'UNESCO ce qu'on a fait pour la diversité des expressions
culturelles, s'assurer du plurilinguisme. Si la communauté internationale est vraiment
multilatérale, elle doit aussi être multilingue. Et par conséquent je voudrais
qu'on prenne le leadership, avec la France, espérons, même si des fois ils nous
désespèrent dans leur défense du français, les Français, mais que notre
alliance franco-québécoise fonctionne à nouveau comme elle l'a fait pour la
diversité des expressions culturelles, et qu'on ait une convention nouvelle à
l'UNESCO qui concerne...
Mme Beaudoin (Louise) : …même
si des fois ils nous désespèrent dans leur défense du français, les Français,
mais que notre alliance franco-québécoise fonctionne à nouveau comme elle l'a
fait pour la diversité des expressions culturelles, et qu'on ait une convention
nouvelle à l'UNESCO qui concerne le plurilinguisme et le multilinguisme sur la
scène internationale, pour que chacun s'y retrouve dans ce multilatéralisme,
présumément, là, qui va s'instaurer, là, évidemment, j'espère que les Chinois,
là, ne nous écraseront pas tous, là. Mais, bref, ce sera un vrai
multilatéralisme aux Nations unies, que ce soit au BIT, que ça soit à l'OMS,
partout, tout est en anglais, même à Bruxelles. Je veux dire, le siège des
institutions européennes, c'est tout le temps l'anglais qui domine, même si les
Anglais ont quitté l'Europe. Alors, il me semble qu'il y a là un beau chantier
à entamer pour nos Québécois.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir mettre fin à l'échange sur ces paroles. Donc, je me tourne maintenant
vers la députée de Mercier pour vos deux minutes 45 secondes.
Mme Ghazal : Merci, merci beaucoup,
mesdames, pour votre présentation, j'ai vraiment très, très bien écouté,
apprécié beaucoup. Je veux vous parler de la question de la culture québécoise,
parce que ce que vous dites dans votre mémoire et c'est tout à fait juste, il
ne suffit pas juste de parler le français, ou des immigrants qu'ils apprennent
les rudiments, les règles de grammaire et tout ce qu'on a à apprendre pour bien
parler le français, il faut aussi aimer la culture québécoise, et pour l'aimer,
bien, il faut bien la connaître, donc les deux sont liés. Mme Beaudoin, vous
avez été ministre de la Culture, si vous étiez ministre de la Culture
aujourd'hui, vous connaissant, je ne pense pas que vous auriez laissé le
ministre responsable de la Langue française aller tout seul avec son projet de
loi et le déposer, vous vous seriez impliquée. J'aimerais savoir qu'est-ce qui
manque, qu'est-ce que vous auriez mis en place, que ce soit des dispositions
dans le projet de loi n° 96, ou en dehors, pour que la question de la
langue et de la culture soit liée et de les mettre ensemble, parce que c'est
fondamental, sinon la langue ne survivra pas sans la culture québécoise.
La Présidente (Mme Thériault) :
…pour répondre à la question.
Mme Ghazal : Une minute 45.
Mme Beaudoin (Louise) : Tout
à fait. Je pense… Oui, je pense, oui, je vais laisser quand même quelques mots
à Louise, parce qu'elle a travaillé ça. Je pense que c'est via la SODEC, le
CALQ et bien sûr le ministère de la Culture qu'il faut arrimer, finalement, ce
que font les uns et les autres. Et tout à l'heure, Lise… Louise a parlé un peu
d'incohérence, là, bon, concernant un autre sujet, mais c'est ça, il faut une
cohérence et là il faut vraiment que ça se joigne, qu'il y ait une jonction, et
ce n'est pas pour rien qu'en général, la ministre de la Culture est responsable
de l'application de la charte, n'est-ce pas? En général, pas tout le temps,
mais en général. Alors… mais en tout cas, il faut, quoi qu'il en soit, il faut
que la jonction se fasse via la SODEC, le CALQ et tous les instruments que le
ministère de la Culture a à son… il faut se préoccuper de cette question.
• (17 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, 45 secondes.
Mme Harel (Louise) : Mme la…
17 h (version non révisée)
Mme Beaudoin (Louise) : ...en
général, pas tout le temps, mais en général. Mais en tout cas, quoi qu'il en
soit, il faut que la jonction se fasse via la SODEC, le CALQ et tous les
instruments que le ministère de la Culture a à son... Il faut se préoccuper de
cette question.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, 45 secondes.
Mme Harel (Louise) : Mme la
députée, je dois vous dire que c'est absolument fondamental. Et le
Dr Laurin avait publié une politique québécoise sur la langue française,
mais plus tard, une politique, deux ans plus tard, québécoise du développement
culturel. C'est étroitement lié. Vous avez vu que, dans notre mémoire, bien, on
rappelle les COFI, les centres d'orientation et de formation d'immigrants, qui
permettaient d'avoir accès à l'histoire du Québec, aux choix collectifs, aux
valeurs que l'on partage... Et on déplore, hein, Louise et moi, là, si c'était
qui avions eu à prendre cette décision, les COFI existeraient encore. Les COFI
ont joué dans le passé un rôle extraordinaire. Je ne sais pas, peut-être les
plus récents députés ne les connaissent pas... un rôle d'intégration,
d'accueil, d'intégration culturelle.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, je dois mettre fin à l'échange comme
gardienne du temps. On va poursuivre maintenant avec le député de
Matane-Matapédia pour son temps lui aussi, 2 min 45 s.
M. Bérubé : Merci, chères
Louise au pluriel, des parlementaires remarquables de l'histoire de l'Assemblée
nationale. Merci de votre contribution qui se poursuit.
Vous avez noté, à juste raison, qu'il faut
faire preuve de courage. Vous avez parlé de la loi 101 au cégep, vous avez
parlé de l'immigration. J'espère que le gouvernement du Québec prend des notes.
Vous avez connu René Lévesque. Vous avez connu Camille Laurin. Vous savez de
quoi était fait le débat de la loi 101, comment Camille Laurin n'a pas eu
l'unanimité, comment la première règle à atteindre, ce n'est pas le consensus,
c'est l'utilité face au déclin du français.
Alors, je vous donne tout le temps qu'il
me reste pour que vous puissiez dire au ministre quel est seul vrai courage
dont il devra faire preuve s'il veut vraiment changer le destin du Québec
lorsqu'on pense au déclin de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...chacune, madame...
Mme Beaudoin (Louise) : Oui.
Alors... Oui. Moi, je pense qu'il est certain que le Dr Laurin a subi
toutes les avanies, toutes les avanies. On était là toutes les deux, Louise
était déjà députée, moi, j'étais dans un cabinet. Toutes les avanies. Et les
avanies, on en a entendu d'ailleurs, là, récemment, du Québec Group English, je
ne sais pas quoi... Là, j'ai entendu des horreurs. Et puis le Dr Laurin,
bien, effectivement, il est passé à travers ça de façon imperturbable.
M. Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait ses ardeurs,
mais, au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101.
C'est ce que je souhaite. Ça ne peut pas
être, je conclus là-dessus, un projet de loi modéré et raisonnable étant donné
la situation du français au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
...une minute...
Mme Beaudoin (Louise) : ...M.
Lévesque, c'est vrai, une fois de temps en temps, réfrénait ses ardeurs, mais
au bout de la ligne, ça a donné cette loi 101. Et c'est ce que je souhaite. Ça
ne peut pas être — je conclus là-dessus — un projet de loi modéré
et raisonnable, étant donné la situation du français au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme Harel, une minute.
Mme Harel (Louise) : Alors,
il faut de l'audace, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup d'audace. Est-ce
qu'il y a eu d'autres sondages? Mais je sais qu'il y a, avant l'été, là... au
début de l'été, plutôt, il y avait un sondage qui, en fait, faisait valoir que
34 % des francophones croyaient que le projet de loi n° 96
n'allait pas substantiellement modifier le cours des choses. Et c'est contre ça
aussi, c'est contre cette résignation, c'est contre ça qu'il faut aussi
remonter le courant. Moi, ce que je souhaite, parce que je pense qu'il en est
capable... je voudrais que son gouvernement aussi en soit capable... c'est
qu'il soit capable de remonter le courant avec un projet de société.
M.
Bérubé
: Et
justement, chère dame, j'espère que ce ne sera pas les sondages qui guideront
l'action gouvernementale, mais des convictions profondes que nous partageons et
que nous souhaitons partager avec le plus grand nombre possible d'intervenants
dans le dossier de la langue.
Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, mesdames, pour votre passage en commission parlementaire. C'est toujours
un plaisir de vous revoir.
Donc, nous allons suspendre les travaux
quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 4)
(Reprise à 17 h 8)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, rebienvenue à notre séance aujourd'hui. Donc, nous en sommes rendus avec
la présentation de la Confédération des syndicats nationaux. Donc, je vais vous
demander de vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne et, par
la suite, de procéder à votre exposé. Vous avez environ une dizaine de minutes
pour pouvoir nous présenter votre point de vue. Bienvenue à la commission.
Mme Senneville (Caroline) :
Merci. Alors, je m'appelle Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN.
Je suis accompagnée d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment,
bien sûr, à la CSN, ici.
Alors, vous ne le savez peut-être pas,
sinon, je vous l'apprends, la CSN, on est riches de 320 000 adhérents,
adhérentes...
Mme Senneville (Caroline) :
...Caroline Senneville. Je suis présidente de la CSN. Je suis accompagnée
d'Anne Thibault-Bellerose, qui est conseillère syndicale, évidemment, bien sûr,
à la CSN, ici.
Alors, vous ne le savez peut-être pas,
sinon je vais vous l'apprendre, la CSN, on est riche de
320 000 adhérents, adhérentes, donc travailleurs et travailleuses. Et
on est aussi l'organisation syndicale qui est la plus représentative de
l'enseignement supérieur. On a des travailleurs, des travailleuses, y compris
des enseignants et au niveau collégial et au niveau universitaire.
• (17 h 10) •
Et c'est donc ces deux volets-là, le volet
du travail et le volet de l'enseignement supérieur qui seront plus développés
dans notre présentation. Notre mémoire est beaucoup plus complet, mais, comme
le temps de présentation nous est compté, on va cibler. Bien sûr, après ça,
s'il y a des questions sur d'autres aspects de notre mémoire, il nous fera
plaisir, à Anne et à moi, de vous répondre.
D'abord, j'aimerais commencer par un
énoncé fort important. Si le français n'est pas utile pour le travail, si on
n'a pas besoin du français pour travailler au Québec, tous les efforts de
préserver notre langue risquent d'être des coups d'épée dans l'eau. Pour que le
français soit réellement la langue officielle, la langue d'usage des Québécois
et des Québécoises, il faut que ça s'incarne par le travail. Et pour ça, le
travail, bien sûr, c'est important dans notre vie. On veut tous gagner notre
vie et apporter notre apport à la société, mais c'est un formidable outil
aussi, outil d'intégration.
Donc, malheureusement, on a vu que
l'habitude d'utiliser le vocabulaire technique anglais, que certaines
discussions de corridor aussi se font de plus en plus dans la langue de
Shakespeare. Cette situation-là a des répercussions partout, mais aussi sur la
langue de service, sur la langue parlée à la maison, sur la langue d'étude des
étudiants au niveau postsecondaire et sur la langue d'intégration des nouveaux
arrivants.
Le Québec... on est une terre d'accueil,
on est fier de ça, on est fier d'ouvrir nos portes aux citoyens et aux
citoyennes du monde entier, mais on est inquiet à la CSN du fait qu'on ouvre
nos portes à une immigration temporaire plutôt que permanente parce que, quand
on est ici pour ne pas y rester, les incitatifs pour apprendre le français,
même pour travailler, ils sont beaucoup moins importants. Je pense que vous en
conviendrez avec nous.
On salue le fait que dans les réformes du
gouvernement on ait bonifié les allocations de participation aux services
gouvernementaux de francisation, qui ont permis d'élargir l'accès à toutes les
personnes immigrantes au Québec. La hausse de fréquentation est là pour en
témoigner.
Cependant, l'accessibilité réelle, elle,
elle va demeurer limitée pour les travailleurs étrangers temporaires, surtout
lorsqu'ils sont hors des grands centres, soit pour des raisons de transport,
d'accès à des outils informatiques ou encore à cause des horaires.
Mais il faut aller plus loin et vraiment
permettre à tous les nouveaux arrivants de suivre des cours de français sans
devoir les abandonner lorsqu'ils ont un emploi. ...on arrive au Québec, on a
beaucoup de choses auxquelles ont doit s'adapter. Ce qu'on prend pour acquis...
tu sais, juste aller à l'épicerie, c'est différent. On commence souvent au bas
de l'échelle. Et, si en plus on doit travailler à l'extérieur pour étudier, se
rendre à l'extérieur pour étudier, ce n'est pas évident, surtout si...
Mme Senneville (Caroline) :
...au Québec. On a beaucoup de choses auxquelles on doit s'adapter.
On prend pour acquis, tu sais, juste aller
à l'épicerie, c'est différent. On commence souvent au bas de l'échelle. Et si,
en plus, on doit travailler à l'extérieur pour étudier et... Se rendre à
l'extérieur pour étudier, ce n'est pas évident, surtout si on est précaire,
qu'on ne connaît pas nos horaires. On ne peut pas s'inscrire à un cours tous
les mardis soir, par exemple, si on ne sait pas d'avance si on travaille ou pas
le mardi soir. Donc, pour nous... C'est le même discours que la CSN porte, je
vous dirais, pour la formation ordinaire, pour l'alphabétisation. Si on veut
vraiment que ça porte ses fruits, il faut que ça ait lieu sur les heures et les
lieux de travail.
On salue, pour nous aussi, beaucoup le
guichet unique. Pour nous, c'est un incontournable de la francisation des
immigrants. Vous savez, moi, je suis francophone et je m'y perds entre la
demi-douzaine d'endroits différents entre les commissions scolaires, les
cégeps, le ministère, les centres communautaires. Une chatte n'y retrouverait
pas ses petits. Alors, imaginez quand le français n'est pas sa langue… notre
langue maternelle. Donc, pour nous, c'est vraiment… ce guichet unique là, c'est
vraiment un incontournable.
On va aussi… on veut aussi vous parler des
comités de francisation parce que c'est quelque chose qu'on a salué dès les
débuts de la loi 101, et, pour nous, ça a un rôle crucial dans
l'entreprise et dans le fait de franciser les travailleurs et les
travailleuses. Malheureusement, leur raison d'être s'est un peu étiolée au fil
des années. Par exemple, les centrales syndicales, on n'a plus l'accès à la
liste de nos membres qui siègent sur un comité de francisation. Plusieurs
informations, comme les analyses linguistiques des entreprises, sont souvent
réservées aux représentants des employeurs seulement. Donc, il est difficile
pour nous, comme représentants des travailleurs, de nous acquitter de nos
tâches et de soutenir efficacement nos membres dans le processus de
francisation des entreprises. On voit donc d'un bon oeil que les articles du
projet de loi améliorent le processus démocratique de nomination des membres
des comités de francisation.
On est ravis… C'est rare que la CSN est
ravie en commission parlementaire, je vous invite à en prendre note. On est
ravis des différentes modifications qui sont apportées aux rôles, aux
responsabilités et à la constitution des comités de francisation. Plusieurs de
nos membres se sont plaints, au fil des années, de la mainmise des employeurs sur
la constitution et le déroulement des actions qui servaient… des actions du
comité qui servent, comme vous le savez, à l'obtention de certificats de
francisation. On a même dit de nos membres voir leur signature apposée
frauduleusement à certains certificats de francisation. Donc, les modifications
que vous apportez devraient, à notre avis, régler ces problèmes. Et on est
d'avis aussi que… on est d'accord avec le fait que les documents rédigés par le
comité de francisation soient signés par tous les membres. Et on est contents
également du rôle plus important de l'OQLF auprès des comités de francisation.
Par ailleurs, même si on est contents et
ravis à plusieurs égards, il y a une petite amélioration qu'on souhaiterait,
que le processus de francisation des entreprises puisse être élargi aux
entreprises de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une
économie de PME. On ne va pas mettre la barre trop bas, mais, à
25 employés… À 50, ça fait… on en laisse peut-être échapper un peu trop si
on veut être efficaces…
Mme Senneville (Caroline) :
…processus de francisation des entreprises, qu'il puisse être élargi aux entreprises
de 25 employés et plus, parce que le Québec est quand même une économie de PME.
On ne va pas mettre la barre trop bas, mais à 25 employés… À 50, on en laisse peut-être
échapper un peu trop si on veut être efficace.
On l'a dit, on favorise d'abord la
francisation du monde du travail. C'est un outil formidable d'intégration,
comme je le disais. Mais on croit qu'il faille aussi bien sûr encadrer la
fréquentation des cégeps anglophones, mais c'est complémentaire à ce qu'on doit
faire au monde du travail. Vous savez, si on va dans un cégep anglophone, bien,
c'est parce qu'on pense que ça sera utile sur le marché du travail. Donc, il
faut qu'on travaille — c'est un mauvais jeu de mots — sur
ce qui se passe dans le domaine du travail si on veut avoir un effet aussi sur
l'enseignement, la langue d'enseignement au secteur postsecondaire. On est dans
une drôle de situation où, au moment où on se parle, un étudiant anglophone, un
élève anglophone qui aurait… qui est un ayant droit, qu'on appelle, là, qui
étudie en français au primaire ou au secondaire, dans l'état actuel des choses,
il n'est même pas assuré d'avoir une place dans un cégep anglophone, parce que
les cégeps anglophones vont privilégier les étudiants avec les plus hautes
notes lors du premier tour, et c'est ce qui fait que la proportion d'allophones
et de francophones a augmenté et que, quand on les additionne, tu sais, ces populations-là,
on se rend compte que la population anglophone est minoritaire dans les cégeps
qui sont normalement financés pour leur service. Alors, je vous dirais, nous,
notre première recommandation, ça serait de faire en sorte que les premiers à
être admis dans les institutions postsecondaires anglophones soient ceux qui
ont étudié au primaire et au secondaire anglophone et qu'ils aient une place.
Donc, ça, pour nous, c'est important.
On pense aussi que… On appuie la position
du gouvernement d'identifier les profils linguistiques pour chaque
établissement collégial et de faire en sorte de restreindre la portion de
l'effectif étudiant pour les collèges anglophones pour qu'il y ait un plafond à
leur accroissement. On pense que c'est une voie d'avenir aussi. Il faudra faire
attention quelle sera l'année de référence, par exemple, pour ce faire. Donc,
nous, on pense que l'année 2019‑2020 devrait être l'année de référence, c'est
la dernière année où on n'a pas eu le choc de la pandémie. Il faudra faire
attention aussi, quand on va plafonner, de ne pas juste tenir compte de la
population étudiante à temps plein, mais aussi de la formation continue et de
ceux et celles qui fréquentent une institution à temps partiel. Donc, on pense
que c'est une voie qui permettra de faire en sorte que les services en anglais
seront là pour ceux à qui c'est vraiment dédié et qu'il n'y ait pas un
glissement de plus en plus de francophones vers les réseaux… envers le réseau
anglophone, sans formellement l'interdire non plus, parce qu'on est quand même
dans l'enseignement postsecondaire. Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à
ce que les étudiants et les étudiantes qui fréquentent les institutions
postsecondaires…
Mme Senneville (Caroline) :
…les réseaux, envers le réseau anglophone, sans formellement l'interdire non
plus, parce qu'on est quand même dans l'enseignement postsecondaire.
Je vous dirais aussi qu'on est d'accord à
ce que les étudiants, les étudiantes qui fréquentent ces institutions
postsecondaires en anglais puissent démontrer une maîtrise suffisante de la
langue commune qui est le français. Donc, on pense que ça, c'est intéressant
aussi. On n'est pas sûrs que la voie qui est présentée là est la meilleure,
mais si c'est la voie qui est choisie, là, donc, que ces étudiants-là soient
soumis à l'épreuve uniforme de français des francophones, que c'est clair qu'il
devra y avoir des mesures d'aide pour assurer la réussite de ces élèves-là.
On pense aussi que, quand on parle
d'enseignement secondaire, il n'y a pas juste les cégeps, il y a les
universités. Il faut que les universités francophones maintiennent une preuve
d'exemplarité linguistique et qu'elles ne puissent pas, elles non plus, se
développer sans limite dans des programmes et des cours en anglais. Donc, on se
réjouit de cet aspect-là de la… qui est mise de l'avant, donc. Mais, pour ce
faire, les universités sont habituées de fonctionner en collégialité, en
consultation avec la population universitaire, que ce soit les travailleurs,
les travailleuses ou les étudiants, et on pense qu'ils devraient aussi être mis
au jeu pour cette exemplarité linguistique là.
Alors, je pense qu'on est en bas de
10 minutes, je ne sais pas si j'ai droit à une étoile dans mon cahier,
mais ça vous fera plus de temps pour vos questions. Et c'est bien tant mieux
parce que Mme Thibault-Bellerose et moi-même sommes prêtes à y répondre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez pris 25 secondes de plus que le ministre vous offre
gracieusement. Ça sera retranché à son temps. Donc, il n'y a pas de problème.
Mme Senneville (Caroline) :
Pas d'étoile.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais ce n'est pas grave, c'est une belle présentation. M. le ministre, la
parole est à vous.
• (17 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Mme Senneville, Mme Thibault-Bellerose, bonjour, merci de
participer aux travaux de la commission. J'ai retenu, entre autres, un élément,
que vous dites que vous êtes ravies, en partie, du projet de loi. Alors, on va
prendre les bons mots quand ça passe, effectivement.
C'est une réforme majeure qu'on a déposée,
je pense que vous le constatez dans votre mémoire, puis vous en faites une
bonne analyse. J'aimerais vous entendre sur la question des cégeps. Vous l'avez
abordé un petit peu tout à l'heure, mais sur la question, vous avez dit :
Il faudrait viser également la formation continue. Quelle est votre opinion
également, on a eu un groupe tout à l'heure, là, au niveau des cégeps
entièrement privés? Est-ce qu'on devrait imposer les mêmes obligations, privés,
privés, là, ceux qui sont sans subvention de l'État, là?
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Il ne faut pas que ça soit une échappatoire, puis je vous dirais
qu'on a vu, et je pèse mon mot, des pratiques commerciales peu compatibles avec
une mission éducative, dans ce domaine-là.
M. Jolin-Barrette : Et de
couvrir également les attestations d'études collégiales, parce qu'exemple dans
ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup… en fait, ce n'est pas des
D.E.C., c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales, donc
autant la formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le public
également, d'être couvert, et dans le privé.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous dirais…
Mme Senneville (Caroline) :
…dans ce domaine-là.
M. Jolin-Barrette : Et de
couvrir également les attestations d'études collégiales parce qu'exemple, dans
ces établissements collégiaux là, c'est beaucoup, en fait ce n'est pas des D.E.C.,
c'est surtout des A.E.C., des attestations d'études collégiales, donc autant la
formation continue dans le public, autant les A.E.C. dans le public également,
d'être couverts et dans le privé.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous dirais que la fréquentation des cégeps anglophones par les
non-anglophones c'est surtout pour le préuniversitaire, il n'y a pas d'A.E.C.
pour les préuniversitaires, que du côté du public, c'est financé par
Emploi-Québec. En fait, on refuse presque autant de gens dans les A.E.C. du
public qu'on en accepte, peu importe la langue d'enseignement. Ça fait que
c'est peut-être moins problématique dans l'enseignement public, là, pour les
A.E.C., mais très clairement, dans les institutions privées, surtout celles qui
sont non subventionnées, vous avez raison, très peu offrent des D.E.C. Elles
offrent presque toutes des attestations, donc il faudra y voir.
Puis, ce qu'on dit aussi c'est que quand
on veut déterminer le niveau de population, si on veut le plafonner, bien il
faut tenir compte de l'ensemble de la population étudiante d'un établissement
et ne pas juste comptabiliser les personnes, les jeunes qui y étudient à temps
plein.
M. Jolin-Barrette : Donc, ce
que vous dites, c'est de viser également les temps partiels.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
avez… francisation…
Mme Senneville (Caroline) :
Là, monsieur… je suis désolée, on a raté la première partie de votre question.
M. Jolin-Barrette : Ah, je
vais répéter. Au début de votre présentation, vous avez abordé le rôle des
comités de francisation au sein des entreprises, et donc je comprends que c'est
vraiment nécessaire, ces comités de francisation là, surtout quand, supposons,
l'État, dans certains moments de son histoire, n'était pas là, vraiment, pour
défendre la langue française. Alors, la pertinence des comités de francisation,
quelle est-elle?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Oui, bien, les comités de francisation ont été créés lors de la rédaction de la
charte en 1977, et ce qu'on constate, nous, avec nos militants qui sont au sein
des comités de francisation, c'est que non seulement ça permet de faire
connaître la charte auprès des travailleurs. Donc, de permettre de s'approprier
la charte, mais ça permet aussi aux entreprises de l'appliquer adéquatement,
parce que les travailleurs connaissent leur milieu, ils connaissent les
particularités, ils connaissent dans quels secteurs il y aurait besoin
d'améliorer ou de franciser certaines choses, puis l'expérience, là, des
militants leur permet aussi de trouver les solutions les plus innovantes,
parfois, pour pouvoir franciser, de manière adéquate, les milieux de travail.
Donc, le fait de pouvoir faire participer les travailleurs au processus de
francisation, là, ça a vraiment plusieurs avantages, là.
M. Jolin-Barrette : Et
qu'est-ce que vous pensez de Francisation Québec? Le fait que, désormais, puis
c'était une recommandation de la Vérificatrice générale, là, il y a quelques
années, là, en 2017, je crois, de faire en sorte qu'il n'y ait qu'une seule
porte d'entrée, désormais, pour les services de francisation, à la fois pour,
bon, les personnes migrantes ou les citoyens québécois qui souhaitent améliorer
leurs compétences langagières en français, auparavant vous aviez le ministère
du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, le ministère de
l'Éducation, le ministère de l'Immigration. Comment vous entrevoyez ça?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, on dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Vous savez, je vous
l'ai dit, quand qu'on…
M. Jolin-Barrette :
...québécois qui souhaitent améliorer leurs compétences langagières en français.
Auparavant, vous aviez le ministère du Travail, de l'Emploi et Solidarité
sociale, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Immigration. Comment
vous entrevoyez ça?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, on le dit dans notre mémoire, c'est un incontournable. Si on... Vous
savez, je vous l'ai dit, quand on veut s'améliorer, là, puis qu'on fait ça en
dehors du temps de travail, ça demande des efforts. Si en plus c'est le
parcours du combattant, le parcours de la combattante pour trouver où aller
chercher des services, bien, on ne s'y retrouvera pas. Donc...
Et ce n'est pas la première fois qu'on en
parle, mais, oui, l'offre, elle est multiple, mais... puis elle peut rester
multiple, mais il faut qu'il y ait une seule porte d'entrée parce que, sinon,
va vient vraiment toucher l'accessibilité.
M. Jolin-Barrette : Chez
vos membres... Vouliez-vous rajouter quelque chose?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, si je peux me permettre, on avait mentionné dans le mémoire... l'intérêt
de la porte d'accès, là, de Francisation Québec, mais on avait aussi certains questionnements
sur le rôle de leadership que Francisation Québec va pouvoir jouer dans la francisation
parce qu'on sait qu'il y a beaucoup, beaucoup d'acteurs, mais on espère, on
souhaite que Francisation Québec puisse travailler avec ces différents acteurs
là, les différents ministères, différents organismes, pour avoir une vision
commune, là, de la francisation. Donc, on espère que Francisation Québec va
pouvoir jouer ce rôle-là.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
c'est un des objectifs recherchés d'être l'agent centralisateur pour vraiment
coordonner l'action gouvernementale sur ce point.
Chez vos membres, là... On a vu les
récentes statistiques, là, des études de l'OQLF, les exigences au niveau de
l'embauche, au niveau, notamment, des corps publics, là, des municipalités qui
exigeaient l'anglais à l'embauche, des entreprises également qui exigent la connaissance
ou l'utilisation de la langue.
Qu'est-ce que vous pensez des
modifications qu'on apporte à l'article 46 de la Charte de la langue
française?
Et est-ce que, chez les membres que vous
représentez, il y a des enjeux justement avec l'exigence d'une autre langue que
le français alors que ce n'est pas nécessaire?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, pour nous, c'est primordial de faire en sorte que, quand l'anglais est
exigé, ça soit une exigence réelle, nécessaire, puis que ça soit les bons
postes qui sont ciblés.
Vous savez, on a une expérience aussi là-dedans.
On a travaillé longtemps dans le domaine de la santé contre la sexualisation à
outrance des postes, là. Donc, c'est la même chose, on va lutter contre la
bilinguisation à outrance des postes.
Puis, à un moment donné, c'est facile
d'écrire... anglais... tu sais, anglais exigé. Les comités de francisation ont
un rôle à jouer là-dedans. Les syndicats ont un rôle à jouer aussi lorsqu'ils
négocient la convention collective puis de s'assurer de faire en sorte que, s'il
y a quelqu'un... que ça ne soit pas un automatisme puis qu'on s'en va tranquillement
vers une bilinguisation sans se poser de questions.
Mme Thibault-Bellerose
(Anne) : Et le constat de l'exigence de l'anglais sur plusieurs
postes, là, la dernière étude de l'OQLF a mis ça en lumière, mais on peut dire
qu'on le constate au privé et au public.
Donc, ce que le projet de loi propose, là,
d'éclaircir l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là,
de mieux encadrer cet article-là. Parce que la réalité...
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
…de l'anglais sur plusieurs postes, là, la dernière étude de l'OQLF a mis ça en
lumière, mais on peut dire qu'on le constate au privé et au public.
Donc, ce que le projet de loi propose, là,
d'éclaircir, l'article 46, était absolument nécessaire et primordial, là,
de mieux encadrer cet article-là. Parce que la réalité, c'était que les
tribunaux, comment qu'ils interprétaient de plus en plus cet article-là,
c'était : bien, est-ce que c'est utile pour moi que mon travailleur puisse
parler l'anglais? Bien, oui, c'est utile, et c'était utilisé comme synonyme de
nécessité.
Et là on avait besoin d'encadrer le terme
de «nécessité», parce que ça décourageait, en fait, nos travailleurs à déposer
des griefs, à porter plainte, parce que c'était vraiment trop difficile de
démontrer que ce n'était pas utile à un poste. Et ça, c'est dans le privé et
dans le public. On le constate entre autres en santé où de plus en plus de
cadres vont pouvoir aussi demander de connaître l'anglais, alors que ça
pourrait être utile, mais nécessaire? On va pouvoir le savoir maintenant avec
l'article 46.1.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Je vais céder la parole. Je crois que j'ai mes collègues de Saint-Jean et
Chapleau qui souhaitent intervenir. Peut-être juste une précision, dans votre
mémoire, j'ai cru voir que vous indiquiez, pour les enfants des personnes en
situation temporaire au Québec, qu'ils peuvent aller... qu'ils peuvent
fréquenter l'école anglaise. Enfin, on vient resserrer cette possibilité-là
pour limiter à un maximum de trois ans. Actuellement, il n'y avait pas de
limite, on pouvait constamment aller à l'école anglaise, une situation
temporaire qui se perpétuait au-delà de trois ans. Donc, on vient mettre une
balise temporelle à ce niveau-là. Mais je vais céder la parole, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, je vais reconnaître le député de Saint-Jean.
Vous avez devant vous 7 min 45 s.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. La conversation tournait, en tout cas, un
petit peu autour des critères d'embauche et l'anglais, tout ça. Évidemment,
pour l'exemplarité de l'État, dans le grand chapitre de l'exemplarité de
l'État, on s'entend que ça doit occuper une place importante. Mais parlez-moi
du reste de l'importance de l'exemplarité de l'État vu de votre position à vous
et des gens que vous représentez.
• (17 h 30) •
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, je vous dirais que, pour nous, là, le seul fait que l'État ait communiqué
avec nous une seule fois en anglais, que ça soit suffisant pour que dans le...
pour le restant de nos jours, l'État communique avec nous en anglais, ce n'est
pas tout à fait ce qu'on pourrait trouver d'exemplaire, parce que, disons, on
s'est placé la barre un peu bas.
On comprend que les citoyens de la
communauté anglophone ont droit à des services en anglais, mais encore une
fois, si le français n'est pas utile dans ma vie de tous les jours, quels sont
les incitatifs que j'aurai pour l'apprendre si je suis un immigrant. Donc,
peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en sorte que la
version française soit toujours disponible avec une petite phrase qui dit :
Bien, à partir... est-ce que vous désirez recevoir la communication en
français, par exemple, parce que... pour faire en sorte que le français soit
visible, que ça soit connu et...
17 h 30 (version non révisée)
Mme Senneville (Caroline) :
...donc peut-être trouver... avoir une limite de temps, peut-être faire en
sorte que la version française soit toujours disponible avec une petite phrase
qui dit : Bien... est-ce que vous désirez recevoir la communication en
français, par exemple? Parce que pour faire en sorte que le français soit
visible, que ça soit connu et que ça soit exceptionnel que les communications
soient en anglais. Je pense que ça, c'est... comme je vous dirais, là, la barre
est un peu basse avec une seule communication en anglais, puis ça nous achète
un bon pour le restant de notre existence. L'exemplarité pourrait être une
coche plus élevée.
M. Lemieux : Je ne sais
pas si vous avez discuté avant ou vous avez vu, aujourd'hui, les autres
personnes qui sont venues nous parler, mais, quand il est question de
francisation, on se fait presque toujours dire, en tout cas par les syndicats,
que c'est en entreprise qu'il faut que ça se passe. C'est important pour toutes
sortes de raisons et c'est important pour les employés considérant que c'est là
où ça se passe pour eux. Donc, il y a comme un effet direct sur leur travail.
Mais, au-delà de ça, la francisation,
c'est pour beaucoup de monde plus large, et là encore je réfère à des choses
qu'on a entendues plus tôt aujourd'hui, la langue, oui, la culture aussi.
Est-ce que vous avez quelque chose à contribuer à cet égard-là?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, j'aimerais rajouter un petit grain de sel sur la formation en entreprise.
C'est aussi important en matière de santé et de sécurité au travail. Les
instructions sont supposées être en français, le contremaître parle français,
puis, si on n'est pas capable de comprendre le minimum, le travailleur, la
travailleuse peut mettre sa propre vie en danger puis celle de ses camarades
aussi. Donc, c'est vraiment important que, très rapidement, il y ait une
conscientisation, puis que les entreprises soient aussi de bons citoyens
corporatifs et qu'ils participent à l'effort de francisation.
Et vous avez tout à fait raison pour
l'accès à la culture, mais là, bien, il faut que l'offre culturelle soit
disponible et accessible. Puis, bon, en fait que tout concoure, hein, que ce
soient les Journées nationales de la culture, que ça soit, bien, tu sais, dans
les... souvent, c'est par le biais des enfants aussi à l'école, mais
effectivement... et d'ailleurs on a vu... puis je dis «culture» au sens large,
hein? On a vu des gens se passionner... des immigrants, par exemple, se
passionner pour des matchs de hockey parce que ça fait quelque chose à jaser
avec... alors c'est participer à la vie de la société et qu'il semble que le
français soit utile. Mais, moi, je dirais que tous les efforts qu'un
gouvernement peut mettre dans la culture, c'est bon pour tout le monde, et
c'est ça qui donne un sens aussi bien sûr à la langue. Tu sais, là, je vais
citer Winston Churchill, là, qui disait, pendant la guerre, qu'il répondait
à des gens qui voulaient réduire le budget de la culture en temps de guerre,
puis qu'il avait répondu : Bien, si on fait ça, on se bat pourquoi? Donc,
la culture, c'est aussi ce qui coule dans nos veines, là.
M. Lemieux : C'est une
très citation que vous venez de me servir. Et j'ajoute pour compléter sur ce
volet-là qu'effectivement d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la
Sainte-Flanelle, ça dépasse le français, mais ça explique aussi beaucoup de
choses. Il y a quelque chose de particulier là-dedans. Est-ce qu'il me reste...
La Présidente (Mme Thériault) :
3 min 30 s.
M. Lemieux : Ah! excusez,
je m'attendais...
Mme Senneville (Caroline) :
Mais ça marche en sens inverse aussi, monsieur, parce que, exemple, on peut...
une chanson qui est...
M. Lemieux : ...qu'effectivement
d'expliquer à quelqu'un c'est quoi, la Sainte-Flanelle. Ça dépasse le français,
mais ça explique aussi beaucoup de choses. Il y a quelque chose de particulier
là, là. Est-ce qu'il me reste...
La Présidente (Mme Thériault) :
3 min 30 s.
M. Lemieux : Ah! excusez, je
m'attendais...
Mme Senneville (Caroline) :
...en sens inverse aussi, monsieur, hein? Parce que, exemple, on peut... une
chanson qui est accrocheuse, à la radio, bien, si on prend le temps d'expliquer
les paroles puis que, bon, c'est une... ça marche dans les deux sens.
M. Lemieux : Je vais aller...
je vais laisser le député de Chapleau, mais je voulais terminer sur cette idée
de la culture, parce que c'est plus que philosophique, là, c'est vraiment très
concret et c'est un peu l'oeuf ou la poule, dans le fond. Et chaque représentation
qu'on a eue sur le sujet insiste beaucoup sur pas juste son importance, mais
que ça rapporte, c'est-à-dire que ça nous amène là où on veut aller, même si ce
n'est pas ça, l'objectif, au départ.
Mme Senneville (Caroline) :
Absolument. Absolument. Puis c'est parce qu'en regardant la même émission de
télévision, à un moment donné, tout le monde parle de District 31, bien,
je vais la prendre, la demi-heure. Je vais l'écouter, la chanson à la radio.
Donc, ça fait partie... Une culture vivante, ça donne le goût d'apprendre une
langue aussi.
M. Lemieux : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Peut-être, rapidement, sur... Merci beaucoup,
bonjour. Bien heureux de vous retrouver. Merci de votre présentation, là.
On a parlé des comités de francisation,
puis avec notamment les critères d'embauche. On en a fait mention, là, avec notamment
la mention sur la langue, donc, anglaise, qui pourrait être non pas nécessaire,
mais utile, puis ça devenait presque exécutoire. Vous dites que ces comités-là
pourraient avoir un rôle plus grand, notamment en termes... un rôle aviseur. On
a entendu ça de d'autres intervenants aujourd'hui. Est-ce que vous voyez un
rôle plus grand ou autre pour ces comités-là?
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Bien, en fait, à la CSM, on fait différentes activités, en collaboration avec
l'OQLF, pour la défense et la valorisation de la langue française dans les
milieux de travail. Et je crois que la valorisation de la langue française dans
les milieux de travail, ça appartient aussi au comité de francisation. Parce
qu'on parle de la charte et des droits de travailler en français, mais il faut
aussi être fier de parler français dans les milieux de travail. Donc, les
comités de francisation, je crois, ont aussi ce rôle-là d'adopter la langue
française en milieu de travail.
M. Lévesque (Chapleau) : Puis
dans la législation proposée, il ne me reste pas beaucoup de temps, là, mais est-ce
que vous ajouteriez des éléments ou ça semble satisfaire ce dont vous auriez
besoin pour répondre au rôle dont vous parlez?
Mme Senneville (Caroline) :
...faire. Une fois que c'est dans la loi, c'est s'assurer que ce soit fait puis
qu'il y ait un suivi, que la loi ne soit pas...
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il me reste du temps encore? Bon, il reste
30 secondes. Mais effectivement, allons-y, Francisation Québec, selon
votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en a
parlé un peu, mais est-ce que vous voyez cela comme un...
Mme Senneville (Caroline) : …
M. Lévesque (Chapleau) :
Parfait. Merci beaucoup. Est-ce qu'il reste du temps, encore? Bon, il reste
30 secondes. Bien, effectivement, donc, allons-y, Francisation Québec,
selon votre évaluation, à quel point ça va pouvoir franciser les milieux? On en
a parlé un peu, mais est-ce que vous voyez cela comme un grand outil potentiel?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, déjà, ça nomme la chose, c'est plus clair que des trucs, des programmes,
je dirais, pas toujours connus de divers ministères puis ça place la chose, que
la francisation, pour nous, c'est important, déjà. C'est facilitant en termes
d'accès, mais c'est fort en termes de symbole, aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Ça le
nomme, d'accord. Merci beaucoup.
Mme Senneville (Caroline) : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Ça met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de
l'opposition officielle avec M. le député de D'Arcy-McGee. Vous avez
11 minutes à votre disposition.
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation, fort
intéressant. Vous avez parlé d'un incontournable et beaucoup de la francisation
des travailleuses et travailleurs, la formation, la francisation en milieu de
travail. Et je vous cite à deux endroits, parce qu'il me semble que, si je
ne m'abuse, vous restez un petit peu sur votre appétit en ce qui a trait aux
propositions du gouvernement : «Le gouvernement doit impérativement
encourager et développer la formation en francisation dans les milieux de
travail sans perdre de rémunération», une recommandation assez précise, et à la
page 15, «Nous croyons qu'il serait intéressant que Francisation Québec
développe, en collaboration avec les différents acteurs de la francisation, une
expertise concrète de mobilisation et de développement de projets de
francisation».
J'ose croire que parmi vous
320 000 membres, il y en a plusieurs issus de la communauté
québécoise de langue anglaise ainsi que des allophones, si je peux. Et
j'imagine que ces genres de recommandations risquent d'être pertinents pour eux
aussi. Et comme je dis, j'ai l'impression que vous n'êtes pas tout à fait
satisfaite par le plan en ce qui a trait à ces mesures dans le projet de loi
actuel. Est-ce que j'ai bien lu votre position?
Mme Senneville (Caroline) :
Non, vous avez… oui, vous avez très bien lu. Le Québec n'a pas une belle
histoire, je dirais, n'a pas de beaux succès en termes de formation en
entreprise, en termes de responsabilisation des entreprises dans la formation,
de façon générale, je vous dirais. On n'a toujours pas de politique d'éducation
des adultes, ça fait… la dernière date d'il y a une quinzaine d'années. Donc,
ça, c'est pour la littéracie, la numératie, pour l'amélioration de la
main-d'oeuvre, la formation continue de la main-d'oeuvre, on fait vraiment
figure de mauvais élève, je pense qu'on est 10e sur 10 au Canada. Donc, ça se
retrouve en francisation.
Alors, moi, je pense que si on est capable
d'insuffler… si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle nouveau
en termes de francisation, puis on le dit, aussi, d'alphabétisation, le niveau
d'alphabétisation, au Québec, n'est pas des plus élevés non plus, ça peut
donner un souffle nouveau pour la formation en entreprise…
Mme Senneville (Caroline) :
...elle se retrouve en francisation. Alors, moi, je pense que si on est capable
d'insuffler, si Francisation Québec est capable d'insuffler un souffle nouveau
en termes de francisation — puis on le dit aussi, d'alphabétisation,
le niveau d'alphabétisation au Québec n'est pas des plus élevés non
plus — ça peut donner un souffle nouveau pour la formation en
entreprise. Dans un temps où il y a une pénurie de main-d'oeuvre, bien, il faut
prendre la main-d'oeuvre là où elle est puis lui donner les moyens. Ça, ça
augmente la productivité des entreprises. Mais il faut que tous les secteurs
soient au jeu. Il faut que les travailleurs et les travailleuses en voient
l'importance, soutenus par leurs syndicats quand ils sont syndiqués. Il faut
que les entreprises y voient l'importance aussi puis qu'elles voient ça pas juste
comme une dépense puis une perte de temps, mais comme un investissement dans la
main-d'oeuvre puis comme un rôle de citoyen corporatif aussi. Si c'est la
langue commune de tout le monde, bien, c'est aussi la langue commune des
entrepreneurs, des entrepreneuses, pas juste des travailleurs et des
travailleuses. Et moi, je pense que ça aura des bénéfices aussi sur d'autres
types de formations où clairement le Québec n'est pas une société qui est en
avance.
• (17 h 40) •
M. Birnbaum : Intéressant. Et
là on parle de la langue commune et son rayonnement sur le terrain. Ce qui
m'invite à vous commenter sur un enjeu qui a été mentionné par les deux
illustres ex-ministres devant vous et qui risque d'être abordé souvent, le
ministre l'a abordé lui-même, c'est-à-dire le critère de la langue parlée à la
maison. Une autre fois, je touche à votre membership assez diversifié.
Voyez-vous la pertinence de regarder les données sur la langue parlée à la
maison quand, là-dedans, on verrait, je me permets de le dire, au moins deux,
probablement beaucoup plus que ça, de députés ici, à l'Assemblée nationale qui
participent pleinement dans la francisation, dans la vie française du Québec et
qui transmettent ce voeu à leurs enfants aussi? Je suis curieux. Voyez-vous, en
quelque part, une pertinence, un indice de la santé et pérennité du français
d'examiner les statistiques sur la langue parlée à la maison?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, moi, je vous dirais qu'on n'a jamais assez d'information quand on veut
prendre des décisions éclairées. Après ça, à quel point cette information-là
est importante, comment on peut la confronter à d'autres types
d'informations... Puis cette information-là, comme d'autres types
d'informations, on ne peut pas se baser sur une seule donnée pour une politique
publique, mais je pense que c'est quelque chose qui est pertinent à savoir.
Puis peut-être être plus souple dans le
type de réponse ou dans les cas où, par exemple, dans un foyer, on parle un peu
les deux, parce qu'il peut y avoir des foyers, par exemple, binationaux. Bien,
je pense que ça serait intéressant de le savoir, peut-être raffiner nos
questions. Mais moi, en tout cas, je suis une fille de connaissances, on vit
dans une société où on trouve aussi que, pour d'autres sujets, la science,
c'est important. J'aurais de la difficulté, de prime abord, de dire,
bien : Non, c'est une donnée qui n'est pas du tout pertinente, je n'irais
pas là. Après ça, bien, on peut décider jusqu'à quel point on en a besoin puis
jusqu'à quel point on s'appuie dessus pour les politiques publiques. Mais de là
à l'escamoter complètement...
Mme Senneville (Caroline) :
…où on trouve aussi que, comme d'autres sujets, la science est importante.
J'aurais de la difficulté, de prime abord, de dire : Bien, non, c'est une
donnée qui n'est pas du tout pertinente, je n'irai pas là. Après ça, bien, on
peut décider jusqu'à quel point on en a besoin puis jusqu'à quel point on
s'appuie dessus, pour les politiques publiques, mais, de là à l'escamoter complètement,
non, je ne pense pas.
M. Birnbaum : Vous avez parlé
aussi de l'accès au cégep et l'idée de limiter ça… je suis curieux, parce que plusieurs
de vos membres, évidemment, oeuvrent au sein des cégeps, ainsi que les écoles
primaires et publiques anglophones, francophones, toutes confondues. Est-ce que
vous écartez… moi, je soumets, la réalité, mais la possibilité que ces établissements,
soit au primaire secondaire et les cégeps de langue anglaise, sont des vecteurs
des agents de la francisation et pas nécessairement un frein à la francisation?
Je vous offre, comme titre d'exemple,
notre proposition que trois cours de français soient ajoutés au curriculum de
cégep, je vous soumets les programmes d'immersion française très, très répandus
dans les écoles anglaises publiques. Est-ce que vous prenez pour acquis qu'un
individu, disons, francophone ou immigrant, qui choisit un cégep anglophone est
perdu, en quelque part, nos efforts collectifs sont louables de francisation de
nouveaux arrivants?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, d'abord, on ne souhaite pas que ce soit limité aux anglophones, ce qu'on
dit, c'est, dans la situation actuelle, on peut être un anglophone et ne pas avoir
accès à des études postsecondaires, parce que les places sont prises par des
francophones qui ont des meilleures notes à l'école, on pense que ça, ça ne
rend pas service à la communauté anglophone. Je ne pense pas que les cégeps
anglophones soient des ghettos effectivement puis qu'il y a une mixité, mais je
peux vous dire qu'on a des membres qui travaillent dans des cégeps anglophones
et qui ont de la difficulté à ce que leur direction leur parle en français, ça,
on le vit sur le terrain. Il y a des gens, par exemple, qui sont des
francophones qui enseignent le français, et ils ont de la difficulté à ce que
les communications, avec leur employeur, puissent se faire en français, donc la
loi 101 n'est pas toujours respectée. Puis c'est aussi prouvé que, quand on
commence le cégep en anglais, bien, on a plus de chances de continuer
l'université en anglais, de posséder tout le langage de notre métier en anglais
puis aussi toute une culture autour de notre métier, de notre profession en
anglais. Alors, bien sûr, c'est le choix des gens et, à un moment donné, c'est
quoi, le point de bascule, c'est… Alors, c'est quoi… on se dit : Oupelaïe!
Si on continue comme ça, bien, nous, on pense que le point de bascule, c'est,
on pourrait dire, c'est déjà en 2019‑2020, ces cégeps-là… plus que la
population qu'ils devaient accueillir, puis ça, c'est une règle qui s'applique
à tous les cégeps, y compris les cégeps francophones. Bien, en réalité, ce qui
est à peu près trois fois plus que ce dont les gens ont besoin… en droit ont
besoin. Donc, on pense que c'est une idée effectivement qui est mieux, puis ça
permet de conserver les emplois aussi puis de ne pas faire…
Mme Senneville (Caroline) :
...tous les cégeps, y compris les cégeps francophones, bien, en réalité, ce qui
est à peu près trois fois plus que selon ce dont les gens ont besoin, de la
communauté... ont besoin. Donc, on pense que c'est une idée, effectivement, qui
est mieux, puis ça permet de conserver les emplois aussi, là, puis de ne pas
faire immigrer les élèves dans... pas de place physiquement pour les recevoir.
M. Birnbaum : Oui. Et je peux
brièvement — parce que j'aimerais laisser un petit peu de temps pour
mon collègue de La Pinière — vous parlez de privilégier les
ayants droit anglophones pour les cégeps. Deux questions. Est-ce que c'est
votre façon de dire que la Charte de la langue française devrait être étendue
au cégep et, sinon, comment ça serait opérationnalisé, cette idée-là?
Mme Senneville (Caroline) :
Ah, mon doux, c'est facile, dans l'admission. Quand on s'inscrit au premier
tour de cégep, bien, on voit si on vient d'une institution anglophone, donc on
privilégie ces gens-là. On prendrait un anglophone qui a des moins bonnes notes
qu'un francophone parce que s'il a étudié en anglais au primaire et au
secondaire et qu'il souhaite étudier en anglais au collégial... C'est pour ça
qu'ils existent, les cégeps en anglais, hein? C'est pour offrir au premier
chef, c'est pour ça. Et ils ne remplissent pas leur mission s'ils disent à un
anglophone : Bien, toi, tu n'as pas assez des bonnes notes puis je vais
prendre un francophone qui a des meilleures notes que toi. Bien, moi, si
j'étais de la communauté anglophone, je ne trouverais pas ça cool.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Il reste 1 min 45 s au bloc. Donc, M. le député de
La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Oui. Alors, très
directement, pourquoi est-ce si dommageable d'avoir un grief déposé par un
individu sans passer par le syndicat?
Mme Senneville (Caroline) :
Ce n'est pas nécessairement dommageable, mais c'est toujours... C'est parce que
le syndicat, habituellement... les griefs, on est capable de voir si c'est un
bon ou si c'est un moins bon grief, et ça permet aussi au syndicat d'être au
jeu et de défendre collectivement. S'il y a un problème avec un poste, bien, il
y a peut-être un problème avec le comité de francisation. Alors, ça permet de
voir globalement et individuellement. Et puis si le syndicat refuse de déposer
un grief individuel, bien, dans le cas du travail, il existe un processus où le
salarié, le syndiqué peut porter plainte à son syndicat puis le Tribunal
administratif du travail va nous obliger à défendre.
Alors, c'est toujours intéressant... quand
on est syndiqué, il y a toujours un volet collectif aux relations de travail
puis on...
M. Barrette : J'ai compris, je
vous interromps, il me reste à peu près moins d'une minute, là. Je ne vois pas
le problème, là, alors je ne vois pas pourquoi vous demandez de retirer ça du
projet de loi.
Maintenant, vous avez répété à plusieurs
reprises la finalité des comités de francisation, développer la culture,
l'appartenance au français, le français et ainsi de suite. Dans le cas du
réseau de la santé, pour ce qui est de ce qui est garanti pour la communauté
anglophone, comment pouvez-vous, avec ce que vous avez écrit dans votre
mémoire, faire en sorte ou expliquer que les anglophones ne puissent pas
prendre ça, ce discours-là, comme étant une façon de défaire ce qui a été
garanti à date par l'article 29?
La Présidente (Mme Thériault) :
...secondes.
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Est-ce que c'est suite à notre
proposition...
M. Barrette : Je vois votre
discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de
francisation comme un cheval de Troie, dans les...
M. Barrette : ...de défaire ce
qui a été garanti à date par l'article 29.
La Présidente (Mme Thériault) :
...secondes.
Mme Thibault-Bellerose (Anne) :
Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Est-ce que c'est suite à notre
proposition...
M. Barrette : Je vois votre
discours en comité de... Je vois le discours que vous tenez en comité de
francisation comme un cheval de Troie, dans les parties du système de santé,
garantir des services à la communauté anglophones
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange, monsieur.
M. Barrette : Je comprends.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse, M. le député de La Pinière, je dois mettre fin à l'échange. Malheureusement,
je ne peux pas vous donner le droit de réplique. Je suis désolée. Donc, je vais
aller du côté du député de Matane... non, excusez-moi, la députée de Mercier,
excusez-moi, la députée de Mercier pour un bloc d'échange de
2 min 45 s.
Mme Ghazal : Parfait. Merci,
Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présentation. Et d'ailleurs
félicitations, Mme Senneville, pour votre élection. Vous dites dans votre
mémoire, vous en avec parlé aussi, que vous êtes en faveur des mesures... dans
le fond de restreindre, là, l'accès aux cégeps anglais. Donc, vous êtes en
faveur de ce que le projet de loi met en place de contingentement dans les
cégeps anglophones, mais il y a beaucoup de détails, par exemple des détails
importants, là, que vous mentionnez, pour le rendre vraiment applicable puis
que les objectifs soient atteints.
Moi, j'aimerais vous parler aussi, il y a
quelque chose dont on parle un peu moins, pour que les francophones, allophones
aillent plus dans les cégeps francophones, c'est les cégeps... le financement,
et surtout le financement des cégeps en région. On sait qu'il y a eu un
sous-financement incroyable dans les cégeps francophones en région. Ça les rend
moins attractifs pour les jeunes ou les moins jeunes qui veulent aller au
cégep. Est-ce que vous avez évalué les montants qui manquent dans les cégeps
francophones? Et même, parfois, il y a eu même des compressions, est-ce que
vous avez évalué ça? Est-ce que c'est une question sur laquelle aussi vous vous
penchez?
• (17 h 50) •
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, le financement des cégeps, c'est chronique, comme, je vous dirais, on
s'est rendu compte aussi, pendant la pandémie, de d'autres endroits où le
financement pouvait être chronique et avoir des effets, je vais dire,
délétères. Puis c'est sûr qu'il se fait... ce n'est pas que les cégeps
francophones soient moins financés que les cégeps anglophones, c'est que
l'effet du financement se fait beaucoup plus sentir sur les établissements qui
sont petits, puis les établissements plus petits sont en région.
Alors, effectivement, il y a des cégeps en
région que, s'il n'y avait pas une aide spéciale, ou s'il n'y avait pas des
étudiants qui venaient, par exemple, d'ailleurs dans la francophonie, il y a
des cégeps qui fermeraient, là, ou qui seraient, en tout cas, à risque de
fermer. Donc, la... Puis ça, ça crée un effet aussi pervers parce que quand tu
as de moins en moins de financement, bien là, tu vas à la course à la clientèle
puis tu veux absolument remplir ton cégep, et là, bien, tu as toutes sortes de
formules, on va dire, innovantes. Tu ouvres des campus à gauche et à droite
puis tu essaies de... Mais ça, ça ne fait pas des cégeps forts, ça ne fait pas
un réseau fort. Donc, il faut s'assurer qu'il y a des financements, y compris
pour les populations anglophones qui sont dans ces régions-là. Je pense à
Sept-Îles, je pense à la Gaspésie, je pense aussi aux populations autochtones,
là, dans ces régions-là. Donc, il faut s'assurer… Si on veut que les cégeps
puissent être partout sur le territoire, bien, il faut les financer de façon
adéquate, là...
Mme Senneville (Caroline) :
…anglophones qui sont dans ces régions-là, je pense à Sept-Îles, je pense à la
Gaspésie, je pense aussi aux populations autochtones, là, dans ces régions-là.
Donc, il faut s'assurer… Si on veut que les cégeps puissent être partout sur le
territoire, bien, il faut les financer de façon adéquate, là.
Mme Ghazal : Donc, pour… Est-ce
que ça ne devrait pas être surtout ça, le sous-financement des cégeps en région
et partout, le francophone, pour les rendre attractifs, alors qu'on dirait que
c'est l'angle mort, puis on se concentre sur le contingentement pour les cégeps
anglophones? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça que c'est un angle mort, le
sous-financement?
Mme Senneville (Caroline) :
Mais il faut faire les deux. Il faut faire les deux parce qu'à Montréal les
gens ont de quoi, là, puis… cégeps de Montréal francophones…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais mettre… Je suis désolée, je dois vous interrompre. Vous avez passé
de 15 secondes. Donc, je vais aller avec M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci. Bienvenue.
Dans votre mémoire et votre présentation, vous parlez de la progression de la
proportion d'étudiants fréquentant un cégep anglophone. Vous avez constaté que,
si la progression se poursuit, la moitié des étudiants seraient inscrits dans
un préuniversitaire anglophone. Ça veut dire quoi? Préuniversitaire, c'est des
anglophones, puis la technique, c'est des francophones. Alors, on revient à une
époque qu'on croyait révolue. Le gouvernement, c'est ça. Et je pense qu'on
décide de garder ça quand même de cette façon-là. J'aimerais ça que vous nous
en parliez davantage, parce que, moi, ce genre de chose là non seulement ça me
fait bondir, mais j'ai peine à croire qu'on va laisser faire ça.
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, c'est pour ça qu'on dit deux choses, c'est pour ça qu'on dit : Là il
faut arrêter l'hémorragie maintenant puis il faut faire en sorte que les
anglophones aient accès à leurs cégeps. Donc, quand on combine ces deux
effets-là, je pense que ça envoie le bon message. Puis, vous savez, si on
mettait fin aux cégeps anglophones pour les francophones sur l'île de Montréal,
bien, il y aurait des francophones et des allophones qui n'auraient tout
simplement pas accès à une formation collégiale parce que le transfert, là,
n'est pas possible.
Donc, on va travailler à plafonner, on va
travailler à soutenir les cégeps pour qu'ils se francisent, on va travailler à
faire en sorte que la connaissance du français soit suffisante avec un test, on
va faire sorte que ce soit les anglophones qui y fréquentent prioritairement et
on pense qu'on va à ce moment-là… Puis c'est pour ça aussi qu'il faut continuer
les effets dans le marché du travail, parce que, si les francophones sentent
que s'ils ne maîtrisent pas assez bien le français, ça n'ira pas bien pour,
même on va dire un professionnel… vous parlez… de stage. C'est-u… qu'il faut
envoyer comme message?
M. Bérubé : Quant aux
solutions, au lieu de l'accès universel à tout le monde, le gouvernement
dit : On va en garder une poignée. Il appelle ça le contingentement. Vous
connaissez notre position, même règle pour tout le monde, l'équité, c'est une
valeur qui nous est importante. Est-ce que vous croyez que c'est une solution,
le contingentement?
Mme Senneville (Caroline) :
Pour l'instant, à court terme, oui. C'est une solution peut-être imparfaite,
mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que tout le
monde ait accès à un diplôme.
M. Bérubé : Mais, connaissant
bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui aura accès,
sur quels critères…
Mme Senneville (Caroline) :
...pour l'instant, à court terme, oui, c'est une solution peut-être imparfaite,
mais qui a le mérite d'arrêter l'hémorragie, de faire en sorte que tout le
monde ait accès à un diplôme.
M. Bérubé : Mais,
connaissant bien la CSN et ses valeurs, ça va être seulement une poignée qui
auront accès, sur quels critères?
Mme Senneville (Caroline) :
Bien, dans nos valeurs aussi, ça s'adonne qu'on a quelques membres qui nous
paient des cotisations syndicales et qui aimeraient bien garder leurs emplois.
M. Bérubé : Ah! bon, il
fallait le préciser. Oui, bien, on partage bien des choses, notamment, je vous
dirais, une considération pour le visage français de Montréal, et ce n'est pas
sans raison qu'on arrive avec cette solution-là, et merci d'avoir amené cet
argument-là du technique versus le préuniversitaire parce que vous êtes les
premiers à l'évoquer de façon si claire, et nous, ça nous touche beaucoup.
Est-ce que les cégeps francophones vont seulement devenir la voie du technique?
On va créer vraiment deux types de collèges, les collèges de prestige qui
choisissent leurs étudiants, les meilleurs étudiants qui ont le financement
avec des rallonges, et les francophones, soyez assurées qu'on n'acceptera
jamais ça, nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois également mettre fin...
Mme Senneville (Caroline) :
Mais, moi, je vous dirais, 30 % des techniciens vont finir par aller à
l'université, et c'est une des forces des cégeps aussi.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Je dois mettre fin à l'échange. Donc,
mesdames, merci beaucoup d'être venues en commission parlementaire. Nous allons
suspendre les travaux pour permettre aux prochains intervenants de prendre
place. Merci beaucoup.
Une voix : Merci, au revoir.
(Suspension de la séance à 17 h 55)
(Reprise à 17 h 56)
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, rebonjour, tout le monde. Nous reprenons
nos travaux.
Je vais souhaiter la bienvenue à
M. Christian Dufour qui est politicologue... politologue. Pardon,
j'ai rajouté un mot de trop. Donc, bienvenue. Vous êtes en présentiel à l'Assemblée
nationale, alors vous êtes le deuxième brave aujourd'hui. Donc, bienvenue à
notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation.
Ça sera suivi par des échanges avec les parlementaires des différentes
formations politiques.
M. Dufour (Christian) : Merci,
Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été à comparaître devant
cette commission-là. C'est toujours impressionnant.
J'ai rédigé un court texte...
La Présidente (Mme Thériault) :
...à notre Assemblée. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation.
Ce sera suivi par des échanges avec les parlementaires des différentes formations
politiques.
M. Dufour (Christian) : Merci,
Mme la Présidente. C'est un honneur pour moi d'avoir été invité à comparaître
devant cette commission-là. C'est toujours impressionnant. J'ai rédigé un court
texte de quatre, cinq pages, en fait, dans lequel j'ai essayé d'exprimer mes
idées de la façon la plus claire possible, que j'ai demandé de distribuer aux
participants, aux députés membres de cette commission-là. Donc, ma présentation,
c'est vraiment autour de ce texte-là, que j'avais quand même pas mal travaillé,
pour que ce soit clair, surtout.
Donc, je parle de la claire prédominance
du français comme norme de la constitutionnalisation du modèle québécois
d'intégration et de la société distincte, des cégeps, qui est le coeur manquant
du projet de loi, et enfin il y a deux, trois paragraphes sur le français,
seule langue officielle, point d'interrogation.
Donc, j'ai noté, comme beaucoup de gens,
qu'il y a des indicateurs qui montrent une régression du français au Québec
dans plusieurs domaines, ce qui inquiète beaucoup de gens, au niveau québécois,
mais même au niveau fédéral, on peut le dire. Et je trouve que ça fait longtemps
que le contexte n'a pas été autant favorable à une réaction, une opportunité,
me semble-t-il, à saisir. Si on la laisse passer, je ne suis pas sûr que ça va
se représenter de sitôt, parce que c'est toujours difficile d'agir dans ce
domaine-là. Donc, je suis très content que le gouvernement ait décidé d'agir,
que le ministre Simon Jolin-Barrette ait déposé ce projet de loi, qui est intéressant
à beaucoup d'égards.
Bon, moi, je commence, dans le texte, en
revenant sur une de mes obsessions, me disent mes amis, la norme de la claire
prédominance du français au Québec sans exclusion d'un anglais dont la présence
n'est pas obligatoire. Ça me semble crucial, surtout si on regarde plutôt du côté
de l'avenir du Québec que du passé du Québec. Même si je suis conscient du fait
que cette norme-là peut sembler un peu faiblarde, faible pour certains
nationalistes québécois, pourtant, il me semble que c'est très, très important
d'affirmer ça dans la loi pour la première fois, cette norme de la claire...
qu'au Québec, là, le français est clairement prédominant, le «claire» est très,
très important, sans exclusion de l'anglais, dont la présence n'est pas
obligatoire.
Bon, notons tout de suite que cette
affirmation-là n'est pas incompatible du tout avec celle que le français est la
langue officielle du Québec, avec laquelle je suis totalement d'accord, là,
puis c'est la seule langue officielle du Québec. Je trouve qu'il y a un côté
complémentaire, là-dedans, parce que ça renforce la grande affirmation de
principe en ancrant la loi dans la réalité. Parce que, qu'on le veuille ou non,
l'anglais est présent dans notre société depuis 250 ans, hein, depuis la
Conquête, à certains égards. C'est une langue québécoise, et ça va rester
présent, puis ça va émerger de différentes façons. Donc, je trouve que ce n'est
pas gagnant que de faire comme si l'anglais n'existait pas, hein, puis de se
limiter à de belles déclarations de principe.
• (18 heures) •
C'est pour ça qu'au lieu de le nier ou de
l'escamoter, c'est bon de le nommer, parfois, l'anglais, sans lui donner un
statut officiel, l'anglais en a déjà un au fédéral, un statut officiel, mais en
le contrôlant, en ne lui donnant pas la même importance que le français. Sinon,
moi, j'ai peur qu'au-delà des 30 déclarations de principes, que, peu à
peu, on sombre, dans les faits, dans un bilinguisme de plus en plus répandu...
18 h 30 (version non révisée)
M. Dufour (Christian) :
...c'est juste ça que je veux qu'on mette. Sinon, vous avez raison, ça va
déraper.
Mme David : C'est parce que
d'autres ont des bonnes idées aussi.
M. Dufour (Christian) : Et
juste pour terminer, ne doutez jamais que moi, là... un fédéraliste peut être
très nationaliste, hein, je critique le multiculturalisme «canadian».
Mme David : O.K. O.K. O.K., je
vous entends bien. Maintenant, là où je ne comprends pas trop, là... je ne
comprends pas trop, vous dites : C'est très opérationnel, le mot «claire»,
plutôt que «nette» prédominance. En quoi le mot «claire» est si clair que ça
dans son opérationnalisation?
M. Dufour (Christian) : Bien,
ou «nette», écoutez, ce que je... Excusez... Ça va? Ce que je veux dire, c'est
que «nette» ou «claire», c'est la même chose, là. Ce que je trouve qui est
dommage, c'est quand on veut se mettre à mesurer la clarté puis mesurer la
grosseur des lettres. Puis ça, c'est très perdant, parce qu'on fait mesquin, on
fait étroits d'esprit. On le voit, quand le français est prédominant ou pas, je
pense qu'il faut faire confiance à la bonne foi des gens, au bon sens des gens.
Et dans les commerces, moi, ça m'a toujours fasciné, les gens qui ne sont pas
dans la politique, là, dans les établissements commerciaux... il y a des
centaines, il y a des milliers de commerces, là, où on le fait spontanément. Il
y a du français et de l'anglais, le français est clairement prédominant, et c'est
valorisant pour les francophones, l'anglais a une place. Donc, le clair, c'est important,
par exemple, le clair ou le net, si vous voulez, moi... c'est qu'il faut
simplement que ce soit clair, là.
Mme David : Mais là, c'est
encore moins clair pour moi, parce que quand on fait une recherche dans le projet
de loi du ministre, il emploie le mot «nette» prédominance. Claude Ryan, quand
la clause nonobstant n'a pas été renouvelée, après 1988, ça a été la «nette»
prédominance dans l'affichage.
M. Dufour (Christian) : Bon,
je m'excuse, madame, je m'excuse, je me suis mal exprimé. Pour moi...
Mme David : Alors, si vous
dites qu'un est synonyme de l'autre, là, je suis un petit peu mélangée.
M. Dufour (Christian) :
Excusez, juste parce que je sais que le temps est tellement compté. «Claire» et
«nette», c'est la même chose, pour moi, là, vous comprenez, là, il n'y a pas de
problème ça, là. Mais l'important, c'est que ce soit «nette» ou «claire». Je ne
vois pas la différence entre «nette» ou «claire», vous avez raison.
Mme David : O.K. C'est parce
que vous dites que ça fait 30 ans que vous prônez le «claire», mais il existe
depuis 30 ans via le mot «nette», mais...
M. Dufour (Christian) : Si je
dis 30 ans, c'est parce qu'on m'a tellement dit : Tu es mollasson, puis ce
n'est pas ça qu'il faut, puis bon, c'est pour ça que je dis ça, moi. Mais que
ce soit «claire» ou «nette», c'est la même chose exactement à mes yeux, il n'y
a pas de problème. Mais il faut que ce soit clair et net, là.
Mme David : Clair et net, bon.
Des voix
: Ha, ha, ha!
Mme David : Mais je vous
rassure, le mot «nette» est là depuis très, très, très longtemps. Alors, on va
s'entendre là-dessus. Maintenant, le mot... vous n'aimez pas le mot «seule»
langue officielle. Ça m'a fait réfléchir. Vous dites : C'est exagérément
défensif. C'est comme voyons donc, là, la langue officielle, d'ailleurs, qui
est depuis Robert Bourassa, en 1974, on a fêté les 40 ans en 2014... donc le français
seule langue officielle au Québec, vous trouvez que l'adjectif est de trop,
«seule», c'est exagérément défensif. Alors, j'étais curieuse de savoir qu'est-ce
qui fait que vous trouvez que c'est trop, c'est comme... trop, c'est comme pas
assez, ça montre une certaine vulnérabilité?
M. Dufour (Christian) : J'ai
hésité beaucoup avant d'écrire ça, hein, puis j'ai beaucoup changé le petit
texte. Mais on dit ce qu'on pense, hein, et je trouve que ça fait défensif
quand même, c'est la seule langue officielle. Au fédéral, on ne dit pas :
Le français et l'anglais sont les seules langues officielles. Et ce n'est pas
dramatique, là, comprenez-moi bien, ce n'est pas un point aussi fondamental que
la société distincte, la prédominance du français puis la
constitutionnalisation, mais il faut quand même tenir compte du fait qu'on vit
dans une époque où on a tendance à voir des exclusions partout. Le
multiculturalisme dont on parlait tantôt, là, hein...
M. Dufour (Christian) : …au
fédéral, on ne dit pas, le français et l'anglais sont les seules langues
officielles. Et ce n'est pas dramatique, là, comprenez-moi bien, je sais que ce
n'est pas un point aussi fondamental que la société distincte, la prédominance
du français puis la constitutionnalisation. Mais il faut quand même tenir
compte du fait qu'on vit dans une époque où on a tendance à voir des exclusions
partout, le multiculturalisme, dont on parlait tantôt, là, hein, on exclut,
donc le seul. Je craignais que, si on insiste trop là-dessus, là on se fait
dire : Oui, le seul, mais il y a aussi autre chose. C'est juste que j'ai
dit ça, hein? Parce qu'en soi, froidement, le français est la langue officielle
du Québec, tout est là, hein?
Mais ça, écoutez, moi, je n'en fais pas
une maladie, c'est juste, j'attirais l'attention sur le fait qu'il me semble,
sur le plan politique, le français est la seule langue officielle du Québec, je
me demande si ça n'attire pas les contestations, en disant : Mais oui,
mais les autochtones aussi, hein, les autochtones qui ont été tellement mal
traités récemment, dont les langues sont en voie de disparition. C'est comme le
français, vous n'avez pas de sympathie, pourquoi vous dites que c'est la seule,
là? C'est juste… mais ce n'est pas un point fondamental de ma présentation,
c'est une remarque pour éclairer le débat, pour stimuler le débat, pour
stimuler le débat.
Mme David : O.K. Je trouve ça
très intéressant, en fait, comme réflexion, c'est une remarque qu'on pourrait
retenir ou reproposer. Quand vous parlez de multiculturalisme, évidemment, là,
vous allez très loin, puis j'entendais un mot que vous n'avez pas prononcé,
mais qui est dans l'air du temps, là, la définition de ce qu'est être «woke»,
hein…
M. Dufour (Christian) :
«Woke»?
Mme David : …ça m'étonne, je
ne l'ai pas entendu dans votre bouche, mais il y a toutes sortes de choses qui
faisaient référence à ça, puis, des fois, j'étais comme un peu mal à l'aise,
parce que c'est comme si ça faisait, on est «woke» ou on est nationaliste ou on
est… j'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus, sur la définition que tout
le monde donne en ce moment.
M. Dufour (Christian) : Sur
quoi?
Mme David : Parce que je dis
ça, parce que c'est comme, je ne voudrais pas qu'il y ait d'incompréhension,
là, sur… il y a tellement de concepts qui sont abordés ici, mais c'est comme si
ça, c'est opposé au nationalisme, ou on est nationaliste et puis on est pour la
langue française ou on est dans l'autre gang, puis l'autre gang brûle des
livres. Puis, en tout cas…
M. Dufour (Christian) : Je ne
vais pas me mettre à parler de «woke», là, parce que je trouve que… je crois
que c'est un débat public, mais certainement pas l'objet de mon mémoire. Mais
ce que je crois profondément, c'est que le multiculturalisme, lorsqu'il a été adopté,
moi, j'ai l'âge pour m'en souvenir, c'était une façon, en partie, pour remettre
le Québec à sa place. Ce n'était pas juste ça, mais c'était, en partie, ça,
parce qu'au départ on était dans le biculturalisme, vous vous en souvenez. Dans
un premier temps, c'était une idéologie qui était modérée, bon, comment
pouvait-on être contre ça. Ça a progressé, c'est devenu hégémonique, hein, le Canada,
monsieur… non, je ne veux pas nommer de gens, là, mais il y a des gens qui vont
définir le Canada comme essentiellement multiculturel… Et, moi, ce qui me
dérange là-dedans, c'est l'intolérance et la fermeture, c'est tout un paradoxe,
parce que ce sont des idéologies qui ne parlent que d'ouverture et d'inclusion,
mais qui sont fermées et qui sont implacables, je vous parle d'idéologie, je ne
vous parle pas des individus, qui sont implacables à l'égard de la différence québécoise,
et c'est ça qui m'inquiète beaucoup.
La grande manifestation contre le racisme
à Montréal, le Black Lives Matter, où il n'y avait pratiquement pas de Français,
ceux qui ont critiqué se sont fait dire : Écoutez, vous êtes des mesquins.
C'est l'ouverture qui est importante. Et je vous l'ai dit, si on n'est pas
capable…
M. Dufour (Christian) :
...puis je ne parle pas des individus qui sont implacables à l'égard de la
différence québécoise, et c'est ça qui m'inquiète beaucoup. La grande
manifestation contre le racisme à Montréal, là, Black Lives Matter, où il n'y
avait pratiquement pas de français, ceux qui ont critiqué se sont fait
dire : Écoutez, vous êtes des mesquins. C'est l'ouverture qui est
importante. Et je me dis, si on n'est pas capables de critiquer un
multiculturalisme canadien sans limites, qui est devenu toxique, moi, je...
C'est nouveau, je ne le critiquais pas avant. Mais il faut dire les choses, là,
quand j'ai vu...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : ...la
ministre d'origine afghane qui a parlé des frères talibans, j'ai dit : Wo!
là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, malheureusement. On a dépassé de 12 secondes.
Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez votre 2 min 45 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Dufour. Vous parlez de société distincte. Vous
trouvez que c'est important de l'ajouter dans la constitution. Donc, vous
trouvez que «nation», ce n'est pas suffisant, et vous définissez «société
distincte» comme étant une majorité francophone vers laquelle on invite les
minorités, les nouveaux arrivants, à s'y intégrer, tout en gardant leur
culture. Moi, c'est drôle, je lis la définition de l'interculturalisme, comme
M. Gérard Bouchard en parle.
Et, justement, M. Bouchard aussi,
dans un papier récemment, avait parlé du fait que dans Black Lives Matter,
quand il y avait cette manifestation où j'étais, il y avait du français, mais
c'est vrai qu'il y avait beaucoup d'anglais, il était inquiet de cet
amalgame-là entre : français, c'est l'exclusion, anglais, ça nous inclut tous.
Et je voudrais vous entendre, comment est-ce que vous trouvez que se passe
l'intégration des nouveaux arrivants, au Québec, aujourd'hui? Comment ça se
passe?
M. Dufour (Christian) : Ah! écoutez,
c'est un gros sujet, hein? Je pense que ça semble s'être bien passé par rapport
au passé, parce qu'avant, hein, les francophones étaient seuls puis ils avaient
l'impression que les immigrants s'intégraient systématiquement à la communauté
anglophone. Donc, il y a eu un énorme succès en fait du Québec moderne, où on a
intégré beaucoup les immigrants, bon, avec des problèmes comme ailleurs. Donc,
moi, je porte un jugement assez positif, mais c'est un sujet tellement
compliqué et miné.
Mais je vais parler de la société
distincte, si vous permettez. C'est l'héritage de Robert Bourassa, c'est
vraiment ça. Le Québec est une nation et une société distincte au sein du Canada.
C'est un cadre, une société distincte. Moi, je suis avocat, hein, et c'est
important un cadre. La seule contenue, c'est une majorité francophone. C'est
compatible avec l'existence du Canada. C'est très puissant la société
distincte, tu en fais ce que tu veux de la société distincte, la seule chose,
c'est qu'il y a une majorité francophone, tout est là.
Mme Ghazal : ...nation.
M. Dufour (Christian) : Alors
que «nation», c'est fort sur le plan politique, émotif et symbolique, mais à un
certain niveau, «société distincte» est plus fort. Parce que les nations, les
nations autochtones, qui conteste le statut de nation des nations autochtones?
Le Québec est les deux de toute façon, je trouve qu'il faut dire les deux.
Mais «société distincte», moi, j'ai
toujours défendu ça, c'est l'héritage de Robert Bourassa, c'est porteur de
pouvoir, c'est un cadre et c'est ce qui nous distingue du multiculturalisme
parce qu'on dit : Il y a une majorité francophone. Le multiculturalisme
n'est pas capable de dire, au Canada : Il y a une communauté d'accueil. On
n'est plus capable de dire ça. On accueille les gens, on célèbre leur
différence puis il n'y a pas de message d'intégration suffisamment envoyé, ça
semble évident. On ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis on
célèbre : Écoutez, faites un effort pour vous intégrer un peu.
Mme Ghazal : J'ai une dernière
question. Je me chicanais avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes
indépendantiste? Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je
ne le sais pas.
M. Dufour (Christian) : Moi,
j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le Pouvoir
québécois menacé, où j'explique ce que je suis...
M. Dufour (Christian) : ...on
ne dit pas assez aux gens qu'on accueille puis qu'on célèbre : Écoutez,
faites un effort pour vous intégrer un peu.
Mme Ghazal : J'ai une dernière
question. Je me suis chicanée avec mon recherchiste. Est-ce que vous êtes indépendantiste?
Parce qu'on se posait la question depuis tantôt, puis là, je ne le sais pas.
M. Dufour (Christian) : Moi,
j'ai écrit un livre sur la proportionnelle, qui s'appelle Le pouvoir
québécois menacé, où j'explique ce que je suis là-dedans. Moi, ce n'est pas
ma tasse de thé, là, la souveraineté puis la... c'est le pouvoir québécois, mon
paramètre. Moi, je défends le pouvoir québécois, c'est pour ça que d'ailleurs
l'intervention de M. Legault, dans la campagne électorale, sur le pouvoir
québécois que tout le monde a critiquée, moi, je l'ai défendue parce que je
trouve qu'il défendait le pouvoir québécois. Pour moi, là, quand j'étais jeune
à Chicoutimi, et je raconte ma vie, ça me semblait évident que le Québec devait
être indépendant, puis qu'il avait été conquis par les Anglais, parce qu'on
était tous des francophones, bon. Puis, après ça, j'ai réalisé que les
Québécois, c'était plus...
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre.
M. Dufour (Christian) : Oui?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre encore une fois. Je m'excuse.
Des voix
: Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Thériault) :
Je m'excuse. Bon. Le dernier intervenant pour...
M. Dufour (Christian) : Je
vais envoyer mon livre.
La Présidente (Mme Thériault) :
...encore 2 min 45 s, M. le député le député de Matane-Matapédia. Je
suis désolée de vous interrompre.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
cette question-là est réglée pour nous. Le pouvoir québécois, il passe par
l'indépendance du Québec. Et sachez, M. Dufour, qu'il y a une seule
formation politique qui est d'accord avec votre position sur le cégep en
français, et c'est le Parti québécois. Alors, ce que vous avez dit quant au
pouvoir québécois, quant à la nécessité de prendre des décisions pas
consensuelles, nécessaires et difficiles, c'est exactement le propos que j'ai
servi au ministre cet après-midi, et je vous fais grâce de la réponse qu'il m'a
donnée.
Il est possible d'être fédéraliste, d'être
nationaliste, c'est la prétention du gouvernement, et d'être audacieux. Je le
souhaite. C'est la prétention du gouvernement de la CAQ. Je vous donne le
temps, le peu de temps que j'ai, pour essayer de convaincre le ministre qu'il
peut utiliser une occasion historique pour permettre que, les cégeps, ça se
passe en français pour les francophones, pour les nouveaux arrivants, et que,
sans cette mesure, c'est un projet de loi relativement faible. Ce n'est pas costaud.
Il manque quelque chose d'important. Et comme René Lévesque l'a déjà dit, quand
on passe à côté d'un vrai destin, d'une chance historique, c'est perdu. Alors,
à vous la parole.
M. Dufour (Christian) :
Bien, écoutez, dans mon texte, dans ma présentation, je pense que j'ai plaidé
le plus que je pouvais pour que le gouvernement fasse preuve et le ministre
fasse preuve d'audace sur la question des cégeps. Et le projet de loi n'est pas
encore adopté, il y a une commission parlementaire. Moi, je ne désespère pas du
tout de ça, qu'au fil d'arrivée le gouvernement change son fusil d'épaule.
Pourquoi ne le changerait-il pas?
M. Bérubé : Mais c'est
parce que l'avantage, chez nous, c'est qu'il n'a personne à convaincre de la
nécessité de défendre la langue, et il faut lui donner des arguments pour
convaincre ses collègues.
M. Dufour (Christian) :
En tout cas, moi, j'essaie de donner les... une lumière que j'ai. Vous me
mettez dans une drôle, drôle de position. Mais, non, mais je salue le Parti
québécois d'appuyer cette position-là parce que, moi, j'en suis rendu là.
M. Bérubé : On a évolué,
nous aussi, là-dessus.
M. Dufour (Christian) :
Il y a beaucoup de gens qui ont évolué, et je tiens à dire qu'il y a beaucoup,
beaucoup de gens qui, sur la question des cégeps, ont changé d'idée parce que,
le glissement, ils l'ont vu, ils l'ont senti, puis ça les a inquiétés, puis ils
ont dit : On est capables d'agir.
Vous savez, souvent on est dans
l'impuissance où on peut dire : Qu'est-ce qu'on peut faire réellement? Là,
c'est un dossier où on peut faire quelque chose.
M. Bérubé : Et on est en
bonne compagnie parce que Guy Rocher va venir dire la même chose que nous
en commission. J'ai hâte d'entendre le ministre lui dire que ce n'est pas une
bonne idée.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes.
M. Dufour (Christian) :
Ah! O.K. O.K. O.K.
M. Bérubé : Vous avez
encore du temps, M. Dufour.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il vous reste 45 secondes, M. Dufour,
prenez-le.
M. Dufour : ...non. O.K.
Écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de loi reste
intéressant en lui-même. Il a beaucoup de choses intéressantes. Quelqu'un m'a
parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à...
M. Bérubé : …Guy Rocher va
venir dire la même chose que nous en commission. J'ai hâte d'entendre le
ministre lui dire que ce n'est pas une bonne idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes.
M. Bérubé : Vous avez encore
du temps, M. Dufour.
M. Dufour (Christian) : O.K.,
O.K., O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Il vous reste 45 secondes, M. Dufour. Prenez-les.
M. Dufour (Christian) : Donc,
écoutez, cela dit, moi, par exemple, je trouve que le projet de loi reste
intéressant en lui-même. Il y a beaucoup de choses d'intéressantes. Quelqu'un
m'a parlé, tout à l'heure, de ma méfiance à l'égard de l'administration
publique, jusqu'à quel point on mettrait ça en oeuvre. C'est vrai que… vous
savez, la crise sanitaire, puis tout le domaine de la santé, à un moment donné,
je me suis dit : Oui, jusqu'à quel point notre gros mastodonte public et
parapublic livre la marchandise. Des fois, j'ai un peu des doutes. Donc, quand
j'ai lu le projet de loi de M. Simon Jolin-Barrette, je trouvais ça très
intéressant, mais… la machine va-tu, va-tu, attendez, il ne faut pas dire ça,
il ne faut pas penser ça, mais moi j'ai des doutes des fois.
M. Bérubé : Combien de temps?
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, une seconde, donc c'est terminé.
M. Bérubé : On finance notre
assimilation en permettant l'accès universel aux cégeps anglophones.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, c'est terminé.
M. Bérubé : C'est ma
prétention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. Dufour, je vais vous remercier pour votre participation en
commission parlementaire. Désolé de vous avoir coupé le micro, on va le dire comme
ça. Je suis la gardienne du temps, donc…
M. Dufour (Christian) : C'est
terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est terminé.
M. Dufour (Christian) : Merci
infiniment, hein, vraiment, c'était un beau débat. C'est un grand honneur.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je remercie. Donc, pour les collègues, évidemment, la commission ajourne
ses travaux jusqu'au mercredi 22 septembre après les affaires courantes.
Merci. Bonne soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 18 h 43)