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Projets de loi nos 24 et 25
(Onze heures quarante-trois minutes)
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'éducation est réunie pour
poursuivre l'audition des mémoires concernant les projets de loi 24 et
25; loi 24, Loi sur le Conseil des collèges, loi 25, Loi modifiant la
Loi des collèges d'enseignement général et
professionnel.
Aujourd'hui, nous continuerons d'entendre, d'abord, le mémoire
présenté par la fédération des collèges que
nous avions commencé à entendre hier. Ensuite, nous entendrons
les mémoires suivants: L'Association des collèges du
Québec, l'Association nationale des étudiants du Québec,
la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération
des enseignants des cégeps ainsi que le Conseil supérieur de
l'éducation.
J'inviterais immédiatement la fédération des
cégeps à s'approcher pour que nous terminions le dialogue avec
les députés.
Veuillez m'excuser, j'ai oublié d'indiquer quels étaient
les membres. Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M.
Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), M. Jolivet
(Laviolette) remplacé par M. Fallu (Terrebonne), M. Lacoste
(Sainte-Anne), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M.
Marquis (Matapédia), M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont)
remplacé par M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette
(Joliette-Montcalm), M. Desbiens (Dubuc) remplacé par M. Laurin
(Bourget), M. Gosselin (Sherbrooke)...
Mme Lavoie-Roux: Du renfort...
M. Rivest: Du renfort pour le ministre.
Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse), M.
Picotte (Maskinongé)...
Mme Lavoie-Roux: Un instant... remplacé par... (11 h
45)
Le Président (M. Marcoux): C'est assez rare qu'il y a des
interruptions lorsqu'on fait...
M. Rivest: Je n'ai pas l'habitude.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Jean-Talon est un jeune député.
Mme Lavoie-Roux: II n'est pas encore aussi discipliné que
vous, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Cela viendra, je lui fais
confiance.
Mme Lavoie-Roux: M. Picotte (Maskinongé) est
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).
Le Président (M. Marcoux): M. Picotte (Maskinongé)
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Samson...
M. Grenier: M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M.
Grenier (Mégantic-Compton).
Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse)
remplacé par M. Grenier (Mégantic-Compton); M. Samson
(Rouyn-Noranda), je ne sais pas s'il a un remplaçant, je ne pense pas.
M. Springate (Westmount)...
Mme Lavoie-Roux: Remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy
McGee).
Le Président (M. Marcoux): M. Springate (Westmount)
remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee).
Mme le député de L'Acadie va compléter ses
questions à la Fédération des cégeps, ensuite, ce
sera le député de Terrebonne et M. le ministre. Mme le
député de L'Acadie.
Fédération des cégeps
(suite)
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander à la
Fédération des collèges de nous expliciter un peu quelle
est sa position quant au rôle que devrait... Si elle pense qu'il
devrait continuer de jouer un rôle quant au rôle que devrait
jouer le Conseil supérieur de l'éducation avec la création
d'un conseil des collèges?
M. Laberge (Jacques): M. le Président, avant de
répondre à la question du député de L'Acadie,
j'aimerais dire que le président de la fédération qui
était parmi nous hier, de même que le vice-président, ont
dû rejoindre leur collège à cause des fonctions qu'ils
avaient déjà planifiées dans l'exécution de leur
travail.
Quand on considère la formation du conseil des collèges et
qu'on désire voir comment pourrait se faire l'articulation avec un
conseil supérieur, je pense que le conseil supérieur a
déjà énoncé un certain nombre de points de vue
là-dessus en parlant de son rôle sur le plan de la politique
globale de l'éducation concernant tous les niveaux scolaires. Quant
à nous, ce que nous désirons particulièrement voir
accorder comme mandat au Conseil supérieur de l'éducation, se
situe véritablement au niveau de la coordination interniveaux qui devra
exister aussi bien entre le primaire-secondaire que le collégial, que du
côté du collégial et de l'université. Par
conséquent, je pense qu'hier, dans le mémoire de la commission
des universités, on a parlé de cette nécessité
d'avoir des liens de coordination plus serrés et c'est à ce
niveau-là que nous les voyons.
Mme Lavoie-Roux: Alors, selon vous, le Conseil supérieur
de l'éducation devrait continuer d'exister, parce qu'il y a quand
même un article, dans le projet de loi, où on parle de
consultation du Conseil des collèges avec le Conseil des
universités et le Conseil supérieur de l'éducation
semblant les considérer comme deux entités tout à fait
semblables, et on peut se demander s'il n'est pas dans l'intention du
gouvernement, peut-être, à plus ou moins long terme, de ne pas
retenir le Conseil supérieur de l'éducation. D'ailleurs, le
ministre n'a jamais donné de réponse très claire
là-dessus, sauf pour nous dire qu'il y a des consultations qui se
continuent, mais comme vous êtes des gens touchés par tous les
organismes de consultation existant dans le système d'éducation,
je pense que c'est important. J'ai simplement un regret, c'est de ne pas
l'avoir demandé aux autres groupes qui vous ont
précédé, mais je voudrais savoir de vous si, à
votre point de vue, il a une place, et s'il doit continuer d'exister,
même s'il y avait la création du conseil de collèges. Je
crois comprendre que oui.
M. Laberge (Jacques): Exactement. Si vous considérez notre
mémoire, nous avons attiré l'attention sur le fait que le Conseil
des collèges devrait être un instrument qui nous permettrait
d'assurer la spécificité du niveau collégial. Par
conséquent, il doit se préoccuper uniquement de l'orientation et
du développement des collèges. Si c'est comme cela, il faut
absolument qu'on retrouve à un autre niveau une instance qui permette de
faire les coordinations interniveaux, parce qu'elles sont évidemment
fort importantes dans le développement.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question, M. le
Président, touche les droits des étudiants. Comme je le signalais
hier soir, on en parle dans le livre blanc sur les cégeps ou sur les
collèges. Or, sauf si on fait référence au terme
"règlements" touchant différents aspects de la vie des
collèges, on ne le retrouve pas d'une façon très
articulée dans le projet de loi actuel. Ma question précise est
celle-ci: Pouvez-vous me dire combien, à votre connaissance, il y a des
collèges qui, actuellement, ont des règlements ou des projets de
règlements touchant la vie et les droits des étudiants?
Deuxièmement... Je vais vous laisser répondre à la
première question.
M. Laberge (Jacques): Je n'aurais pas d'indication précise
par rapport à des règlements qui seraient en vigueur dans les
collèges au sujet du régime étudiant. On sait qu'il y a eu
un certain nombre de problèmes dans des collèges qui ont voulu en
mettre en place, en particulier au collège Maisonneuve. Je n'ai pas de
liste précise là-dessus et je préfère m'abstenir de
répondre à la question. Cependant, il me semble que cette
question pourrait être posée au ministre qui doit approuver les
règlements. Il devrait savoir combien de collèges en ont
effectivement.
Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous n'avez peut-être pas
consulté beaucoup de gens et c'est peut-être une opinion
personnelle; je la prendrai davantage comme étant une opinion
personnelle. Est-ce que vous préféreriez que chaque
collège élabore ses règlements touchant la vie des
étudiants ou si, au point de départ, il devrait y avoir ce que
certains ont appelé une charte des droits des étudiants? À
ce moment-là, il n'y aurait pas uniquement des étudiants du
collégial qui seraient touchés, mais des étudiants de
niveau universitaire et on pourrait même parler du secondaire. Quelle est
votre approche?
M. Laberge (Jacques): Je pense bien qu'on ne peut pas être
contre une charte des droits des étudiants qui déborderait,
à ce moment-là, le niveau collégial proprement dit. Si on
considère les collèges comme étant des corporations
autonomes qui ont le pouvoir de faire des règlements, si ces conseils
d'administration sont des conseils qui sont crédibles,
c'est-à-dire qui ont une autorité morale et acceptée par
le milieu, il me semble que cela revient au collège de faire sa propre
réglementation par rapport à la vie étudiante, par rapport
au régime de vie étudiante. Je pense que les collèges
seront capables de répondre à cette fonction, non seulement d'y
répondre, mais d'appliquer ces règlements avec bon sens pour le
développement du réseau.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Terrebonne.
M. Fallu: Merci, M. le Président. Je remercierai d'abord
nos intervenants d'avoir accepté de passer une nuit
supplémentaire à Québec pour faire face à la
commission. Hier, le député de L'Acadie nous disait que votre
mémoire lui serait d'une grande utilité. Je ne doute pas,
d'ailleurs, qu'en deuxième lecture, sinon le fonds, du moins la
tonalité, qui est un peu celle d'un manifeste puisse lui servir. Je
dirais même que vous lui suggérez une motion de report en
deuxième lecture. On verra toujours.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qu'il me fait dire?
M. Rivest: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon, sur une question de règlement.
M. Rivest: Je pense que le député n'a pas le droit
d'imputer des motifs au député de L'Acadie. Qu'il se contente
donc de poser des questions.
M. Fallu: Est-il possible de faire encore quelques blagues en
cette enceinte?
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
M. Rivest: Ah! C'était une blague!
Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il était minuit quand nous
nous sommes quittés et que j'avais le dernier quart d'heure, mais je ne
me souviens pas d'avoir posé une question au président de la
fédération dans le sens de l'inciter à vouloir reporter le
débat. Est-ce que j'ai posé une question dans ce sens?
M. Fallu: Non. Je m'excuse, madame. Vous m'avez mal compris ou
vous ne m'avez pas entendu.
Mme Lavoie-Roux: Oui, je dois dire que je vous ai mal
écouté.
M. Fallu: Voilà. Alors, est-il nécessaire de
répéter?
Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais bien.
M. Fallu: Je veux bien. On va bien s'amuser, à ce
compte-là.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Fallu: Je disais simplement, M. le Président, qu'hier
soir Mme le député de L'Acadie nous disait, et je cite
textuellement: C'est un mémoire qui sera de grande utilité.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Fallu: Alors, je conclus, pour ma part...
Mme Lavoie-Roux: Ah!
M. Fallu:... sous-titre: entre nous que ce pourrait
être notamment de grande utilité dans son discours de
deuxième lecture, que notamment dans le ton du mémoire qui est un
peu un manifeste, Mme le député pourrait sans doute trouver
quelques perles, quelques bonnes intonations, que même, à la
limite, elle pourrait trouver prétexte d'une motion de report en
deuxième lecture.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je remercie le
député de Terrebonne de ses excellentes suggestions, je verrai
quel usage j'en ferai.
M. Fallu: Voilà.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Terrebonne.
M. Fallu: II y a trois points, si vous permettez...
M. Rivest: II y a l'éditorial du Devoir aussi, si le
député veut continuer de s'inspirer.
M. Fallu: À la page 5 de votre rapport, il est question,
à l'article 1.8, du rapport annuel prévu du Conseil des
collèges. J'aimerais comprendre davantage le sens de cette remarque que
vous faites. Est-ce que la remarque est à l'effet que vous trouvez que
c'est trop demander à un éventuel conseil des collèges de
remettre un rapport qui lui-même serait déposé à
l'Assemblée nationale? Est-ce que votre réflexion va dans ce
sens?
M. Laberge (Jacques): À quel point? M. Fallu:
À la page 5 de votre mémoire.
M. Laberge (Jacques): Le résumé ou le
mémoire même?
M. Fallu: Le résumé, pardon.
M. Laberge (Jacques): La remarque s'inscrit dans l'article 25 qui
prévoit que le rapport annuel du conseil doit lui-même contenir
tous les renseignements que le ministre peut prescrire. Quant à nous, il
nous apparaît que c'est une démarche qui est très large et
qui peut être une façon de ramasser, étant donné
justement le lien étroit qui existe entre le conseil et les institutions
elles-mêmes, une quantité de données considérables
qui ne sont pas nécessairement pertinentes à la question qui
pourrait être traitée.
M. Fallu: Vous trouvez que c'est une surcharge qui pourrait
être demandée éventuellement au Conseil des
collèges.
M. Laberge (Jacques): Pardon?
M. Fallu: Ce serait une surcharge, en somme, ou une charge trop
lourde pour les épaules du Conseil des collèges.
M. Laberge (Jacques): Non, ce n'est pas ce que nous disons.
M. Fallu: Ce n'est pas dans ce sens-là.
M. Laberge (Jacques): Ce n'est pas dans ce sens-là.
M. Fallu: D'accord. À propos des pouvoirs
réglementaires, dans le résumé de votre mémoire,
à la page 7, il est question des pouvoirs réglementaires des
collèges. Est-ce que ce que vous demandez au ministre, au gouvernement
serait bien d'accorder aux collèges les pouvoirs résiduels,
disons, c'est-à-dire tous pouvoirs autres que ceux exercés par
l'acte gouvernemental qui sont déjà prévus d'ailleurs dans
un certain nombre d'articles, dans l'article 18 notamment? Est-ce qu'il s'agit
bien de cela? Un peu sur le modèle des pouvoirs réglementaires
des universités?
M. Laberge (Jacques): C'est exactement notre point de vue. En
fait, quand on considère
l'instauration des cégeps, il faut rappeler l'intention que le
législateur avait, à ce moment-là, de confier à des
corporations autonomes et capables de prendre leurs responsabilités et
d'assurer le développement du réseau, donc de pouvoir se
développer en passant la réglementation qui est nécessaire
pour les collèges. Par conséquent, ce que nous voulons, c'est un
réseau qui donne toute l'ouverture au milieu et qui, par
conséquent, est capable de prendre ses responsabilités par
rapport à la loi. (12 heures)
M. Fallu: Est-ce que, à la limite, étant
donné que la loi prévoit toute une série de
règlements qui encadrent la gestion du collège, donc qui
enlèvent les pouvoirs discrétionnaires qu'on trouvait
jusqu'à maintenant exercés trop souvent, malheureusement, par des
fonctionnaires. Laissant aux collèges les pouvoirs résiduels de
réglementation, cela aurait-il pour conséquence, j'allais dire de
dégraisser la fonction publique, par exemple, la DIGEC? Serait-ce entre
autres, une conséquence, dans votre pensée, en laissant
dorénavant plus de pouvoirs réglementaires aux cégeps, de
décentraliser l'administration?
M. Laberge (Jacques): Je ne sais pas s'il faut utiliser le terme
"dégraisser" la fonction publique. Ce que nous voulons, c'est que la loi
permette aux collèges de passer leurs propres règlements,
évidemment assujettis à un encadrement que prévoit la loi.
Nous ne sommes pas effectivement opposés à ce que le ministre ait
un pouvoir de réglementation propre. En particulier, nous croyons que ce
pouvoir de réglementation doit s'exercer à deux niveaux, celui
des études et celui des finances. Nous disons même que, dans le
passé, ce pouvoir n'a pas été exercé suffisamment
par le ministre. Ne le faisant pas, étant donné que la loi 21 est
une loi-cadre qui, justement, entendait confier des pouvoirs résiduaires
aux administrations locales, les collèges se sont trouvés dans
une situation difficile par rapport aux fonctionnaires eux-mêmes. Ils se
sont également trouvés dans une position difficile par rapport
à l'évolution du syndicalisme; les collèges, étant
incapables d'avoir des règlements qui donnaient un encadrement
administratif à leur conseil d'administration, étaient
très vulnérables par rapport à toutes sortes de
questions.
Dans ce sens, c'est clair que ce que nous désirons, c'est d'avoir
une loi qui soit ouverte au milieu, qui permette au milieu de prendre en charge
le développement des collèges avec un encadrement minimal du
côté, en tout cas, de deux champs, et d'avoir le pouvoir propre de
faire des règlements, de les faire sans qu'à tous les
détours on soit obligé d'attendre l'approbation du ministre pour
les appliquer.
M. Fallu: Est-ce que de tels règlements faits par les
cégeps seraient soumis à l'approbation postérieure du
ministre? Même pas?
M. Laberge (Jacques): Non.
M. Fallu: D'accord. Le troisième sujet que j'aimerais
aborder rapidement, c'est la question du rapport annuel des conseils
d'administration. On sait que ces rapports sont nés d'une certaine
pratique des institutions; j'ai souvenance que c'est le collège de
Saint-Laurent qui avait, le premier, fait établir un rapport annuel, et
la pratique s'est répandue. Maintenant, on trouve dans la loi une sorte
d'encadrement de ce rapport annuel. Est-ce qu'il vous semble nécessaire
que la loi encadre, définisse, détermine ce que devraient
être, dorénavant, les rapports annuels ou s'il faut plutôt
laisser à la pratique le soin de planifier, de modeler, pour ainsi dire,
ces rapports annuels?
M. Laberge (Jacques): Sur ce plan, dans la continuité des
rôles respectifs du ministère de l'Éducation et, par
conséquent, de l'État vis-à-vis des collèges et les
responsabilités du conseil d'administration, nous sommes disposés
à des exigences minimales sur le type de renseignements et le type de
rapports que devront faire les conseils d'administration. Puisqu'il s'agit de
rendre compte des activités d'un collège, de son fonctionnement,
de l'atteinte de ses objectifs, on croit que les conseils d'administration ne
devraient pas avoir d'objection à ce qu'il y ait un certain nombre de
choses qui soient déterminées comme devant faire partie des
rapports des conseils.
M. Fallu: Cette sorte d'acceptation tacite de l'exigence d'un
rapport annuel n'est-elle pas en contradiction avec ce que votre
président nous suggérait hier, à savoir que
l'évaluation institutionnelle, l'évaluation de toute nature
devrait plutôt être laissée aux institutions alors qu'on
favoriserait plutôt, soit par un personnel d'appoint, soit des ressources
financières, l'expression libre, la prise en main de
l'évaluation? Dans ce sens, je dirais que peut-être on pourrait
concevoir que le rapport annuel pourrait lui aussi faire partie de ces
batteries que les collèges eux-mêmes mettraient en place pour
s'évaluer.
M. Laberge (Jacques): Sur ce plan, les conseils d'administration,
comme je le disais, doivent accepter qu'ils rendent compte à quelqu'un
de leurs activités, et comme collèges. Par conséquent, si
c'est un rapport d'une institution dirigé vers l'État, sur ce
plan, nous sommes d'accord pour le faire. Quand on parle de l'évaluation
à l'intérieur de l'institution, il faut aussi admettre à
ce moment que c'est l'institution qui a la responsabilité
d'établir sa propre évaluation sur tous les plans, que ce soit
sur le plan de l'évaluation de l'apprentissage, de l'évaluation
du personnel, de l'évaluation de l'atteinte des politiques et des buts
institutionnels que des institutions peuvent se donner. Par conséquent,
il y a un rôle défini que la corporation doit jouer de ce
côté. Ce que nous disons, c'est que pour accomplir ce rôle,
on sent que les collèges sont mal équipés. On sait tous
très bien que l'évaluation est un problème difficile qui
suscite toujours beaucoup de réactions négatives dans un milieu,
quel qu'il soit.
Par conséquent, l'équipement sur lequel les
collèges peuvent compter pour procéder à ces
évaluations est insuffisant. Nous ne nions pas le besoin d'avoir des
lieux où il y aurait nécessité de mettre au point des
instruments d'évaluation à la disposition des collèges.
Nous verrions très bien qu'une espèce de centre de recherche en
évaluation pourrait être créé au Québec. Pas
uniquement à l'intention des collèges, mais également
à l'intention de tous ceux qui, dans le milieu de l'éducation,
sont appelés à faire des évaluations, à fournir des
instruments et à répondre aux problèmes que nous vivons.
Ce centre donnerait une instrumentation qui permettrait justement au conseil
d'administration de chacun des collèges de jouer son rôle
d'évaluateur, d'évaluation.
M. Fallu: Je vous remercie de ces éclairages. Le
Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, comme j'ai eu
l'occasion de m'entretenir déjà avec les représentants de
la fédération hier, j'aurais seulement deux courtes questions
à poser au directeur général. Vous savez que le projet de
loi prévoit l'existence d'un contrôleur des finances qui serait
habilité, dans les cas où il y aurait enquête, à
administrer ou à surveiller l'administration d'un collège. Ce qui
est une mesure, évidemment, moins draconienne que la nomination d'un
tuteur qui doit naturellement se substituer entièrement au conseil
d'administration, tant pour ce qui est des questions administratives que pour
celles qui intéressent la pédagogie. J'ai observé dans
votre mémoire que vous ne faites pas de remarques particulières
sur ce projet de créer un contrôleur des finances. Est-ce que la
fédération a une attitude là-dessus? J'aimerais bien la
connaître.
M. Laberge (Jacques): M. le Président, dans le projet de
loi no 25, il y a deux endroits où on parle des pouvoirs du
lieutenant-gouverneur en conseil et du ministre relativement à des
problèmes qui peuvent surgir dans l'administration des collèges.
Nous pensons que justement ces deux articles auraient intérêt
à être réunis en un seul, et c'est celui que nous vous
avons proposé dans notre mémoire. Si on n'a pas réagi
directement sur la question du contrôleur des finances, c'est que nous le
voyons comme quelque chose qui pourrait venir toujours à la suite d'une
enquête lorsqu'un problème est perçu ou jugé
important dans l'administration d'un collège. À l'article 28a, on
dit que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut charger une personne qu'il
désigne de faire enquête sur quelque matière se rapportant
à la pédagogie, à l'administration ou au fonctionnement
d'un collège". Or, à l'article 28b, dans ce cas, on dit que "le
ministre peut, lorsqu'il y a enquête, nommer un contrôleur
chargé d'assurer la bonne utilisation des fonds publics dans tout
collège qui n'exerce pas un contrôle budgétaire
adéquat."
Il me semble que ce qui n'exerce pas un contrôle budgétaire
adéquat n'est pas pertinent à la cause qui a
nécessité une enquête. Nous sommes d'accord pour qu'un
collège soit contrôlé s'il dépasse justement les
budgets qui lui ont été accordés par le ministre. Si c'est
réellement prouvé, ce n'est pas très long à
démontrer, nous sommes entièrement d'accord sur des dispositions
qui iraient jusqu'à la tutelle. Évidemment, si on juge à
propos d'avoir un contrôleur dans une séquence comme
celle-là, je ne pense pas que nous nous y opposerions, mais ce que nous
voulons, c'est que dans tous les cas il y ait une enquête où le
collège peut se faire entendre avant qu'on limite d'une façon ou
de l'autre les pouvoirs de la corporation.
J'ajoute que, quand on parle de ce contrôleur, évidemment,
cela a l'air moins lourd que la suspension des pouvoirs du conseil, mais,
lorsque toute l'administration du collège est soumise à un
contrôleur unique qui est parachuté dans l'institution, nous, nous
trouvons que c'est une mesure très radicale et importante.
M. Morin (Sauvé): C'est une mesure draconienne, il faut en
convenir, moins draconienne cependant que la tutelle, je pense. En d'autres
termes, si je vous ai bien compris, M. le directeur général, vous
pensez que cette mesure pourrait être utile, la nomination d'un
contrôleur des finances qui éviterait d'aller jusqu'à la
tutelle. Est-ce que je vous ai bien saisi?
M. Laberge (Jacques): Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas
voulu dire, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Je veux vous comprendre très
clairement.
M. Laberge (Jacques): Ce que nous disons, c'est qu'avant toute
mesure qui doit suspendre les pouvoirs de la corporation il doit d'abord y
avoir enquête où le collège est entendu.
M. Morin (Sauvé): C'est une autre question. Je connais
votre point de vue là-dessus. Dans votre mémoire, vous disiez
qu'à la suite de cette enquête on devait passer directement
à la nomination d'un administrateur. Donc, c'est la tutelle. Je vous
demande si la mesure intermédiaire qui consiste à nommer un
contrôleur des finances vous paraît souhaitable ou pas. J'ai cru
comprendre de votre réponse que vous n'étiez pas opposé
à cette mesure. Est-ce que j'ai bien compris ou est-ce que vous pensez
qu'on doit aller directement à la tutelle, après
enquête?
M. Laberge (Jacques): Si la nomination du contrôleur se
fait après qu'il y a eu enquête, tel que nous le demandons, bien
sûr, nous accepterions que ce soit un contrôleur au lieu de mettre
tout le conseil en tutelle.
M. Morin (Sauvé): C'est cela que je voulais savoir.
Une dernière question; après quoi, nous pourrons sans
doute passer à un autre groupe, M. le
Président, à moins que les collègues n'aient des
questions à poser.
Hier, dans votre présentation, vous avez souhaité que la
loi détermine la composition, le mandat de la commission
pédagogique. À l'heure actuelle, comme vous le savez, c'est le
conseil d'administration de chaque collège qui procède à
cela. Ce que vous nous suggérez, c'est une mesure de centralisation, en
somme, si je vous ai bien compris?
M. Laberge (Jacques): Non, je ne pourrais pas qualifier cela
d'une mesure de centralisation. C'est que, par rapport à la commission
pédagogique, vous savez comme moi que ces instances, qui sont justement
des instances où la participation des gens du collège peut
s'effectuer, ont été des lieux qui ont été
difficiles à mettre en place à cause justement de situations
conflictuelles à l'intérieur même de cette commission
consultative auprès du conseil. On sait qu'elle a fait l'objet de
clauses de convention collective. Justement, notre souci sur ce point, c'est de
préférer que la loi détermine les fonctions et la
composition de la commission pédagogique plutôt qu'elle soit
laissée à débattre dans les conventions collectives.
M. Morin (Sauvé): Cela n'est pas de la centralisation.
Comment appelez-vous cela? De la décentralisation peut-être?
M. Laberge (Jacques): C'est un moyen de mettre au-dessus de
conflits des rôles et des fonctions qui sont difficiles à exercer,
M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Oui, mais, quand on met dans la loi ou
dans des règlements, des choses qui, normalement, se décident au
plan local, cela s'appelle de la centralisation, M. Laberge. Remarquez que,
d'un certain point de vue, je devrais me réjouir que vous teniez ce
langage parce que les gens dans la population nous demandent d'avoir des
attitudes comme cela. Mais vous avez de drôles d'attitudes. De temps
à autre, vous dénoncez la centralisation, et de l'autre main,
vous venez nous donner des occasions de centraliser. C'est pour le moins un peu
illogique comme démarche. M. le Président, pour ma part,
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: M. le Président, vous m'excuserez d'abord
d'être arrivé à brûle-pourpoint ce matin, je ne veux
pas faire reprendre une discussion qui a eu lieu ici tard dans la
soirée. Le député de Gaspé devait être en
Chambre ce matin, pour parler sur la loi 31, et j'ai dû le remplacer.
J'aimerais savoir du directeur général... Entre le projet
de loi qui est prévu et votre mémoire sur les
responsabilités ou la mission, à la page 14, que vous nous
donnez, est-ce qu'il y a eu des parallèles d'établis, par
exemple, où il pourrait y avoir ces ressemblances entre
différents articles? Est-ce qu'il y a des différences assez
marquées entre les responsabilités que vous voulez donner au
conseil et ceux que le ministre a l'intention de donner par l'article 14? Vous
voyez, par exemple le b) de l'article 14: "Les projets de création de
nouveaux collèges" qui seraient assumés selon la loi par le
nouveau conseil, alors que vous avez: "Conseiller le ministre dans le
développement du réseau collégial. Vous arrivez ensuite
à d) de l'article 14: "le plan de répartition par collège
des programmes d'enseignement collégial". Et vous avez ici, dans votre
recommandation: Donner des avis sur les besoins de l'enseignement
collégial et recommander les mesures à prendre pour y
répondre.
Je pense bien que, dans d'autres termes, vous avez quand même
là des rapprochements assez sensibles de ce que propose le ministre.
Est-ce que ce sont les grandes différences entre vos propositions et
celles du ministre? Rapidement, bien sûr, parce que cela a dû
être dit avant, en d'autres termes.
Mme Chené (Louise): En termes de fonction, effectivement,
ce qu'on recommande que soient les fonctions du conseil des collèges,
c'est très semblable à ce que se propose le ministre, en termes
de consultation privilégiée. L'article auquel vous faites
allusion dit que le ministre devra consulter le conseil là-dessus.
L'ensemble des éléments qui sont là-dedans nous
agrée. La principale différence dans nos recommandations
concernant les fonctions, c'est que nous considérons que le conseil des
collèges doit être consultatif aussi quand il traite des questions
d'évaluation. Alors que dans la proposition gouvernementale, l'exercice
de cette consultation, en termes d'évaluation avec des fonctions
afférentes, en termes de service, par exemple, et en termes de
consultation auprès des collèges, cet exercice, donc, est
confié à une commission du conseil dont on a eu l'occasion de
discuter hier. Dans l'ensemble des fonctions du conseil, la principale
différence consiste, pour nous, à recommander que le Conseil des
collèges soit consultatif aussi sur la question d'élaboration des
politiques d'évaluation.
M. Grenier: Si j'avais à faire un discours en
troisième lecture ou en deuxième, ici en Chambre et que je
voulais défendre votre position, sur quoi devrais-je me baser? Qu'est-ce
qui vous fait le plus mal dans la proposition gouvernementale?
Mme Chené: Vous voulez dire dans ce qui constitue la
différence?
M. Grenier: Oui.
Mme Chené: C'est la multiplicité...
M. Grenier: Quel est, d'après vous, le point le plus
litigieux qui peut arriver, qui pourrait faire le plus mal et qui semble vous
enlever de l'autorité, par exemple, que vous ne voudriez pas voir tomber
des mains du gouvernement?
Mme Chené: Dans la loi 25? M. Grenier: Oui.
Mme Chené: Je pense que vous devriez insister sur la
multiplicité des rôles et fonctions que l'on entend faire jouer
à une commission du conseil, commission que l'on situe auprès du
conseil, c'est-à-dire sans en préciser les liens exacts, dont les
membres sont nommés directement par le ministre et qui, de ce fait,
à cause de la multiplicité des rôles et des fonctions qu'on
entend lui faire jouer, a un rôle qui dépasse même celui du
conseil dans son ensemble.
M. Grenier: D'accord, et quand vous dites "nommés par le
ministre", je vois, par exemple, que c'est après consultation. Ce serait
quand même des gens du milieu.
Mme Lavoie-Roux: Vous savez ce que cela veut dire.
M. Grenier: Pardon?
Mme Lavoie-Roux: Vous savez ce que cela veut dire.
M. Grenier: Oui, mais ce sera quand même par des gens du
milieu, j'imagine.
Mme Chené: Oui, c'était par référence
à la loi du Conseil supérieur de l'éducation où
lorsqu'on crée une commission, il y a des commissions du conseil
supérieur. Les membres sont nommés par le conseil
supérieur, dans la loi du conseil supérieur. On se demande
pourquoi cette fois-ci c'est différent.
Le Président (M. Marcoux): D'accord. M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. le directeur général, vous avez, je
pense, d'une façon générale dans votre mémoire,
reconnu la nécessité d'améliorer la performance
pédagogique et administrative de l'ensemble des collèges. Je
pense que là-dessus, autant de ce côté-ci de la table que
de votre côté, c'est clairement établi. Également,
vous avez, je pense un peu dans le sens que madame vient de l'exprimer
endossé la création et la constitution d'un conseil des
collèges dans bien sûr dans votre point de vue sa
forme consultative auprès du ministre pour justement être le lieu
d'évaluation de l'ensemble des problèmes qui se situent au niveau
du réseau, tel que vous l'avez signalé dans votre
mémoire.
Une chose aussi qui me plaît, c'est que, à gauche ou
à droite, on peut tirer argument autour des problèmes de
centralisation ou de décentralisation. Vous avez, dans votre
mémoire, reconnu que sur certains types de problème, et en
réponse au ministre tantôt, il y a certains éléments
de centralisation qu'il faut bien avoir en tête pour assurer
l'efficacité des correctifs qu'on veut apporter. Par ailleurs, vous avez
et l'ensemble de votre mémoire plaide plutôt dans ce sens
signalé l'intrusion ou les facteurs de centralisation qui vous
paraissent inutiles ou, enfin, qui semblent à votre point de vue imposer
des contraintes beaucoup trop rigoureuses en regard de la nature même des
collèges.
Cela m'amène à la première question que je voudrais
vous poser. Dans le résumé de votre mémoire, au sujet du
projet de loi no 24, à l'article 1.6, vous parlez des commissions
madame vient d'y faire référence qui seront
créées sur l'enseignement professionnel, la commission
d'évaluation. Je veux attirer votre attention et avoir une explication
sur les autres commissions. Dans la même ligne de pensée, le
risque est grand que la constitution d'autres commissions prévue
à l'article 23 serve à refiler tous les problèmes
embarrassants. Quel est le type de problème qui vous paraîtrait
dangereux ou, enfin, que vous n'aimeriez pas que le conseil accapare, sans
doute au détriment des collèges via la création d'une
commission au sens où la loi 24 le prévoit, c'est-à-dire
avec l'autorisation du ministre de l'Éducation, etc.?
Mme Chené: En fait, c'est le vague de l'article qui nous
inquiète, pas le fait que le conseil puisse se doter, avec l'approbation
du ministre, d'autres commissions, cela avec un mandat spécifique et une
composition précise. Le vague nous amène à penser, par
exemple, qu'on pourrait soumettre au conseil la possibilité de
créer des commissions pour étudier des problèmes de
réseaux. Vous me permettrez de donner des exemples mais peut-être
ne sont-ils pas aussi pertinents que vous le souhaiteriez: La question des
ententes de services relatives aux cafétérias. On pourrait
vouloir créer et multiplier de ce fait, sur des choses
spécifiques, des lieux de consultation dans un cadre plus global et
régler des problèmes qui peuvent se régler ailleurs. On
crée le vague, d'une part, et le dédoublement avec d'autres
possibilités de régler.
M. Rivest: Alors, dans ce sens, quant à moi, je pense que
cela rejoint finalement l'interrogation fondamentale, si vous voulez, ou
première que pose votre mémoire. Justement, c'est qu'il y a des
prescriptions très précises, des dispositions très
précises de la loi sur lesquelles vous avez exprimé clairement
votre opinion. Comme pour les autres groypes et les autres mémoires
qu'on reçoit et dont on a pris connaissance, il y a beaucoup de
sphères dans ce projet de loi où on ne peut, à la lettre
même du rapport, avoir une idée réelle des intentions
véritables du gouvernement en regard de l'avenir des collèges et
de la protection de leur autonomie, chose que vous défendez. Je pense
que cet exemple c'est pour cela que j'ai posé la question
est certainement un des aspects les plus critiquables d'une telle loi. C'est
très bien illustré par l'article 23 que je viens de vous signaler
et que vous avez vous-même relevé à l'intérieur de
votre mémoire.
Deuxièmement, si vous voulez passer au point 1.7, "la
complexité et le caractère délicat du problème
d'évaluation et de la mise en oeuvre des politiques institutionnelles
d'évaluation militent en faveur de laisser le temps nécessaire au
conseil de s'en saisir." Qu'entendez-vous par "laisser le temps"? Que
recherchez-vous en faisant cette proposition?
M. Laberge (Jacques): Ce que nous recherchons
particulièrement, c'est que le projet de loi soit modifié de
telle sorte qu'on ne pose pas de geste immédiat, tel que la
création de la Commission d'évaluation avec les fonctions qu'on
lui accorde dans le projet de loi, mais qu'on charge effectivement le Conseil
des collèges, dans un premier mandat qui pourrait être
prioritaire, par exemple, de faire une analyse de la situation vécue
dans les collèges par rapport au problème de l'évaluation,
et propose justement des politiques qui permettraient de résoudre ces
problèmes, alors qu'ils auraient été, à notre avis,
mieux identifiés et présentés d'une façon plus
complète que ce que nous avons comme information par rapport à ce
qui est prévu dans le projet.
M. Rivest: Au fond, cela revient un peu à la même
chose. Encore là, quels sont les intentions et les objectifs
réels poursuivis par le gouvernement? L'article 1.8, cela
m'étonne un peu dans la mesure où, je pense, vous ne remettez pas
en cause le principe du dépôt d'un rapport annuel par le conseil,
rapport qui doit contenir un certain nombre de renseignements. Pourquoi
semblez-vous, en tout cas, remettre en cause l'idée que le ministre
pourrait exiger des banques de données? La constitution de banques de
données exigées par le ministre ne nous semble pas être
conforme au rôle que doit jouer cette instance, c'est-à-dire le
conseil. S'il doit déposer un rapport, cela doit donner un certain
nombre de renseignements et il faut quand même qu'on indique quel type de
renseignements. Quel danger réel voyez-vous à cela?
Mme Chené: Encore un danger de formulation. Si vous me le
permettez, je vais vous lire l'article de la loi. L'article dit: "Le conseil
doit, au plus tard le 30 août de chaque année, faire au ministre
de l'Éducation un rapport de ses activités pour son exercice
financier précédent et sur l'état et les besoins de
l'enseignement collégial. Ce rapport doit aussi contenir tous les
renseignements que le ministre peut prescrire." Si c'est un rapport sur
l'état et les besoins de l'enseignement collégial qui doit
"aussi" contenir autre chose, on s'interroge sur ce que peut être autre
chose. C'est tout.
M. Rivest: C'est ce que je voulais un peu vous faire dire. Encore
là, c'est toujours la même inquiétude que vous exprimez.
C'est l'espèce de perspective tous azimuts de dispositions qui, en
elles-mêmes, ne sont pas mauvaises au départ, mais qui, dans la
rédaction du projet de loi, laissent à peu près tous les
intervenants et tous les intéressés dans le vague, qui permettent
en tout cas certainement d'avoir des interrogations véritables,
sérieuses sur les objectifs véritables de ce projet de loi. Je
pense que dans votre mémoire et par ces quelques exemples, vous le
soulignez d'une façon très claire. Je sais que le ministre a pu
être un peu ému par certains expressions que vous avez
employées dans votre mémoire. Néanmoins, je pense que
quand on regarde sérieusement à la lettre chacun des arguments
on vient simplement d'en passer trois effectivement, comme on le
signale d'ailleurs non seulement dans le milieu des collèges, mais chez
les observateurs, il y a une rédaction du projet de loi qui
soulève des inquiétudes extrêmement sérieuses dans
le contexte actuel. Là-dessus, je tiens à vous féliciter
pour cette prise de position parce que c'est dans ce sens et ce sera un
peu notre rôle ultérieurement d'essayer d'obtenir du
ministre de préciser davantage ses orientations réelles.
Une ou deux questions, si vous voulez, sur la loi 25 avant de terminer.
Il y a encore à 1.4 je suppose que c'est la même
préoccupation, "doivent soumettre chaque année l'ensemble des..."
Oui. Pourquoi vous objectez-vous? "Il est également inadmissible qu'un
collège doive soumettre chaque année l'ensemble des enseignements
qu'il entend dispenser à ses étudiants lors de la prochaine
année scolaire". "Soumettre chaque année"... (12 h 30)
M. Laberge (Jacques): Mais c'est le texte même qui nous
tracasse. D'abord, les enseignements qu'un collège peut donner sont
prévus par la loi et, d'autre part, le collège ne pourrait pas,
sans l'autorisation du ministre, donner des enseignements nouveaux annuellement
qui peuvent se situer dans toutes sortes de cadres qu'on juge
complètement "inadministrables". D'autre part, ça rejoint
toujours le degré d'autonomie que le collège a lui-même sur
la façon de... sur les enseignements qu'il peut et doit donner. Quand
nous réclamons, par exemple, que le ministre fasse un règlement
à des études, évidemment, on va parler des programmes
à l'intérieur de ça et cet encadrement nous apparaît
suffisant, compte tenu de la mission qui est donnée aux collèges
de fournir l'enseignement général et professionel aux
étudiants de niveau collégial. Ça nous apparaît une
mesure qui, administrativement, n'apporte rien et qui est susceptible de
limiter étrangement les activités d'un collège.
M. Rivest: Très bien. Voulez-vous ajouter quelque
chose.
Mme Chené: Oui, j'allais ajouter que c'était
principalement dans le domaine de l'éducation des adultes, par exemple.
Est-ce que cet article vise également les enseignements qui y sont
dispensés et si oui, de quelle façon cela va-t-il nous limiter?
Le fait de le soumettre chaque année, il n'y a quand même pas tant
de nouveautés que ça dans le réseau collégial,
chaque année.
M. Rivest: Je n'insiste pas, pour ne pas allonger inutilement,
sur la composition même du conseil d'administration qui, avec les
internes et les externes... Je pense que vous vous êtes suffisamment
exprimés pour illustrer les problèmes que ça peut
soulever. J'en arrive juste à la question des sociétés de
services, comment s'appellent-elles, auxiliaires. Encore là, quelle est
la préoccupation, ou enfin, les réserves ou les
inquiétudes ou même les questions, la question que vous posez au
sujet de cette disposition de la loi, l'article 20?
M. Laberge (Jacques): L'article 20 prévoit qu'il y aura
une modification importante, complètement de droit nouveau, par rapport
à la loi actuelle et qui permet la création de la
société. Quand on se pose la question des intentions qui
prévalent sur cette nouveauté parce que c'est une
nouveauté on s'interroge sur le fait qu'actuellement dans la loi,
il n'y a rien qui empêche les collèges de créer des
corporations qui peuvent assurer des services auprès des
collèges. Je mentionnerai, en particulier, la création du SRAM,
qui est une corporation qui a été créée par des
collèges et il nous apparaît que, dans les lois actuelles, il y a
tout ce qu'il faut pour faire fonctionner des sociétés
auxiliaires de services.
Cependant, ce qui nous inquiète, encore une fois, c'est quand
vous regardez les articles un après l'autre, vous voyez qu'une fois
qu'une telle société est créée, elle tombe sous la
coupe et la juridiction complète... avec les mêmes modes de
contrôle sur sa réglementation, sur l'approbation de ses budgets
et d'autre part, enfin, si vous regardez l'article 29j, vous voyez que cette
création d'une telle société devient fort difficile
à dissoudre, puisque pour annuler sa charte il faut que ce soit fait
à la requête de la société et sur la recommandation
des collèges qui en font partie et du ministre.
Par conséquent, pour nous, c'est encore une fois, une question
d'interrogation. Pourquoi un cadre si précis et si rigoureux pour
créer des sociétés qui peuvent être actuellement
créées en vertu des lois existantes. Cela nous apparaît
quelque chose que nous ne comprenons pas.
M. Rivest: On pourra peut-être demander au ministre;
j'espère qu'il relira un peu votre intervention pour qu'il puisse
répondre à ça.
Tout en terminant, M. le ministre, est-ce que vous auriez sur la
création des sociétés auxiliaires... Est-ce que vous avez
entendu le commentaire, à savoir qu'ils se demandaient la raison pour
laquelle vous aviez inclus cette disposition dans le projet de loi.
M. Morin (Sauvé): Non, et de toute façon, je pense
que le temps est maintenant très avancé. Nous allons
empêcher d'autres intervenants de se faire entendre à ce rythme.
J'ai eu de la part de la fédération, tous les renseignements que
je voulais. Je n'ai pas l'intention de faire de commentaires plus avant.
M. Rivest: Bon.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le ministre
refuserait? On peut même congédier, si on veut, la
fédération, mais cela reste très obscur pour nous. Quel
est le but exact de la création de ces sociétés? Que
poursuivez-vous? On voudrait simplement le savoir en deux mots parce que ce
n'est pas clair pour nous non plus.
M. Morin (Jacques-Yvan): J'ai l'intention, au moment où
nous étudierons le projet de loi article par article, en commission, de
répondre à ce moment-là à toutes les questions que
l'Opposition voudra bien me poser.
Mme Lavoie-Roux: C'est transparent.
M. Rivest: Une dernière question. Je prends votre
mémoire à la page 24 au sujet des régimes
pédagogiques. Encore là, vous formulez une interrogation sur les
dangers que comporte la détermination, par le ministre, d'un plus grand
nombre de crédits de concentration ou de spécialisation, etc.
Quel type de dangers, d'une façon précise et concrète,
avez-vous en tête?
M. Laberge (Jacques): D'une part, cela nous apparaît
quelque chose qui va à l'encontre de l'objectif ou de la priorité
qui était prévue dans le livre blanc, à savoir un
renforcement sur le plan pédagogique de l'autorité locale. Cela
empêche justement les collèges de mettre en place des programmes
qui les habillent mieux, si on ferme complètement le choix possible par
rapport à un ensemble de cours qui doivent faire partie d'un programme.
Par conséquent, nous croyons qu'il y a lieu d'avoir une espèce
d'équilibre justement entre une programmation qui tient compte des
éléments réseau et de formation qui doivent être
donnés à tous les étudiants mais qui, également,
font place à des possibilités de souplesse quant à
l'instauration d'un programme qui pourrait être voulu par un
collège donné.
Mme Chené: J'allais vous dire simplement que la phrase ici
ne rend pas compte de l'ensemble du dossier qu'on a fait sur cette question
parce que, effectivement, les collèges reconnaissent la
nécessité que de 16 à 24 crédits soient
déterminés par le ministre. C'est une proportion qui est
importante dans le cas des programmes professionnels. Ce que nous disons, c'est
que notamment, la possibilité à certains moments d'introduire des
cours dans un programme qui permettent de mieux s'ajuster à une
réalité régionale, par exemple, ou à des besoins
précis, milite en faveur du fait qu'on n'augmente pas au-delà de
16 à 24 crédits, dans le cas des programmes professionnels, le
nombre de crédits déterminés par le ministre.
M. Rivest: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Non, j'ai terminé.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie la
Fédération des cégeps d'être venue nous
présenter son mémoire. J'inviterais maintenant l'Association des
collèges du Québec à venir nous présenter son
mémoire.
M. Laberge (Jacques): M. le Président, je remercie la
commission de nous avoir entendus et nous espérons qu'il y aura de
bonnes modifications au projet de loi.
Mme Chené: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): M. Larouche, si vous voulez
nous présenter vos collègues.
Association des collèges du
Québec
M. Larouche: Très bien, M. le Président. Je suis
moi-même président de l'Association des collèges du
Québec; à ma droite, M. François Boissonneault, membre du
conseil général de l'Association des collèges, M. Jean
Meunier, M. Vianney Saint-Michel, membres du conseil général et
M. Jean-Marie Saint-Germain, secrétaire général du conseil
général de l'Association des collèges.
Notre mémoire porte uniquement sur le projet de loi no 24, Loi
sur le conseil des collèges. L'Association des collèges du
Québec regroupe 24 collèges privés qui dispensent à
quelque 15 000 étudiants inscrits en enseignement général
et professionnel des programmes officiels du ministère de
l'Éducation couronnés par le diplôme d'études
collégiales.
On trouve en annexe au présent mémoire, le texte de l'avis
que, le 5 avril dernier, l'Association des collèges du Québec
adressait au ministre de l'Éducation sur la création
éventuelle du conseil des collèges en réaction au projet
du gouvernement à l'endroit des cégeps. Dans cet avis nous
notions: "Même si le projet gouvernemental à l'endroit des
cégeps ne contient aucune référence explicite aux
collèges privés du Québec, il serait étonnant que
l'on puisse créer un conseil des collèges dont les travaux
excluraient un secteur important de l'enseignement collégial".
On constate maintenant que le projet de loi no 24 ne contient pas de
définition explicite des mots "collèges" et "enseignement
collégial" utilisés dans ledit projet de loi, de sorte que nous
nous demandons encore si la Loi sur le conseil des collèges s'appliquera
uniquement aux collèges d'enseignement général et
professionnel ou si elle concernera également les collèges
privés de niveau collégial officiellement reconnus par le
ministère de l'Éducation du Québec.
L'Association des collèges du Québec désire
présenter à la commission parlementaire de l'éducation
certaines prises de position relatives à la composition, aux fonctions
et pouvoirs du conseil des collèges. De plus, l'association pose
également quelques interrogations. Dans une première section,
nous mentionnons deux amendements à la Loi de l'enseignement
privé pour fins de concordance avec la Loi des collèges
d'enseignement général et professionnel. L'article 29 du projet
de loi no 24 modifie le paragraphe h) de l'article 1 de la Loi de
l'enseignement privé en ce qui concerne la définition de
"programme officiel", pour fins de concordance avec l'article 18 de la Loi des
collèges d'enseignement général et professionnel
remplacé par l'article 10 du projet de loi no 25. Nous ne voyons pas
d'objection à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse adopter,
pour l'enseignement privé, des règlements généraux
concernant les programmes d'études ou programmes officiels, mais nous
souhaitons qu'il puisse le faire sur recommandation du ministre, après
consultation de la Commission consultative de l'enseignement privé.
L'article 32 du projet de loi no 24 modifie le paragraphe 3a de
l'article 31 de la Loi de l'enseignement privé pour fins de concordance
avec l'article 18 de la Loi des collèges d'enseignement
général et professionnel remplacé par l'article 10 du
projet de loi no 25, dans lequel il est indiqué que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter des règlements
généraux concernant l'admission des étudiants. Or,
l'article 31a de la Loi de l'enseignement privé ne concerne que les
institutions d'enseignement général. À la rigueur, une
telle obligation pour les institutions d'enseignement professionnel
relèverait plutôt de l'article 41 de la Loi de l'enseignement
privé même si aucune précision n'y est indiquée
à ce sujet.
Nous allons passer à la composition du conseil des
collèges. Dans la composition du conseil des collèges, on devrait
tenir compte des principes de base suivants: Premièrement, affirmer la
spécificité du niveau collégial; deuxièmement,
reconnaître la nécessité de la compétence
plutôt que de la représentativité et, à cette fin,
choisir des personnes dont l'expérience du niveau collégial est
reconnue; troisièmement, assurer une certaine répartition
géographique; quatrièmement, assurer la présence de
personnes des milieux économique, culturel ou social qui sont en
relation étroite avec ce niveau du système éducatif;
finalement, entourer le choix des membres de toutes les garanties possibles
d'objectivité, en évitant qu'ils soient placés dans des
situations de conflit d'intérêt.
Relativement aux précisions indiquées dans l'article 2 du
projet de loi no 24, nous formulons quelques remarques.
Premièrement, des personnes du milieu collégial pourraient
être nommées après consultation des associations les plus
représentatives du milieu collégial, mais non
nécessairement des collèges eux-mêmes, puisque ceux-ci sont
dans l'ensemble regroupés en association. (12 h 45)
Deuxièmement, les personnes nommées après
consultation des associations les plus représentatives du monde des
affaires, du travail et de la coopération doivent posséder une
bonne connaissance de l'évolution et du caractère
spécifique du niveau collégial.
Troisièmement, les personnes du milieu de l'enseignement
universitaire et du milieu de l'enseignement secondaire ne doivent pas
être les représentants de ces milieux afin de respecter la
spécificité du niveau collégial. Peut-être qu'il y
aura lieu de préciser ce dernier point. Ce qu'on veut dire, c'est que
les représentants, les personnes de ces milieux, soit de l'enseignement
universitaire ou secondaire, soient des personnes provenant des milieux, mais
ne soient pas mandatées ou porte-parole de ces milieux et ne se croient
pas liées de rendre des comptes, soit aux universités, soit aux
institutions d'enseignement secondaire. Donc, ce sont des gens qui parlent en
leur nom, qui apportent l'information au conseil.
Fonctions et pouvoirs du Conseil des collèges. Notre
réaction à ce sujet est d'autant plus délicate que nous
ignorons toujours quelles sont les intentions du gouvernement à
l'endroit de l'enseignement privé et que nous ne savons pas si les
fonctions et les pouvoirs du Conseil des collèges concerneront
également les institutions collégiales privées.
Malgré tout, nous osons formuler les commentaires suivants:
Premièrement, l'unique mission du Conseil des collèges est
de conseiller le ministre et non les collèges. Toutefois, nous insistons
pour que ce conseil, dans son rapport au ministre sur l'état et les
besoins de l'enseignement collégial, tienne compte du droit fondamental
du citoyen de choisir le type d'éducation et d'établissement qui
convient à ses aspirations.
Deuxièmement, aussi longtemps que nous ne serons pas fixés
sur la position du gouvernement à l'endroit des collèges
privés et de la commission consultative de l'enseignement privé,
on ne voit guère pour le moment comment les matières
visées dans l'article 14 pourront vraiment concerner les institutions
collégiales privées.
Troisièmement, l'article 16 nous paraît difficile à
administrer puisqu'on ignore qui du Conseil des collèges, du Conseil des
universités, du Conseil supérieur de l'éducation prendra
l'initiative de préparer et de soumettre au ministre de
l'Éducation les rapports conjoints sur les questions
d'intérêt commun concernant l'éducation. Nous croyons
cependant que la coordination entre les différents niveaux
d'enseignement devrait devenir la fonction importante du Conseil
supérieur de l'éducation.
Quatrièmement, nous n'avons pas d'objection à ce que soit
mise en place une commission d'évaluation, à la condition qu'elle
soit uniquement chargée de procéder à l'examen des
politiques institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ces
politiques et d'adresser au seul conseil les avis que lui suggère un tel
examen.
Nous nous opposons très fermement à ce que cette
éventuelle commission d'évaluation adresse au collège en
cause les avis que lui suggérerait un tel examen. Si le Conseil des
collèges a pour mandat de conseiller le ministre de l'Éducation
et non pas les collèges, on ne voit pas comment une commission de ce
conseil aurait pour mandat de conseiller d'autres organismes que le seul
Conseil des collèges.
Nous nous opposons également à ce que cette commission
d'évaluation offre aux collèges un service d'évaluation de
leur programme d'enseignement ou d'un aspect quelconque de leur pratique
institutionnelle. Cette commission nous paraît être juge et partie
lorsque, d'une part, elle doit procéder à l'examen des politiques
institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ses politiques
et qu'elle offre aux collèges, d'autre part, un service
d'évaluation de leur programme d'enseignement ou d'un aspect quelconque
de leur pratique institutionnelle. De plus, il est peu réaliste de
croire que les collèges voudront requérir les services d'un
organisme qui doit aussi les juger.
Compte tenu qu'il s'agit là d'un domaine extrêmement
important qui nécessite le travail d'experts en la matière, nous
croyons fermement que cette fonction de service devrait être
avantageusement assumée par un centre de recherche en évaluation
pour les niveaux d'enseignement élémentaire, secondaire et
collégial.
Modification de l'article 14 de la Loi de l'enseignement privé
par l'insertion d'un nouvel alinéa. L'insertion des alinéas
proposés aux articles 30 et 31 du projet de loi no 24 modifiant les
articles 14 et 17 de la Loi de l'enseignement privé constitue à
notre avis un hors-d'oeuvre, car les modifications proposées nous
semblent n'avoir aucun rapport avec le Conseil des collèges. Il ne
s'agit nullement de mesures de concordance, mais de l'introduction pure et
simple de modifications isolées, sorties de leur contexte d'ensemble. En
conséquence, nous demandons instamment que les articles 30 et 31 du
projet de loi no 24 soient tout simplement retirés et que leur contenu
soit reporté dans le contexte d'ensemble de la position du gouvernement
à l'endroit de l'enseignement privé. Ici, nous ne portons aucun
jugement sur le bien-fondé de ces modifications. Tout simplement, nous
disons qu'elles devraient être faites ailleurs.
Conclusion. Notre intervention que nous voulons la plus positive
possible ne vise qu'à combler des lacunes qui nous paraissent
évidentes et à réduire certaines imprécisions,
anomalies ou ambiguïtés que contient, à notre avis, le
projet de loi no 24. Selon nous, il manque au projet de loi no 24 une
référence explicite au secteur collégial privé,
comme c'était d'ailleurs le cas dans le projet du gouvernement à
l'endroit des cégeps, et cela tout principalement parce que le
gouvernement n'a pas encore fait connaître son énoncé de
politique à l'endroit de l'enseignement privé. Pour nous, la mise
en place du Conseil des collèges ne règle pas le sort des
institutions collégiales privées qui devront toujours être
juridiquement régies par la Loi de l'enseignement privé. On ne
doit pas oublier que les institutions privées d'enseignement constituent
une partie importante du précieux patrimoine du Québec et sont
fortement enracinées dans le coeur d'une grande partie du peuple
québécois.
Nos commentaires sur le projet de loi no 24 auraient été
certainement plus explicites si nous avions vraiment connu les intentions du
gouvernement à l'endroit de l'enseignement privé. Nous
espérons malgré tout que les quelques correctifs
suggérés auront pour effet d'assurer une meilleure insertion de
ce nouvel organisme qu'est le Conseil des collèges dans la
réalité collégiale actuelle et de lui garantir de plus
grandes chances de succès dans l'accomplissement de sa mission. Nous
remercions les membres de la commission parlementaire de l'éducation de
leur bienveillante attention.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je remercie les
représentants de l'association et les remercie particulièrement
de se soucier de ce que le Conseil des collèges soit vraiment le conseil
de tous les collèges et non pas seulement de certains d'entre eux.
D'ailleurs, le titre le dit bien. Il s'agit d'un conseil des collèges et
non pas d'un conseil des cégeps. Les pouvoirs et les fonctions du
conseil porteront donc, bien entendu, sauf lorsqu'il est clair d'après
le contexte qu'il en est autrement, sur tous les collèges et notamment
dans le domaine pédagogique.
Lorsque vous pouvez lire, par exemple, dans l'article 14 que le conseil
pourra conseiller le ministre, et même le ministre est tenu de leur
soumettre une demande d'avis là-dessus, lorsqu'il est question de la
création d'un nouveau collège, il s'agit naturellement, cette
fois, dans ce contexte, d'un nouveau collège public, puisque les
fonctions relatives à l'enseignement privé sont dévolues
à un autre organisme. Ce n'est pas le lieu de discuter ici de l'avenir
de l'enseignement privé, quoique je comprenne fort bien votre
intérêt pour la nouvelle politique, laquelle ne saurait tarder
indéfiniment. Je pense que nous pouvons traiter de cette question, si
vous le voulez bien, tout en se disant qu'il faudra, bien sûr,
régler les problèmes de l'enseignement privé le plus
rapidement possible.
Je constate que vous n'êtes pas en désaccord de
façon générale avec la création du Conseil des
collèges, mais que vous vous interrogez sur telle ou telle disposition
qui vous paraîtrait pouvoir être améliorée. Pour ce
qui est de la composition du Conseil des collèges, je puis vous dire que
j'ai pris bonne note de ce que vous dites dans votre mémoire. J'en
tiendrai certainement compte. D'ailleurs, c'est tout à fait l'esprit
dans lequel nous abordions la question de la composition du conseil.
Bien sûr, je n'ai pas l'intention d'exclure un représentant
des universités. Je pense que vous allez un peu loin, surtout dans le
contexte que nous évoquions hier où il faut assurer une meilleure
coordination, une meilleure charnière entre les universités et
les collèges, une meilleure coordination, si l'on veut par ailleurs
respecter l'autonomie entière de chacun des niveaux d'enseignement.
La première question que j'aurais à vous poser porte sur
votre suggestion de remplacer la commission d'évaluation, laquelle, vous
le savez, offrira des services, par un centre national de recherche en
évaluation. Quelle différence y a-t-il dans votre esprit entre
ces deux organismes? Pourquoi multiplier à loisir, pourquoi ajouter
encore un autre organisme dont je vois mal les structures? Quelles seraient ses
fonctions? Il serait rattaché à quoi? Serait-il rattaché
au ministère? Serait-il rattaché au gouvernement? Serait-il
totalement indépendant? Serait-ce une régie? De quoi s'agit-il et
pourquoi confieriez-vous à un organisme, dont au fond vous ne faites que
changer le nom, des fonctions que nous voudrions rattacher au conseil?
M. Larouche: Nous ne nous opposons pas à ce qu'une
commission d'évaluation soit mise sur pied, commission,
évidemment, rattachée au Conseil des collèges. Cette
commission aurait pour fonction, selon nous, pour principale fonction de
procéder à l'examen des politiques institutionnelles
d'évaluation. La question de l'évaluation dans son ensemble, pour
l'ensemble des institutions de niveau collégial... mais c'est le service
d'évaluation, la technique qui doit faire appel principalement à
des experts en évaluation qui ont une formation technique pour ce faire.
Nous souhaiterions que ceci soit un organisme différent, donc un genre
de centre qui pourrait être mis sur pied. On n'a pas examiné les
modalités de la création d'un tel centre, mais on croit que les
institutions elles-mêmes seraient plus portées à faire
appel à ce service d'experts, si ce service n'était pas
lui-même dépendant d'une commission qui elle-même
relève du Conseil des collèges. Je ne voudrais pas que l'on
comprenne que nous nous opposons à la création d'une commission
d'évaluation.
M. Morin (Sauvé): Quelle serait la nature de ce centre de
recherche en évaluation? Est-ce qu'il fournirait des services aux
établissements?
M. Larouche: Oui, il fournirait sûrement tous les moyens
techniques qui pourraient servir à cette évaluation. Je ne sais
pas si M. Saint-Germain voulait ajouter quelque chose.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous voyons ce centre
d'évaluation constitué d'experts dans ce domaine, qui sont
là à plein temps et qui ne sont pas les membres
bénévoles d'une commission qui se réunit quatre ou cinq
fois par année. Ce sont des membres permanents qui vont traiter, qui
vont fabriquer des instruments d'évaluation dans la ligne des grandes
politiques qui doivent être énoncées par le conseil. Je
pense qu'on n'a jamais très bien défini ce qu'était
l'évaluation. Les parents, hier, ont compris l'évaluation comme
étant un examen commun, mais il y a l'évaluation de toutes les
instances des institutions sur le plan administratif, sur le plan des services
aux étudiants, des services rendus à la communauté, etc.
On a besoin d'instruments...
M. Morin (Sauvé): II s'agit surtout de pédagogie.
Nous pensons surtout à la pédagogie.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui, à la pédagogie.
On a besoin d'instruments pour évaluer parce que ce n'est pas uniquement
la question de la pédagogie qui entre en ligne de compte, je pense que
c'est l'évaluation qui est prise dans un sens plus large que
l'évaluation des programmes. (13 heures)
Ce sont les pratiques institutionnelles et on ne dit pas que cela
concerne uniquement les programmes et la dispensation des enseignements. Cela
concerne toute la vie d'une institution. Si on veut assurer la qualité
de l'enseignement d'une institution, il ne faut pas tabler uniquement sur un
aspect qui est l'aspect pédagogique, mais sur tout l'environnement des
institutions. Nous savons déjà par expérience que le cadre
a consacré des études pendant trois ans sur cette question de
l'évaluation et qu'on est à peine à l'état
embryonnaire quant aux instruments à faire. On voit mal comment une
commission composée de gens qui vont se réunir comme se
réunissait la commission de l'enseignement collégial vont pouvoir
vraiment arriver à construire tous ces instruments dont nous avons
besoin. Non seulement ces gens vont fabriquer des instruments, mais ils vont
les fabriquer en collaboration avec les collèges et ils vont, non pas
travailler en serre chaude, mais ils vont être en contact continuel avec
les agents des collèges pour élaborer les meilleurs Instruments
et les aider ensuite à les mettre en application. Il faut que ce centre
soit complètement indépendant d'un autre organisme, qu'il soit
rattaché au ministère de l'Éducation, mais qu'il soit
indépendant. À notre avis, ces questions d'évaluation
posent des problèmes qui ne concernent pas uniquement le niveau
collégial. Vous allez être obligé d'avoir une commission de
l'évaluation pour l'élémentaire, une commission de
l'évaluation pour le secondaire. Il nous semble qu'un centre serait le
lieu privilégié pour coordonner toute cette question de
l'évaluation à tous les niveaux d'enseignement. C'est pour cela
qu'ayant pour objet tous les niveaux d'enseignement, on ne voit pas ce centre
uniquement rattaché au Conseil des collèges, mais on le voit
aussi au service de tous les autres niveaux d'enseignement.
M. Morin (Sauvé): Rattaché au ministère.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui, ça peut être
rattaché au ministère, mais avec un caractère
d'indépendance, comme on retrouve ces centres d'évaluation aux
États-Unis.
Le Président (M. Marcoux): Comme la plupart des
députés n'ont pu vous poser de questions, je vais vous inviter
à revenir à 15 heures.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 13 h 2
Reprise de la séance à 15 h 11
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de l'éducation est réunie pour
poursuivre l'audition des mémoires concernant les projets de loi 24 et
25. J'inviterais à nouveau l'Association des collèges du
Québec à venir continuer si aimablement de répondre aux
questions des députés. M. le ministre, je crois que vous aviez
terminé.
M. Morin (Sauvé): Pas tout à fait, M. le
Président.
Messieurs, permettez-moi de revenir brièvement sur le point que
nous étions à discuter au moment de la suspension de la
séance. J'aimerais tout de même qu'on précise bien
l'idée qu'on se fait du centre national de recherche en
évaluation. C'est une idée intéressante que je
n'écarterais pas a priori, mais avant de créer un nouveau service
au sein du ministère ou rattaché au ministère, je voudrais
y penser à deux reprises et être bien sûr que je vous ai
compris. Commençons par une question simple, pour y revenir, parce que
je n'ai pas le sentiment que votre réponse avait été
parfaitement claire. Cet organisme serait-il confiné à
définir des critères d'évaluation, à définir
des politiques d'évaluation ou serait-il un organisme de services
pouvant, soit à la demande d'un collège, soit à la demande
du ministre, intervenir dans un collège pour se livrer à de
l'évaluation? De quel genre d'organisme s'agit-il en d'autres
termes?
M. Larouche: M. le Président, je voudrais d'abord
reprendre et mentionner que dans notre mémoire, nous avons donné
notre accord pour la création d'une commission d'évaluation qui
elle, aurait charge d'établir les politiques d'évaluation, de
définir ce qu'est l'évaluation, de définir quels sont les
critères et les domaines à évaluer. Dans un premier temps,
je crois que ce devrait être cette commission d'évaluation qui
définirait le rôle de ce service qu'on a appelé centre
d'évaluation, qu'on pourrait appeler institut d'évaluation,
lequel serait un service répondant à des demandes précises
provenant de collèges qui fabriqueraient, à l'intérieur
des politiques d'évaluation établies par la commission,
pourraient donner ce service d'évaluation.
M. Morin (Sauvé): Pourquoi verriez-vous un tel service
rattaché directement au ministère? Vous savez
immédiatement les méfiances que cela peut évoquer dans un
système qui se veut décentralisé. Pourquoi le
voudriez-vous rattaché au ministère plutôt qu'au Conseil
des collèges, donc rattaché à un organisme autonome
détaché du ministère, indépendant par rapport au
ministère? (15 h 15)
M. Larouche: Je crois que nous ne sommes pas allés jusque
dans les détails de tous les mécanismes. Notre position n'est pas
très précise sur la façon dont ce service serait
relié. Nous demandons qu'il y ait une indépendance à
l'égard du ministère et du conseil des collèges, mais
de
quelle façon il dépendrait... Évidemment, pour le
financement, il aurait sûrement un besoin de financement pour permettre
de fabriquer, d'avoir recours à ces experts.
M. Morin (Sauvé): Écoutez, de deux choses l'une, ou
bien il est sous l'autorité du ministre, ou bien il n'est pas sous
l'autorité du ministre. Alors, je repose la question
différemment. Est-ce que les collèges préfèrent un
système d'évaluation placé sous l'autorité du
ministre ou bien un système d'évaluation facultative placé
sous l'autorité d'un organisme indépendant et où les
collèges sont présents?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Je vous dirai franchement: Nous
concevons l'évaluation comme étant d'abord un service pour tous
les niveaux d'enseignement; c'est pour cela que, prioritairement, on ne veut
pas qu'elle soit rattachée à la commission d'évaluation du
Conseil des collèges, lequel va donner des avis au ministre, mais ce
centre, qu'on l'appelle comme on voudra, va être financé par le
gouvernement. On ne voit pas comment il pourrait être financé,
mais qu'il soit rattaché au Conseil supérieur de
l'éducation, qu'il soit rattaché à un organisme, si vous
voulez, qui va transcender un niveau d'enseignement, cela nous paraît
important, puisque, dans notre pensée, il va toucher à tous les
niveaux d'enseignement.
M. Morin (Sauvé): Autrement dit...
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Et c'est un organisme de services,
qui va fabriquer des outils, qui va travailler en collaboration avec le
collège, mais pas un organisme qui va en même temps les juger.
C'est un organisme de services.
M. Morin (Sauvé): II n'a jamais été question
de les juger. J'espère que ce n'est pas cela que vous lisez dans le
projet de loi. On ne discute pas de cela.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Non, mais c'est parce que dans la
commission de l'évaluation, M. le ministre, vous dites que cette
commission va faire rapport au conseil et au collège de leurs pratiques.
Donc, il va à la fois intervenir dans les collèges pour les juger
également.
M. Morin (Sauvé): Mais non, c'est à la demande d'un
collège qui a des difficultés et qui a besoin d'expertise. C'est
cela, l'esprit de ce projet de loi. Ce n'est pas de juger les collèges,
c'est d'être au service des collèges. Est-ce que cela vous
rassurerait si la commission en question, au lieu de faire rapport au
collège, faisait rapport au Conseil des collèges?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): C'est ce qu'on a demandé
dans notre mémoire: Que ce soit un rapport au conseil et non pas au
collège, comme c'est indiqué à l'article 18, où on
dit qu'il va adresser au conseil et au collège en cause, les avis que
lui suggèrent ces examens. Qu'il adresse au conseil, c'est une
commission du conseil, il va adresser ses avis au conseil et non pas au
collège, mais on voudrait qu'il y ait une distinction entre
l'élaboration, les grandes politiques d'évaluation qui
constituent la fonction d'une commission d'évaluation, mais que le
service lui-même d'élaboration de tout ce qu'il faut pour
évaluer, que ce soit un service qui relève d'un organisme qui ne
soit pas uniquement affecté au niveau collégial, mais qui
concerne également tous les niveaux. Que vous rattachiez cet organisme
au Conseil supérieur de l'éducation, on ignore quel sera l'avenir
du Conseil supérieur de l'éducation, que vous en fassiez une
sorte d'institut indépendant, une sorte de société qui est
financée par l'État, qui doit, évidemment, rendre compte
de son travail à l'État, mais qui a une indépendance dans
son fonctionnement si ce n'est qu'il doit rendre compte de la façon dont
il a utilisé l'argent de l'État.
M. Morin (Sauvé): Dans l'esprit du gouvernement, il y a
une spécificité de l'enseignement collégial qui est
distincte de celle de l'enseignement primaire et secondaire. C'est la raison
pour laquelle nous avons voulu rattacher cela au Conseil des collèges.
Mais ma question ne porte pas là-dessus, puisque les choix du
gouvernement sont faits, mais sur la procédure. Il y a peut-être
moyen d'améliorer le mécanisme. La demande, si je vous ai bien
compris, d'évaluation ou d'aide à l'évaluation ou
d'expertise devrait venir des collèges. Est-ce que je vous ai bien
compris? C'est un service dont il s'agit. C'est bien cela, M. le
Président.
M. Larouche: C'est un service, mais il faut que...
M. Morin (Sauvé): Si la demande vient des collèges,
je trouve un peu bizarre que la commission fasse rapport au conseil
plutôt que d'envoyer au collège qui a requis l'expertise le
résultat de son expertise.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Mais M. le ministre, on ne veut
pas que la commission de l'évaluation s'occupe de ce service. On veut
que ce soit un organisme autre que la commission d'évaluation. Or, cet
organisme ne fera pas rapport au conseil. Il va faire rapport au ministre de la
façon dont il a fonctionné. C'est comme quand le ministre
subventionne une recherche, les chercheurs font rapport des résultats de
leurs recherches. On veut que ce soit un centre d'évaluation comme il en
existe dans d'autres pays.
M. Morin (Sauvé): Mais croyez-vous que les collèges
vont être enclins à avoir recours à cette expertise si le
rapport s'en va au ministre plutôt que de revenir au collège qui
l'a demandé?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Le rapport ne s'en ira pas au
ministre. Ce centre d'évaluation va dire, à la fin de
l'année, voici: Vous nous aviez
donné tant d'argent. On s'était proposé tel
objectif. On a réalisé tel objectif. On a fabriqué telle
sorte d'instrument. On a travaillé à l'améliorer. On l'a
expérimenté avec des institutions. Ils s'en sont servis pour
améliorer leurs services. C'est cela que va être le rapport sur
l'état de ce centre de recherches, comme un institut
spécialisé.
M. Morin (Sauvé): Vous avez fait allusion, tout à
l'heure, dans votre exposé, je crois, à l'article 30,
était-ce 30?
Mme Lavoie-Roux: 30 et 31.
M. Morin (Sauvé): Je voulais vous expliquer que pour ce
qui est de l'article 30 que vous souhaitiez voir délaisser, il s'agit
d'un problème administratif. Je ne sais pas si vous saviez ce que cela
vise exactement. Il s'agit tout simplement de faire en sorte qu'on ne paie pas
pour trois ans quand les étudiants ont été inscrits pour
des programmes qui durent deux ans et demi; c'est ce que cela vise
techniquement. À l'heure actuelle, nous sommes forcés de payer
quelquefois pour trois ans alors que le cours est de deux ans et demi. Nous
estimons que ce sont des fonds publics qui sont dépensés à
des fins pour lesquelles ils ne devraient pas être destinés.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): On comprend très bien cela,
M. le ministre, mais vous ne les avez jamais dépensé encore,
parce que la première fois que la cinquième session entrera en
vigueur ce sera en septembre prochain.
M. Morin (Sauvé): Oui, mais nous ne tenons pas à
payer pour trois ans lorsque l'enseignement est de deux ans et demi.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous ne discutons pas du
mérite de cela, mais nous trouvons que ce programme de cinq sessions,
cela fait déjà deux ans qu'il a été implanté
et on profite de cette occasion pour grignoter tel article de la Loi de
l'enseignement privé, pour modifier tel autre, de telle sorte
qu'à un moment donné on ne sait plus quel va être le
portrait d'ensemble de toute cette histoire et c'est la simple raison pour
laquelle on demande de reporter.
M. Morin (Sauvé): Le portrait d'ensemble va venir en temps
et lieu, mais il n'est pas question que le ministère, que ce soit pour
le public ou pour le privé, paie pour trois ans alors que le programme
est de cinq sessions.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Sur cela nous sommes parfaitement
d'accord. D'ailleurs cela ne touche à peine que deux institutions
privées de niveau collégial qui dispensent des programmes de cinq
ans. Ce n'est pas un problème majeur.
M. Morin (Sauvé): Alors, avec votre permission, on va
laisser l'article là.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): On vous a manifesté notre
souhait qu'on voudrait le voir intégré dans l'ensemble et on y
tient toujours, parce qu'on doit dire, en toute vérité, que cela
fait longtemps qu'on nous promet que le projet du gouvernement sur
l'enseignement privé va venir, tantôt c'était à
l'automne, tantôt c'était au printemps, tantôt
c'était aux vacances d'été, mais on n'a jamais dit de
quelle année il s'agissait.
M. Morin (Sauvé): Mais en attendant, vous ne crevez pas de
faim, que je sache.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous ne prenons?
M. Morin (Sauvé): Vous ne crevez pas de faim, dans les
institutions privées, que je sache.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Non, nous ne crevons pas de faim,
mais nous ne tenons pas à crever de faim, pas plus que les autres
institutions.
M. Rivest: M. le Président, il y a monsieur qui veut
compléter la réponse.
M. Meunier (Jean): M. le Président, M. le ministre, si
vous me le permettez, on est parfaitement d'accord avec votre désir de
grande justice relativement aux subventions, c'est très louable et vous
avez raison, mais j'ai peur d'une législation qui soit faite dans ce
sens-là, qui se sert d'une loi pour en amender une autre.
M. Morin (Sauvé): C'est constant.
M. Meunier: À titre d'ancien législateur, je me
rappelle qu'on s'est déjà fait critiquer sévèrement
par la presse dans des cas semblables. Je pense qu'il serait
préférable. Votre contentieux pourrait certainement vous trouver
un autre moyen pour amender, dans la mesure où vous voulez le faire, les
articles 14 et 17 qui sont, remarquez bien, la base fondamentale du principe de
financement de l'enseignement privé. Cela nous inquiète, M. le
ministre, de voir que c'est par une loi qui n'a rien à faire directement
avec l'enseignement privé, qu'on modifie les deux principaux articles de
la loi. Je le soumets respectueusement.
M. Morin (Sauvé): Dernière question, quelles sont
les deux institutions qui seraient affectées par cet article?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Ce sont les institutions qui
offrent les techniques de secrétariat.
M. Morin (Sauvé): Avez-vous la liste de ces institutions?
Pourriez-vous me les indiquer?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous avons quatre institutions
dans l'association qui offrent
des techniques de secrétariat: Le collège Lasalle, le
collège O'Sullivan de Montréal, le collège Bart de
Québec et le Notre Dame Secretarial School. De ces quatre institutions,
il y en a une certainement qui offre cette cinquième session en session
d'été. Ce sont des institutions qui n'offrent que ce programme,
de telle sorte que c'est certain que cela va leur poser de graves
problèmes, mais elles n'offrent que ces techniques. Elles n'offrent pas
d'autres techniques que cela. Ce sont déjà avant la loi des
centres spécialisés en formation professionnelle.
M. Morin (Sauvé): Bien sûr. Vous conviendrez avec
moi qu'il n'est pas normal, lorsque le cours est de cinq sessions, de payer
pour trois ans.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous sommes parfaitement d'accord
avec vous, M. le ministre, sur cela, mais nous nous disons, quand on discutera
cela dans le programme de l'ensemble, est-ce que ce sera impensable de penser
à un mode de financement d'une cinquième session qui serait
donnée en session d'été?
M. Morin (Sauvé): Pour l'instant, j'ai terminé.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je pense bien que nos invités n'ont pas
eu réponse à leur dernière question.
Je veux d'abord remercier l'Association des collèges de
s'être présentée à cette commission parlementaire
pour faire leurs remarques particulièrement sur le projet de loi 24. Je
pense qu'une inquiétude que vous avez transmise à la commission,
c'est le fait que vous avez l'impression, à tort ou à raison,
parce que je n'ai pas fait la concordance avec la Loi sur l'enseignement
privé et les projets de loi qui sont devant nous, qu'on vienne modifier
les règles de l'enseignement privé, par le truchement de la loi
24 et certaines de ses dispositions, sans qu'au préalable, le
gouvernement n'ait établi sa politique touchant l'enseignement
privé. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est cela qui vous
inquiète?
M. Larouche: Nous avons mentionné que nous aurions
été plus à l'aise de nous prononcer, de faire des
commentaires sur le projet de loi no 24, si nous avions connu à l'avance
la position gouvernementale à l'endroit de l'enseignement privé,
au niveau collégial. Nous comprenons qu'il y a des amendements pour fins
de concordance qui s'imposaient. C'est plus difficile pour nous, sachant
je pense que M. le ministre de l'Éducation l'a mentionné
déjà que le Conseil des collèges touchera
évidemment aussi les collèges privés.
Mme Lavoie-Roux: Cela vous semble une chose normale, souhaitable.
Vous auriez aimé qu'auparavant les autres règles du jeu soient
connues.
À la page 3 de votre mémoire, à 2.2, vous faites
référence à l'article 32 du projet de loi 24. Je le lis:
"L'article 31 de ladite loi est modifié en remplaçant le
paragraphe a) par le suivant: Se conformer aux règlements adoptés
en vertu de la Loi du Conseil supérieur de l'éducation ou de la
Loi des collèges d'enseignement générai et professionnel,
relatifs aux conditions d'admission des élèves aux études
du niveau d'enseignement qu'ils donnent. Évidemment, vous allez, par le
truchement de cet article, devoir respecter les conditions d'admission qui
seront décrétées par le lieutenant-gouverneur en conseil.
C'est ce que je comprends. (15 h 30)
Pourriez-vous me dire quelles sont actuellement les règles que
vous avez à suivre quant à l'admission des étudiants dans
les collèges?
M. Larouche: Je laisserai plutôt au secrétaire
général le soin de répondre à cette question.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Jusqu'à maintenant, Mme le
Président, nous étions tenus à l'article 28 du conseil
supérieur pour tout ce qui concernait les conditions d'admission. Nous
avons fait référence à cet article de la loi parce qu'il
nous semble qu'aux fins de concordance le projet de loi no 24 modifie l'article
31a de la Loi de l'enseignement privé. Or, l'article 31a de la Loi de
l'enseignement privé dit ceci: "Toute institution d'enseignement
général doit se conformer aux règlements adoptés en
vertu de la Loi du conseil supérieur relatifs aux conditions
d'admission." Là, on dit: On enlève ça au conseil
supérieur puisqu'on lui a enlevé tout le domaine de
l'enseignement collégial et aux fins de concordance on va être
tenu aux règlements appliqués en vertu de la loi 18 des
cégeps. Or, cela ne concerne que les institutions d'enseignement
général.
Le contentieux du ministère est venu nous voir ce matin et nous a
demandé: Est-ce qu'il existe des institutions d'enseignement
professionnel privés? J'ai dit: Oui, ma chère dame. Cet article,
vous le modifiez, mais vous n'imposez ça qu'aux seules institutions
d'enseignement général. Pourquoi, puisqu'on a aussi des
institutions d'enseignement professionnel qui ne sont pas couvertes par
l'article 31a qu'on modifie aux fins de concordance?
Or, nous avons toujours été soumis à des
règlements pour les conditions d'admission qui auraient pu être
élaborés par le Conseil supérieur de l'éducation.
À notre connaissance, il n'y en a pas qui ont été faits.
On a suivi les règlements d'admission du régime
pédagogique: ça prenait un étudiant qui aurait obtenu un
diplôme d'études collégiales ou l'équivalent pour
les adultes pour satisfaire aux conditions spécifiques d'admission d'un
collège. C'était exactement le même régime
d'admission que pour les cégeps et, au niveau collégial, on n'a
pas été plus sélectif qu'au niveau des cégeps.
Il faut dire ceci: Quand un cégep de Montréal, par
exemple, a une possibilité, un cégep qui est situé dans un
comté que vous connaissez... Prenons le cégep de Bois-de-Boulogne
qui a tant
de places disponibles et qui reçoit tant de demandes d'admission.
Que voulez-vous? Il est obligé de choisir parce qu'il ne peut pas
établir des classes à deux étages. Alors, nous aussi,
c'est le même problème, et nos conditions d'admission n'ont pas
été, au niveau collégial, tellement restrictives. Nous
disons ceci cependant, à savoir qu'on peut avoir des conditions
particulières d'admission, puisque les étudiants qui viennent au
secteur privé sont obligés de payer des frais de
scolarité. Nous ne tenons pas à ce qu'ils paient des frais de
scolarité inutilement s'ils n'ont pas l'intention de travailler ou si,
au cours d'une session, ils accumulent quatre, cinq ou six échecs. C'est
un mauvais service à leur rendre que de dire: Continuez quand
même. Peut-être que dans six ans vous obtiendrez votre
diplôme d'études collégiales.
On veut avoir les mêmes possibilités qu'a le niveau
collégial public, soit des règles propres d'admission suivant le
caractère spécifique de l'institution, suivant la nature propre
des programmes qu'on donne. Quand un collège ne donne que de
l'enseignement général et qu'un étudiant fait une demande
pour suivre un programme d'enseignement professionnel, on dit: Notre condition
d'admission mon cher monsieur, on ne peut pas vous prendre, on ne donne pas ce
programme.
Ça ne nous fait pas peur, les conditions d'admission, puisqu'on a
toujours été régi par la Loi de l'enseignement
privé. La Loi de l'enseignement privé non seulement évalue
nos institutions mais leur fait passer des modes d'évaluation. En tant
qu'association, nous avons nos propres critères d'évaluation,
puisque nous avons déjà refusé dans l'association des
institutions qui étaient subventionnées mais qui ne
répondaient pas aux exigences. Alors, on ne voit pas d'objection
à ce qu'on soit maintenant soumis aux conditions d'admission du niveau
collégial établies par règlement du lieutenant-gouverneur
en conseil, mais on dit: Aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas les lois
concernant l'enseignement privé... on voudrait que ce soit soumis aussi
à la consultation de la Commission consultative de l'enseignement
privé. Tant qu'on ne connaîtra pas d'autres règles du jeu,
on se prononcera autrement peut-être à ce moment-là, mais
pour le moment on dit ça.
Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, M. le secrétaire
général, je pense...
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui.
Mme Lavoie-Roux: ... c'est que, quant aux règles
d'admission, vous êtes prêt à vous soumettre aux mêmes
exigences que celles qui prévaudraient ou qui prévalent pour le
secteur public.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): On ne voit pas de problème
majeur puisqu'on suppose que même dans les règlements du
lieutenant-gouverneur pour les conditions d'admission dans le secteur public,
il va tout de même y avoir des possibilités pour les
collèges d'avoir des caractères spécifiques puisqu'on veut
assurer le caractère spécifique même des institutions
publiques.
Mme Lavoie-Roux: Quelle est votre inquiétude? Si je vous
ai bien compris, vous avez dit: On a quand même une certaine je ne
veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, corrigez-moi moi
réserve et vous avez ajouté: II reste néanmoins, compte
tenu qu'on ne connaît pas la politique éventuelle du gouvernement
sur tout le secteur de l'enseignement privé, qu'on souhaiterait que ces
conditions d'admission, quant à leur application pour le secteur
privé, soient soumises à la commission consultative de
l'enseignement privé. D'une part, vous me dites: On est prêt
à jouer les mêmes règles du jeu que les autres et, d'autre
part, j'ai cru comprendre que vous aviez exprimé cette réserve.
Est-ce que je me trompe? Si je ne me trompe pas, que craignez-vous?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): C'est parce que ces
règlements devaient toujours être soumis à la Commission
consultative de l'enseignement privé. Alors, on ne sait pas ce que
réserve la nouvelle loi de l'enseignement privé pour la
Commission consultative de l'enseignement privé. Est-ce qu'elle va
disparaître? De même que les cégeps sont régis par la
loi 21, amendée par la loi 25, en tant qu'institutions privées,
on va être régi par la Loi de l'institution privée. On ne
veut pas, à un moment donné, être assis entre deux chaises
pour dire: Ceci relève de la loi 18, ceci relève de la loi 56. On
ne sait jamais sur quel pied danser. Tout et aussi longtemps qu'on ne
connaîtra pas les modifications à la loi 56, même si le
Conseil des collèges fait des règlements pour le niveau
collégial, on dit qu'aussi longtemps qu'on va être régi par
la loi 56, il serait normal que la Commission consultative de l'enseignement
privé soit également consultée, puisque c'est encore un
organisme officiel qui n'a pas été changé.
Mme Lavoie-Roux: Je suis quand même d'accord avec vous sur
le fait que cette absence de politique crée une ambiguïté et
peut, même sans que le gouvernement l'ait voulu dans l'application ou
dans la pratique, présenter des difficultés pour les
collèges d'enseignement privé et mettre en contradiction
certaines dispositions d'une loi ou de l'autre.
Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez des services
d'évaluation; on a longuement traité de l'évaluation. J'ai
cru comprendre de votre part que vous souhaitiez que ceci relève d'un
organisme indépendant, qu'on l'appelle institut, qu'on l'appelle centre,
qu'on l'appelle... Le ministre d'État au développement culturel
nous trouverait un bon nom. C'est l'Institut de recherche culturelle. Cela
pourrait être l'Institut d'évaluation nationale.
M. Rivest: National.
M. Laurin: Oui, en effet, national.
Mme Lavoie-Roux: National, sûrement. Cela mériterait
au moins cela.
M. Rivest: Provincial, non?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je me trompe en croyant que son
rattachement à un endroit ou à un autre, que ce soit au
ministère de l'Éducation, que ce soit au Conseil des
universités, que ce soit à un département d'une
université, en éducation, par exemple, il s'occupe
déjà de mesure et évaluation, mais que ce soit...
peut-être qu'on leur donne plus de ressources et tout cela, votre
préoccupation c'est qu'il soit autonome et qu'il soit un outil à
la disposition de tous les collèges ou de toutes les institutions
d'enseignement qui en auraient besoin.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Notre conception de
l'évaluation ne concerne pas uniquement l'évaluation
pédagogique. J'ai cru comprendre tout à l'heure, ce matin en tout
cas, que c'était surtout l'aspect pédagogique auquel on pensait
quand on parlait d'évaluation. Nous, c'est l'évaluation à
tous les points de vue. Quant au point de vue de l'organisation administrative,
de l'organisation pédagogique, de l'organisation de la vie
étudiante, des services qui sont offerts dans un collège, dans
notre pensée, c'est une évaluation qui est globale et comme cela
concernerait tous les niveaux, primaire, élémentaire et
secondaire, cela nous paraîtrait peut-être moins normal que cela
relève nécessairement de l'université, mais on voudrait
davantage que ce soit un organisme qui pourrait peut-être être
rattaché au Conseil supérieur de l'éducation, qui a un
rôle de coordination mais ce service devrait être financé
par le ministère et il rendrait non seulement des services au
collégial mais à tous les niveaux.
Quand on parle d'évaluation, il y a une foule de choses qui sont
pratiquement identiques à tous les niveaux sur le plan de
l'évaluation avec des modifications particulières suivant les
niveaux d'enseignement et les structures particulières de ces niveaux.
Mais il y a des principes généraux ou des instruments
généraux qui peuvent valoir pour tout le monde, de telle sorte
que, quand on travaille spécifiquement pour un niveau, on travaille
aussi pour tous les niveaux avec des accommodements qui peuvent se faire
suivant le caractère spécifique de chacun des niveaux.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'à l'intérieur des
collèges privés vous avez dit que vous évaluiez
différents aspects est-ce que vous avez les outils pour
évaluer, par exemple, les professeurs, la qualité de
l'enseignement? Est-ce que vous avez ces outils présentement?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Malheureusement, on n'a pas plus
d'outils et tout le monde en cherche. Je vous ai dit que nous étions
déjà soumis à une évaluation du service
général de l'enseignement privé.
Mme Lavoie-Roux: Et ses outils, vous ne les connaissez pas?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): L'enseignement privé a un
test, un outil d'évaluation qui est plutôt d'ordre quantitatif,
à mon point de vue, que qualitatif. En tant qu'association, quand on
admet un collège dans l'association, on examine comment fonctionne son
organisation administrative, quels moyens il se donne, comment est
organisé sa vie pédagogique sur le plan des personnes, sur le
plan des programmes, etc., comment est organisée sa vie
étudiante, quelle est l'organisation de sa bibliothèque, si cela
répond vraiment aux exigences. On a, en tant qu'association, la
liberté d'accepter dans notre association les collèges qui,
d'après nous, répondent à ces critères qu'on s'est
fabriqués, qui sont plutôt artisanals que scientifiques.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je déborde un
petit peu la loi 24, mais cela n'est pas souvent qu'on a l'occasion de vous
voir en commission parlementaire, comme d'ailleurs tous les autres groupes qui
se sont présentés.
Vous avez parlé tout à l'heure de votre désir de
vous adapter aux conditions d'admission, compte tenu des réserves que
vous avez exprimées, mais vous avez également mentionné
que, du point de vue de la persévérance, je dirais, des
étudiants qui sont chez vous, vous aviez certains critères. Vous
avez donné comme exemple quelqu'un qui perdrait son temps ou qui
semblerait perdre son temps pendant X années; cela ne vous semble pas
souhaitable qu'il reste à l'intérieur du collège.
Je vous pose cette question, parce qu'on reproche souvent aux
institutions privées de trop facilement congédier ou conseiller
on peut utiliser différents termes à un
étudiant de s'orienter différemment ou de s'orienter ailleurs.
Est-ce que vous avez, pour l'ensemble des collèges privés, des
critères? Est-ce que chacun des collèges privés a des
critères sur lesquels il se base justement pour décider en
dehors des critères d'ordre financier que vous avez
évoqués ou conseiller à un étudiant de
s'orienter différemment?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): En tant qu'association, on n'a pas
de critères puisqu'on n'a pas de pouvoir direct sur nos membres, mais
nous faisons, chaque année, le relevé statistique de toutes ces
choses. Chaque année, nous publions un relevé statistique du
comportement des collèges par rapport à toutes ces attitudes.
Chaque collège peut avoir des politiques différentes dans tel ou
tel cas.
Je dois vous dire, M. le Président, que, quand on reproche
à l'enseignement privé telle ou telle chose, le reproche que je
fais à ceux qui font des reproches, c'est qu'ils ne font pas distinction
de niveaux. Quand ils parlent de l'enseignement privé, c'est
l'enseignement privé dans toute son
étendue. Cela concerne autant la maternelle, le primaire, le
secondaire que le collégial, les institutions de culture et de danse.
Tout cela entre dans le grand "bag" de l'enseignement privé. Je pense
qu'il y a des distinctions à faire suivant les niveaux
d'étude.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez
compléter?
M. Saint-Michel (Vianney): Tout simplement pour l'information au
niveau collégial, nous sommes tenus d'appliquer le régime
pédagogique provincial qui vaut aussi bien pour un collège public
que pour un collège privé et en appliquant tout simplement les
règles du jeu des échecs et des absences les gens
s'éliminent, si tant est qu'il s'en élimine, selon le
régime pédagogique provincial qui est le même partout.
C'est pour cela que de ce simple point de vue, il n'y a aucune
différence entre un collège public et un collège
privé.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le
Président, touchant les programmes qu'un collège peut
développer. Peut-être que j'adresserai ma question plus
particulièrement au directeur du cégep Marie-Victorin qui a pris
plusieurs initiatives du côté de l'enseignement professionnel, si
je ne m'abuse. Est-ce que les règlements qui seraient
décrétés par le lieutenant-gouverneur en conseil touchant
le contenu de programmes, l'élaboration de programmes, si vous y
étiez, peut-être y êtes-vous soumis de la même
façon que les collèges publics quant à leur approbation
je suis ignorante de la question, c'est pour cela que je vous pose la
question si vous deviez vous soumettre exactement aux mêmes
conditions, est-ce que cela vous créerait des difficultés quant
à l'initiative heureuse que vous avez prise dans le passé et
d'autres que vous voudriez prendre, ou si cela ne crée pas de
problème.
M. Saint-Michel: II faudrait répondre avec des nuances. Je
vous remercie de faire allusion à mon collège qui a
été très dynamique pour partir...
Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas être injuste envers les
autres, mais je suis plus au courant du vôtre.
M. Saint-Michel: ... des cours d'enseignement professionnel qui
ont servi à l'ensemble de la province mais, s'il y a une coordination
provinciale qui est normale, j'imagine qu'un collège donné, qu'il
soit public ou privé, entre dans le jeu de cette coordination, je
trouverais cela tout à fait normal mais, qu'à un moment
donné, parce qu'un collège est privé on lui refuse tel
programme, à ce moment-là je trouverais cela discriminatoire.
J'aime beaucoup le jeu ouvert avec une objectivité de jugement eu
égard aussi à un certain milieu. On ne peut pas placer n'importe
quel cours professionnel dans n'importe quelle région. J'aime bien le
jeu ouvert pourvu que tout le monde soit traité de la même
façon. Je ne sais pas si je réponds.
Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: Je voudrais d'abord, au nom de notre formation
politique, vous remercier d'être venu nous rencontrer. Vous n'êtes
pas des inconnus, plusieurs d'entre vous, entre autres le secrétaire
général, M. Saint-Germain, que je connais depuis plusieurs
années. Je regrette de ne pas avoir rendu publique la demande que
j'avais faite à notre parti, lorsqu'on a pris le pouvoir en 1966, alors
que j'avais suggéré au ministre, M. Jean-Jacques Bertrand,
à ce moment-là, les noms de Jean-Marie Saint-Germain et Jean
Chaussé en remplacement de M. Arthur Tremblay, pour changer un peu
l'orientation dans le Québec. On se rend compte aujourd'hui qu'il y a
des gens qui sont étonnés de vous entendre, de la
compétence en éducation que vous avez. Moi je ne le suis pas,
parce que je les connaissais déjà depuis plusieurs années
et je sais qu'on aurait peut-être grand avantage encore à faire
appel à vos services plus souvent. Vous, de la Fédération
des collèges privés, vous auriez des choses à apprendre
non seulement au ministre, mais à plusieurs personnes qui oeuvrent dans
l'éducation depuis plusieurs années puisque votre vie a
été consacrée à cela l'éducation au
Québec, ici. On se rend compte, pour avoir oeuvré à vos
côtés pendant quelques mois ou quelques années au
collège de Rigaud, que vos compétences ne se limitaient pas
seulement au niveau du collégial, parce que c'était là
principalement que vous étiez, mais aussi au niveau de la maternelle, du
primaire et du secondaire. Je pense que vous êtes un homme qui
connaît bien... Malheureusement, je connais moins les autres membres de
votre fédération, mais on aurait grand avantage à vous
entendre plus souvent et le ministre devrait avoir recours à vos
services plus souvent. Si vous aviez des nominations importantes à faire
à votre cabinet, je pense que je jetterais un coup d'oeil du
côté de la Fédération des collèges
privés, surtout parmi les personnes qui sont ici aujourd'hui.
M. Laurin: On est déjà allé en chercher.
M. Grenier: Oui, bon. Il faudrait retourner en chercher. Il reste
encore de bonnes ressources, comme vous voyez. Le gouvernement aurait à
y gagner.
Il y a un article dans le programme que j'ai rendu public à
quelques reprises et c'est ce qui plane au-dessus de nos discussions depuis ce
matin. Nous avions dans notre programme très réduit, celui qui
était format de poche, qui disait: Pour nous, de l'Union Nationale,
c'est le temps de rechercher un équilibre entre les systèmes
d'enseignement privés et publics. Par contre, on voyait dans le
programme du gouvernement qui s'est fait élire ces deux phrases qui ne
sont pas encore réglées et qui n'ont pas fait l'objet
d'étude vraiment profonde dans ce grand congrès de fin de
semaine. Dans le programme on disait, à la page
45, ce programme de 1978 qui a été rafraîchi, qui ne
semble pas avoir été retouché jusqu'à maintenant,
puisque cela semble difficile, c'est un peu comme un porc-épic, c'est
difficile à toucher apparemment au niveau de ce parti, parce que le
ministre émet des énoncés, mais quand il retourne dans son
parti il a l'air de Daniel dans la fosse aux lions. Il a de la misère
à se faire entendre là-bas.
On disait dans le programme: Réaliser cette planification dans
une perspective d'intégration progressive du secteur privé au
secteur public, dans le respect du choix libre garanti par la diversité
des écoles et, en ce sens, adopter une loi de l'enseignement
privé. On terminait le paragraphe en disant: Réduire
progressivement les subventions de l'État aux écoles
privées non intégrées, sur une période de cinq
années. C'est la partie inquiétante et la partie à
laquelle nous n'avons jamais de réponse. Ce matin, le ministre nous dit
encore: Cela n'est pas le temps, cela n'est pas le lieu d'en discuter. Cela va
faire trois ans qu'on a été élu et on n'a pas encore
trouvé le temps et le lieu pour en discuter. Je pense que ce serait et
le temps et le lieu aujourd'hui, quand on a ces gens d'importance devant nous,
d'arriver avec certaines précisions qui les intéressent au plus
haut point. On se rend compte que cette loi de la formation du Conseil des
collèges touche à tout bout de champ au problème qui n'est
pas encore réglé du plan d'ensemble sur l'avenir des institutions
privées.
J'aimerais que vous résumiez, en gros, dans cette loi, que vous
me disiez on pourrait dire bien des choses ce qui pourrait faire
le plus mal à l'Association des collèges privés, dans
cette loi. En quelques mots, me résumer les deux ou trois points
importants que vous voyez là-dedans qui peuvent faire le plus mal
à l'Association des collèges privés, parce qu'on va
tâcher de se battre, ensuite, en deuxième lecture
là-dessus. On va régler ce point...
Mme Lavoie-Roux: Donnez-nous des munitions.
M. Grenier: Oui, absolument, je n'ai pas honte de cela. Les
personnes qui viennent ici ne viennent pas pour entendre le gouvernement. On
les entend dans leur congrès et on les entend dans les
conférences. On fait venir des personnes pour vous écouter. On
veut se renseigner. Il n'y a pas beaucoup de gens qui l'admettent, parce que
tout le monde fait semblant: Bien oui, vous nous dites cela mais on le savait.
Il n'y a pas beaucoup de gens qui admettent ne pas apprendre de choses. Mais
quand on n'est pas dans un milieu qui évolue aussi vite que le
vôtre, à moins d'être des personnes directement
attachées, comme vous l'êtes, ou d'être des professeurs ou
d'être le ministre, on manque d'information et vous venez de nous en
donner, ce matin.
Je vous demande une chose, de nous résumer les trois ou quatre
points les plus chauds pour vous, qui ne font pas votre affaire dans une telle
loi, et j'en parlerai ensuite en Chambre, je les rendrai publics. Si le
ministre continue de tâtonner comme cela, il y a une chance pour que nous
le réglions dans une couple d'années, quand le gouvernement sera
changé. En attendant, il y a peut-être des choses qu'on peut
améliorer. On demande de nous résumer, en deux ou trois points ce
qui peut être... je parle de l'Opposition.
Mme Lavoie-Roux: ...
M. Grenier: On est 61% de ce côté-ci de la table, je
parle de nous.
M. Morin (Sauvé): Vous pourriez peut-être aussi lui
donner une copie de votre mémoire, cela pourrait l'aider.
M. Grenier: M. le ministre, je l'ai ce mémoire. Votre
arrogance est connue depuis longtemps, ce n'est pas du nouveau, ce matin. Il
reste une chose, c'est ce que je pense qu'eux peuvent nous résumer ce
qu'ils entendent là-dedans. Il y a pas mal de choses dans ce
mémoire et vous le savez, vous en avez convenu tout à l'heure.
J'ai eu l'impression que, tout à l'heure, ils vous ont montré des
points dans leur programme que vous n'auriez pas compris si vous l'aviez lu,
vous non plus. Ce serait peut-être bon qu'ils nous le résument,
dans le moment. Il y a des gens capables de nous résumer les points
chauds qu'il y a dans cette loi que nous nous apprêtons à
adopter.
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Franchement, vous nous mettez dans
l'eau chaude. La première grande menace qu'on a, c'est que soit
appliqué intégralement ce que vous venez de lire; à ce
moment-là, on disparaît de la carte, au grand détriment du
précieux patrimoine du Québec. Nos institutions ne sont pas
uniquement de dix ans, de quinze ans, de vingt ans, mais de 50 ans, 60 ans, 75
ans, 125 ans, etc.
Deuxièmement, nous voudrions tout de même qu'on
considère que l'enseignement privé au Québec, au niveau
collégial comme aux autres niveaux, a une mission particulière
à remplir. Si on lui pose tellement de carcans qu'il soit absolument
identique à tout le reste, les gens vont se dire: Qu'est-ce que vient
faire ce système par rapport à l'autre puisque c'est du pareil au
même? Nous, nous disons ceci: Même si nous sommes tenus aux
mêmes conditions d'admission, même si nous sommes tenus aux
mêmes programmes, nous avons tout de même des conditions de
dispensation des programmes d'étude qui peuvent être
différentes suivant les traditions pédagogiques d'une
institution, suivant le climat dans lequel elle se retrouve et suivant le fait,
aussi, que compte tenu que les parents sont obligés de se sacrifier
monétairement pour envoyer les gens là, ils s'attendent qu'on
leur donne vraiment quelque chose de particulier; autrement, on ne paierait pas
inutilement.
Deuxièmement, on voudrait que l'enseignement privé soit
régi par une loi spécifique, comme l'enseignement
collégial public est régi par une loi spécifique. On en a
fait une loi particulière. Dans
cette loi, il est bien spécifié les collèges
d'enseignement général et professionnel, qu'on appelle les
cégeps. Aujourd'hui, Mme le député a parlé des
cégeps privés, c'est contre la loi que de parler des
cégeps privés. On n'a pas le droit de s'appeler cégep. On
est des collèges. Mais on ne sait pas, dans cette loi, si le mot
"collège" s'applique au secteur public seulement. Est-ce que c'est aussi
pour le secteur privé? Le ministre nous a dit ce matin: Cela vous
touche, mais il y a des choses qui ne vous toucheront pas, telle et telle
chose. On aurait aimé que soit précisé ce qui est
appelé à nous toucher et ce qui est appelé à ne pas
nous toucher.
Excusez-moi si parfois je m'enthousiasme, c'est ma nature et je ne peux
pas la changer. Ce n'est pas que je sois agressif, je suis fait comme cela.
J'aime la transparence, J'aime la clarté et j'aime la précision.
Cela m'échauffe un peu de voir des choses qui sont ambiguës, qui
sont imprécises. Cela peut vous toucher, cela ne vous touchera
peut-être pas, et on est là à flotter entre deux eaux.
On veut agir en toute légalité, en toute clarté et
on veut aussi que ce soit en toute équité. C'est pour cela que
dans notre mémoire on a spécifiquement indiqué ce qui
suit, que, dans les pouvoirs du conseil, nous sommes d'accord pour que le
Conseil des collèges dans son rapport au ministre sur l'état et
les besoins de l'enseignement collégial tienne compte du droit
fondamental du citoyen de choisir le type d'éducation et le type
d'établissement qui convient à ses aspirations.
Implicitement, on ne voudrait pas qu'il y ait un monopole en tout et
aussi longtemps qu'on respectera les caractères constitutifs d'une
démocratie, qu'on soit conséquents avec ce choix. Que cette
démocratie soit sociale ou autre, mais qu'elle garde aux institutions
privées non seulement le droit d'exister dans des cadres, mais qu'on
leur donne également des moyens, parce que, dans le fond, ce ne sont pas
les institutions qu'on subventionne, ce sont les étudiants. En fait,
c'est pour faciliter aux étudiants le choix d'une institution
privée qu'on diminue le fardeau de leurs frais de scolarité.
C'est certain que le jour où les institutions privées n'auront
plus de subventions, cela deviendra des unités et des unités
vraiment élitis-tes financièrement... parce que cela va prendre
uniquement de gros salaires de ministres pour envoyer les enfants dans les
institutions privées.
M. Rivest: Est-ce que le député a
terminé?
M. Grenier: Merci, M. Saint-Germain. Je pense que je vais
conserver ce qu'on appelle ici les galées du journal des Débats
pour préparer mon intervention de deuxième lecture. Comme le
disait Mme le député de L'Acadie, je pense que cela pourra
inspirer plusieurs d'entre nous de l'Opposition, parce qu'on recherche un
terrain commun de ce côté-ci pour lutter contre cet article du
règlement du gouvernement qui est là. Je vous remercie.
Qu'on le veuille ou pas, cette loi qu'on a devant nous va être
votée parce que, comme électeurs, on est majoritaires de ce
côté-ci de la table, mais comme députés on est
minoritaires, et c'est de l'autre côté que va être la
majorité. À partir de là, j'aimerais savoir ce qu'on
pourrait corriger...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas voté. M. Rivest: Ce
n'est pas voté.
M. Grenier: Peut-être qu'on pourra avoir l'appui de l'autre
côté aussi.
Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas présumer des
résultats comme cela.
M. Grenier: Est-ce qu'il y aurait des corrections qu'on pourrait
faire qui pourraient améliorer? Est-ce qu'il y a des suggestions bien
pratiques que vous pourriez nous faire pour tenter d'améliorer cette loi
qui est devant nous?
M. Larouche: Je pense qu'il ne faut pas oublier d'abord que la
Loi du Conseil des collèges touche très indirectement pour le
moment les institutions collégiales privées. Alors, je pense
qu'il ne faut pas exagérer les remarques que nous avons faites dans
notre mémoire. Elles sont suffisamment explicites, je pense, dans le
mémoire. C'est surtout le secteur public qui est touché. Nous
pourrons nous prononcer concernant ce qui est contenu dans le projet de loi du
Conseil des collèges que lorsque nous connaîtrons la loi touchant
la politique gouvernementale à l'endroit de l'enseignement privé.
(16 heures)
M. Grenier: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, dans votre mémoire,
vous soulignez ce que beaucoup de gens soulignent, depuis un certain temps, et
ces gens exercent toutes les pressions nécessaires sur le gouvernement,
et en particulier sur le ministre de l'Éducation, pour définir au
plus tôt la politique générale de l'enseignement
privé. Je pense que votre mémoire illustre justement, à en
juger par les projets de loi que nous étudions présentement, le
danger qu'il y a à ce qu'on procède plus ou moins de façon
empirique en posant un acte législatif ou administratif qui,
indirectement, touche à l'enseignement privé et qu'on aille,
couci-couça, en reportant indéfiniment la publication de
l'énoncé de politique sur l'enseignement privé.
Je ne reprendrai pas les paroles du député de
Mégantic-Compton, sauf que peut-être, sur la pratique vous auriez
avantage à mettre davantage d'espoirs sur l'arrivée au pouvoir du
Parti libéral que sur l'Union Nationale; ce pourrait être moins
long. Tout de même, là-dessus on est d'accord avec le
député de Mégantic-Compton et peut-être bien,
puisqu'on a la chance, aujourd'hui, d'avoir le ministre tuteur du ministre de
l'Éducation, qui ne s'est pas très souvent prononcé sur
l'enseigne-
ment privé on a des déclarations du premier
ministre, du ministre de l'Éducation qui contredisent le programme du
Parti québécois je ne sais pas si le ministre
d'État au développement culturel ne pourrait pas, lui aussi, dans
ce ciel du mois d'août où, d'un côté, tout est noir
et, de l'autre côté, tout est bleu et prometteur, peut-être
que pour l'enseignement privé, le ministre d'État pourrait
laisser, pour un instant, la zone grise et non transparente de ce ciel du mois
d'août pour entrer du côté de la zone claire et bleue de
l'enseignement privé et nous dire si, quant à lui, il croit que
l'enseignement privé a sa place ici. Est-ce que le ministre pourrait
nous donner...
M. Laurin: Lycurgue, un des grands noms de Sparte, disait que le
meilleur condiment, c'était le travail et le temps. Un aliment n'est
jamais autant apprécié que quand on a bien travaillé et
qu'on a passé beaucoup de temps sans manger. Je pense que notre
politique, vous l'apprécierez d'autant plus que vous aurez bien
travaillé et que vous aurez espéré durant longtemps,
pendant que nous, nous travaillons et que nous tentons d'étudier toutes
les facettes et les dimensions de ce problème complexe, après
avoir donné l'attention principale au problème de l'enseignement
public qui reçoit, bien sûr, la totalité ou la
quasi-totalité des élèves sauf, peut-être, dans le
domaine collégial où la proportion est plus grande.
Je pense que c'est rendre mérite à l'importance et
à la difficulté de la question que de respecter les diverses
dimensions et facettes du problème. En attendant, nous avons une
politique que le ministre de l'Éducation a énoncée
à plusieurs reprises, celle du moratoire qui consiste à arrimer
le plus possible, surtout dans le domaine de l'enseignement secondaire, les
nouvelles initiatives aux opinions des commissions scolaires qui, de par la
loi, d'ailleurs, sont chargées de la responsabilité
dernière en ces matières. Mais, vous ne perdrez rien pour
attendre.
M. Rivest: C'est évidemment très clair,
j'espère que tout le monde a compris. Je pense que Molière
eût ajouté: Voilà pourquoi votre fille est muette.
Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Saint-Germain?
M. Rivest: Je veux simplement poser... Oui?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Je veux simplement dire que nous
ne sommes pas venus ici pour... nous avons une préoccupation politique,
mais nous ne sommes pas venus ici avec une préoccupation de partisanerie
politique. Nous nous sommes adressés à une commission
parlementaire qui est la commission du gouvernement et nous pensons que c'est
au gouvernement comme tel que nous nous adressons et nous lui demandons de
clarifier ce qui ne nous paraît pas trop clair, savoir dans quelle mesure
on sera touché ou non par ce conseil. Quand on lit le plan et les
règles de répartition entre les collèges, les budgets
d'investissement, on se dit est-ce que l'enseignement collégial
privé va être financé pour des fins d'investissement, ce
qu'on n'a pratiquement jamais connu. Quand on voit les politiques d'allocation
du montant des crédits annuels accordés pour l'enseignement
collégial, on se demande ce qu'on va faire vis-à-vis de
l'enseignement privé. Dans ce conseil, on ne sera pas la
préoccupation majeure des gens puisque nous serons très
minoritaires.
Donc, je ne voudrais pas qu'on tire parti de notre intervention ici
à des fins politiques, mais je voudrais que ce soit pour le bien de
l'éducation qui, à mon point de vue, transcende toutes les
parties parce que c'est l'avenir d'un pays que la préoccupation de la
formation de sa jeunesse.
M. Rivest: C'est dans ce sens-là, justement, qu'il faut
interpréter votre mémoire, comme ayant voulu pousser ce
problème qui reste dans l'air. Le Parlement aura sans doute à
prendre ses responsabilités et je pense que c'est normal que de part et
d'autre, tant de ce côté que de votre côté on
demande... Je pense qu'on pousse exactement dans la même direction.
Je voudrais simplement poser une question. Vous avez entendu hier les
mémoires concernant la gestion participatoire. Quelles sont
l'expérience et les vues de votre groupe là-dessus? Vous le
mentionnez directement lorsque vous soulignez dans votre mémoire
d'éviter, au niveau de la formation des conseils d'administration, les
conflits d'intérêt. Je pense que vous vous référez
au même type de problème que les collèges d'enseignement
général et professionnel ont souligné. Quelle est votre
expérience à ce titre-là?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): L'expérience de nos
collèges, c'est que nous ne fonctionnons nullement... puisque nous ne
sommes pas des corporations du même type, nous avons donc des conseils
d'administration dans nos institutions qui sont de type totalement
différent. Vous avez des modèles variés de conseils
d'administration. Dans certains collèges, le conseil d'administration
est composé uniquement de personnes de l'extérieur; dans d'autres
endroits, ce sont partout des personnes de l'intérieur; ailleurs, c'est
mêlé.
Nous ne nous sommes pas prononcés sur la loi 25, puisque nous ne
sommes pas régis par cette loi, mais je pense qu'il y a beaucoup
d'ambiguïté dans ce que les gens disent. On emploie souvent les
mêmes termes, mais on donne des contenus différents aux
mêmes termes. Dans nos collèges, on fait toujours la distinction
entre un conseil d'administration et un comité de régie interne.
C'est le comité de régie interne qui s'occupe de la gestion
interne du collège de sorte qu'on ne remonte pas toujours au conseil
d'administration quand il s'agit de savoir si on va peindre les murs de telle
ou telle couleur. Ce sont des choses qui relèvent de la régie
interne. Une fois que les budgets sont approuvés, on fonctionne à
l'intérieur de cela. Je pense qu'on mêle
souvent les cartes en donnant aux conseils d'administration des
fonctions qui devraient relever plutôt d'une bonne régie interne.
C'est la pratique qu'on a dans nos collèges selon des modèles
différents. Si jamais vous y êtes intéressés, cela
nous fera plaisir de vous indiquer dans quel sens nous fonctionnons. Nous
tenons à continuer ainsi, parce qu'on est très chanceux de ne pas
être aux prises avec les problèmes dont on a entendu
l'énumération hier.
M. Saint-Michel: Simplement pour un complément
d'information, dans nos critères pour la composition du Conseil des
collèges, nous avons insisté passablement sur les critères
de compétence et sur le fait d'être vraiment au courant de la
gestion dite participatoire. Nous avons en filigrane ici une notion qui
consiste à dire ceci: Au lieu que ce soit sur une base de pure
représentativité, nous aimons comme critère de
sélection que quelqu'un siège à titre personnel,
même s'il est désigné par... Que quelqu'un vienne de
l'université, qu'il vienne du niveau secondaire, qu'il soit reconnu pour
sa compétence et, une fois qu'il siège, il est là à
siéger en tant que personne compétente. Le mot qui me flotte un
peu dans l'esprit, je me demande si ce n'est pas un peu angélique, mais
quand même c'est un idéal vers lequel on devrait tendre. Sinon
nous semons des occasions de déchirement pour la défense
d'intérêts parce que nos répondants vont nous demander des
comptes. Siégeant à titre personnel, autant que possible, nous
évitons beaucoup de friction.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M.
le ministre d'État au développement culturel.
M. Laurin: J'aurais une seule question à double volet
à vous poser. Dans le livre blanc, on faisait largement état du
besoin de plus en plus ressenti des institutions à s'évaluer
elles-mêmes ainsi que du besoin, aussi, pour l'éducation nationale
représentée par le ministère, de se rendre compte
davantage, par l'évaluation du rendement pédagogique surtout, du
système d'éducation.
Je voulais vous demander si votre association avait une politique
d'évaluation institutionnelle. Vous nous avez parlé de quelques
critères que vous utilisez lorsqu'un nouvel organisme demande à
joindre vos rangs. Est-ce qu'au-delà de ces critères un peu
empiriques que vous utilisez, est-ce que vous avez une politique
d'évaluation insti-tutionelle? Est-ce que cette politique est
écrite? Si elle ne l'est pas, est-ce que vous êtes en train de la
préparer? Première question.
Deuxièmement, est-ce que, à votre connaissance, les
collèges qui font partie de votre association s'auto-évaluent,
à l'heure actuelle? Est-ce qu'ils vous font part du résultat de
leur évaluation en ce qui concerne les programmes pédagogiques,
en ce qui concerne les enseignants, en ce qui concerne les étudiants
au-delà des résultats des examens?
J'ajouterais peut-être une troisième question. Étant
donné que vos collèges sont quand même subventionnés
dans une large partie par le ministère de l'Éducation qui est le
représentant de la collectivité, est-ce que vous verriez
objection à ce que les services dont on parle dans cette loi du Conseil
des collèges vous soient également offerts, que vous les
utilisiez et que, d'une certaine façon, la politique d'évaluation
vous touche également en tant, justement, que participant à cette
tâche d'enseignement que remplissent vos institutions?
M. Saint-Michel: Je vais tenter une réponse à la
première question. Il faut dire que dans une perspective de
collège privé, nous avons un passé culturel quand
même assez riche et nous ne sommes pas nés d'hier, certains de nos
collèges ont plus de cent ans, nous avons eu de longues traditions de
relations avec les universités, et les universités Laval et de
Montréal, en particulier, avaient certains critères
d'accréditation, dans le temps, et nous sommes habitués à
l'évaluation dans nos collèges, en général.
De ce certain héritage, nous avons retenu, au Service
général de l'enseignement privé, une forme
d'évaluation qu'on appelle auto-évaluation, une grille d'analyse
de la situation de l'éducation sous toutes ses facettes, ou à peu
près, dans une institution donnée. Suite à cette
espèce d'évaluation avec, si je me rappelle bien, 400
critères d'évaluation de tous ces aspects, on se fait une sorte
de profil ou une sorte d'image de cette institution. Je le sais un peu par
expérience pour avoir fait partie de la commission consultative du
ministère de l'Éducation, et presque chaque fois qu'une
institution privée demandait d'améliorer son statut,
invariablement, nous lui demandions de faire cette auto-évaluation
grâce à cette grille qui est certainement perfectible.
Il n'est pas dit qu'un institut de recherche en évaluation
n'améliorerait pas cette formule, mais déjà, nous n'avons
pas les mains vides, nous avons déjà des instruments
d'évaluation, d'autant plus que l'association des collèges, comme
telle, a aussi ses critères d'évaluation pour admettre une
institution à l'intérieur de son association. Je ne sais pas si
je réponds à votre première question. (16 h 15)
M. Saint-Germain (Jean-Marie): J'ajouterais ceci, M. le ministre.
Nous avons été très heureux que le centre d'animation de
recherche en éducation ait pu jouir de subventions particulières
via la Direction générale de l'enseignement collégial pour
tout ce qui touche ce problème de l'évaluation. Nous avons
profité des recherches qui ont été faites par cet embryon
d'un centre national d'évaluation et nous avons été
très heureux d'essayer de mettre à profit, au plan local, les
recherches qui sont commencées. Mais, nous sommes toujours aux prises
avec vraiment des instruments d'évaluation. Nous n'avons pas de
politique écrite sur cela, en tant qu'association; nous
préférons fonctionner par mode d'échange
d'expériences et de concertation. Par exemple, nous réunissons
les directeurs des services pédagogiques, non pour discuter de
problèmes administratifs, mais pour discuter vraiment de
problèmes pédagogiques.
Nous avons fait des séances sur cette question de
l'évaluation du personnel, comment pourrait-on se prendre, les
difficultés qu'on rencontre, dans quel sens cela peut se faire, jamais
dans le sens de vouloir assommer quelqu'un ou de vouloir le contrôler,
mais dans le sens de l'aider à s'améliorer.
Nous avons fait des réunions conjointes des directeurs des
services aux étudiants de nos collèges et des directeurs des
services pédagogiques pour voir dans quel sens il faudrait créer,
dans nos institutions, le meilleur climat pour qu'il y ait une collaboration
intense entre ces deux services, pour amener l'étudiant à une
meilleure autonomie de lui-même, quel genre d'encadrement cela prend au
niveau collégial pour, en même temps, éduquer
l'étudiant à une autonomie, et en même temps, lui donner
des conditions favorables pour qu'il puisse le plus parfaitement
s'épanouir. Ce n'est non pas dans un sens d'un règlement de
défense, c'est dans un sens d'un encadrement qui va favoriser davantage
cet épanouissement, de telle sorte que c'est dans ce sens
d'évaluation que nous fonctionnons, aussi bien avec les directeurs des
services financiers, comment améliorer les procédures, etc.,
aussi bien avec les directeurs de bibliothèques, comment
améliorer les services et, c'est par l'intermédiaire de ces
groupes de travail, que nous travaillons et que nous échangeons nos
expériences pour que le bien qui a été
réalisé dans une institution puisse servir dans une autre avec
les accommodements nécessaires compte tenu des situations qui sont
diverses.
S'il y avait un centre d'évaluation qui, vraiment, pourrait nous
fournir des instruments... Je vous dis que ce n'est pas une tâche facile
parce qu'on a, aux États-Unis, des traditions dans cela, et c'est
toujours un problème de trouver des instruments qui soient vraiment
adaptés à notre situation et qui aident vraiment les gens
à mieux se perfectionner. S'il y avait des instruments, nous serions
très heureux de pouvoir les utiliser parce que je pense que ce serait
peut-être le meilleur placement qu'un gouvernement pourrait faire pour
améliorer non seulement la qualité de l'enseignement, mais la
qualité d'une institution d'enseignement. Les premiers
bénéficiaires seraient ceux pour qui on se dépense chaque
jour, avec l'espoir qu'un jour ils vont vraiment apporter quelque chose
à la société.
M. Laurin: La deuxième partie de ma question, étant
donné que vos institutions émargent, d'une façon
substantielle, aux fonds publics dans une proportion de 80%, auriez-vous
objection à ce que cette loi ou cet organisme s'applique à vos
institutions et que vous puissiez bénéficier des services qu'il
puisse offrir?
M. Saint-Germain (Jean-Marie): Dans le sens où c'est un
organisme de services, je pense que la préoccupation du gouvernement, au
niveau collégial, à chaque fois que le gouvernement offre des
services à l'enseignement collégial, serait d'avoir assez de
largesse d'esprit pour que ce soit offert aussi bien au secteur
collégial public qu'au secteur collégial privé puisque
nous avons les mêmes objectifs de formation du citoyen et je ne verrais
pas pourquoi on ferait toujours cette distinction entre le public et le
privé quand il s'agit des instruments et des moyens, aussi bien sur le
plan d'innovation pédagogique que de la recherche. Si ce sont des
services pour le mieux-être, nous en sommes totalement et
complètement.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre
collaboration, je remercie l'Association des collèges du Québec.
J'inviterais maintenant l'Association nationale des étudiants du
Québec à venir nous présenter son mémoire.
Association nationale des étudiants du
Québec
M. Chabot (André): Bonjour, M. le Président,
mesdames et messieurs. J'aimerais d'abord vous présenter André
Rémillard, qui est responsable des affaires extérieures à
l'exécutif de l'ANEQ et moi-même, André Chabot,
secrétaire à l'information, et m'excuser pour l'absence du
secrétaire général Bernard Crustin qui ne pourra pas
être présent à la commission parlementaire.
Je vous suggère de passer d'abord à la lecture du
mémoire, des sept premières pages du mémoire et, par la
suite, on pourra procéder comme pour les autres groupes.
Le Président (M. Marcoux): Vous prenez une vingtaine de
minutes, soit pour lire ou pour résumer votre mémoire, et
après ce sont les échanges.
M. Chabot: D'accord. Je vais le lire.
L'Association nationale des étudiants du Québec regroupe
les étudiants de 31 associations étudiantes de niveau
collégial et universitaire. Son but est la défense et la
promotion des droits et intérêts des étudiants.
La ligne générale du programme de l'ANEQ est la lutte pour
le droit du peuple à l'éducation, c'est-à-dire le droit
pour l'ensemble de la population d'avoir accès aux connaissances et ce,
sans restrictions.
Dès la publication du livre blanc, l'ANEQ s'est penchée
sérieusement sur ce qu'il est convenu d'appeler le condensé des
politiques du gouvernement du Parti québécois dans
l'éducation. Rapidement, nous avons constaté que "la
continuité dans le changement" prônée par le livre blanc ne
consiste, en fait, qu'à reprendre les politiques restrictives dans
l'éducation mises de l'avant par les rapports Nadeau et GTX,
déposés sous le régime Bourassa, et de leur donner une
saveur québécoise. Dans les faits, cependant, le livre blanc nie
le droit du peuple à l'éducation par ses politiques de coupures
de budget qui se concrétiseront par une réduction du personnel
enseignant, par un matériel didactique de qualité moindre et en
quantité insuffisante, par sa projection de baisse de clientèle,
etc.
Le livre blanc sur l'enseignement collégial est donc à
l'opposé du programme de l'ANEQ quant à sa ligne
générale, et c'est pour cette raison que nous nous sommes
prononcés en faveur du rejet de celui-ci. Vous trouverez en annexe le
document qui sous-tend cette position adoptée lors du dixième
congrès national tenu à Saint-Jean, les 24 et 25 mars
derniers.
Pourquoi une telle rapidité? C'est la première question
qui nous vient à l'esprit en voyant comment le gouvernement entend
procéder à l'adoption de ces projets de loi.
Pourquoi, à cette période de l'année, alors que les
étudiants ne sont plus dans les collèges, le gouvernement veut-il
précipiter la création du Conseil des collèges?
En ce qui nous concerne, la réponse est simple: le gouvernement
sent les désaccords de plus en plus nombreux envers ses politiques,
autant chez les étudiants, chez les professeurs, que chez ses propres
administrateurs. C'est pourquoi le gouvernement veut passer ses projets de loi
aussi vite que possible afin de bâillonner toute opposition. C'est
là l'intention du gouvernement et c'est pourquoi nous nous opposons
à l'adoption de ces projets de loi cet été et demandons
que le tout soit reporté à l'automne prochain.
De plus, nous dénonçons la rapidité dont fait
preuve le gouvernement quand il s'agit de ses projets, alors qu'en novembre
dernier, les étudiants ont eu droit à un traitement bien
différent lorsque le ministre retardait indûment, pendant quatre
semaines, la première rencontre avec les négociateurs
étudiants. Les 100 000 étudiants alors en grève ont
dû attendre encore trois semaines avant d'obtenir une réponse du
gouvernement après cette première rencontre.
Le projet de loi 24. Il y a ici, au début, une citation du livre
blanc: "L'absence de mécanismes capables de mesurer avec quelque
précision la qualité des établissements et de
l'enseignement qui y est dispensé, non moins que celles des
diplômés décernés." Citation prise à la page
24.
Renforcer le contrôle de l'État et des compagnies sur
l'éducation, voilà quel est le but du livre blanc. En
période de crise économique et politique, un contrôle accru
permettra aux compagnies de s'assurer une éducation répondant
encore plus à leurs besoins immédiats; un contrôle accru de
l'État permettra de mettre le cadre nécessaire pour passer ses
politiques de crise. Un des moyens d'augmenter le contrôle de
l'État sur l'enseignement est la création du Conseil des
collèges.
Dans les notes explicatives, on dit que le Conseil des collèges
aura comme fonction de donner des avis au ministre sur ce que ce dernier sera
tenu de lui soumettre: certains projets de règlements, entre autres: les
règlements de bon ordre du cégep de Maisonneuve, ou encore la
création de nouveaux programmes ou la fermeture, la création de
nouveaux collèges ou la fermeture, un plan de répartition des
programmes ou régionalisation et contingentement, nouveaux budgets ou
coupures. Bref, le ministre s'entoure d'un conseil qui développera les
façons d'appliquer ses politiques.
Nous nous opposons déjà à ces politiques, ce qui
nous amène à nous opposer à la création du Conseil
des collèges que nous considérons comme un moyen d'appliquer et
de développer les politiques de crise contenues dans le livre blanc.
Le projet de loi 25. Une autre citation: "Aucun projet national durable
ne saurait s'édifier sans une éducation de qualité", en
page 8. On connaît le projet national du Parti québécois,
ou du moins son intention et, pour s'assurer une bonne tribune dans
l'école, le gouvernement introduit deux nouveaux cours qui seront
obligatoires: civilisation et économie québécoise, ou PQ
1, PQ 2. L'ANEQ s'oppose à ce que ces cours soient obligatoires.
Mais le projet de loi 25 donne aussi au ministre les pouvoirs de
reconnaître un programme d'enseignement professionnel
d'intérêt national et de confier ainsi l'ensemble du programme
à un comité qui verrait à l'organisation et à la
gestion de ce programme. Quel rêve pour un gouvernement nationaliste, une
éducation qui sert son projet national. Mais dans les faits, cette
mesure servira-t-elle la nation et ses besoins ou les compagnies
québécoises? Est-ce que la concentration de technique de soins
infirmiers, par exemple, sera déclarée d'intérêt
national parce que les Québécois ont moins de soins et de
services ou est-ce que ce sera la concentration de technique minière au
cégep de Rouyn parce qu'Asbestos Corporation sera
québécoise?
Face à toutes les coupures de budget que le gouvernement effectue
dans le secteur de la santé, nous sommes portés à croire
à la seconde hypothèse, ce qui fait que nous ne pouvons que nous
opposer à cette mesure. De plus, les changements apportés
à la Loi des collèges vont permettre la formation d'une
corporation ayant pour objet de fournir aux collèges des services
auxiliaires. Il y a quelques années, le gouvernement installait dans le
décor ses nouvelles tentatives de coupures par le biais d'une directive
aux services auxiliaires prônant l'autofinancement sur le dos des
étudiants et des usagers à l'instar des politiques de financement
pratiquées antérieurement, ce qui se traduisit par des hausses de
coût pour les étudiants à la cafétéria, aux
résidences et dans la plupart des services.
Maintenant, le gouvernement entend accepter la création de
corporations ayant comme tâche d'offrir les services auxiliaires et comme
but l'autofinancement, comme toute bonne corporation. Mais, qui va payer la
note? Les étudiants? Les parents? Nous nous opposons à cette
mesure et exigeons que les services auxiliaires soient subventionnés car
nous nous permettons de douter que l'aide financière aux
étudiants saura absorber ces hausses.
Le gouvernement libéral précédent, lorsqu'il devait
faire passer ses politiques, y allait par décret, loi matraque et autres
pratiques du genre. L'Opposition péquiste du temps, y compris vous, M.
Morin, ne manquait alors aucune occasion de crier au scandale, à
l'antidémocratisme. Aujourd'hui, le gouvernement, plus
démocratique, fonctionne par le biais de commissions parlementaires
fantoches qui n'ont comme but que de passer au
plus vite les politiques gouvernementales en laissant croire qu'il y a
consultation. La procédure est différente, mais le
résultat reste le même.
Les projets de loi 24 et 25 et, plus généralement, le
projet du gouvernement à l'endroit des cégeps sont à
l'opposé des intérêts du peuple, de la nation. C'est
pourquoi l'ANEQ exige le retrait de ces mesures. L'éducation doit
être un droit, non un privilège. Nous nous opposons aux coupures
du budget et l'autofinancement des services auxiliaires. Nous nous opposons aux
contrôles accrus des compagnies et de l'État sur
l'éducation. Les programmes doivent être conçus en fonction
des besoins du peuple. Nous nous opposons aux contingentements qui nient les
besoins de la population, par exemple, en techniques paramédicales, et
nous sommes pour le maintien de toutes les concentrations.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je n'ai pas de
questions particulières. Je crois que c'est un mémoire
très clair, très transparent.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Moi, j'ai des questions.
M. Rivest: À moins que les collègues du ministre...
Non? Le ministre a fait son tour de table, tantôt, les prévenant
de ne pas poser de questions.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous demander quelle est votre
évaluation du fonctionnement des collèges, actuellement. Est-ce
que les étudiants, en général, sont satisfaits? Est-ce
qu'il y a des problèmes à l'intérieur des collèges?
Quelle en est la nature et dans quelles voies voyez-vous des correctifs s'il y
a des problèmes? La population sent qu'il y a des problèmes;
vous, est-ce que vous en voyez?
M. Chabot: On ne peut certes pas nier l'existence de
problèmes dans les cégeps, c'est clair. Nous demander, à
brûle-pourpoint, de faire l'analyse de...
Mme Lavoie-Roux: Mentionnez-en quelques-uns, ceux qui vous
semblent les plus importants. (16 h 30)
M. Chabot: D'accord... de faire l'analyse de la situation des
cégeps et de leur évolution pendant les dix dernières
années. Je dois vous avouer que j'étais bien jeune à
l'époque de leur création et que je n'ai peut-être pas la
possibilité de faire une analyse complète de toute
l'évolution de la situation à l'intérieur des
cégeps. Cependant, on ne peut pas nier le fait qu'il existe des
problèmes dans les cégeps présentement et je pense que les
luttes qui sont menées chaque jour dans les cégeps et les
revendications qui sont mises de l'avant par les étudiants sont le
reflet des problèmes qui existent dans les cégeps.
Je pourrais peut-être faire une exposé sur le programme de
l'ANEQ, sur nos revendications au niveau pédagogique, sur le travail
qu'on fait au niveau pédagogique, mais nous sommes venus ici pour
dénoncer le fait que cette commission parlementaire se tienne de cette
façon, qu'on ait obtenu les projets de loi uniquement il y a quinze
jours, que la commission parlementaire se tienne au mois de mai, alors qu'il
n'y a plus aucun étudiant. C'est pour cette raison qu'on est venus
à la commission parlementaire. Si vous voulez connaître l'ensemble
des problèmes qui existent à l'intérieur des
cégeps, on pourra se rencontrer éventuellement ou encore vous
pourrez aller dans les cégeps voir l'association étudiante.
Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que, quant à vos
remarques sur le moment choisi pour tenir la commission, quant aux
délais qui ont été accordés, quant aux le
ministre m'accusera peut-être de lui imputer des motifs tours de
passe-passe pour que cela aille vite, que ce soit présenté au
moment de l'accélération des travaux de la Chambre, je suis
d'accord avec vous. Si vous aviez été ici la première
journée... je ne suis pas pour me répéter, M. le ministre
n'a pas aimé cela quand je lui en ai parlé, mais il reste qu'on a
un autre souci ici. On se dit: De toute évidence, il y a de
l'insatisfaction à l'intérieur des collèges, que ce soit
de l'insatisfaction qui provienne des conseils d'administration, des
enseignants ou des étudiants.
Je vais essayer, parce que vous trouvez que ma question était
trop large, peut-être était-elle trop large... Vous disiez tout
à l'heure: II faudrait que vous connaissiez les revendications que les
étudiants font à l'intérieur des collèges. Je sais
qu'à l'automne il y a eu le problème des prêts et bourses,
vous avez fait des revendications. Pou-vez-vous me donner des problèmes
d'un autre ordre que ce problème spécifique pour lesquels vous
avez des revendications? Qu'on soit d'un côté ou de l'autre de la
table, on a quand même le souci de dire: Si les cégeps pouvaient
mieux fonctionner, ce serait peut-être mieux. Je pense qu'on s'accorde
là-dessus. Mais pour faire cela, je voudrais quand même avoir...
Vous êtes les seuls étudiants qui aient été
convoqués ici. J'aurais souhaité comme vous que d'autres groupes
d'étudiants puissent venir, si tel était leur désir. Si
cela avait été fait durant l'année scolaire, je pense que
cela aurait été plus facile.
Pouvez-vous spécifier quelques problèmes concrets qui vous
apparaissent les plus cruciaux pour la vie des étudiants et des
objectifs qu'eux-mêmes poursuivent quand ils s'inscrivent dans une
institution d'enseignement collégial? Est-ce que c'est un petit peu
plus...
M. Chabot: D'accord. Vous avez soulevé la question des
problèmes économiques vécus par les étudiants et je
pense que c'est l'évidence même à la suite des
manifestations qu'il y a eu l'automne dernier. Au niveau pédagogique,
c'est difficile de faire ressortir certains problèmes particuliers qui
prédominent par rapport à d'autres.
C'est plutôt une situation d'ensemble, par rapport, par exemple,
au contenu de cours complètement décrochés de la
réalité. Par exemple, en économique, on nous montre
comment cela fonctionne, les bébelles, les PME, les grandes entreprises
et toute la bébelle, mais jamais on ne va parler ou expliquer dans un
cours le pourquoi du chômage, pourquoi il y a de l'inflation; ça
en est.
L'ANEQ, dans son travail sur la pédagogie, le fait beaucoup plus
sur une question d'ensemble. Je pense que cela se reflète, par exemple,
dans notre position par rapport au livre blanc, parce que les problèmes
de la pédagogie ne sont pas dus à des facteurs isolés.
C'est dû à une situation concrète.
On peut parler aussi des problèmes que vivent les associations
étudiantes au niveau des organisations propres. On peut parler de
l'Association étudiante du cégep du Vieux-Montréal qui,
à cause de la directive 20407, directive qui oblige une association
étudiante, lorsque l'administration lui présente un contrat de
service, c'est-à-dire un contrat dans lequel l'administration verse les
cotisations à l'association étudiante conformément
à certaines modalités. L'administration présente ce
contrat et si l'association refuse de le signer, l'association n'a pas
d'argent. Si l'administration ne veut pas le signer, l'association n'a pas
d'argent, même pas de local au cégep du Vieux-Montréal. Par
le biais de ces contrats de service, le gouvernement tente d'imposer, par
exemple au cégep de Rimouski, par le biais des administrations locales,
des modes de fonctionnement aux associations des étudiants qui doivent
être autonomes. C'est un problème entre autres. On a parlé
de la pédagogie et on a parlé du secteur économique.
Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir sur une question plus
précise. Quel est le rôle, selon vous, que les étudiants
peuvent jouer à l'intérieur des conseils d'administration tels
qu'ils existent?
M. Chabot: Les rôles qu'ils jouent actuellement ou les
rôles qu'ils peuvent jouer?
Mme Lavoie-Roux: Qu'ils jouent, qu'ils peuvent jouer ou qu'ils
choisissent de ne pas jouer, mais qu'ils pourraient jouer.
M. Chabot: Qu'ils pourraient jouer, on n'a pas de position
à ce niveau-là. On a déjà, lors des récents
congrès, mené des discussions sur notre participation, sur la
valeur de notre participation au conseil d'administration et cela se situe dans
un débat d'ensemble concernant la valeur de nos représentations
effectuées auprès des instances, mais on n'a pas de position
officielle là-dessus.
Mme Lavoie-Roux: Alors, vous ne pouvez pas me dire s'il y a
là quand même un outil qui pourrait servir à
améliorer les conditions difficiles auxquelles vous faisiez allusion
touchant, par exemple, la place qui est accordée aux associations
étudiantes, les ressources qui sont mises à leur disposition.
Est-ce qu'il vous semble que oui ou non votre présence au conseil
d'administration pourrait être un moyen de véhiculer ces
problèmes-là?
M. Chabot: Je peux parler de la situation actuelle. Il y a une
dame hier qui en a parlé, Mme Blackburn, qui représentait je ne
sais plus quel groupe au niveau des présidents de CA, je crois, et qui
disait que par exemple, à Chicoutimi, on se demandait des fois si on
devait laisser voter les étudiants sur des questions comme, par exemple,
le calendrier scolaire. À Chicoutimi le problème a
été vécu et c'est probablement la raison pour laquelle
elle l'a soulevé. Le problème a été vécu
cette année, alors que la session ne se terminera que vendredi, à
la suite d'un très long conflit qui a perturbé tout le
réseau l'automne dernier. Mais notre présence au conseil
d'administration, de quelle façon on peut l'évaluer? Je pense que
c'est la même chose que notre présence à la commission
parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question. À la dernière
page de votre rapport, en tout cas c'est la dernière, elle n'est pas
numérotée, vous dites: Nous nous opposons au contingentement qui
nie les besoins de la population, par exemple, les techniques
paramédicales et nous sommes pour le maintien de toutes les
concentrations. Tout à l'heure, vous faisiez allusion au problème
de chômage, au problème de... Même si vous l'avez dit
rapidement, je pense que vous aviez en tête ce problème de
chômage des jeunes et tout cela. Je sais que la question de
contingentement versus la question de liberté c'est toujours
délicat, mais d'un autre côté, quelle est votre position
vis-à-vis de... Je mets de côté les grosses compagnies
auxquelles vous faites allusion, quand il s'agit d'hôpitaux et de
techniques paramédicales, c'est quand même pour répondre
à des besoins de l'ensemble de la population.
M. Chabot: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: Quand les besoins sont comblés en
personnel, est-ce qu'il faudrait indéfiniment laisser ces concentrations
ouvertes d'une façon tout à fait libre?
M. Chabot: D'une part, il faut préciser que le conseil
central de l'ANEQ ne s'oppose pas à tout contingentement.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon!
M. Chabot: D'une part. C'est pour cela qu'on dit qu'on s'oppose
à des contingentements qui ne vont pas dans le sens des
intérêts du peuple. On va parler entre autres du secteur
hospitalier auquel vous faisiez référence. Il est faux de dire
que les besoins sont tous comblés. Les postes, oui, mais les besoins
non. Il y a des gens qui sont dans la rue présentement, dans les
hôpitaux, et ils sont en train de le prouver. Le contingentement dans
le
secteur paramédical, quand on dit que les mesures de crises du
Parti québécois ou du gouvernement du Parti
québécois se reflètent directement dans
l'éducation, je vais vous donner un exemple.
À l'hôpital il y a des coupures. Par exemple, cet
été, si on fait une moyenne, il y a environ 40% des lits qui
seront coupés dans les hôpitaux. Cela a comme conséquence
qu'il y a un grand nombre d'étudiants qui étaient
embauchés par le gouvernement indirectement, ils l'étaient par
les institutions parapubliques, qui n'auront pas d'emploi. Parallèlement
à cela, au cégep, on n'a pas besoin d'infirmière, on coupe
dans les hôpitaux, les postes sont comblés; alors, on contingente.
Qu'est-ce que cela donne de payer pour que des gens étudient en
techniques infirmières, alors que, d'un autre côté, on
coupe dans les hôpitaux?
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur le programme
économique. Est-ce que vous niez, au moins sur le plan des options,
l'utilité d'un cours d'économie qui comprendrait, par exemple,
peut-être pas uniquement certains aspects pour lesquels vous
éprouvez une certaine réprobation, mais qui donnerait une image
complète des structures économiques, des forces
économiques, etc? Ne pensez-vous pas que cela puisse être utile?
Cela me fait bien plaisir que vous l'appeliez PQ 1, PQ 2, mais, sur le plan de
la réalité, est-ce qu'il n'y a pas quand même un
besoin?
M. Chabot: On est pour que l'ensemble de la population puisse
acquérir des connaissances. Au niveau économique, c'est la
même chose. Présentement, au niveau économique, qu'est-ce
qu'on montre? On montre comment cela fonctionne, abstraitement, dans les actes.
Je pense que notre position sur les cours qu'entend instituer le ministre est
bien claire. Si le Parti québécois a besoin d'une tribune, on
n'acceptera pas que ce soit à l'intérieur de l'école. Par
contre, on ne nie pas l'utilité d'un cours d'économie, au
contraire, comme on ne nie pas l'utilité de la connaissance, mais que ce
ne soit pas obligatoire. On ne veut pas que ce le soit parce qu'on
présage bien du contenu de ces cours.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, je n'ai pas d'autres
questions pour le moment.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, c'est avec plaisir que
nous recevons les membres de l'Association nationale des étudiants du
Québec.
M. Chabot: Croyez-vous que ce soit partagé?
M. Le Moignan: On a été étudiants un jour
nous aussi. Plusieurs autour de cette table ont vécu dans le milieu de
l'éducation pendant de nombreuses années. Je suis en mesure,
comme d'au- tres, de comprendre votre mémoire. Quand on est jeune, quand
on rédige un mémoire, on est bouillant, on est ardent, on y va en
ligne directe et c'est le style que vous avez employé. Je ne veux pas du
tout vous en blâmer, c'est votre mémoire, c'est votre
personnalité qui se détache. Vous noterez tout de même avec
beaucoup d'à propos que pour les jeunes, je comprends que ce soit une
mauvaise saison, mais vous aurez tout de même réalisé que
le gouvernement, au début de juin, alors qu'il y a tellement de lois
à voter, arrive avec des projets aussi importants que ceux qui
concernent les collèges, l'éducation, la programmation
éducative, Radio-Québec et beaucoup d'autres projets. Vous en
voyez quelques-uns, mais nous en avons peut-être de 30 à 40, vous
êtes probablement au courant. Vous dites que le gouvernement veut
peut-être bâillonner les oppositions. Les oppositions essaient de
se défendre, mais on est poussé, limité nous aussi par le
calendrier.
Il y a de petites choses que je ne comprends pas très bien, c'est
pour cela que je veux vous poser des questions, puisque vous êtes ici
pour nous renseigner et faire entendre votre point de vue. Il semble que vous
soyez contre la loi du Conseil des collèges. Votre crainte, c'est
l'augmentation du contrôle de l'État. Dans votre position, vous
avez besoin de l'État pour étudier. Les subventions, il n'y en a
peut-être pas assez, vous déplorez ce point-là. J'aimerais
savoir pourquoi cette crainte d'un contrôle de l'État, alors que
c'est l'État qui est le grand patron. Allez-y franchement.
M. Chabot: Je vais certainement y aller franchement.
L'État, c'est le grand patron, on le reconnaît, on en est
même...
M. Le Moignan: Avec l'argent des concitoyens.
M. Chabot: Avec l'argent des concitoyens. Mais l'argent des
concitoyens qui était destiné aux services hospitaliers, par
exemple, est coupé. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire?
Cela veut dire qu'il y aura 40% de lits de moins cet été. Le
gouvernement du Parti québécois qui mène la lutte au
chômage dans des secteurs où il est lui-même employeur
crée du chômage. La performance du gouvernement depuis 1976 dans
la lutte contre le chômage, n'est pas très... on ne la trouve pas
très formidable. (16 h 45)
M. Le Moignan: Vous avez réalisé qu'il y avait
beaucoup de belles lois sociales et culturelles tout de même, mais moins
de lois économiques pour vous aider.
M. Chabot: On pourra en parler à un autre moment. Ce qui
arrive, c'est que l'État présentement, ce qu'il fait ne va pas
dans le sens des intérêts de la population. Cela ne va pas dans le
sens des intérêts de l'étudiant non plus quand il
présente des projets de loi comme ceux-là et un livre blanc comme
celui-là. J'ai donné l'exemple du secteur hospitalier
tantôt. Pourquoi s'oppose-t-
on au contrôle de l'État? Que fait l'État
présentement? Est-ce que ce sont des besoins de la population dont il se
préoccupe d'abord? Est-ce que c'est cela la priorité? Nous, on
pense que non.
Dans ce sens, on se joint aux gens des hôpitaux, du front commun,
et on se joint à tous ceux qui critiquent les politiques du Parti
québécois et on dit: Vous n'êtes pas corrects, pas meilleur
que les autres.
M. Le Molgnan: C'est normal. Si vous regardez les partis
d'opposition, ici à la table, le rôle d'un véritable parti
d'opposition, c'est de critiquer positivement. Toutes les lois ne peuvent pas
être parfaites. Vous avez tendance à critiquer quand le
gouvernement ne répond pas toujours à vos attentes. Cela, c'est
bien légitime de votre part. Vous avez demandé des choses et le
gouvernement ne vous les a pas toutes accordées. Il y a peut-être
des promesses que le gouvernement nous a déjà dit qu'il
réaliserait avec le temps, que ce soit la gratuité scolaire ou
d'autres choses du genre.
Il y a une petite chose qui m'intrigue. Vous dites que la loi actuelle
sert d'abord le gouvernement et les compagnies. Je vois que vous n'aimez pas
beaucoup les compagnies. Vous dites aussi: Nous nous opposons au contrôle
accru des compagnies et de l'État sur l'éducation. Vous avez
parlé du chômage à quelques endroits. Vous dites: II y a du
chômage parce que les compagnies aiment mieux cela, ça les
empêche d'embaucher les finissants des cégeps. Il semble y avoir
une petite contradiction parce que, justement, il y a de l'inflation, il y a
moins de travail et donc il y a du chômage. Si moins de compagnies
fermaient leurs portes, cela procurerait plus de travail. Je ne sais pas si
vous avez examiné cet aspect.
M. Chabot: Là, on s'engage sur une question assez...
M. Le Moignan: Je ne veux pas vous planter des...
M. Chabot: Le Parti québécois, vous l'avez
souligné tout à l'heure, vous avez dit: II n'a peut-être
pas répondu à toutes vos attentes, vous êtes un peu
choqués, c'est normal. Nous aussi on trouve cela normal d'être
choqués, mais le pire c'est que le gouvernement, chaque fois que des
groupes font des représentations auprès de lui pour
dénoncer une situation, dénoncer les coupures, dit: II y en a
d'autres, pensez aux autres. Nous, il nous disait: Pensez aux vieillards,
pensez aux garderies. M. Charron a même eu l'audace de venir dire,
à Chicoutimi, qu'il avait coupé les subventions aux garderies
pour les donner aux étudiants. Le pire, c'est que le gouvernement dit
à tout le monde qu'il y en a d'autres. Pendant ce temps, il va acheter
l'Asbestos Corporation.
M. Le Moignan: C'est important, cela.
M. Chabot: L'Asbestos Corporation, c'est une compagnie. Pourquoi
on n'aime pas les compa- gnies, qu'est-ce qu'elle fait, l'Asbestos Corporation,
quel est son but? Qu'est-ce qui arrive là? Comment se fait-il que les
gens aient les poumons maganés, qu'ils se retrouvent à
l'hôpital à 40 ans et qu'à 45 ans il ne soient plus
à l'hôpital mais dans la cour arrière? Ce sont toutes ces
choses qu'on remet en question. Ce que le gouvernement fait
présentement, il dit à la population: Dans le sens du
développement de la nation, il faut se serrer la ceinture. J'aurais
presque envie de reprendre la caricature d'une page frontispice d'un bulletin
du front commun qui montrait justement le ministre Parizeau en train de serrer
la ceinture à un salarié. Les privilégiés
là-dedans, ce sont ceux qui ont la bedaine assez grosse pour ne pas
avoir besoin de ceinture.
M. Le Moignan: Je suis d'accord avec vous sur ce point, quand
vous posez la question de l'achat de l'Asbestos, $200 ou $250 millions qui ne
rapportent pas un sou à la province, de toute façon, et qui ne
crée pas d'emplois...
M. Chabot: Je vous arrête parce que chaque fois que je vais
dire quelque chose, étant donné que vous êtes dans
l'opposition, vous allez le reprendre avec des petites couleurs et vous allez
me dire: Oui, vous avez bien raison. On constate que ces politiques sont mises
de l'avant par le Parti québécois aujourd'hui, mais le Parti
québécois est pareil aux autres. Les autres... je ne sais pas si
vous êtes indépendant, mais si vous ne l'êtes pas, vous
êtes dans un de ces autres.
M. Le Moignan: Je suis de l'Union Nationale. Cela répond
à votre question? Il reste qu'un jour vous serez appelés à
jouer un rôle politique, je l'espère. Vous allez être
membres d'un parti...
M. Chabot: On en joue déjà un, monsieur.
M. Le Moignan: Oui, mais vous allez peut-être jouer le
rôle et c'est normal que les députés jouent
autour de cette table aujourd'hui et vous...
M. Morin (Sauvé): L'Union Nationale vous attend.
M. Le Moignan: Oui, l'Union Nationale a...
M. Chabot: Oui, le PQ nous disait cela et on voit ce que cela a
donné.
M. Le Moignan: Le ministre veut détourner votre attention
comme il l'a fait tout à l'heure dans sa réponse, mais l'Union
Nationale au sens large du mot, l'union de tous les Québécois,
quelle que soit leur couleur politique, vous allez jouer un rôle un
jour.
M. Chabot: En tout cas. Est-ce que je peux vous interrompre deux
minutes? C'est drôle, tantôt, c'est parti sur un ton bien arrogant.
Vous avez dit: C'est peut-être normal, c'est propre à la jeunesse.
Si on était sur une plage, on n'aurait probablement pas un ton arrogant.
C'est le fait qu'on
soit ici devant vous. Cela a pris une petite tournure comique.
Pardon?
M. Le Moignan: Pas moi. Je ne suis pas arrogant.
M. Chabot: Non, mais tantôt vous avez dit: C'est le propre
de la jeunesse d'être arrogant, impulsif et tout cela. C'est l'endroit
où on est qui commande nos attitudes. Sur une plage, on serait
probablement en train de courir dans le sable.
M. Le Moignan: Vous seriez morts, si vous aviez un autre ton.
Vous avez un ton que j'ai dit vivant, le ton de la jeunesse. Le chômage
des jeunes, vous en avez parlé tout à l'heure, c'est vrai qu'il y
a beaucoup de finissants qui sortent des cégeps des différentes
régions pour différentes raisons.
J'aurais un dernier point à toucher avec vous. Vous mentionnez
ici les cours de civilisation québécoise et d'économie du
Québec. Vous dites: C'est vrai, des petites bribes. Personnellement,
indépendamment de la politique du Parti québécois, un
cours de civilisation québécoise bien entendu, dans le vrai sens
du mot, parce qu'on a délaissé, malheureusement, l'histoire
nationale ou l'histoire du Québec, l'histoire du Canada pendant trop
d'années, les jeunes le déplorent également... Dans les
autres pays, on enseigne la base de l'économie. Allez chez les
anglophones, on donne des cours d'économie et cela leur sert dans la
vie. Les preuves sont faites. Je ne veux pas discuter ce point-là, mais
je voudrais avoir une dernière réflexion. Vous semblez vous
opposer un peu à ces cours.
M. Chabot: Je pense que je n'ai rien d'autre à ajouter que
ce que je peux avoir dit à Mme Lavoie-Roux tout à l'heure.
M. Le Moignan: Je vous remercie et je vous souhaite bonne chance
dans vos revendications.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président.
M. Rivest: Le ministre vous a demandé de ne pas parler. Un
libre penseur, enfin.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je vous félicite de ne pas accepter la tutelle
du ministre.
M. de Bellefeuille: Dans votre bouche, c'est un compliment.
M. Rivest: Oui, merci.
M. de Bellefeuille: Vous nous dites qu'il s'agit ici d'une
commission parlementaire fantoche qui laisse croire qu'il y a consultation. Il
me semble qu'il serait logique, quand on croit qu'on est devant une commission
parlementaire fantoche qui laisse croire qu'il y a consultation, qu'on ne se
présente pas devant cette commission. Alors, je voudrais vous demander
pourquoi vous vous êtes présentés, pourquoi vous avez
rédigé un mémoire devant une commission fantoche qui n'est
qu'un semblant de consultation.
M. Chabot: Pour la dénoncer, monsieur. C'est pour la
dénoncer. La commission parlementaire, qu'elle soit fantoche ou pas, est
un mécanisme qui est utilisé par votre gouvernement qui
précède l'adoption d'une loi. Qu'on dise qu'elle soit fantoche ou
pas, si on reste dans la rue, la commission parlementaire va être
là pareil. La raison pour laquelle on est venu ici, c'est pour
dénoncer parce que le gouvernement va dire dans un mois: On a
consulté les étudiants, on a consulté les professeurs, on
a consulté tous les groupes démocratiquement et il va reprendre
cela. Si on n'était pas venus, le gouvernement aurait dit: On ne
coopère pas. On ne comprend pas que c'est par la discussion qu'on va en
venir à un consensus et qu'on va pouvoir avancer ensemble. Mais le
gouvernement, l'automne passé, et M. Morin en tête, mettait en
doute la représentativité de l'Association nationale des
étudiants du Québec. Aujourd'hui, il l'invite comme un groupe qui
a son mot à dire dans les collèges. Tous ces jeux-là nous
font dire que la commission est fantoche, que dans un mois la présence
de l'association nationale... Demain ou dans cinq minutes, après que ce
sera terminé, on aura oublié ces jeunes étudiants aux
cheveux longs qui sont venus présenter des mémoires, qui
étaient bien drôles, arrogants des bouts, mais...
M. de Bellefeuille: Qu'est-ce que ce serait une commission
parlementaire qui ne serait pas fantoche?
M. Chabot: Dans notre mémoire, il est dit qu'on voulait
que la commission parlementaire soit en septembre, parce que les
étudiants présentement ne sont plus à l'école, sauf
de très rares, les étudiants présentement essaient de se
trouver des jobs. J'allais dire qu'ils travaillaient, mais ce n'est pas la
situation pour la majorité. Les professeurs s'engagent dans une
négociation et nous considérons que cette commission
parlementaire aurait dû avoir lieu à l'automne.
On a eu les projets de loi il y a quinze jours, on a fait une critique
de vos projets de loi, liée à notre position sur le livre blanc,
mais on n'est pas venu ici pour discuter de la spécificité de
chacun des articles, d'une part. D'autre part, on veut venir vous voir et vous
dire ce qu'on pense de vos projets de loi au moment où il va y avoir des
étudiants en arrière de nous, parce qu'à la grosseur que
j'ai, on est seulement deux, et cela ne paraît pas bien; on aimerait
mieux, à l'automne, être en plus grand nombre et venir vous dire
ce qu'on pense de vos projets de loi.
M. de Bellefeuille: Le résultat net, c'est quand
même que vous avez accepté l'invitation du ministre, vous avez
préparé un mémoire, vous avez présenté ce
mémoire et vous répondez aux membres de cette commission
parlementaire fantoche, c'est quand même cela, le résultat net.
Vous la dénoncez, mais...
M. Chabot: Le résultat net, c'est qu'on est venu avec un
mémoire dans lequel on a dit que c'était fantoche, qu'on
demandait que cela se tienne l'automne prochain, qu'on était contre le
livre blanc et les politiques qui y étaient incluses. Elle est fantoche
à cause de la façon dont les gens la mènent; elle n'est
pas fantoche parce qu'elle existe et parce qu'elle est là. On n'ira pas
dire dans le champ où il n'y a pas un chat que votre commission est
fantoche parce que les gens, c'est ici qu'ils sont. Alors, on est venu
où ils se trouvaient pour leur dire.
M. de Bellefeuille: Vous parlez beaucoup de coupures de budget.
On a assisté, au cours des dernières décennies, à
une augmentation considérable de certains postes budgétaires dans
les finances publiques. Est-ce que vous considérez que cette
augmentation ne fait pas problème, qu'on doit laisser continuer, sans la
freiner, l'inflation des coûts dans des domaines comme celui de la
santé et celui de l'éducation? Est-ce que vous considérez
qu'il n'y a pas à freiner l'augmentation des coûts?
M. Chabot: Cela dépend pourquoi on freine l'augmentation
des coûts. Quand il n'y a pas utilisation rationnelle, si vous freinez,
tant mieux. C'est comme chez nous, quand je laisse des céréales
dans mon bol, le matin, ma mère me dit que ce n'est pas correct. Le cas,
c'est que des céréales, il y en a de moins en moins dans le bol.
C'est pour cela qu'on dit que les coupures, on est contre ça.
M. de Bellefeuille: J'ai été frappé par la
dernière phrase de votre mémoire où vous parlez de servir
la classe ouvrière et la nation. C'est peut-être seulement une
question de vocabulaire, mais lorsque vous répondiez aux questions de
Mme le député de L'Acadie, vous avez plutôt employé
les expressions "les intérêts du peuple et de l'ensemble de la
population". Alors, c'est quoi? Le peuple et l'ensemble de la population, ou la
classe ouvrière?
M. Chabot: Si vous voulez jouer sur des clichés de classe
ouvrière, on peut même mettre bourgeoisie et prolétariat,
si vous voulez, cela ne me fait rien. La population, le peuple, la classe
ouvrière, pour moi, c'est la même chose.
M. de Bellefeuille: Est-ce que la bourgeoisie fait partie de la
population?
M. Chabot: Si la bourgeoisie fait partie de la population?
M. de Bellefeuille: Oui. M. Chabot: À 1%.
M. de Bellefeuille: Disons qu'elle en fait partie.
M. Chabot: À 1%.
M. de Bellefeuille: Est-ce que l'éducation doit la servir
ou pas?
M. Chabot: Elle doit servir la population.
M. de Bellefeuille: Y compris le 1% qui est la bourgeoisie?
M. Chabot: Je ne sais pas quoi vous dire parce que c'est un jeu
de mots ou des jeux de phrases dans lesquels... je ne sais pas qui va avoir le
dernier mot; j'aimerais bien l'avoir, c'est évident. Bien des fois, les
intérêts du 1% ne vont pas dans le même sens que les
intérêts de la majorité.
M. de Bellefeuille: Là-dessus, je pense que, sans pousser
ce débat plus loin, si on prend seulement la dernière phrase que
vous avez dite, vous avez raison, et je vous laisse le dernier mot sur cette
phrase.
M. Chabot: Je vous remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je voudrais vous dire que je trouve que le
gouvernement, même si vous y allez à bras raccourcis, jamais on
n'oserait se permettre cela parce qu'on se ferait rabrouer par le ministre. Le
ministre nous parle à nous, il a refusé de vous parler, mais il
n'aimerait pas cela du tout de notre part. Je vais vous dire...
M. Chabot: II nous a parlé fermement l'automne
dernier.
M. Rivest: Je voudrais me placer pour éviter la fureur du
ministre et vous dire qu'il n'est peut-être pas si pire que vous le
dites, ce gouvernement.
M. Chabot: Là, c'est grave, on a réussi à
faire la coalition du Parti libéral et du Parti québécois
avec nos mémoires.
M. Rivest: Dans votre vocabulaire, ce sont deux partis
bourgeois.
M. Chabot: C'est encore un cliché, mais si vous voulez
l'appeler comme cela, allez-y, mais ce qu'on dit, c'est que le Parti
québécois agit de la même façon que le Parti
libéral avait agi avant. (17 heures)
M. Rivest: Disons que de ce plancher-là on va partir d'un
problème très pratique. Quand vous
vous opposez au rêve, à une éducation qui sert son
projet national ce que vous dites à la page je ne sais quoi de
votre mémoire le projet de loi 25, et après cela dans les
faits cette mesure servira-t-elle la nation et ses besoins ou les compagnies
québécoises. Je continue un peu plus loin et je lis le reste du
paragraphe. Après cela vous dites: Face à toutes les coupures de
budgets M. le député des Deux-Montagnes vous en a dit un
mot que le gouvernement effectue dans le secteur de la santé...
C'est vrai qu'il y a des coupures de budget, vous les avez
évoquées, vous avez parlé des problèmes que cela
pouvait causer au niveau du contingentement, mais il reste un budget et ce
budget dans certains domaines a été considérablement
développé. Je vous demande pourquoi vous vous opposeriez à
ce que le ministre de l'Éducation reconnaisse d'intérêt
national un programme d'enseignement professionnel. Les étudiants, que
vous représentez, est-ce qu'ils n'auraient pas intérêt...
Vous le signalez vous-même, mais vous oubliez en cours de route, vous
parlez du problème de l'Asbestos Corporation. Il y aura peut-être
des jobs pour vous autres. Deuxièmement...
M. Chabot: Oui, des jobs avec les poumons tout
"capotés".
M. Rivest: ... vous savez que dans le domaine de
l'hydroélectricité au Québec, la nation, le peuple, le
prolétariat, ils font de l'électricité au Québec.
Il y a peut-être des techniques qui pourraient être
intéressantes pour les étudiants. Troisièmement, dans le
domaine de l'aménagement touristique, il y a des projets concrets qui
existent au gouvernement du Québec qui ont été
développés par ce très méchant gouvernement. Est-ce
qu'il y a des choses qui vous intéressent là-dedans? Laissez-moi
finir. Dans le domaine agricole, l'aménagement agricole,
l'aménagement du territoire, il y a des choses que ce très
mauvais gouvernement a faites. Il va peut-être y avoir des emplois pour
les étudiants là-dedans. Est-ce que cela vous
intéresserait? Dans le domaine des sociétés d'État,
dans le domaine minier, REXFOR, dans le domaine de Marine Industrie, dans le
domaine de la construction navale. Il y a des choses que ce très
méchant gouvernement-là fait qui pourraient peut-être en
intéresser certains. Alors, pourquoi vous opposez-vous aussi
sèchement à ce que le projet de loi autorise le ministre de
l'Éducation à déclarer d'intérêt national des
choses qui, à mon avis, pourraient peut-être pas vous
individuellement, mais les étudiants qui sont derrière vous
peut-être les intéresser?
M. Chabot: D'une part, j'aimerais souligner je ne sais pas
si vous vous cherchez un poste à l'intérieur du gouvernement du
Parti québécois, mais je suis sûr que M. Morin aimerait
bien vous avoir à côté de lui quand il fait des...
M. Rivest: J'essaie de le défendre parce qu'il a
refusé de vous parler. Il a refusé de vous parler alors j'essaie,
parce que quand même, le gouvernement, il faut respecter
l'autorité...
M. Chabot: ... campagnes électorales. "Taba-rouette" vous
êtes trop bon. Je suis certain que M. Morin jubile, n'est-ce pas? On ne
s'opposerait pas nécessairement à ce que des programmes soient
reconnus d'intérêt national. D'accord, au départ, mais dans
la situation actuelle, un programme d'intérêt national, pour nous,
on pense que cela ne servira pas nécessairement les besoins de la
population.
M. Rivest: Oublions la population. Vous représentez des
étudiants, ici, et vous faites des affirmations dans votre
mémoire qui peuvent être comme cela et vous les exposez
très simplement devant la commission "fantoche", mais il ne faut pas que
vous soyez irresponsable dans vos propos. Je vous donne des exemples concrets.
Est-ce que cela vous intéresse ou si cela ne vous intéresse pas
du tout, croyez-vous que pour les étudiants que vous représentez,
tous les programmes que je viens de vous indiquer ont un intérêt
quelconque pour les étudiants ou si c'est simplement fantoche?
M. Chabot: Le développement de l'économie
québécoise ou le développement de l'exploitation de nos
richesses, on y souscrit et on souscrit au développement des
Québécois en tant que collectivité et en tant que nation
et on reconnaît un paquet de droits à ce monde-là. On leur
reconnaît le droit à l'autodétermination, mais d'un autre
côté, les tentatives du gouvernement je ne sais même
pas si je dois appeler cela des tentatives en tout cas les subventions
qui sont allouées à toutes les industries dont vous avez fait
état, à l'argent qui était injecté comme cela
à gauche et à droite, ou à ITT comme votre gouvernement
l'a fait en leur donnant des concessions forestières sur la
Côte-Nord, quand nous regardons cela et que nous faisons
concrètement l'évaluation de ce que cela donne à
l'ensemble de la population y compris aux étudiants,
parallèlement au discours qui nous est fait, on considère que
c'est clamer bien haut des succès qui n'en sont pas
M. Rivest: Les emplois qu'on crée. Je comprends que dans
l'ensemble vous puissiez porter cela, mais au moins il me semble que vous
pourriez vous intéresser à ce que ces petits... même s'il y
a 5, 10, 15, 20, 30 ou 50 étudiants quelque part dans la province qui
réussissent à obtenir cela, je trouve que vous n'avez pas le
droit de signaler cela et de glisser votre paragraphe... Vous donnez des
exemples et je vous en ai donné d'autres. Vous parlez d'Asbestos, etc,
et à un moment donné vous concluez: Face à toutes les
coupures dans le domaine de la santé parce que c'est
d'actualité, c'est un problème qui existe nous nous
opposons à cette mesure. Après, vous venez nous dire cela
ici.
M. Chabot: On en fait du travail concret, monsieur, dans la
région de Montréal...
M. Rivest: Je ne parle pas de votre travail, mais des
réalités concrètes que cela donne, vous les écartez
du revers de la main. Cela a donné des choses concrètes, il y a
des choses qui s'en viennent dans l'aménagement du territoire, il va y
avoir des techniciens qui vont être formés dans les
collèges, il va y avoir des jeunes qui vont se trouver des emplois, il
va y en avoir.
M. Chabot: II va y en avoir? M. Rivest: Oui, il va y en
avoir.
M. Chabot: Vous annoncez cela: On a fait une découverte de
"jobs".
M. Rivest: Je l'annonce parce que le ministre ne peut pas vous
l'annoncer, le ministre a refusé de vous parler. Je me mets un peu dans
son rôle pour tâcher que votre visite ne soit pas
complètement inutile. Je veux que vous réalisiez exactement ce
qui a été fait. Pourquoi arrivez-vous aussi sèchement dans
votre mémoire en écartant cela du revers de la main avec un large
sourire? Vous dites: Comme il y a un problème dans le domaine de la
santé, tout cela, ce projet de loi, tout ce que le gouvernement fait, de
toute façon, cela n'existe pas, ce n'est pas bon. Nous, on trouve cela
fantoche, cela finit là.
M. Chabot: Non, je pense...
M. Rivest: Je trouve, de votre mémoire, que cela tourne
extrêmement court, pour être très franc avec vous.
M. Chabot: Je pense que vous réduisez à bien peu de
choses l'intervention de l'Association nationale des étudiants du
Québec à la commission parlementaire aujourd'hui et vous
réduisez à bien peu de choses les positions qu'on peut avoir et
qui sont énoncées dans le mémoire qu'on vous a soumis et
qui sont plus développées dans les annexes...
M. Rivest: Sur le livre blanc? Je l'ai vu.
M. Chabot: ... c'est-à-dire le document qui a permis
l'élaboration de notre position sur le livre blanc de même que la
brochure qui a été adressée aux étudiants membres
de notre organisation suite à la tenue de ce dixième
congrès. On ne fait-pas une analyse aussi détachée de la
réalité que vous pouvez le dire parce que, quand on parle de la
situation, on ne parle pas de la situation que vivent les gens de l'Ontario ou
de la Colombie-Britannique, quoiqu'on pourrait peut-être en parler. La
situation qui est vécue présentement, c'est que des coupures sont
exercées au niveau des affaires publiques, que ce soit dans
l'éducation, les affaires sociales. C'est bien dommage, mais cela
entraîne la détérioration des conditions d'étude et
de vie des étudiants et cela entraîne la
détérioration des conditions de vie de la population.
M. Rivest: Cela, c'est hautement...
M. Chabot: Le gouvernement nous dira que c'est à cause des
infirmières que cet été on ne pourra pas se faire
opérer, alors que les infirmières sont dans la rue pour protester
contre les mesures du gouvernement et, entre autres, contre le fait qu'il y a
des coupures dans les hôpitaux. Quand on parle de chômage et qu'on
dit que le gouvernement entend régler la situation, on est surpris
d'entendre clamer cela quand il y a des coupures sans précédent,
par exemple, dans les affaires sociales. Le gouvernement, aux endroits
où c'est lui qui est responsable de l'embauche, où c'est lui qui
est responsable de ces secteurs, ce qu'il fait, ce sont des coupures.
Nous, ce qu'on fait dans la région de Montréal, entre
autres, c'est de regrouper les étudiants sur la base d'un comité
qui revendique des emplois et qui met des projets de l'avant. On
considère cela comme utile et rentable pour la population. Dans ce sens,
il y a déjà des représentations qui ont commencé
à être faites. Nous, on ne le fera pas tout seuls, comme cela,
parce que la situation des étudiants n'est pas détachée de
la situation de l'ensemble de la population. C'est dans ce sens qu'il y a des
étudiants qui travaillent avec des parents et des personnes responsables
des garderies dans la région de Montréal ou à
l'hôpital Notre-Dame. Je pense que ce n'est pas aussi limité et
détaché de la réalité que vous pouvez le laisser
croire.
M. Rivest: Je conçois très bien la
réalité des problèmes que vous venez de décrire
d'une façon très correcte; c'est très réel.
J'aurais une autre question avant de terminer. Quand on parle on
en a parlé beaucoup, vous avez assisté aux
délibérations, le projet de loi en parle également
du problème de l'évaluation des performances à
l'intérieur des cégeps, les administrateurs, les parents,
vous-mêmes en avez parlé, vous en avez glissé un mot et le
ministre, dans son projet de loi, en propose. Est-ce que vous... je pense qu'il
faut au moins, sur le plan du principe de cette chose, reconnaître
c'est peut-être imparfait, on l'a souligné à gauche et
à droite la façon dont le gouvernement procède mais
il y a tout de même là une préoccupation d'éviter
que des jeunes que vous représentez ici soient frappés par des
erreurs ou des vices de fonctionnement de nos collèges d'enseignement
où à ce moment-là on pousse des jeunes dans des secteurs
qui, à cause de coupures comme vous le soulignez, etc., s'avèrent
sans issue. Dans ces mécanismes d'évaluation des cégeps
localisés dans des régions bien déterminées, il me
semble que si on regarde d'une façon objective, tout le monde ensemble
c'est très difficile, j'en conviens on va peut-être
déceler de nouveaux horizons et il y aura peut-être moins de
jeunes qui vont se trouver dans des situations que vous avez décrites en
parlant des infirmières. Je ne vous demande pas de bénir le
gouvernement.
Dites-le-moi, je suis dans l'Opposition je ne suis pas là
pour bénir ce gouvernement-là mais au moins de
reconnaître qu'il y a une préoccupation qui est valable et de le
signifier quand vous venez ici à l'Assemblée, quand vous prenez
la peine de venir à l'Assemblée nationale exprimer cette
intention. Vous pouvez formuler vos critiques, c'est tout à fait
légitime, mais au moins vous intéresser au sérieux ou
enfin à ce qui paraît objectif, indépendamment de tout ce
qu'on est chacun, de tout ce qu'on défend et ce qu'on a de
problèmes, mais de signifier qu'il y a des réalités
concrètes et des réalités vécues...
M. Chabot: Oui, effectivement.
M. Rivest:... et c'est à cela surtout que je voulais vous
amener.
M. Chabot: Effectivement, le livre blanc soulève des
problèmes qui existent dans le réseau et des problèmes qui
sont concrets. On ne le nie pas et le gouvernement dégage même
certains principes pour régler ces problèmes qui ne sont pas
nécessairement mauvais. Mais l'application qu'il en fait c'est une autre
paire de manches. Et la façon dont il intervient c'est une autre paire
de manches. Sous la couverture de principes de démocratie, parce que
c'est très à la mode la transparence, la démocratie et la
consultation, le Parti québécois, sous le couvert de ces grandes
orientations, intervient de façon tout à fait contraire dans les
principes qui sont élaborés quand certains principes sont bons.
On le reconnaît, il y a des problèmes qui sont soulevés
dans le livre blanc et qui sont réels. Il y a des principes qui sont
amenés qui sont corrects, mais la façon dont il intervient et la
façon dont il agit entre autres... Parce que vous dites que ces
problèmes sont importants et qu'on devrait prendre le temps de "checker"
cela comme il faut. Nous voulons prendre le temps, c'est pour cela qu'on
demande à M. Morin de reporter la commission parlementaire à
l'automne prochain...
M. Rivest: Là dessus on est d'accord. On a demandé
cela aussi.
M. Chabot: ... et d'en discuter avec nos membres parce qu'on
s'est prononcé déjà contre les mesures amenées dans
le livre blanc, mais les deux projets de loi qui nous sont
présentés soulèvent des questions très
spécifiques et sur la base de notre position sur le livre blanc, on peut
amener des suggestions par rapport à cela, mais on
préférerait de beaucoup en discuter avec les étudiants
parce que nous sommes une organisation démocratique qui consulte ses
membres et qui tente de les impliquer le plus possible dans le travail au sein
de l'organisation. C'est la raison pour laquelle on est venu ici pour vous dire
que la commission parlementaire qui avait lieu présentement était
considérée, quant à nous, comme ne donnant rien parce que
concrètement les groupes qui sont appelés à se prononcer,
dont les étudiants, ne peuvent réagir de façon vraiment
correcte par rapport à ces projets de loi parce que physiquement cela ne
nous est pas possible.
M. Rivest: Merci.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: J'ai deux courtes questions, M. le Président.
Dans votre esprit, concernant les conseils qui sont présentement
responsables devant les cégeps, est-ce que les membres de ces conseils
sont bien choisis, est-ce que les moyens qu'on emploie présentement,
pour déterminer ceux qui vont agir comme responsables devant les
cégeps sont choisis comme il se doit?
M. Chabot: Votre question est intéressante et elle
mériterait d'être regardée mais, d'une part je l'ai
souligné tout à l'heure on ne veut pas entrer dans le
spécifique des projets de loi qui sont amenés parce qu'on
pourrait développer par rapport à la question que vous m'avez
posée une position par rapport à la composition du Conseil des
collèges, par exemple. Ce que je peux vous dire c'est que... Je vais
parler et cela va peut-être choquer...
M. Shaw: Je ne pose pas la question de façon critique,
c'est seulement une opinion que je recherche.
M. Chabot: C'est parce qu'au départ je veux
prévenir on ne veut pas, et on est venu ici dans ce
sens-là, s'engager sur le spécifique des projets de loi. Mais si
on veut me permettre de glisser un petit mot sur les conseils d'administration,
il y a par exemple, l'Association de parents à laquelle s'est
référé le ministre l'automne dernier pendant la lutte des
prêts-bourses, alors qu'il mettait en doute la
représentativité de l'Association nationale des étudiants
du Québec qui regroupait, dans des assemblées
générales, à la base, plus de 50% de ses membres. Le
ministre pendant ce temps consultait l'association de parents dont j'ignore le
nom qui, elle, dans ses assemblées générales où les
politiques sont mises de l'avant, où les officiers sont élus,
regroupe moins de 5% des parents en question. (17 h 15)
M. Shaw: Ce sont toujours des parents qui sont
intéressés. Parmi les étudiants, vous avez...
M. Chabot: Oui, ce sont toujours des parents qui sont
intéressés, mais cela n'empêche pas que cela
représente 5%. Avec la réponse que vous me faites, quand j'ai
quelque chose à dire sur le livre blanc, je pourrais bien partir avec ma
petite "gang" d'étudiants au cégep de Chicoutimi, une trentaine
je ne sais pas quel pourcentage du cégep venir ici et
dire: On veut être entendus parce qu'on est intéressés.
M. Shaw: D'accord. La raison pour laquelle j'ai posé cette
question, c'est que le projet de loi 25 enlève presque totalement les
responsabilités des conseils de gestion des cégeps, par l'article
10.
M. Chabot: On entre dans le spécifique des projets de loi,
M. Shaw, et je préfère ne pas m'en-gager sur ce terrain; on en
parlera en septembre.
M. Shaw: Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous
étiez opposés à ce projet de loi et pour des raison
spécifiques, vous ne pouvez pas en parler, sauf dire que vous êtes
inquiets au sujet de certaines coupures dans le domaine...
M. Chabot: Ce qu'on dit, c'est que la présentation du
projet de loi visant la création du conseil des collèges, c'est
lié directement et c'est inclus dans le livre blanc. À ce
même livre blanc, on s'y est opposé. Du conseil des
collèges, l'analyse qu'on en fait, c'est que ce sera une structure qui
va permettre au ministre de s'entourer d'une équipe qu'il va choisir, en
passant, et qui va lui permettre de développer la façon dont il
va appliquer ses politiques dans l'éducation. On est contre ce livre
blanc. On ne sera pas nécessairement contre un conseil des
collèges ad vitam aeternam, mais on est contre un conseil des
collèges tel que défini. Selon nous, ce conseil des
collèges ne vise qu'à appliquer des politiques auxquelles on
s'oppose; on s'oppose à la création de ce conseil des
collèges.
Quant aux spécificités du projet de loi, de la
façon dont cela fonctionne et toutes les autres bé-belles, on est
intéressé à en discuter. Cela fait à peu
près quinze jours qu'on l'a reçu et les quinze jours ne nous ont
pas permis d'élaborer un travail suffisant sur la
spécificité des articles pour pouvoir présenter quelque
chose, d'autant plus qu'on n'a pas d'étudiants derrière nous et
qu'on veut avoir les étudiants. Depuis quinze jours, on n'a pas pu avoir
tout le temps voulu pour mettre le nez là-dedans parce qu'on se cherche
une "job" de ce temps-ci pour aller à l'école l'automne
prochain.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie l'Association
nationale des étudiants du Québec. J'inviterais maintenant la
Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des
enseignants des cégeps à venir nous présenter leur
mémoire.
Mme Micheline Sicotte et M. Pierre-Louis Guertin, si vous voulez nous
présenter vos collègues.
Centrale de l'enseignement du Québec et
sections affiliées
Mme Sicotte (Micheline): Je voudrais vous présenter les
personnes qui représentent, d'une part, la Centrale de l'enseignement du
Québec et l'ensemble de ses sections affiliées, ce qui veut donc
dire la Fédération des enseignants de cégeps, la
Fédération des professionnels de cégeps et de
collèges et la section provinciale de personnel de soutien. C'est
à préciser par rapport à ceux dont nous sommes les
porte-parole. Il y a Nicole Tremblay qui représente les professionnels
de cégeps et de collèges, Marcelle Sénéchal qui
représente la section provinciale de personnel de soutien, Yves Proulx
qui représente la Fédération des enseignants de
cégeps et Nicole Fortin qui agit comme personne ressource à notre
équipe intersectorielle, particulièrement
préoccupée des questions d'éducation, notamment au niveau
du collégial, Pierre-Louis Guertin qui est membre du bureau national et
président de la Fédération des enseignants de
cégeps. Mon nom est Micheline Sicotte, vice-présidente à
la centrale.
Je voudrais, M. le Président, M. le ministre, Mme la
député, messieurs les députés, souligner aussi la
présence avec nous de nombreux représentants de travailleurs et
de travailleuses de l'enseignement dans les collèges. Certains ont
dû nous quitter compte tenu du temps, bien sûr, mais certains ont
une longue patience et sont encore avec nous pour la fin de cette
rencontre.
Je voudrais, dès le point de départ, avant d'aborder le
fond du mémoire que nous avons préparé pour cette
commission, préciser quelques éléments qu'il
m'apparaît important de clarifier avant même que nous vous
présentions le mémoire, à savoir l'intervention que nous
faisons ici. Nous la faisons dans le suivi des démarches entreprises
depuis quelques jours à l'effet de demander un report de l'étude
de ces projets de loi et, bien sûr, si nous demandons le report, à
plus forte raison le report de l'adoption de ces projets de loi 24 et 25.
Nous tenons immédiatement à indiquer sur quoi s'appuie une
telle demande et nous ne voulons pas être arrogants à
l'égard de la commission, mais nous voulons bien faire entendre notre
point de vue et en ce sens nous considérons comme inadmissible que le
gouvernement, à ce moment-ci, veuille procéder à notre
sens à la vapeur à l'adoption de ces projets de loi, projets de
loi qui ne sont pas secondaires, mais qui vont bouleverser, de façon
importante, le fonctionnement des collèges.
Ces projets de loi remettent en cause des conditions de travail et
d'exercice professionnel de l'enseignement pour l'ensemble des membres du
personnel et à cet égard cela nous apparaît vraiment
prématuré et surtout précipité. Nous avons eu
à peine un délai d'une quinzaine de jours pour analyser les
projets, parce que je pense que tout le monde ici sera d'accord pour dire qu'il
y a une différence entre des projets de loi et des livres verts, blancs
ou d'autres couleurs. Donc nous n'avons eu qu'une quinzaine de jours pour
analyser les projets, rédiger un mémoire, réunir nos
instances, consulter nos membres, ceux-là qui pourtant et nous
tenons à vous le dire depuis les débuts des débats
entrepris sur la réforme dans l'enseignement collégial, donc
depuis quatre ans à ses différentes étapes, suivent de
très près le développement, interviennent à toutes
les étapes et, à ce moment-ci se voient, à toutes fins
utiles, un peu soustraits de l'implication qu'ils pourraient donner pour
participer à ces larges débats qui devraient être.
Alors, nous tenons à préciser aussi qu'à l'occasion
du lancement des collèges au Québec, en octobre dernier, par le
ministre, nous avions, dans les semaines qui ont suivi, fait connaître
des
premières réactions, réactions que nous avons fait
connaître, à ce moment-là à la presse. Certaines
étaient de l'ordre de l'approbation de certaines mesures, d'autres
étaient de l'ordre de l'opposition ferme et d'inquiétude grande,
notamment quand il y a des mécanismes de contrôle et d'autres
étaient de l'ordre de l'interrogation sur certaines intentions du
ministre, notamment au niveau de l'enseignement professionnel et de
l'éducation des adultes. Mais nous notons ici que ces propos-là,
nous ne les avons fait connaître qu'à la presse attendant et
croyant, comme il était juste de le croire d'ailleurs, que nous aurions
l'occasion de faire valoir officiellement notre point de vue et nos positions
sur les réformes annoncées à l'occasion d'une large
commission parlementaire portant sur l'ensemble du projet de réforme,
comprenant donc projet de loi et réglementation et que l'occasion nous
en serait fournie avec des délais suffisamment bien annoncés pour
qu'on puisse intervenir adéquatement. Vous nous permettrez de noter ici
que nous sommes malheureusement déçus de voir que les
délais dans les circonstances sont très courts et qu'à
plus forte raison ils portent sur deux morceaux du débat de la
réforme de l'enseignement collégial, deux morceaux qui pourtant
créent des cadres suffisamment importants pour entraîner des
modifications majeures.
Alors, nous avons considéré que c'était vraiment,
de la part du ministre, peu se soucier de l'opinion des divers membres du
personnel des cégeps étudiants et de l'ensemble des citoyens que
de procéder aussi rapidement et à ce moment-ci de l'année.
Pour reprendre des propos utilisés par d'autres, de la part d'un
gouvernement soucieux de transparence, cela nous apparaît pour le moins
inacceptable. Ceci dit, nous avons donc beaucoup hésité à
nous présenter à la commission parce que cela nous donnait
l'idée que nous venions jouer un rôle de figurants de
dernière scène, de dernière phase, si on veut, dans un
aboutissement qui ne nous apparaissait pas suffisant...
Alors, notre présence ici ne se situe donc pas dans l'optique
d'un cautionnement de ce qu'on pourrait appeler une large consultation et une
occasion de finaliser de larges débats démocratiques, mais c'est
une occasion, devant le fait qu'il n'y avait pas de rapport de commission, que
nous avons prise pour venir dire qu'il était important de retirer,
à ce moment-ci, les projets de loi 24 et 25, de les reporter à
l'automne dans l'ensemble d'un débat large sur l'enseignement
collégial.
Le mémoire que nous présentons, c'est donc un
mémoire qu'on veut de protestation face aux méthodes et aux
démarches du gouvernement, mais qui veut aussi attirer l'attention sur
les articles des deux projets de loi qui nous apparaissent des articles
suffisamment lourds de conséquences pour justifier l'assise de notre
prise de position quant à une demande de report et quant à une
demande de débat global.
Le mémoire que nous vous présenterons vous permettra de
comprendre le cheminement dont nous venons vous faire part; nous ferons le
point à partir du rapport Nadeau jusqu'au livre blanc, parce que je
pense qu'il nous faut le voir comme cela pour bien comprendre le sens des
interventions que nous ferons sur les lois 24 et 25, nous
réitérerons ici les objectifs qu'on considère
avoués et non avoués de la réforme. Nous attirerons
l'attention sur les articles qui nous apparaissent particulièrement
lourds de conséquences et qui justifient un débat plus large et
nous réitérerons cette espèce de précipitation que
nous qualifions d'inquiétante et qui risque de ne pas permettre le
débat démocratique auquel nous devrions tous tendre et
désirer réaliser.
Ce qui veut donc dire que ce que nous apporterons comme commentaires sur
les projets de loi quant aux articles eux-mêmes, ce ne seront pas des
commentaires pour modifier tel ou tel article de telle ou telle façon,
on se comprend très bien à ce niveau, je pense qu'il faut que ce
soit clair, mais ce sera de vous indiquer, ce qui nous apparaît lourd de
conséquences et qu'on voudrait voir débattre dans une large
discussion concernant l'ensemble de l'enseignement collégial à
l'automne.
Sur ce, je laisse la parole à mon collègue, Pierre-Louis,
qui traitera des premiers volets de notre mémoire.
M. Guertin (Pierre-Louis): On en est rendus au point de ne plus
compter les tentatives de transformation majeure du réseau de
l'enseignement collégial en provenance du ministère de
l'Éducation, et ce, après seulement dix ans d'existence. Je n'en
ferai pas l'historique, vous avez sans doute possibilité, si vous avez
vécu ces années, de savoir tout ce qu'on a essayé; c'est
beaucoup, en dix ans. Jusqu'ici, ces initiatives qui venaient en grande partie
des officines du ministère, ont été freinées par
les représentations qui venaient du milieu et par la sagesse des hommes
politiques qui savaient sans doute modérer le zèle des
fonctionnaires. Il semble que ce ne soit pas le cas cette fois-ci.
Il y aura quatre ans bientôt, était publié le
tristement célèbre rapport du Conseil supérieur de
l'éducation intitulé "Le collège", et communément
appelé Nadeau. Pour l'essentiel, ses recommandations pourraient se
résumer ainsi: II est temps de mettre un frein aux dépenses en
éducation; l'enseignement professionnel doit, à la fois, prendre
une définition plus large et moins approfondie; il faut faire une large
place à l'entreprise dans l'enseignement; l'enseignement
général doit être davantage axé sur l'utilitaire et,
enfin, il faisait ressortir la nécessité de contrôler
davantage les activités des cégeps et préconisait, en
conséquence, les instruments de l'analyse institutionnelle, la
création d'un Conseil des collèges et une administration plus
autoritaire de la pédagogie, et cela, en l'absence de tout bilan
systématique des collèges du Québec et en dépit
d'une analyse brumeuse, pédante et, somme toute, non pertinente si on
regardait les recommandations qui suivaient, des besoins des jeunes
adultes.
Ce rapport du lointain Conseil supérieur de
l'éducation concluait néanmoins, et
outrancièrement, à des propositions de bouleversements majeurs
des cégeps. Nos analyses, nos enquêtes, nos débats et nos
larges consultations, à ce moment-là, démontraient
l'importance que nous accordions et que nous accordons de plus en plus à
la sauvegarde des acquis et au progrès du réseau
collégial. Sous le vêtement de mauvaise qualité du rapport
Nadeau, nous avions reconnu d'emblée la pensée et les
propositions de la conférence de l'éducation de l'OCDE de 1970,
toujours très attentive aux besoins et aux exigences du grand capital
international, mais peu sensible aux aspirations des masses populaires. (17 h
30)
Les assemblées générales désaffiliées
de la CEQ et le Conseil général repoussèrent massivement
ces recommandations et ces orientations. À la Fédération
des enseignants de cégeps, à la Fédération des
professionnels des cégeps et des collèges, la consultation
déboucha, après un an, sur le rejet unanime, par les
assemblées et le congrès général à la
fédération, de la quasi-totalité de ces propositions. Les
travailleurs affiliés à d'autres centrales et les
étudiants leur firent le même accueil.
Les associations patronales, sans rejeter Nadeau, exigeaient des
propositions plus concrètes, mais, du ministre de l'époque,
aucune réaction officielle; c'était pourtant son ministère
qui avait commandé le rapport.
C'est par des fuites que nous apprenions, en cours d'année 1976,
que ce silence masquait un fourmillement d'activités à la
Direction générale de l'enseignement collégial. Un groupe
nommé X, formé de fonctionnaires, rédigeait rapport sur
rapport afin de dissiper les brumes de Nadeau, afin aussi de tenter de le faire
oublier sous un nouvel habillage, tout en rendant applicable l'essentiel de ses
orientations. Il recommandait en outre au ministre et à son gouvernement
de préparer sur ces bases un livre blanc.
Changement de ministre et de gouvernement, le fourmillement continue. On
ne rédige plus des rapports, on met en place leurs conclusions:
directives aux coordonnateurs de programmes visant à couper dans
l'enseignement spécialisé; directives aux administrateurs locaux
visant les contingentements systématiques dans plusieurs programmes
locaux et en vue de la régionalisation des options; gel dans
l'implantation desdites options; ces directives d'ailleurs ont
été dénoncées par nous à ce
moment-là. Tout cela dans l'ombre.
En dépit de l'engagement pris par le ministère de ne pas
procéder unilatéralement à des réformes et en
l'absence de toute politique officiellement annoncée par le gouvernement
endossant Nadeau, plus ou moins en cachette et à la pièce, il
instaure depuis quatre ans, malgré les résistances, une politique
dont l'énoncé d'octobre, intitulé "Les collèges du
Québec", ne vient qu'officialiser l'implantation. N'eût
été la vigilance constante des organismes syndicaux, la presse et
le public auraient ignoré ces tentatives d'imposer des transformations
sans les annoncer ni les justifier. Il reste que le grand débat public
que nécessitaient de telles réformes n'a pas eu lieu.
Le livre blanc, promis pour février 1977 par le ministre, en
réponse à nos protestations, nous permettait cependant
d'espérer la tenue d'une discussion franche et d'un large débat
sur la place publique, mais nous devons aujourd'hui constater que
l'énoncé de politique publié à l'automne de 1978
n'a fait l'objet d'aucune consultation de la population. Seuls les milieux
très directement concernés, étudiants, personnel
syndiqué, administrateurs de collèges, ont eu les moyens de
réagir, en même temps que les grandes associations patronales qui
semblent avoir commandé cette politique. Elles sont les seules
d'ailleurs qui semblent pleinement satisfaites.
Du côté des organisations syndicales regroupées
à la CEQ, un important travail d'analyse et de consultation sur cette
politique a été réalisé depuis l'automne. En
dépit des tâches reliées à la négociation
nationale, ce dossier occupe, depuis octobre, une place centrale dans nos
activités et nos débats. Déjà, le conseil
général de la Fédération des enseignants de
cégeps, en octobre, et celui de la centrale, en décembre, ont
manifesté au ministre leur insatisfaction face à son
énoncé de politique.
Les collèges du Québec. Quatre dossiers d'analyses
intitulés "Le cégep à l'ancre", que vous avez sur votre
table et que nous déposons avec ce mémoire, ont été
diffusés dans l'ensemble de nos syndicats de travailleurs des
cégeps, en vue de réaliser une consultation approfondie sur tous
les aspects du livre blanc. Cette consultation n'est pas encore
terminée, mais plusieurs syndicats ont déjà tenu des
débats approfondis et certaines instances nationales, à la
Fédération des enseignants de cégeps, à la
Fédération des professionnels des collèges et des
cégeps, ont réagi dernièrement à l'ensemble du
projet du MEQ, et vous trouverez, à l'annexe de notre mémoire,
les résolutions c'est dans les dernières pages
concernant le livre blanc.
Toutes ces consultations débouchent sur le rejet du livre blanc
sur la base des motifs suivants: Nous refusons de faire payer aux travailleurs
et à leurs enfants les frais d'une crise économique dont ils ne
sont pas responsables et qui est à la base de la politique
gouvernementale en éducation: coupures de budgets, développement
des contrôles bureaucratiques stériles, contingentement
imposé aux étudiants, regroupement des options, absence d'une
politique de scolarisation.
Nous refusons que l'État se soumette et nous soumette aussi pour
l'essentiel aux exigences du grand capital en matière d'enseignement
professionnel, en déqualifiant cet enseignement pour répondre
à la déqualification systématique des travailleurs
exercée par les entreprises. Nous refusons aussi que l'État
cède son pouvoir de décision et de planification en
matière d'éducation aux entreprises.
Nous exigeons que le gouvernement dote enfin le pays d'une
véritable politique de scolarisation au niveau collégial, et
prenne des mesures
concrètes pour réaliser l'égalité de
chances, la tant promise égalité de chances. Notre enquête
a démontré que le cégep est discriminatoire envers les
enfants de la classe ouvrière et envers les personnes de sexe
féminin.
Au nom de la liberté académique, nous refusons enfin
l'ingérence de l'État à des administrations de
cégeps dans l'exercice concret de la pédagogie dans les salles de
cours. Tout comme en relation avec nos prises de position d'octobre et de
décembre qui sont restées sans écho au niveau du
ministère, nous avons aujourd'hui l'impression avec le
dépôt des projets de loi 24 et 25, que le gouvernement a
décidé de procéder en ignorant ces débats
démocratiques et en ne tenant pas compte de l'opinion des travailleurs
qui ont bâti les cégeps depuis dix ans. Même si ce
mépris des travailleurs et des organisations collectives qu'ils se sont
données, étonne de moins en moins de la part du gouvernement
actuel, nous croyons nécessaire de rappeler qu'il est incompatible avec
l'objectif de bon fonctionnement des collèges qu'on prétend
poursuivre.
La deuxième partie traite des objectifs avoués et non
avoués d'une réforme. Dans la deuxième partie de
l'énoncé de politique des collèges du Québec, le
gouvernement s'explique sur ce qu'il appelle les idées directrices du
renouveau.
Le Président (M. Marcoux): M. Guertin, est-ce que vous
aviez l'intention de lire tout le mémoire? Il a environ une quarantaine
de pages.
M. Guertin: On est venu pour présenter le
mémoire.
Le Président (M. Marcoux): Oui, je sais que vous
êtes venus pour présenter le mémoire, mais je vous demande
si vous avez l'intention de tout le lire. Parce que, de façon normale,
les membres de la commission se sont entendus pour que nos invités
résument ou fassent une lecture synthétique de leur
mémoire en une vingtaine de minutes pour permettre davantage de temps
pour la période d'échanges et de questions. Ce n'est pas dans le
but de limiter le temps, même si les membres de la commission
s'étaient entendus pour environ 45 minutes par mémoire. Je pense
que depuis le début, on a passé environ une heure et demie ou
deux heures par mémoire. C'est simplement dans le but d'éviter
des lectures longues ou fastidieuses, en ce sens que les membres ont
déjà votre mémoire. C'est pourquoi je vous posais la
question.
Mme Sénéchal (Marcelle): Ce qu'on pourrait
peut-être faire, c'est qu'on pourrait, de notre côté,
accélérer peut-être le rythme de lecture un peu et
peut-être passer quelques volumes, mais en accélérant le
rythme de lecture, je pense qu'il y aurait intérêt pour
l'éclairage de la commission, et compte tenu des brefs délais
dans lesquels on a accepté de composer, puisque vous êtes ici et
nous ici, c'est peut-être compréhensible qu'on puisse,
contrairement aux habitudes des commissions parle- mentaires, y aller un peu
plus en situation de lecture qu'on ne le fait actuellement, mais en
accélérant le rythme, je pense que cela pourrait aller et
répondre aux objectifs de la commission.
M. Guertin: On est dans la situation de ne pas avoir eu le temps
de vous faire parvenir notre mémoire auparavant également.
Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Je crois que les membres de la commission l'avaient, en tout cas, avant
aujourd'hui.
M. Guertin: Dans cette deuxième partie du livre blanc,
où le gouvernement s'explique sur les objectifs, les idées
directrices du renouveau, on retrouve ce qu'on pourrait appeler les
préoccupations dominantes qui sont la qualité de l'enseignement,
qui constituerait, dans les termes du livre blanc, le droit le plus fondamental
et le plus large des étudiants. La qualité de l'enseignement
serait compromise actuellement par le gauchissement des programmes
collégiaux dans toutes sortes de directions et par l'absence de
mécanisme capable de mesurer avec quelque précision la
qualité des établissements et de l'enseignement qui y est
dispensé. Le gouvernement se propose aussi, à titre de
priorités, de préciser le régime administratif et
financier des collèges, ainsi que l'organisation générale
du réseau, de façon que devienne plus efficace le fonctionnement
des établissements, que soient mieux conciliés les besoins
d'autonomie et les exigences de la collectivité. Ici, ce sont surtout
les chevauchements des compétences qui, à la limite, se
neutralisent, qui semblent préoccuper le gouvernement. Enfin, c'est au
niveau des services généraux à la collectivité
qu'il faudra donner une nouvelle impulsion. De l'avis du gouvernement, les
efforts des collèges à ce sujet sont embryonnaires. Il faudrait
viser à mettre à la disposition des collectivités
intéressées les ressources des collèges à la faveur
d'assouplissement administratif, consultation, etc. Ces objectifs ont en commun
d'être parfaitement louables.
Personne ne peut s'opposer à la poursuite de la qualité de
l'enseignement, à la rationalisation des ressources et des services
éducatifs. La conjoncture que nous rappelons au début de ce
mémoire et l'examen des moyens mis en oeuvre pour la poursuite de ces
objectifs nous obligent, cependant, à être plus critiques et
à nous interroger sur leur véritable signification.
Dans le quatrième dossier. Les collèges à l'ancre,
nous avons spécialement analysé les moyens de la relance, des
compressions budgétaires aux interventions d'ordre pédagogique,
c'est l'idée de contrôle des collèges et du réseau
d'enseignement collégial qui devient central.
Les restrictions et contrôles budgétaires, première
série d'objectifs réels qu'on croit reconnaître. Aux
restrictions budgétaires déjà imposées s'ajouteront
de nouvelles restrictions. En citant le livre blanc, les fonds publics seront
administrés avec plus d'économie et leur utilisation sera
scrutée avec plus d'attention. En période de crise
économique, tous les gouvernements d'allégeance
libérale, y compris le vôtre, malgré ses
prétentions, se préoccupent d'abord des missions
économiques de l'État, c'est-à-dire l'aide à
l'entreprise privée au détriment des missions sociales. Les
trames de la stagflation, comme vous dites, et du chômage ne permettent
pas d'autres options.
Ce qui est coupé: les restrictions et le contrôle
s'exerceront au niveau des services complémentaires, mais
particulièrement au niveau des programmes professionnels où la
politique de rationalisation proposée prévoit une redistribution
des programmes, voire des regroupements, contingentements des admissions,
établissement de troncs communs dans les programmes apparentés.
Associées au développement de stages dans les milieux de travail
et de stages d'observation, ces mesures permettront une importante diminution
des coûts, en particulier dans les techniques dites lourdes.
Les coupures s'accompagnent aussi de l'implantation du système de
gestion par activité, où il est question de budgétisation
par programme et non plus en fonction de la clientèle globale. Ce
système permettrait un contrôle plus étroit des coûts
ainsi que les vérifications de l'utilisation des sommes
distribuées. Les comparaisons de coût réel de
l'étudiant par programme pourront se faire. Cependant, les sommes
allouées aux collèges pourraient ainsi être ajustées
sur les collèges qui, actuellement, offrent les programmes avec le
minimum de ressources et de qualité.
Tout ça nous donne un portrait, en ce qui concerne le premier
aspect, contrôle financier, de moins d'accessibilité finalement.
Ces mesures de rationalisation débouchent directement sur ça avec
les éléments suivants: les regroupements de programmes et le
contingentement obligeront nombre d'étudiants à se
déplacer, à changer d'orientation ou à quitter la
filière scolaire. L'accessibilité aux différents services
du collège n'est pas et ne sera pas facilitée par les
réductions de personnel et son affectation à des tâches
multiples, les coupures de matériel didactique et la
régionalisation des services. Réduire la qualité du
soutien pédagogique à l'enseignement, c'est réduire les
chances de succès scolaire et l'accessibilité.
Deuxième grand objectif qu'on trouve: Des contrôles sur la
pédagogie. Sous prétexte de contrer le gauchissement et ce qu'on
citait au début du mémoire, on crée un encadrement
pédagogique beaucoup plus directif, qu'il s'agisse du bloc de cours
obligatoires, des cours de spécialisation-concentration ou des cours
complémentaires, les marges de choix laissées aux
étudiants, aux départements et aux collèges se
rétrécissent régulièrement et
singulièrement. Ces dispositions risquent fort de rendre plus difficile
l'utilisation rationnelle des compétences et des resssources
actuellement disponibles dans les cégeps.
Du point de vue de la nécessaire implication de
l'étudiant, pourtant qualifié de jeune adulte, dans sa propre
formation, ce régime pédagogique risque aussi de réduire
la cohérence et la qualité de son programme.
Menaces à la liberté académique des professeurs.
Les contenus de cours n'échappent pas non plus à la
volonté de contrôle du gouvernement. Soucieux de ne pas signer les
diplômes dont il ne vérifie pas la valeur réelle et de
contrer les griefs de la population concernant les défauts de rigueur
intellectuelle, tâtonnements, sinon extravagances de certaines
méthodes de travail, enfin, j'en passe. Ce n'est pas le résultat
d'analyses, c'est le résultat de lignes ouvertes. C'est l'opinion qu'on
a consultée et non pas l'étude sérieuse des faits, le
ministre affirme son intention de contrôler davantage les contenus de
cours, entre autres, en français, où il veut définir des
objectifs plus concrets et en philosophie, où il spécifie que les
objectifs de cet enseignement doivent favoriser la fréquentation de
plusieurs systèmes philosophiques, etc.
Tout ça nous donne un portrait où c'est la première
fois que le ministère interviendrait directement dans la
détermination des contenus de cours jusqu'au niveau du quotidien. La
pyramide des contrôles, c'est surtout l'évaluation. Les
collèges devront se doter d'un système d'évaluation
institutionnelle qui s'apparente étroitement à l'analyse
institutionnelle, à laquelle travaille CADRE depuis quelques
années. (17 h 45)
Ce système prévoit une formule d'identification
d'objectifs et des mécanismes d'évaluation des programmes, des
pratiques pédagogiques, des modes de gestion, des prises de
décision. L'ensemble permettrait d'évaluer les collèges
à partir de critères d'excellence définis et
contrôlés par des pouvoirs supérieurs.
Le rapport Nadeau préconisait que ces mécanismes servent
à l'accréditation, et le livre blanc semble écarter cette
hypothèse, mais conserve les mécanismes de contrôle pour
l'essentiel. Il semble aussi ouvrir la possibilité d'un lien avec les
budgets.
Soulignons le pouvoir accordé aux conseils d'administration des
collèges d'établir des politiques d'évaluation des
apprentissages. Cette responsabilité, éminemment
pédagogique, donnée à une instance
politico-administrative, pourrait avoir de graves répercussions. Sous
prétexte de garantir la valeur des diplômes, cette pratique
pourrait réintroduire des expériences de normalisation
répressive qu'on avait abandonnées.
Il est assez évident que les mécanismes
d'évaluation introduits par le livre blanc ne cadrent pas du tout avec
le vécu actuel et les principes qui sont à la base de la
convention collective. Les responsabilités pédagogiques qui sont
normalement assumées par le professeur, le département et les
services pédagogiques se déplacent vers les conseils
d'administration et le ministère. On introduit le contrat
hiérarchisé du travail quotidien de l'enseignant et de
l'enseignante.
L'intervention de l'État dans les contenus de cours, comme nous
l'avons souligné, menace directement la nécessaire liberté
académique dont
disposent les professeurs. On pense que, à la limite, la rigueur
et la logique d'une discipline, ainsi que la compétence professionnelle
de l'enseignant et de l'enseignante peuvent être mises en échec
par des règles administratives ou par la volonté de
l'État.
Evaluation des enseignements. Le souci d'évaluer les
enseignements en fonction d'une amélioration de leur qualité et
d'un soutien pédagogique aux professeurs, spécialement aux
nouveaux, n'est pas incompatible avec les structures et les conditions de
travail actuelles, au contraire. La majorité des collèges
connaissent déjà des mécanismes d'autocritique, de
coopération et d'entraide entre professeurs, particulièrement au
niveau des départements.
Qu'on vise à généraliser ces pratiques et qu'on y
consacre des ressources humaines et financières pourrait donner des
résultats inespérés, faire confiance aux gens. La voie
hiérarchique et autoritaire choisie par le livre blanc change
globalement, en les détériorant, les conditions de travail et les
responsabilités des enseignants et enseignantes et des professionnels
qui pourraient être appelés à collaborer à son
application.
C'est par le biais de nouvelles tâches, qui lui sont
réservées dans l'évaluation institutionnelle, que le
personnel des services paraît le plus touché par les mesures de
contrôle, mais il serait étonnant, même si le livre blanc
n'en parle pas, que l'analyse institutionnelle ne finisse pas par s'appliquer
aux services et à eux-mêmes, les personnels autres
qu'enseignants.
Si l'on croit favoriser la qualité de l'enseignement avec ces
procédures bureaucratiques et ces mécanismes à coloration
patronale, on s'illusionne. La nécessaire collaboration des travailleurs
du milieu n'existera pas.
Appliqués de façon systématique et le moindrement
rigide, ces mécanismes d'évaluation conduisent à la
sclérose de la pédagogie et des contenus de cours. La
qualité de l'enseignement, c'est un prétexte au contrôle de
l'enseignement, de la salle de cours jusqu'au Conseil du trésor.
Troisième aspect des objectifs qu'on croit
découvrir le contrôle par le milieu
socio-économique. L'ouverture du collège à la
collectivité locale ou nationale, comme nous l'avons souligné,
est, en soi, très louable. Il n'est pas question de contester cet
objectif, mais de s'interroger sur sa signification réelle et les moyens
mis en oeuvre pour l'atteindre.
Ce sont les secteurs de l'enseignement professionnel et de
l'éducation des adultes qui sont particulièrement visés
par le souci que doivent avoir les collèges de consulter largement les
milieux environnants et d'être sensibles à leurs besoins et
à leurs aspirations. Or, c'est précisément sur ces
chapitres que les intentions de votre gouvernement sont le moins clairement
affichées dans le livre blanc.
On sait pourtant que les rapports Nadeau et GTX recommandaient
clairement d'accroître les interventions du patronat dans la
détermination des contenus de cours et l'administration des col-
lèges. C'est ce que nous avions appelé l'assujettissement de
l'enseignement collégial aux besoins des entreprises.
Même si ces mesures proposées par le livre blanc semblent
moins serviles que celles avancées par Nadeau et GTX et nos
luttes passées n'y sont sans doute pas étrangères
il n'en demeure pas moins qu'il reprend les orientations les plus
décisives de ses prédécesseurs.
En attendant que des études plus poussées et des mesures
plus détaillées viennent compléter le projet de politique,
nous avons déjà des orientations éclairantes qui se
dégagent du livre blanc. En effet, aspect central de la réforme,
la formation fondamentale nous paraît justement relever du souci de
répondre davantage aux intérêts et aux besoins des grandes
entreprises qui pourront se permettre de compléter à moindre
coût la formation des travailleurs qu'ils embauchent, tout en les rendant
plus dépendants de l'entreprise elle-même. Dans le dossier
"L'enseignement professionnel et la division du travail", nous avons longuement
démontré que cette orientation met en cause le niveau de
qualification du diplôme au profit de l'entreprise. Même si la
grande entreprise se voit favorisée par ces mesures, l'État ne
peut négliger d'offrir également aux PME des techniciens dont la
formation répond à leurs exigences.
Les PME sont gravement affectées par la crise et ne pourraient
supporter de devoir qualifier leur main-d'oeuvre. C'est pourquoi le
gouvernement semble avoir pensé à elles et entend faciliter, des
entreprises de formation récurrente, de susciter le développement
de centres spécialisés. Ces deux autres aspects méritent
qu'on s'y attarde car le livre blanc n'est pas non plus précis à
ce sujet.
La création des centres spécialisés dans certains
secteurs clés de la technologie québécoise a d'importantes
implications. La marge d'autonomie qui leur serait nécessaire, le fait
qu'ils pourraient être chargés de recherches appliquées, le
fait que le choix de ces mesures devrait être organiquement relié
au développement du CAMEQ, font craindre l'asservissement à une
entreprise particulière. Le ministre mentionne d'ailleurs, à
titre d'exemple, la soudure spécialisée pour laquelle maintes
industries, notamment Bombardier, réclament de la main-d'oeuvre.
La formation des comités collège-travail, deuxième
élément, et la création d'une commission de l'enseignement
professionnel institutionnaliseraient les relations plus étroites entre
les collèges et le milieu socio-économique, c'est-à-dire
le patronat. Toutes normales qu'elles puissent paraître, ces relations
peuvent faire en sorte que des pressions et des contrôles nouveaux et
abusifs s'exercent sur les collèges du Québec. Il faudra surtout
éviter que les cégeps fassent de la formation au service des
entreprises au détriment de leur mission d'éducation.
Quant à l'accessibilité, dans le livre blanc, le
gouvernement se dit sensible aux inégalités d'accès
à l'école québécoise. Inutile de vous dire que nous
partageons ce sentiment. Bien plus, nous considérons qu'il s'agit
là d'un des problèmes
fondamentaux de l'école. L'accessibilité aux cégeps
n'est-elle pas un des objectifs majeurs d'une véritable relance de
l'enseignement collégial?
Les résultats de notre enquête sur le rôle social du
cégep pourraient d'ailleurs enrichir substantiellement le trop rapide
examen des dix premières années de cégep fait par le livre
blanc. Nous constatons en effet que le cégep demeure inaccessible pour
la masse de la population et que près de trois jeunes
Québécois sur quatre doivent aborder la vie active et entrer sur
le marché du travail sans le bagage minimum d'une formation
collégiale. Nous avons découvert aussi que les enfants des
travailleurs québécois, qui constituent plus de 70% de la
population, sont en minorité au cégep avec 41,8% des effectifs.
C'est en fait seulement 15,4% des jeunes issus de cette classe qui
fréquentent le cégep. Alors que la bourgeoisie et la petite
bourgeoisie québécoise ne représentent que 29,5% de la
population, leurs enfants constituent 55,3% de la clientèle des
cégeps.
Parmi les jeunes qui fréquentent les cégeps, les enfants
issus du milieu des travailleurs s'inscrivent proportionnellement beaucoup
moins au secteur général qui débouche sur
l'université et des carrières plus prestigieuses et mieux
payées. Les symboles que vous voyez là, c'est classe 1,
bourgeoisie, 74% inscrits au général; classe 2, petite
bourgeoisie, 61,6% inscrits au général; classe 3, classe
ouvrière et travailleurs apparentés à cette classe, 45,6%
qui s'inscrivent au général.
Dernièrement, les filles sont beaucoup moins
représentées au général que les garçons, 50%
par rapport à 62,4% pour les garçons, et elles s'inscrivent
fortement dans des concentrations débouchant sur des métiers dits
féminins. Pour ce qui est du portrait des classes sociales au
Québec que vous voyez là, il vient de Statistique Canada.
M. Rivest: Juste une question en passant. Les travailleurs, tels
que vous les définissez par rapport à ce que vous appelez la
bourgeoisie, quel est votre barème de définition? Qu'est-ce que
les travailleurs? Est-ce que ce sont les travailleurs syndiqués ou... Y
a-t-il un endroit où vous le précisez?
M. Guertin: Dans le troisième cahier qu'on vous a
remis...
M. Rivest: Le cahier vert?
M. Guertin: Oui, le cahier bleu... M. Rivest: Ah oui,
d'accord!
M. Guertin:... Les cégeps à l'ancre, vous allez
avoir une définition très précise des classes sociales,
selon les catégories habituelles de la sociologie.
Tous ces chiffres décrivent une réalité
inacceptable, celle d'un système scolaire qui reproduit et consacre les
inégalités sociales, alors que ses concepteurs promettaient
à la population l'égalité de chances,
l'accessibilité générale et le slogan: "Qui s'instruit
s'enrichit" et, plus récemment, soulignaient le rôle compensateur
de l'éducation.
Les cégeps ne peuvent être tenus seuls responsables de
cette situation. Si les cégeps n'accueillent que 26% des jeunes
Québécois, alors que le rapport Parent préconisait un
objectif de 50% pour le début des années 1970, si 85% des enfants
des travailleurs québécois ne fréquentent pas le
cégep, c'est en grande partie pour des raisons extérieures au
cégep et que les travaux de la CEQ ont contribué à mettre
à jour.
Les normes de l'école ne sont pas faites pour les enfants des
classes populaires qui forment pourtant la majorité. L'école
véhicule l'idéologie de la classe dominante et place les enfants
issus de milieux ouvriers en situation d'inadaptation. Quand on constate que
88% des 92 000 inadaptés en 1975 appartenaient justement à ce
qu'on appelle la classe inférieure, ce n'est pas péjoratif, c'est
une catégorie sociologique.
La sélection: élimination, tests, voies et rythme, qui
valorise dans l'école la rivalité et la concurrence plutôt
que la coopération, conduit à placer la minorité dans les
meilleures conditions et la masse sur la voie d'évitement, classe
allégée, professionnel court, etc. Que les causes des injustices
et des insuffisances du système scolaire soient nombreuses et profondes,
que les remèdes et les actions à développer soient
complexes et vastes, nul ne le conteste. Il ne faudrait cependant pas puiser
là prétexte à maquiller la réalité
déplaisante et à se cantonner dans l'inaction, comme l'ont fait
les gouvernements et les ministres de l'Éducation qui se sont
succédé depuis quinze ans.
Votre gouvernement, M. le ministre, ne fait malheureusement pas
exception à la règle. Tandis que le livre vert sur la formation
primaire et secondaire ignore systématiquement les
réalités décrites par la CEQ, qu'on trouve plus haut, et
ne propose logiquement aucun moyen de les corriger, le livre blanc sur
l'enseignement collégial reconnaît qu'il y a sans doute une
égalité de chances selon la situation socio-économique des
classes sociales, en cachant pudiquement les chiffres, par ailleurs, mais ne
propose aucune solution et ne fixe aucun objectif à atteindre pour
corriger la situation.
Les projets de loi 24 et 25 se situent dans le sillage des objectifs que
nous venons de décrire. Souscrivant dans le cadre de ces objectifs, nous
les trouvons très inquiétants. L'analyse que nous avons faite
jusqu'à maintenant montre qu'ils ont pour but de mettre en place les
dispositions légales nécessaires à l'application du livre
blanc et des objectifs que nous avons relevés. Ils permettent en effet
le resserrement des contrôles administratifs et pédagogiques. Leur
adoption par l'Assemblée nationale permettra au gouvernement
d'intervenir à la discrétion du ministre de l'Éducation
sous forme d'études contenues, d'enquêtes ou de tutelles, sur tous
les aspects de la vie des collèges. Concerté avec un Conseil des
collèges choisi et nommé par le gouvernement, le pouvoir
réglementaire s'affermit en temps utile, il pourra réaliser
l'opéra-tionalisation subséquente des contrôles.
Quant aux responsabilités pédagogiques et administratives
locales, loin d'être raffermies,
comme le dit le livre blanc, elles se voient réduites et
rigidement encadrées par les mécanismes de l'analyse
institutionnelle. Comme nous l'avons relevé, les menaces qui pourraient
planer sur la vie des collèges et particulièrement sur la
pédagogie, pourraient à tout le moins signifier la
sclérose de l'enseignement collégial. À la lumière
de cette analyse des objectifs réels du livre blanc, les deux projets de
loi que nous étudions maintenant plus en détail jettent, selon
nous, les bases d'une véritable contre-réforme de l'enseignement
collégial.
Mme Sicotte: Sur ce, nous voulons justement attirer l'attention,
comme je l'ai annoncé antérieurement, sur les volets des lois 24
et 25 qui nous paraissent particulièrement significatifs et qui
justifieraient la prise de position dont je vous parlais au début.
Tout d'abord, nous aborderons donc la question du Conseil des
collèges, cet organisme qui serait devenu nécessaire selon le
livre blanc pour résoudre une soi-disant contradiction entre le statut
autonome des collèges et les responsabilités que doit, par
ailleurs, assumer le gouvernement par rapport au réseau des
collèges. C'est en comparant la Loi créant le Conseil
supérieur de l'éducation à ce projet de loi 24 qu'on peut
le mieux distinguer la fonction réelle de ce Conseil des
collèges. Alors qu'essentiellement, le Conseil supérieur de
l'éducation a pour mission de procéder à des études
et de refléter le milieu pour acheminer ensuite vers le ministre les
recommandations appropriées concernant les problèmes
constatés dans divers enseignements, le Conseil des collèges se
voit doté de certains pouvoirs d'intervention auprès des
collèges locaux, surtout par la commission d'évaluation.
À la lumière des fonctions définies dans le projet
de loi pour le Conseil des collèges, comme pour la commission
d'évaluation, nous devons bien constater que l'on transfère vers
cet appareil certaines fonctions d'intervention que les collèges
contestaient déjà à la DIGEC et certaines fonctions
conseil qui étaient confiées au Conseil supérieur
de l'éducation. En effet, il nous faut penser la fonction réelle
de l'organisme proposé en termes de contrôle technocratique du
réseau collégial où les technocrates, au lieu d'appartenir
à la DIGEC, proviendraient du milieu lui-même. (18 heures)
Si on veut faire des comparaisons par rapport au Conseil des
universités, qui est né et qui fonctionne de par la
volonté des universités, le Conseil des collèges du projet
de loi 24 est un organisme de surveillance des collèges, au service du
ministère de l'Éducation et son statut un peu bâtard se
rapproche, à notre avis, d'une espèce de régie des
collèges. Les modifications que le projet de loi apporte à la Loi
du Conseil supérieur de l'éducation, semblent anodines en
apparence. Notons, cependant, qu'au départ, aucune correction n'est
apportée à certains aspects du Conseil supérieur de
l'éducation qui ont pourtant fait l'objet de vives critiques dans le
monde syndical...
Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse...
Mme Sicotte:... en particulier, lorsqu'on parle de la nomination
des représentants.
Le Président (M. Marcoux): ... nous allons suspendre nos
travaux jusqu'à 20 heures. Alors, je vous prierais de revenir à
20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 1
Reprise de la séance à 20 h 14
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous
plaît, messieurs!
La commission parmanente de l'éducation est réunie pour
poursuivre l'étude des mémoires concernant les projets de loi 24
et 25.
J'inviterais les représentants de la Centrale de l'enseignement
du Québec et de la Fédération des enseignants des
cégeps à continuer la présentation de leurs
mémoires.
M. Chevrette: Bonsoir, Mme Lavoie-Roux.
Mme Lavoie-Roux: Bonsoir, qu'est-ce qui nous vaut l'honneur de
votre visite?
M. Chevrette: Votre présence.
Mme Lavoie-Roux: Je pensais que c'étaient vos anciens
confrères.
M. Chevrette: Ce sont toujours mes confrères; je suis en
congé sans solde.
Mme Lavoie-Roux: C'est pour ça que je l'ai dit.
Une voix: ... les anciens.
Mme Lavoie-Roux: Les anciens, oui, enfin.
Le Président (M. Marcoux): Mme Sicotte.
Mme Sicotte: Nous continuons où nous étions rendus,
soit à la page 21 du rapport, au milieu du deuxième
paragraphe.
Quelles sont ces modifications qui sont effectuées au niveau du
Conseil supérieur de l'éducation? On se rend compte que le
Conseil supérieur de l'éducation se verrait soulagé de sa
Commission de l'enseignement collégial et il ne se verrait plus tenu
à se prononcer sur les règlements qui doivent régir les
programmes d'études, les examens, les diplômes, les brevets
d'enseignement et la qualification du personnel pédagogique de niveau
collégial. C'est ce qu'on voit d'une part. Par contre, on laisse au
Conseil supérieur de l'éducation le mandat de se prononcer sur la
coordination de l'enseignement de tous les degrés, sur les
règlements régissant les normes de répartition
territoriale et l'aménagement des établissements
éducatifs administrés et subventionnés par la province. On
se demande comment le Conseil supérieur de l'éducation pourra
remplir ses mandats, si par ailleurs on lui enlève, pour le niveau
collégial, son principal instrument de travail, la Commission de
l'enseignement collégial.
A-t-on décidé de ramener le Conseil supérieur de
l'éducation aux seules questions concernant l'élémentaire
et le secondaire? Le moins qu'on puisse dire, c'est que le Conseil des
collèges accapare la plus grande partie des fonctions jadis
confiées au Conseil supérieur de l'éducation, mais comme
celui-ci semble en même temps en conserver quelques-unes, il nous faut
constater dans la même mesure le parallélisme des structures que
créerait le Conseil des collèges proposé.
Les organismes ne naissent pas par hasard c'est clair pour tous
et les fonctions qu'on leur attribue relèvent d'impératifs
et d'objectifs poursuivis par ceux qui les créent. C'est dans ce cadre
qu'il nous faut analyser les nouvelles fonctions selon lesquelles,
désormais, le ministre devra soumettre au conseil le plan de
répartition par collège des programmes d'enseignement
collégial, les politiques d'allocation entre les collèges du
montant global des crédits annuels accordés pour l'enseignement
collégial ainsi que le plan et les règles de répartition
entre les collèges des budgets d'investissement.
Or, M. le ministre, votre gouvernement a opté pour des coupures
des budgets sociaux au profit de la mission économique, ce qui explique
également la présence de certaines autres mesures qui agiront de
façon négative sur l'accessibilité et on pense, entre
autres, à la régionalisation des programmes que pourraient
constituer ces mesures.
Ainsi, la création du Conseil des collèges ramène
le Conseil supérieur de l'éducation à un conseil qui n'a
plus rien de supérieur et qui constitue plutôt une structure
parallèle de par la composition de l'organisme ainsi proposé. Il
permet enfin la réalisation de volontés politiques tout autant
admissibles qu'impopulaires, mais par le truchement d'un organisme tampon.
Nous considérons qu'il y a là quelque chose d'odieux dans
cette invitation qui est faite au milieu de s'impliquer dans la
répartition des coupures dont il ne veut pas et dans l'application de
mesures qui vont à l'encontre de sa raison d'être.
Si on aborde maintenant la commission d'évaluation, cette
commission d'évaluation est dotée de pouvoirs d'intervention qui,
à certains égards, vont plus loin que les pouvoirs confiés
au conseil lui-même. J'attire l'attention sur le fait que la commission
d'évaluation est chargée de procéder à l'examen des
politiques institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ces
politiques, chargée d'adresser au conseil et aux collèges en
cause les avis que lui suggère un tel examen et elle offre aux
collèges un service d'évaluation de leurs programmes
d'enseignement ou d'un aspect quelconque de leur pratique institutionnelle.
Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut, bien sûr, consulter
l'énoncé de politique, où, à ce moment, il est
prévu que chaque collège devra se doter d'une politique
d'évaluation des étudiants, d'un système
d'évaluation institutionnelle et, pour aider les collèges, le
choix d'indicateurs de qualité et de la détermination de normes
d'excellence sont considérés comme urgents.
Les collèges ne sauraient toutefois se passer de
l'évaluation d'un observateur étranger, d'autant plus objectif et
impartial qu'il est plus désintéressé. À cet
égard, on identifie comme observateur étranger et impartial
désintéressé, non pas le Conseil des collèges, mais
bel et bien la commission d'évaluation, dont le nombre de membres ne
peut excéder huit, et tous sont nommés par le ministre, sur
recommandation du conseil. Je pense qu'ici il est important de rappeler le
caractère privilégié des liens qui unissent la commission
d'évaluation au Conseil des collèges, avant d'insister sur le
mandat de ce même conseil qui l'implique dans le financement des
cégeps, politique d'allocation à ces collèges et j'en
passe, étant donné qu'il s'agit des textes comme tels.
Alors que le gouvernement manifeste une volonté ferme de diminuer
les budgets sociaux et de contrôler les contenus de formation, ne peut-on
pas craindre l'implication du Conseil des collèges dont
l'évaluation des établissements via la commission
d'évaluation affecte les avis qu'il donnera au ministre sur les
règles de répartition des programmes et des budgets. Certes, les
étudiants et étudiantes ont droit à un enseignement de
qualité qui réponde à leurs besoins et
intérêts, et je peux vous dire que ce souci est partagé par
eux d'abord et par les enseignants et les autres personnels. Le problème
est de savoir si le régime pédagogique proposé, les
mécanismes d'évaluation de l'enseignement et les restrictions
budgétaires répondent à cet objectif. J'attire votre
attention particulièrement sur ce qui suit: la coopération des
professeurs, des étudiants et des étudiantes au niveau du contenu
de l'enseignement, des normes et qualités et des méthodes
pédagogiques nous apparaît beaucoup plus féconde qu'un
contrôle hiérarchisé.
Si les mécanismes d'évaluation devaient être
appliqués de façon systématique et le moindrement rigide,
on risquerait d'aboutir davantage à la sclérose de la
pédagogie et des contenus de cours qu'à un standard de
qualité. Les politiques d'évaluation de l'apprentissage
sanctionnées par les conseils d'administration, sous prétexte de
garantir la valeur des diplômes, pourraient, pour leur part,
réintroduire des expériences de normalisation répressives
qu'on avait abandonnées.
Le souci et j'attire là aussi l'attention
d'évaluer les enseignants en fonction d'une amélioration de leur
qualité et d'un soutien pédagogique aux professeurs,
spécialement de ceux qui commencent, n'est pas incompatible avec les
structures et les conditions de travail actuelles. Plusieurs collèges,
d'ailleurs, connaissent déjà des mécanismes
d'autocritique, de coopération et d'entraide entre professeurs. Et qu'on
vise à généraliser ces pratiques, qu'on y consacre des
ressources humaines et financières, cela pourrait donner des
résultats inespérés.
Mais il ne semble pas qu'un des pouvoirs d'intervention de la commission
relève d'une telle préoccupation d'assistance, bien que ce soit
ce que nous mentionnions. Il apparaît plutôt clairement que ces
interventions s'inspireront surtout des lignes de force dégagées
dans l'énoncé de politique et, nous dit le livre blanc, ce
service pourrait consister en la formation et en l'envoi sur place de
comités de pairs et d'experts capables de renseigner exactement un
collège sur ses points forts et ses points faibles.
Même si le ministre décrit la procédure
d'évaluation comme ayant un caractère souple et fonctionnel, on
constate cependant qu'elle repose sur la hiérarchisation de la
procédure. Vous avez, dans les lignes qui suivent, la
démonstration qui nous permet d'indiquer que le tout conduit au jugement
subjectif porté par la commission d'évaluation et à la
sanction accordée par le Conseil des collèges.
En fait, malgré la grande prudence du livre blanc selon laquelle
le gouvernement n'a pas l'intention de se faire une espèce de
garde-chiourme en la matière, qu'il s'agit d'abord
d'auto-évaluation, que la présence du Conseil des collèges
procédera d'un esprit de collaboration et non de surveillance, on
s'aperçoit que les objectifs visés en matière
d'évaluation ne seront atteints que de manière coercitive et
cette coercition, on la voit se manifester à la table de
négociation.
Je note: L'ensemble des questions d'évaluation échapperait
désormais au champ de la négociation et serait plutôt
introduit par le biais d'une réglementation ministérielle. Les
conséquences en sont que les travailleurs de l'enseignement se verront
presque complètement évincés de ce champ de
préoccupation. On sait que, dans les conventions collectives actuelles,
les modes d'évaluation de cours, contenu, qualités et normes de
réussite sont la responsabilité du département, bien
sûr, sous l'autorité du collège.
Les responsabilités pédagogiques qui sont normalement
assumées par le professeur, le département et les services
pédagogiques se déplacent vers les conseils d'administration et
le ministère. On introduit le contrôle hiérarchisé
du travail quotidien de l'enseignant et de l'enseignante. Cette coercition peut
prendre, bien sûr, différentes formes, mais elle vise à
rassurer une certaine opinion publique, celle des entreprises qui trouvent les
étudiants trop critiques, et à faire entrer dans le rang les
collèges, les enseignants ou les personnels de l'enseignement qui ont
mis de l'avant des expériences un peu trop dérangeantes.
J'aborde maintenant la commission de l'enseignement professionnel qui
naît à l'article 19. On crée ici une commission de
l'enseignement professionnel auprès du Conseil des collèges. Les
fonctions de cette commission ne sont pas précisées dans le
projet de loi, mais on peut tout au plus prévoir que cette commission
devrait se préoccuper d'éléments qualifiés de
mesures de relance, répartition de l'effectif, création
d'instituts spécialisés, liens étroits
collèges-monde du travail, distribution des programmes qui peut
impliquer des regroupements dans un esprit de complémentarité des
collèges. On peut donc penser que le rôle-conseil de la commission
s'exerce avant tout sur ces éléments.
Cependant, on sait aussi que les études importantes sur cette
question ne sont pas terminées ou que des mesures
détaillées qui nous sont actuellement inconnues viendront
très probablement affecter l'enseignement professionnel et
peut-être même remettre en question son orientation, d'où la
création d'une commission de l'enseignement professionel qui nous
apparaît, à ce moment-ci, pour le moins prématurée.
C'est en ce qui concerne la loi 24.
Si on considère la loi 25, on doit se référer, pour
bien comprendre ce qui est dit de la loi 25, à la loi 21, qui concevait
les collèges comme des entités autonomes, munies de pouvoirs
réels de décision. Cette autonomie, quoique largement
encadrée par les pouvoirs de réglementation
conférés au ministre et au lieutenant-gouverneur en conseil, a
quand même permis aux collèges de faire preuve d'un dynamisme qui
en a dérangé plusieurs.
Même si, depuis son adoption, la loi 21 fût au centre de
multiples débats, n'eût été la combativité
des travailleurs du milieu collégial, qui se sont opposés au
rapport Nadeau, aux mesures contenues dans GTX, le gouvernement
précédent aurait sans doute fait siennes les revendications du
patronat pour mettre de l'ordre dans les collèges, revendications qui,
en réalité, visaient à briser le dynamisme du niveau
collégial. Et c'est dans ce cadre qu'il nous faut examiner le projet de
loi no 25.
L'importance des amendements qui s'y retrouvent est telle que le projet
de loi apparaît comme un projet de réforme majeure de
l'enseignement collégial par ses effets directs et je vous laisse
lire les éléments de la parenthèse et par le cadre
nécessaire à la mise en place de l'ensemble des mesures
annoncées dans les collèges du Québec projet du
gouvernement à l'endroit des cégeps mesures qui visent
à apporter les ajustements aux objectifs et à l'organisation de
l'enseignement collégial en fonction de la présente crise
économique.
Si on considère le conseil d'administration, la nouvelle
composition du conseil d'administration prévoit le remplacement d'un
enseignant par un professionnel non-enseignant, mais on doit déplorer
particulièrement l'absence et j'insiste ici, parce que c'est le
groupe de personnes le plus particulièrement oublié dans toute
cette question de toute représentation du personnel de soutien et
le peu de considération que l'on manifeste une fois de plus à
l'égard de cette catégorie de personnel. S'agit-il d'un
mépris, d'un oubli? L'importance tant numérique que vitale du
personnel de soutien dans les collèges justifie pourtant sa
présence de façon formelle au conseil d'administration. Nous
déplorons aussi, bien sûr, que la présence d'un
professionnel non-enseignant doive se concrétiser par la diminution du
nombre de représentants des enseignants.
L'article 3, au sein du projet de loi 25, prévoit de plus que les
membres élus au conseil d'administration sont désignés
lors d'assemblées convoquées et présidées par
l'officier que désignent les membres du conseil en fonction. Cet
officier peut aussi procéder par voie de scrutin par la poste. Vous
comprendrez que nous considérons que de telles modalités de
nomination sont antidémocratiques; voire même elles
véhiculent une attitude de méfiance envers les organisations
syndicales et étudiantes. D'une part, le scrutin par la poste est un
mode de consultation en cachette qui évite toute discussion. D'autre
part, les travailleurs se sont donnés des organisations
démocratiques où toute nomination suppose également la
possibilité de révocation et où les travailleurs de
l'enseignement se sont toujours opposés à désigner des
délégués sans droit de regard collectif sur leur
mandat.
Déjà, M. le ministre, votre gouvernement a
manifesté à maintes occasions et nous vous l'avons
souligné un antisyndicalisme, bien sûr, subtil qui consiste
à ignorer les organisations syndicales et à s'adresser
très souvent aux syndiqués individuellement par-dessus la
tête de leurs organisations collectives ou encore à nier leur
représentativité. Vous comprendrez, M. le ministre, que nous nous
opposons à ce qu'une telle attitude soit confirmée dans la Loi
des collèges.
Quant à attirer votre attention sur l'article 5 du projet de loi
amendant l'article 12 de la loi 21, nous pouvons dire désormais qu'un
membre du personnel du collège qui fera partie du conseil ne pourra
prendre part aux délibérations, ni voter sur toute question
concernant ses conditions de travail ou celles de son groupe. Or, M. le
ministre, il est peu de questions discutées au conseil d'administration
qui ne touchent de façon directe ou indirecte les conditions de travail
du personnel, et je vous laisse prendre connaissance de
l'énumération à titre d'exemple. Un tel amendement
équivaudrait, à notre avis, à évincer du conseil
d'administration les travailleurs des collèges et, bien sûr, nous
nous y opposons fermement. D'ailleurs, cette mesure de remarques est d'autant
plus justifiée que, même avec le texte actuel qui est beaucoup
moins explicite, on tente déjà d'exclure les professeurs ou les
autres travailleurs lorsque surviennent des débats sur des
éléments portant sur les contrats de travail.
M. le ministre, nous vous demandons si vous auriez fait vôtre
cette volonté qui commençait à se dessiner au niveau de
plusieurs collèges quant à l'interprétation du texte de
loi actuel. On se pose aussi la question de ce qu'il adviendra du comportement
à l'égard des compagnies qui recevraient des stagiaires ou qui
entretiendraient des relations commerciales avec les collèges.
Qu'adviendrait-il des cadres des collèges qui participent au conseil
d'administration, compte tenu de ce qui vient d'être dit
précédemment?
Quant à l'enseignement professionnel, on parle d'un programme
d'enseignement professionnel local reconnu d'intérêt national.
Qu'est-ce au juste? Pourquoi constituer localement un comité
chargé de l'organisation et de la gestion d'un tel programme? Faut-il
comprendre que l'article 17a apporte un peu de clarifications? Si on se
réfère au projet du gouvernement à l'endroit des
cégeps, on apprend que les études sur l'enseignement
professionnel sont incomplètes.
L'énoncé de politique annonce toutefois l'intention du
gouvernement de faciliter: 1) des entreprises de formation récurrente et
de susciter le développement de centres spécialisés.
Peut-on trouver là une explication à l'article 17a? (20 h 30)
Si oui, les commentaires suivants s'imposent, à savoir la
création des centres spécialisés dans certains secteurs
clés de la technologie québécoise a d'importantes
implications. Le fait que le choix de ces centres doive être
organiquement relié au développement du Québec fait
craindre l'asservissement à une entreprise particulière. On
utilise l'exemple déjà donné à l'intérieur
des documents ministériels, l'exemple de Bombardier. Ne s'agirait-il pas
d'un nouveau niveau de formation qui aurait pour objectif de répondre
à une demande en techniciens plus qualifiés mais moins nombreux?
Quelles seront les conditions de création de ces centres? Pourquoi le
cheminement professionnel continu ne serait-il possible que par cette voie?
Voilà autant de questions. L'appel à la formation
récurrente pose des problèmes du même ordre. Sa vocation de
stimulation régionale, son engagement plus vigoureux dans l'essor
technologique du Québec, pourraient signifier que désormais, les
collèges devront adopter leurs programmes d'éducation permanente
en fonction des besoins tels que définis par les entreprises locales.
Cela permettrait aux PME de pouvoir compter sur une main-d'oeuvre
qualifiée, selon la division du travail qu'elles connaissent, tout en
pouvant décider qui sera ou ne sera pas mieux qualifié. Il faut
savoir qu'il est plus rapide et moins coûteux pour le capital de pouvoir
faire appel à l'éducation permanente pour des besoins
précis qu'ils manifestent, que d'attendre une réorganisation
globale d'un système scolaire qui pourrait répondre aux
mêmes besoins, à moins qu'il ne s'agisse de prévoir dans la
loi la création de comités collèges-travail,
comités que la chambre de commerce a qualifiés en ces termes,
c'est-à-dire qu'on s'assurerait ainsi des concours
bénévoles et compétents qui permettraient de calquer les
formations sur les besoins réels.
Quant à l'accessibilité, dans les collèges du
Québec, après avoir souligné la réussite
remarquable des cégeps au chapitre de la démocratisation, vous
reconnaissez, M. le ministre, que des lacunes importantes subsistent encore
à cet égard. Ainsi, tout indique que les jeunes
Québécois n'ont pas tous des chances égales
d'accéder à l'enseignement supérieur et que cette
inégalité est liée à la situation
socio-économique des régions, des groupes ethniques ou des
classes sociales auxquelles ils appartiennent. Nous pouvons, en effet,
constater que moins de 30% des jeunes d'un groupe d'âge ont accès
à l'enseignement collégial, que les enfants de travailleurs sont
proportionnelle-
ment sous-représentés. Ceci dit, toutes ces constatations
nous confirment l'urgence d'une politique d'accessibilité et de
démocratisation de l'enseignement collégial. À cet
égard, trois articles du projet de loi 25 pourraient affecter
particulièrement l'accessibilité aux collèges. Je veux
soulever particulièrement les articles 11, 14 et 15.
À propos de l'article 11, on note dans l'énoncé de
politique quelques élargissements. Ainsi, on indique: Seront admissibles
aux études collégiales les candidats détenteurs d'un
certificat d'études secondaires. Selon l'article 11, les collèges
pourront également fixer des conditions particulières d'admission
des étudiants. Ces conditions particulières pourraient-elles donc
avoir pour effet de refermer l'ouverture que nous avons soulignée
précédemment? Un tel article nous semble contredire une politique
réelle d'accessibilité en permettant, et même en
encourageant les mesures de contingentement.
Quant à l'article 14 qui porte sur la gratuité scolaire,
point n'est besoin de rappeler que nous revendiquons depuis longtemps la
gratuité scolaire complète, au niveau collégial, pour
l'ensemble des activités de formation et pour toutes les
catégories d'étudiants.
Cette mesure, cependant, ne doit pas être réduite aux
étudiants inscrits à un programme officiel. Si la volonté
de votre gouvernement est, comme il l'affirme d'ailleurs, de favoriser
l'éducation populaire et la fonction de services à la
collectivité des collèges, c'est à l'ensemble des
activités de formation que la gratuité doit être
élargie. Là-dessus, nous tenons à indiquer que l'article
14 qui autorise le lieutenant-gouverneur à élargir l'application
de la gratuité à d'autres catégories d'étudiants,
nous apparaît vraiment insuffisant.
Quant à l'article 15, en prévoyant qu'un collège
doit recevoir l'autorisation annuelle du ministre pour l'ensemble des
enseignements qu'il entend dispenser, le gouvernement veut s'assurer que les
collèges respecteront les règles de contingentement et les
politiques de régionalisation des programmes déjà
annoncés. Dans les collèges du Québec, on annonce une
répartition géographique des programmes de formation,
répartition qui tiendrait compte, non seulement des contraintes des
moins bien favorisés, mais aussi du contexte de baisse prévue de
l'effectif étudiant.
Comment peut-on parler d'accessibilité et justifier en même
temps des contingentements et une répartition régionale des
programmes, le tout, sous prétexte d'une baisse de clientèle, en
élaborant des prévisions à partir du taux actuel de
fréquentation? Il est pourtant clair qu'une réelle
démocratisation de l'enseignement implique une plus grande
fréquentation de l'enseignement collégial.
En plus d'avoir des effets sur l'accessibilité, nous
considérons ce contrôle comme une ingérence directe dans
les responsabilités des collèges et des départements qui,
actuellement, dans le cadre des programmes autorisés par le ministre,
déterminent les cours qui sont offerts annuellement aux
étudiants, et cette pratique permet aux collèges, aux
départements de tenir compte de leurs caractéristiques propres.
Ainsi, nous nous opposons à cette intervention du ministre dans les
contenus de l'enseignement.
Quant à l'autonomie, nous jugeons les contrôles
inacceptables, car ils remettent en question la liberté
pédagogique des enseignants. Ils s'ingèrent dans des
responsabilités départementales et paralysent le dynamisme actuel
des institutions collégiales en particulier.
Les articles 16, concernant la mise en tutelle et 18, apportent un
élément de plus pouvant justifier les enquêtes, ces
articles, à nos yeux, nous apparaissent comme une ingérence
politique inacceptable. Ces articles à eux seuls pourraient justifier le
retrait total de ce projet de loi.
Désormais, le gouvernement pourra procéder pour la
période qu'il détermine, à des mises en tutelle lorsqu'un
collège s'adonne à des pratiques ou tolère une situaion
qui est incompatible avec la poursuite de ses fins. Voilà une
formulation, M. le ministre, qui, pour le moins, relève de l'arbitraire
et de l'arbitraire du maccarthysme.
Peut-être faudra-t-il même éclairer un certain nombre
de situations. Un collège, par exemple, qui appuie les revendications de
son personnel en période de négociation ou les revendications des
étudiants pour un meilleur système de prêts et bourses
s'adonne-t-il à des pratiques incompatibles avec la poursuite de ses
fins? S'il refuse, le collège, de faire appel à une injonction ou
encore aux policiers dans un tel cas, résulte-t-il une situation
d'incompatibilité avec la poursuite de ses fins?
L'enseignement de l'économie politique et de la philosophie
marxiste, est-ce compatible avec les fins poursuivies par un collège? La
tolérance d'organisations politiques et de leurs activités
mérite-t-elle une mise en tutelle? La tolérance des
comités du "Oui " en fait-elle partie? Celle des comités du
"Non"? On pourrait allonger encore la liste d'arbitraires qui pourraient
intervenir dans certaines situations.
L'intervention du politique dans le domaine éducatif n'est pas
neutre. L'institution de la Commission d'enquête Dion, à la suite
des événements d'octobre, ne provenait-elle pas de la
volonté d'évaluer l'infiltration péquiste et
séparatiste dans les institutions d'enseignement? Nous présumons
que votre gouvernement, bien sûr, n'aurait pas le même
comportement, en tout cas sur cette question particulière.
Quant à l'article 18, il a pour effet d'ajouter la
pédagogie aux motifs d'enquête que peut autoriser le
lieutenant-gouverneur en conseil. Il nous faut relier cet article aux
précédents et il est clair que les conclusions d'une telle
enquête pourraient justifier une mise en tutelle.
Mais comme vous l'indiquez dans votre énoncé de potitique,
les interrogations sur la qualité de l'enseignement reposent parfois,
pensons-nous, sur des jugements globaux, peu réfléchis et
véhiculés à la lumière de slogans.
Même si certaines lacunes ont été
dénoncées trop fréquemment pour qu'il n'y ait pas
là un fond
de vérité, ce ne sont pas des interventions autoritaires
ou encore l'existence d'une épée de Damocles qui pourraient
permettre de redresser la situation. Faut-il rappeler que la conception que
l'on a de la pédagogie est aussi politique et que l'intervention du
gouvernement dans les fonctions réservées aux enseignements, aux
départements et aux collèges est d'importance?
Des mesures comme les coupures budgétaires et la
régionalisation des programmes ont beaucoup plus de conséquence
sur la qualité de l'enseignement que ce que vous considérez comme
des écarts pédagogiques. Nous affirmons de plus que ce que vous
qualifiez de crise de crédibilité dont souffrent les
cégeps est davantage une conséquence de la crise
économique actuelle, que ce soit le taux de chômage,
l'insatisfaction par rapport à la formation, l'offensive
idéologique réactionnaire. C'est donc beaucoup plus une
conséquence de la crise économique actuelle qu'un
phénomène découlant des différences internes du
réseau.
Les concepts pédagogiques de l'enseignement sont du ressort des
départements et des enseignants et nous rejetons toute intervention
gouvernementale dans ce domaine, sous quelque prétexte que ce soit.
La marge d'autonomie laissée aux collèges à leur
fondation a permis je pense qu'il nous faut le souligner à
plusieurs d'entre eux, sinon à tous, de développer des services
qui les identifient et une initiative qui leur est propre. Cela ne se
développe pas en peu de temps, ça exige du temps et des
conditions. À titre d'exemple, on peut signaler l'ouverture de certains
cégeps à des groupes populaires, des services régionaux
d'animation socioculturelle, des expériences multidisciplinaires
remarquables, des programmes bien adaptés à la communauté
régionale où ils oeuvrent et, enfin, pour résumer, une
réputation de qualité et de dynamisme.
Ces réalisations, M. le ministre, sont le fruit d'initiatives
locales, de la stabilité des personnels et, sans doute aussi, de
ressources humaines et matérielles importantes. On est amené
à se demander comment ces expériences résisteraient au
financement par programmes et objectifs comme aux évaluations
institutionnelles contrôlées par le Conseil des collèges,
toutes mesures qui conduisent à l'uniformisation.
Enfin, dernier volet: La régionalisation des services autres que
l'enseignement. À cet égard, je fais allusion à l'article
20 qui autorise la création de sociétés pour fournir des
services auxiliaires.
Une telle proposition nous permet de nous interroger à savoir:
Les services d'entretien peuvent-ils être inclus dans une telle
requête, ainsi que les services audio-visuels, les services de
bibliothèque? L'article est d'une telle imprécision que
même des questions loufoques, pourraient être envisagées,
à savoir: Veut-on régionaliser les services de
cafétéria?
Outre les effets de cet article sur l'accessibilité, puisque
l'accessibilité aux services est un des aspects de
l'accessibilité au collège, nous dé- nonçons ces
effets sur les conditions de travail des professionnels non enseignants et du
personnel de soutien. Alors que nous avons entrepris, de bonne foi, une
négociation importante, votre gouvernement dépose un projet de
loi qui peut avoir pour effet de rendre caducs les résultats de cette
négociation pour les catégories de personnel
mentionnées.
Il y a une cohérence, ici, très importante, qui ne nous
apparaît pas particulièrement évidente. Nous sommes
opposés et nous nous opposons donc, en solidarité avec l'ensemble
du mouvement syndical, à une privatisation des services publics. Vous
connaissez d'ailleurs nos propos à cet égard.
Nous nous opposons avec tout autant de fermeté aux mesures visant
la disparition de services offerts par les collèges et à leur
régionalisation. Ce sont là, M. le ministre, des
éléments sur lesquels nous tenions à attirer l'attention
de la commission, quant à des articles qui nous apparaissent
particulièrement significatifs, lourds de conséquences et pour
lesquels il est justifiable, à notre sens, de retirer ces articles et
d'enclencher un débat global à l'automne.
M. Guertin: La quatrième partie jette un regard d'ensemble
et traite d'une précipitation inquiétante et incompatible avec un
débat démocratique. Nous désirons souligner, en terminant,
que ces transformations importantes, que le gouvernement propose et qui
prennent de plus en plus une couleur de contre-réforme de
l'éducation, interviennent alors que le bilan plusieurs fois promis de
l'expérience historique des cégeps n'a pas été
réalisé.
En l'absence de bilan et à la lumière des objectifs
réels du livre blanc, que nous avons mis en évidence, nous nous
interrogeons sur les raisons de la précipitation actuelle du
ministère et du gouvernement.
Trois séries de motifs semblent alors se dégager:
répondre d'urgence aux appétits de pouvoir de la structure
technocratique du MEQ et des hommes politiques, ce qui se traduit par le
développement des contrôles; céder aux exigences pressantes
des entreprises afin de réaliser, dans les cégeps, une formation
moins critique, mieux adaptée à leurs besoins et garantissant une
main-d'oeuvre docile; soumettre l'enseignement collégial aux
impératifs de la crise du système capitaliste en lui imposant de
sévères restrictions financières.
Il n'y a pas de doute que les projets de loi 24 et 25 bouleverseraient
radicalement le fonctionnement du cégep, en plus de faire du niveau
collégial un monde à part. La création du Conseil des
collèges et les modifications apportées à la Loi des
collèges concernent les personnels syndiqués à plus d'un
égard. Elles concernent même des acquis signés et
consignés dans leurs conventions collectives. Une des principales
tâches confiées au Conseil des collèges sera
l'évaluation et nous rappelons, à ce sujet, que même s'il y
est indiqué que ça ne devrait pas entrer en conflit avec les
conventions, il est curieux de retrouver dans les offres
patronales que c'est retiré du champ de la
négociation.
Sur l'ensemble de ces rubriques, le Conseil des collèges pourra
soumettre des recommandations à partir desquelles le ministre
établira des projets de règlement qu'il soumettra de nouveau,
pour avis, au Conseil des collèges. Les conséquences de cette
méthode sont que les travailleurs de l'enseignement seront
dépouillés de toute responsabilité dans le champ de la
pédagogie.
Par ailleurs, le double pouvoir confié au Conseil des
collèges de procéder à l'évaluation des pratiques
institutionnelles, pour ensuite donner des avis sur des questions tout aussi
vitales que celles de l'allocation des crédits et de la
répartition des budgets entre les collèges n'est pas sans
inquiéter les personnels des cégeps.
Plusieurs prévisions des projets apparaissent
ténébreuses, plusieurs questions sont soulevées. Ainsi en
est-il des implications des sociétés qui pourront être
instituées sur demande de quelques collèges, des diplômes
d'institution qui seraient différents du diplôme d'enseignement
collégial, des programmes d'intérêt national.
De plus, on procède à la pièce et d'une
façon précipitée, alors que tout le contenu de la
réforme gouvernementale n'est pas connu. De l'aveu même du livre
blanc, du ministère, il manque des éléments fondamentaux,
en particulier les intentions précises, les projets précis du
ministre sur l'enseignement professionnel, qu'il nous promet pour quand? On ne
le sait pas et qui touche plus de 50% de l'activité des cégeps.
Pourtant on est prêt à légiférer sans ça. (20
h 45)
Les intentions du ministre sur l'éducation aux adultes qui
pourrait, selon notre vision, être la porte d'entrée aux
cégeps pour une population qui en a massivement été
privée. Les intentions et les projets précis du ministre sont
promis pour quand? Il est prêt à légiférer quand
même. Les mesures promises par le ministre pour favoriser
l'accessibilité qui se situerait, semble-t-il, au coeur de ses
préoccupations, il ne juge pas utile de les préciser avant de
s'attaquer aux cégeps par législation.
C'est en tenant compte de l'ensemble de ces facteurs que la CEQ s'oppose
à l'adoption des projets de loi 24 et 25, en demandant même leur
retrait.
Les cégeps ont plus de dix ans d'existence, ils
représentent une somme considérable d'efforts et d'ajustements
aux besoins exprimés par les étudiants et la
société. Un ministre responsable ne peut se permettre une telle
désinvolture à l'égard de ceux qui ont construit cette
institution.
Le ministre a souvent ignoré nos consultations, nos débats
et nos avis. Nous lui demandons aujourd'hui de renoncer à la tentation
de procéder à la sauvette et dans une bousculade de fin de
session à des changements à la pièce qui affecteraient nos
droits et porteraient atteinte à l'autonomie et aux libertés des
institutions, des travailleurs et des étudiants.
Ce que nous réclamons, c'est une commission parlementaire
où seraient connues toutes les intentions du ministre et
débattues l'ensemble des orientations présentées ou
promises dans l'énoncé de politique des collèges du
Québec.
Nous trouvons toujours inadmissible que le gouvernement veuille
procéder à la sauvette à l'adoption de projets de loi qui
bouleverseraient radicalement le fonctionnement des cégeps. La CEQ et
ses fédérations concernées et les syndicats se sont vu
accorder douze jours de délai pour analyser les projets de loi,
rédiger un mémoire, réunir leurs instances et consulter
leurs membres. Devant la gravité des répercussions que
provoquerait l'adoption de ces projets de loi, nous n'avons pas
hésité à faire part de nos inquiétudes aux membres
de la commission parlementaire, même si nos commentaires peuvent
paraître, dans les circonstances, quelque peu éparpillés et
quelquefois répétitifs d'ailleurs. De façon à faire
connaître l'ensemble de nos vues sur les orientations proposées
non seulement par les projets de loi 24 et 25, mais aussi sur l'ensemble du
livre blanc, nous avons déposé les quatre cahiers et "Le
cégep à l'ancre" qui appuient la consultation qu'on mène
actuellement.
Le mouvement syndical québécois a dû faire face dans
le passé à des gouvernements qui pratiquaient un antisyndicalisme
de confrontation. La CEQ désire mettre en garde le gouvernement actuel
contre une autre forme d'antisyndicalisme tout aussi grave, qui ignore ou tente
d'éviter l'expression des organisations que se sont données les
travailleurs et les étudiants.
La précipitation est mauvaise conseillère. Nous demandons
au ministre de mettre toutes ses cartes sur la table, de compléter son
livre blanc et de combler les trous béants de son projet et de donner
aux organisations représentatives des travailleurs et des
étudiants des cégeps le temps et les conditions d'un débat
démocratique sur toute la question. Quand on n'a rien à cacher,
croyons-nous, et qu'on désire sincèrement améliorer les
choses, on procède de cette façon.
Vous trouverez les annexes sur des résolutions adoptées
dans les instances de la Centrale de l'enseignement du Québec, mais,
également, des propositions plus récentes cette fois-ci et assez
détaillées de la Fédération des professionnels des
cégeps et des collèges et de la Fédération des
enseignants de cégeps sur le livre blanc comme tel. Je vous
remercie.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je suis heureux
que vous ayez trouvé le moyen de venir vous faire entendre en
dépit des quelque deux semaines que vous avez eues pour examiner les
projets de loi.
Vous nous demandez en somme de reporter l'adoption de ces projets de loi
à l'automne, mais, au fond, mettons les cartes sur la table, comme vous
le disiez il y a un instant, c'est le retrait total
des projets de loi que vous souhaitez. Dans le cas du Conseil des
collèges en particulier, c'est à la conception même du
conseil que vous en avez. D'ailleurs l'une de vos résolutions le dit
clairement, c'est le retrait, au fond, que vous désirez.
Que nous soyons en avril, en mai ou en novembre, vous nous demanderez
toujours de retarder les choses parce qu'au fond, ce que vous souhaitez, c'est
de torpiller le projet. Soyons nets. Vous n'aurez de cesse que lorsque ces
projets n'auront pas abouti, et je ne pouvais m'empêcher de sourire en
vous écoutant tout à l'heure vous faire les grands
défenseurs du Conseil supérieur de l'éducation.
Voilà une dimension nouvelle du débat. Je ne puis
m'empêcher d'ailleurs de m'en réjouir.
Vous avez l'énoncé de politique depuis huit mois entre les
mains, les projets de loi en découlent tout naturellement. On ne peut
pas dire que qui que ce soit ait été pris par surprise. Vous avez
rejeté en bloc ou presque l'énoncé de politique sur les
collèges, ça aurait été naïf de notre part de
nous attendre à ce que vous appuyiez les projets de loi. Je ne m'y
attendais pas d'ailleurs, très sincèrement. Le débat se
déroule donc depuis maintenant huit mois, vous y avez d'ailleurs
participé. Beaucoup d'autres organismes y ont participé, ont fait
connaître leur opinion, ont affiché leur couleur publiquement. Je
pourrais vous donner lecture mais je n'ai pas l'intention de lire un
mémoire de nombreux textes qui appuient l'énoncé de
politique et, bien sûr, les mesures qui en découlent.
Vous dites que nous nous sommes appuyés sur le rapport Nadeau et
je ne sais trop quel mystérieux rapport qu'on a baptisé du nom de
GTX. Je ne vous demanderai pas de me croire, nos façons de penser, nos
mentalités sont sans doute trop éloignées d'ailleurs pour
que nous puissions nous accorder mutuellement beaucoup de
crédibilité. Mais nous avons repris cette démarche
à zéro. Nous ne nous sommes pas inspirés du rapport
Nadeau, nous l'avons mis sur la tablette. Nous n'avons pas tenu compte du
rapport GTX, nous avons repris la problématique et le débat
à zéro. Nous avons rédigé cet énoncé
de politique sans égard à ce qui avait été dit ou
pensé auparavant. Encore une fois, je ne demande à personne de me
croire sur parole, mais je le dis pour que cela ait été dit.
Dans les propos que vous avez tenus, vous exprimez souvent certaines
hantises, par exemple, celle des grandes associations patronales dont vous
sentez la main subreptice dans le rapport Nadeau, l'influence occulte des
compagnies, les exigences du grand capital, cela relève d'une analyse
bien connue qui n'est pas la nôtre. Vous m'invitiez tout à l'heure
à mettre les cartes sur table, nous allons le faire.
Vous avez adopté depuis un certain temps, quatre ans, cinq ans,
peut-être un peu au-delà, une certaine démarche, une
certaine grille de lecture qui n'est pas la nôtre, qui a donné le
manuel du 1er mai, qui a donné l'école de masse, qui a
donné les tout derniers rejetons sur les cégeps. Cette lecture de
la réalité n'est pas la nôtre. C'est une analyse marxiste
ou marxisante et vous êtes tout à fait libres, je tiens à
vous l'affirmer, d'adopter cette analyse si le coeur vous en dit. Mais ne vous
attendez pas que le gouvernement vous appuie dans cette démarche. C'est
une idéologie que nous ne partageons pas. Elle transpire dans la plupart
de vos documents, quelquefois plus occulte, quelquefois plus ouvertement.
Et on voit ce que cela va donner. Prenons un exemple très
concret, parce qu'il se trouve dans vos documents. Si nous avions
proposé la spécialisation, une spécialisation plus
poussée, dans le domaine de l'enseignement, et notamment au niveau
collégial, vous nous auriez dit: Vous avez dit dans le passé que
ce faisant, nous nous faisions les grands serviteurs du grand capital, que nous
préparions les jeunes pour entrer dans des emplois dictés par
l'entreprise. Vous nous auriez accusés de je ne sais trop quoi, parce
que nous spécialisions trop les enfants.
Nous étions conscients qu'il y avait là des
problèmes et qu'effectivement la trop grande spécialisation,
aujourd'hui, conduit les jeunes dans des impasses. Nous adoptons donc, dans le
livre blanc, dans l'énoncé de politique, la démarche
inverse et nous disons: Nous allons mettre l'accent sur la formation
fondamentale.
Eh bien, vous avez encore trouvé le moyen de n'être pas
d'accord. Et vous nous dites textuellement que ce faisant, en prenant la
démarche inverse de la spécialisation, nous favorisons une plus
grande dépendance du travailleur envers son employeur. Autrement dit,
nous ne pouvons jamais avoir raison. Poserons-nous le geste noir? Nous aurions
dû faire blanc. Ferions-nous blanc? Nous aurions dû poser le geste
noir. Et nous adoptons, par souci du réalisme, diverses teintes de gris,
c'est toujours la mauvaise, parce que vous aimez mieux les idées
à l'état pur.
Nous n'aurons jamais raison, quoi que nous fassions. Mettons les cartes
sur la table. Le gouvernement se trompera toujours, qu'il tente
honnêtement ou non d'améliorer la situation dans les
collèges. Personne n'aura jamais raison s'il n'adopte vos
critères et votre grille de lecture. Personne, s'il n'entre dans la
problématique du 1er mai, ou dans celle de l'école de masse, ou
dans celle de vos dossiers sur les cégeps, personne n'aura jamais
raison. Et votre condamnation sans appel, du livre blanc et de
l'énoncé politique tient essentiellement de cette
démarche. Nous ne sommes pas d'accord sur un certain nombre de choses
fondamentales et autant l'admettre ce soir.
Ces choses étant dites, tournons-nous vers quelques
problèmes concrets. Il est vrai qu'il reste des inégalités
dans l'accès aux collèges publics. Nous en sommes très
conscients. Nous avons mis de l'avant déjà des politiques qui
vont tendre à faciliter l'accès des jeunes de toutes conditions
aux collèges, le plus grand nombre possible. Il n'y a pas de limite
autre que celle, bien sûr, de l'obtention d'un diplôme
d'études secondaires et la volonté, encore hélas trop
conditionnée par les
conditions sociales et économiques, d'aller poursuivre ses
études au cégep. Il faut s'occuper de ce problèmes, parce
que l'éducation demeure la plus grande égalisatrice des
conditions dans le monde d'aujourd'hui. Et nous avons l'intention de nous en
occuper.
Nous aimerions même que la population des cégeps
s'agrandisse, en dépit du fait que la dénatalité a
commencé maintenant de les toucher, après avoir
profondément affecté le secteur secondaire après le
secteur primaire.
Il faut donc y voir et nous avons l'intention d'y voir. C'est dans cet
esprit que nous avons l'intention de poursuivre une politique qui a toujours
existé dans certains cégeps qui donnent des cours hautement
spécialisés de poser des conditions particulières
d'entrée dans les cégeps. (21 heures)
Et il ne faudrait pas voir là quoique évidemment
vous allez nous soupçonner automatiquement de la chose des moyens
détournés ou occultes d'empêcher les jeunes
d'accéder au cégep. Il suffisait de voir cette expression de
conditions particulières pour nous soupçonner des pires motifs.
Rassurez-vous cela n'a rien à voir avec ce que vous avez dit. C'est tout
simplement que, quand on engage un jeune dans une carrière de pilote et
dans une option de pilotage, on s'assure d'abord qu'il voit à plus de
vingt pieds devant son nez. C'est ce genre de conditions dont nous parlons.
Je ne serai plus bien long M. le Président. J'en viens maintenant
aux restrictions budgétaires, dont vous nous avez encore parlé ce
soir, après que plusieurs des résolutions de vos organismes y
aient fait constamment allusion. Il faut que vous sachiez que c'est
entièrement faux. Ce que vous appelez des restrictions
budgétaires, c'est en réalité pour l'année
courante, en dépit d'une diminution de clientèle de l'ordre de
4,6%, une augmentation du budget, compte tenu de l'étalement dont il
fait l'objet, de 4%. Ce qui fait une augmentation réelle de l'ordre
8,6%. Par les temps qui courent, je crois qu'il faut reconnaître que
c'est une augmentation tout à fait raisonnable et qu'il n'y a pas
là de coupure budgétaire. Plus il y aura de jeunes dans les
cégeps, plus nous paierons et plus les Québécois seront
prêts à se cotiser pour augmenter la scolarisation du peuple
québécois. Je n'en ai pas le moindre doute.
Donc, qu'on cesse de nous parler de coupures budgétaires. Je sais
que c'est un bon "slogan", je sais que c'est facile à lancer en l'air.
Mais cela ne résiste pas à l'analyse des chiffres.
Je pourrais m'étendre longuement encore, je veux donner la chance
à mes collègues de la commission de pouvoir intervenir
également dans le débat et de poser éventuellement des
questions à nos invités. Je me réserve d'ailleurs le droit
d'y revenir moi-même par la suite, mais pour l'instant c'est une
première réaction et je passe la parole à mes
collègues.
Mme Sicotte: Avant de donner la parole à un autre
intervenant, je dois vous dire que les propos du ministre nous surprennent un
peu, parce que même s'il peut arriver que nous évaluions les
situations différemment, que nous analysions les situations de
façon différente, nous nous étonnons que le ministre voie
une incompatibilité totale à ce qu'on puisse tenter d'apporter
des commentaires et pouvoir influencer les projets de loi et la réforme
puisqu'on parle de celle-là à ce moment.
On semble mettre en doute, même, une crédibilité en
ce qui concerne ceux que nous représentons, alors que nous avons
été effectivement invités à cette commission. On
doit dire que ces propos nous surprennent.
Nous tenons aussi à indiquer qu'il n'y a pas dans notre attitude
une espèce de désir de torpillage de projet et je pense
qu'à certains égards, on peut parler ici du niveau
collégial, on pourrait parler du niveau élémentaire
où, effectivement, nous avions souligné déjà des
éléments qui s'annonçaient positifs, d'autres sur lesquels
nous avions des interrogations et d'autres sur lesquels nous mettions des
réserves importantes. Il n'est pas inutile de rappeler que si nous avons
demandé une large commission parlementaire sur l'ensemble de
l'enseignement collégial, c'est justement pour pouvoir établir
toutes les cohérences nécessaires dans un débat comme
celui-là, où il peut apparaître, lorsqu'on le prend par
deux volets, qu'on ait l'air sectaire ou qu'on ne veuille rien remarquer. Je
veux noter ici à la commission que notre propos a eu pour objet
d'indiquer... M. le ministre disait: Ce que vous demandez c'est le retrait des
projets de loi 24 et 25 tels qu'ils sont mis là pour une large
commission parlementaire au cours de laquelle on interviendrait sur l'ensemble
des questions. Je rappelle aussi que nous avions indiqué la
nécessité de voir un certain nombre d'espaces vides
comblés par des réponses plus précises qui pourraient
parvenir avant cette commission parlementaire.
Je tiens à mentionner aussi, si on parle de
référence à Nadeau GTX, que, messieurs du gouvernement,
quand vous indiquez que vous ne vous y êtes pas
référés, nous constatons qu'il y a des conclusions qui
sont identiques. Alors, on n'a pas à croire ou ne pas croire qu'il y a
eu des références ou pas de référence. Nous
constatons qu'il y a des orientations qui relèvent des mêmes
indications.
Finalement, je voudrais indiquer aussi que quant aux
références que nous avons faites au Conseil supérieur de
l'éducation, je pense que c'est nous faire beaucoup dire que de dire que
nous nous sommes portés en défenseurs du Conseil supérieur
de l'éducation. Ce que nous avons dit, c'est qu'il existe un Conseil
supérieur de l'éducation qui a pour mission de se
préoccuper de l'ensemble des niveaux de l'enseignement, et nous avons
particulièrement souligné que, par la naissance du Conseil des
collèges, on mettait de l'avant le compartimentage et, qu'à ce
moment, on donnait au Conseil supérieur de l'éducation un
espèce de rôle qui n'avait plus tellement de signification et qui
devenait très cloisonné. Je pense
que c'est un élément particulièrement important, et
c'est le sens, pas plus, qu'il faut donner à notre propos. Je pense
bien, M. le ministre, que vous aurez très bien compris cette
allusion.
Enfin, je pense que lorsque vous faites allusion à nos analyses,
quant à l'influence des compagnies, quant à l'influence du
capital, je pense que là-dessus, peu importe l'étiquette qu'on
peut mettre, parce que je pense que l'étiquette, à un moment
donné, c'est pas mal plus un objet d'éléments qui nous
empêchent de nous comprendre que de regarder les réalités
telles qu'elles sont. Dire que les influences des compagnies, du capital, sont
inexistantes, je pense qu'on se fermerait, de part et d'autre, les yeux sur des
réalités. C'est une réalité qui est présente
et avec laquelle nous sommes confrontés, et à ce moment, il y a
des choix politiques qui doivent s'imposer.
M. Guertin: Un bref commentaire, le ministre ne croit pas pouvoir
s'entendre avec nous, avec les organisations qui représentent les
travailleurs. C'est nouveau et c'est grave. Il y a beaucoup de pays à
travers le monde qui connaissent un éventail politique assez large. Je
ne pense pas que les échanges soient interdits, les discussions franches
sont possibles. J'ai l'impression que les étiquettes vous permettent
d'esquiver les critiques sur des aspects précis de vos projets, ce qui,
sans doute, aurait un très grand succès sur les lignes ouvertes,
mais nous amène à nous poser des questions quand il s'agit, pour
nous, de venir parler ici des besoins des jeunes, de venir parler des
intérêts de la masse de la population qui est composée de
travailleurs. Que voulez-vous? Notre travail c'est d'éduquer les enfants
de ces gens. Il faut qu'on s'occupe de voir à ce qu'ils aient
accès à ces institutions qu'on dit accessibles à tous.
C'est des droits de nos membres dont on s'occupe.
Le Président (M. Marcoux): Mme le député de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, pour
éviter toute ambiguïté, je dois vous dire que, même si
là-dessus, je pense que je ne vous apprendrai rien sur
votre analyse de base, le parti auquel j'appartiens ne partage pas au moins son
idéologie, je dois vous dire que j'ai quand même été
étonnée je vais employer le mot "vigueur" de la
vigueur avec laquelle le ministre vous a semoncés.
Je me demande s'il avait dénoncé avec autant
d'énergie le manuel du 1er mai, alors qu'il était dans
l'Opposition.
M. Morin (Sauvé): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Oui, enfin, je prends votre parole, M. le
ministre.
M. Morin (Sauvé): Vous irez demander à Yvon
Charbonneau la discussion que nous avons eue là-dessus.
M. Rivest: Une chose est certaine, c'est qu'il n'ira plus
à vos manifestations.
M. Chevrette: II va être remplacé par M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Non, absolument pas.
Mme Lavoie-Roux: Ceci dit, je pense que quant aux remarques que
vous avez faites ou les points que vous avez soulevés sur la
façon dont le gouvernement procède pour faire adopter ces projets
de loi et les objections qu'un grand nombre d'autres organismes ont fait valoir
devant cette commission parlementaire j'ignore depuis quand vous
patientez en arrière de la salle je vais vous dire que tout le
monde, dans ce sens, arrive aux mêmes conclusions, soit que le
gouvernement je le redis probablement pour la troisième fois
a choisi le mois de juin, la période des travaux
accélérés de la Chambre. On pourra nous faire des discours
de deuxième lecture à 3 heures du matin si tel est le
désir du gouvernement. C'est tellement ça qu'aujourd'hui, par
exemple, je reçois des appels au sujet d'un autre projet de loi touchant
l'éducation dont les principaux intéressés ont
ouï-dire, parce que tout ça se fait, pour utiliser l'expression
chère au ministre, dans la foulée des fins de session.
M. Chevrette: Pourquoi avez-vous demandé l'ajournement des
travaux à 4 h 55?
M. Rivest: M. le Président, question de
règlement.
M. Chevrette: Attends une minute, arrive en ville!
M. Rivest: C'est le député de L'Acadie qui a la
parole.
M. Chevrette: Oui, mais elle charrie; qu'elle en mette, mais pas
trop pour être crédible.
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!
M. Rivest: Vous arrivez.
Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que c'est le...
M. Rivest: Savez-vous le titre, au moins, du projet de loi qu'on
étudie?
M. Chevrette: Oui, assez pour vous le décrire deux fois
comme vous l'avez. Vous arrivez en politique, vous. Après avoir
été conseiller de Boubou, vous n'avez de conseil à donner
à personne.
M. Rivest: Là, là, là!
Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, M. le
député de Joliette-Montcalm! Mme le député de
L'Acadie, c'est vous qui aviez la parole et qui l'avez encore.
Mme Lavoie-Roux: Enfin, je ne sais pas à quoi le
député fait allusion. L'ajournement ne...
M. Chevrette: Je parlais à M. le député de
Jean-Talon.
Mme Lavoie-Roux: Ah, parce que je me...
M. Rivest: Une question, M. le Président. Est-ce que le
député de Joliette-Montcalm jouit de privilèges qu'on ne
connaît pas? A-t-il le droit d'intervenir...
Le Président (M. Marcoux): Non, je l'ai rappelé
à l'ordre comme je vous ai rappelé à l'ordre et j'ai
demandé à Mme le député de L'Acadie de...
M. Rivest: J'ai invoqué le règlement, M. le
Président.
M. Chevrette: Oui, mais vous ne saviez pas quel article.
Le Président (M. Marcoux): Je vous ai donné raison;
je l'ai rappelé à l'ordre. Mme le député de
L'Acadie.
M. Rivest: Vous m'avez donné raison? Le
Président (M. Marcoux): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous faisiez allusion au
fait que dans le passé vous avez eu à faire face à des
gouvernements qui adoptaient la confrontation comme moyen de dialogue. Je n'y
étais pas. Est-ce vrai? Enfin, je vous laisse le soin de porter le
jugement, c'est le jugement que vous avez porté. Mais ce à quoi
nous venons d'assister, ce n'est certainement pas à un effort de
dialogue mais vraiment à une confrontation claire et ouverte avec le
monde de l'enseignement que vous représentez.
Il y a des points que vous avez soulevés, qui ont
été soulevés par de nombreux autres organismes et je
pense, par exemple, qu'en page 47 vous signalez que les intentions du
gouvernement sur l'enseignement professionnel qui constitue plus de 50% de
l'activité des cégeps ne sont pas connues, qu'on est toujours
devant l'absence d'une politique touchant l'éducation permanente, que
les mesures promises par le ministre pour favoriser l'accessibilité,
accessibilité, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, qui
commence bien avant le collégial, parce que rendu au collégial,
c'est trop tard, quant à tout cela on est toujours dans l'attente.
Je sais que ce n'est pas un problème facile, mais il m'a
été donné une occasion de le dire quand vous
n'étiez pas là; je l'ai dit quand vous n'y étiez pas.
Alors, votre présence n'a rien à faire avec ceci. Mais il faut se
poser des questions sérieuses sur la volonté politique d'essayer
de promouvoir des mesures qui pourraient corriger un tant soit peu... parce
qu'on sait que c'est très complexe; ce n'est pas relié uniquement
à l'éducation. Quand on dit que l'éducation est la plus
grande mesure d'égalisation, j'en suis, et l'éducation doit
prendre là les responsabilités qu'elle a.
Il y a d'autres facteurs dans la société qui font que ce
n'est pas strictement relié à l'éducation.
Mais en tant que ministre de l'Éducation, on doit prendre ses
responsabilités dans ce domaine.
Ceci dit, il est bon que vous ayez soulevé ces problèmes.
D'autres les ont soulevés avant vous. Mais je dois quand même vous
faire remarquer là-dessus je rejoins le ministre que j'ai
cru déceler une contradiction et j'aimerais que vous me donniez quelques
explications.
À la page 15, on parle de formation fondamentale. Vous donnez
votre interprétation des inconvénients de se tourner vers cela,
de mettre l'accent sur cette formation fondamentale, et à la page... je
pense que c'est 36, je vous le dis de mémoire. Vous faites
référence à la création de centres
spécialisés qui auraient comme conséquence d'abord de trop
spécialiser et ensuite de former de la main-d'oeuvre trop strictement en
fonction d'entreprises particulières. C'est une contradiction que le
ministre... Je note la même contradiction et j'aimerais vous demander si
vous-même vous avez une explication ou si c'est moi qui interprète
mal ce qui m'apparaît comme une contradiction.
Mme Sicotte: À la page 15 et à la page 36, c'est
bien cela les deux références que vous avez données.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
Mme Sicotte: Là-dessus il faut bien se comprendre.
D'abord, lorsque nous avons parlé de formation fondamentale, de
formation spécialisée, des centres et de l'expression de M. le
ministre tantôt "une spécialisation encore plus poussée",
je pense qu'il nous faut ne pas mettre les éléments en les
opposant dans le sens suivant: c'est-à-dire qu'actuellement on parle de
formation fondamentale en déqualifiant à toutes fins utiles la
formation professionnelle que pourrait avoir un jeune qui sortirait du
cégep par rapport à des tâches et à des fonctions
à accomplir.
Nous ne sommes pas d'accord que sous le couvert de la formation dite
fondamentale on fasse en sorte que les jeunes aient une formation
"déqualifiée". Je pense qu'il y a une différence entre en
arriver à un niveau de déqualification quant à des
apprentissages de techniques et de spécialisations on se comprend
et pousser cela davantage au point de rendre encore plus étroit
et plus limité le champ dans lequel une personne pourrait être
compétente. Nous n'avons pas demandé qu'il y ait une
surspécialisation je pense qu'il faut se comprendre
là-dessus. Par contre, nous ne voulons pas être dupes du fait
qu'on a tenu comme langage qu'il était important que les
étudiants aient une formation la plus large et la plus complète
possible, qu'on vienne rétrécir le bagage technique qu'un jeune
vient chercher au cégep pour lui permettre par la suite d'accomplir un
certain nombre de tâches et le rendre apte à une certaine
habileté. Je pense que c'est un élément important.
Quant aux centres spécialisés, on aboutit à quelque
chose d'encore plus particulier. Il s'agirait d'institutions spécifiques
pour des besoins très particuliers. À ce niveau, on s'interroge
et on est
particulièrement inquiets, parce qu'il nous apparaît que
ces centres pourraient devenir carrément des lieux
privilégiés de réponses dans telle région, telle
localité aux besoins d'une, deux ou trois entreprises très
spécifiquement mentionnées et très spécifiquement
enclenchées dans le cadre de l'économie du Québec.
Je pense qu'il nous faut faire des distinctions entre l'enseignement
spécialisé au niveau des collèges et celui qu'on pourrait
retrouver de façon encore plus poussée au niveau des centres
spécialisés. Maintenant, Yves pourra adopter davantage de
précisions, travaillant dans le secteur.
M. Proulx (Yves): Pour comprendre totalement cette question, il
faudrait se reporter au dossier numéro 2 des cahiers bleus que vous avez
entre les mains, où on explique longuement que l'évolution
actuelle de l'organisation du travail conduit à une
déqualification des travailleurs. Cela a commencé par une
déqualification de l'artisan et maintenant il y a une
déqualification du technicien. C'est justement la tâche du
cégep de former des techniciens. On est rendu à l'étape
d'une certaine déqualification du technicien. Si, dans le marché
du travail, il y a une certaine déqualification du technicien, il faut
jusqu'à un certain point que le système d'éducation qu'on
voudrait voir correspondre à ce mouvement produise une certaine
déqualification du diplôme.
Or, la formation fondamentale, dans notre esprit, est justement une
certaine déqualification du diplôme de l'enseignement
collégial. On constate que cette déqualification correspond bien
aux besoins des grandes entreprises qui, elles, ont le moyen de
compléter sur place une formation incomplète au besoin et par
conséquent de rendre le futur travailleur plus dépendant de cette
entreprise. Mais cela n'empêche pas que la petite et moyenne entreprise,
elle, peut avoir d'autres besoins et surtout pas les moyens de
spécialiser vraiment les travailleurs dont elle a besoin. D'où
l'ouverture de l'éducation des adultes à cette
spécialisation. Et on pense que les centres spécialisés
pourraient justement être de ces centres où, pour des besoins
très précis et très restreints, on spécialise ou
surspécialise pour des besoins immédiats.
La conséquence générale qu'on voit de cela, c'est
qu'on a d'une part un enseignement collégial dont la qualité est
globalement diminuée et pour des besoins précis une
spécialisation particulière.
Pour compléter, je ne voudrais pas non plus surprendre le
ministre en lui disant que la formation c'était une recommandation
essentielle du rapport Nadeau. Peut-être ne s'en sont-ils pas
inspirés, mais il y a une coïncidence quand même assez nette
à ce niveau.
Pour ce qui est de la question des budgets qu'il a abordée, il y
a au moins une variable qu'il a oubliée dans son calcul, ce sont les 10%
d'inflation par année. L'inflation existe au niveau des cégeps
aussi. Si les budgets des collèges augmentent de 0 à 4% dans les
dernières années, l'inflation de 10% est toujours là.
Entre 4% d'aug- mentation et 10% d'inflation, il y a un solde à mon
avis, de 6%.
Mme Lavoie-Roux: Je suis contente que vous ayez mentionné
de nouveau le rapport Nadeau. Je pense que je ne veux pas en faire la critique
ici, mais je suis fort portée à être d'accord avec vous
que, même si le ministre jure sur la tête de son aïeul qu'on
l'a mis sur une tablette et qu'on ne l'a plus regardé, on n'a
qu'à se référer à la création du Conseil des
collèges qui se retrouvait à l'intérieur du rapport Nadeau
et qu'on retrouve ici. Je pense qu'il n'y a rien de mal à cela, je ne
veux pas blâmer le ministre pour cela. Mais c'est une espèce de
pensée magique chez le ministre. Cela fait trois ans qu'il m'affirme
qu'il l'a mis sur les tablettes. Il en est venu à se convaincre qu'on
n'y avait jamais plus retouché. Peut-être que cette pensée
magique, il peut la faire agir sur l'ensemble de la population et faire croire
au monde qu'avant le 15 novembre, il n'y avait rien. Le rapport Nadeau
si on veut qu'on accepte maintenant sa réforme il faut surtout le
dénoncer, alors que personne n'est assez naïf pour penser qu'il n'y
a pas de lien. Personne n'a besoin d'avoir honte de ce qu'il y avait de bon
dans le rapport Nadeau, qu'on s'en soit inspiré et qu'on l'ait retenu.
Cela a été le cheminement du ministre, et je l'ai vu agir de
cette façon depuis... enfin, au moins trois fois, M. le ministre? Je ne
pense pas exagérer. À l'étude des crédits, entre
autres.
Je voudrais soulever deux problèmes avec vous. Vous dites en page
je prenais des notes au fur et à mesure, j'ai annoté un
tas de pages, vous allez me situer vous dites que la crise de
crédibilité des cégeps j'oublie, je ne peux pas
retracer la page, alors je vais le dire de mémoire est
rattachée à une crise économique, enfin est
rattachée à la crise économique actuelle. Je voudrais
autant que possible avoir le fond de votre pensée. Est-ce que c'est la
seule difficulté à laquelle on peut rattacher, en admettant que
cela en soit une, la crise de crédibilité des cégeps. Il
reste que les cégeps existent depuis 10 ans, là-dessus les
économistes pourront me corriger, mais il me semble que de 1970 à
1973, on n'était pas dans une période économique trop
morose et déjà il y avait des problèmes de fonctionnement
à l'intérieur des cégeps. Si cela n'est pas la seule
cause, ce que personnellement je crois, est-ce que vous pouvez en identifier
d'autres? Ou si pour vous, c'est un jugement absolu et c'est cela la cause de
la crédibilité des cégeps?
M. Guertln: J'ai l'impression que c'est sérieusement
gonflé cette question de crise de crédibilité des
cégeps et on a l'impression aussi que le climat actuel tend à
alimenter la critique autour de cela. Si je vous retournais la question, parce
que c'est souvent là-dessus que porte la critique, en vous disant: Ne
croyez-vous pas que l'ensemble des ressources des enseignants qui oeuvrent dans
les cégeps, qui font un travail honnête, compétent,
sérieux, et ne croyez-vous pas que c'est à partir de quelques cas
marginaux qu'on a bâti
toute une dramatisation? Je ne voudrais pas vous arracher la
réponse de la bouche, mais il y a de bonnes chances que vous soyez
d'accord avec moi.
Alors, cette crise de crédibilité des cégeps, on
pourrait tout aussi bien, d'après les contacts qu'on a quotidiennement
dans le travail, d'après le résultat de consultations qu'on a
menées, penser au contraire, que les cégeps du Québec ont
une très bonne réputation. Ils sont bien vus. Ils sont vus par
l'ensemble de la population comme un endroit où ils espèrent voir
leurs jeunes étudier, et que la crise de crédibilité des
cégeps, c'est beaucoup le discours qu'on tient autour des
cégeps dans le contexte actuel plus que l'analyse concrète
des choses. Quand on lit dans le livre blanc ce qu'il y a à ce sujet,
sur la crise de crédibilité des cégeps, on retrouve un peu
des choses qu'on voyait dans le livre vert et qui sont encore présentes
dans le livre orange sur l'élémentaire et le secondaire: beaucoup
de on dit, beaucoup de "des gens se plaignent que", beaucoup de "la population
pense que c'est assez", beaucoup d'une attitude de recours à une
certaine opinion qu'on ne croit pas être la méthode la plus
sérieuse pour faire des rajustements et des réformes en
éducation, mais d'analyse systématique du vécu,
très peu de choses.
La crise de crédibilité des cégeps, c'est
peut-être, jusqu'à un certain point, la crise qu'alimente un
ministre, face au système d'enseignement public, en n'assumant pas sa
responsabilité de défense du système et de promotion de ce
système dans les années qu'on vient de vivre.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est exact de dire
qu'il y a des enseignants dans le réseau des cégeps qui font de
l'excellent travail. Il y a des cégeps qui ont eu des initiatives, ont
de la créativité et rendent définitivement des services
à la collectivité. Là-dessus, je vous rejoins. Par contre,
il reste que cette crise de crédibilité je voudrais bien,
comme vous autres, pouvoir l'imputer seulement au ministre et au gouvernement
qui est de l'autre côté de la table; remarquez que ça me
ferait bien plaisir. Même quand j'essaie de venir à la rescousse
du gouvernement, vous n'êtes pas encore content.
M. de Bellefeuille: Nous sommes capables de nous
défendre.
Mme Lavoie-Roux: Ne me demandez pas trop de vertu.
M. Morin (Sauvé): Non, je ne vous en connais pas gros.
Mme Lavoie-Roux: À tout événement, il reste
que le rapport Nadeau avait été demandé, et j'oublie dans
quel contexte. Je n'étais pas ici. Je me souviens qu'à un moment
donné, on a décidé de faire une étude sur le
fonctionnement des collèges, et ceci remonte à 1973, si je ne
m'abuse, et ce rapport d'études a duré deux ans. Alors, on devait
sentir à moins que ça n'ait été uniquement
qu'une étude portant sur l'évaluation des cégeps
dès ce moment, un certain malaise. Mais je vais revenir plus
directement: il y a eu devant nous des organismes qui sont venus parler de la
composition du conseil d'administration qui est prévu dans la loi 25. On
fait valoir et également de bonne foi que le fonctionnement des conseils
d'administration des collèges était très difficile, compte
tenu des conflits d'intérêt qui surgissaient, suite à la
présence de représentants de syndicats. Je vous le dis tel quel,
je ne vous apprends rien, vous l'avez entendu pendant deux jours.
Alors, c'est difficile pour moi de penser que c'est simplement
imaginaire. Il reste qu'il y a eu des conflits reliés à une
période de croissance normale, je l'admets, quand on part un nouveau
système, il peut y avoir des conflits d'adaptation, etc. Mais il semble
bien, selon toutes les présentations qui ont été faites
devant nous, que ce problème de la composition du conseil
d'administration ait été identifié ou diagnostiqué
comme un des malaises profonds du fonctionnement des collèges.
J'aimerais avoir votre réaction là-dessus. (21 h 30)
Mme Sicotte: Pour une première partie, concernant les
conseils d'administration, il y a un élément qui nous
apparaissait important et sur lequel nous sommes revenus, pour revenir à
quelque chose de plus global, mais le premier élément portait sur
le fait que, pour les travailleurs de ces institutions que sont les
collèges, il nous apparaît évident que ces groupes de
personnes devraient tous avoir place au niveau du conseil d'administration et
émaner de leurs organisations démocratiques que sont leurs
syndicats. C'est ce qui les regroupe à l'intérieur de ces
institutions. Actuellement, on remarque que dans la loi actuelle il y a
plusieurs de ces groupes de personnes qui sont absents et on retrouve le
personnel de soutien au niveau de la loi actuelle et lorsqu'on regarde la
prévision qui est faite dans le projet de loi on s'aperçoit qu'il
y a encore une absence importante qui est celle du personnel de soutien et pour
obtenir un professionnel, il y a une diminution d'un enseignant.
Je pense que c'est un malaise important quand les travailleurs du milieu
ne sont pas impliqués dans un conseil d'administration qui regroupe des
gens du milieu, de la région on sait quelles sont toutes les
définitions au surplus quand ces groupes de personnes, et c'est
beaucoup plus explicite dans le nouveau projet de loi, ne peuvent intervenir au
niveau du débat, dans des questions qui les concernent directement ou
indirectement.
Tantôt, j'ai passé par-dessus l'énumération,
mais on comprendra bien qu'au niveau d'un conseil d'administration de
collège, il est à peu près impensable de ne pas
débattre la très grande majorité du temps des
éléments qui concernent directement ou indirectement les groupes
de cette institution; ce serait assez surprenant que la grande majorité
des ordres du jour n'aient pas trait à des éléments qui
les concernent. À cet
égard, on pense que ce sont là des malaises qui sont
certainement malsains, d'autant plus qu'actuellement, dans la loi qui existe,
on a tenté, au niveau de ceux qui interprétaient la loi actuelle,
d'utiliser et d'interpréter le texte actuel de la loi de manière
à soustraire déjà sans que la loi soit plus incitative
qu'il ne le faut, de ces débats les groupes qui étaient
présents notamment les enseignants. Je pense que ce sont là des
éléments particulièrement importants.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il y a eu
une recommandation faite, peut-être par la Fédération des
cégeps ou un autre organisme qui est venu devant nous et qui
prévoyait la représentation de chacune des composantes du
collège, personnel de soutien y compris, et le débat qu'ils ont
fait portait davantage sur l'équilibre entre l'interne et l'externe. Je
pense qu'à ce moment-là ils reconnaissaient, comme vous venez de
le dire, le fait que chaque composante soit présente à la table.
C'était légitime. La question que je veux vous poser c'est:
Est-ce que cela vous semble important quelles soient en nombre tel que
l'interne soit plus fort que l'externe au niveau du conseil
d'administration?
La deuxième question que je veux vous poser touche la disposition
dans la loi qui regarde des conditions de travail. Quand on dit: Vous devriez
être absents de ce qui touche les conditions de travail, je me demande
et ce n'est pas à moi à défendre cela non plus
si vous ne donnez pas un sens trop large aux mots "conditions de
travail". Est-ce qu'il ne s'agit pas vraiment de discussions touchant par
exemple l'application d'une convention ou la discussion d'une convention bien
davantage que ce à quoi vous avez fait allusion. Si vous parlez comment
la cafétéria va fonctionner, je pense qu'il n'y a pas
d'inconvénient à ce que tous les représentants des
composantes du collège soient là. Je me demande si ce n'est pas
une définition beaucoup trop large que vous donnez aux mots "conditions
de travail".
M. Guertin: L'orientation du mémoire qu'on présente
et ses conclusions indiquent, jusqu'à un certain point, qu'on ne
saurait, à cette étape-ci, apporter une réponse
précise sur le dosage des différentes composantes et la
représentation des divers groupes. On pense que dans une autre
étape du débat ce serait effectivement utile d'avoir une
discussion plus précise là-dessus. Ce sur quoi je voudrais
insister un peu c'est ce qu'on appelle le malaise profond des conseils
d'administration. Jusqu'à un certain point, je voudrais vous dire que
tout cela me paraît être relié à feu
l'unanimité.
On est dans une société qui se développe. Et
effectivement, s'est développée et continue de se
développer depuis des années au Québec, une pensée
différente, une pensée de gauche. Cela ne sera pas une
infirmité pour le Québec que d'avoir, effectivement, une telle
pensée qui s'exprime. Ce sera une garantie de plus que la
démocratie aura un débat complet pour s'exercer. C'est de
ça dont il s'agit et c'est de cela que les membres du conseil
d'administration, à partir de la fondation des cégeps en 1968,
ont vu surgir et se développer l'expression des contradictions,
l'expression d'intérêts divergents. Notre attitude face à
des gens qui sont mandatés pour représenter et défendre
les intérêts des travailleurs, c'est d'envisager cela dans la
sérénité, comme étant des choses qui sont
là. Il y a des intérêts différents et il y a des
confrontations qui peuvent se produire. On ne résoudra rien en fermant
un lieu de débat; on va le déplacer à un autre endroit.
C'est une attitude illusoire de croire que les contradictions vont cesser
d'exister, parce qu'en certains lieux, on va avoir interdit leur
expression.
Notre attitude face à cela, c'est qu'il n'y a pas de honte
à défendre des intérêts. C'est bien de le savoir.
Quand tout le monde le sait et a accepté de défendre ces
intérêts, on peut discuter. Mais, à partir du moment
où certaines personnes ne veulent pas reconnaître qu'elles
défendent des intérêts, alors que d'autres ne s'en cachent
pas, effectivement, on peut être tenté de masquer les choses et de
faire disparaître des conseils d'administration à l'expression
d'intérêts qui, de toute façon, dans cette
société, vont continuer de s'exprimer et de se
développer.
En ce qui concerne une autre question qui avait été
posée, Yves Proulx voudrait compléter une réponse.
M. Proulx (Yves): C'est au sujet de la crise de
crédibilité dont vous avez parlé. Je voudrais revenir sur
trois éléments de cette crise de crédibilité
auxquels le livre blanc fait allusion, non seulement fait allusion, mais
affirme.
Premièrement, la question du chômage. On sait que la
catégorie des travailleurs jeunes qui quittent les cégeps, le
taux de chômage est au minimum de 25%. Cela n'est pas étonnant que
des étudiants et des parents d'étudiants se questionnent sur ce
qu'ils font au cégep dans cette conjoncture. Quand des étudiants
et des parents se questionnent sur cette conjoncture, cela donne beaucoup de
questions, parce qu'ils sont 25% au minimum.
Le deuxième élément que je voudrais apporter, c'est
la crise économique qui sévit actuellement. Il n'est pas
nécessaire de partager toutes les étiquettes et toutes les
analyses possibles pour savoir qu'une crise économique s'accompagne
d'une crise idéologique. On a tendance, en raison des
insécurités qu'elle crée, à se réfugier dans
toutes sortes d'analyses, toutes sortes de prétextes, toutes sortes de
rationalisation, toutes sortes d'offensives idéologiques qui donnent
flanc en raison de cette crise. Que les cégeps prêtent flanc
à cette offensive et à ces réactions, cela me paraît
être un autre élément de cette crise de
crédibilité.
Un troisième élément dont on pourrait parler,
auquel mon collègue a fait allusion, des cas isolés, des cas
personnels qui résistent à l'évaluation qui se fait dans
les cégeps. Il ne faut pas croire qu'il ne se fait pas
d'évaluation dans les cégeps. Un professeur qui est quinze heures
par semaine avec 40 étudiants, pendant 30 semaines dans une
année, est soumis à une évaluation radicale. Il est
soumis à une évaluation de son département aussi. Mais il
y en a qui résistent; ce sont ceux là qui font problème.
Créer des superstructures paralysantes pour viser tout le monde avec
cela, on dit que c'est paralysant pour l'enseignement collégial et que
ce n'est vraiment pas la méthode pour clarifier des situations
isolées. Créer un Conseil des collèges dans des contextes
comme ceux-là, je ne pense pas que ce soit la bonne manière.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question touche
l'évaluation. Vous en avez parlé un peu. Là encore, je
n'ai plus la référence, mais vous parliez, vous citiez des
exemples où, justement, il y avait eu des initiatives heureuses qui
s'étaient prises au niveau de l'évaluation de certains
collèges. Est-ce que vous pourriez m'en identifier d'une façon
plus précise, sur l'évaluation?
M. Guertin: En ce qui concerne l'évaluation, je n'ai pas
entendu toute votre question. Elle porte principalement là-dessus, sur
le vécu de l'évaluation dans les cégeps actuellement. Je
n'ai pas d'hésitation à vous dire qu'au point de départ,
l'évaluation de l'enseignement et également l'évaluation
des enseignants se fait continuellement dans les cégeps et
qu'actuellement, il existe des lieux, particulièrement le
département, qui est un lieu de travail collégial qui permet des
rencontres, des discussions, des échanges, de la
complémentarité, de la coopération. C'est là qu'on
voit le vrai travail d'évaluation entre enseignants, travailleurs
professionnels qui connaissent leur métier, qui font des études,
qui ont une expérience et qui s'entraident.
On s'interroge beaucoup sur toute une démarche
d'évaluation, particulièrement en ce qui concerne l'enseignant,
qui ne semble assortie d'aucune prévision de financement. À quoi
veut-on aboutir, si l'évaluation ne peut pas déboucher
éventuellement sur un perfectionnement ou un recyclage, si les choses
restent comme ça dans l'inconnu, s'il n'y a que la menace et, en plus de
ça, des méthodes hiérarchisées et
bureaucratiques?
En plus du travail de département qui, lui, est continu, qui
s'occupe de l'accueil des professeurs, qui voit au fonctionnement quotidien des
cours, il y a à chaque fin d'année des périodes assez
longues de sessions pédagogiques où les professeurs reviennent
sur toute l'année, passent en revue la façon dont ça s'est
donné, le choix de cours qui avaient été offerts comment
ces choses se sont complétées ou pas. On pense que c'est
ça un travail fondamental d'évaluation ici que se fait. On pense
que c'est là que s'opère le vrai sens de l'évaluation,
puisqu'il débouche directement sur des modifications de comportement ou
de contenu d'amélioration de la qualité.
On est très peu attiré par une démarche
hiérarchisée et bureaucratique qui ne donne aucune garantie
d'amélioration et qui ne risque que de braquer les choses. Il y a une
certaine satisfac- tion des technocrates, à savoir qu'une chose s'est
passée, mais il y a très souvent dans leur intervention aussi un
gauchissement des choses qui se sont passées, une destruction du
dynamisme et, après quelques années de travail de ce genre, il y
aura vraiment lieu de faire de l'évaluation parce qu'on aura tout
gâté avec des méthodes comme ça.
Probablement que d'autres répondants pourront vous donner
d'autres exemples, mais ceux-là sont les principaux, à savoir des
sessions pédagogiques qui durent assez longtemps en fin de session et
qui dans la plupart des départements se font sérieusement. Il y a
des départements qui se réunissent et qui, collectivement
s'occupent de leurs responsabilités.
Mme Sicotte: On peut peut-être ajouter, parce qu'on a
parlé des enseignants, qu'il existe également de ces formules
d'évaluation qui insèrent les professionnels et à certains
égards, le personnel de soutien, notamment, par rapport à un
certain nombre de tâches ou d'organisation du travail qui sont tout
à fait importantes quand on parle d'évaluation.
Ce sont des éléments qui commencent de plus en plus
à se réaliser et, à cet égard, il y a des
professionnels qui ont des tâches particulièrement
spécifiques d'aide et de ressources au soutien de ces évaluations
auprès des groupes de personnes qui sont impliqués au niveau de
l'éducation du niveau collégial.
Mme Lavoie-Roux: J'ai deux petites questions pour terminer.
Est-ce qu'il y a dans vos conventions collectives des sommes prévues
pour le perfectionnement des maîtres ou des enseignants, comme vous en
avez au niveau scolaire? La deuxième question: Quand vous parlez
d'évaluation, est-ce qu'elle déborde l'évaluation
départementale et est-ce qu'elle s'ouvre à l'ensemble du
collège ou du cégep? (21 h 45)
M. Guertin: II y a des sommes qui y sont consacrées
actuellement. Elles sont de l'ordre... ça varie entre $100, $110 et
$114. Disons que c'est $120 par enseignant. Si on se réfère
à une institution qui est dans le voisinage, le cégep de
Sainte-Foy, compte tenu de la taille de cette institution, ça rend
à peu près disponible une somme totale de $36 000 pour toutes les
participations aux congrès, aux activités reliées au
secteur de l'enseignement les congrès sont multiples pour
en plus envoyer les professeurs en perfectionnement ou en recyclage.
Le pourcentage de personnes qui peuvent effectivement
bénéficier de sommes qu'on n'hésite pas à qualifier
de dérisoires, on peut le calculer soi-même avec les salaires,
à moins qu'évidemment une personne accepte de partir avec $5000
ou $8000 pour une année, ce qui dans le cas d'une famille est
impossible. Ces sommes ne permettent pas vraiment aux gens d'aller chercher les
perfectionnements qui seraient nécessaires et qui auraient
été, par exemple, identifiés comme étant
nécessaires.
II existe, sans doute d'autres pourront compléter
également d'autres sommes qui sont à la disposition, non
pas dans les conventions, mais qui sont à la disposition des
administrations. Mais là il y a un processus d'allocation qui est
exclusivement patronal. Ces sommes, d'ailleurs, sont encore moins
élevées que celles dont je viens de parler. Bien souvent,
ça risque de prendre la coloration de faveurs, étant donné
la façon dont ça fonctionne.
Mme Sicotte: Je voudrais ajouter parce que vous avez
parlé des enseignants qu'il y a également deux autres
catégories de travailleurs qui sont les professionnels et le personnel
de soutien. On sait que plusieurs de ces fonctions sont directement
reliées à l'éducation, à l'enseignement même,
et à cet égard on peut donner des exemples: dans certains
collèges il y a une valeur de $33 par tête de pipe. Alors, chez
les professionnels, $33 par tête de pipe, là où il y a huit
ou neuf professionnels, on comprendra très bien que ça fait une
proportion d'argent qui est très limitée et on sait que les
professionnels, de par leurs fonctions, leurs tâches, sont souvent
amenés à être à l'avant-garde et à aller de
l'avant; on les considère, de toute façon, comme des ressources
pour les autres personnels des institutions. Alors, on s'aperçoit que
les sommes de perfectionnement à cet égard ne permettent
certainement pas les perfectionnements adéquats.
Quant au personnel de soutien, c'est l'équivalent, toujours au
niveau local, de sommes allant de $10 à $15 par tête de pipe.
Là aussi on s'aperçoit que ce sont des sommes fort
dérisoires et qui ne permettent pas véritablement des insertions
qui pourraient renouveler ce personnel et lui permettre de s'impliquer
davantage dans l'ensemble des activités pédagogiques d'un
collège.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais toucher
quelques points seulement, après cet échange qui dure
déjà depuis longtemps et qui nous ouvre la porte sur beaucoup
d'aspects. Il y a au moins un point sur lequel je suis d'accord avec vous,
c'est quand vous parlez de cette précipitation, de cette invitation un
peu prématurée, du peu de temps qu'on vous a laissé.
D'ailleurs, il en est de même de la plupart des autres groupes que vous
avez peut-être eu l'occasion d'entendre, ceux qui vous ont
précédés. Il y a une certaine unanimité au moins
sur ce point.
Je ne suis pas nécessairement d'accord avec tous vos arguments.
C'est mon privilège, c'est votre privilège que vous avez
invoqué. Je partage un peu ce qu'a dit le ministre tout à
l'heure, même si sa charge semblait un peu violente. Je suis d'accord
avec lui sur plusieurs points.
Je voudrais vous demander des précisions. Vous parlez de
l'accessibilité. Peut-être que vous êtes mieux placé
que moi, étant donné que vous voyez le problème dans son
ensemble, mais je vais vous parler d'une région plus
particulière. C'est là que j'aimerais... Vous mentionnez, par
exemple, les travailleurs, la petite et moyenne bourgeoisie. Qu'est-ce que vous
entendez par bourgeoisie? J'aimerais avoir une explication et des exemples.
Qu'est-ce que vous entendez par la classe des travailleurs?
Je vous ramènerai à mon cas particulier plus tard, mais
comment expliquez-vous... évidemment il s'agit des salaires, des
conditions de vie, d'un peu de tout. C'est quoi pour vous la petite
bourgeoisie?
M. Proulx (Yves): Je vais vous référer au dossier
3, le cahier bleu, l'avant-dernière page, l'annexe 1. Ces
catégories sont décrites. On décrit les différents
types de professions qui entrent sous les différentes catégories
qu'on a là. On n'en n'a pas fait une définition descriptive, ce
qu'on pourrait faire certainement, mais je pense que la définition
descriptive que vous avez à cette annexe serait suffisante à
cette étape-ci. Vous avez, au niveau de la bourgeoisie, les
propriétaires, directeurs généraux, présidents,
vice-présidents de grandes entreprises industrielles, commerciales et
financières. C'est un partage arbitraire de plus de 50 employés.
On a classé aussi dans cette grande bourgeoisie, même si
là, il y avait des défauts de rigueur théorique,
professionnels, notaires, avocats, médecins, qui pourraient pratiquement
être plutôt dans la petite bourgeoisie, si on se
référait à une analyse théorique, mais je
n'embarque pas dans tout cela. Dans la petite bourgeoisie, vous avez des
contremaîtres, assistants-gérants, superviseurs, agents
d'assurance, enseignants, etc. La classe ouvrière, c'est l'ouvrier de
toutes les sortes d'entreprises et de services qui représentent, en
passant, 70% de la population.
M. Le Moignan: Alors, vous vous rangez dans la petite
bourgeoisie. Les politiciens, justement, je voulais le demander...
Mme Lavoie-Roux: ... les politiciens.
M. Le Moignan: ... on serait dans la petite bourgeoisie
aussi.
M. Rivest: Attention, un ministre de l'Éducation, cela
doit être plus élevé que cela.
M. Le Moignan: Non.
M. Rivest: Est-ce que c'est hors norme ou hors catégorie,
un ministre de l'Éducation? Je suppose qu'un ministre de
l'Éducation, c'est hors catégorie.
Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Éducation est hors
catégorie. Vous allez y réfléchir.
M. Proulx (Yves): J'aurais tendance à le mettre dans la
classe 1.
M. Rivest: Vous êtes généreux.
M. Le Moignan: Farce à part, M. le Président, je
tenais à ces précisions; d'ailleurs, je n'ai pas eu le temps de
parcourir vos documents que nous avons reçus aujourd'hui même.
Mais quand vous parlez des travailleurs, des ouvriers, je connais des types,
par exemple, qui sont électriciens, qui sont dans la classe des
travailleurs, et qui se font facilement $20 000, $25 000, $30 000 par
année, donc l'équivalent du salaire d'un enseignant dans bien des
cas. C'est pour cela que je me dis qu'à un moment donné, quand
vous parlez du monde ouvrier en général, je suis issu de ce bas
peuple, alors je n'ai pas honte de le dire non plus, cela ne me dérange
pas, mais vous dites que les normes de l'école ne sont pas faites pour
les enfants des classes populaires. Est-ce que vous associez les classes
populaires au monde des travailleurs, d'après ce qu'on peut voir ici,
dans les pages 16 et 17? Vous parlez de statistiques de 15% des fils de
travailleurs de ce monde ouvrier...
M. Proulx (Yves): Effectivement, quand on parle des classes
populaires, on parle forcément de la catégorie 3 qui, je l'ai
dit, représente 70% de la population. Quand vous faites
référence au niveau de salaire que ces gens-là peuvent
gagner, dans les catégories qu'on a là, notre base de
définition ce n'est certainement pas le niveau du salaire. Ce serait
beaucoup plus juste, très grossièrement, parce qu'il ne s'agit
pas de faire une analyse théorique ici, de dire que c'est la situation
de pouvoir dans la société qui définit le mieux la classe
sociale. La situation de pouvoir c'est ce qui donne la place dans la
société. Sa situation de pouvoir, on sait ce qu'elle est, par
rapport à un propriétaire d'entreprise, par rapport à un
ministre de l'Éducation, par rapport à toutes les autres
catégories qui sont là.
M. Le Moignan: Je n'ai pas eu l'occasion de comparer vos
statistiques avec d'autres statistiques, mais quand je regardais cette semaine,
par exemple, dans le secteur de l'enseignement privé, où on
accusait les fils de riches, de la haute bourgeoisie, quand on
s'aperçoit que 80% des jeunes qui fréquentent l'enseignement
privé, où les parents doivent débourser, appartiennent
à un niveau de peuple qui est moins scolarisé, 80%, et dont les
salaires aussi sont inférieurs. Vous avez vu cela. J'ai vu cela dans des
revues d'éducation. Je voudrais en revenir à ceci... Je pourrais
vous sortir ce tableau, mais pas ce soir; je l'ai en haut quelque part. Ce
n'est pas moi qui l'ai fait; c'est fait par des statistiques.
Mme Tremblay (Nicole): Les 4% de grands bourgeois, ils ne peuvent
pas être 80% dans les collèges.
M. Le Moignan: Non, dans les collèges il y a des gens qui
n'ont pas eu l'avantage de recevoir une éducation assez poussée,
qui font les sacrifices nécessaires.
Mais je voudrais vous poser un cas précis. Les normes de
l'école ne sont pas faites pour les enfants des classes populaires. Je
vais prendre le secteur de la Gaspésie, je suis de Gaspé. Vous
connaissez, étant donné que vous travaillez dans ces milieux,
chez nous les gens, en général, seraient à peu près
dans la quatrième classe, si on parle de salaire. Il y a un
député en face qui vient de la Gaspésie, j'ai vu un
fonctionnaire derrière la table des ministres tout à l'heure, et
on sait que chez nous le salaire moyen, c'est $5000 à $6000 en
Gaspésie, si cela existe.
Dans nos cégeps, il y a tout de même 1100 jeunes au
cégep de Gaspé. Je connais bon nombre de ceux qui le
fréquentent, ce sont des gens qui viennent vraiment de classes
défavorisées. Je ne veux pas faire de comparaison avec
Montréal, Québec ou des régions où je ne peux pas
vous donner des statistiques. Mais chez nous, tout de même,
l'accessibilité au cégep n'est pas pour tout le monde. Mais on
sait, d'après d'autres statistiques, que le passage des jeunes chez nous
du secondaire V au collège est très élevé en
comparaison avec d'autres régions. Pourtant, ce sont des gens qui sont
assez démunis, défavorisés. Si vous établissez un
parallèle avec les grands centres, c'est peut-être là ou
cela cloche de votre côté.
M. Proulx (Yves): La région de la Gaspésie,
Bas-du-Fleuve, dont vous parlez, c'est justement, et vous l'avez dans un de nos
documents encore, la région où les taux de passage du secondaire
V au cégep sont les plus élevés. C'est exactement 58,8%,
alors que dans d'autres régions, on a des taux de passage qui vont
jusqu'à 27,7%. De toute façon, les taux de passage du secondaire
V au cégep sont inférieurs à celui de cette région,
dans toutes les autres régions du Québec.
Comment expliquer ce phénomène? On dit dans nos documents
qu'il faudrait pousser encore plus l'analyse des coordonnées
socio-économiques de la région pour expliquer ce chiffre. Une des
hypothèses qu'on a faites, c'est d'une part qu'il y a un pourcentage
d'anglophones important qui va au cégep de Gaspé et on sait que,
chez les anglophones, le taux de participation au cégep est plus
élevé que chez les francophones. C'est souligné dans le
livre blanc, de toute façon.
Autre possibilité aussi, on connaît le taux de
chômage qu'il y a dans cette région. Quand on ne peut pas
travailler, on continue d'étudier jusqu'à un certain point. On a
déjà parlé, à quelques reprises, pas nous comme
bien du monde, que les CÉGEP existaient pour pallier ce manque d'emploi
au niveau de certains groupes d'âge. Je ne veux pas donner des
explications trop savantes, ni trop complètes, parce que je ne les ai
pas de toute façon.
M. Le Moignan: Parce que le seul cégep anglophone est
celui de Gaspé uniquement. Quand vous prenez la clientèle qui
nous vient de la paroisse de Douglas Town qui est le gros bloc irlandais, ce
sont des cultivateurs. Cela n'est pas
Westmount, il n'y a pas beaucoup de riches parmi nos anglophones de
Gaspé, il ne faut pas oublier cela non plus. Au collège de Matane
il n'y a pas d'anglophones, ni au collège de Rimouski. Il n'y a que le
collège de Gaspé qui a un secteur anglophone et dont la
proportion je n'ai pas les chiffres n'est pas tellement
élevée, sur les 1100 élèves. Il y a peut-être
100 ou peut-être 200, s'il y en a 200 au plus.
M. Guertin: Pour ce qui est des résultats de
l'enquête spécifique de la Fédération des
enseignants de cégeps, sur le rôle social du cégep, on
touche Matane qui est une région qui a peut-être certaines
ressemblances avec la Gaspésie. Vous avez cela d'ailleurs à la
page 9 du dossier 3. Les chiffres qu'on a sur la proportion de la population de
la région qui appartient à la classe 3 et le pourcentage de ces
enfants qui se retrouvent au cégep, nous donnent un portrait,
finalement, assez semblable à ce qui a été observé
dans les autres régions. (22 heures)
Vous voyez, si vous avez la page, que dans le tableau 6, Matane, classe
3: 47,9% des enfants présents au cégep de Matane appartiennent
à la classe 3, alors que dans la région cette classe
représente 73,77% de la population, donc, une proportion plus
élevée que dans l'ensemble du Québec. Si on reportait
ça à 70%, qui est la proportion de l'ensemble du Québec,
on s'apercevrait qu'à Matane on est presque exactement dans la constante
de l'ensemble du Québec pour ce qui est de la fréquentation de la
classe ouvrière du niveau collégial.
Évidemment, les éléments de la classe bourgeoise
à Matane sont peu nombreux, comme le démontre également le
tableau, la bourgeoisie habitant très peu la région. Il faut
conclure d'après les chiffres qu'on n'a pas inventés mais qu'on a
obtenus de Statistique Canada, selon les catégories que vous avez en
annexe 1.
M. Le Moignan: Mais dans les grands centres où,
normalement, ça coûte beaucoup moins cher, parce que les jeunes
demeurent à la maison, qu'est-ce qui empêche les enfants, les fils
ou les filles de travailleurs, par exemple, d'accéder au niveau
collégial en plus grand nombre? Chez nous, c'est plus difficile, parce
qu'il y a les déplacements, on est obligés d'être
pensionnaires, il y a des problèmes de prêts et de bourses. En
ville, ça devrait normalement être plus facile et c'est
peut-être là où vos pourcentages sont les plus bas.
M. Sicotte: Lorsque l'on parle du niveau collégial, il
faut bien voir qu'on parle d'un secteur qui est au milieu du cheminement de la
formation et on ne peut pas parler d'accessibilité au niveau
collégial sans revenir sur le niveau élémentaire et le
niveau secondaire. À cet égard, il y a un
phénomène, aux niveaux élémentaire et secondaire,
qu'on appelle, et que plusieurs d'entre vous ont probablement vu à
l'intérieur d'autres documents du CEQ, le phénomène de la
sélection-élimination qui fait qu'un bon nombre de fils et de
filles de travailleurs des classes 3 pour prendre les termes qui sont
ici se trouvent éliminés avant même d'avoir eu
accès au niveau collégial. Songeons, juste à titre
d'exemple, à toute cette population étudiante qui est
sélectionnée et que recouvre, par exemple, le professionnel
court. On le sait, dans la conjoncture actuelle ces jeunes sortent des niveaux
secondaire IV ou V et n'ont plus accès... techniquement, ils ne peuvent
pas avoir accès au niveau collégial.
C'est un élément qu'il faut absolument mettre dans la
balance, parce qu'on ne peut pas parler d'accessibilité uniquement en
mesurant le nombre de jeunes qui terminent leur secondaire et qui peuvent,
compte tenu de leur âge, aller au niveau collégial. Il faut voir
les sélections qui se sont réalisées antérieurement
et qui ont déjà déterminé que tel ou tel jeune
n'aurait pas accès au niveau collégial.
C'est un phénomène très important. J'ajoute
à cela tout le phénomène de la sélection qui existe
à l'élémentaire et au secondaire. Il existe parfois des
voies ou des secteurs d'activité dits de l'enfance inadaptée qui
font que là aussi il y a un certain nombre de jeunes qui se trouvent
exclus par conséquent du niveau collégial. J'ajoute à
cela, au surplus de ces statistiques, que si cette sélection et cette
élimination se font aux niveaux élémentaire et secondaire
c'est important de regarder pourquoi elles se font il faut voir
à ce moment le contenu de ce qui est véhiculé à
l'école élémentaire et secondaire, notamment au niveau des
valeurs. À bien des égards, l'étudiant, le jeune qui
arrive à l'école ne s'y retrouve pas par rapport à ses
acquis, à son vécu. En ce sens, il se développe des
situations qui le font qualifier de rendement insatisfaisant, ou d'enfant
inadapté, ou d'enfant devant avoir un contenu de cours moins
avancé. Ce sont des éléments qu'il nous faut mettre de
l'avant.
Je voudrais profiter de cette même intervention pour dire
également que concernant les milieux des institutions privées
auxquelles vous avez fait allusion tantôt, il est important de noter
qu'au même titre que le niveau collégial on a fait des
relevés statistiques pour connaître les pourcentages de la
population qui se retrouvent au niveau du collège...
Au niveau de l'élémentaire et du secondaire, il y a eu des
analyses de faites pour savoir quels étaient les enfants qui
réussissaient le mieux, quels étaient ceux qui
réussissaient le moins bien et quels étaient ceux qui avaient des
difficultés d'apprentissage ou des troubles quelconques. On est
arrivé à conclure qu'on retrouvait ce même cloisonnement
entre la classe 1, la classe 2 et la classe 3 et on s'apercevait que
c'était chez les fils et les filles de travailleurs qu'on retrouvait le
plus de difficulté ou le plus d'enfants mis en situation
d'élimination.
Sur 96 institutions privées là, je me reporte aux
statistiques de l'AIES, si je ne fais pas erreur; si ce n'est pas
celle-là, c'est l'autre organisation il n'y en a que cinq qui ont
dans leur institution ce
qu'on pourrait appeler des correspondances de voies
allégées ou de voies en difficulté. Le reste est ce qu'on
qualifie de clientèle étudiante prévue pour les voies
enrichies ou supérieures, peu importe l'adjectif. En ce sens, je pense
qu'il y a des corrélations à faire qui démontrent
effectivement que les institutions privées ont une clientèle qui
se retrouve particulièrement dans la classe 1 et parfois dans la classe
2.
Je voudrais ajouter que les dernières statistiques peuvent faire
la démonstration qu'un certain nombre de travailleurs ont mis leurs
enfants dans des institutions privées. Là-dessus, il faut voir
à combien d'égard ces statistiques sont, par rapport à
l'ensemble de la population, très minoritaires par rapport au
pourcentage de l'ensemble de la population. À bien des égards,
cela s'est fait à coups de sacrifices si vous me permettez
l'expression fort importants pour les parents.
M. Le Moignan: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Papineau.
M. Alfred: Je remercie mes collègues de la CEQ de leur
mémoire. Tout à l'heure, Mme le député de L'Acadie
a parlé de confrontation pour qualifier les propos du ministre. Je pense
que...
Mme Lavoie-Roux: C'est sûrement exagéré
à vos yeux.
M. Alfred: Je n'endosse pas cette argumentation, étant
donné que le ministre...
Mme Lavoie-Roux: Ce mauvais qualificatif.
M. Alfred: ... a adopté le modèle "incisitionnel",
c'est-à-dire mettre cartes sur table, étant donné que de
l'autre côté on a mis cartes sur table. On a été
franc, et je pense que Mme Sicotte a lu le gros des passages, elle a lu tout
cela. Ce franc-parler, c'est ce modèle qu'on a adopté de part et
d'autre, et je suis sûr que des deux côtés on s'est compris.
De l'autre côté on a été franc, on a
été franc ici et c'est ce que je pense que la CEQ attendait du
ministre, qu'on soit franc de part et d'autre, et moi aussi.
Mme Lavoie-Roux:... vous n'avez pas écouté.
M. Alfred: Non, c'est-à-dire que je n'aime pas cette
façon de se comporter. Au lieu de s'adresser directement à ceux
à qui l'on parle, qui sont venus, au lieu de faire cela, on s'attache
aux propos de l'autre. C'est une attitude que je ne partage pas, parce que,
n'en déplaise à Mme le député de L'Acadie, elle
n'aura pas de vote de cette façon, surtout pas des gens avec qui elle ne
s'accorde pas d'ailleurs.
Mme Lavoie-Roux: Sentez-vous le besoin de récupérer
des votes, M. le député de Papineau?
M. Alfred: Non, Mme le député de L'Acadie. Je vous
ai placée en face de deux situations, où il y a eu de la
franchise réciproque.
M. Rivest: Le député...
Mme Lavoie-Roux: J'ai pris trois quarts d'heure à poser
des questions sur le contenu du mémoire de la CEQ, M. le
député de Papineau.
M. Rivest: II est très téméraire, il se
déplace entre deux feux.
M. Alfred: Ceci dit, je prends la page 40 de votre
mémoire, la page 41. Vous avez parlé de l'autonomie et, quand
vous avez parlé de l'autonomie, vous avez surtout parlé de
l'étudiant. Pour parler de cette autonomie de l'étudiant, il faut
le placer dans une ambiance qui favorise cette autonomie.
Je prends un petit exemple à la page 41: L'enseignement de
l'économie politique et de la philosophie marxiste est-il compatible
avec les fins poursuivies par les collèges? Chaque professeur peut
on parle de l'enseignement philosophique je pense que le
professeur de philosophie doit exposer aussi la théorie marxiste, la
philosophie marxiste. Mais je voudrais en même temps, pour que cet
étudiant puisse faire un choix et devenir autonome, ce que vous
proposez, que ce professeur lui enseigne d'autres philosophies, comme le
sartrisme, le platonisme, le thomisme, etc, et même les philosophies
actuelles, de façon que dans cet ensemble de philosophies
proposées, l'enfant puisse choisir et construire lui-même sa
propre personnalité.
Là où je ne suis pas d'accord, c'est lorsque le
maître a une idée fixe, qui est la théorie marxiste, qu'il
se constitue en roi et maître et impose directement cette philosophie
à la classe. À ce moment, l'élève ne fait pas de
choix. Est-ce que vous seriez d'accord qu'un professeur adopte un tel principe
dans une classe par exemple, la philosophie marxiste si cette
philosophie n'est pas partagée par les élèves ni par les
parents? Cela nécessite quand même l'intervention de ceux qui
doivent pourvoir à la défense des fonds publics pour la formation
d'un être autonome.
M. Guertln: Notre prétention n'est en aucune façon
de dire qu'une seule philosophie peut être enseignée au
cégep. Une des choses qu'on remarque, cependant, c'est qu'on semble, en
général, dans ce qu'on entend, se soucier fort peu du fait qu'il
y a peut-être des endroits où on n'enseigne que la philosophie
libérale. Il n'y a pas de problème à cela, on dirait.
C'est curieux. Qu'est-ce qu'on fait quand on découvre un cas comme
celui-là? La même chose que dans un cas de philosophie marxiste,
je suppose.
M. Alfred: Est-ce que vous me posez la question?
M. Rivest: II faut se plaindre.
M. Guertin: Je la pose parce qu'elle a toujours été
posée pour la philosophie marxiste.
M. Alfred: Je voudrais vous répondre. Non, je vais vous
répondre. Je n'approuve pas du tout qu'un professeur se cantonne dans un
libéralisme figé. Ce que je veux, c'est que le professeur qui
enseigne la philosophie puisse donner à l'étudiant le pouvoir de
choisir et, pour qu'il puisse choisir, il faut que le professeur puisse lui
enseigner toutes les théories philosophiques, de façon que
l'étudiant puisse faire le choix lui-même. Autant je suis contre
les gens qui disent: On ne fait pas de politique, sauf qu'on est
libéral. Vous trouvez beaucoup de femmes qui ne font pas de politique du
tout, mais elles sont libérales. Je ne partage pas cela non plus. Cela
existe dans certains collèges où, par exemple, certains
maîtres n'enseignent qu'une doctrine. Est-ce que vous partagez
l'idée de ce maître qui n'enseignerait qu'une doctrine,
évitant volontairement et systématiquement l'enseignement de
l'autre? Est-ce que vous pensez que par cette façon de faire, on forme
véritablement des êtres autonomes qui peuvent faire des choix et
qui peuvent critiquer au sens où vous l'entendez dans votre
mémoire?
M. Guertin: Vous me posez la question. Vous posez en même
temps la question au représentant de la centrale. Je ne pense pas qu'on
puisse favoriser et accepter qu'une seule philosophie soit enseignée,
mais ce que je tiens à dire, c'est que l'action qui consiste à
reprendre la critique de certains groupes qui, à la limite, sont
intégristes, ou de flirter avec ces critiques, peut confiner à
l'irresponsabilité, quand on n'a pas mesuré la dimension
réelle du phénomène dont on parle. Je pense qu'il s'est
produit beaucoup de choses comme cela qui sont extrêmement graves et qui
réfèrent à ce moment-là aux questions de
discrédit qu'on a posées plus tôt. C'est cela qui est
grave. C'est de laisser planer que c'est le seul son de cloche. Ce que je
réponds, et d'autres pourront avoir des réponses plus
précises qui donnent des enseignements plus voisins de celui de la
philosophie que moi, c'est que massivement, ces choses-là ne se font
pas, que massivement, c'est le contraire qui se fait dans nos cégeps, et
je pourrais même dire, sans avoir fait de sondage ni d'enquête
systématique, que cela m'étonnerait que la majorité des
professeurs enseignant la philosophie n'adhèrent pas au contraire
à une autre philosophie que celle qui semble faire l'objet des
préoccupations exclusives de certains groupes. Je vais vous
référer aux pages 40 et 41. Cela m'a fait sourire parce que je
voyais, à la page 40, l'article 16, où, pour une période,
le ministre peut déterminer la mise en tutelle d'un collège. Je
n'ai pas pu m'empêcher de me rappeler un fameux article 16 gaulliste.
C'est curieux comme les numéros tout à coup se ressemblent, avec
la constitution française qui donne, effectivement, à la
république plein pouvoir en certaines circonstances.
Mme Sicotte: Je pense qu'à cet égard, de
façon complémentaire, je voudrais indiquer qu'au niveau de la
centrale, nous avons toujours préconisé que les étudiants
soient dotés de l'ensemble des instruments qui leur permettent de
s'équiper pour pouvoir être critiques, pour pouvoir intervenir au
niveau de la société. À cet égard, on a toujours
favorisé l'utilisation de l'ensemble des instruments et des
éléments idéologiques qui les supportent ou qui les
portent ou qui y sont inscrits. Cependant, je voudrais ici qu'on porte
attention au fait qu'il arrive que dans une équipe, parce qu'il y a des
équipes, il y a des départements au niveau collégial, dans
la répartition, dans la façon d'aménager le travail, il
puisse y en avoir qui ont plus spécifiquement à développer
un volet de la philosophie sur des bases marxistes, alors qu'un autre, ce
serait sous un autre aspect, comme vous le mentionniez tantôt. (22 h
15)
II pourrait arriver, dans les faits, qu'on puisse l'identifier sous une
tête de pipe, par exemple, mais l'étudiant n'est pas en contact
uniquement avec cette façon de penser; il y en a d'autres qui
interviennent avec d'autres façons de voir, ce qui permet, par la suite,
à l'étudiant de faire des choix.
Je voudrais également porter attention à
l'élément suivant: devant cette "instrumentation"
diversifiée qui est fournie à l'étudiant, lui permettant
de faire des choix, comme vous l'avez mentionné, il faut comprendre que
parmi les choix faits par l'étudiant, il pourra arriver que les
éléments de l'analyse marxiste lui soient favorables et qu'il y
soit intéressé; il faut comprendre ça, à partir du
moment où on veut des choix.
À cet égard, on peut comprendre également qu'il se
pourrait que du côté des parents ou de la population plus
spécifiquement les parents il y ait une espèce
d'opposition en ce sens que le jeune ne se trouve pas à penser de la
même façon que les parents on sait qu'il y a toujours
l'espèce de conflit traditionnel des générations, mais
au-delà de ça et qu'à cet égard les parents
puissent intervenir pour mettre en question cette espèce de lieu de
propagande et le reste. Je pense que c'est à cela qu'on faisait
allusion.
Il faut savoir ce que ça implique à partir du moment
où tous ces éléments sont mis sur la table et que le jeune
est en situation de faire des choix, de privilégier des orientations par
rapport à d'autres, de choisir et de faire ses programmes, ses
études, ses recherches, ses travaux personnels, selon une orientation
plutôt qu'une autre. Ce sont des conséquences qu'il nous faut voir
en même temps.
M. Alfred: Tout en faisant cette recherche, on peut travailler...
étant donné la capacité de créer du peuple
québécois, de la nation québécoise, nous sommes
capables de chercher un modèle proprement québécois
d'éducation. La CEQ doit quand même être en mesure, à
travers les apports des autres tendances, d'élaborer un modèle
proprement québécois au lieu de se
cantonner dans un modèle qui se prête à votre
étiquette. On peut étiqueter des choses, les appeler aussi, parce
que l'analyse qui est là est marxiste; vous l'avez avoué. Mais
est-ce que la CEQ ne peut pas élaborer à travers le contexte
québécois un modèle d'éducation proprement
québécois qui répondrait à la mentalité et
au génie du peuple québécois.
Mme Sicotte: À cet égard, pour répondre
à l'élément spécifiquement québécois,
la CEQ en met des éléments de l'avant par rapport à des
éléments qui nous sont spécifiques. Pensons à la
plate-forme de l'école qu'on a appelée "pour une école de
masse" qui est en train de se débattre et de s'élaborer; il y a
des éléments là-dedans. Cependant, le Québec
n'inventera pas tout sous le soleil. On le comprendra bien et on peut
référer à des concepts, à des analyses qui sont
déjà existantes, quitte à ce qu'on fasse des adaptations
ou des aménagements à l'intérieur de la
réalité vécue. Par exemple, toute la dimension d'analyse
qui tient compte des classes sociales, on doit noter, actuellement, que ce
n'est pas uniquement la CEQ qui parle de cette façon. Quand on regarde
le livre blanc des affaires de la culture, on s'aperçoit qu'on parle des
classes sociales, même quand on parle du livre vert, ou du livre blanc,
on parle des classes sociales.
Alors, on comprendra qu'autour de ces concepts, il y a des constantes
qui peuvent demeurer et qui laissent place...
M. Alfred: Sauf dans certains pays; le pays d'où je viens,
quand on parle de classes sociales, on parle de ceux qui n'ont pas le pain et
le beurre. Tandis qu'ici, quand vous parlez de classes sociales, parce que vous
vous dites: Même s'il a $30 000, vous parlez de pouvoir. La classe
sociale dont vous parlez j'ai pigé c'est que la personne
peut avoir $30 000 par année; elle fait partie d'une classe sociale
défavorisée au niveau du savoir qui donne le pouvoir; c'est
ça que vous voulez dire. La classe sociale dont vous parlez, en
Haïti, c'est la personne qui ne mange pas. Est-ce qu'on peut comparer?
Est-ce que dans votre analyse, vous faites des comparaisons? Est-ce que quand
vous parlez de classes sociales ici, c'est la même classe sociale des
pays du tiers-monde? J'ai vécu des situations traumatisantes où
j'ai vu ce que c'est que de ne pas avoir le pain et le beurre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Une simple question...
M. Proulx (Yves): Je ne sais pas s'il voulait avoir une
réponse à son intervention.
Le Président (M. Marcoux): D'habitude, il en veut. Je
m'excuse, j'ai présumé que vous ne vouliez pas répondre,
allez-y.
M. Proulx (Yves): J'ai manqué une partie de sa question,
malheureusement...
M. Rivest: Mon Dieu!
M. Proulx (Yves): Je ne sais pas trop si on est au coeur du
débat ou pas en discutant des classes sociales, des analyses, des
grilles et de tout cela. Peu importe si on est au coeur du débat ou pas,
juste avant de revenir à ce que j'ai compris de votre question, il faut
voir l'expérience d'un département précis pour voir qu'un
étudiant n'est jamais soumis à une seule vision en philosophie.
Dans son cours de quatre sessions, il passe par des professeurs qui ont toutes
les orientations et je ne connais pas un seul professeur qui,
privilégiant l'analyse marxiste, par exemple, n'enseignerait que cela
dans ses cours. C'est impossible. Il y a une grille de cours qui va de la
logique pure jusqu'à un cours de théorie marxiste. Entre les
deux, il y a toute la gamme variée.
Deuxièmement, les cours procèdent par thématiques:
la pollution, la condition des femmes, plein de choses comme cela, sur
lesquelles on pose des regards de différente nature dont le regard
marxiste à l'occasion. Ce sont des thématiques. Il peut arriver
que la thématique qui est abordée par la voie marxiste c'est
celle qui est la plus critique, par conséquent c'est celle qui a le plus
de chance de rebondir à l'extérieur du local de classe. La
perspective qui est naturelle à tout le monde ne va pas tellement plus
loin que les quatre murs de la classe, mais celle qui est la plus critique va
plus loin justement parce qu'elle est efficace, mais c'est son
efficacité qu'on veut réduire. C'est la question que je pose.
Pour ce qui est des grilles des classes sociales à Haïti,
comme je l'ai dit tout à l'heure, la classe sociale ne se définit
pas d'abord par un niveau de revenu. Cela se définit principalement par
un niveau de pouvoir dans une société. C'est bien clair que si on
se replace dans une société comme Haïti, la structure du
pouvoir est différente de celle du Québec et comparer le
travailleur du Québec avec celui qui n'a ni pain ni beurre à
Haïti, je pense que, comme situation de pouvoir, ils peuvent être
à peu près identiques, mais c'est bien clair qu'ils ne sont pas
strictement dans la même situation.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Une question rapide, une seule. Vous avez
assisté au témoignage des différents groupes.
Vous-même avez apporté le vôtre, je pense qu'on peut dire
que les différents intervenants à cette commission parlementaire
n'avaient peut-être pas la même analyse de base, mais ils
arrivaient tous à la même conclusion au sujet de la
précipitation, etc. L'ensemble des mémoires a été
extrêmement critique à l'endroit de la politique du gouvernement,
si bien qu'au terme le ministre se retrouve un peu seul avec ses projets de
loi. Ma question est la suivante. Vous connaissez le milieu des
collèges. À l'automne le
ministre, en supposant que les projets de loi soient adoptés
et le ministre a donné très peu d'indication de
modification; il a plutôt rejeté du revers de la main l'ensemble
des représentations des différents intervenants qu'est-ce
qui arrive dans les cégeps l'automne prochain au moment où ces
choses sont mises en vigueur?
Mme Sicotte: Je pense qu'on peut dire qu'au point de
départ il est clair que devant la confirmation de ces projets de loi il
y aura très certainement des débats qui vont s'établir au
niveau des travailleurs du milieu, parce que les travailleurs du milieu ont pu
au moins rapidement être associés de très près aux
demandes de report, car nous vous avons indiqué que nous avons eu des
problèmes à rejoindre tous les membres sur l'ensemble de la
question. On a pu identifier les principales questions et ceux-là
étaient d'accord à dire: II faut reporter.
Devant le fait où malgré une demande de report et ensuite
une présentation en commission parlementaire, toujours dans le but
d'insister et de faire la démonstration qu'il y avait là des
sujets de fond, et je pense que les débats que nous avons eus ce soir
ont semblé même dépasser le contenu des projets de loi 24
et 25 ou en tout cas le prendre dans un sens beaucoup plus large, qui
démontre l'importance d'un large débat sur le sens de
l'enseignement collégial et sur sa mission et enfin j'en passe.
On comprendra bien qu'une attitude comme celle-là de la part du
gouvernement ne pourrait certainement être vue de manière positive
par les travailleurs impliqués. Je veux ajouter également que le
fait de légiférer sur ces lois a un impact nous vous
l'avons mentionné au niveau même des négociations
qui sont en cours par un bon nombre de volets.
Alors, nous ne voulons pas dire que nous demandons le report, parce que
nous sommes en négociations, mais il y a des éléments
qu'il nous faut voir qui ont des impacts, et nous croyons que ce serait non pas
de nature à faciliter cette opération qui est en cours
actuellement et que nous avons commencée pour l'ensemble des
travailleurs que nous représentons de bonne foi dans l'espérance
d'en arriver à un règlement satisfaisant pour les travailleurs
impliqués.
Alors, je pense que ces lois risquent d'avoir des implications sur une
négociation qui est actuellement en cours et dont on ne prévoit
pas l'aboutissement d'ici les dix jours qui vont suivre. Il faudra
évaluer avec les groupes en conséquence et vous savez que notre
pratique syndicale est toujours de référer à nos larges
instances démocratiques, et les propos que nous tenons, nous les tenons
toujours en vertu du mandat et du débat que nous avons eu avec eux.
Alors, nous ferons donc la même chose dès l'automne pour faire le
point avec eux sur la situation, si jamais, malgré une convergence
d'opinions un peu diverses, il y a une convergence, à reconnaître
la précipitation et à reconnaître en même temps la
nécessité d'un large débat, on fera les évaluations
en conséquence.
M. Rivest: C'est ça, et le ministre finira par apprendre
ce que veut dire la responsabilité ministérielle. Merci.
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre d'État au
développement culturel.
M. Laurin: Le député de Jean-Talon vient de prendre
en pitié le ministre, en disant qu'il se retrouve tout seul en butte
à des attaques venant de tous les coins de l'horizon idéologique.
Il a même parlé d'une convergence dont il est l'objet et la
victime. C'est peut-être justement parce que le ministre et le
gouvernement ne se situent ni complètement dans l'idéologie
libérale...
M. Rivest: Ah! Ah! Voyons donc.
M. Laurin: ... qui a inspiré les critiques de plusieurs
groupes qui sont venus nous présenter ici... libérale au sens
idéologique...
M. Rivest: Bien non! Il n'y a pas de contenu idéologique
démarqué dans votre démarche.
M. Laurin: ... j'entends, et qu'il n'est pas non plus, et qu'il
ne se situe pas non plus dans ce secteur d'horizon idéologique que l'on
appelle marxiste. C'est peut-être une première réponse
à ceux qui, à la CEQ, s'opposaient aux deux projets de loi, en
leur reprochant de sacrifier par trop à l'idéologie
capitalisto-libérale. Enfin, la position qu'ont le ministre et le
gouvernement se situe à mi-chemin entre cette idéologie
conservatrice libérale...
M. Rivest: Libérale nationale.
M. Laurin: ... qui, elle aussi, et là, je partage sur ce
point, la critique marxiste...
M. Rivest: Oui, mais la rigueur philosophique, M. le
Président...
M. Laurin:... est inspirée par une idéologie de
pouvoir. Il ne faut pas penser que les tenants de l'idéologie
libérale détestent le pouvoir ou le nient, au contraire, c'est
l'étonnant de cette idéologie, ils le recherchent et
prétendent l'exercer pour leurs intérêts et le
contrôle qu'ils revendiquent sur les structures dont ils sont
dépositaires, qu'ils ont menées depuis plusieurs années,
peut parfaitement expliquer l'opposition qu'ils manifestent à ce projet,
ne serait-ce que pour conserver un pouvoir qu'ils exercent depuis plusieurs
années et qui sert leurs intérêts. De la même
façon, le ministre n'a pas à cacher sa pensée, le
gouvernement non plus. Le gouvernement ne partage pas et il a bien le
droit de le dire l'idéologie marxiste ou la critique marxiste de
la société. À ce titre, il est tout à fait normal
qu'il dise que peut-être, en acceptant certains tenants de cette
critique, qu'il ne l'épouse pas complètement et qu'il ne fait pas
son lit à partir de toute la problématique marxiste.
C'est peut-être ceci qui explique la convergence des oppositions,
malgré que les oppositions ne se racinent pas dans les mêmes
postulats, dans les mêmes principes. Il faut accepter cette solitude qui
vient du fait d'une conviction ancrée, quant aux principes qui orientent
l'action du gouvernement. (22 h 30)
M. Rivest: M. le Président, j'aurais une question. Je
pense que les gens ont demandé différents horizons et
différentes racines idéologiques, si vous voulez. Ce qu'ils ont
demandé, ce n'est pas que le gouvernement fasse la preuve in medio stat
virtus, ce qui va probablement être la conclusion du ministre. Ils ont
simplement demandé qu'un débat large soit permis par le
gouvernement, ce que le gouvernement refuse. Cela n'est pas une question
idéologique, cela devient une question éminemment pratique.
M. Laurin: Ce débat, M. le député de
Jean-Talon, se poursuit dans notre société depuis plusieurs
années. D'ailleurs, nous l'avons dit à plusieurs occasions,
l'école est le lieu par excellence du conflit, parce que c'est là
que se forment les générations futures. Elles se forment à
même les problématiques, les conceptions qui se sont
succédé aux divers âges de l'humanité et qui doivent
justement inspirer l'action des citoyens aussi bien que des gouvernants. Je
répète encore une fois qu'il y a ici convergence des oppositions
mais pour des raisons souvent diamétralement opposées. Ce n'est
pas étonnant que le ministre se trouve seul face aux groupes qui sont
venus commenter les mémoires. Ce qui ne veut pas dire qu'il se trouve
seul véritablement, car le ministre y faisait allusion tout
à l'heure il a eu plusieurs appuis venant de secteurs très
divers de la population.
M. Rivest: Sur les projets de loi 24 et 25? M. Laurin: Sur
les projets de loi 24 et 25. M. Rivest: Lesquels, entre autres?
M. Laurin: Et sur la problématique exposée dans les
divers livres verts...
M. Rivest: Tous ont demandé de les reporter à
l'automne.
M. Laurin: De toute façon, M. le Président,
voulez-vous rappeler M. le député de Jean-Talon à l'ordre?
Il pratique la pollution verbale actuellement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, si c'est le ministre
d'État qui me le demande, je vais me rendre avec plaisir à sa
demande.
M. Laurin: Ou l'oppression verbale, M. le Président, je
retire les mots "pollution verbale".
M. Rivest: Vous retombez dans la philosophie.
M. Laurin: L'oppression verbale m'apparaît plus juste, en
l'occurrence. Donc, M. le Président, je dirais que l'école est
non seulement le lieu du conflit, et il n'est pas étonnant que les
tenants des diverses idéologies, spontanément, inconsciemment
même, choisissent ce lieu pour donner toute l'ouverture et la force
possible, la vigueur possible aux écoles de pensée qu'ils ont
choisies, mais il n'est pas étonnant non plus que ce soit à
propos de l'école et de l'orientation de l'école que s'affrontent
aussi diverses idéologies pour les mêmes raisons.
Je viens d'entendre dire que les catégories de la population,
selon l'analyse marxiste, sont fonction des niveaux de pouvoirs que tel ou tel
groupe de citoyens exerce. Je pense qu'il y a beaucoup de vrai dans cette
théorie, mais je me demande cependant s'il faut l'apporter, l'envisager
d'une façon aussi systématique qu'on paraît l'envisager,
car je pense que ce principe souffre plusieurs exceptions selon les pays, selon
l'évolution de l'économie, selon l'évolution aussi du
pouvoir politique. De toute façon, c'est un des éléments
de la problématique qui nous a été présentée
ce soir. En ce sens, je suis parfaitement d'accord avec les
représentants de la CEQ quand ils disent que les questions qu'ils ont
entendues ce soir ou les échanges auxquels la présentation de
leur mémoire a donné lieu dépasse amplement le contenu des
lois 24 et 25. Je pense que c'était inévitable, justement parce
que votre mémoire était long et étoffé et que vous
avez fait précéder la critique de tel ou tel de ces articles en
établissant très clairement votre opposition idéologique.
D'ailleurs, M. Guertin sera d'accord avec moi, à la fin de son
mémoire comme au début, donc, entre l'introduction et la
péroraison, il a situé la critique des articles du projet de loi,
mais l'introduction comme la conclusion faisaient état des grandes
intentions ou orientations qu'il prête au gouvernement. C'est au
début comme à la fin qu'il nous disait peut-être en
faisant un procès d'intention à l'endroit du gouvernement
il se demandait si tous ces projets de loi n'avaient pas comme source la
conception que se fait le gouvernement du système économique de
l'entreprise et de la technocratie.
Je me demande si ce soupçon, ces intentions ou ces orientations
qu'il prête on ne prête qu'aux riches et le gouvernement en
la matière est riche, puisque c'est lui qui fait les lois au
gouvernement rejoignent totalement la réalité ou enserrent
complètement la réalité. Je reconnais que l'analyse
marxiste a constitué un moment important de l'histoire de
l'humanité. Je pense qu'elle contient de forts éléments de
vérité. Une des preuves, d'ailleurs, en est qu'elle a fait fureur
dans le monde et qu'il y a beaucoup de tenants de cette idéologie dans
tous les pays du monde. Ce ne serait pas le cas si elle ne contenait pas de
forts éléments de vérité.
Je me demande, cependant, si on ne peut appeler un ministère du
gouvernement que technocratique. Est-ce que cela épouse toute la
réali-
té? Est-ce qu'on ne peut pas, par exemple, dans une autre grille,
dans une autre perspective, attribuer à un ministère du
gouvernement, quel qu'il soit, une autre mission qui est de représenter
les intérêts collectifs, qui est d'assumer une
responsabilité au nom des citoyens, qui est de voir à la paix, au
bon ordre, à la redistribution des biens culturels ou matériels
pour que chacun en ait sa part ou au nom du principe de l'égalité
des chances? Si on ne peut pas attribuer à un ministère, et en
particulier, au ministère de l'Éducation, la mission de voir
à ce que l'éducation atteigne ses fins, qui est d'abord et avant
tout le développement des talents, des aptitudes, des
potentialités de l'invididu dans la ligne de la maximisation,
l'optimalisation, la potentialisation de tous ces attributs, en fonction, bien
sûr, des contraintes de l'environnement, des nécessités du
milieu où il se trouve, afin d'atteindre les objectifs qui sont ceux de
tout homme, la recherche du bien, du mieux-être, du vivre plus, en
même temps que le développement, comme je le disais tout à
l'heure, de tous ces goûts, aspirations, désirs. Peut-être
qu'il faudra ajouter cette conception à la conception qui me
paraît un peu étroite d'un ministère conçu
simplement comme un appareil et un appareil ne visant qu'un contrôle.
De même, quand la grille marxiste dit que les ministères ou
les gouvernements du type de ceux dans lequel on vit, sont voués
à la défense des intérêts capitalistes, cela peut
être vrai en bonne partie, mais il reste que je n'ai pas l'impression que
là aussi, on rejoint toute la réalité. Si votre
affirmation était vraie, le gouvernement actuel, par beaucoup des
politiques qu'il a établies ou préconisées, ne serait pas
l'objet d'aussi virulentes attaques de la part des tenants essentiels de ce
système capitaliste, c'est-à-dire les représentants des
multinationales au Québec, les représentants de la grande
entreprise, le Conseil du patronat, tous les organismes qui, à cor et
à cri, tous les jours, mettent en question la valeur, sinon la
validité des politiques gouvernementales, que ce soit en matière
sociale ou en matière culturelle ou en matière politique. Par
ailleurs, il faudrait peut-être faire remarquer que ce système
capitaliste n'est pas dans le pouvoir d'un demi-État comme le
nôtre qui ne possède que la moitié de ses impôts et
la moitié de ses pouvoirs, de le mettre en question, de l'attaquer avec
une certaine chance de succès, et que même le Canada y arrive
difficilement. Du fait que nous l'aimions ou non, nous constituons quand
même, du moins sur le plan économique, des économies
satellites. On sait que le pouvoir économique se transmet assez
facilement, et là je vous rejoins, en pouvoir politique. Sortir des
chaînes du système capitaliste ne peut être qu'une
entreprise à long terme, difficile, aléatoire, marquée au
coin d'une prudence prudentissime en vertu des pouvoirs de rétorsion, de
représailles, de déstabilisation que possède ce
système capitaliste pour se défendre. Dieu sait si nous l'avons
éprouvé depuis deux ou trois ans. Donc, la politique ne se fait
pas dans l'abstrait, ne se fait pas dans l'éther des idées. Il
faut, quand nous sommes au gouvernail, tenir compte de ces contraintes et,
sinon tempérer nos conceptions, du moins les appliquer en tenant compte
des accidents du terrain.
De la même façon quand, au nom de cette grille marxiste que
vous n'avez pas niée, vous nous accusez de n'être qu'à la
remorque des impératifs de l'entreprise, il se peut que vous ayez
raison, en partie, car, à notre insu, il est possible que ces facteurs
nous amènent à privilégier les impératifs de
l'entreprise, ne serait-ce qu'en raison, justement, des pressions constantes ou
des menaces qui nous viennent de ce côté. Je ne pense pas,
cependant, que la politique, telle qu'énoncée dans le livre blanc
sur les collèges, soit à ce point esclave des impératifs
de l'entreprise. Au contraire, je pense que vous trouverez dans ce livre blanc
plusieurs passages où nous disons que l'école doit prendre ses
distances par rapport à l'entreprise, à ses impératifs,
à ses contraintes et, au contraire, qu'il nous faut privilégier
les niveaux spécifiques d'enseignement, il nous faut privilégier
les besoins réels spécifiques de l'enfant ou de l'adolescent. Je
ne pense donc pas que, tout en admettant une partie de votre analyse critique,
on puisse être totalement d'accord avec les reproches globaux,
systématiques que vous nous faites, ou avec les conclusions que vous en
tirez.
Ce qui m'a frappé aussi, c'est l'allure manichéiste de
votre mémoire, en ce sens que le mal est tout d'un côté et
le bien est entièrement de l'autre. Il est quand même assez
étonnant que vous n'ayez aucune remarque positive sur une entreprise
idéologique qui se poursuit quand même depuis longtemps et qui
essaie de tirer profit de toutes les critiques que nous avons recueillies
auprès des citoyens, depuis plusieurs années, et que nous avons
recueillies aussi auprès d'analystes de l'école ou du
collège qui se sont exprimés, depuis plusieurs années,
dans les diverses revues de toute obédience. Je pense que le
ministre sera d'accord avec moi nous n'avons négligé, dans
l'élaboration de notre politique, aucun de ces rapports, mais, dans
votre mémoire, vous ne retenez absolument aucun élément
positif et vous ne faites état que des critiques et des reproches que
vous avez à nous adresser. Et, bien sûr, après avoir
constaté qu'au départ, sur le plan des principes, de la
problématique, des postulats, nous ne sommes pas d'accord, il est assez
facile de s'attendre que, sur le plan des articles, en particulier, ces
antinomies, ces différences ou ces divergences deviennent plus
concrètes et plus marquées. Le ministre en a signalé
quelques-unes. Je voudrais la reprendre, encore une fois, à mon
compte.
Se pourrait-il qu'en privilégiant, par exemple, l'enseignement
des sciences fondamentales, même au sein de l'enseignement professionnel,
on n'ait voulu que répondre aux impératifs de l'entreprise? Se
pourrait-il, par exemple, que le ministère, le gouvernement se soit
rendu compte que nous vivons dans une société où la
science évolue à une allure extrêmement rapide, où
les technolo-
gies se succèdent à une cadence extraordinaire et qu'il
faille préparer l'étudiant à un recyclage qui se doit
d'être perpétuel et que la meilleure façon de
préparer, d'une façon lointaine, cet étudiant
d'aujourd'hui, à un recyclage ultérieur
répété, ce soit justement de lui donner une solide
formation fondamentale par un enseignement des sciences classiques, ce qui
l'amènera éventuellement, lorsqu'il aura changé d'emploi,
à reprendre plus facilement cet effort de recyclage à partir du
solide bagage fondamental qu'il aura reçu? C'est une toute autre
perspective que celle que vous évoquez, mais je vous la signale
simplement pour remarquer, encore une fois, qu'à côté de ce
que vous semblez privilégier, il peut y avoir aussi d'autres
données ou d'autres notions qui s'avèrent aussi importantes. (22
h 45)
Vous dites également que, en privilégiant de cette
façon l'enseignement des sciences fondamentales au niveau professionnel,
on favorise également l'entreprise en ce sens qu'on condamne, d'une
certaine façon, l'étudiant ou l'adolescent à entrer dans
l'entreprise qui complétera cette formation en lui donnant une formation
pratique sur le tas. C'est une façon de parler de l'apprentissage qui
m'apparaît assez négative, car on sait que l'apprentissage
pratique est essentiel pour l'enseignement professionnel. Vous ne l'avez pas
critiqué, quand il s'agit, par exemple, de l'apprentissage clinique qui
est nécessaire pour les infirmières, pour les
physiothérapeutes ou pour les inhalothérapeutes, mais vous le
critiquez quand il s'agit de l'industrie.
Dans un cas, évidemment, ces étudiants vont se retrouver
dans des structures parapubliques, dans l'autre cas, ils vont se retrouver dans
l'entreprise. Mais la différence est-elle tellement grande? Par
ailleurs, je connais beaucoup de pays socio-démocrates, pour ne pas dire
communistes, où l'apprentissage professionnel se fait en industrie.
Certains pays socio-démocrates y consacrent d'énormes sommes
d'argent, en contraignant l'entreprise également à y
dépenser d'énormes sommes d'argent. Est-ce qu'ils sacrifient pour
cela aux principes souvent marxistes qui guident leur action dans plusieurs
domaines et comment concilier cette critique avec la pratique de certains pays
communistes où cet apprentissage est devenu systématique au
niveau de l'entreprise, précisément parce qu'il n'y a
peut-être pas d'autre façon d'arrimer un enseignement fondamental,
même au niveau professionnel, qui doit se compléter
nécessairement par une formation hautement technique ou
spécialisée et que l'entreprise est peut-être mieux en
mesure de fournir que des lieux scolaires.
Je pourrais continuer durant de longs moments parce que, en vous
écoutant, chacune de vos remarques faisait naître en moi des
réactions, mais je pense que la commission n'est pas le lieu pour
continuer cet échange qui pourrait plutôt faire l'objet de
colloques ou de séminaires.
Je voulais tout simplement vous donner ces quelques exemples, pour vous
signaler, encore une fois, que ce manichéisme me paraît participer
d'une simplification, pour ne pas dire parfois d'un simplisme qui peut
paraître caricatural. C'est un peu ce à quoi on en arrive, quand
on veut trop simplifier des matières qui sont éminemment
complexes et qui participent pour leur compréhension d'un univers
conceptuel très large et qui doit l'être, puisqu'il doit
épouser toutes les facettes de la réalité.
M. Guertin: M. le Président, l'intervention du ministre,
jusqu'à un certain point je fais allusion à "colloques"
illustre la nécessité de poursuivre le débat avant
de procéder à des orientations qui donneraient, à notre
point de vue, une orientation précise et indéracinable,
possiblement, au fonctionnement du réseau collégial.
C'est vous qui avez parlé de "mémoire marxiste". J'aurais
peut-être dû poser la question plus tôt, mais je vous la
renvoie maintenant: En quoi le mémoire est-il marxiste? Est-il
marxiste?
M. Laurin: Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous avons appris
à lire, quand même!
M. Guertin: Non, mais ça ne suffit pas. Promouvoir les
intérêts des travailleurs, critiquer, dans notre
société, le phénomène qu'est la prise de
décisions en ce qui concerne l'ouverture des entreprises, l'exploitation
des ressources, l'embauche, les licenciements, les conditions de travail. Tout
ça relève d'une minorité de 6% des gens. Est-ce que c'est
être marxiste? Est-ce qu'on ne peut pas défendre les
intérêts des travailleurs sans se faire coller une
étiquette et se faire dire, comme certains ont déjà dit:
Vous êtes des séparatistes.
M. Laurin: Ce n'est pas pour vous insulter que j'ai
employé cette étiquette, au contraire, j'ai dit qu'elle
était parfaitement valable...
M. Guertin: Ce que je veux dire, c'est que...
M. Laurin: ... et qu'elle a apporté beaucoup à la
critique de nos institutions. Ce n'est donc pas pour la contester que je l'ai
utilisée.
M. Guertin: Ce que je constate, c'est que les étiquettes
bien souvent nous empêchent de regarder les réalités et de
mener les débats au mérite.
M. Morin (Sauvé): Comme vous avez raison!
M. Guertin: Nous, on s'en est fait coller; on pense qu'elles ont
été collées abusivement et on pense qu'il ne suffit pas de
dire qu'on sait lire pour coller l'étiquette. C'est pas mal plus
compliqué que ça et je pourrais aussi bien vous affirmer et vous
démontrer que ce mémoire n'est absolument pas marxiste.
Il y a des choses un peu trop simples et ce n'est pas non plus une
question de manichéisme. Le mémoire ne porte pas de jugement de
bien et de mal, mais il essaie de voir quels intérêts seront
promus quand les réformes seront appliquées.
C'est ce qu'on a tenté de regarder; quel est le poids principal
de l'ensemble des mesures proposées, qu'est-ce que ça va donner
comme résultat? On s'est référé effectivement
à des études antérieures. On s'est
référé à l'Organisation pour la coopération
et le développement économique parce qu'il y a eu une
évolution au sein de cette organisation. Dans les années
soixante, elle disait: L'éducation, moteur du développement, il
faut mettre le paquet là-dedans. Tout à coup, en 1970, crise dans
le système capitaliste, c'est devenu moins important,
développement du capital international, développement des grandes
entreprises, on a besoin de main-d'oeuvre moins qualifiée, formation
fondamentale, OCDE, Nadeau, livre blanc.
Les gens iront, avec une formation polyvalente issue du secteur
professionnel, chercher dans l'usine la formation complémentaire qui
leur permet d'exercer un emploi. Dépendance totale envers l'usine qui
aura complété leur formation. C'est ça, le jugement qu'on
pose. Ce n'est pas bien ou mal. Pour ce jeune-là, c'est la
dépendance, c'est l'incapacité d'une mobilité sur le
marché du travail, de dire: Cela ne fait plus mon affaire, je m'en vais
travailler ailleurs; j'ai un diplôme qui me permet d'exercer un travail.
Plus possible. Et pour les PME qui ne sont pas capables de former leur
main-d'oeuvre, nous, on sent, et c'était clair dans Nadeau et ça
se dessine encore dans le livre blanc, qu'on mettra à la disposition des
petites entreprises le complément de formation qui leur permettra de
former les jeunes pour exercer les tâches dans ces petites
entreprises-là. C'est beaucoup d'attention, mais on pense que les
besoins des jeunes ne se résument peut-être pas à une
"job".
On pense que la formation critique qui permet aux jeunes de transcender
ces conditions-là, d'être capables de porter un jugement,
d'être capables aussi de contester un système où 6% des
gens décident de toute leur vie en ce qui concerne la production,
l'exploitation des ressources, les salaires, l'embauche, les lienciements,
enfin la machine de production de notre système, pour ces
choses-là, on pourrait donner des armes aux gens et on pourrait dire
qu'on va donner des armes aux gens pour les surmonter, pour que,
collectivement, les gens puissent prendre en charge leurs affaires.
La libération, c'est la libération des gens, c'est la
libération de la population. Je ne voudrais pas en parler
longuement...
M. Alfred: Une petite question. Vous avez dit: donner un
diplôme ou travailler. C'est ce que vous voulez dire? Ou bien former le
gars avec une formation fondamentale suivie d'une formation spécifique,
en vue d'un diplôme. Est-ce que vous voulez qu'il soit adaptable ou
adapté dans cette société-là, avec ce
diplôme?
M. Guertin: Effectivement, il faut poursuivre le débat sur
cette question-là et je ne vous donnerai pas de réponse
actuellement, à savoir comment cela va se compléter. Chose
certaine, il est permis de porter un jugement. Est-ce que la formation qu'on
doit donner aux jeunes doit correspondre à une tâche à
exécuter? Les représentants de l'ANEQ ont eu une
déclaration intéressante quand ils ont dit, très
simplement d'ailleurs: "Les connaissances, ça nous intéresse."
Les connaissances, pas seulement un apprentissage et une formation liés
à l'exécution d'une tâche et rivés à cette
tâche.
Ce sont les questions qu'on pose. On pense que le débat
mérite d'être continué à ce sujet-là. Je n'ai
pas l'intention de répondre en ce qui concerne l'analyse de la pratique
politique du gouvernement; il y a plusieurs ouvrages récents qui ont
été publiés là-dessus et qui donnent un
éclairage sur les différentes lectures qu'on peut faire sur cette
pratique politique. Je voudrais simplement souligner en passant qu'il est
très fréquent, à travers l'histoire, d'avoir des
contradictions au sein de fractions de la bourgeoisie. On pourrait
peut-être expliquer effectivement certaines des remarques que vous nous
faisiez sur les contestations dont est l'objet le gouvernement actuel. Mais il
pourrait peut-être y avoir d'autres explications aussi.
M. Laurin: Est-ce que vous faites partie de la bourgeoisie?
M. Guertin: Pardon?
M. Laurin: Est-ce que les permanents syndicaux font partie de la
bourgeoisie?
M. Guertin: Je vous laisse ce soin, on n'a pas à aller
jusque-là, mais je pense que la petite bourgeoisie, ce serait plus
précis; ça rejoindrait les théories de Grand'Maison qu'on
ne partage pas beaucoup, mais...
M. Alfred: ...
Mme Sicotte: Je pense qu'à la suite des propos qui ont
été soulevés dans les dernières interventions par
M. Laurin et que reprenait mon collègue Pierre-Louis tantôt, ces
propos font la démonstration, il me semble, ajoutés à
d'autres antérieurement, mais pour prendre ceux qui en ont fait
plusieurs et en ont fait une synthèse ou ont tenté d'en parler
plus largement, ces propos font la démonstration que l'intervention de
la CEQ à la commission parlementaire, c'est une intervention que nous
avons tenu à faire parce que nous avons pensé qu'il était
important de demander au gouvernement de ne pas précipiter la
législation en matière de réforme au niveau
collégial.
Nous avons pensé que la loi 24 et la loi 25 étaient deux
morceaux d'une politique beaucoup plus globale. Le débat d'aujourd'hui,
cet échange nous a démontré effectivement que de ces
volets, on élargissait davantage et que les orientations mises dans les
lois 24 et 25, ou leur réalisation ne pouvaient être comprises
qu'à la lumière d'analyses et d'explications qu'il faudrait nous
donner beau-
coup plus largement. Je voudrais faire remarquer à la commission
que sur beaucoup d'aspects qu'on a appelés préambule ou
conclusion à nos commentaires très directs sur les lois 24 et 25,
desquels nous n'avons pas cherché à nous défiler, mais au
moins à identifier des morceaux importants et "questionnables".
Nous avons indiqué un certain nombre d'interrogations, de
questions beaucoup plus larges et nous n'avons pas prétendu, par le
préambule et par la conclusion, avoir tout dit concernant l'enseignement
collégial, la formation fondamentale et l'enseignement professionnel,
bien au contraire. Je pense qu'à cet égard, il est important, je
tiens à le redire, que vous receviez avec attention et que vous ne
voyiez pas dans nos commentaires et notre intervention, un désir de
"bulldozer" ou un désir de piétiner en geste de colère
d'enfant ou d'adolescent les projets de loi qui sont actuellement mis de
l'avant.
Je voudrais ajouter que dans le cadre du livre blanc, globalement, plus
large que les deux projets de loi, si nous étions en commission
parlementaire sur le sujet, nous aurions des aspects positifs à
souligner concernant le livre blanc, l'aspect positif que vous avez
déjà mentionné. Compte tenu du sujet de la commission
parlementaire, nous y sommes allés surtout d'objets d'interrogation et
d'inquiétude.
M. Rivest: M. le Président, d'ailleurs dans votre
mémoire, je pense que c'est inexact de la part du ministre
d'État, il y avait des éléments positifs, ce que cela a
permis au niveau de certaines communautés, au niveau de la participation
des groupes populaires, l'institution des collèges... À la fin de
votre mémoire, il y a un paragraphe sur les aspects positifs que vous
aviez apportés.
Je veux simplement faire, en terminant, une réflexion. Votre
présentation et peut-être les présentations
ultérieures ont amené le ministre à céder à
une tentation qui est peut-être une tentation normale, qui s'explique
à tout le moins lorsqu'une personne occupe les fonctions que le ministre
remplit, de céder à la confrontation. Je pense que sa
déclaration assez émotive, sa première réaction
à votre mémoire... néanmoins, le ministre d'État au
développement culturel, à mon avis, a situé le
débat dans la perspective que vous aviez vous-même appelée
en parlant du débat général qui devrait être
engagé autour du livre blanc et des projets de loi qui traduisent ces
programmes.
Je parle en ce moment pour ma collègue de L'Acadie et
moi-même, il est sûr qu'au niveau de la commission parlementaire,
sur le plan pratique, si le gouvernement s'obstine, malgré tous les
intervenants, à aller de l'avant, il est certain que nous aurons, dans
le cadre parlementaire, à faire valoir cette exigence première
qu'un gouvernement devrait, à mon avis, respecter, soit que tous les
intervenants, contrairement à l'affirmation du ministre, ont dit qu'il
n'y avait pas urgence à adopter, à ce moment-ci, ces deux projets
de loi. En effet, tout le monde a demandé de les reporter à
l'automne. Dans ce sens, sur le plan des travaux parlementaires, dans les jours
ou dans les heures qui viennent, nous avons très simplement l'intention
de le faire valoir, avec le résultat souvent très
aléatoire que peuvent avoir les débats parlementaires en fin de
session. (23 heures)
M. Proulx (Yves): Je voudrais ajouter un commentaire aussi, j'ai
souligné tout à l'heure que je n'étais pas du tout certain
qu'on était au coeur du débat quand on discutait des
catégories de classes sociales. Je dois dire que cela me
déçoit un peu qu'on ait été constamment
ramené à ce terrain-là et je voudrais souligner que toutes
les théories politiques parlent des classes sociales et parlent du
pouvoir. Je trouve cela un terrain d'évitement trop facile de nous
renvoyer cette étiquette et je ne voudrais surtout pas et ce
seront mes dernières paroles qu'on ait été
fermé à l'essentiel de notre message, à savoir que le
débat ne suivait pas des procédures normales et que les
méthodes d'évaluation qu'on voulait mettre en place risquaient de
créer la sclérose de l'enseignement collégial,
plutôt que la qualité de l'enseignement. Je pense qu'on nous a
fait dévier de l'essentiel de notre message.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie les
représentants de la CEQ et de la Fédération des
enseignants des cégeps du Québec de la présentation de
leur mémoire.
Je voudrais vous informer de deux choses. Premièrement, il y a le
mémoire des directeurs généraux des cégeps. Les
directeurs généraux ont décidé de ne pas venir
témoigner, mais je crois qu'ils souhaiteraient que le contenu de leur
mémoire, qui est très bref d'ailleurs, soit versé au
journal des Débats. Je pense qu'il y aura consentement que les
responsables du journal versent le contenu du mémoire des directeurs
généraux au journal des Débats. (Voir annexe)
Je dois également vous informer que le Conseil supérieur
de l'éducation m'a fait parvenir une lettre indiquant qu'il avait
changé d'idée et n'acceptait pas de venir présenter son
mémoire devant la commission. Si les membres le désirent, je peux
lire la lettre.
M. Rivest: Est-ce que le mémoire peut être
distribué.
Le Président (M. Marcoux): II a été
distribué à tous.
M. Rivest: Est-ce qu'il va être mis en annexe du journal
des Débats?
M. Morin (Sauvé): La règle, M. le Président,
surtout s'il s'agit d'un mémoire très substantiel, c'est d'abord
de s'enquérir du coût que cela peut représenter. S'il
s'agit d'un mémoire de deux pages, c'est une chose...
Le Président (M. Marcoux): On pourrait peut-être
verser seulement le contenu du mémoire sur le Conseil des
collèges et le rapport... Non?
M. Rivest: Non, je n'insiste pas.
Le Président (M. Marcoux): Le rapporteur des travaux de
cette commission, le député de Mata-pédia, fera rapport
à l'Assemblée nationale que la commission a
complété son mandat, complété l'audition des
mémoires et la commission ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 23 h 3
ANNEXE Association des directeurs
généraux des collèges
Montréal 1979, mai 31
Monsieur Jacques-Yvan Morin
Ministre de l'éducation
Cabinet du Ministère de l'éducation
Edifice "G", 15ième étage
Cité parlementaire
Québec G1R5A5
Objet: Mémoire soumis à l'attention de la commission
parlementaire sur le projet de loi numéro 25, "Loi modifiant la Loi des
Collèges d'enseignement général et professionnel."
Monsieur le Ministre,
A la lecture du projet de loi numéro 25, l'Association des
directeurs généraux trouve satisfaisantes les dispositions
concernant le statut du directeur général, les fonctions du
président, le mode de nomination du renouvellement de mandat, ainsi que
la durée dudit mandat.
Toutefois, l'article 20 dudit projet de loi exige que le conseil
d'administration du collège consulte la commission pédagogique
avant la nomination et le renouvellement de mandat du directeur
général et du directeur des services pédagogiques.
Or, l'article 18 à son alinéa "J" du même projet de
loi prévoit qu'un règlement soit adopté par le Lieutenant
Gouverneur en conseil concernant la procédure de nomination, de
renouvellement du mandat et de destitution du directeur général
et du directeur des services pédagogiques.
Il nous semble plus plausible, que toute la procédure, y compris
les consultations nécessaires dont celle de la commission
pédagogique où de l'organisme qui en tiendrait lieu, soit
prescrite par le règlement prévu à l'article 18 "J".
Faire de la consultation de la commission pédagogique, une
obligation découlant de la loi conditionnerait nécessairement
l'esprit même du règlement prévu et ajouterait un
caractère privilégié à une telle consultation par
rapport à ce que le règlement serait susceptible de
prescrire.
Nous soumettons donc respectueusement, que l'article 20 du projet de loi
renvoie à l'article 18 "J" pour toute la procédure et qu'en
conséquence, la consultation de la commission pédagogique ne soit
pas exigée directement par la loi.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos
salutations distingués.
L'Association des directeurs généraux des
collèges
Mou mi r Rafla Président