Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)
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Wednesday, October 6, 2021
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Vol. 45 N° 100
Special consultations and public hearings on Bill 96, An Act respecting French, the official and common language of Québec
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11 h (version non révisée)
(Onze heures dix-neuf minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par
M. Lévesque (Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par
M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie), par
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
• (11 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. J'aurais besoin également d'un consentement, puisque nous avons débuté
légèrement en retard nos travaux, pour qu'on puisse dépasser l'heure de
quelques minutes. Ça va? Consentement?
Des voix
:
Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, et je souhaite la bienvenue à M. Michel Leblanc, son
président. M. Leblanc, vous êtes un familier des commissions parlementaires.
Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire votre exposé, par la suite, il y
aura des échanges avec les parlementaires. Bienvenue à l'Assemblée.
M. Leblanc
(Michel) : Merci. D'abord, vous me permettrez de vous dire à
quel point je suis heureux de vous voir. J'ai fait la route, parce que
j'encourage les centres-villes, le mien et celui de Québec, et je suis très
heureux d'être avec vous. Merci de nous avoir invités à venir présenter notre
position. Je rappelle brièvement que la chambre est un organisme qui va fêter
son 200e anniversaire l'année prochaine. Il y a peu d'organisations au Québec
qui ont cette longévité. Et ça veut donc dire qu'on était au coeur de ces
discussions probablement depuis 200 ans, et on présume que ça va continuer
pendant, au moins, les 200 prochaines années…
M. Leblanc
(Michel) : ...position. Je rappelle brièvement que la chambre
est un organisme qui va fêter son 200e anniversaire, l'année prochaine. Il y a
peu d'organisations, au Québec, qui ont cette longévité. Et ça veut donc dire
qu'on était au coeur de ces discussions probablement depuis 200 ans, et on
présume que ça va continuer pendant au moins les 200 prochaines années.
Dans notre esprit, la langue commune du Québec,
et de Montréal, et du travail est le français. Il n'y a pas d'ambiguïté. Ça n'a
pas toujours été la position de la chambre, ça ne l'a pas été à l'occasion du
débat sur la loi 101, à l'origine. C'est clairement, maintenant, approuvé, je
dirais, déterminé dans la communauté d'affaires que le français est la langue
commune de travail et la langue commune de la société.
On appuie la volonté de renforcer la place
du français et on prend note des inquiétudes qui sont révélées par les
sondages, par les enquêtes, les inquiétudes qui sont dans la population, et il
y a effectivement des données qui nourrissent cette inquiétude, il y a des
données qui viennent dire le contraire, mais on voit bien qu'il y a cette
inquiétude et on appuie le gouvernement dans sa volonté d'agir.
On comprend qu'il y a une réalité aussi
qui est nouvelle. Oui, il y a plus d'immigrants qu'il y en avait, et on en
dépend beaucoup, on voit la pénurie de main-d'oeuvre, on la voit clairement
dans le domaine de la santé et au niveau des infirmières. On voit aussi
l'internationalisation de l'économie. Nos grands champions économiques du
Québec partout sur la planète, et on constate aussi que la langue
internationale, qui est devenue l'anglais, est aussi la langue des affaires sur
le Web, et la langue de la technologie, dans bien des cas, et la langue des
applications.
Donc, on convient qu'il faut agir, mais on
met en garde, à travers ce qu'on a lu dans le projet de loi n° 96,
sur trois enjeux majeurs. Le premier, c'est qu'on doit le faire sans miner la
capacité de notre économie et de nos champions de s'internationaliser. Et je le
répète, la langue internationale des affaires est l'anglais. On doit le faire
d'une façon à ne pas étouffer, sous le poids du bagage administratif
additionnel, nos PME. Et on doit faire en sorte qu'à travers nos activités, nos
actions pour soutenir l'intégration des immigrants, la francisation des PME...
qu'on le fasse avec les organismes terrain. Nous pensons que le gouvernement
lui-même, à travers ses institutions et ses fonctionnaires, n'est pas toujours
le mieux placé pour atteindre ces objectifs-là.
Je rappellerais, je pense... je dirais
humblement que la chambre sait de quoi elle parle. Ça fait 13 ans qu'on agit
sur le terrain avec le gouvernement du Québec pour se casser la tête :
Comment on fait en sorte que les petites entreprises soient francisées, que les
immigrants soient francisés, que les commerçants soient francisés? On y va de
tous nos efforts, avec toute notre créativité. On arrive avec des solutions, et
le gouvernement nous a appuyés. Je rappellerais qu'on avait un programme qui
est suspendu qui s'appelle J'apprends le français, qui a gagné plusieurs prix,
dont un que vous nous avez remis en personne, M. le ministre, on l'avait
beaucoup apprécié. On a des programmes terrain qui fonctionnent.
Évidemment aussi, depuis 40 ans, on
soutient l'internationalisation de notre base d'affaires. C'est la vision
qu'avaient mes prédécesseurs que nos entreprises d'ici ne réussiront pas et
notre économie n'atteindra pas son plein potentiel sur notre marché intérieur.
Nous sommes régulièrement en mission à l'étranger, et nous faisons des
formations, et nous incitons nos PME à se doter, dès le début de leur plan
d'affaires, d'un plan à l'international, qui implique donc de se poser la question
sur...
M. Leblanc
(Michel) : ...de mes prédécesseurs, que nos entreprises d'ici
ne réussiront pas, et notre économie n'atteindra pas son plein potentiel sur
notre marché intérieur. Nous sommes régulièrement en mission à l'étranger et
nous faisons des formations et nous incitons nos PME à se doter, dès le début
de leur plan d'affaires, d'un plan à l'international qui implique donc de se
poser la question sur le site Web transactionnel : Doit-il être en
anglais? Est-ce que je dois avoir des ressources internes qui parlent d'autres
langues que le français? Est-ce que, dans mes efforts de mise en marché de mes
produits, je dois, dès le départ, penser à mon suivi après vente en anglais
parce que ça va être à l'international? On est au courant des enjeux des
entreprises au quotidien depuis 40 ans.
Le projet de loi, il y a quelques
préoccupations, vous les avez dans le document qui vous a été acheminé. Le
premier, c'est évidemment l'internationalisation de notre base d'affaires.
Avant même de penser aux filiales étrangères qui sont actives au Québec, ce
sont nos entreprises du Québec qui desservent d'abord le reste du Canada dans
bien des situations, les États-Unis, et l'international, et là il y a des
enjeux touchant cette perception qu'on devrait réglementer qui on embauche pour
quelles conditions, et surtout la connaissance des autres langues, dont
l'anglais.
Ça vaut pour les grandes entreprises. Ça
vaut pour beaucoup de fonctions dans les grandes entreprises. Que ça soit
l'approvisionnement, que ça soit la distribution pancanadienne ou
internationale, que ce soit les ressources humaines qui vont avoir des
ressources un peu partout, pas juste au Québec, que ce soit sur le marketing,
la communication, le suivi après-vente, les systèmes légaux, dans toutes ces
entreprises, il y a énormément de fonctions qui vont nécessiter la connaissance
de l'anglais et qui nécessitent donc la latitude de l'entreprise de définir ses
besoins et ses besoins d'embauche, e, dans le cas des petites entreprises, de
les définir parfois avant que le besoin soit exprimé concrètement. Une petite
entreprise qui se dit : Dans deux ans, je vais aller à l'international ou,
dans deux ans, j'active mon plan de développement dans le reste du Canada, doit
pouvoir embaucher, dès maintenant, des ressources qui possèdent potentiellement
l'anglais même si, au quotidien, ils n'ont pas encore d'utilisation de
l'anglais. Alors ça met en perspective la difficulté de vouloir réglementer les
exigences de la connaissance de l'anglais à l'embauche.
Une fois qu'on a dit ça sur nos
entreprises d'ici, il y a les entreprises qu'on cherche à attirer, nos filiales
étrangères basées à Montréal. Je vais prendre une entreprise que j'utilise
souvent parce que symboliquement elle est puissante, L'Oréal, entreprise
française qui a un siège social à Montréal qui dessert tout le Canada à partir
de Montréal. Chaque fois qu'on va dire à cette société qu'elle ne peut pas
utiliser des outils en anglais et qu'elle ne peut pas avoir des postes qui
utilisent l'anglais ou qu'elle doit absolument utiliser des stratégies en
français au niveau des communications dans ses équipes, cette entreprise-là et
les autres dans cette situation vont se poser la question : Est-ce que je
déménage cette fonction à Toronto? C'est automatique, ils vont se dire si, au
Québec, c'est difficile d'avoir un siège social pancanadien ou, dans certains
cas, mondial, Rio Tinto Alcan, siège social mondial de l'Alcan... de
l'aluminium pour la compagnie Rio Tinto, à chaque fois qu'on va faire ça, on
fragilise notre base économique de décideurs de sièges sociaux au Québec.
Dernier point, évidemment, les embauches
qu'on va faire de l'étranger. Il n'y aurait pas d'intelligence artificielle à
Montréal si nous disions à ces gens-là : Vous devez connaître...
M. Leblanc
(Michel) : ...mondial de l'Alcan... de l'aluminium pour la
compagnie Rio Tinto. À chaque fois qu'on va faire ça, on fragilise notre base économique
de décideurs de sièges sociaux au Québec.
Dernier point, évidemment, les embauches
qu'on va faire de l'étranger. Il n'y aurait pas d'intelligence artificielle à Montréal
si nous disions à ces gens-là : Vous devez connaître le français, vos
enfants doivent aller tout de suite en français ou vos conjoints doivent tout
de suite connaître le français. Ça n'arriverait juste pas. Je vous le dis, si
vous regardez les talents qu'on a attirés à Montréal, ça prend une zone tampon,
ça prend un message d'accueil très ouvert, et c'est comme ça qu'on s'inscrit
dans cette mouvance internationale des talents de très haut niveau liés aux
domaines de pointe.
J'ai parlé d'intelligence artificielle, je
peux parler d'aéronautique, je peux parler de technologies de l'information, de
cybersécurité. Ces experts-là, hautement mobiles, ne proviennent pas du Québec
dans bien des situations et ne proviennent pas de la francophonie aussi.
Finalement, la langue des contrats. Nos
entreprises d'ici contractualisent avec des entreprises internationales basées
au Québec, avec des entreprises de l'extérieur, et doivent pouvoir le faire dans
la langue de leur choix, oui, mais dans la langue du choix du partenaire. Et,
si on impose que ce contrat, pour être jugé valide au Québec, doit être en français,
la contractualisation va se déplacer vers Toronto. Ces fonctions-là vont se
déplacer vers Toronto. On est dans le Canada.
Quand je vais en Chine avec des
entreprises, j'ai longtemps dit à mes petites entreprises : Faites vos
sièges sociaux à Hong Kong pour être soumis au régime légal de Hong Kong si
vous faites des affaires en Chine. Ça va être le même discours qui va être tenu
pour établir à Toronto les fonctions qui vont nécessiter de contractualiser parce
qu'on va imposer ici à des entreprises qui ne désirent pas de contractualiser
en français.
Le deuxième point, évidemment, c'est les
PME. Vous avez eu le mémoire de la FCEI, qui décrit explicitement l'ajout de
charges de travail pour les PME. On soumet les PME de 25 à 50 employés au
régime. Historiquement, la chambre a toujours été contre.
Présentement, nous disons : Si nous
allons de l'avant, faisons-le, mais faisons-le d'une façon où, en même temps,
on ne réduit pas les délais pour arriver à la conformité et qu'on n'augmente
pas les pénalités d'un coût pour les récalcitrants ou les entreprises de bonne
foi qui vont se retrouver en non-conformité.
Donc, oui, si on les intègre dans le
régime, mais maintenons des délais suffisants pour qu'ils arrivent à la
conformité et créons une gradation avec un système très incitatif, très lié à l'accompagnement,
quand il y aura manquement. On ne peut pas faire les trois en même temps. C'est
arriver d'une façon indue sur le dos des petites entreprises.
• (11 h 30) •
Je finirai avec l'accompagnement. Je l'ai
dit d'entrée de jeu, il est important que le gouvernement s'organise et que le
gouvernement s'organise avec des lieux de concentration d'expertise.
L'inquiétude du milieu, c'est que — et vous en serez peut-être
témoins à d'autres occasions — c'est que le gouvernement se mette à
dire : Sur le terrain, ça sera des fonctionnaires. Je vous le dis, la relation
entre les PME et les gens qui viennent les voir est très importante. Les PME
ont peur d'être...
11 h 30 (version non révisée)
M. Leblanc
(Michel) : …des lieux de concentration et d'expertise.
L'inquiétude du milieu, c'est que, et vous
en serez peut-être témoins à d'autres occasions, c'est que le gouvernement se
mette à dire : Sur le terrain, ça sera des fonctionnaires. Je vous le dis,
la relation entre les PME et les gens qui viennent les voir est très
importante, les PME ont peur d'être en non-conformité même quand elles le sont.
Pour les amener à s'ouvrir, présenter leurs choses de façon volontaire,
éventuellement s'ouvrir aux suggestions qui vont être faites, nous encourageons
le gouvernement à explicitement dire que la mise en application auprès des PME
va se faire avec des organismes terrain.
Je vous dis : Je suis en conflit
parce que la chambre se présente comme étant un organisme terrain. Mais quand
bien même vous décideriez que ce n'est pas avec la chambre, je vous dis :
Faites-le avec les organismes terrain, si c'est fait par des fonctionnaires, ça
va créer des tensions, ça va créer des résistances et à la fin on n'atteindra
pas l'objectif qu'on vise. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Leblanc. Donc, sans plus tarder, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Leblanc, un plaisir de vous
retrouver ici en commission parlementaire.
J'ai pris connaissance de votre mémoire.
Honnêtement je ne suis pas vraiment surpris, je m'y attendais un peu, comme les
acteurs du domaine économique. Il y a toujours des tensions, hein, entre
protéger la langue française et le domaine économique parce que, bien entendu,
le fait de faire un choix pour protéger et promouvoir la langue française, bien,
nécessairement, ça vient avec certaines contraintes, ce n'est pas la liberté la
plus complète comme dans d'autres états parce qu'il y a une particularité
spécifique à la langue française au Québec pour assurer la pérennité de la
langue. Et je comprends les intérêts légitimes de vos membres, des
entrepreneurs de dire bien : Écoutez, on est en faveur mais dans
l'application, il faut que ce soit réaliste à notre réalité, puis je suis très
sensible à ça.
J'aimerais qu'on parle de la question des
contrats que vous avez soulevée tout à l'heure. Dans le projet de loi, on vise
les contrats d'adhésion, notamment. Pour bien comprendre la réalité des
entreprises, est-ce que vous nous dites que lorsqu'une entreprise, entre deux
parties privées, là, une entreprise au Québec, une entreprise à l'étranger, je
pense que vous avez donné l'exemple de Hong Kong, est-ce que je dois comprendre
que, dans le cadre des contrats qui existent, ils font des contrats d'adhésion
entre l'entreprise québécoise et l'entreprise située à l'étranger, comme ça?
Parce que, moi, de la façon dont la
disposition est libellée, à partir du moment où il y a une entente
contractuelle entre les deux parties, donc une entreprise québécoise et une
entreprise à l'étranger, ils ont la liberté contractuelle de rédiger dans la
langue de leur choix, s'ils veulent le faire en mandarin, s'ils veulent le
faire en anglais, ils peuvent le faire aussi. L'enjeu de la disposition il est
véritablement sur le contrat d'adhésion, notamment quand les citoyens québécois
contractent avec une entreprise, il faut que le contrat puisse être en
français. Mais je veux juste avoir des éclaircissements de votre part
là-dessus.
M. Leblanc
(Michel) : Deux choses. Je reviendrais sur votre
préambule. Quand vous mettez en opposition un peu les intérêts de mes membres
et le milieu des affaires, moi, je vous dirais que c'est les intérêts du
Québec. Et j'ai la prétention de dire que le développement économique et la
performance de nos entreprises qui pourraient être affectés négativement…
M. Jolin-Barrette : …que le
contrat puisse être en français. Mais je veux juste avoir des éclaircissements
de votre part là-dessus.
M. Leblanc
(Michel) : Deux choses. Je reviendrais sur votre préambule,
quand vous mettez en opposition un peu les intérêts de mes membres et le milieu
des affaires. Moi, je vous dirais que c'est les intérêts du Québec. Et j'ai la
prétention de dire que le développement économique et la performance de nos
entreprises qui pourraient être affectés négativement si elles n'arrivent pas à
embaucher des ressources bilingues lorsqu'elles le jugent nécessaire, ce n'est
pas juste mes membres, c'est le Québec en entier qui est…
M. Jolin-Barrette : On va y
revenir.
M. Leblanc
(Michel) : Parfait. Je vous remercie. Pour ce qui est de la
contractualisation, c'est vraiment dans la relation d'entreprise à entreprise.
Donc, ce n'est pas d'entreprise à citoyen. Que le citoyen québécois, dans sa
contractualisation avec des entreprises qui font affaire au Québec, le fasse
dans sa langue pour qu'il comprenne sa langue, c'est bon. Que ce soit entre
entreprises qui contractualisent, et pas juste vers l'international, c'est des
entreprises basées au Québec… donc une entreprise étrangère qui aurait des
filiales partout dans le monde, qui aurait un contrat type, à qui on dirait,
ici, pour une PME d'ici qui veut faire affaire avec cette entreprise-là :
Non, non, vous devez, avec cette PME là, contractualiser en français. Ça risque
de faire en sorte que l'entreprise va simplement dire : Moi, je ne
contractualise plus à partir du Québec, je vais simplement contractualiser à
partir de Toronto. Puis toi, tu es une entreprise du Québec, tu veux
contractualiser, tu vas aller contractualiser à Toronto, puis tout, tout, tout
l'aspect légal va se gérer de Toronto. C'est l'inquiétude que les cabinets
d'avocats m'ont soumise depuis des semaines, en disant : Cette clause-là
va affaiblir toute, toute, toute la base de compétences au Québec liée à la
contractualisation, entre entreprises québécoises et entreprises
internationales qui contractualiseraient au Québec avec ces entreprises-là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, on va regarder ce commentaire-là. Je l'accueille positivement. Et un des
objectifs que nous avons… et lorsque vous dites : L'intérêt de vos
membres, c'est l'intérêt du Québec, j'en suis, et le gouvernement du Québec,
bien entendu, veut protéger les sièges sociaux, bien entendu, veut s'assurer
que l'économie du Québec soit florissante. Et vous dites : On amène nos
entreprises, dès le départ, vers l'internationalisation, ce qui est une bonne
chose, notamment, pour attirer des capitaux, les exportations, on veut les
augmenter aussi. Mais lorsque vous dites, bon, il faut que les... ça prend une
marge, ça prend un tampon pour que les enfants, lorsqu'on attire des travailleurs
étrangers, bien, puissent, je comprends, ne pas aller dans les écoles francophones
tout de suite.
Dans le projet de loi, ce qu'on a fait,
c'est qu'on a mis fin au bar ouvert, du fait que, pour les travailleurs
étrangers, il n'y avait pas de limite de temps. On a mis une limite de trois
ans. Donc, il y a encore la liberté, pour un travailleur particulier, d'envoyer
son enfant dans une école d'une autre langue que le français pendant une
période temporaire de trois ans. Sauf qu'il y a des impératifs étatiques aussi,
à un moment donné, pour faire en sorte que l'intégration des personnes qui
choisissent le Québec se fasse en français aussi. Puis vous le savez, tout
comme moi, que c'est un équilibre qui est délicat, et on partage le même objectif
du fait que l'économie puisse croître, qu'on puisse devenir des leaders. Mais
ce que je reçois comme message, c'est que vous préféreriez qu'on ne touche pas
à grand-chose.
M. Leblanc (Michel) :
Non, non, non, là, vous me caricaturez. Ce que je vous dis, c'est la...
M. Jolin-Barrette : ...que l'économie
du Québec puisse croître, qu'on puisse devenir des leaders. Mais ce que je
reçois comme message, c'est que vous préféreriez qu'on ne touche pas à
grand-chose.
M. Leblanc
(Michel) : Non, non, non, là, vous me caricaturez. Ce que je
vous dis, c'est la nervosité, c'est que le talent présentement est sursollicité
de partout. Et ça se joue sur des questions de détail. Et donc, si à Helsinki
on embauche des gens chez Nokia ou à Stockholm chez IKEA dans les technologies
de l'information et qu'on dit à ces gens-là : Tes enfants, tu n'auras pas
besoin de les envoyer à l'école suédoise dans trois ans ou à l'école
finlandaise dans trois ans, tu vas pouvoir continuer de les envoyer dans une
école en anglais parce que tu es mobile puis parce que tu penses que tu es ici
pour un temps indéterminé. Ce que je vous dis, c'est le genre d'élément qui, du
point de vue de l'embauche de gens, puis c'est sensible, les enfants, puis
c'est sensible, le conjoint, peut avoir un impact qui... simplement, ça réduit
de 10 %, 15 % les gens qu'on est capable d'attirer.
Et je ne suis pas en train de dire que
c'est simple. Puis c'est pour ça que je refuse d'être caricaturisé en
disant : On ne veut pas. Mais...
M. Jolin-Barrette : Ah bien!
ce n'est pas ma prétention.
M. Leblanc
(Michel) : Ce que je vous dis, c'est que c'est très sensible.
Et on est à l'intérieur du Canada. Et Toronto, les entreprises de Toronto ont
les mêmes enjeux d'attraction de ressources. Et mon homologue de Toronto et
celui de... l'équivalent de Montréal International est en train de dire à
toutes sortes d'entreprises : Ces fonctions-là, si vous les logez à
Montréal, là, regardez comment ils vont vous gosser sur vos ressources,
mettez-les à Toronto. Puis ça, c'est la vraie game qui joue.
Ça fait que, quand les entreprises me
parlent, ils disent : Assure-toi que le gouvernement est bien conscient
qu'à partir du moment où on va dire à des ressources hautement mobiles que tes
enfants, là, ils sont-u un petit peu... ils sont-u sous le spectre de
l'autisme, ils ont-u des enjeux... Mais au bout de trois ans, envoie-les à
l'école française. C'est là qu'on est dans la sensibilité dans un marché
international.
Et, si je suis à Helsinki, je ne suis pas
nerveux. Si je suis au Québec parce que je suis en Amérique du Nord, j'ai le défi
qu'on a collectivement comment je maintiens le français comme langue commune.
Mais je vous dis, on joue dans la zone qui va nous affaiblir sur les talents
qu'on cherche à attirer.
Puis ce qui est aussi fatigant, c'est
qu'on dit aux entreprises : Avant d'embaucher des Québécois, là, que tu
veux bilingues, là, il va falloir que tu justifies. Puis là, encore là, on joue
dans une zone où on a des PME puis on veut que, le plus rapidement possible,
elles soient performantes à l'international. Puis on leur dit : Oh! par
exemple, attends, attends, il va falloir que tu me fasses la démonstration que
tu en as vraiment besoin. On est dans la zone, on peut fragiliser notre base
d'affaires.
M. Jolin-Barrette : Mais
c'est faire abstraction du marché également à Montréal et des récentes études
où on exige la connaissance d'une autre langue que le français alors que ce
n'est pas nécessaire. On est en pénurie de main-d'oeuvre, selon certains, à
Montréal, et il y a des candidats unilingues francophones qui ne se font pas
embaucher. Et là on se retrouve à avoir une exigence systématique du
bilinguisme. Est-ce que c'est vraiment requis?
Écoutez, la Fédération des chambres de
commerce était sensiblement d'accord avec l'article 46. Et moi, je trouve
que l'imposition de 46.1, pour le fait que les Québécois puissent travailler
dans leur langue en français, je ne pense pas que c'est déraisonnable. Et on
n'empêche pas les employeurs...
M. Jolin-Barrette : …est-ce
que c'est vraiment requis? Écoutez, la Fédération des chambres de commerce
était sensiblement d'accord avec l'article 46 et moi, je trouve que
l'imposition de 46.1, pour le fait que les Québécois puissent travailler dans
leur langue en français, je ne pense pas que c'est déraisonnable. Et on n'empêche
pas les employeurs d'exiger la connaissance d'une autre langue que le français
cependant il y a certains critères aussi pour éviter que systématiquement les
emplois requièrent une autre langue que le français.
• (11 h 40) •
M. Leblanc
(Michel) : Trois éléments. Premièrement, M. le
ministre, avec tout le respect, il y a une pénurie de main-d'oeuvre à Montréal,
ce n'est pas : Certains prétendent que ou certaines pensent que, il y en a
une, ça fait que je vous le dis de terrain, là, il y a une pénurie de
main-d'oeuvre à Montréal. Et l'adéquation qu'on fait : il y a des gens qui
n'ont pas d'emploi puis il y a des emplois non comblés. Bien oui, mais la
réalité, dans la vie, c'est qu'un emploi non comblé, ça requiert peut-être des
compétences que la personne qui est sur le chômage ou qui est sans emploi ne
peut pas avoir ou n'a pas. Alors, ça, c'est juste pour qu'on arrête cette
prétention qu'il y aurait une vue de l'esprit qu'il n'y a pas de pénurie de
main-d'oeuvre à Montréal parce qu'il y a du chômage, c'est une vue de l'esprit.
Le deuxième élément…
M. Jolin-Barrette : Juste un
point là-dessus. Moi, je dis qu'on disqualifie des gens à Montréal parce qu'ils
ne sont pas bilingues puis qui ont des compétences, ça, vous ne pouvez pas le
nier, là, on voit.
M. Leblanc
(Michel) : La discipline de marché, là, la discipline de
marché, elle va opérer puis là, les économistes vont vous dire : Laissez
du temps au marché de jouer, là, parce que c'est clair que les entreprises ne
vont pas se mettre en faillite ou vont refuser de faire des sous parce que
soudainement ils font la fine bouche avec des employés potentiels qui
pourraient répondre à leurs besoins.
Le deuxième, c'est que c'est clair que
c'est intéressant de dire : Ça va prendre des critères. La question qui
est posée dans le mémoire, c'est : C'est-u un fonctionnaire qui va
dire : Soumets-moi ton plan d'embauche? Envoie-moi tes critères d'embauche
puis justifie-moi comment est-ce que tu détermines qu'ils ont besoin de
l'anglais ou pas. La demande des entreprises présentement...
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est
pas ça. Ce n'est pas ça, puis vous le savez que ce n'est pas ça. Honnêtement, l'article 46
de la charte actuellement, ce n'est pas ça. Vous savez que 46.1, ça ne sera pas
ça. Alors, quand vous dites ça en commission parlementaire, honnêtement, vous
essayez de faire peur aux entreprises, puis je n'accepte pas ça. C'est un
droit...
M. Leblanc
(Michel) : Les entreprises ont peur, M. le ministre, les entreprises
ont peur.
M. Jolin-Barrette : C'est un
droit qui est prévu dans la loi... Oui, mais la peur des entreprises n'est-elle
pas accentuée par les propos que vous tenez en commission parlementaire présentement?
L'article 46.1 prévoit des modalités
des droits. Est-ce que, dans le projet de loi, c'est prévu que c'est les
fonctionnaires qui vont venir vérifier ça? Non. Ça ne l'a jamais été et ça ne
le sera pas. C'est un processus qui est en place pour en sorte que les entreprises...
un processus légal, puis les entreprises sont assujetties à une série de règles
dans tous les domaines, pas uniquement pour la langue française, mais pour beaucoup
d'autres choses.
Alors, lorsque vous présentez ce point de
vue là puis vous dites : Les entreprises ont peur, ça va être des
fonctionnaires, tout ça, attention. Il n'y a personne qui va soumettre son plan
d'embauche. Vous savez comment ça fonctionne. Puis vous m'avez dit...
M. Leblanc
(Michel) : Non, mais je suis très heureux de vous l'entendre
dire clairement comme ça, M. le ministre, très heureux.
M. Jolin-Barrette : Vous
m'avez dit : J'ai consulté beaucoup d'avocats puis mon conseiller. Je
doute fortement qu'ils vous aient dit ça.
M. Leblanc
(Michel) : Ah! les avocats, ce qu'ils nous ont dit, c'est que
ça ouvre la porte à un éventuel contrôle des politiques d'embauche, à un
éventuel. Puis moi, je suis très heureux de vous entendre dire que ce n'est
absolument pas l'intention de l'État de le faire à aucun moment. Je suis très
heureux.
M. Jolin-Barrette : Lorsqu'il
y a des règles qui sont établies, s'il y a violation des règles, vous savez que
les gens peuvent...
M. Jolin-Barrette : ...je
doute fortement qu'ils vous aient dit ça.
M. Leblanc
(Michel) : Les avocats, ce qu'ils nous ont dit, c'est que ça
ouvre la porte à un éventuel contrôle des politiques d'embauche, à un éventuel.
Puis moi, je suis très heureux de vous entendre dire que ce n'est absolument
pas l'intention de l'État de le faire, à aucun moment. Je suis très heureux.
M. Jolin-Barrette : Mais
lorsqu'il y a des règles qui sont établies, s'il y a violation des règles, vous
savez que les gens peuvent porter plainte, puis il y a des recours du travailleur,
qui, lui, peut se dire : Bien, j'ai le droit de travailler en français,
puis on m'a exigé la connaissance d'une autre langue, alors que ce n'est pas nécessaire.
Vous connaissez les mécanismes. Mais il faut juste faire attention, quand on
invoque, en commission parlementaire, certains éléments que vous savez qui ne
sont pas exacts.
M. Leblanc
(Michel) :Déjà là, ce que vous dites
amène les entreprises à être inquiètes sur la multiplication des plaintes, et éventuellement
la judiciarisation de ces plaintes, puis éventuellement les risques
réputationnels parce que des employés quérulents, comme il existe des citoyens
quérulents, se mettraient à contester que des réunions se passent en anglais,
que des embauches se passent en exigeant de l'anglais ou qu'éventuellement que
des emplois soient transformés parce que, dorénavant, on exigerait l'anglais.
IA une grande crainte de la multiplication de ces plaintes d'employés.
Les gens disent souvent : À partir du
moment où il y a quelqu'un de Toronto qui parle juste anglais, dans une réunion
Zoom, présentement, il fait parler en anglais. Il y a des entreprises qui
disent : Oui, je le sais, puis, en même temps, progressivement, on
s'internationalise, puis c'est ça qui est en train de se passer. Puis on peut
penser qu'une société comme L'Oréal, pendant longtemps, a fonctionné en France,
à Paris, en français, puis un jour L'Oréal a décidé que ses réunions de ses
employés Français à Paris se passeraient en anglais. C'est là où il y a une
nervosité. C'est quand vous dites : On ne va pas contrôler les plans
d'embauche, la perception, c'est non, mais vous ouvrez la porte à une
multiplication des plaintes, à une forme de risque réputationnel. Les entreprises
vont devoir continuellement s'expliquer pourquoi ça se passe en anglais à tel
moment puis à tel autre moment.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
ne pensez pas que... Actuellement, dans le marché du travail québécois, là, effectivement,
il y a des entreprises qui s'internationalisent, mais ce n'est pas tout le
monde qui est à l'international. Vous ne pensez pas qu'il y a un enjeu, sur le marché
du travail montréalais, dans l'environnement de travail, qu'il y a beaucoup de Québécois
qui doivent travailler dans une autre langue que le français, alors que ce
n'est pas nécessaire? Est-ce que, pour votre organisation, c'est un fait?
M. Leblanc
(Michel) : Oui, je suis prêt à vous rejoindre là-dessus,
c'est-à-dire que moi, je pense qu'il y a eu des réflexes d'entreprises d'exiger
du bilinguisme partout. Je pense que, donc, c'est nécessaire de regarder
comment on peut corriger ça. Mais ce que je vous dis, c'est qu'il y a un
risque, et le risque, je le vois sur l'internationalisation des entreprises et
non pas sur le restaurant de Montréal-Nord où ça se passerait en anglais, alors
que ça devrait se passer en français. Donc, ça, je vous l'accorde.
Puis je ne vous dis pas que… c'est pour ça
que, quand vous dites : Je suis contre, je ne suis pas contre. Ce que je
vous dis, c'est qu'il y a une zone de risque, puis elle est sur les entreprises
susceptibles d'aller vers les marchés à l'exportation ou des entreprises
susceptibles d'être dans des lieux à haute fréquentation touristique. Donc, le
même restaurant qui est à Montréal-Nord, s'il est dans le Vieux-Montréal,
pourrait décider que lui, non pas qu'il veut que ça se passe en anglais, mais
il exige systématiquement une connaissance de l'anglais pour tous ses serveurs
parce qu'il y a une panoplie de touristes, d'étrangers qui vont se présenter.
Donc, encore là, dire : Mais en restauration, on n'a pas le droit de
l'exiger, non, parce qu'il y a des endroits où la restauration vit du touriste…
M. Leblanc
(Michel) : ...donc le même restaurant qui est à Montréal-Nord,
s'il est dans le Vieux-Montréal, pourrait décider que, lui, non pas il veut que
ça se passe en anglais, mais il exige systématiquement une connaissance de
l'anglais pour tous ses serveurs parce qu'il y a une panoplie de touristes,
d'étrangers qui vont se présenter. Donc, encore là, dire : Dans la
restauration, on n'a pas le droit de l'exiger, non, parce qu'il y a des
endroits où la restauration vit du touriste. Et de la même façon que quand moi,
je vais au Japon, qu'est-ce que je cherche, un restaurant où on peut me parler
en anglais, bien, de la même façon qu'un Japonais qui vit à Montréal, il risque
de chercher un restaurant où on peut y parler en anglais aussi. C'est ça, la
réalité.
M. Jolin-Barrette : Encore
là, avec respect, 46.1 du projet de loi, ce n'est pas ce qu'il dit. Il ne dit
pas qu'un restaurateur dans le Vieux-Montréal ne pourra pas embaucher des
serveurs qui ont une maîtrise de la langue anglaise pour servir une clientèle
étrangère. Ce n'est pas ce que 46.1 dit. Et je l'ai dit, on n'est pas
dogmatiques relativement aux emplois qui peuvent exiger la connaissance d'une
autre langue que l'anglais, mais il y a certains critères pour s'assurer que, généralement,
sur le marché du travail, ce soit le français qui prédomine. Et, bien sûr, il y
a certains corps d'emploi qui exigent la connaissance autre que l'anglais. Le
cas des serveurs... effectivement, ça peut être le cas, hein, ça peut être le
cas, parce qu'il y a une clientèle internationale à Montréal ... de la commune.
O.K. Il n'y a pas d'enjeu. Mais de dire que le projet de loi vient
interdire à un restaurateur d'embaucher quelqu'un qui a une connaissance de la
langue anglaise, c'est inexact, bref. Mis je vais céder la parole à mes collègues
qui souhaitent poser des questions, mais je vous remercie pour votre passage en
commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et, M. le député de Saint-Jean, vous avez exactement 1 min 20 s
pour poser une question et avoir une réponse de M. Leblanc.
M. Lemieux : Je m'excuse, je
n'avais pas mes écouteurs. Combien 20?
La Présidente (Mme Thériault) :
1 min 20 s.
M. Lemieux : J'étais rendu...
Bonjour, M. Leblanc. J'étais rendu exactement où était le ministre, mais
j'essayais de ramener ça, dans ma tête, à la vraie vie, et pas seulement dans
le siège social.
M. Leblanc
(Michel) : C'est la vraie vie, dans le siège social.
M. Lemieux : Genre, la
mairesse, hier, est venue nous dire : C'est la plus grande ville francophone
en Amérique du Nord, il faut que ça paraisse. Et je pense que si on a le projet
de loi, en ce moment, c'est parce qu'on sent, tout le monde, qu'il faut
protéger le français. Puis je pense que ça ne paraissait pas assez, un bout de
temps, puis là on essaie de corriger ça.
J'ai apprécié votre... d'emblée,
dire : Puis on est d'accord, puis même 25, on peut vivre avec ça. Mais
dans la vraie vie, dans les compagnies dont on parle, il n'y a pas juste le
siège social puis les 10 qui travaillent avec l'étranger en permanence, il y a
des centaines de personnes, là-dedans. Ils ont le droit de parler en français,
et de vivre, et de travailler en français, ces gens-là.
M. Leblanc
(Michel) : Je vous entends. Je vous corrigerai... d'abord, le
siège social, c'est la vraie vie aussi. Deuxièmement, quand vous dites qu'il y
a 10 personnes puis des centaines, moi, je vous corrigerai, c'est des centaines
de personnes, dans les sièges sociaux, qui doivent fonctionner en anglais. Mais
là où je vous rejoins, c'est... L'objectif, je pense, qu'on veut atteindre,
c'est que lorsque ce n'est pas nécessaire, on n'a pas à l'exiger. Mais je vous
dis que c'est souvent nécessaire, c'est ça mon...
M. Lemieux : Est-ce qu'il y en
a trop en ce moment? On est-u capable de descendre ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je...
M. Lemieux : Ah! excusez, Mme
la Présidente. Désolé...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'ai plus de temps, désolée. Merci. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour. M. Leblanc.
M. Leblanc
(Michel) : Bonjour, Mme David.
Mme David : Ça fait longtemps
qu'on ne s'était pas vus. Écoutez, la question justement des créneaux stratégiques...
M. Lemieux : …Ah! excusez,
Mme la Présidente. Désolé, ce n'était pas…
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, je n'ai plus de temps, désolée.
M. Lemieux : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, M. Leblanc.
M. Leblanc
(Michel) : Bonjour, Mme David.
Mme David : Ça fait longtemps
qu'on ne s'était pas vus. Écoutez, la question, justement, des créneaux stratégiques,
des créneaux stratégiques. On le sait, on s'est beaucoup réjoui du secteur de
l'intelligence artificielle, évidemment, le Mila a fait tout ce qui gravite
autour de ce succès mondial, l'aérospatial, avec des écoles, je le souligne,
collégiales formidables là-dessus puis tout ce qui s'est développé en recherche
et développement, les technologies propres, vous dites aussi, enfin on peut en
nommer plusieurs, mais les jeux vidéos.
Et puis là, vous dites,
recommandation 3 : S'assurer que la loi reconnaît la nécessité
d'intégrer sur les lieux de travail des travailleurs qui ont un niveau de
connaissance de français limité lors de leur embauche, bon, ce qui pourrait
impliquer des accommodements temporaires. Ça a été fait récemment par la CAQ
pour des travailleurs, si je me souviens bien, il y a quelques mois, vous me
corrigerez, pour des travailleurs justement en intelligence artificielle, je
crois, où ils ont carrément dit : On n'exigera pas le français. Est-ce que
je me trompe?
M. Leblanc
(Michel) : Il y a des déclarations qui sont faites puis après
ça il y a des textes, l'enjeu, c'est les textes. Et pour nous, l'important,
c'est qu'on reconnaisse que dans tous ces secteurs-là, non seulement ils se
développent en attirant des talents qui viennent compléter nos équipes locales,
qui sont souvent des spécialistes… Puis je ne dis pas qu'ils viennent de pays
anglophones, du tout, je dis juste que leur langue internationale de travail,
c'est l'anglais, langue de la recherche. La langue de la recherche, c'est
l'anglais. Ça, c'est un.
• (11 h 50) •
Deux, je dis qu'au moment de l'embauche,
il faut réaliser que… Puis là, je prends l'intelligence artificielle parce que
c'est l'exemple… c'est comme si c'est l'éléphant dans la pièce. Il n'y a pas
d'intelligence artificielle au Québec si ça ne fonctionne pas en anglais, je
vous le dis, il n'y en a pas. Probablement qu'il n'y en aura pas pendant très
longtemps si on ne laisse pas savoir que ce milieu-là, là, c'est des gens
partout sur la planète. Ils arrivent ici, ils ne connaissent pas le français,
ils arrivent ici à cause de l'excellence de nos institutions puis la capacité
de travailler avec les meilleurs chercheurs entre eux puis on est en train de
bâtir ça. Bien, c'est un enjeu majeur et le signal qu'on doit lancer, c'est
qu'on est ouvert à ça.
Alors, ce qu'on a fait sur l'intelligence
artificielle, il faut le faire en aéronautique. Il faut le faire dans des
secteurs de pointe. Et si on était, encore une fois, à Helsinki ou à Amsterdam,
on l'admettrait collectivement puis on dirait : Ce n'est pas dangereux,
c'est normal.
Notre enjeu, c'est quand on dit, puis
comme on vient de le dire précédemment : O.K., mais dans les restaurants,
comment ça se passe? Puis dans les restaurants, selon où ils sont situés,
comment ça se passe? Puis à Montréal, il arrive beaucoup d'immigrants puis les
immigrants ne connaissent pas tous le français en arrivant, ne connaissent pas
tous l'anglais non plus. Puis là, ça devient une capacité de les accompagner,
ça devient une capacité de travailler avec une avec un lien de confiance. On
est heureux qu'ils viennent, on a des pénuries de main-d'oeuvre, comment est-ce
qu'on travaille sur le terrain? Puis comment est-ce qu'on travaille dans une
dynamique qui ne les angoisse pas, qui ne crée pas de l'anxiété?
Mme David : Tu sais, un peu
là-dessus, justement, le Mile End, là où est Ubisoft, Mila, etc., là, c'est
rendu maintenant Mile End…
M. Leblanc
(Michel) : …de travailler avec eux, avec un lien de confiance,
on est heureux qu'ils viennent, on a des pénuries de main-d'oeuvre. Comment
est-ce qu'on travaille sur le terrain puis comment est-ce qu'on travaille dans
une dynamique qui ne les angoisse pas, qui ne fait pas d'anxiété?
Mme David : Tu sais, là-dessus,
justement, le Mile End, là où est Ubisoft Mile End, etc., là, c'est rendu maintenant
Mile End, Mile-Ex, le campus MIL, que
vous connaissez très bien évidemment, évidemment qu'il y a beaucoup
d'anglophones et, parlant anglais entre eux, vont faire toutes les recherches,
et tout ça. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas des chercheurs extraordinaires
qui parlent un français exceptionnel, je veux dire. L'Université de Montréal,
avec… il parle français de façon remarquable, mais c'est sûr que, dans sa
journée, si on faisait le calcul, probablement qu'il y a pas mal d'anglais.
Mais seriez-vous d'accord avec le principe
qu'on fasse le maximum pour que ces gens-là qui habitent Montréal, vivent à
Montréal, vont dans les restaurants à Montréal, vivent dans le Milan,
apprennent le français, qu'on les accompagne justement.
M. Leblanc
(Michel) : Complètement, complètement. Et je le dis, ce qu'on
veut, c'est qu'éventuellement ils choisissent de rester ici, parce que la
qualité de vie est incroyable, parce que ça se passe bien pour eux et leurs
familles, éventuellement, parce que c'est excitant que ça se passe en français,
parce que c'est excitant ce lieu-là.
Mme David : Mais est-ce qu'on
le rendrait obligatoire ou on les accompagne s'ils ont le goût, ce qui fait qu'il
y a des rues maintenant à Montréal, où effectivement ça se passe beaucoup plus
qu'avant en anglais?
M. Leblanc
(Michel) : Moi, je suis d'accord qu'on lance un signal, que ça
va finir par devoir se passer en français. Je dis, essayons d'éviter de dire
que c'est à l'intérieur de trois ans pour les enfants, je fais juste dire ça,
pour les enfants.
Mme David : Oui, ça, on va y
revenir sur le trois ans. O.K.
M. Leblanc
(Michel) : Eux-mêmes, que la francisation, qu'il y ait des objectifs
de francisation, tout à fait d'accord, pour qu'il y ait de l'accompagnement, tout
à fait d'accord, et que des entreprises qui n'auraient pas les bonnes
stratégies ou les bons plans en francisation, je suis d'accord qu'on
intervienne, qu'éventuellement on leur dise qu'ils doivent se conformer et qu'éventuellement
il y ait des amendes. C'est juste qu'il faut que les délais soient suffisants
puis que les amendes soient progressives.
Mme David : O.K. Dans
J'apprends le français, que j'ai bien connu, ça aussi, ça a parti dans une université
que je connais bien puis ça a fait des petits, puis là c'est rendu quatre universités,
c'est un programme exceptionnel, là, qui a été reconnu. Comment ça se fait que
ce n'est pas reparti, ce programme-là? C'est génial, je dirais, c'est
formidable.
M. Leblanc
(Michel) : Écoutez, les circonstances, c'est ceci, pour ceux
qui ne sont pas familiers, J'apprends le français est un programme qu'on a
développé où des gens des universités qui sont dans les facultés où on apprend,
où on apprend à enseigner le français, vont rencontrer des commerçants dans le
commerce pour leur apprendre le français lié à leur travail. C'est un programme
qui répond à 12 ans d'apprentissage essai, erreur, puis qui fonctionne
parfaitement, parce que pour l'immigrant ou le non-connaissant du français qui
travaille, c'est le moment où il peut le faire sur son lieu de travail, c'est
un français qui lui est directement utile puis, pour les étudiants, c'est
génial parce qu'ils vont tester, sur leur terrain, toutes leurs théories.
On arrive en pandémie, au moment du
renouvellement du financement, et c'est un programme qui est basé sur la
proximité entre un jeune enseignant puis un commerçant quelques heures par
jour, par semaine. Et donc le gouvernement a décidé de suspendre le
financement, on a arrêté d'un coup, on a mis tout le monde à pied, et donc le
programme est inopérant. Et, après ça, bien, d'abord, les communautés n'ont pas
compris, les commmerçants n'ont pas compris, les listes d'attente sont
allongées…
M. Leblanc
(Michel) : ...qui est basé sur la proximité entre un jeune enseignant
puis un commerçant quelques heures par jour, par semaine. Et donc le
gouvernement a décidé de suspendre le financement. On a arrêté d'un coup, on a
mis tout le monde à pied. Et donc le programme est inopérant. Et, après ça,
bien, d'abord, les communautés n'ont pas compris, les commerçants n'ont pas
compris, les listes d'attente se sont allongées.
Au moment où on se parle, ce que je dis au
gouvernement, c'est : On sort de la pandémie. Il y a possibilité de se
rencontrer. Est-ce qu'on ne devrait pas immédiatement réactiver ce
financement-là? Parce qu'on a des commerçants heureux de se franciser,
notamment dans la communauté chinoise, qui était une communauté qui n'était pas
si volontaire dans le passé.
Puis deuxièmement, je vous dis, il n'y a
rien qu'un commerçant désire le plus que de rentrer à la maison puis d'être
capable de montrer à son enfant qui va à l'école francophone que lui-même
maintenant est capable de parler français.
Mme David : Et on parle
de tout petits commerces, là.
M. Leblanc
(Michel) : C'est ça.
Mme David : On parle de
dépanneurs, on parle de Côte-des-Neiges. C'est rendu à Laval.
M. Leblanc
(Michel) : C'est ça. C'est ça.
Mme David : C'est rendu
un coiffeur près de l'Université Concordia qui a dit : J'ai appris le
français. C'est vraiment extraordinaire. Alors, je suis contente que vous en
parliez, parce que j'ai déjà questionné le maintenant là-dessus puis je vais
continuer à le questionner là-dessus.
M. Leblanc
(Michel) : C'est un exemple de programme dans la vraie vie.
C'est vraiment le programme... C'est le nettoyeur qui apprend ce que ça veut
dire, un ourlet. Et, à travers ça, une campagne de sensibilisation de toute la
communauté autour pour dire : Ces commerçants-là qui apprennent le
français, parlez-leur en français. Parlez un petit peu plus lentement.
Expliquez-leur vos termes. Mais ne basculez pas dans l'anglais. Et donc, dans
la vraie vie, c'est aussi un message à la communauté d'être fière d'utiliser le
français dans sa relation avec des commerçants.
Mme David : Je vais
m'interrompre parce que mon collègue va vous poser une question.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez
3 min 45 s.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Leblanc. Merci beaucoup pour votre
présentation.
Je veux réaborder la question des séjours
temporaires, que le projet de loi propose de limiter à une seule période de
trois ans pour éviter, pour citer le ministre, le «bar ouvert».
Vous avez parlé à juste titre de la
qualité de ces personnes-là, qui sont souvent non francophones, pas
nécessairement anglophones, et leur rapport aux... essentiels, à leur rapport
au Québec.
De mon expérience comme... de 10 ans
comme directeur général de l'Association des commissions scolaires anglophones
du Québec, où venaient beaucoup de ces gens-là, c'étaient justement des séjours
temporaires, dans un premier temps, qui n'accordaient aucunement, mais
aucunement des droits acquis en ce qui a trait à l'école anglaise. Pour la
plupart de temps, c'étaient des séjours, des gens qui auraient pu se trouver
n'importe où au monde et qui étaient recherchés partout au monde, qui
retournaient dans leur coin. Par contre, la possibilité pour leurs enfants de
ne pas avoir à étudier pour une période limitée en français était très
importante dans leur choix.
J'ai deux questions. Comme... de mon
expérience, la plupart de ces gens, malheureusement, retournaient dans un autre
pays ou, s'ils restaient, partageaient notre passion collective pour le
français et voulaient se donner la tâche d'intégrer au Québec en français ainsi
que dans leur langue maternelle...
M. Birnbaum : ...de mon
expérience, la plupart de ces gens, malheureusement, retournaient dans un autre
pays ou, s'ils restaient, partageaient notre passion collective pour le français
et voulaient se donner la tâche d'intégrer au Québec en français ainsi que dans
leur langue maternelle. Je me demande si c'est bel et bien votre expérience et
l'expérience de vos membres.
M. Leblanc
(Michel) : Moi, je dirais, dans l'ensemble, évidemment, là, ce qu'on
en perçoit, nous, c'est que les gens qui viennent au Québec ont une période de
flottement de quelques années où ils regardent comment ça se passe et décident
de rester quand ils s'intègrent bien. Et dans s'intégrer, ça veut dire aussi
s'intégrer linguistiquement.
Et donc ce qu'on voit, nous, c'est des
gens qui finissent par se dire : O.K., au début, je n'étais pas sûr si je
l'apprendrais, le français, finalement, je l'ai appris. Et c'est presque
inverse, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'ils se disent : O.K., il
faut que je l'apprenne parce que légalement je vais être obligé de l'apprendre,
c'est : Il faut que je l'apprenne parce que j'aime ça être ici.
Et donc le plus grand défi, c'est de les
attirer au début alors qu'ils ne savent pas s'ils vont aimer ça puis ils ne
savent pas si l'exigence du français va être très, très marquante, puis c'est
là qu'est la période de nervosité. Et c'est pour ça que je dis : Soyons
attentifs au signal qu'on lance avant leur arrivée pour les attirer ici. Et
ensuite mettons le paquet pour que ça soit le plus facile possible pour eux de
glisser dans le français.
Et donc ce qui m'inquiète dans le trois
ans, c'est le signal avant qu'ils choisissent de venir ici. Une fois qu'ils
vont être ici, si ça se passe bien, ils vont l'apprendre puis, si ça ne se
passe pas bien, ils vont dire : Regarde, on fait deux ans puis on s'en va,
puis ils ne l'apprendront pas du tout. Ça fait que c'est vraiment sur quel
signal on lance avant, puis, une fois qu'ils sont ici, pour reprendre une image
qu'on a déjà utilisée dans le passé, ils sont dans la marmite. Puis là, si ça
se passe bien, bien, ils vont rester puis ils vont être heureux. Mais il faut
pouvoir les attirer. C'est ça, l'inquiétude des entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est beau? Parfait. Il vous reste 30 secondes.
M. Birnbaum : Donc, juste pour
confirmer, de votre avis, on risque avoir un impact négatif si on impose cette
limite telle que proposée dans le projet de loi.
M. Leblanc
(Michel) : C'est clairement l'inquiétude des gens d'affaires
auxquels j'ai parlé par rapport au projet de loi.
M. Birnbaum : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Oui, merci.
Merci, M. Leblanc, pour votre présentation. Je vais revenir là-dessus, sur
attirer les talents de l'étranger. Je voudrais juste savoir : Est-ce que
vous êtes d'accord que tout le monde, notamment le monde des affaires, les
chambres de commerce, le patronat, doivent faire leur part pour protéger le
français au Québec, et surtout à Montréal? Juste si ça peut être oui ou non,
j'ai comme deux minutes.
M. Leblanc
(Michel) : ...Mais je déteste ces questions-là, parce que
«faire leur part», évidemment qu'ils font leur part. Mais, si ça veut dire
d'affaiblir les entreprises, éventuellement, d'affaiblir l'économie du Québec,
ça ne s'appelle pas faire sa part.
Mme Ghazal : Non, non, mais
attendez, on va avoir la discussion, on va avoir la discussion. Donc, vous êtes
d'accord qu'il faut faire des efforts?
M. Leblanc
(Michel) : Oui.
Mme Ghazal : Non? Oui.
Parfait. Puis est-ce que vous êtes d'accord que la vitalité d'une langue dépend
beaucoup de la langue au travail?
M. Leblanc
(Michel) : Oui. Mais pas plus que la langue dans l'espace
public, à l'extérieur, pas plus que la langue de la culture, pas plus que la
langue des échanges dans l'espace public. La langue de travail, ça fait partie
de ça, mais on pourrait avoir des gens parfaitement intégrés, complètement
francophones qui travaillent chez Ubisoft à développer...
• (12 heures) •
Mme Ghazal : Et ils
travaillent totalement en anglais...
12 h (version non révisée)
M. Leblanc
(Michel) : ...oui, mais pas plus que la langue dans l'espace
public...
Mme Ghazal : Pas plus qu'à la
maison.
M. Leblanc
(Michel) : ...à l'extérieur, pas plus que la langue de la
culture, pas plus que la langue des échanges dans l'espace public. La langue de
travail, ça fait partie de ça, mais on pourrait avoir des gens parfaitement
intégrés, complètement francophones qui travaillent chez Ubisoft à développer...
Mme Ghazal : Et ils
travaillent totalement en anglais, et ça ne serait pas grave.
M. Leblanc
(Michel) : Bien, à développer un jeu en fonction d'une mise en
marché internationale avec des équipes basées à Vancouver puis basées à Singapour
puis qui vont...
Mme Ghazal : Et donc vous
acceptez qu'ils travaillent en anglais, c'est correct, ça n'enlève rien à la
vitalité de la langue française.
M. Leblanc
(Michel) :Exactement pas. C'est ça. Je
suis d'accord.
Mme Ghazal : Bien, la chambre
de commerce, le monde des affaires a évolué, depuis 1977, vous l'avez dit, vous
avez évolué par rapport à la question de 25 employés et plus. Je suis contente
d'entendre ça.
Je veux vous demander, qu'est-ce qu'on
fait avec les petites entreprises? Vous, ce que vous dites, c'est que ça prend
10 employés, par exemple, et plus. Ce que ç¯a prend, c'est des mesures
volontaires, comme J'aime le français...
M. Leblanc
(Michel) : J'apprends.
Mme Ghazal : ...je pense que
c'est ce programme-là, etc., c'est ce que ça prend, et non pas des mesures plus
contraignantes. Parce que beaucoup d'immigrants travaillent dans les petites entreprises,
c'est ce que je comprends de ce que vous voulez dire.
M. Leblanc
(Michel) : Ce qu'on dit, c'est que les toutes petites, c'est
des dynamiques entrepreneuriales de survie, dans bien des cas, et ces
dynamiques-là sont incroyablement complexes.Quelqu'un qui crée son entreprise,
puis qui possède mal le français, puis qui fait des heures de fous, puis qui
est en train d'essayer de lire le marché correctement, puis de se conformer, si
on rajoute des couches d'exigences, c'est lourd, puis si on rajoute des
pénalités puis des exigences...
Mme Ghazal : Mais vous êtes d'accord
pour les 25 employés. Ça, vous ne l'étiez pas, vous êtes maintenant d'accord.
M. Leblanc
(Michel) : Oui. Oui.
Mme Ghazal : Donc, c'est
possible peut-être d'évoluer.
Pour ce qui est des gens de l'étranger, est-ce
que... souvent, les gens de l'étranger, ils sont attirés aussi par Montréal et
le Québec parce que c'est francophone, parce que c'est unique. Vous, vous
mettez ça comme une barre très, très haute, en tout cas, les membres ou les entreprises
avec qui vous parlez. Mais les gens, quand ils viennent ici, est-ce qu'il aussi
d'autres choses que le français? Vous le mettez comme une grande montagne. Il y
a quand même... ce n'est pas un copier-coller, le marché du travail puis les conditions
de travail, qu'à Toronto, il y a d'autres choses.
M. Leblanc
(Michel) : Vous avez parfaitement raison. Il y a des gens qui
viennent au Québec, qui viennent à Montréal parce qu'ils adorent ça, cette
différence, ce fait français et cette culture, ils adorent ça.
Mme Ghazal : Et on pourrait
les franciser dans les entreprises.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange, malheureusement.
M. Leblanc
(Michel) : Oui. Mon seul point...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange.
M. Leblanc (Michel) :
...c'est qu'il y a aussi des gens qu'on aurait...
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolée, M. Leblanc. Le micro est coupé. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Leblanc. Parlons du centre-ville de Montréal,
parlons de son caractère unique. Vous savez, quand j'étais ministre du
Tourisme, à New York, le groupe de I love New York nous ont
dit : Vous avez un potentiel exceptionnel, parce que c'est... «it's Europe
without a jet lag», et je trouvais que c'était une expression fabuleuse qu'ils
disent. On ne veut pas retrouver Pittsburgh, on ne veut pas retrouver
Cleveland, on veut trouver Montréal.
Et je veux vous féliciter, et je vais vous
dire pourquoi. L'auteur de cette maintenant célèbre motion du «Bonjour! Hi!»
est devant vous et vous parle, et l'objectif était de démontrer que l'accueil
que l'on réserve aux nôtres et aux touristes est important pour le caractère français
de Montréal. Et vous êtes allé dans une radio anglophone, et vous avez dit exactement
ce que vous dites en français, vous avez dit : Ça devrait se faire en français.
Et on vous a critiqué pour ça... entre autres. Et vous avez...
M. Bérubé : ...l'accueil
que l'on réserve aux nôtres et aux touristes est important pour le caractère
français de Montréal. Et vous êtes allé dans une radio anglophone et vous avez
dit exactement ce que vous dites en français. Vous avez dit : Ça devrait
se faire en français. Et on vous a critiqué pour ça, ... entre autres, et vous
avez eu ce courage, et je veux vous féliciter pour ça, et ça n'a pas été assez
dit, vous considérez que le caractère français de Montréal c'est un atout.
Alors, vous êtes un allié là-dedans, et puis ça n'a pas suffisamment été dit.
Moi, je vous le dis que j'ai bien apprécié que vous disiez ça. On n'a pas toujours
la même en anglais puis en français, j'en ai eu une belle démonstration hier
avec la mairesse de Montréal. Mais, vous, c'est la même chose dans les deux
langues.
Ceci étant dit, une note éditoriale, sur
la question de l'accueil en français, on a une proposition à faire qui se veut
positive. On inverse la polarité. Je vous en fais part brièvement. C'est un
insigne de bonne conduite linguistique. Toutes les entreprises qui font des
affaires au Québec ont l'obligation de répondre aux exigences de l'OQLF. Celles
respectant l'entièreté des dispositions pourraient apposer fièrement un insigne
de bonne conduite sur leur porte, mesure incitative tant pour les entreprises
de commerce de détail ou de services, les restaurants, l'hôtellerie, ou pour
les citoyens qui font affaires. Une belle initiative pour celles et ceux qui
préfèrent se faire accueillir avec un bonjour. Autrement dit, si vous répondez
aux exigences, vous pouvez la placer. Si vous ne l'avez pas, on ne vous
condamne pas, mais il me semble que c'est une valeur ajoutée pour les places
d'affaires de l'indiquer. Par la positive, par l'émulation, on trouve que c'est
une façon supplémentaire d'inviter à parler français. Que pensez-vous d'une
telle initiative?
M. Leblanc
(Michel) : Moi, je pense que ça fait partie de tous ces
éléments qu'on pourrait vouloir rendre disponibles, là. Tu sais, ça pourrait
être aussi que c'est une entreprise verte. Ça pourrait être que c'est une entreprise
qui respecte la diversité. Ça pourrait être une entreprise qui respecte l'importance
de l'égalité des sexes. Alors, de rajouter qu'on est une entreprise aussi qui
respecte le caractère linguistique du français, ou du Québec, là, j'en suis. Je
suis juste de me dire que l'offensive qui est à faire, à mon avis, là, c'est
bien plus de travailler sur le Québécois que sur le commerce.
La Présidente
(Mme Thériault) : Ceci met fin à l'échange, M. Leblanc.
Donc...
M. Leblanc
(Michel) : Permettez-moi deux petites secondes, là, quand même,
là. Ce que je veux dire, je viens de dire... je viens de mettre sur les épaules
des Québécois la responsabilité de dire : Quand je rentre dans un
commerce, là, bien, parlez-leur en français, puis demandez des informations en
français.
Une voix : …
La Présidente
(Mme Thériault) : Et ceci mettra vraiment fin à l'échange de ce
matin. Donc, merci, M. Leblanc, de votre présence en commission
parlementaire. Je vous... donc la commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 6)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 4)
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, nous reprenons travaux. Et cet après-midi
nous entendrons le Conseil québécois du commerce de détail, la commission des
droits de la personne et de la jeunesse, qui sera suivie de l'Association des
Townshippers et de la Fédération québécoise des municipalités.
Donc, avant d'entendre le premier groupe
qui est avec nous, Mme la députée de Mercier, vous avez une demande à me faire.
Mme Ghazal : Oui, Mme la
Présidente. Comme le député de Matane-Matapédia n'est pas ici aujourd'hui,
j'aimerais savoir si ça serait possible pour moi d'avoir son temps pour tout
l'après-midi pour les prochains groupes.
La Présidente
(Mme Thériault) : Pour les quatre groupes. Donc, il y a
2 min 50 s qui appartiennent au député de Matane-Matapédia. Et la
députée en fait la demande. Donc, s'il y a consentement, il n'y a aucun problème.
M. Jolin-Barrette : Nous
consentons, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il y a consentement, parfait.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, on va réajuster le temps pour vous donner
le total des minutes.
Donc, évidemment, je tiens à préciser que
nous allons poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Donc, je souhaite la bienvenue aux représentants
du Conseil québécois du commerce de détail. Donc, M. Côté, si vous voulez
nous présenter la personne qui est à vos côtés. Et la parole est à vous pour
une dizaine de minutes avant de procéder aux échanges avec la partie
ministérielle.
M. Côté (Jean-Guy) : Merci,
Mme la Présidente. Chers membres de la commission, le CQCD remercie la Commission
de la culture et de l'éducation de lui offrir la possibilité de s'exprimer dans
le cadre de la présente consultation portant sur le projet de loi n° 96.
Donc, comme vous le savez, je suis
Jean-Guy Côté, directeur général du conseil. Je suis accompagné par Me
Françoise Pâquet, directrice des relations gouvernementales.
Comme vous le savez peut-être, le CQCD
représente un secteur économique de 45 000 établissements au Québec
dans toutes les régions. Des centaines de milliers de personnes y travaillent
chaque jour. Et actuellement, malheureusement, plus de 20 000 postes
y sont vacants.
La langue française est le socle de notre
communauté. Pour les détaillants, c'est une valeur importante, et le conseil
considère que le commerce de détail est une partie prenante de sa sauvegarde.
Ainsi, le CQCD reconnaît l'importance de la Charte de la langue française.
C'est pourquoi il a toujours encouragé son respect auprès de ses membres et
collaboré de bonne foi et de façon constructive à son application par les
détaillants.
Nous comprenons que l'objectif du gouvernement
avec ce projet de loi est de mettre à jour cette Charte de la langue française,
adoptée en 1977...
M. Côté (Jean-Guy) : ...ainsi,
le CQCD reconnaît l'importance de la Charte de la langue française, c'est
pourquoi il a toujours encouragé son respect auprès de ses membres et collaboré
de bonne foi et de façon constructive à son application par les détaillants.
Nous comprenons que l'objectif du gouvernement,
avec ce projet de loi, est de mettre à jour cette Charte de la langue française
adoptée en 1977, de redonner un élan à la langue française et de renforcer son
statut dans toutes les sphères de société québécoise. C'est un objectif que
nous partageons. Le CQCD appuie l'esprit du projet de loi n° 96
et partage en partie les grands objectifs de celui-ci. Il voit également
positivement le fait que le français soit déclaré comme langue commune, et non
plus seulement comme langue officielle du Québec.
Nous accueillons positivement plusieurs
des mesures suggérées, dont la mise en place d'un guichet unique, Francisation Québec,
afin d'harmoniser les services d'accueil et de francisation, l'offre de cours
de formation en francisation dans les entreprises et le plein accès à une
justice en français.
Toutefois, le CQCD est d'avis que le projet
de loi va, dans certains cas, un peu trop loin. Il se dit préoccupé, voire même
inquiet, en ce qui concerne notamment l'ajout de difficultés supplémentaires
pour les entreprises liées au recrutement de la main-d'oeuvre, l'ampleur de la gouvernance
linguistique proposée, l'augmentation importante du fardeau réglementaire et
administratif imposée aux entreprises, principalement celles de 25 à 49
employés, le retour en arrière sur la question de l'affichage public, l'augmentation
potentielle de la judiciarisation du processus en matière de francisation et la
complexification du nouveau processus de plainte, l'augmentation des pouvoirs
accordés à l'office et la sévérité des pénalités du régime de sanctions. Naturellement,
les détails de ses propositions se retrouvent dans le mémoire déposé.
Sur les principes généraux, le CQCD est
d'avis que l'actuelle réforme doit s'appuyer sur les principes de la réglementation
intelligente, soit viser la recherche d'un juste équilibre entre les besoins
des individus et ceux des entreprises, s'assurer de fournir de l'accompagnement
nécessaire aux entreprises dans leurs démarches de francisation et tenir compte
du contexte actuel de pénurie de main-d'oeuvre.
Le CQCD ne saurait trop insister sur l'importance
d'accompagner les détaillants dans leur application des nouvelles normes en
matière de francisation et de miser davantage sur l'accompagnement, et non le
bâton. À ce chapitre, nous reconnaissons que le gouvernement a récemment fait
des pas en ce sens, par exemple, le lancement par l'office, au printemps 2021,
du programme d'accompagnement Mémo pour les entreprises de moins de 50 employés.
Les articles 28 à 40 du projet de loi
proposent des modifications majeures au chapitre VI de la charte. Le CQCD
accueille en partie ces nouvelles dispositions, mais il estime essentiel de
revoir quelques-unes d'entre elles, qu'il considère comme inapplicables.
Tout d'abord, le deuxième alinéa du projet
de loi prévoit que, dans le cas d'un contrat individuel de travail, qui est un
contrat d'adhésion, ou dans le cas figure des clauses types, les parties à ce
contrat ne peuvent être liées seulement par sa version dans une autre langue
que le français que si, après avoir pris connaissance de sa version française,
telle est leur volonté expresse. Le CQCD s'oppose à cette proposition, qu'il
considère non seulement comme difficilement applicable de la part d'un
employeur, mais également lourde de conséquences. Dans les faits, un employeur
ne peut forcer un éventuel employé à prendre connaissance de la version
française si ce dernier ne le souhaite pas. À notre avis, son...
M. Côté (Jean-Guy) : …de sa version
française, tel est leur volonté express. Le CQCD s'oppose à cette proposition
qu'il considère non seulement comme difficilement applicable de la part d'un
employeur, mais également lourd de conséquences. Dans les faits, un employeur
ne peut forcer un éventuel employé à prendre connaissance de la version
française si ce dernier ne le souhaite pas. À notre avis, son rôle doit se
limiter à offrir et rendre accessible au futur employé la version française du
contrat. Par conséquent, le CQCD recommande de modifier, dans ce sens, le
deuxième alinéa de l'article 29 du projet de loi. Pour ce qui est des nouvelles
exigences aux employeurs, concernant la publication d'une offre d'emploi, nous
nous interrogeons, à savoir si elles sont nécessaires. Plusieurs de nos
membres, puisque nous avons fait plusieurs consultations sur la question, nous
ont, en fait, indiqué que la pénurie de main-d'oeuvre actuelle les force déjà à
publier leurs offres d'emploi partout et à recourir à tous les moyens de
transmission possibles.
• (15 h 10) •
À propos de l'exigence d'une connaissance
d'une autre langue au français à l'embauche, le CQCD estime que le projet de
loi va trop et considère que cette nouvelle disposition aura comme effet
d'imposer un trop lourd fardeau pour les détaillants, tant au niveau
administratif, que financier. Les détaillants ont de grandes inquiétudes,
puisqu'ils devront mettre en place un nouveau processus d'embauche à l'interne qui
dépasse beaucoup les règles actuellement en vigueur. Nous ne remettrons pas, évidemment,
ici, en question, la préoccupation du gouvernement voulant que le bilinguisme
doit être un atout et non une exigence systématique. Toutefois, nous souhaitons
faire valoir au gouvernement l'importance de réévaluer son approche en matière
de privilégier une solution qui soit simple, raisonnable, de développer de
nouveaux outils et des modèles accessibles en ligne pour aider les détaillants,
prendre en compte de la réalité du marché et le fait que nos entreprises
doivent demeurer concurrentielles sur le marché du travail.
Sur la question de la langue du commerce
et des affaires, concernant le droit du public autre que les consommateurs
d'être informés et servis en français nous apparaît à la fois très ambigu et
injustifié et mériterait d'être clarifié pour une meilleure compréhension. En
effet, tel que rédigé, le projet ne semble pas accorder le même droit envers
les consommateurs qu'envers le public autre que consommateurs, en plus de
prévoir des obligations différentes de la part des entreprises envers ces deux
types de public. Le CQCD est en désaccord avec le deuxième paragraphe de cet
article qui prévoit des obligations plus importantes de la part des entreprises
lorsqu'elles font affaire avec d'autres entreprises. D'ailleurs, nous
comprenons difficilement les motifs de cette distinction entre le premier
paragraphe qui parle du devoir de respecter le droit d'être informé, servi en français,
versus le deuxième paragraphe qui oblige d'informer et de servir en français.
Est-ce à dire que, même si une entreprise, avec laquelle un commerçant fait
affaire, souhaite être informée, servie dans une autre langue, ce dernier devra
tout de même, dans tous les cas, l'informer et le servir en français? Si cela
est le cas, une telle obligation ne nous apparaît pas justifiée et raisonnable.
Par conséquent, le CQCD recommande de modifier le nouvel article 50.2 de façon
à ce que toutes les entreprises qui offrent des biens et des services, tant
auprès d'un consommateur et de public, autre que les consommateurs, doivent
respecter son droit d'être informé et servi en français.
Au sujet des marques de commerce. Les
règles, en matière d'affichage public d'une marque de commerce ou d'un nom, ont
fait l'objet de plusieurs discussions, dans les années précédentes, à cette
question et ont été fortement débattues au cours de la dernière décennie…
M. Côté (Jean-Guy) :
...que les consommateurs, doivent respecter son droit d'être informé et servi
en français.
Au sujet des marques de commerce. Les
règles en matière d'affichage public d'une marque de commerce ou d'un nom ont
fait l'objet de plusieurs discussions, dans les années précédentes à cette
question, et ont été fortement débattues au cours de la dernière décennie. Le
CQCD a été à la fois témoin, acteur de cet épineux débat. Nous comprenons, à la
lecture du projet de loi, que le gouvernement souhaite maintenant faire marche
arrière en rétablissant la règle de nette prédominance du français dans
l'affichage public. Or, nous considérons qu'il s'agit d'une mauvaise idée, et
ce, principalement pour les raisons suivantes. Plusieurs détaillants ont investi
des sommes importantes pour se conformer aux dernières modifications apportées
en matière d'affichage public en 2016. Certains ont complété l'exercice il y a
à peine deux ans. Ces dépenses se chiffrent en millions de dollars. La règle de
la présence suffisante du français a été le fruit d'un long débat qui a perduré
pendant une décennie. Il s'agit d'un excellent compromis. Il est important de
savoir qu'une marque déposée au sens de la Loi fédérale des marques de commerce
signifie que celle-ci devra être enregistrée. Or, il y a actuellement un délai
administratif allant jusqu'à trois ans pour l'enregistrement d'une marque
auprès de l'OPIQ. Par conséquent, le CQCD recommande de maintenir le statu quo
concernant les règles de matière d'affichage public et de retirer les
articles 47 et 48.
Le gouvernement propose d'assujettir à la
charte les entreprises employant 25 et 49 personnes de la même manière que
celles employant 50 à 99 personnes. Elles devront ainsi généraliser
l'utilisation du français à tous les niveaux de l'entreprise. Pour le CQCD,
cette proposition est inquiétante et irréaliste. Le fait d'imposer une nouvelle
exigence en matière de francisation aux entreprises plus petites de 25 à
49 employés est une chose, mais le fait qu'elles soient assujetties aux
mêmes exigences que celles de 50 à 99 employés en est une autre. Le CQCD
reconnaît l'importance de redonner un élan à la langue française, de renforcer
son statut, mais il est clair qu'il ne partage pas la recette proposée par le
gouvernement envers les entreprises pour y arriver. À cet égard, le CQCD est
d'avis que la mise en place d'un régime particulier allégé visant les
entreprises serait susceptible d'être une solution avantageuse pour tous.
Au chapitre de la gouvernance, le CQCD ne
croit pas qu'il est nécessaire d'aller aussi loin que ce qui est proposé dans
le cadre du projet de loi. Il est certes souhaitable que le gouvernement se
donne les moyens pour accroître sa capacité d'action, mais nous questionnons
réellement sur l'ampleur des moyens qu'il suggère de mettre en place. Nous
croyons que le gouvernement fait fausse route, il s'apprête à mettre en place
une espèce de monstre administratif qui exigera l'embauche de plusieurs
employés alors que le Québec peine à sortir de la pandémie et qu'il vit
toujours la pénurie de main-d'oeuvre sans précédent, et que les coffres de
l'État ne sont pas nécessairement illimités. Il y a lieu de se questionner à
savoir s'il s'agit là d'une décision judicieuse et responsable. Nous croyons
que les investissements nécessaires pour donner un élan à la charte de façon
durable doivent être davantage orientés vers le terrain et l'accompagnement des
différents acteurs, notamment les entreprises, les employeurs et les employés,
et non la mise en place d'une nouvelle structure. Cette approche
permettra, selon nous, d'obtenir davantage de gains pour tous.
En conclusion, le CQCD partage l'objectif
général du projet de loi de donner un nouvel élan à la langue française, de lui
attribuer le statut de langue commune en complément de langue officielle...
M. Côté (Jean-Guy) :
...entreprises, les employeurs et les employés, et dont la mise en place d'une
nouvelle structure. Cette approche permettra, selon nous, d'obtenir davantage
de gains pour tous.
En conclusion, le CQCD partage l'objectif
général du projet de loi de donner un nouvel élan à la langue française, lui
attribuer le statut de langue commune en complément de langue officielle. Il
endosse également son objectif de renforcer son statut dans l'ensemble des
sphères de la société québécoise ainsi que plusieurs mesures proposées.
Toutefois, il estime que le projet de loi
n° 96 comme proposé emprunte à tort dans certains cas la mauvaise voie,
dont l'alourdissement du processus de francisation pour les entreprises ainsi
que l'approche coercitive et judiciaire.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à votre présentation.
M. Côté (Jean-Guy) : Et
j'ai terminé.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mais vous pouvez toujours nous envoyer vos
notes au secrétariat de la commission, donc on prendra connaissance de la fin
de votre témoignage.
M. Côté (Jean-Guy) : Il
restait un mot, et c'était «merci».
La Présidente
(Mme Thériault) : D'accord. Parfait. M. le ministre, la parole
est à vous pour 17 minutes.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Côté et Mme Pâquet, bonjour. Bienvenue à
la commission parlementaire. Merci pour votre présence et le dépôt de votre
mémoire.
Est-ce que vous trouvez que c'est une
décision judicieuse et responsable de la part du gouvernement du Québec de
vouloir protéger, promouvoir et assurer la pérennité de la langue française?
M. Côté (Jean-Guy) : Comme on
l'indiquait, sur le principe, c'est clair pour nous que c'est le rôle... et
c'est judicieux du gouvernement de prendre acte et de protéger la langue
française. C'est le socle, je l'ai dit, c'est le socle commun au Québec de la
nation québécoise.
Donc, pour nous, c'est clair que tout
acteur de la société doit prendre en considération la protection de la langue
française, et le gouvernement, à juste titre, il doit être le porte-étendard de
cette protection-là.
Donc, oui, pour nous, on considère qu'il y
a un moment opportun, et la question est judicieuse actuellement.
M. Jolin-Barrette : Et
votre organisation est d'accord avec le fait qu'il y a un déclin du français au
Québec, particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal.
M. Côté (Jean-Guy) :
Notre organisation constate qu'il y a certaines problématiques dans certaines
régions du Québec au niveau de l'utilisation du français. On ne se le cachera
pas, il y a certains endroits où c'est plus difficile. Il y a certains endroits
où la langue française est moins utilisée qu'auparavant.
Donc, oui, il y a un constat. Les membres
ont à coeur d'offrir à leurs clientèles un service en français, mais c'est plus
difficile dans certains...
M. Jolin-Barrette : Et
quelles sont les problématiques que vous avez identifiées comme organisation
relativement au français?
M. Côté (Jean-Guy) : Le
recrutement. Je pense que le recrutement de la main-d'oeuvre... d'employés,
actuellement, on ne se cachera pas, dans le secteur du détail...
M. Jolin-Barrette : En
lien avec la langue française.
M. Côté (Jean-Guy) :
...la langue française.
M. Jolin-Barrette :
Parce que vous dites : Nos membres constatent qu'il y a des problématiques
avec le français...
M. Côté (Jean-Guy) :
Oui.
M. Jolin-Barrette :
Donc, qu'est-ce qui est problématique? Parce que le fait de recruter des travailleurs
québécois qui parlent français, ça, je ne pense pas que c'est un problème.
M. Côté (Jean-Guy) :
Non, mais il n'y en a pas en quantité. Et, dans certains endroits, recruter des
gens au service à la clientèle qui parlent français peut être plus
problématique parce qu'exactement il n'y en a pas tant que ça qui sont
disponibles à travailler dans le commerce de détail. Donc, à la limite,
offrir... ou trouver des gens qui ont les compétences en français pour
travailler dans le commerce de détail est plus difficile qu'auparavant...
M. Côté (Jean-Guy) : …et, dans
certains endroits, recruter des gens au service à la clientèle qui parlent
français peut être plus problématique, parce qu'exactement il n'y en a pas tant
que ça qui sont disponibles à travailler dans le commerce de détail. Donc, à la
limite, offrir ou trouver des gens qui ont les compétences en français pour
travailler dans le commerce de détail est plus difficile qu'auparavant.
M. Jolin-Barrette : Mais le
point, c'est que vous ne réussissez pas à trouver d'employés, point.
M. Côté (Jean-Guy) : En
général, c'est ça, oui, mais en français plus particulièrement dans certains
coins.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
donc, si vous avez quelqu'un qui veut travailler, mais qui ne maîtrise pas la
langue française, il faut mettre des mesures en place pour qu'il puisse
travailler dans un environnement francophone. Puis le marché du travail… puis
c'est une bonne façon d'apprendre le français, si l'environnement est
francophone au travail.
M. Côté
(Jean-Guy) : Je suis un grand promoteur de la francisation sur les
lieux de travail. Dans un sens, c'est… le milieu du travail est un excellent
moteur de francisation puis d'apprentissage de la langue. C'est la vie… une
grosse partie de notre vie personnelle en tant que personne, le marché du
travail ou le milieu du travail. Donc, y apprendre le français, c'est un bon
endroit. Est-ce qu'actuellement il y a des services possibles pour franciser
sur les milieux de travail qui sont fournis? Ça reste à voir. Mais
effectivement le milieu de travail est un bel endroit pour franciser quelqu'un
qui ne… qui, actuellement, ne parle pas français.
M.
Jolin-Barrette : Puis là je suis heureux de vous entendre dire ça,
parce qu'un des objectifs de francisation Québec c'est justement ça, d'offrir
un guichet unique pour être en mesure, un, de pouvoir orienter les personnes
immigrantes qui souhaitent apprendre le français, incluant tous les Québécois
aussi qui souhaitent acquérir de meilleures compétences langagières en
français. Et donc le fait d'avoir un guichet unique, ça va permettre également
d'aller en entreprise en compagnie de l'OQLF, mais Francisation Québec est là
justement, également, pour offrir de l'accompagnement, du soutien aux
entreprises, pour franciser les entreprises. Alors, Francisation Québec, vous
l'accueillez positivement?
• (12 h 20) •
M. Côté
(Jean-Guy) : On l'accueille extrêmement positivement, puis on le dit
dans notre mémoire, pour nous, c'est une des mesures qui est constructive dans
ce qui est proposé. Il est clair qu'il y a un besoin de francisation sur les
milieux de travail. Il est clair qu'il y a un besoin de francisation général de
la société. Donc, et si vous me dites en plus que les Québécois qui veulent
parfaire leur qualité du français pourront eux-mêmes avoir accès, je peux vous
garantir qu'on va regarder ça avec un grand sourire, parce qu'il y a aussi un
travail sur la qualité à faire et pas juste sur la quantité.
M.
Jolin-Barrette : Sur la question… vous l'avez abordée tout à l'heure,
la question de l'affichage. Bon. Là, on revient à la nette prédominance du
français. Historiquement, dans le fond, 1977, la charte est adoptée par
l'Assemblée nationale, la Charte de la langue française, affichage unilingue en
français. Il y a des contestations constitutionnelles, arrive l'arrêt Ford. Le
Parti libéral et M. Bourassa invoquent la disposition de souveraineté
parlementaire. Il y a une chicane au Parti libéral, il y a des députés qui
quittent, schisme au sein de cette formation politique là. Et là, en 1993,
M. Ryan modifie la loi, et, dans le fond, on ne renouvelle pas la
disposition…
M. Jolin-Barrette : ...et M. Bourassa
invoque la disposition de souveraineté parlementaire. Il y a une chicane au
Parti libéral, il y a des députés qui quittent, schisme au sein de cette
formation politique là. Et là, en 93, M. Ryan modifie la loi, et, dans le
fond, on ne renouvelle pas la disposition de souveraineté parlementaire. Et,
depuis 93, c'était la nette prédominance du français jusqu'au jugement de la
Cour d'appel dans l'arrêt...
On comprend qu'en 2016 le Parti libéral
n'a pas voulu ouvrir la Charte de la langue française pour venir modifier ou
pour venir dire clairement dans la charte : C'est la nette prédominance,
donc a adopté un règlement, qui est la présence suffisante du français.
Là, ce que vous nous dites, vous
dites : Il y a des entreprises qui ont investi pour se conformer. Nous, on
revient à l'historique depuis 93 à 2016, ce qui devait être le cas. Est-ce que
je dois comprendre que ceux qui se sont conformés au nouveau règlement
n'étaient pas conformes à ce qui était prévu par la loi entre 93 puis 2016?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien, si
je me fie à l'historique, et je ne suis pas juriste, donc je ne veux pas être
taxé de chose que je ne peux pas faire, mais effectivement, avant 2016, avant
le compromis de 2016, il y avait des interprétations qui étaient différentes
pour plusieurs de plusieurs sources sur comment devait s'appliquer cette notion
de nette prédominance.
On parle ici de marque de commerce, donc
la devanture, au-delà de la nette prédominance du français, je pense que
personne ne remettait en doute la nette prédominance du français dans
l'affichage générale, c'est-à-dire les termes génériques ou des choses comme
ça, on était plus dans la présence d'une marque de commerce dans une autre
langue que le français sur la devanture. Et c'est là où il y avait des
questionnements. Il y a même eu des cas en cour, donc il y a eu des
éclaircissements demandés à la cour.
Et la naissance du règlement, et où je n'y
étais pas, donc je ne peux pas en témoigner, mais la naissance du règlement,
m'a-t-on dit, est née d'un désir de régler cette ambiguïté-là qui existait
entre les interprétations.
M. Jolin-Barrette : Mais sur
cette question-là, là, le visage français du Québec, vos membres ne sont pas
interpellés par ça, particulièrement sur l'île de Montréal, cette identité
particulière là du fait d'avoir la nette prédominance du français? Ça ne fait
pas partie de l'environnement francophone du Québec, le fait que l'affichage
symbolise aussi cette présence francophone en Amérique?
M. Côté (Jean-Guy) : Je pense
que, si vous vous promenez dans les rues de Montréal ou sur diverses avenues
dans le reste du Québec, vous allez constater que plusieurs commerçants et
détaillants ont fait un effort notable d'ajouter du français sur les
devantures, sur améliorer l'image française de leurs devantures. Il y a des
descriptifs maintenant, ce qu'il n'y avait pas auparavant. Il y a des
descriptifs qui ont apparu, «centre de jardin», par exemple, est un bon
exemple, ou «quincaillerie», choses qui n'existaient pas ou on avait auparavant
seulement une marque de commerce. Donc, il y a eu un effort pour améliorer
l'image, et ça, c'est clair, pour le détaillant, s'y conformer, avoir une image
française, c'est important...
M. Côté (Jean-Guy) :
...auparavant. Il y a des descriptifs qui ont apparu, «centre de jardin», par
exemple, est un bon exemple, ou «quincaillerie», choses qui n'existaient pas,
où on avait auparavant seulement une marque de commerce. Donc, il y a eu un
effort pour améliorer l'image. Et ça, c'est clair, pour le détaillant, s'y
conformer, avoir une image française, c'est important. Là, on tombe dans un
débat où la marque de commerce... où il y aura une présence d'une marque de
commerce dans une autre langue que le français, si cette marque-là apparaît sur
la devanture, elle devra être compensée par une nette prédominance de d'autres
termes en français sur la devanture. Ce qui fait que, de façon pratique,
supposons, une entreprise qui s'appellerait... avec une marque de commerce
déposée «Rainbow», qui vendrait des bottes, il faudrait que le terme «bottes»
soit beaucoup plus gros que le terme «Rainbow», mais la marque déposée aurait
été «Rainbow».
Donc, pour certaines devantures, on parle
d'un changement fondamental, tu sais, de la place que doit occuper la marque de
commerce et le descriptif. Donc, il y a des enjeux avec les règlements
municipaux, des droits acquis, donc, et ça, il y a des règlements municipaux
qui contrôlent le nombre de mots qu'on peut mettre sur une devanture dans un commerce
de détail. Donc, ça, il y a des contraintes, donc il y a une crainte
substantielle qu'on revienne à un état qui n'était pas l'état précédent, qui
est un nouvel état où on devra refaire l'ensemble des devantures de plusieurs
magasins. On parle de plusieurs millions, et ça, c'est des chiffres qui m'ont
été confirmés par plusieurs de mes membres qui ont dû faire le processus depuis
2016. Donc, ça, c'est une inquiétude, pour nous, qui est majeure, je ne vous le
cacherai.
M. Jolin-Barrette : Et
considérant cela, on fait en sorte d'avoir un délai d'application de trois ans
pour se conformer, également. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que
vous invoquez la notion de marque de commerce, et on se retrouve dans une
situation où, en raison du partage des compétences, parce que la marque de
commerce est protégée au fédéral, ça sert à faire en sorte d'angliciser le
Québec, le visage linguistique du Québec. Alors, dans les choix qui sont...
dans les décisions judicieuses et responsables, entre autres, pour la pérennité
du français, ça en fait partie dans le cadre de l'analyse.
M. Côté (Jean-Guy) : Oui, mais
je vous dirais qu'une simple visite dans d'autres régions avec des réalités
linguistiques qui sont précaires comme le français en Amérique du Nord, en Europe,
par exemple, dans certains endroits, il y a quand même la présence de marques
de commerce internationales dans les devantures de magasins et parfois, ou non,
la présence de générique dans la langue originale. Donc, je me pose la
question, est-ce que c'est un objectif qui doit être majeur ou c'est un
objectif qui doit être connexe? C'est à vous, législateurs, de le déterminer.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la
parole à mes collègues. Simplement un commentaire. Je vous soumettrais que la
situation du Québec, elle est quand même particulière dans le monde entier. Un
État, on peut parler du Nouveau-Brunswick aussi, là, mais un État autant
englobé par une autre langue...
M. Jolin-Barrette : …Je vais
céder la parole à mes collègues.
Simplement un commentaire. Je vous
soumettrais que la situation du Québec, elle est quand même particulière, dans
le monde entier. Un état, on peut parler du Nouveau-Brunswick aussi, là, mais
un état autant englobé par une autre langue, c'est une situation qui est
particulière en Amérique.
Mais je cède la parole. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, j'ai maintenant le député de Saint-Jérôme qui veut prendre la
parole. Et vous avez 5 min 30 s.
M. Chassin :
Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Côté, Mme Pâquet, un plaisir
de vous voir en commission parlementaire. On va un peu continuer dans la même
veine dans le sens où… Puis je pense que vous connaissez déjà, là, mon
attachement à l'Allègement réglementaire et au fardeau administratif des
petites entreprises, des moyennes entreprises, et même des grandes entreprises.
Et là, dans le fond, il y a un aspect du mémoire, là, qui, pour moi, est
informatif, là, on parle d'à peu près 85 % des entreprises dans le
commerce de détail qui ont moins de 20 employés. C'est bien ça? J'imagine
que c'est parce que vous n'aviez pas de chiffre de 25 à 49, là,
ça…
M. Côté (Jean-Guy) : Non.
M. Chassin :
D'accord.
M. Côté (Jean-Guy) : On aurait
espéré, mais non, ça ne…
M. Chassin :
Parfait. Donc, on comprend que l'immense majorité dans le commerce de détail
n'auront pas les nouvelles exigences, là, qui sont celles pour les
25 à 49 mais néanmoins, là-dessus, donc, vous montrez, là, que vous
êtes sensible à l'objectif de ces discussions sur les moyens.
Il y a un aspect dans votre mémoire, par
rapport à la publication des appels… des offres d'emploi, pardon, les appels
d'offres, c'est autre chose, des offres d'emploi où vous comprenez dans le fond
l'objectif de dire : Bien, que les employeurs fassent, finalement,
l'effort nécessaire pour qu'on puisse donner la chance aussi aux francophones
d'appliquer sur les postes. Et en même temps, vous le soulevez, il y a un aspect
conjoncturel en ce moment avec la pénurie de main-d'oeuvre qui fait que, de
toute manière, les employeurs ont tendance à utiliser toutes les plateformes,
partout, puis d'y aller le plus large possible. Évidemment, c'est un aspect
conjoncturel, on modifie la Charte de la langue française en ayant un peu à
l'esprit que peu importe la conjoncture future, il faudrait que ce type de
mécanisme s'applique. Si vous reconnaissez, dans le fond, la pertinence de
l'objectif, vous ne proposez pas de solution ou un autre moyen, en quelque
sorte, puis là, je voudrais peut-être vous entendre là-dessus. Est-ce que, si
vous dites : Bien, c'est peut-être lourd, moi, je trouve que c'est
relativement un bon moyen mais c'est surtout que je n'en vois pas
nécessairement d'autre. Est-ce que vous en verriez un autre?
• (15 h 30) •
M. Côté (Jean-Guy) : La
question est pertinente, je dois vous avouer. C'est clair qu'actuellement, le
contexte actuel de la pénurie de main-d'oeuvre est un contexte où on est dans
la nouvelle réalité de la main-d'oeuvre, où on cherche par tous les moyens
possibles et potentiels de trouver des gens pour venir travailler dans les
magasins, ailleurs, dans les entrepôts, en divers postes disponibles, donc, et…
15 h 30 (version non révisée)
M. Côté (Jean-Guy) : ...un
contexte où on est dans la nouvelle réalité de la main-d'oeuvre, où on cherche
par tous les moyens possibles et potentiels de trouver des gens pour venir
travailler dans les magasins, ailleurs dans les entrepôts, dans divers postes
disponibles. Donc, et... Ce que vous recherchez cependant, c'est que les francophones
aient le même accès à ce cadre-là.
Et là où il y a une certaine... pour les
détaillants, lorsqu'ils lisent ce qui est proposé, il y a un certain décrochage
entre la réalité, c'est que c'est clair qu'ils vont actuellement tout faire en
oeuvre pour que les offres d'emploi soient le plus largement disponibles à tous
les gens potentiels et possibles. Donc, et pour eux, ça devient dire :
Bien, on le fait un peu déjà, s'assurer que ça soit offert en français.
Donc, s'assurer que ça soit fait. Je vais
honnête, on s'est creusé un peu la tête, il n'y a pas de solution miracle. Il
faut juste s'assurer que, comme toute autre documentation liée à l'emploi dans
le commerce de détail, qu'il soit offert et disponible en français. Et ça,
l'objectif de la loi est très clair. Et je crois qu'on pourrait, en continuité
avec cet objectif-là, l'appliquer sur les offres d'emploi.
Mais, en réalité, on est dans une réalité
où maintenant on est dans le bouche-à-oreille, maintenant on est dans
l'affichage sur Facebook, sur les réseaux sociaux, donc on est dans une autre
réalité pour trouver des employés potentiels dans le commerce.
M. Lévesque (Chapleau) : Mais
parfois la récompense à un employé qui amène un ami qui va se faire embaucher,
on a vu...
M. Côté (Jean-Guy) : Il y a
des bonis de signature maintenant, aussi, hein, vous savez, dans le commerce de
détail, il y a des bonis de signature, donc.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, effectivement.
Donc, on prend. Mais, évidemment, c'est conjoncturel puis on ne se le souhaite
pas, mais, si dans 40 ans, par exemple, ce n'était pas la même situation,
moi, je trouve qu'il y a une certaine valeur à ce qu'il y ait ce mécanisme-là
de permettre finalement une chance à tout le moins égale aux francophones. Est-ce
qu'au moins sur l'objectif je crois qu'on s'entend? Est-ce que vous me
confirmez qu'on s'entend sur l'objectif?
M. Côté (Jean-Guy) : On
s'entend sur l'objectif. Sur la manière, on reste encore en réflexion de notre
côté. Et on espère que, dans 40 ans, on soit ailleurs aussi.
M. Lévesque (Chapleau) : Bien
sûr. Mais dans le sens où il faut que ce soit, peu importe la conjoncture, un
objectif à atteindre.
J'ai remarqué, puis là c'est sur justement
la mise en oeuvre, parce que le projet de loi prévoit différents mécanismes, et
puis même des mécanismes, là, qui sont définis dans la loi ont souvent une mise
en oeuvre par la suite. Et là il y a toutes sortes de moyens qui peuvent être
utilisés, au-delà des articles de loi et de comment ils sont rédigés.
Puis je le souligne, je trouve ça intéressant,
à la page 4 de votre mémoire, il est mentionné que vous-même, grâce à la
contribution financière de l'OQLF, vous avez mis un projet, dans le fond, là,
sur pied visant à accompagner les détaillants dans la francisation de leurs
outils numériques et promotion...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois vous interrompre, M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) : Ah!
c'est déjà terminé?
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est déjà terminé, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : Le
temps passe trop vite, désolé. Mais merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour, M. Côté, Mme Pâquet. Enchantée...
M. Lévesque (Chapleau) :
...dans le fond, là, sur pied visant à accompagner les détaillants dans la
francisation de leurs outils numériques et promotion...
La Présidente
(Mme Thériault) : Je dois vous interrompre, M. le député.
M. Lévesque (Chapleau) :
Ah! c'est déjà terminé.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est déjà terminé, oui.
M. Lévesque (Chapleau) :
Le temps passe trop vite, désolé. Mais merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci
beaucoup. Bonjour, M. Côté et Mme Pâquet. Enchantée.
Je vais vous amener tout de suite, moi, à
la page 22, dans les pouvoirs d'inspection et d'enquête. Je pense qu'on
n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à maintenant, mais l'article 111, l'article 108,
l'article 113, particulièrement le 111, bon, vous le définissez bien, ce
qu'a... les pouvoirs de l'OQLF d'inspection, de pénétrer à toute heure
raisonnable dans tout endroit, bon, etc. Je ne lirai pas tout, tout l'article.
Mais vous dites : «Nous sommes à la fois inquiets et déçus de constater
que le projet de loi comme rédigé envoie un mauvais signal aux entreprises
voulant que le gouvernement entende adopter la ligne dure notamment en
octroyant plusieurs nouveaux pouvoirs à l'office qui auront pour conséquence de
rendre la charte similaire à un code pénal.»
Donc, essayez donc de nous expliquer
rapidement, mais quand même ce qui vous inquiète le plus dans cet article-là,
l'image que vous vous faites de ces pouvoirs étendus.
M. Côté (Jean-Guy) : Je
vous remercie de la question. Je laisserais aussi peut-être parler un peu plus
tard, Me Pâquet qui a étudié la question quand même dans son ensemble.
Mais je dirais d'emblée, il faut remarquer que, dans les dernières années,
l'OQLF avait quand même eu une opération d'accompagnement qui était extrêmement
intéressante, et je fais un peu de millage avec la question de votre collègue,
là. On a quand même offert des prix de francisation pour les outils numériques.
On a accompagné certaines entreprises pour améliorer. Et il faut comprendre que
les détaillants sont en très, très grande majorité motivés à franciser leurs
opérations, leurs sites Internet, leurs opérations internes. Et c'est parfois
un manque de moyens, ils ont besoin tout simplement de quelqu'un qui les
accompagne et non pas quelqu'un qui vienne leur dire qu'ils sont dans le tort.
Donc, l'accompagnement est en soi... pour nous, devrait être le premier réflexe
de l'OQLF, de dire : Je vais vous amener ailleurs, je vais vous aider à
passer à travers le processus. Vous allez être beaucoup mieux équipés en termes
de français après ce processus-là.
Et d'ailleurs l'OQLF c'est très rare
qu'ils se rendent quand même dans une optique de punition. Tu sais, ils sont
souvent dans l'accompagnement. Et on a senti, dans les dernières années, ce
changement de culture là. Là, on semble revenir à une culture de beaucoup plus
d'enquêtes, de vérification, d'audit, d'aller voir en magasin si on a des
produits qui sont correctement... d'aller s'assurer que les logiciels utilisés
sont réellement des logiciels en français, ou il y a une version française qui
existe. Donc, il y a plusieurs... il y a une optique qui nous semble être
différente, qui nous inquiète un peu, qui semble être une espèce de... du
retour de l'OQLF qui arrive dans le magasin puis nous dit comment, un peu,
faire...
M. Côté (Jean-Guy) : ...des
logiciels en français, ou une version française qui existe. Donc, il y a plusieurs...
il y a une optique qui nous semble être différente, qui nous inquiète un peu,
qui semble être une espèce de... du retour de l'OQLF qui arrive dans le magasin
puis nous dit comment, un peu, faire les choses, alors qu'on avait senti, dans
les dernières années, un changement de culture. Je ne sais pas si, Me Pâquet,
vous voulez compléter.
Mme Pâquet (Françoise) : En
fait, j'ajouterais simplement que l'analyse qu'on a faite avec les différents
détaillants, en fait, avec nos membres, on a comme l'impression qu'on retourne
avec un état policier. L'office a, selon nous, des pouvoirs qui vont être beaucoup
plus importants, et pour ne pas dire puissants, dans la mesure où il pourra, à
tout moment, rentrer dans un entrepôt, rentrer dans les commerces, rentrer et
pouvoir solliciter... prendre plein de photographies, ce qu'elle pouvait faire,
mais qu'elle pourra également solliciter de l'information dans les systèmes
informatiques, auquel cas il peut y avoir de l'information confidentielle.
Donc, on sent que la police débarque et
qu'à ce moment-là elle pourra aller chercher toutes les preuves à tâtons pour
essayer de repérer des produits qui soient non conformes ou encore des informations
dans les systèmes informatiques qui sont non conformes. Donc, on n'est plus du
tout dans les pouvoirs d'inspection que l'office avait auparavant. Et ça, ça
nous inquiète beaucoup, de voir que... Et l'office aussi, à ce moment-là,
pourra, de par ses pouvoirs d'ordonnance aussi qui lui sont confiés, demander à
ce que des produits soient retirés, demander à ce que des enseignes soient
enlevées. Donc, on est vraiment dans des pouvoirs policiers, davantage, de système
pénal.
Mme David : Ça a l'avantage
d'être très clair, les mots que vous employez. Vous êtes juriste?
Mme Pâquet (Françoise) : Oui.
Mme David : O.K., alors je
vais en profiter. Ce n'est pas grave si votre collègue veut répondre, là, mais
c'est parce que...
Mme Pâquet (Françoise) : Ceci
dit, je ne suis pas spécialisée dans le domaine de la...
Mme David : Non, non, non,
bien, écoutez, moi, je ne suis ni juriste ni spécialisée, alors... mais on a le
droit de se pencher sur le projet de loi quand même. Il y a deux mots importants,
dans cet article-là, il y a deux mots qui préoccupent de nombreux juristes, entre
autres, le mot «mandat» de perquisition, qui n'existe pas, il n'y a pas d'obligation
de faire un mandat pour ce genre... pour ce que vous venez de décrire, des
fouilles abusives, ouvrir des ordinateurs, et il y a le mot «dérogation», donc
la clause disposition de dérogation, qui s'appliquerait à toute la loi,
s'applique aussi à l'article 111. Alors, ça veut dire que les enquêteurs ont le
droit de venir sans demander auparavant un mandat de perquisition,
perquisitionner dans des ordinateurs où peuvent se mélanger — il y a
des arrêts de la Cour suprême là-dessus — se mélanger des données
personnelles d'un employé avec des données professionnelles...
Mme David : …ça veut dire
que les enquêteurs ont le droit de venir sans demander auparavant un mandat de
perquisition, perquisitionner dans des ordinateurs où peuvent se mélanger — il
y a des arrêts de la Cour suprême là-dessus — se mélanger des données
personnelles d'un employé avec des données professionnelles ou réglementaires
de la compagnie. Et là il y a un grand débat à savoir si justement ce n'est pas
une intrusion et une atteinte au droit à la vie privée.
Alors, ça, c'est tous les aspects plus
légaux, sur lesquels plusieurs intervenants sont venus nous dire : Ça n'a
pas de bon sens qu'une disposition de dérogation... Entre autres Me Patrick
Taillon, qui est un des architectes de cette loi-là, dit : Pour l'article 111,
là, je pense que ça prendrait une levée de la disposition de dérogation. Alors,
je vous laisse continuer sur...
• (15 h 40) •
Mme Pâquet (Françoise) :
Bien, écoutez, je suis contente de vous entendre dire ça, d'autant plus que
c'est des spécialistes encore plus en la matière que moi sur cette question-là.
Mais, définitivement, je vous dirais qu'à
travers les différentes dispositions du projet de loi qui ont été étudiées,
c'est probablement parmi celles qui ont fait réagir le plus nos gens, de
constater qu'effectivement on pourrait voir débarquer des agents de l'office,
des inspecteurs de l'office et aller chercher toute l'information, puiser sans
qu'on n'ait quoi que ce soit à pouvoir dire. Donc, définitivement, c'est...
Et c'est pour ça qu'on va jusqu'à
qualifier les dispositions de code pénal. Donc, pour nous, c'est des pouvoirs
qui sont trop invasifs et auxquels... on a besoin de difficulté. Donc, je pense
que vous venez tout simplement de confirmer nos inquiétudes par rapport à ça.
M. Côté (Jean-Guy) : Si
je peux compléter, dans la description d'une inspection, souvent l'OQLF actuellement
va arriver, va prendre des photocopies de certains documents, va repartir avec
des photos. Et s'engage un dialogue tout de même avec l'inspecteur en venant
dire : Bien, vous avez tel type de contrat. Vous pourriez peut-être, à
l'intérieur de vos opérations, le franciser. Ça, tel bon de commande, devrait
être en français. Et la très, très grande majorité des employeurs vont se
conformer et les détaillants vont se conformer rapidement parce que, souvent,
ils veulent faire la bonne chose, puis avoir un accompagnement de ce type-là
permet de le faire.
Là, on rentre dans une confrontation dès
le premier pas de l'OQLF à l'intérieur de l'entreprise, où l'OQLF entre dans l'entreprise
et peut vérifier tout ce qu'il veut, finalement. Donc, il n'y a plus de communication,
il n'y a plus de dialogue, on est dans la saisie. Donc, ça semble être un
changement de ton qui, chez mes membres, a suscité énormément de réactions, je
vous dirais même viscérales.
Mme David : Viscérales.
Non, mais ce qui est inquiétant aussi, c'est qu'en 1977 l'ordinateur n'existait
pas. Les données numériques n'excitaient pas. Et en 2021, évidemment, tout est
sur l'ordinateur. Il y a l'ordinateur de la compagnie, mais il y a le portable
avec lequel on s'en va chez nous, etc., et qui, là, peut avoir... contenir les
deux types de renseignements, personnels et professionnels. Oui, les
règlements, et tout ça, parce que l'employé l'ouvre le matin au bureau, puis...
Mme David : ...et en 2021,
évidemment, tout est sur l'ordinateur. Il y a l'ordinateur de la compagnie,
mais il y a le portable avec lequel on s'en va chez nous, etc., et qui, là,
peut avoir... contenir les deux types de renseignements, personnels et professionnels.
Oui, les règlements, et tout ça, parce que l'employé l'ouvre le matin au
bureau, puis il y a tout ça. Et il y a d'autres choses aussi. Et c'est là qu'il
y a un flou juridique important et qui peut faire une atteinte, selon plusieurs,
évidente au droit à la vie privée.
Il me reste encore un peu de temps, Mme la
Présidente? J'ai oublié de partir...
La Présidente
(Mme Thériault) : Deux minutes.
Mme David : J'avais
remarqué dans le projet de loi qu'il y avait une ligne et demie sur le droit
d'être servi en français. Puis évidemment c'est votre pain et votre beurre, ça,
vous servez le monde, c'est ça... c'est ça, le commerce de détail, puis heureusement
qu'on vous a.
Alors, le droit d'être servi en français,
bien, il est, vous dites, bien. Puis moi, je ne suis pas sûre de comprendre la
nuance, là, qu'il y a... L'entreprise qui offre aux consommateurs des biens,
ça, c'est moi et mon collègue qui allons s'acheter des choses, doit respecter
son droit d'être servi et formé en français, mais le public autre que le consommateur
doit l'informer et le servir en français. Là, vous vous inquiétez de ça. Et
moi, je veux comprendre la nuance que vous faites entre le droit d'être servi
en français pour les consommateurs et au public autre que les consommateurs.
M. Côté (Jean-Guy) : Je
vous dirais que la question est très pertinente parce que c'est une question
qu'on s'est nous-mêmes posée assez longuement à la lecture du projet de loi,
sur pourquoi y avait-il deux niveaux ou deux différences, deux interprétations
de deux versions, finalement, du droit d'être servi en français qui étaient
compris dans l'article.
C'est clair que, pour nous, le contrat
d'adhésion... être accessible en français puis de se faire offrir en français,
pour nous, c'est primordial. Je pense que les détaillants l'ont compris et le
font.
Nous, ce qu'on n'a pas trop compris, c'est
le public autre que le consommateur... c'est quoi, l'intention du législateur,
quelle est son interprétation. Et on a consulté quand même quelques juristes
pour écrire le mémoire. Et essentiellement on n'a pas de consensus.
Ça fait qu'à votre question je suis aussi
dans le gris. E on demande une clarification, finalement. On demande que cet
article-là soit clarifié et qu'on puisse connaître un peu les tenants et les
aboutissants que ça pourrait représenter.
Mme David : Donc, bien
noté. Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Donc, Mme la députée de Mercier,
5 min 40 s.
Mme Ghazal : Wow! Mon
Dieu! Je suis gras dur, comme on dit. Merci, Mme la Présidente. Parce que
d'habitude je n'ai même pas... à peine... même pas trois minutes.
Bien, merci pour votre présentation. Moi,
je voudrais revenir sur toute la question de la lourdeur bureaucratique, de la
paperasserie, tout ça, parce que les gens du commerce au détail... Moi, j'ai
des artères commerciales, là, dans mon comté, il y en a partout, puis c'est
très, très important pour l'image d'une ville, l'image de... n'importe où, là.
Évidemment, on parle beaucoup de Montréal. Puis vous dites qu'il y a une
lourdeur et une complexité des mesures qui sont déjà en place, là, pour les
entreprises de 50 à 99...
Mme Ghazal : …si… Moi, j'ai des
artères commerciales, là, dans mon comté, il y en a partout, puis c'est très,
très important pour l'image d'une ville, l'image de n'importe où, là,
évidemment, on parle beaucoup de Montréal. Puis vous dites qu'il y a une
lourdeur et une complexité des mesures qui sont déjà en place, là, pour les
entreprises de 50 à 99 employés. La francisation exige notamment
la prise de mesures comme la mise en place de processus administratifs de
gestion, la création de comités, la production de rapports. Bref, il est
question de beaucoup, beaucoup de paperasserie. Puis ça, quand on lit ça on
dit : Mon Dieu! Il doit y avoir des montagnes de rapports à remplir,
énormément de choses.
Puis je suis allée sur le site de l'OQLF
pour voir. Par exemple les entreprises maintenant de 25 employés et plus,
il va falloir qu'elles s'inscrivent, donc c'est un simple formulaire pour
s'inscrire, là, puis donner les informations à l'OQLF. Après ça, il faut faire
une analyse de la situation linguistique, donc c'est un formulaire de
14 pages mais il n'y a pas beaucoup de cases où il faut écrire des romans.
C'est vraiment des questions oui ou non, les catalogues et les dépliants de
votre entreprise sont en français, c'est facile, oui ou non, etc. Puis si la
situation est conforme, puis je me suis informée je pense que c'est plus que
80 % des entreprises qui font ce processus-là l'obtiennent, c'est facile.
Si ce n'est pas conforme, là, l'OQLF est là pour les accompagner. Puis après
ça, aux trois ans, il y a un formulaire qui ressemble presqu'à l'autre à
être rempli.
Je veux dire, c'est beaucoup plus simple
que faire son rapport d'impôt puis je ne pense pas qu'aucune entreprise ne va
dire : Bien, moi, je vais arrêter de faire mon rapport d'impôt parce que
c'est trop compliqué, trop de paperasserie, quoiqu'il y en a qui vont dans les
paradis fiscaux, mais c'est un autre sujet. Donc, pourquoi est-ce que c'est si
compliqué, faire ça pour le français alors qu'on le fait pour des subventions,
on le fait pour beaucoup d'autres choses?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien,
écoutez, à la face même que vous démontrez, c'est clair que lorsqu'on prend cet
objet-là particulier, pour un détaillant, s'il n'avait que ça à faire, on
s'entend qu'on serait dans la mesure du possible. C'est que ça s'ajoute à
plusieurs autres éléments administratifs à remplir au cours d'une année.
Et là, vous tombez sous l'égide d'un
25 à 49. Un détaillant de 25 à 49, ce n'est pas beaucoup de
portes, c'est une, deux portes, des employés à temps partiel, des employés à
temps plein, plus le propriétaire. Donc, c'est souvent des propriétaires qui
vont travailler eux-mêmes sur le plancher, qui vont travailler eux-mêmes à la
vente, qui vont faire la comptabilité, ils vont faire les ressources humaines,
le recrutement. Et s'ajouterait un élément administratif supplémentaire qui
s'ajoute à d'autres éléments administratifs. Le gouvernement actuel s'est
engagé dans un processus d'allègement réglementaire…
Mme Ghazal : Le projet de loi
a été déposé aujourd'hui.
M. Côté (Jean-Guy) : Oui,
qu'on salue dans un sens qu'il y a un processus d'allègement réglementaire, où
il y a un principe de réglementation intelligente, c'est qu'on doit réglementer
en fonction de la capacité de l'entreprise à y répondre, à cette
réglementation-là.
Donc, ce qu'on dit, c'est on ne veut pas
enlever les 25-49 de la nécessité d'être meilleurs en termes de francisation.
Ce qu'on dit…
M. Côté (Jean-Guy) : …où il y a
un principe de réglementation intelligente, c'est qu'on doit réglementer en
fonction de la capacité de l'entreprise à y répondre, à cette
réglementation-là. Donc, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas enlever les
25-49 de la nécessité d'être meilleurs en termes de francisation. Ce qu'on dit,
c'est trouver un moyen, une recette qui leur est propre, qui leur est plus facile,
qui va être plus évidente dans le cadre de leurs activités actuelles.
Mme Ghazal : …ce que je viens
de vous montrer… je comprends que c'est un ajout de plus, mais qu'est-ce qu'on
fait? Vous êtes d'accord qu'il y a un problème pour la pérennité du français,
que vous avez un rôle à jouer. Mais, si compléter quelques rapports, c'est si
compliqué, alors que le processus est facile, là, la majorité réussisse, donc
ça serait quoi l'effort de plus que vous êtes prêts à faire si celui-là vous le
trouvez déjà lourd?
M. Côté (Jean-Guy) : Bien, en
fait, je pense qu'il y a un caractère de prendre acte de la motivation, de
s'assurer que l'accompagnement est sur place puis qu'il soit accessible, et non
pas tomber dans une optique de rapportage où on décide de rapporter le nombre
de catalogues qu'on offre en français ou anglais. C'est, bien, voici des
guides, voici qui est le plus facile pour vous. Puis éventuellement, peut-être,
on ira vérifier si c'est correct.
Mme Ghazal : Bien, je vais
revenir à l'OQLF, parce que les mots que vous avez employés sont quand même
lourds, là, de dire que c'est policier. Puis ça nous rappelle… moi, je ne sais
pas, vous ne trouvez pas que c'est caricatural de dire ça, ça nous ramène à
tous les épisodes «pastagate», et ces genres de choses là. Puis ça peut faire…
je vais prendre ce que le ministre a dit tantôt à la Chambre de commerce du
Montréal métropolitain, vous êtes en train de faire peur aux détaillants, parce
que ça a tellement été mis à l'avant dans les médias, ça a même nui à notre
réputation, peut-être vous êtes… c'est ce que vous êtes en train de faire.
Parce que vous dites vous-mêmes qu'il y a eu un changement de culture à l'OQLF.
• (15 h 50) •
M. Côté (Jean-Guy) : Effectivement,
on le dit nous-mêmes qu'il y a eu un changement de culture à l'OQLF. Cependant,
certains articles ne concordent pas avec le changement de culture qu'on avait
observé dans les dernières années. Et, vous savez, le français, la très, très
grande majorité des détaillants au Québec sont en faveur d'offrir d'être
francophones, d'offrir des services en français, d'avoir une image française de
leur commerce. Le principe même du détaillant, c'est de répondre à son client.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : …résultat aussi.
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Mercier, vous voyez, même cinq minutes, ça passe
trop vite, ça passe trop vite. Donc, je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Côte, maître, d'avoir accepté l'invitation en commission
parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre la place.
(Suspension de la séance à 15 h 51)
(Reprise à 15 h 54)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous poursuivons notre séance et nous
recevons maintenant la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse, donc Me Philippe-André Tessier, le président.
Vous allez nous présenter la personne qui
vous accompagne. Vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation.
Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la commission. Bienvenue
à l'Assemblée, de manière virtuelle, la parole vous appartient.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors,
Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse et je suis...
La Présidente (Mme Thériault) :
...la personne qui vous accompagne. Vous avez une dizaine de minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, il y aura un échange avec les membres de la
commission. Bienvenue à l'Assemblée de manière virtuelle. La parole vous
appartient.
M. Tessier (Philippe-André) :
Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Alors,
Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse. Et je suis accompagné de
Me Geneviève St-Laurent, qui est conseillère juridique à la direction de
la recherche de la commission.
Comme vous savez, la commission a entre
autres pour mission d'assurer le respect et la promotion des principes énoncés
dans la Charte des droits et libertés de la personne. Suivant son mandat, la
commission a examiné le projet de loi afin de vérifier sa conformité avec la
charte et faire les recommandations appropriées.
D'emblée, la commission tient à affirmer
que la protection du français en tant que langue publique commune du Québec est
un objectif législatif légitime d'une grande importance. La commission est
d'avis qu'il est tout aussi important, dans un régime démocratique où l'on est
respectueux des droits et libertés, de s'assurer que les droits linguistiques
de la majorité ne viennent pas empiéter sur les droits fondamentaux qui sont
reconnus à toute personne.
La commission est ainsi préoccupée par
certaines dispositions du projet de loi qui visent à introduire à la charte
québécoise des considérations qui ne relèvent pas des droits de la personne
parce que ces modifications pourraient porter atteinte à la cohérence interne
de cet instrument de protection des droits et libertés, à son architecture et
aux principes qui la sous-tendent.
La commission estime donc qu'il n'est pas
souhaitable de modifier le préambule de la charte québécoise ni son
article 9.1 et qu'il ne serait pas pertinent d'y ajouter un nouvel article
qui viendrait consacrer un droit de vivre en français. Elle considère que ce
droit toutefois pourrait avoir sa place dans l'autre charte, la Charte de la
langue française. Ces trois modifications à la charte québécoise ne semblent
d'ailleurs pas nécessaires parce que les principes de la Charte de la langue
française sont déjà pris en compte dans l'application des droits et libertés
inscrits dans la charte québécoise dans toutes les situations où la langue est
en jeu.
Cela dit, la commission ne s'oppose pas à
l'ajout d'un alinéa à la disposition interprétative de l'article 50 de la
charte québécoise. Cette modification paraît davantage cohérente avec l'objet
et la structure de ce texte fondamental, tout en respectant la nature de ces
deux instruments qui coexistent depuis plus de 40 ans. Cette proposition semble
susceptible de contribuer à l'harmonisation et à la conciliation des droits
individuels protégés par la charte québécoise avec les droits linguistiques
fondamentaux qui, eux, seraient consacrés par la Charte de la langue française.
En outre, la commission ne s'oppose pas ni
aux modifications à la Loi d'interprétation ni au choix de conférer un statut
supralégislatif aux droits linguistiques fondamentaux justement consacré à la
Charte de la langue française. L'importante modification qui serait ainsi
apportée à la hiérarchie des normes québécoises, plaçant la Charte de la langue
française au même niveau que la charte québécoise, viendrait certainement
garantir une meilleure prise en compte des intérêts collectifs relatifs à la vie
et à la langue publique commune dans le cas où un conflit surviendrait avec
certains droits individuels garantis par la charte québécoise.
D'ailleurs la commission insiste, comme
elle l'a fait à de multiples reprises dans le passé, sur l'importance que les
modifications au contenu normatif de la partie I de la charte québécoise
fassent l'objet d'une large discussion publique. Celle-ci devrait impliquer non
seulement des acteurs politiques, mais aussi les membres de la société
civile...
M. Tessier (Philippe-André) :
...avec certains droits individuels garantis par la charte québécoise.
D'ailleurs la commission insiste, comme
elle l'a fait à de multiples reprises dans le passé, sur l'importance que les
modifications au contenu normatif de la partie I de la charte québécoise
fassent l'objet d'une large discussion publique. Celle-ci devrait impliquer non
seulement les acteurs mais aussi les membres de la société civile compte tenu
de l'impact important qu'il pourrait avoir sur l'interprétation de tous les droits
de la charte québécoise. Le fait de rendre la disposition de limitation de
droits qu'on trouve à l'article 9.1 applicable aux droits et libertés
protégés par les articles 1 à 56 et non plus uniquement aux droits et
libertés fondamentaux que l'on retrouve aux articles 1 à 9, mériterait
tout particulièrement une consultation de certains acteurs intéressés
spécifiquement par ces questions.
Dans son mémoire, la commission s'attarde
ensuite sur le recours très large à la disposition de dérogation dans le projet
de loi. Elle estime que son utilisation est d'une trop grande portée. Elle est
insuffisamment justifiée. Pourtant, si la charte québécoise prévoit une
dérogation aux droits qu'elle protège doit être faite de manière expresse,
c'est précisément pour qu'on puisse instaurer ou avoir un débat concernant les
justifications mises de l'avant pour suspendre l'application de certains
droits. Si le projet de loi porte atteinte à des droits et libertés de la
personne, et que le législateur souhaite s'y soustraire, il parait donc
essentiel de les identifier pour que les citoyennes, les citoyens puissent en
être informés, et qu'un véritable débat puisse avoir lieu sur la question
Il faut comprendre que la Charte de la
langue française et la charte québécoise ne sont pas, de l'opinion de la
commission, incompatibles. Il n'est absolument pas nécessaire d'adopter une
clause dérogatoire à portée générale pour atteindre l'objectif législatif
légitime de protection de la langue française comme langue publique commune. La
commission recommande donc de ne pas adopter les articles 118 et suivants
du projet de loi. Subsidiairement, la commission recommande de préciser, dans
le projet de loi, à quels droits ou libertés de la charte québécoise on entend
déroger, et spécifier quelles sont les dispositions de la Charte de la langue
française et du projet de loi n° 96 qui y sont soustraites.
Le mémoire de la commission s'attarde
ensuite sur certains aspects du projet de loi dont elle estime qu'ils
pourraient mettre en cause certains droits et libertés de la personne tels que
consacrés par justement la charte québécoise et le droit international. Dans un
premier temps, la commission interpelle le législateur et le gouvernement afin
qu'ils agissent sans tarder dans le sens des engagements pris par le Québec en
vue de faire vivre, protéger et promouvoir les langues des nations autochtones.
Elle recommande au législateur de s'assurer que les dispositions du projet de
loi n° 96 tiennent compte de ces engagements, et que cette démarche s'effectue
avec la participation des représentants autochtones.
De plus, elle recommande au législateur de
remplacer les termes amérindiens que l'on retrouve au préambule et
l'article 87 de la Charte de la langue française par celui de Premières
Nations. Plus largement, la commission recommande au gouvernement de se saisir
l'opportunité que présente l'actuel projet de loi pour énoncer clairement et
dès maintenant comment il envisage concrétiser à court terme les engagements
qu'il a pris en vue d'assurer le respect des droits linguistiques des peuples
autochtones du Québec. Cet énoncé devrait entre autres préciser les moyens
qu'il entend déployer pour que les nations autochtones participent activement à
toutes les démarches qui seraient entreprises en ce sens.
• (16 heures) •
Dans un deuxième temps, la commission
s'inquiète des excès qui pourraient découler de l'application d'une disposition
interdisant aux employés d'un organisme de l'administration d'utiliser une
autre langue que le français lorsqu'ils communiquent entre eux dans l'exercice
de leurs fonctions...
16 h (version non révisée)
M. Tessier (Philippe-André) :
...préciser les moyens qu'il entend déployer pour que les nations autochtones
participent activement à toutes les démarches qui seraient entreprises en ce
sens.
Dans un deuxième temps, la commission
s'inquiète des excès qui pourraient découler de l'application d'une disposition
interdisant aux employés d'un organisme de l'administration d'utiliser une
autre langue que le français lorsqu'ils communiquent entre eux dans l'exercice
de leurs fonctions. La mesure proposée pourrait donner l'impression que tout
usage d'une autre langue que le français sur les lieux du travail est interdit,
peu importe le contexte d'utilisation. Cela pourrait pousser certains
employeurs à surveiller l'usage de toute langue sur les lieux de travail,
compromettant ainsi le droit à la vie privée des employés. La commission
souligne l'importance de distinguer clairement l'usage officiel de la langue de
son usage à titre privé.
Troisièmement, la commission est
préoccupée par la disposition qui semble prévoir qu'un organisme de l'administration
ne pourrait utiliser une langue autre que le français dans ses communications
avec les personnes immigrantes au-delà d'une période de six mois suivant leur
arrivée. La commission considère que le fait de conditionner l'usage d'une
langue dans la prestation de services administratifs en fonction d'un délai
plutôt qu'en fonction des besoins de la personne est susceptible d'entraîner
une violation du droit à l'égalité dans l'accès à des services et de l'exercice
du droit à l'information prévu dans la charte québécoise.
Une telle exigence est aussi de nature à
poser des difficultés pour les personnes immigrantes dans l'obtention de
services administratifs essentiels, surtout lorsqu'elles sont toujours en
processus de francisation. D'ailleurs, le très court délai retenu par le projet
de loi ne semble pas tenir compte des nombreux facteurs qui peuvent influencer
sur le succès et la durée d'un parcours de francisation et d'intégration. La
commission recommande donc d'amender le projet de loi n° 96
afin de retirer cette condition.
Quatrièmement, la commission est d'avis
que le recours relatif à la discrimination ou au harcèlement discriminatoire
qui serait ajouté à la Charte de la langue française n'offrirait pas d'avantage
particulier pour les travailleurs concernés. En effet, la commission exerce
déjà sa compétence en lien avec ce type de situation, que la langue visée soit
le français ou une autre langue. Le recours prévu à la charte québécoise permet
la cessation d'une atteinte à un droit ainsi que la réparation du préjudice
subi et le versement de dommages et intérêts punitifs. Un nouveau mécanisme
impliquant potentiellement trois organismes administratifs et une série de
transferts de plainte pourrait rendre l'accès au recours plus confus pour les
victimes. Dans le cas où le législateur souhaiterait néanmoins mettre en place
un recours spécifique dans la Charte de la langue française, la commission
estime que celui-ci pourrait relever de sa compétence.
La commission émet finalement des
inquiétudes en lien avec le processus de dénonciation à l'OQLF de tout
manquement à la Charte de la langue française. Il serait alors possible de
passer outre à certaines obligations de confidentialité ou au secret
professionnel. Compte tenu des atteintes que cela risque d'entraîner au droit à
la vie privée et au droit au secret professionnel protégés par la charte
québécoise, la commission recommande de ne pas adopter cette disposition.
Finalement, tout en soulignant qu'elle
respecte déjà la Charte de la langue française à titre volontaire, la
commission explique que si le législateur souhaite l'y assujettir formellement,
il est essentiel qu'elle le soit à titre d'institution parlementaire et non à
titre d'organisme gouvernemental. En effet, la commission, comme d'autres
institutions, exerce une mission de surveillance et de contrôle de l'action
gouvernementale qui nécessite d'importantes garanties d'autonomie. De plus, le
droit international exige spécifiquement que les organismes de défense des
droits de la personne soient indépendants et autonomes du gouvernement. Cette
nécessaire indépendance serait compromise par les mécanismes de surveillance et
de contrôle qui s'imposeraient aux organismes gouvernementaux. Nous
recommandons donc de modifier l'annexe I du projet de loi afin d'être plutôt
assimilés à une institution parlementaire.
En terminant...
M. Tessier (Philippe-André) :
…de plus, le droit international exige spécifiquement que les organismes de
défense des droits de la personne soient indépendants et autonomes du
gouvernement. Cette nécessaire indépendance serait compromise par les
mécanismes de surveillance et de contrôle qui s'imposeraient aux organismes
gouvernementaux. Nous recommandons donc de modifier l'annexe I du projet de loi
afin d'être plutôt assimilés à une institution parlementaire.
En terminant, nous souhaitons rappeler que
les droits linguistiques d'une société ne sont pas, par définition,
contradictoires par rapport aux droits et libertés reconnus aux personnes par
la charte québécoise. Ces droits peuvent exister, coexister sans hiérarchie.
S'ils venaient à entrer en conflit dans des circonstances particulières, la
commission est d'avis que certaines mesures du projet de loi seraient
susceptibles de faciliter leur conciliation.
Je vous remercie de votre attention et
nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Me Tessier. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire sur projet de loi
n° 96.
Je reprends votre dernière phrase, Me
Tessier. Dans le fond, je comprends que c'est légitime pour un État comme le
Québec de mettre des mesures en place pour protéger sa langue commune, sa
langue publique, sa langue nationale. C'est justifier de le faire.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Tout à fait.
M. Jolin-Barrette : O.K. Vous
faites quelques recommandations en lien avec la Charte des droits et libertés
de la personne pour ne pas que l'on vienne modifier le préambule, pour ne pas
qu'on indique «droits collectifs», vous préférez «intérêts collectifs». Vous ne
voulez pas qu'on introduise le fait… le droit de vivre en français dans la Charte
des droits et libertés de la personne. Pourquoi vous ne voulez pas qu'on touche
à la Charte des droits et libertés de la personne?
Pour… parce que je vais juste vous
présenter, là. La Charte des droits et libertés de la personne, c'est quand
même un document qui est important, qui est fondamental au Québec. Et je crois
que le français mérite d'y apparaître et surtout cette notion de droits
collectifs doit y apparaître, parce que c'est une Charte des droits et libertés
de la personne, bien entendu, mais, comme dans toute chose, il y a un
équilibrage à faire également avec les droits collectifs de la nation. Alors,
pourquoi la commission est réticente à ce qu'on vienne insérer ça dans la
charte?
M. Tessier (Philippe-André) :
Essentiellement, il faut comprendre que ce que le projet de loi n° 96
vient faire est d'ériger la Charte de la langue française à un statut
équivalent à celui de la charte québécoise des droits et libertés, ce à quoi la
commission ne s'oppose pas. On va donner préséance sur les autres lois à la Charte
de la langue française, tout comme à la charte québécoise. Et ce qu'on dit,
c'est que les articles auxquels le ministre fait référence sont des éléments
qui font appel aux droits linguistiques fondamentaux qui, depuis 50 ans…
le législateur québécois a choisi comme véhicule pour ces droits linguistiques
fondamentaux là, le véhicule de la Charte de la langue française et non pas le
véhicule de la Charte des droits et libertés de la personne, qui n'ont pas des
finalités et des fonctions identiques. L'une et l'autre coexistent, cohabitent,
et là on vient leur donner un statut équivalent dans l'ordre normatif du
Québec, on les érige au même niveau dans la constitution matérielle du Québec.
C'est quand même fondamental ce que le projet de loi n° 96…
M. Tessier (Philippe-André) :
...là, le véhicule de la Charte de la langue française et non pas le véhicule
de la Charte des droits et libertés de la personne qui n'ont pas des finalités
et des fonctions identiques. L'une et l'autre coexistent, cohabitent, et là on
vient un statut équivalent dans l'ordre normatif du Québec. On les érige au
même niveau dans la constitution matérielle du Québec. C'est quand même
fondamental ce que le projet de loi n° 96 vient faire en ce sens-là. Et
donc, nous, on pense qu'à ce moment-là le véhicule beaucoup plus approprié pour
parler des droits linguistiques fondamentaux tels que la Charte de la langue
française en parle, c'est effectivement la Charte de la langue française.
Je me permets d'ajouter que, si des droits
peuvent être ajoutés à la charte québécoise, on se dit d'accord avec ça s'il y
a une disposition interprétative à son article 50 comme dans les autres
lois, la Loi d'interprétation, le Code civil, le Code de procédure civile. Ça,
là-dessus, on n'a pas de problème avec ça parce qu'il faut effectivement
interpréter la Charte québécoise des droits et libertés en conjonction ou de
façon conforme à la Charte de la langue française, et il faut faire coexister
ces deux véhicules-là. Mais le choix initial de 1977, la Charte de la langue
française, on pense qu'il était motivé par ces intentions-là qui demeurent tout
à fait contemporaines aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette :
Trouvez-vous que, depuis 1977, les droits fondamentaux qui ont été inscrits à
la Charte de la langue française ont été pris aussi en considération que les
droits fondamentaux qui se retrouvent à la Charte des droits et libertés de la
personne?
M. Tessier (Philippe-André) :
C'est sûr et certain qu'il y a eu des arrêts qui se sont passés effectivement
sur le statut de la Charte québécoise des droits et libertés pour venir
concilier les droits prévus à la Charte de la langue française. Ce qui est
différent puis ce que le projet de loi n° 96 fait de majeur comme je le
dis et je le répète, c'est d'ériger ces catégories de droits là au même niveau,
c'est de faire en sorte que les deux ont une disposition supra législative. Et
c'est sûr et certain qu'une des recommandations que l'on fait également au législateur,
c'est de faire attention à l'utilisation de la clause dérogatoire préventive
tous azimuts parce qu'en venant ériger les droits linguistiques fondamentaux
qui vont être contenus dans la Charte de la langue française au même niveau que
la charte québécoise, l'utilisation préventive de la clause dérogatoire peut
nous empêcher ou nous priver du regard des tribunaux de l'impact de l'effet de
cette modification, de cette bonification-là majeure pour le fait français au
Québec qui est le p. l. n° 96.
M. Jolin-Barrette :
Donc, sur votre dernière phrase, si je vous entends bien, vous, vous préférez
laisser les tribunaux venir définir ce qui doit s'appliquer en matière de
droits fondamentaux pour la Charte de la langue française relativement à son
application, même si ça vient restreindre les droits qu'on vient conférer aux
Québécois, au Québec, de vivre en français. Donc, je comprends que vous
souhaitez que le législateur se retire, que l'exécutif... que les législateurs,
ici, se retirent puis ils disent : Bien, écoutez, on va soumettre ça aux
tribunaux, puis les tribunaux, eux décideront quel doit être le vivre-ensemble
au Québec, comment doit être l'aménagement linguistique au Québec, donc non pas
les élus de l'Assemblée nationale.
Donc, on fait une proposition législative,
mais, sur un sujet aussi important, aussi fondamental pour l'avenir...
M. Jolin-Barrette : ...et les
tribunaux, eux décideront quel doit être le vivre-ensemble au Québec, comment
doit être l'aménagement linguistique au Québec, donc non pas les élus de l'Assemblée
nationale. Donc, on fait une proposition législative, mais, sur un sujet aussi important,
aussi fondamental pour l'avenir du Québec, pour la pérennité du français, qui
est en danger, là, manifestement, à part quelques groupes qui nient et qui
essaient de démontrer par des statistiques parfois alambiquées qu'il n'y a pas
d'enjeu au Québec, là, si je retiens votre position, vous dites : Bien,
laissons ça aux tribunaux, puis après on verra ultimement. Plutôt que de dire
que le législateur prenne conscience de l'enjeu, que la population québécoise,
que la société disent : Il y a un enjeu avec le français, on demande une
réponse forte, il faut protéger la langue nationale, la langue commune, vous,
vous préférez qu'on confie ça aux tribunaux.
• (16 h 10) •
M. Tessier (Philippe-André) :
En tout respect, Mme la Présidente, ce que la commission vient dire, c'est que
le législateur joue son rôle, joue son rôle important, fondamental dans notre
État de droit, dans notre régime démocratique, et vient modifier la
constitution matérielle du Québec, érige la Charte de la langue française a un
statut supralégislatif, statut, jusqu'à présent, réservé uniquement à la charte
québécoise des droits et libertés, et on se dit d'accord avec ça.
Ce qu'on dit, cela dit, c'est qu'en appliquant
au même moment la clause de dérogation le législateur se prive de mesurer
l'effet de cet ajout, de cette bonification de p.l. n° 96
sur l'ordre normatif et cet équilibre-là.
Et ce qu'on vient aussi dire, et ça, c'est
important et fondamental de le répéter, le législateur a la prérogative
d'utiliser la clause dérogatoire, la commission ne remet pas ça en question.
Elle dit : Pouvons-nous, premièrement, dans un premier temps, cibler les
articles visés par la clause dérogatoire? Parce qu'à première vue, et je
pourrai peut-être laisser ma collègue compléter aussi, à première vue, il y
a... les éléments qui sont prévus à la Charte de la langue française aux
modifications de p.l. n° 96 ne nous apparaissent
pas discriminatoires en soi. Et donc ce nécessaire dialogue là, cette
conversation-là entre le législatif et le judiciaire, bien, en utilisation de
façon préventive la clause dérogatoire, on se prive de ça, et le législateur
aura toujours le dernier mot parce qu'il pourra toujours se prévaloir de la
clause dérogatoire si jugement d'un tribunal est passé avec lequel le
législateur a un désaccord. Et c'est ça aussi, une utilisation que l'on pense
plus conciliante avec les droits et libertés de l'effet de la clause
dérogatoire. Je voulais peut-être... Ma collègue veut compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui, juste peut-être pour
compléter sur la raison pour laquelle on s'oppose à certains ajouts dans la
Charte des droits et libertés de la personne, c'est vraiment un peu par souci
de cohérence avec le droit international puis les différents outils de
protection des droits et libertés de la personne. Il n'y en a pas, des textes
de protection des droits de la personne nationale ou internationale qui
viennent prévoir la limitation de droits individuels au nom de droits
collectifs qui appartiendraient à la majorité. Les intérêts collectifs de la
majorité sont très importants, mais ils peuvent... et c'est d'ailleurs le cas
dans plusieurs autres États où on vient consacrer ces principes-là dans un
autre texte, à valeur constitutionnelle aussi.
Donc là, comme l'expliquait...
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: ...de droits individuels au
nom de droits collectifs qui appartiendraient à la majorité. Les intérêts
collectifs de la majorité sont très importants, mais ils peuvent... et c'est d'ailleurs
le cas dans plusieurs autres États où on vient consacrer ces principes-là dans
un autre texte, à valeur constitutionnelle aussi. Donc là, comme l'expliquait
Me Tessier, on vient créer... on vient reconnaître, avec les modifications qui
sont apportées par le projet de loi, le fait que la Charte de la langue
française, elle doit avoir une place égale dans la constitution matérielle de
la province pour, justement... c'est ça, pour rétablir peut-être l'équilibre
qui était voulu au départ, en 1977, là, venir les placer sur le même pied. Et
donc les tribunaux pourraient avoir l'occasion, là, de venir constater
justement cette action du législateur là, ce qui change la donne,
considérablement, d'après nous.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que vous considérez que le Québec et le français se retrouvent en situation
minoritaire au Canada puis en Amérique du Nord?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. C'est dur à nier.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Parce que vous venez de dire, Me St-Laurent, que, dans le fond, on était
majoritaires. Dans le fond, vous, vous faites référence uniquement au Québec. Dans
le fond, que le français est majoritaire, mais que le français, dans le fond,
on le regarde juste sous la loupe du Québec puis on ne le regarde pas dans
l'environnement nord-américain ni dans l'environnement canadien.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Si vous permettez, Mme la
Présidente, oui, je pense que, justement, en tant que... les francophones sont
majoritaires au Québec, mais effectivement le Québec représente une minorité
nationale au sein du Canada. Et je pense qu'on pourrait dire que le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques s'applique aussi au Québec
dans ce sens-là. Il y a une double application, ici, on est à la fois minorité
et majorité, donc on pourrait revendiquer des droits linguistiques auprès de la
majorité anglophone.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Pratico-pratique, là, le français, il décline. L'Assemblée nationale, qui est
l'Assemblée nationale d'une nation, a des outils à sa portée pour assurer la
protection puis la pérennité du français. La commission nous dit : Oui,
mais, tu sais, on aime mieux voir ce que les tribunaux vont dire, quitte à
faire en sorte que ça affecte le droit de vivre en français, quitte à ce que ça
affecte les droits qu'on vient garantir dans la Charte de la langue française.
Moi, j'ai un malaise avec ça. Je pense que c'est aux élus à choisir, sur des
sujets aussi importants, de quelle façon va s'organiser l'aménagement
linguistique. Mais on ne sera pas d'accord sur ce volet-là.
Une question rapide avant de céder la
parole aux collègues. Pourquoi est-ce que vous ne souhaitez pas qu'on vienne
modifier l'article 9.1 de la Charte des droits et libertés de la personne?
M. Tessier (Philippe-André) :
Essentiellement, parce que cet article-là, c'est une disposition interprétative
et qui vise à concilier les intérêts de la collectivité versus les intérêts en
cause dans les droits et libertés fondamentaux qui sont prévus aux articles 1 à
9. Il faut comprendre que cette disposition interprétative là a été...
M. Tessier (Philippe-André) :
...interprétative et qui vise à concilier les intérêts de la collectivité
versus les intérêts en cause dans les droits et libertés fondamentaux qui sont
prévus aux articles 1 à 9. Il faut comprendre que cette disposition
interprétative là a été conçue et ajoutée en 1982, quand on a donné plein effet
à la disposition supralégislative de 52, l'article 52 de la charte. Et il
est certain que l'interprétation, depuis, de cet article-là, tient compte de
cet aménagement-là.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que... on
ne dit pas qu'il ne faut pas nécessairement modifier 9.1 ou le faire évoluer,
ce qu'on dit, c'est que la conséquence d'assujettir tous les articles de la
charte à cette disposition-là, c'est quelque chose d'assez important et ça a
des ramifications avec lesquelles il faut être quand même prudent, parce que ça
dépasse la simple question linguistique, ça vise l'ensemble des autres droits
prévus à la charte. Et pour nous, là-dessus, on rappelle juste que la charte
québécoise, elle vise non seulement les rapports publics, donc les
articles 1 à 9, l'interprétation des lois du Québec et la conformité de
celles-ci avec la charte, mais également les rapports privés. Et donc il faut
quand même faire oeuvre d'un peu de prudence lorsqu'on vient jouer sur cet
article-là, pour voir quel est l'impact réel sur l'ensemble des droits prévus à
la charte.
M. Jolin-Barrette :
Donc, essentiellement, vous dites au législateur : Ne légiférez pas
là-dessus. Dans le fond, vous dites : N'exercez pas votre compétence de
législateur sur cet article-là. Vous nous dites : Bien, repoussez ça.
M. Tessier (Philippe-André) :
Ce qu'on vous dit, c'est que c'est sûr et certain que ça dépasse la simple
question linguistique. C'est une question d'architecture fondamentale de
l'ensemble des droits prévus à la Charte québécoise des droits et libertés. Et
on dit juste : Cette discussion-là, on peut l'avoir, cette question-là,
elle peut être regardée, mais elle implique d'autres réflexions, d'autres
acteurs, parce que ça dépasse la simple question de la langue française.
Les outils que le législateur utilise pour
venir modifier l'ordre normatif du Québec avec le p. l. n° 96
sont majeurs, on le reconnaît, on appuie la plupart de ces éléments-là. Mais on
fait juste rappeler une chose très fondamentale au législateur, c'est que le
gouvernement aussi dispose d'importants leviers pour franciser, pour permettre
la francisation du Québec, et il faut aussi utiliser ces leviers-là lorsqu'on
veut traiter de la question linguistique au Québec. L'aménagement linguistique
du Québec dépend aussi de l'effort que l'État du Québec et que le gouvernement
consent aux programmes de francisation, notamment, et ça, je sais que c'est une
question qui a toujours été mise de l'avant et défendue.
Et je rappellerai à cette commission
parlementaire que la commission, en 2013, s'est dite d'accord avec l'ajout,
dans les droits économiques et sociaux de la charte, du droit d'apprendre le
français. Pourquoi? Parce que c'était reconnu comme étant un droit que l'on
donnait, hein, aux minorités linguistiques sur le territoire du Québec
d'apprendre le français. Donc, on venait renforcer la protection du français,
renforcer les notions d'intégration à la langue dite commune, mais on le
faisait de façon conciliante, de façon conforme à l'architecture et à la
cohérence interne de la Charte québécoise des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste avant de céder la parole, je vous soumettrais que...
M. Tessier (Philippe-André) :
...hein, aux minorités linguistiques sur le territoire du Québec d'apprendre le
français. Donc, on venait renforcer la protection du français, renforcer les
notions d'intégration à la langue dite commune, mais on le faisait de façon
conciliante, de façon conforme à l'architecture et à la cohérence interne de la
Charte québécoise des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste avant de céder la parole, je vous soumettrais que c'est fondamental pour
une nation de garantir, dans ses lois et ses lois les plus importantes, le
droit de vivre en français et le fait que chacun des Québécois a le droit de travailler
en français, a le droit de vivre dans la langue commune au Québec. Ça
m'apparaît fondamental.
Et sur votre commentaire relativement au fait
que le gouvernement a d'autres moyens d'action, savez-vous, les lois restent,
les gouvernements passent, et on a eu une expérience toute récente à quel point
certains gouvernements ne se préoccupaient pas du statut du français au Québec,
même on cachait les études pour ne pas informer la population. Alors, moi, je
préfère que ce soit inscrit dans les lois pour assurer la pérennité du
français.
Je vous remercie pour votre présence en
commission parlementaire.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député de Sainte-Rose, vous avez moins de
2 min 45 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Me Tessier, toujours un plaisir de vous retrouver. On se parle
assez souvent dans nos différentes tâches.
Je me permettrais, avant de débuter avec
ma première question, de vous soumettre humblement que vous dites que le
législateur se prive d'un dialogue avec le judiciaire en imposant la clause
«nonobstant» à travers le document. Moi, je vous soumets qu'on a un dialogue
avec le judiciaire. On est après leur dire qu'on ne veut pas avoir de dialogue
sur ce sujet-là.
J'aurais une question par rapport aux
anglophones. On en a parlé brièvement. Je voudrais savoir si vous avez
remarqué, dans le document qui est le p. l. n° 96,
des limitations aux droits des Québécois d'expression anglaise. Est-ce qu'on
limite les droits ou est-ce qu'on impacte leur bien-vivre au Québec?
La Présidente
(Mme Thériault) : Me Tessier.
M. Tessier (Philippe-André) :
La commission s'est prononcée sur les éléments qui sont prévus à notre
déclaration et à notre mémoire. On ne s'est pas prononcé sur plusieurs des dispositions
en lien avec le secteur de l'éducation, de la justice parce que celles-ci
touchent à des secteurs qui sont valablement représentés par d'autres
intervenants devant la commission parlementaire.
• (16 h 20) •
M. Skeete : Donc, juste
pour être clair, vous ne vous êtes pas attardé, mais vous n'avez rien remarqué
non plus qui pourrait être un drapeau rouge à cet égard.
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est sûr et certain que la question pour la commission, qui est
centrale, c'est que, compte tenu du fait qu'il y a de nombreux articles et de
nombreuses dispositions dans la... dans le présent projet de loi qui viennent
affecter un paquet d'actions, tant au niveau du secteur de la justice, bien, le
secteur de la justice ou de l'éducation, ces éléments-là, ce ne sont pas des
éléments que, nous, nous avons étudiés attentivement ou que nous avons
regardés. D'autres acteurs vous ont fait des démonstrations sur ce sujet-là.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, je ne pensais
pas vous revoir dans d'autres sortes de conditions complètement différentes de
la dernière fois où on s'est échangé des questions. Écoutez, j'ai l'impression
parce que, là, c'est peut-être ma formation ou ma déformation
professionnelle...
La Présidente (Mme Thériault) :
…la parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, je ne pensais pas vous
revoir dans d'autres sortes de conditions complètement différentes de la
dernière fois où on s'est échangé des questions.
Écoutez, j'ai l'impression… parce que là,
c'est peut-être ma formation ou ma déformation professionnelle. J'ai le
ministre devant moi puis j'ai vous devant moi un peu plus haut, et l'image qui
me vient en ayant lu… Écoutez, je ne suis pas juriste, hein, alors ce n'était
pas évident lire ça — et avoir à peu près 12 heures pour le
lire, là, parce que c'est arrivé hier après-midi — un aussi gros
mémoire, 65 pages. Et j'ai l'impression d'être devant les deux pièces
législatives les plus importantes du Québec, de l'histoire du Québec,
c'est-à-dire la charte des droits et libertés, que vous défendez évidemment
comme président de la Commission des droits de la personne, et qui, cette
charte, a 46 ans. Et le ministre responsable de la Langue française, mais
aussi ministre de la Justice, là — des fois ça fait un peu compliqué,
mais — qui porte la Charte de la langue française, parce qu'il est
responsable de la langue française, et qui a aussi, non pas lui, mais la loi,
44 ans d'existence. Et, moi, j'ai ma petite chaloupe puis je m'en viens
vous poser des questions à deux gros paquebots, là, qui se font face avec une
certaine réserve, dans les deux cas, c'est-à-dire, tant dans vos propos oraux
que dans les écrits, je sens vraiment que ça ne fait pas nécessairement
toujours bon ménage la charte des droits et libertés et la Charte de la langue
française. Puis là je ne veux pas personnaliser du tout. C'est comme deux
grosses pièces législatives, qui définissent le Québec, dont on est fiers
autant de l'un que de l'autre. Et j'ai l'impression que le mariage n'est pas
toujours si facile à consommer entre les deux pièces législatives.
Vous avez reconnu, à la page 29, que
justement la Charte de la langue française, bon, vous reconnaissez la
légitimité de lui donner un statut supralégislatif comme la charte des droits
et libertés. Mais en même temps, dans le même paragraphe, vous dites : La
commission s'inquiète du message qui pourrait être envoyé par cette
modification de la hiérarchie des normes québécoises qui pourrait être
interprétée comme un recul de la protection des droits et libertés. Là, je vois
une échelle puis, là, en haut de l'échelle, il y a la charte des droits et
libertés puis la Charte de la langue française monte les barreaux puis là, veut
arriver au même niveau. Puis là vous dites… Vous avez le droit, mais… J'étais
toute seule en haut, là, puis là vous mettez votre loi à la même hauteur.
Excusez de faire image comme ça, mais c'est vraiment ça qui me vient. Et je
sens une espèce de tension théorique entre les deux, mais presque comme une
tension tout court pour voir qui va avoir le plus d'impact. Est-ce que j'ai
tout faux dans ma réflexion?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien... Puis je laisserai ma collègue compléter ma réponse. Évidemment, on l'a
bien dit, là, ces véhicules-là ont été en tension…
Mme David : ...tout court
pour voir qui va avoir le plus d'impact. Est-ce que j'ai tout faux dans ma
réflexion?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien... puis je laisserais ma collègue compléter ma réponse. Évidemment, on l'a
bien dit, là, ces véhicules-là ont été en tension à travers les années. De ne
pas le reconnaître, ce serait un peu de se mettre la tête dans le sable parce
qu'effectivement de concilier les intérêts collectifs versus les droits prévus
à une charte des droits et libertés, notamment les droits linguistiques, c'est
sûr et certain que c'est un exercice de conciliation qui n'est pas simple.
Là, ici, ce qui est... et je le redis, ce
qui est fondamental, c'est que l'on vient mettre au même niveau... L'effet du
projet de loi n° 96, c'est de mettre au même niveau que la Charte des
droits et libertés de la personne les dispositions que l'on appelle, là, les droits
linguistiques fondamentaux, qui sont contenus à la Charte de la langue
française.
Donc, ces éléments-là, c'est quelque chose
qui va avoir un impact ou qui pourrait avoir un impact sur l'ordre juridique du
Québec. Et au même moment, vous parlez des Barreaux et du même niveau, au même
moment, on assujettit cette loi-là à une disposition de dérogation, ce qui à
toutes fins pratiques vient faire échec à cette égalité parce que l'une vient
être interprétée sans l'autre. Alors donc, c'est sûr que cette tension-là aussi
s'exprime. Et je comprends bien l'argument de dire : Bien, écoutez, voici
la volonté souveraine de l'Assemblée nationale, et on veut se passer de cette
interprétation-là.
Nous, ce qu'on dit, c'est que ce qui
animait l'esprit de la loi 101 en 1977 et ce qui animait les rédacteurs du
livre blanc, c'était le fait que la charte contienne une déclaration des droits
fondamentaux des... la Charte de la langue française, contienne les droits
fondamentaux des Québécois en matière linguistique, mais qu'elle complète en
matière de langue les droits individuels reconnus par la Charte des droits et
libertés de la personne.
Alors donc, le livre blanc parlait aussi
du fait que, comme le Québec il y a une majorité francophone, il faut exercer
ces droits-là ou ces intérêts collectifs là de façon à concilier aussi le
respect des droits des minorités. Et c'est ça qui a toujours animé l'ordre
juridique du Québec des 44, 46 dernières années. Et c'est ça aujourd'hui sur
lequel on vient jouer. Alors, oui, effectivement, il y a... Il y a deux gros
bateaux, là, qui voguent un à côté de l'autre dans une mer houleuse.
Mme David : ...mettent
presque... Je dirais qu'ils mettent presque en antagonisation le fédéralisme et
la position plus nationaliste, ce qu'on appelle les droits collectifs, que vous
suggérez d'appeler les intérêts collectifs. Vous n'êtes pas le seul. Benoît
Pelletier a parlé, lui, d'un choix collectif. Alors, choix, intérêts, mais pas
droits. Et donc qui vient mettre ça en contradiction avec ce qui serait le
multiculturalisme canadien, ce qui serait quelque chose du respect des droits
et libertés, donc, des individus mis côte à côte, mais qui ne sont pas dans la
même nation. Ça devient très politique aussi, ce choc de titans. Est-ce que je
me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, sur la question peut-être des intérêts collectifs, ma collègue...
Mme David :
...multiculturalisme canadien, ce qui serait quelque chose du respect des
droits et libertés, donc des individus mis côte à côte, mais qui ne sont pas
dans la même nation. Ça devient très politique aussi, ce choc de titans. Est-ce
que je me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui, bien, sur la question peut-être des intérêts collectifs, ma collègue
pourrait fournir certains éléments, là.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Bien, en fait, vous
parliez de la page 28 du mémoire. Je vous aiguillerai vers la page 29, où, justement,
pour tenir compte de ce changement important que va représenter le statut
supralégislatif donné, donc, de même niveau, hein, à la Charte de la langue
française qu'avec la charte québécoise, on me dit que le choix de donner une
protection supralégislative à notre langue publique commune, ça devrait peut-être
s'accompagner, justement pour éviter cette hiérarchie-là de... qui est, en tout
cas, apparente... ça devrait s'accompagner d'une reconnaissance de même niveau
des droits linguistiques des groupes minoritaires dans la charte des droits.
Donc, on a déjà une disposition qui
ressemble à ça à l'article 43, qui parle des droits des minorités ethniques. On
pourrait y ajouter une minorité linguistique notamment. Et donc on rappelle une
recommandation qu'on a déjà faite dans le passé, là, pour se conformer
davantage au droit international là-dessus. Puis ce sont des droits auxquels on
reconnaît une dimension collective, ce qui est très différent d'un droit
collectif, là.
Mme David : O.K. Oui,
effectivement. Puis c'est une des choses qui m'a beaucoup frappée dans votre
mémoire, vous faites énormément référence à toutes vos publications
antérieures, et Dieu sait qu'il y en a eu. Et je vais faire référence à une
publication... Et ça, j'ai vraiment appris quelque chose. Il était rendu tard,
hier soir, mais ça m'a un peu réveillée. Quand vous parlez des dispositions de
dérogation, et que, justement, vous dites que, dès 1977, «dans notre rapport en
1977, la commission, à la page 39, s'opposait à une modification de l'article
52 de la charte des droits et libertés qui visait à y introduire une dérogation
d'office à l'ensemble de la Charte de la langue française.» Vous devez avoir
l'impression que c'est Le jour de la marmotte, là, complètement, parce
que là, vous vous citez de 1977, alors c'est quand même... moi, je trouve,
passionnant.
Et vous dites, et je cite encore 1977...
Je ne sais pas qui, ici, savait qu'il y avait eu exactement les mêmes enjeux
qui se posaient. La charte n'avait que deux ans d'existence, puis la Charte de
la langue française commençait à vouloir naître. Donc : «La commission
estime donc que les dérogations proposées», bon, «aux articles du projet de loi
n° 96 sont trop larges, imprécises et insuffisamment
justifiées. Comme elle le soulignait en 1977, s'il y a des atteintes aux droits
fondamentaux incluses dans le projet de loi, il est essentiel de les
identifier.»
Donc, vous vous opposez et vous vous
opposiez à une dérogation générale qui, n'identifiant ni les droits aux
libertés auxquelles on entend déroger ni les dispositions de la Charte de la
langue française que l'on souhaite soustraire à l'application de la Charte des
droits et libertés de la personne... Je comprends qu'en 1977 vous avez été
entendus? Il n'y a pas eu d'application de dispositions de dérogation. Est-ce
que je me trompe?
• (16 h 30) •
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, tout à fait. Et là c'est sûr et certain...
16 h 30 (version non révisée)
Mme David : ...la Charte des
droits et libertés de la personne. Je comprends qu'en 1977 vous avez été
entendu, il n'y a pas eu d'application de disposition de dérogation. Est-ce que
je me trompe?
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, tout à fait. Et là c'est sûr et certain qu'il y a une chose qu'il faut
bien comprendre, c'est que le fait que l'on vienne donner un statut
supralégislatif à la Charte de la langue française, c'est quelque chose ici qui
est quand même assez fondamental et qui fait en sorte que... et c'est un peu la
position qu'on veut, c'est qu'il ne faut pas construire et concevoir les
éléments comme étant des forces qui s'opposent, il faut faire attention, et
c'est un peu ça aussi, la mise en garde qu'on fait au législateur. C'est sûr et
certain que si on construit les droits linguistiques en opposition avec les
droits fondamentaux, on pense que ce n'est peut-être pas porteur comme message
ou comme façon de présenter les choses.
La commission a toujours eu la prétention
de dire qu'il faut les voir de façon qu'ils coexistent, qu'on puisse les
concilier et qu'on puisse faire oeuvre d'avancer les droits linguistiques
fondamentaux, de les mettre de l'avant, mais de les concilier entre eux, qu'ils
se respectent mutuellement.
Et je veux juste revenir sur une chose,
pour la clause dérogatoire, c'est très important aussi, qu'on se comprenne
bien, puis c'est un élément qu'on a mis dans notre mémoire, lorsqu'on utilise
la clause dérogatoire, c'est pour déroger aux droits en disant : Bien, il
y a des droits qui entrent en conflit. Mais nous, notre analyse ne nous évoque
pas, là, un conflit entre les deux textes à ce point flagrants qu'il est
absolument essentiel pour que la volonté de la... que la souveraineté
parlementaire, vous pouvez l'exercer sans aucun problème. Pour nous, la... et
vous avez eu des témoins, justement, le Pr Pelletier qui a parlé du fait
que, selon lui, l'arrêt Nguyen serait valable en vertu de 9.1. Il y a eu beaucoup
de gens pour dire que l'exercice de conciliation des droits est tout à fait
possible, il va même être renforcé. Alors, c'est pour ça qu'on est un petit peu...
on se demande quelles sont les dispositions dans 96 qui nécessiteraient l'application
de la clause dérogatoire.
Mme David : 15 secondes.
Bien, les inspections et les fouilles, beaucoup, beaucoup ont dit : Ça n'a
pas de bon sens qu'il y ait une disposition de dérogation sur cet article-là.
M. Tessier (Philippe-André) :
Donc, c'est un peu le risque lorsqu'on déroge tous azimuts.
Mme David : C'est ça. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : ...Mme la
Présidente. M. Côté... Non, là, je ne suis pas dans la bonne...
Me Tessier et Mme St-Laurent. Excusez-moi. Bonjour. Merci pour votre
présentation.
Moi, je veux vous parler de... pour les
services offerts aux personnes immigrantes, le délai de six mois. Il y a
beaucoup d'organismes, puis je pense qu'on va en entendre d'autres aussi
demain, qui sont inquiets par rapport au délai, qu'ils trouvent trop court. Il
y en a qui demande que ça soit encore le statu quo, qu'on communique dans une
autre langue avec les personnes immigrantes. D'autres disent : Bien, au
lieu que ça soit six mois, peut-être deux ans, trois ans, etc.
Mais vous, ce n'est pas... au-delà du
délai, vous pensez que ça pose des problèmes pour ces...
Mme Ghazal : ...qui demande que
ça soit encore le statu quo, qu'on communique dans une autre langue avec les
personnes immigrantes. D'autres disent : Bien, au lieu que ça soit six
mois, peut-être deux ans, trois ans, etc.
Mais vous, ce n'est pas... au-delà du
délai, vous pensez que ça pose des problèmes pour ces personnes-là d'obtenir
des services. Et vous demandez aussi qu'il y ait une clarification. Parce que
quand on dit : Ne pas utiliser une autre langue, moi, je prends pour
acquis que ça veut dire... l'autre langue, ça serait l'anglais. Mais est-ce que...
la façon que l'article est écrit, est-ce que ça pourrait aussi empêcher, par
exemple, de parler la langue maternelle, un service d'interprétariat pour les
personnes immigrantes qui arrivent après six mois? Supposons que le gouvernement
accepte qu'on prolonge ce délai, est-ce que ça... est-ce que quand on parle
d'une autre langue, ça peut être autre que l'anglais aussi qu'il serait
interdit de communiquer avec les personnes immigrantes?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, c'est un peu là tout... Tout ce que vous venez de mentionner, c'est
l'objet de nos préoccupations, là, dans cette section-là de notre mémoire, là,
la page 49 et suivantes. C'est que ça poste de nombreuses questions
pratico-pratiques. Encore une fois, ce qu'on veut juste bien comprendre, c'est
que la... les limites. Est-ce qu'effectivement ça vise toutes les langues ou
juste une langue?
Et on va se le dire, là, c'est sûr qu'une
règle de six mois, avec les vécus personnalisés individuels de chacun des êtres
humains qui vivent ce processus-là d'immigration, on trouve que c'est toujours
très risqué de mettre un délai comme ça, là, où est-ce que tout d'un coup,
c'est fini à partir de ce moment-là, parce que ça ne tient pas compte des
multiples réalités, de l'accès aux services de francisation.
Et on rappelle aussi gentiment au
gouvernement qu'en 2017, le Vérificateur général du Québec faisait des constats
quand même sans équivoque sur les services de francisation offerts à la
population québécoise et était très, très critique. Je comprends que ça fait
quatre ans, il y a de l'eau qui a coulé sous les ponts, mais il faut comprendre
que l'État fournit les services en matière de francisation puis il faut... il
se place devant toute une obligation de dire : Moi, en six mois, je vais
avoir franciser les gens pour qu'ils puissent s'adresser en français aux
services publics.
Mme Ghazal : Mais fixer... Est-ce
que vous êtes contre... c'est-à-dire vous trouvez que le six mois, c'est risqué
ou c'est fixer un délai? Si, par exemple, en étude détaillée, moi, j'arrive
avec un amendement puis je dis deux ans. Même ça, ça serait problématique ou...
C'est le fait d'imposer un délai ou le délai lui-même qui pose problème?
M. Tessier (Philippe-André) :
Je ne pas si ma collègue veut compléter.
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: Oui. Si je peux compléter
là-dessus, c'est... le délai en lui-même pose aussi un peu problème, il est
très court. Mais c'est comme on explique dans le mémoire, conditionner ça à un
délai plutôt qu'aux besoins de la personne, ça ne tient pas en compte le fait
qu'un processus de francisation, ça peut être long puis il y a plein de
facteurs qui peuvent jouer sur cette question-là, notamment l'accès à un emploi
en français. On sait que d'avoir un emploi en français ça contribue beaucoup à
la francisation des personnes. Donc, il y a tous ces éléments-là qu'il faut
prendre en compte.
Mme Ghazal : Mais si... mais,
par exemple, deux ans ou trois ans, ça serait déjà correct. C'est ça que je veux
vous entendre. Pour vous...
Mme
St-Laurent
(Geneviève)
: ...notamment l'accès à un
emploi en français. On sait que d'avoir un emploi en français, ça contribue beaucoup
à la francisation des personnes. Donc, il y a tous ces éléments-là qu'il faut
prendre en compte.
Mme Ghazal : Mais si... mais, par
exemple, deux ans ou trois ans, ça serait déjà correct. C'est ça que je veux
vous entendre... pour vous, là, oui.
M. Tessier (Philippe-André) :
Oui. Bien, c'est sûr que nous, une des questions qu'on pose par rapport à ça,
c'est à la page 51 de notre mémoire, c'est comment il est calculé, ce délai-là.
Et tu sais, on tient compte des allers-retours de la personne. Est-ce que c'est
quand elle est sur le territoire du Québec? Ce genre de délai...
Mme Ghazal : Vous dites selon
les besoins aussi.
M. Tessier (Philippe-André) : C'est
ça, c'est ça qui vient compliquer, quand on met ce genre de délai là,
administratif, ça...
Mme Ghazal : Parfait. Merci.
Je veux vous poser une question par rapport à la recommandation n° 10,
qui parle du droit relatif à la non-discrimination liée à la langue française.
Je veux comprendre les critiques que vous faites. Vous, ce que vous souhaitez,
c'est que, quand il y a une plainte d'un travailleur qui se sent discriminé sur
la base de la langue, c'est que la plainte soit adressée directement à vous, et
non pas tout un long processus où c'est à l'OQLF, qui, après ça, le transmet à
la CNESST, qui, après ça, pourrait peut-être, si le travailleur veut, le
transmettre à vous. Peut-être m'expliquer un peu ce que vous trouvez problématique
dans ce processus de plainte pour faire valoir ce droit.
M. Tessier (Philippe-André) : Rapidement,
puis ma collègue pourra compléter, ce qu'il faut comprendre, c'est que la commission
est déjà compétente pour entendre des recours en discrimination et en harcèlement
basés sur une discrimination sur la langue, que ce soit le français ou une
autre langue. Donc là, ce qu'on vient dire, c'est qu'on vient ajouter un nouvel
article à la Charte de la langue française qui dit... qui crée un recours de discrimination
et de harcèlement à une autre instance. Et on dit gentiment : Il existe déjà,
ce recours-là, il est prévu à la charte, et on s'en occupe.
Mme Ghazal : Est-ce que vous
en recevez beaucoup?
M. Tessier (Philippe-André) :
Non. Très peu.
Mme Ghazal : O.K. Ça fait que
vous en recevez très peu, des plaintes de travailleurs qui se sentent
discriminés par rapport à la langue française. Vous en recevez peu parce qu'il
n'y en a pas beaucoup ou parce que les gens ne savent pas?
M. Tessier (Philippe-André) :
Bien, il y a deux choses. C'est que le recours opérant prévu à la Charte de la
langue française, c'est sur le droit qui est prévu, qui s'applique aussi en
matière d'arbitrage de grief et qui s'applique devant présentement aussi la
CNESST, c'est le fait d'avoir une exigence autre que le français pour
travailler. C'est ça qui fait... qui est le gros du volume de ce genre de
plainte là. Ce ne sont pas les plaintes de discrimination et harcèlement pour
avoir utilisé le français. C'est le fait d'avoir conditionné l'obtention de
l'emploi à l'utilisation d'une autre langue que le français. C'est ça, le...
Mme Ghazal : Ça, vous en
recevez.
M. Tessier (Philippe-André) :
Non, mais c'est ça, nous, on ne s'en occupe pas, de ça.
Mme Ghazal : Ah! O.K.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, Me Tessier, Me St-Laurent, merci pour
votre passage en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 39)
(Reprise à 16 h 41)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux et nous
recevons l'Association des Townshippers, donc, M. Gerald Cutting qui est
le président et Mme Rachel Hunting, la directrice générale.
Vous avez 10 minutes pour nous faire
une présentation. Vous pouvez enlever vos masques le temps que vous parlez sur
votre présentation. Et après ça, on ira en échange avec les parlementaires en
commençant par le ministre. Bienvenue à l'Assemblée. La parole est à vous.
M. Cutting (Gerald) : (Interruption)
Eh bien! il ne faut pas que je perde mes oreilles.
Alors, merci beaucoup, et c'est vraiment
un plaisir d'être ici et d'avoir une surcharge d'échanger avec vous. Je
comprends très bien qu'on a un 10 minutes, et on va partager la parole
entre moi et Mme Hunting.
Alors, on commence. Comme l'énonce
clairement le préambule de la Charte de la langue française, la promotion et la
protection de la langue et de la culture françaises peuvent se faire «dans un
esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la
communauté québécoise d'expression anglaise et celles-ci, de minorités ethniques,
dont elle — l'Assemblée nationale…
M. Cutting (Gerald) : ...et la
protection de la langue et de la culture française peuvent se faire dans un
esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des institutions de la communauté
québécoise d'expression anglaise et aussi de minorités ethniques, dont elle, l'Assemblée
nationale, reconnaît l'apport précieux du développement du Québec. Mais raviver
les tensions linguistiques, inviter la critique internationale à propos de la
violation des droits de la personne au Québec et aliéner des communautés qui
ont travaillé à construire cette province main en main avec leurs homologues
francophones ne sert les intérêts de personne.
En conséquence, tout en étant pleinement d'accord
sur le fait que la protection et la promotion de la langue et de la culture française
sont impératives pour préserver le caractère unique du Québec, le conseil
d'administration de l'Association des Townshippers déplore les tentatives gouvernementales
de prévenir par une loi omnibus et par son utilisation massive de la clause
«nonobstant» et il soumet les recommandations suivantes. Retirer le projet de
loi n° 96. Susciter l'apport de ceux d'un texte de loi de cette... en
vigueur affectera lors de la rédaction d'un nouveau projet de loi. Des
consultations peuvent facilement être organisées par l'entremise du secrétariat
aux relations avec les Québécois de langue anglaise et d'autres instances et
ministères concernés, dont le MSSS.
Si le projet de loi est modifié, mais sans
être retiré, ne pas invoquer la clause «nonobstant» et assurer que la charte
québécoise des droits et libertés demeure intacte. Toute partie de la
législation qui ne peut pas être défendue devant un tribunal mérite d'être
retirée.
Faire la différence entre la communauté anglophone
minoritaire du Québec et la menace mondiale de l'anglais en reconnaissant, dans
la loi, que la majorité anglophone du Québec est officiellement la communauté
minoritaire au Québec avec un statut historique et juridique légitime. L'octroi
du statut de minorité officielle à la communauté anglophone du Québec est un
indicateur puissant du statut de la langue française dans la province et que
les Québécois francophones ont atteint une majorité dominante et sûre.
Mettre de côté la définition étroite de
l'admissibilité aux services gouvernementaux en anglais comme étant uniquement
les personnes admissibles à l'enseignement en anglais tel que décrit dans la
Loi sur l'instruction publique. Cette notion...
M. Cutting (Gerald) : …mettre
de côté la définition étroite de l'admissibilité au service gouvernemental en
anglais comme étant uniquement les personnes admissibles à l'enseignement en
anglais, tel que décrit dans la Loi sur l'instruction publique. Cette notion
est impraticable, n'a aucune corrélation valable avec l'état de santé et des
besoins d'une personne et risque de priver… de personnes de l'accès à des
services efficaces et sûrs,
au lieu d'accorder à l'Office québécois de la
langue française l'autorité excessive décrite dans le projet de loi actuel,
procéder à des investissements stratégiques qui permettront de créer des
ressources provinciales sur les secteurs de l'éducation, des affaires et du
tourisme et offrir des programmes fondés sur les données ainsi que des mesures
incitatives axées sur la promotion et la valorisation de la langue française
d'une manière dynamique, inclusive et stimulante, et non d'une façon rigide et
imposée.
Comme le philosophe français Albert Camus
l'a déjà dit : «La démocratie, ce n'est pas la dictature de la majorité, c'est
le respect des minorités». Lorsqu'on examine les mesures mises de l'avant pour
être… dans la loi, en vertu de réaliser la vision énoncée de la promotion et la
protection de la langue française, on expose une approche sophistiquée et bien
conçue pour restreindre l'accès à la langue anglaise dans la province, une
approche qui déshéritera effectivement la communauté anglophone de tout statut
juridique ou reconnaissance officielle comme partie intégrale de la nation
québécoise.
Mme Hunting (Rachel) : Respectueusement,
ce projet de loi nous pose beaucoup plus de questions qu'il n'offre de mesures
concrètes pour protéger et promouvoir le français. La communauté anglophone du
Québec n'est, en aucun cas, responsable de la réalité selon laquelle la langue
anglaise est la lingua franca utilisée au monde pour les questions relatives au
commerce, à la science, à la technologie et par la majeure partie des médias
sociaux grand public. En omettant systématiquement de faire la différence entre
la menace extérieure de la langue anglaise et les membres de sa propre
population québécoise, le gouvernement participe activement à la diffamation de
notre communauté et à son statut problématique aux yeux des principaux médias
de langue française de la province.
Agir pour restreindre l'utilisation de
l'anglais au travail ou, sans doute, sur l'île de Montréal, et pour limiter les
droits de notre communauté ne changera pas la situation mondiale, mais cela
aura un effet dévastateur sur les populations déjà vulnérables des collectivités
rurales comme celles que l'on trouve dans notre région, et on peut facilement
prévoir l'impact que cela aura sur la capacité du Québec à concurrencer
efficacement sur le marché mondial. Une étude d'impact sérieuse et non
partisane a-t-elle été réalisée pour évaluer…
Mme Hunting (Rachel) :
…dévastateur sur les populations déjà vulnérables des collectivités rurales
comme celles que l'on trouve dans notre région. Et on peut facilement prévoir
l'impact que ça l'aura sur la capacité du Québec à concurrencer efficacement
sur le marché mondial.
Une étude d'impact sérieuse et non
partisane a-t-elle été réalisée pour évaluer l'effet potentiel des restrictions
à l'usage de l'anglais proposées dans ce projet de loi sur les populations
anglophones vulnérables à l'extérieur de l'Île de Montréal?
Quelle définition de la nation québécoise
est le moteur du projet de loi proposé alors que l'esprit sous-jacent de ce projet
de loi est voué au contrôle et au découragement de l'usage de la langue
anglaise, ciblant clairement les citoyens anglophones du Québec comme un problème
à traiter?
Quels sont les délais administratifs
anticipés pour ceux qui devront déposer une demande pour exercer leurs droits à
des services en anglais? Quelles sont les conséquences pour les personnes dont
les parents ne sont plus en mesure de demander le certificat en leur nom?
Qu'en est-il de l'incohérence entre les
droits accordés aux Québécois d'expression anglaise par la loi sur la santé et
les services sociaux et les restrictions imposées par le projet de loi n° 96?
Comment le Québec s'assurera-t-il que la prestation des services restera
accessible aux ayants droit étant donné que le projet de loi comprend plusieurs
propositions qui créeront des barrières et des éléments dissuasifs à la
prestation des services en anglais et au personnel ayant les compétences
adéquates pour les fournir?
As Lucien Bouchard said
in 1996: «When you go to the hospital, you're going for a blood test not a
language test.»
Invoquer la clause
«nonobstant» pour écarter les chartes fédérale et québécoise des droits et
libertés est un geste qui affecte les droits et libertés de tous les Québécois
en raison de la grande portée des conséquences d'une mesure aussi radicale.
La charte québécoise des droits et libertés
adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale il y a 46 ans, serait-elle
tout simplement mise de côté? Assurément, cette loi fondamentale du Québec, qui
représente un énoncé puissant des valeurs québécoises, ne peut-elle pas être
renversée sans l'approbation unanime de tous les membres de l'Assemblée, et
certainement pas modifiée sans le consentement unanime?
• (16 h 50) •
Quelles mesures le projet de loi n° 96
prend-il pour s'assurer que la primauté du droit demeure une force constante
dans la prise de décision?
Sommes-nous, en tant que membres de la
communauté anglophone du Québec, censés d'interpréter l'autorité élargie de
l'OQLF comme autre chose que la criminalisation de notre langue maternelle sans
tribunaux pour protéger les citoyens dans une démocratie constitutionnelle?
Pouvez-vous décrire les mécanismes prévus
à l'intérieur du projet de loi n° 96 pour protéger les citoyens contre les
signalements faux, ciblés et malveillants?
Le projet de loi n° 96 lui-même ne
fournit pas un aperçu clair des structures bureaucratiques et administratives
qui pourraient être nécessaires pour contrôler, inspecter et suivre la mise en
œuvre à long terme de cette législation. Savons-nous quels seront les coûts
totaux associés à la mise en œuvre du projet de loi 96, financiers ou autres?
Et pour terminer : Quelles autres
solutions le gouvernement a-t-il explorées pour améliorer…
Mme Hunting (Rachel) : ...qui
pourrait être nécessaire pour contrôler, inspecter et suivre la mise en oeuvre
à long terme de cette législation. Savons-nous quels seront les coûts totaux
associés à la mise en oeuvre du projet de loi, financiers ou autres? Et pour
terminer, quelles autres solutions le gouvernement a-t-il explorées pour
améliorer l'usage du français en milieu de travail avant de fixer son choix sur
les dispositions du projet de loi n° 96? Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à la présentation. Vous étiez pile dans le temps. M. le
ministre, la parole est à vous pour vos 17 minutes.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Cutting, Mme Hunting, bonjour. Je
salue votre présence à l'Assemblée nationale. Manifestement, ce que je reçois
de votre témoignage, c'est que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96, et je respecte ça. Je respecte le fait que votre association
émet de fortes réserves, voire le retrait du projet de loi n° 96.
Mais j'ai été un peu troublé par les propos que vous venez de tenir à plusieurs
égards. Et peut-être que je veux vous rassurer. Je sens beaucoup d'inquiétude
de votre part, et probablement de vos membres, également, puis je pense que
c'est important que je les rassure.
Dans un premier temps, lorsqu'on parle de
nation, pour moi, pour le gouvernement du Québec, la nation, ça inclut tous les
Québécois et toutes les Québécoises, peu importe leurs origines, peu importe
leur langue maternelle. On est ensemble au Québec, on a construit le Québec.
Vous savez, la minorité anglophone a participé à ce qu'est le Québec d'aujourd'hui
dans le passé, actuellement, et dans le futur. Comme les nations autochtones,
comme les francophones, comme les nouveaux arrivants également qui choisissent
de venir au Québec et qu'on accueille. Parce qu'on veut qu'ils choisissent le Québec
et on veut qu'ils s'intègrent au Québec. Alors, l'objectif du projet de loi,
c'est de faire la protection, la promotion de la langue française, pour le
futur, notamment, parce qu'il y a des enjeux, il y a des lacunes.
Mais dans le projet de loi, il n'y a rien,
absolument rien qui affecte les droits des Québécois d'expression anglaise. Et
même, on rajoute certains droits, notamment le fait pour... un jeune homme ou
une jeune femme d'expression anglaise au Québec qui étudie dans une école
anglaise au primaire ou au secondaire, on va lui donner priorité pour étudier
dans sa langue au niveau collégial. Ça, ça ne s'était jamais fait et c'est une
avancée pour la communauté anglophone.
Vous avez abordé, tout à l'heure, Mme
Hunting, la question des soins de santé. Ça me préoccupe beaucoup, les propos que
vous tenez, parce que, et je l'ai énoncé dès le moment du dépôt du projet de
loi, la Loi sur la santé et les services sociaux demeure et donc il ne sera
jamais question de retirer des services, et la loi...
M. Jolin-Barrette : …la
question des soins de santé. Ça me préoccupe beaucoup les propos que vous tenez
parce que, et je l'ai énoncé dès le moment du dépôt du projet de loi, la loi
sur la santé et les services sociaux demeure, et donc il ne sera jamais
question de retirer des services, et la loi demeure. Alors, c'est le statu quo
pour la communauté anglophone, pour les institutions anglophones, pour les
services qui sont donnés à la communauté anglophone, il n'y a absolument rien
qui change. Et je me suis assuré, personnellement, lorsqu'on a rédigé le projet
de loi n° 96, que les droits de la communauté anglophone allaient être
respectés, maintenus. Et ça, c'est très, très clair.
Je comprends, à partir de ce moment-là,
que vous êtes en désaccord avec le projet de loi n° 96 puis vous
dites : On ne devrait pas aller là. Mais par contre, je vous inviterais peut-être
à un peu de modération parce qu'entre la réalité de ce qu'il y a dans le projet
de loi n° 96 et le discours que vous véhiculez, c'est vraiment deux choses
complètement distinctes.
Alors, j'aimerais ça voir avec vous
quelles sont les suggestions que vous avez pour bonifier le projet de loi et
qui nous permettraient d'avoir un dialogue constructif.
M. Cutting (Gerald) : Bon,
pour commencer, il faut comprendre qu'on représente une région où que la
population, depuis un certain nombre d'années, on se prend dans une situation
où on est vraiment minoritaire. Dans notre région, c'est quasiment impossible
d'avoir un emploi sans être capables de fonctionner en français, c'est
absolument sûr. Pour nous, le Québec, la majorité est français et on comprend
très bien que vous voulez assurer à la population majoritaire que vous êtes
dans une position de prendre certaines mesures.
Vous posez la question : Est-ce qu'il
y a des gestes que vous pouvez mettre en avant pour nous assurer que c'est
vraiment une loi qui nous protège? Un geste, tout de suite, je vais vous dire
gardez dans la section sur la santé la loi sur l'accès des services en santé et
peut-être vous pourrez aller avec la clause grand-père, ça veut dire que tous
les gens qui reçoivent des services en anglais présentement, pour garder ce
statut, ça, c'est un geste qui pourrait être avancé. Ça va nous donner tout de
suite une reconnaissance qu'on est vraiment une population qui a droit de
certains services.
Et on est parfaitement d'accord. Est-ce
qu'on peut travailler ensemble pour trouver des solutions qui ne nous donneront
pas l'image que, le projet de loi, c'est vraiment un projet qui nous vise?…
M. Cutting (Gerald) :
...et on est parfaitement d'accord pour est-ce qu'on peut travailler ensemble
pour trouver des solutions qui nous ne donneront pas l'image que le projet de
loi, c'est vraiment un projet qui nous vise.
Si vous êtes ici dans ma chaise, c'est
difficile de voir comment je pourrais dire d'autres choses. Ça va prendre des
gestes concrets, ça va prendre des compromis. Et on propose que, dans un
contexte de la démocratie, est-ce qu'il y a une façon d'assurer, avant que la
loi va aller plus loin, qu'on a plus de consultations, plus de gens qui sont
dans la situation anglaise qui pourraient vous exprimer exactement que ce qu'on
comprend par cette loi-là. Et c'est rassurant que vous êtes ouverts, mais même
si vous dites vous avez pris beaucoup de temps pour nous assurer, et quand on
lit que vous êtes prêt à mettre à côté les deux chartes, ça ne nous soulage pas
du tout parce que qu'est-ce qui est fondamental dans une démocratie
constitutionnelle, c'est qu'on peut toujours avoir accès à un tribunal, et
c'est fermé... la porte est fermée là-dessus complètement.
M. Jolin-Barrette : OK.
Two things on that. You know, you just said, «We want to have
the assurance that nothing changes about the health services.», section 15
of la Loi sur les services de santé et les services sociaux. As I said in
French before, Bill 96 doesn't affect these rights. It doesn't change
section 15 of la Loi sur les services de santé et les services sociaux. I
said it when I tabled that bill and I say that again and again because that
bill applies on the future legislation that the National Assembly will adopt.
So, you don't have to have any worry about that. It is clear. Nothing changes
about that and I will say always and always.
• (17 heures) •
After that, on the
notwithstanding clause, you know, Constitution, Federal Constitution that was
adopted without the willing of the Québec, gives the possibility to take
section 33 on that. That's what we did because we believe that's really
important to protect French. But, on that, we made the choice, and we're proud
about that to make that choice, that we guaranty all the rights to the
English-speaking community here in Québec about schools, about hospitals, about
services. And I want to be clear on my message about that. Bill 96 doesn't
change nothing...
17 h (version non révisée)
M.
Jolin-Barrette : ...to make that choice that
we guarantee all the rights to the English-speaking community, here, in Québec, about schools, about hospitals,
about services. And I want to be clear on my message about that: Bill 96
doesn't change nothing.
So, I want to thank you very much to be here, at the National Assembly. I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you some questions. And I was very please
to receive here.
M. Cutting
(Gerald) : …respond to one issue. When we read
in the bill that in order to have services in English, you must hold some form
of certification, I myself probably can't find that certification, because
perhaps my parents gives it away, as that I don't have my high school leaving
certificate. And I don't think the school commission that was in place at the time has those records.
My wife who is an
immigrant from the United States who came specifically to Canada to McGill, to the province of Québec, to study at age of 18, who's now 74, never wanted to return to the United States, never wanted to be any place
else. If I read that bill, I don't see how she's going to get services in
English. So, I think, if you talk about certification…
M.
Jolin-Barrette : I just want to add about
that, when I write that bill, I put a grandfather clause to be sure that your
wife, that she had receive her services in English, will be able to continue to
receive her services in English. That's in the bill.
M. Cutting
(Gerald) : That's in the bill?
M.
Jolin-Barrette : That's in the bill.
M. Cutting
(Gerald) :OK.
M.
Jolin-Barrette : So, everything is in the
bill. And we can continue to talk about that, but as I say before, I want to
reassure you, nothing changed about the situation of the members of the English
community. But I know that the MNA for Sainte-Rose wants to ask you few questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 6 min 15 s.
M. Skeete : Merci.
Welcome, guys.
I'm a little… back by your opening statement and the concerns that you have.
I've spent innumerable hours in discussions with various groups, including groups
that represent the Townshippers, to try and reassure them about some of the
aspects of the bill. I think… I hope hearing it from the minister has made it
clear, when it comes to health care, that is out of scope of this bill, when it
comes to access to justice, that is out of scope for this bill, when it comes
to your wife, M. Cutting, everybody who is receiving English-speaking
services at the time of the tabling of the bill is grandfathered.
Now…
M. Skeete : ...out of scope for this bill. When it comes to your wife, Mr.
Cutting, everybody who was receiving English speaking services at the time of
the tabling of the bill is grandfather.
Now, we can talk about
Bill 96, but what I'm realizing more and more is, really, what we're talking
about is Bill 101. And when I say what we're really talking about is Bill 101,
is when people talk about these exceptions… Well, what if, you know, an
American comes to Québec
tomorrow? Well, you know, are they part of the English community? Let's
differenciate belonging to the English community. If an American wants to join
the Townshippers Association
because they find affinity and community in your organization, of course, an
English speaking Quebecker or
and American who's an immigrant can join and be part of your community. Does
that mean that a person that chooses to immigrate to Québec falls outside of the scope of Bill 101? They don't. But that's not
Bill 96, that's Bill 101, that was passed before I was born. So, that has nothing
to do with Bill 96, that has to do with whether or not you're an immigrant to Canada and whether or not you're a person in
scope of Bill 101. So, I've tried to reach out, I've tried to say these things,
I hope you'll take us on our word about the changes that apply.
With regards to the
notwithstanding clause, and I've said this in French, but I'll say it in
English this time, because there's this notion that goes that is… about that
somehow using the notwithstanding clause is counterconstitutional or
counterlegal. But the first thing that we forget, and the Minister alluded to
it before, is that the only reason we have a charter of rights and freedoms in Canada is because Premiers of enumerable
provinces insisted on the notwithstanding clause being there. Why? Because Canada enjoys a parliamentary system that
was inherited from our British forefathers, where there isn't a Constitution,
where individual rights are not an issue, they are well known for respecting
individual rights. We inherited that British tradition in Canada, and parliamentary supremacy, the
notion of parliamentary supremacy is something that has always existed in Canada and, by extension, it's the reason
why we find in the Charter of Rights and Freedoms.
But it doesn't apply to
everything. The Minister can't just decide, tomorrow morning, eh!, you know
what? Notwithstanding clause on everything. Non. What it says is: In certains situations, in certains paragraphs, parliamentary supremacy will be valid. An interesting
point is that it's not valid on section 133, which is what entwines the rights
of the English community, with regards to access to justice, amongst other
things.
So, my question is to
you: Are we talking about Bill 101…
M. Skeete : …will be valid. An interesting point is that it's not valid on
section 133, which is what entwines the rights of the English community, with
regards to access to justice, amongst other things.
So, my question is to you: Are we talking about
Bill 101 or we're talking about Bill 96 when you have very grave
concerns that you have said out?
Mme Hunting
(Rachel) : …about Bill 96, I am not here
to talk about Bill 101, which is also older than I'm. Hum, but with
respect, if you say that nothing will change…
Il n'y a rien qui
va changer aux propos de la loi, santé et services sociaux, puis nos droits
d'accès, les prestations de services qui sont déjà disponibles, et ce que nous
avions le droit en ce moment, en anglais. Ce qui est problématique, c'est qu'en
pratique nous n'avons pas tous les droits qui sont sur papier en ce moment. Je
n'ai pas… Je ne peux pas aller dans ma région, avoir la prestation de services
assurée dans n'importe quel établissement de santé et services sociaux que
j'essaie d'accéder. Je n'ai aucun hôpital «full-service» qui va pouvoir me
donner des services de A à Z en anglais. Et il n'y a aucun programme d'accès
qui touche tous les services qui sont offerts dans le système de santé et
services sociaux. Ça fait que, si c'est le statu quo, ça veut dire que je n'ai
pas, je n'ai pas les mêmes droits… Bien…
I still do not have the
ability to exercise the rights I have under the law currently with Bill 96.
M. Skeete : And that…
Mme Hunting
(Rachel) : It's the practicality of your
legislation.
M. Skeete : On that, we will agree, because we've had, me and your association,
the secretariat and your association, innumerable meetings about addressing
that very gap in services. That's one the reason why the QuébecGovernment funds the Townshippers and other community groups in order to help
us bridge those gaps. So, I agree that our genuine concerns… but how is that
applicable to Bill 96?
Mme Hunting
(Rachel) : How is Bill 96 coherent with,
you know, «les mesures et besoins prioritaires retenus par les personnes participantes» in the
secretariat's consultation process in 2019? In the report that was
released in December 2020 : «La consultation visait entre autres à
déterminer les mesures concrètes qui pourraient prendre le secrétariat et le gouvernement
du Québec pour améliorer la situation des Québécoises et les Québécois
d'expression anglaise.»
Voici un résumé des commentaires. La
première, c'est accès aux services. Puis les mesures que la communauté a
exprimées, qui pourraient améliorer l'accès aux services pour les anglophones
du Québec…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois…
Mme Hunting (Rachel) : La fonction
publique devrait considérer le bilinguisme un atout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange avec le député de Sainte-Rose. Donc, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup.
Bonjour. Bonjour, monsieur. Bonjour, madame.
Écoutez, on va continuer un petit là-dessus.
Je laisserais la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee après. Vous savez, j'ai
fait partie d'une commission d'enquête sur la protection de la jeunesse, et il
y a tout un chapitre sur les droits aux anglophones. Et effectivement, c'est
documenté qu'il y a un manque de services aux populations anglophones…
Mme David : …là-dessus, je
laisserai la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee après. Vous savez, j'ai fait
partie d'une commission d'enquête sur la protection de la jeunesse et il y a
tout un chapitre sur les droits aux anglophones. Et effectivement c'est
documenté qu'il y a un manque de service aux populations anglophones, particulièrement
en région. Et c'est vrai qu'on a un ancien ministre de la Santé qui connaît
bien ça aussi, le gouvernement actuel aussi, le député de Sainte-Rose vient de
le dire, ça, c'est du connu et, malheureusement, il faut… c'est une situation
qu'on déplore, et il faut trouver des façons d'améliorer des services de
protection de la jeunesse, les services d'éducation, des services de santé,
etc., et ça, je pense que nous sommes pas mal tous d'accord là-dessus.
• (17 h 10) •
Mais quand on parle de proposition
constructive ou, en tout cas, nouvelle, je trouve quelque chose d'intéressant
dans votre présentation, c'est dans votre mémoire aussi, vous parlez que vous
aimeriez avoir, pour votre communauté, un statut minoritaire. J'entends le
statut au sens de reconnaissance, mais c'est la première fois que j'entends ce
concept-là, en tout cas, dans un mémoire pour votre communauté. Pouvez-vous
nous expliquer un peu ce que ce serait, ce statut de minoritaire?
Mme Hunting (Rachel) : Bien, dans
le fond, ça va chercher la partie du développement identitaire pour les jeunes Québécois
d'expression anglaise. C'est très difficile d'agrandir au Québec, comme membres
de la communauté minoritaire linguistique, et de vraiment saisir qu'est-ce que
ça veut dire quand on se voit à nulle part sur la place publique, quand on n'a
pas accès à la culture québécoise d'expression anglaise. C'est
facile de dire : «You have access to English, because English is, you
know, present in the world, but we don't have access to English-speaking Québec culture, and offers from that
community and having a status.» Avoir un statut qui donne le statut
minoritaire, ça veut dire que les Québécois d'expression anglaise font vraiment
partie intégrante de la nation québécoise, que nous ne sommes pas une
problématique ou quelque chose à gérer, que d'autres générations de jeunes
anglophones ne se feront peut-être pas ou moins se faire traiter d'Anglais ou
d'anglophones dans les cours d'école, qui n'auront peut-être même pas les mêmes
expériences que, moi, j'ai vécu en grandissant, parce que le statut est là, ça
fait partie du discours, ça fait partie… c'est une façon de vraiment mettre ça
concret. Et c'est aussi un fort signal que la communauté francophone au Québec,
c'est la communauté majoritaire au Québec, que la langue française, c'est la
langue commune au Québec. Il n'y a personne, chez nous, chez Townshippers, qui
est en désaccord avec ça, c'est vraiment le manque d'espace pour les Québécois
d'expression anglaise dans cette nation québécoise.
Mme David : Merci beaucoup pour
vos précisions. Je vais passer la parole au député de D'Arcy-McGee…
Mme Hunting (Rachel) : ...il
n'y a personne chez nous, chez Townshippers, qui est en désaccord avec ça.
C'est vraiment le manque d'espace pour les Québécois d'expression anglaise dans
cette nation québécoise.
Mme David : Merci beaucoup de
vos précisions. Je vais passer la parole au député de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. M. le député, huit minutes.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Cutting, Mme Hunting. Plaisir
de vous avoir parmi et d'entendre vos commentaires.
J'ai plusieurs questions. Je vais
commencer à vous inviter de parler un petit peu d'une communauté assez unique
que vous représentez, qui a plus que deux siècles d'histoire de cohabitation,
et tout ça. Et la façon que j'aimerais formuler la question : De votre
avis, dans le passé, le présent et l'avenir, comment la communauté québécoise
de langue anglaise de la région des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie, voit et elle
veut son rôle dans le rayonnement, la protection et le renforcement de la langue
française? Est-ce que vous êtes, en quelque part, des obstacles ou des atouts
et des alliés à cet objectif que doivent partager les Québécois de toute
origine?
Mme Hunting (Rachel) : Si tu
poses la question à nos partenaires, je vous dirais qu'on est un atout, la
communauté d'expression anglaise dans la région des Cantons-de-l'Est. C'est une
région qui a un historique de longue date, que les deux communautés
linguistiques travaillent main en main. Mais c'est une région qui comprend la
ruralité et la réalité de la ruralité, et ça ne nous donne pas beaucoup de
chance de ne pas travailler ensemble quand on est en milieu rural.
Alors, pour nous, dans les townships, ce
n'est pas une question de désaccord linguistique ou de tension et division
entre les deux langues, c'est vraiment une question de : Est-ce que nous
avons une population vulnérable dans la MRC? Oui, O.K. Qui sont les joueurs
dans le milieu communautaire, du développement, santé, services sociaux, qui
sont les acteurs du milieu qui vont pouvoir aider dans cet enjeu-là ou qui
auront des solutions à offrir? Qui pourrait collaborer? Est-ce que c'est une
problématique qui est unique à la communauté de langue anglaise? La réponse,
c'est fort probablement que non, mais que les lacunes sont plus grandes pour la
communauté linguistique minoritaire.
Et ce qui nous concerne avec le projet de
loi n° 96 et avec l'accès aux services notamment, c'est qu'il y a des propositions
dans le projet de loi qui sont dissuasives aux gens de faire leur travail dans
la langue anglaise ou pour les employeurs aussi qui vont être obligés de
justifier des postes qui auront un exigement pour une compétence linguistique
qui est autre que le français. Alors, si nous avons déjà des lacunes au niveau
d'accès aux services et les gens vont avoir une autre occasion ou opportunité
de ne pas parler l'anglais parce qu'ils ne doivent pas ou ils ont le droit...
Mme Hunting (Rachel) : ...un
«exigement» pour une compétence linguistique qui est autre que le français.
Alors, si nous avons déjà des lacunes au niveau d'accès aux services, et les
gens vont avoir une autre occasion ou opportunité de ne pas parler l'anglais parce
qu'ils ne doivent pas ou ils ont le droit de ne pas le parler, ça nous met à
risque d'avoir moins accès aux services qu'on l'a présentement parce que
présentement il n'y a pas ces propositions dissuasives qui font partie du jeu.
Alors, ça fait partie de ce qui nous préoccupe. Puis je pense que ce n'est pas
juste dans notre milieu.
M. Cutting (Gerald) : ...je
pourrais ajouter quelque chose pour donner plus... J'ai le droit de parler?
M. Birnbaum : S'il vous plaît,
assez brièvement parce que j'ai d'autres questions, je n'ai pas grand temps.
M. Cutting (Gerald) : Ah!
oui, oui. C'est ça. Quand on regarde les Cantons-de-l'Est, ça pourrait être une
étude très, très intéressante, parce que, depuis un certain nombre d'années, il
faut comprendre que ça faisait partie d'un territoire où que les premiers
arrivés, c'était les Américains, les Anglais, les Écossais et les Irlandais. La
langue seconde, pendant un certain nombre d'années, c'était le gaélique. Et
qu'est-ce qui s'est produit? C'est que présentement on a perdu quasiment toutes
nos institutions, le Sherbrooke Hospital, le Perkins Hospital à Cowansville. Et
présentement on est obligés quasiment... c'est de battre pour avoir l'accès aux
services dans les établissements qu'on a bâtis, les villes qu'on a construites
ensemble.
M. Birnbaum : Contrairement au
député de Sainte-Rose, moi, j'ai bien compris que vous êtes en train de vous
focuser sur le présent, sur le projet de loi n° 96, vous n'êtes pas ici
pour reprendre les débats qui datent de 40 ans. Alors, je vous prends à
vos paroles.
Maintenant, je comprends des grandes
préoccupations, c'est l'accès aux services, et que vous êtes très préoccupés
par un libellé qui est très présent, les «ayants droit». Et juste pour
comprendre, les assurances du ministre n'ont pas l'air d'avoir assuré la
communauté plus que ça. Il réfère à la section 22.2, j'imagine, qui est assez
limitative.
Deux choses. J'aimerais que vous vous
exprimiez, dans le temps qu'il reste, sur vos préoccupations entre ce qui est
un Québécois de langue anglaise et si «ayant droit», pour vous, vous assure.
Deuxièmement, je vous invite à réitérer une suggestion que le projet de loi se
met explicitement et par écrit que rien ne change en ce qui a trait à l'accès
aux services de langue anglaise. J'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente
(Mme Thériault) :...pour répondre à la question du député.
M. Cutting (Gerald) : Je
vais vous donner peut-être un exemple. Qu'est-ce qu'il va se produire dans
une...
M. Birnbaum : ...en ce qui
a trait à l'accès aux services de langue anglaise. J'aimerais vous entendre là-dessus.
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous avez une minute pour répondre à la question
du député.
M. Cutting (Gerald) : Je
vais vous donner peut-être un exemple. Qu'est-ce qu'il va se produire dans une
situation où qu'il y a une personne qui se présente à l'hôpital et rencontre
une personne au triage, et la personne au triage, la première question ou la
première exclamation, c'est que : Est-ce que vous parlez français? Non. Je
n'ai pas le droit de vous parler en anglais parce qu'il y a les règlements. Et
les gens agissent... présentement, il y a des gens qui nous content des
histoires, ils sont allés à l'hôpital, et la première question c'était :
Do you speak French? Ce n'était pas que ce que vous... pourquoi est-ce que vous
êtes ici présentement. Exactement que ce que M. Bouchard a exprimé qu'on
ne devrait pas le faire. Et quand on a des situations où que les employés... et
j'ai même parlé avec des infirmières, ils nous le disent : Sais-tu, on n'a
même pas le droit de parler l'anglais sur notre break parce que les gens vont
dire non, non, non, ici, on parle français. Ça nous donne l'impression que
c'est... est-ce qu'on est un... comme un virus. On ne pourra pas infecter des
gens.
M. Birnbaum : Est-ce que j'ai
bien compris que Mme Hunting...
Mme Hunting
(Rachel) : I just wanted to add it doesn't
make you feel welcome, it doesn't make you feel like you're part of this
community.
Pour quelqu'un qui
a 39 ans et qui a grandi ici et que sa famille, que ça fait 900 ans
qu'on est au Québec, je me suis fait tout dire toute ma vie que je ne suis pas
une vraie Québécoise, je ne suis pas une Québécoise de souche, je suis une Anglaise,
je suis une... Anglaise. C'est ça qu'on cherche à avoir avec du concret dans ce
projet de loi là, si on est vraiment protégés comme communauté, si on est vraiment
un atout, si on fait vraiment partie intégrante. On ne l'a pas trouvée, la
clause «grandfatdher». Ce n'est pas assez évident pour nous. Si on l'a tous
manquée, si tous les membres de la communauté la cherchent et ne la trouvent
pas, c'est parce qu'elle n'est pas explicite.
• (17 h 20) •
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Mme la
députée de Mercier pour...
Mme Ghazal : Merci, Mme
la Présidente. Merci, madame, merci, monsieur, pour votre présentation.
Par rapport à ce que vous dites, ça me
touche beaucoup parce que, moi aussi, je ne suis pas née... bien, pas moi
aussi... moi, je ne suis pas née au Québec. Mais un truc, c'est d'affirmer que
vous êtes québécoise, de dire : Je suis Québécoise que vous vouliez ou
non. Ça, ça marche.
Je voulais vous demander par rapport à la disposition
de dérogation, la clause dérogatoire, il y a eu beaucoup de gens comme vous qui
trouvaient que... qui sont venus en commission parlementaire, qui disent que
c'est un peu trop, elle est utilisée partout, pour tous les articles de la
Charte de la langue française et aussi tous les articles de la Charte des
droits et libertés. Et j'ai posé la question, à différentes reprises, à des
organisations qui représentent les communautés...
Mme Ghazal : ...comme vous qui
trouvaient que... qui sont venus en commission parlementaire, qui disent que
c'est un peu trop, elle est utilisée partout, pour tous les articles de la Charte
de la langue française et aussi tous les articles de la charte des droits et
libertés. Et j'ai posé la question à différentes reprises, à des organisations
qui représentent les communautés anglophones au Québec : Si, par exemple,
le ministre précisait un peu plus, au lieu de faire ça mur à mur, s'il disait,
bien, ce serait telle, telle disposition du projet de loi, pour tel, tel
article, puis qu'il justifiait, est-ce que vous seriez d'accord avec ça ou vous
dites : Non, pas de clause dérogatoire sur cette question-là, jamais,
jamais, sur rien? Parce que vous parlez aussi de compromis, je voulais vous
entendre là-dessus. Est-ce que ça, ce serait un compromis possible?
M. Cutting (Gerald) : Je
pourrais peut-être vous répondre en disant que, pour nous, de s'assurer qu'on
est vraiment les Québécois, que ce que ça va prendre, c'est le statut qu'on est
une minorité officielle, ça nous donne tout de suite un statut. Ça nous donne
un statut d'être Québécois de l'expression de la langue anglaise et qu'on est
acceptés. Dans un contexte... Si on est tous d'accord qu'on peut vivre
ensemble, on peut travailler ensemble... même, on dit : On peut travailler
avec le secrétariat pour construire quelque chose qui va aller plus loin pour
démontrer... Je pense que ça va prendre plus de débats, plus de dialogues avant
qu'on arrive à ce point-là.
Mais on est convaincus que c'est possible.
C'est possible d'avoir des gestes concrets qui n'ôtent absolument rien à la population
majoritaire de langue française. Et si on peut se comprendre sur un geste qui
nous donne l'assurance qu'on est vraiment Québécois, c'en est une. C'est ferme,
c'est définitif, et on peut procéder de l'avance. Les combats entre les groupes
pour avoir... ça ne nous amène pas des vraies solutions. C'est d'être capable
de dire : Le français, c'est la langue commune, oui. Mais est-ce qu'il y a
de l'espace pour les anglophones? Et je vais vous dire : Oui, on a de
l'espace. Et, si on leur donnait plus d'espace, on va être plus de partenaires,
on va être plus de gens qui peuvent participer.
Mme Ghazal : Mais vous sentez
qu'en ce moment il n'y a pas d'espace ou c'est le projet de loi, dans le fond?
Parce qu'en ce moment les droits des minorités historiques anglophones sont
reconnus.
M. Cutting (Gerald) : Un
projet de loi, c'est une affirmation des valeurs et de vision du Québec. Et
notre vision, on est inclus. Et comme Mme Hunting vous a dit plusieurs
fois... Et moi, je m'en souviens, j'allais à la messe avec ma mère. Souvent, M.
le curé nous disait : Si vous rencontrez un protestant sur la rue...
M. Cutting (Gerald) : ...Et
notre vision, on est inclus. Et comme Mme Hunting vous a dit plusieurs
fois... Et moi, je m'en souviens, j'allais à la messe avec ma mère. Souvent, M.
le curé nous disait : Si vous rencontrez un protestant sur la rue,
traversez la rue. Un protestant, c'est un Anglais. Et, quand on voit le projet
de loi, on a l'impression que l'État a pris la place des curés.
Mme Ghazal : Ouf! Écoutez,
ça... Mais vous vouliez dire quelque chose par rapport à la clause de
dérogation.
Mme Hunting (Rachel) : Pour
répondre à ta question, je pense que... C'est sûr que la clause «nonobstant»,
ce n'est pas l'idéal puis ce n'est pas souhaité. Mais l'utilisation «at large»,
c'est très problématique. Une utilisation qui serait plus précise, qui serait
justifiée, qui serait bien éclaircie, je pense que oui, ça serait un pas dans
une bonne direction, parce que ce n'est pas juste : On va le mettre
partout comme ça il n'y aura pas de question qu'on pourrait aller devant les
cours. Mais, si on explique pourquoi elle est utilisée, dans quelles instances,
avec des éclaircissements, je pense que ça serait un début au moins.
Mme Ghazal : Donc, vous êtes
d'accord qu'on peut l'utiliser pour protége les droits collectifs?
Mme Hunting (Rachel) : Je ne
veux pas dire ça, non.
Mme Ghazal : Non. Parce que
les droits individuels, c'est fondamental.
Mme Hunting (Rachel) : Les
droits individuels sont quand même très importants, oui. Puis je ne suis pas
d'accord à l'utilisation de la clause «nonobstant» pour enlever les droits
individuels, dans la manière.
Mme Ghazal : Mais vous disiez
que vous étiez... Parce que j'essaie de trouver un compromis où vous disiez que
vous étiez quand même d'accord si on définit à... ça serait possible.
Mme Hunting (Rachel) : Bien,
je pense que, si l'utilisation est éclaircie, il y a un essaie de la justifier
puis de décrire pourquoi elle est dans certains éléments, c'est déjà mieux que
juste de la mettre partout puis dire : On va l'utiliser, comme ça, il n'y
a pas de question, la loi va passer, puis on n'aura pas d'instance où les gens
vont pouvoir nos amener en cour ou un recours devant les tribunaux par rapport
à cette loi-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange. Donc, merci pour votre passage en commission
parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 26)
17 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 17 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux. Et le
dernier groupe de la journée est la Fédération québécoise des municipalités.
Donc, sans plus tarder, M. Soucy,
vous avez la parole. Vous nous faites la présentation de votre mémoire. Et
après ça il y aura des échanges avec les parlementaires.
M. Soucy (Yvon) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, l'équipe qui vous
accompagne ainsi que les membres de la commission qui sont présents aujourd'hui.
Je tiens premièrement à vous remercier de nous avoir invités à participer à
cette consultation très importante pour nos membres.
Je me présente, je suis Yvon Soucy, préfet
de la MRC de Kamouraska pour quelques semaines et premier vice-président de la
FQM. Je suis accompagné de Me Sylvain Lepage, directeur général de la
Fédération québécoise des municipalités.
Depuis sa fondation en 1944, la Fédération
québécoise des municipalités fait entendre la voix des régions du Québec.
Convaincue que la force du nombre peut faire la différence, la FQM réunit plus
de 1 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire. Elle leur accorde
une priorité absolue...
M. Soucy (Yvon) :
...directeur général de la Fédération québécoise des municipalités.
Depuis sa fondation en 1944, la Fédération
québécoise des municipalités fait entendre la voix des régions du Québec.
Convaincue que la force du nombre peut faire la différence, la FQM réunit plus
de 1 000 membres répartis sur l'ensemble du territoire. Elle leur accorde
une priorité absolue et défend avec détermination leur intérêt politique et économie.
Elle favorise l'autonomie municipale, travaille activement à accroître la
vitalité des régions et offre un éventail de services aux municipalités et MRC.
Mme la Présidente, en tant que porte-parole
des régions du Québec, nous soulignerons aujourd'hui plusieurs dispositions qui
seront bénéfiques pour nos membres et pour l'ensemble des citoyens. En effet,
le projet de loi présenté par le ministre responsable de la Langue française, M.
Simon Jolin-Barrette, mettra en place des changements structurants qui
forgeront le futur du Québec. La fédération appuie donc favorablement la
volonté du gouvernement du Québec de renforcer la position de la langue
française au Québec et son désir d'agir sur plusieurs fronts pour freiner son
déclin.
La fédération soulèvera cependant, Mme la
Présidente, certaines préoccupations concernant les mesures touchant
directement le monde municipal et leur mise en oeuvre sur le terrain.
Nos membres sont des partenaires
importants pour renforcer l'usage de la langue française au Québec et pour
assurer une saine cohabitation entre leurs citoyens de différentes langues
maternelles au sein d'une même communauté. Pour atteindre ces objectifs
communs, nous souhaitons collaborer avec le ministre afin de consolider le rôle
des municipalités et d'assurer que celles-ci disposent de tous les moyens
nécessaires pour protéger notre magnifique langue commune qu'est le français.
Le statut d'organisme municipal bilingue.
Parmi les nombreuses mesures envisagées dans cet important projet de loi,
l'article 19 aura certainement un impact majeur dans plusieurs de nos
communautés. En effet, Mme la Présidente, la modification proposée obligerait
les municipalités possédant un statut bilingue mais ayant moins de 50 % de
résidents de son territoire de langue maternelle anglaise lors du plus récent
recensement à adopter une résolution pour conserver leur statut actuel.
Nous avons certaines réserves sur
l'application concrète de cette mesure, et ce, même si les dispositions prévues
dans le projet de loi permettent de maintenir ce statut. D'abord, la FQM
représente environ 50 des 89 municipalités reconnues actuellement comme
bilingues. Ces municipalités fonctionnent bien, leurs élus ne constatent pas de
problème communautaire lié à la langue. Même si certaines d'entre elles ont
aujourd'hui moins de 50 % de leurs résidents de langue maternelle
anglaise, toutes ces municipalités ont été positivement influencées par cette
diversité linguistique et ont développé une façon de faire qui répond
adéquatement aux besoins de leur population, tout en assurant la protection de
la langue française. Ce statut constitue pour elles une reconnaissance
importante de leurs contributions des deux communautés linguistiques à la vie
de leur collectivité.
Mme la Présidente, nous apportons donc
notre support à la volonté exprimée par le gouvernement du Québec, mais nous
sommes d'avis que le retrait de ce statut ne constitue pas le meilleur moyen de
concilier la protection et la promotion du français au Québec et de favoriser
l'entente communautaire des municipalités bilingues.
De plus, le processus établi dans le
projet de loi est lourd et peut engendrer des débats difficiles. La FQM propose
donc une formule plus simple, inverser l'approche proposée à l'article 19
du projet de loi...
M. Soucy (Yvon) :
…pas le meilleur moyen de concilier la protection et la promotion du français
au Québec et de favoriser l'entente communautaire des municipalités bilingues.
De plus, le processus établi dans le projet
de loi est lourd et peut engendrer des débats difficiles. La FQM propose donc
une formule plus simple : inverser l'approche proposée à l'article 19 du projet
de loi n° 96 pour respecter les choix de la collectivité.
Selon cette proposition, l'office
informerait les municipalités reconnues bilingues, mais dont la majorité des
résidents ne sont pas de langue maternelle anglaise, qu'elles ne respectent plus
les conditions inscrites dans la loi. La démarche pour mettre fin à la
reconnaissance de ce statut serait ensuite à l'initiative de la municipalité et
non de l'office. La FQM est convaincue que cette approche respecterait
davantage la vie communautaire de la municipalité, qu'elle éviterait des débats
pouvant être acrimonieux et qu'elle correspondrait aux objectifs du gouvernement
en matière de protection et de promotion du français.
• (17 h 40) •
Donc, la première recommandation. Que
toutes les municipalités reconnues comme bilingue, mais ayant moins de
50 % de résidents de son territoire de langue maternelle anglaise selon le
plus récent recensement, conserve d'office leur statut, mais que l'office les
informe dans un avis officiel de leur situation et de la possibilité de mettre
fin à son statut de municipalité bilingue en adoptant une résolution à cet
effet.
De plus, Mme la Présidente, le projet de
loi prévoit actuellement que le statut bilingue d'une municipalité devrait être
révisé après chaque recensement, soit aux cinq ans. Cela signifierait que
tous les conseils municipaux concernés devraient rouvrir ce débat après chaque
élection municipale. Ce délai nous apparaît donc beaucoup trop court.
Donc, je vais passer tout de suite à la recommandation
pour aller au dernier point. Donc, on propose, là, que la révision soit lancée
chaque 10 ans plutôt qu'aux cinq ans, soit après le recensement
effectué au cours des années se terminant par le chiffre un.
Finalement, la régionalisation de
l'immigration. Pour plusieurs, le Québec des régions a longtemps été associé à
un taux de chômage élevé. Nous retrouvons, cependant, aujourd'hui, des milliers
d'emplois dans nos municipalités en milieu rural qui demeurent non comblés par
le manque de main-d'œuvre. C'est même criant.
Au cours des dernières années, plus de la
moitié des nouveaux emplois ont été comblés par des personnes immigrantes au Québec.
Mais, peu d'entre elles choisissent de s'établir en région.
Mme la Présidente, personne n'est mieux
placé pour favoriser l'intégration des nouveaux arrivants que ceux qui
travaillent sur le terrain et qui connaissent la réalité économique de leur
milieu. C'est pourquoi la FQM travaille avec le gouvernement du Québec pour
augmenter le nombre d'immigrants qui s'installent dans nos régions.
Durant nos travaux, nous avons remarqué
que la probabilité qu'une personne immigrante demeure en région est
significativement plus élevée si elle a une appartenance au milieu et si la
disponibilité des services dont elle a besoin est au rendez-vous.
Nous sommes donc favorables à la volonté
du gouvernement de s'assurer que le français soit utilisé par les municipalités
pour communiquer avec leurs citoyens et nous sommes d'avis que les critères en
place doivent favoriser l'arrivée et le maintien des immigrants en région. Il
ne fait aucun doute pour la fédération que la francisation sera facilitée si
ceux-ci s'installent en région, dans des milieux dont la vie se déroule en
français.
Pour cette raison, le délai maximal prévu
de six mois, après lequel il sera interdit de communiquer dans une autre
langue que le français avec une personne nouvellement arrivée au Québec, nous
semble trop court pour que les nouveaux arrivants puissent maîtriser
adéquatement le français et faire le suivi de leurs demandes auprès des
municipalités…
M. Soucy (Yvon) :
…des milieux où la vie se déroule en français. Pour cette raison, le délai
maximal prévu de six mois, après lequel il sera interdit de communiquer dans
une langue autre que le français, avec une personne nouvellement arrivée au
Québec, nous semble trop court pour que les nouveaux arrivants puissent maîtriser
adéquatement le français et faire le suivi de leurs demandes auprès des
municipalités. Nous recommandons donc de prolonger à un an le délai maximal,
pour les communications avec les immigrants dans une autre langue le français,
afin de faciliter leur intégration.
La fédération est d'avis qu'il est
important d'agir fortement pour renverser le déclin du français au Québec,
notamment en renfonçant la Charte de la langue française, et nous appuyons le
gouvernement dans cette démarche. La démarche gouvernementale doit cependant
correspondre aux diverses réalités vécues par les municipalités, leur laisser
l'autonomie suffisante pour déterminer les mesures les mieux adaptées à leur
milieu et faciliter l'application des mesures sur le terrain. Selon notre
expérience, le gouvernement devrait prévoir une période d'adaptation
suffisamment longue et un accompagnement adéquat auprès des municipalités pour
assurer la mise en oeuvre de cette importante législation.
Nous proposons également au gouvernement
notre aide, lors de l'élaboration de la politique linguistique de
l'administration, pour nous assurer que les différentes réalités des
municipalités soient bien représentées. En tant que porte-parole de l'ensemble
des régions du Québec, nous continuerons de travailler avec le gouvernement du Québec
pour nous assurer du succès de cette réforme. Nous sommes maintenant prêts, Mme
la Présidente, à répondre aux questions des parlementaires.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Soucy, Me Lepage, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour la présentation de votre mémoire. D'entrée de jeu et, je
pense, là, c'est ça qui vous intéresse le plus dans le projet de loi, c'est les
municipalités bilingues. Donc, vous nous faites une proposition dans le mémoire
qui indique, dans le fond, que l'office informerait les municipalités qu'ils n'ont
plus 50 % de citoyens de langue maternelle anglaise. Actuellement, dans la
charte, à 29.1, la municipalité peut déjà le demander, dans le fond, de retirer
son statut. Donc, la différence entre l'état actuel du droit, à 29.1, c'est de
dire… bien, l'office, maintenant enverra un avis juste pour dire :
Municipalités, sachez que, suite au recensement, on vous informe que vous
n'avez plus le 50 % requis, et c'est un simple avis.
M. Soucy (Yvon) :
Mme la Présidente, puis Me Lepage pourra compléter ou me corriger s'il y a
lieu, là, mais ce que j'en comprends, c'est qu'avec l'avis de l'office la
municipalité a l'obligation donc d'adopter une résolution pour poursuivre…
maintenir son statut. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'en fait l'office… la
municipalité, si elle souhaite changer son statut, passera une résolution.
Donc, ça pourrait éviter des débats qui pourraient être pénibles, puis ça fait
en sorte également, peut-être, on parle souvent de gouvernance de proximité, on
parle souvent d'autonomie municipale, donc je pense que ça accorde également
aux municipalités, là, cette considération-là. Puis si le débat n'est pas
nécessaire ou s'il n'y a pas vraiment de problème, que les élus décident…
M. Soucy (Yvon) :
...de gouvernance de proximité, on parle souvent d'autonomie municipale. Donc,
je pense que ça accorde également aux municipalités, là, cette
considération-là. Puis si le débat n'est pas nécessaire ou s'il n'y a pas vraiment
de problème ou que les élus décident qu'il n'y en a pas, de problème, puis là
on parle, dans ce cas-là, d'une population qui serait à majorité de langue
maternelle française, si elle a eu l'avis de l'office, donc, on pense que ça
correspond à l'ensemble de la volonté de la population, également. Donc, écoutez,
c'est une disposition, là, qu'on souhaiterait effectivement, là, voir modifier.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
c'est juste que, sur le fond des choses, là, nous, quand on a construit la disposition,
c'est justement pour faire en sorte de respecter l'autonomie municipale, pour
ne pas dire : Bien, à partir du moment où il n'y a plus 50 % de citoyen
de langue maternelle anglaise, bien, par l'effet de la loi, on enlève le statut
de municipalité bilingue. Ça, c'est ce que souhaite le Parti québécois. Nous,
ce qu'on dit, c'est de dire : Bien, écoutez, par l'effet de la loi, il y a
perte de statut, à moins qu'en tout respect de l'autonomie municipale les élus
décident de dire : Non, pour nous, pour une raison historique ou pour les
raisons qui sont propres au conseil municipal par rapport aux citoyens, dans
les 120 jours, il y a une résolution qui a été adoptée par la municipalité.
Donc, moi, je trouve que ça respecte l'autonomie municipale, parce que c'est un
état de fait de dire : Bien, il n'y a plus 50 %, mais les élus
municipaux pourront toujours conserver ce statut-là.
Parce que, et vous me direz si vous êtes d'accord
avec moi, les municipalités font partie de l'État, et l'exemplarité de l'État,
en matière de protection, de promotion de la langue française doit inclure également
les municipalités à titre de gouvernements de proximité. Est-ce que vous êtes
d'accord sur ce point-là?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, puis je laisserais Me Lepage, peut-être, poursuivre.
M. Lepage (Sylvain) : ...si
vous me permettez, M. le ministre, on est tout à fait d'accord avec le
gouvernement sur le fond des choses, comme vous venez de bien l'expliquer.
Toutefois, il faut comprendre que nous, généralement, on représente des
communautés rurales, des petites communautés. Une communauté de 200 habitants,
sur la Côte-Nord, une communauté de 600 habitants, on peut facilement avoir des
débats émotifs, alors que... au moment où on doit adopter une résolution de
façon obligatoire. Et ce qu'on cherche à faire, dans les petites communautés,
c'est d'éviter, dans la mesure... de façon raisonnable, là, les débats.
Et comme dans ces communautés-là, souvent,
la communauté se francise... je vais prendre la bonne expression, je m'excuse,
devient plus francophone au fil du temps, on pense que de rappeler à la
municipalité : Écoutez, au moment où on se parle, voici où vous en êtes,
vous pourriez demander... tu sais, vous pourriez demander à cesser de fournir
des services en anglais, c'est préférable pour conserver l'harmonie. On n'est
absolument pas, dans les municipalités qu'on représente, dans une situation où
l'anglais est prédominant ou en voie de le devenir. Alors, c'est
essentiellement pour des raisons, je dirais, de paix sociale, si je peux
m'exprimer ainsi, qu'on pense que de le faire à l'envers...
M. Lepage (Sylvain) :
...préférable pour conserver l'harmonie. On n'est absolument pas, dans les municipalités
qu'on représente, là, dans une situation où l'anglais est prédominant ou en
voie de le devenir. Alors, c'est essentiellement pour des raisons, je dirais,
de paix sociale, si je peux m'exprimer ainsi, qu'on pense que de le faire à
l'envers ce serait plus simple et moins divisible pour les communautés.
Mais sur le fond, vous avez tout à fait
raison, le résultat est le même, et ce que le gouvernement a mis sur la table, effectivement,
ça respecte le principe de l'autonomie puisqu'ultimement la municipalité pourra
décider en adoptant une résolution de conserver, là, son statut de municipalité
bilingue.
M. Jolin-Barrette : Mais d'un
autre point de vue, le statut du français puis la protection de la langue
française, ça appartient à tout le monde au Québec. Donc, au gouvernement, on a
une responsabilité, moi, j'ai une responsabilité, les ministères, les
organismes ont une responsabilité, les entreprises, les citoyens, mais incluant
les municipalités aussi.
Lorsque vous dites : Bien, on veut
éviter le débat là-dessus, moi, je trouve que c'est plutôt sain d'avoir un
débat là-dessus. Puis c'est vrai que la question linguistique ça suscite
parfois les passions, on le voit avec le projet de loi n° 96, sauf que le
statut de la langue, c'est tout de même important aussi. Et les municipalités,
et on va voir... puisqu'elles font partie de l'État, vont être assujetties aux
politiques linguistiques de l'État aussi. Je pense qu'elles ont un rôle à jouer
là-dessus. Et depuis que la Charte de la langue française est là, en 1977, à
moins que je me trompe, je pense qu'il y a un seul organisme reconnu qui a
demandé de retirer son statut. Alors, on voit que...
M. Lepage (Sylvain) : Sauf
qu'en pratique, M. le ministre, comme on le voit généralement, les communautés
dont on parle sont de plus en plus francophones. Donc, la langue française,
dans l'état actuel des choses, la Charte de la langue française, pardon,
fonctionne puisque ces communautés-là sont aujourd'hui plus francophones
qu'elles l'étaient il y a 30 ans.
Alors, nous, c'est essentiellement ce
qu'on dit : Comme on doit vivre ensemble, pourquoi susciter
artificiellement un débat alors que ça fonctionne? Puis évidemment, je le
répète, les communautés que la FQM représente généralement c'est les petites communautés.
Alors, dans une petite communauté, je le répète, si, ici, là, on trace une
ligne puis on dit : Ça, c'est les francophones, puis ça, c'est les
anglophones, le débat, vous l'avez dit, peut devenir facilement très émotif.
• (17 h 50) •
Ça n'enlève pas, comme vous le soulignez,
là, l'importance que l'État, et les municipalités en font partie effectivement,
là, donne l'exemple. Mais de s'assurer que la minorité a un certain service de
base dans sa langue, la langue qu'il utilise encore, la charte le reconnaît de
toute façon, vous l'avez bien expliqué, là, aux personnes qui étaient avant.
M. Jolin-Barrette : Mais ça,
c'est un point important, là, hein, ce n'est pas parce que la municipalité perd
son statut bilingue que les Québécois d'expression anglaise, eux, n'auront plus
de service dans leur langue. Ça, il faut le dire. Mais par contre, où j'ai un
peu de la difficulté à me rallier avec votre position, c'est que vous faites
référence notamment à l'immigration puis à l'importance de doter, dans toutes
nos régions du Québec… que les personnes immigrantes choisissent de s'installer
en région, notamment parce qu'il y a des besoins de main-d'oeuvre...
M. Jolin-Barrette : …ça, il
faut le dire.
Mais par contre, où j'ai un peu de la
difficulté à me rallier avec votre position, c'est que vous faites référence
notamment à l'immigration puis à l'importance de doter, dans toutes nos régions
du Québec… que les personnes immigrantes choisissent de s'installer en région,
notamment parce qu'il y a des besoins de main-d'oeuvre. Et si on veut bien
intégrer les personnes immigrantes, bien, il faut le faire notamment en région
parce que 80 % de l'immigration est à Montréal et il faut réussir, si on
veut avoir une société où on s'intègre en français au Québec, à amener les gens
à choisir d'aller dans les différentes régions. Mais là, si on se retrouve dans
une municipalité bilingue en région, la personne immigrante, là, elle va avoir
la possibilité de communiquer en anglais avec la municipalité.
Bien, c'est tout ça qu'il faut changer
lorsqu'on parle du bilinguisme institutionnel de l'État, ça touche également
les municipalités. Alors, c'est un drôle de message qu'on envoie, aussi.
M. Lepage (Sylvain) : Je peux
me permettre? En toute honnêteté, M. le ministre, généralement
l'immigration internationale dans les régions, c'est largement, en tout cas à
ma connaissance, puis M. Soucy qui habite en région pourra me contredire,
mais c'est largement de l'immigration qui n'est pas anglophone. Alors,
généralement, moi, les rapports que les municipalités me font, là, puis ce que
les gens me disent c'est que facilement, après une année, deux années, les gens
s'intègrent largement à la majorité francophone.
Ce n'est pas parce que la municipalité a
quelqu'un au comptoir qui est officiellement bilingue que quelqu'un qui a
l'espagnol par exemple comme langue d'origine va apprendre l'anglais dans un
milieu à 97,7 % francophone, là, tu sais. Moi, je viens de Barraute,
Abitibi, je peux vous dire qu'à Barraute, Abitibi, ça n'a pas changé en
40 ans, il n'y avait pas un seul anglophone là, tu sais, pourtant, en
1976, il y avait un garage dans le milieu du village qui s'appelait Barraute
Motor, ça, personne ne comprenait ce que ça voulait dire. Mais aujourd'hui, les
gens qui immigrent là-bas, hein, ils vont naturellement s'intégrer à la
majorité francophone qui est non seulement la majorité mais quasi exclusivement
francophone.
Le seul message qu'on veut vous livrer,
c'est que nous, on pense que dans les communautés que nous représentons, qui
sont des petites communautés, ça se fait actuellement naturellement. Le
problème, nous, on le voit beaucoup plus à Montréal, il y a des députés ici de
la région montréalaise, on le voit beaucoup dans le West Island mais on ne le
voit pas beaucoup dans les régions périphériques puis on représente des gens
partout. Que ce soit du Pontiac, jusqu'en haut de la Côte-Nord, il y a peu de
gens parmi nos élus qui nous parlent d'un enjeu, là, d'anglicisation, là, des
arrivants qui arrivent. Je ne vous cacherai pas qu'il n'y a pas beaucoup
d'arrivants sur la Haute-Côte-Nord, pour être honnête, mais…
M. Jolin-Barrette : Sauf que,
ce qu'on veut faire, c'est regénérer l'immigration. Il ne faut pas que ça soit
juste des candidats francophones qui décident de s'établir en région. Il faut
réussir à faire en sorte que les gens qui ne sont pas des locuteurs
francophones puissent aller s'installer en région.
Mais je comprends bien votre point de vue.
Je veux céder la parole à mes collègues mais c'est bien noté. Je vous remercie
pour votre présence en commission parlementaire.
M. Lepage (Sylvain) : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Saint-Jean, 6 min 30 s.
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Il faut que vous me répétiez le nombre de
temps.
La Présidente (Mme Thériault) :
6 min 15 s maintenant.
M. Lemieux :
6 min 15 s. Merci, Mme la Présidente. Bonjour…
M. Jolin-Barrette :
...mais je comprends bien votre point de vue. Je veux céder la parole à mes
collègues. Mais c'est bien noté. Je vous remercie pour présentation en commission
parlementaire.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. M. le député de Saint-Jean,
6 min 30 s.
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Il faut que vous me répétiez le nombre de temps.
La Présidente
(Mme Thériault) : 6 min15 s, maintenant.
M. Lemieux :
6 min 15 s, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Soucy et M. Lepage.
Il faut que je revienne un peu sur ce qui
vient de se passer parce que je veux être certain d'une chose. Vous ne voulez
pas provoquer des débats acrimonieux, avez-vous dit, si on a 29.1 avec le principe
que le ministre a placé dans la loi. Mais, s'ils reçoivent la notification de
l'OQLF qui leur dit : Aïe! Vous êtes rendus à 42, là, tu sais, vous étiez
à 53, vous êtes rendus à 42, puis qu'ils se disent, dans cette
municipalité-là : Bien là, on va demander de sortir parce qu'on n'a plus
le 50 %. Le débat ne sera pas moins acrimonieux?
M. Soucy
(Yvon) : Bien, écoutez, non, je ne pense pas, là. Si la
municipalité souhaite faire le débat, elle va le faire, là. Mais s'il n'y en a
pas de problème de cohabitation qu'il n'y en a pas d'enjeu à ce niveau-là,
bien, écoutez, nous, ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là le statut sera
maintenu, là, mais donc elle n'aura pas l'obligation de passer une résolution
pour le maintenir, là.
M. Lemieux : Dans un
autre ordre d'idées, quand vous parliez du six mois, un an...
M. Soucy
(Yvon) : Oui.
M. Lemieux : ...c'est
intéressant parce que vous avez dit : Nous autres, surtout on n'a pas
beaucoup d'anglais. En tout cas, à Barraute, ça, c'est clair, il n'y en a pas,
là. Mais, ailleurs, il n'y a pas beaucoup d'anglais. Dans vos régions, il y a
surtout d'autres langues. Il a été question, pendant la commission, pendant les
consultations, de dire : Bien, si on trouvait une façon d'interpréter.
Puis là, on est Montréal, O.K.? À Montréal, c'est sûr qu'un immigrant... ou à
Québec, un nouvel arrivant, s'il ne parle pas le français, bien, il y a des
gens qui essaieraient de lui parler en anglais, c'est une langue
internationale. Mais si on lui parlait dans sa langue, ah! là, ça va aller
encore plus vite puis mieux, là, à quelque part pour se faire comprendre, de
un, puis de deux, bien, éventuellement l'intégration va peut-être être plus
facile parce qu'il y a comme une ouverture. S'il y avait ces moyens
d'interprétation là dans Kamouraska quand quelqu'un arrive, elle ne parle pas
anglais, la madame au comptoir, mais elle pas chinois non plus ni espagnol
peut-être. Mais s'il y avait moyen de lui parler dans sa langue... parce que la
loi dit : une langue autre que le français. Mais si c'était dans sa
langue.
M. Soucy
(Yvon) : Bien là, je vais vous surprendre, là, parce que je
viens d'une MRC qui est à 98 %, 99 % francophone, là, puis on
dénombre, chez nous, 44 nationalités différentes. On les intègre, les
immigrants chez nous puis on les... pardon, puis avec succès, là. Puis c'est ce
que... dans le fond, c'est le message que je voulais envoyer parce qu'on a un
cruel besoin de main-d'oeuvre. Actuellement, on a de la difficulté à amener les
immigrants chez nous, là. Ils restent beaucoup à Montréal. Mais ce que je peux vous
dire, c'est qu'on fait des efforts énormes, je vous dirais même surhumains, là,
pour les intégrer, pour faire en sorte, là... maintenant, là, les immigrants,
là, ils ne viennent plus seulement pour répondre à un besoin de...
M. Soucy (Yvon) :
...on a un cruel besoin de main-d'oeuvre, actuellement, on a de la difficulté à
amener les immigrants chez nous, là, ils restent beaucoup à Montréal.
Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'on
fait des efforts énormes, je vous dirais même surhumains, là, pour les
intégrer, pour faire en sorte, là... Maintenant, là, les immigrants, là, ils ne
viennent plus seulement pour répondre à un besoin de main-d'oeuvre, là, ils
viennent pour enrichir la communauté, participer au développement de notre communauté.
Puis je vous dirais, là, que nos municipalités mettent l'épaule à la roue puis
font des efforts, là, considérables pour bien accueillir ces gens-là puis faire
en sorte qu'ils restent. Peut-être qu'on apprend de nos erreurs. Je vous dirais
qu'il y a 20 ans, bon, malheureusement, on faisait venir des immigrants pour
répondre tout simplement à un besoin de main-d'oeuvre, puis, bon, pas seulement
chez nous, partout, c'était ça, puis on a appris de nos erreurs. Mais maintenant,
là, vraiment, on le fait pour qu'ils contribuent au développement puis à l'enrichissement
de nos communautés.
Puis comme je vous le disais, on a 44
communautés culturelles différentes, 44 nationalités, pardon, différentes, chez
nous. Donc, c'est qu'on réussit à le faire. Puis mon président, s'il était ici,
vous dirait : En plus, on les francise avec un bel accent, hein? Donc,
bien, c'est peut-être... une partie de la solution st probablement là, là.
M. Lemieux : Bien, c'est sûr
que l'intégration est plus facile quand tout le monde y met du sien et qu'on a
l'expérience.
Je voulais vous parler des régions. Vous
allez me dire que je suis coupable de ne pas avoir été assez là depuis longtemps,
en tout cas, depuis quelques années, mais je les ai beaucoup bourlinguées.
Quand on est dans les régions puis qu'on entend parler du français, on se
dit : Ah! Montréal, c'est terrible, là. Montréal, là, c'est terrible. Mais
en région, est-ce que vous croyez, vous aussi, et je ne parle pas de Montréal,
je parle du reste du Québec, que le français a besoin d'être protégé et que ce projet
de loi là, si on ne prend pas tous nos responsabilités — puis le ministre
vous en impose une, là-dedans, aux municipalités — il est en déclin?
Et puis Montréal, peut-être avant, là, comme la pointe de l'iceberg, mais éventuellement
on n'est pas sortis de l'auberge, là.
M. Soucy (Yvon) :
Non, bien, effectivement, on a souligné, là, le dépôt du projet de loi par le
ministre, là, on est conscients qu'on a des efforts à faire, bon. Chez nous,
écoutez, de la MRC d'où je viens, là, ce n'est pas nécessairement un problème,
là. Je ne vous dis pas que c'est... ce n'est pas partout le cas, là...
M. Lemieux : Mais permettez,
juste avant que Mme la présidente me regarde avec des gros yeux parce que j'ai
fini, ce n'est pas un problème, mais il y a des régions, O.K., pas à Kamouraska
puis peut-être pas à Barraute, mais il y a des exigences que l'anglais est pas
mal plus présente qu'elle l'était avant pour l'emploi. Est-ce que vous le
sentez? Est-ce qu'il y a des gens, chez vous, qui vous en parlent? Parce que
c'est ça aussi, la loi n° 96, le projet de loi, c'est
d'être capable de tous faire notre part, y compris de ne pas exiger
nécessairement l'anglais quand il n'y en a pas vraiment besoin.
• (18 heures) •
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
pense que vous avez raison, dans la mesure où, on le voit un peu avec la
pandémie, il y a de plus en plus de télétravail. Il y a des... On a des
entreprises qui nous disent qu'il y a des entreprises américaines qui recrutent
maintenant dans les régions, par exemple en informatique. Il est clair que, si
vous êtes en informatique, vous pouvez peut-être...
18 h (version non révisée)
M. Lepage (Sylvain) : ...bien,
je pense, vous avez raison dans la mesure où, on le voit un peu avec la
pandémie, il y a de plus en plus de télétravail. Il y a des... On a des entreprises
qui nous disent qu'il y a des entreprises américaines qui recrutent maintenant
dans les régions, par exemple en informatique. Il est clair que, si vous êtes
en informaticien... en informatique, vous pouvez peut-être habiter à Barraute,
mais, si vous travaillez pour une compagnie qui est à Chicago parce que vous
êtes programmeur-analyste, vous allez devoir apprendre l'anglais parce que
votre vis-à-vis va être là. Vous avez tout à fait raison qu'il y a une pression
sociétale, si je peux m'exprimer ainsi, qui amène la nécessité d'avoir une
bonne connaissance de l'anglais.
M. Lemieux : Vous avez vu ces
gros yeux, hein?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et c'est terminé. Non, je n'ai pas fait de gros yeux puis ce n'est pas vous
j'ai regardé non plus, j'ai regardé nos invités. Donc...
M. Lemieux : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça a toujours été. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. M. Soucy, Me Lepage, bonjour. Je voyage pendant que je
vous écoute au Kamouraska, en Abitibi. Puis je vais continuer sur la lancée du député
de Saint-Jean, parce que vous avez dit : On a 44 nationalités
différentes. Ce n'est pas 44 personnes, là, c'est 44 nationalités
différentes multipliées par x personnes, là, bon. C'est fascinant quand on y
pense. On n'en parle pas souvent de ce Québec qui devient multiforme. Même si
vous dites : 97,7 % parlent français, mais il a fallu que ces
44 nationalités apprennent le français. J'aimerais ça que vous me fassiez
un portrait de ce que ça veut dire, parce la loi n° 96, oui, on parle de
Montréal, mais on veut parler du reste du Québec aussi, ça nous... c'est
important.
M. Soucy (Yvon) :
Évidemment, dans ces nationalités-là, il y a des gens qui sont d'origine... de
pays francophones, là, donc on n'a pas tous à les franciser. Mais, bon, je vous
disais, ce qui est différent d'il y a 20 ans, c'est que maintenant on est
organisés, en tout cas de plus en plus, pour les accueillir, bien les intégrer.
À la MRC, par exemple, nous avons une agente d'accueil et d'intégration qui
fait un travail extraordinaire. Nous avons Place aux jeunes, là, comme partout
au Québec, Projektion 16-35 également, là, qui organise des activités
d'intégration. On en a eu une d'ailleurs il y a quelques semaines dans le cadre
de la semaine du champignon forestier au Kamouraska où on a accueilli, là, une
trentaine de nouveaux arrivants, puis pas de nouveaux arrivants du Québec, là,
de l'extérieur.
Donc, on fait beaucoup d'activités
d'accueil d'intégration. Au niveau aussi... ce qu'on me disait, par exemple, au
niveau de la francisation, les professeurs vont utiliser également, là,
beaucoup, plutôt que les manuels, là, donc les occasions, là, de franciser,
comme par exemple, là, l'activité dans le cadre du champignon... de la semaine
du champignon forestier. Il y a eu des pique-niques d'organisés. Donc, il y a
toutes sortes d'activités ludiques, là, qui sont organisées pour faire en
sorte, bien, premièrement, développer le sentiment d'appartenance, mais
également faire en sorte que nos... les personnes qui arrivent, là, puissent
bien s'intégrer et...
M. Soucy (Yvon) :
…dans le cadre du champignon… du mois… de la semaine du champignon forestier. Il
y a eu des piqueniques d'organisés. Donc, il y a toutes sortes d'activités
ludiques, là, qui sont organisées pour faire en sorte, bien, premièrement,
développer le sentiment d'appartenance, mais également faire en sorte que nos…
les personnes qui arrivent, là, puissent bien s'intégrer et avoir l'occasion également
de connaître des gens puis d'échanger avec eux, là.
Mme David : Mais le portrait,
je n'aime pas parler de portrait-titre, mais en tout cas, ce qui est le plus en
demande, j'imagine, dans vos régions, ce sont des… c'est de la main-d'oeuvre
pour vos compagnies locales. C'est ça?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, oui, absolument, là, nos… Puis ça, c'est triste. Moi, c'est ce qui me
désole le plus, c'est qu'actuellement nos entreprises, là, mettent sur la glace
des projets d'expansion, des projets de développement parce qu'elles n'ont pas
de main-d'oeuvre, là. Puis, écoutez, actuellement, c'est le plein-emploi, mais
ce n'est pas seulement chez nous, là, c'est partout. On manque cruellement de main-d'oeuvre
puis on fait des efforts considérables pour offrir de meilleures conditions de
travail pour la conciliation, le télétravail, en tout cas. Bien, en fait,
toutes les bonnes pratiques qui se font partout, on les offre nous aussi, là.
Mais oui, c'est triste un peu.
Mme David : Et c'est triste,
puis si je comprends bien, vous faites plein, plein d'efforts pour pouvoir
recruter, justement, avec probablement le ministère de l'Immigration, avec des
nouveaux arrivants qui… Parce que des gens qui voudraient venir immigrer au Québec,
il y en a des millions, là, il y a tellement de problèmes sur la planète, là, il
y a tellement de gens moins privilégiés que nous… que ça a… C'est triste
d'entendre ce que vous dites qu'on ait en telle pénurie.
M. Soucy (Yvon) :
Oui. Oui, bien, si vous le permettez, mais en même temps, moi, le message que
je eux surtout porter, c'est que, bien là, actuellement, ils sont principalement…
Là, je n'irais pas à est-ce qu'il en assez, est-ce qu'il en a trop. Ça, ce
n'est pas à moi de juger ça, là, mais chez nous, il y en manque, là. Puis ils
sont principalement à Montréal, puis… Bien, nous, moi, ce que je vous dis,
c'est que, nous, on a les bras tout grands ouverts pour les accueillir, là.
Mme David : Oui, et puis donc
c'est la communauté qui se mobilise autour, pas seulement de la francisation,
autour de l'intégration aussi?
M. Soucy (Yvon) :
Oui, oui.
Mme David : L'autre sujet dont
je voulais vous parler, c'est les… votre question de l'article 29.1, là, c'est
les municipalités où vous devez passer une résolution. Ça aussi, j'essayais de
m'imaginer. Vous avez même parlé d'une petite communauté qui peut être… à peu
près, tenir dans cette salle-ci, là, et il y aurait une communauté anglophone
minoritaire, souvent assez minoritaire, très minoritaire.
M. Lepage (Sylvain) : …le
débat n'aura pas lieu, elle va être bilingue automatiquement en vertu de la
loi.
Mme David : Exactement. Alors,
en bas de 50 %, mais ça peut être 8 %, ça peut être…
M. Lepage (Sylvain) : Ça peut
être 8 %, ça peut être 10 %, ça peut être 30 %.
Mme David : Et ce que vous
voulez éviter, dans le fond… mais je ne suis pas sûre que je comprends votre
solution, parce que le député de Saint-Jean l'a mis en évidence aussi, c'est un
peu ma question. Votre solution par rapport à celle du ministre, je ne suis pas
sûre que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, là, je pense… vous voulez éviter la
chicane, vous voulez éviter d'avoir à dire, est-ce qu'on veut garder le statut
bilingue pour 8 % de nos personnes qui sont ici…
Mme David : …c'était un peu ma
question. Votre solution par rapport à celle du ministre, je ne suis pas sûre
que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, là. Vous voulez éviter la chicane, vous voulez
éviter d'avoir à dire : Est-ce qu'on veut garder le statut bilingue pour 8 %
de nos personnes qui sont ici depuis toujours, qui ont reçu… c'est un peu ça,
dans le fond.
M. Lepage (Sylvain) : Ce qu'on
souhaite faire, c'est que la municipalité fasse le débat quand elle sera prête
à faire le débat, autrement dit, si on juge… les élus jugent que le moment
n'est pas opportun de faire le débat, la municipalité conserverait son statut
bilingue à ce moment-là. Le jour où, parce qu'on est rendu à 8 %, il n'y a
plus matière à débat et chaque… il faut comprendre que chaque communauté est
différente, là, on vous parle de petites municipalités, il y a des endroits où
il n'y aura peut-être pas de débat, puis simplement les gens vont décider
d'adopter une résolution, puis ça va être comme on est rendu là, excusez
l'expression. Vous savez, la société a changé beaucoup depuis le moment où
j'avais 15 ans, il y a beaucoup de choses qu'on prenait… qu'on pensait qui
n'arriverait pas, qui arrive aujourd'hui, là, dans toutes sortes de domaines.
Alors, c'est un peu la même chose qu'on
dit, c'est : Faisons en sorte que les gens n'aient pas à poser un acte
positif, parce qu'adopter une résolution c'est poser un acte positif, qu'ils ne
souhaitent pas nécessairement poser. Et M. le député avait tout à fait raison,
le jour où le conseil va dire : Bien là, c'est le moment de poser la
question, mais il va arriver avec une résolution nécessairement. Autrement dit,
le statu quo va demeurer sans débat, si le pouls des élus, dans leur
communauté, est à l'effet que passons donc… on en reparlera dans 10 ans…
Mme David : Bien, ce que je
soupçonne dans ce que vous dites, c'est : Le jour venu, on passera la
résolution, moi, je continue votre phrase, parce qu'on sera prêt à demander de
perdre le statut bilingue parce que…
M. Lepage (Sylvain) : Parce
que c'est une question qui ne se posera plus dans cette communauté-là.
Mme David : Bien, en même
temps, vous dites : On ne veut pas mettre le feu dans la communauté, même
si c'est très minoritaire, la communauté anglophone, ça pourrait quand même…
M. Lepage (Sylvain) : Vous
savez, le feu, une personne…
Mme David : Bien, une personne,
oui, mais admettons 10 personnes qui…
M. Lepage (Sylvain) : …peut
mettre le feu, là. Mais il y a toutes sortes de situations. Vous avez entendu,
comme moi, les gens qui étaient là, avant nous, qui nous sont fort
sympathiques, quand on les écoute, on voit que ça peut devenir émotif
facilement. Je ne connais pas leur réalité dans leur communauté, mais il y a
des endroits où il n'y en a pas, de débats comme ceux-là.
Alors, encore là, c'est le rôle des élus
de sentir leur communauté puis, à l'échelle locale, ils détermineront. Il sera
toujours temps de le faire, le débat, comprenez-vous, dans le sens où si on
pense qu'on doit le faire, les gens le feront, à ce moment-là, ils vont se
poser la question. C'est que là on oblige à ce qu'automatiquement, à chaque
cinq ans, on se repose la question, c'est tout ce qu'on dit.
Mme David : Il y a la question
du cinq ans puis il y a la question de la procédure aussi, mais, en ce moment,
vous dites : Il me semble qu'il y a une cinquantaine de municipalités…
M. Lepage (Sylvain) : Nous, on
en représente une cinquantaine sur 89.
Mme David : …qui ont le statut
bilingue.
M. Lepage (Sylvain) : Il y en
a 89 qui ont le statut bilingue.
Mme David : O.K. Donc, vous
avez la majorité des municipalités.
M. Lepage (Sylvain) : On a la
majorité, mais il faut que je le répète, il faut réaliser que, sur 89…
M. Lepage (Sylvain) :
...qu'on dit.
Mme David : Il y a la question
du cinq ans puis il y a la question de la procédure aussi. Mais, en ce moment,
vous dites, il me semble, qu'il y a une cinquantaine de municipalités.
M. Lepage (Sylvain) :
Puis, nous, on en représente une cinquantaine sur 89.
Mme David : Qui ont le
statut bilingue.
M. Lepage (Sylvain) : Il
y en a 89.
Mme David : O.K.
M. Lepage (Sylvain) :
...qui ont le statut bilingue.
Mme David : Donc, vous
avez la majorité des municipalités.
M. Lepage (Sylvain) : On
a la majorité. Mais il faut... je le répète, il faut réaliser que, sur 89, on a
toujours en tête les municipalités du West Island.
Mme David : Oui, oui,
oui.
M. Lepage (Sylvain) :
Dans la vraie vie, à 89, vous vous rendez compte qu'il y a plein de petites
communautés dans les régions, là, dans le Pontiac, dans... c'est des gens où
les francophones puis les anglophones vivent ensemble imbriqués, puis ça ne
semble pas trop difficile. On n'entend pas parler d'un grand... hein, il y a la
paix linguistique. Ça fait que les conseils sont comme ils sont, puis les gens
sont en mesure de mesurer ce que la communauté souhaite.
• (18 h 10) •
Mme David : Mais, depuis
que le projet de loi a été déposé, beaucoup de municipalités ont signé, on voté
des résolutions et les ont envoyées au ministre, ou je ne sais pas à qui, là.
Vous, de ce que vous savez de vos 50, est-ce qu'il y en a plusieurs qui se sont
déjà prêtées à...
M. Lepage (Sylvain) :
Honnêtement, je ne connais pas la réponse. Je peux vous dire qu'on a un
représentant, au conseil d'administration, de la communauté anglophone, des
municipalités anglophones, et il y a eu une discussion à
46 élus — le conseil d'administration de la FQM, c'est
46 élus quand même qui proviennent de partout sur le territoire du
Québec — et c'était unanime que... évidemment, le représentant de la
communauté anglophone a expliqué son point de vue, et unanimement les gens ont
dit : On vient d'en discuter, on a-tu besoin d'à chaque cinq ans d'avoir à
adopter une résolution comme celle-là? Puis ça a fait l'unanimité assez
rapidement. Il y a eu des discussions, elles ne sont pas devenues très
émotives, si je peux m'exprimer ainsi, mais quand même il y a eu des
discussions, puis les 46 administrateurs se sont ralliés à l'idée que,
dans le fond, chaque 10 ans, on informera la municipalité puis, si elle ne
fait rien, bien ce sera le statu quo.
Mme David : O.K. Il me
reste combien de temps?
La Présidente
(Mme Thériault) : Une minute.
Mme David : Une minute.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui.
Mme David : Ah! bien, je n'ai
pas le temps de vous parler de... je vais vous dire de quoi je n'ai pas le
temps de vous parler, c'est du six mois, parce que probablement que ma
collègue va vous peut-être aborder ça, du six mois d'intégration parce que vous
dites : Ce n'est pas assez, puis vous êtes immensément francophone, alors
imaginez d'intégrer en six mois dans du immensément multilingue
montréalocentré. C'était ça, ma question, mais je lance la perche.
La Présidente
(Mme Thériault) : Bien, vous avez 45 secondes pour commencer
à y répondre.
M. Soucy
(Yvon) : Bien, écoutez, six mois, effectivement on trouve que
c'est court. J'ai vérifié avec les gens chez nous aussi, là, qui sont sur le
terrain et qu'ils trouvent effectivement que c'était court.
Mme David : Même s'il
apprend le français par osmose parce qu'il ne peut pas ne pas parler français,
tout est français dans vos régions.
M. Soucy
(Yvon) : Non, mais, quand je vous dis : On fait des
efforts, bien souvent il y a des gens également qui parlent leur langue. Je
pense qu'on met tout en pratique, là, pour que ça... faciliter leur venue puis
surtout le fait qu'ils restent, là.
Mme David : Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais, merci. Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez le dernier bloc.
Mme Ghazal : Merci.
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai
beaucoup aimé la façon dont vous parlez de l'intégration des immigrants en
région. Puis vous avez dit que vous avez appris des erreurs du passé où...
Mme David : …Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, vous avez le dernier bloc.
Mme Ghazal : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai beaucoup
aimé la façon dont vous parlez de l'intégration des immigrants en région. Puis
vous avez dit que vous avez appris des erreurs du passé, où la perception,
c'est qu'on va chercher de la main-d'oeuvre de l'étranger pour combler un poste
et, là, tout va bien aller, les gens ont un travail, c'est l'essentiel puis ils
vont rester dans la région à jamais. Et vous vous êtes rendu compte que ce
n'est pas comme ça que ça se passe.
Les gens, ils ont besoin, comme vous le
dites, d'avoir un milieu de vie qui soit accueillant, qui soit enrichissant
pour eux et leur famille donc il faut mettre beaucoup plus de choses en place
que simplement un emploi. Donc, vous avez une vision qui est non utilitaire
seulement pour l'emploi de l'immigration et j'aime beaucoup ça vous l'entendre
dire, j'espère que tout le monde écoute.
Bien je vais revenir encore sur le
six mois. Puis ma question… C'est ça, vous dites que ce n'est pas
suffisant, vous n'êtes pas le seul à l'avoir dit. Mais il y en a qui nous
disent : Bien, décidez d'une période suffisante pour que les gens aient
appris le français, et tout ça. Et vous, ce que vous dites, c'est un an, vous
avez choisi un an, pourquoi un an? Pourquoi pas deux ans? Pourquoi pas trois?
Est-ce qu'il y a une raison où vous avez dit : Bien, le gouvernement
propose six mois, mettons donc un an? Est-ce qu'il y a une raison ou c'est
plus arbitraire?
M. Lepage (Sylvain) : Non,
bien, ce n'est pas arbitraire. Je dirais qu'on partage l'opinion du
gouvernement à l'effet que toute bonne chose a une fin. On souhaite accueillir
les gens, on souhaite leur donner un délai raisonnable mais on pense que quand
ça fait une année que tu habites dans une communauté purement francophone, il y
a de fortes chances que tu sois en mesure de t'exprimer, tu sais, d'avoir des
connaissances linguistiques minimales pour fonctionner dans une société
francophone puis avoir accès à des services.
Alors, évidemment, on pourrait faire un
grand débat à savoir c'est-tu trois ans, c'est-tu deux ans mais en
même temps on comprend la volonté du gouvernement de dire : Écoutez, ça ne
peut pas durer éternellement, là, il faut qu'il y ait une fin claire. Alors, on
se dit qu'une année complète de transition, ça nous semble raisonnable.
Mme Ghazal : Puis vous
communiquez, que ça soit les communications écrites, orales, comme en ce moment
par exemple, quand ce n'est pas en français, en anglais, c'est ça que vous
faites. Vous n'avez pas des gens qui vont venir parler… C'est quoi,
l'expérience? Peut-être qu'elle est diversifiée, dépendamment de la
municipalité.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
vous dirais tout dépendant des réalités de chaque municipalité, là. Donc, je
n'ai malheureusement pas la réponse, mais je pense que c'est variable d'une
municipalité à l'autre, là, selon la situation.
Mme Ghazal : Donc, pas
nécessairement en anglais, ça peut être… on a des services d'interprètes pour
parler la langue maternelle comme en espagnol, et tout ça, pour les gens. O.K.
M. Lepage (Sylvain) : Oui.
Mme Ghazal : Puis il y avait
l'UMQ qui avait parlé, dans son mémoire, puis quand ils sont venus présenter
ça, ils avaient des inquiétudes pour les contrats pour des projets
d'infrastructure, que ça s'arrête parce qu'ils ne répondraient pas à des
dispositions du projet de loi et ils voulaient avoir des clarifications parce
qu'ils avaient des…
Mme Ghazal : ...l'UMQ, qui
avait parlé, dans son mémoire, puis quand ils sont venus présenter ça, ils
avaient des inquiétudes pour les contrats pour des projets d'infrastructure,
que ça s'arrête parce qu'ils ne répondraient pas à des dispositions du projet
de loi. Et ils voulaient avoir des clarifications parce qu'ils avaient des
inquiétudes pour... Est-ce que vous, vous avez la même inquiétude? Est-ce que
c'est quelque chose que vous avez regardé ou vous...
M. Lepage (Sylvain) : Oui,
bien, on est assez familiers avec ça, nous, on transige, à la FQM, avec des
assureurs internationaux parce qu'on gère aussi un programme d'assurances de
dommages. Et évidemment, comme c'est des assureurs internationaux, il y a des
règles claires déjà dans la charte de la langue, puis on est satisfaits des dispositions
qu'on a trouvées, actuellement, ça ne nous semble pas vraiment porter à des
grandes questions, là, à ce niveau-là.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
Je ne sais pas si vous vouliez ajouter quelque chose. J'ai encore deux... Mon
Dieu! Je suis vraiment... D'habitude, j'ai à peine trois minutes. Mais à la fin,
vous dites : Il faut du temps, il faut nous laisser le temps, nous
accompagner, une période suffisamment longue. Ça veut dire quoi, par exemple? Est-ce
qu'il y a des choses dans la loi où vous trouvez que c'est trop rapide, ça
arrive trop vite ou c'est juste ça serait bien de nous laisser le temps? Est-ce
que vous avez quelque chose de plus précis par rapport à ça?
M. Lepage (Sylvain) : Bien, essentiellement,
ce qu'on souhaite, là, puis actuellement le gouvernement, en toute honnêteté,
nous a donné un bon coup de main au niveau de l'immigration, mais ce qu'on
souhaite vraiment, c'est qu'il y ait un coup de barre important, de façon à
faire en sorte que l'immigration finisse par arriver véritablement en région.
La perception des régions, quant à moi... puis mon patron, qui est là, peut me
corriger, mais ce que moi, j'entends, c'est que malgré toute la bonne volonté,
puis peu importe, de ce qu'on se fait dire depuis 25 ans, les gens finissent à Montréal,
tu sais. Alors, ce qu'on souhaite, c'est un coup de barre important pour que, vraiment,
en région, on sente une différence au niveau de l'arrivée de l'immigration. Et
on pense qu'à partir de ce moment-là la francisation va se faire beaucoup plus facilement,
pour des raisons géographiques et socioculturelles évidentes, là.
Mme Ghazal : C'est ça. Donc,
la régionalisation de l'immigration est un échec, il faut quand même dire les
choses.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, je
n'oserais pas dire un échec.
Mme Ghazal : Mais il y a des
bonnes choses, quand même, qui se font, là, comme vous nous en avez parlé. Puis
ça prendrait plus, comme un coup de barre et une volonté.
M. Lepage (Sylvain) : Bien, il
y a beaucoup... M. Soucy en a parlé, là, la présence d'agents au niveau de l'immigration,
dans les MRC, c'est une décision gouvernementale, c'est financé, à ma
connaissance, par le gouvernement. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut
continuer dans cette voie-là et aller encore plus loin, de façon à ce qu'effectivement
les régions accueillent davantage d'immigrants.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. Lepage et M. Soucy, de votre passage en commission parlementaire.
Donc, la commission ajourne ses travaux
jusqu'au jeudi 7 octobre, après les affaires courantes.
(Fin de la séance à 18 h 18)