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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Tuesday, June 5, 1979 - Vol. 21 N° 114

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition concernant le projet de loi no 24 - Loi sur le Conseil des collèges et le projet de loi no 25 - Loi modifiant la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel


Journal des débats

 

Projets de loi nos 24 et 25

(Onze heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant les projets de loi 24 et 25; loi 24, Loi sur le Conseil des collèges, loi 25, Loi modifiant la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel.

Aujourd'hui, nous continuerons d'entendre, d'abord, le mémoire présenté par la fédération des collèges que nous avions commencé à entendre hier. Ensuite, nous entendrons les mémoires suivants: L'Association des collèges du Québec, l'Association nationale des étudiants du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des enseignants des cégeps ainsi que le Conseil supérieur de l'éducation.

J'inviterais immédiatement la fédération des cégeps à s'approcher pour que nous terminions le dialogue avec les députés.

Veuillez m'excuser, j'ai oublié d'indiquer quels étaient les membres. Les membres de la commission sont M. Alfred (Papineau), M. Goldbloom (D'Arcy McGee) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), M. Jolivet (Laviolette) remplacé par M. Fallu (Terrebonne), M. Lacoste (Sainte-Anne), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Marquis (Matapédia), M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont) remplacé par M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. Desbiens (Dubuc) remplacé par M. Laurin (Bourget), M. Gosselin (Sherbrooke)...

Mme Lavoie-Roux: Du renfort...

M. Rivest: Du renfort pour le ministre.

Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse), M. Picotte (Maskinongé)...

Mme Lavoie-Roux: Un instant... remplacé par... (11 h 45)

Le Président (M. Marcoux): C'est assez rare qu'il y a des interruptions lorsqu'on fait...

M. Rivest: Je n'ai pas l'habitude.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Jean-Talon est un jeune député.

Mme Lavoie-Roux: II n'est pas encore aussi discipliné que vous, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Cela viendra, je lui fais confiance.

Mme Lavoie-Roux: M. Picotte (Maskinongé) est remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).

Le Président (M. Marcoux): M. Picotte (Maskinongé) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Samson...

M. Grenier: M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Grenier (Mégantic-Compton).

Le Président (M. Marcoux): M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Grenier (Mégantic-Compton); M. Samson (Rouyn-Noranda), je ne sais pas s'il a un remplaçant, je ne pense pas. M. Springate (Westmount)...

Mme Lavoie-Roux: Remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee).

Le Président (M. Marcoux): M. Springate (Westmount) remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee).

Mme le député de L'Acadie va compléter ses questions à la Fédération des cégeps, ensuite, ce sera le député de Terrebonne et M. le ministre. Mme le député de L'Acadie.

Fédération des cégeps (suite)

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais demander à la Fédération des collèges de nous expliciter un peu quelle est sa position quant au rôle que devrait... — Si elle pense qu'il devrait continuer de jouer un rôle — quant au rôle que devrait jouer le Conseil supérieur de l'éducation avec la création d'un conseil des collèges?

M. Laberge (Jacques): M. le Président, avant de répondre à la question du député de L'Acadie, j'aimerais dire que le président de la fédération qui était parmi nous hier, de même que le vice-président, ont dû rejoindre leur collège à cause des fonctions qu'ils avaient déjà planifiées dans l'exécution de leur travail.

Quand on considère la formation du conseil des collèges et qu'on désire voir comment pourrait se faire l'articulation avec un conseil supérieur, je pense que le conseil supérieur a déjà énoncé un certain nombre de points de vue là-dessus en parlant de son rôle sur le plan de la politique globale de l'éducation concernant tous les niveaux scolaires. Quant à nous, ce que nous désirons particulièrement voir accorder comme mandat au Conseil supérieur de l'éducation, se situe véritablement au niveau de la coordination interniveaux qui devra exister aussi bien entre le primaire-secondaire que le collégial, que du côté du collégial et de l'université. Par conséquent, je pense qu'hier, dans le mémoire de la commission des universités, on a parlé de cette nécessité d'avoir des liens de coordination plus serrés et c'est à ce niveau-là que nous les voyons.

Mme Lavoie-Roux: Alors, selon vous, le Conseil supérieur de l'éducation devrait continuer d'exister, parce qu'il y a quand même un article, dans le projet de loi, où on parle de consultation du Conseil des collèges avec le Conseil des universités et le Conseil supérieur de l'éducation semblant les considérer comme deux entités tout à fait semblables, et on peut se demander s'il n'est pas dans l'intention du gouvernement, peut-être, à plus ou moins long terme, de ne pas retenir le Conseil supérieur de l'éducation. D'ailleurs, le ministre n'a jamais donné de réponse très claire là-dessus, sauf pour nous dire qu'il y a des consultations qui se continuent, mais comme vous êtes des gens touchés par tous les organismes de consultation existant dans le système d'éducation, je pense que c'est important. J'ai simplement un regret, c'est de ne pas l'avoir demandé aux autres groupes qui vous ont précédé, mais je voudrais savoir de vous si, à votre point de vue, il a une place, et s'il doit continuer d'exister, même s'il y avait la création du conseil de collèges. Je crois comprendre que oui.

M. Laberge (Jacques): Exactement. Si vous considérez notre mémoire, nous avons attiré l'attention sur le fait que le Conseil des collèges devrait être un instrument qui nous permettrait d'assurer la spécificité du niveau collégial. Par conséquent, il doit se préoccuper uniquement de l'orientation et du développement des collèges. Si c'est comme cela, il faut absolument qu'on retrouve à un autre niveau une instance qui permette de faire les coordinations interniveaux, parce qu'elles sont évidemment fort importantes dans le développement.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question, M. le Président, touche les droits des étudiants. Comme je le signalais hier soir, on en parle dans le livre blanc sur les cégeps ou sur les collèges. Or, sauf si on fait référence au terme "règlements" touchant différents aspects de la vie des collèges, on ne le retrouve pas d'une façon très articulée dans le projet de loi actuel. Ma question précise est celle-ci: Pouvez-vous me dire combien, à votre connaissance, il y a des collèges qui, actuellement, ont des règlements ou des projets de règlements touchant la vie et les droits des étudiants? Deuxièmement... Je vais vous laisser répondre à la première question.

M. Laberge (Jacques): Je n'aurais pas d'indication précise par rapport à des règlements qui seraient en vigueur dans les collèges au sujet du régime étudiant. On sait qu'il y a eu un certain nombre de problèmes dans des collèges qui ont voulu en mettre en place, en particulier au collège Maisonneuve. Je n'ai pas de liste précise là-dessus et je préfère m'abstenir de répondre à la question. Cependant, il me semble que cette question pourrait être posée au ministre qui doit approuver les règlements. Il devrait savoir combien de collèges en ont effectivement.

Mme Lavoie-Roux: Je comprends que vous n'avez peut-être pas consulté beaucoup de gens et c'est peut-être une opinion personnelle; je la prendrai davantage comme étant une opinion personnelle. Est-ce que vous préféreriez que chaque collège élabore ses règlements touchant la vie des étudiants ou si, au point de départ, il devrait y avoir ce que certains ont appelé une charte des droits des étudiants? À ce moment-là, il n'y aurait pas uniquement des étudiants du collégial qui seraient touchés, mais des étudiants de niveau universitaire et on pourrait même parler du secondaire. Quelle est votre approche?

M. Laberge (Jacques): Je pense bien qu'on ne peut pas être contre une charte des droits des étudiants qui déborderait, à ce moment-là, le niveau collégial proprement dit. Si on considère les collèges comme étant des corporations autonomes qui ont le pouvoir de faire des règlements, si ces conseils d'administration sont des conseils qui sont crédibles, c'est-à-dire qui ont une autorité morale et acceptée par le milieu, il me semble que cela revient au collège de faire sa propre réglementation par rapport à la vie étudiante, par rapport au régime de vie étudiante. Je pense que les collèges seront capables de répondre à cette fonction, non seulement d'y répondre, mais d'appliquer ces règlements avec bon sens pour le développement du réseau.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: Merci, M. le Président. Je remercierai d'abord nos intervenants d'avoir accepté de passer une nuit supplémentaire à Québec pour faire face à la commission. Hier, le député de L'Acadie nous disait que votre mémoire lui serait d'une grande utilité. Je ne doute pas, d'ailleurs, qu'en deuxième lecture, sinon le fonds, du moins la tonalité, qui est un peu celle d'un manifeste puisse lui servir. Je dirais même que vous lui suggérez une motion de report en deuxième lecture. On verra toujours.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qu'il me fait dire?

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon, sur une question de règlement.

M. Rivest: Je pense que le député n'a pas le droit d'imputer des motifs au député de L'Acadie. Qu'il se contente donc de poser des questions.

M. Fallu: Est-il possible de faire encore quelques blagues en cette enceinte?

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président.

M. Rivest: Ah! C'était une blague!

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai qu'il était minuit quand nous nous sommes quittés et que j'avais le dernier quart d'heure, mais je ne me souviens pas d'avoir posé une question au président de la fédération dans le sens de l'inciter à vouloir reporter le débat. Est-ce que j'ai posé une question dans ce sens?

M. Fallu: Non. Je m'excuse, madame. Vous m'avez mal compris ou vous ne m'avez pas entendu.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je dois dire que je vous ai mal écouté.

M. Fallu: Voilà. Alors, est-il nécessaire de répéter?

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'aimerais bien.

M. Fallu: Je veux bien. On va bien s'amuser, à ce compte-là.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Fallu: Je disais simplement, M. le Président, qu'hier soir Mme le député de L'Acadie nous disait, et je cite textuellement: C'est un mémoire qui sera de grande utilité.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Fallu: Alors, je conclus, pour ma part...

Mme Lavoie-Roux: Ah!

M. Fallu:... — sous-titre: entre nous — que ce pourrait être notamment de grande utilité dans son discours de deuxième lecture, que notamment dans le ton du mémoire qui est un peu un manifeste, Mme le député pourrait sans doute trouver quelques perles, quelques bonnes intonations, que même, à la limite, elle pourrait trouver prétexte d'une motion de report en deuxième lecture.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je remercie le député de Terrebonne de ses excellentes suggestions, je verrai quel usage j'en ferai.

M. Fallu: Voilà.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: II y a trois points, si vous permettez...

M. Rivest: II y a l'éditorial du Devoir aussi, si le député veut continuer de s'inspirer.

M. Fallu: À la page 5 de votre rapport, il est question, à l'article 1.8, du rapport annuel prévu du Conseil des collèges. J'aimerais comprendre davantage le sens de cette remarque que vous faites. Est-ce que la remarque est à l'effet que vous trouvez que c'est trop demander à un éventuel conseil des collèges de remettre un rapport qui lui-même serait déposé à l'Assemblée nationale? Est-ce que votre réflexion va dans ce sens?

M. Laberge (Jacques): À quel point? M. Fallu: À la page 5 de votre mémoire.

M. Laberge (Jacques): Le résumé ou le mémoire même?

M. Fallu: Le résumé, pardon.

M. Laberge (Jacques): La remarque s'inscrit dans l'article 25 qui prévoit que le rapport annuel du conseil doit lui-même contenir tous les renseignements que le ministre peut prescrire. Quant à nous, il nous apparaît que c'est une démarche qui est très large et qui peut être une façon de ramasser, étant donné justement le lien étroit qui existe entre le conseil et les institutions elles-mêmes, une quantité de données considérables qui ne sont pas nécessairement pertinentes à la question qui pourrait être traitée.

M. Fallu: Vous trouvez que c'est une surcharge qui pourrait être demandée éventuellement au Conseil des collèges.

M. Laberge (Jacques): Pardon?

M. Fallu: Ce serait une surcharge, en somme, ou une charge trop lourde pour les épaules du Conseil des collèges.

M. Laberge (Jacques): Non, ce n'est pas ce que nous disons.

M. Fallu: Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Laberge (Jacques): Ce n'est pas dans ce sens-là.

M. Fallu: D'accord. À propos des pouvoirs réglementaires, dans le résumé de votre mémoire, à la page 7, il est question des pouvoirs réglementaires des collèges. Est-ce que ce que vous demandez au ministre, au gouvernement serait bien d'accorder aux collèges les pouvoirs résiduels, disons, c'est-à-dire tous pouvoirs autres que ceux exercés par l'acte gouvernemental qui sont déjà prévus d'ailleurs dans un certain nombre d'articles, dans l'article 18 notamment? Est-ce qu'il s'agit bien de cela? Un peu sur le modèle des pouvoirs réglementaires des universités?

M. Laberge (Jacques): C'est exactement notre point de vue. En fait, quand on considère

l'instauration des cégeps, il faut rappeler l'intention que le législateur avait, à ce moment-là, de confier à des corporations autonomes et capables de prendre leurs responsabilités et d'assurer le développement du réseau, donc de pouvoir se développer en passant la réglementation qui est nécessaire pour les collèges. Par conséquent, ce que nous voulons, c'est un réseau qui donne toute l'ouverture au milieu et qui, par conséquent, est capable de prendre ses responsabilités par rapport à la loi. (12 heures)

M. Fallu: Est-ce que, à la limite, étant donné que la loi prévoit toute une série de règlements qui encadrent la gestion du collège, donc qui enlèvent les pouvoirs discrétionnaires qu'on trouvait jusqu'à maintenant exercés trop souvent, malheureusement, par des fonctionnaires. Laissant aux collèges les pouvoirs résiduels de réglementation, cela aurait-il pour conséquence, j'allais dire de dégraisser la fonction publique, par exemple, la DIGEC? Serait-ce entre autres, une conséquence, dans votre pensée, en laissant dorénavant plus de pouvoirs réglementaires aux cégeps, de décentraliser l'administration?

M. Laberge (Jacques): Je ne sais pas s'il faut utiliser le terme "dégraisser" la fonction publique. Ce que nous voulons, c'est que la loi permette aux collèges de passer leurs propres règlements, évidemment assujettis à un encadrement que prévoit la loi. Nous ne sommes pas effectivement opposés à ce que le ministre ait un pouvoir de réglementation propre. En particulier, nous croyons que ce pouvoir de réglementation doit s'exercer à deux niveaux, celui des études et celui des finances. Nous disons même que, dans le passé, ce pouvoir n'a pas été exercé suffisamment par le ministre. Ne le faisant pas, étant donné que la loi 21 est une loi-cadre qui, justement, entendait confier des pouvoirs résiduaires aux administrations locales, les collèges se sont trouvés dans une situation difficile par rapport aux fonctionnaires eux-mêmes. Ils se sont également trouvés dans une position difficile par rapport à l'évolution du syndicalisme; les collèges, étant incapables d'avoir des règlements qui donnaient un encadrement administratif à leur conseil d'administration, étaient très vulnérables par rapport à toutes sortes de questions.

Dans ce sens, c'est clair que ce que nous désirons, c'est d'avoir une loi qui soit ouverte au milieu, qui permette au milieu de prendre en charge le développement des collèges avec un encadrement minimal du côté, en tout cas, de deux champs, et d'avoir le pouvoir propre de faire des règlements, de les faire sans qu'à tous les détours on soit obligé d'attendre l'approbation du ministre pour les appliquer.

M. Fallu: Est-ce que de tels règlements faits par les cégeps seraient soumis à l'approbation postérieure du ministre? Même pas?

M. Laberge (Jacques): Non.

M. Fallu: D'accord. Le troisième sujet que j'aimerais aborder rapidement, c'est la question du rapport annuel des conseils d'administration. On sait que ces rapports sont nés d'une certaine pratique des institutions; j'ai souvenance que c'est le collège de Saint-Laurent qui avait, le premier, fait établir un rapport annuel, et la pratique s'est répandue. Maintenant, on trouve dans la loi une sorte d'encadrement de ce rapport annuel. Est-ce qu'il vous semble nécessaire que la loi encadre, définisse, détermine ce que devraient être, dorénavant, les rapports annuels ou s'il faut plutôt laisser à la pratique le soin de planifier, de modeler, pour ainsi dire, ces rapports annuels?

M. Laberge (Jacques): Sur ce plan, dans la continuité des rôles respectifs du ministère de l'Éducation et, par conséquent, de l'État vis-à-vis des collèges et les responsabilités du conseil d'administration, nous sommes disposés à des exigences minimales sur le type de renseignements et le type de rapports que devront faire les conseils d'administration. Puisqu'il s'agit de rendre compte des activités d'un collège, de son fonctionnement, de l'atteinte de ses objectifs, on croit que les conseils d'administration ne devraient pas avoir d'objection à ce qu'il y ait un certain nombre de choses qui soient déterminées comme devant faire partie des rapports des conseils.

M. Fallu: Cette sorte d'acceptation tacite de l'exigence d'un rapport annuel n'est-elle pas en contradiction avec ce que votre président nous suggérait hier, à savoir que l'évaluation institutionnelle, l'évaluation de toute nature devrait plutôt être laissée aux institutions alors qu'on favoriserait plutôt, soit par un personnel d'appoint, soit des ressources financières, l'expression libre, la prise en main de l'évaluation? Dans ce sens, je dirais que peut-être on pourrait concevoir que le rapport annuel pourrait lui aussi faire partie de ces batteries que les collèges eux-mêmes mettraient en place pour s'évaluer.

M. Laberge (Jacques): Sur ce plan, les conseils d'administration, comme je le disais, doivent accepter qu'ils rendent compte à quelqu'un de leurs activités, et comme collèges. Par conséquent, si c'est un rapport d'une institution dirigé vers l'État, sur ce plan, nous sommes d'accord pour le faire. Quand on parle de l'évaluation à l'intérieur de l'institution, il faut aussi admettre à ce moment que c'est l'institution qui a la responsabilité d'établir sa propre évaluation sur tous les plans, que ce soit sur le plan de l'évaluation de l'apprentissage, de l'évaluation du personnel, de l'évaluation de l'atteinte des politiques et des buts institutionnels que des institutions peuvent se donner. Par conséquent, il y a un rôle défini que la corporation doit jouer de ce côté. Ce que nous disons, c'est que pour accomplir ce rôle, on sent que les collèges sont mal équipés. On sait tous très bien que l'évaluation est un problème difficile qui suscite toujours beaucoup de réactions négatives dans un milieu, quel qu'il soit.

Par conséquent, l'équipement sur lequel les collèges peuvent compter pour procéder à ces évaluations est insuffisant. Nous ne nions pas le besoin d'avoir des lieux où il y aurait nécessité de mettre au point des instruments d'évaluation à la disposition des collèges. Nous verrions très bien qu'une espèce de centre de recherche en évaluation pourrait être créé au Québec. Pas uniquement à l'intention des collèges, mais également à l'intention de tous ceux qui, dans le milieu de l'éducation, sont appelés à faire des évaluations, à fournir des instruments et à répondre aux problèmes que nous vivons. Ce centre donnerait une instrumentation qui permettrait justement au conseil d'administration de chacun des collèges de jouer son rôle d'évaluateur, d'évaluation.

M. Fallu: Je vous remercie de ces éclairages. Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de m'entretenir déjà avec les représentants de la fédération hier, j'aurais seulement deux courtes questions à poser au directeur général. Vous savez que le projet de loi prévoit l'existence d'un contrôleur des finances qui serait habilité, dans les cas où il y aurait enquête, à administrer ou à surveiller l'administration d'un collège. Ce qui est une mesure, évidemment, moins draconienne que la nomination d'un tuteur qui doit naturellement se substituer entièrement au conseil d'administration, tant pour ce qui est des questions administratives que pour celles qui intéressent la pédagogie. J'ai observé dans votre mémoire que vous ne faites pas de remarques particulières sur ce projet de créer un contrôleur des finances. Est-ce que la fédération a une attitude là-dessus? J'aimerais bien la connaître.

M. Laberge (Jacques): M. le Président, dans le projet de loi no 25, il y a deux endroits où on parle des pouvoirs du lieutenant-gouverneur en conseil et du ministre relativement à des problèmes qui peuvent surgir dans l'administration des collèges. Nous pensons que justement ces deux articles auraient intérêt à être réunis en un seul, et c'est celui que nous vous avons proposé dans notre mémoire. Si on n'a pas réagi directement sur la question du contrôleur des finances, c'est que nous le voyons comme quelque chose qui pourrait venir toujours à la suite d'une enquête lorsqu'un problème est perçu ou jugé important dans l'administration d'un collège. À l'article 28a, on dit que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut charger une personne qu'il désigne de faire enquête sur quelque matière se rapportant à la pédagogie, à l'administration ou au fonctionnement d'un collège". Or, à l'article 28b, dans ce cas, on dit que "le ministre peut, lorsqu'il y a enquête, nommer un contrôleur chargé d'assurer la bonne utilisation des fonds publics dans tout collège qui n'exerce pas un contrôle budgétaire adéquat."

Il me semble que ce qui n'exerce pas un contrôle budgétaire adéquat n'est pas pertinent à la cause qui a nécessité une enquête. Nous sommes d'accord pour qu'un collège soit contrôlé s'il dépasse justement les budgets qui lui ont été accordés par le ministre. Si c'est réellement prouvé, ce n'est pas très long à démontrer, nous sommes entièrement d'accord sur des dispositions qui iraient jusqu'à la tutelle. Évidemment, si on juge à propos d'avoir un contrôleur dans une séquence comme celle-là, je ne pense pas que nous nous y opposerions, mais ce que nous voulons, c'est que dans tous les cas il y ait une enquête où le collège peut se faire entendre avant qu'on limite d'une façon ou de l'autre les pouvoirs de la corporation.

J'ajoute que, quand on parle de ce contrôleur, évidemment, cela a l'air moins lourd que la suspension des pouvoirs du conseil, mais, lorsque toute l'administration du collège est soumise à un contrôleur unique qui est parachuté dans l'institution, nous, nous trouvons que c'est une mesure très radicale et importante.

M. Morin (Sauvé): C'est une mesure draconienne, il faut en convenir, moins draconienne cependant que la tutelle, je pense. En d'autres termes, si je vous ai bien compris, M. le directeur général, vous pensez que cette mesure pourrait être utile, la nomination d'un contrôleur des finances qui éviterait d'aller jusqu'à la tutelle. Est-ce que je vous ai bien saisi?

M. Laberge (Jacques): Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas voulu dire, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je veux vous comprendre très clairement.

M. Laberge (Jacques): Ce que nous disons, c'est qu'avant toute mesure qui doit suspendre les pouvoirs de la corporation il doit d'abord y avoir enquête où le collège est entendu.

M. Morin (Sauvé): C'est une autre question. Je connais votre point de vue là-dessus. Dans votre mémoire, vous disiez qu'à la suite de cette enquête on devait passer directement à la nomination d'un administrateur. Donc, c'est la tutelle. Je vous demande si la mesure intermédiaire qui consiste à nommer un contrôleur des finances vous paraît souhaitable ou pas. J'ai cru comprendre de votre réponse que vous n'étiez pas opposé à cette mesure. Est-ce que j'ai bien compris ou est-ce que vous pensez qu'on doit aller directement à la tutelle, après enquête?

M. Laberge (Jacques): Si la nomination du contrôleur se fait après qu'il y a eu enquête, tel que nous le demandons, bien sûr, nous accepterions que ce soit un contrôleur au lieu de mettre tout le conseil en tutelle.

M. Morin (Sauvé): C'est cela que je voulais savoir.

Une dernière question; après quoi, nous pourrons sans doute passer à un autre groupe, M. le

Président, à moins que les collègues n'aient des questions à poser.

Hier, dans votre présentation, vous avez souhaité que la loi détermine la composition, le mandat de la commission pédagogique. À l'heure actuelle, comme vous le savez, c'est le conseil d'administration de chaque collège qui procède à cela. Ce que vous nous suggérez, c'est une mesure de centralisation, en somme, si je vous ai bien compris?

M. Laberge (Jacques): Non, je ne pourrais pas qualifier cela d'une mesure de centralisation. C'est que, par rapport à la commission pédagogique, vous savez comme moi que ces instances, qui sont justement des instances où la participation des gens du collège peut s'effectuer, ont été des lieux qui ont été difficiles à mettre en place à cause justement de situations conflictuelles à l'intérieur même de cette commission consultative auprès du conseil. On sait qu'elle a fait l'objet de clauses de convention collective. Justement, notre souci sur ce point, c'est de préférer que la loi détermine les fonctions et la composition de la commission pédagogique plutôt qu'elle soit laissée à débattre dans les conventions collectives.

M. Morin (Sauvé): Cela n'est pas de la centralisation. Comment appelez-vous cela? De la décentralisation peut-être?

M. Laberge (Jacques): C'est un moyen de mettre au-dessus de conflits des rôles et des fonctions qui sont difficiles à exercer, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais, quand on met dans la loi ou dans des règlements, des choses qui, normalement, se décident au plan local, cela s'appelle de la centralisation, M. Laberge. Remarquez que, d'un certain point de vue, je devrais me réjouir que vous teniez ce langage parce que les gens dans la population nous demandent d'avoir des attitudes comme cela. Mais vous avez de drôles d'attitudes. De temps à autre, vous dénoncez la centralisation, et de l'autre main, vous venez nous donner des occasions de centraliser. C'est pour le moins un peu illogique comme démarche. M. le Président, pour ma part,

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, vous m'excuserez d'abord d'être arrivé à brûle-pourpoint ce matin, je ne veux pas faire reprendre une discussion qui a eu lieu ici tard dans la soirée. Le député de Gaspé devait être en Chambre ce matin, pour parler sur la loi 31, et j'ai dû le remplacer.

J'aimerais savoir du directeur général... Entre le projet de loi qui est prévu et votre mémoire sur les responsabilités ou la mission, à la page 14, que vous nous donnez, est-ce qu'il y a eu des parallèles d'établis, par exemple, où il pourrait y avoir ces ressemblances entre différents articles? Est-ce qu'il y a des différences assez marquées entre les responsabilités que vous voulez donner au conseil et ceux que le ministre a l'intention de donner par l'article 14? Vous voyez, par exemple le b) de l'article 14: "Les projets de création de nouveaux collèges" qui seraient assumés selon la loi par le nouveau conseil, alors que vous avez: "Conseiller le ministre dans le développement du réseau collégial. Vous arrivez ensuite à d) de l'article 14: "le plan de répartition par collège des programmes d'enseignement collégial". Et vous avez ici, dans votre recommandation: Donner des avis sur les besoins de l'enseignement collégial et recommander les mesures à prendre pour y répondre.

Je pense bien que, dans d'autres termes, vous avez quand même là des rapprochements assez sensibles de ce que propose le ministre. Est-ce que ce sont les grandes différences entre vos propositions et celles du ministre? Rapidement, bien sûr, parce que cela a dû être dit avant, en d'autres termes.

Mme Chené (Louise): En termes de fonction, effectivement, ce qu'on recommande que soient les fonctions du conseil des collèges, c'est très semblable à ce que se propose le ministre, en termes de consultation privilégiée. L'article auquel vous faites allusion dit que le ministre devra consulter le conseil là-dessus. L'ensemble des éléments qui sont là-dedans nous agrée. La principale différence dans nos recommandations concernant les fonctions, c'est que nous considérons que le conseil des collèges doit être consultatif aussi quand il traite des questions d'évaluation. Alors que dans la proposition gouvernementale, l'exercice de cette consultation, en termes d'évaluation avec des fonctions afférentes, en termes de service, par exemple, et en termes de consultation auprès des collèges, cet exercice, donc, est confié à une commission du conseil dont on a eu l'occasion de discuter hier. Dans l'ensemble des fonctions du conseil, la principale différence consiste, pour nous, à recommander que le Conseil des collèges soit consultatif aussi sur la question d'élaboration des politiques d'évaluation.

M. Grenier: Si j'avais à faire un discours en troisième lecture ou en deuxième, ici en Chambre et que je voulais défendre votre position, sur quoi devrais-je me baser? Qu'est-ce qui vous fait le plus mal dans la proposition gouvernementale?

Mme Chené: Vous voulez dire dans ce qui constitue la différence?

M. Grenier: Oui.

Mme Chené: C'est la multiplicité...

M. Grenier: Quel est, d'après vous, le point le plus litigieux qui peut arriver, qui pourrait faire le plus mal et qui semble vous enlever de l'autorité, par exemple, que vous ne voudriez pas voir tomber des mains du gouvernement?

Mme Chené: Dans la loi 25? M. Grenier: Oui.

Mme Chené: Je pense que vous devriez insister sur la multiplicité des rôles et fonctions que l'on entend faire jouer à une commission du conseil, commission que l'on situe auprès du conseil, c'est-à-dire sans en préciser les liens exacts, dont les membres sont nommés directement par le ministre et qui, de ce fait, à cause de la multiplicité des rôles et des fonctions qu'on entend lui faire jouer, a un rôle qui dépasse même celui du conseil dans son ensemble.

M. Grenier: D'accord, et quand vous dites "nommés par le ministre", je vois, par exemple, que c'est après consultation. Ce serait quand même des gens du milieu.

Mme Lavoie-Roux: Vous savez ce que cela veut dire.

M. Grenier: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Vous savez ce que cela veut dire.

M. Grenier: Oui, mais ce sera quand même par des gens du milieu, j'imagine.

Mme Chené: Oui, c'était par référence à la loi du Conseil supérieur de l'éducation où lorsqu'on crée une commission, il y a des commissions du conseil supérieur. Les membres sont nommés par le conseil supérieur, dans la loi du conseil supérieur. On se demande pourquoi cette fois-ci c'est différent.

Le Président (M. Marcoux): D'accord. M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le directeur général, vous avez, je pense, d'une façon générale dans votre mémoire, reconnu la nécessité d'améliorer la performance pédagogique et administrative de l'ensemble des collèges. Je pense que là-dessus, autant de ce côté-ci de la table que de votre côté, c'est clairement établi. Également, vous avez, je pense — un peu dans le sens que madame vient de l'exprimer — endossé la création et la constitution d'un conseil des collèges dans — bien sûr dans votre point de vue — sa forme consultative auprès du ministre pour justement être le lieu d'évaluation de l'ensemble des problèmes qui se situent au niveau du réseau, tel que vous l'avez signalé dans votre mémoire.

Une chose aussi qui me plaît, c'est que, à gauche ou à droite, on peut tirer argument autour des problèmes de centralisation ou de décentralisation. Vous avez, dans votre mémoire, reconnu que sur certains types de problème, et en réponse au ministre tantôt, il y a certains éléments de centralisation qu'il faut bien avoir en tête pour assurer l'efficacité des correctifs qu'on veut apporter. Par ailleurs, vous avez — et l'ensemble de votre mémoire plaide plutôt dans ce sens — signalé l'intrusion ou les facteurs de centralisation qui vous paraissent inutiles ou, enfin, qui semblent à votre point de vue imposer des contraintes beaucoup trop rigoureuses en regard de la nature même des collèges.

Cela m'amène à la première question que je voudrais vous poser. Dans le résumé de votre mémoire, au sujet du projet de loi no 24, à l'article 1.6, vous parlez des commissions — madame vient d'y faire référence — qui seront créées sur l'enseignement professionnel, la commission d'évaluation. Je veux attirer votre attention et avoir une explication sur les autres commissions. Dans la même ligne de pensée, le risque est grand que la constitution d'autres commissions prévue à l'article 23 serve à refiler tous les problèmes embarrassants. Quel est le type de problème qui vous paraîtrait dangereux ou, enfin, que vous n'aimeriez pas que le conseil accapare, sans doute au détriment des collèges via la création d'une commission au sens où la loi 24 le prévoit, c'est-à-dire avec l'autorisation du ministre de l'Éducation, etc.?

Mme Chené: En fait, c'est le vague de l'article qui nous inquiète, pas le fait que le conseil puisse se doter, avec l'approbation du ministre, d'autres commissions, cela avec un mandat spécifique et une composition précise. Le vague nous amène à penser, par exemple, qu'on pourrait soumettre au conseil la possibilité de créer des commissions pour étudier des problèmes de réseaux. Vous me permettrez de donner des exemples mais peut-être ne sont-ils pas aussi pertinents que vous le souhaiteriez: La question des ententes de services relatives aux cafétérias. On pourrait vouloir créer et multiplier de ce fait, sur des choses spécifiques, des lieux de consultation dans un cadre plus global et régler des problèmes qui peuvent se régler ailleurs. On crée le vague, d'une part, et le dédoublement avec d'autres possibilités de régler.

M. Rivest: Alors, dans ce sens, quant à moi, je pense que cela rejoint finalement l'interrogation fondamentale, si vous voulez, ou première que pose votre mémoire. Justement, c'est qu'il y a des prescriptions très précises, des dispositions très précises de la loi sur lesquelles vous avez exprimé clairement votre opinion. Comme pour les autres groypes et les autres mémoires qu'on reçoit et dont on a pris connaissance, il y a beaucoup de sphères dans ce projet de loi où on ne peut, à la lettre même du rapport, avoir une idée réelle des intentions véritables du gouvernement en regard de l'avenir des collèges et de la protection de leur autonomie, chose que vous défendez. Je pense que cet exemple — c'est pour cela que j'ai posé la question — est certainement un des aspects les plus critiquables d'une telle loi. C'est très bien illustré par l'article 23 que je viens de vous signaler et que vous avez vous-même relevé à l'intérieur de votre mémoire.

Deuxièmement, si vous voulez passer au point 1.7, "la complexité et le caractère délicat du problème d'évaluation et de la mise en oeuvre des politiques institutionnelles d'évaluation militent en faveur de laisser le temps nécessaire au conseil de s'en saisir." Qu'entendez-vous par "laisser le temps"? Que recherchez-vous en faisant cette proposition?

M. Laberge (Jacques): Ce que nous recherchons particulièrement, c'est que le projet de loi soit modifié de telle sorte qu'on ne pose pas de geste immédiat, tel que la création de la Commission d'évaluation avec les fonctions qu'on lui accorde dans le projet de loi, mais qu'on charge effectivement le Conseil des collèges, dans un premier mandat qui pourrait être prioritaire, par exemple, de faire une analyse de la situation vécue dans les collèges par rapport au problème de l'évaluation, et propose justement des politiques qui permettraient de résoudre ces problèmes, alors qu'ils auraient été, à notre avis, mieux identifiés et présentés d'une façon plus complète que ce que nous avons comme information par rapport à ce qui est prévu dans le projet.

M. Rivest: Au fond, cela revient un peu à la même chose. Encore là, quels sont les intentions et les objectifs réels poursuivis par le gouvernement? L'article 1.8, cela m'étonne un peu dans la mesure où, je pense, vous ne remettez pas en cause le principe du dépôt d'un rapport annuel par le conseil, rapport qui doit contenir un certain nombre de renseignements. Pourquoi semblez-vous, en tout cas, remettre en cause l'idée que le ministre pourrait exiger des banques de données? La constitution de banques de données exigées par le ministre ne nous semble pas être conforme au rôle que doit jouer cette instance, c'est-à-dire le conseil. S'il doit déposer un rapport, cela doit donner un certain nombre de renseignements et il faut quand même qu'on indique quel type de renseignements. Quel danger réel voyez-vous à cela?

Mme Chené: Encore un danger de formulation. Si vous me le permettez, je vais vous lire l'article de la loi. L'article dit: "Le conseil doit, au plus tard le 30 août de chaque année, faire au ministre de l'Éducation un rapport de ses activités pour son exercice financier précédent et sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial. Ce rapport doit aussi contenir tous les renseignements que le ministre peut prescrire." Si c'est un rapport sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial qui doit "aussi" contenir autre chose, on s'interroge sur ce que peut être autre chose. C'est tout.

M. Rivest: C'est ce que je voulais un peu vous faire dire. Encore là, c'est toujours la même inquiétude que vous exprimez. C'est l'espèce de perspective tous azimuts de dispositions qui, en elles-mêmes, ne sont pas mauvaises au départ, mais qui, dans la rédaction du projet de loi, laissent à peu près tous les intervenants et tous les intéressés dans le vague, qui permettent en tout cas certainement d'avoir des interrogations véritables, sérieuses sur les objectifs véritables de ce projet de loi. Je pense que dans votre mémoire et par ces quelques exemples, vous le soulignez d'une façon très claire. Je sais que le ministre a pu être un peu ému par certains expressions que vous avez employées dans votre mémoire. Néanmoins, je pense que quand on regarde sérieusement à la lettre chacun des arguments — on vient simplement d'en passer trois — effectivement, comme on le signale d'ailleurs non seulement dans le milieu des collèges, mais chez les observateurs, il y a une rédaction du projet de loi qui soulève des inquiétudes extrêmement sérieuses dans le contexte actuel. Là-dessus, je tiens à vous féliciter pour cette prise de position parce que c'est dans ce sens — et ce sera un peu notre rôle ultérieurement — d'essayer d'obtenir du ministre de préciser davantage ses orientations réelles.

Une ou deux questions, si vous voulez, sur la loi 25 avant de terminer. Il y a encore à 1.4 — je suppose que c'est la même préoccupation, "doivent soumettre chaque année l'ensemble des..." Oui. Pourquoi vous objectez-vous? "Il est également inadmissible qu'un collège doive soumettre chaque année l'ensemble des enseignements qu'il entend dispenser à ses étudiants lors de la prochaine année scolaire". "Soumettre chaque année"... (12 h 30)

M. Laberge (Jacques): Mais c'est le texte même qui nous tracasse. D'abord, les enseignements qu'un collège peut donner sont prévus par la loi et, d'autre part, le collège ne pourrait pas, sans l'autorisation du ministre, donner des enseignements nouveaux annuellement qui peuvent se situer dans toutes sortes de cadres qu'on juge complètement "inadministrables". D'autre part, ça rejoint toujours le degré d'autonomie que le collège a lui-même sur la façon de... sur les enseignements qu'il peut et doit donner. Quand nous réclamons, par exemple, que le ministre fasse un règlement à des études, évidemment, on va parler des programmes à l'intérieur de ça et cet encadrement nous apparaît suffisant, compte tenu de la mission qui est donnée aux collèges de fournir l'enseignement général et professionel aux étudiants de niveau collégial. Ça nous apparaît une mesure qui, administrativement, n'apporte rien et qui est susceptible de limiter étrangement les activités d'un collège.

M. Rivest: Très bien. Voulez-vous ajouter quelque chose.

Mme Chené: Oui, j'allais ajouter que c'était principalement dans le domaine de l'éducation des adultes, par exemple. Est-ce que cet article vise également les enseignements qui y sont dispensés et si oui, de quelle façon cela va-t-il nous limiter? Le fait de le soumettre chaque année, il n'y a quand même pas tant de nouveautés que ça dans le réseau collégial, chaque année.

M. Rivest: Je n'insiste pas, pour ne pas allonger inutilement, sur la composition même du conseil d'administration qui, avec les internes et les externes... Je pense que vous vous êtes suffisamment exprimés pour illustrer les problèmes que ça peut soulever. J'en arrive juste à la question des sociétés de services, comment s'appellent-elles, auxiliaires. Encore là, quelle est la préoccupation, ou enfin, les réserves ou les inquiétudes ou même les questions, la question que vous posez au sujet de cette disposition de la loi, l'article 20?

M. Laberge (Jacques): L'article 20 prévoit qu'il y aura une modification importante, complètement de droit nouveau, par rapport à la loi actuelle et qui permet la création de la société. Quand on se pose la question des intentions qui prévalent sur cette nouveauté — parce que c'est une nouveauté — on s'interroge sur le fait qu'actuellement dans la loi, il n'y a rien qui empêche les collèges de créer des corporations qui peuvent assurer des services auprès des collèges. Je mentionnerai, en particulier, la création du SRAM, qui est une corporation qui a été créée par des collèges et il nous apparaît que, dans les lois actuelles, il y a tout ce qu'il faut pour faire fonctionner des sociétés auxiliaires de services.

Cependant, ce qui nous inquiète, encore une fois, c'est quand vous regardez les articles un après l'autre, vous voyez qu'une fois qu'une telle société est créée, elle tombe sous la coupe et la juridiction complète... avec les mêmes modes de contrôle sur sa réglementation, sur l'approbation de ses budgets et d'autre part, enfin, si vous regardez l'article 29j, vous voyez que cette création d'une telle société devient fort difficile à dissoudre, puisque pour annuler sa charte il faut que ce soit fait à la requête de la société et sur la recommandation des collèges qui en font partie et du ministre.

Par conséquent, pour nous, c'est encore une fois, une question d'interrogation. Pourquoi un cadre si précis et si rigoureux pour créer des sociétés qui peuvent être actuellement créées en vertu des lois existantes. Cela nous apparaît quelque chose que nous ne comprenons pas.

M. Rivest: On pourra peut-être demander au ministre; j'espère qu'il relira un peu votre intervention pour qu'il puisse répondre à ça.

Tout en terminant, M. le ministre, est-ce que vous auriez sur la création des sociétés auxiliaires... Est-ce que vous avez entendu le commentaire, à savoir qu'ils se demandaient la raison pour laquelle vous aviez inclus cette disposition dans le projet de loi.

M. Morin (Sauvé): Non, et de toute façon, je pense que le temps est maintenant très avancé. Nous allons empêcher d'autres intervenants de se faire entendre à ce rythme. J'ai eu de la part de la fédération, tous les renseignements que je voulais. Je n'ai pas l'intention de faire de commentaires plus avant.

M. Rivest: Bon.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le ministre refuserait? On peut même congédier, si on veut, la fédération, mais cela reste très obscur pour nous. Quel est le but exact de la création de ces sociétés? Que poursuivez-vous? On voudrait simplement le savoir en deux mots parce que ce n'est pas clair pour nous non plus.

M. Morin (Jacques-Yvan): J'ai l'intention, au moment où nous étudierons le projet de loi article par article, en commission, de répondre à ce moment-là à toutes les questions que l'Opposition voudra bien me poser.

Mme Lavoie-Roux: C'est transparent.

M. Rivest: Une dernière question. Je prends votre mémoire à la page 24 au sujet des régimes pédagogiques. Encore là, vous formulez une interrogation sur les dangers que comporte la détermination, par le ministre, d'un plus grand nombre de crédits de concentration ou de spécialisation, etc. Quel type de dangers, d'une façon précise et concrète, avez-vous en tête?

M. Laberge (Jacques): D'une part, cela nous apparaît quelque chose qui va à l'encontre de l'objectif ou de la priorité qui était prévue dans le livre blanc, à savoir un renforcement sur le plan pédagogique de l'autorité locale. Cela empêche justement les collèges de mettre en place des programmes qui les habillent mieux, si on ferme complètement le choix possible par rapport à un ensemble de cours qui doivent faire partie d'un programme. Par conséquent, nous croyons qu'il y a lieu d'avoir une espèce d'équilibre justement entre une programmation qui tient compte des éléments réseau et de formation qui doivent être donnés à tous les étudiants mais qui, également, font place à des possibilités de souplesse quant à l'instauration d'un programme qui pourrait être voulu par un collège donné.

Mme Chené: J'allais vous dire simplement que la phrase ici ne rend pas compte de l'ensemble du dossier qu'on a fait sur cette question parce que, effectivement, les collèges reconnaissent la nécessité que de 16 à 24 crédits soient déterminés par le ministre. C'est une proportion qui est importante dans le cas des programmes professionnels. Ce que nous disons, c'est que notamment, la possibilité à certains moments d'introduire des cours dans un programme qui permettent de mieux s'ajuster à une réalité régionale, par exemple, ou à des besoins précis, milite en faveur du fait qu'on n'augmente pas au-delà de 16 à 24 crédits, dans le cas des programmes professionnels, le nombre de crédits déterminés par le ministre.

M. Rivest: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Non, j'ai terminé.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie la Fédération des cégeps d'être venue nous présenter son mémoire. J'inviterais maintenant l'Association des collèges du Québec à venir nous présenter son mémoire.

M. Laberge (Jacques): M. le Président, je remercie la commission de nous avoir entendus et nous espérons qu'il y aura de bonnes modifications au projet de loi.

Mme Chené: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): M. Larouche, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Association des collèges du Québec

M. Larouche: Très bien, M. le Président. Je suis moi-même président de l'Association des collèges du Québec; à ma droite, M. François Boissonneault, membre du conseil général de l'Association des collèges, M. Jean Meunier, M. Vianney Saint-Michel, membres du conseil général et M. Jean-Marie Saint-Germain, secrétaire général du conseil général de l'Association des collèges.

Notre mémoire porte uniquement sur le projet de loi no 24, Loi sur le conseil des collèges. L'Association des collèges du Québec regroupe 24 collèges privés qui dispensent à quelque 15 000 étudiants inscrits en enseignement général et professionnel des programmes officiels du ministère de l'Éducation couronnés par le diplôme d'études collégiales.

On trouve en annexe au présent mémoire, le texte de l'avis que, le 5 avril dernier, l'Association des collèges du Québec adressait au ministre de l'Éducation sur la création éventuelle du conseil des collèges en réaction au projet du gouvernement à l'endroit des cégeps. Dans cet avis nous notions: "Même si le projet gouvernemental à l'endroit des cégeps ne contient aucune référence explicite aux collèges privés du Québec, il serait étonnant que l'on puisse créer un conseil des collèges dont les travaux excluraient un secteur important de l'enseignement collégial".

On constate maintenant que le projet de loi no 24 ne contient pas de définition explicite des mots "collèges" et "enseignement collégial" utilisés dans ledit projet de loi, de sorte que nous nous demandons encore si la Loi sur le conseil des collèges s'appliquera uniquement aux collèges d'enseignement général et professionnel ou si elle concernera également les collèges privés de niveau collégial officiellement reconnus par le ministère de l'Éducation du Québec.

L'Association des collèges du Québec désire présenter à la commission parlementaire de l'éducation certaines prises de position relatives à la composition, aux fonctions et pouvoirs du conseil des collèges. De plus, l'association pose également quelques interrogations. Dans une première section, nous mentionnons deux amendements à la Loi de l'enseignement privé pour fins de concordance avec la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel. L'article 29 du projet de loi no 24 modifie le paragraphe h) de l'article 1 de la Loi de l'enseignement privé en ce qui concerne la définition de "programme officiel", pour fins de concordance avec l'article 18 de la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel remplacé par l'article 10 du projet de loi no 25. Nous ne voyons pas d'objection à ce que le lieutenant-gouverneur en conseil puisse adopter, pour l'enseignement privé, des règlements généraux concernant les programmes d'études ou programmes officiels, mais nous souhaitons qu'il puisse le faire sur recommandation du ministre, après consultation de la Commission consultative de l'enseignement privé.

L'article 32 du projet de loi no 24 modifie le paragraphe 3a de l'article 31 de la Loi de l'enseignement privé pour fins de concordance avec l'article 18 de la Loi des collèges d'enseignement général et professionnel remplacé par l'article 10 du projet de loi no 25, dans lequel il est indiqué que le lieutenant-gouverneur en conseil peut adopter des règlements généraux concernant l'admission des étudiants. Or, l'article 31a de la Loi de l'enseignement privé ne concerne que les institutions d'enseignement général. À la rigueur, une telle obligation pour les institutions d'enseignement professionnel relèverait plutôt de l'article 41 de la Loi de l'enseignement privé même si aucune précision n'y est indiquée à ce sujet.

Nous allons passer à la composition du conseil des collèges. Dans la composition du conseil des collèges, on devrait tenir compte des principes de base suivants: Premièrement, affirmer la spécificité du niveau collégial; deuxièmement, reconnaître la nécessité de la compétence plutôt que de la représentativité et, à cette fin, choisir des personnes dont l'expérience du niveau collégial est reconnue; troisièmement, assurer une certaine répartition géographique; quatrièmement, assurer la présence de personnes des milieux économique, culturel ou social qui sont en relation étroite avec ce niveau du système éducatif; finalement, entourer le choix des membres de toutes les garanties possibles d'objectivité, en évitant qu'ils soient placés dans des situations de conflit d'intérêt.

Relativement aux précisions indiquées dans l'article 2 du projet de loi no 24, nous formulons quelques remarques.

Premièrement, des personnes du milieu collégial pourraient être nommées après consultation des associations les plus représentatives du milieu collégial, mais non nécessairement des collèges eux-mêmes, puisque ceux-ci sont dans l'ensemble regroupés en association. (12 h 45)

Deuxièmement, les personnes nommées après consultation des associations les plus représentatives du monde des affaires, du travail et de la coopération doivent posséder une bonne connaissance de l'évolution et du caractère spécifique du niveau collégial.

Troisièmement, les personnes du milieu de l'enseignement universitaire et du milieu de l'enseignement secondaire ne doivent pas être les représentants de ces milieux afin de respecter la spécificité du niveau collégial. Peut-être qu'il y aura lieu de préciser ce dernier point. Ce qu'on veut dire, c'est que les représentants, les personnes de ces milieux, soit de l'enseignement universitaire ou secondaire, soient des personnes provenant des milieux, mais ne soient pas mandatées ou porte-parole de ces milieux et ne se croient pas liées de rendre des comptes, soit aux universités, soit aux institutions d'enseignement secondaire. Donc, ce sont des gens qui parlent en leur nom, qui apportent l'information au conseil.

Fonctions et pouvoirs du Conseil des collèges. Notre réaction à ce sujet est d'autant plus délicate que nous ignorons toujours quelles sont les intentions du gouvernement à l'endroit de l'enseignement privé et que nous ne savons pas si les fonctions et les pouvoirs du Conseil des collèges concerneront également les institutions collégiales privées. Malgré tout, nous osons formuler les commentaires suivants:

Premièrement, l'unique mission du Conseil des collèges est de conseiller le ministre et non les collèges. Toutefois, nous insistons pour que ce conseil, dans son rapport au ministre sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial, tienne compte du droit fondamental du citoyen de choisir le type d'éducation et d'établissement qui convient à ses aspirations.

Deuxièmement, aussi longtemps que nous ne serons pas fixés sur la position du gouvernement à l'endroit des collèges privés et de la commission consultative de l'enseignement privé, on ne voit guère pour le moment comment les matières visées dans l'article 14 pourront vraiment concerner les institutions collégiales privées.

Troisièmement, l'article 16 nous paraît difficile à administrer puisqu'on ignore qui du Conseil des collèges, du Conseil des universités, du Conseil supérieur de l'éducation prendra l'initiative de préparer et de soumettre au ministre de l'Éducation les rapports conjoints sur les questions d'intérêt commun concernant l'éducation. Nous croyons cependant que la coordination entre les différents niveaux d'enseignement devrait devenir la fonction importante du Conseil supérieur de l'éducation.

Quatrièmement, nous n'avons pas d'objection à ce que soit mise en place une commission d'évaluation, à la condition qu'elle soit uniquement chargée de procéder à l'examen des politiques institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ces politiques et d'adresser au seul conseil les avis que lui suggère un tel examen.

Nous nous opposons très fermement à ce que cette éventuelle commission d'évaluation adresse au collège en cause les avis que lui suggérerait un tel examen. Si le Conseil des collèges a pour mandat de conseiller le ministre de l'Éducation et non pas les collèges, on ne voit pas comment une commission de ce conseil aurait pour mandat de conseiller d'autres organismes que le seul Conseil des collèges.

Nous nous opposons également à ce que cette commission d'évaluation offre aux collèges un service d'évaluation de leur programme d'enseignement ou d'un aspect quelconque de leur pratique institutionnelle. Cette commission nous paraît être juge et partie lorsque, d'une part, elle doit procéder à l'examen des politiques institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ses politiques et qu'elle offre aux collèges, d'autre part, un service d'évaluation de leur programme d'enseignement ou d'un aspect quelconque de leur pratique institutionnelle. De plus, il est peu réaliste de croire que les collèges voudront requérir les services d'un organisme qui doit aussi les juger.

Compte tenu qu'il s'agit là d'un domaine extrêmement important qui nécessite le travail d'experts en la matière, nous croyons fermement que cette fonction de service devrait être avantageusement assumée par un centre de recherche en évaluation pour les niveaux d'enseignement élémentaire, secondaire et collégial.

Modification de l'article 14 de la Loi de l'enseignement privé par l'insertion d'un nouvel alinéa. L'insertion des alinéas proposés aux articles 30 et 31 du projet de loi no 24 modifiant les articles 14 et 17 de la Loi de l'enseignement privé constitue à notre avis un hors-d'oeuvre, car les modifications proposées nous semblent n'avoir aucun rapport avec le Conseil des collèges. Il ne s'agit nullement de mesures de concordance, mais de l'introduction pure et simple de modifications isolées, sorties de leur contexte d'ensemble. En conséquence, nous demandons instamment que les articles 30 et 31 du projet de loi no 24 soient tout simplement retirés et que leur contenu soit reporté dans le contexte d'ensemble de la position du gouvernement à l'endroit de l'enseignement privé. Ici, nous ne portons aucun jugement sur le bien-fondé de ces modifications. Tout simplement, nous disons qu'elles devraient être faites ailleurs.

Conclusion. Notre intervention que nous voulons la plus positive possible ne vise qu'à combler des lacunes qui nous paraissent évidentes et à réduire certaines imprécisions, anomalies ou ambiguïtés que contient, à notre avis, le projet de loi no 24. Selon nous, il manque au projet de loi no 24 une référence explicite au secteur collégial privé, comme c'était d'ailleurs le cas dans le projet du gouvernement à l'endroit des cégeps, et cela tout principalement parce que le gouvernement n'a pas encore fait connaître son énoncé de politique à l'endroit de l'enseignement privé. Pour nous, la mise en place du Conseil des collèges ne règle pas le sort des institutions collégiales privées qui devront toujours être juridiquement régies par la Loi de l'enseignement privé. On ne doit pas oublier que les institutions privées d'enseignement constituent une partie importante du précieux patrimoine du Québec et sont fortement enracinées dans le coeur d'une grande partie du peuple québécois.

Nos commentaires sur le projet de loi no 24 auraient été certainement plus explicites si nous avions vraiment connu les intentions du gouvernement à l'endroit de l'enseignement privé. Nous

espérons malgré tout que les quelques correctifs suggérés auront pour effet d'assurer une meilleure insertion de ce nouvel organisme qu'est le Conseil des collèges dans la réalité collégiale actuelle et de lui garantir de plus grandes chances de succès dans l'accomplissement de sa mission. Nous remercions les membres de la commission parlementaire de l'éducation de leur bienveillante attention.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je remercie les représentants de l'association et les remercie particulièrement de se soucier de ce que le Conseil des collèges soit vraiment le conseil de tous les collèges et non pas seulement de certains d'entre eux. D'ailleurs, le titre le dit bien. Il s'agit d'un conseil des collèges et non pas d'un conseil des cégeps. Les pouvoirs et les fonctions du conseil porteront donc, bien entendu, sauf lorsqu'il est clair d'après le contexte qu'il en est autrement, sur tous les collèges et notamment dans le domaine pédagogique.

Lorsque vous pouvez lire, par exemple, dans l'article 14 que le conseil pourra conseiller le ministre, et même le ministre est tenu de leur soumettre une demande d'avis là-dessus, lorsqu'il est question de la création d'un nouveau collège, il s'agit naturellement, cette fois, dans ce contexte, d'un nouveau collège public, puisque les fonctions relatives à l'enseignement privé sont dévolues à un autre organisme. Ce n'est pas le lieu de discuter ici de l'avenir de l'enseignement privé, quoique je comprenne fort bien votre intérêt pour la nouvelle politique, laquelle ne saurait tarder indéfiniment. Je pense que nous pouvons traiter de cette question, si vous le voulez bien, tout en se disant qu'il faudra, bien sûr, régler les problèmes de l'enseignement privé le plus rapidement possible.

Je constate que vous n'êtes pas en désaccord de façon générale avec la création du Conseil des collèges, mais que vous vous interrogez sur telle ou telle disposition qui vous paraîtrait pouvoir être améliorée. Pour ce qui est de la composition du Conseil des collèges, je puis vous dire que j'ai pris bonne note de ce que vous dites dans votre mémoire. J'en tiendrai certainement compte. D'ailleurs, c'est tout à fait l'esprit dans lequel nous abordions la question de la composition du conseil.

Bien sûr, je n'ai pas l'intention d'exclure un représentant des universités. Je pense que vous allez un peu loin, surtout dans le contexte que nous évoquions hier où il faut assurer une meilleure coordination, une meilleure charnière entre les universités et les collèges, une meilleure coordination, si l'on veut par ailleurs respecter l'autonomie entière de chacun des niveaux d'enseignement.

La première question que j'aurais à vous poser porte sur votre suggestion de remplacer la commission d'évaluation, laquelle, vous le savez, offrira des services, par un centre national de recherche en évaluation. Quelle différence y a-t-il dans votre esprit entre ces deux organismes? Pourquoi multiplier à loisir, pourquoi ajouter encore un autre organisme dont je vois mal les structures? Quelles seraient ses fonctions? Il serait rattaché à quoi? Serait-il rattaché au ministère? Serait-il rattaché au gouvernement? Serait-il totalement indépendant? Serait-ce une régie? De quoi s'agit-il et pourquoi confieriez-vous à un organisme, dont au fond vous ne faites que changer le nom, des fonctions que nous voudrions rattacher au conseil?

M. Larouche: Nous ne nous opposons pas à ce qu'une commission d'évaluation soit mise sur pied, commission, évidemment, rattachée au Conseil des collèges. Cette commission aurait pour fonction, selon nous, pour principale fonction de procéder à l'examen des politiques institutionnelles d'évaluation. La question de l'évaluation dans son ensemble, pour l'ensemble des institutions de niveau collégial... mais c'est le service d'évaluation, la technique qui doit faire appel principalement à des experts en évaluation qui ont une formation technique pour ce faire. Nous souhaiterions que ceci soit un organisme différent, donc un genre de centre qui pourrait être mis sur pied. On n'a pas examiné les modalités de la création d'un tel centre, mais on croit que les institutions elles-mêmes seraient plus portées à faire appel à ce service d'experts, si ce service n'était pas lui-même dépendant d'une commission qui elle-même relève du Conseil des collèges. Je ne voudrais pas que l'on comprenne que nous nous opposons à la création d'une commission d'évaluation.

M. Morin (Sauvé): Quelle serait la nature de ce centre de recherche en évaluation? Est-ce qu'il fournirait des services aux établissements?

M. Larouche: Oui, il fournirait sûrement tous les moyens techniques qui pourraient servir à cette évaluation. Je ne sais pas si M. Saint-Germain voulait ajouter quelque chose.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous voyons ce centre d'évaluation constitué d'experts dans ce domaine, qui sont là à plein temps et qui ne sont pas les membres bénévoles d'une commission qui se réunit quatre ou cinq fois par année. Ce sont des membres permanents qui vont traiter, qui vont fabriquer des instruments d'évaluation dans la ligne des grandes politiques qui doivent être énoncées par le conseil. Je pense qu'on n'a jamais très bien défini ce qu'était l'évaluation. Les parents, hier, ont compris l'évaluation comme étant un examen commun, mais il y a l'évaluation de toutes les instances des institutions sur le plan administratif, sur le plan des services aux étudiants, des services rendus à la communauté, etc. On a besoin d'instruments...

M. Morin (Sauvé): II s'agit surtout de pédagogie. Nous pensons surtout à la pédagogie.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui, à la pédagogie. On a besoin d'instruments pour évaluer parce que ce n'est pas uniquement la question de la pédagogie qui entre en ligne de compte, je pense que c'est l'évaluation qui est prise dans un sens plus large que l'évaluation des programmes. (13 heures)

Ce sont les pratiques institutionnelles et on ne dit pas que cela concerne uniquement les programmes et la dispensation des enseignements. Cela concerne toute la vie d'une institution. Si on veut assurer la qualité de l'enseignement d'une institution, il ne faut pas tabler uniquement sur un aspect qui est l'aspect pédagogique, mais sur tout l'environnement des institutions. Nous savons déjà par expérience que le cadre a consacré des études pendant trois ans sur cette question de l'évaluation et qu'on est à peine à l'état embryonnaire quant aux instruments à faire. On voit mal comment une commission composée de gens qui vont se réunir comme se réunissait la commission de l'enseignement collégial vont pouvoir vraiment arriver à construire tous ces instruments dont nous avons besoin. Non seulement ces gens vont fabriquer des instruments, mais ils vont les fabriquer en collaboration avec les collèges et ils vont, non pas travailler en serre chaude, mais ils vont être en contact continuel avec les agents des collèges pour élaborer les meilleurs Instruments et les aider ensuite à les mettre en application. Il faut que ce centre soit complètement indépendant d'un autre organisme, qu'il soit rattaché au ministère de l'Éducation, mais qu'il soit indépendant. À notre avis, ces questions d'évaluation posent des problèmes qui ne concernent pas uniquement le niveau collégial. Vous allez être obligé d'avoir une commission de l'évaluation pour l'élémentaire, une commission de l'évaluation pour le secondaire. Il nous semble qu'un centre serait le lieu privilégié pour coordonner toute cette question de l'évaluation à tous les niveaux d'enseignement. C'est pour cela qu'ayant pour objet tous les niveaux d'enseignement, on ne voit pas ce centre uniquement rattaché au Conseil des collèges, mais on le voit aussi au service de tous les autres niveaux d'enseignement.

M. Morin (Sauvé): Rattaché au ministère.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui, ça peut être rattaché au ministère, mais avec un caractère d'indépendance, comme on retrouve ces centres d'évaluation aux États-Unis.

Le Président (M. Marcoux): Comme la plupart des députés n'ont pu vous poser de questions, je vais vous inviter à revenir à 15 heures.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 2

Reprise de la séance à 15 h 11

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'éducation est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant les projets de loi 24 et 25. J'inviterais à nouveau l'Association des collèges du Québec à venir continuer si aimablement de répondre aux questions des députés. M. le ministre, je crois que vous aviez terminé.

M. Morin (Sauvé): Pas tout à fait, M. le Président.

Messieurs, permettez-moi de revenir brièvement sur le point que nous étions à discuter au moment de la suspension de la séance. J'aimerais tout de même qu'on précise bien l'idée qu'on se fait du centre national de recherche en évaluation. C'est une idée intéressante que je n'écarterais pas a priori, mais avant de créer un nouveau service au sein du ministère ou rattaché au ministère, je voudrais y penser à deux reprises et être bien sûr que je vous ai compris. Commençons par une question simple, pour y revenir, parce que je n'ai pas le sentiment que votre réponse avait été parfaitement claire. Cet organisme serait-il confiné à définir des critères d'évaluation, à définir des politiques d'évaluation ou serait-il un organisme de services pouvant, soit à la demande d'un collège, soit à la demande du ministre, intervenir dans un collège pour se livrer à de l'évaluation? De quel genre d'organisme s'agit-il en d'autres termes?

M. Larouche: M. le Président, je voudrais d'abord reprendre et mentionner que dans notre mémoire, nous avons donné notre accord pour la création d'une commission d'évaluation qui elle, aurait charge d'établir les politiques d'évaluation, de définir ce qu'est l'évaluation, de définir quels sont les critères et les domaines à évaluer. Dans un premier temps, je crois que ce devrait être cette commission d'évaluation qui définirait le rôle de ce service qu'on a appelé centre d'évaluation, qu'on pourrait appeler institut d'évaluation, lequel serait un service répondant à des demandes précises provenant de collèges qui fabriqueraient, à l'intérieur des politiques d'évaluation établies par la commission, pourraient donner ce service d'évaluation.

M. Morin (Sauvé): Pourquoi verriez-vous un tel service rattaché directement au ministère? Vous savez immédiatement les méfiances que cela peut évoquer dans un système qui se veut décentralisé. Pourquoi le voudriez-vous rattaché au ministère plutôt qu'au Conseil des collèges, donc rattaché à un organisme autonome détaché du ministère, indépendant par rapport au ministère? (15 h 15)

M. Larouche: Je crois que nous ne sommes pas allés jusque dans les détails de tous les mécanismes. Notre position n'est pas très précise sur la façon dont ce service serait relié. Nous demandons qu'il y ait une indépendance à l'égard du ministère et du conseil des collèges, mais de

quelle façon il dépendrait... Évidemment, pour le financement, il aurait sûrement un besoin de financement pour permettre de fabriquer, d'avoir recours à ces experts.

M. Morin (Sauvé): Écoutez, de deux choses l'une, ou bien il est sous l'autorité du ministre, ou bien il n'est pas sous l'autorité du ministre. Alors, je repose la question différemment. Est-ce que les collèges préfèrent un système d'évaluation placé sous l'autorité du ministre ou bien un système d'évaluation facultative placé sous l'autorité d'un organisme indépendant et où les collèges sont présents?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Je vous dirai franchement: Nous concevons l'évaluation comme étant d'abord un service pour tous les niveaux d'enseignement; c'est pour cela que, prioritairement, on ne veut pas qu'elle soit rattachée à la commission d'évaluation du Conseil des collèges, lequel va donner des avis au ministre, mais ce centre, qu'on l'appelle comme on voudra, va être financé par le gouvernement. On ne voit pas comment il pourrait être financé, mais qu'il soit rattaché au Conseil supérieur de l'éducation, qu'il soit rattaché à un organisme, si vous voulez, qui va transcender un niveau d'enseignement, cela nous paraît important, puisque, dans notre pensée, il va toucher à tous les niveaux d'enseignement.

M. Morin (Sauvé): Autrement dit...

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Et c'est un organisme de services, qui va fabriquer des outils, qui va travailler en collaboration avec le collège, mais pas un organisme qui va en même temps les juger. C'est un organisme de services.

M. Morin (Sauvé): II n'a jamais été question de les juger. J'espère que ce n'est pas cela que vous lisez dans le projet de loi. On ne discute pas de cela.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Non, mais c'est parce que dans la commission de l'évaluation, M. le ministre, vous dites que cette commission va faire rapport au conseil et au collège de leurs pratiques. Donc, il va à la fois intervenir dans les collèges pour les juger également.

M. Morin (Sauvé): Mais non, c'est à la demande d'un collège qui a des difficultés et qui a besoin d'expertise. C'est cela, l'esprit de ce projet de loi. Ce n'est pas de juger les collèges, c'est d'être au service des collèges. Est-ce que cela vous rassurerait si la commission en question, au lieu de faire rapport au collège, faisait rapport au Conseil des collèges?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): C'est ce qu'on a demandé dans notre mémoire: Que ce soit un rapport au conseil et non pas au collège, comme c'est indiqué à l'article 18, où on dit qu'il va adresser au conseil et au collège en cause, les avis que lui suggèrent ces examens. Qu'il adresse au conseil, c'est une commission du conseil, il va adresser ses avis au conseil et non pas au collège, mais on voudrait qu'il y ait une distinction entre l'élaboration, les grandes politiques d'évaluation qui constituent la fonction d'une commission d'évaluation, mais que le service lui-même d'élaboration de tout ce qu'il faut pour évaluer, que ce soit un service qui relève d'un organisme qui ne soit pas uniquement affecté au niveau collégial, mais qui concerne également tous les niveaux. Que vous rattachiez cet organisme au Conseil supérieur de l'éducation, on ignore quel sera l'avenir du Conseil supérieur de l'éducation, que vous en fassiez une sorte d'institut indépendant, une sorte de société qui est financée par l'État, qui doit, évidemment, rendre compte de son travail à l'État, mais qui a une indépendance dans son fonctionnement si ce n'est qu'il doit rendre compte de la façon dont il a utilisé l'argent de l'État.

M. Morin (Sauvé): Dans l'esprit du gouvernement, il y a une spécificité de l'enseignement collégial qui est distincte de celle de l'enseignement primaire et secondaire. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu rattacher cela au Conseil des collèges. Mais ma question ne porte pas là-dessus, puisque les choix du gouvernement sont faits, mais sur la procédure. Il y a peut-être moyen d'améliorer le mécanisme. La demande, si je vous ai bien compris, d'évaluation ou d'aide à l'évaluation ou d'expertise devrait venir des collèges. Est-ce que je vous ai bien compris? C'est un service dont il s'agit. C'est bien cela, M. le Président.

M. Larouche: C'est un service, mais il faut que...

M. Morin (Sauvé): Si la demande vient des collèges, je trouve un peu bizarre que la commission fasse rapport au conseil plutôt que d'envoyer au collège qui a requis l'expertise le résultat de son expertise.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Mais M. le ministre, on ne veut pas que la commission de l'évaluation s'occupe de ce service. On veut que ce soit un organisme autre que la commission d'évaluation. Or, cet organisme ne fera pas rapport au conseil. Il va faire rapport au ministre de la façon dont il a fonctionné. C'est comme quand le ministre subventionne une recherche, les chercheurs font rapport des résultats de leurs recherches. On veut que ce soit un centre d'évaluation comme il en existe dans d'autres pays.

M. Morin (Sauvé): Mais croyez-vous que les collèges vont être enclins à avoir recours à cette expertise si le rapport s'en va au ministre plutôt que de revenir au collège qui l'a demandé?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Le rapport ne s'en ira pas au ministre. Ce centre d'évaluation va dire, à la fin de l'année, voici: Vous nous aviez

donné tant d'argent. On s'était proposé tel objectif. On a réalisé tel objectif. On a fabriqué telle sorte d'instrument. On a travaillé à l'améliorer. On l'a expérimenté avec des institutions. Ils s'en sont servis pour améliorer leurs services. C'est cela que va être le rapport sur l'état de ce centre de recherches, comme un institut spécialisé.

M. Morin (Sauvé): Vous avez fait allusion, tout à l'heure, dans votre exposé, je crois, à l'article 30, était-ce 30?

Mme Lavoie-Roux: 30 et 31.

M. Morin (Sauvé): Je voulais vous expliquer que pour ce qui est de l'article 30 que vous souhaitiez voir délaisser, il s'agit d'un problème administratif. Je ne sais pas si vous saviez ce que cela vise exactement. Il s'agit tout simplement de faire en sorte qu'on ne paie pas pour trois ans quand les étudiants ont été inscrits pour des programmes qui durent deux ans et demi; c'est ce que cela vise techniquement. À l'heure actuelle, nous sommes forcés de payer quelquefois pour trois ans alors que le cours est de deux ans et demi. Nous estimons que ce sont des fonds publics qui sont dépensés à des fins pour lesquelles ils ne devraient pas être destinés.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): On comprend très bien cela, M. le ministre, mais vous ne les avez jamais dépensé encore, parce que la première fois que la cinquième session entrera en vigueur ce sera en septembre prochain.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais nous ne tenons pas à payer pour trois ans lorsque l'enseignement est de deux ans et demi.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous ne discutons pas du mérite de cela, mais nous trouvons que ce programme de cinq sessions, cela fait déjà deux ans qu'il a été implanté et on profite de cette occasion pour grignoter tel article de la Loi de l'enseignement privé, pour modifier tel autre, de telle sorte qu'à un moment donné on ne sait plus quel va être le portrait d'ensemble de toute cette histoire et c'est la simple raison pour laquelle on demande de reporter.

M. Morin (Sauvé): Le portrait d'ensemble va venir en temps et lieu, mais il n'est pas question que le ministère, que ce soit pour le public ou pour le privé, paie pour trois ans alors que le programme est de cinq sessions.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Sur cela nous sommes parfaitement d'accord. D'ailleurs cela ne touche à peine que deux institutions privées de niveau collégial qui dispensent des programmes de cinq ans. Ce n'est pas un problème majeur.

M. Morin (Sauvé): Alors, avec votre permission, on va laisser l'article là.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): On vous a manifesté notre souhait qu'on voudrait le voir intégré dans l'ensemble et on y tient toujours, parce qu'on doit dire, en toute vérité, que cela fait longtemps qu'on nous promet que le projet du gouvernement sur l'enseignement privé va venir, tantôt c'était à l'automne, tantôt c'était au printemps, tantôt c'était aux vacances d'été, mais on n'a jamais dit de quelle année il s'agissait.

M. Morin (Sauvé): Mais en attendant, vous ne crevez pas de faim, que je sache.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous ne prenons?

M. Morin (Sauvé): Vous ne crevez pas de faim, dans les institutions privées, que je sache.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Non, nous ne crevons pas de faim, mais nous ne tenons pas à crever de faim, pas plus que les autres institutions.

M. Rivest: M. le Président, il y a monsieur qui veut compléter la réponse.

M. Meunier (Jean): M. le Président, M. le ministre, si vous me le permettez, on est parfaitement d'accord avec votre désir de grande justice relativement aux subventions, c'est très louable et vous avez raison, mais j'ai peur d'une législation qui soit faite dans ce sens-là, qui se sert d'une loi pour en amender une autre.

M. Morin (Sauvé): C'est constant.

M. Meunier: À titre d'ancien législateur, je me rappelle qu'on s'est déjà fait critiquer sévèrement par la presse dans des cas semblables. Je pense qu'il serait préférable. Votre contentieux pourrait certainement vous trouver un autre moyen pour amender, dans la mesure où vous voulez le faire, les articles 14 et 17 qui sont, remarquez bien, la base fondamentale du principe de financement de l'enseignement privé. Cela nous inquiète, M. le ministre, de voir que c'est par une loi qui n'a rien à faire directement avec l'enseignement privé, qu'on modifie les deux principaux articles de la loi. Je le soumets respectueusement.

M. Morin (Sauvé): Dernière question, quelles sont les deux institutions qui seraient affectées par cet article?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Ce sont les institutions qui offrent les techniques de secrétariat.

M. Morin (Sauvé): Avez-vous la liste de ces institutions? Pourriez-vous me les indiquer?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous avons quatre institutions dans l'association qui offrent

des techniques de secrétariat: Le collège Lasalle, le collège O'Sullivan de Montréal, le collège Bart de Québec et le Notre Dame Secretarial School. De ces quatre institutions, il y en a une certainement qui offre cette cinquième session en session d'été. Ce sont des institutions qui n'offrent que ce programme, de telle sorte que c'est certain que cela va leur poser de graves problèmes, mais elles n'offrent que ces techniques. Elles n'offrent pas d'autres techniques que cela. Ce sont déjà avant la loi des centres spécialisés en formation professionnelle.

M. Morin (Sauvé): Bien sûr. Vous conviendrez avec moi qu'il n'est pas normal, lorsque le cours est de cinq sessions, de payer pour trois ans.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Nous sommes parfaitement d'accord avec vous, M. le ministre, sur cela, mais nous nous disons, quand on discutera cela dans le programme de l'ensemble, est-ce que ce sera impensable de penser à un mode de financement d'une cinquième session qui serait donnée en session d'été?

M. Morin (Sauvé): Pour l'instant, j'ai terminé.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je pense bien que nos invités n'ont pas eu réponse à leur dernière question.

Je veux d'abord remercier l'Association des collèges de s'être présentée à cette commission parlementaire pour faire leurs remarques particulièrement sur le projet de loi 24. Je pense qu'une inquiétude que vous avez transmise à la commission, c'est le fait que vous avez l'impression, à tort ou à raison, parce que je n'ai pas fait la concordance avec la Loi sur l'enseignement privé et les projets de loi qui sont devant nous, qu'on vienne modifier les règles de l'enseignement privé, par le truchement de la loi 24 et certaines de ses dispositions, sans qu'au préalable, le gouvernement n'ait établi sa politique touchant l'enseignement privé. Est-ce que je me trompe? Est-ce que c'est cela qui vous inquiète?

M. Larouche: Nous avons mentionné que nous aurions été plus à l'aise de nous prononcer, de faire des commentaires sur le projet de loi no 24, si nous avions connu à l'avance la position gouvernementale à l'endroit de l'enseignement privé, au niveau collégial. Nous comprenons qu'il y a des amendements pour fins de concordance qui s'imposaient. C'est plus difficile pour nous, sachant — je pense que M. le ministre de l'Éducation l'a mentionné déjà — que le Conseil des collèges touchera évidemment aussi les collèges privés.

Mme Lavoie-Roux: Cela vous semble une chose normale, souhaitable. Vous auriez aimé qu'auparavant les autres règles du jeu soient connues.

À la page 3 de votre mémoire, à 2.2, vous faites référence à l'article 32 du projet de loi 24. Je le lis: "L'article 31 de ladite loi est modifié en remplaçant le paragraphe a) par le suivant: Se conformer aux règlements adoptés en vertu de la Loi du Conseil supérieur de l'éducation ou de la Loi des collèges d'enseignement générai et professionnel, relatifs aux conditions d'admission des élèves aux études du niveau d'enseignement qu'ils donnent. Évidemment, vous allez, par le truchement de cet article, devoir respecter les conditions d'admission qui seront décrétées par le lieutenant-gouverneur en conseil. C'est ce que je comprends. (15 h 30)

Pourriez-vous me dire quelles sont actuellement les règles que vous avez à suivre quant à l'admission des étudiants dans les collèges?

M. Larouche: Je laisserai plutôt au secrétaire général le soin de répondre à cette question.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Jusqu'à maintenant, Mme le Président, nous étions tenus à l'article 28 du conseil supérieur pour tout ce qui concernait les conditions d'admission. Nous avons fait référence à cet article de la loi parce qu'il nous semble qu'aux fins de concordance le projet de loi no 24 modifie l'article 31a de la Loi de l'enseignement privé. Or, l'article 31a de la Loi de l'enseignement privé dit ceci: "Toute institution d'enseignement général doit se conformer aux règlements adoptés en vertu de la Loi du conseil supérieur relatifs aux conditions d'admission." Là, on dit: On enlève ça au conseil supérieur puisqu'on lui a enlevé tout le domaine de l'enseignement collégial et aux fins de concordance on va être tenu aux règlements appliqués en vertu de la loi 18 des cégeps. Or, cela ne concerne que les institutions d'enseignement général.

Le contentieux du ministère est venu nous voir ce matin et nous a demandé: Est-ce qu'il existe des institutions d'enseignement professionnel privés? J'ai dit: Oui, ma chère dame. Cet article, vous le modifiez, mais vous n'imposez ça qu'aux seules institutions d'enseignement général. Pourquoi, puisqu'on a aussi des institutions d'enseignement professionnel qui ne sont pas couvertes par l'article 31a qu'on modifie aux fins de concordance?

Or, nous avons toujours été soumis à des règlements pour les conditions d'admission qui auraient pu être élaborés par le Conseil supérieur de l'éducation. À notre connaissance, il n'y en a pas qui ont été faits. On a suivi les règlements d'admission du régime pédagogique: ça prenait un étudiant qui aurait obtenu un diplôme d'études collégiales ou l'équivalent pour les adultes pour satisfaire aux conditions spécifiques d'admission d'un collège. C'était exactement le même régime d'admission que pour les cégeps et, au niveau collégial, on n'a pas été plus sélectif qu'au niveau des cégeps.

Il faut dire ceci: Quand un cégep de Montréal, par exemple, a une possibilité, un cégep qui est situé dans un comté que vous connaissez... Prenons le cégep de Bois-de-Boulogne qui a tant

de places disponibles et qui reçoit tant de demandes d'admission. Que voulez-vous? Il est obligé de choisir parce qu'il ne peut pas établir des classes à deux étages. Alors, nous aussi, c'est le même problème, et nos conditions d'admission n'ont pas été, au niveau collégial, tellement restrictives. Nous disons ceci cependant, à savoir qu'on peut avoir des conditions particulières d'admission, puisque les étudiants qui viennent au secteur privé sont obligés de payer des frais de scolarité. Nous ne tenons pas à ce qu'ils paient des frais de scolarité inutilement s'ils n'ont pas l'intention de travailler ou si, au cours d'une session, ils accumulent quatre, cinq ou six échecs. C'est un mauvais service à leur rendre que de dire: Continuez quand même. Peut-être que dans six ans vous obtiendrez votre diplôme d'études collégiales.

On veut avoir les mêmes possibilités qu'a le niveau collégial public, soit des règles propres d'admission suivant le caractère spécifique de l'institution, suivant la nature propre des programmes qu'on donne. Quand un collège ne donne que de l'enseignement général et qu'un étudiant fait une demande pour suivre un programme d'enseignement professionnel, on dit: Notre condition d'admission mon cher monsieur, on ne peut pas vous prendre, on ne donne pas ce programme.

Ça ne nous fait pas peur, les conditions d'admission, puisqu'on a toujours été régi par la Loi de l'enseignement privé. La Loi de l'enseignement privé non seulement évalue nos institutions mais leur fait passer des modes d'évaluation. En tant qu'association, nous avons nos propres critères d'évaluation, puisque nous avons déjà refusé dans l'association des institutions qui étaient subventionnées mais qui ne répondaient pas aux exigences. Alors, on ne voit pas d'objection à ce qu'on soit maintenant soumis aux conditions d'admission du niveau collégial établies par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, mais on dit: Aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas les lois concernant l'enseignement privé... on voudrait que ce soit soumis aussi à la consultation de la Commission consultative de l'enseignement privé. Tant qu'on ne connaîtra pas d'autres règles du jeu, on se prononcera autrement peut-être à ce moment-là, mais pour le moment on dit ça.

Mme Lavoie-Roux: Ce que vous dites, M. le secrétaire général, je pense...

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Oui.

Mme Lavoie-Roux: ... c'est que, quant aux règles d'admission, vous êtes prêt à vous soumettre aux mêmes exigences que celles qui prévaudraient ou qui prévalent pour le secteur public.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): On ne voit pas de problème majeur puisqu'on suppose que même dans les règlements du lieutenant-gouverneur pour les conditions d'admission dans le secteur public, il va tout de même y avoir des possibilités pour les collèges d'avoir des caractères spécifiques puisqu'on veut assurer le caractère spécifique même des institutions publiques.

Mme Lavoie-Roux: Quelle est votre inquiétude? Si je vous ai bien compris, vous avez dit: On a quand même une certaine — je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, corrigez-moi moi — réserve et vous avez ajouté: II reste néanmoins, compte tenu qu'on ne connaît pas la politique éventuelle du gouvernement sur tout le secteur de l'enseignement privé, qu'on souhaiterait que ces conditions d'admission, quant à leur application pour le secteur privé, soient soumises à la commission consultative de l'enseignement privé. D'une part, vous me dites: On est prêt à jouer les mêmes règles du jeu que les autres et, d'autre part, j'ai cru comprendre que vous aviez exprimé cette réserve. Est-ce que je me trompe? Si je ne me trompe pas, que craignez-vous?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): C'est parce que ces règlements devaient toujours être soumis à la Commission consultative de l'enseignement privé. Alors, on ne sait pas ce que réserve la nouvelle loi de l'enseignement privé pour la Commission consultative de l'enseignement privé. Est-ce qu'elle va disparaître? De même que les cégeps sont régis par la loi 21, amendée par la loi 25, en tant qu'institutions privées, on va être régi par la Loi de l'institution privée. On ne veut pas, à un moment donné, être assis entre deux chaises pour dire: Ceci relève de la loi 18, ceci relève de la loi 56. On ne sait jamais sur quel pied danser. Tout et aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas les modifications à la loi 56, même si le Conseil des collèges fait des règlements pour le niveau collégial, on dit qu'aussi longtemps qu'on va être régi par la loi 56, il serait normal que la Commission consultative de l'enseignement privé soit également consultée, puisque c'est encore un organisme officiel qui n'a pas été changé.

Mme Lavoie-Roux: Je suis quand même d'accord avec vous sur le fait que cette absence de politique crée une ambiguïté et peut, même sans que le gouvernement l'ait voulu dans l'application ou dans la pratique, présenter des difficultés pour les collèges d'enseignement privé et mettre en contradiction certaines dispositions d'une loi ou de l'autre.

Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez des services d'évaluation; on a longuement traité de l'évaluation. J'ai cru comprendre de votre part que vous souhaitiez que ceci relève d'un organisme indépendant, qu'on l'appelle institut, qu'on l'appelle centre, qu'on l'appelle... Le ministre d'État au développement culturel nous trouverait un bon nom. C'est l'Institut de recherche culturelle. Cela pourrait être l'Institut d'évaluation nationale.

M. Rivest: National.

M. Laurin: Oui, en effet, national.

Mme Lavoie-Roux: National, sûrement. Cela mériterait au moins cela.

M. Rivest: Provincial, non?

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je me trompe en croyant que son rattachement à un endroit ou à un autre, que ce soit au ministère de l'Éducation, que ce soit au Conseil des universités, que ce soit à un département d'une université, en éducation, par exemple, il s'occupe déjà de mesure et évaluation, mais que ce soit... peut-être qu'on leur donne plus de ressources et tout cela, votre préoccupation c'est qu'il soit autonome et qu'il soit un outil à la disposition de tous les collèges ou de toutes les institutions d'enseignement qui en auraient besoin.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Notre conception de l'évaluation ne concerne pas uniquement l'évaluation pédagogique. J'ai cru comprendre tout à l'heure, ce matin en tout cas, que c'était surtout l'aspect pédagogique auquel on pensait quand on parlait d'évaluation. Nous, c'est l'évaluation à tous les points de vue. Quant au point de vue de l'organisation administrative, de l'organisation pédagogique, de l'organisation de la vie étudiante, des services qui sont offerts dans un collège, dans notre pensée, c'est une évaluation qui est globale et comme cela concernerait tous les niveaux, primaire, élémentaire et secondaire, cela nous paraîtrait peut-être moins normal que cela relève nécessairement de l'université, mais on voudrait davantage que ce soit un organisme qui pourrait peut-être être rattaché au Conseil supérieur de l'éducation, qui a un rôle de coordination mais ce service devrait être financé par le ministère et il rendrait non seulement des services au collégial mais à tous les niveaux.

Quand on parle d'évaluation, il y a une foule de choses qui sont pratiquement identiques à tous les niveaux sur le plan de l'évaluation avec des modifications particulières suivant les niveaux d'enseignement et les structures particulières de ces niveaux. Mais il y a des principes généraux ou des instruments généraux qui peuvent valoir pour tout le monde, de telle sorte que, quand on travaille spécifiquement pour un niveau, on travaille aussi pour tous les niveaux avec des accommodements qui peuvent se faire suivant le caractère spécifique de chacun des niveaux.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'à l'intérieur des collèges privés — vous avez dit que vous évaluiez différents aspects — est-ce que vous avez les outils pour évaluer, par exemple, les professeurs, la qualité de l'enseignement? Est-ce que vous avez ces outils présentement?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Malheureusement, on n'a pas plus d'outils et tout le monde en cherche. Je vous ai dit que nous étions déjà soumis à une évaluation du service général de l'enseignement privé.

Mme Lavoie-Roux: Et ses outils, vous ne les connaissez pas?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): L'enseignement privé a un test, un outil d'évaluation qui est plutôt d'ordre quantitatif, à mon point de vue, que qualitatif. En tant qu'association, quand on admet un collège dans l'association, on examine comment fonctionne son organisation administrative, quels moyens il se donne, comment est organisé sa vie pédagogique sur le plan des personnes, sur le plan des programmes, etc., comment est organisée sa vie étudiante, quelle est l'organisation de sa bibliothèque, si cela répond vraiment aux exigences. On a, en tant qu'association, la liberté d'accepter dans notre association les collèges qui, d'après nous, répondent à ces critères qu'on s'est fabriqués, qui sont plutôt artisanals que scientifiques.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je déborde un petit peu la loi 24, mais cela n'est pas souvent qu'on a l'occasion de vous voir en commission parlementaire, comme d'ailleurs tous les autres groupes qui se sont présentés.

Vous avez parlé tout à l'heure de votre désir de vous adapter aux conditions d'admission, compte tenu des réserves que vous avez exprimées, mais vous avez également mentionné que, du point de vue de la persévérance, je dirais, des étudiants qui sont chez vous, vous aviez certains critères. Vous avez donné comme exemple quelqu'un qui perdrait son temps ou qui semblerait perdre son temps pendant X années; cela ne vous semble pas souhaitable qu'il reste à l'intérieur du collège.

Je vous pose cette question, parce qu'on reproche souvent aux institutions privées de trop facilement congédier ou conseiller — on peut utiliser différents termes — à un étudiant de s'orienter différemment ou de s'orienter ailleurs. Est-ce que vous avez, pour l'ensemble des collèges privés, des critères? Est-ce que chacun des collèges privés a des critères sur lesquels il se base justement pour décider — en dehors des critères d'ordre financier que vous avez évoqués — ou conseiller à un étudiant de s'orienter différemment?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): En tant qu'association, on n'a pas de critères puisqu'on n'a pas de pouvoir direct sur nos membres, mais nous faisons, chaque année, le relevé statistique de toutes ces choses. Chaque année, nous publions un relevé statistique du comportement des collèges par rapport à toutes ces attitudes. Chaque collège peut avoir des politiques différentes dans tel ou tel cas.

Je dois vous dire, M. le Président, que, quand on reproche à l'enseignement privé telle ou telle chose, le reproche que je fais à ceux qui font des reproches, c'est qu'ils ne font pas distinction de niveaux. Quand ils parlent de l'enseignement privé, c'est l'enseignement privé dans toute son

étendue. Cela concerne autant la maternelle, le primaire, le secondaire que le collégial, les institutions de culture et de danse. Tout cela entre dans le grand "bag" de l'enseignement privé. Je pense qu'il y a des distinctions à faire suivant les niveaux d'étude.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous voulez compléter?

M. Saint-Michel (Vianney): Tout simplement pour l'information au niveau collégial, nous sommes tenus d'appliquer le régime pédagogique provincial qui vaut aussi bien pour un collège public que pour un collège privé et en appliquant tout simplement les règles du jeu des échecs et des absences les gens s'éliminent, si tant est qu'il s'en élimine, selon le régime pédagogique provincial qui est le même partout. C'est pour cela que de ce simple point de vue, il n'y a aucune différence entre un collège public et un collège privé.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question, M. le Président, touchant les programmes qu'un collège peut développer. Peut-être que j'adresserai ma question plus particulièrement au directeur du cégep Marie-Victorin qui a pris plusieurs initiatives du côté de l'enseignement professionnel, si je ne m'abuse. Est-ce que les règlements qui seraient décrétés par le lieutenant-gouverneur en conseil touchant le contenu de programmes, l'élaboration de programmes, si vous y étiez, peut-être y êtes-vous soumis de la même façon que les collèges publics quant à leur approbation — je suis ignorante de la question, c'est pour cela que je vous pose la question — si vous deviez vous soumettre exactement aux mêmes conditions, est-ce que cela vous créerait des difficultés quant à l'initiative heureuse que vous avez prise dans le passé et d'autres que vous voudriez prendre, ou si cela ne crée pas de problème.

M. Saint-Michel: II faudrait répondre avec des nuances. Je vous remercie de faire allusion à mon collège qui a été très dynamique pour partir...

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas être injuste envers les autres, mais je suis plus au courant du vôtre.

M. Saint-Michel: ... des cours d'enseignement professionnel qui ont servi à l'ensemble de la province mais, s'il y a une coordination provinciale qui est normale, j'imagine qu'un collège donné, qu'il soit public ou privé, entre dans le jeu de cette coordination, je trouverais cela tout à fait normal mais, qu'à un moment donné, parce qu'un collège est privé on lui refuse tel programme, à ce moment-là je trouverais cela discriminatoire. J'aime beaucoup le jeu ouvert avec une objectivité de jugement eu égard aussi à un certain milieu. On ne peut pas placer n'importe quel cours professionnel dans n'importe quelle région. J'aime bien le jeu ouvert pourvu que tout le monde soit traité de la même façon. Je ne sais pas si je réponds.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Je voudrais d'abord, au nom de notre formation politique, vous remercier d'être venu nous rencontrer. Vous n'êtes pas des inconnus, plusieurs d'entre vous, entre autres le secrétaire général, M. Saint-Germain, que je connais depuis plusieurs années. Je regrette de ne pas avoir rendu publique la demande que j'avais faite à notre parti, lorsqu'on a pris le pouvoir en 1966, alors que j'avais suggéré au ministre, M. Jean-Jacques Bertrand, à ce moment-là, les noms de Jean-Marie Saint-Germain et Jean Chaussé en remplacement de M. Arthur Tremblay, pour changer un peu l'orientation dans le Québec. On se rend compte aujourd'hui qu'il y a des gens qui sont étonnés de vous entendre, de la compétence en éducation que vous avez. Moi je ne le suis pas, parce que je les connaissais déjà depuis plusieurs années et je sais qu'on aurait peut-être grand avantage encore à faire appel à vos services plus souvent. Vous, de la Fédération des collèges privés, vous auriez des choses à apprendre non seulement au ministre, mais à plusieurs personnes qui oeuvrent dans l'éducation depuis plusieurs années puisque votre vie a été consacrée à cela l'éducation au Québec, ici. On se rend compte, pour avoir oeuvré à vos côtés pendant quelques mois ou quelques années au collège de Rigaud, que vos compétences ne se limitaient pas seulement au niveau du collégial, parce que c'était là principalement que vous étiez, mais aussi au niveau de la maternelle, du primaire et du secondaire. Je pense que vous êtes un homme qui connaît bien... Malheureusement, je connais moins les autres membres de votre fédération, mais on aurait grand avantage à vous entendre plus souvent et le ministre devrait avoir recours à vos services plus souvent. Si vous aviez des nominations importantes à faire à votre cabinet, je pense que je jetterais un coup d'oeil du côté de la Fédération des collèges privés, surtout parmi les personnes qui sont ici aujourd'hui.

M. Laurin: On est déjà allé en chercher.

M. Grenier: Oui, bon. Il faudrait retourner en chercher. Il reste encore de bonnes ressources, comme vous voyez. Le gouvernement aurait à y gagner.

Il y a un article dans le programme que j'ai rendu public à quelques reprises et c'est ce qui plane au-dessus de nos discussions depuis ce matin. Nous avions dans notre programme très réduit, celui qui était format de poche, qui disait: Pour nous, de l'Union Nationale, c'est le temps de rechercher un équilibre entre les systèmes d'enseignement privés et publics. Par contre, on voyait dans le programme du gouvernement qui s'est fait élire ces deux phrases qui ne sont pas encore réglées et qui n'ont pas fait l'objet d'étude vraiment profonde dans ce grand congrès de fin de semaine. Dans le programme on disait, à la page

45, ce programme de 1978 qui a été rafraîchi, qui ne semble pas avoir été retouché jusqu'à maintenant, puisque cela semble difficile, c'est un peu comme un porc-épic, c'est difficile à toucher apparemment au niveau de ce parti, parce que le ministre émet des énoncés, mais quand il retourne dans son parti il a l'air de Daniel dans la fosse aux lions. Il a de la misère à se faire entendre là-bas.

On disait dans le programme: Réaliser cette planification dans une perspective d'intégration progressive du secteur privé au secteur public, dans le respect du choix libre garanti par la diversité des écoles et, en ce sens, adopter une loi de l'enseignement privé. On terminait le paragraphe en disant: Réduire progressivement les subventions de l'État aux écoles privées non intégrées, sur une période de cinq années. C'est la partie inquiétante et la partie à laquelle nous n'avons jamais de réponse. Ce matin, le ministre nous dit encore: Cela n'est pas le temps, cela n'est pas le lieu d'en discuter. Cela va faire trois ans qu'on a été élu et on n'a pas encore trouvé le temps et le lieu pour en discuter. Je pense que ce serait et le temps et le lieu aujourd'hui, quand on a ces gens d'importance devant nous, d'arriver avec certaines précisions qui les intéressent au plus haut point. On se rend compte que cette loi de la formation du Conseil des collèges touche à tout bout de champ au problème qui n'est pas encore réglé du plan d'ensemble sur l'avenir des institutions privées.

J'aimerais que vous résumiez, en gros, dans cette loi, que vous me disiez — on pourrait dire bien des choses — ce qui pourrait faire le plus mal à l'Association des collèges privés, dans cette loi. En quelques mots, me résumer les deux ou trois points importants que vous voyez là-dedans qui peuvent faire le plus mal à l'Association des collèges privés, parce qu'on va tâcher de se battre, ensuite, en deuxième lecture là-dessus. On va régler ce point...

Mme Lavoie-Roux: Donnez-nous des munitions.

M. Grenier: Oui, absolument, je n'ai pas honte de cela. Les personnes qui viennent ici ne viennent pas pour entendre le gouvernement. On les entend dans leur congrès et on les entend dans les conférences. On fait venir des personnes pour vous écouter. On veut se renseigner. Il n'y a pas beaucoup de gens qui l'admettent, parce que tout le monde fait semblant: Bien oui, vous nous dites cela mais on le savait. Il n'y a pas beaucoup de gens qui admettent ne pas apprendre de choses. Mais quand on n'est pas dans un milieu qui évolue aussi vite que le vôtre, à moins d'être des personnes directement attachées, comme vous l'êtes, ou d'être des professeurs ou d'être le ministre, on manque d'information et vous venez de nous en donner, ce matin.

Je vous demande une chose, de nous résumer les trois ou quatre points les plus chauds pour vous, qui ne font pas votre affaire dans une telle loi, et j'en parlerai ensuite en Chambre, je les rendrai publics. Si le ministre continue de tâtonner comme cela, il y a une chance pour que nous le réglions dans une couple d'années, quand le gouvernement sera changé. En attendant, il y a peut-être des choses qu'on peut améliorer. On demande de nous résumer, en deux ou trois points ce qui peut être... je parle de l'Opposition.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Grenier: On est 61% de ce côté-ci de la table, je parle de nous.

M. Morin (Sauvé): Vous pourriez peut-être aussi lui donner une copie de votre mémoire, cela pourrait l'aider.

M. Grenier: M. le ministre, je l'ai ce mémoire. Votre arrogance est connue depuis longtemps, ce n'est pas du nouveau, ce matin. Il reste une chose, c'est ce que je pense qu'eux peuvent nous résumer ce qu'ils entendent là-dedans. Il y a pas mal de choses dans ce mémoire et vous le savez, vous en avez convenu tout à l'heure. J'ai eu l'impression que, tout à l'heure, ils vous ont montré des points dans leur programme que vous n'auriez pas compris si vous l'aviez lu, vous non plus. Ce serait peut-être bon qu'ils nous le résument, dans le moment. Il y a des gens capables de nous résumer les points chauds qu'il y a dans cette loi que nous nous apprêtons à adopter.

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Franchement, vous nous mettez dans l'eau chaude. La première grande menace qu'on a, c'est que soit appliqué intégralement ce que vous venez de lire; à ce moment-là, on disparaît de la carte, au grand détriment du précieux patrimoine du Québec. Nos institutions ne sont pas uniquement de dix ans, de quinze ans, de vingt ans, mais de 50 ans, 60 ans, 75 ans, 125 ans, etc.

Deuxièmement, nous voudrions tout de même qu'on considère que l'enseignement privé au Québec, au niveau collégial comme aux autres niveaux, a une mission particulière à remplir. Si on lui pose tellement de carcans qu'il soit absolument identique à tout le reste, les gens vont se dire: Qu'est-ce que vient faire ce système par rapport à l'autre puisque c'est du pareil au même? Nous, nous disons ceci: Même si nous sommes tenus aux mêmes conditions d'admission, même si nous sommes tenus aux mêmes programmes, nous avons tout de même des conditions de dispensation des programmes d'étude qui peuvent être différentes suivant les traditions pédagogiques d'une institution, suivant le climat dans lequel elle se retrouve et suivant le fait, aussi, que compte tenu que les parents sont obligés de se sacrifier monétairement pour envoyer les gens là, ils s'attendent qu'on leur donne vraiment quelque chose de particulier; autrement, on ne paierait pas inutilement.

Deuxièmement, on voudrait que l'enseignement privé soit régi par une loi spécifique, comme l'enseignement collégial public est régi par une loi spécifique. On en a fait une loi particulière. Dans

cette loi, il est bien spécifié les collèges d'enseignement général et professionnel, qu'on appelle les cégeps. Aujourd'hui, Mme le député a parlé des cégeps privés, c'est contre la loi que de parler des cégeps privés. On n'a pas le droit de s'appeler cégep. On est des collèges. Mais on ne sait pas, dans cette loi, si le mot "collège" s'applique au secteur public seulement. Est-ce que c'est aussi pour le secteur privé? Le ministre nous a dit ce matin: Cela vous touche, mais il y a des choses qui ne vous toucheront pas, telle et telle chose. On aurait aimé que soit précisé ce qui est appelé à nous toucher et ce qui est appelé à ne pas nous toucher.

Excusez-moi si parfois je m'enthousiasme, c'est ma nature et je ne peux pas la changer. Ce n'est pas que je sois agressif, je suis fait comme cela. J'aime la transparence, J'aime la clarté et j'aime la précision. Cela m'échauffe un peu de voir des choses qui sont ambiguës, qui sont imprécises. Cela peut vous toucher, cela ne vous touchera peut-être pas, et on est là à flotter entre deux eaux.

On veut agir en toute légalité, en toute clarté et on veut aussi que ce soit en toute équité. C'est pour cela que dans notre mémoire on a spécifiquement indiqué ce qui suit, que, dans les pouvoirs du conseil, nous sommes d'accord pour que le Conseil des collèges dans son rapport au ministre sur l'état et les besoins de l'enseignement collégial tienne compte du droit fondamental du citoyen de choisir le type d'éducation et le type d'établissement qui convient à ses aspirations.

Implicitement, on ne voudrait pas qu'il y ait un monopole en tout et aussi longtemps qu'on respectera les caractères constitutifs d'une démocratie, qu'on soit conséquents avec ce choix. Que cette démocratie soit sociale ou autre, mais qu'elle garde aux institutions privées non seulement le droit d'exister dans des cadres, mais qu'on leur donne également des moyens, parce que, dans le fond, ce ne sont pas les institutions qu'on subventionne, ce sont les étudiants. En fait, c'est pour faciliter aux étudiants le choix d'une institution privée qu'on diminue le fardeau de leurs frais de scolarité. C'est certain que le jour où les institutions privées n'auront plus de subventions, cela deviendra des unités et des unités vraiment élitis-tes financièrement... parce que cela va prendre uniquement de gros salaires de ministres pour envoyer les enfants dans les institutions privées.

M. Rivest: Est-ce que le député a terminé?

M. Grenier: Merci, M. Saint-Germain. Je pense que je vais conserver ce qu'on appelle ici les galées du journal des Débats pour préparer mon intervention de deuxième lecture. Comme le disait Mme le député de L'Acadie, je pense que cela pourra inspirer plusieurs d'entre nous de l'Opposition, parce qu'on recherche un terrain commun de ce côté-ci pour lutter contre cet article du règlement du gouvernement qui est là. Je vous remercie.

Qu'on le veuille ou pas, cette loi qu'on a devant nous va être votée parce que, comme électeurs, on est majoritaires de ce côté-ci de la table, mais comme députés on est minoritaires, et c'est de l'autre côté que va être la majorité. À partir de là, j'aimerais savoir ce qu'on pourrait corriger...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas voté. M. Rivest: Ce n'est pas voté.

M. Grenier: Peut-être qu'on pourra avoir l'appui de l'autre côté aussi.

Mme Lavoie-Roux: II ne faut pas présumer des résultats comme cela.

M. Grenier: Est-ce qu'il y aurait des corrections qu'on pourrait faire qui pourraient améliorer? Est-ce qu'il y a des suggestions bien pratiques que vous pourriez nous faire pour tenter d'améliorer cette loi qui est devant nous?

M. Larouche: Je pense qu'il ne faut pas oublier d'abord que la Loi du Conseil des collèges touche très indirectement pour le moment les institutions collégiales privées. Alors, je pense qu'il ne faut pas exagérer les remarques que nous avons faites dans notre mémoire. Elles sont suffisamment explicites, je pense, dans le mémoire. C'est surtout le secteur public qui est touché. Nous pourrons nous prononcer concernant ce qui est contenu dans le projet de loi du Conseil des collèges que lorsque nous connaîtrons la loi touchant la politique gouvernementale à l'endroit de l'enseignement privé. (16 heures)

M. Grenier: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, dans votre mémoire, vous soulignez ce que beaucoup de gens soulignent, depuis un certain temps, et ces gens exercent toutes les pressions nécessaires sur le gouvernement, et en particulier sur le ministre de l'Éducation, pour définir au plus tôt la politique générale de l'enseignement privé. Je pense que votre mémoire illustre justement, à en juger par les projets de loi que nous étudions présentement, le danger qu'il y a à ce qu'on procède plus ou moins de façon empirique en posant un acte législatif ou administratif qui, indirectement, touche à l'enseignement privé et qu'on aille, couci-couça, en reportant indéfiniment la publication de l'énoncé de politique sur l'enseignement privé.

Je ne reprendrai pas les paroles du député de Mégantic-Compton, sauf que peut-être, sur la pratique vous auriez avantage à mettre davantage d'espoirs sur l'arrivée au pouvoir du Parti libéral que sur l'Union Nationale; ce pourrait être moins long. Tout de même, là-dessus on est d'accord avec le député de Mégantic-Compton et peut-être bien, puisqu'on a la chance, aujourd'hui, d'avoir le ministre tuteur du ministre de l'Éducation, qui ne s'est pas très souvent prononcé sur l'enseigne-

ment privé — on a des déclarations du premier ministre, du ministre de l'Éducation qui contredisent le programme du Parti québécois — je ne sais pas si le ministre d'État au développement culturel ne pourrait pas, lui aussi, dans ce ciel du mois d'août où, d'un côté, tout est noir et, de l'autre côté, tout est bleu et prometteur, peut-être que pour l'enseignement privé, le ministre d'État pourrait laisser, pour un instant, la zone grise et non transparente de ce ciel du mois d'août pour entrer du côté de la zone claire et bleue de l'enseignement privé et nous dire si, quant à lui, il croit que l'enseignement privé a sa place ici. Est-ce que le ministre pourrait nous donner...

M. Laurin: Lycurgue, un des grands noms de Sparte, disait que le meilleur condiment, c'était le travail et le temps. Un aliment n'est jamais autant apprécié que quand on a bien travaillé et qu'on a passé beaucoup de temps sans manger. Je pense que notre politique, vous l'apprécierez d'autant plus que vous aurez bien travaillé et que vous aurez espéré durant longtemps, pendant que nous, nous travaillons et que nous tentons d'étudier toutes les facettes et les dimensions de ce problème complexe, après avoir donné l'attention principale au problème de l'enseignement public qui reçoit, bien sûr, la totalité ou la quasi-totalité des élèves sauf, peut-être, dans le domaine collégial où la proportion est plus grande.

Je pense que c'est rendre mérite à l'importance et à la difficulté de la question que de respecter les diverses dimensions et facettes du problème. En attendant, nous avons une politique que le ministre de l'Éducation a énoncée à plusieurs reprises, celle du moratoire qui consiste à arrimer le plus possible, surtout dans le domaine de l'enseignement secondaire, les nouvelles initiatives aux opinions des commissions scolaires qui, de par la loi, d'ailleurs, sont chargées de la responsabilité dernière en ces matières. Mais, vous ne perdrez rien pour attendre.

M. Rivest: C'est évidemment très clair, j'espère que tout le monde a compris. Je pense que Molière eût ajouté: Voilà pourquoi votre fille est muette.

Le Président (M. Marcoux): Oui, M. Saint-Germain?

M. Rivest: Je veux simplement poser... Oui?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Je veux simplement dire que nous ne sommes pas venus ici pour... nous avons une préoccupation politique, mais nous ne sommes pas venus ici avec une préoccupation de partisanerie politique. Nous nous sommes adressés à une commission parlementaire qui est la commission du gouvernement et nous pensons que c'est au gouvernement comme tel que nous nous adressons et nous lui demandons de clarifier ce qui ne nous paraît pas trop clair, savoir dans quelle mesure on sera touché ou non par ce conseil. Quand on lit le plan et les règles de répartition entre les collèges, les budgets d'investissement, on se dit est-ce que l'enseignement collégial privé va être financé pour des fins d'investissement, ce qu'on n'a pratiquement jamais connu. Quand on voit les politiques d'allocation du montant des crédits annuels accordés pour l'enseignement collégial, on se demande ce qu'on va faire vis-à-vis de l'enseignement privé. Dans ce conseil, on ne sera pas la préoccupation majeure des gens puisque nous serons très minoritaires.

Donc, je ne voudrais pas qu'on tire parti de notre intervention ici à des fins politiques, mais je voudrais que ce soit pour le bien de l'éducation qui, à mon point de vue, transcende toutes les parties parce que c'est l'avenir d'un pays que la préoccupation de la formation de sa jeunesse.

M. Rivest: C'est dans ce sens-là, justement, qu'il faut interpréter votre mémoire, comme ayant voulu pousser ce problème qui reste dans l'air. Le Parlement aura sans doute à prendre ses responsabilités et je pense que c'est normal que de part et d'autre, tant de ce côté que de votre côté on demande... Je pense qu'on pousse exactement dans la même direction.

Je voudrais simplement poser une question. Vous avez entendu hier les mémoires concernant la gestion participatoire. Quelles sont l'expérience et les vues de votre groupe là-dessus? Vous le mentionnez directement lorsque vous soulignez dans votre mémoire d'éviter, au niveau de la formation des conseils d'administration, les conflits d'intérêt. Je pense que vous vous référez au même type de problème que les collèges d'enseignement général et professionnel ont souligné. Quelle est votre expérience à ce titre-là?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): L'expérience de nos collèges, c'est que nous ne fonctionnons nullement... puisque nous ne sommes pas des corporations du même type, nous avons donc des conseils d'administration dans nos institutions qui sont de type totalement différent. Vous avez des modèles variés de conseils d'administration. Dans certains collèges, le conseil d'administration est composé uniquement de personnes de l'extérieur; dans d'autres endroits, ce sont partout des personnes de l'intérieur; ailleurs, c'est mêlé.

Nous ne nous sommes pas prononcés sur la loi 25, puisque nous ne sommes pas régis par cette loi, mais je pense qu'il y a beaucoup d'ambiguïté dans ce que les gens disent. On emploie souvent les mêmes termes, mais on donne des contenus différents aux mêmes termes. Dans nos collèges, on fait toujours la distinction entre un conseil d'administration et un comité de régie interne. C'est le comité de régie interne qui s'occupe de la gestion interne du collège de sorte qu'on ne remonte pas toujours au conseil d'administration quand il s'agit de savoir si on va peindre les murs de telle ou telle couleur. Ce sont des choses qui relèvent de la régie interne. Une fois que les budgets sont approuvés, on fonctionne à l'intérieur de cela. Je pense qu'on mêle

souvent les cartes en donnant aux conseils d'administration des fonctions qui devraient relever plutôt d'une bonne régie interne. C'est la pratique qu'on a dans nos collèges selon des modèles différents. Si jamais vous y êtes intéressés, cela nous fera plaisir de vous indiquer dans quel sens nous fonctionnons. Nous tenons à continuer ainsi, parce qu'on est très chanceux de ne pas être aux prises avec les problèmes dont on a entendu l'énumération hier.

M. Saint-Michel: Simplement pour un complément d'information, dans nos critères pour la composition du Conseil des collèges, nous avons insisté passablement sur les critères de compétence et sur le fait d'être vraiment au courant de la gestion dite participatoire. Nous avons en filigrane ici une notion qui consiste à dire ceci: Au lieu que ce soit sur une base de pure représentativité, nous aimons comme critère de sélection que quelqu'un siège à titre personnel, même s'il est désigné par... Que quelqu'un vienne de l'université, qu'il vienne du niveau secondaire, qu'il soit reconnu pour sa compétence et, une fois qu'il siège, il est là à siéger en tant que personne compétente. Le mot qui me flotte un peu dans l'esprit, je me demande si ce n'est pas un peu angélique, mais quand même c'est un idéal vers lequel on devrait tendre. Sinon nous semons des occasions de déchirement pour la défense d'intérêts parce que nos répondants vont nous demander des comptes. Siégeant à titre personnel, autant que possible, nous évitons beaucoup de friction.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: J'aurais une seule question à double volet à vous poser. Dans le livre blanc, on faisait largement état du besoin de plus en plus ressenti des institutions à s'évaluer elles-mêmes ainsi que du besoin, aussi, pour l'éducation nationale représentée par le ministère, de se rendre compte davantage, par l'évaluation du rendement pédagogique surtout, du système d'éducation.

Je voulais vous demander si votre association avait une politique d'évaluation institutionnelle. Vous nous avez parlé de quelques critères que vous utilisez lorsqu'un nouvel organisme demande à joindre vos rangs. Est-ce qu'au-delà de ces critères un peu empiriques que vous utilisez, est-ce que vous avez une politique d'évaluation insti-tutionelle? Est-ce que cette politique est écrite? Si elle ne l'est pas, est-ce que vous êtes en train de la préparer? Première question.

Deuxièmement, est-ce que, à votre connaissance, les collèges qui font partie de votre association s'auto-évaluent, à l'heure actuelle? Est-ce qu'ils vous font part du résultat de leur évaluation en ce qui concerne les programmes pédagogiques, en ce qui concerne les enseignants, en ce qui concerne les étudiants au-delà des résultats des examens?

J'ajouterais peut-être une troisième question. Étant donné que vos collèges sont quand même subventionnés dans une large partie par le ministère de l'Éducation qui est le représentant de la collectivité, est-ce que vous verriez objection à ce que les services dont on parle dans cette loi du Conseil des collèges vous soient également offerts, que vous les utilisiez et que, d'une certaine façon, la politique d'évaluation vous touche également en tant, justement, que participant à cette tâche d'enseignement que remplissent vos institutions?

M. Saint-Michel: Je vais tenter une réponse à la première question. Il faut dire que dans une perspective de collège privé, nous avons un passé culturel quand même assez riche et nous ne sommes pas nés d'hier, certains de nos collèges ont plus de cent ans, nous avons eu de longues traditions de relations avec les universités, et les universités Laval et de Montréal, en particulier, avaient certains critères d'accréditation, dans le temps, et nous sommes habitués à l'évaluation dans nos collèges, en général.

De ce certain héritage, nous avons retenu, au Service général de l'enseignement privé, une forme d'évaluation qu'on appelle auto-évaluation, une grille d'analyse de la situation de l'éducation sous toutes ses facettes, ou à peu près, dans une institution donnée. Suite à cette espèce d'évaluation avec, si je me rappelle bien, 400 critères d'évaluation de tous ces aspects, on se fait une sorte de profil ou une sorte d'image de cette institution. Je le sais un peu par expérience pour avoir fait partie de la commission consultative du ministère de l'Éducation, et presque chaque fois qu'une institution privée demandait d'améliorer son statut, invariablement, nous lui demandions de faire cette auto-évaluation grâce à cette grille qui est certainement perfectible.

Il n'est pas dit qu'un institut de recherche en évaluation n'améliorerait pas cette formule, mais déjà, nous n'avons pas les mains vides, nous avons déjà des instruments d'évaluation, d'autant plus que l'association des collèges, comme telle, a aussi ses critères d'évaluation pour admettre une institution à l'intérieur de son association. Je ne sais pas si je réponds à votre première question. (16 h 15)

M. Saint-Germain (Jean-Marie): J'ajouterais ceci, M. le ministre. Nous avons été très heureux que le centre d'animation de recherche en éducation ait pu jouir de subventions particulières via la Direction générale de l'enseignement collégial pour tout ce qui touche ce problème de l'évaluation. Nous avons profité des recherches qui ont été faites par cet embryon d'un centre national d'évaluation et nous avons été très heureux d'essayer de mettre à profit, au plan local, les recherches qui sont commencées. Mais, nous sommes toujours aux prises avec vraiment des instruments d'évaluation. Nous n'avons pas de politique écrite sur cela, en tant qu'association; nous préférons fonctionner par mode d'échange d'expériences et de concertation. Par exemple, nous réunissons les directeurs des services pédagogiques, non pour discuter de problèmes administratifs, mais pour discuter vraiment de problèmes pédagogiques.

Nous avons fait des séances sur cette question de l'évaluation du personnel, comment pourrait-on se prendre, les difficultés qu'on rencontre, dans quel sens cela peut se faire, jamais dans le sens de vouloir assommer quelqu'un ou de vouloir le contrôler, mais dans le sens de l'aider à s'améliorer.

Nous avons fait des réunions conjointes des directeurs des services aux étudiants de nos collèges et des directeurs des services pédagogiques pour voir dans quel sens il faudrait créer, dans nos institutions, le meilleur climat pour qu'il y ait une collaboration intense entre ces deux services, pour amener l'étudiant à une meilleure autonomie de lui-même, quel genre d'encadrement cela prend au niveau collégial pour, en même temps, éduquer l'étudiant à une autonomie, et en même temps, lui donner des conditions favorables pour qu'il puisse le plus parfaitement s'épanouir. Ce n'est non pas dans un sens d'un règlement de défense, c'est dans un sens d'un encadrement qui va favoriser davantage cet épanouissement, de telle sorte que c'est dans ce sens d'évaluation que nous fonctionnons, aussi bien avec les directeurs des services financiers, comment améliorer les procédures, etc., aussi bien avec les directeurs de bibliothèques, comment améliorer les services et, c'est par l'intermédiaire de ces groupes de travail, que nous travaillons et que nous échangeons nos expériences pour que le bien qui a été réalisé dans une institution puisse servir dans une autre avec les accommodements nécessaires compte tenu des situations qui sont diverses.

S'il y avait un centre d'évaluation qui, vraiment, pourrait nous fournir des instruments... Je vous dis que ce n'est pas une tâche facile parce qu'on a, aux États-Unis, des traditions dans cela, et c'est toujours un problème de trouver des instruments qui soient vraiment adaptés à notre situation et qui aident vraiment les gens à mieux se perfectionner. S'il y avait des instruments, nous serions très heureux de pouvoir les utiliser parce que je pense que ce serait peut-être le meilleur placement qu'un gouvernement pourrait faire pour améliorer non seulement la qualité de l'enseignement, mais la qualité d'une institution d'enseignement. Les premiers bénéficiaires seraient ceux pour qui on se dépense chaque jour, avec l'espoir qu'un jour ils vont vraiment apporter quelque chose à la société.

M. Laurin: La deuxième partie de ma question, étant donné que vos institutions émargent, d'une façon substantielle, aux fonds publics dans une proportion de 80%, auriez-vous objection à ce que cette loi ou cet organisme s'applique à vos institutions et que vous puissiez bénéficier des services qu'il puisse offrir?

M. Saint-Germain (Jean-Marie): Dans le sens où c'est un organisme de services, je pense que la préoccupation du gouvernement, au niveau collégial, à chaque fois que le gouvernement offre des services à l'enseignement collégial, serait d'avoir assez de largesse d'esprit pour que ce soit offert aussi bien au secteur collégial public qu'au secteur collégial privé puisque nous avons les mêmes objectifs de formation du citoyen et je ne verrais pas pourquoi on ferait toujours cette distinction entre le public et le privé quand il s'agit des instruments et des moyens, aussi bien sur le plan d'innovation pédagogique que de la recherche. Si ce sont des services pour le mieux-être, nous en sommes totalement et complètement.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre collaboration, je remercie l'Association des collèges du Québec. J'inviterais maintenant l'Association nationale des étudiants du Québec à venir nous présenter son mémoire.

Association nationale des étudiants du Québec

M. Chabot (André): Bonjour, M. le Président, mesdames et messieurs. J'aimerais d'abord vous présenter André Rémillard, qui est responsable des affaires extérieures à l'exécutif de l'ANEQ et moi-même, André Chabot, secrétaire à l'information, et m'excuser pour l'absence du secrétaire général Bernard Crustin qui ne pourra pas être présent à la commission parlementaire.

Je vous suggère de passer d'abord à la lecture du mémoire, des sept premières pages du mémoire et, par la suite, on pourra procéder comme pour les autres groupes.

Le Président (M. Marcoux): Vous prenez une vingtaine de minutes, soit pour lire ou pour résumer votre mémoire, et après ce sont les échanges.

M. Chabot: D'accord. Je vais le lire.

L'Association nationale des étudiants du Québec regroupe les étudiants de 31 associations étudiantes de niveau collégial et universitaire. Son but est la défense et la promotion des droits et intérêts des étudiants.

La ligne générale du programme de l'ANEQ est la lutte pour le droit du peuple à l'éducation, c'est-à-dire le droit pour l'ensemble de la population d'avoir accès aux connaissances et ce, sans restrictions.

Dès la publication du livre blanc, l'ANEQ s'est penchée sérieusement sur ce qu'il est convenu d'appeler le condensé des politiques du gouvernement du Parti québécois dans l'éducation. Rapidement, nous avons constaté que "la continuité dans le changement" prônée par le livre blanc ne consiste, en fait, qu'à reprendre les politiques restrictives dans l'éducation mises de l'avant par les rapports Nadeau et GTX, déposés sous le régime Bourassa, et de leur donner une saveur québécoise. Dans les faits, cependant, le livre blanc nie le droit du peuple à l'éducation par ses politiques de coupures de budget qui se concrétiseront par une réduction du personnel enseignant, par un matériel didactique de qualité moindre et en quantité insuffisante, par sa projection de baisse de clientèle, etc.

Le livre blanc sur l'enseignement collégial est donc à l'opposé du programme de l'ANEQ quant à sa ligne générale, et c'est pour cette raison que nous nous sommes prononcés en faveur du rejet de celui-ci. Vous trouverez en annexe le document qui sous-tend cette position adoptée lors du dixième congrès national tenu à Saint-Jean, les 24 et 25 mars derniers.

Pourquoi une telle rapidité? C'est la première question qui nous vient à l'esprit en voyant comment le gouvernement entend procéder à l'adoption de ces projets de loi.

Pourquoi, à cette période de l'année, alors que les étudiants ne sont plus dans les collèges, le gouvernement veut-il précipiter la création du Conseil des collèges?

En ce qui nous concerne, la réponse est simple: le gouvernement sent les désaccords de plus en plus nombreux envers ses politiques, autant chez les étudiants, chez les professeurs, que chez ses propres administrateurs. C'est pourquoi le gouvernement veut passer ses projets de loi aussi vite que possible afin de bâillonner toute opposition. C'est là l'intention du gouvernement et c'est pourquoi nous nous opposons à l'adoption de ces projets de loi cet été et demandons que le tout soit reporté à l'automne prochain.

De plus, nous dénonçons la rapidité dont fait preuve le gouvernement quand il s'agit de ses projets, alors qu'en novembre dernier, les étudiants ont eu droit à un traitement bien différent lorsque le ministre retardait indûment, pendant quatre semaines, la première rencontre avec les négociateurs étudiants. Les 100 000 étudiants alors en grève ont dû attendre encore trois semaines avant d'obtenir une réponse du gouvernement après cette première rencontre.

Le projet de loi 24. Il y a ici, au début, une citation du livre blanc: "L'absence de mécanismes capables de mesurer avec quelque précision la qualité des établissements et de l'enseignement qui y est dispensé, non moins que celles des diplômés décernés." Citation prise à la page 24.

Renforcer le contrôle de l'État et des compagnies sur l'éducation, voilà quel est le but du livre blanc. En période de crise économique et politique, un contrôle accru permettra aux compagnies de s'assurer une éducation répondant encore plus à leurs besoins immédiats; un contrôle accru de l'État permettra de mettre le cadre nécessaire pour passer ses politiques de crise. Un des moyens d'augmenter le contrôle de l'État sur l'enseignement est la création du Conseil des collèges.

Dans les notes explicatives, on dit que le Conseil des collèges aura comme fonction de donner des avis au ministre sur ce que ce dernier sera tenu de lui soumettre: certains projets de règlements, entre autres: les règlements de bon ordre du cégep de Maisonneuve, ou encore la création de nouveaux programmes ou la fermeture, la création de nouveaux collèges ou la fermeture, un plan de répartition des programmes ou régionalisation et contingentement, nouveaux budgets ou coupures. Bref, le ministre s'entoure d'un conseil qui développera les façons d'appliquer ses politiques.

Nous nous opposons déjà à ces politiques, ce qui nous amène à nous opposer à la création du Conseil des collèges que nous considérons comme un moyen d'appliquer et de développer les politiques de crise contenues dans le livre blanc.

Le projet de loi 25. Une autre citation: "Aucun projet national durable ne saurait s'édifier sans une éducation de qualité", en page 8. On connaît le projet national du Parti québécois, ou du moins son intention et, pour s'assurer une bonne tribune dans l'école, le gouvernement introduit deux nouveaux cours qui seront obligatoires: civilisation et économie québécoise, ou PQ 1, PQ 2. L'ANEQ s'oppose à ce que ces cours soient obligatoires.

Mais le projet de loi 25 donne aussi au ministre les pouvoirs de reconnaître un programme d'enseignement professionnel d'intérêt national et de confier ainsi l'ensemble du programme à un comité qui verrait à l'organisation et à la gestion de ce programme. Quel rêve pour un gouvernement nationaliste, une éducation qui sert son projet national. Mais dans les faits, cette mesure servira-t-elle la nation et ses besoins ou les compagnies québécoises? Est-ce que la concentration de technique de soins infirmiers, par exemple, sera déclarée d'intérêt national parce que les Québécois ont moins de soins et de services ou est-ce que ce sera la concentration de technique minière au cégep de Rouyn parce qu'Asbestos Corporation sera québécoise?

Face à toutes les coupures de budget que le gouvernement effectue dans le secteur de la santé, nous sommes portés à croire à la seconde hypothèse, ce qui fait que nous ne pouvons que nous opposer à cette mesure. De plus, les changements apportés à la Loi des collèges vont permettre la formation d'une corporation ayant pour objet de fournir aux collèges des services auxiliaires. Il y a quelques années, le gouvernement installait dans le décor ses nouvelles tentatives de coupures par le biais d'une directive aux services auxiliaires prônant l'autofinancement sur le dos des étudiants et des usagers à l'instar des politiques de financement pratiquées antérieurement, ce qui se traduisit par des hausses de coût pour les étudiants à la cafétéria, aux résidences et dans la plupart des services.

Maintenant, le gouvernement entend accepter la création de corporations ayant comme tâche d'offrir les services auxiliaires et comme but l'autofinancement, comme toute bonne corporation. Mais, qui va payer la note? Les étudiants? Les parents? Nous nous opposons à cette mesure et exigeons que les services auxiliaires soient subventionnés car nous nous permettons de douter que l'aide financière aux étudiants saura absorber ces hausses.

Le gouvernement libéral précédent, lorsqu'il devait faire passer ses politiques, y allait par décret, loi matraque et autres pratiques du genre. L'Opposition péquiste du temps, y compris vous, M. Morin, ne manquait alors aucune occasion de crier au scandale, à l'antidémocratisme. Aujourd'hui, le gouvernement, plus démocratique, fonctionne par le biais de commissions parlementaires fantoches qui n'ont comme but que de passer au

plus vite les politiques gouvernementales en laissant croire qu'il y a consultation. La procédure est différente, mais le résultat reste le même.

Les projets de loi 24 et 25 et, plus généralement, le projet du gouvernement à l'endroit des cégeps sont à l'opposé des intérêts du peuple, de la nation. C'est pourquoi l'ANEQ exige le retrait de ces mesures. L'éducation doit être un droit, non un privilège. Nous nous opposons aux coupures du budget et l'autofinancement des services auxiliaires. Nous nous opposons aux contrôles accrus des compagnies et de l'État sur l'éducation. Les programmes doivent être conçus en fonction des besoins du peuple. Nous nous opposons aux contingentements qui nient les besoins de la population, par exemple, en techniques paramédicales, et nous sommes pour le maintien de toutes les concentrations.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je n'ai pas de questions particulières. Je crois que c'est un mémoire très clair, très transparent.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Moi, j'ai des questions.

M. Rivest: À moins que les collègues du ministre... Non? Le ministre a fait son tour de table, tantôt, les prévenant de ne pas poser de questions.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais vous demander quelle est votre évaluation du fonctionnement des collèges, actuellement. Est-ce que les étudiants, en général, sont satisfaits? Est-ce qu'il y a des problèmes à l'intérieur des collèges? Quelle en est la nature et dans quelles voies voyez-vous des correctifs s'il y a des problèmes? La population sent qu'il y a des problèmes; vous, est-ce que vous en voyez?

M. Chabot: On ne peut certes pas nier l'existence de problèmes dans les cégeps, c'est clair. Nous demander, à brûle-pourpoint, de faire l'analyse de...

Mme Lavoie-Roux: Mentionnez-en quelques-uns, ceux qui vous semblent les plus importants. (16 h 30)

M. Chabot: D'accord... de faire l'analyse de la situation des cégeps et de leur évolution pendant les dix dernières années. Je dois vous avouer que j'étais bien jeune à l'époque de leur création et que je n'ai peut-être pas la possibilité de faire une analyse complète de toute l'évolution de la situation à l'intérieur des cégeps. Cependant, on ne peut pas nier le fait qu'il existe des problèmes dans les cégeps présentement et je pense que les luttes qui sont menées chaque jour dans les cégeps et les revendications qui sont mises de l'avant par les étudiants sont le reflet des problèmes qui existent dans les cégeps.

Je pourrais peut-être faire une exposé sur le programme de l'ANEQ, sur nos revendications au niveau pédagogique, sur le travail qu'on fait au niveau pédagogique, mais nous sommes venus ici pour dénoncer le fait que cette commission parlementaire se tienne de cette façon, qu'on ait obtenu les projets de loi uniquement il y a quinze jours, que la commission parlementaire se tienne au mois de mai, alors qu'il n'y a plus aucun étudiant. C'est pour cette raison qu'on est venus à la commission parlementaire. Si vous voulez connaître l'ensemble des problèmes qui existent à l'intérieur des cégeps, on pourra se rencontrer éventuellement ou encore vous pourrez aller dans les cégeps voir l'association étudiante.

Mme Lavoie-Roux: Je dois vous dire que, quant à vos remarques sur le moment choisi pour tenir la commission, quant aux délais qui ont été accordés, quant aux — le ministre m'accusera peut-être de lui imputer des motifs — tours de passe-passe pour que cela aille vite, que ce soit présenté au moment de l'accélération des travaux de la Chambre, je suis d'accord avec vous. Si vous aviez été ici la première journée... je ne suis pas pour me répéter, M. le ministre n'a pas aimé cela quand je lui en ai parlé, mais il reste qu'on a un autre souci ici. On se dit: De toute évidence, il y a de l'insatisfaction à l'intérieur des collèges, que ce soit de l'insatisfaction qui provienne des conseils d'administration, des enseignants ou des étudiants.

Je vais essayer, parce que vous trouvez que ma question était trop large, peut-être était-elle trop large... Vous disiez tout à l'heure: II faudrait que vous connaissiez les revendications que les étudiants font à l'intérieur des collèges. Je sais qu'à l'automne il y a eu le problème des prêts et bourses, vous avez fait des revendications. Pou-vez-vous me donner des problèmes d'un autre ordre que ce problème spécifique pour lesquels vous avez des revendications? Qu'on soit d'un côté ou de l'autre de la table, on a quand même le souci de dire: Si les cégeps pouvaient mieux fonctionner, ce serait peut-être mieux. Je pense qu'on s'accorde là-dessus. Mais pour faire cela, je voudrais quand même avoir... Vous êtes les seuls étudiants qui aient été convoqués ici. J'aurais souhaité comme vous que d'autres groupes d'étudiants puissent venir, si tel était leur désir. Si cela avait été fait durant l'année scolaire, je pense que cela aurait été plus facile.

Pouvez-vous spécifier quelques problèmes concrets qui vous apparaissent les plus cruciaux pour la vie des étudiants et des objectifs qu'eux-mêmes poursuivent quand ils s'inscrivent dans une institution d'enseignement collégial? Est-ce que c'est un petit peu plus...

M. Chabot: D'accord. Vous avez soulevé la question des problèmes économiques vécus par les étudiants et je pense que c'est l'évidence même à la suite des manifestations qu'il y a eu l'automne dernier. Au niveau pédagogique, c'est difficile de faire ressortir certains problèmes particuliers qui prédominent par rapport à d'autres.

C'est plutôt une situation d'ensemble, par rapport, par exemple, au contenu de cours complètement décrochés de la réalité. Par exemple, en économique, on nous montre comment cela fonctionne, les bébelles, les PME, les grandes entreprises et toute la bébelle, mais jamais on ne va parler ou expliquer dans un cours le pourquoi du chômage, pourquoi il y a de l'inflation; ça en est.

L'ANEQ, dans son travail sur la pédagogie, le fait beaucoup plus sur une question d'ensemble. Je pense que cela se reflète, par exemple, dans notre position par rapport au livre blanc, parce que les problèmes de la pédagogie ne sont pas dus à des facteurs isolés. C'est dû à une situation concrète.

On peut parler aussi des problèmes que vivent les associations étudiantes au niveau des organisations propres. On peut parler de l'Association étudiante du cégep du Vieux-Montréal qui, à cause de la directive 20407, directive qui oblige une association étudiante, lorsque l'administration lui présente un contrat de service, c'est-à-dire un contrat dans lequel l'administration verse les cotisations à l'association étudiante conformément à certaines modalités. L'administration présente ce contrat et si l'association refuse de le signer, l'association n'a pas d'argent. Si l'administration ne veut pas le signer, l'association n'a pas d'argent, même pas de local au cégep du Vieux-Montréal. Par le biais de ces contrats de service, le gouvernement tente d'imposer, par exemple au cégep de Rimouski, par le biais des administrations locales, des modes de fonctionnement aux associations des étudiants qui doivent être autonomes. C'est un problème entre autres. On a parlé de la pédagogie et on a parlé du secteur économique.

Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir sur une question plus précise. Quel est le rôle, selon vous, que les étudiants peuvent jouer à l'intérieur des conseils d'administration tels qu'ils existent?

M. Chabot: Les rôles qu'ils jouent actuellement ou les rôles qu'ils peuvent jouer?

Mme Lavoie-Roux: Qu'ils jouent, qu'ils peuvent jouer ou qu'ils choisissent de ne pas jouer, mais qu'ils pourraient jouer.

M. Chabot: Qu'ils pourraient jouer, on n'a pas de position à ce niveau-là. On a déjà, lors des récents congrès, mené des discussions sur notre participation, sur la valeur de notre participation au conseil d'administration et cela se situe dans un débat d'ensemble concernant la valeur de nos représentations effectuées auprès des instances, mais on n'a pas de position officielle là-dessus.

Mme Lavoie-Roux: Alors, vous ne pouvez pas me dire s'il y a là quand même un outil qui pourrait servir à améliorer les conditions difficiles auxquelles vous faisiez allusion touchant, par exemple, la place qui est accordée aux associations étudiantes, les ressources qui sont mises à leur disposition. Est-ce qu'il vous semble que oui ou non votre présence au conseil d'administration pourrait être un moyen de véhiculer ces problèmes-là?

M. Chabot: Je peux parler de la situation actuelle. Il y a une dame hier qui en a parlé, Mme Blackburn, qui représentait je ne sais plus quel groupe au niveau des présidents de CA, je crois, et qui disait que par exemple, à Chicoutimi, on se demandait des fois si on devait laisser voter les étudiants sur des questions comme, par exemple, le calendrier scolaire. À Chicoutimi le problème a été vécu et c'est probablement la raison pour laquelle elle l'a soulevé. Le problème a été vécu cette année, alors que la session ne se terminera que vendredi, à la suite d'un très long conflit qui a perturbé tout le réseau l'automne dernier. Mais notre présence au conseil d'administration, de quelle façon on peut l'évaluer? Je pense que c'est la même chose que notre présence à la commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question. À la dernière page de votre rapport, en tout cas c'est la dernière, elle n'est pas numérotée, vous dites: Nous nous opposons au contingentement qui nie les besoins de la population, par exemple, les techniques paramédicales et nous sommes pour le maintien de toutes les concentrations. Tout à l'heure, vous faisiez allusion au problème de chômage, au problème de... Même si vous l'avez dit rapidement, je pense que vous aviez en tête ce problème de chômage des jeunes et tout cela. Je sais que la question de contingentement versus la question de liberté c'est toujours délicat, mais d'un autre côté, quelle est votre position vis-à-vis de... Je mets de côté les grosses compagnies auxquelles vous faites allusion, quand il s'agit d'hôpitaux et de techniques paramédicales, c'est quand même pour répondre à des besoins de l'ensemble de la population.

M. Chabot: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: Quand les besoins sont comblés en personnel, est-ce qu'il faudrait indéfiniment laisser ces concentrations ouvertes d'une façon tout à fait libre?

M. Chabot: D'une part, il faut préciser que le conseil central de l'ANEQ ne s'oppose pas à tout contingentement.

Mme Lavoie-Roux: Ah bon!

M. Chabot: D'une part. C'est pour cela qu'on dit qu'on s'oppose à des contingentements qui ne vont pas dans le sens des intérêts du peuple. On va parler entre autres du secteur hospitalier auquel vous faisiez référence. Il est faux de dire que les besoins sont tous comblés. Les postes, oui, mais les besoins non. Il y a des gens qui sont dans la rue présentement, dans les hôpitaux, et ils sont en train de le prouver. Le contingentement dans le

secteur paramédical, quand on dit que les mesures de crises du Parti québécois ou du gouvernement du Parti québécois se reflètent directement dans l'éducation, je vais vous donner un exemple.

À l'hôpital il y a des coupures. Par exemple, cet été, si on fait une moyenne, il y a environ 40% des lits qui seront coupés dans les hôpitaux. Cela a comme conséquence qu'il y a un grand nombre d'étudiants qui étaient embauchés par le gouvernement indirectement, ils l'étaient par les institutions parapubliques, qui n'auront pas d'emploi. Parallèlement à cela, au cégep, on n'a pas besoin d'infirmière, on coupe dans les hôpitaux, les postes sont comblés; alors, on contingente. Qu'est-ce que cela donne de payer pour que des gens étudient en techniques infirmières, alors que, d'un autre côté, on coupe dans les hôpitaux?

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question sur le programme économique. Est-ce que vous niez, au moins sur le plan des options, l'utilité d'un cours d'économie qui comprendrait, par exemple, peut-être pas uniquement certains aspects pour lesquels vous éprouvez une certaine réprobation, mais qui donnerait une image complète des structures économiques, des forces économiques, etc? Ne pensez-vous pas que cela puisse être utile? Cela me fait bien plaisir que vous l'appeliez PQ 1, PQ 2, mais, sur le plan de la réalité, est-ce qu'il n'y a pas quand même un besoin?

M. Chabot: On est pour que l'ensemble de la population puisse acquérir des connaissances. Au niveau économique, c'est la même chose. Présentement, au niveau économique, qu'est-ce qu'on montre? On montre comment cela fonctionne, abstraitement, dans les actes. Je pense que notre position sur les cours qu'entend instituer le ministre est bien claire. Si le Parti québécois a besoin d'une tribune, on n'acceptera pas que ce soit à l'intérieur de l'école. Par contre, on ne nie pas l'utilité d'un cours d'économie, au contraire, comme on ne nie pas l'utilité de la connaissance, mais que ce ne soit pas obligatoire. On ne veut pas que ce le soit parce qu'on présage bien du contenu de ces cours.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup, je n'ai pas d'autres questions pour le moment.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, c'est avec plaisir que nous recevons les membres de l'Association nationale des étudiants du Québec.

M. Chabot: Croyez-vous que ce soit partagé?

M. Le Moignan: On a été étudiants un jour nous aussi. Plusieurs autour de cette table ont vécu dans le milieu de l'éducation pendant de nombreuses années. Je suis en mesure, comme d'au- tres, de comprendre votre mémoire. Quand on est jeune, quand on rédige un mémoire, on est bouillant, on est ardent, on y va en ligne directe et c'est le style que vous avez employé. Je ne veux pas du tout vous en blâmer, c'est votre mémoire, c'est votre personnalité qui se détache. Vous noterez tout de même avec beaucoup d'à propos que pour les jeunes, je comprends que ce soit une mauvaise saison, mais vous aurez tout de même réalisé que le gouvernement, au début de juin, alors qu'il y a tellement de lois à voter, arrive avec des projets aussi importants que ceux qui concernent les collèges, l'éducation, la programmation éducative, Radio-Québec et beaucoup d'autres projets. Vous en voyez quelques-uns, mais nous en avons peut-être de 30 à 40, vous êtes probablement au courant. Vous dites que le gouvernement veut peut-être bâillonner les oppositions. Les oppositions essaient de se défendre, mais on est poussé, limité nous aussi par le calendrier.

Il y a de petites choses que je ne comprends pas très bien, c'est pour cela que je veux vous poser des questions, puisque vous êtes ici pour nous renseigner et faire entendre votre point de vue. Il semble que vous soyez contre la loi du Conseil des collèges. Votre crainte, c'est l'augmentation du contrôle de l'État. Dans votre position, vous avez besoin de l'État pour étudier. Les subventions, il n'y en a peut-être pas assez, vous déplorez ce point-là. J'aimerais savoir pourquoi cette crainte d'un contrôle de l'État, alors que c'est l'État qui est le grand patron. Allez-y franchement.

M. Chabot: Je vais certainement y aller franchement. L'État, c'est le grand patron, on le reconnaît, on en est même...

M. Le Moignan: Avec l'argent des concitoyens.

M. Chabot: Avec l'argent des concitoyens. Mais l'argent des concitoyens qui était destiné aux services hospitaliers, par exemple, est coupé. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'il y aura 40% de lits de moins cet été. Le gouvernement du Parti québécois qui mène la lutte au chômage dans des secteurs où il est lui-même employeur crée du chômage. La performance du gouvernement depuis 1976 dans la lutte contre le chômage, n'est pas très... on ne la trouve pas très formidable. (16 h 45)

M. Le Moignan: Vous avez réalisé qu'il y avait beaucoup de belles lois sociales et culturelles tout de même, mais moins de lois économiques pour vous aider.

M. Chabot: On pourra en parler à un autre moment. Ce qui arrive, c'est que l'État présentement, ce qu'il fait ne va pas dans le sens des intérêts de la population. Cela ne va pas dans le sens des intérêts de l'étudiant non plus quand il présente des projets de loi comme ceux-là et un livre blanc comme celui-là. J'ai donné l'exemple du secteur hospitalier tantôt. Pourquoi s'oppose-t-

on au contrôle de l'État? Que fait l'État présentement? Est-ce que ce sont des besoins de la population dont il se préoccupe d'abord? Est-ce que c'est cela la priorité? Nous, on pense que non.

Dans ce sens, on se joint aux gens des hôpitaux, du front commun, et on se joint à tous ceux qui critiquent les politiques du Parti québécois et on dit: Vous n'êtes pas corrects, pas meilleur que les autres.

M. Le Molgnan: C'est normal. Si vous regardez les partis d'opposition, ici à la table, le rôle d'un véritable parti d'opposition, c'est de critiquer positivement. Toutes les lois ne peuvent pas être parfaites. Vous avez tendance à critiquer quand le gouvernement ne répond pas toujours à vos attentes. Cela, c'est bien légitime de votre part. Vous avez demandé des choses et le gouvernement ne vous les a pas toutes accordées. Il y a peut-être des promesses que le gouvernement nous a déjà dit qu'il réaliserait avec le temps, que ce soit la gratuité scolaire ou d'autres choses du genre.

Il y a une petite chose qui m'intrigue. Vous dites que la loi actuelle sert d'abord le gouvernement et les compagnies. Je vois que vous n'aimez pas beaucoup les compagnies. Vous dites aussi: Nous nous opposons au contrôle accru des compagnies et de l'État sur l'éducation. Vous avez parlé du chômage à quelques endroits. Vous dites: II y a du chômage parce que les compagnies aiment mieux cela, ça les empêche d'embaucher les finissants des cégeps. Il semble y avoir une petite contradiction parce que, justement, il y a de l'inflation, il y a moins de travail et donc il y a du chômage. Si moins de compagnies fermaient leurs portes, cela procurerait plus de travail. Je ne sais pas si vous avez examiné cet aspect.

M. Chabot: Là, on s'engage sur une question assez...

M. Le Moignan: Je ne veux pas vous planter des...

M. Chabot: Le Parti québécois, vous l'avez souligné tout à l'heure, vous avez dit: II n'a peut-être pas répondu à toutes vos attentes, vous êtes un peu choqués, c'est normal. Nous aussi on trouve cela normal d'être choqués, mais le pire c'est que le gouvernement, chaque fois que des groupes font des représentations auprès de lui pour dénoncer une situation, dénoncer les coupures, dit: II y en a d'autres, pensez aux autres. Nous, il nous disait: Pensez aux vieillards, pensez aux garderies. M. Charron a même eu l'audace de venir dire, à Chicoutimi, qu'il avait coupé les subventions aux garderies pour les donner aux étudiants. Le pire, c'est que le gouvernement dit à tout le monde qu'il y en a d'autres. Pendant ce temps, il va acheter l'Asbestos Corporation.

M. Le Moignan: C'est important, cela.

M. Chabot: L'Asbestos Corporation, c'est une compagnie. Pourquoi on n'aime pas les compa- gnies, qu'est-ce qu'elle fait, l'Asbestos Corporation, quel est son but? Qu'est-ce qui arrive là? Comment se fait-il que les gens aient les poumons maganés, qu'ils se retrouvent à l'hôpital à 40 ans et qu'à 45 ans il ne soient plus à l'hôpital mais dans la cour arrière? Ce sont toutes ces choses qu'on remet en question. Ce que le gouvernement fait présentement, il dit à la population: Dans le sens du développement de la nation, il faut se serrer la ceinture. J'aurais presque envie de reprendre la caricature d'une page frontispice d'un bulletin du front commun qui montrait justement le ministre Parizeau en train de serrer la ceinture à un salarié. Les privilégiés là-dedans, ce sont ceux qui ont la bedaine assez grosse pour ne pas avoir besoin de ceinture.

M. Le Moignan: Je suis d'accord avec vous sur ce point, quand vous posez la question de l'achat de l'Asbestos, $200 ou $250 millions qui ne rapportent pas un sou à la province, de toute façon, et qui ne crée pas d'emplois...

M. Chabot: Je vous arrête parce que chaque fois que je vais dire quelque chose, étant donné que vous êtes dans l'opposition, vous allez le reprendre avec des petites couleurs et vous allez me dire: Oui, vous avez bien raison. On constate que ces politiques sont mises de l'avant par le Parti québécois aujourd'hui, mais le Parti québécois est pareil aux autres. Les autres... je ne sais pas si vous êtes indépendant, mais si vous ne l'êtes pas, vous êtes dans un de ces autres.

M. Le Moignan: Je suis de l'Union Nationale. Cela répond à votre question? Il reste qu'un jour vous serez appelés à jouer un rôle politique, je l'espère. Vous allez être membres d'un parti...

M. Chabot: On en joue déjà un, monsieur.

M. Le Moignan: Oui, mais vous allez peut-être jouer le rôle — et c'est normal — que les députés jouent autour de cette table aujourd'hui et vous...

M. Morin (Sauvé): L'Union Nationale vous attend.

M. Le Moignan: Oui, l'Union Nationale a...

M. Chabot: Oui, le PQ nous disait cela et on voit ce que cela a donné.

M. Le Moignan: Le ministre veut détourner votre attention comme il l'a fait tout à l'heure dans sa réponse, mais l'Union Nationale au sens large du mot, l'union de tous les Québécois, quelle que soit leur couleur politique, vous allez jouer un rôle un jour.

M. Chabot: En tout cas. Est-ce que je peux vous interrompre deux minutes? C'est drôle, tantôt, c'est parti sur un ton bien arrogant. Vous avez dit: C'est peut-être normal, c'est propre à la jeunesse. Si on était sur une plage, on n'aurait probablement pas un ton arrogant. C'est le fait qu'on

soit ici devant vous. Cela a pris une petite tournure comique. Pardon?

M. Le Moignan: Pas moi. Je ne suis pas arrogant.

M. Chabot: Non, mais tantôt vous avez dit: C'est le propre de la jeunesse d'être arrogant, impulsif et tout cela. C'est l'endroit où on est qui commande nos attitudes. Sur une plage, on serait probablement en train de courir dans le sable.

M. Le Moignan: Vous seriez morts, si vous aviez un autre ton. Vous avez un ton que j'ai dit vivant, le ton de la jeunesse. Le chômage des jeunes, vous en avez parlé tout à l'heure, c'est vrai qu'il y a beaucoup de finissants qui sortent des cégeps des différentes régions pour différentes raisons.

J'aurais un dernier point à toucher avec vous. Vous mentionnez ici les cours de civilisation québécoise et d'économie du Québec. Vous dites: C'est vrai, des petites bribes. Personnellement, indépendamment de la politique du Parti québécois, un cours de civilisation québécoise bien entendu, dans le vrai sens du mot, parce qu'on a délaissé, malheureusement, l'histoire nationale ou l'histoire du Québec, l'histoire du Canada pendant trop d'années, les jeunes le déplorent également... Dans les autres pays, on enseigne la base de l'économie. Allez chez les anglophones, on donne des cours d'économie et cela leur sert dans la vie. Les preuves sont faites. Je ne veux pas discuter ce point-là, mais je voudrais avoir une dernière réflexion. Vous semblez vous opposer un peu à ces cours.

M. Chabot: Je pense que je n'ai rien d'autre à ajouter que ce que je peux avoir dit à Mme Lavoie-Roux tout à l'heure.

M. Le Moignan: Je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos revendications.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président.

M. Rivest: Le ministre vous a demandé de ne pas parler. Un libre penseur, enfin.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je vous félicite de ne pas accepter la tutelle du ministre.

M. de Bellefeuille: Dans votre bouche, c'est un compliment.

M. Rivest: Oui, merci.

M. de Bellefeuille: Vous nous dites qu'il s'agit ici d'une commission parlementaire fantoche qui laisse croire qu'il y a consultation. Il me semble qu'il serait logique, quand on croit qu'on est devant une commission parlementaire fantoche qui laisse croire qu'il y a consultation, qu'on ne se présente pas devant cette commission. Alors, je voudrais vous demander pourquoi vous vous êtes présentés, pourquoi vous avez rédigé un mémoire devant une commission fantoche qui n'est qu'un semblant de consultation.

M. Chabot: Pour la dénoncer, monsieur. C'est pour la dénoncer. La commission parlementaire, qu'elle soit fantoche ou pas, est un mécanisme qui est utilisé par votre gouvernement qui précède l'adoption d'une loi. Qu'on dise qu'elle soit fantoche ou pas, si on reste dans la rue, la commission parlementaire va être là pareil. La raison pour laquelle on est venu ici, c'est pour dénoncer parce que le gouvernement va dire dans un mois: On a consulté les étudiants, on a consulté les professeurs, on a consulté tous les groupes démocratiquement et il va reprendre cela. Si on n'était pas venus, le gouvernement aurait dit: On ne coopère pas. On ne comprend pas que c'est par la discussion qu'on va en venir à un consensus et qu'on va pouvoir avancer ensemble. Mais le gouvernement, l'automne passé, et M. Morin en tête, mettait en doute la représentativité de l'Association nationale des étudiants du Québec. Aujourd'hui, il l'invite comme un groupe qui a son mot à dire dans les collèges. Tous ces jeux-là nous font dire que la commission est fantoche, que dans un mois la présence de l'association nationale... Demain ou dans cinq minutes, après que ce sera terminé, on aura oublié ces jeunes étudiants aux cheveux longs qui sont venus présenter des mémoires, qui étaient bien drôles, arrogants des bouts, mais...

M. de Bellefeuille: Qu'est-ce que ce serait une commission parlementaire qui ne serait pas fantoche?

M. Chabot: Dans notre mémoire, il est dit qu'on voulait que la commission parlementaire soit en septembre, parce que les étudiants présentement ne sont plus à l'école, sauf de très rares, les étudiants présentement essaient de se trouver des jobs. J'allais dire qu'ils travaillaient, mais ce n'est pas la situation pour la majorité. Les professeurs s'engagent dans une négociation et nous considérons que cette commission parlementaire aurait dû avoir lieu à l'automne.

On a eu les projets de loi il y a quinze jours, on a fait une critique de vos projets de loi, liée à notre position sur le livre blanc, mais on n'est pas venu ici pour discuter de la spécificité de chacun des articles, d'une part. D'autre part, on veut venir vous voir et vous dire ce qu'on pense de vos projets de loi au moment où il va y avoir des étudiants en arrière de nous, parce qu'à la grosseur que j'ai, on est seulement deux, et cela ne paraît pas bien; on aimerait mieux, à l'automne, être en plus grand nombre et venir vous dire ce qu'on pense de vos projets de loi.

M. de Bellefeuille: Le résultat net, c'est quand même que vous avez accepté l'invitation du ministre, vous avez préparé un mémoire, vous avez présenté ce mémoire et vous répondez aux membres de cette commission parlementaire fantoche, c'est quand même cela, le résultat net. Vous la dénoncez, mais...

M. Chabot: Le résultat net, c'est qu'on est venu avec un mémoire dans lequel on a dit que c'était fantoche, qu'on demandait que cela se tienne l'automne prochain, qu'on était contre le livre blanc et les politiques qui y étaient incluses. Elle est fantoche à cause de la façon dont les gens la mènent; elle n'est pas fantoche parce qu'elle existe et parce qu'elle est là. On n'ira pas dire dans le champ où il n'y a pas un chat que votre commission est fantoche parce que les gens, c'est ici qu'ils sont. Alors, on est venu où ils se trouvaient pour leur dire.

M. de Bellefeuille: Vous parlez beaucoup de coupures de budget. On a assisté, au cours des dernières décennies, à une augmentation considérable de certains postes budgétaires dans les finances publiques. Est-ce que vous considérez que cette augmentation ne fait pas problème, qu'on doit laisser continuer, sans la freiner, l'inflation des coûts dans des domaines comme celui de la santé et celui de l'éducation? Est-ce que vous considérez qu'il n'y a pas à freiner l'augmentation des coûts?

M. Chabot: Cela dépend pourquoi on freine l'augmentation des coûts. Quand il n'y a pas utilisation rationnelle, si vous freinez, tant mieux. C'est comme chez nous, quand je laisse des céréales dans mon bol, le matin, ma mère me dit que ce n'est pas correct. Le cas, c'est que des céréales, il y en a de moins en moins dans le bol. C'est pour cela qu'on dit que les coupures, on est contre ça.

M. de Bellefeuille: J'ai été frappé par la dernière phrase de votre mémoire où vous parlez de servir la classe ouvrière et la nation. C'est peut-être seulement une question de vocabulaire, mais lorsque vous répondiez aux questions de Mme le député de L'Acadie, vous avez plutôt employé les expressions "les intérêts du peuple et de l'ensemble de la population". Alors, c'est quoi? Le peuple et l'ensemble de la population, ou la classe ouvrière?

M. Chabot: Si vous voulez jouer sur des clichés de classe ouvrière, on peut même mettre bourgeoisie et prolétariat, si vous voulez, cela ne me fait rien. La population, le peuple, la classe ouvrière, pour moi, c'est la même chose.

M. de Bellefeuille: Est-ce que la bourgeoisie fait partie de la population?

M. Chabot: Si la bourgeoisie fait partie de la population?

M. de Bellefeuille: Oui. M. Chabot: À 1%.

M. de Bellefeuille: Disons qu'elle en fait partie.

M. Chabot: À 1%.

M. de Bellefeuille: Est-ce que l'éducation doit la servir ou pas?

M. Chabot: Elle doit servir la population.

M. de Bellefeuille: Y compris le 1% qui est la bourgeoisie?

M. Chabot: Je ne sais pas quoi vous dire parce que c'est un jeu de mots ou des jeux de phrases dans lesquels... je ne sais pas qui va avoir le dernier mot; j'aimerais bien l'avoir, c'est évident. Bien des fois, les intérêts du 1% ne vont pas dans le même sens que les intérêts de la majorité.

M. de Bellefeuille: Là-dessus, je pense que, sans pousser ce débat plus loin, si on prend seulement la dernière phrase que vous avez dite, vous avez raison, et je vous laisse le dernier mot sur cette phrase.

M. Chabot: Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je voudrais vous dire que je trouve que le gouvernement, même si vous y allez à bras raccourcis, jamais on n'oserait se permettre cela parce qu'on se ferait rabrouer par le ministre. Le ministre nous parle à nous, il a refusé de vous parler, mais il n'aimerait pas cela du tout de notre part. Je vais vous dire...

M. Chabot: II nous a parlé fermement l'automne dernier.

M. Rivest: Je voudrais me placer pour éviter la fureur du ministre et vous dire qu'il n'est peut-être pas si pire que vous le dites, ce gouvernement.

M. Chabot: Là, c'est grave, on a réussi à faire la coalition du Parti libéral et du Parti québécois avec nos mémoires.

M. Rivest: Dans votre vocabulaire, ce sont deux partis bourgeois.

M. Chabot: C'est encore un cliché, mais si vous voulez l'appeler comme cela, allez-y, mais ce qu'on dit, c'est que le Parti québécois agit de la même façon que le Parti libéral avait agi avant. (17 heures)

M. Rivest: Disons que de ce plancher-là on va partir d'un problème très pratique. Quand vous

vous opposez au rêve, à une éducation qui sert son projet national — ce que vous dites à la page je ne sais quoi de votre mémoire — le projet de loi 25, et après cela dans les faits cette mesure servira-t-elle la nation et ses besoins ou les compagnies québécoises. Je continue un peu plus loin et je lis le reste du paragraphe. Après cela vous dites: Face à toutes les coupures de budgets —M. le député des Deux-Montagnes vous en a dit un mot — que le gouvernement effectue dans le secteur de la santé... C'est vrai qu'il y a des coupures de budget, vous les avez évoquées, vous avez parlé des problèmes que cela pouvait causer au niveau du contingentement, mais il reste un budget et ce budget dans certains domaines a été considérablement développé. Je vous demande pourquoi vous vous opposeriez à ce que le ministre de l'Éducation reconnaisse d'intérêt national un programme d'enseignement professionnel. Les étudiants, que vous représentez, est-ce qu'ils n'auraient pas intérêt... Vous le signalez vous-même, mais vous oubliez en cours de route, vous parlez du problème de l'Asbestos Corporation. Il y aura peut-être des jobs pour vous autres. Deuxièmement...

M. Chabot: Oui, des jobs avec les poumons tout "capotés".

M. Rivest: ... vous savez que dans le domaine de l'hydroélectricité au Québec, la nation, le peuple, le prolétariat, ils font de l'électricité au Québec. Il y a peut-être des techniques qui pourraient être intéressantes pour les étudiants. Troisièmement, dans le domaine de l'aménagement touristique, il y a des projets concrets qui existent au gouvernement du Québec qui ont été développés par ce très méchant gouvernement. Est-ce qu'il y a des choses qui vous intéressent là-dedans? Laissez-moi finir. Dans le domaine agricole, l'aménagement agricole, l'aménagement du territoire, il y a des choses que ce très mauvais gouvernement a faites. Il va peut-être y avoir des emplois pour les étudiants là-dedans. Est-ce que cela vous intéresserait? Dans le domaine des sociétés d'État, dans le domaine minier, REXFOR, dans le domaine de Marine Industrie, dans le domaine de la construction navale. Il y a des choses que ce très méchant gouvernement-là fait qui pourraient peut-être en intéresser certains. Alors, pourquoi vous opposez-vous aussi sèchement à ce que le projet de loi autorise le ministre de l'Éducation à déclarer d'intérêt national des choses qui, à mon avis, pourraient — peut-être pas vous individuellement, mais les étudiants qui sont derrière vous — peut-être les intéresser?

M. Chabot: D'une part, j'aimerais souligner —je ne sais pas si vous vous cherchez un poste à l'intérieur du gouvernement du Parti québécois, mais je suis sûr que M. Morin aimerait bien vous avoir à côté de lui quand il fait des...

M. Rivest: J'essaie de le défendre parce qu'il a refusé de vous parler. Il a refusé de vous parler alors j'essaie, parce que quand même, le gouvernement, il faut respecter l'autorité...

M. Chabot: ... campagnes électorales. "Taba-rouette" vous êtes trop bon. Je suis certain que M. Morin jubile, n'est-ce pas? On ne s'opposerait pas nécessairement à ce que des programmes soient reconnus d'intérêt national. D'accord, au départ, mais dans la situation actuelle, un programme d'intérêt national, pour nous, on pense que cela ne servira pas nécessairement les besoins de la population.

M. Rivest: Oublions la population. Vous représentez des étudiants, ici, et vous faites des affirmations dans votre mémoire qui peuvent être comme cela et vous les exposez très simplement devant la commission "fantoche", mais il ne faut pas que vous soyez irresponsable dans vos propos. Je vous donne des exemples concrets. Est-ce que cela vous intéresse ou si cela ne vous intéresse pas du tout, croyez-vous que pour les étudiants que vous représentez, tous les programmes que je viens de vous indiquer ont un intérêt quelconque pour les étudiants ou si c'est simplement fantoche?

M. Chabot: Le développement de l'économie québécoise ou le développement de l'exploitation de nos richesses, on y souscrit et on souscrit au développement des Québécois en tant que collectivité et en tant que nation et on reconnaît un paquet de droits à ce monde-là. On leur reconnaît le droit à l'autodétermination, mais d'un autre côté, les tentatives du gouvernement — je ne sais même pas si je dois appeler cela des tentatives — en tout cas les subventions qui sont allouées à toutes les industries dont vous avez fait état, à l'argent qui était injecté comme cela à gauche et à droite, ou à ITT comme votre gouvernement l'a fait en leur donnant des concessions forestières sur la Côte-Nord, quand nous regardons cela et que nous faisons concrètement l'évaluation de ce que cela donne à l'ensemble de la population y compris aux étudiants, parallèlement au discours qui nous est fait, on considère que c'est clamer bien haut des succès qui n'en sont pas

M. Rivest: Les emplois qu'on crée. Je comprends que dans l'ensemble vous puissiez porter cela, mais au moins il me semble que vous pourriez vous intéresser à ce que ces petits... même s'il y a 5, 10, 15, 20, 30 ou 50 étudiants quelque part dans la province qui réussissent à obtenir cela, je trouve que vous n'avez pas le droit de signaler cela et de glisser votre paragraphe... Vous donnez des exemples et je vous en ai donné d'autres. Vous parlez d'Asbestos, etc, et à un moment donné vous concluez: Face à toutes les coupures dans le domaine de la santé — parce que c'est d'actualité, c'est un problème qui existe — nous nous opposons à cette mesure. Après, vous venez nous dire cela ici.

M. Chabot: On en fait du travail concret, monsieur, dans la région de Montréal...

M. Rivest: Je ne parle pas de votre travail, mais des réalités concrètes que cela donne, vous les écartez du revers de la main. Cela a donné des choses concrètes, il y a des choses qui s'en viennent dans l'aménagement du territoire, il va y avoir des techniciens qui vont être formés dans les collèges, il va y avoir des jeunes qui vont se trouver des emplois, il va y en avoir.

M. Chabot: II va y en avoir? M. Rivest: Oui, il va y en avoir.

M. Chabot: Vous annoncez cela: On a fait une découverte de "jobs".

M. Rivest: Je l'annonce parce que le ministre ne peut pas vous l'annoncer, le ministre a refusé de vous parler. Je me mets un peu dans son rôle pour tâcher que votre visite ne soit pas complètement inutile. Je veux que vous réalisiez exactement ce qui a été fait. Pourquoi arrivez-vous aussi sèchement dans votre mémoire en écartant cela du revers de la main avec un large sourire? Vous dites: Comme il y a un problème dans le domaine de la santé, tout cela, ce projet de loi, tout ce que le gouvernement fait, de toute façon, cela n'existe pas, ce n'est pas bon. Nous, on trouve cela fantoche, cela finit là.

M. Chabot: Non, je pense...

M. Rivest: Je trouve, de votre mémoire, que cela tourne extrêmement court, pour être très franc avec vous.

M. Chabot: Je pense que vous réduisez à bien peu de choses l'intervention de l'Association nationale des étudiants du Québec à la commission parlementaire aujourd'hui et vous réduisez à bien peu de choses les positions qu'on peut avoir et qui sont énoncées dans le mémoire qu'on vous a soumis et qui sont plus développées dans les annexes...

M. Rivest: Sur le livre blanc? Je l'ai vu.

M. Chabot: ... c'est-à-dire le document qui a permis l'élaboration de notre position sur le livre blanc de même que la brochure qui a été adressée aux étudiants membres de notre organisation suite à la tenue de ce dixième congrès. On ne fait-pas une analyse aussi détachée de la réalité que vous pouvez le dire parce que, quand on parle de la situation, on ne parle pas de la situation que vivent les gens de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, quoiqu'on pourrait peut-être en parler. La situation qui est vécue présentement, c'est que des coupures sont exercées au niveau des affaires publiques, que ce soit dans l'éducation, les affaires sociales. C'est bien dommage, mais cela entraîne la détérioration des conditions d'étude et de vie des étudiants et cela entraîne la détérioration des conditions de vie de la population.

M. Rivest: Cela, c'est hautement...

M. Chabot: Le gouvernement nous dira que c'est à cause des infirmières que cet été on ne pourra pas se faire opérer, alors que les infirmières sont dans la rue pour protester contre les mesures du gouvernement et, entre autres, contre le fait qu'il y a des coupures dans les hôpitaux. Quand on parle de chômage et qu'on dit que le gouvernement entend régler la situation, on est surpris d'entendre clamer cela quand il y a des coupures sans précédent, par exemple, dans les affaires sociales. Le gouvernement, aux endroits où c'est lui qui est responsable de l'embauche, où c'est lui qui est responsable de ces secteurs, ce qu'il fait, ce sont des coupures.

Nous, ce qu'on fait dans la région de Montréal, entre autres, c'est de regrouper les étudiants sur la base d'un comité qui revendique des emplois et qui met des projets de l'avant. On considère cela comme utile et rentable pour la population. Dans ce sens, il y a déjà des représentations qui ont commencé à être faites. Nous, on ne le fera pas tout seuls, comme cela, parce que la situation des étudiants n'est pas détachée de la situation de l'ensemble de la population. C'est dans ce sens qu'il y a des étudiants qui travaillent avec des parents et des personnes responsables des garderies dans la région de Montréal ou à l'hôpital Notre-Dame. Je pense que ce n'est pas aussi limité et détaché de la réalité que vous pouvez le laisser croire.

M. Rivest: Je conçois très bien la réalité des problèmes que vous venez de décrire d'une façon très correcte; c'est très réel.

J'aurais une autre question avant de terminer. Quand on parle — on en a parlé beaucoup, vous avez assisté aux délibérations, le projet de loi en parle également — du problème de l'évaluation des performances à l'intérieur des cégeps, les administrateurs, les parents, vous-mêmes en avez parlé, vous en avez glissé un mot et le ministre, dans son projet de loi, en propose. Est-ce que vous... je pense qu'il faut au moins, sur le plan du principe de cette chose, reconnaître — c'est peut-être imparfait, on l'a souligné à gauche et à droite — la façon dont le gouvernement procède mais il y a tout de même là une préoccupation d'éviter que des jeunes que vous représentez ici soient frappés par des erreurs ou des vices de fonctionnement de nos collèges d'enseignement où à ce moment-là on pousse des jeunes dans des secteurs qui, à cause de coupures comme vous le soulignez, etc., s'avèrent sans issue. Dans ces mécanismes d'évaluation des cégeps localisés dans des régions bien déterminées, il me semble que si on regarde d'une façon objective, tout le monde ensemble — c'est très difficile, j'en conviens — on va peut-être déceler de nouveaux horizons et il y aura peut-être moins de jeunes qui vont se trouver dans des situations que vous avez décrites en parlant des infirmières. Je ne vous demande pas de bénir le gouvernement.

Dites-le-moi, je suis dans l'Opposition — je ne suis pas là pour bénir ce gouvernement-là — mais au moins de reconnaître qu'il y a une préoccupation qui est valable et de le signifier quand vous venez ici à l'Assemblée, quand vous prenez la peine de venir à l'Assemblée nationale exprimer cette intention. Vous pouvez formuler vos critiques, c'est tout à fait légitime, mais au moins vous intéresser au sérieux ou enfin à ce qui paraît objectif, indépendamment de tout ce qu'on est chacun, de tout ce qu'on défend et ce qu'on a de problèmes, mais de signifier qu'il y a des réalités concrètes et des réalités vécues...

M. Chabot: Oui, effectivement.

M. Rivest:... et c'est à cela surtout que je voulais vous amener.

M. Chabot: Effectivement, le livre blanc soulève des problèmes qui existent dans le réseau et des problèmes qui sont concrets. On ne le nie pas et le gouvernement dégage même certains principes pour régler ces problèmes qui ne sont pas nécessairement mauvais. Mais l'application qu'il en fait c'est une autre paire de manches. Et la façon dont il intervient c'est une autre paire de manches. Sous la couverture de principes de démocratie, parce que c'est très à la mode la transparence, la démocratie et la consultation, le Parti québécois, sous le couvert de ces grandes orientations, intervient de façon tout à fait contraire dans les principes qui sont élaborés quand certains principes sont bons. On le reconnaît, il y a des problèmes qui sont soulevés dans le livre blanc et qui sont réels. Il y a des principes qui sont amenés qui sont corrects, mais la façon dont il intervient et la façon dont il agit entre autres... Parce que vous dites que ces problèmes sont importants et qu'on devrait prendre le temps de "checker" cela comme il faut. Nous voulons prendre le temps, c'est pour cela qu'on demande à M. Morin de reporter la commission parlementaire à l'automne prochain...

M. Rivest: Là dessus on est d'accord. On a demandé cela aussi.

M. Chabot: ... et d'en discuter avec nos membres parce qu'on s'est prononcé déjà contre les mesures amenées dans le livre blanc, mais les deux projets de loi qui nous sont présentés soulèvent des questions très spécifiques et sur la base de notre position sur le livre blanc, on peut amener des suggestions par rapport à cela, mais on préférerait de beaucoup en discuter avec les étudiants parce que nous sommes une organisation démocratique qui consulte ses membres et qui tente de les impliquer le plus possible dans le travail au sein de l'organisation. C'est la raison pour laquelle on est venu ici pour vous dire que la commission parlementaire qui avait lieu présentement était considérée, quant à nous, comme ne donnant rien parce que concrètement les groupes qui sont appelés à se prononcer, dont les étudiants, ne peuvent réagir de façon vraiment correcte par rapport à ces projets de loi parce que physiquement cela ne nous est pas possible.

M. Rivest: Merci.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: J'ai deux courtes questions, M. le Président. Dans votre esprit, concernant les conseils qui sont présentement responsables devant les cégeps, est-ce que les membres de ces conseils sont bien choisis, est-ce que les moyens qu'on emploie présentement, pour déterminer ceux qui vont agir comme responsables devant les cégeps sont choisis comme il se doit?

M. Chabot: Votre question est intéressante et elle mériterait d'être regardée mais, d'une part — je l'ai souligné tout à l'heure — on ne veut pas entrer dans le spécifique des projets de loi qui sont amenés parce qu'on pourrait développer par rapport à la question que vous m'avez posée une position par rapport à la composition du Conseil des collèges, par exemple. Ce que je peux vous dire c'est que... Je vais parler et cela va peut-être choquer...

M. Shaw: Je ne pose pas la question de façon critique, c'est seulement une opinion que je recherche.

M. Chabot: C'est parce qu'au départ — je veux prévenir — on ne veut pas, et on est venu ici dans ce sens-là, s'engager sur le spécifique des projets de loi. Mais si on veut me permettre de glisser un petit mot sur les conseils d'administration, il y a par exemple, l'Association de parents à laquelle s'est référé le ministre l'automne dernier pendant la lutte des prêts-bourses, alors qu'il mettait en doute la représentativité de l'Association nationale des étudiants du Québec qui regroupait, dans des assemblées générales, à la base, plus de 50% de ses membres. Le ministre pendant ce temps consultait l'association de parents dont j'ignore le nom qui, elle, dans ses assemblées générales où les politiques sont mises de l'avant, où les officiers sont élus, regroupe moins de 5% des parents en question. (17 h 15)

M. Shaw: Ce sont toujours des parents qui sont intéressés. Parmi les étudiants, vous avez...

M. Chabot: Oui, ce sont toujours des parents qui sont intéressés, mais cela n'empêche pas que cela représente 5%. Avec la réponse que vous me faites, quand j'ai quelque chose à dire sur le livre blanc, je pourrais bien partir avec ma petite "gang" d'étudiants au cégep de Chicoutimi, une trentaine — je ne sais pas quel pourcentage du cégep — venir ici et dire: On veut être entendus parce qu'on est intéressés.

M. Shaw: D'accord. La raison pour laquelle j'ai posé cette question, c'est que le projet de loi 25 enlève presque totalement les responsabilités des conseils de gestion des cégeps, par l'article 10.

M. Chabot: On entre dans le spécifique des projets de loi, M. Shaw, et je préfère ne pas m'en-gager sur ce terrain; on en parlera en septembre.

M. Shaw: Vous avez dit, dans votre mémoire, que vous étiez opposés à ce projet de loi et pour des raison spécifiques, vous ne pouvez pas en parler, sauf dire que vous êtes inquiets au sujet de certaines coupures dans le domaine...

M. Chabot: Ce qu'on dit, c'est que la présentation du projet de loi visant la création du conseil des collèges, c'est lié directement et c'est inclus dans le livre blanc. À ce même livre blanc, on s'y est opposé. Du conseil des collèges, l'analyse qu'on en fait, c'est que ce sera une structure qui va permettre au ministre de s'entourer d'une équipe qu'il va choisir, en passant, et qui va lui permettre de développer la façon dont il va appliquer ses politiques dans l'éducation. On est contre ce livre blanc. On ne sera pas nécessairement contre un conseil des collèges ad vitam aeternam, mais on est contre un conseil des collèges tel que défini. Selon nous, ce conseil des collèges ne vise qu'à appliquer des politiques auxquelles on s'oppose; on s'oppose à la création de ce conseil des collèges.

Quant aux spécificités du projet de loi, de la façon dont cela fonctionne et toutes les autres bé-belles, on est intéressé à en discuter. Cela fait à peu près quinze jours qu'on l'a reçu et les quinze jours ne nous ont pas permis d'élaborer un travail suffisant sur la spécificité des articles pour pouvoir présenter quelque chose, d'autant plus qu'on n'a pas d'étudiants derrière nous et qu'on veut avoir les étudiants. Depuis quinze jours, on n'a pas pu avoir tout le temps voulu pour mettre le nez là-dedans parce qu'on se cherche une "job" de ce temps-ci pour aller à l'école l'automne prochain.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie l'Association nationale des étudiants du Québec. J'inviterais maintenant la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des enseignants des cégeps à venir nous présenter leur mémoire.

Mme Micheline Sicotte et M. Pierre-Louis Guertin, si vous voulez nous présenter vos collègues.

Centrale de l'enseignement du Québec et sections affiliées

Mme Sicotte (Micheline): Je voudrais vous présenter les personnes qui représentent, d'une part, la Centrale de l'enseignement du Québec et l'ensemble de ses sections affiliées, ce qui veut donc dire la Fédération des enseignants de cégeps, la Fédération des professionnels de cégeps et de collèges et la section provinciale de personnel de soutien. C'est à préciser par rapport à ceux dont nous sommes les porte-parole. Il y a Nicole Tremblay qui représente les professionnels de cégeps et de collèges, Marcelle Sénéchal qui représente la section provinciale de personnel de soutien, Yves Proulx qui représente la Fédération des enseignants de cégeps et Nicole Fortin qui agit comme personne ressource à notre équipe intersectorielle, particulièrement préoccupée des questions d'éducation, notamment au niveau du collégial, Pierre-Louis Guertin qui est membre du bureau national et président de la Fédération des enseignants de cégeps. Mon nom est Micheline Sicotte, vice-présidente à la centrale.

Je voudrais, M. le Président, M. le ministre, Mme la député, messieurs les députés, souligner aussi la présence avec nous de nombreux représentants de travailleurs et de travailleuses de l'enseignement dans les collèges. Certains ont dû nous quitter compte tenu du temps, bien sûr, mais certains ont une longue patience et sont encore avec nous pour la fin de cette rencontre.

Je voudrais, dès le point de départ, avant d'aborder le fond du mémoire que nous avons préparé pour cette commission, préciser quelques éléments qu'il m'apparaît important de clarifier avant même que nous vous présentions le mémoire, à savoir l'intervention que nous faisons ici. Nous la faisons dans le suivi des démarches entreprises depuis quelques jours à l'effet de demander un report de l'étude de ces projets de loi et, bien sûr, si nous demandons le report, à plus forte raison le report de l'adoption de ces projets de loi 24 et 25.

Nous tenons immédiatement à indiquer sur quoi s'appuie une telle demande et nous ne voulons pas être arrogants à l'égard de la commission, mais nous voulons bien faire entendre notre point de vue et en ce sens nous considérons comme inadmissible que le gouvernement, à ce moment-ci, veuille procéder à notre sens à la vapeur à l'adoption de ces projets de loi, projets de loi qui ne sont pas secondaires, mais qui vont bouleverser, de façon importante, le fonctionnement des collèges.

Ces projets de loi remettent en cause des conditions de travail et d'exercice professionnel de l'enseignement pour l'ensemble des membres du personnel et à cet égard cela nous apparaît vraiment prématuré et surtout précipité. Nous avons eu à peine un délai d'une quinzaine de jours pour analyser les projets, parce que je pense que tout le monde ici sera d'accord pour dire qu'il y a une différence entre des projets de loi et des livres verts, blancs ou d'autres couleurs. Donc nous n'avons eu qu'une quinzaine de jours pour analyser les projets, rédiger un mémoire, réunir nos instances, consulter nos membres, ceux-là qui pourtant — et nous tenons à vous le dire — depuis les débuts des débats entrepris sur la réforme dans l'enseignement collégial, donc depuis quatre ans à ses différentes étapes, suivent de très près le développement, interviennent à toutes les étapes et, à ce moment-ci se voient, à toutes fins utiles, un peu soustraits de l'implication qu'ils pourraient donner pour participer à ces larges débats qui devraient être.

Alors, nous tenons à préciser aussi qu'à l'occasion du lancement des collèges au Québec, en octobre dernier, par le ministre, nous avions, dans les semaines qui ont suivi, fait connaître des

premières réactions, réactions que nous avons fait connaître, à ce moment-là à la presse. Certaines étaient de l'ordre de l'approbation de certaines mesures, d'autres étaient de l'ordre de l'opposition ferme et d'inquiétude grande, notamment quand il y a des mécanismes de contrôle et d'autres étaient de l'ordre de l'interrogation sur certaines intentions du ministre, notamment au niveau de l'enseignement professionnel et de l'éducation des adultes. Mais nous notons ici que ces propos-là, nous ne les avons fait connaître qu'à la presse attendant et croyant, comme il était juste de le croire d'ailleurs, que nous aurions l'occasion de faire valoir officiellement notre point de vue et nos positions sur les réformes annoncées à l'occasion d'une large commission parlementaire portant sur l'ensemble du projet de réforme, comprenant donc projet de loi et réglementation et que l'occasion nous en serait fournie avec des délais suffisamment bien annoncés pour qu'on puisse intervenir adéquatement. Vous nous permettrez de noter ici que nous sommes malheureusement déçus de voir que les délais dans les circonstances sont très courts et qu'à plus forte raison ils portent sur deux morceaux du débat de la réforme de l'enseignement collégial, deux morceaux qui pourtant créent des cadres suffisamment importants pour entraîner des modifications majeures.

Alors, nous avons considéré que c'était vraiment, de la part du ministre, peu se soucier de l'opinion des divers membres du personnel des cégeps étudiants et de l'ensemble des citoyens que de procéder aussi rapidement et à ce moment-ci de l'année. Pour reprendre des propos utilisés par d'autres, de la part d'un gouvernement soucieux de transparence, cela nous apparaît pour le moins inacceptable. Ceci dit, nous avons donc beaucoup hésité à nous présenter à la commission parce que cela nous donnait l'idée que nous venions jouer un rôle de figurants de dernière scène, de dernière phase, si on veut, dans un aboutissement qui ne nous apparaissait pas suffisant...

Alors, notre présence ici ne se situe donc pas dans l'optique d'un cautionnement de ce qu'on pourrait appeler une large consultation et une occasion de finaliser de larges débats démocratiques, mais c'est une occasion, devant le fait qu'il n'y avait pas de rapport de commission, que nous avons prise pour venir dire qu'il était important de retirer, à ce moment-ci, les projets de loi 24 et 25, de les reporter à l'automne dans l'ensemble d'un débat large sur l'enseignement collégial.

Le mémoire que nous présentons, c'est donc un mémoire qu'on veut de protestation face aux méthodes et aux démarches du gouvernement, mais qui veut aussi attirer l'attention sur les articles des deux projets de loi qui nous apparaissent des articles suffisamment lourds de conséquences pour justifier l'assise de notre prise de position quant à une demande de report et quant à une demande de débat global.

Le mémoire que nous vous présenterons vous permettra de comprendre le cheminement dont nous venons vous faire part; nous ferons le point à partir du rapport Nadeau jusqu'au livre blanc, parce que je pense qu'il nous faut le voir comme cela pour bien comprendre le sens des interventions que nous ferons sur les lois 24 et 25, nous réitérerons ici les objectifs qu'on considère avoués et non avoués de la réforme. Nous attirerons l'attention sur les articles qui nous apparaissent particulièrement lourds de conséquences et qui justifient un débat plus large et nous réitérerons cette espèce de précipitation que nous qualifions d'inquiétante et qui risque de ne pas permettre le débat démocratique auquel nous devrions tous tendre et désirer réaliser.

Ce qui veut donc dire que ce que nous apporterons comme commentaires sur les projets de loi quant aux articles eux-mêmes, ce ne seront pas des commentaires pour modifier tel ou tel article de telle ou telle façon, on se comprend très bien à ce niveau, je pense qu'il faut que ce soit clair, mais ce sera de vous indiquer, ce qui nous apparaît lourd de conséquences et qu'on voudrait voir débattre dans une large discussion concernant l'ensemble de l'enseignement collégial à l'automne.

Sur ce, je laisse la parole à mon collègue, Pierre-Louis, qui traitera des premiers volets de notre mémoire.

M. Guertin (Pierre-Louis): On en est rendus au point de ne plus compter les tentatives de transformation majeure du réseau de l'enseignement collégial en provenance du ministère de l'Éducation, et ce, après seulement dix ans d'existence. Je n'en ferai pas l'historique, vous avez sans doute possibilité, si vous avez vécu ces années, de savoir tout ce qu'on a essayé; c'est beaucoup, en dix ans. Jusqu'ici, ces initiatives qui venaient en grande partie des officines du ministère, ont été freinées par les représentations qui venaient du milieu et par la sagesse des hommes politiques qui savaient sans doute modérer le zèle des fonctionnaires. Il semble que ce ne soit pas le cas cette fois-ci.

Il y aura quatre ans bientôt, était publié le tristement célèbre rapport du Conseil supérieur de l'éducation intitulé "Le collège", et communément appelé Nadeau. Pour l'essentiel, ses recommandations pourraient se résumer ainsi: II est temps de mettre un frein aux dépenses en éducation; l'enseignement professionnel doit, à la fois, prendre une définition plus large et moins approfondie; il faut faire une large place à l'entreprise dans l'enseignement; l'enseignement général doit être davantage axé sur l'utilitaire et, enfin, il faisait ressortir la nécessité de contrôler davantage les activités des cégeps et préconisait, en conséquence, les instruments de l'analyse institutionnelle, la création d'un Conseil des collèges et une administration plus autoritaire de la pédagogie, et cela, en l'absence de tout bilan systématique des collèges du Québec et en dépit d'une analyse brumeuse, pédante et, somme toute, non pertinente si on regardait les recommandations qui suivaient, des besoins des jeunes adultes.

Ce rapport du lointain Conseil supérieur de

l'éducation concluait néanmoins, et outrancièrement, à des propositions de bouleversements majeurs des cégeps. Nos analyses, nos enquêtes, nos débats et nos larges consultations, à ce moment-là, démontraient l'importance que nous accordions et que nous accordons de plus en plus à la sauvegarde des acquis et au progrès du réseau collégial. Sous le vêtement de mauvaise qualité du rapport Nadeau, nous avions reconnu d'emblée la pensée et les propositions de la conférence de l'éducation de l'OCDE de 1970, toujours très attentive aux besoins et aux exigences du grand capital international, mais peu sensible aux aspirations des masses populaires. (17 h 30)

Les assemblées générales désaffiliées de la CEQ et le Conseil général repoussèrent massivement ces recommandations et ces orientations. À la Fédération des enseignants de cégeps, à la Fédération des professionnels des cégeps et des collèges, la consultation déboucha, après un an, sur le rejet unanime, par les assemblées et le congrès général à la fédération, de la quasi-totalité de ces propositions. Les travailleurs affiliés à d'autres centrales et les étudiants leur firent le même accueil.

Les associations patronales, sans rejeter Nadeau, exigeaient des propositions plus concrètes, mais, du ministre de l'époque, aucune réaction officielle; c'était pourtant son ministère qui avait commandé le rapport.

C'est par des fuites que nous apprenions, en cours d'année 1976, que ce silence masquait un fourmillement d'activités à la Direction générale de l'enseignement collégial. Un groupe nommé X, formé de fonctionnaires, rédigeait rapport sur rapport afin de dissiper les brumes de Nadeau, afin aussi de tenter de le faire oublier sous un nouvel habillage, tout en rendant applicable l'essentiel de ses orientations. Il recommandait en outre au ministre et à son gouvernement de préparer sur ces bases un livre blanc.

Changement de ministre et de gouvernement, le fourmillement continue. On ne rédige plus des rapports, on met en place leurs conclusions: directives aux coordonnateurs de programmes visant à couper dans l'enseignement spécialisé; directives aux administrateurs locaux visant les contingentements systématiques dans plusieurs programmes locaux et en vue de la régionalisation des options; gel dans l'implantation desdites options; ces directives d'ailleurs ont été dénoncées par nous à ce moment-là. Tout cela dans l'ombre.

En dépit de l'engagement pris par le ministère de ne pas procéder unilatéralement à des réformes et en l'absence de toute politique officiellement annoncée par le gouvernement endossant Nadeau, plus ou moins en cachette et à la pièce, il instaure depuis quatre ans, malgré les résistances, une politique dont l'énoncé d'octobre, intitulé "Les collèges du Québec", ne vient qu'officialiser l'implantation. N'eût été la vigilance constante des organismes syndicaux, la presse et le public auraient ignoré ces tentatives d'imposer des transformations sans les annoncer ni les justifier. Il reste que le grand débat public que nécessitaient de telles réformes n'a pas eu lieu.

Le livre blanc, promis pour février 1977 par le ministre, en réponse à nos protestations, nous permettait cependant d'espérer la tenue d'une discussion franche et d'un large débat sur la place publique, mais nous devons aujourd'hui constater que l'énoncé de politique publié à l'automne de 1978 n'a fait l'objet d'aucune consultation de la population. Seuls les milieux très directement concernés, étudiants, personnel syndiqué, administrateurs de collèges, ont eu les moyens de réagir, en même temps que les grandes associations patronales qui semblent avoir commandé cette politique. Elles sont les seules d'ailleurs qui semblent pleinement satisfaites.

Du côté des organisations syndicales regroupées à la CEQ, un important travail d'analyse et de consultation sur cette politique a été réalisé depuis l'automne. En dépit des tâches reliées à la négociation nationale, ce dossier occupe, depuis octobre, une place centrale dans nos activités et nos débats. Déjà, le conseil général de la Fédération des enseignants de cégeps, en octobre, et celui de la centrale, en décembre, ont manifesté au ministre leur insatisfaction face à son énoncé de politique.

Les collèges du Québec. Quatre dossiers d'analyses intitulés "Le cégep à l'ancre", que vous avez sur votre table et que nous déposons avec ce mémoire, ont été diffusés dans l'ensemble de nos syndicats de travailleurs des cégeps, en vue de réaliser une consultation approfondie sur tous les aspects du livre blanc. Cette consultation n'est pas encore terminée, mais plusieurs syndicats ont déjà tenu des débats approfondis et certaines instances nationales, à la Fédération des enseignants de cégeps, à la Fédération des professionnels des collèges et des cégeps, ont réagi dernièrement à l'ensemble du projet du MEQ, et vous trouverez, à l'annexe de notre mémoire, les résolutions — c'est dans les dernières pages — concernant le livre blanc.

Toutes ces consultations débouchent sur le rejet du livre blanc sur la base des motifs suivants: Nous refusons de faire payer aux travailleurs et à leurs enfants les frais d'une crise économique dont ils ne sont pas responsables et qui est à la base de la politique gouvernementale en éducation: coupures de budgets, développement des contrôles bureaucratiques stériles, contingentement imposé aux étudiants, regroupement des options, absence d'une politique de scolarisation.

Nous refusons que l'État se soumette et nous soumette aussi pour l'essentiel aux exigences du grand capital en matière d'enseignement professionnel, en déqualifiant cet enseignement pour répondre à la déqualification systématique des travailleurs exercée par les entreprises. Nous refusons aussi que l'État cède son pouvoir de décision et de planification en matière d'éducation aux entreprises.

Nous exigeons que le gouvernement dote enfin le pays d'une véritable politique de scolarisation au niveau collégial, et prenne des mesures

concrètes pour réaliser l'égalité de chances, la tant promise égalité de chances. Notre enquête a démontré que le cégep est discriminatoire envers les enfants de la classe ouvrière et envers les personnes de sexe féminin.

Au nom de la liberté académique, nous refusons enfin l'ingérence de l'État à des administrations de cégeps dans l'exercice concret de la pédagogie dans les salles de cours. Tout comme en relation avec nos prises de position d'octobre et de décembre qui sont restées sans écho au niveau du ministère, nous avons aujourd'hui l'impression avec le dépôt des projets de loi 24 et 25, que le gouvernement a décidé de procéder en ignorant ces débats démocratiques et en ne tenant pas compte de l'opinion des travailleurs qui ont bâti les cégeps depuis dix ans. Même si ce mépris des travailleurs et des organisations collectives qu'ils se sont données, étonne de moins en moins de la part du gouvernement actuel, nous croyons nécessaire de rappeler qu'il est incompatible avec l'objectif de bon fonctionnement des collèges qu'on prétend poursuivre.

La deuxième partie traite des objectifs avoués et non avoués d'une réforme. Dans la deuxième partie de l'énoncé de politique des collèges du Québec, le gouvernement s'explique sur ce qu'il appelle les idées directrices du renouveau.

Le Président (M. Marcoux): M. Guertin, est-ce que vous aviez l'intention de lire tout le mémoire? Il a environ une quarantaine de pages.

M. Guertin: On est venu pour présenter le mémoire.

Le Président (M. Marcoux): Oui, je sais que vous êtes venus pour présenter le mémoire, mais je vous demande si vous avez l'intention de tout le lire. Parce que, de façon normale, les membres de la commission se sont entendus pour que nos invités résument ou fassent une lecture synthétique de leur mémoire en une vingtaine de minutes pour permettre davantage de temps pour la période d'échanges et de questions. Ce n'est pas dans le but de limiter le temps, même si les membres de la commission s'étaient entendus pour environ 45 minutes par mémoire. Je pense que depuis le début, on a passé environ une heure et demie ou deux heures par mémoire. C'est simplement dans le but d'éviter des lectures longues ou fastidieuses, en ce sens que les membres ont déjà votre mémoire. C'est pourquoi je vous posais la question.

Mme Sénéchal (Marcelle): Ce qu'on pourrait peut-être faire, c'est qu'on pourrait, de notre côté, accélérer peut-être le rythme de lecture un peu et peut-être passer quelques volumes, mais en accélérant le rythme de lecture, je pense qu'il y aurait intérêt pour l'éclairage de la commission, et compte tenu des brefs délais dans lesquels on a accepté de composer, puisque vous êtes ici et nous ici, c'est peut-être compréhensible qu'on puisse, contrairement aux habitudes des commissions parle- mentaires, y aller un peu plus en situation de lecture qu'on ne le fait actuellement, mais en accélérant le rythme, je pense que cela pourrait aller et répondre aux objectifs de la commission.

M. Guertin: On est dans la situation de ne pas avoir eu le temps de vous faire parvenir notre mémoire auparavant également.

Le Président (M. Marcoux): Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je crois que les membres de la commission l'avaient, en tout cas, avant aujourd'hui.

M. Guertin: Dans cette deuxième partie du livre blanc, où le gouvernement s'explique sur les objectifs, les idées directrices du renouveau, on retrouve ce qu'on pourrait appeler les préoccupations dominantes qui sont la qualité de l'enseignement, qui constituerait, dans les termes du livre blanc, le droit le plus fondamental et le plus large des étudiants. La qualité de l'enseignement serait compromise actuellement par le gauchissement des programmes collégiaux dans toutes sortes de directions et par l'absence de mécanisme capable de mesurer avec quelque précision la qualité des établissements et de l'enseignement qui y est dispensé. Le gouvernement se propose aussi, à titre de priorités, de préciser le régime administratif et financier des collèges, ainsi que l'organisation générale du réseau, de façon que devienne plus efficace le fonctionnement des établissements, que soient mieux conciliés les besoins d'autonomie et les exigences de la collectivité. Ici, ce sont surtout les chevauchements des compétences qui, à la limite, se neutralisent, qui semblent préoccuper le gouvernement. Enfin, c'est au niveau des services généraux à la collectivité qu'il faudra donner une nouvelle impulsion. De l'avis du gouvernement, les efforts des collèges à ce sujet sont embryonnaires. Il faudrait viser à mettre à la disposition des collectivités intéressées les ressources des collèges à la faveur d'assouplissement administratif, consultation, etc. Ces objectifs ont en commun d'être parfaitement louables.

Personne ne peut s'opposer à la poursuite de la qualité de l'enseignement, à la rationalisation des ressources et des services éducatifs. La conjoncture que nous rappelons au début de ce mémoire et l'examen des moyens mis en oeuvre pour la poursuite de ces objectifs nous obligent, cependant, à être plus critiques et à nous interroger sur leur véritable signification.

Dans le quatrième dossier. Les collèges à l'ancre, nous avons spécialement analysé les moyens de la relance, des compressions budgétaires aux interventions d'ordre pédagogique, c'est l'idée de contrôle des collèges et du réseau d'enseignement collégial qui devient central.

Les restrictions et contrôles budgétaires, première série d'objectifs réels qu'on croit reconnaître. Aux restrictions budgétaires déjà imposées s'ajouteront de nouvelles restrictions. En citant le livre blanc, les fonds publics seront administrés avec plus d'économie et leur utilisation sera scrutée avec plus d'attention. En période de crise

économique, tous les gouvernements d'allégeance libérale, y compris le vôtre, malgré ses prétentions, se préoccupent d'abord des missions économiques de l'État, c'est-à-dire l'aide à l'entreprise privée au détriment des missions sociales. Les trames de la stagflation, comme vous dites, et du chômage ne permettent pas d'autres options.

Ce qui est coupé: les restrictions et le contrôle s'exerceront au niveau des services complémentaires, mais particulièrement au niveau des programmes professionnels où la politique de rationalisation proposée prévoit une redistribution des programmes, voire des regroupements, contingentements des admissions, établissement de troncs communs dans les programmes apparentés. Associées au développement de stages dans les milieux de travail et de stages d'observation, ces mesures permettront une importante diminution des coûts, en particulier dans les techniques dites lourdes.

Les coupures s'accompagnent aussi de l'implantation du système de gestion par activité, où il est question de budgétisation par programme et non plus en fonction de la clientèle globale. Ce système permettrait un contrôle plus étroit des coûts ainsi que les vérifications de l'utilisation des sommes distribuées. Les comparaisons de coût réel de l'étudiant par programme pourront se faire. Cependant, les sommes allouées aux collèges pourraient ainsi être ajustées sur les collèges qui, actuellement, offrent les programmes avec le minimum de ressources et de qualité.

Tout ça nous donne un portrait, en ce qui concerne le premier aspect, contrôle financier, de moins d'accessibilité finalement. Ces mesures de rationalisation débouchent directement sur ça avec les éléments suivants: les regroupements de programmes et le contingentement obligeront nombre d'étudiants à se déplacer, à changer d'orientation ou à quitter la filière scolaire. L'accessibilité aux différents services du collège n'est pas et ne sera pas facilitée par les réductions de personnel et son affectation à des tâches multiples, les coupures de matériel didactique et la régionalisation des services. Réduire la qualité du soutien pédagogique à l'enseignement, c'est réduire les chances de succès scolaire et l'accessibilité.

Deuxième grand objectif qu'on trouve: Des contrôles sur la pédagogie. Sous prétexte de contrer le gauchissement et ce qu'on citait au début du mémoire, on crée un encadrement pédagogique beaucoup plus directif, qu'il s'agisse du bloc de cours obligatoires, des cours de spécialisation-concentration ou des cours complémentaires, les marges de choix laissées aux étudiants, aux départements et aux collèges se rétrécissent régulièrement et singulièrement. Ces dispositions risquent fort de rendre plus difficile l'utilisation rationnelle des compétences et des resssources actuellement disponibles dans les cégeps.

Du point de vue de la nécessaire implication de l'étudiant, pourtant qualifié de jeune adulte, dans sa propre formation, ce régime pédagogique risque aussi de réduire la cohérence et la qualité de son programme.

Menaces à la liberté académique des professeurs. Les contenus de cours n'échappent pas non plus à la volonté de contrôle du gouvernement. Soucieux de ne pas signer les diplômes dont il ne vérifie pas la valeur réelle et de contrer les griefs de la population concernant les défauts de rigueur intellectuelle, tâtonnements, sinon extravagances de certaines méthodes de travail, enfin, j'en passe. Ce n'est pas le résultat d'analyses, c'est le résultat de lignes ouvertes. C'est l'opinion qu'on a consultée et non pas l'étude sérieuse des faits, le ministre affirme son intention de contrôler davantage les contenus de cours, entre autres, en français, où il veut définir des objectifs plus concrets et en philosophie, où il spécifie que les objectifs de cet enseignement doivent favoriser la fréquentation de plusieurs systèmes philosophiques, etc.

Tout ça nous donne un portrait où c'est la première fois que le ministère interviendrait directement dans la détermination des contenus de cours jusqu'au niveau du quotidien. La pyramide des contrôles, c'est surtout l'évaluation. Les collèges devront se doter d'un système d'évaluation institutionnelle qui s'apparente étroitement à l'analyse institutionnelle, à laquelle travaille CADRE depuis quelques années. (17 h 45)

Ce système prévoit une formule d'identification d'objectifs et des mécanismes d'évaluation des programmes, des pratiques pédagogiques, des modes de gestion, des prises de décision. L'ensemble permettrait d'évaluer les collèges à partir de critères d'excellence définis et contrôlés par des pouvoirs supérieurs.

Le rapport Nadeau préconisait que ces mécanismes servent à l'accréditation, et le livre blanc semble écarter cette hypothèse, mais conserve les mécanismes de contrôle pour l'essentiel. Il semble aussi ouvrir la possibilité d'un lien avec les budgets.

Soulignons le pouvoir accordé aux conseils d'administration des collèges d'établir des politiques d'évaluation des apprentissages. Cette responsabilité, éminemment pédagogique, donnée à une instance politico-administrative, pourrait avoir de graves répercussions. Sous prétexte de garantir la valeur des diplômes, cette pratique pourrait réintroduire des expériences de normalisation répressive qu'on avait abandonnées.

Il est assez évident que les mécanismes d'évaluation introduits par le livre blanc ne cadrent pas du tout avec le vécu actuel et les principes qui sont à la base de la convention collective. Les responsabilités pédagogiques qui sont normalement assumées par le professeur, le département et les services pédagogiques se déplacent vers les conseils d'administration et le ministère. On introduit le contrat hiérarchisé du travail quotidien de l'enseignant et de l'enseignante.

L'intervention de l'État dans les contenus de cours, comme nous l'avons souligné, menace directement la nécessaire liberté académique dont

disposent les professeurs. On pense que, à la limite, la rigueur et la logique d'une discipline, ainsi que la compétence professionnelle de l'enseignant et de l'enseignante peuvent être mises en échec par des règles administratives ou par la volonté de l'État.

Evaluation des enseignements. Le souci d'évaluer les enseignements en fonction d'une amélioration de leur qualité et d'un soutien pédagogique aux professeurs, spécialement aux nouveaux, n'est pas incompatible avec les structures et les conditions de travail actuelles, au contraire. La majorité des collèges connaissent déjà des mécanismes d'autocritique, de coopération et d'entraide entre professeurs, particulièrement au niveau des départements.

Qu'on vise à généraliser ces pratiques et qu'on y consacre des ressources humaines et financières pourrait donner des résultats inespérés, faire confiance aux gens. La voie hiérarchique et autoritaire choisie par le livre blanc change globalement, en les détériorant, les conditions de travail et les responsabilités des enseignants et enseignantes et des professionnels qui pourraient être appelés à collaborer à son application.

C'est par le biais de nouvelles tâches, qui lui sont réservées dans l'évaluation institutionnelle, que le personnel des services paraît le plus touché par les mesures de contrôle, mais il serait étonnant, même si le livre blanc n'en parle pas, que l'analyse institutionnelle ne finisse pas par s'appliquer aux services et à eux-mêmes, les personnels autres qu'enseignants.

Si l'on croit favoriser la qualité de l'enseignement avec ces procédures bureaucratiques et ces mécanismes à coloration patronale, on s'illusionne. La nécessaire collaboration des travailleurs du milieu n'existera pas.

Appliqués de façon systématique et le moindrement rigide, ces mécanismes d'évaluation conduisent à la sclérose de la pédagogie et des contenus de cours. La qualité de l'enseignement, c'est un prétexte au contrôle de l'enseignement, de la salle de cours jusqu'au Conseil du trésor.

Troisième aspect des objectifs — qu'on croit découvrir — le contrôle par le milieu socio-économique. L'ouverture du collège à la collectivité locale ou nationale, comme nous l'avons souligné, est, en soi, très louable. Il n'est pas question de contester cet objectif, mais de s'interroger sur sa signification réelle et les moyens mis en oeuvre pour l'atteindre.

Ce sont les secteurs de l'enseignement professionnel et de l'éducation des adultes qui sont particulièrement visés par le souci que doivent avoir les collèges de consulter largement les milieux environnants et d'être sensibles à leurs besoins et à leurs aspirations. Or, c'est précisément sur ces chapitres que les intentions de votre gouvernement sont le moins clairement affichées dans le livre blanc.

On sait pourtant que les rapports Nadeau et GTX recommandaient clairement d'accroître les interventions du patronat dans la détermination des contenus de cours et l'administration des col- lèges. C'est ce que nous avions appelé l'assujettissement de l'enseignement collégial aux besoins des entreprises.

Même si ces mesures proposées par le livre blanc semblent moins serviles que celles avancées par Nadeau et GTX — et nos luttes passées n'y sont sans doute pas étrangères — il n'en demeure pas moins qu'il reprend les orientations les plus décisives de ses prédécesseurs.

En attendant que des études plus poussées et des mesures plus détaillées viennent compléter le projet de politique, nous avons déjà des orientations éclairantes qui se dégagent du livre blanc. En effet, aspect central de la réforme, la formation fondamentale nous paraît justement relever du souci de répondre davantage aux intérêts et aux besoins des grandes entreprises qui pourront se permettre de compléter à moindre coût la formation des travailleurs qu'ils embauchent, tout en les rendant plus dépendants de l'entreprise elle-même. Dans le dossier "L'enseignement professionnel et la division du travail", nous avons longuement démontré que cette orientation met en cause le niveau de qualification du diplôme au profit de l'entreprise. Même si la grande entreprise se voit favorisée par ces mesures, l'État ne peut négliger d'offrir également aux PME des techniciens dont la formation répond à leurs exigences.

Les PME sont gravement affectées par la crise et ne pourraient supporter de devoir qualifier leur main-d'oeuvre. C'est pourquoi le gouvernement semble avoir pensé à elles et entend faciliter, des entreprises de formation récurrente, de susciter le développement de centres spécialisés. Ces deux autres aspects méritent qu'on s'y attarde car le livre blanc n'est pas non plus précis à ce sujet.

La création des centres spécialisés dans certains secteurs clés de la technologie québécoise a d'importantes implications. La marge d'autonomie qui leur serait nécessaire, le fait qu'ils pourraient être chargés de recherches appliquées, le fait que le choix de ces mesures devrait être organiquement relié au développement du CAMEQ, font craindre l'asservissement à une entreprise particulière. Le ministre mentionne d'ailleurs, à titre d'exemple, la soudure spécialisée pour laquelle maintes industries, notamment Bombardier, réclament de la main-d'oeuvre.

La formation des comités collège-travail, deuxième élément, et la création d'une commission de l'enseignement professionnel institutionnaliseraient les relations plus étroites entre les collèges et le milieu socio-économique, c'est-à-dire le patronat. Toutes normales qu'elles puissent paraître, ces relations peuvent faire en sorte que des pressions et des contrôles nouveaux et abusifs s'exercent sur les collèges du Québec. Il faudra surtout éviter que les cégeps fassent de la formation au service des entreprises au détriment de leur mission d'éducation.

Quant à l'accessibilité, dans le livre blanc, le gouvernement se dit sensible aux inégalités d'accès à l'école québécoise. Inutile de vous dire que nous partageons ce sentiment. Bien plus, nous considérons qu'il s'agit là d'un des problèmes

fondamentaux de l'école. L'accessibilité aux cégeps n'est-elle pas un des objectifs majeurs d'une véritable relance de l'enseignement collégial?

Les résultats de notre enquête sur le rôle social du cégep pourraient d'ailleurs enrichir substantiellement le trop rapide examen des dix premières années de cégep fait par le livre blanc. Nous constatons en effet que le cégep demeure inaccessible pour la masse de la population et que près de trois jeunes Québécois sur quatre doivent aborder la vie active et entrer sur le marché du travail sans le bagage minimum d'une formation collégiale. Nous avons découvert aussi que les enfants des travailleurs québécois, qui constituent plus de 70% de la population, sont en minorité au cégep avec 41,8% des effectifs. C'est en fait seulement 15,4% des jeunes issus de cette classe qui fréquentent le cégep. Alors que la bourgeoisie et la petite bourgeoisie québécoise ne représentent que 29,5% de la population, leurs enfants constituent 55,3% de la clientèle des cégeps.

Parmi les jeunes qui fréquentent les cégeps, les enfants issus du milieu des travailleurs s'inscrivent proportionnellement beaucoup moins au secteur général qui débouche sur l'université et des carrières plus prestigieuses et mieux payées. Les symboles que vous voyez là, c'est classe 1, bourgeoisie, 74% inscrits au général; classe 2, petite bourgeoisie, 61,6% inscrits au général; classe 3, classe ouvrière et travailleurs apparentés à cette classe, 45,6% qui s'inscrivent au général.

Dernièrement, les filles sont beaucoup moins représentées au général que les garçons, 50% par rapport à 62,4% pour les garçons, et elles s'inscrivent fortement dans des concentrations débouchant sur des métiers dits féminins. Pour ce qui est du portrait des classes sociales au Québec que vous voyez là, il vient de Statistique Canada.

M. Rivest: Juste une question en passant. Les travailleurs, tels que vous les définissez par rapport à ce que vous appelez la bourgeoisie, quel est votre barème de définition? Qu'est-ce que les travailleurs? Est-ce que ce sont les travailleurs syndiqués ou... Y a-t-il un endroit où vous le précisez?

M. Guertin: Dans le troisième cahier qu'on vous a remis...

M. Rivest: Le cahier vert?

M. Guertin: Oui, le cahier bleu... M. Rivest: Ah oui, d'accord!

M. Guertin:... Les cégeps à l'ancre, vous allez avoir une définition très précise des classes sociales, selon les catégories habituelles de la sociologie.

Tous ces chiffres décrivent une réalité inacceptable, celle d'un système scolaire qui reproduit et consacre les inégalités sociales, alors que ses concepteurs promettaient à la population l'égalité de chances, l'accessibilité générale et le slogan: "Qui s'instruit s'enrichit" et, plus récemment, soulignaient le rôle compensateur de l'éducation.

Les cégeps ne peuvent être tenus seuls responsables de cette situation. Si les cégeps n'accueillent que 26% des jeunes Québécois, alors que le rapport Parent préconisait un objectif de 50% pour le début des années 1970, si 85% des enfants des travailleurs québécois ne fréquentent pas le cégep, c'est en grande partie pour des raisons extérieures au cégep et que les travaux de la CEQ ont contribué à mettre à jour.

Les normes de l'école ne sont pas faites pour les enfants des classes populaires qui forment pourtant la majorité. L'école véhicule l'idéologie de la classe dominante et place les enfants issus de milieux ouvriers en situation d'inadaptation. Quand on constate que 88% des 92 000 inadaptés en 1975 appartenaient justement à ce qu'on appelle la classe inférieure, ce n'est pas péjoratif, c'est une catégorie sociologique.

La sélection: élimination, tests, voies et rythme, qui valorise dans l'école la rivalité et la concurrence plutôt que la coopération, conduit à placer la minorité dans les meilleures conditions et la masse sur la voie d'évitement, classe allégée, professionnel court, etc. Que les causes des injustices et des insuffisances du système scolaire soient nombreuses et profondes, que les remèdes et les actions à développer soient complexes et vastes, nul ne le conteste. Il ne faudrait cependant pas puiser là prétexte à maquiller la réalité déplaisante et à se cantonner dans l'inaction, comme l'ont fait les gouvernements et les ministres de l'Éducation qui se sont succédé depuis quinze ans.

Votre gouvernement, M. le ministre, ne fait malheureusement pas exception à la règle. Tandis que le livre vert sur la formation primaire et secondaire ignore systématiquement les réalités décrites par la CEQ, qu'on trouve plus haut, et ne propose logiquement aucun moyen de les corriger, le livre blanc sur l'enseignement collégial reconnaît qu'il y a sans doute une égalité de chances selon la situation socio-économique des classes sociales, en cachant pudiquement les chiffres, par ailleurs, mais ne propose aucune solution et ne fixe aucun objectif à atteindre pour corriger la situation.

Les projets de loi 24 et 25 se situent dans le sillage des objectifs que nous venons de décrire. Souscrivant dans le cadre de ces objectifs, nous les trouvons très inquiétants. L'analyse que nous avons faite jusqu'à maintenant montre qu'ils ont pour but de mettre en place les dispositions légales nécessaires à l'application du livre blanc et des objectifs que nous avons relevés. Ils permettent en effet le resserrement des contrôles administratifs et pédagogiques. Leur adoption par l'Assemblée nationale permettra au gouvernement d'intervenir à la discrétion du ministre de l'Éducation sous forme d'études contenues, d'enquêtes ou de tutelles, sur tous les aspects de la vie des collèges. Concerté avec un Conseil des collèges choisi et nommé par le gouvernement, le pouvoir réglementaire s'affermit en temps utile, il pourra réaliser l'opéra-tionalisation subséquente des contrôles.

Quant aux responsabilités pédagogiques et administratives locales, loin d'être raffermies,

comme le dit le livre blanc, elles se voient réduites et rigidement encadrées par les mécanismes de l'analyse institutionnelle. Comme nous l'avons relevé, les menaces qui pourraient planer sur la vie des collèges et particulièrement sur la pédagogie, pourraient à tout le moins signifier la sclérose de l'enseignement collégial. À la lumière de cette analyse des objectifs réels du livre blanc, les deux projets de loi que nous étudions maintenant plus en détail jettent, selon nous, les bases d'une véritable contre-réforme de l'enseignement collégial.

Mme Sicotte: Sur ce, nous voulons justement attirer l'attention, comme je l'ai annoncé antérieurement, sur les volets des lois 24 et 25 qui nous paraissent particulièrement significatifs et qui justifieraient la prise de position dont je vous parlais au début.

Tout d'abord, nous aborderons donc la question du Conseil des collèges, cet organisme qui serait devenu nécessaire selon le livre blanc pour résoudre une soi-disant contradiction entre le statut autonome des collèges et les responsabilités que doit, par ailleurs, assumer le gouvernement par rapport au réseau des collèges. C'est en comparant la Loi créant le Conseil supérieur de l'éducation à ce projet de loi 24 qu'on peut le mieux distinguer la fonction réelle de ce Conseil des collèges. Alors qu'essentiellement, le Conseil supérieur de l'éducation a pour mission de procéder à des études et de refléter le milieu pour acheminer ensuite vers le ministre les recommandations appropriées concernant les problèmes constatés dans divers enseignements, le Conseil des collèges se voit doté de certains pouvoirs d'intervention auprès des collèges locaux, surtout par la commission d'évaluation.

À la lumière des fonctions définies dans le projet de loi pour le Conseil des collèges, comme pour la commission d'évaluation, nous devons bien constater que l'on transfère vers cet appareil certaines fonctions d'intervention que les collèges contestaient déjà à la DIGEC et certaines fonctions — conseil — qui étaient confiées au Conseil supérieur de l'éducation. En effet, il nous faut penser la fonction réelle de l'organisme proposé en termes de contrôle technocratique du réseau collégial où les technocrates, au lieu d'appartenir à la DIGEC, proviendraient du milieu lui-même. (18 heures)

Si on veut faire des comparaisons par rapport au Conseil des universités, qui est né et qui fonctionne de par la volonté des universités, le Conseil des collèges du projet de loi 24 est un organisme de surveillance des collèges, au service du ministère de l'Éducation et son statut un peu bâtard se rapproche, à notre avis, d'une espèce de régie des collèges. Les modifications que le projet de loi apporte à la Loi du Conseil supérieur de l'éducation, semblent anodines en apparence. Notons, cependant, qu'au départ, aucune correction n'est apportée à certains aspects du Conseil supérieur de l'éducation qui ont pourtant fait l'objet de vives critiques dans le monde syndical...

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse...

Mme Sicotte:... en particulier, lorsqu'on parle de la nomination des représentants.

Le Président (M. Marcoux): ... nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Alors, je vous prierais de revenir à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 1

Reprise de la séance à 20 h 14

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, s'il vous plaît, messieurs!

La commission parmanente de l'éducation est réunie pour poursuivre l'étude des mémoires concernant les projets de loi 24 et 25.

J'inviterais les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec et de la Fédération des enseignants des cégeps à continuer la présentation de leurs mémoires.

M. Chevrette: Bonsoir, Mme Lavoie-Roux.

Mme Lavoie-Roux: Bonsoir, qu'est-ce qui nous vaut l'honneur de votre visite?

M. Chevrette: Votre présence.

Mme Lavoie-Roux: Je pensais que c'étaient vos anciens confrères.

M. Chevrette: Ce sont toujours mes confrères; je suis en congé sans solde.

Mme Lavoie-Roux: C'est pour ça que je l'ai dit.

Une voix: ... les anciens.

Mme Lavoie-Roux: Les anciens, oui, enfin.

Le Président (M. Marcoux): Mme Sicotte.

Mme Sicotte: Nous continuons où nous étions rendus, soit à la page 21 du rapport, au milieu du deuxième paragraphe.

Quelles sont ces modifications qui sont effectuées au niveau du Conseil supérieur de l'éducation? On se rend compte que le Conseil supérieur de l'éducation se verrait soulagé de sa Commission de l'enseignement collégial et il ne se verrait plus tenu à se prononcer sur les règlements qui doivent régir les programmes d'études, les examens, les diplômes, les brevets d'enseignement et la qualification du personnel pédagogique de niveau collégial. C'est ce qu'on voit d'une part. Par contre, on laisse au Conseil supérieur de l'éducation le mandat de se prononcer sur la coordination de l'enseignement de tous les degrés, sur les règlements régissant les normes de répartition

territoriale et l'aménagement des établissements éducatifs administrés et subventionnés par la province. On se demande comment le Conseil supérieur de l'éducation pourra remplir ses mandats, si par ailleurs on lui enlève, pour le niveau collégial, son principal instrument de travail, la Commission de l'enseignement collégial.

A-t-on décidé de ramener le Conseil supérieur de l'éducation aux seules questions concernant l'élémentaire et le secondaire? Le moins qu'on puisse dire, c'est que le Conseil des collèges accapare la plus grande partie des fonctions jadis confiées au Conseil supérieur de l'éducation, mais comme celui-ci semble en même temps en conserver quelques-unes, il nous faut constater dans la même mesure le parallélisme des structures que créerait le Conseil des collèges proposé.

Les organismes ne naissent pas par hasard — c'est clair pour tous — et les fonctions qu'on leur attribue relèvent d'impératifs et d'objectifs poursuivis par ceux qui les créent. C'est dans ce cadre qu'il nous faut analyser les nouvelles fonctions selon lesquelles, désormais, le ministre devra soumettre au conseil le plan de répartition par collège des programmes d'enseignement collégial, les politiques d'allocation entre les collèges du montant global des crédits annuels accordés pour l'enseignement collégial ainsi que le plan et les règles de répartition entre les collèges des budgets d'investissement.

Or, M. le ministre, votre gouvernement a opté pour des coupures des budgets sociaux au profit de la mission économique, ce qui explique également la présence de certaines autres mesures qui agiront de façon négative sur l'accessibilité et on pense, entre autres, à la régionalisation des programmes que pourraient constituer ces mesures.

Ainsi, la création du Conseil des collèges ramène le Conseil supérieur de l'éducation à un conseil qui n'a plus rien de supérieur et qui constitue plutôt une structure parallèle de par la composition de l'organisme ainsi proposé. Il permet enfin la réalisation de volontés politiques tout autant admissibles qu'impopulaires, mais par le truchement d'un organisme tampon.

Nous considérons qu'il y a là quelque chose d'odieux dans cette invitation qui est faite au milieu de s'impliquer dans la répartition des coupures dont il ne veut pas et dans l'application de mesures qui vont à l'encontre de sa raison d'être.

Si on aborde maintenant la commission d'évaluation, cette commission d'évaluation est dotée de pouvoirs d'intervention qui, à certains égards, vont plus loin que les pouvoirs confiés au conseil lui-même. J'attire l'attention sur le fait que la commission d'évaluation est chargée de procéder à l'examen des politiques institutionnelles d'évaluation et de la mise en oeuvre de ces politiques, chargée d'adresser au conseil et aux collèges en cause les avis que lui suggère un tel examen et elle offre aux collèges un service d'évaluation de leurs programmes d'enseignement ou d'un aspect quelconque de leur pratique institutionnelle.

Pour comprendre de quoi il s'agit, il faut, bien sûr, consulter l'énoncé de politique, où, à ce moment, il est prévu que chaque collège devra se doter d'une politique d'évaluation des étudiants, d'un système d'évaluation institutionnelle et, pour aider les collèges, le choix d'indicateurs de qualité et de la détermination de normes d'excellence sont considérés comme urgents.

Les collèges ne sauraient toutefois se passer de l'évaluation d'un observateur étranger, d'autant plus objectif et impartial qu'il est plus désintéressé. À cet égard, on identifie comme observateur étranger et impartial désintéressé, non pas le Conseil des collèges, mais bel et bien la commission d'évaluation, dont le nombre de membres ne peut excéder huit, et tous sont nommés par le ministre, sur recommandation du conseil. Je pense qu'ici il est important de rappeler le caractère privilégié des liens qui unissent la commission d'évaluation au Conseil des collèges, avant d'insister sur le mandat de ce même conseil qui l'implique dans le financement des cégeps, politique d'allocation à ces collèges et j'en passe, étant donné qu'il s'agit des textes comme tels.

Alors que le gouvernement manifeste une volonté ferme de diminuer les budgets sociaux et de contrôler les contenus de formation, ne peut-on pas craindre l'implication du Conseil des collèges dont l'évaluation des établissements via la commission d'évaluation affecte les avis qu'il donnera au ministre sur les règles de répartition des programmes et des budgets. Certes, les étudiants et étudiantes ont droit à un enseignement de qualité qui réponde à leurs besoins et intérêts, et je peux vous dire que ce souci est partagé par eux d'abord et par les enseignants et les autres personnels. Le problème est de savoir si le régime pédagogique proposé, les mécanismes d'évaluation de l'enseignement et les restrictions budgétaires répondent à cet objectif. J'attire votre attention particulièrement sur ce qui suit: la coopération des professeurs, des étudiants et des étudiantes au niveau du contenu de l'enseignement, des normes et qualités et des méthodes pédagogiques nous apparaît beaucoup plus féconde qu'un contrôle hiérarchisé.

Si les mécanismes d'évaluation devaient être appliqués de façon systématique et le moindrement rigide, on risquerait d'aboutir davantage à la sclérose de la pédagogie et des contenus de cours qu'à un standard de qualité. Les politiques d'évaluation de l'apprentissage sanctionnées par les conseils d'administration, sous prétexte de garantir la valeur des diplômes, pourraient, pour leur part, réintroduire des expériences de normalisation répressives qu'on avait abandonnées.

Le souci — et j'attire là aussi l'attention — d'évaluer les enseignants en fonction d'une amélioration de leur qualité et d'un soutien pédagogique aux professeurs, spécialement de ceux qui commencent, n'est pas incompatible avec les structures et les conditions de travail actuelles. Plusieurs collèges, d'ailleurs, connaissent déjà des mécanismes d'autocritique, de coopération et d'entraide entre professeurs. Et qu'on vise à généraliser ces pratiques, qu'on y consacre des ressources humaines et financières, cela pourrait donner des résultats inespérés.

Mais il ne semble pas qu'un des pouvoirs d'intervention de la commission relève d'une telle préoccupation d'assistance, bien que ce soit ce que nous mentionnions. Il apparaît plutôt clairement que ces interventions s'inspireront surtout des lignes de force dégagées dans l'énoncé de politique et, nous dit le livre blanc, ce service pourrait consister en la formation et en l'envoi sur place de comités de pairs et d'experts capables de renseigner exactement un collège sur ses points forts et ses points faibles.

Même si le ministre décrit la procédure d'évaluation comme ayant un caractère souple et fonctionnel, on constate cependant qu'elle repose sur la hiérarchisation de la procédure. Vous avez, dans les lignes qui suivent, la démonstration qui nous permet d'indiquer que le tout conduit au jugement subjectif porté par la commission d'évaluation et à la sanction accordée par le Conseil des collèges.

En fait, malgré la grande prudence du livre blanc selon laquelle le gouvernement n'a pas l'intention de se faire une espèce de garde-chiourme en la matière, qu'il s'agit d'abord d'auto-évaluation, que la présence du Conseil des collèges procédera d'un esprit de collaboration et non de surveillance, on s'aperçoit que les objectifs visés en matière d'évaluation ne seront atteints que de manière coercitive et cette coercition, on la voit se manifester à la table de négociation.

Je note: L'ensemble des questions d'évaluation échapperait désormais au champ de la négociation et serait plutôt introduit par le biais d'une réglementation ministérielle. Les conséquences en sont que les travailleurs de l'enseignement se verront presque complètement évincés de ce champ de préoccupation. On sait que, dans les conventions collectives actuelles, les modes d'évaluation de cours, contenu, qualités et normes de réussite sont la responsabilité du département, bien sûr, sous l'autorité du collège.

Les responsabilités pédagogiques qui sont normalement assumées par le professeur, le département et les services pédagogiques se déplacent vers les conseils d'administration et le ministère. On introduit le contrôle hiérarchisé du travail quotidien de l'enseignant et de l'enseignante. Cette coercition peut prendre, bien sûr, différentes formes, mais elle vise à rassurer une certaine opinion publique, celle des entreprises qui trouvent les étudiants trop critiques, et à faire entrer dans le rang les collèges, les enseignants ou les personnels de l'enseignement qui ont mis de l'avant des expériences un peu trop dérangeantes.

J'aborde maintenant la commission de l'enseignement professionnel qui naît à l'article 19. On crée ici une commission de l'enseignement professionnel auprès du Conseil des collèges. Les fonctions de cette commission ne sont pas précisées dans le projet de loi, mais on peut tout au plus prévoir que cette commission devrait se préoccuper d'éléments qualifiés de mesures de relance, répartition de l'effectif, création d'instituts spécialisés, liens étroits collèges-monde du travail, distribution des programmes qui peut impliquer des regroupements dans un esprit de complémentarité des collèges. On peut donc penser que le rôle-conseil de la commission s'exerce avant tout sur ces éléments.

Cependant, on sait aussi que les études importantes sur cette question ne sont pas terminées ou que des mesures détaillées qui nous sont actuellement inconnues viendront très probablement affecter l'enseignement professionnel et peut-être même remettre en question son orientation, d'où la création d'une commission de l'enseignement professionel qui nous apparaît, à ce moment-ci, pour le moins prématurée. C'est en ce qui concerne la loi 24.

Si on considère la loi 25, on doit se référer, pour bien comprendre ce qui est dit de la loi 25, à la loi 21, qui concevait les collèges comme des entités autonomes, munies de pouvoirs réels de décision. Cette autonomie, quoique largement encadrée par les pouvoirs de réglementation conférés au ministre et au lieutenant-gouverneur en conseil, a quand même permis aux collèges de faire preuve d'un dynamisme qui en a dérangé plusieurs.

Même si, depuis son adoption, la loi 21 fût au centre de multiples débats, n'eût été la combativité des travailleurs du milieu collégial, qui se sont opposés au rapport Nadeau, aux mesures contenues dans GTX, le gouvernement précédent aurait sans doute fait siennes les revendications du patronat pour mettre de l'ordre dans les collèges, revendications qui, en réalité, visaient à briser le dynamisme du niveau collégial. Et c'est dans ce cadre qu'il nous faut examiner le projet de loi no 25.

L'importance des amendements qui s'y retrouvent est telle que le projet de loi apparaît comme un projet de réforme majeure de l'enseignement collégial par ses effets directs — et je vous laisse lire les éléments de la parenthèse — et par le cadre nécessaire à la mise en place de l'ensemble des mesures annoncées dans les collèges du Québec — projet du gouvernement à l'endroit des cégeps — mesures qui visent à apporter les ajustements aux objectifs et à l'organisation de l'enseignement collégial en fonction de la présente crise économique.

Si on considère le conseil d'administration, la nouvelle composition du conseil d'administration prévoit le remplacement d'un enseignant par un professionnel non-enseignant, mais on doit déplorer particulièrement l'absence — et j'insiste ici, parce que c'est le groupe de personnes le plus particulièrement oublié dans toute cette question — de toute représentation du personnel de soutien et le peu de considération que l'on manifeste une fois de plus à l'égard de cette catégorie de personnel. S'agit-il d'un mépris, d'un oubli? L'importance tant numérique que vitale du personnel de soutien dans les collèges justifie pourtant sa présence de façon formelle au conseil d'administration. Nous déplorons aussi, bien sûr, que la présence d'un professionnel non-enseignant doive se concrétiser par la diminution du nombre de représentants des enseignants.

L'article 3, au sein du projet de loi 25, prévoit de plus que les membres élus au conseil d'administration sont désignés lors d'assemblées convoquées et présidées par l'officier que désignent les membres du conseil en fonction. Cet officier peut aussi procéder par voie de scrutin par la poste. Vous comprendrez que nous considérons que de telles modalités de nomination sont antidémocratiques; voire même elles véhiculent une attitude de méfiance envers les organisations syndicales et étudiantes. D'une part, le scrutin par la poste est un mode de consultation en cachette qui évite toute discussion. D'autre part, les travailleurs se sont donnés des organisations démocratiques où toute nomination suppose également la possibilité de révocation et où les travailleurs de l'enseignement se sont toujours opposés à désigner des délégués sans droit de regard collectif sur leur mandat.

Déjà, M. le ministre, votre gouvernement a manifesté à maintes occasions — et nous vous l'avons souligné — un antisyndicalisme, bien sûr, subtil qui consiste à ignorer les organisations syndicales et à s'adresser très souvent aux syndiqués individuellement par-dessus la tête de leurs organisations collectives ou encore à nier leur représentativité. Vous comprendrez, M. le ministre, que nous nous opposons à ce qu'une telle attitude soit confirmée dans la Loi des collèges.

Quant à attirer votre attention sur l'article 5 du projet de loi amendant l'article 12 de la loi 21, nous pouvons dire désormais qu'un membre du personnel du collège qui fera partie du conseil ne pourra prendre part aux délibérations, ni voter sur toute question concernant ses conditions de travail ou celles de son groupe. Or, M. le ministre, il est peu de questions discutées au conseil d'administration qui ne touchent de façon directe ou indirecte les conditions de travail du personnel, et je vous laisse prendre connaissance de l'énumération à titre d'exemple. Un tel amendement équivaudrait, à notre avis, à évincer du conseil d'administration les travailleurs des collèges et, bien sûr, nous nous y opposons fermement. D'ailleurs, cette mesure de remarques est d'autant plus justifiée que, même avec le texte actuel qui est beaucoup moins explicite, on tente déjà d'exclure les professeurs ou les autres travailleurs lorsque surviennent des débats sur des éléments portant sur les contrats de travail.

M. le ministre, nous vous demandons si vous auriez fait vôtre cette volonté qui commençait à se dessiner au niveau de plusieurs collèges quant à l'interprétation du texte de loi actuel. On se pose aussi la question de ce qu'il adviendra du comportement à l'égard des compagnies qui recevraient des stagiaires ou qui entretiendraient des relations commerciales avec les collèges. Qu'adviendrait-il des cadres des collèges qui participent au conseil d'administration, compte tenu de ce qui vient d'être dit précédemment?

Quant à l'enseignement professionnel, on parle d'un programme d'enseignement professionnel local reconnu d'intérêt national. Qu'est-ce au juste? Pourquoi constituer localement un comité chargé de l'organisation et de la gestion d'un tel programme? Faut-il comprendre que l'article 17a apporte un peu de clarifications? Si on se réfère au projet du gouvernement à l'endroit des cégeps, on apprend que les études sur l'enseignement professionnel sont incomplètes.

L'énoncé de politique annonce toutefois l'intention du gouvernement de faciliter: 1) des entreprises de formation récurrente et de susciter le développement de centres spécialisés. Peut-on trouver là une explication à l'article 17a? (20 h 30)

Si oui, les commentaires suivants s'imposent, à savoir la création des centres spécialisés dans certains secteurs clés de la technologie québécoise a d'importantes implications. Le fait que le choix de ces centres doive être organiquement relié au développement du Québec fait craindre l'asservissement à une entreprise particulière. On utilise l'exemple déjà donné à l'intérieur des documents ministériels, l'exemple de Bombardier. Ne s'agirait-il pas d'un nouveau niveau de formation qui aurait pour objectif de répondre à une demande en techniciens plus qualifiés mais moins nombreux? Quelles seront les conditions de création de ces centres? Pourquoi le cheminement professionnel continu ne serait-il possible que par cette voie? Voilà autant de questions. L'appel à la formation récurrente pose des problèmes du même ordre. Sa vocation de stimulation régionale, son engagement plus vigoureux dans l'essor technologique du Québec, pourraient signifier que désormais, les collèges devront adopter leurs programmes d'éducation permanente en fonction des besoins tels que définis par les entreprises locales. Cela permettrait aux PME de pouvoir compter sur une main-d'oeuvre qualifiée, selon la division du travail qu'elles connaissent, tout en pouvant décider qui sera ou ne sera pas mieux qualifié. Il faut savoir qu'il est plus rapide et moins coûteux pour le capital de pouvoir faire appel à l'éducation permanente pour des besoins précis qu'ils manifestent, que d'attendre une réorganisation globale d'un système scolaire qui pourrait répondre aux mêmes besoins, à moins qu'il ne s'agisse de prévoir dans la loi la création de comités collèges-travail, comités que la chambre de commerce a qualifiés en ces termes, c'est-à-dire qu'on s'assurerait ainsi des concours bénévoles et compétents qui permettraient de calquer les formations sur les besoins réels.

Quant à l'accessibilité, dans les collèges du Québec, après avoir souligné la réussite remarquable des cégeps au chapitre de la démocratisation, vous reconnaissez, M. le ministre, que des lacunes importantes subsistent encore à cet égard. Ainsi, tout indique que les jeunes Québécois n'ont pas tous des chances égales d'accéder à l'enseignement supérieur et que cette inégalité est liée à la situation socio-économique des régions, des groupes ethniques ou des classes sociales auxquelles ils appartiennent. Nous pouvons, en effet, constater que moins de 30% des jeunes d'un groupe d'âge ont accès à l'enseignement collégial, que les enfants de travailleurs sont proportionnelle-

ment sous-représentés. Ceci dit, toutes ces constatations nous confirment l'urgence d'une politique d'accessibilité et de démocratisation de l'enseignement collégial. À cet égard, trois articles du projet de loi 25 pourraient affecter particulièrement l'accessibilité aux collèges. Je veux soulever particulièrement les articles 11, 14 et 15.

À propos de l'article 11, on note dans l'énoncé de politique quelques élargissements. Ainsi, on indique: Seront admissibles aux études collégiales les candidats détenteurs d'un certificat d'études secondaires. Selon l'article 11, les collèges pourront également fixer des conditions particulières d'admission des étudiants. Ces conditions particulières pourraient-elles donc avoir pour effet de refermer l'ouverture que nous avons soulignée précédemment? Un tel article nous semble contredire une politique réelle d'accessibilité en permettant, et même en encourageant les mesures de contingentement.

Quant à l'article 14 qui porte sur la gratuité scolaire, point n'est besoin de rappeler que nous revendiquons depuis longtemps la gratuité scolaire complète, au niveau collégial, pour l'ensemble des activités de formation et pour toutes les catégories d'étudiants.

Cette mesure, cependant, ne doit pas être réduite aux étudiants inscrits à un programme officiel. Si la volonté de votre gouvernement est, comme il l'affirme d'ailleurs, de favoriser l'éducation populaire et la fonction de services à la collectivité des collèges, c'est à l'ensemble des activités de formation que la gratuité doit être élargie. Là-dessus, nous tenons à indiquer que l'article 14 qui autorise le lieutenant-gouverneur à élargir l'application de la gratuité à d'autres catégories d'étudiants, nous apparaît vraiment insuffisant.

Quant à l'article 15, en prévoyant qu'un collège doit recevoir l'autorisation annuelle du ministre pour l'ensemble des enseignements qu'il entend dispenser, le gouvernement veut s'assurer que les collèges respecteront les règles de contingentement et les politiques de régionalisation des programmes déjà annoncés. Dans les collèges du Québec, on annonce une répartition géographique des programmes de formation, répartition qui tiendrait compte, non seulement des contraintes des moins bien favorisés, mais aussi du contexte de baisse prévue de l'effectif étudiant.

Comment peut-on parler d'accessibilité et justifier en même temps des contingentements et une répartition régionale des programmes, le tout, sous prétexte d'une baisse de clientèle, en élaborant des prévisions à partir du taux actuel de fréquentation? Il est pourtant clair qu'une réelle démocratisation de l'enseignement implique une plus grande fréquentation de l'enseignement collégial.

En plus d'avoir des effets sur l'accessibilité, nous considérons ce contrôle comme une ingérence directe dans les responsabilités des collèges et des départements qui, actuellement, dans le cadre des programmes autorisés par le ministre, déterminent les cours qui sont offerts annuellement aux étudiants, et cette pratique permet aux collèges, aux départements de tenir compte de leurs caractéristiques propres. Ainsi, nous nous opposons à cette intervention du ministre dans les contenus de l'enseignement.

Quant à l'autonomie, nous jugeons les contrôles inacceptables, car ils remettent en question la liberté pédagogique des enseignants. Ils s'ingèrent dans des responsabilités départementales et paralysent le dynamisme actuel des institutions collégiales en particulier.

Les articles 16, concernant la mise en tutelle et 18, apportent un élément de plus pouvant justifier les enquêtes, ces articles, à nos yeux, nous apparaissent comme une ingérence politique inacceptable. Ces articles à eux seuls pourraient justifier le retrait total de ce projet de loi.

Désormais, le gouvernement pourra procéder pour la période qu'il détermine, à des mises en tutelle lorsqu'un collège s'adonne à des pratiques ou tolère une situaion qui est incompatible avec la poursuite de ses fins. Voilà une formulation, M. le ministre, qui, pour le moins, relève de l'arbitraire et de l'arbitraire du maccarthysme.

Peut-être faudra-t-il même éclairer un certain nombre de situations. Un collège, par exemple, qui appuie les revendications de son personnel en période de négociation ou les revendications des étudiants pour un meilleur système de prêts et bourses s'adonne-t-il à des pratiques incompatibles avec la poursuite de ses fins? S'il refuse, le collège, de faire appel à une injonction ou encore aux policiers dans un tel cas, résulte-t-il une situation d'incompatibilité avec la poursuite de ses fins?

L'enseignement de l'économie politique et de la philosophie marxiste, est-ce compatible avec les fins poursuivies par un collège? La tolérance d'organisations politiques et de leurs activités mérite-t-elle une mise en tutelle? La tolérance des comités du "Oui " en fait-elle partie? Celle des comités du "Non"? On pourrait allonger encore la liste d'arbitraires qui pourraient intervenir dans certaines situations.

L'intervention du politique dans le domaine éducatif n'est pas neutre. L'institution de la Commission d'enquête Dion, à la suite des événements d'octobre, ne provenait-elle pas de la volonté d'évaluer l'infiltration péquiste et séparatiste dans les institutions d'enseignement? Nous présumons que votre gouvernement, bien sûr, n'aurait pas le même comportement, en tout cas sur cette question particulière.

Quant à l'article 18, il a pour effet d'ajouter la pédagogie aux motifs d'enquête que peut autoriser le lieutenant-gouverneur en conseil. Il nous faut relier cet article aux précédents et il est clair que les conclusions d'une telle enquête pourraient justifier une mise en tutelle.

Mais comme vous l'indiquez dans votre énoncé de potitique, les interrogations sur la qualité de l'enseignement reposent parfois, pensons-nous, sur des jugements globaux, peu réfléchis et véhiculés à la lumière de slogans.

Même si certaines lacunes ont été dénoncées trop fréquemment pour qu'il n'y ait pas là un fond

de vérité, ce ne sont pas des interventions autoritaires ou encore l'existence d'une épée de Damocles qui pourraient permettre de redresser la situation. Faut-il rappeler que la conception que l'on a de la pédagogie est aussi politique et que l'intervention du gouvernement dans les fonctions réservées aux enseignements, aux départements et aux collèges est d'importance?

Des mesures comme les coupures budgétaires et la régionalisation des programmes ont beaucoup plus de conséquence sur la qualité de l'enseignement que ce que vous considérez comme des écarts pédagogiques. Nous affirmons de plus que ce que vous qualifiez de crise de crédibilité dont souffrent les cégeps est davantage une conséquence de la crise économique actuelle, que ce soit le taux de chômage, l'insatisfaction par rapport à la formation, l'offensive idéologique réactionnaire. C'est donc beaucoup plus une conséquence de la crise économique actuelle qu'un phénomène découlant des différences internes du réseau.

Les concepts pédagogiques de l'enseignement sont du ressort des départements et des enseignants et nous rejetons toute intervention gouvernementale dans ce domaine, sous quelque prétexte que ce soit.

La marge d'autonomie laissée aux collèges à leur fondation a permis — je pense qu'il nous faut le souligner — à plusieurs d'entre eux, sinon à tous, de développer des services qui les identifient et une initiative qui leur est propre. Cela ne se développe pas en peu de temps, ça exige du temps et des conditions. À titre d'exemple, on peut signaler l'ouverture de certains cégeps à des groupes populaires, des services régionaux d'animation socioculturelle, des expériences multidisciplinaires remarquables, des programmes bien adaptés à la communauté régionale où ils oeuvrent et, enfin, pour résumer, une réputation de qualité et de dynamisme.

Ces réalisations, M. le ministre, sont le fruit d'initiatives locales, de la stabilité des personnels et, sans doute aussi, de ressources humaines et matérielles importantes. On est amené à se demander comment ces expériences résisteraient au financement par programmes et objectifs comme aux évaluations institutionnelles contrôlées par le Conseil des collèges, toutes mesures qui conduisent à l'uniformisation.

Enfin, dernier volet: La régionalisation des services autres que l'enseignement. À cet égard, je fais allusion à l'article 20 qui autorise la création de sociétés pour fournir des services auxiliaires.

Une telle proposition nous permet de nous interroger à savoir: Les services d'entretien peuvent-ils être inclus dans une telle requête, ainsi que les services audio-visuels, les services de bibliothèque? L'article est d'une telle imprécision que même des questions loufoques, pourraient être envisagées, à savoir: Veut-on régionaliser les services de cafétéria?

Outre les effets de cet article sur l'accessibilité, puisque l'accessibilité aux services est un des aspects de l'accessibilité au collège, nous dé- nonçons ces effets sur les conditions de travail des professionnels non enseignants et du personnel de soutien. Alors que nous avons entrepris, de bonne foi, une négociation importante, votre gouvernement dépose un projet de loi qui peut avoir pour effet de rendre caducs les résultats de cette négociation pour les catégories de personnel mentionnées.

Il y a une cohérence, ici, très importante, qui ne nous apparaît pas particulièrement évidente. Nous sommes opposés et nous nous opposons donc, en solidarité avec l'ensemble du mouvement syndical, à une privatisation des services publics. Vous connaissez d'ailleurs nos propos à cet égard.

Nous nous opposons avec tout autant de fermeté aux mesures visant la disparition de services offerts par les collèges et à leur régionalisation. Ce sont là, M. le ministre, des éléments sur lesquels nous tenions à attirer l'attention de la commission, quant à des articles qui nous apparaissent particulièrement significatifs, lourds de conséquences et pour lesquels il est justifiable, à notre sens, de retirer ces articles et d'enclencher un débat global à l'automne.

M. Guertin: La quatrième partie jette un regard d'ensemble et traite d'une précipitation inquiétante et incompatible avec un débat démocratique. Nous désirons souligner, en terminant, que ces transformations importantes, que le gouvernement propose et qui prennent de plus en plus une couleur de contre-réforme de l'éducation, interviennent alors que le bilan plusieurs fois promis de l'expérience historique des cégeps n'a pas été réalisé.

En l'absence de bilan et à la lumière des objectifs réels du livre blanc, que nous avons mis en évidence, nous nous interrogeons sur les raisons de la précipitation actuelle du ministère et du gouvernement.

Trois séries de motifs semblent alors se dégager: répondre d'urgence aux appétits de pouvoir de la structure technocratique du MEQ et des hommes politiques, ce qui se traduit par le développement des contrôles; céder aux exigences pressantes des entreprises afin de réaliser, dans les cégeps, une formation moins critique, mieux adaptée à leurs besoins et garantissant une main-d'oeuvre docile; soumettre l'enseignement collégial aux impératifs de la crise du système capitaliste en lui imposant de sévères restrictions financières.

Il n'y a pas de doute que les projets de loi 24 et 25 bouleverseraient radicalement le fonctionnement du cégep, en plus de faire du niveau collégial un monde à part. La création du Conseil des collèges et les modifications apportées à la Loi des collèges concernent les personnels syndiqués à plus d'un égard. Elles concernent même des acquis signés et consignés dans leurs conventions collectives. Une des principales tâches confiées au Conseil des collèges sera l'évaluation et nous rappelons, à ce sujet, que même s'il y est indiqué que ça ne devrait pas entrer en conflit avec les conventions, il est curieux de retrouver dans les offres

patronales que c'est retiré du champ de la négociation.

Sur l'ensemble de ces rubriques, le Conseil des collèges pourra soumettre des recommandations à partir desquelles le ministre établira des projets de règlement qu'il soumettra de nouveau, pour avis, au Conseil des collèges. Les conséquences de cette méthode sont que les travailleurs de l'enseignement seront dépouillés de toute responsabilité dans le champ de la pédagogie.

Par ailleurs, le double pouvoir confié au Conseil des collèges de procéder à l'évaluation des pratiques institutionnelles, pour ensuite donner des avis sur des questions tout aussi vitales que celles de l'allocation des crédits et de la répartition des budgets entre les collèges n'est pas sans inquiéter les personnels des cégeps.

Plusieurs prévisions des projets apparaissent ténébreuses, plusieurs questions sont soulevées. Ainsi en est-il des implications des sociétés qui pourront être instituées sur demande de quelques collèges, des diplômes d'institution qui seraient différents du diplôme d'enseignement collégial, des programmes d'intérêt national.

De plus, on procède à la pièce et d'une façon précipitée, alors que tout le contenu de la réforme gouvernementale n'est pas connu. De l'aveu même du livre blanc, du ministère, il manque des éléments fondamentaux, en particulier les intentions précises, les projets précis du ministre sur l'enseignement professionnel, qu'il nous promet pour quand? On ne le sait pas et qui touche plus de 50% de l'activité des cégeps. Pourtant on est prêt à légiférer sans ça. (20 h 45)

Les intentions du ministre sur l'éducation aux adultes qui pourrait, selon notre vision, être la porte d'entrée aux cégeps pour une population qui en a massivement été privée. Les intentions et les projets précis du ministre sont promis pour quand? Il est prêt à légiférer quand même. Les mesures promises par le ministre pour favoriser l'accessibilité qui se situerait, semble-t-il, au coeur de ses préoccupations, il ne juge pas utile de les préciser avant de s'attaquer aux cégeps par législation.

C'est en tenant compte de l'ensemble de ces facteurs que la CEQ s'oppose à l'adoption des projets de loi 24 et 25, en demandant même leur retrait.

Les cégeps ont plus de dix ans d'existence, ils représentent une somme considérable d'efforts et d'ajustements aux besoins exprimés par les étudiants et la société. Un ministre responsable ne peut se permettre une telle désinvolture à l'égard de ceux qui ont construit cette institution.

Le ministre a souvent ignoré nos consultations, nos débats et nos avis. Nous lui demandons aujourd'hui de renoncer à la tentation de procéder à la sauvette et dans une bousculade de fin de session à des changements à la pièce qui affecteraient nos droits et porteraient atteinte à l'autonomie et aux libertés des institutions, des travailleurs et des étudiants.

Ce que nous réclamons, c'est une commission parlementaire où seraient connues toutes les intentions du ministre et débattues l'ensemble des orientations présentées ou promises dans l'énoncé de politique des collèges du Québec.

Nous trouvons toujours inadmissible que le gouvernement veuille procéder à la sauvette à l'adoption de projets de loi qui bouleverseraient radicalement le fonctionnement des cégeps. La CEQ et ses fédérations concernées et les syndicats se sont vu accorder douze jours de délai pour analyser les projets de loi, rédiger un mémoire, réunir leurs instances et consulter leurs membres. Devant la gravité des répercussions que provoquerait l'adoption de ces projets de loi, nous n'avons pas hésité à faire part de nos inquiétudes aux membres de la commission parlementaire, même si nos commentaires peuvent paraître, dans les circonstances, quelque peu éparpillés et quelquefois répétitifs d'ailleurs. De façon à faire connaître l'ensemble de nos vues sur les orientations proposées non seulement par les projets de loi 24 et 25, mais aussi sur l'ensemble du livre blanc, nous avons déposé les quatre cahiers et "Le cégep à l'ancre" qui appuient la consultation qu'on mène actuellement.

Le mouvement syndical québécois a dû faire face dans le passé à des gouvernements qui pratiquaient un antisyndicalisme de confrontation. La CEQ désire mettre en garde le gouvernement actuel contre une autre forme d'antisyndicalisme tout aussi grave, qui ignore ou tente d'éviter l'expression des organisations que se sont données les travailleurs et les étudiants.

La précipitation est mauvaise conseillère. Nous demandons au ministre de mettre toutes ses cartes sur la table, de compléter son livre blanc et de combler les trous béants de son projet et de donner aux organisations représentatives des travailleurs et des étudiants des cégeps le temps et les conditions d'un débat démocratique sur toute la question. Quand on n'a rien à cacher, croyons-nous, et qu'on désire sincèrement améliorer les choses, on procède de cette façon.

Vous trouverez les annexes sur des résolutions adoptées dans les instances de la Centrale de l'enseignement du Québec, mais, également, des propositions plus récentes cette fois-ci et assez détaillées de la Fédération des professionnels des cégeps et des collèges et de la Fédération des enseignants de cégeps sur le livre blanc comme tel. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je suis heureux que vous ayez trouvé le moyen de venir vous faire entendre en dépit des quelque deux semaines que vous avez eues pour examiner les projets de loi.

Vous nous demandez en somme de reporter l'adoption de ces projets de loi à l'automne, mais, au fond, mettons les cartes sur la table, comme vous le disiez il y a un instant, c'est le retrait total

des projets de loi que vous souhaitez. Dans le cas du Conseil des collèges en particulier, c'est à la conception même du conseil que vous en avez. D'ailleurs l'une de vos résolutions le dit clairement, c'est le retrait, au fond, que vous désirez.

Que nous soyons en avril, en mai ou en novembre, vous nous demanderez toujours de retarder les choses parce qu'au fond, ce que vous souhaitez, c'est de torpiller le projet. Soyons nets. Vous n'aurez de cesse que lorsque ces projets n'auront pas abouti, et je ne pouvais m'empêcher de sourire en vous écoutant tout à l'heure vous faire les grands défenseurs du Conseil supérieur de l'éducation. Voilà une dimension nouvelle du débat. Je ne puis m'empêcher d'ailleurs de m'en réjouir.

Vous avez l'énoncé de politique depuis huit mois entre les mains, les projets de loi en découlent tout naturellement. On ne peut pas dire que qui que ce soit ait été pris par surprise. Vous avez rejeté en bloc ou presque l'énoncé de politique sur les collèges, ça aurait été naïf de notre part de nous attendre à ce que vous appuyiez les projets de loi. Je ne m'y attendais pas d'ailleurs, très sincèrement. Le débat se déroule donc depuis maintenant huit mois, vous y avez d'ailleurs participé. Beaucoup d'autres organismes y ont participé, ont fait connaître leur opinion, ont affiché leur couleur publiquement. Je pourrais vous donner lecture — mais je n'ai pas l'intention de lire un mémoire — de nombreux textes qui appuient l'énoncé de politique et, bien sûr, les mesures qui en découlent.

Vous dites que nous nous sommes appuyés sur le rapport Nadeau et je ne sais trop quel mystérieux rapport qu'on a baptisé du nom de GTX. Je ne vous demanderai pas de me croire, nos façons de penser, nos mentalités sont sans doute trop éloignées d'ailleurs pour que nous puissions nous accorder mutuellement beaucoup de crédibilité. Mais nous avons repris cette démarche à zéro. Nous ne nous sommes pas inspirés du rapport Nadeau, nous l'avons mis sur la tablette. Nous n'avons pas tenu compte du rapport GTX, nous avons repris la problématique et le débat à zéro. Nous avons rédigé cet énoncé de politique sans égard à ce qui avait été dit ou pensé auparavant. Encore une fois, je ne demande à personne de me croire sur parole, mais je le dis pour que cela ait été dit.

Dans les propos que vous avez tenus, vous exprimez souvent certaines hantises, par exemple, celle des grandes associations patronales dont vous sentez la main subreptice dans le rapport Nadeau, l'influence occulte des compagnies, les exigences du grand capital, cela relève d'une analyse bien connue qui n'est pas la nôtre. Vous m'invitiez tout à l'heure à mettre les cartes sur table, nous allons le faire.

Vous avez adopté depuis un certain temps, quatre ans, cinq ans, peut-être un peu au-delà, une certaine démarche, une certaine grille de lecture qui n'est pas la nôtre, qui a donné le manuel du 1er mai, qui a donné l'école de masse, qui a donné les tout derniers rejetons sur les cégeps. Cette lecture de la réalité n'est pas la nôtre. C'est une analyse marxiste ou marxisante et vous êtes tout à fait libres, je tiens à vous l'affirmer, d'adopter cette analyse si le coeur vous en dit. Mais ne vous attendez pas que le gouvernement vous appuie dans cette démarche. C'est une idéologie que nous ne partageons pas. Elle transpire dans la plupart de vos documents, quelquefois plus occulte, quelquefois plus ouvertement.

Et on voit ce que cela va donner. Prenons un exemple très concret, parce qu'il se trouve dans vos documents. Si nous avions proposé la spécialisation, une spécialisation plus poussée, dans le domaine de l'enseignement, et notamment au niveau collégial, vous nous auriez dit: Vous avez dit dans le passé que ce faisant, nous nous faisions les grands serviteurs du grand capital, que nous préparions les jeunes pour entrer dans des emplois dictés par l'entreprise. Vous nous auriez accusés de je ne sais trop quoi, parce que nous spécialisions trop les enfants.

Nous étions conscients qu'il y avait là des problèmes et qu'effectivement la trop grande spécialisation, aujourd'hui, conduit les jeunes dans des impasses. Nous adoptons donc, dans le livre blanc, dans l'énoncé de politique, la démarche inverse et nous disons: Nous allons mettre l'accent sur la formation fondamentale.

Eh bien, vous avez encore trouvé le moyen de n'être pas d'accord. Et vous nous dites textuellement que ce faisant, en prenant la démarche inverse de la spécialisation, nous favorisons une plus grande dépendance du travailleur envers son employeur. Autrement dit, nous ne pouvons jamais avoir raison. Poserons-nous le geste noir? Nous aurions dû faire blanc. Ferions-nous blanc? Nous aurions dû poser le geste noir. Et nous adoptons, par souci du réalisme, diverses teintes de gris, c'est toujours la mauvaise, parce que vous aimez mieux les idées à l'état pur.

Nous n'aurons jamais raison, quoi que nous fassions. Mettons les cartes sur la table. Le gouvernement se trompera toujours, qu'il tente honnêtement ou non d'améliorer la situation dans les collèges. Personne n'aura jamais raison s'il n'adopte vos critères et votre grille de lecture. Personne, s'il n'entre dans la problématique du 1er mai, ou dans celle de l'école de masse, ou dans celle de vos dossiers sur les cégeps, personne n'aura jamais raison. Et votre condamnation sans appel, du livre blanc et de l'énoncé politique tient essentiellement de cette démarche. Nous ne sommes pas d'accord sur un certain nombre de choses fondamentales et autant l'admettre ce soir.

Ces choses étant dites, tournons-nous vers quelques problèmes concrets. Il est vrai qu'il reste des inégalités dans l'accès aux collèges publics. Nous en sommes très conscients. Nous avons mis de l'avant déjà des politiques qui vont tendre à faciliter l'accès des jeunes de toutes conditions aux collèges, le plus grand nombre possible. Il n'y a pas de limite autre que celle, bien sûr, de l'obtention d'un diplôme d'études secondaires et la volonté, encore hélas trop conditionnée par les

conditions sociales et économiques, d'aller poursuivre ses études au cégep. Il faut s'occuper de ce problèmes, parce que l'éducation demeure la plus grande égalisatrice des conditions dans le monde d'aujourd'hui. Et nous avons l'intention de nous en occuper.

Nous aimerions même que la population des cégeps s'agrandisse, en dépit du fait que la dénatalité a commencé maintenant de les toucher, après avoir profondément affecté le secteur secondaire après le secteur primaire.

Il faut donc y voir et nous avons l'intention d'y voir. C'est dans cet esprit que nous avons l'intention de poursuivre une politique qui a toujours existé dans certains cégeps qui donnent des cours hautement spécialisés de poser des conditions particulières d'entrée dans les cégeps. (21 heures)

Et il ne faudrait pas voir là — quoique évidemment vous allez nous soupçonner automatiquement de la chose — des moyens détournés ou occultes d'empêcher les jeunes d'accéder au cégep. Il suffisait de voir cette expression de conditions particulières pour nous soupçonner des pires motifs. Rassurez-vous cela n'a rien à voir avec ce que vous avez dit. C'est tout simplement que, quand on engage un jeune dans une carrière de pilote et dans une option de pilotage, on s'assure d'abord qu'il voit à plus de vingt pieds devant son nez. C'est ce genre de conditions dont nous parlons.

Je ne serai plus bien long M. le Président. J'en viens maintenant aux restrictions budgétaires, dont vous nous avez encore parlé ce soir, après que plusieurs des résolutions de vos organismes y aient fait constamment allusion. Il faut que vous sachiez que c'est entièrement faux. Ce que vous appelez des restrictions budgétaires, c'est en réalité pour l'année courante, en dépit d'une diminution de clientèle de l'ordre de 4,6%, une augmentation du budget, compte tenu de l'étalement dont il fait l'objet, de 4%. Ce qui fait une augmentation réelle de l'ordre 8,6%. Par les temps qui courent, je crois qu'il faut reconnaître que c'est une augmentation tout à fait raisonnable et qu'il n'y a pas là de coupure budgétaire. Plus il y aura de jeunes dans les cégeps, plus nous paierons et plus les Québécois seront prêts à se cotiser pour augmenter la scolarisation du peuple québécois. Je n'en ai pas le moindre doute.

Donc, qu'on cesse de nous parler de coupures budgétaires. Je sais que c'est un bon "slogan", je sais que c'est facile à lancer en l'air. Mais cela ne résiste pas à l'analyse des chiffres.

Je pourrais m'étendre longuement encore, je veux donner la chance à mes collègues de la commission de pouvoir intervenir également dans le débat et de poser éventuellement des questions à nos invités. Je me réserve d'ailleurs le droit d'y revenir moi-même par la suite, mais pour l'instant c'est une première réaction et je passe la parole à mes collègues.

Mme Sicotte: Avant de donner la parole à un autre intervenant, je dois vous dire que les propos du ministre nous surprennent un peu, parce que même s'il peut arriver que nous évaluions les situations différemment, que nous analysions les situations de façon différente, nous nous étonnons que le ministre voie une incompatibilité totale à ce qu'on puisse tenter d'apporter des commentaires et pouvoir influencer les projets de loi et la réforme puisqu'on parle de celle-là à ce moment.

On semble mettre en doute, même, une crédibilité en ce qui concerne ceux que nous représentons, alors que nous avons été effectivement invités à cette commission. On doit dire que ces propos nous surprennent.

Nous tenons aussi à indiquer qu'il n'y a pas dans notre attitude une espèce de désir de torpillage de projet et je pense qu'à certains égards, on peut parler ici du niveau collégial, on pourrait parler du niveau élémentaire où, effectivement, nous avions souligné déjà des éléments qui s'annonçaient positifs, d'autres sur lesquels nous avions des interrogations et d'autres sur lesquels nous mettions des réserves importantes. Il n'est pas inutile de rappeler que si nous avons demandé une large commission parlementaire sur l'ensemble de l'enseignement collégial, c'est justement pour pouvoir établir toutes les cohérences nécessaires dans un débat comme celui-là, où il peut apparaître, lorsqu'on le prend par deux volets, qu'on ait l'air sectaire ou qu'on ne veuille rien remarquer. Je veux noter ici à la commission que notre propos a eu pour objet d'indiquer... M. le ministre disait: Ce que vous demandez c'est le retrait des projets de loi 24 et 25 tels qu'ils sont mis là pour une large commission parlementaire au cours de laquelle on interviendrait sur l'ensemble des questions. Je rappelle aussi que nous avions indiqué la nécessité de voir un certain nombre d'espaces vides comblés par des réponses plus précises qui pourraient parvenir avant cette commission parlementaire.

Je tiens à mentionner aussi, si on parle de référence à Nadeau GTX, que, messieurs du gouvernement, quand vous indiquez que vous ne vous y êtes pas référés, nous constatons qu'il y a des conclusions qui sont identiques. Alors, on n'a pas à croire ou ne pas croire qu'il y a eu des références ou pas de référence. Nous constatons qu'il y a des orientations qui relèvent des mêmes indications.

Finalement, je voudrais indiquer aussi que quant aux références que nous avons faites au Conseil supérieur de l'éducation, je pense que c'est nous faire beaucoup dire que de dire que nous nous sommes portés en défenseurs du Conseil supérieur de l'éducation. Ce que nous avons dit, c'est qu'il existe un Conseil supérieur de l'éducation qui a pour mission de se préoccuper de l'ensemble des niveaux de l'enseignement, et nous avons particulièrement souligné que, par la naissance du Conseil des collèges, on mettait de l'avant le compartimentage et, qu'à ce moment, on donnait au Conseil supérieur de l'éducation un espèce de rôle qui n'avait plus tellement de signification et qui devenait très cloisonné. Je pense

que c'est un élément particulièrement important, et c'est le sens, pas plus, qu'il faut donner à notre propos. Je pense bien, M. le ministre, que vous aurez très bien compris cette allusion.

Enfin, je pense que lorsque vous faites allusion à nos analyses, quant à l'influence des compagnies, quant à l'influence du capital, je pense que là-dessus, peu importe l'étiquette qu'on peut mettre, parce que je pense que l'étiquette, à un moment donné, c'est pas mal plus un objet d'éléments qui nous empêchent de nous comprendre que de regarder les réalités telles qu'elles sont. Dire que les influences des compagnies, du capital, sont inexistantes, je pense qu'on se fermerait, de part et d'autre, les yeux sur des réalités. C'est une réalité qui est présente et avec laquelle nous sommes confrontés, et à ce moment, il y a des choix politiques qui doivent s'imposer.

M. Guertin: Un bref commentaire, le ministre ne croit pas pouvoir s'entendre avec nous, avec les organisations qui représentent les travailleurs. C'est nouveau et c'est grave. Il y a beaucoup de pays à travers le monde qui connaissent un éventail politique assez large. Je ne pense pas que les échanges soient interdits, les discussions franches sont possibles. J'ai l'impression que les étiquettes vous permettent d'esquiver les critiques sur des aspects précis de vos projets, ce qui, sans doute, aurait un très grand succès sur les lignes ouvertes, mais nous amène à nous poser des questions quand il s'agit, pour nous, de venir parler ici des besoins des jeunes, de venir parler des intérêts de la masse de la population qui est composée de travailleurs. Que voulez-vous? Notre travail c'est d'éduquer les enfants de ces gens. Il faut qu'on s'occupe de voir à ce qu'ils aient accès à ces institutions qu'on dit accessibles à tous. C'est des droits de nos membres dont on s'occupe.

Le Président (M. Marcoux): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président, pour éviter toute ambiguïté, je dois vous dire que, même si — là-dessus, je pense que je ne vous apprendrai rien — sur votre analyse de base, le parti auquel j'appartiens ne partage pas au moins son idéologie, je dois vous dire que j'ai quand même été étonnée — je vais employer le mot "vigueur" — de la vigueur avec laquelle le ministre vous a semoncés.

Je me demande s'il avait dénoncé avec autant d'énergie le manuel du 1er mai, alors qu'il était dans l'Opposition.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Oui, enfin, je prends votre parole, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Vous irez demander à Yvon Charbonneau la discussion que nous avons eue là-dessus.

M. Rivest: Une chose est certaine, c'est qu'il n'ira plus à vos manifestations.

M. Chevrette: II va être remplacé par M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Non, absolument pas.

Mme Lavoie-Roux: Ceci dit, je pense que quant aux remarques que vous avez faites ou les points que vous avez soulevés sur la façon dont le gouvernement procède pour faire adopter ces projets de loi et les objections qu'un grand nombre d'autres organismes ont fait valoir devant cette commission parlementaire — j'ignore depuis quand vous patientez en arrière de la salle — je vais vous dire que tout le monde, dans ce sens, arrive aux mêmes conclusions, soit que le gouvernement — je le redis probablement pour la troisième fois — a choisi le mois de juin, la période des travaux accélérés de la Chambre. On pourra nous faire des discours de deuxième lecture à 3 heures du matin si tel est le désir du gouvernement. C'est tellement ça qu'aujourd'hui, par exemple, je reçois des appels au sujet d'un autre projet de loi touchant l'éducation dont les principaux intéressés ont ouï-dire, parce que tout ça se fait, pour utiliser l'expression chère au ministre, dans la foulée des fins de session.

M. Chevrette: Pourquoi avez-vous demandé l'ajournement des travaux à 4 h 55?

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

M. Chevrette: Attends une minute, arrive en ville!

M. Rivest: C'est le député de L'Acadie qui a la parole.

M. Chevrette: Oui, mais elle charrie; qu'elle en mette, mais pas trop pour être crédible.

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre!

M. Rivest: Vous arrivez.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce que c'est le...

M. Rivest: Savez-vous le titre, au moins, du projet de loi qu'on étudie?

M. Chevrette: Oui, assez pour vous le décrire deux fois comme vous l'avez. Vous arrivez en politique, vous. Après avoir été conseiller de Boubou, vous n'avez de conseil à donner à personne.

M. Rivest: Là, là, là!

Le Président (M. Marcoux): À l'ordre, M. le député de Joliette-Montcalm! Mme le député de L'Acadie, c'est vous qui aviez la parole et qui l'avez encore.

Mme Lavoie-Roux: Enfin, je ne sais pas à quoi le député fait allusion. L'ajournement ne...

M. Chevrette: Je parlais à M. le député de Jean-Talon.

Mme Lavoie-Roux: Ah, parce que je me...

M. Rivest: Une question, M. le Président. Est-ce que le député de Joliette-Montcalm jouit de privilèges qu'on ne connaît pas? A-t-il le droit d'intervenir...

Le Président (M. Marcoux): Non, je l'ai rappelé à l'ordre comme je vous ai rappelé à l'ordre et j'ai demandé à Mme le député de L'Acadie de...

M. Rivest: J'ai invoqué le règlement, M. le Président.

M. Chevrette: Oui, mais vous ne saviez pas quel article.

Le Président (M. Marcoux): Je vous ai donné raison; je l'ai rappelé à l'ordre. Mme le député de L'Acadie.

M. Rivest: Vous m'avez donné raison? Le Président (M. Marcoux): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, vous faisiez allusion au fait que dans le passé vous avez eu à faire face à des gouvernements qui adoptaient la confrontation comme moyen de dialogue. Je n'y étais pas. Est-ce vrai? Enfin, je vous laisse le soin de porter le jugement, c'est le jugement que vous avez porté. Mais ce à quoi nous venons d'assister, ce n'est certainement pas à un effort de dialogue mais vraiment à une confrontation claire et ouverte avec le monde de l'enseignement que vous représentez.

Il y a des points que vous avez soulevés, qui ont été soulevés par de nombreux autres organismes et je pense, par exemple, qu'en page 47 vous signalez que les intentions du gouvernement sur l'enseignement professionnel qui constitue plus de 50% de l'activité des cégeps ne sont pas connues, qu'on est toujours devant l'absence d'une politique touchant l'éducation permanente, que les mesures promises par le ministre pour favoriser l'accessibilité, accessibilité, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, qui commence bien avant le collégial, parce que rendu au collégial, c'est trop tard, quant à tout cela on est toujours dans l'attente.

Je sais que ce n'est pas un problème facile, mais il m'a été donné une occasion de le dire quand vous n'étiez pas là; je l'ai dit quand vous n'y étiez pas. Alors, votre présence n'a rien à faire avec ceci. Mais il faut se poser des questions sérieuses sur la volonté politique d'essayer de promouvoir des mesures qui pourraient corriger un tant soit peu... parce qu'on sait que c'est très complexe; ce n'est pas relié uniquement à l'éducation. Quand on dit que l'éducation est la plus grande mesure d'égalisation, j'en suis, et l'éducation doit prendre là les responsabilités qu'elle a.

Il y a d'autres facteurs dans la société qui font que ce n'est pas strictement relié à l'éducation.

Mais en tant que ministre de l'Éducation, on doit prendre ses responsabilités dans ce domaine.

Ceci dit, il est bon que vous ayez soulevé ces problèmes. D'autres les ont soulevés avant vous. Mais je dois quand même vous faire remarquer — là-dessus je rejoins le ministre — que j'ai cru déceler une contradiction et j'aimerais que vous me donniez quelques explications.

À la page 15, on parle de formation fondamentale. Vous donnez votre interprétation des inconvénients de se tourner vers cela, de mettre l'accent sur cette formation fondamentale, et à la page... je pense que c'est 36, je vous le dis de mémoire. Vous faites référence à la création de centres spécialisés qui auraient comme conséquence d'abord de trop spécialiser et ensuite de former de la main-d'oeuvre trop strictement en fonction d'entreprises particulières. C'est une contradiction que le ministre... Je note la même contradiction et j'aimerais vous demander si vous-même vous avez une explication ou si c'est moi qui interprète mal ce qui m'apparaît comme une contradiction.

Mme Sicotte: À la page 15 et à la page 36, c'est bien cela les deux références que vous avez données.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Sicotte: Là-dessus il faut bien se comprendre. D'abord, lorsque nous avons parlé de formation fondamentale, de formation spécialisée, des centres et de l'expression de M. le ministre tantôt "une spécialisation encore plus poussée", je pense qu'il nous faut ne pas mettre les éléments en les opposant dans le sens suivant: c'est-à-dire qu'actuellement on parle de formation fondamentale en déqualifiant à toutes fins utiles la formation professionnelle que pourrait avoir un jeune qui sortirait du cégep par rapport à des tâches et à des fonctions à accomplir.

Nous ne sommes pas d'accord que sous le couvert de la formation dite fondamentale on fasse en sorte que les jeunes aient une formation "déqualifiée". Je pense qu'il y a une différence entre en arriver à un niveau de déqualification quant à des apprentissages de techniques et de spécialisations — on se comprend — et pousser cela davantage au point de rendre encore plus étroit et plus limité le champ dans lequel une personne pourrait être compétente. Nous n'avons pas demandé qu'il y ait une surspécialisation — je pense qu'il faut se comprendre là-dessus. Par contre, nous ne voulons pas être dupes du fait qu'on a tenu comme langage qu'il était important que les étudiants aient une formation la plus large et la plus complète possible, qu'on vienne rétrécir le bagage technique qu'un jeune vient chercher au cégep pour lui permettre par la suite d'accomplir un certain nombre de tâches et le rendre apte à une certaine habileté. Je pense que c'est un élément important.

Quant aux centres spécialisés, on aboutit à quelque chose d'encore plus particulier. Il s'agirait d'institutions spécifiques pour des besoins très particuliers. À ce niveau, on s'interroge et on est

particulièrement inquiets, parce qu'il nous apparaît que ces centres pourraient devenir carrément des lieux privilégiés de réponses dans telle région, telle localité aux besoins d'une, deux ou trois entreprises très spécifiquement mentionnées et très spécifiquement enclenchées dans le cadre de l'économie du Québec.

Je pense qu'il nous faut faire des distinctions entre l'enseignement spécialisé au niveau des collèges et celui qu'on pourrait retrouver de façon encore plus poussée au niveau des centres spécialisés. Maintenant, Yves pourra adopter davantage de précisions, travaillant dans le secteur.

M. Proulx (Yves): Pour comprendre totalement cette question, il faudrait se reporter au dossier numéro 2 des cahiers bleus que vous avez entre les mains, où on explique longuement que l'évolution actuelle de l'organisation du travail conduit à une déqualification des travailleurs. Cela a commencé par une déqualification de l'artisan et maintenant il y a une déqualification du technicien. C'est justement la tâche du cégep de former des techniciens. On est rendu à l'étape d'une certaine déqualification du technicien. Si, dans le marché du travail, il y a une certaine déqualification du technicien, il faut jusqu'à un certain point que le système d'éducation qu'on voudrait voir correspondre à ce mouvement produise une certaine déqualification du diplôme.

Or, la formation fondamentale, dans notre esprit, est justement une certaine déqualification du diplôme de l'enseignement collégial. On constate que cette déqualification correspond bien aux besoins des grandes entreprises qui, elles, ont le moyen de compléter sur place une formation incomplète au besoin et par conséquent de rendre le futur travailleur plus dépendant de cette entreprise. Mais cela n'empêche pas que la petite et moyenne entreprise, elle, peut avoir d'autres besoins et surtout pas les moyens de spécialiser vraiment les travailleurs dont elle a besoin. D'où l'ouverture de l'éducation des adultes à cette spécialisation. Et on pense que les centres spécialisés pourraient justement être de ces centres où, pour des besoins très précis et très restreints, on spécialise ou surspécialise pour des besoins immédiats.

La conséquence générale qu'on voit de cela, c'est qu'on a d'une part un enseignement collégial dont la qualité est globalement diminuée et pour des besoins précis une spécialisation particulière.

Pour compléter, je ne voudrais pas non plus surprendre le ministre en lui disant que la formation c'était une recommandation essentielle du rapport Nadeau. Peut-être ne s'en sont-ils pas inspirés, mais il y a une coïncidence quand même assez nette à ce niveau.

Pour ce qui est de la question des budgets qu'il a abordée, il y a au moins une variable qu'il a oubliée dans son calcul, ce sont les 10% d'inflation par année. L'inflation existe au niveau des cégeps aussi. Si les budgets des collèges augmentent de 0 à 4% dans les dernières années, l'inflation de 10% est toujours là. Entre 4% d'aug- mentation et 10% d'inflation, il y a un solde à mon avis, de 6%.

Mme Lavoie-Roux: Je suis contente que vous ayez mentionné de nouveau le rapport Nadeau. Je pense que je ne veux pas en faire la critique ici, mais je suis fort portée à être d'accord avec vous que, même si le ministre jure sur la tête de son aïeul qu'on l'a mis sur une tablette et qu'on ne l'a plus regardé, on n'a qu'à se référer à la création du Conseil des collèges qui se retrouvait à l'intérieur du rapport Nadeau et qu'on retrouve ici. Je pense qu'il n'y a rien de mal à cela, je ne veux pas blâmer le ministre pour cela. Mais c'est une espèce de pensée magique chez le ministre. Cela fait trois ans qu'il m'affirme qu'il l'a mis sur les tablettes. Il en est venu à se convaincre qu'on n'y avait jamais plus retouché. Peut-être que cette pensée magique, il peut la faire agir sur l'ensemble de la population et faire croire au monde qu'avant le 15 novembre, il n'y avait rien. Le rapport Nadeau — si on veut qu'on accepte maintenant sa réforme — il faut surtout le dénoncer, alors que personne n'est assez naïf pour penser qu'il n'y a pas de lien. Personne n'a besoin d'avoir honte de ce qu'il y avait de bon dans le rapport Nadeau, qu'on s'en soit inspiré et qu'on l'ait retenu. Cela a été le cheminement du ministre, et je l'ai vu agir de cette façon depuis... enfin, au moins trois fois, M. le ministre? Je ne pense pas exagérer. À l'étude des crédits, entre autres.

Je voudrais soulever deux problèmes avec vous. Vous dites en page — je prenais des notes au fur et à mesure, j'ai annoté un tas de pages, vous allez me situer — vous dites que la crise de crédibilité des cégeps — j'oublie, je ne peux pas retracer la page, alors je vais le dire de mémoire — est rattachée à une crise économique, enfin est rattachée à la crise économique actuelle. Je voudrais autant que possible avoir le fond de votre pensée. Est-ce que c'est la seule difficulté à laquelle on peut rattacher, en admettant que cela en soit une, la crise de crédibilité des cégeps. Il reste que les cégeps existent depuis 10 ans, là-dessus les économistes pourront me corriger, mais il me semble que de 1970 à 1973, on n'était pas dans une période économique trop morose et déjà il y avait des problèmes de fonctionnement à l'intérieur des cégeps. Si cela n'est pas la seule cause, ce que personnellement je crois, est-ce que vous pouvez en identifier d'autres? Ou si pour vous, c'est un jugement absolu et c'est cela la cause de la crédibilité des cégeps?

M. Guertln: J'ai l'impression que c'est sérieusement gonflé cette question de crise de crédibilité des cégeps et on a l'impression aussi que le climat actuel tend à alimenter la critique autour de cela. Si je vous retournais la question, parce que c'est souvent là-dessus que porte la critique, en vous disant: Ne croyez-vous pas que l'ensemble des ressources des enseignants qui oeuvrent dans les cégeps, qui font un travail honnête, compétent, sérieux, et ne croyez-vous pas que c'est à partir de quelques cas marginaux qu'on a bâti

toute une dramatisation? Je ne voudrais pas vous arracher la réponse de la bouche, mais il y a de bonnes chances que vous soyez d'accord avec moi.

Alors, cette crise de crédibilité des cégeps, on pourrait tout aussi bien, d'après les contacts qu'on a quotidiennement dans le travail, d'après le résultat de consultations qu'on a menées, penser au contraire, que les cégeps du Québec ont une très bonne réputation. Ils sont bien vus. Ils sont vus par l'ensemble de la population comme un endroit où ils espèrent voir leurs jeunes étudier, et que la crise de crédibilité des cégeps, c'est beaucoup — le discours qu'on tient autour des cégeps dans le contexte actuel — plus que l'analyse concrète des choses. Quand on lit dans le livre blanc ce qu'il y a à ce sujet, sur la crise de crédibilité des cégeps, on retrouve un peu des choses qu'on voyait dans le livre vert et qui sont encore présentes dans le livre orange sur l'élémentaire et le secondaire: beaucoup de on dit, beaucoup de "des gens se plaignent que", beaucoup de "la population pense que c'est assez", beaucoup d'une attitude de recours à une certaine opinion qu'on ne croit pas être la méthode la plus sérieuse pour faire des rajustements et des réformes en éducation, mais d'analyse systématique du vécu, très peu de choses.

La crise de crédibilité des cégeps, c'est peut-être, jusqu'à un certain point, la crise qu'alimente un ministre, face au système d'enseignement public, en n'assumant pas sa responsabilité de défense du système et de promotion de ce système dans les années qu'on vient de vivre.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il est exact de dire qu'il y a des enseignants dans le réseau des cégeps qui font de l'excellent travail. Il y a des cégeps qui ont eu des initiatives, ont de la créativité et rendent définitivement des services à la collectivité. Là-dessus, je vous rejoins. Par contre, il reste que cette crise de crédibilité — je voudrais bien, comme vous autres, pouvoir l'imputer seulement au ministre et au gouvernement qui est de l'autre côté de la table; remarquez que ça me ferait bien plaisir. Même quand j'essaie de venir à la rescousse du gouvernement, vous n'êtes pas encore content.

M. de Bellefeuille: Nous sommes capables de nous défendre.

Mme Lavoie-Roux: Ne me demandez pas trop de vertu.

M. Morin (Sauvé): Non, je ne vous en connais pas gros.

Mme Lavoie-Roux: À tout événement, il reste que le rapport Nadeau avait été demandé, et j'oublie dans quel contexte. Je n'étais pas ici. Je me souviens qu'à un moment donné, on a décidé de faire une étude sur le fonctionnement des collèges, et ceci remonte à 1973, si je ne m'abuse, et ce rapport d'études a duré deux ans. Alors, on devait sentir — à moins que ça n'ait été uniquement qu'une étude portant sur l'évaluation des cégeps — dès ce moment, un certain malaise. Mais je vais revenir plus directement: il y a eu devant nous des organismes qui sont venus parler de la composition du conseil d'administration qui est prévu dans la loi 25. On fait valoir et également de bonne foi que le fonctionnement des conseils d'administration des collèges était très difficile, compte tenu des conflits d'intérêt qui surgissaient, suite à la présence de représentants de syndicats. Je vous le dis tel quel, je ne vous apprends rien, vous l'avez entendu pendant deux jours.

Alors, c'est difficile pour moi de penser que c'est simplement imaginaire. Il reste qu'il y a eu des conflits reliés à une période de croissance normale, je l'admets, quand on part un nouveau système, il peut y avoir des conflits d'adaptation, etc. Mais il semble bien, selon toutes les présentations qui ont été faites devant nous, que ce problème de la composition du conseil d'administration ait été identifié ou diagnostiqué comme un des malaises profonds du fonctionnement des collèges. J'aimerais avoir votre réaction là-dessus. (21 h 30)

Mme Sicotte: Pour une première partie, concernant les conseils d'administration, il y a un élément qui nous apparaissait important et sur lequel nous sommes revenus, pour revenir à quelque chose de plus global, mais le premier élément portait sur le fait que, pour les travailleurs de ces institutions que sont les collèges, il nous apparaît évident que ces groupes de personnes devraient tous avoir place au niveau du conseil d'administration et émaner de leurs organisations démocratiques que sont leurs syndicats. C'est ce qui les regroupe à l'intérieur de ces institutions. Actuellement, on remarque que dans la loi actuelle il y a plusieurs de ces groupes de personnes qui sont absents et on retrouve le personnel de soutien au niveau de la loi actuelle et lorsqu'on regarde la prévision qui est faite dans le projet de loi on s'aperçoit qu'il y a encore une absence importante qui est celle du personnel de soutien et pour obtenir un professionnel, il y a une diminution d'un enseignant.

Je pense que c'est un malaise important quand les travailleurs du milieu ne sont pas impliqués dans un conseil d'administration qui regroupe des gens du milieu, de la région — on sait quelles sont toutes les définitions — au surplus quand ces groupes de personnes, et c'est beaucoup plus explicite dans le nouveau projet de loi, ne peuvent intervenir au niveau du débat, dans des questions qui les concernent directement ou indirectement.

Tantôt, j'ai passé par-dessus l'énumération, mais on comprendra bien qu'au niveau d'un conseil d'administration de collège, il est à peu près impensable de ne pas débattre la très grande majorité du temps des éléments qui concernent directement ou indirectement les groupes de cette institution; ce serait assez surprenant que la grande majorité des ordres du jour n'aient pas trait à des éléments qui les concernent. À cet

égard, on pense que ce sont là des malaises qui sont certainement malsains, d'autant plus qu'actuellement, dans la loi qui existe, on a tenté, au niveau de ceux qui interprétaient la loi actuelle, d'utiliser et d'interpréter le texte actuel de la loi de manière à soustraire déjà sans que la loi soit plus incitative qu'il ne le faut, de ces débats les groupes qui étaient présents notamment les enseignants. Je pense que ce sont là des éléments particulièrement importants.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il y a eu une recommandation faite, peut-être par la Fédération des cégeps ou un autre organisme qui est venu devant nous et qui prévoyait la représentation de chacune des composantes du collège, personnel de soutien y compris, et le débat qu'ils ont fait portait davantage sur l'équilibre entre l'interne et l'externe. Je pense qu'à ce moment-là ils reconnaissaient, comme vous venez de le dire, le fait que chaque composante soit présente à la table. C'était légitime. La question que je veux vous poser c'est: Est-ce que cela vous semble important quelles soient en nombre tel que l'interne soit plus fort que l'externe au niveau du conseil d'administration?

La deuxième question que je veux vous poser touche la disposition dans la loi qui regarde des conditions de travail. Quand on dit: Vous devriez être absents de ce qui touche les conditions de travail, je me demande — et ce n'est pas à moi à défendre cela non plus — si vous ne donnez pas un sens trop large aux mots "conditions de travail". Est-ce qu'il ne s'agit pas vraiment de discussions touchant par exemple l'application d'une convention ou la discussion d'une convention bien davantage que ce à quoi vous avez fait allusion. Si vous parlez comment la cafétéria va fonctionner, je pense qu'il n'y a pas d'inconvénient à ce que tous les représentants des composantes du collège soient là. Je me demande si ce n'est pas une définition beaucoup trop large que vous donnez aux mots "conditions de travail".

M. Guertin: L'orientation du mémoire qu'on présente et ses conclusions indiquent, jusqu'à un certain point, qu'on ne saurait, à cette étape-ci, apporter une réponse précise sur le dosage des différentes composantes et la représentation des divers groupes. On pense que dans une autre étape du débat ce serait effectivement utile d'avoir une discussion plus précise là-dessus. Ce sur quoi je voudrais insister un peu c'est ce qu'on appelle le malaise profond des conseils d'administration. Jusqu'à un certain point, je voudrais vous dire que tout cela me paraît être relié à feu l'unanimité.

On est dans une société qui se développe. Et effectivement, s'est développée et continue de se développer depuis des années au Québec, une pensée différente, une pensée de gauche. Cela ne sera pas une infirmité pour le Québec que d'avoir, effectivement, une telle pensée qui s'exprime. Ce sera une garantie de plus que la démocratie aura un débat complet pour s'exercer. C'est de ça dont il s'agit et c'est de cela que les membres du conseil d'administration, à partir de la fondation des cégeps en 1968, ont vu surgir et se développer l'expression des contradictions, l'expression d'intérêts divergents. Notre attitude face à des gens qui sont mandatés pour représenter et défendre les intérêts des travailleurs, c'est d'envisager cela dans la sérénité, comme étant des choses qui sont là. Il y a des intérêts différents et il y a des confrontations qui peuvent se produire. On ne résoudra rien en fermant un lieu de débat; on va le déplacer à un autre endroit. C'est une attitude illusoire de croire que les contradictions vont cesser d'exister, parce qu'en certains lieux, on va avoir interdit leur expression.

Notre attitude face à cela, c'est qu'il n'y a pas de honte à défendre des intérêts. C'est bien de le savoir. Quand tout le monde le sait et a accepté de défendre ces intérêts, on peut discuter. Mais, à partir du moment où certaines personnes ne veulent pas reconnaître qu'elles défendent des intérêts, alors que d'autres ne s'en cachent pas, effectivement, on peut être tenté de masquer les choses et de faire disparaître des conseils d'administration à l'expression d'intérêts qui, de toute façon, dans cette société, vont continuer de s'exprimer et de se développer.

En ce qui concerne une autre question qui avait été posée, Yves Proulx voudrait compléter une réponse.

M. Proulx (Yves): C'est au sujet de la crise de crédibilité dont vous avez parlé. Je voudrais revenir sur trois éléments de cette crise de crédibilité auxquels le livre blanc fait allusion, non seulement fait allusion, mais affirme.

Premièrement, la question du chômage. On sait que la catégorie des travailleurs jeunes qui quittent les cégeps, le taux de chômage est au minimum de 25%. Cela n'est pas étonnant que des étudiants et des parents d'étudiants se questionnent sur ce qu'ils font au cégep dans cette conjoncture. Quand des étudiants et des parents se questionnent sur cette conjoncture, cela donne beaucoup de questions, parce qu'ils sont 25% au minimum.

Le deuxième élément que je voudrais apporter, c'est la crise économique qui sévit actuellement. Il n'est pas nécessaire de partager toutes les étiquettes et toutes les analyses possibles pour savoir qu'une crise économique s'accompagne d'une crise idéologique. On a tendance, en raison des insécurités qu'elle crée, à se réfugier dans toutes sortes d'analyses, toutes sortes de prétextes, toutes sortes de rationalisation, toutes sortes d'offensives idéologiques qui donnent flanc en raison de cette crise. Que les cégeps prêtent flanc à cette offensive et à ces réactions, cela me paraît être un autre élément de cette crise de crédibilité.

Un troisième élément dont on pourrait parler, auquel mon collègue a fait allusion, des cas isolés, des cas personnels qui résistent à l'évaluation qui se fait dans les cégeps. Il ne faut pas croire qu'il ne se fait pas d'évaluation dans les cégeps. Un professeur qui est quinze heures par semaine avec 40 étudiants, pendant 30 semaines dans une

année, est soumis à une évaluation radicale. Il est soumis à une évaluation de son département aussi. Mais il y en a qui résistent; ce sont ceux là qui font problème. Créer des superstructures paralysantes pour viser tout le monde avec cela, on dit que c'est paralysant pour l'enseignement collégial et que ce n'est vraiment pas la méthode pour clarifier des situations isolées. Créer un Conseil des collèges dans des contextes comme ceux-là, je ne pense pas que ce soit la bonne manière.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question touche l'évaluation. Vous en avez parlé un peu. Là encore, je n'ai plus la référence, mais vous parliez, vous citiez des exemples où, justement, il y avait eu des initiatives heureuses qui s'étaient prises au niveau de l'évaluation de certains collèges. Est-ce que vous pourriez m'en identifier d'une façon plus précise, sur l'évaluation?

M. Guertin: En ce qui concerne l'évaluation, je n'ai pas entendu toute votre question. Elle porte principalement là-dessus, sur le vécu de l'évaluation dans les cégeps actuellement. Je n'ai pas d'hésitation à vous dire qu'au point de départ, l'évaluation de l'enseignement et également l'évaluation des enseignants se fait continuellement dans les cégeps et qu'actuellement, il existe des lieux, particulièrement le département, qui est un lieu de travail collégial qui permet des rencontres, des discussions, des échanges, de la complémentarité, de la coopération. C'est là qu'on voit le vrai travail d'évaluation entre enseignants, travailleurs professionnels qui connaissent leur métier, qui font des études, qui ont une expérience et qui s'entraident.

On s'interroge beaucoup sur toute une démarche d'évaluation, particulièrement en ce qui concerne l'enseignant, qui ne semble assortie d'aucune prévision de financement. À quoi veut-on aboutir, si l'évaluation ne peut pas déboucher éventuellement sur un perfectionnement ou un recyclage, si les choses restent comme ça dans l'inconnu, s'il n'y a que la menace et, en plus de ça, des méthodes hiérarchisées et bureaucratiques?

En plus du travail de département qui, lui, est continu, qui s'occupe de l'accueil des professeurs, qui voit au fonctionnement quotidien des cours, il y a à chaque fin d'année des périodes assez longues de sessions pédagogiques où les professeurs reviennent sur toute l'année, passent en revue la façon dont ça s'est donné, le choix de cours qui avaient été offerts comment ces choses se sont complétées ou pas. On pense que c'est ça un travail fondamental d'évaluation ici que se fait. On pense que c'est là que s'opère le vrai sens de l'évaluation, puisqu'il débouche directement sur des modifications de comportement ou de contenu d'amélioration de la qualité.

On est très peu attiré par une démarche hiérarchisée et bureaucratique qui ne donne aucune garantie d'amélioration et qui ne risque que de braquer les choses. Il y a une certaine satisfac- tion des technocrates, à savoir qu'une chose s'est passée, mais il y a très souvent dans leur intervention aussi un gauchissement des choses qui se sont passées, une destruction du dynamisme et, après quelques années de travail de ce genre, il y aura vraiment lieu de faire de l'évaluation parce qu'on aura tout gâté avec des méthodes comme ça.

Probablement que d'autres répondants pourront vous donner d'autres exemples, mais ceux-là sont les principaux, à savoir des sessions pédagogiques qui durent assez longtemps en fin de session et qui dans la plupart des départements se font sérieusement. Il y a des départements qui se réunissent et qui, collectivement s'occupent de leurs responsabilités.

Mme Sicotte: On peut peut-être ajouter, parce qu'on a parlé des enseignants, qu'il existe également de ces formules d'évaluation qui insèrent les professionnels et à certains égards, le personnel de soutien, notamment, par rapport à un certain nombre de tâches ou d'organisation du travail qui sont tout à fait importantes quand on parle d'évaluation.

Ce sont des éléments qui commencent de plus en plus à se réaliser et, à cet égard, il y a des professionnels qui ont des tâches particulièrement spécifiques d'aide et de ressources au soutien de ces évaluations auprès des groupes de personnes qui sont impliqués au niveau de l'éducation du niveau collégial.

Mme Lavoie-Roux: J'ai deux petites questions pour terminer. Est-ce qu'il y a dans vos conventions collectives des sommes prévues pour le perfectionnement des maîtres ou des enseignants, comme vous en avez au niveau scolaire? La deuxième question: Quand vous parlez d'évaluation, est-ce qu'elle déborde l'évaluation départementale et est-ce qu'elle s'ouvre à l'ensemble du collège ou du cégep? (21 h 45)

M. Guertin: II y a des sommes qui y sont consacrées actuellement. Elles sont de l'ordre... ça varie entre $100, $110 et $114. Disons que c'est $120 par enseignant. Si on se réfère à une institution qui est dans le voisinage, le cégep de Sainte-Foy, compte tenu de la taille de cette institution, ça rend à peu près disponible une somme totale de $36 000 pour toutes les participations aux congrès, aux activités reliées au secteur de l'enseignement — les congrès sont multiples — pour en plus envoyer les professeurs en perfectionnement ou en recyclage.

Le pourcentage de personnes qui peuvent effectivement bénéficier de sommes qu'on n'hésite pas à qualifier de dérisoires, on peut le calculer soi-même avec les salaires, à moins qu'évidemment une personne accepte de partir avec $5000 ou $8000 pour une année, ce qui dans le cas d'une famille est impossible. Ces sommes ne permettent pas vraiment aux gens d'aller chercher les perfectionnements qui seraient nécessaires et qui auraient été, par exemple, identifiés comme étant nécessaires.

II existe, sans doute — d'autres pourront compléter également — d'autres sommes qui sont à la disposition, non pas dans les conventions, mais qui sont à la disposition des administrations. Mais là il y a un processus d'allocation qui est exclusivement patronal. Ces sommes, d'ailleurs, sont encore moins élevées que celles dont je viens de parler. Bien souvent, ça risque de prendre la coloration de faveurs, étant donné la façon dont ça fonctionne.

Mme Sicotte: Je voudrais ajouter — parce que vous avez parlé des enseignants — qu'il y a également deux autres catégories de travailleurs qui sont les professionnels et le personnel de soutien. On sait que plusieurs de ces fonctions sont directement reliées à l'éducation, à l'enseignement même, et à cet égard on peut donner des exemples: dans certains collèges il y a une valeur de $33 par tête de pipe. Alors, chez les professionnels, $33 par tête de pipe, là où il y a huit ou neuf professionnels, on comprendra très bien que ça fait une proportion d'argent qui est très limitée et on sait que les professionnels, de par leurs fonctions, leurs tâches, sont souvent amenés à être à l'avant-garde et à aller de l'avant; on les considère, de toute façon, comme des ressources pour les autres personnels des institutions. Alors, on s'aperçoit que les sommes de perfectionnement à cet égard ne permettent certainement pas les perfectionnements adéquats.

Quant au personnel de soutien, c'est l'équivalent, toujours au niveau local, de sommes allant de $10 à $15 par tête de pipe. Là aussi on s'aperçoit que ce sont des sommes fort dérisoires et qui ne permettent pas véritablement des insertions qui pourraient renouveler ce personnel et lui permettre de s'impliquer davantage dans l'ensemble des activités pédagogiques d'un collège.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais toucher quelques points seulement, après cet échange qui dure déjà depuis longtemps et qui nous ouvre la porte sur beaucoup d'aspects. Il y a au moins un point sur lequel je suis d'accord avec vous, c'est quand vous parlez de cette précipitation, de cette invitation un peu prématurée, du peu de temps qu'on vous a laissé. D'ailleurs, il en est de même de la plupart des autres groupes que vous avez peut-être eu l'occasion d'entendre, ceux qui vous ont précédés. Il y a une certaine unanimité au moins sur ce point.

Je ne suis pas nécessairement d'accord avec tous vos arguments. C'est mon privilège, c'est votre privilège que vous avez invoqué. Je partage un peu ce qu'a dit le ministre tout à l'heure, même si sa charge semblait un peu violente. Je suis d'accord avec lui sur plusieurs points.

Je voudrais vous demander des précisions. Vous parlez de l'accessibilité. Peut-être que vous êtes mieux placé que moi, étant donné que vous voyez le problème dans son ensemble, mais je vais vous parler d'une région plus particulière. C'est là que j'aimerais... Vous mentionnez, par exemple, les travailleurs, la petite et moyenne bourgeoisie. Qu'est-ce que vous entendez par bourgeoisie? J'aimerais avoir une explication et des exemples. Qu'est-ce que vous entendez par la classe des travailleurs?

Je vous ramènerai à mon cas particulier plus tard, mais comment expliquez-vous... évidemment il s'agit des salaires, des conditions de vie, d'un peu de tout. C'est quoi pour vous la petite bourgeoisie?

M. Proulx (Yves): Je vais vous référer au dossier 3, le cahier bleu, l'avant-dernière page, l'annexe 1. Ces catégories sont décrites. On décrit les différents types de professions qui entrent sous les différentes catégories qu'on a là. On n'en n'a pas fait une définition descriptive, ce qu'on pourrait faire certainement, mais je pense que la définition descriptive que vous avez à cette annexe serait suffisante à cette étape-ci. Vous avez, au niveau de la bourgeoisie, les propriétaires, directeurs généraux, présidents, vice-présidents de grandes entreprises industrielles, commerciales et financières. C'est un partage arbitraire de plus de 50 employés. On a classé aussi dans cette grande bourgeoisie, même si là, il y avait des défauts de rigueur théorique, professionnels, notaires, avocats, médecins, qui pourraient pratiquement être plutôt dans la petite bourgeoisie, si on se référait à une analyse théorique, mais je n'embarque pas dans tout cela. Dans la petite bourgeoisie, vous avez des contremaîtres, assistants-gérants, superviseurs, agents d'assurance, enseignants, etc. La classe ouvrière, c'est l'ouvrier de toutes les sortes d'entreprises et de services qui représentent, en passant, 70% de la population.

M. Le Moignan: Alors, vous vous rangez dans la petite bourgeoisie. Les politiciens, justement, je voulais le demander...

Mme Lavoie-Roux: ... les politiciens.

M. Le Moignan: ... on serait dans la petite bourgeoisie aussi.

M. Rivest: Attention, un ministre de l'Éducation, cela doit être plus élevé que cela.

M. Le Moignan: Non.

M. Rivest: Est-ce que c'est hors norme ou hors catégorie, un ministre de l'Éducation? Je suppose qu'un ministre de l'Éducation, c'est hors catégorie.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre de l'Éducation est hors catégorie. Vous allez y réfléchir.

M. Proulx (Yves): J'aurais tendance à le mettre dans la classe 1.

M. Rivest: Vous êtes généreux.

M. Le Moignan: Farce à part, M. le Président, je tenais à ces précisions; d'ailleurs, je n'ai pas eu le temps de parcourir vos documents que nous avons reçus aujourd'hui même. Mais quand vous parlez des travailleurs, des ouvriers, je connais des types, par exemple, qui sont électriciens, qui sont dans la classe des travailleurs, et qui se font facilement $20 000, $25 000, $30 000 par année, donc l'équivalent du salaire d'un enseignant dans bien des cas. C'est pour cela que je me dis qu'à un moment donné, quand vous parlez du monde ouvrier en général, je suis issu de ce bas peuple, alors je n'ai pas honte de le dire non plus, cela ne me dérange pas, mais vous dites que les normes de l'école ne sont pas faites pour les enfants des classes populaires. Est-ce que vous associez les classes populaires au monde des travailleurs, d'après ce qu'on peut voir ici, dans les pages 16 et 17? Vous parlez de statistiques de 15% des fils de travailleurs de ce monde ouvrier...

M. Proulx (Yves): Effectivement, quand on parle des classes populaires, on parle forcément de la catégorie 3 qui, je l'ai dit, représente 70% de la population. Quand vous faites référence au niveau de salaire que ces gens-là peuvent gagner, dans les catégories qu'on a là, notre base de définition ce n'est certainement pas le niveau du salaire. Ce serait beaucoup plus juste, très grossièrement, parce qu'il ne s'agit pas de faire une analyse théorique ici, de dire que c'est la situation de pouvoir dans la société qui définit le mieux la classe sociale. La situation de pouvoir c'est ce qui donne la place dans la société. Sa situation de pouvoir, on sait ce qu'elle est, par rapport à un propriétaire d'entreprise, par rapport à un ministre de l'Éducation, par rapport à toutes les autres catégories qui sont là.

M. Le Moignan: Je n'ai pas eu l'occasion de comparer vos statistiques avec d'autres statistiques, mais quand je regardais cette semaine, par exemple, dans le secteur de l'enseignement privé, où on accusait les fils de riches, de la haute bourgeoisie, quand on s'aperçoit que 80% des jeunes qui fréquentent l'enseignement privé, où les parents doivent débourser, appartiennent à un niveau de peuple qui est moins scolarisé, 80%, et dont les salaires aussi sont inférieurs. Vous avez vu cela. J'ai vu cela dans des revues d'éducation. Je voudrais en revenir à ceci... Je pourrais vous sortir ce tableau, mais pas ce soir; je l'ai en haut quelque part. Ce n'est pas moi qui l'ai fait; c'est fait par des statistiques.

Mme Tremblay (Nicole): Les 4% de grands bourgeois, ils ne peuvent pas être 80% dans les collèges.

M. Le Moignan: Non, dans les collèges il y a des gens qui n'ont pas eu l'avantage de recevoir une éducation assez poussée, qui font les sacrifices nécessaires.

Mais je voudrais vous poser un cas précis. Les normes de l'école ne sont pas faites pour les enfants des classes populaires. Je vais prendre le secteur de la Gaspésie, je suis de Gaspé. Vous connaissez, étant donné que vous travaillez dans ces milieux, chez nous les gens, en général, seraient à peu près dans la quatrième classe, si on parle de salaire. Il y a un député en face qui vient de la Gaspésie, j'ai vu un fonctionnaire derrière la table des ministres tout à l'heure, et on sait que chez nous le salaire moyen, c'est $5000 à $6000 en Gaspésie, si cela existe.

Dans nos cégeps, il y a tout de même 1100 jeunes au cégep de Gaspé. Je connais bon nombre de ceux qui le fréquentent, ce sont des gens qui viennent vraiment de classes défavorisées. Je ne veux pas faire de comparaison avec Montréal, Québec ou des régions où je ne peux pas vous donner des statistiques. Mais chez nous, tout de même, l'accessibilité au cégep n'est pas pour tout le monde. Mais on sait, d'après d'autres statistiques, que le passage des jeunes chez nous du secondaire V au collège est très élevé en comparaison avec d'autres régions. Pourtant, ce sont des gens qui sont assez démunis, défavorisés. Si vous établissez un parallèle avec les grands centres, c'est peut-être là ou cela cloche de votre côté.

M. Proulx (Yves): La région de la Gaspésie, Bas-du-Fleuve, dont vous parlez, c'est justement, et vous l'avez dans un de nos documents encore, la région où les taux de passage du secondaire V au cégep sont les plus élevés. C'est exactement 58,8%, alors que dans d'autres régions, on a des taux de passage qui vont jusqu'à 27,7%. De toute façon, les taux de passage du secondaire V au cégep sont inférieurs à celui de cette région, dans toutes les autres régions du Québec.

Comment expliquer ce phénomène? On dit dans nos documents qu'il faudrait pousser encore plus l'analyse des coordonnées socio-économiques de la région pour expliquer ce chiffre. Une des hypothèses qu'on a faites, c'est d'une part qu'il y a un pourcentage d'anglophones important qui va au cégep de Gaspé et on sait que, chez les anglophones, le taux de participation au cégep est plus élevé que chez les francophones. C'est souligné dans le livre blanc, de toute façon.

Autre possibilité aussi, on connaît le taux de chômage qu'il y a dans cette région. Quand on ne peut pas travailler, on continue d'étudier jusqu'à un certain point. On a déjà parlé, à quelques reprises, pas nous comme bien du monde, que les CÉGEP existaient pour pallier ce manque d'emploi au niveau de certains groupes d'âge. Je ne veux pas donner des explications trop savantes, ni trop complètes, parce que je ne les ai pas de toute façon.

M. Le Moignan: Parce que le seul cégep anglophone est celui de Gaspé uniquement. Quand vous prenez la clientèle qui nous vient de la paroisse de Douglas Town qui est le gros bloc irlandais, ce sont des cultivateurs. Cela n'est pas

Westmount, il n'y a pas beaucoup de riches parmi nos anglophones de Gaspé, il ne faut pas oublier cela non plus. Au collège de Matane il n'y a pas d'anglophones, ni au collège de Rimouski. Il n'y a que le collège de Gaspé qui a un secteur anglophone et dont la proportion — je n'ai pas les chiffres — n'est pas tellement élevée, sur les 1100 élèves. Il y a peut-être 100 ou peut-être 200, s'il y en a 200 au plus.

M. Guertin: Pour ce qui est des résultats de l'enquête spécifique de la Fédération des enseignants de cégeps, sur le rôle social du cégep, on touche Matane qui est une région qui a peut-être certaines ressemblances avec la Gaspésie. Vous avez cela d'ailleurs à la page 9 du dossier 3. Les chiffres qu'on a sur la proportion de la population de la région qui appartient à la classe 3 et le pourcentage de ces enfants qui se retrouvent au cégep, nous donnent un portrait, finalement, assez semblable à ce qui a été observé dans les autres régions. (22 heures)

Vous voyez, si vous avez la page, que dans le tableau 6, Matane, classe 3: 47,9% des enfants présents au cégep de Matane appartiennent à la classe 3, alors que dans la région cette classe représente 73,77% de la population, donc, une proportion plus élevée que dans l'ensemble du Québec. Si on reportait ça à 70%, qui est la proportion de l'ensemble du Québec, on s'apercevrait qu'à Matane on est presque exactement dans la constante de l'ensemble du Québec pour ce qui est de la fréquentation de la classe ouvrière du niveau collégial.

Évidemment, les éléments de la classe bourgeoise à Matane sont peu nombreux, comme le démontre également le tableau, la bourgeoisie habitant très peu la région. Il faut conclure d'après les chiffres qu'on n'a pas inventés mais qu'on a obtenus de Statistique Canada, selon les catégories que vous avez en annexe 1.

M. Le Moignan: Mais dans les grands centres où, normalement, ça coûte beaucoup moins cher, parce que les jeunes demeurent à la maison, qu'est-ce qui empêche les enfants, les fils ou les filles de travailleurs, par exemple, d'accéder au niveau collégial en plus grand nombre? Chez nous, c'est plus difficile, parce qu'il y a les déplacements, on est obligés d'être pensionnaires, il y a des problèmes de prêts et de bourses. En ville, ça devrait normalement être plus facile et c'est peut-être là où vos pourcentages sont les plus bas.

M. Sicotte: Lorsque l'on parle du niveau collégial, il faut bien voir qu'on parle d'un secteur qui est au milieu du cheminement de la formation et on ne peut pas parler d'accessibilité au niveau collégial sans revenir sur le niveau élémentaire et le niveau secondaire. À cet égard, il y a un phénomène, aux niveaux élémentaire et secondaire, qu'on appelle, et que plusieurs d'entre vous ont probablement vu à l'intérieur d'autres documents du CEQ, le phénomène de la sélection-élimination qui fait qu'un bon nombre de fils et de filles de travailleurs des classes 3 — pour prendre les termes qui sont ici — se trouvent éliminés avant même d'avoir eu accès au niveau collégial. Songeons, juste à titre d'exemple, à toute cette population étudiante qui est sélectionnée et que recouvre, par exemple, le professionnel court. On le sait, dans la conjoncture actuelle ces jeunes sortent des niveaux secondaire IV ou V et n'ont plus accès... techniquement, ils ne peuvent pas avoir accès au niveau collégial.

C'est un élément qu'il faut absolument mettre dans la balance, parce qu'on ne peut pas parler d'accessibilité uniquement en mesurant le nombre de jeunes qui terminent leur secondaire et qui peuvent, compte tenu de leur âge, aller au niveau collégial. Il faut voir les sélections qui se sont réalisées antérieurement et qui ont déjà déterminé que tel ou tel jeune n'aurait pas accès au niveau collégial.

C'est un phénomène très important. J'ajoute à cela tout le phénomène de la sélection qui existe à l'élémentaire et au secondaire. Il existe parfois des voies ou des secteurs d'activité dits de l'enfance inadaptée qui font que là aussi il y a un certain nombre de jeunes qui se trouvent exclus par conséquent du niveau collégial. J'ajoute à cela, au surplus de ces statistiques, que si cette sélection et cette élimination se font aux niveaux élémentaire et secondaire — c'est important de regarder pourquoi elles se font — il faut voir à ce moment le contenu de ce qui est véhiculé à l'école élémentaire et secondaire, notamment au niveau des valeurs. À bien des égards, l'étudiant, le jeune qui arrive à l'école ne s'y retrouve pas par rapport à ses acquis, à son vécu. En ce sens, il se développe des situations qui le font qualifier de rendement insatisfaisant, ou d'enfant inadapté, ou d'enfant devant avoir un contenu de cours moins avancé. Ce sont des éléments qu'il nous faut mettre de l'avant.

Je voudrais profiter de cette même intervention pour dire également que concernant les milieux des institutions privées auxquelles vous avez fait allusion tantôt, il est important de noter qu'au même titre que le niveau collégial on a fait des relevés statistiques pour connaître les pourcentages de la population qui se retrouvent au niveau du collège...

Au niveau de l'élémentaire et du secondaire, il y a eu des analyses de faites pour savoir quels étaient les enfants qui réussissaient le mieux, quels étaient ceux qui réussissaient le moins bien et quels étaient ceux qui avaient des difficultés d'apprentissage ou des troubles quelconques. On est arrivé à conclure qu'on retrouvait ce même cloisonnement entre la classe 1, la classe 2 et la classe 3 et on s'apercevait que c'était chez les fils et les filles de travailleurs qu'on retrouvait le plus de difficulté ou le plus d'enfants mis en situation d'élimination.

Sur 96 institutions privées — là, je me reporte aux statistiques de l'AIES, si je ne fais pas erreur; si ce n'est pas celle-là, c'est l'autre organisation — il n'y en a que cinq qui ont dans leur institution ce

qu'on pourrait appeler des correspondances de voies allégées ou de voies en difficulté. Le reste est ce qu'on qualifie de clientèle étudiante prévue pour les voies enrichies ou supérieures, peu importe l'adjectif. En ce sens, je pense qu'il y a des corrélations à faire qui démontrent effectivement que les institutions privées ont une clientèle qui se retrouve particulièrement dans la classe 1 et parfois dans la classe 2.

Je voudrais ajouter que les dernières statistiques peuvent faire la démonstration qu'un certain nombre de travailleurs ont mis leurs enfants dans des institutions privées. Là-dessus, il faut voir à combien d'égard ces statistiques sont, par rapport à l'ensemble de la population, très minoritaires par rapport au pourcentage de l'ensemble de la population. À bien des égards, cela s'est fait à coups de sacrifices — si vous me permettez l'expression — fort importants pour les parents.

M. Le Moignan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Papineau.

M. Alfred: Je remercie mes collègues de la CEQ de leur mémoire. Tout à l'heure, Mme le député de L'Acadie a parlé de confrontation pour qualifier les propos du ministre. Je pense que...

Mme Lavoie-Roux: C'est sûrement exagéré à vos yeux.

M. Alfred: Je n'endosse pas cette argumentation, étant donné que le ministre...

Mme Lavoie-Roux: Ce mauvais qualificatif.

M. Alfred: ... a adopté le modèle "incisitionnel", c'est-à-dire mettre cartes sur table, étant donné que de l'autre côté on a mis cartes sur table. On a été franc, et je pense que Mme Sicotte a lu le gros des passages, elle a lu tout cela. Ce franc-parler, c'est ce modèle qu'on a adopté de part et d'autre, et je suis sûr que des deux côtés on s'est compris. De l'autre côté on a été franc, on a été franc ici et c'est ce que je pense que la CEQ attendait du ministre, qu'on soit franc de part et d'autre, et moi aussi.

Mme Lavoie-Roux:... vous n'avez pas écouté.

M. Alfred: Non, c'est-à-dire que je n'aime pas cette façon de se comporter. Au lieu de s'adresser directement à ceux à qui l'on parle, qui sont venus, au lieu de faire cela, on s'attache aux propos de l'autre. C'est une attitude que je ne partage pas, parce que, n'en déplaise à Mme le député de L'Acadie, elle n'aura pas de vote de cette façon, surtout pas des gens avec qui elle ne s'accorde pas d'ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Sentez-vous le besoin de récupérer des votes, M. le député de Papineau?

M. Alfred: Non, Mme le député de L'Acadie. Je vous ai placée en face de deux situations, où il y a eu de la franchise réciproque.

M. Rivest: Le député...

Mme Lavoie-Roux: J'ai pris trois quarts d'heure à poser des questions sur le contenu du mémoire de la CEQ, M. le député de Papineau.

M. Rivest: II est très téméraire, il se déplace entre deux feux.

M. Alfred: Ceci dit, je prends la page 40 de votre mémoire, la page 41. Vous avez parlé de l'autonomie et, quand vous avez parlé de l'autonomie, vous avez surtout parlé de l'étudiant. Pour parler de cette autonomie de l'étudiant, il faut le placer dans une ambiance qui favorise cette autonomie.

Je prends un petit exemple à la page 41: L'enseignement de l'économie politique et de la philosophie marxiste est-il compatible avec les fins poursuivies par les collèges? Chaque professeur peut — on parle de l'enseignement philosophique — je pense que le professeur de philosophie doit exposer aussi la théorie marxiste, la philosophie marxiste. Mais je voudrais en même temps, pour que cet étudiant puisse faire un choix et devenir autonome, ce que vous proposez, que ce professeur lui enseigne d'autres philosophies, comme le sartrisme, le platonisme, le thomisme, etc, et même les philosophies actuelles, de façon que dans cet ensemble de philosophies proposées, l'enfant puisse choisir et construire lui-même sa propre personnalité.

Là où je ne suis pas d'accord, c'est lorsque le maître a une idée fixe, qui est la théorie marxiste, qu'il se constitue en roi et maître et impose directement cette philosophie à la classe. À ce moment, l'élève ne fait pas de choix. Est-ce que vous seriez d'accord qu'un professeur adopte un tel principe dans une classe — par exemple, la philosophie marxiste — si cette philosophie n'est pas partagée par les élèves ni par les parents? Cela nécessite quand même l'intervention de ceux qui doivent pourvoir à la défense des fonds publics pour la formation d'un être autonome.

M. Guertln: Notre prétention n'est en aucune façon de dire qu'une seule philosophie peut être enseignée au cégep. Une des choses qu'on remarque, cependant, c'est qu'on semble, en général, dans ce qu'on entend, se soucier fort peu du fait qu'il y a peut-être des endroits où on n'enseigne que la philosophie libérale. Il n'y a pas de problème à cela, on dirait. C'est curieux. Qu'est-ce qu'on fait quand on découvre un cas comme celui-là? La même chose que dans un cas de philosophie marxiste, je suppose.

M. Alfred: Est-ce que vous me posez la question?

M. Rivest: II faut se plaindre.

M. Guertin: Je la pose parce qu'elle a toujours été posée pour la philosophie marxiste.

M. Alfred: Je voudrais vous répondre. Non, je vais vous répondre. Je n'approuve pas du tout qu'un professeur se cantonne dans un libéralisme figé. Ce que je veux, c'est que le professeur qui enseigne la philosophie puisse donner à l'étudiant le pouvoir de choisir et, pour qu'il puisse choisir, il faut que le professeur puisse lui enseigner toutes les théories philosophiques, de façon que l'étudiant puisse faire le choix lui-même. Autant je suis contre les gens qui disent: On ne fait pas de politique, sauf qu'on est libéral. Vous trouvez beaucoup de femmes qui ne font pas de politique du tout, mais elles sont libérales. Je ne partage pas cela non plus. Cela existe dans certains collèges où, par exemple, certains maîtres n'enseignent qu'une doctrine. Est-ce que vous partagez l'idée de ce maître qui n'enseignerait qu'une doctrine, évitant volontairement et systématiquement l'enseignement de l'autre? Est-ce que vous pensez que par cette façon de faire, on forme véritablement des êtres autonomes qui peuvent faire des choix et qui peuvent critiquer au sens où vous l'entendez dans votre mémoire?

M. Guertin: Vous me posez la question. Vous posez en même temps la question au représentant de la centrale. Je ne pense pas qu'on puisse favoriser et accepter qu'une seule philosophie soit enseignée, mais ce que je tiens à dire, c'est que l'action qui consiste à reprendre la critique de certains groupes qui, à la limite, sont intégristes, ou de flirter avec ces critiques, peut confiner à l'irresponsabilité, quand on n'a pas mesuré la dimension réelle du phénomène dont on parle. Je pense qu'il s'est produit beaucoup de choses comme cela qui sont extrêmement graves et qui réfèrent à ce moment-là aux questions de discrédit qu'on a posées plus tôt. C'est cela qui est grave. C'est de laisser planer que c'est le seul son de cloche. Ce que je réponds, et d'autres pourront avoir des réponses plus précises qui donnent des enseignements plus voisins de celui de la philosophie que moi, c'est que massivement, ces choses-là ne se font pas, que massivement, c'est le contraire qui se fait dans nos cégeps, et je pourrais même dire, sans avoir fait de sondage ni d'enquête systématique, que cela m'étonnerait que la majorité des professeurs enseignant la philosophie n'adhèrent pas au contraire à une autre philosophie que celle qui semble faire l'objet des préoccupations exclusives de certains groupes. Je vais vous référer aux pages 40 et 41. Cela m'a fait sourire parce que je voyais, à la page 40, l'article 16, où, pour une période, le ministre peut déterminer la mise en tutelle d'un collège. Je n'ai pas pu m'empêcher de me rappeler un fameux article 16 gaulliste. C'est curieux comme les numéros tout à coup se ressemblent, avec la constitution française qui donne, effectivement, à la république plein pouvoir en certaines circonstances.

Mme Sicotte: Je pense qu'à cet égard, de façon complémentaire, je voudrais indiquer qu'au niveau de la centrale, nous avons toujours préconisé que les étudiants soient dotés de l'ensemble des instruments qui leur permettent de s'équiper pour pouvoir être critiques, pour pouvoir intervenir au niveau de la société. À cet égard, on a toujours favorisé l'utilisation de l'ensemble des instruments et des éléments idéologiques qui les supportent ou qui les portent ou qui y sont inscrits. Cependant, je voudrais ici qu'on porte attention au fait qu'il arrive que dans une équipe, parce qu'il y a des équipes, il y a des départements au niveau collégial, dans la répartition, dans la façon d'aménager le travail, il puisse y en avoir qui ont plus spécifiquement à développer un volet de la philosophie sur des bases marxistes, alors qu'un autre, ce serait sous un autre aspect, comme vous le mentionniez tantôt. (22 h 15)

II pourrait arriver, dans les faits, qu'on puisse l'identifier sous une tête de pipe, par exemple, mais l'étudiant n'est pas en contact uniquement avec cette façon de penser; il y en a d'autres qui interviennent avec d'autres façons de voir, ce qui permet, par la suite, à l'étudiant de faire des choix.

Je voudrais également porter attention à l'élément suivant: devant cette "instrumentation" diversifiée qui est fournie à l'étudiant, lui permettant de faire des choix, comme vous l'avez mentionné, il faut comprendre que parmi les choix faits par l'étudiant, il pourra arriver que les éléments de l'analyse marxiste lui soient favorables et qu'il y soit intéressé; il faut comprendre ça, à partir du moment où on veut des choix.

À cet égard, on peut comprendre également qu'il se pourrait que du côté des parents ou de la population — plus spécifiquement les parents — il y ait une espèce d'opposition en ce sens que le jeune ne se trouve pas à penser de la même façon que les parents — on sait qu'il y a toujours l'espèce de conflit traditionnel des générations, mais au-delà de ça — et qu'à cet égard les parents puissent intervenir pour mettre en question cette espèce de lieu de propagande et le reste. Je pense que c'est à cela qu'on faisait allusion.

Il faut savoir ce que ça implique à partir du moment où tous ces éléments sont mis sur la table et que le jeune est en situation de faire des choix, de privilégier des orientations par rapport à d'autres, de choisir et de faire ses programmes, ses études, ses recherches, ses travaux personnels, selon une orientation plutôt qu'une autre. Ce sont des conséquences qu'il nous faut voir en même temps.

M. Alfred: Tout en faisant cette recherche, on peut travailler... étant donné la capacité de créer du peuple québécois, de la nation québécoise, nous sommes capables de chercher un modèle proprement québécois d'éducation. La CEQ doit quand même être en mesure, à travers les apports des autres tendances, d'élaborer un modèle proprement québécois au lieu de se

cantonner dans un modèle qui se prête à votre étiquette. On peut étiqueter des choses, les appeler aussi, parce que l'analyse qui est là est marxiste; vous l'avez avoué. Mais est-ce que la CEQ ne peut pas élaborer à travers le contexte québécois un modèle d'éducation proprement québécois qui répondrait à la mentalité et au génie du peuple québécois.

Mme Sicotte: À cet égard, pour répondre à l'élément spécifiquement québécois, la CEQ en met des éléments de l'avant par rapport à des éléments qui nous sont spécifiques. Pensons à la plate-forme de l'école qu'on a appelée "pour une école de masse" qui est en train de se débattre et de s'élaborer; il y a des éléments là-dedans. Cependant, le Québec n'inventera pas tout sous le soleil. On le comprendra bien et on peut référer à des concepts, à des analyses qui sont déjà existantes, quitte à ce qu'on fasse des adaptations ou des aménagements à l'intérieur de la réalité vécue. Par exemple, toute la dimension d'analyse qui tient compte des classes sociales, on doit noter, actuellement, que ce n'est pas uniquement la CEQ qui parle de cette façon. Quand on regarde le livre blanc des affaires de la culture, on s'aperçoit qu'on parle des classes sociales, même quand on parle du livre vert, ou du livre blanc, on parle des classes sociales.

Alors, on comprendra qu'autour de ces concepts, il y a des constantes qui peuvent demeurer et qui laissent place...

M. Alfred: Sauf dans certains pays; le pays d'où je viens, quand on parle de classes sociales, on parle de ceux qui n'ont pas le pain et le beurre. Tandis qu'ici, quand vous parlez de classes sociales, parce que vous vous dites: Même s'il a $30 000, vous parlez de pouvoir. La classe sociale dont vous parlez — j'ai pigé — c'est que la personne peut avoir $30 000 par année; elle fait partie d'une classe sociale défavorisée au niveau du savoir qui donne le pouvoir; c'est ça que vous voulez dire. La classe sociale dont vous parlez, en Haïti, c'est la personne qui ne mange pas. Est-ce qu'on peut comparer? Est-ce que dans votre analyse, vous faites des comparaisons? Est-ce que quand vous parlez de classes sociales ici, c'est la même classe sociale des pays du tiers-monde? J'ai vécu des situations traumatisantes où j'ai vu ce que c'est que de ne pas avoir le pain et le beurre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Une simple question...

M. Proulx (Yves): Je ne sais pas s'il voulait avoir une réponse à son intervention.

Le Président (M. Marcoux): D'habitude, il en veut. Je m'excuse, j'ai présumé que vous ne vouliez pas répondre, allez-y.

M. Proulx (Yves): J'ai manqué une partie de sa question, malheureusement...

M. Rivest: Mon Dieu!

M. Proulx (Yves): Je ne sais pas trop si on est au coeur du débat ou pas en discutant des classes sociales, des analyses, des grilles et de tout cela. Peu importe si on est au coeur du débat ou pas, juste avant de revenir à ce que j'ai compris de votre question, il faut voir l'expérience d'un département précis pour voir qu'un étudiant n'est jamais soumis à une seule vision en philosophie. Dans son cours de quatre sessions, il passe par des professeurs qui ont toutes les orientations et je ne connais pas un seul professeur qui, privilégiant l'analyse marxiste, par exemple, n'enseignerait que cela dans ses cours. C'est impossible. Il y a une grille de cours qui va de la logique pure jusqu'à un cours de théorie marxiste. Entre les deux, il y a toute la gamme variée.

Deuxièmement, les cours procèdent par thématiques: la pollution, la condition des femmes, plein de choses comme cela, sur lesquelles on pose des regards de différente nature dont le regard marxiste à l'occasion. Ce sont des thématiques. Il peut arriver que la thématique qui est abordée par la voie marxiste c'est celle qui est la plus critique, par conséquent c'est celle qui a le plus de chance de rebondir à l'extérieur du local de classe. La perspective qui est naturelle à tout le monde ne va pas tellement plus loin que les quatre murs de la classe, mais celle qui est la plus critique va plus loin justement parce qu'elle est efficace, mais c'est son efficacité qu'on veut réduire. C'est la question que je pose.

Pour ce qui est des grilles des classes sociales à Haïti, comme je l'ai dit tout à l'heure, la classe sociale ne se définit pas d'abord par un niveau de revenu. Cela se définit principalement par un niveau de pouvoir dans une société. C'est bien clair que si on se replace dans une société comme Haïti, la structure du pouvoir est différente de celle du Québec et comparer le travailleur du Québec avec celui qui n'a ni pain ni beurre à Haïti, je pense que, comme situation de pouvoir, ils peuvent être à peu près identiques, mais c'est bien clair qu'ils ne sont pas strictement dans la même situation.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Une question rapide, une seule. Vous avez assisté au témoignage des différents groupes. Vous-même avez apporté le vôtre, je pense qu'on peut dire que les différents intervenants à cette commission parlementaire n'avaient peut-être pas la même analyse de base, mais ils arrivaient tous à la même conclusion au sujet de la précipitation, etc. L'ensemble des mémoires a été extrêmement critique à l'endroit de la politique du gouvernement, si bien qu'au terme le ministre se retrouve un peu seul avec ses projets de loi. Ma question est la suivante. Vous connaissez le milieu des collèges. À l'automne le

ministre, en supposant que les projets de loi soient adoptés — et le ministre a donné très peu d'indication de modification; il a plutôt rejeté du revers de la main l'ensemble des représentations des différents intervenants — qu'est-ce qui arrive dans les cégeps l'automne prochain au moment où ces choses sont mises en vigueur?

Mme Sicotte: Je pense qu'on peut dire qu'au point de départ il est clair que devant la confirmation de ces projets de loi il y aura très certainement des débats qui vont s'établir au niveau des travailleurs du milieu, parce que les travailleurs du milieu ont pu au moins rapidement être associés de très près aux demandes de report, car nous vous avons indiqué que nous avons eu des problèmes à rejoindre tous les membres sur l'ensemble de la question. On a pu identifier les principales questions et ceux-là étaient d'accord à dire: II faut reporter.

Devant le fait où malgré une demande de report et ensuite une présentation en commission parlementaire, toujours dans le but d'insister et de faire la démonstration qu'il y avait là des sujets de fond, et je pense que les débats que nous avons eus ce soir ont semblé même dépasser le contenu des projets de loi 24 et 25 ou en tout cas le prendre dans un sens beaucoup plus large, qui démontre l'importance d'un large débat sur le sens de l'enseignement collégial et sur sa mission et enfin j'en passe.

On comprendra bien qu'une attitude comme celle-là de la part du gouvernement ne pourrait certainement être vue de manière positive par les travailleurs impliqués. Je veux ajouter également que le fait de légiférer sur ces lois a un impact — nous vous l'avons mentionné — au niveau même des négociations qui sont en cours par un bon nombre de volets.

Alors, nous ne voulons pas dire que nous demandons le report, parce que nous sommes en négociations, mais il y a des éléments qu'il nous faut voir qui ont des impacts, et nous croyons que ce serait non pas de nature à faciliter cette opération qui est en cours actuellement et que nous avons commencée pour l'ensemble des travailleurs que nous représentons de bonne foi dans l'espérance d'en arriver à un règlement satisfaisant pour les travailleurs impliqués.

Alors, je pense que ces lois risquent d'avoir des implications sur une négociation qui est actuellement en cours et dont on ne prévoit pas l'aboutissement d'ici les dix jours qui vont suivre. Il faudra évaluer avec les groupes en conséquence et vous savez que notre pratique syndicale est toujours de référer à nos larges instances démocratiques, et les propos que nous tenons, nous les tenons toujours en vertu du mandat et du débat que nous avons eu avec eux. Alors, nous ferons donc la même chose dès l'automne pour faire le point avec eux sur la situation, si jamais, malgré une convergence d'opinions un peu diverses, il y a une convergence, à reconnaître la précipitation et à reconnaître en même temps la nécessité d'un large débat, on fera les évaluations en conséquence.

M. Rivest: C'est ça, et le ministre finira par apprendre ce que veut dire la responsabilité ministérielle. Merci.

M. Laurin: M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre d'État au développement culturel.

M. Laurin: Le député de Jean-Talon vient de prendre en pitié le ministre, en disant qu'il se retrouve tout seul en butte à des attaques venant de tous les coins de l'horizon idéologique. Il a même parlé d'une convergence dont il est l'objet et la victime. C'est peut-être justement parce que le ministre et le gouvernement ne se situent ni complètement dans l'idéologie libérale...

M. Rivest: Ah! Ah! Voyons donc.

M. Laurin: ... qui a inspiré les critiques de plusieurs groupes qui sont venus nous présenter ici... libérale au sens idéologique...

M. Rivest: Bien non! Il n'y a pas de contenu idéologique démarqué dans votre démarche.

M. Laurin: ... j'entends, et qu'il n'est pas non plus, et qu'il ne se situe pas non plus dans ce secteur d'horizon idéologique que l'on appelle marxiste. C'est peut-être une première réponse à ceux qui, à la CEQ, s'opposaient aux deux projets de loi, en leur reprochant de sacrifier par trop à l'idéologie capitalisto-libérale. Enfin, la position qu'ont le ministre et le gouvernement se situe à mi-chemin entre cette idéologie conservatrice libérale...

M. Rivest: Libérale nationale.

M. Laurin: ... qui, elle aussi, et là, je partage sur ce point, la critique marxiste...

M. Rivest: Oui, mais la rigueur philosophique, M. le Président...

M. Laurin:... est inspirée par une idéologie de pouvoir. Il ne faut pas penser que les tenants de l'idéologie libérale détestent le pouvoir ou le nient, au contraire, c'est l'étonnant de cette idéologie, ils le recherchent et prétendent l'exercer pour leurs intérêts et le contrôle qu'ils revendiquent sur les structures dont ils sont dépositaires, qu'ils ont menées depuis plusieurs années, peut parfaitement expliquer l'opposition qu'ils manifestent à ce projet, ne serait-ce que pour conserver un pouvoir qu'ils exercent depuis plusieurs années et qui sert leurs intérêts. De la même façon, le ministre n'a pas à cacher sa pensée, le gouvernement non plus. Le gouvernement ne partage pas — et il a bien le droit de le dire — l'idéologie marxiste ou la critique marxiste de la société. À ce titre, il est tout à fait normal qu'il dise que peut-être, en acceptant certains tenants de cette critique, qu'il ne l'épouse pas complètement et qu'il ne fait pas son lit à partir de toute la problématique marxiste.

C'est peut-être ceci qui explique la convergence des oppositions, malgré que les oppositions ne se racinent pas dans les mêmes postulats, dans les mêmes principes. Il faut accepter cette solitude qui vient du fait d'une conviction ancrée, quant aux principes qui orientent l'action du gouvernement. (22 h 30)

M. Rivest: M. le Président, j'aurais une question. Je pense que les gens ont demandé différents horizons et différentes racines idéologiques, si vous voulez. Ce qu'ils ont demandé, ce n'est pas que le gouvernement fasse la preuve in medio stat virtus, ce qui va probablement être la conclusion du ministre. Ils ont simplement demandé qu'un débat large soit permis par le gouvernement, ce que le gouvernement refuse. Cela n'est pas une question idéologique, cela devient une question éminemment pratique.

M. Laurin: Ce débat, M. le député de Jean-Talon, se poursuit dans notre société depuis plusieurs années. D'ailleurs, nous l'avons dit à plusieurs occasions, l'école est le lieu par excellence du conflit, parce que c'est là que se forment les générations futures. Elles se forment à même les problématiques, les conceptions qui se sont succédé aux divers âges de l'humanité et qui doivent justement inspirer l'action des citoyens aussi bien que des gouvernants. Je répète encore une fois qu'il y a ici convergence des oppositions mais pour des raisons souvent diamétralement opposées. Ce n'est pas étonnant que le ministre se trouve seul face aux groupes qui sont venus commenter les mémoires. Ce qui ne veut pas dire qu'il se trouve seul véritablement, car — le ministre y faisait allusion tout à l'heure — il a eu plusieurs appuis venant de secteurs très divers de la population.

M. Rivest: Sur les projets de loi 24 et 25? M. Laurin: Sur les projets de loi 24 et 25. M. Rivest: Lesquels, entre autres?

M. Laurin: Et sur la problématique exposée dans les divers livres verts...

M. Rivest: Tous ont demandé de les reporter à l'automne.

M. Laurin: De toute façon, M. le Président, voulez-vous rappeler M. le député de Jean-Talon à l'ordre? Il pratique la pollution verbale actuellement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, si c'est le ministre d'État qui me le demande, je vais me rendre avec plaisir à sa demande.

M. Laurin: Ou l'oppression verbale, M. le Président, je retire les mots "pollution verbale".

M. Rivest: Vous retombez dans la philosophie.

M. Laurin: L'oppression verbale m'apparaît plus juste, en l'occurrence. Donc, M. le Président, je dirais que l'école est non seulement le lieu du conflit, et il n'est pas étonnant que les tenants des diverses idéologies, spontanément, inconsciemment même, choisissent ce lieu pour donner toute l'ouverture et la force possible, la vigueur possible aux écoles de pensée qu'ils ont choisies, mais il n'est pas étonnant non plus que ce soit à propos de l'école et de l'orientation de l'école que s'affrontent aussi diverses idéologies pour les mêmes raisons.

Je viens d'entendre dire que les catégories de la population, selon l'analyse marxiste, sont fonction des niveaux de pouvoirs que tel ou tel groupe de citoyens exerce. Je pense qu'il y a beaucoup de vrai dans cette théorie, mais je me demande cependant s'il faut l'apporter, l'envisager d'une façon aussi systématique qu'on paraît l'envisager, car je pense que ce principe souffre plusieurs exceptions selon les pays, selon l'évolution de l'économie, selon l'évolution aussi du pouvoir politique. De toute façon, c'est un des éléments de la problématique qui nous a été présentée ce soir. En ce sens, je suis parfaitement d'accord avec les représentants de la CEQ quand ils disent que les questions qu'ils ont entendues ce soir ou les échanges auxquels la présentation de leur mémoire a donné lieu dépasse amplement le contenu des lois 24 et 25. Je pense que c'était inévitable, justement parce que votre mémoire était long et étoffé et que vous avez fait précéder la critique de tel ou tel de ces articles en établissant très clairement votre opposition idéologique. D'ailleurs, M. Guertin sera d'accord avec moi, à la fin de son mémoire comme au début, donc, entre l'introduction et la péroraison, il a situé la critique des articles du projet de loi, mais l'introduction comme la conclusion faisaient état des grandes intentions ou orientations qu'il prête au gouvernement. C'est au début comme à la fin qu'il nous disait — peut-être en faisant un procès d'intention à l'endroit du gouvernement — il se demandait si tous ces projets de loi n'avaient pas comme source la conception que se fait le gouvernement du système économique de l'entreprise et de la technocratie.

Je me demande si ce soupçon, ces intentions ou ces orientations qu'il prête — on ne prête qu'aux riches et le gouvernement en la matière est riche, puisque c'est lui qui fait les lois — au gouvernement rejoignent totalement la réalité ou enserrent complètement la réalité. Je reconnais que l'analyse marxiste a constitué un moment important de l'histoire de l'humanité. Je pense qu'elle contient de forts éléments de vérité. Une des preuves, d'ailleurs, en est qu'elle a fait fureur dans le monde et qu'il y a beaucoup de tenants de cette idéologie dans tous les pays du monde. Ce ne serait pas le cas si elle ne contenait pas de forts éléments de vérité.

Je me demande, cependant, si on ne peut appeler un ministère du gouvernement que technocratique. Est-ce que cela épouse toute la réali-

té? Est-ce qu'on ne peut pas, par exemple, dans une autre grille, dans une autre perspective, attribuer à un ministère du gouvernement, quel qu'il soit, une autre mission qui est de représenter les intérêts collectifs, qui est d'assumer une responsabilité au nom des citoyens, qui est de voir à la paix, au bon ordre, à la redistribution des biens culturels ou matériels pour que chacun en ait sa part ou au nom du principe de l'égalité des chances? Si on ne peut pas attribuer à un ministère, et en particulier, au ministère de l'Éducation, la mission de voir à ce que l'éducation atteigne ses fins, qui est d'abord et avant tout le développement des talents, des aptitudes, des potentialités de l'invididu dans la ligne de la maximisation, l'optimalisation, la potentialisation de tous ces attributs, en fonction, bien sûr, des contraintes de l'environnement, des nécessités du milieu où il se trouve, afin d'atteindre les objectifs qui sont ceux de tout homme, la recherche du bien, du mieux-être, du vivre plus, en même temps que le développement, comme je le disais tout à l'heure, de tous ces goûts, aspirations, désirs. Peut-être qu'il faudra ajouter cette conception à la conception qui me paraît un peu étroite d'un ministère conçu simplement comme un appareil et un appareil ne visant qu'un contrôle.

De même, quand la grille marxiste dit que les ministères ou les gouvernements du type de ceux dans lequel on vit, sont voués à la défense des intérêts capitalistes, cela peut être vrai en bonne partie, mais il reste que je n'ai pas l'impression que là aussi, on rejoint toute la réalité. Si votre affirmation était vraie, le gouvernement actuel, par beaucoup des politiques qu'il a établies ou préconisées, ne serait pas l'objet d'aussi virulentes attaques de la part des tenants essentiels de ce système capitaliste, c'est-à-dire les représentants des multinationales au Québec, les représentants de la grande entreprise, le Conseil du patronat, tous les organismes qui, à cor et à cri, tous les jours, mettent en question la valeur, sinon la validité des politiques gouvernementales, que ce soit en matière sociale ou en matière culturelle ou en matière politique. Par ailleurs, il faudrait peut-être faire remarquer que ce système capitaliste n'est pas dans le pouvoir d'un demi-État comme le nôtre qui ne possède que la moitié de ses impôts et la moitié de ses pouvoirs, de le mettre en question, de l'attaquer avec une certaine chance de succès, et que même le Canada y arrive difficilement. Du fait que nous l'aimions ou non, nous constituons quand même, du moins sur le plan économique, des économies satellites. On sait que le pouvoir économique se transmet assez facilement, et là je vous rejoins, en pouvoir politique. Sortir des chaînes du système capitaliste ne peut être qu'une entreprise à long terme, difficile, aléatoire, marquée au coin d'une prudence prudentissime en vertu des pouvoirs de rétorsion, de représailles, de déstabilisation que possède ce système capitaliste pour se défendre. Dieu sait si nous l'avons éprouvé depuis deux ou trois ans. Donc, la politique ne se fait pas dans l'abstrait, ne se fait pas dans l'éther des idées. Il faut, quand nous sommes au gouvernail, tenir compte de ces contraintes et, sinon tempérer nos conceptions, du moins les appliquer en tenant compte des accidents du terrain.

De la même façon quand, au nom de cette grille marxiste que vous n'avez pas niée, vous nous accusez de n'être qu'à la remorque des impératifs de l'entreprise, il se peut que vous ayez raison, en partie, car, à notre insu, il est possible que ces facteurs nous amènent à privilégier les impératifs de l'entreprise, ne serait-ce qu'en raison, justement, des pressions constantes ou des menaces qui nous viennent de ce côté. Je ne pense pas, cependant, que la politique, telle qu'énoncée dans le livre blanc sur les collèges, soit à ce point esclave des impératifs de l'entreprise. Au contraire, je pense que vous trouverez dans ce livre blanc plusieurs passages où nous disons que l'école doit prendre ses distances par rapport à l'entreprise, à ses impératifs, à ses contraintes et, au contraire, qu'il nous faut privilégier les niveaux spécifiques d'enseignement, il nous faut privilégier les besoins réels spécifiques de l'enfant ou de l'adolescent. Je ne pense donc pas que, tout en admettant une partie de votre analyse critique, on puisse être totalement d'accord avec les reproches globaux, systématiques que vous nous faites, ou avec les conclusions que vous en tirez.

Ce qui m'a frappé aussi, c'est l'allure manichéiste de votre mémoire, en ce sens que le mal est tout d'un côté et le bien est entièrement de l'autre. Il est quand même assez étonnant que vous n'ayez aucune remarque positive sur une entreprise idéologique qui se poursuit quand même depuis longtemps et qui essaie de tirer profit de toutes les critiques que nous avons recueillies auprès des citoyens, depuis plusieurs années, et que nous avons recueillies aussi auprès d'analystes de l'école ou du collège qui se sont exprimés, depuis plusieurs années, dans les diverses revues de toute obédience. Je pense que — le ministre sera d'accord avec moi — nous n'avons négligé, dans l'élaboration de notre politique, aucun de ces rapports, mais, dans votre mémoire, vous ne retenez absolument aucun élément positif et vous ne faites état que des critiques et des reproches que vous avez à nous adresser. Et, bien sûr, après avoir constaté qu'au départ, sur le plan des principes, de la problématique, des postulats, nous ne sommes pas d'accord, il est assez facile de s'attendre que, sur le plan des articles, en particulier, ces antinomies, ces différences ou ces divergences deviennent plus concrètes et plus marquées. Le ministre en a signalé quelques-unes. Je voudrais la reprendre, encore une fois, à mon compte.

Se pourrait-il qu'en privilégiant, par exemple, l'enseignement des sciences fondamentales, même au sein de l'enseignement professionnel, on n'ait voulu que répondre aux impératifs de l'entreprise? Se pourrait-il, par exemple, que le ministère, le gouvernement se soit rendu compte que nous vivons dans une société où la science évolue à une allure extrêmement rapide, où les technolo-

gies se succèdent à une cadence extraordinaire et qu'il faille préparer l'étudiant à un recyclage qui se doit d'être perpétuel et que la meilleure façon de préparer, d'une façon lointaine, cet étudiant d'aujourd'hui, à un recyclage ultérieur répété, ce soit justement de lui donner une solide formation fondamentale par un enseignement des sciences classiques, ce qui l'amènera éventuellement, lorsqu'il aura changé d'emploi, à reprendre plus facilement cet effort de recyclage à partir du solide bagage fondamental qu'il aura reçu? C'est une toute autre perspective que celle que vous évoquez, mais je vous la signale simplement pour remarquer, encore une fois, qu'à côté de ce que vous semblez privilégier, il peut y avoir aussi d'autres données ou d'autres notions qui s'avèrent aussi importantes. (22 h 45)

Vous dites également que, en privilégiant de cette façon l'enseignement des sciences fondamentales au niveau professionnel, on favorise également l'entreprise en ce sens qu'on condamne, d'une certaine façon, l'étudiant ou l'adolescent à entrer dans l'entreprise qui complétera cette formation en lui donnant une formation pratique sur le tas. C'est une façon de parler de l'apprentissage qui m'apparaît assez négative, car on sait que l'apprentissage pratique est essentiel pour l'enseignement professionnel. Vous ne l'avez pas critiqué, quand il s'agit, par exemple, de l'apprentissage clinique qui est nécessaire pour les infirmières, pour les physiothérapeutes ou pour les inhalothérapeutes, mais vous le critiquez quand il s'agit de l'industrie.

Dans un cas, évidemment, ces étudiants vont se retrouver dans des structures parapubliques, dans l'autre cas, ils vont se retrouver dans l'entreprise. Mais la différence est-elle tellement grande? Par ailleurs, je connais beaucoup de pays socio-démocrates, pour ne pas dire communistes, où l'apprentissage professionnel se fait en industrie. Certains pays socio-démocrates y consacrent d'énormes sommes d'argent, en contraignant l'entreprise également à y dépenser d'énormes sommes d'argent. Est-ce qu'ils sacrifient pour cela aux principes souvent marxistes qui guident leur action dans plusieurs domaines et comment concilier cette critique avec la pratique de certains pays communistes où cet apprentissage est devenu systématique au niveau de l'entreprise, précisément parce qu'il n'y a peut-être pas d'autre façon d'arrimer un enseignement fondamental, même au niveau professionnel, qui doit se compléter nécessairement par une formation hautement technique ou spécialisée et que l'entreprise est peut-être mieux en mesure de fournir que des lieux scolaires.

Je pourrais continuer durant de longs moments parce que, en vous écoutant, chacune de vos remarques faisait naître en moi des réactions, mais je pense que la commission n'est pas le lieu pour continuer cet échange qui pourrait plutôt faire l'objet de colloques ou de séminaires.

Je voulais tout simplement vous donner ces quelques exemples, pour vous signaler, encore une fois, que ce manichéisme me paraît participer d'une simplification, pour ne pas dire parfois d'un simplisme qui peut paraître caricatural. C'est un peu ce à quoi on en arrive, quand on veut trop simplifier des matières qui sont éminemment complexes et qui participent pour leur compréhension d'un univers conceptuel très large et qui doit l'être, puisqu'il doit épouser toutes les facettes de la réalité.

M. Guertin: M. le Président, l'intervention du ministre, jusqu'à un certain point — je fais allusion à "colloques" — illustre la nécessité de poursuivre le débat avant de procéder à des orientations qui donneraient, à notre point de vue, une orientation précise et indéracinable, possiblement, au fonctionnement du réseau collégial.

C'est vous qui avez parlé de "mémoire marxiste". J'aurais peut-être dû poser la question plus tôt, mais je vous la renvoie maintenant: En quoi le mémoire est-il marxiste? Est-il marxiste?

M. Laurin: Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous avons appris à lire, quand même!

M. Guertin: Non, mais ça ne suffit pas. Promouvoir les intérêts des travailleurs, critiquer, dans notre société, le phénomène qu'est la prise de décisions en ce qui concerne l'ouverture des entreprises, l'exploitation des ressources, l'embauche, les licenciements, les conditions de travail. Tout ça relève d'une minorité de 6% des gens. Est-ce que c'est être marxiste? Est-ce qu'on ne peut pas défendre les intérêts des travailleurs sans se faire coller une étiquette et se faire dire, comme certains ont déjà dit: Vous êtes des séparatistes.

M. Laurin: Ce n'est pas pour vous insulter que j'ai employé cette étiquette, au contraire, j'ai dit qu'elle était parfaitement valable...

M. Guertin: Ce que je veux dire, c'est que...

M. Laurin: ... et qu'elle a apporté beaucoup à la critique de nos institutions. Ce n'est donc pas pour la contester que je l'ai utilisée.

M. Guertin: Ce que je constate, c'est que les étiquettes bien souvent nous empêchent de regarder les réalités et de mener les débats au mérite.

M. Morin (Sauvé): Comme vous avez raison!

M. Guertin: Nous, on s'en est fait coller; on pense qu'elles ont été collées abusivement et on pense qu'il ne suffit pas de dire qu'on sait lire pour coller l'étiquette. C'est pas mal plus compliqué que ça et je pourrais aussi bien vous affirmer et vous démontrer que ce mémoire n'est absolument pas marxiste.

Il y a des choses un peu trop simples et ce n'est pas non plus une question de manichéisme. Le mémoire ne porte pas de jugement de bien et de mal, mais il essaie de voir quels intérêts seront promus quand les réformes seront appliquées.

C'est ce qu'on a tenté de regarder; quel est le poids principal de l'ensemble des mesures proposées, qu'est-ce que ça va donner comme résultat? On s'est référé effectivement à des études antérieures. On s'est référé à l'Organisation pour la coopération et le développement économique parce qu'il y a eu une évolution au sein de cette organisation. Dans les années soixante, elle disait: L'éducation, moteur du développement, il faut mettre le paquet là-dedans. Tout à coup, en 1970, crise dans le système capitaliste, c'est devenu moins important, développement du capital international, développement des grandes entreprises, on a besoin de main-d'oeuvre moins qualifiée, formation fondamentale, OCDE, Nadeau, livre blanc.

Les gens iront, avec une formation polyvalente issue du secteur professionnel, chercher dans l'usine la formation complémentaire qui leur permet d'exercer un emploi. Dépendance totale envers l'usine qui aura complété leur formation. C'est ça, le jugement qu'on pose. Ce n'est pas bien ou mal. Pour ce jeune-là, c'est la dépendance, c'est l'incapacité d'une mobilité sur le marché du travail, de dire: Cela ne fait plus mon affaire, je m'en vais travailler ailleurs; j'ai un diplôme qui me permet d'exercer un travail. Plus possible. Et pour les PME qui ne sont pas capables de former leur main-d'oeuvre, nous, on sent, et c'était clair dans Nadeau et ça se dessine encore dans le livre blanc, qu'on mettra à la disposition des petites entreprises le complément de formation qui leur permettra de former les jeunes pour exercer les tâches dans ces petites entreprises-là. C'est beaucoup d'attention, mais on pense que les besoins des jeunes ne se résument peut-être pas à une "job".

On pense que la formation critique qui permet aux jeunes de transcender ces conditions-là, d'être capables de porter un jugement, d'être capables aussi de contester un système où 6% des gens décident de toute leur vie en ce qui concerne la production, l'exploitation des ressources, les salaires, l'embauche, les lienciements, enfin la machine de production de notre système, pour ces choses-là, on pourrait donner des armes aux gens et on pourrait dire qu'on va donner des armes aux gens pour les surmonter, pour que, collectivement, les gens puissent prendre en charge leurs affaires.

La libération, c'est la libération des gens, c'est la libération de la population. Je ne voudrais pas en parler longuement...

M. Alfred: Une petite question. Vous avez dit: donner un diplôme ou travailler. C'est ce que vous voulez dire? Ou bien former le gars avec une formation fondamentale suivie d'une formation spécifique, en vue d'un diplôme. Est-ce que vous voulez qu'il soit adaptable ou adapté dans cette société-là, avec ce diplôme?

M. Guertin: Effectivement, il faut poursuivre le débat sur cette question-là et je ne vous donnerai pas de réponse actuellement, à savoir comment cela va se compléter. Chose certaine, il est permis de porter un jugement. Est-ce que la formation qu'on doit donner aux jeunes doit correspondre à une tâche à exécuter? Les représentants de l'ANEQ ont eu une déclaration intéressante quand ils ont dit, très simplement d'ailleurs: "Les connaissances, ça nous intéresse." Les connaissances, pas seulement un apprentissage et une formation liés à l'exécution d'une tâche et rivés à cette tâche.

Ce sont les questions qu'on pose. On pense que le débat mérite d'être continué à ce sujet-là. Je n'ai pas l'intention de répondre en ce qui concerne l'analyse de la pratique politique du gouvernement; il y a plusieurs ouvrages récents qui ont été publiés là-dessus et qui donnent un éclairage sur les différentes lectures qu'on peut faire sur cette pratique politique. Je voudrais simplement souligner en passant qu'il est très fréquent, à travers l'histoire, d'avoir des contradictions au sein de fractions de la bourgeoisie. On pourrait peut-être expliquer effectivement certaines des remarques que vous nous faisiez sur les contestations dont est l'objet le gouvernement actuel. Mais il pourrait peut-être y avoir d'autres explications aussi.

M. Laurin: Est-ce que vous faites partie de la bourgeoisie?

M. Guertin: Pardon?

M. Laurin: Est-ce que les permanents syndicaux font partie de la bourgeoisie?

M. Guertin: Je vous laisse ce soin, on n'a pas à aller jusque-là, mais je pense que la petite bourgeoisie, ce serait plus précis; ça rejoindrait les théories de Grand'Maison qu'on ne partage pas beaucoup, mais...

M. Alfred: ...

Mme Sicotte: Je pense qu'à la suite des propos qui ont été soulevés dans les dernières interventions par M. Laurin et que reprenait mon collègue Pierre-Louis tantôt, ces propos font la démonstration, il me semble, ajoutés à d'autres antérieurement, mais pour prendre ceux qui en ont fait plusieurs et en ont fait une synthèse ou ont tenté d'en parler plus largement, ces propos font la démonstration que l'intervention de la CEQ à la commission parlementaire, c'est une intervention que nous avons tenu à faire parce que nous avons pensé qu'il était important de demander au gouvernement de ne pas précipiter la législation en matière de réforme au niveau collégial.

Nous avons pensé que la loi 24 et la loi 25 étaient deux morceaux d'une politique beaucoup plus globale. Le débat d'aujourd'hui, cet échange nous a démontré effectivement que de ces volets, on élargissait davantage et que les orientations mises dans les lois 24 et 25, ou leur réalisation ne pouvaient être comprises qu'à la lumière d'analyses et d'explications qu'il faudrait nous donner beau-

coup plus largement. Je voudrais faire remarquer à la commission que sur beaucoup d'aspects qu'on a appelés préambule ou conclusion à nos commentaires très directs sur les lois 24 et 25, desquels nous n'avons pas cherché à nous défiler, mais au moins à identifier des morceaux importants et "questionnables".

Nous avons indiqué un certain nombre d'interrogations, de questions beaucoup plus larges et nous n'avons pas prétendu, par le préambule et par la conclusion, avoir tout dit concernant l'enseignement collégial, la formation fondamentale et l'enseignement professionnel, bien au contraire. Je pense qu'à cet égard, il est important, je tiens à le redire, que vous receviez avec attention et que vous ne voyiez pas dans nos commentaires et notre intervention, un désir de "bulldozer" ou un désir de piétiner en geste de colère d'enfant ou d'adolescent les projets de loi qui sont actuellement mis de l'avant.

Je voudrais ajouter que dans le cadre du livre blanc, globalement, plus large que les deux projets de loi, si nous étions en commission parlementaire sur le sujet, nous aurions des aspects positifs à souligner concernant le livre blanc, l'aspect positif que vous avez déjà mentionné. Compte tenu du sujet de la commission parlementaire, nous y sommes allés surtout d'objets d'interrogation et d'inquiétude.

M. Rivest: M. le Président, d'ailleurs dans votre mémoire, je pense que c'est inexact de la part du ministre d'État, il y avait des éléments positifs, ce que cela a permis au niveau de certaines communautés, au niveau de la participation des groupes populaires, l'institution des collèges... À la fin de votre mémoire, il y a un paragraphe sur les aspects positifs que vous aviez apportés.

Je veux simplement faire, en terminant, une réflexion. Votre présentation et peut-être les présentations ultérieures ont amené le ministre à céder à une tentation qui est peut-être une tentation normale, qui s'explique à tout le moins lorsqu'une personne occupe les fonctions que le ministre remplit, de céder à la confrontation. Je pense que sa déclaration assez émotive, sa première réaction à votre mémoire... néanmoins, le ministre d'État au développement culturel, à mon avis, a situé le débat dans la perspective que vous aviez vous-même appelée en parlant du débat général qui devrait être engagé autour du livre blanc et des projets de loi qui traduisent ces programmes.

Je parle en ce moment pour ma collègue de L'Acadie et moi-même, il est sûr qu'au niveau de la commission parlementaire, sur le plan pratique, si le gouvernement s'obstine, malgré tous les intervenants, à aller de l'avant, il est certain que nous aurons, dans le cadre parlementaire, à faire valoir cette exigence première qu'un gouvernement devrait, à mon avis, respecter, soit que tous les intervenants, contrairement à l'affirmation du ministre, ont dit qu'il n'y avait pas urgence à adopter, à ce moment-ci, ces deux projets de loi. En effet, tout le monde a demandé de les reporter à l'automne. Dans ce sens, sur le plan des travaux parlementaires, dans les jours ou dans les heures qui viennent, nous avons très simplement l'intention de le faire valoir, avec le résultat souvent très aléatoire que peuvent avoir les débats parlementaires en fin de session. (23 heures)

M. Proulx (Yves): Je voudrais ajouter un commentaire aussi, j'ai souligné tout à l'heure que je n'étais pas du tout certain qu'on était au coeur du débat quand on discutait des catégories de classes sociales. Je dois dire que cela me déçoit un peu qu'on ait été constamment ramené à ce terrain-là et je voudrais souligner que toutes les théories politiques parlent des classes sociales et parlent du pouvoir. Je trouve cela un terrain d'évitement trop facile de nous renvoyer cette étiquette et je ne voudrais surtout pas — et ce seront mes dernières paroles — qu'on ait été fermé à l'essentiel de notre message, à savoir que le débat ne suivait pas des procédures normales et que les méthodes d'évaluation qu'on voulait mettre en place risquaient de créer la sclérose de l'enseignement collégial, plutôt que la qualité de l'enseignement. Je pense qu'on nous a fait dévier de l'essentiel de notre message.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie les représentants de la CEQ et de la Fédération des enseignants des cégeps du Québec de la présentation de leur mémoire.

Je voudrais vous informer de deux choses. Premièrement, il y a le mémoire des directeurs généraux des cégeps. Les directeurs généraux ont décidé de ne pas venir témoigner, mais je crois qu'ils souhaiteraient que le contenu de leur mémoire, qui est très bref d'ailleurs, soit versé au journal des Débats. Je pense qu'il y aura consentement que les responsables du journal versent le contenu du mémoire des directeurs généraux au journal des Débats. (Voir annexe)

Je dois également vous informer que le Conseil supérieur de l'éducation m'a fait parvenir une lettre indiquant qu'il avait changé d'idée et n'acceptait pas de venir présenter son mémoire devant la commission. Si les membres le désirent, je peux lire la lettre.

M. Rivest: Est-ce que le mémoire peut être distribué.

Le Président (M. Marcoux): II a été distribué à tous.

M. Rivest: Est-ce qu'il va être mis en annexe du journal des Débats?

M. Morin (Sauvé): La règle, M. le Président, surtout s'il s'agit d'un mémoire très substantiel, c'est d'abord de s'enquérir du coût que cela peut représenter. S'il s'agit d'un mémoire de deux pages, c'est une chose...

Le Président (M. Marcoux): On pourrait peut-être verser seulement le contenu du mémoire sur le Conseil des collèges et le rapport... Non?

M. Rivest: Non, je n'insiste pas.

Le Président (M. Marcoux): Le rapporteur des travaux de cette commission, le député de Mata-pédia, fera rapport à l'Assemblée nationale que la commission a complété son mandat, complété l'audition des mémoires et la commission ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 23 h 3

ANNEXE Association des directeurs généraux des collèges

Montréal 1979, mai 31

Monsieur Jacques-Yvan Morin

Ministre de l'éducation

Cabinet du Ministère de l'éducation

Edifice "G", 15ième étage

Cité parlementaire

Québec G1R5A5

Objet: Mémoire soumis à l'attention de la commission parlementaire sur le projet de loi numéro 25, "Loi modifiant la Loi des Collèges d'enseignement général et professionnel."

Monsieur le Ministre,

A la lecture du projet de loi numéro 25, l'Association des directeurs généraux trouve satisfaisantes les dispositions concernant le statut du directeur général, les fonctions du président, le mode de nomination du renouvellement de mandat, ainsi que la durée dudit mandat.

Toutefois, l'article 20 dudit projet de loi exige que le conseil d'administration du collège consulte la commission pédagogique avant la nomination et le renouvellement de mandat du directeur général et du directeur des services pédagogiques.

Or, l'article 18 à son alinéa "J" du même projet de loi prévoit qu'un règlement soit adopté par le Lieutenant Gouverneur en conseil concernant la procédure de nomination, de renouvellement du mandat et de destitution du directeur général et du directeur des services pédagogiques.

Il nous semble plus plausible, que toute la procédure, y compris les consultations nécessaires dont celle de la commission pédagogique où de l'organisme qui en tiendrait lieu, soit prescrite par le règlement prévu à l'article 18 "J".

Faire de la consultation de la commission pédagogique, une obligation découlant de la loi conditionnerait nécessairement l'esprit même du règlement prévu et ajouterait un caractère privilégié à une telle consultation par rapport à ce que le règlement serait susceptible de prescrire.

Nous soumettons donc respectueusement, que l'article 20 du projet de loi renvoie à l'article 18 "J" pour toute la procédure et qu'en conséquence, la consultation de la commission pédagogique ne soit pas exigée directement par la loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos salutations distingués.

L'Association des directeurs généraux des collèges

Mou mi r Rafla Président

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