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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Monday, June 4, 1979 - Vol. 21 N° 112

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition concernant le projet de loi no 24 - Loi sur le Conseil des collèges et le projet de loi no 25 - Loi modifiant la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel


Journal des débats

 

Étude des projets de loi nos 24 et 25

(Quinze heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation est réunie pour entendre les mémoires concernant les projets de loi nos 24 et 25, le projet de loi no 24 étant la Loi sur le Conseil des collèges et le projet de loi no 25, Loi modifiant la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel.

Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), remplacé par M. Rivest (Jean-Talon); M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), Mme La-voie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Marquis (Matapédia), M. Morin (Sauvé), M. Paquet-te (Rosemont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), remplacé par M. Gosselin (Sherbrooke); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Desbiens (Dubuc), remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Goulet (Bellechasse), M. Picotte (Maskinongé), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires du Conseil des universités, de la Fédération des associations de parents des cégeps, de l'exécutif des présidents des conseils d'administration des collèges, de la Fédération des cégeps, de l'Association des collèges du Québec et de l'Association des directeurs généraux des cégeps du Québec.

M. le ministre.

Remarques préliminaires

M. Morin (Sauvé): M. le Président, ces deux projets de loi, on le sait, s'inscrivent dans la foulée de l'énoncé de politique du gouvernement à l'endroit des cégeps. Bien sûr, plusieurs aspects de cette nouvelle politique sont applicables également aux institutions privées, de sorte qu'il était tout à fait légitime que se présente devant cette commission, à côté des organismes qui représentent davantage le secteur public, l'Association des collèges du Québec. (15 h 30)

Les projets de loi qui nous sont soumis et sur lesquels nous entendrons cet après-midi des commentaires, portent sur deux objets principaux: d'abord, la création d'un Conseil des collèges avec, avant tout, des fonctions consultatives auprès du ministre de l'Éducation, mais également quelques fonctions accessoires liées, par exemple, à l'évaluation. Le second projet porte sur le fonctionnement, l'administration des collèges d'enseignement général et professionnel et propose un certain nombre de modifications à la législation existante.

Nous avons voulu, avant que ne soient adoptés en principe ces projets de loi devant l'Assemblée nationale, c'est-à-dire avant ce qu'on appelle, en droit parlementaire, la seconde lecture, entendre les principaux représentants du milieu des collèges, mais également le Conseil des universités ainsi qu'un certain nombre de représentants des associations d'enseignants et d'étudiants, de même que des représentants du milieu du travail comme, par exemple, le Centre des dirigeants d'entreprises, des milieux de la coopération.

La plupart de ceux qui ont été invités à se présenter devant cette commission ont accepté de venir nous éclairer sur leur attitude à l'endroit de ces projets de loi. Cela a de l'importance pour le gouvernement: nous voulons être pleinement éclairés; cela a certainement de l'importance également du point de vue de l'Opposition qui a à nous faire part de sa réaction à ces projets de loi.

Sans plus tarder, M. le Président, et réservant pour la seconde lecture, c'est-à-dire pour l'adoption de principe de ces projets de loi, les explications générales qui entourent ces projets de loi, je vous demanderai d'appeler immédiatement le premier intervenant pour que nous puissions entendre ses observations et procéder ensuite à une période de questions, si nous en ressentons le besoin, tant du côté gouvernemental que du côté de l'Opposition.

Je m'empresse de rappeler que ces projets de loi ne sont pas neufs, ils sont la fidèle transcription des politiques annoncées depuis huit mois, dans deux jours, à l'occasion de la publication de l'énoncé de politique, quelquefois appelé livre blanc, sur l'avenir de nos cégeps. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je pense que si on devait se réjouir qu'enfin le ministre de l'Éducation, pour la première fois depuis que son gouvernement est au pouvoir, dépose un projet de loi substantiel en éducation, également, on devrait se réjouir que, du côté de l'enseignement collégial, on présente une législation qui, normalement, devrait mettre à jour et rajeunir une législation qui existe depuis 1968. Par contre, il est vraiment déplorable que le ministre de l'Éducation ait décidé de profiter de la période de travaux extrêmement intensifs qui débute aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, pour présenter des projets de loi complexes et qui auront des répercussions considérables non seulement sur le réseau de l'enseignement collégial, mais également, sur l'ensemble des réseaux et plus particulièrement, possiblement, sur le Conseil supérieur de l'éducation.

Je trouve, et je dois le dire, M. le Président, tout à fait inadmissible que devant ces projets de loi, alors que le ministre nous avait promis — je lui posais des questions à cet égard à l'étude des crédits pour 1977/78 et je suis probablement revenue à la charge chaque année par la suite, sauf cette année, évidemment — d'abord la production du livre blanc, ce qui est arrivé avec un an de retard en octobre 1978, mais il m'avait assurée

à, ce moment-là que si cela devait donner suite à une loi quelconque, cette loi serait précédée d'une large consultation avant l'adoption du projet de loi. Or, nous nous trouvons aujourd'hui, devant une commission parlementaire qui a limité le nombre d'intervenants qui pourront se faire entendre. Non seulement on leur demande de se faire entendre à une période de l'année où nous sommes bousculés — on commence les sessions de nuit, sans doute qu'on pourra faire les débats de deuxième lecture à 23 heures ou à minuit ou même plus tardivement — mais également, on convoque cette commission parlementaire, où le nombre d'invités est limité, à une période où les collèges sont fermés, pour la totalité ou la quasi totalité d'entre eux, au cas où il y en aurait encore un ouvert, à faire de rattrapage.

Les élèves ne sont plus au collège et les activités des enseignants dans le milieu collégial, s'ils s'y trouvent encore, doivent être limitées au strict minimum. Si bien qu'on écarte du débat à la fois les étudiants et les enseignants.

Le ministre rétorquera sans doute que l'Association des étudiants, l'ANEQ se fera entendre, qu'il y a des représentants des associations syndicales des enseignants qui se feront entendre. Je pense qu'en dehors de ceci, il aurait été extrêmement important que l'ensemble des enseignants, même certains individus ou certains groupes d'individus qui avaient des choses à dire sur l'orientation future des collèges, puissent se faire entendre.

Je ne suis pas du tout certaine si certains groupes de parents, qui ne se retrouveront pas nécessairement à l'intérieur de l'Association des parents des collèges, n'auraient pas eu aussi des choses intéressantes à dire, parce que, même si dans les débats publics l'accent est mis davantage sur le scolaire, l'élémentaire et le primaire, il n'en demeure pas moins que la population a aussi un intérêt très grand pour l'enseignement collégial. Je ne peux pas déplorer cette attitude du ministre.

Je crains fort que dans la foulée de ses livres, tout ça ne foule un peu au pied l'enseignement collégial en précipitant les choses dans une période de travaux aussi intense que celle des fins de session. Je pourrais imputer des motifs au ministre pour agir de la sorte, probablement que ce ne sont pas des projets de loi faciles, c'est peut-être mieux de les étudier dans des circonstances plus précipitées où il y a moins de risques d'avoir des réactions du public. Il y a aussi — j'admets que ce sont des imputations de motifs, M. le Président — qu'il est peut-être bon que ceci passe en douce avant les négociations de l'automne.

Enfin, quelles que soient les raisons, je pense qu'il demeure fondamental que ces projets de loi sont extrêmement importants pour tout le secteur, le réseau collégial et on ne crée pas les meilleures conditions possibles pour qu'on puisse adopter, s'ils doivent être adoptés, des projets de loi qui assurent vraiment un progrès à tout le réseau collégial.

Pour notre part, M. le Président, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle, je dois vous dire que l'attitude que j'ai toujours eue à l'égard des problèmes d'éducation, je la maintiendrai en ce sens que nous serons prêts à supporter tout ce qui nous apparaîtra comme devant assurer un progrès sensible au réseau collégial, mais que nous nous opposerons également avec beaucoup de vigueur à tout ce qui nous apparaîtra ne pas être dans la voie du progrès pour l'enseignement collégial.

J'aurais évidemment des réserves à faire sur le projet de loi, ne serait-ce que de parler de l'esprit centralisateur qu'on y retrouve, mais, de toute façon, je pense qu'on est ici pour écouter les gens et non pas pour donner notre propre point de vue sur les projets de loi qui sont devant nous. Ces remarques étant faites, je suis prête à entendre les participants qui ont accepté de venir nous faire connaître leur point de vue sur les projets de loi 24 et 25.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Ce sera très bref, M. le Président. Nous avons reçu une feuille de route, un peu comme tout le monde aujourd'hui. Quand on regarde le menu de la semaine, avec les projets de loi 24, 25 et 30, c'est très indigeste. Ce sont trois gros projets de loi qui nous sont soumis à la dernière minute. Nous avons les mémoires, nous en avions un certain nombre en fin de semaine. J'en ai parcouru quelques-uns. Celui du Conseil supérieur de l'éducation vient de nous être remis à l'instant. Le ministre est bien forcé d'admettre que, pour de pauvres petits législateurs comme nous, cela fait beaucoup de pain sur la planche. Même si nous avions déjà lu les projets de loi que nous avions en main, 24 et 25. Nous n'avions pas encore eu les réactions du monde intéressé. Nous allons les connaître. Et comme Mme le député de L'Acadie vient de le dire, on n'a pas à faire trop de remarques. Ce qui est important, ce sont les points de vue là-bas.

Je sais très bien que, d'ici le 22 juin, nous serons souvent des oiseaux de nuit. Si on prend l'expérience de décembre dernier, à deux ou trois heures du matin, la cocologie fonctionne quelquefois au ralenti.

M. Morin (Sauvé): Sûrement pas, M. le député.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez inquiéter nos invités...

M. Le Moignan: Le ministre sait très bien que nous avons le poids du jour et, dans certains cas, le poids des ans qui s'y ajoute. Cela demande du courage. Le courage, nous en avons en réserve, on ne craint pas de ce côté-là.

Avant de commencer, j'aurais peut-être un petit point. Nous avons une liste d'invités qui vont nous déposer des mémoires. Il y a probablement d'autres groupes dans la province qui ont manifesté le désir de se faire entendre, parce que j'ai reçu

un mémoire du cégep Édouard-Montpetit. On m'envoie une lettre d'ailleurs qui fut envoyée au ministère de l'Éducation. On lui laissait certains espoirs et, finalement, il n'a pas été invité à se présenter. C'est un cas que j'ai. C'est la raison pour laquelle je pose la question, puisque j'ai reçu le mémoire personnellement. Il doit être également déposé au secrétariat des commissions.

Peut-être un autre petit point, en terminant, au sujet du projet de loi no 30. Est-ce que le ministre, dans son intention, avait projeté de convoquer des groupes qui pourraient faire part également de leurs observations concernant ce projet de loi no 30 que nous allons aborder dès cette semaine? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il d'autres députés qui veulent s'exprimer?

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai une demande de directive, s'il vous plaît. Les députés de L'Acadie et de Gaspé ont signalé que nous entrons dans une cadence nouvelle de nos travaux parlementaires. Vu que nous sortons du salon bleu qui est réfrigéré et que cette pièce-ci est très chaude, je me demande si les membres masculins de la commission de même que nos invités masculins auraient la permission de faire tomber la veste, à l'instar de nos collègues féminines qui ne portent pas de veste.

M. Le Moignan: Madame ne proteste pas. Nous comptons sur votre diligence, madame.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes assez vieux pour savoir quoi faire.

Le Président (M. Marcoux): Je vais reprendre l'esprit des directives déjà émises par le président de l'Assemblée nationale avant que la télévision débute à l'Assemblée nationale. Tout en formulant le souhait qu'il y ait un certain décorum, ces directives étaient de laisser tout de même une liberté à chaque membre d'agir à sa convenance, tout en respectant ses collègues féminins ou masculins.

M. le député, je ne tranche pas, je vous laisse le soin de trancher selon votre bon jugement. M. le ministre. (15 h 45)

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je souhaite que ces audiences et les débats qui suivront se situent à un très haut niveau. J'entends par là que nous sommes ici pour traiter de questions qui se prêtent mal à des interventions partisanes. Dans cet esprit, je ne voudrais pas manquer de relever une ou deux affirmations pour que les choses soient bien claires. On nous reproche, d'une part, c'est Mme le député de L'Acadie qui le faisait, d'avoir pris un an de retard dans la publication de l'énoncé de politique, parce que nous avions voulu être sûrs d'élargir notre consultation le plus possible. Maintenant, d'autre part, on vient nous reprocher d'aller de l'avant, une fois cette politique connue depuis huit mois.

Je regrette que le député de L'Acadie, tout en faisant mine de ne pas m'avoir imputé des motifs, m'en ait imputé tout de même. Je l'autorise, toutefois, à m'imputer un motif. Nous voulons mettre cette législation et l'énoncé de politique en oeuvre avant qu'une nouvelle année collégiale ne s'ouvre, autrement nous perdrions rapidement une année. En particulier, il nous paraît urgent que soit créé le conseil des collèges. Il nous paraît également urgent que soient clarifiés certains aspects de l'administration des collèges. Si elle veut m'imputer ce motif, je n'aurais aucune objection à ce qu'elle le fasse, mais qu'elle m'en impute d'autres, tout en faisant mine de ne pas le faire, je l'admets plus difficilement, de la part du député de L'Acadie, en particulier.

La limite qui a été mise au nombre des intervenants vient du fait que nous savions que certains d'entre eux peuvent nous éclairer pleinement sur les débats qui ont cours au sujet de ces projets de loi. Nous avons offert d'allonger la liste, et depuis trois semaines, j'attends les suggestions des membres de l'Opposition. Il est maintenant évidemment trop tard, puisque la liste a été arrêtée ce matin, de façon définitive. Nous ne pouvons pas nous permettre d'allonger au dernier moment une liste. J'ai attendu. J'avais averti mes collègues de l'Opposition qu'il leur était loisible de nous faire des suggestions pour allonger la liste.

Pour ce qui est des cégeps qui ne sont pas ouverts en ce moment, précisément, c'est le meilleur moment, alors que les administrateurs sont moins aux prises avec les affres de l'administration et les difficultés de fin d'année, alors qu'ils sont un peu plus libres, alors que les enseignants sont censés être encore dans les collèges, mais qu'ils sont un peu plus libres puisqu'ils n'ont plus d'enseignement à donner. C'est le moment idéal pour procéder à l'audition de ceux que ces projets de loi peuvent intéresser et, ma foi, M. le Président, je terminerai en disant que ce mois de juin est aussi indiqué que tous les autres pour légiférer.

Je vous remercie.

M. Le Moignan: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie m'avait fait signe auparavant. C'est parce que vous voulez avoir une réponse à votre question, je suppose?

M. Le Moignan: Une réponse à ma question. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Concernant le collège de...

M. Le Moignan: À la suite de la réception d'un mémoire... Je ne connais personne au collège Édouard-Montpetit, mais j'ai reçu ce mémoire par la poste.

M. Morin (Sauvé): Oui. M. le Président, nous allons prendre connaissance du mémoire. Nous

allons en tenir compte, mais je ne voudrais pas l'ajouter, d'abord, parce qu'il est trop tard et, en second lieu, parce que nous ne pensons pas qu'il soit opportun d'entendre un cégep; il faudrait les entendre tous. Évidemment, il y en aurait pour une semaine ou deux d'audiences. Cela nous mènerait trop loin.

M. Le Moignan: Non, j'ai posé la question, parce que je l'ai déjà depuis quelque temps, d'ailleurs.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais la Fédération des cégeps est ici; la Fédération des parents se trouve parmi nous. Tous les grands organismes représentatifs sont là et je pense qu'ils ont consulté chacun leur milieu respectif avant de venir nous entretenir des projets de loi.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous me permettrez de revenir sur deux remarques du ministre de l'Éducation: la première, voulant qu'on lui ait dit qu'il avait tardé à produire le livre blanc et, la deuxième, voulant qu'on lui reproche maintenant de faire quelque chose. Je pense que ce n'est pas ce que j'ai dit.

Ce que j'ai dit, c'est qu'on devait se réjouir, d'une part, que finalement on allait légiférer pour les collèges, mais ce qu'on devait déplorer, c'est qu'on le fasse dans les conditions où on travaille d'une façon précipitée et non pas d'une façon qui puisse être plus réfléchie, qui permette une meilleure participation. C'est bien ce que j'ai dit.

Quant à la liste, le ministre de l'Éducation semble être très généreux en disant: Nous avons demandé à l'Opposition ou aux partis d'Opposition de faire connaître les noms des gens qui désiraient être entendus. On était très ouvert.

M. le Président, je vous ferai remarquer que si le ministre avait simplement suivi la procédure habituelle des commissions parlementaires, tout le monde voulant se faire entendre aurait eu le loisir de se faire entendre. Je ne sache pas qu'avec les moyens que nous avons à notre disposition, comparativement à ceux du ministre, ce dont je ne lui fais pas reproche, remarquez bien, ce soit le rôle de l'Opposition, qu'elle soit officielle ou non, d'aller faire les sondages auprès des gens, à savoir s'ils veulent se faire entendre, particulièrement ce projet de loi ayant été déposé il y a à peine quinze jours. Je ne connais pas la date exacte, mais ça ne fait guère plus de quinze jours que le projet de loi a été déposé. Alors, même si vous vouliez nous faire porter un peu de l'odieux du fait que tout le monde n'a pas été appelé à cette commission, je pense que le gouvernement seul devrait en prendre la responsabilité, parce que les procédures ordinaires des commissions parlementaires prévoient un délai de 30 jours. Cela fait huit mois que le livre blanc a été déposé. Il y a eu amplement de temps pour rencontrer cette échéance d'une commission parlementaire régulière, mais c'est bien que le ministre a voulu attendre à la dernière minute.

Il nous reste 30 jours de travaux accélérés des commissions parlementaires et de l'Assemblée nationale, si bien que, là, on procède avec une commission sur invitation. Comme je le disais tout à l'heure, je pense que tous les organismes qui sont là sont représentatifs, mais il est quand même dommage, et je le répète, de l'avoir limitée, alors que d'autres auraient pu également faire entendre des points de vue intéressants. Les gens qui sont invités trois jours ou une semaine avant, je vous assure qu'il faut qu'ils aient des loisirs pour préparer un mémoire en temps voulu.

Le Président (M. Marcoux): Je demanderais aux membres de la commission si quelqu'un a une proposition à faire sur le code d'utilisation...

M. Rivest: Est-ce que l'expression de volonté sur la manière de procéder que vient de faire le ministre constitue une réponse? Vous avez répondu au député de L'Acadie, mais il y a quand même également la Fédération des enseignants des cégeps, ainsi que la Fédération nationale des enseignants québécois qui ont adressé au gouvernement des demandes au même effet que le député de L'Acadie. La réponse du ministre constitue-t-elle également une réponse à ces organismes du milieu de l'éducation?

M. Morin (Sauvé): Exactement, nous connaissons l'attitude de ces organismes depuis le début. Déjà, à propos de l'énoncé de politique sur les collèges, ils avaient fait connaître leur attitude négative, non pas spécifiquement, mais ils avaient fait connaître leur attitude négative, nous connaissons depuis plusieurs mois cette attitude; il semble bien qu'elle n'ait pas changé et je ne pense pas qu'elle change, même si on adoptait cette législation l'an prochain, il s'agit d'attitudes de principe et ces attitudes sont connues du public. Je pense qu'elles ont trouvé d'ailleurs, chez certains journalistes, d'excellents porte-parole.

Nous pouvons maintenant, M. le Président, avec votre permission, procéder à l'audition des mémoires.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une dernière question avant que...

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ... nous ne procédions. J'aimerais quand même que nous nous entendions quant à la période de temps qui sera dévolue à chacun des groupes, pour que, en cours de route, on ne recommence pas à discuter sur...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous avez une suggestion à faire?

Mme Lavoie-Roux: II reviendrait peut-être au ministre de faire une suggestion. Si elle ne nous sied pas, on pourra toujours négocier!

M. Morin (Sauvé): Bien, M. le Président, je pense que nous pouvons nous permettre d'écouter avec attention chacun des organismes. Nous avons devant nous, en somme, la période qui va de 16 heures à 18 heures — si je ne m'abuse — et, ce soir, la période qui va de 20 heures à 22 heures. Est-ce que j'ai raison de penser...

M. Le Moignan: De 20 heures à 24 heures, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Ou à 24 heures, le cas échéant.

Le Président (M. Marcoux): De 20 heures à 24 heures.

M. Morin (Sauvé): C'est juste, de 20 heures à 24 heures, de sorte que nous avons tout le temps voulu. Je suis sûr que si chaque organisme voulait bien prendre une vingtaine de minutes pour son exposé, nous pourrions ensuite en consacrer autant ou un peu plus, le cas échéant, à l'échange, au dialogue entre l'organisme comparant et nous-mêmes, de sorte que nous aurions fini ce soir, à ce rythme, vers 22 heures ou 22 h 30. Si c'est à ça que pense Mme le député de L'Acadie, j'en conviens très volontiers.

M. Le Moignan: Combien de groupes sont convoqués pour aujourd'hui?

M. Morin (Sauvé): Six, M. le député. M. Le Moignan: Six pour aujourd'hui.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui donnerait une heure par groupe.

Le Président (M. Marcoux): La proposition du ministre est plutôt de 45 minutes par groupe; 20 minutes pour l'audition du mémoire et 20 ou 25minutes pour les questions.

M. Morin (Sauvé): D'habitude, c'est 45 minutes, M. le Président. Dans les autres commissions parlementaires et dans celle-ci même, nous nous en sommes tenus, dans le passé, à 45 minutes par organisme environ.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cette proposition convient aux membres de la commission?

Mme Lavoie-Roux: Je n'aime jamais, M. le Président... Je comprends qu'il y ait certaines balises...

Le Président (M. Marcoux): Une norme...

Mme Lavoie-Roux: C'est ça. Il peut y avoir un mémoire qui nécessite moins de temps; par contre, un autre nécessite davantage; je veux qu'il y ait quand même cette flexibilité-là, avec une moyenne, disons, de 45 minutes.

Le Président (M. Marcoux): J'essaierai de vous guider dans cette voie. Avant de procéder à l'appel du premier mémoire, j'aimerais vous suggérer, puisque j'ai oublié de le faire, de nommer un rapporteur et je vous suggérerais le député de Matapédia.

M. Le Moignan: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Alors, le député de Matapédia sera rapporteur de nos travaux. À moins que le député de Jean-Talon ne veuille être rapporteur pour la première fois de sa vie?

M. Rivest: Non, je ne veux pas commencer ma carrière sur ce pied.

M. Morin (Sauvé): Vous auriez dû sauter sur l'occasion, ça ne se représentera peut-être pas de sitôt.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Sur la même question.

M. de Bellefeuille: Sur la question du partage du temps. Il s'agit, si je comprends bien, d'un arrangement à l'amiable entre les parties, mais, si certaines circonstances se présentent, le droit de chaque membre et intervenant de la commission de parler pendant 20 minutes prime sur l'arrangement à l'amiable. Autrement dit, ce n'est pas parce que les...

Le Président (M. Marcoux): Je l'interpréterai de la façon suivante. On s'entend pour consacrer environ 45 minutes par mémoire et, lorsque des membres de la commission jugeront que tel mémoire demanderait des explications supplémentaires, il sera loisible de prolonger la période peut-être jusqu'à 1 heure, 1 heure 15 au maximum.

Je pense qu'il faut procéder avec...

M. Le Moignan: À ce moment-là, il y a 25 minutes seulement pour la période de questions.

Le Président (M. Marcoux): Oui. J'inviterais le premier groupe à venir nous présenter son mémoire. Le Conseil des universités. Mme...

M. Morin (Sauvé): Mme Paule Leduc, présidente.

Le Président (M. Marcoux): Mme Paule Leduc qui...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse encore une fois d'interrompre, mais vous appelez le premier groupe, le Conseil des universités; je n'ai aucune objection, au contraire, mais est-ce que ceci veut dire que le Conseil supérieur de l'éducation ne sera pas présent?

M. Morin (Sauvé): II se peut qu'il soit présent; effectivement, il l'est par son président, mais je crois qu'il s'agit d'une tradition de la part du Conseil supérieur de l'éducation — en tout cas, tradition qui dure depuis quelque temps — de ne point se présenter devant une commission parlementai-

re, mais de nous faire connaître son avis par la voie écrite, ce qui, d'ailleurs, a été fait, comme Mme le député de L'Acadie le sait sans doute.

Mme La voie-Roux: Mais je viens de le recevoir sur-le-champ, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je voudrais porter à votre connaissance, M. le Président, la lettre que j'ai reçue du secrétaire du Conseil supérieur de l'éducation, le 1er juin, et qui est adressée, à M. Pouliot, du secrétariat des commissions parlementaires: "M. le secrétaire, l'invitation que vous avez adressée le 18 mai par télégramme" — puisque le projet de loi a été déposé en première lecture le 17 mai, il y a donc trois semaines — "au Conseil supérieur de l'éducation, est bien parvenue. Le Président du conseil vous a informé par téléphone que l'organisme n'avait pas l'intention de demander d'être entendu par la commission parlementaire de l'éducation au sujet des projets de loi 24, Loi sur le Conseil des collèges, et 25, Loi modifiant la loi des cégeps. Le conseil a en effet déjà soumis au ministre de l'Éducation, d'une part, un avis adopté le 9 février sur "La création éventuelle d'un Conseil des collèges et ses répercussions sur le Conseil supérieur de l'éducation" et, d'autre part, un rapport adopté par sa commission de l'enseignement collégial le 23 février sur "Le projet du gouvernement à l'endroit des cégeps". Je vous fais tenir des exemplaires de ces deux documents afin qu'ils soient joints au dossier des membres de la commission parlementaire". Et les formules de politesse habituelles.

Voilà, M. le Président, les raisons qui expliquent l'absence toute relative du Conseil supérieur de l'éducation, mais je ne doute pas que son président ne suive ces débats avec beaucoup d'intérêt.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, évidemment, il faut bien que j'accepte les explications qui vous ont été formulées par le président du Conseil supérieur de l'éducation, mais je me permets quand même de regretter qu'il ne se présente pas devant nous de façon formelle pour que nous puissions lui poser des questions, compte tenu que la création des collèges, d'un conseil des collèges devrait directement ou indirectement avoir des répercussions assez considérables sur l'avenir du Conseil supérieur de l'éducation. (16 heures)

Je me souviens qu'au moment de la loi 101, il s'était désisté, mais je pense que nous nous trouvions dans des circonstances particulières à ce moment-là, il s'agissait d'un projet de loi — je pense que tout le monde le reconnaîtra bien aisément — qui avait des ramifications, si je peux dire, politiques considérables, il a préféré s'abstenir. Je n'ai eu aucune objection à ce moment-là, même si nous avions fait une motion pour qu'il se fasse entendre.

Aujourd'hui, tout ce que je ferais, c'est d'exprimer un voeu au ministre de l'Éducation. J'ai exprimé une raison, la création du Conseil des collèges qui pourrait avoir des répercussions sur le Conseil supérieur de l'éducation. Il y a aussi le fait que le Conseil supérieur de l'éducation, depuis sa création, soit comme tel ou soit par le truchement de sa commission de l'enseignement collégial, a quand même suivi, au cours des années, l'évolution du réseau collégial. Le voeu que j'exprime, c'est que M. le ministre réitère son invitation au Conseil supérieur de l'éducation et qu'à la fin de l'audition de ces mémoires, le conseil de l'éducation, si nous le jugeons opportun, consente à apporter un éclairage supplémentaire.

J'aimerais faire ce voeu que le ministre de l'Éducation réitère cette demande au Conseil supérieur de l'éducation. Chacun pourrait en tirer un grand bénéfice. Je répète qu'il n'est pas dans notre esprit de mettre le Conseil supérieur de l'éducation dans une situation politique périlleuse. Je pense qu'il faut faire une différence entre le projet de loi 101 et les projets 24 et 25 qui sont devant nous. Non seulement l'objet n'est pas le même, mais je pense que la dimension politique, au moins dans un sens plus partisan, à notre point de vue, est certainement plus absente ou sera plus absente qu'à l'égard de la loi 101.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais abonder dans le sens du député de L'Acadie et lui faire savoir que ce n'est certainement pas parce que je me serais opposé à la présence du Conseil supérieur de l'éducation, qu'il n'est pas présent, du moins au point de nous communiquer de vive voix son avis sur les projets de loi.

Je m'entretiendrai sûrement, avant la fin de la séance, avec le président du conseil qui est présent parmi nous et nous verrons si vos propos et ceux que je ne manquerai pas de lui tenir pourraient l'amener à changer d'idée.

Le Président (M. Marcoux): J'appelle maintenant le représentant du Conseil des universités, Mme Paule Leduc et je l'invite à nous présenter son mémoire.

Vous avez bien entendu, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour nous résumer ou pour nous lire votre mémoire et ensuite, ce sera la période d'échange.

Conseil des universités

Mme Leduc (Paule): Je vais tenter de réduire, le plus possible, le temps qui m'est alloué, parce que je sens tous mes collègues de l'enseignement collégial derrière qui doivent piétiner d'impatience pour déposer leur point de vue. Je me sens un peu usurpatrice de venir au début donner le point de vue du Conseil des universités.

Toutefois, je voudrais que la commission parlementaire soit consciente que c'est dans un but positif que le Conseil des universités a accepté de venir, étant donné qu'il nous semble que le lien entre l'enseignement collégial et l'enseignement

supérieur au Québec, dit enseignement universitaire, est extrêmement important et mérite d'être examiné plus en profondeur, surtout dans une perspective d'avenir. Nous avons déposé un court mémoire que je vais me permettre de ne pas lire, si vous permettez, je vais en rappeler les grandes lignes.

Notre intervention portera sur ce qui nous paraîtrait une question pertinente à poser et qui semble ne pas avoir été posée, tant dans le livre blanc que dans le projet de loi sur le conseil des collèges, c'est-à-dire la question de la coordination des activités de la formation collégiale et universitaire.

Nous avons souscrit avec beaucoup de plaisir aux orientations fondamentales qu'il y avait dans le livre blanc concernant l'enseignement collégial. Ces orientations, qu'on retrouve dans le livre blanc, font suite à une large consultation qui a suivi le rapport Nadeau. Les avis du Conseil des universités et les avis des universités avaient fait voir, à ce moment-là, la nécessité de mieux définir les objectifs spécifiques de la formation collégiale, avaient aussi — et c'est vraiment du fond du coeur que je le dis — senti le besoin que les collèges soient affranchis d'une tutelle qui paraissait pouvoir être imposée par les universités.

Nous sommes tout à fait heureux de voir que le livre blanc sur les collèges permet de bien saisir le rôle particulier des collèges dans notre système qui est, vous le savez, tout à fait particulier dans le monde nord-américain et même au Canada, puisque nous avons séparé l'enseignement supérieur en deux, ce qui n'est pas le cas dans les autres provinces.

Toutefois, étant donné que le livre blanc et les principes qu'il met de l'avant risquent d'entraîner des changements fort importants à l'intérieur de la programmation — si vous me permettez cet anglicisme — des collèges, en particulier quand on pense aux troncs communs dans l'enseignement professionnel, quand on pense à la refonte des concentrations du secteur général, quand on pense également à des ajustements qui paraissent un peu plus simples, soit l'ajout de cours d'économie, de civilisation, d'art et de mathématiques, il nous apparaît donc, étant donné que ces principes vont apporter des changements fort importants dans le développement académique des cégeps, que des paramètres essentiels de ces changements auraient besoin d'être précisés. On présume que les collèges et le ministère feront le nécessaire.

On me dit d'utiliser le micro. Qu'est-ce que je dois faire?

Le Président (M. Marcoux): Rapprochez le micro.

Mme Leduc: Je m'excuse, je ne connais pas bien ces questions techniques. Nous pensons donc qu'il y aura des discussions pour rendre plus opérationnels ces changements proposés.

Toutefois, il nous apparaît que certaines affirmations du livre blanc mériteraient d'être tempérées. Je cite, si vous permettez: Chaque niveau d'enseignement doit faire cheminer l'étudiant vers les objectifs qu'il fixe lui-même, mais chaque niveau d'enseignement doit également posséder ses objectifs propres et tenir compte du bagage des connaissances des étudiants qu'il accueille.

Dans le cadre de l'enseignement collégial, cela signifie qu'il n'appartient ni aux universités, ni au marché du travail, de dicter les objectifs et les contenus des programmes de formation. Je viens de citer le livre blanc.

Toutefois, indépendamment de la véracité du fond de cette affirmation, il faudra voir de quelle manière on peut affirmer des choses de ce type-là, sans les tempérer par un certain nombre d'analyses. Le Conseil des universités utilise son expérience des dix années antérieures pour dire ceci: La spécificité des objectifs du niveau collégial et du premier cycle universitaire reste encore à préciser. Je vous donnerai uniquement pour exemple en particulier, le domaine de l'enseignement professionnel, où on peut constater qu'il est difficile — et nous rencontrons ces difficultés chaque fois que nous examinons des programmes universitaires de premier cycle — de bien saisir la différence qui existe entre certains enseignements de cégep et certains enseignements de niveau universitaire.

Il faudra porter une attention particulière à la frontière entre ces enseignements qui n'a pas été bien marquée jusqu'à maintenant et qui ne l'est pas vraiment dans le livre blanc.

D'autre part, je voudrais signaler un certain nombre d'autres phénomènes qu'il nous apparaît important d'examiner, eu égard au livre blanc sur les collèges. Le phénomène de concurrence qui existe entre les établissements fonctionnant aux niveaux universitaire et collégial, ceci n'étant pas, de ma part, une affirmation négative, bien entendu, mais on sait que, en particulier dans le domaine de l'éducation des adultes, nous ne sommes pas exempts de concurrence entre les deux niveaux. Il faudrait vérifier dans quelle mesure cette concurrence est saine et si on ne pourrait pas l'améliorer par une coopération, par exemple, plus approfondie.

D'autre part, nous avons pu constater également que certaines demandes venant des étudiants, mais plus particulièrement du marché du travail, se sont traduites à certains moments par une surenchère dans la "diplomation", en particulier pour certaines professions.

Étant donné toutes ces questions, il nous apparaît essentiel que soit posé le problème de la coordination entre le niveau universitaire et le niveau collégial. Ceci nous apparaît d'autant plus important qu'une autonomie accrue au niveau de la programmation au collégial exigera de la part des universités une plus grande souplesse dans la programmation, ce qui, évidemment, supposera des modifications importantes dans les programmes de premier cycle dans les universités.

Le livre blanc sur les collèges semble élargir la fonction sociale, si je puis dire, des collèges, ce qui n'est pas sans nous paraître important, en particulier dans le domaine de l'éducation des adultes, des services à la collectivité, de la recher-

che technologique et de certains blocs d'activités de formation générale et professionnelle.

Le secteur de l'enseignement collégial peut effectivement, étant donné sa distribution géographique, étant donné ses structures juridiques, étant donné certains moyens plus considérables et plus diversifiés qu'il possède en particulier dans les régions éloignées où il n'existe pas, par exemple, d'université, ce rôle accru des collèges nous apparaît, nous semble-t-il, extrêmement positif pour l'évolution de l'enseignement au Québec.

Toutefois, il nous apparaît qu'il faudrait davantage examiner l'assertion du livre blanc qui donne au collège un rôle de leadership en éducation permanente. On y dit même que le collège serait la pierre angulaire de l'éducation permanente dans les régions. Je ne sais pas si c'est bien comprendre l'éducation permanente que de confier ce rôle de leadership à un seul niveau d'enseignement. Il nous apparaît au contraire que c'est à tous les niveaux d'enseignement que doit être pensée l'éducation permanente et qu'il y aurait avantage sur cette question à une concertation positive entre les différents niveaux, et j'inclus ici les niveaux primaire et secondaire.

Dans le domaine du développement technologique, la suggestion de mise sur pied de missions, de centres spécialisés pourvus d'un rôle de recherche appliquée vient d'une certaine façon compléter, espérons-le, plutôt que dédoubler les efforts de l'université. Dans ce domaine-là, il nous apparaîtrait pertinent que soient examinées les relations entre l'université et le collège sur ces questions, ceci toujours dans mon esprit ne voulant pas dire que l'université aura la prérogative de toutes les questions. Je crois que nous sommes au contraire dans une ère où la concertation est nécessaire.

Ceci étant dit, cela m'amène à parler plus spécifiquement des modalités possibles de concertation ou de coordination entre le collégial et l'universitaire. Nous vivons — et je crois que c'est probablement un des défauts de notre système d'éducation et ce n'est probablement pas le seul système qui est muni de ce défaut qui est peut-être une qualité, mais j'en doute — nous avons tendance, je crois, à multiplier les rôles qui soient assumés par plusieurs personnes ou plusieurs personnes morales, j'entends ici dans le sens d'organismes, et nous pensons qu'il faudra, avant que la création du Conseil des collèges soit arrêtée, que soient examinés de façon extrêmement importante les moyens, les modes de coordination entre ces deux niveaux. (16 h 15)

Dans la Loi du conseil des universités, je ne citerai pas l'article, mais nous avons un article qui nous donne le mandat de suggérer au ministre les moyens de promouvoir la collaboration entre le niveau collégial et universitaire. Dans le mandat du Conseil supérieur de l'éducation existe également cette même possibilité. Dans le mandat du Conseil des collèges, nous retrouvons aussi, dans la loi qui est devant nous, cette possibilité que le

Conseil des collèges soit un organisme qui suggère au ministre les modes de coordination entre le niveau collégial et universitaire. D'autre part, il existe un autre organisme, cette fois non régi par une loi, qui s'appelle le CLESEC et qui a aussi les mêmes mandats. Il nous apparaît coûteux, non pas uniquement en termes de ressources financières, mais en termes de ressources humaines, que plusieurs organismes se partagent les mêmes mandats de coordination entre niveaux. Il nous apparaît que c'est la meilleure façon qu'il ne s'en fasse pas.

L'avenir passé si je puis dire, nous amène à croire que, comme plusieurs organismes avaient ce mandat, on peut dire que la coordination interniveaux ne s'est pas soldée par des succès retentissants. On peut s'interroger sur le fait qu'il existait plusieurs organismes avec le mandat et que chacun s'en reportait à l'autre, de sorte que nous suggérons — je vais rapidement arriver à nos conclusions — que, vu les changements d'orientation et de contenu proposés pour les programmes collégiaux, il est essentiel qu'entre les deux conseils, le Conseil des universités et le Conseil des collèges, s'il voit le jour bientôt, il existe un mécanisme formel de coordination qui examinerait d'égal à égal, si je peux me permettre cette expression, les difficultés — sans aucune connotation politique, M. le ministre — de jouxter, si je peux me permettre, les programmes de ce niveau, tant les programmes généraux que spécialisés, qui aurait également pour mandat de voir de quelle manière pourraient s'établir la concertation et les expérimentations dans des domaines neufs, en particulier, par exemple, dans le domaine de la recherche technologique ou des collèges à vocation plus spécialisée. Pour ce faire, il nous apparaît que l'article qui est prévu dans la loi est insuffisant. L'article 16 laisse au Conseil des universités, au Conseil supérieur de l'éducation et, bien sûr, au Conseil des collèges le soin de publier des rapports conjoints sur des questions d'intérêt commun. Il nous apparaît que ce n'est pas aller suffisamment loin pour assurer une concertation positive entre les niveaux. C'est une recommandation formelle du Conseil des universités que soit mise sur pied cette commission conjointe des deux conseils qui aurait pour mandat de faire un travail de réflexion qui amènerait une harmonie qui est souhaitable, je pense, entre les niveaux collégial et universitaire.

En ce sens, il faudrait, et c'est ce que le conseil recommande également, réexaminer le rôle du CLESEC. Je dois faire une parenthèse ici pour dire que tel n'est pas l'avis de l'ensemble des universités. Comme je ne représente pas les universités ici, mais bien le Conseil des universités, je me sens tout à fait à l'aise pour faire une recommandation qui est contraire à la recommandation que mes collègues des universités ont faite. Nous pensons que le CLESEC qui a pour mandat de veiller à la complémentarité des niveaux universitaire et collégial, d'assurer la coordination entre les universités et les collèges, de rendre harmonieux le partage de tous les étu-

diants d'un niveau à l'autre, nous pensons que c'est un organisme qui dédoublera le Conseil des universités et le Conseil des collèges. En ce sens, nous en faisons une recommandation formelle.

Nous avons choisi également, M. le ministre, madame et messieurs les députés, de ne pas faire un examen de la pertinence — non pas de la pertinence de la création d'un Conseil des collèges — de certains des articles de sa loi, en dépit de l'expérience que le Conseil des universités a retiré, dans les dix années antérieures de l'exercice, si je puis dire, d'une loi relativement proche de la Loi du Conseil des collèges, d'une part, parce que les deux systèmes universitaire et collégial sont très différents sur le plan de la gestion et qu'on présume que le Conseil des collèges, s'il vit avec une loi qui est très près de celle du conseil des universités, le vivra sûrement de façon différente et mettra les accents probablement sur des éléments différents de ceux que le Conseil des universités a cru devoir examiner. Toutefois, le Conseil des universités se réserve, pour le livre blanc, on espère, qui viendra sur les universités, le soin de faire une autopsie de son expérience, si on peut se permettre la chose et si le gouvernement nous le permet.

J'arrête ici mes commentaires, M. le ministre. Je suis, bien sûr, disposée à répondre à vos questions, si vous le jugez à propos.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il était tout à fait souhaitable que la première intervention fut celle du Conseil des universités et je ne doutais pas que votre intervention montre, in concreto, à quel point les conseils consultatifs peuvent être utiles.

Vous avez soulevé, Mme la Présidente, la question de la coordination des deux niveaux d'études, supérieur et collégial. Je dois convenir qu'autant il est important que chaque niveau soit autonome et se donne des objectifs qui soient les siens, autant la coordination est essentielle. Ce sont, d'ailleurs, l'avers et le revers d'une même médaille que l'autonomie et la coordination. Il n'y a pas de véritable autonomie sans coordination, de sorte que le problème que vous avez soulevé est réel et a, d'ailleurs, retenu notre attention à plusieurs reprises.

Il convient que les collèges, comme vous l'avez dit, sachent se donner des objectifs spécifiques, affranchis, selon l'expression que vous utilisez dans votre mémoire, de la tutelle des universités.

Cela étant, puisque nous sommes d'accord avec cette idée, nous avons voulu, dans l'énoncé de politique sur les collèges, mettre l'accent sur une idée générale et ne pas nous prononcer dès maintenant sur les mécanismes de coordination. Nous avons voulu, parce que nous sentions que cela était une nécessité pédagogique, mettre l'accent sur une formation plus fondamentale, des enseignements fondamentaux améliorés. C'est l'une des lignes majeures de l'énoncé de politique.

Mais, comme vous l'avez fait observer, cela laisse intacte la question de la coordination, du mécanisme de coordination entre les collèges et les universités dont ils ou elles ne sauraient se passer. À cet égard, vous faites observer que l'article 16 est peut-être insuffisant puisqu'il ne fait allusion qu'à la possibilité de rapports conjoints sur des questions d'intérêt commun qui nous seraient soumis par votre conseil et par le Conseil des collèges.

Le lieu actuel de coordination entre les collèges et l'université, vous l'avez mentionné, c'est le CLESEC. Vous savez que les universités y tiennent beaucoup et nous n'avons pas voulu mettre au rancart cet organisme avant de savoir ce dont pourrait convenir un Conseil des universités qui existe déjà et un Conseil des collèges que nous allons créer maintenant. Je dois vous dire cependant que le livre blanc a été discuté au CLESEC à trois reprises. Donc, cette question a été retournée et examinée sous tous les angles. De même, je m'attends que le rapport de la Commission d'étude sur les universités, qui devrait nous être remis jeudi prochain, le 7 juin et que je déposerai devant la Chambre le jour même, aborde la question de façon spécifique. Nous aurons donc un son de cloche qui nous vient d'un organisme qui a été créé justement pour nous éclairer sur l'avenir des universités.

La conférence des secteurs, dans son mémoire sur le livre blanc, non seulement souhaite maintenir le CLESEC, mais souhaiterait le renforcer. Je vous dirai que, pour ma part, je n'entends trancher cette question que lorsque le Conseil des collèges aura été créé et que vous vous serez, ensemble, penchés sur cette question, parce que la loi n'exclut absolument pas, bien au contraire, que vous discutiez de questions d'intérêt commun; elle n'exclut même pas que vous vous donniez des comités communs pour explorer des problèmes comme ceux-là. S'il advenait que vous vous entendiez — comme, je pense, c'est possible — que vous puissiez créer un mécanisme de cet ordre et que nous puissions, je n'exclurait pas du tout que ce mécanisme à inventer puisse éventuellement se substituer au CLESEC. C'est une hypothèse, ce n'est qu'une hypothèse, mais sachez que je ne l'exclus pas.

La Fédération des cégeps, de son côté — elle viendra sans doute nous le dire tout à l'heure — souhaite un mécanisme nouveau. De quelle nature pourrait-il être? Nous le lui demanderons tout à l'heure.

Je pourrais vous demander, comme première question, Mme la Présidente, quel genre de mécanisme vous envisageriez? On pourrait peut-être faire ce pas dès cet après-midi, de sorte que les nouveaux membres du Conseil des collèges, en entrant en fonction d'ici quelques semaines j'imagine, à l'automne au plus tard, pourraient déjà se trouver devant des éléments de réponse et pourraient se pencher, en priorité, sur cette question.

Je voudrais ajouter qu'il pourrait également être question d'associer à cette réflexion le Conseil supérieur de l'éducation. Je ne l'exclurais non plus d'une question qui pourrait l'intéresser.

En d'autres termes, l'article 16 n'exclut absolument pas des mécanismes conjoints, des mécanismes communs. De quelle nature pourraient-ils être, Mme la Présidente?

Mme Leduc: Dans notre document, nous avons suggéré un sous-organisme à caractère conjoint, se rapportant aux deux conseils et qui pourrait être présidé alternativement par le titulaire de l'un ou l'autre des conseils. Nous avons suggéré aussi davantage: "De même les présidents de chaque conseil devraient siéger, à titre d'orbservateur, au sein de l'autre," c'est-à-dire le président du Conseil des collèges au Conseil des universités et inversement.

Je crois que cette question, M. le ministre, est une question de lieu. Où doit se faire la coordination? Je présume qu'il faudra en venir à discuter cette question: Est-ce que la coordination se fait entre partenaires? Est-ce que les universités — pour ne pas blesser mes collègues des collèges — peuvent très bien se coordonner entre elles? C'est une chose possible.

M. Morin (Sauvé): Elles le font déjà.

Mme Leduc: Elles le font déjà. Est-ce que la coordination doit se faire au ministère, etc.?

L'expérience des années antérieures, dans plusieurs États américains et dans plusieurs provinces canadiennes, montre qu'il est préférable qu'un organisme de coordination qui ait à examiner ces problèmes, soit, si je puis dire, au-dessus des conflits d'intérêts, soit une espèce d'arbitre entre les différents intervenants. C'est pourquoi il nous semble — cette question de la coordination, vous le dites, reste ouverte — qu'il faille s'interroger sur le lieu de la coordination pour qu'elle soit véritablement efficace. Si nous en sommes venus à proposer ce sous-organisme, c'est à la suite d'une expérience de plusieurs années et à la suite aussi d'expertises que nous avons tenté de mener auprès d'organismes qui ont vécu ces expériences. On se rend compte que c'est beaucoup plus efficace quand c'est — si je puis me permettre de dire — au-dessus des intérêts individuels et les décisions, parfois difficiles se prennent plus facilement, avec moins de déchirement.

Cette question est donc une question de lieu, ce qui n'exclut pas que les collèges doivent se coordonner entre eux et se concerter, que les universités doivent également le faire, mais quand il y a une décision à prendre, quand il y a un choix à faire — c'est ce que ça suppose — l'expérience de plusieurs pays montre qu'il est plus facile de les faire à un niveau qui, tout en étant humain, est un peu plus au-dessus des conflits d'intérêts. (16 h 30)

M. Morin (Sauvé): Nos vues ne sont pas tellement éloignées, Mme la Présidente. Je devrai cependant tenir compte d'un fait qui est important, c'est celui-ci: vous savez que les institutions sont formellement représentées au sein du CLESEC, alors qu'elles ne le seraient pas, pas formellement en tout cas, dans un mécanisme à inventer, un mécanisme conjoint qui serait interconseils. Mais peut-être qu'il y a moyen de trouver des solutions à ça.

Mme Leduc: M. le ministre, c'est justement parce qu'elles ne seraient formellement pas représentées que ça nous apparaît plus grave.

M. Morin (Sauvé): Bien.

Mme Leduc: Je serai directe et franche.

M. Morin (Sauvé): C'est bien noté. J'ai une autre question à vous poser et, ensuite, nous pourrons passer peut-être, du côté de l'Opposition et de mes collègues du côté gouvernemental, c'est au sujet de l'éducation permanente. Vous nous avez dit que vous n'étiez pas en accord total avec cette proposition de l'énoncé de politique qui fait des collèges le lieu principal de l'éducation des adultes. Vous avez, bien sûr, dit que cela mettait le leadership à un seul niveau. Je vous avoue que, dans notre esprit, cela n'exclut absolument pas la concertation, la coordination, cette même question semblable à celle que vous avez soulevée il y a un instant. Vous savez qu'il existe déjà, même que le député de Sherbrooke serait là pour en parler avec éloquence, des mécanismes comme Fer-de-lance, qui permettent de coordonner l'éducation des adultes du haut en bas, puisque c'est une question verticale et non plus une question de niveau. Comment verriez-vous — c'est ma seconde question, ma dernière pour l'instant — cette concertation inter-niveaux et j'attire votre attention sur le fait qu'il n'est pas impossible aussi — je sais que ça s'est débattu en tout cas, à la Commission d'étude sur les universités — qu'elle veuille mettre son grain de sel dans la balance à propos de cette question justement dans deux ou trois jours.

Mme Leduc: M. le ministre, je voudrais corriger peut-être une impression que j'ai donnée, si c'est celle-là que j'ai donnée, je ne pense pas que nous sommes opposés au fait que les collèges aient aussi un rôle extrêmement important à jouer dans le domaine de l'éducation permanente, mais il nous apparaît que voilà un élément où la coordination est essentielle. Dans notre document, nous disons que ça peut prêter à ambiguïté que de leur donner, par exemple, le rôle, si je puis dire — je ne me souviens plus de votre terme, je l'ai cité tout à l'heure, mais je l'oublie — de pierre angulaire, nous apparaissait un peu forcé, si vous me permettez cette expression.

Effectivement, nous sommes très au courant d'expériences comme celle de Fer-de-lance dans la région de Sherbrooke et, quand nous proposons un mécanisme de coordination entre les niveaux, et cette fois-là, c'est entre tous les niveaux, pas seulement collégial et universitaire, nous pensons à l'élaboration de programmes conjoints, c'est ce qui se fait dans la région de Sherbrooke, nous pensons à la mise en commun de ressources physiques pour répondre à ces

besoins, nous pensons à l'échange de professeurs entre les niveaux. Nous pensons à l'évaluation des résultats et, pour ce faire, il nous apparaît qu'il est essentiel qu'il y ait un mécanisme de coordination prévu entre chacun des niveaux pour examiner spécifiquement ces questions-là.

On peut dire que la région de Sherbrooke est peut-être, je pense, à l'avant-garde sur cette question-là, ce n'est pas le cas, M. le ministre, dans toutes les régions du Québec.

M. Morin (Sauvé): Non.

M. Gosselin: Nonobstant le fait que la région de Sherbrooke soit à l'avant-garde, je devrais dire qu'il subsiste aussi des problèmes et que tout n'est pas solutionné. L'organisme Fer-de-lance a eu le mérite d'innover très fondamentalement dans le fait de réunir régulièrement les collèges avec la commission scolaire régionale et avec l'université et de développer des projets pilotes très intéressants pour des clientèles cibles qui faisaient que chacune des institutions se libérait des ressources, mais il reste quand même qu'au niveau de la coordination concrète de programmes entre le collège et l'université, je regrette de dire qu'on en est encore à des balbutiements, il faut le dire.

Je voudrais citer uniquement l'exemple du secteur très populaire des techniques administratives où je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il subsiste encore, chez nous comme ailleurs, des rivalités entre les rôles qu'assument le cégep et l'université. Il y a là une anomalie, je vous donne raison sur le point d'une juste discrimination quant aux programmes qui sont relatifs, qui doivent être l'apanage des universités ou l'apanage des collèges. Je pense qu'on multiplie parfois, entre les universités et les collèges, des programmes à peu près similaires.

L'exemple des techniques administratives est particulièrement patent. Je vais citer un autre exemple, toujours dans le même ordre. Chez nous, le ministère de l'Éducation va commencer...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cela va être très long?

M. Gosselin: Non, c'est un petit exemple dans le secteur de l'éducation permanente. Le ministère de l'Éducation va commencer, auprès des petits industriels, auprès de la petite entreprise... On se préoccupe beaucoup de développer les aides pour la formation du personnel-cadre et de nouveaux administrateurs dans les entreprises. Les collèges ont un programme d'éducation économique spécifique, quelques expériences pilotes au Québec, et Sherbrooke va pouvoir donner des cours là-dessus.

Ceci entre un peu en concurrence avec les programmes similaires ou un peu différents, mais très apparentés que développe la faculté d'administration à l'université. Je ne connais pas de lieu de coordination actuellement, même s'il y a des efforts qui se font chez nous plus qu'ailleurs, qui permette de bien camper le rôle spécifique du collège par rapport au rôle de l'université et d'éviter qu'il y ait des dédoublements.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire remercier la présidente du Conseil des universités pour son mémoire. Je constate qu'elle s'est peu prononcée sur les projets de loi eux-mêmes, les contenus des projets de loi 24 et 25, et qu'elle a davantage centré ses propos sur des problèmes qui existent présentement entre les niveaux collégial et universitaire et que le Conseil des universités, j'imagine, voudrait voir, à l'occasion de ces projets de loi, se modifier, s'atténuer ou prendre une direction qui soit plus facile que celle que vous vivez actuellement. La question des problèmes de concurrence entre les différents niveaux du système d'éducation est fort connue et se situe également entre le scolaire, le collégial, les universités, etc.

Vous soulevez le problème, je reviens là-dessus pour donner mon point de vue sur cette question de l'éducation permanente. Je dois vous dire que je partage totalement votre point de vue là-dessus. Il s'agit vraiment, quand on pense en fonction de l'éducation permanente, c'est un continuum dans la vie d'un individu et ce n'est pas une chose sur laquelle... Peut-être que, pour un individu, le secteur collégial prendra plus d'importance que le secteur universitaire ou vice versa, selon la philosophie que l'on développe à l'égard de l'éducation permanente pour l'ensemble des individus d'une société.

Mais il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas encore de politique d'éducation permanente, comme il y a une politique d'éducation des adultes, qui est aussi, peut-être un peu plus facile à définir, en termes de gestes ponctuels qu'on pose. Mais les deux sont encore en souffrance et je pense que tant que ce problème ne sera pas réglé, on pourra se poser les mêmes questions: Où est-ce que cela se situe? Mais je pense que c'est une vision d'ensemble qu'il faut avoir, et non pas une vision compartimentée.

Je vois que vous dites — ce ne sont peut-être pas les termes que vous avez utilisés — que vous êtes prêts à souscrire à la création d'un Conseil des collèges, puisqu'il existe un Conseil des universités. Vous auriez mauvaise grâce de vous y opposer. Ce que je veux savoir, c'est quel est — je connais le Conseil des universités — son fonctionnement quotidien, mais avec la loi et les règlements qui le régissent, je ne suis pas familière. Quel est votre indépendance à l'égard du ministère de l'Éducation et également votre façon de travailler, avec le Conseil supérieur de l'éducation? Je pense que ce serait intéressant de voir quel modèle constitue le Conseil des universités?

M. Morin (Sauvé): C'est une indépendance-association.

Mme Lavoie-Roux: On sait depuis hier que cela reste à définir. C'est-à-dire pas depuis hier.

Ce nous fut répété hier, que cela reste à définir, pour la nième fois.

Mais, Mme la Présidente, pourriez-vous nous expliquer l'articulation entre le conseil supérieur et le Conseil des universités, et également votre statut à l'égard du ministère de l'Éducation?

Mme Leduc: Je dois dire en toute honnêteté, Mme le député, que nos liens avec le Conseil supérieur de l'éducation sont assez ténus. Il y a une commission de l'enseignement supérieur au Conseil supérieur de l'éducation. Il y a un Conseil des universités. Je dois dire que nos mandats sont sensiblement les mêmes.

Nous avons relativement peu de relations. Première réponse très franche.

Deuxième réponse, par rapport au ministère de l'Éducation, je crois que nous nous sentons très indépendants, si ce n'est que nous avons besoin de son argent pour vivre. Mais nous sentons toute l'indépendance d'esprit, je crois, nécessaire, à nos avis, face au ministère de l'Éducation et également face aux universités. Je pense que c'est important de noter cette question. Nous sommes dans la situation inconfortable, très fréquente, d'être assis entre deux chaises, ce qui est le rôle nécessaire d'un organisme comme le nôtre, mais difficile.

Mais je dois dire que nous avons parfois donné des avis au ministre de l'Éducation, qui n'allaient pas du tout dans le sens des intentions qui étaient annoncées dans les documents de consultation qu'il nous envoyait. Et de même, il nous est arrivé de donner des avis qui n'allaient pas non plus dans le sens de ce que les universités auraient voulu, parce qu'on a tenté de mettre ensemble ce qui nous apparaît, dans notre loi, essentiel, les besoins de la société et les besoins de l'enseignement supérieur.

Et je crois que sur ce plan, s'il y a eu utilité d'avoir un organisme consultatif comme le nôtre, c'est là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: C'est votre indépendance.

Mme Leduc: Notre indépendance et notre obligation morale de donner des avis en tenant compte, pas uniquement des besoins des établissements universitaires ni des désirs du ministère mais en tenant compte des besoins de la société, comme c'est bien défini dans notre loi. Et je crois que le Conseil des collèges pourrait servir heureusement le Québec en conservant à l'esprit cette nécessité de mettre en équilibre le désir et les besoins, et les capacités de notre société, tant sur le plan économique que culturel, ce qui veut dire parfois des choix difficiles.

Mme Lavoie-Roux: Alors, est-ce que c'est juste de dire que votre rôle est consultatif à l'égard du ministre? Il est consultatif à l'égard des universités?

Mme Leduc: II est consultatif à l'égard du ministre, c'est la loi qui le dit. Il nous arrive parfois de recommander aux universités d'agir dans tel sens, même dans nos recommandations au ministre. Mais en fait, nous ne sommes pas consultatifs auprès des universités. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Non. Alors vous n'avez aucune action directe sur les universités si ce n'est, suite à des études que vous faites, par certaines recommandations ou orientations que vous pourriez suggérer aux universités. Vous n'avez pas de relation directe avec les universités, j'entends "directe" dans le sens de les inciter à l'action ou de...

Mme Leduc: La question que vous posez m'amène à vous dire qu'étant donné, je crois, l'utilité d'un organisme comme le nôtre dans le sens de la mesure des besoins de la société socio-économique comme culturelle, sa composition est fort importante. Si vous n'y mettez — et je m'en excuse auprès de mes collègues des universités que j'estime énormément — que des universitaires, il manque un bout de la balance. Dans notre conseil, comme dans ce conseil, il y a quand même la venue de gens de l'extérieur des universités ou de l'extérieur des collèges. C'est extrêmement bénéfique pour l'examen des questions même parfois difficiles pour des gens qui ne sont pas à l'intérieur de l'université, mais c'est ce qui nous permet, je crois, de pouvoir, dans la mesure où les humains sont capables d'être objectifs, donner des avis aux ministres qui, en tout cas, veulent trancher dans le sens du bien de la société, étant donné ses besoins. Je ne sais pas si je réponds à votre question, Mme Lavoie-Roux.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Oui, c'est cela. Y a-t-il des fonctionnaires du gouvernement sur votre conseil?

Mme Leduc: II y a deux fonctionnaires prévus dans la loi. Sur 17 membres, 2 fonctionnaires sont membres du conseil.

Mme Lavoie-Roux: Ceci ne vient-il pas, d'une certaine façon, du point de vue de votre indépendance vis-à-vis du ministère ou vis-à-vis du ministre ou vis-à-vis du gouvernement, créer un poids qui, je comprends, n'est pas prépondérant, puisqu'il s'agit de 2 membres sur 17, mais qui affecterait votre indépendance à l'égard du pouvoir politique?

Mme Leduc: Je dois dire que non, en toute franchise. L'expérience que j'ai vécue de la présence des fonctionnaires au sein du conseil nous permet d'avoir le point de vue gouvernemental sur les problèmes qui nous sont posés. C'est un point de vue qui est important, je crois, de la même façon que celui des universités ou celui des représentants du monde du travail ou du monde syndical. Jusqu'à maintenant, je dois dire que je n'ai pas vu là un danger de faire balancer, si je puis dire, le conseil vers une volonté de répondre aux désirs intégraux du ministère. Cela nous a

paru, au contraire, être un apport positif, puisqu'il y avait des informations qui pouvaient nous être données de cette manière-là que nous n'aurions pas eues autrement. C'est un point de vue de gens, je crois, responsables, quoi qu'on en dise.

Mme Lavoie-Roux: Nous avons discuté tout à l'heure du rôle du CLESEC. Je voudrais savoir de quelle façon un autre type d'organisme ou de sous-organisme pourrait remplir les mêmes fonctions que le CLESEC, parce que les problèmes que vous soulignez à l'égard du livre blanc sur les collèges, une possibilité de chevauchement à l'égard de l'enseignement technique et professionnel, de chevauchement à l'égard de l'éducation des adultes, ne sont pas des problèmes qui sont créés par le livre blanc, ce sont des problèmes qui existent présentement. Comment le CLESEC a-t-il fonctionné et dans quelle mesure ceci a-t-il réussi à apporter des solutions et comment un organisme différent pourrait-il apporter de meilleures solutions?

Mme Leduc: Je vous rappellerai que le CLESEC a été créé à partir d'une recommandation du Conseil des universités au ministre, donc, je suis très à l'aise de vous en parler, puisque nous jugions, à l'époque, pertinent qu'il y ait un organisme pour faire la liaison entre les cégeps et les collèges — c'est ce que veut dire un comité de liaison — en particulier...

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela, une liaison.

Mme Leduc: ... pour bien définir les critères d'admission à l'université. C'était notre objectif. Depuis lors, le CLESEC a rempli un rôle extrêmement important sur cette question et je vous ferai remarquer que nous avons recommandé de revoir ces modalités de fonctionnement, parce que, récemment, le CLESEC a modifié son rôle — je dois dire que nous n'avons pas été consultés sur cette modification — et il a élargi considérablement ses responsabilités par rapport à ce que nous avions suggéré au début. Cela nous apparaît dédoubler les responsabilités que nous avons, par exemple, dans notre loi. C'est uniquement pour cela. Quand je vous dis "harmoniser", il faudrait voir qui fait quoi et pourquoi deux groupes feraient la même chose, à moins que ce ne soit prouvé que c'est essentiel. Sur le rôle du CLESEC, dès le début, nous jugions pertinent qu'il y ait des mécanismes de liaison, en particulier pour déterminer les seuils d'accueil, les cours nécessaires pour l'admission à l'université. Cela, il faudra sûrement continuer à examiner cette question. Il n'est pas nécessaire que ce soit, par exemple, le sous-organisme que nous suggérons qui fasse cette question. Je pense plutôt que ce sous-organisme que nous suggérons s'occupe de la coordination au niveau des programmes, tant réguliers qu'irréguliers, j'allais dire, je pense à l'éducation permanente, ceux qui se situent à un niveau un petit peu moins technique, si je puis dire, plus politique.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je vous comprends bien quand j'en déduis que vous dites que CLESEC pourrait continuer de vivre, quitte à reconsidérer ses modes ou ses modalités de fonctionnement et qu'en plus, il y aurait cet autre sous-comité qui, lui, aurait d'autres tâches particulières? Est-ce que je vous ai mal comprise?

Mme Leduc: Non, vous ne m'avez pas mal comprise. Je crois que CLESEC existait avec un mandat qui était particulier, qui était précis, concernant le passage, le niveau d'admission entre les deux programmes. Il s'agissait d'un comité composé de registraires des universités et de représentants des collèges. On a modifié le CLESEC récemment, et c'est là que nous avons des difficultés, parce que cela devient un organisme... J'ai lu tout à l'heure le mandat de ce nouveau CLESEC. Là, je crois qu'il faut harmoniser le rôle de ces organismes. Si nous avons un Conseil des collèges, un Conseil des universités... Vous savez qu'au Conseil des universités, nous avons un comité des programmes, où nous examinons les programmes qui sont déposés par les universités. Nous croyons, par exemple, qu'un sous-organisme tel que celui que je propose pourrait examiner conjointement les programmes qui ont des précédents aux collèges, pour voir dans quelle mesure ils s'harmonisent. Cela se situe à des niveaux largement plus politiques, si je puis dire. Dans l'état actuel des choses, le nouveau CLESEC — c'est notre jargon, on parle comme cela — c'est un organisme qui a le même mandat que le Conseil supérieur ou que le Conseil des collèges ou que le Conseil des universités, sur le plan de la complémentarité des niveaux, de la coordination entre universités et collèges. Je trouve qu'ainsi, il y en a trop qui font la même chose. Ou on l'enlève au Conseil des universités ou au Conseil des collèges ou on le donne au CLESEC, ou inversement, mais il faut harmoniser. Bien sûr, je suggère que le Conseil des universités, étant donné son expérience, puisse travailler avec le Conseil des collèges sur ces questions.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, selon vos propos, il semble y avoir de la place pour de la clarification, parce qu'au tout départ, vous avez parlé aussi d'un certain dédoublement entre le comité de l'enseignement supérieur du Conseil supérieur de l'éducation et le rôle du Conseil des universités.

Mme Leduc: C'est-à-dire que, dans la loi, en tout cas...

Mme Lavoie-Roux: Oui. Au point de vue...

Mme Leduc: Oui. Dans les faits, je crois que nous avons fait notre travail, nous avons répondu aux avis. Nous avons pris des initiatives, en particulier, définir les orientations de l'enseignement supérieur et les axes de développement des établissements. Le Conseil supérieur a toujours, dans le domaine de l'enseignement supérieur, évalué les besoins de l'enseignement supérieur et

les a fait connaître au ministre par cette commission de l'enseignement supérieur. Remarquez que nous faisons la même chose aussi.

Mme Lavoie-Roux: II y a seulement une dernière question que je voudrais vous poser et qui touche — je ne retrouve pas l'endroit — le chevauchement des programmes entre l'enseignement collégial et les études de premier cycle au niveau universitaire. Devant tous les organismes qui existent, je ne suis plus du tout sûre que c'est CLESEC qui s'est penché là-dessus ou si c'est le Conseil des universités. Où en êtes-vous dans ce partage de responsabilités?

Mme Leduc: Dans l'enfance de l'art. En fait, il n'y a jamais eu de tentative organisée, continue et sérieuse de faite là-dessus. Je dois dire, et je fais amende honorable, nous aurions dû le faire, nous ne l'avons pas fait de façon efficace, il faut que quelqu'un le fasse. Là-dessus, je pense essentiel...

Nous étudions à chaque année une quarantaine de programmes que les universités déposent à notre bureau pour ouverture de nouveaux programmes et, sur ces quarante programmes, il y en a la moitié qui sont dans la suite de programmes des cégeps et nous nous demandons, les mains en l'air: Est-ce qu'il y a vraiment des différences essentielles entre ces deux programmes? Là-dessus, il y a un problème évident qui n'a pas été, je pense, examiné en profondeur et qui mériterait de l'être. Je ne vous donnerai comme exemple que le problème de la formation dans le domaine de la santé; toute une série de professions qui ont leurs techniques au cégep, qui ont leur premier cycle à l'université et, dans cette jungle des programmes, il est extrêmement difficile de savoir ce qui est spécifique au collège et à l'université et si, en fait, les formations conduisent à l'exercice d'une profession qui soit vraiment différente l'une de l'autre. Cela nous apparaît extrêmement coûteux pour le Québec.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je pense que ce sera très bref.

Je remercie madame de son exposé très intéressant. Je pense que nous avons là un gâteau enrichi de toutes les vitamines, de toutes les substances et très indigeste à avaler d'un coup sec. Je pense qu'il y aurait tellement de questions là-dedans, vous abordez tellement de problèmes, mais je voudrais me limiter à quelques observations.

Évidemment, il s'agit ici d'un projet de loi pour créer un Conseil des collèges et, comme vous l'avez mentionné un peu, quand on regarde l'éducation qui, pour moi, est un tout, est global, qu'on parte de la prématernelle, du primaire, du secondaire, du collégial, de l'universitaire, les conflits d'intérêt, comme vous le mentionniez tout à l'heure, c'est toujours possible et cela arrive même à l'intérieur des meilleures choses.

Votre mémoire a pour but d'apporter des suggestions d'ordre très pratique et, quand vous parlez, par exemple, d'éducation aux adultes ou d'éducation permanente, il me semble, dans l'idée qu'on peut se faire aujourd'hui de l'éducation des adultes... Est-ce que vous êtes d'accord sur ce concept que c'est de l'éducation permanente en permanence, je dirais? Parce qu'on voit des jeunes qui sortent des collèges, qui vont aller sur le marché du travail un an, deux ans, trois ans, qui vont revenir encore au collège ou à l'université plus tard. Est-ce que, dans votre idée, quand on parle d'éducation des adultes, vous y verriez plutôt cette idée d'éducation permanente, quel que soit le niveau, quels que soient les âges?

Mme Leduc: Sans aucun doute, M. le député. D'ailleurs, je pense que le livre blanc sur les collèges nous fait faire un pas en avant dans cette direction, puisque, si on pense le système d'éducation comme étant une période transitoire qui permet à la personne humaine de s'instruire et de revenir, dans la mesure de ses besoins, on doit penser nos programmes dans ce sens-là également.

On pense que nos programmes ne donnent pas tout ce qu'il faut à l'étudiant sur le plan de la connaissance technique, approfondie, spécialisée ou hyperspécialisée. On croit donc qu'il faut que les systèmes d'éducation soient pensés en vertu d'une possibilité pour l'individu de venir là chercher un certain nombre de besoins, d'y revenir et d'y retourner et c'est pourquoi il nous a semblé que le livre blanc sur les collèges, qui prône une espèce de formation générale bien assise, permet justement de penser mieux l'éducation permanente puisqu'il y aura l'essentiel pour l'individu qui pourra revenir chercher les connaissances techniques ou spécialisées si c'est nécessaire, mais il y aura aussi ce qui est la base de l'éducation de l'individu, à quelque niveau que ce soit. Là-dessus, l'universitaire est loin d'être sans péché quant à la conception de ses programmes face à un système d'éducation qui est pensé pour la vie entière et non pas uniquement pour une période très courte, qui est quand même celle de l'enseignement organisé.

Je ne sais pas si je réponds à votre question. (17 heures)

M. Le Moignan: Je crois que je vous rejoins un peu, parce que nous vivons dans une société et les besoins de main-d'oeuvre, au Québec ou ailleurs, sont au niveau de la technologie. Alors, dans le cas présent, ça se limite peut-être un peu trop aux collèges. Que ce soit pour l'éducation aux adultes ou l'éducation permanente, je crois que dans votre idée, puisque la technologie est tellement importante, ça déborde un peu le cadre du collège, ça rejoint l'université à ce moment-là.

Mme Leduc: À tous les niveaux; le secondaire également.

M. Le Moignan: Le secondaire également, puisqu'il y en a qui terminent au secondaire et aussitôt entrent sur le marché du travail.

Mme Leduc: C'est ça, tout à fait.

M. Le Moignan: Vous avez parlé, je crois, de zone grise qui existe entre le cégep et l'université au sujet de certaines matières, de certains ajustements. D'autres mémoires en font également mention, que ce soit dans le cours d'économie, de civilisation québécoise. On voudrait que ça se limite à un niveau, d'autres, moins au secondaire, plus au collégial, d'autres, moins au collégial et plus à l'université. Avez-vous examiné cette question?

Mme Leduc: C'est-à-dire que nous savons qu'il existe des zones grises importantes; notre suggestion d'une meilleure coopération, c'est pour tenter de les éclairer, M. le député; mais il est évident qu'il doit y avoir des réflexions plus poussées sur ces questions.

M. Le Moignan: Cela reste dans vos préoccupations, peut-être pour l'avenir, de pousser pour l'information.

Mme Leduc: Voilà.

M. Le Moignan: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Vous avez évoqué, au début de vos remarques, les modifications ou les redéfinitions qui vont être apportées au niveau des collèges, soit sur les propositions du livre blanc ou même à l'intérieur, sur le plan administratif, des projets de loi suivants et que cela va nécessairement avoir des conséquences importantes au niveau universitaire sur le plan de la coordination. Est-ce qu'il vous apparaît que, relativement aux orientations nouvelles qui vont être données à la "programmation", au niveau des collèges, au niveau universitaire, présentement, vous êtes complètement dans le blanc, il n'y a pas d'étude disponible, le milieu universitaire, le Conseil des universités n'a pas été mis dans le coup là-dessus pour prévoir les conséquences, ne serait-ce qu'au niveau de l'organisation du milieu universitaire en tant que tel, pour absorber ces conséquences?

Mme Leduc: Ces conséquences seront perceptibles surtout au premier cycle universitaire. Or, il est difficile, pour nous, de bien préciser ces conséquences et d'y faire face maintenant, tant que nous ne saurons pas quelles seront les modifications véritables aux programmes du collégial. Par exemple, le tronc commun pour le cégep général, quel sera-t-il? Alors, par rapport aux programmes universitaires, avec quel bagage les étudiants du cégep arriveront-ils à l'université? Le problème qui se pose, qui est très net, c'est que les programmes universitaires au premier cycle, ont une tendance à être très spécialisés, de sorte que si l'étudiant du niveau collégial l'est un peu moins, il y aura nettement un ajustement à faire, parce que l'étudiant n'aura pas les exigences requises par l'université, par exemple, pour les programmes actuels qui sont là. Cela est d'importance, croyez-moi!

M. Rivest: En ce moment, il n'y a évidemment rien, dans la mesure où ces mesures sont à venir et, pour l'instant, sur les orientations générales est-ce que le milieu universitaire soit le Conseil des universités ou les autres, a été vraiment mis dans le coup là-dessus, de façon à prévoir à tout le moins?

Mme Leduc: Les universités sont toutes conscientes — je crois que dans leur mémoire, c'est très clair — de l'impact qu'auront ces mesures sur leur premier cycle universitaire et auront — espérons qu'elles le feront avec diligence — à repenser leurs programmes. Je pense qu'il faut éviter, toutefois, que ce soit le réseau universitaire qui fasse les programmes du collégial, pour que ça s'ajuste bien à leurs programmes. Là-dessus, — vous verrez que je ne défends pas mon territoire — ça ne m'apparaîtrait pas être à l'avantage de l'ensemble du réseau. C'est là qu'il m'apparaît qu'un mécanisme de coordination le plus objectif possible pourrait permettre des poussées trop fortes ou des tutelles déguisées de l'université sur le collégial.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: Simplement comme observation. Tout à l'heure j'ai parlé de la coordination nécessaire entre le collège et l'université. Je pense qu'il est important — je veux simplement reprendre une idée qui a été exprimée par madame et peut-être la renforcer encore — qu'il y ait quelqu'un qui tranche et que, le moins possible, les intérêts des universités et des collèges jouent dans la définition spécifique de ce que doit être le type de formation dispensée et l'harmonisation des programmes. Je pense que les universités du Québec sont diablement en retard, actuellement, quant à l'adaptation de leurs programmes à un niveau de formation que les cégeps ont su donner ces dernières années, qui a été accéléré et où on a fait preuve d'énormément de souplesse. À cet égard, il va falloir trouver le moyen d'harmoniser les programmes universitaires et de vraiment permettre que les universités fassent preuve d'autant d'innovation que les cégeps dans le passé.

Mme Leduc: Ce n'est pas moi qui ai dit ça, mais je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): II ne me reste qu'à remercier Mme la présidente du Conseil des universités...

Mme Lavoie-Roux: Mme la présidente.

M. Morin (Sauvé): Je ne trancherai pas cette querelle linguistique aujourd'hui et je m'en remettrai à Mme le président ou la présidente, selon ce qui lui siéra le mieux. Je veux la remercier simplement de nous avoir apporté l'éclairage du conseil qui a été des plus utiles. Il faudra bien sûr que nous continuions à nous entretenir de cela une fois que nous aurons sous les yeux le rapport de la commission d'étude sur l'avenir des universités. Merci infiniment Mme le président.

Mme Leduc: Je me permets de souhaiter longue vie aux collèges du Québec!

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, Mme Leduc. J'inviterais maintenant la Fédération des associations de parents des cégeps à venir nous présenter son mémoire.

Fédération des associations de parents de cégeps

M. Pilote (Christian): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec qui fut fondée en 1974 regroupe présentement quinze associations qui couvrent, par leurs représentations, les diverses régions de la province de Québec.

Les buts de la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec sont les suivants:

Etre, au niveau collégial, par son travail et sa compétence, une autorité consultative de la qualité de vie, afin que la formation soit optimale;

Amener les parents à une prise de conscience plus intime face à leur responsabilité d'éducateurs;

Propager et appliquer les principes de droit naturel des parents en matière d'éducation et de culture;

Collaborer et encourager, par tous les moyens, les étudiants dans leurs activités académiques, para-académiques et sociales;

Etre à la disposition du ministre de l'Éducation, du ministère de l'Éducation, du Conseil supérieur de l'éducation, des cégeps, des étudiants et de tous les autres organismes poursuivant les mêmes buts en éducation, afin de participer aux recherches nécessaires en vue de solutionner les divers problèmes soulevés en éducation;

Ce sont donc les principales raisons qui amènent les membres de la Fédération des associations de parents des cégeps du Québec à se présenter devant la commission parlementaire de l'éducation, afin de donner leur avis sur les deux projets de loi à l'étude, tout en tenant compte des études déjà présentées par les parents à la suite de la parution du livre blanc, dans le but de s'assurer que lesdites lois sont conformes aux énoncés antérieurs et à l'objectif visé du nouveau départ.

Le Président (M. Marcoux): Avant d'en arriver au contenu même, est-ce que vous pourriez vous identifier et identifier vos collègues, s'il vous plaît? J'ai oublié de vous le demander tantôt.

M. Pilote: Alors, Christian Pilote, Président de la Fédération des associations de parents.

Mme Raymond (Gisèle): Gisèle Raymond, secrétaire général.

M. Mongeau (Jean-Paul): Jean-Paul Mon-geau, cégep Montmorency.

Mme Tremblay (Colette): Mme Tremblay, parent, cégep de Jonquière.

Mme Hamel (Denise): Denise Hamel, Alma...

M. Bonneau (Jacques): Jacques Bonneau, cégep de Jonquière.

Mme Julien (Denise): Denise Julien, Sainte-Foy.

Mme Blanchet (Jacqueline): Jacqueline Blanchet, Sainte-Foy.

M. Pilote: Dans un avis succinct adressé au ministre de l'Éducation en mars dernier, nous lui faisions part de notre réticence devant l'élaboration du projet de création du Conseil des collèges. Nous laisserons à d'autres organismes le soin d'analyser et commenter un à un les articles de ce projet de loi. Quant à nous, nous nous en tiendrons à un commentaire, nous appuyant sur des citations du livre blanc et sur des questions pratiques que se sont posées les parents.

Le premier passage du livre blanc concernant l'utilisation des fonds publics, nous le trouvons d'ailleurs à la page 63, cela signifie simplement que l'enseignement collégial, au même titre que les autres niveaux d'enseignement, ne pourra plus évoluer sous le signe de l'abondance qui a marqué les dernières années. Les fonds publics seront administrés avec plus d'économie et leur utilisation sera scrutée avec plus d'attention. Ce sont là autant de raisons de miser désormais sur l'excellence plutôt que sur l'expansion". Une autre citation dit: "Les structures du Conseil des collèges demeureront relativement légères".

Par la suite, en étudiant les rôles et les fonctions qu'aura à remplir le Conseil des collèges, les membres de la Fédération des associations de parents de cégeps ont en même temps interrogé les structures et les vues d'autres organismes dont la responsabilité est de s'occuper d'éducation: le Conseil supérieur de l'éducation, la Direction générale de l'enseignement collégial et la Fédération des cégeps.

À notre étonnement, nous avons découvert que certaines des responsabilités que le gouvernement désire confier au Conseil des collèges sont déjà attribuées, en tout ou en partie, aux orga-

nismes déjà cités. Si des études sur les rôles et fonctions de ces organismes oeuvrant au niveau collégial ont été exécutées en regard de la création du Conseil des collèges, elles ne sont pas parvenues jusqu'à nous. Si tel était le cas, nous nous permettrions de le déplorer ici, car la suite de notre propos deviendrait inutile.

Cependant, nous nous étonnons quand même de ce que l'article 13 du projet de loi 24 donne comme fonction au futur Conseil des collèges des tâches déjà accomplies par le Conseil supérieur de l'éducation.

La seule différence dans les fonctions décrites au Conseil supérieur de l'éducation et dans celles du Conseil des collèges se trouve dans la spécificité au niveau collégial.

Si notre connaissance du Conseil supérieur de l'éducation est suffisante, la spécificité au conseil supérieur est du ressort de la commission collégiale, où se retrouvent les mêmes spécialistes que ceux nommés à l'article 2 de ce projet de création dans le Conseil des collèges.

Donc, une première question: "Pourquoi ne pas utiliser ce qui existe déjà au lieu de dissoudre pour reconstituer ailleurs? Quant aux études, opinions, avis à être soumis par le ministre de l'Éducation, certains de ceux-ci pourraient s'adresser, à notre avis, à d'autres organismes en meilleure position actuellement pour y répondre adéquatement.

La Direction générale de l'enseignement collégial et la Fédération des collèges doivent, à l'heure actuelle, remplir ces mêmes fonctions que l'on veut attribuer au futur conseil des collèges.

Pour ce qui est des alinéas d), e), f) de l'article 14, l'endroit privilégié pour débattre ces questions serait la fédération des collèges, lieu naturel de concertation des collèges, lieu de rencontre des principaux intéressés. Les collèges se voient ainsi retirer, par cette proposition, des projets et études où ils sont les plus intéressés et, à notre humble avis, les meilleurs juges.

Nous croyons que le Conseil des collèges pourrait laisser à ceux qui sont les plus concernés les fonctions et les décisions qui sont les leurs.

Le Conseil des collèges pourrait se consacrer entièrement à l'évaluation des collèges, évaluation que nous désirons obligatoire et faire à date déterminée; offrir davantage de temps, d'énergie et de compétence à la Commission de l'enseignement professionnel. Avec l'analyse des projets de création des nouveaux collèges et autres mandats qui pourraient lui être confiés, sans toutefois s'immiscer dans les mandats et fonctions d'autres organismes, il y aurait suffisamment à faire pour mener à bien ces tâches.

Quant au rappel fait de l'utilisation des fonds publics, pour nous qui représentons la classe sur qui pèse lourdement la tâche fiscale, notre souci est de nous assurer que soient utilisées au maximum, en éducation comme ailleurs, les structures déjà en place avant de penser en créer d'autres.

C'est la multiplication de petites structures, conseils, commissions qui finit par compliquer les systèmes et alourdir les charges financières des populations.

C'est dans les choses simples et bien planifiées que se trouvent sûrement le plus d'efficacité, de rentabilité, de succès.

Nous recommandons que soit modifié ce projet de loi en considération des fonctions remplies ou qui pourraient être remplies par des organismes de niveau collégial possédant les personnes qualifiées et les infrastructures adéquates; que soient réservés au Conseil des collèges les autres rôles mentionnés lors du projet de loi 24.

Nous recommandons aussi que, dans la composition du Conseil des collèges, un parent soit désigné comme membre pour y siéger et ce, après consultation avec la Fédération des associations de parents de cégeps.

Nous souhaitons que ces réflexions puissent vous être utiles et nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer à ce sujet.

Je demanderais à Mme Raymond de nous faire la lecture dès recommandations au sujet de la loi 25.

Mme Raymond: Pour ce qui est du projet de loi 25, nous en avons pris connaissance avec beaucoup d'intérêt, surtout que certains de ces amendements répondaient à des voeux exprimés par la Fédération des associations de parents dans un court mémoire que nous avions déjà présenté, en mars dernier, au ministre. (17 h 15)

Cependant, d'autres semblent vouloir maintenir un statu quo avec lequel nous ne sommes pas d'accord et, finalement, certains nous laissent craindre une véritable centralisation des collèges entre les mains de l'État.

Le premier changement majeur apporté, et dont nous ne pouvons nier l'opportunité, consiste en la nomination des membres par le ministre de l'Éducation. Sur le sujet, nous sommes entièrement d'accord, de sorte que les nominations se feront plus rapidement et cela permettra ainsi de combler promptement les postes vacants et de maintenir un équilibre dans les représentations.

Quant à la représentativité des membres nommés, nous avions compris, dans les énoncés du livre blanc, que le gouvernement du Québec et le ministre de l'Éducation désiraient un conseil d'administration capable d'être au-dessus des intérêts de groupes particuliers et en mesure de protéger ceux de la collectivité.

En effet, dans son projet, le gouvernement semblait disposé à prendre de telles mesures et nous citons: "... la principale nouveauté consiste en l'obligation de répondre plus formellement devant l'État et la collectivité de l'administration du collège. Les conseils d'administration ne peuvent se contenter d'être de simples comités de gestion et encore moins l'arène où s'affronteraient les visées partisanes, voire les intérêts de groupes de pression." Je pense que c'est inutile que je continue les citations qui touchent les collèges.

Toute la population doit prendre en main l'administration de cette corporation publique. Elle a les compétences voulues et les groupes que nous favorisons peuvent les fournir. Pour les parents, ils rejoignent en cela d'autres groupes.

Cette composition confirme le souci de protéger les intérêts publics et répond à l'esprit même du rapport Parent. Je pense que c'est inutile de le citer ici, les gens le connaissent bien, depuis le temps qu'on en parle.

Pour nous, il est évident que la composition du conseil d'administration doit avoir une nette proportion de membres venant de l'extérieur, qui aient pour eux la prépondérance.

Nous avons discuté longuement de la proposition et nous en sommes venus à la composition que vous voyez ici dans laquelle les membres seraient tous nommés pour trois ans. Ce sont: deux professeurs, un représentant des professionnels non enseignants, un représentant du personnel de soutien, un étudiant du secteur régulier, un étudiant du secteur des adultes, les directeur des services pédagogiques, le directeur des services étudiants, six socio-économiques, cinq parents et le directeur général, principal administrateur et gestionnaire, personne-ressource, à qui nous enlèverions le droit de vote.

Nous sommes assurés que les parties composantes du collège peuvent très bien, au sein des comités et des commissions, avoir une participation active à l'administration du collège, en donnant leur avis sur les dossiers importants. Il n'est donc pas nécessaire de maintenir une représentation supérieure des membres de l'interne au conseil d'administration.

Ici, on demandait d'ajouter: "De plus, nous croyons que la représentation syndicale que veulent se donner, à l'heure actuelle, les composantes de l'intérieur, nous oblige à penser qu'il y a là un véritable conflit d'intérêts permanent, d'où viennent toutes les difficultés actuelles aux conseils d'administration."

La nomination, comme nous l'avons dit tout à l'heure, devrait être de trois ans, vu que, dans le livre blanc, en se référant à la page 74, il était dit simplement: "La durée de mandat demeurera de trois (3) ans et sera renouvelable."

Cette phrase n'est précédée ni suivie par aucune indication de la durée du mandat pour les groupes nommés. Elle semble claire et, pour nous, elle répond à une demande formulée depuis quelques années déjà et répétée dans notre avis au ministre de l'Éducation, en mars dernier, au sujet du mandat des représentants des parents.

Nous insistons donc aujourd'hui afin que le mandat des parents soit lui aussi porté à trois ans. Nous sommes des éducateurs, nous croyons que notre intérêt dans l'éducation demeure toujours vivace. Nos représentants aux conseils d'administration ont simultanément des jeunes qui fréquentent le secondaire ou d'autres le collégial et même l'université. Ils sont donc intéressés à continuer leur participation. En plus, pour appuyer cette demande, rares sont les jeunes, qu'ils soient au secteur général ou au secteur professionnel, qui obtiennent leur diplôme d'études collégiales dans la période déterminée. Ils complètent, pour la majorité, une session supplémentaire et nous en trouvons la preuve en nous référant à la page 131 du livre blanc, où il est dit: "La durée des études est donnée comme étant de deux à quatre ans." Ceci signifie donc qu'on ajoute une demi-année quelque part, ce qui donne quatre ans.

Dernier argument: Comme citoyens, nous sommes tout autant intéressés que les autres représentants des autres groupes.

En plus, par l'article 10 leur assurant de pouvoir compléter leur mandat et n'étant plus contraints par la clause de perte de qualité, ils auront le temps, dans un mandat complet de trois ans, d'assimiler tous les aspects de l'administration des collèges et de donner un plein rendement. .

Notre expérience des conseils d'administration permet d'avancer qu'un mandat de deux ans ou moins ne peut permettre aux membres parents de remplir la tâche qui leur est confiée avec toute l'efficacité qu'ils souhaitent et dont ils sont capables. En outre, il est reconnu que les membres extérieurs, les parents en particulier, sont les plus assidus aux réunions.

Quant au mode d'élection suggéré et pouvant être employé par l'officier désigné et permettant d'utiliser le scrutin par la poste, nous nous y opposons.

Ce pouvoir peut être discrétionnaire et les questions qui ont surgi de la part des parents sont: D'où viendront les mises en candidature? Par qui seront-elles faites? Qui établira les procédures à suivre pour un tel mode de scrutin? Comment pourra-t-on s'assurer que les bonnes personnes se sont prévalues du droit de vote? Les parents craignent que cette procédure ne conduise à la fraude et à la manipulation. Nous estimons que, pour la nomination à un poste, les personnes doivent être présentes afin d'assurer leur disponibilité et être connues par ceux qui les élisent.

Il se pourrait que lors de cas extraordinaires ou particuliers, afin de légiférer sur un litige quelconque sur la nomination de personnes, un règlement d'exception puisse être établi et cela en vertu de l'article 18 qui concerne les pouvoirs accordés au ministre de l'Éducation et en vertu de l'article 19 qui concerne les pouvoirs accordés aux collèges.

Nous demandons donc que soit modifié l'article 9 concernant la durée des mandats pour inclure les membres visés par le paragraphe d) de l'article 8, c'est-à-dire l'article qui concerne les parents, afin que leur mandat soit d'une durée de trois ans comme les autres et nous demandons aussi que disparaisse la clause concernant le scrutin par la poste.

L'article 17a qui dit que le ministre pourrait reconnaître d'intérêt national le programme d'enseignement professionnel que dispense un collège, cet article est demeuré un point d'interrogation pour les parents. Que sous-tend-il? Devant ce peu de définition, nous désirons qu'il soit plus largement défini afin que soient connus les véritables objectifs poursuivis. Nous désirons en outre que, si les corrections nécessaires à sa clarification ne sont pas ajoutées, il faille le faire accepter à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Le respect de toute une population nous impose le devoir de faire cette demande.

L'article 18. Les pouvoirs discrétionnaires accordés par cet article sont étendus et répondent en partie aux demandes des parents, lesquelles ont été formulées en mars dernier. Cependant, nous ne désirions pas que le ministre de l'Éducation s'assure par règlement la quasi-totalité des responsabilités pédagogiques et administratives des collèges.

Que par certains règlements le ministre de l'Éducation s'assure une coordination sur le plan provincial, nous estimons qu'il doit s'en assurer. Cependant, alors que les énoncés du livre blanc parlent de démocratisation, de décentralisation et d'autonomie, ces mêmes énoncés nous font craindre des pouvoirs trop centralisés entre les mains du ministre.

Nous ne ferons que répéter ce que nous avons déjà demandé: définir dans une loi, de façon précise, les responsabilités des collèges, leur donner les pouvoirs afin qu'ils assument leurs responsabilités. À vouloir centraliser des décisions majeures, les collèges ne deviendront alors que de passifs exécutants à pouvoirs réduits. Qui sera intéressé alors à pareille administration? Les pouvoirs de réglementer devraient leur être laissés en les assurant par voie de législation qu'ils auront la possibilité d'appliquer ces règlements.

Quant à l'article 20, tout en nous réjouissant de la décision prise de porter le mandat des directeurs généraux et pédagogiques de trois à cinq ans, mais la prolongation seule de ce mandat ne réglera en rien les conditions de vie de ces mêmes directeurs.

Ils seront toujours sujets aux tracasseries des évaluations partiales des groupes minoritaires à buts mal définis. Nous croyons à un règlement et à des définitions de tâches précises leur assurant plus de sécurité afin d'assurer leurs responsabilités sans craindre de se voir remis en question à tout moment. Ils pourront être soumis aux mêmes évaluations que les autres groupes dans une évaluation institutionnelle obligatoire sans qu'entre-temps ils aient à en subir d'autres.

Mesdames et messieurs, l'attitude de la population est encore négative à l'égard de nos collèges. Il ne faudrait pas que les corrections apportées ne changent que peu de chose aux situations dénoncées.

Nous avons tenté de traduire dans ce mémoire le fruit de certaines expériences vécues par nos membres qui siègent aux conseils d'administration de même que les réactions de groupes de parents qui se sont interrogés sur les renouveaux annoncés par le gouvernement.

Nous espérons les avoir traduits fidèlement et nous souhaitons que ces quelques remarques, venant d'une partie de la population, seront prises en considération.

Nous vous remercions.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie de ce mémoire. J'aimerais vous poser quelques questions. J'adresse ma première question indistincte- ment au président ou à Mme le secrétaire. J'imagine que vous prenez connaissance également des avis rendus publics par le Conseil supérieur de l'éducation. Je suis un peu étonné de vous entendre dire que vous n'avez jamais entendu parler de la création du Conseil des collèges, à titre de projet. Est-ce que vous saviez que c'est une recommandation du Conseil supérieur de l'éducation que de créer le Conseil des collèges? Si vous le saviez, pourquoi n'en faites-vous pas état dans votre mémoire?

Mme Raymond: Je pense, monsieur, que cela a pu nous échapper, vu le laps de temps très court qui nous a été donné pour étudier les projets de loi tels que formulés à l'heure actuelle. Nous avions eu connaissance du mémoire Nadeau. Je pense que la formulation qui était faite dans le mémoire Nadeau n'était pas tout à fait la même que celle qu'il y a ici à l'heure actuelle dans le projet de loi. Maintenant, ce que nous venons vous apporter ici, c'est ce que les parents ont décidé de dire, même en ayant tous ces renseignements.

M. Morin (Sauvé): Bon. Vous êtes donc consciente que dans son avis... Oui?

Mme Raymond: Je m'excuse, M. le ministre, mais je pense que les gens ne sont pas contre la création d'un Conseil des collèges comme tel. Ils le souhaitent, mais voudraient voir les mandats qu'on lui donne, peut-être un petit peu diversifiés et autres.

M. Morin (Sauvé): Nous allons explorer cela ensemble. Je suis heureux de vous entendre dire que les parents ne sont pas contre la création d'un Conseil des collèges, parce qu'à lire le mémoire, on aurait pu, à tout le moins, se poser la question. Vous êtes donc consciente que dans son avis du 20 février 1979, le Conseil supérieur de l'éducation nous a dit ceci, c'est un avis public que vous avez certainement eu, puisque cela portait sur un sujet qui vous tient à coeur: II reconnaît l'utilité d'organismes consultatifs de niveaux qui présentent des avis sur des questions spécifiques à leur champ respectif de compétence. Il est conséquemment d'accord avec la création d'un Conseil des collèges. Vous étiez au courant de cela, n'est-ce pas?

Mme Raymond: Si, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Très bien. Cela étant, abordons maintenant la question des fonctions que pourrait avoir ce conseil. D'après vous, d'après les parents, quelles seraient les fonctions naturelles qu'on pourrait vouloir confier à un Conseil des collèges?

M. Pilote: Disons que pour notre organisme, la consultation que nous avons tenue auprès des parents, il semble que de façon quasi unanime, la fonction de l'évaluation pourrait très bien lui revenir comme telle. Pour ce qui est des autres

fonctions actuelles, il semble qu'il y ait de la duplicité, à savoir que, par exemple, le Conseil supérieur de l'éducation, par l'intermédiaire de sa commission collégiale, la Fédération des cégeps, ces organismes jouent déjà des fonctions qui sont, semble-t-il, dévolues ou voulues par la création des collèges, alors que, présentement, l'évaluation, tant l'évaluation institutionnelle que l'évaluation des contenus, l'évaluation de la qualité de l'enseignement, nous la verrions, à ce moment, jouée par le Conseil des collèges comme tel.

M. Morin (Sauvé): J'imagine que si nous créons le Conseil des collèges, la commission qui traite des collèges au sein du Conseil supérieur n'aura plus de raison d'être particulière, et qu'il faudra que les conseils se concertent sur des questions qui intéressent les deux conseils et aussi, peut-être, — cela reste à voir— du point de vue du Conseil supérieur de l'éducation, des questions qui transcendent les niveaux. Cette question est encore à régler. Est-ce que vous seriez d'accord pour que le Conseil des collèges, à supposer qu'il soit l'organisme spécifiquement chargé du niveau collégial, est-ce que vous seriez d'accord pour qu'il propose des objectifs à la population, au gouvernement, au ministre, qui doivent être poursuivis pour que soit assuré le développement de l'enseignement collégial? Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'il puisse réviser ces objectifs de temps à autre et faire des recommandations en conséquence au ministre et au gouvernement? (17 h 30)

M. Pilote: Nous serions évidemment d'accord, mais, à ce moment-là, on ne voit plus la nécessité d'avoir, comme telle, la Commission collégiale, ni la Fédération des cégeps non plus comme telle.

M. Morin (Sauvé): Pour l'instant, parlons des autres organismes consultatifs comme, par exemple...

M. Pilote: Ah bon!

M. Morin (Sauvé): ... la Commission collégiale. Je pense que là, nous sommes d'accord.

Mais, à supposer que la Commission de niveau collégial n'existe plus et qu'on s'en réfère désormais au Conseil des collèges, vous seriez d'accord pour que le ministre puisse avoir recours à un organisme compétent pour lui donner des avis sur les objectifs généraux, par exemple.

M. Pilote: Oui, je pense que nous serions tout à fait d'accord avec cette politique.

M. Morin (Sauvé): Bon! C'est un bon point à préciser.

Mme Raymond: J'aimerais bien, M. le ministre, justement, apporter quelque chose là-dessus. Les parents voyaient que la Commission collégiale du Conseil supérieur à l'heure actuelle jouait ce rôle ou si elle ne l'a pas joué exactement, c'est probablement parce que le ministre de l'Éducation n'a pas demandé au Conseil supérieur des mandats dans ce sens-là. C'est de cette façon que les parents, avec les informations qu'ils possédaient, ont amorcé cette discussion.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Raymond: Ils se sont posé la question justement, en disant: Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité qu'on reprenne les mandats confiés au Conseil supérieur par le biais de sa Commission collégiale, qu'on lui définisse d'une autre façon si ça ne répond pas exactement, à l'heure actuelle, et qu'on laisse à un Conseil des collèges certaines autres choses bien spécifiques comme, par exemple vient de le dire le président, l'évaluation que nous, nous demandons obligatoire et qui donnerait, à ce moment-là, passablement de boulot à un conseil des collèges et, par la suite la création de nouveaux collèges puisque c'est inscrit dans le projet de loi. Il y a donc dans l'air certains projets qui pourraient être élaborés. Je pense qu'il y aurait là des études assez poussées à faire auprès d'une population, avec tout ce que comporte la création d'un collège.

Ensuite de ça, il reste aussi que vous parlez d'une commission professionnelle. Je pense que là aussi, il est urgent que quelqu'un prenne en main l'enseignement professionnel au niveau collégial. Il y a beaucoup de boulot et nous voyons là encore un autre mandat pour le Conseil des collèges où on lui donnerait suffisamment de travaux pour le remplir, surtout dans ce que disait le livre blanc, dans la structure légère qu'on voulait voir pour le Conseil des collèges.

M. Morin (Sauvé): Mais, à supposer que nous reconnaissions au conseil un rôle d'évaluation. On va en parler un petit peu plus loin. Forcément, comme vient de le dire M. le Président, c'est quand même important, à ce moment-là, qu'il sache quels sont les objectifs, parce qu'on ne peut pas faire de l'évaluation si on n'a pas d'objectifs. Donc, on se met d'accord sur cette idée que ce conseil pourrait me donner des avis sur les objectifs généraux de l'enseignement collégial. Je pense que ça, c'est d'une logique imperturbable. Autrement, on ne peut pas lui demander d'évaluer s'il n'y a pas de critères. Bon!

Maintenant que le Conseil supérieur de l'éducation nous a fait la recommandation de créer le Conseil des collèges, je pense bien qu'il va falloir trouver des mécanismes de concertation entre les collèges.

Est-ce que vous pensez que les parents devraient pouvoir s'adresser au Conseil des collèges pour, par exemple, lui présenter des requêtes au sujet de l'enseignement collégial? Est-ce que, par exemple, le Conseil des collèges pourrait solliciter des opinions, recevoir et entendre des recommandations sur toutes questions qui intéressent l'enseignement collégial? Pensez-vous que ce serait raisonnable de lui donner ce genre de compétence?

M. Pilote: Je pense que oui, parce qu'en fait, il y aurait quand même un interlocuteur au lieu d'en retrouver deux ou trois. Présentement, ce qui arrive, c'est qu'ils ne savent pas à qui s'adresser. Une partie peut peut-être aller, par exemple, au Conseil supérieur, l'autre partie à la Fédération des cégeps. C'est évident que s'il n'y a qu'un seul organisme en place, c'est certainement plus facile d'avoir du dialogue et d'être capable, à ce moment-là, de donner nos avis et d'amener nos doléances.

M. Morin (Sauvé): Oui. Pensez-vous que ce Conseil pourrait également me soumettre, à moi, comme ministre de l'Éducation, qui ai souvent besoin d'avis et d'être conseillé, pensez-vous que ce Conseil des collèges pourrait, par exemple, me faire des recommandations sur tout aspect de l'enseignement collégial?

M. Pilote: Je pense que nous pouvons croire à la possibilité certaine d'une telle organisation.

M. Morin (Sauvé): Je crois effectivement que ce serait fort utile, n'est-ce pas, que je puisse m'appuyer sur un conseil vraiment spécialisé dans ces questions.

Pensez-vous que le collège pourrait faire effectuer des études ou des recherches qu'il estimerait nécessaires à l'exercice de ses fonctions? J'entends les fonctions du conseil, bien sûr!

Mme Raymond: Je pense que sur ce point, M. le ministre, il va de soi qu'un conseil, lorsqu'il est créé, a besoin de faire des études et d'aller chercher des avis pour mener à bien ses tâches, comme vous le dites.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Raymond: Mais lorsque les parents ont étudié, en regardant les fonctions et ce que la loi avait donné au conseil supérieur, et qu'ils retrouvaient, par exemple: solliciter des opinions, recevoir et entendre des requêtes et suggestions du public en matière d'enseignement collégial, alors ils se disaient: Halte là! Ce sont les mêmes définitions de tâches qu'on avait données au Conseil supérieur de l'éducation.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Raymond: Le Conseil supérieur de l'éducation, lui, à ce moment, le faisait par le biais d'une commission qu'il s'était donnée, commission et comité que lui donnait la loi, et se disait... Je vais citer de mémoire ce qu'un parent disait, parce que je transmets ce qu'avaient dit les parents lors de ces rencontres; il a dit: Si le ministre de l'Éducation et le ministère de l'Éducation sont insatisfaits des avis qui viennent de la part du Conseil supérieur, peut-être qu'il pourra aller le leur dire et leur demander de faire autrement. Cela disait tout simplement ce que je vous ai dit tout à l'heure; si les organismes en place ne répondent pas absolument, à l'heure actuelle, aux tâches qui devraient être accomplies par ces organismes, pour donner des avis au ministre, peut-être qu'il pourrait leur demander de changer un peu leurs structures, et même, amender la loi du Conseil supérieur, demander à la Fédération des collèges de se donner d'autres objectifs et leur faire remplir des mandats tels quels. Ce entre quoi les parents en avaient le plus, c'était surtout quand on arrivait à la définition de ces pouvoirs et surtout sur cette phrase où on disait: Le Conseil des collèges aura une structure simple. Vous savez que les parents, lorsqu'ils se rencontrent, ce sont des citoyens sur qui pèse le fardeau fiscal, je pense que cela a été dit, on nous avait demandé d'insister beaucoup là-dessus.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Raymond: Lorsqu'ils voient que de nouvelles structures sont créées et qu'on revient constamment avec de nouveaux comités, de nouvelles commissions, etc., ils se disent: À la fin, c'est nous qui payons la note, quelle sera-t-elle?

C'est dans ce sens que les parents se sont interrogés et ont dit: Si on veut conserver une structure légère, il serait peut-être bon qu'on donne certains rôles bien spécifiques au Conseil des collèges, comme il l'a été mentionné; l'évaluation, qu'on veut voir institutionnelle, donc, dans l'optique des parents, le mandat d'une évaluation obligatoire était acquis, et l'enseignement professionnel étant une autre chose, on disait aussi que la loi 24 donnait, au Conseil des collèges, certains autres mandats qui lui seraient suffisants avec sa structure légère.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Raymond: C'est la raison pour laquelle, finalement, on demande au ministre: Redéfinissez ce qui existe. Quand vous l'aurez redéfini et aurez confié de nouveaux mandats, donnez au Conseil des collèges ce qu'il y aura.

M. Morin (Sauvé): Je suis heureux, tout de même, de voir qu'une fois ce Conseil des collèges créé, vous soyez d'accord avec les quatre objectifs qui lui sont octroyés à l'article 13 du projet de loi.

Passons maintenant à la question de l'évaluation. À l'article 17 du projet de loi, vous savez que nous proposons de créer, auprès du collège justement, une commission d'évaluation et une commission d'enseignement professionnel — c'est ce à quoi vous avez fait allusion il y a un instant. Jusqu'où devrait aller l'évaluation que nous voulons confier à cette commission? Est-ce que vous pourriez nous donner... J'ai senti que vous insistiez beaucoup là-dessus et que vous nous disiez en quelque sorte: Quant à créer un Conseil des collèges, donnez-lui des fonctions spécifiques dans ce domaine; c'est ce que nous voulons faire. J'aimerais savoir jusqu'où vous verriez cette compétence d'évaluation s'étendre.

M. Pilote: II y avait d'abord, au départ, un doute dans notre esprit: C'était que le mot "facul-

tatif" avait été inséré comme tel, dans le livre blanc, face à cette question d'évaluation. Nous étions fort inquiets et nous disions: Si on fait une évaluation et qu'on organise toute une batterie pour évaluer les contenus, les contenants, etc., et si on la met facultative, c'est aussi bien de ne pas en mettre à ce moment-là car qui va s'en servir? Est-ce que le cégep X va s'en servir? Le cégep Y ne s'en servira peut-être pas. À ce moment-là on se retrouve dans à peu près la même situation qu'actuellement. On fait l'évaluation parfois à la bonne franquette, ce qui justement chez nous, sème un certain doute sur la question de l'évaluation.

Alors on s'est dit ceci: II faudra que l'évaluation soit obligatoire. Il ne s'agit pas de faire l'évaluation avec un examen global peut-être comme on ferait à travers la province au niveau secondaire, mais quand même une forme d'évaluation qui puisse, justement, être d'une certaine uniformité parmi les cégeps.

M. Morin (Sauvé): Oui. Évidemment, c'est une compétence tout à fait nouvelle parce que le Conseil supérieur de l'éducation n'a pas ce genre de service d'évaluation, comme vous le savez. C'est déjà quelque chose de différent par rapport à ce qui existe déjà. Donc, à ce seul point de vue, je pense que la création du conseil s'imposerait. Maintenant, jusqu'où doit-on aller? Vous nous dites: II faudrait que ce soit obligatoire. Nous, effectivement, avons pensé que si l'organisme existait, on y aurait recours. Vous savez qu'il y a au moins un cégep de la région de Québec qui a été obligé récemment d'avoir recours à un mécanisme du genre. L'un ou l'autre des organismes voudra peut-être tout à l'heure nous en dire deux mots de cette évaluation qui va aboutir ces jours-ci justement. Il y a un comité ad hoc qui a été créé sous la présidence de M. Arthur Tremblay, le premier sous-ministre au ministère de l'Éducation, qui va faire rapport à l'un des cégeps de la région de Québec sur les problèmes pédagogiques qui s'y posaient.

Ne pensez-vous pas qu'un cégep qui a des problèmes va avoir tendance à aller chercher de l'expertise comme cela a été le cas pour ce collège?

M. Pilote: Ce serait bien souhaitable, mais est-ce que dans la réalité ce sera autre chose? On n'est pas des devins pour deviner ce qui va se passer.

M. Morin (Sauvé): Maintenant, jusqu'où cette évaluation devrait-elle aller? Est-ce qu'elle devrait porter sur les programmes, les enseignements, l'enseignement de chaque enseignant?

M. Pilote: C'est-à-dire que pour nous, quand on dit l'évaluation du contenu, évidemment que c'est pour s'assurer de l'uniformité au sujet du contenu des programmes, de façon que d'un cégep à l'autre, il n'y ait pas des contenus différents.

Par exemple, on s'est retrouvé... Vous vous rappelez le problème de la philosophie qu'on a vécu à travers certains cégeps, de façon que s'il y avait peut-être un type d'examen, sans nécessairement aller dans tous les détails, au moins sur les grands principes, que l'on puisse se rendre compte justement que le contenu qui a voulu être donné dans une espèce de cahier comme on avait avant, s'assurer que cette matière ait été couverte, de façon que l'étudiant ne soit pas, au niveau universitaire devant des contenus différents.

Il y aurait donc cette forme d'évaluation sur le contenu et il y aura aussi peut-être cette forme d'évaluation sur la qualité comme telle de l'enseignement, de façon qu'on ait justement un produit fini à la fin de ces deux, trois ou quatre ans, produit fini qui soit valable, vraiment valable, qu'il ait reçu les cours substantiels et qu'il y ait retenu quand même un certain bagage et qu'il en ressorte enrichi.

M. Morin (Sauvé): Oui, je pense qu'on peut convenir avec vous que c'est important qu'on puisse comparer les programmes d'un endroit à l'autre; d'ailleurs, l'article 13 dont nous discutions il y a un instant, quand vous approuviez l'un après l'autre les objectifs que nous voulons donner au conseil, dit bien clairement qu'on peut proposer des objectifs, qu'on peut soumettre au ministre de l'Éducation des recommandations sur toute question concernant l'enseignement collégial, etc. Donc, ça pourrait faire l'objet de recommandations de ce genre-là. Jusqu'où peut-on aller pour s'assurer que les programmes sont effectivement appliqués? Iriez-vous jusqu'à aller dans chaque classe, par exemple?

M. Pilote: Je ne pense pas qu'il faille être tatillon à ce point-là et aller voir même le cahier de préparation de classe du professeur. Il faut quand même rester dans des grands principes généraux.

M. Morin (Sauvé): Techniquement, jusqu'où peut-on aller?

M. Pilote: Évidemment, pour nous, se prononcer sur la question comme vous la posez, je pense que c'est difficile d'y répondre avec précision. (17 h 45)

M. Morin (Sauvé): Effectivement, c'est fort délicat et c'est la raison pour laquelle nous avons l'intention de procéder avec beaucoup de circonspection dans un domaine où les tenants et aboutissants sont à étudier avec soin avant de s'engager.

J'aurais une dernière question; je voudrais donner la chance à mes collègues de la commission de vous interroger. Vous nous parliez tout à l'heure de la fédération des cégeps et vous nous disiez: Ils exercent déjà un certain nombre de compétences, pourquoi créer maintenant un conseil qui pourrait leur enlever ou faire des choses qu'ils font déjà?

Pourriez-vous nous dire spécifiquement ce que fait la Fédération des cégeps, que viendrait

dédoubler le Conseil des collèges? Pourriez-vous me dire également comment est composée la Fédération des cégeps? Vous savez, bien sûr, que les directeurs généraux y jouent un rôle considérable. Cela étant et puisque vous êtes prêt à reconnaître un rôle considérable aux directeurs généraux, comment se fait-il que vous les excluiez du conseil d'administration lorsque vient le moment de prendre le vote?

M. Pilote: Nous n'excluons qu'une seule personne, seulement le directeur général.

M. Morin (Sauvé): Oui, le DSP y reste, mais le DG n'est là que comme observateur, en tout cas, il n'a pas le droit de vote.

Je vois là une certaine distorsion; vous êtes prêt à reconnaître à la Fédération des cégeps, où le rôle des directeurs généraux est celui qu'on connaît, des compétences sur lesquelles porte ma question, puisque vous nous avez dit qu'il y aurait dédoublement. Lorsque vient le moment de parler du conseil d'administration, vous les excluez du droit de vote, je cherche la logique qui lie ces deux propositions.

M. Pilote: La raison qui a fait naître cette espèce de consensus au niveau de notre fédération, c'est justement pour éviter qu'il y ait ces conflits d'intérêts, à savoir que si un vote est pris et qu'il a à appliquer cette décision et qu'il a voté contre ou pour, ça le place parfois dans des drôles de situations.

M. Morin (Sauvé): Ce serait vrai pour le DSP aussi.

M. Pilote: Peut-être moins parce que le directeur général a un rôle prépondérant à jouer au niveau de l'administration du collège.

M. Morin (Sauvé): Je comprends la nature de votre point de vue là-dessus. Alors, où est le dédoublement entre la fédération des cégeps, telle qu'elle existe actuellement, et le Conseil des collèges? Qu'est-ce que vous verriez qui devrait rester à la fédération des cégeps, où on connaît le rôle des directeurs généraux, par rapport au Conseil des collèges?

Mme Raymond: Si vous me permettez, à l'article 14, il y a sûrement deux choses que la fédération peut se réserver, c'est le plan de répartition par collège des programmes d'enseignement collégial et le projet de création de nouveaux programmes d'enseignement. Je pense qu'ils ont en main toutes les connaissances voulues au sein de la fédération pour pouvoir discuter et donner des avis valables sur ce sujet. C'est dans ce sens que les parents ont abordé la question.

Maintenant, M. le ministre, si vous me le permettez, j'aimerais revenir...

M. Morin (Sauvé): II faudrait éclaircir cela jusqu'au fond, pour être bien sûr qu'on se comprend.

Mme Raymond: Oui.

M. Morin (Sauvé): Vous nous dites, d'une part: On ne peut pas les faire voter, parce qu'ils pourraient se trouver en conflit d'intérêts au sein du conseil d'administration. C'est le président qui disait cela il y a un instant.

Maintenant, vous nous dites: On pourrait confier à la fédération des cégeps, où on retrouve les mêmes directeurs généraux aux postes que vous savez, on va leur confier des fonctions d'arbitrage entre les collèges, par exemple. Vous ne trouvez pas qu'ils vont se trouver en conflit d'intérêts là aussi?

Mme Raymond: Peut-être. Mais le fond du problème, lorsque les parents ont décidé d'enlever le droit de vote, c'était en relation, justement avec son poste, le mandat qu'il a à exécuter pendant une durée de trois ans aux conseils d'administration. Cela peut paraître simpliste, vous savez, les mémoires que vient de présenter l'association des parents.

M. Morin (Sauvé): Non.

Mme Raymond: Vous semblez vouloir nous prouver que nous avons commis bien des erreurs en venant présenter...

M. Morin (Sauvé): Je veux comprendre la portée de ce que vous me dites, madame. C'est tout.

Mme Raymond: Ce que nous voulons apporter ici, c'est ce que des parents, pendant deux jours, ont étudié. Ils en sont venus à cette conclusion. Ils avaient en main toute la documentation nécessaire. S'ils en sont venus à de telles propositions, c'est que, par leur présence aux conseils d'administration, ils ont vu détruire des hommes, complètement, avec pratiquement plus d'avenir devant eux, dans le réseau.

C'est un peu sur... C'est peut-être très émotif, ce qui les a amenés à parler de leur enlever le droit de vote. Mais il reste quand même qu'ils sont les exécutants à la suite des réunions du conseil d'administration, ils sont ceux qui viennent porter les mandats. Et ils permettaient aussi — et c'est dans cette optique que les parents voulaient le voir — aux membres du conseil d'administration de jouer pleinement leur rôle et d'assumer parfaitement eux-mêmes leurs décisions. Or, à l'heure actuelle, par certains groupements, il est reproché aux représentants extérieurs des conseils d'administration de ne décider que comme le vote du directeur général. C'était dans cette optique, on voulait que les membres soient véritablement responsables par une décision qu'ils auraient prise, en approfondissant davantage leurs dossiers. C'est tout simplement pour cela et pour protéger des carrières d'hommes qu'on détruit allègrement sous divers prétextes. Cela rejoint aussi l'évaluation dont vous parliez tout à l'heure. L'évaluation que les parents veulent voir, ils la veulent obligatoire, pour les personnels, pour

l'ensemble des programmes et Ils le veulent aussi pour l'ensemble des étudiants, pour s'assurer que la qualité de l'enseignement qu'on leur a dispensé est véritablement là et que, lorsqu'on décerne un DEC, que ce ne soit plus un DEC à rabais comme nos enfants ont eus jusqu'à maintenant.

On veut que les enfants qui viendront aient une qualité d'enseignement, avec un personnel véritablement reconnu qualifié dans ce qu'il dispense et une institution qui, elle aussi, fonctionne en fonction d'étudiants et non pas en fonction de constants conflits qu'il faut régler.

M. Morin (Sauvé): Bien. Veuillez croire, madame, que nous sommes en sympathie sur plusieurs des objectifs que vous venez de mentionner. D'ailleurs, ce sont ceux en définitive de cet énoncé de politique.

Une dernière question. Si nous créons ce conseil des collèges, est-ce que vous pensez que nous devrions consulter votre association pour la nomination de certains membres de ce conseil?

Mme Raymond: Je pense que le mémoire le dit, M. le ministre, c'est-à-dire que nous devrions être consultés. Les parents ont demandé qu'un parent siège à ce conseil. Inévitablement, les parents veulent être consultés sur la nomination des membres.

M. Morin (Sauvé): Je pense que ce serait probablement souhaitable, effectivement, un parent. J'imagine que vous n'auriez pas de difficulté à en trouver un parmi vous qui soit compétent, qui ait l'expérience. Je pense que cela va s'imposer. On n'a pas d'engagement solennel, parce que c'est tellement difficile d'équilibrer toutes les représentations nécessaires, mais je pense que vous avez raison.

M. le Président, je pourrais continuer à m'entretenir pendant des heures avec des représentants des parents, mais je pense qu'il faut maintenant que je cède la parole à mes collègues.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les représentants de la Fédération des associations de parents des collèges du Québec pour leur mémoire. Je veux les féliciter pour leur courage. Ce n'est pas facile de venir devant une commission parlementaire et d'avoir ce courage. Là, je fais abstraction du gouvernement qui est en place, de quelque gouvernement que ce soit. Quand on est en opposition avec un dossier qui met en cause des principes qui nous apparaissent fondamentaux quant à l'amélioration, dans le cas qui nous occupe, de l'éducation, je pense que c'est heureux qu'il se trouve des gens qui soient capables de venir le dire. Je pense que le parallèle que je fais, c'est un peu avec là commission parlementaire à laquelle j'assistais non pas l'an dernier, mais la semaine dernière, où on est venu encenser un ministre, mais je pense qu'à ce moment-ci, je veux le signaler. J'ai bien observé la tactique du ministre qui, voyant que vous faisiez opposition non pas à un conseil des collèges — ce n'est pas ce qui est dans votre chose — mais à la vocation de ce conseil des collèges et aux fonctions qui lui sont réservées, voyant que vous aviez exprimé des réserves.

Ainsi, c'était fort amusant de voir à l'article 13 le ministre vous poser A, B, C, D successivement pour vous demander si vous étiez bien d'accord avec cela. Évidemment, tout le monde est d'accord avec des grands objectifs comme cela, mais le problème que vous avez posé, c'est vraiment relié à la multiplication des structures et à la meilleure utilisation possible des structures qu'on a, si on doit en créer de nouvelles. Je pense que c'est le message que vous êtes venu nous porter. C'était agssi simple que cela. Le ministre voudrait bien que les gens lui disent: C'est bien beau, votre Conseil des collèges, tel quel, etc. Je suppose que pour un ministre, c'est d'essayer de vendre sa salade. Je ne sais pas, c'est peut-être normal. Je pense qu'il ne faut quand même pas contourner les difficultés et évidemment recevoir les représentations que les gens font à leur mérite, telles qu'elles sont.

J'aurais une question à vous poser. D'ailleurs, c'est vous qui le dites, peut-être que la première question ira au ministre, parce que moi aussi, je suis dans la même ignorance que vous. C'est peut-être le fait que je n'ai pas 2000 fonctionnaires derrière moi.

À la page 4, vous dites: Si des études sur les rôles et fonctions de ces organismes, oeuvrant au niveau collégial ont été exécutées en regard de la création du Conseil des collèges, elles ne sont pas parvenues jusqu'à nous. Si tel était le cas, très modestement, vous dites: Nous nous permettrions de le déplorer ici, car la suite de nos propos deviendrait inutile.

J'aimerais demander au ministre s'il y a de telles études qui existent sur la façon dont ces organismes d'éducation, conseil supérieur, Conseil des universités, se sont acquittés de leur rôle. Pour décider de les modifier, il faut quand même se baser sur certains principes. Est-ce que...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, puisque le député de L'Acadie m'en donne l'occasion, je voudrais dire une ou deux choses. Je me suis tenu coi en dépit des intentions qu'elle me prêtait. Elle n'a cessé depuis le début de cette commission de me prêter des intentions. Je proteste. J'ai le droit de m'entretenir avec nos invités. J'ai le droit de comprendre leurs pensées. Vous n'avez pas à m'imputer des motifs. Je n'ai pas à répondre aux questions du député de L'Acadie. Nous ferons cela au moment de l'étude article par article. Nous sommes là pour entendre nos invités.

M. Rivest: Quelle modestie!

Mme Lavoie-Roux: À tout événement, il est trois minutes avant 18 heures. Je pense que l'observation que j'ai faite n'avait pas pour but

d'imputer quoi que ce soit au ministre. Toute la salle a été témoin de la façon que vous avez procédé. On pourrait aller demander aux invités leurs opinions, mais c'est à eux de juger, et non pas à vous, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Cessez donc de faire de la politique avec des choses qui sont plus sérieuses que ça.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Cela, c'est un autre argument très facile.

M. Rivest: Le bien et le mal.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes surtout offusqué que quelqu'un ne soit pas venu vous dire: C'est beau, bon et bien! Non, je vais me retenir, parce que...

M. Morin (Sauvé): Mais oui, retenez-vous!

Mme Lavoie-Roux: ... je pourrais en ajouter bien davantage. Il n'a pas voulu me répondre, le ministre. Je voulais aussi savoir si les études avaient eu lieu, tel que vous le demandez à la page 4, parce que moi-même, j'étais dans l'ignorance à savoir s'il y en avait eu.

Il y a un autre problème que vous soulevez, c'est celui, évidemment, de la centralisation qui apparaît à travers les deux projets de loi. Je voudrais vous demander, par contre... Il me semble quand même y avoir une certaine contradiction dans les propos que vous avez tenus.

D'une part, moi, je suis portée à être d'avis avec vous qu'il y a évidence de centralisation dans les deux projets. Par contre, quand vous discutez du problème d'évaluation, vous dites: II faudrait de l'évaluation d'une façon obligatoire. C'est un souci qui a été manifesté ou exprimé à plusieurs reprises. Mais où voyez-vous ce Conseil des collèges, à qui donneriez-vous une fonction d'évaluation, selon la recommandation que vous faites? Jusqu'à quel point, dans votre esprit, ce conseil devrait-il s'immiscer dans l'évaluation des institutions elles-mêmes? Parce que là, ce serait quand même un autre palier qui viendrait, jusqu'à un certain point, s'ingérer dans le fonctionnement d'un collège. Est-ce que vous avez réfléchi à ça? D'une part, vous êtes contre la centralisation et c'est évident que ce projet de loi est dans le même esprit que le livre orangé du ministre de l'Éducation. Il n'aimera pas ça, encore une fois, mais il faut quand même dire les choses telles qu'elles sont. C'est un projet qui vise à la centralisation toujours plus grande du ministère de l'Éducation. (18 heures)

Par contre, je sens chez vous aussi cette espèce d'ambivalence. D'une part, vous voulez de la décentralisation et, d'autre part, vous dites qu'il faut de l'évaluation. Je suis d'accord avec vous pour qu'il y ait de l'évaluation, mais comment devraient être réparties les responsabilités de cette évaluation? Devraient-elles être laissées aux collèges qui pourraient, par exemple, se servir d'outils que le conseil leur préparerait, ou est-ce que les conseils eux-mêmes devraient avoir des responsabilités à l'égard de l'évaluation des institutions? Quand je dis: L'évaluation des institutions, c'est tout ce que ça peut comporter!

Mme Raymond: Lorsque nous avons discuté, d'évaluation, nous croyions que l'évaluation obligatoire devait être décidée par le ministère de l'Éducation lui-même et qu'à la suite de ça, au Conseil des collèges, on confiait le soin d'offrir aux collèges les outils, que les collèges faisaient eux-mêmes leur évaluation et que, à la suite de ça, les résultats de ces évaluations étaient étudiés par le Conseil des collèges, qui recommandait aux collèges les améliorations nécessaires à apporter pour répondre à certains critères de qualité que se serait donnés le réseau collégial.

C'est dans ce sens que les parents ont abordé la discussion et probablement qu'on a mal explicité cette chose, mais c'est dans ce sens que ça avait été abordé. C'est-à-dire que le Conseil des collèges ne faisait, en fait, que fournir les instruments au départ et analyser par la suite les évaluations et faire certaines recommandations que les collèges devraient mettre en application par la suite.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je demanderais la suspension du débat. Je m'excuse auprès de nos invités, mais je ne pense pas qu'on puisse, dans cinq minutes, terminer la période des questions. Pouvez-vous revenir après souper? Sans ça, ça va retarder...

Le Président (M. Marcoux): À moins que les membres de la commission préfèrent terminer immédiatement.

M. Le Moignan: Cela dépend combien de minutes on devrait ajouter.

M. Morin (Sauvé): Nous, nous sommes prêts, pour accommoder tout le monde, à continuer pendant peut-être un quart d'heure, si ça peut suffire, et même jusqu'à 18 h 30.

M. Le Moignan: Quitte à recommencer à 20 h 15.

M. Morin (Sauvé): Quitte à recommencer un peu plus tard avec les autres. Cela permettrait de libérer ces personnes. Enfin, nous sommes à votre disposition!

Le Président (M. Marcoux): D'accord pour continuer au moins 15 minutes?

Mme Lavoie-Roux: Je suis d'accord pour continuer jusqu'à 18 h 30, mais à condition qu'on puisse recommencer plus tard.

Le Président (M. Marcoux): Oui. M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, je suis d'accord.

L'autre problème que vous soulevez, c'est celui de la formation du conseil d'administration statué dans la loi 25. Je pense que vous avez très bien situé le problème en vous référant à des extraits du livre blanc qui l'avaient diagnostiqué tel que vous le présentez dans vos recommandations, peut-être pas nécessairement quant à la distribution des représentants, mais à la nécessité que les conseils d'administration ne peuvent se contenter d'être de simples comités de gestion et encore moins l'arène où s'affronteraient les idées partisanes, voire les intérêts des groupes de pression. Cela est une expression d'opinion ou un diagnostic qui avait été fait, même avant la production du livre blanc sur les collèges, avant même que ce gouvernement soit au pouvoir.

Je pense que c'est le problème, un des problèmes en tout cas qu'on a sentis depuis des années dans l'administration des cégeps. Alors, je pense que vous le rapportez et les recommandations que vous faites — et je retiendrais plutôt celle-là que la distribution exacte que vous faites — en ce sens que la majorité des membres doivent venir de l'extérieur. Le ministre aime souvent comparer l'autonomie des cégeps, c'est-à-dire faire une analogie entre le fait que les commissions scolaires n'ayant pas de ressource autonome de financement ne sont pas plus à plaindre que les cégeps et les universités.

Réciproquement on pourrait dire aussi que les commissions scolaires prévoient que les commissaires d'école ne doivent pas être employés de la commission où ils exercent le poste de commissaires justement pour éviter le conflit d'intérêts. Par contre, je pense qu'il faut bien reconnaître que les conseils d'administration des cégeps qui ont été prévus par la loi 21 voulaient être une expérience de participation qui, malheureusement, ne s'est pas avérée aussi heureuse qu'on l'aurait souhaité.

Je pense que le fait que vous faites valoir, à savoir que la majorité des membres doivent venir de l'extérieur, me semble très juste. Une question sur la nomination des membres que vous prévoyez. Est-ce que vous ne trouvez pas... Évidemment c'est 19 membres, comme il existe présentement 19 membres. Est-ce que, comme fonctionnement de conseil d'administration, vous avez trouvé cela lourd ou s'il n'y a pas d'autre choix que de rester à 19 membres? Quelle est votre expérience?

M. Pilote: II est sûr qu'avec les mécanismes déjà en place actuellement, de la façon que les conseils d'administration fonctionnent, souvent on joue le rôle comme tel un peu d'estampiller les décisions ou d'entériner des décisions. C'est dommage d'être pris dans des situations comme celles-là, mais ça fait trois ans que je siège au conseil d'administration d'un cégep et la seule chose... On reçoit les documents et c'est très rapidement qu'on doit se prononcer. Tout ce qu'on a à faire... Les Anglais ont une expression pour dire jouer le rôle de "rubber stamp". C'est en fait souvent ce qu'un grand nombre des gens de l'extérieur sont obligés de jouer. Ils n'ont pas la chance de recevoir la formation ou encore l'intégration leur permettant de prendre conscience de la façon dont ça fonctionne, le mécanisme et toute la tuyauterie qui est là; ça rend lourd actuellement.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, dans la loi...

Mme Raymond: Me permettez-vous, madame, d'ajouter quelque chose?

Mme Lavoie-Roux: Oui, certainement.

Mme Raymond: Lorsque vous parlez de lourdeur de fonctionnement, je pense que, si on enlevait, premièrement, le climat de tension constante qu'il y a là, par rapport aux objectifs que poursuivent certains groupes... Le président disait: Si les gens avaient les dossiers plus tôt, c'est une question interne, dans chaque collège. Il reste que, si les gens avaient le temps voulu, en demeurant plus longuement aux conseils d'administration, de pouvoir s'habituer à ce fonctionnement, à partir de ces deux premières conditions et d'autres qui pourraient être ajoutées, c'est-à-dire former les membres au départ, les habituer au fonctionnement des assemblées délibérantes, les habituer à comprendre la lecture des dossiers par des séances de formation ou d'intégration, comme vous voulez le dire...

Ce n'est pas le nombre de personnes qui rendrait lourd le fonctionnement des conseils. C'est ce qui se vit à l'intérieur qui fait que c'est très lourd. Il suffirait de modifier un peu les règles du jeu, d'asseoir un conseil d'administration avec des règlements et des pouvoirs réels, qu'on lui permette, par une formation autre, d'avoir le pouvoir de prendre ses décisions et qu'elles puissent être rendues dans un climat plus serein. Je pense que le nombre n'y serait pour rien, quant à la lourdeur ou au bon fonctionnement. C'est justement la structure telle quelle et les pouvoirs qu'il faudrait définir de façon plus nette pour qu'ils puissent bien fonctionner.

Mme Lavoie-Roux: Je vois également que les deux membres cooptés disparaissent. Est-ce qu'il n'y avait pas des avantages à ce que des membres soient cooptés pour tenir compte d'un problème particulier que le cégep pourrait avoir, soit par exemple expertise dans l'enseignement professionnel, expertise dans le développement. Là, vous les faites sauter.

Mme Raymond: On les fait sauter à la lumière de certaines expériences; plusieurs d'entre nous ont vécu des expériences et parfois assez longuement à des conseils d'administration des collèges. Lorsqu'est venue la nomination, cela a créé d'extrêmes tensions. Il s'est fait un jeu de pressions pour que tel parti soit nommé pour renforcer certaines positions à des conseils d'administration, au lieu d'aller chercher des gens compétents qui auraient complété avantageusement un conseil d'administration.

En changeant la structure et en ajoutant à deux paliers de personnes qui sont là, c'est-à-dire les socio-économiques et les parents. Cela n'empêche pas, par les règlements ou par d'autres façons — il semble qu'un gouvernement ait beaucoup de pouvoir à ce sujet — d'aller chercher les compétences nécessaires pour rendre efficace un conseil d'administration. Ce n'est pas le nom qui fait la qualité des gens. C'est d'aller chercher les bonnes personnes, quel que soit le nom sous lequel elles siègent.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur le fonctionnement des conseils d'administration. Vous vous réunissez une fois par mois?

Mme Raymond: La loi dit que les conseils d'administration peuvent se réunir quatre fois par année. Les directeurs généraux et les présidents et présidentes de conseils d'administration jugent de la pertinence des rencontres, et je sais que pour un certain collège, à l'heure actuelle, il y a eu au-delà de 23 réunions du conseil d'administration, pour cette année, et, je pense, 19 réunions de conseil exécutif.

Mme Lavoie-Roux: Selon les besoins, vous vous réunissez.

Mme Raymond: Oui, c'est au besoin que la chose se fait et c'est, parfois, beaucoup plus souvent que certains membres le désireraient.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur le projet de création d'un comité de l'enseignement professionnel qui serait rattaché au conseil des collèges. Évidemment, vous êtes heureux de cela, parce qu'il y a des problèmes d'enseignement professionnel au niveau collégial. Mais ne croyez-vous pas que les problèmes d'enseignement professionnel débordent, tant du côté du scolaire que du côté de l'université, et que ce n'est pas un problème strictement de niveau collégial?

Mme Raymond: Non, madame. C'est un problème, à l'heure actuelle, qui regroupe tous les niveaux, que ce soit le niveau secondaire, le niveau collégial, comme le niveau universitaire. Il y a des problèmes et il y aura, possiblement, besoin de concertation sur le sujet. Mais c'est justement au niveau collégial — qui est le niveau qui nous préoccupe — qu'on sent vraiment le besoin qu'il y ait un organisme qui prenne en main l'étude et les problèmes de ce niveau et cherche des solutions à assez brève échéance, parce que je crois que c'est urgent qu'on se préoccupe de la question.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: II me fait bien plaisir d'apporter quelques commentaires à la Fédération des associations de parents des cégeps. J'ai bien aimé votre mémoire, tout en indiquant que je ne veux imputer aucun motif politique.

Mme Lavoie-Roux: Prenez vos précautions parce que...

M. Le Moignan: Je prends toutes mes précautions.

Une voix: II est méchant.

M. Le Moignan: Et je ne veux inventer aucun motif au ministre.

M. Morin (Sauvé): On pourrait dire, comme Buffon dit de l'ours: C'est un animal méchant; quand on l'attaque, il se défend.

M. Le Moignan: Je ne vous ai pas encore attaqué, M. le ministre.

Une voix: Bouffon.

Une voix: Qu'est-ce que vous avez dit?

Une voix: Bouffon.

M. Morin (Sauvé): J'imagine que le député sait qu'il y a un très grand auteur qui s'appelle Buffon.

Mme Lavoie-Roux: Oui, on le sait.

M. Morin (Sauvé): Je m'étonne que cela ait automatiquement éveillé dans son esprit le mot "bouffon".

M. Rivest: Vous le citiez fréquemment à la faculté de droit, lorsque vous étiez mon professeur.

M. Le Moignan: On va laisser Buffon de côté.

Mme Lavoie-Roux: Connaissez-vous mieux, M. Lafontaine?

M. Le Moignan: Je trouve que le ministre a procédé de façon très habile. Je ne veux pas minimiser la valeur de votre fédération, bien au contraire. En arrivant ici au début, on avait peut-être l'impression que vous étiez l'artillerie légère et le ministre, avec tous ses pouvoirs et tout ce qu'on veut, l'artillerie lourde, parce que le ministre est fort bien documenté, il a une vaste expérience, il est politicien. Vous avez très bien répondu. Il vous a amenés sur son terrain, graduellement. Vous avez semblé vouloir concéder, mais, en cours de route, en précisant vos positions, je pense qu'on les comprend très bien. Il y a chez vous certaines inquiétudes. D'après vos discussions — je ne veux pas être malin, je vais vous poser une question directe — ayant écouté la lecture de votre mémoire, pensez-vous que ce projet de loi 24, cette création d'un Conseil des

collèges, peut provoquer chez vous un certain malaise ou une diminution de certains pouvoirs que vous possédez en ce moment? Je suis honnête, je vous pose la question directement.

M. Pilote: Je pense qu'on n'a pas consulté comme telles les associations locales pour répondre, mais je ne pense pas que cela sème chez nous un malaise qui soit à ce point maladif et qui nous rende inaptes ou incapables d'agir dans des situations concrètes. Je ne crois pas, je ne pense pas. Là, je parle peut-être en mon nom personnel. (18 h 15)

M. Le Moignan: C'est parce que vous faites affaires avec d'autres groupes que vous avez mentionnés, à certains pouvoirs qui sont déjà détenus par d'autres et, à un moment donné, vous demandez pourquoi on arrive... Vous avez surtout insisté sur certains petits points là-dedans. Il y a la Fédération des parents et il y a la Fédération aussi des cégeps comme tels. On sait que cela peut faire l'objet de frictions. On disait tout à l'heure qu'il pouvait y avoir des conflits d'intérêts entre les groupes. À ce moment-ci, face à ce projet de loi, quelle est votre position et comment la voyez-vous dans l'avenir?

Mme Raymond: Nous, personnellement, n'avons pas de friction ni de conflit d'intérêts avec aucun de ces organismes-là qui fonctionnent sur un autre plan que nous. Je ne vis pas tous les jours avec les parents, même si je suis secrétaire général, mais je peux vous dire que j'ai cinq enfants qui sont passés au collège et je sais un peu de quoi je parle aussi.

Je vais prendre au départ ce que vous avez dit, à savoir qu'à un moment donné le ministre a semblé vouloir un petit peu nous faire la morale en nous disant qu'on était peut-être un peu légers. Il reste que lorsque les parents ont étudié pendant deux jours ces mémoires, ils l'ont fait avec la connaissance qu'ils avaient et beaucoup avec leur coeur et leurs tripes de parents qui ont des étudiants, à l'heure actuelle, au niveau collégial et qui doivent subir tout ce qui se passe. Ils se sont dit... Lorsqu'ils ont vu ce nouvel organisme, ils ont craint justement qu'on complique davantage le réseau collégial et que finalement, en fin de course, ce soient toujours les étudiants qui écopent quant tout le monde est ensemble à se demander qui doit et à quel palier, qui est responsable de, et de qui, et de quoi? Finalement, l'inquiétude a été surtout à ce niveau.

Pour nous, nous n'entrons jamais en conflit avec personne. Lorsque nous avons à nous adresser à un organisme, je pense que nous nous adressons à lui, de façon simpliste peut-être pour des grands penseurs, mais nous disons ce que nous avons à dire tout simplement. Je pense qu'on le fait pour les parents eux-mêmes comme tels qui, il faut bien le souligner, sont clients aussi du niveau collégial par l'éducation des adultes. Nous le faisons aussi pour nos enfants, nos jeunes pour qui on demande une amélioration de leur sort. L'amélioration de ce sort passe par l'amélioration de toute la structure collégiale. Pour nous, il n'y a pas de conflit d'intérêts en rien avec ces organismes. Nous nous donnons le droit d'être consultatifs auprès du ministre de l'Éducation, du Conseil supérieur, de la Fédération des collèges et de tout autre organisme qui aura des pouvoirs décisionnels au niveau collégial.

M. Le Moignan: Heureusement que ce projet de loi a suscité chez vous des inquiétudes, autrement, c'est là que ce serait inquiétant, parce que vous avez tout de même une prise de conscience de votre pouvoir et un certain pouvoir que vous exercez parce que vous êtes des parents.

Vis-à-vis de la création du Conseil des collèges, vous posez certainement une question. C'était cela que je voulais dire tout à l'heure. Qu'est-ce que nous devenons, nous, là-dedans, les parents? Est-ce qu'on pourra jouer le rôle qu'on joue actuellement?

M. Pilote: En fait, on n'a pas de bataille à gagner. On n'a pas non plus de combat à engager ni aucune lutte politique. On ne va pas là dans le but justement de se livrer sur l'arène politique. On envoie nos enfants et on veut suivre l'évolution du produit. On veut savoir à la fin ce qui va en sortir.

Mme Raymond: Je pense que ce que M. Le Moignan veut nous entendre dire, c'est ce qu'on va aller faire... On est inquiets, si nous ne sommes pas au Conseil des collèges comme tel et quel est le rôle que nous irions jouer là. Est-ce que c'est ça que vous voulez savoir?

M. Le Moignan: Oui, est-ce que vous avez peur que votre rôle, votre influence ne diminue au Conseil des collèges?

Mme Raymond: Non, pas du tout. Nous ne le croyons pas, parce que, comme je vous le dis, on n'est pas sur le même palier. Le rôle que nous pourrions jouer au Conseil des collèges serait justement d'aller porter les inquiétudes des parents à l'attention d'un organisme qui pourrait intervenir quant à la création de nouveaux programmes d'enseignement. On sait que plusieurs d'entre eux sont contingentés. Il faudrait aller parler aussi de ça, de ce qu'on désire au sein d'un Conseil des collèges quant aux programmes contingentés, s'assurer justement que les nouveaux programmes que l'on créera ne seront pas de nouveaux programmes contingentés très rapidement. Je pense qu'il y a des inquiétudes que les parents peuvent aller porter là. Je le répète peut-être encore de façon simpliste, mais il reste qu'on a des choses à dire et dans nos mots on ira les dire où il se doit.

M. Le Moignan: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, je voudrais d'abord rendre hommage aux parents qui se sont présentés ici, les féliciter de leur participation,

participation qui est à tout prix essentielle et qui est malheureusement sous-estimée par nos structures. Les parents ont été les grands exclus des paliers décisionnels dans les grandes réformes de notre système qui tardaient et qui devaient se réaliser. Je sens un peu que vous tentez de rattraper un niveau où vous vous sentez absolument nécessaires, indispensables, parce que légitimement vous en êtes les premiers répondants.

Je pense que votre mémoire est un petit peu le témoin de la tourmente dans laquelle vous vous sentez face au système et face à l'état de désemparement qu'est un peu le vôtre. Je pense que vous ne devriez à aucun titre qualifier ou prétendre que des gens qualifieraient vos présentations en commission parlementaire de simplistes. Vous êtes légitimement habilités à dire ce que vous avez à dire à partir du niveau d'analyse qu'est le vôtre et à travers un langage qui sort crûment. Je pense que les parlementaires acceptent et doivent accepter ce niveau de participation spontanée qui est un niveau, d'ailleurs, qu'on doit tenter vraiment de considérer selon son mérite et son poids.

Cela ne veut pas dire que j'endosse tout ce que vous avez apporté en commission. Par ailleurs, il y a au moins une partie que j'endosse, c'est le voeu que vous formulez de voir accroître substantiellement la participation des parents, au niveau des collèges. Moi, je serais porté à endosser tout au moins la partie qui a trait à ce que le premier mandat soit allongé à 3 ans. D'autre part, est-ce qu'on augmente le nombre de parents qui siégeraient au conseil d'administration? Quant à ce que ce soit cinq personnes, il s'agit de voir, mais il me semble que ça fait partie des nécessités d'une démocratisation qui doit se faire, qui sera laborieuse, mais où on a le devoir d'agir de façon à renforcer le rôle des parents dans le secteur de l'enseignement collégial.

Une remarque précise ou particulière; vous parlez des groupes qui peuvent être en conflit d'intérêts. Est-ce que vous pouvez en parler plus franchement et expliquer comment, par l'expérience que vous en avez, ces groupes sont en conflit d'intérêts ou quelles situations ont pu être engendrées par ça?

M. Pilote: Disons que ces conflits d'intérêts, on les voit particulièrement avec le groupe des enseignants qui viennent siéger au conseil d'administration, qui sont les porte-parole du syndicat et qui vont siéger comme membres du syndicat; ils ne vont pas siéger là comme représentants du personnel, ils sont peut-être désignés davantage par le syndicat, ça, c'est un premier groupe de pression. Il y a un deuxième groupe de pression, c'est le groupe des étudiants qui, lui aussi, est un groupe de pression à peu près du même type que celui des enseignants. Depuis trois ans, j'ai vu voter les étudiants trois fois pour des propositions et, dans 99,8%, ils s'abstiennent de voter ou ils votent contre; ils sont là uniquement pour surveiller l'intérêt de l'association étudiante du cégep; ils ne sont pas là dans le but, justement, de promouvoir le vrai rôle qu'ils devraient en fait jouer.

Ces deux groupes de pression font bloc, ce qui fait que ça entrave énormément le mécanisme de fonctionnement d'un conseil d'administration; ça rend très lourd.

M. Gosselin: Vous les excluriez purement et simplement?

M. Pilote: Non, on ne les exclut pas dans notre projet, on dit: II est quant même important qu'il y ait au moins un porte-parole de ce groupe qui puisse venir apporter le son de cloche que les étudiants peuvent apporter et que les enseignants peuvent avoir. Ils ont certainement des choses à dire et, comme ce sont des parties constituantes, je ne pense pas qu'on puisse les éliminer.

M. Gosselin: Vous déplorez simplement le niveau d'influence qui s'exerce comparativement possiblement au vôtre sur les conseils d'administration.

M. Pilote: C'est ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant.

M. Gosselin: II y a pour moi une question préalable qui aurait pu être formulée au début, mais que je trouve importante à ce moment-ci pour mon éclairage, celle des fédérations d'associations de parents dans les collèges. Vous dites que c'est formé depuis 1974, et que ça représente une quinzaine d'associations. J'aimerais avoir plus de détails sur votre cheminement et le type d'associations que vous représentez. Est-ce que les quinze associations sont réparties dans tout le territoire du Québec? J'aimerais avoir des précisions là-dessus et savoir combien de personnes ça regroupe actuellement.

Mme Raymond: Je vais commencer par la fin de votre question. À l'heure actuelle, les quinze associations membres regroupent précisément 105 232 parents. Elles représentent toutes les régions, puisque nous en avons qui vont de Sept-Îles jusqu'à Alma en passant par l'Estrie, Montréal et le reste de la province. Elles représentent à peu près toutes les régions du Québec, à l'exception de l'Abitibi. Nous avons d'énormes difficultés de fonctionnement du fait que nous sommes sans ressources. La fédération a un peu d'argent à l'heure actuelle — il vient du gouvernement — pour asseoir un secrétariat permanent, mais cela ne permet pas plus que ça, ce qui fait que, pour nous, il a été extrêmement difficile de nous permettre d'avoir les personnes nécessaires pour faire de la recherche et pour pouvoir asseoir davantage ou fouiller davantage les textes qu'on voulait présenter.

Il reste que les parents sont là et ils veulent y demeurer au niveau collégial et les raisons sont multiples pour le faire.

M. Gosselin: Est-ce que vous avez de l'aide comme fédération au niveau du financement pour organiser et maintenir votre secrétariat, qui permet justement de consulter les parents?

Mme Raymond: Pour trois ans, nous en avons suffisamment pour maintenir un secrétariat avec une permanence, c'est-à-dire une secrétaire générale et une dactylo pour l'assister. Passé ce moment-là, si la question financière n'est pas résolue, le nombre d'associations ira possiblement en diminuant, parce qu'il n'y a rien de prévu dans aucune loi qui permette — l'article 24 de la Loi des collèges ne le permet pas — d'inclure une cotisation pour les associations.

Les collèges sont réticents à fournir une aide financière aux associations, parce qu'on s'appuie sur l'article 24 pour leur refuser cet argent, ce qui fait que, des années, nous avons eu 18 associations et que, cette année, en cours de route, nous en avons perdu, parce qu'elles n'avaient plus les moyens financiers pour inviter les gens à se réunir au niveau local et ensuite venir se concerter au niveau provincial.

Pour nous, au niveau du Québec, c'est très important que nous puissions les réunir assez souvent; malheureusement, on ne peut pas.

M. Gosselin: Est-ce que le financement est apporté par vos membres, intégralement ou en partie?

Mme Raymond: C'est un financement qui nous est venu du ministère de l'Éducation, grâce à la Direction générale de l'enseignement collégial, mais c'est un financement qui se limite à trois ans. Dans trois ans, nous retomberons au point où on était il y a cinq ans, c'est-à-dire à du bénévolat et très peu de contacts entre nous, sauf de moyens financiers pour établir ces contacts.

M. Gosselin: En terminant, je veux espérer que la Fédération des parents des collèges n'en soit qu'à ses débuts comme présence et comme poids auprès des instances démocratiques parce que ça me semble vraiment être un rôle essentiel, je le répète. Là-dessus, je vous félicite pour votre mémoire, au-delà du fait que la discussion ne se soit pas faite au complet là-dessus. Je pense qu'elle mérite d'être reprise et d'être continuée. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): On s'était entendu pour terminer à 18 h 30. Comme il reste trois interventions, mais que je présume qu'elles seront brèves, je souhaiterais qu'on complète, après avoir décidé de compléter.

Mme Lavoie-Roux: II vaut mieux terminer.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Deux-Montagnes. (18 h 30)

M. de Bellefeuille: J'essaie de me faire une idée sur cette question de la répartition entre ce qu'on appelle les internes et les externes. Je voudrais introduire dans cette réflexion des éléments empiriques. Pour ce qui est des éléments théoriques, je pense que tout a été dit, dans les rapports que vous citez. Votre mémoire apporte des considérations qui sont claires, "une position qui est claire: il est indispensable, nous en sommes fortement convaincus, que la majorité des membres doivent venir de l'extérieur."

Mais il y a un facteur empirique et un facteur d'ordre pratique qui intervient et c'est là-dessus que je voudrais vous interroger. C'est l'assiduité.

On peut supposer — et moi, je ne suis pas de ce milieu-là; alors, je n'en sais rien — on peut supposer que les internes, puisque c'est leur activité professionnelle, puisque c'est leur gagne-pain qui est en cause et leur intérêt professionnel et personnel qui est en cause, on pourrait évoquer comme hypothèse que les internes seraient plus assidus aux réunions des conseils d'administration que les externes pour qui cette tâche est un fardeau qui s'ajoute à tout ce qu'ils ont à faire, par ailleurs. Là, je ne critique personne, je veux vous demander, puisque vous connaissez le milieu, si vous avez une impression générale des taux d'assiduité. Est-ce que, effectivement, les internes sont plus assidus aux réunions des conseils d'administration que les externes ou si les externes, malgré la difficulté que cela représente pour eux de s'imposer ce fardeau supplémentaire alors qu'ils n'ont pas la même motivation professionnelle d'intérêt parfois personnel, si l'on veut, sont quand même aussi assidus que les internes, dans la pratique?

Mme Raymond: Je me permets de donner la réponse, M. le Président. Évidemment que les internes pourraient être beaucoup plus assidus que pourraient l'être les externes. Ils ont justement, on l'a dit à quelques reprises, des buts précis qu'ils poursuivent, ils tiennent à ce qu'ils soient poursuivis jusqu'aux conseils d'administration.

Pour ce qui est des membres de l'externe, pour ce qui est des parents, ils sont les plus assidus de tous les groupes. Ils sont constamment là. Alors, à très rares exceptions... Pour ce qui est des socio-économiques, ils sont assidus eux aussi, mais vient des moments où on a de la difficulté à les rejoindre, non pas parce qu'ils ne sont pas disponibles, mais — vous me permettrez d'employer le mot direct — par écoeurement.

Vous savez, quand on est constamment sujet à des pressions — et je n'emploie que ce mot alors que j'en aurais peut-être d'autres aussi — indues et qu'on éternise les débats, justement, en faisant voir que, si les positions qu'on prend ne sont pas celles qu'on désire, il pourrait y avoir... Il vient qu'à un moment donné, les gens se dégoûtent d'être obligés de subir de telles choses.

C'est ce qui fait que, parfois — et pas sur un temps constant — on a de la difficulté à obtenir un quorum, et ce n'est pas par manque de disponibilité des gens, non.

M. de Bellefeuille: Vous entendez "disponibilité" quant aux intentions.

Mme Raymond: Oui.

M. de Bellefeuille: Je vous en donne le crédit sans la moindre hésitation, mais je vous remercie de votre réponse qui éclaire ma lanterne.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: M. le Président, si on avait tenté de refaire la Loi des collèges après les cinq premières années d'exercice de la loi 21, on aurait sans doute, et probablement sans presque aucune hésitation, rayé le groupe des parents des conseils d'administration à cause de l'ensemble des difficultés vécues au cours des premières années dans, notamment, le recrutement des parents.

Entre-temps, je crois que des parents ont pour ainsi dire gagné leurs lettres de créance. Elles sont là. Effectivement, il y a eu quelques administrateurs peut-être un peu plus futés que d'autres qui ont vu à susciter la participation. Je me souviens d'un de ces directeurs qui fait le tour de sa région pour tenir des assemblées de parents un peu partout dans le territoire. C'est une responsabilité qu'il a assumée librement et je l'en félicite.

D'autre part, il y a eu cette sorte de prise en main par le biais de l'association ou de la fédération qui a créé aussi un peu plus d'intérêt. Le projet de loi — sur cela, on vous demande votre opinion, vous l'avez émise — veut même susciter davantage la participation. On a, comme cela, proposé même le vote par la poste, justement dans le but d'une participation supplémentaire pour amener davantage. Ce n'est peut-être pas la bonne méthode, on vous le demande précisément. Vous nous avez dit tantôt que vous y croyez plus ou moins. J'aimerais que vous me disiez peut-être quelle autre méthode serait utile pour davantage amener... Enfin, on a pour le moment, celle-là. Première question.

Deuxième question. Évidemment, je ne suis nullement surpris de voir dans votre proposition de formation du conseil d'administration cinq parents. J'imagine assez volontiers que si la FNEQ venait se présenter, on aurait probablement une proportion de l'interne, comme on dit habituellement, plus forte que la vôtre, etc. C'est normal. Je ne veux pas critiquer, sauf que j'ai une question à vous poser pour le moins sur la formation que vous proposez ici et qui est conforme au projet de loi.

Je veux justement savoir jusqu'à quel point, comment vous justifiez cette conformité que vous voulez respecter. Comment justifiez-vous la présence du directeur des services aux étudiants à un conseil d'administration? Dans un collège sur deux, cette fonction n'existe pas. Quelle autorité suprême, quel pouvoir spécial a-t-il dans l'institution qui fassent qu'il puisse se trouver au conseil d'administration, qui se trouve au conseil de régie, qui se trouve n'importe où ailleurs, je veux bien?

Personnellement, je me pose des questions sur le projet de loi lui-même et, à plus forte raison, sur le fait que vous l'incluiez vous-même ici. Je m'arrête là, parce que je sais que ce serait indécent d'aller plus loin.

M. Pilote: À votre première question, comme tel, le directeur général ou l'administration en général a quand même un certain rôle à jouer pour faciliter la formation comme telle d'associations locales. Je pense qu'elle a un certain rôle à jouer, parce qu'elle doit aller les chercher, si on a besoin disons de trois parents, mais actuellement, c'est quatre parents, dont a besoin le conseil d'administration. Ce qui arrive, c'est que, dans certains cégeps, on a une très bonne collaboration face à l'administration en général. Dans d'autres, c'est très mitigé. Dans d'autres, c'est presque l'opposition. Partiellement, à votre première question, il y a un besoin d'aide, si vous voulez, au départ, pour aider à la formation ou à la création. Cette aide, je pense qu'elle peut venir de l'intérieur. Pour nous, en tant que fédération, ce sera un stimulant de sentir l'appui de ce côté. Je pense qu'on ne l'a pas à 100%.

Pour votre deuxième question, vous demandez pourquoi le directeur des services aux étudiants dans un conseil d'administration. J'y vois pour lui un rôle aussi important, sinon presque plus important que le rôle du directeur général. Si le cégep a été fait pour les étudiants, le premier qui vit avec eux et qui s'occupe de toutes les activités ou qui a à participer à la vie comme telle, je pense qu'il est bien placé pour venir nous informer des besoins des étudiants et de susciter même la créativité de façon à donner au conseil d'administration les moyens de fournir aux étudiants ce dont ils ont besoin.

Une voix: Vous avez quelque chose à ajouter, Madame?

Mme Raymond: Oui, M. le Président. Pour ce qui concerne la première question, les parents sur les conseils d'administration, on est complètement en désaccord pour le vote par la poste parce que, justement, ne sachant pas de quelle façon tout le processus sera amorcé avant d'en arriver là, c'est impossible de dire que ce sera une des meilleures solutions. Si c'est parce qu'on veut atteindre un plus grand nombre de parents, à la suite d'un sondage qu'on a fait, nous, l'année dernière, auprès de 3000 parents, on s'est rendu compte que, justement, quand on s'adressait par la poste comme ça aux parents, il se pouvait que, dans certains cas, ce qu'on voulait que les parents aient entre les mains ne leur parviennent pas, parce que le questionnaire que nous avions envoyé, certains étudiants se l'étaient approprié et y avaient répondu.

Parfois, c'était valable et parfois aussi, c'était vraiment amusant de lire ce qu'on nous répondait. Alors, ça nous a rendus quand même un petit peu "suspicieux" quant à un pareil mode de votation pour les parents et c'est la raison pour laquelle on

a employé le mot "fraude" et le mot "manipulation" dans la question tout à l'heure.

Ensuite, nous suggérons que les associations de parents participent très activement à la nomination des parents au conseil d'administration, parce que, partout où il y a des associations, ce sont elles qui se sont souciées d'amener aux réunions générales un plus grand nombre de parents. C'est où il y a des associations de parents qu'on retrouve un plus grand nombre de parents pour les élections; par leurs interventions auprès des parents qu'elles font au cours de l'année et tout ça, elles ont suscité beaucoup plus d'intérêt et ont amené un nombre de parents plus grand. Cela a permis aussi d'améliorer la qualité de la représentation, pour certaines parties, quant à moi, je pose des restrictions, une qualité de parents beaucoup plus valable et je pense que vous pouvez avoir à votre disposition, messieurs de l'Assemblée nationale, les listes des membres qui siègent sur les conseils d'administration. Vous pourrez constater que les parents qui sont maintenant nommés sur les conseils d'administration ont autant de valeur et autant de connaissance sur le plan, si je peux me permettre, académique, sur le plan des diplômes, que les autres composantes qui sont là.

Je pense que c'est essentiel que les parents soient là, que les associations soient là pour permettre de choisir une qualité et s'assurer que la représentation soit faite par des parents disponibles et capables de juger des dossiers à étudier aux conseils d'administration.

Le Président (M. Marcoux): Oui, madame, voulez-vous vous identifier pour les fins du journal des Débats, s'il vous plaît?

Mme Julien (Denise): Je voudrais ajouter quelque chose à ce qu'a dit Mme Raymond sur la participation des parents. Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour appuyer Mme Raymond et M. Pilote, mais je suis aussi ici pour vous dire que nous, les parents, on nous a habitués à la participation, par la loi 27, à l'élémentaire et au secondaire. C'est irréversible, il faudra les endurer au niveau collégial.

D'abord, nos enfants n'ont pas 18 ans, ils font tous leur première année de cégep étant mineurs; donc, il faudra apprendre, autant du côté du ministère que du côté de la direction, à composer avec les parents parce que nous sommes là et nous nous attendons d'y être longtemps.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Simplement une question et une remarque. Je voudrais poser au ministre la question que vous avez vous-mêmes soulevée dans votre mémoire et qu'a reprise ma collègue de L'Acadie. Est-ce que des études sur le rôle et les fonctions respectives des différents organismes existent et sur quelles bases le ministère a-t-il décidé de modifier, dans un sens ou dans l'autre, les organismes consultatifs?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, très brièvement, puisque l'heure est tardive. Il n'y a pas eu d'étude formelle, mais nous avons réfléchi systématiquement et à plusieurs reprises à la représentation des divers groupes, des divers agents de l'éducation au sein du cégep. Avant même d'aboutir à la composition qui est suggérée dans l'énoncé de politique, il y a eu des heures et des heures de débats là-dessus.

M. Rivest: Et de consultations; je suppose que c'est venu de consultations que le ministre ou le ministère a menées.

M. Morin (Sauvé): Oui, effectivement.

M. Rivest: Vous avez... (18 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le Président. Je pense que vous avez répondu sur la composition des conseils d'administration.

M. Morin (Sauvé): La question portait, si j'ai bien compris, sur...

M. Rivest: Sur la définition des fonctions que les organismes, le Conseil supérieur de l'éducation, etc., qui ont souvent des fonctions actuellement qui sont... Pourquoi les changements? Pourquoi avoir transporté tel type de pouvoir ou de fonction au Conseil des collèges?

M. Morin (Sauvé): Exactement, vous pouvez bien songer qu'avant de nous déterminer à suivre l'avis du Conseil supérieur de l'éducation et de créer un nouvel organisme, nous nous sommes posé pas mal de questions, comme l'a fait, d'ailleurs, l'association des parents.

Mme Lavoie-Roux: II n'y a pas d'étude formelle?

M. Morin (Sauvé): Non, il y a cependant l'avis du Conseil supérieur.

M. Rivest: Je fais cette remarque au ministre parce qu'autant pour l'intervenant précédent du Conseil des universités que pour la fédération des parents, on semble, dans le milieu — aussi à cause de rencontres que ma collègue a eues — trouver qu'il y a une certaine gratuité dans la définition ou dans l'octroi de certaines fonctions qui sont exercées par d'autres organismes.

Il semble, dans le milieu, qu'on ne voit pas exactement les raisons précises qui ont amené le ministère de l'Éducation à faire les changements. Est-ce que les organismes qui avaient ces fonctions les exerçaient mal ou ne les exerçaient pas? Il me semble que dans le cadre des discussions...

M. Morin (Sauvé): II y avait tout ça, bien sûr et nous y avons beaucoup réfléchi, nous en avons beaucoup débattu au ministère, au comité interministériel de développement culturel et au Conseil des ministres.

M. Rivest: Très bien. Sur votre remarque à la page 10 au sujet de l'article 17a, le ministre reconnaît d'intérêt national un programme d'enseignement professionnel que dispense un collège. Vous manifestez votre scepticisme devant la signification réelle de cette disposition et vous ajoutez: "Nous désirons en outre que si les corrections nécessaires à sa clarification ne sont pas ajoutées, il faille le faire accepter à l'unanimité de l'Assemblée nationale". Pourquoi posez-vous une telle exigence? Quelle est l'inquiétude sur l'interprétation que cet article soulève chez les membres de votre fédération?

M. Pilote: Pour ce qui est de l'article 17a, pourquoi nous avons posé cette condition? Ce n'est pas une condition, nous demandons justement que ce soit ramené — si une décision est prise — devant l'Assemblée nationale pour discussion.

M. Rivest: Vous ne savez pas — je pense que je suis un peu sceptique aussi — ...

M. Pilote: On n'a peut-être pas tout le...

M. Rivest: ... vous n'arrivez pas à savoir exactement ce que vise cet article, c'est ça?

M. Pilote: Non, c'est ça.

Mme Raymond: Justement et je pense que mon confrère vient de me dire en fait la raison pour laquelle cela avait été inclus comme ça, c'est justement que si devant le peu de clarification de ça, si on exigeait la condition que ce soit adopté à l'unanimité de la Chambre, ça provoquerait sûrement la définition...

M. Rivest: Est-ce que le ministre peut, en deux mots, rapidement, en concluant... Quelle est la portée réelle ou enfin les intentions...

M. Morin (Sauvé): Je pense que les termes ne sont peut-être pas suffisamment clairs dans l'énoncé de politique. On parle de programme reconnu d'intérêt national, c'est une expression ambiguë. Il aurait peut-être fallu être un peu plus modeste. Ce sont des programmes comme ceux qui existent déjà, que vous connaissez. Celui de Chicoutimi pour le pilotage, celui de l'aéronautique...

Mme Lavoie-Roux: L'enseignement technique très spécialisé, dans le fond.

M. Morin (Sauvé): Oui, hautement spécialisé... M. Pilote: Nous l'avons saisi, nous, comme tel.

M. Morin (Sauvé): C'est ça qu'on avait à l'esprit, vous voyez. Bien sûr, il ne s'agit pas de quelque chose d'extraordinaire, qui devrait être approuvé à l'unanimité de l'Assemblée nationale, il s'agit simplement de programmes existants, mais on veut que ces programmes hautement spécialisés et qui n'existent qu'à un endroit puissent faire l'objet d'accords au sein du cégep.

M. Rivest: Cela pourrait peut-être intéresser nos amis de Jonquière, qui ont un cours sur les communications.

Mme Lavoie-Roux: C'est d'intérêt national.

M. Rivest: Ou en parler aux gens de Saint-Hyacinthe.

Mme Lavoie-Roux: Cela doit être d'intérêt national. Bonne école.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Fédération des parents des collèges du Québec pour la présentation de son mémoire et je vous donne rendez-vous à 20 h 45.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais également remercier les représentants des parents d'être venus nous entretenir et de s'être prêtés à un jeu de questions serrées qui nous ont permis de bien saisir la substantifique moelle de leur pensée.

M. Rivest: Amende honorable!

Le Président (M. Marcoux): La commission ajourne ses travaux à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 51)

(Reprise de la séance à 20 h 48)

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, mesdames et messieurs!

Mesdames et messieurs, venez poursuivre le dialogue avec nous!

La commission de l'éducation est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant les projets de loi 24 et 25. J'appellerais maintenant l'Exécutif des présidents des conseils d'administration des collèges à venir nous présenter son mémoire.

M. Le Moignan: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé voudrait avoir une directive.

M. Le Moignan: À la suspension, il y a quelqu'un dans la salle qui m'a dit qu'il y avait quatre groupes ce soir et qu'il y a des gens qui venaient de l'extérieur. On m'a demandé s'il était possible de respecter l'ordre établi de 45 minutes. Je n'ai pas pu m'engager. Je ne veux bousculer personne. J'ai dit que c'était le désir des membres de la commission.

Le Président (M. Marcoux): Je pense que j'ai une partie de la réponse à votre question. Moi non plus, je ne peux pas m'engager à faire respecter les 45 minutes, à moins que vous en décidiez ainsi. Vous connaissez nos règlements.

Mais on m'apprend que l'Association des directeurs généraux des cégeps du Québec ne présentera pas son mémoire, mais souhaiterait simplement qu'il soit versé au journal des Débats.

Il nous resterait trois mémoires à entendre d'ici la fin de la soirée. Je pense que nous pourrions, avec votre collaboration, arriver à entendre les trois groupes qui restent à se faire entendre. Je ferai tout en mon possible pour nous restreindre ensemble.

M. Le Moignan: Pour demain, M. le Président, on me dit que la CEQ et la CSN ne viendront pas présenter leur mémoire. Est-ce que le ministre en est informé?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je dois dire que les nouvelles sont changeantes. Tantôt ils viennent, tantôt ils ne viennent pas. J'aimerais pouvoir vous dire, en fin de soirée, exactement ce qu'il en est. Je vais demander qu'on arrête la liste de façon définitive ce soir.

Pour l'instant, nous savons que la CEQ sera des nôtres, de même que la Fédération des enseignants de cégeps, et l'Association nationale des étudiants du Québec, ce qui fait trois organismes. Il n'est pas impossible que, répondant au voeu exprimé plus tôt aujourd'hui, le Conseil supérieur de l'éducation veuille également se présenter. Cela voudrait dire quatre organismes demain matin.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que cela répond à votre question?

M. Le Moignan: Pour le moment, oui.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Dans le même ordre d'idées, le ministre, cet après-midi, a indiqué aux gens du Collège Édouard-Montpetit que, malheureusement, ils ne pouvaient, étant donné que sa liste était fermée cet après-midi, mais là, il semble qu'il y a quelques ouvertures qui se font... C'est parce que les gens du Collège Édouard-Montpetit ont reçu une lettre d'un secrétaire particulier adjoint du ministre au mois de février, leur donnant l'assurance qu'ils seraient entendus à la commission parlementaire. Les gens sont ici, ils ont présenté un mémoire. Je me demande si le ministre ne pourrait pas reconsidérer le refus, enfin, ce qu'on a interprété certainement comme un refus, d'entendre ce groupe-là. Ce ne serait pas nécessairement plus long. Étant donné qu'ils se sont donné la peine, sur la foi de la lettre d'un membre du cabinet du ministre, en février dernier, de préparer un mémoire... J'en fais la demande au ministre. Je pense qu'elle est tout à fait légitime.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, la lettre qui a été expédiée par un membre de mon cabinet l'a été avant qu'il ne fût décidé de procéder sur invitation pour éviter justement que ne défilent pendant des jours, en commission parlementaire, des représentants des divers cégeps. Nous avons le mémoire écrit du cégep. Nous allons en prendre connaissance avec beaucoup d'intérêt. Je crois que c'est la limite de ce que nous pouvons faire, parce qu'autrement, nous allons certainement créer un sentiment d'injustice chez les autres.

M. Rivest: M. le Président, si vous me permettez...

M. Morin (Sauvé): Parce que nous avons dû refuser à d'autres, une fois que furent connus l'attitude et le temps disponibles surtout, étant donné la législation qui se trouve devant l'Assemblée nationale, nous avons dû dire non, malheureusement, au Collège de Jonquière et au Collège de Chicoutimi également.

M. Rivest: Je ne veux pas faire de débat, mais est-ce que vous avez spécifiquement avisé les gens du Collège Édouard-Montpetit qui se trouvent ici? Je pense que, par simple délicatesse ou courtoisie à leur endroit, étant donné qu'ils ont pu facilement interprété la lettre que je cite comme étant un invitation à venir, ou enfin une garantie à venir présenter leur mémoire à la commission, je pense que le ministre se réfugie derrière un certain côté légaliste que je trouve inadmissible dans les circonstances.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, on me dit qu'on a tenté de les rejoindre par tous les moyens et que cela n'a pas été possible.

M. Rivest: Oui, ils sont effectivement ici; vous allez simplement les renvoyer.

M. Morin (Sauvé): Non, nous avons leur mémoire aussi. Je ne sais pas quand il est entré. Je ne sais pas s'il est entré récemment à la commission. Est-ce que le mémoire du Collège Édouard-Montpetit est entré récemment à la commission parlementaire? Il vient d'arriver. Ah non! raison de plus, il n'est pas arrivé dans les délais. Je suis obligé...

Je vous le dis tout de go, je ne veux pas créer de préférence en faveur d'un collège. Nous avons dû le refuser à d'autres. Nous allons prendre connaissance du mémoire, je m'y engage, mais je ne pense pas que nous puissions faire plus.

M. Rivest: Je veux simplement conclure en soulignant au ministre — pas simplement au ministre de l'Éducation, mais cela s'est passé aussi avec le ministre des Communications — que cette façon de procéder dans les commissions parlementaires par invitation peut effectivement, on en a la preuve, empêcher des gens directement intéressés par les projets de loi, de se faire

entendre comme normalement ils devraient l'être au niveau d'une commission parlementaire. Les remarques que le député de L'Acadie a formulées en début de séance sont illustrées par la décision que le ministre rend à l'égard du Collège Édouard-Montpetit. Je pense qu'il faut le regretter.

Le Président (M. Marcoux): J'invite maintenant l'Exécutif des présidents des conseils d'administration des collèges. Mme Jeanne Blackburn, si vous voulez nous présenter vos collègues et procéder à la présentation de votre mémoire, selon les règles que vous avez dû suivre cet après-midi.

Exécutif des présidents des conseils d'administration des collèges

Mme Blackburn (Jeanne): Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par ma droite: Dr Mildred Eisenberg, président du Collège de Vanier, du CA de Vanier; M. Richard Fortier, président du conseil d'administration du Collège de Rosemont; à ma gauche, M. Claude Fortier, président du conseil d'administration de Lionel-Groulx; M. Serge Boucher, président du conseil d'administration de Saint-Jérôme; et M. Paiement, qui est président du conseil d'administration de Limoilou. Je suis présidente du conseil de gestion du Collège de Chicoutimi.

M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les députés, avant de vous présenter notre mémoire, j'aimerais d'abord vous assurer de notre intérêt et vous dire que notre intervention se veut la plus positive et vise à permettre le redressement d'une situation qui a, par le passé, été fortement dénoncée. Vous l'aurez sans doute compris, notre intervention portera sur une question qui nous semble fondamentale, et à la source de bien des problèmes, sinon de tous, c'est-à-dire la composition des conseils d'administration.

Avant de commencer la lecture du mémoire, j'aimerais vous dire que la demande de paraître à la commission parlementaire a été faite au nom de l'exécutif des présidents. Nous n'avions pas eu le temps de consulter la conférence des présidents. Toutefois, à la réunion des 18 et 19 mai, les présidents ont été consultés; comme vous vous en doutez, ils ont donné leur accord unanime à la présentation d'un mémoire devant cette commission. C'est donc au nom des présidents des CA de collèges que nous présentons, ce soir, ce mémoire.

Je vous prierais également d'excuser les quelques coquilles qui se sont glissées dans le document. Je pourrais invoquer le peu de temps et le manque de disponibilité technique.

La Conférence des présidents de conseils d'administration de cégep. Depuis 1973, les présidents de conseils d'administration de cégeps tiennent des assemblées d'échange et de concertation sur les aspects du réseau collégial qui sont plus particulièrement de leur ressort. Ces assemblées regroupent plus de 50% des présidents, ce qui assure une représentativité acceptable, compte tenu du caractère bénévole de la fonction de président, de l'absence d'une structure formelle de regroupement et des disponibilités limitées du secrétariat que la Fédération des cégeps met à notre disposition.

La Conférence des présidents est dotée d'un exécutif de présidents de six personnes qui prépare ses assemblées et en assure le suivi. Cet exécutif est habilité à parler au nom des présidents lorsqu'il est spécifiquement mandaté pour le faire, comme c'est le cas aujourd'hui.

Les présidents face aux projets de loi nos 24 et 25. Notre expérience au sein des conseils d'administration des cégeps nous a incités à réagir dès le début au projet gouvernemental à l'égard des cégeps. L'exécutif des présidents a tenu plusieurs réunions sur le sujet, consulté les membres des conseils d'administration par le biais d'un questionnaire, suscité la participation des présidents au congrès spécial de la fédération en mars dernier et convoqué une assemblée spéciale à Montréal les 18 et 19 mai dernier.

En attendant une réforme des structures de la Fédération des cégeps qui est en préparation, les présidents ont décidé d'exprimer clairement leur appui autonome à l'essentiel des positions que cette dernière présentera à cette commission et d'enrichir le débat du point de vue spécifique de mandataires bénévoles, élus par leurs collègues du conseil d'administration, dégagés de tout intérêt pécuniaire ou professionnel en regard de la question des collèges publics.

Nous aurions aujourd'hui préféré vous faire entendre la voix autorisée des conseils d'administration eux-mêmes, mais la suite de nos propos expliquera pourquoi ceux-ci ne sont pas encore en mesure de s'exprimer de façon cohérente et concertée à l'échelle du Québec. (21 heures)

La composition des conseils d'administration, clef de voûte de toute réforme: bilan. Vu sous tous ses angles, le bilan des conseils d'administration des collèges actuels est largement négatif. Déjà en 1974, un groupe d'administrateurs et d'ex-administrateurs du cégep de Maisonneuve écrivait ce qui suit: "Dans beaucoup de cas — et en particulier dans les moments de crise — le conseil est devenu un lieu où les groupes d'intérêts se définissent comme les porteurs d'étendards et défenseurs de leurs mandataires. Des blocs se forment qui se liguent ou s'affrontent, selon les intérêts de l'heure. Les professeurs et les étudiants se retrouvent généralement d'un côté de la barrière et les autres groupes de l'autre côté. Dans certains cas, les membres de l'extérieur sont pris à témoin de querelles internes et assistent en spectateurs à des matchs entre la direction, d'une part, les étudiants et/ou les professeurs, d'autre part."

Ce diagnostic brutal fut repris, à peu de choses près, par le rapport Nadeau, la Fédération des parents, l'ex-président du cégep Maisonneuve, de même que le gouvernement actuel dans son énoncé de politique sur les cégeps.

Nous sommes venus vous rencontrer aujourd'hui pour vous répéter avec force que les con-

seils d'administration ne peuvent jouer sainement leurs rôles d'orientation et de gestion du cégep. Leur influence est réduite, leur pouvoir d'initiative est mis en échec par les divisions internes, leur attention est "kidnappée" par les intérêts corporatifs qui y siègent.

La majorité des directeurs généraux et des directeurs de services pédagogiques se méfient, non sans raison, des conseils d'administration. Ils s'arrangent, dans les faits, pour y recourir le moins possible. Nous comprenons cette attitude courante des principaux officiers du collège, qui manoeuvrent pour faire triompher leurs vues au sein du conseil d'administration, face à d'autres manoeuvres. Faire autrement serait, plus souvent qu'autrement, courir au bûcher.

La grande majorité des administrateurs externes au collège: parents, socio-économiques, cooptés sont très conscients de ces luttes qui se livrent sous leurs yeux. Leur situation de bénévoles, face à des permanents à temps plein du collège ne leur laisse pas la possibilité de reprendre l'initiative de redéfinir les règles du jeu au conseil d'administration, d'orienter le travail du conseil d'administration sur les questions primordiales telles que les grandes politiques, les projets particuliers, l'intégration dans le milieu, la qualité de vie, la qualité de l'enseignement, et j'en passe. Ils sont constamment pris à régler des questions urgentes ou à éteindre des feux. D'assemblée en assemblée, les administrateurs externes portent des jugements ad hoc sur des situations et des dossiers qu'on leur présente, sans réussir à influencer les grandes priorités du collège.

Par conséquent, le temps et l'intérêt des bénévoles qui siègent au conseil d'administration sont distraits des fins pour lesquelles on les a désignés à cette table. Pour bien faire fonctionner un conseil d'administration, il faut un minimum de consensus, un esprit de corps, un minimum de confiance mutuelle entre les individus. Trop souvent, les professeurs sont identifiés comme seuls fauteurs de troubles et montrés du doigt.

À notre avis, leur attitude n'est pas l'unique source du problème que nous décrivons. Le poids trop grand, au sein des conseils d'administration des cégeps, de groupes organisés qui appartiennent aux cégeps, professeurs, directeur général, directeur des services pédagogiques, étudiants, entraîne inévitablement des conflits d'intérêts persistants qui teintent toutes les interventions de ces groupes, même dans le cas des sujets les plus anodins.

De même, il serait permis de penser que le ministère lui-même semble douter de l'aptitude des conseils d'administration à gérer les collèges puisqu'il profite du projet de loi 25 pour augmenter considérablement la réglementation et les contrôles comme en font foi les articles 10, 16 et 20.

Ne va-t-il pas jusqu'à fixer lui-même le terme du directeur général et du directeur des services pédagogiques, cinq ans, à la place du conseil d'administration? De plus, quand a-t-on vu le ministère s'adresser au conseil d'administration en temps de crise.

Projet de loi 25: L'article 3 du projet de loi 25 donnera le coup de grâce aux conseils d'administration des cégeps. Les membres issus du collège, professeurs, directeur général, directeur des services pédagogiques, directeur des services aux étudiants, profesionnels et étudiants, seront plus nombreux que les membres externes au collège. Le gouvernement accentuera ainsi le poids des conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration et les malaises que nous avons vécus depuis dix ans.

Le gouvernement fait, à notre avis, un bien mauvais calcul s'il pense améliorer les choses en réduisant le nombre des professeurs pour augmenter celui de la direction et des étudiants. Nous répétons que la source du problème réside dans le poids global des membres internes par rapport aux membres externes. Les luttes d'intérêts vont continuer de plus belle. Les chances de chacun de l'emporter pourront se renverser à l'occasion, mais le collège n'en sortira pas nécessairement gagnant.

Le gouvernement croit-il pouvoir comparer les étudiants aux clients d'un centre local de services communautaires ou d'un hôpital pour augmenter leur nombre au conseil d'administration? Qu'il n'oublie pas que les étudiants sont également des travailleurs, dans le collège, dont la société attend un certain rendement scolaire. Les représentants des étudiants ne l'oublient pas et font souvent des alliances au sein du conseil avec des groupes susceptibles de fermer les yeux sur certaines exigences ou certains rendements scolaires.

Recommandations: Tout comme les directeurs généraux, comme les directeurs des services pédagogiques qui se sont exprimés au congrès de la Fédération des cégeps sur le sujet, les représentants des conseils d'administration insistent pour que les conseils d'administration comptent au moins deux tiers des membres externes au collège, c'est-à-dire parents, socio-économiques et cooptés.

Bien que le président considère qu'en principe, aucun des administrateurs ne devrait jouir d'un statut qui puisse le placer en conflit d'intérêts, il accepte néanmoins que chaque groupe organisé du collège ait droit à une voix au conseil d'administration, mais aucun ne doit être en mesure d'y exercer une action déterminante et le total de ces voix doit demeurer largement minoritaire.

L'expérience des dix dernières années prouve hors de tout doute que les représentants de ces groupes s'en font inévitablement les porte-parole et les défenseurs, même au détriment des intérêts collectifs. À titre d'exemple de composition de conseil d'administration, nous vous soumettons le modèle qui suit: le directeur général, six socio-économiques, quatre parents, un professeur, un étudiant adulte, un professionnel, un employé de soutien, un cadre, deux cooptés et un étudiant régulier pour un total de 19 personnes. L'énoncé

de politique du gouvernement fait grand état du caractère de bien collectif des collèges. "Le cégep n'appartient pas seulement à ceux qui y travaillent ou qui vont y chercher une formation. Il est plutôt un bien collectif."

La composition que nous proposons respecte intégralement les objectifs de participation des employés et des étudiants à la gestion de leurs affaires, tout en préservant, dans la pratique, le bien public pour lequel le cégep existe.

Nous croyons avoir le crédit nécessaire pour démontrer que la composition proposée par le gouvernement compromet plus que jamais le deuxième objectif, c'est-à-dire celui d'assurer au collège son caractère fondamental de bien collectif. L'angélisme du programme officiel du Parti québécois à ce chapitre aurait-il plus de poids aux yeux du gouvernement que l'expérience vécue pendant dix ans par les représentants des conseils d'administration, les directeurs généraux, les directeurs de service pédagogique et les parents eux-mêmes? Les aveux des syndicats d'enseignants, quant au sens qu'ils ont donné à leur participation au conseil d'administration contredisent les illusions officielles du gouvernement. Ne sont-ils pas allés, dernièrement, jusqu'à proposer comme mot d'ordre la non-collaboration?

Dans ce contexte, les officiers des collèges ont eu la prudence de ne pas avouer trop ouvertement leur méfiance des conseils d'administration. Nous constatons tous leur préférence marquée pour l'autocratisme, nécessité fait loi. Nous insistons encore une fois pour que le gouvernement s'appuie sur la réalité vécue depuis dix ans.

Autres aspects du projet de loi 25. Nous trouvons le ministre bien prudent lorsque vient le temps pour lui de s'assurer que les conseils d'administration ne dévieront pas de leur mandat de saine gestion. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne prend pas de chance aux articles 4, 5, 16, 18, 19, 20 du projet de loi 25. Même si nous reconnaissons la légitimité de ces pouvoirs dévolus au ministre, nous sommes convaincus qu'il n'aura pas à les utiliser si les conseils d'administration sont orientés et guidés par des membres provenant en majorité de l'extérieur du collège, dont le seul motif ne peut être que la promotion du bien commun au sein du cégep. Nous souhaiterions présenter trois amendements au texte proposé.

À l'article 11: Les règlements adoptés par les conseils d'administration des collèges ne requièrent pas l'approbation du ministre.

L'obligation actuelle de faire approuver les règlements entraîne des délais inutiles. C'est une responsabilité que nous pouvons parfaitement assumer sans le ministère. Notre rapport annuel suffira amplement à informer le ministre.

L'article 12 devrait se lire comme suit: "... pour une période maximum de cinq ans".

Le ministre introduit une rigidité qui nous semble inutile et même nuisible dans la décision que doit prendre un conseil d'administration au moment d'engager ou de renouveler le contrat d'un directeur général ou d'un directeur des services pédagogiques.

L'autre recommandation: Toute forme de tutelle prévue à l'article 16 devrait être précédée d'une enquête efficace qui déterminerait, s'il y a lieu, d'imposer de telles contraintes à un conseil d'administration.

Nous signalons au ministre que l'article 7, sur le rôle du président, ne donnerait aucun résultat intéressant si les conseils d'administration ne répondent pas aux critères d'objectivité et de cohésion que nous mettons de l'avant.

Les conseils d'administration composés tels que nous le proposons sauront donner des mandats réalistes et éclairés à leur président, pour s'assurer d'un fonctionnement dynamique au autonome par rapport à tout groupe d'intérêt particulier.

Dans ce cadre, nous croyons la formulation de cet article très heureuse.

D'autre part, il est sage de permettre aux parents élus au conseil d'administration de terminer leur mandat de deux ans, même s'ils perdent, avant cette échéance, la qualité de parents.

En ce qui concerne la nomination des membres socio-économiques, nous suggérons au ministre de définir un mécanisme qui éviterait que ces nominations se fassent en bloc. On éviterait ainsi des ruptures désastreuses dans la gestion continue d'une institution aussi complexe que le cégep.

Enfin, il serait souhaitable que le ministre accélère la nomination des membres, de façon à limiter à 60 jours au maximum les vacances au conseil d'administration.

Le conseil des collèges. La Fédération des cégeps vous remettra sur ce projet de loi un avis que nous endossons en tout point. Nous réitérons que le Conseil des collèges doit être consultatif au ministre, qu'il doit respecter la spécificité du niveau collégial, qu'il doit être composé de membres qui représentent les milieux socio-économique et culturel de toutes les régions du Québec, et qui ne soient pas liés à l'un ou l'autre des collèges.

La fédération se chargera, de façon autonome du Conseil des collèges, de fournir au ministre le point de vue de ceux qui administrent les collèges au jour le jour, point de vue forcément plus technique et plus intéressé.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, ces recommandations, qui visent à rendre faisable l'administration d'un collège, ont pour seul objectif d'assurer un climat qui facilite un enseignement de qualité, une meilleure réponse aux besoins du milieu et qui sont, nous semble-t-il, les objectifs premiers des collèges.

Voilà, M. le Président, l'essentiel des recommandations que les présidents portent à votre attention. Nous remercions les membres de cette commission de nous avoir écoutés et nous osons croire qu'ils ne feront pas fi de l'expérience que nous vivons depuis dix ans au sein des conseils d'administration de collèges et que nous leur avons décrite aujourd'hui. Le gouvernement dispose d'une occasion précieuse de régler à la racine même certains problèmes du réseau collé-

gial. Nous espérons qu'il ne se contentera pas d'une opération de relations publiques. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je désire remercier tout d'abord la Conférence des présidents des conseils d'administration de cégeps pour son mémoire. À l'instar de la Conférence des recteurs d'université, cette conférence peut espérer jouer, je pense, un rôle important dans l'avenir des cégeps. Je suis heureux de constater que cet organisme prend du poil de la bête et est déterminé à prendre au sein du système des collèges la place qui revient aux présidents des CA.

Mme la Présidente, j'aimerais tout d'abord vous poser une ou deux questions sur l'approbation très générale que vous nous donnez avec quelques conseils à l'endroit du Conseil des collèges. Je sais que vous n'avez pas voulu vous étendre là-dessus, mais il m'intéresse tout de même, à la suite des conversations que vous avez pu entendre cet après-midi, de vous poser une ou deux questions là-dessus. Pour le reste, j'y reviendrai rapidement par la suite en ce qui concerne la composition du conseil d'administration, par exemple.

Puisque vous nous dites dans votre mémoire que vous avez tenu de nombreuses réunions sur l'énoncé de politique depuis quelques mois, vous avez dû avoir l'occasion de vous pencher sur les dispositions de l'énoncé de politique ou du livre blanc, comme on l'appelle quelquefois, au sujet du Conseil des collèges. Vous avez dû vous entretenir de ce sujet avec vos collègues, les autres présidents. Est-ce que vous pourriez nous dire, en gros, quelle est votre attitude sur les fonctions que le gouvernement entend confier au Conseil des collèges et sur la question de l'évaluation? Cet après-midi, nous avons entendu quelques opinions sur la question. Je serais très heureux d'avoir quelques sons de cloche là-dessus et je note qu'à votre gauche se trouve M. Paiement, qui a la responsabilité d'un cégep de la région de Québec et qui a dû justement traiter de graves problèmes d'évaluation il n'y a pas longtemps. Je pense qu'il faut profiter de la présence de personnes comme cela pour éclairer la commission. C'est ma première question, très générale, comme vous le voyez. (21 h 15)

Mme Blackburn: M. le Président, comme vous l'avez remarqué à l'intérieur du mémoire qu'on vient de présenter, quant à la question première qui nous a amenés à cette commission, notre intervention s'est faite plus particulièrement sur la composition des CA. Comme on a tenté de le souligner, c'est, nous semble-t-il, la source de presque tous les problèmes pour ne pas dire de tous les problèmes actuellement dans le réseau, ce qui fait que, concernant le Conseil des collèges, les présidents, moi, d'une part, et d'autres présidents également, nous nous sommes penchés sur l'énoncé de politique de même que sur le projet de loi 24.

Nous reprenons essentiellement la position de la fédération sur la question, qui est que le Conseil des collèges ne devrait pas être à la fois conseiller au ministre et conseiller aux collèges. Vous comprendrez, je pense, qu'à ce moment-là, la concertation et l'évaluation ne devraient pas à notre avis — là-dessus, nous partageons l'opinion de la fédération — relever du Conseil des collèges. Cela répond peut-être globalement à une question aussi globale.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais la question de l'évaluation est fort importante. C'est la préoccupation gouvernementale qui est certainement l'une des raisons qui est à l'origine de la création du Conseil des collèges. Si nous ne confions pas l'évaluation au Conseil des collèges, quelle sorte de mécanisme d'évaluation pouvons-nous mettre en place? Est-ce que le fait de confier l'évaluation à une commission rattachée au Conseil des collèges, mais néanmoins autonome par rapport à celui-ci, permet de résoudre le problème? Sinon, quelle solution pouvez-vous nous proposer? Parce que vous savez qu'on a débattu depuis des mois et des mois de cette question.

Mme Blackburn: M. le Président, M. le ministre, je ne voudrais pas vous donner l'impression qu'on minimise l'importance de l'évaluation. Cela nous est apparu de tout temps un problème extrêmement sérieux. Peut-être que je vous donnerai l'impression de simplifier la chose chaque fois que je vous dis: Donnez-nous les moyens d'administrer et peut-être qu'on se donnera les moyens de s'évaluer. À savoir à quel lieu pourrait se faire cette évaluation, la fédération, qui y a réfléchi plus longuement, pourrait certes mieux vous répondre, mais, a priori, on peut penser que, pour l'évaluation institutionnelle et l'évaluation des enseignements, il faudrait d'abord se doter d'outils et ensuite, cela pourrait, par exemple pour l'évaluation institutionnelle, être fait par une entreprise privée, mais qui soit totalement autonome et du Conseil des collèges et des collèges eux-mêmes, de même que du ministère. C'est un avis que je ne voudrais pas développer plus profondément, parce que la fédération a davantage réfléchi là-dessus. Toutefois, je pourrais peut-être demander à mes collègues ici s'ils veulent ajouter quelque chose sur la question.

M. Morin (Sauvé): Je serais très intéressé à les entendre.

Mme Eisenberg: J'aimerais ajouter un mot. Je pense qu'il y a une évaluation actuellement dans le réseau qui ne se fait pas. C'est la première de toutes, à mon avis, qui devrait se faire. C'est celle qu'un conseil d'administration, conscient de ses responsabilités, devrait faire chaque année de la situation dans son collège. Cela, à ma connaissance, n'existe à peu près pas actuellement dans le réseau. La raison est dans la description que nous faisons de ces conseils d'administration. De la façon qu'ils sont composés, ils n'arrivent pas à se

donner des méthodes de travail, à se donner des priorités et, par conséquent, à remplir une de leurs fonctions qui serait de faire une évaluation rigoureuse, honnête de la situation, dans leur collège, de l'enseignement, de la direction, des cadres, et ainsi de suite. C'est la première chose.

Pour le reste, je pense que la recommandation du mémoire de la Fédération des cégeps nous apparaît acceptable. On leur laisse un peu le leadership parce qu'ils sont, je pense, un peu plus au fait que nous de cette question en ce qui concerne les relations entre le ministère, le Conseil des collèges, la Fédération des cégeps et ce qu'ils proposent, c'est-à-dire un centre d'évaluation indépendant qui serait plus ou moins rattaché au ministère... Je n'ai pas trop compris. Là-dessus, on leur laisse le leadership.

M. Morin (Sauvé): Vous comprendrez l'intérêt que je puisse avoir, puisque je vous ai devant nous. Vous êtes devant la commission. Vous êtes les présidents des conseils d'administration. Vous avez été aux prises avec ces problèmes d'évaluation, certains d'entre vous de façon assez dramatique. Vous comprendrez que je sois intéressé à avoir votre point de vue. Celui des directeurs généraux m'intéresse aussi. Quand la fédération viendra tout à l'heure, ils auront l'occasion de nous le donner. Les directeurs généraux sont dans l'administration, eux. Ils seraient évalués aussi, éventuellement, de sorte qu'ils n'ont peut-être pas trop intérêt à être en faveur d'une évaluation un peu serrée tandis que vous, vous êtes les présidents des CA. Vous êtes donc les bénévoles là-dedans, vous êtes de l'extérieur. J'aimerais bien connaître votre point de vue là-dessus.

Mme Blackburn: J'allais dire que je reviens à cette dimension quand on parle d'évaluation, si les conseils d'administration sont composés de manière telle qu'ils puissent exercer de façon saine et dans un climat normal l'administration d'un cégep, ils pourront aussi assumer, avec l'aide de mesures ou d'outils d'évaluation, assumer cette dimension; mais pour parler de cette dimension, je passerais à M. Fortier et ensuite M. Paiement qui, vous disiez tout à l'heure, avaient subi aussi des problèmes d'évaluation.

M. Morin (Sauvé): J'aimerais avoir votre point de vue. Le gouvernement n'entend pas revenir sur la gestion participatoire des cégeps. Que nous discutions, comme on l'a fait cet après-midi dans un autre mémoire, de modifier, en ajouter un, en enlever un, on peut examiner ça. Par exemple, l'absence des cooptés. Je sais que vous venez de nous dire qu'il faudrait remettre les cooptés. Cet après-midi, on nous a dit non. Je crois qu'il faut regarder ça; il faut se pencher là-dessus. Il faut voir pourquoi leur présence serait utile. Jusqu'ici, notre réflexion nous a plutôt portés à penser le contraire. Mais, là-dessus, il faut qu'on dialogue. Mais, tenez pour acquis quand même que le gouvernement ne modifiera pas fondamentalement la gestion participatoire et cela étant une donnée de la situation, comment peut-on, au mieux, évaluer ce que nous faisons dans nos collèges? Je vous écoute, messieurs.

M. Fortier (Claude): Oui, je voudrais suggérer qu'il y a deux niveaux de responsabilité à ce point. Il y a d'abord la responsabilité du ministre qu'il exerce au nom du gouvernement devant l'Assemblée nationale. Il nous semble que cela commande un rapport immédiat avec le conseil d'administration, donc avec l'organisme qui représente et qui est responsable devant ces mandats, en l'occurrence le ministre de l'Éducation et l'Assemblée nationale. La porte qui s'ouvre par le rapport annuel du collège, qui devrait être le rapport du conseil d'administration et non pas le rapport d'un officier à l'intérieur, mais que ce soit vraiment le rapport qui engage le collège, pourrait être une voie par laquelle le ministre s'assure du sérieux de ce qui se passe à l'intérieur par le biais de critères à partir desquels le rapport annuel puisse être composé et qui pourrait servir de discussion, le cas échéant, entre le ministre et le conseil d'administration. C'est un premier niveau de responsabilité. Il y en a un autre, c'est celui du collège lui-même. C'est peut-être faute d'avoir suffisamment précisé, lors des discussions qu'on a pu avoir ici ou là de ces deux niveaux qui sont aussi importants l'un que l'autre, ces niveaux de responsabilité qu'on puisse se trouver embarrassé par l'une ou l'autre des formules qui sont avancées. Là-dessus, il nous semble que le conseil d'administration doit prendre les mesures à l'interne pour exercer ses propres responsabilités vis-à-vis de ce qui se passe dans le collège et pouvoir, de ce fait, en répondre publiquement et devant la région vis-à-vis de laquelle il est directement responsable — en tout cas, il devrait se sentir responsable — et aussi devant le gouvernement, étant donné les liens juridiques et financiers que le lient à la population par l'intermédiaire du gouvernement. (21 h 15)

Sous cet aspect, aussi bien que sous le premier, je pense qu'il peut y avoir intérêt, étant donné l'état assez peu avance de l'expertise dans la province de Québec en cette matière d'évaluation et particulièrement d'évaluation institutionnelle, il pourrait y avoir intérêt à concentrer les ressources dont on dispose au plan provincial, pour assurer aussi bien dans une perspective d'utilisation par les collèges que dans d'autres perspectives, celles, par exemple, d'un gouvernement ou d'une population qui demande des comptes, une concentration des expertises qui puissent jouer, à l'égard de ces deux niveaux de responsabilité, un rôle de support, de soutien, de conception de mécanismes et aussi de relations avec les milieux de recherche qui, actuellement, s'affairent très activement, comme vous le savez, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, sur cette question précisément.

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Fortier: Donc, je voudrais redire tout simplement, en conclusion, qu'il m'apparaît nécessaire, en tout cas probablement fort utile de bien

partager, dans l'esprit de chacun, les niveaux de responsabilité et, de ce fait, les conseils d'administration ne peuvent pas et ne devront pas se soustraire à cette responsabilité de rendre des comptes. Cela ne signifierait pas nécessairement les mêmes moyens et le même niveau de réflexion que ceux qu'utilisera le ministre pour demander des comptes aux collèges.

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Fortier: La gestion interne du collège peut commander une autre approche, mais l'une n'exclut pas l'autre et elles me semblent toutes les deux complémentaires et indispensables.

M. Morin (Sauvé): Oui, bien. M. Paiement, avant que vous n'interveniez, est-ce que je puis poser une question qui va, en quelque sorte, préparer le terrain pour votre intervention que je crois très importante?

Le ministre n'entend pas se défiler devant sa responsabilité. D'ailleurs, voulut-il le faire que l'Assemblée nationale, par la voie de l'Opposition, le mettrait sur la brèche constamment.

Dans un cégep de Québec, récemment, il y a eu des événements et, tous les jours en Chambre, on me demandait où c'en était — enfin presque tous les jours...

Mme Lavoie-Roux: Vous en gardez un bien mauvais souvenir. Ce ne fut que deux ou trois fois, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Donc, le ministre, qu'il le veuille ou qu'il ne le veuille pas, est un peu responsable de tout ce qui se passe, même parfois de choses un peu aberrantes. Il doit répondre de cela.

De son côté, le collège, lui aussi, doit s'évaluer comme vous le faites observer. Est-ce qu'il ne manque pas, entre les deux, l'expertise, un organisme où on trouve une certaine expertise objective qui ne soit pas le pouvoir politique, mais qui puisse conseiller le pouvoir politique et qui puisse également aider le collège à faire cette évaluation pour laquelle il n'est pas armé; à vrai dire, très souvent, il n'a pas l'expertise. Est-ce qu'il n'est pas ce niveau-là? C'est celui-là que nous avons cherché et, justement — M. le Président du cégep de Limoilou pourrait nous éclairer là-dessus — lorsque s'est posé récemment un problème pédagogique particulièrement délicat dans son propre cégep, il a été obligé non pas d'avoir recours au ministre qui, évidemment, ne pouvait pas envoyer des gardes-chiourmes dans son collège, il ne pouvait plus arriver à le faire de façon interne, mais il a dû avoir recours à l'externe et justement à une expertise du type de celle dont vous parliez il y a un instant.

M. Paiement, j'en ai assez dit; peut-être pou-vez-vous maintenant nous expliquer votre point de vue là-dessus?

M. Paiement (Paul-Aimé): Ce que je veux d'abord expliquer, c'est ce qui s'est passé chez nous. Je pense que c'est un exemple qui va nous aider à mieux comprendre.

Avant même que j'arrive au conseil d'administration — parce que ça ne fait pas tellement longtemps, un peu plus d'un an seulement — je constatais que le conseil d'administration de l'époque, à plusieurs reprises, apportait ce problème de l'évaluation, parce qu'il sentait le besoin d'évaluer ce qui se passait là. À moins de manquer de lucidité, on voyait bien qu'il y avait des problèmes. Or, ce qui se présentait et ce qui amenait toujours le conseil d'administration à échouer dans ses tentatives d'évaluation, c'était précisément la composition même du conseil d'administration qui amenait des blocs qui avaient intérêt ou qui pouvaient avoir intérêt — de toute façon, j'interprète peut-être en disant qu'ils avaient intérêt — à ce qu'il n'y ait pas d'évaluation. Il a fallu jouer d'astuces pour avoir l'aide du ministre parce qu'évidemment, ça prenait un financement. Quand on a recours à des experts de l'extérieur, évidemment, ça prend un financement qui n'est pas déjà prévu dans les budgets qui sont alloués aux collèges. On a réussi, avec cette expertise de l'extérieur, à avoir un rapport qui serait déposé dans les prochains jours. (21 h 30)

Je ne veux pas préjuger des conclusions parce que je ne les ai pas vues, mais j'imagine qu'elles seront très positives et qu'elles vont aider non seulement le collège à se sortir du bois, mais possiblement l'ensemble du système parce que j'imagine, de toute façon, qu'il y a des problèmes qu'on a vécus dont la responsabilité ne relève pas des personnes qui étaient en place, mais qui peut relever même de déficiences dans la loi.

C'est un aspect qui m'apparaît excessivement important que les collèges eux-mêmes, indépendamment de toute autre structure gouvernementale que je ne nie pas, parce que je pense qu'il en faut également, aient comme tels des moyens de s'évaluer ou de procéder à l'occasion, surtout lorsqu'il y a des problèmes particuliers, à une évaluation.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que...

M. Paiement: Ceci n'exclut pas évidemment...

M. Morin (Sauvé): Continuez, M. Paiement, je ne voulais pas vous interrompre.

M. Paiement: J'allais dire que ceci n'exclut pas évidemment à l'occasion que le gouvernement, par ses mécanismes, apporte une aide à l'ensemble des collèges.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que, dans votre expérience, M. Paiement, puisque vous avez vécu des événements de cet ordre, il peut être utile à un collège d'avoir recours à une expertise extérieure?

M. Paiement: Je suis porté à le penser. Avec l'expérience que j'ai vécue — évidemment c'était une situation qui était, il faut bien l'admettre, très

détériorée, qui n'est peut-être pas l'exemple type de l'ensemble des collèges, mais chez nous, c'est clair que, pour nous sortir du bois, s'il y avait eu une expertise déjà connue, cela aurait sûrement aidé les membres du conseil d'administration à agir plus rapidement et plus efficacement.

M. Morin (Sauvé): Je m'empresse d'ajouter, M. le Président, qu'il se fait de très bonnes choses dans votre cégep.

M. Paiement: Absolument.

M. Morin (Sauvé): C'étaient des problèmes particuliers, parce qu'à d'autres égards votre cégep est à l'avant-garde pour certaines disciplines.

M. Paiement: C'est toujours ce que j'ai dit. Dans un cégep comme le nôtre, il y a du mieux et il y a du pire.

M. de Bellefeuille: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. de Bellefeuille: J'estime que nous sommes réunis ici pour étudier les projets de loi 24 et 25 à la lumière des propositions qui nous sont faites par les groupes qui se présentent devant nous, et non pas pour revenir en arrière et examiner en détail certains incidents, certains événements qui ont pu se produire dans un cégep en particulier.

Le Président (M. Marcoux): Je constate que ce n'est pas une question de règlement, c'est un commentaire sur des questions et des réponses qui sont fournies. Je fais simplement cette précision. M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions ou commentaires?

M. Morin (Sauvé): Je pense que, pour la question de l'évaluation, nous sommes arrivés à la limite de ce que peuvent donner nos échanges. Je pense qu'on voit un peu plus clairement où on va. Je me tourne maintenant vers la question dont vous avez fait l'objet de votre mémoire, qui est celle du conseil d'administration. J'aimerais que nous examinions une ou deux questions particulières. Vous avez fait allusion à deux reprises dans votre mémoire au fait que le CA est souvent la proie de groupes organisés, qui peuvent être en conflit d'intérêts et, parmi eux, vous avez mentionné — cela m'a un peu étonné à première vue — à deux reprises les directeurs généraux et, par la suite, vous les amenez à titre de membres votants aux conseils d'administration. Cet après-midi, un groupe est venu nous dire qu'il souhaiterait que les directeurs généraux ne soient pas membres des conseils d'administration. Pourriez-vous nous expliquer votre raisonnement de façon un peu plus précise là-dessus? Pouvez-vous aussi nous dire de façon plus précise quelle est votre attitude sur les cooptés?

Mme Blackburn: Sur la première question, je reviens un peu à votre intervention de tout à l'heure. Sachez que, pour nous, le souci de la participation est aussi très grand. On ne voit pas un conseil d'administration de collège qui ne serait composé que de l'externe. Je pense l'avoir assez bien exprimé.

Quand on parle des gens de l'interne, vous avez demandé pourquoi on incluait les directeurs généraux ou les DSP à l'intérieur des groupes qui avaient aussi des intérêts. Il nous semble évident que tout groupe du collège vient au conseil d'administration, dans la situation actuelle, pour défendre des intérêts plus particuliers et il vient plus ou moins mandaté. C'est une chose qu'à l'avenir, on devra reconnaître et avec laquelle on devra composer. Ce n'est pas le propre des enseignants d'être mandatés, tout le monde sait que les enseignants sont mandatés. Mais les autres groupes aussi, les enseignants le sont. Quand on aura, et si on a les professionnels non enseignants, comme on les aura possiblement, ils seront aussi mandatés.

Le directeur général, je pense bien, avant chaque conseil d'administration, réunit la régie et analyse chaque point au conseil d'administration. Il ne s'en vient pas mandaté comme l'enseignant, il s'en vient quand même avec certaines orientations à vouloir donner. Donc, ils défendent chacun des intérêts particuliers et cela n'a rien d'anormal. Je pense que ce qui serait anormal, ce qu'on a appelé de l'angélisme, c'est de penser qu'on pouvait amener des gens à être à la fois juge et partie sur des questions comme ça.

Comment voulez-vous qu'avec un directeur général, le conseil d'administration décide demain d'augmenter les contrôles? Le directeur général ne sera pas plus heureux que l'enseignant à qui on dira: On ira t'évaluer demain matin dans ton secteur. C'est une réaction tout à fait humaine. Je me dis que, du moment qu'on a accepté ce principe, on compose avec eux. Cependant, on ne peut pas permettre que des intérêts particuliers empêchent que des décisions soient prises par des gens qui sont capables d'un certain recul parce que, précisément, ils ne seront pas impliqués dans les décisions demain matin.

Quand on arrive avec le calendrier scolaire — on a eu le débrayage des étudiants — qu'on demande aux étudiants leur avis sur la durée de la dernière session, il n'y a pas un étudiant qui aurait été favorable à ce que ça se poursuive, jusqu'au 8 juin, comme ça se fait actuellement, et jusqu'au 12 juin. C'est normal, il y en a qui ont un voyage, un travail, une session à reprendre. C'est la même chose pour les enseignants. Chaque fois qu'on demande à des gens de transcender des intérêts, je pense que c'est irréaliste. On reconnaît ce principe que tous les groupes soient représentés, mais qu'ils n'aient pas le poids des décisions, c'est-à-dire que ce poids des décisions repose à l'extérieur.

L'autre question, c'était sur les cooptés.

M. Morin (Sauvé): Oui, j'aimerais connaître de façon plus précise votre attitude sur les cooptés.

Mme Blackburn: Sur les cooptés, j'ai entendu, comme vous tous tout à l'heure, l'intervention de l'association qui nous a précédés. Chez nous, les cooptés, contrairement à cette impression générale qu'on laissait que cela n'avait pas été vraiment la formule, lors de la dernière assemblée générale des présidents des conseils d'administration, on a vérifié autour de la table et au moins le tiers des présidents autour de la table étaient des membres cooptés.

Pour certains collèges, cela a pu causer des problèmes; je ne vous dis pas que, chez nous, cela s'est fait en douceur, parce que ça demande les deux tiers des voix pour proposer — dans notre règlement, je ne voudrais pas vérifier ailleurs — ce qui fait que, pour avoir les deux tiers des voix, il faut vraiment y voir. Cela nous est apparu, aux présidents, comme une excellente formule parce que ça permet d'aller chercher des gens compétents qu'on n'a pas déjà autour de la table. C'est pourquoi on souhaitait que ce soit maintenu.

Par rapport au vote des DG de l'assemblée de cet après-midi, je n'arriverais pas à me prononcer sur les raisons qui les ont amenés à proposer une telle mesure.

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie et, comme nous nous entretenons depuis déjà quelque temps et que je veux donner une chance aux autres membres de la commission, je vais terminer en vous disant que, pour ce qui est de l'approbation des règlements par le ministre, je suis prêt à y réfléchir. Je vais y réfléchir. Je ne sais pas encore quelle sera mon attitude, je veux entendre celle des autres collègues, je vais voir comment les autres organismes vont réagir. Évidemment, si le gouvernement maintient, comme je vous l'ai dit, une gestion participatoire de l'ordre de celle que nous connaissons actuellement, quitte à retoucher ceci ou cela, si nous ne mettons pas en place le type d'organismes que vous nous suggérez, dont vous nous suggérez la composition dans votre mémoire, peut-être que cette approbation pourrait tout de même demeurer de quelque utilité.

C'est à vous de me le dire. Pour ce qui est de la période de cinq ans, ça aussi, c'est intéressant, mais est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir aussi une période minimum, peut-être trois ans? C'est une question que nous nous posons aussi. Pour ce qui est de l'enquête qui devrait précéder la tutelle, je suis prêt à examiner cela également. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, que cette question est soulevée. Si les autres organismes ont des choses à nous dire là-dessus, nous les écouterons avec beaucoup d'attention.

Toutes ces choses étant dites et à moins que vous n'ayez des commentaires, je laisserai mes collègues...

Mme Blackburn: Si le président me le permettait. Quand vous parlez de gestion participatoire, nous sommes d'accord, et je me plais à le répéter. Toutefois, il faudrait savoir où définir les lieux. Il y a, comme on l'a dit tout à l'heure, au conseil d'administration, certains modes de parti- cipation des différents groupes. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'à l'intérieur des collèges, il y a divers lieux de participation qui s'appellent la commission pédagogique, la régie administrative, le CRT, l'association des étudiants, le syndicat, le département, le secteur, le module. Et on pense que la participation de l'interne devrait davantage se faire sur des actes pédagogiques plutôt que sur des actes administratifs.

On se dit que finalement, l'objectif du collège, ce n'est pas la participation. L'objectif du collège, c'est un enseignement de qualité et des services à la collectivité. Ce qui fait que la participation devient un moyen, du moment où ce moyen ne détruit pas les objectifs premiers. Et quand on parle de participation, pour nous, il nous apparaît important qu'il y en ait. On devrait voir aussi à impliquer davantage les étudiants, à l'intérieur de ces niveaux de participation, à l'intérieur du collège. Mais c'est sur le lieux qu'on s'entend moins bien.

Par rapport aux cinq ans, vous parlez d'une période minimale et maximale; ce qu'on dit, c'est qu'on peut avoir un excellent bonhomme, qu'on engage demain, comme DG, mais il peut très bien mal s'entendre avec les objectifs du collège ou encore pas très bien s'entendre avec les cadres, on n'en a pas vraiment discuté, mais je me dis que trois ans, cela m'apparaît déjà long, parce que c'était déjà le contrat qu'on donnait le plus long aux DG et une période de deux ans pourrait être acceptable. Plus de deux ans, difficilement. M. Boucher.

M. Boucher (Serge): Est-ce que je vous ai bien compris, M. le ministre? Vous dites que si vous acceptiez la proposition qu'on propose pour les conseils d'administration, vous pourriez vous dispenser du pouvoir d'approuver les règlements. Mais si vous maintenez votre proposition, vous allez devoir maintenir votre pouvoir d'approuver les règlements des conseils d'administration.

M. Morin (Sauvé): Non, ce n'est pas tout à fait cela.

M. Boucher (Serge): Cela ressemblait à cela.

M. Morin (Sauvé): C'est une question de degré, tout de même. C'est une question de degré parce que: Est-ce que vraiment renoncer à la gestion participatoire...

M. Boucher (Serge): On n'y renonce pas.

M. Morin (Sauvé): ... au niveau du conseil d'administration...

M. Boucher (Serge): On n'y renonce pas.

M. Morin (Sauvé): ... est-ce que cela ne va pas créer plus de problèmes que ceux que nous connaissons actuellement? Je ne nie pas que nous ayons des problèmes actuellement. Mais est-ce qu'il n'y aura pas là un facteur de démobilisa-

tion? Est-ce qu'il n'y aura pas là un facteur de démotivation de la part de ceux qui y sont actuellement? C'est une question qu'on peut se poser. J'ai entendu, de toute façon, des gens soutenir devant moi qu'en dépit de ces difficultés, cette participation, au plus haut niveau, avait quelquefois tout de même apporté des résultats favorables, des résultats positifs, comme on dit quelquefois et que le bilan n'était pas, somme toute, essentiellement négatif, comme celui que vous en dressez ce soir.

M. Boucher (Serge): Est-ce que je peux? Le Président (M. Marcoux): Oui.

M. Boucher (Serge): Le bilan qu'on vous trace, c'est celui de la Conférence des présidents de conseils d'administration. On a mentionné qu'il y avait au moins de 20 à 25 présidents qui avaient participé aux deux assemblées. Là-dessus, nous avons un consensus. Je pense que nous sommes les mieux placés pour vous décrire quel est le bilan. Qu'il y ait eu dans certains cas — et nous savons qu'il y en a — des expériences positives, oui. Mais quand on fait le bilan, la somme du négatif et du positif, c'est ce qu'il y a ici.

Pour la démotivation, je pense que la situation actuelle est beaucoup plus démotivante que ce que nous vous proposons. Si les conseils d'administration avaient vraiment un pouvoir d'initiative, ils pourraient beaucoup plus stimuler les différents groupes qui travaillent dans les cégeps et motiver les gens. Le problème, actuellement, c'est qu'il y a des intérêts particuliers qui se tiraillent et les conseils d'administration sont enferrés dans cette lutte d'intérêts particuliers et n'arrivent pas à en sortir et à proposer des objectifs qui débordent et qui dépassent les intérêts particuliers. C'est la situation telle que nous la voyons. (21 h 45)

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux à mon tour remercier la Conférence des présidents des conseils d'administration des cégeps pour son mémoire. Je retiens de votre mémoire qu'il y a un élément fondamental, c'est celui de la composition du conseil d'administration. Vous avez abordé d'autres questions, mais vous les avez moins développées, j'y reviendrai. Je pense qu'on ne peut pas déduire des paroles du ministre que le gouvernement ne bougera pas, mais il y a une chose contre laquelle je voudrais le mettre en garde, c'est qu'il fasse jouer des oppositions touchant des détails, par exemple, que le groupe qui vous a précédé n'ait pas été pour les cooptés tandis que vous êtes pour les cooptés, que vous vouliez un droit de vote pour le directeur général et qu'il n'en veuille pas. D'ailleurs, j'ai cru comprendre — j'espère que j'aurai l'occasion de le demander à nouveau, car c'est une interprétation que j'ai faite — non pas qu'il refusait, mais qu'il demandait que le directeur général n'ait pas ce droit de vote pour le protéger, parce qu'il pourrait se retrouver, le lendemain matin, face à des groupes qui pourraient lui faire des reproches, lui, qui doit vivre dans le quotidien, cela lui rendrait peut-être la vie plus pénible. Je ne pense pas qu'il y ait des différences fondamentales entre votre position et celle du groupe qui vous a précédé. Est-ce que je me trompe? C'est peut-être au groupe précédent qu'il faudrait que je demande cela, puisque vous avez la position opposée.

Mme Blackburn: II n'y a pas, nous a-t-il semblé, de différences majeures sur lesquelles il faille davantage insister.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Mme Blackburn: Ce que j'aurais le goût de retenir de l'intervention de cet après-midi, c'est que cela allait essentiellement — je dis essentiellement — dans le même sens que la nôtre, c'est-à-dire une majoration des représentants de l'externe. Par rapport à leur évaluation des cooptés, c'est une autre question, on l'a peut-être vue différemment.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

Mme Blackburn: Par rapport au vote des directeurs généraux, je pense que vous avez bien compris, je me suis laissé dire que c'était beaucoup plus dans le but justement de protéger, parce que, s'ils participaient aux décisions, ils avaient aussi à les appliquer le lendemain devant les collèges et cela les mettait souvent dans une situation pénible.

Mme Lavoie-Roux: Tout ce que je peux souhaiter — même si le ministre ne m'écoute pas, on aura l'occasion de lui répéter — c'est qu'ils ne se contentent pas de voir une modification du conseil d'administration dans le sens d'en ajouter un ou d'en retrancher un. Je pense que là-dessus on pourrait tous s'entendre sans difficulté. Que ce soient deux étudiants et un adulte, d'un type de personnel ou d'un autre type de personnel, je pense qu'il n'y a pas là de quoi se chicaner, mais c'est vraiment sur le principe même de l'équilibre qui fait que, finalement, les gens qui gèrent le collège ne devraient pas majoritairement — ils ne le sont pas nécessairement — se retrouver dans des situations de conflits d'intérêts.

Ceci dit, j'aimerais vous demander si vous avez examiné, en tant que Conférence des présidents, des modèles de gestion autres que celui que l'on connaît. Évidemment, celui-ci est un modèle de participation et je pense que même si l'externe ou l'interne est rééquilibré différemment, cela n'enlève pas cette possibilité de participation, parce que si on devait se référer à un équilibre parfait, il en faudrait deux de chacun et là, peut-être qu'on aurait... C'est cela, mais la participation, c'est vraiment que les principales composantes soient appelées à dire leur mot à une table qui a la responsabilité d'administrer un collège.

J'ai bien compris, ce n'était pas contre cela que vous vous éleviez, comme d'ailleurs le groupe précédent, vous vouliez simplement un équilibre. Mais je reviens à ma question: Avez-vous examiné d'autres modèles de gestion de collèges? Je comprends que les cégeps ont une vocation originale dans le sens qu'ils ont tenté de faire la fusion entre le général et le professionnel. Enfin, on n'entrera pas dans tous ces détails que vous connaissez même mieux que moi, mais il y a quand même des collèges ailleurs, soit des collèges communautaires dans les autres provinces. Aux États-Unis, il y a certainement aussi des collèges. Je ne sais pas comment on les appelle. Il y aurait d'autres organismes d'éducation qui auraient un conseil d'administration. Quelle est en général leur formation? Est-ce que vous vous êtes penchés sur ce problème-là?

Mme Blackburn: Nous sommes allés d'un extrême à l'autre, de voir un conseil d'administration entièrement composé de représentants de gens de l'externe, excluant même le DG et même carrément, uniquement de l'interne, avec une espèce de régie administrative, genre collège d'État. Nous avons également pris connaissance d'un modèle ontarien, le président, le Dr Isabel, du collège Algonquin, est venu nous présenter son mode de gestion, de conseil d'administration. À toutes fins utiles, en évaluant ces divers modèles, il nous est apparu que, dans le contexte actuel au Québec, dans cette volonté de participation et des gens qui vivent la chose quotidiennement et de l'externe, c'était la formule qui devait retenir notre attention. Toujours pour revenir à la gestion participatoire, j'affirme que les présidents des conseils d'administration y croient, compte tenu de notre contexte. Si nous étions dans une autre province, dans un autre État ou aux États-Unis, on pourrait peut-être penser autrement, mais, chez nous, nous croyons que c'est la formule.

Nous avons d'ailleurs fait un sondage dans tous les collèges en décembre dernier sur la composition actuelle des collèges, sur celle qui était proposée dans les livres blancs. Nous avons évalué la satisfaction et l'insatisfaction. Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, et tous les groupes ont été consultés, c'est-à-dire les étudiants, les enseignants, tous les représentants des conseils d'administration, nous avons eu environ 25 réponses, de collèges qui ont répondu, contrairement à l'impression qu'on avait au départ, l'insatisfaction par rapport à la formule du livre blanc est plus grande que par rapport à celle qui existait antérieurement. Cela nous a renforcés dans notre volonté de dire que ce n'était pas la formule qui était souhaitée, même à l'interne.

Mme Lavoie-Roux: Je veux bien vous comprendre, parce que c'est extrêmement important, ce que vous venez de dire, si j'ai bien saisi. Vous avez procédé à un sondage, non seulement auprès des représentants socio-économiques qui sont à l'intérieur des conseils d'administration mais également les enseignants, les parents et les étudiants.

Mme Blackburn: Tous les membres du conseil.

Mme Lavoie-Roux: Par rapport à la proposition du livre blanc, il est apparu, dans la majorité des 25 collèges qui ont été consultés...

Mme Blackburn: Oui, que l'insatisfaction allait en croissant par rapport à l'ensemble...

Mme Lavoie-Roux: ... irait en croissant si on ajoutait de la participation de l'interne?

Mme Blackburn: Oui.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour tous les groupes?

Mme Blackburn: Je voudrais vous apporter les chiffres précis, mais l'écart était significatif, en tout cas suffisant pour étonner. L'insatisfaction croissait du moment où ils étaient déjà insatisfaits. Je ne pourrais vous le rappeler de mémoire, mais le niveau d'insatisfaction des groupes qui étaient déjà insatisfaits de la composition, mais l'insatisfaction allait en croissant avec la proposition.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est... Mme Blackburn: L'insatisfaction, oui.

Mme Lavoie-Roux: ... assez intéressant. Il y a une question que je voudrais vous poser, parce qu'on n'aura pas l'occasion de vous reparler, et qui n'a pas été touchée cet après-midi, que j'aurais peut-être voulu poser aux parents. Je suis sûre que, parmi vous, il y a des parents d'étudiants de cégeps, de toute façon. Le problème de la participation des étudiants, non pas nécessairement au niveau du conseil d'administration — vous l'avez expliqué tout à l'heure, ils arrivent un peu mandatés, il y a certaines alliances d'occasion qui se forment, soit d'un côté, soit de l'autre — mais en ce qui touche leur vie à l'intérieur du cégep, en ce qui touche leurs droits à l'intérieur des cégeps, vous n'y avez pas touché, mais vous avez probablement fait quelques réflexions là-dessus. On ne retrouve pas grand-chose dans les projets de loi qui touchent les étudiants. Je me demandais si vous aviez des réflexions à nous faire ou des recommandations à exprimer ici sur ce sujet.

Mme Blackburn: En effet, dans la loi, on ne retrouve pas grand-chose, mais, dans les énoncés de principe, cela nous semblait beaucoup plus clair. Est-ce qu'il y aura d'autres moyens? Je sais qu'on parle un peu d'une charte des étudiants. Ce qu'on dit, c'est que les étudiants ont les mêmes droits ou devoirs qu'on donne à tout citoyen qui s'adresse à une institution publique. Cependant, de là à dire que les services qu'on donne actuellement dans les collèges sont ce qu'ils devraient être, tant au niveau de l'information qu'au niveau de l'évaluation qu'à d'autres niveaux, je pense qu'il y a place à l'amélioration. Vous savez la diffi-

culté qu'ont les collèges de permettre à l'étudiant de s'intégrer dans la vie courante, ils y sont peu de temps. Vous savez, au professionnel, c'est deux ans et, en technique, c'est trois ans. En technique, de façon générale, ils travaillent pour sortir de là le plus vite possible, ce qui fait qu'il est extrêmement difficile d'organiser ou d'assurer de la participation. Quand vous demandez aux étudiants quels sont les services aux étudiants? Généralement, ils vont vous parler des prêts-bourses, de l'information pour les résidences et j'en passe. Ce dont ils ont besoin, ce sont des services pratiques demain matin et ensuite, la participation, c'est une autre question. Il est certain que vous soulevez là une question fort intéressante et il y aura lieu d'essayer d'y remédier. M. Boucher.

M. Boucher (Serge): Je voudrais ajouter un petit mot en réponse à votre question. On a parlé beaucoup d'évaluation. Je pense que c'est un domaine où les étudiants peuvent jouer un rôle important, particulièrement en ce qui concerne l'évaluation de l'enseignement. Maintenant, il faut que ce soit fait avec beaucoup de mesure et de méthode. Il faut faire attention. Il y a des excès parfois. Des étudiants peuvent blâmer un professeur parce qu'il est trop exigeant. Cela ne veut pas dire que le professeur n'est pas bon.

Mais, avec des questionnaires qui sont vérifiés, qui sont testés, améliorés, on pourrait avoir quand même, dans l'ensemble, sauf pour des cas extrêmes, une excellente idée de la valeur de l'enseignement qui est donné par les réponses des étudiants à ces questionnaires. C'est un domaine où on devrait beaucoup utiliser leur participation. Actuellement, on ne le fait pas.

Je pense que, pour le faire, l'initiative, l'encadrement ou, enfin, la directive pourrait venir des conseils d'administration s'ils étaient aptes à vraiment gérer leur collège.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question touchant l'évaluation. J'ai cru comprendre que vous insistiez beaucoup pour dire que les possibilités d'évaluation de l'institution ou des différents services à l'intérieur du collège étaient reliées à la possibilité, pour le conseil d'administration, de pouvoir fonctionner d'une façon adéquate.

Est-ce que vous avez voulu dire par ça que, tels qu'ils fonctionnent présentement d'une façon générale ou là où ils créent des problèmes, c'est que les personnes qui... Vous n'avez pas le temps de vous attacher aux questions d'évaluation ou vous éprouveriez trop de résistance de la part de certaines composantes du conseil d'administration?

Mme Blackburn: Ce serait, voyez-vous, je pense, un débat à ne plus finir autour d'une table que de parler, par exemple demain matin, d'évaluation des enseignements. C'est causé par cette espèce de contexte ou de rapport de force où on perd de vue l'objectif d'un collège. On finit par prendre la table du conseil d'administration com- me étant une table de négociation où plus on en tire, mieux on s'en porte, et ce n'est plus le lieu où on devrait se concerter pour assurer ensemble une meilleure qualité d'enseignement et une meilleure qualité de vie. C'est malheureux, parce que c'est la situation, ce qui fait que, si on abordait... Parce que ça nous est arrivé aussi, à titre personnel, dans le collège, d'aborder ces questions d'évaluation et de déplorer le fait qu'on évalue, par exemple, un cadre, en tout cas, quand ça fait trois ans qu'il est là, pour dire qu'il y a une évaluation plus serrée... Quand c'est au moment de renouveler son contrat, on dit: Ce n'est peut-être pas le temps. Il aurait peut-être fallu corriger ce qu'il y avait à corriger en cours de route. C'est la même chose pour les enseignants, mais, du moment que vous parlez d'évaluation et même d'évaluation de l'étudiant, attendez un peu quand on en reparlera comme il faut, mais je vous assure que... Étant donné que tous ces gens participent... Au conseil d'administration, ce sont des questions qui sont quasi inabordables, elles sont taboues et, compte tenu aussi, comme le soulignaient cet après-midi les parents, que certains socio-économiques, au niveau de l'assiduité, certains parents aussi, à un moment donné, en bons Québécois, ont leur voyage et ne reviennent pas... Ce qui fait que l'interne se ramasse majoritaire et qu'avant de le faire remplacer, comme on sait que parfois c'est un peu long, cela a posé aussi certains problèmes. Ce sont des questions qui ne s'abordent pas au conseil et qui, à mon sens, devraient l'être.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si c'est une question qui est totalement de votre ressort. En tout cas, je la risque. Quels seraient pour vous les objets d'évaluation "normaux" d'un collège? Si on fait l'évaluation d'un collège, quels seraient les objets plus précis qui, selon vous, devraient faire l'objet d'évaluation?

Mme Blackburn: Je pense que M. le ministre l'a dit tout à l'heure. Il faudrait d'abord redéfinir les objectifs et, ensuite, on pourra se permettre de s'évaluer. Il faudra aussi se donner des outils.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Les minutes tournent très vite. C'est bien dommage. Les groupes qui se succèdent nous apportent un éclairage différent qui permet, je crois, aux membres de cette commission de se mieux renseigner avant de passer à l'action pour l'étude des projets de loi 24 et 25. (22 heures)

Je voudrais simplement toucher deux ou trois points qui ont déjà été abordés, mais je vous demanderais des réponses très brèves. Je ne veux pas que vous entriez dans des détails, dans des cas de personnalité ou de difficulté de tel ou tel collège.

Vous parliez, au début, de mauvaise entente dans les moments de crise, à l'intérieur des collèges. Ces conflits concernent des groupes qui sont reliés dans les collèges. Je voudrais savoir quel genre de conflits — sans entrer dans les détails de tel événement — que les conseils d'administration rencontrent avec les autorités, avec la direction du cégep, des différents cadres?

Mme Blackburn: Pour répondre à cette question, si vous le permettez, M. le Président, je donnerai la parole à M. Fortier.

M. Fortier (Richard): M. le Président, je crois qu'un exemple, qui est à notre mémoire et à la mémoire de probablement tout le monde ici, ce sont les débrayages des étudiants à propos de la question prêts et bourses qu'on a connue l'automne passé.

Quand presque tout a rentré dans l'ordre, il a fallu voter des prolongations de session ou des façons de récupérer. Quand vous avez un point à l'ordre du jour d'une réunion de conseil d'administration où on va débattre la possibilité d'allonger une session ou bien de récupérer l'enseignement qui a été perdu pendant la grève, vous avez des blocs qui s'opposent, vous avez des professeurs qui veulent bien récupérer, pour autant qu'ils soient payés; vous avez l'administration qui ne veut pas payer de récupération, parce que ça entraîne un déficit pas financé, et il faudra couper ailleurs; vous avez des étudiants qui ont, eux, leur emploi d'été ou leur voyage ou autre chose de prévu.

C'est un exemple parfait de conflit de bloc, dans un conseil d'administration, qui s'est produit récemment.

M. Le Moignan: Est-ce que les conseils d'administration pourraient se doter d'outils ou de mécanismes qui leur permettraient d'essayer de régler ce genre de conflit ou bien si c'est très difficile pour vous dans le moment?

Mme Blackburn: On en revient toujours à la composition; ça devient difficile parce que ça fonctionne par rapport de force. Si l'interne est plus pesant que l'externe, certains groupes font des alliances, comme on le disait, et on renverse la décision.

Sur un autre point, une question, par exemple, de récupération. C'est que les enseignants, qui avaient débrayé, ont dit: Oui, on récupérera, si vous nous payez pour la récupération; sachant qu'ils sont quand même payés et disponibles au collège jusqu'au 22 juin. Cela nous apparaît quelque chose d'assez surprenant, d'assez essoufflant.

Il est arrivé aussi dans certains collèges — là-dessus, je pense que MM. Paiement et Fortier ont vécu des expériences particulières — qu'on se vote des mesures qui étaient susceptibles d'entraîner des déficits, comme, par exemple, payer des journées de récupération où on disait: Cela ne sera pas payé, ça va nécessairement entraîner un déficit; le poids était plus grand de ce côté, ça se votait et c'était un déficit. C'est le genre de difficulté que pose l'actuelle composition.

M. Le Moignan: Quand vous dites que la majorité des directeurs généraux ou des directeurs des services pédagogiques se méfient un peu des conseils d'administration; y a-t-il quelque chose à faire pour changer cette perception?

Mme Blackburn: Évidemment, c'est un peu tout ce poids de l'interne. On retrouve toujours ces conflits de l'interne autour de la table du conseil d'administration. Donc, ces gens qui ont à administrer quotidiennement s'arrangent pour en amener le moins possible. Il ne faut pas leur en vouloir.

M. Boucher (Serge): Ils sont exactement dans la position d'un gouvernement minoritaire; ils ne savent jamais si, quand ils vont arriver au conseil d'administration — ou en Chambre — ils vont avoir l'appui de la majorité. Donc, dans la composition actuelle des CA, un directeur général peut prendre des décisions qui sont de son ressort, qui sont cohérentes, qui sont logiques sur le plan administratif et il peut se faire renverser par un hasard de circonstances, parce qu'il y a deux absences, des alliances ou parce que les parents comprennent mal la logique administrative qu'il invoque et qu'ils sont sympathiques à un argument des professeurs qui les touche plus particulièrement. Ce sont des choses qui arrivent. Alors, devant une incertitude comme celle-là, c'est tout à fait normal de leur part, autant les directeurs généraux que les directeurs de services pédagogiques, de se prémunir, d'avoir des stratégies et de diriger leurs collèges, parce qu'en Chambre, aux CA, ils sont minoritaires. Ils sont devant, en fait ils font partie d'un gouvernement qui est minoritaire, ils ne savent jamais s'ils vont survivre; c'est aussi simple que ça.

M. Le Moignan: Finalement, vous avez posé une question à laquelle personne n'a répondu. Je vais vous la poser et la deuxième partie s'adresse au ministre, d'autant plus que le ministre n'est pas là depuis dix ans. Vous dites: "Quand a-t-on vu le ministère s'adresser aux conseils d'administration en temps de crise?" Est-ce que les conseils d'administration ont fait appel au ministère ou au ministre? Des crises, il n'y en a pas seulement depuis deux ans et demi, M. le ministre me comprend. Il y a le ministère qui est là depuis dix ans. Alors, quelle est votre réponse et quelle est la réaction du ministre, ensuite?

Mme Blackburn: La première question était: "Quand...

M. Le Moignan: Vous dites: "Quand a-t-on-vu le ministère s'adresser aux conseils d'administration en temps de crise? Des crises il y en a eu depuis déjà des années..."

Mme Blackburn: Oui, on a un peu souligné cela. À un moment donné, il y a eu cette recherche

à savoir qui représentait vraiment un collège? Est-ce que c'était le directeur général ou le président du CA? Après de nombreuses discussions, on s'est dit que, compte tenu de la loi actuelle, ce n'était pas plus l'un que l'autre qui était — parce que les rôles n'étaient pas suffisamment définis — mieux mandaté pour représenter. Dans la pratique, ce sont les directeurs généraux qui ont, depuis 1972, peut-être, pris l'initiative en modifiant la composition de la fédération où ils composent l'assemblée générale de la fédération.

Il faut dire également le ministère, lorsqu'il a à s'adresser à un collège, exception pour certaines questions plus politiques, s'adresse au directeur général.

L'autre question...

M. Le Moignan: L'autre question, je la dirigeais plutôt du côté du ministre, mais le ministre n'est pas obligé de répondre; il peut répondre s'il le veut.

M. Morin (Sauvé): Non, il faudrait que l'on fasse l'histoire des interventions du ministre auprès des conseils d'administration. L'expérience de mes deux ans et demi, c'est que je me suis adressé aux présidents de conseils d'administration. M. Paiement peut en témoigner, je n'ai pas eu d'autres démarches que celle-là. Ce n'est pas que j'aie voulu exclure les directeurs généraux, à l'occasion j'ai eu à m'entretenir avec eux de problèmes, mais spontanément, c'est aux présidents des conseils d'administration que je me suis adressé en temps de crise et, d'ailleurs, eux-mêmes sont venus me voir directement et nous avons traité de ces problèmes à ce niveau.

Mme Blackburn: Je reviens peut-être à la deuxième partie de la question. C'est qu'à l'occasion, plus souvent qu'autrement, les conseils s'adressent au ministre. Je pense que, sur cet aspect, vous avez tout à fait raison.

Toute cette question ce soir — et il semblait qu'on l'avait un peu oubliée — pose en son entier le problème d'autonomie des collèges et de décentralisation.

M. Boucher (Serge): II y a peut-être une nuance à apporter à la réponse du ministre et c'est strictement dans un but de bonne information. Quand vous avez des crises dans un collège particulier, cas de Limoilou, vous vous êtes adressé effectivement au président du conseil d'administration, mais quand vous avez eu une crise qui a touché plusieurs collèges, sinon la majorité, comme, par exemple, les débrayages d'étudiants relativement aux prêts et bourses, vous avez rencontré à ce moment-là et vous avez convoqué à Québec les directeurs généraux et non pas des gens mandatés par les conseils d'administration. Ce n'est pas un reproche, on analyse une situation.

M. Morin (Sauvé): Ce sont les directeurs généraux cette fois qui avaient demandé à me rencontrer et avec lesquels je me suis entretenu, c'est un fait. Pour être complet, c'est exact. On parlait dans la question du député de Gaspé, d'un état de crise dans un cégep en particulier. Dans ces cas-là, c'est au président du conseil d'administration que je me suis adressé.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Le Moignan: La question était vague...

M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai essentiellement deux questions, mais je ne peux pas promettre que ça va être seulement deux, parce que ça dépend des réponses. La première, c'est à partir de toute cette question des internes, des externes, de la participation de la documentation inépuisable qui existe là-dessus, y compris le programme du Parti québécois auquel vous faites allusion dans votre mémoire. On parle de cogestion, c'est une cogestion à deux paliers, ce qui fait une drôle de cogestion, parce qu'on parle de cogestion professeur-étudiant, on parle de quelque chose qui semblerait être la cogestion interne-externe. Comme vous le voyez, le programme du parti n'est pas une bible. On peut y avoir une certaine naïveté. À cet égard, madame, ne vous réjouissez pas trop vite. Je parle à Mme le député et non pas à Mme la présidente des présidents.

Je reviens à Mme la présidente des présidents. Je me demande, à partir d'observations très courantes sur les méthodes d'administration qui existent dans toutes sortes de domaines, s'il n'y a pas une confusion quant au rôle du conseil d'administration des cégeps. On voit s'y dérouler des conflits, d'après ce que vous nous dites, on voit s'y discuter des questions de gestion interne qui sont presque de la gestion au jour le jour.

Or, dans des organismes, des corporations, des compagnies, des entreprises, tout ce que vous voudrez, il existe une chose qui est plus proprement de gestion interne qui peut s'appeler un comité exécutif, un comité de gestion, mais il me semble qu'il y a là une confusion. S'il y avait une entente claire sur le rôle à l'intérieur de chaque cégep d'un comité exécutif, est-ce qu'à ce moment-là on ne pourrait pas, à partir de ça, mieux s'entendre sur le rôle et la composition du conseil d'administration? Je ne sais pas si mon impression est exacte, mais je me demande s'il n'y a pas beaucoup de flottement ou de différence d'un cas à l'autre par rapport à cette structure que j'appelle un comité exécutif. Est-ce qu'il n'y a pas une grande variété, un certain flottement?

Mme Blackburn: II y a, M. le Président, effectivement d'un collège à l'autre des différences assez importantes par rapport aux mandats qui sont dévolus au comité exécutif. Comme les mandats dévolus au comité exécutif le sont par le conseil d'administration, vous aurez compris qu'il n'est pas facile d'y référer les questions qu'une certaine partie du conseil d'administration souhaite voir à la table du conseil d'administration. Vous

voyez que cela n'est pas aussi simple que ça le paraît au premier abord.

M. Paiement: Juste un petit commentaire supplémentaire, parce que je l'ai vécu ça aussi. Précisément à cause de cette composition du conseil d'administration, je me suis retrouvé avec un exécutif formé de deux enseignants, d'un étudiant, du directeur général et du président. Vous pouvez imaginer que le conseil d'administration, dans un cas comme celui-là, n'est pas très porté à déléguer des pouvoirs à l'exécutif, je pense avec raison aussi. C'est simplement à titre d'exemple supplémentaire.

M. de Bellefeuille: Autrement dit, ma première question ne débouche pas sur grand-chose, en ce sens que, si on ne règle pas ce qui, d'après votre mémoire, est un espèce de crise des conseils d'administration, on ne pourra pas régler... c'est-à-dire que le rôle du comité exécutif n'est pas un élément de solution à ça. Il faudra faire face à cette crise en elle-même.

Ma deuxième question, je l'adresse particulièrement à Mme Eisenberg pour lui demander, par rapport à tout ce qui s'est dit, si la situation est nettement différente dans les cégeps anglophones, tels qu'elle les connaît, en particulier au cégep Vanier, ou si c'est essentiellement la même chose.

Mme Eisenberg: Si je comprends bien votre question, M. de Bellefeuille, vous voulez savoir s'il y a des différences entre les deux, francophones et anglophones.

M. de Bellefeuille: Quant au problème dont nous sommes en train de discuter. (22 h 15)

Mme Eisenberg: Non, c'est exactement la même chose. Mme Blackburn a déjà décrit le questionnaire que nous avons fait, le sondage que nous avons fait. Et les réponses étaient du même aspect. On a pris conscience de tous ces détails. C'est la même réponse.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, j'écoute avec beaucoup d'intérêt la discussion depuis tout à l'heure et j'avoue que je cherchais intensément, avec tous les membres de la commission, les issues, la problématique, et l'aboutissement, qui nous permettraient de dégager les modèles d'administration qui devraient être retenus. J'avais vaguement l'impression qu'on restait un peu tous à la barrière, au niveau d'une analyse de problématique, au niveau d'un diagnostic relativement sévère de la situation qui vous amène à conclure, notamment, que vu sous tous les angles, c'était textuellement ce que vous exprimiez. Le bilan des conseils d'administration est largement négatif.

Vous postulez vaguement, pas très loin, je pense, la manière dont cela pourrait se solutionner. Vous le formulez au niveau des principes. Tout à l'heure, on recevra la Fédération des cégeps et, pour avoir parcouru rapidement leur mémoire, j'ai l'impression qu'on s'en tient encore à une question de principe et qu'on hésite à entrer dans le détail de ce qu'il faudrait faire plus loin.

Par exemple, la notion du pouvoir participa-toire. Vous avez dit: Ce n'est pas la question de nier le droit, c'est un acquis dans le réseau québécois. On en est fier, mais c'est une question de lieu de pouvoir. Ceci dit, je souhaiterais que la réflexion soit continuée. C'est peut-être même une invitation que je vous lance, je ne sais pas de quelle manière le ministre tirera les conclusions des suites de la commission parlementaire, mais il m'apparaît que, notamment, l'assemblée des présidents que vous êtes aurait pu aller plus loin et pourrait peut-être encore aller plus loin. Si vous pouvez réagir rapidement à ma...

Mme Blackburn: Je peux rapidement vous dire deux choses, c'est que c'est à la fois une question de lieu et de poids. Le lieu, je m'explique. On a dit: II y a divers lieux et les collèges ne sont pas créés pour la participation, mais bien pour d'autres objectifs, et la participation est un moyen. On est allé, je pense — peut-être que cela vous a échappé — mais ce qu'on propose comme solution, c'est de diminuer le poids de l'interne. Cela nous semble être la solution, parce qu'on ne peut pas exclure, à notre avis, une gestion participa-toire. Toutefois, il faut en réduire le poids pour rendre ce système administrable, administrable en ce sens qu'on administre en vue d'assurer la protection du bien collectif dans des enseignements de qualité.

Par rapport au lieu, on se dit que l'interne aurait aussi avantage et, déjà, participe à d'autres lieux à l'intérieur du collège, qui sont beaucoup plus près des actes pédagogiques et qui les concernent directement et dans leur quotidien. On devrait privilégier ce type de participation.

M. Gosselin: Et peut-être aller plus loin que les modèles qui existent à cet égard?

Mme Blackburn: Et peut-être se donner... On avait déjà évalué la possibilité de créer deux autres lieux de participation à l'intérieur d'un conseil. Si, par exemple, on pensait à un conseil d'administration largement composé d'externes, on aurait pu penser à l'intérieur, à l'interne, un conseil des études et un conseil de la vie étudiante, par exemple, qui aurait été composé largement de l'interne et qui aurait pu prendre des décisions. Ce modèle avait aussi été évalué, mais comme c'était tout à fait neuf et que cela supposait une nouvelle réflexion sur la question, on ne l'a finalement pas apporté. Il y a deux intervenants.

M. Paiement: Je voudrais simplement ajouter aussi que dans l'élaboration de notre mémoire, il fallait tenir compte des expressions d'opinions qui

nous avaient été transmises lors du sondage. C'est clair, en ce qui me concerne personnellement, j'aurais opté pour un conseil d'administration composé de gens de l'extérieur, mais avec des mécanismes de consultation et de participation des gens dans le collège lui-même, une espèce de commission. C'est une opinion bien personnelle, qui n'était pas reflétée dans le sondage auprès des conseils d'administration.

Évidemment, il nous fallait opter à ce moment-là, pour refléter l'opinion de l'ensemble des membres et c'est pour cela qu'on en arrive à une solution peut-être un peu difficile — je le reconnais très bien — pour le gouvernement. C'est un certain éclairage, mais j'ai l'impression qu'il ne faudrait pas suivre la réflexion, comme vous le mentionniez tout à l'heure.

M. Boucher (Serge): J'aurais voulu ajouter un mot là-dessus. Quand même, dans l'illustration que nous faisons de notre principe, il demeure qu'il y a 7 votes sur 19 qui sont dévolus à des gens qui sont à l'intérieur du collège. Il me semble que ce n'est pas rejeter, loin de là, la gestion participative, bien au contraire. Seulement, je pense qu'on la rend malléable et fonctionnelle, mais on ne la rejette pas. Je pense qu'on est encore à l'avant-garde. On a vu, entre autres, le Collège Algonquin où il n'y a personne de l'interne. On est à l'avant-garde des Américains, à l'avant-garde des Onta-riens. Pour ce qui concerne la participation, il n'y a pas d'inquiétude à avoir avec 7 sur 19. De là à aller à 10 sur 19, c'est dépasser le bons sens.

M. Gosselin: Je retiens qu'il vous apparaît à tout prix essentiel dans le principe de responsabilité pour les conseils d'administration d'obtenir une représentation majoritaire— vous nous signalez les deux tiers — significativement majoritaire d'éléments de l'extérieur.

Une voix: Oui.

M. Gosselin: J'aurais aimé aussi savoir si le mode de désignation des membres de l'extérieur actuellement vous apparaît satisfaisant. C'est une autre grosse question aussi. La définition des termes socio-économiques notamment et le mode de consultation qui prévaut à la désignation des membres du conseil d'administration, des gens de l'extérieur, est-ce que vous pourriez un peu aborder cette question-là?

Mme Blackburn: Avant de répondre, en tout cas avant de tenter de répondre à votre question, M. Fortier voudrait peut-être terminer sur la première intervention.

M. Fortier: Oui, si vous permettez, brièvement. Un point, je pense, couvrait votre question. À l'intérieur du collège, il y a un organisme très important depuis le début du collège, qui s'appelle la commission pédagogique. Parmi les solutions dont Mme Blackburn m'a parlé qui ont fait l'objet d'analyses, il y avait cette possibilité, pensant à un conseil d'administration qui était majoritairement composé de l'externe, de pouvoir établir de nouveaux liens avec des mécanismes à l'interne dont particulièrement la commission pédagogique.

Je dois dire que, pour des gens de l'extérieur comme les présidents, c'est assez difficile de discuter avec pertinence et avec toutes les données du problème du sort et du devenir du partage des juridictions à l'interne, étant donné en bonne part que cette commission pédagogique est un peu soustraite, en pratique pour beaucoup de personnes, du conseil d'administration en ce sens que sa composition — je dirais, non pas son statut, parce qu'il reste quand même dans la loi actuelle — ce qu'elle est devenue en pratique et l'utilisation qu'on en fait est beaucoup plus discutée via les conventions collectives et, en ce sens-là, ce n'est pas pour le regretter, mais c'est pour constater que c'est une entité, c'est un mécanisme que les membres du conseil d'administration et particulièrement ceux de l'externe, ont un peu de difficultés à considérer, vis-à-vis duquel ils ont un peu de difficultés à se situer. Je pense que c'est un peu ce qui rendait difficile à courte échéance une considération plus poussée de ce partage possible et nouveau des juridictions à l'interne étant entendu que ce postulat qu'on proposait, à savoir une composition majoritairement de l'externe, appelait vraisemblablement de nouvelles relations à l'interne pour donner aux gens de l'interne des pouvoirs réels ce sur quoi ils sont particulièrement compétents et ce pourquoi ils oeuvrent dans le collège.

Mme Blackburn: Vous permettez que je réponde à votre question ou que je tente de le faire. Vous aviez deux parties à la question, à savoir comment on définissait ou si le terme socio-économique avait déjà été défini. C'est à la fois large et très vague. Je dirais que, même d'une région à l'autre, les groupes concernés devant être les groupes socio-économiques varient d'une région à l'autre.

Ce qu'on pourrait souhaiter, c'est que les nominations se fassent plus rapidement, comme on l'a dit tout à l'heure. Ce qu'on pourrait également souhaiter, c'est qu'il y ait une plus large consultation de groupes différents, de groupes d'intérêts différents également.

Je pense, entre autres, — cela me vient comme cela — aux comités de citoyens. Je n'ai pas l'impression qu'on ne se soit jamais adressé à eux pour savoir s'ils seraient intéressés à avoir des représentants. Il est évident qu'en tant qu'administrateurs on s'intéresse à ce que les représentants qui sont appelés à siéger au conseil d'administration couvrent le plus large champ possible de compétences. Bien sûr qu'il ne serait pas souhaitable de n'avoir que des représentants des comités de citoyens, comme il ne serait pas souhaitable de n'avoir que des représentants de la chambre de commerce. Au moment de ces nominations, il faudra voir à amener le plus grand nombre de compétences. Est-ce que cela répond un peu?

M. Gosselin: Oui, je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Madame, une chose que j'aime beaucoup dans votre présentation depuis que j'ai pris connaissance des mémoires et des projets de loi, c'est un problème qui concerne beaucoup le domaine de l'éducation et le domaine social. Je pense que votre témoignage vous a porté justement vers des voies de solution qui s'inspirent beaucoup plus du vécu des choses que vers des solutions souvent un peu faciles que dans l'administration publique on imagine presque naturellement, c'est-à-dire de pouvoir régler des problèmes aussi réels que ceux que vous exprimez par des modifications de structures. Je pense qu'on a, dans votre mémoire, un témoignage éloquent de cette chose, parce qu'à travers votre analyse, à partir du vécu des situations concrètes, les mots "prise en charge des responsabilités par les collèges", le mot "décentralisation" et même tout le problème de l'évaluation à partir de critères de performance trouvent une signification beaucoup plus concrète. Quant à moi, je pense que c'est une façon de voir qu'on devrait promouvoir davantage à l'intérieur de l'administration publique, d'autant plus au sujet des collèges. Lorsque le ministre a affirmé d'une façon un peu péremptoire que la gestion participatoire ne saurait être remise en question, cette gestion participatoire, il faut comprendre qu'elle est venue dans le contexte du détour des années 1968 et 1970, dans un contexte socio-politique, d'ailleurs, qui débordait largement le Québec. On sait tout ce qui est survenu, la participation, enfin, les problèmes qu'il y a eu en particulier avec les étudiants. Même le rapport Castonguay-Nepveu, pour déboucher un peu au niveau des CLSC également... Aujourd'hui, à l'expérience, on s'aperçoit qu'à certains égards cette gestion participatoire peut être assez paralysante dans le domaine social et vous nous apportez le témoignage que dans le domaine des collèges et de l'enseignement cela pose aussi des difficultés très grandes. Ce que j'aime dans votre mémoire, c'est que tout en favorisant l'idée de participation... du côté du gouvernement, c'est curieux, mais lorsqu'il s'agit du domaine économique, par exemple, la gestion participatoire n'est nullement présente dans sa loi, peut-être que c'est une bonne chose, on l'applique simplement au domaine social et au domaine de l'éducation. On voit les difficultés concrètes que cela pose.

J'aurais deux questions précises là-dessus. Est-ce qu'à votre avis, compte tenu des discussions qu'on a eues ce soir, la réforme des collèges qui fait suite aux propositions du ministre et à toutes les consultations que le ministre et le ministère ont menées, vous paraîtrait — c'est une des conclusions, à tous égards, que je tire de votre témoignage — quelque peu compromise si on refusait, si l'Assemblée nationale ou, enfin, le gouvernement refusait de faire en sorte que les conseils d'administration soient modifiés dans le sens que vous évoquez? C'est ma première question.

Mme Blackburn: Je pense que nous l'avons exprimé de façon assez claire. On est peut-être allé un peu plus loin en disant que M. le ministre doutait de l'efficacité des conseils lorsqu'il proposait d'augmenter ou de s'assurer par règlement d'une saine gestion. C'est ce qui nous fait dire que, si le projet de loi était adopté tel quel, pour nous cela compromettrait sérieusement cette réforme qu'on annonçait dans l'enseignement collégial. C'est notre avis. (22 h 30)

M. Rivest: Ceci étant votre point de vue — deuxième question — est-ce qu'il vous apparaît que le milieu, que vous représentez, les conseils d'administration, bien sûr, il y a les enseignants, les étudiants qui pourraient avoir d'autres points de vue, est-ce que le milieu, d'après vous, vous paraît prêt — je ne vous demande pas de parler pour les autres, juste donner votre sentiment — à accepter une réforme dans le sens de celle que vous proposez? Je fais peut-être référence à la remarque du ministre qui disait: Peut-être que si on acceptait ça, cela créerait plus de problèmes ou peut-être plus d'antagonisme qu'on en a actuellement.

Ma question est la suivante, parce que cette question n'a peut-être pas été analysée à fond avec les autres intervenants du milieu, est-ce qu'il vous apparaît qu'il y a vraiment urgence pour qu'à cette période-ci de l'année, on doive faire une réforme qui, pour vous et aux yeux mêmes des gens du milieu, j'en suis aussi convaincu, a une signification aussi grande quant à l'avenir des collèges au Québec?

Mme Blackburn: La première partie de la question, à savoir comment réagiraient les autres groupes? Compte tenu que le conseil est devenu cette espèce de lieu où s'exercent les rapports de force et qui permettent finalement une certaine paralysie des choses en attendant que ça se règle ailleurs ou à d'autres niveaux, il est certain que je suis à peu près convaincue, sans les avoir entendus, que certains groupes des collèges qui viendront demain ne favoriseront pas nécessairement cette formule, c'est certain.

Est-ce que cela amènerait des conflits tels que la proposition qu'on fait perturberait le réseau? Cette dimension politique ne nous a pas échappé, le geste qui fait une espèce de recul sur la gestion participatoire, cette dimension ne nous a pas échappé. Elle ne nous semble pas, toutefois, aussi dramatique qu'elle pourrait l'être à première vue, parce que depuis un temps déjà, dans certains collèges, pour ne pas dire dans la majorité, certains groupes prétendent que, finalement, dans les conseils d'administration, il se règle si peu de choses que ce n'est pas si important d'y être, et certains groupes viennent au conseil pour se prononcer uniquement sur des questions pour lesquelles ils ont été mandatés.

Est-ce que ça créerait une perturbation très grande et, si la question était clairement posée, est-ce que ça pourrait compromettre les négociations? Évidemment, je ne suis pas voyante. Je ne

pourrais pas vous dire, mais comme ça, à bout de nez, je n'ai pas l'impression que ça ferait tellement de chahut.

M. Rivest: Est-ce qu'au fond, si le gouvernement, compte tenu de l'expérience des collèges, et j'ai parlé de celle aussi des CLSC, si le milieu pouvait avoir une connaissance directe et formelle d'une volonté politique quelconque du gouvernement ou de l'Assemblée nationale de vraiment essayer de faire en sorte que ces espèces de souverainetés, au fond, jalouses, qui s'expriment sur le plan syndical ou des étudiants, etc., au niveau des conseils d'administration, que ces souverainetés jalouses finissent peut-être par rendre le fonctionnement des conseils d'administration, enfin, finissent par compromettre, finalement, les conseils d'administration, si le gouvernement vous paraissait vraiment conscient de cette réalité et qu'il l'indique au milieu, est-ce que le milieu accepterait de bonne grâce que l'on puisse y penser deux fois avant de simplement accepter pour régler le problème ou, enfin, tenter de régler le problème des collèges, des modifications de structures telles que le proposent les projets de loi que nous étudions en ce moment? Est-ce que ça vaudrait la peine, à votre point de vue, de retarder peut-être quelque peu cette espèce de mise à jour ou de réorientation des collèges pour aborder une question aussi fondamentale que celle que vous avez développée devant nous ce soir?

Mme Blackburn: Je dirais — dans ce sens-là, j'abonderais presque dans le sens de M. le ministre — c'est que la réforme tant attendue, qui ne va pas dans le sens qu'on attendait évidemment, en tout cas, pas sous tous ses aspects, à tout le moins.

J'aurais le goût de dire: Plus on retarde, plus ça se gâte, ça ne s'améliore pas. À savoir si, par exemple, on retardait et qu'on puisse entre-temps consulter les groupes, compte tenu du climat actuel, du climat des négociations et de tous ces enjeux, je doute fort qu'on réussisse même à faire un consensus — je ne dirais pas l'unanimité — sur de telles questions. Serait-il opportun de reporter cette décision? Je ne me prononcerais pas sur une telle question, mais, à mon avis, je ne vois pas que ça solutionne quoi que ce soit. Quoi que je devrais prendre l'avis de mes collègues là-dessus, on n'en a pas discuté, on a tenu pour acquis que ça devait être adopté au mois de juin.

M. Morin (Sauvé): Cela risquerait d'être reporté aux calendes grecques.

M. Rivest: Toujours en fonction de ce qu'il faut faire dans le milieu, vous seriez prêts, de très mauvaise grâce, sans doute avec beaucoup de regret, à ce que la gestion participatoire, dont on a parlé, continue d'aller son petit bonhomme de chemin et de paralyser, ainsi que vous l'avez décrit, le fonctionnement des conseils d'administration?

Mme Blackburn: Vous nous dites que nous serions prêts... Je m'excuse...

M. Rivest: Compte tenu des difficultés inhérentes à réaliser un consensus avec les intervenants, dans le milieu, autour des propositions que vous faites, — de mauvaise grâce sans doute et à regret — vous considéreriez que ce serait quand même un moindre mal par rapport aux inconvénients et aux difficultés qu'il y aurait de réaliser, dans le milieu, un consensus autour de vos propositions et en retardant un peu la réforme des collèges?

Mme Blackburn: Dans ma réponse, je retenais un peu l'ouverture que nous a faite, tout à l'heure, M. le ministre en disant qu'il faudrait peut-être voir s'il n'y aurait pas des choses. C'est ce que j'ai retenu.

Peut-être pour répondre à M. le ministre, si on reportait totalement toutes les choses, le moins qu'on pourrait conserver, c'est le statu quo, c'est peut-être mieux — en tout cas ça nous apparaît mieux — que ce qu'il y a actuellement comme propositions. Ce qui fait que, si on considère cet aspect uniquement, en oubliant les autres, ça ne serait peut-être pas si dramatique de laisser filer.

M. Boucher (Serge): M. le Président, je voudrais insister là-dessus. Dans nos discussions, on n'a jamais opté... on ne s'est jamais posé la question: Est-ce qu'on préfère le statu quo ou les propositions qui sont contenues dans le projet de loi 25? Mais, il ressort clairement de nos discussions que nous préférons le statu quo, en ce qui concerne les conseils d'administration, à ce qui est proposé dans le projet de loi 25. En ce sens, reporter cette partie de la réforme aux calendes grecques, c'est mieux que ce qui est proposé.

M. Rivest: Ah, bon!

M. Boucher (Serge): Mais on préfère qu'il y ait une réforme dans le sens que...

M. Rivest: Oui, d'accord. Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord saluer ces gens de chez moi, notamment mon président, si vous le permettez.

Il y a, je crois, dans le débat, ce soir, des éléments qu'on a oubliés. Je voudrais, si vous permettez, réaligner complètement le débat à partir du projet de loi 25. On pourrait toujours rêver d'une composition idéale, on pourrait toujours revenir à la composition actuelle, à la loi 21 et on pourrait jouer aux dominos tout la nuit.

Je crois qu'il y a dans le projet de loi 25, l'article 5 qu'on a oublié. Si vous me permettez, je vais lire — en diagonale — le changement proposé à l'article 12 de la loi 21: "Cependant, un membre du personnel d'un collège qui fait partie du con-

seil ne peut pas prendre part aux délibérations, ni voter sur toute question concernant son engagement et ses conditions de travail ou celle de la catégorie d'employés à laquelle il appartient." On n'avait pas cela précédemment. De temps en temps nous essayons bien de fignoler une espèce d'aménagement, on essayait de faire voir au monde que c'était en conflit d'intérêts, mais là, c'est dit carrément.

La situation vient d'être infléchie. On pourrait, j'allais dire, à la limite avoir une très large majorité de gens de l'externe, sur précisément les aspects que, historiquement, on a reproché à ceux de l'interne, qui ne joueront plus maintenant, puisqu'ils n'auront plus droit de vote sur leur propre condition. Premier élément de réflexion.

Deuxième élément de réflexion: La proposition que vous nous faites, au fond, est de placer 12 membres de l'externe sur 19. Les conditions actuelles, il s'agit de 11 membres de l'externe sur 19. La loi 25 prévoit 9 sur 19, un peu moins, effectivement, mais avec les prévisions de l'article 5 toutefois. Quant à la fédération des parents, ces gens nous ont proposé tout à l'heure 11 sur 20, c'est-à-dire un peu dans le sens de l'histoire ou dans le sens de votre proposition. Bon! Croyez-vous que, peu importe qu'il y ait participation majoritaire ou minoritaire, que ce soit, en somme, le projet de loi 25, le statut actuel ou votre proposition d'une conférence des présidents, avec la provision 5, on soit suffisamment bien armé pour que, ce que vous avez appelé à juste titre ces conflits d'intérêts, cessent à l'intérieur des conseils d'administration?

Mme Blackburn: Sans vouloir jouer de mauvaise foi, j'avais souligné précisément cette partie de l'article et ces conditions de travail et celles de la catégorie d'employés à laquelle ils appartiennent. Si on adoptait à la lettre une telle chose, on pourrait dire qu'on exclut a priori toute personne de l'interne sur toutes les questions parce que chaque fois qu'on aborde une question, qu'elle soit de budget, qu'elle soit de pédagogie, qu'elle soit de qualité de l'enseignement, qu'elle soit de services à la collectivité, les gens — si on parle de l'éducation aux adultes, qui impliquera une plus grande disponibilité, toutes ces questions, finalement — cela fait partie de leurs conditions de travail de demain. Cette provision qu'on appelle...

M. de Bellefeuille: Une clause.

Mme Blackburn:... une clause, m'apparaît, en tout cas... Je disais cela, si on la prend à la limite, on pourrait dire au directeur général qu'il n'a à se prononcer sur aucune question parce que ça règle son rythme de vie demain matin. Même chose pour les enseignants et on pourrait dire, à la limite, la même chose pour les étudiants, ce qui fait qu'on s'est souvent demandé, au conseil d'administration, chez nous: Est-ce qu'on devrait permettre aux étudiants de se prononcer sur le calendrier pédagogique? Est-ce qu'on devrait permettre aux enseignants — ils sont directement concernés par la décision demain matin... Ce qui fait que ça ne m'apparaît pas une garantie. Ce serait comme... Vouloir l'utiliser à la limite, ce serait presque les éliminer chaque fois des discussions.

M. Morin (Sauvé): Est-ce à dire, madame, que nous pourrions retirer cet article-là sans que vous ayez d'objections?

Mme Blackburn: Vous savez, c'est comme si... Retirer...

M. Boucher (Serge): Je l'interprète et je pense qu'il doit être interprété dans un sens restrictif. Dans le sens restrictif qu'on peut lui prêter, je pense qu'il a son utilité. Il est sage de le laisser là. Par exemple, si le collège négocie avec le Syndicat des enseignants des conditions particulières, des clauses particulières au collège dans une convention collective, je pense que l'article qui est là s'appliquerait à ce moment-là de façon précise et spécifique, mais il ne s'appliquera pas et il ne doit pas, je pense, s'appliquer dans un sens large. Le plus bel exemple, c'est le calendrier scolaire. Ce n'est pas une clause de la convention collective, mais le calendrier scolaire détermine quand les vacances des enseignants vont finir. Cela est très important pour eux et, à chaque année, il y a des interventions qui sont intéressées, qui sont en fonction d'un horaire de vacances idéal. Je pense que la clause en question ne s'appliquerait pas; malheureusement, c'est un sujet où les intérêts particuliers jouent.

Alors, au fond, c'est un détail technique. Ce n'est pas ça qui est fondamental. Je pense qu'on a assez bien décrit en longueur que ce qui est important, c'est l'esprit dans lequel un conseil d'administration travaille, la capacité qu'il a de faire équipe, sa capacité de se donner des orientations et des priorités en dehors des intérêts des individus qui sont là. Cela est fondamental.

M. Fallu: Enfin, c'est précisément votre réaction que je voulais susciter parce qu'il aurait pu apparaître... Peut-être que c'est vraiment l'intention de la loi de compenser cet ajout de membres de l'intérieur par cette clause. Je reçois donc votre opinion.

Si vous permettez une petite parenthèse très brève pour passer deux messages. Il a été question, entre autres, de la nomination qui tardait énormément des membres du conseil. Vous avez remarqué que le projet de loi prévoit que ce n'est plus le Conseil des ministres, mais le ministre dorénavant. Donc, on saura dans le dos de qui pousser dorénavant.

D'autre part, vous avez remarqué également que, dans le projet de loi, chacun termine son mandat même s'il n'est plus qualifié, à savoir un parent nommé pour deux ans restera en poste deux ans. Le message étant terminé...

Je ne voudrais pas revenir sur la composition du conseil d'administration, c'était la question qui devait peut-être clore le débat là-dessus. Il y

aurait... Je ne veux pas abuser du temps quand même, mais, rapidement... L'article 7, notamment, sur la fonction des présidents. On sait que, dans la loi actuelle, il n'y a rien, il n'y a rien là non plus, sauf qu'on donne au moins un cadre administratif aux collèges, on les autorise à définir les fonctions du président. Vous êtes vous-mêmes les présidents, comment réagissez-vous devant l'article 7? (22 h 45)

Mme Blackburn: On le souligne dans le mémoire, ça nous paraît une amélioration considérable et, toujours, comme on le disait, si les conseils d'administration sont habiles à administrer, ça devient faisable, je pense qu'avec cet article, on pourra définir le mandat du président, et il nous paraît qu'on pourra aussi, à la fois, définir, bien partager les rôles entre le directeur général, ce qui revient à la direction générale et ce qui revient à un président. Pour nous, cela nous paraissait tout à fait acceptable.

M. Fallu: Cela permettra sans doute à chaque collège de se créer une personnalité qui lui soit propre.

Mme Blackburn: Qui lui soit propre, en retenant ses spécificités.

M. Fallu: II faudrait peut-être parler des sociétés, qu'importe, puisque vous n'en parlez pas, j'imagine que, si jamais ça accroche, quelqu'un d'autre saura en parler. Il faudrait peut-être parler du pouvoir d'enquête nouveau qui est ajouté au ministre dans la loi, notamment dans les matières se rapportant à la pédagogie. On n'en parlera certainement pas ce soir, on l'a évoqué rapidement tantôt. Il y a pourtant une dimension sur laquelle j'aimerais avoir votre point de vue. Je ne veux pas faire un discours, j'en aurai un à faire en deuxième lecture, si on m'autorise à le faire, si mon leader m'autorise à le faire.

Si le leader.

M. Rivest: C'est encore pire.

Une voix: Si le ministre vous le permet.

M. Fallu: Chez vous, c'est le whip.

Mme Lavoie-Roux: Chez nous, c'est l'intérêt des personnes.

M. Grenier: Question de règlement, j'interviens comme whip, d'abord pour le partage du travail de mon équipe-Le Président (M. Marcoux): Personnellement, je ne peux pas vous le permettre, vous n'êtes pas membre de la commission, je présume qu'il y a consentement...

Mme Lavoie-Roux: Consentement. M. Rivest: Consentement.

M. Grenier: Vous allez me permettre, comme whip, de partager mon travail, on commence trois semaines de travail intense et on se rend compte qu'on a encore trois mémoires qui nous attendent. Comme ça prendrait le consentement à minuit pour continuer le travail, soyez assurés que vous ne l'aurez pas de l'Union Nationale. On ne commencera pas les trois semaines à finir à 3 heures demain matin avec une équipe de dix personnes. Je pense qu'il serait peut-être bon qu'on sache où on s'en va, parce que je pense qu'on avait pris un arrangement, comme m'informe le député de Gaspé; on devait consacrer 45 minutes aux mémoires, j'ai l'impression qu'on a pris le double jusqu'à maintenant. C'est bien sûr qu'on a peut-être plusieurs questions à poser, mais il faut aussi agencer notre travail avec notre équipe. Je voudrais que vous sachiez tout de suite que ce n'est pas avec 15 minutes ou 20 minutes après minuit, ce ne sera pas une minute après minuit.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'informer les membres de la commission de votre intention.

M. Rivest: On regrette notre consentement, ça allait bien ici.

Le Président (M. Marcoux): Je suis assuré que les membres en tiendront compte. Quant à moi, je suis disposé à être plus strict sur le temps, mais dans la mesure où les membres de la commission le souhaiteront. Je présume que vous acheviez?

M. Fallu: Oui, M. le Président. Dernière question.

M. Rivest: C'est une invitation que le député de Mégantic-Compton vient de vous lancer.

M. Fallu: Dernière question. L'article 10 prévoit que, dorénavant, ce ne seront plus les fonctionnaires qui administreront par décret ou par consigne quelconque les collèges. Dorénavant, vous saurez que les règlements émaneront du ministre. J'imagine que vous êtes en accord.

Mme Blackburn: Écoutez, dans notre...

M. Boucher (Serge): Si vous voulez nous faire dire les points sur lesquels on est en accord, c'en est un. On ne voit pas de problème là.

M. Fallu: Merci.

M. Boucher (Serge): Mais ce n'est pas fondamental pour nous.

M. Fallu: Non, mais enfin...

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'avoir accepté de répondre à nos questions durant deux bonnes heures. Je pense que les

questions des députés illustrent l'importance attachée à votre mémoire, l'intérêt qu'il a suscité. J'inviterais maintenant un autre groupe à venir nous présenter son mémoire, la Fédération des cégeps.

Mme Blackburn: On remercie les membres de cette commission d'avoir voulu nous entendre et on espère que ça ne demeurera pas lettre morte.

M. Rivest: Le ministre a fait une petite ouverture, on verra.

Le Président (M. Marcoux): Et le député de Jean-Talon va le lui rappeler.

Je reconnais M. Laberge, le directeur général. Pourriez-vous vous présenter et présenter ceux qui vous accompagnent?

Fédération des cégeps

M. Lauzière (Benoît): Benoît Lauzière, directeur général du Collège de Maisonneuve, dont la totalité de la rémunération provient du collège de Maisonneuve, et président de la fédération. Il y a Louise Chené, permanente à la fédération, et Paul Lemire, directeur du cégep régional de Bourg-chemin, vice-président de la Fédération des cégeps.

Le Président (M. Marcoux): Et M. Laberge, directeur général de la fédération.

M. Laberge: C'est bien cela.

M. Lauzière: M. le Président, étant donné que le résumé du mémoire que je vais immédiatement présenter diffère dans le libellé et, pour certains points, ajoute au mémoire qu'on vous a déjà fait parvenir, je commencerais d'abord par demander de déposer, auprès du président et du ministre, un certain nombre d'exemplaires du résumé du mémoire, et je vous demanderais également que, tant le mémoire que le résumé, soient reproduits intégralement en annexe au journal des Débats.

Le Président (M. Marcoux): L'un ou l'autre? M. Lauzière: Le résumé du mémoire.

Le Président (M. Marcoux): À ce moment-là, cela va être automatique pour le résumé. Je suppose que les membres acceptent le dépôt du mémoire original au journal des Débats?

M. Morin (Sauvé): Volontiers, M. le Président. (Voir annexe).

M. Rivest: M. le Président, je voudrais faire une demande analogue au sujet du mémoire du Collège Édouard-Montpetit. Vous savez qu'il n'a pas pu se faire entendre. Est-ce que le ministre ou les membres de la commission auraient objection à ce qu'il figure en annexe au journal des Débats?

M. Morin (Sauvé): Oui, M. le Président, puisque, naturellement, comme ces gens n'ont pas comparu officiellement devant la commission, je pense qu'il ne serait pas légitime de procéder de la sorte. Mais, comme je l'ai dit, nous allons lire ce mémoire avec beaucoup d'attention.

M. Rivest: II ne figurera pas. Vous vous opposez?

M. Morin (Sauvé): Non, il ne figurera pas, puisqu'ils n'ont pas comparu devant la commission.

M. Rivest: Étant donné qu'ils sont venus ici, est-ce que vous ne pourriez pas, pour les fins du dossier...? Franchement, cela devient...

M. Morin (Sauvé): Non, d'autant que ce rapport n'a pas été soumis dans les délais requis et que tous les autres ont fait l'effort de soumettre leur rapport dans les délais requis.

M. Rivest: Je le demanderai demain.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on les a avisés à nouveau?

M. Rivest: On ne les a pas avisés à nouveau, parce que vous aviez dit vous-même que vous ne les aviez pas rejoints. Je trouve cela, franchement...

Mme Lavoie-Roux: C'est la démocratie... M. Rivest: C'est la gestion participatoire. Le Président (M. Marcoux): M. Lauzière.

M. Lauzière: Je donnerai, conformément au résumé du mémoire, quelques notes en manière d'introduction, avant de réagir plus ponctuellement aux projets de loi 24 et 25.

La qualité et le développement des cégeps intéressent au plus haut point la Fédération des cégeps et ce, depuis fort longtemps. Incorporée depuis 1969, la Fédération des cégeps, par la concertation qu'elle rend possible, et par les services diversifiés et souples qu'elle offre, contribue puissamment à la maturation de ces institutions plusieurs fois perturbées et dont les difficultés ne sont pas toutes venues de l'intérieur; à preuve ce qui nous amène ici.

Il n'était pas inutile de rappeler — d'autant moins inutile d'après les propos que j'entends déjà depuis quelques heures — que la Fédération des cégeps est le regroupement libre de tous les collèges publics du Québec et qu'à ce titre, elle est seule autorisée à parler au nom de l'ensemble des collèges; de là à être écoutée, l'histoire nous l'enseigne, il y a plus d'un pas.

Le mémoire que nous présentons aujourd'hui est le fruit d'une réflexion qui se poursuit depuis plusieurs années et à laquelle furent associés un

très grand nombre d'agents et d'officiers des collèges. Le congrès d'orientation de 1976 qui, comme tous les congrès d'orientation, réunissait, entre autres, cinq délégués de chaque conseil d'administration, s'était déjà penché sur les grandes orientations de l'enseignement collégial.

Des groupes multidisciplinaires ont, par la suite, analysé et approfondi les principales dimensions de ces niveaux d'enseignement. Le tout a fait l'objet de synthèses, elles-mêmes soumises à la consultation.

Le congrès d'orientation de l'automne 1978 était dès lors en mesure de préciser les volontés profondes des collèges, eu égard à leur développement. La fédération était donc bien préparée à comprendre le projet gouvernemental à l'endroit des collèges et à y réagir à partir d'une lecture continue du milieu, lecture dont l'essentielle qualité résulte de l'authentique enracinement de ceux et celles qui la font quotidiennement.

C'est justement cette lecture de l'évolution de ces institutions faite sous l'éclairage des principes fondamentaux qui inspiraient les pères de ce nouveau niveau d'enseignement qui fondent les réactions que nous vous communiquons aujourd'hui à la suite du dépôt des projets de loi 24 et 25.

Ce qui frappe, même à première vue, c'est que les principes en question, qui inspiraient les pères du nouveau niveau d'enseignement qui est le réseau collégial, inspirent d'autant plus les discours et les déclarations d'intention qu'ils ne fécondent plus les actions.

En effet, entre la distinction si importante aux yeux des auteurs du rapport Parent, distinction dans les fonctions devant caractériser les trois étapes de la direction du système scolaire et la confusion des rôles accrédités dans le projet de loi sur le Conseil des collèges, il y a un monde. Quand je parle évidemment des trois fonctions, des trois étapes de la direction, en citant à peu près de mémoire le rapport Parent, on parlait de la préparation des orientations d'ensemble en fonction d'une analyse des besoins immédiats et futurs, d'une autre étape qui s'appelait la discussion des projets de loi eu égard à d'autres dimensions, à d'autres problématiques socio-économiques et une troisième étape, l'application des lois par les organismes intéressés.

Entre la distinction si importante entre les fonctions de ces trois étapes et la confusion des rôles accrédités par le projet de loi sur le Conseil des collèges, il y a un monde. Entre le principe d'une autonomie accrue qui devait présider à l'existence et au développement des collèges et la si peu subtile tutelle qui caractérise le projet de loi modifiant la Loi des collèges, il y a un écart qui n'a cessé de se creuser depuis l'origine.

En haut lieu, on s'est à ce point habitué à la confusion des rôles et des responsabilités qu'on nous propose un Conseil des collèges dont une commission, la commission d'évaluation, dont tous les membres sont nommés par le ministre, a un rôle d'examinateur et de prestation de services, un genre de clinique Esso dont le propriétaire possède une station-service et qui est le principal conseiller en législation sur l'entretien des automobiles.

Pour ce qui concerne les collèges eux-mêmes, on est à mille lieux des intentions tant et tant déclarées de décentralisation, sauf la nomination — j'attire votre attention là-dessus, parce qu'il n'y a rien de changé là-dessus dans le projet de loi — du directeur général et du directeur des services pédagogiques et la désignation du président du conseil d'administration. Le collège n'a aucun pouvoir si ce n'est en vertu de l'approbation du ministre ou du lieutenant-gouverneur en conseil avant ou après le geste. L'incapacité d'agir présumée et la volonté d'intervention sont telles que le projet de loi prévoit une suspension des pouvoirs du conseil d'administration pour des fins aussi vagues que des actions ou absence d'action incompatibles avec la poursuite de ces fins: L'article 26a du projet de foi. Cette incapacité d'agir présumée n'est pas étonnante, puisqu'au nom d'une longue réflexion curieusement très résumée dans le livre blanc, le conseil d'administration serait composé majoritairement des membres provenant de l'institution elle-même. Une instance aussi inefficace que conflictuelle ne peut que préparer le terrain à l'intervention du ministre et à l'envahissement des fonctionnaires pour qui le vide n'a rien d'horrifiant.

L'actuelle Loi des collèges elle-même limitait déjà le champ d'ouverture dégagé par les auteurs du rapport Parent et les auteurs du chapitre IV du document de l'éducation no 3. Le vécu ministériel s'est chargé de restreindre davantage ce qui restait d'ouverture. Le projet de loi 25 pousse à bout ce mouvement de réduction et laisse voir ce qui arrive quand la mentalité de contrôleurs et bureaucrates remplace l'esprit des lois.

Nous voulons bien nous adonner à l'examen des principaux points de ces deux projets de loi en vue d'en souligner les faiblesses les plus importantes au cas où le pire arriverait, mais nous voulons surtout attirer votre attention sur le fait que ce sont de mauvaises voies à tous égards et que l'absence de situations d'urgence commande à notre avis le report nécessaire à leur mûrissement.

Voyons les choses de plus près quant à notre réaction aux deux projets de loi. Premièrement, le projet de loi 24, concernant la création d'un Conseil des collèges. En principe, la Fédération des cégeps — c'est déjà dans le mémoire principal, je le reprends ici — est d'accord avec l'existence d'un Conseil des collèges qui n'est que consultatif et ce, seulement auprès du ministre. (23 heures)

Le niveau d'intervention de ce conseil doit être bien situé et distingué des autres niveaux d'intervention. Il doit intervenir au niveau des orientations et des objectifs du réseau et non pas des institutions, selon l'article 13 du projet de loi, ce qui, entre autres, devrait avoir pour conséquence d'écarter les directions générales du ministère de ce champ de préoccupation. Ce que nous dénonçons depuis longtemps, c'est justement la confusion des rôles des différents intervenants.

Nous ne sommes pas d'accord avec les restrictions apportées par l'article 14 au nombre d'objets à propos desquels le ministre doit demander l'avis du conseil. Il devrait en être ainsi — l'obligation de consulter — pour tous les objets de règlement prévus à l'article 18 de la loi modifiée, sauf, évidemment, le paragraphe a). Puisque le conseil devrait être une instance de consultation auprès du ministre sur les questions relatives au réseau, nous nous opposons fermement à l'article 18 du projet de loi, création de la commission d'évaluation. Il nous semble que, compte tenu de la nature, des fonctions et du niveau d'intervention d'un tel conseil, c'est-à-dire le Conseil des collèges, il n'est pas normal de lui attribuer, a fortiori par l'une de ses commissions, des rôles d'examinateur des institutions et de prestateur de services auprès de celles-ci.

Il est par ailleurs étonnant de constater que cette commission d'évaluation située, et je cite, c'est l'article 17 du projet de loi, "auprès du conseil, dont tous les membres sont nommés par le ministre", a plus de pouvoirs que le conseil lui-même. Il est même tentant de penser que tout le projet de loi constitue un emballage pour justifier, par commission interposée, l'exercice de la responsabilité d'évaluation.

Dans la même ligne de pensée, le risque est grand que la constitution d'autres commissions prévues à l'article 23 serve un peu d'armoire ou de fourre-tout où on refilerait tous les problèmes embarrassants.

La complexité et le caractère délicat des problèmes d'évaluation et de la mise en oeuvre des politiques institutionnelles d'évaluation militent en faveur de laisser le temps nécessaire au conseil de s'en saisir, de l'analyser et de recommander au ministre les politiques et les objectifs qu'il juge à propos pour faire avancer ce dossier qui n'est pas particulier au niveau collégial.

L'article 25 du projet de loi 24 prévoit que le rapport annuel du conseil doit aussi contenir tous les renseignements que le ministre peut prescrire. La constitution de banque de données exigée par le ministre ne nous semble pas être une fonction conforme au rôle que doit jouer cette instance. D'ailleurs, les fonctions attribuées par les articles 13, 14, 16, 19 et 23 seront déjà assez difficiles à remplir.

En résumé, en ce qui regarde le projet de loi 24, à l'occasion de la création d'un conseil des collèges, il est nécessaire de redéfinir le partage des responsabilités entre les divers intervenants du réseau, de façon que chacun les assume pleinement. C'est dans ce sens qu'un conseil des collèges ne devrait être que consultatif et ce, seulement auprès du ministre, sur des questions d'orientation concernant le réseau.

Relativement au projet de loi 25, nous avons regroupé l'examen du projet de loi sous les quatre titres suivants: Les limites à l'exercice des pouvoirs de la corporation, les modifications apportées à la composition des conseils d'administration, les pouvoirs d'intervention spéciale du lieutenant-gouverneur en conseil et du ministre, la création de nouvelles structures à l'intérieur de la corporation.

Si l'on dit procéder rapidement à l'adoption de ces deux projets de loi, il nous apparaît essentiel d'y apporter des amendements qui tiendront compte des remarques formulées ci-après. Les limites maintenues à l'exercice des pouvoirs de la corporation sont en contradiction, selon nous, avec tous les discours sur la décentralisation. Dans la loi 21, — je donne une série d'exemples — le collège, comme entité juridique distincte, est bien assis par l'article 8 et l'article 13. Le collège, dit-on à l'article 8 de l'actuelle loi 21, se compose d'un certain nombre de personnes et ses droits du pouvoir sont exercés par un conseil. Dans le projet de loi 25, on cherche cette entité et on sait, par ailleurs — c'est l'article 3 modifiant l'article 8 de la loi 21 — qu'elle est administrée par un conseil. Quant à nous, nous ne pouvons voir aucune raison de modifier les textes actuels dans ce sens, alors qu'elle a comme conséquence d'affaiblir l'assise juridique des collèges.

Les seuls pouvoirs qu'un conseil d'administration peut exercer et qui ne requièrent pas une autorisation préalable ou une approbation ultérieure se limitent, dans la loi 21, et c'est reproduit dans le projet de loi no 25, à la nomination du directeur général, du directeur des services pédagogiques et du président du conseil.

Il est inadmissible, selon nous, de penser, compte tenu de tout l'encadrement réglementaire prévu au nouvel article 18, qu'on maintienne, à l'article 19 du projet de loi, le dernier alinéa de l'article 19 de l'actuelle loi 21, qui veut que les règlements que peut faire un collège n'aient d'effet qu'à compter de leur approbation par le ministre, ce qui présuppose, contrairement à ce qui existe actuellement de toute façon, que le lieutenant-gouverneur en conseil exerce son pouvoir de réglementation à l'intérieur duquel les règlements qu'une corporation pourrait faire n'auraient pas besoin d'être approuvés ultérieurement pour être valides.

Il est également inadmissible, et je cite "qu'un collège doit soumettre chaque année l'ensemble des enseignements qu'il doit dispenser à ses étudiants lors de la prochaine année scolaire..." ainsi que le prescrit l'ajout proposé à l'article 25 de la loi. C'est une attaque de bureaucratie "papivore", puisque l'article 2 de la loi, modifié par l'article 1 du projet de loi, stipule que les collèges ont pour fins de dispenser l'enseignement général et professionnel de niveau collégial.

Nous sommes d'accord avec la réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil des avantages sociaux et de la rémunération des membres du personnel qui ne sont pas membres d'une association accréditée, tel que le prévoit l'article 18h du projet de loi, mais nous ne sommes pas d'accord pour qu'il en soit ainsi, c'est-à-dire la réglementation par le lieutenant-gouverneur en conseil des autres conditions de travail de ce personnel. Il s'agit évidemment, vous l'aurez compris, du personnel de cadre et de gérance plus spécifiquement.

En tout état de cause, les limites maintenues à l'exercice des pouvoirs des corporations sont conséquentes, croyons-nous, avec le fait que la composition projetée de leur conseil d'administration ne fera qu'augmenter leurs difficultés d'agir et justifierait d'autant plus l'intervention providentielle de l'État, c'est-à-dire la présence accrue des fonctionnaires.

En résumé, nous pensons que les corporations que constituent les collèges devraient être dotées d'un pouvoir de réglementation dont les seules limites seraient celles qui sont propres à l'acte gouvernemental. Ici, je reprends presque textuellement, dans le fond, ce dont rêvaient les pères du niveau et qui est fort bien consigné particulièrement dans leur chapitre IV du document de l'éducation, no 3, où on prévoyait justement cette ligne de développement qui était concédée, que, dans le début de l'existence du réseau, il y ait beaucoup plus de mécanismes, beaucoup plus d'interventions aux fins de mettre en existence de façon plus sûre ces institutions.

Les modifications, donc, apportées à la composition du conseil... Je m'excuse. Le "donc" était de trop. J'aborde le deuxième point, sur le conseil d'administration.

Les modifications apportées à la composition des conseils d'administration, quant à nous, ne font qu'éroder davantage leur crédibilité et rendent encore plus difficile la réalisation du caractère essentiel d'un collège, une corporation publique, c'est-à-dire une instance décentralisée à qui l'État confie l'accomplissement d'un service public.

Les argumentations suivent sur ce point. Une augmentation, nous semble-t-il, de la représentation des membres provenant de l'extérieur de l'institution et non une réduction de celle-ci, est nécessaire pour maintenir le fragile équilibre entre l'appartenance au milieu desservi et la participation des instances internes.

Du point de vue même de l'exercice de la responsabilité ministérielle, dans le cadre d'une gestion décentralisée, seule une participation majoritaire des membres qui ne sont pas jugés partie peut garantir à la société et à l'État que la mission déléguée est accomplie dans le sens de l'intérêt public et justifier la confiance du ministre responsable.

En contrepartie, la loi devrait préciser la composition et les fonctions de la commission pédagogique. Le projet de loi ne fait que prévoir l'existence en maintenant les articles non modifiés de la loi 21, une participation minimale en termes de nombre de professeurs. Il nous semble qu'en centrepartie de la majoration de la représentation des membres qui proviennent de l'extérieur de l'institution, la loi devrait préciser la composition et les fonctions de la commission pédagogique.

L'augmentation de la représentation des composantes internes, telle que proposée dans le projet de loi, accentue le risque de renfermement sur elle-même et le narcissisme qui guette ces institutions. La majoration — je m'excuse de la coquille; 2,5% ce n'est pas la majorité, mais la majoration — de la représentation des instances internes, telle que proposée dans le projet de loi, peut donner l'impression d'une confiance accrue en ces dernières. Il nous semble qu'elle risque surtout d'exacerber la tendance aux conflits, à la compromission et au blocage, tout en préparant le terrain aux interventions spéciales du pouvoir central, interventions tellement prévisibles qu'elles font l'objet de dispositions nouvelles dans le même projet de loi.

Le troisième alinéa de l'article 5 du projet, remplaçant les articles 11 et 12 de la loi — c'est un sujet qui a été abordé par le dernier groupe — nous cause également une difficulté. Il nous semble que, pour éviter toute ambiguïté — ce sont les articles qui font un cas d'exception pour le personnel, relativement à son contrat de travail — et toute tartuferie, la loi devrait prévoir, non seulement qu'un membre du personnel d'un collège qui fait partie du conseil ne peut pas prendre part aux délibérations ni voter sur toute question concernant son engagement et ses conditions de travail, ce qui devrait aller de soi, mais aussi que cette même restriction s'applique à tout membre du personnel syndiqué qui fait partie du conseil à l'égard de la préparation de la négociation et de l'interprétation des conventions collectives de toutes les catégories d'employés syndiqués du collège. Autrement, c'est le système d'intervention par collègues interposés, c'est-à-dire la course à relais là-dessus.

Étant donné que les fonctions du président du conseil d'administration se situent surtout dans l'exercice de son pouvoir moral et que l'exercice d'un tel pouvoir exige une grande crédibilité et un désintéressement personnel, le président ne doit avoir aucun intérêt personnel ou immédiat dans les décisions prises par le collège. Ceci exige qu'il soit élu parmi les personnes extérieures à l'institution. Le projet de loi va, jusqu'à un certain point, dans ce sens, n'excluant pas, cependant, qu'un étudiant de 22 ans puisse être président du conseil. Il nous semble que la fonction même exercée par le conseil devrait aller dans le sens de la remarque que nous faisons.

En résumé, pour en fonder la crédibilité, la composition du conseil doit garantir sa capacité de donner priorité à l'intérêt collectif. Nous demandons donc, contrairement au projet de loi, un conseil d'administration constitué aux deux tiers de membres provenant de l'extérieur de l'institution. Ceci garantirait davantage toutes les dimensions d'un tel sujet.

Troisième point de notre intervention sur le projet de loi 25: Les pouvoirs d'intervention spéciale du lieutenant-gouverneur en conseil et du ministre, dont il est question à l'article 16 et à l'article 18 du projet de loi, nous semblent mal définis et dangereusement peu encadrés. Ils devraient être justifiés et s'exercer par étapes, selon un processus uniforme, quitte à prévoir des situations d'urgence. Nous suggérons de regrouper ces deux articles et de les remplacer par un article qui se lirait comme suit: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut charger une personne qu'il désigne

de faire enquête, lorsqu'un collège s'adonne à des pratiques ou tolère une situation, non pas incompatible avec la poursuite de ses fins d'une façon générale, mais incompatible avec sa loi constitutive ou les règlements adoptés en vertu de l'article 18 de cette loi." Ce qui encadrerait un peu le pouvoir d'intervention, qui commencerait par une enquête et non pas par la suspension de tous les pouvoirs. "La personne ainsi désignée est investie, pour les fins de l'enquête, des pouvoirs et immunité d'une commission nommée en vertu de la Loi des commissions d'enquête" — c'était déjà dans le projet de loi 21 modifié — "Au cours de cette enquête, le collège est entendu. Suite à cette enquête, le ministre peut recommander au lieutenant-gouverneur en conseil de suspendre les pouvoirs d'un conseil et de nommer un administrateur qui en exerce les pouvoirs."

Le quatrième point d'intervention sur le projet de loi 25: La possibilité de la création de la société, prévue à l'article 20, de même que la constitution possible d'un comité chargé de l'organisation et de la gestion d'un programme d'enseignement professionnel d'intérêt national nous apparaissent comme une espèce d'éclatement des structures de direction des collèges et nous inquiètent beaucoup. Nous croyons que ces mesures ne sont pas les seules solutions possibles aux problèmes qu'elles entendent régler et, compte tenu des conséquences qu'elles peuvent avoir sur le développement du réseau, nous croyons qu'il est imprudent de les faire passer telles quelles dans la loi. Non pas que le problème ne soit pas réel, mais la mesure pour le régler nous semble douteuse, quant à ses conséquences.

Si, comme nous le souhaitons, il y a report du projet de loi, nous serons en mesure de faire des propositions précises à ce sujet.

Voici, en résumé, M. le Président, le mémoire que nous présentons à cette commission parlementaire relativement aux projets de loi 24 et 25.

Le Président (M. Marcoux): Merci. M. le ministre. (23 h 15)

M. Morin (Sauvé): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord vous dire deux mots de la question de la décentralisation à laquelle M. le directeur général du cégep de Maisonneuve a fait allusion, pardon, M. le président de la fédération.

Le gouvernement a l'intention et, de fait, non seulement a l'intention, mais confirme dans ce projet de loi et renforce le caractère décentralisé du réseau des collèges en dépit de ce qu'on tente d'alléguer. Je sais bien qu'il y a là quelques conflits de fonctionnaires, il est assez plaisant de voir dans les paragraphes 1 et 2 du mémoire, qu'on tente d'écarter les directions générales du ministère du champ de préoccupation que sont les orientations et les objectifs du réseau. Il est assez plaisant d'entendre des fonctionnaires s'attaquer à des fonctionnaires. Je puis vous dire que je n'ai nullement l'intention, parce que nous aurons un organisme consultatif auprès du ministère, d'abdiquer les responsabilités essentielles du ministère dans ce domaine. Mais cela étant, une fois définies certaines orientations et certains grands objectifs avec l'aide du conseil consultatif, je pense qu'il faut reconnaître que le réseau des collèges doit être plus décentralisé qu'il ne l'est.

Dans la nouvelle loi, un conseil d'administration pourra, bien sûr à l'intérieur de certaines limites financières, cela va de soi, acquérir, construire, louer, agrandir, transformer, aliéner un immeuble, ce qu'il ne saurait faire à l'heure actuelle. Un conseil pourra, conformément, bien sûr, à des normes générales, conclure des conventions, des ententes relatives à l'enseignement que le collège peut dispenser. Encore là, il s'agit d'un élément nouveau. Un collège pourra créer un comité chargé de compétences appropriées, pour gérer ce que nous appelons les centres spécialisés auxquels il a été fait allusion plus tôt aujourd'hui.

Un groupe de collèges pourra créer une société de services ayant pour objet la gestion de services communs. Les collèges, en matière de gestion pédagogique, vont également obtenir un certain nombre de pouvoirs, offrir des programmes de courte durée, en octroyant eux-mêmes les attestations, déterminer des conditions particulières d'admission, choisir des cours qui compléteront les programmes de formation générale ou de formation professionnelle, participer à la formation pédagogique des nouveaux enseignants, évaluer les étudiants — qui est une responsabilité que nous confirmons cette fois — engager des projets en innovation pédagogique avec plus de moyens qu'avant.

Je pourrais continuer longtemps de la sorte. Les collèges, avec le gouvernement, participent à la détermination des conditions de travail de leurs employés. C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle dans le cadre des négociations. Et, bien sûr, nous nous apprêtons à annoncer également d'autres mesures dans le plan de travail qui fera suite à l'énoncé de politiques et qui sera rendu public à la rentrée scolaire pour fins de discussions.

De sorte que j'admets difficilement qu'on nous fasse le reproche de vouloir centraliser, alors que se manifeste si clairement la volonté de remettre aux collèges des pouvoirs administratifs et pédagogiques plus grands que ceux qu'ils ne possèdent actuellement. Je sais bien que nous sommes en présence de conflits, de sphères d'influence entre fonctionnaires, mais il faudrait au moins le dire clairement. J'admets difficilement qu'on nous propose en fait une querelle de juridictions.

Cela étant dit, permettez-moi d'aborder quelques questions spécifiques dans le mémoire et de vous interroger sur la portée de quelques-unes des considérations dont vous nous avez fait part.

Dans le paragraphe 1.4, vous nous dites que le conseil devrait être une instance de consultation auprès du ministre et que vous vous opposez fermement, dites-vous, à ce que le conseil joue un rôle d'examinateur, comme vous l'appelez, des institutions et de prestateur de services auprès de celles-ci. Il n'a jamais été question de faire du conseil un inspecteur ou un examinateur, comme vous le dites. Nous avons, au contraire, pris bien

soin de donner au conseil des pouvoirs qui ne soient pas ceux d'un inspecteur, mais bien qui lui permettent de fournir des services à ceux qui en auront besoin. Ma première question, et j'aimerais avoir quelques explications de votre part là-dessus: Quelle incompatibilité de nature y a-t-il entre le rôle consultatif d'un conseil des collèges et un rôle d'évaluation, à supposer que ce soit le conseil lui-même qui l'exerce?

Y a-t-il là une incompatibilité de nature selon saint Thomas, et si oui, expliquez-moi laquelle?

M. Lauzière: Je ne me référerai pas à saint Thomas, je vais me rapprocher de l'auteur du rapport Parent, particulièrement pour ce qui concerne le chapitre IV du document de l'éducation, no 3 et je vous dirai, non pas en tant que fonctionnaire, mais en tant que principal officier des corporations, que les représentants de ces corporations et moi-même, pour fins de ce mémoire à la commission parlementaire, avons justement examiné cette question. L'essentiel de notre propos, c'est que si conseil des collèges il y a, ce que nous souhaitons, dans la ligne de la distinction entre les fonctions dans les étapes d'intervention dans les systèmes scolaires, il nous paraît que la commission d'évaluation dont il est question dans l'article 18 du projet de loi ne se situe pas dans cette ligne. Pas que le problème d'évaluation n'en est pas un, mais concernant le mot évaluation, il nous semble qu'il y ait plusieurs choses différentes. Cela a été dit par un groupe qui nous a précédé. S'il est question de l'exercice de la responsabilité ministérielle et de l'obligation des corporations de rendre des comptes, je pense que dans le projet de loi 25, il y a tout ce qu'il faut, les corporations sont d'accord, l'ont même proposé par l'entremise de leur fédération, c'est dans le projet de loi, il s'agit du rapport annuel dont les éléments sont déterminés par le ministre, suite à des recommandations à cet effet du conseil des collèges.

S'il s'agit de l'ensemble de techniques et d'instruments qui devraient être mis de plus en plus à la disposition des institutions pour qu'elles analysent mieux ce qu'elles font, pour qu'elles détectent davantage les lacunes qui sont les leurs et qu'elles se donnent les moyens d'y remédier le cas échéant, il ne nous semble pas que cela relève d'une commission d'évaluation dont le mandat est d'examiner les politiques institutionnelles d'évaluation. Si le conseil, si une commission du conseil jouait un rôle dans la ligne du conseil des collèges, ce serait, à toutes fins utiles, des recommandations sur la problématique d'évaluation du réseau collégial, recommandations faites au ministre, qui pourrait, suite à ces recommandations, compte tenu d'un certain nombre d'entre elles, mettre sur pied, investir plus dans la recherche dans ce domaine. Je parle toujours de l'évaluation en tant qu'ensemble de techniques et d'instruments pour analyser son vécu, détecter ses lacunes et s'améliorer, le cas échéant.

Il nous semble justement que ces choses existent, parce que quand on parle de l'évaluation, M. le ministre, vous savez que dans le livre blanc, c'est assez clair. On parle de l'évaluation des programmes, des institutions, du personnel, des enseignements et des étudiants. Il y a là toute une problématique qui est fort délicate, semble-t-il, et pour laquelle, de toute façon — et je reviens au projet de loi 25 — une majoration de la représentation des composantes internes quelles qu'elles soient rend difficile l'idée même, pour les institutions, de donner suite, d'avoir des politiques institutionnelles, de les faire vivre, de faire en sorte qu'elles fécondent un peu la réalité institutionnelle.

C'est dans ce sens que si je reviens à votre question en tant que telle, il nous semble que cette question d'évaluation des politiques institutionnelles n'est pas de la nature d'un conseil qui, pour nous, doit être consultatif sur des questions de réseau. Si par le rapport annuel, pour prendre un exemple qui peut se poser, il semblait au ministre qui le reçoit, qu'il y a un certain nombre de données et d'éléments qui figurent dans ce rapport annuel, et sur lesquels le ministre pourrait s'inquiéter et, à ce moment-là, pourrait, le cas échéant, proposer aux institutions de recourir davantage à des services qui existent, c'est une chose. Mais je pense que ce n'est pas du tout, pour nous, la fonction que doit remplir le Conseil des collèges, relativement à la problématique de l'évaluation. Il nous semble qu'effectivement, le Conseil des collèges, dans l'analyse des besoins qu'il fait de l'état du réseau, peut très bien remarquer qu'il manque de services d'évaluation, qu'on n'a pas été loin dans ce domaine, qu'il faudrait diversifier davantage, proposer un certain nombre de solutions, ces recommandations étant faites au ministre qui peut, me semble-t-il, mettre en oeuvre une série de choses à la suite de ces recommandations.

Mais ce n'est pas du tout la même chose que de confier à une commission de ce conseil l'examen des politiques et des institutions, offrir le service d'évaluation et, en même temps, faire un rapport sur l'état du réseau. Il me semble que, là, il y a des conflits quant aux niveaux d'intervention. Et si je peux me permettre, M. le ministre...

M. Morin (Sauvé): J'aimerais que vous m'expliquiez l'incompatibilité de nature, parce que vous m'avez fait effectivement un exposé intéressant, mais vous ne m'avez pas démontré qu'il y a une incompatibilité de nature entre le rôle consultatif qui, justement, va parler tôt ou tard de la qualité de ce qui se fait dans les collèges, et la fonction d'évaluation, ou la fonction qui consiste à mettre des services d'évaluation à la disposition des collèges. Où est l'incompatibilité de nature?

M. Lauzière: II y a incompatibilité pour nous, dans la mesure où le Conseil des collèges fait des recommandations au ministre sur les orientations relatives au réseau.

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Lauzière: Dans cette mesure, la fonction, le rôle attribué à une commission du conseil

d'examiner les politiques institutionnelles de chacune des institutions et d'offrir des services, et, en même temps, de faire état sur l'état du réseau, cela nous semble incompatible, à sa face même.

M. Morin (Sauvé): Mais expliquez-moi l'incompatibilé de nature, puisqu'on va nous faire des recommandations. Est-ce qu'il n'est pas justement bon qu'on soit informé des problèmes d'évaluation qui se posent dans le réseau?

M. Lauzière: II y a justement l'expression qui est celle que nous employons. Il est fort important que le Conseil des collèges fasse des recommandations sur le problème d'évaluation que cela pose dans le réseau. C'est autre chose, M. le ministre, selon nous, que de faire cela, et d'être chargé d'examiner les politiques institutionnelles des institutions pour lesquelles on offre nous-mêmes les services. C'est ce qui m'a amené à appeler, de façon un peu caricaturale, les conflits d'intérêts de la clinique Esso. C'est autre chose de faire des recommandations sur des problèmes d'évaluation qui se posent dans le réseau et d'examiner les politiques institutionnelles de ces institutions qui auront recouru aux services que nous-mêmes nous offrons quand même.

M. Morin (Sauvé): Notre expérience nous apprend, au ministère, qu'il se présente des circonstances où nous devons avoir recours à de l'expertise extérieure — cela s'est présenté récemment — expertise à mettre à la disposition d'un cégep qui a des problèmes d'ordre pédagogique, par exemple.

Tout à l'heure, les représentants de la Fédération des parents, et en particulier le président du collège de Limoilou, nous ont expliqué que cela pouvait être non seulement utile, mais nécessaire, à l'occasion.

S'il s'agit de services de cette nature, ne pensez-vous pas qu'ils pourraient être utilement rattachés au Conseil des collèges, organisme indépendant du ministre et donc, agissant de façon que le ministre ne mette pas ses gros pieds dans la porcelaine?

M. Lauzière: Justement, M. le ministre, sur cet exemple, s'il y a un problème qui se pose au niveau de la reddition de comptes d'un collège, au niveau de l'examen de ce qui se passe et qui semble affreux et, à juste titre, affreux, dans une hypothèse qu'on pourrait faire, il me semble que ce sont justement les articles ou les pouvoirs d'intervention spéciaux prévus au projet de loi 25. Le risque est grand de tuer la crédibilité de tout système d'évaluation pour fins d'amélioration, avec l'utilisation de ce système, aux fins d'apporter un remède particulier à un mal grave. Et je pense que toutes les lectures qu'on peut faire sur la crédibilité des organismes des instruments d'évaluation, militeraient pour distinguer l'exercice d'une responsabilité ministérielle qui nomme un enquêteur, attribue, en quelque sorte, à cet enquêteur, le cas échéant, des pouvoirs très spéciaux, et même, apporte des remèdes à une situation malheureuse, c'est fort différent de la problématique d'évaluation du réseau. (23 h 30)

M. Morin (Sauvé): Allons, vous êtes placés pour savoir les beaux résultats qu'ont obtenus les enquêteurs dans le passé. Quand le milieu collégial se ferme et que personne ne coopère avec eux, vous savez très bien que cela s'est terminé par des impasses totales. Il est justement question d'éviter ce genre d'impasse. Vous êtes placés pour le savoir pourtant. Vous savez bien que cela n'a jamais abouti, ces enquêtes et, justement, nous tentons de définir un type d'intervention plus nuancé sous forme de services. Vous ne m'avez pas encore démontré que cela ne pourrait pas être rattaché à un organisme comme le Conseil des collèges. En tout cas, s'il est rattaché au ministère, il sera tout de suite vu comme un inspectorat et sera immédiatement vu comme étant une ingérence et de la centralisation de sorte que, dans l'état actuel de notre discussion, je ne vois pas de raison de modifier notre attitude sur ce point.

Passons au suivant, qui est 1.5. Vous nous dites qu'il est par ailleurs étonnant de constater que les membres de cette commission d'évaluation située auprès du conseil sont nommés par le ministre. Vous omettez de dire que c'est sur la recommandation du conseil. Oui, mais de la façon dont c'est présenté, cela a l'air tout à fait arbitraire. Le ministre désigne qui il veut. Ce n'est pas le cas.

De même, vous dites qu'elle a plus de pouvoirs que le conseil lui-même. Je ne pense pas. Je ne pense pas, puisque la commission fera rapport au conseil et que c'est le conseil qui fera éventuellement des recommandations au ministre ou à qui il devra en faire. Cela peut être le collège, cela peut être le ministre.

M. Lauzière: Et au collège.

M. Morin (Sauvé): Mais oui, bien sûr.

M. Lauzière: C'est cela.

M. Morin (Sauvé): Cela peut être le collège. Peut-être que cela n'a pas une importance telle que le ministre doive en être saisi, cela peut être le collège tout simplement. Sur ce plan-là, j'ai aussi quelques réserves.

Dans 1.6, vous me dites, dans la même ligne de pensée, que le risque est grand que la constitution d'autres commissions prévues à l'article 23 serve à refiler tous les problèmes embarrassants.

M. Lauzière: Oui, c'est un risque.

M. Morin (Sauvé): Enfin, expliquez-nous un peu ce que vous voulez dire par là. Qu'est-ce que cela signifie exactement?

M. Lauzière: Si vous permettez...

M. Morin (Sauvé): Vous tenez pour acquis que le conseil est constitué d'idiots ou quoi?

M. Lauzière: Absolument pas, c'est qu'on essaie d'envisager des risques possibles à partir d'une situation justement et on dit bien: II est risqué. Je pense que c'est attirer l'attention sur le risque que peut avoir la constitution de la commission chaque fois qu'un problème se pose. Je m'excuse si cela ne vous fait pas plaisir, mais enfin, c'est notre opinion.

Je veux dire quelque chose, si vous le permettez, M. le Président, sur la question de la composition. Je pense que la loi du Conseil supérieur de l'éducation — il me semble que le modèle n'était pas si bête au niveau de la mise sur pied des commissions — prévoit que les membres des commissions qui relèvent du conseil soient nommés par le conseil. C'est dans ce sens-là qu'on disait que pour ces commissions-là, qu'il nous semblerait, le cas échéant, que s'il devait y avoir des commissions, les membres du conseil devraient être nommés par le conseil. Cela ne me semble pas si sorcier que cela.

M. Morin (Sauvé): C'est un point que je vais examiner. Oui, je suis prêt à prendre cela en considération et à y réfléchir.

Un dernier point avant de donner la parole à mes collègues qui, je suis sûr, brûlent de vous poser également quelques questions. À 1.7, vous nous dites: "La complexité, le caractère délicat du problème d'évaluation et de la mise en oeuvre de politiques institutionnelles d'évaluation militent en faveur de laisser le temps nécessaire au conseil de s'en saisir, de l'analyser, de recommander au ministre, etc." Oui, on ne peut pas être en désaccord avec cela. Cela me paraît tout à fait raisonnable.

M. Lauzière: Par ces lignes, ce qui nous intéresse dans ce problème de l'évaluation, c'est qu'il semblerait justement plus utile, avant de mettre sur pied une commission qui a les fonctions prévues à l'article 18, de laisser le temps au conseil de se saisir d'un problème qui est un problème réel du réseau. Nous en convenons.

M. Morin (Sauvé): Oui, le conseil prendra le temps qu'il faudra. D'ailleurs, dans une large mesure, il sera maître de son comportement. Le ministre n'ira pas mettre son nez par dessus son épaule constamment, pas plus qu'il le fait pour le Conseil des universités ou le Conseil supérieur de l'éducation.

M. le Président, j'aurais beaucoup d'autres questions passionnantes à soulever. J'y reviendrai peut-être si le temps nous le permet, mais je ne voudrais pas priver mes collègues de la faculté de poser des questions.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. On ne fait pas encore partie de la même faculté, mais...

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux:... je suis sûre que c'était dit avec de bonnes intentions.

M. Morin (Sauvé): Vous connaissez l'histoire, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez une histoire pour nous faire rire, allez-y, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Oui, à cette heure. Dieu voulut créer l'être le plus estimable, le plus merveilleux de la création. Il inventa le professeur d'université. Il voulut ensuite créer l'être le plus méprisable, le plus abject, il créa le cher collègue.

Mme Lavoie-Roux: On voit que cela va avec la personnalité du ministre, ces histoires. Quoi qu'il en soit, je veux remercier la Fédération des cégeps pour le mémoire qu'elle nous a présenté. Nous n'avons là que le résumé, somme toute, du mémoire plus volumineux qui nous a été remis et qui, j'en suis certaine, nous sera d'une grande utilité. Je trouve fort intéressant de voir que le ministre nous cite comme signe de décentralisation l'article 10, selon lequel à l'avenir les collèges vont pouvoir, dans les limites financières qui leur seront accordées, acquérir, construire, louer, agrandir, transformer ou aliéner un immeuble sans l'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil. Je trouve cela d'une très grande générosité, alors que les cégeps sont à peu près tous construits et à peu près tous réaménagés, il reste peut-être quelques exceptions. Quant à aliéner, cela ne doit pas se présenter très souvent non plus.

Un autre exemple de la décentralisation, c'est le fait qu'un conseil sera autorisé à former un comité de gestion — je ne retrouve pas la référence exacte — pour administrer, de toute façon, un service particulier. C'est l'article 9.17: "Un collège peut, avec l'autorisation du ministre, constituer un comité chargé de l'organisation et de la gestion d'un tel programme d'enseignement professionnel et, à cette fin, lui conférer par règlement les pouvoirs nécessaires."

Là encore, on peut se demander quel est l'objectif d'une telle disposition. Le ministre l'interprète comme étant de la décentralisation. Cela peut être aussi une disposition qui crée des problèmes à un collège, puisque comment ceci s'articulera-t-il? S'agira-t-il d'un petit collège à l'intérieur du collège? Je l'ignore. De toute façon, l'autre exemple de la grande décentralisation, c'est la référence qu'il faisait — il pourra me corriger si je l'ai mal interprété — à l'article 20. Désormais, vous pourrez constituer des sociétés ou il pourra y avoir par lettres patentes l'institution dé la "Société" ayant pour objet de fournir des services auxiliaires aux collèges qui en font partie.

En contrepartie, il y a les autres articles, l'article 10, l'article 16, les pouvoirs d'enquête, toutes les approbations par le lieutenant-gouverneur en conseil, la nécessité, par exemple, de prévoir chaque année les cours qui seront donnés l'année suivante, comme si tout cela pouvait se décider dans les délais prévus, les rapports qui devront être donnés, pour lesquels le ministre pourra exiger des choses très particulières quant au contenu, et j'en passe. Je pense qu'on pourrait avoir un long débat, à savoir si le ministère centralise ou décentralise.

Évidemment, le ministre a fait jouer le jeu de la possible — je voudrais me rappeler son expression exacte — il n'a pas dit "rivalité" entre un type de fonctionnaire et un autre type de fonctionnaire, mais ces mêmes remarques de centralisation nous ont été faites par tous les organismes qui ont précédé, si je ne m'abuse. Il y aurait lieu pour le ministre de faire un examen particulier là-dessus avant de crier, comme il l'a fait d'ailleurs à l'occasion des débats sur les commissions scolaires, que ce gouvernement décentralise. Là-dessus, en mettant... Non, il ne m'écoute pas, il écoute peu de gens, d'ailleurs. C'est son problème et c'est aussi le problème des gens qui sont...

M. Rivest: II fait cela constamment?

Mme Lavoie-Roux: Oui, presque constamment... qui sont venus devant cette commission.

Je voudrais revenir sur la question de l'évaluation. Quant à moi, je suis portée à être d'accord avec vous quand vous dites: Cette commission du Conseil des collèges, qui devra se pencher sur les problèmes d'évaluation, devra le faire dans une perspective d'évaluation des instruments qui sont en place, qui existent, dans le but d'inciter les collèges à s'en servir s'ils en sentent le besoin. Mais quand on utilise le mot "examiner" — peut-être que vous pourriez me donner la référence exacte à l'un des deux projets de loi... "La commission d'évaluation est chargée de procéder à l'examen des politiques institutionnelles d'évaluation". Elle-même fait l'évaluation du collège. Si vous évaluez les politiques institutionnelles d'évaluation d'un collège, vous portez un jugement, à savoir si ce collège a des politiques d'évaluation qui sont adéquates ou qui ne le sont pas, et "d'adresser au Conseil et aux collèges en cause, les avis que lui suggère un tel examen". Pour moi, ce n'est pas ambigu. On va examiner un collège. On va lui dire: Vos politiques institutionnelles ne nous apparaissent pas adéquates. On va lui donner un avis selon lequel il doit les corriger ou il doit faire autre chose.

Quant à moi, je ne vois pas du tout le rôle d'un Conseil des collèges, qu'on veut autonome, remplissant cette fonction à l'égard des cégeps. Sinon, je suis portée à croire que le ministre se donne un instrument qui le dégagera peut-être directement de cette responsabilité que lui-même et son ministère — quand je dis "lui-même et son ministère", ça peut être les ministres qui l'ont précédé également — auraient dû assumer à l'égard de l'évaluation des collèges.

Le ministre dit: Vous allez m'accuser de faire telle chose. Est-ce que c'est pour ça qu'on décide de créer ce Conseil des collèges avec une commission d'évaluation? Je me demande quelle sera la confiance des collèges eux-mêmes qui pourraient, dans des situations particulières, enfin, sur une politique générale, faire appel au conseil pour obtenir un avis ou un point de vue, quand ils savent qu'en même temps ce conseil, par le truchement de sa commission d'évaluation, va évaluer leur performance, peut-être pas leur perfor- mance au jour le jour, mais au moins la qualité de leur performance d'évaluation. Pour ma part, je trouve qu'à ce moment-là on réduit le rôle que le Conseil des collèges pourrait jouer à l'égard des institutions elles-mêmes. Je comprends que les collèges peuvent voir le Conseil des collèges comme un instrument qui sera partagé — il sera même en conflit — entre son rôle de consultation auprès du ministre et son rôle consultatif ou de conseiller auprès des collèges.

En tout cas, il y a certainement lieu de réexaminer cette disposition de la commission d'évaluation.

La question précise que je voulais vous poser à cet égard — je l'ai posée à un autre avant vous, je pense que c'est au président des conseils d'administration — c'est: Quels sont d'après vous les objets d'évaluation qui devraient être impartis à un conseil d'évaluation, enfin, appelons comité d'évaluation. Selon la réponse que vous me donnerez, j'ai l'impression qu'il s'agit sans doute de l'institution elle-même, des programmes, des contenus, de la qualité de l'enseignement, de l'évaluation des étudiants. Dans quelle mesure ceci est-il possible, compte tenu des dispositions des conventions collectives existantes? J'aurai une question supplémentaire après.

M. Lauzière: Si on parle des objets d'évaluation, ils sont déjà énumérés assez exhaustivement, me semble-t-il, dans le livre blanc, les institutions, les personnels, les programmes, les enseignements, les étudiants. Bon! (23 h 45)

Je pense que si on regarde ce qui se fait dans le réseau, dans les collèges depuis déjà un bon bout de temps et que si on prend acte de ce qui se fait pour renforcer la tendance à l'auto-évaluation, il y a déjà de quoi aller très loin. Je pense aux évaluations des institutions. Il y a déjà beaucoup de collèges qui utilisent une autre méthode que celle des institutions qui font "la belle" en vue d'un rapport au ministre. Il y a, par exemple, le fait que beaucoup de collèges ont profité des services d'évaluation ou des recherches en évaluation. Je pense à l'analyse institutionnelle. Il y a beaucoup de cégeps qui ont profité de ces services pour faire des démarches dans le sens de l'auto-évalua-tion.

L'évaluation des programmes: II y a déjà une batterie de mécanismes en place pour l'évaluation des programmes d'enseignement. Il se pourrait que le Conseil des collèges constate qu'il faille aller plus loin ou différemment dans l'évaluation des programmes. Mais il y a déjà beaucoup de choses qui se font en termes d'évaluation de programmes: les comités collèges-industries, les comités de coordination des programmes qui réévaluent, à tous les trois ans, l'ensemble des programmes. C'est déjà un fait. Il faut le lire, me semble-t-il, avant d'inventer toute autre chose.

L'évaluation des étudiants, c'est essentiellement les professeurs qui font cela. Il y en a au-delà de 9000 ou 10 000 dans le réseau; c'est leur fonction propre. Alors, le Conseil des collèges

analysant le problème de l'évaluation du réseau sous cet angle, pourrait, le cas échéant, faire des recommandations pour pousser davantage les recherches là-dessus, parce que sauf pour certains cas farfelus fort connus, les professeurs, de façon très générale, évaluent, de façon fort satisfaisante, les apprentissages des étudiants. C'est dans ce sens que nous disons: II y a d'abord une lecture à faire, une analyse à faire de l'ensemble des démarches faites, de l'évaluation de cet ensemble d'objets, avant, me semble-t-il, de mettre sur pied une commission d'évaluation qui aurait pour but, entre autres, d'examiner les politiques institutionelles des institutions.

Ce sont deux problématiques fort différentes et Dieu sait que, dans le cas de l'évaluation, c'est autre chose parce qu'il y a toujours une ambiguïté dans ce mot. Quand on parle de l'évaluation, on en parle souvent, me semble-t-il, à partir d'un discours assez répandu à savoir qu'on ne sait pas ce qui se passe dans ces boîtes. Il faudrait une fois voir ce qui se passe effectivement là-dedans. Cela nous semble effectivement un problème qui reçoit une solution via, nous semble-t-il, la mise sur pied du rapport annuel.

Là, c'est l'exercice de la responsabilité ministérielle qui doit s'exercer directement. Les institutions n'ont rien contre ça; elles l'ont elles-mêmes proposé. Mais, s'il s'agit de l'évaluation, au sens de tous les instruments et techniques qu'on peut se donner pour évaluer l'ensemble des objets qu'ils ont énumérés, cela arrive dans les faits — et c'est fécond réellement — par de toutes autres voies que celle qui est proposée selon nous. Dans ce sens, ce n'est pas que nous voulons écarter...

Je reviens à votre question, la difficulté; il y aura toujours une difficulté. Il ne sert à rien de vouloir l'éviter comme par magie, il y aura toujours une difficulté qui est reliée à la coloration relations de travail dans toutes ces dimensions. Je pense que nous n'avons pas de recette magique. Nous essayons, dans les mandats que nous proposons pour la prochaine ronde de négociations, de resserrer quelques mécanismes là-dessus, mais il est clair que le rapport de force institutionnalisé, dans le cadre des lois des relations de travail, joue sur toutes ces matières.

Il y a quelque chose également qui joue, c'est la capacité d'agir du conseil d'administration relativement à ces domaines. Il y a déjà une grande coloration de tout dans ces institutions par la problématique des relations de travail. Cela est d'autant plus compliqué du fait souvent de l'incapacité d'agir qui deviendra encore plus grande comme incapacité d'agir dans la composition projetée du conseil d'administration où là, vraiment, les gens de l'extérieur n'assisteraient, mais d'une façon presque permanente, comparativement à ce qu'ils font actuellement, qui est de façon intermittente, à des conflits entre l'administration et les syndiqués. Ce n'est pas une manifestation de mauvaise foi des syndiqués ou des administrateurs là-dessus. La structure le permet et je dirais que c'est grâce à la vertu des individus, tant syndiqués qu'administrateurs le cas échéant, qui fait qu'on évite le conflit d'intérêts permanent. Il est généré par la structure, il est fort favorisé en tout cas.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous... Ce que vous me dites, c'est qu'il faudrait que dans les conventions collectives, cette nécessité d'évaluation soit prévue. Dans le moment, est-ce que cela existe ou si cela n'existe pas?

M. Lauzière: Je ne crois pas. Pour l'évaluation des étudiants, il y a déjà des stipulations des conventions collectives qui accordent des droits clairs...

Mme Lavoie-Roux: Mais pas pour celles des...

M. Lauzière: ... pour l'évaluation des institutions, des programmes et des enseignements, il n'y a rien de prévu comme tel dans les conventions collectives. Là-dessus, nous n'avons pas de position spécifique sur ce point de vue. Cependant, je serais porté à penser qu'il ne faut pas renchérir sur la tendance à vouloir régler tous ces problèmes via les conventions collectives.

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire si, par exemple, l'autonomie départementale, même si on mettait en place un organisme d'évaluation autonome, est-ce que compte tenu de cette facture des cégeps ou cette structure des cégeps qui prévoit les départements et leur autonomie, est-ce que ce serait possible? Dans quelle mesure est-ce possible d'évaluer ce qui se passe à l'intérieur des départements? On parle toujours de leur autonomie, etc. Il y a la commission pédagogique, il y a les départements...

M. Lauzière: Bon! C'est très difficile d'évaluer ce qui se passe à l'intérieur d'un département actuellement. C'est déjà très difficile, et je dirais, pour un, que ce n'est pas... il n'y a pas à rêver que ce soit archi facile. Il y a quand même dans un département des professeurs, des compétences réunies, aux fins pour lesquelles ils sont engagés. Il y a lieu, cependant, et c'est le sens de nos propositions, et là, on s'accroche vraiment aux conventions collectives, de resserrer davantage les mécanismes de relations, de dépendance du département dans l'exercice de cette fonction pédagogique avec le pouvoir pédagogique du collège en tant que tel. Nous faisons un effort actuellement — c'est dans les conventions collectives — nous verrons bien si cela réussit par la suite, mais nous faisons un effort — les collèges, en tout cas — pour resserrer un peu le mécanisme qui permet justement aux collèges, à la corporation, de jouer son rôle d'évaluation de ce qui se fait via les départements.

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous me dites, c'est que dans les offres patronales déposées — je ne sais pas si elles sont déposées —...

M. Lauzière: Oui, elles sont déposées.

Mme Lavoie-Roux: ... elles sont déposées, il y a cette disposition qui est prévue pour corriger la situation dont on parle.

M. Lauzière: II y avait cette possibilité de flou des responsabilités, je ne dirais pas morales, mais structurelles.

Mme Lavoie-Roux: Oui. La raison pour laquelle je vous pose ces questions-là, c'est qu'on peut bien avoir le meilleur système d'évaluation du monde, ou enfin prévoir le meilleur mécanisme pour faire de l'évaluation, si les structures internes, les groupes qui vivent à l'intérieur d'une institution ne le permettent pas, on ne se servira pas des outils ou on va mal s'en servir et, au bout de la ligne, on ne sera peut-être pas plus avancés qu'on l'était avant. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il reste que l'opinion publique, qu'elle soit fondée ou pas, — et c'est d'ailleurs peut-être ce que les parents sont venus nous dire tout à l'heure quand ils ont dit: II faut de l'évaluation, et je pense que les parents, à ce moment-là, reflétaient quand même... avaient les réactions de bien des gens dans la population. Il y a eu des problèmes dans les cégeps, des problèmes sérieux, on a parlé tout à l'heure — on ne le renommera pas — d'un cégep qu'on connaft en particulier; est-ce que ce sont des situations qui se sont répétées dans plusieurs cégeps? À ma connaissance, je connais celui-là. Il y en a peut-être un autre que je ne nommerai pas. Qu'il y ait eu des conflits au cours des ans dans les cégeps, ils ont peut-être été davantage reliés à des conflits de l'administration à cause de tous les mécanismes dont on a parlé auparavant, mais est-ce que cette impression qu'on a dans le public, à savoir que les objectifs ne sont peut-être pas atteints, que les élèves sont mal évalués, que des alliances se font entre les professeurs et les étudiants, font que la qualité des cours n'est pas aussi bonne qu'elle devrait l'être? De quelle façon ceci est-il un problème généralisé? Pourquoi est-ce que je vous pose ces questions précises? C'est que l'on veut, quand même essayer d'améliorer ce qui se passe à l'intérieur des cégeps et essayer peut-être de mieux répondre au désir, je dirais peut-être davantage des parents, que de la population qui est quand même un peu plus loin de ça qu'elle ne l'est des écoles au scolaire.

M. Lauzière: Effectivement, là-dessus, il y a un problème, mais je pense que, justement, il y a toute une médiation à faire faire par l'analyse de ce qui se fait entre un discours populaire conjoncturel, à savoir que tout ce qui se fait dans ces boîtes, ce n'est pas bon à partir de deux ou trois cas d'espèce... La législation pourrait apporter des mesures là-dessus, il me semble qu'il y a des médiations à apporter. Il ne nous semble pas que de façon générale et constante il y ait un problème d'évaluation, par exemple, des apprentissages. Il y a certainement des choses qui sont venues très vite. Je pense que dans l'ensemble du système sco- laire — ça ne vaut pas plus pour le système scolaire — il y a eu beaucoup de monde en même temps, beaucoup de bouleversements d'à peu près tous les acquis et toutes les valeurs. C'est dans ce sens qu'il s'est fait des expériences parfois malheureuses, il s'est fait des choses à la limite de l'absurde ou de la folie furieuse.

Mais d'une façon générale je pense que le corps professoral est fort conscient, dans le fond, est fort honnête dans ses tentatives pour régler ce genre de problèmes. Nous entendons fréquemment ce genre de discours qu'on peut exploiter démagogiquement à toute espèce de fin, nous en sommes bien conscients. Si, après avoir entendu ce premier discours, on analyse un peu ce qui se fait dans le vécu des cégeps et je regarde l'effort considérable d'un très grand nombre d'agents du réseau — je prends les professeurs puisqu'on en parle — de perfectionnement, d'innovation pédagogique pour laquelle, semble-t-il, on aurait beaucoup de décentralisation maintenant... Je pensais que c'était la fonction même des cégeps, je me dis qu'il se fait déjà beaucoup de choses là-dessus qu'il faut analyser et pousser. Le cas échéant, il faudra mettre sur pied des mécanismes, aller plus loin dans la recherche. Il se fait déjà de fort bonnes choses. Là-dessus, je ne suis pas alarmiste.

Mme Lavoie-Roux: Je vous pose la question, parce que c'est important d'avoir ça de la façon la plus claire possible. Je ne voudrais qu'à partir de certains cas exceptionnels on adopte une loi qui ait l'air de généraliser les problèmes et qui en crée davantage qu'elle n'en règle. Je peux vous dire que dans le comté que j'habite et dans les comtés voisins, il y a d'excellents cégeps. Je ne les nommerai pas pour ne rendre personne jaloux.

Je suis dans le comté de L'Acadie, on va retrouver le cégep qui est là. J'en prends soin et de ceux des comtés voisins aussi.

Il reste qu'il se fait d'excellentes choses au niveau des cégeps et au fur et à mesure qu'on en fait la promotion, qu'on les fait connaître, on corrige cette mauvaise impression que les cégeps ont pu créer chez la population en général. Je vais arrêter mes questions ici pour le moment.

Le Président (M. Marcoux): Comme il est minuit et que le député de Gaspé m'a informé qu'il n'avait pas de questions, le député de Terrebonne m'a dit qu'il avait des questions... Est-ce qu'il y a des questions jusqu'à souhaiter...

Mme Lavoie-Roux: Le député de Jean-Talon.

Le Président (M. Marcoux): Jean-Talon également? Je me vois dans l'obligation de vous demander de vous représenter, si vous acceptez, demain matin. Est-ce que cela vous sera possible? Nous reprendrons normalement nos travaux vers 11 heures ou 11 h 30. Disons plutôt 11 heures.

La commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 23 h 59

ANNEXE

MÉMOIRE DE LA FÉDÉRATION DES cégeps

À LA COMMISSION PARLEMENTAIRE SUR L'EDUCATION CONCERNANT LES PROJETS DE LOI NOS 24 ET 25

"LOI SUR LE CONSEIL DES COLLÈGES"

"LOI MODIFIANT LA LOI DES COLLÈGES D'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL"

Monsieur le Ministre,

Madame,

Messieurs,

La Fédération des cégeps, qui regroupe les quarante et un collèges publics de la province, dépose aujourd'hui devant vous son mémoire concernant les projets de loi 24 et 25. Ce texte constitue la synthèse de nombreuses études et consultations qui firent appel à toutes les composantes du réseau collégial; il a fait de plus l'objet d'un consensus de la part des principaux officiers des cégeps.

Le présent mémoire n'inclut évidemment pas tous les exemples, argumentations et réfutations utilisés au cours de sa préparation, laquelle dut se référer alors au "projet du gouvernement à l'endroit des cégeps" que le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, diffusa le 5 octobre 1978. Il ne peut non plus tenir compte des articles de loi qui font référence à des éléments nouveaux et dont la teneur était inconnue et imprévisible avant le 18 mai dernier.

C'est pourquoi la Fédération des cégeps, lors de la présentation de son mémoire, complétera ce texte de façon à attirer l'attention sur les aspects qu'elle juge essentiels et à s'ajuster plus immédiatement aux projets de loi.

La Fédération des cégeps espère, ainsi, contribuer, à l'intérieur de ses connaissances et de ses compétences spécifiques, au développement du réseau collégial.

Le président, Benoît Lauzière

Québec, le 4 juin 1979

INTRODUCTION

C'est à l'esprit et aux recommandations du rapport Parent que réfèrent les éléments fondamentaux et les principes de base qui ont guidé notre étude du document intitulé: "Les Collèges du Québec, nouvelle étape" et des deux projets de loi présentés en commission parlementaire. Nous nous sommes attardés notamment à l'analyse du partage des fonctions, des pouvoirs et des responsabilités qui devrait permettre le bon fonctionnement du système scolaire.

D'après les auteurs du rapport Parent et les rédacteurs du document d'éducation no 3 "la direction d'un système scolaire comporte trois étapes qui pourraient être décrites comme suit: — élaboration des orientations d'ensemble en fonction des besoins immédiats ou futurs; — discussion des projets de loi au cours de laquelle le gouvernement évalue les projets scolaires dans une perspective politique et économique plus générale; — application des lois par les organismes intéressés."

Chacune de ces étapes implique l'existence de fonctions distinctes qui relèvent de personnes ou de groupes différents: fonction consultative, fonction de planification et fonction d'exécution. Dans notre système scolaire, ces fonctions ont été attribuées respectivement aux trois composantes suivantes: le Conseil supérieur de l'éducation, le ministère de l'Éducation et les réseaux d'enseignement public.

Au moment de la réforme de l'enseignement, les pressions démographiques et sociales ont provoqué la croissance extrêmement rapide du réseau collégial, l'insistance sur la fonction de planification et le difficile ajustement des niveaux des responsabilités. Là se trouve, selon nous, la première cause de l'angle de dérive qu'a pris l'évolution de ce réseau avec le modèle proposé ce qui explique le partage actuel des rôles et des zones d'influence entre les principaux intervenants.

La volonté gouvernementale de créer un Conseil des collèges nous semble l'occasion de redéfinir le partage des responsabilités et de remettre entre les mains des différentes composantes du réseau les pouvoirs et responsabilités qui leur conviennent.

En ce qui a trait aux collèges eux-mêmes, la répartition des rôles que nous connaissons actuellement prend sa source, entre autres, dans le fait qu'ils sont des corporations au sens du Code civil qui n'ont aucun pouvoir de taxation et reçoivent leurs budgets du ministre de l'Éducation. Celui-ci, en raison de sa responsabilité ministérielle, garde sur toute décision prise un certain contrôle; dans les faits, ce contrôle a été exercé par l'appareil administratif.

L'absence de réglementation fixant le cadre d'application de la loi de façon claire a permis le foisonnement de directives de la part du ministère et une répartition des pouvoirs entre le lieutenant-gouverneur en conseil, le ministre de l'Éducation et les conseils d'administration des collèges qui brime l'autonomie des collèges et éloigne la pratique de la loi de son intention première.

Un redressement majeur s'impose donc dans la pratique des pouvoirs de façon à permettre aux collèges de jouir de l'autonomie que leur confère leur nature juridique propre et à rétablir l'équilibre entre les divers intervenants.

LE CONSEIL DES COLLÈGES

L'idée de créer un Conseil des collèges n'est pas neuve. Elle a fait son chemin depuis la publication du rapport sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial et elle est devenue le leitmotiv de plusieurs agents du réseau des collèges sans que l'on sache très bien le contenu qu'elle avait pour chacun.

Le moment est venu d'en examiner le sens précis, à la lumière de la proposition gouvernementale, certes, mais d'abord en fonction de l'économie du réseau dans son ensemble et du partage des rôles et des zones d'influence entre les principaux intervenants.

Nous pourrons ensuite proposer les mesures qui, à notre avis, seraient susceptibles de favoriser l'atteinte des objectifs de développement du réseau.

Le partage des rôles et des zones d'influence Le ministère de l'Éducation: D.G.E.C.

Le ministère de l'Éducation du Québec et en particulier la Direction générale de l'enseignement collégial assument de multiples fonctions et prennent une part importante dans la réalisation des trois étapes de direction du réseau qu'incluait le modèle auquel nous avons fait référence. Mandatée pour élaborer programmes et politiques, la D.G.E.C. remplit un rôle consultatif auprès du législateur et entretient des liens de consultation avec les personnels du réseau jouant ainsi un rôle que les rédacteurs du rapport Parent avaient assigné à un conseil consultatif représentant la société. Elle joue aussi un rôle marquant au niveau de l'application de la loi. Par ailleurs, la planification dont elle est responsable se traduit souvent par l'émission de directives, qui vu l'absence actuelle de règlements afférents à la Loi des collèges, prennent une valeur quasi législative. Enfin, elle offre aussi des services aux collèges.

Donc, à l'exception de la discussion et du vote des lois, la D.G.E.C. remplit tous les rôles qui devraient normalement être partagés entre plusieurs intervenants.

Le Conseil supérieur de l'éducation

La création du Conseil supérieur de l'éducation était l'un des pivots de la réforme scolaire. Le Conseil supérieur a le mandat très large de représenter le public, ce qui se reflète dans sa composition, et d'aviser le ministre sur le développement du système d'éducation au Québec. Il se situe au premier niveau de responsabilité décrit par les auteurs du rapport Parent. Toutefois, et quoiqu'il comprenne une commission de l'enseignement collégial, il ne peut répondre aussi adéquatement que nous le souhaitons de l'état et des besoins spécifiques de ce réseau, puisque son mandat se situe expressément au point de convergence des divers réseaux et de la société. De plus la fonction de consultation qu'il devait assumer a été obérée par la centralisation du ministère de l'Éducation et par le fait que les commis de l'État ont exercé eux-mêmes un rôle de consultation spécifique et, dirions-nous morcelée.

Les cégeps

Le réseau collégial comporte quarante et un établissements. Malgré leurs limites et leurs moyens restreints ils sont responsables de la planification, de l'organisation, de l'évaluation et du contrôle de l'ensemble de leurs activités et donc se situent très exactement au niveau de l'application des lois.

La Fédération des cégeps

Les collèges sont regroupés dans une fédération qui favorise la réalisation de leurs objectifs à travers l'établissement de mécanismes de concertation. Dans le réseau collégial, la Fédération des cégeps constitue un groupe de pression et agit comme représentant des cégeps regroupés. Elle offre aussi aux collèges certains services qui s'ajustent aux besoins de l'ensemble des établissements. La Fédération des cégeps assume donc une fonction de concertation des établissements entre eux.

De l'analyse qui précède on peut tirer les constations suivantes: — les objectifs de développement du réseau collégial sont partagés entre plusieurs intervenants; — les niveaux de responsabilités ne sont pas toujours clairement identifiés, certains intervenants assumant même des fonctions incompatibles entre elles.

On peut se demander si cette situation ne constitue pas une des causes importantes du problème de l'évaluation dans le réseau. En effet, puisque d'une part l'instance responsable de la fonction de consultation ne joue son rôle que très fragmentairement, puisque, d'autre part, l'autonomie des cégeps est limitée non seulement par la Loi des collèges, mais aussi par le double rôle des services et des directions générales du M.E.Q. d'élaborer et de faire accepter des politiques, et, puisqu'enfin la D.G.E.C. joue un rôle à tous les niveaux de direction du réseau collégial, assumant quelquefois des fonctions incompatibles entre elles et abusives quand il s'agit de commis de l'État, il est plausible de penser que la possibilité d'évaluer soit entravée par le fait que l'on ne puisse identifier qui est responsable de quoi.

Plusieurs correctifs s'imposent donc: — il faut exclure du mandat de la D.G.E.C. ce qui concerne l'élaboration des politiques et la détermination des objectifs de développement des collèges; — il importe d'affirmer au plus haut niveau la spécificité du réseau collégial autrement que par l'existence, au sein du C.S.E., d'une commission de l'enseignement collégial; — il faut modifier la loi 21 de telle sorte que l'on confirme l'autonomie des cégeps et qu'on leur permette d'exercer effectivement leur mission. Cela impliquera la nécessité que ceux-ci rendent compte de leurs activités à la collectivité; — il faut affirmer la nécessité de maintenir, pour les collèges, un lieu identifié de concertation; — il faut envisager le problème de l'évaluation d'une façon globale qui implique le réseau tout entier.

Le projet gouvernemental

Les auteurs du projet gouvernemental à l'endroit des cégeps se sont exprimés longuement sur le problème que pose l'absence de mécanisme d'évaluation, sinon d'évaluation même.

La Fédération des cégeps ne peut que reconnaître cette lacune et se joindre à ceux qui espèrent en proposer des correctifs. Mais elle doit formuler des réserves sur la problématique gouvernementale à ce sujet.

La problématique

Selon le ministre, au passif du bilan des cégeps, figurent de nouveaux problèmes dont celui de la qualité de l'enseignement, causé à la fois, par la démocratisation accélérée et la relative impréparation pédagogique des professeurs. Les problèmes relatifs à la qualité de l'enseignement lui semblent surtout liés à "l'absence de mécanismes capables de mesurer avec quelque précision la qualité des établissements et de l'enseignement qui est dispensé non moins que celle des diplômes décernés."

De plus, un peu partout, au Québec, on s'interroge sur la valeur des services éducatifs et sociaux effectivement rendus par les collèges. On leur demande de se justifier, de rendre des comptes. Conscient de cette situation, le gouvernement entend faire du droit des étudiants à un enseignement de qualité le principe fondamental inspirant le renouveau qu'il propose et de l'évaluation, la pierre d'assise de ce renouveau.

On distingue donc trois éléments constitutifs de la problématique gouvernementale en matière d'évaluation: — droit des étudiants à un enseignement de qualité et nécessaire garantie de cette qualité; — constat de l'absence de mécanisme d'évaluation, facteur causal des doutes qui émergent dans la population au sujet de la qualité de l'enseignement; — obligation de rendre des comptes à la population.

Si la Fédération des cégeps reconnaît la valeur de ces éléments et la complexité du problème, il lui semble toutefois que les correctifs proposés et, en particulier, la création à cette fin d'un organisme nouveau font fi de la réalité du réseau et de celle des cégeps et des limites qu'elle impose à la volonté d'évaluer. Elle s'inquiète des faibles moyens dont disposent les cégeps afin de rendre des comptes sur la qualité des services offerts à la communauté québécoise. Elle constate également que cette situation est intimement liée aux problèmes déjà soulevés par elle et soulignés dans le projet gouvernemental, concernant l'autonomie tronquée des collèges.

Un Conseil des collèges

Afin de contribuer à résoudre les problèmes du réseau collégial, le gouvernement propose la création d'un Conseil des collèges analogue à celui des universités.

Déjà une première réserve s'impose sur les termes de l'analogie. Il nous semble en effet que trois facteurs au moins devraient empêcher que les rôles et les structures du Conseil des collèges soient calqués sur ceux du Conseil des universités. D'une part, les collèges regroupés en fédération ont développé des compétences dans plusieurs domaines et mis au point des mécanismes de concertation efficaces. D'autre part, le rôle centralisateur joué par la D.G.E.C. dans tous les secteurs d'activités du réseau conditionne une autonomie très partielle des collèges en regard de celle des universités. Enfin, d'autres forces sociales s'affrontent dans les cégeps où le militantisme syndical est important. La dynamique dans laquelle devrait s'insérer un Conseil des collèges est donc très différente de celle qui existait lors de la création du Conseil des universités et cela devrait commander une prudente réserve, même au niveau des références.

Les rôles et fonctions

La multiplicité des rôles que l'on entend faire jouer au Conseil des collèges et à ses commissions nous laisse perplexes. Doit-il en même temps aviser et fournir des services? Quelques exemples permettront de préciser notre pensée. Ainsi, on voit mal comment un même organisme pourrait aviser le ministre en matière de politique et de pratiques institutionnelles d'évaluation, et offrir, en même temps, des services d'évaluation aux collèges. On peut penser que les collèges ne recourront pas volontiers, pour se faire aider en matière d'évaluation, à l'organisme chargé d'analyser leurs politiques institutionnelles et de faire au ministre les recommandations qui s'imposent.

La composition

La multiplicité des rôles que nous venons d'énoncer devient encore plus incompréhensible lorsqu'on l'étudie en regard de la composition suggérée.

À titre d'exemple, on comprend difficilement le rôle que pourront jouer les représentants des collèges lorsqu'il s'agira d'aviser les collèges sur des sujets obligatoires qui les concernent immédiatement ou alors l'intérêt que peuvent avoir les représentants du gouvernement à se conseiller eux-mêmes sur ces sujets.

La réaction de la Fédération des cégeps

Compte tenu des conclusions de la première partie de notre argumentation, à savoir: — la nécessité de créer une instance consultative spécifique au niveau collégial; — la nécessité de régénérer l'autonomie des collèges; — la nécessité de clarifier le partage des responsabilités dans le réseau; — la nécessité de créer un contrepoids politique au centralisme bureaucratique;

La Fédération des cégeps accepte la création d'un Conseil des collèges, exclusivement consultatif auprès du ministre de l'Éducation.

Le modèle que propose la Fédération des cégeps

La proposition qui suit constitue un tout qu'il faut mettre en rapport avec les principes que nous avons affirmés plus haut. Elle ne saurait être scindée ou utilisée de façon parcellaire à des fins autres que celle de promouvoir la création d'un Conseil des collèges selon le modèle suivant:

La mission — Conseiller le ministre dans le développement du réseau collégial. Les fonctions — Donner des avis sur les besoins de l'enseignement collégial et recommander les mesures à prendre pour y répondre. — Etudier les besoins de l'enseignement collégial, en tenant compte des besoins culturels, scientifiques, sociaux, et économiques du Québec, aussi bien que des ressources humaines et matérielles et des effectifs étudiants. — Proposer les objectifs qui doivent être poursuivis pour que soit assuré le développement de l'enseignement collégial et les réviser périodiquement. — Suggérer les politiques de développement des programmes et d'innovation pédagogique. — Proposer les politiques d'évaluation des établissements d'enseignement collégial et de leurs pratiques institutionnelles. — Proposer les lignes directrices des plans quinquennaux d'investissements et les critères de répartition des crédits. — Procéder périodiquement à l'évaluation de ses objectifs propres et de son fonctionnement. On s'apercevra que dans l'ensemble ces fonctions sont semblables à celles que propose le gouvernement. Nous ne saurions toutefois trop insister sur la différence majeure que constitue à notre avis le fait de confier au Conseil le rôle d'aviser le ministre sur les politiques d'évaluation des établissements d'enseigrement collégial et leurs pratiques institutionnelles.

La composition

La Fédération des cégeps considère que la composition du Conseil devrait être différente de celle que propose le gouvernement et être basée sur les principes suivants: — Affirmer la spécificité du niveau collégial (exclusion des représentants des niveaux universitaire et secondaire). — Reconnaître la nécessité d'assurer une représentation régionale. — Reconnaître la nécessité d'assurer la présence de gens impliqués dans le développement économique, social et culturel du Québec.

Les membres devraient être choisis en fonction des critères suivants: — Connaissance de l'évolution et de la spécificité du réseau collégial. — Crédibilité et intégrité (éviter les situations de conflit d'intérêts).

Les commissions

La création de deux commissions auprès du Conseil nous semble susceptible de permettre le traitement approfondi de certaines questions. Nous nous interrogeons toutefois sur l'opportunité de confier à la commission d'évaluation le rôle d'aviser le Conseil mais aussi les collèges sur les politiques institutionnelles d'évaluation. Plus encore, nous nous opposons au fait que cette commission assure aussi un service d'évaluation. Ne serait-il pas préférable de créer un centre d'évaluation, complètement indépendant du ministère, du Conseil des collèges et des collèges eux-mêmes, et dont la tâche serait de produire des instruments d'évaluation et d'aider à leur utilisation.

La Fédération des cégeps pense que les commissions doivent être exclusivement consultatives auprès du Conseil et rester le lieu privilégié d'intervention des représentants du réseau.

En conclusion

La Fédération des cégeps recommande de réaménager et au besoin de transférer vers d'autres instances certaines fonctions actuellement assumées par les directions générales du ministère de l'Éducation, notamment les fonctions consultatives et de service.

La Fédération des cégeps, en outre, recommande de réviser le mandat du Conseil supérieur de l'éducation pour en exclure ce qui a trait au développement spécifique du réseau collégial.

LA LOI DES COLLÈGES Les limites aux pouvoirs d'un collège

L'article 6 de la Loi des collèges se lit comme suit: "Un collège est une corporation au sens du Code civil et il peut exercer tous les pouvoirs en outre des pouvoirs spéciaux que lui confère la présente loi."

En analysant de près cette loi, on se rend compte que les articles subséquents ont pour effet de tronquer cette autonomie affirmée en principe.

Ainsi, outre le fait que la création d'un collège se fait par lettres patentes autorisées par le lieutenant-gouverneur en conseil, les pouvoirs d'intervention du lieutenant-gouverneur en conseil ou du ministre s'étendent sur tout le fonctionnement du collège, qu'il s'agisse des biens immobiliers, de l'administration, des règlements internes, de l'embauche du personnel, des conditions d'admission des étudiants ou de la nomination des membres d'un conseil d'administration. De plus, la loi confère aussi au lieutenant-gouverneur en conseil le pouvoir d'imposer des sanctions.

Les pouvoirs qualifiés de "spéciaux" que la loi confère aux collèges ne peuvent, à l'exception de deux (recevoir des dons et placer ses biens), être exercés qu'à la suite de l'approbation du ministre de l'Éducation.

Finalement, les autres pouvoirs qu'un conseil d'administration peut exercer et qui ne requièrent pas une autorisation préalable ou une approbation ultérieure se limitent à la nomination du directeur général, du directeur des services pédagogiques et du président du conseil. Cela est insuffisant.

Compte tenu de cette analyse de la situation, la Fédération des cégeps est heureuse de constater que le projet de loi 25 n'apporte aucune modification à l'article 6 de la Loi des collèges, et qu'en conséquence le principe de décentralisation est maintenu. Elle souhaite toutefois que le gouvernement l'applique de manière à ce que les collèges puissent exercer réellement les pouvoirs qui leur sont octroyés.

Le projet gouvernemental Le pouvoir des corporations

La Fédération des cégeps s'étonne du fait que les modifications proposées au chapitre des pouvoirs des corporations sont loin d'orienter les collèges dans la voie de la décentralisation préconisée par le gouvernement. Au contraire, l'article 18, presque entièrement de droit nouveau, contribue à allonger en la précisant la liste des domaines dans lesquels peut intervenir le lieutenant-gouverneur en conseil. L'article 19, qui précise les champs de réglementation d'un conseil d'administration de collège, ne subit, lui, aucune modification, sinon de concordance. Dans l'ensemble, le projet de loi accentue donc le partage antérieur des responsabilités.

Inutile de parler ici des mesures d'allégement bureaucratique que constituent les modifications à l'article 2. Parlons plutôt des articles 26 et 28b qui, loin d'atténuer les menaces de tutelle comme le promettait le Livre blanc, ajoutent sans les préciser des domaines au sujet desquels un collège pourrait encourir des sanctions. Nous pensons à cet égard que le lieutenant-gouverneur en conseil devrait ouvrir une enquête au cours de laquelle le collège pourrait faire connaître sa position, et ce, avant d'appliquer quelque sanction ou de nommer un contrôleur des finances.

Plus particulièrement la Fédération des cégeps recommande:

Que le ministre, avant de prendre des mesures exceptionnelles visant à porter atteinte aux pouvoirs des collèges ou à les suspendre, fasse enquête au cours de laquelle le collège fera valoir sa position. Suite à cette enquête, s'il doit y avoir suspension de pouvoirs, qu'un tuteur soit nommé.

En vertu du principe de décentralisation auquel souscrit le gouvernement actuel, les corporations devraient jouir de tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation de leur mission. D'une façon générale, elles devraient avoir un pouvoir de réglementation pour la poursuite de leurs fins sans avoir à obtenir une autorisation préalable ou à se soumettre à une approbation ultérieure.

La Fédération des cégeps recommande donc:

Que les corporations que constituent les collèges soient dotées d'un pouvoir de réglementation dont les seules limites seraient celles qui sont propres à l'acte gouvernemental.

Les seules limites que devrait subir l'action de la corporation seraient les pouvoirs dévolus au gouvernement en tant que tel dans le domaine des finances ou dans celui des études. Ces deux domaines doivent faire l'objet de réglementation de la part du ministre.

Le régime pédagogique

En ce qui concerne le régime pédagogique, les recommandations que contient le projet gouvernemental sont pour nous l'objet d'une grande préoccupation; aussi y consacrons-nous ailleurs une étude plus complète. Qu'il nous soit permis cependant de soumettre ici trois des idées-maîtresses qui ont inspiré notre analyse.

Nous croyons d'abord que la loi doit reconnaître le droit fondamental de tous les adultes à l'éducation. Cette mesure leur faciliterait l'admission aux études collégiales en démarginalisant la clientèle particulière qu'ils constituent à l'heure actuelle.

De plus, nous pensons que le ministre devrait établir un régime pédagogique ayant force de règlement des études collégiales.

Enfin nous nous interrogeons sur les dangers que comporte la détermination par le ministre d'un plus grand nombre de crédits de concentration ou de spécialisation, comme sur l'augmentation du nombre de cours obligatoires. Il ne faudrait pas, sous prétexte d'assurer un savoir minimum commun, éliminer l'espace dans lequel s'affirme l'existence propre du niveau collégial. En augmentant la proportion de cours obligatoires, on risque en effet de le secondariser.

Le conseil d'administration

Alors que la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel prévoyait que le conseil d'administration serait le lieu quasi unique de participation de toutes les instances concernées du collège, d'autres lieux se sont créés, avec les années, plus proches des niveaux de préoccupation de ceux qui y participent. Ce sont notamment les départements et les comités de relation de travail. En outre, le syndicalisme s'est installé dans les nouvelles institutions et y a introduit des revendications qui ne se situent pas seulement au niveau des conditions de travail, mais aussi au niveau du "pouvoir pédagogique".

La montée du pouvoir syndical a donc créé dans l'exercice de la participation des conditions différentes de celles qui existaient au moment de la création des cégeps, si bien qu'on peut dire à présent que le conseil d'administration ne peut ni ne doit être le lieu privilégié de la participation à l'intérieur d'un collège. C'est un lieu de décision et de gestion.

Se référant à la composition que propose le gouvernement, la Fédération des cégeps s'interroge sur l'érosion de la crédibilité accordée par celui-ci aux conseils d'administration. Étant donné les pouvoirs qui devraient lui être conférés, le conseil d'administration d'un collège devrait, de par sa composition, être toujours en mesure de donner priorité à l'intérêt collectif. Or ce n'est pas l'addition des intérêts particuliers qui fait l'intérêt collectif, mais bien la capacité qu'ont les participants de distinguer ce qui, dans l'ensemble des éléments d'un dossier, est de l'intérêt collectif. Il nous semble donc que, contrairement au modèle préconisé par le projet gouvernemental, un conseil d'administration constitué aux 2/3 de membres de l'extérieur (socio-économiques et parents) garantirait davantage toutes les dimensions qui découlent d'un tel souci.

La Fédération des cégeps recommande:

Que le conseil d'administration d'un collège soit composé aux deux-tiers de membres de l'extérieur (socio-économiques et parents).

Il s'agirait alors d'un conseil d'administration qui remplirait son mandat dans un climat de confiance auprès du ministre de l'Éducation et dont la crédibilité serait manifeste.

En outre, le conseil d'administration aurait l'obligation de rendre des comptes au ministre de l'Éducation par la transmission d'un rapport annuel qui préciserait la façon dont la corporation s'est comportée au cours de l'année, le degré de réalisation de ses objectifs ainsi que la qualité de cette réalisation. Les éléments que devrait inclure ce rapport annuel pourraient être recommandés au ministre par le Conseil des collèges. La corporation ferait donc l'objet d'une évaluation annuelle, selon des critères et des mécanismes préétablis et dont l'objectivité serait incontestable.

Les principaux officiers

Dans la pratique, le rôle de premier officier exécutif de la corporation doit être assumé par le directeur général, ce qui exige de sa part une compétence particulière et une disponibilité de tous les instants.

Par ailleurs, étant donné que les fonctions du président du conseil d'administration se situent surtout dans l'exercice de son pouvoir moral et que l'exercice d'un tel pouvoir exige une grande crédibilité et un désintéressement personnel, le président ne doit avoir aucun intérêt personnel ou immédiat dans les décisions prises par le collège. Ceci exige qu'il soit élu parmi les personnes extérieures au collège.

La Fédération des cégeps recommande:

Que le président du conseil d'administration soit élu parmi les personnes extérieures au collège.

Que les fonctions du président du conseil d'administration soient définies par le conseil lui-même.

CONCLUSION

Une analyse systématique du réseau collégial nous a montré la confusion qui existe entre les rôles des divers intervenants et permis d'en analyser les conséquences sur le partage de leurs responsabilités.

Prenant appui sur la volonté gouvernementale de créer un Conseil des collèges, nous avons insisté sur la nécessité de redéfinir, à cette occasion, le partage des responsabilités entre les divers intervenants du réseau collégial, de manière à permettre à chacun d'assumer les fonctions qui lui conviennent.

Dans cette optique, nous avons recommandé la création d'un Conseil des collèges exclusivement consultatif auprès du ministre de l'Éducation, et dont la composition, différente de celle que propose le gouvernement, refléterait un souci de spécificité et de crédibilité.

Pour ce qui est de la Loi des collèges, nous avons pu constater que le projet de loi 25 ne propose aucun correctif important aux problèmes qui entravent le fonctionnement des cégeps. Nous avons donc développé une argumentation, basée sur les principes du rapport Parent, selon laquelle il faut, d'une part, modifier la loi de façon à accroître l'autonomie des collèges, et, d'autre part, assurer une crédibilité aux conseils d'administration en augmentant la proportion des représentants des milieux socio-économiques et des parents qui y siègent.

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