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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Friday, March 5, 1982 - Vol. 26 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: la restructuration scolaire


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'éducation s'est réunie ce matin pour entendre une question avec débat. Cette question porte sur la restructuration scolaire au Québec.

Les membres de cette commission sont M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Chevrette (Joliette), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Paquette (Rosemont).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. French (Westmount), Mme Harel (Maisonneuve), M. Paré (Shefford), M. Polak (Sainte-Anne), M. Proulx (Saint-Jean), M. Rochefort (Gouin), M. Ryan (Argenteuil), M. Saintonge (Laprairie).

Évidemment, à l'intérieur, les règles de ce genre de débat sont maintenant assez connues. Je vous rappellerai quand même que les personnes qui ont fait la demande d'un tel débat sont les premières à intervenir et peuvent intervenir pendant une période de vingt minutes. Le second à intervenir est le ministre responsable, dans le cas présent, le ministre de l'Éducation, qui a également une période de vingt minutes pour répondre. Le temps global alloué doit être réparti de façon égale ou à peu près. S'il arrive que des députés autres que l'auteur de la question et le ministre entendent intervenir, ils peuvent le faire à tout moment après que les deux premiers intervenants ont pris leur droit de parole, mais ils ne peuvent intervenir plus de vingt minutes sur l'ensemble de la durée du temps alloué. Ils peuvent le faire en plusieurs circonstances, mais pour un total de vingt minutes. Le débat est maintenant lancé. La parole est au député de Marguerite-Bourgeoys.

Exposé du sujet M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président. En effet, c'est la première question avec débat de cette deuxième partie de la session que nous avons l'occasion de faire. La question avec débat, vous vous souvenez - je me permets ce petit rappel - est une nouvelle institution dans notre Parlement. Elle existe seulement depuis quelques années, soit lorsqu'on a fait disparaître la séance du vendredi. C'est bon qu'on le rappelle. Je me souviens que les députés des autres Parlements étaient moins nombreux le vendredi matin. On avait une séance de 10 heures à 13 heures. Les députés de l'Opposition - le ministre de l'Éducation s'en souvient - refusaient toujours quand même de remplacer ou d'enlever cette séance du vendredi parce qu'elle contenait une période de questions, ce qui est très précieux pour l'Opposition et pour le gouvernement en général aussi

Lorsque nous avons convenu d'enlever la séance du vendredi et de réaménager les heures des autres jours pour avoir au moins des heures aussi nombreuses de séance, nous avons convenu de la remplacer par cette question avec débat. Contrairement à tout ce qui se passe ici, sauf le mercredi après-midi, c'est l'Opposition qui choisit le sujet débattu. Lorsqu'on a su - les échos nous sont revenus depuis quelques jours - que nous allions avoir une séance pour question avec débat avec le ministre de l'Éducation sur la restructuration scolaire, plusieurs ont pensé que M. le ministre de l'Éducation avait enfin décidé de rendre publique, de faire une déclaration, d'exposer sa politique tant attendue. Tel n'est pas le cas, M. le Président, c'est l'Opposition qui a décidé de parler de la réforme des structures scolaires. C'est une occasion en or pour obtenir des renseignements sur cette question. Compte tenu du caractère opaque du dossier de la réforme scolaire, dont on ne connaît que les ballons et les fuites calculées et aussi un certain nombre de longs discours assez abstraits, nous, du Parti libéral du Québec, avons décidé de consacrer les trois heures qui sont mises à notre disposition par le règlement à poser des questions au ministre de l'Éducation sur la réforme scolaire.

Donc, le ministre, à moins d'avoir une bonne raison, doit se présenter. Je le remercie d'avoir accepté notre - on dit interpellation, c'est un peu brutal invitation. J'avais fait remarquer aussi que c'est la première fois que nous avons l'occasion d'avoir une question avec débat depuis la fin de novembre, parce que, en décembre, à cause des règlements de fin de session, il n'y a pas de question avec débat.

Pour nous, la réforme scolaire, comme pour tant de Québécois, est une question

extrêmement sérieuse, extrêmement importante, mais, pour le Parti québécois, cela n'avait pas l'air d'être une priorité. Je ne me souviens pas d'en avoir entendu parler suffisamment pour que cela trouve son chemin dans les journaux, dans les médias durant la campagne électorale. Je ne savais pas que c'était une priorité de ce nouveau gouvernement.

Lors de l'étude des crédits de juin 1981, il n'y a pas tellement longtemps, cela fait moins d'un an, deux mois après l'élection et je dirais deux mois avant le mois d'août 1981, j'avais posé une question au ministre à propos de ce dossier qui, quand même, est dans le décor politique au Québec depuis au moins 15 ans. Il m'avait répondu - on retrouve sa réponse à la page B-1230 et suivantes le 11 juin 1981 - je cite le ministre. Après avoir fait un exposé assez long sur les préoccupations du ministre, il m'a dit: "Vous avez parlé tout à l'heure d'études formelles, il n'y en a pas à l'heure actuelle. C'est plutôt une préoccupation que nous avons qui s'exprime surtout par des discussions, des réflexions, des échanges__"

En tout cas, M. le Président, je vous fais grâce du reste. C'est à peu près le genre d'annonce que nous avions eu, à savoir qu'il n'y avait rien de prioritaire. Oui, on y pensait. Non, il n'y avait pas d'étude. Voilà que les premières fuites assez précises -c'est-à-dire dans le sens que ça n'avait pas l'air d'une rumeur, ça avait l'air vraiment d'une fuite - apparaissent dans les journaux au cours de l'été 1981, à peine quelques semaines après cette déclaration. Depuis six à sept mois, il y a eu d'autres fuites, d'autres ballons, quelques discours dont un à Montréal, un long discours, mais pas de réponse parce que le ministre, on s'en souvient, à Montréal, devant les parents, avait refusé de répondre aux questions. Il s'était... En anglais, on appelle ça "French leave"; en français, on appelle ça "fuir à l'anglaise", alors, il s'est tout simplement défilé. Il n'avait pas voulu répondre.

Je regrette, pour ma part, de devoir dire ma profonde déception à l'égard du comportement du ministre dans ce dossier. Il n'y a pas eu de véritable consultation publique. Ma déception est partagée. Si on lit les remarques et les observations de quelques éditorialistes, pour n'en nommer que quelques-uns, Jean-Guy Dubuc, dans la Presse du 14 janvier 1982, sous le titre "Un autre ballon d'essai du ministre Camille Laurin", dit ceci: "La méthode Laurin devient vraiment agaçante. Remarquez que ça fait peut-être partie du traitement, on verra. Cette façon d'organiser des fuites successives, trois en quatre mois, pour servir de ballon d'essai devant la population frôle le mépris des gens intelligents. Comment prendre au sérieux un projet de loi qui bouleverse radicalement toute la structure du primaire et du secondaire et que l'on ne nous montre que par bribes mal éclairées à la manière d'un strip-tease?" Un peu plus loin, c'est-à-dire même la veille, M. Jacques Dumais écrivait ceci dans le Soleil: "La stratégie du Dr Laurin en regard du futur de l'école québécoise témoigne d'une transparence parcimonieuse. Il pêche à la ligne, vend sa réforme au compte-gouttes à des groupes isolément auscultés et il la laisse ensuite se terrer ou regimber. Ce n'est pas ainsi qu'il parviendra à rallier les collectivités autour d'écoles fortement animatrices de milieux de vie diversifiés."

Valère Audy, dans la Voix de l'Est du 15 janvier, disait ceci: "Plutôt que d'oeuvrer en catimini et d'exacerber à peu près tout le monde, le ministre Laurin devrait ouvertement et largement consulter de sorte que tous les intéressés, payeurs de taxes ou bénéficiaires de l'école, aient leur mot à dire dans cette réforme et que la nouvelle école respecte leur volonté. En agissant comme il le fait en ce moment, on a l'impression que le Dr Laurin, pour reprendre une expression connue, cherche à diviser pour régner, de façon à imposer sa vision de l'école québécoise."

Il y a eu d'autres remarques dans ce sens-là; en un mot, les gens veulent en savoir davantage. La réforme scolaire, comme je le disais tout à l'heure, est extrêmement importante. Pas tellement parce qu'on croit que c'est dans les structures qu'on va trouver la solution au problème mais parce que, dans l'ensemble, l'enseignement, l'éducation, l'instruction et la formation, ce sont tous des vocables qui recouvrent une réalité extrêmement importante. C'est la source de la libération de la personne; c'est la source de l'excellence, de l'occasion qui est donnée à chaque individu de rechercher et de trouver l'excellence le plus possible. C'est aussi la source de la force collective. Qu'on se souvienne, par exemple, de la révolution tranquille. Qu'est ce que la révolution tranquille? C'est beaucoup de choses; un grand soupir de soulagement, un grand air de liberté mais aussi et surtout la réforme de l'éducation. Le Parti libéral du Québec n'a jamais caché son intérêt premier, ayant été justement à la présidence même de cette réforme de l'éducation.

La réforme des structures touche aussi deux autres questions qui sont au coeur même de la vie des gens, la langue et la religion, dans des mesures différentes mais qui sont ressenties par les gens de façon très immédiate.

Compte tenu des changements dans le Québec depuis qu'on a parlé de réforme scolaire, il y a quand même quelques années, et compte tenu de ces fuites qui faisaient déceler une priorité nouvelle, inattendue, le Parti libéral du Québec a décidé de prendre

le bâton du pèlerin et d'aller écouter les gens. Il a formé un comité dirigé par M. Henri-François Gautrin, professeur à l'Université de Montréal, et formé de plusieurs personnes connues pour leur préoccupation en matière d'éducation et de quelques députés qui font partie de la mission de l'éducation. Nous avons rencontré les gens, nous en avons rencontré plusieurs centaines. Nous avons visité des régions, nous n'avons d'ailleurs pas terminé notre consultation.

Les questions que nous allons poser au ministre pour tenter de faire avancer le débat reflètent les perceptions que nous avons obtenues de ces consultations. Comme tout le monde, le Parti libéral du Québec -comme aussi, j'imagine les ministres cherche quelle est la voie la plus juste à choisir dans cette recherche. Nous voulons que ces quelques heures que nous allons passer ensemble avec - je pense que le ministre n'en doute pas - plusieurs milliers de Québécois qui nous voient maintenant et qui nous verront un peu plus tard, que cette période de question avec débat serve à quelque chose, serve à connaître davantage la réflexion du ministère. Nous espérons que le ministre ne choisira pas de nous envelopper dans un long discours abstrait; les gens veulent connaître des décisions concrètes, veulent savoir ce qui les attend. Nous voulons savoir aussi quelles sont les études qui auraient été faites. Apparemment, il n'y en avait pas en juin 1981, mais si le ministre est assez avancé pour procéder à toutes ces fuites et ces ballons, il me semble que la population a le droit de connaître ses études. Les sondages - c'est un gouvernement de sondages, on le sait - s'il y en a, on aimerait que le ministre les dépose.

Une des premières questions, avant d'attaquer le fond, c'est: Est-il exact que ce document qui a été rendu public en janvier, l'avant-projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire, version du 17 septembre 1981, émane bien du ministère? Est-ce que le ministre en reconnaît la paternité? Ce sont des questions de départ. Au-delà de ces renseignements, nous avons réuni les principales préoccupations sous les têtes de chapitre que nous aborderons dans un ordre choisi. (10 h 30)

La première, et je pense que c'est la première à bon droit, touche à la qualité de l'enseignement. Quels seront les conséquences, les effets de la réforme des structures sur la qualité de l'enseignement qui est en fait l'objectif no 1? Les structures sont au service, font justement partie du service qu'on veut rendre à la population, par exemple, en ce qui concerne l'abandon scolaire et la délinquance. Il y a un phénomène de délinquance absolument épouvantable au Québec, qui est tout à fait récent d'ailleurs et qui a probablement des connotations socio-économiques, mais il y a aussi un phénomène sur lequel un ministre de l'Éducation doit se pencher, celui de l'enseignement de la langue seconde.

Autrement dit, pourquoi le changement de structures? Il me semble que le ministre devrait, au départ, nous expliquer ce qui l'a amené, après nous avoir dit en juin 1981, qu'il était encore en période de réflexion, qu'est-ce qu'il l'a amené, dis-je, à en prendre la direction, à faire ces études, à préparer ces projets de loi et quels seront -c'est la première tête de chapitre - les effets de cette réforme des structures sur la qualité de l'enseignement?

Je vais laisser le ministre répondre à mes questions. Nous en avons un grand nombre, nous espérons que nous pourrons les poser toutes. Nous espérons aussi que le ministre sera court, mais que la substance sera là, et nous reviendrons avec d'autres questions plus tard. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Merci. J'invite maintenant le ministre de l'Éducation à profiter de la période de 20 minutes qui lui est allouée pour exposer son point de vue.

Réponse du ministre M. Camille Laurin

M. Laurin: Je voudrais d'abord remercier le député de Marguerite-Bourgeoys d'avoir eu la bonne idée de lancer ce débat sur l'éducation qui, comme il vient de le dire, touche chacun des citoyens dans ce qu'il a de plus intime, de plus sacré aussi, c'est-à-dire le développement de l'enfant pour en faire un être heureux et un citoyen responsable.

On ne parlera jamais assez de l'éducation à l'Assemblée nationale. On sait que c'est une préoccupation constante et essentielle pour chacun des citoyens du Québec.

Je voudrais lui dire, à ce propos, que je n'accepte pas cependant son affirmation que l'éducation ne constitue pas une priorité pour ce gouvernement. Au contraire, je dirais que la qualité de l'éducation a constitué une des priorités essentielles de ce gouvernement depuis 1976. Et je suis bien placé pour le dire puisque, en tant que ministre d'État au Développement culturel, j'ai présidé un comité ministériel permanent où, durant quatre ans, c'est-à-dire durant tout le premier mandat, nous n'avons cessé d'examiner des refontes ou des réformes visant à améliorer notre système d'éducation à tous les niveaux; que ce soit le primaire secondaire, il y a eu un livre vert, ensuite il y a eu un livre blanc, ensuite il y a eu des lois, la loi 30, la loi 71; que ce soient les

collèges où il y a eu également un livre blanc et ensuite des lois qui ont entériné les résultats, les principaux éléments de ce livre blanc; que ce soit l'université également où nous avons lancé une commission d'étude dont nous sommes en train d'analyser les résultats, résultats qui conduiront à la mise en place de mécanismes nouveaux de financement, entre autres; que ce soit également l'éducation des adultes où nous avons lancé une commission d'enquête qui vient de déposer son rapport et dont nous sommes en train d'étudier les résultats, ou que ce soit l'enseignement privé, sujet difficile et délicat entre tous, sur lequel nous n'avons pas cessé de nous pencher.

Donc, c'est une préoccupation majeure de ce gouvernement, et à bon droit puisque, encore une fois, la qualité de notre système d'éducation constitue un élément vital de progrès pour notre société.

Ce que nous avons toujours visé dans ces efforts, c'est l'amélioration de la qualité de l'enseignement public, la revalorisation de l'enseignement public afin justement que cet effort de démocratisation, d'accessibilité que nous poursuivons dans notre société depuis vingt ans connaisse enfin ses résultats maximaux. Et je rappelle à la population aussi bien qu'au député de Marguerite-Bourgeoys que le renouveau pédagoqique qui constituait l'armature essentielle de notre livre blanc sur l'enseignement primaire et secondaire, non seulement a constitué notre constante préoccupation, mais connaît actuellement, avec les régimes pédagogiques, une concrétisation qui répond aux attentes des parents.

Dans cette première étape de la réforme scolaire, nous avons voulu mettre l'accent sur la qualité de l'éducation. Je rappelle les principaux éléments. Nous avons voulu, par exemple, remplacer les programmes-cadres trop imprécis, trop flous par des programmes, au contraire, précis, au contenu notionnel très marqué, qui constituaient un guide véritable aussi bien pour l'enseignant que pour les élèves. Nous avons augmenté d'une année la formation générale, repoussant d'une année le régime d'option et repoussant même la surspécialisation à la fin du régime secondaire.

Nous avons effectué un meilleur encadrement des élèves à l'école primaire et surtout à l'école secondaire, ne serait-ce que pour contrer cette fragmentation, cette compartimentation, cette déshumanisation qu'on a tant de fois dénoncée à l'école secondaire. On a remplacé une grille-matières trop imprécise également par ce qu'on appelle un curriculum de base, comportant une instruction obligatoire dans un certain nombre de sujets extrêmement importants comme, par exemple, l'enseignement de la langue maternelle, l'enseignement des mathématiques, l'enseignement des sciences, l'enseignement des arts, l'enseignement de l'éducation physique, l'enseignement des sciences humaines, afin de donner à tous les Québécois une instruction de base qui les prépare adéquatement non seulement à assumer leurs responsabilités en tant que citoyens, mais à atteindre le plus grand développement possible de leur personnalité.

Nous avons mis en place aussi un système d'évaluation des apprentissages, évaluation des acquis à laquelle participe d'ailleurs l'enseigné, c'est-à-dire l'élève, mais aussi le professionnel enseignant qui en est le principal responsable en même temps que l'école, en même temps que la commission scolaire. C'est donc toute une série de réformes qui ont non seulement répondu aux attentes et aux besoins des parents manifestés au cours de la consultation qui a suivi le livre vert, mais qui s'inscrivent dans le renouveau des sciences pédagogiques que nous avons suivi, par ailleurs, de très près.

Cette première étape de la réforme est actuellement en application avec les régimes pédagogiques. Même si ces nouveaux régimes pédagogiques ne font que commencer à s'implanter, je pense qu'on peut tout de suite prévoir qu'ils contribueront à améliorer grandement la qualité de l'éducation.

C'est exactement dans le prolongement, dans la foulée de cette amélioration du système éducatif que nous pensons maintenant qu'il faut aller plus loin. Même si je disais, en juin 1981, à M. le député de Marguerite-Bourgeoys que ce n'était encore qu'à l'état de préoccupations, c'étaient cependant des préoccupations très sérieuses. Notre réflexion était déjà amorcée à l'époque et elle s'est poursuivie tout au long de l'été. N'eût été de ces fuites, elle se serait poursuivie selon les mécanismes normaux, usuels à tout ministère, sans que le public ne soit au courant avant que cette réflexion ne se soit achevée. Mais il y a eu ces fuites, une première au mois d'août et, ensuite, une autre au mois de décembre. Ces fuites, je les regrette; elles n'ont pas été organisées, comme bien des gens les prétendent, mais il est peut-être difficile de garder dans le secret des ministères tous les projets auxquels nous travaillons.

Il faut dire aussi peut-être que ces fuites sont le résultat de la méthode que nous avons suivie. Au lieu, comme on pourrait justement nous le reprocher, de partir d'en haut et d'imposer des idées, nous avons voulu, au contraire, prendre quelques hypothèses de travail et les soumettre à tous nos partenaires du système d'éducation pour avoir leur réaction, peut-être susciter des commentaires qui pourraient améliorer les hypothèses de départ avec lesquelles nous travaillons.

Nous comprenons qu'avec cette méthode

de consultation, les chances de dissémination au sein de l'opinion publique sont peut-être plus grandes. Je dirais donc que c'est notre souci de réalisme, de concret, de démocratie qui est peut-être aussi de cette façon à l'origine des fuites, fuites que je continue de déplorer, car elles ont provoqué un sentiment d'insécurité, d'inquiétude dans la population, d'autant plus qu'il ne manquait pas de gens, de personnes pour prendre dans le projet les questions ou les propositions qui dérangeaient certains intérêts établis ou qui allaient à l'encontre de positions défendues depuis longtemps par certaines chapelles idéologiques. On comprend que le public, n'ayant pas à sa disposition le texte officiel, le texte intégral de la réflexion du ministère, pouvait être inquiété par l'utilisation souvent abusive que l'on faisait de certaines des propositions. On a pu ainsi alimenter les inquiétudes, alimenter les appréhensions, fouetter les intérêts particuliers de tel ou tel groupe, perdant de vue ainsi l'objectif même que poursuivait le projet et oubliant ainsi l'équilibre qui existait entre les différentes parties d'un projet destiné toujours à améliorer la qualité de l'éducation.

Ces fuites, tout en étant déplorables, existent quand même, mais je voudrais dire, je voudrais profiter de cette occasion pour dire cependant, pour répéter encore une fois qu'il ne s'agissait que de documents de travail maintenant largement dépassés, puisqu'ils datent de trois mois, et que nous avons continué d'y travailler, malgré tout, avec diligence, avec attention, en tenant compte de toutes les opinions et réactions que nous avons reçues depuis lors et peut-être occasionnées par ces fuites. Je voudrais dire aussi que cet avant-projet de loi dont a parlé le député de Marguerite-Bourgeoys est particulièrement dépassé, parce qu'il n'a jamais eu aucune véritable valeur pour nous. Ce n'était qu'un exercice juridique. Nous tentions de savoir, en réfléchissant, la plume à la main, comment pouvaient s'incarner dans des textes juridiques certaines des propositions que nous énoncions, mais, encore une fois, ce n'était qu'un exercice. Il n'a jamais été question pour nous d'arriver avec un projet de loi qui ressemblerait à cet avant-projet de loi, en aucune façon. Cet avant-projet de loi, encore une fois, n'était pour nous qu'un exercice juridique et vous pouvez le déchirer, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je n'en aurai aucun regret. Mais je pense quand même que c'était une bonne façon de travailler que de tenter, à chaque étape de notre réflexion de traduire en termes juridiques les hypothèses avec lesquelles nous travaillions. Je veux dire également que notre réflexion n'est pas encore achevée, mais que lorsqu'elle sera achevée elle prendra la forme d'un document de travail qui situera très bien les objectifs du projet qui est le nôtre et qui vise toujours à améliorer la qualité de l'éducation, qui détaillera les tenants et aboutissants de ce projet, qui décrira en détail les éléments, les volets sur lesquels nour tablerons. Par la suite, quand ce document de travail aura été accepté par le conseil des ministres, nous le rendrons public afin que nous puissions procéder à une campagne d'information qui nous conduira dans toutes les régions du Québec, qui nous mènera auprès de tous les groupes, non seulement les groupes qui ont une mission dans le champ de l'éducation, mais tous les citoyens; nous prendrons le pouls du public, nous recueillerons les impressions, les commentaires et, à la lumière de ces réactions, commentaires, impressions, nous reprendrons le projet afin de non seulement l'améliorer, mais de le faire coller aux préoccupations et aux intérêts des groupes que nous aurons rencontrés. (10 h 45)

Ce n'est qu'à la suite de cet effort, à la suite de cet effort de démocratisation, qui est tout le contraire d'un effort de bousculer la population, ce n'est qu'à la suite de cet effort que nous tenterons, cette fois définitivement, de traduire en termes juridiques, c'est-à-dire sous la forme d'un projet de loi, les hypothèses que contient le document de travail ainsi que l'articulation des divers éléments qui le composent. Même à la suite de ce processus, lorsque le moment arrivera de déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale, comme cela est l'habitude pour les projets de loi importants, nous demanderons à l'Opposition de souscrire à notre proposition de créer une commission parlementaire entre la première et la deuxième lecture du projet de loi afin que nous puissions à nouveau entendre tous les groupes concernés, tous les citoyens. Cette fois non pas sur l'énoncé de politique, mais sur le projet de loi qui tentera de l'incarner. Nous y consacrerons tout le temps nécessaire et, à nouveau, nous profiterons de ces auditions, de ces nombreux mémoires qui, j'en suis sûr, nous seront soumis pour améliorer le projet de loi, pour l'amener à ressembler le plus possible aux aspirations des divers groupes concernés afin d'améliorer le plus possible notre système d'éducation, qui en aura toujours besoin, puisque c'est une matière éminemment perfectible, surtout dans une société qui ne cesse d'évoluer, avec les progrès constants que connaît d'ailleurs la pédagogie, mais aussi avec l'idée qu'un système d'éducation doit refléter les attentes, les besoins de la population en même temps que les objectifs que se fixe une société. Donc, je suis très heureux que l'occasion me soit donnée de préciser davantage le sens du travail que nous poursuivons, en réalité, depuis six ans, et qui en arrive maintenant à une autre étape que

nous croyons nécessaire. En ce sens, même si les efforts que nous avons faits pour améliorer la qualité de l'éducation sont notables et commencent à porter leurs fruits, il importe aussi d'essayer de voir si les structures du système que nous avons sont adaptées aux objectifs que nous poursuivons ainsi qu'aux modalités que nous avons tenté d'appliquer et que nous tentons maintenant d'appliquer depuis quelques années.

En terminant, parce que je voudrais répondre favorablement à la demande que me fait le député de Marguerite-Bourgeoys, je voudrais ajouter qu'il s'agit simplement, pour nous, non pas de changer pour changer, non pas de déstructurer pour restructurer d'une façon différente, nous ne voulons pas faire de la "structurite", bien au contraire; nous voulons chercher de nouveaux aménagements du système. Par exemple, nous ne voulons pas abolir les commissions scolaires mais transformer leur rôle, leurs pouvoirs, de façon qu'elles soient mieux adaptées à leur mission, de façon qu'elles puissent se mettre davantage, par exemple, au service de l'école.

Il ne s'agit pas non plus de déconfessionnaliser le système en quoi que ce soit. Je suis le premier à reconnaître que la majorité des Québécois sont fortement attachés à leur héritage religieux, qu'ils soient catholiques ou qu'ils soient protestants, et que nous sommes un des rares pays qui a la réputation et la tradition de respecter cet héritage traditionnel au point de mettre les ressources de l'État à la disposition de cet héritage. Donc, il ne s'agit pas du tout de déconfessionnaliser nos structures scolaires, il s'agit au contraire de trouver de nouveaux aménagements pour que ceux, les enfants ou les parents des enfants, qui veulent un enseignement religieux puissent disposer d'un enseignement religieux de qualité dans les meilleures conditions possible.

Il ne s'agit pas non plus d'enlever à une communauté culturelle aussi importante que la communauté anglophone au Québec ses institutions, loin de là. Au contraire, il s'agit de les préserver le plus possible là où elles existent actuellement; il s'agit d'empêcher même la fermeture d'écoles anglophones qui sont malheureusement trop nombreuses, depuis quelque temps, et de donner à ces écoles anglophones les moyens dont elles ont besoin pour transmettre aux jeunes anglophones l'héritage culturel qui est le leur et qu'elles ont besoin de développer. Donc, non pas une déconfessionnalisation, déstructuration, francisation de toutes les écoles, loin de là; mais de nouveaux aménagements du système scolaire qui nous permettront d'améliorer toujours la qualité de l'enseignement dans le respect des traditions religieuses et culturelles du Québec, dans un climat d'ouverture, de justice et de respect pour les enfants.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Argumentation M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, je remercie le ministre de ces quelques précisions, entre autres, d'avoir reconnu que le texte de l'avant-projet de loi émane bien de son ministère. Une bonne partie de son intervention constitue un plaidoyer en faveur des interventions du gouvernement pour atteindre l'objectif de la qualité de l'enseignement. Les livres blancs, verts, orange, les lois 30, 71, etc., cela constitue, en fait, un plaidoyer à savoir qu'on peut améliorer la qualité de l'enseignement sans changer les structures.

Une des premières questions qui nous sont posées, c'est: Pourquoi changer les structures? Le ministre dit: Dans la foulée de ces changements, on a pensé qu'il fallait... Il me semble que cela prendrait des arguments un peu plus serrés. Encore là, comme je l'ai dit au début, nous ne faisons qu'aider le ministre dans sa consultation en lui faisant part des perceptions que nous avons obtenues de notre propre consultation. Une des préoccupations est la suivante: pourquoi encore changer? On ne fait que commencer après tant d'années à s'habituer à vivre avec le nouveau système. Nos institutions commencent réellement à avoir une tradition, un vécu qui est plus conforme avec l'objectif qui était recherché lors de la réforme. Pourquoi nous imposer une autre réforme? Cela est une préoccupation qui nous a été répétée. Et à celle-là, s'attache la suivante: en plus de cette réforme qu'on a à peine commencé à digérer, il y a eu, justement, la réforme que le ministre vient de décrire, le régime pédagogique, les nouvelles structures quand on parle des comités d'orientation, etc.

Un changement de structures, en plus de l'implantation de ces réformes en ce qui concerne surtout le contenu, est-ce que cela n'est pas source de chaos? Est-ce que ce n'est pas mettre en péril ce que le gouvernement vient de faire depuis quelques années d'imposer par-dessus cela un changement de structures? J'aimerais que le ministre tente de nous dire pourquoi ce changement. Je sais qu'il y a des problèmes, mais ils sont assez circonscrits en termes de géographie, au moins. Il n'y a pas de Notre-Dame-des-Neiges partout dans la province. Il y a des problèmes de pluralisme, du caractère hétérogène de la population québécoise depuis l'après-guerre, mais ils sont réduits à certains endroits. Pourquoi changer toute la structure si c'est pour

régler seulement quelques problèmes? J'aimerais que le ministre, peut-être, nous éclaire là-dessus.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Camille Laurin

M. Laurin: J'avoue, M. le Président, que la question du député de Marguerite-Bourgeoys m'étonne, parce que, s'il y a un parti qui a essayé de changer les structures de notre système scolaire, c'est bien le Parti libéral. Je me rappelle, par exemple, que la loi 27, qui a institué les comités d'école, constituait déjà un changement de structure. Je me rappelle également qu'un de mes prédécesseurs, le Dr Cloutier, a fait adopter un projet de loi no 71 qui n'osait peut-être pas trancher d'une façon radicale dans le problème des structures, mais qui a quand même changé les structures sur l'île de Montréal d'une façon partielle et, en créant le conseil scolaire, recommandait à ce nouveau conseil de lui préparer un projet de restructuration sur l'île de Montréal. Je rappelle aussi qu'un autre de mes prédécesseurs, M. Guy Saint-Pierre, avait présenté un projet no 28, qui restructurait toutes les commissions scolaires au Québec. À cause des insuffisances de ce projet de loi, il a été abandonné un peu sous la pression de l'Opposition officielle, dont j'étais membre à l'époque.

Je veux simplement rappeler ces incidents pour montrer que c'est une préoccupation qu'ont eue également nos amis d'en face. Mais il y a bien d'autres raisons, M. le Président, pour lesquelles cette autre étape ou ces nouveaux aménagements sont nécessaires. Le député de Marguerite-Bourgeoys en a rappelé une, le cas de Notre-Dame-des-Neiges, le cas d'une école où des parents voulaient se donner un projet éducatif de haute qualité, calqué sur les besoins de leur milieu; mais, à cause des structures, ils n'ont pas pu se donner ce projet éducatif.

Je rappelle aussi un autre problème lancinant à l'heure actuelle, c'est celui des fermetures d'école, j'y ai fait allusion tout à l'heure. Nous savons qu'à cause de la décroissance de la population il faut réduire le nombre des écoles. On sait aussi cependant que les parents, au fur et à mesure qu'ils voient disparaître leurs écoles, s'inquiètent, se révoltent même de plus en plus et que, chaque fois qu'il est question de faire une fermeture d'école, il y a des campagnes de protestation de la part de parents qui viennent dire aux commissions scolaires: Ne fermez pas cette école, parce qu'une école ne doit pas continuer à exister uniquement pour des raisons financières ou pour des raisons administratives. Il y a aussi des impératifs pédagogiques, des impératifs sociaux, des impératifs culturels pour lesquels une école, même à dimension plus réduite, avec un effectif d'élèves réduit, devrait continuer à exister.

Avec le système actuel, les écoles continuent de fermer à une cadence accélérée. Ce n'est que par une refonte, de nouveaux aménagements, de nouveaux pouvoirs, de nouvelles orientations que nous pourrons mettre fin à cela, non pas d'une façon totale, mais au moins aménager autrement ce problème et y trouver de meilleures solutions. Par exemple, il serait entendu, c'est une de nos intentions, que pour cinq ans on assurerait aux écoles la plus grande stabilité possible, stabilité géographique. Faire en sorte, en somme, que les parents puissent compter que l'école où ils envoient leurs enfants, même si elle ne possède que 15, 20 ou 30 enfants - et cela, encore une fois, vaut particulièrement pour certaines localités anglophones actuellement -puisse continuer à exister et à recevoir des services de qualité.

Il y a aussi d'autres anomalies, d'autres paradoxes. Par exemple, avec la loi 101, nous savons maintenant que tous les nouveaux arrivants au Québec doivent fréquenter l'école française. Ceci pose des problèmes, en ce sens que beaucoup de nouveaux arrivants qui nous viennent des autres provinces ou d'autres pays n'appartiennent pas à la confession catholique, doivent cependant s'inscrire à des écoles francophones dont la majorité est catholique. Dans ces écoles, ils ont à faire face à un choix entre l'enseignement catholique, qui est officiel, ou l'exemption. L'exemption qui est une pratique marginalisante que d'aucuns estiment discriminatoire, que la Commission des droits de la personne a porté à notre attention comme méritant une solution immédiate dans le respect de la liberté de conscience. Il faut donc résoudre ce problème. (11 heures)

D'autres nouveaux arrivants fréquentent des écoles françaises du secteur protestant parce qu'ils ne se sentent pas à l'aise justement dans les écoles francophones catholiques, mais nous tombons alors dans un autre paradoxe d'écoles francophones qui doivent exister à l'intérieur d'une structure plutôt anglophone où bien souvent l'administration des écoles demeure anglophone malgré que toute la population scolaire est francophone avec tous les inconvénients que cela peut apporter à tous égards dans bien des dimensions. Actuellement, comme les régimes pédagogiques prévoient que ces écoles francophones dans le secteur protestant doivent être entièrement françaises, on a dû aménager des locaux de fortune où les élèves francophones qui fréquentent les écoles

protestantes ne disposent pas de conditions non seulement idéales, mais acceptables pour la poursuite de leur enseignement.

Un autre paradoxe également, c'est celui de la nouvelle loi sur la fiscalité, des nouvelles règles administratives, celle de l'enveloppe fermée qui ont changé d'une certaine façon l'orientation de notre système et qui rendent peut-être encore plus difficile le maintien de ces structures qui apparaissent comme dépassées ou ne pas correspondre à la nouvelle réalité sociale ou à la nouvelle réalité économique.

Je mentionne ces quelques exemples pour montrer qu'il y a nécessité de poursuivre davantage notre réflexion et notre amélioration du système éducatif pour que les structures soient mieux adaptées à la nouvelle réalité sociale, juridique et législative qui ne fait que traduire l'évolution de notre société.

Dans un autre domaine, il y a une autre raison très importante pour laquelle il faut continuer notre réflexion. C'est celle de ces nombreux cloisonnements, de ces nombreuses compartimentations qui existent dans notre système actuellement. La première, et celle qui me frappe le plus, c'est celle de cette séparation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement primaire. À un moment donné, il s'est avéré essentiel de créer des commissions scolaires régionales pour les fins de démocratisation et d'accessibilité et de rattrapage aussi dont nous parlions au début, mais cet objectif a été atteint. Maintenant, nous voyons les inconvénients de cette mesure que nous avons adoptée il y a quelques années parce que cette solution a instauré une discontinuité entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire; rupture de continuité gui est nocive sur le plan pédagogique, qui est nocive également à bien d'autres égards, par exemple, le sentiment d'appartenance des communautés - Dieu sait si nous avons reçu des témoignages à ce sujet - heurté de plus en plus par cette séparation entre le primaire et le secondaire.

Nous aboutissons avec ce système à un nombre de commissions scolaires qui est maintenant de 218 où certaines ne s'occupent que de l'enseignement primaire, certaines ne s'occupent que de l'enseignement secondaire ou certaines, à cause des pressions des communautés d'appartenance, dispensent à la fois l'enseignement primaire et secondaire; mais c'est un système chaotique, et c'est un système qui donne lieu à des inconvénients majeurs. Je rappelle au député, par exemple, les incidents qui se sont produits il y a quelques mois, de l'autre côté du fleuve, lorsque la commission régionale a voulu transférer aux écoles secondaires, regroupées dans un certain coin du comté, tous ceux qui avaient terminé leur école primaire et qui demeuraient dans les villages. Les parents ont occupé leur école, refusant qu'on transporte leurs enfants à 50 ou 60 milles de distance pour leur permettre de poursuivre leurs cours à l'école secondaire trop éloignée du village d'appartenance. Les parents ont réussi à forcer la commission scolaire à instaurer des classes de secondaire I et de secondaire II dans les écoles.

Les parents ont gagné, bien sûr, mais je pense qu'on devrait avoir un système qui évite aux parents d'avoir à faire ces révoltes, ces protestations, même si elles sont réussies, même si elles sont fructueuses. On devrait établir un système qui permettrait, là où c'est possible, au premier cycle du secondaire de s'adjoindre aux deux cycles du primaire, ce qui, incidemment, aurait peut-être l'avantage d'empêcher la fermeture de certaines écoles, de diminuer le transport scolaire, dont les coûts non seulement financiers, mais pédagogiques et sociaux sont de plus en plus élevés, d'après les témoignages qui nous sont transmis.

Donc, il y a là un aménagement structurel important qu'il importe de faire actuellement afin de rétablir la continuité entre le primaire et le secondaire, pour le plus grand bénéfice des enfants, pour répondre aux attentes des parents, pour diminuer les coûts du transport scolaire et les inconvénients du transport scolaire, pour diminuer le nombre des commissions scalaires. Il serait possible, par exemple, de faire passer de 218 à 120 ou 125 le nombre des commissions scolaires. On aurait des commissions scolaires mieux structurées, mieux ajustées, mieux adaptées aux besoins nouveaux, en même temps que moins nombreuses et moins coûteuses. Je pense que c'est là une autre raison très importante qui motive une réflexion et une action.

Mais il y a d'autres compartimentations, également. Il y a la compartimentation confessionnelle, il y a la compartimentation linguistigue. À mon avis, ce n'est pas aux structures à refléter la diversité de la communauté québécoise dans toutes ses dimensions. Une structure, par essence, c'est quelque chose qui est neutre, alors que c'est au niveau de l'école que doit être vécue, assumée la dimension, aussi bien linguistique, aussi bien religieuse, des communautés d'appartenance.

D'ailleurs, à l'origine, qu'est-ce qui a donné naissance aux commissions scolaires? C'est précisément cette diversité de la communauté d'appartenance. Les premières commissions scolaires étaient tout près de l'école. Elles étaient composées de parents qui avaient créé ces structures pour assumer la responsabilité de l'école. C'est parce que notre société a évolué, a progressé que maintenant nous avons des commissions scolaires qui contrôlent un trop grand nombre d'écoles, qui sont devenues trop lointaines et dont les membres n'ont plus la capacité aussi

bien que la chance de connaître, d'une façon adéquate et suffisante, le vécu de l'école. C'est la raison pour laquelle il nous semble qu'il faudrait faire d'une structure ce qu'elle doit être, c'est-à-dire quelque chose de neutre, un service en somme, un service pour l'école qui, elle, parce qu'elle est justement beaucoup plus proche des gens, doit assumer la diversité culturelle aussi bien que la diversité religieuse, qui doit assumer toutes les dimensions de ce vécu divers et qui correspond aux valeurs et aux aspirations de chacun. Voilà une autre raison pour laquelle il convient de penser à de nouveaux aménagements structurels.

Il y a d'autres raisons sur lesquelles je pourrai revenir et dont le document de travail dont je parlais tout à l'heure parlera abondamment dans toutes ses dimensions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Questions et réponses

M. Lalonde: Je remarque que si le ministre prend vingt minutes pour répondre à chacune de mes questions, je ne pourrai pas passer la première page de mes questions. Il y a d'autres députés ici qui demandent la coopération du ministre.

En ce qui concerne ces questions de structures, les propos du ministre ne m'ont pas impressionné outre mesure. Par exemple, l'intégration du primaire et du secondaire, cela ne prend pas une restucturation scolaire à travers toute la province pour la faire; c'est déjà fait à plusieurs endroits.

M. Laurin: Deux endroits.

M. Lalonde: Oui, mais j'en connais un, entre autres, par exemple, qui a demandé au ministère la permission de le faire. Votre sous-ministre, en arrière de vous, sait exactement duquel je parle. Ils ont reçu la réponse qu'il fallait attendre les décisions. Je parle d'une intégration tout près d'ici à Québec. Si votre désir de tout chambarder dans toute la province empêche les milieux d'évoluer tranquillement selon leur propre volonté, à ce moment-là, non seulement vous n'aidez personne, mais votre désir devient une nuisance.

Les deux questions que j'ai posées s'inscrivent dans l'inquiétude des gens, à savoir: Est-ce que cela va améliorer la qualité de l'enseignement? Je n'ai pas eu de réponse, M. le Président.

M. Laurin: J'y arrivais, mais cela faisait vingt minutes que je parlais.

M. Lalonde: La qualité de l'enseignement, en quoi est-ce que cela va se retrouver dans les structures? En quoi les changements de structures vont-ils améliorer cette qualité? En quoi les structures actuelles empêchent-elles le gouvernement, entre autres, les commissions scolaires de travailler dans le sens de l'amélioration de la qualité de l'enseignement? Je n'ai pas eu de réponse. Je passe donc à un autre sujet.

M. Laurin: Je pourrais y répondre, M. le Président.

M. Paquette: Un instant!

M. Laurin: Je pourrais y répondre.

M. Lalonde: Cela fait quarante minutes que vous me parlez et je n'ai pas eu de réponse.

M. Paquette: Ah! mais vous dites qu'il n'y a pas de problème.

M. Lalonde: II y a d'autres sujets, par exemple, la démocratie. Vous n'avez pas les structures. Vous dites: Les structures doivent être neutres. D'un autre côté, on a des témoignages contradictoires de la part du premier ministre. C'était en réponse à une question que je lui posais en mars 1980, a la suite de la publication inopinée du cinquième chapitre des règlements relatifs à l'aménagement, qui prévoit que la mission éducation deviendrait strictement le fait d'une commission non élue dans les nouvelles MRC, les nouvelles municipalités régionales de comté. Cela a mis la puce à l'oreille à beaucoup de monde. J'ai posé la question et le premier ministre m'a assuré à ce moment-là que le caractère démocratique - suffrage universel, c'est ce que je conclus - des commissions scolaires était là pour demeurer. Ma question au ministre est directe, simple. Il peut y répondre par un oui ou un non. Est-ce que vous allez conserver des organismes intermédiaires dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire, dont les membres seront élus au suffrage universel?

M. Laurin: Je voudrais, quand même, revenir un peu sur la qualité, très brièvement. Je pense que toutes les consultations menées montrent que les parents veulent des écoles stables, des écoles dont l'existence est mieux garantie qu'elle ne l'est actuellement; des écoles stables aussi sur le plan professionnel où les professeurs ne changent pas chaque année, où l'enseignement, par exemple, des mathématiques soit fait par des gens qui connaissent les mathématiques au lieu d'avoir des gens qui sont obligés de changer d'enseignement à cause de la façon dont le système fonctionne, des écoles stables, des écoles de qualité également.

Actuellement, même si nous avons

adopté les lois 30 et 71, le projet éducatif ne peut pas fonctionner il n'a pas fonctionné, en fait. Les conseils d'orientation n'existent que dans une trentaine d'écoles. Les parents n'ont pas assez de prise encore sur l'école; ils n'ont qu'un rôle consultatif. Même les enseignants à l'école n'ont pas suffisamment de pouvoirs pour dispenser ce qu'ils seraient capables de dispenser, parce que l'école, justement, n'a pas assez de pouvoirs. Les étudiants, non plus, n'ont pas de pouvoirs. Les écoles sont isolées du milieu, ne peuvent pas se donner les services socio-culturels pour les mettre à la disposition de la communauté. Cela aussi ça fait partie de la qualité de l'éducation. (11 h 15)

Donc, malgré les réformes que nous avons faites, nous bloquons sur les structures telles qu'elles existent actuellement pour que la qualité puisse s'introduire suffisamment dans les écoles. Nous ne pourrons le faire que lorsque nous aurons donné à l'école plus de pouvoirs, lorsque les écoles deviendront responsables, que les écoles deviendront communautaires, lorsque les écoles auront les moyens d'élaborer et de mettre à exécution le projet éducatif qui est la mission même de l'école. Qu'est-ce que c'est le projet éducatif? C'est l'utilisation de tous les moments passés à l'école, de tous les moyens dont dispose l'école, de tous les agents qui travaillent à l'école, pour le développement optimal et le développement intégral et multidimensionnel de l'enfant. Il faut pour cela donner à l'école les pouvoirs pédagogiques dont elle a besoin, mais aussi les pouvoirs administratifs dont elle a besoin, sans pour autant l'écraser sous les responsabilités. Là, il reviendra au système de donner à cette école-là les ressources pédagogiques, le soutien dont elle a besoin pour assumer sa mission.

Votre deuxième question était: Est-ce que les organismes intermédiaires continueront d'exister? Évidemment, ils continueront d'exister. La commission scolaire continuera de jouer un rôle extrêmement important comme organisme intermédiaire...

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avant que le ministre ne s'égare, la question est de savoir si la commission scolaire ou l'organisme - appelez-la comme vous le voulez - l'organisme intermédiaire continuera d'exister et dont les membres seront élus au suffrage universel. Je vous réfère aux réponses que le premier ministre me donnait - c'était le 20 mars 1980 - et je fais lecture d'une partie d'un reportage qui a paru dans la Presse le lendemain: "Le premier ministre René Lévesque a déclaré solennellement hier qu'il n'a jamais été dans les plans de son gouvernement de remplacer les commissions scolaires par des organismes dont les membres ne seraient pas élus par la population."

M. Laurin: Les organismes intermédiaires, M. le Président, continueront d'exister parce qu'ils sont absolument essentiels. Même si nous aménageons d'une façon différente leurs rôles, leurs pouvoirs, leurs territoires, leurs compositions, pour répondre à tous ces besoins dont j'essaie de faire état, il reste que ces organismes intermédiaires continueront d'exister et joueront un rôle extrêmement important. Quant à leur mode de composition et à leur mode d'élection, la démocratie n'exige pas qu'on s'en tienne au seul système que nous connaissons actuellement. Il y a moyen de moduler d'une façon différente les mécanismes démocratiques pour que nous ayons cette représentation démocratique au sein des organismes intermédiaires. Quant aux territoires qui pourraient épouser dans toute la mesure possible les municipalités régionales de comté il y a des raisons très probantes qui peuvent nous pousser dans cette direction. Mais je pense que mon collègue voudrait répondre davantage à cette question.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui, M. le Président, concernant l'élection des commissaires au niveau de la commission scolaire, je veux simplement faire un parallèle, qui est toujours boiteux comme n'importe quelle analogie, mais on a vu cette semaine en commission parlementaire des élus municipaux d'une commuanuté urbaine, la Communauté urbaine de Montréal, venir nous dire qu'ils ne souhaitaient pas que le président de la communauté soit élu au suffrage universel parce qu'ils ne voulaient pas instaler un palier suppplémentaire de gouvernement entre les municipalités et le gouvernement du Québec. Dans l'optique où la réforme vise à faire de l'école le pivot du système scolaire pour améliorer la qualité de l'enseignement, pour donner aux agents éducatifs dans l'école, qui sont plus près de l'enfant, tous les outils et les moyens nécessaires pour réaliser un projet éducatif de qualité, cet objectif nous amène à la conclusion que la commission scolaire devrait être beaucoup plus un regroupement des écoles, une communauté de services formés de gens émanant des écoles et élus à ce niveau. J'ai eu une discussion avec un commissaire d'école qui me disait: Si on

n'est pas élu par la population, on va être plus faible par rapport au ministère; ce que vous faites, c'est une fausse décentralisation. Je maintiens humblement qu'un commissaire qui émanerait de la communauté locale autour de l'école, qui serait appuyé par les agents éducatifs au niveau d'une école, serait probablement beaucoup plus représentatif, beaucoup plus branché sur les besoins du milieu et aurait donc une capacité d'intervention supérieure au niveau de la commission scolaire et aussi face au ministère dans les relations entre la commission scolaire et le ministère. Quand on dit que la commission scolaire va continuer d'être formée d'élus, cela ne veut pas dire d'élus au suffrage universel, mais ça veut dire de personnes représentatives de la communauté locale dans laquelle l'école est insérée. Je pense que c'est une amélioration sur la plan démocratique.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le lourd plaidoyer que l'on vient d'entendre témoigne bien des intentions du gouvernement qui sont la source des inquiétudes les plus faciles à mesurer de la part des gens devant votre intention de restructurer. De toute évidence, la disparition du caractère démocratique -vous pourrez faire tout le "fafinage" que vous voulez, vous revenez au corporatisme d'autrefois quand la moitié ou le tiers du conseil municipal de Montréal était élu par des corps intermédiaires - c'est un retour en arrière qui m'apparaît indésirable.

Comme le disait M. Jacques-Yvan Morin, le 12 juin 1980, tel que rapporté par le Droit, et je cite: "Les élections scolaires demeurent un aspect essentiel de l'autonomie des commissions scolaires si elles veulent conserver leur caractère démocratique." La disparition de ce caractère démocratique, parce qu'il n'y a pas vingt manières, il y en a une, c'est le suffrage universel. D'abord, il y a le "No taxation without representation" et si vous faites disparaître la représentation, le petit 6% de liberté fiscale qui leur reste, j'ai l'impression qu'il va suivre pas loin en arrière.

Il n'y a pas vingt manières, il y en a une et c'est le suffrage universel. Si vous faites disparaître le pouvoir - je comprends que ce pouvoir-là agace le gouvernement qui voudrait exercer tous les pouvoirs - les inquiétudes qui sont exprimées par plusieurs, à savoir la réorganisation de l'école, le supposé pouvoir que vous donnez aux écoles va créer la situation suivante: Ayant divisé en plusieurs centaines des petits pouvoirs, le gouvernement va centraliser le vrai pouvoir chez lui. La disparition des corps intermédiaires élus, fatalement, va amener ces résultats.

Quelqu'un me disait, et il semble qu'il avait de plus en plus raison: Si j'étais ministre de l'Éducation et que je voulais concentrer le pouvoir entre mes mains, je ferais exactement comme les fuites du gouvernement actuel l'indiquent, j'enlèverais les pouvoirs intermédiaires, je ferais semblant de donner des pouvoirs à l'école mais, au fond, le pouvoir va être concentré dans les mains du ministre de l'Éducation. Je regrette, M. le Président, mais nos perceptions de la consultation que nous avons eue ne vont pas du tout dans ce sens-là.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys me fait un procès d'intention. Je viens de lui répondre que les organismes intermédiaires que constituent les commissions scolaires continueraient d'exister et continueraient d'avoir un rôle très important.

M. Lalonde: ... suffrage universel.

M. Laurin: II m'accuse maintenant de vouloir attaquer les commissions scolaires parce que ces dernières agaceraient le gouvernement. Il n'en est aucunement question. Je suis le premier à reconnaître que les commissions scolaires ont exercé dans notre société, depuis 20 ans, un rôle extrêmement bénéfique. Nous devons aux directeurs généraux des commissions scolaires, aux cadres qui oeuvrent à l'intérieur de ces commissions scolaires, une grande dette de reconnaissance. Ils sont responsables, à plusieurs égards, des progrès que nous avons faits. Par leur expérience, que ce soit sur le plan pédagogique, que ce soit sur le plan financier ou sur le plan administratif, ils ont contribué d'une façon notable au progrès de nos écoles.

Donc, si nous pensons à aller plus loin, ce n'est pas du tout parce que nous sommes insatisfaits du rôle qu'ils ont tenu, c'est simplement que l'institution elle-même, dans son fonctionnement, dans son rôle, dans ses attributions, demande à être repensée pour mieux rendre service à ce pivot que doit devenir, de plus en plus, l'école. C'est-à-dire ce lieu premier où cela se passe, où la pédagogie est vécue. C'est uniquement dans cette intention que nous pensons à aménager d'une façon nouvelle, aussi bien la composition que le territoire, le rôle des commissions scolaires. Comme vient de le dire mon collègue, il s'agit de s'assurer que cet organisme intermédiaire soit de plus en plus au service de l'école, de même que le ministère de l'Éducation doit se mettre de plus en plus au service de l'école, maintenant qu'il a moins besoin qu'auparavant d'assumer ces fonctions de

suppléance et de rattrapage, à la suite du retard que nous avions eu depuis tant d'années.

Il s'agit donc simplement de repenser d'une façon nouvelle les rôles et les attributions et, comme je le laisse entendre, les commissions scolaires vont garder des pouvoirs extrêmement importants, d'abord, au niveau de la mise en commun des services dont auront besoin les écoles, au niveau de l'élaboration de certaines grandes politiques, que ce soit celle des relations de travail, que ce soit celle des immobilisations, que ce soit celle de la disposition des immeubles, que ce soit sur l'aménagement de certains enseignements, comme les options professionnelles, l'intégration des enfants en difficulté d'apprentissage, l'éducation des adultes et tous autres services pédagogiques ou administratifs dont les écoles pourraient avoir besoin pour assumer davantage et mieux les fonctions qui sont véritablement les leurs.

Il ne s'agit donc pas de s'attaquer aux commissions scolaires, mais de repenser leur rôle, leur composition, leurs attributions, à la lumière d'une réalité économique, sociale et culturelle qui évolue et qui doit être au fond, le primum movens d'un système scolaire qui est l'impératif principal auquel nous devons nous plier.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, une très brève remarque. C'est assez curieux de voir le député de Marguerite-Bourgeoys prôner une décentralisation qui s'arrêterait au niveau de la commission scolaire. Autant, parfois, on a pu se plaindre, dans les différents milieux éducatifs, d'une présence trop sentie du ministère - on a déploré la lourdeur de certaines normes, d'une certaine bureaucratie - autant le même problème se présente parfois dans les relations entre les écoles et les commissions scolaires. Je ne pense pas que ce soit servir la démocratie que de prôner une centralisation au niveau du ministère pas plus qu'au niveau d'une commission scolaire.

Des écoles regroupées au sein d'une commission scolaire qui est à leur service, c'est également un outil de dialogue et de pression, au besoin, sur le ministère. Je soutiens que cela renforce, au contraire, le pouvoir des communautés locales que d'être directement représentées à la commission scolaire plutôt que par le biais actuel. On peut avoir nos opinions là-dessus, notre réflexion n'est pas terminée, on verra ce qu'il y aura dans le projet. Mais je pense que quand on décide de faire une décentralisation jusqu'au niveau de l'école, de façon à améliorer la qualité de l'enseignement, il faut en tirer des conséquences au niveau de la commission scolaire.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... la députée de Jacques-Cartier a une question à poser. Maintenant, étant donné que le député de Rosemont m'a mis en cause, je veux simplement faire la remarque suivante: II me fait le reproche de prôner la décentralisation seulement jusqu'au niveau de la commission scolaire. Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'en enlevant le niveau intermédiaire démocratique, élu par suffrage universel, la conséquence est que c'est entre les mains du ministère que les pouvoirs seront centralisés. (11 h 30)

Voyez-vous, nous, du Parti libéral, croyons, à moins que preuve soit faite du contraire, que l'individu est mieux servi que ses libertés sont mieux protégées que ses droits sont mieux respectés dans un système, dans un régime où les pouvoirs sont distribués, alors que le Parti québécois, dans son idéologie étatique, croit que l'État, c'est tout, que l'État doit assumer l'enfant, l'éducation et tout le monde. C'est là qu'on va avoir un problème et que vous allez avoir un problème aussi.

Je regrette, parce que, quand on est rendu à philosopher au point où on dit: On enlève le suffrage universel, mais il va y avoir une autre façon, là, M. le Président, je dis non. On va arrêter là. Ce n'est pas vrai que les écoles vont être administrées, selon vos fuites, par des gens élus au suffrage universel, c'est faux. C'est par un groupe seulement et pas par tous les contribuables, alors, que tous les contribuables vont payer le coût de l'école, n'oubliez pas cela.

Je vais laisser la parole à Mme la députée, s'il vous plaît.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais revenir aux pouvoirs qu'on prévoit pour les parents au niveau de l'école. Le ministre a parlé de la nécessité de stabiliser l'école. C'est le voeu de tous les parents et je suis d'accord. Mais j'aimerais vous poser une question précise, parce que, selon nos consultations, les parents voient ces nouveaux pouvoirs comme quelque chose de pas vraiment réel, peut-être d'illusoire. J'aimerais vous demander comment les parents peuvent assurer la stabilité des effectifs, suggérée par le ministre comme désirable, compte tenu des conventions collectives que nous avons. Est-ce que c'est un pouvoir réel ou illusoire?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Laurin: Ma conviction M. le Président, c'est que les parents sont parfaitement capables d'assumer au niveau de l'école le rôle qu'ils demandent avec insistance depuis plusieurs années. Je rappelais tout à l'heure la loi 27 qui leur a enfin donné le droit de s'introduire à l'école. C'est le gouvernement du temps, le gouvernement libéral, qui a fait cette réforme absolument souhaitable. Ceci est parfaitement normal puisque l'école, surtout l'école primaire, est le prolongement de la famille. L'attention que porte un parent à son enfant qui fréquente l'école primaire est extrêmement importante, attentive et je dirais même parfois de tous les instants, parce que l'école primaire est le prolongement de la famille. L'école prolonge l'éducation primaire reçue dans la famille.

Donc, les parents ont le droit d'être présents à l'école, ont le droit de se prononcer sur les finalités éducatives de l'école, sur les priorités, sur les orientations éducatives de l'école. Je pense que le cheminement qu'ils ont suivi depuis une dizaine d'années les rend parfaitement capables maintenant d'aller plus loin.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys me parle des perceptions qu'il a recueillies au cours de ses tournées. Cette tournée a quand même été relativement brève, mais je rappellerais cependant au député qu'il y a eu une consultation menée en 1979 par le Conseil supérieur de l'éducation, qui a donné lieu à un très grand nombre de volumes. Quand on fait le décompte des opinions qui ont été recueillies lors de cette enquête du Conseil supérieur de l'éducation, on se rend compte que les parents ne sont pas satisfaits de la place qui leur est faite à l'école. On les a cantonnés trop exclusivement dans un rôle consultatif. Avec la loi 71, on leur a donné un certain nombre de pouvoirs, par exemple, le droit, l'obligation même d'être consultés sur un certain nombre de matières: la vie pédagogique, le choix des manuels, la discipline et ainsi de suite. Mais, en raison des structures actuelles, il est très difficile que cette consultation soit effective ou qu'elle soit efficace.

De toute façon, dans la consultation, les parents demandent qu'on ne les cantonne pas dans un rôle purement consultatif, ils demandent d'être partie prenante aux décisions de l'école, ils demandent d'exercer un rôle plus important au sein de l'école, et, en plus, je pense qu'on peut ajouter que non seulement ils ont le droit de le faire, mais ils ont donné des preuves depuis une dizaine d'années qu'ils sont capables de le faire. La fédération des comités de parents m'informe, par exemple qu'il y a maintenant près de 40 000 parents qui font partie des comités d'école. La présidente de la fédération des commissions scolaires catholiques me dit qu'une bonne partie des commissaires maintenant élus dans les commissions scolaires proviennent à 50% des comités de parents, ce qui montre bien, avec le nombre de parents qui s'occupent maintenant de l'école et le pourcentage de commissaires qui proviennent des comités de parents, que les parents sont aussi capables d'assumer ces nouvelles obligations qu'ils souhaitent assumer.

On pourrait ajouter que, si des aménagements structurels donnaient plus de pouvoirs aux parents que le rôle purement consultatif qu'ils assument actuellement, probablement que les parents seraient encore plus nombreux à s'intéresser à l'école, ils seraient encore mieux motivés dans leur participation à l'école, ils consacreraient encore plus de temps, plus d'énergie, ils mettraient à la disposition de l'école la diversité infinie de leurs talents. En ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas donner aux parents uniquement un pouvoir illusoire, comme le dit le député de Jacques-Cartier, mais des pouvoirs réels. Il me semble que l'incarnation de cette volonté serait justement de permettre au comité de parents d'être le principal représentant de la communauté au sein de ce conseil d'école qui serait chargé d'une façon ultime d'élaborer, d'approuver et de réaliser le projet éducatif centré sur le développement intégral et optimal de l'enfant.

Je ne crois pas que ce soient des pouvoirs illusoires qu'il faille accorder aux parents, mais des pouvoirs réels, non pas des pouvoirs exclusifs cependant, car il faudra faire la place aux enseignants qui, dans l'école, sont des instruments essentiels, des professionnels de l'enseignement sur lesquels on doit tabler d'une façon extrêmement importante. Il faut qu'un dialogue sincère s'instaure au niveau de l'école entre les parents, qui ont des droits, des responsabilités, des capacités, et les enseignants, à qui au fond les parents délèguent la tâche de poursuivre la formation, l'éducation, l'instruction de leurs enfants, de leur faire faire les apprentissages qu'il faut; il faut qu'un véritable dialogue s'instaure entre les enseignants et les parents.

Je pense que cette nouvelle répartition des pouvoirs nous amènera à faire participer les enseignants, s'ils le veulent, au comité de direction de l'école, mais surtout à leur donner un lieu, une place où ils pourront s'organiser, développer leur partie du projet éducatif, leur donner la capacité, le droit de le soumettre au conseil d'école, d'en discuter, de continuer à étudier les modalités et, surtout, de le réaliser.

Je pense qu'une école qui doit être éducative, une école qui doit être assumée

par une équipe exige ces pouvoirs accordés aussi bien aux parents qu'aux enseignants dans cette optique de concertation que contenait déjà l'école québécoise dans sa phase I, que contient en principe la loi no 71 que nous avons adoptée, mais qui n'a pas pu être réalisée parce que les aménagements structurels ne le permettaient pas suffisamment.

Le Président (M. de Beliefeuille): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: M. le Président, moi aussi j'ai confiance aux parents, d'accord, mais je ne rêve pas en couleur, je suis réaliste. Le ministre m'a parlé de dialogue; il y a un bon dialogue qui existe dans plusieurs écoles à l'heure actuelle.

J'ai parlé de la question soulevée par le ministre, la question de stabilité des effectifs. Il y a des parents de bonne volonté qui ont un bon dialogue avec les enseignants dans leur école, tout marche très bien, sauf que ce sont les parents eux-mêmes, dans les consultations, qui ont soulevé le fait que le pire problème dans notre système d'éducation, c'est la convention collective de nos enseignants. Qu'est-ce que les parents de bonne volonté peuvent faire en face de cette convention collective? C'est la question.

M. Laurin: M. le Président, on peut instaurer ou tenter d'instaurer un modèle d'école qui va favoriser une statibilité la plus marquée possible, par exemple, sur le plan des espaces physiques, le maintien des écoles qui existent actuellement, sur le plan des méthodes pédagogiques, sur le plan du projet éducatif et sur le plan des effectifs. Mais il ne fait pas de doute que sur le plan des effectifs, il faudra pour assurer la stabilité négocier avec le corps organisé des enseignants, qui s'appelle le syndicat.

Mme Dougherty: Le gouvernement va prendre ses responsabilités à cet égard?

M. Laurin: Les conventions collectives ne font pas partie du projet de réforme. C'est une opération qui doit être menée tous les trois ans, que nous mènerons très bientôt, et où cette question de la stabilité sera sûrement abordée. Même s'il y a des articulations entre les conventions collectives, la vie de l'école et la qualité de l'école, s'il n'y en avait pas, je pense qu'il faudrait le déplorer, il importe cependant de distinguer les responsabilités d'un projet de réforme ou d'aménagement scolaire, et d'autre part, les conventions collectives où nous devons aborder certains problèmes qui ont tous trait à la qualité de l'éducation, mais qui imposent quand même un mode différent de travail.

Le mode de travail, dans ces circonstances, sera des demandes patronales que nous pouvons déposer, en même temps que les offres patronales et également des demandes syndicales. Tout ce que je peux dire à la députée à cet égard, c'est que le problème de la stabilité des effectifs ou plutôt des critères d'affectation - ce qui serait beaucoup plus juste - sera abordé au cours de la prochaine convention collective, comme il a été abordé à celles de 1979, de 1976 et de 1972. C'est un problème que nous continuerons d'aborder pour essayer de trouver toujours de meilleures solutions dans le sens de cette stabilité pédagogique dont je parlais.

Le Président (M. de Bellefeuille): M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. le ministre, comme directeur, j'ai toujours eu l'aide des parents. Je leur rends hommage. Pour des raisons absolument légitimes qu'on ne semble pas comprendre parfois, l'immense majorité des parents ne veut pas consacrer le peu de loisir que leur laissent le travail et la vie familiale à des réunions de parents, des comités et d'autres séances de participation. Ils veulent en général déléguer leurs pouvoirs à des professeurs, à des directeurs d'école.

Je cite ici, Mme Lysiane Gagnon: "Exception faite de certains milieux où un nombre raisonnable de parents est déjà par exception enclin à ce genre d'engagements, il est probable que bien des conseils d'école tomberont aux mains des parents et des citoyens qui militent dans différentes causes, soit d'extrême gauche, soit d'extrême droite ou encore entre les partis politiques." Je vous demande pourquoi vouloir tout concentrer sur l'école et sur les parents.

M. Laurin: Les propos du député m'étonnent considérablement, parce que tout ce qu'il vient de dire pourrait s'appliquer également mutatis mutandis à ceux qui deviennent des commissaires d'école et qui sont, à ma connaissance, dans une proportion de 99,9% des parents. Si je prends ce qu'il vient de dire à la lettre, il n'y a personne qui pourrait devenir commissaire d'école, et pourtant, il y en a qui le deviennent. On le sait, on a 248 commissions scolaires au Québec. Je dirais que 99% des commissaires sont des parents.

Là où il faut nuancer les propos du député, c'est qu'on ne peut pas demander et on ne demande pas aux parents, pas plus qu'aux commissaires, plus qu'ils ne peuvent faire. (11 h 45)

Dans la majeure partie des commissions scolaires, il y a une réunion mensuelle, à peine. Parfois, il y en a une tous les deux mois. Mais il y a un comité exécutif qui siège beaucoup plus fréquemment et où

certains commissaires, évidemment, doivent dépenser davantage de temps et d'énergie. Je pense que c'est tout à fait normal. Donc, la majeure partie des commissaires ne consacrent peut-être qu'une soirée par mois à leur fonction de commissaire, déléguant une partie de leur tâche décisionnelle à un comité exécutif. Non seulement cela, M. le Président, mais les commissaires ont, pour les aider dans leurs tâches, un bon nombre d'assistants experts à qui ils peuvent déléguer une partie de ces tâches et à qui ils demandent surtout des travaux préparatoires pour les aider à prendre leur décision. Je pense ici aux directeurs généraux des commissions scolaires, aux directeurs de l'équipement, aux directeurs des services financiers. On sait très bien que ces cadres supérieurs alimentent les réunions du comité exécutif aussi bien que les réunions mensuelles des commissaires.

Pourquoi penser qu'il en sera autrement au niveau du conseil d'école? C'est vrai que la structure sera plus petite; ce ne seront pas 22, 25, 30 écoles à administrer, il n'y aura qu'une seule école. Cependant, ces parents, qui seront élus par l'ensemble des parents de l'école, ne seront pas obligés de siéger tous les jours du mois; donc, ils ne seront pas obligés de consacrer à leur rôle tous leurs loisirs ou trop de leurs loisirs, ainsi qu'essaie de le laisser entendre le député. Ces réunions ne seront pas plus fréquentes qu'elles ne doivent l'être.

En plus, les membres du conseil d'école, les parents du conseil d'école ne seront pas seuls non plus; eux aussi pourront compter sur l'expérience des autres agents qui travaillent au sein de l'école, qu'il s'agisse des enseignants, qui sont les premiers experts, les premiers professionnels et qui, comme je le disais tout à l'heure, à l'intérieur de leur comité, de leur conseil pédagogique travailleront très fort pour améliorer toutes les activités pédagogiques de l'école, pour élaborer leurs projets éducatifs. Donc, les parents membres du conseil d'école pourront compter sur ces spécialistes; il pourront compter également sur le directeur de l'école, qui a un rôle très important à jouer au sein de l'école; ils pourront compter sur les professionnels non enseignants aussi. Je pense en particulier à certaines polyvalentes où ils sont nombreux, où ils ont un rôle important.

Justement, le sens des nouveaux aménagements, c'est de donner à l'école les ressources dont elle a besoin pour assumer sa mission éducative, qu'il s'agisse de ressources pédagogiques, de conseillers pédagogiques, de conseillers disciplinaires en quelque matière que ce soit, qu'il s'agisse de soutien sur le plan administratif ou sur le plan financier. Ce qu'il est possible de faire actuellement au niveau des commissions scolaires, pourquoi serait-il impossible de le faire au niveau de chacune des écoles en donnant justement au conseil des parents, qui composeront majoritairement ce conseil, le soutien, les ressources dont l'école a besoin pour assumer ses fonctions. Je suis sûr qu'à ce moment-là les parents seront très intéressés à assumer ces responsabilités, d'abord, parce que ce sont de leurs enfants dont il s'agit, et il n'y a pas de parent plus motivé que celui qui envoie tel ou tel de ses enfants à l'école, qui sera donc plus motivé que tout autre pour voir à ce que son enfant reçoive les meilleurs services possibles.

Les parents également, sachant qu'ils ont ce pouvoir décisionnel, sachant qu'ils peuvent influer, infléchir la direction du projet éducatif, seront sûrement très intéressés à participer d'une façon beaucoup plus marquée qu'ils ne le font actuellement à la vie de l'école.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le ministre, vous avez dit que la loi 71 a permis aux parents et aux professeurs un certain mariage pour réaliser des projets locaux. À ma connaissance et, je crois même, d'après votre déclaration il n'y a pas trop longtemps, il y a eu seulement six comités d'orientation qui ont été établis sur 2500 comités potentiels à travers la province. Lorsque vous parlez de l'évolution, c'est-à-dire que les parents sont prêts à franchir la prochaine étape, je serais d'accord avec vous si sur 2500 écoles on avait réussi à établir au-delà de 2000 comités d'orientation, mais vous en avez seulement établi 6 sur 2500. Quelle est la formule magique que vous allez sortir, après votre projet de loi, pour assurer qu'on passe de 6 comités d'orientation à 2500 comités d'administration d'écoles?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, le sens, l'esprit de la loi 71, c'était de regrouper autour de ce souci de développement intégral et maximal de l'enfant tous les agents de l'école, c'est-à-dire les parents, les enseignants, les professionnels non enseignants. La loi 71 prévoyait que ceci pourrait se faire au sein d'un conseil d'orientation, conseil formel que la loi décrivait. Le député a raison quand il dit que ces conseils d'orientation, tels que décrits dans la loi 71, n'ont pas vu le jour ou n'ont presque pas vu le jour. Le député en mentionne six; moi, j'aurais donné le chiffre de dix.

M. Cusano: Six, M. le Président, parce que le ministre, en commission parlementaire, nous a mentionné six.

M. Laurin: Pas plus qu'une dizaine. J'ajoute que, même s'il n'y a pas eu de conseils d'orientation formellement institués dans beaucoup d'écoles, il y a eu, cependant, des rapprochements dans de très nombreuses écoles entre les enseignants et les parents. À l'intérieur des structures informelles que se sont données les enseignants et les parents, il y a eu quand même des tentatives d'élaboration de projets éducatifs, mais qui n'étaient pas favorisées par les structures, qui n'étaient pas encouragées, non plus, par les structures. C'est précisément parce que nous continuons à croire cette concertation des agents de l'école autour du projet éducatif absolument essentielle, primordiale, que nous aimerions mettre à la disposition de l'école les moyens juridiques aussi bien qu'administratifs qui lui permettront justement de constituer cette équipe-école autour d'un projet éducatif axé sur le développement de l'enfant. Je pense que cette solution, il est possible de la trouver en donnant aux parents la responsabilité au niveau du conseil d'école - conseil d'école qui ne serait pas un conseil d'orientation, mais qui serait un organisme décisionnel -mais aussi en accordant, en créant un autre conseil - pédagogique celui-là - qui regrouperait les professionnels de l'éducation, les professionnels de l'enseignement, qu'il s'agisse des enseignants au premier chef, mais aussi des professionnels non enseignants qui élaboreraient, selon les lois de leur discipline, selon leurs préoccupations, selon la formation qu'ils ont reçue, des projets pédagogiques, des méthodes pédagogiques, des modes d'apprentissage didactique également qu'ils rassembleraient dans un projet qui serait ensuite soumis et au comité des parents qui continuera probablement de fonctionner et aussi, pour décision finale, au conseil de l'école où sont majoritairement représentés les parents, mais où pourrait également siéger un membre du conseil pédagogique.

Il s'agit, en somme, de mettre en place des structures ou des mécanismes ou des organismes qui permettront de réaliser cet objectif de concertation qui est absolument primordiale et essentielle si on veut donner à nos enfants l'environnement éducatif dont ils ont besoin. Car, vous le savez vous qui avez oeuvré si longtemps dans les écoles, il n'est pas suffisant de donner aux enfants de l'instruction, de transmettre des connaissances; comme une plante, il faut que l'enfant puisse pousser dans un terreau ou dans un environnement qui favorise sa croissance, le soleil, la terre, les engrais et tout ça; l'environnement éducatif de l'école c'est justement l'enseignant mais aussi les parents, les professionnels et surtout les conditions de croissance qui permettent d'envisager toutes les activités et tous les moments de l'école dans une perspective éducative. Le seul but du projet est de donner des chances à cet environnement éducatif de se constituer, de se maintenir pour que l'élève puisse y trouver le milieu propice à son développement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, vous voyez qu'alors qu'on s'était proposé de passer trois heures à avoir des réponses on a surtout des discours. C'est malheureux parce qu'on comprend la propension du ministre - on la connaît - à se laisser entraîner par le verbe mais...

M. Laurin: Par la conviction, M. le Président.

M. Lalonde: Cette conviction n'est pas partagée actuellement.

M. Laurin: Vous ne le savez pas.

M. Lalonde: Ce que j'aurais voulu faire j'aurais espéré que le ministre nous accorde sa collaboration - c'était de mettre à la disposition des Québécois les trois heures de débats, qui sont d'ailleurs payées cher par eux, pour qu'ils aient des réponses et non pas seulement des discours. Nous avons seulement couvert, et si peu, deux des chapitres que nous voulons porter à l'attention et il y a déjà deux heures de passées. Quant à la qualité de l'enseignement, je ferai plus tard un petit sommaire. Quant à la démocratie, on voit que c'est fini maintenant.

En ce qui concerne les coûts, on sait combien ça coûte cher l'éducation au Québec si on la compare à d'autres endroits; ce ne sont pas seulement les résultats de trous de 500 000 000 $, il y a beaucoup d'autres causes. Je présume que le ministre - et c'est la seule question que je vais lui poser sur ce chapitre - va, dans son document de travail qui sera publié on ne sait quand, préparer un chapitre bien détaillé, bien articulé sur les économies considérables, j'espère, qui seront réalisées comme conséquence de l'implantation de ces nouvelles structures et aussi les coûts d'implantation des nouvelles structures qu'il proposera.

Je pense qu'il serait l'injuste à l'égard du ministre de lui demander aujourd'hui ces chiffres. Si sa réflexion n'est pas terminée, il peut difficilement honnêtement nous dire combien ces nouvelles structures feront épargner de taxes aux Québécois et combien, d'autre part, cela va coûter pour l'implantation de ces structures. Je lui demande de bien réfléchir à cet aspect qui intéresse tous les contribuables.

M. Laurin: Je voudrais d'abord

m'étonner que...

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, avant que vous ne poursuiviez, puisque la question a été soulevée, j'aimerais faire remarquer à tous les membres de la commission, une fois de plus, que le temps habituellement réservé s'équivaut de chaque côté et qu'à ce moment-ci il y a 40 minutes qui ont été utilisées par le ou les questionneurs, et 60 minutes par l'autre côté. J'ai dit cela en vue de préserver une habitude qui s'est développée et qui est de conserver une dizaine de minutes à chacune des parties à la fin du débat pour conclure. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je m'étonne que le député de Marguerite-Bourgeoys s'attaque au principe même du discours puisque la parole a été donnée à l'homme pour exprimer sa pensée.

M. Lalonde: Entre verbe et verbiage, il y a une différence. (12 heures)

M. Laurin: Et que la bouche parle de l'abondance du coeur et lorsque nous avons à penser à des projets d'importance - et l'éducation, comme vous l'avez dit vous-même, est toujours importante - il faut consacrer tout le temps voulu avant de s'attaquer aux modalités, aux principes, aux bases de notre action. Car en ces matières très importantes, il ne faut pas appuyer quoi que ce soit sur des fondements qui ne seraient pas d'une solidité et d'une vérité à toute épreuve. C'est la raison pour laquelle, incidemment, il est plus long de répondre à une question dans le domaine de l'éducation que de poser cette question. Le président me pardonnera si mes réponses ont peut-être été un peu plus longues que nos amis d'en face l'auraient souhaité.

Quant à la question des coûts, il est bien évident que dans la période d'austérité économique que nous traversons, on ne peut penser à aucun projet gouvernemental sans aborder cette dimension budgétaire ou cette dimension financière. D'ailleurs, si le ministre de l'Éducation l'oubliait, ses collègues le lui rappelleraient immédiatement avec insistance. Il est donc évident que nous avons également pensé à cette dimension financière de ces aménagements structurels. Le député a raison en disant que nous n'avons pas fini de chiffrer cette opération, mais je pense que l'on peut dire d'une façon générale que ces nouveaux aménagements structurels auxquels nous pensons, si jamais ils étaient adoptés par le Conseil des ministres et par l'Assemblée nationale, nous pourrions atteindre l'autofinancement. C'est-à-dire qu'il n'en coûterait pas plus que ce que nous coûte le système tel qu'il existe actuellement. Car il y a des économies à faire d'un côté, mais il y a des dépenses additionnelles rentables à faire sur le plan éducatif.

Par exemple, on peut penser que si nous diminuons le nombre actuel des commissions scolaires qui est 248 - j'ai maintenant le chiffre exact - à un peu plus d'une centaine, environ 130, il ne fait aucun doute qu'il y aurait des économies que nous pourrions faire à cet égard. En diminuant le nombre de sièges sociaux, de centres administratifs, il est évident que nous pourrions faire des économies. Il faut cependant immédiatement nuancer cela en disant - comme je le disais tout à l'heure au député de Saint-Henri et au député de Viau -qu'il nous faudrait transférer, au niveau de l'école, les ressources pédagogiques et le soutien administratif nécessaire pour permettre aussi bien au conseil d'école qu'au directeur de l'école et également aux enseignements, de disposer du personnel nécessaire pour assumer chacun sa fonction et pour prendre sa participation à l'élaboration et à la réalisation du projet éducatif. Donc, de ce point de vue, l'école devrait avoir plus de ressources qu'elle en a actuellement.

Il ne fait aucun doute qu'en mettant fin à cette compartimentation, à ce cloisonnement excessif entre le secondaire et le primaire, nous pourrions également faire des économies. Mais il y aurait peut-être des dépenses additionnelles à faire pour instaurer, là où c'est nécessaire, une continuité plus grande au niveau des installations physiques entre le cycle du primaire, là où il se dispense actuellement, et une ou deux ou même trois années du secondaire.

Je ne veux pas aller plus loin dans ce sens, mais c'est simplement pour indiquer à M. le député de Marguerite-Bourgeoys, que d'un côté, il y aura des économies à faire, aucun doute, mais qu'il est de l'intérêt de la mission éducative - il est important pour les enfants - que des dépenses additionnelles soient faites pour améliorer la pédagogie, encore une fois, pour assurer à l'école les ressources dont elle a besoin pour ce faire et, également, pour empêcher les fermetures d'école, durant la période de cinq ans, que nous voudrions considérer malgré les diminutions de clientèle, les décroissances de clientèle.

Donc, il y a une sorte d'équilibre, de balancement financier que nous sommes en train de chiffrer actuellement. Mais, il nous semble que non seulement il faille viser à l'autofinancement, mais également à une rentabilisation de nos ressources financières pour l'accomplissement de la mission éducative. Si, en dépensant plus d'argent, par exemple, pour le maintien des écoles, pour éviter leur fermeture, on peut améliorer grandement la qualité de l'éducation, je pense qu'il y a lieu de faire ces dépenses.

C'est une façon de rentabiliser les ressources que la collectivité met à notre disposition pour l'accomplissement de la mission éducative qui est le développement de l'enfant.

Cette réforme sera donc faite dans un esprit de réalisme, d'objectivité et de vérité des coûts avec la plus grande rigueur possible, mais également avec le plus grand respect de la finalité éducative.

M. Lalonde: Je passe tout de suite à un autre sujet, à cause du temps qui fuit. Est-ce que c'est exact que le ministre a l'intention d'imposer un permis pour les directeurs d'école? Cela ressort de certaines fuites que nous avons eues. Et quelle est la justification de ce qui nous semble une bureaucratisation additionnelle, à première vue?

M. Laurin: Oui, probablement que vous avez lu cela dans cet avant-projet de loi qui, comme je l'ai dit au tout début, constituait un exercice juridique, non pas gratuit, mais tout à fait académique et dont il n'est plus question. Le problème du permis se rattache en fait à une question plus importante. Les directeurs d'école, on le sait, jouent un rôle très important au sein de l'école. La loi 71 d'ailleurs a voulu préciser davantage ces fonctions et même accorder aux directeurs d'école plus de pouvoir qu'ils n'en possédaient auparavant. Il est évident qu'on ne peut penser à une réforme qui vise l'amélioration de la formation sans le concours absolument indispensable des enseignants, des parents, mais aussi du directeur d'école.

Il faut donc baliser le mieux possible les conditions d'embauche, les conditions de travail du directeur d'école. C'est en réponse à des préoccupations dont nous avaient fait part les directeurs d'école eux-mêmes que, lors de nos discussions, nous avons abordé cette question du permis à l'intérieur de la question plus vaste du corps d'emploi des directeurs d'école, de leur fonction, de leurs attibutions et de leur rôle. Depuis le temps où le député de Marguerite-Bourgeoys a vu cette mention dans l'avant-projet de loi, nos orientations ont continué et ont évolué. Je peux lui dire qu'actuellement cette hypothèse, un moment envisagée, d'un permis pour le directeur d'école est maintenant abandonnée. Il serait possible de lui substituer d'autres clauses qui correspondent davantage aux besoins et aux attentes légitimes des directeurs d'école, quant à leurs conditions d'embauche et surtout à leur retour éventuel au corps d'emploi dont ils proviennent, une fois que le goût de diriger une école leur serait passé.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le ministre, les experts dans le milieu éducatif nous disent que ce n'est pas tellement les bâtisses, les contenus de programmes, la formation des enseignants ni, non plus, les approches pédagogiques ni les structures qui sont les principaux facteurs dans l'éventail de la qualité de l'enseignement. Celui qui retombe en première place comme étant le plus important, c'est la fonction de l'enseignant. Malheureusement, dans la province de Québec, cette fonction s'est mécanisée; elle s'est mécanisée spécifiquement après l'entente qui a été signée avant le référendum. Maintenant, par les fuites qu'on a vues et par le fond de vos discours, on peut comprendre que la fonction du professeur dans une école devrait être très souple, tandis que l'entente collective, elle, ne l'est pas. On a seulement à faire la comparaison entre le nombre de pages de l'entente collective ici entre les enseignants et le MEQ qui est une brique et des ententes collectives dans d'autres provinces canadiennes, qui, elles, se limitent seulement à une ou deux pages.

Puisque très prochainement vous allez embarquer dans des négociations, pouvez-vous me dire quels seront les changements que vous allez apporter aux conventions collectives pour, justement, vous permettre et permettre aux agents dont vous parliez dans l'école de pouvoir oeuvrer avec une plus grande souplesse?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, le député de Viau a bien raison de rappeler que ce qui importe d'une façon primordiale dans l'école, ce ne sont pas les structures, ce ne sont pas les programmes, malgré toute l'importance que possèdent les structures et les programmes, mais c'est d'abord la relation maître-élève. C'est le fondement même de l'éducation. II m'arrive souvent depuis que je suis ministre de l'Éducation de relire à mes moments perdus des livres du grand pédagogue et philosophe Alain où cette relation maître-élève est explicitée dans toutes ses dimensions. C'est un bon rappel que je dois me faire régulièrement et que les enseignants, j'en suis certain, se font également parce que cette relation maître-élève est la pierre de touche d'un bon système d'éducation. Il n'y aura pas de bonne éducation si ce professionnel de l'enseignement qui est le professeur n'y consacre pas toute sa science, sa compétence, sa conviction, ce que les Anglais appellent sa "dedication", parce que c'est lui qui a le secret de la réussite du développement maximal et intégral de l'enfant. Donc, c'est la raison pour laquelle il faut baliser la place de l'enseignant dans

l'école d'une façon extraordinairement attentive, puisque c'est lui qui a le rôle essentiel.

Cependant, le député a raison de signaler aussi que cette relation maître-élève peut être affectée par les conventions collectives que le ministère de l'Éducation, le gouvernement peut signer avec l'ensemble du corps des enseignants, soit, à ce moment-là, la Centrale de l'enseignement du Québec, malgré qu'il n'y a pas toujours une relation de cause à effet entre la convention collective et la place réelle de l'enseignant au sein d'une école, car dans la centaine d'écoles que j'ai visitées depuis quelques années bien des enseignants me disent que ce qui compte davantage pour eux, c'est cette relation maître-élève et que, bien souvent, ils ont eux-mêmes de la difficulté à concilier leurs tendances, goûts, allégeance professionnelle et leur allégeance syndicale. Donc, il n'y a pas toujours une correspondance parfaite, mais je reconnais avec le député de Viau que la négociation des conventions collectives est également importante pour la qualité de l'éducation. (12 h 15)

II est vrai que dans notre société, particulièrement dans la société québécoise, les conventions collectives, dans tous les domaines d'ailleurs, ont pris un tour que l'on pourrait qualifier à certains égards de déplorable. Il est vrai que nos conventions collectives ont eu tendance à s'épaissir, à se complexifier, à devenir tatillonnes à devenir lourdes, à l'image de cette technocratie qui s'est développée dans nos sociétés modernes. Ce n'est pas dans ce domaine que nous pouvons déplorer les excès de la bureaucratisation et de la technocratisation. Je suis d'accord qu'il faudrait faire un effort.

Tout le monde devrait faire cet effort, les syndicats aussi bien que le gouvernement, pour alléger les conventions collectives, pour en diminuer la complexité, en diminuer le poids, la lourdeur, pour que les conventions collectives deviennent de plus en plus axées sur l'essentiel dans ce qui nous intéresse, soit le domaine social ou le domaine éducatif. Il ne fait pas de doute que nous tenterons de nous diriger en ce sens lors de la prochaine négociation.

J'en ai d'ailleurs fait part à nos homologues, à nos partenaires lors des rencontres régulières que j'ai avec eux. Ils m'ont dit que, de leur côté, ils essaieraient également de lutter contre cette technocratisation, cette bureaucratisation d'une façon concertée, d'une façon commune avec nous parce que bien souvent la technocratie se développe par une sorte de vice dialectique. Si un des partenaires trouve que l'autre devient trop technique, il se défend par la technique. Si des formules sont exigées, il se défend en engageant du personnel pour faire les formules. Il y a donc une complicité inconsciente entre les partenaires pour en arriver à cette technocratisation que nous avons connue. Donc, c'est véritablement un besoin que de rendre plus souples, plus légères nos conventions collectives. Je ne pense pas qu'on puisse arriver à une ou deux pages, dont parlait le député, parce qu'on ne peut pas d'un seul coup balayer l'héritage qui nous a été légué, mais il y a sûrement nécessité de faire des efforts dans ce sens.

Maintenant, dans une autre direction, le député me demande de préciser quels seront les enjeux de la prochaine négociation. Je pense bien que ce n'est pas l'endroit ici pour commencer la négociation avec nos partenaires syndicaux. Je voudrais simplement répondre d'une façon générale que ces enjeux ne seront pas que financiers évidemment. Même si nous traversons une période difficile sur le plan économique et que la négociation des clauses salariales constitue toujours un morceau important des négociations, je veux assurer le député que, ne serait-ce que dans le prolongement des efforts que nous faisons depuis cinq ans pour améliorer la qualité de l'éducation, nos préoccupations lors de la prochaine négociation seront sûrement qualitatives également. Je n'ose pas employer le mot "normatif" parce que ce mot me fait horreur, justement à cause de cette tendance que nous avons d'édicter, de normer ce qui conduit tout droit à la bureaucratisation et à la technocratisation dont je parlais tout à l'heure. Je voudrais au moins que nous approchions la prochaine négociation avec une exigence de qualité en ce qui concerne l'éducation dispensée actuellement dans nos écoles, et à la lumière également de l'évaluation que nous aurons faite de la dernière convention que nous avons signée, des résultats que nous avons pu avoir et des correctifs qui nous sont d'ailleurs souvent suggérés, aussi bien par les enseignants eux-mêmes que par les directeurs. C'est dans cette optique que nous aborderons ces négociations.

M. Cusano: Une petite question.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Viau.

M. Cusano: Puisque vous êtes d'accord avec le fait que cette souplesse devrait être acquise pour faire fonctionner le projet, est-ce que vous pourriez nous dire si vous allez attendre d'avoir acquis la souplesse par l'entremise des négociations avant d'entrer dans toute la restructuration scolaire?

M. Laurin: Comme vous savez, M. le Président, les négociations arrivent toujours à un mauvais moment. Tous les trois ans, c'est toujours un mauvais moment, parce qu'il y a

toujours des demandes de part et d'autre. On trouve que cela arrive toujours trop vite. De la même façon, les efforts que font les gouvernements, les ministères pour améliorer la gestion du domaine dont ils ont la responsabilité arrive toujours à un mauvais moment également parce que cela peut bousculer ou déranger certaines positions établies, nécessiter des changements. On sait que tout changement provoque une certaine résistance. Les efforts d'amélioration du système et les négociations collectives arrivent toujours au mauvais moment, mais il faut bien que la vie continue. Notre réflexion pour l'amélioration de la qualité de l'éducation se poursuit dans un continuum et, à un moment donné, nous aboutissons. Je pense que le moment où nous aboutirons approche maintenant.

Il arrive que cela va coïncider avec l'ouverture des négociations. Cela aurait pu se passer autrement. Si nous avions fait cette réflexion un an plus tôt, nous aurions rendu public notre projet un an avant les négociations collectives et nous aurions pu atteindre l'objectif qui sous-tend votre question, c'est-à-dire que nous aurions pu mettre en place les éléments du nouveau projet pour ensuite le négocier en termes de convention collective; mais la force des choses veut que ce ne soit pas comme cela que l'enfant se présente.

Nous poursuivrons, d'une part, notre réflexion qui continuera de cheminer à travers les instances où elle doit être examinée d'un oeil critique et, quand nous serons prêts, nous rendrons ce projet public, nous le soumettrons à la discussion publique et, évidemment, les syndicats vont le regarder avec attention également.

L'utiliseront-ils dans leur négociation avec le gouvernement comme un instrument offensif ou comme un instrument positif? Cela est bien possible, mais on ne peut empêcher la nature humaine de fonctionner selon les canons immuables et éternels qui lui ont été fixés. Il faut donc s'attendre, avec la connaissance que nous avons des gens et des structures, que l'utilisation sera faite dans un sens ou dans l'autre du projet qui sera éventuellement déposé. Mais je pense qu'il faudra se fier également au bon sens, à la réflexion et aux convictions des gens pour qu'on ne mélange pas des choux avec des raves et pour qu'on garde les yeux axés sur l'essentiel qui, au fond, rejoint les préoccupations de tout le monde, aussi bien des syndicats que du ministère ou que des agents qui fonctionnent actuellement dans le milieu, c'est-à-dire la mission éducative centrée sur le développement optimal de l'enfant.

Mon espoir, c'est que cet objectif ne soit jamais perdu de vue et qu'il motive le plus possible les interventions de chacun, y compris les syndicats, au-delà des intérêts particuliers.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre dit que, malheureusement, ce n'est pas comme cela que l'enfant se présente, mais je vous ferai remarquer que l'enfant se présente maintenant parce qu'il le veut bien. Je reviendrai sur cette question de convention collective en conclusion.

Je voudrais parler d'un autre problème soulevé par les intentions du ministre, à savoir le caractère confessionnel soit de l'école ou des structures. Le ministre, dans ses remarques liminaires, a fait une affirmation que je n'ai pas prise mot à mot, mais un peu dans le sens du maintien du caractère confessionnel de l'école. Je ne sais pas si on doit prendre cette déclaration comme étant un affirmation à ce que le projet de loi va proposer une assise juridique au caractère confessionnel des structures ou de l'école ou si, comme l'avant-projet et les fuites le suggèrent, l'école serait neutre, mais qu'elle pourrait offrir un enseignement confessionnel, un enseignement religieux à la demande des parents.

Pour bien s'entendre, j'aimerais que le ministre me dise s'il accepte les définitions qui sont offertes par le Conseil supérieur de l'éducation, le comité catholique, Regard sur les mots qui servent à dire l'éducation chrétienne. On définit le mot "confessionnalité", "école catholique". À l'école confessionnnelle, on parle de plusieurs traits qui peuvent contribuer à donner à une école un caractère confessionnel plus ou moins marqué. Citons les plus importants: premièrement, enseigner les croyances et les pratiques d'une religion; deuxièmement, poursuivre un projet éducatif inspiré par les principes et les valeurs caractéristiques d'une tradition religieuse. Il y en a d'autres. Un peu plus loin, le Conseil supérieur de l'éducation dit: "La reconnaissance accordée à une école confessionnelle garantit un cadre favorable au développement d'un projet éducatif conforme aux visées de l'école catholique ou de l'école protestante." En lisant la définition de l'école multiconfessionnelle, on voit bien la différence entre ce que le Conseil supérieur de l'éducation considère comme une école confessionnelle où le vécu quotidien est fait en fonction d'un système de valeur relié à une religion, alors que l'école multiconfessionnelle offre un enseignement de plusieurs confessionnalités. Est-ce que le ministre partage cette vue des choses? J'aimerais qu'il nous dise ce qu'il a l'intention de faire concernant la confessionnalité dans son projet de loi.

M. Laurin: Je voudrais dire d'abord, M.

le Président, qu'il faut éviter de se laisser piéger par les mots ou d'entrer dans des querelles de sémantique à ce propos dans un domaine qui est particulièrement important. Notre démarche a voulu plutôt partir du vécu, encore une fois, et des faits. Par exemple, nous avons examiné avec attention la dernière étude du Conseil supérieur de l'éducation sur la confessionnalité où, en conclusion, on dit que ce qui préoccupe d'abord les parents, c'est la qualité de l'éducation, la qualité de la relation éducative, deuxièmement, le respect de l'héritage religieux de notre communauté et, troisièmement, l'ouverture aux autres, le respect de la liberté de conscience. Ça pour nous, c'est une donnée fondamentale que cette enquête du Conseil supérieur de l'éducation.

Nous savons aussi, par les divers sondages qui ont paru sur le sujet au cours des dix dernières années, que les parents du Québec tiennent beaucoup à l'héritage religieux qui est le leur, et dont l'enseignement catholique en particulier, je pense à la majorité des francophones, fait partie. Les parents, dans ces sondages, répondent qu'ils tiennent beaucoup à ce que cet enseignement catholique continue d'être dispensé au sein des écoles, même en dépit de cette diversité culturelle et confessionnelle qui s'accroît au sein de la population québécoise. Nous tenons à respecter les résultats de ces sondages.

Les contacts que nous avons avec tous les gens de l'éducation, les visites que nous faisons, les antennes que nous avons dans le milieu, les constatations, les impressions qui nous en viennent confirment les sondages dont je viens de faire état, et témoignent de l'attachement des Québécois francophones pour le type d'enseignement catholique ou d'enseignement moral qu'ils reçoivent dans les écoles depuis très longtemps. J'ai lu à cet égard des volumes extrêmement intéressants que commencent a publier des éducateurs anglophones protestants sur le système d'enseignement dispensé dans les écoles protestantes. Même si, dans ces écoles, l'enseignement moral a beaucoup plus de présence que l'enseignement proprement confessionnel, ne serait-ce qu'en raison d'un des principes cardinaux du protestantisme qui est la liberté de conscience et la multiplication aussi des chapelles confessionnelles au sein de la grande école confessionnelle protestante, on sent quand même que là aussi il y a un attachement à la tradition d'un enseignement moral s'inscrivant dans une perspective chrétienne. (12 h 30)

J'ai aussi étudié avec beaucoup d'attention les conclusions du Comité catholique qui, récemment, a jeté un regard sur la qualité de l'enseignement catholique dispensé dans nos écoles et qui en a fait une critique très sévère, déplorant, par exemple, la pauvre qualité de l'enseignement catholique dispensé dans un trop grand nombre d'écoles pour des raisons que le Comité catholique essayait ensuite d'élucider dont certaines tiennent peut-être au programme, mais dont d'autres tiennent également à un certain affadissement de l'environnement éducatif sur le plan religieux, dont certaines aussi tiennent à la qualité ou à la compétence ou aux convictions de ceux qui dispensent cet enseignement. Le Comité catholique notait, par exemple, que dans certaines écoles, l'enseignement catholique était dispensé par des enseignants dont les convictions ne correspondaient pas au type d'enseignement que, pour une raison ou pour autre, surtout syndicale, ils se sentaient obligés de donner.

Nous avons donc étudié avec attention ces conclusions et également les recommandations du Comité catholique et c'est sur cette base que nous avons travaillé sur quelques hypothèses. La première hypothèse - j'en ai déjà fait part à cette commission - c'est que la dimension confessionnelle ne se vit pas au niveau des structures, mais elle se vit au niveau des écoles. C'est là que ça se passe. C'est là que les apprentissages se font. La deuxième partie de l'hypothèse, c'est que ce qui intéresse les parents et qui correspondrait le mieux à leurs attentes, c'est la garantie d'un enseignement religieux de qualité, comportant une meilleure préparation des enseignants pour cet enseignement et aussi une correspondance entre les valeurs propres à l'enseignant et l'enseignement qu'il est appelé a dispenser.

Une autre partie de l'hypothèse également, c'est que, tout en assurant, en garantissant cet enseignement religieux de qualité par des moyens législatifs si nécessaire, par des moyens administratifs également, il faut également - et c'est là la volonté des Québécois - respecter, mieux qu'on ne l'a fait jusqu'ici, la liberté de conscience de tous ces enfants ou parents d'enfants, de plus en plus nombreux au Québec, qui ont des convictions différentes de celles des catholiques. Soit qu'il faille respecter la conception qu'ils se font du catholicisme ou soit qu'il faille respecter d'autres codes ou d'autres valeurs qui sont les leurs, soit parce qu'ils se réfèrent à des confessions différentes, soit qu'ils se réfèrent à une sorte d'agnosticisme qui peut prendre des colorations également très différentes. Donc, le troisième volet de l'hypothèse, c'est le respect de cette liberté de conscience de tous les enfants et des parents.

En même temps, nous ne partons pas de rien. Nous savons, par exemple, qu'au niveau secondaire, au secondaire III, IV et V, il y a actuellement un régime d'options qui existe. Il n'y a pas d'exemption; donc,

l'élève, et c'est juste parce qu'à ce moment-là il a 15, 16 ou 17 ans, peut assumer ses convictions et son avenir, et a le choix entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral. Nous pensons que le moment est venu, pour toutes les raisons que je viens de mentionner, de généraliser ce système d'options entre, d'une part, un enseignement religieux de qualité, je le répète, en en assurant les conditions, et, deuxièmement, un enseignement moral pour ceux qui, pour des raisons qu'ils sont les seuls à connaître parfois et qui sont légitimes, préfèrent un enseignement moral de qualité.

C'est donc une des hypothèses principales avec lesquelles nous travaillons actuellement. À cette hypothèse, aussi, doit se rattacher un autre élément. En raison même de la société qui est la nôtre, des traditions qui sont les nôtres et en raison de l'environnement éducatif dont je parlais tout à l'heure, il est possible, pour ne pas dire souhaitable, de dispenser aux écoles des services de pastorale scolaire pour les enfants dont les parents le souhaitent et qui viennent ajouter une nouvelle dimension à celle proprement consacrée à l'enseignement.

Nous sommes aussi prêts à étudier les diverses modalités que pourrait prendre la concrétisation de ces hypothèses. Il est possible, après cela, que le statut confessionnel, qui appartient au système tel que nous le connaissons et qui est lié aux structures, puisse ne pas être nécessaire de la même façon qu'il l'était jusqu'ici, puisse être aménagé là aussi d'une façon différente, puisse nous permettre de faire de l'école québécoise ce qu'elle était à l'origine en 1840, en 1860, c'est-à-dire une école commune, non pas neutre, une école commune où peuvent avoir accès tous les Québécois, quelle que soit leur langue, quelle que soit leur religion, quelle que soit leur culture, une école commune mais où ils seront sûrs d'avoir un enseignement ou religieux ou moral qui correspond à leur système de valeurs, à leurs aspirations; en même temps qu'une école gratuite, c'est-à-dire publique.

Voilà les deux paramètres essentiels qu'il nous paraît opportun de souligner à l'encontre de tous ces autres qualificatifs que nous entendons et qui ne font que mélanger les choses ou créer des équivoques comme école neutre ou école pluraliste ou école multiconfessionnelle. Je ne retiens aucun de ces qualificatifs parce qu'ils sont piégés, ils ne peuvent qu'entretenir et alimenter une confusion dont il importe au contraire de sortir. Il faut se mettre dans une optique propre à la société québécoise, retourner à l'essentiel, retrouver le point de départ, respecter les traditions, les héritages, les besoins, les attentes de la population tout en tenant compte de l'évolution de notre société, des nouvelles attentes, des nouveaux besoins, des nouvelles réalités.

C'est dans ce sens que nous travaillons avec certaines hypothèses que nous n'avons d'ailleurs pas fini d'étudier, qui font l'objet, encore au moment où on se parle, de consultations, de dialogues afin qu'on en arrive à des solutions qui ne nous sont pas imposées d'en haut mais qui épousent les contours de la réalité en même temps que les contours de la mission éducative.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous commencez un sprint final ou si vous y allez encore par questions? On est à 12 h 39.

M. Lalonde: M. le Président, le but de cette question avec débat, c'est de poser des questions et d'avoir des réponses. Naturellement, l'idéal c'est que les réponses soient aussi courtes et aussi claires que les questions. C'est un sujet difficile, il faut l'admettre. Surtout quand on ne veut plus employer les mots, on ne veut plus leur donner de contenu, là, ça commence à être la tour de Babel.

M. Laurin: On élimine des mots piégés...

M. Lalonde: Je vous dirai ce que le Comité catholique en pense. Maintenant, je sais qu'il ne reste plus de temps au ministre. J'aimerais lui poser une autre question, mais qu'on s'entende bien, il me reste cinq à dix minutes à la fin pour conclure.

Le Comité catholique disait justement dans ce petit fascicule: "L'attention aux mots demeure la seule façon d'éviter le verbalisme ou la tour de Babel". Je comprends que le ministre soit hésitant à référer à certains mots, mais fatalement, nous devrons revenir ou retourner aux mots. Lorsque le ministre me décrit le genre d'école enfin, son hypothèse: garantie d'un enseignement religieux de qualité, pas de confessionnalité au niveau des structures, il vient de décrire ce que le Comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation - ce n'est quand même pas négligeable - décrit comme école multiconfessionnelle.

Dans nos rencontres, je suis sûr que le ministre a perçu la même inquiétude. Il ne s'agit pas de jouer sur les inquiétudes non plus, nous ne voulons pas politiser à ce point, dans ce sens-là, "partisanner" les débats, mais il s'agit quand même de savoir ce que le monde veut. Il est très clair que les gens veulent que l'école continue d'être le foyer d'un système de valeurs, qui fait partie de notre héritage, de notre patrimoine collectif. Or, l'inquiétude, si on réduit cette mission à strictement un enseignement, c'est qu'on évacue de l'école ce système de valeurs, et fatalement, ce système de valeurs

devra être remplacé par un autre. Devant la centralisation inévitable du pouvoir entre les mains de l'État, l'école commune, le Québécois, les parents que nous avons rencontrés, en grande majorité, s'inquiètent et se disent: Quelles autres valeurs "nationales", "collectives" iront remplacer l'héritage de l'ensemble de valeurs chrétiennes qui auront été évacuées de l'école?

C'est un problème qui, au fond, s'adresse au type de société que les Québécois veulent construire pour demain, mais à même des valeurs dont ils ont hérité. Je me demande, comme question plus spécifique, si, compte tenu du caractère très délicat et complexe de cette question, l'école demeure confessionnelle ou - malgré le désir du ministre de passer à côté des mots, fatalement il devra y revenir - si on la remplace par une école multiconfessionnelle. Le ministre ne croit-il pas qu'il serait à propos de consulter la population de façon spécifique là-dessus, pas par une élection, naturellement, mais peut-être par un référendum?

M. Laurin: Ce que je viens de dire montre bien à quel point je suis à l'écoute de la population puisque je me suis donné la peine de lire des résultats de sondage, des résultats d'études du Conseil supérieur de l'éducation, du Comité catholique. Je suis à l'écoute depuis plusieurs années, et j'ai bien l'intention de continuer d'être a l'écoute.

Ce que nous ne voulons surtout pas faire, M. le député de Marguerite-Bourgeoys en conviendra, c'est une école d'État, une école menée par l'État. C'est l'antithèse de notre désir et de notre intention. Au contraire, ce que nous voulons faire, c'est donner, redonner l'école aux parents, redonner l'école aux enseignants gui y travaillent, redonner l'école à la communauté où elle est insérée afin qu'elle puisse justement établir avec cette communauté des liens organiques. (12 h 45)

En ce qui concerne la religion, cela va être encore plus patent gue dans le reste parce que ce n'est pas l'État qui va imposer la religion; j'ai parlé de garantie, tout à l'heure, de garantie qu'un enseignement religieux de qualité puisse être dispensé à ceux qui le veulent. Je suis bien d'accord avec le député lorsqu'il dit que la religion ne peut pas se limiter à l'enseignement proprement dit de la religion. Je suis bien conscient de cela également. Mais si nous voulons parler de projet éducatif, rien n'empêche des parents, une communauté de parents attachés à une école, rien n'empêche un conseil d'école, rien n'empêche les enseignants qui partagent ces convictions d'introduire au sein du projet éducatif cette référence chrétienne ou cette référence confessionnelle ou cette référence religieuse qui correspond à leur système de valeurs, à leurs aspirations, dans le respect le plus absolu, cependant, des systèmes de valeurs et des aspirations des autres participants à la vie scolaire et au projet éducatif.

Mais, justement parce que nous voulons donner à l'école les moyens d'élaborer et de réaliser son projet éducatif, je pense qu'il est encore plus juste de dire que cette dimension confessionnelle ou religieuse pourra être vécue au niveau de l'école et pourra être vécue avec beaucoup plus de réalisme, de réalité et d'intensité gu'elle ne l'est jamais actuellement avec le système que l'on connaît.

Quant aux mots, je répète, ne serait-ce que pour fin de clarté, qu'il importe de ne pas utiliser ceux qui ne peuvent que conduire ou à des équivoques ou à des impasses ou témoignent d'un non-respect ou d'une non-adéquation avec la réalité. Je continue à dire qu'il est important d'employer les bons mots pour décrire les bonnes réalités le plus adéquatement possible.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Conclusions M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Je n'ai pas eu de réponse à ma dernière guestion, mais maintenant, M. le Président, je commence à m'habituer sans l'accepter.

À la première question sur la qualité de l'enseignement, pas de réponse, un discours. À la deuxième question sur la démocratie des structures intermédiaires, une réponse plus claire venant de l'adjoint parlementaire plutôt que du ministre, mais qui nous mène à la conclusion suivante, soit que c'est fini, la démocratie dans les organismes intermédiaires si on laisse le ministre aller de l'avant avec sa formule. Sous un discours pieux où les intentions véritables sont revêtues de considérations vertueuses, le ministre cache - ce n'est pas un procès d'intention; c'est plutôt la conclusion inévitable du discours entendu -une vaste opération de pouvoir. Le pouvoir disséminé entre des milliers d'écoles sera inévitablement exercé par le gouvernement. Voilà le résultat réel de la disparition du caractère démocratique des commissions scolaires.

Est-il utile de répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que, lorsque les pouvoirs sont disséminés d'une façon trop grande, ils ne peuvent pas être exercés. Quand je parle de pouvoir, fatalement, dans la démocratie dont nous faisons la promotion, c'est un pouvoir démocratiquement élu au suffrage universel. J'espère que nous ne

reviendrons pas au fameux corporatisme d'autrefois. Lorsque ce pouvoir est partagé par des organismes intermédiaires: commissions scolaires, municipalités, des choses comme cela, à ce moment, le citoyen est mieux servi; aucun des organismes n'en a trop. Qu'ils jouent les uns contre les autres, s'il le faut, et que cela coûte un peu plus cher peut-être, au moins le citoyen est mieux servi. Il peut, lorsqu'un pouvoir ne fait pas son devoir comme il le faut, recourir à l'autre. Il y a un équilibre, à ce moment, qui s'établit et celui qui en bénéficie, c'est le citoyen, dans ses libertés, dans l'exercice de ses droits.

C'est pour cela que le Parti libéral accorde une importance très grande au maintien du caractère démocratique par suffrage universel des organismes intermédiaires en éducation, comme dans les autres services à la population. Ce n'est pas pour protéger X commissions scolaires, il y en a 248. Tout le monde sait qu'il devrait y en avoir moins. D'ailleurs, combien y en avait-il en 1970? Il y en avait 1500. Il y a déjà eu un processus de rationalisation là-dedans. Qu'on fasse l'intégration du secondaire et du primaire, mais pas besoin d'enlever le caractère démocratique des commissions scolaires pour cela.

M. le Président, le résultat réel de la disparition du caractère démocratique, c'est que tout le pouvoir sera fatalement exercé par le ministère de l'Éducation, par ses bureaux régionaux, s'il le veut. À ce moment, ce n'est pas de la décentralisation; c'est peut-être de la déconcentration. On ne jouera pas sur les mots, M. le ministre a peur des mots. Ou bien c'est de l'angélisme de croire le contraire ou c'est une habileté machiavélique. Tenir le discours contraire aux conséquences inévitables du geste, c'est soit de la naïveté ou du calcul. Peu importe, le résultat est le même.

Sur la question de la démocratie et, compte tenu à part cela des engagements du premier ministre, il n'y a pas tellement longtemps, nous allons, nous du Parti libéral du Québec, faire une lutte serrée au gouvernement. J'espère que le ministre, avant de déposer son projet de loi, tiendra compte des considérations que nous lui avons communiquées ce matin.

Sur la question des agents de l'éducation, nous aurions voulu passer plus de temps. Nous n'avons pas eu le temps de parler de l'enfant - pourtant, c'est pour lui l'éducation - et du protecteur de l'enfant qui est un nouvel organisme proposé par cet avant-projet qui n'est plus un avant-projet, mais enfin qui était un avant-projet et dont la paternité n'a pas été rejetée par le ministre.

Nous avons parlé un peu de l'enseignant, un peu du directeur de l'école. En ce qui concerne l'enseignant, on s'est buté, comme le ministre d'ailleurs, au monstre de la convention collective. La perception que nous avons de tous les milieux est celle-ci: Si on est bloqué quelque part, ce n'est pas à cause de la bonne foi, de la bonne volonté, du caractère désuet des régimes pédagogiques, etc. - il y a de l'amélioration à faire là - c'est à cause de l'application de la convention collective qui a tendance à déprofessionnaliser. Grâce à Dieu, il y a beaucoup d'enseignants, conservant leur conscience professionnelle et la volonté de donner un bon service, qui réussissent à humaniser quand même, mais, fatalement, l'application méthodique de la convention collective apporte une déprofessionnalisation dont les enfants sont les premières victimes. Je trouve un peu inconscient - manque de planification ou improvisation incroyable -que le ministre vienne nous dire ce matin: Que voulez-vous, l'enfant se présente comme cela? On va, M. le ministre de l'Éducation, présenter un projet de restructuration, de réforme complète des structures au moment de la négociation de la convention collective et en pleine période d'implantation du nouveau régime pédagogique. M. le Président, un instinct suicidaire de cette nature mérite qu'on se penche avec beaucoup d'indulgence sur le cas.

Je ne veux pas souhaiter que le ministre se casse le cou. Non, parce que c'est tout le monde, ce sont les Québécois qui en paieront la note. Malgré toute l'amitié que je peux avoir pour le ministre, ce sont les Québécois qui vont payer la note.

Dans le secteur, on parle de centaines de milliers de personnes, si on parle des enfants, c'est énorme, et aussi tous les agents qui sont impliqués dans ce système, on ne peut pas les bousculer comme ça. On ne peut pas les envoyer à l'aventure simplement pour satisfaire les désirs idéoloqiques d'un parti ou d'un ministre. C'est beaucoup plus important, beaucoup trop important pour être le résultat de l'improvisation, comme le ministre vient de l'avouer tout à l'heure. L'enfant ne se présente pas, le ministre présente l'enfant, parce qu'il veut bien le présenter maintenant.

Alors, nous avons une mise en garde très sérieuse à faire au ministre en ce qui concerne l'à-propos d'aller de l'avant maintenant avec son projet de loi.

Il y a aussi d'autres questions que nous n'avons pas eu le temps de poser. Le sort de la communauté anglophone: le ministre en a parlé, mais en des termes tellement enveloppés qu'on ne sait pas exactement ce que ça veut dire. On est habitué à avoir un discours dans un sens et un geste dans l'autre. Nous aurons l'occasion de poser des questions là-dessus.

L'éducation des adultes: on sait qu'elle a été l'enfant pauvre du ministre de

l'Éducation surtout depuis les dernières coupures budgétaires. Nous avons maintenant le rapport de la commission Jean; je pense qu'un comité interministériel a été mis sur pied pour en faire l'étude. Nous aurions aimé avoir des réponses du ministre à savoir où se situe l'éducation des adultes, l'éducation permanente, dans la restructuration. Qu'est-ce que ça va apporter de meilleur, de mieux, comme solution au problème de l'éducation des adultes, cette réforme qu'on nous propose?

L'école privée: encore là on a entendu un voeu pieux. L'école privée, oui, c'était presque drôle, parce que le ministre vient de nous réitérer que le gouvernement se penche encore. Cela fait cinq ans qu'il est penché. J'ai assez peur qu'il tombe dedans. Il s'est penché sur l'école privée. L'ancien ministre, à combien de reprises nous avait-il promis un rapport? Tous les trois mois. C'était rendu devant le comité interministériel, devant tel comité, devant... c'était rendu nulle part. La seule chose que nous avons eue, à un moment donné, c'est que le ministre des Finances qui était presque en faillite a dit: II faut arrêter, on va aller en chercher un peu là aussi. Alors, il y a eu le projet de loi 11, au mois de juin, qui a réduit le financement mais qui n'a rien réglé. Il y a un député - je ne suis pas sûr, mais je pense qu'il est ici - qui m'a même avoué, dans un discours, que c'est vrai, le Parti québécois ne s'est pas entendu sur le sort de l'école privée. On sait que le sort de l'école privée n'est pas très rose, si on s'en tient au programme du Parti québécois. Mais, il semble qu'il y a une division là. Il va falloir, M. le ministre, qu'on se branche, à un moment donné, et qu'on dise: Est-ce que l'école privée est là pour demeurer ou est-ce que vous allez continuer à l'étouffer tranquillement? Il y a beaucoup de Québécois qui tiennent à l'école privée. C'est un phénomène tout à fait québécois d'ailleurs; c'est un phénomène qui fait partie de notre patrimoine. Vous parlez de sondages, regardez les derniers sondages qui sont à l'effet que oui, ça devrait rester, et pour que ça reste, il faudrait savoir ce que le gouvernement veut en faire.

Finalement, M. le Président, la dernière question que nous voulions poser, nous n'aurons pas de réponse, faute de temps, c'est: quel genre de consultation? Tout à l'heure, le ministre nous a dit qu'il va faire une tournée d'information. On a commencé à être un peu inquiet. Ensuite, il nous a dit qu'il prendrait le pouls. M. le ministre, c'est autre chose qu'un oeil clinique dont on a besoin ici. Ce n'est pas un diagnostic et une ordonnance qui vont régler le problème que vous-même avez soulevé, à savoir: la réforme. Nous voulons une véritable consultation. Pas le genre de petite réunion, les petits dîners aseptisés du Ritz que vous avez tenus, en ce qui concerne les universités. Nous voulons que les gens puissent dire le fond de leur pensée, que le ministre soit là pour répondre et non pas qu'il s'esquive, de peur de faire face à un peu de chahut. Et les échéances.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Marguerite-Bourgeoys,

M. Lalonde: M. le Président, vous me coupez la parole...

Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse.

M. Lalonde: Je comprends que vous le faites en vertu du règlement. Je m'excuse, je n'ai pas terminé mais je vais me soumettre à votre décision.

Le Président (M. Desbiens): II nous reste une minute, M. le ministre.

M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, je déplore qu'au terme de cet échange, qui s'est maintenu à un niveau élevé, le député sente le besoin de revenir au ton démogagique et partisan qui est propre à sa formation politique.

Pour ma part, je veux simplement assurer le député et la population que les pouvoirs appartenant aux divers niveaux -l'école, les commissions scolaires, le ministère - sont très bien clarifiés et exercés par chacun des niveaux. Cela fera que l'école ne deviendra pas l'école de l'État mais que chaque niveau participera à la mission éducative.

Deuxièmement, je voudrais dire à la population, ainsi qu'au député que, même si je m'attends à une critique objective de la part de l'Opposition, je voudrais bien que cette lutte ne soit pas démagogique et partisane, mais qu'elle soit, au contraire, constructive et qu'elle nous amène à améliorer le système d'éducation pour le plus grand bien des enfants.

Le Président (M. Desbiens): Merci et je remercie chacun des membres de la commission.

La commission élue permanente de l'éducation a accompli le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale, et elle ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 02)

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