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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Thursday, April 10, 2025 - Vol. 47 N° 61

Special consultations and public hearings on Bill 94, An Act to, in particular, reinforce laicity in the education network and to amend various legislative provisions


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures quarante-neuf minutes)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

• (11 h 50) •

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Rivest (Côte-du-Sud) est remplacé par Mme Schmaltz (Vimont).

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait, merci. Alors, nous débutons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous entendrons les organismes suivants : le Mouvement laïque québécois et le centre consultatif des relations juives et Israël.

Alors, j'invite maintenant le ministre à faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six minutes. La parole est à vous.

M. Drainville : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je salue d'emblée les collègues. Merci beaucoup d'être là, chers collègues, de ce côté et de l'autre côté, vous également, ma chère Mme la Présidente.

Je me réjouis que nous débutions ces travaux. Projet de loi très important, je pense qu'on en convient tous. Un projet de loi qui vise à nous assurer que notre école québécoise enseigne, et inculque, et incarne les grandes valeurs québécoises, nos grandes valeurs démocratiques, comme l'égalité entre les hommes et les femmes. Un projet de loi qui vise à faire en sorte que nos élèves, nos enfants apprennent dans une école laïque exempte de pressions religieuses et d'idéologies rétrogrades radicales. Un projet de loi qui vise également à s'assurer que toutes les matières soient enseignées à l'école publique québécoise, incluant les sciences et l'éducation sexuelle. C'est, Mme la Présidente, un projet de loi qui est en quelque sorte à la fois un aboutissement, l'aboutissement de la longue marche de l'école publique québécoise vers la laïcité, vers une laïcité qui...

M. Drainville : ...soit la plus complète possible, une école québécoise qui soit universelle, qui soit nourrie par de grandes valeurs, des valeurs d'égalité, par exemple, le droit à l'égalité de conscience, hein? C'est... La laïcité, c'est la meilleure façon d'assurer la liberté de conscience de tous et de toutes, y compris de nos élèves.

C'est aussi un aboutissement au regard des différents constats que nous avons malheureusement réalisés ces derniers mois avec les événements à Bedford, le rapport que nous avons reçu des 17 écoles marquées par des manquements à la laïcité, le rapport également que nous a transmis... que nous ont transmis les des accompagnateurs que nous avons dépêchés à l'école Bedford, d'autres rapports également qui ont été abondamment diffusés et commentés, des rapports notamment sur la situation à l'école Lavoie, sur la situation également à l'école Saint-Maxime, des situations extrêmement troublantes.

Alors, Mme la Présidente, ce projet de loi, donc, c'est une réponse. C'est une réponse à ces manquements, à ces constats, à ces manques de respect, manque de respect à la loi, manque de respect pour certaines valeurs, manque de respect pour certains principes qui nous sont sacrés ici, au Québec.

Et donc je suis très fier, Mme la Présidente, d'entamer cette étude. Je dois vous dire que j'espère la collaboration des députés d'opposition. Je vais évidemment respecter leur position, Mme la Présidente, cela va de soi, et j'anticipe déjà que, sur certains enjeux, nous n'aurons pas la même position, mais j'espère, Mme la Présidente, leur collaboration. J'espère qu'ils ne vont pas agir pour bloquer la progression de ce projet de loi, qu'il pourra cheminer normalement dans la rigueur et dans le respect de nos institutions, mais qu'il pourra cheminer quand même pour, éventuellement, nous le souhaitons ardemment, son adoption.

Évidemment, je l'ai déjà dit tout à l'heure aux journalistes, nous sommes ouverts aux améliorations qui pourraient être apportées à ce projet de loi. Donc, nous allons écouter avec attention les représentations des témoins qui viendront en cette commission, mais nous resterons fermes, Mme la Présidente, sur les grands principes sur lesquels s'appuie ce projet de loi. Et donc je vais... j'arrive dans ces travaux, Mme la Présidente, avec un grand esprit d'ouverture et une volonté de collaboration avec tous les collègues ici présents. Voilà, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, M. le ministre. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Bourassa-Sauvé, à faire ses remarques préliminaires pour une durée de quatre minutes 30 secondes.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers collègues. C'est ma première étude... étude détaillée... bien, en fait, mes premières consultations particulières dans le dossier de l'éducation, donc je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission.

Donc, nous débutons aujourd'hui, on l'a dit, donc, les consultations du projet de loi n° 94, qui vise notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation. Le ministre vient de le rappeler, donc, nous sommes ici en raison, donc, des révélations absolument troublantes qui remontent au printemps 2023. Donc, on se souvient, c'était la journaliste Valérie Lebeuf de chez Cogeco qui nous dévoilait, donc, cette histoire absolument inacceptable de climat toxique au sein de l'école Bedford dans Côte-des-Neiges, à Montréal. Cette histoire était tellement troublante, tellement navrante que ma collègue de Saint-Laurent a aussitôt demandé au ministre de déclencher une enquête. Le ministre, donc, l'a fait quelques mois plus tard. Et cette enquête, donc, s'est déroulée de novembre 2023 à avril 2024. Le rapport a finalement été publié à l'automne dernier. Et ce que nous anticipions malheureusement, donc, ce que la journaliste, donc, Valérie Lebeuf avait... avait dévoilé à l'époque, malheureusement, s'est avéré vrai. Et je pense que l'ensemble du Québec, Mme la Présidente, a été complètement choqué, marqué par ce qui s'est passé au sein de l'école Bedford. Et nous, au Parti libéral du Québec, on n'a jamais hésité à dénoncer cette situation...

Mme Cadet : ...donc, suite à... à la suite de ces événements, le ministre a déclenché d'autres enquêtes sur 17 autres écoles, et le rapport de cette seconde enquête a été dévoilé, donc, tout récemment. Nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance d'ailleurs. Le projet de loi n° 94, le ministre vient de le mentionner, c'est sa réponse à ces histoires troublantes.

Le ministre le sait, ma collègue de Saint-Laurent était prête à corriger très rapidement cette situation. Sur toutes les ondes, elle avait... donc, proposé au ministre, mais aussi, donc, sur toutes les ondes, donc très publiquement, effectué, donc, les propositions suivantes d'amendement à la Loi sur l'instruction publique pour ajouter à l'article 26 ce qu'est un acte dérogatoire pouvant conduire au retrait du brevet d'enseignant : le prosélytisme, le non-respect du principe d'égalité hommes-femmes et des autres principes de non-discrimination, selon la Charte québécoise des droits et libertés, de ne pas... le non-respect du programme pédagogique obligatoire du ministère de l'Éducation du Québec, le refus d'offrir les services professionnels pour les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et les élèves autistes et le fait de ne pas porter assistance à un élève en détresse et en connaissance de la détresse d'un élève, omettre de prendre les mesures appropriées pour assurer son bien-être et sa sécurité.

Donc, nous avions notre réponse très rapide à la situation de l'école Bedford et des autres écoles, Mme la Présidente. Aujourd'hui, le ministre nous arrive avec la sienne, qui ratisse... qui ratisse plus large. Je le disais plus tôt, et c'est le titre du projet de loi, donc, les consultations du... on les débute aujourd'hui sur le projet de loi n° 94, qui vise notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation. Le mot «notamment» ici, il est très important parce que le projet de loi, il vise aussi d'autres choses qui n'ont pas toujours de lien avec la laïcité. Je pense ici à l'obligation pour les enseignants de soumettre une planification pédagogique, à la création du Comité sur la qualité des services ou encore à l'obligation d'évaluation annuelle des enseignants.      Sur papier, tout ça, donc, ça semble bien beau, mais c'est sûr qu'on se pose des questions à savoir si... dans la réalité, est-ce que ces éléments, qui sont ajoutés, notamment, donc, qui sont ajoutés, donc, au projet de loi n° 94... est-ce qu'elles permettront véritablement de changer les choses? Est-ce que le projet de loi n° 94 permettra vraiment d'empêcher un nouveau Bedford? Parce que, si le pourquoi on est ici compte, le comment compte aussi, Mme la Présidente. C'est donc cette question que nous aurons principalement en tête en écoutant les groupes qui viendront, qui se succéderont dans cette commission. Et c'est aussi avec un esprit d'ouverture et d'écoute que nous nous retrouvons ici, Mme la Présidente. Et je remercie l'ensemble des groupes d'avoir soumis leurs mémoires. Nous les entendrons avec beaucoup d'attention. Merci beaucoup.

• (12 heures) •

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute 30 secondes.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Alors, c'est très bref, une minute 30 secondes, pour aborder le fond. Évidemment, ce qui s'est passé à l'école Bedford n'a aucun bon sens. Une chance qu'il y a eu un rapport là-dessus. Toutes les recommandations de ce rapport-là sont importantes. Québec solidaire y adhère. Cela dit, aucune de ces recommandations-là ne traitait de religion, de laïcité, de signes religieux. Et c'est pour ça que c'est avec un certain étonnement que je vois la réponse du ministre à ce qui s'est passé à Bedford dans ce projet de loi là. On va évidemment regarder les réponses réelles aux préoccupations puis aux recommandations réelles du rapport Bedford qui vont être là-dedans. On va proposer des améliorations, certainement, parce qu'il y a des choses qui semblent ne pas fonctionner. Évidemment, on approfondira notre analyse avec les gens qui vont venir témoigner ici. Mais clairement la question de la liberté de conscience est centrale dans ce projet de loi là, et, bon, je n'ai pas le temps de faire des commentaires approfondis là-dessus, mais j'y reviendrai. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, je souhaite donc la bienvenue au Mouvement laïque québécois. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

M. Baril (Daniel) :Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Daniel Baril. Je suis président du Mouvement laïque québécois. Je suis accompagné de deux collègues en visioconférence : Lise Boivin, vice-présidente du Mouvement laïque, et Lucie Jobin, trésorière du Mouvement laïque québécois.    Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir à cette commission parlementaire...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Baril (Daniel) :...sur le projet de loi n° 94. Et, d'emblée, je vais vous dire que nous, en ce qui concerne la question de la laïcité, puisque c'est uniquement sur cette question-là qu'on va intervenir, nous le recevons très favorablement. Il y a, dans ce projet de loi, des choses que nous avions déjà demandées, entre autres l'interdiction de signes religieux à tout le personnel scolaire. C'est dans le projet de loi. Le projet de loi aussi s'assure d'interdire les visages voilés à toute personne qui se trouve sur un lieu scolaire. C'est la moindre des choses. Plusieurs dispositions qui sont là auraient dû être déjà là, dans le projet de loi sur la laïcité de l'État. Et donc on encourage très fortement le ministre de l'Éducation à tenir bon face aux détracteurs qui vont diffuser des fausses informations... de la déformation du contenu du projet de loi, toujours sur la question qui nous concerne, de la laïcité.

Ceci dit, il y a... En fait, on a quand même relevé, là, peut-être, de certains manquements, entre autres en ce qui concerne les activités extrascolaires. Le projet de loi amende l'article 215 de la Loi sur l'instruction publique pour s'assurer que ces activités se font là également à visage découvert.

Alors, on vous soumet le cas qui nous a été signalé, qui nous a été rapporté par des parents d'une école de Saguenay, où des activités extrascolaires, une sortie, donc, classe verte, puisque c'était au 17 juin, dans un camp évangélique. Je vous cite ce qu'on trouve sur le site de ce camp : Pendant les vacances, le... Donc, les fondateurs du... Je tiens à dire que les... oui, les... excusez-moi. Sur le site, on dit que les responsables du camp désirent faire découvrir aux campeurs l'amour de Dieu et la raison de la venue de Jésus sur terre, tout en ajoutant qu'ils ne veulent pas faire la promotion d'une religion. Les fondateurs du camp l'ont défini comme un moyen d'occuper sainement les jeunes pendant les vacances, de partager l'amour de Jésus-Christ avec eux et des enseignants dans la parole de Dieu. Le directeur du camp est un prêcheur évangélique dans des centres évangéliques à La Tuque et à Lévis. Or, il nous paraît inadmissible que des activités extrascolaires se déroulent dans ce genre d'environnement non seulement religieux, mais confessionnel et prosélyte.

Alors, c'est pour ça, on demande d'ajouter à l'article 215 de la Loi sur l'instruction publique que les activités extrascolaires organisées par une école ou un centre de services scolaire respectent la laïcité de l'école et de son projet éducatif.

Même remarque concernant l'intimidation. Le projet de loi amende l'article 18 de la Loi sur l'instruction publique pour s'assurer que les élèves ont un comportement, et là je cite, «exempte de toute forme d'intimidation ou de violence, motivée notamment par le racisme, l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle ou de genre, l'homophobie, un handicap... caractéristique physique». Bien, on sait très bien qu'il y a des pressions qui vont jusqu'à de l'intimidation entre les élèves concernant l'observance ou non de certaines pratiques religieuses.

Alors, il nous apparaît important de mettre aussi... dans les motifs qui sont visés par cet article, de mettre que... également, ajouter la religion comme étant un motif à réprimer... en fait, dans... d'intimidation à réprimer, c'est-à-dire. Il y a des ajustements aussi à faire dans le même sens à deux autres articles qui concernent les règles de conduite et les écoles privées.

Côté des accommodements religieux maintenant. En fait, on a là un problème de concordance entre la loi sur la neutralité religieuse et les demandes d'accommodements pour raisons religieuses et la Loi sur la laïcité de l'État, deux lois qui ne relèvent pas... en fait, qui n'ont pas les mêmes bases juridiques, l'une repose sur une approche qui est plus... qui tient plus de la common law et du multiculturalisme politique canadien, qui est la loi sur la neutralité, et l'autre qui est plus d'approche républicaine, qui est fondée sur l'approche civiliste du droit. On ne voit pas comment une école laïque telle qu'elle est définie par la loi peut recevoir des accommodements religieux tels que permis par la loi sur la neutralité religieuse. On envoie... on en veut comme exemple la directive qui a conduit à l'interdiction des classes... pas des classes, mais des salles de prières dans les écoles. On a mis dans notre mémoire... En fait, ce n'est pas... les attendus qui sont là ne sont pas tous les attendus de cette directive, mais il y a tellement de considérations, tellement...

M. Baril (Daniel) :...de conditions à prendre en considération qu'on ne voit pas quel type d'accommodement religieux pourrait s'insérer là-dedans. Et l'interdiction des signes... des classes... excusez-moi, l'interdiction des salles servant à des prières ou à d'autres activités religieuses à l'école, ça a été permis avec ces considérants-là, sans que la loi sur la laïcité ni la loi sur la neutralité n'ait eu... n'ait été amendée, alors qu'une salle de prière pourrait être un accommodement religieux. Autrement dit, l'ensemble de ces dispositions-là font que toute demande d'accommodement religieux à l'école devrait être considérée irrecevable. Or, aussi bien mettre les choses claires puis éviter que ce soit laissé aux autorités locales, le soin d'interpréter qu'est-ce qu'un accommodement religieux selon les règles de la loi sur la neutralité et éviter, donc, que ce soit laissé aux autorités locales... éviter qu'il y ait des pressions assorties à ces demandes et que ça varie, donc, d'un établissement à l'autre. Nous demandons de mettre les choses claires et que le projet de loi no 94 bloque ou interdise formellement les demandes d'accommodement religieux à l'école publique. C'est une question de cohérence avec la loi sur la laïcité.

Les vêtements religieux maintenant. Le projet de loi vise, et ça, on ne peut qu'applaudir, à s'assurer que toute personne, comme je le disais tout à l'heure, ait le visage découvert sur un lieu scolaire. Le visage couvert, c'est une attitude non seulement antipédagogique, mais anti sociale et qui heurte la dignité humaine. Ici, on parle de la dignité des femmes. Nous pensons que le hidjab et la baya doivent être considérées de la même façon, et ces vêtements ne viennent jamais seuls, ils véhiculent une vision discriminatoire du sexe féminin, constitue bien souvent un étendard de l'islam politique, s'accompagne d'une morale qui ne peut pas s'harmoniser avec l'éthique que doit inculquer l'école publique.

Et d'ailleurs interdire les tenues religieuses chez les élèves, ça pourrait rejoindre un des objectifs de la loi no 84. Ici, ce n'est pas une erreur de frappe, là on parle vraiment de la loi no 84, sur l'intégration nationale, dont l'article 4 nous dit que «le modèle d'intégration s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des groupes ethnoculturels particuliers». En commission parlementaire, on a demandé d'ajouter «groupes ethnoculturels et religieux particuliers». On sait que les vêtements religieux imposés aux fillettes dès l'école primaire créent de l'isolement, contribuent à la ghettoïsation et au morcellement social. C'est un facteur qui va à l'encontre de l'intégration nationale. Prenons l'exemple de la France, qui a une loi de ce type-là. En 2004, donc, quand cette loi a été adoptée, ils comptaient 639 cas relevés de tenues religieuses ostentatoires à l'école. C'est diminué à 12 en un an. Et la loi française respecte, a été jugée conforme à la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a même une étude qui montre une certaine corrélation, peut-être même un effet de... un effet causal entre cette mesure et l'amélioration du rendement scolaire chez les jeunes musulmanes qui ont accepté de retirer leur voile — vous avez l'étude en référence dans le mémoire.

• (12 h 10) •

Donc, on pense que le Québec est rendu là. On voit ce que certains parents sont prêts à faire en voilant... en voilant, oui, le visage des jeunes adolescentes à l'école. C'est inacceptable. Il ne faut pas attendre que ça dérape.

La clause de droits acquis maintenant. Nous nous étions opposés à cette clause-là... Une minute? Bon. La clause de droits acquis crée deux catégories d'employés, là, en fonction de leur date d'entrée en poste, une catégorie qui est tenue à respecter les obligations puis l'autre qui en est dispensée, obligations de la laïcité. Les vérificateurs ont observé que dans les écoles dont on parlait tout à l'heure, dans certains services de garde, plusieurs personnes ont des signes religieux. Si on maintient la clause de droits acquis, on n'aura pas réglé le problème.

Et, pour terminer, financement des écoles privées religieuses, ça nous paraît contradictoire qu'un État laïc finance des écoles privées religieuses dont la mission est à l'opposé de la mission éducative que poursuit le Québec, et M. le ministre l'a mentionné tout à l'heure, l'école publique qui vise le développement de l'esprit critique, la transmission de connaissances avérées, l'intégration d'une culture commune, des valeurs universelles. Alors, l'État ne reconnaît que des citoyens.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci, alors je m'excuse...

M. Baril (Daniel) :Merci, Mme.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse. Oui, merci beaucoup de votre exposé. Je m'excuse, je vous ai interrompu, mais le temps était écoulé. Alors, je vous... Nous allons maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Merci beaucoup...

M. Drainville : ...Mme la Présidente. Merci à vous, M. Baril, vous avez toujours été d'une remarquable constance en matière de laïcité depuis plusieurs années, et donc je me réjouis de votre participation, la vôtre et celle de Mmes Jobin et Boivin. Merci beaucoup, mesdames, d'être présentes avec nous.

Alors, comme on n'a pas beaucoup de temps, plongeons, plongeons. Sur la question des activités extrascolaires, je prends note de l'exemple que vous avez donné. Donc, ce que je comprends bien, vous, c'est que vous... Parce qu'on s'entend, là, la sortie scolaire, ce n'était pas une sortie scolaire à caractère religieux, c'est une sortie scolaire qui s'est déroulée dans un lieu qui était religieux ou, enfin, un camp de... un camp de vacances, là, qui a une vocation religieuse. Est-ce à dire, donc, que vous vous seriez opposé, par exemple, à ce qu'une école utilise, par exemple, un sous-sol d'église pour faire un spectacle de fin d'année, ou une pièce de théâtre, ou... dans certaines communautés rurales, comme vous le savez, le seul endroit, la seule salle qui peut accueillir une telle activité, c'est parfois la salle paroissiale ou même l'église. Des fois, l'église est transformée plus ou moins en centre communautaire ou le sous-sol de l'église sert à ça. Est-ce que vous recommandez que même ce type d'utilisation soit interdit par la loi?

M. Baril (Daniel) :Bien, vous demandez que le personnel qui dispense... les partenaires de l'école, donc, qui vont dispenser les services d'activités extrascolaires aient le visage découvert, n'est-ce pas? Alors, pour la même raison, il faut s'assurer que le projet lui-même ne soit pas contaminé, disons, par l'environnement prosélyte. Là, c'est clairement... Quand on va voir sur le site du centre en question, et le directeur du centre, bon, le sens de sa vocation, là, c'est une vocation évangélique. Bon.

M. Drainville : Mais qu'est ce que vous craignez? Comme on n'a pas beaucoup de temps, M. Baril, on va aller... on va aller gaiement, là, on va échanger.

M. Baril (Daniel) :On pense que les partenaires de ce type-là ne devraient pas être permis pour les activités extrascolaires.

M. Drainville : O.K., mais qu'est-ce que vous craignez? Vous craignez, par exemple, que, si des élèves vont dans un environnement comme celui-là, il y ait des écriteaux à caractère religieux, vous craignez, par exemple, que ces écriteaux induisent un message à caractère religieux?

M. Baril (Daniel) : Notamment.

M. Drainville : C'est ça, O.K.

M. Baril (Daniel) :Exactement.

M. Drainville : Très bien. Je voulais juste préciser ça.

M. Baril (Daniel) :Et puis de la paperasse qui peut être sur place, distribuée aux enfants ou, sans qu'elle soit distribuée de façon formelle, laisser à la discrétion, les parents s'en servent ou, peu importe, c'est inapproprié.

M. Drainville : Je comprends. Je comprends. Je dois préciser, là, pour le grand public, le vaste public qui nous écoute et en particulier les représentants des médias, une question n'est pas nécessairement le signal qu'il y a, comment dire, le début d'une modification au projet de loi, là, je vais me permettre, pendant ces travaux, de poser des questions sur tout. Je vais le faire de façon ouverte. Donc, je suis curieux, je suis en quête d'information, mais je ne veux pas qu'on déduise de mes questions qu'elles sont le début d'une éventuelle modification. Ça pourrait être le cas, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Donc, je voulais préciser ça d'emblée.

Je trouve ça intéressant, M. Baril, que vous souhaitiez ajouter la religion aux différents critères qui concernent donc le comportement des élèves, les élèves qui doivent adopter un comportement exempt de toute forme d'intimidation, de violence motivée par le racisme, l'orientation sexuelle, l'identité, l'homophobie, handicap, caractéristiques physiques. Vous souhaiteriez ajouter la religion. Je n'ai pas de question là-dessus, mais je note quand même l'intérêt de cette proposition. J'aimerais comprendre votre proposition en matière de droits acquis. Est-ce que vous suggérez qu'il n'y ait pas du tout de droits acquis ou vous suggérez que le droit acquis ait une... comment dire, une date d'échéance dans le temps?

M. Baril (Daniel) :En fait, la date d'échéance ne devrait pas être... Ici, on a suggéré la fin de l'année civile où les amendements entreraient en vigueur, bon, pour pas que ce soit le lendemain matin...

M. Baril (Daniel) :...peut-être que cette disposition-là pourrait être étirée quelque peu, mais c'est clair que le problème... le problème, il a été mis dans la loi n° 21, là.

M. Drainville : O.K. Vous voulez dire les personnes qui ont présentement un signe religieux pourraient le conserver jusqu'à la fin de l'étude du projet de loi. Après ça, elles seraient obligées, les personnes seraient obligées de le retirer, c'est ça?

M. Baril (Daniel) :C'est la suggestion. Nous, ce qu'on veut, c'est l'extinction de ce droit.

M. Drainville : D'accord.

M. Baril (Daniel) : Bon.

M. Drainville : Alors, on a un différend là-dessus. On a un différend là-dessus, n'est-ce pas?

M. Baril (Daniel) : Peut-être, si vous le dites. C'est ce qu'on demande.

M. Drainville : Non, non, mais notre position, comme vous le savez, M. Baril, c'est que les personnes qui portaient un signe religieux, peu importe leur religion, au moment du dépôt du projet de loi, peuvent le conserver. C'est le même... c'est la même proposition de droit que contenait la loi n° 21.

M. Baril (Daniel) :Oui, oui, exactement, mais vous le répétez quand même dans le projet de loi n° 94, le droit acquis. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça crée deux catégories d'employés, non pas sur... sur la base de leur date d'entrée en fonction. Ça nous pose un problème en regard du respect d'un principe fondamental qui est la laïcité de l'État.

M. Drainville : Je comprends, je comprends. Bon, maintenant, vous souhaiteriez aussi que les signes religieux soient interdits pour les élèves. Donc, le modèle français.

M. Baril (Daniel) :On n'a pas parlé de signes, on a parlé de tenue vestimentaire religieuse.

M. Drainville : Mais alors précisez votre pensée.

M. Baril (Daniel) :Bien, tenue vestimentaire religieuse, on donne des exemples d'hijab et d'abaya.

M. Drainville : Bien oui, O.K., c'est... En tout cas, le hijab, c'est certainement un signe religieux.

M. Baril (Daniel) :Et les cas qui ont été rapportés dans certaines des écoles, là, des enquêteurs, le visage couvert, c'est une tenue religieuse, là ce n'était pas pour des raisons de Santé. Alors, ces tenues-là, vous voulez vous assurer de... et c'est... et on vous suit là-dessus, que tout le monde ait le visage découvert. Bon, ça peut être pour des raisons autres que la laïcité, ça, avoir le visage découvert. Pour nous, c'est une question de dignité humaine.

Mais les vêtements religieux imposés à des enfants au primaire, ça crée de l'isolement social, ça empêche les communications, de la même façon que le visage couvert. On a des cas, des gens qui nous rapportent des cas où la fillette, du jour au lendemain, arrive à l'école avec un hijab, et puis les autres ne parlent plus, et elle-même se tient à l'écart, donc ça respecte... c'est un obstacle à l'intégration. Puis il y a toutes les valeurs véhiculées par l'école, là, relisons tous les attendus, là, de votre directive contre les salles de prière et puis ça viole ces attentes-là, là.

• (12 h 20) •

M. Drainville : ...l'État, c'est d'abord les rapports entre les institutions de l'État, et la religion, et les religions, donc les enfants ne sont pas des... ne travaillent pas pour une... ils ne font pas partie du personnel scolaire, ne font pas partie du personnel d'une institution publique. La laïcité concerne les institutions publiques et les personnes qui oeuvrent au sein de ces institutions.

M. Baril (Daniel) :Oui, oui, tout à fait, sauf qu'on pense que l'État, un État démocratique peut être légitimé d'offrir aux enfants un environnement social expurgé de tout, de tout précepte religieux. Ça n'enlève pas leur appartenance religieuse, leur identité religieuse, c'est qu'on offre un environnement où ils pourront voir qu'est-ce que c'est de vivre en dehors de contraintes religieuses. Il y a eu, suite à...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons. Maintenant, je dois céder la parole à la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, on vous écoute.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Baril, et bonjour aussi à vous deux, mesdames Jobin et Boivin. Je vais peut-être poursuivre, donc, sur la même thématique, sur la question des élèves et des vêtements religieux. Vous avez dit quelque chose qui me semble un peu surprenant ici, M. Baril, donc vous parliez... vous parliez donc d'isolement, donc, des jeunes qui se retrouvent dans cette... qui pourraient, donc, porter, donc, des signes religieux, on ne parle pas de visage à découvert ici, ce n'est pas du tout cette clause-là, donc vraiment, donc, ce que vous, vous amenez dans votre proposition ici, un peu comme le ministre, comme il vient, donc, de l'évoquer, de notre côté, vous comprendrez qu'on a une conception de la laïcité de l'État, donc, qui concerne justement, donc, l'État québécois et non pas ceux qui bénéficient, donc, des services ici. Donc, vous voyez un peu...

Mme Cadet : ...de la proposition que vous amenez puis aussi de ce que vous... de ce que vous qualifiez donc d'isolement. Ce que moi, dans... J'ai l'opportunité, donc, de visiter des écoles où je vois, donc, des jeunes, parfois des jeunes filles, elles font habituellement partie du... certaines d'entre elles font partie du club de robotique, du club de soccer, ont d'excellentes notes, sont... ont des amis de toutes confessions et ne se limitent pas. Donc, j'aimerais comprendre, donc, d'où viennent vos données, ici, pour les statistiques que vous amenez de l'avant.

M. Baril (Daniel) :Je ne crois pas avoir donné de statistiques là-dessus.

Mme Cadet : Ah, pas de statistiques. Les données ou les exemples, plutôt, là.

M. Baril (Daniel) :Oui. Des exemples, qui nous sont rapportés par des parents et des enseignantes, du fait que, quand une jeune fille arrive à l'école, du jour au lendemain, et porte son hijab, elle est exclue du groupe. Regardez la dernière photo. Je ne sais pas si vous l'avez version papier ou PDF, là. Bon. Dans une école... bien, c'est une école privée, c'est une école privée subventionnée. Vous voyez les élèves? Et c'est une école qui dit : Le port du hijab n'est pas obligatoire dans certaines occasions. C'est clair que, dans cette école, c'est obligatoire. Vous voyez le fait d'isolement que ça crée? Là, il y a des jeunes filles d'un bord, 100 % voilées, les garçons ailleurs.

Mme Cadet : Mais je reviens à l'école publique, ce qu'on parlait.

M. Baril (Daniel) :Bien, prenez ça de façon plus... moins...

(Interruption) ...excusez, moins 100 % dans une école publique. Et puis la jeune fille se retrouve dans la même situation. Elle va se regrouper avec d'autres jeunes filles qui portent le voile.

Mme Cadet : O.K. On est en désaccord.

Maintenant, sur la clause de droits acquis, donc, vous remettez en cause la clause de droits acquis, donc, vous venez de l'indiquer dans votre échange avec le ministre. En fait, moi, la question que j'avais pour vous, c'est : Est-ce que vous avez chiffré l'impact de votre proposition sur le réseau, donc ce que ça voudrait dire de remettre en cause, là, complètement, donc, la clause de droits acquis et de faire en sorte que potentiellement... que des individus, donc, principalement, donc, des femmes qui œuvrent au sein du réseau, décident de le quitter? Est-ce que vous avez chiffré cette recommandation-là?

M. Baril (Daniel) :Non. On n'est pas en mesure de chiffrer ça. Et ce n'est pas... ce n'est pas de notre travail de le faire non plus. Nous, on s'occupe des principes. Et, ce qu'on sait, c'est que, quand il y a des directives qui demandent à certaines personnes de retirer leur signe religieux, et qui n'ont pas une vision extrême de leur religion, ils acceptent de le faire. Et celles qui n'acceptent pas de le faire n'accepteront pas plus dans un an ou dans deux ans si on leur donne un délai pour que le droit soit éteint. C'est pour ça qu'on s'était opposés à ce que ce soit là dès le départ. Combien de personnes? On l'ignore. D'ailleurs, je pense qu'au ministère de l'Éducation, à l'époque, ils ne le savaient pas non plus. C'est des considérations qui sont, là, au-delà de nos préoccupations.

Mme Cadet : O.K. Vous suggérez... on n'en a pas parlé, vous suggérez la création d'une commission de la laïcité au sein du Conseil supérieur de l'éducation. Bien, comme vous le savez, donc, le Conseil supérieur de l'éducation, dans un précédent projet de loi, a été aboli pour se scinder, donc, en Conseil de l'enseignement supérieur et en l'INEE, l'Institut d'excellence en... national d'excellence en éducation. Donc, dans... Comment est-ce que vous verriez l'intégration de cette commission de la laïcité, donc, considérant les nouvelles structures d'institutions, là, disons, aviseures, là, au ministre de l'Éducation?

M. Baril (Daniel) :On le voit comme sur le même pied que la Commission de l'enseignement primaire puis la Commission de l'enseignement supérieur au sein... au sein du conseil, qui ont leurs présidents... parmi les membres du conseil, qui font des... qui font des rapports, qui examinent la situation. Et c'est clair que s'il y avait un tel comité au Conseil supérieur, bien, la mission, c'est voir la mise en œuvre de la laïcité, là, et pas d'y faire obstacle.

Moi, j'ai été membre du Conseil supérieur, moi, dans les années 80, pendant le système confessionnel. Il y avait au Conseil supérieur des comités confessionnels catholiques et protestants dont les membres étaient nommés par leurs autorités religieuses respectives. Il était un temps même où tous les... bien, ça remonte, je pense, avant le ministère de l'Éducation, mais tous les évêques étaient membres du Comité catholique. Ses présidents siégeaient au Conseil supérieur. Et les comités confessionnels avaient un pouvoir de réglementation sur l'école. C'était quand même très fort, là. Ce serait un juste retour qu'il y ait au Conseil supérieur une instance qui voit maintenant à s'assurer du respect de la laïcité dans les écoles.

Mme Cadet : ...je vous comprends bien, ce serait probablement plus quelque chose qui relèverait du ministère, là. Puis, comme j'ai dit, donc, il n'y a pas de... il n'y a plus de Conseil supérieur de l'éducation, proprement dit. Mais ça relèverait plus du ministère que de l'INEE dans ce que vous nous présentez comme exemple, là.

Ensuite, parce que je vois le temps qui file, sur les activités extra... extrascolaires.

Mme Cadet : ...j'ai... j'aimerais donc bien comprendre donc votre gradation, parce qu'évidemment l'exemple que vous avez écrit... inscrit ici est tout à fait inacceptable. Je pense que tout le monde s'entend. Le ministre a parlé peut-être ici dans un sous-sol d'église. J'aimerais que vous raffiniez peut-être votre pensée pour saisir donc quelle est l'élasticité ici du type d'activités extrascolaires donc qui seraient acceptables. Est-ce que dans un musée ou est-ce qu'il y aurait une exposition religieuse, est-ce que les jeunes auraient le droit d'aller dans ce musée-là, par exemple, pour vous?

M. Baril (Daniel) :Il faut se... Écoutez, là, on ne peut pas voir, là, chaque cas d'espèce qui peut se présenter, là. Ce qu'il faut... ce qu'on veut qui soit assuré, c'est qu'ils ne soient pas dans un environnement trop prosélyte, parce que l'exemple qu'on vous rapporte, là, ça nous a été signalé par des parents qui ne voulaient pas aller dans ce camp-là. Bon. Là, on donne l'exemple d'un sous-sol, ce n'est pas la même chose, je pense, là.

Mme Cadet : Tout à fait.

M. Baril (Daniel) : Celui-là avait quand même... est très évident.

Mme Cadet : Oui.

M. Baril (Daniel) : Et ça justifie à nos yeux de s'assurer que, dans le projet de loi, on s'assure que les activités extrascolaires sont exemptes de caractères religieux.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Je dois vous interrompre.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Poulet) : On va poursuivre la discussion avec le député de... avec le député de Jean-Lesage.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Bonjour M. Baril. Bon, j'ai très peu de temps, deux minutes. Selon vous, les femmes qui portent le voile, pourquoi le portent-elles?

M. Baril (Daniel) :Demandez-leur. Ce qu'on entend, c'est que c'est une consigne religieuse, et celles qui ont contesté la loi 21 devant les tribunaux, c'est ce qu'elles sont venues nous dire. Elles ont dit que le port de notre signe religieux fait partie de notre pratique religieuse. Elles l'ont défini comme une pratique religieuse. Alors, l'école n'est pas le lieu d'exercer sa pratique religieuse, pas plus qu'une prière. La tenue religieuse, ça fait partie de la pratique.

M. Zanetti : Si je peux préciser ma question peut-être? Les femmes qui portent le voile, par exemple, considérez-vous que ce sont des femmes libres?

M. Baril (Daniel) :Que ce sont?

M. Zanetti : Des femmes libres.

M. Baril (Daniel) :Je n'ai aucun moyen de vous répondre à ça, là. Elles obéissent à une consigne religieuse, que ce soit de leur propre volonté ou qu'elle soit imposée par d'autres, c'est la même chose, c'est la même chose.

M. Zanetti : C'est la même chose.

M. Baril (Daniel) :Mais oui. Moi... moi, si je... je pourrais porter un tee-shirt, J'ai déjà été enseignant et j'aurais... ça n'aurait pas été accepté que j'aie un tee-shirt avec que je suis athée et libérez de la religion ou un bandeau qui dit je suis athée. C'est exactement le même message qui est lancé par des tenues religieuses.

• (12 h 30) •

M. Zanetti : Tout signe religieux est prosélyte pour vous. Est-ce qu'un masque de procédure, c'est un signe religieux pour vous?

M. Baril (Daniel) :Vous avez dit un masque de procédure pour pour les employées qui...

M. Zanetti : Médicale, comme on en a porté dans la COVID.

M. Baril (Daniel) :Non, ce n'est pas un signe religieux, mais on sait que ça a été utilisé pour ça.

M. Zanetti : Donc, tout peut devenir un signe religieux s'il est utilisé pour ça.

M. Baril (Daniel) :Bien oui, c'est le motif. Ce n'est pas le tissu en soi, là, c'est le motif pour lequel on le porte, ce qui montre qu'il y a un message qui est véhiculé.

M. Zanetti : Donc, quelqu'un qui porte un masque de procédure, au fond, toutes les personnes, les élèves qui arrivent des masques de procédure, il va falloir qu'il y ait un billet du médecin, sinon on pourrait penser que c'est un signe religieux.

La Présidente (Mme Poulet) : C'est tout le temps que nous avons, je suis désolée. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre participation à la commission.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 31)


 
 

12 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 12 h 33)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on poursuit nos travaux. Je vous souhaite donc la bienvenue, aux membres du Centre consultatif de relations juives et israéliennes. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé, et puis nous procédons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, on vous écoute.

M. Harrouche (Yannis) : Donc, bonjour, Mme la Présidente, mesdames et messieurs les membres de la commission, M. le ministre. Nous vous remercions de nous permettre de vous présenter nos commentaires dans le cadre de la présente consultation sur le projet de loi n° 94.

Le CIJA est l'agence de représentation des institutions de la communauté juive québécoise, une communauté historique présente au Québec depuis presque 260 ans. Je suis directeur des relations gouvernementales, je m'appelle Yannis Harrouche, et je suis accompagné par ma collègue directrice à la recherche et aux politiques publiques, Mme Emmanuelle Amar.

Il est important de comprendre que, bien que notre mandat premier soit de représenter la communauté juive québécoise, nos réflexions, lorsque nous proposons des politiques publiques, nous voulons toujours nous assurer qu'elles bénéficient à la société québécoise dans son ensemble. Nous pensons qu'il est nécessaire et important de faire entendre notre voix sur les enjeux importants en lien avec l'éducation, en particulier étant donné ce qui a été dévoilé au courant des derniers mois concernant ce qui se passait dans de nombreuses écoles publiques.

Le futur de notre société réside en grande partie dans le bien-être de nos enfants. Ainsi, face à la problématique du non-respect des valeurs communes, de nos valeurs communes à tous les Québécois par certains, nous croyons qu'il était absolument nécessaire de légiférer. Nous avons donc accueilli avec grand intérêt le présent projet de loi et présentons, donc, ci-dessous nos recommandations dans le cadre du projet de loi n° 94.

Notre communauté partage avec ses concitoyens de partout au Québec un ensemble de valeurs qui caractérisent notre société : protection des droits et des libertés individuelles, égalité hommes-femmes, liberté de conscience et d'opinion et neutralité de l'État en matière religieuse.

Actuellement, les Québécois juifs font face à une montée de l'antisémitisme que nous n'avons pas vu depuis plusieurs générations. Cette montée a été accélérée depuis les attaques du 7 octobre par le Hamas en Israël et plusieurs, plusieurs actes antisémites ont eu lieu au Québec et un peu partout dans le monde occidental depuis ce moment-là. Mais, cependant, ce n'est pas que la communauté juive qui est attaquée, mais l'ensemble de la société québécoise, ses valeurs et son mode de vie.

Face à la haine, le système d'éducation publique est essentiel pour façonner l'avenir de notre société. Comme tous les Québécois, nous avons suivi avec intérêt et inquiétude les récentes enquêtes menées dans plusieurs écoles publiques, d'abord celle de Bedford et ensuite plusieurs autres, qui ont révélé que des acteurs externes, des enseignants, des membres du personnel ont abusé de leur autorité pour imposer des doctrines radicales aux élèves des écoles publiques du Québec. Ce projet de loi était donc nécessaire pour redonner confiance dans le système d'éducation publique à la population québécoise. Comme vous pourrez le constater, notre présentation et ses recommandations sont basées sur nos valeurs communes québécoises, mais également sur nos préoccupations communes.

Face à la haine, l'intolérance et la radicalisation, la polarisation et les pressions externes d'éléments... exercées sur les écoles publiques, il est urgent d'agir. Nous accueillons donc favorablement l'objectif véhiculé par le projet de loi n° 94, de renforcer, au sein du système d'éducation, les valeurs démocratiques, les valeurs québécoises, dont l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que la laïcité de l'État.

D'ailleurs, le nombre d'étudiants juifs fréquentant les écoles publiques primaires et secondaires rapportant des incidents d'intimidation ou d'ostracisation de la part d'étudiants ou même de professeurs...

M. Harrouche (Yannis) : ...raison de leur identité juive explose. Depuis le 7 octobre 2023, le CERJI a reçu énormément de plaintes et signalements de parents concernant des actes et incidents antisémites dans des écoles publiques. À titre de comparaison, nous avions reçu moins d'une dizaine de ce genre de plaintes ou signalements au cours des 15 années précédentes au 7 octobre, mais au-dessus d'une centaine dans les 18 derniers mois. L'importance de l'éducation afin de lutter contre non seulement l'antisémitisme, mais tout type de haine n'est plus à démontrer.

Pour terminer ma présentation, avant de passer la collègue à ma... la parole à ma collègue qui parlera plus spécifiquement de nos recommandations d'amendements, j'aimerais souligner ceci. Nous accueillons de manière très favorable la mesure qui exige que toutes les personnes, qu'il s'agisse d'employés ou d'élèves, aient le visage découvert dans les établissements d'enseignement. Les rapports ayant circulé récemment ont suscité des préoccupations légitimes quant à des situations observées dans certaines écoles, et nous croyons qu'il est important que la loi encadre clairement ce type de pratiques. Nous percevons cette exigence non pas comme une question de croyance ou une question religieuse, mais avant tout comme un principe lié à la sécurité et à l'identification dans l'espace public. Je vais maintenant passer la parole à ma collègue.

Mme Amar (Emmanuelle) : Merci. Alors, en termes de recommandations spécifiques, nous avons une première recommandation qui concerne l'article 3 du projet de loi, donc l'article 3 qui modifie l'article 18.1 de la Loi sur l'instruction publique, cet article, qui porte sur une obligation pour les élèves d'avoir un comportement empreint de civisme et de respect. Donc, nous pensons que c'est une bonne idée de se pencher sur cet article. On a vu des graves cas, comme mon collègue l'a souligné, de désinformations de croyances haineuses qui sont entrées dans les... concernant les élèves. Et donc, en plus d'avoir la modification qui est proposée dans le projet de loi qui est d'ajouter que les élèves doivent avoir un comportement qui est exempt de toute forme d'intimidation et de violence motivée notamment par le racisme, l'orientation sexuelle, identité sexuelle ou de genre, l'homophobie handicap ou une caractéristique physique, nous recommandons d'ajouter explicitement le concept de «exempt de toute forme de haine».

• (12 h 40) •

Ensuite, nous avons une seconde recommandation qui concerne l'article 13 du projet de loi, donc cet article, qui prévoit un renforcement des obligations et des attentes pour tous quant aux règles de conduite dans les écoles, en particulier l'alinéa 2 de l'article 13, qui prévoit que tout le monde de personnel de l'école doit collaborer à la mise en œuvre des règles de conduite. On note que cette obligation fait écho à une obligation similaire qui existe déjà dans la Loi sur l'instruction publique, qui est celle à l'article 75.3, mais qui, cette fois, est sur la mise en œuvre du plan de lutte contre l'intimidation et la violence, et que les membres du personnel ont une obligation de veiller à ce qu'aucun élève de l'école ne soit victime d'intimidation ou de violence. Et nous, on constate, comme mon collègue l'a dit, que, depuis le 7 octobre 2023, on voit une énorme hausse des cas d'intimidation et de violence verbale ou physique contre des étudiants membres de notre communauté. Et, trop souvent, les intervenants dans le milieu scolaire, donc que ce soient des professeurs ou autres intervenants, semblent réticents ou ne pas avoir les meilleurs outils pour traiter ces cas d'antisémitisme, comme ils traiteraient d'autres cas d'intimidation.

Or, nous, on dit : C'est justement ce qui est nécessaire. Il faut traiter ces cas comme on traiterait d'autres cas d'intimidation, parce que c'est ce dont il s'agit. Et donc, on recommande qu'il y ait des mesures qui soient apportées dans le projet de loi pour avoir une application stricte des mesures prévues au plan de lutte, dans les cas d'intimidation à caractère antisémite et haineux. Et ces cas doivent être traités, selon nous, avec le même sérieux que les autres... que les autres cas d'intimidation, de harcèlement ou de violence.

De plus, les articles 75.3 de la Loi sur l'instruction publique et l'article 76, qui est modifié par le projet de loi, prévoient donc ces obligations pour l'enseignant de mettre ceci en œuvre. On pense qu'il faudrait des mesures qui soient rajoutées pour avoir des garanties de sécurité à des enseignants qui voudraient dénoncer certaines situations et s'assurer qu'ils ne soient pas victimes d'intimidation ou de représailles...

Mme Amar (Emmanuelle) : ...comme on a pu entendre certains cas, dans les médias, qui étaient sortis, et qui empêcherait les enseignants de s'accomplir de leur tâche, dans le cas de cette obligation qui est à 75.3 et, maintenant, à 76, tel que modifié par le... par le projet de loi.

Et ensuite, finalement, nous avons une troisième recommandation, qui concerne l'article 40 du projet de loi. Donc, l'article 40 du projet de loi prévoit l'insertion d'un article 706 à la Loi sur l'instruction publique, et cet article 706, au deuxième alinéa, prévoirait qu'aucun accommodement ni aucune autre dérogation ou adaptation pour un motif religieux ne peut être accordé en ce qui a trait à l'application d'une série d'articles dont l'article 14 de la Loi sur l'instruction publique. Et nous avons des préoccupations concernant ce second alinéa, parce que l'article 14 concerne l'obligation de fréquentation scolaire, et, justement, on pense que de n'avoir aucun accommodement de... pour pouvoir s'absenter pour des motifs religieux, ce n'est pas réaliste.

Le principe de laïcité de l'État, ça ne signifie pas que les élèves ne peuvent pas pratiquer leur propre religion à la maison, et, pour certaines familles, il peut y avoir un besoin occasionnel de s'absenter... de s'absenter de l'école. Donc, nous recommandons une modification qui permettrait un accommodement de jours limités, nombre de jours limité pour qu'une famille ou l'élève puisse pratiquer sa propre religion à la maison, et donc, par exemple, sept jours, puis ça permettrait d'apporter un équilibre et de respecter la priorité de l'éducation avec le besoin d'inclusion et de respect de diversité religieuse, tout en garantissant que les absences restent limitées et exceptionnelles. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup de votre exposé. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.

M. Drainville : Oui. Merci beaucoup à vous deux de participer à nos travaux. Je dois dire, d'emblée, que je suis extrêmement préoccupé... même que le mot «préoccupé» est trop faible... je suis extrêmement inquiet par les manifestations de haine et d'antisémitisme que la communauté juive a subies ces derniers temps. Je suis même allé dans une école de la communauté qui avait fait l'objet de menaces explicites, dirions-nous. Donc, je tiens à le dire, c'est une montée de l'antisémitisme qui me... qui m'inquiète énormément, et je nous invite, comme société, à rester très, très, très vigilants face à ces... cette hausse des actes de haine envers notre communauté juive, qui, comme vous l'avez si bien dit dans votre mémoire, est ici présente au Québec depuis plus de 250 ans, donc c'est une communauté historique.

J'accueille avec beaucoup d'ouverture votre proposition d'ajouter le concept de haine dans la liste des comportements qui sont attendus des élèves. La liste des comportements... bien sûr, par exemple, ils doivent adopter une posture qui est exempte de toute forme d'intimidation, de violence, de racisme, etc. Et vous souhaitez ajouter «exempte de toute forme de haine», vous souhaitez que ce soit ajouté à l'énumération. Je dois vous dire que j'accueille cette proposition avec beaucoup d'ouverture, pour les raisons que vous avez données. Encore une fois, je souligne, auprès des gens des médias, que je ne viens pas d'annoncer une modification au projet de loi, mais je tiens quand même à signifier que j'ai bien noté cette proposition, un peu comme je l'ai fait pour la proposition du groupe précédent par rapport à la religion.

J'aimerais quand même vous entendre... On comprend pourquoi vous souhaitez que ce soit ajouté, mais j'ai le goût de vous dire : Quand on parle de comportements qui doivent être exempts de toute forme d'intimidation ou de violence, pourquoi croyez-vous que cela n'inclut pas des comportements haineux? Parce que certains diraient : C'est superfétatoire d'ajouter le mot «haine», là. La haine, c'est un comportement qui peut être considéré comme violent...

M. Drainville : ...très certainement intimidant. Pourquoi faut-il ajouter le mot «haine»?

M. Harrouche (Yannis) : Je vais commencer, puis je vais laisser ma collègue continuer. Bien, je veux juste... par rapport à ce que vous avez commencé dans votre intervention, je veux que ça soit dit et noté pour les besoins de la commission publique, je voulais vous remercier, M. le ministre, de un, d'avoir été présent aux côtés de notre communauté lorsqu'effectivement des écoles ont été la cible de coups de feu en novembre et décembre 2023. Ça avait pris, de mémoire, seulement quelques jours, puis vous étiez effectivement... vous aviez fait une place dans votre agenda pour venir nous visiter. Puis on a toujours eu une excellente collaboration de votre part et de votre cabinet. À chaque fois qu'il y avait des incidents qui étaient... qui étaient rapportés, vous avez toujours été un des premiers à être... à être présent dans la lutte contre l'antisémitisme, puis je voulais que ça soit noté et reconnu. Puis je vais laisser ma collègue répondre plus spécifiquement à votre question.

Mme Amar (Emmanuelle) : Merci. Et merci, M. le ministre, de la question. En fait, vu les cas qui nous ont été rapportés et qui font sérieusement froid dans le dos en termes d'attaques contre des élèves membres de notre communauté, comme vous avez... à l'article 3 du projet de loi, vous avez une liste, une énumération, les mots ont une importance, et ces règles de conduite vont être communiquées à tous les élèves, et la liste que vous rajoutez dans le projet de loi, en listant les formes qui sont inacceptables de harcèlement, d'intimidation... vous avez toute une énumération, avec laquelle nous sommes d'accord, mais, justement, on pense que c'est important pour que les élèves voient le mot «haine» aussi et puis puissent comprendre ensuite, avec des explications de l'école, qu'est-ce que c'est, la haine. Et c'est important que des cas qu'on a vus dans les écoles, qui sont clairement motivés par des pensées haineuses, soient mis noir sur blanc que c'est un comportement qui est inacceptable pour les élèves.

M. Drainville : O.K. Vous recommandez également... je vais citer le mémoire : «Nous recommandons vivement...» C'est la recommandation trois. «Nous recommandons vivement d'amender cette disposition du projet de loi afin de permettre un accommodement raisonnable qui pourrait se situer entre sept et 10 jours par année scolaire pour l'observance religieuse.» C'est... C'est, dites-vous, «une approche qui permet d'équilibrer la priorité de l'éducation avec le besoin d'inclusion et de respect de la diversité religieuse», etc. Comment est-ce que vous... Comment est-ce que ça pourrait être appliqué, ça? Comment est-ce que vous... S'il fallait mettre ça en œuvre, ça fonctionnerait comment?

• (12 h 50) •

Mme Amar (Emmanuelle) : Alors, justement, par manque de temps... mais merci de la question. Donc, dans le mémoire, on recommande que le gouvernement pourrait envisager d'inclure une obligation pour les parents de déclarer à l'école, dès le début de l'année scolaire, les jours d'absence envisagés, assurant ainsi une plus grande... une plus grande prévisibilité, ce qui permettrait justement aux enseignants de ne pas avoir de surprise. Puis ça garantirait le bon fonctionnement des services éducatifs et que... du respect de la dynamique de classe soit respecté.

M. Drainville : Oui. Vous comprenez que permettre une telle disposition, ça risquerait d'être mal interprété, dans le sens où certains pourraient dire : Ah! ils proposent la laïcité, mais ils se réservent... ils réservent des espaces au sein de l'année scolaire, à l'intérieur de l'année scolaire où la religion a primauté sur l'éducation ou encore où l'éducation doit céder le pas à la religion. Je pense que vous êtes conscients du fait que ça risque d'être interprété comme certains comme un accommodement déraisonnable.

Mme Amar (Emmanuelle) : Alors, en fait, ce qu'on dit c'est vraiment que le principe de laïcité de l'État, ça ne veut pas dire que les élèves ne peuvent pas pratiquer leur propre religion à la maison et que, justement, pour certaines familles...

Mme Amar (Emmanuelle) :...cette pratique, ça peut occasionner, de façon limitée, certaines absences de l'école. Et on propose, justement, que ça soit limité à un certain nombre... un certain nombre de jours, et que ce n'est pas du tout en contradiction avec les principes du projet de loi ni de la laïcité de l'État, et qu'au contraire ça permet de les respecter tout en permettant à ces familles et à ces élèves, dans des cas limités, de pouvoir occasionnellement s'absenter.

M. Harrouche (Yannis) :Si je peux rajouter, M. le ministre, très rapidement, je vous écoutais, tantôt vous aviez un échange avec le groupe précédent à nous puis il y avait une certaine proposition que la personne avait amenée, justement d'imposer, je pense, l'interdiction de signes religieux aussi chez les étudiants. Si ma mémoire est bonne, c'était ça, la... Et puis un des points que vous aviez amenés, c'était justement : Il y a une laïcité de l'État qui s'applique aux employés de l'État, mais les élèves ne sont pas des employés de l'État. Donc, c'est pour ça que vous... ce principe-là, nécessairement, n'a pas... ne s'étend pas jusqu'à eux. Après, c'est sûr que vous, comme législateurs, vous avez à trouver une solution qui permet de respecter ce qu'on considère comme étant des droits individuels et aussi de s'assurer que le système d'éducation, dans son ensemble, fonctionne correctement. Et c'est pour ça qu'on a mis sur papier cette proposition-là de permettre un nombre de jours limité en demandant, possiblement, aux parents de le dire aux enseignants au début ou un peu avant le début de l'année scolaire pour qu'ils soient... pour qu'il puisse y avoir une prévisibilité. Comme ça, on serait capable d'avoir en même temps un respect des croyances individuelles et d'avoir une bonne organisation de notre système scolaire.

M. Drainville : Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Poulet) : 30 secondes.

M. Drainville : Bien, il y avait la question des représailles, là. Je voulais juste savoir : Est-ce que vous craignez des représailles de l'employeur?

Mme Amar (Emmanuelle) :Oui. En fait, c'est plutôt des situations qui nous ont été rapportées où... parce que... voilà, on soutient des familles qui nous rapportent des cas. Parfois, dans notre communauté, comment dire, beaucoup d'enfants ont subi de l'intimidation à l'école depuis le 7 octobre, mais, parfois, il y a des enseignants où les enseignants sont... et d'autres membres du personnel sont avec les étudiants au plus près, sont avec vos élèves, et ils remarquent, eux aussi, des situations et remarquent beaucoup de choses, et peut-être qu'ils ont peur de...

La Présidente (Mme Poulet) : Merci. Je m'excuse de vous interrompre.

Mme Amar (Emmanuelle) :Oui.

La Présidente (Mme Poulet) : La réponse, elle est bonne, mais je dois maintenant, pour... bon, poursuivre les discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Harrouche. Bonjour, Mme Amar. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Tout comme le ministre, donc, voici... donc, je le salue, comme vous l'inscrivez dans votre mémoire, donc, la présence de la communauté depuis près de 260 ans. Et vous savez donc qu'on a tous condamné à l'Assemblée nationale, de mémoire, par le biais de motions sans préavis, la montée de l'antisémitisme. Donc, nous... Donc, merci, donc, de prendre le temps de le souligner à l'intérieur de votre mémoire. Étant donné que vous n'avez pas eu le temps de terminer votre réponse précédente, je vous donnerais le loisir de pouvoir répondre à la question du ministre.

Mme Amar (Emmanuelle) :Merci. Merci, c'est apprécié. Donc, oui... Alors, nous, on veut protéger les enseignants de pouvoir respecter l'obligation qui est dans le projet de loi et qui est dans la Loi sur l'instruction publique, donc de recommander qu'il y ait des protections, des garanties de sécurité qui soient ajoutées pour que des enseignants qui remarqueraient des situations de non-respect des règles de conduite ou du non-respect du plan de lutte puissent pouvoir dénoncer ces situations sans craindre d'être intimidés par d'autres collègues ou sans crainte... oui, ça peut être possible, sans crainte de leur administration, donc de prévoir tout type de scénarios pour s'assurer qu'ils puissent agir, comme leur obligation le prévoit, pour le bien-être des élèves.

Mme Cadet : D'accord. Donc... Donc, on est vraiment en lien avec votre seconde recommandation, là : s'assurer... Parce qu'en fait, donc, vous vous indiquiez que vous accueillez favorablement l'article 13 du projet de loi, mais que vous vouliez donner, donc, toute la latitude nécessaire pour que les enseignants puissent véritablement mettre en œuvre les règles de conduite et veiller à ce que chaque élève respecte... bon, ici, donc, l'obligation d'avoir le visage découvert, mais que chaque... donc, c'est surtout dans la question des règles de conduite, la mise en œuvre des règles de conduite, là, que les enseignants, donc, qu'ils aient cette latitude pour le faire. Vous dites, donc : Il faudrait qu'on ait les protections supplémentaires, pour qu'elles... qu'ils puissent agir en ce sens. Donc, c'est véritablement cette perspective?

Mme Amar (Emmanuelle) :Exactement, c'est exactement ça.

Mme Cadet : On y reviendra peut-être. Moi aussi... En fait, moi, j'avais...

Mme Cadet : ...en fait, moi, j'avais le... je voulais vous laisser le temps, donc, peut-être, d'élaborer sur votre troisième recommandation puisque vous n'aviez pas eu le temps de le faire lors de votre exposé, un peu plus tôt. Je sais qu'on a abordé le sujet avec... dans l'échange avec le ministre, mais ici, donc, bien, pour préciser, donc, vous le dites, donc, l'article 40 du projet de loi nous a dit qu'aucun accommodement ni aucune dérogation ou adaptation ne peut être accordé en ce qui a trait à l'application de différents articles. Et vous nous... et juste pour bien saisir, donc, vous, c'est uniquement en ce qui a trait à l'application de l'article 14, donc l'obligation de fréquentation scolaire, donc c'est le seul point, donc, qui, selon vous, donc, devrait soit être exclu du projet de loi ou modifié, là, vous amenez des modifications. Parce qu'en fait, là, vous, vous êtes en accord avec la proposition du projet de loi de ne pas permettre d'accommodement pour des motifs religieux au niveau des absences des enseignants, mais... ou du personnel, mais vous êtes tout simplement en désaccord avec la proposition que cette obligation-là s'applique aussi aux élèves, c'est bien... Je voulais vous donner le temps de faire cette distinction-là.

Mme Amar (Emmanuelle) : Oui. Alors, notre... c'est ça, notre recommandation. C'est vraiment spécifique à l'article 14, pour l'obligation de fréquentation scolaire. Et puis ce que cet article, 706, donc, crée avec le projet de loi, qui ne prévoit aucun accommodement... Donc, nous voilà, on a fait les recommandations, on a discuté. Pour ce qui est du membre du personnel, c'est un régime différent qui est prévu au projet de loi, avec certaines... de mémoire, certaines obligations de vérifier que ça ne nuit pas au bon fonctionnement de l'école et du déroulement scolaire pour que l'enseignant puisse s'absenter. Donc, pour nous, on voulait vraiment attirer l'attention de tous sur cet article 40, et donc la fréquentation scolaire, puisque ça affecte l'article 14 de la Loi sur l'instruction publique.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Est-ce que vous voyez... Parce qu'évidemment, donc, oui, l'article 14, donc, s'applique à la fréquentation scolaire des élèves, mais l'article 706, qui est créé par le projet de loi, donc, ratisse un peu plus large, hein, donc "accommodement ni aucune dérogation, adaptation accordée en ce qui a trait, donc... pour des motifs religieux, en ce qui a trait à l'application de ces différents articles. Est-ce que vous verriez d'autres types d'accommodements, au-delà, donc, des absences, là? Ça a été un peu la prémisse de ma question, là, mais je réalise en vous entendant qu'il pourrait y avoir d'autres exemples. Est-ce que vous aviez en tête?

Mme Amar (Emmanuelle) : Vraiment, nous, nos recommandations, c'était vraiment suite à... le fait que certaines familles et des enfants peuvent avoir à s'absenter de l'école de manière limitée, et c'était de pouvoir leur permettre cette pratique en famille.

• (13 heures) •

Mme Cadet : O.K., parfait, c'est très clair. Ensuite, vous recommandez vivement d'amender cette disposition pour permettre un accommodement raisonnable qui pourrait se situer entre sept à 10 jours par année scolaire, avec un préavis qu'ils pourraient donner en début d'année. En fait, pourquoi vous trouvez important d'inclure cet amendement-là dans la loi? Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas tout simplement, donc, par exemple, donc, enlever, donc, l'article 14 de l'article 56 introduit par l'article 40, tout simplement? Donc, pourquoi vous pensez qu'il faut absolument ajouter un amendement qui précise quelle serait la portée, là, de l'accommodement proposé?

Mme Amar (Emmanuelle) : Bien, voilà, nous, c'est ça, c'est vraiment parce qu'on pense qu'absolument, le principe de l'article 14, de fréquentation scolaire, c'est un principe important de notre système d'éducation, de nos choix de société, et que je pense qu'on est tous d'accord, dans notre contrat social, d'avoir cette obligation de fréquentation scolaire. Mais voilà, nous, c'est vraiment ces lignes d'"aucun accommodement" qui posent un enjeu. D'où notre recommandation d'avoir une certaine limitation.

Mme Cadet : D'accord. O.K. Je comprends mieux. Donc, en fait, l'objectif pour vous d'apporter, de nous présenter cet amendement-là, c'est, en fait, pour circonscrire à quoi les absences pourraient ressembler, non pas à l'inverse, pour donner une certaine latitude, là, mais vraiment pour s'assurer qu'elles ne soient pas plus nombreuses que celles que vous mettez de... au projet de loi. C'est l'objectif de l'amendement.

Mme Amar (Emmanuelle) : Absolument. C'est qu'on comprend absolument que l'école doit bien fonctionner, bien tourner, que c'est important que les élèves soient en classe, comme le prescrit l'article 14 de la Loi sur l'instruction publique, mais avec le besoin d'une certaine... une certaine latitude pour permettre, de manière limitée, certaines absences.

Mme Cadet : Parfait. Merci beaucoup pour les précisions. Dernière question de mon côté. Au niveau du premier... de la première recommandation, donc, je note aussi...


 
 

13 h (version non révisée)

Mme Cadet : ...que vous souhaiteriez ajouter le concept exempt de toute forme de haine. Donc, il y a une énumération qui se retrouve aux modifications de l'article 18.1 de cette loi, là, prévue par l'article 3 du projet de loi. J'aimerais, moi aussi, vous entendre, là, sur les distinctions que vous voyez entre ce que vous apportez comme concept additionnel et ce qui se retrouve déjà à l'alinéa 2° de l'article 3.

Mme Amar (Emmanuelle) : Merci de la question. Alors, l'alinéa liste une série, voilà, donc, par exemple, le racisme, l'homophobie, pas de discrimination sur handicap, mais, voilà, il n'y a pas le principe de haine. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, la haine, c'est un phénomène propre, c'est un phénomène insidieux, c'est un phénomène...

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre, on va poursuivre les discussions avec le député de Jean-Lesage pour une période de 2 min 37 s.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence. Je voudrais commencer par témoigner, là, toute l'empathie puis la solidarité par rapport à la montée de l'antisémitisme dont vous témoignez, puis on le voit aussi dans les médias depuis maintenant on peut dire quelques années, c'est dramatique. Bon, j'ai peu de temps. Je veux vous poser des questions sur le fond de l'affaire. J'ai l'impression que, bon, la laïcité, à la base, ça doit défendre la liberté de conscience. J'ai l'impression que le projet de loi, bon, c'est ce que le ministre dit qu'il veut faire. Cela dit, moi, ce que j'observe quand je lis le projet de loi, c'est une augmentation des limitations de la liberté de conscience. Quand je vois aussi, bien, la réception plutôt tiède par rapport à votre proposition sur les congés, là, on en jugera en étude détaillée, mais j'ai l'impression que votre proposition sur les congés, dans la conception restrictive de la laïcité qui est celle du gouvernement actuel, elle risque de ne pas passer. Mais moi, ce que je veux vous demander, c'est : N'avez-vous pas peur qu'en ce moment, avec ces limitations de la liberté de conscience qui sont présentes dans le projet de loi, on soit en train d'assister à une escalade des négations de la liberté de conscience au Québec qui pourraient affecter votre communauté de plus en plus, éventuellement, dans le futur? On a eu loi n° 21, loi n° 94, quelle sera la prochaine? Est-ce que, ça, c'est une inquiétude que vous avez?

M. Harrouche (Yannis) : On est toujours inquiets, en général, à travers le monde occidental, de la montée de l'antisémitisme. Puis je veux vous remercier pour les mots de solidarité du début de votre intervention, c'est très, très apprécié.

Il y a actuellement une montée de l'antisémitisme qui est partout en Occident, on la voit en France, on la voit en Belgique, aux États-Unis, en Ontario, au Québec. On aimerait que le Québec fasse exception, le Québec ne fait malheureusement pas exception. Les autres juridictions que je viens de nommer, certaines ont des lois en termes de laïcité, d'autres ont fait le choix de ne pas aller de ce côté-là, et on voit quand même une montée de l'antisémitisme. Donc, je... C'est sûr qu'à chaque fois qu'un projet de loi est présenté, on prend plusieurs heures et plusieurs jours pour le lire, passer au travers, s'assurer que, dans les détails, il n'y a pas des... soit des choses qui qui peuvent directement nous affecter, qui peuvent directement affecter notre communauté, ou alors des conséquences indues qui peuvent affecter des membres de notre communauté.

La Présidente (Mme Poulet) : Je m'excuse de vous interrompre, c'est tout le temps que nous avons. Alors, je vous remercie beaucoup de votre participation, de votre contribution à nos travaux.

Je suspends... La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 06)


 
 

14 h (version non révisée)

(Reprise à 14 h 03)

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, bonjour à tous! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.

Cet après-midi, nous entendrons les représentants des personnes et les organismes suivants : alors, mesdames El-Mabrouk et Girard, la Confédération des syndicats nationaux et Droits collectifs Québec.

Alors, je vous souhaite à tous la bienvenue. Le ministre désire remettre une partie de son temps pour que vous puissiez... pour votre exposé, alors vous allez bénéficier de 17 minutes. Alors, on vous écoute.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Oui. Alors, bonjour, tout le monde! Bonjour. Merci de... Merci de l'invitation. Merci, M. le ministre. Donc, je me présente, je suis Nadia El Mabrouk. Je suis professeure titulaire au département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'Université de Montréal. Je suis ici à titre de présidente du Rassemblement pour la laïcité, donc le RPL, qui est un regroupement d'organismes et d'individus oeuvrant à la promotion de la laïcité au Québec. Je suis accompagnée de François Dugré, professeur de philosophie retraité du cégep Saint-Hyacinthe, et de Marie-Claude Girard, retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne. Tous deux sont membres du conseil d'administration du Rassemblement pour la laïcité.

Alors, comme on vient de le dire, je vais présenter... moi, je vais présenter le mémoire du Rassemblement pour la laïcité. Ensuite, donc, comme convenu, je laisserai la parole à Mme Girard qui présentera quelques éléments de son mémoire.

M. Drainville : ...après 10 minutes, on va vous arrêter pour laisser les sept autres minutes à Mme Girard. Ça va?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Pas de problème.

M. Drainville : O.K.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Alors donc, nous voulons saluer le projet de loi n° 94, courageux, nécessaire pour renforcer la laïcité dans le réseau scolaire québécois. À l'heure où les tensions se multiplient à l'échelle mondiale sous l'influence des guerres, des tueries, où la haine est exacerbée entre les différents groupes, entre les musulmans et les juifs, mais pas seulement, il est important de s'assurer que l'école québécoise soit préservée de ces tensions communautaires et religieuses.

Les débordements religieux constatés à plusieurs reprises, notamment dans le cas de l'école Bedford, nécessitaient une réponse ferme et des actions concrètes de la part du ministre de l'Éducation. Ce projet de loi est une étape très importante en ce sens.

La plupart des modifications proposées à la Loi sur l'instruction publique rejoignent les recommandations du RPL, la première étant d'exiger du système scolaire public le plein respect de la Loi sur la laïcité de l'État. Cette lacune de la loi 21 explique probablement, au moins en partie, les manquements observés à la laïcité dans les écoles. Nous accueillons donc avec grande satisfaction le rajout de la laïcité de l'État et de ses principes dès le premier article de la Loi sur l'instruction publique.

Nous espérons cependant que cela sera accompagné d'actions concrètes pour affirmer et promouvoir la laïcité dans les écoles. En particulier, le thème de la laïcité fait défaut ou est abordé de façon très incomplète dans les manuels scolaires du cours Culture et citoyenneté québécoise. C'est d'ailleurs pour pallier ce manque que le RPL...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...elle a produit, avec l'aide financière de la Direction de la laïcité, des capsules vidéo sur la laïcité de l'État. Pour l'instant, sur le site l'École ouverte du ministère de l'Éducation, les vidéos du RPL constituent pratiquement le seul matériel pédagogique disponible sous le terme «laïcité».

Alors, nous accueillons avec grande satisfaction l'ensemble des mesures proposées pour mettre l'école à l'abri de toute pression religieuse, notamment l'interdiction de lieux de prière à l'école. En plus de l'entorse à la neutralité religieuse et à l'égalité entre les filles et les garçons, on a vu les filles faire leurs prières à l'arrière des garçons dans certaines écoles, la présence de lieux de prière dans les écoles vient renforcer le contrôle communautaire, permettant aux plus fanatiques ou aux plus influents de la communauté de surveiller qui fait sa prière, qui ne la fait pas. C'est une forme d'emprise communautariste qui brime la liberté de conscience des élèves et qui n'a pas sa place à l'école. Nous recommandons d'étendre cette interdiction de prière dans les cégeps, où je dois dire qu'on nous signale, au RPL, de nombreux cas de prières partout dans les cégeps.

Nous saluons également l'élargissement de l'interdiction de port de signes religieux à toute personne qui dispense des services aux élèves, incluant les éducatrices en service de garde. Toutes ces personnes représentent des figures d'autorité pour les élèves. Elles sont le relais de l'autorité parentale à l'école. C'est pourquoi il est important qu'elles respectent leur devoir de réserve en faits et en apparence.

Nous saluons également avec force l'interdiction du visage couvert pour toute personne, en tout temps, dans l'enceinte d'une école. Le port du voile intégral dans une école est un non-sens absolu. Cette pratique propre à un islam radical qui prône l'effacement complet des femmes n'a pas sa place dans l'enceinte d'une école. La loi 21 exige le visage découvert à tout membre de l'équipe-école, c'est la moindre des choses, mais l'absence d'interdiction pour les élèves est une porte grande ouverte aux islamistes radicaux qui entendent tester le système et marquer leur emprise sur l'école québécoise. Nous saluons la réponse ferme apportée par ce projet de loi et nous recommandons d'étendre l'interdiction de visage couvert à tout le réseau de l'éducation, incluant les cégeps et les garderies.

• (14 h 10) •

Il est important de souligner que, par ces mesures de neutralité religieuse strictes, le p.l. 94 vient clarifier le sens de la neutralité religieuse comme une mise à distance des convictions et pratiques religieuses dans le système scolaire. Cette clarification est nécessaire parce que la loi 21 est ambiguë à ce sujet. La notion de neutralité religieuse y est renvoyée à la loi sur les accommodements pour motif religieux. La neutralité religieuse, est-ce qu'elle consiste à accommoder toutes les religions au sein de l'État ou à n'en accommoder aucune? Eh bien, alors que le principe de séparation de l'État et des religions est compatible avec la deuxième formulation, l'obligation d'accommoder les croyances religieuses est compatible avec la première. C'est contradictoire. Il faut trancher, et cela ne peut se faire que dans le sens de la mise à distance des pratiques religieuses dans les institutions publiques. Un accommodement religieux ne peut qu'être en porte à faux avec la laïcité de l'État. Plutôt que de multiplier les balises, les ressources humaines et les fonds publics consacrés au traitement de chaque demande d'accommodement religieux, il faudrait interdire toute dérogation à un règlement pour motif religieux dans le système scolaire.

Je voudrais maintenant aborder un point différent, et je finirai avec ça. Nous voulons nous... exprimer, en fait, nos craintes par rapport à un climat de censure qui pourrait être amplifié par l'article 12 du projet de loi, qui exige que les centres de services scolaires édictent un code d'éthique, de déontologie, précisent les devoirs et les obligations, les normes, les valeurs auxquels devront se conformer les membres d'un conseil d'établissement. À défaut, le membre mis en cause, potentiellement par dénonciation anonyme, pourrait subir la réprimande, l'obligation de participer à une formation sur l'éthique, la déontologie, la suspension ou même la révocation. S'il va sans dire que le Rassemblement pour la laïcité appuie entièrement la volonté de contrer toute forme d'intimidation, de discrimination et de violence, il faut toutefois se montrer prudent...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...afin que de telles mesures ne favorisent pas par ailleurs un climat de suspicion, de censure et d'autocensure qui irait à l'encontre de l'intérêt du système éducatif et de la société en général.

Nous savons que l'un des principaux sujets de tensions, en particulier à l'école Bedford et d'autres, c'est le programme d'éducation à la sexualité. Or, pour des raisons différentes, et pas seulement d'ordre religieux, de nombreux parents à travers le Québec contestent des parties de ce programme et particulièrement celui en lien avec l'identité de genre en raison de la confusion des concepts de sexe et de genre. Ce volet soulève de réels enjeux liés à un vocabulaire militant, non scientifique et aussi lié aux droits des enfants à la protection et à une éducation de qualité.

Malheureusement, s'il y a un sujet tabou qui donne lieu à la censure, c'est bien celui de l'identité de genre. Nous avons donné deux exemples dans le mémoire, parce que ce n'était pas l'objectif, mais il y en a d'autres, mais on en a donné juste deux. Là, je vais rappeler un. Il concerne une enseignante expulsée d'une réunion du conseil d'administration de son école simplement pour avoir suggéré qu'un livre de la bibliothèque de l'école qui banalisait la transition de genre n'était peut-être pas approprié à l'âge des élèves. Or, les critiques sont légitimes, ne le relèvent aucunement, de l'intimidation, et doivent être entendues.

Le programme n'est pas parfait. Il est important de le faire évoluer, comme le programme Éthique et culture religieuse a évolué vers le cours CCQ, Culture et citoyenneté québécoise. Bien, pour ça, il faut préserver un espace de discussion, notamment à travers le conseil d'établissement.

Et, pour finir, il est également important de préserver le système scolaire de l'influence de groupes communautaires et d'acteurs externes, quelles que soient les motivations de ces groupes. Les enfants ont droit à une éducation de qualité assurée par des enseignants compétents, bien formés, n'étant guidés par aucune idéologie, qu'elle soit religieuse ou non.

La Présidente (Mme Poulet) : Parfait. Je vous remercie, Mme.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Merci!

La Présidente (Mme Poulet) : Alors, on transfère le... Mme Girard. La parole est maintenant à vous. On vous écoute.

Mme Girard (Marie-Claude) : Merci, Nadia, et merci aux membres de la commission pour cette invitation.

J'aimerais d'abord préciser que je partage tout à fait l'analyse et les recommandations que vient d'énoncer Mme El-Mabrouk. J'ai tenu à présenter un mémoire distinct intitulé Pour la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système scolaire québécois à titre personnel, soit à titre de retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne, puisque l'égalité entre les femmes et les hommes ne font... ne fait pas explicitement partie du mandat du Rassemblement pour la laïcité.

Mon mémoire compte neuf recommandations. Mais, pour ne pas trop empiéter sur le temps de parole que le ministre me laisse, je vais me contenter d'en présenter qu'une seule. Et merci au ministre.

Il est fort heureux que le projet de loi insiste sur l'égalité entre les femmes et les hommes, une des valeurs phares du Québec qui se doit d'être promue dans nos écoles pour assurer sa pérennité.

Des nuances sont cependant à apporter dans le choix du vocabulaire utilisé dans le projet de loi n° 94, qui utilise l'expression «identité sexuelle» plutôt que le mot «sexe», soit une caractéristique de la personne formellement reconnue dans la Charte des droits et libertés du Québec... de la personne du Québec.

Ainsi, j'aimerais rappeler que c'est sur la base du sexe que le droit à l'égalité des femmes a été reconnu ici et dans le monde. En effet, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 affirme le principe de non-discrimination et proclame que tous les êtres humains naissent égaux... libres et égaux en dignité et en droits, sans distinction aucune, notamment de sexe.

C'est aussi sur la base du sexe que s'appuie la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, soit la CEDEF, adoptée en 1979. La reconnaissance de la réalité binaire du sexe, la définition de ce qu'est une femme et l'affirmation de l'égalité entre les sexes sont nécessaires pour protéger la séparation hommes-femmes dans les vestiaires, les toilettes et dans le sport, soit des mesures essentielles pour assurer la sécurité des femmes et leur pleine participation en société. Cette reconnaissance n'exclut pas pour autant la présence de toilettes et de vestiaires neutres comme cela se fait actuellement dans les écoles, et merci pour ça au ministre Drainville, pour accommoder notamment les personnes vivant un mal-être avec leur sexe...

Mme Girard (Marie-Claude) : ...avec leur sexe biologique. Mais revenons au projet de loi n° 94. Celui-ci utilise l'expression «identité sexuelle» plutôt que de nommer le sexe, qui est à la base du droit des femmes à l'égalité. L'utilisation de cette expression est problématique en plus d'être juridiquement questionnable. C'est en effet la discrimination fondée sur le sexe et non l'identité sexuelle qui est interdite dans la charte québécoise, soit son article 10, afin de garantir à toute personne le droit d'être traitée en pleine égalité et d'exercer ses droits et libertés sans distinction, exclusion ou préférence. Chaque mot ayant son importance légale, il convient de respecter les termes de la charte, donc devoir inscrire «sexe» et non «identité sexuelle» dans les trois articles du projet de loi n° 94 qui le mentionnent et dans les notes explicatives.

De plus, en amalgamant l'expression «identité sexuelle ou de genre»», le projet de loi n° 94 ferme les yeux sur le fait que le sexe et le genre sont deux concepts... (Interruption) ...pardon, sont deux concepts distincts et reconnus comme tels dans la charte québécoise, puisque nommés séparément. Précisons que le genre n'a pas d'existence intrinsèque, il est basé sur un ressenti qui peut évoluer dans le temps. Selon le glossaire développé par le ministère de l'Éducation pour le programme Culture et citoyenneté québécoise, le genre, et je cite, est un processus social et historique de différenciation et de hiérarchisation des femmes et des hommes ainsi que du féminin et du masculin. Rappelons qu'une hiérarchie est un classement des fonctions selon un rapport de subordination. Il semble ainsi contradictoire d'associer l'égalité entre les femmes et les hommes à l'identité de genre.

Il faut bien sûr respecter et accueillir les personnes s'exprimant ou s'identifiant à un genre différent de leur sexe, mais il ne faut pas pour autant nier la réalité. Il est biologiquement impossible de changer de sexe. Notre sexe, une caractéristique immuable de la personne, s'inscrit dans chacune de nos cellules. La prise d'hormones ou des interventions chirurgicales sont possibles, mais ne change en rien notre sexe biologique.

• (14 h 20) •

En évacuant la réalité biologique du sexe, le projet de loi n° 94 invisibilise les femmes et participe, ce faisant, à l'effritement des mesures mises en place pour leur sécurité et leur participation en société. Il s'agit, selon moi, sans contredit d'un impair au projet de loi n° 94 devant absolument être corrigé, si l'on tient à assurer une véritable promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système scolaire québécois.

Enfin, mon mémoire recommande que le comité sur la qualité des services éducatifs, qui sera mis sur pied, soit tenu d'adopter une approche universaliste dans la mise en œuvre de sa mission pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, et souligne aussi que la liberté de conscience ne protège pas uniquement les convictions religieuses, mais aussi les convictions idéologiques, et il propose des actions concrètes pour renforcer la laïcité et l'égalité dans le réseau de l'éducation. Merci.

La Présidente (Mme Poulet) : Merci beaucoup, Mme Girard, Mme El-Mabrouk. M. Dugré, j'ai omis de vous présenter, de souligner votre présence tantôt, alors, toutes mes excuses. Alors, on va débuter la période d'échange. M. le ministre, vous... a pris sept minutes de son temps pour le transfert... pour vous le transférer. Alors, il vous reste 9 min 30 s, M. le ministre. La parole est à vous.

M. Drainville : Très bien. Merci beaucoup, je dirais, pour la lutte courageuse que vous menez depuis nombre d'années. J'imagine que vous avez dû recevoir parfois quelques commentaires désobligeants de diverses provenances, je parle par expérience, ça fait que... j'imagine que vous avez vécu des expériences un petit peu similaires, mais ça ne vous arrête pas, et je vous en félicite parce que vous êtes des personnes qui avez joué un rôle très important ces dernières années dans le cheminement du Québec vers la laïcité, donc, je... vous avez droit à toute notre reconnaissance. Je m'en voudrais de ne pas vous dire, vous confier que j'ai une petite pensée pour Mme Diane Guilbault en ce moment...

M. Drainville : ...n'est-ce pas, qu'on a connue et qui était une femme absolument remarquable, qui a, elle aussi, contribué à l'avancement de cette grande cause qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité de nos institutions.

Vous parlez... D'abord, je vais commencer par le propos de Mme El-Mabrouk. Vous faites référence au fait qu'il n'y a actuellement que les outils développés par le rassemblement qui sont sur le site École ouverte, il n'y a que vos instruments, que les instruments que vous avez développés aux fins de promouvoir et d'enseigner la laïcité qui se retrouvent sur le site École ouverte. Si je comprends bien, vous souhaiteriez qu'il y en ait davantage des moyens concrets de promouvoir et d'enseigner la laïcité auprès des élèves? Et, si c'est le cas, donnez-moi des exemples de ce qui pourrait être développé, à votre avis.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Oui. Bien, merci... en tout cas, merci beaucoup, et merci de parler de Diane Guilbault, c'est très... je vous... je vous en suis reconnaissante, parce que, moi aussi, elle me manque beaucoup.

Oui, en effet, c'est un constat. On constate qu'il y a très peu... bien, qu'il n'y a pas de matériel pédagogique pour expliquer ce qu'est la laïcité. Mme Girard, ici, a fait le tour de tous les manuels scolaires pour le cours CCQ, et il y a... le contenu en laïcité est très minime. De plus, je dois dire que, même si la laïcité fait partie maintenant des... bien, du cours CCQ, bon, la laïcité est...

M. Drainville : ...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Voilà. Mais il n'est obligatoire qu'en deuxième année du secondaire seulement. Et je dois vous dire qu'en tout cas, si on compare la présence, par exemple, de la laïcité avec la présence de l'éducation à la sexualité, je ne vous dis pas... c'est très, très disproportionné ou alors, même... en tout cas, bon. Alors, je me dis qu'il faudrait quand même, si on... Vous avez raison de dire que c'est très important comme principe, comme valeur éthique aussi. Enfin, c'est très important pour le vivre-ensemble, et puis donc ça prendrait un peu plus que quelques mots dans un manuel de deuxième année secondaire pour en parler. Donc, oui, on constate le très... qu'il y a très peu de moyens mis en place pour expliquer ce que c'est la laïcité, pour avoir des débats, même, sur la laïcité, mais on en parle très peu. Alors, voilà.

Mme Girard (Marie-Claude) : Si je peux rajouter... Mme El-Mabrouk a mentionné que j'avais fait l'analyse des... de la partie de l'enseignement de la laïcité au secondaire II et au secondaire III. Actuellement, dans les manuels scolaires qui sont approuvés par le ministère, la façon d'enseigner la laïcité est, à mon avis, défaillante, parce qu'on nomme les principes qui ne sont pas ceux qui sont dans la loi mais on en invente d'autres. Il manque de précision. Plusieurs des manuels ne parlent même pas d'un des principes fondamentaux de la Loi sur la laïcité de l'État est l'égalité entre les citoyens et citoyennes, et elle n'est pas mentionnée. Il y a d'autres principes qui y sont, mais qui ne sont pas reflétés. Alors, il y a une bonification à faire et dans les manuels scolaires, c'est le début, on comprend, c'est le début qui doit être revu, et par la complémentarité de d'autres matériels, pour appuyer cet enseignement de la laïcité.

Et je dois dire que, dans le programme qui avait été développé par le ministère, c'était bien écrit de faire de la promotion des principes de la laïcité. Mais dans les manuels, on ne parle pas de promotion, on souligne en gros traits... à gros traits que c'est contesté à la cour, que ça brime des droits, que c'est... Alors, on est loin de la promotion de la laïcité dans certains des manuels qui ont été approuvés par le ministère au niveau de la laïcité.

M. Drainville : C'est bien noté. Par ailleurs, Mme El-Mabrouk, vous parlez des risques de censure en lien avec les normes de conduite qui sont destinées aux membres de conseils d'administration des écoles. Bon, vous... vous savez pourquoi on a souhaité introduire ces dispositions, n'est-ce pas? Il y a eu des... des comportements, je dirais, néfastes de la part de membres de conseil d'administration en lien notamment avec les... certaines matières comme les sciences et... ou l'éducation sexuelle. L'éducation sexuelle en particulier, il y a eu clairement des... de l'ingérence, dirions- nous, de certains membres de conseils d'établissement dans les orientations de l'école...

M. Drainville : ...et donc on a voulu s'assurer que, quand tu sièges sur un conseil d'administration... un conseil d'établissement, dis-je, d'une école, tu dois adopter une posture qui doit respecter la nature laïque de l'école. Mais là vous exprimez des inquiétudes par rapport à la censure. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu, là, le risque que vous voyez, vous.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Peut-être laisser François.

M. Dugré (François) : Oui. Je peux enchaîner là-dessus. Il va sans dire que, pour le Rassemblement pour la laïcité et, j'ose croire, la très vaste majorité de nos citoyens, on ne peut pas accepter l'intimidation, encore moins la violence dans les écoles. Ça, c'est réglé. Ça, ça va. Donc, évidemment, on salue ça. Mais c'est... dans certains discours et certaines pratiques militantes, des fois, critiquer une théorie, c'est, pour eux, attaquer les personnes. Et là, rapidement, on passe de dire : Si on remet en question certains éléments de ce qu'on appelle l'identité de genre, voire la théorie du genre, c'est disputé, on attaque directement. On... Il y a même un discours haineux à l'égard de ces personnes-là. Même si on ne veut pas leur enlever des droits, si on pense à la question des sports féminins, ça pose certaines difficultés. Il faut pouvoir en débattre dans une démocratie.

Alors, c'est ce genre d'éléments là qui font qu'on peut s'interroger sur... On dit : Il pourrait y avoir un glissement, et là, ce qui est présenté comme un discours critique est vu comme de l'ordre de l'intimidation, voire de la violence. Et là, on pourrait renvoyer à quelques lettres ouvertes qu'on a pu faire dans les médias, où, de fait, on a interrogé certaines théories ou certains discours et... pour se faire insulter de toutes les façons et dire qu'on tenait des discours haineux à l'égard des personnes.

Donc, évidemment, nous sommes des chats échaudés, on voit venir éventuellement les coups. Et on voit que, s'il y a protestation de la part soit d'élèves ou de... même de professeurs à l'égard de certains enseignements dans l'éducation de la sexualité, bien, évidemment, toute critique de cela peut être vue comme une forme de fanatisme religieux. Et, ce qu'on essaie de dire, c'est que ça déborde, sur le plan idéologique, simplement de convictions religieuses et que ça peut venir interférer. Donc, encore une fois, c'est de prévenir le coup, que ne soit pas confondue la critique avec l'intimidation ou la violence, ce qui est souvent ce glissement de sens qui est malheureusement utilisé pour censurer. Et surtout, on l'a vu surtout dans le domaine universitaire, notamment, avec ce qui s'est passé avec Lieutenant-Duval, l'affaire Lieutenant-Duval à Ottawa, c'est que même dans le monde universitaire, il y a une autocensure. Alors, Yves Gingras et d'autres ont pu travailler sur le dossier pour essayer de donner de meilleures balises, la liberté académique, mais c'est un peu le pendant, ici, face à un projet de loi comme celui-ci.

• (14 h 30) •

Mme El-Mabrouk (Nadia) :C'est ça. Écoutez, je pense qu'on ne peut pas... on ne peut pas éviter de voir qu'on est dans une période de grande censure. Et, comme on dit, écoutez, là vous parlez d'éducation à la sexualité, personnellement, on n'est pas d'accord avec les raisons, les arguments avancés par les personnes qui ne veulent pas de ce cours pour des raisons religieuses. Nous, on est... on est pour ce cours-là, n'est-ce pas, mais on a des critiques. On a des choses à dire. Et puis, dans ce dossier de l'identité de genre... Vous savez, vous nous avez salués pour notre courage de parler de laïcité. Pour parler d'identité de genre, ça prend un double courage...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Mme El-Mabrouk. C'est malheureusement... Désolée, c'est malheureusement tout le temps qu'on a pour cet échange. Donc, je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme El-Mabrouk. Bonjour, Mme Girard et M. Dugré.

Je vais y aller avec les recommandations que je vois dans vos mémoires respectifs. En fait, d'abord, donc, Mme El-Mabrouk, et je pense également, donc, M. Dugré, donc, vous me direz si je me suis trompée, donc, de porteur de mémoire ici, là, mais, mais bref, au niveau de la deuxième recommandation, au niveau de retirer le mot «communautaire» dans l'article 1 du projet de loi n° 94, je pense que c'était vous, Mme El-Mabrouk, dans votre exposé, vous en faisiez part, j'avais quelques questions ici, parce que, dans le fond, moi, quand je lis, donc, l'article 1, je vois, donc, qu'on souhaite, donc, de «mobiliser l'ensemble de la communauté éducative autour de la réussite de l'élève», lui offrir un environnement, donc, propice à l'apprentissage et former des «citoyens responsables et pleinement engagés dans la vie démocratique, sociale, communautaire, économique et culturelle de l'État québécois». Donc, je lis... Donc, la vie communautaire de l'État québécois, moi, je l'interprète au sens de nos organismes communautaires, de l'action communautaire autonome, par exemple, donc, qui existe partout. Donc, le terme «organisme communautaire» est parfois défini dans certaines lois, par exemple la...


 
 

14 h 30 (version non révisée)

Mme Cadet : ...Loi sur la santé et services sociaux, qui définit ce qu'est un organisme communautaire, et quand on... et surtout quand on l'adjoint à l'État québécois, je suis un peu dubitative, là, du lien que vous pensez qui pourrait être fait par le libellé actuel de la loi.

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Oui, et puis, dans la Loi sur l'instruction publique, il y a plusieurs fois aussi, ce n'est pas juste dans cet article-là qu'on fait... qu'on fait référence au communautaire.

Écoutez, ce qu'on constate, c'est que cette référence au communautaire est souvent mal interprétée. Regardez les dérives qu'on a eues dans les... Bon, en tout cas, ça peut donner... Bien sûr, je sais, par exemple, le CLSC, c'est aussi connu comme un organisme communautaire, mais, enfin, on s'entend sur... Ce que je dis et ce qu'on dit ici, dans le... dans le... ici, là, c'est que, pour bien marquer un changement d'orientation... C'est certain que, là, on parle de laïcité, et donc le modèle de laïcité, eh bien, s'oppose au modèle du multiculturalisme canadien. On est en train d'intégrer de... d'ancrer un nouveau modèle de vivre-ensemble qui n'est pas basé sur la séparation des groupes identitaires, enfin sur la valorisation de la différence et des différentes... et des communautés différentes. Donc, disons que l'élément essentiel n'est pas la communauté, mais l'individu, le citoyen. Donc, on bascule vers un modèle d'association basé sur la citoyenneté, et on pense qu'il vaut mieux éviter... pour éviter les malentendus. Alors, on comprend bien ce que vous dites, bien sûr. D'ailleurs, à un moment donné, j'explique qu'on a... que, quand on parle, par exemple, d'organismes communautaires, je dis en particulier qu'il ne s'agit pas... on ne parle pas des organismes, par exemple, de santé publique, etc.

Donc, ce qu'on dit, c'est que, pour bien marquer un changement d'orientation par rapport au modèle du multiculturalisme canadien en faveur de la laïcité de l'État, il nous semble important d'éviter autant que possible le terme «communautaire» dans la Loi sur l'instruction publique, afin de ne pas prêter flanc à une interprétation communautariste et religieuse de ce terme. Voilà. Donc, écoutez, c'est une... c'est une recommandation de changement de vocabulaire, et on sait que le vocabulaire est important.

Mme Cadet : O.K., d'accord, je vous... je vous entends. Ce n'est certainement pas l'interprétation que j'en faisais ici, surtout que l'article nous parle aussi de l'ensemble de la communauté éducative aussi. Donc, je pense que c'est important qu'on puisse s'assurer qu'on puisse avoir une... qu'on puisse former les élèves à ce qu'ils deviennent des citoyens responsables, qu'ils soient impliqués dans leurs communautés au sens large, là, donc, qu'ils soient impliqués également socialement, donc, sur le plan du bénévolat. C'est... c'est comme ça que je l'interprète ici, mais j'entends ce que vous nous dites.

Ensuite, je ne sais pas, je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, M. Dugré?

M. Dugré (François) : Je voulais ajouter quelque chose.

Mme Cadet : Oui.

M. Dugré (François) : Si on fait un zoom arrière, on voit, par exemple, ce qu'on appelle désormais c'est consacré à la gestion de la diversité ou du pluralisme, notamment en Angleterre, c'est beaucoup par les représentants ou ceux qui veulent bien se présenter comme les représentants ou porte-parole de communautés religieuses que le terme «communautarisme» peut être utilisé dans l'espace public et certainement dans, nous appelons ça «les logiques multiculturalistes canadiennes». Donc, cette espèce de mise... C'est une mise en garde au fond qu'on fait pour que, justement, le sens de communauté, qui est parfaitement noble en lui-même, n'aille pas vers un sens communautariste. D'autant plus, là, on déborde, mais souvent la notion d'islamophobie, si on se ramène à l'étymologie, ce n'est pas la haine des musulmans, sauf à donner un tout nouveau sens puis que l'étymologie ne veuille plus rien dire. Donc, cette façon de... de masquer la différence entre les convictions religieuses versus un critère ethnique ou de race, il est largement utilisé par des groupes islamistes, et c'est là que le terme «communautariste» joue assez fortement.

Sans faire d'historique, on ne reviendra pas là-dessus, ce n'est pas le lieu. Mais dans toute l'affaire, par exemple, Salmane Rushdie, on voit très bien que le mode de gestion par communauté en Angleterre a donné lieu, a donné prise, justement, à une espèce d'exacerbation de la part de la communauté musulmane pour dire qu'on insulte toute notre communauté parce qu'il y a un roman qui joue avec certains éléments de la tradition évidemment musulmane.

Mme Cadet : Je vous entends.

M. Dugré (François) : Oui.

Mme Cadet : Je... j'exprimais simplement le fait que, dans notre corpus législatif actuel, que ce soit dans la loi sur l'instruction publique ou ailleurs, quand on retrouve le terme «communautaire», ce n'est pas le sens que vous nous amenez aujourd'hui, mais j'entends donc la recommandation que vous souhaitez apporter ici.

Mme Girard maintenant, donc dans votre mémoire, je vous dirais donc... qui se retrouve dans certaines recommandations, qui sommes un peu sortir du cadre du projet loi n° 94. Donc, j'aimerais peut-être vous... que vous...

Mme Cadet : ...que vous m'éclairiez, là, sur votre première recommandation. Donc, vous dites : Remplacer l'expression... bien, en fait, donc, l'identité de genre... l'identité sexuelle ou de genre, donc, par autre chose dans le quatrième paragraphe notes explicatives et à certains articles, et donc... Donc, vous avez... vous vous êtes longuement penché sur cette question-là. Donc, j'essaie, donc, de trouver comment... si les propos que vous nous avez avancés, selon vous, sont intimement liés au cadre du projet de loi n° 94 et ce qui nous amène ici, en commission, on le disait, c'est beaucoup le cas de Bedford et les rapports d'enquête. Donc, quel est le lien avec ce que vous nous apportez et ce pour quoi nous sommes en commission?

Mme Girard (Marie-Claude) : Le lien, pour moi, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes qui fait partie intégrante du projet de loi en 94. Pour y arriver, il faut... pour moi, c'est superimportant de respecter les termes, de reprendre les termes qu'on retrouve déjà dans la Charte québécoise des droits de la personne qui parlent de sexe et d'identité ou d'expression de genre. Inventer un nouveau terme qui est «identité sexuelle», qui n'a pas d'assise juridique ouvre la porte... c'est quoi une identité sexuelle? Est-ce qu'on a une identité sexuelle? Moi, je suis une femme, mais je ne peux pas dire que j'ai une identité sexuelle, alors ça amène ailleurs. Le droit des femmes à l'égalité, dont il est question dans le projet de loi est, selon ma... comme j'ai essayé de le démontrer, basé sur le sexe. Or, le sexe disparaît et est remplacé par l'identité sexuelle dans le projet de loi, d'où pour moi un glissement potentiel pour défendre le droit des femmes à l'égalité. Pour le droit des femmes à l'égalité, il faut reconnaître le sexe qui n'empêche pas d'être... de reconnaître aussi l'identité et l'expression de genre, mais ce sont deux concepts différents. Mais en effaçant le sexe, il y a potentiel de préjudice pour le droit des femmes à l'égalité qui est basé sur le sexe.

Mme Cadet : O.K., et là, donc, vous, donc, quel serait votre remplacement dans..

Mme Girard (Marie-Claude) : Bien, c'est-à-dire juste remplacer l'expression «identité sexuelle ou de genre» par l'expression «sexe, l'identité ou l'expression de genre,», c'est exactement comme ça que c'est écrit dans la charte. Alors, ça ne change pas... L'objectif, c'est que les mots ont leur importance dans un projet de loi. Alors, j'aimerais ça voir pas juste l'identité sexuelle, mais voir le mot «sexe», qui est à la base des droits des femmes à l'égalité. Alors... juste reprendre le vocabulaire qui est inscrit dans la charte.

• (14 h 40) •

Mme Cadet : O.K. Et vous dites aussi : Le terme «homophobie», contenue dans le paragraphe 4° des notes explicatives ainsi que dans les articles ci-haut mentionnés, donc 3, 13 et 42 du projet de loi n° 94, selon vous, est redondant.

C'est parce qu'on dit : on empêche les intimidations pour des questions d'homophobie et de l'orientation sexuelle. Encore là, dans la charte, on parle d'orientation sexuelle. Alors, s'il y a discrimination face à l'orientation sexuelle... j'ai marqué : nota, hein. C'est juste que, pour moi, l'homophobie, c'est la discrimination envers l'orientation sexuelle. Pour moi, c'était redondant de nommer les deux. Parce que, dans le fond, la charte empêche l'intimidation ou la discrimination face à l'orientation sexuelle. Alors, pourquoi respécifier l'homophobie si l'orientation sexuelle... si l'homophobie est déjà comprise dans l'expression «identité sexuelle de la charte»?

Mme Cadet : Dans l'expression «orientation sexuelle».

Mme Girard (Marie-Claude) : L'orientation sexuelle de la charte, oui. Donc, ce que j'essayais d'éviter, c'est de recréer d'autres termes et de se coller aux termes de la charte qui, elle, est la garante des droits des femmes à l'égalité, qui est... le droit des femmes à l'égalité est protégé à l'article 50.1 de la charte. Alors, pour faire en sorte à ce qu'il y ait une cohérence entre les deux, j'aimerais... et c'est ce que je recommande, c'est d'utiliser le vocabulaire de la charte, qu'on parle d'éviter des intimidations ou de...

Mme Cadet : Et donc, pour vous, ce serait lequel, donc, des deux vocabulaires qui aurait préséance?

Mme Girard (Marie-Claude) : De parler de sexe et identité de... ou l'expression de genre. Ça, ça fait partie de la charte, et puis, au lieu de parler d'homophobie et d'orientation sexuelle, de juste marquer «orientation sexuelle». Remarquez, ici, je n'ai pas fait une grande allée, j'ai marqué nota, parce que, pour moi, c'est redondant. Bon, mais si vous considérez qu'il faut le répéter, je veux bien, je n'ai pas... je n'ai rien contre, mais, pour moi, si on empêche la discrimination face à l'orientation sexuelle, on empêche l'intimidation contre l'homophobie. Mais ça, c'est... j'ai marqué nota. Alors, je gardais le vocabulaire qui est inscrit dans la charte...

La Présidente (Mme Dionne) : ...

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et, dans le même esprit, donc, seriez vous en faveur à ce que le libellé de l'article 3, paragraphe 2°, donc inclus... donc l'environnement doit être exempt de toute forme d'intimidation ou de violence, motivée notamment par la transphobie...

Mme Girard (Marie-Claude) : ...Il faudrait définir transphobie, hein? C'est quoi, la transphobie? Si je dis qu'une femme existe selon... le sexe détermine le sexe de la personne, une femme, c'est la femelle de l'espèce humaine, est-ce que je vais être accusée de transphobie? Je ne sais pas. Alors, c'est pour ça qu'il faudrait définir. C'est une réalité biologique. Si j'affirme la réalité biologique, est-ce... puis je reconnais le droit des personnes trans de s'exprimer et d'affirmer leur identité, mais est-ce que je vais être accusée de transphobie par ce que j'affirme? Comme c'est arrivé avec Mme Rowling, par exemple. Ou il y a une infirmière qui vient de... en Colombie-Britannique, qui vient de perdre son poste parce qu'elle a dit que le sexe existait, qui a été accusée de transphobie. Alors, pour moi, il manque une définition du mot transphobie.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup.

Mme Cadet : C'est terminé?

La Présidente (Mme Dionne) : C'est tout le temps que nous avons. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe de l'opposition.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous.

L'interdiction du voile pour une femme, c'est une forme de limitation d'une liberté. En même temps, je vous entends bien affirmer que vous défendez la liberté des femmes, la plus grande liberté possible. Comment est-ce que vous expliquez cette contradiction?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :Mais on ne voit pas de contradiction. C'est parce que c'est... comme on... comme pour limiter. On limite la liberté politique des femmes et des hommes, par exemple, dans les écoles. On leur dit de ne pas porter de macaron politique. On est... Pourtant, on n'a rien contre les hommes non plus, mais on... mais on limite la liberté des femmes et des hommes à ne pas porter de macaron politique quand ils enseignent. Alors, on limite la liberté d'expression, en effet, des enseignants, de ne pas manifester, de ne pas montrer un favoritisme pour une religion, parce que l'école laïque ne doit pas mettre de pression, ne doit pas montrer un favoritisme pour une religion ou une autre, que l'État doit être séparé, enfin, on doit séparer de la religion. Ça fait partie de... bien, du devoir de réserve de l'enseignant de ne pas montrer ses croyances religieuses, qui n'ont rien à voir avec son enseignement. Ça ne fait pas partie de ce qu'elle a à faire. Parce que vous me parlez du voile, donc c'est... on parle des femmes, enfin, on pourrait parler de la kippa ou du turban des hommes.

M. Dugré (François) : Peut-être ajouter, très rapidement, il n'y a aucun droit qui est absolu. Ça doit être... On doit gérer des conflits entre les différents droits. Et, dans le discours qui dit : On enlève une liberté à une femme ou quiconque qui voudrait porter un signe religieux dans le cadre de l'enseignement, bien, il serait bien qu'on parle des droits des étudiants, justement, à un enseignement laïque exempt de toute forme de pression. Et, par ailleurs, ces femmes-là peuvent porter le voile dans l'espace public, dans les parcs, en allant au théâtre, au cinéma. Donc, on ne peut pas dire : Ça y est, leur croyance religieuse est brimée. C'est l'expression d'une pratique, en portant un voile, qui est en jeu ici, pas la liberté de religion comme telle, qui est parfaitement maintenue. Alors, ça dépend de l'ordre de discours dans lequel on s'insère, tout simplement.

M. Zanetti : Et pourquoi dites-vous que les enfants ou les élèves qui voient une personne, une femme avec un voile, ils subissent une oppression?

Mme El-Mabrouk (Nadia) :C'est-à-dire que ça... qu'avoir un endroit, une école avec une saturation de signes religieux.... Parce que certains disent que c'est le cas. Quand on dit qu'on ne peut pas interdire le voile dans les... dans les services de garde parce qu'il y en a beaucoup, donc on vit une saturation de signes religieux. Eh bien, ça instaure un climat religieux. Et c'est certain qu'on est... que les enfants sont... évidemment, ils sont là-dedans, ils sont... ils prennent le message que ça leur transmet. C'est certain. Et donc ça fait qu'on a une école avec un climat religieux qui s'installe, alors que l'école ne devrait pas. Enfin, l'école laïque, c'est ça. C'est mettre la religion en dehors de l'espace de... Parce que l'enfant... en fait, c'est ça, l'école, c'est là où l'enfant, bien, apprend à être libre, apprend à réfléchir par lui-même, il apprend à être autonome et donc il a besoin... on a besoin de lui laisser l'espace qu'il faut. Peut-être qu'il vit une pression chez lui, mais justement, l'école, ça devrait être un sanctuaire où il peut...

Mme El-Mabrouk (Nadia) :...peut se permettre de se développer sans avoir la barrière communautaire religieuse qui lui est imposée. Et c'est certain que quand les...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, madame. Merci. C'est malheureusement tout le temps qu'on a pour ces échanges. Donc, Mme Girard, Mme El-Mabrouk et M. Dugré, merci beaucoup pour vos interventions. Pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos prochains invités. Merci.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

(Reprise à 14 h 51)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le plaisir d'accueillir comme prochains témoins la Confédération des syndicats nationaux, donc, M. Karim Lebnan, M. Julien Laflamme, Mme Katia Lefebvre et Mme Annie Charland. Donc, bienvenue à cette commission. Donc je vous rappelle, vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. On procédera par la suite à une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

Mme Lelièvre (Katia) : Merci beaucoup et merci de nous recevoir en commission parlementaire pour le projet de loi no 94. Je m'appelle Katia Lelièvre, je suis vice-présidente de la CSN. Je suis accompagnée aujourd'hui par Annie Charland, qui est présidente du secteur soutien scolaire de la Fédération des employés de services publics affiliée à la CSN, ainsi que de Julien Laflamme, conseiller politique à l'exécutif de la CSN, et Karim Lebnan, du service juridique de la CSN. La CSN représente 330 000 membres répartis dans près de 1600 syndicats dans tous les secteurs d'activité et sur l'ensemble du territoire québécois. La FESP, quant à elle, représente 69 000 membres dans près de 425 syndicats, dont 36 000 travailleuses et travailleurs dans le réseau scolaire, dans le soutien scolaire, plus précisément, entre autres, ce qui fait de la FESP l'organisation...

Mme Lelièvre (Katia) : ...qui représente la plus grande majorité du personnel de soutien au Québec. Nous aimerions d'abord mentionner que, considérant l'importance pour nos membres de ce projet de loi puis les conséquences qu'ils auront sur eux et elles, considérant qu'il n'y a pas de caractère urgent à le mettre en application, nous déplorons le peu de temps qui a été accordé aux organisations afin de préparer... de préparer notre consultation.

La CSN défend sans réserve le principe de laïcité de l'État. Cela dit, la description des faits et des témoignages révélés par le rapport de vérification de la direction des enquêtes du ministère de l'Éducation est loin de nous avoir convaincus que les principes de laïcité sont bafoués au sein du réseau de l'éducation. Plutôt que de cibler quelques cas de prosélytisme ou de rares cas de débordements comme ceux observés à l'école Bedford, le projet de loi n° 94 impose dans l'ensemble du réseau d'importantes limitations aux droits fondamentaux et au droit à l'égalité des travailleuses et travailleurs prévus à la charte.

Alors que la commission s'apprête à analyser le projet de loi, la CSN souhaite mettre en lumière le manque criant de main-d'œuvre qui existe déjà dans le réseau. Or, le présent projet de loi aura comme conséquence grave de nuire à l'attraction de la main-d'œuvre. Au final, ce qui est dans la balance, c'est la capacité du réseau de maintenir suffisamment de personnel pour assurer une qualité adéquate des services éducatifs. À l'heure actuelle, les ratios éducatrices enfants sont dépassés un peu partout. Si nous voulons assurer une mission éducative et maintenir un niveau d'encadrement nécessaire pour assurer la sécurité des enfants ainsi que celle du personnel, le ratio privilégié devrait être de 1/20, alors qu'à l'heure actuelle il est plus souvent de 1/25 ou même de 1/30 dans certaines régions et écoles du Québec. Le recrutement est très difficile. Nous sommes donc très inquiets de voir une tranche complète de la population, féminine de surcroît, et souvent surqualifiée, être exclue du processus de recrutement dans les centres de services et les commissions scolaires.

De plus, la clause des droits acquis est trop restrictive. Nous demandons donc au ministre, advenant l'adoption de ce projet de loi, d'élargir à tous postes dans le réseau scolaire ainsi qu'à toute personne actuellement en formation professionnelle ou technique dans les secteurs visés par le projet de loi, comme par exemple en éducation spécialisée ou en services de garde, d'élargir à la clause de droits acquis, ça permettrait à ces personnes de changer de fonction ou de centre de services scolaires selon leurs besoins personnels ou encore selon les besoins du réseau.

La CSN s'oppose à l'interdiction du port de signes religieux au personnel et à d'autres personnes œuvrant au sein d'établissements publics d'éducation. Si, au nom de la neutralité de l'État, il est possible de bâtir un argumentaire en faveur d'une interdiction de signes religieux pour des personnes représentant véritablement l'État dans ses pouvoirs coercitifs, il est difficile de comprendre en quoi le personnel de la cafétéria, les éducatrices en milieu scolaire, les professionnels, les contractuels venant animer le parascolaire, même en dehors des murs de l'école et les bénévoles d'une bibliothèque scolaire auraient besoin de ne démontrer aucune appartenance religieuse. Il ne faut pas confondre laïcité et antireligieux. L'école est un lieu d'enseignement, certes, mais aussi un lieu d'apprentissage et de socialisation. Si l'enseignement doit être laïque et respecter la Loi de l'instruction publique tout en laissant une liberté pédagogique, le milieu de vie qu'est l'école doit être ouvert et ressembler à la société. Par l'interdiction de signes religieux, on cache ou on nie l'existence de pans entiers de la population pour lesquels les signes religieux ne représentent pas seulement un attachement à la religion mais aussi à leur culture, leur origine ethnique ou nationale.

Depuis des décennies, la CSN lutte pour l'avancement des droits fondamentaux, au nombre desquels figure la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes. À ce chapitre, la contribution de la CSN est indéniable. Elle a mené des combats importants pour les femmes et demeurera aux côtés de toutes les femmes qui luttent pour leurs droits et pour leur émancipation des carcans que le patriarcat leur impose encore aujourd'hui. Notre position n'est donc pas de faire la promotion de religions et de leurs pratiques et surtout pas de celles qui nous apparaissent inégalitaires. Toutefois, nous rejetons également toute approche paternaliste à l'égard des femmes. Toute approche qui cherche à leur dire quoi penser ou à les stigmatiser. Ainsi, il nous apparaît crucial de ne pas instrumentaliser le droit des femmes afin d'orienter le débat. C'est donc dans une perspective féministe et dans l'optique de faire avancer le droit des femmes qu'il faut notamment analyser les enjeux de laïcité.

En ce qui a trait à la gestion des accommodements pour motifs religieux, le rapport d'enquête de la direction des évaluations a révélé des enjeux dont la portée est plutôt limitée, concernant, entre autres, les congés rémunérés, qui auraient sans doute pu être réglés par bien d'autres moyens que par une modification législative. Le projet de loi énonce à huit reprises un impératif de conduite exempte de considérations religieuses. Si, à la base, ces énoncés visaient vraisemblablement à combattre toute forme de prosélytisme religieux, son actuelle rédaction porte...

Mme Lelièvre (Katia) : ...atteinte à la liberté de religion, de conscience et d'opinion. La notion de conduite, exempte de considérations religieuses, est en effet beaucoup plus large que les conduites qui constitueraient des actes de prosélytisme. Rappelons que la liberté de conscience et la liberté de religion sont des piliers de la laïcité de l'État québécois. Le projet de loi réfère à plusieurs reprises aux valeurs québécoises. Cette notion est floue et elle ouvre malencontreusement la porte à l'arbitraire. Ce que les uns et les autres définissent comme des valeurs québécoises peut varier grandement en fonction d'idéologie ou de l'allégeance politique et peut évoluer avec le temps. En cette matière, les conceptions divergentes s'affrontent souvent durement. Qui définira au fil du temps quelles sont les valeurs québécoises? Quelles obligations légales découleront de ces dispositions? Afin de maintenir le système d'éducation à une distance saine du jeu politique, la CSN croit qu'il n'y a pas lieu de recourir à une telle formulation au sein du présent projet de loi.

Au niveau de l'obligation d'utiliser exclusivement le français, depuis longtemps, la CSN est fortement engagée dans la promotion et la défense de la langue française. Elle a d'ailleurs appuyé le présent gouvernement, notamment dans l'adoption de mesures visant à renforcer le droit de travailler en français. Cela dit, ce droit n'empêche personne de s'exprimer dans une autre langue en dehors de ses obligations qui découlent des droits linguistiques aux élèves ou des parents prévus par la Charte de la langue française. Pour la CSN, le contexte actuel ne justifie pas d'imposer en milieu scolaire francophone une obligation de ne parler exclusivement en français, incluant entre collègues lors des périodes de repos journalier. Nous préconisons plutôt la mise en œuvre de recommandations du commissaire qui touchent à l'école québécoise, à savoir faire de la découverte des contenus culturels québécois et francophones un objectif stratégique du système d'éducation et d'encourager des jumelages entre écoles de milieux différents qui seront axés sur la réalisation d'activités collaboratives et la découverte culturelle.

Au niveau de la clause dérogatoire. La CSN croit qu'elle est utilisée avec légèreté et outrance... et à outrance. Alors même que la validité de recours aux dispositions dérogatoires avec une telle étendue quantitativement et qualitativement n'est pas tranchée puisque la Cour suprême du Canada ne s'est pas encore prononcée là-dessus, le gouvernement réutilise ce moyen excessivement attentatoire tous azimuts. Comme le soulignait le juge Blanchard, dans une société soucieuse de respecter les droits fondamentaux qu'elle accorde à ses membres, l'utilisation de la clause dérogatoire doit se faire de façon parcimonieuse et circonspecte, et les parlementaires et le gouvernement devraient être d'ardents défenseurs des droits et libertés, particulièrement du droit à l'égalité et des droits fondamentaux. Ce projet de loi fait l'inverse.

• (15 heures) •

En conclusion, plusieurs raisons amènent la CSN à réclamer le rejet du projet de loi n° 94. La Confédération s'oppose à l'élargissement de l'interdiction des signes religieux dans le réseau public qui toucherait de manière importante le personnel de soutien. Il ne s'avère pas nécessaire pour la réalisation d'une laïcité ouverte et pluraliste et créera des problèmes importants d'attraction dans certains milieux scolaires, peut être même des bris de service, alors que le manque de personnel est déjà criant. En outre, il n'y a pas lieu de circonscrire davantage les demandes d'accommodements pour motif religieux au-delà de ce qui est prévu, les problèmes soulevés auraient pu être réglés sans autre modification législative.

En complément, nous soutenons que si le législateur décidait malgré tout de ne pas retirer le projet de loi, la protection des droits acquis concernant l'interdiction des signes religieux devrait être élargie pour maximiser la rétention du personnel dans le réseau public. Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup pour votre exposé. Donc, nous allons maintenant débuter cette période d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Drainville : Oui. Merci de votre participation à cette commission. Bon, on peut dire que vous faites... c'est une charge tous azimuts contre le projet de loi. Je pense que c'est assez bien résumé, votre posture.

Dans le... Alors, vous critiquez beaucoup de choses. Sur la question des accommodements, je vous cite un extrait du rapport sur les 17 écoles, là. «Un employé pratiquant une religion peut donc se voir accorder plus de congés rémunérés qu'un employé ne pratiquant aucune religion». Fin de citation. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, vous?

Mme Charland (Annie) : Écoutez, je ne sais pas la convention des enseignants, mais pour le personnel de soutien, il y a une entente qui est faite avec le centre de services scolaire et il est tellement balisé qu'il n'y a vraiment pas grand monde qui peut s'en servir, de ces journées de fêtes là. Alors, ce n'est pas... ce n'est pas ça qui peut vraiment faire la différence et ça ne donne pas de bris services du tout dans nos...


 
 

15 h (version non révisée)

Mme Charland (Annie) : ...dans tous nos secteurs, là, pour les fêtes religieuses.

M. Drainville : Donc, un employé qui pratique une religion ne devrait pas avoir droit à plus de congés rémunérés qu'un employé ne pratiquant aucune religion, exact?

Mme Charland (Annie) : Ce n'est pas ça que j'ai dit. Excusez, vas-y.

Mme Lelièvre (Katia) : Dans les...

M. Drainville : Bien là, la question est...

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, il y a des congés... Il y a toutes sortes de congés qui peuvent être pris dans nos conventions collectives. Il y a des congés pour raisons personnelles, il y a des congés sans solde, il y a toutes sortes de congés. Ce qui semble poser problème, c'est que le congé soit rémunéré. Et donc, pour nous, là, il y a des commissions scolaires qui n'accordent pas de congés rémunérés, qui demandent de piger dans les congés personnels. Et donc ça, selon nous, ça fait le travail, là, et il n'y a pas... on a juste à envoyer une consigne ministérielle disant : Bien, maintenant, ces congés-là seront pris dans les banques de congés déjà existantes des travailleuses et des travailleurs. Et ça ne prend pas un projet de loi pour régler cette partie-là.

M. Drainville : D'accord.

Mme Lelièvre (Katia) : Veux-tu y aller, Julien?

M. Laflamme (Julien) : Bien, j'ajouterais...

M. Drainville : Non, mais, je pense, la réponse est claire, comme je n'ai pas beaucoup de temps. Votre réponse était très claire. Sur l'obligation du visage à découvert, est-ce que vous êtes d'accord avec ça, vous, l'obligation du visage à découvert en tout temps pour le personnel et les élèves, écoles privées, écoles publiques?

Mme Lelièvre (Katia) : Mais, pour l'instant, c'est déjà ça pour le personnel. On doit avoir le visage découvert à l'école. Le personnel doit avoir le visage, que ce soit le personnel enseignant ou le personnel de soutien.

M. Drainville : Bien, pas pour les écoles privées non subventionnées, là, mais je n'ai pas le goût de m'ostiner avec vous là-dessus, là. Pour les élèves, l'obligation du visage à découvert pour les élèves, pour ou contre?

Mme Charland (Annie) : Écoutez, moi, je ne pense pas que ça soit à nous à décider pour les élèves. On est là pour représenter du personnel. Je crois que... un peu comme vous disiez tantôt, vous parlez pour les enseignants, pour les gens qui travaillent, tous les membres qui travaillent pour la fonction publique et non les élèves. Alors, moi, je ne vois pas pourquoi que, moi, ça serait moi qui déciderais pour un élève s'il a le droit d'avoir le visage découvert ou non.

Mais je comprends ce que vous voulez dire parce qu'on l'a eu dans votre rapport, qu'on a eu une place où ce qu'il n'y avait pas le visage découvert et où les gens se sentaient mal à l'aise de demander de voir le visage pour pouvoir identifier. Je comprends ce bout-là. C'est vrai que la personne peut être mal à l'aise. C'est quand même un sujet très délicat. Sauf que... est-ce qu'on a déjà pensé à donner de la formation à ces gens-là? Non. Pourquoi qu'on n'a pas des formations qui se donnent pour le soutien, le professionnel, les enseignants et même les cadres, comment interagir avec nos gens, comment fonctionner sans mettre de malaise, sans faire d'incident? C'est la formation qu'on pourrait travailler et ça aurait pu régler la problématique à la base.

M. Drainville : O.K. Mais vous dites : Nous, on incarne une position féministe. Le voile intégral, le niqab, la burqa, vous trouvez que c'est des symboles féministes, c'est des... c'est des tenues vestimentaires féministes?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, la question est...

M. Drainville : Mais elle est facile, madame.

Mme Lelièvre (Katia) : Je... Non, elle n'est pas...

M. Drainville : Le niqab...

Mme Lelièvre (Katia) : Ce n'est pas une question facile...

M. Drainville : Le niqab...

La Présidente (Mme Dionne) : ...des gens qui nous écoutent.

M. Drainville : Le niqab... Est-ce que le niqab, c'est... ou c'est anti-femmes?

Mme Lelièvre (Katia) : Mais est-ce que d'empêcher quelqu'un de faire quelque chose qu'il désire faire... est-ce que c'est de reconnaître son droit à l'autodétermination? C'est de présumer...

M. Drainville : Vous pensez qu'elles portent...Vous pensez qu'elles portent librement le niqab, vous?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, je n'en sais rien, moi. Je... Honnêtement... Honnêtement, il y a des gens qui se... qui décident d'aller vers ces religions-là. On ne peut pas présumer que l'ensemble des gens... Puis ce n'est pas... ce n'est pas, pour l'instant, couvert par votre projet de loi, à moins que je me trompe. Tout le monde doit avoir le visage découvert à l'école dans le personnel actuellement. Donc, c'est comme ça. Et, quand on veut recevoir un service, bien, on doit aussi... un parent qui viendrait chercher son enfant, qui aurait le visage couvert, doit se découvrir pour qu'on puisse s'assurer que c'est le bon parent qui vient chercher le bon enfant. C'est...

M. Drainville : ...la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Mme la députée de Hull, je vous cède la parole.

Mme Tremblay : Là, vous venez de dire qu'on doit s'assurer qu'un parent qui vient chercher son enfant doit être à visage découvert. Donc là, ce que vous venez de me dire, finalement, c'est que... que vous n'avez pas répondu clairement tantôt, c'est que les enfants devraient aussi, question d'identification puis de sécurité, avoir un visage découvert dans les écoles. Donc, on... ce qu'on vient faire, de dire que les enfants doivent être à visage découvert, bien, je pense que ça va exactement dans le sens que vous venez de dire, c'est dans... on n'est pas en contradiction. Ça fait que vous êtes en accord avec ça.

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, on est en accord que, pour la sécurité puis pour un besoin d'identification, oui, on doit se découvrir le visage. C'est difficile d'identifier quelqu'un qui n'a pas le visage découvert.

Mme Tremblay : Mais vous êtes d'accord avec moi que, dans une école, en tout temps, un enfant devrait avoir le visage découvert, donc, parce que je pense qu'en tout temps on doit assurer sa sécurité puis être en mesure de l'identifier.

Mme Lelièvre (Katia) : Mais c'est...

Mme Lelièvre (Katia) : ...en fait, la question, ici, aujourd'hui, ça vise le personnel. Donc, nous, on a fait notre mémoire sur le personnel. Maintenant, si vous voulez qu'on discute des élèves, bien, on pourra revenir ici et avoir une position sur lesquels on va s'être penchée sur les élèves.

Mme Tremblay : J'ai lu un communiqué de presse, là, que vous avez émis, là, et puis là vous dites que la situation va être dramatique dans la rentrée scolaire 2025 pour les parents». Vous entendez quoi par «la situation va être dramatique»?

Mme Charland (Annie) : C'est on est déjà en manque de personnel. Comme ma collègue l'expliquait tantôt, on a déjà des ratios genre... j'explique juste en service de garde parce que c'est dans tous les autres corps d'emploi également, mais surtout un service de garde où est-ce que le ratio est 1-20 et que déjà on n'est pas capable de le respecter. O.K.? Alors, si à l'accueil ou à la prochaine année scolaire, si je ne peux plus engager une personne qui a une identification religieuse, bien, je viens d'empêcher encore plus de gens de pouvoir s'en venir. Déjà qu'on est en manque de personnel, alors notre crainte est que les ratios vont tellement déborder, on va avoir des gens pour 30, 40, bien, là, on n'aura plus un service de garde éducatif, et notre but, c'est de donner un service de garde éducatif. On n'est pas on ne fait pas de la surveillance, là, ce n'est pas ça qui se fait. Un service de garde, c'est éducatif. Alors, si on n'a plus le ratio, mais là, on va se ramasser qu'on va refaire de la surveillance. Et je m'excuse, mais quand tu as 40 élèves, je m'excuse, personne n'a des yeux tout le tour de la tête. Alors comment est ce qu'on fait pour être bien sûr qu'il n'arrive rien à tous les élèves? C'est qu'il y a une question de sécurité, le ratio 1-20, on les voit bien, puis on est capable de faire des travaux avec eux. C'est ça, notre crainte, c'est d'empêcher des gens de pouvoir venir travailler avec nous. Déjà qu'on s'entend que nos conditions de travail font qu'on n'a pas tant de monde qui vient, et c'est pour ça qu'on est en pénurie de main-d'œuvre. Alors, si déjà...

Mme Tremblay : Je pense que j'ai bien compris, là. Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Dionne) : Il reste huit minutes, madame...

Mme Tremblay : Il me reste huit minutes. Oui, je comprends ce que... ce que vous dites, mais tu sais ce je veux dire qu'il y a quand même... Ça s'est passé par le passé quand on l'a... on a... on a fait ce volet-là avec les enseignants puis les enseignantes, puis ça... ça s'est bien passé, là, dans les écoles, là, je veux dire. Tu sais ce que je veux dire, on n'a pas... Je tenais quand même à le dire, j'étais dans le milieu à ce moment-là.

Et je vais revenir sur la langue parce que je trouve ça important. Vous dites que vous êtes des défenseurs de la langue française, puis en même temps un défenseur de la langue française, ça veut dire qu'on la protège, qu'on la parle dans nos écoles. Là, bon, il y a eu le rapport de Bedford, puis il y avait des enjeux. Moi, je ne comprends pas votre position, aller jusque là, là, quand on veut protéger le français pour protéger le français, ça va loin. Moi, je viens d'une région frontalière. Là, je viens de la région de l'Outaouais, là, où dans nos écoles, malheureusement, là, ça se passe de plus en plus à l'extérieur de la classe en anglais. Moi, je pense que c'est un message clair puis, si on veut lancer un message clair, mais c'est ce message-là qu'il faut lancer. C'est un message pour tout l'ensemble du Québec, sans nos écoles francophones, on protège notre français, on en fait une fierté, puis je pense que c'est pour ça qu'il faut aller dans cette direction-là, c'est pour protéger notre... notre langue française, puis moi, j'en suis très fière. Ce bout-là, je tenais à vous le... à vous le dire puis je ne comprends pas pourquoi on veut... Puis là, c'est sûr que ça part d'une autre chose, mais il faut le voir plus largement dans cette fierté-là puis dans cette importance-là de protéger la langue française puis qui semble vous tenir à cœur parce que vous l'avez dit. Mais moi, je vais vous dire pourquoi ça me tient à cœur, c'est pour la raison que je viens de vous vous énumérer, là.

• (15 h 10) •

Mme Lelièvre (Katia) : Mais en fait, la langue française, on l'a toujours défendue, on la défend encore, on est pour la francisation, on travaille à tenter de franciser. On a beaucoup de milieux où les gens ne parlent pas français, étant donné qu'il y a beaucoup de travailleurs, entre autres, étrangers temporaires au Québec, qui ne sont pas du tout francisés puis qui arrivent en entreprise en parlant une autre langue.

Ce qui a été vécu puis ce qu'on a vu dans le rapport qui a été fait sur les 17 écoles, c'est vécu partout au Québec. Ça n'est pas vécu que dans les écoles, là, on vit la même chose dans les milieux de soins. On vit la même chose dans plein de milieux de travail, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui entendent des gens parler une langue autre que le français entre eux et ça les met mal à l'aise. On parle d'un malaise, on ne parle pas d'un problème large. La langue française, elle est importante, mais si on passe la journée à parler une langue seconde ou des fois une langue tierce, à là, un moment donné, quand on se ramasse avec quelqu'un qui parle la même langue que nous pendant 10 minutes où est-ce qu'on peut enlever cette charge mentale là, puis on peut juste se reposer l'esprit, on pense que ça prend aussi de la sensibilisation auprès de la population, puis pas de dire à la population le français est pas important, mais juste on peut-tu faire preuve d'un peu d'empathie. On a beaucoup de gens qui arrivent chez nous, puis on le voit dans nos milieux de travail. On l'a vu, on a fait une formation, puis je suis venu ici dans dans la même salle, pour la commission parlementaire sur l'intégration du ministre Roberge et donc... le p.l. 74... 84, je pense, et donc je donnais ça en exemple qu'on a fait des formations. Nous, on a pris des travailleuses, des travailleurs du milieu de la santé qui disaient : Bien, j'ai des collègues...

Mme Lelièvre (Katia) : ...des collègues qui parlent le créole entre eux dans le corridor, puis ça me dérange, j'ai l'impression qu'ils rient de moi. Et on a fait des ateliers où est-ce qu'on a fait travailler les gens avec des consignes qui étaient dans une autre langue que la leur, juste pour qu'ils comprennent la charge mentale que ça provoque dans une journée. Ce n'est pas qu'on n'est pas pour la langue française. Au contraire, nous, on pense qu'il faut... c'est important de franciser les gens. Puis on pense qu'il faut offrir toutes les ressources pour que les gens aient envie de parler le français. Mais on est rendu à dire : Dans votre votre sphère privée, pendant votre heure de pause, vous ne pourrez pas parler votre langue, même avec un collègue, alors que, si vous allez dans le sud, des fois, vous vous rendez compte que la première personne que vous cherchez, c'est celle qui parle le... qui parle français, puis que vous vous entendez, avec un accent québécois. Pourquoi? Parce que, tout d'un coup, c'est beaucoup plus facile que de parler seulement l'anglais ou l'espagnol. C'est pareil dans nos milieux de travail.

M. Drainville : Vous trouvez qu'une plage à Varadero, c'est comparable à une école québécoise, Mme?

Mme Lelièvre (Katia) : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce que j'ai dit du tout. Je vous ai donné un exemple du... vous mettre dans une situation. Donc, quand vous êtes sur la plage, vous ne parlez pas avec votre... la personne qui est à côté de vous en espagnol si vous êtes francophones. Dans une école, j'en conviens, là, qu'on est dans une école puis qu'il faut qu'on parle le français, mais on est rendu dans les zones de pause et de repas, là, des gens. On n'est plus sur le temps rémunéré, on est rendus sur leur temps personnel.

Mme Charland (Annie) : Est-ce je peux rajouter?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, il vous reste 3 min 52 s.

Mme Charland (Annie) : Moi, je rajouterais...

La Présidente (Mme Dionne) : Oui, allez-y, Mme.

Mme Charland (Annie) : Déjà que, oui, comme elle explique, c'est une très, très grande charge mentale. Mais, si on veut que, pour eux, ça devienne... que ça coule de source parler français, il va falloir leur donner les outils. On en revient encore à la formation. Et ce n'est sûrement pas en enlevant des cours de francisation qu'on va pouvoir les aider à développer leur français. C'est un peu ça, là. Il faut les aider aussi à pouvoir se... à devenir... à parler toujours en français puis que ça soit fluide. C'est un peu ça qu'on veut dire, là.

La Présidente (Mme Dionne) : D'autres interventions? Oui...

Mme Tremblay : Oui, puis j'aimerais ça les entendre sur d'autres volets du projet de loi. Donc, dans le projet de loi, un autre autre volet qu'on amène puis qui n'a pas été traité, c'est l'évaluation du personnel. Donc, nous, on trouve que c'est important, évidemment, puisqu'on l'amène, puis on aimerait ça vous entendre sur ce volet-là, qui se fait déjà dans le système scolaire. Soit dit en passant, là, ce n'est pas quelque chose de nouveau, mais on vient peut-être plus l'ancrer de façon plus formelle. Alors, j'aimerais ça vous entendre.

M. Laflamme (Julien) : Bien, la principale difficulté qu'on voyait, c'est l'obligation annuelle. Notre estimation, c'est qu'on ne pense pas, que les directions d'école actuelles vont avoir les capacités de réviser sérieusement l'ensemble de ce qui leur sont soumis annuellement. Donc, c'est surtout cet aspect-là qui posait problème.

Mme Tremblay : Donc, vous n'êtes pas nécessairement contre une évaluation, mais ce que je comprends, c'est plus dans la mécanique qu'on est ici, là, dans la... une question de temps et de capacité.

Mme Lelièvre (Katia) : Mais on doute de la faisabilité, de la faisabilité, tant pour les professeurs que pour les directions d'école. Mais on n'a pas... Nous, on ne représente pas les enseignants au niveau primaire et secondaire dans le réseau public, donc on n'a pas couvert... on s'est concentré sur les aspects qui avaient un impact direct sur nos membres.

Mme Tremblay : O.K., vous êtes plus au niveau...

Mme Lelièvre (Katia) : Du soutien.

Mme Tremblay : ...du personnel de soutien, effectivement, là, au niveau du scolaire. Au niveau du personnel de soutien, moi, je... ils sont venus, il y a certains... il y en a certain qui sont venus nous rencontrer puis qui trouvaient ça nécessaire d'aller là, des gens, là, du personnel de soutien, là, qui sont passés au bureau, là, puis qui disaient que c'était plus que nécessaire, cette neutralité-là, de l'amener dans le réseau, qu'ils n'étaient pas contre du tout, du tout ce qu'on disait quand ils sont venus nous rencontrer. Ce n'était pas du monde du volet syndical, évidemment, là, c'étaient des gens sur le terrain qui disaient que ça devenait de plus en plus important. Puis on va garder, là, ceux qui sont déjà en emploi, là. Moi, j'aimerais ça vous entendre, voir c'est quoi qui est positif là-dedans, là. Moi, je suis... il y a... Parce que je vois que vous rejetez ça du revers de la main, là, vous dites : Bien, bon, oui, ça prend la laïcité, mais on ne la veut pas finalement, tu sais. Donc...

Mme Charland (Annie) : Bien, moi, je vous dirais où... oups, excusez, où est-ce que... Moi, je suis une technicienne en une éducation spécialisée dans la vie, O.K.? Moi, je trouve qu'une de mes plus grandes tâches dans la vie, c'est d'enseigner aux élèves que j'ai que la diversité est importante, que je dis toujours à mes élèves : Que tu sois blanc, que tu sois de n'importe quelle couleur, que tu t'habilles n'importe comment, que tu aies des lunettes, tu n'aies pas de lunette, les cheveux longs ou les cheveux courts, que tu sois handicapé...

Mme Charland (Annie) : ...roulante, ça ne change rien. On est tous des personnes à part entière. Et c'est la force de notre population. C'est de travailler tous ensemble. Parce que tout le monde a ses forces, tout le monde a ses faiblesses et, quand on les met tous ensemble, c'est là qu'on devient avec une population avec des belles valeurs et des belles forces. Alors, c'est ça qu'on veut défendre, nous, le fait qu'on dit : Si on le dit à mes élèves, mais là, je me revire de bord, je dis : Ah! oui, oui, on les accepte tous sauf ceux qui ne rentrent pas dans la boîte...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci, Mme Charland. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Donc, je cède la parole à l'opposition officielle. Allez-y, Mme la députée.

Mme Cadet : Merci, merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Charland, Mme Lelièvre, M. Laflamme et Maître Lebnan. Et d'ailleurs, merci beaucoup pour cette conclusion, cette belle conclusion à vos propos lors de votre échange avec le gouvernement. Merci aussi pour votre mémoire bien étoffé. Donc, je vais y aller avec les éléments, donc, les sous-titres, là, les en-têtes, à, qu'on retrouve à votre mémoire.

D'abord, sur l'interdiction du port des signes religieux, donc, vous nous dites que vous vous opposez, donc, à l'interdiction du port des signes religieux au personnel de soutien et à d'autres personnes œuvrant au sein des établissements publics d'éducation, notamment en raison de votre vision ouverte de la laïcité et en raison des considérations importantes relatives au manque de main-d'œuvre en milieu scolaire et ses effets sur la qualité des services éducatifs offerts. On le sait, donc, vous l'avez mentionné vous-mêmes, donc, il y a une grande pénurie de main-d'oeuvre dans le réseau scolaire. On le sait que de nombreux... de nombreux membres du personnel quittent un grand nombre le réseau. On le condamne depuis plusieurs années. On se... Le ministre, dans d'autres périodes de questions, on a eu l'occasion de l'entendre dire, donc, qu'il s'affairait à s'assurer qu'on puisse avoir une plus grande rétention du personnel et qu'on puisse les attirer aussi pour la suite. Vous, qu'est-ce que cette interdiction-là signifierait pour le réseau de l'éducation, selon vous?

Mme Charland (Annie) : Bien oui, je vais y aller. Un peu comme on disait tantôt, si c'est... On va... On va se ramasser avec du monde tellement avec des gros ratios que ce sera impossible à gérer. Et puis je trouve que là-dedans, les plus grands perdants, ça va être les enfants. Parce que, si les ratios sont énormes, les enfants n'ont plus la même qualité de service qu'ils devraient avoir. Alors, ça, ce côté-là, c'est sûr que ça vient nous chercher. Parce que, que la personne, elle soit bien... de la façon qu'elle est habillée, son signe religieux, c'est à elle, ça lui appartient, c'est ses valeurs. Et puis l'enfant, lui, tout ce qu'il veut, c'est d'avoir une personne qui va l'écouter puis qui va travailler avec lui. C'est tout ce que l'enfant demande. Alors, c'est pour ça, là, où est-ce qu'on trouve que ça devient dangereux.

• (15 h 20) •

Mme Cadet : Mme Lelièvre, vous vouliez ajouter?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien non. Bien, en fait, pour nous, la laïcité, c'est... On ne pense pas que... Tu sais, on l'a dit dans notre mémoire, là, quelqu'un qui sert un macaroni au fromage dans la cafétéria, qu'il ait un hidjab ou... on ne pense pas que ça a un impact sur l'enfant. Il y a... Son rôle n'est pas coercitif. Donc...

Mme Cadet : Ce n'était pas une personne en situation d'autorité, là, qui était le cadre, là, qu'on utilisait précédemment, là.

Mme Lelièvre (Katia) : Oui. C'est ça. Donc, l'autorité... il y a différents niveaux d'autorité, tu sais. Si un enfant d'un... un autre... je croise un autre enfant, ça se peut que temporairement, pendant 10 minutes, j'aie un lien d'autorité sur cet enfant-là, que je ne connais à peu près pas, parce que je suis dans... je passe dans la cour d'école ou quelque chose. Donc, le lien d'autorité, il n'est pas coercitif au niveau du personnel de soutien, une grande partie du personnel de soutien, qui est... Un concierge, par exemple, va... va-t-il avoir un lien d'autorité avec un enfant? Puis quelqu'un dans la bibliothèque de l'école, va-t-il avoir un lien d'autorité? Donc, c'est un peu... On trouve que c'est large puis que ça va... ça va nuire gravement. Vous savez, ils ont déjà fermé une classe complète, là, cette année, de techniciennes en service de garde. Bon. C'est à la petite enfance, là, mais on voit que c'est des... c'est des catégories d'emplois qui n'attirent plus.

Puis tantôt, le gouvernement disait : On n'a pas vu ces problèmes-là en éducation. Mais on ne le sait pas parce qu'actuellement il y a beaucoup de pénuries de main-d'oeuvre dans les professeurs, qui, peut-être, trouveraient preneurs avec des gens qui ont été écartés du milieu de l'éducation actuellement. Donc, on n'est pas capables de répondre à cette question-là. C'est une question dont on n'aura jamais la réponse, quel a été l'impact sur les professeurs. On le sait... On ne le sait pas vraiment parce qu'ils ne sont plus là, ceux qui auraient pu arriver dans le réseau ne rentreront jamais. Donc, on ne saura pas, à cause de la clause de droits acquis. Mais, nous, ce qu'on pense, c'est que cette clause-là doit être aussi élargie. Quelqu'un qui souhaite améliorer son sort, par exemple une éducatrice en service de garde qui voudrait compléter ses études puis devenir technicienne en éducation spécialisée, comme ma collègue ici, bien, ne serait plus couverte par les droits acquis. Donc, on aurait quelqu'un qui aurait été améliorer son sort, qui aurait des compétences supplémentaires à donner à l'école, mais qui ne pourra venir travailler à l'école, parce que là...

Mme Lelièvre (Katia) : ...d'un coup, elle va avoir changé de poste.

Mme Cadet : J'aimerais vous entendre là-dessus, justement, parce que, bon, donc, au début de votre mémoire, donc, vous vous penchez, donc, sur votre opposition à l'interdiction du port des signes religieux, mais, à la fin, dans vos recommandations, vous dites... vous évoquez ce que vous venez de mentionner, donc, soit que les droits acquis, que la clause grand-père, là, soit rattachée à la personne, et non au poste qu'elle occupe. Parce qu'effectivement, ce qu'on retrouve, en ce moment, dans les dispositions du projet de loi n° 94, c'est que la personne donc, devra continuer, là, éternellement, là, de faire, donc, les tâches, donc, qu'elle occupe. Elle pourrait avoir quelques tâches additionnelles, mais c'est marginal.

Donc, la personne devra demeurer, donc, dans le même poste. Vous, vous vous opposez à ça et vous nous dites : «Ces mêmes principes doivent aussi s'appliquer aux étudiantes et aux étudiants ayant débuté une formation technique ou professionnelle dans un secteur d'emploi visé par le projet de loi.» J'imagine que c'est parce que les projets de vie sont déjà entamés par les jeunes, et on parle du recrutement du réseau, donc de s'assurer que ceux qui sont déjà dans les programmes, en ce moment, et qui souhaitent intégrer le milieu, donc, pour vous, devraient être couverts par la clause grand-père. C'est bien ça?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, tout à fait. Au-delà de l'idéologie, là, de l'idéologie puis de la laïcité, nous, on a une réelle préoccupation terrain, à se dire : Bien, qu'est-ce... Tu sais, qu'est-ce qu'on fait si on n'a plus personne pour s'occuper de nos enfants? Ou, si les classes débordent trop, puis qu'on fait juste les envoyer jouer au ballon dans la cour, est-ce que c'est ça qu'on veut? Ça fait que c'est un peu ça, notre inquiétude, c'est de se dire : on a peur que ce soit difficile, l'attraction de la main-d'œuvre, puis qu'on se ramasse tranquillement... Parce que les gens vont prendre leur retraite aussi, hein? Les gens, ils ne demeurent pas à vie. Alors, quand on va avoir des gens qui vont quitter, ça va nous prendre de la relève pour venir aider dans les services de garde, dans les classes, comme être dans la classe, dans les cafétérias, dans les librairies scolaires, les bibliothèques scolaires. Donc, c'est un peu ça. Nous, on n'est pas nécessairement que... on est dans le pratico-pratique aussi.

Mme Cadet : Est-ce que vous pensez que le libellé actuel de la clause grand-père... puis je sais que ce n'est pas quelque chose qui peut être chiffré, là, mais est-ce que... si vous anticipez le risque que certaines personnes quittent aussi le réseau? Donc, une personne... Puis vous donnez l'exemple d'une éducatrice... en service de garde qui voudrait devenir éducatrice spécialisée, qui se dit : Bien, moi, je vais... je vais quitter le réseau parce que je ne veux plus occuper ce poste-là, parce que la façon dont la clause grand-père, elle est rédigée, ne me permet pas d'avancer. Est-ce que ce sont des éléments sur lesquels vous vous êtes penchés?

Mme Charland (Annie) : Bien, absolument, absolument, parce que c'est sûr que... Déjà, on s'entend, là, nos gens... Ce n'est pas facile, là, présentement, dans nos écoles, là, on... Je pense que M. le ministre est... va être d'accord avec moi quand on dit qu'on a beaucoup de violence là, dans nos écoles, là. On est... on a fait une semaine de prévention sur la violence. Alors, déjà... on a déjà des gens qui partent par la porte... Moi, je n'ai jamais vu autant de gens partir par la grande porte, puis je ne parle pas juste de nouveaux, là, je parle de personnes qui ont beaucoup d'ancienneté.

Alors, c'est sûr que, plus qu'on met de barrières, plus qu'on met de choses... bien oui, on a... bien oui, on a peur, là, c'est... On les voit aller, là. Il y a la Santé, là, c'est... on a des mêmes corps d'emploi, là. Ça fait que, si, eux autres, ils n'ont pas la barrière, bien, ils vont à la Santé, tu sais, ou ils vont aller dans... n'importe où, en DPJ. On a des corps d'emploi qui se retrouvent partout, là, le personnel de soutien.

Mme Cadet : Qui se ressemblent, oui.

Mme Charland (Annie) : Ça fait que...

Mme Cadet : Donc, non seulement, donc, le plus grand risque, sur le plan pratico-pratique, c'est ce que vous évoquez.

Mme Charland (Annie) : C'est vraiment là.

Mme Cadet : Donc, c'est non seulement, donc, une question, donc, de recrutement de nouveaux travailleurs, et surtout, de nouvelles travailleuses, mais aussi, donc, des risques de départs également, donc un risque, donc, d'attrition du personnel, considérant qu'il y a déjà énormément de départs dans le réseau, pour tous motifs confondus. O.K.

Mme Charland (Annie) : Oui, puis de nouvelles employées, vous le dites, parce qu'on s'entend qu'on est majoritairement féminin. On doit être à 80 % féminin dans le personnel de soutien. Alors, c'est toujours les femmes qui sont... qui sont touchées.

Mme Cadet : Oui, tout à fait. Au niveau de l'interdiction des accommodements, un peu plus tôt, donc, vous, dans votre échange avec la partie gouvernementale, donc, ce qu'on a compris, c'est que, pour vous, donc, évidemment, donc, cette équité entre employés, donc, est absolument importante, donc, le consensus, mais qu'il y a déjà donc, le concept, là, de la banque des congés personnels. Donc, vous, donc, ce qui est... ce qui est ajouté au projet de loi vous semblerait superflu, parce que c'est... il y a déjà possibilité, pour les centres de services scolaires, d'agir à cet égard? Je veux vous entendre.

Mme Charland (Annie) : Oui, oui, oui, il y a déjà des politiques. Nous, on regarde... Montréal, c'est sûr que c'est notre lieu phare, où est-ce qu'on a le plus de gens, là, avec des choses religieuses. Mais c'est... ils ont des politiques pour ça, et c'est tellement bien balisé, là, c'est... Il n'y en a pas, de bris de service, parce que le personnel de soutien, bien, il faut qu'il prouve plein de choses avant de pouvoir avoir le droit, et le nombre de personnes va aller au nombre d'élèves qui vont être dans la classe aussi. Ça fait que, tu sais, on ne peut pas avoir, genre... Je dis un chiffre. En service de garde, bien, tu n'auras pas 10 personnes qui vont partir sur le même congé, parce qu'il va falloir qu'ils donnent un service là, ils ont quand même 20 élèves à s'occuper, là, malgré qu'aujourd'hui c'est 25 et 30. Mais, c'est ça, il faut qu'ils s'occupent de ces élèves-là.

Ça fait qu'on ne peut pas... C'est vraiment bien balisé, là, il n'y a vraiment pas grand gens qui peuvent... qui peuvent se vanter de l'avoir tout le temps, là...

Mme Cadet : ...

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, les dispositions des conventions collectives, comme je l'ai dit précédemment, là, permettent de prendre d'autres congés pour ça. Puis il faut aussi dire que les territoires des écoles primaires sont très petits, hein, ça fait que, souvent, on a des communautés presque... tu sais, très denses dans telle ou telle école, ça fait qu'il y a des écoles où est-ce que les élèves aussi sont beaucoup plus absents les journées de fêtes religieuses. Un peu comme si... si Noël, mettons, ici, n'était pas une fête religieuse chômée, bien, probablement qu'on aurait beaucoup d'enfants qui seraient quand même absents le 25 décembre. Et c'est un peu la même chose qui se passe dans certaines écoles, il y a beaucoup d'enfants qui sont absents. Là, mon opinion là-dessus, je n'en ai pas, c'est la décision des parents, mais dans les faits, ça représente moins d'enfants à l'école aussi. Alors, peut-être que ces journées-là sont plus propices dans certains milieux pour octroyer les congés personnels.

Mme Cadet : Merci. Je l'ai dit lors de mes remarques préliminaires un peu tantôt, donc, ce qui nous amène ici, là, le pourquoi du p.l. no 94, c'est la situation de l'école Bedford, nous aussi... Donc, nous, notre travail, comme parlementaires, c'est de nous assurer que le comment, y répondre adéquatement. Est-ce que, selon vous, le projet de loi no 94, tel que présenté par le ministre, empêcherait d'autres Bedford de se produire?

Mme Charland (Annie) : Aucunement.

Mme Cadet : Aucunement.

Mme Charland (Annie) : Bien non, parce que ce n'est pas... le projet de loi no 94 touche le droit à la religion, au port religieux, tandis qu'à Bedford... Et on est tous... on a tous mal réagi, nous aussi, quand on l'a appris, là, on ne dit pas qu'on était d'accord,avec ce qui est arrivé là, loin de là, mais c'étaient des enseignants hommes avec qui étaient arrivées les problématiques, là, ce n'était pas du soutien du tout qui avait un  voile, ça fait que c'est... Je ne pense pas que ça pourra l'empêcher. Si une personne décide de vouloir le faire, même s'il donne un plan de cours, je m'excuse, mais est-ce qu'il va vraiment respecter ce qu'il va avoir écrit? Ça peut être autre chose, également.

Ça fait que... Qu'est-ce qu'on peut déplorer aussi là-dedans, c'est que ça fait quand même... Ça faisait quasiment... pas loin de 10 ans, qu'on a appris après, qu'il y avait eu des dénonciations puis qu'il n'y avait rien qui avait été fait. Alors, ça aussi, là, il y a peut-être eu un manque à quelque part, là. Ça aurait pu être réglé avant.

Mme Lelièvre (Katia) : Je reviendrais sur la formation aussi. Puis ça, à qui on se réfère? Maintenant, il y a le Protecteur de l'élève, ce qu'il n'y avait pas au moment de l'école Bedford, mais c'est important que les consignes soient claires puis que les directives ministérielles soient bien comprises et qu'on ait, pour les directions d'écoles, un endroit à se référer s'il y a des questions. Mais, selon nous, le projet de loi ne répond pas au problème de Bedford...

Mme Cadet : ...pourrait se produire d'autres cas Bedford, puis on serait tout aussi choqués, c'est ce que vous êtes en train de nous dire.

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, à notre avis, ça prend beaucoup de formation, puis d'information, puis de s'assurer que dans nos écoles, tout le monde a la même compréhension puis que tout le monde applique les règlements de la même façon.

• (15 h 30) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Merci. Ça met fin au temps des échanges. Donc, M. le député du deuxième groupe d'opposition, la parole est à vous.

M. Zanetti : Pour combien de temps?

La Présidente (Mme Dionne) : Pour une période de quatre minutes.

M. Zanetti : Merci. Merci. Merci beaucoup d'être là. Ça fait du bien, beaucoup de bienveillance. Je pense que vous représentez le point de vue terrain concret des vrais humains qui vivent dans ce monde et qui vivent des choses. Parlant de ce que les vrais humains vivent dans ce monde et qu'ils vivent des choses, j'aimerais ça que vous me disiez un peu si vous avez eu des échos des réactions au dépôt du projet de loi no 94, parce qu'il est déjà déposé depuis... tu sais, les journaux en ont parlé. Il y a-tu, par exemple, des éducatrices qui portent le voile qui sont inquiètes ou des collègues de ces éducatrices-là qui sont inquiètes. Comment réagissent vos membres sur le terrain par rapport à ce projet de loi qui a été déposé?

Mme Charland (Annie) : C'est sûr que... c'est sûr qu'il y a de l'inquiétude, et je pense que c'est normal, hein, on s'entend que l'inquiétude va toujours être là parce qu'on touche à des valeurs de gens. Alors, c'est... Oui, l'inquiétude est extrême, là.

Puis je pense que... Tu sais, on parlait un peu tantôt aussi de l'école Bedford. Bien, je pense que ce qui pourrait aider aussi... Je m'excuse, j'en bifurque, là, mais les lanceurs d'alertes, on peut-tu les protéger? On n'a pas d'endroit de protégé... pour protéger les gens qui voudraient faire des lanceurs d'alerte.

M. Zanetti : Puis est-ce que le fait, par exemple, là... parce qu'un des gros présupposés du gouvernement puis de beaucoup de groupes qui appuient son projet de loi, c'est de dire qu'être exposé... pour un enfant, là, être exposé au port d'un signe religieux, là, ça met en péril la liberté de conscience, là, voire, là, ça endoctrine. Est-ce que c'est un phénomène qui a déjà été observé ou c'est...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Zanetti : ...est pour vous de la spéculation pure?

Mme Charland (Annie) : Bien, nous, on ne peut pas dire qu'on a observé un endoctrinement parce que l'éducatrice ou l'intervenant avait un voile. Aucunement, là. Ce n'est pas... La personne, elle fait son travail.

Mme Lelièvre (Katia) : Mais, pour nous, l'école doit aussi être le reflet de la société, hein?

Mme Charland (Annie) : Eh voilà.

Mme Lelièvre (Katia) : Dans la société, il y a une panoplie de gens, il y a une panoplie de couleurs, de religions, il y a une diversité qui s'exprime sur plusieurs facettes des individus, et on ne pense pas que le fait de voir quelqu'un avec un hidjab va être perçu comme l'enfant... pour l'enfant comme, tu sais, une pression pour devenir musulman ou va le traumatiser d'une quelconque façon. Moi, ma fille va à l'école, puis elle a une éducatrice qui a un hidjab puis elle ne m'en a jamais parlé. Ça n'a pas eu l'air à la traumatiser, en tout cas.

M. Zanetti : Puis est-ce que... qu'est-ce que vous pensez que ça peut avoir, cette loi-là, sur le sentiment d'appartenance à la nation québécoise, des femmes de confession musulmane qui portent un signe religieux? Pensez-vous que ça va leur dire : Je me sens vraiment québécoise ou pensez-vous qu'ils vont se dire : Mon Dieu, mais il va falloir que je me trouve une autre identité parce que, celle-là, clairement, on me rejette?

Mme Lelièvre (Katia) : Bien, en fait, je cherchais une citation qu'il y avait dans notre mémoire, là, mais je pense que la meilleure façon d'intégrer quelqu'un, c'est en le faisant travailler avec des collègues. Puis, vous savez, les femmes, si elles sont forcées de porter des signes religieux, bien, peut-être qu'en sortant de leur milieu de vie puis en allant dans le milieu du travail, c'est une excellente façon pour elles de s'intégrer aux communautés, de voir d'autres gens, de connaître des gens de d'autres religions, de d'autres nationalités, de d'autres cultures. Donc, bien, pour nous, de dire aux femmes... On est encore mieux d'y aller par... En fait, c'est aussi la population qui a besoin d'être sensibilisée puis d'être ouverte. Donc, on a besoin de s'accepter mutuellement puis de se comprendre beaucoup plus que... c'est comme ça que les gens s'intègrent. Si on se sent rejeté au départ, on n'a pas envie de s'intégrer dans une société qui nous rejette.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, c'est malheureusement tout le temps qu'on a pour ces échanges. Donc, merci infiniment pour votre présence cet après-midi. Pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir notre dernier groupe de la journée.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

(Reprise à 15 h 39)

La Présidente (Mme Dionne) : La commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant Droits collectifs Québec avec M. Étienne-Alexis Boucher. Je dois... directeur général mais également ancien député de Johnson de 2008 à 2012. Est-ce bien cela?

M. Drainville : ...

La Présidente (Mme Dionne) : Et vous avez siégé ensemble. Bon. Voilà.

Une voix : ...

M. Boucher (Etienne-Alexis) : J'avais repris la business familiale. Et M. le ministre a survécu à notre collaboration. Je l'en félicite, ce n'est pas tout le monde.

M. Drainville : ...plus que survécu.

La Présidente (Mme Dionne) : Que de bonnes nouvelles.M. Boucher est accompagné de M. François Côté qui est avocat général. Donc, bienvenue, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Et, par la suite, on procédera à la période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

• (15 h 40) •

M. Boucher (Etienne-Alexis) : Mais je vous remercie énormément, Mme la Présidente de la commission culture et éducation. Évidemment, je remercie aussi l'ensemble des parlementaires à qui nous devons finalement la possibilité de contribuer aux travaux de l'Assemblée nationale qui porteront sur l'étude et peut-être l'adoption du projet de loi n° 94, soit la Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.

En fait, c'est mon collègue avocat général qui va faire la majorité de notre exposé. Moi, je me contenterai simplement de présenter l'organisme, de rappeler sa mission, à savoir de défendre les droits... les droits collectifs des Québécoises et des Québécois, notamment les droits linguistiques, mais, dans le cas qui nous préoccupe, des droits politiques tels que, par exemple, le droit à la liberté de conscience ou la liberté d'expression.

Basés sur une approche non partisane, nos moyens d'action s'incarnent notamment par la mobilisation politique et judiciaire — on traîne devant les cours une fois de temps en temps — par l'éducation populaire et la représentation politique. Ce que nous rendons très concret aujourd'hui en se présentant devant vous dans le cadre des audiences publiques.

Évidemment, l'intérêt que porte Droits collectifs envers ce projet de loi là à moins très aux aspects éducatifs qu'a ceux traitant de la promotion de la laïcité au sein de notre système d'éducation. En effet, nous jugeons que les principes philosophiques sur lesquels repose la laïcité comptent parmi les valeurs fondamentales qui définissent la nation québécoise, telle que l'égalité entre les citoyens et les citoyennes, de même que la séparation de l'État et des églises. Il en va ainsi du respect de notre mission que de défendre ces principes, de même que leur application.

Enfin, nous jugeons que le dépôt puis l'éventuelle adoption du projet de loi n° 94 permet au gouvernement de se doter d'outils supplémentaires afin de réellement permettre à la laïcité de cheminer au sein de l'administration et de ses diverses ramifications, dans ce cas, notre système d'éducation.

Et je compléterai simplement en disant qu'au fond les Québécoises et les Québécois pensaient que le combat pour l'imposition de la laïcité, de la séparation des églises et de l'État avait été remporté en 2021 avec la Loi sur... l'adoption de la Loi sur la laïcité de l'État. Or, plusieurs situations survenues dans les dernières années, oui, le cas de l'école Bedford, mais il y en a eu d'autres, ont démontré...

M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...qu'au final cette loi-là, elle était évidemment réelle en théorie, mais, dans la pratique, l'atteinte de la laïcité étatique n'était pas du tout... bien, en fait, on n'y était pas encore. Et c'est ce type d'outil là qui, à nos yeux, permettront à la société québécoise de vraiment vivre la laïcité à travers les espaces citoyens que sont, par exemple, les écoles de notre système d'éducation. Je cède la parole à Me Côté.

M. Côté (François) :Merci beaucoup, M. le directeur général.

En 2019, l'État du Québec rédigeait une importante page de son histoire moderne en adoptant la Loi sur la laïcité de l'État, qui se voulait une continuité naturelle de notre parcours collectif d'émancipation civile devant l'influence de la religion depuis la Révolution tranquille.

La religion, posons-le formellement, ne définit pas un être humain dans l'essence profonde de son individualité, et d'aucune manière elle ne supplante son libre arbitre. Il ne s'agit pas d'une caractéristique intrinsèque de la condition humaine qui s'impose à l'individu en dépit de toute volonté de sa part — comme peut l'être l'âge, le sexe, l'origine nationale ou ethnique, la présence ou non d'un handicap, etc. Certes, on peut débattre quant au sens de la foi qui peut être perçue comme irrésistible à la conscience lorsqu'il est question de conviction religieuse, mais, du moment où cette conviction quitte l'intimité de l'esprit du croyant pour se manifester dans le monde réel au travers des comportements sociaux réclamés par le dogme religieux au travers des pratiques religieuses — rituels, fêtes, célébrations, contraintes familiales et sexuelles, port d'accessoires, vestimentaires, etc. — le fait d'exercer de telles pratiques en société, lui, indubitablement, relève du choix de le faire. Personne ne naît avec une religion préprogrammée dans le cerveau, personne ne naît avec un voile ou une croix.

Dès lors, nous le posions à l'époque et nous le posons encore aujourd'hui, l'exercice d'une religion est un choix; un choix digne d'un relatif respect, comme le respect des convictions politiques, par exemple, mais un choix d'abord et avant tout. Et ce choix, comme tout choix par définition, n'est alors plus tant un état de la personne qu'un exercice de volonté, un comportement social qui peut... «qui peut», qui doit être sujet au respect du droit et des règles applicables à tous en société. Dans cette perspective, s'agissant d'un choix, d'un exercice de volonté, la pratique de la religion ne saurait en ce sens recevoir une quelconque force normative en société qui lui permette de supplanter le droit et la normativité civile applicable à tous. Car, en procédant ainsi, on brise l'égalité de droit entre les citoyens pour proclamer que la volonté religieuse individuelle de l'un doit l'emporter devant la volonté non religieuse de l'autre ou de tous.

Et, plus particulièrement, cette conception collective que nous nous faisons de la religion, nous la posons, en toute connaissance de cause et avec pleine volonté consciente de le faire, par-devant la conception individuelle et subjective de l'individu, qui ne saurait prétendre se hisser par-devant ses pairs au seul nom de ses choix et de ses croyances purement personnels. Si un individu s'estime «obligé» de satisfaire une obligation religieuse x en vertu de sa foi, cette «obligation» est de nature purement morale et ne devrait pas être juridique; et, quand bien même il puisse subjectivement le percevoir autrement, cela n'en fait pas une réalité sociale objectivement admissible pour définir les paramètres du vivre-ensemble commun. Il y a une société québécoise pour les 8,5 millions de Québécois — et non pas 8,5 millions de microcosmes sociaux délié du commun pour chaque variation individuelle. C'est à la religion, comme pour l'exercice de tout choix personnel, de s'exercer dans le cadre des créneaux juridiques et sociaux que la société lui offre, et non l'inverse.

Et, si notre société se caractérise par une très grande liberté accordée à l'individu dans sa sphère privée, elle tient particulièrement à ce que ses institutions sociales et juridiques, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de l'action de l'État au travers de ses agents et employés auprès de personnes vulnérables ou en situation de dépendance — comme les élèves en milieu scolaire — soient intégralement neutres et laïques, de fait et en apparence. Tout particulièrement en milieu scolaire, encore, nous estimons d'une importance absolument capitale que notre système d'instruction publique ne fasse l'apologie ni ne condamne quelque religion que ce soit et s'abstienne de toute pression active ou passive par les enseignants et le personnel scolaire de valoriser, approuver ou normaliser quelque religion que ce soit, quelque croyance religieuse que ce soit, auprès des jeunes élèves à l'esprit vulnérable et malléable qui leur sont confiés au travers des pratiques religieuses qui leur sont exprimées. Chaque enfant, au Québec, doit pouvoir se faire sa propre opinion, faire son propre choix, quant à ses propres convictions et pratiques religieuses, le cas échéant, sans subir la pression — tant symbolique qu'active — d'une idéologie religieuse quelconque. Pour ceux et celles qui trouvent ce choix intolérable, il y a toujours le réseau privé, mais, quand il est question...

M. Côté (François) :...quand il est question du système public, le Québec a fait son choix et tracé une ligne dans le sable : la religion n'a pas sa place à l'école comme endoctrinement normatif et ne saurait justifier un passe-droit ni de règles spéciales.

Et c'est pour affirmer plus avant cette réalité intrinsèque au vivre-ensemble québécois que le législateur a adopté la Loi sur la laïcité de l'État, une loi porteuse de nobles objectifs, mais qui demeure à parfaire. Les révélations de 2024 issues des enquêtes sur le scandale de Bedford nous l'ont appris, il y a des lacunes. Et il est impératif de mettre en place des mécanismes de surveillance et de contrôle pour éviter que de telles dérives ne se reproduisent.

Le respect de la laïcité de l'État en milieu scolaire doit aller plus loin que ne le faisait la Loi sur la laïcité de l'État dans sa version originale et doit mieux encadrer toute la question des accommodements religieux en milieu scolaire, non seulement impliquant des enseignants, mais aussi, dans une certaine mesure, les élèves. Et tout particulièrement, il faut en finir avec les congés supplémentaires et les absences pour motifs religieux qui rendent l'administration des établissements, des calendriers et des charges de travail tout simplement ingérables, au surplus, d'envoyer un conséquent message de primauté de la religion devant le droit et le commun dans le regard des élèves qui observent le tout dans une situation d'impression et de dépendance. Il faut faire plus. Il faut faire mieux. Et le projet de loi n° 94 est, selon nous, un pas dans la bonne direction.

Droits collectifs Québec salue le projet de loi n° 94 que nous estimons utile, bienvenu et nécessaire pour parfaire la reconnaissance et la protection de la laïcité de l'État en contexte scolaire, bien que certaines modifications, selon nous, devraient y être apportées.

En résumé, et nous aurons l'occasion d'en débattre lors des échanges, nous estimons qu'il faudrait consacrer le droit à... le droit fondamental à une éducation laïque de fait et d'apparence dans la Loi sur l'instruction publique et dans la Charte des droits et libertés de la personne, et y rappeler l'égalité formelle et universelle entre les sexes, ceci pour prendre nos distances avec la jurisprudence de la Cour suprême et l'interprétation de common law des libertés fondamentales, du droit à l'égalité et de la liberté de religion qui dominent la jurisprudence de la Cour suprême du Canada selon une optique de droit qui n'est pas la nôtre, qui n'est pas celle de notre tradition civiliste et qui n'est pas celle de la société québécoise.

Nous proposons également, et là je vous qu'il reste 30 secondes, de renforcer plusieurs définitions dans la Loi sur l'instruction publique, notamment la définition de communauté. Nous proposons de renforcer les devoirs de l'enseignant pour y inclure un devoir personnel de respect de la Loi sur la laïcité de l'État.

Ainsi, nous proposons également d'amender la Loi sur l'instruction publique pour préciser les demandes d'accommodement religieux en milieu scolaire et d'amender l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne pour rappeler notre conception civiliste de l'égalité de la personne comme affaire de forme et d'intention.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup, Maître Côté, M. Boucher. Donc, nous sommes prêts pour débuter les échanges. M. le ministre, je vous cède la parole pour un temps de 16 minutes.

M. Drainville : Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Etienne-Alexis, je suis bien content de te retrouver. Je l'ai déjà dit, mais je le répète à micro ouvert.

Le groupe précédent, la CSN, pour ne pas la nommer, a déclaré que la clause dérogatoire était utilisée avec trop de légèreté. Je pense que c'est les mots qui ont été utilisés, mais, si ce n'est pas exactement le mot, c'était certainement l'esprit. Moi, je préfère l'appellation «clause de souveraineté parlementaire». Je pense que ça dit ce que c'est, c'est-à-dire qu'on assure par ce recours la primauté du Parlement. Puis il ne faut jamais oublier, pour ceux qui connaissent leur histoire, il n'y aurait jamais eu de Charte canadienne des droits et libertés, si le régime fédéral et le gouvernement présidé par M. Trudeau, avec M. Chrétien comme ministre de la Justice, s'il n'avait pas donné aux provinces récalcitrantes cette clause dérogatoire dans la Charte des droits. Il n'y aurait pas de charte canadienne des droits s'il n'y avait pas eu de clause dérogatoire. Alors, il ne faut jamais le perdre de vue.

Mais j'aimerais vous entendre, vous, sur cette affirmation à l'effet que, dans ce projet de loi comme dans d'autres, le gouvernement utilise avec trop de légèreté la clause de souveraineté parlementaire.

M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien, écoutez, cette question-là a été tranchée il y a de cela très longtemps, 1988, jugement Ford, où la Cour suprême reconnaissait, bien évidemment à l'État québécois, mais à l'ensemble des États qui sont fédérés par le Canada, le droit d'utiliser cette clause-là, même de manière préventive, hein? On vous rappelle, là, que ce n'est pas la première fois que ça arrive. Durant une certaine période, au cours des années 80, la clause de souveraineté parlementaire était insérée dans l'ensemble des projets de loi adoptés par l'Assemblée nationale. Il n'y a pas eu de boucliers qui se sont levés à ce moment-là. Et vous avez raison, il n'y aurait pas eu de deal politique canadien sans clause de souveraineté parlementaire. Le problème, avec le Canada, c'est...

M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...que sa constitution est décadenassée et il est impossible finalement de revoir ou de faire évoluer ce consensus politique survenu en 1982. Est-ce que la Cour suprême va se substituer à nouveau aux politiciens pour rebâtir ou reformuler le consensus politique canadien? C'est ce qu'on va voir au cours des prochains mois avec la cause qui porte sur le dossier ACS, qui est la Loi sur la laïcité de l'État, là, dont DCQ demandera le statut d'intervenant, à l'instar des autres provinces canadiennes qui, probablement, veulent défendre le droit d'utiliser cette dite clause.

M. Côté (François) :J'aimerais, si vous me le permettez, rajouter un petit quelque chose. La souveraineté parlementaire a été invoquée, et j'ai réalisé une étude aux côtés du Pr Rousseau il y a quelques années de cela, a été invoquée par le Québec plus d'une centaine de fois depuis l'entrée en vigueur des chartes de droits et libertés de la personne. Donc, de parler d'un usage sans précédent, c'est historiquement faux.

On peut remarquer effectivement que le gouvernement actuel fait un bon emploi, peut être un peu plus fréquent qu'à l'habituel quand on pense aux années libérales qui l'ont précédé, de la souveraineté parlementaire et permettez-moi de dire que c'est une bonne chose, au sens qu'il ne faut pas voir l'usage de la souveraineté parlementaire comme étant une négation des libertés civiles, mais plutôt l'affirmation d'un modèle juridique différent, l'affirmation de notre droit au désaccord. Car, ne l'oublions pas, lorsqu'il est question d'établir et de donner un sens aux mots du droit, les juges ne sont pas des dieux et le législateur doit avoir le pouvoir de s'adresser à la cour pour dire : Nous n'interprétons pas tel droit, telle liberté fondamentale de la même manière que vous, parce que nous procédons avec une logique différente, parce que nous procédons avec un système et une tradition juridique différente.

Au Québec, nous sommes une société civiliste et nous opérons en droit avec des sources, des structures et des méthodes qui sont bien différentes de l'approche dominante de common law libérale qui domine tout le reste de la fédération canadienne et qui domine en large part, en large part, il y a des dissidences, ce n'est pas monolithique, mais en large part, la jurisprudence de la Cour suprême. Est-ce qu'au Québec, nous interprétons la liberté de religion comme devant nécessairement accorder le droit de porter une arme dans les écoles au nom de la religion? Non, mais la Cour suprême, oui. Interprétons-nous la liberté... la même liberté de religion comme donnant le droit de pouvoir casser un contrat librement consenti? Non, mais la Cour suprême, oui. Il est question d'affirmer notre vision du monde différente en fonction de paramètres de droit qui nous sont tout à fait légitimes, car c'est en fonction de tels paramètres, d'une telle vision du vivre ensemble que notre société s'est forgée. Et le Québec, ce n'est pas le Canada, nous avons le droit légitime à notre distinction.

M. Drainville : Vous manifestez un certain nombre d'inquiétudes quant à l'application du droit à l'égalité, qui entraîne, dites-vous, des accommodements qui sont parfois déraisonnables, notamment en matière religieuse, et qui font en sorte que le je, le je religieux, dites-vous, le je religieux est utilisé pour se soustraire au nous civil. On pourrait dire au nous civique également, je pense. Élaborez un petit peu sur cette dichotomie, là, sur cette... sur ces deux visions d'un je religieux d'un côté versus un nous collectif.

M. Côté (François) :Tout repose dans la définition même que nous faisons de la religion en tant que concept de droit, et il y a deux approches qui s'opposent. D'un côté, la vision civiliste, qui est la vision selon laquelle la société québécoise s'est structurée depuis des siècles, qui voit une distinction fondamentale entre, d'une part, la croyance religieuse, qui est intime et protégée dans le for intérieur de la conscience et, d'autre part, la pratique religieuse, comme je l'ai mentionné, qui est l'expression d'un comportement social, dans la mesure où un individu invoque ses pratiques religieuses pour demander d'être surélevé par rapport aux règles applicables à tous. Si j'invoque un choix personnel d'une religion pour être dispensé d'une règle commune, un calendrier, des règles applicables en milieu de travail, la validité d'un contrat, un règlement de sécurité et ainsi de suite, c'est faire passer la volonté individuelle d'exprimer ce choix face à la volonté individuelle d'autrui ou face à la volonté collective de tous qui sont derrière la règle de droit applicable à tous. Tandis qu'en common law, du côté de la pensée juridique anglo-canadienne...

M. Côté (François) :...anglo-canadienne, croyances et pratiques fusionnent. Il n'est pas possible de distinguer la croyance du croyant ni la pratique de la foi intérieure. Donc, dans cette perspective, avec cette vision de common law où croyances et pratiques ne font qu'un, il est logique et cohérent avec les paramètres de cette tradition juridique de pouvoir évoquer ces pratiques religieuses pour être dispensé, pour demander un accommodement par rapport à une règle générale, alors que... et de demander à quelqu'un de mettre ses pratiques religieuses de côté, ce serait vu de la même manière que de demander à une personne en chaise roulante de bien arrêter d'être en chaise roulante pour les fins d'un travail, par exemple. Mais, en droit civil, on ne voit pas les choses comme cela, dans le sens que l'expression d'un choix, c'est un exercice de volonté individuelle, et l'égalité de tous les citoyens dépend d'une égalité de valeur de la volonté individuelle de chacun. Donc, en permettant à la religion de se hisser par devant les règles communes, il y a, effectivement, un bris d'égalité qui nous ramène à la culture des privilèges de laquelle nous avons dépensé des siècles à nous écarter.

M. Drainville : C'est très intéressant parce que je... Moi, ça fait un petit bout de temps, là, que je suis mêlé à ce débat, dirions-nous, et puis ça me fascine toujours d'entendre les opposants à une laïcité affirmée. C'est toujours fascinant de les entendre dire que l'obligation de retirer le signe religieux pendant les heures de travail, c'est l'équivalent de priver quelqu'un de son travail. C'est fascinant parce que tu te dis : Bien, non, tout ce qu'on dit, c'est qu'il y a, oui, des droits, et on considère que l'approche que nous choisissons, que nous privilégiions protège les droits mais que ces droits s'accompagnent aussi de devoirs, de responsabilités.

Et, parmi ces responsabilités, il y a celle d'incarner donc une véritable neutralité religieuse quand tu es en présence des enfants, en présence des élèves dans l'école. Et donc ce que nous disons, c'est que, lorsque tu te présentes à l'école, tu dois accepter, parce que c'est ta responsabilité, parce que c'est ton devoir qui vient avec ton travail pendant tes heures sur les lieux du travail, tu dois retirer ton signe religieux. Ce qui se passe avant que tu occupes ton emploi ou ce qui va se passer après, ça ne regarde pas l'état, ça relève de ta liberté individuelle, ça relève de ta liberté religieuse, de ta liberté de conscience, mais, lorsque tu es au travail, tu dois respecter les obligations qui viennent avec ce travail. Et puis là ils prennent tout le temps pour acquis que de demander à quelqu'un de retirer son signe religieux, c'est trop demander, c'est comme lui demander de renoncer à son travail. Bien, voyons donc! Puis d'ailleurs je tiens à souligner, Mme la Présidente, qu'il y a des exemples. D'ailleurs, dans le rapport des 17, il en est question. Il y a des exemples de personnes qui portaient un signe religieux qui n'y avaient pas droit à qui on a demandé de le retirer et elles l'ont retiré pour garder leur emploi.

• (16 heures) •

Alors, si vous souhaitez prendre le relais de mon affirmation, je vous y invite. Mais moi, je trouve ça absolument fascinant. C'est comme s'il n'y avait que des droits, des droits, les droits, les droits puis il n'y a jamais de responsabilités ou d'obligations qui accompagnent ces droits ou des devoirs qui accompagnent ces droits. C'est absolu, c'est sacré, puis il ne faut surtout pas demander quoi que ce soit parce que c'est une négation du droit individuel. Bien, non. Allez-y.

M. Boucher (Etienne-Alexis) : J'irais, pour commencer simplement, de... On est au Canada et la première phrase de la Constitution canadienne dit que le fondé de pouvoir au Canada, bien, il est issu de Dieu. Hein, ce n'est pas... ce n'est pas les hommes qui font le fondé de pouvoir au Canada, c'est Dieu, qui d'ailleurs désigne le chef d'État. Je vous annonce qu'il n'y a aucun Canadien, Canadienne qui peut devenir chef de l'État canadien, c'est... tu sais, c'est comme ça. Alors, est-ce vraiment surprenant qu'il y ait une hiérarchisation des diverses libertés et qu'en ce sens, par exemple, la liberté de religion ait plus d'importance que la liberté de conscience? Malheureusement, je ne suis pas surpris, M. le ministre. Tu sais, vous savez, moi, je milite pour un Québec progressiste, pour un Québec environnemental ou plus environnementaliste à tous les jours depuis des décennies...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...ça... mon engagement politique fait partie de ce que je suis, de mon identité personnelle, mais ça reste des choix. Si j'étais enseignant, je comprendrais de devoir avoir des contraintes dans l'expression de ces choix personnels et de ne pas pouvoir me présenter en classe avec un gilet du genre, je ne sais pas, moi, Vive le Québec vert, on va dire ça comme ça, tu sais. Alors donc, pourquoi, puisque la religion est un choix personnel, on milite pour qu'on ait le droit d'exprimer sans contrainte aucune cette liberté individuelle? Je me questionne. En fait, je pense que c'est dû aux fondements sociojuridiques de notre société.

M. Côté (François) :Si je puis me permettre, Mme la Présidente. Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Il vous reste trois minutes.

M. Côté (François) :Parfait. Si je peux me permettre, on parle de la pratique et l'exercice de la religion comme un choix. Tout emploi... en fait, toute activité vient avec une série de contraintes liées à des choix. Si je suis végan et que je ne supporte pas la cruauté envers les animaux, je n'irai pas travailler dans un abattoir. C'est un choix que je pose. Et, si je veux travailler dans la fonction publique... Et n'oublions pas, il n'y a pas une telle chose qu'un droit fondamental d'avoir un emploi dans la fonction publique. Donc, si je veux travailler dans la fonction publique, avec les exigences de neutralité et d'affichage religieux qui viennent avec, c'est à moi de faire mes choix. Et, tout comme mon estimé collègue vient de le dire, il n'y a rien d'intrinsèquement négatif à demander à un individu de moduler ses choix en fonction des circonstances. Par exemple, en matière d'affichage politique, un enseignant pourrait-il arriver avec une casquette MAGA en pleine classe? Absolument pas. Ce serait scandaleux. Ce serait une violation de son devoir de réserve et de neutralité politique. Pourquoi devrait-il en être autrement en matière religieuse quand il est particulièrement question du fait que le symbolisme religieux inhérent au port de signes est porteur d'un contenu normatif, est porteur d'une représentation de la vie bonne et de valeurs quant à ce qui est bien? Le port d'un symbole vient avec une valeur de... Pardon?

Une voix : ...

M. Côté (François) :C'est ça. Et il y a des études qui démontrent que le port de symboles religieux emporte des effets de normalisation de la religion dans le regard des élèves, et de normalisation des obligations religieuses dans le regard des spectateurs.

M. Drainville : Maître Côté, la députée de Hull a une question.

La Présidente (Mme Dionne) : Oui. Il reste moins de deux minutes, Mme la députée.

Mme Tremblay : Ah bon! Parfait. Je vais faire ça vite. Les intervenants précédents ont dit : Ça n'aurait rien changé à Bedford. Moi, je pense que ce qu'on vient mettre en place, c'est nécessaire. Rien faire, ce serait terrible. On pourrait comme multiplier ces raisons-là. Ça fait que moi, je pense que, qu'est-ce qu'on vient de faire, c'est... ça va empêcher puis ça va construire, finalement, le fait, encore plus, qu'on est un État laïque, puis que, dans nos écoles, ça doit se passer de cette façon-là. Est-ce que, vous autres, vous êtes en accord avec ça, que ça va venir avoir un effet justement pour plus qu'on revive des situations comme celle-là? En une seconde probablement.

M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien, on l'espère, hein? Et, vous savez, ce projet de loi là, il est... il n'est pas parfait, hein? Il mérite d'être amélioré. Mais est-ce que, parce qu'on est en désaccord avec certains éléments de celui-ci, on le rejette d'emblée? Je ne pense pas que ce soit la façon la plus productive de travailler en votre compagnie.

M. Côté (François) :S'il y a quelque chose, si je puis me permettre, c'est un très bon pas dans une très bonne direction. Il est perfectible. Nous avons quelques recommandations d'amendements que nous avons mises dans le mémoire, mais sur le fond et sur le principe, c'est un pas dans la bonne direction qui demeure à parfaire mais que nous saluons et qui sera effectif.

Mme Tremblay : Merci.

La Présidente (Mme Dionne) : Il vous reste 30 secondes, Mme la députée.

Mme Tremblay : Ah! il me restait 30 secondes. O.K.. Alors donc, ce que je comprends, finalement, c'est que, tu sais, c'est un.... On vient ici parfaire. On vient améliorer la situation. Vous avez des recommandations. Donc, ça va lancer un message clair à l'ensemble du réseau public, des écoles publiques, donc, on continue d'avoir... de poser les jalons importants pour aller vers nos valeurs. C'est ce que je comprends.

M. Côté (François) :Un message et un effet.

Mme Tremblay : Message et effet. Excellent. C'est ce qu'on va retenir.

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Boucher. Nous, on n'a jamais eu l'occasion que siéger ensemble, donc, j'en suis à mon premier mandat, donc, enchantée. Également, donc, salutations à vous, Maître Côté. Merci beaucoup pour votre mémoire et l'échange que nous venons d'écouter avec le ministre.

Je vous amènerais donc peut-être vers vos premières recommandations ici. Donc, j'essaie de bien saisir. En fait, donc, ce que vous souhaitez, évidemment, vous le dites, donc, l'article... en fait, le premier article, donc, du projet de loi n° 94, donc, insère l'article 0.1 qui nous... qui évoque, donc, l'objet de la loi. Ce qu'on sait, la Loi sur l'instruction publique arrive et commence directement avec les droits de l'élève. Donc, la Loi sur l'instruction publique serait ainsi modifiée pour présenter, donc...

Mme Cadet : ...l'objet de celui-ci, s'assurer que l'ensemble de la communauté éducative, donc, soit mobilisée autour de la réussite de l'élève par une offre de services éducatifs et... donc, de qualité et un accès à un milieu d'apprentissage sain et sécuritaire, je vous évite la suite, vous l'avez devant vous, et, à cette fin, établit un système scolaire public fondé sur des valeurs démocratiques et québécoises, dont l'égalité entre les femmes et les hommes et sur la laïcité de l'État, laquelle repose sur la séparation de l'État et des religions, la neutralité religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, et la liberté de conscience, et la liberté de religion. Et je vous épargne la fin, encore une fois.

Dans votre première recommandation, donc, vous nous enjoignez, comme législateurs, à faire référence aux droits collectifs. Je lisais cette portion de votre mémoire avec une certaine attention parce que je me demandais, en fait, quel est le liant que vous faites avec la Loi sur l'instruction publique ici. C'est que, dans la Loi sur l'instruction publique, encore une fois, donc, quand on nous parle, donc, de l'objet, on se dit, donc : Pourquoi est-ce qu'on établit une loi sur l'instruction publique? On veut s'assurer que la réussite de l'élève, donc, soit favorisée avec les fondements ci-dessous. En quoi cette référence-là, donc, permettrait d'atteindre les objectifs sous-jacents de la Loi sur l'instruction publique?

M. Côté (François) :Pour deux raisons. La première, c'est que le projet loi no 94 lui-même mobilise deux droits collectifs très importants, le droit à... le droit... nos droits linguistiques fondamentaux, notamment en renforçant l'obligation d'utilisation du français. Et deuxièmement notre droit à... notre droit fondamental collectif à une laïcité d'État au travers du système d'éducation. L'inclusion d'une telle référence à l'intérieur de l'objet même de la loi, à l'article 0.1, qui est tout haut, aurait une vocation interprétative qui permettrait à tout décideur ultérieur, fusse-t-il administratif ou judiciaire, d'effectuer une mise en balance des intérêts mobilisés. Il n'y a pas que des intérêts individuels, il y a également des droits et des intérêts collectifs qui sont en jeu lors d'une prise de décision. Alors, cette référence aux droits collectifs, elle sous-tend notamment, en fait, le projet de loi no 94 en lui-même, la Loi sur l'instruction publique en elle-même et, plus largement, notre droit à l'éducation dans la langue nationale. Alors, il a tout à fait sa place comme ajout interprétatif dans cet article 0.1 qui chapeauterait l'ensemble de la LIP.

Mme Cadet : D'accord. Et c'est sûr que quand on regarde, donc, la Loi sur l'instruction publique, au-delà de l'article, donc, 0.1, on le voit bien, donc, la section suivante, donc, qui est l'actuelle, donc, première section, donc, porte, donc, sur les droits de l'élève, donc, qui parfois, donc, donc, sont assurément, donc, des droits individuels, donc. Là, quand je vous entends, vous me dites, donc, il faudrait ajouter, donc, cette mention-là parce qu'il s'agirait d'une mention interprétative, là, d'une notion interprétative. Est-ce que vous pensez que cette notion-là, donc, pourrait parfois être en opposition avec certains autres aspects de la Loi sur l'instruction publique?

• (16 h 10) •

M. Côté (François) :Alors, tout est affaire de contexte, mais il s'agit d'une disposition non seulement interprétative, mais également effective. Lorsqu'on lit la jurisprudence, lorsqu'on lit les décisions administratives et judiciaires qui sont rendues, lorsqu'il est question de droits fondamentaux et de droits au sens large, il y a toujours une pondération des intérêts juridiques en présence. Et ici, cet ajout d'une référence aux droits et... aux droits collectifs viendrait faire en sorte que ce ne serait pas qu'une affaire de droits individuels, mais il serait également question de tenir compte de l'ensemble et du corps social au complet. Ne pas en faire simplement une affaire d'individu, mais également en faire une affaire d'individu dans le cadre de sa société.

Et à cette fin, j'aurais tendance à dire que, oui, effectivement, des conflits peuvent survenir comme des conflits peuvent survenir dans l'application de tout article de toute loi. C'est le propre du droit, justement, que de faire un arbitrage entre les conflits de position pour trouver une solution juridique. Et la recherche de cette solution juridique, selon nous, elle passe par une prise en compte plus affirmée et plus claire des droits collectifs de la société québécoise. D'où notre suggestion de l'inclure dans le projet de loi.

Mme Cadet : Je reviens donc à la question des droits de l'élève. On a entendu un peu plus tôt le ministre, lorsqu'il était en conversation avec le Mouvement laïque québécois, de mémoire, donc, exprimer, donc, un différend avec la position qui était mise de l'avant par le Mouvement laïque québécois d'étendre l'interdiction du port de signe religieux, donc, aux élèves, le ministre disant que les élèves n'étant pas, donc, des représentants eux-mêmes, donc, de l'État québécois.

Bien, d'abord, j'aimerais peut-être entendre votre position là-dessus, mais encore une fois, donc, voir comment est-ce que cette disposition interprétative là, je comprends, et effective, là, vous le mentionnez, ne serait pas en porte-à-faux avec la position que le ministre a lui-même exprimée plus tôt.

M. Côté (François) : Bien, écoutez, dans la mesure où le projet de loi vise à encadrer les membres de la fonction publique qui travaillent dans le réseau de l'éducation, je serais d'accord avec le ministre, en tout respect envers la position des intervenants précédents., ce qui est un choix politique qui peut être légitime, tout à fait...

M. Côté (François) :...mais ce n'est pas celui qui est fait dans le projet de loi n° 94. Donc, en l'occurrence, les droits collectifs pour... Vu le projet loi n° 94 en l'état, les droits collectifs pourraient-ils être invoqués pour demander l'absence de port de tout signe religieux par l'élève lui-même? Non, parce que ce n'est pas dans cette direction que va le projet de loi. Après ça, s'il y a un choix politique d'aller dans cette direction et de se dire : Écoutez, aucun signe religieux n'a sa place à l'école, ce sera autre chose. Mais là, pour l'instant, on discute du projet de loi tel qu'il est, et je ne verrais pas une référence aux droits collectifs à être envisagé, à être mobilisé de la sorte pour venir restreindre le port de signes religieux chez l'élève en dehors de ce qui est déjà prévu par le projet de loi n° 94, notamment l'interdiction de dissimulation du visage pour des motifs de sécurité et autres. Mais le but, c'est d'encadrer la fonction publique. Le but ici, ce n'est pas d'encadrer l'élève. On n'est pas face à la loi de 2004 en France. On est ici face au projet de loi n° 94, 2025 au Québec. Chaque loi, son génie.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Ça répond très clairement à mes questions. Question... Louis est en train de dire, M. le ministre, que vous êtes un génie. C'est bien ça.

Des voix : Ha, ha, ha! ...

M. Boucher (Etienne-Alexis) : On a été mal cités.

M. Côté (François) :Génie au sens d'architecture, ingénierie, mais c'est un projet de loi brillant quand même. À chaque loi, son génie.

M. Drainville : Chaque loi...

Mme Cadet : À chaque loi son génie.

M. Drainville : Non, non, c'est ça. Évidemment, ce n'est pas à moi que ça fait référence. Ça fait référence à l'esprit. Chacune des lois a son esprit, a son génie.

M. Côté (François) :Exact.

M. Drainville : C'est la première fois que j'entends l'expression, je m'excuse, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Sur ces belles paroles, poursuivons, Mme la députée.

Mme Cadet : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. le ministre, pour cet intermède.

Des voix : Ha, ha, ha! ...

Mme Cadet : Rappel de l'égalité formelle universelle entre les sexes dont vous souhaiteriez aussi... En fait, vous souhaitiez modifier ce qu'on retrouve ici au libellé de l'article 0.1 au niveau de l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, je vous laisse élaborer sur cette recommandation, s'il vous plaît.

M. Côté (François) :Si vous le permettez. Merci beaucoup. Au Québec, nous avons une conception civiliste des libertés fondamentales depuis l'entrée en vigueur de la Charte québécoise des droits de la personne, qui est rentrée en vigueur, je crois, cinq ans avant l'imposition de la Charte canadienne.

Mme Cadet : Tout à fait, 1975, tout à fait.

M. Côté (François) :Et si vous analysez la jurisprudence qui a été rendue durant cette courte période de temps avant la Charte canadienne, la conception même de l'égalité était faite dans une perspective cohérente avec la tradition de droit civil, soit celle de l'égalité qui passe par la forme et par l'intention. Elle a été captée par la jurisprudence de la Cour suprême depuis l'imposition de la Charte canadienne en 1982, qui, depuis largement Ford, et ça a été répété avec Amselem en 2004, assimile le droit à l'égalité en fonction de la Charte québécoise, en fonction de la charte canadienne, en fonction du droit québécois, et plus largement du droit canadien, sous l'égide de l'interprétation de common law de l'égalité subjective et de l'égalité dite réelle.

Or, le but de cette affirmation serait de prendre formellement ses distances et de rappeler qu'au Québec nous avons une vision différente de l'égalité parce que l'égalité dite réelle ou substantive telle qu'interprétée par la jurisprudence dominante de la Cour suprême, c'est l'égalité au nom de laquelle on permet le port d'arme dans les écoles, c'est l'égalité au nom de laquelle on permet la prestation de serment de citoyenneté avec le visage voilé, le témoignage voilé en cour criminelle. C'est l'égalité au nom de laquelle on permet de rompre un contrat librement consenti au nom de la religion sans même l'avoir lu, et ainsi de suite. C'est question de rétablir et réaffirmer le modèle québécois, la pensée juridique civiliste qui fait de l'égalité et de la discrimination d'abord et avant tout une question de forme et d'intention plutôt que d'effets subjectivement vécus. Il est question de rapprocher le droit québécois de ses racines et des racines de la société qui l'a forgé et qui le voit grandir.

Mme Cadet : Et si je nous ramène sur le plan un peu plus pratique, on se rappelle que ce qui, selon moi et selon mon interprétation, et ce qui semble aussi donc avoir été véhiculé dans les médias, la raison pour laquelle donc le ministre donc nous arrive avec différentes dispositions, dans le projet n° 94, donc, qui met de l'avant la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est tout... Mais en fait c'est, bon, beaucoup donc l'incident Bedford, ce qu'on a vu aussi, donc, dans le rapport sur les 17 écoles où il y avait des incidents où les... les filles et les garçons, en l'occurrence, donc, pouvaient donc recevoir un traitement distinct.

Donc, est-ce que vous pensez donc, au-delà donc de la... au-delà du fondement du système donc quant à l'égalité entre les femmes et les hommes, ici, est-ce que vous pensez que ce que vous nous apportez comme, je vais dire, précision ou comme... comme élément de notre distinction civiliste, de notre dissection de notre tradition civiliste, donc, viendrait donc réaffirmer donc avec beaucoup plus de vigueur ou viendrait répondre donc plus fortement donc aux incidents qu'on a vus qui nous amènent au dépôt de ce projet de loi?

M. Côté (François) :C'est une possibilité, une possibilité intéressante. Mais rappelons une chose, c'est que la vision de l'égalité, dans la jurisprudence dominante de la Cour suprême, dans la conception dominante du... de common law qui domine partout ailleurs le Canada anglais...

M. Côté (François) :...c'est l'égalité au nom de laquelle une personne va se revendiquer de sa religion pour exiger un traitement différencié. C'est l'égalité intersectionnelle, par exemple, au nom de laquelle une jeune femme va se réclamer du droit de porter le voile, quand je dis une jeune femme, plus souvent qu'autrement ses parents en son nom vont se réclamer du droit de porter des symboles religieux à l'école. C'est l'égalité au nom duquel une employée va se revendiquer du droit de porter un voile dans le cadre de ses fonctions. Mais ce n'est pas la vision de l'égalité que le Québec s'en fait. Ce qu'on est en train de dire, c'est que l'égalité, ce n'est pas une affaire qui varie d'un individu à l'autre, ce n'est pas une affaire en aval de l'effet ressenti qui va varier suivant la subjectivité individuelle de chacun, on veut, au contraire, affirmer que l'égalité, c'est traiter formellement tous les gens de la même manière et sans la faire varier au cas par cas. L'égalité, c'est l'égalité et ça ne devrait pas changer d'une personne à l'autre.

Mme Cadet : Je vous amène sur le...

La Présidente (Mme Dionne) : En 30 secondes.

Mme Cadet : Ah, mon Dieu, du droit du travail. Donc, les... nos prédécesseurs, donc, nous disaient que plusieurs conventions collectives, donc, régulaient déjà la question, donc, des accommodements et des congés, notamment à travers la banque de congés personnels. Donc, est-ce que vous trouvez nécessaire d'ajouter une couche supplémentaire alors que le... notre cadre... dans le cadre de cette question?

M. Côté (François) :Très rapidement, oui, parce qu'au-delà des conventions collectives les revendications fondées dans l'égalité et les droits fondamentaux peuvent dépasser la convention collective. Et depuis l'affaire Caron en Cour suprême, on nous l'a appris, les tribunaux peuvent réécrire les conventions collectives pour les rendre conformes à leur conception de l'égalité. Donc, le...

La Présidente (Mme Dionne) : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a, Me Côté. Désolée. Alors, je cède la parole maintenant au porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour quatre minutes.

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Oui, bon, je vais aller droit au but. On a parlé de la question... mais vous avez dit Me Côté : Il n'y a pas une telle chose qu'un droit fondamental à travailler pour la fonction publique. Bon, partons de là. Parce que le ministre parlait, disait : Il n'y a pas personne qui n'empêche personne de travailler, en gros, là, si je résume sa pensée. Bon. J'aimerais savoir : Est ce que le serment du test empêchait les catholiques de travailler dans la fonction publique, selon votre interprétation de l'histoire?

• (16 h 20) •

M. Côté (François) :M. le député, si on regarde l'histoire, la question du serment du test était une discrimination et on peut l'analyser dans une...

M. Boucher (Etienne-Alexis) : Formelle et intentionnelle.

M. Côté (François) :Voilà. Formelle et intentionnelle en fonction des convictions, alors qu'ici il est question de demander un aménagement des pratiques. L'analogie que vous proposez est superficielle et au-delà du... de la valeur de choc d'exemple, elle ne résiste pas à une analyse historique. Donc, le serment du test était-il discriminatoire? Oui, et cela n'a rien à voir avec le projet de loi n° 94.

M. Zanetti : On aurait pu arguer, par exemple, puis on pourrait le faire a posteriori, de dire : Bien, ces pauvres catholiques pouvaient très bien aller travailler là, prêter serment au roi, puis, après ça, aller à l'église le dimanche, puis faire leurs prières comme ils voulaient, puis avoir leurs convictions intérieures à la maison, comme vous le suggérez, par exemple, comme le ministre le suggère pour toutes les femmes musulmanes du Québec. On aurait pu dire ça, c'est rien ne l'empêche de pratiquer sa religion à la maison.

M. Côté (François) :Vous voulez en venir où, M. le député?

M. Zanetti : Bien, je pense qu'il y a un... je pense qu'il y a un parallèle à faire entre...

M. Côté (François) : Vous avez le droit à votre opinion.

M. Zanetti : ...ls deux... entre les deux situations historiques puis je voulais voir si... quelle vision vous avez de ça? Parce qu'essentiellement quand on dit : on n'empêche pas les gens de travailler, bien, moi, je pense qu'on empêchait les catholiques de travailler puis je pense qu'aujourd'hui on n'empêche les femmes de travailler. C'est le mécanisme est différent, mais le résultat et le mécanisme est pas mal le même.

M. Boucher (Etienne-Alexis) : En fait, si je ne m'abuse, là, le roi d'Angleterre, il est aussi chef de l'Église anglicane. Alors, le fameux resserrement du test auquel vous faites référence, dans le fond, il menait à changer d'allégeance religieuse, c'est-à-dire que dans le cadre de son travail, notre souverain pontife n'était plus le pape, le chef de l'Église catholique, mais bien désormais le chef de l'Église anglicane. Écoutez, nous, on ne pense pas qu'on puisse mettre un chapeau durant... un tel chapeau durant la journée puis changer de chapeau, là, changer de religion rendu à la maison, comme mon collègue, je dirais qu'évidemment souvent des comparaisons sont boiteuses puis celle-là entre dans cette catégorie-là, avec tout le respect que j'ai pour vous.

M. Zanetti : C'est votre opinion, je la prends comme telle. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Dionne) : Vous avez terminé?

M. Zanetti : Oui.

La Présidente (Mme Dionne) : Alors, je vous remercie infiniment pour...

La Présidente (Mme Dionne) : ...votre contribution à ces travaux.

Donc, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux au mardi 22 avril 2025, à 9 h 45, où elle poursuivra son mandat. Je vous souhaite à tous une excellente fin de journée!

(Fin de la séance à 16 h 23)


 
 

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