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Version finale

28th Legislature, 5th Session
(February 24, 1970 au March 12, 1970)

Thursday, February 5, 1970 - Vol. 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 62 - Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Bill 62 — Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal

Séance du jeudi 5 février 1970

(Quinze heures neuf minutes)

M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A l'ordre, messieurs!

Je tiens à souhaiter la bienvenue aux membres de la commission permanente de l'Education ainsi qu'aux membres des organismes qui voudront bien présenter des mémoires cet après-midi et ce soir. Une motion a été faite à l'Assemblée nationale par l'honorable ministre de la Justice; elle demandait l'autorisation pour que la présente commission permanente de l'Education puisse siéger en dehors de la session.

Maintenant, j'aimerais souligner à la commission que M. Lesage a demandé que M. Léo Pearson remplace M. Jérôme Choquette et que M. Paul Shooner remplace M. Jean-Paul Beaudry. Vous êtes tous d'accord? C'est M. Lesage qui, dans les circonstances, avait demandé la permission.

M. BOUSQUET: Il est encore chef? UNE VOIX: Oui.

M. LE PRESIDENT: Nous avons ici un ordre du jour établi; mais, avant de débuter, j'aimerais demander au ministre de l'Education s'il aurait quelques mots à dire.

M. Jean-Guy Cardinal

M. CARDINAL: Merci, M. le Président. La commission permanente de l'Education a déjà tenu, les 27 novembre et 11 décembre 1969, deux séances au cours desquelles des explications ont été données, des documents ont été déposés, particulièrement en annexe au journal des Débats du 11 décembre. J'ai, à plusieurs reprises, indiqué l'intention du gouvernement d'entendre, devant cette commission, tous ceux qui voudraient se prononcer.

Je pense que nous en sommes venus maintenant à ce moment qu'un délai raisonnable a été accordé aux gens pour se préparer. En effet, le projet de loi 62 a été annoncé au moment de la deuxième lecture du projet de loi 63 et déposé avant la fin de la dernière session.

Vous avez fait référence tantôt à la motion qui a été adoptée en fin de session, le 23 décembre dernier. Disons que, maintenant, je laisserai la parole à d'autres. A moins que l'Opposition n'ait quelque chose à ajouter, j'inviterais le président à faire entendre ceux qui ont manifesté le désir de présenter des mémoi- res devant cette commission. Le seul mot que j'ajouterai est celui-ci: Comme je l'ai déjà indiqué, le 27 novembre et le 11 décembre, j'attendrai d'avoir entendu tous ceux qui se prononceront sur le projet de loi, pour, au nom du gouvernement, définir alors la position du gouvernement au sujet des amendements qui pourraient être apportés au projet de loi 62.

Je vous remercie, M. le Président, et je laisse la parole à ceux qui voudraient s'exprimer.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député d'Ahuntsic aurait quelques mots à dire?

M. Jean-Paul Lefebvre

M. LEFEBVRE: M. le Président, je serai aussi bref que le ministre, parce que c'est notre intention, évidemment, d'entendre les représentants des groupes qui ont demandé à s'exprimer à propos de ce bill dont l'importance ne saurait être mise en doute. Quant à nous, je puis assurer tous les membres de la commission de notre collaboration vigilante, ce qui ne veut pas dire de notre acquiescement à tous les points de vue émis par le gouvernement. J'aurais moi-même quelques questions à poser au ministre en rapport avec la déclaration qu'il vient tout juste de faire, mais je m'en abstiendrai pour l'instant, y revenant un peu plus tard, peut-être, après que nous aurons entendu les commentaires. Le ministre a déclaré qu'il attendait la fin des audiences pour définir clairement les positions du gouvernement. Cependant, nous savons que certaines de ses déclarations ont été interprétées de différentes façons dans les journaux. Peut-être que les témoignages qui nous seront donnés cet après-midi permettront justement d'éclaircir certains points qui demeurent, à notre avis, obscurs quant au fonctionnement du bill 62.

Pour l'instant, c'est tout ce que nous avons à dire de ce côté-ci, mais nous allons, bien sûr, d'abord, écouter et sans doute aussi avoir des questions à poser aux gens qui viennent témoigner. Je vous remercie, M. le Président.

M. CARDINAL: M. le Président, permettez-moi, juste comme détail technique, d'ajouter ceci : Nous avons convenu de cesser cette séance à 17 h 30.

M. LE PRESIDENT: A 5 h 30.

M. CARDINAL: C'est ça, à 5 h 30, quitte, si, à ce moment-là, on se rend compte que d'autres veulent se faire entendre aujourd'hui, à reprendre les travaux vers 8 h ou 8 h 15, ce soir.

M. LE PRESIDENT: Le premier organisme inscrit est The Montreal Association of School Administrators. Leur porte-parole est M. Wright.

M. WRIGHT: M. le Président, je voudrais

vous présenter les membres de l'exécutif de notre association: M. Stafford, qui est le porte-parole de notre association, M. Rivard, M. Parker et M. Campbell. M. Stafford parlera pour l'association.

M. Stafford

M. STAFFORD: M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, j'ai l'honneur de parler au nom de mes 150 collègues, principaux, qui travaillent au Bureau métropolitain des écoles de l'île de Montréal.

Il me fait plaisir d'être ici avec vous, cet après-midi, pour présenter ce mémoire sur le projet de loi 62. The Montreal Association School Administrators, désignée dans ce texte sous le nom d'Association des administrateurs d'écoles, est une association de caractère professionnel qui unit les principaux et les vice-principaux des écoles élémentaires et secondaires placées sous la juridiction du Bureau métropolitain des écoles protestantes du grand Montréal.

L'Association des administrateurs d'écoles se déclare en faveur de certaines sections du projet de loi 62, soulève quelques objections quant à certaines autres sections mais se déclare avant tout à la fois alarmée et très inquiète devant la très sérieuse menace que le projet de loi 62 représente envers la culture et la langue anglaise ainsi que leur survivance dans cette province.

L'Association des administrateurs d'écoles est d'avis que les droits culturels et linguistiques des communautés françaises et anglaises de l'île de Montréal seraient bien mieux protégés si on adoptait un système parallèle de neuf commissions scolaires régionales de langue française d'une part, et quatre commissions scolaires régionales de langue anglaise d'autre part.

Points essentiels de la loi proposée, que l'Association des administrateurs d'écoles approuve:

L'Association des administrateurs d'écoles approuve les points suivants du projet de loi 62 :

L'égalité dans l'évaluation foncière. Le taux uniforme de taxes. La répartition des fonds entre les commissions scolaires selon les besoins réels. La réduction du nombre des commissions scolaires. (Il est à noter pourtant à cet effet qu'à l'heure actuelle l'éducation protestante sur l'île de Montréal se trouve placée en tout et pour tout sous la responsabilité de deux commissions scolaires régionales seulement, à savoir: le Bureau métropolitain des écoles protestantes du grand Montréal et la Commission scolaire régionale de Lakeshore.) L'instauration de l'éducation multi-confessionnelle. La centralisation des fonctions et des services administratifs (nous nous sentons ici obligés de souligner une fois de plus qu'une telle centralisation est déjà établie dans le secteur protestant). L'extension du droit de vote en matière scolaire.

Mais nous avons des objections à certaines dispositions du projet de loi 62. En voici quelques unes:

Dans cette partie du mémoire, l'Association des administrateurs d'écoles se propose d'expliquer pourquoi elle s'oppose, entre autres, à quatre des dispositions du projet de loi 62.

Les pouvoirs des commissions scolaires. Alors que l'Association des administrateurs d'écoles reconnaît le besoin réel d'une plus grande coordination sur l'île même et la nécessité d'une réorganisation pour assurer une éducation d'égale valeur à tous, elle s'oppose néanmoins à toute diminution exagérée des pouvoirs attribués aux commissions scolaires.

Compte tenu du fait que la section 203 décrit bien insuffisamment les fonctions mêmes des commissions scolaires au sein d'un système d'éducation moderne, l'Association des administrateurs d'écoles propose que le projet de loi 62 soit plus spécifique sous ce rapport et que soient incluses les fonctions spécifiques suivantes dans la liste des fonctions des commissions scolaires:

(a) l'organisation et l'administration des jardins d'enfants, ou classes maternelles, de l'enseignement élémentaire et secondaire au bénéfice des enfants qui résident dans les limites de son territoire, ainsi que pour les adultes qui expriment le désire de parfaire leur éducation ;

(b) la surveillance de l'enseignement même, dans le but constant d'en améliorer la qualité; la sélection de certaines méthodes d'enseignement mises à la libre disposition des écoles; l'organisation des classes et le souci constant d'encourager le développement de programmes supplémentaires nouveaux et expérimentaux;

(c) l'organisation de services médicaux, sociaux et psychologiques ainsi que de services d'orientation professionnelle et de pastorale, requis pour toutes les écoles sous sa juridiction et l'intégration de tels services dans toutes les écoles;

(d) la sélection, l'engagement et le congédiement du personnel enseignant et autre, y compris le personnel administratif, des écoles sous sa juridiction ainsi que l'attribution de postes respectifs après consultation avec les personnes en cause;

(e) l'entretien et la réparation des immeubles; la prévision des besoins futurs autant en locaux qu'en équipement; le choix du meilleur emplacement possible pour toute nouvelle école ; la soumission au Conseil scolaire de l'île de Montréal de tous les projets d'acquisition, de

rénovation, de construction et de spécifications académiques; l'achat du matériel requis; l'organisation du transport des élèves et l'administration des cafétérias ou cantines scolaires;

(f ) l'établissement du budget nécessaire au bon fonctionnement des écoles de son secteur.

Afin de pouvoir offrir toutes les garanties religieuses au sein des commissions scolaires régionales de langue française et de langue anglaise, l'Association des administrateurs d'écoles préconise qu'il faudrait que les commissions scolaires régionales puissent en plus assumer les fonctions suivantes:

L'organisation éventuelle d'écoles catholiques, protestantes et autres que catholiques et protestantes à l'intérieur de chacune des neuf commissions scolaires régionales de langue française et des quatre commissions scolaires régionales de langue anglaise, et compte tenu du nombre d'élèves en cause,

Au cas où une telle éducation ne puisse s'offrir sur le territoire même de leur commission scolaire régionale, toutes les dispositions nécessaires devront être prises pour permettre à ces enfants de fréquenter des écoles hors de leur district, où ils seront en mesure de bénéficier de l'éducation confessionnelle ou non confessionnelle selon le désir exprimé par leurs parents.

Dispositions transitoires pour ces commissions scolaires:

Nous sommes d'accord que les premiers membres des nouvelles commissions scolaires soient nommés tel que spécifié dans l'article 4, page 38, du projet de loi 62, mais, au lieu d'être nommés par le gouvernement, qu'ils soient choisis un mois avant l'établissement des commissions scolaires permanentes, et choisis par un collège électoral institué par les commissions scolaires existantes.

Le rôle du comité d'école. Le rôle du comité d'école est tellement mal défini, que, dans certains cas au moins, il existe le réel danger que les membres du comité d'école puissent concevoir que le vrai rôle consiste plutôt à dicter à l'autorité compétente, en l'occurrence le principal, une ligne de conduite à suivre plutôt que de se contenter de remplir une fonction purement consultative. Ce rôle du comité d'école devra être indiqué avec plus de précision, et ceci pourrait se faire, selon l'avis de l'Association des administrateurs d'écoles, si le paragraphe b) de l'article 623, qui énumère les fonctions des comités d'école, était purement et simplement éliminé. Il s'agit à 623 b) de la stipulation de veiller à la qualité de l'enseignement donné à l'école.

L'Association des administrateurs d'écoles estime que c'est avant tout la responsabilité d'un éducateur professionnel que de veiller à l'amélioration du programme d'enseignement. Il peut mieux le faire, et d'une façon plus compétente et plus professionnelle, grâce à son entraînement et à son expérience.

L'Association des administrateurs d'écoles recommande en plus que l'article 623 soit changé, de façon à préciser sans ambages que le vrai rôle du comité d'école est purement consultatif de nature et non point à caractère exécutif. Pour clarifier ce point, l'Association des administrateurs d'écoles tient à préciser que les principaux consultent déjà les membres de leurs personnel enseignant quant aux questions pédagogiques et administratives bien que la responsabilité de prendre la décision reste entre les mains de l'autorité compétente, soit le principal.

De plus en plus, et ceci surtout au niveau secondaire, les principaux trouvent opportun de consulter même les étudiants sur d'éventuels changements qui pourraient toucher ces derniers. Il reste néanmoins bien établi ici aussi que la décision finale au niveau de l'école revient au représentant de la commission scolaire, à savoir le principal. Le conseil scolaire transitoire qui remplira ces fonctions en attendant l'établissement définitif d'un conseil scolaire permanent de l'île devrait être constitué d'une façon beaucoup plus démocratique. Il devrait, en effet, comprendre trois membres choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil et dix autres membres choisis par les commissions scolaires mentionnées dans la section 3, paragraphe 9 a) à d), des dispositions transitoires et finales du projet de loi 62.

Le conseil permanent. L'article 662 du projet de loi 62 devrait être amendé ainsi: "Le conseil est composé de quinze membres dont treize seront nommés à raison d'un membre de chacune des neuf commissions scolaires régionales de langue française et d'un membre de chacune des commissions scolaires régionales de langue anglaise".

L'article 666 devrait être amendé ainsi: "Toute vacance est comblée par la commission scolaire régionale respective".

L'association des administrateurs d'écoles suggère ces amendements parce qu'elle est fermement convaincue que seul un système basé sur les deux langues jusqu'au niveau des commissions scolaires régionales sera capable de représenter au mieux les intérêts des communautés linguistiques de l'île, à savoir la communauté francophone et la communauté anglophone. Ce point se trouve développé davantage dans la conclusion de ce mémoire. En plus, l'Association des administrateurs d'écoles pense que la nomination des membres du conseil scolaire par le lieutenant-gouverneur en conseil représente en soi une déplorable et sérieuse négation du vrai principe démocratique.

L'exigence quant à la citoyenneté canadienne pour les électeurs des commissaires élus au suffrage universel devrait être rayée de l'article

594, car elle représente une flagrante discrimination envers les immigrants.

L'importance de la protection de la culture de la minorité. L'Association des administrateurs d'écoles est fermement convaincue que sur l'île de Montréal où les deux principaux groupes linguistiques sont représentés en grand nombre, l'administration et l'organisation des écoles devraient être à base linguistique, et ceci jusqu'au niveau même des commissions scolaires régionales.

Un tel système permettrait de dispenser un enseignement de valeur capable de refléter à plein la culture française et la culture anglaise. La culture, l'essence même de l'existence, se trouve enracinée dans la langue. Elle représente un héritage bien digne d'être transmis à fond. C'est justement au niveau de la commission scolaire, responsable de l'organisation pédagogique, et au niveau des écoles, responsables de l'enseignement propre, que la culture peut se transmettre au mieux.

Seule l'instauration des officiers administratifs français, anglais, catholiques romains, protestants et autres que catholiques romains et protestants, telle que proposée dans le projet de loi 62, n'assure pas en soi-même une protection adéquate aux groupes des minorités placés sous la juridiction des commissions scolaires proposées par le projet de loi 62.

Le projet de loi 62 accorde quelques protections confessionnelles sur le plan des études. Il devrait pourtant aussi accorder des protections linguistiques-, car, depuis 1867, c'est bien la langue qui a remplacé la religion, en somme, comme véhicule de la culture et comme base de la survivance culturelle. C'est cette survivance culturelle justement qu'il s'agit de protéger.

Le projet de loi 63 accorde aux parents le droit de choisir la langue dans laquelle les cours seront donnés à leurs enfants. Mais ce même droit se trouve presque annulé du fait que selon les dispositions du projet de loi 62, ces mêmes parents pourraient bien se trouver placés dans une situation minoritaire, sans voix quelconque, sans recours et sans contrôle quant aux cours dispensés.

A moins que le projet de loi 62 soit amendé pour accorder plus de garanties aux minorités, garanties qui, selon l'Association des administrateurs d'écoles, pourraient être assurées au moins sous un système d'éducation anglophone et francophone, il est inévitable que la langue et la culture de la minorité anglaise disparaîtront peu à peu, et avec elles disparaîtra aussi cette dualité culturelle qui a tant contribué à enrichir la vie des citoyens de cette province. Cette dualité culturelle devrait être maintenue à tout prix.

C'est par l'intermédiaire du système d'éducation que sont préservées et perpétuées à la fois la langue et la culture. Le projet de loi 62 laisse toute minorité anglaise et française à découvert, sans protection aucune.

Accorder le droit à une éducation en français ou en anglais ne signifie rien en soi, si en même temps on n'accorde aucune garantie et aucune protection quant au programme et à la mise en pratique de cette éducation. Tout droit en somme n'est qu'illusoire si, par manque de protection adéquate, ce droit ne peut se faire valoir le cas échéant. Ce sont les commissions scolaires régionales élues démocratiquement et séparément par chaque groupe linguistique qui sauront seules protéger le droit de développer et d'adapter les programmes d'études. C'est un système linguistique double qui offre la plus grande protection aux deux communautés linguistiques quant au contrôle effectif des questions éducatives.

Une autre stipulation du projet de loi 62 inquiète quelque peu l'Association des administrateurs d'écoles. Il s'agit de l'article 622 qui dit: "... le mot "école" désigne un édifice ou une partie d'un édifice qui est occupé par un groupement d'enfants et d'instituteurs sous l'autorité d'un directeur et où se donnent soit les cours adaptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, soit les cours adaptés ou reconnus pour les écoles publiques protestantes, soit ceux qui sont applicables aux écoles publiques autres que catholiques ou protestantes."

Ceci présuppose la possibilité que, dans un même édifice, on offre six différents types d'enseignement: catholique français, protestant français, catholique romain anglais, protestant anglais, et autre que catholique romain français ou anglais, ou protestant anglais ou français, chaque section avec son propre comité d'école, le tout constituant un vrai imbroglio administratif. Ceci par lui-même rendrait difficile, sinon impossible, toute adaptation pratique de méthodes modernes relatives à l'établissement des emplois du temps dans les écoles secondaires. Il est des plus probable d'ailleurs, que ce qui va se passer, c'est que dans bien des régions de l'île de Montréal les enfants anglophones seront tout simplement obligés de fréquenter des écoles où le personnel et la plupart de l'effectif scolaire, le ton et l'esprit ainsi que l'orientation générale seront tous français de nature. En d'autres régions de l'île, ceci pourrait fort bien s'avérer le cas pour les élèves francophones.

Ce qui en résulterait, et cela, bien des citoyens de diverses origines le regretteraient bien, c'est le développement de certains ghettos linguistiques, vu que les anglophones auraient tendance à aller s'établir dans les régions de l'île placées sous la juridiction des commissions scolaires régionales à la majorité anglaise, alors que les francophones se retireraient de ces régions pour aller s'établir dans celles où les commissions scolaires seraient en majorité françaises.

Dans la province de Québec, il y a environ un million d'habitants anglophones, soit une population plus forte que celle de plusieurs provinces canadiennes. Il s'agit d'une minorité

qui, au cours des années, a contribué en grande partie au développement même de la province, une minorité qui désire rester et qui apprécie de vivre dans un milieu biculturel.

Lorsque l'Association des administrateurs d'écoles se déclare en faveur de commissions scolaires de langue française et de langue anglaise, elle rejoint entièrement le Bureau métropolitain des écoles protestantes du grand Montréal dans ses recommandations soumises à la Commission Gendron. Bien que du côté anglophone nous ayons accompli beaucoup déjà par le passé dans l'enseignement du français aux anglophones, il nous faudra encore redoubler d'efforts pour assurer que nos élèves deviennent de plus en plus bilingues, comprennent et apprécient davantage la culture canadienne-française, et reconnaissent mieux le fait canadien français au sein de la vie canadienne.

Conclusion: Il ne faut pas oublier que c'est l'avenir de nos enfants qui nous tient à coeur et que nous voulons à tout prix assurer. Alors, n'agissons pas trop vite! Pour eux, les changements brusques sont difficiles à accepter. Pour eux, il faut s'assurer que les deux grandes cultures fondatrices continuent à jouer un rôle très dominant dans leur vie.

Ceci pourra se faire au mieux, nous croyons, si nous avons des écoles sous la direction des commissions francophones et d'autres sous la direction des commissions anglophones, toutes sous la direction générale du seul conseil scolaire pour l'île de Montréal que nous avons proposé dans ce mémoire.

Mais l'important sera de travailler ensemble de bonne volonté, afin que nous puissions tous nous aider les uns les autres. Dans le but de développer un bon système d'éducation, nous devrons tous, par nos actes et par notre exemple, créer un climat de confiance et de respect mutuel. Nous devrons tirer parti au maximum de notre héritage multiple et ainsi assurer le bonheur et la prospérité de tous.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Stafford. Est-ce que des membres de la commission auraient des éclaircissements, à demander, toutefois, sans engager aucun débat?

M. CARDINAL: Non, ce n'est pas un éclaircissement. Je voudrais remercier M. Stafford et The Montreal Association of School Administrators pour leur contribution à l'étude du projet de loi 62. Leur mémoire, comme les autres, que nous entendrons, sera colligé au ministère et au gouvernement et nous étudierons toutes ces suggestions qui nous sont faites. Merci.

M. LEFEBVRE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Oui, le député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: J'aurais, pour ma part, quelques questions à poser à M. Stafford. Il y a plusieurs affirmations dans le mémoire que M. Stafford et les autres représentants du groupe aimeront certainement préciser.

Tout d'abord, je voudrais, quant à moi, indiquer clairement que nous avons déjà, lors d'auditions antérieures de la commission, de ce côté-ci de la table, mentionné notre opinion à l'effet qu'il manquait certainement, sur le plan, au moins, du fonctionnement administratif, certaines garanties quant à la protection des minorités, que ce soit des minorités linguistiques ou des minorités religieuses. Alors, sur ce plan-là, au moins, je crois que nous avons certains sentiments en commun avec les points de vue qui viennent d'être exprimés. Par ailleurs, quant à moi, je ne saurais aller aussi loin que le vont les représentants du Montreal Association of School Administrators, en s'op-posant au principe même de la commission scolaire unique. J'aimerais demander à M. Stafford et aux autres représentants de l'association de bien vouloir nous dire en quoi... Je sais que ce sont tous des gens d'expérience. D'ailleurs, on le voit facilement à leur âge. Les hommes n'ont pas d'objection, contrairement aux femmes, à ce qu'on fasse allusion à leur maturité sur le plan de l'âge.

MME KIRKLAND — CASGRAIN: Il ne faut pas généraliser.

M. CARDINAL: Pardon, le député de Marguerite-Bourgeoys a une objection, là.

M. LEFEBVRE: J'ai parlé des hommes.

MME KIRKLAND — CASGRAIN: Je dis qu'il ne faut pas généraliser; il y a des femmes qui n'ont pas d'objection, non plus.

M. CARDINAL: C'est bien, ça.

M. LEFEBVRE: C'est vrai que ma collègue manifeste une ouverture d'esprit considérable. M. le Président, j'aimerais poser la question suivante:

Chacun sait qu'autrefois l'éducation était administrée selon un système parallèle qui était presque sans rapport; vous aviez d'un côté le comité catholique, de l'autre le comité protestant, et on prenait pour acquis — bien à tort d'ailleurs — que catholique voulait dire français et que protestant voulait dire anglais. Cette équivoque mise de côté — qui était pourtant de taille, mais on a vécu avec cette équivoque pendant des années — il reste que nous avions deux systèmes parallèles. Par la création du ministère de l'Education, nous avons maintenant une administration unique de l'éducation dans la province de Québec, et les pouvoirs autrefois détenus par le comité catholique et le comité protestant sont maintenant détenus par le ministre de l'Education. Je ne vous demanderai pas de faire l'éloge du ministre actuel, ce

n'est pas mon propos, mais sur le plan du fonctionnement, indépendamment de la personnalité du ministre que vous pouvez aimer ou ne pas aimer, ce qui m'intéresse de savoir est: Avez-vous des faits à apporter, devant les membres de cette commission, qui démontrent que le fonctionnement des écoles de langue anglaise à Montréal a été en quelque façon rendu plus difficile du fait que nous avons maintenant, au niveau provincial, une administration unique? J'apprécierais beaucoup si ces messieurs voulaient répondre à cette question.

M. STAFFORD: Je pourrais répondre moi-même. Mais, si vous me permettez de dire une seule chose: Puisque nous avons ici au moins 150 années d'expérience dans l'enseignement, si je multiplie et divise, peut-être permettrez-vous alors qu'un de mes collègues réponde. Mais, j'aimerais bien profiter de l'occasion pour dire que l'idée de travailler sous un ministère, avec un ministre, ne nous a certainement pas rendu la vie difficile, au contraire. Cependant, il y a certaines choses qui doivent être au niveau régional, et peut-être qu'un de mes collègues aimerait bien parler de cela.

Franchement, j'aimerais bien féliciter le ministre des progrès suggérés dans ce projet de loi, mais pas tel que c'est proposé. Il y a beaucoup de choses que nous aimons, mais pas tout le bill.

M. PARKER: Je n'ai pas beaucoup de choses à ajouter, M. le Président, mais je vois l'administration de l'éducation dans cette province comme une espèce de pyramide. Naturellement, au haut de cette pyramide, il y a le ministère de l'Education et M. le ministre. Maintenant, sous ce ministère, l'éducation est unie et, dans l'île de Montréal, le projet de loi propose qu'il y ait une autre unification sous le conseil de l'île. Nous sommes tout à fait d'accord avec ce niveau d'unification. Mais, c'est au niveau des commissions scolaires que nous avons un peu peur, parce que nous croyons que c'est à ce niveau que le système qui existe dans le moment donne aux communautés l'occasion de se développer dans leur propre nature, dans leurs propres goûts.

Dans notre système, sous le Bureau métropolitain du grand Montréal, depuis longtemps les professeurs, les principaux et les administrateurs ont eu l'occasion de se réunir pour créer leur propre programme d'éducation selon les besoins des élèves auxquels nous enseignons. Nous croyons que nous sommes plus au courant, pour faire ces ajustements dans le programme, qu'un ministre ou un ministère, et même plus au courant que le conseil de l'île.

Nous croyons que si nous voulons continuer à garder notre culture et nos traditions, il faut que ces commissions régionales continuent d'exister. Nous voyons un certain danger dans une région scolaire où il y a une majorité d'anglophones et une petite minorité de francophones. Il y a toujours le danger, dans ces structures, que les intérêts et les traditions de la minorité ne soient pas protégés.

M. LEFEBVRE: Monsieur, si vous me permettez de faire un commentaire, vous dites que cela vous fait un peu peur. Je crains que le rédacteur de votre mémoire ait peut-être dépassé votre pensée, car à la page 11, je lis: "Il est inévitable que la langue et la culture de la minorité anglaise disparaîtront peu à peu, et avec elles disparaîtra aussi cette dualité culturelle qui a tant contribué à enrichir la vie, etc."

Cela m'apparaît être beaucoup de peur, cela.

M. PARKER: Oui.

M. LEFEBVRE: Il y a je pense...

M. PARKER: Même entre nous, il y a des degrés de peur, vous savez.

M. LEFEBVRE: Oui. Ce que je veux suggérer, monsieur, et je le fais en toute amitié, je pense que dans ce débat-là il est important que personne, de nous tous, n'outrepasse outre mesure sa pensée parce que finalement ce qu'il va falloir trouver c'est un modus vivendi qui va être accepté et autour duquel il pourrait y avoir un consensus.

Je me permets, en toute amitié, de vous dire que des phrases comme celle que je viens de lire m'apparaissent nettement exagérées. Maintenant, si vous me permettez, j'ai une autre question. Vous m'avez répondu d'une façon satisfaisante. Je ne sais pas si cela a satisfait tous mes collègues, mais quant à moi, je suis très satisfait de votre réponse concernant l'établissement du ministère de l'Education. Maintenant, vous savez très bien, puisque vous êtes Montréalais comme moi, qu'à côté des écoles protestantes à Montréal il y a des écoles catholiques de langue anglaise.

Vous savez que ces écoles catholiques ont, depuis toujours, coexisté à l'intérieur d'une même commission scolaire avec des écoles de langue française. Est-ce que vous iriez jusqu'à prétendre que le fait que ces écoles catholiques de langue anglaise aient été sous la juridiction d'une commission scolaire catholique à majorité française ait réduit la qualité de l'éducation? Autrement dit, est-ce que vous croyez que la qualité de l'éducation dans vos écoles est de beaucoup supérieure à la qualité de l'éducation qui est donnée dans les écoles anglaises catholiques?

MR. WRIGHT: Could I speak in English?

M. LE PRESIDENT: Yes, sure.

MR. WRIGHT: I do not feel that the quality

of the instruction given in the schools of the protestant sector is that so much better than that given in the schools of the catholic sector. I feel that we are running fairly well parallel on courses. As a matter of fact, in some instances, the catholic school system is, I would say, perhaps superior, in such things as mathematics, and so on. They have gone ahead quite a bit, as far as we are concerned. We are not here to say that the English protestant system is all that much better than the English catholic system or even the French system.

MR. LEFEBVRE: May I answer that this fact conctredicts your fundamental position, because there you have a living fact in Montreal where you have the proof that under a unique school board you can have English schools of good quality, which you seemed to admit yourself.

MR. WRIGHT: Well, what we would like to do would be to preserve our English language cultural background, and I think this is a fair proposition.

M. PARKER: Est-ce que j'ai votre permission aussi de présenter mes pensées un peu compliquées en anglais?

M. LE PRESIDENT: Bien sûr.

MR. PARKER: You are talking about a situation where there is an English catholic section belonging to the Montreal Catholic School Commission, but in an island situation where there is also a Protestant School Board of Greater Montreal, which is a constant reminder, that English quality education is available and which provide some kind of encouragement to the Catholic School Commission of Greater Montreal to continue to provide quality education to its English adherents.

I am not here either to undersell the work that has been done by the Protestant School Board of Greater Montreal. It may not be known here, but in an independent survey of educational system, the Protestant School Board of Greater Montreal has rated among the top ten, not only in canada, but in the whole continent of North America, and we as administrators of that board are extremely proud. Now this was not achieved, I would like to point out, by simply someone at the top, making decisions and passing these decisions down. It was achieved by a cooperative effort on the part of all of us: teachers, administrators and board members. And it is a philosophy which, I would say, has been existing for a long time within our board and which is coming to be more and more in other systems throughout the Province. Even the Parent Commission, when they made their surveys throughout the Province — the Minister will recall — was lavishing its praises of the excellent work that was being done in the schools, under the Protestant School Board of Greater Montreal. It is this excellence, this quality of education which is still not perfect... My goodness! We have got miles to go and many improvements to make but, by gosh, we do not want to loose what we have! I would rather see a bill that would start with the good things that we have and move on ahead instead of placing the things that we have in jeopardy by completly new kind of organization, a completly new kind of structure which would chop up us in the face.

M. LEFEBVRE: Je pense bien que vous aurez compris que, quant à moi, je ne défends pas le projet de loi tel qu'il est. Je crois qu'il comporte beaucoup de défauts; en particulier, le découpage de la carte m'apparaît tout à fait arbitraire et indéfendable. Je crois que, rien que là-dessus, il faudra faire une discussion assez prolongée. Mais, il est important, par respect pour votre point de vue et pour l'importance du groupe que vous représentez, que nous fassions autre chose que simplement vous dire comme le ministre a dit: Messieurs, vous avez été bien gentils de venir nous voir. Nous allons penser à cela.

Quant à moi, j'aime mieux vous dire en votre présence ce que je pense de ce que vous avez dit. Je trouve ça plus courageux, peut-être, que simplement vous écouter et dire: J'étudierai ça dans mon bureau avec mes fonctionnaires. Je crois que c'est plus démocratique aussi, si on me permet, en toute modestie, d'en faire la remarque.

Il y a un autre point sur lequel j'aimerais avoir l'opinion de ces messieurs. Vous faites allusion — et Dieu sait avec combien de raison — au fait que les structures proposées pour le Conseil scolaire de l'île de Montréal ne sont pas du tout démocratiques, c'est-à-dire la façon dont le bill propose de former ce conseil scolaire. J'aimerais avoir votre opinion, parce que, sauf erreur, vous avez une expérience précise à ce niveau. J'aimerais avoir votre opinion sur le problème du double mandat, c'est-à-dire indépendamment du mode de nomination des membres du conseil de restructuration scolaire, qu'ils soient ou non nommés par le ministre ou qu'ils soient élus. Je crois que, sur ce plan, tous les groupes que j'ai entendus ont dit à l'unanimité qu'il y avait beaucoup trop d'influence du ministre là-dedans et que c'était une officine gouvernementale qu'on voulait créer. Tout le monde, en tout cas à part le gouvernement, a l'air d'être d'accord là-dessus. Je crois que, sur ce plan, le gouvernement restera seul avec lui-même. Mais, il y a un autre problème, beaucoup plus technique celui-là, un peu plus sophistiqué, et sur lequel j'aimerais pouvoir bénéficier de votre expérience. Compte tenu de l'hypothèse du bill 62 à l'effet que vous avez onze commissions scolaires régionales coif-

fées par un conseil de restructuration, est-ce que vous croyez qu'il est bon que les membres du conseil de restructuration, qui, à mon avis, devraient être élus mais, même s'ils sont élus, est-ce qu'ils devraient émaner des commissions scolaires régionales ou est-ce qu'ils devraient être choisis en dehors des membres des commissions scolaires régionales? Ceci, à mon avis, est une question qui fait appel à l'expérience pratique des administrateurs. Je termine là-dessus, je ne veux pas faire un long exposé, mais ça m'apparaft capital. Moi, ce que je crains — et je vous le dis, vous réagirez si vous n'êtes pas d'accord — c'est qu'en ayant ce double mandat, si vous voulez, on est dans une situation, à toutes fins pratiques, où la position de membre de commission scolaire et de membre du conseil de restructuration sera une position fausse, en ce sens qu'il faudra presque une personne 3 plein temps. Mais, en tenant pour acquis que nous sommes tous d'accord, à part le gouvernement, sur l'importance démocratique d'élections, est-ce qu'il ne serait pas préférable que les membres du Conseil de restructuration scolaire soient des personnes différentes des membres des commissions scolaires, de façon que les mêmes individus ne soient pas trop taxés, si vous voulez, sur le plan de l'emploi du temps? Autrement, il va falloir établir que ce sont des "full time jobs". Je m'excuse si ma question a été un peu longue.

M. CARDINAL: C'est parce que ce n'est pas une question. Il y a un certain nombre d'affirmations auxquelles, n'étant pas démocratique, je ne répondrai pas, parce que nous sommes ici pour étudier le bill 62 et non pas pour faire de la politique.

M. LEFEBVRE: Je ne sais pas ce que le ministre appelle faire de la politique, mais, à mon avis, c'est de l'excellente politique de discuter des problèmes réels. J'ai droit de ne pas aimer l'attitude du ministre qui dit aux gens: On vous a entendus. Vous êtes gentils. Merci. Je n'aime pas ça, moi, je le dis, c'est clair.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre.

M. STAFFORD: Je pourrais peut-être mentionner deux choses. A mon avis, il faut quelqu'un qui connaît le système, et libérer quelques principaux et quelques professeurs. Il faut avoir les gens qui le connaissent le mieux le système. A mon avis, ce sont les membres qui sont maintenant membres des différentes commissions scolaires. Il n'y a pas de doute. Ce sont ces gens-là qui doivent former le conseil temporaire, mais ce qui nous inquiète c'est que si les membres sont nommés par le ministre, alors il y a un contrôle absolu.

Cette commission, ce conseil est actuellement un conseil responsable entièrement devant le ministre, tandis qu'il doit être responsable devant les différentes commissions scolaires.

Cela va un peu plus loin, parce que c'est même le ministre ou le lieutenant-gouverneur — c'est la même chose — qui va nommer les membres des commissions temporaires; une fois que ces membres seront nommés, il sera peut-être un peu difficile de les remplacer. Franchement, nous croyons qu'il faut que ce soit ces gens-là, mais au moins que les commissions elles-mêmes aient la chance de les nommer.

M. LE PRESIDENT: Merci, monsieur. Il n'y a pas d'autres questions?

Maintenant, le deuxième organisme, le Thorndale Home and School Association of Pierrefonds.

M. CAMPBELL: M. le Président, est-ce que je peux avoir la permission de répondre 3 une question à laquelle nous n'avons pas répondu complètement? Il s'agissait de la gestion de nos confrères catholiques de langue anglaise. Leur gestion est séparée de la gestion française catholique sur l'île de Montréal aussi.

M. CARDINAL: ... commission scolaire?

M. CAMPBELL: Oui, mais la gestion est divisée.

M. CARDINAL: La gestion sera divisée aussi au plan des écoles même avec des commissions unifiées en vertu du bill 62.

M. STAFFORD: Oui, mais si je peux ajouter un dernier mot, c'est que maintenant nous avons plus de liberté pour former nos cours, etc., que nous en aurons avec le bill 62 qui aura un contrôle absolu concernant...

M. CARDINAL: Je regrette, mais si vous vous placez purement dans le cadre de la technique, le projet de loi 62 vient amender particulièrement l'article 203. Et toutes les commissions scolaires — qu'elles soient catholiques ou protestantes — présentement, dans les limites de leur liberté sont obligées, sont tenues, de par l'article 203 comme par le projet de loi 62, de donner les programmes qui viennent du ministère et sont approuvés par le comité catholique et le comité protestant en vertu de la Loi du conseil supérieur de l'éducation.

M. STAFFORD: Nous ne voulons pas changer cela. Nous le comprenons, parce que nous travaillons dans cette situation, mais il me semble que c'est plus serré; ce sera plus serré tel que c'est.

M. LE PRESIDENT: Merci, Monsieur.

M. STAFFORD: Merci beaucoup, monsieur le Président.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si on me le permet, il y a une question que j'avais oubliée;

c'est une question très importante, mais enfin, ce n'est pas la peine d'en discuter très longtemps. A la page 4 de votre mémoire, au paragraphe a), vous souhaiteriez que dans la loi on précise davantage la fonction des commissions scolaires et, en particulier, qu'on leur assigne la responsabilité de l'éducation des adultes.

S'il y a onze commissions scolaires sur l'île de Montréal, est-ce que vous ne croyez pas —remarquez que je n'ai pas de solution toute faite au problème, mais je m'interroge — étant donné le volume d'élèves au niveau des adultes —bien qu'il soit considérable, il demeurera certainement je l'imagine, moins considérable qu'au niveau des jeunes — est-ce que vous ne croyez pas, dis-je, qu'il y a un danger de superstructure ou de dépenses inutiles, de dédoublement? Est-ce que l'éducation des adultes, on ne pourrait pas étudier, au moins, l'hypothèse que cela relève plutôt directement du conseil de restructuration?

M. STAFFORD: Il y a une coordination actuellement pour ce qui est de l'instruction au niveau régional, coordination en haut et le reste en bas.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. le Président, il y a quand même, sur ce point, quelque chose que je pourrais tout de suite affirmer. C'est que les pouvoirs des commissions scolaires, comme les pouvoirs du comité d'école — le mémoire que nous avons entendu y revient — pourraient, dans le bill, et je le dis sans aucune hésitation, être revus et mieux définis, en ce sens que le projet de loi 62, qui a été sérieusement étudié, subissant l'épreuve, si vous voulez, de la critique publique, du travail de cette commission, méritera certainement d'être amendé. Mais il faut partir de l'hypothèse que, même si l'on considère que je ne fais qu'être gentil en remerciant, le gouvernement fonctionnera exactement de la même façon que pour le projet de loi 56. Quelles que soient les critiques ou les remarques plus ou moins humoristiques ou acerbes que peuvent se lancer les députés de chaque côté de cette table, c'est entièrement dans ce sens que nous entendons travailler au gouvernement, au ministère et au conseil des ministres. Par conséquent, les définitions des pouvoirs à chacun des niveaux sont des choses qui méritent d'être revues à la lumière des expériences qui se seront manifestées dans les mémoires.

Jusqu'où irons-nous? Ce que j'ai voulu dire tantôt, s'il m'est nécessaire d'être plus clair, c'est que je ne puis commenter chacun des mémoires; je ne sais pas quel en sera le nombre, et je ne vois qu'une partie de l'expérience qui est manifestée par un secteur de la population. Je pense qu'il est normal que le gouvernement, ayant écouté tous ceux qui veulent se faire entendre, vienne, à la fin, donner sa position sur tout ce qu'il aura entendu et sur ce que sera le projet de loi. Selon les travaux de cette commission, j'interviendrai, non pas pour défendre quelque thèse que ce soit, mais comme le député d'Ahuntsic l'a fait, soit pour obtenir des précisions, soit pour en apporter.

M. LEFEBVRE: M. le Président, est-ce que le ministre aurait l'amabilité de répondre à la question suivante? Ou peut-être ses fonctionnaires ont-ils une réponse à cela. Est-ce que, effectivement, on a étudié le cas spécifique de l'éducation des adultes dans le cadre du bill 62? Est-ce qu'on s'est posé le problème de savoir à quel niveau ce serait préférable de...

M. CARDINAL: Très franchement, le problème s'est posé, mais il n'est pas résolu dans le projet de loi 62 tel que présenté.

M. LE PRESIDENT: Très bien, merci beaucoup. Maintenant, Thorndale Home and School Association of Pierrefonds, M. David Hatt.

MR. HATT: Mr. Wilson, who is a parent member of the Thorndale Home and School Association, will present the brief on behalf of our Association. Mr. Wilson.

M. Wilson

M. WILSON: M. le Ministre, M. le Président, mesdames et messieurs. L'Association parents-maîtres de l'école Thorndale a nommé un comité pour présenter un mémoire à cette commission. Ce comité a présenté un mémoire que, je suppose, vous avez devant vous et que je vais me permettre de vous lire.

Mémoire présenté au gouvernement du Québec sur le bill 62, Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal.

Le bill 62 renferme plusieurs principes qui sont valables, tels que l'uniformisation de la taxe scolaire, la réduction du nombre des commissions scolaires, la centralisation des fonctions purement administratives, la provision pour l'éducation multiconfessionnelle ainsi que la participation des parents dans l'éducation de leurs enfants par l'intermédiaire des comités d'écoles.

Cependant, le bill renferme en même temps une lacune grave qui a une implication malheureuse sur l'avenir de l'éducation au Québec. Nous voulons mentionner ici le rapport de l'établissement d'une seule commission scolaire unifiée pour desservir à la fois les Québécois anglophones et francophones. Un tel projet ou proposition devrait être rejeté du fait qu'aucune garantie adéquate n'est donnée sur la qualité de l'éducation dans la langue minoritaire et qu'aucune disposition n'y est prise pour la surveillance et le développement du programme d'étude de la langue minoritaire d'aucune commission scolaire.

La recommandation du rapport Pagé, qui

propose neuf commissions scolaires françaises et quatre commissions scolaires anglaises ayant des territoires correspondants, serait beaucoup plus pratique et efficace au point de vue des ressources humaines qu'au point de vue des ressources monétaires. A cette recommandation du rapport Pagé se rattache la proposition que ces commissions scolaires devraient garder le pouvoir d'engager le personnel enseignant et le droit de décisions sur les fonctions pédagogiques qui affectent les écoliers sous leur juridiction.

Pour appuyer ce point, il est tout aussi important pour les anglophones de notre province de protéger le choix du programme d'études et la qualité du personnel enseignant, deux éléments qui sont aussi essentiels à la perpétuation de l'identité et de la culture anglaises, que la possibilité et la liberté de choisir la langue de l'instruction elle-même. Le droit à une éducation anglaise perd sa signification si la formule de cette éducation n'est pas garantie.

L'établissement de commissions scolaires unifiées pourrait avoir pour résultat que plusieurs méthodes d'éducation pourraient être appliquées dans une seule et même école. Cela, du reste, a déjà été dit par mon prédécesseur. Il serait possible de voir des Français catholiques, des Français protestants, des Français d'autres confessionnalités ainsi que des Anglais catholiques, protestants et Anglais d'autres confessionnalités, exister sous le toit d'un même établissement scolaire. Une telle situation amènerait inévitablement une administration chaotique et rendrait impossible l'application du règlement no 1, soit l'enseignement par équipes, la promotion par matière et autres inovations.

La proposition concernant l'établissement d'un Conseil scolaire de l'île de Montréal pour établir une taxation uniforme, planifier et coordonner les fonctions non pédagogiques au nom de l'efficacité et de l'économie est acceptable. Cependant, d'après le bill 62, ce conseil sera nommé et non élu. Ce ne sera pas servir la démocratie que de placer au sommet de l'organisation scolaire de l'île de Montréal un conseil nommé après que toute une série de mesures auront été prises pour établir une représentation démocratique au niveau du comité d'école et de la commission scolaire. Nous sommes d'avis que le Conseil scolaire de l'île de Montréal devrait être élu par les commissaires de chacune des 9 commissions françaises et 4 commissions anglaises tel que proposé par le rapport Pagé.

Ce mémoire a été adressé à tous les parents des enfants de l'école Thorndale, qui ont été priés de signer, enfin, s'ils étaient d'accord, avec les quatre...

M. CARDINAL: Est-ce qu'on peut vous demander, pour l'avantage du journal des Débats, des députés et de ceux qui écoutent, ce qu'est l'école Thorndale?

M. WILSON: L'école Thorndale est une école élémentaire de langue anglaise, qui fait partie du Lakeshore Regional School Board.

M. CARDINAL: Merci.

M. WILSON: Cette formule que les parents ont signée était rédigée de la façon suivante: "Je, soussigné, demande au premier ministre et au gouvernement du Québec d'amender le bill 62 de façon à rendre possible l'établissement de commissions scolaires régionales anglaises et françaises sur l'île de Montréal. Que la responsabilité du programme d'étude et des méthodes d'éducation soit donnée à ces commissions scolaires. Que les représentants au Conseil de l'île de Montréal soient élus par et soient choisis parmi les membres des commissions scolaires régionales. Que le choix soit garanti pour une éducation confessionnelle dans chacune des commissions scolaires françaises et anglaises."

J'ai ici une liste de 315 parents ayant signé cette pétition, correspondant à peu près à 100 p.c. des parents de l'école et ainsi que 15 professeurs de cette école.

M. CARDINAL: M. le Président, me permettez-vous deux brèves questions? Je les pose une après l'autre. Puis-je demander pourquoi cette requête a été, dans sa rédaction et dans les faits, transmise au cabinet du premier ministre qui, d'ailleurs, me les transmet immédiatement, plutôt qu'au parrain du bill responsable de l'éducation présentement?

M. LEFEBVRE: Le ministre ne devrait pas poser une question comme ça, il risque de ne pas aimer la réponse.

MR. HATT: As an actual fact, the piece of paper which the parents signed says that "I, the undersigned, request the Prime Minister and Government of Quebec;" as an ordinary common person who lives in the Province of Quebec, I assume that this Committee was part of the Government of Quebec and we are quite willing to take up our petition upstairs to the Prime minister's office, but we thought you would like to see that we are able to gather our parents; 308 of them have signed, we have 308 signatures and this represents at least, it must be at least 100 p.c. of the parents involved, because we only have 650 to 670 children in the school, which makes 2 children per family; it would be in the region on 300 families and we feel this represents 100 p.c. of the families of our school. That is the reason why we brought it here this afternoon. We do not necessarily want to give it to you. We will take it to the Prime Minister with all due respect, but we want you to know that this does represent the parents of the Thorndale School and also the 15 of the teachers, out of maybe

25 teachers who work at the school and also signed the petition.

M. CARDINAL: Oui, d'accord. La deuxième question est celle-ci.

Voici deux mémoires qui s'inquiètent de ce que l'on place ensemble des enfants de langue anglaise et des enfants de langue française, des enfants catholiques romains et des enfants que l'on appelle protestants. Sait-on que, déjà, dans le comté de Missisquoi, la commission scolaire catholique et la commission scolaire protestante ont fait un contrat entre elles pour administrer ensemble des immeubles utilisés en commun et que ceci a parfaitement réussi? Ce n'est pas à Montréal.

M. WILSON: C'est très possible. Je ne connaissais pas ce détail, mais, enfin, d'une façon générale, nous n'avons pas d'inconvénient à voir des enfants coexister, sauf que ça rend la chose difficile dans certains cas parce qu'il y a trop de subdivisions à faire. S'il y a trop d'éléments différents dans une même école, il devient très difficile d'appliquer le règlement numéro 1, the "regulation number 1 ".

M. CARDINAL: Je vous remercie de votre réponse, mais je voulais quand même souligner ce fait qui existe déjà sans qu'aucune loi ne l'ait imposé; cela a été fait volontairement.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je ne voudrais pas être plus malin qu'il ne le faut mais la réponse à la première question du ministre, nous l'avons eue dans les journaux. Il semble que, dans les milieux de langue anglaise, on se méfie encore plus du ministre que du texte du bill 62 ; c'est la réponse.

M. LE PRESIDENT (Crôteau): Il ne faudrait pas commercer un débat, mais s'en tenir au principe du bill.

M. LEFEBVRE: Mais, M. le Président, un Parlement, c'est fait pour ça! Vous êtes nouveau, mais vous allez l'apprendre.

M. LE PRESIDENT (Crôteau). Je ne suis pas ici pour...

M. CARDINAL: D'accord, M. le député d'A-huntsic, dans les limites de la discipline, peut continuer à jouer le jeu du parlementarisme. Je l'accepte sans commentaire.

M. LE PRESIDENT (Crôteau): Y a-t-il d'autres questions?

M. TETLEY: M. le Président, vous me permettrez un commentaire en rapport avec le mémoire de l'Association parents-maîtres. Il y a évidemment une inquiétude. Hier, comme bon père de famille, j'ai reçu deux lettres de la commission scolaire de Montréal me demandant si je pouvais assister à une réunion et si j'allais envoyer mes enfants, suivant le bill 63, à une école ou l'on enseigne le français.

M. CARDINAL: C'est le bill 62.

M. TETLEY: C'est en vertu du bill 63 que nous avons ce choix-là. L'inquiétude je crois, est la suivante: c'est qu'avec le bill 62 le changement a été trop rapide et trop grand. Voici deux paragraphes de la lettre que j'ai reçue.

It is in English. They are asking me to have my children go to the French school which I want to do in both cases of these two children. "English is not taught at all in our recommended French course until grade 6. There it gets 90 minutes a week. C'est une inquiétude.

Paragraph 4 : It is unlikely that we should be able to supply qualified teachers for theses courses. We have great difficulty obtaining French teachers for our school, etc."

L'inquiétude du mémoire de l'Association des administrateurs d'écoles de Montréal, de Thorndale et la mienne c'est: Le gouvernement du Québec, les administrateurs de Montréal sont-ils prêts à créer cette administration?

M. CARDINAL: M. le Président, pourrais-je répondre? En d'autres mots, le député de Notre-Dame-de-Grâce laisse entendre que l'on trouve les fiançailles trop courtes avant d'arriver au mariage. Enfin, ce sont des mots que j'emploie. Je les ai vus dans les journaux. On parlait de mariage de raison, de mariage forcé et de mariage précipité, etc. Il n'y a peut-être même pas de période de fiançailles.

Au nom du gouvernement, et très sérieusement, que les dates qui sont indiquées dans le projet de loi — le 1er juillet 1970, le 1er juillet 1971 etc., les étapes qui sont indiquées pour le travail du comité provisoire — sont des moyens d'arriver à un résultat. Sans promettre aujourd'hui que ces étapes seront allongées, si vous voulez, je puis dire que nous sommes certainement ouverts pour étudier très sérieusement la possibilité d'étapes plus longues ou en forme de palier.

Encore une fois, je voudrais être bien clair. Je ne fais pas aujourd'hui la promesse que ces délais seront plus longs, mais je fais la promesse que l'étude de la mise en application totale du projet de loi mérite de se faire. Si c'est simplement une crainte que celle-ci se fasse trop vite, ou se réalise trop vite, je préfère que celle-ci se réalise mieux et plus lentement plutôt que mal et trop rapidement.

M. TETLEY: Merci, M. le ministre. Si vous permettez, je vous donne un exemple; le bill 75. Montréal et bien des citoyens ont demandé depuis longtemps une île, une ville, etc. Après étude, etc., nous avons adopté un bill qui est

une étape, peut-être la première ou la dernière étape, on ne le sait pas, mais nous avons laissé, à 29 municipalités de l'île de Montréal, certains pouvoirs, certaines procédures. Elles ont toutes des systèmes de taxation différents, inâgaux, etc.

En effet, c'est une de mes inquiétudes. Je crois que c'est peut-être l'inquiétude de l'Association parents-maîtres de Thorndale.

M. CARDINAL: Pour aller plus loin, M. le Président, il y a quand même une chose qui me frappe, c'est que ces inquiétudes, pour la mise en application du projet de loi 62, n'ont pas été manifestées par le même groupe pour la mise en application du projet de loi 63 qui, dans le fond, amende le même article de la Loi de l'instruction publique et pose les mêmes problèmes.

M. LEFEBVRE: M. le Président, indépendamment des délais que contiendra le texte du bill 62...

M. CARDINAL: Si vous permettez, j'ai parlé plus que des délais, j'ai parlé des délais et d'étapes.

M. LEFEBVRE: Oui, oui, d'étapes. Le ministre est-il prêt à répéter l'engagement qu'il formulait devant cette commission le 11 décembre dernier selon lequel c'est son intention de faire voter le bill 62 au cours de la prochaine session et avant les élections?

M. CARDINAL: M. le Président, le ministre n'a pas changé d'idée à ce sujet et le député qui pose la question sait fort bien que, dans ce domaine, qui est celui de l'adoption d'une loi, le rôle de l'Opposition est fort important.

M. LEFEBVRE: Alors, la page 4334 du journal des Débats du 11 décembre demeure valide.

M. CARDINAL: Elle demeure, elle est imprimée. Comme disent les notaires, scriptamanent.

M. LEFEBVRE: C'est bien. J'ai hâte de voir si l'avenir le dira.

M. CARDINAL: Cela dépendra de la collaboration de l'Opposition.

M. PEARSON: J'aurais une question à poser au ministre. J'ai vu, dans un journal local, une annonce où on demandait aux parents de signer une formule pour l'inscription de leurs enfants. Les gens ont l'impression que ceux qui fréquentent, disons, une école anglaise, pour continuer à bénéficier de la classe anglaise l'an prochain, sont obligés de signer une formule de demande à chaque année en vertu du bill 63. Le ministre peut-il apporter des éclaircissements là-dessus?

M. CARDINAL: Je suis surpris d'entendre parler de cette annonce dans un journal local. Je ne sais pas de qui vient l'initiative mais je reviens sur les choses que j'ai dites lors du débat de deuxième lecture sur le projet de loi 63. J'ai dit que c'était au moment de l'inscription. Je n'ai pas dit que c'était chaque année, j'ai dit qu'au moment de l'inscription à l'école le choix se ferait.

Il a été alors dit, par ceux qui ont participé au débat, que le projet de loi 63 exigeait l'adoption d'un certain nombre de règlements administratifs. Ces règlements n'ont pas encore été adoptés par le conseil des ministres. Le travail est fait au ministère et il sera incessamment présenté au ministre qui en fera la recommandation au conseil des ministres. Je suis donc surpris que des gens précèdent ainsi une réglementation qui n'a pas encore été adoptée. C'est purement une initiative locale qui, si vous voulez, n'est en rien justifiée par le texte même de la loi 63 qui n'est d'ailleurs pas encore en vigueur puisque le texte lui-même dit qu'un certain nombre d'articles le sont sur promulgation, et un certain nombre d'articles au 1er juillet 1970.

Sans aucune hésitation, je dis que quelqu'un, peut être de toute bonne foi, a interprété la loi, mais a oublié qu'elle serait nécessairement complétée par des règlements qui viendront avant une inscription des étudiants pour la prochaine année scolaire.

M. PEARSON: D'accord. Indépendamment du fait qu'il n'y a pas de règlement, le fait qu'un enfant soit inscrit déjà, soit dans le secteur français, soit dans le secteur anglophone, dès la première année, automatiquement ça voudrait dire qu'il pourrait poursuivre ses études dans ce même secteur-là. Alors, ces gens-là...

M. CARDINAL: Exactement, sauf s'il veut changer à un moment donné. A ce moment-là, ça devient des cas d'exception...

M. PEARSON: D'accord.

M. CARDINAL: ... comme ça se fait dans la vie courante. Il y a des parents qui, présentement, à Montréal — je ne me place que sur le plan de Montréal actuellement, discutant de ce projet - vont inscrire leurs enfants à la maternelle, en première année, en deuxième année jusqu'en cinquième année, dans une école française et qui vont décider, pour que l'enfant devienne bilingue, de l'inscrire dans une école anglaise. Au niveau universitaire, on connaît beaucoup d'étudiants qui par exemple à la faculté de droit, font deux ans ou trois ans à McGill et finissent à l'Université de Montréal ou

font les mêmes années à Montréal et terminent à McGill. Ce sont des cas exceptionnels. Ces étudiants ont à poser un geste pour le faire.

M. PEARSON: Je suis content de cette précision. Justement, je vous ai mentionné que c'était local. Si vous voulez que ça fasse comme une tache d'huile et que ça prenne une envergure trop grande...

M. CARDINAL: On dira encore une fois que c'est la faute du ministère de l'Education, sinon du ministre.

M. PEARSON: Non, je n'ai pas dit ça.

M. CARDINAL: Non, non, vous ne l'avez pas dit, j'ai dit "on".

M. LE PRESIDENT: Le député de d'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, puisque nous discutons de ce sujet précis, je voudrais attirer l'attention du ministre sur le problème particulier de ceux qui sont déjà assez avancés dans le système scolaire et qui voudraient quand même poursuivre leurs études dans la langue seconde. Je pense tout particulièrement aux enfants anglophones qui sont actuellement en 8e, 9e, 10e années et qui voudraient poursuivre leurs études, pendant les quelques années qui leur restent dans notre système scolaire, dans la langue française.

Nous reconnaissons à plusieurs de nos universités la permission de faire subir les examens dans l'une ou l'autre des deux langues officielles. Est-ce que la même permission serait accordée au niveau des 10e, 11e années pour l'étudiant qui vient de changer de système scolaire quant à la langue d'instruction?

M. CARDINAL: M. le Président, sincèrement, je ne pourrais pas répondre à cette question pour le moment. Je viens d'indiquer que je n'ai pas encore reçu ce rapport sur mon bureau. Disons que je prends la question comme une suggestion.

M. GOLDBLOOM: Merci.

M. LE PRESIDENT: Pas d'autres questions?

Nous vous remercions. Maintenant, en troisième lieu, The Montreal Board of Trade, Mr. J.-B. Porteous.

M. J.-B. Porteous

Mr. PORTEOUS: M. le Président, Mme Casgrain, messieurs.

My name is Barry Porteous, and as President of the Montreal Board of Trade it is my pleasure to express the Board's appreciation to you of the Education committee for this opportunity to present our views and opinions regarding Bill 62, an Act respecting the school reorganization in the Island of Montreal.

My confreres who are with me today are all businessmen interested in education and have served on planning and action committees for a number of years at the local and regional levels.

Mr. Hugh P. Davidson is an executive of Gemst Act Limited. Mr. Lindsay H. Place, Q.C., is secretary and director of the Aluminum Fudiciaries Limited, one of the management group on companies of Alcan Aluminum Limited. Mr. Douglas Sheldrick is the vice-president and director of Baily Meter Limited in Lachine and Mr. Lome Tracey is the General Manager of our Board of Trade.

First let me state that the Montreal Board of Trade is a business association and its prime function is to speak and to act in the economic interest of its corporate members and the business community at large. The point has been made many times and it must again be underlined that the Montreal area is an economic entity which is not only a region of this province, but, more that any other part of the province, it is also a national, a North American and indeed an international business center.

If the Montreal region, which is a major financial and economic pillar of the Province of Quebec, is to continue to grow and develop, the special needs of such a business community must be recognized and satisfied. It is within this context that we have examined bill 62. Mr. Chairman, to summarize our position, I propose to read, with your permission, a few of the key-paragraphs from our brief adding them with certain pertinent comments.

Principes d'enseignement

La collectivité d'affaires est en faveur de l'égalité des droits à l'enseignement pour tous et d'une structure scolaire démocratique.

L'égalité des droits à l'enseignement, comme le soulignent des enseignants compétents, ne doit pas entraîner l'uniformité de cet enseignement. Il faut favoriser la souplesse des programmes d'études et la diversité des méthodes didactiques afin de répondre aux besoins changeants et de plus en plus nombreux de l'importante collectivité actuelle.

La porté fiscale du bill 62

Le Montreal Board of Trade appuie la portée fiscale du bill 62, telle qu'exprimée dans les articles du projet de loi relatifs à la diminution du nombre des commissions scolaires, à l'uniformisation de la taxe scolaire, à la normalisation des évaluations, à la centralisation des services communs dont le transport, les services d'informatique, le recensement scolaire, le financement, etc.

Les diplômés et la collectivité d'affaires

On ne saurait nier que l'économie québécoise, dans son ensemble, évolue dans un contexte commercial nord-américain et international, et que la langue des affaires internationales est l'anglais. La collectivité d'affaires du Québec, tant française qu'anglaise, l'a maintes fois souligné. Du simple point de vue de leurs opérations, les entreprises nationales et internationales établies au Québec doivent communiquer en anglais, du moins 3 l'extérieur de la province. Dans quantité d'entreprises, la mobilité du personnel constitue un processus et un besoin normaux. Le personnel doit pouvoir passer aisément d'un établissement à l'autre de l'entreprise, où qu'ils soient situés.

Compte tenu de ce qui précède, il est essentiel que le Québécois d'expression anglaise, déjà capable de vivre dans le contexte nord-américain des affaires et des communications, devienne apte à travailler de façon plus efficace dans le milieu québécois francophone et que le Québécois d'expression française, déjà préparé à vivre dans le contexte québécois immédiat des affaires et des communications, devienne apte à communiquer de façon efficace en anglais au sein des collectivités d'affaires canadienne, nord-américaine et internationale.

Il faut pour cela que les établissements scolaires du Québec, surtout ceux de la région de Montréal, produisent des diplômés canadiens bilingues, tant francophones qu'anglophones. En effet, Montréal est un cas tout spécial, étant le pont qui relie les deux langues.

Différences culturelles

Bien que la langue constitue de toute évidence un aspect important des communications, certains affirment que le milieu culturel de l'individu a aussi un rôle important à jouer sur le plan des communications puisqu'il détermine son interprétation de certaines situations et ses réactions à son égard.

Cette théorie a récemment été mise de l'avant par la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le bivulturalisme dans le livre III de son rapport, intitulé "Le monde du travail", où l'on trouve certaines observations dans le chapitre ayant trait aux différences culturelles dans le monde du travail. Ces différences d'ordre économique pour l'anglophone et socio-économique pour le francophone proviennent en grande partie de l'éducation. Par conséquent, les systèmes d'enseignement réflétant les voeux des collectivités intéressées à les promouvoir doivent nécessairement différer sous certains aspects fondamentaux, comme ceux des méthodes d'enseignement, des principes directeurs, etc.

Il faut laisser aux francophones et aux anglophones le temps d'en arriver à un point d'entente sur l'attitude à adopter face à leurs objectifs communs, qui assurera l'alliance la plus efficace et la plus acceptable des deux systèmes dans le contexte nord-américain.

Recommandations touchant la structure du système scolaire.

Le Montreal Board of Trade est d'avis que: a) La structure scolaire proposée par le bill 62, sous sa forme actuelle, ne servira pas les intérêts économiques de la collectivité d'affaires, et sa constitutionnalité est mise en question.

La croissance et le développement économiques constituent les besoins fondamentaux de toute collectivité d'affaires. Ce sont là, en effet, des facteurs de première importance dans la création des emplois nécessaires à la main-d'oeuvre du Québec qui s'accroît aujourd'hui à un rythme annuel effarant, tant du point de vue du nombre que des aptitudes.

La création, à l'heure actuelle, d'un système scolaire complètement unifié, tel que le propose le bill 62, entraverait de façon grave la croissance économique de Montréal et du Québec dans son ensemble. b) Une structure plus réaliste fondée sur les principes mis de l'avant par la commission Pagé, par suite de l'étude qu'elle a entreprise des recommandations émanant d'un vaste échantillonnage de la collectivité montréalaise dans son ensemble, pourrait comporter: i) un conseil scolaire de l'île unifié, constitué de façon démocratique, dont les membres seraient élus par les commissions scolaires régionales et non désignés par une autorité provinciale centralisée ; ii) des commissions scolaires régionales divisées selon la langue — anglophones et francophones — qui seraient responsables de l'administration des propriétés et de l'équipement et qui toucheraient des revenus annuels garantis d'un montant égal par étudiant, déterminés en fonction des niveaux scolaires en cause.

Comme l'égalité des revenus ne garantit pas l'égalité des droits à l'enseignement, un pourcentage de la totalité des fonds scolaires disponibles devra être retenu par le Conseil scolaire de l'île afin de pourvoir au fonctionnement des services communs et de permettre à cet organisme de faire face à tout problème spécial survenant dans une région quelconque de l'île de Montréal.

Et finalement, M. le Président, quel que soit le système adopté, il faut éviter d'imposer aux jeunes étudiants des exigences sévères en ce qui touche leur connaissance du français ou l'obten-

tion d'un diplôme, ce qui entraverait la mobilité du personnel des sièges sociaux, surtout dans le cas des employés en provenance d'une autre région du pays.

Mr. Chairman, this is the summary of our position at the moment. My colleagues, now, would be pleased to answer any question which you might like to ask.

M. CARDINAL: M. le Président, je remercie M. Porteous. J'aurais un certain nombre de commentaires à faire et une question à poser.

Je félicite le Montreal Board of Trade. Mes commentaires concernent, par exemple, la fiscalité et l'égalité des services dont il est question au début du mémoire. Ceci est très important et déjà, le 27 novembre, j'avais souligné que c'était là deux des principaux buts recherchés par le projet de loi 62. Donc sur ce point, je pense que nous nous accordons entièrement sur l'égalité des droits à l'enseignement et sur la portée fiscale du projet de loi 62 tel qu'il est rédigé.

Je retiens une autre idée qui a été émise à ma connaissance pour la première fois. Je la retiens aussi uniquement comme suggestion. On me dit: Que l'on garantisse des subventions per capita, au fond, montant égal par élève, dans quelque système qu'il soit. Je retiens avec beaucoup d'intérêt cette suggestion.

Ma question est la suivante: Le dernier paragraphe du mémoire parle, dans le fond, sans le dire, de la connaissance d'usage, du "working knowledge of French", de la connaissance d'usage du français requise des étudiants de langue anglaise. Le projet de loi 62 ne porte pas du tout sur ce sujet et ne définit rien à ce sujet. C'est le projet de loi 63 qui a été adopté et qui est maintenant loi, qui le définit.

Cette suggestion, évidemment, se rapporte d'une part à un projet de loi déjà adopté, et est acceptable quand même par le ministère, en ce sens que nous travaillons maintenant à réaliser cette loi. Elle vient, cependant — comment pourrais-je dire — disons que je suis surpris qu'elle ne soit pas venue au moment des discussions au sujet du projet de loi 63 plutôt qu'au sujet du projet de loi 62. C'est une question-commentaire, je n'exige pas de réponse.

M. GOLDBLOOM: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Je donne maintenant la parole au député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Porteous. A la page 4 du texte français que j'ai devant moi, au troisième paragraphe de l'article 20, vous dites: La création à l'heure actuelle d'un système scolaire complètement unifié tel que nous le propose le bill 62 entraverait de façon grave la croissance économique de Montréal et du Québec dans son ensemble. J'avouerai, quant à moi, que ceci m'apparaît très, très fort comme affirmation. Est-ce que vous auriez objection à nous dire sur quelles prémisses vous faites reposer une affirmation aussi catégorique?

M. PORTEOUS: M. le Président, la difficulté qu'on trouve dans les affaires est que plusieurs disciplines dont nous avons besoin dans la province viennent d'ailleurs, c'est-à-dire des Etats-Unis, d'Ontario ou d'autres provinces. Les individus qui ont ces disciplines-là ne sont pas disposés à venir dans la province s'il est question, par exemple, d'être diplômé en français. Ce serait difficile pour un étudiant d'ailleurs d'apprendre en deux ans ce que nous apprenons ici en quelques années. C'est là la difficulté que nous avons de faire venir dans la province les gars capables de nous aider, nous, nos usines et de contribuer à notre avancement.

M. CARDINAL: M. le Président, me permettez-vous, et M. le député d'Ahuntsic de dire que je suis quand même surpris par cette affirmation. J'ai vécu pendant 16 ans dans le milieu universitaire; je n'ai jamais connu un seul Canadien français qui ait craint d'aller à Harvard ou à Londres; je n'ai jamais connu d'étudiant de McGill qui ait craint d'aller à la Sorbonne ou d'aller à Paris pour se perfectionner. Je suis vraiment surpris de la façon forte dont cette crainte est exprimée. Voudrait-on dire que, normalement, un Américain, par exemple, ou un Ontarien craindrait tellement d'apprendre le français qu'il ne voudrait pas venir au Québec?

J'ai écouté, il y a quelques jours, une discussion qui s'est tenue à Vancouver, où des gens de langue anglaise, qui étaient parfaitement bilingues, qui parlaient aussi bien le français que l'anglais, mentionnaient, par exemple, que les étudiants dans les écoles de Vancouver étaient tous disposés à apprendre l'espagnol, mais pas à apprendre le français. Ce sont des constatations qui me surprennent. Est-ce que vraiment le fait que l'enseignement du français devienne plus important au Québec suscite une crainte telle que les industriels, les employés des industries, les cadres supérieurs ne voudront pas y venir? J'en serais surpris, parce que les compagnies américaines envoient sans cesse au Mexique des gens et la compagnie Ford au Mexique est obligée de faire face à cette loi qui veut qu'à Mexico, les cadres doivent tous parler espagnol; cela n'a jamais empêché la compagnie Ford de faire des profits au Mexique et de vendre ses voitures. Se pourrait-il que Québec soit un territoire tellement particulier que l'on ait cette crainte?

M. PORTEOUS: M. le Président, je peux vous donner un exemple particulier, M. le ministre. A l'heure actuelle, je travaille avec une compagnie des Etats-Unis qui est intéressée à venir s'établir dans la province de Québec pour

prendre avantage des subsides offerts par M. Beaudry, mais qui ne veut pas le faire parce qu'elle craint la portée du bill 62, du point de vue de la langue. Maintenant, ce n'est peut-être pas très bien connu, mais elle se dit que si on veut avoir l'éducation anglaise en français ou des cours dans la langue française, c'est autre chose, mais quand il faut étudier tous les sujets en français, cela est une chose qu'ils ne comprennent pas. Ils ont peur.

M. CARDINAL: Mais ceci n'a jamais été rendu obligatoire par aucune loi, ni le projet de loi 63 ni le projet de loi 62.

Tout ce que le projet de loi 63 dit, c'est que l'étudiant qui termine son cours secondaire ou son cours collégial doit posséder une connaissance suffisante de la langue française. Ce n'est pas un enseignement français à 100 p.c. Il y a certainement ici une erreur d'interprétation.

M. PORTEOUS: Peut-être faudrait-il définir le mot "suffisant". Alors, peut-être que c'est ça...

M. CARDINAL: "Suffisant". Il l'a été longuement pendant les débats sur le bill 63, lorsqu'on a défini les connaissances suffisantes ou le "working knowledge of French"; on a passé un après-midi entier à le définir. Je pense que toute personne qui travaille dans le milieu financier, commercial ou industriel sait fort bien, par l'expérience, ce que c'est que le "working knowledge of French" ou le "working knowledge of English". C'est purement la possibilité de se débrouiller dans les circonstances normales d'une profession ou d'un métier dans une langue seconde. C'est tellement facile, puisque dans un métier, une profession, un commerce, une industrie ou une technique, le vocabulaire est très réduit et qu'en fin de compte, ce ne sont que les mêmes mots que vous répétez jour après jour.

J'ai travaillé sept ans sur la rue Saint-Jacques, en rapport avec des compagnies anglaises, en rapport avec le Montreal Board of Trade, comme membre de la Chambre de commerce et jamais je n'ai senti ces craintes ni n'ai eu des difficultés. De part et d'autre, nous avions presque tous un "working knowledge of the other language".

M. PORTEOUS: Mais s'il est question seulement de conversation, c'est assez facile. Si c'est dans une discipline spéciale , ce n'est pas trop compliqué non plus. La question est que la définition du mot "working knowledge" soit acceptée partout, alors nous aurons moins de crainte.

M. CARDINAL: D'accord, disons que je serais ici entièrement d'accord avec le député d'Ahuntsic que cette affirmation me paraît, le moins que je puisse dire, forte.

M. LEFEBVRE: Je vais y revenir tout à l'heure.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, les craintes exprimées par M. Porteous au nom du Montreal Board of Trade rejoignent, à mon sens, celles qui ont été exprimées par le Barreau de Montréal, lors de leur représentation à la commission Gendron. Le ministre a bien droit à son opinion, mais pour ma part, je partage entièrement les inquiétudes que vient d'énoncer le Montreal Board of Trade par ses représentants.

M. LE PRESIDENT: Le député de D'Arcy-McGee.

M. CARDINAL: Est-ce que je peux demander au député de Marguerite-Bourgeoys en quoi ceci se rapporte au projet de loi 62?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: L'inquiétude que les institutions américaines, que les compagnies refusent de venir s'établir à cause de ce qu'on leur imposerait par le bill 62.

M. CARDINAL: Oui, mais qu'est-ce qu'impose, au point de vue de la langue, le bill 62?

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Bien, justement la latitude qu'on donne au ministre à certains points de vue...

M. CARDINAL: Pardon. Non, non. Je regrette. Non, non.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Le manque de démocratie qui...

M. CARDINAL: Il y a beaucoup de démocratie présentement alors qu'aucun membre du Protestant School Board of Montreal, aucun membre de la CECM n'est élu. Au lendemain du bill 62 adopté, ce sont les mêmes enfants dans les mêmes écoles, avec les mêmes enseignants et les mêmes parents.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Non. Non.

M. PORTEOUS: Je crois que, tout à l'heure, M. le Président, le premier groupe qui était ici a parlé de pyramide. Alors c'est ça, il faut commencer au niveau de l'étudiant et aller de bas en haut; et si le contrôle vient d'en haut, ce serait beaucoup plus difficile à mon point de vue, tout simplement.

M. CARDINAL: D'accord. Mais là, je reprends la question posée tantôt par le député d'Ahuntsic au premier groupe qui s'est présenté. Est-ce que, depuis qu'on a un ministère de l'Education unifié, où de fait, trois ministres de suite ont été de langue française, sous deux gouvernements, où il y avait un sous-ministre

catholique, un sous-ministre associé, et un sous-ministre protestant, est-ce que l'enseignement de l'anglais au Québec a été tellement mis en danger? Est-ce que, parce qu'il y aura un conseil métropolitain élu d'une façon ou d'une autre, alors, que, présentement, il n'y a même pas d'élection, l'enseignement de l'anglais serait tellement mis en danger?

M. LEFEBVRE: M. le Président, comme j'ai été à l'origine de cette question, je voudrais essayer de clarifier un peu les choses et surtout ne pas laisser l'impression que je suis en désaccord avec mon collègue de Marguerite-Bourgeoys parce qu'elle a parfaitement raison, à mon avis, de dire que la crainte exprimée dans le mémoire du Board of Trade est une crainte réelle. Je ne conteste pas que ce soit là un sentiment très répandu chez les gens de langue anglaise. Pour ma part, ce à quoi je vais essayer de m'appliquer et ce n'est pas facile parce que dans des débats comme ceux-là qui sont toujours des débats très passionnés, à un moment donné les gens nous disent: Comment se fait-il que vous appuyiez le gouvernement, ou comment se fait-il que vous soyez contre tel groupe?

Notre souci, ce n'est certainement pas d'appuyer le gouvernement ou d'être contre de façon systématique, non plus.

Nous voulons essayer de voir la réalité des choses. Si je fais complètement abstraction de toute politique partisane, ce qui me frappe, M. Porteous, dans votre mémoire, c'est qu'honnêtement, il me semble y avoir — je ne veux pas vous le reprocher, parce que ça tient au climat — confusion entre un certain nombre de choses. Vous êtes des hommes d'affaires, alors, vous connaissez mieux que quiconque les problèmes d'administration, de rentabilité des investissements, etc.

Or, je lis votre paragraphe (ii), page 4, article 21: "Des commissions scolaires régionales divisées selon la langue, anglophones et francophones, qui seraient responsables de l'administration des propriétés et de l'équipement et qui toucheraient des revenus annuels garantis, d'un montant égal par étudiant, déterminés..."

Voyez-vous, c'est là où je trouve que ça vaut la peine d'essayer de se comprendre. Je comprends très bien — enfin, j'espère comprendre — les sentiments ou les craintes qui vous animent quand vous faites ce genre de proposition. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, pour ma part, c'est qu'il n'y ait pas moyen de convaincre des hommes d'affaires. Je reproche au ministre de ne pas avoir essayé de le faire. Il fut un temps où le ministre de l'Education, quand il présentait des lois compliquées, partait en tournée dans la province. Dans le temps, le ministre s'appelait M. Gérin-Lajoie. Il allait expliquer aux gens exactement ce qu'il avait derrière la tête, ce qu'il voulait. Je pense que, dans ce cas-ci, il y a énormément d'équivoques qui subsistent dans l'esprit des gens, parce que le ministre n'a pas fait le travail de vulgarisation autour de ces problèmes-là. Je ne veux pas le faire pour lui, mais je veux au moins — je crois que c'est la responsabilité de chacun ici — essayer de voir la réalité parce que chacun de nous aura à prendre position tôt ou tard sur ce problème.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LEFEBVRE: Si le ministre me le permet, il répliquera ensuite.

Or, M. le Président, il y a un fait que je veux mentionner aux hommes d'affaires qui sont présents et qu'ils connaissent peut-être. Vous avez actuellement, à Montréal, un phénomène nouveau. Pour la première fois, il y a une diminution des inscriptions au niveau de la première année, du moins, du côté français. Je donne cet exemple-là pour montrer comment les populations scolaires sont des choses qui varient selon la courbe démographique. Chacun connaît l'influence de la pilule. Nonobstant l'encyclique, il semble que ça exerce une influence sur la démographie, même dans la catholique province de Québec.

Vous avez donc une diminution des inscriptions, à un moment donné, au niveau de la première année. Vous avez des mouvements de population qui sont très difficiles à expliquer. Pourquoi, à un moment donné, les Canadiens de langue anglaise vont-ils se ramasser dans tel coin? Pourquoi les Italiens sont-ils allés en grand nombre s'installer à Saint-Léonard? Cela tient à un certain nombre de facteurs, que je n'ai pas analysés, mais chacun sait qu'il existe des mouvements de population.

Or, pour des hommes d'affaires, exiger que des écoles soient désignées sur la brique: école anglaise, école française, et pour l'éternité, je trouve que c'est de la mauvaise administration. Comprenez-vous ce que je veux dire? Je dis qu'il y a un point sur lequel on devrait être capable de s'entendre. Que voulez-vous, au fond? Vous voulez et je suis d'accord avec vous, parce que, quant à moi, je suis contre l'unilinguisme... Nous sommes tous, de ce côté-ci, sans équivoque, contre l'unilinguisme français au Québec. Nous respectons la liberté des parents; nous nous sommes compromis en faveur de ce principe-là lors du bill 63. Qu'est-ce qui est important? C'est qu'à un moment donné, dans un local X, Y ou Z — ça ne foute absolument rien, à mon avis — les jeunes reçoivent une éducation selon le désir de leurs parents, soit en français, soit en anglais. Je laisse de côté, pour l'instant, la nuance concernant la langue seconde qui est importante, mais qui est un peu marginale par rapport à ce débat.

Or, qu'est-ce qui est le plus efficace? Il me semble qu'on doit être capable de convaincre des hommes d'affaires que ce qui est le plus efficace du point de vue de l'intérêt public, du

point de vue de l'utilisation de l'argent des contribuables, c'est que les équipements physiques soient mobiles, c'est que les équipements physiques ne soient ni catholiques, ni protestants, ni anglais, ni français, mais qu'ils puissent, au gré des mouvements de population, être utilisés soit pour donner les cours en français, soit pour donner les cours en anglais. C'est déjà assez compliqué; de grâce, n'allons pas compliquer inutilement des choses simples comme celle-là! Vous référez à plusieurs endroits à ce problème d'équipement.

Il me semble que nous sommes quand même des gens assez civilisés dans le Québec pour nous partager des équipements physiques au gré des besoins des inscriptions des étudiants, soit dans les écoles françaises, soit dans des écoles anglaises, sans qu'il soit nécessaire de catégoriser ces équipements en équipement français et anglais. Si vous me permettez, je ferai tout juste un pas de plus. Ce que je vais dire n'est peut-être pas très politique, mais je le dirai quand même parce que je suis assez indépendant de la politique dans la position où je me trouve.

Il est donc indéniable qu'à Montréal les protestants ont été jusqu'à maintenant des enfants gâtés, c'est-à-dire que vous avez eu des équipements de beaucoup supérieurs à ceux de la majorité. La dernière chose au monde, à mon avis, qu'il faut maintenir, c'est cela. C'est-à-dire qu'il faut qu'à l'avenir les équipements soient vraiment partagés sur une base de besoins et que les écoles soient attribuées au gré des besoins de la population, que cette population soit de langue française ou de langue anglaise.

C'est là qu'est le principe. Encore une fois, je voudrais qu'on essaie de dépassionner le débat. Si vous avez des craintes à l'endroit du ministre actuel de l'Education, demandez un remaniement ministériel ou renversez le gouvernement, mais ceci ne devrait pas, à mon avis, changer votre position sur des questions relativement claires comme celles de l'utilisation des équipements physiques mobiles d'un groupe à l'autre et utilisés avec un maximum de rentabilité selon les besoins. Ceci est essentiel, autrement, messieurs, c'est vous qui allez payer les taxes, vous et nous, nous allons tous les payer.

Or, vous avez des bâtiments scolaires qui, si vous regardez le cloisonnement actuel, seront à demi vides dans certains coins, et trop remplis dans d'autres coins. Il y a aussi dans le texte de la loi un petit point qui a énervé beaucoup de monde. J'ai demandé moi-même une explication au ministre 13-dessus et il m'a donné une explication qui m'a satisfait. Je lui reproche de ne pas avoir fait le tour de l'île de Montréal pour l'expliquer davantage. Quand vous avez, à un moment donné, la description d'une école et qu'on dit qu'une école, c'est ou bien un bâtiment ou une partie d'un bâtiment, tout le monde s'est imaginé que l'intention du gouvernement était d'avoir une classe française catho- lique, une classe anglaise protestante, une classe juive, et tout ce monde-là dans le même bâtiment, ce qui, évidemment, aurait été absurde.

Or en dépit de toutes mes réserves vis-à-vis du gouvernement actuel, je ne crois pas qu'il aille jusqu'à cette absurdité-là. Je pense qu'effectivement ce proviso n'avait pour but que de couvrir des cas exceptionnels. Le ministre a fourni là-dessus une explication qui était très bonne. Encore une fois, je lui reproche de ne pas avoir assez parcouru la ville pour se faire comprendre.

M. PORTEOUS: M. le Président, si nous avons des services d'écoles qui sont encore meilleurs, je vous assure que nous avons payé pour les avoir. Je vais demander à M. Place de répondre un peu à celui qui vient de parler.

M. PLACE: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à toutes les questions énoncées par l'honorable membre de la commission. Il a soulevé tant de questions que ma mémoire n'est pas assez bonne, je pense, pour me rappeler tous les faits qu'il a soulevés. Quant à la première question, la question touchant la garantie d'un certain montant par élève chaque année, je pense que c'est un point qui a été soulevé par les protestants comme garantie de la continuation du niveau d'éducation présentement en leur possession; pas en termes de bâtisses ou peut-être de choses physiques, mais en termes des choses intellectuelles, l'excellence des enseignants et des choses comme cela.

Je peux contester peut-être un peu l'affirmation qui a été faite par l'honorable membre à l'effet que les édifices des protestants sont toujours meilleurs que ceux que possèdent les catholiques. Je demeure moi-même dans la partie ouest de l'île de Montréal, et je peux vous assurer que les édifices de cette partie de l'île de Montréal fréquentés par les catholiques sont aussi bons qu'aucun des édifices que possèdent les protestants.

C'est vrai qu'il y a des parties de l'île de Montréal, particulièrement les parties de Montréal qui ont été bâties les premières, les plus anciennes parties où les édifices laissent beaucoup à désirer, particulièrement du point de vue de l'éducation telle qu'elle est donnée aujourd'hui, et il faut admettre ça. Mais, je pense que la manière avec laquelle notre paragraphe a été rédigée, évidemment a eu l'intention de laisser un degré de rattrapage permis, si vous voulez, pour faire face à des situations telles que celles que vous avez décrites. Je pense que nous sommes tout à fait d'accord avec la nécessité et le besoin de faire des choses comme ça. Est-ce que j'ai répondu à vos questions?

M. LEFEBVRE: Oui, mais j'aimerais que vous soyez plus précis. Si j'ai bien compris, vous venez de dire que vous n'auriez pas d'objection

que les équipements physiques soient répartis, non pas par les commissions scolaires, mais par le conseil de restructuration scolaire au gré des besoins. Là-dessus, vous êtes prêts à négocier.

M. PLACE: Nous sommes prêts à négocier, je pense, mais il faut admettre en même temps que quand vous avez travaillé assez longtemps comme membre d'une commission scolaire ou si vous avez payé comme contribuable pour l'obtention des édifices ou des lots de terre pour des écoles, franchement je parle d'une manière locale si vous voulez, parce que nous possédons pas mal de lots de terre pour des écoles futures. Si on est obligé de mettre tous ces lots de terre à la disposition d'une autorité au niveau de l'île, les terres sont vendues, certainement qu'il y a un bénéfice pour les autres, bénéfice que nous avons manqué et que nous avons, comme question de fait, payé.

M. LEFEBVRE: Where does that money come from?

M. PLACE: Franchement, chez nous, en grande partie, il est venu des contribuables. Peut-être que ce n'est pas vrai dans toutes les autres parties de l'île, et je suis bien prêt à admettre ça. Mais, en même temps, si vous avez travaillé, comme je viens de dire, pour bâtir un système d'école, je ne pense pas que c'est une chose non naturelle de peut-être avoir un peu de peine de laisser les titres de toutes ces choses à une entité encore inconnue, même dans l'esprit d'agir.

C'est une partie de l'inquiétude chez la population anglaise, si vous voulez.

M. PORTEOUS: M. le Président, avec votre permission, puis-je passer la parole au monsieur à côté de moi là pour élaborer? Il a un point à soulever.

M. CARDINAL: Est-ce que c'est sur le même sujet? Parce que quand même...

M. PORTEOUS: C'est un autre point.

M. CARDINAL: Si c'est un autre point, tout à l'heure.

M. LE PRESIDENT: Il reviendra tantôt.

M. CARDINAL: M. le Président, je ne veux pas répondre aux quelques malices que le député d'Ahuntsic m'a lancées. Je voudrais au contraire donner d'une façon positive les renseignements suivants.

D'abord, je ne sais pas si tous ceux qui présentent des mémoires, tous ceux qui discutent du bill 62 ou tous ceux qui écrivent sur le bill 62 ont pris connaissance du journal des Débats du 27 novembre et du 11 décembre. Il y a — et le député d'Ahuntsic a été fort honnête intellectuellement à ce sujet — dans ces deux documents, premièrement énormément de statistiques très précises, de documents officiels ou semi-officiels. Il y a aussi plusieurs réponses à des questions posées, ces deux séances n'ayant porté que sur des questions et des réponses. S'il faut tout recommencer parce que les gens n'ont pas à leur disposition ces exemplaires, nous allons perdre un peu de temps. Je souligne que ces exemplaires, on peut les obtenir de l'imprimeur du Québec et qu'ils contiennent déjà beaucoup de renseignements que beaucoup de gens ignorent ou semblent ignorer.

Deuxièmement, je soulignerai aussi, en réponse à une affirmation faite par le député d'Ahuntsic, que j'ai déjà parlé du projet de loi 62 à Westmount il y a déjà plus de deux mois. Depuis dix jours, c'est au moins à tous les deux jours que je me suis rendu à Montréal pour rencontrer des groupes, la télévision, la radio ou des étudiants, les premiers étant de langue anglaise, la télévision étant de langue anglaise et de langue française. J'ai l'intention de continuer.

D'ailleurs, très prochainement, je rencontrerai l'Alliance des professeurs de Montréal, etc. Je ne fais présentement qu'accepter de nombreuses invitations pour tenter d'informer au sujet du projet de loi 62. Mon désir est justement non pas de faire un débat, mais pour le moment d'informer. Le débat se fera en Chambre, selon les règles normales. Je dis ceci non pas pour relever une attaque ou une malice, mais c'est parce qu'en fait, il y a une chose qui est singulière, et je le dirai. Si je me rends dans un milieu anglophone pour parler du projet de loi 62, il est très rare que les journaux français en parlent, et si je me rends dans un milieu francophone, il est très rare que les journaux anglais en parlent. Je pourrais prendre chacune des sorties que j'ai faites récemment. On dirait — et je le dis devant ces messieurs journalistes — qu'il existe deux presses à Montréal, chacune dans un monde différent. Je ne généralise pas. Hier, j'étais dans un milieu francophone et j'ai parlé de beaucoup de choses, y compris du projet de loi 62, et la plus belle page m'a été faite par The Gazette. Il y a donc des exceptions qui viennent confirmer la règle. Il y a aujourd'hui des moyens d'information, par exemple Radio-Canada qui m'a offert Format 30 à un moment donné et où, pendant une demi-heure, il n'y a eu que de l'information donnée sur le projet de loi dont nous discutons présentement. Mon désir est à la fois d'écouter et d'informer dans la mesure du possible. Déjà, il existe des documents qui sont à la disposition du public et qui contiennent des renseignements précieux pour nos discussions.

M. LEFEBVRE: Si on me le permet, ce n'est pas un débat, je veux simplement clarifier un point. A quelle date le projet de loi 62 a-t-il été déposé?

M. CARDINAL: Je n'ai pas les dates par coeur, mais je vais donner les détails. Il a été annoncé par l'honorable premier ministre au moment où nous avons commencé la deuxième lecture du bill 63. C'était dans son discours de deuxième lecture.

M. LEFEBVRE: C'était en octobre?

M. CARDINAL: C'était vers le 20 octobre.

M. LEFEBVRE: Tout ce que je prétendais, ça va me prendre trente secondes...

M. CARDINAL: Non, mais j'aurais pu continuer...

M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, c'est seulement pour régler un point. Le reproche que je faisais au ministre — et remarquez que je ne devrais pas le lui faire parce que ça aurait aidé sa politique s'il avait fait ça — c'est d'avoir commencé à faire sa tournée seulement quand l'Opposition est devenue considérable. Je pense que si le ministre avait fait sa tournée d'information avant, il y aurait eu de l'opposition, parce que le bill mérite de l'opposition en ce sens qu'il a des faiblesses, mais il y a une opposition qui est injustifiée parce que le bill a été mal compris, et je dis que c'est le ministre qui est responsable.

M. CARDINAL: Permettez-moi de répondre ceci. Le député d'Ahuntsic se rappelle que la session a terminé ses travaux le 23 décembre. Si le ministre à ce moment-là avait été en tournée, comme certains membres de son parti, l'on aurait fait comme pendant les mois de mai et juin et chaque jour on aurait souligné son absence en Chambre, même si ça avait été pour expliquer le projet de loi 62.

M. LEFEBVRE: Cela ne vous a pas fait...

M. PORTEOUS: Permettez-moi de dire que si M. le Ministre veut faire un tour à Montréal, il sera bienvenu chez nous pour faire un dialogue, parce qu'assez souvent, c'est un malentendu de chaque côté. Il nous ferait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. le Ministre.

M. CARDINAL: D'accord.

M. TETLEY: Le député d'Ahuntsic a référé aux protestants gâtés. Comme l'un de ces enfants gâtés, je voudrais reprendre un peu et très brièvement. Même aujourd'hui — et j'habite Montréal - je paie plus de taxes que mes deux voisins catholiques. Le taux est plus élevé et la valeur foncière est plus élevée. Il y a sept ans ou huit ans, la taxe foncière chez moi était de sept fois la taxe foncière catholique et les deux tiers des taxes étaient payés non pas par des compagnies — les compagnies paient un impôt pour tout le monde — mais étaient payés par...

M. CARDINAL: Est-ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce me permettrait d'interrompre?

M. TETLEY: Oui.

M. CARDINAL: Si je ne me trompe pas — parce que chaque année nous avons amendé cette loi — à Montréal, présentement, le taux des individus et non pas des neutres, le taux des individus est le même...

M. TETLEY: Non.

M. CARDINAL: ... cette année et il était le même l'an passé aussi.

M. TETLEY: Sauf à un endroit.

M. CARDINAL: Ce n'est pas dans Montréal?

M. TETLEY: Oui, ville Mont-Royal. M. CARDINAL: Ce n'est pas Montréal. M. TETLEY: Je parle de l'île de Montréal.

M. CARDINAL: Justement, le bill 62 est fait pour éviter ces enclaves que sont Outremont et Mont-Royal.

M. TETLEY: Exactement. On parle du passé et des enfants gâtés mais qui a construit ces écoles-là? Même si je partage l'opinion qu'il faut diviser suivant nos besoins propres et suivant ce que nous avons fait dans le passé, il ne faut jamais oublier qui a payé dans le passé.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si j'étais député de Westmount, j'aurais sûrement dit ce que mon collègue vient de dire, mais je ne suis pas député de Westmount.

M. TETLEY: Moi, non plus.

M. LEFEBVRE: De Notre-Dame-de-Grâce, pardon. Ce à quoi je faisais allusion M. le Président — je pense que, quelles que soient nos affiliations politiques, il est assez difficile de nier la chose — c'est au problème de la richesse relative. Il est clair que, pendant longtemps, les protestants ont payé un taux de taxe qui était supérieur. Vous vous souvenez tous du drame du bill 139, qui s'appelait...

M. CARDINAL: Le bill 165.

M. LEFEBVRE: Ah, il a eu toutes sortes de noms; au début, c'était 139. J'ai été commissaire pendant trois ans à la Commission des écoles catholiques de Montréal. La preuve est facile à faire — je ne la ferai pas aujourd'hui; je vais vous épargner ça — que, pendant un certain temps et dans une certaine mesure les plus

pauvres payaient pour les riches. Je crois que ceci est un fait de l'histoire qu'il est difficile de nier. Deuxièmement, même si on voulait nier ce fait-là, j'emploierai un autre argument qui, à mon avis, est beaucoup plus fort, c'est que, dans une société qui se respecte, les services doivent être égaux et non pas proportionnels aux moyens. Autrement dit, je n'admets pas qu'un groupe plus riche se paye de meilleures écoles qu'un groupe plus pauvre. Or, c'est à cela que je faisais allusion tout à l'heure.

Je ne nie pas que les protestants aient payé des taxes, qu'ils aient payé beaucoup de taxes, mais ils étaient beaucoup plus riches. Ceci n'est plus admissible aujourd'hui. Je pense que nous devrions tous être d'accord, quelle que soit notre affiliation politique, pour dire que nous voulons un Québec où il y aura davantage de justice et où les services essentiels, comme l'éducation, ne seront plus rattachés à l'état de fortune. Les gens paieront en fonction de leurs moyens et retireront en fonction de leurs besoins.

Cela me paraît avoir bien plus de bon sens que le système qu'on a connu, hélas, pendant trop longtemps.

M. PORTEOUS: M. le Président, les protestants et peut-être, les gars de Westmount sont plus riches, justement parce qu'ils ont suivi des cours supplémentaires et qu'ils se sont instruits pour mieux faire leur travail. Alors, ils méritent un meilleur salaire. Ils ont fait des études supplémentaires.

M. CARDINAL: Pardon, pardon, pardon! Je m'excuse! Personnellement, j'ai travaillé dans une société canadienne-française, face à une société anglophone de l'autre côté de la rue, à même poste, moi, ayant un doctorat et l'autre un diplôme du high school, et les salaires étaient loin d'être comparables. Je regrette, mais il y a des exceptions à une affirmation semblable.

M. PORTEOUS: Il y a des exceptions à tout. Il y en a certainement. C'est le quartier de Westmount.

M. LE PRESIDENT: Le député de Marguerite-Bourgeoys.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, j'ai représenté un comté qui constitue quatre comtés, depuis la redistribution. Pour revenir à la question d'enfants gâtés, je sais que c'est grandement exagéré. Il y a un dicton anglais: "He who pays the piper calls the tune". Je pense que cela serait vrai en France et dans n'importe quel pays du monde, qui aurait eu le système qu'on a eu. Si, dans bien des endroits de l'île de Montréal, dans l'ouest, par exemple, l'équipement a pu être supérieur et la qualité de l'enseignement supérieure, il ne fait aucun doute que les contribuables payaient jusqu'à sept fois, dix fois et parfois plus, s'ils étaient du côté protestant anglais que de l'autre côté. Il faut, quand même, rendre justice à cette portion de gens.

M. CARDINAL: Si vous me le permettez, M. le Président. Il y aurait tellement de nuances à apporter dans un débat semblable. Si je prends le cas du député de Notre-Dame-de-Grâce, Mont-Royal est justement un cas d'exception où les écoles françaises taxent à un taux non normalisé. Mais je ne peux pas les forcer à taxer à un taux normalisé. Si je prends le cas d'autres quartiers ou d'autres endroits...

M. TETLEY: Outremont, autrefois.

M. CARDINAL: Outremont autrefois, exactement, que je connais comme je connais le quartier...

M. LEFEBVRE: Il n'y avait pas de taxes, il n'y avait pas d'écoles. Ils envoyaient tous leurs enfants au collège.

M. CARDINAL: Il n'y en a même pas d'écoles, encore aujourd'hui, même pas aujourd'hui, ni pour les garçons ni pour les filles. C'est incroyable, en 1970. Je vais plus loin. Si vous me le permettez, nous ne commencerons pas un débat là-dessus. La taxe des neutres à Montréal, est une autre illustration d'une division...

UNE VOIX: Injuste.

M. CARDINAL: Je n'ai pas employé le mot, mais quelqu'un l'a dit pour moi. Elle n'était pas basée du tout sur la richesse de ceux qui payaient puisque c'étaient d'autres qui étaient corporation.

M. LEFEBVRE: Cela a duré quinze et vingt ans.

M. CARDINAL: Alors, qu'est-ce que vous voulez, il y aurait tellement de nuances à apporter à des affirmations, qu'elles viennent d'un côté ou de l'autre de la table ou de ceux qui veulent se faire entendre. Enfin, dans ce domaine, je me sens un devoir, sur ma conscience, de ne pas les laisser passer parce qu'à ce moment-là, il faudrait ressortir chacun des dossiers et voir ce qui s'est passé. Une question, par exemple. Supposons qu'à Outremont, ou à Westmount, ou à Montréal, pendant x années, celui que l'on appelait "protestant" ait payé un taux plus élevé sur une même évaluation, ce qui est encore discutable, ceci représentait quelle proportion de son revenu, par exemple? Je n'ai pas de réponse à cela. Ecoutez, nous nous adressons à des hommes d'affaires qui savent, comme moi, qu'un chiffre absolu n'a aucune valeur sauf de représenter un chiffre absolu. Un,

cela ne veut rien dire, mais un sur cent ou un sur mille ou un sur deux, cela veut dire quelque chose. Là il faudrait tout reprendre le point de vue sociologique, économique, éducationnel.

M. Porteous a dit une chose tantôt contre laquelle je me suis élevé mais qui est en partie vraie. Pendant des années, les Canadiens français n'ont pas eu la possibilité ni géographique, ni financière, d'accéder à un enseignement d'un certain niveau, tout particulièrement au niveau universitaire, et encore là il faudrait apporter joliment de nuances parce que je connais par coeur les revenus des Endowment Funds des universités au Québec. Pendant des années, par exemple, certains d'entre eux ont fait des efforts considérables pour atteindre leurs confrères d'une autre culture. Dire que des gens ont suivi des cours du soir ou autre chose et que, par conséquent, ils devaient nécessairement devenir plus riches, c'est une réponse qui est en partie vraie, mais qui ne représente pas l'entière réalité des choses. Et si ceci a été accepté des deux côtés ou des deux solitudes pendant 100 ans, je pense bien, M. Porteous, que les hommes d'affaires anglais avec leur "sense of Justice" ne l'acceptent certainement pas pour l'avenir.

M. PORTEOUS: M. le ministre, vous devez savoir que beaucoup de connaissances doivent être acquises hors de la province de Québec. Alors, il faut tout simplement aller les prendre en anglais ou envoyer quelqu'un apprendre en anglais et traduire en français. Les universités de la province de Québec ont très bien fait jusqu'à maintenant, je n'ai rien à dire contre elles. On est allé à la lune sans dire un mot de français vous savez. Alors, pour les structures de l'avenir, je veux encourager des usines à venir s'installer au Québec afin de créer des emplois, mais de quelle façon peut-on faire cela avec une politique de langue qui semble restreinte tout simplement.

M. CARDINAL: Oui, d'accord. Votre exemple de la lune, les Russes auraient pu y aller aussi sans parler anglais, et si, en 1945, la guerre avait tourné autrement, on aurait pu y aller en parlant allemand.

M. PORTEOUS: Peut-être que bilingue veut dire anglais et russe.

MR. LEFEBVRE: If I may be permitted an English joke, I would say: We do not care about the moon, but we want to live under the sun for a while.

M. PORTEOUS: On parle de lune de miel déjà, vous savez. M. le Président, puis-je passer la parole à mes confrères qui ont quelque chose à ajouter? Deux secondes.

M. LE PRESIDENT: Oui. Un instant. Est-ce que le député de Saint-Laurent a une question à poser à M. Porteous?

M. PEARSON: Non, au ministre. Est-ce sur le même sujet?

M. PORTEOUS: Non, ce sont deux points que l'on veut soulever simplement pour renseignement général.

M. PEARSON: Je voulais justement, sur ce sujet-là, poser une question au ministre de l'Education. Je retrouve dans certains articles de ce mémoire comme dans d'autres mémoires qui ont été présentés, une crainte qui a peut-être été engendrée par les discussions du fameux bill 63. Par exemple, le ministre avait déclaré à peu près ceci — je ne m'en souviens pas textuellement — que l'obligation pour les anglophones d'apprendre le français ne signifiait pas uniquement qu'ils devraient suivre des cours de français, mais également qu'ils devraient avoir des cours en français. A ce moment-là, le ministre a indiqué qu'il y aurait des cours de mathématiques ou d'autres qui seraient en français. Or, ce point-là n'a jamais été précisé. Certaines des craintes viennent peut-être de là. Les gens ne savent pas s'il y aura, disons, deux ou trois cours en français, ou si, graduellement, la majorité des cours sera en français. Cela a peut-être l'air de rien mais j'ai l'impression que c'est important.

M. CARDINAL: Deux réponses, si vous me le permettez. Le député d'Ahuntsic... Aujourd'hui, c'est la journée où je félicite le plus; je ne sais pas ce qui va arriver. C'est inquiétant, car j'ai beaucoup félicité M. Lesage, dans les derniers jours de la session aussi.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Nous aussi, cela nous inquiète.

M. CARDINAL: C'est difficile de vous répondre.

M. PORTEOUS: Oh! Je viens de vous voir.

M. CARDINAL: Est-ce que je peux répondre au député?

M. PORTEOUS: Après vous, M. le ministre.

M. CARDINAL: Je m'excuse, je pense qu'on ne se comprend plus.

Deux choses: Je vais laisser le député d'Ahuntsic de côté; j'y reviendrai plus tard. Le document dont j'ai parlé tantôt doit être incessamment remis au ministre. Alors, on pourra rendre publique la politique du ministère et du gouvernement dans l'application du projet de loi 63. Mais, justement, ce sur quoi je suis entièrement d'accord avec le député d'Ahuntsic et le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est que je ne nie pas les craintes qui existent. Je n'accepte pas les

fondements, si vous voulez, de ces craintes, mais je ne les nie pas. je les sens. Je les vois. Je les écoute. Je les entends. Mais justement, à l'occasion du projet de loi 63, l'on se rappelle que j'ai dit qu'avant que le projet soit entièrement mis en vigueur, il y aurait une période de quatorze ans. Il y en a qui ont hurlé à ce moment-là, parce que, justement, j'avais parlé d'étapes et de réglementations qui iraient sans cesse en s'élargissant. Il faurait qu'on soit sérieux. Le projet de loi 63, qui accroît l'enseignement du français et en français et qui, à ce moment-là, semblait fort bien accueilli par les milieux anglophones, ne devrait pas devenir maintenant l'épouvantail qui empêche le projet de loi 62 de passer au travers. Il va falloir que l'on distingue entre les deux questions et, encore une fois, je le dis, qu'on ne refasse pas un débat qui est déjà fait, mais que l'on s'en tienne au projet qui est devant nous. Ceci n'est pas un reproche à votre endroit. Vous me posez une question qui mérite réponse. Alors, M. le Président, j'ai terminé.

M. PEARSON: En gros, M. le ministre, cela veut dire que les cours de français qui sont donnés aux anglophones ont pour but d'atteindre un certain "working knowledge" de français et non pas graduellement l'unilinguisme français.

M. CARDINAL: Non. Très précisément.

M. PEARSON: Or, dans les mémoires, il y a certaines exagérations qu'on exprime à mots couverts, et qui laissent entendre que, graduellement, cela va se transformer en école complètement francophone.

M. PORTEOUS: Cela, c'est très important, parce que notre philosophie est économique, et nous croyons que la philosophie des Français est socio-économique. C'est la différence entre "cash and credit" pour nous. Si vous avez le "cash", vous achetez. Vous ne pouvez pas avoir telle et telle chose si vous n'avez pas l'argent. Avec le crédit, si vous voulez avoir quelque chose, vous tentez de l'avoir avec l'idée de payer plus tard. Alors, c'est une différence de philosophie à laquelle nous ne voulons pas être mêlés. Nous voulons garder notre philosophie économique et nous voulons vous laisser votre philosophie socio-économique.

Avec le bill 63, nous avons eu l'impression que nous passerions d'économique à socio-économique; de notre point de vue, ça ne marche pas pour les hommes d'affaires.

M. CARDINAL: Je m'excuse. Les Anglais ne vivent-ils pas dans une société qui est à la fois socio-économique et culturelle?

M. PORTEOUS: Oui, M. le ministre, mais nous voulons avoir quelque chose de net et clair du point de vue économique premièrement, et, avec les profits de ce que nous pourrons faire, dépenser cet argent pour des fins socialistes.

M. CARDINAL: Attendez un peu, je voudrais savoir où l'on va.

M. PORTEOUS: Je retire ce mot-là.

M. CARDINAL: Si votre thèse est d'avoir une doctrine économique qui vous permette justement d'être parfaitement certains à ce moment-là de faire de l'argent que vous utiliserez après cela pour des fins sociales, quelle sera la garantie de ceux qui n'auront pas fait cet argent?

M. PORTEOUS: Il ne nous reste pas beaucoup d'argent avec les taxes qu'on nous imposent aujourd'hui. C'est vous qui décidez ce que nous ferons avec les taxes.

M. CARDINAL: Disons que nous pouvons accepter ça pour le moment, mais répondez quand même à ma question. Des garanties, il en faut des deux côtés. Ecoutez, nous reprenons une discussion qui est rendue fort loin. Je crois, comme je le disais au tout début, pour boucler la boucle, qu'il est inadmissible qu'en 1970, dans une société, dans l'île de Montréal, parce qu'il y a des inégalités économiques, il y ait des inégalités de service scolaire.

M. PORTEOUS: Ce que nous voulons dire, c'est que, si vous avez un tel tarif de salaire, ça vous donne un tel rendement; c'est économique. Juste parce que l'autre donne un meilleur rendement, vous ne pouvez pas exiger son salaire sans donner le même rendement; autrement, ce n'est pas économique, à notre point de vue.

M. CARDINAL: Ce n'est pas ce que je veux dire.

M. PORTEOUS: C'est notre point de vue.

M. CARDINAL: Admettez-vous que tous les enfants de Montréal, qu'ils soient Anglais, Français, Chinois, Italiens, Juifs, etc. aient le droit, quelle que soit la richesse de leurs parents, à tous les mêmes services en enseignement, en équipement, en tout ce que vous voudrez?

M. PORTEOUS: Ils ont tous le même droit.

M. CARDINAL: Bon, nous sommes d'accord.

M. LEFEBVRE: Je crois que nous aurions fait un pas énorme dans l'étude de ce projet de loi, si tous les groupes partaient avec cette hypothèse de départ, si, autrement dit, l'unanimité était faite là-dessus. Qu'on ne se dispute

pas sur des questions de briques, mais qu'une fois admis que les équipements physiques doivent être répartis de façon équitable, là ensuite qu'on s'organise pour voir quels sont les meilleurs moyens pour assurer, selon les lois du Québec, à chaque enfant, au gré du choix de ses parents, la meilleure éducation possible. Je pense que nous ferions un pas énorme, parce que moi, encore une fois, je vois beaucoup de défauts dans le bill 62, mais on y trouve des défauts que je ne lui vois pas, et je me dis que ça n'aide pas le débat. Il me semble que si nous pouvions travailler à trouver les vrais défauts qui existent.

Vous en avez mentionné quelques-uns comme, par exemple, son caractère non démocratique.

M. PORTEOUS: D'accord.

M. LEFEBVRE: S'il y avait moyen d'approfondir les défauts réels et de laisser de côté ce qui n'est pas des défauts, mais des exigences du progrès, je pense qu'on aurait des chances de finir avec une loi convenable.

M. PORTEOUS: C'est à cela qu'on arrive à l'heure actuelle. Aujourd'hui on travaille à éliminer les malentendus afin que ce soit clair et net.

M. LEFEBVRE: C'est cela, exactement.

M. PORTEOUS: C'est cela, c'est le dialogue qu'il faut.

M. LEFEBVRE: Exactement.

M. PORTEOUS: Le dialogue, cela prend du temps.

M. LEFEBVRE: C'est cela.

M. PORTEOUS: C'est pour cela qu'on ne peut pas dire: Ce sera adopté à telle et telle date, parce que toutes les craintes sont possibles. On peut dire alors qu'il y a des choses de cachées là-dedans que nous ne connaissons pas. Avec beaucoup plus de temps, on peut peut-être les connaître et même les régler.

M. LEFEBVRE: Il ne faut pas trop attendre non plus.

M. PORTEOUS: Maintenant, M. le Président, puis-je passer ce sujet-là à mon collègue s'il vous plaît?

M. LE PRESIDENT: Très bien. Allez-y.

MR. SHELDRICK: K.D. Sheldrick, Member of the Board. I would like to amplify on two of the aspects which we covered in our brief. First of all, the matter of culture and curiculum and, secondly, to say a word about the existing English-speaking system.

First of all, the matter of our culture. The question might be asked why business men are interested particularly in curiculum and what that has to do with culture. I will answer that in a general way. We do not have any particular comments to make, but we have general comments to make that we are very deeply concerned with the end product because we hire it. And we feel that the curiculum is very basic to what kind of bayor girl we produce to come in our business system. Now, we feel, in the business community, that we have contributed tremendously to the growth of Quebec for many years. We figure that the Anglophone has put his part in the developing of this country. We feel just as much Quebecois as some of you. We feel that we are a part of it, we want to remain a part of it and we are proud of it. When we think of things like Expo 67, we are simply amazed at the fact that this Province was able to set a mark for the whole world which it has not been able to forget and will not forget. That is because we had a dual culture. We feel that the two cultures can exist side by side and that it is all the richer because we have the two.

We respect and understand the thaught of the French Canadian when he says he must protect his language and his culture. But that is equally true for us, on the English-speaking side. We believe that you must be able to recognize that because you see that it is so important. We feel that for us to do that we must retain the control of English-speaking education at the board level. This is something which was given us in 1841 in the legislation of that time and protected later in the BNA Act in article 93. It is something that we are not prepared to sacrifice.

Now, we feel that this is recognized in the Parent report. We refer you to page 160, volume 4.

Now as regards our ability to take our part in being able to speak French in Quebec, I would like to state this, that we have recognized this for some time. In the past ten years, just speaking of the Protestant School Board of Greater Montreal, I might say that, from seven in 1959, they have risen to 107 French specialists in less than a decade; that does not count the French sepcialists they have in High schools and those who are teaching in our all French schools where we have both French and English systems going on simultaneously.

We have no fears at all about being able to create people with a working knowledge of French and better, with our system, as is developing. We know we have a long way to go, but many of us who have had children and who have come through the system are all ready; they came through a decade ago, had a working knowledge of French, and those that are

coming through today are much better and it is continuously improving.

So we are completely sympathetic and fully confident of our ability to produce people with an ability to speak in French and to take their part fully in French. There is now one thing I want to bring out and I know that this might be the subject of a long debate, I will be very brief, Mr. President, but I believe that between the French-speaking Canadian and the English-speaking Canadian, in general, there are different modes of though and action; their philosophies do differ, their approaches to problems differ. I think that we should respect this; I think that if we try to put ourselves all into one mold, we will loose something and that the duality of our culture, which has made this such a dynamic place in which to live, will start to disappear and that instead, we will tend to drive people into a sort of ghetto situations.

I would also like to point out one other thing. Our modern business teaching and management teaching stresses the business of participation and decries our territorianism. This is something which we have recognized for at least the last 30 years in our Protestant English-speaking system and we have a splendid participative activity going on between our teachers, our administrators and our board. This is the reason for the strenght that we have and for what was remarked in the Parent Report about the quality of the system that we have produced.

Nor, just because I am talking about having two different things, does not mean that we are setting one up as superior to the other. I am saying that they both have rights, they both have qualities and they both, if you like, are equal. But it makes it all the richer because we maintained them both. That is my first point. My second point relates to the school board system. Although I am here as a businessman, I have had 23 years of experience on a local board; I am thoroughly familiar with the Protestant English-speaking system. I have represented that on the Greater Board for the last five years, I am deeply involved and interested in this, and I would like to point out what I think is not generally recognized by our French-speaking friends.

That is that that particular system does not have the faults which you are still trying to correct in some quarters of your French-speaking system.

It is true that we have a lot of local boards which have given up fully their administrative powers to the Protestant School Board of Greater Montreal for purposes of economy. Those local boards do not cost the people of Quebec hardly anything. They work without salary, they have some minor travelling allowances you know. It is not a costy situation but they perform a very important function and that is this: they their eyes on the developments in the municipalities; they see school property when it should be bought, they try to buy it in due time before the property values rise and they try to locate schools properly.

Schools committees are just excellent and can perform excellent fuctions, but I question whether they have been able to perform that particular role, and I want to emphasize that I feel that if the French-speaking system were to continue what it has already begun to a great extent in its regionalization, they could accomplish on the French side completly what we feel we have already done quite adequately and effectively in the English Protestant side.

Our board is completly ready to join up with the English speaking Catholics but what we do want to do is to maintain at the board level the ability to control our own culture and our own education. Now one other final thing and this is my closing remark; I would like to point out that I think it would be a grave error for you to think that the local boards are ready to loose this for the English-speaking public, just like that, because — and I am speaking as such a member — being on a local board, we feel that we are the custodians, we are elected by the public in most of those local boards they talked about, all except the City of Montreal; in all of those, we are elected by the people and we feel our responsibility to the people for the property which is ours and invested in local boards; we would never be able to allow that to pass out of our hands without the matter being referred to the people, because we are the custodians of the people. So we would be forced into the position of having no alternatives but to act on our constitutional grounds.

M. CARDINAL: Est-ce que je puis, tel que convenu au début de la séance, rappeler qu'il est cinq heures trente; je proposerais d'ajourner nos travaux à huit heures quinze ce soir.

M. PORTEOUS: Cinq minutes seulement, M. le ministre, parce que nous devons partir pour Montréal tout de suite.

M. CARDINAL: Bon. Si vous me dites que c'est seulement cinq minutes parce que moi aussi j'ai des obligations et je suis obligé de les assumer. Alors, disons que nous accordons cinq minutes mais nous ajournerons dans cinq minutes jusqu'à huit heures quinze?

M. PORTEOUS: S'il vous plaît, cinq minutes.

M. CARDINAL: Nous vous accordons quatre minutes.

MR. DAVIDSON: Mr. President, I regret that my knowledge of the spoken French is

such that I have not been able to gather much of what has been said this afternoon. Before just saying a few things about our submission, I would like to suggest that, if you are going to have other English people here, such as myself, perhaps, it would be helpful to provide translation services for people like me.

I would like to just give you a very brief background of our Board of Trade approach to this submission. We appeared some months ago before the Gendron Commission and the observations which we made, I think, related specifically to what we are trying to aim for in the brief which we have submitted today.

Our feelings at that time were that it is fundamental to a constructive and a progressive language policy for Quebec that there be :

(a) A growing and dynamic economy in Quebec.

(b) A leading role for Quebec in the growth and development of the Canadian economy.

(c) An increasingly active and significant involvement by Quebec as a part of Canada in the international communication.

(d) A bilingual basis for international communications exchanges with the rest of Canada and the global community, economically, technologically and intellectually.

The Board, therefore, concluded that a language formula should be adopted by Quebec compatible with the findings of the Royal Commission on Bilinguilism and Biculturalism. And, under this formula, as the Board viewed it, the Montreal region would have an official bilingual base and other regions of the province would have a defined language base compatible with their economic and cultural needs.

Within this context, it is essential that at least within the official bilingual areas, the educational system be designed to effectively teach both languages.

MR. PORTEOUS: M. le ministre, j'ai deux minutes encore. Je vais dire tout simplement: "May we respectfully request that the brief in its entirety be published in the Debates"? En terminant, nous avons quelque chose qui porte à réfléchir. Nos écoles et nos universités vont conférer des diplômes à environ 80,000 jeunes travailleurs instruits pour chacune des cinq prochaines années. Ces étudiants ne peuvent se permettre de tolérer une situation qui les prive de leur droit de travailler. A moins que le bill 62 ne soit modifié, comme nous le suggérons, nous avons la ferme conviction que c'est le résultat malheureux qui sera atteint. Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Thank you very much.

M. CARDINAL: Merci. On pourrait ajouter: I am very sorry, but we do not, in the National Assembly, neither in the committees, provide translation. In fact, all the members of the Parliament are bilingual, the journal des Débats is published in the language of each of the members. There is no translation and there is no budget to provide money for such a service. I am sorry, but that is a fact. We have to live with.

UNE VOIX: C'est un bon point pour un homme d'affaires.

M. LE PRESIDENT: Nous suspendons jusqu'à 8 heures, mais ce soir nous entendrons Presbyterian College et United Church, le Pacifique Canadien et la compagnie des Chemins de fer nationaux, l'Association des principaux de Montréal et la Société Saint-Jean-Baptiste.

Si je comprends bien, Presbyterian College et United Church of Canada have a joint brief. Also for the Canadian Pacific Railway and the Canadian National Railway. En d'autres termes, il y aura quatre mémoires à présenter.

Nous suspendons la séance jusqu'à 8 heures 15.

Reprise de la séance à 20 h 25

M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A l'ordre, messieurs! Est-ce que le député d'Ahuntsic aurait quelque chose à dire?

M. LEFEBVRE: M. le Président, je regrette que, sauf erreur, les représentants du Montreal Board of Trade ne soient pas revenus. Je les avais invités à le faire, mais je crois qu'ils devaient prendre un avion pour Montréal. C'est qu'à la fin de la séance M. Sheldrick, un des représentants du Board of Trade, a émis une opinion qui, à mon avis, est d'une grande importance pour la compréhension de ce débat. Quant à moi, n'engageant que moi-même, je voudrais réagir à l'opinion qui a été émise, parce que je pense qu'il faudrait, dans la mesure du possible, éviter qu'autour du bill 62 nous assistions à des débats aussi passionnés que cela a été le cas pour le bill 63, les rôles étant peut-être, cette fois-ci, inversés.

J'espère citer honnêtement M. Sheldrick, lorsqu'il a dit: Nous avons des cultures, des méthodes de faire différentes. Somme toute, il a tiré de cela la conclusion que la meilleure solution, c'était "to stay apart". Que chacun, somme toute, garde ses institutions.

Quant à moi, j'ai vraiment l'impression, et, à l'heure du souper, j'ai fait, avec les moyens du bord, parce que l'Opposition n'a pas de budget, les budgets du gouvernement et les fonctionnaires dessinateurs...

M. CARDINAL: Pardon, est-ce que le chef de l'Opposition n'a pas un budget de $50,000 pour fins de recherche?

M. LEFEBVRE: Ah oui. Mais le chef de l'Opposition est aux Bermudes actuellement.

M. CARDINAL: Ah, tiens! On vient de le confirmer. C'est au journal des Débats.

M. LEFEBVRE: Soyons sérieux, parce qu'en fait c'est très sérieux. Moi, j'ai l'impression que si on ne réussit pas, en fait, à briser les fameuses "deux solitudes", c'est la société québécoise qui est menacée de sauter en l'air. Tout le monde sait que, pour ma part, je n'ai aucune espèce de tendance au séparatisme, mais je crois que chacun doit faire un effort — et je l'ai dit en toute franchise, cet après-midi, à deux groupes de langue anglaise — pour éviter de prendre des positions qui sont tellement exagérées ou tellement passionnées qu'elles enveniment le débat. M. le ministre a dit, cet après-midi, qu'après avoir entendu les gens peut-être qu'il changerait d'idée sur tel ou tel point. Moi, en tant que citoyen du Québec et membre de ce Parlement, je demande aux groupes qui viennent témoigner ici d'avoir la même attitude que les hommes politiques. C'est-à-dire que je serais heureux, quant à moi, si les gens qui ont présenté un mémoire où il y a telle affirmation qu'à la suite de la discussion ils jugent eux-mêmes extravagante, qu'ils corrigent ce mémoire et qu'ils soumettent à l'Assemblée nationale une version corrigée de leurs points de vue. Autrement dit, il n'y a pas que les politiciens qui doivent évoluer dans la société, il y a aussi les autres groupes de la société. Autrement, on arrive à des affrontements qui peuvent être extrêmement dommageables.

Pour ma part, je ne voudrais pas du tout que le Montreal Board of Trade, qui est un groupe très respectable auquel sans doute bien peu d'hommes politiques oseraient répliquer, croie que je m'oppose globalement à son point de vue, pas du tout, il n'est pas question de ça. Justement, je crois qu'il faut attacher de l'importance au point de vue de ces gens, il faut les prendre au sérieux et il me semble, quant à moi, qu'ils manifestent beaucoup trop de rigidité lorsqu'ils semblent affirmer que la seule façon de protéger les droits des élèves de langue anglaise est d'établir la distinction linguistique au niveau des commissions scolaires.

Je m'excuse du caractère rudimentaire de cela, mon exposé sera très bref mais je veux démontrer, en deux minutes,...

Cela ne marche pas, ah oui! ça fonctionne, très bien, la baguette a un bout rouge, tant mieux avec un bout rouge ça va être plus efficace.

M. CARDINAL: ... le député d'Ahuntsic. Je me trouve tout à coup à rejoindre les deux bouts, en même temps je vois que...

M. LEFEBVRE: Alors, voyez-vous, on entend toutes sortes de choses — moi, si je fais ça, ce n'est pas pour le plaisir de faire un "show" et je ne retire pas de cachet de l'Union des artistes non plus — et nous en avons pour quelques audiences encore à discuter de ce bill et je pense que, souvent, les gens parlent un peu dans le vague sans avoir à l'esprit la réalité des choses. Nous en avons eu une bonne preuve cet après-midi quand on nous a affirmé comme une chose invraisemblable qu'une commission scolaire administre à la fois des écoles françaises et des écoles anglaises, alors que ça se fait depuis des décennies à Montréal, et je ne sache pas que quelqu'un en ait été vraiment frustré.

Alors, il faut tenir au moins compte de la réalité, je crois. Vous avez ici, supposons à la base — je regrette que les carrés soient rouges mais c'est un fait qu'il y a beaucoup de libéraux à Montréal — les six groupes d'élèves. Certains voudraient qu'il n'y en ait que quatre, pour l'instant disons que ce n'est pas un problème. Donc, vous avez quatre ou six groupes d'écoles qui seraient des écoles françaises catholiques, anglaises catholiques, françaises protestantes, anglaises protestantes, ni catholiques ni protes-

tantes françaises et ni catholiques ni protestantes anglaises.

C'est là que sont les écoles. Ensuite, il y a les commissions scolaires régionales qui sont pro posées pour Montréal et c'est là que la bataille s'engage. Il y a des gens qui disent: il n'y a qu'une façon de régler le problème, il faut que nous ayons des commissions scolaires françaises et des commissions scolaires anglaises. Moi, je dis que c'est discutable. Pour l'instant je ne dis pas que ça devrait être l'un ou l'autre, mais je dis que nous ne devrions pas prendre de position aussi catégorique sur des choses comme cela.

Les gens semblent oublier une chose. Si vous remontez quelques échelons plus haut, vous voyez ici le conseil proposé, le conseil métropolitain. En haut, vous avez le ministère, ce qui est très loin de l'école locale. Les problèmes de manuels français, anglais ou quels qu'ils soient se règlent là. L'acceptation des manuels se fait là. La question des professeurs, les normes d'admission, les normes de travail, les salaires que cela plaise ou non, c'est là que cela se fera de plus en plus. Les programmes, qu'ils soient français, anglais, catholiques ou protestants, c'est là. Enfin, les budgets, les devis pour les constructions d'écoles, qu'est-ce qui ne se règle pas là, je vous le demande? Il y a certaines choses, parce qu'autrement nous serions dans un régime dictatorial. Je ne veux pas mettre en doute la légitimité des pouvoirs du ministère de l'Education, car je suis l'un de ceux qui se sont battus pour établir ce ministère-là. Lorsqu'on admet ceci — je le dis en toute amitié et sans aucune agressivité envers qui que ce soit — je ne comprends pas que des gens viennent à la barre et semblent prêts à déchirer leurs vêtements en public tellement ils seraient scandalisés si la distinction linguistique ne s'établissait pas à ce niveau-ci.

Je dis que la distinction linguistique pourrait s'établir à ce niveau-là. Elle pourrait s'établir au niveau des commissions scolaires. Elle pourrait aussi s'établir au niveau administratif, à l'intérieur des commissions scolaires, en ayant des administrations de programmes anglais, français, catholiques, etc. Pour l'instant, je ne veux pas prendre une position définitive sur une formule, mais je me dis: De grâce, n'allons pas engager la guerre sainte. Cet après-midi, on parlait de faire un procès au point de vue constitutionnel. D'autres semblaient nous menacer des pires choses si nous n'adoptions pas telle ou telle solution. Tout ce que je souhaiterais dans ce débat-là, c'est qu'il soit fait sans passion. On a assez vu et assez entendu de folies à l'occasion de la discussion sur le bill 63, à mon humble avis — je ne dis pas qu'il n'y avait pas matière à discussion — nous avons assez entendu de propos exagérés et passionnés qu'il ne faudrait pas recommencer le même stratagème, parce qu'à force de faire cet abus de passion la société québécoise finira par éclater.

On va dresser les groupes les uns contre les autres. On va accroître continuellement la méfiance et on va finir par prendre vraiment des vessies pour des lanternes, comme ce me semble être un peu le cas dans les attitudes catégoriques que certains prenent.

Encore une fois, je trouve très légitime le point de vue de ceux qui veulent des commissions scolaires linguistiques, mais je pense qu'il peut être également légitime de dire: Nous allons avoir des commissions scolaires uniques et, à l'intérieur de ces commissions scolaires, nous allons prendre des moyens pour assurer la protection des droits des minorités. C'est le point sur lequel, pour ma part, j'avais insisté le 11 décembre.

Encore une fois, si j'ai voulu faire ce petit dessin très mal foutu et dont je m'excuse, c'était pour bien faire réaliser que les choses les plus graves se règlent déjà au sommet, au niveau du ministère, et le ministère n'est pas français d'un côté puis anglais de l'autre; le ministère, il est le ministère de l'Education et il couvre tout le monde. Alors, il me semble que, ceci étant dit, il faudrait manifester de toute part un peu plus de souplesse dans le débat. J'invite mes amis du Board of Trade — en fait, ils sont mes amis comme tous les Québécois sont mes amis — à relire certains paragraphes de leur mémoire à la lumière de ces savants graphiques et à peut-être faire ce que les hommes politiques font lorsqu'ils se trompent, ce qui nous arrive souvent, c'est-à-dire de se corriger eux-mêmes. Je vous remercie.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez, à la suite de cet exposé du député d'Ahuntsic, j'aurais deux remarques à faire. Je ne ferai pas un discours. La première c'est que, de fait, je suis très heureux qu'il ait fait cette démonstration. A la fin de la séance cet après-midi, j'ai souligné que — et je m'excuse d'être brutal - malheureusement, sans cesse dans les réunions où je vais, dans les journaux que je lis, dans les déclarations que j'entends, je m'aperçois que les gens n'ont même pas lu le projet de loi 62 et n'ont pas analysé les niveaux qui sont proposés.

Au lenlemain de l'adoption du projet de loi 62 — je le disais cet après-midi, c'est peut-être la 25e fois que je le dis — il y aura encore le même ministère de l'Education, il y aura encore les mêmes enfants dans les mêmes écoles. Il y aura encore les mêmes parents des mêmes enfants. Il y aura encore, très probablement, tout un groupe de personnes qui sont déjà dans les commissions scolaires qui existent. Il y aura encore les mêmes enseignants. Au lieu d'inventer un futur à partir de passions ou de préjugés, que l'on se rende compte que ce futur, il va être bâti à partir d'un présent, et qu'il n'y aura que les structures qui changeront. Quand vous regardez le ministère qui est vraiment multicon-fessionnel, multilingue si vous voulez, il y a

derrière moi M. Beauchemin, M. Dickson, qui tous les deux assurent d'après la loi cette garantie, le ministre étant et devant être en conscience absolument neutre et sur le plan religieux quelles que soient ses convictions et sur le plan linguistique quelles que soient aussi ses convictions.

Considérez ces structures qui sont proposées, et regardez ce qui se passe. Après-midi, il y a une chose sur laquelle je ne suis pas revenu. On m'a souligné qu'il y avait des élections à Montréal pour les commissaires. Je regrette, relisez quelqu'un qui n'est pas un ami particulier du gouvernement actuel, M. Filion, relisez-le lorsqu'il raconte les mémoires d'un commissaire, rappelez-vous ce qu'il dit à propos de sa propre élection comme commissaire dans Saint-Bruno.

Ecoutez Guy Rocher quand il raconte comment il a été élu commissaire dans Outremont. Lisez les textes qui ne viennent pas du ministère mais qui viennent de la Fédération des commissions scolaires qui ont établi que, dans le Québec, il y a 18 p.c. des commissions scolaires où il y a de véritables élections démocratiques. Il y a 82 p.c. des cas où les gens sont nommés par le conseil des ministres parce que personne ne se présente, ou ce sont les mêmes gens qui sont élus par acclamation, acclamation que j'ai appelée silencieuse. Que l'on regarde les choses comme elles sont. Qu'on ne s'imagine pas que c'est la grande démocratie qui joue au sein des commissaires d'écoles. Qu'on ne s'imagine pas qu'à Montréal présentement — et j'en appelle au député d'Ahuntsic qui a été commissaire désigné — au Protestant School Board of Greater Montreal ou à la CECM les gens sont élus.

M. LEFEBVRE: Le ministre ne me prend pas à témoin de ce qu'il vient de dire au point de vue de la démocratisation, parce que je suis en complet désaccord avec lui.

M. CARDINAL: Non, je ne parle que du passé ou du présent.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. CARDINAL: Il y a 42 commissions scolaires à Montréal. Le Protestant School Board of Greater Montreal couvre toute l'île de Montréal, sauf la partie ouest qui est le West Island Protestant School Board qui s'en va jusqu'à Vaudreuil-Soulanges. Les commissions locales qui n'ont parfois qu'un territoire de un mille carré, qu'on regarde ce qui s'y passe vraiment. C'est la première remarque générale que je veux faire. Plutôt que de partir d'idées, que l'on parte de la réalité qui existe présentement, que l'on parte des statistiques qui apparaissent au journal des Débats du 11 décembre 1969. Que l'on parte de l'expérience de ceux qui sont déjà dans les commissions scolaires de Montréal. Que l'on parte — et c'est moi qui le dit — de l'expérience d'une commission scolaire isolée sur l'île de Montréal, qui s'appelle Saint-Léonard et qui peut adopter une résolution et pendant un an nous tenir tous en haleine. Entre parenthèses, c'est arrivé une fois en cent ans; ça aurait pu arriver cent fois par année. Que l'on parte de la réalité.

Le projet de loi 62 a quatre objectifs qui ont été rappelés cinquante fois. Aucun de ces objectifs ne doit être mis en cause. Si un de ces objectifs est mis en cause, la société du Québec souffre de quelque maladie. Si les gens aujourd'hui, en 1970, n'admettent pas que tous les enfants de Montréal, quelle que soit leur langue, quelle que soit leur religion, quelle que soit la richesse ou la pauvreté de leurs parents, quel que soit le quartier qu'ils habitent, qu'ils soient sur la montagne ou au pied de la montagne, au pied du courant ou près de la rivière, de l'autre côté, qu'ils n'aient pas droit aux mêmes services, quelle que soit la contribution que, dans le passé, qui que ce soit ait faite. Si les gens n'admettent pas, en 1970, que sur l'île de Montréal il y a pluralisme religieux et linguistique, il ne se sont pas promenés à travers l'île de Montréal.

Je regrette, je l'ai fait, à pied, et à travers tout l'île.

Si les gens n'admettent pas qu'en 1970 les parents demandent une participation qu'ils n'ont pas depuis des années, ils n'ont pas droit à cette participation; ils n'ont pas droit au choix de l'enseignement confessionnel pour leurs enfants — ce ne sont pas des structures qui vont la leur donner, parce qu'à la limite, comme je l'ai déjà dit, s'il faut que pour être catholique ou protestant l'on ait des structures catholiques ou protestantes, que les enseignants soient passés dans des écoles catholiques ou protestantes, il va falloir une loi pour obliger les parents à être catholiques ou protestants. Qu'est-ce qui se passe dans les écoles secondaires, aujourd'hui, au point de vue de l'enseignement religieux après des règlements approuvés par le comité catholique et le comité protestant? Je m'excuse! Ne rêvons pas! Ne passons pas notre temps, et puis encore là... Je me rappelle le débat autour du bill 60 et de l'opération 55 sur les écoles mixtes. Or, ceux qui ont fait le débat, c'était des parents qui étaient tous allés à l'école mixte dans les rangs et qui ne s'en rappelaient pas. Qu'on regarde la réalité des choses!

Et le quatrième objectif, sur lequel le député de Ahuntsic ne sera pas d'accord, sauf sur le principe, est ce que j'appelle la démocratisation des structures. D'accord qu'à cet endroit des modalités nombreuses peuvent s'appliquer, mais sur le principe de la démocratisation des structures qui n'existe pas à Montréal et où les gens ne participent pas...

M. LEFEBVRE: Ce que les Montréalais demandent depuis des années.

M. CARDINAL: ... mais que les Montréalais exigent. Dans le rapport Parent, dans les annexes, on voit que 60 p.c. des associations qui se sont présentées ont demandé la démocratisation et la commission scolaire unique. Les chiffres, 60 p.c, sont au journal des Débats, Si l'on ne s'entend pas sur ces quatre objectifs, si l'on discute ces quatre objectifs, prenons le bill 62 et oublions-le. Nous ne sommes pas prêts, nous, membres de l'Assemblée nationale, nous, citoyens du Québec, à accepter l'égalité des chances pour tous, à accepter que tous aient le droit de s'occuper de tout; à accepter qu'il n'y ait pas un groupe qui s'occupe de l'économique et un autre qui s'occupe des idées; à accepter, comme l'écrivait autrefois un monseigneur dans un livre qu'on apprenait au collège, qu'un certain groupe devait brasser de l'argent pendant que nous, nous devions brasser des idées.

Je ne me sens même pas le besoin de m'excuser de rappeler ces choses, ce sont des choses que je n'invente pas, qui existent et qui ont existé. Il n'y aura pas une révolution, si le projet de loi 62 est adopté; les modalités de ce projet sont toutes discutables, mais les objectifs de ce projet et certains des moyens pour y atteindre et le fait qu'il y a le projet de loi 63 qui soit maintenant une loi créent une situation qui n'est pas la situation d'il y a un an, qui n'est pas la situation d'il y a cinq ans.

Ce projet de loi vient de loin, il vient du rapport Parent, il vient des recommandations du conseil supérieur, il vient des recommandations de l'Association des éducateurs du Québec, il vient des recommandations du rapport Pagé. Et encore, quand on allègue le rapport Pagé, regardons les choses en face. Au lendemain du rapport Pagé, combien y a-t-il eu de rapports minoritaires après tout le cheminement qui avait été fait à ce comité pendant 18 mois, dont j'ai suivi les travaux, et dont je félicite d'ailleurs les membres pour le cheminement qu'ils avaient accompli? Que s'est-il produit après? Ces choses sont toutes des faits, ce ne sont pas des idées. C'est tellement vrai que si vous lisez la Loi du conseil supérieur, vous verrez que, déjà, prévoyant là le comité catholique et le comité protestant, on prévoit dans cette loi — et c'est pourquoi le projet de loi 62 emploie les mêmes termes — un enseignement catholique, un enseignement protestant et un enseignement autre. Le mot "autre" n'est pas mis là pour que le gouvernement se voile la face, il est mis là uniquement par concordance avec les lois qui existent déjà depuis le début de la réforme.

Le projet de loi 62, comme le projet de loi 63, ne fait réellement que modifier l'article qui est la clé de voûte de la vieille Loi de l'Instruction publique, l'article 203, qui impose aux commissions scolaires l'obligation de donner certains programmes. Le projet de loi 62 n'est qu'un très long amendement que peu de gens ont lu, et je félicite le député d'Ahuntsic de l'avoir lu pour pouvoir l'expliquer; ce n'est qu'un très long amendement à un seul article de la Loi de l'Instruction publique, loi qu'il faudra d'ailleurs modifier, parce qu'on ne peut pas sans cesse, pendant des années, mêler le vin vieux et le vin neuf. On ne peut pas, maintenant qu'il y a la Loi du conseil supérieur de l'éducation, la Loi du ministère de l'Education, la Loi 63, le projet de loi 62, raisonner comme si rien de cela n'avait été fait.

Récemment, lors d'une réunion conférence-débat, lorsque quelqu'un s'est mis à citer des articles de ce qu'il appelait le bill 60, alors qu'il citait la Loi de l'instruction publique. Je n'ai pas pu faire autrement que rappliquer, parce qu'il fallait quand même que l'on sache de quoi on discute, dans quel cadre on discute, à partir de quoi l'on part, où l'on s'en va, ce que l'on cherche. Je l'ai dit à quelques reprises, une minorité, présentement au Québec, a des craintes. Je constate qu'elle a des craintes. C'est peut-être salutaire de constater qu'à son tour, elle puisse évaluer les craintes que l'autre minorité, dans tout le Canada, a eues pendant x années. On ne peut pas faire des appels à l'unité dans un seul sens. Et qu'on ne parle pas de ghetto. Si on fait des commissions scolaires uniques, il n'y aura pas de ghetto. Mais si on fait la ségrégation, nous continuerons les ghettos qui existent actuellement. L'on a beau tourner les mots à l'envers, regardons la réalité en face et à partir de cette réalité, essayons, comme l'a dit le député d'Ahuntsic, de dépas-sionnaliser le débat. Si le débat se tient à partir de craintes, à partir de privilèges, à partir de situations historiques, à partir de menaces — c'est le député d'Ahuntsic qui le dit, je reprends ses mots — d'utiliser les tribunaux, je me demande comment les travaux de cette commission vont se continuer. Alors que moi-même, comme représentant du gouvernement, j'ai indiqué à plusieurs reprises, après avoir entendu des gens, que j'étais prêt à modifier ou que nous étions prêts à modifier notre attitude sur tel ou tel sujet, j'appuie entièrement ce député de l'Opposition qui dit: Messieurs faites au moins comme les politiciens, et soyez prêts, vous aussi, devant les explications qu'on vous donne, après avoir lu le journal des Débats du 27 novembre, du 11 décembre, après avoir écouté ce qui s'est dit jusqu'à présent, à modifier aussi vos attitudes.

En terminant, M. le Président, pour laisser la parole à ceux qui veulent nous donner leur point de vue, je ne puis qu'approuver le député d'Ahuntsic pour ce qu'il a fait. Je souhaite que le parti de l'Opposition le garde dans ses rangs.

M. LEFEBVRE: M. le Président, si vous me permettez juste un mot, parce que sur un tel concert d'éloges, je risque de m'évanouir. Je veux qu'il soit bien clair, parce que le ministre est un homme fort habile, je le remercie de tous ses bons mots, mais je ne veux pas qu'il y ait

d'équivoque. Je répète que nous sommes en désaccord avec lui sur un grand nombre de points concernant ce bill. Le seul point que, quant à moi, j'ai essayé de clarifier, c'était la question de dépassionnaliser le débat, parce qu'on a dit, cet après-midi, que si on avait des commissions scolaires uniques, les Anglais disparaîtraient du Québec. Il y a quelques mois, on a dit que les Français étaient pour disparaître. Finalement, il ne restera plus personne. Or, moi qui aime la compagnie, je voudrais bien ne pas rester seul dans le Québec.

Alors sur cette boutade, je répète que mon point ne visait qu'un objectif précis, mais que le ministre ne se fasse pas d'illusion, qu'il ne pense pas que c'est le mariage d'amour entre l'Opposition et le gouvernement, parce que nous sommes prêts à faire une lutte et une lutte dure, mais sur des questions, si vous voulez, qui ne sont pas des questions passionnelles. Nous croyons que certaines modalités du bill ne rejoignent pas les objectifs qu'il a mentionnés. Là-dessus, nous sommes prêts à nous battre assez durement. Seulement, encore une fois, nous espérons ne pas dépasser les bornes des choses raisonnables et j'espère que tous ceux qui participent au débat feront la même chose.

M. CARDINAL: Sur cela, je suis d'accord. C'est le rôle de l'Opposition de s'opposer.

M. LE PRESIDENT: Alors le député de Notre-Dame-de-Grâce a la parole.

M. TETLEY: M. le Président, brièvement, je ne partage pas exactement l'opinion du député d'Ahuntsic et surtout des remarques qu'il vient de faire au sujet d'abord des professeurs.

Ce n'est pas le ministre qui fait le choix des manuels ni le choix des professeurs.

M. CARDINAL: Je m'excuse mais, d'après la Loi de l'instruction publique, les manuels, les crayons, les cartes géographiques, les boules terrestres, etc., ce n'est pas le ministère, c'est le ministre qui les approuve.

M. TETLEY: Oui, mais ce n'est pas vous qui décidez qu'un tel professeur est acceptable ou non, vous laissez ça aux commissions scolaires qui, à l'heure actuelle, sont protestantes ou anglophones et, de l'autre côté, sont catholiques ou françaises. Aujourd'hui, suivant votre tableau, que j'admire beaucoup, M. le député d'Ahuntsic, vous avez modifié ces deux commissions scolaires marquées CS, CS; elles ne sont toutes deux ni anglophones ni francophones aujourd'hui; suivant votre formule ou celle du bill 62, elles sont tout simplement neutres, c'est-à-dire à majorité francophone dans neuf cas et à majorité anglophone dans deux cas. C'est un changement grave et énorme que de faire un tableau comme ça.

M. LEFEBVRE: Mon cas devient grave, si je suis contesté dans mon parti et approuvé par le ministre. Ce ne sera pas la première fois, je suis habitué aux situations dramatiques.

M. TETLEY: Si vous permettez, je n'ai pas terminé.

M. LEFEBVRE: Me permettez-vous de donner une explication? Parce qu'il y a quelque chose ici...

M. TETLEY: Non. Un instant, je voudrais dire que j'ai bien aimé vos remarques au sujet des personnes passionnées, mais je ris un peu ici; j'ai noté que les deux personnes les plus passionnées aujourd'hui ont été vous et votre nouvel ami le ministre.

M. LEFEBVRE: Bon. Il y a de bons moments en politique, contrairement à ce que pensent les gens. Mais, je m'explique, pour l'édification de mon collègue; j'ai voulu être très rapide et je ne me pense pas non plus le meilleur expert en ce qui concerne le ministère de l'Education, mais disons que je connais ça un petit peu. Ce que j'ai voulu indiquer —j'ai peut-être été trop rapide — c'est ce que vous avez ici: CC, c'est le comité catholique et CP, le comité protestant. J'ai passé là-dessus tout à l'heure, parce que j'étais gêné d'être en avant, je suis un garçon timide de nature. Mais, voyez-vous, c'est qu'actuellement le caractère confessionnel des écoles est garanti en vertu de la Loi du ministère et de la Loi du conseil supérieur, sous la surveillance de ces deux comités. Bien, écoutez, qu'on me corrige.

M. CARDINAL: Je n'hésiterai pas à vous corriger.

Ils sont garantis par deux choses: La structure du gouvernement est neutre, l'Assemblée nationale, la structure du ministère est neutre, sauf qu'il y a le sous-ministre associé catholique et le sous-ministre-associé protestant, et au conseil supérieur, le comité catholique, qui approuve les programmes, les manuels...

M.LEFEBVRE: C'est ça.

M. CARDINAL: Qui reconnaît des écoles comme catholiques ou protestantes, qui a adopté à cette fin des règlements qui d'ailleurs n'ont jamais été en vigueur. Et il y a le comité protestant qui fait de même.

M. LEFEBVRE: Vous ne me corrigez pas, vous m'approuvez.

M. CARDINAL: D'ailleurs, s'ils ne veulent pas vous garder, je vous invite.

M. LEFEBVRE: Tout ce que j'ai voulu dire, M. le Président, et je m'excuse d'avoir offensé certains de mes doctes collègues, c'est que, déjà, dans les structures de notre système d'éduca-

tion, telles que décrétées par notre Parlement québécois, nous avons confié au gouvernement des responsabilités considérables; il y a en fait une seule chose que j'ai affirmée; je n'ai même pas pris position à savoir s'il nous fallait des commissions scolaires françaises ou anglaises, à la formule Pagé, avant qu'il change d'idée, ou s'il nous fallait des commissions scolaires catholiques et protestantes, à la formule Bouchard; je ne me suis pas prononcé là-dessus, j'ai simplement dit: Quant à moi, il me semble que ce n'est pas la peine de déchirer ses vêtements.

Je vois un homme calme comme M. François-Albert Angers, que nous allons entendre tout à l'heure, je suis sûr qu'il ne sera pas passionné, lui non plus.

C'est le seul point, M. le Président; je m'excuse si mon exposé a été imcomplet; encore une fois, le seul point important, c'était qu'il me semble y avoir des choix discutables sans qu'il soit nécessaire de jeter la province par terre; c'est tout ce que j'ai voulu dire.

M. TETLEY: Il y a aussi les questions de confessionnalité qui ont tout changé.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous entendrons...

M. CARDINAL: Justement à ce sujet-là, j'ai entendu quelqu'un, de l'autre côté de cette barre, et j'ai rencontré de nombreuses personnes. Encore une fois, nous allons, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, regarder les choses telles qu'elles sont. Parlons de la foi ou de la confessionnalité, que les mots soient français ou non.

A) A Montréal, (je ne parle pas de la province) sauf le Protestant School Board of Greater Montreal, sauf la CECM et sauf, peut-être — je mets un point d'interrogation, je vérifierai — la commission scolaire catholique de la ville de Saint-Laurent qui a une charte spéciale, toutes les autres commissions scolaires sont communes au sens de l'article 1 de la Loi de l'instruction publique, c'est-à-dire qu'elles admettent tous les étudiants, tous les élèves, quelle que soit leur confession, sauf le droit de dissidence qui ne s'est jamais exercé, à ma connaissance, à Montréal.

B) Le mot "protestant" à Montréal, depuis 1904 ou 1905, je m'excuse de ne pas avoir la date précise, ne signifie plus protestant. Les catholiques romains sont tous ceux qui, au sens du droit canonique, ont été baptisés dans l'église catholique romaine, apostolique, catholique, etc.; tous les autres sont des protestants, c'est-à-dire que les Grecs orthodoxes sont des protestants, que les

Coptes sont des protestants, que les Juifs sont des protestants, que les agnostiques sont des protestants. Il reste quand même de la place pour les vrais protestants qui ont quitté l'Eglise catholique au XVIII siècle, au moment de la Réforme.

Protestant veut dire multiconfessionnel ou neutre, selon que l'on accepte le mot ou pas. M. Peter White — qui pourra me corriger — a dit lui-même, un mercredi soir au couvent de Saint-Albert-le-Grand, que les Anglo-protestants ou les anglophones, je ne me souviens plus, ne désiraient pas d'écoles protestantes. Au ministère et au gouvernement, chaque année, nous adoptons des arrêtés ministériels pour abolir les écoles protestantes à travers la province parce qu'il n'y a plus grand monde qui veut des écoles protestantes, l'université McGill n'est plus une université protestante, pas plus que l'Université de Montréal n'est encore une université catholique.

Là encore, qu'on me parle de la foi, d'accord, mais qu'on ne me parle pas à partir de ce qui existait avant 1904 alors que nous sommes en 1970. Je m'excuse d'apporter si brutalement cette précision, mais allons plus loin. J'ai de nombreuses lettres au ministère, et je pourrai les apporter devant cette commission, de parents catholiques qui me demandent si, en vertu du projet de loi 62, ils pourront inscrire leurs enfants dans le secteur "autre". Je me demande — je ne veux pas être prophète, si le projet de loi 62 est adopté, avec ou sans amendement, M. le député d'Ahuntsic — si dans un temps X le secteur le plus important ne sera pas le secteur "autre", parce que les Juifs y seront chez eux, que les protestants y seront chez eux, parce que ceux qui sont d'autres religions que la religion catholique romaine y seront chez eux, et qu'à Montréal ces gens-là constituent de plus en plus un groupe excessivement important.

En plus de cela — je le disais cet après-midi et j'y reviens — qu'est-ce que le comité catholique a fait vis-à-vis de la réglementation de l'enseignement catholique dans les écoles dites catholiques, même si, juridiquement, elles ne le sont pas?

A) Il a donné la permission aux parents de demander, si leurs enfants ou si eux ne le désirent pas, qu'il n'y ait pas d'enseignement catholique ou d'enseignement religieux.

B) Il a aboli le catéchisme; disons les mots, il l'a aboli. J'ai cinq enfants dans le système scolaire, à tous les niveaux. On ne me fera pas croire des choses qui n'existent pas.

M. LEVEBVRE: Il l'a remplacé par la catéchèse.

M. CARDINAL: Il l'a remplacé par la catéchèse. La catéchèse, c'est quoi? Ce n'est pas un enseignement, ce n'est pas un système d'examen, ce n'est pas un système de structure. Ce sont deux volumes dont l'un appartient aux parents et l'autre aux enfants. Ce sont les parents qui ont l'obligation de l'enseigner ou de ne pas l'enseigner. Je n'ai pas de chiffres sur ceux qui l'enseignent ou pas. J'ai des amis et je sais ce qui se passe.

M. LEFEBVRE: Vous allez demander aux gens de lever la main, peut-être.

M. CARDINAL: Je ne le demanderai pas. Encore une fois, regardons les gens de Montréal comme ils sont aujourd'hui et ce qu'ils désirent depuis cinq ans, si ce n'est pas dix ans.

Et ne disons pas: Moi, je suis membre d'une association qui représente 20,000 personnes, dont 18,000 en dehors de Montréal. Nous parlons du projet de loi 62 qui s'applique à Montréal. Ah qu'on a des craintes que ce projet ait valeur exemplaire pour le Québec! C'est drôle. A côté de Montréal, il y a une île qui s'appelait autrefois l'Ile-Jésus et qui s'appelle Laval aujourd'hui. C'est le seul endroit où toutes les municipalités ont été abolies et remplacées par une seule municipalité, celle de Laval.

Peut-être que, si j'avais été plus fin, j'aurais commencé la réorganisation scolaire par Laval, où déjà il y a la réorganisation municipale et où il existe encore je ne sais pas combien de commissions scolaires. Alors qu'on vient d'adopter une loi à l'Assemblée nationale — ce n'est plus un projet de loi du gouvernement à ce moment-là, c'est une loi du Parlement — sur la Communauté urbaine de Montréal, alors...

M. LEFEBVRE: Excusez-moi, c'est parce que ça m'intéresse terriblement. J'ai hâte de voir ce que le ministre va dire.

M. CARDINAL: Non, non. Alors qu'on est en discussion — et ce n'est pas réalisé — pour une communauté qui sera encore plus, je dirai concrète et où un certain nombre d'entraves, sinon de clôtures disparaîtraient, la réorganisation scolaire de Montréal se présente. Je m'élève quand même contre une chose qu'a dite le député d'Ahuntsic. Ce n'est pas par hasard que les divisions en onze territoires ont été faites. C'est à la suite d'études qui viennent d'ailleurs du rapport Pagé, études au ministère et études en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. Encore là, je le dis tout de suite: La carte peut être corrigée. Il y a des raisons pour qu'elle soit corrigée, d'ailleurs; en vérifiant sur la carte, on s'est aperçu qu'à un moment donné il y avait une frontière et que toutes les écoles étaient de l'autre côté de la frontière. On va s'asseoir, on va regarder ça, puis on va corriger ça.

Qu'on ne s'accroche pas, comme a dit un membre de l'Opposition, dans les fleurs du tapis. Qu'on ne s'accroche pas dans les détails, qu'on ne s'accroche pas dans les idées, qu'on ne s'accroche pas dans les préjugés, qu'on ne s'accroche pas dans les passions, qu'on ne s'accroche pas dans les craintes, qu'on regarde ce qui existe à Montréal et ce qui existera après le projet de loi 62, dans ses objectifs et non pas dans ses moyens.

Et le dernier mot que je dis en terminant, M. le Président, c'est qu'il existe maintenant trois groupes qui s'occupent d'éducation — et là, je le dis au début de ce débat — les parents, en autant qu'ils ont pu participer jusqu'à présent à Montréal à ce qui se faisait, les enseignants, on ne peut certainement pas nier ça, on pourrait discuter longtemps s'ils représentent ou ne représentent pas les parents, parce qu'à partir de certaines idées tout le monde représente tout le monde. On ne finit pas de remonter dans la chaîne.

Il y a un troisième organisme qui s'occupe de l'enseignement, qui s'occupe de l'éducation, qui s'occupe de l'instruction, c'est l'Etat. Qu'on cesse au Québec d'avoir des craintes de l'Etat. Que l'on vive vraiment la démocratie. Ce n'est pas parce que l'Etat mettra là-dedans $300 millions, ce n'est pas ça la raison. C'est parce que l'Etat y est déjà par le ministère de l'Education. Il y est déjà, parce que les citoyens, avant d'aller dans la lune, puis avant de mourir, ils vivent sur la terre, ils vivent sur un territoire qui est celui du Québec. Ils vivent dans une société où l'économie a son importance, où la technologie a son importance, où certaines valeurs civiques ont leur importance, mais pas à l'exclusion des autres valeurs. En temps et lieu, je m'exprimerai relativement au rôle de l'Etat quant aux valeurs culturelles, aux valeurs religieuses.

Mais, si au départ on n'accepte pas les quatre objectifs prévus par le projet 62, le rôle des parents, celui des enseignants et le rôle de l'Etat, on va avoir des discussions laborieuses et difficiles. Ceci étant dit, M. le Président, c'est le député d'Ahuntsic qui m'a provoqué; il a été très gentilhomme, mais son exposé m'a conduit sur ce terrain qui m'a permis quand même d'exprimer un certain nombre d'idées qui ont servi de base à la rédaction du projet de loi 62. Encore une fois, nous vous écoutons, parce que les modalités sont des moyens et non pas des fins. Mais les fins ont été exprimées et ces fins constituent la substance du projet de loi. Si on

ne les accepte pas, nous discuterons en vain. Merci, M. le Président.

M. TREMBLAY (Montmorency): Le ministre a parlé de cette désaffection du citoyen montréalais vis-à-vis de ce qu'on peut appeler la question confessionnelle et aussi vis-à-vis de la question démocratique, soit la représentation au sein des organismes tels que les commissions scolaires. Sur la première question dont il a parlé assez longtemps, vous savez que nos mécanismes démocratiques sont en apparence démocratiques, mais ne semblent pas répondre chez le peuple à ce que les leaders au sein du gouvernement prétendent connaître de la démocratie. Ce n'est pas seulement à Montréal, c'est aussi dans toutes nos petites municipalités rurales où autrefois il y avait trois, quatre candidats pour chaque poste à remplir.

Aujourd'hui, on n'en trouve plus parce que ces gens ont la conviction d'être des pions et de ne plus rendre service à leurs citoyens. En effet, les décisions leur sont dictées d'en haut, dans un Etat technocratique, et ils doivent les accepter. Cet éloignement du citoyen vient d'un manque de confiance envers la démocratie. Le citoyen ne veut plus prendre ses responsabilités, parce qu'on ne lui permet plus de les prendre. Vous êtes obligés de nommer 82 p.c. des commissaires. C'est un peu la faute de l'Etat si les citoyens ne veulent plus prendre de responsabilités, parce que ces responsabilités, on ne les leur donne pas entièrement. On leur met très souvent des bâtons dans les roues dans les administrations locales et même à l'échelon de la province.

Tout à l'heure, j'entendais le ministre parler de la question confessionnelle. La désaffection, une catastrophe! En fait, il semble ignorer cette majorité silencieuse dont tout le monde parle actuellement, dont tout le monde veut se faire l'écho ou le porte-parole. Ceux qui ne parlent pas, ils sont nombreux. Ils ont un sens confessionnel aussi et vous les ignorez. Vous faites des structures, vous y placez des grands mots que personne ne comprend et qui apportent de la confusion dans le peuple. Personne ne sait où il va dans ces mécanismes...

M. CARDINAL: Quels grands mots?

M. TREMBLAY (Montmorency): ... qui semblent très savants. Alors, ne soyez pas surpris si, dans les différents milieux scolaires, les gens ne sont plus intéressés et ne comprennent plus rien à ces superstructures que vous renouvelez et que vous changez sans cesse. Je pense qu'au point de vue confessionnel on serait mieux de s'arrêter un moment à cette majorité silencieuse qui ne parle pas, qui souffre intérieurement, qui désire mais ne peut pas s'exprimer, surtout dans le domaine confessionnel. Il n'y a pas seulement des associations. Il y a des parents qui, eux, s'expriment par l'inter- médiaire de petits groupes qui se réunissent un peu partout dans la province. Il y a des enseignants qui osent parfois exprimer leurs opinions. Il y a l'Etat fort, tout-puissant, qui a toujours le dernier mot, qui adopte des lois qu'on doit accepter et qu'il serait criminel de ne pas appliquer ensuite.

Je ne pense pas, en fait, qu'on doive définir ces questions très sérieuses dont on parle ce soir. On a parlé de confessionnalité. C'est plus sérieux, en définitive, que la désaffection dont parlait le ministre, tout à l'heure. Les protestants, il y en a encore. Il y a encore des coptes, des juifs, des gens qui sont profondément religieux. Il faut tenir compte de leurs opinions. Il y a aussi des catholiques pratiquants. L'école multiconfessionnelle, l'école neutre, le pluralisme, ils ne comprennent peut-être pas ce que c'est. Ce qu'ils veulent, ce sont des écoles catholiques, ce sont des écoles de foi juive, ce sont des écoles coptes. Nous, au Québec, avec le sens démocratique dont nous nous targuons et dont nous nous vantons tant, je pense que nous devrions leur donner ces écoles confessionnelles. La question financière, c'est un épouvantail. On dit: Cela va coûter cher. Qu'on me le prouve que ça va coûter si cher que ça. Je sais que vous êtes mécontent, M. le ministre, de l'administration de la CECM à Montréal. Vous pensez qu'il se passe là des scandales, du patronage, du favoritisme, parfois éhonté. Vous le savez, mais vous ne l'avez jamais dénoncé. Tout de même, vous présentez le bill 62, vous faites une restructuration, comme vous le dites, et vous centralisez tout. Du même coup, sous le prétexte d'assainir l'administration des commissions scolaires de la région de Montréal, vous faites disparaître cette notion de la confessionnalité.

Vous dites: Les citoyens qui le désirent viendront, par l'intermédiaire de leur comité de citoyens, réclamer cette confessionnalité et, tous les ans, nous la leur accorderons au début de l'année scolaire. Vous nous proposez un système qui n'a pas de sens, un système où, encore là, le citoyen va manifester sa désaffection, un système auquel le citoyen ne participera pas, un système qui va devenir antidémocratique. Sur cette question confessionnelle, j'aurais une question à vous poser, M. le ministre. Vous parlez de l'article 13 du rapport Parent. Acceptez-vous intégralement le rapport Parent?

M. CARDINAL: Non.

M. TREMBLAY (Montmorency): Bon. L'article 13 dit ceci: "Nous recommandons que soient abrogées les dispositions de la loi qui attribuent au comité confessionnel le pouvoir de reconnaissance des établissements d'enseignement comme catholiques ou comme protestants." C'est cité dans le texte, à l'article 13.

Tout de même, vous l'appliquez tellement que vous le dépassez, le rapport Parent; c'est encore une autre recommandation que je pense, vous allez mettre en application tôt ou tard, que vous allez nous amener petit à petit, d'une façon très aimable avec de belles paroles et puis... bon, "je ne pense pas ça ce n'est pas comme ça". En définitive, c'est toujours ça et on s'en va vers l'école neutre, mais la majorité n'en veut pas de cette école neutre. Il y en a qui ne veulent plus d'écoles confessionnelles, mais la majorité en veut de cette école confessionnelle; alors, messieurs, vous allez appliquer ce rapport Parent; si vous l'appliquez intégralement et si vous le dépassez comme vous l'avez fait sur certaines questions, nous allons y arriver tout à l'heure avec un système neutre, et vous allez porter atteinte aux libertés démocratiques de la majorité, qui, ces majorités, veulent l'école confessionnelle.

Vous éludez la question pratiquement tout le temps; vous l'éliminez; vous en parlez très peu; vous dites: Nous prévoyons des mécanismes dans notre loi; nous avons une loi qui est magnifique. Il y a des questions fondamentales; je n'y reviendrai pas, mais, cette question-là, vous ne voulez pas y revenir; enfin, M. le député d'Ahuntsic en a parlé un petit peu, et, de toute façon, je pense bien qu'il va falloir vider la question une fois pour toute, M. le ministre. Il va falloir que vous donniez de véritables garanties aux groupes qui viennent ici exposer leurs problèmes, leurs craintes et qui désirent, en définitive, des améliorations à ce bill 62. Nous ne l'acceptons pas; les catholiques ne l'acceptent pas; les protestants ne l'acceptent pas; les Anglo-Saxons ne l'acceptent pas; les Canadiens français ne l'acceptent pas; ce sont toutes des associations respectables qui viennent ici avec une connaissance et une compétence que nous devons leur reconnaître par l'exposé qu'ils nous font des faits et des choses.

Je pense qu'on doit prendre au sérieux, en fait, ce qu'ils demandent et ce qu'ils exposent. Je pense que cette majorité, vous devez l'écouter; ces groupes dont vous avez parlé tout à l'heure, les parents, les enseignants, ça exprime peut-être l'opinion de pointe d'un certain noyau d'individus plus compétents que les autres, qui ont appris à s'exprimer. Mais il y a aussi toute cette masse, les 80 p.c. de catholiques — les 15 p.c. de protestants — les 2 p.c. ou 3 p.c. il y a peut-être 2 p.c. de neutres, monsieur; il y en a peut-être un peu plus dans la région de Montréal; il y a peut-être 2 p.c. de neutres dans la province de Québec.

Je pense que vous exagérez les faits tout simplement; vous faites même un certain prosélytisme vis-à-vis du neutralisme dans les questions éducationnelles.

M. le ministre, si vous voulez répondre aux questions que je vous pose, j'ai des "colles" à vous poser; j'attends enfin les exposés de ces gens qui viennent ici et qui s'expriment bril- lamment; j'ai des "colles" à vous poser et vous allez me répondre. Je vous parle ici de la question confessionnelle; ne cherchez pas à l'éluder; la question est posée, répondez-y. J'ai d'autres questions à vous poser.

M. CARDINAL: Si vous me le permettez, je pourrais répondre en deux mots, si l'on peut faire rejouer le ruban du journal des Débats. L'on a dit que je faisais disparaître l'école confessionnelle; le député de Montmorency peut lire le bill; au contraire, il y aura des écoles catholiques, protestantes et autres, ce que l'on fait disparaître, c'est l'apparence, et je resouligne, "l'apparence" de confessionnalité des commissions scolaires, alors qu'il y en a deux et peut-être trois qui soient catholiques ou protestantes, à Montréal.

Je réponds ici, je pense, avec précision.

M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer aux membres de cette commission que nous sommes des résidents du Parlement et que nous aurons l'occasion d'exprimer ou d'échanger des idées. Nous avons invité des organismes, il est déjà 9 h 15 et nous avons quatre mémoires à entendre; si vous le voulez bien, nous allons entendre le Presbyterian college of Montreal et le United Church of Canada.

MR. STANLEY: I thought you would never ask.

Je suis d'accord, M. le Président, avec vos sentiments bien exprimés.

M. CARDINAL: Je m'excuse, est-ce que vous pourriez donner votre nom pour le journal des Débats?

M. Malcolm Stanley

M. STANLEY: Oui, certainement, M. le Président, M. le ministre, Mme Kirkland-Casgrain, messieurs. Je vous remercie de votre invitation gracieuse à participer aux séances d'aujourd'hui et je vous présente les membres de notre équipe, qui représentent les consistoires de Montréal de l'Eglise presbytérienne au Canada et de l'Eglise unie du Canada. Ce sont à ma gauche, le révérend Keith Eddy, à droite le docteur Scobie, et à ma droite immédiate, M. Danford De Silva. Je m'appelle Malcolm Stanley.

Nous venons, ce soir, comme représentants, comme j'ai dit, pour deux causes, comme des Anglais, c'est-à-dire des enfants gâtés, et comme représentants des églises protestantes.

Nous avons parlé cet après-midi des pauvres et des riches; nous venons comme représentants des églises pauvres.

Maintenant, je veux vous demander, M. le Président, si vous n'avez aucune objection à ce que nous parlions anglais de notre côté. Nous pourrions bien continuer comme cela et essayer

de parler français, mais je suis convaincu que les francophones aimeraient mieux écouter de l'anglais que du français à la manière de Diefenbaker.

M. CARDINAL: As you like it, as would say Shakespeare.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes un Québécois...

M. STANLEY: Merci bien. Pour commencer, je pense que je dois vous présenter notre mémoire et je demanderais à M. De Silva de le lire. Nous ajouterons ensuite des commentaires.

M. Donford De Silva

M. DE SILVA: Monsieur le Président, monsieur le Ministre, Madame Kirkland-Casgrain, Messieurs. Au nom des Consistoires de Montréal de l'Eglise Presbytérienne au Canada et de l'Eglise Unie du Canada, nous soumettons ce mémoire sur le projet de loi 62, Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal.

Nous sommes très conscients du fait que la minorité anglophone de la province de Québec a su, au cours des temps, établir dans la province un bon système d'éducation. Nous sommes convaincus que ce système a joué et joue encore un rôle prédominant dans la protection ainsi que dans le développement de la culture de la langue anglaise. Nous sommes de ce fait très reconnaissants de l'appui et de l'encouragement reçus par le passé de sources diverses et surtout du gouvernement de la province de Québec.

Nous admirons et nous supportons les efforts déployés par le secteur canadien-français pour faire face aux dangers qui le menacent et pour protéger et développer à la fois son identité, sa langue et sa culture. Nous notons à cet effet que la communauté canadienne-française a toujours fortement insisté pour être en droit de contrôler son propre système d'éducation.

Nous reconnaissons que le projet de loi 62 contient certaines dispositions qui sont très bonnes et qu'il préconise des réformes qui auraient dû s'effectuer depuis fort longtemps, telles que la création d'un conseil scolaire pour l'île de Montréal chargé d'égaliser le taux des taxes et le taux de l'évaluation foncière, d'assurer le service de planification et d'autres services; l'institution de commissions scolaires élues; la participation des parents par l'intermédiaire des comités d'école.

Quant au but avoué du projet de loi 62 d'améliorer le niveau d'enseignement et d'offrir les mêmes chances à tous en éducation, nous le supportons et l'appuyons pleinement.

Cependant, nous devons souligner que le projet de loi 62 contient certaines stipulations qui nous inquiètent et qui nous déçoivent.

Selon le projet de loi 62, le conseil scolaire se composera de quinze membres, tous nommés sur la recommandation exclusive du ministre de l'Education. Ceci, à notre grand regret, pourrait donner lieu à des immixtions politiques regrettables et n'offre aucune garantie quant à une représentation éventuelle de la communauté anglophone auprès du conseil scolaire de l'île. Bien que onze des membres soient choisis parmi les commissaires des commissions scolaires régionales, ils ne sont point responsables devant ces commissions.

Nous recommandons fortement que le Conseil scolaire de l'île se compose de représentants élus par et parmi les membres des commissions scolaires.

Nous nous déclarons en faveur de l'élection des membres des commissions scolaires, mais demandons que l'exigence de la citoyenneté soit révoquée.

Nous ne saurons nous déclarer en faveur des onze commissions scolaires unifiées préconisées, et ceci pour les raisons suivantes:

Afin de garantir un enseignement en français et un enseignement en anglais, chaque commission scolaire devra créer et financer deux corps d'administrateurs et d'enseignants, ce qui représente un total de 22 structures administratives, chacune responsable en plus d'assurer un enseignement catholique romain, protestant et non confessionnel. Une telle structure s'avérerait encombrante et onéreuse. En plus, l'effectif scolaire anglophone des commissions scolaires I - III - V - VII - IX et XI prévues dans le projet de loi n'est pas suffisant pour garantir l'établissement et le maintien d'un système d'éducation moderne. Nous sommes loin de croire que le projet de loi accorde assez de garanties à l'enseignement anglophone sous chacune des onze commissions scolaires. Nous craignons fortement que le projet de loi puisse mener vers la création de ghettos, car les parents anglophones auront tendance à s'établir dans deux ou trois districts distincts pour y former une majorité.

Nulle part dans le projet de loi 62 n'est-il fait mention d'un programme anglophone, de la langue des enseignants ou même du choix de livres en anglais. Il n'existe aucune garantie pédagogique concernant l'enseignement en anglais, à part la mention relative au choix de la langue d'instruction pour chaque élève qui se trouve dans la loi 63. Nous affirmons et maintenons que le seul droit à un enseignement en anglais reste sans valeur réelle si, en même temps, le droit d'exercer un contrôle direct sur la nature et le contenu des programmes et de l'enseignement n'est pas spécifiquement accordé.

Afin d'offrir toutes les garanties nécessaires à la fois aux parents et aux enfants francophones et anglophones, nous recommandons l'établissement d'un système de neuf commissions scolaires de langue française et de quatre commis-

sions scolaires de langue anglaise, conformément aux recommandations du rapport Pagé. Nous recommandons, de même, que le contrôle des programmes et de l'enseignement soit accordé à des commissions scolaires dûment élues et de la même langue que celle des écoles qu'elles administrent.

Nous soutenons le droit des parents des commissions scolaires, francophones et anglophones, de pouvoir choisir entre des écoles catholiques, protestantes ou non confessionnelles. Nous nous permettons, néanmoins, d'attirer votre attention sur le sort de la communauté franco-protestante qui, en ce moment, est desservie par trois écoles élémentaires et une école secondaire. Ces écoles seront toutes éliminées lors de l'application des clauses du projet de loi 62. Alors que cette communauté est certes faible numériquement, nous recommandons pourtant instamment que le projet de loi 62 soit amendé pour permettre aux Franco-protestants de continuer de jouir de leurs droits et de leurs avantages acquis. Merci.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: M. le Président, je remercie les Consistoires de Montréal de ce mémoire. Je n'aurai que deux commentaires, car il y a deux choses qui me frappent dans ce mémoire.

En premier lieu, je ne puis que féliciter le consistoire de rappeler le droit des parents protestants francophones à des écoles. L'on sait que de ce côté, depuis de nombreuses années, la CECM, commission scolaire unique catholique et française, a sans cesse augmenté le nombre des écoles de langue anglaise catholique. Ce nombre, que je n'ai pas sous la main, dépasse certainement 30, s'il n'atteint pas 40. L'on indique dans ce mémoire que, justement, la communauté franco-protestante est actuellement desservie par quatre écoles, trois au niveau élémentaire et une au niveau secondaire protestant-français.

L'on affirme, dans ce mémoire, que ces écoles disparaîtront. Il faudrait s'entendre sur le mot école. J'ai déjà apporté une précision, à leur séance du 11 décembre 1969, sur la définition de "l'école". Le mot école, dans le projet de loi 62, a deux sens. Mais il y a un sens qui est important, c'est que l'école, c'est une communauté d'élèves sous une direction pédagogique donnée dans une foi déterminée.

Alors même si quatre écoles disparaissaient, c'est-à-dire, quatre édifices où l'on reçoit des Franco-protestants, il est au contraire à prévoir le nombre de communautés d'étudiants. Le nouveau sens de la loi pour le mot école ne ferait que s'augmenter. Si l'on connaît bien Montréal, l'on sait qu'une forte immigration venant de l'Europe centrale, venant de l'Asie centrale, comprend beaucoup de gens qui sont de culture latine et de religions autres que catholique et qu'ils ont été, jusqu'à présent, tenus par les structures de Montréal d'aller à l'école protestante et de n'avoir que trois écoles élémentaires et une école secondaire de langue française. Je comprends cette crainte mais le dynamisme des communautés, avec un projet comme le projet 62, m'inciterait plutôt à croire que le nombre de communautés d'élèves francophones protestants ne pourrait que s'accroître si tel est le désir des parents au niveau du comité d'écoles.

Encore une fois, c'est l'école qui sera confessionnelle. La deuxième remarque s'applique à ce qui est écrit au début de la page 4: "Nous affirmons et maintenons que le seul droit à un enseignement en anglais reste sans valeur réelle si, en même temps, le droit d'exercer un contrôle direct sur le contenu des programmes et de l'enseignement n'est pas spécifiquement accordé."

Je reviens sur ce qu'a dit le député d'Ahuntsic, je reviens sur l'article 203 de la Loi de l'instruction publique, je reviens sur l'économie générale du Conseil supérieur de l'éducation. Les programmes n'appartiennent plus aux commissions scolaires. D'après le projet de loi 62, l'article est clair: On dit: Les commissions scolaires, doivent donner l'enseignement catholique, l'enseignement protestant, etc. D'après la loi 63, on dit: Les commissions scolaires doivent donner un enseignement français. Néanmoins, ceux qui désirent un enseignement en anglais, la commission scolaire doit le donner. Les programmes sont établis par le ministère, sont approuvés par le comité catholique, par le comité protestant. Avec le projet de loi 62, conformément à ce qui existe déjà comme dispositions dans la Loi du conseil supérieur, tant pour le secteur catholique que pour le secteur protestant et que pour les secteurs que l'on appelle autres, c'est le ministère qui fera les programmes, et les commissions scolaires devront les appliquer.

Encore une fois tantôt j'ai dit: Regardons la réalité en face. D'accord, dans le système actuel, des commissions scolaires ont fait leur propre programme en dehors des règles légales, en dehors des règlements, en dehors des mécanismes qui existent. Cela a été le cas de Saint-Léonard, par exemple. Ce n'est que lorsque le problème est sorti que l'on s'est rendu compte qu'il existait là-bas un programme non approuvé parce qu'il n'y a jamais eu de programme bilingue au ministère de l'Education.

C'est là qu'est la garantie: ce n'est pas laissé à l'instance locale, à un groupe qui, un jour, veut être dissident, à un groupe qui, un jour, veut imposer une politique.

La planification est à deux niveaux, au niveau du ministère et du Conseil supérieur de l'éducation pour les programmes et au niveau du Conseil métropolitain pour la coordination. La commission scolaire a une liberté dans l'application de ses programmes, d'accord.

C'est-à-dire que les programmes sont en vue d'un examen donné, et l'on sait qu'aujourd'hui tous les diplômes, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, jusqu'au niveau collégial inclusivement, sont des diplômes d'Etat, des diplômes décernés par l'Etat.

D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes en retard. C'est parce que maintenant tout nous vient de là. J'apporte quand même ces précisions, ce qui ne détruit en rien les préoccupations du consistoire, mais ce qui pourrait peut-être aider à comprendre ce qui se passe et à dissiper certaines craintes. Mon but n'est pas ici de m'opposer à ce mémoire, mais d'expliquer ce qui se passe actuellement et ce qui se passera après l'adoption du projet de loi quant aux programmes, quant à l'existence d'écoles francophones protestantes.

On ne peut pas, en même temps, nous dire qu'il faille, je ne sais pas, quatre, six, huit ou seulement deux systèmes. Par l'addition des mémoires devant nous, selon les préoccupations, selon les soucis de ceux qui les présentent, on les exige tous, ces systèmes. Le projet de loi 62 n'en exclut aucun. Je ne répéterai pas tout ce qui a déjà été dit à ce sujet. Je voulais quand même, comme contribution à la discussion, donner ces commentaires.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter les membres du Consistoire de l'église presbytérienne pour le ton serein, objectif et non passionnel de leur mémoire. Quant à moi, je crois qu'à la page trois ils ont mis le doigt sur l'un des problèmes les plus difficiles que nous ayons à régler dans la discussion de ce bill. Je me réfère au paragraphe suivant, je me permettrai d'en donner lecture, il est bref: "En plus, l'effectif scolaire anglophone des commissions scolaires 1, 3, 5, 7, 9 et 11 prévu dans le projet de loi n'est pas suffisant pour garantir l'établissement et le maintien d'un système d'éducation moderne."

Justement, si on me permet, je vais le faire très brièvement. Ici, j'avais inscrit, tout à l'heure, dimensions minimales.

M. CARDINAL: Pardon, M. le député d'Ahuntsic, pour le journal des Débats il faut...

M. LEFEBVRE: Je vais revenir, je vais vous éviter ma démonstration. Le problème est là. Quand vous lisez le bill 62 et quand vous regardez la carte qui est divisée, pour ma part j'en ai également discuté avec un certain nombre de gens à Montréal qui ont une grande expérience dans l'administration scolaire, et il n'y a aucun doute possible que cette citation que j'ai faite met le doigt sur un problème très réel. C'est-à-dire que si vous voulez avoir un système qui fonctionne, il faut que chacune des unités de ce système ait la dimension minimale nécessaire pour assurer l'infrasctructure minimale qui fera fonctionner l'affaire.

Je m'excuse auprès du député de Montmorency, qui n'aime pas les mots savants, mais c'est comme cela qu'il faut appeler cela, parce que c'est comme cela que ça s'appelle. Si vous n'avez pas un nombre suffisant d'élèves pour avoir, par exemple, des services auxiliaires sur le plan pédagogique, pour avoir les services d'orientation, pour avoir les services d'aide à l'enseignement, alors vous avez un enseignement déprécié. Là-dessus, vous avez tout à fait raison.

Encore là, je ne veux pas, ce soir, vendre une thèse ou une autre. J'aimerais contribuer modestement à éclaircir là où sont les vrais problèmes. Je trouve que vous y avez contribué vous-mêmes et je vous en félicite. Soit en établissant des commissions scolaires françaises, d'une part, et anglaises, de l'autre, et en découpant vos territoires de façon que chaque unité anglaise ou française ait cette dimension minimale nécessaire pour assurer un service, vous pouvez y arriver de cette façon-là.

Vous pouvez également, encore une fois je ne prends pas position, mais j'affirme avec assez d'assurance que vous pouvez également arriver au même objectif en ayant des commissions scolaires uniques, c'est-à-dire couvrant à la fois les écoles françaises et anglaises, pourvu que votre territoire soit taillé de telle sorte que vous ayez, à l'intérieur de ce territoire, des regroupements constituant des unités minimales viables. Je pense que, là, il y aura moyen de discuter, quand nous serons rendus à la discussion article par article.

Ici, je me permettrai de revenir, mais très brièvement, à une chose que le ministre a mentionnée tout à l'heure, parce que là encore c'est capital. A mon avis, le drame du bill 62, je ne veux pas être dramatique, c'est vrai, j'ai demandé aux autres de ne pas l'être, mais disons que ce que je regrette dans le bill 62, c'est qu'on veuille créer de toutes pièces des communautés artificielles qui seront difficilement viables, parce qu'elles ne correspondent pas avec les communautés politiques locales.

Je veux faire allusion aux communautés municipales. Le ministre tout à l'heure a parlé du bill 75. Moi, je pense qu'on a manqué, le gouvernement et tous ensemble — mais le gouvernement porte la plus grande part de responsabilité parce que c'est lui qui a la responsabilité du pouvoir — je pense, dis-je que le gouvernement a manqué une occasion unique de constituer sur l'île de Montréal des communautés humaines viables, ce qui aurait été le cas s'il avait découpé la carte de l'île de Montréal de façon à faire coïncider les districts municipaux et les districts scolaires. Le problème des ghettos ne se serait pas posé, c'est-à-dire qu'à ce moment-là vous auriez, sur une période de dix ou quinze ans, créé à l'intérieur de l'île de

Montréal des groupements humains qui auraient eu suffisamment de choses en commun, soit sur le plan des services offerts par une municipalité, ou une section municipale, peu importe, et d'autre part au plan scolaire, vous auriez eu des unités qui auraient été attrayantes. Cela aurait constitué des milieux de vie.

Quand vous regardez la carte du bill 62 — je ne veux pas entrer dans le détail — c'est complètement arbitraire. Je connais assez bien l'île de Montréal, j'y ai vécu depuis que je suis au monde. Ce n'est pas vrai que les gens de Cartierville ont des choses en commun avec les gens de la ville de Saint-Pierre où demeure ma collègue le député de Marguerite-Bourgeoys. Ils n'ont rien en commun, et je ne pense pas que ça puisse marcher de cette façon-là. Tandis que si on avait profité de l'occasion pour créer des unités et avoir deux forces d'attraction, la force d'attraction des services municipaux et la force d'attraction des services scolaires, à mon avis les commissions scolaires uniques n'auraient pas créé de problèmes. Il n'y aurait pas eu de danger de ghettos, parce que les gens auraient aimé vivre dans telle ou telle ville, dans telle ou telle partie de ville. Cela aurait pris un nom, cela aurait pris un caractère, cela aurait pris un style de vie. Mais là, on est mis devant un fait acquis, fait acquis que j'espère un prochain gouvernement verra à corriger. Il faut pour l'instant tirer le meilleur parti possible de la situation. Je trouve que le problème que vous avez identifié est absolument réel et qu'il faudrait que le comité comme tel et la Chambre, lorsque nous reviendrons à la discussion article par article, attachent beaucoup d'importance à ce paragraphe, parce que vous avez cent fois raison.

M. CARDINAL: M. le Président, seulement deux minutes. Je ne sais pas ce qui se passe ce soir. Ce que vient de dire le député d'Ahuntsic, je l'ai presque dit tantôt, je pourrais le dire...

M. LEFEBVRE: Vous, vous n'avez pas voulu blâmer le gouvernement, moi je l'ai fait.

M. CARDINAL: Ah, bien non! C'est que j'ai voulu dépolitiser le débat. C'est qu'en fait...

M. LEFEBVRE: La politique, c'est ça.

M. CARDINAL: ... en donnant l'exemple de l'Ile-Jésus, j'ai dit deux choses. J'ai dit qu'à certains moments nous devons travailler en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. La Communauté urbaine telle qu'elle a été définie par le bill 75 ne crée pas encore ces unités, sauf pour certains services. Il n'y a pas là une identité. Or, mon désir serait justement que les deux ministères travaillent en commun, face à des unités qui soient les mêmes, que les dates d'élections soient les mêmes, que les mécanismes d'élection soient les mêmes, que les listes d'électeurs soient les mêmes. Simplement sur le plan financier, nous économiserions $1 million à chaque élection. Et sur le plan de l'identité,...

M. LEFEBVRE: Cela ferait des milieux.

M. CARDINAL: ... on finirait par créer des milieux qui n'existent pas. C'est pourquoi justement tantôt j'ai dit que ce découpage vient dans le fond du rapport Pagé, mais...

M. LEFEBVRE: C'est artificiel.

M. CARDINAL: Non je ne dis pas ça. Il a été fait quand même à la suite d'études. Mais je n'ai pas dit que ceci ne peut être corrigé; j'ai même dit — on me reprendra si je ne l'ai pas dit — j'ai même dit, je pense, que ceci doit être corrigé. J'ai donné des exemples. Par conséquent, sur le principe d'un tel exposé, en dehors de la question politique et en dehors du projet de loi 75, maintenant devenu loi, je suis entièrement d'accord sur ces principes, parce que si ces morceux de la Communauté urbaine de Montréal qui comprend l'Ile Bizard demeurent arbitraires, comme le sont certains découpages actuels, il y a des villes actuellement qui ont leur identité. Je pense que Westmount a une identité. La ville de Mont-Royal a une identité, et si on va dans l'est de la ville, certaines villes n'ont plus d'identité, parce qu'elles se sont perdues dans une masse plus grande et les gens n'en ont plus conscience. Si on pose des questions à des gens de Montréal: Dans quel comté demeurez-vous? Dans quelle ville demeurez-vous? Quel est votre député au provincial? Quel est votre conseiller municipal? Ils ne peuvent pas répondre parce qu'ils n'ont pas cette identification à un milieu déterminé.

Je reprends ici une idée qui a été exprimée par d'autres et que j'ai exprimée, mais pas assez clairement, je l'avoue, m'en excuse et m'en confesse, lors des séances du 27 novembre et du 11 décembre. C'est uniquement pour des raisons de concordance avec la Loi de l'instruction publique que nous avons appelé ces onze divisions des "municipalités scolaires" ou des "commissions scolaires". Sans cela, il aurait fallu refaire la Loi de l'instruction publique au complet, ce que nous désirons faire, d'ailleurs. J'ai parlé déjà d'une loi-cadre des commissions scolaires. Cela aurait été beaucoup mieux de les appeler "arrondissements", mais, à ce moment-là, il y aurait eu des arrondissements pour les fins municipales, pour les fins scolaires et peut-être pour d'autres fins que je n'entrevois pas ce soir. Sur le principe, je suis entièrement d'accord. D'ailleurs, moi-même, tantôt, j'ai félicité, les Consistoires de leur mémoire, même si je n'en accepte pas toutes les recommandations. J'ai fait des commentaires sur deux de ces aspects. Cela montre comment, dans la sérénité, l'on peut apporter des idées qui méritent d'être

discutées à cette table et mériteront d'être débattues à l'Assemblée nationale.

MR. STANLEY: Si vous me le permettez, je vais faire quelques commentaires sur le mémoire et aussi donner quelques réponses aux membres de la commission.

We have been reminded frequently today of the fact that within the present Catholic School Board in Montreal (CECM) and within the PSBGM (The Greater Montreal School Board), there are two minority groups which enjoy privileges, that is protection. This argument is advanced and very well as an argument in favor of unified boards. I would like to point out that the English Catholics on the Island of Montreal within the territory of the CECM and the Protestant French people within the territory of the PSBGM do have their present schools by virtue of the fact that those two schools boards recognize their needs and have set up structures which are purposely designed to look after their needs. Do not make any mistake. We approve of the idea of removing confessionality from the level of the school board. In other words, you might say that, at the level of the school board, the state has no responsibility for confessionality. It has a responsibility for education.

But the bill, remembering the guarantee perhaps of the BNA Act, has made certain provisions protecting religious rights. Fine. Our main point is that once you remove the confessional basis of the school boards as they now exist by law, then you must consider the necessity of establishing linguistic rights. The linguistic groups now enjoy their protection because of the recognition of these school boards for their rights. To pass a law which removes such rights and does not provide for structures which allow administrators to look after the needs of the various linguistic groups, in our opinion is a retrograde move. When you remove the confessionality, you must add extra guarantees for language. You ask me why should school boards be separate English and French school boards? I reply in the words of the B & B Commission of which you may have heard "The words bilinguism and biculturalism indicate two styles of living which are distinct even though they obviously have much in common. Just as bilinguism should not lead to a blend of two languages, so Canada cultural duality should not be taken to mean a mixture of these two cultures. Each has its own existence. Each has its own individuality."

We implore you to guarantee the rights of the English and the French citizens by providing structures which answer to the needs of these groups, and which provide administration which understands those needs and which is experienced in answering to those needs, and can do the job.

I could not imagine any English educator doing the job for the French people, nor can I imagine with all due respect a French educator doing the job for the English youngsters. I repeat that if we fragment the existing minority groups even further, then, their needs are not going to be met by the eleven Commissions which are established. I speak also of the needs of the French students in the western part of the Island of Montreal, who are going to be cast loose in the territory of an English school board which will not have members who understand the needs of the French people and they will not have administrators who are capable of answering to their needs.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me le permettez, disons que je comprends parfaitement le souci qui vient d'être exprimé. Je reprends une objection ou une réponse qui a été faite cet après-midi. Les programmes, encore une fois, qu'ils soient anglais ou français, qu'ils soient protestants ou catholiques, viennent du ministère. Est-ce que depuis 1964 — et je reprends ce qu'avait dit le député d'Ahuntsic — alors qu'ont été abolis les deux groupes qui étaient à la fois linguistiques et confessionnels, le comité catholique, français, du DIP — le comité protestant, anglais, du DIP et qu'il y a un seul ministère, qui n'est ni français, ni anglais, ni catholique, ni protestant, sauf quant aux programmes qu'il établit, qui répond devant l'Assemblée nationale, qui n'est ni catholique, ni française, ni anglaise, ni protestante, et où les députés, comme on le voit à cette table, sont Lefebvre, Goldbloom, Cardinal, Tremblay... est-ce que, lorsqu'on a fait ce changement en 1964, à travers le Québec, les anglophones ou les francophones, les protestants ou les catholiques ont perdu des droits, des privilèges? Ont-ils changé leur style de vie, ont-ils vu quelque chose changer, sauf évidemment la réforme qui s'est faite et qui, à moins qu'on ne veuille le dire, n'a nui à aucun de ces groupes, n'a pas diminué l'un pour monter l'autre, a monté tout le monde en donnant l'accessibilité géographique, l'accessibilité financière, l'accessibilité à la polyvalence, — ce qui n'est pas tout, je suis d'accord, et on y reviendra — est-ce que l'existence d'un ministère unique, neutre à tout point de vue, a changé quelque chose dans les modes de vie des commissions scolaires, des écoles, des enfants? Est-ce que, de même, le conseil ou la commission scolaire unifiée, au niveau de l'école, va rester anglaise ou française, protestante ou catholique, ou un mélange de tout?

Ceci n'est pas aussi bien garanti. Je ne sais pas; je pose la question pour fin de discussion. C'est qu'on a quand même vécu une expérience pendant cinq ans; ce n'est pas une théorie; j'admets que le projet de loi 62, actuellement, est une hypothèse de travail, une théorie pour le futur. Mais, quand même, cette question-là se pose encore.

MR. STANLEY: Mr. President, it is a very good question. I am glad the Minister asked it. The fact of the matter is, as he has said: There were two systems of education in operation in this Province based on confessionality, before 1964.

Now, there is one Department of Education which is neutral to all intents and purposes. The question may also be asked: Did the Minister or did the Ministry, in setting up a new structure, at the provincial level, draw adequately on the resources of that system, which had been recognized and praised as being a superior system? It did not.

How many individuals were chosen for the ministry set up in 1964 and how many exist now within the Department of Education whose experience is derived from that system? Very few. And it is this fact, Mr. President, that the members of the English community formerly known as Protestant and including, as the Minister has rightly pointed out, the members of many non Protestant groups such as the Jews, the Greeks, the Chinese, the Italians and so on in Montreal. How many people were chosen from this system of education to lend their knowledge and experience to the creation of a new system of education? Very few, Mr. President, and it is this fact which does not give us hope for the future in similarly organized school boards.

M. LE PRESIDENT: Thank you. Nous vous remercions. Maintenant les suivants, Me Bou-dreau, du Pacifique canadien, et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Si je comprends bien, vous allez présenter un mémoire conjoint.

M. CARDINAL: Les deux sont sur la même "track".

M. LE PRESIDENT: Me Gadbois, vous représentez le Pacifique canadien et Me Boudreau la Compagnie des chemins de fer nationaux.

M. GADBOIS: M. le Président, en guise de préambule, j'aimerais informer les membres de la commission que notre mémoire conjoint porte seulement sur des modalités au chapitre de la fiscalité du bill 62 et que nous ne sommes pas intéressés dans les autres discussions qui ont eu lieu cet après-midi ou ce soir.

Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais vous donner lecture d'une partie de notre mémoire conjoint; par la suite, mon collègue, Me Boudreau, donnera lecture de la dernière partie du mémoire.

M. CARDINAL: Je m'excuse, M. le Président, c'est M. Gadbois qui parle?

M. GADBOIS: Oui.

M. CARDINAL: Je le mentionne pour le journal des Débats.

M. GADBOIS: C'est très bien. Merci. M. LE PRESIDENT: Albert-O. Gadbois. M. Albert-O. Gadbois

M. GADBOIS: Je croyais que vous me mettiez sur une voie d'évitement, M. le ministre.

Nous avons pris connaissance du projet de loi numéro 62 qui a été confié à votre commission pour étude et considération. Nous avons aussi considéré le bill 75 intitulé "Loi de la communauté urbaine de Montréal", tel que sanctionné le 23 décembre 1969. Nous interprétons le bill 75 comme décrétant qu'à compter du 1er juillet 1972, le rôle d'évaluation établi pour fins municipales sera également utilisé pour fins scolaires par les commissions sises sur l'île de Montréal.

Nous nous posons quelques questions concernant certaines mesures provisoires ou transitoires pour la période à compter de la date de l'adoption de ce bill 62 jusqu'à la susdite date du 1er juillet 1972.

Le législateur a prévu à l'article 3 des dispositions transitoires que le lieutenant-gouverneur en conseil peut, avant le 1er juillet 1971, exercer les pouvoirs prévus à l'article 584 en agissant sur les recommandations des membres du conseil scolaire mentionné à l'article 9. Cet article prévoit que le conseil est composé de 13 membres mandatés jusqu'au 1er janvier 1972.

Cependant, personne ne peut prévoir, à l'heure actuelle, quand ce bill 62 sera sanctionné et il se pourrait qu'il le soit à une date qui laisserait une période de temps insuffisante pour que le conseil puisse préparer le rôle d'évaluation pour l'année scolaire 1970-1971.

Dans une telle éventualité, nous croyons que le statu quo s'appliquerait.

Ce serait la Commission des écoles catholiques de Montréal et le Bureau métropolitain des écoles protestantes de Montréal qui procéderaient à appliquer un taux de redressement au rôle d'évaluation pour les municipalités autres que celles de Montréal.

C'est le régime qui existe depuis plusieurs années, en vertu des lois constitutives de ces deux organismes. Les compagnies signataires de ce mémoire ont eu à se plaindre à plusieurs reprises de la façon de procéder desdites commissions scolaires et de leurs estimateurs pour ce qui a trait à l'imposition d'un taux de redressement. Par exemple, le Pacifique canadien s'est vu dans l'obligation de loger 34 appels devant la cour Provinciale pour demander que ce taux de redressement soit corrigé. C'est pourquoi les chemins de fer sont très intéressés à ce que les dispositions transitoires éliminent certains griefs dont ils ont eu à se plaindre dans

le passé et ils font les suggestions suivantes aux membres de la commission.

Je voudrais, à ce stade-ci, ouvrir une parenthèse pour bien expliquer notre position. Nous ne parlons pas en regard de ce qui va avoir lieu après 1972, lorsque la communauté urbaine va préparer son rôle qui s'appliquera au rôle des commissions scolaires. Nous demeurons dans le domaine exclusif de ce soir, jusqu'au temps où le rôle de la communauté urbaine s'appliquera aux commissions scolaires, c'est-à-dire en 1972. Nous demandons que, dans les mesures transitoires, dans les articles transitoires que contient la loi, vous incluiez des provisions ou des dispositions aux effets suivants que je vais vous donner.

Il devrait être prévu que le taux de redressement ne soit pas un taux général, mais un taux spécifique pour chaque catégorie d'immeubles dans chaque municipalité.

En d'autres termes, nous croyons qu'il est injuste d'appliquer, comme le font actuellement ces deux organismes, un taux de redressement de 15 p.c. par exemple à charge catégorie d'immeubles sis à Westmount pour obtenir la normalisation avec le rôle de Montréal.

Nous soumettons que ce taux devrait être différent selon qu'il s'agit de propriétés résidentielles, commerciales ou industrielles. De plus, ledit taux de redressement devra être distinct pour les terrains et les bâtisses.

En d'autres termes, ce qui se passe actuellement, ce que les estimateurs de ces deux organismes font, c'est qu'ils font un échantillonnage à Montréal ainsi qu'à Westmount et ils comparent le résultat de leurs échantillonnages avec le rôle de la ville de Montréal, le rôle d'évaluation. Ils arrivent à la conclusion — je cite le cas de Westmount — que le rôle d'évaluation de Westmount est de 15 p.c. plus bas que celui de Montréal. Ils appliquent un taux de redressement général à toutes les propriétés, à tous les terrains de Westmount sans faire aucune distinction quant au genre de propriétés, alors que leur échantillonnage devrait leur démontrer que ce taux de 15 p.c. peut être réduit à 7 p.c. pour les propriétés commerciales, peut-être augmenté à 20 p.c. pour les propriétés résidentielles et qu'il ne peut être que 3 p.c. quant aux terrains. Nous demandons que vous donniez votre attention à ce point.

Nous remarquons une tendance très prononcée aussi de la part des commissions scolaires. Oh pardon! Le deuxième point.

Le deuxième paragraphe de l'article 701 de la loi prévoit que l'article 781 de la Charte de la ville de Montréal s'appliquera pour fins scolaires aux corporations municipales de Montréal.

En agissant de la sorte, le législateur a sans doute voulu rendre imposables tous les biens qui le sont actuellement dans la ville de Montréal et établir sur l'ile la méthode d'évaluation suivie dans la métropole afin d'assurer l'uniformité. Nous sommes d'accord sur ce point. Nous croyons cependant que, pour ce faire, il faudrait ajouter l'article 835 de la Charte de la ville de Montréal.

Cet article ainsi que l'article 781 constituent le mode d'évaluation suivi par la ville de Montréal pour évaluer les propriétés ferroviaires.

A cette fin, nous proposons que l'article 835 soit incorporé à l'article 7701 du présent projet. En agissant ainsi, le législateur assurerait l'uniformité à travers l'île de Montréal pour la taxation des biens ferroviaires. Je ferai remarquer que ce principe contenu à l'article 835 de la charte de la ville de Montréal a été aussi reconnu par l'Assemblée nationale lors des derniers amendements apportés à la charte de la ville de Québec.

Le dernier point que j'aimerais soulever devant vous, avant d'inviter Me Boudreau à continuer la lecture du mémoire, est le suivant: nous remarquons une tendance très prononcée de la part des commissions scolaires à utiliser un taux de redressement, même dans le cas où la valeur municipale d'une propriété a été établie par jugement d'un tribunal compétent.

Par tribunal compétent j'entends naturellement soit un bureau de révision, la cour Provinciale, la cour d'Appel ou même la cour Suprême, puisqu'enfin ce sont les échelons que nous avons à gravir dans les causes de contestation d'évaluation municipale.

Nous soumettons qu'un tribunal, lorsqu'il rend jugement en matière d'évaluation, doit déterminer la valeur réelle de la propriété sous examen. Dans les circonstances, nous croyons qu'il est abusif et inéquitable d'ajouter un correctif de redressement à telle valeur, puisqu'il en résulte alors que la propriété est évaluée au point de vue scolaire à sa valeur réelle, plus le correctif de redressement. J'invite maintenant Me Boudreau à prendre la parole.

M. Boudreau

M. BOUDREAU: Notre interprétation du bill 62 est à l'effet que, nonobstant les dispositions de l'article 701, le contribuable conservera son droit d'appel pour le rôle scolaire de 1970-1971. Cependant, il semble que ce droit lui ait été enlevé quant au rôle d'évaluation scolaire pour l'année 1971-1972. Ici, j'aimerais référer la commission à l'article 10 de la deuxième partie du bill 62: "Le conseil a pour fonction principale, jusqu'au premier juillet 1971, de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'application de la présente loi à compter de cette date. Il doit notamment, à cette fin de se prévaloir des dispositions des articles 687 à 712 pour les fins de l'année scolaire 1971-1972."

Or, parmi ces articles-là, il y a l'article 701 qui se lit comme suit: "Toute évaluation modifiée conformément à l'article 700 est incontestable et sans appel et sert de base au

prélèvement et à la perception des taxes et de la surtaxe visés aux articles 704 et suivants? "

Il ne fait plus aucun doute que le droit d'en appeler du rôle d'évaluation scolaire n'existe plus pour le contribuable, lorsque ce rôle d'évaluation devient le même que celui préparé par la Communauté urbaine de Montréal en vertu du bill 75. Ceci s'explique par le fait qu'il a le privilège de contester ce dernier rôle. Nous n'avons pas d'objection à ce que le droit d'appel soit enlevé dans le cas où le rôle, pour fins scolaires est le même que celui pour fins municipales en vertu des dispositions du bill 75.

Par contre, nous croyons que le bill 62 devrait être plus spécifique et protéger les intérêts du contribuable en énonçant que les dispositions de l'article 701 dudit bill ne s'appliqueront pas tant que le rôle d'évaluation pour fins scolaires ne sera pas le même que celui pour fins municipales, tel qu'établi par la Communauté urbaine de Montréal, en vertu du bill 75.

Le bill 75 prévoit que le premier rôle sera prêt le premier janvier 1972. Toutefois, nous croyons qu'il serait imprudent d'amender l'article 701 en y prévoyant une date précise au cas où il serait impossible pour la Communauté urbaine de Montréal de préparer le rôle pour la date fixée, soit le premier janvier 1972.

En dernier lieu, nous aimerions attirer l'attention de la commission sur un détail technique, c'est-à-dire sur le fait que plusieurs articles du bill 62 ont trait à la Corporation de Montréal métropolitain. A ce sujet, nous avons remarqué que dans le bill 75, soit à l'article 362, ladite Corporation de Montréal métropolitain était abolie à compter de la date de la mise en vigueur de la loi, soit à compter du 23 décembre 1969.

Dans les circonstances, nous croyons que chaque fois que le nom de cette corporation apparaît, on devrait lui substituer le nom de Communauté urbaine de Montréal. Nous vous remercions.

M. LE PRESIDENT: M. Lamarre voudrait-il ajouter quelque chose?

M. BOUDREAU: Voici, si votre commission a des questions à poser sur la présentation qui vient d'être faite, il nous fera plaisir de répondre.

M. CARDINAL: Si vous permettez, pour une fois — comme diraient les députés d'en face — j'aurais des réponses à donner. Je prends quatre des points que vous avez mentionnés. Une partie de votre mémoire se rapporte à la période transitoire.

M. BOUDREAU: C'est cela.

M. CARDINAL: Disons ceci au départ. A la page trois, au paragraphe II, tout de suite je vous dis que ce sera étudié. Disons qu'il n'a pas été prévu ou vu sous cet aspect dans la rédaction du projet de loi. Tout de suite je vous dis que ce que vous soulignez à la page trois sera étudié au ministère en fonction de ce que vous nous mentionnez.

Troisièmement, à la page quatre, au dernier paragraphe, cela aussi mérite une étude. Enfin, sur votre remarque V je suis entièrement d'accord et je donne l'explication. Quand le projet de loi 62 a été déposé, vers le mois d'octobre, le bill 75 n'était pas encore déposé. Donc, sur les quatre points, il y a des sujets qui nous sont soulignés sous un aspect très technique et que nous allons étudier, quitte même à communiquer avec des experts en la matière.

Quant aux concordances nécessitées par l'adoption du bill 75, nous allons en faire la correction. Enfin, j'ajoute ceci, le ministre Lussier et moi-même nous sommes vus par la suite. Il faut se rappeler, comme je le disais, que le projet de loi 62 est venu avant et que le projet de loi 75 est venu en fin de session. Notre but est justement qu'après la période transitoire — est-ce que la date sera en 1972? — tout ceci soit, comment dirais-je, égalisé, si vous voulez. Non seulement normalisé, mais égalisé entre le système qu'on appellera municipal, si vous voulez, et le système scolaire.

D'ailleurs, on sait que le projet de loi 62 prévoit que la taxe foncière scolaire soit perçue par les municipalités. Il y a une raison de plus. Par conséquent, votre mémoire nous rappelle des choses très précises et c'est une contribution positive, à ce moment-là. Je vous dis que chacun de ces sujets sera étudié; quant au dernier, il sera corrigé.

M. BOUDREAU: Merci.

M. LEFEBVRE: J'aurais une question très brève. Y aurait-il moyen de vous négocier cela contre le rétablissement du train de nuit pour les députés? Non? Une question plus sérieuse.

M. GADBOIS: Nous demanderions beaucoup plus.

M. LEFEBVRE: Ah bon!

M. CARDINAL: Ce serait très payant, avec les laissez-passer qu'ont les députés.

M. LEFEBVRE: Une question plus sérieuse, simplement pour mon information parce que je n'en ai pas eu connaissance. A l'occasion de la présentation presque annuelle, sauf erreur, du bill de la CECM, en vertu duquel, je pense, cette normalisation de la taxe se fait par entente entre la Commission protestante et la Commission catholique, à l'une ou l'autre de ces occasions avez-vous déjà fait des représentations, ou est-ce la première fois?

M. GADBOIS: C'est la première fois ce soir

que nous faisons des représentations. Comme il est dit dans le mémoire, nous avons contesté devant les tribunaux, mais nous n'avons jamais fait de représentation à la commission des bills privés.

M. CARDINAL: Je confirme ceci. De fait, depuis deux ans j'ai été parrain de ce projet de loi qui arrive chaque année, et c'est la première fois que nous entendons ces remarques qui nous viennent de votre groupe.

M. LE PRESIDENT: Nous remarquons qu'il y a un autre mémoire annexé, le mémoire de l'Association canadienne des représentants de taxe foncière, chapitre de Montréal.

M. BOUDREAU: Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais vous présenter Yvan Lamarre qui, à titre de représentant de l'Association canadienne des représentants de taxe foncière, chapitre de Montréal, aurait certains commentaires à soumettre en marge de ce bill.

Cette association est formée d'employés de corporations de la région de Montréal qui sont directeurs ou préposés au service des taxes dans leur compagnie respective, dont nos deux compagnies. M. Lamarre.

M. LAMARRE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Quel est votre prénom, M. Lamarre?

M. Yvon Lamarre

M. LAMARRE: Yvon Lamarre, directeur du service des taxes au Canadien Pacifique et Marathon Realties. Je crois que dans l'ensemble, nous répétons à peu près les mêmes objections et nous voulons les mêmes amendements que le mémoire des Chemins de fer nationaux. Il est donc inutile, vu qu'il est très tard, de vous retarder davantage. Si M. le Président veut le remarquer, c'est à peu près les mêmes objections. Je veux remercier M. le ministre de ses explications. Vous remarquerez que j'ai attaché au mémoire une liste des membres qui sont représentés dans cette association. Nous sommes d'accord avec les remarques du ministre et nous vous remercions de votre attention. Il est donc inutile de prendre plus de temps pour cette affaire.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, je vais prendre une minute. D'abord, je vous remercie justement de sauver du temps au conseil, vous avez raison. Toute la première partie de votre mémoire jusqu'à la dernière page a déjà été couverte. Je vous poserai une question cependant. A la dernière page, vous faites une affirmation, vous faites une demande à l'effet qu'à l'article 705, on ajoute une clause stipulant que le taux de la taxe des compagnies ne dépasse jamais 160 p.c. du taux de la taxe des particuliers. La question que je vous poserai est celle-ci: Est-ce que vous pouvez dire actuellement de quel pourcentage, suivant les lois actuelles, le taux de la taxe des compagnies dépasse celui de la taxe des particuliers à Montréal?

M. LAMARRE: Je vous réfère au mémoire et à l'article 705. Nous croyons qu'à Montréal, actuellement, le taux est de 200 p.c.

M. CARDINAL: Bon, vous venez de répondre à ma question. Vous faites à la page 3 une affirmation à l'effet que ces différences sont nettement excessives en comparaison de celles existant ailleurs. A Montréal, actuellement, d'après les chiffres que vous me donnez — je ne peux pas vérifier ce soir, mais j'avais l'impression que c'était un peu moins — c'est 200 p.c. et ici, vous demandez que ça ne dépasse pas 160 p.c. C'est-à-dire que, je m'excuse, vous profitez de l'occasion pour que la différence énorme qui existe actuellement descende considérablement quand même, disons de 40 p.c. ou d'à peu près, si on veut être bien clair l'une avec l'autre.

M. LAMARRE: Oui. C'est pour être au niveau de la province de l'Ontario, pour être compétitif.

M. CARDINAL: Mais vous admettez que c'est déjà une diminution considérable par rapport à ce qui se passe présentement à Montréal.

M. LAMARRE: C'est ça.

M. LEFEBVRE: Vous auriez fait un excellent voyage si ça vous était accordé séance tenante. Vous auriez fait un voyage payant.

M. CARDINAL: Je n'ai pas fait de promesses; j'ai demandé une explication. Enfin, la réponse est claire.

M. LAMARRE: C'est surtout pour attirer l'attention sur ce qui existe actuellement à Montréal, et je crois que vous êtes au courant de cette situation, en partie.

M. CARDINAL: Disons que ma question n'était pas tout à fait innocente. Merci.

M. LE PRESIDENT: Je ferai remarquer aux membres de cette commission qu'il est dix heures quinze. Je ne sais pas si l'Association des principaux de Montréal a un long mémoire... On me remet à l'instant votre mémoire. Je constate qu'il est assez imposant. Je crois bien que dans les circonstances, vu l'heure assez tardive, on reportera sa présentation à la prochaine séance, quitte à vous placer les premiers

sur le rôle si ça vous va. Je sais que M. Albert Angers, qui représente la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, a aussi un mémoire qui doit être assez long. Si nous ne voulons pas aller nous coucher trop tard, il est déjà dix heures quinze...

M. CARDINAL: Ce n'est pas une question de se coucher trop tard. J'en ai parlé tantôt avec le représentant de l'Opposition, nous avons des règlements concernant l'Assemblée nationale et les commissions; d'après ces règlements, pour une commission, c'est prévu d'ailleurs au document qui vous a été remis, ça se termine à 10 h 30. Nous avons, un certain nombre d'entre nous, d'autres obligations. Il est toujours malheureux qu'à ces commissions, en fin de journée, il y ait des gens qui soient venus et qui n'aient pas été entendus, qui soient donc obligés de revenir, mais, dans les quinze minutes qui nous restent, nous avons le choix ou bien de commencer avec l'un ou l'autre des mémoires, sachant bien que nous ne terminerons pas et que nous devrons continuer. Nous pouvons le dire tout de suite, pour éviter des déceptions, mon idée était, à 10 h 30, de proposer aux membres de la commission que nous ajournions au jeudi 19 février, à 15 heures, pour continuer tout l'après-midi et toute la soirée et si, ce soir du 19, nous n'avons pas terminé, de remettre le tout à une date beaucoup plus rapprochée. Nous ne pouvons pas, avec la liste des commissions et des comités qui se réuniront d'ici le 19, avoir une date plus rapprochée à cause des réunions du conseil des ministres, de la commission de la Constitution et des autres. Les députés qui sont à cette table savent eux-mêmes qu'ils ne peuvent pas se multiplier.

M. LEFEBVRE: Si le ministre me permet, je pense au 19, je ne fais que d'y penser, je ne veux pas prendre le ministre par surprise, est-ce que quelqu'un aurait objection à ce que nous commencions à deux heures, ça donne quand même une heure de plus?

M. CARDINAL: Je n'ai pas d'objection de principe. On pourrait toujours, même pas par une motion, parce qu'en commission les formalités sont simples, commencer à deux heures; ça nous donnerait une heure de plus.

M. LEFEBVRE: Le train arrive à une heure et demie. Ceux qui viennent de Montréal pourront être ici à deux heures.

M. CARDINAL: Aucune objection que nous ajournions au jeudi 19 février à deux heures?

M. LEFEBVRE: C'est pour frustrer le moins de gens possible.

M. LYONNAIS: M. le Président, nous pourrions peut-être, en un quart d'heure, je pense bien, essayer de synthétiser notre mémoire.

M. CARDINAL: Aucune objection. Je vous dis ceci justement pour que vous soyez à l'aise, que personne ne soit bâillonné et que tout le monde se sente libre de prendre la position qu'il désire, sauf que je ne voudrais pas qu'une association ou un groupe, rendu à dix heures trente, se rende compte qu'il n'a pas eu la liberté de s'exprimer d'un seul jet par comparaison à d'autres qui ont eu cette possibilité. C'est à vous, messieurs, de prendre la décision. Le député d'Ahuntsic et moi-même vous offrons ce que vous préférez.

M. LYONNAIS: Alors, je laisse la place à M. François-Albert Angers. Mes collègues préfèrent plutôt revenir et avoir le temps de s'exprimer davantage.

M. CARDINAL: Alors, nous pouvons demander à M. Angers ce qu'il préfère.

M. LE PRESIDENT: Nous vous placerons les premiers à l'ordre du jour à la prochaine séance.

M. LYONNAIS: Merci.

M. LEFEBVRE: M. Angers, c'est rare qu'il parle plus de cinq minutes.

M. ANGERS: Je pense bien que, dans un quart d'heure je n'ai pas assez de temps pour dire ce que j'ai à dire.

M. CARDINAL: Cela vous fait plaisir de venir à Québec, M. Angers?

M. ANGERS: Oui. C'est toujours agréable.

M. CARDINAL: Dans ce cas-là, nous pourrions tout simplement ajourner au jeudi 19 février à deux heures. Vous serez le deuxième à l'ordre du jour, M. Angers.

M. LE PRESIDENT: Cela vous va? Très bien. Alors, ajourné au 19 février à deux heures.

(Fin de la séance: 22 h 20)

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