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(Seize heures quarante-quatre minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît:
La commission permanente du commerce extérieur est réunie
pour étudier article par article le projet de loi no 89, Loi sur le
ministère du Commerce extérieur.
Les membres de la commission sont les suivants: MM. Beaumier (Nicolet),
Fortier (Outremont), Ciaccia (Mont-Royal), Payne (Vachon), Gauthier (Roberval),
Landry (Laval-des-Rapides), Grégoire (Frontenac), Lincoln (Nelligan),
Paré (Shefford), Rochefort (Gouin), Rivest (Jean-Talon).
Les intervenants sont les suivants: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Dean
(Prévost), de Belleval (Charlesbourg), Dubois (Huntingdon), Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Gagnon (Champlain), Perron (Duplessis), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce) et Tremblay (Chambly).
Il serait dans l'ordre, d'abord, de désigner un rapporteur, s'il
vous plaît!
M. Grégoire: Le député de Roberval
peut-être.
Le Président (M. Desbiens): II y a une proposition pour le
député de Roberval.
Une voix: C'est le seul qui connaît son français
comme il faut.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Roberval agira comme rapporteur.
J'inviterais un intervenant de chaque côté, pour des
remarques préliminaires. M. le ministre. (16 h 45)
Remarques préliminaires M. Bernard
Landry
M. Landry: J'aurai des remarques préliminaires qui seront
proportionnelles en durée au nombre d'articles du projet de loi. Par
conséquent, rassurez-vous vous-même, M. le Président, et
mes chers collègues. Une chose tout à fait pratique, d'abord;
puisque se joignent à nos travaux certains administrateurs publics,
j'aimerais vous les présenter, si d'aventure vous ne les connaissiez pas
déjà. Le sous-ministre du ministère du Commerce
extérieur, rattaché au Conseil exécutif, M. Jean
Vézina, économiste. Un ancien fonctionnaire du ministère
de l'Industrie et du Commerce et professeur à l'École des hautes
études commerciales, ancien élève de l'École
nationale d'administration de Paris, auteur économique,
secrétaire général associé du gouvernement du
Québec au développement économique depuis 1978, je crois.
Contribution majeure aux politiques gouvernementales: Bâtir le
Québec I et Bâtir le Québec II, Le virage technologique,
plus le rapport sur l'épargne.
Également, il y a M. Jacques Brind'Amour qui nous accompagne. Il
est le secrétaire du ministère du Commerce extérieur,
également rattaché au Conseil exécutif; provisoirement,
nous l'espérons, si nous votons ce texte. Ses origines sont des Afinter,
ce qui déjà doit vous rassurer sur toutes les idées noires
que vous avez eues et quant au scénario évoqué par votre
chef. De mon cabinet, il y a Mme Maryse Beaumont, juriste, en provenance des
Afinter également, du cabinet du ministre, par ailleurs, dans son cas.
M. Jean-Yves Duthel, attaché de presse à mon cabinet depuis
quelques jours. Il est au Québec depuis dix ans; d'origine alsacienne,
il a une prédisposition au commerce extérieur. Le
ministère de la Justice a également eu la courtoisie de nous
dépêcher deux juristes, M. Mario Denis et son collègue, M.
Marc-André Beauchemin. Ces gens-là, comme nous-mêmes, sont
à votre disposition.
La déclaration liminaire, je pense, a été largement
couverte par les interventions de mes collègues et par les vôtres
jusqu'à un certain point, parce qu'on est d'accord sur pas mal de
choses. Je pense qu'il serait superflu d'en rajouter, sauf pour donner une
précision essentielle qui a été réclamée par
le chef de votre formation politique lors de son intervention en
deuxième lecture. Il parlait de budget et d'effectifs. Rassurez-vous,
sur cette question aussi, nous sommes d'accord. Il n'y aura pas naissance d'un
monstre bureaucratique et nous n'allons pas accroître davantage les
dépenses publiques pour donner naissance au ministère du Commerce
extérieur. Pourquoi? Parce que, premièrement, une grande partie
des effectifs est déjà consacrée à la tâche
commerce extérieur au sein de l'Office québécois du
commerce extérieur qui était responsable non seulement des
conseillers économiques et attachés commerciaux à
l'étranger, mais aussi de ceux qui sont leurs
répondants géographiques au sein de l'office à
Montréal et de ceux qui font partie des sections formation des
techniques à l'exportation. Il n'y a donc, dans ce cas-là, aucune
addition. Il y a 86 postes qui proviennent de l'OQCE; il y en a 37 qui
proviennent des autres services du MIC et du ministère des Affaires
intergouvernementales. Cela fait 153 personnes et tous et toutes étaient
dans la fonction publique à un titre ou à un autre avant de se
joindre à l'équipe du Commerce extérieur.
Le budget est de l'ordre de 10 500 000 $, si on ne mentionne que
l'aspect budgétaire des choses. Il y a, par ailleurs, la
SDI-Exportation, dont vous voudrez peut-être entendre parler et qui aussi
-je vous dirai comment - est rattachée au ministre du Commerce
extérieur. La SDI-Exportation consacre 5 000 000 $ par année
à la formation de consortiums, 4 000 000 $ à la garantie de
prêts - alors, encore une fois, on n'est pas dans le budgétaire -
aux prises en charge d'intérêts, 3 500 000 $ et à d'autres
fonctions touchant à l'exportation, 15 000 000 $. Elle fait des
prêts au taux du marché - c'est ce qu'on appelle le crédit
de prospection - pour 17 000 000 $. C'est l'instantané de la
situation.
Dans une optique un peu plus dynamique, puisque le premier ministre a
dit que le commerce extérieur était une priorité absolue
du gouvernement, puisque toutes les économies contemporaines, qu'elles
soient dirigées par un gouvernement souverain comme le gouvernement
fédéral du Canada ou par un gouvernement provincial comme le
gouvernement de l'Ontario ou du Québec, mettent des forces
supplémentaires au commerce extérieur à cause de
l'importance du sujet, alors, cette Chambre et cette commission auront, dans
l'élaboration du cycle budgétaire normal, à se prononcer
sur les moyens que nous entendons y consacrer dans l'avenir, mais vous
comprenez que ce n'est pas le temps de prendre des engagements fermes sur la
question.
Vous aurez sans doute compris, à sa lecture, que le coeur de la
loi se trouve à la section II. Je ne veux pas vous imposer cette vision
des choses, mais c'est vraiment là que ça se passe. Les autres
dispositions sont des dispositions classiques dans la loi des
ministères, celles qui touchent, par exemple, les pouvoirs du ministre,
les pouvoirs du sous-ministre la coordination avec les autres
ministères, les dispositions finales. Alors, je ne veux pas
m'étendre davantage sur le sujet, M. le Président. J'aime mieux
entendre ce que nos collègues ont à dire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, de mon côté, je
serai très bref également. Je vais mettre de côté
tout ce qui a été dit en Chambre pendant les débats
parlementaires. C'est de bonne guerre. Je vais essayer de relever mot par mot
et paragraphe par paragraphe ce qu'a dit le ministre cet après-midi
pendant sa réplique. Il avait le dernier mot et c'est comme ça.
Un jour, nous aurons le dernier mot et nous pourrons faire la même
chose.
Je pense que l'essentiel de notre intervention, l'autre jour,
n'était aucunement contre. Je vous mets au défi de citer des
paroles que j'ai dites qui pourraient indiquer qu'il y avait quelque chose de
vicieux ou de méprisant à l'égard de quelque
Québécois ou de quelque organisme que ce soit. Nous avons
parlé purement sur le principe de la loi et nous étions tout
à fait d'accord avec le principe même du commerce
extérieur. Nous pensons que c'est la clé de voûte de
l'économie québécoise qui a toujours compté sur le
commerce. J'ai donné plusieurs exemples qui remontent au temps des
fourrures à Montréal. Alors, il n'y a pas besoin de discuter
là-dessus. Nous sommes tout à fait d'accord avec le principe
même de la chose.
Ce qui nous inquiétait, c'étaient des choses tout à
fait spécifiques. Nous avons parlé des relations
fédérales-provinciales qui - on le constate tout à fait
ouvertement aujourd'hui - n'ont pas été tout ce qu'il y a de
mieux. Qu'on dise que c'est la faute du fédéral ou la faute du
Québec, le fait crucial, c'est qu'aujourd'hui ces relations
fédérales-provinciales ne sont pas ce qu'elles devraient
être pour des organismes économiques ou des agents
économiques qui devraient fonctionner de la façon la plus
coopérative et la plus concertée possible. Alors, c'est le
premier point que nous avons souligné.
Nous avons aussi signalé un point au ministre sur lequel nous
reviendrons ici en détail, à l'étude article par article,
soit la question de ('interrelation des ministères qui sont
impliqués dans le développement économique du
Québec. En fait, on peut faire le point ici. Si, par exemple, tout avait
très bien marché avant, si on avait dit: Bon! Le système
de développement économique du Québec par le biais d'un
ministre d'État au Développement économique, avec un
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et un
ministère des Affaires intergouvernementales, cela allait bien,
c'était bon, pourquoi alors le changer? Puisqu'on le change, puisqu'on a
ajouté un nouveau ministère, plus celui de la Science et de la
Technologie, c'est que le gouvernement lui-même concevait que,
certainement, le système qui était en place
n'était pas idéal. Alors, on nous apporte une alternative,
une nouvelle dimension. On nous dit: Bon! On créera deux nouveaux
ministères; on créera un comité économique dont le
ministre des Finances sera le chef et le président. Il y a les Affaires
intergouvernementales, le ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
Nous demandons - c'est au ministre délégué au
Commerce extérieur de faire la preuve de la chose - comment ces
relations se feront-elles de la façon la plus coordonnée
possible? Qu'est-ce que le ministère du Commerce extérieur vient
ajouter à cela? Ou bien il fallait un ministère du Commerce
extérieur parce que le système des Affaires intergouvernementales
en relation avec le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
ne donnait pas la coordination qu'il fallait, ne donnait pas
l'efficacité qu'il fallait avant; alors, on ajoute un ministre
délégué au Commerce extérieur. Si c'était le
cas, ce serait au ministre de nous faire le relevé, de nous faire la
preuve que ce ministre délégué au Commerce
extérieur vient ajouter une dimension tout à fait dynamique, tout
à fait effective qui améliorera ce qui existait
déjà.
Alors, nous voyons - nous avons souligné la chose; ce n'est pas
nous qui avons inventé cela, ce n'est pas moi ou mes collègues
qui l'ont inventée; cela a été de notoriété
publique - que dès le début il y a eu des discussions et des
disputes publiques entre trois ministres puisque chacun voulait dire:
Écoutez, moi, je vais être prépondérant, je vais
garder ce que j'ai, etc. Alors, nous devons être tout à fait
certains que, dans le projet de loi no 89, il n'y a rien qui va alimenter, ces
espèces de querelles de clocher qu'on a eues dans le passé, au
début de la conception même de l'idée du ministre du
Commerce extérieur. C'est cela que nous comptons souligner; c'est cela
que nous comptons savoir du ministre. Nous voulons essayer de voir comment ces
articles, comment ce projet de loi règle cette question. C'est bien beau
de dire: Nous allons tout faire ensemble, nous avons des cadres du
ministère des Affaires intergouvernementales où tout cela va se
situer. Le fait est, que, selon la loi, il y a assez de conflits et de
contradictions entre les lois du Commerce extérieur, des Affaires
intergouvernementales et de l'Industrie et du Commerce. C'est cela que nous
voulons éclairer le plus possible.
Je ne désire pas parler plus longtemps. Pour commencer, il me
semble, que c'est un non-sens, pour nous, d'avoir une commission parlementaire
ici, qui va discuter du commerce extérieur qui est lié le plus
intimement possible à deux autres ministères, qui ont leurs
propres pouvoirs: le ministère des Affaires intergouvernementales et le
ministère de l'Industrie, du Commerce, et du Tourisme.
Je veux faire une motion pour que soient invités le ministre des
Affaires intergouvernementales et celui de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, afin qu'on puisse leur poser des questions pour savoir comment leur
loi, comment leurs fonctions cadrent avec ce changement qu'est la loi no 89. Je
voudrais présenter une motion afin que soient invités le ministre
des Affaires intergouvernementales et le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme pour qu'on puisse faire un travail qui fasse la relation entre
cette loi no 89 et les deux autres lois, surtout avec la loi des Affaires
intergouvernementales dont cette loi dépend.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, sur la
motion?
M. Landry: Avant de parler sur sa motion, est-ce que je pourrais
poser sur son intervention une question polie? C'est parce que je ne veux pas
faire une autre discussion qui soit assombrie par les débats qui ont eu
lieu au stade de la deuxième lecture. Je vais vous poser une question.
J'aimerais qu'on puisse la régler, parce qu'à mon avis elle est
de taille, elle est grave. Si j'ai employé à l'Assemblée
nationale des mots vigoureux à votre endroit, ce n'est pas parce que
j'ai quoi que ce soit contre vous; c'est parce que j'avais l'impression que
vous aviez fait mal au gouvernement et à la collectivité
québécoise par une phrase de votre intervention de
deuxième lecture. C'est bon que cela se fasse en présence du
député de Mont-Royal qui a une forte représentation
anglophone dans son comté; le député d'Outremont est dans
le même cas; non, pas le député de Jean-Talon, mais ses
avis sages sur la question pourraient être intéressants. Cela
libérerait l'atmosphère si on avait une bonne explication.
Une voix: Oui, oui.
M. Landry: Vous dites: Comment ce gouvernement peut-il être
sérieux quand il nous dit qu'il veut développer le commerce
extérieur, alors qu'il fait tout pour supprimer l'anglais ici, qui est
la langue du commerce international? Pour moi, par exemple, qui suis un membre
fondateur, avec celui qui est aujourd'hui le premier ministre du Canada, de la
Ligue des droits de l'homme, qui ai eu comme premier emploi, au sortir de
l'université, le rôle de secrétaire permanent du
comité ouvrier des droits de l'homme du Congrès du travail du
Canada, qui fus un interlocuteur régulier de la communauté de
langue anglaise dans tous ses segments -qu'elle soit d'origine britannique ou
non - qui suis un militant québécois depuis 20 ans, me faire dire
que le gouvernement du Québec
fait tout pour supprimer l'anglais ici, alors que dans mon sous-sol il y
a 36 canaux de télévision qui rentrent et que mes enfants ont
appris l'anglais à regarder 22 d'entre eux qui sont uniquement en langue
anglaise - j'ai su qu'ils comprenaient l'anglais parce qu'ils rient des farces
au bon moment; je m'en suis aperçu un bon jour - cela fait mal.
J'espère que vos paroles ont dépassé votre pensée.
J'ai la conviction profonde, comme homme de libertés civiles et des
droits de l'homme, qu'il y a peu de terres où les droits des
minorités linguistiques sont aussi bien respectés qu'au
Québec. Cela va même au-delà de la minorité
linguistique de droit absolu, la minorité anglophone. On introduit dans
les écoles le programme PELO pour enseigner les langues d'origine.
Alors, si vous vouliez, M. le député de Nelligan, avant
que je vous donne mon opinion sur votre motion ou que mes collègues la
donnent, nous parler un peu de cela, nos travaux seraient sous de meilleurs
augures, de meilleurs auspices et pas seulement les travaux de la commission,
puisque que vous êtes mon critique officiel. On n'est pas pour partir sur
un malentendu global pour les années à venir. (17 heures)
M. Lincoln: Pour qu'il n'y ait aucun malentendu global ou
spécifique, je vais vous dire ma pensée bien clairement. Tout
d'abord, c'est un discours. Moi, je ne parle pas avec des notes; je parle au
pied levé. Il faut voir la chose dans son contexte. Vous avez fait le
point lors de votre discours disant qu'il y avait gens polyglottes qui allaient
à travers le monde vendre l'idée du Québec. J'ai fait le
point. Je n'ai pas dit qu'on avait tout à fait supprimé l'anglais
au Québec. Je ne dis pas que ce soit l'idée du gouvernement du
Québec de supprimer l'anglais. Je n'ai jamais dit cela. Je ne crois pas
du tout que ce soit l'intention du gouvernement du Québec. Ce que j'ai
voulu dire - et il faudrait lire la suite de ce discours - c'est que
certainement parmi les cadres francophones... Je peux vous dire que c'est le
cas dans le secteur francophone de mon comté, comme l'Île-Bizard,
comme Sainte-Geneviève et comme Sainte-Anne-de-Bellevue, où il y
a de nombreux commettants qui m'ont dit, à tort ou à raison - je
pense que c'est à tort - qu'on n'enseigne pas assez l'anglais dans les
écoles francophones aux jeunes francophones. En fait, la loi fait des
restrictions à ce sujet. C'est ce point dont j'ai voulu parler. Comment
voulez-vous avoir, pour le commerce extérieur, des polyglottes quand,
ici même, à l'Assemblée nationale, du côté de
notre Parti libéral, parmi nos recherchistes, il y en a qui ne peuvent
pas s'exprimer quand ils cherchent des informations ailleurs qu'au
Québec parce qu'ils ne savent pas parler l'anglais? Vous avez
souligné à l'Assemblée nationale tout à l'heure que
tous les ministres étaient bilingues. D'accord. Peut-être que tout
votre parti est bilingue, cela je ne le sais pas. Mais moi, je peux vous dire
que je rencontre de plus en plus de jeunes francophones, des techniciens, des
ingénieurs, des administrateurs, qui ne savent pas, aujourd'hui, manier
l'anglais d'une façon impeccable ou de façon à se sentir
sûrs d'eux-mêmes. Je peux vous dire que, du point de vue du
commerce extérieur, cela m'a été exprimé par des
industriels qui ont cherché des techniciens pour les envoyer ailleurs.
Il y a une déficience de plus en plus marquée du point de vue de
la connaissance de la langue anglaise chez les jeunes francophones, parce
qu'ils n'y sont pas exposés dans les écoles. C'est cela, le point
que j'ai voulu faire ressortir. Je n'ai aucunement voulu dire qu'il y avait une
idée de suppression de l'anglais de la part du Québec.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: M. le Président, seulement pour informer le
député de Nelligan. Quand il mentionne que l'anglais ne
s'enseigne pas suffisamment dans les écoles et que la
réglementation du ministère fait en sorte qu'il en soit ainsi, je
voudrais simplement lui dire que c'est sous ce gouvernement que le
ministère de l'Éducation - alors dirigé par le ministre
des Affaires intergouvernementales actuel - a posé deux mesures
extrêmement importantes pour la qualité de l'enseignement de
l'anglais. On l'oublie trop souvent. La première a été
d'amener l'enseignement de l'anglais dès le troisième niveau de
l'élémentaire, ce qui ne se faisait pas avant. La deuxième
mesure a été de consacrer plusieurs millions à engager des
conseillers pédagogiques et à former les maîtres en langue
seconde afin que s'améliore la qualité de l'enseignement de
l'anglais dans nos écoles. Ceci s'est fait aux alentours de 1978 ou
1979, vous me ferez grâce de l'année exacte. Il y a tout de
même eu des efforts marqués de ce gouvernement à cet
effet.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je pense qu'on est venu étudier la loi 89. Je
suis prêt à entreprendre un débat objectif sur cette
question. M. le député, je suis tout à fait d'accord pour
qu'il y ait des mesures. J'ai cité le cas de Châteauguay où
86% des parents voulaient un enseignement au plus bas âge en anglais.
Cela leur a été refusé. Tout ce que je veux vous dire,
c'est que je circule, moi aussi, dans le Québec. Il faudrait que vous et
moi,
nous puissions faire un petit tour du Québec pour voir combien de
gens aujourd'hui sont bilingues. L'ironie du Québec aujourd'hui, pour
moi, c'est qu'il y a de moins en moins de francophones qui sont bilingues et de
plus en plus, malheureusement, d'anglophones qui deviennent bilingues. C'est
une constatation qui se fait de plus en plus. C'est ce que je constate. Si je
constate mal, bien, je suis prêt à accepter la chose.
C'était une constatation que j'ai voulu faire dans mon discours. Si je
me suis trompé, je suis tout à fait prêt à retirer
mes paroles, à dire que je me suis trompé et je serai
enchanté de m'être trompé.
Je serai enchanté de m'être trompé parce que tout ce
que j'espère, c'est que tous les gens qui vont oeuvrer dans le commerce
extérieur et le commerce intérieur puissent manier une langue
qui, après tout, à tort ou à raison, est la langue du
commerce pour bien longtemps encore. C'est sur cela que j'ai voulu faire le
point et ce n'est pas du tout une façon méchante de le faire.
J'espère que cela arrivera que tous les gens ici soient bilingues tout
à fait, qu'ils puissent parler deux langues. C'est tout ce que j'ai
voulu dire. Si je me suis trompé dans les statistiques, eh bien, qu'on
me le démontre et je l'accepterai avec plaisir.
M. Landry: Je crois comprendre, M. le Président, par la
réponse du député, qu'il atténue ses propos. Je le
citais au texte. Il disait que le gouvernement avait tout fait pour supprimer
l'anglais ici. Je pense qu'il a dépassé sa pensée. On
pourrait finir le débat d'une façon plaisante. Je ne sais pas si
le député parle l'espagnol. Moi, je ne parle pas l'espagnol, mais
j'ai demandé à mon ministère de me perfectionner dans
cette langue. J'ai dix leçons de prises sur 40. Je lui lance un
défi: lequel d'entre nous apprend en premier une tierce langue.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je ne voudrais pas qu'on fasse un débat sur un sujet qui ne
fait pas l'objet de la réunion de notre commission. Maintenant, il y
aura peut-être deux petites remarques brèves, de la part du
député de Vachon et puis du député de Jean-Talon,
sur le sujet et on passera à l'étude.
M. David Payne
M. Payne: Brièvement, M. le Président, je pense que
le député de Nelligan fait un témoignage démontrant
une préoccupation légitime, mais, par contre,
exagérée. J'ai été témoin pendant cinq ans
au ministère de l'Éducation, au niveau du cabinet du ministre,
d'une préoccupation extraordinaire pour améliorer la
qualité de l'anglais langue seconde dans les écoles
françaises. L'histoire de Châteauguay, par exemple, n'est rien
d'autre qu'un débat entre les experts. Il y en a qui proposent
qu'effectivement cela devrait être enseigné à partir de la
première année. Il y en a d'autres plutôt comme ce qu'on
appelle l'école de pensée britannique, l'Université de
Bristol, qui considèrent que c'est beaucoup plus intéressant
enseigner l'anglais langue seconde à partir de la troisième ou de
la quatrième année. En réalité, ce que je veux dire
ici, c'est que je ne suis pas emballé par une discussion comme celle
dont j'ai été témoin il y a quelques minutes en Chambre,
où le député de Nelligan a utilisé le mot
goebbels.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! On n'engendrera pas de débat sur le sujet.
M. Payne: Pour améliorer le climat, j'aimerais bien
enregistrer à ce moment ma dissidence face à un tel langage.
Le Président (M. Desbiens): Cela, M. le
député de Vachon, vous pourrez le faire à
l'Assemblée nationale. M. le député de Jean-Talon,
très brièvement, j'espère.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: Avant de reprendre le débat, juste sur la
question linguistique, mais vraiment en appendice de l'échange. Je me
rappelle qu'il y a des dispositions dans la loi 101, mais quelles sont les
contraintes d'ordre linguistique qui sont imposées par la loi 101 sur
les communications du gouvernement du Québec ou même des
entreprises dans le cadre des responsabilités nouvelles que le ministre
a déjà commentées et va assumer sur la langue de
communication?
Je pose la question très franchement, M. le ministre, parce que,
sans la loi no 101 ou sans même la loi no 22 quand on a participé
aux rencontres sur le plan international pour le financement, par exemple, du
projet de la Baie-James, une des choses qui m'avaient très
naïvement et très directement impressionné, c'était
qu'à l'échelle européenne, en Italie, par exemple, et
même dans les pays latins, les grands messieurs, les grands
présidents à cheveux blancs parlaient très facilement et
très couramment français. Lorsque arrivait le moment de discuter
de contrats ou de choses concrètes, les mêmes gens en Allemagne,
en Belgique, en Suède et en Italie, un peu partout, utilisaient la
langue anglaise comme langue de communication courante.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Landry: M. le Président, je ne me souviens pas du texte
de la loi no 22; le député serait mieux placé que moi pour
en
parler, mais je sais que la loi no 101 a calqué l'usage
international qui est suivi, je pense, même par le gouvernement du Canada
et par tous les gouvernements du monde: lorsqu'un gouvernement s'adresse
officiellement, en sa qualité, à un gouvernement étranger
ou à une entreprise étrangère, il le fait dans la langue
officielle de son territoire et il joint une traduction littérale dans
la langue du lieu où on écrit. Je pense que cela est tout
à fait convenable et que c'est l'usage. Vous avez peut-être vu -
oui l'Opposition était représentée - M. Karamanlis
lorsqu'il est venu à Montréal il y a quelques semaines. M.
Karamanlis a été en exil en France pendant dix ans. C'est
très évident qu'il parle parfaitement le français, mais il
n'a parlé qu'en grec quand il a parlé au nom de son pays, par
voix d'interprète, pour respecter un usage. Le gouvernement du
Québec fait de même sous l'empire de la loi no 101 comme tous les
gouvernements du monde. Il y a des gouvernements plus pointilleux que cela. Les
lois belges forcent certaines entreprises à communiquer avec
l'extérieur en flamand ou en français, ce qui ici, en tout cas,
risquerait d'être une entrave au commerce international. Mais dans nos
textes présents, non.
Le Président (M. Desbiens): J'appelle l'article 1.
M. Ciaccia: M. le député de Nelligan a fait une
motion.
M. Fortier: II y a une motion sur la table.
M. Rivest: M. le Président, je m'excuse, j'ai
été en retard quelques minutes. Est-ce que vous pourriez me lire
la motion du député de Nelligan?
Motion pour convoquer deux ministres
Le Président (M. Desbiens): Certainement, c'est ce que je
m'apprêtais à faire. "Que cette commission invite le ministre des
Affaires intergouvernementales et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme à participer aux travaux de la présente commission pour
l'étude article par article du projet de loi no 89, Loi sur le
ministère du Commerce extérieur". Voulez-vous en avoir une
copie?
M. Fortier: Si le ministre est d'accord, on n'a pas besoin d'en
discuter.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: Le ministre n'est pas d'accord et je vais vous dire
pourquoi. C'est pour des raisons de commodité. Sur un plan très
technique, cela ne pourrait pas arriver et je vais vous dire pourquoi. D'abord,
comme il est d'usage, le ministre ne parle pas en son nom, mais au nom du
gouvernement quand il parle à l'Assemblée. Il est d'une
solidarité ministérielle parfaite; autrement, il n'est plus
ministre.
Le Président (M. Desbiens): Excusez-moi de vous
interrompre. Vous parlez sur le fond de la motion. Je voudrais déclarer
auparavant qu'elle est recevable.
M. Landry: Recevable et reçue, par conséquent.
Donc, c'est une question de principe, la solidarité ministérielle
et la délégation générale du droit de parole du
gouvernement à un des membres du Conseil exécutif.
Deuxièmement, a l'occasion du remaniement, au moment même du
remaniement et après, mais aussi avant, dans des ouvrages comme
Bâtir le Québec I et Le virage technologique, les arbitrages ont
été faits par le gouvernement et le premier ministre -
d'après la Loi sur l'exécutif qui lui permet une grande latitude
en ce domaine - entre les diverses responsabilités du commerce
extérieur qui étaient dévolues au ministère des
Affaires intergouvernementales, au ministère de l'Industrie et du
Commerce et à tous les autres ministères. Le ministère de
l'Énergie et des Ressources est peut-être un plus gros exportateur
que le ministère de l'Industrie et du Commerce, vous savez cela,
seulement en tonnage de pâtes et papiers et en volume de 2 x 4, en
amiante. Si vous demandez le ministère de l'Industrie et du Commerce,
vous demandez peut-être un ministère qui est moins exportateur que
le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
ou que le ministère de l'Énergie et des Ressources.
Je pense, sous l'éclairage pratique comme sous l'éclairage
technique, que cette motion ne devrait pas être reçue, bien que,
si sur un point très spécifique on était incapables de
vous donner l'information à savoir ce qu'en pense le ministre des
Affaires intergouvernementales ou le ministre de l'Industrie et du Commerce, je
ne vois pas comment on pourrait vous le refuser en pratique. (17 h 15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: Afin qu'il n'y ait pas de jeu de cache-cache avec le
ministre, non plus qu'avec la commission, c'est que nous avons dit - le
député de Nelligan et mes collègues l'ont fort bien dit -
fort bien, il y aura un ministre du Commerce extérieur. C'est important,
pour le Québec, qu'on accorde un intérêt particulier
à ce domaine, pour nos entreprises, ainsi que le ministre et tous les
collègues l'ont exprimé. Sauf qu'il y a des choses qui se sont
faites, dans le passé, dans le domaine du commerce extérieur.
Le premier point que l'Opposition voudrait examiner ou mieux percevoir,
comme on doit le faire à la commission parlementaire, ce ne sont pas
tellement les conflits de juridiction ou les difficultés d'arrimage d'un
ministère à l'autre - il faudra en parler parce que cela fait
partie du tout - c'est d'établir d'une façon claire, à la
commission, premièrement, l'état des pratiques, des programmes
actuels du gouvernement du Québec en matière de commerce
extérieur. Manifestement, le ministre peut en avoir une connaissance, et
je n'en doute pas, sauf qu'il en a une connaissance indirecte. On pense que le
ministère des Affaires intergouvernementales a déjà une
pratique, un acquis. Le ministre de l'Industrie et du Commerce en a aussi avec
l'Office du commerce extérieur et le ministre vient de
référer au ministère des Ressources.
Enfin, il faudra, avant que l'Opposition s'engage et dise: Oui,
très bien, M. le ministre, allez-y, l'Assemblée nationale est
d'accord, qu'on nous dise l'état actuel de la pratique,
premièrement, de façon très détaillée, avec
une connaissance directe des dossiers; deuxièmement, les
difficultés et les carences de la pratique suivie depuis qu'il existe du
commerce extérieur. Puisqu'on a proposé une modification d'ordre
structurel, sans doute que la raison évidente de la chose est qu'il y
avait une difficulté de coordonner l'ensemble des activités. On
aimerait bien que le diagnostic, que l'état de la question soit aussi
sur la table. Deuxièmement, qu'on signale les faiblesses, les carences
de la pratique qu'on a suivie, afin qu'on puisse apprécier quelle est la
signification de la création d'un ministère du Commerce
extérieur. Éventuellement, on aura à lui demander - et
cela relèvera directement de lui - de dire ce qu'il entend faire, s'il a
des éléments de politique, etc. Autrement, nous serons incapables
ici à la commission parlementaire d'établir exactement de ce dont
on parle, pas simplement des généralités.
J'espère que le ministre comprend. Par exemple, au
ministère des Affaires intergouvernementales, un ministère que je
connais mieux et dont la loi qui a été faite au début des
années soixante-dix, il y a la direction de la coordination
économique. Selon le rapport annuel, elle coordonne les activités
internationales de l'ensemble des ministères, organismes et
sociétés d'État à vocation économique. Elle
conservera sans doute - si je comprends bien, si j'ai fait une bonne lecture du
projet de loi - cette vocation, sauf la partie purement des exportations, parce
que les activités internationales, sur le plan économique,
n'englobent pas la totalité des exportations. C'est un domaine
spécialisé. On voudrait bien avoir quelqu'un du ministère
des Affaires intergouvernementales qui viendra nous dire: Voilà ce que
l'on a fait dans le domaine des exportations, de la coordination des
activiés du ministère dans le passé. Voici la
manière maintenant, dont on entend procéder pour coordonner les
activités internationales en n'ayant pas, cependant, dans l'avenir le
volet des exportations. Comment cela, selon les termes d'un article, va-t-il
s'inférer?
J'ai vu les précautions juridiques de dire: c'est dans le cadre
de la politique extérieure du Québec. Si on procède par
des généralités et qu'on étudie la rédaction
purement mécanique et juridique du projet de loi, on peut faire cela en
cinq minutes. Le gouvernement y a mis tout le temps qu'il fallait, j'imagine,
avec ses conseillers légistes. Je pense qu'il est important de savoir de
la part des intervenants dans le domaine les intentions précises du
ministre, bien sûr, mais surtout de savoir à qui et où les
gens vont devoir s'adresser et ce qu'il restera comme initiative au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, voire même
au ministère de l'Énergie et des Ressources, au ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, pour en prendre
un qui m'apparaît drôlement important, compte tenu du rôle,
au ministère des Affaires intergouvernementales. En termes de
crédit, d'effectifs, de programmes, est-ce que le ministre peut nous
fournir les explications? Tant mieux, sauf que, s'il nous dit oui, on va poser
des questions extrêmement précises et on va l'apprécier.
Comme suggestion peut-être plus pratique au ministre, parce que ce genre
d'arbitrage n'est jamais facile à l'intérieur d'un gouvernement
quand on change les structures, il y a sans doute eu - le ministre pourra
peut-être nous les communiquer - des mémoires qui ont
été présentés au Conseil des ministres. Ce ne sont
pas des secrets d'État épouvantables et je demande qu'on puisse
voir ces documents. Cela pourra accélérer beaucoup les travaux de
la commission. C'est le genre de démarche, d'objectif que poursuit le
député de Nelligan avec sa motion.
Remarquez que savoir si Jacques-Yvan Morin s'est bien ou mal entendu
avec Bernard Landry, personnellement cela me
laisse indifférent. Ce n'est pas cela que je veux savoir. J'ai
beaucoup de sympathie pour les deux personnes. De fait, qu'ils se chicanent ou
qu'ils s'entendent, cela ne me fait absolument rien. Je veux savoir, par
exemple, en termes de structures, en termes de raison et en termes de
données de base, quelle est la réalité du dossier. C'est
cela, je pense, le sens de la motion du député de Nelligan.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Sur la motion, M. le Président, je ne
pense pas que nous ayons à la retenir parce qu'on a bien entendu qu'il
s'agit d'une invitation, d'un voeu, donc, elle est recevable, sauf que qu'on
invite d'autres ministres à venir participer. Vous savez très
bien que, en vertu des règlements, c'est le ministre responsable de la
loi qui a à répondre au nom de tout le gouvernement, tel que l'a
dit le ministre tantôt. Donc, la responsabilité appartient
vraiment au ministre titulaire du projet de loi qui est déposé.
C'est la première des choses.
Deuxièmement, outre de faire perdre du temps, une invitation
donne quoi, sachant très bien que, en pratique, les ministres qui ne
sont pas ici ont d'autres engagements? Donc, cela voudrait dire quoi? Cela
voudrait dire simplement du retard dans un débat qui n'est
déjà pas très long. Donc, en pratique, ce n'est pas
faisable. Même si cela l'était, pourquoi les inviter ou que ce
sont des députés et qu'on sait qu'en commission parlementaire les
députés qui veulent participer, qui sont
intéressés, n'ont qu'à se faire inscrire comme
intervenants ou comme membres avant le début? Si les gens avaient voulu
être ici, ils le seraient déjà. À quoi sert une
invitation quand il est connu que, si ces gens veulent intervenir, ils le
peuvent déjà? Cette invitation, de fait, est faite
automatiquement dès qu'on annonce qu'une commission parlementaire va
siéger.
Le dernier point, c'est pour répondre au député de
Jean-Talon. Il dit que ce serait pratique qu'on entende les ministres parce
que, étant donné qu'on leur enlève une part de
responsabilités, on voudrait les interroger pour savoir ce qui leur
reste de responsabilités. Ce n'est absolument pas le but de la
commission. Nous ne sommes pas ici pour discuter de ce qui va rester aux autres
ministères. Nous sommes ici, en deuxième lecture, pour
étudier un projet de loi article par article et non pas savoir si le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation va
continuer à s'occuper de poissons.
Donc, je pense que c'est automatique, nous ne devons pas retenir cette
motion. Les autres ministres ne sont pas ici pour parler de leurs
ministères, mais nous sommes ici pour étudier article par article
un projet de loi spécifique. Par conséquent, je pense que nous
n'avons pas à retenir cette motion.
M. Rivest: J'aurais une question de règlement...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: ... sur l'interprétation que le
député de Shefford fait de l'intervention. Je ne veux pas avoir
les ministres ici pour savoir ce qui leur reste. Franchement, là-dessus,
j'ai mon opinion personnelle, quelles que soient les lois. Ce que je veux
savoir -et c'est là le sens de l'intervention; je pense que j'ai le
droit de corriger un peu la perspective - c'est pourquoi il fallait changer les
choses, qu'est-ce qui n'allait pas dans l'ancienne organisation des
activités du commerce extérieur. C'est ça que je veux
savoir. Alors, ceux qui peuvent me dire ça, ce sont les ministres qui en
avaient la responsabilité. Eux-mêmes ont du ressentir, j'imagine,
le besoin de créer un ministère du Commerce extérieur et
je veux qu'ils l'établissent. Je veux que les règles du jeu
soient bien claires.
Maintenant, le ministre me dit: Bien sûr, c'est la
solidarité ministérielle et tout ça. J'en conviens
volontiers, mais je l'ai dit - peut-être que je me suis trompé,
mais je ne pense pas l'avoir fait - une des raisons, c'est que, quand on
crée un nouveau ministère, c'est, en général, le
premier ministre qui est parrain d'un tel projet de loi,
précisément parce que lui, par définition et par sa
fonction, a une connaissance générale de l'ensemble de
l'administration. C'est tout ce qu'on demande. On ne fait pas de drame.
Quant à l'argument du député de Shefford, voulant
qu'on perde du temps, on ne traînera pas un homme aussi occupé que
M. Jacques-Yvan Morin pendant des heures. On pourrait convenir de l'entendre
pendant deux heures ou quelque chose du genre et voilà, ce sera tout. Il
n'y a pas de drame dans ça. On ne tient pas à martyriser le
ministre des Affaires intergouvernementales. On trouve qu'il a
déjà assez souffert depuis quelque temps.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
Shefford.
M. Paré: Pour compléter, je vais rappeler au
député de Jean-Talon que, quand j'ai dit qu'il voulait demander
aux ministres qui seraient présents ce qui va leur rester, c'est que je
l'ai pris en note dès qu'il l'a dit parce que ça m'a
frappé.
M. Rivest: Je n'aurais pas dû le dire, si j'ai dit
ça.
M. Paré: Bon! Mais cela a été dit; c'est
pour cela que je trouve que c'est inacceptable dans le sens où c'est
présenté. La deuxième chose qui prouve à quel point
ce n'est presque pas pratique, praticable ou acceptable, c'est qu'il dit: On ne
gardera pas M. Morin qui est trop occupé ici très longtemps, on
pourrait lui parler seulement deux heures, alors qu'il nous reste à
peine deux heures trente de discussion.
M. Rivest: Pardon? En vertu de quel principe?
Une voix: Aujourd'hui. M. Paré: Aujourd'hui.
M. Rivest: Ah bon! D'accord, parce que...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre! M. le député de Frontenac.
Une voix: II reste trois semaines.
M. Rivest: ... généralement, c'est nous qui
décidons cela. J'inviterais le député de Shefford à
être prudent.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: M. le Président, j'ai
écouté les arguments du député de Jean-Talon et
c'est justement à cause de ce qu'il a dit que je me demande pourquoi
inviter les ministres. Il veut savoir ceci, il veut savoir cela et il dit un
peu ce qu'il aimerait poser comme questions. Bon! Mais justement, je crois que
le ministre délégué au Commerce extérieur est celui
qui est tout désigné pour répondre à ces questions.
C'est le plus apte à y apporter les réponses que vous
souhaitez.
M. Rivest: Je peux faire un essai?
M. Grégoire: C'est une homme compétent. C'est un
homme qui, depuis longtemps, mûrit ce projet, y travaille; il a
préparé la loi et il peut répondre à toutes vos
questions.
M. Rivest: Je vais vous prendre au mot. Je voudais
connaître le budget pour la direction de coordination
économique.
M. Grégoire: Voilà, si je peux terminer mon...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!
Un instant! À l'ordre!
M. Grégoire: Si je peux terminer mon argumentation.
Le Président (M. Desbiens): Sur la motion, M. le
député de Frontenac.
M. Rivest: Le ministre se tourne pour consulter derrière
en désespoir de cause, déjà.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Grégoire: Si je peux terminer mon argumentation.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M. le
député de Frontenac, vous avez la parole.
M. Grégoire: Je pense que je ne vous ai pas interrompu, M.
le député.
M. Landry: Quel était le budget quand le
député de Jean-Talon était au cabinet du premier
ministre?
M. Rivest: Dix fois moins que le vôtre, monsieur.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Landry: Vous ne rouliez pas sur l'or.
M. Grégoire: M. le Président, justement, ce que je
voulais ajouter, c'est ceci: On étudie un projet de loi qui a pour but
la création d'un nouveau ministère. Ce n'est pas ici qu'on
étudiera les crédits du ministère; on le crée.
Mais, justement, avec les questions que vous voulez poser sur le budget et tout
cela, vous voulez en faire une étude de crédits, ce qui nous
entraînerait hors du règlement continuellement. Alors, on veut
créer le ministère. On n'est pas réunis ici pour
étudier les crédits; on doit analyser un projet de loi article
par article. Vous voulez poser des questions. Je crois que l'homme le plus
compétent et le plus apte à répondre à toutes vos
questions, c'est le ministre délégué au Commerce
extérieur. C'est pourquoi je serai contre la motion parce que je trouve
que ce serait faire perdre du temps à des gens vu que vous avez ici
l'homme compétent et tout désigné pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: Je pense que le député de Shefford n'a
pas saisi le sens de la motion. On n'essaie pas de faire un "filibuster" ou de
faire une grande affaire avec cela. Tout ce qu'on veut souligner, c'est que
cette Loi sur le ministère du Commerce extérieur est sous
l'égide de la loi sur les Affaires intergouvernementales qu'il y a des
conflits et des contradictions dans les articles. Si vous regardez les articles
qui ont comme sujet la promotion de l'économie, la promotion des
relations économiques et commerciales, vous allez revoir les mêmes
articles qui sont encore plus élargis dans le cadre des Affaires
intergouvernementales. Vous le verrez aux articles 10, 11, 14, 15 et 35. C'est
un exemple un peu stupide, vous me direz, mais c'est cela qu'on cherche
à savoir. Je sais que le ministre nous donnera son interprétation
de la chose, mais on aurait voulu savoir quelle est la perception du ministre
des Affaires inter- gouvernementales parce qu'il garde tous les pouvoirs
législatifs dans sa loi, rien n'a changé. Cela aurait
été tout à fait différent si le premier ministre,
comme l'a soulevé mon collègue, avait parrainé le projet
de loi en déposant en même temps des amendements de concordance
à la Loi sur l'Industrie, le Commerce et le Tourisme et à la Loi
sur les Affaires intergouvernementales pour dire: Bon! On retire ici certains
pouvoirs pour les appliquer ailleurs. Ce n'est pas cela qui est arrivé.
Les pouvoirs que vous retrouvez ici sont les mêmes que vous retrouvez
là. Qu'est-ce qui arrive? Il a le domaine des Affaires culturelles; les
disques, les artistes qui produisent et rapportent de l'argent au
Québec, les exportations culturelles, est-ce sous la gouverne de ce
ministre? Est-ce sous la gouverne des Affaires intergouvernementales?
M. Landry: Des Affaires culturelles.
M. Lincoln: Ah! Des Affaires culturelles!
M. Landry: Ou de l'Éducation.
M. Lincoln: Oui, mais seulement le point...
M. Landry: II est très bon, d'ailleurs.
M. Lincoln: ... c'est qu'on a situé dans le cadre des
Affaires intergouvernementales des pouvoirs très étendus qui sont
presque en duplicata dans cette loi. Alors, on veut dire que si, demain matin,
le ministre des Affaires intergouvernementales - je ne pense pas, comme notre
collègue de Jean-Talon l'a souligné, que ce soit une affaire de
personnalité - veut s'ingérer dans les affaires
économiques et qu'il veut contrôler les délégations
du Québec, il a les pouvoirs ultimes là-dedans. C'est pourquoi on
aurait voulu savoir ce que le ministre des Affaires intergouvernementales et ce
que le ministre de l'Industrie et du Commerce en pensent. On va savoir,
naturellement, ce que le ministre du Commerce extérieur en pense. Il va
nous dire qu'il n'y a aucun problème. Si, par exemple, les
légistes qui sont visés nous disent qu'il y a des
problèmes possibles, c'est cela que l'on veut éclairer. Alors, en
le demandant au ministre du Commerce extérieur, naturellement qu'il va
nous dire qu'il n'y a aucun problème à son point de vue, c'est
certain. Nous, on aurait voulu parler aux autres ministres pour voir quelle est
la perception de leurs pouvoirs conflictuels? C'est cela. (17 h 30)
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Landry: Je crois que la demande fondamentale de l'Opposition,
ce que l'Opposition veut savoir est tout à fait justifié. Sur le
fond, je m'entends parfaitement avec le député de Jean-Talon.
Nous divergeons sur les moyens. Je vais lui soumettre quelques arguments qui,
en tout cas, jusqu'à plus ample information, continuons nos travaux et
on le verra - sont fondés.
Ces arguments sont les suivants. Il dit que c'est le premier ministre
qui présente les lois créant des ministères. D'abord, nous
avons consulté les précédents et il n'a que partiellement
raison. Dans le cas de ce ministère, pourquoi le premier ministre
n'avait-il pas à le faire? Parce que, indépendamment de mes
caractéristiques personnelles, que le député
apprécie ou pas, depuis 1976, je joue un rôle de coordination de
toute l'activité économique du gouvernement par pouvoir
délégué d'une tranche de l'autorité du premier
ministre, ce qui m'a donné, sans prétention, la vue que le
premier ministre se réservait lui-même, autrefois, sur toute la
coordination interministérielle. Je remarque que le député
de Jean-Talon rit, mais cela ne devait pas être drôle à
certaines périodes, lorsque son ancien patron avait à coordonner
des choses aussi diverses que l'élevage des porcs et l'arrachage du
persil. Sous notre administration, il y a eu des ministres à vocation
plus intersectorielle; c'est le cas de mon collègue des Finances, qui
aujourd'hui préside le Comité de développement
économique.
M. Rivest: Le système que l'on avait.
M. Landry: Donc, en pratique, les six dernières
années, normalement, encore une fois, sans prétention - si, le
député de Jean-
Talon n'est pas satisfait, il le dira avec la verve que l'on lui
connaît - devraient me permettre de répondre à toutes ses
questions. Il a manqué quelques minutes au début de nos travaux
où j'ai présenté - c'est élémentaire pour le
ministre le plus documenté qui soit d'avoir avec lui des gens qui sont,
en général, plus documentés que lui, ses fonctionnaires -
ceux qui m'accompagnent. Trois d'entre eux ont des prédispositions
particulières pour m'aider à répondre à toutes ses
questions. D'abord, Jean Vézina, ancien fonctionnaire du MIC pendant des
années. C'était son port d'attache, sa patrie d'origine.
Professeur aux Hautes études commerciales, auteur à succès
sur l'économie du Québec et, de surcroît, secrétaire
général associé au développement économique
pendant cinq ans. Si lui et moi nous ne le savons pas, j'ai la
prétention de dire qu'il n'y a pas grand monde qui le sait, dans les
questions de détail. Autre fonctionnaire qui m'accompagne,
secrétaire du ministère, du Commerce extérieur, M. Jacques
Brind'Amour. Origine de M. Brind'Amour, affaires économiques, aux
Affaires intergouvernementales. M.
Brind'Amour, qui a commencé à faire mon instruction dans
ces matières, me permet de répondre très facilement
à la question du député de Jean-Talon sur le budget de
coordination économique des Afinter 300 000 $, plus ou moins quelques
dizaines de milliers de dollars.
Alors, le premier test qu'il m'a fait subir, avec l'aide de mon
équipe, je crois que je l'ai réussi. Si jamais j'en ratais de
façon lamentable dans les heures qui viennent, on reverra toute cette
question. Je lui fais remarquer que, des deux collègues qu'il veut
convoquer ici, l'un est absent totalement des ministères
économiques depuis qu'il est au Conseil exécutif. Il s'agit du
ministre des Affaires intergouvernementales, sauf pour les derniers six mois
où j'ai bien expliqué en Chambre qu'il avait eu en Chambre un
rôle de suppléance. Donc, normalement, il a eu une pratique moins
longue des dossiers économiques que celle que j'ai eue moi-même.
Quant au ministre de l'Industrie et du Commerce, il fait partie du Conseil des
ministres depuis environ deux ans. C'est le moins bien placé pour
répondre aux questions sur le passé.
Le député de Jean-Talon a parfaitement raison de vouloir
savoir tout cela. Pourquoi avons-nous fait un ministère du Commerce
extérieur? D'abord, je dois lui dire que c'est moi-même, comme
ministre d'État au Développement économique, qui ai
proposé la création de ce ministère, il y a de longs mois.
On y a longuement réfléchi. Le ministre de l'Industrie et du
Commerce, mon collègue, M. Biron, faisait partie du comité. Il
était d'accord et de manière enthousiaste pour qu'une partie de
ses responsabilités, qui sont devenues tellement critiques et
importantes, soit donnée à un ministre qui doit faire cela
dix-huit heures par jour. Cela a été l'attitude
générale aussi de mon collègue, M. Morin, qui a
été obligé de jouer, depuis six mois, le rôle de
ministre du Commerce extérieur, aux États-Unis d'Amérique,
en particulier, où il a réussi de façon prodigieuse...
M. Rivest: II aurait bien aimé l'être.
M. Landry: Peut-être qu'il aurait aimé cela. Enfin,
on est dans la pure spéculation. Vous voulez entendre Morin, vous voulez
entendre Biron; pourquoi est-ce que vous ne voulez pas entendre la mère
chez nous? Tout le monde en a des opinions là-dessus.
M. Rivest: Mais vous conviendrez avec moi...
M. Landry: Mais moi, je parle au nom du gouvernement.
M. Rivest: Quand vous dites que le ministre des Affaires
intergouvernementales n'a aucune connaissance des dossiers économiques,
il y avait une direction générale de la coordination des affaires
économiques.
M. Landry: Avec un budget de 300 000 $.
M. Rivest: Peu importe. Si ce n'est rien, à ce
moment-là, pourquoi voulez-vous le récupérer?
M. Landry: Je ne dis pas que ce n'est rien.
M. Rivest: Vous ne dites pas que c'est rien? Voyons donc!
M. Landry: Je dis que cela pourrait être beaucoup mieux si
vous nous aidez à mettre sur pied le ministère du Commerce
extérieur.
M. Rivest: Votre pauvre ami, dans quelle position le
placez-vous?
M. Landry: C'est pour cela que, sans être opposé aux
intentions de votre motion et à ses résultats pratiques, je vous
réitère que nous avons la prétention, de ce
côté-ci de la table, d'être capables d'atteindre le
résultat pratique que vous recherchez, hommes politiques et
fonctionnaires ici présents. Si on ne pouvait pas le faire sur une
question ou l'autre, ne vous gênez pas pour le dire et, si on vote contre
votre motion, n'allez pas penser qu'on n'apprécie pas les sentiments qui
vous ont fait la formuler.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté le
ministre et, malheureusement, il ne m'a pas convaincu, quoique je n'aie
absolument rien contre lui, vous le savez, c'est un de mes électeurs
dans Outremont; j'ai cinq autres ministres comme lui qui votent pour moi, j'en
suis sûr. Cependant, je crois que la chose est trop sérieuse pour
qu'on laisse passer cela. Le ministre dit: Je vais répondre aux
questions et les fonctionnaires sont là. En fait, on ne fonde pas des
ministères à chaque semaine. Le député de Shefford
est très pressé, mais je pense bien que, d'une part, il faut
s'assurer que c'est important et que c'est nécessaire de créer un
ministère. D'autre part, de quelle façon les jeux se feront?
C'est également important. On l'a souligné en deuxième
lecture. Malgré que les fonctionnaires et les juristes - Dieu m'en garde
- aient pu résoudre ces problèmes, il reste qu'il y a des
questions précises et des interconnexions entre les différents
ministères qui doivent venir à la connaissance, à mon
avis, des députés de l'Opposition.
Pour ma part, j'ai de la difficulté à accepter le fait que
l'arbitrage a été fait et que c'est fini. On ne veut pas parler
des conflits de personnalités, ce n'est pas là notre but; on veut
comprendre exactement ce que chacun va faire. Si le but de l'exercice est de
créer un nouveau ministère et de trouver un siège à
quelqu'un, c'est un but, mais, s'il s'agit d'augmenter le commerce
extérieur du Québec, c'est un autre but. À ce
moment-là, il faut s'assurer que la création du ministère
du Commerce extérieur va augmenter la capacité du Québec
et non pas la diminuer par une création qui serait malvenue et par une
compréhension des dossiers ou une incompréhension de la part du
public et de la part de l'Opposition des sujets qui sous-tendent justement
l'action même du ministre dans l'avenir.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, je croyais que la
demande formulée par mon collègue de Nelligan était tout
à fait pertinente. Il y a, d'ailleurs, de nombreux
précédents. J'ai vu à des commissions parlementaires moins
importantes que celle-ci, dans le sens qu'il s'agit ici de la création
d'un ministère, par exemple, à la commission parlementaire de
l'énergie et des ressources, le ministre des Finances siéger
là pour répondre à des questions.
Une voix: Un homme raisonnable.
M. Fortier: Lorsque nous avons étudié le dossier de
SIDBEC à la commission parlementaire de l'industrie et du commerce
dernièrement, le ministre des Finances était également
là. Il y a plusieurs précédents -même si le ministre
délégué parle au nom du gouvernement - où d'autres
ministres se sont fait un devoir d'être présents, puisqu'ils
avaient une connaissance pertinente des dossiers et qu'ils pouvaient mieux
répondre aux questions de l'Opposition. Vous comprendrez que, de notre
part, on ne puisse accepter que des fonctionnaires, des juristes aient pu
discuter de la chose et nous disent: Vous savez, il n'y a pas de
problèmes. Nous avons plusieurs questions. Il serait dans le meilleur
intérêt du public et de l'avenir économique si nous
pouvions poser ces questions directement aux ministres dont mon collègue
a fait état.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Roberval.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: M. le Président, j'ai entendu avec plaisir le
député d'Outremont dire qu'évidemment il ne
s'intéressait pas -je le crois - aux conflits éventuels de
personnalités qui auraient pu subsister à la suite de la
création de ce ministère et je ne doute pas de ses bonnes
intentions là-dessus. Aussi, à cet égard, je pense que
nous tous avons compris que le dossier a été discuté
très sérieusement par l'ensemble des ministres, qu'il a
été analysé, qu'il a été accepté et
que, finalement, le ministre des Affaires intergouvernementales est même
intervenu en Chambre sur son dossier, exprimant sa position et son accord le
plus total.
C'est donc dire que la préoccupation des députés de
l'Opposition est très légitime au moment où on se parle.
Ce qui motive la demande du député de Nelligan, c'est la
possibilité d'un chevauchement de pouvoirs, d'un chevauchement de
juridictions avec la création de ce nouveau ministère. Je pense
que c'est là la préoccupation bien légitime du
député de Nelligan, sauf que je me permettrai de préciser
que les réponses à ses questions pourront être fournies en
s'en tenant à l'objet même de la commission qui est l'étude
article par article du projet de loi. Au moment où nous serons rendus
à l'article 8 où sont précisés d'une façon
bien claire les pouvoirs et le rôle du ministère et du ministre du
Commerce extérieur, les députés de l'Opposition et le
député de Nelligan verront bien que l'ensemble de ces pouvoirs
est d'abord mentionné. Ils pourront, à ce moment, poser toute
question pertinente au ministre délégué au Commerce
extérieur pour savoir avec précision ce qui dans ces pouvoirs
est, d'une part, rapatrié des autres ministères; d'autre part, ce
qui est nouveau
comme mandat au Commerce extérieur et, troisièmement, dans
ce qui est rapatrié des autres ministères, ce qui peut être
modifié, amélioré ou changé d'une façon
substantielle. C'est donc dire que je suis contre cette motion pour la raison
bien simple que l'étude de l'article 8 suscitera très
certainement un bon nombre de questions de l'Opposition et que le ministre
délégué au Commerce extérieur pourra apporter
toutes les précisions relatives à sa préoccupation qui, je
le répète, est bien légitime.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, prenons l'exemple du
ministère de l'Industrie et du Commerce. Moi, je voudrais savoir sur
quels sujets, à quel point il va arrêter de s'impliquer dans un
dossier particulier, quel va être son rôle. Autrement dit, qui fera
quoi? Je pense que ce n'est pas assez de dire que le ministre du Commerce
extérieur va nous répondre là-dessus. Je n'ai aucun doute
que vous allez nous donner des réponses, mais comment cela va-t-il
fonctionner et comment le ministre de l'Industrie et du Commerce voit-il son
rôle? Je vais donner un exemple très spécifique,
très particulier, l'exemple de SIDBEC. SIDBEC-Normines produit pour la
consommation intérieure. SIDBEC achète et utilise des produits au
Québec, mais une partie de la production va être exportée.
Est-ce que cela veut dire que la prochaine commission parlementaire où
nous allons examiner les activités de SIDBEC ou de SIDBEC-Normines, cela
va être celle du commerce extérieur, ou est-ce que cela va
être celle de l'industrie et du commerce? Ce n'est pas seulement la
question de l'organisme qui va mener les travaux, mais cela soulève
toute la question du rôle du ministre de l'Industrie et du Commerce dans
ce dossier. Quel sera le rôle du ministre des Affaires
intergouvernementales?
Je vous donne seulement cela comme exemple. Je pourrais parler du plan
de relance, des taux d'intérêt qui baissent. On fournit certains
prêts à la SDI; une compagnie va faire une demande. Dans certains
cas où, peut-être, on produit strictement pour le commerce
extérieur -mais il n'y en a aucun qui me vient à l'idée -
peut-être que c'est clair, mais, dans la plupart des cas, toutes ces
compagnies fonctionnent à l'intérieur de notre économie et
certaines de leurs activités sont pour l'exportation.
M. Grégoire: On va être capable de répondre
à toutes ces questions quand le temps sera venu.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! M.
Grégoire: Absolument.
M. Ciaccia: Écoutez, c'est justement le point. Je voudrais
être capable de demander au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme comment il voit son rôle. Aux États-Unis, si vous voulez
créer un autre ministère, il y a des "congressional committees.
Il y a une réforme parlementaire sur des changements possibles aux
commissions parlementaires. Quand vous voulez créer un autre
ministère et que cela va toucher certains autres ministres, la
première chose que l'on fait, on interroge ces ministres pour
connaître leurs points de vue et savoir comment ils voient leur
fonctionnement. Vous pouvez voir la chose d'une certaine façon, mais le
public, il va falloir qu'il fasse affaires non seulement avec vous, mais il va
falloir qu'il fasse affaires avec le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, il va falloir qu'il fasse affaires avec le ministre des Affaires
intergouvernementales. Comment eux, vont-ils se diriger? Est-ce accepté
et est-ce que ces autres ministres le voient de la même façon? Mon
expérience a été que, dans les commissions parlementaires
à l'Assemblée nationale, quand le gouvernement vraiment voulait
faire la lumière et qu'il n'y avait pas de difficultés majeures,
qu'il voulait vraiment donner l'information, on voyait les autres ministres
là. Mon collègue d'Outremont vient de mentionner la commission
parlementaire sur SIDBEC; le ministre des Finances était là, on a
pu l'interroger. (17 h 45)
Je peux vous donner l'exemple d'une autre commission parlementaire
où on avait exigé et où on avait demandé au
ministre de la Justice d'être présent parce qu'on voyait des
conflits entre les avis juridiques et on voulait voir vraiment comment le
ministre de la Justice voyait la chose. Éventuellement, le
problème que nous avons soulevé a fait l'objet d'un litige; cela
s'est rendu à la Cour suprême. Vraiment, si le ministre de la
Justice avait pu être devant nous à la commission parlementaire et
répondre à nos questions, peut-être qu'il n'y aurait pas eu
de litige, qu'on aurait pu faire un amendement à la loi lors de
l'étude, article par article et peut-être qu'on aurait
évité tout ce problème.
Le but de notre intervention, le but de la motion - je pense
qu'éventuellement on finira d'en parler - repose sur une base
très légitime, c'est de faire la lumière le plus possible
et de demander à chacun des ministres comment ils voient leur rôle
dans le nouvel organigramme du Commerce extérieur. Où allons-nous
diviser les tâches? On a déjà soulevé qu'il y avait
beaucoup de contradictions avec la Loi sur les Affaires
intergouvernementales. Il y a aussi de la duplication avec la Loi sur le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On semble faire
les mêmes choses. On n'amende pas la loi pour enlever au -ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme certains pouvoirs. On donne ces
mêmes pouvoirs au ministre du Commerce extérieur. La nature
humaine étant la nature humaine, qui va vouloir faire cette
activité qu'on donne aux deux?
Je pense que cela aurait été tout à fait normal
d'avoir l'éclairage des ministres concernés pour qu'ils nous
donnent la façon dont ils vont agir, parce qu'eux, il va falloir qu'ils
continuent. Le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme va continuer
à avoir juridiction sur certains champs d'activité. Comment
va-t-il voir ça, lui? On va avoir le point de vue du ministre
délégué au Commerce extérieur, mais on voudrait
aussi savoir, dans la pratique, ce que les autres ministres voient dans ce
projet de loi et comment cela doit s'appliquer dans le fonctionnement de leur
propre ministère et dans le fonctionnement des industries
québécoises qui, peut-être, sont impliquées dans les
deux sphères d'activité.
M. Rivest: M. le Président, pour éviter de perdre
du temps.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: ... je vais reposer ma question différemment.
Prenez le ministère des Affaires intergouvernementales. Par exemple, je
vois dans le rapport annuel de 1980-1981 - mon collègue a fait
état des problèmes au ministère de l'Industrie et du
Commerce - ce qui suit: Les ministères et organismes qui font partie de
la mission économique gouvernementale, sous la responsabilité du
ministre de l'époque, sont nombreux. Ils sont impliqués dans des
activités internationales à divers degrés et selon des
modalités fort diverses. Il s'ensuit que l'intervention du
ministère des Affaires intergouvernementales, en particulier de la
direction de la coopération économique, diffère beaucoup
selon les dossiers, depuis la transmission d'informations jusqu'à
l'organisation des missions et à la négociation d'ententes, en
passant par un appui logistique plus ou moins important.
Voilà les fonctions qui étaient assumées
traditionnellement par le ministère des Affaires intergouvernementales.
Quand on regarde les extraits du rapport annuel du ministère que je
viens de citer, plusieurs de ces éléments seront assumés
désormais par le ministre délégué au Commerce
extérieur. Je voudrais savoir - et je pense que le ministre des Affaires
intergouvernementales pourrait nous le dire - en quoi lui, et ses
prédécesseurs, et surtout son prédécesseur, ont
senti qu'ils ne pouvaient pas ou qu'ils ne réussissaient pas autant
qu'ils le voulaient à aider le commerce extérieur dans le cadre
des obligations qui leur étaient dévolues en vertu de la Loi sur
le ministère des Affaires intergouvernementales. Autrement dit,
qu'est-ce qui ne marchait pas à leur satisfaction dans le cadre actuel?
Qu'est-ce qui, à leur point de vue, risque de mieux marcher parce qu'il
va y avoir un ministre délégué au Commerce
extérieur?
Très honnêtement, je vois mal le nouveau ministre
délégué au Commerce extérieur venir porter ici,
devant la commission, un jugement sur l'action qui était faite par le
ministère des Affaires intergouvernementales en matière de
commerce extérieur. Le ministre ne pouvant pas se livrer à un tel
exercice, la commission parlementaire... Le député de Roberval
disait: Le Conseil des ministres a pensé à tout cela; nous en
convenons volontiers, mais, à ce moment-là, pourquoi faire un
projet de loi? La commission parlementaire, c'est le forum public où les
gens peuvent apprécier les décisions du Conseil des
ministres.
Une voix: Nous sommes en démocratie.
M. Rivest: C'est ça. Que le Conseil des ministres ait mis
tout le temps qu'il faut pour en arriver à cette conclusion, j'en
conviens volontiers. Je n'ai aucun doute là-dessus, mais ici, nous
devons avoir des réponses. Quand on regarde le rapport...
M. Gauthier: C'est à l'étude article par
article.
M. Rivest: ... du ministère des Affaires
intergouvernementales pour 1980-1981, il donne une série d'initiatives
que le ministère des Affaires intergouvernementales a prises de concert
avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, dont l'initiative de
faire des protocoles d'entente - je pense que le ministre doit être au
courant - avec des ministères sectoriels pour, justement, atteindre les
mêmes fins que ce projet de loi, entre autres, dans le domaine de
l'agro-alimentaire ou de l'agriculture. Qu'est-ce qu'il y avait de mauvais,
qu'est-ce qui n'a pas marché dans le protocole d'entente? Ou, encore,
qu'est-ce qui marchera mieux avec le ministère du Commerce
extérieur? C'est ce type de questions et combien d'autres que nous
allons poser. Combien d'autres! Comptez sur nous, combien d'autres, M. le
ministre!
Si le ministre des Affaires intergouvernementales n'est pas
présent - de bonne foi, au meilleur de sa connaissance, il a eu une
expérience dans le domaine économique bien au-delà de la
responsabilité spécifique relative à l'exportation, alors
que
d'autres personnes, d'autres ministères, d'autres institutions
à l'intérieur du gouvernement ont eu, dans le passé, ce
type de préoccupations - tout ce que le ministre fera, malgré sa
bonne volonté, il nous dira des généralités et,
finalement, malheureusement, comme cela a été souligné par
plusieurs commentateurs, on dira: On n'est pas pour faire un drame, ça
prend un ministre du Commerce extérieur, ayons un ministre du Commerce
extérieur. On va adopter le projet de loi. Cela prendra cinq minutes
mais, finalement, il me semble que ce n'est pas une décision
sérieuse. Cette façon de procéder est d'autant moins
sérieuse que je sais - le ministre l'a dit et on l'a vu dans la presse
et chez les commentateurs - que le Conseil des ministres n'a pas
procédé de cette façon. Le Conseil des ministres - j'en ai
la conviction - a fait poser un diagnostic sur la situation, a défini
des objectifs pour ensuite en arriver à cette
décision-là.
On demande simplement, par la motion du député de
Nelligan, d'avoir la chance, ici, à la commission parlementaire de
connaître la démarche du gouvernement, avec les meilleurs
témoins, comme on le disait lorsqu'on apprenait notre droit, la
meilleure preuve, par les gens qui ont vécu là-dedans. Si le
ministre refuse des ministres, qu'on nous donne des gens de la direction des
ministères. Je pense que c'est le point fondamental - mon
collègue du comté de Nelligan l'a fait pour le ministère
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et mon collègue d'Outremont,
pour le ministère de l'Énergie et des Ressources - il faut savoir
pourquoi, d'où on part, qu'est-ce qui n'a pas bien été
pour pouvoir porter un jugement à savoir si les correctifs
apportés par ce projet de loi vont améliorer la performance du
Québec dans le domaine du commerce extérieur. Il me semble que
c'est l'abc de la procédure.
Autrement, on l'adoptera et le ministre aura sa loi. Il fera sans doute
un excellent ministre et tant mieux pour tout le monde. Mais, franchement, il
n'y a pas besoin de faire l'étude article par article.
L'Assemblée nationale fera une confiance aveugle au gouvernement. Est-ce
que c'est cela qu'on veut? C'est tout le processus. Il me semble que c'est une
demande éminemment raisonnable. D'autant plus que la loi, assez
curieusement, n'amende même pas les responsabilités
ministérielles des autres. C'est le conflit juridique, mais,
par-delà le conflit juridique, il y a la réalité des
dossiers. Le ministre, dans son discours de deuxième lecture, a
donné des éléments d'information, mais le ministre des
Affaires intergouvernementales a été un peu plus
général. C'est un problème. C'est le type de
préoccupation qu'on voudrait avoir.
Je demanderais au ministre - il va être bientôt 18 heures -
d'y penser. J'indique aussi qu'on ne veut pas garder le ministre des Affaires
intergouvernementales pendant des heures, non plus que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Sans en avoir parlé avec mes
collègues, mais je suis sûr que c'est leur avis, on pourrait
convenir, pour établir le diagnostic de la situation, d'entendre
rapidement, pendant, disons, deux heures, ce soir, par exemple, le ministre des
Affaires intergouvernementales et, pendant deux autres heures, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il ne s'agirait pas de passer tout le
Conseil des ministres. Je signale, d'ailleurs, au ministre que les Affaires
intergouvernementales étaient dans le domaine de l'environnement et dans
le domaine des coopératives. C'est l'exportation des biens, des
services, des technologies, etc. Vous savez, on peut étendre l'ensemble
de l'action juste pour le ministère des Affaires
intergouvernementales.
À part les ministres sectoriels où il y a peut-être
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui a un
intérêt particulier, on pourrait très raisonnablement
convenir d'entendre pendant deux ou trois heures le ministre des Affaires
intergouvernementales. Je dis trois heures, parce que je viens de penser que
c'est Jacques-Yvan Morin et qu'il parle longtemps. Enfin, disons deux heures,
soyons raisonnables et de bonne volonté. On pourrait donc l'entendre
pendant deux heures; il nous établirait ce qui ne marchait pas dans les
responsabilités qu'il avait. Par la suite, on procéderait
à l'étude article par article. M. le ministre, il n'y a pas de
drame juridique ou législatif majeur dans votre projet de loi. Il est
très bien rédigé dans l'ensemble, dans la mesure où
il évite un peu les problèmes de conflits de juridictions dont on
va vous parler un peu. Ce n'est pas un drame parce que vous avez sans doute des
explications. C'est tout ce qu'on demande. J'ai fait des demandes beaucoup plus
déraisonnables, personnellement, depuis que je suis dans l'Opposition,
M. le Président. Je tiens à en convenir avec la commission. Mais
là, je suis raisonnable et je m'aperçois que le ministre à
l'air de comprendre. Il hésite, il a l'air de craindre. Soyez confiant,
M. le ministre. Vous avez remporté des victoires récentes
beaucoup plus importantes que celle-là. Une petite commission
parlementaire, il n'y a rien là! Le Conseil des ministres, ça
c'est important, je le sais, à votre point de vue. Alors, nous sommes
des gens de bonne volonté. Les députés ministériels
manifestent un souci évident de collaborer. Ils ont, en
général, beaucoup de confiance dans le ministre. Je pense qu'ils
ont raison à certains égards, mais on voudrait que l'opinion
publique soit informée. C'est tout ce qu'on demande. Il me semble que
c'est
raisonnable. Ne trouvez-vous pas que c'est raisonnable, M. le ministre?
Jacques-Yvan Morin pendant deux heures, franchement!
M. Fortier: II ne dira pas grand-chose pendant ce
temps-là.
M. Grégoire: J'ai écouté tous les arguments
du député de Jean-Talon et je crois que le ministre le plus apte
et le plus compétent pour répondre à tous les points que
vous avez soulevés...
M. Rivest: Ce n'est pas bien fin pour Jacques-Yvan. Je vais le
lui dire.
M. Grégoire: ... c'est encore le ministre du Commerce
extérieur dont le ministère sera créé par ce projet
de loi.
M. Rivest: II n'est pas compétent ni apte.
M. Grégoire: Sur tous les points que vous avez
soulevés, j'ai dit que c'était encore le ministre
délégué au Commerce extérieur qui est le plus
compétent et le plus apte à répondre.
M. Rivest: J'aimerais mieux entendre l'ancien ministre des
Affaires intergouvernementales, notre ami, M. Claude Morin...
Le Président (M. Desbiens}: M. le député de
Jean-Talon, à l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre...
M. Rivest: ... le fondateur de ce ministère.
Le Président (M. Desbiens): ... il vous reste deux minutes
à peine.
M. Landry: Quand j'entends le député de Jean-Talon
faire des commentaires sur la faconde et l'aptitude à la parole de mon
collègue des Affaires intergouvernementales, je pense qu'il fait ce que
les psychologues appellent de la projection à partir de la façon
dont il parle lui-même.
M. Rivest: C'est lui qui a commencé parce que c'est lui
qui m'a enseigné.
M. Landry: Bon. J'ai la conviction que la demande de l'Opposition
part d'un bon naturel, que les motifs en sont sûrement tout à fait
convenables et servent l'intérêt public. Mais l'autre conviction
que j'ai au même degré, c'est que nous sommes en mesure
d'atteindre le même résultat pratique tout en ayant le
déplaisir de voter contre leur motion, d'abord, pour cette raison
pratique que nous disposons de l'information et, deuxièmement, pour des
raisons qui tiennent à nos traditions au Parlement, mais aussi aux
traditions de l'appareil gouvernemental. Nous sommes dans un régime
britannique, les comparaisons américaines ne tiennent pas. C'est une
prérogative du premier ministre, d'abord par la tradition et,
deuxièmement, par la Loi sur l'exécutif de dire: Tel ou tel de
mes collègues aura telle ou telle responsabilité. Il n'a
même pas besoin, à la limite, de loi pour faire cela. Il n'y a pas
de loi qui mentionne, en droit parlementaire britannique, le rôle
même du premier ministre et son existence, vous le savez.
Deuxièmement, il y a cette tradition plus constante encore de la
solidarité ministérielle; la voix du gouvernement est une. Si le
premier ministre était ici, il dirait la même chose que je vais
dire et si le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme était
là, il en serait de même pour lui, car, en démocratie
parlementaire britannique, il faut se soumettre ou se démettre, c'est
bien connu, c'est un principe de base élémentaire. Cela peut
être amusant de faire parader celui-ci ou celui-là qui vont venir
dire bonnet blanc, blanc bonnet, puisqu'ils sont obligés par la loi, par
nos institutions et nos traditions de dire rigoureusement la même chose.
(18 heures)
Enfin, pourquoi ce ministère naît-il? Il naît parce
que le gouvernement s'est livré à une longue analyse du
passé qui a été consignée par écrit dans
Bâtir le Québec II, Le virage technologique que j'ai eu l'honneur
de présenter et dont j'ai dirigé moi-même les analyses.
Pour toutes ces raisons et, encore une fois, en témoignant une sympathie
profonde sur les motifs de l'Opposition et sa bonne foi, il me semble que,
comme cela arrive souvent entre le Parti libéral et le Parti
québécois, le sens pratique prévaut de ce
côté de la table, alors que, sur d'autres objectifs fondamentaux,
il se pourrait qu'un large accord s'établisse entre nous. C'est ce qui
est arrivé dans le coup de force fédéral, par exemple.
Moins neuf, vous étiez d'accord avec nous, à tour de bras...
M. Rivest: Ah! C'est quand vous avez perdu le droit de veto du
Québec.
M. Landry: ... bien que vous soyez libéraux et que nous
soyons du Parti québécois. Cette motion, évidemment, qui
n'a pas l'importance de l'événement historique auquel je fais
allusion, procède un peu des mêmes schémas mentaux. Sur le
fond des choses, on s'entend. Dans la pratique, nous divergeons. Sans
arrogance, comme l'électorat, à 50% des voix, a
décidé que les questions pratiques seraient plutôt de notre
ressort, nous allons, le coeur fendu, être obligés de nous opposer
à votre motion.
M. Rivest: M. le Président, je crois qu'il est 18
heures.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! Il est 18 heures. La commission élue permanente du commerce
extérieur suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 08)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente du commerce extérieur
reprend ses travaux pour étudier article par article la loi no 89, Loi
sur le ministère du Commerce extérieur. À 18 heures, nous
débattions la motion du député de Nelligan. La parole
était, justement, au député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je n'ai pas envie de
prolonger ce débat indéfiniment. Je pense qu'on a essayé
de faire valoir un point qui nous semble très logique. Surtout pour le
cas des Affaires intergouvernementales, il faudrait situer le point beaucoup
plus clairement que pourraient le faire les intervenants actuels, sans parler
du ministre lui-même. Il y a peut-être deux points que je voudrais
soulever en conclusion. Si la nouvelle loi que nous soumet le ministre, la Loi
sur le ministère du Commerce extérieur, comme il l'a
lui-même souligné dans sa réplique au débat
aujourd'hui, est sous l'égide même de la Loi sur le
ministère des Affaires intergouvernementales, pourquoi, puisque c'est
tellement simple d'après la loi, le ministre des Affaires
intergouvernementales cha-peaute-t-il le ministère du Commerce
extérieur selon un des articles de la nouvelle loi? Pourquoi est-on
allé jusqu'à créer un ministère du Commerce
extérieur comme tel? Pourquoi ne pas avoir simplement laissé ce
ministère comme il est: le ministère délégué
au Commerce extérieur sous l'égide de la Loi sur le
ministère des Affaires intergouvernementales? On devrait
réellement situer ce point. Pourquoi a-t-on dû aller plus loin
puisque, en fait, d'une façon légale, tous les pouvoirs qui sont
donnés au ministre selon la nouvelle loi no 89 sont toujours sous
l'égide de la Loi sur le ministère des Affaires
intergouvernementales? C'est presque dire que c'est un ministre
délégué au Commerce extérieur sous l'égide
de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Pourquoi
est-on allé plus loin? C'est peut-être cela que mon
collègue de Jean-Talon voulait faire ressortir.
Il y a un deuxième point qui a été souligné
par le ministre tout à l'heure, lorsqu'il a fait remarquer que la
participation du ministre des Affaires intergouvernementales aux questions
économiques était temporaire. Je pense qu'il a parlé de
six mois. C'est là-dessus que nous avons un point de vue un peu
différent. Ne parlons pas de personnalités, mais parlons du
principe même de la chose, de la perception des choses de
ministère à ministère. Le fait brutal, c'est qu'aussi
récemment que le 16 octobre, si on se fie aux récents articles,
le ministre des Affaires intergouvernementales disait - je cite textuellement
ses paroles qui n'ont pas été contredites - "Les relations
économiques du Québec avec l'étranger sont trop complexes
pour n'être que l'affaire d'un seul homme." D'après ce reportage
donné le 16 octobre à M. Pierre Venat de la Presse, il a l'air
d'indiquer très clairement que le Commerce extérieur sera
toujours chapeauté par les Affaires intergouvernementales,
ministère qui tient certainement à avoir voix au chapitre. En
fait, la citation textuelle est la suivante: "Les relations économiques
du Québec avec l'étranger sont trop complexes pour n'être
que l'affaire d'un seul homme."
C'est pourquoi nous aurions voulu avoir sa perception des choses, savoir
de quelle façon il prévoit son implication dans le commerce
extérieur par rapport à maintenant. Sans doute qu'elle sera
moindre, c'est sûr. Mais comme il garde tous ses pouvoirs, dans la loi,
on aurait voulu lui demander: Est-ce que vous gardez ces pouvoirs parce que
vous pensez continuer votre implication dans le commerce extérieur?
Comment se situent les délégations? Est-ce que vous allez
déléguer des pouvoirs? Est-ce que vous gardez tout l'appareil,
tout le système de communication et de télex qui passe à
travers votre ministère? Est-ce que tout cela changera? Ce sont des
questions qu'on voulait lui poser pour savoir sa perception des choses. C'est
dans ce sens qu'on aurait bien voulu l'écouter, ainsi que le ministre de
l'Industrie et du Commerce. C'est le sens de notre motion et nous pensons
qu'elle est tout à fait valide dans les circonstances.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que j'appelle la
motion?
M. Rivest: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: On a demandé au ministre de
réfléchir au moment du souper. Peut-être nous
annoncera-t-il l'arrivée prochaine du ministre des Affaires
intergouvernementales. Si tel est le cas, M. le Président, on ne
voudrait pas prolonger indûment la discussion de la motion du
député de Nelligan. Est-ce que le ministre a une indication
à fournir à la commission?
M. Landry: J'ai même vu mon collègue des Affaires
intergouvernementales durant l'heure du dîner, pour vous montrer
jusqu'à quel point ce que l'Opposition nous dit est pris en
sérieuse considération. Nous nous sommes brièvement
concertés pour nous rendre compte que nous avions rigoureusement la
même opinion sur tous les points que j'avais déjà
exprimés cet après-midi et sur lesquels j'aurais pu revenir si
mon collègue des Affaires intergouvernementales avait su semer le doute
dans mon esprit. Mais non seulement il n'a pas fait cela; il m'a
consolidé dans ma position. Je suis au regret de vous dire que nous
gardons la position que nous avons exprimée avant la suspension de 18
heures.
M. Rivest: Alors, cela veut dire que le ministre des Affaires
intergouvernementales ne veut pas participer aux travaux de cette
commission.
M. Landry: C'est dit un peu brutalement. Il aime participer aux
travaux...
M. Rivest: Oui, je sais.
M. Landry: ... de toutes les commissions. La politique
extérieure, c'est tellement vaste qu'il n'y a presque pas de
ministères qui y échappent; sauf qu'il trouve parfaitement
inutile de venir ici dire des choses que je suis mandaté par le Conseil
des ministres et par le gouvernement pour dire moi-même. Il
prétend, comme moi-même, que je possède - quand je dis
"je", cela veut dire notre équipe - toutes les informations dont vous
pouvez avoir besoin. Si, d'aventure, vous aviez une réponse qui n'est
pas adéquate sur un point ou sur l'autre, j'entrerai en communication
avec mes collègues de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, et des
Affaires intergouvernementales pour que vous sachiez exactement tout ce que
vous voulez savoir. (20 h 15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, remarquez que dans tous les
gouvernements, soit le gouvernement canadien ou n'importe quel gouvernement, il
y a toujours des tensions qui ont sans doute existé sous l'ancien
régime, sous le régime qu'on a connu, entre le ministère
des Affaires intergouvernementales et, par exemple, le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. À Ottawa, par exemple, les
rapports entre le ministère des Affaires extérieures et le
ministère de l'Industrie et du Commerce dans le domaine international
donnent lieu à toutes sortes de discussions en ce qui concerne les
ministres, en ce qui concerne les fonctionnaires. L'arbitrage entre la
responsabilité propre des deux a toujours été plus ou
moins confus. C'est une réalité de la fonction gouvernementale
qui est à vivre et sans doute qu'au Québec on l'a vécue
non seulement au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
mais aussi au ministère de l'Agriculture.
Là, ce qu'on nous propose, ce n'est pas une dualité de
tensions, mais c'est une trilogie en ce sens qu'il va y avoir le
ministère des Affaires intergouvernementales, le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministère de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, un, deux et, trois, le
ministère du Commerce extérieur en plus. Là, vraiment
c'est assez inédit.
M. Landry: Vous avez oublié le ministère de
l'Énergie et des Ressources.
M. Rivest: Oui, le ministère de l'Énergie et des
Ressources, si vous voulez. Cela veut dire qu'il y aura les Affaires
intergouvernementales qui se projetteront à l'extérieur, les
ministères sectoriels qui feront tout, malgré leur promesse, pour
effectivement avoir des actions à l'extérieur. Le problème
se pose actuellement au sein du ministère de l'Industrie et du Commerce
fédéral où il y a ausi l'Énergie et l'Agriculture,
comme il s'est posé avec le ministère des Affaires
intergouvernementales. Voilà qu'il va y avoir un troisième
ministère qui va également être impliqué. Comme
perspective de confusion - on va y voir à l'étude article par
article - ce sera assez joli, mercil
Avant d'ajouter un troisième volet au plan extérieur, qui
est le ministère qu'on nous propose, on voudrait quand même voir
et entendre ceux qui peuvent fournir des informations de première main,
de première ligne à la commission. Nous voudrions les entendre.
Nous ne voulons pas prolonger la rencontre; même l'avons-nous restreinte
afin que le ministre ne pense pas qu'on veuille martyriser le ministre des
Affaires intergouvernementales plus qu'il ne l'a été,
semble-t-il, d'après les journaux, au cours des derniers mois. En deux
heures, simplement, nous voudrions l'entendre nous parler des
responsabilités confiées au ministère des Affaires
intergouvernementales, vécues avec énormément de
difficulté non seulement avec les ministères, mais aussi avec
Hydro-Québec, avec le ministère des Finances et ses emprunts, qui
ce sont des activités économiques ou financières
extérieures extrêmement importantes. On a eu des
difficultés considérables. Au fond, toute la problématique
que nous avons en ce moment, nous l'avons vécue au temps où nous
étions au gouvernement lorsqu'on a adopté la Loi sur le
ministère des Affaires intergouvernementales, loi qui date de 1972
ou 1974, enfin.
Des voix: De 1972.
M. Rîvest: On a déjà eu cet arbitrage. Cela a
été difficile de faire accepter par les organismes, les
ministères du gouvernement, la fonction de coordination qui relevait du
ministère des Affaires intergouvernementales dans les domaines social,
culturel et économique, celui-ci comprenant le domaine des exportations.
Or, cet arbitrage a déjà été fait au gouvernement.
La conclusion convenue par le gouvernement de l'époque, avec laquelle le
gouvernement actuel a d'ailleurs vécu pendant six ans maintenant, cet
équilibre que nous avions réussi à établir non
seulement dans la loi, mais dans la pratique des choses dans les rapports entre
le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères
sectoriels de nature économique, en regard des activités
économiques du Québec, je veux bien qu'on le change. Mais je
voudrais bien aussi qu'au plan de la commission parlementaire on prouve et on
établisse, avec la personne qui peut nous l'indiquer... Ce n'est pas
parce que le ministre n'est pas bien entouré ou pas compétent; ce
n'est pas du tout la question. La question est qu'un ministre qui a la
responsabilité du ministère des Affaires gouvernementales du
Québec vienne ici nous dire: Voici ce qui a été fait par
l'Assemblée nationale au niveau de la loi. Les responsabilités
qui m'ont été confiées, je crois que, dans
l'intérêt économique du Québec, il serait
préférable que je m'en départisse et qu'on les confie
à un ministre particulier, à un ministre du Commerce
extérieur. Il faudrait que cette démonstration nous soit faite,
mais surtout pas par le récipiendaire de la nouvelle fonction.
Lui-même peut nous dire toutes les belles choses qu'il voudra, mais il
n'a aucunement l'expertise du vécu quotidien du ministère des
Affaires intergouvernementales dans le domaine des actions économiques
du Québec à l'étranger. Le ministre aura beau dire ou
penser ce qu'il veut, il a eu des responsabilités ministérielles
qu'il a assumées, sans doute au meilleur de sa connaissance, mais il n'a
pas cette information, certainement pas une information de la qualité de
celle qu'a le ministre actuel des Affaires intergouvernementales. D'autant
moins que, depuis sa désignation - parlons de M. Morin I, très
bien - M. Morin II, le ministre des Affaires intergouvernementales,
Jacques-Yvan, s'est donné personnellement, et cela au vu et au su de
tout le monde... C'est beau de dire qu'il assumait un intérim. Quelle
explication, a posteriori, de la chose! Relisez les débats lors de
l'étude des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales et vous allez voir que, dans l'esprit du ministre actuel
des Affaires intergouvernementales, il n'assumait pas l'intérim de la
chose, en attendant le ministre du Commerce extérieur.
M. Jacques-Yvan Morin, le député de Sauvé, a
affirmé à cette commission - et on pourrait relire le journal des
Débats, je ne pense pas être injuste à son endroit en
faisant pareille affirmation - qu'il s'intéressait personnellement au
commerce extérieur, aux activités économiques du
Québec à l'extérieur, qu'il faisait même une
évolution des choses par rapport à ce qu'avait été
le ministère des Affaires intergouvernementales sous M. Claude Morin.
Cela, il l'a affirmé à la commission, il l'a affirmé
publiquement et, aujourd'hui, M. le Président, d'une façon qu'on
trouve assez incroyable, le ministre - pour des raisons qu'il a
invoquées et qu'on peut apprécier à leur mérite -
refuse aux membres de la commission parlementaire, pas à nous... Cela
m'est assez indifférent, je dois vous le dire, personnellement,
d'entendre le ministre député de Sauvé et le ministre
député de Laval. Enfin, on vous connaît assez sous le nom
de votre ministère qu'on oublie le nom de votre comté.
M. Landry: Moi, je ne l'oublie jamais.
M. Rivest: Non, je le sais. On voudrait bien que les choses
soient établies. Je reviens là-dessus parce que cela
m'apparaît capital. Si vous voulez changer les choses, on vous dit:
Très bien, mais établissons d'abord, selon un terme que vous
aimez beaucoup, la problématique des choses. Où était le
problème? Qu'est-ce qui fonctionnait mal au sein du ministère des
Affaires intergouvernementales pour qu'on enlève à son titulaire
les responsabilités spécifiques qu'il aurait très bien pu
endosser au titre du commerce extérieur, qu'il aurait peut-être pu
mieux exercer qu'il ne les exerçait pour autant qu'on lui en donne les
moyens en termes de personnel, en termes du budget, en termes de mandat?
Pourquoi aller créer un autre ministère?
Si la commission est incapable de recevoir cette preuve au
départ, bien, franchement, on va avoir bien des questions à
poser. Vous devrez consulter vos gens et puiser à vos connaissances.
Nous allons vous interroger, parce qu'il faut faire l'évaluation de la
performance du ministère des Affaires intergouvernementales avant de lui
dire: Merci pour les services que vous avez rendus; bravo! Nous applaudissons.
Vous assuriez l'intérim, voici qu'il y a maintenant un ministère
du Commerce extérieur.
Au fond, c'est un peu ça que vous demandez aux membres de la
commission et surtout à la commission. Encore une fois -et je pense bien
que c'est l'opinion de mes collègues - ça me laisse assez
indifférent que ce soit M. Landry ou M. Morin qui
s'acquitte de la responsabilité. L'important, je pense, pour tout
le monde, c'est que la chose se fasse, qu'on s'occupe du commerce
extérieur. Sauf qu'il y a l'opinion publique. Il y a une décision
ministérielle qui a suivi à l'intérieur du Conseil des
ministres un cheminement qui a dû être sérieux, j'imagine.
J'ai demandé au ministre, en début de séance, qu'il
dépose ici - ce ne sont tout de même pas des secrets d'État
absolument invraisemblables - les mémoires qui ont été
présentés au Conseil des ministres. Franchement, ces
mémoires établissent des hypothèses. Je connais un peu ces
mémoires, j'en ai vu plusieurs dans ma vie et je sais ce dont il s'agit.
On a dit: II faut s'occuper -probablement que c'est la question no 1 - de
développer le commerce extérieur. Cela a dû être
présenté comme ceci: Voilà, le ministères des
Affaires intergouvernementales s'en occupait; le ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme exerçait un rôle; les
ministères sectoriels faisaient ça. Première
hypothèse, il faut maintenir le statu quo des structures actuelles;
deuxième hypothèse, évoquée par le premier ministre
lui-même à une certaine époque, nommer...
Le Président (M. Desbiens): Je vais devoir vous rappeler
à l'ordre. Cela fait exactement 30 minutes que vous parlez sur la motion
depuis cet après-midi.
M. Rivest: Tant que ça? M. le Président, on peut
disposer de la motion, mais je vais reprendre tout ça à l'article
1. Je termine, il me reste deux phrases.
Le Président (M. Desbiens): Oui, d'accord, allez-y.
M. Rivest: Je reviens au mémoire. Celui-ci a dû
dire: Statu quo comme hypothèse 1. Hypothèse 2: conserver aux
Affaires intergouvernementales ses prérogatives, de même qu'aux
ministères sectoriels, mais confier à un ministre
délégué au Commerce extérieur, avec une
équipe légère, le soin d'étudier la question.
Enfin, il y a peut-être eu l'hypothèse no 3, enlever au
ministère des Affaires intergouvernementales et enlever au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et enlever un peu
à tout le monde de quoi créer un ministère. J'imagine que
c'était probablement cela, la nature du mémoire qui a
été présenté au Conseil des ministres, sans avoir
vu le document. M. le ministre, ne soyez pas inquiet, il n'y a pas de fuite; je
n'ai pas d'information privilégiée particulière, enfin,
dans ce domaine, pour nous expliquer cela. M. le ministre, si vous ne nous
donnez pas le ministre, donnez-nous le mémoire qui a été
présenté au Conseil des ministres pour qu'au moins on ait une
base de discussion. Ce n'est pas tellement pour nous, parce que, comme je vous
le dis, cela me laisse assez froid, sauf que l'opinion publique - je pourrais
vous citer des coupures de presse, c'est peut-être un indice - les
journalistes ont commenté abondamment toute cette démarche qui
s'est passée, avec toutes sortes de titres: "Morin gagne un jour, Landry
gagne le lendemain." Enfin, il y avait des gagnants et des perdants
là-dedans. Peu importe. Quant à moi, encore une fois, cela me
laisse assez indifférent. Mais qu'on nous donne de l'information et plus
que des discours d'intention qui sont normaux lorsqu'un ministre
présente une loi en deuxième lecture.
Des intervenants, on en a rencontrés et vous en avez
rencontré; il y a des gens qui viennent nous voir. Je sais que mon
collègue, le député de Nelligan, connaît beaucoup de
gens qui font encore des choses dans le domaine. Je pense qu'on peut indiquer
cela et on me l'a moi-même demandé. Des gens qui interviennent et
qui exportent, au Québec, ne savaient pas très bien, à ce
jour, de quoi il en retournait exactement à ce ministère. Je
pense que, pour eux, pour les clientèles, pour le succès
même des intentions du ministre, ici, à la commission
parlementaire, il est très important d'avoir le ministre des Affaires
intergouvernementales et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, comme mon collègue l'a proposé, qu'ils viennent nous
dire cela, qu'ils parlent avec toute leur autorité de ministres.
Et peut-être que le ministre en apprendra lui-même. Il y a
peut-être des questions qu'on peut poser et qu'il n'a pas osé
poser lui-même au Conseil des ministres. Sinon - je termine
là-dessus pour ne pas impatienter mon collègue de Vachon - est-ce
qu'il y aurait moyen d'avoir, au début des travaux de la présente
commission, les mémoires qui ont été adoptés,
autrement dit, les hypothèses de travail développées par
le Conseil des ministres? Je pense bien que le secret ministériel ne
serait pas ébranlé par cela et que la solidarité de ce
gouvernement ne serait pas trop rudement mise à l'épreuve. Je
pense que ce serait d'intérêt public que l'on sache exactement de
quoi il retourne, au juste, avec ce projet de loi qui, sans cela, risque
d'être un acte de foi dans la vertu, sans plus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vachon.
Question préalable
M. Payne: Excusez-moi, M. le Président, si je n'ai pas
pris la parole lors de ces discussions répétitives. C'est parce
que cela me permet de poser la question préalable sur la motion.
M. Ciaccia: Cependant, pendant que vous regardez votre
règlement, je pourrais faire mon intervention, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Je vais vous vérifier
cela rapidement.
M. Rivest: C'est incroyable, cette histoire, en tout cas.
Le Président (M. Desbiens): En vertu de l'article 83, le
droit du député de Vachon de poser la question préalable
me semble fondé.
M. Rivest: M. le Président, on peut, avant que vous
rendiez votre décision, argumenter en droit.
Une voix: On n'est pas près de dîner!
Le Président (M. Desbiens): Allez-y. (20 h 30)
M. Rivest: Est-ce que vous pourriez me passer le
règlement, parce que je ne voudrais pas induire la présidence en
erreur?
Une voix: Quel article a-t-il dit?
Le Président (M. Desbiens): À la page 43, l'article
83.
M. Rivest: L'article 83, c'est sur une motion principale. Je ne
crois pas que cela soit, au sens du règlement, une motion principale.
Une motion principale, c'est une motion d'adoption, par exemple, d'un projet de
loi en deuxième lecture, c'est une motion pour convoquer une personne
à la commission, et un ministre. Dès le premier mot, un doute me
vient à l'esprit. "Un député - c'est un
député - qui a le droit de prendre la parole peut, lorsque
l'Assemblée ou une commission n'est pas saisie d'un amendement, poser la
question préalable en proposant que la motion principale soit
immédiatement mise aux voix."
M. le Président, je crois que le texte de l'article concerne une
motion principale. Je vous poserais la question: Si vous décidiez que
c'est une motion principale, quelle pourrait être une motion accessoire,
par rapport à la principale, demandant la convocation d'un ministre?
Comment pourrions-nous en faire une question accessoire? Donc, ce n'est pas une
motion principale, au sens du règlement et de l'article 83.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Shefford, sur la question de recevabilité.
M. Paré: Oui, exactement. Je ne pense pas que l'on
retrouve dans le règlement des questions accessoires et principales. On
pourrait prendre le dictionnaire et trouver un paquet de mots si, on voulait
charrier. Il y a dans notre règlement des motions principales et des
sous-amendements. Donc, il s'agit d'une motion principale puisqu'elle a
été posée directement et au début des travaux de
notre commission. C'est une motion principale et non pas un sous-amendement
à une motion principale. On est à la motion principale, à
laquelle on n'a pas apporté de sous-amendement ou de changement. Elle
est principale, parce que c'est celle qui a été
déposée dans sa forme originale.
M. le Président, je pense que l'article que vous avez
mentionné est juste et précis. C'est une motion principale et,
selon le règlement, on a le droit de poser la question préalable,
si c'est la première fois qu'on prend la parole.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Pour essayer de ne pas perdre de temps,
peut-être que, si la commission convenait d'entendre mon collègue
de Mont-Royal pour une question, dans cinq minutes, on pourrait passer au vote
sur la motion.
M. Landry: Consentement. Cinq minutes? Prenez-les donc.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vachon, est-ce que cela suppose que vous exercez votre droit de parole sur la
motion?
M. le député de Shefford.
M. Paré: Cela ne le lui enlève quand même
pas.
Le Président (M. Desbiens): Non, c'est ce que j'ai
vérifié.
M. Landry: Non, c'est une entente que nous avons entre nous.
M. Ciaccia: Si on ne respecte pas les engagements qu'on a pris,
il faut toujours ramener la question préalable.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vachon, vous avez la parole.
M. Payne: M. le Président, j'ai tout dit.
M. Landry: C'est le député de Mont-Royal qu'on
entend par consentement.
M. Payne: C'est cela.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Brièvement. Ce qui m'inquiète, c'est le
rôle du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je remarque que, durant les
deux journées de débat sur le projet de loi sur le
ministère du Commerce extérieur - cela peut être une
coïncidence - on n'a pas vu le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme intervenir sur ce projet de loi. Il y a des conflits, comme on l'a
déjà dit, entre le projet de loi actuel et la Loi sur le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme; il y a des
chevauchements, pas des contradictions, mais on donne les mêmes pouvoirs
aux deux ministères. On reviendra à cet article; il y a
assurément un chevauchement de pouvoirs. Je voudrais que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous dise comment il perçoit son
rôle, pour qu'il n'y ait pas de conflits. Mon collègue, le
député de Jean-Talon a soulevé qu'il peut y avoir certains
conflits avec le ministère des Affaires intergouvernementales. J'en
évoque certains, moi aussi avec le ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. S'il y a des conflits entre ces trois
ministères, au lieu d'arriver à votre objectif - et c'est notre
objectif à tous - d'augmenter le commerce extérieur, il se peut
que cela ait l'effet contraire. Je pense que ce serait important de voir et
d'entendre le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous dire
publiquement devant cette commission qu'il accepte volontairement les
restrictions, parce qu'il y a des restrictions à son rôle, et
comment il perçoit son rôle vis-à-vis du nouveau
ministère.
Il y a une autre question que je voudrais poser au ministre. On a
mentionné le ministère de l'Énergie et des Ressources. Il
y a une thèse qui veut qu'Hydro-Québec fasse plus d'exportation
d'énergie, non seulement des surplus. Je crois que le ministre de
l'Énergie et des Ressources et même Hydro-Québec l'ont
toujours accepté; même quand M. Robert Boyd était
là, il n'était pas question de ne pas exporter les surplus
d'électricité.
On réduit l'activité à la baie James, parce qu'on a
moins de demande d'électricité au Québec. Cela
soulève la question: Peut-être qu'on peut faire des contrats
à long terme pour trente ans, quarante ans ou cinquante ans avec les
États de la Nouvelle-Angleterre, dont le Vermont. S'il y a un conflit,
supposons que le ministe de l'Énergie et des Ressources nous dise: Non,
on va garder l'énergie hydroélectrique pour nos besoins et on va
exporter seulement les surplus, mais que le ministre du Commerce
extérieur, dont l'intérêt est d'exporter autant de produits
que possible, dise: Non, non, on va faire un contrat à long terme, il
aura peut-être l'appui de M. Bourbeau - je ne le sais pas,
peut-être que lui favorise cela -mais qui aura juridiction sur
Hydro-Québec? Est-ce que cela va être le ministre des
Affaires intergouvernementales ou est-ce que ce sera le ministre de
l'Énergie et des Ressources? S'il y a un conflit entre les deux
objectifs, qu'est-ce qui arrivera à Hydro-Québec? On a
déjà des problèmes. On voit que, quand on crée des
conflits, cela réduit l'efficacité de l'organisme, parce qu'on ne
sait plus que décider. On ne peut pas avoir deux maîtres. On a un
maître. Est-ce qu'on va écouter M. Duhaime, aujourd'hui ministre
de l'Énergie et des Ressources, qui nous dit de ne pas faire de contrats
à long terme ou le ministre du Commerce extérieur qui nous dit:
Oui, vous faites des contrats à long terme? Qu'est-ce qui va arriver? Je
pense que ce n'est pas superfétatoire de demander ces deux
ministères. On aurait même pu en ajouter.
M. Landry: L'Énergie et les Ressources?
M. Ciaccia: On ne fera pas un amendement pour en ajouter. Mais il
y a le principe et peut-être que le ministre pourrait nous
répondre sur ce point.
M. Rivest: Surtout que, dans tout cela, les Affaires
intergouvernementales vont conserver leurs responsabilités.
M. Ciaccia: Peut-être que le ministre pourrait nous
répondre. Je m'étais engagé à limiter mon
intervention à cinq minutes. Alors, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... je vais terminer avec cette question au
ministre.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, est-ce que
vous voulez répondre immédiatement?
M. Lincoln: Avant de passer au vote, j'ai une bonne question
à poser au ministre.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: C'est la dernière question; après cela,
on termine. Ce que je voulais demander au ministre, en fin de compte, c'est,
s'il était tellement d'accord qu'il n'y aurait pas de conflits, pas de
problèmes entre les ministères, que tout cela s'en cadre
très bien, pourquoi le ministère des Affaires
intergouvernementales - parce que c'est le principal agent, parce que sa loi
chapeaute la vôtre - n'a-t-il pas accepté d'ores et
déjà d'amender sa loi ou n'a-t-on pas fait une concordance en
amendant sa loi? C'est la première question. La deuxième: Est-ce
qu'il a l'intention de l'amender dans ce sens pour,
justement, vous donner des pouvoirs réels dans les secteurs qu'il
a décidé de vous accorder? C'est vraiment cette question qu'on
lui aurait posée, s'il avait été ici. Donc ce sont les
questions qu'on vous pose, finalement.
M. Landry: Moi, je suis bien prêt à répondre
à toutes ces questions et je vais le faire. Chaque article va se
prêter à cela jusqu'à plus soif, parce que tous les sujets
que vous avez abordés font l'objet d'un article ou de l'autre qui
règle les questions que vous soulevez, mais peut-être pas de la
manière où le blanc se distingue du noir. Mais le
député de Jean-Talon, qui connaît assez l'administration
publique, sait très bien qu'aucune administration de la terre, dans le
domaine des partages de juridictions interministérielles, n'a jamais
réussi de façon noire ou blanche à tirer la ligne. C'est
la fatalité des gouvernements.
M. Rivest: Quand le noir mange le blanc.
M. Landry: Là, vous revenez aux dames. Je ne sache pas que
cela soit votre fort.
M. Rivest: C'est ce qui est arrivé. Pauvre
Jacques-Yvan!
M. Landry: Vous m'avez interrompu dans mon exposé. Je ne
vous en tiens pas rigueur, puisque c'est à vos questions que je
réponds. Je vais essayer de reprendre le fil de ma pensée. Aucun
gouvernement - et on en a étudié plusieurs ou on le sait par
expérience, comme le député de Jean-Talon qui a
sûrement, quand il a eu de la législation à faire,
regardé ce qui se faisait ailleurs et moi aussi - n'a réussi
à trancher noir et blanc les responsabilités
interministérielles. Vous-même, dans vos exposés, vous
m'avez nommé dix cas qui n'ont rien à voir avec le commerce
extérieur. Quand le ministère de l'Éducation publie un
manuel et que ce manuel est vendu en Côte-d'Ivoire, est-ce qu'on est dans
le domaine du commerce extérieur, de la culture, de la langue, de la loi
no 101, dont mon collègue le ministre des Communautés culturelles
est responsable?
Vos questions me font penser à une question qu'un brave adjudant
nous posait dans l'armée. Dans un examen oral, on demandait: À sa
sortie du canon, où tombe l'obus? La réponse qu'il attendait de
nous, c'est: Dans le domaine de la balistique. C'est absurde. Ce sont des
questions de ce genre que vous nous posez. Où? Justement, la
responsabilité d'Hydro-Québec, c'est de produire du courant
électrique, de le vendre au meilleur prix. Vous connaissez sa loi, elle
est claire, c'était la Commission hydroélectrique de
Québec, 1942. Est-ce que cela a empêché le gouvernement du
Québec, les premiers ministres successifs du Québec, dont le
premier ministre sous lequel a servi mon collègue de Jean-Talon, de
faire la promotion de la vente du courant électrique du Québec
à l'étranger? Cela n'e3t jamais entré en conflit de
quelque façon que ce soit avec les responsabilités
d'Hydro-Québec et de son conseil d'administration de produire et de
vendre du courant électrique au meilleur prix.
M. Ciaccia: De l'électricité excédentaire,
mais pour les contrats à long terme?
M. Landry: Même pour les contrats à long terme.
M. Ciaccia: On n'en a pas.
M. Landry: Est-ce que les premiers ministres du Québec,
à plusieurs reprises, qu'il s'agisse de M. René Lévesque
ou de M. Robert Bourassa, ne se sont pas prononcés sur
l'opportunité de vendre ou de ne pas vendre du courant électrique
en base ou en surplus aux États-Unis d'Amérique? Est-ce que le
ministre de l'Énergie et des Ressources n'a pas une
responsabilité dans ce domaine? Est-ce que le ministre des Finances n'a
pas une responsabilité dans ce domaine? Toutes les questions que vous
posez nous conduisent à l'étude article par article à
laquelle nous allons passer, je l'espère, de façon que vous ayez
enfin, de façon systématique, les réponses que vous
demandez.
En attendant, je comprends votre stratégie, elle est normale,
elle est estimable; c'est une stratégie classique d'Opposition qui
consiste à stopper l'étude des articles pour un temps, dont vous
êtes les maîtres. Vous avez parfaitement le droit de faire cela, de
poser, en dehors de la procédure régulière, une
série de questions qui ne vous conduisent pas immédiatement
à des réponses, qui ne font que différer le moment
où vous aurez des réponses, même si chaque article a
été rédigé avec soin et prenant en compte l'immense
majorité de vos objections. Je ne dis pas que vous n'aurez pas à
nous suggérer un certain nombre de choses que nous allons accepter, mais
cela va être rarissime. Cela fait des mois que le gouvernement se penche
sur cette question.
Le député de Jean-Talon demande notre cheminement et il a
même le droit de le savoir. Il a tellement le droit de le savoir qu'il a
dans les mains depuis six mois notre cheminement; il découle du "Virage
technologique" que vous avez lu. Tous les développements du commerce
extérieur ont été conçus par le Comité
ministériel de développement économique que je
présidais à
l'époque, ont été approuvés par le Conseil
des ministres et rendus publics pour l'Opposition d'abord - je pense que c'est
à vous qu'on a envoyé le texte en premier -et, ensuite, pour
l'opinion publique québécoise, qui en a débattu, encore
une fois, ad nauseam. Quand l'annonce au discours inaugural, à la suite
des documents dont je viens de parler, a été faite par le premier
ministre, ce fut un concert unanime des agents économiques du
Québec sur la nécessité de créer un
ministère du Commerce extérieur. Votre cheminement vous,
était donc connu. (20 h 45)
Je fais ce que je pense que le gouvernement doit faire en pareille
circonstance: rappeler les institutions, rappeler le droit et vous inviter
à passer à l'article 1. Rappeler les institutions, je l'ai fait
brièvement cet après-midi. Ce n'est pas le député
de Sauvé qui décide s'il est surchargé ou non, ou le
député de Lotbinière qui demande des pouvoirs
supplémentaires à l'occasion d'un remaniement ministériel,
ou le député de Laval-des-Rapides qui dit: Je veux ceci ou cela.
Nous sommes d'abord des députés. Le chef de l'Exécutif, le
premier ministre, par la Loi sur l'Exécutif, d'une part, et
éventuellement par des lois comme celle qu'on vous soumet, d'autre part,
confie, à d'autres collègues députés le rôle
d'assumer des fonctions ministérielles qui sont, comme chacun le sait,
provisoires d'une manière ou d'une autre.
Quand vous me demandez de faire venir ici le député de
Sauvé ou le député de Lotbinière pour nous dire
quelles sont leurs humeurs sur la façon dont le ministère a
été mené ou n'aurait pas dû l'être et ce qu'on
va mettre dans le ministère du Commerce extérieur, toutes ces
discussions ont eu lieu à l'intérieur du gouvernement. Avez-vous
remarqué - vous l'avez sans doute remarqué - que la
deuxième lecture d'un projet de loi commence par une phrase quasi
sacramentelle qui dit: Le lieutenant-gouverneur a vu ce projet de loi et le
soumet à l'Assemblée? Qu'est-ce que veut dire cette phrase? Cela
veut dire que le Conseil des ministres, suivant ses responsabilités, a
étudié les répartitions des tâches, entre ceux qui
le composent et a décidé de soumettre à l'Assemblée
nationale une formule.
La voici, vous l'avez sous les yeux. Vous en retardez l'étude.
Encore une fois, c'est votre droit et nul ne vous en tiendra rigueur.
Cependant, je vous réitère qu'aucune de vos questions n'est
embêtante pour le gouvernement. Si vous voulez bien que nous nous
penchions sur le texte de façon systématique, il ne restera plus
- je le souhaite vivement - aucune obscurité dans votre esprit, à
condition que vous travailliez avec nous sur le fond des choses et non pas sur
l'esbroufe procédurière, comme vous le faites depuis un certain
nombre d'heures.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Je pense que...
M. Rivest: En vertu de l'article du règlement qui autorise
un député à corriger l'interprétation donnée
à son intervention, c'est l'article 99 ou 93...
M. Payne: Vous avez pris vos quinze minutes, M. le
député.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Oui. Le ministre a dit deux choses.
Premièrement il a dit que l'Opposition pose des questions pour retarder
les travaux de la commission. Je ne sais pas où il prend cela. C'est
absolument gratuit. Deuxièmement, il dit qu'on veut avoir le ministre
des Affaires intergouvernementales et le ministre de l'Industrie et du
Commerce...
M. Payne: On va s'en tenir à notre règlement, M. le
Président.
M. Rivest: C'est ce qu'il a dit. Or, ce n'est pas exactement ce
que nous avons dit. On a le droit de corriger l'interprétation qui a
été donnée à une intervention
antérieure.
M. Payne: Je pose la question préalable.
M. Rivest: Je vais terminer mon intervention, M. le
Président. Je suis sur une question de règlement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon, c'est en vertu de l'article 96?
M. Rivest: Oui, si on a été mal
interprété. Oui, c'est l'article 96.1.
Le Président (M. Desbiens): Alors, les explications
doivent être brèves.
M. Rivest: Oui, j'ai attendu que le ministre termine. Elle sera
brève. Ce ne sont pas nos humeurs, M. le Président. On
crée un ministère du Commerce extérieur. Je pense que nous
avons été assez clairs: Pour adopter l'article 1, on a dit qu'on
voulait avoir le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre de
l'Industrie et du Commerce, pour qu'ils viennent nous dire: Je ne peux pas
favoriser le commerce extérieur dans le cadre de ma loi. Il faut que la
loi change. C'est tout ce
qu'on veut avoir. Ce ne sont pas nos humeurs. Ce sont des affaires
sérieuses, techniques, politiques et d'organisation
socio-gouvernementale. Comment voulez-vous qu'on adopte l'article 1 si on ne
sait même pas ça?
Le Président (M. Desbiens): Conformément à
l'entente d'il y a quelques minutes, d'il y a maintenant un quart d'heure et
plus, je demanderais si la motion du député de Nelligan est
adoptée.
M. Ciaccia: On demande un vote.
Le Président (M. Desbiens): Alors, j'appelle le vote.
M. Beaumier (Nicolet)?
M. Beaumier: Pour.
Le Président (M. Desbiens): M. Fortier (Outremont)?
M. Fortier: Pour.
Le Président (M. Desbiens): M. Ciaccia (Mont-Royal)?
M. Ciaccia: Pour.
Le Président (M. Deviens): M. Payne (Vachon)?
M. Payne: Contre.
Le Président (M. Desbiens): M. Gauthier (Roberval)?
M. Gauthier: Contre.
Le Président (M. Desbiens): M. Landry
(Laval-des-Rapides)?
M. Landry: Contre.
Le Président (M. Desbiens): M. Lincoln (Nelligan)?
M. Lincoln: Pour.
Le Président (M. Desbiens): M. Paré (Shefford)?
M. Paré: Contre.
Le Président (M. Desbiens): M. Rochefort (Gouin)?
M. Rochefort: Contre.
Le Président (M. Desbiens): M. Rivest (Jean-Talon)?
M. Rivest: Pour.
Le Président (M. Desbiens): Alors, la motion est
rejetée.
J'appelle maintenant l'article 1 du projet de loi. Est-ce que l'article
1 est adopté?
Étude article par article
M. Rivest: Non, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Jean-Talon, sur l'article 1.
Organisation du ministère
M. Rivest: Première question. "Le ministre du Commerce
extérieur est chargé de diriger le ministère du Commerce
extérieur." Pourquoi, au lieu de créer tout un ministère
avec l'appareillage, sous-ministres, etc., ne pas avoir pensé à
un ministre délégué au Commerce extérieur?
M. Landry: Voici une excellente question, M. le Président.
Voulez-vous que j'y réponde immédiatement ou si voulez-vous y
rajouter quelques autres questions complémentaires?
Nous avons réfléchi longuement, pendant tout le processus
que j'ai décrit et sur lequel nos collègues de l'Opposition
veulent en savoir plus long, à cette possibilité d'avoir un
ministre du Commerce extérieur qui se serait contenté d'assurer
une certaine coordination, en étant ministre
délégué, disons rattaché au Conseil
exécutif, entre toutes les agences qui faisaient du commerce
extérieur. En régime de croisière normal, disons il y a
sept ou huit ans, quand le commerce extérieur n'était pas une
chose aussi importante qu'il l'est devenu pour à peu près tous
les pays du monde, cette solution aurait pu être envisagée. Le
député de Jean-Talon aurait pu la proposer au gouvernement qu'il
conseillait brillamment à l'époque et personne, peut-être,
n'aurait eu quoi que ce soit à redire.
Sauf que nos analyses nous ont portés à croire, à
cause des chiffres du commerce extérieur québécois,
à cause des composantes en volume et en valeur de ces chiffres, à
cause de la concurrence de plus en plus vive sur les marchés mondiaux,
qu'il fallait, pour que ce secteur donne le maximum de son rendement à
l'intérieur de la machine administrative comme dans l'économie,
c'est-à-dire auprès des entreprises, qu'un ministre, une
équipe ministérielle, un appareil aient cette
préoccupation d'une manière obsessionnelle, en d'autres termes,
qu'il y ait à temps plein, au commerce extérieur, un ministre,
des employés et des spécialistes qui ne s'occupent que de cette
question pour mettre en oeuvre les politiques, contrairement à ce que
nous pensions jusqu'à ce jour, et ce n'était certes pas une ligne
de
conduite méprisable.
L'Office québécois du commerce extérieur, qui a
été mis sur pied par une décision du Conseil des ministres
et du Comité de développement économique, était un
pas dans cette direction. Avant, c'était le MIC qui avait cette
responsabilité générale, secondé par le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et
le ministère de l'Énergie et des Ressources, qui sont des
exportateurs de produits, comme on l'a bien dit, et peut-être plus que le
MIC encore. Sauf que cette responsabilité générale
était diluée dans l'ensemble des préoccupations du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui, comme vous l'avez
noté, est lourdement chargé. Il est responsable de SIDBEC en
particulier, dont il est le ministre de tutelle; il était responsable
dans le temps de la Société des alcools du Québec. Ce
ministre a toute une équipe interne pour stimuler la production à
l'intérieur, et il s'occupe en plus de la SDI.
Donc, un ministre aussi polyvalent, aussi multisectoriel que le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, en régime de
croisière normal, aurait pu aussi s'occuper du commerce
extérieur. Dans les circonstances d'aujourd'hui, cela ne peut plus
aller. C'est devenu une activité trop fondamentale pour qu'elle se noie
dans les préoccupations du ministre et des équipes qui
l'entourent. On a, sans protestation de votre part - vous me corrigerez, si je
me trompe -mis sur pied dans une étape l'Office québécois
du commerce extérieur, qui a regroupé les services internationaux
du MIC dans un office qui a pour fonction une triple action. La première
est de faire la promotion à l'intérieur de l'activité
exportation, de former des exportateurs, de stimuler l'offre, d'organiser
l'offre. La deuxième est de représenter, au titre de la
promotion, l'économie du Québec à l'étranger. Des
fonctionnaires de l'Office québécois du commerce extérieur
se trouvaient donc dans les délégations générales
du gouvernement, dans les délégations simples, et ils relevaient
du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Je ferai remarquer, en passant, qu'il n'y a rien de nouveau à ce
que nos délégations abritent des fonctionnaires qui ne sont pas
des Afinter. C'est classique. Tous les pays font la même chose.
L'attaché militaire du Canada à Washington ne relève pas
des Affaires extérieures, il relève de la Défense
nationale, c'est un militaire ainsi que son personnel. Il est abrité
à l'ambassade. L'ambassade lui fournit des bureaux, peut-être des
secrétaires, des lignes téléphoniques. Il n'y a rien
là qui puisse mêler l'Opposition ou mêler quiconque quant
aux responsabilités et au point de rattachement d'un attaché
militaire dans une ambassade. Il en allait de même pour nos conseillers
économiques et nos agents commerciaux, qui relevaient de l'Office
québécois du commerce extérieur.
Sauf que le monde des affaires, comme le monde gouvernemental, s'est
rendu compte que c'était devenu une bien lourde tâche pour le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme que de diriger toutes ces
équipes spécialisées dans le commerce extérieur et,
en plus, de s'acquitter de ses tâches, sans compter le fait que
l'activité du commerce extérieur suppose un grand nombre de
déplacements à l'étranger. Vous me direz qu'il peut y
avoir des côtés agréables là-dedans, mais c'est
aussi un esclavage d'être toujours entre deux valises et entre deux
avions et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme devait soit
négliger des tâches internes pour s'acquitter de cela ou ne pas
s'en acquitter pour mieux faire face à ses tâches internes de
député et de ministre.
Toutes ces considérations ayant été prises en
compte, le gouvernement a décidé de spécialiser un homme,
de spécialiser une équipe, de spécialiser un groupe au
titre du commerce extérieur. Il y a eu des effets secondaires et il y en
aura de plus en plus dont l'Opposition ne pourrait que se réjouir.
Premièrement, si on ne l'avait pas fait, nous n'aurions pas aujourd'hui
la discussion passionnante que nous avons eue sur le commerce extérieur,
de même que celle que nous avons eue à l'Assemblée
nationale. C'est la première fois dans l'histoire de l'Assemblée
qu'un débat tourne systématiquement autour du commerce
extérieur. J'ai entendu le député d'Outremont, le
député de Jean-Talon et, à un moindre degré, le
député de Nelligan - je l'ai souligné dans mon discours de
deuxième lecture - faire des interventions extrêmement
intéressantes. Le député de Jean-Talon a parlé de
financement des exportations, en illustrant des aspects techniques qui sont
à l'honneur du niveau de compétence qu'il a dans cette
matière.
Si ceci c'était perdu dans les crédits
généraux du MICT, par exemple, ou dans les crédits du
ministère des Affaires intergouvernementales dont vous avez
parlé, est-ce que notre Assemblée aurait pu avoir ce débat
systématique? Est-ce que cela aurait pu permettre à mes
collègues ici présents, qui sont également intervenus
brillamment en deuxième lecture, de le faire, de continuer à le
faire comme ils vont le faire au cours de cette commission? C'est un aspect
secondaire, mais qui n'est pas négligeable que l'ensemble du
gouvernement, y compris l'Assemblée nationale, a maintenant une
préoccupation pour le commerce extérieur. Elle va poser des
questions à ce sujet à la période des questions, elle va
pouvoir se spécialiser dans
l'action d'une commission parlementaire, à l'étude des
crédits. Et vous aurez un ministre à votre disposition pour
répondre à vos questions, pour subir vos blâmes, qui seront
nombreux, j'imagine, parce que vous avez toujours pour mission
d'améliorer l'action du gouvernement.
C'est pour ça que l'ensemble de la communauté des affaires
du Québec - vous avez vu les commentaires dans les journaux, vous n'avez
pas vu, mais je pourrais vous montrer la nombreuse correspondance que j'ai
reçue à ce sujet - a été unanime à dire que
c'était ça qu'il fallait faire. Je pourrais vous en donner des
illustrations scientifiques et administratives pendant des heures, mais il y a
le bon sens aussi qui prévaut là-dedans, et je pense que les
arguments que j'emploie, M. le Président, sont des arguments de bon
sens.
M. Rivest: II y a un argument de bon sens aussi, sans doute, qui
a été évoqué: Est-ce qu'un ministre d'État
obsédé, comme vous le dites, pour le commerce extérieur -
quant au débat, c'était bien intéressant, bien sûr,
il y aurait pu y avoir une motion ou quoi que soit dont l'Assemblée
nationale aurait pu être saisie - a été envisagé
comme hypothèse, un ministre d'État aux Affaires
intergouvernementales, qui aurait été chargé, justement,
du commerce extérieur? N'aurait-il pas eu la vision intersectorielle et
la capacité d'intégrer l'ensemble des initiatives du
Québec dans le domaine du commerce extérieur avec tout autant
d'autorité et en s'appuyant sur l'expertise immédiate, parce que
l'encadrement politique des activités de commerce extérieur est
extrêmement important et je comprends que cela reste la
responsabilité du ministère des Affaires intergouvernementales?
Un tel ministre n'aurait pas eu besoin de tout l'appareil administratif que
comporte la constitution d'un ministère: sous-ministre, cadres,
professionnels, enfin toute la structure, même si, dans les
circonstances, cette structure peut être relativement limitée.
N'aurait-il pas eu précisément tous les avantages qu'invoque le
ministre pour justifier la création d'un ministère du Commerce
extérieur? À ce moment-là, il n'y aurait pas eu de
problème de cohérence ou d'articulation des activités de
ce ministre avec le ministère des Affaires intergouvernementales,
puisqu'il aurait fonctionné dans le cadre de la Loi sur le
ministère des Affaires intergouvernementales, qui a tout ce qu'il faut
pour faire des activités de commerce extérieur. (21 heures)
Mais, puisque c'était une volonté politique du
gouvernement - et, là-dessus, je pense bien que notre vote en
deuxième lecture en témoigne aussi; on trouve que c'est une
volonté politique qui s'imposait au Québec de vraiment mettre une
espèce de focus sur le commerce extérieur - est-ce que cela
n'aurait pas été moins coûteux dans les circonstances et,
probablement aussi efficace, sinon plus efficace, que de bâtir
littéralement, quelque part entre le ministère des Affaires
intergouvernementales actuel et le ministère de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme - pour ne prendre que ce ministère sectoriel - quelque
chose qui, par nature, fait sa place et doit faire sa place et qui prendra
probablement - peu importent les textes législatifs que l'on adopte ici
-quand on connaît la nature de la fonction publique, trois, quatre, six
mois ou un an, je ne sais trop, avant de vraiment s'installer et de commencer
à faire du commerce extérieur? Je trouve que cela aurait
évité un tas de conflits, de difficultés et de tensions
qui existent, car c'est de commune renommée qu'elles existent. Est-ce
que vous avez envisagé l'hypothèse d'un ministre
délégué ou d'Etat aux Affaires intergouvernementales avec
mandat pour les activités de commerce extérieur, comme la chose a
existé dans le passé pour des ministres qui ont reçu,
à l'intérieur de ministères sectoriels, des mandats
spécifiques? Je pense, en particulier, à ceux dans le domaine des
affaires sociales, dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine de
l'éducation, avec les fonctions des loisirs et des sports. Cela a
existé, cela n'a pas été non concluant. Est-ce que cela a
été envisagé?
M. Landry: La réponse est: Oui, cela a été
envisagé. Avec un instrument comme celui qu'évoque le
député de Jean-Talon, on aurait pu faire certaines choses. On
aurait pu assurer une certaine coordination sans aucun doute et amorcer une
certaine réflexion qui ne peut pas avoir lieu présentement. Mais
il y a certaines choses qu'on n'aurait pas pu faire et je vais en
énumérer deux. Premièrement, le ministre du Commerce
extérieur - je vous l'ai dit, c'est dans la nature des choses - aura de
nombreux contacts avec les interlocuteurs étrangers et souvent au niveau
gouvernemental le plus élevé. Depuis le début de cette
période intérimaire où je suis ministre
délégué, par exemple, j'ai rencontré le
vice-premier ministre de l'Égypte, j'ai rencontré le ministre de
l'Économie et des Finances du Pakistan, j'ai rencontré...
M. Fortier: Le président de l'Algérie...
M. Landry: Non, pas encore, mais je vais le faire.
M. Rivest: Si vous aviez été le ministre
d'État aux Affaires intergouvernementales...
M. Landry: Laissez-moi terminer mon argumentation, M. le
député de Jean-Talon.
J'ai rencontré aussi un ministre marocain. Le statut de ministre
à la tête d'une administration me permet de donner à mes
interlocuteurs des réponses fermes et rapides, ce qu'un ministre
délégué, qui relève d'un autre ministère,
d'une autre machine, d'une autre administration ne peut pas faire. Par exemple,
il est dit dans cette loi - et vous le verrez plus loin - que j'ai la
responsabilité des missions économiques à
l'étranger. Je peux prendre, à quelques heures ou même
à quelques minutes d'avis, pour peu que je puisse consulter un peu ceux
qui m'entourent, la décision d'envoyer une mission économique en
Algérie rapidement parce que le ministre le demande ou parce que la
conjoncture l'impose, etc. Le commerce extérieur, à la vitesse
où il se déroule aujourd'hui - et le député
d'Outremont en a une certaine expérience, il y a fait allusion en
Chambre l'autre soir - demande des décisions rapides, des circuits de
décision courts et des interlocuteurs qui ont véritablement le
pouvoir, ce qu'un ministre délégué, rattaché
à un autre ministère et à une autre administration,
n'aurait jamais eus.
Il y a un deuxième argument que je tire de ces contacts avec
l'étranger, c'est qu'il y a aussi la crédibilité dont a
besoin un ministre qui reçoit un interlocuteur du bout du monde. S'il
rencontre un ministre qui est à la tête d'une administration, qui
a le pouvoir de signature, qui a le pouvoir d'entente, comme vous le verrez
dans les articles subséquents, il se sent immédiatement en face
du bon interlocuteur. Il n'a pas à frapper à 12 ou 15 portes et
voir Pierre, Jean et Jacques pour savoir si telle chose se fera ou non. C'est
le genre d'arguments donc qui nous ont fait délaisser la solution qui
n'est pas bête - qu'a évoquée le député de
Jean-Talon - pour aller vers notre solution, qui nous paraît meilleure et
plus efficace.
M. Rivest: J'ai une dernière question là-dessus. Je
comprends. Le ministre a l'air de dire - mais je ne pense pas que ce soit le
sens de sa réponse - que lui-même ou quelqu'un du niveau
gouvernemental peut décider de tout et engager le gouvernement. Avec
l'équipe légère - on va en reparler -que vous aurez, avec
l'articulation non visible que vous n'irez pas donner votre parole de ministre
à quelque ministre ou personnalité que ce soit sans que vous
soyez vous-même retourné vers les ministères sectoriels
D'une part, il y a deux démarches que vous allez faire, si vous
parlez de circuit rapide. C'est pour cela, que je trouve qu'un ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales s'imposait. Le
ministère des Affaires intergouvernementales, c'est quoi,
traditionnellement? C'est un ministère qui est la voix externe du
Québec dans tous les domaines. La manière dont cela fonctionne au
ministère des Affaires intergouvernementales, c'est que le
ministère a des directions générales. Il a même une
direction de la coopération économique. Pour ne prendre que
celle-là, qu'est-ce que la direction de la coopérative
économique faisait? Elle ne faisait pas que des relations
fédérales-provinciales où elle ne faisait pas que cela,
elle faisait des relations internationales. Comment cela était-il
organisé? C'était organisé - en tout cas, avec le peu de
connaissance que j'en ai, car je n'ai pas vécu très près -
de telle sorte que les ministères sectoriels, lorsque, dans le cours
normal de leurs activités, ils arrivaient non seulement avec des
questions d'importation - parce que c'est cela qui vous intéresse
peut-être davantage - mais avec des questions économiques, le
ministère des Affaires intergouvernementales avait une pratique de
correspondance avec les ministères sectoriels et les ministères
sectoriels avec le ministère des Affaires intergouvernementales qui
rendait déjà disponible et de façon très rapide une
grande partie de l'information nécessaire.
C'est peut-être là une pratique imparfaite sans doute,
à certains égards, mais il y a déjà une pratique
établie. Les gens se connaissent, ils ont travaillé ensemble, il
y a d'ailleurs des fonctionnaires de carrière, qui commencent à
se spécialiser là-dedans; la tradition québécoise
est forcément jeune dans ce domaine; mais, cela commence à
poindre.
Cela est donc disponible. À côté de cela, s'il y
avait eu un ministre délégué au Commerce extérieur,
pour marquer la dimension, enfin, la priorité qu'il faut accorder
à la dimension du commerce extérieur, s'il y avait eu là
un ministre, il aurait eu, dans une situation idéale - je ne veux pas
dire que cela est la réalité des Affaires intergouvernementales -
toutes les informations immédiatement disponibles pour rencontrer les
ministres, pour donner sa parole, pour signer quelque chose; c'est
déjà là, il y a déjà une pratique
établie.
Or, ce qui va arriver en créant un ministère du Commerce
extérieur, vous allez récupérer sans doute des
fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvernementales qui vont
être intégrés dans un autre univers. Non seulement il va
falloir que vous retourniez vers les ministères sectoriels pour voir ce
qui en est, première démarche, en termes de rapidité,
mais, deuxième démarche, parce que cela est dans votre loi et que
le ministère des Affaires intergouvernementales est responsable, dans ce
que vous appelez dans la loi, de la politique extérieure, il va falloir
que, de toute manière, avant de commercer avec l'Algérie
plutôt qu'avec le Brésil ou quoi que ce soit, vous vous retourniez
vers les
Affaires intergouvernementales pour leur dire: Est-ce que, dans le plan
des relations intergouvernementales du Québec, cela est
préférable, pour des raisons politiques, pour des raisons
culturelles, car la politique extérieure d'un État ou
l'activité extérieure du Québec n'est pas une affaire en
l'air, c'est une affaire qui vit et qui se nourrit des courants et des
échanges commerciaux; c'est cela qui appui, à part des
affinités...
Avec un ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales - je résume mon point - vous auriez eu toute
l'expertise, toute l'expérience toute une structure déjà
en place. Cela vous ferait un circuit de moins à assurer parce que, de
toute façon, votre ministère va devoir s'adresser j'imagine, au
ministère des Affaires intergouvernementales et l'informer de l'affaire.
Enfin, au ministère des Affaires intergouvernementales,
déjà vous disposez actuellement, par le circuit qui y existe, des
personnes, de la procédure et la pratique, du circuit des Affaires
intergouvernementales, c'est-à-dire de la dimension extérieure et
du ministère sectoriel.
En tout cas, à moins que vous ne m'apportiez des raisons
auxquelles je ne songe pas, je trouve qu'il y avait là une pratique et
un potentiel, que l'on aurait pu utiliser. J'imagine que vous y avez
pensé et je voudrais savoir pourquoi on a préféré
mettre cela de côté. Je sais que cela n'est pas parfait au
ministère des Affaires intergouvernementales à ce titre; sans
doute il y aurait bien des choses à améliorer, mais des choses y
existent depuis qu'on en fait, certainement depuis une quinzaine
d'années au Québec et, encore là, c'est une tradition
très jeune.
La troisième dimension - mes collègues vont en reparler -
c'est: Pourquoi aux Affaires intergouvernementales? C'est que, le Québec
s'inscrivant dans le système fédéral canadien, vous aurez,
comme ministre du Commerce extérieur dans le régime
constitutionnel actuel - et vous l'avez indiqué, je pense - à
entretenir avec les instances et avec le gouvernement d'Ottawa ses
ministères et ses organismes des rapports de plus en plus étroits
et de collaboration. Or, qui d'autre que le ministère des Affaires
intergouvernementales, sur ce plan, aurait pu, si c'était un ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales, donner toute
l'expertise et avoir tous les sentiments, toutes les orientations de la
politique générale du Québec? Tandis que là, vous
créez un organisme complètement indépendant qui va devoir
pendant combien de temps... Certes, c'est imparfait, l'action économique
des Affaires intergouvemementales sur le plan international; cela fait quinze
ans que le ministère existe; disons que, depuis 1974, il y a une loi un
peu plus dynamique dans ce sens et, déjà, on peut se dire - et je
pense que vous serez d'accord - que cette action est imparfaite. Or, vous allez
créer un organisme de toutes pièces, complètement en
dehors du ministère des Affaires intergouvernementales. Vous allez
d'abord créer des pratiques, des méthodes. Et cela va
correspondre aux Affaires intergouvernementales, à leur dimension,
à leur intégration dans la politique extérieure du
Québec, aux Affaires intergouvernementales dans les relations
fédérales-provinciales et à l'articulation des initiatives
fédérales et aux Affaires intergouvernementales relativement avec
les ministères sectoriels.
Tout cela existe et vous allez être comme à
l'extérieur de cela même en allant y chercher un peu
d'éléments. Dans ce sens, je vais vous en reparler plus
abondamment, je trouve que, pour le ministère des Affaires
intergouvernementales, qui est un ministère que je connais
peut-être davantage que les ministères sectoriels,
personnellement, cela m'a bien déçu. Ma conviction personnelle
-je le dis, sans avoir consulté mes collègues -je suis d'accord
avec le ministre et avec le gouvernement, et mes collègues l'on
indiqué, j'aurais de beaucoup préféré qu'on mette
la priorité sur le commerce extérieur, compte tenu des avantages
considérables que cela peut apporter au Québec, mais, grands
dieux! qu'on se serve de l'expérience et de la tradition, quoique encore
jeunes, j'en conviens, et imparfaites, qui étaient déjà
localisées au ministère des Affaires intergouvernementales.
Enfin! vous pourrez invoquer la raison que vous voulez; moi, je trouve que
c'est un drôle de jugement que vous portez sur le ministère des
Affaires intergouvernementales, si vous me dites: Non, on ne pouvait pas
utiliser cette expertise avec un ministre délégué; il faut
construire à côté une autre boîte.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, le discours du
député de Jean-Talon en est un très nostalgique,
probablement dû à ce qui lui reste de son travail d'attaché
politique aux Affaires intergouvernementales ou plutôt aux relations
fédérales-provinciales et c'est un discours à tendance
"fédéralisante", comme on aurait pu s'y attendre un peu,
évidemment. J'aurais cru que, d'après les débats qui se
sont déroulés à l'Assemblée nationale, le Parti
libéral et le député de Jean-Talon étaient pour la
création d'un ministère du Commerce extérieur. J'avais cru
comprendre de leurs propos cette intention d'appuyer le projet de loi d'une
façon très ferme. Je réalise malheureusement que ce n'est
pas tout à fait le cas.
Il y a deux éléments que le député de
Jean-Talon fait ressortir dans son intervention. Il y a d'abord la
notion de ministre délégué. Le député de
Jean-Talon a insisté au début ' de son intervention pour que le
ministre du Commerce extérieur soit un ministre
délégué. Or, il y a une espèce de tradition qui
s'est établie au gouvernement du Qubec depuis quelques années,
à savoir qu'un ministre délégué est un ministre en
voie de construire un ministère. Il est attaché
particulièrement à cette responsabilité. Son mandat
premier, sauf erreur - et le ministre pourra me corriger, si je me trompe - est
de bâtir, de créer de toutes pièces un ministère,
c'est-à-dire un organisme qui fonctionne dans notre système
parlementaire actuel. À cette fin, l'argumentation ne tient pas, parce
que si le ministre du Commerce extérieur voulait rester ministre
délégué au Commerce extérieur, il ferait
défaut au premier mandat qui lui a été donné par le
premier ministre de bâtir effectivement un ministère du Commerce
extérieur.
Deuxième élément, le député de
Jean-Talon parle de la structure en place aux Affaires intergouvernementales.
On a fait allusion - d'ailleurs, on en a parlé assez abondamment au
début de cette commission parlementaire - au fait que le
ministère du Commerce extérieur permettrait de rapatrier en
quelque sorte un ensemble de structures, un ensemble de services qui auraient
été un peu épars au ministère des Affaires
intergouvernementales et également au ministère de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme et à d'autres ministères et, s'il y a
lieu, à d'autres organismes d'État. Le but, justement, de la
création de ce ministère est de regrouper ces organismes pour
leur donner une direction commune, d'une part; pour canaliser d'autre part
l'ensemble de ces énergies dans la même direction et mettre
véritablement l'emphase sur les relations commerciales du Québec
avec l'étranger. (21 h 15)
Dans les deux cas, que ce soit sur la notion de ministre
délégué ou sur un vague discours nostalgique sur les
structures qui existaient aux Affaires intergouvernementales et qui existaient
un peu partout ailleurs, le député de Jean-Talon - je l'avoue -
me convainc bien peu du bien-fondé de ce qu'il essaie de
défendre. Cela m'étonne d'autant plus venant du
député de Jean-Talon qu'effectivement - encore là,
à moins que je ne me trompe et qu'on me corrige si c'est le cas - il
existe dans la plupart, dans à peu près tous les gouvernements
structurés et bien organisés, que ce soient des gouvernements de
pays souverains ou même des gouvernements provinciaux bien
organisés, des ministères du Commerce extérieur dont la
préoccupation effective est de développer ce service de ventes
à l'étranger.
J'essaie d'être fidèle à l'intervention que j'ai
faite à l'Assemblée nationale, mais, quand on sait que l'objectif
d'un ministère comme celui-là est de nous ouvrir les
marchés, de nous donner les meilleurs outils possible et imaginables,
les outils qui sont à notre disposition, pour ouvrir des marchés
et, par le fait même, pour permettre à nos entreprises de
produire, de transformer et de vendre à l'extérieur, je me
demande sincèrement ce qui motive le député de Jean-Talon
et les députés de sa formation politique à vouloir
s'entêter à nous rabattre les oreilles avec le fameux
ministère des Affaires intergouvernementales et les fameuses directions
qui existent un peu partout.
Effectivement, je voudrais bien que cela soit clair. Le but de ma
présence en commission est celui-là. On le dit à
l'Assemblée nationale devant l'ensemble des citoyens du Québec,
vous l'avez dit aussi, j'espère que j'ai bien compris, il faudrait bien
qu'on se comprenne, en tout cas au moins en commission parlementaire, on croit
au commerce extérieur, parce que c'est du travail pour les
Québécois et les Québécoises. On veut absolument
agresser les marchés par tous les moyens possibles et imaginables et il
nous semble bien que la notion même d'un ministère, la formation
même d'un ministère du Commerce extérieur soit une
excellente solution, la meilleure qu'on connaisse. Le ministre qui est
délégué a également pour tâche de mettre sur
pied ce ministère. Cela existe à peu près partout dans les
gouvernements bien organisés qui s'occupent de leurs affaires. Moi, M.
le Président, je ne comprends pas la position du député de
Jean-Talon et j'imagine que lui et ses collègues vont se rallier au fait
qu'on crée un ministère du Commerce extérieur, parce que
cela serait grave que les Québécois s'aperçoivent demain
matin, dans les médias d'information, que le député de
Jean-Talon et les députés de sa formation politique sont contre
le fait que le Québec veuille prendre d'assaut les marchés
internationaux pour vendre nos produits qui sont fabriqués par des
citoyens du Québec.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas de
contestation au sujet du développement du commerce extérieur. Il
n'y a pas de contestation là-dessus. Ce que mon collègue de
Jean-Talon a voulu faire ressortir, ce que nous voulons savoir, et c'est au
ministre de nous présenter la preuve, c'est quelle est la façon
la plus effective d'arriver à ce but. Je pense que c'est cela la
question clé. Est-ce que c'est à travers un ministère
délégué du Commerce extérieur? Est-ce que c'est
à travers une organisation au sein des Affaires
intergouvernementales?
Est-ce que c'est à travers des ministères
séparés? C'est cela la question. C'est cela le débat. Je
pense que nos questions sont tout à fait valables du point de vue que,
tout d'abord, le ministre a amené l'argument que peut-être que
cela nous apporterait un débat en Chambre qui n'avait jamais
été fait. Comme l'a dit mon collègue de Jean-Talon, on
peut faire ces débats de mille façons. On peut présenter
les motions pendant les débats. Je pense que cela est une raison tout
à fait accessoire. C'est bon que cela soit fait, mais ce n'est pas
nécessaire.
M. Landry: Cela, je le reconnais.
M. Lincoln: Ensuite, le ministre a apporté l'argument que
c'était une constatation unanime dans les milieux économiques,
parmi les agents économiques, qu'on avait besoin d'un ministère
du Commerce extérieur. Ici, unanime est un grand mot. Je vais vous dire
que j'ai parlé à des gens dans le commerce - je ne vais pas les
citer ici, mais le ministre les connaît bien - qui pensent que, vraiment,
un ministère de plus ou un ministère de moins, dans certains cas,
on pourrait les nommer au cours de l'après-midi, je crois que mon
collègue d'Outremont a cité des faits, je ne pense pas que cela
ajoute nécessairement dans tous les secteurs. De là à dire
que c'est unanime, il y a plusieurs secteurs, il y a plusieurs industriels, il
y a plusieurs personnes qui font de l'exportation et qui disent que cela ne
fait pas l'unanimité. Peut-être qu'il y a plusieurs agents
économiques qui veulent le ministère du Commerce
extérieur, mais je ferai remarquer à mon collègue de
Roberval que justement la question, c'est que ce ne sont pas tous les pays du
monde, comme il a l'air de le dire, et pas tous les intervenants
économiques ont un ministère du Commerce extérieur...
M. Rivest: ... bien organisé.
M. Lincoln: ... vous pouvez citer l'Allemagne, vous pouvez citer
le Japon, vous pouvez citer la France, vous pouvez citer même le Canada,
il y en a autant qui n'en ont pas. Par exemple, à l'heure actuelle, il y
a tout ce débat qui se fait sur la véritable question du commerce
international au sein des États-Unis, la plus grande puissance
économique du monde. C'est une question qu'ils ne règlent pas
très rapidement. Le sénateur Monaghan de New York a
présenté la question devant le Sénat des
États-Unis; c'est un débat qui se fait depuis pas mal de temps
déjà aux États-Unis. Pour le moment, ils n'ont pas un
ministère, un secrétaire d'État au Commerce
extérieur. Ils examinent la question. Si vous pensiez à tous les
États des États-Unis qui se débrouillent très bien
sans des ministères spéciaux ou des commissaires spéciaux
au commerce extérieur, certains, je le répète, n'en ont
pas.
Si vous prenez les provinces du Canada, il y a d'abord l'Alberta qui a
établi un ministère du Commerce extérieur au sujet de la
question du pétrole, mais l'Ontario se débrouille très
bien sans cela. En fait, c'est cela la question que nous nous posons. Est-ce
que c'est la façon la meilleure de le faire? Si le ministre nous
convainc aujourd'hui que c'est la façon la meilleure de le faire, nous
sommes tout à fait d'accord. Mais je pense que les questions
posées par mon collègue de Jean-Talon sont tout à fait
valables dans les circontances parce que, justement, on n'en sait pas assez. On
demande, à l'idée de toute cette délégation
à l'étranger, si la rentabilité d'un ministère va
ajouter à une bureaucratie déjà créée et que
certains disent déjà trop grosse en un certain sens? J'ai
indiqué durant mon discours que l'Ontario, par exemple, a six personnes
à Paris et personne en Italie. Nous avons une délégation
à Milan. L'Ontario a choisi de fermer sa délégation
à Milan. Pourtant, si vous regardez les chiffres de 1982 sur les
exportations du Québec à l'étranger, vous allez voir que
l'Ontario se débrouille très bien par rapport au Québec en
Italie et y vend des marchandises. D'une façon ou d'une autre, elle se
débrouille.
Ce que je veux souligner aussi, c'est que le commerce extérieur,
ce n'est pas seulement des exportations, ce sont des investissements, ce sont
des importations, c'est le tourisme. Vous parlez de la question
fédérale par exemple de façon nostalgique. Le fait est que
peut-être que cela deviendra nostalgique au Québec, quand le
Québec va se séparer. Le fait actuel, c'est que vous avez dit que
c'était une question nostalgique parce que...
M. Gauthier: Je parle des Affaires intergouvernementales.
M. Lincoln: ... d'accord, on parle des Affaires
intergouvernementales. Ce que je veux vous dire, c'est que mon collègue
a essayé de souligner que...
M. Landry: Je crois que vous en êtes au temps et non
à pourquoi.
M. Lincoln: Votre collègue a souligné...
M. Rivest: Je pense que vous êtes aussi à
pourquoi.
M. Lincoln: En fait nous disons que, tant que les circonstances
actuelles dureront, cela ne durera pas, quoi qu'il en soit, aujourd'hui, le
fait est qu'on est au sein d'un gouvernement qui est responsable d'après
la loi, d'après la constitution, de tout le
commerce international et interprovincial, qui est responsable de toutes
les agences, de tout le système financier international, qui est
responsable d'être l'agent économique auprès du GATT et de
toutes les grandes organisations internationales, la Banque Mondiale, etc. Il
faudra une concertation tout à fait continue et on se demande si cela se
fait mieux sous un ministère du Commerce extérieur
séparé ou sous l'égide des Affaires intergouvernementales,
un ministère qui existe déjà depuis 1972 et où il y
une façon de procéder qui a été
vérifiée depuis ce temps. Là aussi, on nous dit: Le
ministère du Commerce extérieur aidera à tous ces
développements, aidera les investissements, aidera les exportations,
contrôlera mieux les importations, aidera le tourisme. Nous, on se
demande dans quel sens ce qui ne se faisait pas déjà dans ces
secteurs résultait de lacunes dans ces secteurs. Il faut se dire que
nous avions raison, quand on a fait un débat sur le tourisme, de dire
que l'on ne fait pas assez dans le tourisme, que l'Ontario a fait bien mieux
que nous dans le tourisme. Si on dit: Les choses ne se faisaient pas bien, cela
irait bien mieux avec un ministère du Commerce extérieur, on est
prêt à acheter la chose. C'est pourquoi on aurait voulu d'abord
interroger le ministre responsable de ces choses jusqu'à présent.
C'est cela l'intention que nous avions.
M. Landry: J'espère, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Landry: ... que le débat ne se poursuivra pas sur une
motion qui a été défaite. On parle de l'article 1?
M. Lincoln: Oui, oui.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Shefford.
M. Paré: Eh bien! Moi aussi, M. le Président, cela
m'étonne qu'on accroche sur l'article 1 du projet de loi no 89,
créant le ministère du Commerce extérieur. On se pose la
question sur la nécessité d'un tel ministère; quant
à moi, on ne serait pas censé se questionner sur la
nécessité, on devrait plutôt parler de l'urgence de le
créer. Il ne faudrait pas oublier des choses. C'est la
réalité dans laquelle on vit, nous, au Québec. Rapidement,
parce que je pense, en soi, que c'est tellement reconnu et officiel qu'on doit
en avoir un, que je n'ai pas l'intention de parler très très
longtemps là-dessus.
Quelle est notre situation au Québec? Il ne faudrait pas oublier
que, plus que pour la plupart des autres pays au monde, ce sont 40% de notre
produit intérieur brut qui sont exportés. Comment peut-on oublier
cela? Au-dessus de 30 000 000 000 $...
M. Rivest: Quand on parle du ministère du Commerce
extérieur, remarquez que c'est une performance assez remarquable.
M. Paré: Une minute!
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Shefford, vous avez la parole.
M. Paré: Quand on dit qu'on exporte déjà
cela...
M. Landry: Qu'est-ce que ce sera après?
M. Paré: ... très souvent, en matière brute
ou semi-finie, c'est qu'il y a quelque chose à faire. Mais quand c'est
déjà cela, cela dépasse les autres états. Il ne
faut pas oublier non plus que notre marché est limité.
L'ouverture sur le monde va se faire de plus en plus. Qu'on le veuille ou non,
on n'a pas le choix. On se pose la question, aujourd'hui, à savoir si,
avec autant d'argent investi, on a un besoin aussi évident de s'occuper
de nos affaires sur le marché extérieur. Qu'on se pose la
question à savoir si on doit avoir un ministre avec des pouvoirs et des
responsabilités. Comment pourrait-on dire non et qu'on va laisser cela
à une personne qui doit voir l'ensemble des échanges
internationaux. Pourquoi? Comment pourrait-on expliquer qu'il n'y a pas de
place pour une personne qui va penser commerce et échanges dans les
domaines de l'exportation, industriel, commercial et touristique? Je ne
comprends même pas qu'on se pose la question. C'est tellement
évident, tellement cela fait travailler de gens et que cela met en cause
une masse monétaire aussi importante. Je ne comprends même pas
qu'on se pose la question. Cela saute aux yeux qu'il est évident qu'on
en a besoin. C'est une urgence parce qu'on est aussi en concurrence de plus en
plus agressive. Donc, on est tous d'accord avec cela, mais comment, si on est
d'accord que le commerce extérieur est si important, n'êtes-vous
pas d'accord qu'il y ait une personne qui soit en charge du commerce
extérieur et non pas de toutes les affaires extérieures en
même temps.
M. Rivest: On est d'accord pour un ministre
délégué au Commerce extérieur.
Le Président (M. Desbiens): Ah bon! L'article 1 est
adopté?
M. Rivest: Ce n'est pas la question.
M. Paré: Donc, si vous êtes d'accord pour qu'il y
ait une personne responsable, il
faut qu'elle ait toutes les responsabilités et les pouvoirs.
M. Rivest: Ah! c'est ça.
M. Paré: Une personne avec des pouvoirs et des
responsabilités est un ministre, si on veut être capable de
fonctionner. Vous ne vous posez même pas la question. Au contraire, vous
le prenez en exemple. Vous ne vous posez pas la question à savoir
pourquoi tous les Etats modernes ont ce ministère, justement? Modernes,
j'ai bien spécifié...
M. Lincoln: Oui, que le ministre soit moderne...
M. Paré: Oui, mais est-ce qu'ils exportent 40% de leur
produit intérieur brut? Je vous ai dit, tantôt, au début de
mon intervention, qu'il faut regarder la situation dans laquelle le
Québec se trouve. Je reviendrai sur l'Ontario aussi. Il faut dire que
l'Ontario a déjà son commerce extérieur si on regarde
justement les bureaux des consulats et des ambassades du Canada à
l'extérieur, où il y a des gens responsables dans les domaines
industriel et commercial pour tous les échanges économiques. On y
retrouve beaucoup plus de gens de l'Ontario que de toutes les autres provinces
ensemble. Cela veut dire que la place du Québec est très
limitée.
À titre d'exemple, vous irez voir en Californie, où je
suis allé dernièrement, et vous allez vous apercevoir que la
personne nommée en charge de l'industrie - ils ont pris une personne sur
l'ensemble du personnel sur place - directement d'un secteur de
l'économie et ils l'ont mis en charge des plastiques. Je pense que, en
Californie, la haute technologie est bien plus celle des avions, de
l'aéronautique et tout ce qui tourne autour de cela.
Donc, il faudrait faire attention. Le Québec n'a pas eu sa place
et c'est pour ça qu'il faut la prendre, au plus tôt, sur les
marchés internationaux. Si vous êtes d'accord pour qu'on prenne
notre place étant donné que le secteur de l'économie, du
commerce et du tourisme mérite une place privilégiée,
parce qu'on doit faire le plus possible pour notre développement
économique, vous devriez dire tout simplement que vous êtes
d'accord pour que ce soit une personne avec des responsabilités. Je vous
l'ai dit tantôt, une telle personne est un ministre et non pas seulement
un adjoint. Comme le ministère des Affaires intergouvernementales est
vaste, complexe et qu'il englobe l'ensemble des ministères, on doit, je
pense, accepter qu'il y ait, au plan extérieur, une personne qui
s'occupera spécialement de l'économie. À ce
niveau-là, je pense qu'on ne devrait même pas se poser la
question. Ce n'est pas une nécessité, c'est une urgence. (21 h
30)
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre et M. le
député d'Outremont, fait-on l'alternance, maintenant?
M. Landry: J'aimerais répondre à la question
insistante du député de Jean-Talon. Il pose de bonnes questions
et cette question-là, en particulier, est assez pertinente et
suffisamment bien posée pour qu'on s'évertue à lui donner
une réponse satisfaisante. C'est ce que mes collègues ont
essayé de faire et je vais continuer dans cette voie parce que, encore
une fois, ce que dit l'Opposition et le député de Jean-Talon, en
particulier, n'est pas stupide. On leur dit simplement qu'on n'a pas choisi la
voie qu'ils préconisent parce qu'on a une analyse différente et
une analyse qui est plus véridique que la leur. Je vais venir au fond de
la question du député de Jean-Talon. Il a parlé beaucoup
du ministère des Affaires intergouvernementales, même d'une
façon nostalgique comme mes collègues l'ont souligné.
M. Rivest: C'est parce que j'ai vu l'ancien ministre, M. Morin,
récemment.
M. Landry: J'imagine, oui, que le fait d'avoir occupé les
fonctions qu'il a occupées, laisse toujours une certaine nostalgie quand
on ne les occupe plus, d'une part, et qu'on n'a pas l'espoir de les
réoccuper pendant un très grand nombre d'années, d'autre
part.
M. Rivest: ... M. Morin ne part jamais, il ne fait que
s'absenter.
M. Landry: Mais l'erreur du député de Jean-Talon,
en voulant rattacher le ministre du Commerce extérieur à celui
des Affaires intergouvernementales, c'est qu'il ne connaît pas le
personnel et les effectifs du ministère des Affaires
intergouvernementales. Il a fait toute sa démonstration sur le
ministère des Affaires intergouvernementales alors qu'il y a exactement
quinze fonctionnaires économiques sur 452 personnes. Le seul Office
québécois du commerce extérieur, jusqu'à ce jour
rattaché au MIC, en avait 86. Je ne dis pas qu'il fait une erreur
absolue. C'est probablement que les choses ont beaucoup changé depuis
l'époque où il connaissait bien ce ministère.
Est-ce que cela n'inciterait pas le député de Jean-Talon
à réviser son jugement si je lui dis que l'action
économique du ministère des Affaires intergouvernementales, par
son personnel, est marginale comparée à celle du MIC? Il y a six
fois plus de fonctionnaires économiques internationaux au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qu'au
ministère des Affaires intergouvernementales, et il nous suggère
de
rattacher le ministère du Commerce extérieur à un
ministère qui s'en occupe six fois moins qu'un autre, le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Le député de Jean-Talon est trop intelligent pour ne pas
admettre, là, que, s'il avait eu ce chiffre avant de faire son
intervention, celle-ci aurait peut-être été d'une nature
différente.
M. Rivest: Je la maintiens. Juste une remarque...
Une voix: II n'est pas assez intelligent.
M. Landry: Je n'oserais pas conclure que le député
de Jean-Talon n'est pas intelligent. Parfois, il peut nous faire des
finasseries, faire semblant de ne pas comprendre parce que c'est son rôle
de s'opposer bravement et c'est son droit de me laisser parler aussi quand j'ai
la parole.
M. Rivest: Ce que je dis, c'est simplement - parce que j'ai dit
que la dimension commerce extérieur devait être mise beaucoup plus
en valeur qu'elle ne l'était et s'il fallait qu'un ministre
délégué aux Affaires intergouvernmentales - ce que j'ai
voulu dire, c'est qu'il y a de l'expertise. Je ne l'évalue pas en
nombre. Si d'autres personnes sont nécessaires au ministre d'État
pour renforcer la dimension du commerce extérieur des Affaires
intergouvernementales, fort bien! Ce que je veux, c'est que vous utilisiez - je
pensais qu'il aurait été plus pratique et je vous posais la
question - que vous utilisiez l'expertise, parce que ces personnes du
ministère des Affaires intergouvernementales ne sont pas stationnaires.
Elles ont une pratique de rapport entre les ministères sectoriels sur le
plan vertical. Sur le plan horizontal, ils ont, avec leurs correspondants
fédéraux, une pratique, une connaissance du milieu. Et ma
question était: Pourquoi créer une structure et ne pas utiliser
et enrichir, au besoin, le potentiel et l'équipe du ministère des
Affaires intergouvernementales?
M. Landry: Vous êtes en train de me dire que si la montagne
ne vient pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne. La montagne
n'était pas au ministère des Affaires intergouvernementales en
matière de commerce extérieur et d'expertise sur les relations
économiques à l'étranger. Elle était au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Vous le savez que
les conseillers économiques, les attachés commerciaux
relèvent directement de l'Office québécois du commerce
extérieur qui, ci-devant, relevait du MIC. Alors, pourquoi aller faire
une greffe qui n'a aucune chance de survie au ministère des Affaires
intergouvernementales - parce que ce n'est pas son milieu naturel - et...
M. Rivest: Ce n'est pas ce que Jacques-Yvan Morin pensait.
M. Landry: ... que les anticorps du ministère des Affaires
intergouvernementales en cette matière sont beaucoup plus forts que les
anticorps...
M. Rivest: Jacques-Yvan Morin pensait le contraire.
M. Landry: ...mais le député est en train
d'éteindre mes bons sentiments à son égard. Il ne me
laisse pas parler. Moi, je l'ai écouté religieusement, même
que je l'ai encouragé à poursuivre. Il disait des choses, ma foi,
qui étaient de mauvaises avenues, mais qui partaient d'un bon naturel.
Alors, son erreur, c'est ça. Il rêve des Affaires
intergouvernementales comme il les a connues à une certaine
époque, mais ce n'est plus comme ça. C'est ce qui me semble
expliquer la mauvaise direction qu'il prend. Il se passe beaucoup d'autres
choses aux Affaires intergouvernementales, dans le domaine culturel, dans le
domaine purement politique, et le ministre des Affaires intergouvernementales,
en homme admirable qu'il est, a saisi l'importance du commerce extérieur
et s'y est adonné sur une assez vaste échelle avec uniquement 15
personnes au cours des six derniers mois et, ce faisant, je pense qu'il a rendu
un grand service non seulement au gouvernement mais à l'économie
du Québec. Je lui en ai rendu hommage en Chambre. Je le redis ici et je
pense que, de ce point de vue, le député de Jean-Talon a rejoint
mes propos à plusieurs reprises quand il a parlé des efforts de
mon collègue des Affaires intergouvernementales en matière de
commerce extérieur. Il est maintenant soulagé de cela par une
équipe de spécialistes qui vient, pour l'essentiel des 86 postes
au ministère du Commerce extérieur, d'un milieu naturel beaucoup
plus orienté sur les questions économiques que ne le sont les
Affaires intergouvernementales.
Maintenant, quelle est l'erreur du député de Nelligan
quand il nous donne l'exemple américain? L'exemple américain ne
s'applique pas pour la simple raison que, dans l'économie
américaine, le commerce international - et c'est bizarre à dire,
M. le Président - est d'importance marginale. Est-ce que le
député de Nelligan sait quel est le pourcentage import-export du
PNB américain au moment où nous parlons?
M. Lincoln: 25%.
M. Landry: Mais, là, justement, vous venez de confirmer
mes plus sombres angoisses. Vous ne savez pas de quoi vous parlez.
M. Lincoln: Oui, mais je veux vous demander...
M. Landry: C'est entre 3% et 5%.
M. Lincoln: Écoutez, laissez-moi vous dire...
M. Landry: C'est cinq fois moins que ce que vous pensez.
M. Lincoln: Je vais vous démontrer que c'est beaucoup plus
qu'entre 3% et 5%. D'accord? On va discuter...
M. Landry: Vous pourriez être très utile en
démontrant des choses, mais vous seriez utile en me laissant terminer
mon intervention aussi.
M. Lincoln: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Rivest: II a essayé de calmer vos angoisses.
M. Landry: Vous pourrez démontrer tout ce que vous voudrez
après.
M. Rivest: Vous êtes angoissé.
M. Landry: Alors, il est tombé dans un piège, le
député de Nelligan. 3% à 5% du fabuleux PNB
américain. Et, là-dessus, on s'entend. La plus grande puissance
de l'histoire de l'humanité, globalement, a une économie
tellement forte qu'elle est, à toutes fins utiles, autosuffisante en
tout, et c'est ça qui fait la différence avec l'économie
du Québec. Proportionnellement, le Québec exporte donc 5, 6, 7 et
8 fois plus que ne le font les États-Unis, parce que nous ne pouvons pas
jouer sur des latitudes tropicales pour les oranges et les bananes et des
latitudes septentrionales, comme le font les États qui bordent la
frontière du Canada, pour certains produits forestiers, certains
produits miniers, etc. Je ne suis pas pour vous donner une leçon de
géographie, ce qui ne vous nuirait pas, si vous ne connaissez pas mieux
la géographie américaine et l'économie
américaine.
Je vais vous donner un troisième exemple, qui est l'exemple de la
France.
M. Rivest: ... le Ségart québécois.
M. Landry: Mais ils ne sont pas tenables.
Une voix: Ils sont fatigués.
M. Landry: Le simple fait d'évoquer le nom d'une puissance
qui a réussi dans le commerce extérieur les fait tressaillir, et
c'est pourtant la réalité.
M. Rivest: Avec ce qu'on a appris récemment...
M. Landry: Après la deuxième guerre mondiale...
M. Rivest: ... qui ne le ferait pas! Une voix: Marc
Lavallée.
M. Landry: Après la deuxième guerre mondiale, la
France était un pays, d'une part, détruit, et, par sa tradition,
replié sur lui-même et sur ses colonies. Son activité de
commerce extérieur était tellement insignifiante que ça
inspirait les chansonniers. Il y avait un grand produit exporté par la
France, c'est un petit appareil culinaire qui s'appelait la moulinette.
C'était le principal produit d'exportation industrielle de la France. La
moulinette, c'était un hachoir à légumes qui est encore
sur le marché aujourd'hui. Il s'appelle Moulinex et c'est devenu un
fabuleux robot culinaire qui est exporté dans le monde entier.
Entre-temps, la France est devenue - ça dépend des années
- soit la première ou la deuxième puissance commerciale du monde,
bien avant les États-Unis d'Amérique, en particulier, et bien
avant le Canada. Elle a précisément choisi cette formule que nous
vous proposons aujourd'hui. Inspirons-nous de ceux qui ont réussi. Les
Japonais ont fait à peu près la même chose, d'ailleurs.
Inspirons-nous de ceux qui ont réussi, ils ont choisi la formule d'un
ministre du Commerce extérieur à temps plein à la
tête d'une administration qui s'appelle le ministère du Commerce
extérieur. Il y a un sacré bout de temps que le principal poste
de la balance des paiements de France n'est plus Brigitte Bardot:
Sauf que vers le milieu des années cinquante, Mme Bardot avait
des ventes internationales plus importantes que la régie Renault
elle-même avec tout son appareil de production et ses centaines de
milliers de travailleurs. C'est pour vous dire que la France est partie de
zéro et est devenue aujourd'hui l'un des premiers exportateurs
mondiaux...
M. Rivest: Vous avez des arguments à ce point convaincants
que j'abandonne.
M. Landry: ... en biens et en services.
M. Rivest: ... comme Brigitte Bardot, voyez-vous.
M. Landry: Si l'on regarde la qualité des arguments que
vous nous avez servis, vous auriez dû abandonner bien avant, selon
moi.
M. Rivest: Non, puisque vous...
M. Landry: Quand on pense que vous vouliez greffer aux Affaires
intergouvernementales...
M. Rivest: ... m'avez dit que vous vous étiez
vous-même posé la question...
M. Landry: ... où il y avait 15 fonctionnaires
économiques... L'autre qui prétend que...
M. Rivest: Quelle injure!
M. Landry: ... les Américains exportent 25% ou 30% de leur
PNB.
M. Lincoln: Je n'ai jamais dit 30%, monsieur...
M. Landry: ... ou 25%, alors que c'est entre 3% et 5%.
M. Lincoln: On verra, on verra.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Rivest: Vous m'aviez dit que vous vous étiez même
posé cette question au Conseil des ministres. Franchement!
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, voyez la raison pour laquelle
nous voulions avoir le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Rivest: Bien oui, franchement, on aurait eu les vraies
réponses.
M. Fortier: Nous aurions eu un débat très
intéressant puisque lui-même a fait le tour du Québec pour
dire que son ministère avait une vocation économique, qu'il
était très efficace et qu'on pouvait justifier toutes les
dépenses qui se faisaient à l'étranger par l'action
même de son ministère. Moi-même, lors d'une
délégation - je suis allé à Boston avec certains
membres du parti au pouvoir -les gens m'ont fait la démonstration, comme
deux et deux font quatre, qu'à Boston il y a une équipe qui se
spécialise en très grande partie dans le commerce
extérieur. On m'a dit que même dans le domaine culturel en
particulier...
M. Landry: ... l'UCE
M. Fortier: Non, mais on m'a fait la démonstration, M. le
ministre...
M. Landry: ... l'UCE
M. Fortier: ...- je ne le croyais pas -que même dans les
affaires culturelles il s'agissait d'exportations et de développement
économique.
En tout cas, c'est pour cela que je dis qu'il aurait été
intéressant d'avoir le ministre des Affaires intergouvernementales,
puisque, vous voyez, vous nous apportez une information qui contredit celle que
le ministre a fait circuler à travers le Québec pendant plusieurs
mois. Vous nous donnez l'exemple de la France. Je dois admettre qu'à cet
égard peut-être que tous ceux qui...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Fortier: ... citent des pays comme la France font un peu
erreur à mon avis puisque le succès de cette dernière lui
est venu en très grande partie de la concertation extrêmement
intime qui s'est faite entre la diplomatie, les hommes d'affaires et les
ministères...
M. Landry: ... du commerce extérieur.
M. Fortier: ... chargés du développement
extérieur. Mais ce qu'on a essayé de vous dire, et c'est
là où notre message ne passe pas, c'est que - et mon
collègue de Jean-Talon a essayé de le souligner - il y avait un
besoin de concertation à l'intérieur même des
ministères provinciaux. Je pense en particulier au ministre de
l'Énergie et des Ressources qui voudra exporter de l'énergie aux
États-Unis. Alors, que le ministre délégué au
Commerce extérieur le veuille ou non, il sera obligé de
collaborer avec, entre autres, le ministre de l'Énergie et des
Ressources puisque Hydro-Québec en particulier sera responsable de
ventes considérables d'énergie aux États-Unis dans
l'avenir. Qu'on pense à la SDI. Je n'ai pas encore entendu le ministre
nous dire de quelle façon il va être relié à la SDI,
mais encore là, qu'il le veuille ou non, il y aura une concertation
à établir entre lui et le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme. On pourrait continuer comme cela avec plusieurs
ministères.
Ce que nous disons, dans le fond, c'est que croire qu'un ministre, avec
un ministère séparé des autres ministères, pourra
oeuvrer comme si les autres ministères n'existaient pas, c'est
s'illusionner complètement. Je pense que le député de
Shefford n'a pas compris, et je pense que le député de Nelligan
l'a très bien exprimé ce que nous demandons. Quelle est la
meilleure façon d'avoir un ministère qui favorisera le commerce
extérieur qui colle à la réalité, qui est le plus
économique - parce que le
gouvernement, bien sûr, est pris dans une position
financière extrêmement difficile - et qui serait le plus efficace?
Mais la dimension que le ministre ne veut pas aborder, quoiqu'il l'admette en
particulier en privé, c'est que, n'étant pas un pays autonome, il
devra collaborer avec le gouvernement fédéral. Il devra
collaborer avec le ministre d'État aux Affaires extérieures, qui
est maintenant responsable du commerce extérieur. Il devra collaborer
avec les gens de l'ACDI. Il devra collaborer avec la Société pour
l'expansion des exportations.
Dans la mesure où il aura besoin de ces agents, des organismes
fédéraux, et dans la mesure où pour réussir une
société comme Bombardier ou d'autres ou aura besoin non seulement
de l'appui de la SEE mais également de l'appui diplomatique du Canada,
dans la même mesure, aussi bien dire dans toute la mesure, il devra
collaborer avec le ministère d'État aux Affaires
extérieures du Canada. À ce moment-là, je me pose la
question: Comment est-ce qu'il pourra faire cela sans avoir la collaboration
intime du ministère des Affaires intergouvernementales du Québec?
Autrement dit, ce que j'essaie de dire, c'est que même en créant
une structure sur papier, qui sera tout à fait différente
de celle des Affaires intergouvernementales dans la pratique, au jour le jour,
il va être obligé de travailler en collaboration avec les
fonctionnaires et avec les agents du ministère des Affaires
intergouvernementales. (21 h 45)
Tout cela pour dire que le succès du commerce extérieur
passe par une collaboration intime entre les différents agents
québécois et avec les agents fédéraux, en
particulier avec la diplomatie canadienne. À ce moment-là, si on
est d'accord avec tout cela, on revient à la question du départ:
Pour quelle raison former un ministère qui est sur papier soi-disant
indépendant des autres ministères, alors que dans les faits il
devra collaborer d'une manière intime, entre autres, avec le
ministère des Affaires intergouvernementales et collaborer
éventuellement avec le ministère d'État aux Affaires
extérieures? Le ministre nous apporte l'argument qu'il lui faut une
certaine autorité, argument que j'ai entendu bien souvent, même
dans le secteur privé, l'autorité de pouvoir signer des contrats
et tout cela. Vous savez que dans le secteur privé on résout ces
problèmes bien facilement. On crée des filières du genre
Bell Canada International, Lavalin
International, SNC International. Celui qui est président de ces
organismes sait fort bien que, s'il se prenait pour un autre et qu'il
négociait des contrats sans référer à la
maison-mère, c'est-à-dire le président de la boîte,
celui-là commettrait des erreurs impardonnables, puisqu'il ne pourrait
pas demeurer bien longtemps à ce poste.
Bien sûr, celui qui s'occupe de commerce extérieur, a
besoin d'un titre qui fait bien, qui lui permette de dialoguer et de
présenter une carte d'affaires qui paraisse bien. Cela est
très...
Une voix: D'accord.
M. Fortier: ... important. Cela fait très VIP. Dans les
faits, que la personne soit la personne no 1 qui décide, je crois bien
que tout le monde à l'étranger va savoir qu'au Québec
c'est le premier ministre qui a le dernier mot. Dans la réalité,
le ministre au Commerce extérieur devra s'en remettre à ses
collègues lorsque des décisions importantes devront être
prises. À mon avis, cet argument d'autorité du ministre est
très... C'est un argument que j'ai entendu souvent, même dans le
secteur privé. Cela me fait un peu sourire, puisque c'est toujours la
même chose, tous ceux qui veulent faire du commerce extérieur
disent: Cela prend de l'autorité pour en faire, alors que ce qui est
important, ce sont des communications, de bons contacts et une collaboration
avec ceux qui font ce genre de métier-là.
Le ministre ne nous a pas beaucoup parlé de la concertation qui
est nécessaire avec le gouvernement fédéral, avec le
ministre d'État aux Affaires extérieures. Dans la mesure
où il devra collaborer avec ces gens, il va bien falloir qu'il collabore
par l'entremise des Affaires intergou- vernementales avec ces gens. Il va se
retrouver, en définitive, dans le genre de processus que mon
collègue de Jean-Talon définissait: Même s'il veut faire
bande à part, dans les faits, il va être obligé de
collaborer avec les agents et les sous-ministres et ceux qui tirent les
ficelles aux Affaires intergouvernementales. Pour cette raison, je pense que
les questions que nous posons sont de bonnes questions, si on veut, finalement,
avoir la solution qui soit la plus économique et la plus efficace
possible. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Seulement une mise au point, M. le Président. Il
semble que les députés de l'Opposition ne soient pas au courant
de la façon de fonctionner à l'étranger. En
réalité, plusieurs de nos agents commerciaux, dans les bureaux du
Québec à l'extérieur, travaillent justement pour leur
ministère respectif. Par exemple, l'Immigration, que ce soit du point de
vue culturel... Les agents d'information, c'est la même chose. Donc, la
prémisse de l'intervention du député d'Outremont
était en fait que c'est contrôlé administrativement et en
termes de contenu par le ministère des Affaires
intergouvernementales, ce qui n'est pas du tout le cas. Le réseau
est administré par le ministère des Affaires
intergouvernementales, mais, en ce qui concerne l'agent représentant
l'OQCE, ce ne sont pas les Affaires intergouvernementales, pas du tout.
M. Rivest: II y a des protocoles d'entente entre les
ministères.
M. Fortier: Si je peux expliciter à mon collègue de
Vachon ce que j'ai voulu dire, c'est que dans la mesure où on veut
donner une plus grande dimension au commerce extérieur, on a dit que ce
qui se faisait présentement n'était pas suffisant. Si on veut
donner une plus grande dimension, il faudra tirer de plus grandes ficelles et,
si on tire de plus grandes ficelles, il faudra les tirer avec ceux qui sont
capables de les tirer avec nous. Dans cette mesure, la collaboration devra se
faire beaucoup plus intimement.
M. Payne: D'ailleurs, je considère qu'on va voir et
constater plus tard que la nouvelle administration, telle que proposée
par ce projet de loi, envisageait une économie beaucoup plus
intéressante que la situation actuelle au titre de meilleures
coordinations. Je suis certain que cette preuve sera suffisamment
éloquente et changera la façon de penser des
députés de l'Opposition.
M. Rivest: M. le Président,...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Roberval.
M. Payne: Vous savez, en termes de bonne gestion
administrative...
M. Rivest: Mais non! Il va falloir qu'il fasse tout le
circuit.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Roberval.
M. Gauthier: Vous avez corrigé votre erreur, M. le
Président, je vous en remercie. Plus le débat avance et plus cela
se clarifie. Je pense que notre collègue, le ministre
délégué au Commerce extérieur, est sûrement
étonné de voir de quelle façon cela se déroule
actuellement parce qu'en Chambre, d'une part, on nous dit: Oui, d'accord, on
embarque dans le dossier de la création du ministère du Commerce
extérieur, cela a bien de l'allure. D'autre part, le
député de Jean-Talon ou le député de Nelligan nous
parle d'un ministre délégué au Commerce extérieur
et le député d'Outremont nous parle d'un ministère qui ne
devrait pas exister. Il dit que finalement il y a des organismes
fédéraux et que les Affaires intergouvernementales devraient
faire leur "job" là-dedans. Finalement, M. le Président, on a
beau être habitué à l'incohérence des discours
politiques, mais il faudrait tout de même se brancher. J'aimerais savoir,
comme membre de la commission, qui dit vrai: les discours en Chambre dans
lesquelles on nous dit être d'accord...
M. Rivest: Landry ou Morin?
M. Gauthier: S'il te plaît! ... avec la création du
ministère, le député de Nelligan ou celui de Jean-Talon,
à l'occasion, qui veut un ministre délégué au
Commerce extérieur ou encore le député d'Outremont ou le
député de Jean-Talon par moments qui veulent tout simplement que
le ministère des Affaires intergouvernementales s'occupe de ce
dossier...
Je voudrais savoir s'il y a quelque chose de cohérent dans le
discours des membres de l'Opposition. Que veulent-ils exactement?
Premièrement, croient-ils effectivement au commerce extérieur?
Deuxièmement, quelle solution préfèrent-ils? Il faudrait
peut-être qu'ils fassent un caucus pour le savoir. Troisièmement,
je voudrais seulement dire que le rôle du ministre du Commerce
extérieur sera de faire de la prospection de marchés, de faire de
la coordination interne comme externe et d'apporter une aide technique et
fiancière aux gens du Québec, aux manufactures du Québec,
aux entreprises du Québec, pour être concurrentiel et pour prendre
d'assaut les marchés. S'ils sont contre cela, qu'ils le disent ou s'ils
ont une solution commune, qu'ils nous la fassent savoir, mais, de grâce,
je voudrais qu'une fois pour toutes on sache devant qui on est assis. Devant
des gens qui veulent un ministère du Commerce extérieur, qui
veulent un ministère des Affaires intergouvernementales qui regroupe
tout ou qui veulent un ministre délégué au Commerce
extérieur.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Landry: Oui, M. le Président, avant d'intervenir sur le
fond de la question, je voudrais consulter nos collègues pour savoir
quand nous allons reprendre ce passionnant débat.
M. Rivest: Quand vous voudrez, M. le ministre.
Une voix: Ce n'est pas à vous d'en décider.
M. Landry: On veut absolument que ceux qui sont
intéressés puissent y participer en termes d'horaire, etc. Est-ce
que demain matin vous conviendrait?
M. Rivest: Si le ministre des Affaires...
Le Président (M. Desbiens): Cela dépend. L'ordre de
la Chambre, l'ordre de l'Assemblée est de siéger jusqu'à
22 heures. On ajourne sine die. C'est le leader qui décidera.
M. Landry: C'est le leader qui décidera?
Le Président (M. Desbiens): Oui. M. Landry: Est-ce
qu'on peut...
M. Rivest: Peut-être pourra-t-il trouver un moment...
M. Landry: C'est parce qu'il y a un émissaire du leader
qui me demande des indications sur vos intentions.
Une voix: Est-ce que demain matin, après la période
des questions, conviendrait à tout le monde?
M. Rivest: Nous, on est disponibles, au moins jusqu'au 21
décembre.
M. Fortier: ...
Le Président (M. Desbiens): Ce sera le leader qui
l'annoncera demain matin, il fera une motion à l'Assemblée
nationale à cette fin d'ordre.
M. Landry: Je devrai m'absenter du Conseil des ministres qui est
un devoir important pour un membre du conseil, cependant, à cause de
l'importance de cette commission...
M. Rivest: Vous enverrez M. Morin.
M. Landry: Lui-même a cela comme premier devoir.
M. Rivest: Qu'est-ce qu'il lui reste comme
responsabilité?
M. Landry: Étant donné l'importance de cette
commission, il me fera plaisir d'être parmi vous à l'heure que le
leader fixera et qu'il fera donner l'ordre nécessaire à la
Chambre. Bon! Sur le fond des choses, je trouve que le député de
Roberval vient de remettre bien des questions élémentaires en
place. Il y a aussi une question de cohérence là-dedans.
L'Opposition a voté au vu et su de toute la population en faveur du
principe - c'est bien cela, l'objet d'un débat de deuxième
lecture - d'une loi sur le ministère du Commerce extérieur, pas
sur le ministre du Commerce extérieur, pas sur le ministre
délégué au Commerce extérieur. Écoutez,
à moins que les mots n'aient plus aucun sens, vous avez voté en
faveur, par principe, de la Loi sur le ministère du Commerce
extérieur et...
M. Fortier: Voulez-vous que je vous explique?
M. Landry: ... vous venez nous demander pourquoi on fait un
ministère du Commerce extérieur? Pourquoi on n'a pas nommé
un délégué au Commerce extérieur? Pourquoi on n'a
pas rattaché cela aux Affaires intergouvernementales? Vraiment, sans
être un parlementaire. Je parle de la motion de première lecture
et de deuxième lecture.
M. Rivest: Cela a été voté? M. Landry:
Cet après-midi. M. Rivest: Je n'étais pas
là.
M. Landry: Je regrette vivement. Vous consulterez votre chef.
M. Payne: Cela explique le manque de cohérence.
M. Rivest: Personne n'a voté, il n'y a pas eu de vote,
voyons donc!
M. Paré: Vous savez au moins de quoi on parle?
M. Landry: II n'y a pas eu de vote appelé...
M. Rivest: Bien alors, ne dites pas qu'on a voté.
M. Landry: Cela a été consenti. M. Rivest:
Ah!
M. Landry: Votre chef... Revenez aux réalités
parlementaires les plus élémentaires, à la demande du
président.
Votre chef en votre nom...
M. Rivest: Lequel? Une voix: Le leader.
M. Landry: Quel chef, le permanent ou le temporaire, l'ancien ou
le nouveau?
M. Rivest: ... prochain.
M. Landry: Sur ce point, je pense que le député de
Roberval a eu raison. Quant aux questions posées par le
député d'Outremont et les expressions qu'il a émises, je
serais prêt à dire que, pour les trois quarts de ce qu'il a dit,
je suis parfaitement d'accord. Le succès de la mise
en application repose sur la coopération, sur les
stratégies concertées de tous les ministères et agents
concernés, non seulement dans le secteur public, mais également
dans le secteur privé. En particulier, il y a une chose que je n'ai pas
comprise dans ses propos, ce qui n'est pas exact: il dit qu'en privé je
dis qu'il faudra collaborer avec le fédéral, et que je ne le dis
pas en public. Je l'ai dit dans mon discours de deuxième lecture, cela
ne peut pas être plus public que cela, en pleine Assemblée
nationale. Je l'ai dit dans toutes mes interventions publiques depuis que je
suis ministre délégué au Commerce extérieur. Je
pense qu'il a raison, je partage son avis: dans les structures
constitutionnelles présentes comme les Québécois paient au
moins le quart de toutes les taxes, donc de toutes les dépenses du
gouvernement du Canada, il est élémentaire que nous allions
chercher en retombées, à l'intérieur comme à
l'extérieur, au moins les taxes qu'on paie, ce qui - cela, c'est une
opinion que vous ne partagez peut-être pas - n'a pas été le
cas jusqu'à ce jour. Là, je partage l'opinion du
député de Shefford selon laquelle le Québec n'a nullement
- non, vous, vous étiez dans le domaine nucléaire; le
nucléaire qui a eu certaines retombées au Québec dans
votre firme en particulier, mais dont l'essentiel s'est fait en Ontario,
d'accord? On a eu une usine d'eau lourde de 600 000 000 $, elle est
fermée et est en train de rouiller tranquillement sur les bords du
Saint-Laurent.
M. Fortier: M. le Président, une question de
privilège.
M. Landry: C'est votre firme qui l'a construite à part
cela. Ce n'est pas parce qu'elle a été mal faite, c'est parce que
le fédéral s'est trompé dans sa planification. Quoi qu'il
en soit...
M. Fortier: Est-ce que le ministre...
Le Président (M. Desbiens): ... oui, sur le sujet.
M. Landry: ... on a eu un paquet de ferrailles pendant que les
centrales nucléaires tournent en Ontario.
M. Rivest: ... esprit de collaboration. Le Président
(M. Desbiens): À l'ordre!
M. Fortier: Ce que je voudrais expliquer au ministre...
M. Landry: ... Dans le commerce extérieur... Je vous ai
écouté et je vous dis que j'étais d'accord avec les trois
quarts de ce que vous avez dit.
M. Fortier: Le ministre m'a mis en cause, je suis obligé
de dire... Juste une minute pour vous dire que j'ai fait du
génie-conseil pendant seize ans, et j'ai été chez Canatom
pendant quatre ans. J'ai fait du génie-conseil beaucoup plus longtemps
que vous ne le croyez, en dehors du nucléaire. Merci.
M. Landry: Mais je croyais que Canatom était le
couronnement de votre carrière, c'est comme pour les...
M. Rivest: C'est d'être député
libéral, le couronnement.
M. Landry: ... fonds de retraite, ce sont les dernières
années qui comptent. En tout cas, sur cela, on ne se querellera pas.
Nous pensons qu'il faut collaborer avec les fédéraux.
Contrairement à vous, nous sommes critiques vis-à-vis de l'action
du gouvernement du Canada. J'ai déjà dit que les trois quarts des
consuls du Canada à l'étranger ne savent pas la différence
entre Chicoutimi et Rimouski et encore moins entre Notre-Dame-du-Lac et
Pohénégamook, ce qui ne les aide pas à vendre des produits
québécois. Je ne dis pas qu'ils ne font pas d'efforts, mais ils
ne sont pas élevés dans notre sérail PME, parcs
industriels en région, etc.
M. Rivest: ... après six ans.
M. Landry: Quand je dis "notre", je ne dis pas celui du Parti
québécois, je dis celui du Québec. La situation,
aujourd'hui, n'est pas différente de ce qu'elle était à
l'époque où M. Robert Bourassa était premier ministre du
Québec. La diplomatie économique canadienne n'a pas donné
au Québec le rendement qu'il est en droit d'attendre, parce que les
citoyens du Québec paient des taxes à Ottawa.
Alors, là-dessus, comptez sur nous, nous allons établir la
coopération la plus suivie possible. J'avais déjà
commencé à le faire d'ailleurs, avec mon collègue, M.
Lumley, qui a été remanié, malheureusement, une semaine
après notre première rencontre. Je vais rouvrir ce dossier avec
M. Regan, qui est un ancien premier ministre de province, qui est responsable
de ce nouveau portefeuille. J'espère que nos échanges seront plus
longs que ceux que j'ai eus avec son prédécesseur, mais sur ce
point, soyez rassurés.
M. Rivest: C'est du bon monde, M. Regan. Je suis convaincu que
vous allez bien vous entendre.
Le Président (M. Desbiens): Alors, il est 22 heures. La
commission élue permanente
du commerce extérieur ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 59)