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Commission permanente de l'Education
Bill 62 Loi concernant l'organisation scolaire
sur l'île de Montréal
Séance du mercredi 4 mars 1970
(Seize heures douze minutes)
M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A
l'ordre, messieurs!
Je souhaite la bienvenue aux membres de cette commission et tout
particulièrement au chef de l'Opposition. C'est la première fois
que nous le voyons à notre commission. Il y a trois articles à
l'ordre du jour; nous avons le questionnaire à discuter et nous avons
aussi deux organismes à entendre. Alors, est-ce que nous devrions
discuter le questionnaire immédiatement?
M. BOURASSA: Eh bien, moi, j'aimerais poser une question au ministre de
l'Education concernant la déclaration de l'archevêque de
Montréal, qui a eu un certain retentissement en fin de semaine. Le
ministre de l'Education a-t-il des commentaires ou une opinion à donner
sur cette déclaration concernant l'application du bill 62?
Lettre de Mgr Grégoire
M. CARDINAL: Je n'ai pas de commentaires sur le texte lui-même.
Les faits sont les suivants: lundi de la semaine dernière, alors que
j'étais à l'Ecole des hautes études commerciales ce
qui doit rappeler certains souvenirs au chef de l'Opposition à
l'issue de ma rencontre avec les étudiants, monseigneur Lafontaine m'a
abordé pour me remettre un document dont l'original aurait
été remis le jour même au cabinet du premier ministre.
J'ai reçu, hier, une lettre de Son Eminence l'archevêque de
Montréal. Dans sa lettre, monseigneur Grégoire me transmet
officiellement copie de son opinion, au nom de la communauté catholique
de Montréal. Dans une réponse à une question posée
par les journalistes, hier, j'ai indiqué que, si monseigneur
Grégoire ou ses représentants désiraient venir exprimer
cette opinion devant la commission, ils étaient les bienvenus. Les
Episcopaliens l'ont fait, par exemple, et d'autres Eglises ont jugé
à propos de le faire. Pour être très franc, je
considère cette opinion comme celle d'une communauté
confessionnelle de Montréal. L'archevêque ne la présente
pas du tout comme étant l'opinion officielle de l'Eglise. Il ne faut
donc pas qu'il y ait d'ambiguïté sur la façon dont ce
document se présente. C'est en ce sens qu'aujourd'hui je rappelle que
les gens qui veulent exprimer une opinion pourront le faire devant cette
commission; ils sont les bienvenus et nous pourrons discuter avec eux, de cette
opinion.
M. BOURASSA: Merci.
M. LE PRESIDENT (M. Croteau): Maintenant, le questionnaire.
Questionnaire
M. CARDINAL: M. le Président, si vous me le permettez, à
la séance du 19 février, le député d'Ahuntsic a
présenté une motion, appuyée par le député
de Marguerite Bourgeoys, si je ne m'abuse...
UNE VOIX: C'est ça!
M. CARDINAL: ... nous proposant un questionnaire. Cela a
été fait dans le cadre suivant il me corrigera, si je
commets quelque erreur d'abord, ce questionnaire ne s'adressait
qu'à ceux qui déposaient des mémoires devant cette
commission; ensuite, il devait être présenté à ces
personnes, après entente entre l'Opposition et le parti
ministériel.
J'ai ajouté que j'acceptais, pourvu qu'il n'y ait pas de pression
de quelque groupe que ce soit sur ceux qui voudront bien répondre
à ces questionnaires.
Je m'étais réservé le droit, au nom du
gouvernement, d'apporter quelques corrections mineures si je le jugeais
à propos. Les deux seules corrections que nous suggérons, c'est
que, dans la question 3, on ajoute, lorsqu'il s'agit d'une
représentation minimale au sein des commissions scolaires, sur chacune
des six lignes: "protestant anglais", "protestant français", ce qui
n'était pas inclus; et que, à la question 5, lorsque l'on
prévoit des postes administratifs, l'on ajoute également un
directeur de l'enseignement protestant français, un directeur
d'enseignement protestant anglais, lesquels, d'ailleurs, sont strictement
prévus par la loi. Ce sont les deux seules corrections sur un certain
nombre d'exemplaires que j'ai remis au secrétaire du comité. Si
l'Opposition est d'accord, nous prendrons les moyens nécessaires pour
que le secrétariat de la commission de l'Education fasse parvenir
à ceux qui se font entendre ce questionnaire qui serait le texte tel que
prévu, mais auquel seraient ajoutés, évidemment, certains
renseignements, comme le nom de l'organisme qu'ils représentent, etc.
Tout simplement les détails qui nous permettraient de nous retracer.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je dois dire, au nom des
députés de l'Opposition, que nous sommes tout à fait
d'accord avec les deux ajoutés qui sont proposés par le ministre.
Quant à nous, nous n'y voyons aucune objection et nous sommes d'accord
pour que le questionnaire soit envoyé le plus rapidement possible
à tous les groupes qui ont demandé à être
entendus.
Je pense que cette initiative, d'un caractère non partisan, sera
de nature à éclairer la commission. J'invite instamment tous les
groupes à bien vouloir répondre avec
célérité au questionnaire de façon que nous ayons
le bénéfice de leur opinion le plus tôt possible. Sur le
plan administratif, je suggérerais au ministre, lorsqu'il enverra le
formulaire et je souhaite que ce soit dès les jours prochains
de suggérer peut-être une date de retour. Moi, je verrais
un délai d'une dizaine de jours comme étant raisonnable.
M. CARDINAL: Si vous me le permettez, M. le Président, vu la
situation de la poste présentement, il est difficile de mettre un
délai de dix jours, et ceci dit sans ironie...
M. LEFEBVRE: Non, d'accord.
M. CARDINAL: ... parce que nous sommes tous pris avec le
problème.
M. LEFEBVRE: Non, mais ce que je veux dire, c'est un délai
indicatif. Bien sûr, personne ne sera pénalisé, personne ne
sera mis à l'amende. Seulement, si les gens réussissent à
nous envoyer leur réponse, eh bien, tant mieux!
M. CARDINAL: Ce sera une invitation pressante à agir dans le plus
bref délai.
M. LEFEBVRE: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Nous entendrons, en premier lieu, un groupe de
cultivateurs, propriétaires de Saint-Laurent, Pierrefonds,
Sainte-Geneviève, paroisse de l'île Bizard et de l'île
Jésus. Leurs porte-parole, je crois, sont M. Arcade Larivière et
Me Guay. M. Larivière? Vous pouvez rester assis.
Mémoire des cultivateurs
M. LARIVIERE: MM. les membres de la commission de Montréal, je
dois vous remercier de nous avoir fourni l'occasion de vous produire nos
griefs. Je dois remercier en même temps le président de la
commission parlementaire de l'Education de nous avoir fait passer au tout
début, avant la commission de Montréal. Je le remercie de nous
avoir fait passer de suite parce que nous avons avec nous des cultivateurs qui
sont assez pressés de s'en retourner. Je remercie, au début de
mon exposé, M. le ministre Cardinal, ainsi que M. Bourassa et M.
Lévesque, de même que la commission parlementaire.
M. LAFRANCE: Il n'est pas ici.
M. LARIVIERE: Je dois représenter aussi à l'honorable
premier ministre, à M. Clément Vincent, ou à son
représentant que nous avons pour nous appuyer, M. Allain, de l'Union
catholique des cultivateurs qui est ici présent. Nous avons M. Paul
Boudrias, qui représente l'Association des jardiniers-maraîchers
de Montréal; nous avons aussi le président de la
Société d'agriculture de l'Ile-Jésus, M. Nadon, qui
représente, je crois, environ 350 à 400 cultivateurs. Je vais
vous exposer le but de notre rencontre.
Nous ne sommes pas venus souvent à Québec; je me rappelle
de mémoire que c'est la deuxième fois que je viens à
Québec, en 1954 et en 1970. En 1954 c'était au temps
où je demeurais à Saint-Laurent; j'y demeure encore et j'y
suis cultivateur-jardinier notre but était de nous annexer la
vieille paroisse de Saint-Laurent, qui est la ville de Saint-Laurent. Dans le
temps, nous nous sommes annexés avec Saint-Laurent, à certaines
conditions; parce que, sans conditions, tant et aussi longtemps que nous
demeurerions avec des terres de culture non subdivisées, nous paierions
le même quantum de taxes que l'année précédente.
Cette loi nous a protégés tout le temps depuis; elle nous a
permis de continuer notre culture et d'élever nos familles; elle nous a
permis de vivre. Les années se sont écoulées. Trois,
quatre ou cinq ans plus tard, je crois, le gouvernement du temps le
gouvernement libéral a adopté une loi visant à
remettre aux cultivateurs une ristourne de 35 pour cent à
l'éducation scolaire. Cette ristourne-là a permis aux
cultivateurs de joindre les deux bouts, autrement dit, de vivre.
Les années se sont écoulées et nous voilà de
nouveau ici, en 1970. Il y a donc seize ans de cela.
Aujourd'hui, par une toute petite phrase, je devrais dire quatre ou cinq
lignes, l'article 698 du bill 62 nous dit: Nonobstant toute loi contraire,
à l'avenir les terres en culture devront être
évaluées à leur valeur réelle. Je vous avoue
franchement que cela nous a fait vraiment peur et cela nous a tellement
éveillés que nous sommes rendus ici.
Si l'article 698, mes chers amis, était adopté, je vous
avoue franchement que vouloir cultiver serait impossible. Aucun cultivateur ne
pourrait arriver à payer ses taxes, quand on nous parle de valeur
réelle. Des terres ont été vendues à tel prix et
évaluées à un prix que ce soit le prix que
ça voudra. Il sera impossible d'arriver à payer les taxes. Je
veux aussi signifier que le cultivateur qui a vécu a quelques fils de
cultivateurs, plusieurs familles. Il s'est privé, a
négligé et même perdu son avenir. Pourquoi? Pour essayer de
pousser ses jeunes à des niveaux d'éducation un peu plus
élevés. Ces garçons-là, qui ont de 30 à 40
ans, si, aujourd'hui, on les met dans la rue, par le moyen qui peut être
imposé, je me demande à quelle place nous pourrons les
établir. Il n'y a pas seulement à penser à eux. Vous avez
des gens un peu plus âgés; quelle place pourra obtenir un type de
mon âge? Si je suis obligé de laisser la terre, je ne crois pas me
placer nulle part. L'éducation, je n'en ai pas assez pour me placer dans
un endroit
où ils pourront me prendre, à mon âge, et je n'ai
pas l'âge de retirer ma pension. Que voulez-vous qu'on fasse? Le cas des
cultivateurs, c'est ça.
Si cet article 698 était adopté, nous créerions un
précédent, nous ouvririons la porte à un
précédent pour les villes environnantes. Les commissions
scolaires ont toutes la même fin et elles vont toutes venir vous
présenter ici la même chose: elles vont venir réclamer la
même affaire, soit s'opposer à cet article. Nous en sommes
convaincus. Et où va conduire cette affaire? On se le demande. Mais nous
avons une grande confiance. Je ne veux pas m'éterniser. Je ne suis pas
orateur, mais un simple cultivateur.
En toute sincérité, je suis convaincu que vous comprendrez
la situation du cultivateur. Nous avons confiance que la commission
parlementaire se rendra à notre demande et que cet article-là
sera radié, parce qu'il ne nous serait pas possible de survivre
autrement. Les plus belles terres sont toujours aux alentours des villes. Les
plus belles terres de Montréal sont celles qu'on peut cultiver
près de la ville et qui sont faciles d'accès pour la vente des
produits des cultivateurs-jardiniers.
Autrement, si cet article était adopté, ce seraient encore
des terres qui s'ajouteraient à celles que l'on voit dans l'est de la
ville où on ne voit que des mauvaises herbes depuis nombre
d'années. Cela n'a pas beaucoup changé et je ne vois pas combien
d'années il faudra pour que la situation change dans l'ouest de
Montréal. Nous demandons que l'on nous protège par des lois comme
celles qui ont déjà été adoptées dans
certaines villes. C'est ce que nous demandons.
Je vous remercie de votre bonne attention. Je vous ai dit que cela ne
serait pas très long. S'il y a des questions, j'aimerais que M. Boudrias
je crois que vous avez les noms soit entendu. Cela ne sera pas
long. Il y a M. Paul Boudrias, M. Lévis Nadon et M. Allain,
représentant de l'UCC, qui nous soutiennent. S'il y avait
possibilité de les entendre, ça me ferait plaisir.
Pour ma part, je vous remercie de la bonne attention que vous avez eue
à mon égard. Nous venons ici en hommes sincères, non dans
l'hypocrisie: nous sommes de vrais cultivateurs. Nous continuerons dans
l'avenir à élever nos familles, comme nous l'avons fait dans le
passé et nous voulons permettre à nos jeunes de faire de
même dans l'avenir si on nous conserve nos droits existants. Merci,
messieurs.
M. LE PRESIDENT: Pour la bonne marche de la commission, le ministre de
l'Education aurait-il quelque chose à ajouter à ce que M.
Larivière vient de dire?
M. CARDINAL: M. le Président, merci. Merci, M. Larivière
d'être venu de si loin. Il est sûr que je comprends vos
préoccupations. Bien que je sois à l'Education, je suis quand
même député d'une circonscription entièrement
rurale. D'ailleurs, le député de Saint-Laurent, M. Pearson, avait
posé, à la séance du 19 février, une question au
sujet de l'article 698. Je répète ce que j'ai alors dit et j'en
ajoute un peu: Premièrement, l'article 698 tel qu'il est
rédigé n'abolit pas le rabais de 35 p.c. qui est remis aux
cultivateurs une fois l'impôt payé. L'article 698 ne vient pas du
tout corriger ceci, c'est-à-dire l'abolir.
Deuxièmement, l'article 698 parle de valeurs réelles et ne
se rapporte pas, encore une fois, à cette loi.
Deuxièmement, j'ai mentionné ceci je veux le redire
textuellement . A la question de M. Pearson, je disais: "Ce
problème particulier des quelques terres maraîchères de
l'île de Montréal et de l'île Bizard cela n'affecte
donc pas seulement Saint-Laurent, mais aussi l'île Bizard qui fait partie
de ce groupement métropolitain a été porté
à notre connaissance au ministère de l'Education. J'ai
immédiatement créé un petit groupe d'experts en
matière fiscale, comprenant quelqu'un du financement et quelqu'un de la
planification, qui, actuellement, est en train de me préparer un travail
sur la façon dont nous devrons considérer les terres en culture
du territoire métropolitain. Je puis donc dire ceci: Il y aura
certainement une modification qui sera faite à la suite de cette
étude pour tenir compte de ce facteur qui avait été
oublié. Quel sera l'amendement exactement? "
Le 19 février, je disais que je n'étais pas en mesure de
le dire, ni aujourd'hui d'ailleurs, parce que, comme, à plusieurs
reprises, je l'ai indiqué, nous écouterons les gens avant
d'apporter des amendements par morceaux.
Donc, en résumé, vos préoccupations ont
déjà commencé à être étudiées.
Ce comité me fera rapport. Les 35 p.c. demeurent, et le problème
que vous soulevez nous paraît un problème réel dont nous
devrons tenir compte dans les amendements qui seront apportés à
l'article 698 du projet de loi. Je ne voudrais pas, par cette réponse,
empêcher d'autres personnes de s'exprimer, mais je puis vous assurer de
l'intention du ministère et du gouvernement d'apporter cette
modification et de conserver les 35 p.c. de remise.
M. LARIVIERE: Je vous remercie. Monsieur le Premier ministre aide le
cultivateur; il a même dit, dans Mégantic, qu'il se proposait
d'augmenter ce montant pour nous permettre de vivre. Je crois que le premier
ministre; du point de vue du cultivateur, peut nous fournir toutes les
possibilités pour nous permettre de continuer à vivre chez nous,
sans nous mettre dans la rue. Si cet article comptait je vous le dis
sincèrement il nous serait impossible de vivre. Ce serait la
ruine. Nous serions obligés d'abandonner nos terres. Aucun cultivateur
ne pourrait survivre, soyez-en assurés, c'est logi-
que, et nous le disons sincèrement. Je vous remercie encore une
fois.
M. LE PRESIDENT: Me Guay
ME GUAY: Aurions-nous le droit de fournir des notes à votre
commission, M. le Président?
M. CARDINAL: D'accord. J'invite M. Larivière ou Me Guay à
m'adresser les notes qui pourraient compléter leur exposé, de
façon que nous puissions travailler avec ces notes.
M. LE PRESIDENT: S'ils veulent les déposer, en plus de cela, au
journal des Débats...
M. CARDINAL: Bien, pas nécessairement au journal des
Débats. Ce sont des notes de travail. Nous amenderons le projet de loi
en conséquence, et la discussion aura lieu en comité
plénier à l'Assemblée nationale.
M. LEFEBVRE: Si Me Guay a la délicatesse d'en envoyer copie
à l'Opposition...
M. CARDINAL: Aucune objection.
M. LEFEBVRE: ... nous en tiendrons compte également, parce que M.
Pearson, mon collègue, a été le premier à soulever
cette question.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: Oui, j'aurais une question à poser à M.
Larivière ou à Me Guay pour saisir justement toutes les
implications de l'article 698. Dans votre mémoire, vous mentionnez
qu'autrefois l'évaluation ne devait pas dépasser $100
l'arpent.
M. LARIVIERE: $100 l'arpent, c'est cela.
M. PEARSON: Bon, en supposant que l'article 698 soit adopté tel
quel, cela voudrait dire à peu près une évaluation
à combien l'arpent?
M. LARIVIERE: Cela pourrait aller à $1,000, $2,000, $3,000,
$5,000 et $10,000 l'arpent. Cela pourrait aller jusque là, parce qu'il y
a des terres qui se sont vendues à ce prix-là. Essayez
d'établir c'est cela que nous nous demandons la valeur
réelle. Nous nous demandons si nous pouvons établir la valeur
réelle. C'est cela qui nous fait peur. Que ce soit $1,000 l'arpent ou
$500, inutile de tenter de continuer à gagner notre vie sur la terre,
c'est impossible. Avec tous ces chiffres-là, c'est impossible pour le
cultivateur, jusqu'à maintenant, même si nous avons des subsides
votés à la commission scolaire. Nous avons des subsides
votés pour les engrais chimiques. Nous avons des subsides votés
ici et là. Pourquoi? Pour nous permettre d'arriver à vivre. Si on
nous enlève tout cela, nous prétendons que la situation devient
impossible, je le déclare, et je suis convaincu que nous avons l'appui
de tous les cultivateurs de la province de Québec à ce sujet.
M. PEARSON: J'avais avancé, lorsque j'ai posé une question
au ministre, certains chiffres que quelqu'un m'avait fournis, mais je ne suis
pas cultivateur. Quand on parle d'arpents, d'acres, dans mon esprit, cela ne
correspond à peu près à rien. J'avais ainsi avancé
un bond qui pouvait aller de $100 peut-être jusqu'à $40,000.
Est-ce que c'est réaliste le chiffre que j'ai avancé ou si c'est
irréaliste pour une terre à peu près de 70 arpents?
M. LARIVIERE: Cela dépend, si l'on met l'évaluation
à $1 du pied, c'est vite calculé. Je n'ai pas été
à l'école longtemps, mais il y a à peu près dans un
arpent 36,000 pieds. Cela fait $36,000 l'arpent. Le gars qui a 40 arpents, cela
fait un joli montant, taxé à tel taux. Où un gars, comme
n'importe quel habitant, peut-il se ramasser avec ça?
M. PEARSON: Et avec cette réduction que vient de mentionner le
ministre, à l'effet que l'article 698 ne touchait pas à la
réduction de 35 p.c, avec cette réduction de 35 p.c, cela ne
serait pas...
M. LARIVIERE: Il n'y a aucun moyen d'arriver, même si on nous
laisse les 35 p.c; il n'y a pas un cultivateur qui peut arriver même
à $1,000 l'arpent. Il n'y a aucun cultivateur qui va arriver. J'ai des
experts ici, comme M. Boudrias, M. Lévis Nadon, de l'île
Jésus; ce sont des jardiniers martres en culture. Je suis convaincu. Si
vous voulez les entendre parler, M. Boudrias peut vous dire quelques mots. Nous
avons des chiffres des autres provinces et de l'Europe; nous pouvons vous
prouver ce que le gouvernement fait pour les cultivateurs dans ces
coins-là et ce qu'on essaie de détruire par ici. On devrait nous
laisser vivre ici comme ailleurs et même encourager l'agriculture. C'est
nous qui vous nourrissons. Si on enlevait, à un moment donné, les
produits du Québec et si vous étiez obligés d'acheter
à l'extérieur, que paierez-vous pour les légumes?
Seulement des légumes importés? A preuve, quand vous êtes
en plein marché d'été, que payez-vous pour les
légumes? Les concombres, la laitue, tout? Vous payez les concombres
$0.25 ou $0.30 la douzaine. Combien payez-vous la laitue et tous les
légumes en général? Mais quand il s'agit d'importation,
comme à ce temps-ci, vous payez un pied de laitue $0.30 et $0.35, il y a
une jolie différence. C'est à cela qu'il faut penser, messieurs.
Si vous nous enlevez tous ces droits-là, où irons-nous? C'est la
faillite pour tous les cultivateurs.
M. PEARSON: Je vais vous poser une question très délicate.
Pour faire un saut semblable, avec l'article 198, est-ce que vous n'avez pas
vous-mêmes l'impression que l'intention du législateur, c'est
justement de s'emparer ni plus ni moins des terres qui resteraient sur
l'île de Montréal?
M. LARIVIERE: Ce n'est pas mon souhait. Je lui souhaite de nous aider.
Ce n'est pas mon souhait qu'il veuille s'en emparer. Je sais la
délicatesse du ministre; je sais qu'il connaît la situation de
plusieurs cultivateurs, et je crois que, dans son comté, il y a des
cultivateurs; s'ils posaient la même question, je ne sais pas comment
nous serions reçus.
M. CARDINAL: Je pense que le député de Saint-Laurent n'est
pas sérieux, quand il pose cette question.
M. PEARSON: Ecoutez, si l'on considère le saut qui est
fait...
M. CARDINAL: M. le Président, ça n'a jamais
été l'intention du législateur d'interpréter la loi
de cette façon. J'ai moi-même été surpris quand on a
fait cette interprétation. "Valeur réelle" est un terme
technique; je ne commencerai pas cet après-midi, une conférence
sur les mots "valeur réelle". Il s'agit ici de rôle
égalisé, il ne s'agit pas de rôle monté dans les
proportions qu'on a indiquées. En réponse déjà, le
19, j'ai donné trois éléments de solution. Les 35 p.c.
demeurent, c'est-à-dire que, malgré l'affirmation qu'on a faite,
ceci n'abolit pas toute loi contraire quand l'évaluation ne vient pas
changer cette loi.
Deuxièmement, le comité est déjà
créé, au ministère, pour voir comment l'on pourrait
définir une terre en culture. Le député de Saint-Laurent
sait fort bien que, lorsque l'on va commencer à définir ce qu'est
une terre maraîchère ou un jardinier, ou une terre en culture, il
va y avoir des cultivateurs qui vont avoir des terres en culture pour des fins
autres que la culture, pour des fins de fraude fiscale. Il faut tenir compte de
la justice distributive.
Et, troisièmement, j'ai indiqué que l'article sera
certainement modifié. Alors je ne peux pas donner davantage de
garanties. Je dois attendre le rapport du comité qui travaille, et
j'attends avec plaisir une lettre de Me Guay.
M. PEARSON: M. le ministre, justement, à ce sujet-là,
c'est bien sûr que si on interprète l'article tel qu'on
l'interprète actuellement, comme les cultivateurs viennent de le dire,
c'est impossible pour eux de continuer à cultiver. Et vous dites que
vous ne pouvez apporter aucune espèce de garantie. Est-ce que vous
pourriez dire que, probablement, avec les amendements qui seront
peut-être apportés, un cultivateur qui est sur une ferme ou sur
une terre, qui fait de la culture, va probablement avoir une augmentation de
son taux de taxes mais pas assez pour l'empêcher de vivre sur sa
ferme?
M. CARDINAL: Sûrement, le cultivateur bona fide.
M. PEARSON: Ah bon!
M. LARIVIERE: Juste un mot. Je ne crois pas que ce soit l'intention du
gouvernement de vouloir s'emparer de nos terres. Je ne le pense pas, parce
qu'il serait mal pris.
M. LE PRESIDENT: Le député de Jacques-Cartier a quelque
chose à dire?
M. SAINT-GERMAIN: Au sujet de la ville de Saint-Laurent en particulier.
Est-ce qu'il y a eu fusion entre la paroisse et la municipalité? Je
crois qu'il y a eu certaines garanties sur la taxe. En quelle année, si
je puis le demander?
M. LARIVIERE: En 1954. Je siégeais au conseil de l'ancienne
paroisse.
M. SAINT-GERMAIN: Et quelle était l'entente qui a existé
dans ce temps-là?
M. LARIVIERE: L'entente était que tant et aussi longtemps que les
terres demeureront en culture, nous paierons le même quantum de taxes
qu'en 1953. C'étaient les conditions. C'est pour cela que nous avons
consenti à ce que la vieille paroisse s'annexe avec la ville de
Saint-Laurent. Sans cela, pour aucune considération, nous n'aurions
accepté l'annexion.
M. LE PRESIDENT: Nous vous remercions.
M. TREMBLAY (Montmorency): Cet article 698, en fait, me semble un peu
anormal parce qu'il y a des lois, en définitive, qui protègent le
cultivateur. On parle du code municipal, et de la Loi des cités et
villes qui définit que les terres en culture sont évaluées
à $100 l'arpent. Maintenant, je me demande à quoi va servir
encore ce nouveau comité pour réétudier, redéfinir?
Peut-être que les définitions ne seront pas...
M. CARDINAL: D'ailleurs, cela va être pour
déconfessionnaliser les terres en culture.
M. TREMBLAY (Montmorency): Les terres en culture; Franchement, je suis
maire d'une petite municipalité de banlieue, et les mêmes
problèmes qui se présentent là se présentent chez
nous aussi, et je pense que ce serait une catastrophe qu'un tel article soit
appliqué. Je pense que le ministre pourrait donner une réponse
rapide disant que les lois existantes protègent le cultivateur. Je pense
qu'on l'a exprimé suffisamment tout à l'heure. On a dit que les
lois, le code municipal, la Loi des cités
et villes le protègent à cet égard, et je pense
qu'on devrait s'en tenir à cela. Pourquoi encore tout bouleverser, tout
remettre en question, pour arriver avec de nouvelles définitions qui,
sûrement, vont finir encore par spolier le cultivateur.
M. le ministre, je pense que vous pourriez donner à ces messieurs
une réponse, aujourd'hui, disant que vous protégerez leurs
droits, en respectant les lois qui sont déjà établies
à cet égard. Je pense qu'ils pourraient retourner chez eux
satisfaits, tout le monde serait content, et la justice à tous les
égards serait respectée.
M. CARDINAL: M. le Président, je vais être bon prince et
répéter une quatrième fois ce que j'ai déjà
dit trois fois: J'assure tous les cultivateurs qui se présentent devant
nous aujourd'hui que le projet de loi sera amendé pour les
protéger de façon que leurs craintes ne se réalisent
pas.
M. LARIVIERE: Nous avons confiance. M. CARDINAL: Merci.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que monsieur a quelque chose à dire?
UNE VOIX: Pardon?
M. LE PRESIDENT: Il y a monsieur, ici. Voulez-vous vous identifier, s'il
vous plaît?
M. ALLAIN: Oui. Allain, président général de
l'UCC.
M. LE PRESIDENT: Ah bon!
M. ALLAIN: Alors, l'UCC a été mise en cause, et la seule
chose que je veux vous dire, M. le Président, c'est ceci: Nous avons une
déclaration écrite. Voulez-vous qu'on vous la remette?
M. LE PRESIDENT: Oui, s'il vous plaît.
M. LEFEBVRE: M. Allain, est-ce très long votre
déclaration?
M. ALLAIN: Non, ce n'est pas très long.
M. LEFEBVRE: C'est qu'on pourrait l'inclure au journal des
Débats. Ce qui gêne un peu tout le monde cet après-midi,
c'est que nous avions convenu d'entendre les représentants des
cultivateurs. D'ailleurs, eux-mêmes nous ont dit que leur mémoire
était relativement bref. Nous devons, ensuite, entendre les
représentants de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, qui ont un mémoire très complexe. Alors, c'est
la seule raison pour laquelle, quant à moi, j'accepterais votre aimable
offre. Normalement, je crois que vous devriez lire votre texte. Si vous
êtes d'accord, compte tenu du fait que nous devons ajourner à six
heures, je pense que vous obtiendrez justice quand même si votre texte
est inclus au journal des Débats. Evidemment, tous les membres du
comité en prendront connaissance. Si ça vous convient.
M. ALLAIN: M. le Président, je me rends facilement à
l'offre que fait M. le député. A moins que vous ne me posiez des
questions, la lecture faite, je serais prêt à me retirer.
M. LE PRESIDENT: Voici ce qui arrive. Nous avons établi un ordre.
C'est le temps qui nous limite. Ce n'était pas prévu au
programme. Il y a une chose que vous pourriez faire, c'est de demander au
secrétaire des commissions de vous faire inscrire sur la liste et nous
vous entendrions un autre jour.
M. ALLAIN: L'information que nous avons eue était que nous
devions nous présenter ici. Je ne sais pas comment ont fonctionné
les arrangements.
M. CARDINAL: Je m'excuse, mais ce qui a été convenu entre
l'Opposition, le gouvernement et le président, c'est que le groupe de
cultivateurs représentés par M. Larivière se
présentait. C'est la première fois que j'entends dire que l'UCC
devait présenter un mémoire cet après-midi. Je ne voudrais
pas empêcher quelqu'un de parler, mais nous avons fait venir des gens de
Montréal et nous avons convenu de leur donner tout l'après-midi.
Nous devions vous entendre pendant quinze minutes et voilà
déjà trente-cinq minutes que nous passons sur le sujet. Je ne
veux pas du tout vous mettre dans l'embarras, mais, si nous commençons
un débat avec l'un des députés ou des gens dont la
présence n'était pas prévue à l'ordre du jour, il y
a de grandes chances que le mémoire de la CECM soit remis à plus
tard. Ceci serait un incident malheureux, je pense.
M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, je proteste!
M. CARDINAL: Bien, protestez, M. le député!
M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président, ces gens-là
aussi se sont déplacés. L'Union catholique des cultivateurs
accompagne le groupe de cultivateurs en question et je pense qu'ils ont autant
d'importance ici que n'importe quel autre dans la province de Québec.
Ils ont le droit de s'exprimer. Nous devrions leur donner quelques minutes pour
lire leur mémoire, comme nous l'avons permis à tout le monde.
M. LAFRANCE: Ce n'est pas le moment de faire de la démagogie. Je
crois que, si le
mémoire est inscrit dans le compte rendu, cela va avoir la
même valeur, après les explications qui ont été
fournies.
M. LEFEBVRE: M. le Président, libre au député de
Montmorency de faire le genre de politique qu'il veut. Je pense que M. Allain a
très bien compris tout à l'heure. S'il en est besoin, en tant que
représentant de l'Opposition officielle, je donnerai aux cultivateurs la
garantie suivante: Si le ministre ne tenait pas parole je n'ai pas de
raisons d'en douter, remarquez, mais nous sommes là un peu, si vous
voulez, comme des chiens de garde pour surveiller les intérêts de
la population je puis assurer les cultivateurs que nous n'aurons pas
besoin du député de Montmorency pour nous assurer que le ministre
va vraiment tenir compte de l'engagement qu'il a pris. Si, d'aventure, il ne le
faisait pas, nous signalerons la chose à M. Allain et nous ferons tout
notre possible pour qu'il ait, à ce moment-là, l'occasion de
reprendre le débat. Tout le monde convient que cet article-là a
été une erreur, somme toute. Il ne semble pas que le
législateur ait l'intention que l'article lui prête. Il n'y a
peut-être pas lieu d'allonger le débat, à ce moment-ci. Si,
une fois les corrections apportées, il y a encore un problème, je
pense qu'on pourra y voir dans le temps si tout le monde est d'accord; sinon,
M. Allain peut évidemment revendiquer son droit de lire son texte. Il a
parfaitement le droit de le faire.
M. ALLAIN: M. le Président, je vais m'en remettre à votre
décision. Si vous me dites que je peux le lire, je le lis. Si vous me
dites que je ne peux pas le lire, je ne le lis pas et je me retire. Ce serait
déjà fait si...
M. LE PRESIDENT: Je vais vous proposer une autre chose: on pourrait vous
inscrirepour un autre jour où nous pourrions vous entendre.-
M. CHOQUETTE: M. le Président, pendant que M. Allain est ici, il
faudrait, quand même, être pratique et étudier le point de
vue de l'UCC. Alors, est-ce que M. Allain considère que la commission a
besoin de plus amples explications que celles qui nous ont été
données tout à l'heure par le représentant des
cultivateurs de la région de Montréal et que celles qui sont
contenues à son mémoire? Je pense que c'est ça, la
question.
Mémoire de l'UCC
M. ALLAIN: On a mis en cause l'UCC; on a fait état de son appui.
Ce que je demanderais respectueusement, c'est qu'on sache bien en quoi consiste
l'appui de l'UCC et comment il se situe dans le contexte. C'est écrit en
quatre pages ici. Est-ce qu'on peut le lire?
M. CHOQUETTE: Est-ce que vous pourriez l'expliquer?
M. ALLAIN: Ce serait peut-être plus rapide de le lire.
M. CHOQUETTE: Bien, lisez!
M. ALLAIN: M. le Président, messieurs les membres du
comité, la direction de l'Union catholique des cultivateurs, organisme
qui regroupe la majorité des cultivateurs du Québec, a pris
connaissance du projet de loi 62 concernant l'organisation scolaire sur
l'île de Montréal.
Elle a particulièrement noté les implications que pourrait
avoir l'article 698 relatif à l'évaluation des terres en culture,
pour fins scolaires, et elle désire vous faire connaître son point
de vue à ce sujet.
Le problème posé par l'article 698 est le suivant:
L'article 698 du projet de loi stipule que les terres en culture dans le
territoire de l'île de Montréal doivent être
évaluées, pour fins scolaires, à leur valeur
réelle. Or, vous vous en doutez bien, la valeur des terres en culture
sur l'île de Montréal, comme d'ailleurs sur d'autres territoires
urbains, n'est pas déterminée par le revenu que peut procurer
l'exploitation agricole de ces terres, mais bien plutôt par leur
utilisation possible à des fins de développement domiciliaire,
industriel ou commercial. L'application d'une taxe scolaire à la valeur
réelle de ces terres serait, en conséquence, sans aucun rapport
avec le revenu qu'elles peuvent assurer dans l'immédiat à leurs
propriétaires.
Prenons, pour mieux saisir ce problème, l'exemple d'une ferme de
soixante acres ce qui était à peu près la
superficie moyenne des fermes sur l'île de Montréal et l'île
Jésus au moment du dernier recensement fédéral
évaluée à $2,500 l'acre, ce qui apparaît très
conservateur. Cette ferme, au taux actuel de la taxe imposée par la
Commission des écoles catholiques de Montréal, devrait supporter
à chaque année une taxe scolaire d'environ $2,500. Il est tout
à fait évident qu'il s'agit là d'un montant qui n'est pas
proportionné au revenu qui peut être tiré de l'exploitation
d'une ferme de cette superficie. Le cultivateur qui aurait à honorer un
tel montant de taxe serait, à toutes fins pratiques, conduit à
abandonner l'exploitation de sa ferme.
L'application des dispositions du bill 62 relatives à
l'évaluation des terres en culture aurait donc comme conséquence
plus ou moins immédiate de chasser l'agriculture de l'île de
Montréal. L'application de mesures semblables sur d'autres territoires
urbains, suivant ce précédent, aurait d'ailleurs les mêmes
conséquences. Nous ne croyons pas que c'est là l'objectif que
cherche à atteindre l'article 698 du projet de loi. On cherche
certainement plutôt à éviter que des terrains agricoles qui
ont été vendus à des individus, pour des fins de
développement domiciliaire ou industriel, continuent à être
taxés sur la base de leur valeur agricole. Nous souscrivons à cet
objectif, mais sommes d'avis que l'article, tel que rédigé,
entraîne des consé-
quences qui vont au-delà de cet objectif et qui affectent de
véritables cultivateurs qui tirent actuellement leur revenu de
l'exploitation agricole de leur terre.
Recommandation de l'U.C.C.
Tenant compte de ces faits, l'U.C.C. demande donc que l'article 698 du
projet de loi 62 soit simplement rayé. En attendant que le nouveau
régime d'impositions foncières que nous réclamons depuis
quelques années pour les cultivateurs soit mis en application, le calcul
de la taxe scolaire pour les terres en culture sur l'île de
Montréal, comme sur les autres territoires urbains, pourrait continuer
à se faire suivant les modalités prévues par la Loi des
cités et villes, article 523 du chapitre 193 des Statuts refondus du
Québec 1964.
Suivant cet article, dont on trouvera le texte complet en annexe au
présent document, les terres en culture d'une superficie de 15 arpents
ou plus ne peuvent être évaluées à plus de $100
l'arpent, à moins qu'elles aient été vendues pour des fins
de lotissement, de développement domiciliaire, industriel ou commercial,
de spéculation ou d'opérations immobilières quelconques.
Si, cependant, l'application des dispositions de la Loi des cités et
villes posait des problèmes et rendait possible l'évaluation de
terres sous spéculation sur la base de leur valeur agricole, il faudrait
tout au plus que la loi concernant l'organisation scolaire de l'île de
Montréal, comme toute autre loi scolaire qui pourrait être
adoptée dans l'avenir, élimine ces difficultés
d'application sans affecter les terres qui sont réellement
exploitées par des cultivateurs.
L'U.C.C. se croit d'autant plus justifiée de vous faire cette
recommandation, MM. les membres de la commission parlementaire de l'Education,
qu'elle a fait, au cours des dernières années, des études
spécifiques et présenté des mémoires particuliers
sur le problème de l'impôt foncier en milieu agricole. Il s'agit
donc là d'un problème que nous connaissons bien et qui a fait
l'objet de recommandations beaucoup plus larges que celles qui sont contenues
dans le présent mémo.
Nous vous remercions de l'accueil que vous ferez à la
présente recommandation. Nous sommes à votre disposition pour de
plus amples renseignements.
C'est signé: L'Union catholique des cultivateurs.
Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci.
M. ALLAIN: Et, selon mon engagement, s'il n'y a pas de questions,
j'accepterais de me retirer.
M. LE PRESIDENT: Très bien. Nous vous remercions. Nous entendrons
maintenant la Commission des écoles catholiques de Montréal, dont
le parte-parole est Me Pierre Carignan, président.
UNE VOIX: Comme cultivateur, je vous remercie beaucoup.
M. BOUDRIAS: Comme le président des horticulteurs...
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous voulez dire quelque chose?
M. BOUDRIAS: Certainement. UNE VOIX: Après la CECM.
M. LE PRESIDENT: Après la CECM, on pourra vous entendre.
M. TREMBLAY (Montmorency): Pourquoi, après la CECM? Cela fait
partie du même groupe. Est-ce que c'est la pétition que vous avez
déposée?
M. BOUDRIAS: J'ai ici un mémoire de l'Association des
jardiniers-maraîchers de la région de Montréal. Je pense
que nous avons certainement le droit, comme citoyens du Québec, à
cinq minutes.
M. CHOQUETTE: Certainement, M. Boudrias.
M. GARDNER: Ce n'est pas le droit que l'on conteste. C'est la
façon de procéder, tout simplement.
M. BOUDRIAS: Je comprends. Nous ne sommes pas habitués comme
vous. Nous venons ici une fois tous les cinq ans. Nous venons simplement vous
demander la permission...
M. CARDINAL: M. le président, si les députés de
l'Opposition s'étaient entendus entre eux, cet incident ne se produirait
pas. Je ne comprends pas le député d'Outremont alors qu'il
y a déjà une convention avec le député d'Ahuntsic
de prendre la place du président et de dire: Allez-y, ou n'y
allez pas! Je suis vraiment surpris de...
M. CHOQUETTE: Je ne comprends pas l'intervention du ministre de
l'Education. M. Allain était à la barre et nous avions
déjà abordé le sujet. Je ne l'ai pas invité
à lire son mémoire. Je l'ai invité à donner des
explications à la commission.
M. LE PRESIDENT: M. Boudrias, est-ce que vous avez des copies de votre
exposé?
M. BOUDRIAS: Oui, j'en ai des copies pour
vous. Il y a seulement deux pages. Nous tenons à vous exprimer
ici que c'est un mémoire préparé par les
jardiniers-maraîchers.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que c'est dans le sens de M.
Larivière?
M. BOUDRIAS: Pas tout à fait. Je vous demande deux minutes.
M. LE PRESIDENT: Très bien.
Mémoire des jardiniers-maraîchers
M. BOUDRIAS: Merci, M. le Président. Ce mémoire est de
l'Association des jardiniers-maraîchers de la région de
Montréal.
M. le premier ministre, M. Clément Vincent, honorable Jean-Guy
Cardinal, M. Robert Bourassa, M. René Lévesque et autres
représentants, messieurs:
Nous sommes reconnaissants du privilège que nous avons de pouvoir
nous exprimer librement sur le projet de loi 62, principalement sur l'article
698, qui concerne présentement les agriculteurs de l'île de
Montréal, tout particulièrement, et intéresse beaucoup
ceux de l'île Jésus, ainsi que ceux de toutes les autres villes de
province.
Au Québec, dès le début de la colonie,
l'agriculture a été encouragée et aidée par tous
les gouvernements qui se sont succédé. Nous les en remercions,
car, sans cette aide continue, il n'y aurait pas eu de vie possible. Le
Québec n'a pas créé un précédent; tous les
pays du monde ont toujours aidé l'agriculture et, sous
différentes formes, continuent à aider les agriculteurs plus
qu'en aucun temps. A Ottawa, nous sommes témoins de l'aide
accordée aux producteurs de blé. Aux Etats-Unis, les agriculteurs
bénéficient de deux milliards et demi pour produire et non
produire. Au coeur du Marché commun en Europe, on accorde des centaines
de millions aux agriculteurs afin qu'ils s'emparent des marchés
mondiaux. Ce ne sont que quelques exemples. Notre industrie laitière ne
peut se maintenir que par des subsides que nos gouvernements consentent
à ces producteurs, subsides qui sont de l'ordre de 125 millions pour le
pays. Comme la majorité des agriculteurs affectés par l'article
698 du bill 62 sont des horticulteurs, comme nous estimons que nous sommes ceux
qui coûtent le moins cher au gouvernement et que, aujourd'hui, nous
participons grandement à l'amélioration de l'économie du
Québec, nous vous demandons, M. le premier ministre, M. Vincent, et
spécialement M. Jean-Guy Cardinal et autres représentants du
peuple, de faire disparaître l'article 698 du projet de loi 62,
concernant la taxation scolaire à la valeur réelle des terres. Un
certain nombre des personnes concernées ont été vues et
ont apposé leur signature à une requête qui vous a
été présentée. Cette requête a
été appuyée à cent pour cent par notre
association.
Les agriculteurs sont confiants que vous leur accorderez ce qu'ils vous
demandent, messieurs, et seront heureux dans l'avenir, comme ils l'ont fait
dans le passé, de continuer à produire les meilleurs fruits et
légumes et le meilleur lait, afin de nourrir la belle population du
Québec avec la production de ces bonnes terres. Messieurs, sans
l'agriculture, quel serait le coût de la vie? Deux, trois ou quatre fois
plus que nous payons dans le moment. Voilà les raisons pour lesquelles
nous vous demandons de continuer dans son entier le programme d'aide que vous
avez maintenu jusqu'à aujourd'hui. Nous tenons à vous le
manifester de nouveau, nous vous en sommes reconnaissants. Un mot de plus: les
jardiniers, étant à 98 pour cent catholiques et ayant Monseigneur
Grégoire comme évêque, demandent à la commission de
prendre en considération ces recommandations à propos du bill 62.
Merci, messieurs.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Boudrias.
Séance à Montréal
M. LEFEBVRE: M. le Président, avant que nous entendions les
autres requérants qui ont un mémoire très volumineux et
d'une grande importance, à mon avis, j'aimerais faire une proposition
concernant la procédure. Je ferai motion, appuyé par le
député de D'Arcy-McGee, pour que notre commission obtienne,
dès demain, la permission de la Chambre de siéger à
Montréal, lundi matin le 9 mars, à 9 heures, pour continuer
d'entendre les représentants de la CECM.
M. CARDINAL: Est-ce que je peux vous interrompre? J'aurais aimé
que le député d'Ahuntsic m'en parle d'avance. Les obligations que
nous avons actuellement au gouvernement ne me permettraient pas d'accepter
cette date. Ce n'est pas une question de principe, mais une question de
temps.
M. LEFEBVRE: Pour bien montrer que mon objectif n'est pas
d'embêter le ministre, mais de faire progresser les travaux, je
modifierai sur-le-champ ma proposition, en la formulant de la façon
suivante: Je fais donc motion, appuyé par le député de
D'Arcy-McGee, pour que, demain, la commission de l'Education obtienne de la
Chambre l'autorisation de siéger désormais à
Montréal les lundis ou les vendredis, à la convenance des
parties, ceci de façon à faciliter le travail de tout le monde et
à accélérer les travaux de la commission.
M. le Président, nous avons un exemple aujourd'hui. Il y a eu un
certain malaise parmi les représentants qui avaient certainement tous le
droit de se faire entendre. Nous en sommes maintenant à entendre un
mémoire d'une grande qualité et d'une grande importance, celui de
la Commission des écoles catholiques de Montréal et, il est
évident que nous ne
pourrons pas compléter l'étude de ce mémoire
aujourd'hui. Est-ce à dire que les représentants de la CECM
devront revenir à Québec, alors que tous les membres de la
commission pourraient très facilement siéger à
Montréal? On sait que les membres de la commission sont interchangeables
et qu'il est très facile pour les deux partis de nommer des
députés de Montréal, donc de faciliter la tâche de
tous ceux qui veulent se faire entendre par la commission et, en même
temps, d'accélérer les travaux.
M. le Président, ce sont là les raisons qui motivent ma
motion. Je tiens à souligner que j'ai causé de cette motion avec
le chef de l'Opposition et avec le leader de l'Opposition en Chambre. Tous deux
sont parfaitement d'accord, comme, j'en suis sûr, mes collègues
ici présents. Encore une fois, ceci n'a qu'un but, celui
d'accélérer le travail de la commission et de permettre à
tous ceux qui veulent se faire entendre de se présenter devant la
commission parlementaire.
M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, je ne voudrais pas
créer des difficultés et commencer un débat, mais je n'ai
pas été prévenu de cette motion. J'ai parlé
moi-même au leader de l'Opposition hier; il a refusé qu'on
siège le jeudi. J'ai malheureusement un agenda qui me retient
actuellement, à cause d'un travail qui m'a été
confié par le premier ministre, tous les vendredis alternativement
à Québec et à Montréal. J'ai des réunions
toutes les semaines, jusqu'à Pâques inclusivement; je ne puis
accepter deux charges en même temps. Même si on peut faire
représenter tous les membres de la commission par les
députés de Montréal, il reste que celui qui vous parle
croit avoir le devoir d'être présent. Plutôt que de
m'opposer ou de discuter d'une motion semblable, je demanderais au
député d'Ahuntsic, s'il est d'accord de me donner le temps d'en
discuter en dehors de la commission. Je pourrais en parler ce soir au premier
ministre au conseil des ministres. Ensuite, nous pourrions ou donner notre
accord ou apporter une modification à la suggestion pour satisfaire tout
le monde.
M. LEFEBVRE: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce
qu'on négocie de bonne foi les termes de cette motion, parce qu'encore
une fois notre objectif est simplement de faire progresser les travaux.
M. CARDINAL: Je suis d'accord.
M. LEFEBVRE : Quels sont les jours où le ministre a du temps
libre?
M. CARDINAL: Vous savez qu'il est difficile de répondre à
une telle question. De fait, l'on sait que la Chambre siège mardi,
mercredi, jeudi et vendredi, que les prévisions budgétaires ont
été déposées cet après-midi et que le leader
de l'Opposition a refusé que les jours où la Chambre
siégeait, on se réunisse en commission, sauf le mercredi
après-midi.
M. LEFEBVRE: Sur ce plan-là, je dois interrompre le ministre,
parce qu'immédiatement avant d'arriver à la commission j'ai
personnellement consulté le leader parlementaire et le chef du parti,
dans le but, justement, de faciliter les travaux. Tout le monde, de ce
côté-ci, se rend compte de l'importance qu'il y a de faciliter le
débat sur le bill.
L'un et l'autre ont accepté l'esprit et même la lettre de
la motion que je viens de faire.
Le ministre parle d'hier; moi, je parle d'aujourd'hui.
M. CARDINAL: Oui, justement, c'est qu'hier vous étiez
absent à ce moment-là, ce n'est pas un reproche ...
M. LEFEBVRE: C'est juste, j'étais en dehors de la ville.
M. CARDINAL: ... j'ai rencontré M. Robert Bourassa, qui est le
chef de votre parti, en présence de M. Bertrand et de M. Paul. Mais, on
n'a pas pu convenir de dates. En fait, comme le député
d'Ahuntsic, je voudrais accélérer ces rencontres, je le
mentionnais même au président avant que cette séance ne
commence. Là où je suis mal pris, c'est que je n'ai pas
été consulté; tel que mon agenda est présentement
rédigé, les vendredis il me serait impossible d'être en
deux endroits en même temps.
M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre s'oppose au principe...
M. CARDINAL: D'accélérer les travaux?
M. LEFEBVRE: Non, non, que le comité siège à
Montréal?
M. CARDINAL: Non, mais je trouve que c'est difficile de trouver des
moments. Les vendredis, c'est impossible. Peut-être que, le lundi matin,
ce serait possible, si on regardait...
M. LEFEBVRE: A nouveau, afin de faire l'unanimité sur cette
question de ne pas faire de débats inutiles pour retarder les travaux,
je modifierai donc ma proposition pour qu'elle soit remarquez, on
pourrait prendre le vote, et le ministre serait peut-être en
minorité; mais ça ne fait rien on ne se paiera pas ce
plaisir.
M. CARDINAL: Non, j'ai vérifié, et vous n'auriez pas ce
plaisir.
M. LEFEBVRE: A tout événement, M. le Président, ce
n'est pas le genre de politique que nous faisons; ce qui nous intéresse,
c'est de faire progresser les travaux. Je modifie ma proposi-
tion dans le sens suivant: Que la commission recommande à la
Chambre d'être autorisée à siéger désormais
à Montréal lorsque la chose sera possible d'un commun accord
entre les chefs des deux partis.
M. CARDINAL; D'accord, ceci n'empêche pas de siéger le
mercredi après-midi à Québec.
M. LEFEBVRE: Non, non.
M. CARDINAL: Ceci dit, j'ai apprécié, M. le
Président, l'attitude du député d'Ahuntsic...
M. LEFEBVRE: C'est adopté à l'unanimité, je
crois.
M. CARDINAL: Oui avec certaines réserves. Son attitude nous
permet de procéder dès maintenant, je pense, à
écouter la CECM.
M. LE PRESIDENT: M. Carignan. Vous pouvez rester assis, si vous le
voulez.
Mémoire de la CECM
M. CARIGNAN: M. le Président, messieurs les membres de la
commission permanente de l'Education, je voudrais tout d'abord vous
présenter les membres de la délégation de la CECM. J'ai,
à ma droite, Mme Thérèse Roux, la vice-présidente
de la commission; je suis également accompagné de trois
collègues-commissaires, MM. André Gagnon, Joseph Pagé et
Antonio Saia. Font également partie de la délégation,
trois hauts fonctionnaires; immédiatement à ma gauche, Me Gilles
Poirier, le chef du contentieux, son adjoint, Me Marcoux, et le chef de
l'office des relations publiques de la commission, M. Gaston Dugas.
M. le Président, au nom de mes collègues de la Commission
des écoles catholiques de Montréal, j'ai l'honneur de vous
présenter officiellement notre mémoire sur le bill 62. Je ne me
propose pas de lire le texte de ce mémoire, qui est long; vous en avez
tous reçu une copie, vous l'avez probablement parcouru. Vous savez donc
déjà que la CECM, selon les termes mêmes qui sont
utilisés dans le mémoire, s'est déclarée favorable,
dans l'ensemble, aux mesures préconisées dans le bill 62 en vue
du renouvellement des structures scolaires de l'île de
Montréal.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'insister sur le fait que
nous acceptons les principes en vertu desquels il faut, par exemple, favoriser
la participation des parents, démocratiser les structures
administratives, accorder aux non-catholiques et aux non-protestants une place
qui leur soit propre dans le système scolaire, assurer une
péréquation complète des revenus et, enfin, simplifier
l'organisation scolaire.
De tous les points sur lesquels la CECM est d'accord avec le projet de
loi, je n'en commenterai qu'un seul un point fondamental soit la
création de commissions scolaires unifiées, principe
approuvé par six commissaires sur sept. Parce que cette formule permet
à chaque citoyen de s'occuper de l'éducation de chaque enfant,
quelle que soit sa langue ou sa religion, et parce qu'elle agrandit son champ
d'action politique à la mesure de son champ d'intérêt, la
commission scolaire unique peut être considérée comme un
moyen d'instaurer une démocratie plus complète. Je crois pouvoir
ajouter que cette formule semble conforme généralement à
la conception anglo-saxonne de la démocratie. Et pour s'en rendre
compte, il suffit de regarder un peu ce qui se passe dans les autres provinces
où, on le constate actuellement, on veut faire une plus grande place au
français. Mais nulle part on a songé à établir des
commissions scolaires françaises. En cela, je pense, il faut imiter les
autres provinces. Je vous prie de me croire, je ne dis pas cela par esprit de
représailles, mais tout simplement parce que c'est une façon
saine de réaliser la démocratie à l'école.
Malgré cet accord de principe, la CECM suggère dans son
mémoire vous vous en êtes rendu compte de nombreux
amendements au bill 62. Ces amendements touchent, d'une façon
générale, des questions de fonctionnement, en particulier les
suivantes: le rôle des comités d'école; le
mode de nomination des membres du conseil scolaire de l'île;
l'inscription dans le bill de garanties en matière linguistique et
religieuse; la liberté d'action qu'il convient d'accorder au
conseil scolaire et aux commissions scolaires.
Sur le premier point, le rôle des comités d'école,
la CECM s'inquiète de l'imprécision d'un article qui confie aux
parents le soin de veiller à la qualité de l'enseignement. On se
demande si cet article ne pourrait pas être interprété
comme donnant un pouvoir réel de décision, un pouvoir coercitif
aux parents. Si c'est ce qu'il veut dire, la CECM est d'avis que l'article va
trop loin.
Sur le deuxième point, le mode de nomination des membres du
Conseil scolaire de l'île, la CECM recommande au gouvernement de faire
confiance au "local government", tout comme il l'a fait dans sa loi instituant
la communauté urbaine de Montréal.
Quant aux garanties linguistiques et religieuses, la CECM croit
nécessaire d'en insérer dans le projet de loi, sans
reconnaître de privilèges à aucun groupe. Sans, rien
sacrifier de l'essentiel du projet de loi, il est possible, croit la CECM,
d'expliciter dans le projet de loi ce que, en cas de silence du
législateur, un sentiment de justice nous conduirait à admettre
de toute façon. C'est dans cet esprit que la CECM recommande des
garanties additionnelles en matière linquistique et religieuse.
Au sujet des autorisations à obtenir de Québec, la CECM
comprend le juste souci du
gouvernement de conserver un droit de contrôle sur le conseil
ainsi que sur les commissions scolaires; mais elle croit aussi qu'un
contrôle trop rigoureux risque de paralyser ces organismes, surtout un
organisme aussi important que le sera le Conseil scolaire de l'île et
que, conséquemment, les diverses interventions gouvernementales
devraient être réduites, si possible, pour préserver
l'efficacité des opérations importantes.
En terminant, je voudrais rappeler que la CECM recommande de modifier
l'appellation des organismes scolaires à créer dans
l'île de Montréal. Le mot "commission" devrait, il nous
semble, être remplacé par "conseil". Pour éviter toute
confusion, l'appellation "Conseil scolaire de Montréal" pourrait alors
être changée en celle de "Communauté scolaire de
Montréal", pour faire le pendant à la Communauté
municipale de Montréal.
Si vous me permettez une malice, M. le ministre de l'Education, la
dénomination de commission scolaire est impropre, et c'est
souligné dans une brochure de votre ministère: "Le vocabulaire de
l'Education du Québec".
Voilà, M. le Président, l'essentiel du mémoire de
la CECM. Je n'ai pas voulu reprendre une à une chacune des
recommandations, étant assuré que les questions qui seront
posées nous amèneront probablement à le faire.
Je voudrais souligner à votre commission, M. le Président
les renseignements me sont parvenus cet après-midi les
résultats d'un sondage effectué par le Comité consultatif
d'éducation de la CECM auprès de quelque 1,500 membres de quelque
150 comités consultatifs d'écoles de la CECM, et il y avait des
questions posées sur le bill 62. Si votre comité est
intéressé à obtenir les résultats de ce sondage, M.
Dugas, de l'office des relations publiques de la CECM, pourrait, en quelques
minutes, vous le résumer; si vous préférez que nous vous
fassions parvenir un document écrit, c'est à votre
convenance.
M. LE PRESIDENT: Très bien. M. Dugas, vous pouvez
procéder.
M. CARDINAL: Il serait intéressant de les avoir
immédiatement.
M. LEFEBVRE: M. le Président, si, parfois, M. Dugas devait
abréger, je pense que tous les membres de la commission seraient
intéressés à avoir le texte au complet. Cela
n'empêche pas M. Dugas de parler, il a une très belle voix.
Sondage du comité consultatif
M. DUGAS: M. le Président, c'est simplement pour vous dire dans
quel esprit cela a été fait. Ce n'est pas la commission qui a
demandé qu'un sondage soit effectué mais un organisme consultatif
de la commission qui s'appelle le
Comité consultatif d'éducation. Son mandat est de donner
des avis à la commission sur diverses questions; c'est également
de faire un rapport une fois par année sur l'état de
l'éducation à Montréal.
Cette année, le comité a décidé de prendre
contact avec le plus grand nombre possible de comités d'école sur
quatre questions en particulier. Sur chacune des questions, le comité a
fait parvenir de la documentation et un questionnaire. Une des quatre questions
portait sur le bill 62; vous avez devant vous les résultats d'une
compilation préliminaire.
Il y a eu, en plus de ce sondage par questionnaire, des rencontres dans
les sept régions administratives de la commission entre les membres du
comité d'éducation et les membres des comités
d'école. Vous avez environ dix personnes dans chaque comité
d'école, cinq parents qui sont élus par les parents des
écoliers et cinq instituteurs qui sont élus par le personnel
enseignant de l'école.
Ils ont reçu, en plus d'une première documentation, un
autre document qui faisait le parallèle entre les recommandations du
rapport Parent, du Conseil de restructuration scolaire de la ville de
Montréal, et du projet de loi 62. C'est à partir de ces
documents, sans qu'il y ait eu d'autres contacts, que les personnes ont
été appelées à répondre.
Vous avez donc la première question: Etes-vous favorable au
principe de la restructuration scolaire?
Les parents disent oui à 92 p.c, les enseignants à 94 p.c.
Je pense qu'il faudrait remarquer que, sur les 1,500 copies qui ont
été envoyées, il y a eu 479 retours.
Voici la deuxième question: Etes-vous favorable à
l'intégration des écoles catholiques, protestantes et autres que
catholiques et protestantes dans une même commission scolaire?
Les parents répondent à 73 p.c. oui; les enseignants
à 82 p.c.
Les deux autres questions portent sur l'élection des
commissaires
Vous voyez que, dans les questions 3 et 4, les parents, comme les
enseignants, sont favorables, mais dans une proportion moins grande que dans
les questions 1 et 2, dans les commentaires que nous avons eus, par ailleurs.
Ce n'est pas qu'ils sont opposés à un mode électif, c'est
que plusieurs voudraient que les comités d'école soient
appelés à élire un plus grand nombre de commissaires. A la
question 5: Les quinze membres du conseil scolaire sont nommés par le
gouvernement et non élus; êtes-vous d'accord avec cette
façon de procéder? Les parents sont contre à 81 p.c. et
les enseignants sont contre à 93 p.c.
A la dernière question : Etes-vous favorable à ce que le
comité d'école, tel que décrit dans le projet de loi,
remplace la formule du comité consultatif d'école? Les parents
disent: oui, à 62 p.c. Ils ne sont pas trop sûrs s'ils sont
vraiment capables de remplir le rôle qu'on veut leur assigner.
Tandis que chez les enseignants, c'est très clair: 43 p.c. seulement
disent oui; 56 p.c. disent non. Cela reflète un peu la situation qui
existe dans les écoles.
M. le Président, je pourrais dans peut-être une semaine ou
deux, si cela présente de l'intérêt pour vous, faire
parvenir à la commission un document beaucoup plus complet, qui
analyserait ce sondage. Vous n'avez là, encore une fois, qu'un
résultat préliminaire.
M. LE PRESIDENT: Très bien, vous pourrez le faire. Oui, M.
Carignan.
M. CARIGNAN: M. le Président, c'est seulement une tentative
d'interprétation du fait que les enseignants se sont
déclarés défavorables à ce que le comité
d'école, tel que décrit dans le projet de loi, remplace la
formule du comité consultatif d'école actuel. Ils se sont
déclarés défavorables dans une proportion de 56 p.c. Je
pense, précisément, que c'est pour la raison que je vous ai
signalée. Ils interprètent un article du projet de loi comme
donnant aux parents un pouvoir coercitif en ce qui concerne la qualité
de l'enseignement. Enfin, je ne peux pas le prouver, mais je savais avant que
je connaisse l'existence de ce sondage que cette disposition préoccupait
beaucoup les enseignants.
M. LEFEBVRE: Les principaux de vos écoles sont d'ailleurs venus
nous en parler l'autre jour.
M. CARDINAL: M. le Président, de fait, j'ai assisté au
mini-congrès de l'Alliance des professeurs et ceci est revenu, à
plusieurs reprises, comme sujet de discussion, et je pense, pour avoir
été présent aux discussions du mémoire de
l'Alliance, pouvoir confirmer ce que vient de dire le président de la
CECM.
M. le Président, si vous permettez, avant de laisser la parole
aux députés, quelques brefs commentaires: Tout d'abord,
félicitations pour le mémoire et pour le sondage. Ce sont deux
instruments de travail qui nous aideront beaucoup à la commission. Tout
particulièrement ce questionnaire, qui est un sondage et qui arrive
après celui que les membres mêmes de la commission ont
accepté, où l'on retrouve des questions qui sont analogues,
vient, pour la première fois, répondre aux inquiétudes de
quelques membres de la commission qui, lorsqu'on invoquait des chiffres qui
venaient de la commission Parent, par exemple, les mettaient facilement en
cause.
Nous n'avions pas eu, jusqu'à présent, devant cette
commission, un échantillonnage qui permette autre chose que des
affirmations basées plutôt sur des impressions. Je prends quelques
petites points de détail, parce que, déjà, à cette
commission, des choses ont été dites. Le terme "commission
scolaire", j'ai été le premier à trouver qu'il
était impropre, mal choisi. J'ai indiqué qu'il était
choisi dans le projet de loi, lorsque le projet de loi, techniquement, amende
l'article 203 de la loi de l'Instruction publique.
Comme il n'est techniquement qu'un long amendement à une loi
où il est sans cesse question de commission scolaires, même si les
commissions scolaires, en vertu du projet de loi 62, ne sont pas exactement ce
que sont les autres commissions scolaires, il faudrait ou bien une refonte
totale de la Loi de l'instruction publique ou bien un proviso qui vienne
interpréter relativement les uns aux autres les nouveaux termes et les
anciens.
Sur le principe de l'appellation, le mot "commission scolaire" est
certainement impropre. Ce n'est que pour cette raison technique qu'il a
été retenu, et, devant la commission, j'ai employé des
mots comme "arrondissement", comme "district", comme "conseil", comme le fait
la commission.
Sur le rôle du gouvernement au niveau du conseil
métropolitain, tel qu'il est décrit dans la loi, j'ai
moi-même déjà indiqué deux choses: La
première, c'est que je trouve que les interventions du ministre, du
ministère ou du gouvernement sont trop nombreuses, il va falloir
établir un "Telex" entre le conseil et le bureau du ministre, pour qu'on
puisse fonctionner, car il me semble que ce n'est pas selon les règles
du "management" qui nous conduiraient à de l'efficacité.
M. LEFEBVRE: Vous ne voulez pas dire que le bill a été
rédigé à votre insu, M. le ministre?
M. CARDINAL: Je n'ai jamais dit ça. J'ai dit moi-même que
c'était un document de travail, M. le député d'Ahuntsic,
et qu'il fallait partir d'un instrument pour pouvoir ensuite en discuter. Ce
n'est qu'après avoir entendu un certain nombre de personnes et avoir
discuté que j'ai moi-même fait cette constatation.
Je veux cependant retenir une chose: à plusieurs reprises, au
sujet de ce projet de loi, je suis revenu à la fois, sur le rôle
des parents, le rôle des enseignants, le rôle des administrateurs
et le rôle de l'Etat; l'équilibre qu'il faut établir, c'est
l'équilibre entre chacun de ces rôles. C'est-à-dire que je
ne veux pas que, pour des raisons de crainte où de démagogie de
partisanerie politique, de mauvaises expériences passées ou
d'anxiété en face de l'avenir, l'on restreigne tellement le
rôle de l'Etat que l'on crée un deuxième ministère
de l'Education à côté du premier, de façon à
éviter l'Etat.
Si les gens qui sont là, élus à divers paliers,
selon divers modes qui sont encore à discuter, sont des gens
élus, le gouvernement est aussi composé de gens élus. Ce
qui est peut-être à trouver, c'est l'équilibre; d'ailleurs,
les pouvoirs de chacun des trois niveaux: comité d'école,
commission scolaire ou le terme que vous trouverez propre et
conseil métropolitain
sont certainement à revoir à la lumière de vos
discussions et des mémoires que nous avons déjà
entendus.
Sur la question des garanties additionnelles en matière
religieuse, j'ai déjà dit devant cette commission, à la
deuxième séance, je pense, celle du 11 décembre le
journal des Débats le rapporte que s'il s'avérait
nécessaire, pour apaiser les craintes, pour bien faire comprendre que
l'école confessionnelle demeure et que le mot "école" a un sens
nouveau, que s'il fallait, pour apaiser ces craintes et rassurer les gens,
donner des garanties additionnelles, rendre certains articles plus clairs et
ajouter certaines dispositions, le gouvernement était disposé
à le faire.
Sur la question des garanties linguistiques, je n'ai pas tenu le
même langage. Depuis la préparation de votre mémoire,
messieurs de la CECM, déjà un fait s'est produit et d'autres se
produiront. Je ne pense pas commettre d'indiscrétion en rappelant que le
président de la CECM était présent à cette
conférence de presse où j'ai fait part des premiers
règlements concernant la mise en application de ce qui est maintenant
loi et qui était connu sous le nom de projet de loi 63. D'ici quelques
semaines, d'autres règles adoptées par le gouvernement viendront
compléter celles qui ont déjà été
données pour l'enregistrement ou l'inscription des étudiants.
J'ai dit devant cette commission, devant les députés,
devant ceux qui se sont présentés, qu'avant que je me prononce au
nom du gouvernement sur des garanties additionnelles, qu'avant qu'on refasse le
débat qui a entouré le projet de loi 63, je
préférerais que nous ayons entendu tous ceux qui se seront
présentés devant nous, que soient connues du public les
règles administratives concernant l'administration, concernant la
pédagogie de l'enseignement d'une langue seconde,
particulièrement le français aux gens de langue anglaise.
Le projet de loi 63 vient amender le même article central de la
loi de l'instruction publique, l'article 203, que le projet de loi 62. On ne
peut donc pas, sauf sous un aspect purement rationnel, considérer
séparément chacun des projets de loi ou, éventuellement,
chacune des lois. Une fois qu'elles seront dans les statuts, elles ne feront
plus qu'une seule loi, l'une s'appliquant (projet de loi 63) à tout le
territoire du Québec et l'autre ne s'appliquant qu'au territoire
métropolitain qui est l'île de Montréal et l'île
Bizard.
Je ne veux certainement pas recommencer ce que j'ai dit soit ici devant
cette commission, soit devant divers groupes que j'ai rencontrés. C'est
pourquoi je laisserai l'occasion aux députés des deux
côtés de cette table et aux gens qui ont accepté de venir
à Québec de nous exprimer leur opinion, de poser des questions et
d'apporter des éclaircissements. Encore une fois, merci aux
représentants de la CECM, merci de la qualité du mémoire,
merci du sondage, qui est un élément nouveau et merci du ton de
la présentation du mémoire.
M. LEFEBVRE: M. le Président, à mon tour je
félicite les membres de la CECM. D'ailleurs je l'avais
déjà fait tout à l'heure, parce que j'avais pris
connaissance de leur mémoire avant d'entendre Me Carignan. Je crois que
c'est un mémoire d'une excellente qualité et que la commission
aimera sûrement scruter plus à fond par des questions aux
représentants autorisés de la commission. J'aurais moi-même
quelques questions à poser.
Cependant, je me permettrai de faire ici une remarque, tout d'abord.
Elle s'adresse au ministre et non pas aux membres de la commission. Je noterai,
une fois de plus, que le ministre est très lent à remettre en
question sa tranquille possession de la vérité au sujet du mode
de formation du Conseil scolaire de l'île de Montréal. Nous
venons, une fois de plus, d'entendre ce que tous les gens qui, jusqu'à
maintenant, ont témoigné à cette barre nous ont dit,
à l'effet qu'il était plus normal en bonne démocratie que
la démocratie parte de la base et monte vers le haut, et non pas
qu'à un moment donné il y ait cette espèce de rupture et
que Dieu le père qui siège à Québec choisisse
lui-même, au sein des commissions scolaires, ceux qui devront former le
conseil de l'île. Je m'attriste, M. le Président, de cet
entêtement du ministre, qui n'est pas étranger à la
méfiance que le bill suscite en plusieurs milieux. A nouveau, je fais
appel au ministre pour qu'il n'attende pas à la dernière minute
que cette méfiance s'accroisse outre mesure et qu'au moins sur ce point
il fasse preuve de bonne volonté et indique qu'il ne peut pas être
le seul à posséder la vérité. En
conséquence, qu'il se rende à l'opinion commune, à savoir
que les membres du conseil scolaire de Montréal devraient être
élus par les commissaires d'école.
Le sondage que nous avons décidé de faire aujourd'hui
je ne veux pas anticiper le résultat je serait bien
étonné s'il ne venait pas confirmer toutes les autres opinions
entendues jusqu'à maintenant.
Ceci dit, M. le Président, je crois que la commission devrait
entendre les commissaires qui ont émis une opinion dissidente, opinion
qui est inscrite. Mais, auparavant, si on me le permet, j'aimerais clarifier un
point qui m'apparaît important. Je ne voudrais pas du tout placer madame
la vice-présidente sur la sellette, mais les journaux nous ont
rapporté, madame, le fait que vous étiez membre du comité
chargé par l'archevêque de Montréal d'effectuer une
certaine consultation auprès des catholiques. Comme les comptes rendus
sur ce point étaient peu précis, j'aimerais, si vous le voulez
bien, que vous disiez à la commission si, quant à vous, vous
êtes solidaire de ce mémoire, puisqu'il n'y a aucune indication
à l'effet contraire. Le fait qu'on ait mentionné votre
participation à l'au-
tre entreprise et le texte de la déclaration de
l'archevêque, cela peut soulever quelque ambiguïté quant
à votre position personnelle.
MME LAVOIE-ROUX: M. le Président, je ne savais pas que mon nom
avait été mentionné publiquement comme ayant fait partie
du comité qui a pris la responsabilité du sondage de
l'archevêché auprès des catholiques de l'île de
Montréal. Puisque l'on me demande d'expliciter mon rôle, je dirai
que j'ai accepté d'abord de participer à ce comité qui
devait prendre la responsabilité de la consultation. J'ai
participé à l'élaboration du questionnaire, à la
compilation des questions. Je savais qu'en acceptant de jouer ce rôle, je
pouvais comme vous le dites, M. le député me mettre
peut-être dans une situation ambiguë, mais il ne s'agissait pas,
dans le travail du comité, de formuler des opinions quant à ma
position propre, mais vraiment de faire une compilation d'après le
questionnaire qui était envoyé aux catholiques du
diocèse.
Par un hasard de circonstances, je n'ai pas participé à la
rédaction finale que le comité a fait parvenir à
l'évêque, étant en dehors de la ville. Je dois dire
cependant qu'on m'a remis ce rapport, et que pour autant que je peux voir, il
est vraiment conforme au dépouillement auquel j'ai participé. Je
ne sais pas si je réponds à votre question, mais je
n'étais pas dans une situation ambiguë du fait qu'il s'agissait
pour moi de participer à un comité de travail qui formulait des
questions, qui compilait des données et qui, à partir de ces
données, faisait un rapport aussi objectif que possible à
l'évêché qui devait s'en servir ou ne pas s'en servir,
selon son bon vouloir.
M. LEFEBVRE: Tout ce que je voulais préciser, si vous le
permettez, madame... Encore une fois, je crois que remplissant une fonction
publique, vous n'avez certainement pas d'objection à préciser
votre pensée. D'ailleurs, vous avez la réputation d'une personne
qui n'a pas peur de donner son opinion. Je crois honnêtement qu'à
la lecture des comptes rendus, on pouvait se demander à quelle enseigne
vous logiez. Ma question est bien simple: Est-ce que vous êtes d'accord
avec le mémoire de la CECM ou si vous êtes dissidente comme
certains de vos collègues sur certains points?
MME LAVOIE-ROUX: Je suis solidaire avec le rapport majoritaire qui a
été présenté par la CECM; je suis solidaire et je
n'ai aucune restriction à ajouter.
M. LEFEBVRE: Je vous remercie madame. Je crois que c'est dans
l'intérêt du comité de savoir cela. Quant à moi, M.
le Président, avant de poser d'autres questions, j'aimerais que l'on
donne à M. Gagnon et à M. Pagé, qui ont émis des
opinions minoritaires qu'il faut respecter, l'occasion de se faire
entendre.
M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, le député de
Jacques-Cartier aurait quelque chose à demander à M.
Carignan.
M. SAINT-GERMAIN: Non, je voulais simplement donner une opinion.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous aimeriez mieux attendre plus tard?
M. SAINT-GERMAIN: Non, M. le Président. On a parlé du
rapport et du sondage. Je veux simplement dire, premièrement, que je ne
doute pas que le rapport soit extrêmement positif. Pour ce qui est du
sondage, je me pose de sérieuses questions quant à sa valeur
réelle.
Si nous considérons que la commission scolaire de Montréal
est une institution, non pas antidémocratique, mais certainement non
démocratique, puisque tous ses membres sont nommés par le
gouvernement, il faut peut-être se dire que les parents qui sont
desservis par cette commission croient que tout changement dans la structure
scolaire ne peut que leur être favorable, en apportant un surplus de
démocratisation.
Je crois qu'il peut y avoir beaucoup d'autres raisons, au niveau de la
qualité des services scolaires rendus que je ne connais pas,
d'ailleurs qui peuvent inciter les parents à accepter en principe
si facilement une telle restructuration, sans compter que je ne sais pas
jusqu'à quel point ce questionnaire a été
étudié et fait d'une façon scientifique.
M. LE PRESIDENT: Alors, M. Gagnon, est-ce que vous avez, quelque chose
à ajouter au mémoire?
Commission scolaire unifiée selon la
langue
M. GAGNON: M. le Président, je remercie mon
prédécesseur à la CECM de me donner l'occasion d'exprimer
rapidement mon point de vue. Quant à l'hypothèse de base, je suis
le dissident, puisque mes camarades favorisent la commission scolaire
unifiée. Moi, je favorise la commission scolaire unifiée selon la
langue, comme étape nécessaire. Ceci est le point de vue d'un
gestionnaire qui regarde une organisation comme la Commission des écoles
catholiques de Montréal et qui, sachant comment elle fonctionne
maintenant, se demande comment elle fonctionnera demain pour donner le service
scolaire aux enfants.
C'est à partir de cette démarche, si vous voulez
non pas une opposition au principe, parce que nous ne pouvons pas être en
désaccord sur les principes mais, sur les moyens, je suis en
désaccord. Et certaines des raisons vont certainement vous convaincre
vous aussi.
D'abord, signalons que la CECM est la plus importante commission
scolaire au Canada. Elle
est deux fois plus importante que la plus importante commission scolaire
de Toronto. Elle a donc une expérience considérable de la
gestion. Elle a aussi cette expérience assez unique de faire fonctionner
deux grands réseaux scolaires, un anglais et un français. Cette
expérience-là lui permet de tirer des conclusions, de voir ce que
serait une commission scolaire qui aurait la responsabilité de fournir
le service scolaire dans six écoles, comme le propose le bill. Sur les
six écoles, je voudrais immédiatement faire une observation. Je
pense que nous n'avons pas besoin, à Montréal, de plus de quatre
types d'écoles. La CECM s'est déjà prononcée
là-dessus, elle pense qu'il doit y avoir une école anglaise
catholique et une école anglaise multiconfessionnelle. Les protestants
nous ont dit récemment qu'il n'existe pas d'écoles protestantes
à Montréal et qu'il faudrait en créer. Alors, je vous
suggère donc, M. le Président, une économie
immédiate. Je pense qu'elle serait appréciable. Je crois qu'on
doit réduire de six à quatre types d'écoles; cela
conviendrait à tous nos besoins.
M. CARDINAL: M. Gagnon, est-ce que je peux vous poser une question sur
ce point-là? Est-ce que je comprends bien qu'il y aurait des
écoles catholiques, au sens strict du terme,
françaises-anglaises? Et des écoles qui seraient, appelons-les
multiconfessionnelles ou neutres, etc? Est-ce que vous pensez que ce
système est acceptable en vertu de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord-britannique?
M. GAGNON: Je ne le crois pas.
M. CARDINAL: C'est cela, le problème. Je ne veux pas commencer un
débat.
Avis juridiques
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas un débat, c'est une question que je
voudrais poser, si M. Gagnon le permet. Est-ce que le ministre a versé
au dossier un avis juridique émanant de juristes reconnus sur la
question de l'interprétation de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique? Est-ce que le ministre ne croit pas
utile qu'il dépose au dossier les vues de juristes sur cette
question-là?
M. CARDINAL: M. le Président, le député d'Outremont
sait fort bien, parce qu'il est lui-même juriste, qu'il est facile
d'obtenir des opinions favorables ou dévaforables en nombre calculable,
d'ailleurs avec toutes les multitudes de nuances qu 'un gouvernement doit
connaître. Le conseil des ministres a fait ce travail...
M. CHOQUETTE: Je regrette, mais...
M. CARDINAL: Est-ce que je peux terminer?
M. CHOQUETTE: ... je pensais que le ministre avait une formation
juridique et ça me bouleverse de l'entendre parler de cette
façon-là. Il a l'air de dire que, comme ministre de l'Education,
il peut obtenir des avis juridiques qu'il dicte à des avocats. Or je ne
pense pas que les avocats, surtout parmi les plus compétents...
M. CARDINAL: M. le Président, ne perdons plus notre temps.
M. CHOQUETTE: ... se laissent dicter leur point de vue par le ministre
de l'Education, si important soit-il. Evidemment, cette question juridique est
restée, jusqu'à ce jour, passablement à
l'arrière-plan. Ce n'est que dans quelques mémoires et quelques
déclarations qu'elle a été soulevée en passant.
D'ailleurs, ce matin, j'ai vu quelque chose dans la "Gazette" à
ce sujet-là; ça commence à être pas mal
évident. Alors, ça ne sert à rien de se voiler la face
devant le problème. Je crois que les membres de la commission doivent
être éclairés sur le plan de la question juridique. Qu'on
la résolve dans un sens ou dans l'autre, qu'on décide de prendre
une chance avec la constitution ou qu'on décide de ne pas en prendre,
ça sera, en somme, aux députés de prendre leurs
décisions. Mais, pour le moment, je considère qu'ils ne sont pas
suffisamment éclairés sur cet aspect-là.
M. BOUSQUET: Obstruction.
M. LE PRESIDENT: Il ne faudrait pas commencer un débat.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas un débat que je soulève M. le
Président; c'est une question. La commission a le droit de
posséder toutes les informations susceptibles de nous éclairer
dans la solution de ce problème-là.
M. BOUSQUET: On pourrait peut-être téléphoner
à la reine.
M. CHOQUETTE: D'ailleurs, à la première séance de
la commission ou, enfin, peut-être à la seconde, le ministre de
l'Education s'est chargé de déposer une volumineuse documentation
sur la question. Tous les membres de la commission lui en ont été
très reconnaissants. Il reste que l'aspect juridique est une question
importante et que, peut-être, le ministre pourrait y penser.
M. CARDINAL: Je m'excuse pour ma voix. C'est une question importante, je
suis d'accord. J'aimerais cependant qu'on la discute au moment où nous
serons uniquement, si vous voulez, entre députés. Je vais
plutôt laisser la parole à ceux qui sont venus se faire entendre
cet après-midi.
M. CHOQUETTE: Je tiens à dire au ministre que je ne voulais pas
soulever un débat. Simplement, je considérais qu'à un
moment donné il faudrait qu'il dépose au dossier des avis
juridiques émanant de juristes en qui nous avons confiance.
MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, le nombre d'experts
reconnus pour leur compétence en droit constitutionnel que nous avons au
Québec et même au Canada est passablement limité.
Alors, en l'occurrence, je ne crois pas qu'on pourrait avoir je ne sais
pas combien d'opinions le ministre a fait allusion à un nombre
considérable d'opinions. Je pense qu'il faudrait quand même dire
qu'il a dépassé sa pensée en répétant le
nombre qu'il a mentionné. J'en connais, moi, quelques-uns, à
Montréal...
M. CARDINAL: Ma voix, aujourd'hui, n'est pas fidèle à ma
pensée.
M. CHOQUETTE: J'aimerais poser une question additionnelle au
ministre.
M. BOUSQUET: Demandez l'opinion de M. Wagner !
M. CHOQUETTE: Si le député de Saint-Hyacinthe veut
arrêter de...
MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il est comme cela...
M. BOUSQUET: Votre obstruction d'avocat, on n'en a pas tellement besoin;
c'est le peuple qui va parler. Les avocasseries, là, on n'en a pas
besoin.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! H ne faudrait pas se chicaner
devant la visite.
M. CHOQUETTE: Ce sont peut-être des avocasseries, mais elles ont
pris de telles proportions que cela commence à être respectable.
Le ministre a-t-il, au ministère de l'Education, ou dans ses dossiers,
des opinions juridiques sur la question?
M. CARDINAL: Je vais répéter ce que j'ai
déjà dit: J'ai dit que le gouvernement lui-même, le cabinet
avait ses opinions mais que ce n'était pas possible de les exposer;
elles avaient été requises par le premier ministre lui-même
qui les a conservées au niveau du cabinet.
M. LEFEBVRE: Bien, M. le Président, moi, j'appuie tout à
fait l'intervention de mon collègue d'Outremont. Je pense qu'il est bon
que des non-avocats et des profanes se mêlent à ce genre de
discussion. Il m'apparaîtrait tout à fait normal, quant à
moi, qu'à ce stade-ci des débats le ministre ou, enfin, le
gouvernement dépose, pour l'information de tous les membres du
comité, les opinions juridiques qu'il a pu obtenir relativement à
la constitutionnalité de certains articles du bill. Je ne pense pas que
le gouvernement doive considérer les membres du comité comme des
gens de seconde classe dans ce débat. Certaines gens de
l'extérieur de cette Chambre ont parlé de contestation de
certains articles. Je pense qu'il est normal que les législateurs,
c'est-à-dire d'abord les membres de la commission, soient
informés. Il m'apparaît tout à fait logique, de la part du
député d'Outremont, de demander au ministre de bien vouloir
déposer les opinions juridiques qu'il nous a dit avoir
déjà en sa possession; et, j'insiste, si besoin est, nous ferons
plus tard une motion. Cette fois-ci, il ne faudrait pas retarder nos amis de la
Commission des écoles catholiques de Montréal, mais je pense que
le député d'Outremont a tout à fait raison. Le ministre
devrait songer à déposer, dès la prochaine séance,
ses opinions juridiques pour l'information des membres du comité.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que le député de Gouin a quelque
chose à dire?
M. MICHAUD: Alors puisqu'il est permis à des non-instruits,
à des profanes de poser des questions, vous permettrez à l'homme
au statut particulier que je suis, de demander un éclaircissement. Je
voudrais simplement avoir un éclaircissement au sujet du mémoire
de la CECM. A la page 7, il est question de création de comité
confessionnels...
M. BERGERON: Nous ne sommes pas rendus là.
M. MICHAUD: ... et d'un comité pluraliste au niveau du conseil
scolaire, afin que l'on obtienne des garanties additionnelles et des garanties
plus précises en matière linguistique et en matière
religieuse. Par ailleurs, il y a des foulées de critiques qui se sont
fait sentir au sujet de la désignation par l'Etat des membres du conseil
scolaire. Dans cette suggestion de formation de comités, on arrive
à la page 8 où l'on dit que la commission, la CECM, croit que les
membres des comités catholiques devraient être nommés par
les comités provinciaux, au palier supérieur, bien sûr,
provincial, après consultation avec les autorités religieuses,
les parents et les enseignants de l'île. Si, d'une part, on dit qu'il y a
altération du processus démocratique dans le cas de la
désignation par l'Etat des membres du conseil scolaire, est-ce qu'il n'y
a pas une négation de ce principe par la nomination par le comité
catholique et le comité protestant provinciaux de ces commisssions qui
agiraient, elles, au niveau du conseil scolaire sans êtres élues?
Je crois qu'il y a des dissidents, qui sont MM. Daoust et Pagé, moi, je
partage un peu leur point de vue, je crois qu'il y a une altération du
processus...
M. LE PRESIDENT: Nous pourrons les entendre tantôt.
M. MICHAUD: ... qu'il faudrait clarifier et qui m'apparaît
très ambigüe.
M. CARDINAL: M. le Président, comme il ne reste que quinze
minutes nous devons ajourner à 6 h. et qu'il est
impossible de reprendre les travaux ce soir, est-ce que nous ne pourrions pas
entendre les deux ou trois dernières personnes qui veulent se faire
entendre et, nous, les députés tenter de nous restreindre pour
une fois?
M. LEFEBVRE: Moi, je suis d'accord avec le ministre, mais à une
condition, c'est qu'il est bien clair dans mon esprit que les
députés sont loin d'avoir terminé leurs questions aux
membres de la CECM. Je pense d'ailleurs que le président de la CECM
lui-même serait fort déçu si on lui disait à 6
heures: Merci, vous avez été bien aimable. Dans leur
mémoire, il y a pour ma part plusieurs points que je voudrais discuter
avec eux. Mes collègues la même chose. Il ne faudrait pas que le
ministre... C'est moi qui ai proposé tout à l'heure qu'on les
écoute d'abord mais nous aimerions nous aussi dialoguer avec eux un peu
plus tard.
M. CARDINAL: L'un n'exclut pas l'autre. M. LEFEBVRE: D'accord.
M. GAGNON: Ce n'est certainement pas dans dix minutes, ni cinq minutes
qu'on peut exposer toute la question, et en faire le tour. Mais la raison
fondamentale de cette opinion que j'ai exprimée c'est qu'à partir
du principe de la démocratisation, on est enfin sorti de la
société "élitique" et qu'on a accepté, dans la
province de Québec, que le système scolaire serait
démocratique.
Cela signifie donner une chance égale à chaque enfant sur
le territoire métropolitain. Or, pour donner une chance égale, il
faut créer un milieu scolaire solidement épaulé. Cela
prend une masse d'élèves suffisante, une masse de professeurs
suffisante, une masse d'animateurs pour supporter ce travail, et de la
recherche. Il se trouve que lorsqu'on analyse la population scolaire de
l'île de Montréal, d'est en ouest, et qu'on fait le partage par la
population, par la langue, en suivant les tendances des dix dernières
années, on en arrive à la conclusion qu'on a, dans la plupart des
commissions scolaires prévues dans le bill, un nombre insuffisant, dans
les cinq groupes minoritaires qu'on nous indique, pour pouvoir créer des
écoles qui donnent une chance égale à tous les enfants.
C'est à partir de cette démarche-là ce sont des
faits démographiques que nous avons cherché une solution
ailleurs. Cela peut évoluer dans le temps. On a parlé de ghetto
et de toutes sortes de choses, mais il reste que la texture de la population de
Montréal fait qu'à l'heure actuelle une commission scolaire
unifiée n'assurerait pas un service scolaire de qualité
démocratique aux cinq minorités qu'on a ainsi
créées.
C'est l'argument de fond, mais il y a surtout, M. le Président,
le problème de mettre ensemble des choses qui, pendant des
siècles, n'ont jamais été ensemble au plan de
l'organisation. Vous avez le Protestant School Board qui est la meilleure
commission scolaire au Canada au point de vue de la qualité. Elle a 123
ans d'existence et elle est complètement étanche par rapport
à la CECM. Vous avez la CECM qui a la même durée
d'existence mais qui a subi, elle, la société d'hier, quand on
refusait d'augmenter les taxes pour ne pas gâter ce bon peuple en lui
donnant trop d'éducation.
Nous avons donc un décalage énorme, à l'heure
actuelle, entre les deux administrations, entre les deux types d'écoles,
entre les programmes, parce qu'il faut le dire, le système protestant
est un système intégré, c'est-à-dire qu'on passe de
l'élémentaire au secondaire et du secondaire à
l'université. Chez nous, du côté français, cela
n'arrive pas encore tout à fait. On a créé des ponts, mais
du côté anglais catholique, cela arrive. Vous avez je ne
veux pas vous les décrire dans tous les détails sur
l'île de Montréal, à l'heure actuelle, même si vous
comparez les deux organisations les meilleures qui soient, des
différences fondamentales qu'il va falloir compenser, réajuster,
et cette masse humaine de personnes avec des habitudes, des objectifs, vous ne
pouvez pas la changer du jour au lendemain.
Il faut leur donner la chance d'apprendre un nouveau style de gestion,
une nouvelle démarche. A mon avis, le bill 62 ne leur donne pas cette
chance-là. Il est peut-être idéal, il est peut-être
parfait dans un monde autre qu'à Montréal, mais c'est ma
conviction qu'à Montréal il ne peut que nuire à un type
d'élèves, l'élève canadien-français qui est
en retard et qui, lui, devrait être plus aidé.
Je pense d'ailleurs on l'a indiqué à plusieurs
reprises que ce sujet est trop important, il nous tient tous trop
à coeur pour ne pas assurer la réussite de l'exercice. A mon
avis, il faudrait procéder par étapes. Une étape majeure,
c'est celle de la création du conseil scolaire de l'île et des
comités d'écoles. Il y a à créer une
démocratie scolaire, qui n'existe pas, de toutes pièces, avec
tout ce que ça comporte de problèmes. Il y a à faire
l'inventaire et le partage des ressources, des propriétés, des
biens, des écoles, des bibliothèques; tout ça est à
faire. Alors, je dis: Donnons-nous donc une chance de réussir quelque
chose qui est essentiel à la province, en établissant des
étapes dans le temps qui permettent de faire, en cinq ans, excellement
ce qu'en un an ou deux on ne fera jamais.
M. LEFEBVRE: M. Gagnon, vous avez mentionné deux arguments en
faveur de votre
dissidence ou à l'appui de votre opinion. Le premier était
de nature administrative, le deuxième est carrément de nature
politique; je ne veux pas dire de politique partisane, mais c'est une
véritable conception de la société que vous énoncez
dans votre deuxième argument.
J'aimerais, pour l'instant, rester sur le premier, parce que le
deuxième est trop lourd pour qu'on en dispose ce soir. Mais, au sujet du
premier argument, ne croyez-vous pas et j'imagine que c'est ce qu'ont
cru vos confrères, je ne sais pas, je ne veux pas parler pour eux
qu'on peut remédier à l'objection que vous avez
mentionnée, à savoir les trop petites dimensions des
minorités dans les structures prévues dans le bill 62 avec un
nombre de 11 commissions scolaires, est-ce qu'on ne peut pas facilement
remédier à cette objection-là en modifiant le nombre des
commissions scolaires unifiées et en en faisant, je ne sais pas, cinq
six ou sept? Autrement dit, est-ce que vraiment vous croyez que votre
première objection en est une de fond? Est-ce que ça ne touche
pas plutôt les formes actuelles qui sont proposées, à
savoir le nombre? Quant aux deuxième argument, il est différent,
lui; je ne veux pas y toucher tout de suite.
M. GAGNON: La démographie, elle est présente. Si vous
réduisez le nombre des commissions scolaires, il faut tout de même
que vous teniez compte des grands territoires où il y a une population
faible à l'heure actuelle, mais qui est appelée à
croître rapidement. Il faut tenir compte de ces
éléments-là. La densité de la population est un
facteur, mais vous n'empêchez pas que le centre-ville, c'est malade,
c'est canadiens-français et c'est surpeuplé. Vous ne pouvez pas
changer cela.
Vous ne pouvez pas changer que l'est est canadien-français,
densément peuplé, avec un équipement pauvre; cela, ce sont
des réalités. Que vous les regroupiez, vous allez avoir deux fois
plus de misère, deux fois plus de...
M. LEFEBVRE: Oui, mais ça c'est différent, vous tombez
dans votre deuxième argument; moi, j'en étais au premier. Si vous
découpez le territoire en sept plutôt qu'en onze portions,
n'est-il pas vrai que vous grossissez par le fait même les
minorités à l'intérieur de chacune des portions, que ces
minorités soient anglaises ou françaises, qu'elles soient
catholiques ou non-confessionnelles? Je veux dire que si vous faites un moins
grand nombre de commissions scolaires, je pense que la loi des
probabilités nous indique que, forcément, vous allez grossir vos
minorités, donc les rendre plus viables au plan administratif pour avoir
un système d'écoles intégré d'un type donné.
Comme vous avez dit, je suis d'accord avec vous qu'il devrait y avoir quatre
types d'écoles; moi, en tout cas, ce serait mon option.
M. GAGNON: Vous avez le problème des distances. Comme vous avez
des sections où on a 95 p.c. de Français, qui se disaient
catholiques, récemment, et 5 p.c. d'Anglais qui sont catholiques,
protestants et autres, alors, vous finissez par avoir des failles qui sont
extrêmement faibles. Vous mettez deux territoires ensemble, et vous avez
tout de même relativement peu de monde que vous devez déplacer en
autobus pour pouvoir les regrouper.
M. LEFEBVRE: Les clientèles, en fait, personne ne les
connaît, à l'heure actuelle parce que les parents n'ont pas fait
leur choix.
M. GAGNON: C'est ça.
M. LEFEBVRE: Et personne ne sait. Il y a des gens qui semblent le
savoir, ils sont bien chanceux, je pense qu'il y en a qui se font des
illusions, personne ne sait exactement quels seront les choix qui seront faits;
ça, je suis d'accord avec vous.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à M. Gagnon?
Oui, M. Tetley.
M. TETLEY: M. Gagnon, je voudrais vous parler de la différence
entre les deux systèmes, catholique et protestant. A l'heure actuelle,
apparemment, la CECM fait du rattrapage. $22 millions en subvention ont
été donnés à la CECM cette année. Selon
vous, faudra-t-il cinq ou dix années pour qu'on n'ait plus besoin de ce
rattrapage?
M. GAGNON: Bien, disons que c'est une question qui nous
entraînerait assez loin. Je considère que le subside
spécial que nous avons reçu l'an dernier était au lieu du
calcul des enfants neutres qui comptent pour deux chez les protestants alors
qu'ils ne comptent que pour un chez nous.
M. CARDINAL: C'est exact.
M. GAGNON: Or, s'il y avait eu un ajustement, si on avait fait un
amendement à la législation, nous n'aurions pas reçu ce
que vous appelez du rattrapage.
Il reste tout de même que nous sommes en condition de rattrapage,
parce que lorsque nous comparons nos vieilles écoles, lorsque nous
comparons le niveau de scolarité de nos enseignants, la pauvreté
de notre équipement en bibliothèques, en ateliers, en gymnases
ce qui se corrige lentement nous devons dire que nous sommes en
condition de rattrapage.
M. CARDINAL: M. Gagnon je m'excuse, M. Tetley, c'est dans le
même sens est-ce que justement, je ne voudrais pas affirmer
quelque chose qui ne découlerait pas de ce que nous avons entendu, les
subventions d'Etat données à
la CECM n'ont pas été jusqu'à présent non
pas des subventions de rattrapage, mais des subventions d'équilibre
budgétaire? C'est-à-dire qu'à cause de la façon
dont le taux des neutres est divisé vous l'avez dit
vous-même, nous avons donné deux fois plus à un par rapport
à l'autre il arrive que l'une des deux branches de
l'administration scolaire de Montréal se subventionne elle-même
à 100 p.c. et que l'autre est obligée d'avoir une subvention de
l'Etat qui n'a cessé de croître.
C'est d'ailleurs une des raisons fondamentales, un des quatre objectifs
du projet de loi 62 d'empêcher qu'à cause de la taxation on soit
obligé d'être dans une situation de rattrapage. Il s'agit
d'égaliser les services sans vouloir diminuer les uns pour monter les
autres à un niveau moyen.
M. GAGNON: En réponse à cette question, M. le
Président, des statistiques ont été publiées
là-dessus. Depuis cinquante ans, à la CECM, on investit pour un
enfant catholique de 50 p.c. à 75 p.c. de moins que pour un enfant
protestant. Evidemment, lorsque nous parlons de rattrapage, c'est tout
l'héritage de ce passé... Je ne veux pas juger le passé,
mais il reste qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation de fait, que nous
avons des écoles comme ceci, que nous avons des professeurs comme cela,
et que nous avons l'équipement que nous nous sommes payé.
M. TETLEY: M. le Président, évidemment, je suis d'accord
pour que chaque enfant, qu'il soit catholique, français, anglophone,
protestant ait la même chance, la même école, le même
instrument d'éducation.
Mais, si les catholiques reçoivent la même somme par
enfant, comment, dans cinq ans, dix ans, serez-vous au même niveau que
les protestants? Est-ce possible avec votre système de rattrapage?
M. GAGNON: J'ai une opinion là-dessus, M. le Président. Il
est sûr que cela ne peut pas être une distribution par tête,
mais par besoin. Comment voulez-vous, dans les commissions scolaires qui
n'auront que des socio-économi-quement faibles, donner la même
chose que dans les banlieues très riches? C'est impossible, cela serait
de l'injustice. Si l'on veut démocratiser, il faut réellement
donner davantage au secteur qui en a le plus besoin. A mon avis, le secteur
français, dans une large proportion, a besoin de recevoir un coup de
pouce important à l'heure actuelle.
M. LE PRESIDENT: M. Carignan a-t-il quelque chose à ajouter?
M. CARIGNAN: Il a été question du décalage
énorme entre la commission catholique et la commission protestante. Il y
a un décalage, mais ce n'est pas nécessairement en ce qui
concerne la qualité de l'enseignement. En ce qui touche la
qualité de l'enseignement, je ne suis pas en mesure d'affirmer que le
décalage existe et en faveur de qui il existe. Seulement, il y a des
zones défavorisées à Montréal, qui sont
occupées en grande partie par des éléments francophones.
Là, il faut faire plus; les besoins sont énormes et beaucoup plus
considérables que du côté protestant. A ce
moment-là, même avec une subvention égale par tête,
le résultat ne peut pas être le même, parce que les besoins
sont plus grands de notre côté que de l'autre. Personnellement, je
ne suis pas prêt à dire qu'il y a un décalage au point de
vue de la qualité de nos services à la CECM, de même qu'au
point de vue de nos animateurs et des gens qui font de la recherche. Je ne suis
pas en mesure de l'affirmer. Et, s'il y en a un, je ne sais pas en faveur de
qui.
M. BOUSQUET: Est-ce que le fait d'avoir deux commissions scolaires au
lieu d'une est absolument nécessaire pour réaliser ce rattrapage?
Je crois qu'il est possible de trouver, à l'intérieur d'une
commission scolaire unique, des moyens de faire ce rattrapage.
M. GAGNON: Je pense qu'au point de vue de l'administration et de la
gestion, si nous concentrons nos énergies à assurer ce
rattrapage-là, nous irons infiniment plus vite que s'il faut se
préoccuper de ce qu'il faut faire avec la pédagogie protestante
et la pédagogie anglo-catholique ou aider à ce que soit
créé le réseau multiconfessionnel anglais.
Je pense que si nous nous concentrons sur le rattrapage des
français et si nous mettons toutes nos énergies et nos meilleures
intelligences à ça, nous pouvons très rapidement, gagner
le temps perdu. Je crois qu'à l'heure actuelle, dans la formule qui nous
est proposée, nos énergies vont être dispersées; la
commission scolaire de Montréal va fournir cinq sur sept des membres au
conseil scolaire de l'île; ils ne pourront pas s'occuper des deux d'une
façon aussi concentrée et, justement à cause de cela, je
crois qu'une étape comme celle que j'ai suggérée, d'un
début d'unification par la langue, est une étape
nécessaire qui mènera au succès, vers la commission
scolaire unifiée, dans trois ans ou dans cinq ans.
M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, peut-être pourrions-nous
ajourner à loisir, quitte à ce que, faisant suite à la
discussion de tantôt, nous siégions à Montréal et
qu'à ce moment-là nous puissions entendre la CECM, si les membres
de la commission sont d'accord là-dessus.
M. CARDINAL: M. le Président, je pense, vu que tous les membres
de la CECM n'ont pas eu l'occasion de se faire entendre et que les
députés auraient de nombreuses autres questions à
poser, qu'il n'est pas nécessaire de faire de motion pour que nous nous
entendions pour ajourner non pas sine die, on sait ce que ça veut dire,
mais pour ajourner à loisir, c'est-à-dire à une date, en
un lieu et à une heure qui seraient déterminés entre les
parties concernées, et vous serez convoqués pour continuer ce
travail.
M. CARIGNAN: Nous vous remercions, M. le Président.
(Fin de la séance: 18 h 6)