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Commission permanente de l'Education
Bill 62 Loi concernant l'organisation scolaire
sur l'île de Montréal
Séance du jeudi 5 février 1970
(Quinze heures neuf minutes)
M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A
l'ordre, messieurs!
Je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres de la commission
permanente de l'Education ainsi qu'aux membres des organismes qui voudront bien
présenter des mémoires cet après-midi et ce soir. Une
motion a été faite à l'Assemblée nationale par
l'honorable ministre de la Justice; elle demandait l'autorisation pour que la
présente commission permanente de l'Education puisse siéger en
dehors de la session.
Maintenant, j'aimerais souligner à la commission que M. Lesage a
demandé que M. Léo Pearson remplace M. Jérôme
Choquette et que M. Paul Shooner remplace M. Jean-Paul Beaudry. Vous êtes
tous d'accord? C'est M. Lesage qui, dans les circonstances, avait
demandé la permission.
M. BOUSQUET: Il est encore chef? UNE VOIX: Oui.
M. LE PRESIDENT: Nous avons ici un ordre du jour établi; mais,
avant de débuter, j'aimerais demander au ministre de l'Education s'il
aurait quelques mots à dire.
M. Jean-Guy Cardinal
M. CARDINAL: Merci, M. le Président. La commission permanente de
l'Education a déjà tenu, les 27 novembre et 11 décembre
1969, deux séances au cours desquelles des explications ont
été données, des documents ont été
déposés, particulièrement en annexe au journal des
Débats du 11 décembre. J'ai, à plusieurs reprises,
indiqué l'intention du gouvernement d'entendre, devant cette commission,
tous ceux qui voudraient se prononcer.
Je pense que nous en sommes venus maintenant à ce moment qu'un
délai raisonnable a été accordé aux gens pour se
préparer. En effet, le projet de loi 62 a été
annoncé au moment de la deuxième lecture du projet de loi 63 et
déposé avant la fin de la dernière session.
Vous avez fait référence tantôt à la motion
qui a été adoptée en fin de session, le 23 décembre
dernier. Disons que, maintenant, je laisserai la parole à d'autres. A
moins que l'Opposition n'ait quelque chose à ajouter, j'inviterais le
président à faire entendre ceux qui ont manifesté le
désir de présenter des mémoi- res devant cette commission.
Le seul mot que j'ajouterai est celui-ci: Comme je l'ai déjà
indiqué, le 27 novembre et le 11 décembre, j'attendrai d'avoir
entendu tous ceux qui se prononceront sur le projet de loi, pour, au nom du
gouvernement, définir alors la position du gouvernement au sujet des
amendements qui pourraient être apportés au projet de loi 62.
Je vous remercie, M. le Président, et je laisse la parole
à ceux qui voudraient s'exprimer.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député d'Ahuntsic aurait
quelques mots à dire?
M. Jean-Paul Lefebvre
M. LEFEBVRE: M. le Président, je serai aussi bref que le
ministre, parce que c'est notre intention, évidemment, d'entendre les
représentants des groupes qui ont demandé à s'exprimer
à propos de ce bill dont l'importance ne saurait être mise en
doute. Quant à nous, je puis assurer tous les membres de la commission
de notre collaboration vigilante, ce qui ne veut pas dire de notre
acquiescement à tous les points de vue émis par le gouvernement.
J'aurais moi-même quelques questions à poser au ministre en
rapport avec la déclaration qu'il vient tout juste de faire, mais je
m'en abstiendrai pour l'instant, y revenant un peu plus tard, peut-être,
après que nous aurons entendu les commentaires. Le ministre a
déclaré qu'il attendait la fin des audiences pour définir
clairement les positions du gouvernement. Cependant, nous savons que certaines
de ses déclarations ont été interprétées de
différentes façons dans les journaux. Peut-être que les
témoignages qui nous seront donnés cet après-midi
permettront justement d'éclaircir certains points qui demeurent,
à notre avis, obscurs quant au fonctionnement du bill 62.
Pour l'instant, c'est tout ce que nous avons à dire de ce
côté-ci, mais nous allons, bien sûr, d'abord, écouter
et sans doute aussi avoir des questions à poser aux gens qui viennent
témoigner. Je vous remercie, M. le Président.
M. CARDINAL: M. le Président, permettez-moi, juste comme
détail technique, d'ajouter ceci : Nous avons convenu de cesser cette
séance à 17 h 30.
M. LE PRESIDENT: A 5 h 30.
M. CARDINAL: C'est ça, à 5 h 30, quitte, si, à ce
moment-là, on se rend compte que d'autres veulent se faire entendre
aujourd'hui, à reprendre les travaux vers 8 h ou 8 h 15, ce soir.
M. LE PRESIDENT: Le premier organisme inscrit est The Montreal
Association of School Administrators. Leur porte-parole est M. Wright.
M. WRIGHT: M. le Président, je voudrais
vous présenter les membres de l'exécutif de notre
association: M. Stafford, qui est le porte-parole de notre association, M.
Rivard, M. Parker et M. Campbell. M. Stafford parlera pour l'association.
M. Stafford
M. STAFFORD: M. le Président, M. le ministre, mesdames,
messieurs, j'ai l'honneur de parler au nom de mes 150 collègues,
principaux, qui travaillent au Bureau métropolitain des écoles de
l'île de Montréal.
Il me fait plaisir d'être ici avec vous, cet après-midi,
pour présenter ce mémoire sur le projet de loi 62. The Montreal
Association School Administrators, désignée dans ce texte sous le
nom d'Association des administrateurs d'écoles, est une association de
caractère professionnel qui unit les principaux et les vice-principaux
des écoles élémentaires et secondaires placées sous
la juridiction du Bureau métropolitain des écoles protestantes du
grand Montréal.
L'Association des administrateurs d'écoles se déclare en
faveur de certaines sections du projet de loi 62, soulève quelques
objections quant à certaines autres sections mais se déclare
avant tout à la fois alarmée et très inquiète
devant la très sérieuse menace que le projet de loi 62
représente envers la culture et la langue anglaise ainsi que leur
survivance dans cette province.
L'Association des administrateurs d'écoles est d'avis que les
droits culturels et linguistiques des communautés françaises et
anglaises de l'île de Montréal seraient bien mieux
protégés si on adoptait un système parallèle de
neuf commissions scolaires régionales de langue française d'une
part, et quatre commissions scolaires régionales de langue anglaise
d'autre part.
Points essentiels de la loi proposée, que l'Association des
administrateurs d'écoles approuve:
L'Association des administrateurs d'écoles approuve les points
suivants du projet de loi 62 :
L'égalité dans l'évaluation foncière. Le
taux uniforme de taxes. La répartition des fonds entre les commissions
scolaires selon les besoins réels. La réduction du nombre des
commissions scolaires. (Il est à noter pourtant à cet effet
qu'à l'heure actuelle l'éducation protestante sur l'île de
Montréal se trouve placée en tout et pour tout sous la
responsabilité de deux commissions scolaires régionales
seulement, à savoir: le Bureau métropolitain des écoles
protestantes du grand Montréal et la Commission scolaire
régionale de Lakeshore.) L'instauration de l'éducation
multi-confessionnelle. La centralisation des fonctions et des services
administratifs (nous nous sentons ici obligés de souligner une fois de
plus qu'une telle centralisation est déjà établie dans le
secteur protestant). L'extension du droit de vote en matière
scolaire.
Mais nous avons des objections à certaines dispositions du projet
de loi 62. En voici quelques unes:
Dans cette partie du mémoire, l'Association des administrateurs
d'écoles se propose d'expliquer pourquoi elle s'oppose, entre autres,
à quatre des dispositions du projet de loi 62.
Les pouvoirs des commissions scolaires. Alors que l'Association des
administrateurs d'écoles reconnaît le besoin réel d'une
plus grande coordination sur l'île même et la
nécessité d'une réorganisation pour assurer une
éducation d'égale valeur à tous, elle s'oppose
néanmoins à toute diminution exagérée des pouvoirs
attribués aux commissions scolaires.
Compte tenu du fait que la section 203 décrit bien insuffisamment
les fonctions mêmes des commissions scolaires au sein d'un système
d'éducation moderne, l'Association des administrateurs d'écoles
propose que le projet de loi 62 soit plus spécifique sous ce rapport et
que soient incluses les fonctions spécifiques suivantes dans la liste
des fonctions des commissions scolaires:
(a) l'organisation et l'administration des jardins d'enfants, ou classes
maternelles, de l'enseignement élémentaire et secondaire au
bénéfice des enfants qui résident dans les limites de son
territoire, ainsi que pour les adultes qui expriment le désire de
parfaire leur éducation ;
(b) la surveillance de l'enseignement même, dans le but constant
d'en améliorer la qualité; la sélection de certaines
méthodes d'enseignement mises à la libre disposition des
écoles; l'organisation des classes et le souci constant d'encourager le
développement de programmes supplémentaires nouveaux et
expérimentaux;
(c) l'organisation de services médicaux, sociaux et
psychologiques ainsi que de services d'orientation professionnelle et de
pastorale, requis pour toutes les écoles sous sa juridiction et
l'intégration de tels services dans toutes les écoles;
(d) la sélection, l'engagement et le congédiement du
personnel enseignant et autre, y compris le personnel administratif, des
écoles sous sa juridiction ainsi que l'attribution de postes respectifs
après consultation avec les personnes en cause;
(e) l'entretien et la réparation des immeubles; la
prévision des besoins futurs autant en locaux qu'en équipement;
le choix du meilleur emplacement possible pour toute nouvelle école ; la
soumission au Conseil scolaire de l'île de Montréal de tous les
projets d'acquisition, de
rénovation, de construction et de spécifications
académiques; l'achat du matériel requis; l'organisation du
transport des élèves et l'administration des
cafétérias ou cantines scolaires;
(f ) l'établissement du budget nécessaire au bon
fonctionnement des écoles de son secteur.
Afin de pouvoir offrir toutes les garanties religieuses au sein des
commissions scolaires régionales de langue française et de langue
anglaise, l'Association des administrateurs d'écoles préconise
qu'il faudrait que les commissions scolaires régionales puissent en plus
assumer les fonctions suivantes:
L'organisation éventuelle d'écoles catholiques,
protestantes et autres que catholiques et protestantes à
l'intérieur de chacune des neuf commissions scolaires régionales
de langue française et des quatre commissions scolaires
régionales de langue anglaise, et compte tenu du nombre
d'élèves en cause,
Au cas où une telle éducation ne puisse s'offrir sur le
territoire même de leur commission scolaire régionale, toutes les
dispositions nécessaires devront être prises pour permettre
à ces enfants de fréquenter des écoles hors de leur
district, où ils seront en mesure de bénéficier de
l'éducation confessionnelle ou non confessionnelle selon le désir
exprimé par leurs parents.
Dispositions transitoires pour ces commissions scolaires:
Nous sommes d'accord que les premiers membres des nouvelles commissions
scolaires soient nommés tel que spécifié dans l'article 4,
page 38, du projet de loi 62, mais, au lieu d'être nommés par le
gouvernement, qu'ils soient choisis un mois avant l'établissement des
commissions scolaires permanentes, et choisis par un collège
électoral institué par les commissions scolaires existantes.
Le rôle du comité d'école. Le rôle du
comité d'école est tellement mal défini, que, dans
certains cas au moins, il existe le réel danger que les membres du
comité d'école puissent concevoir que le vrai rôle consiste
plutôt à dicter à l'autorité compétente, en
l'occurrence le principal, une ligne de conduite à suivre plutôt
que de se contenter de remplir une fonction purement consultative. Ce
rôle du comité d'école devra être indiqué avec
plus de précision, et ceci pourrait se faire, selon l'avis de
l'Association des administrateurs d'écoles, si le paragraphe b) de
l'article 623, qui énumère les fonctions des comités
d'école, était purement et simplement éliminé. Il
s'agit à 623 b) de la stipulation de veiller à la qualité
de l'enseignement donné à l'école.
L'Association des administrateurs d'écoles estime que c'est avant
tout la responsabilité d'un éducateur professionnel que de
veiller à l'amélioration du programme d'enseignement. Il peut
mieux le faire, et d'une façon plus compétente et plus
professionnelle, grâce à son entraînement et à son
expérience.
L'Association des administrateurs d'écoles recommande en plus que
l'article 623 soit changé, de façon à préciser sans
ambages que le vrai rôle du comité d'école est purement
consultatif de nature et non point à caractère exécutif.
Pour clarifier ce point, l'Association des administrateurs d'écoles
tient à préciser que les principaux consultent déjà
les membres de leurs personnel enseignant quant aux questions
pédagogiques et administratives bien que la responsabilité de
prendre la décision reste entre les mains de l'autorité
compétente, soit le principal.
De plus en plus, et ceci surtout au niveau secondaire, les principaux
trouvent opportun de consulter même les étudiants sur
d'éventuels changements qui pourraient toucher ces derniers. Il reste
néanmoins bien établi ici aussi que la décision finale au
niveau de l'école revient au représentant de la commission
scolaire, à savoir le principal. Le conseil scolaire transitoire qui
remplira ces fonctions en attendant l'établissement définitif
d'un conseil scolaire permanent de l'île devrait être
constitué d'une façon beaucoup plus démocratique. Il
devrait, en effet, comprendre trois membres choisis par le
lieutenant-gouverneur en conseil et dix autres membres choisis par les
commissions scolaires mentionnées dans la section 3, paragraphe 9 a)
à d), des dispositions transitoires et finales du projet de loi 62.
Le conseil permanent. L'article 662 du projet de loi 62 devrait
être amendé ainsi: "Le conseil est composé de quinze
membres dont treize seront nommés à raison d'un membre de chacune
des neuf commissions scolaires régionales de langue française et
d'un membre de chacune des commissions scolaires régionales de langue
anglaise".
L'article 666 devrait être amendé ainsi: "Toute vacance est
comblée par la commission scolaire régionale respective".
L'association des administrateurs d'écoles suggère ces
amendements parce qu'elle est fermement convaincue que seul un système
basé sur les deux langues jusqu'au niveau des commissions scolaires
régionales sera capable de représenter au mieux les
intérêts des communautés linguistiques de l'île,
à savoir la communauté francophone et la communauté
anglophone. Ce point se trouve développé davantage dans la
conclusion de ce mémoire. En plus, l'Association des administrateurs
d'écoles pense que la nomination des membres du conseil scolaire par le
lieutenant-gouverneur en conseil représente en soi une déplorable
et sérieuse négation du vrai principe démocratique.
L'exigence quant à la citoyenneté canadienne pour les
électeurs des commissaires élus au suffrage universel devrait
être rayée de l'article
594, car elle représente une flagrante discrimination envers les
immigrants.
L'importance de la protection de la culture de la minorité.
L'Association des administrateurs d'écoles est fermement convaincue que
sur l'île de Montréal où les deux principaux groupes
linguistiques sont représentés en grand nombre, l'administration
et l'organisation des écoles devraient être à base
linguistique, et ceci jusqu'au niveau même des commissions scolaires
régionales.
Un tel système permettrait de dispenser un enseignement de valeur
capable de refléter à plein la culture française et la
culture anglaise. La culture, l'essence même de l'existence, se trouve
enracinée dans la langue. Elle représente un héritage bien
digne d'être transmis à fond. C'est justement au niveau de la
commission scolaire, responsable de l'organisation pédagogique, et au
niveau des écoles, responsables de l'enseignement propre, que la culture
peut se transmettre au mieux.
Seule l'instauration des officiers administratifs français,
anglais, catholiques romains, protestants et autres que catholiques romains et
protestants, telle que proposée dans le projet de loi 62, n'assure pas
en soi-même une protection adéquate aux groupes des
minorités placés sous la juridiction des commissions scolaires
proposées par le projet de loi 62.
Le projet de loi 62 accorde quelques protections confessionnelles sur le
plan des études. Il devrait pourtant aussi accorder des protections
linguistiques-, car, depuis 1867, c'est bien la langue qui a remplacé la
religion, en somme, comme véhicule de la culture et comme base de la
survivance culturelle. C'est cette survivance culturelle justement qu'il s'agit
de protéger.
Le projet de loi 63 accorde aux parents le droit de choisir la langue
dans laquelle les cours seront donnés à leurs enfants. Mais ce
même droit se trouve presque annulé du fait que selon les
dispositions du projet de loi 62, ces mêmes parents pourraient bien se
trouver placés dans une situation minoritaire, sans voix quelconque,
sans recours et sans contrôle quant aux cours dispensés.
A moins que le projet de loi 62 soit amendé pour accorder plus de
garanties aux minorités, garanties qui, selon l'Association des
administrateurs d'écoles, pourraient être assurées au moins
sous un système d'éducation anglophone et francophone, il est
inévitable que la langue et la culture de la minorité anglaise
disparaîtront peu à peu, et avec elles disparaîtra aussi
cette dualité culturelle qui a tant contribué à enrichir
la vie des citoyens de cette province. Cette dualité culturelle devrait
être maintenue à tout prix.
C'est par l'intermédiaire du système d'éducation
que sont préservées et perpétuées à la fois
la langue et la culture. Le projet de loi 62 laisse toute minorité
anglaise et française à découvert, sans protection
aucune.
Accorder le droit à une éducation en français ou en
anglais ne signifie rien en soi, si en même temps on n'accorde aucune
garantie et aucune protection quant au programme et à la mise en
pratique de cette éducation. Tout droit en somme n'est qu'illusoire si,
par manque de protection adéquate, ce droit ne peut se faire valoir le
cas échéant. Ce sont les commissions scolaires régionales
élues démocratiquement et séparément par chaque
groupe linguistique qui sauront seules protéger le droit de
développer et d'adapter les programmes d'études. C'est un
système linguistique double qui offre la plus grande protection aux deux
communautés linguistiques quant au contrôle effectif des questions
éducatives.
Une autre stipulation du projet de loi 62 inquiète quelque peu
l'Association des administrateurs d'écoles. Il s'agit de l'article 622
qui dit: "... le mot "école" désigne un édifice ou une
partie d'un édifice qui est occupé par un groupement d'enfants et
d'instituteurs sous l'autorité d'un directeur et où se donnent
soit les cours adaptés ou reconnus pour les écoles publiques
catholiques, soit les cours adaptés ou reconnus pour les écoles
publiques protestantes, soit ceux qui sont applicables aux écoles
publiques autres que catholiques ou protestantes."
Ceci présuppose la possibilité que, dans un même
édifice, on offre six différents types d'enseignement: catholique
français, protestant français, catholique romain anglais,
protestant anglais, et autre que catholique romain français ou anglais,
ou protestant anglais ou français, chaque section avec son propre
comité d'école, le tout constituant un vrai imbroglio
administratif. Ceci par lui-même rendrait difficile, sinon impossible,
toute adaptation pratique de méthodes modernes relatives à
l'établissement des emplois du temps dans les écoles secondaires.
Il est des plus probable d'ailleurs, que ce qui va se passer, c'est que dans
bien des régions de l'île de Montréal les enfants
anglophones seront tout simplement obligés de fréquenter des
écoles où le personnel et la plupart de l'effectif scolaire, le
ton et l'esprit ainsi que l'orientation générale seront tous
français de nature. En d'autres régions de l'île, ceci
pourrait fort bien s'avérer le cas pour les élèves
francophones.
Ce qui en résulterait, et cela, bien des citoyens de diverses
origines le regretteraient bien, c'est le développement de certains
ghettos linguistiques, vu que les anglophones auraient tendance à aller
s'établir dans les régions de l'île placées sous la
juridiction des commissions scolaires régionales à la
majorité anglaise, alors que les francophones se retireraient de ces
régions pour aller s'établir dans celles où les
commissions scolaires seraient en majorité françaises.
Dans la province de Québec, il y a environ un million d'habitants
anglophones, soit une population plus forte que celle de plusieurs provinces
canadiennes. Il s'agit d'une minorité
qui, au cours des années, a contribué en grande partie au
développement même de la province, une minorité qui
désire rester et qui apprécie de vivre dans un milieu
biculturel.
Lorsque l'Association des administrateurs d'écoles se
déclare en faveur de commissions scolaires de langue française et
de langue anglaise, elle rejoint entièrement le Bureau
métropolitain des écoles protestantes du grand Montréal
dans ses recommandations soumises à la Commission Gendron. Bien que du
côté anglophone nous ayons accompli beaucoup déjà
par le passé dans l'enseignement du français aux anglophones, il
nous faudra encore redoubler d'efforts pour assurer que nos
élèves deviennent de plus en plus bilingues, comprennent et
apprécient davantage la culture canadienne-française, et
reconnaissent mieux le fait canadien français au sein de la vie
canadienne.
Conclusion: Il ne faut pas oublier que c'est l'avenir de nos enfants qui
nous tient à coeur et que nous voulons à tout prix assurer.
Alors, n'agissons pas trop vite! Pour eux, les changements brusques sont
difficiles à accepter. Pour eux, il faut s'assurer que les deux grandes
cultures fondatrices continuent à jouer un rôle très
dominant dans leur vie.
Ceci pourra se faire au mieux, nous croyons, si nous avons des
écoles sous la direction des commissions francophones et d'autres sous
la direction des commissions anglophones, toutes sous la direction
générale du seul conseil scolaire pour l'île de
Montréal que nous avons proposé dans ce mémoire.
Mais l'important sera de travailler ensemble de bonne volonté,
afin que nous puissions tous nous aider les uns les autres. Dans le but de
développer un bon système d'éducation, nous devrons tous,
par nos actes et par notre exemple, créer un climat de confiance et de
respect mutuel. Nous devrons tirer parti au maximum de notre héritage
multiple et ainsi assurer le bonheur et la prospérité de
tous.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Stafford. Est-ce que des membres de la
commission auraient des éclaircissements, à demander, toutefois,
sans engager aucun débat?
M. CARDINAL: Non, ce n'est pas un éclaircissement. Je voudrais
remercier M. Stafford et The Montreal Association of School Administrators pour
leur contribution à l'étude du projet de loi 62. Leur
mémoire, comme les autres, que nous entendrons, sera colligé au
ministère et au gouvernement et nous étudierons toutes ces
suggestions qui nous sont faites. Merci.
M. LEFEBVRE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Oui, le député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: J'aurais, pour ma part, quelques questions à poser
à M. Stafford. Il y a plusieurs affirmations dans le mémoire que
M. Stafford et les autres représentants du groupe aimeront certainement
préciser.
Tout d'abord, je voudrais, quant à moi, indiquer clairement que
nous avons déjà, lors d'auditions antérieures de la
commission, de ce côté-ci de la table, mentionné notre
opinion à l'effet qu'il manquait certainement, sur le plan, au moins, du
fonctionnement administratif, certaines garanties quant à la protection
des minorités, que ce soit des minorités linguistiques ou des
minorités religieuses. Alors, sur ce plan-là, au moins, je crois
que nous avons certains sentiments en commun avec les points de vue qui
viennent d'être exprimés. Par ailleurs, quant à moi, je ne
saurais aller aussi loin que le vont les représentants du Montreal
Association of School Administrators, en s'op-posant au principe même de
la commission scolaire unique. J'aimerais demander à M. Stafford et aux
autres représentants de l'association de bien vouloir nous dire en
quoi... Je sais que ce sont tous des gens d'expérience. D'ailleurs, on
le voit facilement à leur âge. Les hommes n'ont pas d'objection,
contrairement aux femmes, à ce qu'on fasse allusion à leur
maturité sur le plan de l'âge.
MME KIRKLAND CASGRAIN: Il ne faut pas
généraliser.
M. CARDINAL: Pardon, le député de Marguerite-Bourgeoys a
une objection, là.
M. LEFEBVRE: J'ai parlé des hommes.
MME KIRKLAND CASGRAIN: Je dis qu'il ne faut pas
généraliser; il y a des femmes qui n'ont pas d'objection, non
plus.
M. CARDINAL: C'est bien, ça.
M. LEFEBVRE: C'est vrai que ma collègue manifeste une ouverture
d'esprit considérable. M. le Président, j'aimerais poser la
question suivante:
Chacun sait qu'autrefois l'éducation était
administrée selon un système parallèle qui était
presque sans rapport; vous aviez d'un côté le comité
catholique, de l'autre le comité protestant, et on prenait pour acquis
bien à tort d'ailleurs que catholique voulait dire
français et que protestant voulait dire anglais. Cette équivoque
mise de côté qui était pourtant de taille, mais on a
vécu avec cette équivoque pendant des années il
reste que nous avions deux systèmes parallèles. Par la
création du ministère de l'Education, nous avons maintenant une
administration unique de l'éducation dans la province de Québec,
et les pouvoirs autrefois détenus par le comité catholique et le
comité protestant sont maintenant détenus par le ministre de
l'Education. Je ne vous demanderai pas de faire l'éloge du ministre
actuel, ce
n'est pas mon propos, mais sur le plan du fonctionnement,
indépendamment de la personnalité du ministre que vous pouvez
aimer ou ne pas aimer, ce qui m'intéresse de savoir est: Avez-vous des
faits à apporter, devant les membres de cette commission, qui
démontrent que le fonctionnement des écoles de langue anglaise
à Montréal a été en quelque façon rendu plus
difficile du fait que nous avons maintenant, au niveau provincial, une
administration unique? J'apprécierais beaucoup si ces messieurs
voulaient répondre à cette question.
M. STAFFORD: Je pourrais répondre moi-même. Mais, si vous
me permettez de dire une seule chose: Puisque nous avons ici au moins 150
années d'expérience dans l'enseignement, si je multiplie et
divise, peut-être permettrez-vous alors qu'un de mes collègues
réponde. Mais, j'aimerais bien profiter de l'occasion pour dire que
l'idée de travailler sous un ministère, avec un ministre, ne nous
a certainement pas rendu la vie difficile, au contraire. Cependant, il y a
certaines choses qui doivent être au niveau régional, et
peut-être qu'un de mes collègues aimerait bien parler de cela.
Franchement, j'aimerais bien féliciter le ministre des
progrès suggérés dans ce projet de loi, mais pas tel que
c'est proposé. Il y a beaucoup de choses que nous aimons, mais pas tout
le bill.
M. PARKER: Je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter, M. le
Président, mais je vois l'administration de l'éducation dans
cette province comme une espèce de pyramide. Naturellement, au haut de
cette pyramide, il y a le ministère de l'Education et M. le ministre.
Maintenant, sous ce ministère, l'éducation est unie et, dans
l'île de Montréal, le projet de loi propose qu'il y ait une autre
unification sous le conseil de l'île. Nous sommes tout à
fait d'accord avec ce niveau d'unification. Mais, c'est au niveau des
commissions scolaires que nous avons un peu peur, parce que nous croyons que
c'est à ce niveau que le système qui existe dans le moment donne
aux communautés l'occasion de se développer dans leur propre
nature, dans leurs propres goûts.
Dans notre système, sous le Bureau métropolitain du grand
Montréal, depuis longtemps les professeurs, les principaux et les
administrateurs ont eu l'occasion de se réunir pour créer leur
propre programme d'éducation selon les besoins des élèves
auxquels nous enseignons. Nous croyons que nous sommes plus au courant, pour
faire ces ajustements dans le programme, qu'un ministre ou un ministère,
et même plus au courant que le conseil de l'île.
Nous croyons que si nous voulons continuer à garder notre culture
et nos traditions, il faut que ces commissions régionales continuent
d'exister. Nous voyons un certain danger dans une région scolaire
où il y a une majorité d'anglophones et une petite
minorité de francophones. Il y a toujours le danger, dans ces
structures, que les intérêts et les traditions de la
minorité ne soient pas protégés.
M. LEFEBVRE: Monsieur, si vous me permettez de faire un commentaire,
vous dites que cela vous fait un peu peur. Je crains que le rédacteur de
votre mémoire ait peut-être dépassé votre
pensée, car à la page 11, je lis: "Il est inévitable que
la langue et la culture de la minorité anglaise disparaîtront peu
à peu, et avec elles disparaîtra aussi cette dualité
culturelle qui a tant contribué à enrichir la vie, etc."
Cela m'apparaît être beaucoup de peur, cela.
M. PARKER: Oui.
M. LEFEBVRE: Il y a je pense...
M. PARKER: Même entre nous, il y a des degrés de peur, vous
savez.
M. LEFEBVRE: Oui. Ce que je veux suggérer, monsieur, et je le
fais en toute amitié, je pense que dans ce débat-là il est
important que personne, de nous tous, n'outrepasse outre mesure sa
pensée parce que finalement ce qu'il va falloir trouver c'est un modus
vivendi qui va être accepté et autour duquel il pourrait y avoir
un consensus.
Je me permets, en toute amitié, de vous dire que des phrases
comme celle que je viens de lire m'apparaissent nettement
exagérées. Maintenant, si vous me permettez, j'ai une autre
question. Vous m'avez répondu d'une façon satisfaisante. Je ne
sais pas si cela a satisfait tous mes collègues, mais quant à
moi, je suis très satisfait de votre réponse concernant
l'établissement du ministère de l'Education. Maintenant, vous
savez très bien, puisque vous êtes Montréalais comme moi,
qu'à côté des écoles protestantes à
Montréal il y a des écoles catholiques de langue anglaise.
Vous savez que ces écoles catholiques ont, depuis toujours,
coexisté à l'intérieur d'une même commission
scolaire avec des écoles de langue française. Est-ce que vous
iriez jusqu'à prétendre que le fait que ces écoles
catholiques de langue anglaise aient été sous la juridiction
d'une commission scolaire catholique à majorité française
ait réduit la qualité de l'éducation? Autrement dit,
est-ce que vous croyez que la qualité de l'éducation dans vos
écoles est de beaucoup supérieure à la qualité de
l'éducation qui est donnée dans les écoles anglaises
catholiques?
MR. WRIGHT: Could I speak in English?
M. LE PRESIDENT: Yes, sure.
MR. WRIGHT: I do not feel that the quality
of the instruction given in the schools of the protestant sector is that
so much better than that given in the schools of the catholic sector. I feel
that we are running fairly well parallel on courses. As a matter of fact, in
some instances, the catholic school system is, I would say, perhaps superior,
in such things as mathematics, and so on. They have gone ahead quite a bit, as
far as we are concerned. We are not here to say that the English protestant
system is all that much better than the English catholic system or even the
French system.
MR. LEFEBVRE: May I answer that this fact conctredicts your fundamental
position, because there you have a living fact in Montreal where you have the
proof that under a unique school board you can have English schools of good
quality, which you seemed to admit yourself.
MR. WRIGHT: Well, what we would like to do would be to preserve our
English language cultural background, and I think this is a fair
proposition.
M. PARKER: Est-ce que j'ai votre permission aussi de présenter
mes pensées un peu compliquées en anglais?
M. LE PRESIDENT: Bien sûr.
MR. PARKER: You are talking about a situation where there is an English
catholic section belonging to the Montreal Catholic School Commission, but in
an island situation where there is also a Protestant School Board of Greater
Montreal, which is a constant reminder, that English quality education is
available and which provide some kind of encouragement to the Catholic School
Commission of Greater Montreal to continue to provide quality education to its
English adherents.
I am not here either to undersell the work that has been done by the
Protestant School Board of Greater Montreal. It may not be known here, but in
an independent survey of educational system, the Protestant School Board of
Greater Montreal has rated among the top ten, not only in canada, but in the
whole continent of North America, and we as administrators of that board are
extremely proud. Now this was not achieved, I would like to point out, by
simply someone at the top, making decisions and passing these decisions down.
It was achieved by a cooperative effort on the part of all of us: teachers,
administrators and board members. And it is a philosophy which, I would say,
has been existing for a long time within our board and which is coming to be
more and more in other systems throughout the Province. Even the Parent
Commission, when they made their surveys throughout the Province the
Minister will recall was lavishing its praises of the excellent work
that was being done in the schools, under the Protestant School Board of
Greater Montreal. It is this excellence, this quality of education which is
still not perfect... My goodness! We have got miles to go and many improvements
to make but, by gosh, we do not want to loose what we have! I would rather see
a bill that would start with the good things that we have and move on ahead
instead of placing the things that we have in jeopardy by completly new kind of
organization, a completly new kind of structure which would chop up us in the
face.
M. LEFEBVRE: Je pense bien que vous aurez compris que, quant à
moi, je ne défends pas le projet de loi tel qu'il est. Je crois qu'il
comporte beaucoup de défauts; en particulier, le découpage de la
carte m'apparaît tout à fait arbitraire et indéfendable. Je
crois que, rien que là-dessus, il faudra faire une discussion assez
prolongée. Mais, il est important, par respect pour votre point de vue
et pour l'importance du groupe que vous représentez, que nous fassions
autre chose que simplement vous dire comme le ministre a dit: Messieurs, vous
avez été bien gentils de venir nous voir. Nous allons penser
à cela.
Quant à moi, j'aime mieux vous dire en votre présence ce
que je pense de ce que vous avez dit. Je trouve ça plus courageux,
peut-être, que simplement vous écouter et dire: J'étudierai
ça dans mon bureau avec mes fonctionnaires. Je crois que c'est plus
démocratique aussi, si on me permet, en toute modestie, d'en faire la
remarque.
Il y a un autre point sur lequel j'aimerais avoir l'opinion de ces
messieurs. Vous faites allusion et Dieu sait avec combien de raison
au fait que les structures proposées pour le Conseil scolaire de
l'île de Montréal ne sont pas du tout démocratiques,
c'est-à-dire la façon dont le bill propose de former ce conseil
scolaire. J'aimerais avoir votre opinion, parce que, sauf erreur, vous avez une
expérience précise à ce niveau. J'aimerais avoir votre
opinion sur le problème du double mandat, c'est-à-dire
indépendamment du mode de nomination des membres du conseil de
restructuration scolaire, qu'ils soient ou non nommés par le ministre ou
qu'ils soient élus. Je crois que, sur ce plan, tous les groupes que j'ai
entendus ont dit à l'unanimité qu'il y avait beaucoup trop
d'influence du ministre là-dedans et que c'était une officine
gouvernementale qu'on voulait créer. Tout le monde, en tout cas à
part le gouvernement, a l'air d'être d'accord là-dessus. Je crois
que, sur ce plan, le gouvernement restera seul avec lui-même. Mais, il y
a un autre problème, beaucoup plus technique celui-là, un peu
plus sophistiqué, et sur lequel j'aimerais pouvoir
bénéficier de votre expérience. Compte tenu de
l'hypothèse du bill 62 à l'effet que vous avez onze commissions
scolaires régionales coif-
fées par un conseil de restructuration, est-ce que vous croyez
qu'il est bon que les membres du conseil de restructuration, qui, à mon
avis, devraient être élus mais, même s'ils sont élus,
est-ce qu'ils devraient émaner des commissions scolaires
régionales ou est-ce qu'ils devraient être choisis en dehors des
membres des commissions scolaires régionales? Ceci, à mon avis,
est une question qui fait appel à l'expérience pratique des
administrateurs. Je termine là-dessus, je ne veux pas faire un long
exposé, mais ça m'apparaft capital. Moi, ce que je crains
et je vous le dis, vous réagirez si vous n'êtes pas d'accord
c'est qu'en ayant ce double mandat, si vous voulez, on est dans une
situation, à toutes fins pratiques, où la position de membre de
commission scolaire et de membre du conseil de restructuration sera une
position fausse, en ce sens qu'il faudra presque une personne 3 plein temps.
Mais, en tenant pour acquis que nous sommes tous d'accord, à part le
gouvernement, sur l'importance démocratique d'élections, est-ce
qu'il ne serait pas préférable que les membres du Conseil de
restructuration scolaire soient des personnes différentes des membres
des commissions scolaires, de façon que les mêmes individus ne
soient pas trop taxés, si vous voulez, sur le plan de l'emploi du temps?
Autrement, il va falloir établir que ce sont des "full time jobs". Je
m'excuse si ma question a été un peu longue.
M. CARDINAL: C'est parce que ce n'est pas une question. Il y a un
certain nombre d'affirmations auxquelles, n'étant pas
démocratique, je ne répondrai pas, parce que nous sommes ici pour
étudier le bill 62 et non pas pour faire de la politique.
M. LEFEBVRE: Je ne sais pas ce que le ministre appelle faire de la
politique, mais, à mon avis, c'est de l'excellente politique de discuter
des problèmes réels. J'ai droit de ne pas aimer l'attitude du
ministre qui dit aux gens: On vous a entendus. Vous êtes gentils. Merci.
Je n'aime pas ça, moi, je le dis, c'est clair.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre.
M. STAFFORD: Je pourrais peut-être mentionner deux choses. A mon
avis, il faut quelqu'un qui connaît le système, et libérer
quelques principaux et quelques professeurs. Il faut avoir les gens qui le
connaissent le mieux le système. A mon avis, ce sont les membres qui
sont maintenant membres des différentes commissions scolaires. Il n'y a
pas de doute. Ce sont ces gens-là qui doivent former le conseil
temporaire, mais ce qui nous inquiète c'est que si les membres sont
nommés par le ministre, alors il y a un contrôle absolu.
Cette commission, ce conseil est actuellement un conseil responsable
entièrement devant le ministre, tandis qu'il doit être responsable
devant les différentes commissions scolaires.
Cela va un peu plus loin, parce que c'est même le ministre ou le
lieutenant-gouverneur c'est la même chose qui va nommer les
membres des commissions temporaires; une fois que ces membres seront
nommés, il sera peut-être un peu difficile de les remplacer.
Franchement, nous croyons qu'il faut que ce soit ces gens-là, mais au
moins que les commissions elles-mêmes aient la chance de les nommer.
M. LE PRESIDENT: Merci, monsieur. Il n'y a pas d'autres questions?
Maintenant, le deuxième organisme, le Thorndale Home and School
Association of Pierrefonds.
M. CAMPBELL: M. le Président, est-ce que je peux avoir la
permission de répondre 3 une question à laquelle nous n'avons pas
répondu complètement? Il s'agissait de la gestion de nos
confrères catholiques de langue anglaise. Leur gestion est
séparée de la gestion française catholique sur l'île
de Montréal aussi.
M. CARDINAL: ... commission scolaire?
M. CAMPBELL: Oui, mais la gestion est divisée.
M. CARDINAL: La gestion sera divisée aussi au plan des
écoles même avec des commissions unifiées en vertu du bill
62.
M. STAFFORD: Oui, mais si je peux ajouter un dernier mot, c'est que
maintenant nous avons plus de liberté pour former nos cours, etc., que
nous en aurons avec le bill 62 qui aura un contrôle absolu
concernant...
M. CARDINAL: Je regrette, mais si vous vous placez purement dans le
cadre de la technique, le projet de loi 62 vient amender
particulièrement l'article 203. Et toutes les commissions scolaires
qu'elles soient catholiques ou protestantes présentement,
dans les limites de leur liberté sont obligées, sont tenues, de
par l'article 203 comme par le projet de loi 62, de donner les programmes qui
viennent du ministère et sont approuvés par le comité
catholique et le comité protestant en vertu de la Loi du conseil
supérieur de l'éducation.
M. STAFFORD: Nous ne voulons pas changer cela. Nous le comprenons, parce
que nous travaillons dans cette situation, mais il me semble que c'est plus
serré; ce sera plus serré tel que c'est.
M. LE PRESIDENT: Merci, Monsieur.
M. STAFFORD: Merci beaucoup, monsieur le Président.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si on me le permet, il y a une
question que j'avais oubliée;
c'est une question très importante, mais enfin, ce n'est pas la
peine d'en discuter très longtemps. A la page 4 de votre mémoire,
au paragraphe a), vous souhaiteriez que dans la loi on précise davantage
la fonction des commissions scolaires et, en particulier, qu'on leur assigne la
responsabilité de l'éducation des adultes.
S'il y a onze commissions scolaires sur l'île de Montréal,
est-ce que vous ne croyez pas remarquez que je n'ai pas de solution toute
faite au problème, mais je m'interroge étant donné
le volume d'élèves au niveau des adultes bien qu'il soit
considérable, il demeurera certainement je l'imagine, moins
considérable qu'au niveau des jeunes est-ce que vous ne croyez
pas, dis-je, qu'il y a un danger de superstructure ou de dépenses
inutiles, de dédoublement? Est-ce que l'éducation des adultes, on
ne pourrait pas étudier, au moins, l'hypothèse que cela
relève plutôt directement du conseil de restructuration?
M. STAFFORD: Il y a une coordination actuellement pour ce qui est de
l'instruction au niveau régional, coordination en haut et le reste en
bas.
M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. le Président, il y a quand
même, sur ce point, quelque chose que je pourrais tout de suite affirmer.
C'est que les pouvoirs des commissions scolaires, comme les pouvoirs du
comité d'école le mémoire que nous avons entendu y
revient pourraient, dans le bill, et je le dis sans aucune
hésitation, être revus et mieux définis, en ce sens que le
projet de loi 62, qui a été sérieusement
étudié, subissant l'épreuve, si vous voulez, de la
critique publique, du travail de cette commission, méritera certainement
d'être amendé. Mais il faut partir de l'hypothèse que,
même si l'on considère que je ne fais qu'être gentil en
remerciant, le gouvernement fonctionnera exactement de la même
façon que pour le projet de loi 56. Quelles que soient les critiques ou
les remarques plus ou moins humoristiques ou acerbes que peuvent se lancer les
députés de chaque côté de cette table, c'est
entièrement dans ce sens que nous entendons travailler au gouvernement,
au ministère et au conseil des ministres. Par conséquent, les
définitions des pouvoirs à chacun des niveaux sont des choses qui
méritent d'être revues à la lumière des
expériences qui se seront manifestées dans les
mémoires.
Jusqu'où irons-nous? Ce que j'ai voulu dire tantôt, s'il
m'est nécessaire d'être plus clair, c'est que je ne puis commenter
chacun des mémoires; je ne sais pas quel en sera le nombre, et je ne
vois qu'une partie de l'expérience qui est manifestée par un
secteur de la population. Je pense qu'il est normal que le gouvernement, ayant
écouté tous ceux qui veulent se faire entendre, vienne, à
la fin, donner sa position sur tout ce qu'il aura entendu et sur ce que sera le
projet de loi. Selon les travaux de cette commission, j'interviendrai, non pas
pour défendre quelque thèse que ce soit, mais comme le
député d'Ahuntsic l'a fait, soit pour obtenir des
précisions, soit pour en apporter.
M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le ministre aurait
l'amabilité de répondre à la question suivante? Ou
peut-être ses fonctionnaires ont-ils une réponse à cela.
Est-ce que, effectivement, on a étudié le cas spécifique
de l'éducation des adultes dans le cadre du bill 62? Est-ce qu'on s'est
posé le problème de savoir à quel niveau ce serait
préférable de...
M. CARDINAL: Très franchement, le problème s'est
posé, mais il n'est pas résolu dans le projet de loi 62 tel que
présenté.
M. LE PRESIDENT: Très bien, merci beaucoup. Maintenant, Thorndale
Home and School Association of Pierrefonds, M. David Hatt.
MR. HATT: Mr. Wilson, who is a parent member of the Thorndale Home and
School Association, will present the brief on behalf of our Association. Mr.
Wilson.
M. Wilson
M. WILSON: M. le Ministre, M. le Président, mesdames et
messieurs. L'Association parents-maîtres de l'école Thorndale a
nommé un comité pour présenter un mémoire à
cette commission. Ce comité a présenté un mémoire
que, je suppose, vous avez devant vous et que je vais me permettre de vous
lire.
Mémoire présenté au gouvernement du Québec
sur le bill 62, Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de
Montréal.
Le bill 62 renferme plusieurs principes qui sont valables, tels que
l'uniformisation de la taxe scolaire, la réduction du nombre des
commissions scolaires, la centralisation des fonctions purement
administratives, la provision pour l'éducation multiconfessionnelle
ainsi que la participation des parents dans l'éducation de leurs enfants
par l'intermédiaire des comités d'écoles.
Cependant, le bill renferme en même temps une lacune grave qui a
une implication malheureuse sur l'avenir de l'éducation au
Québec. Nous voulons mentionner ici le rapport de l'établissement
d'une seule commission scolaire unifiée pour desservir à la fois
les Québécois anglophones et francophones. Un tel projet ou
proposition devrait être rejeté du fait qu'aucune garantie
adéquate n'est donnée sur la qualité de l'éducation
dans la langue minoritaire et qu'aucune disposition n'y est prise pour la
surveillance et le développement du programme d'étude de la
langue minoritaire d'aucune commission scolaire.
La recommandation du rapport Pagé, qui
propose neuf commissions scolaires françaises et quatre
commissions scolaires anglaises ayant des territoires correspondants, serait
beaucoup plus pratique et efficace au point de vue des ressources humaines
qu'au point de vue des ressources monétaires. A cette recommandation du
rapport Pagé se rattache la proposition que ces commissions scolaires
devraient garder le pouvoir d'engager le personnel enseignant et le droit de
décisions sur les fonctions pédagogiques qui affectent les
écoliers sous leur juridiction.
Pour appuyer ce point, il est tout aussi important pour les anglophones
de notre province de protéger le choix du programme d'études et
la qualité du personnel enseignant, deux éléments qui sont
aussi essentiels à la perpétuation de l'identité et de la
culture anglaises, que la possibilité et la liberté de choisir la
langue de l'instruction elle-même. Le droit à une éducation
anglaise perd sa signification si la formule de cette éducation n'est
pas garantie.
L'établissement de commissions scolaires unifiées pourrait
avoir pour résultat que plusieurs méthodes d'éducation
pourraient être appliquées dans une seule et même
école. Cela, du reste, a déjà été dit par
mon prédécesseur. Il serait possible de voir des Français
catholiques, des Français protestants, des Français d'autres
confessionnalités ainsi que des Anglais catholiques, protestants et
Anglais d'autres confessionnalités, exister sous le toit d'un même
établissement scolaire. Une telle situation amènerait
inévitablement une administration chaotique et rendrait impossible
l'application du règlement no 1, soit l'enseignement par équipes,
la promotion par matière et autres inovations.
La proposition concernant l'établissement d'un Conseil scolaire
de l'île de Montréal pour établir une taxation
uniforme, planifier et coordonner les fonctions non pédagogiques au nom
de l'efficacité et de l'économie est acceptable. Cependant,
d'après le bill 62, ce conseil sera nommé et non élu. Ce
ne sera pas servir la démocratie que de placer au sommet de
l'organisation scolaire de l'île de Montréal un conseil
nommé après que toute une série de mesures auront
été prises pour établir une représentation
démocratique au niveau du comité d'école et de la
commission scolaire. Nous sommes d'avis que le Conseil scolaire de
l'île de Montréal devrait être élu par les
commissaires de chacune des 9 commissions françaises et 4 commissions
anglaises tel que proposé par le rapport Pagé.
Ce mémoire a été adressé à tous les
parents des enfants de l'école Thorndale, qui ont été
priés de signer, enfin, s'ils étaient d'accord, avec les
quatre...
M. CARDINAL: Est-ce qu'on peut vous demander, pour l'avantage du journal
des Débats, des députés et de ceux qui écoutent, ce
qu'est l'école Thorndale?
M. WILSON: L'école Thorndale est une école
élémentaire de langue anglaise, qui fait partie du Lakeshore
Regional School Board.
M. CARDINAL: Merci.
M. WILSON: Cette formule que les parents ont signée était
rédigée de la façon suivante: "Je, soussigné,
demande au premier ministre et au gouvernement du Québec d'amender le
bill 62 de façon à rendre possible l'établissement de
commissions scolaires régionales anglaises et françaises sur
l'île de Montréal. Que la responsabilité du programme
d'étude et des méthodes d'éducation soit donnée
à ces commissions scolaires. Que les représentants au Conseil de
l'île de Montréal soient élus par et soient choisis parmi
les membres des commissions scolaires régionales. Que le choix soit
garanti pour une éducation confessionnelle dans chacune des commissions
scolaires françaises et anglaises."
J'ai ici une liste de 315 parents ayant signé cette
pétition, correspondant à peu près à 100 p.c. des
parents de l'école et ainsi que 15 professeurs de cette
école.
M. CARDINAL: M. le Président, me permettez-vous deux
brèves questions? Je les pose une après l'autre. Puis-je demander
pourquoi cette requête a été, dans sa rédaction et
dans les faits, transmise au cabinet du premier ministre qui, d'ailleurs, me
les transmet immédiatement, plutôt qu'au parrain du bill
responsable de l'éducation présentement?
M. LEFEBVRE: Le ministre ne devrait pas poser une question comme
ça, il risque de ne pas aimer la réponse.
MR. HATT: As an actual fact, the piece of paper which the parents signed
says that "I, the undersigned, request the Prime Minister and Government of
Quebec;" as an ordinary common person who lives in the Province of Quebec, I
assume that this Committee was part of the Government of Quebec and we are
quite willing to take up our petition upstairs to the Prime minister's office,
but we thought you would like to see that we are able to gather our parents;
308 of them have signed, we have 308 signatures and this represents at least,
it must be at least 100 p.c. of the parents involved, because we only have 650
to 670 children in the school, which makes 2 children per family; it would be
in the region on 300 families and we feel this represents 100 p.c. of the
families of our school. That is the reason why we brought it here this
afternoon. We do not necessarily want to give it to you. We will take it to the
Prime Minister with all due respect, but we want you to know that this does
represent the parents of the Thorndale School and also the 15 of the teachers,
out of maybe
25 teachers who work at the school and also signed the petition.
M. CARDINAL: Oui, d'accord. La deuxième question est
celle-ci.
Voici deux mémoires qui s'inquiètent de ce que l'on place
ensemble des enfants de langue anglaise et des enfants de langue
française, des enfants catholiques romains et des enfants que l'on
appelle protestants. Sait-on que, déjà, dans le comté de
Missisquoi, la commission scolaire catholique et la commission scolaire
protestante ont fait un contrat entre elles pour administrer ensemble des
immeubles utilisés en commun et que ceci a parfaitement réussi?
Ce n'est pas à Montréal.
M. WILSON: C'est très possible. Je ne connaissais pas ce
détail, mais, enfin, d'une façon générale, nous
n'avons pas d'inconvénient à voir des enfants coexister, sauf que
ça rend la chose difficile dans certains cas parce qu'il y a trop de
subdivisions à faire. S'il y a trop d'éléments
différents dans une même école, il devient très
difficile d'appliquer le règlement numéro 1, the "regulation
number 1 ".
M. CARDINAL: Je vous remercie de votre réponse, mais je voulais
quand même souligner ce fait qui existe déjà sans qu'aucune
loi ne l'ait imposé; cela a été fait volontairement.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne voudrais pas être plus
malin qu'il ne le faut mais la réponse à la première
question du ministre, nous l'avons eue dans les journaux. Il semble que, dans
les milieux de langue anglaise, on se méfie encore plus du ministre que
du texte du bill 62 ; c'est la réponse.
M. LE PRESIDENT (Crôteau): Il ne faudrait pas commercer un
débat, mais s'en tenir au principe du bill.
M. LEFEBVRE: Mais, M. le Président, un Parlement, c'est fait pour
ça! Vous êtes nouveau, mais vous allez l'apprendre.
M. LE PRESIDENT (Crôteau). Je ne suis pas ici pour...
M. CARDINAL: D'accord, M. le député d'A-huntsic, dans les
limites de la discipline, peut continuer à jouer le jeu du
parlementarisme. Je l'accepte sans commentaire.
M. LE PRESIDENT (Crôteau): Y a-t-il d'autres questions?
M. TETLEY: M. le Président, vous me permettrez un commentaire en
rapport avec le mémoire de l'Association parents-maîtres. Il y a
évidemment une inquiétude. Hier, comme bon père de
famille, j'ai reçu deux lettres de la commission scolaire de
Montréal me demandant si je pouvais assister à une réunion
et si j'allais envoyer mes enfants, suivant le bill 63, à une
école ou l'on enseigne le français.
M. CARDINAL: C'est le bill 62.
M. TETLEY: C'est en vertu du bill 63 que nous avons ce choix-là.
L'inquiétude je crois, est la suivante: c'est qu'avec le bill 62 le
changement a été trop rapide et trop grand. Voici deux
paragraphes de la lettre que j'ai reçue.
It is in English. They are asking me to have my children go to the
French school which I want to do in both cases of these two children. "English
is not taught at all in our recommended French course until grade 6. There it
gets 90 minutes a week. C'est une inquiétude.
Paragraph 4 : It is unlikely that we should be able to supply qualified
teachers for theses courses. We have great difficulty obtaining French teachers
for our school, etc."
L'inquiétude du mémoire de l'Association des
administrateurs d'écoles de Montréal, de Thorndale et la mienne
c'est: Le gouvernement du Québec, les administrateurs de Montréal
sont-ils prêts à créer cette administration?
M. CARDINAL: M. le Président, pourrais-je répondre? En
d'autres mots, le député de Notre-Dame-de-Grâce laisse
entendre que l'on trouve les fiançailles trop courtes avant d'arriver au
mariage. Enfin, ce sont des mots que j'emploie. Je les ai vus dans les
journaux. On parlait de mariage de raison, de mariage forcé et de
mariage précipité, etc. Il n'y a peut-être même pas
de période de fiançailles.
Au nom du gouvernement, et très sérieusement, que les
dates qui sont indiquées dans le projet de loi le 1er juillet
1970, le 1er juillet 1971 etc., les étapes qui sont indiquées
pour le travail du comité provisoire sont des moyens d'arriver
à un résultat. Sans promettre aujourd'hui que ces étapes
seront allongées, si vous voulez, je puis dire que nous sommes
certainement ouverts pour étudier très sérieusement la
possibilité d'étapes plus longues ou en forme de palier.
Encore une fois, je voudrais être bien clair. Je ne fais pas
aujourd'hui la promesse que ces délais seront plus longs, mais je fais
la promesse que l'étude de la mise en application totale du projet de
loi mérite de se faire. Si c'est simplement une crainte que celle-ci se
fasse trop vite, ou se réalise trop vite, je préfère que
celle-ci se réalise mieux et plus lentement plutôt que mal et trop
rapidement.
M. TETLEY: Merci, M. le ministre. Si vous permettez, je vous donne un
exemple; le bill 75. Montréal et bien des citoyens ont demandé
depuis longtemps une île, une ville, etc. Après étude,
etc., nous avons adopté un bill qui est
une étape, peut-être la première ou la
dernière étape, on ne le sait pas, mais nous avons laissé,
à 29 municipalités de l'île de Montréal, certains
pouvoirs, certaines procédures. Elles ont toutes des systèmes de
taxation différents, inâgaux, etc.
En effet, c'est une de mes inquiétudes. Je crois que c'est
peut-être l'inquiétude de l'Association parents-maîtres de
Thorndale.
M. CARDINAL: Pour aller plus loin, M. le Président, il y a quand
même une chose qui me frappe, c'est que ces inquiétudes, pour la
mise en application du projet de loi 62, n'ont pas été
manifestées par le même groupe pour la mise en application du
projet de loi 63 qui, dans le fond, amende le même article de la Loi de
l'instruction publique et pose les mêmes problèmes.
M. LEFEBVRE: M. le Président, indépendamment des
délais que contiendra le texte du bill 62...
M. CARDINAL: Si vous permettez, j'ai parlé plus que des
délais, j'ai parlé des délais et d'étapes.
M. LEFEBVRE: Oui, oui, d'étapes. Le ministre est-il prêt
à répéter l'engagement qu'il formulait devant cette
commission le 11 décembre dernier selon lequel c'est son intention de
faire voter le bill 62 au cours de la prochaine session et avant les
élections?
M. CARDINAL: M. le Président, le ministre n'a pas changé
d'idée à ce sujet et le député qui pose la question
sait fort bien que, dans ce domaine, qui est celui de l'adoption d'une loi, le
rôle de l'Opposition est fort important.
M. LEFEBVRE: Alors, la page 4334 du journal des Débats du 11
décembre demeure valide.
M. CARDINAL: Elle demeure, elle est imprimée. Comme disent les
notaires, scriptamanent.
M. LEFEBVRE: C'est bien. J'ai hâte de voir si l'avenir le
dira.
M. CARDINAL: Cela dépendra de la collaboration de
l'Opposition.
M. PEARSON: J'aurais une question à poser au ministre. J'ai vu,
dans un journal local, une annonce où on demandait aux parents de signer
une formule pour l'inscription de leurs enfants. Les gens ont l'impression que
ceux qui fréquentent, disons, une école anglaise, pour continuer
à bénéficier de la classe anglaise l'an prochain, sont
obligés de signer une formule de demande à chaque année en
vertu du bill 63. Le ministre peut-il apporter des éclaircissements
là-dessus?
M. CARDINAL: Je suis surpris d'entendre parler de cette annonce dans un
journal local. Je ne sais pas de qui vient l'initiative mais je reviens sur les
choses que j'ai dites lors du débat de deuxième lecture sur le
projet de loi 63. J'ai dit que c'était au moment de l'inscription. Je
n'ai pas dit que c'était chaque année, j'ai dit qu'au moment de
l'inscription à l'école le choix se ferait.
Il a été alors dit, par ceux qui ont participé au
débat, que le projet de loi 63 exigeait l'adoption d'un certain nombre
de règlements administratifs. Ces règlements n'ont pas encore
été adoptés par le conseil des ministres. Le travail est
fait au ministère et il sera incessamment présenté au
ministre qui en fera la recommandation au conseil des ministres. Je suis donc
surpris que des gens précèdent ainsi une réglementation
qui n'a pas encore été adoptée. C'est purement une
initiative locale qui, si vous voulez, n'est en rien justifiée par le
texte même de la loi 63 qui n'est d'ailleurs pas encore en vigueur
puisque le texte lui-même dit qu'un certain nombre d'articles le sont sur
promulgation, et un certain nombre d'articles au 1er juillet 1970.
Sans aucune hésitation, je dis que quelqu'un, peut être de
toute bonne foi, a interprété la loi, mais a oublié
qu'elle serait nécessairement complétée par des
règlements qui viendront avant une inscription des étudiants pour
la prochaine année scolaire.
M. PEARSON: D'accord. Indépendamment du fait qu'il n'y a pas de
règlement, le fait qu'un enfant soit inscrit déjà, soit
dans le secteur français, soit dans le secteur anglophone, dès la
première année, automatiquement ça voudrait dire qu'il
pourrait poursuivre ses études dans ce même secteur-là.
Alors, ces gens-là...
M. CARDINAL: Exactement, sauf s'il veut changer à un moment
donné. A ce moment-là, ça devient des cas
d'exception...
M. PEARSON: D'accord.
M. CARDINAL: ... comme ça se fait dans la vie courante. Il y a
des parents qui, présentement, à Montréal je ne me
place que sur le plan de Montréal actuellement, discutant de ce projet -
vont inscrire leurs enfants à la maternelle, en première
année, en deuxième année jusqu'en cinquième
année, dans une école française et qui vont
décider, pour que l'enfant devienne bilingue, de l'inscrire dans une
école anglaise. Au niveau universitaire, on connaît beaucoup
d'étudiants qui par exemple à la faculté de droit, font
deux ans ou trois ans à McGill et finissent à l'Université
de Montréal ou
font les mêmes années à Montréal et terminent
à McGill. Ce sont des cas exceptionnels. Ces étudiants ont
à poser un geste pour le faire.
M. PEARSON: Je suis content de cette précision. Justement, je
vous ai mentionné que c'était local. Si vous voulez que ça
fasse comme une tache d'huile et que ça prenne une envergure trop
grande...
M. CARDINAL: On dira encore une fois que c'est la faute du
ministère de l'Education, sinon du ministre.
M. PEARSON: Non, je n'ai pas dit ça.
M. CARDINAL: Non, non, vous ne l'avez pas dit, j'ai dit "on".
M. LE PRESIDENT: Le député de d'Arcy-McGee.
M. GOLDBLOOM: M. le Président, puisque nous discutons de ce sujet
précis, je voudrais attirer l'attention du ministre sur le
problème particulier de ceux qui sont déjà assez
avancés dans le système scolaire et qui voudraient quand
même poursuivre leurs études dans la langue seconde. Je pense tout
particulièrement aux enfants anglophones qui sont actuellement en 8e,
9e, 10e années et qui voudraient poursuivre leurs études, pendant
les quelques années qui leur restent dans notre système scolaire,
dans la langue française.
Nous reconnaissons à plusieurs de nos universités la
permission de faire subir les examens dans l'une ou l'autre des deux langues
officielles. Est-ce que la même permission serait accordée au
niveau des 10e, 11e années pour l'étudiant qui vient de changer
de système scolaire quant à la langue d'instruction?
M. CARDINAL: M. le Président, sincèrement, je ne pourrais
pas répondre à cette question pour le moment. Je viens d'indiquer
que je n'ai pas encore reçu ce rapport sur mon bureau. Disons que je
prends la question comme une suggestion.
M. GOLDBLOOM: Merci.
M. LE PRESIDENT: Pas d'autres questions?
Nous vous remercions. Maintenant, en troisième lieu, The Montreal
Board of Trade, Mr. J.-B. Porteous.
M. J.-B. Porteous
Mr. PORTEOUS: M. le Président, Mme Casgrain, messieurs.
My name is Barry Porteous, and as President of the Montreal Board of
Trade it is my pleasure to express the Board's appreciation to you of the
Education committee for this opportunity to present our views and opinions
regarding Bill 62, an Act respecting the school reorganization in the Island of
Montreal.
My confreres who are with me today are all businessmen interested in
education and have served on planning and action committees for a number of
years at the local and regional levels.
Mr. Hugh P. Davidson is an executive of Gemst Act Limited. Mr. Lindsay
H. Place, Q.C., is secretary and director of the Aluminum Fudiciaries Limited,
one of the management group on companies of Alcan Aluminum Limited. Mr. Douglas
Sheldrick is the vice-president and director of Baily Meter Limited in Lachine
and Mr. Lome Tracey is the General Manager of our Board of Trade.
First let me state that the Montreal Board of Trade is a business
association and its prime function is to speak and to act in the economic
interest of its corporate members and the business community at large. The
point has been made many times and it must again be underlined that the
Montreal area is an economic entity which is not only a region of this
province, but, more that any other part of the province, it is also a national,
a North American and indeed an international business center.
If the Montreal region, which is a major financial and economic pillar
of the Province of Quebec, is to continue to grow and develop, the special
needs of such a business community must be recognized and satisfied. It is
within this context that we have examined bill 62. Mr. Chairman, to summarize
our position, I propose to read, with your permission, a few of the
key-paragraphs from our brief adding them with certain pertinent comments.
Principes d'enseignement
La collectivité d'affaires est en faveur de
l'égalité des droits à l'enseignement pour tous et d'une
structure scolaire démocratique.
L'égalité des droits à l'enseignement, comme le
soulignent des enseignants compétents, ne doit pas entraîner
l'uniformité de cet enseignement. Il faut favoriser la souplesse des
programmes d'études et la diversité des méthodes
didactiques afin de répondre aux besoins changeants et de plus en plus
nombreux de l'importante collectivité actuelle.
La porté fiscale du bill 62
Le Montreal Board of Trade appuie la portée fiscale du bill 62,
telle qu'exprimée dans les articles du projet de loi relatifs à
la diminution du nombre des commissions scolaires, à l'uniformisation de
la taxe scolaire, à la normalisation des évaluations, à la
centralisation des services communs dont le transport, les services
d'informatique, le recensement scolaire, le financement, etc.
Les diplômés et la collectivité
d'affaires
On ne saurait nier que l'économie québécoise, dans
son ensemble, évolue dans un contexte commercial nord-américain
et international, et que la langue des affaires internationales est l'anglais.
La collectivité d'affaires du Québec, tant française
qu'anglaise, l'a maintes fois souligné. Du simple point de vue de leurs
opérations, les entreprises nationales et internationales
établies au Québec doivent communiquer en anglais, du moins 3
l'extérieur de la province. Dans quantité d'entreprises, la
mobilité du personnel constitue un processus et un besoin normaux. Le
personnel doit pouvoir passer aisément d'un établissement
à l'autre de l'entreprise, où qu'ils soient situés.
Compte tenu de ce qui précède, il est essentiel que le
Québécois d'expression anglaise, déjà capable de
vivre dans le contexte nord-américain des affaires et des
communications, devienne apte à travailler de façon plus efficace
dans le milieu québécois francophone et que le
Québécois d'expression française, déjà
préparé à vivre dans le contexte québécois
immédiat des affaires et des communications, devienne apte à
communiquer de façon efficace en anglais au sein des
collectivités d'affaires canadienne, nord-américaine et
internationale.
Il faut pour cela que les établissements scolaires du
Québec, surtout ceux de la région de Montréal, produisent
des diplômés canadiens bilingues, tant francophones
qu'anglophones. En effet, Montréal est un cas tout spécial,
étant le pont qui relie les deux langues.
Différences culturelles
Bien que la langue constitue de toute évidence un aspect
important des communications, certains affirment que le milieu culturel de
l'individu a aussi un rôle important à jouer sur le plan des
communications puisqu'il détermine son interprétation de
certaines situations et ses réactions à son égard.
Cette théorie a récemment été mise de
l'avant par la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le
bivulturalisme dans le livre III de son rapport, intitulé "Le monde du
travail", où l'on trouve certaines observations dans le chapitre ayant
trait aux différences culturelles dans le monde du travail. Ces
différences d'ordre économique pour l'anglophone et
socio-économique pour le francophone proviennent en grande partie de
l'éducation. Par conséquent, les systèmes d'enseignement
réflétant les voeux des collectivités
intéressées à les promouvoir doivent nécessairement
différer sous certains aspects fondamentaux, comme ceux des
méthodes d'enseignement, des principes directeurs, etc.
Il faut laisser aux francophones et aux anglophones le temps d'en
arriver à un point d'entente sur l'attitude à adopter face
à leurs objectifs communs, qui assurera l'alliance la plus efficace et
la plus acceptable des deux systèmes dans le contexte
nord-américain.
Recommandations touchant la structure du système scolaire.
Le Montreal Board of Trade est d'avis que: a) La structure scolaire
proposée par le bill 62, sous sa forme actuelle, ne servira pas les
intérêts économiques de la collectivité d'affaires,
et sa constitutionnalité est mise en question.
La croissance et le développement économiques constituent
les besoins fondamentaux de toute collectivité d'affaires. Ce sont
là, en effet, des facteurs de première importance dans la
création des emplois nécessaires à la main-d'oeuvre du
Québec qui s'accroît aujourd'hui à un rythme annuel
effarant, tant du point de vue du nombre que des aptitudes.
La création, à l'heure actuelle, d'un système
scolaire complètement unifié, tel que le propose le bill 62,
entraverait de façon grave la croissance économique de
Montréal et du Québec dans son ensemble. b) Une structure plus
réaliste fondée sur les principes mis de l'avant par la
commission Pagé, par suite de l'étude qu'elle a entreprise des
recommandations émanant d'un vaste échantillonnage de la
collectivité montréalaise dans son ensemble, pourrait comporter:
i) un conseil scolaire de l'île unifié, constitué de
façon démocratique, dont les membres seraient élus par les
commissions scolaires régionales et non désignés par une
autorité provinciale centralisée ; ii) des commissions scolaires
régionales divisées selon la langue anglophones et
francophones qui seraient responsables de l'administration des
propriétés et de l'équipement et qui toucheraient des
revenus annuels garantis d'un montant égal par étudiant,
déterminés en fonction des niveaux scolaires en cause.
Comme l'égalité des revenus ne garantit pas
l'égalité des droits à l'enseignement, un pourcentage de
la totalité des fonds scolaires disponibles devra être retenu par
le Conseil scolaire de l'île afin de pourvoir au fonctionnement des
services communs et de permettre à cet organisme de faire face à
tout problème spécial survenant dans une région quelconque
de l'île de Montréal.
Et finalement, M. le Président, quel que soit le système
adopté, il faut éviter d'imposer aux jeunes étudiants des
exigences sévères en ce qui touche leur connaissance du
français ou l'obten-
tion d'un diplôme, ce qui entraverait la mobilité du
personnel des sièges sociaux, surtout dans le cas des employés en
provenance d'une autre région du pays.
Mr. Chairman, this is the summary of our position at the moment. My
colleagues, now, would be pleased to answer any question which you might like
to ask.
M. CARDINAL: M. le Président, je remercie M. Porteous. J'aurais
un certain nombre de commentaires à faire et une question à
poser.
Je félicite le Montreal Board of Trade. Mes commentaires
concernent, par exemple, la fiscalité et l'égalité des
services dont il est question au début du mémoire. Ceci est
très important et déjà, le 27 novembre, j'avais
souligné que c'était là deux des principaux buts
recherchés par le projet de loi 62. Donc sur ce point, je pense que nous
nous accordons entièrement sur l'égalité des droits
à l'enseignement et sur la portée fiscale du projet de loi 62 tel
qu'il est rédigé.
Je retiens une autre idée qui a été émise
à ma connaissance pour la première fois. Je la retiens aussi
uniquement comme suggestion. On me dit: Que l'on garantisse des subventions per
capita, au fond, montant égal par élève, dans quelque
système qu'il soit. Je retiens avec beaucoup d'intérêt
cette suggestion.
Ma question est la suivante: Le dernier paragraphe du mémoire
parle, dans le fond, sans le dire, de la connaissance d'usage, du "working
knowledge of French", de la connaissance d'usage du français requise des
étudiants de langue anglaise. Le projet de loi 62 ne porte pas du tout
sur ce sujet et ne définit rien à ce sujet. C'est le projet de
loi 63 qui a été adopté et qui est maintenant loi, qui le
définit.
Cette suggestion, évidemment, se rapporte d'une part à un
projet de loi déjà adopté, et est acceptable quand
même par le ministère, en ce sens que nous travaillons maintenant
à réaliser cette loi. Elle vient, cependant comment
pourrais-je dire disons que je suis surpris qu'elle ne soit pas venue au
moment des discussions au sujet du projet de loi 63 plutôt qu'au sujet du
projet de loi 62. C'est une question-commentaire, je n'exige pas de
réponse.
M. GOLDBLOOM: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Je donne maintenant la parole au député
d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aurais une question à
poser à M. Porteous. A la page 4 du texte français que j'ai
devant moi, au troisième paragraphe de l'article 20, vous dites: La
création à l'heure actuelle d'un système scolaire
complètement unifié tel que nous le propose le bill 62
entraverait de façon grave la croissance économique de
Montréal et du Québec dans son ensemble. J'avouerai, quant
à moi, que ceci m'apparaît très, très fort comme
affirmation. Est-ce que vous auriez objection à nous dire sur quelles
prémisses vous faites reposer une affirmation aussi
catégorique?
M. PORTEOUS: M. le Président, la difficulté qu'on trouve
dans les affaires est que plusieurs disciplines dont nous avons besoin dans la
province viennent d'ailleurs, c'est-à-dire des Etats-Unis, d'Ontario ou
d'autres provinces. Les individus qui ont ces disciplines-là ne sont pas
disposés à venir dans la province s'il est question, par exemple,
d'être diplômé en français. Ce serait difficile pour
un étudiant d'ailleurs d'apprendre en deux ans ce que nous apprenons ici
en quelques années. C'est là la difficulté que nous avons
de faire venir dans la province les gars capables de nous aider, nous, nos
usines et de contribuer à notre avancement.
M. CARDINAL: M. le Président, me permettez-vous, et M. le
député d'Ahuntsic de dire que je suis quand même surpris
par cette affirmation. J'ai vécu pendant 16 ans dans le milieu
universitaire; je n'ai jamais connu un seul Canadien français qui ait
craint d'aller à Harvard ou à Londres; je n'ai jamais connu
d'étudiant de McGill qui ait craint d'aller à la Sorbonne ou
d'aller à Paris pour se perfectionner. Je suis vraiment surpris de la
façon forte dont cette crainte est exprimée. Voudrait-on dire
que, normalement, un Américain, par exemple, ou un Ontarien craindrait
tellement d'apprendre le français qu'il ne voudrait pas venir au
Québec?
J'ai écouté, il y a quelques jours, une discussion qui
s'est tenue à Vancouver, où des gens de langue anglaise, qui
étaient parfaitement bilingues, qui parlaient aussi bien le
français que l'anglais, mentionnaient, par exemple, que les
étudiants dans les écoles de Vancouver étaient tous
disposés à apprendre l'espagnol, mais pas à apprendre le
français. Ce sont des constatations qui me surprennent. Est-ce que
vraiment le fait que l'enseignement du français devienne plus important
au Québec suscite une crainte telle que les industriels, les
employés des industries, les cadres supérieurs ne voudront pas y
venir? J'en serais surpris, parce que les compagnies américaines
envoient sans cesse au Mexique des gens et la compagnie Ford au Mexique est
obligée de faire face à cette loi qui veut qu'à Mexico,
les cadres doivent tous parler espagnol; cela n'a jamais empêché
la compagnie Ford de faire des profits au Mexique et de vendre ses voitures. Se
pourrait-il que Québec soit un territoire tellement particulier que l'on
ait cette crainte?
M. PORTEOUS: M. le Président, je peux vous donner un exemple
particulier, M. le ministre. A l'heure actuelle, je travaille avec une
compagnie des Etats-Unis qui est intéressée à venir
s'établir dans la province de Québec pour
prendre avantage des subsides offerts par M. Beaudry, mais qui ne veut
pas le faire parce qu'elle craint la portée du bill 62, du point de vue
de la langue. Maintenant, ce n'est peut-être pas très bien connu,
mais elle se dit que si on veut avoir l'éducation anglaise en
français ou des cours dans la langue française, c'est autre
chose, mais quand il faut étudier tous les sujets en français,
cela est une chose qu'ils ne comprennent pas. Ils ont peur.
M. CARDINAL: Mais ceci n'a jamais été rendu obligatoire
par aucune loi, ni le projet de loi 63 ni le projet de loi 62.
Tout ce que le projet de loi 63 dit, c'est que l'étudiant qui
termine son cours secondaire ou son cours collégial doit posséder
une connaissance suffisante de la langue française. Ce n'est pas un
enseignement français à 100 p.c. Il y a certainement ici une
erreur d'interprétation.
M. PORTEOUS: Peut-être faudrait-il définir le mot
"suffisant". Alors, peut-être que c'est ça...
M. CARDINAL: "Suffisant". Il l'a été longuement pendant
les débats sur le bill 63, lorsqu'on a défini les connaissances
suffisantes ou le "working knowledge of French"; on a passé un
après-midi entier à le définir. Je pense que toute
personne qui travaille dans le milieu financier, commercial ou industriel sait
fort bien, par l'expérience, ce que c'est que le "working knowledge of
French" ou le "working knowledge of English". C'est purement la
possibilité de se débrouiller dans les circonstances normales
d'une profession ou d'un métier dans une langue seconde. C'est tellement
facile, puisque dans un métier, une profession, un commerce, une
industrie ou une technique, le vocabulaire est très réduit et
qu'en fin de compte, ce ne sont que les mêmes mots que vous
répétez jour après jour.
J'ai travaillé sept ans sur la rue Saint-Jacques, en rapport avec
des compagnies anglaises, en rapport avec le Montreal Board of Trade, comme
membre de la Chambre de commerce et jamais je n'ai senti ces craintes ni n'ai
eu des difficultés. De part et d'autre, nous avions presque tous un
"working knowledge of the other language".
M. PORTEOUS: Mais s'il est question seulement de conversation, c'est
assez facile. Si c'est dans une discipline spéciale , ce n'est pas trop
compliqué non plus. La question est que la définition du mot
"working knowledge" soit acceptée partout, alors nous aurons moins de
crainte.
M. CARDINAL: D'accord, disons que je serais ici entièrement
d'accord avec le député d'Ahuntsic que cette affirmation me
paraît, le moins que je puisse dire, forte.
M. LEFEBVRE: Je vais y revenir tout à l'heure.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, les craintes
exprimées par M. Porteous au nom du Montreal Board of Trade rejoignent,
à mon sens, celles qui ont été exprimées par le
Barreau de Montréal, lors de leur représentation à la
commission Gendron. Le ministre a bien droit à son opinion, mais pour ma
part, je partage entièrement les inquiétudes que vient
d'énoncer le Montreal Board of Trade par ses représentants.
M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.
M. CARDINAL: Est-ce que je peux demander au député de
Marguerite-Bourgeoys en quoi ceci se rapporte au projet de loi 62?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: L'inquiétude que les institutions
américaines, que les compagnies refusent de venir s'établir
à cause de ce qu'on leur imposerait par le bill 62.
M. CARDINAL: Oui, mais qu'est-ce qu'impose, au point de vue de la
langue, le bill 62?
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien, justement la latitude qu'on donne au
ministre à certains points de vue...
M. CARDINAL: Pardon. Non, non. Je regrette. Non, non.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le manque de démocratie qui...
M. CARDINAL: Il y a beaucoup de démocratie présentement
alors qu'aucun membre du Protestant School Board of Montreal, aucun membre de
la CECM n'est élu. Au lendemain du bill 62 adopté, ce sont les
mêmes enfants dans les mêmes écoles, avec les mêmes
enseignants et les mêmes parents.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non. Non.
M. PORTEOUS: Je crois que, tout à l'heure, M. le
Président, le premier groupe qui était ici a parlé de
pyramide. Alors c'est ça, il faut commencer au niveau de
l'étudiant et aller de bas en haut; et si le contrôle vient d'en
haut, ce serait beaucoup plus difficile à mon point de vue, tout
simplement.
M. CARDINAL: D'accord. Mais là, je reprends la question
posée tantôt par le député d'Ahuntsic au premier
groupe qui s'est présenté. Est-ce que, depuis qu'on a un
ministère de l'Education unifié, où de fait, trois
ministres de suite ont été de langue française, sous deux
gouvernements, où il y avait un sous-ministre
catholique, un sous-ministre associé, et un sous-ministre
protestant, est-ce que l'enseignement de l'anglais au Québec a
été tellement mis en danger? Est-ce que, parce qu'il y aura un
conseil métropolitain élu d'une façon ou d'une autre,
alors, que, présentement, il n'y a même pas d'élection,
l'enseignement de l'anglais serait tellement mis en danger?
M. LEFEBVRE: M. le Président, comme j'ai été
à l'origine de cette question, je voudrais essayer de clarifier un peu
les choses et surtout ne pas laisser l'impression que je suis en
désaccord avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys parce qu'elle
a parfaitement raison, à mon avis, de dire que la crainte
exprimée dans le mémoire du Board of Trade est une crainte
réelle. Je ne conteste pas que ce soit là un sentiment
très répandu chez les gens de langue anglaise. Pour ma part, ce
à quoi je vais essayer de m'appliquer et ce n'est pas facile parce que
dans des débats comme ceux-là qui sont toujours des débats
très passionnés, à un moment donné les gens nous
disent: Comment se fait-il que vous appuyiez le gouvernement, ou comment se
fait-il que vous soyez contre tel groupe?
Notre souci, ce n'est certainement pas d'appuyer le gouvernement ou
d'être contre de façon systématique, non plus.
Nous voulons essayer de voir la réalité des choses. Si je
fais complètement abstraction de toute politique partisane, ce qui me
frappe, M. Porteous, dans votre mémoire, c'est qu'honnêtement, il
me semble y avoir je ne veux pas vous le reprocher, parce que ça
tient au climat confusion entre un certain nombre de choses. Vous
êtes des hommes d'affaires, alors, vous connaissez mieux que quiconque
les problèmes d'administration, de rentabilité des
investissements, etc.
Or, je lis votre paragraphe (ii), page 4, article 21: "Des commissions
scolaires régionales divisées selon la langue, anglophones et
francophones, qui seraient responsables de l'administration des
propriétés et de l'équipement et qui toucheraient des
revenus annuels garantis, d'un montant égal par étudiant,
déterminés..."
Voyez-vous, c'est là où je trouve que ça vaut la
peine d'essayer de se comprendre. Je comprends très bien enfin,
j'espère comprendre les sentiments ou les craintes qui vous
animent quand vous faites ce genre de proposition. Mais ce que je n'arrive pas
à comprendre, pour ma part, c'est qu'il n'y ait pas moyen de convaincre
des hommes d'affaires. Je reproche au ministre de ne pas avoir essayé de
le faire. Il fut un temps où le ministre de l'Education, quand il
présentait des lois compliquées, partait en tournée dans
la province. Dans le temps, le ministre s'appelait M. Gérin-Lajoie. Il
allait expliquer aux gens exactement ce qu'il avait derrière la
tête, ce qu'il voulait. Je pense que, dans ce cas-ci, il y a
énormément d'équivoques qui subsistent dans l'esprit des
gens, parce que le ministre n'a pas fait le travail de vulgarisation autour de
ces problèmes-là. Je ne veux pas le faire pour lui, mais je veux
au moins je crois que c'est la responsabilité de chacun ici
essayer de voir la réalité parce que chacun de nous aura
à prendre position tôt ou tard sur ce problème.
M. CARDINAL: M. le Président...
M. LEFEBVRE: Si le ministre me le permet, il répliquera
ensuite.
Or, M. le Président, il y a un fait que je veux mentionner aux
hommes d'affaires qui sont présents et qu'ils connaissent
peut-être. Vous avez actuellement, à Montréal, un
phénomène nouveau. Pour la première fois, il y a une
diminution des inscriptions au niveau de la première année, du
moins, du côté français. Je donne cet exemple-là
pour montrer comment les populations scolaires sont des choses qui varient
selon la courbe démographique. Chacun connaît l'influence de la
pilule. Nonobstant l'encyclique, il semble que ça exerce une influence
sur la démographie, même dans la catholique province de
Québec.
Vous avez donc une diminution des inscriptions, à un moment
donné, au niveau de la première année. Vous avez des
mouvements de population qui sont très difficiles à expliquer.
Pourquoi, à un moment donné, les Canadiens de langue anglaise
vont-ils se ramasser dans tel coin? Pourquoi les Italiens sont-ils allés
en grand nombre s'installer à Saint-Léonard? Cela tient à
un certain nombre de facteurs, que je n'ai pas analysés, mais chacun
sait qu'il existe des mouvements de population.
Or, pour des hommes d'affaires, exiger que des écoles soient
désignées sur la brique: école anglaise, école
française, et pour l'éternité, je trouve que c'est de la
mauvaise administration. Comprenez-vous ce que je veux dire? Je dis qu'il y a
un point sur lequel on devrait être capable de s'entendre. Que
voulez-vous, au fond? Vous voulez et je suis d'accord avec vous, parce que,
quant à moi, je suis contre l'unilinguisme... Nous sommes tous, de ce
côté-ci, sans équivoque, contre l'unilinguisme
français au Québec. Nous respectons la liberté des
parents; nous nous sommes compromis en faveur de ce principe-là lors du
bill 63. Qu'est-ce qui est important? C'est qu'à un moment donné,
dans un local X, Y ou Z ça ne foute absolument rien, à mon
avis les jeunes reçoivent une éducation selon le
désir de leurs parents, soit en français, soit en anglais. Je
laisse de côté, pour l'instant, la nuance concernant la langue
seconde qui est importante, mais qui est un peu marginale par rapport à
ce débat.
Or, qu'est-ce qui est le plus efficace? Il me semble qu'on doit
être capable de convaincre des hommes d'affaires que ce qui est le plus
efficace du point de vue de l'intérêt public, du
point de vue de l'utilisation de l'argent des contribuables, c'est que
les équipements physiques soient mobiles, c'est que les
équipements physiques ne soient ni catholiques, ni protestants, ni
anglais, ni français, mais qu'ils puissent, au gré des mouvements
de population, être utilisés soit pour donner les cours en
français, soit pour donner les cours en anglais. C'est
déjà assez compliqué; de grâce, n'allons pas
compliquer inutilement des choses simples comme celle-là! Vous
référez à plusieurs endroits à ce problème
d'équipement.
Il me semble que nous sommes quand même des gens assez
civilisés dans le Québec pour nous partager des
équipements physiques au gré des besoins des inscriptions des
étudiants, soit dans les écoles françaises, soit dans des
écoles anglaises, sans qu'il soit nécessaire de
catégoriser ces équipements en équipement français
et anglais. Si vous me permettez, je ferai tout juste un pas de plus. Ce que je
vais dire n'est peut-être pas très politique, mais je le dirai
quand même parce que je suis assez indépendant de la politique
dans la position où je me trouve.
Il est donc indéniable qu'à Montréal les
protestants ont été jusqu'à maintenant des enfants
gâtés, c'est-à-dire que vous avez eu des équipements
de beaucoup supérieurs à ceux de la majorité. La
dernière chose au monde, à mon avis, qu'il faut maintenir, c'est
cela. C'est-à-dire qu'il faut qu'à l'avenir les
équipements soient vraiment partagés sur une base de besoins et
que les écoles soient attribuées au gré des besoins de la
population, que cette population soit de langue française ou de langue
anglaise.
C'est là qu'est le principe. Encore une fois, je voudrais qu'on
essaie de dépassionner le débat. Si vous avez des craintes
à l'endroit du ministre actuel de l'Education, demandez un remaniement
ministériel ou renversez le gouvernement, mais ceci ne devrait pas,
à mon avis, changer votre position sur des questions relativement
claires comme celles de l'utilisation des équipements physiques mobiles
d'un groupe à l'autre et utilisés avec un maximum de
rentabilité selon les besoins. Ceci est essentiel, autrement, messieurs,
c'est vous qui allez payer les taxes, vous et nous, nous allons tous les
payer.
Or, vous avez des bâtiments scolaires qui, si vous regardez le
cloisonnement actuel, seront à demi vides dans certains coins, et trop
remplis dans d'autres coins. Il y a aussi dans le texte de la loi un petit
point qui a énervé beaucoup de monde. J'ai demandé
moi-même une explication au ministre 13-dessus et il m'a donné une
explication qui m'a satisfait. Je lui reproche de ne pas avoir fait le tour de
l'île de Montréal pour l'expliquer davantage. Quand vous avez,
à un moment donné, la description d'une école et qu'on dit
qu'une école, c'est ou bien un bâtiment ou une partie d'un
bâtiment, tout le monde s'est imaginé que l'intention du
gouvernement était d'avoir une classe française catho- lique, une
classe anglaise protestante, une classe juive, et tout ce monde-là dans
le même bâtiment, ce qui, évidemment, aurait
été absurde.
Or en dépit de toutes mes réserves vis-à-vis du
gouvernement actuel, je ne crois pas qu'il aille jusqu'à cette
absurdité-là. Je pense qu'effectivement ce proviso n'avait pour
but que de couvrir des cas exceptionnels. Le ministre a fourni là-dessus
une explication qui était très bonne. Encore une fois, je lui
reproche de ne pas avoir assez parcouru la ville pour se faire comprendre.
M. PORTEOUS: M. le Président, si nous avons des services
d'écoles qui sont encore meilleurs, je vous assure que nous avons
payé pour les avoir. Je vais demander à M. Place de
répondre un peu à celui qui vient de parler.
M. PLACE: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à
toutes les questions énoncées par l'honorable membre de la
commission. Il a soulevé tant de questions que ma mémoire n'est
pas assez bonne, je pense, pour me rappeler tous les faits qu'il a
soulevés. Quant à la première question, la question
touchant la garantie d'un certain montant par élève chaque
année, je pense que c'est un point qui a été
soulevé par les protestants comme garantie de la continuation du niveau
d'éducation présentement en leur possession; pas en termes de
bâtisses ou peut-être de choses physiques, mais en termes des
choses intellectuelles, l'excellence des enseignants et des choses comme
cela.
Je peux contester peut-être un peu l'affirmation qui a
été faite par l'honorable membre à l'effet que les
édifices des protestants sont toujours meilleurs que ceux que
possèdent les catholiques. Je demeure moi-même dans la partie
ouest de l'île de Montréal, et je peux vous assurer que les
édifices de cette partie de l'île de Montréal
fréquentés par les catholiques sont aussi bons qu'aucun des
édifices que possèdent les protestants.
C'est vrai qu'il y a des parties de l'île de Montréal,
particulièrement les parties de Montréal qui ont
été bâties les premières, les plus anciennes parties
où les édifices laissent beaucoup à désirer,
particulièrement du point de vue de l'éducation telle qu'elle est
donnée aujourd'hui, et il faut admettre ça. Mais, je pense que la
manière avec laquelle notre paragraphe a été
rédigée, évidemment a eu l'intention de laisser un
degré de rattrapage permis, si vous voulez, pour faire face à des
situations telles que celles que vous avez décrites. Je pense que nous
sommes tout à fait d'accord avec la nécessité et le besoin
de faire des choses comme ça. Est-ce que j'ai répondu à
vos questions?
M. LEFEBVRE: Oui, mais j'aimerais que vous soyez plus précis. Si
j'ai bien compris, vous venez de dire que vous n'auriez pas d'objection
que les équipements physiques soient répartis, non pas par
les commissions scolaires, mais par le conseil de restructuration scolaire au
gré des besoins. Là-dessus, vous êtes prêts à
négocier.
M. PLACE: Nous sommes prêts à négocier, je pense,
mais il faut admettre en même temps que quand vous avez travaillé
assez longtemps comme membre d'une commission scolaire ou si vous avez
payé comme contribuable pour l'obtention des édifices ou des lots
de terre pour des écoles, franchement je parle d'une manière
locale si vous voulez, parce que nous possédons pas mal de lots de terre
pour des écoles futures. Si on est obligé de mettre tous ces lots
de terre à la disposition d'une autorité au niveau de
l'île, les terres sont vendues, certainement qu'il y a un
bénéfice pour les autres, bénéfice que nous avons
manqué et que nous avons, comme question de fait, payé.
M. LEFEBVRE: Where does that money come from?
M. PLACE: Franchement, chez nous, en grande partie, il est venu des
contribuables. Peut-être que ce n'est pas vrai dans toutes les autres
parties de l'île, et je suis bien prêt à admettre ça.
Mais, en même temps, si vous avez travaillé, comme je viens de
dire, pour bâtir un système d'école, je ne pense pas que
c'est une chose non naturelle de peut-être avoir un peu de peine de
laisser les titres de toutes ces choses à une entité encore
inconnue, même dans l'esprit d'agir.
C'est une partie de l'inquiétude chez la population anglaise, si
vous voulez.
M. PORTEOUS: M. le Président, avec votre permission, puis-je
passer la parole au monsieur à côté de moi là pour
élaborer? Il a un point à soulever.
M. CARDINAL: Est-ce que c'est sur le même sujet? Parce que quand
même...
M. PORTEOUS: C'est un autre point.
M. CARDINAL: Si c'est un autre point, tout à l'heure.
M. LE PRESIDENT: Il reviendra tantôt.
M. CARDINAL: M. le Président, je ne veux pas répondre aux
quelques malices que le député d'Ahuntsic m'a lancées. Je
voudrais au contraire donner d'une façon positive les renseignements
suivants.
D'abord, je ne sais pas si tous ceux qui présentent des
mémoires, tous ceux qui discutent du bill 62 ou tous ceux qui
écrivent sur le bill 62 ont pris connaissance du journal des
Débats du 27 novembre et du 11 décembre. Il y a et le
député d'Ahuntsic a été fort honnête
intellectuellement à ce sujet dans ces deux documents,
premièrement énormément de statistiques très
précises, de documents officiels ou semi-officiels. Il y a aussi
plusieurs réponses à des questions posées, ces deux
séances n'ayant porté que sur des questions et des
réponses. S'il faut tout recommencer parce que les gens n'ont pas
à leur disposition ces exemplaires, nous allons perdre un peu de temps.
Je souligne que ces exemplaires, on peut les obtenir de l'imprimeur du
Québec et qu'ils contiennent déjà beaucoup de
renseignements que beaucoup de gens ignorent ou semblent ignorer.
Deuxièmement, je soulignerai aussi, en réponse à
une affirmation faite par le député d'Ahuntsic, que j'ai
déjà parlé du projet de loi 62 à Westmount il y a
déjà plus de deux mois. Depuis dix jours, c'est au moins à
tous les deux jours que je me suis rendu à Montréal pour
rencontrer des groupes, la télévision, la radio ou des
étudiants, les premiers étant de langue anglaise, la
télévision étant de langue anglaise et de langue
française. J'ai l'intention de continuer.
D'ailleurs, très prochainement, je rencontrerai l'Alliance des
professeurs de Montréal, etc. Je ne fais présentement qu'accepter
de nombreuses invitations pour tenter d'informer au sujet du projet de loi 62.
Mon désir est justement non pas de faire un débat, mais pour le
moment d'informer. Le débat se fera en Chambre, selon les règles
normales. Je dis ceci non pas pour relever une attaque ou une malice, mais
c'est parce qu'en fait, il y a une chose qui est singulière, et je le
dirai. Si je me rends dans un milieu anglophone pour parler du projet de loi
62, il est très rare que les journaux français en parlent, et si
je me rends dans un milieu francophone, il est très rare que les
journaux anglais en parlent. Je pourrais prendre chacune des sorties que j'ai
faites récemment. On dirait et je le dis devant ces messieurs
journalistes qu'il existe deux presses à Montréal, chacune
dans un monde différent. Je ne généralise pas. Hier,
j'étais dans un milieu francophone et j'ai parlé de beaucoup de
choses, y compris du projet de loi 62, et la plus belle page m'a
été faite par The Gazette. Il y a donc des exceptions qui
viennent confirmer la règle. Il y a aujourd'hui des moyens
d'information, par exemple Radio-Canada qui m'a offert Format 30 à un
moment donné et où, pendant une demi-heure, il n'y a eu que de
l'information donnée sur le projet de loi dont nous discutons
présentement. Mon désir est à la fois d'écouter et
d'informer dans la mesure du possible. Déjà, il existe des
documents qui sont à la disposition du public et qui contiennent des
renseignements précieux pour nos discussions.
M. LEFEBVRE: Si on me le permet, ce n'est pas un débat, je veux
simplement clarifier un point. A quelle date le projet de loi 62 a-t-il
été déposé?
M. CARDINAL: Je n'ai pas les dates par coeur, mais je vais donner les
détails. Il a été annoncé par l'honorable premier
ministre au moment où nous avons commencé la deuxième
lecture du bill 63. C'était dans son discours de deuxième
lecture.
M. LEFEBVRE: C'était en octobre?
M. CARDINAL: C'était vers le 20 octobre.
M. LEFEBVRE: Tout ce que je prétendais, ça va me prendre
trente secondes...
M. CARDINAL: Non, mais j'aurais pu continuer...
M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, c'est seulement pour régler
un point. Le reproche que je faisais au ministre et remarquez que je ne
devrais pas le lui faire parce que ça aurait aidé sa politique
s'il avait fait ça c'est d'avoir commencé à faire
sa tournée seulement quand l'Opposition est devenue considérable.
Je pense que si le ministre avait fait sa tournée d'information avant,
il y aurait eu de l'opposition, parce que le bill mérite de l'opposition
en ce sens qu'il a des faiblesses, mais il y a une opposition qui est
injustifiée parce que le bill a été mal compris, et je dis
que c'est le ministre qui est responsable.
M. CARDINAL: Permettez-moi de répondre ceci. Le
député d'Ahuntsic se rappelle que la session a terminé ses
travaux le 23 décembre. Si le ministre à ce moment-là
avait été en tournée, comme certains membres de son parti,
l'on aurait fait comme pendant les mois de mai et juin et chaque jour on aurait
souligné son absence en Chambre, même si ça avait
été pour expliquer le projet de loi 62.
M. LEFEBVRE: Cela ne vous a pas fait...
M. PORTEOUS: Permettez-moi de dire que si M. le Ministre veut faire un
tour à Montréal, il sera bienvenu chez nous pour faire un
dialogue, parce qu'assez souvent, c'est un malentendu de chaque
côté. Il nous ferait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. le
Ministre.
M. CARDINAL: D'accord.
M. TETLEY: Le député d'Ahuntsic a
référé aux protestants gâtés. Comme l'un de
ces enfants gâtés, je voudrais reprendre un peu et très
brièvement. Même aujourd'hui et j'habite Montréal -
je paie plus de taxes que mes deux voisins catholiques. Le taux est plus
élevé et la valeur foncière est plus élevée.
Il y a sept ans ou huit ans, la taxe foncière chez moi était de
sept fois la taxe foncière catholique et les deux tiers des taxes
étaient payés non pas par des compagnies les compagnies
paient un impôt pour tout le monde mais étaient
payés par...
M. CARDINAL: Est-ce que le député de
Notre-Dame-de-Grâce me permettrait d'interrompre?
M. TETLEY: Oui.
M. CARDINAL: Si je ne me trompe pas parce que chaque année
nous avons amendé cette loi à Montréal,
présentement, le taux des individus et non pas des neutres, le taux des
individus est le même...
M. TETLEY: Non.
M. CARDINAL: ... cette année et il était le même
l'an passé aussi.
M. TETLEY: Sauf à un endroit.
M. CARDINAL: Ce n'est pas dans Montréal?
M. TETLEY: Oui, ville Mont-Royal. M. CARDINAL: Ce n'est pas
Montréal. M. TETLEY: Je parle de l'île de Montréal.
M. CARDINAL: Justement, le bill 62 est fait pour éviter ces
enclaves que sont Outremont et Mont-Royal.
M. TETLEY: Exactement. On parle du passé et des enfants
gâtés mais qui a construit ces écoles-là? Même
si je partage l'opinion qu'il faut diviser suivant nos besoins propres et
suivant ce que nous avons fait dans le passé, il ne faut jamais oublier
qui a payé dans le passé.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si j'étais
député de Westmount, j'aurais sûrement dit ce que mon
collègue vient de dire, mais je ne suis pas député de
Westmount.
M. TETLEY: Moi, non plus.
M. LEFEBVRE: De Notre-Dame-de-Grâce, pardon. Ce à quoi je
faisais allusion M. le Président je pense que, quelles que soient
nos affiliations politiques, il est assez difficile de nier la chose
c'est au problème de la richesse relative. Il est clair que, pendant
longtemps, les protestants ont payé un taux de taxe qui était
supérieur. Vous vous souvenez tous du drame du bill 139, qui
s'appelait...
M. CARDINAL: Le bill 165.
M. LEFEBVRE: Ah, il a eu toutes sortes de noms; au début,
c'était 139. J'ai été commissaire pendant trois ans
à la Commission des écoles catholiques de Montréal. La
preuve est facile à faire je ne la ferai pas aujourd'hui; je vais
vous épargner ça que, pendant un certain temps et dans une
certaine mesure les plus
pauvres payaient pour les riches. Je crois que ceci est un fait de
l'histoire qu'il est difficile de nier. Deuxièmement, même si on
voulait nier ce fait-là, j'emploierai un autre argument qui, à
mon avis, est beaucoup plus fort, c'est que, dans une société qui
se respecte, les services doivent être égaux et non pas
proportionnels aux moyens. Autrement dit, je n'admets pas qu'un groupe plus
riche se paye de meilleures écoles qu'un groupe plus pauvre. Or, c'est
à cela que je faisais allusion tout à l'heure.
Je ne nie pas que les protestants aient payé des taxes, qu'ils
aient payé beaucoup de taxes, mais ils étaient beaucoup plus
riches. Ceci n'est plus admissible aujourd'hui. Je pense que nous devrions tous
être d'accord, quelle que soit notre affiliation politique, pour dire que
nous voulons un Québec où il y aura davantage de justice et
où les services essentiels, comme l'éducation, ne seront plus
rattachés à l'état de fortune. Les gens paieront en
fonction de leurs moyens et retireront en fonction de leurs besoins.
Cela me paraît avoir bien plus de bon sens que le système
qu'on a connu, hélas, pendant trop longtemps.
M. PORTEOUS: M. le Président, les protestants et peut-être,
les gars de Westmount sont plus riches, justement parce qu'ils ont suivi des
cours supplémentaires et qu'ils se sont instruits pour mieux faire leur
travail. Alors, ils méritent un meilleur salaire. Ils ont fait des
études supplémentaires.
M. CARDINAL: Pardon, pardon, pardon! Je m'excuse! Personnellement, j'ai
travaillé dans une société canadienne-française,
face à une société anglophone de l'autre côté
de la rue, à même poste, moi, ayant un doctorat et l'autre un
diplôme du high school, et les salaires étaient loin d'être
comparables. Je regrette, mais il y a des exceptions à une affirmation
semblable.
M. PORTEOUS: Il y a des exceptions à tout. Il y en a
certainement. C'est le quartier de Westmount.
M. LE PRESIDENT: Le député de Marguerite-Bourgeoys.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, j'ai
représenté un comté qui constitue quatre comtés,
depuis la redistribution. Pour revenir à la question d'enfants
gâtés, je sais que c'est grandement exagéré. Il y a
un dicton anglais: "He who pays the piper calls the tune". Je pense que cela
serait vrai en France et dans n'importe quel pays du monde, qui aurait eu le
système qu'on a eu. Si, dans bien des endroits de l'île de
Montréal, dans l'ouest, par exemple, l'équipement a pu être
supérieur et la qualité de l'enseignement supérieure, il
ne fait aucun doute que les contribuables payaient jusqu'à sept fois,
dix fois et parfois plus, s'ils étaient du côté protestant
anglais que de l'autre côté. Il faut, quand même, rendre
justice à cette portion de gens.
M. CARDINAL: Si vous me le permettez, M. le Président. Il y
aurait tellement de nuances à apporter dans un débat semblable.
Si je prends le cas du député de Notre-Dame-de-Grâce,
Mont-Royal est justement un cas d'exception où les écoles
françaises taxent à un taux non normalisé. Mais je ne peux
pas les forcer à taxer à un taux normalisé. Si je prends
le cas d'autres quartiers ou d'autres endroits...
M. TETLEY: Outremont, autrefois.
M. CARDINAL: Outremont autrefois, exactement, que je connais comme je
connais le quartier...
M. LEFEBVRE: Il n'y avait pas de taxes, il n'y avait pas
d'écoles. Ils envoyaient tous leurs enfants au collège.
M. CARDINAL: Il n'y en a même pas d'écoles, encore
aujourd'hui, même pas aujourd'hui, ni pour les garçons ni pour les
filles. C'est incroyable, en 1970. Je vais plus loin. Si vous me le permettez,
nous ne commencerons pas un débat là-dessus. La taxe des neutres
à Montréal, est une autre illustration d'une division...
UNE VOIX: Injuste.
M. CARDINAL: Je n'ai pas employé le mot, mais quelqu'un l'a dit
pour moi. Elle n'était pas basée du tout sur la richesse de ceux
qui payaient puisque c'étaient d'autres qui étaient
corporation.
M. LEFEBVRE: Cela a duré quinze et vingt ans.
M. CARDINAL: Alors, qu'est-ce que vous voulez, il y aurait tellement de
nuances à apporter à des affirmations, qu'elles viennent d'un
côté ou de l'autre de la table ou de ceux qui veulent se faire
entendre. Enfin, dans ce domaine, je me sens un devoir, sur ma conscience, de
ne pas les laisser passer parce qu'à ce moment-là, il faudrait
ressortir chacun des dossiers et voir ce qui s'est passé. Une question,
par exemple. Supposons qu'à Outremont, ou à Westmount, ou
à Montréal, pendant x années, celui que l'on appelait
"protestant" ait payé un taux plus élevé sur une
même évaluation, ce qui est encore discutable, ceci
représentait quelle proportion de son revenu, par exemple? Je n'ai pas
de réponse à cela. Ecoutez, nous nous adressons à des
hommes d'affaires qui savent, comme moi, qu'un chiffre absolu n'a aucune valeur
sauf de représenter un chiffre absolu. Un,
cela ne veut rien dire, mais un sur cent ou un sur mille ou un sur deux,
cela veut dire quelque chose. Là il faudrait tout reprendre le point de
vue sociologique, économique, éducationnel.
M. Porteous a dit une chose tantôt contre laquelle je me suis
élevé mais qui est en partie vraie. Pendant des années,
les Canadiens français n'ont pas eu la possibilité ni
géographique, ni financière, d'accéder à un
enseignement d'un certain niveau, tout particulièrement au niveau
universitaire, et encore là il faudrait apporter joliment de nuances
parce que je connais par coeur les revenus des Endowment Funds des
universités au Québec. Pendant des années, par exemple,
certains d'entre eux ont fait des efforts considérables pour atteindre
leurs confrères d'une autre culture. Dire que des gens ont suivi des
cours du soir ou autre chose et que, par conséquent, ils devaient
nécessairement devenir plus riches, c'est une réponse qui est en
partie vraie, mais qui ne représente pas l'entière
réalité des choses. Et si ceci a été accepté
des deux côtés ou des deux solitudes pendant 100 ans, je pense
bien, M. Porteous, que les hommes d'affaires anglais avec leur "sense of
Justice" ne l'acceptent certainement pas pour l'avenir.
M. PORTEOUS: M. le ministre, vous devez savoir que beaucoup de
connaissances doivent être acquises hors de la province de Québec.
Alors, il faut tout simplement aller les prendre en anglais ou envoyer
quelqu'un apprendre en anglais et traduire en français. Les
universités de la province de Québec ont très bien fait
jusqu'à maintenant, je n'ai rien à dire contre elles. On est
allé à la lune sans dire un mot de français vous savez.
Alors, pour les structures de l'avenir, je veux encourager des usines à
venir s'installer au Québec afin de créer des emplois, mais de
quelle façon peut-on faire cela avec une politique de langue qui semble
restreinte tout simplement.
M. CARDINAL: Oui, d'accord. Votre exemple de la lune, les Russes
auraient pu y aller aussi sans parler anglais, et si, en 1945, la guerre avait
tourné autrement, on aurait pu y aller en parlant allemand.
M. PORTEOUS: Peut-être que bilingue veut dire anglais et
russe.
MR. LEFEBVRE: If I may be permitted an English joke, I would say: We do
not care about the moon, but we want to live under the sun for a while.
M. PORTEOUS: On parle de lune de miel déjà, vous savez. M.
le Président, puis-je passer la parole à mes confrères qui
ont quelque chose à ajouter? Deux secondes.
M. LE PRESIDENT: Oui. Un instant. Est-ce que le député de
Saint-Laurent a une question à poser à M. Porteous?
M. PEARSON: Non, au ministre. Est-ce sur le même sujet?
M. PORTEOUS: Non, ce sont deux points que l'on veut soulever simplement
pour renseignement général.
M. PEARSON: Je voulais justement, sur ce sujet-là, poser une
question au ministre de l'Education. Je retrouve dans certains articles de ce
mémoire comme dans d'autres mémoires qui ont été
présentés, une crainte qui a peut-être été
engendrée par les discussions du fameux bill 63. Par exemple, le
ministre avait déclaré à peu près ceci je ne
m'en souviens pas textuellement que l'obligation pour les anglophones
d'apprendre le français ne signifiait pas uniquement qu'ils devraient
suivre des cours de français, mais également qu'ils devraient
avoir des cours en français. A ce moment-là, le ministre a
indiqué qu'il y aurait des cours de mathématiques ou d'autres qui
seraient en français. Or, ce point-là n'a jamais
été précisé. Certaines des craintes viennent
peut-être de là. Les gens ne savent pas s'il y aura, disons, deux
ou trois cours en français, ou si, graduellement, la majorité des
cours sera en français. Cela a peut-être l'air de rien mais j'ai
l'impression que c'est important.
M. CARDINAL: Deux réponses, si vous me le permettez. Le
député d'Ahuntsic... Aujourd'hui, c'est la journée
où je félicite le plus; je ne sais pas ce qui va arriver. C'est
inquiétant, car j'ai beaucoup félicité M. Lesage, dans les
derniers jours de la session aussi.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Nous aussi, cela nous inquiète.
M. CARDINAL: C'est difficile de vous répondre.
M. PORTEOUS: Oh! Je viens de vous voir.
M. CARDINAL: Est-ce que je peux répondre au
député?
M. PORTEOUS: Après vous, M. le ministre.
M. CARDINAL: Je m'excuse, je pense qu'on ne se comprend plus.
Deux choses: Je vais laisser le député d'Ahuntsic de
côté; j'y reviendrai plus tard. Le document dont j'ai parlé
tantôt doit être incessamment remis au ministre. Alors, on pourra
rendre publique la politique du ministère et du gouvernement dans
l'application du projet de loi 63. Mais, justement, ce sur quoi je suis
entièrement d'accord avec le député d'Ahuntsic et le
député de Marguerite-Bourgeoys, c'est que je ne nie pas les
craintes qui existent. Je n'accepte pas les
fondements, si vous voulez, de ces craintes, mais je ne les nie pas. je
les sens. Je les vois. Je les écoute. Je les entends. Mais justement,
à l'occasion du projet de loi 63, l'on se rappelle que j'ai dit qu'avant
que le projet soit entièrement mis en vigueur, il y aurait une
période de quatorze ans. Il y en a qui ont hurlé à ce
moment-là, parce que, justement, j'avais parlé d'étapes et
de réglementations qui iraient sans cesse en s'élargissant. Il
faurait qu'on soit sérieux. Le projet de loi 63, qui accroît
l'enseignement du français et en français et qui, à ce
moment-là, semblait fort bien accueilli par les milieux anglophones, ne
devrait pas devenir maintenant l'épouvantail qui empêche le projet
de loi 62 de passer au travers. Il va falloir que l'on distingue entre les deux
questions et, encore une fois, je le dis, qu'on ne refasse pas un débat
qui est déjà fait, mais que l'on s'en tienne au projet qui est
devant nous. Ceci n'est pas un reproche à votre endroit. Vous me posez
une question qui mérite réponse. Alors, M. le Président,
j'ai terminé.
M. PEARSON: En gros, M. le ministre, cela veut dire que les cours de
français qui sont donnés aux anglophones ont pour but d'atteindre
un certain "working knowledge" de français et non pas graduellement
l'unilinguisme français.
M. CARDINAL: Non. Très précisément.
M. PEARSON: Or, dans les mémoires, il y a certaines
exagérations qu'on exprime à mots couverts, et qui laissent
entendre que, graduellement, cela va se transformer en école
complètement francophone.
M. PORTEOUS: Cela, c'est très important, parce que notre
philosophie est économique, et nous croyons que la philosophie des
Français est socio-économique. C'est la différence entre
"cash and credit" pour nous. Si vous avez le "cash", vous achetez. Vous ne
pouvez pas avoir telle et telle chose si vous n'avez pas l'argent. Avec le
crédit, si vous voulez avoir quelque chose, vous tentez de l'avoir avec
l'idée de payer plus tard. Alors, c'est une différence de
philosophie à laquelle nous ne voulons pas être
mêlés. Nous voulons garder notre philosophie économique et
nous voulons vous laisser votre philosophie socio-économique.
Avec le bill 63, nous avons eu l'impression que nous passerions
d'économique à socio-économique; de notre point de vue,
ça ne marche pas pour les hommes d'affaires.
M. CARDINAL: Je m'excuse. Les Anglais ne vivent-ils pas dans une
société qui est à la fois socio-économique et
culturelle?
M. PORTEOUS: Oui, M. le ministre, mais nous voulons avoir quelque chose
de net et clair du point de vue économique premièrement, et, avec
les profits de ce que nous pourrons faire, dépenser cet argent pour des
fins socialistes.
M. CARDINAL: Attendez un peu, je voudrais savoir où l'on va.
M. PORTEOUS: Je retire ce mot-là.
M. CARDINAL: Si votre thèse est d'avoir une doctrine
économique qui vous permette justement d'être parfaitement
certains à ce moment-là de faire de l'argent que vous utiliserez
après cela pour des fins sociales, quelle sera la garantie de ceux qui
n'auront pas fait cet argent?
M. PORTEOUS: Il ne nous reste pas beaucoup d'argent avec les taxes qu'on
nous imposent aujourd'hui. C'est vous qui décidez ce que nous ferons
avec les taxes.
M. CARDINAL: Disons que nous pouvons accepter ça pour le moment,
mais répondez quand même à ma question. Des garanties, il
en faut des deux côtés. Ecoutez, nous reprenons une discussion qui
est rendue fort loin. Je crois, comme je le disais au tout début, pour
boucler la boucle, qu'il est inadmissible qu'en 1970, dans une
société, dans l'île de Montréal, parce qu'il y a des
inégalités économiques, il y ait des
inégalités de service scolaire.
M. PORTEOUS: Ce que nous voulons dire, c'est que, si vous avez un tel
tarif de salaire, ça vous donne un tel rendement; c'est
économique. Juste parce que l'autre donne un meilleur rendement, vous ne
pouvez pas exiger son salaire sans donner le même rendement; autrement,
ce n'est pas économique, à notre point de vue.
M. CARDINAL: Ce n'est pas ce que je veux dire.
M. PORTEOUS: C'est notre point de vue.
M. CARDINAL: Admettez-vous que tous les enfants de Montréal,
qu'ils soient Anglais, Français, Chinois, Italiens, Juifs, etc. aient le
droit, quelle que soit la richesse de leurs parents, à tous les
mêmes services en enseignement, en équipement, en tout ce que vous
voudrez?
M. PORTEOUS: Ils ont tous le même droit.
M. CARDINAL: Bon, nous sommes d'accord.
M. LEFEBVRE: Je crois que nous aurions fait un pas énorme dans
l'étude de ce projet de loi, si tous les groupes partaient avec cette
hypothèse de départ, si, autrement dit, l'unanimité
était faite là-dessus. Qu'on ne se dispute
pas sur des questions de briques, mais qu'une fois admis que les
équipements physiques doivent être répartis de façon
équitable, là ensuite qu'on s'organise pour voir quels sont les
meilleurs moyens pour assurer, selon les lois du Québec, à chaque
enfant, au gré du choix de ses parents, la meilleure éducation
possible. Je pense que nous ferions un pas énorme, parce que moi, encore
une fois, je vois beaucoup de défauts dans le bill 62, mais on y trouve
des défauts que je ne lui vois pas, et je me dis que ça n'aide
pas le débat. Il me semble que si nous pouvions travailler à
trouver les vrais défauts qui existent.
Vous en avez mentionné quelques-uns comme, par exemple, son
caractère non démocratique.
M. PORTEOUS: D'accord.
M. LEFEBVRE: S'il y avait moyen d'approfondir les défauts
réels et de laisser de côté ce qui n'est pas des
défauts, mais des exigences du progrès, je pense qu'on aurait des
chances de finir avec une loi convenable.
M. PORTEOUS: C'est à cela qu'on arrive à l'heure actuelle.
Aujourd'hui on travaille à éliminer les malentendus afin que ce
soit clair et net.
M. LEFEBVRE: C'est cela, exactement.
M. PORTEOUS: C'est cela, c'est le dialogue qu'il faut.
M. LEFEBVRE: Exactement.
M. PORTEOUS: Le dialogue, cela prend du temps.
M. LEFEBVRE: C'est cela.
M. PORTEOUS: C'est pour cela qu'on ne peut pas dire: Ce sera
adopté à telle et telle date, parce que toutes les craintes sont
possibles. On peut dire alors qu'il y a des choses de cachées
là-dedans que nous ne connaissons pas. Avec beaucoup plus de temps, on
peut peut-être les connaître et même les régler.
M. LEFEBVRE: Il ne faut pas trop attendre non plus.
M. PORTEOUS: Maintenant, M. le Président, puis-je passer ce
sujet-là à mon collègue s'il vous plaît?
M. LE PRESIDENT: Très bien. Allez-y.
MR. SHELDRICK: K.D. Sheldrick, Member of the Board. I would like to
amplify on two of the aspects which we covered in our brief. First of all, the
matter of culture and curiculum and, secondly, to say a word about the existing
English-speaking system.
First of all, the matter of our culture. The question might be asked why
business men are interested particularly in curiculum and what that has to do
with culture. I will answer that in a general way. We do not have any
particular comments to make, but we have general comments to make that we are
very deeply concerned with the end product because we hire it. And we feel that
the curiculum is very basic to what kind of bayor girl we produce to come in
our business system. Now, we feel, in the business community, that we have
contributed tremendously to the growth of Quebec for many years. We figure that
the Anglophone has put his part in the developing of this country. We feel just
as much Quebecois as some of you. We feel that we are a part of it, we want to
remain a part of it and we are proud of it. When we think of things like Expo
67, we are simply amazed at the fact that this Province was able to set a mark
for the whole world which it has not been able to forget and will not forget.
That is because we had a dual culture. We feel that the two cultures can exist
side by side and that it is all the richer because we have the two.
We respect and understand the thaught of the French Canadian when he
says he must protect his language and his culture. But that is equally true for
us, on the English-speaking side. We believe that you must be able to recognize
that because you see that it is so important. We feel that for us to do that we
must retain the control of English-speaking education at the board level. This
is something which was given us in 1841 in the legislation of that time and
protected later in the BNA Act in article 93. It is something that we are not
prepared to sacrifice.
Now, we feel that this is recognized in the Parent report. We refer you
to page 160, volume 4.
Now as regards our ability to take our part in being able to speak
French in Quebec, I would like to state this, that we have recognized this for
some time. In the past ten years, just speaking of the Protestant School Board
of Greater Montreal, I might say that, from seven in 1959, they have risen to
107 French specialists in less than a decade; that does not count the French
sepcialists they have in High schools and those who are teaching in our all
French schools where we have both French and English systems going on
simultaneously.
We have no fears at all about being able to create people with a working
knowledge of French and better, with our system, as is developing. We know we
have a long way to go, but many of us who have had children and who have come
through the system are all ready; they came through a decade ago, had a working
knowledge of French, and those that are
coming through today are much better and it is continuously
improving.
So we are completely sympathetic and fully confident of our ability to
produce people with an ability to speak in French and to take their part fully
in French. There is now one thing I want to bring out and I know that this
might be the subject of a long debate, I will be very brief, Mr. President, but
I believe that between the French-speaking Canadian and the English-speaking
Canadian, in general, there are different modes of though and action; their
philosophies do differ, their approaches to problems differ. I think that we
should respect this; I think that if we try to put ourselves all into one mold,
we will loose something and that the duality of our culture, which has made
this such a dynamic place in which to live, will start to disappear and that
instead, we will tend to drive people into a sort of ghetto situations.
I would also like to point out one other thing. Our modern business
teaching and management teaching stresses the business of participation and
decries our territorianism. This is something which we have recognized for at
least the last 30 years in our Protestant English-speaking system and we have a
splendid participative activity going on between our teachers, our
administrators and our board. This is the reason for the strenght that we have
and for what was remarked in the Parent Report about the quality of the system
that we have produced.
Nor, just because I am talking about having two different things, does
not mean that we are setting one up as superior to the other. I am saying that
they both have rights, they both have qualities and they both, if you like, are
equal. But it makes it all the richer because we maintained them both. That is
my first point. My second point relates to the school board system. Although I
am here as a businessman, I have had 23 years of experience on a local board; I
am thoroughly familiar with the Protestant English-speaking system. I have
represented that on the Greater Board for the last five years, I am deeply
involved and interested in this, and I would like to point out what I think is
not generally recognized by our French-speaking friends.
That is that that particular system does not have the faults which you
are still trying to correct in some quarters of your French-speaking
system.
It is true that we have a lot of local boards which have given up fully
their administrative powers to the Protestant School Board of Greater Montreal
for purposes of economy. Those local boards do not cost the people of Quebec
hardly anything. They work without salary, they have some minor travelling
allowances you know. It is not a costy situation but they perform a very
important function and that is this: they their eyes on the developments in the
municipalities; they see school property when it should be bought, they try to
buy it in due time before the property values rise and they try to locate
schools properly.
Schools committees are just excellent and can perform excellent
fuctions, but I question whether they have been able to perform that particular
role, and I want to emphasize that I feel that if the French-speaking system
were to continue what it has already begun to a great extent in its
regionalization, they could accomplish on the French side completly what we
feel we have already done quite adequately and effectively in the English
Protestant side.
Our board is completly ready to join up with the English speaking
Catholics but what we do want to do is to maintain at the board level the
ability to control our own culture and our own education. Now one other final
thing and this is my closing remark; I would like to point out that I think it
would be a grave error for you to think that the local boards are ready to
loose this for the English-speaking public, just like that, because and
I am speaking as such a member being on a local board, we feel that we
are the custodians, we are elected by the public in most of those local boards
they talked about, all except the City of Montreal; in all of those, we are
elected by the people and we feel our responsibility to the people for the
property which is ours and invested in local boards; we would never be able to
allow that to pass out of our hands without the matter being referred to the
people, because we are the custodians of the people. So we would be forced into
the position of having no alternatives but to act on our constitutional
grounds.
M. CARDINAL: Est-ce que je puis, tel que convenu au début de la
séance, rappeler qu'il est cinq heures trente; je proposerais d'ajourner
nos travaux à huit heures quinze ce soir.
M. PORTEOUS: Cinq minutes seulement, M. le ministre, parce que nous
devons partir pour Montréal tout de suite.
M. CARDINAL: Bon. Si vous me dites que c'est seulement cinq minutes
parce que moi aussi j'ai des obligations et je suis obligé de les
assumer. Alors, disons que nous accordons cinq minutes mais nous ajournerons
dans cinq minutes jusqu'à huit heures quinze?
M. PORTEOUS: S'il vous plaît, cinq minutes.
M. CARDINAL: Nous vous accordons quatre minutes.
MR. DAVIDSON: Mr. President, I regret that my knowledge of the spoken
French is
such that I have not been able to gather much of what has been said this
afternoon. Before just saying a few things about our submission, I would like
to suggest that, if you are going to have other English people here, such as
myself, perhaps, it would be helpful to provide translation services for people
like me.
I would like to just give you a very brief background of our Board of
Trade approach to this submission. We appeared some months ago before the
Gendron Commission and the observations which we made, I think, related
specifically to what we are trying to aim for in the brief which we have
submitted today.
Our feelings at that time were that it is fundamental to a constructive
and a progressive language policy for Quebec that there be :
(a) A growing and dynamic economy in Quebec.
(b) A leading role for Quebec in the growth and development of the
Canadian economy.
(c) An increasingly active and significant involvement by Quebec as a
part of Canada in the international communication.
(d) A bilingual basis for international communications exchanges with
the rest of Canada and the global community, economically, technologically and
intellectually.
The Board, therefore, concluded that a language formula should be
adopted by Quebec compatible with the findings of the Royal Commission on
Bilinguilism and Biculturalism. And, under this formula, as the Board viewed
it, the Montreal region would have an official bilingual base and other regions
of the province would have a defined language base compatible with their
economic and cultural needs.
Within this context, it is essential that at least within the official
bilingual areas, the educational system be designed to effectively teach both
languages.
MR. PORTEOUS: M. le ministre, j'ai deux minutes encore. Je vais dire
tout simplement: "May we respectfully request that the brief in its entirety be
published in the Debates"? En terminant, nous avons quelque chose qui porte
à réfléchir. Nos écoles et nos universités
vont conférer des diplômes à environ 80,000 jeunes
travailleurs instruits pour chacune des cinq prochaines années. Ces
étudiants ne peuvent se permettre de tolérer une situation qui
les prive de leur droit de travailler. A moins que le bill 62 ne soit
modifié, comme nous le suggérons, nous avons la ferme conviction
que c'est le résultat malheureux qui sera atteint. Je vous remercie
beaucoup, M. le Président. Thank you very much.
M. CARDINAL: Merci. On pourrait ajouter: I am very sorry, but we do not,
in the National Assembly, neither in the committees, provide translation. In
fact, all the members of the Parliament are bilingual, the journal des
Débats is published in the language of each of the members. There is no
translation and there is no budget to provide money for such a service. I am
sorry, but that is a fact. We have to live with.
UNE VOIX: C'est un bon point pour un homme d'affaires.
M. LE PRESIDENT: Nous suspendons jusqu'à 8 heures, mais ce soir
nous entendrons Presbyterian College et United Church, le Pacifique Canadien et
la compagnie des Chemins de fer nationaux, l'Association des principaux de
Montréal et la Société Saint-Jean-Baptiste.
Si je comprends bien, Presbyterian College et United Church of Canada
have a joint brief. Also for the Canadian Pacific Railway and the Canadian
National Railway. En d'autres termes, il y aura quatre mémoires à
présenter.
Nous suspendons la séance jusqu'à 8 heures 15.
Reprise de la séance à 20 h 25
M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A
l'ordre, messieurs! Est-ce que le député d'Ahuntsic aurait
quelque chose à dire?
M. LEFEBVRE: M. le Président, je regrette que, sauf erreur, les
représentants du Montreal Board of Trade ne soient pas revenus. Je les
avais invités à le faire, mais je crois qu'ils devaient prendre
un avion pour Montréal. C'est qu'à la fin de la séance M.
Sheldrick, un des représentants du Board of Trade, a émis une
opinion qui, à mon avis, est d'une grande importance pour la
compréhension de ce débat. Quant à moi, n'engageant que
moi-même, je voudrais réagir à l'opinion qui a
été émise, parce que je pense qu'il faudrait, dans la
mesure du possible, éviter qu'autour du bill 62 nous assistions à
des débats aussi passionnés que cela a été le cas
pour le bill 63, les rôles étant peut-être, cette fois-ci,
inversés.
J'espère citer honnêtement M. Sheldrick, lorsqu'il a dit:
Nous avons des cultures, des méthodes de faire différentes. Somme
toute, il a tiré de cela la conclusion que la meilleure solution,
c'était "to stay apart". Que chacun, somme toute, garde ses
institutions.
Quant à moi, j'ai vraiment l'impression, et, à l'heure du
souper, j'ai fait, avec les moyens du bord, parce que l'Opposition n'a pas de
budget, les budgets du gouvernement et les fonctionnaires dessinateurs...
M. CARDINAL: Pardon, est-ce que le chef de l'Opposition n'a pas un
budget de $50,000 pour fins de recherche?
M. LEFEBVRE: Ah oui. Mais le chef de l'Opposition est aux Bermudes
actuellement.
M. CARDINAL: Ah, tiens! On vient de le confirmer. C'est au journal des
Débats.
M. LEFEBVRE: Soyons sérieux, parce qu'en fait c'est très
sérieux. Moi, j'ai l'impression que si on ne réussit pas, en
fait, à briser les fameuses "deux solitudes", c'est la
société québécoise qui est menacée de sauter
en l'air. Tout le monde sait que, pour ma part, je n'ai aucune espèce de
tendance au séparatisme, mais je crois que chacun doit faire un effort
et je l'ai dit en toute franchise, cet après-midi, à deux
groupes de langue anglaise pour éviter de prendre des positions
qui sont tellement exagérées ou tellement passionnées
qu'elles enveniment le débat. M. le ministre a dit, cet
après-midi, qu'après avoir entendu les gens peut-être qu'il
changerait d'idée sur tel ou tel point. Moi, en tant que citoyen du
Québec et membre de ce Parlement, je demande aux groupes qui viennent
témoigner ici d'avoir la même attitude que les hommes politiques.
C'est-à-dire que je serais heureux, quant à moi, si les gens qui
ont présenté un mémoire où il y a telle affirmation
qu'à la suite de la discussion ils jugent eux-mêmes extravagante,
qu'ils corrigent ce mémoire et qu'ils soumettent à
l'Assemblée nationale une version corrigée de leurs points de
vue. Autrement dit, il n'y a pas que les politiciens qui doivent évoluer
dans la société, il y a aussi les autres groupes de la
société. Autrement, on arrive à des affrontements qui
peuvent être extrêmement dommageables.
Pour ma part, je ne voudrais pas du tout que le Montreal Board of Trade,
qui est un groupe très respectable auquel sans doute bien peu d'hommes
politiques oseraient répliquer, croie que je m'oppose globalement
à son point de vue, pas du tout, il n'est pas question de ça.
Justement, je crois qu'il faut attacher de l'importance au point de vue de ces
gens, il faut les prendre au sérieux et il me semble, quant à
moi, qu'ils manifestent beaucoup trop de rigidité lorsqu'ils semblent
affirmer que la seule façon de protéger les droits des
élèves de langue anglaise est d'établir la distinction
linguistique au niveau des commissions scolaires.
Je m'excuse du caractère rudimentaire de cela, mon exposé
sera très bref mais je veux démontrer, en deux minutes,...
Cela ne marche pas, ah oui! ça fonctionne, très bien, la
baguette a un bout rouge, tant mieux avec un bout rouge ça va être
plus efficace.
M. CARDINAL: ... le député d'Ahuntsic. Je me trouve tout
à coup à rejoindre les deux bouts, en même temps je vois
que...
M. LEFEBVRE: Alors, voyez-vous, on entend toutes sortes de choses
moi, si je fais ça, ce n'est pas pour le plaisir de faire un "show" et
je ne retire pas de cachet de l'Union des artistes non plus et nous en
avons pour quelques audiences encore à discuter de ce bill et je pense
que, souvent, les gens parlent un peu dans le vague sans avoir à
l'esprit la réalité des choses. Nous en avons eu une bonne preuve
cet après-midi quand on nous a affirmé comme une chose
invraisemblable qu'une commission scolaire administre à la fois des
écoles françaises et des écoles anglaises, alors que
ça se fait depuis des décennies à Montréal, et je
ne sache pas que quelqu'un en ait été vraiment
frustré.
Alors, il faut tenir au moins compte de la réalité, je
crois. Vous avez ici, supposons à la base je regrette que les
carrés soient rouges mais c'est un fait qu'il y a beaucoup de
libéraux à Montréal les six groupes
d'élèves. Certains voudraient qu'il n'y en ait que quatre, pour
l'instant disons que ce n'est pas un problème. Donc, vous avez quatre ou
six groupes d'écoles qui seraient des écoles françaises
catholiques, anglaises catholiques, françaises protestantes, anglaises
protestantes, ni catholiques ni protes-
tantes françaises et ni catholiques ni protestantes
anglaises.
C'est là que sont les écoles. Ensuite, il y a les
commissions scolaires régionales qui sont pro posées pour
Montréal et c'est là que la bataille s'engage. Il y a des gens
qui disent: il n'y a qu'une façon de régler le problème,
il faut que nous ayons des commissions scolaires françaises et des
commissions scolaires anglaises. Moi, je dis que c'est discutable. Pour
l'instant je ne dis pas que ça devrait être l'un ou l'autre, mais
je dis que nous ne devrions pas prendre de position aussi catégorique
sur des choses comme cela.
Les gens semblent oublier une chose. Si vous remontez quelques
échelons plus haut, vous voyez ici le conseil proposé, le conseil
métropolitain. En haut, vous avez le ministère, ce qui est
très loin de l'école locale. Les problèmes de manuels
français, anglais ou quels qu'ils soient se règlent là.
L'acceptation des manuels se fait là. La question des professeurs, les
normes d'admission, les normes de travail, les salaires que cela plaise ou non,
c'est là que cela se fera de plus en plus. Les programmes, qu'ils soient
français, anglais, catholiques ou protestants, c'est là. Enfin,
les budgets, les devis pour les constructions d'écoles, qu'est-ce qui ne
se règle pas là, je vous le demande? Il y a certaines choses,
parce qu'autrement nous serions dans un régime dictatorial. Je ne veux
pas mettre en doute la légitimité des pouvoirs du
ministère de l'Education, car je suis l'un de ceux qui se sont battus
pour établir ce ministère-là. Lorsqu'on admet ceci
je le dis en toute amitié et sans aucune agressivité envers qui
que ce soit je ne comprends pas que des gens viennent à la barre
et semblent prêts à déchirer leurs vêtements en
public tellement ils seraient scandalisés si la distinction linguistique
ne s'établissait pas à ce niveau-ci.
Je dis que la distinction linguistique pourrait s'établir
à ce niveau-là. Elle pourrait s'établir au niveau des
commissions scolaires. Elle pourrait aussi s'établir au niveau
administratif, à l'intérieur des commissions scolaires, en ayant
des administrations de programmes anglais, français, catholiques, etc.
Pour l'instant, je ne veux pas prendre une position définitive sur une
formule, mais je me dis: De grâce, n'allons pas engager la guerre sainte.
Cet après-midi, on parlait de faire un procès au point de vue
constitutionnel. D'autres semblaient nous menacer des pires choses si nous
n'adoptions pas telle ou telle solution. Tout ce que je souhaiterais dans ce
débat-là, c'est qu'il soit fait sans passion. On a assez vu et
assez entendu de folies à l'occasion de la discussion sur le bill 63,
à mon humble avis je ne dis pas qu'il n'y avait pas
matière à discussion nous avons assez entendu de propos
exagérés et passionnés qu'il ne faudrait pas recommencer
le même stratagème, parce qu'à force de faire cet abus de
passion la société québécoise finira par
éclater.
On va dresser les groupes les uns contre les autres. On va
accroître continuellement la méfiance et on va finir par prendre
vraiment des vessies pour des lanternes, comme ce me semble être un peu
le cas dans les attitudes catégoriques que certains prenent.
Encore une fois, je trouve très légitime le point de vue
de ceux qui veulent des commissions scolaires linguistiques, mais je pense
qu'il peut être également légitime de dire: Nous allons
avoir des commissions scolaires uniques et, à l'intérieur de ces
commissions scolaires, nous allons prendre des moyens pour assurer la
protection des droits des minorités. C'est le point sur lequel, pour ma
part, j'avais insisté le 11 décembre.
Encore une fois, si j'ai voulu faire ce petit dessin très mal
foutu et dont je m'excuse, c'était pour bien faire réaliser que
les choses les plus graves se règlent déjà au sommet, au
niveau du ministère, et le ministère n'est pas français
d'un côté puis anglais de l'autre; le ministère, il est le
ministère de l'Education et il couvre tout le monde. Alors, il me semble
que, ceci étant dit, il faudrait manifester de toute part un peu plus de
souplesse dans le débat. J'invite mes amis du Board of Trade en
fait, ils sont mes amis comme tous les Québécois sont mes amis
à relire certains paragraphes de leur mémoire à la
lumière de ces savants graphiques et à peut-être faire ce
que les hommes politiques font lorsqu'ils se trompent, ce qui nous arrive
souvent, c'est-à-dire de se corriger eux-mêmes. Je vous
remercie.
M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez, à la
suite de cet exposé du député d'Ahuntsic, j'aurais deux
remarques à faire. Je ne ferai pas un discours. La première c'est
que, de fait, je suis très heureux qu'il ait fait cette
démonstration. A la fin de la séance cet après-midi, j'ai
souligné que et je m'excuse d'être brutal -
malheureusement, sans cesse dans les réunions où je vais, dans
les journaux que je lis, dans les déclarations que j'entends, je
m'aperçois que les gens n'ont même pas lu le projet de loi 62 et
n'ont pas analysé les niveaux qui sont proposés.
Au lenlemain de l'adoption du projet de loi 62 je le disais cet
après-midi, c'est peut-être la 25e fois que je le dis il y
aura encore le même ministère de l'Education, il y aura encore les
mêmes enfants dans les mêmes écoles. Il y aura encore les
mêmes parents des mêmes enfants. Il y aura encore, très
probablement, tout un groupe de personnes qui sont déjà dans les
commissions scolaires qui existent. Il y aura encore les mêmes
enseignants. Au lieu d'inventer un futur à partir de passions ou de
préjugés, que l'on se rende compte que ce futur, il va être
bâti à partir d'un présent, et qu'il n'y aura que les
structures qui changeront. Quand vous regardez le ministère qui est
vraiment multicon-fessionnel, multilingue si vous voulez, il y a
derrière moi M. Beauchemin, M. Dickson, qui tous les deux
assurent d'après la loi cette garantie, le ministre étant et
devant être en conscience absolument neutre et sur le plan religieux
quelles que soient ses convictions et sur le plan linguistique quelles que
soient aussi ses convictions.
Considérez ces structures qui sont proposées, et regardez
ce qui se passe. Après-midi, il y a une chose sur laquelle je ne suis
pas revenu. On m'a souligné qu'il y avait des élections à
Montréal pour les commissaires. Je regrette, relisez quelqu'un qui n'est
pas un ami particulier du gouvernement actuel, M. Filion, relisez-le lorsqu'il
raconte les mémoires d'un commissaire, rappelez-vous ce qu'il dit
à propos de sa propre élection comme commissaire dans
Saint-Bruno.
Ecoutez Guy Rocher quand il raconte comment il a été
élu commissaire dans Outremont. Lisez les textes qui ne viennent pas du
ministère mais qui viennent de la Fédération des
commissions scolaires qui ont établi que, dans le Québec, il y a
18 p.c. des commissions scolaires où il y a de véritables
élections démocratiques. Il y a 82 p.c. des cas où les
gens sont nommés par le conseil des ministres parce que personne ne se
présente, ou ce sont les mêmes gens qui sont élus par
acclamation, acclamation que j'ai appelée silencieuse. Que l'on regarde
les choses comme elles sont. Qu'on ne s'imagine pas que c'est la grande
démocratie qui joue au sein des commissaires d'écoles. Qu'on ne
s'imagine pas qu'à Montréal présentement et j'en
appelle au député d'Ahuntsic qui a été commissaire
désigné au Protestant School Board of Greater Montreal ou
à la CECM les gens sont élus.
M. LEFEBVRE: Le ministre ne me prend pas à témoin de ce
qu'il vient de dire au point de vue de la démocratisation, parce que je
suis en complet désaccord avec lui.
M. CARDINAL: Non, je ne parle que du passé ou du
présent.
M. LEFEBVRE: D'accord.
M. CARDINAL: Il y a 42 commissions scolaires à Montréal.
Le Protestant School Board of Greater Montreal couvre toute l'île de
Montréal, sauf la partie ouest qui est le West Island Protestant School
Board qui s'en va jusqu'à Vaudreuil-Soulanges. Les commissions locales
qui n'ont parfois qu'un territoire de un mille carré, qu'on regarde ce
qui s'y passe vraiment. C'est la première remarque
générale que je veux faire. Plutôt que de partir
d'idées, que l'on parte de la réalité qui existe
présentement, que l'on parte des statistiques qui apparaissent au
journal des Débats du 11 décembre 1969. Que l'on parte de
l'expérience de ceux qui sont déjà dans les commissions
scolaires de Montréal. Que l'on parte et c'est moi qui le dit
de l'expérience d'une commission scolaire isolée sur
l'île de Montréal, qui s'appelle Saint-Léonard et qui peut
adopter une résolution et pendant un an nous tenir tous en haleine.
Entre parenthèses, c'est arrivé une fois en cent ans; ça
aurait pu arriver cent fois par année. Que l'on parte de la
réalité.
Le projet de loi 62 a quatre objectifs qui ont été
rappelés cinquante fois. Aucun de ces objectifs ne doit être mis
en cause. Si un de ces objectifs est mis en cause, la société du
Québec souffre de quelque maladie. Si les gens aujourd'hui, en 1970,
n'admettent pas que tous les enfants de Montréal, quelle que soit leur
langue, quelle que soit leur religion, quelle que soit la richesse ou la
pauvreté de leurs parents, quel que soit le quartier qu'ils habitent,
qu'ils soient sur la montagne ou au pied de la montagne, au pied du courant ou
près de la rivière, de l'autre côté, qu'ils n'aient
pas droit aux mêmes services, quelle que soit la contribution que, dans
le passé, qui que ce soit ait faite. Si les gens n'admettent pas, en
1970, que sur l'île de Montréal il y a pluralisme religieux et
linguistique, il ne se sont pas promenés à travers l'île de
Montréal.
Je regrette, je l'ai fait, à pied, et à travers tout
l'île.
Si les gens n'admettent pas qu'en 1970 les parents demandent une
participation qu'ils n'ont pas depuis des années, ils n'ont pas droit
à cette participation; ils n'ont pas droit au choix de l'enseignement
confessionnel pour leurs enfants ce ne sont pas des structures qui vont
la leur donner, parce qu'à la limite, comme je l'ai déjà
dit, s'il faut que pour être catholique ou protestant l'on ait des
structures catholiques ou protestantes, que les enseignants soient
passés dans des écoles catholiques ou protestantes, il va falloir
une loi pour obliger les parents à être catholiques ou
protestants. Qu'est-ce qui se passe dans les écoles secondaires,
aujourd'hui, au point de vue de l'enseignement religieux après des
règlements approuvés par le comité catholique et le
comité protestant? Je m'excuse! Ne rêvons pas! Ne passons pas
notre temps, et puis encore là... Je me rappelle le débat autour
du bill 60 et de l'opération 55 sur les écoles mixtes. Or, ceux
qui ont fait le débat, c'était des parents qui étaient
tous allés à l'école mixte dans les rangs et qui ne s'en
rappelaient pas. Qu'on regarde la réalité des choses!
Et le quatrième objectif, sur lequel le député de
Ahuntsic ne sera pas d'accord, sauf sur le principe, est ce que j'appelle la
démocratisation des structures. D'accord qu'à cet endroit des
modalités nombreuses peuvent s'appliquer, mais sur le principe de la
démocratisation des structures qui n'existe pas à Montréal
et où les gens ne participent pas...
M. LEFEBVRE: Ce que les Montréalais demandent depuis des
années.
M. CARDINAL: ... mais que les Montréalais exigent. Dans le
rapport Parent, dans les annexes, on voit que 60 p.c. des associations qui se
sont présentées ont demandé la démocratisation et
la commission scolaire unique. Les chiffres, 60 p.c, sont au journal des
Débats, Si l'on ne s'entend pas sur ces quatre objectifs, si l'on
discute ces quatre objectifs, prenons le bill 62 et oublions-le. Nous ne sommes
pas prêts, nous, membres de l'Assemblée nationale, nous, citoyens
du Québec, à accepter l'égalité des chances pour
tous, à accepter que tous aient le droit de s'occuper de tout; à
accepter qu'il n'y ait pas un groupe qui s'occupe de l'économique et un
autre qui s'occupe des idées; à accepter, comme l'écrivait
autrefois un monseigneur dans un livre qu'on apprenait au collège, qu'un
certain groupe devait brasser de l'argent pendant que nous, nous devions
brasser des idées.
Je ne me sens même pas le besoin de m'excuser de rappeler ces
choses, ce sont des choses que je n'invente pas, qui existent et qui ont
existé. Il n'y aura pas une révolution, si le projet de loi 62
est adopté; les modalités de ce projet sont toutes discutables,
mais les objectifs de ce projet et certains des moyens pour y atteindre et le
fait qu'il y a le projet de loi 63 qui soit maintenant une loi créent
une situation qui n'est pas la situation d'il y a un an, qui n'est pas la
situation d'il y a cinq ans.
Ce projet de loi vient de loin, il vient du rapport Parent, il vient des
recommandations du conseil supérieur, il vient des recommandations de
l'Association des éducateurs du Québec, il vient des
recommandations du rapport Pagé. Et encore, quand on allègue le
rapport Pagé, regardons les choses en face. Au lendemain du rapport
Pagé, combien y a-t-il eu de rapports minoritaires après tout le
cheminement qui avait été fait à ce comité pendant
18 mois, dont j'ai suivi les travaux, et dont je félicite d'ailleurs les
membres pour le cheminement qu'ils avaient accompli? Que s'est-il produit
après? Ces choses sont toutes des faits, ce ne sont pas des
idées. C'est tellement vrai que si vous lisez la Loi du conseil
supérieur, vous verrez que, déjà, prévoyant
là le comité catholique et le comité protestant, on
prévoit dans cette loi et c'est pourquoi le projet de loi 62
emploie les mêmes termes un enseignement catholique, un
enseignement protestant et un enseignement autre. Le mot "autre" n'est pas mis
là pour que le gouvernement se voile la face, il est mis là
uniquement par concordance avec les lois qui existent déjà depuis
le début de la réforme.
Le projet de loi 62, comme le projet de loi 63, ne fait
réellement que modifier l'article qui est la clé de voûte
de la vieille Loi de l'Instruction publique, l'article 203, qui impose aux
commissions scolaires l'obligation de donner certains programmes. Le projet de
loi 62 n'est qu'un très long amendement que peu de gens ont lu, et je
félicite le député d'Ahuntsic de l'avoir lu pour pouvoir
l'expliquer; ce n'est qu'un très long amendement à un seul
article de la Loi de l'Instruction publique, loi qu'il faudra d'ailleurs
modifier, parce qu'on ne peut pas sans cesse, pendant des années,
mêler le vin vieux et le vin neuf. On ne peut pas, maintenant qu'il y a
la Loi du conseil supérieur de l'éducation, la Loi du
ministère de l'Education, la Loi 63, le projet de loi 62, raisonner
comme si rien de cela n'avait été fait.
Récemment, lors d'une réunion
conférence-débat, lorsque quelqu'un s'est mis à citer des
articles de ce qu'il appelait le bill 60, alors qu'il citait la Loi de
l'instruction publique. Je n'ai pas pu faire autrement que rappliquer, parce
qu'il fallait quand même que l'on sache de quoi on discute, dans quel
cadre on discute, à partir de quoi l'on part, où l'on s'en va, ce
que l'on cherche. Je l'ai dit à quelques reprises, une minorité,
présentement au Québec, a des craintes. Je constate qu'elle a des
craintes. C'est peut-être salutaire de constater qu'à son tour,
elle puisse évaluer les craintes que l'autre minorité, dans tout
le Canada, a eues pendant x années. On ne peut pas faire des appels
à l'unité dans un seul sens. Et qu'on ne parle pas de ghetto. Si
on fait des commissions scolaires uniques, il n'y aura pas de ghetto. Mais si
on fait la ségrégation, nous continuerons les ghettos qui
existent actuellement. L'on a beau tourner les mots à l'envers,
regardons la réalité en face et à partir de cette
réalité, essayons, comme l'a dit le député
d'Ahuntsic, de dépas-sionnaliser le débat. Si le débat se
tient à partir de craintes, à partir de privilèges,
à partir de situations historiques, à partir de menaces
c'est le député d'Ahuntsic qui le dit, je reprends ses mots
d'utiliser les tribunaux, je me demande comment les travaux de cette
commission vont se continuer. Alors que moi-même, comme
représentant du gouvernement, j'ai indiqué à plusieurs
reprises, après avoir entendu des gens, que j'étais prêt
à modifier ou que nous étions prêts à modifier notre
attitude sur tel ou tel sujet, j'appuie entièrement ce
député de l'Opposition qui dit: Messieurs faites au moins comme
les politiciens, et soyez prêts, vous aussi, devant les explications
qu'on vous donne, après avoir lu le journal des Débats du 27
novembre, du 11 décembre, après avoir écouté ce qui
s'est dit jusqu'à présent, à modifier aussi vos
attitudes.
En terminant, M. le Président, pour laisser la parole à
ceux qui veulent nous donner leur point de vue, je ne puis qu'approuver le
député d'Ahuntsic pour ce qu'il a fait. Je souhaite que le parti
de l'Opposition le garde dans ses rangs.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si vous me permettez juste un mot,
parce que sur un tel concert d'éloges, je risque de m'évanouir.
Je veux qu'il soit bien clair, parce que le ministre est un homme fort habile,
je le remercie de tous ses bons mots, mais je ne veux pas qu'il y ait
d'équivoque. Je répète que nous sommes en
désaccord avec lui sur un grand nombre de points concernant ce bill. Le
seul point que, quant à moi, j'ai essayé de clarifier,
c'était la question de dépassionnaliser le débat, parce
qu'on a dit, cet après-midi, que si on avait des commissions scolaires
uniques, les Anglais disparaîtraient du Québec. Il y a quelques
mois, on a dit que les Français étaient pour disparaître.
Finalement, il ne restera plus personne. Or, moi qui aime la compagnie, je
voudrais bien ne pas rester seul dans le Québec.
Alors sur cette boutade, je répète que mon point ne visait
qu'un objectif précis, mais que le ministre ne se fasse pas d'illusion,
qu'il ne pense pas que c'est le mariage d'amour entre l'Opposition et le
gouvernement, parce que nous sommes prêts à faire une lutte et une
lutte dure, mais sur des questions, si vous voulez, qui ne sont pas des
questions passionnelles. Nous croyons que certaines modalités du bill ne
rejoignent pas les objectifs qu'il a mentionnés. Là-dessus, nous
sommes prêts à nous battre assez durement. Seulement, encore une
fois, nous espérons ne pas dépasser les bornes des choses
raisonnables et j'espère que tous ceux qui participent au débat
feront la même chose.
M. CARDINAL: Sur cela, je suis d'accord. C'est le rôle de
l'Opposition de s'opposer.
M. LE PRESIDENT: Alors le député de
Notre-Dame-de-Grâce a la parole.
M. TETLEY: M. le Président, brièvement, je ne partage pas
exactement l'opinion du député d'Ahuntsic et surtout des
remarques qu'il vient de faire au sujet d'abord des professeurs.
Ce n'est pas le ministre qui fait le choix des manuels ni le choix des
professeurs.
M. CARDINAL: Je m'excuse mais, d'après la Loi de l'instruction
publique, les manuels, les crayons, les cartes géographiques, les boules
terrestres, etc., ce n'est pas le ministère, c'est le ministre qui les
approuve.
M. TETLEY: Oui, mais ce n'est pas vous qui décidez qu'un tel
professeur est acceptable ou non, vous laissez ça aux commissions
scolaires qui, à l'heure actuelle, sont protestantes ou anglophones et,
de l'autre côté, sont catholiques ou françaises.
Aujourd'hui, suivant votre tableau, que j'admire beaucoup, M. le
député d'Ahuntsic, vous avez modifié ces deux commissions
scolaires marquées CS, CS; elles ne sont toutes deux ni anglophones ni
francophones aujourd'hui; suivant votre formule ou celle du bill 62, elles sont
tout simplement neutres, c'est-à-dire à majorité
francophone dans neuf cas et à majorité anglophone dans deux cas.
C'est un changement grave et énorme que de faire un tableau comme
ça.
M. LEFEBVRE: Mon cas devient grave, si je suis contesté dans mon
parti et approuvé par le ministre. Ce ne sera pas la première
fois, je suis habitué aux situations dramatiques.
M. TETLEY: Si vous permettez, je n'ai pas terminé.
M. LEFEBVRE: Me permettez-vous de donner une explication? Parce qu'il y
a quelque chose ici...
M. TETLEY: Non. Un instant, je voudrais dire que j'ai bien aimé
vos remarques au sujet des personnes passionnées, mais je ris un peu
ici; j'ai noté que les deux personnes les plus passionnées
aujourd'hui ont été vous et votre nouvel ami le ministre.
M. LEFEBVRE: Bon. Il y a de bons moments en politique, contrairement
à ce que pensent les gens. Mais, je m'explique, pour
l'édification de mon collègue; j'ai voulu être très
rapide et je ne me pense pas non plus le meilleur expert en ce qui concerne le
ministère de l'Education, mais disons que je connais ça un petit
peu. Ce que j'ai voulu indiquer j'ai peut-être été
trop rapide c'est ce que vous avez ici: CC, c'est le comité
catholique et CP, le comité protestant. J'ai passé
là-dessus tout à l'heure, parce que j'étais
gêné d'être en avant, je suis un garçon timide de
nature. Mais, voyez-vous, c'est qu'actuellement le caractère
confessionnel des écoles est garanti en vertu de la Loi du
ministère et de la Loi du conseil supérieur, sous la surveillance
de ces deux comités. Bien, écoutez, qu'on me corrige.
M. CARDINAL: Je n'hésiterai pas à vous corriger.
Ils sont garantis par deux choses: La structure du gouvernement est
neutre, l'Assemblée nationale, la structure du ministère est
neutre, sauf qu'il y a le sous-ministre associé catholique et le
sous-ministre-associé protestant, et au conseil supérieur, le
comité catholique, qui approuve les programmes, les manuels...
M.LEFEBVRE: C'est ça.
M. CARDINAL: Qui reconnaît des écoles comme catholiques ou
protestantes, qui a adopté à cette fin des règlements qui
d'ailleurs n'ont jamais été en vigueur. Et il y a le
comité protestant qui fait de même.
M. LEFEBVRE: Vous ne me corrigez pas, vous m'approuvez.
M. CARDINAL: D'ailleurs, s'ils ne veulent pas vous garder, je vous
invite.
M. LEFEBVRE: Tout ce que j'ai voulu dire, M. le Président, et je
m'excuse d'avoir offensé certains de mes doctes collègues, c'est
que, déjà, dans les structures de notre système
d'éduca-
tion, telles que décrétées par notre Parlement
québécois, nous avons confié au gouvernement des
responsabilités considérables; il y a en fait une seule chose que
j'ai affirmée; je n'ai même pas pris position à savoir s'il
nous fallait des commissions scolaires françaises ou anglaises, à
la formule Pagé, avant qu'il change d'idée, ou s'il nous fallait
des commissions scolaires catholiques et protestantes, à la formule
Bouchard; je ne me suis pas prononcé là-dessus, j'ai simplement
dit: Quant à moi, il me semble que ce n'est pas la peine de
déchirer ses vêtements.
Je vois un homme calme comme M. François-Albert Angers, que nous
allons entendre tout à l'heure, je suis sûr qu'il ne sera pas
passionné, lui non plus.
C'est le seul point, M. le Président; je m'excuse si mon
exposé a été imcomplet; encore une fois, le seul point
important, c'était qu'il me semble y avoir des choix discutables sans
qu'il soit nécessaire de jeter la province par terre; c'est tout ce que
j'ai voulu dire.
M. TETLEY: Il y a aussi les questions de confessionnalité qui ont
tout changé.
M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous entendrons...
M. CARDINAL: Justement à ce sujet-là, j'ai entendu
quelqu'un, de l'autre côté de cette barre, et j'ai
rencontré de nombreuses personnes. Encore une fois, nous allons, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, regarder les choses telles
qu'elles sont. Parlons de la foi ou de la confessionnalité, que les mots
soient français ou non.
A) A Montréal, (je ne parle pas de la province) sauf le
Protestant School Board of Greater Montreal, sauf la CECM et sauf,
peut-être je mets un point d'interrogation, je vérifierai
la commission scolaire catholique de la ville de Saint-Laurent qui a une
charte spéciale, toutes les autres commissions scolaires sont communes
au sens de l'article 1 de la Loi de l'instruction publique, c'est-à-dire
qu'elles admettent tous les étudiants, tous les élèves,
quelle que soit leur confession, sauf le droit de dissidence qui ne s'est
jamais exercé, à ma connaissance, à Montréal.
B) Le mot "protestant" à Montréal, depuis 1904 ou 1905, je
m'excuse de ne pas avoir la date précise, ne signifie plus protestant.
Les catholiques romains sont tous ceux qui, au sens du droit canonique, ont
été baptisés dans l'église catholique romaine,
apostolique, catholique, etc.; tous les autres sont des protestants,
c'est-à-dire que les Grecs orthodoxes sont des protestants, que les
Coptes sont des protestants, que les Juifs sont des protestants, que les
agnostiques sont des protestants. Il reste quand même de la place pour
les vrais protestants qui ont quitté l'Eglise catholique au XVIII
siècle, au moment de la Réforme.
Protestant veut dire multiconfessionnel ou neutre, selon que l'on
accepte le mot ou pas. M. Peter White qui pourra me corriger a
dit lui-même, un mercredi soir au couvent de Saint-Albert-le-Grand, que
les Anglo-protestants ou les anglophones, je ne me souviens plus, ne
désiraient pas d'écoles protestantes. Au ministère et au
gouvernement, chaque année, nous adoptons des arrêtés
ministériels pour abolir les écoles protestantes à travers
la province parce qu'il n'y a plus grand monde qui veut des écoles
protestantes, l'université McGill n'est plus une université
protestante, pas plus que l'Université de Montréal n'est encore
une université catholique.
Là encore, qu'on me parle de la foi, d'accord, mais qu'on ne me
parle pas à partir de ce qui existait avant 1904 alors que nous sommes
en 1970. Je m'excuse d'apporter si brutalement cette précision, mais
allons plus loin. J'ai de nombreuses lettres au ministère, et je pourrai
les apporter devant cette commission, de parents catholiques qui me demandent
si, en vertu du projet de loi 62, ils pourront inscrire leurs enfants dans le
secteur "autre". Je me demande je ne veux pas être
prophète, si le projet de loi 62 est adopté, avec ou sans
amendement, M. le député d'Ahuntsic si dans un temps X le
secteur le plus important ne sera pas le secteur "autre", parce que les Juifs y
seront chez eux, que les protestants y seront chez eux, parce que ceux qui sont
d'autres religions que la religion catholique romaine y seront chez eux, et
qu'à Montréal ces gens-là constituent de plus en plus un
groupe excessivement important.
En plus de cela je le disais cet après-midi et j'y reviens
qu'est-ce que le comité catholique a fait vis-à-vis de la
réglementation de l'enseignement catholique dans les écoles dites
catholiques, même si, juridiquement, elles ne le sont pas?
A) Il a donné la permission aux parents de demander, si leurs
enfants ou si eux ne le désirent pas, qu'il n'y ait pas d'enseignement
catholique ou d'enseignement religieux.
B) Il a aboli le catéchisme; disons les mots, il l'a aboli. J'ai
cinq enfants dans le système scolaire, à tous les niveaux. On ne
me fera pas croire des choses qui n'existent pas.
M. LEVEBVRE: Il l'a remplacé par la catéchèse.
M. CARDINAL: Il l'a remplacé par la catéchèse. La
catéchèse, c'est quoi? Ce n'est pas un enseignement, ce n'est pas
un système d'examen, ce n'est pas un système de structure. Ce
sont deux volumes dont l'un appartient aux parents et l'autre aux enfants. Ce
sont les parents qui ont l'obligation de l'enseigner ou de ne pas l'enseigner.
Je n'ai pas de chiffres sur ceux qui l'enseignent ou pas. J'ai des amis et je
sais ce qui se passe.
M. LEFEBVRE: Vous allez demander aux gens de lever la main,
peut-être.
M. CARDINAL: Je ne le demanderai pas. Encore une fois, regardons les
gens de Montréal comme ils sont aujourd'hui et ce qu'ils désirent
depuis cinq ans, si ce n'est pas dix ans.
Et ne disons pas: Moi, je suis membre d'une association qui
représente 20,000 personnes, dont 18,000 en dehors de Montréal.
Nous parlons du projet de loi 62 qui s'applique à Montréal. Ah
qu'on a des craintes que ce projet ait valeur exemplaire pour le Québec!
C'est drôle. A côté de Montréal, il y a une île
qui s'appelait autrefois l'Ile-Jésus et qui s'appelle Laval aujourd'hui.
C'est le seul endroit où toutes les municipalités ont
été abolies et remplacées par une seule
municipalité, celle de Laval.
Peut-être que, si j'avais été plus fin, j'aurais
commencé la réorganisation scolaire par Laval, où
déjà il y a la réorganisation municipale et où il
existe encore je ne sais pas combien de commissions scolaires. Alors qu'on
vient d'adopter une loi à l'Assemblée nationale ce n'est
plus un projet de loi du gouvernement à ce moment-là, c'est une
loi du Parlement sur la Communauté urbaine de Montréal,
alors...
M. LEFEBVRE: Excusez-moi, c'est parce que ça m'intéresse
terriblement. J'ai hâte de voir ce que le ministre va dire.
M. CARDINAL: Non, non. Alors qu'on est en discussion et ce n'est
pas réalisé pour une communauté qui sera encore
plus, je dirai concrète et où un certain nombre d'entraves, sinon
de clôtures disparaîtraient, la réorganisation scolaire de
Montréal se présente. Je m'élève quand même
contre une chose qu'a dite le député d'Ahuntsic. Ce n'est pas par
hasard que les divisions en onze territoires ont été faites.
C'est à la suite d'études qui viennent d'ailleurs du rapport
Pagé, études au ministère et études en
collaboration avec le ministère des Affaires municipales. Encore
là, je le dis tout de suite: La carte peut être corrigée.
Il y a des raisons pour qu'elle soit corrigée, d'ailleurs; en
vérifiant sur la carte, on s'est aperçu qu'à un moment
donné il y avait une frontière et que toutes les écoles
étaient de l'autre côté de la frontière. On va
s'asseoir, on va regarder ça, puis on va corriger ça.
Qu'on ne s'accroche pas, comme a dit un membre de l'Opposition, dans les
fleurs du tapis. Qu'on ne s'accroche pas dans les détails, qu'on ne
s'accroche pas dans les idées, qu'on ne s'accroche pas dans les
préjugés, qu'on ne s'accroche pas dans les passions, qu'on ne
s'accroche pas dans les craintes, qu'on regarde ce qui existe à
Montréal et ce qui existera après le projet de loi 62, dans ses
objectifs et non pas dans ses moyens.
Et le dernier mot que je dis en terminant, M. le Président, c'est
qu'il existe maintenant trois groupes qui s'occupent d'éducation
et là, je le dis au début de ce débat les parents,
en autant qu'ils ont pu participer jusqu'à présent à
Montréal à ce qui se faisait, les enseignants, on ne peut
certainement pas nier ça, on pourrait discuter longtemps s'ils
représentent ou ne représentent pas les parents, parce
qu'à partir de certaines idées tout le monde représente
tout le monde. On ne finit pas de remonter dans la chaîne.
Il y a un troisième organisme qui s'occupe de l'enseignement, qui
s'occupe de l'éducation, qui s'occupe de l'instruction, c'est l'Etat.
Qu'on cesse au Québec d'avoir des craintes de l'Etat. Que l'on vive
vraiment la démocratie. Ce n'est pas parce que l'Etat mettra
là-dedans $300 millions, ce n'est pas ça la raison. C'est parce
que l'Etat y est déjà par le ministère de l'Education. Il
y est déjà, parce que les citoyens, avant d'aller dans la lune,
puis avant de mourir, ils vivent sur la terre, ils vivent sur un territoire qui
est celui du Québec. Ils vivent dans une société où
l'économie a son importance, où la technologie a son importance,
où certaines valeurs civiques ont leur importance, mais pas à
l'exclusion des autres valeurs. En temps et lieu, je m'exprimerai relativement
au rôle de l'Etat quant aux valeurs culturelles, aux valeurs
religieuses.
Mais, si au départ on n'accepte pas les quatre objectifs
prévus par le projet 62, le rôle des parents, celui des
enseignants et le rôle de l'Etat, on va avoir des discussions laborieuses
et difficiles. Ceci étant dit, M. le Président, c'est le
député d'Ahuntsic qui m'a provoqué; il a été
très gentilhomme, mais son exposé m'a conduit sur ce terrain qui
m'a permis quand même d'exprimer un certain nombre d'idées qui ont
servi de base à la rédaction du projet de loi 62. Encore une
fois, nous vous écoutons, parce que les modalités sont des moyens
et non pas des fins. Mais les fins ont été exprimées et
ces fins constituent la substance du projet de loi. Si on
ne les accepte pas, nous discuterons en vain. Merci, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Montmorency): Le ministre a parlé de cette
désaffection du citoyen montréalais vis-à-vis de ce qu'on
peut appeler la question confessionnelle et aussi vis-à-vis de la
question démocratique, soit la représentation au sein des
organismes tels que les commissions scolaires. Sur la première question
dont il a parlé assez longtemps, vous savez que nos mécanismes
démocratiques sont en apparence démocratiques, mais ne semblent
pas répondre chez le peuple à ce que les leaders au sein du
gouvernement prétendent connaître de la démocratie. Ce
n'est pas seulement à Montréal, c'est aussi dans toutes nos
petites municipalités rurales où autrefois il y avait trois,
quatre candidats pour chaque poste à remplir.
Aujourd'hui, on n'en trouve plus parce que ces gens ont la conviction
d'être des pions et de ne plus rendre service à leurs citoyens. En
effet, les décisions leur sont dictées d'en haut, dans un Etat
technocratique, et ils doivent les accepter. Cet éloignement du citoyen
vient d'un manque de confiance envers la démocratie. Le citoyen ne veut
plus prendre ses responsabilités, parce qu'on ne lui permet plus de les
prendre. Vous êtes obligés de nommer 82 p.c. des commissaires.
C'est un peu la faute de l'Etat si les citoyens ne veulent plus prendre de
responsabilités, parce que ces responsabilités, on ne les leur
donne pas entièrement. On leur met très souvent des bâtons
dans les roues dans les administrations locales et même à
l'échelon de la province.
Tout à l'heure, j'entendais le ministre parler de la question
confessionnelle. La désaffection, une catastrophe! En fait, il semble
ignorer cette majorité silencieuse dont tout le monde parle
actuellement, dont tout le monde veut se faire l'écho ou le
porte-parole. Ceux qui ne parlent pas, ils sont nombreux. Ils ont un sens
confessionnel aussi et vous les ignorez. Vous faites des structures, vous y
placez des grands mots que personne ne comprend et qui apportent de la
confusion dans le peuple. Personne ne sait où il va dans ces
mécanismes...
M. CARDINAL: Quels grands mots?
M. TREMBLAY (Montmorency): ... qui semblent très savants. Alors,
ne soyez pas surpris si, dans les différents milieux scolaires, les gens
ne sont plus intéressés et ne comprennent plus rien à ces
superstructures que vous renouvelez et que vous changez sans cesse. Je pense
qu'au point de vue confessionnel on serait mieux de s'arrêter un moment
à cette majorité silencieuse qui ne parle pas, qui souffre
intérieurement, qui désire mais ne peut pas s'exprimer, surtout
dans le domaine confessionnel. Il n'y a pas seulement des associations. Il y a
des parents qui, eux, s'expriment par l'inter- médiaire de petits
groupes qui se réunissent un peu partout dans la province. Il y a des
enseignants qui osent parfois exprimer leurs opinions. Il y a l'Etat fort,
tout-puissant, qui a toujours le dernier mot, qui adopte des lois qu'on doit
accepter et qu'il serait criminel de ne pas appliquer ensuite.
Je ne pense pas, en fait, qu'on doive définir ces questions
très sérieuses dont on parle ce soir. On a parlé de
confessionnalité. C'est plus sérieux, en définitive, que
la désaffection dont parlait le ministre, tout à l'heure. Les
protestants, il y en a encore. Il y a encore des coptes, des juifs, des gens
qui sont profondément religieux. Il faut tenir compte de leurs opinions.
Il y a aussi des catholiques pratiquants. L'école multiconfessionnelle,
l'école neutre, le pluralisme, ils ne comprennent peut-être pas ce
que c'est. Ce qu'ils veulent, ce sont des écoles catholiques, ce sont
des écoles de foi juive, ce sont des écoles coptes. Nous, au
Québec, avec le sens démocratique dont nous nous targuons et dont
nous nous vantons tant, je pense que nous devrions leur donner ces
écoles confessionnelles. La question financière, c'est un
épouvantail. On dit: Cela va coûter cher. Qu'on me le prouve que
ça va coûter si cher que ça. Je sais que vous êtes
mécontent, M. le ministre, de l'administration de la CECM à
Montréal. Vous pensez qu'il se passe là des scandales, du
patronage, du favoritisme, parfois éhonté. Vous le savez, mais
vous ne l'avez jamais dénoncé. Tout de même, vous
présentez le bill 62, vous faites une restructuration, comme vous le
dites, et vous centralisez tout. Du même coup, sous le prétexte
d'assainir l'administration des commissions scolaires de la région de
Montréal, vous faites disparaître cette notion de la
confessionnalité.
Vous dites: Les citoyens qui le désirent viendront, par
l'intermédiaire de leur comité de citoyens, réclamer cette
confessionnalité et, tous les ans, nous la leur accorderons au
début de l'année scolaire. Vous nous proposez un système
qui n'a pas de sens, un système où, encore là, le citoyen
va manifester sa désaffection, un système auquel le citoyen ne
participera pas, un système qui va devenir antidémocratique. Sur
cette question confessionnelle, j'aurais une question à vous poser, M.
le ministre. Vous parlez de l'article 13 du rapport Parent. Acceptez-vous
intégralement le rapport Parent?
M. CARDINAL: Non.
M. TREMBLAY (Montmorency): Bon. L'article 13 dit ceci: "Nous
recommandons que soient abrogées les dispositions de la loi qui
attribuent au comité confessionnel le pouvoir de reconnaissance des
établissements d'enseignement comme catholiques ou comme protestants."
C'est cité dans le texte, à l'article 13.
Tout de même, vous l'appliquez tellement que vous le
dépassez, le rapport Parent; c'est encore une autre recommandation que
je pense, vous allez mettre en application tôt ou tard, que vous allez
nous amener petit à petit, d'une façon très aimable avec
de belles paroles et puis... bon, "je ne pense pas ça ce n'est pas comme
ça". En définitive, c'est toujours ça et on s'en va vers
l'école neutre, mais la majorité n'en veut pas de cette
école neutre. Il y en a qui ne veulent plus d'écoles
confessionnelles, mais la majorité en veut de cette école
confessionnelle; alors, messieurs, vous allez appliquer ce rapport Parent; si
vous l'appliquez intégralement et si vous le dépassez comme vous
l'avez fait sur certaines questions, nous allons y arriver tout à
l'heure avec un système neutre, et vous allez porter atteinte aux
libertés démocratiques de la majorité, qui, ces
majorités, veulent l'école confessionnelle.
Vous éludez la question pratiquement tout le temps; vous
l'éliminez; vous en parlez très peu; vous dites: Nous
prévoyons des mécanismes dans notre loi; nous avons une loi qui
est magnifique. Il y a des questions fondamentales; je n'y reviendrai pas,
mais, cette question-là, vous ne voulez pas y revenir; enfin, M. le
député d'Ahuntsic en a parlé un petit peu, et, de toute
façon, je pense bien qu'il va falloir vider la question une fois pour
toute, M. le ministre. Il va falloir que vous donniez de véritables
garanties aux groupes qui viennent ici exposer leurs problèmes, leurs
craintes et qui désirent, en définitive, des améliorations
à ce bill 62. Nous ne l'acceptons pas; les catholiques ne l'acceptent
pas; les protestants ne l'acceptent pas; les Anglo-Saxons ne l'acceptent pas;
les Canadiens français ne l'acceptent pas; ce sont toutes des
associations respectables qui viennent ici avec une connaissance et une
compétence que nous devons leur reconnaître par l'exposé
qu'ils nous font des faits et des choses.
Je pense qu'on doit prendre au sérieux, en fait, ce qu'ils
demandent et ce qu'ils exposent. Je pense que cette majorité, vous devez
l'écouter; ces groupes dont vous avez parlé tout à
l'heure, les parents, les enseignants, ça exprime peut-être
l'opinion de pointe d'un certain noyau d'individus plus compétents que
les autres, qui ont appris à s'exprimer. Mais il y a aussi toute cette
masse, les 80 p.c. de catholiques les 15 p.c. de protestants les
2 p.c. ou 3 p.c. il y a peut-être 2 p.c. de neutres, monsieur; il y en a
peut-être un peu plus dans la région de Montréal; il y a
peut-être 2 p.c. de neutres dans la province de Québec.
Je pense que vous exagérez les faits tout simplement; vous faites
même un certain prosélytisme vis-à-vis du neutralisme dans
les questions éducationnelles.
M. le ministre, si vous voulez répondre aux questions que je vous
pose, j'ai des "colles" à vous poser; j'attends enfin les exposés
de ces gens qui viennent ici et qui s'expriment bril- lamment; j'ai des
"colles" à vous poser et vous allez me répondre. Je vous parle
ici de la question confessionnelle; ne cherchez pas à l'éluder;
la question est posée, répondez-y. J'ai d'autres questions
à vous poser.
M. CARDINAL: Si vous me le permettez, je pourrais répondre en
deux mots, si l'on peut faire rejouer le ruban du journal des Débats.
L'on a dit que je faisais disparaître l'école confessionnelle; le
député de Montmorency peut lire le bill; au contraire, il y aura
des écoles catholiques, protestantes et autres, ce que l'on fait
disparaître, c'est l'apparence, et je resouligne, "l'apparence" de
confessionnalité des commissions scolaires, alors qu'il y en a deux et
peut-être trois qui soient catholiques ou protestantes, à
Montréal.
Je réponds ici, je pense, avec précision.
M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer aux membres de cette commission que
nous sommes des résidents du Parlement et que nous aurons l'occasion
d'exprimer ou d'échanger des idées. Nous avons invité des
organismes, il est déjà 9 h 15 et nous avons quatre
mémoires à entendre; si vous le voulez bien, nous allons entendre
le Presbyterian college of Montreal et le United Church of Canada.
MR. STANLEY: I thought you would never ask.
Je suis d'accord, M. le Président, avec vos sentiments bien
exprimés.
M. CARDINAL: Je m'excuse, est-ce que vous pourriez donner votre nom pour
le journal des Débats?
M. Malcolm Stanley
M. STANLEY: Oui, certainement, M. le Président, M. le ministre,
Mme Kirkland-Casgrain, messieurs. Je vous remercie de votre invitation
gracieuse à participer aux séances d'aujourd'hui et je vous
présente les membres de notre équipe, qui représentent les
consistoires de Montréal de l'Eglise presbytérienne au Canada et
de l'Eglise unie du Canada. Ce sont à ma gauche, le
révérend Keith Eddy, à droite le docteur Scobie, et
à ma droite immédiate, M. Danford De Silva. Je m'appelle Malcolm
Stanley.
Nous venons, ce soir, comme représentants, comme j'ai dit, pour
deux causes, comme des Anglais, c'est-à-dire des enfants
gâtés, et comme représentants des églises
protestantes.
Nous avons parlé cet après-midi des pauvres et des riches;
nous venons comme représentants des églises pauvres.
Maintenant, je veux vous demander, M. le Président, si vous
n'avez aucune objection à ce que nous parlions anglais de notre
côté. Nous pourrions bien continuer comme cela et essayer
de parler français, mais je suis convaincu que les francophones
aimeraient mieux écouter de l'anglais que du français à la
manière de Diefenbaker.
M. CARDINAL: As you like it, as would say Shakespeare.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes un Québécois...
M. STANLEY: Merci bien. Pour commencer, je pense que je dois vous
présenter notre mémoire et je demanderais à M. De Silva de
le lire. Nous ajouterons ensuite des commentaires.
M. Donford De Silva
M. DE SILVA: Monsieur le Président, monsieur le Ministre, Madame
Kirkland-Casgrain, Messieurs. Au nom des Consistoires de Montréal de
l'Eglise Presbytérienne au Canada et de l'Eglise Unie du Canada, nous
soumettons ce mémoire sur le projet de loi 62, Loi concernant
l'organisation scolaire sur l'île de Montréal.
Nous sommes très conscients du fait que la minorité
anglophone de la province de Québec a su, au cours des temps,
établir dans la province un bon système d'éducation. Nous
sommes convaincus que ce système a joué et joue encore un
rôle prédominant dans la protection ainsi que dans le
développement de la culture de la langue anglaise. Nous sommes de ce
fait très reconnaissants de l'appui et de l'encouragement reçus
par le passé de sources diverses et surtout du gouvernement de la
province de Québec.
Nous admirons et nous supportons les efforts déployés par
le secteur canadien-français pour faire face aux dangers qui le menacent
et pour protéger et développer à la fois son
identité, sa langue et sa culture. Nous notons à cet effet que la
communauté canadienne-française a toujours fortement
insisté pour être en droit de contrôler son propre
système d'éducation.
Nous reconnaissons que le projet de loi 62 contient certaines
dispositions qui sont très bonnes et qu'il préconise des
réformes qui auraient dû s'effectuer depuis fort longtemps, telles
que la création d'un conseil scolaire pour l'île de
Montréal chargé d'égaliser le taux des taxes et le taux de
l'évaluation foncière, d'assurer le service de planification et
d'autres services; l'institution de commissions scolaires élues; la
participation des parents par l'intermédiaire des comités
d'école.
Quant au but avoué du projet de loi 62 d'améliorer le
niveau d'enseignement et d'offrir les mêmes chances à tous en
éducation, nous le supportons et l'appuyons pleinement.
Cependant, nous devons souligner que le projet de loi 62 contient
certaines stipulations qui nous inquiètent et qui nous
déçoivent.
Selon le projet de loi 62, le conseil scolaire se composera de quinze
membres, tous nommés sur la recommandation exclusive du ministre de
l'Education. Ceci, à notre grand regret, pourrait donner lieu à
des immixtions politiques regrettables et n'offre aucune garantie quant
à une représentation éventuelle de la communauté
anglophone auprès du conseil scolaire de l'île. Bien que onze des
membres soient choisis parmi les commissaires des commissions scolaires
régionales, ils ne sont point responsables devant ces commissions.
Nous recommandons fortement que le Conseil scolaire de l'île se
compose de représentants élus par et parmi les membres des
commissions scolaires.
Nous nous déclarons en faveur de l'élection des membres
des commissions scolaires, mais demandons que l'exigence de la
citoyenneté soit révoquée.
Nous ne saurons nous déclarer en faveur des onze commissions
scolaires unifiées préconisées, et ceci pour les raisons
suivantes:
Afin de garantir un enseignement en français et un enseignement
en anglais, chaque commission scolaire devra créer et financer deux
corps d'administrateurs et d'enseignants, ce qui représente un total de
22 structures administratives, chacune responsable en plus d'assurer un
enseignement catholique romain, protestant et non confessionnel. Une telle
structure s'avérerait encombrante et onéreuse. En plus,
l'effectif scolaire anglophone des commissions scolaires I - III - V - VII - IX
et XI prévues dans le projet de loi n'est pas suffisant pour garantir
l'établissement et le maintien d'un système d'éducation
moderne. Nous sommes loin de croire que le projet de loi accorde assez de
garanties à l'enseignement anglophone sous chacune des onze commissions
scolaires. Nous craignons fortement que le projet de loi puisse mener vers la
création de ghettos, car les parents anglophones auront tendance
à s'établir dans deux ou trois districts distincts pour y former
une majorité.
Nulle part dans le projet de loi 62 n'est-il fait mention d'un programme
anglophone, de la langue des enseignants ou même du choix de livres en
anglais. Il n'existe aucune garantie pédagogique concernant
l'enseignement en anglais, à part la mention relative au choix de la
langue d'instruction pour chaque élève qui se trouve dans la loi
63. Nous affirmons et maintenons que le seul droit à un enseignement en
anglais reste sans valeur réelle si, en même temps, le droit
d'exercer un contrôle direct sur la nature et le contenu des programmes
et de l'enseignement n'est pas spécifiquement accordé.
Afin d'offrir toutes les garanties nécessaires à la fois
aux parents et aux enfants francophones et anglophones, nous recommandons
l'établissement d'un système de neuf commissions scolaires de
langue française et de quatre commis-
sions scolaires de langue anglaise, conformément aux
recommandations du rapport Pagé. Nous recommandons, de même, que
le contrôle des programmes et de l'enseignement soit accordé
à des commissions scolaires dûment élues et de la
même langue que celle des écoles qu'elles administrent.
Nous soutenons le droit des parents des commissions scolaires,
francophones et anglophones, de pouvoir choisir entre des écoles
catholiques, protestantes ou non confessionnelles. Nous nous permettons,
néanmoins, d'attirer votre attention sur le sort de la communauté
franco-protestante qui, en ce moment, est desservie par trois écoles
élémentaires et une école secondaire. Ces écoles
seront toutes éliminées lors de l'application des clauses du
projet de loi 62. Alors que cette communauté est certes faible
numériquement, nous recommandons pourtant instamment que le projet de
loi 62 soit amendé pour permettre aux Franco-protestants de continuer de
jouir de leurs droits et de leurs avantages acquis. Merci.
M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.
M. CARDINAL: M. le Président, je remercie les Consistoires de
Montréal de ce mémoire. Je n'aurai que deux commentaires, car il
y a deux choses qui me frappent dans ce mémoire.
En premier lieu, je ne puis que féliciter le consistoire de
rappeler le droit des parents protestants francophones à des
écoles. L'on sait que de ce côté, depuis de nombreuses
années, la CECM, commission scolaire unique catholique et
française, a sans cesse augmenté le nombre des écoles de
langue anglaise catholique. Ce nombre, que je n'ai pas sous la main,
dépasse certainement 30, s'il n'atteint pas 40. L'on indique dans ce
mémoire que, justement, la communauté franco-protestante est
actuellement desservie par quatre écoles, trois au niveau
élémentaire et une au niveau secondaire
protestant-français.
L'on affirme, dans ce mémoire, que ces écoles
disparaîtront. Il faudrait s'entendre sur le mot école. J'ai
déjà apporté une précision, à leur
séance du 11 décembre 1969, sur la définition de
"l'école". Le mot école, dans le projet de loi 62, a deux sens.
Mais il y a un sens qui est important, c'est que l'école, c'est une
communauté d'élèves sous une direction pédagogique
donnée dans une foi déterminée.
Alors même si quatre écoles disparaissaient,
c'est-à-dire, quatre édifices où l'on reçoit des
Franco-protestants, il est au contraire à prévoir le nombre de
communautés d'étudiants. Le nouveau sens de la loi pour le mot
école ne ferait que s'augmenter. Si l'on connaît bien
Montréal, l'on sait qu'une forte immigration venant de l'Europe
centrale, venant de l'Asie centrale, comprend beaucoup de gens qui sont de
culture latine et de religions autres que catholique et qu'ils ont
été, jusqu'à présent, tenus par les structures de
Montréal d'aller à l'école protestante et de n'avoir que
trois écoles élémentaires et une école secondaire
de langue française. Je comprends cette crainte mais le dynamisme des
communautés, avec un projet comme le projet 62, m'inciterait
plutôt à croire que le nombre de communautés
d'élèves francophones protestants ne pourrait que
s'accroître si tel est le désir des parents au niveau du
comité d'écoles.
Encore une fois, c'est l'école qui sera confessionnelle. La
deuxième remarque s'applique à ce qui est écrit au
début de la page 4: "Nous affirmons et maintenons que le seul droit
à un enseignement en anglais reste sans valeur réelle si, en
même temps, le droit d'exercer un contrôle direct sur le contenu
des programmes et de l'enseignement n'est pas spécifiquement
accordé."
Je reviens sur ce qu'a dit le député d'Ahuntsic, je
reviens sur l'article 203 de la Loi de l'instruction publique, je reviens sur
l'économie générale du Conseil supérieur de
l'éducation. Les programmes n'appartiennent plus aux commissions
scolaires. D'après le projet de loi 62, l'article est clair: On dit: Les
commissions scolaires, doivent donner l'enseignement catholique, l'enseignement
protestant, etc. D'après la loi 63, on dit: Les commissions scolaires
doivent donner un enseignement français. Néanmoins, ceux qui
désirent un enseignement en anglais, la commission scolaire doit le
donner. Les programmes sont établis par le ministère, sont
approuvés par le comité catholique, par le comité
protestant. Avec le projet de loi 62, conformément à ce qui
existe déjà comme dispositions dans la Loi du conseil
supérieur, tant pour le secteur catholique que pour le secteur
protestant et que pour les secteurs que l'on appelle autres, c'est le
ministère qui fera les programmes, et les commissions scolaires devront
les appliquer.
Encore une fois tantôt j'ai dit: Regardons la
réalité en face. D'accord, dans le système actuel, des
commissions scolaires ont fait leur propre programme en dehors des
règles légales, en dehors des règlements, en dehors des
mécanismes qui existent. Cela a été le cas de
Saint-Léonard, par exemple. Ce n'est que lorsque le problème est
sorti que l'on s'est rendu compte qu'il existait là-bas un programme non
approuvé parce qu'il n'y a jamais eu de programme bilingue au
ministère de l'Education.
C'est là qu'est la garantie: ce n'est pas laissé à
l'instance locale, à un groupe qui, un jour, veut être dissident,
à un groupe qui, un jour, veut imposer une politique.
La planification est à deux niveaux, au niveau du
ministère et du Conseil supérieur de l'éducation pour les
programmes et au niveau du Conseil métropolitain pour la coordination.
La commission scolaire a une liberté dans l'application de ses
programmes, d'accord.
C'est-à-dire que les programmes sont en vue d'un examen
donné, et l'on sait qu'aujourd'hui tous les diplômes, tant dans le
secteur public que dans le secteur privé, jusqu'au niveau
collégial inclusivement, sont des diplômes d'Etat, des
diplômes décernés par l'Etat.
D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes en retard.
C'est parce que maintenant tout nous vient de là. J'apporte quand
même ces précisions, ce qui ne détruit en rien les
préoccupations du consistoire, mais ce qui pourrait peut-être
aider à comprendre ce qui se passe et à dissiper certaines
craintes. Mon but n'est pas ici de m'opposer à ce mémoire, mais
d'expliquer ce qui se passe actuellement et ce qui se passera après
l'adoption du projet de loi quant aux programmes, quant à l'existence
d'écoles francophones protestantes.
On ne peut pas, en même temps, nous dire qu'il faille, je ne sais
pas, quatre, six, huit ou seulement deux systèmes. Par l'addition des
mémoires devant nous, selon les préoccupations, selon les soucis
de ceux qui les présentent, on les exige tous, ces systèmes. Le
projet de loi 62 n'en exclut aucun. Je ne répéterai pas tout ce
qui a déjà été dit à ce sujet. Je voulais
quand même, comme contribution à la discussion, donner ces
commentaires.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais d'abord
féliciter les membres du Consistoire de l'église
presbytérienne pour le ton serein, objectif et non passionnel de leur
mémoire. Quant à moi, je crois qu'à la page trois ils ont
mis le doigt sur l'un des problèmes les plus difficiles que nous ayons
à régler dans la discussion de ce bill. Je me
réfère au paragraphe suivant, je me permettrai d'en donner
lecture, il est bref: "En plus, l'effectif scolaire anglophone des commissions
scolaires 1, 3, 5, 7, 9 et 11 prévu dans le projet de loi n'est pas
suffisant pour garantir l'établissement et le maintien d'un
système d'éducation moderne."
Justement, si on me permet, je vais le faire très
brièvement. Ici, j'avais inscrit, tout à l'heure, dimensions
minimales.
M. CARDINAL: Pardon, M. le député d'Ahuntsic, pour le
journal des Débats il faut...
M. LEFEBVRE: Je vais revenir, je vais vous éviter ma
démonstration. Le problème est là. Quand vous lisez le
bill 62 et quand vous regardez la carte qui est divisée, pour ma part
j'en ai également discuté avec un certain nombre de gens à
Montréal qui ont une grande expérience dans l'administration
scolaire, et il n'y a aucun doute possible que cette citation que j'ai faite
met le doigt sur un problème très réel.
C'est-à-dire que si vous voulez avoir un système qui fonctionne,
il faut que chacune des unités de ce système ait la dimension
minimale nécessaire pour assurer l'infrasctructure minimale qui fera
fonctionner l'affaire.
Je m'excuse auprès du député de Montmorency, qui
n'aime pas les mots savants, mais c'est comme cela qu'il faut appeler cela,
parce que c'est comme cela que ça s'appelle. Si vous n'avez pas un
nombre suffisant d'élèves pour avoir, par exemple, des services
auxiliaires sur le plan pédagogique, pour avoir les services
d'orientation, pour avoir les services d'aide à l'enseignement, alors
vous avez un enseignement déprécié. Là-dessus, vous
avez tout à fait raison.
Encore là, je ne veux pas, ce soir, vendre une thèse ou
une autre. J'aimerais contribuer modestement à éclaircir
là où sont les vrais problèmes. Je trouve que vous y avez
contribué vous-mêmes et je vous en félicite. Soit en
établissant des commissions scolaires françaises, d'une part, et
anglaises, de l'autre, et en découpant vos territoires de façon
que chaque unité anglaise ou française ait cette dimension
minimale nécessaire pour assurer un service, vous pouvez y arriver de
cette façon-là.
Vous pouvez également, encore une fois je ne prends pas position,
mais j'affirme avec assez d'assurance que vous pouvez également arriver
au même objectif en ayant des commissions scolaires uniques,
c'est-à-dire couvrant à la fois les écoles
françaises et anglaises, pourvu que votre territoire soit taillé
de telle sorte que vous ayez, à l'intérieur de ce territoire, des
regroupements constituant des unités minimales viables. Je pense que,
là, il y aura moyen de discuter, quand nous serons rendus à la
discussion article par article.
Ici, je me permettrai de revenir, mais très brièvement,
à une chose que le ministre a mentionnée tout à l'heure,
parce que là encore c'est capital. A mon avis, le drame du bill 62, je
ne veux pas être dramatique, c'est vrai, j'ai demandé aux autres
de ne pas l'être, mais disons que ce que je regrette dans le bill 62,
c'est qu'on veuille créer de toutes pièces des communautés
artificielles qui seront difficilement viables, parce qu'elles ne correspondent
pas avec les communautés politiques locales.
Je veux faire allusion aux communautés municipales. Le ministre
tout à l'heure a parlé du bill 75. Moi, je pense qu'on a
manqué, le gouvernement et tous ensemble mais le gouvernement
porte la plus grande part de responsabilité parce que c'est lui qui a la
responsabilité du pouvoir je pense, dis-je que le gouvernement a
manqué une occasion unique de constituer sur l'île de
Montréal des communautés humaines viables, ce qui aurait
été le cas s'il avait découpé la carte de
l'île de Montréal de façon à faire coïncider
les districts municipaux et les districts scolaires. Le problème des
ghettos ne se serait pas posé, c'est-à-dire qu'à ce
moment-là vous auriez, sur une période de dix ou quinze ans,
créé à l'intérieur de l'île de
Montréal des groupements humains qui auraient eu suffisamment de
choses en commun, soit sur le plan des services offerts par une
municipalité, ou une section municipale, peu importe, et d'autre part au
plan scolaire, vous auriez eu des unités qui auraient été
attrayantes. Cela aurait constitué des milieux de vie.
Quand vous regardez la carte du bill 62 je ne veux pas entrer
dans le détail c'est complètement arbitraire. Je connais
assez bien l'île de Montréal, j'y ai vécu depuis que je
suis au monde. Ce n'est pas vrai que les gens de Cartierville ont des choses en
commun avec les gens de la ville de Saint-Pierre où demeure ma
collègue le député de Marguerite-Bourgeoys. Ils n'ont rien
en commun, et je ne pense pas que ça puisse marcher de cette
façon-là. Tandis que si on avait profité de l'occasion
pour créer des unités et avoir deux forces d'attraction, la force
d'attraction des services municipaux et la force d'attraction des services
scolaires, à mon avis les commissions scolaires uniques n'auraient pas
créé de problèmes. Il n'y aurait pas eu de danger de
ghettos, parce que les gens auraient aimé vivre dans telle ou telle
ville, dans telle ou telle partie de ville. Cela aurait pris un nom, cela
aurait pris un caractère, cela aurait pris un style de vie. Mais
là, on est mis devant un fait acquis, fait acquis que j'espère un
prochain gouvernement verra à corriger. Il faut pour l'instant tirer le
meilleur parti possible de la situation. Je trouve que le problème que
vous avez identifié est absolument réel et qu'il faudrait que le
comité comme tel et la Chambre, lorsque nous reviendrons à la
discussion article par article, attachent beaucoup d'importance à ce
paragraphe, parce que vous avez cent fois raison.
M. CARDINAL: M. le Président, seulement deux minutes. Je ne sais
pas ce qui se passe ce soir. Ce que vient de dire le député
d'Ahuntsic, je l'ai presque dit tantôt, je pourrais le dire...
M. LEFEBVRE: Vous, vous n'avez pas voulu blâmer le gouvernement,
moi je l'ai fait.
M. CARDINAL: Ah, bien non! C'est que j'ai voulu dépolitiser le
débat. C'est qu'en fait...
M. LEFEBVRE: La politique, c'est ça.
M. CARDINAL: ... en donnant l'exemple de l'Ile-Jésus, j'ai dit
deux choses. J'ai dit qu'à certains moments nous devons travailler en
collaboration avec le ministère des Affaires municipales. La
Communauté urbaine telle qu'elle a été définie par
le bill 75 ne crée pas encore ces unités, sauf pour certains
services. Il n'y a pas là une identité. Or, mon désir
serait justement que les deux ministères travaillent en commun, face
à des unités qui soient les mêmes, que les dates
d'élections soient les mêmes, que les mécanismes
d'élection soient les mêmes, que les listes d'électeurs
soient les mêmes. Simplement sur le plan financier, nous
économiserions $1 million à chaque élection. Et sur le
plan de l'identité,...
M. LEFEBVRE: Cela ferait des milieux.
M. CARDINAL: ... on finirait par créer des milieux qui n'existent
pas. C'est pourquoi justement tantôt j'ai dit que ce découpage
vient dans le fond du rapport Pagé, mais...
M. LEFEBVRE: C'est artificiel.
M. CARDINAL: Non je ne dis pas ça. Il a été fait
quand même à la suite d'études. Mais je n'ai pas dit que
ceci ne peut être corrigé; j'ai même dit on me
reprendra si je ne l'ai pas dit j'ai même dit, je pense, que ceci
doit être corrigé. J'ai donné des exemples. Par
conséquent, sur le principe d'un tel exposé, en dehors de la
question politique et en dehors du projet de loi 75, maintenant devenu loi, je
suis entièrement d'accord sur ces principes, parce que si ces morceux de
la Communauté urbaine de Montréal qui comprend l'Ile Bizard
demeurent arbitraires, comme le sont certains découpages actuels, il y a
des villes actuellement qui ont leur identité. Je pense que Westmount a
une identité. La ville de Mont-Royal a une identité, et si on va
dans l'est de la ville, certaines villes n'ont plus d'identité, parce
qu'elles se sont perdues dans une masse plus grande et les gens n'en ont plus
conscience. Si on pose des questions à des gens de Montréal: Dans
quel comté demeurez-vous? Dans quelle ville demeurez-vous? Quel est
votre député au provincial? Quel est votre conseiller municipal?
Ils ne peuvent pas répondre parce qu'ils n'ont pas cette identification
à un milieu déterminé.
Je reprends ici une idée qui a été exprimée
par d'autres et que j'ai exprimée, mais pas assez clairement, je
l'avoue, m'en excuse et m'en confesse, lors des séances du 27 novembre
et du 11 décembre. C'est uniquement pour des raisons de concordance avec
la Loi de l'instruction publique que nous avons appelé ces onze
divisions des "municipalités scolaires" ou des "commissions scolaires".
Sans cela, il aurait fallu refaire la Loi de l'instruction publique au complet,
ce que nous désirons faire, d'ailleurs. J'ai parlé
déjà d'une loi-cadre des commissions scolaires. Cela aurait
été beaucoup mieux de les appeler "arrondissements", mais,
à ce moment-là, il y aurait eu des arrondissements pour les fins
municipales, pour les fins scolaires et peut-être pour d'autres fins que
je n'entrevois pas ce soir. Sur le principe, je suis entièrement
d'accord. D'ailleurs, moi-même, tantôt, j'ai
félicité, les Consistoires de leur mémoire, même si
je n'en accepte pas toutes les recommandations. J'ai fait des commentaires sur
deux de ces aspects. Cela montre comment, dans la
sérénité, l'on peut apporter des idées qui
méritent d'être
discutées à cette table et mériteront d'être
débattues à l'Assemblée nationale.
MR. STANLEY: Si vous me le permettez, je vais faire quelques
commentaires sur le mémoire et aussi donner quelques réponses aux
membres de la commission.
We have been reminded frequently today of the fact that within the
present Catholic School Board in Montreal (CECM) and within the PSBGM (The
Greater Montreal School Board), there are two minority groups which enjoy
privileges, that is protection. This argument is advanced and very well as an
argument in favor of unified boards. I would like to point out that the English
Catholics on the Island of Montreal within the territory of the CECM and the
Protestant French people within the territory of the PSBGM do have their
present schools by virtue of the fact that those two schools boards recognize
their needs and have set up structures which are purposely designed to look
after their needs. Do not make any mistake. We approve of the idea of removing
confessionality from the level of the school board. In other words, you might
say that, at the level of the school board, the state has no responsibility for
confessionality. It has a responsibility for education.
But the bill, remembering the guarantee perhaps of the BNA Act, has made
certain provisions protecting religious rights. Fine. Our main point is that
once you remove the confessional basis of the school boards as they now exist
by law, then you must consider the necessity of establishing linguistic rights.
The linguistic groups now enjoy their protection because of the recognition of
these school boards for their rights. To pass a law which removes such rights
and does not provide for structures which allow administrators to look after
the needs of the various linguistic groups, in our opinion is a retrograde
move. When you remove the confessionality, you must add extra guarantees for
language. You ask me why should school boards be separate English and French
school boards? I reply in the words of the B & B Commission of which you
may have heard "The words bilinguism and biculturalism indicate two styles of
living which are distinct even though they obviously have much in common. Just
as bilinguism should not lead to a blend of two languages, so Canada cultural
duality should not be taken to mean a mixture of these two cultures. Each has
its own existence. Each has its own individuality."
We implore you to guarantee the rights of the English and the French
citizens by providing structures which answer to the needs of these groups, and
which provide administration which understands those needs and which is
experienced in answering to those needs, and can do the job.
I could not imagine any English educator doing the job for the French
people, nor can I imagine with all due respect a French educator doing the job
for the English youngsters. I repeat that if we fragment the existing minority
groups even further, then, their needs are not going to be met by the eleven
Commissions which are established. I speak also of the needs of the French
students in the western part of the Island of Montreal, who are going to be
cast loose in the territory of an English school board which will not have
members who understand the needs of the French people and they will not have
administrators who are capable of answering to their needs.
M. CARDINAL: M. le Président, si vous me le permettez, disons que
je comprends parfaitement le souci qui vient d'être exprimé. Je
reprends une objection ou une réponse qui a été faite cet
après-midi. Les programmes, encore une fois, qu'ils soient anglais ou
français, qu'ils soient protestants ou catholiques, viennent du
ministère. Est-ce que depuis 1964 et je reprends ce qu'avait dit
le député d'Ahuntsic alors qu'ont été abolis
les deux groupes qui étaient à la fois linguistiques et
confessionnels, le comité catholique, français, du DIP le
comité protestant, anglais, du DIP et qu'il y a un seul
ministère, qui n'est ni français, ni anglais, ni catholique, ni
protestant, sauf quant aux programmes qu'il établit, qui répond
devant l'Assemblée nationale, qui n'est ni catholique, ni
française, ni anglaise, ni protestante, et où les
députés, comme on le voit à cette table, sont Lefebvre,
Goldbloom, Cardinal, Tremblay... est-ce que, lorsqu'on a fait ce changement en
1964, à travers le Québec, les anglophones ou les francophones,
les protestants ou les catholiques ont perdu des droits, des privilèges?
Ont-ils changé leur style de vie, ont-ils vu quelque chose changer, sauf
évidemment la réforme qui s'est faite et qui, à moins
qu'on ne veuille le dire, n'a nui à aucun de ces groupes, n'a pas
diminué l'un pour monter l'autre, a monté tout le monde en
donnant l'accessibilité géographique, l'accessibilité
financière, l'accessibilité à la polyvalence, ce
qui n'est pas tout, je suis d'accord, et on y reviendra est-ce que
l'existence d'un ministère unique, neutre à tout point de vue, a
changé quelque chose dans les modes de vie des commissions scolaires,
des écoles, des enfants? Est-ce que, de même, le conseil ou la
commission scolaire unifiée, au niveau de l'école, va rester
anglaise ou française, protestante ou catholique, ou un mélange
de tout?
Ceci n'est pas aussi bien garanti. Je ne sais pas; je pose la question
pour fin de discussion. C'est qu'on a quand même vécu une
expérience pendant cinq ans; ce n'est pas une théorie; j'admets
que le projet de loi 62, actuellement, est une hypothèse de travail, une
théorie pour le futur. Mais, quand même, cette question-là
se pose encore.
MR. STANLEY: Mr. President, it is a very good question. I am glad the
Minister asked it. The fact of the matter is, as he has said: There were two
systems of education in operation in this Province based on confessionality,
before 1964.
Now, there is one Department of Education which is neutral to all
intents and purposes. The question may also be asked: Did the Minister or did
the Ministry, in setting up a new structure, at the provincial level, draw
adequately on the resources of that system, which had been recognized and
praised as being a superior system? It did not.
How many individuals were chosen for the ministry set up in 1964 and how
many exist now within the Department of Education whose experience is derived
from that system? Very few. And it is this fact, Mr. President, that the
members of the English community formerly known as Protestant and including, as
the Minister has rightly pointed out, the members of many non Protestant groups
such as the Jews, the Greeks, the Chinese, the Italians and so on in Montreal.
How many people were chosen from this system of education to lend their
knowledge and experience to the creation of a new system of education? Very
few, Mr. President, and it is this fact which does not give us hope for the
future in similarly organized school boards.
M. LE PRESIDENT: Thank you. Nous vous remercions. Maintenant les
suivants, Me Bou-dreau, du Pacifique canadien, et la Compagnie des chemins de
fer nationaux du Canada. Si je comprends bien, vous allez présenter un
mémoire conjoint.
M. CARDINAL: Les deux sont sur la même "track".
M. LE PRESIDENT: Me Gadbois, vous représentez le Pacifique
canadien et Me Boudreau la Compagnie des chemins de fer nationaux.
M. GADBOIS: M. le Président, en guise de préambule,
j'aimerais informer les membres de la commission que notre mémoire
conjoint porte seulement sur des modalités au chapitre de la
fiscalité du bill 62 et que nous ne sommes pas intéressés
dans les autres discussions qui ont eu lieu cet après-midi ou ce
soir.
Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais vous donner
lecture d'une partie de notre mémoire conjoint; par la suite, mon
collègue, Me Boudreau, donnera lecture de la dernière partie du
mémoire.
M. CARDINAL: Je m'excuse, M. le Président, c'est M. Gadbois qui
parle?
M. GADBOIS: Oui.
M. CARDINAL: Je le mentionne pour le journal des Débats.
M. GADBOIS: C'est très bien. Merci. M. LE PRESIDENT: Albert-O.
Gadbois. M. Albert-O. Gadbois
M. GADBOIS: Je croyais que vous me mettiez sur une voie
d'évitement, M. le ministre.
Nous avons pris connaissance du projet de loi numéro 62 qui a
été confié à votre commission pour étude et
considération. Nous avons aussi considéré le bill 75
intitulé "Loi de la communauté urbaine de Montréal", tel
que sanctionné le 23 décembre 1969. Nous interprétons le
bill 75 comme décrétant qu'à compter du 1er juillet 1972,
le rôle d'évaluation établi pour fins municipales sera
également utilisé pour fins scolaires par les commissions sises
sur l'île de Montréal.
Nous nous posons quelques questions concernant certaines mesures
provisoires ou transitoires pour la période à compter de la date
de l'adoption de ce bill 62 jusqu'à la susdite date du 1er juillet
1972.
Le législateur a prévu à l'article 3 des
dispositions transitoires que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, avant
le 1er juillet 1971, exercer les pouvoirs prévus à l'article 584
en agissant sur les recommandations des membres du conseil scolaire
mentionné à l'article 9. Cet article prévoit que le
conseil est composé de 13 membres mandatés jusqu'au 1er janvier
1972.
Cependant, personne ne peut prévoir, à l'heure actuelle,
quand ce bill 62 sera sanctionné et il se pourrait qu'il le soit
à une date qui laisserait une période de temps insuffisante pour
que le conseil puisse préparer le rôle d'évaluation pour
l'année scolaire 1970-1971.
Dans une telle éventualité, nous croyons que le statu quo
s'appliquerait.
Ce serait la Commission des écoles catholiques de Montréal
et le Bureau métropolitain des écoles protestantes de
Montréal qui procéderaient à appliquer un taux de
redressement au rôle d'évaluation pour les municipalités
autres que celles de Montréal.
C'est le régime qui existe depuis plusieurs années, en
vertu des lois constitutives de ces deux organismes. Les compagnies signataires
de ce mémoire ont eu à se plaindre à plusieurs reprises de
la façon de procéder desdites commissions scolaires et de leurs
estimateurs pour ce qui a trait à l'imposition d'un taux de
redressement. Par exemple, le Pacifique canadien s'est vu dans l'obligation de
loger 34 appels devant la cour Provinciale pour demander que ce taux de
redressement soit corrigé. C'est pourquoi les chemins de fer sont
très intéressés à ce que les dispositions
transitoires éliminent certains griefs dont ils ont eu à se
plaindre dans
le passé et ils font les suggestions suivantes aux membres de la
commission.
Je voudrais, à ce stade-ci, ouvrir une parenthèse pour
bien expliquer notre position. Nous ne parlons pas en regard de ce qui va avoir
lieu après 1972, lorsque la communauté urbaine va préparer
son rôle qui s'appliquera au rôle des commissions scolaires. Nous
demeurons dans le domaine exclusif de ce soir, jusqu'au temps où le
rôle de la communauté urbaine s'appliquera aux commissions
scolaires, c'est-à-dire en 1972. Nous demandons que, dans les mesures
transitoires, dans les articles transitoires que contient la loi, vous incluiez
des provisions ou des dispositions aux effets suivants que je vais vous
donner.
Il devrait être prévu que le taux de redressement ne soit
pas un taux général, mais un taux spécifique pour chaque
catégorie d'immeubles dans chaque municipalité.
En d'autres termes, nous croyons qu'il est injuste d'appliquer, comme le
font actuellement ces deux organismes, un taux de redressement de 15 p.c. par
exemple à charge catégorie d'immeubles sis à Westmount
pour obtenir la normalisation avec le rôle de Montréal.
Nous soumettons que ce taux devrait être différent selon
qu'il s'agit de propriétés résidentielles, commerciales ou
industrielles. De plus, ledit taux de redressement devra être distinct
pour les terrains et les bâtisses.
En d'autres termes, ce qui se passe actuellement, ce que les estimateurs
de ces deux organismes font, c'est qu'ils font un échantillonnage
à Montréal ainsi qu'à Westmount et ils comparent le
résultat de leurs échantillonnages avec le rôle de la ville
de Montréal, le rôle d'évaluation. Ils arrivent à la
conclusion je cite le cas de Westmount que le rôle
d'évaluation de Westmount est de 15 p.c. plus bas que celui de
Montréal. Ils appliquent un taux de redressement général
à toutes les propriétés, à tous les terrains de
Westmount sans faire aucune distinction quant au genre de
propriétés, alors que leur échantillonnage devrait leur
démontrer que ce taux de 15 p.c. peut être réduit à
7 p.c. pour les propriétés commerciales, peut-être
augmenté à 20 p.c. pour les propriétés
résidentielles et qu'il ne peut être que 3 p.c. quant aux
terrains. Nous demandons que vous donniez votre attention à ce
point.
Nous remarquons une tendance très prononcée aussi de la
part des commissions scolaires. Oh pardon! Le deuxième point.
Le deuxième paragraphe de l'article 701 de la loi prévoit
que l'article 781 de la Charte de la ville de Montréal s'appliquera pour
fins scolaires aux corporations municipales de Montréal.
En agissant de la sorte, le législateur a sans doute voulu rendre
imposables tous les biens qui le sont actuellement dans la ville de
Montréal et établir sur l'ile la méthode
d'évaluation suivie dans la métropole afin d'assurer
l'uniformité. Nous sommes d'accord sur ce point. Nous croyons cependant
que, pour ce faire, il faudrait ajouter l'article 835 de la Charte de la ville
de Montréal.
Cet article ainsi que l'article 781 constituent le mode
d'évaluation suivi par la ville de Montréal pour évaluer
les propriétés ferroviaires.
A cette fin, nous proposons que l'article 835 soit incorporé
à l'article 7701 du présent projet. En agissant ainsi, le
législateur assurerait l'uniformité à travers l'île
de Montréal pour la taxation des biens ferroviaires. Je ferai remarquer
que ce principe contenu à l'article 835 de la charte de la ville de
Montréal a été aussi reconnu par l'Assemblée
nationale lors des derniers amendements apportés à la charte de
la ville de Québec.
Le dernier point que j'aimerais soulever devant vous, avant d'inviter Me
Boudreau à continuer la lecture du mémoire, est le suivant: nous
remarquons une tendance très prononcée de la part des commissions
scolaires à utiliser un taux de redressement, même dans le cas
où la valeur municipale d'une propriété a
été établie par jugement d'un tribunal
compétent.
Par tribunal compétent j'entends naturellement soit un bureau de
révision, la cour Provinciale, la cour d'Appel ou même la cour
Suprême, puisqu'enfin ce sont les échelons que nous avons à
gravir dans les causes de contestation d'évaluation municipale.
Nous soumettons qu'un tribunal, lorsqu'il rend jugement en
matière d'évaluation, doit déterminer la valeur
réelle de la propriété sous examen. Dans les
circonstances, nous croyons qu'il est abusif et inéquitable d'ajouter un
correctif de redressement à telle valeur, puisqu'il en résulte
alors que la propriété est évaluée au point de vue
scolaire à sa valeur réelle, plus le correctif de redressement.
J'invite maintenant Me Boudreau à prendre la parole.
M. Boudreau
M. BOUDREAU: Notre interprétation du bill 62 est à l'effet
que, nonobstant les dispositions de l'article 701, le contribuable conservera
son droit d'appel pour le rôle scolaire de 1970-1971. Cependant, il
semble que ce droit lui ait été enlevé quant au rôle
d'évaluation scolaire pour l'année 1971-1972. Ici, j'aimerais
référer la commission à l'article 10 de la deuxième
partie du bill 62: "Le conseil a pour fonction principale, jusqu'au premier
juillet 1971, de prendre les mesures nécessaires pour faciliter
l'application de la présente loi à compter de cette date. Il doit
notamment, à cette fin de se prévaloir des dispositions des
articles 687 à 712 pour les fins de l'année scolaire
1971-1972."
Or, parmi ces articles-là, il y a l'article 701 qui se lit comme
suit: "Toute évaluation modifiée conformément à
l'article 700 est incontestable et sans appel et sert de base au
prélèvement et à la perception des taxes et de la
surtaxe visés aux articles 704 et suivants? "
Il ne fait plus aucun doute que le droit d'en appeler du rôle
d'évaluation scolaire n'existe plus pour le contribuable, lorsque ce
rôle d'évaluation devient le même que celui
préparé par la Communauté urbaine de Montréal en
vertu du bill 75. Ceci s'explique par le fait qu'il a le privilège de
contester ce dernier rôle. Nous n'avons pas d'objection à ce que
le droit d'appel soit enlevé dans le cas où le rôle, pour
fins scolaires est le même que celui pour fins municipales en vertu des
dispositions du bill 75.
Par contre, nous croyons que le bill 62 devrait être plus
spécifique et protéger les intérêts du contribuable
en énonçant que les dispositions de l'article 701 dudit bill ne
s'appliqueront pas tant que le rôle d'évaluation pour fins
scolaires ne sera pas le même que celui pour fins municipales, tel
qu'établi par la Communauté urbaine de Montréal, en vertu
du bill 75.
Le bill 75 prévoit que le premier rôle sera prêt le
premier janvier 1972. Toutefois, nous croyons qu'il serait imprudent d'amender
l'article 701 en y prévoyant une date précise au cas où il
serait impossible pour la Communauté urbaine de Montréal de
préparer le rôle pour la date fixée, soit le premier
janvier 1972.
En dernier lieu, nous aimerions attirer l'attention de la commission sur
un détail technique, c'est-à-dire sur le fait que plusieurs
articles du bill 62 ont trait à la Corporation de Montréal
métropolitain. A ce sujet, nous avons remarqué que dans le bill
75, soit à l'article 362, ladite Corporation de Montréal
métropolitain était abolie à compter de la date de la mise
en vigueur de la loi, soit à compter du 23 décembre 1969.
Dans les circonstances, nous croyons que chaque fois que le nom de cette
corporation apparaît, on devrait lui substituer le nom de
Communauté urbaine de Montréal. Nous vous remercions.
M. LE PRESIDENT: M. Lamarre voudrait-il ajouter quelque chose?
M. BOUDREAU: Voici, si votre commission a des questions à poser
sur la présentation qui vient d'être faite, il nous fera plaisir
de répondre.
M. CARDINAL: Si vous permettez, pour une fois comme diraient les
députés d'en face j'aurais des réponses à
donner. Je prends quatre des points que vous avez mentionnés. Une partie
de votre mémoire se rapporte à la période transitoire.
M. BOUDREAU: C'est cela.
M. CARDINAL: Disons ceci au départ. A la page trois, au
paragraphe II, tout de suite je vous dis que ce sera étudié.
Disons qu'il n'a pas été prévu ou vu sous cet aspect dans
la rédaction du projet de loi. Tout de suite je vous dis que ce que vous
soulignez à la page trois sera étudié au ministère
en fonction de ce que vous nous mentionnez.
Troisièmement, à la page quatre, au dernier paragraphe,
cela aussi mérite une étude. Enfin, sur votre remarque V je suis
entièrement d'accord et je donne l'explication. Quand le projet de loi
62 a été déposé, vers le mois d'octobre, le bill 75
n'était pas encore déposé. Donc, sur les quatre points, il
y a des sujets qui nous sont soulignés sous un aspect très
technique et que nous allons étudier, quitte même à
communiquer avec des experts en la matière.
Quant aux concordances nécessitées par l'adoption du bill
75, nous allons en faire la correction. Enfin, j'ajoute ceci, le ministre
Lussier et moi-même nous sommes vus par la suite. Il faut se rappeler,
comme je le disais, que le projet de loi 62 est venu avant et que le projet de
loi 75 est venu en fin de session. Notre but est justement qu'après la
période transitoire est-ce que la date sera en 1972? tout
ceci soit, comment dirais-je, égalisé, si vous voulez. Non
seulement normalisé, mais égalisé entre le système
qu'on appellera municipal, si vous voulez, et le système scolaire.
D'ailleurs, on sait que le projet de loi 62 prévoit que la taxe
foncière scolaire soit perçue par les municipalités. Il y
a une raison de plus. Par conséquent, votre mémoire nous rappelle
des choses très précises et c'est une contribution positive,
à ce moment-là. Je vous dis que chacun de ces sujets sera
étudié; quant au dernier, il sera corrigé.
M. BOUDREAU: Merci.
M. LEFEBVRE: J'aurais une question très brève. Y aurait-il
moyen de vous négocier cela contre le rétablissement du train de
nuit pour les députés? Non? Une question plus
sérieuse.
M. GADBOIS: Nous demanderions beaucoup plus.
M. LEFEBVRE: Ah bon!
M. CARDINAL: Ce serait très payant, avec les laissez-passer
qu'ont les députés.
M. LEFEBVRE: Une question plus sérieuse, simplement pour mon
information parce que je n'en ai pas eu connaissance. A l'occasion de la
présentation presque annuelle, sauf erreur, du bill de la CECM, en vertu
duquel, je pense, cette normalisation de la taxe se fait par entente entre la
Commission protestante et la Commission catholique, à l'une ou l'autre
de ces occasions avez-vous déjà fait des représentations,
ou est-ce la première fois?
M. GADBOIS: C'est la première fois ce soir
que nous faisons des représentations. Comme il est dit dans le
mémoire, nous avons contesté devant les tribunaux, mais nous
n'avons jamais fait de représentation à la commission des bills
privés.
M. CARDINAL: Je confirme ceci. De fait, depuis deux ans j'ai
été parrain de ce projet de loi qui arrive chaque année,
et c'est la première fois que nous entendons ces remarques qui nous
viennent de votre groupe.
M. LE PRESIDENT: Nous remarquons qu'il y a un autre mémoire
annexé, le mémoire de l'Association canadienne des
représentants de taxe foncière, chapitre de Montréal.
M. BOUDREAU: Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais
vous présenter Yvan Lamarre qui, à titre de représentant
de l'Association canadienne des représentants de taxe foncière,
chapitre de Montréal, aurait certains commentaires à soumettre en
marge de ce bill.
Cette association est formée d'employés de corporations de
la région de Montréal qui sont directeurs ou
préposés au service des taxes dans leur compagnie respective,
dont nos deux compagnies. M. Lamarre.
M. LAMARRE: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Quel est votre prénom, M. Lamarre?
M. Yvon Lamarre
M. LAMARRE: Yvon Lamarre, directeur du service des taxes au Canadien
Pacifique et Marathon Realties. Je crois que dans l'ensemble, nous
répétons à peu près les mêmes objections et
nous voulons les mêmes amendements que le mémoire des Chemins de
fer nationaux. Il est donc inutile, vu qu'il est très tard, de vous
retarder davantage. Si M. le Président veut le remarquer, c'est à
peu près les mêmes objections. Je veux remercier M. le ministre de
ses explications. Vous remarquerez que j'ai attaché au mémoire
une liste des membres qui sont représentés dans cette
association. Nous sommes d'accord avec les remarques du ministre et nous vous
remercions de votre attention. Il est donc inutile de prendre plus de temps
pour cette affaire.
M. CARDINAL: Si vous le permettez, je vais prendre une minute. D'abord,
je vous remercie justement de sauver du temps au conseil, vous avez raison.
Toute la première partie de votre mémoire jusqu'à la
dernière page a déjà été couverte. Je vous
poserai une question cependant. A la dernière page, vous faites une
affirmation, vous faites une demande à l'effet qu'à l'article
705, on ajoute une clause stipulant que le taux de la taxe des compagnies ne
dépasse jamais 160 p.c. du taux de la taxe des particuliers. La question
que je vous poserai est celle-ci: Est-ce que vous pouvez dire actuellement de
quel pourcentage, suivant les lois actuelles, le taux de la taxe des compagnies
dépasse celui de la taxe des particuliers à Montréal?
M. LAMARRE: Je vous réfère au mémoire et à
l'article 705. Nous croyons qu'à Montréal, actuellement, le taux
est de 200 p.c.
M. CARDINAL: Bon, vous venez de répondre à ma question.
Vous faites à la page 3 une affirmation à l'effet que ces
différences sont nettement excessives en comparaison de celles existant
ailleurs. A Montréal, actuellement, d'après les chiffres que vous
me donnez je ne peux pas vérifier ce soir, mais j'avais
l'impression que c'était un peu moins c'est 200 p.c. et ici, vous
demandez que ça ne dépasse pas 160 p.c. C'est-à-dire que,
je m'excuse, vous profitez de l'occasion pour que la différence
énorme qui existe actuellement descende considérablement quand
même, disons de 40 p.c. ou d'à peu près, si on veut
être bien clair l'une avec l'autre.
M. LAMARRE: Oui. C'est pour être au niveau de la province de
l'Ontario, pour être compétitif.
M. CARDINAL: Mais vous admettez que c'est déjà une
diminution considérable par rapport à ce qui se passe
présentement à Montréal.
M. LAMARRE: C'est ça.
M. LEFEBVRE: Vous auriez fait un excellent voyage si ça vous
était accordé séance tenante. Vous auriez fait un voyage
payant.
M. CARDINAL: Je n'ai pas fait de promesses; j'ai demandé une
explication. Enfin, la réponse est claire.
M. LAMARRE: C'est surtout pour attirer l'attention sur ce qui existe
actuellement à Montréal, et je crois que vous êtes au
courant de cette situation, en partie.
M. CARDINAL: Disons que ma question n'était pas tout à
fait innocente. Merci.
M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer aux membres de cette commission
qu'il est dix heures quinze. Je ne sais pas si l'Association des principaux de
Montréal a un long mémoire... On me remet à l'instant
votre mémoire. Je constate qu'il est assez imposant. Je crois bien que
dans les circonstances, vu l'heure assez tardive, on reportera sa
présentation à la prochaine séance, quitte à vous
placer les premiers
sur le rôle si ça vous va. Je sais que M. Albert Angers,
qui représente la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal, a aussi un mémoire qui doit être assez long. Si
nous ne voulons pas aller nous coucher trop tard, il est déjà dix
heures quinze...
M. CARDINAL: Ce n'est pas une question de se coucher trop tard. J'en ai
parlé tantôt avec le représentant de l'Opposition, nous
avons des règlements concernant l'Assemblée nationale et les
commissions; d'après ces règlements, pour une commission, c'est
prévu d'ailleurs au document qui vous a été remis,
ça se termine à 10 h 30. Nous avons, un certain nombre d'entre
nous, d'autres obligations. Il est toujours malheureux qu'à ces
commissions, en fin de journée, il y ait des gens qui soient venus et
qui n'aient pas été entendus, qui soient donc obligés de
revenir, mais, dans les quinze minutes qui nous restent, nous avons le choix ou
bien de commencer avec l'un ou l'autre des mémoires, sachant bien que
nous ne terminerons pas et que nous devrons continuer. Nous pouvons le dire
tout de suite, pour éviter des déceptions, mon idée
était, à 10 h 30, de proposer aux membres de la commission que
nous ajournions au jeudi 19 février, à 15 heures, pour continuer
tout l'après-midi et toute la soirée et si, ce soir du 19, nous
n'avons pas terminé, de remettre le tout à une date beaucoup plus
rapprochée. Nous ne pouvons pas, avec la liste des commissions et des
comités qui se réuniront d'ici le 19, avoir une date plus
rapprochée à cause des réunions du conseil des ministres,
de la commission de la Constitution et des autres. Les députés
qui sont à cette table savent eux-mêmes qu'ils ne peuvent pas se
multiplier.
M. LEFEBVRE: Si le ministre me permet, je pense au 19, je ne fais que
d'y penser, je ne veux pas prendre le ministre par surprise, est-ce que
quelqu'un aurait objection à ce que nous commencions à deux
heures, ça donne quand même une heure de plus?
M. CARDINAL: Je n'ai pas d'objection de principe. On pourrait toujours,
même pas par une motion, parce qu'en commission les formalités
sont simples, commencer à deux heures; ça nous donnerait une
heure de plus.
M. LEFEBVRE: Le train arrive à une heure et demie. Ceux qui
viennent de Montréal pourront être ici à deux heures.
M. CARDINAL: Aucune objection que nous ajournions au jeudi 19
février à deux heures?
M. LEFEBVRE: C'est pour frustrer le moins de gens possible.
M. LYONNAIS: M. le Président, nous pourrions peut-être, en
un quart d'heure, je pense bien, essayer de synthétiser notre
mémoire.
M. CARDINAL: Aucune objection. Je vous dis ceci justement pour que vous
soyez à l'aise, que personne ne soit bâillonné et que tout
le monde se sente libre de prendre la position qu'il désire, sauf que je
ne voudrais pas qu'une association ou un groupe, rendu à dix heures
trente, se rende compte qu'il n'a pas eu la liberté de s'exprimer d'un
seul jet par comparaison à d'autres qui ont eu cette possibilité.
C'est à vous, messieurs, de prendre la décision. Le
député d'Ahuntsic et moi-même vous offrons ce que vous
préférez.
M. LYONNAIS: Alors, je laisse la place à M.
François-Albert Angers. Mes collègues préfèrent
plutôt revenir et avoir le temps de s'exprimer davantage.
M. CARDINAL: Alors, nous pouvons demander à M. Angers ce qu'il
préfère.
M. LE PRESIDENT: Nous vous placerons les premiers à l'ordre du
jour à la prochaine séance.
M. LYONNAIS: Merci.
M. LEFEBVRE: M. Angers, c'est rare qu'il parle plus de cinq minutes.
M. ANGERS: Je pense bien que, dans un quart d'heure je n'ai pas assez de
temps pour dire ce que j'ai à dire.
M. CARDINAL: Cela vous fait plaisir de venir à Québec, M.
Angers?
M. ANGERS: Oui. C'est toujours agréable.
M. CARDINAL: Dans ce cas-là, nous pourrions tout simplement
ajourner au jeudi 19 février à deux heures. Vous serez le
deuxième à l'ordre du jour, M. Angers.
M. LE PRESIDENT: Cela vous va? Très bien. Alors, ajourné
au 19 février à deux heures.
(Fin de la séance: 22 h 20)