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Version finale

32nd Legislature, 1st Session
(May 19, 1981 au June 18, 1981)

Thursday, June 11, 1981 - Vol. 24 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de l'Éducation


Journal des débats

 

(Onze heures vingt-quatre minutes)

Le Président (M. Rodrigue): La commission parlementaire de l'Éducation est ouverte. Le mandat de cette commission est d'étudier les crédits du ministère de l'Éducation.

Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Chevrette (Joliette) remplacé par M. Paré (Shefford), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Oeux-Montagnes) remplacé par M. Charbonneau (Verchères), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Lalonde (Marquerite-Bourqeoys), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paquette (Rosemont). Les intervenants à cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. French (Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paré (Shefford) qui est en remplacement comme membre maintenant, M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin), M. Ryan (Argenteuil) et M. Saintonge (Laprairie).

Est-ce que les ministériels ont une proposition pour la nomination d'un rapporteur?

M. Charbonneau: Je proposerais M. Paquet (Rosemont).

Le Président (M. Rodrigue): M. Paquet (Rosemont) est nommé rapporteur de la commission.

M. Lalonde: Adopté.

Le Président (M. Rodrigue): Sur la procédure à suivre, nous avons quatorze programmes et chacun comporte plusieurs éléments. On a plutôt dix programmes? Onze programmes.

Si vous le permettez, nous allons procéder à la discussion de tous les éléments d'un programme à l'intérieur d'une certaine période de temps que vous déterminerez vous-même par le nombre de questions que vous poserez, et j'appellerai l'adoption des programmes incluant chacun des éléments à la fin de la discussion sur ce programme-là, plutôt que de procéder élément par élément, parce qu'il devient très difficile à ce moment de décider si l'intervention porte vraiment sur l'élément 1, l'élément 2 ou l'élément 3 du programme. Cela entraîne des discussions interminables et on perd du temps inutilement là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette procédure afin que l'on procède programme par programme? La discussion se fera sur l'ensemble du orogramme et quand on aura terminé ce programme, on procédera à l'adoption de ses éléments et du programme lui-même.

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Cela m'apparaît non seulement souple, mais conforme à la tradition. C'est ce qu'on a toujours fait.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre, je vais vous demander à ce moment-ci si vous voulez faire une intervention pour lancer la discussion sur l'étude de vos crédits.

Remarques préliminaires M. Camille Laurin

M. Laurin: Oui, M. le Président. Je salue d'abord les collègues de la commission et je souhaite plein succès à nos travaux.

M. le Président, chers collègues, les crédits détaillés du ministère de l'Éducation que je soumets aujourd'hui à l'examen de cette commission parlementaire sont lourds de messages et de défis pour l'avenir de l'éducation au Québec.

Ainsi que je l'indiquerai plus loin avec précision, ces crédits reflètent une conjoncture nouvelle, aussi difficile que stimulante, et dessinent des tâches énormes pour les agents de notre système d'éducation.

Avant de décrire cette conjoncture, de traiter des caractéristiques du présent budqet et d'énumérer les principaux chantiers du ministère en 1981-1982, il me paraît nécessaire de vous faire brièvement part des perspectives éducatives et culturelles ou, si vous préférez, de la vision de l'éducation dont j'entends m'inspirer pour guider mon action et celle du ministère de l'Éducation.

Dès le début de nos travaux, je tiens à rappeler que, derrière la masse impressionnante de tous ces proqrammes, éléments de proqramme, activités, projets et sous-projets, et leur donnant finalement sens et consistance, se profile et doit s'imposer à nous l'image du personnage clé de toutes nos entreprises éducatives: l'enfant, l'adolescent ou l'adulte enqaqé dans un processus d'apprentissage et de développement personnel.

Je l'ai dit maintes fois au cours des

derniers mois, au coeur de toute conception et de toute pratique de l'éducation qui ne se détournent pas de leur objet, il doit y avoir un immense respect pour la personne humaine, son désir d'apprendre et de se développer, sa soif de connaître, sa passion de vivre, ses rythmes d'évolution, sa manière originale et toujours imprévisible de se découvrir elle-même, en même temps qu'elle découvre le monde et se l'approprie.

L'enfant - et il faut en dire autant de l'adolescent et de l'adulte en processus d'apprentissage - n'est pas un réservoir que l'on remplit. Il est bien plutôt un être qui, en découvrant le monde et en apprenant à le nommer et à le maîtriser, renoue pour ainsi dire avec sa nature profonde, qui est elle-même mémoire d'humanité, capacité insatiable de connaître, d'aimer, d'entrer en relation avec l'autre, capacité de qoûter aussi, d'apprécier, de distinquer, de choisir, selon son élan ou ce qu'on pourrait appeler sa pente irrépressible de liberté et d'autonomie. (11 h 30)

Etre agent éducateur, c'est donc aller à la rencontre d'un dynamisme déjà imprégné d'intelligence, de désir, de liberté et même de projets. Bien sûr, tout le monde sait que, même lorsque nous sommes tout disposé à apprendre et à progresser, des obstacles nombreux se dressent devant nous à commencer par ceux qui surqissent au-dedans de nous-même: la paresse, la lassitude, la peur de l'effort, l'ennui nous guettent sans cesse. C'est pour cela que l'apprentissaqe et donc l'acte éducatif est aussi effort, discipline, rigueur, évaluation, ajustement constant, parfois redressement. Mais éduquer, c'est toujours accompagner un sujet qui est son propre aqent de développement et qui est finalement responsable de sa propre croissance. Eduquer, c'est aider quelqu'un à croître, voire à s'éduquer ou à s'élever lui-même en créant les conditions favorables à un cheminement de qualité.

On pensera peut-être que me voilà bien loin de ma présentation des crédits du ministère de l'Education, mais j'v suis en plein coeur - on l'aura parfaitement compris - car les efforts de renouveau qui ont été entrepris au cours des dernières années et que nous entendons poursuivre à l'aide des crédits que nous sollicitons sont profondément enracinés dans ce pour quoi et pour qui l'école existe, l'enfant, l'adolescent et l'adulte en situation d'apprentissage. Ce que nos divers énoncés, nos plans d'action ont mis de l'avant, c'est précisément cet essentiel que constitue l'acte d'apprentissage et son correla indispensable, l'acte pédagogique, lesquels rejoignent des réalités aussi fondamentales que l'éveil de la vie, l'éveil à la vie, l'éveil de l'intelliqence et de l'affectivité, la découverte de soi et de l'autre, I'apprentissaqe de la vie sociale, la formation de la conscience morale, le développement de l'intériorité. Le renouvellement et l'humanisation des institutions scolaires passent nécessairement par une prise en compte plus fine des besoins et des capacités des personnes, par l'amélioration de l'environnement éducatif, par la valorisation de l'acte pédaqoqigue et des moyens qui en favorisent l'exercice, par l'approfondissement des contenus et des méthodes d'apprentissage, par un encadrement pédagogique adapté à l'âge et aux besoins des élèves et des étudiants, par la mise sur pied de services éducatifs personnels et collectifs de qualité, cela même que visent nos grands programmes, et que nous avons voulu mettre au service de l'essentiel, c'est-à-dire, la qualité et la pertinence de la formation de base, son caractère fondamental, et je dirais fondateur, son caractère intégrateur par rapport à tous les apprentissaqes spécialisés. Cette éducation de qualité, nous voulons aussi et plus que jamais qu'elle soit pleinement accessible au plus grand nombre possible de citoyens. Telle est l'une des visées les plus nettes de nos efforts des dernières années que nous entendons, d'ailleurs, poursuivre avec détermination et en accordant une attention spéciale aux plus démunis, ceux-là même qui en ont justement le plus besoin.

Le projet de société que nous poursuivons s'inspire d'un tel idéal démocratique articulé autour de valeurs et d'objectifs qui ont noms égalité des chances, accès aux biens économiques et culturels, promotion individuelle et collective, qualité de la vie et de l'environnement socio-culturel aussi bien que naturel, participation au savoir et à la création. Ce projet de société est, à sa source et dans sa forme, un projet fondamentalement éducatif. Dans leur essence même, la démocratie visée est une démocratie culturelle et la cité à bâtir, une cité éducative. La culture est elle-même pédagoqie, n'est-ce pas? puisqu'elle est continuel apprentissage des signes par lesquels nous comprenons et maîtrisons la réalité, puisqu'elle est création de nouveaux signes, puisqu'elle est lieu de communication entre les personnes, puisqu'elle est toujours à apprendre et à enrichir tout à la fois le discours, la mémoire et l'imaginaire d'une société.

Nos objectifs d'accessibilité et de démocratisation des services éducatifs s'inspirent de cette vision des choses et sous-tendent nos efforts de développement des ressources humaines, de fondamentalisation des programmes de formation, d'amélioration et d'évaluation de la qualité, de recherche et d'innovation pédagogique; tous des objectifs que poursuivent les grands programmes auxquels nous voulons affecter les deniers publics. Voilà qui indique donc clairement où nous

entendons aller en matière d'éducation et voilà qui inspirera l'ensemble de nos travaux des prochaines années.

Mais ce n'est pas en toute tranquillité d'esprit que nous pourrons et devrons, en 1981-1982 et au cours des prochaines années, poursuivre ces qrands objectifs de qualité et de démocratisation. Ne maquillons pas la réalité. Avec la plupart des pays du monde, nous entrons dans une ère d'austérité financière et de contraintes économiques dont les coupures budqétaires que vous savez ne représentent, en dépit de leur caractère spectaculaire, que des symptômes et les premières conséquences. Je parle de symptômes, parce que ces compressions reflètent un contexte qénéral qui affecte l'ensemble des secteurs d'activité et semble devoir marquer les années 1980. On pressentait bien, depuis un certain nombre d'années, que les taux de croissance des engagements publics ne pourraient pas indéfiniment croître au rythme auquel nous avions fini par nous habituer. On sentait bien aussi que les budqets publics, pas plus que les impôts et les produits de la société industrielle, ne pourraient connaître des croissances illimitées. Même si nous le voulions, nous ne pourrions pas continuer à financer des expansions aussi rapides de nos programmes de services publics, nous n'en avons tout simplement pas les moyens.

Il va donc nous falloir, comme et après bien d'autres sociétés, apprendre à gérer l'austérité et, sans doute, avant longtemps, une certaine décroissance. Tout indique même que cette austérité qui frappe nos pratiques individuelles aussi bien que tous les niveaux d'enseignement ne sera pas temporaire. Dans son discours inauqural du 19 mai dernier, le premier ministre a vigoureusement décrit cette conjoncture nouvelle. Parlant de réalisme courageux et de rigueur sans précédent, il a rappelé que le temps des croissances tous azimuts est révolu et qu'il nous faudra savoir choisir désormais avec le plus grand soin chacun de nos programmes nouveaux.

Il faut dire qu'en ce qui concerne notre système d'éducation, ces contraintes financières surviennent à un moment rie son évolution qui était déjà, avec des différences d'accent, selon les niveaux d'enseignement considérés, sous le signe de la fin prochaine de la croissance, de la stabilisation ou de la décroissance pure et simple. C'est dire que, même sans la nouvelle conjoncture financière que nous subissons, il nous aurait fallu faire le point, nous interroger sur la manière de faire face à un contexte d'expansion limitée ou de fin d'expansion. Il est clair que les développements des années à venir ne pourront pas se comparer à ce que nous avons connu. En somme, les contraintes financières ne viennent que donner plus de force, plus d'urgence aux interrogations qui, de toute façon, se seraient Dosées et se posaient déjà à nous à ce moment-ci de l'évolution de notre système d'éducation.

Ce n'est pas, faut-il le souligner, que notre système scolaire soit démuni: ses ressources sont considérables et le niveau des fonds publics qui lui est consenti reste relativement plus élevé chez nous qu'en plusieurs États voisins. Ce n'est pas non plus que nous devions renoncer à toute espèce de développement, encore moins, selon le mot du premier ministre, rogner sur l'essentiel. Mais il devra s'agir de développements plus qualitatifs, plus sélectifs, mieux coordonnés, mieux équilibrés. Nous devrons réévaluer nos activités, définir plus nettement nos priorités, faire courageusement des choix plus clairs, enqaqer de nouvelles collaborations. Nous devrons, comme je l'ai récemment souliqné aux universités, faire encore plus et mieux, mais avec des ressources qui ne croîtront plus au même rythme.

Il est passé le temps où la mise sur pied de nouvelles activités, où l'énoncé de nouvelles orientations entraînait nresque automatiquement l'injection de nouvelles ressources financières dans notre système scolaire. Le gouvernement a donc dû procéder à une compression qénérale des dépenses publigues. Cela était devenu absolument nécessaire. Le seul maintien des activités existantes aurait entraîné une augmentation budgétaire de plus de 18%, alors que la richesse collective ne s'accroît que de 11%. Tout comme il était normal que les ministères ayant les budqets les plus importants aient à assumer leur part de ces coupures, une part qui, en chiffres absolus, est forcément lourde, mais qui, dans le cas du ministère de l'Éducation, a été proportionnellement moins lourde, c'est-à-dire 14%, que ce qu'aurait pu entraîner la part de l'éducation dans le budget global de l'État, c'est-à-dire environ 30%.

Le budget de l'Éducation a effectivement subi des compressions ou, selon le mot qui fera époque, des coupures. Il y a coupures et coupures, car ce serait tomber dans la démagogie que de passer sous silence le fait que le budget de l'Éducation connaît en 1981-1982 une croissance de 13,7% par rapport à celui de 1980-1981. Ce n'est donc pas jeu de mots que de parler de croissance limitée, une croissance gui est d'ailleurs plus élevée que celle que connaissent les budgets d'éducation de la plupart de nos voisins. Cependant, je ne serai pas démagogue à mon tour et ne vous cacherai pas que, selon des programmes et compte tenu du taux élevé d'inflation, il y a effectivement eu des coupures et que certaines d'entre elles feront mal. Je ne vous dirai même pas que leur à-propos est toujours hors de tout doute. Mais nous avons tout fait pour éviter le pire et, dans toute la mesure du possible, pour protéger l'essentiel des orientations et des

mesures que j'ai rappelées tout à l'heure devant vous. Je suis même convaincu que, dans l'ensemble, nous avons réussi à continuer l'implantation, mais une implantation moins rapide que nous l'aurions souhaité, des grandes pièces du renouveau entrepris. Nous avons maintenu nos objectifs d'accessibilité et de démocratisation des services, de même que les qrandes stratéqies mises de l'avant dans nos énoncés des dernières années.

Ces opérations de compression - je tiens aussi à le dire ici - nous auront cruellement fait toucher du doigt les limites qu'imposent à nos décisions les règles et les conventions que nous nous sommes collectivement données. Pour tout dire, même si nous avons réussi à éviter le pire, nous n'avons pas vraiment eu le choix des objets de compression. Nous avons coupé là où il était techniquement possible de le faire, c'est-à-dire dans des éléments de programme dont les modes de financement ne sont pas intouchables et dans les subventions de base ou qénérales dont les organismes scolaires ont l'entière responsabilité de gestion.

Nous constatons que les règles du jeu que nous nous sommes fixées limitent singulièrement la marge de manoeuvre du gouvernement, lors même que celui-ci pourrait vouloir réaliser des actions souhaitées par la majorité de la population. Je vous le disais dès le départ, ce budget de 1981-1982, surtout si on le replace dans le contexte nouveau gui se dessine pour les années quatre-vingt, convie, de lui-même, tous les agents de l'éducation à déployer des habiletés et des attitudes gue les situations antérieures de croissance accélérée n'ont pas exigées avec la même acuité ou la même urqence.

Il leur faudra et il nous faudra faire preuve d'imagination, de créativité, de sens de l'innovation pour utiliser avec intelligence et discernement des ressources dont la masse ne croîtra plus au rythme gue nous avons connu. Il nous faudra exercer notre sens des priorités et notre attachement à l'essentiel. Il faudra nécessairement gue nous entreprenions d'accroître la productivité et l'efficience de nos ressources et de nos activités. Par-dessus tout, il faudra que nous consentions à subordonner nos analyses et nos choix aux impératifs du progrès de l'apprentissage et de la pédagogie et que nous soyons de plus en plus animés par ce que j'ai appelé ailleurs une commune passion de l'enfant et de la personne en situation d'apprentissage. (11 h 45)

Je suis de plus en plus porté à penser que nous ne pourrons pas esquiver certaines interrogations sur le contenu, le style et la portée des conventions collectives gue nous avons signées et de celles que nous préparerons bientôt. Chacun sait, n'est-ce-pas, gue ces conventions déterminent la guasi-totalité des budgets de l'Éducation et gue les ajustements budgétaires auxquels il pourrait être juqé opportun ou nécessaire de procéder, ne représentent finalement, en regard des masses monétaires globales de l'éducation, qu'une infime partie et qu'un bien fraqile instrument d'action.

Ce sont, évidemment, les coûts de système qui sont lourds et ces coûts de système nous échappent littéralement à tous. Je voudrais bien qu'on ne me soupçonne pas de brandir ici, à quelques mois des prochaines négociations des secteurs publics et parapublics, quelque menace que ce soit, encore moins de remettre en cause des ententes que nous avons conclues de bonne foi. Comme citoyen, comme éducateur, comme ministre responsable, je ne fais que dire tout haut ce qu'un nombre croissant de citoyens pensent et commencent à exprimer, c'est-à-dire que nos conventions collectives, ou du moins certaines de leurs clauses, n'ont peut-être pas toute la souplesse qu'exiqerait, surtout en ces temps difficiles, la mise en oeuvre d'un renouveau pédaqogigue et la poursuite d'objectifs plus fins et plus différenciés de démocratisation, d'accessibilité et de personnalisation des services éducatifs. Dans certaines de leurs clauses, nos conventions protégeraient-elles plus scrupuleusement des intérêts corporatistes gue la qualité de l'enseignement? Et le développement des élèves et des étudiants? Ces questions sont difficiles, j'en conviens, mais nous devrons accepter de les prendre collectivement en considération. J'invite d'ailleurs tous les partenaires de l'éducation à y réfléchir, à en discuter et à chercher des solutions. Il serait néfaste, pour notre système d'éducation et pour ses usagers, que chaque année de la prochaine décennie, nous soyons contraints de faire des compressions budgétaires sans avoir vraiment le choix de les exercer là où il serait mieux indiqué et moins dommageable de le faire et sans avoir de prise sur la base même d'un système devenu trop coûteux.

C'est dans ce contexte de discernement de l'essentiel et d'accroissement de la productivité ou de la fécondité gue le ministère de l'Éducation entreprend sa prochaine année de travail. Un contexte difficile, mais encore riche de chantiers nouveaux à explorer, à approfondir et à mener à terme. Ces chantiers importants, j'aurai l'occasion, au moment de présenter chacun des grands programmes du ministère, d'en souligner les principaux éléments, mais il me paraît utile d'en dire ici quelgues mots, surtout que plusieurs d'entre eux débordent du cadre d'un programme particulier et exigeront d'intenses collaborations intersectorielles. Au surplus, d'en traiter ici brièvement, cela permettra

de constater combien nombreuses sont les tâches que sollicitent les agents de l'éducation, combien aussi il sera exigeant de devoir penser le développement dans un contexte d'austérité sans identifier développement et expansion.

La prochaine année sera d'abord capitale pour la mise en oeuvre des régimes pédagogiques de notre système public. Au préscolaire, au primaire et au secondaire, ces régimes ont été récemment promulgués et l'année qui vient devra en voir les premières phases d'implantation. Nul besoin de vous dire que j'attache la plus qrande importance à cette implantation puisque c'est là que se joue l'avenir des orientations de l'école québécoise.

Au collégial, la consultation et la réflexion se poursuivront avec intensité autour du projet de règlement des études. Là encore, il s'agit d'enjeux extrêmement importants gui sont au coeur du renouveau mis de l'avant dans les collèges du Québec. Nous travaillerons avec diligence à ce dossier en essayant de tirer le meilleur parti des thèses qui s'affrontent actuellement, notre souci majeur étant ici de favoriser au mieux la valorisation de l'essentiel dont nous avons fait le pivot de nos énoncés et de nos plans d'action.

Dans les deux cas, le ministère continuera, de concert avec les partenaires de nos réseaux scolaires, de viser à l'amélioration de la qualité des apprentissages et de la pédagogie.

Deuxièmement, la prochaine année sera également déterminante pour l'avenir de la formation professionnelle des jeunes au Québec. À tous ceux qui nourrissent des attentes à ce sujet, je tiens à dire que ce dossier de la formation professionnelle me tient particulièrement à coeur.

Riches des enseignements tirés des points de vue déjà exprimés et des orientations que nous avons mises de l'avant dans nos politiques récentes en matière d'éducation et de culture, nous devrions être en mesure, au cours de l'automne 1981, de soumettre certaines orientations et certaines mesures à la consultation des intéressés.

Si les réactions sont positives, nous ne tarderons pas à passer ensuite aux actes. Je m'y engage personnellement. Il y a là des enjeux pédagogiques, culturels, sociaux et économiques trop importants pour que nous acceptions de reporter indûment les décisions qui s'imposent.

Troisièmement, ainsi que j'en ai maintes fois parlé au cours des derniers mois, l'année qui vient devrait marquer une étape importante en tout ce qui touche aux droits des étudiants et à la condition de vie étudiante, aussi bien en ce qui concerne les services éducatifs complémentaires qu'en ce qui concerne l'organisation collective des étudiants et leur participation à la vie des institutions qu'ils fréquentent.

Plusieurs actions ont déjà été enclenchées au cours des derniers mois à tous les niveaux du système scolaire pour assurer à tous des services éducatifs de qualité, comme aussi pour établir des conditions propices à la qualité de la vie étudiante dans les écoles, dans les collèges et dans les universités. Nous continuerons dans le même sens. L'intérêt grandissant que les étudiants eux-mêmes manifestent en ces matières me confirme chaque jour davantaqe dans ma conviction gu'il y a là des enjeux réels et importants pour l'avenir.

Quatrièmement, c'est au cours de la prochaine année que la commission Jean déposera son rapport final. Les hypothèses provisoires de la commission ont déjà été abondamment commentées et discutées et nul doute qu'il devrait sortir de tous ces échanges des propositions importantes pour l'avenir de l'éducation des adultes. Sans doute aussi pour celui de l'éducation permanente. Le ministère suit de près ces travaux et c'est dans un esprit d'ouverture et de perméabilité qu'il se dispose à recevoir le rapport final de la commission. Je ne vous cacherai pas l'immense intérêt que je porte personnellement à ces questions si vitales pour la promotion des personnes et pour le développement culturel, social et économique de notre collectivité.

Cinquièmement, au cours de la prochaine année, je compte faire franchir de nouveaux pas au dossier de la formation et du perfectionnement des maîtres. En mars dernier, j'ai fait connaître les orientations que j'entendais privilégier. Il reste maintenant à déterminer, à la faveur d'ateliers de travail qui doivent être tenus au cours de l'automne, certaines modalités de mise en oeuvre.

Dans une perspective de valorisation de l'activité pédagogique et dans un contexte de réduction des effectifs, je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance de ce dossier. J'ai déjà dit aux enseignants ma très haute estime pour les fonctions qu'ils exercent, je la leur redit ici, en même temps que mon souci de trouver avec eux les moyens d'accroître la qualité de nos pratiques pédaqoqiques et de promouvoir leur fierté d'exercer ce que je considère toujours, même après plusieurs années d'abandon forcé des tâches d'enseignement, comme le plus beau métier du monde.

En sixième lieu, nous continuerons au cours de la prochaine année de travailler à l'élaboration et à la mise au point de pratiques plus articulées d'évaluation pédagogique et administrative. Aux différents niveaux du système scolaire, des gestes ont été posés et des processus d'implantation ont sans doute été solidement amorcés. Mais notre recherche globale de qualité et de discernement de l'essentiel nous invite tout

naturellement à essayer de formuler une approche générale qui, dans le respect des particularités de chaque réseau du système, s'applique à traduire des préoccupations et des perspectives communes. Nous nous y emploierons activement au cours de l'année qui vient.

Septièmement, je compte accélérer au cours des prochains mois l'examen de notre carte scolaire. En ces temps de croissance limitée et de dures contraintes financières, il nous faut tout faire pour utiliser nos ressources au maximum, pour rationaliser et coordonner nos investissements, pour répartir judicieusement et équitablement les services éducatifs sur l'ensemble du territoire, pour supprimer les dédoublements, pour alléger les processus, pour réduire les bureaucraties. J'ai déjà signifié aux universités, notamment celles de la réqion métropolitaine, que nous devrons nous pencher ensemble sur cette question épineuse et lourde de conséquences. Mais c'est pour tous les réseaux que nous devrons entreprendre ces examens. Il nous faudra rationaliser notre répartition des proqrammes d'enseignement collégial, mieux coordonner nos multiples engagements en éducation des adultes, consolider la présence des écoles primaires et secondaires au sein de leur communauté d'appartenance. I! y a là un chantier vaste et complexe dont chacun comprendra aisément l'importance aussi bien pour la qestion des fonds publics que pour la qualité de vie des citoyens et la démocratisation de l'enseignement. C'est un travail de plusieurs années, mais je compte lui donner sans tarder une impulsion décisive.

Huitièmement, dans le prolongement de la politique québécoise de recherche scientifique que j'ai élaborée et présentée au nom du gouvernement, je vous informe qu'au cours de 1981-1982, le ministère sera en mesure de soumettre à la discussion un projet de politique de la recherche en éducation. L'importance de la recherche pour la santé et le développement de notre système scolaire, notamment pour l'approfondissement de la pédagogie et pour l'amélioration de la formation et du perfectionnement des maîtres, donne beaucoup de poids aux orientations que nous aurons à prendre. Vous comprendrez que j'y accorde une attention particulière.

En neuvième lieu, je vous rappelle qu'au cours de la prochaine année, le gouvernement du Ouébec aura à néqocier avec le gouvernement fédéral le renouvellement des accords fiscaux relatifs à l'enseignement postsecondaire. Inutile d'insister ici sur l'importance des enjeux financiers, culturels et politiques de ces grandes rondes de discussion. En concertation étroite avec mes collègues concernés, en particulier avec le ministre des Finances et le ministre des Affaires intergouvernementales, j'entends m'engager intensément dans ces travaux.

Enfin, il est un dossier sectoriel que je tiens à mentionner ici parce qu'il constitue une nouvelle pièce majeure de nos entreprises de renouveau de l'ensemble du système scolaire. Je veux parler de la politique des universités. J'ai déjà formulé l'essentiel d'une telle politique, mais, à la lumière des discussions prévues pour l'automne, je compte identifier, en concertation avec les milieux universitaires, les moyens appropriés d'y donner suite.

J'arrête ici ma première liste de projets pour la prochaine année. Ils sont nombreux, comme vous pouvez le constater, mais il faut bien que ces ministères qu'on qualifie de ministères monstres aient des menus adaptés à leur taille. Malqré le nombre et l'ampleur des tâches, je tiens à vous dire que nous demeurerons réalistes et modestes. Bien sûr, parce que les temps nous y obligent, mais aussi parce que nous n'avons pas la prétention d'avoir les solutions à tous les problèmes non plus que de savoir avec certitude comment traverser les orages actuels et à venir sans compromettre l'avenir, par-dessus tout parce que c'est dans la constance et le courage et non dans la présomption et la fanfaronnade que l'on arrive à discerner l'essentiel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Alors, madame et messieurs les membres de la commission, avant de permettre au représentant de l'Opposition de faire son intervention préliminaire, j'aimerais vous signaler que le programme 10, Organisation et réqlementation des professions, n'est pas soumis à l'étude de la présente commission ayant été soumis à une autre commission. C'est donc de dix programmes que nous aurons à disposer et non pas de onze comme je l'ai signalé au début. 0 2 heures)

M. Lalonde: Vous avez bien raison.

Le Président (M. Rodrigue): M. le représentant de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais, avant d'exprimer certaines observations en réaction, ou en réponse, ou en écho aux notes du ministre, l'accueillir comme nouveau ministre de l'Éducation au Québec. C'est la première fois en effet qu'il a à présenter, à l'occasion de l'étude de ses crédits, sa conception de la mission qui lui a été confiée et, à ce titre, l'Opposition lui souhaite les meilleurs succès dans la tâche difficile qu'il a accepté d'entreprendre. De notre côté, nous avons, à l'occasion de l'élection de nouveaux membres de l'Opposition officielle, restructuré notre

façon de travailler et, en ce qui concerne l'éducation, on m'en a confié la mission dans l'Opposition. Nous avons le privilège d'avoir avec nous pour travailler, pour offrir notre collaboration au gouvernement, des nouveaux députés qui sont tous, gui ont tous été - je devrais dire toutes aussi - à un titre ou à un autre, impliqués, mais très profondément, dans l'éducation à divers niveaux.

C'est ainsi que le député de Viger, non, de Viau, - je m'excuse, c'est parce que je travaillais avec le député de Viger avant-hier - sera responsable plus particulièrement, pour l'Opposition officielle, des secteurs primaires et secondaires, catholiques anqlophones; le député de Saint-Henri - on va les apprendre un jour, M. le Président - sera responsable plus particulièrement des secteurs primaires et secondaires francophones catholiques, et Mme la députée de Jacques-Cartier - c'est bien ça - sera responsable, dans l'Opposition, des secteurs primaires et secondaires protestants. Le député de Westmount aura une préoccupation plus immédiate à l'éqard du réseau collégial et des universités.

Nous sommes donc bien préparés à aider le gouvernement à relever les défis nombreux qui s'offrent à lui au début de ce nouveau mandat.

Le ministre a défini sa mission, c'était la première occasion, je pense, dans cette assemblée, de le faire d'une façon aussi élaborée. Inutile de dire gue lorsgu'il situe l'enfant ou la personne en apprentissage, comme au centre de ses préoccupations, il trouvera aussi longtemps qu'il le fera, un accord complet de la part de l'Opposition officielle; il n'y aura pas de désaccord, au contraire. À cet égard, nous allons, avec lui, au cours de l'étude de ses premiers crédits, tenter justement d'identifier guels sont les moyens, pour le gouvernement, d'atteindre le plus haut degré de perfection dans cette tâche, d'amener soit l'enfant, soit l'adolescent ou la personne en apprentissage gui recouvre, qui comprend, j'en suis sûr, dans l'esprit du ministre, tous les adultes -on ne peut pas oublier l'important secteur de l'éducation des adultes - tous ces qens à un plus grand degré de perfectionnement individuel. Ces moyens sont malheureusement de plus en plus complexes et aussi difficiles.

Nous allons poser un certain nombre de guestions au ministre concernant, par exemple, le régime pédagogique. Il a effleuré cette importante réforme guand il l'annonçait comme étant un retour à l'essentiel, il y a quelques mois. Beaucoup de Québécois ont été impressionnés non pas par son contenu, qu'on ne connaissait pas encore, mais par son importance. Un certain scepticisme s'est dessiné dans certains quartiers, y compris dans la presse, mais c'est souvent de bon aloi.

L'aide financière aux étudiants fera l'objet d'une grande préoccupation de la part de l'Opposition. On a posé une question ce matin à l'Assemblée nationale. On a appris -j'en étais déjà sûr - gue cela fait aussi l'objet de préoccupations de la part des députés ministériels. Ils vont trouver chez nous une sympathie complète.

L'enseignement des lanques secondes est un sujet qui nous préoccupe. La restructuration scolaire semble avoir été escamotée jusqu'à maintenant par ce gouvernement, en incluant le précédent, c'est-à-dire dans son premier mandat, et apparemment aurait fait l'objet d'un rapport ou d'une étude que le ministre aurait reçu, si on en croit les journaux ou les autres sources d'information. Il pourrait clarifier la situation là-dessus.

L'enseignement sexuel fera l'objet aussi de guestions, non pas à cause de son caractère sensationnel ou controversé, mais nous voulons nous intéresser à ce problème avec tout le sérieux gu'il exige.

La loi 71, où en sommes-nous avec la réforme gu'elle contenait? L'enseignement des sciences, qu'en est-il? Il semble gue le bilan soit très modeste, sinon négatif. Le tragigue bilan de l'abandon scolaire nous inguiète au plus haut point, surtout lorsgu'on doit s'imposer dans un secteur aussi important, aussi vital gue l'éducation en soi et, permettons-nous de le penser, pour les Québécois formant une minorité linguistigue, guant à la majorité d'entre eux, et aussi pour les autres gui font partie des minorités linguistiques.

L'éducation a toujours été ce bien précieux sur lequel nous avons fait reposer une grande partie de l'avenir qu'on voulait pour les nôtres. Lorsqu'on est obliqé d'imposer des mesures d'austérité, comme on le voit actuellement depuis un an, et qu'en même temps on a un phénomène d'abandon scolaire aussi grave dont le ministre, j'en suis convaincu, est conscient, si j'en crois ce qu'il a écrit lors de la publication d'un cahier, nous aimerions savoir ce qu'il entend faire de concret à cet égard.

Nous venons de connaître encore un "phénomène démocratigue" gu'on appelle les élections scolaires. Petite amélioration, d'après ce gu'on entend dire, de 25% à 28% de participation. Cela soulève tout le problème de l'avenir des commissions scolaires, comme partenaire, comme agent extrêmement important dans la mission de l'éducation au Québec. Qu'est-ce que le ministre en pense et quels sont ses projets à ce sujet?

L'intégration scolaire des déficients nous intéresse au plus haut point. C'est une entreprise, un objectif difficile à atteindre, qui présente beaucoup d'écueils. On aura d'ailleurs, je pense, par le biais de l'exercice que nous allons nous imposer ce soir, lorsque

nous entendrons les représentants de certaines institutions privées, qui sont spécialisées justement dans l'éducation des inadaptés, la chance d'apprendre peut-être quels sont les problèmes que comporte cet objectif ou enfin cet exercice d'intégrer les déficients dans les classes.

Quant à l'enseignement professionnel, le ministre nous a assurés de sa plus grande préoccupation à cet éqard. Nous aimerions avoir un peu plus de précisions quant à l'état de la réflexion du gouvernement. C'est un secteur, comme il le sait, qui a toujours été en crise, c'est peut-être un peu fort, mais en état d'effervescence, et il ne semble pas qu'on ait trouvé la formule qui permette d'atteindre les objectifs qu'on s'est donnés il y a quand même plusieurs années.

J'étais content d'entendre le ministre parler des conventions collectives à négocier et je suis sûr, c'est de cette manière que je l'ai entendu, que je l'ai compris, qu'il ne s'agissait pas de menaces, comme le ministre d'ailleurs nous a bien mis en garde de le penser, mais combien elles sont importantes, lorsqu'on sait qu'une des contraintes, la principale contrainte peut-être ou enfin en ordre de qrandeur sûrement, qui force le gouvernement a faire des coupures dans des secteurs aussi précieux que l'éducation des adultes, les étudiants, vient du fait que, parmi les 13,7% d'augmentation, les conventions collectives constituent un facteur majeur. Si nous voulons pouvoir gérer l'austérité, comme le ministre nous invite à le faire dans l'avenir, il faudra commencer par obtenir un peu plus de liberté ou de marge de manoeuvre, comme on l'appelle, au qouvernement.

Nous invitons le ministre à nous dire très franchement - nous allons lui offrir notre collaboration la plus entière à ce sujet quels sont les objectifs qu'il entend poursuivre, quelles sont les contraintes, comment il conçoit, autrement dit, que les conventions collectives à négocier puissent lui permettre, comme principal responsable de l'éducation au Québec, de faire les choix, d'établir les priorités dans le sens d'une plus grande qualité de l'enseignement, d'une plus grande accessibilité et je voudrais le citer, une plus grande démocratisation, une plus grande personnalisation, et j'en passe. (12 h 15)

Nous aimerions qu'il nous dise de façon un peu plus précise, sans naturellement commencer à faire les négociations ici, ce n'est pas le forum et nous n'avons pas les pouvoirs de le faire, mais c'est important que le ministre de l'Éducation fasse connaître à tous, y compris les députés, quel est le cadre qu'il aimerait voir présider à ces négociations où enfin quels sont les objectifs qu'il aimerait voir réaliser une fois les négociations terminées.

J'ai parlé de l'éducation des adultes, en effet, surtout dans le cadre des coupures, nous allons poser un certain nombre de guestions là-dessus. Au collégial, c'est le projet de règlement qui fait l'objet des préoccupations à bon droit. Il semble qu'on ait retardé sa publication et son adoption finale à cause d'un certain nombre d'objections du milieu. Nous espérons que le qouvernement trouvera la juste mesure afin d'obtenir les objectifs qu'il poursuit.

En ce gui concerne les universités, toutefois, je pense que la formation et le perfectionnement des maîtres, auquel le ministre s'est adressé, n'est pas le seul défi qui attend le ministre dans l'année qui s'en vient. On sait que le rapport Angers n'a pas reçu de réactions complètes et articulées de la part du qouvernement. On attend depuis quoi, un an et demi? est-ce qu'il n'a pas été déposé en juin? deux ans déjà, ce que le gouvernement entend faire à la suite de recommandations de la commission d'étude sur les universités qui s'est quand même imposé un travail très sérieux, très exiqeant et qui mérite de dépasser le stade de la réflexion au bout de deux ans de la part du gouvernement. Mais malheureusement, pour le ministre, on ne choisit pas naturellement toutes ces conditions lorsqu'on accepte un défi, comme il l'a fait.

Malheureusement, c'est dans un climat morose, il l'a dit, de coupures qu'il entreprend son mandat. Il nous a invités à gérer l'austérité, à faire preuve d'imagination, de créativité, sans doute, mais le plus grand reproche que nous faisons - ne s'adresse pas au ministre seulement, il a sûrement une part de responsabilité, mais il arrivait lorsque l'exercice a été entrepris au gouvernement - justement c'est de n'avoir pas su gérer cette austérité. Nous et tout le monde avons vu venir cette situation de décroissance, peut-être pas encore, mais enfin, d'absence de croissance au moins, nous l'avons vue venir, on s'en souvient lors du premier déficit qui frisait le milliard mais qui avait fait l'objet de certains discours politiques en 1976, davantage en 1978 et que dire des déficits de 1979-1980 alors que le qouvernement devait, ou croyait devoir accepter d'endetter les Québécois pour combien de générations jusqu'à concurrence de 10 000 000 000 % en cinq ans! Est-ce qu'il n'y avait pas là un cri d'alarme? II me semble que oui, que le gouvernement aurait dû savoir à ce moment-là et planifier la décroissance, d'abord analyser ces investissements de nos ressources collectives, je parle plus particulièrement de l'éducation, mais par voie de conséquence, cela comprend son action.

Il aurait dû faire l'analyse justement de ces coûts. Où va exactement le dollar investi par le Québécois, la Québécoise, en matière d'éducation, le dollar qu'il confie au qouvernement? Est-ce gu'on s'est déjà imposé

cette analyse? Il est grand temps que le gouvernement le fasse, que le ministère de l'Éducation le fasse. Cela aurait dû être fait. C'est facile à dire, mais c'est vrai. Il me semble que, faute de cette analyse - coûts et bénéfices - et de la planification de la décroissance qui exiqe une grande consultation, quand on connaît la structure que nous avons, surtout chez nous, avec les commissions scolaires et tous les autres agents, faute donc de cette analyse et de cette planification, nous voyons un gouvernement recourir à l'improvisation et à une certaine panique.

Le ministre n'a-t-il pas dit tout à l'heure - et si j'ai mal interprété ses propos, il pourra me corriqer plus tard - que le gouvernement a tenté d'éviter le pire? Quand est-ce gu'on évite le pire? C'est justement dans ce temps-là qu'on prend des décisions de panique.

Il a aussi dit qu'on a fait les coupures là où c'était techniquement possible de le faire. Mais quel aveu! Quel aveu d'improvisation! Cela me fait penser, lorsque le ministre des Finances dit: Nous avons coupé dans le gras. Mais le gras, est-ce que c'est parce qu'il y a des gros chiffres à côté? Est-ce que parce qu'on investit des milliards de dollars dans l'éducation, qui est une mission absolument fondamentale pour un gouvernement, qui est le métier le plus noble des hommes et des femmes, est-ce que c'est cela, le gras ou si c'est le programme de 100 000 000 $ ou même de 25 000 000 $ de publicité gouvernementale, ou...? Enfin, Je ne veux pas commencer de débat politigue ici.

Il me semble que lorsqu'on avoue avoir coupé dans ce qui était techniquement possible de le faire, parce qu'il s'agit de transfert, qu'on a simplement enlevé 200 000 000 $ et tant pis pour les agents qui sont obligés de vivre avec, c'est qu'on fait un aveu d'improvisation; on est allé au plus commode, on a manqué d'imagination et de créativité, M. le ministre. On n'a pas géré l'austérité de la part du gouvernement depuis trois ans.

Et c'est pour cette raison. Croyez bien, il faut s'entendre là-dessus, que l'Opposition sait très bien que le gouvernement ne peut pas continuer à dépenser cmme on le faisait, il y a dix ans. On sait très bien que le gouvernement du Québec ne peut compter actuellement que sur une croissance quasi automatique, qui était presque devenue une seconde culture chez nous, au point qu'on la tenait pour acquise, la croissance. Cela, on en est conscient. On sait que la clientèle scolaire diminue. Tout le monde sait cela. Donc, nous ne sommes pas, d'un côté, pour vous reprocher des déficits, et vous dire, de l'autre côté: Vous ne devez pas couper.

Mais ce qui aurait dû être fait, c'est la planification de la décroissance, décroissance des investissements du gouvernement en matière d'éducation. C'est un reproche que nous faisons au gouvernement et ce sont des questions que nous posons au ministre en particulier. C'est la raison pour laquelle nous allons poser des questions, sur les coupures sans aucune gêne. Nous allons demander au ministre - quoique maintenant, je crains d'avoir eu la réponse - quelles sont les raisons - parce que j'espère que c'est autre chose que "techniquement possible de le faire" - qui ont amené à couper à tel endroit plutôt qu'à tel autre. J'espère que le ministre pourra nous faire part du raisonnement qui a été fait par lui-même et ses collèques depuis le mois - on parle de presque sept, huit mois maintenant, cela se prépare en septembre, octobre, novembre, les budgets, si c'est comme avant - alors, quel raisonnement a été fait, quels sont les critères des décisions qui ont été prises?

En terminant, M. le Président, le ministre a empreint ses notes ou ses observations d'un certain lyrisme.

Malheureusement, au moment de la définition des grands objectifs, ce lyrisme trouvait un écho parfait chez nous, mais il s'est rapidement buté aux dures réalités de la vie et des défis gui se présentent à lui.

Pour le Parti libéral du Québec, et je n'ai pas un plaidoyer très éloquent à faire, je pense que l'histoire, et la plus récente, en témoigne, pour le Parti libéral du Québec, l'éducation est sûrement à la tête des préoccupations, des objectifs de la raison d'être même d'un gouvernement. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nos réactions sont les moins partisanes en éducation que dans d'autres domaines; nous savons que nous poursuivons les mêmes objectifs, nous nous distinguons de temps à autre en ce gui concerne les moyens de faire, mais vous trouverez toujours, M. le ministre, chez nous la collaboration la plus totale lorsque nous serons convaincus que vos décisions sont dans le sens de l'intérêt des Québécois qui méritent, en éducation, plus particulièrement, le meilleur qu'un gouvernement peut lui donner. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): J'appelle maintenant l'étude des programmes. Je pense qu'il y a effectivement... Est-ce pour des remarques préliminaires?

M. Paquette: M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président, d'habitude, cela se passait, ainsi: le ministre réaqissait peut-être aux questions que l'Opposition posait, et mes collègues aussi en général.

M. Gilbert Paquette M. Paquette: On pourra passer à l'étude

des programmes par la suite, M. le Président. J'avais simplement quelques remarques à ajouter. Tout d'abord, il était rafraichissant d'entendre le député de Marguerite-Bourgeoys offrir sa collaboration au parti ministériel en ce qui concerne l'éducation, c'était un petit peu nouveau par rapport aux quatre premières années.

M. Lalonde: Vous n'en doutez pas?

M. Paquette: C'est avec qrand plaisir que nous l'avons écouté.

De notre côté, M. le Président, nous pouvons bénéficier du fait que, d'une part, le ministre est un homme d'équipe et, d'autre part, les compétences en matière d'éducation dans la députation ministérielle ne manquent pas. n'est ainsi qu'à cette commission parlementaire et sur toutes les questions à l'avenir qui concerneront l'éducation, le ministre m'a demandé, en tant qu'adjoint parlementaire, de réunir un groupe d'un quinzaine de députés ministériels qui vont participer à l'élaboration des politiques. Malheureusement, nous n'avons pu participer à l'élaboration des crédits de cette année. Nous espérons pouvoir le faire l'année prochaine, mais nous avons au moins entrepris ensemble l'étude de ces crédits, et nous aurons au cours de la discussion quelques questions également à poser au ministre.

J'aimerais simplement mentionner que le député de Verchères s'occupera plus spécifiguement des questions de l'aide financière aux étudiants, le député de Mille-Îles se penchera sur l'enseignement primaire et secondaire, le député de Fabre s'occupera de l'enseignement collégial et également de la formation des adultes, le député de Chauveau de l'enseignement universitaire et du fonds pour la formation de chercheurs et actions concertées, le député de Shefford de la formation des adultes et de l'enseignement privé. Plusieurs autres députés qui ne sont pas membres de cette commission travaillent et travailleront en collaboration avec le ministre sur tous les dossiers, toutes les priorités du ministère de l'Éducation au cours de la prochaine année. (12 h 30)

Je voudrais simplement relever la remarque terminale du député de Marguerite-Bourgeoys concernant le fait que le gouvernement n'a pas su gérer l'austérité. Malheureusement, M. le Président, les faits et les chiffres viennent démentir cette affirmation. Il suffit de regarder. Je pense qu'une bonne façon de mesurer, c'est d'évaluer le taux de croissance des dépenses publiques par rapport au taux de croissance du produit intérieur brut du Québec. Je pense que c'est un bon étalon de mesure. On constate que, pour la période de 1960 à 1976 les dépenses publiques au Québec ont crû beaucoup plus rapidement que le produit intérieur brut. En fait, le rapport des deux taux de croissance est de 1,36. Pour la période de 1975 à 1979, ce rapport a été ramené à 1, c'est-à-dire que les dépenses publiques au Québec ont crû exactement en fonction du taux de croissance du produit intérieur brut.

Je pense qu'il y a eu un effort de ralentissement des dépenses à la mesure de nos moyens, à la mesure de la production de l'économie. Je pense, M. le Président, que ce que le ministre a mis en évidence dans son discours, c'est que, malgré ce contexte d'austérité budgétaire, il n'était pas dans l'intention du gouvernement et du ministère de l'Éducation en particulier de revenir de guelque façon que ce soit sur ces objectifs, mais au contraire d'aller de l'avant. Je pense que la période actuelle de difficultés ne nécessite pas un gouvernement moins social-démocrate, mais un gouvernement qui le soit plus, dans trois directions en particulier.

Premièrement, je pense qu'il est important, et là-dessus je crois que nous pourrons obtenir un appui de la part de l'Opposition, de décentraliser davantage le système d'éducation, de réduire les paliers hiérarchiques, de débureaucratiser le système d'éducation. Je pense qu'il y a une fausse conception qui circule suivant laquelle être social-démocrate, ça signifie nécessairement de lourds appareils bureaucratiques. Je pense qu'aller dans cette direction non seulement permettra de personnaliser davantaqe l'enseignement, mais également de tenir compte de la situation financière plus serrée dans laquelle nous avons à évoluer.

Une deuxième direction; je pense qu'il est important que nous commencions, non seulement dans le domaine de l'éducation, mais tous les autres domaines, à penser davantage en termes de société de conservation plutôt que de société de consommation. Il y a un gaspillage qui se fait dans tous les domaines, et dont on est parfois assez peu conscient, et qui devrait nous amener à réduire les dépenses dans des domaines qui vont nous permettre non pas de reculer, mais de progresser dans la voie d'une société qui utilise davantaqe et à meilleur escient les ressources mises à sa disposition.

Troisièmement, je pense qu'il est important que nous augmentions les revenus gouvernementaux. C'est là-dessus que nous allons peut-être trouver des divergences d'opinions. Autant l'Opposition est d'accord pour réduire la bureaucratie, autant elle voudrait, jusqu'à un certain point, du moins c'est ce qu'on croit sentir dans ses propos, réduire les pouvoirs d'intervention du gouvernement du Québec, réduire la présence du qouvernement du Québec dans beaucoup de secteurs, notamment dans l'économie.

Nous, de ce côté-ci, nous pensons que réduire la bureaucratie ne signifie pas nécessairement réduire le pouvoir d'intervention de l'État. Il faut, au contraire, augmenter le pouvoir d'intervention de l'État si nous voulons que l'économie produise davantage de revenus pour les Québécois. Ce sont des directions à long terme.

On peut déplorer également, avec le député de Marguerite-Bourgeoys, une certaine brusquerie dans l'élaboration du présent budget. Je le dis en mon nom personnel, je le déplore également. Je pense que ce qu'il faut faire maintenant, c'est lancer, comme le soulignait le ministre dans son exposé, un vaste débat qui va impliquer tous les agents sociaux et, dans le domaine de l'éducation, tous nos partenaires, particulièrement les centrales syndicales, sur les questions de fond. Je pense que nos partenaires doivent participer à l'orientation des grands paramètres du budget de l'année prochaine et des autres années, de façon que nous puissions concilier les objectifs d'un projet de société qui sera de plus en plus social-démocrate avec une meilleure gestion des ressources qui puissent faciliter l'atteinte de ces objectifs.

M. le Président, en terminant, je tiens à vous assurer également de toute la collaboration de l'équipe des députés ministériels qui comptent participer très activement à cette commission.

Le Président (M. Rodrigue): Le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, venant de l'élémentaire et y ayant passé 18 ans, j'aimerais, avant de parler de certains points, porter à l'attention de tout le monde que si, aujourd'hui, nous tous autour de la table, on est capable de défricher tous les documents qui nous sont présentés, il faudrait bien remercier le professeur ou l'institutrice de la première année, qui nous a enseigné à lire et à écrire.

Je vais toucher, en quelques instants, la présence ou le manque de présence anglophone au sein des structures du MEQ. Depuis sa création en 1964 et, plus récemment, depuis la création des onze bureaux régionaux, la communauté anglophone du Québec a assisté à la dispersion de ses interlocuteurs traditionnels au niveau des instances précitées. L'existence de réseaux d'enseignement public en langue anglaise, catholique et protestant, soulève des problèmes de coordination et d'intégration au niveau des orientations et des objectifs poursuivis par notre système d'éducation.

À mon avis, ces problèmes motivent une considération de l'approche administrative présentement en vigueur et impliquent que l'on envisage un modèle de participation qui reconnaisse les besoins spécifiques, psycho-pédagogiques et socioculturels de la commuanuté anglophone. Essentiellement, il s'aqit de déterminer si les structures actuelles sont en mesure de répondre adéquatement et efficacement aux besoins pédagoqiques et administratifs des clientèles anglophones qui fréquentent le système scolaire public.

Où trouve-t-on des interlocuteurs de la communauté anglophone dans les structures actuelles? Combien y a-t-il d'anglophones aux échelons supérieurs du MEQ, à l'exception du sous-ministre associé, dans le secteur protestant? Comment envisage-t-on l'élaboration de la programmation, du développement et de l'évaluation de l'enseignement en langue anglaise au Québec? Comment les bureaux régionaux, même ceux de la région métropolitaine de Montréal, peuvent-ils disperser ces services au réseau d'enseignement en langue anglaise, tant catholique que protestant?

Il n'est pas superflu de noter que la création des bureaux réqionaux a contribué, pour une large part, à l'isolement des regroupements anglophones dispersés à l'échelle du territoire. Environ 20% de la cientèle scolaire anglophone relève de huit bureaux différents, les autres 80% se répartissant dans trois bureaux régionaux de la région de Montréal. Pour l'année 1979- 1980, la Direction des études économiques et démographiques, au document 55 de janvier 1981, établissait la clientèle scolaire anglophone à 14,8% des effectifs provinciaux, soit 173 549 élèves, c'est au tableau 1.1 de la page 7. Au tableau 3.1 de la paqe 24, 99 535 élèves étaient inscrits à l'enseignement en anglais dans les huit commissions scolaires de l'île de Montréal, soit 57,4% des effectifs anglophones au niveau provincial. Ces effectifs se répartissent également entre anglophones de foi catholique et anglophones de foi protestante. À mon avis, ces quelques données soulignent la nécessité d'envisager l'élaboration des mécanismes de participation à l'organisation et au développement du système d'éducation.

Présentement, les anglophones sont partenaires absents à tous les niveaux de l'administration de l'enseignement public du ministère. On ne dispose pas de regroupements fonctionnels capables de traduire adéguatement au sein de structures administratives du MEQ les besoins de la communauté anglophone et particulièrement anglo-catholique.

La recherche et le développement pédagogiques s'adressent naturellement et prioritairement aux besoins de la clientèle francophone. C'est normal. Nous cherchons en vain l'existence d'un programme pédagogique conforme aux dimensions

culturelles de notre communauté linguistique. L'absence d'une structure de coordination diminue d'autant la possibilité d'apporter une contribution éclairée à la définition des objectifs à atteindre, de même qu'à la mise en place des moyens prévus pour les atteindre.

Il est temps de concevoir des mesures qui corrigeront, M. le ministre, ces lacunes sérieuses dans les mécanismes de la direction, communication et coordination du MEQ avec le réseau public d'enseignement primaire et secondaire de langue anglaise. En définitive, il s'agit d'associer des ressources importantes au fonctionnement d'une structure de communications intégrée à l'appareil administratif du système d'éducation et d'y prévoir une participation équitable des anglo-catholiques. Merci.

Le Président (M. Rodrigue): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: ...

M. Lalonde: Si je comprends bien, le ministre répondra à toutes nos interrogations dans une intervention après un tour de table.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci. J'ai quelques remarques très générales. J'ai une question qui touche quelque chose qui est peut-être la clef de notre problème ici, quand il s'agit des coupures.

J'aimerais dire d'abord que je suis tout à fait d'accord avec les buts éducatifs dont le ministre a parlé dans ses remarques préliminaires. Je suis d'accord que notre but, quand on examine le problème des coupures et le manque d'arqent, c'est de protéger l'essentiel. Il n'y a pas de question. Le problème est que je crois que les coupures qu'on a recommandées pour l'année qui vient risquent de compromettre l'essentiel, de menacer l'essentiel.

Vous avez parlé d'une croissance de 13,7%. L'autre jour, le ministre a dit à l'Assemblée nationale, il me semble, avec une certaine fierté - je ne sais pas pourquoi - que la croissance a été plus grande et que le montant d'argent versé par élève ici, au Québec, excède celui de l'Ontario. Mais je crois que le montant absolu n'est pas la meilleure façon de mesurer la valeur de ce qu'on reçoit. Si on examine, par exemple, les dollars versés au Québec par personne âgée entre cinq ans et vingt ans, par rapport à l'Ontario - l'ensemble des dépenses, non pas seulement celles du gouvernement, parce que le mode de financement est différent en Ontario - on voit très clairement la carence entre les montants. Par élève, le montant versé ici, au Québec, en comparaison du montant versé en Ontario, en 1976, il y avait un ratio de 1,04% entre les deux provinces et, maintenant, en 1980, on a une carence plus grande soit de 1,3%. (12 h 45)

La question qui ressort de tout cela, c'est: Quelle est la valeur qu'on reçoit pour notre argent, dollar pour dollar, en éducation? En éducation, guelle est la valeur qu'on reçoit pour notre argent? C'est cela la question à laquelle on doit répondre pour le public. Le public a le droit d'avoir le plus de valeur pour son arqent.

Vous avez parlé, M. le ministre, des conventions collectives. Comme le député de Marguerite-Bourgeoys, je suis très heureuse que vous ayez soulevé cette question, parce que, à mon sens, la plupart - ce n'est pas une exaqération, je crois - de nos problèmes de qualité et de coûts de l'éducation découlent du processus de continuité des conventions collectives, du processus de négociation et de son résultat. Je crois qu'il est grand temps qu'on sorte des nuages, concernant ces questions. On ne peut pas vivre dans un vacuum par rapport aux conditions de travail, aux salaires, aux bénéfices sociaux, à la tâche de l'enseiqnement et tous les paramètres établis dans les conventions collectives. Je me demande si on ne devrait peut-être pas commencer, pour améliorer la qualité de la situation et pour recevoir plus de valeur pour notre notre argent ici au Québec, peut-être que nous pourrions examiner cela très très soigneusement et faire une comparaison entre la situation ici au Québec par rapport à l'Ontario. Est-ce que le gouvernement n'a jamais considéré une telle étude?

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci M. le Président. Quelgues remarques brèves. D'abord, je voudrais exprimer ma satisfaction d'avoir retrouvé dans les objectifs premiers du ministre de l'Éducation une réaffirmation de l'objectif majeur de l'accessibilité accrue et de la démocratisation de l'école au Québec, du réseau de l'enseignement au Québec. Eace à la discussion actuellement en cours au niveau du gouvernement, notamment sur l'aide financière aux étudiants, je pense qu'il était opportun de rappeler cet objectif fondamental. Personnellement, pour avoir travaillé de nombreux mois auprès du milieu étudiant, j'espère que les membres du gouvernement, les collèques du ministre de l'Éducation prendront connaissance du rappel de cet objectif fondamental.

D'autre part, je me réjouis aussi de voir dans le chantier proposé par le ministre de l'Éducation une importance significative accordée à tout ce qui touche les droits des étudiants et les conditions de vie des

étudiants. Le ministre, à bon droit, a souligné dans son intervention un intérêt grandissant des étudiants eux-mêmes pour ces guestions. On n'a qu'à se rappeler qu'il y a à peine quelques mois, le RAEU, c'est-à-dire le Regroupement des associations étudiantes universitaires a pris l'iniative d'organiser un colloque qui s'est tenu à l'Université de Montréal et qui a regroupé une bonne partie des représentants des milieux étudiants du Québec autour de l'idée d'une charte des droits de l'étudiant. Malgré les divergences gui se sont fait jour à ce moment-là chez les étudiants eux-mêmes, chez les représentants des étudiants, je pense que la simple tenue de ce colloque et l'importance des participants qui s'y sont rendus témoignent également que le ministre avait raison de souligner l'intérêt grandissant des étudiants pour ces guestions.

On n'a aussi qu'à se rappeler comment les associations étudiantes ont tenu à participer au colloque orqanisé il y a guelques semaines par le secrétariat des conférences socio-économiques, et la revue Critère, qui touchait également l'aspect des conditions de vie des étudiants un peu de la même façon qu'on pourrait parler de la condition de vie des travailleurs dans une usine.

Ce que j'espère, c'est qu'au cours de la prochaine année on franchira des pas importants. Je sais que le ministre a donné de nombreuses assurances au milieu étudiant et je sais également - on pourra y revenir un peu plus tard - que depuis quelque temps, il y a une insistance particulière de la part du ministère de l'Éducation à venir en aide aux associations étudiantes afin qu'elles se structurent mieux, s'organisent mieux et gu'elles jouent mieux le rôle qu'elles ont déjà joué à différentes époques de l'histoire du Québec.

Ce que l'on peut déplorer - je l'ai déploré à quelques reprises - c'est qu'au cours des dernières années, tout le monde des étudiants, en particulier dans le domaine des études supérieures, a été passablement absent de beaucoup de débats importants dans notre société, y compris des débats qui les intéressaient eux, au premier titre. Les étudiants manifestent un regain d'intérêt face à des questions qui les concernent eux-mêmes, si on pense aux réactions sur le règlement sur les études collégiales et sur leurs propres droits et leurs conditions de vie. Peut-être que c'est une ouverture dont il faut profiter. Il faut faire en sorte gu'on puisse aider le milieu des étudiants à se structurer d'une façon permanente. Le problème est que l'effectif change; le personnel de ces associations d'étudiants chanqe par la force des choses. Il y a une telle fluctuation qu'on n'y retrouve pas une certaine permanence et une certaine constance dans l'action et dans l'apport positif que cela peut amener, tant pour les étudiants que pour l'ensemble de la société québécoise.

En terminant, je voudrais faire une petite remargue gue je me sens obliqé de faire, parce que cela m'a un peu choqué. C'est au sujet des propos du député de Viau. Je ne veux pas m'en prendre, pour le moment, au contenu même des propos du député de Viau. Cependant, je trouve un peu déplorable que l'Opposition ait décidé, pour parler des droits de la communauté anqlophone du Québec, de choisir guelgu'un qui s'est présenté comme porte-parole d'une communauté culturelle, en particulier la communauté italienne.

Je pense qu'en faisant cela, l'Opposition officielle contribue à créer l'impression que et la communauté italienne et d'autres communautés culturelles au Québec ne sont attachées et intéressées qu'à la partie anglophone de notre société. Je pense que c'est dommage. J'aurais vu d'un très bon oeil que le député de Jacques-Cartier fasse cette intervention.

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président (M. Rodrigue): Je vais écouter la guestion de règlement.

M. Lalonde: II y a des propos indignes qui sont dits, qui ne peuvent pas être tolérés par notre règlement. Je mets en garde le député contre la tentation qu'il a d'aller plus loin. Depuis quand est-il interdit à quelque député autour de la taule de soulever quelque question que ce soit à cause de son nom ou de la communauté culturelle dont il est issu?

Le Président (M. Rodrigue): Un instant. Sur la question de règlement, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Sur la question de règlement gui n'en est pas une de toute évidence, autant le député de Viau a le droit de faire les commentaires qu'il veut, autant le député de Verchères a le droit de les interpréter. Et je pense que son interprétation nous indique une certaine orientation du côté de l'Opposition officielle qui voit le Québec essentiellement comme subdivisé en deux communautés, une majorité francophone et une minorité anglophone, entre lesquelles il faudrait maintenir les distinctions et tâches.

Mon collèque de Verchères a tout à fait raison de souligner que le député de Viau aurait peut-être dû céder la parole à quelqu'un d'autre sur cette question.

M. Lalonde: Je trouve cela absolument épouvantable l'intolérance dont vous faites preuve actuellement: Vous devriez avoir

honte. Ce n'est pas parce qu'on est Italien d'origine qu'on a pas le droit de défendre les anqlophones ou les francophones.

M. Paquette: Bien sûr, bien sûr.

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paquette: Je regrette...

Une voix: C'est absolument détestable.

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre, s'il vous plaît.

M. Paquette: M. le Président, je veux simplement terminer là-dessus. Ce n'est pas une question d'intolérance, M. le Président. Je pense qu'il est important de mettre en évidence les idéologies de chacun des deux partis. Ce n'est pas une question d'intolérance, on respecte parfaitement le droit de parole du député de Viau. Il n'y a aucun problème là-dessus.

Le Président (M. Rodrigue): S'il vous plaît, nous allons cesser la discussion.

M. Lalonde: À certains moments, l'intolérance frise le racisme, M. le député de Rosemont.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît! J'ai entendu la question de règlement j'ai entendu un intervenant sur la question de rèqlement. À mon sens, il ne s'agit pas là d'une question de règlement et je n'ai pas entendu, quant à moi, de propos injurieux à l'égard d'un membre de cette commission. Donc, je rejette la question de règlement qui a été posée et je demande au député de Verchères de poursuivre son intervention.

M. Charbonneau: M. le Président, j'avais presque terminé, je n'ai pas l'intention d'en faire un plat, et pour avoir...

M. Lalonde: Vous aviez les deux pieds dedans.

M. Charbonneau: Non, au contraire. Je pense que le Québec c'est autre chose que ce que vous essayez de représenter, et si vous étiez un peu plus soucieux de cette réalité pluraliste, vous auriez peut-être été un peu plus attentif, un peu plus délicat sur la représentation que vous voulez faire. Quand quelqu'un se présente et se fait élire, il y a à peine quelques semaines, comme le représentant d'une communauté particulière...

M. Lalonde: C'est faux. Il était Québécois quand il s'est présenté. Arrêtez donc de diviser les uns contre les autres parce qu'ils ont un nom italien ou grec.

M. Charbonneau: On est tous Québécois parce qu'on vit tous au Québec. Essayez donc, vous, de cesser d'associer toutes les communautés ethniques culturelles à une section ou une partie de la population, cette minorité globale qui serait anglophone, en essayant de diviser les communautés ethniques et la population francophone du Québec. C'est ce que vous avez fait à plusieurs reprises et c'est ce que votre intervention continue de faire de la façon dont vous choississez vos porte-parole.

Le Président (M. Rodrigue): Je voudrais rappeler aux membres de cette commission que lorsqu'un député parle, à moins de soulever une question de règlement, on ne doit pas l'interrompre. Je pense que cela va faciliter nos débats. Je comprends que parfois on a une remarque à faire qui nous brûle la langue, mais enfin, j'aimerais que l'on puisse poursuivre comme on avait débuté ce matin, dans une relative harmonie. Est-ce que d'autres députés de cette commission veulent intervenir dans le débat général?

M. Lalonde: Une question de directive. Il est une heure moins quarante secondes. Si le député veut faire son intervention générale, est-ce que l'on pourrait revenir à 15 heures?

Le Président (M. Rodrigue): Oui, on pourrait sûrement suspendre jusqu'à 15 heures. J'ai le député de Saint-Henri et le député de Fabre qui m'ont demandé la parole dans le débat général, alors nous reprendrons les travaux à 15 heures avec l'intervention du député de Saint-Henri.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise de la séance à 15 h 23)

Le Président (M. Rodrigue): À l'ordre! Nous en sommes toujours au débat général.

M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, la rapidité avec laguelle la réforme scolaire s'est faite ces derniers temps n'a pas permis d'accorder toute l'importance qu'il aurait fallu à la qualité des services offerts. Elle a coïncidé avec un contexte social qui remettait en question nombre de valeurs traditionnelles qui touchaient non seulement la mission de l'école, mais aussi celle de la famille, de l'église et du milieu de travail, ce qui rendait difficile un certain consensus de base.

La consultation à laquelle a donné lieu ces dernières années le livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire, le livre blanc sur les collèges et la commission d'enquête sur les universités ont toutefois permis de constater que les Québécois réclamaient de plus en plus du système d'éducation une plus grande rigueur d'approche et une formation plus humaine et plus complète.

Pour les années quatre-vingt, l'accent doit être mis, à tous les niveaux: primaire, secondaire, collégial et universitaire, non sur la prolifération, mais sur la consolidation et la recherche de l'excellence des services. D'une part, les milieux de l'éducation doivent devenir plus exigeants et se soumettre eux-mêmes à une évaluation stricte; d'autre part, des services adéquats doivent être mis à la disposition des clientèles qui ont des difficultés à atteindre les objectifs généraux.

Bien sûr, cet objectif de formation et d'excellence ne doit pas être compris comme une suggestion de retour à des méthodes révolues, du passé. Au contraire, il s'agit d'un effort gualitatif qui nous permettra de joindre franchement, comme vous le disiez ce matin, M. le ministre, les possibilités d'accessibilité et de démocratisation. Pour assurer cette excellence, je me pose quatre questions:

Premièrement, comment va-t-on finir par en arriver à mesurer la qualité des apprentissages du côté des élèves, car il faut cesser de laisser à des appréciations personnelles le vrai avancement des élèves?

Deuxièmement, comment alléger les directions d'école de leurs tâches administratives afin qu'elles puissent se consacrer à leurs tâches pédaqogiques?

Troisièmement, comment assurer, chez des professeurs, cette primauté de la qualité de l'enseignement? Autrefois, c'était une vocation; aujourd'hui, c'est devenu une profession. Mais, toujours, la qualité de l'enseignement devrait primer.

Enfin, quatrièmement, comment susciter chez les parents l'intérêt qui semble très difficile à éveiller dans certains cas, comme on a eu l'occasion de le voir la semaine dernière avec les élections scolaires, comment susciter chez des parents l'intérêt pour l'école?

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc: Je suis heureux de voir que les membres de l'Opposition s'entendent pour dire que les coupures dans certains secteurs sont inévitables et, par contre, qu'il faut protéger l'essentiel. Je pense que c'est dans ce domaine qu'il faudra être le plus attentif pour voir ce que constitue l'essentiel quant à eux. Si on se fie aux discours qu'ils ont tenus en Chambre, ils semblent accorder beaucoup d'importance au secteur de l'éducation privée, qui est également important pour nous, mais la question, je pense, qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que c'est le secteur le plus essentiel? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres secteurs qui doivent passer avant? Et je pense en particulier à des secteurs qui touchent aux plus démunis de la société. Je ne crois pas que les plus démunis fréquentent l'école privée. Je ne crois pas non plus que ce soient uniquement les gens fortunés gui fréquentent l'école privée. Je crois qu'il y a des gens de classe moyenne, mais je ne crois pas... Et si nos amis d'en face avaient des statistiques sur la fréquentation de l'école privée, je pense que ce serait intéressant qu'ils nous remettent, s'ils le veulent bien, copie de ces statistiques, de même s'il était possible d'avoir copie du document auquel se référait la députée de Jacques-Cartier qui mentionnait qu'il est important que les citoyens reçoivent plus pour leur argent, surtout dans la conjoncture économique que nous vivons.

Je pense qu'on s'entend là-dessus. Il faut que chaque dollar dépensé rapporte beaucoup plus que par le passé. La députée de Jacques-Cartier a mentionné l'Ontario. Ce serait intéressant, si elle le voulait bien, que nous ayons copie de ce document qu'elle semble avoir et qui établit un certain parallèle entre l'argent qui est dépensé au Québec pour l'éducation et l'argent qui est dépensé en Ontario pour l'éducation.

Quant au secteur des conventions collectives, je pense que cela demeure du domaine des voeux pour l'instant. C'est mentionné d'ailleurs dans le document du ministre que nous souhaitons tous qu'il y ait des assouplissements qui soient apportés aux conventions collectives, de telle sorte que des réaménagements deviennent possibles pour en arriver à une plus qrande efficacité dans le domaine de l'enseignement. Merci, M. le Président. (15 h 30)

Le Président (M. Rodrigue): Y a-t-il d'autres députés qui veulent intervenir dans le débat sur les remarques générales? M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: M. le Président, ce serait seulement sur un point. Quand on veut comparer les coûts de l'éducation au Québec et ceux de l'Ontario, je ne m'y oppose pas, sauf que j'aimerais, quand on le fait, qu'on tienne compte de points précis. Je pense que certaines situations sont pas mal différentes. J'aimerais qu'on regarde, par exemple, ce qu'on offre aux commissions scolaires anglophones et francophones en Ontario, et

ce qu'on leur offre au Québec, ce qu'on offre aussi aux commissions scolaires catholiques et protestantes. Est-ce qu'on a des systèmes unifiés ou seulement pour un qroupe? Quelle sorte d'aide, aussi, apporte-ton au secteur de l'enseignement privé en Ontario?

C'est bon de comparer ces domaines, et je pense que c'est toujours en faveur du Québec. Si ça nous coûte plus cher, c'est qu'on offre au Québec des avantaqes et une plus grande liberté. Tenant justement compte qu'il y a des qroupes spécifiques au Québec, on le reconnaît, on doit payer pour, et je pense qu'on n'a rien contre ca. Que ce soient des écoles pour les minorités, des écoles pour la religion de chacun des qroupes, ou que ce soit l'enseignement privé au public, on reconnaît les systèmes et on doit payer pour. Je pense que c'est bon de regarder cela. Quand on veut faire une comparaison dans les coûts, il serait bon de regarder si, en Ontario comme au Québec, la clientèle étudiante est en progression ou en récession. Je pense que ca vient pas mal expliquer pour quelle raison on doit défrayer certains coûts; ça s'explique assez facilement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M- Cusano: M. le Président, j'ai laissé s'écouler une certaine période depuis la déclaration du député de Verchères, ce matin, parce que je pense que c'est mieux de parler dans le calme que dans une situation émotionnelle. Je trouve que sa déclaration de ce matin est un peu malheureuse, parce qu'on essaie s'éloigner de certains problèmes réels dans le domaine éducationnel en faisant allusion à mon milieu de naissance, à mon milieu de travail et à mon milieu socio-culturel.

Depuis mon arrivée à l'Assemblée nationale, on a entendu de belles paroles de la part des ministres. On a parlé d'intégration, de respect des idées et on a dit que tous les Québécois étaient des Québécois à part entière. Comme député dûment élu en vertu du processus le plus démocratique d'un pays libre, je dois représenter tous les citoyens à part entière, non seulement ceux du comté de Viau, mais tous les citoyens de cette province. Depuis longtemps, je fais partie de la collectivité québécoise, qu'elle soit de descendance amérindienne, française, anglaise, polonaise, allemande ou autre, qu'elle mesure 4 pieds et 2 pouces ou 6 pieds, qu'elle pèse 50 livres ou 250 livres, qu'elle soit de complexion blanche, noire, jaune ou n'importe quelle autre, que son nom soit de résonance française, anglaise, italienne, turque, arabe, grecque, italo-francaise ou italo-anglaise ou n'importe quelle autre catégorie que le député de Verchères puisse inventer dans son optigue minuscule, qu'elle soit catholique, protestante, bouddhiste ou autre, qu'elle soit d'idéologie péguiste, libérale, unioniste, socialiste ou communiste.

Depuis mon arrivée à l'Assemblée nationale, j'étais fier du fait que, contrairement aux cinq dernières années, aucun individu auquel j'ai eu l'occasion d'exprimer mes sentiments, qu'il soit ministre ou député, du côté ministériel ou du côté de l'Opposition, ne m'avait démontré d'intolérance ou n'avait affiché des préjugés comme l'a fait le député de Verchères. Je déplore ce manque de respect, de sens humanitaire, ce manque de vision de l'avenir, la contradiction qu'il y a entre ses énoncés et ceux du premier ministre, du ministre des Finances, du ministre des Affaires culturelles, du ministre de la Fonction publique, du ministre de l'Immigration et même du ministre de l'Éducation.

Je désire informer le député de Verchères - malheureusement, il n'est pas ici pour m'entendre, je suis sûr qu'il va lire le texte plus tard - puisqu'il croit avoir le monopole de la vérité absolue, que pour autant que je siège à l'Assemblée nationale, à une commission parlementaire ou que je participe à n'importe quelle autre activité parlementaire, j'ai le privilège et le droit de faire valoir mes idées personnelles et celles de la population de Viau et de la population du Québec. Merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre, est-ce que vous allez conclure ce débat général avant que nous passions à l'étude du programme 4?

Réponse du ministre

M. Laurin: Oui, M. le Président. Je veux d'abord remercier tous les intervenants gui se sont exprimés sur l'orientation générale de la mission éducative et je veux remercier, en particulier, les membres du Parti libéral pour les vues gu'ils ont exprimées. J'en profite pour féliciter le superporte-parole de l'Opposition, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, ainsi que l'équipe qui travaillera avec lui sur les problèmes de l'éducation. Je pense que le choix qu'a fait le parti est excellent, particulièrement si on en juge par l'intervention qu'a commise ce matin le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense qu'il a maintenu le débat à un très haut niveau, gue son intervention était de qualité et que ceci laisse très bien préjuger de nos travaux ultérieurs. Je dirais la même chose également pour tous les collaborateurs qui travaillent avec lui. Je pense que leurs interventions ont été éclairantes et très

instructives.

Le député de Marguerite-Bourgeoys, et j'en ai été ravi, s'est dit d'accord sur les objectifs que nous poursuivons et que nous entendons poursuivre au cours de ce mandat. Je suis très heureux de savoir au départ que je puis compter sur la collaboration de l'Opposition quant à l'orientation fondamentale que nous entendons imprimer à notre action au cours des prochaines années. Il a dit, bien sûr, que cet accord sur les objectifs ne sous-entendait pas nécessairement un accord sur les moyens que nous pourrions mettre en application. Cela est parfaitement normal et je m'en réjouis également, car quelqu'un a déjà dit que du choc des idées jaillissait la lumière. J'espère bien que du choc de nos idées respectives jaillira une lumière dont pourra profiter le monde de l'éducation.

Dans son intervention préliminaire, le député de Marguerite-Bourgeoys a touché à beaucoup de sujets. Les uns sont précis, intéressent un secteur particulier du monde de l'éducation; les autres sont cependant plus généraux, sont intersectoriels et touchent même à des problèmes de fond. Si le député le veut bien, j'essaierai de répondre de la façon la plus ad hoc possible à tous les points qu'il a soulevés, même les points qui touchent à des sujets précis que nous aurions, par ailleurs, l'occasion d'aborder lors de l'étude des différents programmes, sachant par expérience que, si nous vidons certains de ces sujets lors de l'étude du point 1, nous n'aurons pas l'occasion d'y revenir lorsque nous aborderons ces éléments précis. À condition, bien sûr, que mes réponses le satisfassent et ne provoquent pas d'autres questions auxquelles il me fera d'ailleurs plaisir de répondre.

La première question qu'a abordée le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est celle des régimes pédagogiques et je m'en réjouis, car c'est' là la pierre d'angle du système d'enseignement préscolaire, primaire et secondaire. Je m'en réjouis aussi parce que cette question des régimes pédagogigues a mobilisé la plus grande partie de notre attention au cours des dernières années et particulièrement de la dernière année et même depuis que j'ai assumé la responsabilité du ministère de l'Éducation.

Après l'énoncé de politique sur l'école québécoise, il s'imposait, en effet, de traduire en termes concrets, et j'entends ici pédagogiques, les orientations, ainsi que les projets principaux, fondamentaux du ministère en matière de pédagogie, et c'est ce que nous avons tenté de faire dans les régimes pédagogiques. Nous y avons beaucoup réfléchi, nous avons préparé plusieurs projets successifs qui ont été soumis à la consultation du milieu. Ce que nous avons rendu public, il y a maintenant quelques mois, représente, j'en suis sûr, non seulement avec exactitude la position du plan d'action, mais également l'opinion générale de la population que nous avons consultée et de la population en général.

Je rappelle que ces régimes pédagogiques sont maintenant entre les mains du milieu, que chacun des articles est accompagné d'un commentaire qui en explique la portée, que ces régimes pédagogiques sont précédés d'une présentation générale qui en indique l'esprit en même temps que les points principaux.

Nous croyons que ces régimes pédagogiques incarnent l'essentiel de ce que la population exigeait et qu'elle nous a fait savoir au cours des consultations des dernières années. Je ne veux pas résumer ici à nouveau tout ce que contiennent ces régimes pédagogiques, je ne veux en dégaqer que les grands thèmes. Le régime pédagogigue se veut, comme je le disais ce matin, un retour à l'essentiel, dans ce sens qu'il met l'accent sur la formation qénérale, et qu'il met l'accent sur l'éducation et non pas seulement sur l'instruction.

Nous voyons, par exemple, dans ces régimes pédagogiques, que l'enseignement primaire sera plus étoffé qu'il ne l'était, que la formation fondamentale y trouvera davantage son compte, qu'à côté des matières traditionnelles, fondamentales, toujours aussi nécessaires, on y trouvera maintenant un enseignement qui initiera déjà l'enfant à une meilleure connaissance de son milieu, de lui-même, en même temps qu'il lui permettra d'avoir accès à un savoir qui est devenu fondamental, et je pense ici en particulier au domaine des sciences.

Ce programme pédagogique met aussi l'accent sur la formation commune, sur la formation de base que devront maintenant recevoir tous les élèves du Québec. Un plus qrand nombre de matières seront enseignées, mais aussi cet enseignement sera obligatoire pour un bon nombre de disciplines. On peut dire la même chose d'ailleurs du secondaire où cette formation fondamentale, élargie pour convenir à l'évolution de notre société, sera elle aussi commune et obligatoire. Je pense qu'il y a là un redressement qu'exigeait, encore une fois depuis plusieurs années, la population québécoise.

Cela nous oblige évidemment à reporter d'un an le choix que faisaient auparavant les élèves d'une option dans les concentrations de matières qui l'intéressaient ou même dans un début de spécialisation qui pouvait l'intéresser. Je pense que cela est extrêmement nécessaire et important en ce sens qu'une formation de base est nécessaire et qu'une formation fondamentale s'impose, et que, même, elle constitue non seulement une partie essentielle de l'éducation, de la formation de l'élève, mais qu'elle constitue la base la meilleure pour un recyclage ultérieur car, lorsqu'un adulte a à se

recycler, la meilleure chance ou la meilleure garantie de succès du recyclage est de puiser dans une bonne formation fondamentale. Donc, report d'une année de l'option. Allongement d'une année de la formation générale. Report à peut-être une sixième année de la spécialisation professionnelle. Voilà autant d'éléments essentiels à la conception de l'éducation que se fait maintenant la population. (15 h 30)

Le régime pédagogique prévoit également un meilleur encadrement, prévoit également un meilleur appui à l'élève. Je veux parler ici de l'importance considérable que nous apportons aux programmes, des programmes plus précis, accompagnés de devis pédagogiques, l'introduction graduelle, mais continue, de matériel didactique approprié, y compris un manuel par matière, et je pense que c'est là, encore une fois, mettre l'accent sur la qualité de l'éducation.

Je m'arrête ici dans cette brève énumération des éléments principaux du régime pédagogique, simplement pour marquer ce souci de la qualité de l'excellence, pour ne pas dire, parfois, du redressement qui a guidé l'action du ministère.

L'entrée en vigueur des régimes pédagogiques, par ailleurs, n'entraînera pas des dépenses excessives et même n'entraînera que des dépenses minimes puisque les mesures mises en oeuvre ne comporteront, du moins pour cette première année et même la deuxième année, aucune implication financière significative.

Parmi les mesures susceptibles d'entraîner plus tard des coûts supplémentaires, il faut retenir principalement le report de la spécialisation professionnelle après la 5e année du secondaire, dont l'entrée en vigueur probable est prévue au plus tôt en septembre 1984; deuxièmement, la mise en application d'une mesure visant à assurer à l'élève un manuel scolaire pour chaque matière, troisièmement, le report progressif sur trois ans, comme je l'ai annoncé il y a quelques jours en Chambre, de l'âge d'admission des élèves au préscolaire et au primaire à compter de septembre 1982.

Dans ce même domaine des régimes pédagogiques, le député de Marguerite-Bourgeoys a soulevé le problème de l'enseignement des langues secondes. Le régime pédagogique s'y réfère d'une façon spécifique puisqu'il y est dit que l'enseignement du français langue seconde, pour les élèves anglophones, commencera dès la première année et que l'enseignement de l'anglais langue seconde, pour les élèves francophones, commencera au deuxième cycle du secondaire.

Pourquoi cette différence?

Principalement, parce que nous avons voulu nous rendre aux expressions d'opinion exprimées dans le milieu. Lors de la consultation, le monde anglophone de l'éducation nous a manifesté sa volonté de faire commencer l'enseignement du français langue seconde dès la première année du premier cycle du primaire. Je pense qu'il en connaît les raisons mieux que je ne saurais le dire. Je crois que la minorité anglophone du Québec sait et sent que le Québec va devenir de plus en plus français. La minorité anglophone veut garder ses enfants le plus longtemps possible, sinon pour toujours, au Québec. En conséquence, les parents anglophones veulent donc que leurs enfants soient très bien préparés à assumer l'exercice de leur métier, de leur profession dans un Québec qu'ils aiment et dont ils s'estiment les héritiers.

Ceci est parfaitement compréhensible. Ils savent en conséquence que, pour avoir plus de chance d'intégration sociale, vocationnelle, professionnelle, il est impératif pour eux, qu'il est impératif pour leurs enfants d'avoir une connaissance non seulement d'usage, mais une connaissance courante et parfaite de la langue française. Je crois que c'est en raison de cet impératif qu'ils ont demandé à l'unanimité que l'enseignement du français langue seconde commence dès la première année et nous avons accédé à leur désir.

La situation est quand même différente pour les élèves francophones car ces élèves francophones constituent ici la majorité. Ils habitent une province qui est pour eux un pays en même temps qu'une nation et ils sentent que, tout en devant, idéalement ou utilement, posséder une connaissance de la langue anglaise, qui est la langue du Canada et la langue de l'Amérique du Nord, il leur faut quand même au départ connaître les arcanes, les fondements, la base de leur langue maternelle. Même s'il y a des controverses entre savants là-dessus aujourd'hui, le courant le plus répandu semble être qu'il faille d'abord bien connaître les fondements de sa langue maternelle avant d'y ajouter un enseignement en langue seconde, guelle gu'elle soit, et que peut-être même cette connaissance plus fouillée, cette maîtrise de la langue maternelle peut constituer un adjuvant pour une meilleure maîtrise de la langue seconde. C'est la politique que nous avons adoptée dans notre régime pédagogigue.

Je veux dire immédiatement au député de Marguerite-Bourgeoys que cela ne veut pas dire que nous nous satisfaisons de l'enseignement des langues tel que nous en avons hérité. D'ailleurs, il y a toujours matière à progrès, à perfectionnement, au fur et à mesure que la didactique progresse, que la pédagogie progresse et, d'autre part, je pense bien qu'on avait signalé à nos prédécesseurs aussi bien qu'à nous que cet

enseignement des langues comportait encore des carences. Nous y avons donc travaillé avec intensité au cours des dernières années. Nous avons déjà publié nos nouveaux programmes pédagogiques en matière de français pour tous les niveaux du primaire et pour presque tous les niveaux du secondaire. Je pense que nos écoles sont maintenant en possession d'un programme pédagogique en français, langue maternelle, qui est à la fine pointe de la pédagogie de la didactique et qui respecte en même temps ce souci que nous avons d'enseigner aux générations futures un français de qualité qui leur permettra de maîtriser leur langue maternelle.

Il en va de même pour l'enseignement de l'anglais langue seconde. C'est là un chantier où nous avons été très actifs au cours des deux dernières années. Le travail est maintenant presque terminé. J'ai eu l'occasion de parcourir le nouveau projet de programme d'enseignement de l'anglais langue seconde; nous sommes maintenant à y apporter les dernières retouches et, si tout va bien, je pense bien être en mesure de publier ce nouveau programme de l'enseignement de l'anglais langue seconde dans les prochaines semaines. Je pense que, là aussi, il est très important que nos élèves francophones, en particulier, puissent avoir tous les moyens et outils qui leur permettront de maîtriser cette langue aussi importante pour les citoyens qui, pour quelque raison que ce soit, raison de loisirs ou raison de communication ou raison de formation, ont intérêt à connaître cette langue à ce point importante.

Quant à l'enseignement de l'anglais langue maternelle, là aussi le chantier est très actif; les travaux sont quand même moins avancés, mais je pense que nous serons en mesure, l'an prochain, de présenter un proqramme qui a été préparé, il va sans dire, par des professionnels anglophones et qui répondra, là aussi, aux exigences de la didactique en même temps qu'aux exigences légitimes, d'un autre ordre, des parents anglophones.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a aussi parlé de l'enseignement des sciences au primaire et au secondaire. Voilà un autre domaine qui nous préoccupe beaucoup. J'en ai parlé personnellement dans le livre blanc sur le développement scientifique. J'ai moi-même sonné quelques cloches d'alarme à cet égard. J'ai émis des souhaits. J'ai fait des recommandations qui ont été reprises à son compte par le gouvernement. Mais dès avant la parution de ce livre blanc sur le développement scientifique, le ministère de l'Éducation avait commencé une remise en question du programme complet de l'enseignement des sciences au primaire ou au secondaire - et j'en profite pour le souligner, il faudrait le souligner pour tous les programmes qui sont en révision - en collaboration très étroite avec les professeurs de sciences, avec l'Association des professeurs de sciences.

Ce travail a déjà abouti jusqu'à un certain point, puisque nous voyons, par exemple, dans les nouveaux règlements pédagogiques que l'enseignement des sciences naturelles est maintenant obligatoire au niveau primaire et ce, à tous les degrés du niveau primaire. Quant au niveau secondaire, les nouveaux régimes pédagogiques comportent, pour la première fois, un enseignement obligatoire de l'écologie dès la première année, un enseignement obligatoire de la biologie dès la troisième année et aussi une obligation d'avoir réussi, soit en biologie, soit en chimie, soit en physique pour obtenir le certificat d'études supérieures. Je pense que c'est là un progrès assez remarquable par rapport au régime pédagogique antérieur. Je ne dis pas que nous en sommes satisfaits, mais voilà quand même une première étape, la deuxième étape comportant, bien sûr, l'élaboration de programmes, encore une fois, plus précis, mieux adaptés au développement du savoir, en même temps qu'à la didactique.

Je veux aussi souligner qu'il s'agit ici non pas simplement de transmission d'un savoir scientifique, mais d'une véritable éducation scientifique. Ce que nous visons dans ces régimes pédagogiques et dans cet enseignement, c'est non pas simplement d'informer l'élève d'un savoir de plus en plus considérable, mais également une utilisation plus grande de ce savoir dans la vie quotidienne, dans l'insertion sociale, dans la formation générale de la personnalité. Donc, comme je le disais, d'ailleurs, dans mon exposé préliminaire, il ne s'agit pas simplement de remplir une tête avec un savoir constitué, mais de contribuer à la formation générale de l'étudiant, en même temps qu'à son insertion professionnelle.

Ces programmes, nous y travaillons comme à ceux que j'ai déjà mentionnés. En chantier, nous avons actuellement un programme portant sur la biologie, l'écologie, la chimie, la physique au secondaire et je pense que l'état des travaux est assez avancé pour que je puisse dire qu'il y a de bonnes chances que ces programmes soient lancés au cours de l'année scolaire 1981-19B2. Je rappelle aussi que le nouveau programme des sciences de la nature au primaire est déjà terminé et est déjà rendu public. Nous en sommes maintenant rendus à la phase de l'implantation.

Encore une fois, M. le Président, il s'agit d'un progrès réel, même important. Je ne dis pas qu'il faille s'en contenter; nous lisons, comme tout le monde, les critiques qui sont faites à notre enseignement des sciences actuellement. Ces critiques sont soigneusement analysées et la révision se poursuit, en même temps que nous continuons

à travailler à l'élaboration de nos programmes.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a abordé aussi un problème qu'il estime, j'en suis sûr, très important et que j'estime également important, celui de la restructuration scolaire. Je suis sûr qu'il l'estime très important puisgu'il est membre d'un parti qui a déjà présenté un projet de loi là-dessus à l'Assemblée nationale il y a quelques années, et qui en a fait adopter un autre, la loi 71... (16 heures)

M. Lalonde: Je n'étais pas là.

M. Laurin: ...je ne suis donc pas étonné qu'il ait toujours présente à l'esprit cette préoccupation. Je dois dire qu'ayant participé à la discussion de ces deux projets de loi, j'épouse ses préoccupations. Il ne s'agit donc pas pour moi de nier l'importance de ce problème, mais je ne voudrais pas cependant que le député pense que le problème de la restructuration scolaire ne se pose que pour l'île de Montréal, je pense qu'il se pose à l'échelle du Québec. Peut-être que, d'ailleurs, il faudrait maintenant poser ce problème autrement. Il y a toujours danger à identifier un problème en particulier du fait précisément qu'il a fait l'objet de projets de loi antérieurs qui n'ont pas contribué à le régler d'une façon importante ou significative. II y a danger à l'identifier, à lui donner une étiquette et à continuer à le voir sous le même angle qu'il se posait à une époque antérieure.

Je crois pour ma part qu'il y a danger à considérer séparément en soi ce problème de la restructuration. Il importerait plutôt, je crois, de le situer dans un contexte plus existentiel, dans un contexte plus social, le contexte d'une société qui est en évolution, qui est marquée par l'adoption d'autres lois, comme, par exemple, la charte du français au Québec, qui en a modifié certaines données, ou la loi 57, qui a redistribué les bassins de la taxation des municipalités et des commissions scolaires. Il y aurait surtout danger à le considérer sans tenir compte de cet effort fondamental et considérable que nous avons fait depuis trois ou quatre ans pour repenser le problème de l'école et de ses orientations.

Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut poser le problème des structures scolaires. En effet, M. le Président, il ne faudrait quand même pas mettre la charrue avant les boeufs. Les structures, dans ma lecture de la vie, ont toujours été des instruments au service d'une fin, au service d'une orientation. Les structures ont toujours constitué une modalité, une sorte de canal d'acheminement d'une philosophie, une sorte de moule où prenait place une philosophie, et, à considérer les structures sans tenir compte de la vie telle qu'elle évolue, telle qu'elle doit se vivre, je pense que nous courrions le risque d'aboutir immédiatement à une impasse.

Il est vrai que nous pensons aux structures scolaires. Nous ne pouvons pas ne pas y penser, surtout quand, comme le dit le député de Marguerite-Bourgeoys, nous constatons que l'intérêt des citoyens à l'égard des élections scolaires est tellement mince, et que aussi peu de citoyens se dérangent pour élire leurs commissaires. Nous sommes obligés aussi d'y penser toutes les fois que nous négocions des conventions collectives. Nous sommes obligés d'y penser toutes les fois que nous les consultons pour les orientations fondamentales de l'éducation et que nous discutons avec eux de règles budgétaires.

Notre pensée sur les structures scolaires informe donc toutes nos autres activités. Nous sommes particulièrement obligés d'y penser depuis quelques années en vertu de la baisse des clientèles scolaires qui a obligé les commissions scolaires à fermer un nombre croissant d'écoles. Nous sommes obligés aussi d'y penser, d'y faire face lorsque nous sommes forcés de considérer le problème de l'étalement urbain, de la transhumance des populations, des centre-ville vers les banlieues, du retour des habitants de certaines banlieues vers les centre-ville en vertu d'autres développements. Donc, il est sûr que ce problème des structures scolaires constitue pour nous une préoccupation constante. Nous y travaillons actuellement parce que nous n'avons pas le choix de ne pas y travailler, mais nous voulons y travailler, encore une fois, en considérant que les structures doivent être au service d'une conception, d'une vision, d'une philosophie de l'éducation. Il nous faut partir, encore une fois, de l'enfant, de l'élève, adulte ou enfant, en situation d'apprentissage.

Nous devons y penser à partir de la nature humaine, telle que nous la connaissons, des besoins de l'élève et de l'étudiant, à partir de l'environnement éducatif dont l'élève ou l'étudiant a besoin pour se développer. Nous devons y penser aussi en raison de lois, aussi bien biologiques que psychologiques, qui veulent que, dans l'environnement éducatif, la personne la plus importante, c'est le parent, et qu'il importe de tenir rapproché le plus longtemps possible l'élève et surtout l'enfant de son milieu d'origine initial, le milieu le plus important, le plus fécondant qu'est la famille. C'est pour cette raison que depuis quelques années - et même avant nous - le gouvernement s'oriente de plus en plus vers une décentralisation des structures, mais aussi une décentralisation des décisions.

Depuis deux ou trois ans, nous travaillons encore plus intensément à mettre au point cette conception de l'éducation, du

développement de l'enfant, de l'élève, de l'environnement éducatif, des services personnels, collectifs dont l'enfant a besoin pour se développer. C'est en fonction de cette conception, de cette philosophie que nous allons aborder ensuite le problème des structures en nous posant la question: Quelles seraient les structures les plus idoines, les plus appropriées pour que cet objectif que nous avons puisse s'incarner, se cristalliser, pour que cet objectif puisse être atteint dans le minimum de temps, avec le maximum d'efficacité? Quelles seraient les structures qui nous permettraient de mettre en place le meilleur environnement éducatif? Quelles seraient les structures qui nous permettraient de garder le plus longtemps possible l'enfant près de ses parents? Quelles seraient les structures qui nous permettraient également de faire jouer à l'école son rôle de pôle social, de ferment social, de pôle communautaire d'activité? Si nous abordons le problème des structures dans cette optique, peut-être éviterons-nous les impasses ou les pièges dont je parlais tout à l'heure.

En même temps que nous nous poserons ces questions, nous nous poserons également des questions sur les structures que nous possédons à l'heure actuelle. Depuis les années que nous vivons avec ce système, je pense que nous avons pu nous rendre compte de ses lacunes, de ses inconvénients, des problèmes d'arrimage, d'intégration qu'il peut poser, mais nous ferons, à l'occasion de cette réflexion, le tour des constatations que nous avons pu faire depuis une vingtaine ou une dizaine d'années, particulièrement au cours des dernières années. C'est à la lumière des critiques ou des lacunes que nous avons déjà observées que nous pourrons également éclairer notre réflexion, y apporter un autre pan, un autre élément et que nous serons peut-être en mesure, lorsque nous serons prêts, de penser à des structures, encore une fois, qui serviront plus exactement, plus fidèlement, plus rapidement aussi les objectifs que nous nous sommes fixés et que vous nous avez dit tout à l'heure partager.

Vous avez parlé tout à l'heure d'études formelles, il n'y en a pas à l'heure actuelle. C'est plutôt une préoccupation que nous avons, qui s'exprime surtout par des discussions, des réflexions, des échanges et je pense que c'est là la meilleure façon de procéder. En temps et lieu, le fruit mûrira et nous verrons si, à ce moment-là, ce fruit mérite d'être présenté aux instances gouvernementales et à la population.

Il est évident que ce problème est lié à un autre que vous avez soulevé, celui des élections scolaires. Il est vrai que la participation est encore minime, peu importante. On peut se poser des questions sur ce problème très précis. Serait-ce que les commissaires se sont cantonnés dans un rôle trop exclusif de gestionnaires financiers, dans un rôle trop exclusif d'administrateurs? Je parle d'une façon générale, évidemment, sans vouloir faire des particularités. Je sais que certaines commissions scolaires se préoccupent intensément de l'aspect pédagogique, de la vie pédagogique, de l'éducation entendue dans tous les sens du terme, mais peut-être y a-t-il lieu quand même de poser la question, surtout à la lumière de tout ce qui a été écrit et dit depuis quelques années sur la part de plus en plus grande des responsabilités d'ordre social et pédagogique que pourraient et devraient assumer les commissions scolaires.

On peut se demander d'ailleurs si cet intérêt des parents pour les élections scolaires va se maintenir au niveau que nous connaissons actuellement. S'il devait se maintenir, je pense que ce serait là un signe comme un autre d'insatisfaction de la population à l'endroit des commissions scolaires ou du moins du rôle qu'elle voit jouer aux commissions scolaires, ou peut-être le signe d'une insatisfaction plus profonde et le désir de structures nouvelles, comme je le disais tout à l'heure, qui leur permettraient d'être davantage présents du lieu décisionnel ou des lieux décisionnels les plus importants.

En ce qui nous concerne, en tout cas au gouvernement, nous entendons continuer à considérer les commissions scolaires comme des partenaires à part entière, des agents essentiels du développement scolaire et du développement pédagogique. Nous entendons travailler en consultation étroite avec elles et je tiens à leur redire le besoin que nous avons de leur collaboration de tous les instants.

Vous avez soulevé aussi le problème de l'éducation sexuelle. C'est là un problème qui a fait couler beaucoup d'encre au cours des dernières années et en particulier au cours des derniers mois. Je remercie le député de Marguerite-Bourgeoys de l'avoir abordé de façon aussi sereine. À son exemple, j'essaierai de le dépassionner dans toute la mesure du possible, mais je dis bien dans toute la mesure du possible, car la limite est vite atteinte dans ce domaine, puisque l'éducation sexuelle touche au plus intime de notre être, que l'existence même de la sexualité, sans parler de son exercice, ayant fait l'objet depuis des siècles d'injonctions morales, de chapitres dans tous les traités théologiques, il n'est donc pas possible, évidemment, d'aborder ce sujet sans susciter des émois profonds et intimes. (16 h 15)

II reste cependant que l'éducation sexuelle est nécessaire. On peut dire que ce sont les parents qui en ont la responsabilité première, et je pense qu'il me sera facile d'avoir l'unanimité de la commission là-dessus, puisqu'elle fait partie intégrante de l'éducation initiale, que cette éducation

commence au berceau et que les moments forts de cette éducation sont entre la première et la sixième année de la vie, moment où l'enfant ne va pas encore ou rarement à l'école. Donc, il est bien entendu que le gouvernement n'entend pas contester cette responsabilité première du parent quant à l'éducation de son enfant à l'assomption de sa différence sexuelle, et de tout ce qu'elle implique, et de tout ce qu'elle comporte.

Je pense qu'il sera aussi facile de faire l'unanimité sur un autre point. C'est que l'éducation sexuelle ou l'éducation à la sexualité ne peut pas être séparée de la formation ou du développement général ou global de l'enfant. Fernand Séguin disait récemment qu'il n'y a pas à s'en étonner, nous sommes notre corps et, en ce sens-là, il nous faut connaître notre corps. Nous sommes également autre chose que notre corps. Nous sommes chacune de ses autres composantes qui constituent la nature humaine. Nous sommes notre esprit, nous sommes notre âme, nous sommes nos sentiments. Mais il demeure que la différence sexuelle imprime une coloration en même temps qu'un rôle social tout à fait particulier qui doit être connu et qui doit être intégré, qui fait partie du développement. C'est en ce sens que l'éducation sexuelle doit trouver place à l'intérieur d'une éducation intégrale ou globale où doivent être connues, pour une intégration éventuelle, les autres composantes de notre nature. C'est la raison pour laquelle je considérerais impensable que l'éducation sexuelle se limite à une instruction sexuelle et impensable également une éducation sexuelle qui ne s'arrimerait pas avec d'autres volets de l'éducation et en particulier avec celui de la formation personnelle et de la formation sociale.

Il reste cependant que cette éducation sexuelle, dont les parents ont la première responsabilité et dont un temps fort sont les premières années de la vie, ne s'effectue pas toujours dans les meilleures des conditions. Beaucoup de parents ne réussissent pas à transmettre a leurs enfants les éléments cognitifs nécessaires en vertu de conditionnements, ou soit à cause d'un savoir limité, ou en vertu de tabous aussi, qui peuvent constituer une censure qui bloque la communication, laissant l'enfant impuissant devant des questions qu'il ne peut s'empêcher de se poser, surtout avec une curiosité qui lui est naturelle. Il est donc important, pour ne pas dire essentiel, que l'école, à son tour, prenne le relais des parents. Il faut que l'école puisse transmettre à l'enfant des questions qui lui viennent tout naturellement et surtout les réponses à ces questions, d'autant plus que nous vivons dans un monde où les instruments de communication, les médias de communication sont très importants, très développés et apportent à l'enfant soit des réponses ou des non-réponses.

Nous savons aussi que l'enfant ne vit pas seul dans la société. Il est entouré d'autres personnes qui peuvent avoir leurs problèmes, leurs difficultés avec leur propre sexualité et qui peuvent constituer, à l'occasion, des agents agresseurs pour l'enfant, a quelque sexe qu'il appartienne.

Pour que l'éducation à la sexualité se fasse dans les meilleures conditions, il importe donc que l'école puisse donner un savoir, puisse intégrer un savoir spécifique sur la sexualité, intégrer ce savoir avec les autres que l'enfant doit connaître sur le plan personnel et social, et c'est là l'objet. C'est un savoir également qui doit le protéger contre les agressions éventuelles, un savoir qui lui permettra de se connaître et de se développer dans les meilleures conditions. Ce sont là toutes les raisons pour lesquelles l'école doit assumer un rôle important bien que complémentaire à celui des parents. C'est la raison pour laquelle le ministère de l'Éducation a assumé ses responsabilités par la préparation d'un premier projet de programme en 1976, projet de programme qui a été laissé pour ses modalités d'implantation aux commissions scolaires. Une cinquantaine l'ont fait avec un succès relatif puisqu'une enquête récente nous a fait savoir que les commissions scolaires dans leur très grande majorité ne sont pas satisfaites des programmes actuels, facultatifs, d'éducation sexuelle et qu'elles demandent au ministère d'assumer plus largement ses responsabilités dans ce domaine.

C'est à la suite de ces demandes légitimes du milieu que le ministère a préparé un premier projet qui a été soumis à la lecture comme tous les autres projets de spécialistes en la matière et qui a été aussi expérimenté dans un très petit nombre de commissions scolaires et soumis à la consultation dans un certain nombre d'autres. À la lumière des ces opinions, avis, expérimentation, commentaires, nous achevons actuellement la rédaction d'un deuxième projet. Je pense que, lorsqu'il sera connu, on évitera de répéter les aberrations, les faussetés démagogiques ou maladives qui ont été colportées au cours des derniers mois.

J'entends aussi non seulement soumettre ce projet aux voies usuelles d'examen, d'analyse, de critique et d'approbation du ministère, qui culminent dans la présentation du projet au comité catholique et au comité protestant, mais j'entends également le soumettre à la réflexion critique d'un certain nombre de représentants de la population qui l'étudieront sous tous les angles, quant aux objectifs, quant au contenu, quant aux modalités d'implantation, quant au rôle respectif qu'y doivent jouer les parents, les enseignants, le personnel non enseignant, les

comités d'école et aussi quant à son caractère facultatif ou obligatoire.

J'annonce aujourd'hui la création de ce comité-conseil qui sera saisi du projet dès qu'il sera terminé et qui me fera rapport d'ici quelques mois. J'annoncerai bientôt la composition de ce comité-conseil.

Donc, nous entendons prendre toutes les précautions, toutes les garanties, de toutes les assurances nécessaires pour que ce projet rejoigne exactement, fidèlement les préoccupations des parents, les besoins des enfants. Je pense qu'en cela, nous serons parfaitement conformes aux orientations exprimées récemment dans le document qu'ont fait paraître les évêques du Québec. Aussi, j'entends prendre toutes ces assurances pour que le programme atteigne véritablement les objectifs que nous nous fixons et qui sont le développement intégral, harmonieux de l'enfant, qui lui permettra d'assumer sa différenciation sexuelle dans toute ses dimensions, qui lui permettra de se développer harmonieusement et qui lui permettra aussi de se protéger contre les dangers de tous ordres qui existent dans ce domaine, que l'on parle des maladies physiques ou morales qu'il faut éviter ou qu'il s'agisse des agressions dont je parlais tout à l'heure, ou qu'il s'agisse aussi de toutes ces difficultés qui guettent l'harmonisation effective, pratique des divers rôles sexuels en société.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a abordé également le problème de la loi 71 et de son contenu. Je rappelle que la loi 71, qui a été adoptée, il y a quelques années, avait des objectifs très précis, et je comprends que le député de Marguerite-Bourgeoys s'inquiète de savoir en quelle mesure nous avons pu travailler à la réalisation de ces objectifs.

Le but premier de la loi 71, c'était de favoriser la réalisation d'un projet éducatif pour chaque école et d'y assurer la participation des élèves, des parents, du personnel de l'école et de la commission scolaire. Pour la première fois, l'école y était définie en vue de donner à cette école un statut. Dans la loi, on voit que l'école doit devenir une entité institutionnelle à l'activité de laquelle, encore une fois, participent tous les agents et intervenants de l'école.

Dans ce projet de loi, nous avions complété d'autres lois antérieures, en profitant de l'expérience des dernières années, pour mieux situer le rôle du comité d'école, pour donner à ce comité d'école une plus grande souplesse et pour mieux définir non seulement sa composition, mais son fonctionnement. Nous avions aussi accordé une grande importance au directeur d'école, nous avions tenté de préciser ses responsabilités.

Je pense qu'on peut dire, M. le Président, qu'après deux ans, les objectifs que se fixait la loi 101 n'ont pas été atteints, mais qu'ils sont en voie de réalisation avec un succès inégal...

Une voix: 71.

M. Laurin: 71?

M. Lalonde: Vous avez dit 101.

M. Laurin: 71.

M. Lalonde: II se comprend. Nous aborderons cela au programme 11.

M. Laurin: ...selon les régions et selon les secteurs.

Je pense que je puis dire que plusieurs écoles sont en train de travailler maintenant à leur projet éducatif, projet éducatif que nous avons défini par des publications qui en étudient chacun des aspects et par d'autres publications également qui se voulaient plus pédagogiques et qui indiquaient certaines façons de procéder pour que ce projet éducatif, propre à chaque école, répondant aux besoins de son milieu, puisse devenir un sujet de préoccupation commun pour tous les agents de l'école. Dans plusieurs régions, dans plusieurs écoles, les projets éducatifs sont en bonne voie d'élaboration - je ne dis pas de réalisation - mais d'élaboration et c'est là pour moi ce qui est le plus important. Je pense que le message a été compris. Je pense que ce besoin auquel correspond le projet éducatif s'est incarné dans la concertation qui est nécessaire pour cette élaboration du projet éducatif.

Le projet de loi no 71 prévoyait une structure: le conseil d'orientation. Je pense que sur ce point, nous avons eu moins de succès. Remarquons que la réalisation du projet éducatif n'est pas nécessairement liée à la mise sur pied d'un conseil d'orientation, bien qu'elle puisse y aider considérablement, bien qu'elle puisse le favoriser. Mais je tiens quand même à établir une distinction entre la visée essentielle de la loi, qui était la mise en place d'un projet éducatif, et le conseil d'orientation qui, tout en étant important, souhaitable, constitue, à mon avis, une structure, donc, quelque chose qui doit être mis au service de la visée du projet éducatif. (16 h 30)

Comme je le disais tout à l'heure, nous avons eu moins de succès dans la mise en place de ces conseils d'orientation. Les syndicats d'enseignants y ont vu ou un piège, ou une menace, y ont vu peut-être une dilution éventuelle de leur rôle. Il faut bien comprendre que, jusqu'ici, ce sont les syndicats d'enseignants qui ont été les interlocuteurs privilégiés du gouvernement dans la négociation des conventions

collectives, conventions collectives par le biais desquelles ils avaient l'intention et la volonté de travailler à une amélioration de la qualité de l'école. Ils ont donc vu dans ce conseil d'orientation un moyen qui risquait de court-circuiter leur action dans d'autres domaines, qui risquait de diluer leur importance ou leur place ou leur statut au sein même de l'école et ils se sont opposés à ce que leurs représentants participent à la mise en place de ces conseils d'orientation. Cette réticence ou cette opposition, bien qu'exprimée d'une façon officielle et générale, n'a quand même pas empêché la constitution d'un certain nombre de conseils d'orientation, mais je dois avouer que le nombre en est encore limité et loin de ce que nous pouvions attendre.

En ce qui concerne les comités d'école, cependant, je pense qu'il y a lieu de se féliciter de l'évolution de la situation. Je participais, en fin de semaine, au congrès de la Fédération des comités de parents et j'y ai appris avec joie qu'au moment où nous nous parlons 40 000 parents participent continuellement, au sein de leur comité d'école, à la vie de l'école au moyen de réunions hebdomadaires, en s'insérant dans le vécu de l'école, en participant très souvent aux décisions très importantes qui se prennent au niveau de l'école.

Dans notre loi, nous avions voulu être souples, nous avions donné une liste des sujets sur lesquels le comité d'école devait être consulté par la commission scolaire. Je les énumère juste pour fins de rappel: les orientations propres à l'école, le projet éducatif et son contenu, les modalités d'application du régime pédagogique, le choix des manuels scolaires, du matériel didactique, le choix des activités éducatives, la réglementation relative à la conduite des élèves, la détermination des critères pour l'engagement du directeur, les modalités d'intégration des enfants éprouvant des difficultés d'adaptation, les mesures de sécurité, et ainsi de suite.

Pour nous, cette liste n'était pas exhaustive; pour nous, ceci ne constituait pas une obligation de s'en tenir à cette liste que je viens d'énumérer. Le comité d'école peut y ajouter, peut en retrancher; en somme, il peut exiger de la commission scolaire d'être consulté sur les points qu'il déterminera lui-même. On me dit que les comités d'école ont pris cette responsabilité très au sérieux et qu'effectivement ils sont maintenant consultés par les commissions scolaires sur la plus grande partie des points que je viens de mentionner, en particulier sur celui des fermetures d'école. Je pense que c'est là un progrès dans cette direction que j'esquissais ce matin de l'école vue comme un lieu de concertation, un lieu de participation. Je pense que ceci nous oblige à continuer dans le même sens et à accorder à l'école une importance de plus en plus grande, à l'école comme entité institutionnelle.

Dans cette loi 71, nous parlions aussi du directeur d'école. Je pense qu'il convenait enfin de mieux préciser son rôle, ses fonctions, ses responsabilités. Le directeur d'école est le premier des enseignants, on l'a déjà appelé comme cela puisqu'on disait de lui "le principal"; il est donc investi d'abord d'une mission éducative et il joue à ce titre un rôle d'animateur, un rôle de ferment dans l'école. Je pense qu'on ne rappellera jamais assez aux directeurs d'école que voilà leur mission essentielle, leur mission principale. Mais il arrive que le directeur d'école se voie aussi investi par la commission scolaire d'un rôle administratif qui est devenu de plus en plus important au fur et à mesure que l'éducation devient plus complexe, dans tous les sens du terme. Il est donc obligé également d'assumer cette fonction administrative. Elle est d'autant plus complexe que les personnels se sont multipliés au sein de l'école, non seulement avec des spécialistes de chacune des disciplines, mais également nous avons vu arriver dans l'école du personnel non enseignant, qu'il s'agisse de l'infirmière, qu'il s'agisse du psychologue, de l'orthopédagogue, qu'il s'agisse aussi du personnel de soutien, qui jouent un rôle également important dans l'école.

Il y a donc là un rôle administratif en même temps qu'humain très important. Il faut appliquer à chacun de ces corps d'emploi les dispositions contenues soit dans les conventions collectives, soit dans les directives gouvernementales ou les directives de la commission scolaire locale ou régionale. C'est un problème complexe, difficile, et il convient que ce rôle du directeur d'école soit précisé, et aussi, en même temps, qu'on lui donne les moyens de se préparer à assumer ces fonctions par des cours de perfectionnement qui, à mon avis, devraient être plus étendus, plus nombreux, plus approfondis. Je rejoins ici la préoccupation du député de Saint-Henri, malgré cette tâche administrative qui ne cesse de s'accroître, je pense, en effet, qu'il faudrait toujours réserver une place primordiale, pour ne pas dire essentielle, à la première fonction du directeur d'école, qui est d'abord une fonction éducative et c'est dans ce sens que nous poursuivons nos négociations avec la Fédération québécoise des directeurs d'école.

Pour compléter ce tour d'horizon de la loi 71, sans pouvoir rapporter progrès comme je le souhaiterais sur tous les éléments, je pense qu'elle constitue une étape vers la réalisation d'un objectif que nous nous sommes fixé, de meilleure qualité de l'éducation, de contribution, de participation plus importante et améliorée de la part des parents à la direction de l'école, à la vie de

l'école, au vécu de l'école, vers la mise en place d'un projet éducatif qui commence à prendre forme dans un très grand nombre d'écoles, tout ceci devant nous mener, j'en suis sûr, vers cette conception de l'école que j'esquissais tout à l'heure, comme lieu principal de l'activité éducative en même temps que pôle communautaire et ferment social.

Le député de Marguerite-Bourgeoys et la députée de Jacques-Cartier ont aussi abordé le problème de l'intégration scolaire des enfants en difficulté. Le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas fait une distinction que j'aurais aimé lui voir faire, car il y a des degrés, il y a des niveaux dans les déficiences ou les handicaps dont sont affectés les enfants. On ne peut, par exemple, adopter des mesures identiques ou similaires à l'endroit des enfants lourdement handicapés et à l'endroit des déficients légers. Je pense que chacune de ces catégories appelle un traitement différent.

Le ministère de l'Éducation, autant sous l'ancien gouvernement que sous le gouvernement actuel, s'est toujours intéressé grandement au cas des enfants lourdement handicapés, car nous partageons sûrement cet objectif et cette philosophie, il est bien suffisant qu'un enfant soit affligé par la nature d'un handicap sans qu'on y ajoute par la négligence ou l'incurie dont il pourrait être l'objet dans une des dimensions les plus fondamentales de son développement, c'est-à-dire l'éducation.

En ce qui concerne les handicapés lourds, je pense que nous avons continué depuis quatre ans l'effort entrepris dans les années antérieures. Nous tentons le plus possible de les scolariser, de leur apporter cette chance, cet élément indispensable de développement que constitue une éducation de qualité. Malgré les handicaps dont ils souffrent, que ce soit un handicap sensoriel -je pense aux visuels, aux aveugles, aux sourds - que ce soient des handicaps moteurs, que ce soient des handicaps neurologiques, que ce soient des handicaps affectifs ou des handicaps psychologiques, nous tentons de les scolariser par tous les moyens, mais il est évident que, lorsque le handicap est trop lourd, nous ne pouvons pas scolariser ces enfants dans des classes régulières. Même si c'est là notre visée essentielle pour des fins d'insertion sociale, de développement social, il est évident que nous ne pouvons pas le faire pour tous et particulièrement pour le cas des handicapés lourds.

Nous avons donc, pour un certain nombre d'entre eux qui sont plus profondément affectés, gardé des classes spéciales, en les dotant de tous les moyens nécessaires. Voilà justement un secteur où il faut multiplier les moyens et, Dieu merci, la science nous procure des instruments, des outils et un savoir de plus en plus considérables.

Je ne pourrais pas dire au député la somme d'argent que nous consacrons par élève à ces étudiants lourdement handicapés, mais je ne crois pas être loin de la vérité en disant que nous y consacrons probablement trois fois plus d'argent que pour l'élève régulier, justement parce que nous tenons, dans un souci d'égalité des chances et de justice, à réparer, dans toute la mesure du possible, leur handicap naturel.

Grâce à l'expérience que nous avons poursuivie dans ce domaine depuis quelques années et également aux expériences pilotes que nous poursuivons, nous en arrivons au point où nous serons bientôt en mesure de mettre sur pied des plans de services définis pour cette catégorie d'élèves. Dans ce domaine, nous travaillons en liaison étroite avec le ministère des Affaires sociales et, comme je viens de le dire, nous atteindrons le point où nous serons en mesure probablement cette année déjà, et davantage l'an prochain - de mettre sur pied des plans de services qui répondront d'une façon appropriée aux besoins de ces élèves, qu'il s'agisse des enfants autistiques, des enfants lourdement handicapés sur le plan sensoriel ou même d'enfants qui souffrent de handicaps multiples, ce qui est véritablement le cas le plus grave.

Lorsque nous parlons des déficients légers, la situation est bien différente. Là, nous entendons poursuivre, d'une façon beaucoup plus affirmée, beaucoup plus générale, les objectifs que nous nous sommes fixés, qui sont, d'abord, d'éviter la marginalisation, mais, plus positivement, l'intégration aux classes régulières des déficients légers.

Je pense que, grâce aux efforts qui ont été faits au cours des deux ou trois dernières années et qu'annonçait notre énoncé de politique, il y a déjà près de 30 000 élèves qui ont pu être intégrés aux classes régulières. J'espère bien que la progression va continuer dans ce domaine. Il n'y a pas de place, pour ces élèves, il n'y a pas de place pour les voies allégées que nous avons connues, il n'y a pas de place pour la ségrégation, il n'y a pas de place pour la marginalisation.

Je rappelle cependant au député de Marguerite-Bourgeoys que nous ne sommes pas les seuls responsables de ces programmes. Les commissions scolaires ont également un rôle important à jouer. Et particulièrement, ce sont les commissions scolaires qui sont responsables des modalités de l'intégration des déficients léqers dans les classes régulières, à même les enveloppes financières que nous leur fournissons, enveloppes financières maintenant régies par la méthode du budget fermé, enveloppes financières où il y a transférabilité possible

d'un poste à l'autre. Donc nous comptons sur les commissions scolaires pour que cette intégration aux classes régulières continue de s'effectuer de la façon la plus rapide possible, la plus efficace possible et la plus harmonieuse possible. (16 h 45)

Je sais que nous entendons assez souvent des plaintes à cet effet. Il semble que, dans certaines écoles ou dans certaines régions, cette intégration ne corresponde pas au tableau que je viens de dresser, soit que l'on dise que l'intégration ne s'y fasse pas ou qu'au contraire l'intégration se fasse en ne ménageant pas les étapes de transition ou en ne fournissant pas aux enseignants les mesures d'appui ou de soutien que pourraient leur procurer, par exemple, certains personnels spécialisés non enseignants.

Encore une fois, bien que nous entendons assumer notre responsabilité dans ce domaine - et nous rappellerons à cet égard nos positions antérieures - il reste que nous avons besoin de la participation des commissions scolaires qui pourront, à cet égard, utiliser les enveloppes que nous leur dispensons et qui nous paraissent suffisantes. Il est possible qu'en période de compressions les commissions scolaires puissent ne pas s'estimer satisfaites du personnel de soutien dont elles peuvent disposer à cet égard. Mais il faudrait qu'elles nous en fassent la preuve. De toute façon, elles ont, encore une fois, une certaine latitude à l'intérieur du budget qu'elles ont et il leur revient d'affecter à ce secteur, de préférence à un autre, le personnel ou les mesures qu'elles estimeraient indispensables pour cette intégration harmonieuse des déficients légers.

Je rappelle aussi au député de Marguerite-Bourgeoys que, dans ce domaine, dans ce secteur, nous avons mené, depuis deux ans, 117 projets pilotes qui intéressent surtout le secteur des déficients légers, mais aussi parfois certains élèves affectés de handicaps plus lourds. À la fin de ces deux années où nous avons mené ces projets pilotes, arrive pour nous le moment de les analyser, de les critiquer, d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Dans ce domaine, également, nous aboutirons à la mise en place de plans de services qui nous permettront, je l'espère en tout cas, d'atteindre encore plus rapidement les objectifs que nous nous sommes fixés.

Cette année, nous procéderons à l'analyse de ces 117 projets pilotes. Ceux qui bénéficiaient de ces projets pilotes continueront à en bénéficier en dépit des compressions budgétaires. Après cette période d'analyse, nous reprendrons, je l'espère, une marche en avant qui nous rapprochera de l'atteinte de notre objectif.

Le député de Marguerite-Bourgeoys, aussi, a touché le problème de l'enseignement professionnel. Voilà un autre problème qui ne date pas d'aujourd'hui, qui est très important, qui a donné lieu à...

M. Lalonde: Est-ce que je pourrais interrompre le ministre, juste avant qu'il aborde un nouveau sujet?

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Nous avons écouté et j'écoute encore avec beaucoup d'intérêt les propos du ministre, même si cela fait une heure et quelques minutes.

Le temps est assez limité. Je voudrais simplement être sûr que tous les autres membres sont d'accord pour qu'on procède comme cela. En ce qui me concerne, cela me satisfait. Le ministre pourrait peut-être nous dire à peu près vers quelle heure il va pouvoir finir.

M. Laurin: J'essaie de ne pas trop m'attarder sur chaque sujet, mais, comme vous avez abordé plusieurs sujets, j'essaie d'y répondre le plus adéquatement possible.

M. Lalonde: D'accord?

M. Laurin: L'enseignement professionnel a donné lieu à un premier projet de politique du ministère de l'Éducation qui a fait l'objet déjà d'une très vaste consultation dans les milieux intéressés. Nous avons reçu ces consultations, mais, malgré l'ampleur de cette consultation, nous avons bien été obligés de constater que nous étions loin de l'unanimité. Il y avait des points de vue contradictoires, opposés, divergents; il y avait aussi de profondes nuances dans les opinions exprimées selon qu'elles provenaient de tel ou tel secteur de l'opinion. C'est pourquoi nous avons jugé bon de préparer un nouveau projet dont je vais vous parler tantôt. Mais il reste, cependant, que la consultation nous a aussi permis de dégager des consensus, certains points sur lesquels toutes les opinions se rejoignaient, et c'est ce consensus qui nous a permis d'introduire dès maintenant dans les régimes pédagogiques les premiers éléments d'une politique de l'enseignement professionnel. C'est, par exemple, la consultation qui nous a confirmés dans notre intention de mettre davantage l'accent sur la formation générale, d'y consacrer une année supplémentaire, qui nous a incités à reporter d'un an, en troisième année du secondaire, un premier choix d'option, qui nous a incités à prévoir une sixième année de spécialisation professionnelle, qui nous a convaincus qu'il fallait mettre fin à ce que j'appelais tout à l'heure la voie allégée et ce que je pourrais peut-être appeler autrement maintenant, la voie du professionnel court, qui nous a amenés en somme à décloisonner l'enseignement qui se dispense aux premières

années du secondaire, qui nous a incités aussi à instituer des voies de passage entre ce qu'on appelait anciennement la voie allégée, le professionnel court, et le courant général de l'enseignement du secondaire.

Nous n'avons pas voulu que les élèves, soit dans la voie allégée ou dans le professionnel court, considèrent que c'était là pour eux une voie de garage ou une voie de terminus. Nous sentons que, si nous améliorons l'enseignement, un plus grand nombre d'élèves voudront probablement, du fait qu'ils en profitent, reprendre leur place dans le courant général, continuer leur progression soit vers le cégep ou soit vers la spécialisation professionnelle à la fin de la cinquième année du secondaire.

Donc, déjà, nous avons appliqué certains résultats de la consultation que nous avons menée, mais il reste, évidemment, beaucoup de problèmes dans l'enseignement professionnel sur lesquels il nous faut travailler davantage.

Le député de Marguerite-Bourgeoys m'a demandé de lui expliquer brièvement ou de lui énoncer brièvement les thèmes majeurs qui constitueraient l'assise de notre deuxième projet. C'est avec plaisir que je me rends à sa demande.

Le nouveau projet que nous préparons et qui fera l'objet d'échanges à l'automne avec tous les agents du milieu que nous avons déjà consultés aura une approche qui s'inspirera de la mission éducative du ministère. Donc, on ne cherchera pas, à la faveur d'une politique de la formation professionnelle, à faire oeuvre de politique de main-d'oeuvre, de travail ou même de développement économique et industriel. C'est en abordant les problèmes et les solutions sous l'angle proprement éducatif que le ministère peut le mieux remplir sa mission, respecter ses compétences et participer valablement à l'élaboration de politiques gouvernementales plus globales.

Deuxièmement, nous parlerons d'une exploration conceptuelle et sémantique du thème professionnel qui permette d'en saisir la diversité et la foncière unité de même que les enjeux réels. Ce sera l'occasion de bien cerner des facteurs comme la longueur de la formation professionnelle, son caractère terminal, la largeur et la profondeur de ses bases, ses niveaux de spécialisation, son impact sur la promotion individuelle, sur la mobilité professionnelle, sur la productivité nationale, etc. Ces clarifications conceptuelles devraient donc avoir un certain effet démystificateur.

Nous tenterons ensuite d'élaborer une problématique qui sera articulée selon les niveaux d'enseignement. Au secondaire, par exemple, variétés des situations, problèmes de l'école obligatoire, objectifs de l'école, polyvalence, enjeux pédagogiques, problèmes du professionnel court, etc. Au collégial, cours communs obligatoires, polyvalence, enjeux pédagogiques, centres spécialisés, incitation sectorielle, développement rationnel des programmes, etc. À l'universitaire, objectifs du premier cycle, liens avec les corporations professionnelles, développement rationnel des programmes, etc. Enfin, en formation des adultes, souplesse des stuctures d'accès, reconnaissance des acquis, développement rationnel des services, etc.

Nous essaierons, bien sûr, de tenir compte des recommandations de la commission Jean en cette matière. Nous aborderons aussi, en même temps, après ces particularités propres à chaque niveau, des éléments systémiques, des éléments communs d'ordre systémique comme, par exemple, le décloisonnement, la reconnaissance des acquis, la carte des programmes et des services, les liens avec le monde du travail et de l'entreprise, la formation pratique, les services d'information et d'orientation, la formation et le perfectionnement des formateurs, le problème des décrocheurs -auquel on a fait allusion tout à l'heure - la nécessité d'une politique de la main-d'oeuvre. Enfin, nous parlerons d'orientations et de mesures qui ont fait l'objet de choix historiques, sinon de mise en oeuvre pleinement satisfaisante.

Nous réitérerons notre volonté collective d'accroître le niveau général de formation et de scolarisation, d'instaurer la polyvalence, de valoriser la formation fondamentale, de démocratiser, de décloisonner les services éducatifs, de promouvoir l'éducation permanente, de contribuer, par le système scolaire, au développement culturel, social et économique des régions ainsi que de l'ensemble de la collectivité.

Finalement, nous essaierons d'arrimer cette politique avec les autres politiques, avec les autres choix qui ont été formulés dans d'autres politiques venant d'autres secteurs ou d'autres ministères comme, par exemple, la politique québécoise de développement culturel, l'école québécoise, le développement scientifique, "Bâtir le Québec", l'avenir des universités et la formation des maîtres.

Nous terminerons ce projet en lançant dans le milieu des hypothèses quant aux orientations, mais aussi quant aux moyens d'action que nous entendons, en tant que société, mettre en oeuvre au cours des prochaines années, hypothèses qui tiendront compte, évidemment, du partage nécessaire des responsabilités entre le ministère et les divers niveaux d'enseignement.

Voilà donc ce à quoi nous pensons. Encore une fois, j'espère que notre réflexion, qui se poursuit à un rythme accéléré, nous permettra de présenter à la population dès cet automne ce projet que nous entendons soumettre à la discussion.

Enseignement primaire et secondaire public

Le Président (M. Rodrigue): J'appelle l'étude du programme 4 et de ses éléments 1, 2 et 3.

M. Laurin: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Rodrigue): Je m'excuse.

M. Lalonde: M. le Président, nous avons probablement la même pensée.

Le Président (M. Rodrigue): J'avais l'impression que vous aviez terminé, je m'excuse, M. le ministre.

M. Laurin: Si je me réfère aux questions qu'on m'a posées ce matin, j'en aurais encore cinq: la question des abandons scolaires, des anglophones...

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce qu'on ne pourrait pas les prendre dans les programmes spécifiques?

M. Laurin: Je n'ai aucune objection.

M. Lalonde: Je ne voulais pas, j'hésitais à interrompre le ministre...

M. Laurin: Quand on me pose des questions, j'aime bien y répondre.

M. Lalonde: ... parce que sa contribution, sa connaissance des réalités du ministère est exceptionnelle dans l'exposé qu'il vient de faire. Toutefois, notre temps est limité. Peut-être que nous pourrons aborder les autres questions que j'avais annoncées, plutôt que posées, dans mes observations du début, lorsque nous arriverons à ces programmes.

Je remercie donc le ministre de ses réponses qui ne satisfont pas toutes les appréhensions et les questions que nous avons à poser, mais qui donnent quand même, d'une façon honnête, l'état de la question pour chacune des interrogations que nous avions et qui ouvrent aussi la porte à d'autres questions. (17 heures)

J'aimerais que les membres se sentent parfaitement libres d'intervenir à quelque niveau que ce soit. Nous abordons le programme 4. Donc, comme on l'avait fait, je pense, l'an passé, on commençait par l'enseignement primaire et secondaire public. Il y a plusieurs des questions qui ont été posées et des réponses qui ont été données qui sont dans ce programme.

M. Laurin: Pourrais-je demander au député de Marguerite-Bourgeoys, pour raccourcir un peu nos délibérations... J'avais préparé une introduction à l'étude du programme 4 comportant un certain nombre d'éléments. Étant donné qu'on a pris un peu de temps pour répondre aux questions que vous m'aviez posées, je demanderais l'autorisation de déposer le document à la commission avec permission qu'il soit reproduit au journal des Débats. En même temps, évidemment, je vais en faire parvenir une copie aux membres de la commission. Ils pourront le lire à loisir et peut-être en nourrir leurs prochaines questions lors de notre réunion ultérieure. C'est pour épargner du temps...

M. Lalonde: Oui. J'accueille avec beaucoup d'enthousiasme cette suggestion, M. le Président.

Le Président (M. Rodrigue): Le ministre de l'Éducation dépose le document de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire public.

M. Lalonde: II n'y a pas de dépôt de documents en commission, mais c'est une demande pour qu'il soit reproduit comme s'il avait été lu a la commission.

M. Laurin: C'est cela.

Le Président (M. Rodrigue): II peut y avoir dépôt, mais on ne fera pas de débat là-dessus.

M. Lalonde: Oui, à moins qu'il n'y ait une nouvelle jurisprudence.

Le Président (M. Rodrigue): Non? Vous avez raison.

M. Laurin: L'éducation préscolaire et l'enseignement primaire et secondaire public. Le secteur de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire public constitue le plus imposant programme du ministère de l'Éducation. Sans doute aussi le plus important quant aux valeurs et aux enjeux d'accessibilité et de démocratisation qui y sont impliqués.

Les suites de l'École québécoise. Depuis la parution de l'École québécoise, plusieurs gestes législatifs et administratifs ont été posés, qui ont commencé à modifier les structures et les pratiques de nos écoles.

Ainsi, la Loi sur l'instruction publique a été amendée pour permettre l'émergence de projets éducatifs locaux et la création des conseils d'orientation, comme aussi pour assurer la représentation des parents au Conseil des commissaires et pour mieux définir le rôle du directeur d'école. Les nouveaux régimes pédagogiques ont aussi été adoptés et promulgués, de même que des mesures spéciales concernant l'éducation en

milieux défavorisés et l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. De plus, une politique de l'évaluation pédagogique a été lancée, un projet relatif aux services personnels et collectifs offerts aux élèves est en cours de consultation et une politique de la formation professionnelle des jeunes est en voie d'élaboration.

Quant aux nouveaux programmes d'études, plusieurs ont été publiés; d'autres le seront prochainement. Ainsi, au primaire, les programmes de français langue maternelle, de sciences de la nature, d'arts, d'éducation physique et de mathématiques ont été lancés. Suivront, à l'automne 1981, les programmes de français langue seconde, d'anglais langue seconde, de sciences humaines. S'ajouteront ensuite les programmes d'anglais langue maternelle, d'enseignement religieux protestant, de formation personnelle et sociale et d'activités manuelles. Tous les nouveaux programmes du primaire seront ainsi disponibles d'ici la fin de 1982. Au secondaire, le programme de français a été publié. En octobre 1981, ce sera au tour des programmes d'enseignement moral, d'éducation physique et d'écologie. Une douzaine d'autres programmes paraîtront au cours de 1982; quelques autres en 1983. Chaque programme sera accompagné d'un guide pédagogique, qui devrait soutenir les enseignants dans leurs tâches. Pour chaque programme, un devis sera également transmis aux organismes et aux maisons d'édition responsables de la préparation des manuels scolaires et du matériel didactique.

La nouvelle méthode d'allocation des ressources. C'est en 1980-1981 qu'était appliquée pour la première fois une nouvelle méthode d'allocation des ressources, dont la caractéristique essentielle est d'introduire la notion de budget fermé.

Les règles budgétaires de 1981-1982 comportent, quant à la méthode elle-même, peu de changements par rapport à celles de 1980-1981. Les modifications qui ont été apportées aux allocations de base visent à atténuer les disparités entre les commissions scolaires, notamment en ce qui a trait à la suppléance des enseignants et aux contributions de l'employeur. Elles consistent également en certains réajustements destinés à harmoniser la rémunération des enseignants avec les coûts réels. C'est ainsi qu'une restauration des salaires en fonction du vieillissement réel et un ajout de sommes destinées à combler certains écarts constatés en ce qui touche les droits parentaux ont accru l'équité dans la distribution des subventions. De même, un système de péréquation a été institué pour tenir compte de la faible capacité de taxation de certaines commissions scolaires qui, autrement, auraient été dans l'impossibilité de se donner une marge de manoeuvre sans augmenter indûment le fardeau de la taxe foncière de leurs contribuables. Ces subventions de péréquation visent donc aussi un objectif d'équité.

L'analyse préliminaire des états financiers démontre que la collaboration des commissions scolaires est satisfaisante. C'est ainsi que l'on a pu mettre au point des moyens plus efficaces pour contrôler les clientèles et pour établir des prévisions qui correspondent davantage à la réalité. De même, la nouvelle méthode d'allocation des ressources, caractérisée par le principe du budget fermé, a permis au ministère de l'Éducation de respecter le niveau de crédits alloués à l'éducation préscolaire et à l'enseignement primaire et secondaire public sans qu'aucun déficit ne soit enregistré et sans qu'on doive recourir à un budget supplémentaire.

L'ancienne méthode d'allocation des ressources, qui a été utilisée jusqu'en 1979-1980 et qui a causé tant de problèmes aux gouvernements actuel et antérieurs, est maintenant chose du passé. Bien sûr, l'ensemble du monde scolaire doit encore se familiariser avec la nouvelle façon de procéder, mais on peut d'ores et déjà affirmer que cette méthode facilite la gestion d'ensemble du système, tout en établissant des règles simplifiées et claires.

Les nouveaux régimes pédagogiques. L'année 1981-1982 marquera, pour l'éducation préscolaire et pour l'enseignement primaire et secondaire public, le début de l'application des nouveaux régimes pédagogiques.

Approuvés par le Conseil des ministres et rendus publics en février dernier, ces nouveaux règlements s'inscrivent dans la voie de la consolidation et de l'amélioration des services éducatifs dont L'École québécoise a tracé les grandes orientations. Ces régimes pédagogiques poursuivent essentiellement trois objectifs: faciliter l'accès de tous les jeunes Québécois à des services éducatifs de qualité, promouvoir l'égalité des chances en éducation, favoriser une personnalisation accrue de l'acte pédagogique.

L'un des changements majeurs découlant des nouveaux régimes pédagogiques consiste dans l'obligation faite aux commissions scolaires de dispenser un contenu minimal d'enseignement dans un nombre déterminé de matières. Le ministre de l'Éducation s'assurera ainsi, puisque la responsabilité lui en incombe, que tous les jeunes Québécois puissent s'innitier, à chaque degré du primaire, à des champs diversifiés de connaissance. Selon la répartition des matières au primaire, il sera possible, outre l'enseignement des matières de base usuelles, d'aborder des domaines aussi variés que ceux des arts, des sciences humaines et des sciences de la nature, alors que tout nous porte à croire que ces sujets ont été jusqu'ici passablement négligés, voire

totalement ignorés, dans plusieurs écoles primaires québécoises.

Cette exigence des nouveaux règlements requiert de l'école primaire qu'elle ne se confine pas à des objectifs d'ordre exclusivement cognitif, mais qu'elle accorde dorénavant une importance égale au développement affectif et social, au perfectionnement d'habiletés et d'attitudes exigées par l'amorce d'une formation générale, dont le secondaire assurera la suite logique et cohérente.

C'est dans les mêmes perspectives que, au secondaire, on reportera la spécialisation après la cinquième année, afin d'éviter de préparer hâtivement les élèves en fonction des besoins immédiats du marché du travail. Nous avons toujours la conviction qu'une formation générale, axée sur le développement de l'autonomie, de la connaissance de soi, d'un jugement sain et du sens des responsabilités, est plus propice à l'orientation adéquate des élèves et à leur mobilité de futurs travailleurs qu'une formation prématurément dominée par la spécialisation.

L'implantation des nouveaux régimes pédagogiques ne pourra évidemment pas se réaliser de façon improvisée et précipitée. La plupart de leurs dispositions exigeront même une planification minutieuse et diligente. Nous connaissons d'ailleurs pertinemment les difficultés que recèle l'introduction de changements aussi fondamentaux, de même que les défis exigeants auxquels les écoles, les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation devront faire face. Pensons ici, par exemple, au remplacement des programmes-cadres actuels par des programmes d'études au contenu plus précis et aux objectifs d'apprentissage clairement établis. Pensons aussi à l'intégration de certains élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage dans des classes régulières, une mesure de démarginalisation qui suscite des inquiétudes dans certains milieux, mais qui nous apparaît vraiment prioritaire. Enfin, pensons aux conséquences, également appréhendées en certains milieux, de la disparition du professionnel court. À ce propos, notons que le nouveau régime pédagogique ne vise pas à supprimer la clientèle de ce profil d'études, mais bien plutôt - progressivement, cela va sans dire -à modifier nos structures d'accueil, de manière à privilégier la formation générale et à différer les apprentissages strictement professionnels.

En somme, en raison de l'ampleur et de la portée du renouveau qu'ils proposent, les régimes pédagogiques exigeront d'être implantés dans un climat de réflexion, d'imagination et de collaboration. Je n'hésite pas à convier à ces tâches tous les agents de l'éducation.

Les crédits de 1981-1982. Pour l'éducation préscolaire et pour l'enseignement primaire et secondaire public, les crédits que nous demandons à l'Assemblée nationale s'établissent à 3 606 183 600 $. Il s'agit là, en année gouvernementale, d'une augmentation de 514 millions de dollars, soit de 16,6% par rapport à l'année 1980-1981. Pour ce qui est de l'année scolaire 1981-1982, l'augmentation des subventions destinées aux opérations courantes est de 326,5 millions de dollars, soit 10,8% par rapport à l'année précédente. Malgré la conjoncture actuelle, les sommes affectées à ce secteur s'accroissent donc, mais à un rythme plus modéré, mieux accordé à l'augmentation de la production nationale et à la décroissance de la population scolaire (qui est actuellement de 3% par année).

Le principal facteur de la croissance des dépenses est l'indexation prévue par les ententes nationales; on comprend facilement l'impact de ces ententes sur le budget du secteur, quand on sait que la masse salariale représente environ 3 milliards de dollars sur un montant global de 3,3 milliards de dollars.

Pour maintenir ainsi à 10,8% la croissance des dépenses de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire public, un certain nombre de choix budgétaires a évidemment dû être fait. Il faut constater, toutefois, que la marge de manoeuvre du gouvernement demeure très mince et que toute addition de ressources à l'un ou l'autre des articles de l'enveloppe budgétaire entraîne automatiquement une réduction proportionnelle à un autre article.

Le gouvernement a fait ses choix en fonction d'un grand critère de base: celui de l'accessibilité aux services éducatifs. Il a donc évité, dans toute la mesure du possible, de réduire ou de couper des services qui touchent directement l'élève. En conséquence, ce sont surtout les allocations supplémentaires qui absorbent la majeure partie des compressions, là où la réalisation des programmes n'a pas paru d'une nécessité vitale immédiate. Sans renoncer aux priorités gouvernementales, certaines mesures ont ainsi été supprimées, alors que d'autres devront être étalées sur une période plus longue.

Par contre, un montant de 10 000 000 $ est affecté aux activités de soutien pédagogique aux enseignants, particulièrement dans les domaines de l'éducation chrétienne, de l'adaptation scolaire, de l'enseignement des langues et de l'éducation physique. De même, certains ajustements ont été apportés aux paramètres utilisés dans le calcul de la masse salariale des enseignants, qui ont pour effet d'augmenter le niveau des ressources. Une somme de 2 000 000 $ a aussi été ajoutée au programme "Passe-Partout" - un programme qui s'adresse de façon spéciale aux milieux économiquement faibles - afin de

maintenir les activités d'animation des parents, qui complètent l'émission télévisée. Dans le même esprit, on a maintenu les budgets destinés à assurer l'accessibilité des enfants de quatre ans des milieux économiquement faibles à des services éducatifs de qualité.

En somme, les paramètres budgétaires transmis aux commissions scolaires permettent de respecter les ententes nationales et d'assurer une égale qualité à l'ensemble des activités éducatives. De plus, par une utilisation rationnelle des ressources qui lui sont allouées, le ministère de l'Éducation compte être en mesure de respecter les priorités gouvernementales, tout en tenant compte des objectifs du budget déposé à l'Assemblée nationale.

M. Lalonde: En ce qui concerne l'enseignement du français comme langue première, on sait les problèmes que l'enseignement du français a connus il y a quelques années. On sait aussi qu'un nouveau programme a été introduit. Je pense que c'est tout à fait récemment. Je ne pense pas qu'on soit en mesure d'en faire l'évaluation à ce stade-ci. C'est pour cette raison que, tout en déclarant notre intérêt très vif sur cette question, pour les mêmes raisons, j'imagine, que non seulement le ministre, mais toute personne qui respecte sa langue doit espérer qu'elle soit apprise, comprise, connue et développée chez chacun d'entre nous, je passe donc à la langue seconde, à moins qu'il n'y ait d'autres personnes qui voudraient parler de l'enseignement du français ou du nouveau programme, mais je pense qu'il a été introduit il y a seulement un an, je crois.

M. Laurin: Lequel?

M. Lalonde: Le nouveau programme d'enseignement du français.

M. Laurin: Tout est lancé, comme je l'ai dit tout à l'heure.

M. Lalonde: Cela fait un an?

M. Laurin: II y en a qui sont parus il y a un an. Il y en a qui sont plus récents, mais, à tous les niveaux du primaire et du secondaire, tout a été lancé. Les professeurs l'ont en main.

M. Lalonde: J'imagine - c'est pour cette raison que je ne pose pas la question, mais je soulève simplement le problème -que le ministre n'est pas en mesure ou le ministère n'a pas d'évaluation actuellement. Cela va prendre un certain temps.

Pour l'enseignement de la langue seconde, j'aimerais savoir quelles sont les méthodes d'apprentissage, quels outils le ministre ou le ministère a favorisés dans cette politique que, je crois, il nous a annoncée pour bientôt. Favorise-t-il les classes d'immersion ou l'enseignement intensif ou y a-t-il eu des expériences pilotes? Quelle évaluation a été faite?

M. Laurin: Vous allez me forcer à entrer dans une controverse extraordinaire. Il y a des écoles de pensée très nombreuses là-dessus. Je ne sais pas si vous vous êtes donné la peine de lire les nombreux articles de M. Wallace Lambert, de Mme DeBilly, de M. Bibeau, de M. Bessette. Il y a beaucoup de divergences de vues à cet égard. Les tenants de l'immersion disent que c'est véritablement la meilleure méthode, qu'elle permet, à cause du bain dans lequel baigne l'enfant, de s'imprégner non seulement de la lettre d'une langue, mais de son esprit, d'y ajouter la dimension psycho-affective et que les progrès aussi sont rapides, du fait qu'on y apprend la langue de tous les jours, la langue de communication, la langue des rapports sociaux. Donc, je ne veux pas résumer toutes la thèse de M. Lambert et de son école; M. Lambert qui a d'ailleurs fait école non seulement au Canada, mais dans d'autres pays. Par contre, les tenants de l'autre thèse disent que, pour que l'immersion soit efficace, il faut qu'elle se poursuive durant un bon nombre d'années, que, si cette période est trop rapide et que l'élève retourne dans son milieu naturel, selon l'âge qu'il a, il risque de perdre ce qu'il a gagné du fait que les racines ne sont pas assez profondes, qu'un effort insuffisant a été apporté à l'analyse, au fondement même de la langue, et que c'est un peu comme dans l'évangile: la plante n'a pas poussé assez profond et elle disparaît lorsque le vent souffle trop fort. C'est une des critiques que l'on fait à l'immersion qui d'ailleurs n'est pas une méthode, comme je le disais tout à l'heure, mais plutôt une modalité d'organisation qui se définit comme l'apprentissage d'une langue seconde par l'intermédiaire d'une ou d'autres disciplines.

Les tenants de l'autre école préfèrent au contraire un enseignement intensif d'une langue poursuivi durant une période peut-être plus concentrée, mais un enseignement intensif qui, cette fois, donne une connaissance verticale aussi bien qu'horizontale de la langue. Je ne veux pas prendre parti pour l'une ou l'autre école. Je pense qu'il est bon que des recherches se fassent par les tenants de l'une et l'autre école. Il nous reviendra probablement d'évaluer dans quelques années le bien-fondé de l'une ou l'autre modalité d'organisation de la langue. Mais, de toute façon, je ne pense pas que nous ayons à prendre parti. Comme je l'ai souligné à quelques reprises, il revient, je crois, aux commissions scolaires de faire les choix qui s'imposent dans ce

domaine.

M. Lalonde: Alors, le ministère ne favorisera pas d'outil l'un plus que l'autre, une école plus que l'autre. Est-ce que le ministère ou le ministre a fait une évaluation de l'expérience pilote à la commission scolaire de Mille-Îles, je pense? Quelle est l'évaluation que le ministère a faite de cette expérience?

M. Laurin: En fait, je ne sais pas si on peut faire une évaluation à l'heure actuelle. L'expérience de Mille-Îles s'est poursuivie quand même durant un certain temps, trois ans je crois, et ça commence à être important, intéressant, valable, lorsqu'une expérience se poursuit sur une période de temps aussi prolongée par des pédagogues, des chercheurs qui connaissent leur affaire. Les rapports qu'on nous en fait sont très intéressants. Ils sembleraient marquer, en effet, un certain nombre d'avantages pour cette méthode. Mais, les tenants de l'autre école critiquent férocement les résultats de l'évaluation que les chercheurs de Mille-Îles ont publiés. Ils y trouvent des failles, des lacunes; ils contestent certains des résultats; ils disent que la validation n'est pas assez profonde, quelle ne s'étend pas sur un assez grand nombre d'années, et le combat continue de rager entre les deux écoles de pensée et même entre les tenants de divers projets expérimentaux.

Malgré l'intérêt très profond que j'ai pour le sujet, aussi bien en tant que ministre de l'Éducation qu'en tant que psychologue et en tant que psychiatre, je pense que je ne suis pas en mesure actuellement, en tant que ministre de l'Éducation, de départager les opposants. Pour le moment, je préfère laisser se poursuivre les expériences en espérant que la continuation de la polémique et la décantation qui va inévitablement se faire vont nous permettre graduellement d'en arriver à des conclusions. À ce moment-là, le ministère pourrait peut-être peser d'une façon plus importante sur les choix décisionnels régionaux.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre favoriserait de subventionner des études pour ne pas laisser l'expérience...

M. Laurin: Nous l'avons fait.

M. Lalonde: ...s'éparpiller? Est-ce que vous allez continuer de le faire?

M. Laurin: Je n'ai pas les chiffres précis, mais je pense que M. le sous-ministre adjoint au primaire et secondaire pourrait en parler. M. Rousseau.

Pour l'année qui vient, nous continuons à financer les projets de recherche qui n'étaient pas terminés. Dans le cas de Mille-

Îles, nous pourrions vérifier pour vous donner le renseignement. Nous n'avons pas amorcé de nouveaux projets de recherche pour 1981-1982 sur cette question, nous continuons à financer les recherches qui n'étaient pas complétées.

M. Lalonde: C'est seulement à Mille-Îles que vous subventionnez de telles recherches?

M. Laurin: Pour 1980-1981, oui, mais il y en a eu d'autres, il y a eu Greenfield Park, au primaire, et d'autres projets aussi qui ont été subventionnés dans le passé.

M. Lalonde: Mais, pour 1981-1982, c'est seulement Mille-Îles?

M. Laurin: Je crois que oui.

Le Président (M. Leduc): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le ministre, pour l'enseignement du français, langue seconde, la CECM, secteur anglophone, pour les quatre ou cinq dernières années, a obtenu des fonds dans le cadre des projets novateurs et de recherche et, avec ces fonds, elle a été capable d'établir des objectifs de communication orale de français, langue seconde, basés sur l'approche fonctionnelle et notionnelle. Elle a aussi préparé un programme, de la première à la quatrième année, basé sur ces objectifs et des objectifs de communication écrite pour le deuxième cycle, c'est-à-dire quatrième, cinquième et sixième année.

La CECM - corrigez-moi si je me trompe - a fait une demande pour le recyclage de ses professeurs qui seraient affectés à de tels programmes et en plus elle élaborerait, parallèlement au programme d'expression orale, des programmes de communication écrite de sixième année en français, langue seconde. Est-ce que ce programme se meurt lentement, est-ce qu'il continue, qu'arrive-t-il?

M. Laurin: Je peux demander à M. Rousseau de répondre à ça.

Dans le cadre du recyclage et du perfectionnement, chaque commission scolaire a, pour chacun des enseignants - c'est prévu dans les conventions collectives - un montant de 141 $ pour les fins de perfectionnement. Dans le domaine des langues, que ce soit la langue maternelle ou la langue seconde, le ministère a investi plusieurs millions de dollars en perfectionnement et en recyclage depuis plusieurs années. Dans le contexte de la recherche de compression budgétaire, de lieux de compression, pour ces projets de perfectionnement, puisqu'ils peuvent être financés à même les montants prévus dans

les conventions collectives, le ministère a invité, par ses règles budgétaires, les commissions scolaires à établir leurs priorités et à choisir à même le budget de 13 000 000 $ qu'il y a actuellement à l'intérieur du réseau primaire et secondaire pour les fins de perfectionnement des maîtres.

Sur l'autre sujet, le ministère a reçu les demandes de la CECM pour le secteur anglophone. Cette demande s'accompagnait également d'une augmentation du temps d'enseignement pour les élèves du primaire d'à peu près deux heures par semaine, puisque, dans le secteur anglophone de la CECM, on espérait appliquer immédiatement la mesure qui était prévue dans le plan d'action, soit de permettre aux commissions scolaires de donner 25 heures d'enseignement par semaine à l'école primaire plutôt que 23 heures.

Vous comprenez que cette mesure, ce programme qui exige des sommes additionnelles pourra être une mesure acceptée par le ministère au fur et à mesure que le plan d'action s'appliquera, mais, pour l'année 1981-1982, il y a d'autres priorités qui ont été retenues. À l'égard du contenu de ces programmes, dans la préparation des programmes d'études du ministère pour le français, langue seconde, le projet de la CECM a été largement utilisé de même que le personnel de la CECM pour ces fins, ce qui veut dire qu'il n'y a pas du tout de désaccord quant aux objectifs poursuivis.

M. Cusano: Vous êtes d'accord avec l'élaboration du programme qui a été préparé pour la première à la quatrième année, mais il reste le programme des cinquième et sixième années. Alors, vous abandonnez, si je comprends bien, les programmes pour les cinquième et sixième années. Qu'est-ce que vous faites? (17 h 15)

M. Laurin: Le ministère de l'Éducation, avec la collaboration des enseignants spécialisés dans les commissions scolaires, dont ceux de la CECM, prépare actuellement un programme québécois du français, langue seconde, pour l'ensemble des commissions scolaires. Ce qui veut dire que l'apport de la partie du secteur anglophone de la CECM est un apport positif, un apport favorable, mais le ministère de l'Éducation a pris la décision de préparer des programmes précis pour l'ensemble du Québec plutôt que de financer les commissions scolaires dans la préparation de leur propre programme précis. Il y a donc une collaboration. Nous élaborons aussi un programme pour les cinquième et sixième années pour les langues secondes.

M. Cusano: Est-ce que la collaboration veut dire que vous allez chercher ces professeurs, les animateurs et les professeurs qui ont travaillé à ce programme, et vous les amenez au MEQ?

M. Laurin: II y a plusieurs prêts de service qui ont été transigés entre la CECM et le ministère de l'Éducation pour ce programme comme pour d'autres et, pour 1981-1982, il y en aura d'autres.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, au cours des dernières années, le ministère a investi des fonds dans le développement des programmes destinés aux enfants des milieux défavorisés. Je pense qu'il a été question, à un moment donné, dans le cadre des coupures budgétaires, que certains programmes soient touchés. Qu'est-ce qu'il advient du programme Passe-Partout, notamment, qui semblait donner de bons résultats, dans la région de Montréal en particulier?

M. Laurin: Oui, effectivement, le programme Passe-Partout a été un succès extraordinaire pour tous les enfants qui peuvent l'écouter, le suivre à la télévision, particulièrement dans les milieux défavorisés, parce que c'est probablement pour plusieurs le seul moyen d'entrer en contact avec les milieux éducatifs. C'est là qu'il a eu son plus plus grand succès. À cause des compressions budgétaires, nous avons dû diminuer les sommes qui étaient consacrées à l'animation du programme Passe-Partout, parce que, évidemment, lorsque nous parlons de sa pénétration dans les milieux défavorisés, cela inclut qu'il faut soutenir les programmes par des animateurs qui peuvent rencontrer les parents et qui peuvent prolonger l'effet de ces émissions. Nous avons dû diminuer le support financier que nous apportions, mais, heureusement, nous avons pu quand même en garder la partie essentielle. Je pense que nous pourrons consacrer cette année 2 000 000 $ au programme d'animation de Passe-Partout en milieu défavorisé.

Peut-être aussi pourrais-je ajouter que le maintien de ce programme d'animation nous permettra de rejoindre près de 12 000 enfants. Nous pourrons continuer à donner l'essentiel de ce que nous donnions, c'est-à-dire des services d'animation de parents, mais aussi la stimulation de la participation des parents à l'occasion de huit à dix rencontres annuelles que nous continuerons à tenir sous la responsabilité de l'animateur.

Dans le domaine de l'enfance défavorisée, nous avons dû effectuer d'autres compressions, mais, encore une fois, nous avons tenté de conserver l'essentiel. Par

exemple, nous allons maintenir les 182 maternelles quatre ans qui assurent des services éducatifs à plus de 5500 enfants qui donnent des services d'animation auprès des parents de ces enfants et qui assurent la participation des parents là où il y a des maternelles animation et des maternelles maisons. Je ne sais pas si tous les membres de la commission connaissent ces expériences de maternelle animation et de maternelle maison, mais disons que les maternelles animation sont constituées habituellement de neuf qroupes de six enfants. Une fois sur deux, l'éducatrice est présente à la rencontre d'enfants et, l'autre fois, le parent est seul avec le groupe de six enfants. Quant à la maternelle maison, elle permet une intervention auprès de cinq groupes de six enfants; le parent est présent une fois à toutes les six semaines. C'est ce que nous allons maintenir au cours de la présente année, en espérant qu'au cours de l'année qui vient, on pourra faire davantage, mais ceci ne limite pas cependant les efforts faits pour les milieux défavorisés, puisque - le député de Marguerite-Bourgeoys se le rappellera sûrement - dans la loi qui constituait le conseil scolaire de l'île de Montréal, on faisait une obligation au conseil scolaire de l'île de s'occuper d'une façon particulière des enfants des milieux défavorisés et nous aidons le conseil scolaire de l'île à assumer cette responsabilité.

Par exemple, cette année, le conseil scolaire a reçu, pour les interventions dans les milieux économiquement faibles, 2 382 000 $, soit 18% de son budget, ce qui correspond à la proportion de la clientèle de milieux économiquement faibles résidant sur l'île de Montréal. En 1981-1982, il recevra moins, à cause des compressions, mais il recevra quand même encore 1 285 715 $, ce qui lui permettra de financer 39 maternelles quatre ans, ce qui le favorise, compte tenu que la majorité des interventions qu'il finance sont des maternelles quatre ans et que celles-ci seront maintenues pour 1981-1982.

M. Paquette: Justement, à ce point de vue, M. le Président, comment fonctionne exactement, du point de vue du financement des milieux défavorisés, la répartition de l'enveloppe que le ministère met à la disposition des commissions scolaires? Auparavant, le budget était basé principalement sur l'impôt foncier. Maintenant, les revenus proviennent en presque totalité du gouvenement du Québec à la suite de la réforme de la fiscalité municipale. Quel en a été l'effet sur le plan de la redistribution des richesses vers les zones ou les commissions scolaires qui travaillent plus particulièrement en milieu défavorisé?

M. Laurin: Je demanderais à M. Rousseau de répondre.

Il faut dire que, pour les allocations qui étaient destinées à la politique d'intervention en milieu économiquement faible, dans notre modalité d'allocation des ressources, ces allocations constituaient des allocations supplémentaires. Pour 1981-1982, nous prévoyons un montant de 8 000 000 $ pour les milieux économiquement faibles et, en ce qui concerne la distribution, il y avait, à l'intérieur de la politique, une prévision de développement de services divers dont les classes de la prématernelle pour les enfants de quatre ans, que ce soient les maternelles animation, les maternelles maisons ou les maternelles régulières. Pour 1981-1982 sont maintenues toutes les activités dans les commissions scolaires qui avaient été identifiées comme étant celles qui avaient les clientèles les plus défavorisées. Ces services ont été retenus, de même que l'animation Passe-Partout. Ces commissions scolaires avaient présenté des projets, selon les modalités prévues pour la dispersion des allocations supplémentaires, et ces projets ont été reconduits pour 1981-1982, à toutes fins utiles, aux deux tiers, puisque le budget passe de 3 000 000 $ à 2 000 000 $ pour l'animation des parents de Passe-Partout.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Paquette: J'avais une autre question à poser, M. le Président, dans un autre ordre d'idées. Je ne veux pas accaparer trop de temps non plus. En ce qui concerne la question du programme d'enseignement en langue d'origine - c'est particulièrement important sur l'île de Montréal - qui permet à nos concitoyens québécois d'origine italienne, portugaise et grecque, je pense...

M. Laurin: C'est cela.

M. Paquette: ... actuellement de recevoir des cours payés à même les fonds publics, dans le cadre de l'horaire régulier, dans leur langue d'origine, j'aimerais savoir si ce budget est maintenu, si ce programme a donné de bons résultats au cours de l'année dernière, s'il est relativement populaire et si c'est l'intention du ministère de poursuivre l'effort en ce sens.

M. Laurin: Effectivement, M. le Président, le programme d'enseignement en langue d'origine se poursuit d'une façon, je crois, intéressante pour les élèves italophones, hellénophones et les élèves portugais. Je pense que nous progressons aussi dans ce domaine. Par exemple, les programmes de grec, d'italien et de portugais ainsi que leurs guides pour les quatre premières années du primaire seront

implantés prochainement alors que le programme de ces mêmes trois langues pour la cinquième année et leurs guides pédagogiques sont actuellement au stade de l'élaboration. Donc le programme se continue et je pense que, graduellement, les membres des ces communautés y accordent une importance toujours plus grande. On peut même dire que certaines autres communautés culturelles commencent à s'y intéresser, en particulier la communauté arabe, et il est dans nos projets de commencer à étudier un programme identique pour les communautés arabes.

M. Paquette: Actuellement, est-ce que le ministre ou le sous-ministre aurait une idée du nombre d'enfants qui ont été rejoints par ce programme l'année dernière?

M. Laurin: C'est très peu dans les écoles où nous faisons les expériences actuellement, c'est moins de 100 élèves. Maintenant, il faut quand même dire que les programmes étaient expérimentaux et qu'il fallait un personnel bien préparé. Les outils pédagogiques sont en développement, la tâche n'est donc pas facilitée, sauf que plus les outils seront améliorés, évidemment, plus il y aura de possibilités de développement.

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais revenir à la première question du député de Rosemont sur l'effet des coupures sur les programmes qui étaient destinés aux milieux économiquement faibles. Le ministre dit que, pour 1981-1982, c'est 8 000 000 $; il avoue qu'en ce qui concerne les maternelles maisons, animation et autres pour enfants de quatre ans, il y a eu une réduction de 3 000 000 $ à 2 000 000 $, c'est-à-dire que c'est Passe-Partout quoi, et le conseil scolaire de l'île, c'est une autre réduction. Comment le ministre peut-il dire que les services sont maintenus s'il manque 1 000 000 $ ici, 1 000 000 $ là? Et j'aimerais qu'il me dise, en ce qui concerne le programme de 8 000 000 $, si c'est une augmentation sur 1980-1981.

M. Laurin: Non, ce n'est pas une augmentation, loin de là, c'est une diminution que nous sommes les premiers à déplorer.

M. Lalonde: Si vous êtes les premiers à le déplorer...

M. Laurin: Je le déplore d'autant plus qu'il y a quatre ou cinq ans, il n'y avait rien. Maintenant, nous avons instauré des programmes qui ont, bien sûr, satisfait cette population, qui ont même créé des attentes, et à bon droit puisque, dans notre énoncé de politique et notre plan d'action sur l'école en milieu défavorisé, nous avions annoncé que notre plan d'action s'élargirait au fil des années. C'est sûr que nous n'étions pas très heureux de devoir maintenant annoncer, après un début prometteur, un ralentissement. C'est évident que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous l'avons fait. Nous avons dû, tout en maintenant ce que j'ai mentionné tout à l'heure, éliminer un certain nombre d'initiatives qui avaient déjà été prises, comme, par exemple, les ludothèques, l'animation de parents au primaire, le perfectionnement des équipes écoles. Il est évident que ces compressions ou ces coupures, sans compromettre notre objectif, ralentissent considérablement la réalisation du plan d'action que nous nous étions donné.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous espérons qu'une conjoncture plus favorable nous permettra de reprendre cela. Et, comme à toute chose malheur est bon, peut-être allons-nous avoir l'occasion de nous poser encore d'autres questions sur d'autres sujets et peut-être de meilleures façons d'atteindre ces objectifs avec d'autres moyens.

M. Lalonde: Ce qu'on a de la difficulté à comprendre - et je suis convaincu que ce sentiment est partagé par plusieurs membres des deux côtés de la table ou de la Chambre c'est que, sur un budget de quelques milliards de dollars, on ait été obligé - je sais que ce n'est pas de gaieté de coeur -que le ministre des Finances et le ministre de l'Éducation se soient sentis obligés de couper quelques millions seulement, une proportion minime, là où justement cela affecte les plus démunis.

Est-ce que le ministre n'aurait pas pu être un peu plus sévère à l'égard des effectifs du ministère? Est-ce qu'il va imposer une coupure d'effectifs équivalente? Ou est-ce qu'il n'aurait pas pu aller chercher ces millions justement en coupant des effectifs? On sait que, là aussi, il y a des sommes importantes qui sont dépensées.

Qu'est-ce qui a fait choisir cela? C'est justement en marche depuis seulement quelques années; c'est un recul non seulement sur l'efficacité et sur le progrès à long terme, mais qui va être immédiatement ressenti par ces milieux. Il me semble qu'une société qui se permet des luxes comme la nôtre pourrait aller chercher ailleurs ces quelques millions qu'on enlève à des gens qui en ont plus besoin que d'autres.

M. Laurin: Je rappelle que la coupure ou la compression plutôt, dans le cas présent, n'est quand même pas catastrophique, puisque nous passons d'un peu plus de 13 000 000 $ à 8 000 000 $. Il en reste beaucoup plus que la moitié. C'est déjà beaucoup.

Mais je rappelle aussi que notre marge de manoeuvre n'est guère considérable puisqu'il y a quelque chose d'intouchable,

comme je l'ai dit. C'est le respect des ententes, particulièrement en ce qui concerne les salaires, et le salaire, surtout en cette période d'inflation galopante que nous avons connue, mobilise près de 87% de l'enveloppe du primaire et du secondaire. Donc, ce n'est que dans les 13% qui restent qu'il fallait aller chercher les sommes qu'il nous fallait trouver en fonction des compressions, en raison des compressions générales que devaient subir tous les ministères du gouvernement.

Cependant, s'il arrivait, comme c'est arrivé cette année, que les enveloppes qu'on a consenties aux commissions scolaires soient plus que suffisantes et engendrent même des crédits périmés, comme c'est arrivé cette année, vous pouvez être assuré que nous reprendrons avec plaisir et immédiatement cette priorité que nous nous étions donnée et que nous injecterons à nouveau dans ce domaine les sommes que nous voulons y injecter.

M. Lalonde: C'est seulement pour l'an prochain. Pour cette année... Les crédits périmés, on les connaît à la fin de l'exercice. Alors, cette année, c'est 13%. 13%, cela équivaut à combien de millions du budget total, premièrement?

Deuxième question, est-ce que, pour tous les autres programmes qui sont inclus dans les 13% compressibles...

M. Laurin: C'est 13% des crédits totaux du primaire et du secondaire qui sont de 3 600 000 000 $.

M. Lalonde: 3 600 000 000 $. Cela fait quoi? 360 000 000 $, c'est 10%. Seulement 10%, c'est 360 000 000 $. Donc, c'est à peu près 400 000 000 $, qui est compressible, d'après ce que le ministre nous dit. Est-ce que vous avez coupé de près de 40% tous les autres programmes compressibles ou si vous avez choisi davantage, pour des raisons que je m'explique mal, ce programme qui s'adresse aux gens les plus défavorisés?

M. Laurin: Nous avons tenté, d'une façon primordiale, de maintenir les services directs et essentiels aux élèves inscrits dans nos écoles, c'est-à-dire la relation enseignant-élèves. Nous avons tenté également de respecter intégralement notre principe d'accessibilité aux études, d'où par exemple les sommes considérables que nous consacrons à l'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage. Nous avons tenté de maintenir l'accent que nous avions mis sur la qualité de l'enseignement, qu'il s'agisse des programmes auxquels nous travaillons continuellement, d'un manuel par matière, nous continuons à faire des efforts dans ce sens. Donc, le maintien de la qualité de l'enseignement, le maintien de l'accessibilité, le maintien des services directs aux élèves, l'encadrement, les cours spéciaux, le rattrapage à l'endroit de la population qui étudie actuellement dans nos écoles, telle a été notre première préoccupation et c'est la raison pour laquelle l'essentiel des 460 000 000 $ dont vous parlez y ont été consacrés.

M. Lalonde: Je vois que les effectifs du ministère demeurent les mêmes ou sont augmentés légèrement par rapport à l'an dernier. Est-ce que le ministre a décidé de couper là aussi?

M. Laurin: Oui.

M. Lalonde: Parce que cela n'apparaît pas dans les chiffres qui sont présentés.

M. Laurin: On y reviendra tout à l'heure, à la fin plutôt quand on parlera de l'administration du ministère, mais vous verrez qu'on a continué à faire des efforts extraordinaires pour comprimer nos effectifs. Je pense que notre effort a été non seulement valable mais fructueux. De toute façon, nous ne consacrons à l'administration de la mission éducative que 1,8% du budget.

M. Lalonde: Une dernière question. Les centrales syndicales avaient demandé un débat public sur les coupures. Moi, j'avais suggéré une commission parlementaire. Le ministre n'était pas réfractaire à l'idée, mais il semble que le gouvernement ait choisi une autre formule. Un débat serait sur le point d'être tenu, est-ce que le ministre peut nous dire quand, sous quelle forme et s'il participera à ce débat?

M. Laurin: La forme n'en est pas encore complètement décidée au moment où on se parle. Il y a encore des négociations qui se poursuivent. Mais je sais que c'est un débat où pourront se rencontrer d'une part des représentants des centrales syndicales et du monde syndical, et d'autre part, des représentants gouvernementaux, ainsi que nos partenaires patronaux habituels, du primaire, du secondaire, du collégial, de l'universitaire aussi, je crois. Je sais qu'il aura lieu demain, mais je ne peux pas vous dire encore exactement à quelle heure et combien de temps il durera.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre va y participer?

M. Laurin: J'y participerai.

M. Lalonde: Est-ce qu'il y aura une large diffusion qui nous permettra de revenir avec une meilleure connaissance lundi?

M. Laurin: Là aussi les discussions se poursuivent quant à la transmission. À un moment donné, il était question que tout soit télévisé, mais je sais qu'il y avait des questions d'horaire et de temps d'antenne qui se posaient. Je ne participe pas aux négociations qui se poursuivent cet après-midi et pour cause, mais je pense que je serai informé avant la fin de la journée.

M. Lalonde: Je voulais simplement dire à la commission qu'avec le changement de programme de travail de la commission, une séance étant prévue maintenant pour lundi, au lieu de demain, nous avions convenu entre nous ici de l'Opposition d'attendre la tenue de ce débat dont on avait entendu dire qu'il aurait lieu demain, pour nous attaquer de façon plus immédiate à l'effet des coupures.

Peut-être avez-vous d'autres questions sur les coupures? Cela n'exclut rien de tel.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Mille-Îles.

M. Paquette: Je m'excuse, M. le Président, je veux simplement pour compléter la réponse. Le sous-ministre vient de nous donner les chiffres des effectifs du ministère. Or, la réduction des effectifs au niveau du ministère depuis le 1er avril 1980 est de 4,4%. L'augmentation du budget, si on compare 1981-1982 avec l'année précédente 1980-1981, l'année en cours, est de 1,6% seulement, si on parle de l'augmentation du budget du ministère.

Je pense qu'on peut dire que les coupures ont d'abord été faites au niveau du ministère plutôt qu'au niveau des réseaux. D'ailleurs, le budget des réseaux augmente de 113% alors que le budget du ministère lui-même augmente de 45%.

Voici un autre chiffre aussi: depuis 1976-1977, l'effectif du ministère a diminué de plus de 9% on est passé de 2862 personnes-années à 2622.

M. Lalonde: Est-ce que le sous-ministre ou quelque expert, qui ne se retrouverait pas dans les rangs des hommes politiques, pourrait m'expliquer alors comment il se fait que, dans le document qui a été déposé à l'Assemblée nationale, au moment du discours sur le budget, au mois de mars, on retrouve des chiffres différents? On dit qu'en 1980-1981, les effectifs permanents étaient de 2831 et, pour 1981-1982, de 2847, donc une augmentation de 16. Alors que je viens d'entendre un chiffre, que je crois, de 2622. Comment se fait-il? Est-ce que ce sont des postes non occupés qui sont là-dedans?

M. Laurin: La réponse est bien simple; n'apparaît pas au livre des crédits une réduction d'effectifs qui devait se faire tout au long de l'année, qui a été décidée par le

Conseil du trésor récemment et qui se fait tout d'un coup au début de l'année. Le ministère de l'Éducation a perdu 50 postes en début d'année. Cette coupure est intervenue après que le livre des crédits eut été imprimé; c'est pour ça que ce n'est pas reflété dans le livre des crédits.

Le Président (M. Rodrigue): Cela va?

M. Lalonde: Cela ne va pas, mais ça val

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne: M. le Président, au niveau primaire et au niveau secondaire, le taux de dénatalité a affecté les effectifs de ces écoles au point qu'on ferme des classes et au point qu'on ferme aussi des écoles.

Il en résulte qu'il y a beaucoup de professeurs, aux niveaux primaire et secondaire, qui sont en disponibilité. Ma question s'adresse au ministre; est-ce que le ministère a une politique d'emploi pour ces professeurs en disponibilité?

M. Laurin: Oui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il y a certains chiffres qui ont été avancés quant aux mises en disponibilité, mais ce ne sont pas des chiffres définitifs. Depuis que les commissions scolaires ont des budgets fermés, elles sont devenues beaucoup plus prudentes dans l'estimation de leurs besoins, et comme elles doivent payer une partie du personnel mis en disponibilité, elles sont encore plus prudentes. Surtout si l'on tient compte que maintenant leur marge de taxation a été réduite à 6%, l'enveloppe globale, ou à une taxation qui se limite à 0,25 $ du 100 $ d'évaluation.

En même temps, le contrôle du ministère sur les états financiers des commissions scolaires s'exerce d'une façon autre qu'auparavant. Alors que les commissions scolaires ont pu bénéficier depuis très longtemps d'un budget ouvert, elles bénéficient maintenant - si on peut utiliser cette expression - d'un budget fermé. Le budget est fermé au 30 septembre, c'est-à-dire que le 30 septembre, nous devons savoir qui est inscrit dans les écoles. On ne peut plus assister, comme auparavant, à des cas où des élèves étaient inscrits à deux écoles ou à trois écoles, du fait qu'il y avait eu des déménagements entre la période de mars, où les inscriptions commencent, et le mois de septembre, où l'instruction commence. Il y a donc une sorte de resserrement des contrôles en même temps qu'un nouveau mode de gestion qui font que les commissions scolaires sont très prudentes dans l'estimation de leurs besoins, parce qu'aucune d'entre elles ne veut taxer

indûment ou ne risquerait d'aller en référendum, au cas où les dépenses excéderaient les revenus escomptés.

Par ailleurs, les conventions collectives obligent les commissions scolaires à annoncer au syndicat, dès le 1er mai, le nombre de personnes dont elles estiment avoir besoin, donc à une époque antérieure où elles connaissent leurs besoins réels.

Pour toutes ces raisons, elles mettent en disponibilité beaucoup plus de personnel, soit enseignant, soit non enseignant, dont elles auront effectivement besoin au cours de l'année. C'est comme ça depuis un bon bout de temps et particulièrement depuis qu'elles ont un budget fermé. (17 h 45)

Nous savons, par ailleurs, par l'expérience des années passées, que le taux de résorption des enseignants ou des autres personnes qui ont été mis en disponibilité est toujours assez élevé. L'an dernier, par exemple, le taux de résorption des enseiqnants mis en disponibilité a été de 75% et il était de 94% en 1978-1979. Donc, on peut s'attendre qu'en cours d'année - nous le saurons durant le mois d'octobre - il y aura beaucoup de personnes qui seront rappelées, qu'elles soient enseignantes, qu'elles appartiennent au personnel non enseignant ou même qu'elles appartiennent au personnel de soutien.

Il reste, cependant, qu'en raison de la diminution du nombre des inscriptions due à la dénatalité, il persistera un certain nombre de mises en disponibilité. Ces enseignants mis en disponibilité bénéficient de la sécurité d'emploi, c'est-à-dire qu'ils sont assurés de leur plein salaire payé en partie par le ministère et payé en partie par leur commission scolaire. Il n'est sûrement pas idéal, quel que soit le nombre de ces enseignants mis en disponibilité, qu'ils restent a ne rien faire à la maison. Je suis sûr qu'ils n'aimeraient pas cela, que la commission scolaire n'aimerait pas cela et que la collectivité, la société n'aimerait pas cela non plus.

Donc, plusieurs efforts seront tentés pour trouver des tâches pour ce personnel mis en disponibilité. Il y a une tâche classique qui est assumée habituellement par ces enseignants en disponibilité; c'est la suppléance. Il y a toujours beaucoup de suppléance, soit qu'il y ait des enseignants qui prennent leur retraite à l'âge prévu ou par anticipation, qui partent en année sabbatique, qui décident de prendre un congé sans solde ou qui sont prêtés au ministère pour les fins qu'on décrivait tout à l'heure. Cela continuera, bien sûr, au cours de l'année qui vient et une bonne partie du personnel en disponibilité sera mise à contribution pour ces diverses tâches.

Nous ne pensons pas, cependant, qu'avec ces moyens classiques nous puissions résorber la totalité des enseignants ou du personnel non enseignant mis en disponibilité. C'est la raison pour laquelle nous allons tenter de trouver d'autres tâches qui pourraient convenir à ces personnes, tout en respectant les conventions collectives, parce que les conventions collectives limitent notre choix et il faut les respecter.

Il reste, cependant, que huit ou neuf avenues s'ouvrent à nous pour la relocalisation de ce personnel mis en disponibilité. Pour que ce plan d'action puisse réussir, il nous faut la collaboration de la Centrale des enseignants du Québec et surtout de ses syndicats locaux. Il nous faut également la collaboration des commissions scolaires. J'ai déjà rencontré à cet égard le président de la Centrale des enseignants du Québec et qui a convenu avec moi que, de son côté comme du côté du ministère et des commissions scolaires, tous les efforts devraient être faits pour une relocalisation maximale et optimale de ces personnels. Nous avons convenu de réunir une table de travail qui sera tenue prochainement, où nous échangerons nos vues à cet égard, et nous tenterons, concrètement, d'établir un plan d'action qu'il communiquera ensuite à ses organismes locaux et que nous communiquerons de notre côté aux commissions scolaires. Tous ensemble, nous essaierons - ce sera une première - de résorber au maximum ces mises en disponibilité et d'utiliser le plus efficacement possible, pour les fins du développement des enfants, ces enseignants.

Je pense que nous réussirons ainsi à absorber la plus grande partie des mises en disponibilité.

M. Champagne: Je pense qu'en commission parlementaire il est permis de faire des suggestions. Je viens du milieu primaire et secondaire, j'y ai vécu pendant de nombreuses années et beaucoup d'enseignants ont souvent exprimé le désir d'avoir des tâches à demi-temps ou à trois quarts de temps. J'aimerais que le ministère étudie cette avenue avec les agents du milieu, soit les commissions scolaires, les enseignants et les syndicats. Je pense que ce serait aussi une façon de résorber les gens en disponibilité et cela rendrait tout le monde heureux, quoi.

M. Laurin: Je remercie beaucoup le député de sa suggestion. Nous essaierons de creuser la possibilité de réalisation de cette suggestion.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je voudrais revenir sur la question des milieux défavorisés, surtout de l'île de Montréal. Je ne veux pas prendre le

ministre par surprise, mais, jusqu'à une date récente, au mois d'avril, j'étais membre de l'exécutif du conseil scolaire et, comme tel, j'étais une des victimes de directives, de paramètres temporaires, définitifs, permanents, etc. Donc, je voudrais établir les chiffres un peu plus clairement.

Le ministre dit que la subvention qui parvient du ministère au conseil a été réduite, cette année, de 13 000 000 $ à 8 000 000 $, n'est-ce pas?

M. Laurin: Je parlais des milieux défavorisés, je n'ai pas parlé de la contribution totale que le ministère de l'Éducation verse au conseil scolaire de l'île de Montréal. Évidemment, la contribution totale est plus considérable que le chiffre que j'ai mentionné tout à l'heure.

M. Polak: Je voudrais parler du cas du conseil scolaire. À l'île de Montréal, c'est là où le problème est assez grave. Beaucoup des enfants qui bénéficient de ce service s'y trouvent. Avez-vous les chiffres de la comparaison entre le montant qui est disponible maintenant et le montant qui a été payé l'année précédente?

M. Laurin: Oui, on va sûrement trouver ce chiffre. Je ne l'ai pas sous la main, on le cherche et on va vous le donner dès qu'on l'aura trouvé.

M. Polak: Maintenant, entre-temps...

M. Laurin: Je peux vous le dire, on l'a trouvé.

M. Polak: Parfait.

M. Laurin: L'an dernier, pour les fins d'aide aux milieux économiquement faibles, c'était 2 382 000 $. Cette année, c'est 1 285 715 $.

M. Polak: Donc, une réduction de presque 50%, 45%, à peu près, presque 50%, n'est-ce pas?

M. Laurin: II reste qu'avec cette somme le conseil scolaire de l'île va pouvoir maintenir toutes les maternelles de 4 ans qu'il subventionnait.

M. Polak: Oui, mais il faut peut-être vous expliquer le système. Le conseil a ces fonds, mais ce ne sont pas des fonds qui parviennent du ministère, on va chercher cet argent par l'imposition d'une taxe aux contribuables de l'île de Montréal, n'est-ce pas? Comme ça, c'est le conseil qui fournit la plus grande partie de ce programme.

M. Laurin: La somme que je viens de vous mentionner, c'est la contribution du ministère.

M. Polak: Mais, pour être en mesure de donner le même service, la différence entre la subvention donnée par votre ministère et le montant actuel du programme, c'est le conseil qui finance cela de ses propres fonds.

M. Laurin: C'est-à-dire que le conseil scolaire a aussi son budget...

M. Polak: Oui.

M. Laurin: Et, à l'intérieur de son budget, au moyen de la transférabilité des postes, il peut assigner, selon ses choix, selon ses priorités, telle ou telle somme à tel ou tel poste.

M. Polak: Mais le conseil est obligé d'aller chercher cet argent directement chez le contribuable.

M. Laurin: Oui, bien sûr.

M. Polak: Pour bien se comprendre, il faut peut-être expliquer que cet argent est fourni à part par les contribuables de l'île de Montréal.

Je voudrais maintenant, revenir sur les problèmes administratifs des milieux défavorisés. Vous avez le bureau de direction régional, vous en avez un à Montréal aussi. Je me rappelle qu'il y avait des problèmes, à Montréal, à la commission scolaire; ensuite, il y a le conseil, qui est tout de même un groupe de représentants élus directement par la commission scolaire, sauf les trois nommés par le ministère. Vous savez sans doute aussi qu'il y a cinq ou six mois, votre bureau régional a écrit directement aux commissions scolaires disant: II y a encore des fonds disponibles pour les milieux défavorisés voulez-vous nous soumettre des programmes? Pourquoi le ministère n'a-t-il pas laissé cela entre les mains du conseil scolaire? À ce moment-là, on a encore un chevauchement de services et encore des frais additionnels d'administration.

M. Laurin: Je pense que vous posez tout le problème du rôle du conseil scolaire par rapport à la direction régionale de Montréal. La direction régionale de Montréal doit, comme les autres directions régionales du ministère, occuper l'ensemble du terrain, mais, dans le cas auquel vous faites allusion, je pense que la direction régionale a respecté sa juridiction en ne traitant que du domaine qui relevait d'elle et qui était financé par le ministère et non pas par le conseil scolaire, c'est-à-dire l'animation des parents, nommément.

M. Polak: Tout de même, est-ce que cela n'aurait pas été plus efficace de dire au

conseil scolaire: II y a une somme qui reste dans les coffres du ministère. On vous transmet cela, voulez-vous le distribuer parmi les commissions scolaires, parce que vous connaissez très bien le système, vous travaillez dans le champ, le conseil scolaire? Pourquoi le ministère a-t-il encore tout un appareil administratif avec des directives, avec des programmes, avec des outils et avec des documents épais comme cela, tandis qu'on aurait facilement employé cette somme pour la distribuer selon les programmes, ce qui est déjà la responsabilité du conseil?

M. Laurin: Je pense qu'il y a une responsabilité qui est donnée à toutes les directions régionales, celle dans le cadre des milieux défavorisés. La direction régionale de Montréal a joué un rôle semblable à celui des autres directions régionales, et je ne pense pas qu'en l'occurrence, il y a eu chevauchement.

M. Polak: Dans ce cas, je dois demander, M. le Président, au ministre: Quand vous savez qu'il y a donc deux organismes sur l'île de Montréal, tout de même, cela coûte cher, cette administration, parce qu'il y a le bureau de la direction régionale et ensuite le conseil, avec toutes sortes de fonctionnaires partout, quelle est l'intention du ministre pour réduire ces frais administratifs et ces chevauchements de services qui existent sans doute et que j'ai vécus personnellement?

M. Laurin: Dans toutes les régions du Québec, nous n'avons que des remerciements et des félicitations pour l'effort considérable de décentralisation effectué en mettant sur pied des directions régionales. Cela a rapproché singulièrement le ministère des instances institutionnelles où se donne l'enseignement. S'il y a un cas particulier sur l'île de Montréal, c'est parce qu'il y a eu une loi instituant le conseil scolaire et qui lui a donné une certaine responsabilité en certaines matières, dont les milieux défavorisés, mais c'est un cas unique. Il reste que même si une loi a instauré le conseil scolaire de l'île de Montréal avec un certain nombre de responsabilités, le ministère était parfaitement légitimé et autorisé à se décentraliser en instaurant dans toutes les régions du Québec des directions régionales qui ont quatre rôles. C'est d'abord un rôle d'information, l'information à longueur de journée, de semaine, sur les politiques du ministère, sur les règles budgétaires du ministère. Il y a la rétroinformation aussi, ce qu'on appelle le "feed back" parfois des milieux à l'endroit des programmes ou des politiques du ministère. Il y a un soutien aussi également, parce qu'il y a là un personnel - un personnel pédagogique - qui peut aider singulièrement les commissions scolaires à mettre en place des programmes. Enfin les directions régionales aussi ont un rôle de plus en plus grand dans l'évaluation des enseignements et le contrôle également des finances.

Parce qu'une loi a instauré le conseil scolaire, on ne peut quand même pas dire qu'il n'y a pas place à Montréal, comme dans toutes les autres régions du Québec, pour une direction régionale qui remplit ces rôles essentiels dans une optique de décentralisation, de rapprochement du pouvoir central et des pouvoirs régionaux. La direction régionale à Montréal remplit aussi bien son rôle que dans les autres régions du Québec. Évidemment, du fait que la loi a confié au conseil scolaire un certain nombre d'attributions, il peut parfois y avoir des problèmes délicats de frontières, mais nous en sommes très conscients, nous y sommes très sensibles, nous tentons de ne pas dépasser les attributions qui ont été confiées à l'une ou à l'autre. La plupart du temps, je pense que cela marche bien. Quand il s'agit, par exemple, du cas que vous mentionnez, la direction régionale s'est contentée de transmettre les informations en ce qui concerne les règles budgétaires, leur réaménagement aussi à l'intérieur de l'enveloppe que nous avions, des sommes consacrées à tel ou tel poste. Elle n'a fait que son devoir. (18 heures)

M. Polak: Seulement une dernière question, M. le Président. Je vois l'heure, je finis toujours le dernier, savez-vous?

M. Lalonde: Pas à l'élection.

M. Polak: Je parle de l'île de Montréal. Je suis d'accord avec vous que le système de direction régionale dans le reste de la province vous a sans doute valu des compliments. Je peux comprendre ça, je crois que ça coûterait cher. Mais prenons l'île de Montréal. Comment se fait-il que le conseil responsable des budqets des commissions scolaires pour toutes les commissions membres a reçu des directives directement du bureau régional aux commissions scolaires concernant des séances d'information sur le budget?

C'est bien connu, la loi dit que c'est la commission scolaire qui est responsable des budgets. J'étais là comme commissaire dans le temps. La première chose qu'on a sue, c'est qu'on avait des séances de partout, avec les fonctionnaires de votre département, avec les commissions scolaires, avec tout le monde, c'était toujours la contradiction et ca coûte aussi énormément de temps. Ces fonctionnaires sont payés pour donner ces séances d'information, et ce n'est pas juste une petite séance de deux heures, ce sont des séances qui durent toute une soirée et se

prolongent le lendemain. Donc, ne croyez-vous pas que c'est un chevauchement de services qui ne devrait pas exister? Peut-être, dans l'île de Montréal, faudrait-il faire un exemple, comme peut-être abolir le conseil, je ne sais pas quelles sont vos intentions là-dessus, ou abolir la direction régionale à Montréal et laisser le conseil qui est élu par les contribuables directement continuer sa fonction, car, jusqu'à ce jour, il a très bien travaillé.

M. Laurin: Je voudrais d'abord relever une première affirmation. Quand vous dites que ça coûte cher, en fait, ça ne coûte pas plus cher, parce que les directions régionales sont composées de fonctionnaires qui travaillaient auparavant au ministère. On a simplement transféré dans les réqions du personnel du ministère. Ce qui veut dire que certaines décisions, au lieu d'être prises au niveau du ministère, sont maintenant prises au niveau des régions. Du travail qui se faisait au ministère se fait maintenant au niveau des régions.

Deuxièmement, pour votre deuxième question, c'est vrai que la loi donne au conseil scolaire l'obligation de s'occuper du budget des huit commissions scolaires qui sont sous sa juridiction, mais il reste quand même que le budget du ministère de l'Éducation demeure la responsabilité du ministère et le ministère ne peut pas se dérober à cette responsabilité non plus. Puisque c'est une responsabilité, il est bien obligé quand même d'informer tous les agents, toutes les instances régionales de la politique budgétaire du ministère.

Évidemment, à la fin, le conseil scolaire devra adopter le budget des commissions scolaires. Mais ceci n'enlève rien à la responsabilité du ministère et de ses directions générales dans le domaine de l'information.

M. Lalonde: Si vous permettez, en vous demandant d'ajourner à lundi, permettez-moi de dire que la définition de décentralisation que j'ai entendue de la bouche du ministre ressemble beaucoup à ce qu'on appelle ailleurs de la déconcentration.

M. Laurin: En fait, déconcentration et décentralisation sont entre elles dans une relation dialectique et on ne peut pas dire que la décentralisation n'implique pas une déconcentration non plus.

M. Lalonde: Oui, d'accord. Mais, d'habitude, dans le domaine politique ou administratif, quand on parle de décentralisation, on parle de décentralisation des pouvoirs...

M. Laurin: II reste...

M. Lalonde: ...des centres de décision, alors que le bureau régional est en fait l'oeil, l'oreille et le bras du ministère.

M. Laurin: Les directions régionales, je vous le concède volontiers, c'est une déconcentration. Cependant, ce que toutes les lois accordent maintenant à l'école ou aux commissions scolaires, comme, par exemple, dans la loi 71 et dans la loi 30, ça, c'est de la décentralisation.

M. Lalonde: Dans la loi 57, c'était de l'émasculation des commissions scolaires.

M. Laurin: Non, ça, c'est répondre au voeu longtemps exprimé et qu'avait commencé à réaliser le prédécesseur de M. Parizeau aux Finances, M. Garneau, un transfert progressif de l'impôt foncier vers les municipalités. Nous n'avons fait que compléter avec courage et rapidité un travail entrepris par le prédécesseur de notre ministre des Finances.

M. Lalonde: Vous allez le rendre responsable de bien des maux. Comme ces choses sont bien dites! M. le Président. On ajourne à lundi, 15 heures?

Le Président (M. Rodrigue): Les travaux de la commission sont ajournés au lundi 15 juin, à 15 heures, sauf si l'Assemblée nationale en décide autrement.

(Fin de la séance à 18 h 05)

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