Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)
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Thursday, April 10, 2025
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Vol. 47 N° 61
Special consultations and public hearings on Bill 94, An Act to, in particular, reinforce laicity in the education network and to amend various legislative provisions
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11 h 30 (version non révisée)
(Onze heures quarante-neuf minutes)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n°
94, Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation
et modifiant diverses dispositions législatives.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
• (11 h 50) •
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Rivest (Côte-du-Sud) est remplacé par Mme Schmaltz
(Vimont).
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait,
merci. Alors, nous débutons ce matin par les remarques préliminaires, puis nous
entendrons les organismes suivants : le Mouvement laïque québécois et le
centre consultatif des relations juives et Israël.
Alors, j'invite maintenant le ministre à
faire ses remarques préliminaires. M. le ministre, vous disposez de six
minutes. La parole est à vous.
M. Drainville : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Je salue d'emblée les collègues. Merci beaucoup d'être
là, chers collègues, de ce côté et de l'autre côté, vous également, ma chère
Mme la Présidente.
Je me réjouis que nous débutions ces
travaux. Projet de loi très important, je pense qu'on en convient tous. Un
projet de loi qui vise à nous assurer que notre école québécoise enseigne, et
inculque, et incarne les grandes valeurs québécoises, nos grandes valeurs
démocratiques, comme l'égalité entre les hommes et les femmes. Un projet de loi
qui vise à faire en sorte que nos élèves, nos enfants apprennent dans une école
laïque exempte de pressions religieuses et d'idéologies rétrogrades radicales.
Un projet de loi qui vise également à s'assurer que toutes les matières soient
enseignées à l'école publique québécoise, incluant les sciences et l'éducation
sexuelle. C'est, Mme la Présidente, un projet de loi qui est en quelque sorte à
la fois un aboutissement, l'aboutissement de la longue marche de l'école publique
québécoise vers la laïcité, vers une laïcité qui...
M. Drainville : ...soit la
plus complète possible, une école québécoise qui soit universelle, qui soit
nourrie par de grandes valeurs, des valeurs d'égalité, par exemple, le droit à
l'égalité de conscience, hein? C'est... La laïcité, c'est la meilleure façon
d'assurer la liberté de conscience de tous et de toutes, y compris de nos
élèves.
C'est aussi un aboutissement au regard des
différents constats que nous avons malheureusement réalisés ces derniers mois
avec les événements à Bedford, le rapport que nous avons reçu des
17 écoles marquées par des manquements à la laïcité, le rapport également
que nous a transmis... que nous ont transmis les des accompagnateurs que nous
avons dépêchés à l'école Bedford, d'autres rapports également qui ont été
abondamment diffusés et commentés, des rapports notamment sur la situation à
l'école Lavoie, sur la situation également à l'école Saint-Maxime, des
situations extrêmement troublantes.
Alors, Mme la Présidente, ce projet de
loi, donc, c'est une réponse. C'est une réponse à ces manquements, à ces
constats, à ces manques de respect, manque de respect à la loi, manque de
respect pour certaines valeurs, manque de respect pour certains principes qui
nous sont sacrés ici, au Québec.
Et donc je suis très fier, Mme la
Présidente, d'entamer cette étude. Je dois vous dire que j'espère la
collaboration des députés d'opposition. Je vais évidemment respecter leur
position, Mme la Présidente, cela va de soi, et j'anticipe déjà que, sur
certains enjeux, nous n'aurons pas la même position, mais j'espère, Mme la
Présidente, leur collaboration. J'espère qu'ils ne vont pas agir pour bloquer
la progression de ce projet de loi, qu'il pourra cheminer normalement dans la
rigueur et dans le respect de nos institutions, mais qu'il pourra cheminer
quand même pour, éventuellement, nous le souhaitons ardemment, son adoption.
Évidemment, je l'ai déjà dit tout à
l'heure aux journalistes, nous sommes ouverts aux améliorations qui pourraient
être apportées à ce projet de loi. Donc, nous allons écouter avec attention les
représentations des témoins qui viendront en cette commission, mais nous
resterons fermes, Mme la Présidente, sur les grands principes sur lesquels
s'appuie ce projet de loi. Et donc je vais... j'arrive dans ces travaux, Mme la
Présidente, avec un grand esprit d'ouverture et une volonté de collaboration
avec tous les collègues ici présents. Voilà, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
M. le ministre. Alors, j'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle, la députée de Bourassa-Sauvé, à faire ses remarques préliminaires
pour une durée de quatre minutes 30 secondes.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, chers collègues. C'est ma
première étude... étude détaillée... bien, en fait, mes premières consultations
particulières dans le dossier de l'éducation, donc je vous remercie de
m'accueillir au sein de votre commission.
Donc, nous débutons aujourd'hui, on l'a
dit, donc, les consultations du projet de loi n° 94, qui vise notamment à
renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation. Le ministre vient de le
rappeler, donc, nous sommes ici en raison, donc, des révélations absolument
troublantes qui remontent au printemps 2023. Donc, on se souvient, c'était
la journaliste Valérie Lebeuf de chez Cogeco qui nous dévoilait, donc, cette
histoire absolument inacceptable de climat toxique au sein de l'école Bedford
dans Côte-des-Neiges, à Montréal. Cette histoire était tellement troublante,
tellement navrante que ma collègue de Saint-Laurent a aussitôt demandé au
ministre de déclencher une enquête. Le ministre, donc, l'a fait quelques mois
plus tard. Et cette enquête, donc, s'est déroulée de novembre 2023 à avril
2024. Le rapport a finalement été publié à l'automne dernier. Et ce que nous
anticipions malheureusement, donc, ce que la journaliste, donc, Valérie Lebeuf
avait... avait dévoilé à l'époque, malheureusement, s'est avéré vrai. Et je
pense que l'ensemble du Québec, Mme la Présidente, a été complètement choqué,
marqué par ce qui s'est passé au sein de l'école Bedford. Et nous, au Parti
libéral du Québec, on n'a jamais hésité à dénoncer cette situation...
Mme Cadet : ...donc, suite
à... à la suite de ces événements, le ministre a déclenché d'autres enquêtes
sur 17 autres écoles, et le rapport de cette seconde enquête a été dévoilé,
donc, tout récemment. Nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance
d'ailleurs. Le projet de loi n° 94, le ministre vient de le mentionner,
c'est sa réponse à ces histoires troublantes.
Le ministre le sait, ma collègue de
Saint-Laurent était prête à corriger très rapidement cette situation. Sur
toutes les ondes, elle avait... donc, proposé au ministre, mais aussi, donc,
sur toutes les ondes, donc très publiquement, effectué, donc, les propositions
suivantes d'amendement à la Loi sur l'instruction publique pour ajouter à
l'article 26 ce qu'est un acte dérogatoire pouvant conduire au retrait du
brevet d'enseignant : le prosélytisme, le non-respect du principe
d'égalité hommes-femmes et des autres principes de non-discrimination, selon la
Charte québécoise des droits et libertés, de ne pas... le non-respect du
programme pédagogique obligatoire du ministère de l'Éducation du Québec, le
refus d'offrir les services professionnels pour les élèves handicapés ou en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage et les élèves autistes et le fait de
ne pas porter assistance à un élève en détresse et en connaissance de la
détresse d'un élève, omettre de prendre les mesures appropriées pour assurer
son bien-être et sa sécurité.
Donc, nous avions notre réponse très
rapide à la situation de l'école Bedford et des autres écoles, Mme la
Présidente. Aujourd'hui, le ministre nous arrive avec la sienne, qui ratisse...
qui ratisse plus large. Je le disais plus tôt, et c'est le titre du projet de
loi, donc, les consultations du... on les débute aujourd'hui sur le projet de
loi n° 94, qui vise notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de
l'éducation. Le mot «notamment» ici, il est très important parce que le projet
de loi, il vise aussi d'autres choses qui n'ont pas toujours de lien avec la
laïcité. Je pense ici à l'obligation pour les enseignants de soumettre une
planification pédagogique, à la création du Comité sur la qualité des services
ou encore à l'obligation d'évaluation annuelle des enseignants. Sur
papier, tout ça, donc, ça semble bien beau, mais c'est sûr qu'on se pose des
questions à savoir si... dans la réalité, est-ce que ces éléments, qui sont
ajoutés, notamment, donc, qui sont ajoutés, donc, au projet de loi
n° 94... est-ce qu'elles permettront véritablement de changer les choses?
Est-ce que le projet de loi n° 94 permettra vraiment d'empêcher un nouveau
Bedford? Parce que, si le pourquoi on est ici compte, le comment compte aussi,
Mme la Présidente. C'est donc cette question que nous aurons principalement en
tête en écoutant les groupes qui viendront, qui se succéderont dans cette
commission. Et c'est aussi avec un esprit d'ouverture et d'écoute que nous nous
retrouvons ici, Mme la Présidente. Et je remercie l'ensemble des groupes
d'avoir soumis leurs mémoires. Nous les entendrons avec beaucoup d'attention.
Merci beaucoup.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Merci beaucoup, Mme la députée. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe d'opposition et député de Jean-Lesage à faire ses remarques
préliminaires pour une durée d'une minute 30 secondes.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Alors, c'est très bref, une minute 30 secondes, pour aborder le
fond. Évidemment, ce qui s'est passé à l'école Bedford n'a aucun bon sens. Une
chance qu'il y a eu un rapport là-dessus. Toutes les recommandations de ce
rapport-là sont importantes. Québec solidaire y adhère. Cela dit, aucune de ces
recommandations-là ne traitait de religion, de laïcité, de signes religieux. Et
c'est pour ça que c'est avec un certain étonnement que je vois la réponse du
ministre à ce qui s'est passé à Bedford dans ce projet de loi là. On va
évidemment regarder les réponses réelles aux préoccupations puis aux
recommandations réelles du rapport Bedford qui vont être là-dedans. On va
proposer des améliorations, certainement, parce qu'il y a des choses qui
semblent ne pas fonctionner. Évidemment, on approfondira notre analyse avec les
gens qui vont venir témoigner ici. Mais clairement la question de la liberté de
conscience est centrale dans ce projet de loi là, et, bon, je n'ai pas le temps
de faire des commentaires approfondis là-dessus, mais j'y reviendrai. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, M. le député. Alors, je souhaite donc la bienvenue au Mouvement
laïque québécois. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.
M. Baril (Daniel) :Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Daniel Baril. Je suis
président du Mouvement laïque québécois. Je suis accompagné de deux collègues
en visioconférence : Lise Boivin, vice-présidente du Mouvement laïque, et
Lucie Jobin, trésorière du Mouvement laïque québécois. Alors, Mme la
Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir à
cette commission parlementaire...
12 h (version non révisée)
M. Baril (Daniel) :...sur le projet de loi n° 94. Et, d'emblée, je vais
vous dire que nous, en ce qui concerne la question de la laïcité, puisque c'est
uniquement sur cette question-là qu'on va intervenir, nous le recevons très
favorablement. Il y a, dans ce projet de loi, des choses que nous avions déjà
demandées, entre autres l'interdiction de signes religieux à tout le personnel
scolaire. C'est dans le projet de loi. Le projet de loi aussi s'assure d'interdire
les visages voilés à toute personne qui se trouve sur un lieu scolaire. C'est
la moindre des choses. Plusieurs dispositions qui sont là auraient dû être déjà
là, dans le projet de loi sur la laïcité de l'État. Et donc on encourage très
fortement le ministre de l'Éducation à tenir bon face aux détracteurs qui vont
diffuser des fausses informations... de la déformation du contenu du projet de
loi, toujours sur la question qui nous concerne, de la laïcité.
Ceci dit, il y a... En fait, on a quand
même relevé, là, peut-être, de certains manquements, entre autres en ce qui
concerne les activités extrascolaires. Le projet de loi amende l'article 215
de la Loi sur l'instruction publique pour s'assurer que ces activités se font
là également à visage découvert.
Alors, on vous soumet le cas qui nous a été
signalé, qui nous a été rapporté par des parents d'une école de Saguenay, où
des activités extrascolaires, une sortie, donc, classe verte, puisque c'était
au 17 juin, dans un camp évangélique. Je vous cite ce qu'on trouve sur le
site de ce camp : Pendant les vacances, le... Donc, les fondateurs du...
Je tiens à dire que les... oui, les... excusez-moi. Sur le site, on dit que les
responsables du camp désirent faire découvrir aux campeurs l'amour de Dieu et
la raison de la venue de Jésus sur terre, tout en ajoutant qu'ils ne veulent
pas faire la promotion d'une religion. Les fondateurs du camp l'ont défini
comme un moyen d'occuper sainement les jeunes pendant les vacances, de partager
l'amour de Jésus-Christ avec eux et des enseignants dans la parole de Dieu. Le
directeur du camp est un prêcheur évangélique dans des centres évangéliques à
La Tuque et à Lévis. Or, il nous paraît inadmissible que des activités
extrascolaires se déroulent dans ce genre d'environnement non seulement
religieux, mais confessionnel et prosélyte.
Alors, c'est pour ça, on demande d'ajouter
à l'article 215 de la Loi sur l'instruction publique que les activités
extrascolaires organisées par une école ou un centre de services scolaire
respectent la laïcité de l'école et de son projet éducatif.
Même remarque concernant l'intimidation.
Le projet de loi amende l'article 18 de la Loi sur l'instruction publique
pour s'assurer que les élèves ont un comportement, et là je cite, «exempte de
toute forme d'intimidation ou de violence, motivée notamment par le racisme, l'orientation
sexuelle, l'identité sexuelle ou de genre, l'homophobie, un handicap...
caractéristique physique». Bien, on sait très bien qu'il y a des pressions qui
vont jusqu'à de l'intimidation entre les élèves concernant l'observance ou non
de certaines pratiques religieuses.
Alors, il nous apparaît important de
mettre aussi... dans les motifs qui sont visés par cet article, de mettre
que... également, ajouter la religion comme étant un motif à réprimer... en
fait, dans... d'intimidation à réprimer, c'est-à-dire. Il y a des ajustements
aussi à faire dans le même sens à deux autres articles qui concernent les
règles de conduite et les écoles privées.
Côté des accommodements religieux
maintenant. En fait, on a là un problème de concordance entre la loi sur la
neutralité religieuse et les demandes d'accommodements pour raisons religieuses
et la Loi sur la laïcité de l'État, deux lois qui ne relèvent pas... en fait,
qui n'ont pas les mêmes bases juridiques, l'une repose sur une approche qui est
plus... qui tient plus de la common law et du multiculturalisme politique
canadien, qui est la loi sur la neutralité, et l'autre qui est plus d'approche
républicaine, qui est fondée sur l'approche civiliste du droit. On ne voit pas
comment une école laïque telle qu'elle est définie par la loi peut recevoir des
accommodements religieux tels que permis par la loi sur la neutralité
religieuse. On envoie... on en veut comme exemple la directive qui a conduit à
l'interdiction des classes... pas des classes, mais des salles de prières dans
les écoles. On a mis dans notre mémoire... En fait, ce n'est pas... les
attendus qui sont là ne sont pas tous les attendus de cette directive, mais il
y a tellement de considérations, tellement...
M. Baril (Daniel) :...de conditions à prendre en considération qu'on ne voit
pas quel type d'accommodement religieux pourrait s'insérer là-dedans. Et
l'interdiction des signes... des classes... excusez-moi, l'interdiction des
salles servant à des prières ou à d'autres activités religieuses à l'école, ça
a été permis avec ces considérants-là, sans que la loi sur la laïcité ni la loi
sur la neutralité n'ait eu... n'ait été amendée, alors qu'une salle de prière
pourrait être un accommodement religieux. Autrement dit, l'ensemble de ces
dispositions-là font que toute demande d'accommodement religieux à l'école
devrait être considérée irrecevable. Or, aussi bien mettre les choses claires
puis éviter que ce soit laissé aux autorités locales, le soin d'interpréter
qu'est-ce qu'un accommodement religieux selon les règles de la loi sur la
neutralité et éviter, donc, que ce soit laissé aux autorités locales... éviter
qu'il y ait des pressions assorties à ces demandes et que ça varie, donc, d'un
établissement à l'autre. Nous demandons de mettre les choses claires et que le
projet de loi no 94 bloque ou interdise formellement les demandes
d'accommodement religieux à l'école publique. C'est une question de cohérence
avec la loi sur la laïcité.
Les vêtements religieux maintenant. Le
projet de loi vise, et ça, on ne peut qu'applaudir, à s'assurer que toute
personne, comme je le disais tout à l'heure, ait le visage découvert sur un
lieu scolaire. Le visage couvert, c'est une attitude non seulement
antipédagogique, mais anti sociale et qui heurte la dignité humaine. Ici, on
parle de la dignité des femmes. Nous pensons que le hidjab et la baya doivent
être considérées de la même façon, et ces vêtements ne viennent jamais seuls,
ils véhiculent une vision discriminatoire du sexe féminin, constitue bien
souvent un étendard de l'islam politique, s'accompagne d'une morale qui ne peut
pas s'harmoniser avec l'éthique que doit inculquer l'école publique.
Et d'ailleurs interdire les tenues
religieuses chez les élèves, ça pourrait rejoindre un des objectifs de la loi
no 84. Ici, ce n'est pas une erreur de frappe, là on parle vraiment de la loi
no 84, sur l'intégration nationale, dont l'article 4 nous dit que «le modèle
d'intégration s'oppose à l'isolement et au repli des personnes dans des groupes
ethnoculturels particuliers». En commission parlementaire, on a demandé
d'ajouter «groupes ethnoculturels et religieux particuliers». On sait que les
vêtements religieux imposés aux fillettes dès l'école primaire créent de
l'isolement, contribuent à la ghettoïsation et au morcellement social. C'est un
facteur qui va à l'encontre de l'intégration nationale. Prenons l'exemple de la
France, qui a une loi de ce type-là. En 2004, donc, quand cette loi a été
adoptée, ils comptaient 639 cas relevés de tenues religieuses ostentatoires à
l'école. C'est diminué à 12 en un an. Et la loi française respecte, a été jugée
conforme à la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a même une
étude qui montre une certaine corrélation, peut-être même un effet de... un
effet causal entre cette mesure et l'amélioration du rendement scolaire chez
les jeunes musulmanes qui ont accepté de retirer leur voile — vous
avez l'étude en référence dans le mémoire.
• (12 h 10) •
Donc, on pense que le Québec est rendu là.
On voit ce que certains parents sont prêts à faire en voilant... en voilant,
oui, le visage des jeunes adolescentes à l'école. C'est inacceptable. Il ne
faut pas attendre que ça dérape.
La clause de droits acquis maintenant.
Nous nous étions opposés à cette clause-là... Une minute? Bon. La clause de
droits acquis crée deux catégories d'employés, là, en fonction de leur date
d'entrée en poste, une catégorie qui est tenue à respecter les obligations puis
l'autre qui en est dispensée, obligations de la laïcité. Les vérificateurs ont
observé que dans les écoles dont on parlait tout à l'heure, dans certains
services de garde, plusieurs personnes ont des signes religieux. Si on
maintient la clause de droits acquis, on n'aura pas réglé le problème.
Et, pour terminer, financement des écoles
privées religieuses, ça nous paraît contradictoire qu'un État laïc finance des
écoles privées religieuses dont la mission est à l'opposé de la mission
éducative que poursuit le Québec, et M. le ministre l'a mentionné tout à
l'heure, l'école publique qui vise le développement de l'esprit critique, la
transmission de connaissances avérées, l'intégration d'une culture commune, des
valeurs universelles. Alors, l'État ne reconnaît que des citoyens.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci,
alors je m'excuse...
M. Baril (Daniel) :Merci, Mme.
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse. Oui, merci beaucoup de votre exposé. Je m'excuse, je vous ai
interrompu, mais le temps était écoulé. Alors, je vous... Nous allons
maintenant commencer la période d'échange. M. le ministre, la parole est à
vous.
M. Drainville : Merci
beaucoup...
M. Drainville : ...Mme la
Présidente. Merci à vous, M. Baril, vous avez toujours été d'une
remarquable constance en matière de laïcité depuis plusieurs années, et donc je
me réjouis de votre participation, la vôtre et celle de Mmes Jobin et
Boivin. Merci beaucoup, mesdames, d'être présentes avec nous.
Alors, comme on n'a pas beaucoup de temps,
plongeons, plongeons. Sur la question des activités extrascolaires, je prends
note de l'exemple que vous avez donné. Donc, ce que je comprends bien, vous,
c'est que vous... Parce qu'on s'entend, là, la sortie scolaire, ce n'était pas
une sortie scolaire à caractère religieux, c'est une sortie scolaire qui s'est
déroulée dans un lieu qui était religieux ou, enfin, un camp de... un camp de
vacances, là, qui a une vocation religieuse. Est-ce à dire, donc, que vous vous
seriez opposé, par exemple, à ce qu'une école utilise, par exemple, un sous-sol
d'église pour faire un spectacle de fin d'année, ou une pièce de théâtre, ou...
dans certaines communautés rurales, comme vous le savez, le seul endroit, la
seule salle qui peut accueillir une telle activité, c'est parfois la salle
paroissiale ou même l'église. Des fois, l'église est transformée plus ou moins
en centre communautaire ou le sous-sol de l'église sert à ça. Est-ce que vous
recommandez que même ce type d'utilisation soit interdit par la loi?
M. Baril (Daniel) :Bien, vous demandez que le personnel qui dispense... les
partenaires de l'école, donc, qui vont dispenser les services d'activités
extrascolaires aient le visage découvert, n'est-ce pas? Alors, pour la même
raison, il faut s'assurer que le projet lui-même ne soit pas contaminé, disons,
par l'environnement prosélyte. Là, c'est clairement... Quand on va voir sur le
site du centre en question, et le directeur du centre, bon, le sens de sa
vocation, là, c'est une vocation évangélique. Bon.
M. Drainville : Mais qu'est
ce que vous craignez? Comme on n'a pas beaucoup de temps, M. Baril, on va
aller... on va aller gaiement, là, on va échanger.
M. Baril (Daniel) :On pense que les partenaires de ce type-là ne devraient pas
être permis pour les activités extrascolaires.
M. Drainville : O.K., mais
qu'est-ce que vous craignez? Vous craignez, par exemple, que, si des élèves
vont dans un environnement comme celui-là, il y ait des écriteaux à caractère
religieux, vous craignez, par exemple, que ces écriteaux induisent un message à
caractère religieux?
M. Baril (Daniel) :
Notamment.
M. Drainville : C'est ça,
O.K.
M. Baril (Daniel) :Exactement.
M. Drainville : Très bien. Je
voulais juste préciser ça.
M. Baril (Daniel) :Et puis de la paperasse qui peut être sur place, distribuée
aux enfants ou, sans qu'elle soit distribuée de façon formelle, laisser à la
discrétion, les parents s'en servent ou, peu importe, c'est inapproprié.
M. Drainville : Je comprends.
Je comprends. Je dois préciser, là, pour le grand public, le vaste public qui
nous écoute et en particulier les représentants des médias, une question n'est
pas nécessairement le signal qu'il y a, comment dire, le début d'une
modification au projet de loi, là, je vais me permettre, pendant ces travaux,
de poser des questions sur tout. Je vais le faire de façon ouverte. Donc, je
suis curieux, je suis en quête d'information, mais je ne veux pas qu'on déduise
de mes questions qu'elles sont le début d'une éventuelle modification. Ça
pourrait être le cas, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Donc, je voulais
préciser ça d'emblée.
Je trouve ça intéressant, M. Baril, que
vous souhaitiez ajouter la religion aux différents critères qui concernent donc
le comportement des élèves, les élèves qui doivent adopter un comportement
exempt de toute forme d'intimidation, de violence motivée par le racisme,
l'orientation sexuelle, l'identité, l'homophobie, handicap, caractéristiques
physiques. Vous souhaiteriez ajouter la religion. Je n'ai pas de question
là-dessus, mais je note quand même l'intérêt de cette proposition. J'aimerais
comprendre votre proposition en matière de droits acquis. Est-ce que vous
suggérez qu'il n'y ait pas du tout de droits acquis ou vous suggérez que le droit
acquis ait une... comment dire, une date d'échéance dans le temps?
M. Baril (Daniel) :En fait, la date d'échéance ne devrait pas être... Ici, on
a suggéré la fin de l'année civile où les amendements entreraient en vigueur,
bon, pour pas que ce soit le lendemain matin...
M. Baril (Daniel) :...peut-être que cette disposition-là pourrait être étirée
quelque peu, mais c'est clair que le problème... le problème, il a été mis dans
la loi n° 21, là.
M. Drainville : O.K. Vous
voulez dire les personnes qui ont présentement un signe religieux pourraient le
conserver jusqu'à la fin de l'étude du projet de loi. Après ça, elles seraient
obligées, les personnes seraient obligées de le retirer, c'est ça?
M. Baril (Daniel) :C'est la suggestion. Nous, ce qu'on veut, c'est
l'extinction de ce droit.
M. Drainville : D'accord.
M. Baril (Daniel) :
Bon.
M. Drainville : Alors, on a
un différend là-dessus. On a un différend là-dessus, n'est-ce pas?
M. Baril (Daniel) :
Peut-être, si vous le dites. C'est ce qu'on demande.
M. Drainville : Non, non,
mais notre position, comme vous le savez, M. Baril, c'est que les
personnes qui portaient un signe religieux, peu importe leur religion, au
moment du dépôt du projet de loi, peuvent le conserver. C'est le même... c'est
la même proposition de droit que contenait la loi n° 21.
M. Baril (Daniel) :Oui, oui, exactement, mais vous le répétez quand même dans
le projet de loi n° 94, le droit acquis. Nous, ce qu'on dit, c'est que ça
crée deux catégories d'employés, non pas sur... sur la base de leur date
d'entrée en fonction. Ça nous pose un problème en regard du respect d'un
principe fondamental qui est la laïcité de l'État.
M. Drainville : Je comprends,
je comprends. Bon, maintenant, vous souhaiteriez aussi que les signes religieux
soient interdits pour les élèves. Donc, le modèle français.
M. Baril (Daniel) :On n'a pas parlé de signes, on a parlé de tenue
vestimentaire religieuse.
M. Drainville : Mais alors
précisez votre pensée.
M. Baril (Daniel) :Bien, tenue vestimentaire religieuse, on donne des exemples
d'hijab et d'abaya.
M. Drainville : Bien oui, O.K.,
c'est... En tout cas, le hijab, c'est certainement un signe religieux.
M. Baril (Daniel) :Et les cas qui ont été rapportés dans certaines des écoles,
là, des enquêteurs, le visage couvert, c'est une tenue religieuse, là ce
n'était pas pour des raisons de Santé. Alors, ces tenues-là, vous voulez vous
assurer de... et c'est... et on vous suit là-dessus, que tout le monde ait le
visage découvert. Bon, ça peut être pour des raisons autres que la laïcité, ça,
avoir le visage découvert. Pour nous, c'est une question de dignité humaine.
Mais les vêtements religieux imposés à des
enfants au primaire, ça crée de l'isolement social, ça empêche les
communications, de la même façon que le visage couvert. On a des cas, des gens
qui nous rapportent des cas où la fillette, du jour au lendemain, arrive à
l'école avec un hijab, et puis les autres ne parlent plus, et elle-même se
tient à l'écart, donc ça respecte... c'est un obstacle à l'intégration. Puis il
y a toutes les valeurs véhiculées par l'école, là, relisons tous les attendus,
là, de votre directive contre les salles de prière et puis ça viole ces
attentes-là, là.
• (12 h 20) •
M. Drainville : ...l'État,
c'est d'abord les rapports entre les institutions de l'État, et la religion, et
les religions, donc les enfants ne sont pas des... ne travaillent pas pour
une... ils ne font pas partie du personnel scolaire, ne font pas partie du
personnel d'une institution publique. La laïcité concerne les institutions
publiques et les personnes qui oeuvrent au sein de ces institutions.
M. Baril (Daniel) :Oui, oui, tout à fait, sauf qu'on pense que l'État, un État
démocratique peut être légitimé d'offrir aux enfants un environnement social
expurgé de tout, de tout précepte religieux. Ça n'enlève pas leur appartenance
religieuse, leur identité religieuse, c'est qu'on offre un environnement où ils
pourront voir qu'est-ce que c'est de vivre en dehors de contraintes
religieuses. Il y a eu, suite à...
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup. C'est tout le temps que nous avons. Maintenant, je dois céder la
parole à la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, on vous écoute.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Baril, et bonjour aussi à vous deux,
mesdames Jobin et Boivin. Je vais peut-être poursuivre, donc, sur la même
thématique, sur la question des élèves et des vêtements religieux. Vous avez
dit quelque chose qui me semble un peu surprenant ici, M. Baril, donc vous
parliez... vous parliez donc d'isolement, donc, des jeunes qui se retrouvent
dans cette... qui pourraient, donc, porter, donc, des signes religieux, on ne
parle pas de visage à découvert ici, ce n'est pas du tout cette clause-là, donc
vraiment, donc, ce que vous, vous amenez dans votre proposition ici, un peu
comme le ministre, comme il vient, donc, de l'évoquer, de notre côté, vous
comprendrez qu'on a une conception de la laïcité de l'État, donc, qui concerne
justement, donc, l'État québécois et non pas ceux qui bénéficient, donc, des
services ici. Donc, vous voyez un peu...
Mme Cadet : ...de la
proposition que vous amenez puis aussi de ce que vous... de ce que vous
qualifiez donc d'isolement. Ce que moi, dans... J'ai l'opportunité, donc, de
visiter des écoles où je vois, donc, des jeunes, parfois des jeunes filles,
elles font habituellement partie du... certaines d'entre elles font partie du
club de robotique, du club de soccer, ont d'excellentes notes, sont... ont des
amis de toutes confessions et ne se limitent pas. Donc, j'aimerais comprendre,
donc, d'où viennent vos données, ici, pour les statistiques que vous amenez de
l'avant.
M. Baril (Daniel) :Je ne crois pas avoir donné de statistiques là-dessus.
Mme Cadet : Ah, pas de
statistiques. Les données ou les exemples, plutôt, là.
M. Baril (Daniel) :Oui. Des exemples, qui nous sont rapportés par des parents
et des enseignantes, du fait que, quand une jeune fille arrive à l'école, du
jour au lendemain, et porte son hijab, elle est exclue du groupe. Regardez la
dernière photo. Je ne sais pas si vous l'avez version papier ou PDF, là. Bon.
Dans une école... bien, c'est une école privée, c'est une école privée
subventionnée. Vous voyez les élèves? Et c'est une école qui dit : Le port
du hijab n'est pas obligatoire dans certaines occasions. C'est clair que, dans
cette école, c'est obligatoire. Vous voyez le fait d'isolement que ça crée? Là,
il y a des jeunes filles d'un bord, 100 % voilées, les garçons ailleurs.
Mme Cadet : Mais je reviens à
l'école publique, ce qu'on parlait.
M. Baril (Daniel) :Bien, prenez ça de façon plus... moins...
(Interruption) ...excusez, moins
100 % dans une école publique. Et puis la jeune fille se retrouve dans la
même situation. Elle va se regrouper avec d'autres jeunes filles qui portent le
voile.
Mme Cadet : O.K. On est en
désaccord.
Maintenant, sur la clause de droits
acquis, donc, vous remettez en cause la clause de droits acquis, donc, vous
venez de l'indiquer dans votre échange avec le ministre. En fait, moi, la
question que j'avais pour vous, c'est : Est-ce que vous avez chiffré
l'impact de votre proposition sur le réseau, donc ce que ça voudrait dire de
remettre en cause, là, complètement, donc, la clause de droits acquis et de
faire en sorte que potentiellement... que des individus, donc, principalement,
donc, des femmes qui œuvrent au sein du réseau, décident de le quitter? Est-ce
que vous avez chiffré cette recommandation-là?
M. Baril (Daniel) :Non. On n'est pas en mesure de chiffrer ça. Et ce n'est
pas... ce n'est pas de notre travail de le faire non plus. Nous, on s'occupe
des principes. Et, ce qu'on sait, c'est que, quand il y a des directives qui
demandent à certaines personnes de retirer leur signe religieux, et qui n'ont
pas une vision extrême de leur religion, ils acceptent de le faire. Et celles
qui n'acceptent pas de le faire n'accepteront pas plus dans un an ou dans deux
ans si on leur donne un délai pour que le droit soit éteint. C'est pour ça
qu'on s'était opposés à ce que ce soit là dès le départ. Combien de personnes?
On l'ignore. D'ailleurs, je pense qu'au ministère de l'Éducation, à l'époque, ils
ne le savaient pas non plus. C'est des considérations qui sont, là, au-delà de
nos préoccupations.
Mme Cadet : O.K. Vous
suggérez... on n'en a pas parlé, vous suggérez la création d'une commission de
la laïcité au sein du Conseil supérieur de l'éducation. Bien, comme vous le
savez, donc, le Conseil supérieur de l'éducation, dans un précédent projet de
loi, a été aboli pour se scinder, donc, en Conseil de l'enseignement supérieur
et en l'INEE, l'Institut d'excellence en... national d'excellence en éducation.
Donc, dans... Comment est-ce que vous verriez l'intégration de cette commission
de la laïcité, donc, considérant les nouvelles structures d'institutions, là,
disons, aviseures, là, au ministre de l'Éducation?
M. Baril (Daniel) :On le voit comme sur le même pied que la Commission de
l'enseignement primaire puis la Commission de l'enseignement supérieur au
sein... au sein du conseil, qui ont leurs présidents... parmi les membres du
conseil, qui font des... qui font des rapports, qui examinent la situation. Et
c'est clair que s'il y avait un tel comité au Conseil supérieur, bien, la
mission, c'est voir la mise en œuvre de la laïcité, là, et pas d'y faire
obstacle.
Moi, j'ai été membre du Conseil supérieur,
moi, dans les années 80, pendant le système confessionnel. Il y avait au
Conseil supérieur des comités confessionnels catholiques et protestants dont
les membres étaient nommés par leurs autorités religieuses respectives. Il
était un temps même où tous les... bien, ça remonte, je pense, avant le
ministère de l'Éducation, mais tous les évêques étaient membres du Comité
catholique. Ses présidents siégeaient au Conseil supérieur. Et les comités
confessionnels avaient un pouvoir de réglementation sur l'école. C'était quand
même très fort, là. Ce serait un juste retour qu'il y ait au Conseil supérieur
une instance qui voit maintenant à s'assurer du respect de la laïcité dans les
écoles.
Mme Cadet : ...je vous
comprends bien, ce serait probablement plus quelque chose qui relèverait du
ministère, là. Puis, comme j'ai dit, donc, il n'y a pas de... il n'y a plus de
Conseil supérieur de l'éducation, proprement dit. Mais ça relèverait plus du
ministère que de l'INEE dans ce que vous nous présentez comme exemple, là.
Ensuite, parce que je vois le temps qui
file, sur les activités extra... extrascolaires.
Mme Cadet : ...j'ai...
j'aimerais donc bien comprendre donc votre gradation, parce qu'évidemment
l'exemple que vous avez écrit... inscrit ici est tout à fait inacceptable. Je
pense que tout le monde s'entend. Le ministre a parlé peut-être ici dans un
sous-sol d'église. J'aimerais que vous raffiniez peut-être votre pensée pour
saisir donc quelle est l'élasticité ici du type d'activités extrascolaires donc
qui seraient acceptables. Est-ce que dans un musée ou est-ce qu'il y aurait une
exposition religieuse, est-ce que les jeunes auraient le droit d'aller dans ce
musée-là, par exemple, pour vous?
M. Baril (Daniel) :Il faut se... Écoutez, là, on ne peut pas voir, là, chaque
cas d'espèce qui peut se présenter, là. Ce qu'il faut... ce qu'on veut qui soit
assuré, c'est qu'ils ne soient pas dans un environnement trop prosélyte, parce
que l'exemple qu'on vous rapporte, là, ça nous a été signalé par des parents
qui ne voulaient pas aller dans ce camp-là. Bon. Là, on donne l'exemple d'un
sous-sol, ce n'est pas la même chose, je pense, là.
Mme Cadet : Tout à fait.
M. Baril (Daniel) :
Celui-là avait quand même... est très évident.
Mme Cadet : Oui.
M. Baril (Daniel) :
Et ça justifie à nos yeux de s'assurer que, dans le projet de loi, on s'assure
que les activités extrascolaires sont exemptes de caractères religieux.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci.
Je dois vous interrompre.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Merci, mesdames.
La Présidente (Mme Poulet) :
On va poursuivre la discussion avec le député de... avec le député de Jean-Lesage.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour M. Baril. Bon, j'ai très peu de temps, deux minutes. Selon
vous, les femmes qui portent le voile, pourquoi le portent-elles?
M. Baril (Daniel) :Demandez-leur. Ce qu'on entend, c'est que c'est une
consigne religieuse, et celles qui ont contesté la loi 21 devant les tribunaux,
c'est ce qu'elles sont venues nous dire. Elles ont dit que le port de notre
signe religieux fait partie de notre pratique religieuse. Elles l'ont défini
comme une pratique religieuse. Alors, l'école n'est pas le lieu d'exercer sa
pratique religieuse, pas plus qu'une prière. La tenue religieuse, ça fait
partie de la pratique.
M. Zanetti : Si je peux
préciser ma question peut-être? Les femmes qui portent le voile, par exemple,
considérez-vous que ce sont des femmes libres?
M. Baril (Daniel) :Que ce sont?
M. Zanetti : Des femmes
libres.
M. Baril (Daniel) :Je n'ai aucun moyen de vous répondre à ça, là. Elles
obéissent à une consigne religieuse, que ce soit de leur propre volonté ou
qu'elle soit imposée par d'autres, c'est la même chose, c'est la même chose.
M. Zanetti : C'est la même
chose.
M. Baril (Daniel) :Mais oui. Moi... moi, si je... je pourrais porter un
tee-shirt, J'ai déjà été enseignant et j'aurais... ça n'aurait pas été accepté
que j'aie un tee-shirt avec que je suis athée et libérez de la religion ou un
bandeau qui dit je suis athée. C'est exactement le même message qui est lancé
par des tenues religieuses.
• (12 h 30) •
M. Zanetti : Tout signe
religieux est prosélyte pour vous. Est-ce qu'un masque de procédure, c'est un
signe religieux pour vous?
M. Baril (Daniel) :Vous avez dit un masque de procédure pour pour les
employées qui...
M. Zanetti : Médicale, comme
on en a porté dans la COVID.
M. Baril (Daniel) :Non, ce n'est pas un signe religieux, mais on sait que ça a
été utilisé pour ça.
M. Zanetti : Donc, tout peut
devenir un signe religieux s'il est utilisé pour ça.
M. Baril (Daniel) :Bien oui, c'est le motif. Ce n'est pas le tissu en soi, là,
c'est le motif pour lequel on le porte, ce qui montre qu'il y a un message qui
est véhiculé.
M. Zanetti : Donc, quelqu'un
qui porte un masque de procédure, au fond, toutes les personnes, les élèves qui
arrivent des masques de procédure, il va falloir qu'il y ait un billet du
médecin, sinon on pourrait penser que c'est un signe religieux.
La Présidente (Mme Poulet) :
C'est tout le temps que nous avons, je suis désolée. Alors, je vous remercie
beaucoup pour votre participation à la commission.
Nous allons suspendre quelques instants,
le temps que le prochain groupe puisse s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
12 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 12 h 33)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on poursuit nos travaux. Je vous souhaite donc la bienvenue, aux membres du
Centre consultatif de relations juives et israéliennes. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour votre exposé, et puis nous procédons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Alors, on vous écoute.
M. Harrouche (Yannis) : Donc,
bonjour, Mme la Présidente, mesdames et messieurs les membres de la commission,
M. le ministre. Nous vous remercions de nous permettre de vous présenter nos
commentaires dans le cadre de la présente consultation sur le projet de loi n° 94.
Le CIJA est l'agence de représentation des
institutions de la communauté juive québécoise, une communauté historique
présente au Québec depuis presque 260 ans. Je suis directeur des relations
gouvernementales, je m'appelle Yannis Harrouche, et je suis accompagné par ma
collègue directrice à la recherche et aux politiques publiques, Mme Emmanuelle
Amar.
Il est important de comprendre que, bien
que notre mandat premier soit de représenter la communauté juive québécoise,
nos réflexions, lorsque nous proposons des politiques publiques, nous voulons
toujours nous assurer qu'elles bénéficient à la société québécoise dans son
ensemble. Nous pensons qu'il est nécessaire et important de faire entendre
notre voix sur les enjeux importants en lien avec l'éducation, en particulier
étant donné ce qui a été dévoilé au courant des derniers mois concernant ce qui
se passait dans de nombreuses écoles publiques.
Le futur de notre société réside en grande
partie dans le bien-être de nos enfants. Ainsi, face à la problématique du non-respect
des valeurs communes, de nos valeurs communes à tous les Québécois par
certains, nous croyons qu'il était absolument nécessaire de légiférer. Nous
avons donc accueilli avec grand intérêt le présent projet de loi et présentons,
donc, ci-dessous nos recommandations dans le cadre du projet de loi n° 94.
Notre communauté partage avec ses
concitoyens de partout au Québec un ensemble de valeurs qui caractérisent notre
société : protection des droits et des libertés individuelles, égalité
hommes-femmes, liberté de conscience et d'opinion et neutralité de l'État en
matière religieuse.
Actuellement, les Québécois juifs font
face à une montée de l'antisémitisme que nous n'avons pas vu depuis plusieurs
générations. Cette montée a été accélérée depuis les attaques du 7 octobre
par le Hamas en Israël et plusieurs, plusieurs actes antisémites ont eu lieu au
Québec et un peu partout dans le monde occidental depuis ce moment-là. Mais,
cependant, ce n'est pas que la communauté juive qui est attaquée, mais l'ensemble
de la société québécoise, ses valeurs et son mode de vie.
Face à la haine, le système d'éducation
publique est essentiel pour façonner l'avenir de notre société. Comme tous les
Québécois, nous avons suivi avec intérêt et inquiétude les récentes enquêtes
menées dans plusieurs écoles publiques, d'abord celle de Bedford et ensuite
plusieurs autres, qui ont révélé que des acteurs externes, des enseignants, des
membres du personnel ont abusé de leur autorité pour imposer des doctrines
radicales aux élèves des écoles publiques du Québec. Ce projet de loi était
donc nécessaire pour redonner confiance dans le système d'éducation publique à
la population québécoise. Comme vous pourrez le constater, notre présentation
et ses recommandations sont basées sur nos valeurs communes québécoises, mais
également sur nos préoccupations communes.
Face à la haine, l'intolérance et la
radicalisation, la polarisation et les pressions externes d'éléments...
exercées sur les écoles publiques, il est urgent d'agir. Nous accueillons donc
favorablement l'objectif véhiculé par le projet de loi n° 94, de
renforcer, au sein du système d'éducation, les valeurs démocratiques, les
valeurs québécoises, dont l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que
la laïcité de l'État.
D'ailleurs, le nombre d'étudiants juifs
fréquentant les écoles publiques primaires et secondaires rapportant des
incidents d'intimidation ou d'ostracisation de la part d'étudiants ou même de
professeurs...
M. Harrouche (Yannis) : ...raison
de leur identité juive explose. Depuis le 7 octobre 2023, le CERJI a reçu
énormément de plaintes et signalements de parents concernant des actes et
incidents antisémites dans des écoles publiques. À titre de comparaison, nous
avions reçu moins d'une dizaine de ce genre de plaintes ou signalements au
cours des 15 années précédentes au 7 octobre, mais au-dessus d'une centaine
dans les 18 derniers mois. L'importance de l'éducation afin de lutter
contre non seulement l'antisémitisme, mais tout type de haine n'est plus à
démontrer.
Pour terminer ma présentation, avant de
passer la collègue à ma... la parole à ma collègue qui parlera plus
spécifiquement de nos recommandations d'amendements, j'aimerais souligner ceci.
Nous accueillons de manière très favorable la mesure qui exige que toutes les
personnes, qu'il s'agisse d'employés ou d'élèves, aient le visage découvert dans
les établissements d'enseignement. Les rapports ayant circulé récemment ont
suscité des préoccupations légitimes quant à des situations observées dans
certaines écoles, et nous croyons qu'il est important que la loi encadre
clairement ce type de pratiques. Nous percevons cette exigence non pas comme
une question de croyance ou une question religieuse, mais avant tout comme un
principe lié à la sécurité et à l'identification dans l'espace public. Je vais
maintenant passer la parole à ma collègue.
Mme Amar (Emmanuelle) : Merci.
Alors, en termes de recommandations spécifiques, nous avons une première
recommandation qui concerne l'article 3 du projet de loi, donc
l'article 3 qui modifie l'article 18.1 de la Loi sur l'instruction
publique, cet article, qui porte sur une obligation pour les élèves d'avoir un
comportement empreint de civisme et de respect. Donc, nous pensons que c'est
une bonne idée de se pencher sur cet article. On a vu des graves cas, comme mon
collègue l'a souligné, de désinformations de croyances haineuses qui sont
entrées dans les... concernant les élèves. Et donc, en plus d'avoir la
modification qui est proposée dans le projet de loi qui est d'ajouter que les
élèves doivent avoir un comportement qui est exempt de toute forme
d'intimidation et de violence motivée notamment par le racisme, l'orientation
sexuelle, identité sexuelle ou de genre, l'homophobie handicap ou une
caractéristique physique, nous recommandons d'ajouter explicitement le concept
de «exempt de toute forme de haine».
• (12 h 40) •
Ensuite, nous avons une seconde
recommandation qui concerne l'article 13 du projet de loi, donc cet
article, qui prévoit un renforcement des obligations et des attentes pour tous
quant aux règles de conduite dans les écoles, en particulier l'alinéa 2 de
l'article 13, qui prévoit que tout le monde de personnel de l'école doit
collaborer à la mise en œuvre des règles de conduite. On note que cette
obligation fait écho à une obligation similaire qui existe déjà dans la Loi sur
l'instruction publique, qui est celle à l'article 75.3, mais qui, cette
fois, est sur la mise en œuvre du plan de lutte contre l'intimidation et la
violence, et que les membres du personnel ont une obligation de veiller à ce
qu'aucun élève de l'école ne soit victime d'intimidation ou de violence. Et
nous, on constate, comme mon collègue l'a dit, que, depuis le 7 octobre
2023, on voit une énorme hausse des cas d'intimidation et de violence verbale
ou physique contre des étudiants membres de notre communauté. Et, trop souvent,
les intervenants dans le milieu scolaire, donc que ce soient des professeurs ou
autres intervenants, semblent réticents ou ne pas avoir les meilleurs outils
pour traiter ces cas d'antisémitisme, comme ils traiteraient d'autres cas
d'intimidation.
Or, nous, on dit : C'est justement ce
qui est nécessaire. Il faut traiter ces cas comme on traiterait d'autres cas
d'intimidation, parce que c'est ce dont il s'agit. Et donc, on recommande qu'il
y ait des mesures qui soient apportées dans le projet de loi pour avoir une
application stricte des mesures prévues au plan de lutte, dans les cas
d'intimidation à caractère antisémite et haineux. Et ces cas doivent être
traités, selon nous, avec le même sérieux que les autres... que les autres cas
d'intimidation, de harcèlement ou de violence.
De plus, les articles 75.3 de la Loi
sur l'instruction publique et l'article 76, qui est modifié par le projet
de loi, prévoient donc ces obligations pour l'enseignant de mettre ceci en
œuvre. On pense qu'il faudrait des mesures qui soient rajoutées pour avoir des
garanties de sécurité à des enseignants qui voudraient dénoncer certaines
situations et s'assurer qu'ils ne soient pas victimes d'intimidation ou de
représailles...
Mme Amar (Emmanuelle) : ...comme
on a pu entendre certains cas, dans les médias, qui étaient sortis, et qui
empêcherait les enseignants de s'accomplir de leur tâche, dans le cas de cette
obligation qui est à 75.3 et, maintenant, à 76, tel que modifié par le... par
le projet de loi.
Et ensuite, finalement, nous avons une
troisième recommandation, qui concerne l'article 40 du projet de loi. Donc,
l'article 40 du projet de loi prévoit l'insertion d'un article 706 à la Loi sur
l'instruction publique, et cet article 706, au deuxième alinéa, prévoirait
qu'aucun accommodement ni aucune autre dérogation ou adaptation pour un motif
religieux ne peut être accordé en ce qui a trait à l'application d'une série
d'articles dont l'article 14 de la Loi sur l'instruction publique. Et nous
avons des préoccupations concernant ce second alinéa, parce que l'article 14
concerne l'obligation de fréquentation scolaire, et, justement, on pense que de
n'avoir aucun accommodement de... pour pouvoir s'absenter pour des motifs
religieux, ce n'est pas réaliste.
Le principe de laïcité de l'État, ça ne
signifie pas que les élèves ne peuvent pas pratiquer leur propre religion à la
maison, et, pour certaines familles, il peut y avoir un besoin occasionnel de
s'absenter... de s'absenter de l'école. Donc, nous recommandons une
modification qui permettrait un accommodement de jours limités, nombre de jours
limité pour qu'une famille ou l'élève puisse pratiquer sa propre religion à la
maison, et donc, par exemple, sept jours, puis ça permettrait d'apporter un
équilibre et de respecter la priorité de l'éducation avec le besoin d'inclusion
et de respect de diversité religieuse, tout en garantissant que les absences
restent limitées et exceptionnelles. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup de votre exposé. Nous allons maintenant procéder à la période
d'échange. Alors, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Drainville : Oui. Merci
beaucoup à vous deux de participer à nos travaux. Je dois dire, d'emblée, que
je suis extrêmement préoccupé... même que le mot «préoccupé» est trop faible...
je suis extrêmement inquiet par les manifestations de haine et d'antisémitisme
que la communauté juive a subies ces derniers temps. Je suis même allé dans une
école de la communauté qui avait fait l'objet de menaces explicites,
dirions-nous. Donc, je tiens à le dire, c'est une montée de l'antisémitisme qui
me... qui m'inquiète énormément, et je nous invite, comme société, à rester
très, très, très vigilants face à ces... cette hausse des actes de haine envers
notre communauté juive, qui, comme vous l'avez si bien dit dans votre mémoire,
est ici présente au Québec depuis plus de 250 ans, donc c'est une communauté
historique.
J'accueille avec beaucoup d'ouverture
votre proposition d'ajouter le concept de haine dans la liste des comportements
qui sont attendus des élèves. La liste des comportements... bien sûr, par
exemple, ils doivent adopter une posture qui est exempte de toute forme
d'intimidation, de violence, de racisme, etc. Et vous souhaitez ajouter
«exempte de toute forme de haine», vous souhaitez que ce soit ajouté à
l'énumération. Je dois vous dire que j'accueille cette proposition avec
beaucoup d'ouverture, pour les raisons que vous avez données. Encore une fois,
je souligne, auprès des gens des médias, que je ne viens pas d'annoncer une
modification au projet de loi, mais je tiens quand même à signifier que j'ai
bien noté cette proposition, un peu comme je l'ai fait pour la proposition du
groupe précédent par rapport à la religion.
J'aimerais quand même vous entendre... On
comprend pourquoi vous souhaitez que ce soit ajouté, mais j'ai le goût de vous
dire : Quand on parle de comportements qui doivent être exempts de toute
forme d'intimidation ou de violence, pourquoi croyez-vous que cela n'inclut pas
des comportements haineux? Parce que certains diraient : C'est
superfétatoire d'ajouter le mot «haine», là. La haine, c'est un comportement
qui peut être considéré comme violent...
M. Drainville : ...très
certainement intimidant. Pourquoi faut-il ajouter le mot «haine»?
M. Harrouche (Yannis) : Je
vais commencer, puis je vais laisser ma collègue continuer. Bien, je veux
juste... par rapport à ce que vous avez commencé dans votre intervention, je
veux que ça soit dit et noté pour les besoins de la commission publique, je
voulais vous remercier, M. le ministre, de un, d'avoir été présent aux côtés de
notre communauté lorsqu'effectivement des écoles ont été la cible de coups de
feu en novembre et décembre 2023. Ça avait pris, de mémoire, seulement quelques
jours, puis vous étiez effectivement... vous aviez fait une place dans votre
agenda pour venir nous visiter. Puis on a toujours eu une excellente
collaboration de votre part et de votre cabinet. À chaque fois qu'il y avait
des incidents qui étaient... qui étaient rapportés, vous avez toujours été un
des premiers à être... à être présent dans la lutte contre l'antisémitisme,
puis je voulais que ça soit noté et reconnu. Puis je vais laisser ma collègue
répondre plus spécifiquement à votre question.
Mme Amar (Emmanuelle) : Merci.
Et merci, M. le ministre, de la question. En fait, vu les cas qui nous ont été
rapportés et qui font sérieusement froid dans le dos en termes d'attaques
contre des élèves membres de notre communauté, comme vous avez... à
l'article 3 du projet de loi, vous avez une liste, une énumération, les
mots ont une importance, et ces règles de conduite vont être communiquées à
tous les élèves, et la liste que vous rajoutez dans le projet de loi, en
listant les formes qui sont inacceptables de harcèlement, d'intimidation...
vous avez toute une énumération, avec laquelle nous sommes d'accord, mais,
justement, on pense que c'est important pour que les élèves voient le mot
«haine» aussi et puis puissent comprendre ensuite, avec des explications de
l'école, qu'est-ce que c'est, la haine. Et c'est important que des cas qu'on a
vus dans les écoles, qui sont clairement motivés par des pensées haineuses,
soient mis noir sur blanc que c'est un comportement qui est inacceptable pour
les élèves.
M. Drainville : O.K. Vous
recommandez également... je vais citer le mémoire : «Nous recommandons
vivement...» C'est la recommandation trois. «Nous recommandons vivement
d'amender cette disposition du projet de loi afin de permettre un accommodement
raisonnable qui pourrait se situer entre sept et 10 jours par année scolaire
pour l'observance religieuse.» C'est... C'est, dites-vous, «une approche qui
permet d'équilibrer la priorité de l'éducation avec le besoin d'inclusion et de
respect de la diversité religieuse», etc. Comment est-ce que vous... Comment
est-ce que ça pourrait être appliqué, ça? Comment est-ce que vous... S'il
fallait mettre ça en œuvre, ça fonctionnerait comment?
• (12 h 50) •
Mme Amar (Emmanuelle) : Alors,
justement, par manque de temps... mais merci de la question. Donc, dans le mémoire,
on recommande que le gouvernement pourrait envisager d'inclure une obligation
pour les parents de déclarer à l'école, dès le début de l'année scolaire, les
jours d'absence envisagés, assurant ainsi une plus grande... une plus grande
prévisibilité, ce qui permettrait justement aux enseignants de ne pas avoir de
surprise. Puis ça garantirait le bon fonctionnement des services éducatifs et
que... du respect de la dynamique de classe soit respecté.
M. Drainville : Oui. Vous
comprenez que permettre une telle disposition, ça risquerait d'être mal
interprété, dans le sens où certains pourraient dire : Ah! ils proposent
la laïcité, mais ils se réservent... ils réservent des espaces au sein de
l'année scolaire, à l'intérieur de l'année scolaire où la religion a primauté
sur l'éducation ou encore où l'éducation doit céder le pas à la religion. Je
pense que vous êtes conscients du fait que ça risque d'être interprété comme
certains comme un accommodement déraisonnable.
Mme Amar (Emmanuelle) : Alors,
en fait, ce qu'on dit c'est vraiment que le principe de laïcité de l'État, ça
ne veut pas dire que les élèves ne peuvent pas pratiquer leur propre religion à
la maison et que, justement, pour certaines familles...
Mme Amar (Emmanuelle) :...cette pratique, ça peut occasionner, de
façon limitée, certaines absences de l'école. Et on propose, justement, que ça
soit limité à un certain nombre... un certain nombre de jours, et que ce n'est
pas du tout en contradiction avec les principes du projet de loi ni de la
laïcité de l'État, et qu'au contraire ça permet de les respecter tout en
permettant à ces familles et à ces élèves, dans des cas limités, de pouvoir
occasionnellement s'absenter.
M. Harrouche (Yannis) :Si je peux rajouter, M. le ministre, très
rapidement, je vous écoutais, tantôt vous aviez un échange avec le groupe
précédent à nous puis il y avait une certaine proposition que la personne avait
amenée, justement d'imposer, je pense, l'interdiction de signes religieux aussi
chez les étudiants. Si ma mémoire est bonne, c'était ça, la... Et puis un des
points que vous aviez amenés, c'était justement : Il y a une laïcité de
l'État qui s'applique aux employés de l'État, mais les élèves ne sont pas des
employés de l'État. Donc, c'est pour ça que vous... ce principe-là,
nécessairement, n'a pas... ne s'étend pas jusqu'à eux. Après, c'est sûr que
vous, comme législateurs, vous avez à trouver une solution qui permet de
respecter ce qu'on considère comme étant des droits individuels et aussi de
s'assurer que le système d'éducation, dans son ensemble, fonctionne
correctement. Et c'est pour ça qu'on a mis sur papier cette proposition-là de
permettre un nombre de jours limité en demandant, possiblement, aux parents de
le dire aux enseignants au début ou un peu avant le début de l'année scolaire
pour qu'ils soient... pour qu'il puisse y avoir une prévisibilité. Comme ça, on
serait capable d'avoir en même temps un respect des croyances individuelles et
d'avoir une bonne organisation de notre système scolaire.
M. Drainville : Il me reste
combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Poulet) :
30 secondes.
M. Drainville : Bien, il y
avait la question des représailles, là. Je voulais juste savoir : Est-ce
que vous craignez des représailles de l'employeur?
Mme Amar (Emmanuelle) :Oui. En fait, c'est plutôt des situations qui
nous ont été rapportées où... parce que... voilà, on soutient des familles qui
nous rapportent des cas. Parfois, dans notre communauté, comment dire, beaucoup
d'enfants ont subi de l'intimidation à l'école depuis le 7 octobre, mais,
parfois, il y a des enseignants où les enseignants sont... et d'autres membres
du personnel sont avec les étudiants au plus près, sont avec vos élèves, et ils
remarquent, eux aussi, des situations et remarquent beaucoup de choses, et
peut-être qu'ils ont peur de...
La Présidente (Mme Poulet) :
Merci. Je m'excuse de vous interrompre.
Mme Amar (Emmanuelle) :Oui.
La Présidente (Mme Poulet) : La
réponse, elle est bonne, mais je dois maintenant, pour... bon, poursuivre les
discussions avec la députée de Bourassa-Sauvé. Alors, la parole est à vous.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Harrouche. Bonjour, Mme Amar. Merci beaucoup
d'être avec nous aujourd'hui. Tout comme le ministre, donc, voici... donc, je
le salue, comme vous l'inscrivez dans votre mémoire, donc, la présence de la communauté
depuis près de 260 ans. Et vous savez donc qu'on a tous condamné à
l'Assemblée nationale, de mémoire, par le biais de motions sans préavis, la
montée de l'antisémitisme. Donc, nous... Donc, merci, donc, de prendre le temps
de le souligner à l'intérieur de votre mémoire. Étant donné que vous n'avez pas
eu le temps de terminer votre réponse précédente, je vous donnerais le loisir
de pouvoir répondre à la question du ministre.
Mme Amar (Emmanuelle) :Merci. Merci, c'est apprécié. Donc, oui...
Alors, nous, on veut protéger les enseignants de pouvoir respecter l'obligation
qui est dans le projet de loi et qui est dans la Loi sur l'instruction publique,
donc de recommander qu'il y ait des protections, des garanties de sécurité qui
soient ajoutées pour que des enseignants qui remarqueraient des situations de
non-respect des règles de conduite ou du non-respect du plan de lutte puissent
pouvoir dénoncer ces situations sans craindre d'être intimidés par d'autres
collègues ou sans crainte... oui, ça peut être possible, sans crainte de leur
administration, donc de prévoir tout type de scénarios pour s'assurer qu'ils
puissent agir, comme leur obligation le prévoit, pour le bien-être des élèves.
Mme Cadet : D'accord. Donc...
Donc, on est vraiment en lien avec votre seconde recommandation, là :
s'assurer... Parce qu'en fait, donc, vous vous indiquiez que vous accueillez
favorablement l'article 13 du projet de loi, mais que vous vouliez donner,
donc, toute la latitude nécessaire pour que les enseignants puissent
véritablement mettre en œuvre les règles de conduite et veiller à ce que chaque
élève respecte... bon, ici, donc, l'obligation d'avoir le visage découvert,
mais que chaque... donc, c'est surtout dans la question des règles de conduite,
la mise en œuvre des règles de conduite, là, que les enseignants, donc, qu'ils
aient cette latitude pour le faire. Vous dites, donc : Il faudrait qu'on
ait les protections supplémentaires, pour qu'elles... qu'ils puissent agir en
ce sens. Donc, c'est véritablement cette perspective?
Mme Amar (Emmanuelle) :Exactement, c'est exactement ça.
Mme Cadet : On y reviendra
peut-être. Moi aussi... En fait, moi, j'avais...
Mme Cadet : ...en fait, moi,
j'avais le... je voulais vous laisser le temps, donc, peut-être, d'élaborer sur
votre troisième recommandation puisque vous n'aviez pas eu le temps de le faire
lors de votre exposé, un peu plus tôt. Je sais qu'on a abordé le sujet avec...
dans l'échange avec le ministre, mais ici, donc, bien, pour préciser, donc,
vous le dites, donc, l'article 40 du projet de loi nous a dit qu'aucun
accommodement ni aucune dérogation ou adaptation ne peut être accordé en ce qui
a trait à l'application de différents articles. Et vous nous... et juste pour
bien saisir, donc, vous, c'est uniquement en ce qui a trait à l'application de
l'article 14, donc l'obligation de fréquentation scolaire, donc c'est le seul
point, donc, qui, selon vous, donc, devrait soit être exclu du projet de loi ou
modifié, là, vous amenez des modifications. Parce qu'en fait, là, vous, vous
êtes en accord avec la proposition du projet de loi de ne pas permettre
d'accommodement pour des motifs religieux au niveau des absences des
enseignants, mais... ou du personnel, mais vous êtes tout simplement en
désaccord avec la proposition que cette obligation-là s'applique aussi aux
élèves, c'est bien... Je voulais vous donner le temps de faire cette
distinction-là.
Mme Amar (Emmanuelle) : Oui.
Alors, notre... c'est ça, notre recommandation. C'est vraiment spécifique à
l'article 14, pour l'obligation de fréquentation scolaire. Et puis ce que cet
article, 706, donc, crée avec le projet de loi, qui ne prévoit aucun
accommodement... Donc, nous voilà, on a fait les recommandations, on a discuté.
Pour ce qui est du membre du personnel, c'est un régime différent qui est prévu
au projet de loi, avec certaines... de mémoire, certaines obligations de
vérifier que ça ne nuit pas au bon fonctionnement de l'école et du déroulement
scolaire pour que l'enseignant puisse s'absenter. Donc, pour nous, on voulait
vraiment attirer l'attention de tous sur cet article 40, et donc la
fréquentation scolaire, puisque ça affecte l'article 14 de la Loi sur
l'instruction publique.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Est-ce que vous voyez... Parce qu'évidemment, donc, oui, l'article 14, donc,
s'applique à la fréquentation scolaire des élèves, mais l'article 706, qui est
créé par le projet de loi, donc, ratisse un peu plus large, hein, donc
"accommodement ni aucune dérogation, adaptation accordée en ce qui a
trait, donc... pour des motifs religieux, en ce qui a trait à l'application de
ces différents articles. Est-ce que vous verriez d'autres types
d'accommodements, au-delà, donc, des absences, là? Ça a été un peu la prémisse
de ma question, là, mais je réalise en vous entendant qu'il pourrait y avoir
d'autres exemples. Est-ce que vous aviez en tête?
Mme Amar (Emmanuelle) : Vraiment,
nous, nos recommandations, c'était vraiment suite à... le fait que certaines
familles et des enfants peuvent avoir à s'absenter de l'école de manière
limitée, et c'était de pouvoir leur permettre cette pratique en famille.
• (13 heures) •
Mme Cadet : O.K., parfait,
c'est très clair. Ensuite, vous recommandez vivement d'amender cette
disposition pour permettre un accommodement raisonnable qui pourrait se situer
entre sept à 10 jours par année scolaire, avec un préavis qu'ils pourraient
donner en début d'année. En fait, pourquoi vous trouvez important d'inclure cet
amendement-là dans la loi? Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas tout
simplement, donc, par exemple, donc, enlever, donc, l'article 14 de l'article
56 introduit par l'article 40, tout simplement? Donc, pourquoi vous pensez
qu'il faut absolument ajouter un amendement qui précise quelle serait la
portée, là, de l'accommodement proposé?
Mme Amar (Emmanuelle) : Bien,
voilà, nous, c'est ça, c'est vraiment parce qu'on pense qu'absolument, le
principe de l'article 14, de fréquentation scolaire, c'est un principe
important de notre système d'éducation, de nos choix de société, et que je
pense qu'on est tous d'accord, dans notre contrat social, d'avoir cette
obligation de fréquentation scolaire. Mais voilà, nous, c'est vraiment ces
lignes d'"aucun accommodement" qui posent un enjeu. D'où notre
recommandation d'avoir une certaine limitation.
Mme Cadet : D'accord. O.K. Je
comprends mieux. Donc, en fait, l'objectif pour vous d'apporter, de nous
présenter cet amendement-là, c'est, en fait, pour circonscrire à quoi les
absences pourraient ressembler, non pas à l'inverse, pour donner une certaine
latitude, là, mais vraiment pour s'assurer qu'elles ne soient pas plus nombreuses
que celles que vous mettez de... au projet de loi. C'est l'objectif de
l'amendement.
Mme Amar (Emmanuelle) : Absolument.
C'est qu'on comprend absolument que l'école doit bien fonctionner, bien
tourner, que c'est important que les élèves soient en classe, comme le prescrit
l'article 14 de la Loi sur l'instruction publique, mais avec le besoin d'une
certaine... une certaine latitude pour permettre, de manière limitée, certaines
absences.
Mme Cadet : Parfait. Merci
beaucoup pour les précisions. Dernière question de mon côté. Au niveau du
premier... de la première recommandation, donc, je note aussi...
13 h (version non révisée)
Mme Cadet : ...que vous
souhaiteriez ajouter le concept exempt de toute forme de haine. Donc, il y a
une énumération qui se retrouve aux modifications de l'article 18.1 de
cette loi, là, prévue par l'article 3 du projet de loi. J'aimerais, moi aussi,
vous entendre, là, sur les distinctions que vous voyez entre ce que vous
apportez comme concept additionnel et ce qui se retrouve déjà à l'alinéa 2° de
l'article 3.
Mme Amar (Emmanuelle) : Merci
de la question. Alors, l'alinéa liste une série, voilà, donc, par exemple, le
racisme, l'homophobie, pas de discrimination sur handicap, mais, voilà, il n'y
a pas le principe de haine. Et puis, comme je le disais tout à l'heure, la
haine, c'est un phénomène propre, c'est un phénomène insidieux, c'est un
phénomène...
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse de vous interrompre, on va poursuivre les discussions avec le député
de Jean-Lesage pour une période de 2 min 37 s.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup pour votre présence. Je voudrais commencer par
témoigner, là, toute l'empathie puis la solidarité par rapport à la montée de l'antisémitisme
dont vous témoignez, puis on le voit aussi dans les médias depuis maintenant on
peut dire quelques années, c'est dramatique. Bon, j'ai peu de temps. Je veux
vous poser des questions sur le fond de l'affaire. J'ai l'impression que, bon,
la laïcité, à la base, ça doit défendre la liberté de conscience. J'ai l'impression
que le projet de loi, bon, c'est ce que le ministre dit qu'il veut faire. Cela
dit, moi, ce que j'observe quand je lis le projet de loi, c'est une
augmentation des limitations de la liberté de conscience. Quand je vois aussi,
bien, la réception plutôt tiède par rapport à votre proposition sur les congés,
là, on en jugera en étude détaillée, mais j'ai l'impression que votre
proposition sur les congés, dans la conception restrictive de la laïcité qui
est celle du gouvernement actuel, elle risque de ne pas passer. Mais moi, ce
que je veux vous demander, c'est : N'avez-vous pas peur qu'en ce moment,
avec ces limitations de la liberté de conscience qui sont présentes dans le
projet de loi, on soit en train d'assister à une escalade des négations de la
liberté de conscience au Québec qui pourraient affecter votre communauté de
plus en plus, éventuellement, dans le futur? On a eu loi n° 21, loi n° 94,
quelle sera la prochaine? Est-ce que, ça, c'est une inquiétude que vous avez?
M. Harrouche (Yannis) : On
est toujours inquiets, en général, à travers le monde occidental, de la montée
de l'antisémitisme. Puis je veux vous remercier pour les mots de solidarité du
début de votre intervention, c'est très, très apprécié.
Il y a actuellement une montée de l'antisémitisme
qui est partout en Occident, on la voit en France, on la voit en Belgique, aux
États-Unis, en Ontario, au Québec. On aimerait que le Québec fasse exception, le
Québec ne fait malheureusement pas exception. Les autres juridictions que je
viens de nommer, certaines ont des lois en termes de laïcité, d'autres ont fait
le choix de ne pas aller de ce côté-là, et on voit quand même une montée de l'antisémitisme.
Donc, je... C'est sûr qu'à chaque fois qu'un projet de loi est présenté, on
prend plusieurs heures et plusieurs jours pour le lire, passer au travers, s'assurer
que, dans les détails, il n'y a pas des... soit des choses qui qui peuvent
directement nous affecter, qui peuvent directement affecter notre communauté,
ou alors des conséquences indues qui peuvent affecter des membres de notre
communauté.
La Présidente (Mme Poulet) : Je
m'excuse de vous interrompre, c'est tout le temps que nous avons. Alors, je
vous remercie beaucoup de votre participation, de votre contribution à nos
travaux.
Je suspends... La commission suspend ses
travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 06)
14 h (version non révisée)
(Reprise à 14 h 03)
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
bonjour à tous! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses
travaux.
Nous poursuivons les consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi visant
notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de l'éducation et modifiant
diverses dispositions législatives.
Cet après-midi, nous entendrons les
représentants des personnes et les organismes suivants : alors, mesdames
El-Mabrouk et Girard, la Confédération des syndicats nationaux et Droits
collectifs Québec.
Alors, je vous souhaite à tous la
bienvenue. Le ministre désire remettre une partie de son temps pour que vous
puissiez... pour votre exposé, alors vous allez bénéficier de 17 minutes. Alors,
on vous écoute.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui. Alors, bonjour, tout le
monde! Bonjour. Merci de... Merci de l'invitation. Merci, M. le ministre. Donc,
je me présente, je suis Nadia El Mabrouk. Je suis professeure titulaire au
département d'informatique et de recherche opérationnelle de l'Université de
Montréal. Je suis ici à titre de présidente du Rassemblement pour la laïcité,
donc le RPL, qui est un regroupement d'organismes et d'individus oeuvrant à la
promotion de la laïcité au Québec. Je suis accompagnée de François Dugré,
professeur de philosophie retraité du cégep Saint-Hyacinthe, et de Marie-Claude
Girard, retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne. Tous
deux sont membres du conseil d'administration du Rassemblement pour la laïcité.
Alors, comme on vient de le dire, je vais
présenter... moi, je vais présenter le mémoire du Rassemblement pour la
laïcité. Ensuite, donc, comme convenu, je laisserai la parole à Mme Girard qui
présentera quelques éléments de son mémoire.
M. Drainville : ...après 10
minutes, on va vous arrêter pour laisser les sept autres minutes à Mme Girard.
Ça va?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Pas de problème.
M. Drainville : O.K.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Alors donc, nous voulons saluer
le projet de loi n° 94, courageux, nécessaire pour renforcer la laïcité
dans le réseau scolaire québécois. À l'heure où les tensions se multiplient à l'échelle
mondiale sous l'influence des guerres, des tueries, où la haine est exacerbée
entre les différents groupes, entre les musulmans et les juifs, mais pas
seulement, il est important de s'assurer que l'école québécoise soit préservée
de ces tensions communautaires et religieuses.
Les débordements religieux constatés à
plusieurs reprises, notamment dans le cas de l'école Bedford, nécessitaient une
réponse ferme et des actions concrètes de la part du ministre de l'Éducation.
Ce projet de loi est une étape très importante en ce sens.
La plupart des modifications proposées à
la Loi sur l'instruction publique rejoignent les recommandations du RPL, la
première étant d'exiger du système scolaire public le plein respect de la Loi
sur la laïcité de l'État. Cette lacune de la loi 21 explique probablement,
au moins en partie, les manquements observés à la laïcité dans les écoles. Nous
accueillons donc avec grande satisfaction le rajout de la laïcité de l'État et
de ses principes dès le premier article de la Loi sur l'instruction publique.
Nous espérons cependant que cela sera
accompagné d'actions concrètes pour affirmer et promouvoir la laïcité dans les
écoles. En particulier, le thème de la laïcité fait défaut ou est abordé de
façon très incomplète dans les manuels scolaires du cours Culture et
citoyenneté québécoise. C'est d'ailleurs pour pallier ce manque que le RPL...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...elle a produit, avec l'aide
financière de la Direction de la laïcité, des capsules vidéo sur la laïcité de
l'État. Pour l'instant, sur le site l'École ouverte du ministère de
l'Éducation, les vidéos du RPL constituent pratiquement le seul matériel
pédagogique disponible sous le terme «laïcité».
Alors, nous accueillons avec grande
satisfaction l'ensemble des mesures proposées pour mettre l'école à l'abri de
toute pression religieuse, notamment l'interdiction de lieux de prière à
l'école. En plus de l'entorse à la neutralité religieuse et à l'égalité entre
les filles et les garçons, on a vu les filles faire leurs prières à l'arrière
des garçons dans certaines écoles, la présence de lieux de prière dans les
écoles vient renforcer le contrôle communautaire, permettant aux plus
fanatiques ou aux plus influents de la communauté de surveiller qui fait sa
prière, qui ne la fait pas. C'est une forme d'emprise communautariste qui brime
la liberté de conscience des élèves et qui n'a pas sa place à l'école. Nous
recommandons d'étendre cette interdiction de prière dans les cégeps, où je dois
dire qu'on nous signale, au RPL, de nombreux cas de prières partout dans les
cégeps.
Nous saluons également l'élargissement de
l'interdiction de port de signes religieux à toute personne qui dispense des
services aux élèves, incluant les éducatrices en service de garde. Toutes ces
personnes représentent des figures d'autorité pour les élèves. Elles sont le
relais de l'autorité parentale à l'école. C'est pourquoi il est important
qu'elles respectent leur devoir de réserve en faits et en apparence.
Nous saluons également avec force
l'interdiction du visage couvert pour toute personne, en tout temps, dans
l'enceinte d'une école. Le port du voile intégral dans une école est un
non-sens absolu. Cette pratique propre à un islam radical qui prône
l'effacement complet des femmes n'a pas sa place dans l'enceinte d'une école.
La loi 21 exige le visage découvert à tout membre de l'équipe-école, c'est
la moindre des choses, mais l'absence d'interdiction pour les élèves est une
porte grande ouverte aux islamistes radicaux qui entendent tester le système et
marquer leur emprise sur l'école québécoise. Nous saluons la réponse ferme apportée
par ce projet de loi et nous recommandons d'étendre l'interdiction de visage
couvert à tout le réseau de l'éducation, incluant les cégeps et les garderies.
• (14 h 10) •
Il est important de souligner que, par ces
mesures de neutralité religieuse strictes, le p.l. 94 vient clarifier le sens
de la neutralité religieuse comme une mise à distance des convictions et
pratiques religieuses dans le système scolaire. Cette clarification est
nécessaire parce que la loi 21 est ambiguë à ce sujet. La notion de neutralité
religieuse y est renvoyée à la loi sur les accommodements pour motif religieux.
La neutralité religieuse, est-ce qu'elle consiste à accommoder toutes les
religions au sein de l'État ou à n'en accommoder aucune? Eh bien, alors que le
principe de séparation de l'État et des religions est compatible avec la
deuxième formulation, l'obligation d'accommoder les croyances religieuses est
compatible avec la première. C'est contradictoire. Il faut trancher, et cela ne
peut se faire que dans le sens de la mise à distance des pratiques religieuses
dans les institutions publiques. Un accommodement religieux ne peut qu'être en
porte à faux avec la laïcité de l'État. Plutôt que de multiplier les balises,
les ressources humaines et les fonds publics consacrés au traitement de chaque
demande d'accommodement religieux, il faudrait interdire toute dérogation à un
règlement pour motif religieux dans le système scolaire.
Je voudrais maintenant aborder un point
différent, et je finirai avec ça. Nous voulons nous... exprimer, en fait, nos
craintes par rapport à un climat de censure qui pourrait être amplifié par
l'article 12 du projet de loi, qui exige que les centres de services
scolaires édictent un code d'éthique, de déontologie, précisent les devoirs et
les obligations, les normes, les valeurs auxquels devront se conformer les
membres d'un conseil d'établissement. À défaut, le membre mis en cause,
potentiellement par dénonciation anonyme, pourrait subir la réprimande,
l'obligation de participer à une formation sur l'éthique, la déontologie, la
suspension ou même la révocation. S'il va sans dire que le Rassemblement pour
la laïcité appuie entièrement la volonté de contrer toute forme d'intimidation,
de discrimination et de violence, il faut toutefois se montrer prudent...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...afin que de telles mesures ne
favorisent pas par ailleurs un climat de suspicion, de censure et d'autocensure
qui irait à l'encontre de l'intérêt du système éducatif et de la société en
général.
Nous savons que l'un des principaux sujets
de tensions, en particulier à l'école Bedford et d'autres, c'est le programme
d'éducation à la sexualité. Or, pour des raisons différentes, et pas seulement
d'ordre religieux, de nombreux parents à travers le Québec contestent des parties
de ce programme et particulièrement celui en lien avec l'identité de genre en
raison de la confusion des concepts de sexe et de genre. Ce volet soulève de
réels enjeux liés à un vocabulaire militant, non scientifique et aussi lié aux
droits des enfants à la protection et à une éducation de qualité.
Malheureusement, s'il y a un sujet tabou
qui donne lieu à la censure, c'est bien celui de l'identité de genre. Nous
avons donné deux exemples dans le mémoire, parce que ce n'était pas l'objectif,
mais il y en a d'autres, mais on en a donné juste deux. Là, je vais rappeler
un. Il concerne une enseignante expulsée d'une réunion du conseil
d'administration de son école simplement pour avoir suggéré qu'un livre de la
bibliothèque de l'école qui banalisait la transition de genre n'était peut-être
pas approprié à l'âge des élèves. Or, les critiques sont légitimes, ne le
relèvent aucunement, de l'intimidation, et doivent être entendues.
Le programme n'est pas parfait. Il est
important de le faire évoluer, comme le programme Éthique et culture religieuse
a évolué vers le cours CCQ, Culture et citoyenneté québécoise. Bien, pour ça,
il faut préserver un espace de discussion, notamment à travers le conseil
d'établissement.
Et, pour finir, il est également important
de préserver le système scolaire de l'influence de groupes communautaires et
d'acteurs externes, quelles que soient les motivations de ces groupes. Les
enfants ont droit à une éducation de qualité assurée par des enseignants
compétents, bien formés, n'étant guidés par aucune idéologie, qu'elle soit
religieuse ou non.
La Présidente (Mme Poulet) : Parfait.
Je vous remercie, Mme.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Merci!
La Présidente (Mme Poulet) : Alors,
on transfère le... Mme Girard. La parole est maintenant à vous. On vous écoute.
Mme Girard (Marie-Claude) : Merci,
Nadia, et merci aux membres de la commission pour cette invitation.
J'aimerais d'abord préciser que je partage
tout à fait l'analyse et les recommandations que vient d'énoncer Mme El-Mabrouk.
J'ai tenu à présenter un mémoire distinct intitulé Pour la promotion de
l'égalité entre les femmes et les hommes dans le système scolaire québécois à
titre personnel, soit à titre de retraitée de la Commission canadienne des
droits de la personne, puisque l'égalité entre les femmes et les hommes ne
font... ne fait pas explicitement partie du mandat du Rassemblement pour la
laïcité.
Mon mémoire compte neuf recommandations.
Mais, pour ne pas trop empiéter sur le temps de parole que le ministre me laisse,
je vais me contenter d'en présenter qu'une seule. Et merci au ministre.
Il est fort heureux que le projet de loi
insiste sur l'égalité entre les femmes et les hommes, une des valeurs phares du
Québec qui se doit d'être promue dans nos écoles pour assurer sa pérennité.
Des nuances sont cependant à apporter dans
le choix du vocabulaire utilisé dans le projet de loi n° 94, qui utilise
l'expression «identité sexuelle» plutôt que le mot «sexe», soit une
caractéristique de la personne formellement reconnue dans la Charte des droits
et libertés du Québec... de la personne du Québec.
Ainsi, j'aimerais rappeler que c'est sur
la base du sexe que le droit à l'égalité des femmes a été reconnu ici et dans
le monde. En effet, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948
affirme le principe de non-discrimination et proclame que tous les êtres
humains naissent égaux... libres et égaux en dignité et en droits, sans
distinction aucune, notamment de sexe.
C'est aussi sur la base du sexe que
s'appuie la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes, soit la CEDEF, adoptée en 1979. La reconnaissance de la
réalité binaire du sexe, la définition de ce qu'est une femme et l'affirmation
de l'égalité entre les sexes sont nécessaires pour protéger la séparation
hommes-femmes dans les vestiaires, les toilettes et dans le sport, soit des
mesures essentielles pour assurer la sécurité des femmes et leur pleine
participation en société. Cette reconnaissance n'exclut pas pour autant la
présence de toilettes et de vestiaires neutres comme cela se fait actuellement
dans les écoles, et merci pour ça au ministre Drainville, pour accommoder
notamment les personnes vivant un mal-être avec leur sexe...
Mme Girard (Marie-Claude) : ...avec
leur sexe biologique. Mais revenons au projet de loi n° 94. Celui-ci
utilise l'expression «identité sexuelle» plutôt que de nommer le sexe, qui est
à la base du droit des femmes à l'égalité. L'utilisation de cette expression
est problématique en plus d'être juridiquement questionnable. C'est en effet la
discrimination fondée sur le sexe et non l'identité sexuelle qui est interdite
dans la charte québécoise, soit son article 10, afin de garantir à toute
personne le droit d'être traitée en pleine égalité et d'exercer ses droits et
libertés sans distinction, exclusion ou préférence. Chaque mot ayant son
importance légale, il convient de respecter les termes de la charte, donc
devoir inscrire «sexe» et non «identité sexuelle» dans les trois articles du
projet de loi n° 94 qui le mentionnent et dans les notes explicatives.
De plus, en amalgamant l'expression
«identité sexuelle ou de genre»», le projet de loi n° 94 ferme les yeux
sur le fait que le sexe et le genre sont deux concepts... (Interruption) ...pardon,
sont deux concepts distincts et reconnus comme tels dans la charte québécoise,
puisque nommés séparément. Précisons que le genre n'a pas d'existence
intrinsèque, il est basé sur un ressenti qui peut évoluer dans le temps. Selon
le glossaire développé par le ministère de l'Éducation pour le programme
Culture et citoyenneté québécoise, le genre, et je cite, est un processus
social et historique de différenciation et de hiérarchisation des femmes et des
hommes ainsi que du féminin et du masculin. Rappelons qu'une hiérarchie est un
classement des fonctions selon un rapport de subordination. Il semble ainsi
contradictoire d'associer l'égalité entre les femmes et les hommes à l'identité
de genre.
Il faut bien sûr respecter et accueillir
les personnes s'exprimant ou s'identifiant à un genre différent de leur sexe,
mais il ne faut pas pour autant nier la réalité. Il est biologiquement
impossible de changer de sexe. Notre sexe, une caractéristique immuable de la
personne, s'inscrit dans chacune de nos cellules. La prise d'hormones ou des
interventions chirurgicales sont possibles, mais ne change en rien notre sexe
biologique.
• (14 h 20) •
En évacuant la réalité biologique du sexe,
le projet de loi n° 94 invisibilise les femmes et participe, ce faisant, à
l'effritement des mesures mises en place pour leur sécurité et leur
participation en société. Il s'agit, selon moi, sans contredit d'un impair au
projet de loi n° 94 devant absolument être corrigé, si l'on tient à
assurer une véritable promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes
dans le système scolaire québécois.
Enfin, mon mémoire recommande que le
comité sur la qualité des services éducatifs, qui sera mis sur pied, soit tenu
d'adopter une approche universaliste dans la mise en œuvre de sa mission pour
assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, et souligne aussi que la
liberté de conscience ne protège pas uniquement les convictions religieuses,
mais aussi les convictions idéologiques, et il propose des actions concrètes
pour renforcer la laïcité et l'égalité dans le réseau de l'éducation. Merci.
La Présidente (Mme Poulet) : Merci
beaucoup, Mme Girard, Mme El-Mabrouk. M. Dugré, j'ai omis de vous présenter, de
souligner votre présence tantôt, alors, toutes mes excuses. Alors, on va
débuter la période d'échange. M. le ministre, vous... a pris sept minutes de
son temps pour le transfert... pour vous le transférer. Alors, il vous reste
9 min 30 s, M. le ministre. La parole est à vous.
M. Drainville : Très bien.
Merci beaucoup, je dirais, pour la lutte courageuse que vous menez depuis
nombre d'années. J'imagine que vous avez dû recevoir parfois quelques
commentaires désobligeants de diverses provenances, je parle par expérience, ça
fait que... j'imagine que vous avez vécu des expériences un petit peu
similaires, mais ça ne vous arrête pas, et je vous en félicite parce que vous
êtes des personnes qui avez joué un rôle très important ces dernières années
dans le cheminement du Québec vers la laïcité, donc, je... vous avez droit à toute
notre reconnaissance. Je m'en voudrais de ne pas vous dire, vous confier que
j'ai une petite pensée pour Mme Diane Guilbault en ce moment...
M. Drainville : ...n'est-ce
pas, qu'on a connue et qui était une femme absolument remarquable, qui a, elle
aussi, contribué à l'avancement de cette grande cause qu'est l'égalité entre
les hommes et les femmes et la laïcité de nos institutions.
Vous parlez... D'abord, je vais commencer
par le propos de Mme El-Mabrouk. Vous faites référence au fait qu'il n'y a
actuellement que les outils développés par le rassemblement qui sont sur le
site École ouverte, il n'y a que vos instruments, que les instruments que vous
avez développés aux fins de promouvoir et d'enseigner la laïcité qui se
retrouvent sur le site École ouverte. Si je comprends bien, vous souhaiteriez
qu'il y en ait davantage des moyens concrets de promouvoir et d'enseigner la
laïcité auprès des élèves? Et, si c'est le cas, donnez-moi des exemples de ce
qui pourrait être développé, à votre avis.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui. Bien, merci... en tout cas,
merci beaucoup, et merci de parler de Diane Guilbault, c'est très... je vous...
je vous en suis reconnaissante, parce que, moi aussi, elle me manque beaucoup.
Oui, en effet, c'est un constat. On constate
qu'il y a très peu... bien, qu'il n'y a pas de matériel pédagogique pour
expliquer ce qu'est la laïcité. Mme Girard, ici, a fait le tour de tous les
manuels scolaires pour le cours CCQ, et il y a... le contenu en laïcité est
très minime. De plus, je dois dire que, même si la laïcité fait partie
maintenant des... bien, du cours CCQ, bon, la laïcité est...
M. Drainville : ...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Voilà. Mais il n'est obligatoire
qu'en deuxième année du secondaire seulement. Et je dois vous dire qu'en tout
cas, si on compare la présence, par exemple, de la laïcité avec la présence de
l'éducation à la sexualité, je ne vous dis pas... c'est très, très
disproportionné ou alors, même... en tout cas, bon. Alors, je me dis qu'il
faudrait quand même, si on... Vous avez raison de dire que c'est très important
comme principe, comme valeur éthique aussi. Enfin, c'est très important pour le
vivre-ensemble, et puis donc ça prendrait un peu plus que quelques mots dans un
manuel de deuxième année secondaire pour en parler. Donc, oui, on constate le
très... qu'il y a très peu de moyens mis en place pour expliquer ce que c'est
la laïcité, pour avoir des débats, même, sur la laïcité, mais on en parle très
peu. Alors, voilà.
Mme Girard (Marie-Claude) : Si
je peux rajouter... Mme El-Mabrouk a mentionné que j'avais fait l'analyse
des... de la partie de l'enseignement de la laïcité au secondaire II et au
secondaire III. Actuellement, dans les manuels scolaires qui sont
approuvés par le ministère, la façon d'enseigner la laïcité est, à mon avis,
défaillante, parce qu'on nomme les principes qui ne sont pas ceux qui sont dans
la loi mais on en invente d'autres. Il manque de précision. Plusieurs des
manuels ne parlent même pas d'un des principes fondamentaux de la Loi sur la
laïcité de l'État est l'égalité entre les citoyens et citoyennes, et elle n'est
pas mentionnée. Il y a d'autres principes qui y sont, mais qui ne sont pas
reflétés. Alors, il y a une bonification à faire et dans les manuels scolaires,
c'est le début, on comprend, c'est le début qui doit être revu, et par la
complémentarité de d'autres matériels, pour appuyer cet enseignement de la
laïcité.
Et je dois dire que, dans le programme qui
avait été développé par le ministère, c'était bien écrit de faire de la
promotion des principes de la laïcité. Mais dans les manuels, on ne parle pas
de promotion, on souligne en gros traits... à gros traits que c'est contesté à
la cour, que ça brime des droits, que c'est... Alors, on est loin de la
promotion de la laïcité dans certains des manuels qui ont été approuvés par le
ministère au niveau de la laïcité.
M. Drainville : C'est bien
noté. Par ailleurs, Mme El-Mabrouk, vous parlez des risques de censure en lien
avec les normes de conduite qui sont destinées aux membres de conseils
d'administration des écoles. Bon, vous... vous savez pourquoi on a souhaité
introduire ces dispositions, n'est-ce pas? Il y a eu des... des comportements,
je dirais, néfastes de la part de membres de conseil d'administration en lien
notamment avec les... certaines matières comme les sciences et... ou
l'éducation sexuelle. L'éducation sexuelle en particulier, il y a eu clairement
des... de l'ingérence, dirions- nous, de certains membres de conseils
d'établissement dans les orientations de l'école...
M. Drainville : ...et donc on
a voulu s'assurer que, quand tu sièges sur un conseil d'administration... un
conseil d'établissement, dis-je, d'une école, tu dois adopter une posture qui
doit respecter la nature laïque de l'école. Mais là vous exprimez des
inquiétudes par rapport à la censure. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit
peu, là, le risque que vous voyez, vous.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Peut-être laisser François.
M. Dugré (François) : Oui. Je
peux enchaîner là-dessus. Il va sans dire que, pour le Rassemblement pour la
laïcité et, j'ose croire, la très vaste majorité de nos citoyens, on ne peut
pas accepter l'intimidation, encore moins la violence dans les écoles. Ça,
c'est réglé. Ça, ça va. Donc, évidemment, on salue ça. Mais c'est... dans
certains discours et certaines pratiques militantes, des fois, critiquer une
théorie, c'est, pour eux, attaquer les personnes. Et là, rapidement, on passe
de dire : Si on remet en question certains éléments de ce qu'on appelle
l'identité de genre, voire la théorie du genre, c'est disputé, on attaque
directement. On... Il y a même un discours haineux à l'égard de ces
personnes-là. Même si on ne veut pas leur enlever des droits, si on pense à la
question des sports féminins, ça pose certaines difficultés. Il faut pouvoir en
débattre dans une démocratie.
Alors, c'est ce genre d'éléments là qui
font qu'on peut s'interroger sur... On dit : Il pourrait y avoir un
glissement, et là, ce qui est présenté comme un discours critique est vu comme
de l'ordre de l'intimidation, voire de la violence. Et là, on pourrait renvoyer
à quelques lettres ouvertes qu'on a pu faire dans les médias, où, de fait, on a
interrogé certaines théories ou certains discours et... pour se faire insulter
de toutes les façons et dire qu'on tenait des discours haineux à l'égard des
personnes.
Donc, évidemment, nous sommes des chats
échaudés, on voit venir éventuellement les coups. Et on voit que, s'il y a
protestation de la part soit d'élèves ou de... même de professeurs à l'égard de
certains enseignements dans l'éducation de la sexualité, bien, évidemment,
toute critique de cela peut être vue comme une forme de fanatisme religieux.
Et, ce qu'on essaie de dire, c'est que ça déborde, sur le plan idéologique,
simplement de convictions religieuses et que ça peut venir interférer. Donc,
encore une fois, c'est de prévenir le coup, que ne soit pas confondue la
critique avec l'intimidation ou la violence, ce qui est souvent ce glissement
de sens qui est malheureusement utilisé pour censurer. Et surtout, on l'a vu
surtout dans le domaine universitaire, notamment, avec ce qui s'est passé avec
Lieutenant-Duval, l'affaire Lieutenant-Duval à Ottawa, c'est que même dans le
monde universitaire, il y a une autocensure. Alors, Yves Gingras et d'autres
ont pu travailler sur le dossier pour essayer de donner de meilleures balises,
la liberté académique, mais c'est un peu le pendant, ici, face à un projet de
loi comme celui-ci.
• (14 h 30) •
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :C'est ça. Écoutez, je pense
qu'on ne peut pas... on ne peut pas éviter de voir qu'on est dans une période
de grande censure. Et, comme on dit, écoutez, là vous parlez d'éducation à la
sexualité, personnellement, on n'est pas d'accord avec les raisons, les
arguments avancés par les personnes qui ne veulent pas de ce cours pour des
raisons religieuses. Nous, on est... on est pour ce cours-là, n'est-ce pas,
mais on a des critiques. On a des choses à dire. Et puis, dans ce dossier de
l'identité de genre... Vous savez, vous nous avez salués pour notre courage de
parler de laïcité. Pour parler d'identité de genre, ça prend un double
courage...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Mme El-Mabrouk. C'est malheureusement...
Désolée, c'est malheureusement tout le temps qu'on a pour cet échange. Donc, je
cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle.
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme El-Mabrouk. Bonjour, Mme Girard et M. Dugré.
Je vais y aller avec les recommandations
que je vois dans vos mémoires respectifs. En fait, d'abord, donc, Mme
El-Mabrouk, et je pense également, donc, M. Dugré, donc, vous me direz si je me
suis trompée, donc, de porteur de mémoire ici, là, mais, mais bref, au niveau
de la deuxième recommandation, au niveau de retirer le mot «communautaire» dans
l'article 1 du projet de loi n° 94, je pense que c'était vous, Mme
El-Mabrouk, dans votre exposé, vous en faisiez part, j'avais quelques questions
ici, parce que, dans le fond, moi, quand je lis, donc, l'article 1, je
vois, donc, qu'on souhaite, donc, de «mobiliser l'ensemble de la communauté
éducative autour de la réussite de l'élève», lui offrir un environnement, donc,
propice à l'apprentissage et former des «citoyens responsables et pleinement
engagés dans la vie démocratique, sociale, communautaire, économique et
culturelle de l'État québécois». Donc, je lis... Donc, la vie communautaire de
l'État québécois, moi, je l'interprète au sens de nos organismes
communautaires, de l'action communautaire autonome, par exemple, donc, qui
existe partout. Donc, le terme «organisme communautaire» est parfois défini
dans certaines lois, par exemple la...
14 h 30 (version non révisée)
Mme Cadet : ...Loi sur la
santé et services sociaux, qui définit ce qu'est un organisme communautaire, et
quand on... et surtout quand on l'adjoint à l'État québécois, je suis un peu
dubitative, là, du lien que vous pensez qui pourrait être fait par le libellé
actuel de la loi.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui, et puis, dans la Loi sur l'instruction
publique, il y a plusieurs fois aussi, ce n'est pas juste dans cet article-là
qu'on fait... qu'on fait référence au communautaire.
Écoutez, ce qu'on constate, c'est que
cette référence au communautaire est souvent mal interprétée. Regardez les
dérives qu'on a eues dans les... Bon, en tout cas, ça peut donner... Bien sûr,
je sais, par exemple, le CLSC, c'est aussi connu comme un organisme
communautaire, mais, enfin, on s'entend sur... Ce que je dis et ce qu'on dit
ici, dans le... dans le... ici, là, c'est que, pour bien marquer un changement
d'orientation... C'est certain que, là, on parle de laïcité, et donc le modèle
de laïcité, eh bien, s'oppose au modèle du multiculturalisme canadien. On est
en train d'intégrer de... d'ancrer un nouveau modèle de vivre-ensemble qui n'est
pas basé sur la séparation des groupes identitaires, enfin sur la valorisation
de la différence et des différentes... et des communautés différentes. Donc,
disons que l'élément essentiel n'est pas la communauté, mais l'individu, le
citoyen. Donc, on bascule vers un modèle d'association basé sur la citoyenneté,
et on pense qu'il vaut mieux éviter... pour éviter les malentendus. Alors, on
comprend bien ce que vous dites, bien sûr. D'ailleurs, à un moment donné, j'explique
qu'on a... que, quand on parle, par exemple, d'organismes communautaires, je
dis en particulier qu'il ne s'agit pas... on ne parle pas des organismes, par
exemple, de santé publique, etc.
Donc, ce qu'on dit, c'est que, pour bien
marquer un changement d'orientation par rapport au modèle du multiculturalisme
canadien en faveur de la laïcité de l'État, il nous semble important d'éviter
autant que possible le terme «communautaire» dans la Loi sur l'instruction
publique, afin de ne pas prêter flanc à une interprétation communautariste et
religieuse de ce terme. Voilà. Donc, écoutez, c'est une... c'est une
recommandation de changement de vocabulaire, et on sait que le vocabulaire est
important.
Mme Cadet : O.K., d'accord,
je vous... je vous entends. Ce n'est certainement pas l'interprétation que j'en
faisais ici, surtout que l'article nous parle aussi de l'ensemble de la
communauté éducative aussi. Donc, je pense que c'est important qu'on puisse s'assurer
qu'on puisse avoir une... qu'on puisse former les élèves à ce qu'ils deviennent
des citoyens responsables, qu'ils soient impliqués dans leurs communautés au
sens large, là, donc, qu'ils soient impliqués également socialement, donc, sur
le plan du bénévolat. C'est... c'est comme ça que je l'interprète ici, mais j'entends
ce que vous nous dites.
Ensuite, je ne sais pas, je pense que vous
vouliez ajouter quelque chose, M. Dugré?
M. Dugré (François) : Je
voulais ajouter quelque chose.
Mme Cadet : Oui.
M. Dugré (François) : Si on
fait un zoom arrière, on voit, par exemple, ce qu'on appelle désormais c'est consacré
à la gestion de la diversité ou du pluralisme, notamment en Angleterre, c'est
beaucoup par les représentants ou ceux qui veulent bien se présenter comme les
représentants ou porte-parole de communautés religieuses que le terme «communautarisme»
peut être utilisé dans l'espace public et certainement dans, nous appelons ça
«les logiques multiculturalistes canadiennes». Donc, cette espèce de mise... C'est
une mise en garde au fond qu'on fait pour que, justement, le sens de
communauté, qui est parfaitement noble en lui-même, n'aille pas vers un sens
communautariste. D'autant plus, là, on déborde, mais souvent la notion d'islamophobie,
si on se ramène à l'étymologie, ce n'est pas la haine des musulmans, sauf à
donner un tout nouveau sens puis que l'étymologie ne veuille plus rien dire.
Donc, cette façon de... de masquer la différence entre les convictions
religieuses versus un critère ethnique ou de race, il est largement utilisé par
des groupes islamistes, et c'est là que le terme «communautariste» joue assez
fortement.
Sans faire d'historique, on ne reviendra
pas là-dessus, ce n'est pas le lieu. Mais dans toute l'affaire, par exemple,
Salmane Rushdie, on voit très bien que le mode de gestion par communauté en
Angleterre a donné lieu, a donné prise, justement, à une espèce d'exacerbation
de la part de la communauté musulmane pour dire qu'on insulte toute notre
communauté parce qu'il y a un roman qui joue avec certains éléments de la
tradition évidemment musulmane.
Mme Cadet : Je vous entends.
M. Dugré (François) : Oui.
Mme Cadet : Je... j'exprimais
simplement le fait que, dans notre corpus législatif actuel, que ce soit dans
la loi sur l'instruction publique ou ailleurs, quand on retrouve le terme
«communautaire», ce n'est pas le sens que vous nous amenez aujourd'hui, mais j'entends
donc la recommandation que vous souhaitez apporter ici.
Mme Girard maintenant, donc dans votre
mémoire, je vous dirais donc... qui se retrouve dans certaines recommandations,
qui sommes un peu sortir du cadre du projet loi n° 94.
Donc, j'aimerais peut-être vous... que vous...
Mme Cadet : ...que vous
m'éclairiez, là, sur votre première recommandation. Donc, vous dites :
Remplacer l'expression... bien, en fait, donc, l'identité de genre... l'identité
sexuelle ou de genre, donc, par autre chose dans le quatrième paragraphe notes
explicatives et à certains articles, et donc... Donc, vous avez... vous vous
êtes longuement penché sur cette question-là. Donc, j'essaie, donc, de trouver
comment... si les propos que vous nous avez avancés, selon vous, sont
intimement liés au cadre du projet de loi n° 94 et ce
qui nous amène ici, en commission, on le disait, c'est beaucoup le cas de
Bedford et les rapports d'enquête. Donc, quel est le lien avec ce que vous nous
apportez et ce pour quoi nous sommes en commission?
Mme Girard (Marie-Claude) : Le
lien, pour moi, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes qui fait partie
intégrante du projet de loi en 94. Pour y arriver, il faut... pour moi, c'est
superimportant de respecter les termes, de reprendre les termes qu'on retrouve
déjà dans la Charte québécoise des droits de la personne qui parlent de sexe et
d'identité ou d'expression de genre. Inventer un nouveau terme qui est
«identité sexuelle», qui n'a pas d'assise juridique ouvre la porte... c'est
quoi une identité sexuelle? Est-ce qu'on a une identité sexuelle? Moi, je suis
une femme, mais je ne peux pas dire que j'ai une identité sexuelle, alors ça
amène ailleurs. Le droit des femmes à l'égalité, dont il est question dans le
projet de loi est, selon ma... comme j'ai essayé de le démontrer, basé sur le
sexe. Or, le sexe disparaît et est remplacé par l'identité sexuelle dans le
projet de loi, d'où pour moi un glissement potentiel pour défendre le droit des
femmes à l'égalité. Pour le droit des femmes à l'égalité, il faut reconnaître
le sexe qui n'empêche pas d'être... de reconnaître aussi l'identité et
l'expression de genre, mais ce sont deux concepts différents. Mais en effaçant
le sexe, il y a potentiel de préjudice pour le droit des femmes à l'égalité qui
est basé sur le sexe.
Mme Cadet : O.K., et là,
donc, vous, donc, quel serait votre remplacement dans..
Mme Girard (Marie-Claude) : Bien,
c'est-à-dire juste remplacer l'expression «identité sexuelle ou de genre» par
l'expression «sexe, l'identité ou l'expression de genre,», c'est exactement
comme ça que c'est écrit dans la charte. Alors, ça ne change pas... L'objectif,
c'est que les mots ont leur importance dans un projet de loi. Alors, j'aimerais
ça voir pas juste l'identité sexuelle, mais voir le mot «sexe», qui est à la
base des droits des femmes à l'égalité. Alors... juste reprendre le vocabulaire
qui est inscrit dans la charte.
• (14 h 40) •
Mme Cadet : O.K. Et vous
dites aussi : Le terme «homophobie», contenue dans le paragraphe 4°
des notes explicatives ainsi que dans les articles ci-haut mentionnés, donc 3,
13 et 42 du projet de loi n° 94, selon vous, est
redondant.
C'est parce qu'on dit : on empêche
les intimidations pour des questions d'homophobie et de l'orientation sexuelle.
Encore là, dans la charte, on parle d'orientation sexuelle. Alors, s'il y a
discrimination face à l'orientation sexuelle... j'ai marqué : nota, hein.
C'est juste que, pour moi, l'homophobie, c'est la discrimination envers
l'orientation sexuelle. Pour moi, c'était redondant de nommer les deux. Parce
que, dans le fond, la charte empêche l'intimidation ou la discrimination face à
l'orientation sexuelle. Alors, pourquoi respécifier l'homophobie si l'orientation
sexuelle... si l'homophobie est déjà comprise dans l'expression «identité
sexuelle de la charte»?
Mme Cadet : Dans l'expression
«orientation sexuelle».
Mme Girard (Marie-Claude) : L'orientation
sexuelle de la charte, oui. Donc, ce que j'essayais d'éviter, c'est de recréer
d'autres termes et de se coller aux termes de la charte qui, elle, est la
garante des droits des femmes à l'égalité, qui est... le droit des femmes à
l'égalité est protégé à l'article 50.1 de la charte. Alors, pour faire en
sorte à ce qu'il y ait une cohérence entre les deux, j'aimerais... et c'est ce
que je recommande, c'est d'utiliser le vocabulaire de la charte, qu'on parle
d'éviter des intimidations ou de...
Mme Cadet : Et donc, pour
vous, ce serait lequel, donc, des deux vocabulaires qui aurait préséance?
Mme Girard (Marie-Claude) : De
parler de sexe et identité de... ou l'expression de genre. Ça, ça fait partie
de la charte, et puis, au lieu de parler d'homophobie et d'orientation
sexuelle, de juste marquer «orientation sexuelle». Remarquez, ici, je n'ai pas
fait une grande allée, j'ai marqué nota, parce que, pour moi, c'est redondant.
Bon, mais si vous considérez qu'il faut le répéter, je veux bien, je n'ai
pas... je n'ai rien contre, mais, pour moi, si on empêche la discrimination
face à l'orientation sexuelle, on empêche l'intimidation contre l'homophobie.
Mais ça, c'est... j'ai marqué nota. Alors, je gardais le vocabulaire qui est
inscrit dans la charte...
La Présidente (Mme Dionne) : ...
Mme Cadet : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Et, dans le même esprit, donc, seriez vous en faveur à ce
que le libellé de l'article 3, paragraphe 2°, donc inclus... donc
l'environnement doit être exempt de toute forme d'intimidation ou de violence,
motivée notamment par la transphobie...
Mme Girard (Marie-Claude) : ...Il
faudrait définir transphobie, hein? C'est quoi, la transphobie? Si je dis
qu'une femme existe selon... le sexe détermine le sexe de la personne, une
femme, c'est la femelle de l'espèce humaine, est-ce que je vais être accusée de
transphobie? Je ne sais pas. Alors, c'est pour ça qu'il faudrait définir. C'est
une réalité biologique. Si j'affirme la réalité biologique, est-ce... puis je
reconnais le droit des personnes trans de s'exprimer et d'affirmer leur
identité, mais est-ce que je vais être accusée de transphobie par ce que
j'affirme? Comme c'est arrivé avec Mme Rowling, par exemple. Ou il y a une
infirmière qui vient de... en Colombie-Britannique, qui vient de perdre son
poste parce qu'elle a dit que le sexe existait, qui a été accusée de
transphobie. Alors, pour moi, il manque une définition du mot transphobie.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup.
Mme Cadet : C'est terminé?
La Présidente (Mme Dionne) :
C'est tout le temps que nous avons. Je cède maintenant la parole au deuxième
groupe de l'opposition.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous.
L'interdiction du voile pour une femme,
c'est une forme de limitation d'une liberté. En même temps, je vous entends
bien affirmer que vous défendez la liberté des femmes, la plus grande liberté
possible. Comment est-ce que vous expliquez cette contradiction?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Mais on ne voit pas de
contradiction. C'est parce que c'est... comme on... comme pour limiter. On
limite la liberté politique des femmes et des hommes, par exemple, dans les
écoles. On leur dit de ne pas porter de macaron politique. On est... Pourtant,
on n'a rien contre les hommes non plus, mais on... mais on limite la liberté
des femmes et des hommes à ne pas porter de macaron politique quand ils
enseignent. Alors, on limite la liberté d'expression, en effet, des
enseignants, de ne pas manifester, de ne pas montrer un favoritisme pour une religion,
parce que l'école laïque ne doit pas mettre de pression, ne doit pas montrer un
favoritisme pour une religion ou une autre, que l'État doit être séparé, enfin,
on doit séparer de la religion. Ça fait partie de... bien, du devoir de réserve
de l'enseignant de ne pas montrer ses croyances religieuses, qui n'ont rien à
voir avec son enseignement. Ça ne fait pas partie de ce qu'elle a à faire.
Parce que vous me parlez du voile, donc c'est... on parle des femmes, enfin, on
pourrait parler de la kippa ou du turban des hommes.
M. Dugré (François) : Peut-être
ajouter, très rapidement, il n'y a aucun droit qui est absolu. Ça doit être...
On doit gérer des conflits entre les différents droits. Et, dans le discours
qui dit : On enlève une liberté à une femme ou quiconque qui voudrait
porter un signe religieux dans le cadre de l'enseignement, bien, il serait bien
qu'on parle des droits des étudiants, justement, à un enseignement laïque
exempt de toute forme de pression. Et, par ailleurs, ces femmes-là peuvent porter
le voile dans l'espace public, dans les parcs, en allant au théâtre, au cinéma.
Donc, on ne peut pas dire : Ça y est, leur croyance religieuse est brimée.
C'est l'expression d'une pratique, en portant un voile, qui est en jeu ici, pas
la liberté de religion comme telle, qui est parfaitement maintenue. Alors, ça
dépend de l'ordre de discours dans lequel on s'insère, tout simplement.
M. Zanetti : Et pourquoi
dites-vous que les enfants ou les élèves qui voient une personne, une femme
avec un voile, ils subissent une oppression?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :C'est-à-dire que ça... qu'avoir
un endroit, une école avec une saturation de signes religieux.... Parce que
certains disent que c'est le cas. Quand on dit qu'on ne peut pas interdire le
voile dans les... dans les services de garde parce qu'il y en a beaucoup, donc
on vit une saturation de signes religieux. Eh bien, ça instaure un climat
religieux. Et c'est certain qu'on est... que les enfants sont... évidemment,
ils sont là-dedans, ils sont... ils prennent le message que ça leur transmet.
C'est certain. Et donc ça fait qu'on a une école avec un climat religieux qui
s'installe, alors que l'école ne devrait pas. Enfin, l'école laïque, c'est ça.
C'est mettre la religion en dehors de l'espace de... Parce que l'enfant... en
fait, c'est ça, l'école, c'est là où l'enfant, bien, apprend à être libre,
apprend à réfléchir par lui-même, il apprend à être autonome et donc il a
besoin... on a besoin de lui laisser l'espace qu'il faut. Peut-être qu'il vit
une pression chez lui, mais justement, l'école, ça devrait être un sanctuaire
où il peut...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...peut se permettre de se
développer sans avoir la barrière communautaire religieuse qui lui est imposée.
Et c'est certain que quand les...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, madame. Merci. C'est malheureusement tout le temps qu'on a pour ces
échanges. Donc, Mme Girard, Mme El-Mabrouk et M. Dugré, merci beaucoup pour vos
interventions. Pour ma part, je suspends les travaux quelques instants pour
accueillir nos prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 14 h 51)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous avons le plaisir d'accueillir
comme prochains témoins la Confédération des syndicats nationaux, donc, M.
Karim Lebnan, M. Julien Laflamme, Mme Katia Lefebvre et Mme Annie Charland.
Donc, bienvenue à cette commission. Donc je vous rappelle, vous avez 10 minutes
pour nous faire part de votre exposé. On procédera par la suite à une période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Mme Lelièvre (Katia) : Merci
beaucoup et merci de nous recevoir en commission parlementaire pour le projet
de loi no 94. Je m'appelle Katia Lelièvre, je suis vice-présidente de la CSN.
Je suis accompagnée aujourd'hui par Annie Charland, qui est présidente du
secteur soutien scolaire de la Fédération des employés de services publics
affiliée à la CSN, ainsi que de Julien Laflamme, conseiller politique à
l'exécutif de la CSN, et Karim Lebnan, du service juridique de la CSN. La CSN
représente 330 000 membres répartis dans près de 1600 syndicats dans tous les
secteurs d'activité et sur l'ensemble du territoire québécois. La FESP, quant à
elle, représente 69 000 membres dans près de 425 syndicats, dont 36 000
travailleuses et travailleurs dans le réseau scolaire, dans le soutien
scolaire, plus précisément, entre autres, ce qui fait de la FESP
l'organisation...
Mme Lelièvre (Katia) : ...qui
représente la plus grande majorité du personnel de soutien au Québec. Nous
aimerions d'abord mentionner que, considérant l'importance pour nos membres de
ce projet de loi puis les conséquences qu'ils auront sur eux et elles,
considérant qu'il n'y a pas de caractère urgent à le mettre en application,
nous déplorons le peu de temps qui a été accordé aux organisations afin de
préparer... de préparer notre consultation.
La CSN défend sans réserve le principe de
laïcité de l'État. Cela dit, la description des faits et des témoignages
révélés par le rapport de vérification de la direction des enquêtes du
ministère de l'Éducation est loin de nous avoir convaincus que les principes de
laïcité sont bafoués au sein du réseau de l'éducation. Plutôt que de cibler
quelques cas de prosélytisme ou de rares cas de débordements comme ceux
observés à l'école Bedford, le projet de loi n° 94 impose dans l'ensemble
du réseau d'importantes limitations aux droits fondamentaux et au droit à
l'égalité des travailleuses et travailleurs prévus à la charte.
Alors que la commission s'apprête à
analyser le projet de loi, la CSN souhaite mettre en lumière le manque criant
de main-d'œuvre qui existe déjà dans le réseau. Or, le présent projet de loi
aura comme conséquence grave de nuire à l'attraction de la main-d'œuvre. Au
final, ce qui est dans la balance, c'est la capacité du réseau de maintenir
suffisamment de personnel pour assurer une qualité adéquate des services
éducatifs. À l'heure actuelle, les ratios éducatrices enfants sont dépassés un
peu partout. Si nous voulons assurer une mission éducative et maintenir un
niveau d'encadrement nécessaire pour assurer la sécurité des enfants ainsi que
celle du personnel, le ratio privilégié devrait être de 1/20, alors qu'à l'heure
actuelle il est plus souvent de 1/25 ou même de 1/30 dans certaines régions et
écoles du Québec. Le recrutement est très difficile. Nous sommes donc très
inquiets de voir une tranche complète de la population, féminine de surcroît,
et souvent surqualifiée, être exclue du processus de recrutement dans les
centres de services et les commissions scolaires.
De plus, la clause des droits acquis est
trop restrictive. Nous demandons donc au ministre, advenant l'adoption de ce
projet de loi, d'élargir à tous postes dans le réseau scolaire ainsi qu'à toute
personne actuellement en formation professionnelle ou technique dans les
secteurs visés par le projet de loi, comme par exemple en éducation spécialisée
ou en services de garde, d'élargir à la clause de droits acquis, ça permettrait
à ces personnes de changer de fonction ou de centre de services scolaires selon
leurs besoins personnels ou encore selon les besoins du réseau.
La CSN s'oppose à l'interdiction du port
de signes religieux au personnel et à d'autres personnes œuvrant au sein
d'établissements publics d'éducation. Si, au nom de la neutralité de l'État, il
est possible de bâtir un argumentaire en faveur d'une interdiction de signes
religieux pour des personnes représentant véritablement l'État dans ses pouvoirs
coercitifs, il est difficile de comprendre en quoi le personnel de la
cafétéria, les éducatrices en milieu scolaire, les professionnels, les
contractuels venant animer le parascolaire, même en dehors des murs de l'école
et les bénévoles d'une bibliothèque scolaire auraient besoin de ne démontrer
aucune appartenance religieuse. Il ne faut pas confondre laïcité et
antireligieux. L'école est un lieu d'enseignement, certes, mais aussi un lieu
d'apprentissage et de socialisation. Si l'enseignement doit être laïque et
respecter la Loi de l'instruction publique tout en laissant une liberté
pédagogique, le milieu de vie qu'est l'école doit être ouvert et ressembler à
la société. Par l'interdiction de signes religieux, on cache ou on nie
l'existence de pans entiers de la population pour lesquels les signes religieux
ne représentent pas seulement un attachement à la religion mais aussi à leur
culture, leur origine ethnique ou nationale.
Depuis des décennies, la CSN lutte pour
l'avancement des droits fondamentaux, au nombre desquels figure la lutte pour
l'égalité entre les hommes et les femmes. À ce chapitre, la contribution de la
CSN est indéniable. Elle a mené des combats importants pour les femmes et
demeurera aux côtés de toutes les femmes qui luttent pour leurs droits et pour
leur émancipation des carcans que le patriarcat leur impose encore aujourd'hui.
Notre position n'est donc pas de faire la promotion de religions et de leurs
pratiques et surtout pas de celles qui nous apparaissent inégalitaires. Toutefois,
nous rejetons également toute approche paternaliste à l'égard des femmes. Toute
approche qui cherche à leur dire quoi penser ou à les stigmatiser. Ainsi, il
nous apparaît crucial de ne pas instrumentaliser le droit des femmes afin
d'orienter le débat. C'est donc dans une perspective féministe et dans
l'optique de faire avancer le droit des femmes qu'il faut notamment analyser
les enjeux de laïcité.
En ce qui a trait à la gestion des
accommodements pour motifs religieux, le rapport d'enquête de la direction des
évaluations a révélé des enjeux dont la portée est plutôt limitée, concernant,
entre autres, les congés rémunérés, qui auraient sans doute pu être réglés par
bien d'autres moyens que par une modification législative. Le projet de loi
énonce à huit reprises un impératif de conduite exempte de considérations
religieuses. Si, à la base, ces énoncés visaient vraisemblablement à combattre
toute forme de prosélytisme religieux, son actuelle rédaction porte...
Mme Lelièvre (Katia) : ...atteinte
à la liberté de religion, de conscience et d'opinion. La notion de conduite,
exempte de considérations religieuses, est en effet beaucoup plus large que les
conduites qui constitueraient des actes de prosélytisme. Rappelons que la
liberté de conscience et la liberté de religion sont des piliers de la laïcité
de l'État québécois. Le projet de loi réfère à plusieurs reprises aux valeurs
québécoises. Cette notion est floue et elle ouvre malencontreusement la porte à
l'arbitraire. Ce que les uns et les autres définissent comme des valeurs
québécoises peut varier grandement en fonction d'idéologie ou de l'allégeance
politique et peut évoluer avec le temps. En cette matière, les conceptions
divergentes s'affrontent souvent durement. Qui définira au fil du temps quelles
sont les valeurs québécoises? Quelles obligations légales découleront de ces
dispositions? Afin de maintenir le système d'éducation à une distance saine du
jeu politique, la CSN croit qu'il n'y a pas lieu de recourir à une telle
formulation au sein du présent projet de loi.
Au niveau de l'obligation d'utiliser
exclusivement le français, depuis longtemps, la CSN est fortement engagée dans
la promotion et la défense de la langue française. Elle a d'ailleurs appuyé le
présent gouvernement, notamment dans l'adoption de mesures visant à renforcer
le droit de travailler en français. Cela dit, ce droit n'empêche personne de
s'exprimer dans une autre langue en dehors de ses obligations qui découlent des
droits linguistiques aux élèves ou des parents prévus par la Charte de la
langue française. Pour la CSN, le contexte actuel ne justifie pas d'imposer en
milieu scolaire francophone une obligation de ne parler exclusivement en
français, incluant entre collègues lors des périodes de repos journalier. Nous
préconisons plutôt la mise en œuvre de recommandations du commissaire qui
touchent à l'école québécoise, à savoir faire de la découverte des contenus
culturels québécois et francophones un objectif stratégique du système
d'éducation et d'encourager des jumelages entre écoles de milieux différents
qui seront axés sur la réalisation d'activités collaboratives et la découverte
culturelle.
Au niveau de la clause dérogatoire. La CSN
croit qu'elle est utilisée avec légèreté et outrance... et à outrance. Alors
même que la validité de recours aux dispositions dérogatoires avec une telle
étendue quantitativement et qualitativement n'est pas tranchée puisque la Cour
suprême du Canada ne s'est pas encore prononcée là-dessus, le gouvernement
réutilise ce moyen excessivement attentatoire tous azimuts. Comme le soulignait
le juge Blanchard, dans une société soucieuse de respecter les droits
fondamentaux qu'elle accorde à ses membres, l'utilisation de la clause
dérogatoire doit se faire de façon parcimonieuse et circonspecte, et les
parlementaires et le gouvernement devraient être d'ardents défenseurs des
droits et libertés, particulièrement du droit à l'égalité et des droits
fondamentaux. Ce projet de loi fait l'inverse.
• (15 heures) •
En conclusion, plusieurs raisons amènent
la CSN à réclamer le rejet du projet de loi n° 94. La
Confédération s'oppose à l'élargissement de l'interdiction des signes religieux
dans le réseau public qui toucherait de manière importante le personnel de
soutien. Il ne s'avère pas nécessaire pour la réalisation d'une laïcité ouverte
et pluraliste et créera des problèmes importants d'attraction dans certains
milieux scolaires, peut être même des bris de service, alors que le manque de
personnel est déjà criant. En outre, il n'y a pas lieu de circonscrire davantage
les demandes d'accommodements pour motif religieux au-delà de ce qui est prévu,
les problèmes soulevés auraient pu être réglés sans autre modification
législative.
En complément, nous soutenons que si le
législateur décidait malgré tout de ne pas retirer le projet de loi, la
protection des droits acquis concernant l'interdiction des signes religieux
devrait être élargie pour maximiser la rétention du personnel dans le réseau
public. Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup pour votre exposé. Donc, nous allons maintenant débuter cette période
d'échange. M. le ministre, je vous cède la parole.
M. Drainville : Oui. Merci de
votre participation à cette commission. Bon, on peut dire que vous faites...
c'est une charge tous azimuts contre le projet de loi. Je pense que c'est assez
bien résumé, votre posture.
Dans le... Alors, vous critiquez beaucoup
de choses. Sur la question des accommodements, je vous cite un extrait du
rapport sur les 17 écoles, là. «Un employé pratiquant une religion peut
donc se voir accorder plus de congés rémunérés qu'un employé ne pratiquant
aucune religion». Fin de citation. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, vous?
Mme Charland (Annie) : Écoutez,
je ne sais pas la convention des enseignants, mais pour le personnel de
soutien, il y a une entente qui est faite avec le centre de services scolaire
et il est tellement balisé qu'il n'y a vraiment pas grand monde qui peut s'en
servir, de ces journées de fêtes là. Alors, ce n'est pas... ce n'est pas ça qui
peut vraiment faire la différence et ça ne donne pas de bris services du tout
dans nos...
15 h (version non révisée)
Mme Charland (Annie) : ...dans
tous nos secteurs, là, pour les fêtes religieuses.
M. Drainville : Donc, un
employé qui pratique une religion ne devrait pas avoir droit à plus de congés
rémunérés qu'un employé ne pratiquant aucune religion, exact?
Mme Charland (Annie) : Ce n'est
pas ça que j'ai dit. Excusez, vas-y.
Mme Lelièvre (Katia) : Dans
les...
M. Drainville : Bien là, la
question est...
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
il y a des congés... Il y a toutes sortes de congés qui peuvent être pris dans
nos conventions collectives. Il y a des congés pour raisons personnelles, il y
a des congés sans solde, il y a toutes sortes de congés. Ce qui semble poser
problème, c'est que le congé soit rémunéré. Et donc, pour nous, là, il y a des
commissions scolaires qui n'accordent pas de congés rémunérés, qui demandent de
piger dans les congés personnels. Et donc ça, selon nous, ça fait le travail,
là, et il n'y a pas... on a juste à envoyer une consigne ministérielle disant :
Bien, maintenant, ces congés-là seront pris dans les banques de congés déjà
existantes des travailleuses et des travailleurs. Et ça ne prend pas un projet
de loi pour régler cette partie-là.
M. Drainville : D'accord.
Mme Lelièvre (Katia) : Veux-tu
y aller, Julien?
M. Laflamme (Julien) : Bien,
j'ajouterais...
M. Drainville : Non, mais, je
pense, la réponse est claire, comme je n'ai pas beaucoup de temps. Votre
réponse était très claire. Sur l'obligation du visage à découvert, est-ce que
vous êtes d'accord avec ça, vous, l'obligation du visage à découvert en tout
temps pour le personnel et les élèves, écoles privées, écoles publiques?
Mme Lelièvre (Katia) : Mais,
pour l'instant, c'est déjà ça pour le personnel. On doit avoir le visage
découvert à l'école. Le personnel doit avoir le visage, que ce soit le
personnel enseignant ou le personnel de soutien.
M. Drainville : Bien, pas
pour les écoles privées non subventionnées, là, mais je n'ai pas le goût de m'ostiner
avec vous là-dessus, là. Pour les élèves, l'obligation du visage à découvert
pour les élèves, pour ou contre?
Mme Charland (Annie) : Écoutez,
moi, je ne pense pas que ça soit à nous à décider pour les élèves. On est là
pour représenter du personnel. Je crois que... un peu comme vous disiez tantôt,
vous parlez pour les enseignants, pour les gens qui travaillent, tous les
membres qui travaillent pour la fonction publique et non les élèves. Alors,
moi, je ne vois pas pourquoi que, moi, ça serait moi qui déciderais pour un
élève s'il a le droit d'avoir le visage découvert ou non.
Mais je comprends ce que vous voulez dire
parce qu'on l'a eu dans votre rapport, qu'on a eu une place où ce qu'il n'y
avait pas le visage découvert et où les gens se sentaient mal à l'aise de
demander de voir le visage pour pouvoir identifier. Je comprends ce bout-là. C'est
vrai que la personne peut être mal à l'aise. C'est quand même un sujet très
délicat. Sauf que... est-ce qu'on a déjà pensé à donner de la formation à ces
gens-là? Non. Pourquoi qu'on n'a pas des formations qui se donnent pour le
soutien, le professionnel, les enseignants et même les cadres, comment
interagir avec nos gens, comment fonctionner sans mettre de malaise, sans faire
d'incident? C'est la formation qu'on pourrait travailler et ça aurait pu régler
la problématique à la base.
M. Drainville : O.K. Mais
vous dites : Nous, on incarne une position féministe. Le voile intégral,
le niqab, la burqa, vous trouvez que c'est des symboles féministes, c'est des...
c'est des tenues vestimentaires féministes?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
en fait, la question est...
M. Drainville : Mais elle est
facile, madame.
Mme Lelièvre (Katia) : Je...
Non, elle n'est pas...
M. Drainville : Le niqab...
Mme Lelièvre (Katia) : Ce n'est
pas une question facile...
M. Drainville : Le niqab...
La Présidente (Mme Dionne) :
...des gens qui nous écoutent.
M. Drainville : Le niqab... Est-ce
que le niqab, c'est... ou c'est anti-femmes?
Mme Lelièvre (Katia) : Mais est-ce
que d'empêcher quelqu'un de faire quelque chose qu'il désire faire... est-ce
que c'est de reconnaître son droit à l'autodétermination? C'est de présumer...
M. Drainville : Vous pensez
qu'elles portent...Vous pensez qu'elles portent librement le niqab,
vous?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
je n'en sais rien, moi. Je... Honnêtement... Honnêtement, il y a des gens qui
se... qui décident d'aller vers ces religions-là. On ne peut pas présumer que l'ensemble
des gens... Puis ce n'est pas... ce n'est pas, pour l'instant, couvert par
votre projet de loi, à moins que je me trompe. Tout le monde doit avoir le
visage découvert à l'école dans le personnel actuellement. Donc, c'est comme ça.
Et, quand on veut recevoir un service, bien, on doit aussi... un parent qui
viendrait chercher son enfant, qui aurait le visage couvert, doit se découvrir
pour qu'on puisse s'assurer que c'est le bon parent qui vient chercher le bon
enfant. C'est...
M. Drainville : ...la
Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) :
Oui. Mme la députée de Hull, je vous cède la parole.
Mme Tremblay : Là, vous venez
de dire qu'on doit s'assurer qu'un parent qui vient chercher son enfant doit
être à visage découvert. Donc là, ce que vous venez de me dire, finalement, c'est
que... que vous n'avez pas répondu clairement tantôt, c'est que les enfants
devraient aussi, question d'identification puis de sécurité, avoir un visage
découvert dans les écoles. Donc, on... ce qu'on vient faire, de dire que les
enfants doivent être à visage découvert, bien, je pense que ça va exactement
dans le sens que vous venez de dire, c'est dans... on n'est pas en
contradiction. Ça fait que vous êtes en accord avec ça.
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
on est en accord que, pour la sécurité puis pour un besoin d'identification, oui,
on doit se découvrir le visage. C'est difficile d'identifier quelqu'un qui n'a
pas le visage découvert.
Mme Tremblay : Mais vous êtes
d'accord avec moi que, dans une école, en tout temps, un enfant devrait avoir
le visage découvert, donc, parce que je pense qu'en tout temps on doit assurer
sa sécurité puis être en mesure de l'identifier.
Mme Lelièvre (Katia) : Mais c'est...
Mme Lelièvre (Katia) : ...en
fait, la question, ici, aujourd'hui, ça vise le personnel. Donc, nous, on a
fait notre mémoire sur le personnel. Maintenant, si vous voulez qu'on discute
des élèves, bien, on pourra revenir ici et avoir une position sur lesquels on
va s'être penchée sur les élèves.
Mme Tremblay : J'ai lu un
communiqué de presse, là, que vous avez émis, là, et puis là vous dites que la
situation va être dramatique dans la rentrée scolaire 2025 pour les
parents». Vous entendez quoi par «la situation va être dramatique»?
Mme Charland (Annie) : C'est
on est déjà en manque de personnel. Comme ma collègue l'expliquait tantôt, on a
déjà des ratios genre... j'explique juste en service de garde parce que c'est
dans tous les autres corps d'emploi également, mais surtout un service de garde
où est-ce que le ratio est 1-20 et que déjà on n'est pas capable de le
respecter. O.K.? Alors, si à l'accueil ou à la prochaine année scolaire, si je
ne peux plus engager une personne qui a une identification religieuse, bien, je
viens d'empêcher encore plus de gens de pouvoir s'en venir. Déjà qu'on est en
manque de personnel, alors notre crainte est que les ratios vont tellement
déborder, on va avoir des gens pour 30, 40, bien, là, on n'aura plus un service
de garde éducatif, et notre but, c'est de donner un service de garde éducatif.
On n'est pas on ne fait pas de la surveillance, là, ce n'est pas ça qui se
fait. Un service de garde, c'est éducatif. Alors, si on n'a plus le ratio, mais
là, on va se ramasser qu'on va refaire de la surveillance. Et je m'excuse, mais
quand tu as 40 élèves, je m'excuse, personne n'a des yeux tout le tour de
la tête. Alors comment est ce qu'on fait pour être bien sûr qu'il n'arrive rien
à tous les élèves? C'est qu'il y a une question de sécurité, le
ratio 1-20, on les voit bien, puis on est capable de faire des travaux
avec eux. C'est ça, notre crainte, c'est d'empêcher des gens de pouvoir venir
travailler avec nous. Déjà qu'on s'entend que nos conditions de travail font
qu'on n'a pas tant de monde qui vient, et c'est pour ça qu'on est en pénurie de
main-d'œuvre. Alors, si déjà...
Mme Tremblay : Je pense que
j'ai bien compris, là. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Dionne) : Il
reste huit minutes, madame...
Mme Tremblay : Il me reste huit
minutes. Oui, je comprends ce que... ce que vous dites, mais tu sais ce je veux
dire qu'il y a quand même... Ça s'est passé par le passé quand on l'a... on
a... on a fait ce volet-là avec les enseignants puis les enseignantes, puis
ça... ça s'est bien passé, là, dans les écoles, là, je veux dire. Tu sais ce
que je veux dire, on n'a pas... Je tenais quand même à le dire, j'étais dans le
milieu à ce moment-là.
Et je vais revenir sur la langue parce que je
trouve ça important. Vous dites que vous êtes des défenseurs de la langue
française, puis en même temps un défenseur de la langue française, ça veut dire
qu'on la protège, qu'on la parle dans nos écoles. Là, bon, il y a eu le rapport
de Bedford, puis il y avait des enjeux. Moi, je ne comprends pas votre
position, aller jusque là, là, quand on veut protéger le français pour protéger
le français, ça va loin. Moi, je viens d'une région frontalière. Là, je viens
de la région de l'Outaouais, là, où dans nos écoles, malheureusement, là, ça se
passe de plus en plus à l'extérieur de la classe en anglais. Moi, je pense que
c'est un message clair puis, si on veut lancer un message clair, mais c'est ce
message-là qu'il faut lancer. C'est un message pour tout l'ensemble du Québec,
sans nos écoles francophones, on protège notre français, on en fait une fierté,
puis je pense que c'est pour ça qu'il faut aller dans cette direction-là, c'est
pour protéger notre... notre langue française, puis moi, j'en suis très fière.
Ce bout-là, je tenais à vous le... à vous le dire puis je ne comprends pas
pourquoi on veut... Puis là, c'est sûr que ça part d'une autre chose, mais il
faut le voir plus largement dans cette fierté-là puis dans cette importance-là
de protéger la langue française puis qui semble vous tenir à cœur parce que vous
l'avez dit. Mais moi, je vais vous dire pourquoi ça me tient à cœur, c'est pour
la raison que je viens de vous vous énumérer, là.
• (15 h 10) •
Mme Lelièvre (Katia) : Mais
en fait, la langue française, on l'a toujours défendue, on la défend encore, on
est pour la francisation, on travaille à tenter de franciser. On a beaucoup de
milieux où les gens ne parlent pas français, étant donné qu'il y a beaucoup de
travailleurs, entre autres, étrangers temporaires au Québec, qui ne sont pas du
tout francisés puis qui arrivent en entreprise en parlant une autre langue.
Ce qui a été vécu puis ce qu'on a vu dans
le rapport qui a été fait sur les 17 écoles, c'est vécu partout au Québec.
Ça n'est pas vécu que dans les écoles, là, on vit la même chose dans les milieux
de soins. On vit la même chose dans plein de milieux de travail, c'est-à-dire
qu'il y a des gens qui entendent des gens parler une langue autre que le
français entre eux et ça les met mal à l'aise. On parle d'un malaise, on ne
parle pas d'un problème large. La langue française, elle est importante, mais
si on passe la journée à parler une langue seconde ou des fois une langue
tierce, à là, un moment donné, quand on se ramasse avec quelqu'un qui parle la
même langue que nous pendant 10 minutes où est-ce qu'on peut enlever cette
charge mentale là, puis on peut juste se reposer l'esprit, on pense que ça
prend aussi de la sensibilisation auprès de la population, puis pas de dire à
la population le français est pas important, mais juste on peut-tu faire preuve
d'un peu d'empathie. On a beaucoup de gens qui arrivent chez nous, puis on le
voit dans nos milieux de travail. On l'a vu, on a fait une formation, puis je
suis venu ici dans dans la même salle, pour la commission parlementaire sur
l'intégration du ministre Roberge et donc... le p.l. 74... 84, je pense,
et donc je donnais ça en exemple qu'on a fait des formations. Nous, on a pris
des travailleuses, des travailleurs du milieu de la santé qui disaient :
Bien, j'ai des collègues...
Mme Lelièvre (Katia) : ...des
collègues qui parlent le créole entre eux dans le corridor, puis ça me dérange,
j'ai l'impression qu'ils rient de moi. Et on a fait des ateliers où est-ce
qu'on a fait travailler les gens avec des consignes qui étaient dans une autre
langue que la leur, juste pour qu'ils comprennent la charge mentale que ça
provoque dans une journée. Ce n'est pas qu'on n'est pas pour la langue
française. Au contraire, nous, on pense qu'il faut... c'est important de
franciser les gens. Puis on pense qu'il faut offrir toutes les ressources pour
que les gens aient envie de parler le français. Mais on est rendu à dire :
Dans votre votre sphère privée, pendant votre heure de pause, vous ne pourrez
pas parler votre langue, même avec un collègue, alors que, si vous allez dans
le sud, des fois, vous vous rendez compte que la première personne que vous
cherchez, c'est celle qui parle le... qui parle français, puis que vous vous
entendez, avec un accent québécois. Pourquoi? Parce que, tout d'un coup, c'est
beaucoup plus facile que de parler seulement l'anglais ou l'espagnol. C'est
pareil dans nos milieux de travail.
M. Drainville : Vous trouvez
qu'une plage à Varadero, c'est comparable à une école québécoise, Mme?
Mme Lelièvre (Katia) : Ce
n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce que j'ai dit du tout. Je vous ai
donné un exemple du... vous mettre dans une situation. Donc, quand vous êtes
sur la plage, vous ne parlez pas avec votre... la personne qui est à côté de
vous en espagnol si vous êtes francophones. Dans une école, j'en conviens, là,
qu'on est dans une école puis qu'il faut qu'on parle le français, mais on est
rendu dans les zones de pause et de repas, là, des gens. On n'est plus sur le
temps rémunéré, on est rendus sur leur temps personnel.
Mme Charland (Annie) : Est-ce
je peux rajouter?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
il vous reste 3 min 52 s.
Mme Charland (Annie) : Moi,
je rajouterais...
La Présidente (Mme Dionne) : Oui,
allez-y, Mme.
Mme Charland (Annie) : Déjà
que, oui, comme elle explique, c'est une très, très grande charge mentale.
Mais, si on veut que, pour eux, ça devienne... que ça coule de source parler
français, il va falloir leur donner les outils. On en revient encore à la
formation. Et ce n'est sûrement pas en enlevant des cours de francisation qu'on
va pouvoir les aider à développer leur français. C'est un peu ça, là. Il faut
les aider aussi à pouvoir se... à devenir... à parler toujours en français puis
que ça soit fluide. C'est un peu ça qu'on veut dire, là.
La Présidente (Mme Dionne) : D'autres
interventions? Oui...
Mme Tremblay : Oui, puis
j'aimerais ça les entendre sur d'autres volets du projet de loi. Donc, dans le
projet de loi, un autre autre volet qu'on amène puis qui n'a pas été traité,
c'est l'évaluation du personnel. Donc, nous, on trouve que c'est important,
évidemment, puisqu'on l'amène, puis on aimerait ça vous entendre sur ce
volet-là, qui se fait déjà dans le système scolaire. Soit dit en passant, là,
ce n'est pas quelque chose de nouveau, mais on vient peut-être plus l'ancrer de
façon plus formelle. Alors, j'aimerais ça vous entendre.
M. Laflamme (Julien) : Bien,
la principale difficulté qu'on voyait, c'est l'obligation annuelle. Notre
estimation, c'est qu'on ne pense pas, que les directions d'école actuelles vont
avoir les capacités de réviser sérieusement l'ensemble de ce qui leur sont
soumis annuellement. Donc, c'est surtout cet aspect-là qui posait problème.
Mme Tremblay : Donc, vous
n'êtes pas nécessairement contre une évaluation, mais ce que je comprends,
c'est plus dans la mécanique qu'on est ici, là, dans la... une question de
temps et de capacité.
Mme Lelièvre (Katia) : Mais
on doute de la faisabilité, de la faisabilité, tant pour les professeurs que
pour les directions d'école. Mais on n'a pas... Nous, on ne représente pas les
enseignants au niveau primaire et secondaire dans le réseau public, donc on n'a
pas couvert... on s'est concentré sur les aspects qui avaient un impact direct
sur nos membres.
Mme Tremblay : O.K., vous
êtes plus au niveau...
Mme Lelièvre (Katia) : Du
soutien.
Mme Tremblay : ...du
personnel de soutien, effectivement, là, au niveau du scolaire. Au niveau du
personnel de soutien, moi, je... ils sont venus, il y a certains... il y en a
certain qui sont venus nous rencontrer puis qui trouvaient ça nécessaire
d'aller là, des gens, là, du personnel de soutien, là, qui sont passés au
bureau, là, puis qui disaient que c'était plus que nécessaire, cette
neutralité-là, de l'amener dans le réseau, qu'ils n'étaient pas contre du tout,
du tout ce qu'on disait quand ils sont venus nous rencontrer. Ce n'était pas du
monde du volet syndical, évidemment, là, c'étaient des gens sur le terrain qui
disaient que ça devenait de plus en plus important. Puis on va garder, là, ceux
qui sont déjà en emploi, là. Moi, j'aimerais ça vous entendre, voir c'est quoi
qui est positif là-dedans, là. Moi, je suis... il y a... Parce que je vois que
vous rejetez ça du revers de la main, là, vous dites : Bien, bon, oui, ça
prend la laïcité, mais on ne la veut pas finalement, tu sais. Donc...
Mme Charland (Annie) : Bien,
moi, je vous dirais où... oups, excusez, où est-ce que... Moi, je suis une
technicienne en une éducation spécialisée dans la vie, O.K.? Moi, je trouve
qu'une de mes plus grandes tâches dans la vie, c'est d'enseigner aux élèves que
j'ai que la diversité est importante, que je dis toujours à mes élèves :
Que tu sois blanc, que tu sois de n'importe quelle couleur, que tu t'habilles n'importe
comment, que tu aies des lunettes, tu n'aies pas de lunette, les cheveux longs
ou les cheveux courts, que tu sois handicapé...
Mme Charland (Annie) : ...roulante,
ça ne change rien. On est tous des personnes à part entière. Et c'est la force
de notre population. C'est de travailler tous ensemble. Parce que tout le monde
a ses forces, tout le monde a ses faiblesses et, quand on les met tous
ensemble, c'est là qu'on devient avec une population avec des belles valeurs et
des belles forces. Alors, c'est ça qu'on veut défendre, nous, le fait qu'on
dit : Si on le dit à mes élèves, mais là, je me revire de bord, je
dis : Ah! oui, oui, on les accepte tous sauf ceux qui ne rentrent pas dans
la boîte...
La Présidente (Mme Dionne) : Merci,
Mme Charland. C'est malheureusement tout le temps qu'on a. Donc, je cède la
parole à l'opposition officielle. Allez-y, Mme la députée.
Mme Cadet : Merci, merci, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Charland, Mme Lelièvre, M. Laflamme et Maître
Lebnan. Et d'ailleurs, merci beaucoup pour cette conclusion, cette belle
conclusion à vos propos lors de votre échange avec le gouvernement. Merci aussi
pour votre mémoire bien étoffé. Donc, je vais y aller avec les éléments, donc,
les sous-titres, là, les en-têtes, à, qu'on retrouve à votre mémoire.
D'abord, sur l'interdiction du port des
signes religieux, donc, vous nous dites que vous vous opposez, donc, à
l'interdiction du port des signes religieux au personnel de soutien et à
d'autres personnes œuvrant au sein des établissements publics d'éducation,
notamment en raison de votre vision ouverte de la laïcité et en raison des
considérations importantes relatives au manque de main-d'œuvre en milieu
scolaire et ses effets sur la qualité des services éducatifs offerts. On le sait,
donc, vous l'avez mentionné vous-mêmes, donc, il y a une grande pénurie de
main-d'oeuvre dans le réseau scolaire. On le sait que de nombreux... de
nombreux membres du personnel quittent un grand nombre le réseau. On le
condamne depuis plusieurs années. On se... Le ministre, dans d'autres périodes
de questions, on a eu l'occasion de l'entendre dire, donc, qu'il s'affairait à
s'assurer qu'on puisse avoir une plus grande rétention du personnel et qu'on
puisse les attirer aussi pour la suite. Vous, qu'est-ce que cette
interdiction-là signifierait pour le réseau de l'éducation, selon vous?
Mme Charland (Annie) : Bien
oui, je vais y aller. Un peu comme on disait tantôt, si c'est... On va... On va
se ramasser avec du monde tellement avec des gros ratios que ce sera impossible
à gérer. Et puis je trouve que là-dedans, les plus grands perdants, ça va être
les enfants. Parce que, si les ratios sont énormes, les enfants n'ont plus la
même qualité de service qu'ils devraient avoir. Alors, ça, ce côté-là, c'est sûr
que ça vient nous chercher. Parce que, que la personne, elle soit bien... de la
façon qu'elle est habillée, son signe religieux, c'est à elle, ça lui
appartient, c'est ses valeurs. Et puis l'enfant, lui, tout ce qu'il veut, c'est
d'avoir une personne qui va l'écouter puis qui va travailler avec lui. C'est
tout ce que l'enfant demande. Alors, c'est pour ça, là, où est-ce qu'on trouve
que ça devient dangereux.
• (15 h 20) •
Mme Cadet : Mme Lelièvre,
vous vouliez ajouter?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien
non. Bien, en fait, pour nous, la laïcité, c'est... On ne pense pas que... Tu
sais, on l'a dit dans notre mémoire, là, quelqu'un qui sert un macaroni au
fromage dans la cafétéria, qu'il ait un hidjab ou... on ne pense pas que ça a
un impact sur l'enfant. Il y a... Son rôle n'est pas coercitif. Donc...
Mme Cadet : Ce n'était pas
une personne en situation d'autorité, là, qui était le cadre, là, qu'on
utilisait précédemment, là.
Mme Lelièvre (Katia) : Oui.
C'est ça. Donc, l'autorité... il y a différents niveaux d'autorité, tu sais. Si
un enfant d'un... un autre... je croise un autre enfant, ça se peut que
temporairement, pendant 10 minutes, j'aie un lien d'autorité sur cet
enfant-là, que je ne connais à peu près pas, parce que je suis dans... je passe
dans la cour d'école ou quelque chose. Donc, le lien d'autorité, il n'est pas
coercitif au niveau du personnel de soutien, une grande partie du personnel de
soutien, qui est... Un concierge, par exemple, va... va-t-il avoir un lien
d'autorité avec un enfant? Puis quelqu'un dans la bibliothèque de l'école,
va-t-il avoir un lien d'autorité? Donc, c'est un peu... On trouve que c'est
large puis que ça va... ça va nuire gravement. Vous savez, ils ont déjà fermé
une classe complète, là, cette année, de techniciennes en service de garde.
Bon. C'est à la petite enfance, là, mais on voit que c'est des... c'est des
catégories d'emplois qui n'attirent plus.
Puis tantôt, le gouvernement disait :
On n'a pas vu ces problèmes-là en éducation. Mais on ne le sait pas parce
qu'actuellement il y a beaucoup de pénuries de main-d'oeuvre dans les
professeurs, qui, peut-être, trouveraient preneurs avec des gens qui ont été
écartés du milieu de l'éducation actuellement. Donc, on n'est pas capables de
répondre à cette question-là. C'est une question dont on n'aura jamais la
réponse, quel a été l'impact sur les professeurs. On le sait... On ne le sait
pas vraiment parce qu'ils ne sont plus là, ceux qui auraient pu arriver dans le
réseau ne rentreront jamais. Donc, on ne saura pas, à cause de la clause de
droits acquis. Mais, nous, ce qu'on pense, c'est que cette clause-là doit être
aussi élargie. Quelqu'un qui souhaite améliorer son sort, par exemple une
éducatrice en service de garde qui voudrait compléter ses études puis devenir
technicienne en éducation spécialisée, comme ma collègue ici, bien, ne serait
plus couverte par les droits acquis. Donc, on aurait quelqu'un qui aurait été
améliorer son sort, qui aurait des compétences supplémentaires à donner à
l'école, mais qui ne pourra venir travailler à l'école, parce que là...
Mme Lelièvre (Katia) : ...d'un
coup, elle va avoir changé de poste.
Mme Cadet : J'aimerais vous
entendre là-dessus, justement, parce que, bon, donc, au début de votre mémoire,
donc, vous vous penchez, donc, sur votre opposition à l'interdiction du port
des signes religieux, mais, à la fin, dans vos recommandations, vous dites...
vous évoquez ce que vous venez de mentionner, donc, soit que les droits acquis,
que la clause grand-père, là, soit rattachée à la personne, et non au poste
qu'elle occupe. Parce qu'effectivement, ce qu'on retrouve, en ce moment, dans
les dispositions du projet de loi n° 94, c'est que la personne donc, devra
continuer, là, éternellement, là, de faire, donc, les tâches, donc, qu'elle
occupe. Elle pourrait avoir quelques tâches additionnelles, mais c'est
marginal.
Donc, la personne devra demeurer, donc,
dans le même poste. Vous, vous vous opposez à ça et vous nous dites : «Ces
mêmes principes doivent aussi s'appliquer aux étudiantes et aux étudiants ayant
débuté une formation technique ou professionnelle dans un secteur d'emploi visé
par le projet de loi.» J'imagine que c'est parce que les projets de vie sont
déjà entamés par les jeunes, et on parle du recrutement du réseau, donc de
s'assurer que ceux qui sont déjà dans les programmes, en ce moment, et qui
souhaitent intégrer le milieu, donc, pour vous, devraient être couverts par la
clause grand-père. C'est bien ça?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
tout à fait. Au-delà de l'idéologie, là, de l'idéologie puis de la laïcité,
nous, on a une réelle préoccupation terrain, à se dire : Bien,
qu'est-ce... Tu sais, qu'est-ce qu'on fait si on n'a plus personne pour
s'occuper de nos enfants? Ou, si les classes débordent trop, puis qu'on fait
juste les envoyer jouer au ballon dans la cour, est-ce que c'est ça qu'on veut?
Ça fait que c'est un peu ça, notre inquiétude, c'est de se dire : on a
peur que ce soit difficile, l'attraction de la main-d'œuvre, puis qu'on se
ramasse tranquillement... Parce que les gens vont prendre leur retraite aussi,
hein? Les gens, ils ne demeurent pas à vie. Alors, quand on va avoir des gens
qui vont quitter, ça va nous prendre de la relève pour venir aider dans les
services de garde, dans les classes, comme être dans la classe, dans les
cafétérias, dans les librairies scolaires, les bibliothèques scolaires. Donc,
c'est un peu ça. Nous, on n'est pas nécessairement que... on est dans le
pratico-pratique aussi.
Mme Cadet : Est-ce que vous
pensez que le libellé actuel de la clause grand-père... puis je sais que ce
n'est pas quelque chose qui peut être chiffré, là, mais est-ce que... si vous
anticipez le risque que certaines personnes quittent aussi le réseau? Donc, une
personne... Puis vous donnez l'exemple d'une éducatrice... en service de garde
qui voudrait devenir éducatrice spécialisée, qui se dit : Bien, moi, je
vais... je vais quitter le réseau parce que je ne veux plus occuper ce
poste-là, parce que la façon dont la clause grand-père, elle est rédigée, ne me
permet pas d'avancer. Est-ce que ce sont des éléments sur lesquels vous vous
êtes penchés?
Mme Charland (Annie) : Bien,
absolument, absolument, parce que c'est sûr que... Déjà, on s'entend, là, nos
gens... Ce n'est pas facile, là, présentement, dans nos écoles, là, on... Je
pense que M. le ministre est... va être d'accord avec moi quand on dit qu'on a
beaucoup de violence là, dans nos écoles, là. On est... on a fait une semaine
de prévention sur la violence. Alors, déjà... on a déjà des gens qui partent
par la porte... Moi, je n'ai jamais vu autant de gens partir par la grande
porte, puis je ne parle pas juste de nouveaux, là, je parle de personnes qui
ont beaucoup d'ancienneté.
Alors, c'est sûr que, plus qu'on met de
barrières, plus qu'on met de choses... bien oui, on a... bien oui, on a peur,
là, c'est... On les voit aller, là. Il y a la Santé, là, c'est... on a des
mêmes corps d'emploi, là. Ça fait que, si, eux autres, ils n'ont pas la
barrière, bien, ils vont à la Santé, tu sais, ou ils vont aller dans...
n'importe où, en DPJ. On a des corps d'emploi qui se retrouvent partout, là, le
personnel de soutien.
Mme Cadet : Qui se
ressemblent, oui.
Mme Charland (Annie) : Ça
fait que...
Mme Cadet : Donc, non
seulement, donc, le plus grand risque, sur le plan pratico-pratique, c'est ce
que vous évoquez.
Mme Charland (Annie) : C'est
vraiment là.
Mme Cadet : Donc, c'est non
seulement, donc, une question, donc, de recrutement de nouveaux travailleurs,
et surtout, de nouvelles travailleuses, mais aussi, donc, des risques de
départs également, donc un risque, donc, d'attrition du personnel, considérant
qu'il y a déjà énormément de départs dans le réseau, pour tous motifs
confondus. O.K.
Mme Charland (Annie) : Oui,
puis de nouvelles employées, vous le dites, parce qu'on s'entend qu'on est
majoritairement féminin. On doit être à 80 % féminin dans le personnel de
soutien. Alors, c'est toujours les femmes qui sont... qui sont touchées.
Mme Cadet : Oui, tout à fait.
Au niveau de l'interdiction des accommodements, un peu plus tôt, donc, vous,
dans votre échange avec la partie gouvernementale, donc, ce qu'on a compris,
c'est que, pour vous, donc, évidemment, donc, cette équité entre employés,
donc, est absolument importante, donc, le consensus, mais qu'il y a déjà donc,
le concept, là, de la banque des congés personnels. Donc, vous, donc, ce qui
est... ce qui est ajouté au projet de loi vous semblerait superflu, parce que
c'est... il y a déjà possibilité, pour les centres de services scolaires,
d'agir à cet égard? Je veux vous entendre.
Mme Charland (Annie) : Oui,
oui, oui, il y a déjà des politiques. Nous, on regarde... Montréal, c'est sûr
que c'est notre lieu phare, où est-ce qu'on a le plus de gens, là, avec des
choses religieuses. Mais c'est... ils ont des politiques pour ça, et c'est
tellement bien balisé, là, c'est... Il n'y en a pas, de bris de service, parce
que le personnel de soutien, bien, il faut qu'il prouve plein de choses avant
de pouvoir avoir le droit, et le nombre de personnes va aller au nombre
d'élèves qui vont être dans la classe aussi. Ça fait que, tu sais, on ne peut
pas avoir, genre... Je dis un chiffre. En service de garde, bien, tu n'auras
pas 10 personnes qui vont partir sur le même congé, parce qu'il va falloir
qu'ils donnent un service là, ils ont quand même 20 élèves à s'occuper, là,
malgré qu'aujourd'hui c'est 25 et 30. Mais, c'est ça, il faut qu'ils s'occupent
de ces élèves-là.
Ça fait qu'on ne peut pas... C'est
vraiment bien balisé, là, il n'y a vraiment pas grand gens qui peuvent... qui
peuvent se vanter de l'avoir tout le temps, là...
Mme Cadet : ...
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
en fait, les dispositions des conventions collectives, comme je l'ai dit
précédemment, là, permettent de prendre d'autres congés pour ça. Puis il faut
aussi dire que les territoires des écoles primaires sont très petits, hein, ça
fait que, souvent, on a des communautés presque... tu sais, très denses dans
telle ou telle école, ça fait qu'il y a des écoles où est-ce que les élèves
aussi sont beaucoup plus absents les journées de fêtes religieuses. Un peu
comme si... si Noël, mettons, ici, n'était pas une fête religieuse chômée,
bien, probablement qu'on aurait beaucoup d'enfants qui seraient quand même
absents le 25 décembre. Et c'est un peu la même chose qui se passe dans
certaines écoles, il y a beaucoup d'enfants qui sont absents. Là, mon opinion
là-dessus, je n'en ai pas, c'est la décision des parents, mais dans les faits,
ça représente moins d'enfants à l'école aussi. Alors, peut-être que ces
journées-là sont plus propices dans certains milieux pour octroyer les congés
personnels.
Mme Cadet : Merci. Je l'ai
dit lors de mes remarques préliminaires un peu tantôt, donc, ce qui nous amène
ici, là, le pourquoi du p.l. no 94, c'est la situation de l'école Bedford, nous
aussi... Donc, nous, notre travail, comme parlementaires, c'est de nous assurer
que le comment, y répondre adéquatement. Est-ce que, selon vous, le projet de
loi no 94, tel que présenté par le ministre, empêcherait d'autres Bedford de se
produire?
Mme Charland (Annie) : Aucunement.
Mme Cadet : Aucunement.
Mme Charland (Annie) : Bien
non, parce que ce n'est pas... le projet de loi no 94 touche le droit à la
religion, au port religieux, tandis qu'à Bedford... Et on est tous... on a tous
mal réagi, nous aussi, quand on l'a appris, là, on ne dit pas qu'on était
d'accord,avec ce qui est arrivé là, loin de là, mais c'étaient des enseignants
hommes avec qui étaient arrivées les problématiques, là, ce n'était pas du
soutien du tout qui avait un voile, ça fait que c'est... Je ne pense pas que
ça pourra l'empêcher. Si une personne décide de vouloir le faire, même s'il
donne un plan de cours, je m'excuse, mais est-ce qu'il va vraiment respecter ce
qu'il va avoir écrit? Ça peut être autre chose, également.
Ça fait que... Qu'est-ce qu'on peut
déplorer aussi là-dedans, c'est que ça fait quand même... Ça faisait
quasiment... pas loin de 10 ans, qu'on a appris après, qu'il y avait eu des
dénonciations puis qu'il n'y avait rien qui avait été fait. Alors, ça aussi,
là, il y a peut-être eu un manque à quelque part, là. Ça aurait pu être réglé
avant.
Mme Lelièvre (Katia) : Je
reviendrais sur la formation aussi. Puis ça, à qui on se réfère? Maintenant, il
y a le Protecteur de l'élève, ce qu'il n'y avait pas au moment de l'école
Bedford, mais c'est important que les consignes soient claires puis que les
directives ministérielles soient bien comprises et qu'on ait, pour les
directions d'écoles, un endroit à se référer s'il y a des questions. Mais,
selon nous, le projet de loi ne répond pas au problème de Bedford...
Mme Cadet : ...pourrait se
produire d'autres cas Bedford, puis on serait tout aussi choqués, c'est ce que
vous êtes en train de nous dire.
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
à notre avis, ça prend beaucoup de formation, puis d'information, puis de
s'assurer que dans nos écoles, tout le monde a la même compréhension puis que
tout le monde applique les règlements de la même façon.
• (15 h 30) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Merci. Ça met fin au temps des échanges. Donc, M. le député du
deuxième groupe d'opposition, la parole est à vous.
M. Zanetti : Pour combien de
temps?
La Présidente (Mme Dionne) : Pour
une période de quatre minutes.
M. Zanetti : Merci. Merci.
Merci beaucoup d'être là. Ça fait du bien, beaucoup de bienveillance. Je pense
que vous représentez le point de vue terrain concret des vrais humains qui
vivent dans ce monde et qui vivent des choses. Parlant de ce que les vrais
humains vivent dans ce monde et qu'ils vivent des choses, j'aimerais ça que
vous me disiez un peu si vous avez eu des échos des réactions au dépôt du
projet de loi no 94, parce qu'il est déjà déposé depuis... tu sais, les
journaux en ont parlé. Il y a-tu, par exemple, des éducatrices qui portent le
voile qui sont inquiètes ou des collègues de ces éducatrices-là qui sont
inquiètes. Comment réagissent vos membres sur le terrain par rapport à ce
projet de loi qui a été déposé?
Mme Charland (Annie) : C'est
sûr que... c'est sûr qu'il y a de l'inquiétude, et je pense que c'est normal,
hein, on s'entend que l'inquiétude va toujours être là parce qu'on touche à des
valeurs de gens. Alors, c'est... Oui, l'inquiétude est extrême, là.
Puis je pense que... Tu sais, on parlait
un peu tantôt aussi de l'école Bedford. Bien, je pense que ce qui pourrait
aider aussi... Je m'excuse, j'en bifurque, là, mais les lanceurs d'alertes, on
peut-tu les protéger? On n'a pas d'endroit de protégé... pour protéger les gens
qui voudraient faire des lanceurs d'alerte.
M. Zanetti : Puis est-ce que
le fait, par exemple, là... parce qu'un des gros présupposés du gouvernement
puis de beaucoup de groupes qui appuient son projet de loi, c'est de dire
qu'être exposé... pour un enfant, là, être exposé au port d'un signe religieux,
là, ça met en péril la liberté de conscience, là, voire, là, ça endoctrine.
Est-ce que c'est un phénomène qui a déjà été observé ou c'est...
15 h 30 (version non révisée)
M. Zanetti : ...est pour vous
de la spéculation pure?
Mme Charland (Annie) : Bien,
nous, on ne peut pas dire qu'on a observé un endoctrinement parce que l'éducatrice
ou l'intervenant avait un voile. Aucunement, là. Ce n'est pas... La personne,
elle fait son travail.
Mme Lelièvre (Katia) : Mais,
pour nous, l'école doit aussi être le reflet de la société, hein?
Mme Charland (Annie) : Eh
voilà.
Mme Lelièvre (Katia) : Dans
la société, il y a une panoplie de gens, il y a une panoplie de couleurs, de
religions, il y a une diversité qui s'exprime sur plusieurs facettes des
individus, et on ne pense pas que le fait de voir quelqu'un avec un hidjab va
être perçu comme l'enfant... pour l'enfant comme, tu sais, une pression pour
devenir musulman ou va le traumatiser d'une quelconque façon. Moi, ma fille va
à l'école, puis elle a une éducatrice qui a un hidjab puis elle ne m'en a
jamais parlé. Ça n'a pas eu l'air à la traumatiser, en tout cas.
M. Zanetti : Puis est-ce
que... qu'est-ce que vous pensez que ça peut avoir, cette loi-là, sur le
sentiment d'appartenance à la nation québécoise, des femmes de confession
musulmane qui portent un signe religieux? Pensez-vous que ça va leur dire :
Je me sens vraiment québécoise ou pensez-vous qu'ils vont se dire : Mon
Dieu, mais il va falloir que je me trouve une autre identité parce que, celle-là,
clairement, on me rejette?
Mme Lelièvre (Katia) : Bien,
en fait, je cherchais une citation qu'il y avait dans notre mémoire, là, mais
je pense que la meilleure façon d'intégrer quelqu'un, c'est en le faisant
travailler avec des collègues. Puis, vous savez, les femmes, si elles sont
forcées de porter des signes religieux, bien, peut-être qu'en sortant de leur
milieu de vie puis en allant dans le milieu du travail, c'est une excellente
façon pour elles de s'intégrer aux communautés, de voir d'autres gens, de
connaître des gens de d'autres religions, de d'autres nationalités, de d'autres
cultures. Donc, bien, pour nous, de dire aux femmes... On est encore mieux d'y
aller par... En fait, c'est aussi la population qui a besoin d'être
sensibilisée puis d'être ouverte. Donc, on a besoin de s'accepter mutuellement
puis de se comprendre beaucoup plus que... c'est comme ça que les gens s'intègrent.
Si on se sent rejeté au départ, on n'a pas envie de s'intégrer dans une société
qui nous rejette.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, c'est malheureusement tout le temps qu'on a pour ces échanges. Donc,
merci infiniment pour votre présence cet après-midi. Pour ma part, je suspends
les travaux quelques instants pour accueillir notre dernier groupe de la
journée.
(Suspension de la séance à 15 h 35)
(Reprise à 15 h 39)
La Présidente (Mme Dionne) : La
commission reprend maintenant ses travaux. Donc, nous accueillons maintenant
Droits collectifs Québec avec M. Étienne-Alexis Boucher. Je dois...
directeur général mais également ancien député de Johnson de 2008 à 2012. Est-ce
bien cela?
M. Drainville : ...
La Présidente (Mme Dionne) : Et
vous avez siégé ensemble. Bon. Voilà.
Une voix : ...
M. Boucher (Etienne-Alexis) : J'avais
repris la business familiale. Et M. le ministre a survécu à notre collaboration.
Je l'en félicite, ce n'est pas tout le monde.
M. Drainville : ...plus que
survécu.
La Présidente (Mme Dionne) : Que
de bonnes nouvelles.M. Boucher est accompagné de M. François
Côté qui est avocat général. Donc, bienvenue, je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour nous faire part de votre exposé. Et, par la
suite, on procédera à la période d'échange avec les membres de la commission.
Donc, la parole est à vous.
• (15 h 40) •
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Mais
je vous remercie énormément, Mme la Présidente de la commission culture et
éducation. Évidemment, je remercie aussi l'ensemble des parlementaires à qui
nous devons finalement la possibilité de contribuer aux travaux de l'Assemblée
nationale qui porteront sur l'étude et peut-être l'adoption du projet de loi n°
94, soit la Loi visant notamment à renforcer la laïcité dans le réseau de
l'éducation et modifiant diverses dispositions législatives.
En fait, c'est mon collègue avocat général
qui va faire la majorité de notre exposé. Moi, je me contenterai simplement de
présenter l'organisme, de rappeler sa mission, à savoir de défendre les
droits... les droits collectifs des Québécoises et des Québécois, notamment les
droits linguistiques, mais, dans le cas qui nous préoccupe, des droits
politiques tels que, par exemple, le droit à la liberté de conscience ou la
liberté d'expression.
Basés sur une approche non partisane, nos
moyens d'action s'incarnent notamment par la mobilisation politique et
judiciaire — on traîne devant les cours une fois de temps en temps —
par l'éducation populaire et la représentation politique. Ce que nous rendons
très concret aujourd'hui en se présentant devant vous dans le cadre des
audiences publiques.
Évidemment, l'intérêt que porte Droits
collectifs envers ce projet de loi là à moins très aux aspects éducatifs qu'a
ceux traitant de la promotion de la laïcité au sein de notre système
d'éducation. En effet, nous jugeons que les principes philosophiques sur
lesquels repose la laïcité comptent parmi les valeurs fondamentales qui
définissent la nation québécoise, telle que l'égalité entre les citoyens et les
citoyennes, de même que la séparation de l'État et des églises. Il en va ainsi
du respect de notre mission que de défendre ces principes, de même que leur
application.
Enfin, nous jugeons que le dépôt puis
l'éventuelle adoption du projet de loi n° 94 permet au gouvernement de se
doter d'outils supplémentaires afin de réellement permettre à la laïcité de
cheminer au sein de l'administration et de ses diverses ramifications, dans ce
cas, notre système d'éducation.
Et je compléterai simplement en disant
qu'au fond les Québécoises et les Québécois pensaient que le combat pour
l'imposition de la laïcité, de la séparation des églises et de l'État avait été
remporté en 2021 avec la Loi sur... l'adoption de la Loi sur la laïcité de
l'État. Or, plusieurs situations survenues dans les dernières années, oui, le
cas de l'école Bedford, mais il y en a eu d'autres, ont démontré...
M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...qu'au
final cette loi-là, elle était évidemment réelle en théorie, mais, dans la
pratique, l'atteinte de la laïcité étatique n'était pas du tout... bien, en
fait, on n'y était pas encore. Et c'est ce type d'outil là qui, à nos yeux,
permettront à la société québécoise de vraiment vivre la laïcité à travers les
espaces citoyens que sont, par exemple, les écoles de notre système
d'éducation. Je cède la parole à Me Côté.
M. Côté
(François) :Merci beaucoup, M. le
directeur général.
En 2019, l'État du Québec rédigeait une
importante page de son histoire moderne en adoptant la Loi sur la laïcité de
l'État, qui se voulait une continuité naturelle de notre parcours collectif
d'émancipation civile devant l'influence de la religion depuis la Révolution
tranquille.
La religion, posons-le formellement, ne
définit pas un être humain dans l'essence profonde de son individualité, et
d'aucune manière elle ne supplante son libre arbitre. Il ne s'agit pas d'une
caractéristique intrinsèque de la condition humaine qui s'impose à l'individu
en dépit de toute volonté de sa part — comme peut l'être l'âge, le
sexe, l'origine nationale ou ethnique, la présence ou non d'un handicap, etc.
Certes, on peut débattre quant au sens de la foi qui peut être perçue comme irrésistible
à la conscience lorsqu'il est question de conviction religieuse, mais, du
moment où cette conviction quitte l'intimité de l'esprit du croyant pour se
manifester dans le monde réel au travers des comportements sociaux réclamés par
le dogme religieux au travers des pratiques religieuses — rituels,
fêtes, célébrations, contraintes familiales et sexuelles, port d'accessoires,
vestimentaires, etc. — le fait d'exercer de telles pratiques en
société, lui, indubitablement, relève du choix de le faire. Personne ne naît
avec une religion préprogrammée dans le cerveau, personne ne naît avec un voile
ou une croix.
Dès lors, nous le posions à l'époque et
nous le posons encore aujourd'hui, l'exercice d'une religion est un choix; un
choix digne d'un relatif respect, comme le respect des convictions politiques, par
exemple, mais un choix d'abord et avant tout. Et ce choix, comme tout choix par
définition, n'est alors plus tant un état de la personne qu'un exercice de
volonté, un comportement social qui peut... «qui peut», qui doit être sujet au
respect du droit et des règles applicables à tous en société. Dans cette
perspective, s'agissant d'un choix, d'un exercice de volonté, la pratique de la
religion ne saurait en ce sens recevoir une quelconque force normative en
société qui lui permette de supplanter le droit et la normativité civile
applicable à tous. Car, en procédant ainsi, on brise l'égalité de droit entre
les citoyens pour proclamer que la volonté religieuse individuelle de l'un doit
l'emporter devant la volonté non religieuse de l'autre ou de tous.
Et, plus particulièrement, cette
conception collective que nous nous faisons de la religion, nous la posons, en
toute connaissance de cause et avec pleine volonté consciente de le faire,
par-devant la conception individuelle et subjective de l'individu, qui ne
saurait prétendre se hisser par-devant ses pairs au seul nom de ses choix et de
ses croyances purement personnels. Si un individu s'estime «obligé» de
satisfaire une obligation religieuse x en vertu de sa foi, cette «obligation»
est de nature purement morale et ne devrait pas être juridique; et, quand bien
même il puisse subjectivement le percevoir autrement, cela n'en fait pas une
réalité sociale objectivement admissible pour définir les paramètres du vivre-ensemble
commun. Il y a une société québécoise pour les 8,5 millions de Québécois — et
non pas 8,5 millions de microcosmes sociaux délié du commun pour chaque
variation individuelle. C'est à la religion, comme pour l'exercice de tout
choix personnel, de s'exercer dans le cadre des créneaux juridiques et sociaux
que la société lui offre, et non l'inverse.
Et, si notre société se caractérise par
une très grande liberté accordée à l'individu dans sa sphère privée, elle tient
particulièrement à ce que ses institutions sociales et juridiques, tout
particulièrement lorsqu'il s'agit de l'action de l'État au travers de ses
agents et employés auprès de personnes vulnérables ou en situation de
dépendance — comme les élèves en milieu scolaire — soient
intégralement neutres et laïques, de fait et en apparence. Tout
particulièrement en milieu scolaire, encore, nous estimons d'une importance
absolument capitale que notre système d'instruction publique ne fasse
l'apologie ni ne condamne quelque religion que ce soit et s'abstienne de toute
pression active ou passive par les enseignants et le personnel scolaire de
valoriser, approuver ou normaliser quelque religion que ce soit, quelque
croyance religieuse que ce soit, auprès des jeunes élèves à l'esprit vulnérable
et malléable qui leur sont confiés au travers des pratiques religieuses qui
leur sont exprimées. Chaque enfant, au Québec, doit pouvoir se faire sa propre
opinion, faire son propre choix, quant à ses propres convictions et pratiques
religieuses, le cas échéant, sans subir la pression — tant symbolique
qu'active — d'une idéologie religieuse quelconque. Pour ceux et
celles qui trouvent ce choix intolérable, il y a toujours le réseau privé,
mais, quand il est question...
M. Côté (François) :...quand il est question du système public, le Québec a
fait son choix et tracé une ligne dans le sable : la religion n'a pas sa
place à l'école comme endoctrinement normatif et ne saurait justifier un
passe-droit ni de règles spéciales.
Et c'est pour affirmer plus avant cette
réalité intrinsèque au vivre-ensemble québécois que le législateur a adopté la
Loi sur la laïcité de l'État, une loi porteuse de nobles objectifs, mais qui
demeure à parfaire. Les révélations de 2024 issues des enquêtes sur le
scandale de Bedford nous l'ont appris, il y a des lacunes. Et il est impératif
de mettre en place des mécanismes de surveillance et de contrôle pour éviter
que de telles dérives ne se reproduisent.
Le respect de la laïcité de l'État en
milieu scolaire doit aller plus loin que ne le faisait la Loi sur la laïcité de
l'État dans sa version originale et doit mieux encadrer toute la question des
accommodements religieux en milieu scolaire, non seulement impliquant des
enseignants, mais aussi, dans une certaine mesure, les élèves. Et tout
particulièrement, il faut en finir avec les congés supplémentaires et les
absences pour motifs religieux qui rendent l'administration des établissements,
des calendriers et des charges de travail tout simplement ingérables, au
surplus, d'envoyer un conséquent message de primauté de la religion devant le
droit et le commun dans le regard des élèves qui observent le tout dans une
situation d'impression et de dépendance. Il faut faire plus. Il faut faire
mieux. Et le projet de loi n° 94 est, selon nous, un pas dans la bonne
direction.
Droits collectifs Québec salue le projet
de loi n° 94 que nous estimons utile, bienvenu et nécessaire pour parfaire la
reconnaissance et la protection de la laïcité de l'État en contexte scolaire,
bien que certaines modifications, selon nous, devraient y être apportées.
En résumé, et nous aurons l'occasion d'en
débattre lors des échanges, nous estimons qu'il faudrait consacrer le droit
à... le droit fondamental à une éducation laïque de fait et d'apparence dans la
Loi sur l'instruction publique et dans la Charte des droits et libertés de la
personne, et y rappeler l'égalité formelle et universelle entre les sexes, ceci
pour prendre nos distances avec la jurisprudence de la Cour suprême et
l'interprétation de common law des libertés fondamentales, du droit à l'égalité
et de la liberté de religion qui dominent la jurisprudence de la Cour suprême
du Canada selon une optique de droit qui n'est pas la nôtre, qui n'est pas
celle de notre tradition civiliste et qui n'est pas celle de la société
québécoise.
Nous proposons également, et là je vous
qu'il reste 30 secondes, de renforcer plusieurs définitions dans la Loi
sur l'instruction publique, notamment la définition de communauté. Nous
proposons de renforcer les devoirs de l'enseignant pour y inclure un devoir
personnel de respect de la Loi sur la laïcité de l'État.
Ainsi, nous proposons également d'amender
la Loi sur l'instruction publique pour préciser les demandes d'accommodement
religieux en milieu scolaire et d'amender l'article 10 de la Charte des
droits et libertés de la personne pour rappeler notre conception civiliste de
l'égalité de la personne comme affaire de forme et d'intention.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup, Maître Côté, M. Boucher. Donc, nous sommes prêts pour débuter les
échanges. M. le ministre, je vous cède la parole pour un temps de 16 minutes.
M. Drainville : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Etienne-Alexis, je suis bien content
de te retrouver. Je l'ai déjà dit, mais je le répète à micro ouvert.
Le groupe précédent, la CSN, pour ne pas
la nommer, a déclaré que la clause dérogatoire était utilisée avec trop de
légèreté. Je pense que c'est les mots qui ont été utilisés, mais, si ce n'est
pas exactement le mot, c'était certainement l'esprit. Moi, je préfère
l'appellation «clause de souveraineté parlementaire». Je pense que ça dit ce
que c'est, c'est-à-dire qu'on assure par ce recours la primauté du Parlement.
Puis il ne faut jamais oublier, pour ceux qui connaissent leur histoire, il n'y
aurait jamais eu de Charte canadienne des droits et libertés, si le régime
fédéral et le gouvernement présidé par M. Trudeau, avec M. Chrétien comme
ministre de la Justice, s'il n'avait pas donné aux provinces récalcitrantes
cette clause dérogatoire dans la Charte des droits. Il n'y aurait pas de charte
canadienne des droits s'il n'y avait pas eu de clause dérogatoire. Alors, il ne
faut jamais le perdre de vue.
Mais j'aimerais vous entendre, vous, sur
cette affirmation à l'effet que, dans ce projet de loi comme dans d'autres, le
gouvernement utilise avec trop de légèreté la clause de souveraineté
parlementaire.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien,
écoutez, cette question-là a été tranchée il y a de cela très longtemps, 1988,
jugement Ford, où la Cour suprême reconnaissait, bien évidemment à l'État
québécois, mais à l'ensemble des États qui sont fédérés par le Canada, le droit
d'utiliser cette clause-là, même de manière préventive, hein? On vous rappelle,
là, que ce n'est pas la première fois que ça arrive. Durant une certaine
période, au cours des années 80, la clause de souveraineté parlementaire
était insérée dans l'ensemble des projets de loi adoptés par l'Assemblée
nationale. Il n'y a pas eu de boucliers qui se sont levés à ce moment-là. Et
vous avez raison, il n'y aurait pas eu de deal politique canadien sans clause
de souveraineté parlementaire. Le problème, avec le Canada, c'est...
M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...que
sa constitution est décadenassée et il est impossible finalement de revoir ou
de faire évoluer ce consensus politique survenu en 1982. Est-ce que la Cour
suprême va se substituer à nouveau aux politiciens pour rebâtir ou reformuler
le consensus politique canadien? C'est ce qu'on va voir au cours des prochains
mois avec la cause qui porte sur le dossier ACS, qui est la Loi sur la laïcité
de l'État, là, dont DCQ demandera le statut d'intervenant, à l'instar des
autres provinces canadiennes qui, probablement, veulent défendre le droit
d'utiliser cette dite clause.
M. Côté
(François) :J'aimerais, si vous me le
permettez, rajouter un petit quelque chose. La souveraineté parlementaire a été
invoquée, et j'ai réalisé une étude aux côtés du Pr Rousseau il y a quelques
années de cela, a été invoquée par le Québec plus d'une centaine de fois depuis
l'entrée en vigueur des chartes de droits et libertés de la personne. Donc, de
parler d'un usage sans précédent, c'est historiquement faux.
On peut remarquer effectivement que le
gouvernement actuel fait un bon emploi, peut être un peu plus fréquent qu'à
l'habituel quand on pense aux années libérales qui l'ont précédé, de la souveraineté
parlementaire et permettez-moi de dire que c'est une bonne chose, au sens qu'il
ne faut pas voir l'usage de la souveraineté parlementaire comme étant une
négation des libertés civiles, mais plutôt l'affirmation d'un modèle juridique
différent, l'affirmation de notre droit au désaccord. Car, ne l'oublions pas,
lorsqu'il est question d'établir et de donner un sens aux mots du droit, les
juges ne sont pas des dieux et le législateur doit avoir le pouvoir de
s'adresser à la cour pour dire : Nous n'interprétons pas tel droit, telle
liberté fondamentale de la même manière que vous, parce que nous procédons avec
une logique différente, parce que nous procédons avec un système et une
tradition juridique différente.
Au Québec, nous sommes une société civiliste
et nous opérons en droit avec des sources, des structures et des méthodes qui
sont bien différentes de l'approche dominante de common law libérale qui domine
tout le reste de la fédération canadienne et qui domine en large part, en large
part, il y a des dissidences, ce n'est pas monolithique, mais en large part, la
jurisprudence de la Cour suprême. Est-ce qu'au Québec, nous interprétons la
liberté de religion comme devant nécessairement accorder le droit de porter une
arme dans les écoles au nom de la religion? Non, mais la Cour suprême, oui.
Interprétons-nous la liberté... la même liberté de religion comme donnant le
droit de pouvoir casser un contrat librement consenti? Non, mais la Cour
suprême, oui. Il est question d'affirmer notre vision du monde différente en
fonction de paramètres de droit qui nous sont tout à fait légitimes, car c'est
en fonction de tels paramètres, d'une telle vision du vivre ensemble que notre
société s'est forgée. Et le Québec, ce n'est pas le Canada, nous avons le droit
légitime à notre distinction.
M. Drainville : Vous
manifestez un certain nombre d'inquiétudes quant à l'application du droit à
l'égalité, qui entraîne, dites-vous, des accommodements qui sont parfois
déraisonnables, notamment en matière religieuse, et qui font en sorte que le
je, le je religieux, dites-vous, le je religieux est utilisé pour se soustraire
au nous civil. On pourrait dire au nous civique également, je pense. Élaborez
un petit peu sur cette dichotomie, là, sur cette... sur ces deux visions d'un
je religieux d'un côté versus un nous collectif.
M. Côté
(François) :Tout repose dans la
définition même que nous faisons de la religion en tant que concept de droit,
et il y a deux approches qui s'opposent. D'un côté, la vision civiliste, qui
est la vision selon laquelle la société québécoise s'est structurée depuis des
siècles, qui voit une distinction fondamentale entre, d'une part, la croyance
religieuse, qui est intime et protégée dans le for intérieur de la conscience
et, d'autre part, la pratique religieuse, comme je l'ai mentionné, qui est
l'expression d'un comportement social, dans la mesure où un individu invoque
ses pratiques religieuses pour demander d'être surélevé par rapport aux règles
applicables à tous. Si j'invoque un choix personnel d'une religion pour être
dispensé d'une règle commune, un calendrier, des règles applicables en milieu
de travail, la validité d'un contrat, un règlement de sécurité et ainsi de
suite, c'est faire passer la volonté individuelle d'exprimer ce choix face à la
volonté individuelle d'autrui ou face à la volonté collective de tous qui sont
derrière la règle de droit applicable à tous. Tandis qu'en common law, du côté
de la pensée juridique anglo-canadienne...
M. Côté
(François) :...anglo-canadienne, croyances
et pratiques fusionnent. Il n'est pas possible de distinguer la croyance du
croyant ni la pratique de la foi intérieure. Donc, dans cette perspective, avec
cette vision de common law où croyances et pratiques ne font qu'un, il est
logique et cohérent avec les paramètres de cette tradition juridique de pouvoir
évoquer ces pratiques religieuses pour être dispensé, pour demander un
accommodement par rapport à une règle générale, alors que... et de demander à
quelqu'un de mettre ses pratiques religieuses de côté, ce serait vu de la même
manière que de demander à une personne en chaise roulante de bien arrêter
d'être en chaise roulante pour les fins d'un travail, par exemple. Mais, en
droit civil, on ne voit pas les choses comme cela, dans le sens que l'expression
d'un choix, c'est un exercice de volonté individuelle, et l'égalité de tous les
citoyens dépend d'une égalité de valeur de la volonté individuelle de chacun.
Donc, en permettant à la religion de se hisser par devant les règles communes,
il y a, effectivement, un bris d'égalité qui nous ramène à la culture des
privilèges de laquelle nous avons dépensé des siècles à nous écarter.
M. Drainville : C'est très
intéressant parce que je... Moi, ça fait un petit bout de temps, là, que je
suis mêlé à ce débat, dirions-nous, et puis ça me fascine toujours d'entendre
les opposants à une laïcité affirmée. C'est toujours fascinant de les entendre
dire que l'obligation de retirer le signe religieux pendant les heures de
travail, c'est l'équivalent de priver quelqu'un de son travail. C'est fascinant
parce que tu te dis : Bien, non, tout ce qu'on dit, c'est qu'il y a, oui,
des droits, et on considère que l'approche que nous choisissons, que nous
privilégiions protège les droits mais que ces droits s'accompagnent aussi de
devoirs, de responsabilités.
Et, parmi ces responsabilités, il y a
celle d'incarner donc une véritable neutralité religieuse quand tu es en
présence des enfants, en présence des élèves dans l'école. Et donc ce que nous
disons, c'est que, lorsque tu te présentes à l'école, tu dois accepter, parce
que c'est ta responsabilité, parce que c'est ton devoir qui vient avec ton
travail pendant tes heures sur les lieux du travail, tu dois retirer ton signe
religieux. Ce qui se passe avant que tu occupes ton emploi ou ce qui va se
passer après, ça ne regarde pas l'état, ça relève de ta liberté individuelle,
ça relève de ta liberté religieuse, de ta liberté de conscience, mais, lorsque
tu es au travail, tu dois respecter les obligations qui viennent avec ce
travail. Et puis là ils prennent tout le temps pour acquis que de demander à
quelqu'un de retirer son signe religieux, c'est trop demander, c'est comme lui
demander de renoncer à son travail. Bien, voyons donc! Puis d'ailleurs je tiens
à souligner, Mme la Présidente, qu'il y a des exemples. D'ailleurs, dans le
rapport des 17, il en est question. Il y a des exemples de personnes qui
portaient un signe religieux qui n'y avaient pas droit à qui on a demandé de le
retirer et elles l'ont retiré pour garder leur emploi.
• (16 heures) •
Alors, si vous souhaitez prendre le relais
de mon affirmation, je vous y invite. Mais moi, je trouve ça absolument
fascinant. C'est comme s'il n'y avait que des droits, des droits, les droits,
les droits puis il n'y a jamais de responsabilités ou d'obligations qui
accompagnent ces droits ou des devoirs qui accompagnent ces droits. C'est
absolu, c'est sacré, puis il ne faut surtout pas demander quoi que ce soit
parce que c'est une négation du droit individuel. Bien, non. Allez-y.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : J'irais,
pour commencer simplement, de... On est au Canada et la première phrase de la
Constitution canadienne dit que le fondé de pouvoir au Canada, bien, il est
issu de Dieu. Hein, ce n'est pas... ce n'est pas les hommes qui font le fondé
de pouvoir au Canada, c'est Dieu, qui d'ailleurs désigne le chef d'État. Je
vous annonce qu'il n'y a aucun Canadien, Canadienne qui peut devenir chef de
l'État canadien, c'est... tu sais, c'est comme ça. Alors, est-ce vraiment
surprenant qu'il y ait une hiérarchisation des diverses libertés et qu'en ce
sens, par exemple, la liberté de religion ait plus d'importance que la liberté
de conscience? Malheureusement, je ne suis pas surpris, M. le ministre. Tu
sais, vous savez, moi, je milite pour un Québec progressiste, pour un Québec
environnemental ou plus environnementaliste à tous les jours depuis des
décennies...
16 h (version non révisée)
M. Boucher (Etienne-Alexis) : ...ça...
mon engagement politique fait partie de ce que je suis, de mon identité
personnelle, mais ça reste des choix. Si j'étais enseignant, je comprendrais de
devoir avoir des contraintes dans l'expression de ces choix personnels et de ne
pas pouvoir me présenter en classe avec un gilet du genre, je ne sais pas, moi,
Vive le Québec vert, on va dire ça comme ça, tu sais. Alors donc, pourquoi,
puisque la religion est un choix personnel, on milite pour qu'on ait le droit d'exprimer
sans contrainte aucune cette liberté individuelle? Je me questionne. En fait,
je pense que c'est dû aux fondements sociojuridiques de notre société.
M. Côté
(François) :Si je puis me permettre, Mme
la Présidente. Est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Il vous reste trois minutes.
M. Côté
(François) :Parfait. Si je peux me
permettre, on parle de la pratique et l'exercice de la religion comme un choix.
Tout emploi... en fait, toute activité vient avec une série de contraintes
liées à des choix. Si je suis végan et que je ne supporte pas la cruauté envers
les animaux, je n'irai pas travailler dans un abattoir. C'est un choix que je
pose. Et, si je veux travailler dans la fonction publique... Et n'oublions pas,
il n'y a pas une telle chose qu'un droit fondamental d'avoir un emploi dans la
fonction publique. Donc, si je veux travailler dans la fonction publique, avec
les exigences de neutralité et d'affichage religieux qui viennent avec, c'est à
moi de faire mes choix. Et, tout comme mon estimé collègue vient de le dire, il
n'y a rien d'intrinsèquement négatif à demander à un individu de moduler ses
choix en fonction des circonstances. Par exemple, en matière d'affichage
politique, un enseignant pourrait-il arriver avec une casquette MAGA en pleine
classe? Absolument pas. Ce serait scandaleux. Ce serait une violation de son
devoir de réserve et de neutralité politique. Pourquoi devrait-il en être
autrement en matière religieuse quand il est particulièrement question du fait
que le symbolisme religieux inhérent au port de signes est porteur d'un contenu
normatif, est porteur d'une représentation de la vie bonne et de valeurs quant
à ce qui est bien? Le port d'un symbole vient avec une valeur de... Pardon?
Une voix : ...
M. Côté
(François) :C'est ça. Et il y a des
études qui démontrent que le port de symboles religieux emporte des effets de
normalisation de la religion dans le regard des élèves, et de normalisation des
obligations religieuses dans le regard des spectateurs.
M. Drainville : Maître Côté,
la députée de Hull a une question.
La Présidente (Mme Dionne) : Oui.
Il reste moins de deux minutes, Mme la députée.
Mme Tremblay : Ah bon!
Parfait. Je vais faire ça vite. Les intervenants précédents ont dit : Ça n'aurait
rien changé à Bedford. Moi, je pense que ce qu'on vient mettre en place, c'est
nécessaire. Rien faire, ce serait terrible. On pourrait comme multiplier ces
raisons-là. Ça fait que moi, je pense que, qu'est-ce qu'on vient de faire, c'est...
ça va empêcher puis ça va construire, finalement, le fait, encore plus, qu'on
est un État laïque, puis que, dans nos écoles, ça doit se passer de cette
façon-là. Est-ce que, vous autres, vous êtes en accord avec ça, que ça va venir
avoir un effet justement pour plus qu'on revive des situations comme celle-là?
En une seconde probablement.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien,
on l'espère, hein? Et, vous savez, ce projet de loi là, il est... il n'est pas
parfait, hein? Il mérite d'être amélioré. Mais est-ce que, parce qu'on est en
désaccord avec certains éléments de celui-ci, on le rejette d'emblée? Je ne
pense pas que ce soit la façon la plus productive de travailler en votre
compagnie.
M. Côté
(François) :S'il y a quelque chose, si je
puis me permettre, c'est un très bon pas dans une très bonne direction. Il est
perfectible. Nous avons quelques recommandations d'amendements que nous avons
mises dans le mémoire, mais sur le fond et sur le principe, c'est un pas dans
la bonne direction qui demeure à parfaire mais que nous saluons et qui sera
effectif.
Mme Tremblay : Merci.
La Présidente (Mme Dionne) : Il
vous reste 30 secondes, Mme la députée.
Mme Tremblay : Ah! il me
restait 30 secondes. O.K.. Alors donc, ce que je comprends, finalement, c'est
que, tu sais, c'est un.... On vient ici parfaire. On vient améliorer la
situation. Vous avez des recommandations. Donc, ça va lancer un message clair à
l'ensemble du réseau public, des écoles publiques, donc, on continue d'avoir...
de poser les jalons importants pour aller vers nos valeurs. C'est ce que je
comprends.
M. Côté
(François) :Un message et un effet.
Mme Tremblay : Message et
effet. Excellent. C'est ce qu'on va retenir.
La Présidente (Mme Dionne) : Merci
beaucoup. Je cède maintenant la parole à Mme la porte-parole de l'opposition
officielle.
Mme Cadet : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Boucher. Nous, on n'a jamais eu l'occasion que
siéger ensemble, donc, j'en suis à mon premier mandat, donc, enchantée.
Également, donc, salutations à vous, Maître Côté. Merci beaucoup pour votre
mémoire et l'échange que nous venons d'écouter avec le ministre.
Je vous amènerais donc peut-être vers vos
premières recommandations ici. Donc, j'essaie de bien saisir. En fait, donc, ce
que vous souhaitez, évidemment, vous le dites, donc, l'article... en fait, le
premier article, donc, du projet de loi n° 94, donc, insère l'article 0.1
qui nous... qui évoque, donc, l'objet de la loi. Ce qu'on sait, la Loi sur l'instruction
publique arrive et commence directement avec les droits de l'élève. Donc, la
Loi sur l'instruction publique serait ainsi modifiée pour présenter, donc...
Mme Cadet : ...l'objet de
celui-ci, s'assurer que l'ensemble de la communauté éducative, donc, soit
mobilisée autour de la réussite de l'élève par une offre de services éducatifs
et... donc, de qualité et un accès à un milieu d'apprentissage sain et
sécuritaire, je vous évite la suite, vous l'avez devant vous, et, à cette fin,
établit un système scolaire public fondé sur des valeurs démocratiques et
québécoises, dont l'égalité entre les femmes et les hommes et sur la laïcité de
l'État, laquelle repose sur la séparation de l'État et des religions, la neutralité
religieuse de l'État, l'égalité de tous les citoyens et citoyennes, et la
liberté de conscience, et la liberté de religion. Et je vous épargne la fin,
encore une fois.
Dans votre première recommandation, donc,
vous nous enjoignez, comme législateurs, à faire référence aux droits
collectifs. Je lisais cette portion de votre mémoire avec une certaine
attention parce que je me demandais, en fait, quel est le liant que vous faites
avec la Loi sur l'instruction publique ici. C'est que, dans la Loi sur
l'instruction publique, encore une fois, donc, quand on nous parle, donc, de
l'objet, on se dit, donc : Pourquoi est-ce qu'on établit une loi sur
l'instruction publique? On veut s'assurer que la réussite de l'élève, donc,
soit favorisée avec les fondements ci-dessous. En quoi cette référence-là,
donc, permettrait d'atteindre les objectifs sous-jacents de la Loi sur
l'instruction publique?
M. Côté
(François) :Pour deux raisons. La
première, c'est que le projet loi no 94 lui-même mobilise deux droits collectifs
très importants, le droit à... le droit... nos droits linguistiques
fondamentaux, notamment en renforçant l'obligation d'utilisation du français.
Et deuxièmement notre droit à... notre droit fondamental collectif à une
laïcité d'État au travers du système d'éducation. L'inclusion d'une telle
référence à l'intérieur de l'objet même de la loi, à l'article 0.1, qui est
tout haut, aurait une vocation interprétative qui permettrait à tout décideur
ultérieur, fusse-t-il administratif ou judiciaire, d'effectuer une mise en
balance des intérêts mobilisés. Il n'y a pas que des intérêts individuels, il y
a également des droits et des intérêts collectifs qui sont en jeu lors d'une
prise de décision. Alors, cette référence aux droits collectifs, elle sous-tend
notamment, en fait, le projet de loi no 94 en lui-même, la Loi sur
l'instruction publique en elle-même et, plus largement, notre droit à
l'éducation dans la langue nationale. Alors, il a tout à fait sa place comme
ajout interprétatif dans cet article 0.1 qui chapeauterait l'ensemble de la
LIP.
Mme Cadet : D'accord. Et
c'est sûr que quand on regarde, donc, la Loi sur l'instruction publique,
au-delà de l'article, donc, 0.1, on le voit bien, donc, la section suivante,
donc, qui est l'actuelle, donc, première section, donc, porte, donc, sur les
droits de l'élève, donc, qui parfois, donc, donc, sont assurément, donc, des
droits individuels, donc. Là, quand je vous entends, vous me dites, donc, il
faudrait ajouter, donc, cette mention-là parce qu'il s'agirait d'une mention
interprétative, là, d'une notion interprétative. Est-ce que vous pensez que
cette notion-là, donc, pourrait parfois être en opposition avec certains autres
aspects de la Loi sur l'instruction publique?
• (16 h 10) •
M. Côté (François) :Alors, tout est affaire de contexte, mais il s'agit d'une
disposition non seulement interprétative, mais également effective. Lorsqu'on
lit la jurisprudence, lorsqu'on lit les décisions administratives et
judiciaires qui sont rendues, lorsqu'il est question de droits fondamentaux et
de droits au sens large, il y a toujours une pondération des intérêts
juridiques en présence. Et ici, cet ajout d'une référence aux droits et... aux
droits collectifs viendrait faire en sorte que ce ne serait pas qu'une affaire
de droits individuels, mais il serait également question de tenir compte de
l'ensemble et du corps social au complet. Ne pas en faire simplement une
affaire d'individu, mais également en faire une affaire d'individu dans le
cadre de sa société.
Et à cette fin, j'aurais tendance à dire
que, oui, effectivement, des conflits peuvent survenir comme des conflits
peuvent survenir dans l'application de tout article de toute loi. C'est le
propre du droit, justement, que de faire un arbitrage entre les conflits de
position pour trouver une solution juridique. Et la recherche de cette solution
juridique, selon nous, elle passe par une prise en compte plus affirmée et plus
claire des droits collectifs de la société québécoise. D'où notre suggestion de
l'inclure dans le projet de loi.
Mme Cadet : Je reviens donc à
la question des droits de l'élève. On a entendu un peu plus tôt le ministre,
lorsqu'il était en conversation avec le Mouvement laïque québécois, de mémoire,
donc, exprimer, donc, un différend avec la position qui était mise de l'avant
par le Mouvement laïque québécois d'étendre l'interdiction du port de signe
religieux, donc, aux élèves, le ministre disant que les élèves n'étant pas,
donc, des représentants eux-mêmes, donc, de l'État québécois.
Bien, d'abord, j'aimerais peut-être
entendre votre position là-dessus, mais encore une fois, donc, voir comment
est-ce que cette disposition interprétative là, je comprends, et effective, là,
vous le mentionnez, ne serait pas en porte-à-faux avec la position que le
ministre a lui-même exprimée plus tôt.
M. Côté
(François) : Bien, écoutez, dans la mesure où le projet de loi
vise à encadrer les membres de la fonction publique qui travaillent dans le
réseau de l'éducation, je serais d'accord avec le ministre, en tout respect
envers la position des intervenants précédents., ce qui est un choix politique
qui peut être légitime, tout à fait...
M. Côté
(François) :...mais ce n'est pas celui
qui est fait dans le projet de loi n° 94. Donc, en l'occurrence,
les droits collectifs pour... Vu le projet loi n° 94
en l'état, les droits collectifs pourraient-ils être invoqués pour demander
l'absence de port de tout signe religieux par l'élève lui-même? Non, parce que
ce n'est pas dans cette direction que va le projet de loi. Après ça, s'il y a
un choix politique d'aller dans cette direction et de se dire : Écoutez,
aucun signe religieux n'a sa place à l'école, ce sera autre chose. Mais là,
pour l'instant, on discute du projet de loi tel qu'il est, et je ne verrais pas
une référence aux droits collectifs à être envisagé, à être mobilisé de la
sorte pour venir restreindre le port de signes religieux chez l'élève en dehors
de ce qui est déjà prévu par le projet de loi n° 94,
notamment l'interdiction de dissimulation du visage pour des motifs de sécurité
et autres. Mais le but, c'est d'encadrer la fonction publique. Le but ici, ce
n'est pas d'encadrer l'élève. On n'est pas face à la loi de 2004 en France. On
est ici face au projet de loi n° 94, 2025 au Québec.
Chaque loi, son génie.
Mme Cadet : Merci beaucoup.
Ça répond très clairement à mes questions. Question... Louis est en train de
dire, M. le ministre, que vous êtes un génie. C'est bien ça.
Des voix : Ha, ha, ha! ...
M. Boucher (Etienne-Alexis) : On
a été mal cités.
M. Côté
(François) :Génie au sens d'architecture,
ingénierie, mais c'est un projet de loi brillant quand même. À chaque loi, son
génie.
M. Drainville : Chaque loi...
Mme Cadet : À chaque loi son
génie.
M. Drainville : Non, non,
c'est ça. Évidemment, ce n'est pas à moi que ça fait référence. Ça fait
référence à l'esprit. Chacune des lois a son esprit, a son génie.
M. Côté
(François) :Exact.
M. Drainville : C'est la
première fois que j'entends l'expression, je m'excuse, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Sur
ces belles paroles, poursuivons, Mme la députée.
Mme Cadet : Merci. Merci
beaucoup. Merci, M. le ministre, pour cet intermède.
Des voix : Ha, ha, ha! ...
Mme Cadet : Rappel de
l'égalité formelle universelle entre les sexes dont vous souhaiteriez aussi...
En fait, vous souhaitiez modifier ce qu'on retrouve ici au libellé de l'article
0.1 au niveau de l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, je vous laisse
élaborer sur cette recommandation, s'il vous plaît.
M. Côté
(François) :Si vous le permettez. Merci
beaucoup. Au Québec, nous avons une conception civiliste des libertés
fondamentales depuis l'entrée en vigueur de la Charte québécoise des droits de
la personne, qui est rentrée en vigueur, je crois, cinq ans avant l'imposition
de la Charte canadienne.
Mme Cadet : Tout à fait,
1975, tout à fait.
M. Côté
(François) :Et si vous analysez la
jurisprudence qui a été rendue durant cette courte période de temps avant la
Charte canadienne, la conception même de l'égalité était faite dans une
perspective cohérente avec la tradition de droit civil, soit celle de l'égalité
qui passe par la forme et par l'intention. Elle a été captée par la jurisprudence
de la Cour suprême depuis l'imposition de la Charte canadienne en 1982, qui,
depuis largement Ford, et ça a été répété avec Amselem en 2004, assimile le
droit à l'égalité en fonction de la Charte québécoise, en fonction de la charte
canadienne, en fonction du droit québécois, et plus largement du droit
canadien, sous l'égide de l'interprétation de common law de l'égalité
subjective et de l'égalité dite réelle.
Or, le but de cette affirmation serait de
prendre formellement ses distances et de rappeler qu'au Québec nous avons une
vision différente de l'égalité parce que l'égalité dite réelle ou substantive
telle qu'interprétée par la jurisprudence dominante de la Cour suprême, c'est
l'égalité au nom de laquelle on permet le port d'arme dans les écoles, c'est
l'égalité au nom de laquelle on permet la prestation de serment de citoyenneté
avec le visage voilé, le témoignage voilé en cour criminelle. C'est l'égalité
au nom de laquelle on permet de rompre un contrat librement consenti au nom de
la religion sans même l'avoir lu, et ainsi de suite. C'est question de rétablir
et réaffirmer le modèle québécois, la pensée juridique civiliste qui fait de
l'égalité et de la discrimination d'abord et avant tout une question de forme
et d'intention plutôt que d'effets subjectivement vécus. Il est question de
rapprocher le droit québécois de ses racines et des racines de la société qui
l'a forgé et qui le voit grandir.
Mme Cadet : Et si je nous ramène
sur le plan un peu plus pratique, on se rappelle que ce qui, selon moi et selon
mon interprétation, et ce qui semble aussi donc avoir été véhiculé dans les
médias, la raison pour laquelle donc le ministre donc nous arrive avec
différentes dispositions, dans le projet n° 94, donc,
qui met de l'avant la question de l'égalité entre les femmes et les hommes.
C'est tout... Mais en fait c'est, bon, beaucoup donc l'incident Bedford, ce
qu'on a vu aussi, donc, dans le rapport sur les 17 écoles où il y avait des
incidents où les... les filles et les garçons, en l'occurrence, donc, pouvaient
donc recevoir un traitement distinct.
Donc, est-ce que vous pensez donc, au-delà
donc de la... au-delà du fondement du système donc quant à l'égalité entre les
femmes et les hommes, ici, est-ce que vous pensez que ce que vous nous apportez
comme, je vais dire, précision ou comme... comme élément de notre distinction
civiliste, de notre dissection de notre tradition civiliste, donc, viendrait
donc réaffirmer donc avec beaucoup plus de vigueur ou viendrait répondre donc
plus fortement donc aux incidents qu'on a vus qui nous amènent au dépôt de ce
projet de loi?
M. Côté
(François) :C'est une possibilité, une
possibilité intéressante. Mais rappelons une chose, c'est que la vision de
l'égalité, dans la jurisprudence dominante de la Cour suprême, dans la
conception dominante du... de common law qui domine partout ailleurs le Canada
anglais...
M. Côté (François) :...c'est l'égalité au nom de laquelle une personne va se revendiquer
de sa religion pour exiger un traitement différencié. C'est l'égalité
intersectionnelle, par exemple, au nom de laquelle une jeune femme va se
réclamer du droit de porter le voile, quand je dis une jeune femme, plus
souvent qu'autrement ses parents en son nom vont se réclamer du droit de porter
des symboles religieux à l'école. C'est l'égalité au nom duquel une employée va
se revendiquer du droit de porter un voile dans le cadre de ses fonctions. Mais
ce n'est pas la vision de l'égalité que le Québec s'en fait. Ce qu'on est en
train de dire, c'est que l'égalité, ce n'est pas une affaire qui varie d'un
individu à l'autre, ce n'est pas une affaire en aval de l'effet ressenti qui va
varier suivant la subjectivité individuelle de chacun, on veut, au contraire,
affirmer que l'égalité, c'est traiter formellement tous les gens de la même
manière et sans la faire varier au cas par cas. L'égalité, c'est l'égalité et
ça ne devrait pas changer d'une personne à l'autre.
Mme Cadet : Je vous amène sur
le...
La Présidente (Mme Dionne) :
En 30 secondes.
Mme Cadet : Ah, mon Dieu, du
droit du travail. Donc, les... nos prédécesseurs, donc, nous disaient que
plusieurs conventions collectives, donc, régulaient déjà la question, donc, des
accommodements et des congés, notamment à travers la banque de congés
personnels. Donc, est-ce que vous trouvez nécessaire d'ajouter une couche
supplémentaire alors que le... notre cadre... dans le cadre de cette question?
M. Côté
(François) :Très rapidement, oui, parce
qu'au-delà des conventions collectives les revendications fondées dans
l'égalité et les droits fondamentaux peuvent dépasser la convention collective.
Et depuis l'affaire Caron en Cour suprême, on nous l'a appris, les tribunaux
peuvent réécrire les conventions collectives pour les rendre conformes à leur
conception de l'égalité. Donc, le...
La Présidente (Mme Dionne) :
Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps qu'on a, Me Côté. Désolée.
Alors, je cède la parole maintenant au porte-parole du deuxième groupe
d'opposition pour quatre minutes.
M. Zanetti : Merci, Mme la
Présidente. Oui, bon, je vais aller droit au but. On a parlé de la question...
mais vous avez dit Me Côté : Il n'y a pas une telle chose qu'un droit
fondamental à travailler pour la fonction publique. Bon, partons de là. Parce
que le ministre parlait, disait : Il n'y a pas personne qui n'empêche
personne de travailler, en gros, là, si je résume sa pensée. Bon. J'aimerais
savoir : Est ce que le serment du test empêchait les catholiques de
travailler dans la fonction publique, selon votre interprétation de l'histoire?
• (16 h 20) •
M. Côté
(François) :M. le député, si on regarde
l'histoire, la question du serment du test était une discrimination et on peut
l'analyser dans une...
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Formelle et intentionnelle.
M. Côté
(François) :Voilà. Formelle et
intentionnelle en fonction des convictions, alors qu'ici il est question de
demander un aménagement des pratiques. L'analogie que vous proposez est
superficielle et au-delà du... de la valeur de choc d'exemple, elle ne résiste
pas à une analyse historique. Donc, le serment du test était-il
discriminatoire? Oui, et cela n'a rien à voir avec le projet de loi n° 94.
M. Zanetti : On aurait pu
arguer, par exemple, puis on pourrait le faire a posteriori, de dire :
Bien, ces pauvres catholiques pouvaient très bien aller travailler là, prêter
serment au roi, puis, après ça, aller à l'église le dimanche, puis faire leurs
prières comme ils voulaient, puis avoir leurs convictions intérieures à la
maison, comme vous le suggérez, par exemple, comme le ministre le suggère pour
toutes les femmes musulmanes du Québec. On aurait pu dire ça, c'est rien ne
l'empêche de pratiquer sa religion à la maison.
M. Côté
(François) :Vous voulez en venir où, M.
le député?
M. Zanetti : Bien, je pense
qu'il y a un... je pense qu'il y a un parallèle à faire entre...
M. Côté (François) :
Vous avez le droit à votre opinion.
M. Zanetti : ...ls deux...
entre les deux situations historiques puis je voulais voir si... quelle vision
vous avez de ça? Parce qu'essentiellement quand on dit : on n'empêche pas
les gens de travailler, bien, moi, je pense qu'on empêchait les catholiques de
travailler puis je pense qu'aujourd'hui on n'empêche les femmes de travailler.
C'est le mécanisme est différent, mais le résultat et le mécanisme est pas mal
le même.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : En
fait, si je ne m'abuse, là, le roi d'Angleterre, il est aussi chef de l'Église
anglicane. Alors, le fameux resserrement du test auquel vous faites référence,
dans le fond, il menait à changer d'allégeance religieuse, c'est-à-dire que
dans le cadre de son travail, notre souverain pontife n'était plus le pape, le
chef de l'Église catholique, mais bien désormais le chef de l'Église anglicane.
Écoutez, nous, on ne pense pas qu'on puisse mettre un chapeau durant... un tel
chapeau durant la journée puis changer de chapeau, là, changer de religion
rendu à la maison, comme mon collègue, je dirais qu'évidemment souvent des
comparaisons sont boiteuses puis celle-là entre dans cette catégorie-là, avec
tout le respect que j'ai pour vous.
M. Zanetti : C'est votre
opinion, je la prends comme telle. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Dionne) : Vous
avez terminé?
M. Zanetti : Oui.
La Présidente (Mme Dionne) : Alors,
je vous remercie infiniment pour...
La Présidente (Mme Dionne) : ...votre
contribution à ces travaux.
Donc, compte tenu de l'heure, la commission
ajourne ses travaux au mardi 22 avril 2025, à 9 h 45, où
elle poursuivra son mandat. Je vous souhaite à tous une excellente fin de
journée!
(Fin de la séance à 16 h 23)